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DE L'ACADEMIE
DES SCIENCES , BELLES- LETTRES ET ARTS
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PENDANT L'ANNÉE 1809.
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PRÉCIS ANALYTIQUE
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DE. LAC A DÉMIIE
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉ%AE 1809,
D’arrEs le Compte qui en a été rendu
par MM. les Secrétaires, à la Séance
publique du 9 Août de la méme année.
DISCOURS
*
Prononcé à l’ouverture de la Séance publique par
M. l'Abbé Basrox, Vice-Président.
LA 1 peherNe
En acceptant l'honneur de vous présider, pendant
le cours de cette année , lorsque le Chef de l'Aca-
démie serait enlevé à vos séances par le soin des
affaires de ce vaste département, je ne pensais pas
S, publ. 1809.
C2)
que des circonstances imprévues m’'imposeraient le
devoir de le remplacer dans cette séance solemnelle.
Pour nos séances ordinaires , il ne me fallait que du
zèle, de l'assiduité, de l'attachement aux règles,
et cette fermeté qui les maintient , sans manquer
aux égards : je me rendais le témoignage de pouvoir
aller jusques-la. Mais, aujourd'hui, il faudrait, aux
qualités que je viens de dire, joindre des grands
talents , et ils me manquent.
La tâche que je dois remplir en ce moment, me
paraît d’autant plus difficile que les mesures prises
par l'Académie pour multiplier et perfectionner les
travaux de ses membres , semblent exiger davantage
de celui qui porte la parole en son nom, devant une
nombreuse réunion de personnes judicieuses , dont
Popinion , au sortir de cette enceinte , ira former
l'opinion publique.
Plaignez-moi donc, MESSIEURS ;, d'avoir contracté
une dette que votre Président pouvait seul acquitter
d'une manière digne de cette assemblée et de vous.
Ce n’est pas que plusieurs sujets intéressants ne se
soient présentés à mon esprit, et n’aient , tour-à-
tour , sollicité son attention : mais ils m’effrayaient
dans la proportion de leur grandeur ou de leur uti-
lié. Neufs, je n'aurais pu que les ébaucher ;
anciens, je n'aurais pas eu l’art de les rajeunir.
On a dit, et l'on répétera sans doute encore plus
d'une fois , que l'écrivain qui aurait bien choisi,
(5)
bien étudié sa matière , la disposerait naturellement
dans un bel ordre, dont les jours seraient agréa-
blement distribués , et auquel l'éloquence commu
niquerait la vie qu’elle donue à tout ce qu’elle touche.
Je ne puis souscrire à cette maxime. Non, il ne suffit
pas de bien choisir, ni même de bien concevoir,
pour bien exprimer. L'ouvrage sera froid , si lima-
gination ne s'associe pas au'jugement pour le faire.
Un esprit clair et méthodique n’osera se permettre
äucune de ces hardiesses qui brusquent les règles,
de ces élans qui les froissent, de ces tournures in-
solites qui les déconcertent : et ces irrégularités sont,
en partie, l'ame de l'éloquence. On est compris sans
elles, quand on a parlé ; sans elles, on n'’entraine
pas, quand on parle.
En généralisant cette idée, je crois pouvoir dire
que, pour bien traiter un sujet, il faut , après en
avoir fait choix, l'approfondir , sans doute , le con-
sidérer sous toutes ses faces, dans tous ses rapports;
mais qu'il faut encore avoir le génie propre à la
chose , et n'être dépourvu ri du tact qui adoucit
les aspérités du génie, ni de ja sagesse qui en gou-
verne les écarts. |
Une courte énumération démontrerait, MESSIEURS,
qu'il n’est point d'art on de science à l'abri de cette
nécessité,
Tel guerrier dissertera sur l’art militaire , comme
Folard , et ne commandera point une armée , sur-
A 2
(4)
tout ne vaincra pas Comme un autre guerrier que
je m'abstiens de nommer, parce qu’en ce moment
tout le monde le nomme.
Aristote prescrira , en maître , les règles du
poëme épique : mais il est besoin qu'Homère le
compose... 1l tracera le plan d’une boune tragédie:
mais la pièce ne sera que régulière , si Sophocle ne
l'exécute pas... Il traitera savamment de ce qui
constitue le parfait orateur : mais il faudra que
Démosthène monte à la tribune.
Notre Despréaux n’a pas fait une ode supportable;
et il wa pas moins bien parlé de l’ode que de la
satyre où il excellait.
Pour peu qu'on ait de goût et de littérature , on
saura se dire à soi-même et apprendre aux autres,
comment une fable doit être faite pour ressembler à
celles de La Fontaine : mais quand , à la suite de
cette instruction, celui qui la donne et ceux qui la
reçoivent , essaieront de faire converser ensemble
Ja Cigale et la Fourmi, le Renard et le Corbeau , on
reconnaitra que l'idiome des animaux est presqu’en-
tiérement perdu ; et que Jean, qui s’en alla comme
il était venu , mangeant son fonds avec son revenu,
na pas plus laissé de successeur que d’héritier.
Insensiblement, Messieurs, je ferais ce que j’ap-
préhende de faire , un discours , si j'interrogeais
toutes les sciences et tous les arts. La réponse serait
unanime. Des preuves et des exemples sans nombre
(5)
établiraient victorieusement qu'on peut bien choisir
son sujet, le bien concevoir , et le mal exécuter.
C'est, me dira-t-on peut-être, qu'on a négligé le
précepte d'Horace , qui recommande aux écrivains
de n’entreprendre que des ouvrages proportionnés
aux forces qu’ils ont ou reeues de la nature, ou
acquises par le travail : qu’on n’a point, quoiqw’il
le recommande expressément , essayé long-temps
et à diverses reprises , si les épaules ne s’affaisse-
ront pas sous le poids dont on les charge...
En théorie , cet avertissement m'’a toujours paru
d'une sagesse admirable ; maïs, dans la pratique,
il me semble environné de difficultés qui rendent
problématique son utilité.
Comment , par exemple , saurai-je qu’un sujet
est proportionné à mes forces , si je ne l'ai pas
traité? Comment m’assurerai-je qu’un genre d'écrire
me convient plus où me convient moins que les
autres , si tous n’ont pas été la matière de mes ten-
tatives ? Et si ces tentatives , ces essais, doivent du-
rer long-temps et se réitérer souvent, pour m’assurer
que le fardeau ne m’accablera point, l’âge d'écrire
ne passera-t-il pas, toutes les heures de loisir ne
seront-elles pas consumées , avant que je puisse me
dire prudemment : Voilà le genre, voilà l'ouvrage
auquel il faut que je m’arrête ?
Quand on s'imaginera tenir l'objet qu’on cherche,
le tiendra-t-on en effet? Tous les auteurs qui ont
3
; (6)
écrit sans avoir les talents nécessaires pour traiter
dignement leur sujet, ne doutaient pas qu’ils n’eus-
sent mis la main sur celui qui convenait à leurs for-
ces. Pradon s'était persuadé de très-bonne foi que
son génie valait au moins le génie de Racine, pour
accommoder au théâtre les crimes de Phedre et la
vertu d'Hippolyte. Le père de Mérope crut , avec
la même simplicité, qu’il pouvait composer un opéra
comme Quinault, et l'histoire comme Bossuet.
L'événement ne désabuse pas toujours. De même
qu'on s’obstine souvent à blâmer un bon ouvrage,
parce qu’un autre l’a fait, et que nous sommes na-
turellement envieux : de méme continue-t-on sou-
vent de voir d’un œil favorable et de priser beau-
coup un ouvrage absolument tombé , parce qu’il
est le nôtre, et que l'amour propre érige en jaloux
le censeur éclairé qui en a découvert et montré les
defsuts,
Rien donc de moins applicable que le précepte de
choisir un sujet qui n'excède pas les forces de l’é-
crivain; rien de moins utile au fond que l’espèce
de noviciat établi par le Législateur des Muses latines.
Pour retirer quelque fruit de la règle et de l'épreuve,
il faudrait se connaître ei ne pas trop s’estimer : un
succès attaché à cette double condition paraîtra fort
incertain à l'homme qui étudie les hommes , même
sans sortir de son propre cœur.
{
La vérité est qu’on écrit par instinct ou par fantai-
(7)
sie, par une impulsion secrette ou par circonstances,
On choisit de même ses sujets. La diversité des ta-
lents fait le reste, Tel poëte s’est trainé toute sa vie
sur les pas de Corneille ou de Molière, qui eût com-
posé une Chartreuse , un Vert-Vert , si, par ha-
zard , il s'était mis à la suite de Gresset. Tel homme
qui n’a jamais rien écrit, qui n’a jamais eu la pensée
d'écrire , aurait, en devenant auteur, surpassé les
écrivains les plus célèbres. Il a toujours ignoré sa
valeur : une occasion propice la lui aurait révélée.
Juvenal est allé jusqu’à dire que si la nature refuse
toute assistance au poëête ; lindignation sera sa
muse.
Un sentiment plus doux et plus tranquille m'aurait
fixé , Messisurs , à un sujet qui me sembiait naître
de cette réunion elle-même. La crainte de le gâter
ma soutenu contre la tentation de m'en occuper et
de vous en entretenir avec une juste étendue : mais
je succombe , et presque volontiers, à celle de vous
exposer rapidement quel il était, et de quelle ma-
nière je l'avais envisagé.
Une fois, chaque année, l'Académie ouvre ses
portes au public , l'invite à venir entendre Je compte
rendu de ses travaux , et la lecture de divers mor-
ceaux particuliers, qu’elle juge propres à le dédom-
mager du sacrilice et de l'attention de quelques heu-
res. Le public, sensible à cette marque de coutiance,
s'empresse d'y répondre ; et la salle se remplit d’'au-
À 4
(8)
diteurs , députés , en quelque façon , de toutes
classes de la société.
Je partais de cette considération. Elle etait mon
texte ; et j'en concluais que cette séance et toutes
celles qui lui ressemblent, supposent une espèce
de contrat entre le public et l'Académie ; par consé-
quent des obligations réciproques , des clauses qu’il
importe de connaître et de ne pas négliger.
Dès-lors, la partition de mon sujet se présentait
naturellement : j'aurais exposé ce que l'Académie
doit au public, et ce que le public doit à l'Académie
dans une séance solemnelle.
A la tête des devoirs de l'Académie envers le
public, j'aurais placé l'obligation de ne le point
Jlatter. Une objection se serait élevée. Je choque
toutes les idées reçues : je contrarie un usage uni-
versellement établi et qui a force de loi. La simple
politesse exige , quand on parle au public, qu’on
lui adresse un compliment. Les tournures en seront
variées; on y mettra de l'esprit, de l'agrément , de
la finesse : mais il en faut un. Permis d’énoncer qu’on
n’en fait pas , qu’on n’en veut pas faire ; mais il faut
que les phrases qui expriment ce mensonge inno-
cent , soient tissues de manière à ne tromper per-
sonne , et laissent entrevoir, par leur arrangement,
que cette protestation elle-même est un compliment
délicat, et que la gaze dont il est couvert, l'embel-
lit sans le cacher, en adoucit les teintes et ne les
(9)
efface pas. Il est donc indispensable de flatter le
public quand on parle devant lui..., sur-tout quand
il fut appelé..., sur-tout encore sil est composé,
en partie, de personnes tellement accoutumées au
parfum des louanges , qu’elles le remarquent à
peine quand on le leur offre, et qui n’en sont que
plus disposées à s’appercevoir de son absence.
À ce sophisme adulateur j'aurais répondu que la
dignité des corps littéraires ne leur permet, sous
aucun prétexte , de tendre au succès par le manége.
Les succès obtenus par cette voie , flétris dans leur
principe, n’ont qu'un moment de durée, et s’éva.
nouissent avec l'illusion qui les causa.
J'aurais ajouté que le vrai mérite reçoit la flatterie
comme une imprudence qui l’avertit qu’on veut sur-
prendre son approbation et qu'on ne s’en croit pas
digne, Ce moyen ne réussit, selon ses intentions ,
qu'auprès de l'ignorance et de la vanité ; et le public
éclairé s’offenserait d'entendre l'adulation mandier
son suffrage.
Entretenons-le de vérités utiles. Voilà , aurais-je
dit, le grand devoir d’une Académie qui appelle le
public à ses séances.
Personne , je le pense du moins, n’eût regarde
cette assertion comme une chose nouvelle. J'aurais
paru ne faire que rappeler le souvenir d’une maxime
parfaitement connue. Dèés-lors , il fallait que mes
preuves ne fussent ni longues ni multipliées. La pre-
Cro)
lixité n’a pas d’excuse , lorsqu'au premier mot les
esprits sont d'intelligence,
Aussi me serais-je contenté d'observer qu’on ne
forme pas un cercle nombreux d’auditeurs instruits
ou avides d'apprendre , pour ne lui parler que de
bagatelles ; que deux ou trois heures sont d’un assez
grand prix pour qu’il ne soit pas permis de ne les
point employer utilement ; que si la faute contre
laquelle je m’élève , a été commise quelquefois,
une Compagnie savante, rendant le compte annuel
de ses travaux , et en offrant quelques échantillons,
ne la doit pas renouveller; que son exemple serait
contagieux , et qu’il accréditerait la pensée bien
fausse que les occupations de cette société mont pas
toute la valeur qu’on leur suppose.
Je me serais un peu plus étendu en esquissant le
tableau de ces vérités utiles que l'Académie doit
offrir au public.
Les circonstances ne souffrent pas qu’on y admette
les vérités trop abstraites ; les vérités dont la certi-
tude ne peut être démontrée que par une longue et
pénible discussion ; les vérités qui exigent des calculs
profonds ou d’autres opérations compliquées que
leur nature réserve au silence de la méditation ,; aux
loisirs et à la solitude du cabinet. Je l'aurais com-
posé de vérités physiques , celles , par exemple,
qui ont des rapports plus ou moins directs avec la
santé, la vie; de vérités morales dirigées contre le
Cu)
vice, et propres à servir d’égide à la vertu; de
vérités mixtes qui participent aux premières et aux
secondes, et dont les rameaux, quoique différents,
s’entrelacent pour le bonheur ou le soulagement de
l'humanité ; de vérités relatives à l’histoire , au
langage , aux bienséances , aux arts, etc. Telles
sont les vérités qu'une Académie peut et doit faire
goûter à ses auditeurs.
Elle n’atteindra ce but qu’en accomplissant un
troisième devoir, celui de rendre ces vérités aussi
agréables pour le public qu’elles lui sont utiles.
La vérité, aurais-je dit, si elle n’est pas présentée
avec art , et sous un jour favorable , ne produit
aucun effet salutaire sur la plupart de ceux qui l'é-
coutent, Rarement passe-t-elle au-delà de l'oreille
qu’elle a frappée. La distraction s’en empare , et
l'ennui achève de l’étouffer. Ainsi un diamant brut
n’a de valeur que pour l'homme qui s y connaît par-
faitement ; mais sil est taillé, poli, le feu s'échappe
de son sein, jaillit de toutes ses faces , et force l'œil
le moins connaisseur à l’admirer.
Des vérités offertes à une assemblée qui nous a
assez estimés pour céder à notre invitation , devien-
nent agréables par le choix , la variété , les con-
trastes, sur-tout par les formes.
Il est des formes générales qui plaisent universel-
lement ; entre les autres, et plus qu'aucune autre,
la briéveté. Elle ne consiste pas à ne dire que peu
(2)
de paroles, mais à n’en dire que ce qu'il faut; car
un discours de quelques minutes ( et je crains bien,
en ce moment, de parler contre moi ) peut être
excessivement long , tandis qu’un discours de plu-
sieurs heures pourra faire regretter qu’il ait fini
sitôt.
Il est aussi des formes particulières qui convien-
nent à chaque vérité, et sans lesquelles le public
n’y trouverait presqu’aucun intérêt. N’écrivons pas
les vérités de l’histoire en style de roman, les véri-
tés morales en style épigrammatique. Que les vé-
rités renfermées dans un conte , une fable, aient
un air de facilité, de candeur, d'abandon. La gra-
vité leur siérait mal, la prétention encore davan-
tage. Dans les grands sujets, de l'élévation, mais
point d’enflure ; de l'abondance , et point de luxe;
de l’élocution sans afféterie ; de la noblesse dans les
idées , dans l'expression , mais qui tienne toujours
à côté de soi la modestie.
En personnifiant la vérité , j'aurais voulu , pour
la rendre intéressante , qu’elle fût parée d’une ma-
nière assortie à sa taille , à sa physionomie, à son
état. Une vérité champêtre ne portera point un ha-
bit de cour ; et celle dont le séjour est à la ville,
qui doit se montrer dans les grands cercles, n’y
paraïtra pas vêtue comme une bergère.
Les devoirs du public à l'égard de l'Académie,
me parurent , en les considérant de près , beau-
PP PE
(15)
coup plus difficiles à traiter. Celui qui dit à ses au-
diteurs : Voilà ce qu’on vous doit , a plus d'un avan-
tage sur celui qui leur dit: Foilà ce que vous devez.
Ou si c’est le même orateur dont le cadre exige qu’il
énonce , l'une après l’autre , ces deux propositions ,
il ne peut manquer, fussent-elles également vraies,
d’avoir plus de peine à exposer et à soutenir la se-
conde que la première.... J'aurais vraisemblable-
ment , Messieurs , débuté, dans ma seconde par-
üe, par cette réflexion dont la franchise r’eût pas
déplu ; et j'aurais demandé au public, pour lP'Aca-
démie , de venir à notre réunion ayec un sentiment
de bienveillance ; d'y être avec une indulgente at-
tention; d’en sortir avec une sorte de reconnaissance.
C’eùt été demander beaucoup , mais non demander
trop. C'eût été demander des choses précieuses,
mais faciles à donner , et dues. |
On assure { mais nous sommes loin de le garantir,
et nous nous efforcons de ne le pas croire ) que des
hommes , d’ailleurs estimables, mus par de petites
passions qu’ils ne se soupçonnent pas ou qu'ils se
dissimulent , apportent quelquefois à nos réunions
un sentiment opposé à la bienveillance. On les ac-
cuse d’avoir pris leur parti ayant qu'ils aient rien
entendu ; ils critiqueront. Ce serait pour eux une
vraie peine que de n'avoir pas quelque chose à re-
prendre. Mais ce malheur , ils ne le craignent pas;
et, ayec leur disposition, il n’est réellement pas à
C14)
craindre. Elle leur montrera des défauts par-tout.
S'il n'y en avait pas, elle en créerait ; et quoi de
plus facile, même à la médiocrité, que de créer
des défauts ? Elle en imagina dans PAthalie , et
réussit à égarer la multitude.
Qu'il y ait ailleurs des hommes tourmentés par
leur jalousie plus encore qu’ils ne tourmentent les
autres, je le croirai, puisqu'on le veut; mais il est
difficile de penser qu’il y en ait parmi nous, dans
cette enceinte , dans nos villes laborieuses et com-
merçantes , pour qui, à parler en général, les tra-
vaux et les prétentions littéraires ne sont que des
occupations de seconde ligne. Les misantropes de
l'empire des sciences et des lettres n’habitent point
au milieu d’une cité où tout est comptoir , aielier,
manufacture , et la feuille nourricière du ver de
l'envie , n’y croit pas en assez grande abondance
pour les y fixer. Ici, Messieurs , nait spontané-
ment et se propage en tout sens un sentiment d’af-
fection pour des hommes dont, au moins, les in-
tentions sont louables, qui soumettent au jugement
de leurs concitoyens le fruit de leur zèle et de leurs
loisirs, l'emploi des moments dérobés , non pas aux
devoirs de leur état, mais à des amusements qu'ils
eussent pu , comme tant d’autres, innocemment
goüter , et qui trouveront la récompense de leurs
peines , et plus que Péquivalent de leurs privauons,
dans la bienveillance que je réclame pour eux, et
qui ne leur sera pas refusée,
C15)
Îls ont, auraïs-je dit, un droit égal à l'attention et
à l'indulgence.
Droit à l'attention. Pourquoi venir, si l’on n’é-
coute pas? Comment jugera-t-on, si l’on n’a pas
écouté? Je demande comment on jugera sainement,
avec connaissance de cause, et d’une manière im-
partiale? Car je n’'ignore pas que la légéreté et la
précipitation ne s’abstiennent pas de juger , lors
même qu’elles n’ont rien entendu ; mais de pareils
jugements ne se comptent pas, quoiqu’ils nuisent
souvent.
Droit à lindulgence. Les bons esprits et les ames
honnétes l’'accordent toujours, et shonorent de leur
facilité. Est-on modeste , on est indulgent. On com-
pense les défauts par les beautés. Si l’on croit ap-
percevoir moins de celles-ci que de ceux-là , on
désarme sa propre sévérité, en pensant à l’incerti-
tude et à la variété des jugements que portent les
hommes sur les ouvrages d'esprit; à la difficulté de
bien saisir , dans une lecture rapide , l'ensemble
d’un sujet et ses détails. On se défie de soi, de ses
lumières ; on craint d'avoir mal compris.........,
L'indulgence est de toutes les dispositions de l'ame
la plus ingénieuse pour excuser , atténuer des
fautes.
Elle prépare , aurais-je dit en finissant , cette sorte
de reconnaissance que le publie doit à l'Académie,
eu quittant le lieu qui les avait réunis,
(16)
Si l'Académie a procuré à ses auditeurs quelques
instants de plaisir; si elle les renvoie plus riches
de quelques vérités; si les bords du vase dans le-
quel elle leur a offert un mélange de saine morale ,
de bonne littérature, de sciences et d’arts utiles,
ont été imbibés d’une saveur assez agréable pour
exciter à y porter les lèvres, et que le breuvage
salutaire ait pénétré jusqu’à l'ame, la reconnaissance
est incontestablement due. C’est ie salaire de tout
bienfait,. Mais si tout n’a pas été plaisir dans la
séance ; si tout ny a pas été traité avec la perfection
dont les sujets étaient susceptibles , et que l'intérêt ne
se soit pas toujours également soutenu ; si, d'espace
en espace ;, la coupe n’a pas été attrayante : nim-
porte, la dette d'une sorte de reconnaissance me
parait être encore là. Les efforts qu’on a faits et les
peines qu'on a prises, en réclament le paiement et
l'obtiennent. De temps immémorial , il fut convenu ,
entre les cœurs reconnaissants, que le succès ne
met point le prix aux actions , et que les uns sau-
ront toujours gré du bien que les autres auront
voulu faire.
Tel est, Messreurs, le sujet auquel j'aurais donné
la préférence , si j'avais osé en développer un. L’at-
tention qu’on a bien voulu accorder à ce faible essai,
semble me promettre que la bienveillance et lin-
dulgence que j'ai sollicitée pour mes collègues, s’é-
tendront jusqu'à moi.
SCIENCES
(17)
MOULE N CE SET ARTS.
RAP UP OR T
Fait par M. Virazrs , Secrétaire perpétuel de
l’Académie , pour la classe des Sciences.
MINE SUSUT EUR 3;
Plus les fonctions que je remplis en ce moment
sont importantes ; plus je dois craindre de ne pou-
voir m'en acquitter d’une manière’ digne de l’Aca-
démie et de l’assemblée respectable devant laquelle
j'ai l'honneur de parler.
Témoin assidu de vos travaux, il me sera facile
d'en écrire fidèlement lhistoire ; mais, pour don-
ner des formes élégantes |, un coloris gracieux au
tableau que je vais tracer , il me faudrait des ta-
lents que je n’ai pas reçus de la nature , ei que je
regrelterais bien plus encore de ne pas posséder
si je n’étais rassuré par cette extréme bienveillance
à laquelle vous m’ayez , pour ainsi dire , accou-
tumé,
B
4
(18)
Forcé, par la briéveté du temps qui m’est accordé,
de me renfermer dans des bornes très-étroites, je
tâcherai du moins d'éviter la sécheresse presqu’in-
séparable d’une analyse rapide, en puisant, dans
les ouvrages dont j'ai à rendre compte les traits les
plus propres à donner une idée exacte de leur ca-
ractère , ainsi que du mérite et des talents de leurs
auteurs.
SCIENCES MATHÉMATIQUES.
Vous avez reçu , Messieurs , de M. Francœæur ,
examinateur de l’école polytechnique , aujourd’hui
membre non résident de l'Académie , un Mémoire
sur les intersections du cône , du cylindre et des
autres corps engendrés par la révolution des courbes
du second degré, autour d’un axe, lorsque ces corps
sont coupés sur un plan.
M. Lhoste , au nom de la commission chargée
d'examiner ce mémoire, vous en a rendu compte
de la manière la plus intéressante et la plus propre
à faire juger de la méthode du savant auteur de
cet ouvrage.
» On n’y rencontre point , dit M. le rapporteur,
ces démonstrations incohérentes qui ne sont que
trop familières aux écrivains qui , esclaves de la
rouune , ont voulu, pour ainsi dire , amalgamer les
méthodes anciennes ayec les nouvelles. Par-tout on
Ç19)
reconnait le géomètre profondément versé dans la-
nalyse.
» La commission désire , pour l'avantage des jeu-
nes gens qui se livrent à l'étude des mathémati-
ques, que M. Francœur veuille bien écrire , d’a-
près les bases posées dans son mémoire , un traité
élémentaire de géométrie analytique. «
— Le méme a fait hommage à l’Académie d’un
exemplaire de l'ouvrage qu’il vient de publier sous
ce titre : Cours complet de Mathématiques pures ,
dédié à S. M. Alexandre [7 , Empereur de Russie.
Cet ouvrage est destiné aux élèves des écoles normale
et polytechnique , et aux candidats qui se prépa-
rent à y être admis.
— M. Prudhomme , professeur aux écoles de na-
vigation de Caen , membre de plusieurs Sociétés
savantes, vous a adressé un écrit intitulé : des
Comètes en général , et en particulier de la Comète
qui a été observée en septembre , octobre et décembre
de l’année 1807.
Dans un rapport que vousl’aviez chargé, MssiEURS,
de vous présenter, M. Letellier s'exprime ainsi:
» M. Prudhomme , après avoir donné des idées
générales sur la nature des comètes , se demande
si elles sont habitables , et il whésite pas à se dé-
clarer pour la négative , fondé sur ce que les habi-
tants de ces astres seraient exposés à des vicissitudes
pra
(20)
extrêmes de chaud et de froid , de lumière et de
ténèbres. «
Notre confrère combat cette opinion , et appuie
l'opinion contraire de raisons qui la rendent très-
probable. Si, en admettant une constitution et des
organes appropriés dans leurs habitants , on ne peut
se refuser à croire que les planètes puissent être
habitées , pourquoi , dit-il, ne pourrait-on pas en
dire autant des comètes ?
L'auteur du mémoire, continue M. le rapporteur,
passe ensuite en revue le.nombre des comètes ob-
servées jusqu'à ce jour, et il pense qu'on ne peut
le fixer d’une manière certaine...... . Il termine
son catalogue par la comète découverte en 1807,
et qu'il a observée Jui-méme , pour la première
fois , le 17 septembre de la même année , à Portmort,
sur les rives de la seine.
Aprés avoir assigné les éléments de cette comète,
M. Prudhomme présente quelques observations sur
la nature des queues de ces astres , et il prouve que
les comètes ne sont pas des corps lumineux. Il ré-
fute , à cette occasion , l'opinion d’un astronome
allemand qui a prétendu qu'on devait les ranger
dans la classe des nébuleuses.
Vous avez adopté, Messieurs, les conclusions de
M. le rapporteur , en regardant le mémoire de M.
Prudhomme comme un monument de son zèle pour
les progrès de la cométographie.
(31)
= M. Bonnet , caissier de la monnaie de Rouen,
a fait hommage à l'Académie de plusieurs exem-
plaires d'une brochure intitulée : $ystéme impérial
des Poids , Mesures et Monnaies ; ou Essai sur une
nouvelle mesure déduite de la grandeur de la terre.
L'auteur développe , dans cet ouvrage, les idées
qui servent de base au mémoire manuscrit qu'il a
présenté , l'année dernière , à l'Académie. Le mé-
moire imprimé contient des notes qui ne peuvent
manquer d’intéresser beaucoup le lecteur.
= M. Lemasson , ingénieur en chef de premiére
classe , au corps impérial des ponts et chaussées, a
lu un Mémoire descriptif des Travaux à faire pour
l’embellissement de la ville de Rouen et l’amélioration
de son port,
Notre confrère , à l'aide d’un plan colorié qu’il
a joint à son mémoire , développe d’abord le pro-
jet qu’il a conçu , et qui a été approuvé par M. le
directeur général des ponts et chaussées , de re-
dresser le port, et de le décorer par des façades
élégantes et des galeries publiques.
Il parle ensuite du projet de pont en maçonnerie
qu'il propose de construire à la pointe d'aval de
V'Isle-de-la-Croix , vis-à-vis la porte Jean-le-Cœur.
Ce pont serait jeté sur les deux bras du fleuve ,
et présenterait non-seulement l'aspect de deux ponts,
mais il en formerait véritablement deux , puisqu'ils
B 35
(22)
auraient chacun deux culées, deux piles et trois
arches. Le pont dont il s’agit serait plus central
que celui qui avait été d’abord proposé dans
l'axe de la grande rue S. Sever , à l'aval des rüines
du pont de lImpératrice Mathilde , et permettrait
un plus grand développement pour les quais du
bassin destine aux navires.... Elevé an-dessus des
hautes eaux de 1740, il donnerait, en tout temps,
une communication sûre et facile entre la ville, les
fauxbourgs et l’Isle-de-la-Croix. En exhaussant le
sol de cette Isle au niveau des quais de Paris, on
pourrait y bâtir des maisons et des magasins, y
percer des rues et pratiquer des quais au pour-
tour.
M. Lemasson indique les obstacles qui s'opposent
à la construction d’un deuxième pont que le public
désirerait , dit-il, voir établir vers le bas de la
ville , et dont il avait lui-même, dans son premier
projet général du port , fixé l'emplacement vis-à-
vis le boulevard Cauchoise. Notre confrère conclut
qu’il faut s'en tenir au double pont de l'Isle-de-la-
Croix.
Pour rendre les abords de ce pont faciles et di-
rects, l'auteur du mémoire offre deux moyens,
dont le plus avantageux , suivant lui, serait d’ou-
vrir , dans l'axe de chaque pont , une rue en ligne
droite, large de 12 mètres. L'une de ces rues irait
au corps de garde de S. Sever , l’autre tomberaït
(25)
dans la direction de la première rampe de la côte
Beauvoisine , au haut du jardin des filles Sainte-
Marie. Les indemnités à accorder , pour le perce-
ment de ces deux rues, seraient peu considérables,
M. Lemasson cite pour exemples, Mantes, Orléans,
Tours , Moulins, Saumur , qui ont de grandes et
belles rues dans l'axe de leurs ponts.
Vous avez, Messieurs , applaudi aux projets de
M. Lemasson, et vous avez formé des vœux pour
leur prompte et entière exécution.
MÉCANIQUE.
Organe d’un commission que vous aviéz nommée
à cet effet, M. Leboullenger vous a fait un rapport
intéressant sur les machines de M. Biard , destinées
à fabriquer des toiles d’une grande largeur.
Avant de se livrer à l'examen de ces machines,
M. le rapporteur a rappelé les procédés usités jus-
qu’alors pour fabriquer les toiles, et est entré, à
ce sujet, dans des détails qu’il a rendus avec autant
de clarté que d’exactitude. Il compare la marche
ordinaire avec celle qui a été imaginée par M. Biard,
et il conclut que M. Biard a complètement résolu
ce probléme : Faire une toile de telle largeur qu’on
voudra , en n’employant à sa confection qu'un seul
homme , de manière , 19 à rendré le tissu parfaite-
ment égal et indépendant de l'adresse de l’ouvrier ;
2° à obtenir ces résultats par un mouvement assez
B 4
2
(24)
rapide pour que le prix de la façon des toiles ainsi
fabriquées soit le moindre possible , relativement à
leur largeur.
MM. les commissaires, en payant aux métiers de
M. Biard le tribut d’éloges qu'ils méritent , regret-
tent cependant que les percussions de la chasse y
soient un peu trop brusques ; c’est un leger défaut,
disentils , que M. Biard peut aisément faire dis-
paraitre.
M. Leboullenger termine son rapport en rappe-
Jant les marques honorables de bienveillance et les
moyens d'encouragement que M. Biard a reçus du
premier Consul, lors de son passage à Rouen en
l'an 12 : époque mémorable, et qui restera à jamais
gravée dans nos cœurs reconnaissants.
SCIENCES , PHYSIQUES.
M. Lebouvyer-Desmortiers , l'un de nos membres
non résidants , a fait hommage à l'Académie d’un
exemplaire de ses Recherches sur la construction et
les effets du Briquet pneumatique.
Un armurier de Saint-Etienne , dit l'auteur ,
faisant jouer , dans l'obscurité , uve pompe à vent,
apperçut une étincelle à l'extrémité ; il en approcha
sa pipe ou de l'amadou et parvint à l'allumer.
M. Molé, physicien de Lyon, répéta l'expérience
0 des
(25)
avec le même succès, et en fit part à l'Institut na-
tional, qui nomma des commissaires pour verifier
le fait. MM. les commissaires n'ayant pu réussir à
reproduire le phénomène , M. Dumotiez , connu
par ses talents pour la construction des instruments
de physique , fit des essais, obtint l'inflammation ,
et recounut qu’elle dépendait du desré de vitesse
dans la compression de l'air.
Il ne s'agissait plus que de savoir avec quelle
quantité d’air on peat allumer l'amadou , et de ré-
duire l'instrument aux plus petites dimensions pos-
sibles : c’est ce que notre confrère a déterminé.
M. Lebouvyer recherche ensuite la cause de Pin-
flammation dans le briquet pneumatique.
Cette inflammation n’a lieu qu'en observant cer-
tains rapports entre la longueur du tube et son
diamètre. Suivant l'auteur , elle ne dépend point
de l'électricité, mais elle lui parait produite par la
décomposition de l'air , occasionnée par la seule
force de compression : le calorique mis en liberté ,
dans cette circonstance , détermine un dégré de
température suffisant , au jugement de notre con-
frère , pour allumer l’'amadou au moyen de l'oxi-
gène.
Par une lettre , adressée depuis à l'Académie ,
M. Lebouyyer annonce que l'on a fait, contre l'expli-
cation qu'il donne du phénomène , des objections
(26)
auxquelles il a , dit-il, répondu par la voie du jour-
pal de physique (1).
= M. Sage , de l'Institut de France , fondateur
et directeur de la première école des mines, vous
a fait remettre une brochure qui a pour titre :
de la Nature et des Propriétés de huit espèces d’E-
lectricité. ‘
L'auteur indique ainsi lui-même ( page 4), le but
de son ouvrage.
» Il me parait qu’il y a huit espèces d'électricité
distinctes par leurs propriétés , savoir : l'électricité
atmosphérique , artificielle , métallique , des ani-
maux atmosphériens, torpique , gymnotique , végé-
tale, minérale,
qe em
QG) M. Deluc ( Biblioth. brit, , juillet 1809 } , pense que
la cause de l’ignition dans cet appareil dépend de la conden-
sation non de l'air , mais bien du calorique ; ce qui explique
pourquoi l’opération exige une grande rapidité. Si le piston
est enfoncé lentement , l’amadou ne s’allume point , parce
que le feu condensé a le temps de s'échapper au travers des
pores du cylindre de la pompe.
Du reste , M. Deluc prouve que l'air comprimé dans
Vinstrument par le piston , n’arrive pas à une grande densité ,
puisque le piston est loin de remonter jusqu'au point de
départ. Une grande partie de l’air, dit ce physicien , est donc
chassée dehors pendant qu’on refoule ; et il le faut bien pour
l'effet , car si le piston n’atteignait presque jusqu’au fond
de la pompe , l’ignition de l’amadou n'aurait pas lieu,
pompe ; 115
C2)
— M. Azaïs, de Versailles, vousa prié, MESSIEURS,
d'agréer un exemplaire de son Systême universel.
» Cet ouvrage , dit auteur dans une lettre adres-
sée à l'Académie , contient lPexposition précise et
méthodique du principe sur lequel toute la phy-
sique repose. Ce principe , nécessairement unique
comme l'univers qu'il régit, doit cependant se par-
tager sans cesse en deux exercices constamment
balancés l'un par l’autre. La gravitation et l'expan-
sion sont les deux effets généraux qui comprennent ,
dans leur opposition , leur combinaison et leur en-
semble , tous les cffets secondaires «.
C'est dans l'ouvrage même qu’il faut lire le dé-
veloppement des faits sur lesquels l’auteur appuie
son système,
= Le docteur Louis Valentin , de Marseille ,
membre de plusieurs Sociétés et Académies natio-
nales et étrangères, vous a adressé , MESSIEURS ,
une petite brochure intitulée : Seconde et troisième
Notices sur les Progrès des Sciences physiques et na-
turelles , et sur les Etablissements de Bienfaisance ,
dans les Etats-Unis d’ Amérique.
7
Une note de l’auteur apprend que ces deux no-
tices sont insérées dans le tome 8 des mémoires de
l'Académie de Marseille. En les lisant, on est bientôt
convaincu qu’elles sont dignes de la place honorable
qu'elles occupent dans les actes de cette Académie.
(28)
Hris 0 0 1.R €. -N A TU R E L L'E.
M. Deu a communiqué à l'Académie le plan d'un
Dictionnaire des productions de la nature et de l’art
gui entrent dans le commerce de la France avec
l'Etranger.
» Chargé par état, dit M. Deu , de tenir la main
à l'exécution des réglements relatifs au tarif des
douanes impériales , je dois veiller à ce que les vé-
rificateurs aient les connaissances nécessaires pour
remplir les fonctions de leur emploi. Ils consultent ,
pour les drogueries et épiceries , les dictionnaires de
Lemery et de Pomey. Mais ces dictionnaires très-
anciens ne parlent point des produits de la nature
soumis aux procédés de l'art..... Ils sont d’ailleurs
fort au-dessous des connaissances actuelles. .... «
» M. Magnien , administrateur des douanes , s'oc-
cupait depuis long-temps de l'étude approfondie du
tarif..... Il me fit part du projet d’un dictionnaire
descriptif des produits de la nature et de l'art qui
entreut dans le commerce de la France avec l’étran-
ger..... Je saisis ayec empressement la proposition
qu'il me fit de me charger de la description des
substances. «
! » Tous les objets tarifés font partie des trois règnes
de la nature ; c’est-à-dire qu’ils se trouvent parmi les
minéraux , les végétaux ou les animaux. «
(29)
Notre confrère présente un apperçu rapide de
chacune de ces classes ; et , afin de vous mettre ,
Messieurs , plus à portée de juger de la marche
qu'il a suivie , il vous a donné lecture de quelques
articles pris au hasard dans l'ouvrage dont il vous
a annoncé , au surplus, que l'impression était très-
avancée.
L'ouvrage dont M. Deu vous a communiqué le
plan , vous a paru devoir étre aussi intéressant qu’u-
tile , et vous ne doutez point qu’il ne fasse autant
d'honneur à l'Académie qu’aux talents de son savant
et modeste auteur.
— Dans la séance du 21 juin , M. Jamard a lu
un écrit très-étendu , et qui a pour ütre : Doutes
sur le genre sexuel du bled-froment.
L'auteur annonce que ces doutes lui ont été ins-
pirés par M. Fortier , cultivateur éclairé , que sa
grande réputation avait fait nommer membre de
l'ancienne société d'agriculture de Rouen.
Suivant M. Fortier, le bled west point produit
par une plante du genre hermaphrodite , comme
on le croit communément , mais par une plante
qui, dans son espèce , porte des tiges mäles ou
des tiges femelles , sur des souches ou sur des pieds
différents.
M. Jamard , après avoir indiqué les différences
qui existent entre les tiges mâles et les tiges femelles ,
developpe les raisons sur lesquelles M. Fortier fonde
(50 )
son opinion. Notre confrère ne dissimule pas qu'on
peut leur opposer de fortes objections ; et il rapporte
de quelle manière M. Fortier croit pouvoir y ré
pondre.
Appuye sur un fait qui semblerait prouver que les
fleurs de l'épine-vinette sont nuisibles à la fructifi-
cation des grains (1), M. Jamard en conelut que
les idées de M. Fortier pourraient bien avoir quelque
chose de vraisemblable,
» Je ne nie rien , je n’affirme rien , dit sagement
notre confrère : je désire seulement engager les bo-
tanistes à s'occuper d’une question qui peut inté-
resser beaucoup l'agriculture «.
M. Jamard propose , dans ce dessein , une ex-
périence qui lui paraît décisive pour lever ou pour
confirmer les doutes qui font l’objet de son mé-
moire.
CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES.
Dans la séance du 16 novembre 1808, M. Jitalis
a eu l'honneur de présenter à l'Académie une bou-
teille de sirop de raisin , préparé par la méthode
de M. Proust.
Ce sirop évaporé jusqu’au 34° degré de l'aréomètre
EEE
(1) Les auteurs du nouveau Dictionnaire d'Histoire natu-
relle , édition de Deterville , ne sont pas de cet avis, #oyez an
wot Epine-vinette.
C3)
de Baumé , a fourni du sucre concret , de couleur
brune , et mélé de beaucoup de tartrite calcaire.
M. Vitalis a observé que du sirop de raisin , con-
centré seulement au 30° degré de l’aréomètre , s’est
refusé à la cristallisation , depuis l'époque de sa pré-
paration , c’est-à-dire depuis le 22 octobre 1808 ,
jusqu’à ce jour.
Le même sirop a donné plusieurs dépôts succes-
sifs de tartrite calcaire dont il paraît très-diflicile
de pouvoir débarrasser entièrement la liqueur.
= Au mois de mai dernier, M. Robert , pharma-
cien en chef de l'hospice d'humanité , a donné lec-
ture d’une Motice très-bien faite sur le Sucre de
raisin.
Le but de cette notice était de faire connaître à
l'Académie le résultat d’une expérience particulière
qui prouve , dit notre confrère , la réalité des res-
sources que l’on peut attendre du raisin , puisquà
Rouen, où ce fruit mürit à peine, il a fourni un
vrai sucre concret dont il a été mis deux échan-
tillons sous les yeux de la Compagnie.
De ces deux échantillons , l'un avait une cou-
leur brune et était en consistance de rob ; l’autre
était sec jusqu’à la pulvérulence et avait été amené ,
par un seul terrage , à une couleur Jésèrement
fauve. Il est cependant mélé de tartrite de chaux,
et encore empâté de sirop.
(52 3
Les raisins qui ont dohné ce sucre provenaient
d'une vigne exposée au midi, il est vrai, mais tei-
lement abriée , que le fruit ne vient jamais en
maturité,
Le moût ayant été saturé par la craie , fut sou-
mis d’abord à une évaporation de 35 degrés , échelle
de Baumé , terme de concentration le plus favo-
rable , suivant Proust et les auteurs qui ont écrit
après lui, à la cristallisation du sucre,
Cependant une portion de ce sirop ;, quoique con-
servé dans une étuve, se refusa constamment à la
cristallisation , tandis que le méme sirop concentré
à 4o et même à 45 degrés de l'aréomètre, prit la
forme concrete en moins de deux mois.
Il suit des expériences faites par M. Robert ,
1° que la maturité du raisin, exigée par les auteurs
comme une condition essentielle pour en obtenir du
sucre concret , ne paraît pas tellement nécessaire
qu’on ne puisse se dispenser d’y avoir égard ; 2° que
l'on peut porter au-delà de 55 degrés la concen-
tration du moût, et que l’évaporation jusqu’à 40
et même 43 degrés de l'aréomètre , bien loin de
nuire à la cristallisation , semble au contraire lui
être très-fayorable ; 50 qu'en terrant le sucre de
raisin , suivant la méthode de Poggi, on parvient ,
dès la première fois , à lui enlever une grande
partie de sa matière colorante , et à le rapprocher ,
sous ce rapport , de la moscouade fouruie par le
suc de la canne à sucre.
M.
EN 7)
(533)
M. Robert pense néanmoins que le fait unique
dont il donne ici connaissance ne suflit pas pour
mériter à la méthode qu'il a suivie la préférence
sur celles qui out été décrites par les auteurs qui
ont créé cette nouvelle branche d'industrie.
Notre confrère se propose, par cette raison , de
faire de nouveaux essais dont il a promis de rendre
compte à l'Académie.
= M. Dubuc , pharmacien à Rouen , vous a
- présenté un Mémoire concernant le Sucre liquide
qu’il a extrait du suc de pommes et de poires.
L'examen de ce mémoire, que vous aviez renvoyé
À une commission , a donné naissance à un excel-
lent rapport que nous devons à M. Robert.
Les conclusions de ce rapport, et qui ont été adop-
tées par l'Académie , sont :
1° Que les résultats obtenus par M. Dubuc con-
firment une partie de ceux qui ont été annoncés
par M. Cadet de Vaux.
2° Que la modification apportée dans la manipu-
lation , par le pharmacien de Rouen , est une amé-
lioration faite au procédé général , en ce qu’elle four-
nit une application aussi utile qu’agréable aux sirops
de pommes de l'ancienne Normandie , qui, dans
la conserve mucoso-sucrée qu’'iis nous ofrent ,
présentent , en ce moment , un moyeu facile de
venir au secours de la classe indigente et des étas
blissements de charité.
GC
(34)
30 Que le travail de M. Dubuc mérite une con-
sidération particulière , et que l'auteur , en con-
tinuant ses recherches sur une matière aussi impor-
tante , rendra un véritable service à ses concitoyens.
= Le même membre ( M. Dubuc ) vous a soumis
depuis un second Mÿmoire sur l’extraction et sur
les usages du sucre liquide des pommes et des
poires , avec l'analyse de cette substance compa-
rée à celle de la melasse du commerce.
Ce nouveau mémoire est divisé en trois parties.
La première est consacrée à la description d'un
grand nombre d'espèces de fruits sur lesquels le
temps ‘et les circonstances ont permis à l’auteur de
faire de nouvelles expériences pour en extraire le
sucre. M. Dubuc y détermine aussi la densité et la
qualié que cette liqueur sucrée doit avoir pour
être de bonne garde et commercable. L'auteur y
donne encore un nouveau procédé , au moyen du-
quel on obtient des pomines et des poires une ma-
tiére bien sucrée , presque incolore et très-agréa-
ble au goût.
Dans la seconde partie ; notre confrère rend
compte des essais qu’il a faits pour reconnaître et
déterminer Ja quantité de substance gommeuse ou
mucilagineuse , de malate ou de citrate calcaire que
contiennent ces différents sucres liquides, tous pré-
parés par les procédés indiqués dans son premier
€35)
mémoire , et obtenus de toute espèce de pommes et
de poires.
Dans Ja troisième partie, M. Dubuc rapporte un
grand nombre d’éxpériences faites avec la matière
mucoso-sucrée pour la préparation des aliments ou
de certains médicaments. Il résulte de ces expé-
riences que les sirops de pommes et de poires peu-
vent, dans une infinité de cas , remplacer avanta-
geusement le sucre ordinaire.
= M. Parmentier, membre de la Légion d'hon-
neur , et de FInstitut de France , et que l'Académie
se félicite de compter au nombre de ses membres
non résidants, nous a fait parvenir, dans le cours
de cette année, et à différentes époques , la pre-
mière et la seconde édition de son Jnstruction sur
les moyens de suppléer le Sucre dans les principaux
usages qu’on en fait pour la médecine et l’économie
domestique.
Ces moyens consistent dans l'emploi des sirops et
des conserves de raisin , et ils sont développés avec
une clarté bien propre à en faciliter la pratique aux
bonnes ménagères des villes et des campagnes,
auxquelles notre respectable confrère semble adres-
ser particulièrement son ouvrage.
L'auteur est bien éloigné de penser qu’on puisse
retirer des sirops de pommes, soit pour l'usage de
la médecine , soit pour l’économie domestique, les
avantages qu’on s'en était promis. Suivant lui, des
«
C a
(36)
expériences répétées dans les hospices de Paris, ont
irrévocablement prononcé sur ce point.
= M. Sage vous a adressé une brochure sur les
Mortiers ou Ciments.
L'auteur examine , dans cet ouvrage , la cohésion
que contracte la chaux avec les matières minérales ,
végétales où animales, et en déduit des règles pour
Ja composition des mortiers les plus propres à re-
sister à l’action de l'air et de l’eau.
M. Sage termine sa brochure par l'exposé des
moyens qu’il a employés pour naturaliser en France
la minéralogie et ia métallurgie.
= M. J’italis vous a communiqué des Observa-
tions sur quelques Médicaments employés dans le
traitement des maladies siphilitiques.
auteur observe d’abord que, parmi les prépa-
rations que l’on propose chaque jour pour combat-
tre les maladies siphilitiques , il en est un grand
mombre qui n’offrent à l'art qu'un vain appareil,
un luxe inutile et trompeur.... Il fait voir que les
robs prétendus anti-siphilitiques ne sont que des
modifications du sirop de Velnos ou du sirop de
Cuisinier.... On les administre ayec ou sans mer-
cure , suivant les indications à remplir.... Le mu-
riate oxygéné de mercure qu’on ajoute au sirop de
Cuisinier , à la dose de 6, 8 ou même 12 grains,
sur 20 onces de sirop, donne des signes de sa pré-
(37)
sence au moyen du sulfure hydrogéné d'ammonia-
que, même au bout de huit ou dix jours de pré-
paration : ce qui explique la celérité avec laquelle
agit le médicament ainsi préparé , et les succés
qu'on obtient de son usage dans la siphilis con-
firmée.
— Le même membre a soumis au jugement ds
l'Académie l'analyse d’une Liqueur anti-vénérienne
qui se débite à Rouen, et dont quelques médecins
l'avaient invité à rechercher la composition.
» Cette liqueur , dit M. Jîtalis, a une couleur
légèrement fauve , une saveur très-sensiblément
acide , une odeur aromatique analogue à celle du
camphre et de l'huile volatile d’anis. Elle marque
quatre dégrés à l’aréomètre de Baumé. Il s'en pré-
cipite spontanément , et en peu de temps, une ma-
tière grisâtre , pulvérulente et insoluble dans l'eau ;
la liqueur acquiert alors plus de limpidité et perd
peu à peu sa couleur , eflets qui dépendent évidem-
ment de l’oxigénation subie par une portion de l’ex-
tractif dissous dans la liqueur.
» Elle rougit la teinture de tournesol et le sirop
de violette.
» L'hydro-sulfure d'ammoniaque ny occasionne
aucun précipité , d’où il suit qu’elle ne contient
aucuue substance métallique.
» Une lame de cuivre bien décapée , plongée dans
GS
C 38)
la liqueur pendant quelques minutes , et mouillée en-
suite d’une gouttelette d'acide nitrique, ne blanchit
pas. La liqueur anti-vénérienne ne contient done
pas de mercure, ce que l'on savait déjà par l’ex-
périence précédente,
» Le nitrate d'argent y forme sur-le-champ un
précipité blanc qui noircit bientôt et ne se dissout
pas dans lacide nitrique pur. La liqueur contient
par conséquent de l'acide muriatique.
» Cette liqueur, chauffée dans une phiole à goulot
très-étroit , a laissé échapper des vapeurs qui s’en-
flammaient à l'approche d'une bougie allumée :
preuve certaine de la présence de Palcool.
» L’acide sulfurique concentré , versé dans la
liqueur , en dégage sur-le-champ des vapeurs ru-
ülantes ; l'acide , en se portant au fond du vase ,
per son excès de pesanteur spécifique , y forme
une espèce de globuie de couleur rose ; phénomène
que l'on pourrait attribuer à l’action de l'acide sur
Phuile volatile de camphre et d’anis. ( Annales de
chimie , tome 67 , page 295.)
» Pendant l’évaporation d'une once de cette li-
queur jusqu’à consistance d'extrait , il s’est dégagé
une vapeur piquante et acide , car elle rougissait
le papier teint avec le tournesol ; à mesure que la
liqueur avançait vers cette consistance , la matière
s’est boursouflée de plus eu plus.
(39 )
» Cette matière extractive, d'un beau jaune clair,
pesait 26 grains ; elle rougissait promptement , non,
seulement la teinture de tournesdl , mais encore de
sirop de violette. Elle était déliquescente à l'air. Expo-
sée au feu dans un creuset de porcelaine , elle s'est
boursouflée considérablement à la première impres-
sion du feu ; il y a eu scintillarion , dégagement de
vapeurs piquantes et acides , et, sur la fin, il s’est
fait sentir une odeur légèrement empyreumatique :
la couleur jaune a disparu et a été remplacée par
la couleur noire, due à la formation d’un charbon
léger et facile à incinérer. Les cendres recueillies
avec goin pesaient 2 grains 3 » elles offraient une
couleur rose ou plutôt légèrement vineuse , assez
semblable à celle dn tartre rouge. Elles verdissaient
le sirop de violette. Parmi les cendres , on a trouvé
une très-petite portion de matière saline poreuse
et qui paraissait avoir subi la fusion ignée. L’exi-
guité de son volume ne m'a pas permis d'en cons-
tater la nature. Je présume que cette matière sa-
line était du muriate de potasse , sel que contient
assez abondamment la décoction de salsepareille ,
d'après les expériences de M. Boullay.
» La liqueur anti-vénérienne dont il s’agit contient
donc : 1° une matière extractive végétale ; 2° de l’al-
cool ; 3° de l'acide muriatique ; 4° du nitrate de
potasse ; 5° du muriate de potasse ; 60 un arôme
qui parait-être celui et du camphre et de l'anis.
G 4
C40)
On peut donc la recomposer comme il suit :
Décoction de salsepareille à quatre dégrés de
l'aréomètre.......... une pinte.
Alcool muriatique du codex,quatre gros.
Eau-de-vie camphrée..... deux gros.
Huile volatile d’anis...... quelques gouttes.
Nitrate de potasse........ trois gros.
» Une liqueur aïnsi composée offre tous les carac-
tères de la liqueur anti-vénérienne soumise à l’exa-
men ; elle en diffère cependant beaucoup par la
modicité du prix auquel on pourrait la fournir com-
parativement au prix de la liqueur anti-vénérienne ,
quiest, dit-on, de vingt-cinq francs par bouteille.
» Nous laissons aux médecins à prononcer sur le
mérite de cette liqueur , et à déterminer les cas de
maladie siphilitique où il conviendrait de l'em-
ployer ; on assure que l’auteur s’en sert sur-tout
dans le traitement de la blennorhagie : la dose est
d'une cuillerée deux ou trois fois par jour. «
La liqueur anti-vénérienne , dont M. Vitalis vient
de parler , lui en rappelle une autre qui a de l'a-
valogie avec la précédente , et que quelques pra-
üciens conseillent dans la blenuorhagie; en voici la
formule :
C4)
Eau de menthe ou de melisse.. douze onces:
Sirop diacode .... L
de chaque , une once.
de nerprun... f
Alcool muriatique du codex .... un gros£.
Eau-Ge-vie camphrée........... un gros.
Le but de l’auteur, en publiant ses observations
et l'analyse de la ligreur anti-vénérienne sa été,
1° de mettre en garde contre les nouveautés qui
cherchent chaque jour à s’'introduire dans nos phar-
macopces siphiltiques , qui n’offrent déjà que trop
de préparations quelquefois peu utiles , et souvent
dangereuses ; 2° de fixer l'opinion sur certains mé-
dicaments dont l'efficacité pouvait paraître douteuse ;
3° enfin, de mettre le praticien à portée d’appré-
cier certaines liqueurs anti-vénériennes dont les élé-
ments leur étaient inconnus.
SCIENCES MÉDICALES.
M. Besnard , docteur médecin , vous a commu-
niqué des Observations très-importantes pour l'art
de guérir, et qui tendent à prouver que le muriate
oxigéné de mercure, donné dans une décoction de
salsepareille sans matière sucrée , n’agit point avec
la même promptitude et la même énergie que ce
même sel 2Aministré dans un sirop purement ex-
tractif, Noire confrère a choisi les cas pathologiques
qui offraient le plus de similitude , et il s’est con-
(42)
vaincu que 18 grains de sublimé dissous dans le
sirop de Cuisinier, suffisaient pour faire disparaître
les symptômes siphilitiques les plus graves, tandis
que la guérison, dans les mêmes circonstances, en
a exigé 40 grains lorsqu'on associait le muriate oxi-
géné mercuriel à la tisane de Sels.
M. Besnard conclut de ces faits que le muriate
oxigéné de mercure donné à la dose de 6 ou 8
grains, sur 18 ou 20 onces de sirop ‘de Cuisinier ,
ne parait pas décomposé par l'extractif, ainsi que
Va annoncé M. Boullay , pharmacien de Paris
( Recueil périodique de la Société de Médecine ,
tome 10). Il presume que la matière sucrée défend
le sublimé contre les réactifs qui pourraient déceler
sa présence. À lappui de son opinion il cite des
expériences de Buquet , et il fait remarquer que,
d’après les conjectures de M. Berthollet , le préci-
pité mercuriel provenant de la décomposition du su-
blimé, par la décoction de quinquina , est devenu
entre les mains du D. Thootin , médecin anglais ,
uvre arme puissante pour combattre les maladies
vénériennes accompagnées des symptômes les plus
effrayants.
Enfin, M. Besnard appelle de nouveau l'attention
des chimistes sur la décomposition annoncée par
M. Boullay, et il les invite à faire les expériences
convenables pour s'assurer de Ja vérité des faits,
= M. Godefroy , au nom d'une commission
(45)
formée pour cet objet, vous a fait un savant rap-
port sur un ouvrage qui vous avait été adressé
par M. Hernandez, professeur à l’école de méde-
cine de la marine à Toulon, et aujourd'hui mem-
bre non résidant de l'Académie , sur la question
suivante , que la Société de médecine de Lyon avait
mise au concours le 14 frimaire an 14:
n Quels sont les signes diagnostics et prognostics
» que peut fournir , dans les maladies aiguës et
» chroniques , l’état de la langue , des lèvres et
» des dents ? Quelles conséquences doit-on en
» déduire pour la pratique ?«
M. Godefroy conclut que l'ouvrage a paru à la
commission digne de la palme qui lui a été décernée
par la Société de Lyon, et qu'il annonce des con-
naissances solides et un talent réel.
= M. Vigné , docteur médecin , vous a pré-
senté un Æssai sur Le sentiment d'horreur qgu’inspire
la mort,
Notre confrère considère la mort sous le rapport
physique et sous le rapport moral.
Sous le premier de ces rapports , il n’est rien,
suivant M. Vigne, de plus affreux que la mort ,
_et elle doit être pour chacun de nous un objet de
tristesse et d'horreur. C’est dans le livre de la
nature , dit-il , c’est auprès des mourants , c’est
dans le sein de la mort même , c’est encore dans
C44)
les meilleurs ouvrages que nous possédions sur la
science médicale , que je puiserai mes preuves.
L'expérience nous apprend , continue l’auteur,
que l'enfant , l'adolescent , l'adulte , le vieillard ne
voient Je plus souvent terminer leur existence qu’a-
près avoir été en proie à la douleur la plus vive.
Il en appelle aux gestes effrayants , aux plaintes,
aux gémissements des moribonds. — En consultant ,
ajoute-t-il , les exemples d'autopsie cadavérique que
lon trouve dans les ouvrages de Morgagni , de
Lieutaud , de Stoll, de Portal , il est impossible de
ne pas reconnaitre que la mort est presque toujours
précédée par la douleur , que l'homme meurt affaissé
par le poids de la douleur.
Suivant Buffon , la mort est un spectre qui nous
épouvante de loin, et qui disparait lorsqu'on vient
à s’en approcher.
Notre confrère convient de la vérité de cette
assertion , s’il ne s’agit que de l'instant ou s'opère
la séparation de l’ame d’avec le corps ; mais il lui
semble nécessaire de tenir compte de ces moments
douloureux , funestes avant- coureurs de la mort,
de ces tourments quelquefois excessifs qui amènent
la dissolution de notre être , et dont le moribond
ressent toute lamertume et prévoit les fatales consé-
q uences,
Combien d’ailleurs de personnes échappées à
la mort ; dit M, Vigné , ont rendu compte des
C4)
souffrances qu’elles avaient endurées jusques sur
le bord de la tombe ?
La crainte de la mort, déjà trop bien fondée sur
la considération des accidents précurseurs, s'accroît
encore par l’accablante perspective de notre des-
truction.....
O mort ! s’écrie ici M. Vigné , si tu m'étais si
redoutable , le Tout-Puissant t'aurait-il fait linstru=
ment de sa vengeance ? Aurait-il, dans sa colère,
menacé le premier homme de devenir ta victime ?...
Mais si je wai pu , continue l'auteur , affaiblir
les craintes que la mort doit inspirer, qu'il n'est
doux de la faire envisager comme le commencement
d'une autre vie après laquelle soupire l'ame du
juste !....,. Qu'il m'est doux de penser que le té-
moignage d'une bonne conscience , nous éleyant
au-dessus de nous-mêmes , dans nos derniers mo-
ments , nous rend presqu’insensibles à l'aiguillon de
Ja douleur , et adoucit le coup fatal qui tranche le
fil de nos jours!
= Le même membre vous a donné lecture d’un
écrit qui a pour titre: Réfutation des Assertions de
M, Boyveau-Laffecteur | sur le Mercure employé
comme anti-siphilitique.
M. Vigné se propose ici de venger le mercure
des reproches graves que lui adresse M. Boyveau-
Laffecteur , dans son traité des maladies véné-
riennes,
( 46 )
A l'opinion de M. Laflecteur , notre confrère
oppose l'expérience de plusieurs siècles , le sent-
ment des médecins les plus éclairés, des praticiens
les plus habiles.
Est-il certain d’ailleurs que le rob de M. Laffecteur
ne contient point de mercure ? Ce rob est-il aussi
infaillible que le prétend son auteur ? M. Vigné
discute ces deux questions ayee beaucoup de sa-
gesse et de sagacité , et il conclut, de faits nom-
breux qui se sont passés sous ses yeux à l'hospice
général de Rouen , ou qu'il a rencontrés dans sa
pratique ; 1° qu’on ne peut contestér au mercure
son efficacité dans le traitement de la siphilis con-
firmée , toutes les fois qu’il est administré par des
mains sages et prudentes ; 2° qu’on doit le préférer
au rob de M. Laflecteur jusqu’à ce qu’il soit prouvé
démonstrativement que ce rob , purement végétal ,
si on en croit l'auteur , procure une guérison plus
prompte et plus sûre que celle qu’on obtient en se
servant du mercure et.de ses diverses préparations.
Après avoir vengé le mercure des incuipations
injustes que lui fait M. Boyveau , notre confrère
condamne , avec raison , tout ce qu’on appelle
secrets , en médecine. Je ne sais rien , ditil , de
si redoutable pour l'espèce humaine que ces pré-
parations obscures avec lesquelles on abusa toujours
de son aveugle crédulité. .. Que n'existe t-il un secret
utile à l'humanité souffrante , et que ne puis-je en
être possesseur ! Je l’offrirais aussi-t0t à ma patrie, :
C47)
au monde entier : plus heureux mille fois d'avoir
pu donner cet exemple , que d'être parvenu à la
plus haute fortune.
On reconnaît aisément , dans cet élan d'un cœur
généreux , le noble désintéressement dont M. Vigné
donne tous les jours tant de preuves dans l’exer-
cice d’une profession qu’il honore autant par les
qualités de son cœur que pat l'étendue de ses con-
naissances médicales,
— Le même membre vous a fait connaître , dans
une analyse très-exacte , la Dissertation qui a été
Soutenue aux écoles de médecine de Paris , Sur la
pleurésie bilieuse ou gastrique ; par M. Boismare ,
docteur médecin , qui en avait fait hommage à
l'Académie,
L'auteur, dans cette dissertation , se propose de
Prouver que la maladie connue sous la dériomina-
ion de pleurésie bilieuse , n’est Pas toujours une
complication de la pleurésie avec une affection
bilieuse ; mais que souvent les symptômes pleu-
rétiques ne sont que sympathiques ou épiphéno-
mênes d’une affection bilieuse intense.
= Vous avez reçu | Messigurs » de la Société
de médecine du departement de l'Eure » les nu-
méros.12 , 134 14 et 15 du Bulletin des Sciences
médicales , publié par les membres du comité cén-
tral de cette société.
Vous ayez entendu avec plaisir , dans quelques.
(48)
anes de vos séances , la lecture de plusieurs ar-
ticles extraits de cet intéressant recueil. Je citerai
particuliérement ici, 1° un Mémoire de M. Maheux,
docteur médecin à Evreux , sur l'utilité de la poudre
de charbon , employée à l’extérieur , dans la gan-
grène ; 2° des observations du même auteur de deux
croups aigus et d’une ouverture de cadavre prou-
yant que le croup n’est pas une maladie intlamma-
toire ; 3° un fragment du discours prononcé par
M. Chaussier , médecin en chef de l’hospice de la
Materuité à Paris , à la distribution des prix faite
aux élèves sages-femmes de cet hospice , le 24 juin
1808.
— M. Lamauve , docteur médecin , a lu un mé
moire qui a pour titre: de l’Aritère épigastrigre,
considérée dans un état pathologique , relatif à la
hernie inguinale , et des moyens de s’assurer de sa
position pour éviter le danger de la couper dans
l'opération chirurgicale.
Après avoir donné une idée précise de la pasi-
tion respective de l'artère épigastrique , du chan-
gement de ses rapports dans l'état pathologique ,
des variations qu'elle éprouve dans la formation
des tumeurs herniaires , l’auteur fait voir que, dans
les hernies inguinales , cette artère est constamment
adhérente au cordon spermatique , et que la posi
tion de ce cordon , qui est toujours facile à connaître ,
indique sûrement la position de l'artère : d'où M.
Lamauve
Let, à L'on
CR
(49 )
Lamauve conclut le moyen aussi sûr que facile d’é-
viter la section de cette dernière.
» Je crois, dit notre confrère , en terminant son
memoire, avoir fourni , sur une maladie aussi fré-
quente que meurtrière , quelques réflexions qui
peuvent tourner autant à l'avantage des malades
qu'aux progrès de l'art , en éclairant un point de
doctrine qui me paraissait obscur.
À la suite de l'analyse du mémoire de M. Lamauve,
M. Godefroy , qui en a rendu compte à l'Académie,
s'exprime ainsi : » Il n’est pas ici question de pro-
noncer sur le mérite du mémoire de M. Lamauve ;
ce mérite nous paraît aussi incontestable quele talent
de l’opérateur...... Mais l’auteur, plein de son
sujet , pénétré du meilleur procédé à mettre en
usage , ne nous a-til pas présenté comme nouveau
ce que d’autres ont dit avant lui? Au moins est-il
vrai de dire que ses judicieuses réflexions se rap-
portent absolument à celles que des auteurs d’un
mérite distingué nous tracent dans leurs écrits.
La confusion règne à la vérité, dans quelques au-
teurs même modernes , lorsqu'il est question de
donner des préceptes sur le débridement de l’an-
neau. Verduc , Heiïster , Garengeot et Bertrandi
veulent que lincision de l'anneau monte oblique-
ment en dedans , et qu’elle porte sur son pilier
supérieur et interne. Sharp et Delafaye disent pre-
cisément le contraire. Ils veulent que le débridement
D
+
(50)
se fasse en-dehors. M. Sabbatier lui-méme ne “pré-
sente rien de positif et d’exact. «
» Bichat, qu’une mort prématurée a enlevé à la
science médicale, mais à qui ses ouvrages, enfants
heureux du génie , assurent des droits à l'immortalité,
Bichat , dans ses œuvres chirurgicales de Desault ,
s'exprime ainsi : » Le débridement de l'anneau sup-
» pose deux choses ; 1° le lieu où on doit le faire ;
» 20 la manière de le pratiquer. Le lieu du débri-
» dement doit être principalement déterminé par l'ar-
» tère épigastrique , qu’il faut chercher à éviter. ....
» Il faut trouver , ditil , une règle qui puisse, dans
» l’opération ,| nous servir de suide invariable , et
» nous mettre , quel que soit le lieu de l'artère , à
» l'abri de sa lésion. « Desault tirait cette règle de
Ja situation du cordon spermatique par rapport à
la tumeur. N'est-ce pas là l'idée de M. Lamauve ?
La connaissance de la situation du cordon spermati-
que n'est-elle pas chez notre confrère , comme elle
le fut chez Desault, le moyen propre à éviter la
section de l'artère épigastrique ? Richerand qui,
jeune encore, a mérité de s'asseoir parmi les pro-
fesseurs de l'école , assigne à l'artère épigastrique
sa place au même lieu où se trouve le cordon sper-
matique qui l'indique et prévient sa lésion. Enfin,
je citerai l'autorité du professeur Boyer , qui ,
dans ses cours particuliers , nous répétait : Recon-
naissez la situation du cordon et incisez toujours du
côté opposé à celui où il se rencontre.
(51)
»Si lé mémoire de M. Lamauve n’ajoûte réellement
pas à la science , s'ilne porte pas une lumière nouvelle
sur un poiut qu'avait éclairé le génie de Desault ,
il n’en reste pas moins démontré que cet ouvrage
fait honneur à son auteur , qu'il donne Ja me-
sure de l'étendue et de la solidité de ses connais»
sances , et qu’il ne peut que rappeler un précepte
essentiel.
ASGUR CU EUTOU RUE:
Vous avez reçu de M. Sylvestre | membre de
l'institut, et secrétaire de la Société d'agriculture du
département de la seine, une lettre circulaire dont
l'objet est d’inviter les Sociétés savantes des dépar-
tements , à faire les frais de l'entretien d’un ou de
plusieurs élèves à l'ecole d’Alfort, pour suivre le
cours qui y est professé par M. Yvart. Les frais ne
sont, pour chaque élève , que de 354 francs par
an. Deux années suffisent à un jeune homme,
doué d’une intelligence ordinaire , pour acquérir les
notions générales de théorie et de pratique agricoles
dont se compose le cours, et être en état de diri-
ger ensuite lui-même une exploitation.
A la lettre de M. Sylvestre étaient joints ; 1° le
Programme de la Séance publique de la Société ,
du dimanche , 9 avril 1609 , où l’on trouve l’ordre
des lectures, la notice des récompenses et des mé-
dailles d'encouragement qui ont été décernées, et
D 2
C5)
Pexposé des sujets de prix pour les années 1810 ,
1811 et 1812, 2° l'Annuaire de la Société d’agricul-
ture pour l'année 1809 , contenant l’organisation et
l'état de la Société , avec le nom des membres re-
sidants , associés ou correspondants,
Rien ne vous eût été plus agréable, Messreurs,
que de pouvoir vous rendre à l'invitation de la
célèbre Société d'agriculture de Paris ; mais les fonds
dont vous pouyez disposer sont si peu considéra-
bles que vous n'avez pu y répondre que par l’ex-
pression de votre reconnaissance et de vos regrets.
— La même Societé vous a adressé , le 15 juillet
1809 , une lettre circulaire qui a pour objet de
demander à l'Académie des renseignements pour
la rédaction d’un ouvrage sur l’A4rt de conserver
les Substances alimentaires , tels que les grains , les
farines , les légumes , les racines , les herbes pota-
gères, les fruits proprement dits , les poissons, le
lait , le beurre , le fromage, les œufs , les viandes
d'oiseaux ou de quadrupèdes , etc.
L'Académie s'est montrée sensible au nouveau
témoignage d’estime qu'elle a reçu de la Société
d'agriculture du département de la Seine , et chacun
de vous s’empressera, sans doute, Messieurs , de
répondre à l'appel honorable fait à vos lumières
sur un point qui touche d'aussi près les besoins
du commerce , de la marine et de l’économie do-
mestique.
(53)
INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE.
M. Lancelevée vous a présenté quelques Ré/lexions
sur l’état actuel de nos fabriques.
Nous ne sommes pas encore , dit notre confrère ,
très-éloignés du temps où la profession de fabricant
obtenait si peu d’estime et de considération, dans
la société , que le fils, rougissant en quelque sorte
de l’état exercé par son père ; y renonçait aussi-
tôt qu'il en avait le pouvoir , et se privait ainsi de
tous les avantages que lui aurait assurés une expé-
rience d'autant plus précieuse que les sciences n’a
vaient pas encore pénétré dans nos ateliers.
Les idées sont heureusement changées aujour=
d'hui à cet égard , et les arts industriels sont gé-
néralement regardes comme un des éléments les
plus essentiels du bonheur et de la prospérité pu-
blique.
Notre confrère observe que des réglements pro-
hibitifs ne tendraient qu'à etoufler le germe de
l'industrie et à enchaîner ses moyens. En lui laissant
au contraire une liberté raisonnable , le gouverne-
ment est parvenu à couvrir le sol de la France de
riches ateliers et de superbes manufactures.
Cet heureux résultat avait été préparé par des
savants du premier ordre , tels que Réaumur et
Bacon. .... On doit aussi de la reconnaissance à
D 3
(54)
toland de la Platière, et pour les écrits qu'il nous
a laissés , et pour le zele avec lequel il travailla
à perfectionner les arts et métiers, à la description
desquels on sait qu'une bonne partie de l'Encyclo-
pédie fut d’ailleurs consacrée.
Mais cet ouvrage n’est pas à la portée de tous
ceux qui auraient besoin de le consulter , et c’est
sans doute ce qui avait inspiré à Vaucanson le
projet d’une école de mécanique-pratique.
Bientôt la France s'enrichit de la fameuse ma-
chine d’'Arkwrigth , et déjà nos filatures de coton
rivalisent avec celles de l'Angleterre.
L'industrie était prête à succomber sous les coups
du vandalisme révolutionnaire , si Napoléon 8e l'eût :
protégé de son bras tout puissant. Graces éternelles
lui en soient rendues au nom des sciences et des
arts, s’écrie ici M. Lancelevée ! Puissent les lettres
chanter dignement sa gloire et ses bienfaits !
Notre confrère rappelle ensuite les services nom-
breux et importants rendus à l'industrie nationale,
par la célèbre Société d'encouragement , établie à
Paris sous les auspices du Gouvernement, et com-
posée des savants les plus distingués , des artistes
les plus habiles dans tous les genres..... En parlant
du dépôt de machines qui appartient à cette So-
ciété ,; notre confrère exprime le vœu d'en voir
former un au milieu de lindustrieuse cité que nous
habitons , et il pense qu’il serait digne de l'Acadé-
(55)
mie de solliciter la fondation de cet établissement ,
le seul qui manque à nos moyens d’instraction ,
puisque nous possédons déjà une excellente biblio-
thèque , un Musée assez riche en tableaux, une
Académie de dessin , des Cours de botanique et
de chimie appliqués aux arts.
= La Société académique de Cherbourg nous a
envoyé deux imprimés dont le premier a pour titre =
Notice des principaux Ouvrages présentés à la Société
académique de Cherbourg , depuis le 19 mai 1608
jusqu’au 27 septembre de la même année ; et le se-
cond : Notice des Ouvrages présentés à la Société
académique de Cherbourg , depuis le 27 septembre
1808 jusqu'au 4 mai 1809 , et des Mémoires qui onë
été lus dans la séance publique,
Nous regrettons que ces notices, qui ne contien-
nent que le titre des mémoires , ne soient pas assez
étendues pour nous permettre de faire mieux con-
naître les trayaux de la Société académique de
Cherbourg.
Depuis quelques années la classe des sciences
avait perdu un assez grand vombre de ses mem-
bres qu'il ne lui avait pas encore été possible de
remplacer.
Des circonstances favorables vous ont permis,
cette année, Messieurs , d'associer à vos travaux s
D 4
C56)
pour la classe des sciences, des hommes auxquels
il sera facile de justifier votre choix.
Déjà une heureuse innovation dans les usages de
VAcadémie , a mis nos nouveaux confrères à portée
de faire connaître l’objet de leurs études particu-
lières, l'étendue de leur zèle et de leurs talents.
Rien ne m'est plus agréable que de pouvoir en
fournir la preuve par l'analyse succincte des discours
qu’ils ont prononcés la première fois que nous
avons joui du plaisir de les voir prendre séance
parmi nous.
ANA1xsE du Discours de réception de M. Dusvc,
Pharmacien.
Après avoir exposé les motifs qui lui avaient ins-
piré, depuis long-temps, le désir d’appartenir à
l'Académie de Rouen , notre nouveau confrère re-
mercie celte Compagnie savante de la bienveillance
avec laquelle elle a daigné lui ouvrir ses portes.
Pressé, par la reconnaisance , de chercher à se
rendre digne du titre honorable qu'il vient de re-
cevoir , M. Dubnc annonce qu'entrainé par goût
vers l'étude de la chimie , et livré par état à la
pratique de ses opérations , il essaiera de défricher
quelques portions du vaste domaine de cette science.
Il croit devoir se contenter ici de rappeler les prin-
cipaux traits de l'excellent tableau que le célèbre
(57)
Fourcroy a tracé de l'origine , des progrès et de l’état
actuel de la chimie.
L'auteur parle ensuite des services que la chimie
a rendus aux sciences ‘et aux arts, et, parmi ces
derniers, à la pharmacie et à la teinture en parti-
culier.
M. Dubuc termine son discours en se félicitant
d’avoir obtenu une place dans une Compagnie dont
teus les membres offrent la réunion la plus par-
faite des qualités de l'esprit et du cœur , et prési-
dée par un Magistrat si digne par les connaissances
variées et profondes de diriger l'ensemble de ses
travaux.
AxAzyss du Discours de réception de M. Brar»,
Mécanicien.
Notre confrère s'attache à prouver que les scien-
ces, les lettres et les arts sont les véritables sources
de la richesse et du bonheur. Ce sont les sciences et
les arts, dit-il, qui ont forcé la terre à ouvrir son
sein et à se couvrir de riches et abondantes mois-
sons ; ce sont les arts qui ont transformé la toison
de la brebis en ces tissus ingénieux qui nous ga-
rantissent des rigueurs du froid. Depuis que l'homme
cultive les sciences et les arts, il trouve, dans des
maisons élégantes et commodes , un abri qu’il était
réduit à chercher autrefois dans le creux des ro
chers ou dans la profondeur des cavernes.
( 58 )
Le bienfait des sciences, continue l’auteur , se
fait sentir non-seulement dans nos besoins particu-
Llers , mais il est encore plus remarqué dans nos
relations sociales. Les sciences ont rendu faciles les
communications entre les peuples les plus éloignés,
en traçant des routes, en nivelant des terreins, en
abaïissant des montagnes , en creusant des canaux...
C’est donc aux sciences que l’on doit l'abondance,
les richesses , les trésors que le commerce répand
dans toutes les classes de la société.
Ce n’est pas en lui procurant des richesses que
les sciences rendent l'homme heureux. Le bonheur
prend sa source dans des idées d'ordre et d’har-
monie, et ces idées c’est encore aux sciences que
nous en sommes redevables....
Après avoir rendu aux sciences l'hommage qui
leur est dû , il paie aux belles-leitres le tribut qui
leur appartient à tant de titres. Les lettres étendent
le champ de l'imagination et en développent la
puissance ; elles donnent de l'exactitude et de l'é-
pergie aux pensées, du brillant et du coloris aux
expressions; elles sont, pour tous les êtres doués
de raison, le moyen le plus puissant de commu
nication. ...
M. Biard nous présente ensuite les arts comme le
plus beau domaine de l'homme, comme le plus
riche présent qu'il ait reçu de la Divinité. L’archi-
tecture , la poësie, la musique , fixent un moment
l'attention de notre confrère.
(59)
Les arts chimiques et mécaniques, ajoute-t-il,
offrent des beautés d'un autre caractère. En péné-
trant dans les secrets de la nature, en étudiant ses
lois, en combinant les moyens qu’elle met à notre
disposition , le chimiste et le mécanicien arrivent
tous les deux , quoique par des routes diverses, au
but d'utilité que chacun d’eux s’était proposé.
M. Biard termine son discours en offrant au sa-
vant et respectable Magistrat qui préside l'Académie,
et aux membres qui la composent , l'hommage de
sa reconnaissance et de son dévouement.
Axaiyxss du Discours de réception de M. BoismAxr,
Docteur Médecin.
Notre confrère s'est proposé , dans ce discours,
de présenter à l'Académie quelques réflexions sur
l'aliénation mentale. Son but n’est point de traiter
des différents genres de folie, mais de ne consi-
dérer cette maladie que comme idiopathique ou
purement nerveuse.
La folie nerveuse est celle qui, marquée par le
trouble des fonctions de l’entendement seulement ,
et sans aucun vice organique sensible , peut être
regardée comme louvrage de l'homme, attendu
qu’elle résulte de ses mœurs et qu'il est en son
pouvoir de l’éviter.
( 60 ) e
Cette espèce de folie attaque également les deux
sexes, mais rarement avant l'âge des passions...
Son développement peut être favorisé par l'étude
des sciences abstraites, par la culture des beaux-
arts, tels que la peinture, la poésie, la musique,
et en général par toutes les causes qui peuvent
exalier l'imagination... Elle est aussi déterminée
par les excès de la table, l'abus des liqueurs for-
tes, des narcotiques , etc. Mais les travaux intel-
lectuels trop long-temps prolongés, les chagrins
profonds , les grandes passions telles qu'un amour
contrarié , la jalousie , l'ambition , l'avarice , la co-
lère , la débauche, sont les causes les plus com-
munes de la folie nerveuse , qui s’observe plus par-
ticulièrement chez les personnes douées d’une
constitution mélancolique...
Une éducation soignée, et dirigée par des parents
ou des instituteurs vertueux, paraît à l’auteur le
plus sûr moyen d’en garantir les individus , comme
la douceur lui semble devoir présider au traitement
de ceux qui en sont attaqués , sauf les cas où la
sévérité devient nécessaire pour mettre les furieux
hors d'état de nuire.
M. Boismare , après avoir félicité l'Académie de
trouver , dans le sage et vertueux Magistrat qui la
préside , le protecteur de l'humanité souffrante jus-
ques dans les asiles de la pauvreté, prie cette
Compagnie savante d'agréer l'hommage de sa ros-
(61 )
pectueuse reconnaissance pour la faveur qu’elle à,
dit-il, daigné lui accorder en l'appelant à partager
ses nobles et utiles travaux.
AxAzyss du Discours de réception de M. Boxer,
Cuissier de La Monnaie de Rouen.
Je ne me fais point illusion, dit M. Bonnet , sur
les titres qui me procurent l'avantage de siéger à
l'Académie... Ma jeunesse m’avertit que je ne dois
les honorables suffrages de cette Compagnie sa-
vante qu’au soin qu’elle prend d’exciter Pémulation
et d'encourager ceux qui se livrent à l'étude des
sciences... Je nabuserai point, continuet-il, de
l'attention qu’elle veut bien m'accorder en ce mo-
ment ; mais s’il est des bornes pour le discours,
il n’en est point pour la reconnaissance , et celle
que je dois à l'Académie aura la durée de ma vie
toute entière.
La nature, en disposant autour de l'homme tous
les éléments nécessaires à ses besoins , lui a laissé
le soin de les combiner entr'eux, de manière à en
tirer le parti le plus utile et le plus avantageux
pour son bonheur et pour celui de ses semblables.
De là l'étendue immense de la carrière ouverte à
l'industrie...
Parmi les arts qui ont occupé les premiers efforts
CG)
de l'homme, il en est un sur lequel notre confrère
demande à l'Académie la permission de fixer un
moment son attention : c'est la Métallurgie.
L'or et l'argent, par la résistance qu'ils opposent
aux causes de destruction qui agissent sur les au-
tres substances métalliques, indiquaient , pour ainsi
dire , d'eux-mêmes l'emploi que l’on pouvait en
faire pour faciliter les échanges et transmettre à
la postérité l’image des grands hommes et le sou-
venir des événements les plus remarquables. De là
l'art monétaire et la numismatique.
La science des médailles , remarque notre con-
frère , a été, de tous temps, cultivée par des per-
sonnages du premier rang, par des amateurs très-
distingués , par de graves Magistrats même qui la re-
gardaient comme la source d’une instruction aussi
agréable qu’'utile ,; ou comme un noble délas-
sement de leurs pénibles travaux... Les médailles
sont des monuments authentiques de l'histoire des
différents peuples qui ont figuré sur la scène du
monde... Elles offrent à nos resards les traits de
ces hommes appelés à gouverner les empires , et
qui se sont illustrés ou par leurs triomphes ou par
leurs vertus ; elles sont les témoins impérissables
de la gloire des nations : elles retracent le souvenir
de leur systéme politique et religieux.
Notre confrère passe ensuite à des considérations
sur Pari monétaire. Regrettant de ne pouvoir entrer
(63)
dans l'examen du nouveau systême de la France
pour les monnaies, il donne du moins un apperçu
des avantages qu’il présente, et montre le degré
de perfection porté dans les machines qui servent
à la fabrication des espèces...
M. Bonnet regarde comme un vrai bonheur pour
lui d’être admis à la communication des lumières
de l'Académie , an moment où les amis des sciences
et des lettres jouissent, sous la protection du Héros
qui nous gouverne , de la considérat'on due à leurs
utiles travaux. 1l s'applaudit de trouver , dans M. le
Président de l'Académie , un Magistrat aussi dis-
tingué par ses yertus que par ses connaissances...
Si j'ambitionne quelques succès , dit-il en termi-
nant son discours, c’est pour me rendre plus digne
de votre estime, et vous donner un témoignage plus
éclatant de ma profonde reconnaissance.
Tel est, Messieurs, l'apperçu rapide des travaux
qui ont occupé la classe des sciences pendant le
cours de l’année académique , et que je ne pouvais
mieux terminer qu’en exposant à vos regards la
perspective agréable que nous offre , pour la suite,
la réunion des eflorts de nos nouyeaux confrères à
ceux que nous n'avons jamais cessé de faire pour
nous rendre utiles à nos concitoyens et mériter de
plus en plus leur estime et leur bienveillauce.
(64 )
PRIX PROPOSÉ POUR 181.
L'Académie avait proposé , l'année dernière , pour
sujet de prix , la question suivante :
» La Phthisie pulmonaire est-elle plus fréquente de
» nos jours qu’elle ne l'était autrefois ? Dans le cas
» de l'affirmative , toutes les espèces de Phthisies
» pulmonaires ou quelques-unes seulement sont-elles
» devenues plus fréquentes , et par quelles causes ?
n Quels sont , s’il en existe , les moyens d’anéantir
» ces causes ? «.
Quatre mémoires ont été envoyés au concours.
Sur le rapport de ses commissaires , l'Académie a
jugé que le mémoire enregistré sous le numéro 4,
et portant pour devise : Persons who are , etc. , mé-
ritait le prix. Le billet cacheté joint à ce mémoire,
ayant été ouvert , en présence de l'assemblée, M. le
vice-président a lu le nom de M. J.-F. Hernandez,
docteur en médecine , et professeur de l'école de
médecine de la marine , à Toulon , auquel il a été
arrêté que la médaille d’or , de la valeur de 5oofr. ,
serait envoyée.
L'Académie s’est félicitée de trouver dans l'un
de ses membres non résidants celui qu’elle devait
couronner.
. À .
L'Académie a cru devoir accorder une mention
honorable
(65)
hororable aux mémoires enregistrés sous les numé-
ros 5 et 1 , dont le premier a pour devise cette
pensée de Sydenham : Semper enim existimavi , elc.,
et lautre , ces deux vers latins :
Circuit irquirens quem devoret horrida Phthisis :
Devorat inñiumeros ; pueri , Vigilule , paveles
“L'Académie regrette, pour l'auteur du mémoiré
enregistré sous le numéro 2 , et qui a pris pour de-
vise ces deux mots : Experientia , observatio ; qu'il
n'ait pas complètement résolu la question qu’elle
avait proposée.
L'Académie propose, pour sujet du prix à décer-
ner daus sa séance publique de 1811, la question
suivante :
» Etant donnés un volume d’eau ef sa chüte ,
» déterminer La position et les dimensions de la
» roue , soit à aubes , soit à augets, qui doit pro-
» duire le plus grand effet possible. «
L'Académie désire sur-tout que l’auteur s'occupe
de rendre facilement applicables à la pratique les
conclusions qu'il pourrait déduire de la théorie,
et principalement de l'expérience.
L'auteur aura soin de joindre à son mémoire ,
les plan, coupes et profils nécessaires,
Le prix sera une médaille d’or de la valeur de
francs, qui sera décernée dans la séarce pu
ique de 1811.
E
(66)
L'auteur mettra en tête de son mémoire une de-
vise qui sera répétée sur un billet cacheté ; où il
fera connaître son nom et sa demeure. Le billet
pe sera ouvert que dans le cas où le mémoire aura
remporté le prix.
Les académiciens résidants sont seuls exclus du
concours.
Les mémoires , écrits en français ou en latin,
devront être adressés , francs de port, à M. Vitalis,
secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe
des sciences , ayant le premier juin 1811; ce terme
sera de rigueur.
Dsériz#RATION de l’Académie concernant l’impression
P
. des Mémoires relatifs aux Sciences , qui ont été
présentés pendant le cours de l’année 1809.
Dans sa séance du 13 décembre 1809 , l'Académie,
sur le rapport de la commission nommée pour cet
objet , a délibéré qu'aucun des mémoires ne se-
rait livré en entier à l'impression.
Les motifs qui ont déterminé l’Académie , sont que
plusieurs de ces mémoires ont été publiés par les
auteurs , ou qu’ils ont été insérés dans les ouvra-
ges périodiques qui suivent le mouvement des
sciences , tels que les Annales de chimie, le Bulletin
de la Société de pharmacie de Paris , celui de
Société médicaie d’Evreux , etc.
,
TABLEAU GÉNÉRA1I dés Observations météorolos giques faites à Rouen pendant l’année 1809 ; par M. J.-B. Virazis, Professeur de Cliünie appliquéè aux Arts,
SIX PREMIERS, MOIS.
AN 1809. JANVIER. FÉVRIER MARS. AV R'ILL. MAI. TURIN
(Les principaux phénomènes sont indiqués par une apostrophe. )
oo
TE (ax imum + + + || 28 pouces o lignes o les :6 et 17. || 28 pouces 4 lignes 1 le 26. 28 pouces 4 lignes 5 le 8. 28 pouces 3 lignes 8 le 6. 28 pouces 4 lignes o le 7. 28 pouces 4 lignes 6 le 25.
AN M True 0e || 20 10 o le 8, 27 5 ole 11, 27 5 6 le 26. 27 4 o le 16, 27 7 4 le 1°, ES COR CL 6 Get
THERMOMÈTRE Maximum. : « «|| degrés o les 25, 26 et 27. 11 degrés o le 15. 12 degrés 0 le 25. 11 degrés o le 27. 20 degrés o le 14, 19 Lo dé ce 1 o le 1°,
Nas : “Minimum . - «+ .||-6 o les 1Bet 10. I 4 le 27. o o les 8, get 10. —1 o le 5. 4 o le 2. 9 o le 10,
HYGROMÈTRE } Maximum . . . || 88 degrés le 5r. go degrés le 19. d 90 degrés le 29. 90 degrés le 15, 86 degrés le 3. 86 degrés les 6 et 14.
DE gd ‘Minimum . . . .|| 65 les15,15et17. 55 le 22. 62 les 2 et 12. 50 le 12. 44 le 11, 48 le 2. s
VENTS DOMINANTS . . « +. . . . . « . . « « | 5-0., O.-S.-O., N.-E., S.-S.-O. \.= Fa A .:S.- S:-0,,-E.,-N.-E. N.-L., N., S-O. S. -E. N., S.-0:, O.
RTS (Venttempêtueux le 8 je RE Nb) SON -BE RER (Vent tempétueux les 14 et 16 ). NS ISE0; (Vent tempétueux le 5 ).
SN Ci NN he. EE RER AL LR) VE Re
JOURS DE PLUIE... . en... lu -us reel l: 23: 731025 0 10% 145019, 20), 21, 5,4,5,6,7,8,0,10,11,12,15, 5 245120, 285101 10, 110,15 04,000 10% 17: 16; ||1;2; 4, 19; 20,27: 20, 50: 4, 5, 0317305 010, El
22, 24, 26, 29, 14, 18, 20. 20, 21,22, 25, 27, 30.
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Le — —————__———.. EE | 2 ———————— oo
| Jours DE TONNERRE . . éant. | Néant. Néant. 145 17 1026: 6.
Actes de l’Académie 1809. ( page 66 bis ). ;
TABLE AU cÉNÉRAz des Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1809 ; par A.
AN
ne M de 9 Se
Maxi
BAROMÈTRE . . fHarimagn
| Minimum . 5 VE
1809.
JUUVI-L-LHE NT.
lignes o le 24.
8 le 4.
18 pouces
3
on n
: /
THERMOMÈTRE à Mencune 1) Maximum
Échelle de Réaumur, | Minimum CRU
22 degrés oo le 25,
11 o du 19 au 23 incl,
SX D E RNIVE R°S MOTS:
| 28 pouces
AOVUNE.
2 lignes 8 le 29.
7 5 le 6,
10
21 degrés
2 le 10,
o le 4,
SEPTEMBRE
28 pouces 2 lignes 1 le 16.
27 4 9 le 8.
18 degrés o les 1°° et 5.
5 o les 28, 29 et 30.
OCT OBRE.
er
28 pouces 4 lignes o le 2.
27 Il o le rr,
————_—————————
14 degrés
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HYGROMÈTRE px Saussuns.d
| Minimum
VENTS DOMINANTS. .
fMarcimun. OT
86 degrés le 9.
Jouns p8 rLuin,, , Total pour l’année 155 jours,
Totale, ie 00 jours.
JOURS DE NEIGR . . :
Néant,
Jours DE GRÊLE. . .« T1 .
Dana deudh lie, nage
UDOMÈTRE, L et grêle .
7 jours.
21 pouces 0 1, 15/16,
Jours DR GELÉE , . . Total... .... 16 jours,
a
JOURS DE BRUMK ET RROUILLARD, futal bo jours.
a ——
Jouns DK TONNERRE, oral, ,,,,,. 11 jours.
Néant,
1 pouce 10 ligne 2/16
)1
82 degrés le 7. Non observé
5 le 11, | depuisle14.
100 degrés le 20, F Non obs. pend.
70 le 28, | des 14 pr. jours.
100 degrés le 6,
66 le 1e",
Néant.
2 pouces o lignes 9/16.
|
CES OMS! |
(Fort vent le 25.) |
N.-E., S.-E., N-O.
ers PNR STE Lee
17,2, 4, 5,6,75 8°, 93 10,11, 15,173
18, 20,21,22,25,24,25',26,27,28, 50.
Néant.
Néant.
Néant,
1,15, 29,
Néant,
3 pouces 7 lignes
Néant.
Néant.
Néant,
Néant.
10, 11,12, 13, 14, 45, 16,
Néant.
J.-P. Virazts, Professeur de Chimie appliquée aux Arts.
NOVEMBRU.
2 7 |
28 pouces 5 lignes 0 le 20. 28 pouces 1 ligne o le 7.
8 le 26. 26 di 5 (ab,rem. le 17),
9 degrés 2 le 10.
o les 25 et 29,
27 4
8 degrés o le 13.
—1 o le 20. 1
92 degrés les 26 et 50.
95 degrés les 5, 6,7.
les 1,10 et 20,
70 les 5, 8, 12, 15, 16, 18,29.| 70
5.-0,, 0.-N.-0,, 0.-5.-0., N.-0:
0.-N.0., N., N-0., NE. (Vents violents les 14, 17, 18,)
19,2, 5,4,6, 7,8, 0, 10, 12, 16',17,18,
1,4,6,714,1516,17, 18,21, -
19, 20, 21, 25, 24, 25, 20, 27, 29, 504
29, 25,24), 26,
17, 19: Néant.
tp eetgegeegenngueæs, || qqn
15 , 16. Néant,
a ——_—_—_—_————_—————_—
1 pouce 10 lignes 7/16. 5 pouces y lignes 5/16.
2H: Néant,
1, 15,21,25,28, 29,50.
Néant,
(67)
RE LE S.- L'EYT.T RES,
R 2 AP) BL OCR: 07
Fait par M. Gourpix, Secrétaire perpétuel de
l’Académie, pour la classe dés Belles-Lettres.
MoORiSus LE DARtS
Quoique la classe des lettres et des beaux-arts
offre des divisions moins marquées que celle des
sciences, dont M. Vitalis, mon collègue, vient de
vous entretenir, cependant, pour mettre en quel-
que sorte plus d'ordre dans les nombreux travaux
dont j'ai à vous parler, je crois devoir en intro-
duire quelques-unes, qui, sans être rigoureuses ,
vous feront mieux convaiître les divers objets qui
ont exercé la plume de mes collègues. Par cette
méihode , l'assemblée nombreuse, choisie et éclai-
rée , qui me fait l'honneur de mécouter , pourra
porter sur nos travaux un jugement plus sûr et
mieux motivé.
Mais avant , il est de la justice comme de la re-
connaissance de l'Académie, de vous faire connaître
“quelques ouvrages qui lui ont été adressés,
E 2
C6 )
= M. Duval Sanadon avait, dès 1775, envoyé à
l'Académie des Vers sur l’origine du Prieuré des
Deux-Amants. L'auteur ayant bien voulu redonner
une nouvelle copie de sa pièce , M. Gosseaume en
a proeuré un extrait assez étendu pour qu’on y
reconnût un véritable talent et qu’on en entendit
la lecture avec le plus grand plaisir. On y retrouve,
en effet, le naturel de Chapelle , l'heureux abandon
de Chaulieu et de la Fare, et peut-être plus en-
core , la bonhomie et la touche de La Fontaine.
On croirait que ce morceau de littérature appar-
tient aux plus beaux instants du siècle de Louis
AIN:
= M. Feret nous a adressé des vers latins sur
la translation du corps du Cardinal de Joyeuse.
Cette pièce est imprimée, et le public a prononcé
sur son mérite littéraire.
— M. Angerville , conseiller de préfecture et
président de la Société libre d’émulation de cette
ville, nous a envoyé plusieurs exemplaires de l’ex-
cellent discours qu’il a prononcé à l'ouverture des
séances de cette Société.
— Nous ayons reçu de celle des sciences et arts
du département de la Loire-Inférieure , le compte
rendu de sa séance publique ;
| De l'Académie des Jeux floraux , non-seulement
l'annonce des sujets de prix qu’elle propose , mais
LA
(69 )
encore la collection des pièces qu’elle a couronnées
l'année dernière;
De Ja Société de Besancon, les détails intéressants
de sa séance publique ;
De l'Académie de Dijon, le programme des prix
qu’elle propose.
Nous regretutons bien sincèrement que les bornes
qui nous sont prescrites nous empêchent d'entrer
dans des détails sur les travaux de ces différentes
Sociétés.
= Enfin, la Société établie dans cette ville pour
le progrès du commerce et de l’industrie, nous. a
adressé deux exemplaires de lEssai sur l’origine et
les progrès de l’art de la TFeinture en France , et
particulièrement de l’urt de teindre le coton en rouge-
des-Indes, par M. Vitalis; l'Académie n’a pu qu'être
très-sensible à la justice qu'une Société aussi éclai-
rée rendait au travail de l’un de ses Secrétaires.
Passons aux travaux des membres de l'Académie.
ÉLOQUENCE.
= M, Savore Rollin , Président, n'ayant pu, à cause.
des importantes occupations d'une grande adminis-
tration , ouvrir, par un discours particulier , la
première séance de l'année académique , en a dé-
_ dommagé la Compagnie par la lecture de celaf
E 5
(ro)
qu'en sa qualité dé Préfer de ce département ; il
venait de prononcer à l'ouverture de l'examen pour
l'admission des mL V'école polytechnique.
» Messieurs , |
» Je vous ai réunis pour assister à l'ouverture des
examens qui vont avoir lieu pour l'admission des
élèves à l’école impériale polytechnique.
» Gette école, dès sa naissance, a été célèbre
dans le monde savant par l'étendue , la perfection
de son enseignement et la haute réputation des pro-
fesseurs qui y ont successivement préside. Aujour-
dhui son organisation , lutile et noble destination
de ses élèves , la protection spéciale de S. M.
l'Empereur , sous les yeux duquel elle fleurit , tous
ces titres lui assurent le premier rang parmi nas
insütutions de l'instruction publique. Jai voulu si-.
gnaler , autant qu’il est en moi, tous Ces avantages ;
jai voulu contribuer à Îles rendre sensibles aux
jeunes gens , aux pères @e famille et aux institu-
teurs : enfin, j'ai cru remplir les vues du Gouver-
mement en faisant moi-même l'ouverture de ces
examens , et en y appelant toutes les personnes
qui, par leurs fonctions ou la nature de leurs étu-
des, peuvent contribuer à l'intérêt et à la solemnité
de cette cérémonie.
» L'école polytechnique , Messieurs , n’est point
une de ces institutions telles que les capitales en
(71)
ont offert quelquefois des exemples, qui, placées
au premier rang par des priviléges plutôt que par
des services, ne répondent aux faveurs du Gou.
vernement que par des prétentions, et n’obtien-
nent jamais d'autre éclat que celui qu’elles tirent
de la protection du Souverain. La plus grande
gloire de l’école polytechnique lui est personnelle;
elle lui vient de cette nombreuse suite d'élèves qui
sont sortis de son sein. Quelques-uns ont déjà rendu
Jeurs noms célèbres dans l'Europe ; plusieurs oc-
cupent , dans leur patrie, des places éminentes,
récompense de leurs services : tous font rejaillir ;
sur l’école qui les a formés , l'honneur et la con-
sidération qu’ils se sont acquis.
» C'est même un sujet d’étonnement lorsqu'on con-
sidère la multitude d'hommes distingués dans tous
les genres, qui s'honorent du titre de ses élèves,
de réfléchir qu’elle a à peine quinze ans d'exis-
tence. Mais elle offre cela de particulier dans son
histoire, qu’elle n’a pas eu d'enfance. Née au mi-
lieu des orages politiques, ses premiers fondateurs
furent les premiers savants de la France , et ils se
servirent , pour répandre et pour perfectionner Îles
arts utiles, de toute l'énergie , de toute l'activité,
de tout l'enthousiasme qui caractérisa cette époque»
et qui, hors l'enceinte de cet asile des sciences,
était dirigé par des cœurs moins purs et vers de
moins nobles usages.
E 4
(72)
» Depuis ce moment on a vu , chaque année ;,
sortir de dessus ses bancs des essaims de jeunes
savants qui se sont répandus dans nos armées, dans
nos ports, sur nos routes et dans nos lycées. Par-
tout ils ont porté cette aptitude éclairée qui sim-
plife et perfectionne tous les objets auxquels elle
s'applique , et qui elle-même n’est qu'une conti-
nuelle application des théories de la science. C'est
là le plus grand service que pouvait rendre l'école
impériale polytechnique , de resserrer à jamais ,
par son enseignement, lesnœuds qui doivent unir
les sciences spéculatives et les arts appliqués.
» Ce fut un spectacle nouveau dans l’histoire mo-
derne des sciences , de voir des hommes dont les
noms se plagaient naturellement à la tête de l'Eu-
rope savante , descendre des hauteurs de leurs spé-
culations pour se livrer à toutes les pratiques des
arts, créer des artistes, des savants et des officiers,
partager leur temps entre les méditations , les ex-
périences et les fatigues de l’enseignement, et trans-
porter, en un mot, dans leur vie et leurs habitudes,
l'activité à laquelle, jusques-là , leur pensée seule
ayait été accoutumée.
» Cette heureuse influence s'est propagée. C’est
à elle que nous devons cette destination plus active
que l'on remarque parmi les savants qui, de nos
jours, appliquent eux - mêmes le savoir à tout ce
qui est utile, et prouvent, par des résultats, les
(73 )
avantages de l'étude à cette partie du publie qui
nent connaitra jamais les charmes et qui n’en ap-
précierait pas autrement l'utilité. On les voit dans
les carrières de l’industrie ; de l'administration , de
l'instruction publique ; ils se montrent dans les
camps , dans les ateliers, et par-tout ils joignent
à l'éclat de la science celui des services rendus à
l'Etat.
» Cet aspect du monde savant v’appartient qu'à
l'époque où nous vivons. Cette observation est une
de celles qui Jui fait le plus d'houneur.
» Je me félicite de ce que la présence ici de
M. l'Examinateur m'a fourni l’occasion d’en faire la
yemarque.
» Les jeures gens qui m'écontent et qui sont ve-
nus pour Coucourir , n’ont pas dû se dissimuler
que le titre qu’ils ambitionnent devient tous les ans
plus recherché, plus disputé , et, je dois le dire,
plus difficile à obtenir. C'est done avec cette con-
viction, jeunes élèves , que vous avez dû vous
préparer à cet examen qui fait lutter ensemble des
rivaux de toutes les parties de la Frauce. Vous serez
d'abord interrogés sur les mathématiques ; elles
forment la base de linstruction requise pour être
admis à l’école polytechnique ; elles sont l'instru-
ment nécessaire à tous ceux qui se destinent aux
services publics. L'étude des éléments aura suffi
Pour vous donner une idée des nombreuses ap-
C74)
plications que l'on peut faire de cette belle scrence >
dont les propriétés sont si universelles qu’elles
semblent participer de celles de l'étendue qu’elle
mesure.
» La géométrie aura, la première, fixé votre
attention ; elle vous aura intéressés par la variété
de ses combinaisons et l'évidence de ses découver-
tes , qui est telle que ,; quelquefois sans doute,
vous vous serez étonnés de ne les avoir pas faites
vous-mêmes sans le secours de la science. En effet
tout ce qu'elle vous a révélé était en vous. Nous
raissons tons géomètres. Ceux qui obtiennent ce
titre n’ont d'autre avantage que d’avoir exercé leur
esprit à reconnaître et rassembler toutes les notions
que nous possédons sur l'étendue. Mais le génie
qui guide dans les démonstrations appartient tout
entier à la science. Vous aurez remarqué cette sine
gularité que la géométrie , cette science des corps,
opère continuellement sur des abstractions ; elle
assemble , elle divise, elle combine des idéalités,
et la nature physique , qui est passive , semble
obéir à ses calculs , tant l'application de ses dé-
couvertes est rigoureuse. C’est cet esprit d’abstrac-
tion par excellence qui faisait dire à Pascal que
toute la puissance de l’esprit se montrait dans la
première page d’un livre de géométrie. C'est sans
doute aussi dans ce sens qu’il faut entendre ce
qu'on nous raconte de l’euthousiasme de cet ancien,
RS cé ce ones, ot tente tnt ne ut nt
ÉeL - Eee se
EE D
| 4
(75)
à la vue de quelques figures géométriques tracées
sur le rivage d'une île étrangère.
’ «
» Vous avez oui parler, jeunes élèves, de l’en-
thousiasme de cet autre géomètre , qui, pour sou-
lever le globe entier, ne demandait qu’un point
d'appui. La partie de la statique que vous avez
yue jusqu'à ce jour, a suffi pour vous expliquer la
pensée de ce philosophe. Cette étude vous servira
d'introduction à celle de la mécanique, et vous
marcherez de prodiges en prodiges.
» Une autre branche des mathématiques, qui fut
Jong-temps inconnue , long-temps aride et négligée,
et qui, dans le siècle dernier , sembla recevoir
une. nouvelle création , tant ses procédés furent
simplifiés et ses applications mulipliées , l'algèbre
a dû aussi faire partie de vos études. L’algèbre,
cet appui de l'esprit de recherches , a doublé ses
forces dans toutes les carrières où elle l'a guidé,
Aussi, aujourd'hui, toutes les barrières sont-elles
tombées deyant elle. 11 n'est pas une branche des
mathématiques qui n’ait reça son application , et
elles se sont toutes agrandies par ses calculs. Elle
a prêté ses formules et sa rigoureuse exactitude
aux sciences physiques. Depuis ce moment elles
ne s’égarent plus. La subtile métaphysique elle-
même à souvent emprunté son langage et son ap-
pui. Heureuse si ses débiles mains lui permettaient
de porter ce fil à travers tous les dédales où elle
s'engage !
- (76)
» L'algébre est remarquable par l'étendue de ses
recherches ; elle ne l’est pas moins par les procédés
qu’elle emploie ; vous avez pénétré dans l'esprit de
ces équations algébriques qui n’offrent à la pensée
que des traductions diverses d’un même énoncé ,
et dont la dernière cependant contient la solution
cherchée. La première fois que vouslesemployâtes,
vous dûtes être surpris de la puissance de la science ,
en la voyant s'emparer de l'inconnue , la traiter
comme une quantité positive , la soumettre à ses
opérations , et, après des combinaisons plus ou moins
longues , la forcer de se révéler elle-même. Vos
jeuues imaginations ne se rappelaient-elles pas alors
ce géant de la fable qui , vaincu, atterré , n’avouait
son nom et sa nature qu'après avoir pris mille
formes diverses pour échapper à son vainqueur ?
» J'aime à vous parler , jeunes élèves , la langue
de vos études ; j'aime à parer mes discours des cou-
leurs de l'antiquité : elles plaisent à la jeunesse ;
elles sont brillantes cemme les pensées Ge cet âge.
Vous n’y êtes point étrangers , puisque Îles belles-
lettres ont dà faire partie de vos études ; elles auront
eu de l'attrait pour vous. Les jeunes mathématiciens
comptentordinairement pour des heures de récréation
Je temps qu'ils leur consacrent. Ah ! conservez toute
votre vie le goût des lettres , ce goût de toutes les
jouissances de l'esprit, et, puisque la langue de Ci-
céron doit vous être familière , apprenez par cœur
l'éloge qu'il en fait, 11 a révélé la pensée de tous
7702
ceux qui, dans tous les siècles. et dans tous Îes
pays , les ont cultivées et leur ont dû les moments
les plus heureux de leur vie.
» Je ne vous parle pas de l'obligation où vous étes
d'écrire correctement la langue francaise ; il est si
honteux d'ignorer sa propre langue que je vous
fcrais injure en regardant comme une difficulté l'exai
men que vous devez subir à ce sujet.
» Le dessin, qui est une extension du langage ou
au moins un supplément à l'art de peindre la pensée,
le dessin fait encore partie des études de Pécole poly-
technique. Son étude est utile et peut-être trop né-
gligée dans toutes les conditions de la société ; elle
est indispensable et exigée dans eelle que vous
embrassez.
» Voilà, jeunes élèves , le cercle danslequel seron A
renfermés les examens que vous allez subir, Il est
vraisemblable que , dans le nombre de ceux qui
se présentent cette année au concours , tous ne
seront pas admis. Que ceux à qui la palme aura
été refusée ne voient dans cette circonstance qu’une
raison pour redoubler de travail afin de se pré-
senter avec plus d'avantage aux examens de l’année
prochaine!
» Ceux qui auront mérité le suffrage de M. l’Exa-
minateur , auront la perspective prochaine d'entrer
au service de létat. Cette nouvelle destination leur
imposera de nouveaux devoirs , et doit appeler leur
attention sur des objets plus sérieux que ceux qui
(78)
les ont occupés jusqu'à ce jour. Qu'ils ne peruen
jamais de vue que , dans la carrière où ils sont près
d'entrer , et sous le règne du grand Prince qui nous
gouverne , il n’est qu'un moyen de s'avancer ,
“ {
qu'une seule voie ouverte à l'ambition , c’est celle |
de l'honneur, de la probité , des bons et loyaux
services. Toute autre route égare et perd ceux qui
la suivent. Que cette vérité soit la règle constante
de vos actions. Jeunes gens , si dans le monde
vous entendiez d'autres maximes ; si l’on vous citait
des succès obtenus par lPintrigue , ou des services
restés sans récompense , méfiez-vous de ces exem-
ples, méfiez-vous même de ceux qui les débitent.
Se montrer morose et frondeur à l'époque où nous!
vivons, c’est perdre tout crédit auprès des ames
généreuses et des cœurs sensibles à la gloire.
» Sans sortir de l’enceinte de l’école où vous allez#
habiter, vous trouverez dans celui qui la gouverne, À
et vous aurez continuellement sous les yeux un
exemple de la considération personnelle , de la for-A
tune et des dignités qui peuvent devenir la récom
pense d’une vie toujours pure , toujours active ets
toute consumée dans d’utiles travaux. Cet exempie”
vivant parlera pius haut que mes discours , et je
m'en félicite.
» Préparez-vous donc avec ardeur à votre nouvel
état ; soyez toujours fidèles à l'honneur, et prospérezh
sous le règne du grand Narozson : c'est la plus!
VRAE.?
noble ambition qui puisse faire battre vos jeunes
Cœurs.
= M./labbé Baston , vice-président , invité par
l'Académie de faire le discours de clôture du même
examen, s’en est acquitté de la manière suivante :
» Messieurs ,
» Dire que l’honneur alimente les sciences et les
arts , c'est énoncer une vérité bien commune, mais
bien féconde et bien prouvée. Le premier qui la
fit entendre , donna une importante Jlecon à ceux
qui gouvernent les hommes. 1] leur révéla le moyen
le plus sûr , et en même-temps le moins dispen-
dieux, de diriger vers les grandes découvertes ,
le génie impatient et comme tourmenté du besoin
de se frayer une route nouvelle ; il leur apprit lu-
nique mais infaillible méthode pour conduire gra-
duellement à la perfection et la science dont les
éléments seraient à peine connus, et l'art qui ne
serait encore qu’ébauché.
» Ayant que l'honneur parle aux savants etaux ar-
istes, l'intérêt seul les guide , et il west pas au
ouvoir de lintérét de produire de grandes choses.
le doute même que son caractère lui permit d'y
ispirer. Cet agent.ne manque point d’activité , sans
loute ; mais s'il fait des pas à la suite du profit,
s'il y court ayec un ardeur souvent trop vive , Il
s'arrête vaturellement dès qu'il Pa obtenu. Aucun
(So)
motif ne lui reste pour aller au-delà. Les clans créa=
teurs ne sortiront jamais d'un sentiment qui calcule
et qui rampe. Réservés à amour de la gloire , ils
ont leur source dans l'honneur,
L
» L'honneur ne se contente pas de hâter l'exis-
tence et la perfection des sciences et des arts ; il
travaille encore, avec une constance opiniâtre et des
succès qui la justifient , je ne dirai pas à leur” con-
servalion ; parce que je dirais trop peu , mais à
leur propagation , à leur multiplication: Semblable
à un cultivateur économe et habile, il en place les
boutures dans toutes les ames qui y sont propres ,
et veille à ce qu'elles ne s'ÿ dessèchent pas. Souvent
il les voit s'améliorer dans le nouveau terrein qu’il
a choisi pour interroger l'expérience.
» Bientôt disparaissent de la surface de fout un
empire , les ronces de l'ignorance , du tâtonnement,
des procédés inexacts et des fausses théories. Suc-
cèdent à leur place des connaissances vastes et pro-
fondes ; des principes inébranlables , sur lesquels
on ue craint plus de bâtir; une marche ferme et
assurée qui va droit à la vérité ; des méthodes pré-
cieuses par leur simplicité, leur précision ; des sys-
têmes , un ensemble , où tout est lié | où tout se
correspond , dont les parties, disposées dans un
ordre symméirique et naturel , ne présentent plus, :
comme autrefois , uu labyrinthe, immense , dans
lequel cenx qui cherchent le vrai par instinct,
erraient
|
|
$ C&r)
erraient à l'aventure , égarés à chaque pas par les
hachures et les sinuosités des routes dont il était
formé ; mais offrent un portique spacieux et pro-
longé , brillant de tous les feux du savoir et de
l'intelligence , et par lequel , d'arcade en arcade ,
on tend au but qu’on se propose , avec la certitude
d'y arriver.
» Un écrivain célèbre , dont je voudrais n'avoir à
citer que des morceaux vrais et décents , a dit » que
n l'éloquence est née avant les règles de la rhéto-
» rique , comme les langues se sont formées avant
» la grammaire. « C'est ainsi, Messieurs , que les
arts ont commencé d’être , lorsque les sciences
n'étaient pas encore. Mais de même que l'éloquence,
sortie du berceau , combinant quelques idées ,
hasardant des expressions neuves, fortes et entrai-
nantes y produisit, créa insensiblement les règles ,
dont elle reçut à son tour le poli des grâces , la
force et la vehémence de l’élocution , tous les effets
d’une disposition sage ou hardie : de même encore
qu'une langue bornée d'abord à quelques sons de
première nécessité , fit, sans s'en appercevoir , des
efforts pour s'adoucir , se soustraire à l'indigence ,
sema , pour ainsi dire , les régles du discours,
qui , écloses , se fortifièrent par Pobservation , se
perfectionnèrent par la critique , se fixèrent par
l'usage , et donnèrent à la langue , leur mère ,
du nombre et de la fluidité , du nerf et de le-
Jégance , sur-tout de la netteté , de la clarté , et
EF
C8: )
toutes ces autres richesses grammaticales qui cot#i4
posent son trésor : de même aussi les arts , par
les nombreuses imperfections de leur premier âge ;
appelèrent à la vie les sciences qui leur rendirent
au ceutuple ce bienfait, et surent en former des
frères dignes d'elles et de leurs soins. Mais , sans
l'honneur , saus ses illusions salutaires , sans le
secours de ce prestige enchanteur qu’il répand autour
de luï, et dont les ondulations vont chercher au loin
les ames froides pour les échaufer , les ames lentes
et paresseuses pour les aiguillonner, les ames égoïstes
pour les attacher à leurs semblables et à l'ordre
général : les arts n’auraient jamais dépassé les bornes
de la médiocrité , les sciences seraient presque
toujours et presque toutes descéndues dans le tom-
beau de leurs inventeurs , pour ressusciter peut-
être , mais pour mourir de méme à différentes épo-
qués , Où quelques hommes extraordinaires, épars
ca et là, auraient, par les jets d’une lumière in-
termittente , brillé dans la nuit des siècles et ramené
l'obscurité en disparaissant.
» Que l'honneur s'asseye à côté du savant et de
l'artiste ; qu'il les encourage , leur montre la cou-
ronne qui ceindra leurs têtes aussitôt qu'ils l'au-
ront méritée , et tout s'anime et se perpétue ,
tout se développe ; Ja carrière s'étend et les pas
s’agrandissent. La génération qui suit prend les
sciences et les arts au point où la génération pré-
€s5)
£édente les avait laissés , et en livre le dépôt ,
avec des accroissements ; à une troisième génera-
tion ,; qui fera pour un autre ce qu’on à fait
pour elle. Les augmentations pourront n'être pas
rapides. On séra sensiblement demain ce qu’on
était hier : mais , après un laps d'années plus ou
moins long , on aura une prodigieuse multitude
de changements successifs , dont chacun n'introduit
aucune variété apparente , dont la collection laisse
À peine subsistér quelque ressemblance.
» Cet honneur dont je parle , Messieurs , cet
honneur si puissant sur une ame ardente et fran-
çaise, n’opère pas immédiatement et par lui-même
toutes les merveilles que je viens de décrire. Comme
les autres souverains , il a des ministres qui tra-
yaillent sous ses ordres et lui rapportent leurs succés.
Il en est un ; le seul dont il me convienre de
vous entretenir en ce moment , Messieurs , l’hon-
neur lui confie spécialement la jeunesse , portion
précieuse de son empire , l'objet et le fondement
de ses espérances pour l'avenir : c'est l'émulation.
» Ne balançons pas à le croire: l'émulation est
une vertu ; et , parmi les vertus utiles , ‘on en
compterait peu qui eussent droit d'être placées avant
-elle. Ne la confondons pas avec la rivalité qui ap-
partient à l'ambition et qui peut rarement se dé-
Æfendre,d'être un défaut. Repoussons encore plus
oin de nons la pensée de rabaisser l'émulation au
F 2
C8)
niveau de l'envie , ou d’établir entr’elles quelques
rapports de liaison et d'intimité.
» On attribue à un des plus célèbres philosophes
de l'antiquité d’avoir dit que l'envie est fille de l’é-
mulation. Je doute que ce mot soit jamais sorti de
la bouche d'un homme auquel ses contemporains
donnèrent le surnom de divin, que la postérité lui
a conservé. Mais eût-il une origine aussi distinguée,
nous devrions, par égard pour l'illustre grec , sup-
poser qu’il sommeillait quand il le prononça. Le
vice peut venir après la vertu , usurper son rang ;
mais il est impossible qu'il naisse d'elle. On ne voit
point de ces enfantements monstrueux dans l’ordre
moral. Si vous apperceviez un vice qui semblât avoir
été formé au sein d’une vertu , concluez-en que cette
malheureuse mère , à l'instant qu’elle conçut son
indigne fils, n'avait plus d’une vertu que l'apparence.
» Je ne blâme guère moins que le mot de Platon,
le doute d’un philosophe moderne qui, ayant traité
l'envie de passion honteuse , se permet d'ajouter : :
» Peut-être l'émulation n'est-elle qu'une envie qui
» se tient dans les bornes de la décence «, Ce ju-
gement est un arrêt de mort contre lémulation ,
et la teinte d'incertitude qui l'accompagne , n’empêé-
cherait pas qu'il ne fût exécuté. Quelle ame hon- #
néte oserait s'abandonner aux mouvements de l'é- M
mulation , gai est peut-être une passion hongeuse, et |
qui ne diffère de l'envie sans pudeur , que parce .
PAUL 8)
qu’elle se couvre d'un masque décent , mais hypos
crite |
"
» Loin de nous, Messieurs , toutes ces pensées,
tous ces soupçons défavorables à l’émulation. La ri-
valité travaille k écarter un concurrent pour obte-
mir la place que plusieurs ambitionnent et qu'un
seul peut avoir ; l'envie s'applique à flétrir le meé-
rite qu’elle désespère d’égaler : l'émulation ne songe
à nuire à personne , et personne ne lui fait om-
brage. 11 est dans ses principes , il tient à sa na-
ture , que qui mérite le plus soit le mieux traité.
Une place qu'on lui donne , une récompense qu’elle
reçoit , une marque de distinction dont on la dé-
. core , ne la flatteraïent point , si la main distributrice
wavait pas été juste. Il lui sera toujours plus agréa-
ble d’avoir mérité sans obtenir , que d'avoir obteru
sans mériter. A-telle devant les yeux un objet qui
la surpasse en grandeur , en talent ? Cetie vue l'en-
flamme ; elle tend toutes ses facultés et s’eflorce
d'atteindre à la grandeur , au talent qw’elie admire ,
‘qui la rend mécontente d’elle-même ; et quaud eile
y touche, le désir d'aller plus loin se fait sentir ,
et elle y cède. Mais il est au-dessous d'elle d'em-
barrasser la marche de celui qui fat san modèle ;
et si , regardant derrière soi, elle le voit multiplier
ses efforts pour reconquérir la supériorité qu'il a
perdue , elle applaudit et redouble les siens pour
de copserver.
« 86»
» La conséquence des principes que j'ai posés me
paraît être que l'instruction de la jeunesse fleurira
toujours dans la proportion de l'émulation qu’on
saura exciter et entretenir au milieu d'élle: que ,
par lPémulation , on tirera de chaque esprit tout ce
qu’il est capable de produire : que l'émulation four-
nira un moyen ordinairement sûr de connaître,
peu après le début , ce qu’on peut attendre d’un
élève , sa portée , la moisson qu’il est raisonnable
d'espérer de cette terre vierge, en la defrichant : de
sorte qu’il ne faudra plus user plusieurs années d'un
temps précieux , employées à des études pour les-
quelles l’aptitude du sujet est un problème que
l'épreuve ne résout que très-tard quand l’émulation
n’y est pas jointe.
» De là l'avantage de l'éducation publique sur l’é-
ducation solitaire et privée : de là l'avantage de ras-
sembler un grand nombre d'élèves , travaillant en-
Semble , s’observant et se jugeant les uns les autres
par comparaison , s’encourageant par l'exemple ,
faisant servir l'amour-propre à quelque chose de
bon , et transformant ainsi un défaut moral en une
qualité physiquement utile. Des esprits dans leur
première verdeur ressemblent (si j'ose le dire) , à
ces bois pleins de sève que la cognée vient d'abattre :
on ne les enflamme qu’en les amoncelant.
- » Le Gouvernement l'a bien senti; de toutes parts
il appelle l'émulation au secours de ses établisse”
}
(87) ;
ments ; il lui recommande toutes $es institutions ;
il les met , en quelque sorte , sous sa protection.
» Pour nous convaincre du haut prix que Sa
Majesté l'Empereur et Roi attache à l'éemulation ,
ministre de l'honneur auprès de la jeunesse qui se
dévoue à la culture des sciences et des arts, il ne
faudrait que limportante acuüon qui m'appelle à
parler devant vous ,; MEssiEURS. Un examen solem-
nel qu'ouvre, par l'ordre et au nom du Prince ,
un Magistrat plus distingué encore par ses talents
que par sa place, et moins recommandable par la fa-
cilité qu'il a de faire le bn que par Pinclination
paturelle qui l'y porte..... Un examen que ferme
une Compagnie savante , à laquelle on ne repro-
chera pas le choix de son organe , si la bonne
volonté , le zèle du bien public , l'intérêt le plus
vif et le plus vrai pour ses jeunes compairioles »
peuvent suppléer léloquence qu'il n'a prs-.....
Un examen auquel sont invités les chefs et tous
les membres éclairés d'une grande cité , tous les
maîtres et tous les disciples. .... Un examen confié
à un homme rare par létendue-et la variété de
ses connaissances ; plus rare encore par sa rigou-
reuse équité , sa scrupuleuse impartialite , sur-tout
extrémement rare par cette bonté touchante avec
Jaquelle il rassure la timidité , aide une mémoire
vacillante , demande des développements et les in-
dique , interroge la réflexion , le jugement : plus
jaloux de découvrir de quoi l'on est capable qua
F 4
x (58) L AO
ce qu’on a déjà fait , et riche de tous les moyens :
nécessaires à ce discernement , réservé par la na-
ture aux hommes supérieurs..... Enfin, un exa-
men qui doit introduire dans la première école de
l'empire français , ceux des élèves qui auront le
plus glorieusement subi cette épreuve : leur donner
de nouveaux émules , recueillis comme eux dans
tous les départements de notre France , vainqueurs
comme eux des compagnons de leurs premières
études , et à ce titre incomparablement plus for-
midables , plus difficiles à égaler, à surpasser , que
les athlètes que jusqu’à présent dls ont eu à com-
battre..... Ou l’émulation est une chimère , un
vain nom , ou les principes s’en trouvent dans la
réunion de tant de circonstances propres à la faire
naître et à l’entretenir..... Ou une ame est abso-
lument inaccessible à ce beau feu qui vivifie , épure,
agrandit les facultés intellectuelles , ou tant d’é-
uucelles génératrices , se combinant , se confondant
ensemble , l'y allumeront, l'y nourriront , et chaque
jour en augmenteront l'activité.
» Vous, que le Souverain, sur le témoignage
qui lui sera rendu et de ce que vous êtes et de
ce que vous pouyez devenir , séparera de vos
égaux, pour vous introduire dans une nouvelle et
plus laborieuse carrière , vous l’éprouverez. Oui,
acceptez-en l’augure , vous éprouverez qu’il est
impossible de recevoir les leçons des premiers mai-
(89) |
tres de l'Europe , et de ne pas brûler du désir
de n’en rien perdre : impossible d’être environné
de travailleurs infatigables , et de ne pas regarder
l'oisiveté comme une maladie , la perte du temps
comme un opprobre : impossible de voir une foule
de condisciples, déposés comme vous au pied de ia
montagne vers le sommet de laquelle la science et
l'honneur vous attendent, monter avec vitesse , gravir
courageusement ; braver et vaincre toutes les diffi-
cultés ; et de ne pas céder à lindomptable senti-
ment qui ordonre non-seulement de les suivre ,
mais encore de les précéder. Eu produisant de pa-
reils effets , l'émulation ne fera point un prodige ;
le prodige serait , au contraire , qu’elle ne les pro-
duisit pas.
» Vous remplirez donc honorablement votre des-
tinée. Votre patrie s’enorgueillira de vous compter
au nombre de ses enfants. Le bruit de vos succès
viendra tempérer la douleur de vos mères , qui
auront versé des larmes sur votre départ, qui en
verseront encore sur votre absence : et vos pères,
aussi aimants , mais moins sensibles , se réjouirout
d’entrevoir qu'au moment où ils quitteront la scèue
de la vie , leur rôle passera en de bonnes maïus.
» Cependant les années d'étude s'écouleront , et
avec rapidité. Le temps n’est long que pour ceux
qui le perdent. Bientôt arrivera le moment des re-
tcompenses, et, à la satisfaction de vous en étre
Ego }
rendus dignes, se joindra celle de les recevoir d’un
Prince qui commença sa glorieuse carrière par en
mériter de semblables.
» Que le talent qu'il aura déposé entre vos mains,
profite à l'empire frangais , il est content , il n’en
demande pas davantage. Mais votre cœur , plus
exigeant que lui, vous commandera de porter assi-
duement aux pieds du trône le tribut de votre
fidélité, de votre reconnaissance, Il vous le comman-
dera , et vous obéirez ; et la douceur qui accompa-
gnera l’obéissance vous sera un sûr garant que vous
aurez fait un acte de vertu. «
= M. D'Ornay , académicien résidant, a examiné:
cette question : » Quelles sont les vertus qui honorent
le plus l’espèce humaine ?
» À la lecture de cette belle question, dit notre
collègue , je me suis arrêté comme par inspiration ;
un sentiment sublime et doux s'est aussitôt emparé
de moi. J'éprouvais déjà une sorte de bonheur dif-
ficile à exprimer, mais délicieux à éprouver ; je
men demandais la raison , elle se présentait d’elle-
même ;, j'allais parler de vertus.
» La vertu est un mot abstrait et métaphysique
que l’on prononce fréquemment , et toujours avec
un plaisir mélé de respect ; mais dont peu de per-
sonnes se font une idée exacte , parce qw'il échappe
à la définition.
» Il en est de la vertu proprement dite ,; comme
Co)
de la Divinité, dont elle est , au surplus, une des
plus belles émanations.
» Au seul nom de Dieu , chacun se prosterne ;
mais personne n’a pu encore se faire une idée juste,
ni donner une définition exacte de cet Etre des
Êtres, L'immeusité sans bornes, la toute-puissance ,
Ja préscience indéfinie, la justice , la bonté dans
leur plus grande étendue , sont bien certainement
ses attributs principaux , mais ne sont pas l'Étre
suprême : le mot é/re n’est pas même le mot pro-
pre , mais nous n’en avons pas d’autres.
» Il en est à-peu-près de même de celui vertu;
ce qu’on peut dire de mieux à cet égard, c’est que
la vertu, prise dans sa plus grande acception , est la
réunion , le concours , l'ensemble de toutes les
WDETÉUS nus reure
» Le domaine des vertus , heureusement , est
très-étendu ; leur nomenclature est aussi ample
qu'elle est intéressante; mais, par uue fatalité sin-
gulière , chaque vertu a un vicè ‘qui lui est opposé,
et qui , trop souvent , remporte la victoire dans le
combat conuinuel que l'homme a à soutenir contre
les passions.............
» En sorte que l’homme paraît destiné à faire le
voyage de la vie sur un sentier glissant , ayant
d'un côté l'empire des vertus , et de l'autre celui
des vices , avec cette différence importante que
des approches du sol occupé par les vertus sont
| Cg2) |
souvent âpres et difficiles, et que celles des vices
sont parsemées de fleurs séduisantes ; maïs ces fleurs
sont trompeuses et cachent des pièges perfides dont
il m'est presque plus possible de se débarrasser
quand une fois on a eu le malheur d'y tomber.
» Pour le diriger dans cette route périlleuse , l'hom-.
me a reçu du ciel deux guides sûrs et fidèles; l’un
est la raison et son flambeau ; l'autre est l’intérét
personnel , le plus puissant de tous les agents.
» La raïson nous aide à dissiper les nuages qui,
trop souvent , nous cachent la vérité et la vertu, et
nous en fait appercevoir tous les charmes et toute
Ja sublimité. L’intérét personnel, quand il est bien di-
rigé , nous conduit avec certitude au temple du
bonheur.
» En effet, il n’est pas diffcile de prouver à l'hom-
me le plus adonné à ses passions, que son intérêt
personnel , son bien-être, sa félicité solide et dura-
ble, lui dictent impérativement d’être bon , juste
et bienfaisant...........
» Je voudrais, en conséquence , que ce véhicule
ardent , ce principe tout-puissant de l'intérêt person-
nel, habilement dirigé , servit de base à l'éduca-
üon publique et particulière ; que dès l'âge le plus
tendre on le mit continuellement sous les yeux des
jeunes gens, quels que soient leur sexe , leur état et
leur destination ; que, dans toutes les occasions, on
leur fit sentir qu'il est de leur intérêt comme de
C95)
eur devoir , d’être bons, justes et bienfaisants , de
pratiquer sans cesse les vertus sociales, les vertus
morales , les vertus sublimes qui font la gloire et
la récompense de ceux qui les exercent.
» S'agit-il de corriger un jeune élève de l'orgueil,
de la colère , de la vengeance , vices ordinaires de
l'enfance , et qu'il est si important de ne pas laisser
prendre racine dans le cœur humain ? Qu'on lui
mette sous les yeux l'indignation , le mépris , la
punition qu'il mériterait de leur part s'il en était
l'objet.
» Si cela ne les corrige pas , les punitions les plus
rudes et les plus humiliantes n'auront certainement
pas plus d'effet ; et la plus mauvaise des corrections
est celle qui humilie et qui dégrade l’homme.
Ce que je propose , au contraire , agrandit l'ame,
* élève l'homme au-dessus de lui-méme et le dispose
au dévouement et à l'héroïisme.
» S'agit-il, au lieu de corriger d'un vice capital de
faire faire une bonne action ? Qu'on mette toujours
en jeu cet intérêt personnel purifié et amélioré , qu’on
fasse bien sentir la gloire et même le bénéfice qui en
résultera , la belle réputation qu'on acquerra parmi
ses semblables , et combien il serait satisfaisant pour
soi que ces actes magnanimes s'exerçassent à notre
égard , sans doute alors on se sentira pressé du doux
besoin de les pratiquer envers les autres...........
» De tout ce qui précède, il résulte cette vérité im-
‘
C94)
portante ; que la pratique des vertus ; nôn-seule+
ment honore l'espèce humaine , mais lui est infi-
niment profitable. «
» L'empire des vertus une fois établi comme base
du bonheur public, ainsi que du bonheur indivi-
duel , il ne s’agit plus que de choïsir et d'indiquer
celles qui honorentle plus notre espèce , et, à coup-
sûr , ce seront celles qui lui seront le plus utiles.
» Sans doute il est heureux d’avoir à parcourir
le cercle brillant des plus sublimes facultés de notre
ame , et d'y porter la joie et la félicité parfaites ,
en prenant pour principe fondamental l'intérêt
même de celui qui se livre sans réserve à leur douce
impulsion.
» Il est des vertus brillantes et majestueuses , qui
laissent après elles de longs et de grands souvenirs.
» Telles sont : la bravoure dans les combats livrés
pour une belle cause , la générosité envers les eñre-
mis terrassés , la magnanimité dans le bon usage de
la victoire , le pardon généreux des grandes offenses.
» Mais ces vertus sublimes ne sont pas à la portée
de tous ; l'occasion de les manifester est même assez
rare.
» Il est des vertus moins éclatantes, accessibles à
un plus grand nombre : le dévouement à la chose
publique ; le sacrifice généreux de son temps , de
toutes les facultés de son être , de sa vie même,
pour le bien de ia patrie.
C95)
_»Ces vertus ne sont encore le partage que d'un
petit nombre de personnes assez heureuses pour
être à portée de lui offrir de pareils sacrifices. .
» Ici, MESstEURS , je n'arrête, je vois que je com-
mets une erreur. Non , la pratique des vertus,
même les plus élevées , n’est point le partage exclu-
sif: de certaines classes privilégiées , de quelques
êtres favorisés par les évènements.
» Celui qui , dans le silence , souvent même dans
l'obscurité , se voue au soulagement des misères
humaines ; celui qui , par des bienfaits cachés ,
ou connus seulement de celui qui en est l'objet,
lui assure l'existence , l'honneur et la liberté, sans
doute , tous ces hommes vénérables doivent être elas-
sés parmi les êtres heureux qui honorent l'huma-
nité par leurs vertus...........
» Toutes les vertus sont donc , à peu de chose près,
également utiles et recommandables. Mais veut-on
absolument déterminer quelles sont celles qui em-
bellissent , qui distinguent , qui honorent le plus
l'espèce humaine? Je ne balance pas à dire que ces
vertus sont le courage, la justice , la bienfaisance.
» Veut-on des exemples de cette force d'ame qui
élève l'homme au-dessus de Ini-même , et le fait af-
fronter les dangers et la mort même pour le salut
public ?
n De cet amonr de ses devoirs qui dédaigne
(96)
les craintes , les périls , les faiblesses humaines
quand il s'agit d’être juste ?
» De cette sainte humanité, de cette douce bien-
faisance qui répand tant de charmes dans les cœurs
qui se livrent à son heureuse impulsion ?
» L'histoire ( que le ciel en soit loné ! }) en fournit
un grand nombre. Qu'il me soit permis d’en citer
quelques-uns que je puiserai dans les annales ancien-
res, et, par préférence , dans celles de notre propre
nation.
» Un gouffre épouvantable s'ouvre au milieu de
Rome ; l’oracle a dit qu'il ne se fermera que quand
on aura jeité dedans ce que la patrie a de plus pré-
cieux. Curtius , persuadé que la patrie n’a rien de
plus précieux qu'un bon citoyen , s’élance , tout
armé , dans l’abime embrasé, Voilà l'enthousiasme
du courage porté au plus haut point d’exaltation
où l'homme puisse atteindre.
» Un père infortuné est condamné à périr de be-
soin au fond d'un noir cachot. Une fille tendre et
reconnaissante y penètre et l’alimente de son lait ;
voilà l'amour filial dans toute sa pureté , dans toute
son énergie.
» Le tyran de Syracuse, condamne à la mort Da-
mon, excellent citoyen, dont là vertu lui portait om-
brage ; celui-ci demande quelques jours pour aller
mettre ordre à ses affaires. Denis y consent à la
caution
(97)
cantion de Pythias , qui s'offre de payer de sa tête
si son ami ne revient point. «
» Le jour fatal arrive , le clepsydre va marquer
l'heure du supplice. Damon ne revient point : Pythias
se présente pour subir la mort à sa place ; le bour-
reau a le bras levé.... Arrête ! arrête ! s’écrie de
loin Damon , qui accourt en grande hâte....4«
» O douce et puissante amitié, voilà de tes prodi-
ges ! on pourrait dire méme que ce combat de gé-
nérosité outre-passe les bornes de l'humanité , si
quelque chose était impossible au plus beau des
sentiments qu’elle puisse éprouver. «
» Un archer ennemi dirige son arc contre le Roi
(Philippe-Auguste). D'Esting n'a que le temps de se
placer devant lui. Il reçoit le trait et meurt; mais
il a sauvé son Roi. Quel magnifique exemple de
dévouement à la personne de son prince ! «
» Louis XIV , le plus absolu de nos Rois, celui à
qui on craignait le plus de déplaire , et qu’on osait
le moins contrarier , avait accordé des lettres de
grace pour un crime vil et atroce, qui n'en était
pas digne ; il les adresse au Chancelier Voisin pour
les sceller; il s'y refuse. Un nouveau message le
Jui ordonne impérativement ; le Chancelier , ne con-
sultant que son devoir et sa conscience, refuse de
nouveau. Le Roi le mande à Versailles et lui enjoint
d'apporter les sceaux ; il ordonne en personne à ce
G
M.Perriers,
connu par
ses grands ta-
lents dans la
partie hy-
draulique.
(98)
premier magistrat d’obéir à sa volonté expresse ; il
résiste. Le Roi avec vivacité , prend les sceaux , scelle
lui-même les lettres de grace et remet les sceaux à
son Chancelier : je ne les reprends pas , Sire Sr
sont pollués. Le Roi outré, mais d'une belle et sainte
colère , prend les lettres de grâçe , les déchire et les
livre aux flammes : maintenant je les reprends, dit
le Chancelier avec gravité ; le feu purifie tout. Le
Roi sort en prononçant ces paroles remarquables :
quel homme ! quel homme ! «
» C'était un homme , en effet, et , certes un bien
grand homme. Voilà l'amour de la justice et de son
devoir bien énergiquement prononcé. «
» Un citoyen recommandable par ses convaissances
utiles et par ses vertus sociales , tombe dans la Seine
au port de Rouen. Un particulier s'élance dans l’eau
et parvient à le sauver ; il veut récompenser libéra-
lement sonlibérateur ; celui-ci, plusgénéreux encore,
refuse ce juste témoignage de gratitude. N'est-ce pas
ici Pamour de l'humanité dans toute sa sublimité , et
d'autant plus admirable que ce libérateur était de la
classe indigente ? «
» Un conseiller gu Parlement de Normandie ( Y.
Guenet-de. Louis ), est nommé rapporteur d’un pro-
cès dont dépend la fortune d’une des deux parties.
Sur son rapport et son, ayis, l'une des deux obtient
le gain entier de son procès, M. G..... en remet:
C 99 )
tant les pièces, en trouve une qui lui avait échappé ,
et qui opérait la libération entière de celui qui avait
succombé, Ce grand magistrat, ne consultant que son
devoir et sa conscience , vend une de ses terres,
indemnise le perdant de tous ses frais , se démet
de son office , et renonce à un état honorable auquel
ses vertus l'appelaient , mais que les erreurs, même
involontaires , rendent si périlleux. Ne reconnait-on
pas ici l'amour de la justice dans ce qu’il peut offrir
de plns respectable? «
» Mais lorsque l'esprit religieux anime de son
souffle divin ces vertus déjà si admirables par elles-
mêmes , c’est alors qu'elles reçoivent un nouvel
éclat, et qu’elles élèvent l'ame jusqu'aux régions
célestes où leur récompense les attend.«
» Quel autre motif, en effet , peut animer ces
utiles solitaires qui consentent à passer leur vie en-
tière sur ces monts sourcilleux , couverts de neiges
et de glaces éternelles , où aucun oiseau ne se mon-
tre dans les airs , où aucun quadrupède , aucun
reptile n'habite la terre , où aucun végétal n’en dé-
core la surface , où l'air est si vif que l'on peut
à peine le respirer pendant quelques mois de suite,
et tout cela pour procurer l’asyle et les secours nc-
cessaires à ceux qui ont des motifs puissants pour
franchir ces monts escarpés et d’un aspect effrayant,
sans autre but que de sauver tous les ans la vie à
Ga
Les Reli-
gieux de S.
Bernard et
de S. Fran-
çois , qui
desservent
les hospices
Mont-
Cénis , du
Mont-Saint-
Bernard, du
Mont-Saint-
Gothard et
autres,
du
La peste
de Marseille
en 17
{ 100 })
plusieurs personnes , et sans aucune récompense de
ce monde !
» Quel autre motif peut inspirer ces vertueuses cé-
nobites qui, oubliant la faiblesse de leur sexe ,
se livrent courageusement au soulagement des mi-
sères humaines et consentent à vivre perpétuelle-
ment avec les malades , les morts et les mourants,
sans s'informer de la gratitude des hommes , et sans
s'occuper des évènements de ce monde auquel elles
ont religieusement renoncé !
» Quel autre motif a pu guider ce prélat vénérable,
à jamais précieux à l'humanité , à qui la France et
Marseille en particulier devraient élever des autels !
» Une peste affreuse afflige cette ville malheu-
reuse ; les rues , les places publiques , les temples,
les portiques sont jonchés de morts et de mourants 3
on w'entend dans les airs que des cris de douleur
et de désespoir. Peu de personnes sont en état de
soulager les autres, aucune ne lose , la calamité est
à son comble.
» Le digne évêque du lieu , Pimmortel Belzunce,
bravant tous les dangers et une mort presque cer-
taine , porte par-teut des secours , des consolations
et des bienfaits.
» Quel plus bel exemple de l'amour de ses devoirs
et de ses semblables ! Certes , on reconnait ici la
bienfaisance , échauffée , ennoblie , exaltée par une
C 101 )
religion sainte , et portée à un dégré de sublimité
qu’elle seule est capable d’inspirer.
» Entraîné par la beauté de mon sujet, j'allais éten-
dre bien davantage le nombre des éxemples des
hautes vertus dont notre ame est susceptible quand
elle est échauffée par un motif puissant et magna-
nime , et je n'aurais pas eu besoin de les chercher
ailleurs que dans notre propre nation ; mais j'ai déjà
abusé , peut-être, de votre indulgence, Messieurs ;
il est temps de vous rendre à vos utiles occupa-
tions , à des lectures plus importantes.
» Heureux si ce faible essai, sur une aussi belle
matière, a pu vous intéresser quelques instants !
Heureux si vous trouvez que j'aie prouvé que, de
toutes les vertus , celles qui honorent le plus l’es-
pèce humaine , sont le courage , la justice et la
bienfaisance ! Heureux enfin si j'ai bien saisi le sens
de ces belles paroles que j'ai prises pour épigraphe,
et que j'ai puisées dans un de nos plus anciens livres
canoniques |
Bene fac... et invenies retributionem magnam:
Ecclesiast.
= M, Lézurier de la Martel , dans son discours
de réception , fait sentir l'union qui règne entre le
commerce , les arts, les sciences et les belles-lettres,
» Voyez, dit-il, Messieurs , comme les sciences
G 3
{ 102)
ont toujours fixé leur séjour là où le commerce lio-
voré avait réuni les hommes, adouci les mœurs !
» Quel asile avaient choisi les mages , les prêtres
de Brahama? Sur quel point du globe la plus an-
cienne université du monde est-elle établie?
» Là où le commerce est le plus florissant, où
l'industrie est depuis mille ans fort au-dessus de
tout ce que les arts de notre Europe ont pu pro-
duire jusqu’à ce jour, non loin du royaume de
Cachemire, à l'entrée de la presqu'ile de l'Inde,
sur les bords du Gange, à Benares.
» Athènes fut en méme-temps la plus sage , la
plus savante , la plus commerçante ville de son siècle.
Lorsqu'elle eut été victorieuse du grand roi , elle
abattit les forces maritimes de la Syrie , de l'ile de
Chypre et de la Phénicie. Le séjour des sciences
et des beaux arts fut aussi celui du commerce.
» Athènes, dit Xénophon, a l'empire de la mer ;
» mais comme l'Aitique tient à laterre, les enne-
» mis la ravagent tandis qu’elle fait ses expéditions
» au loin, Mais si les Athéniens habitaient une ile,
» et s'ils avaient en outre l'empire de la mer, ils
» auraient le pouvoir de nuire aux autres sans qu’on
» püt leur nuire, «
» Affreux phénomène , dont nous sommes au-
jourd’hui les témoins, dont nous sommes encore la
victime ! |
(:1037y
n Une puissance ennemie , après avoir, par la
ruse et la force , détruit toutes les flottes de l'Eu-
rope, dans son île qu’elle croit inattaquable , jouit
encore de l'affreux pouvoir de nuire aux autres sans
qu'on puisse lui nuire.
» Puissance trop funeste. qui rendrais odieux le
commerce, les sciences et les arts, qui y fleuris-
sent à l'envi , si l’on pouvait méconnaître les dons
du ciel, parce que quelques mains perfides en font
un criminel usage ! Carthage! bientôt un nouveau
Scipion saura punir ta conduite fallacieuse !
» Tu-pouvais prendre , dans le monde moderne
le rang de cette île fameuse que Pindare avait nom-
mée la fille de Vénus et l'épouse du Soleil (1).
» Comme Rhodes, qui fat l’aHiée du-peuple Ro-
main , tu pouvais être l’alliée de la grande nation.
» Tes lois commerciales, ton acte de navigation
auraient pu nous servir de modèles.
» L'influence de la modération et des richesses
ne put te satisfaire ; il te fallait encore l'influence
de l'intrigue et de la perfidie!
» Voyez, Messieurs, comme l'ile de Rhodes. dut
à notre intéressant concours sa haute ‘celébrité.
» Ayant notre réunion elle n’était connue que par,
(1) Pindare, olpce 3 , v. 5.
O
Se
( 104 ) -
les serpents qui rampaient sur son territoire inculte,
et qui lui firent donner le premier nom qu’elle
porta (1), effacé aujourd'hui par celui qu’elle sut
illustrer ; qui a percé les siècles et vaincu les efforts
du temps.
» Jupitér aima les Rhodiens et leur donna de gran-
» des richesses. « C’est ainsi que chante le prince
des poëtes (2). Il leur donna aussi la sagesse. Leurs
lois furent respectées des Romains ; elles sout en-
core la base de nos lois maritimes.
» Des temples furent élevés à Minerve. Sous leurs
portiques la philosophie fut professée , et le sage
Cléobule fut mis au nombre des sept Sages de la
Grèce,
» Sur son rivage , à l’entrée de son vaste port ,
fréquenté par les étrangers , s’éleva une des sept
Merveilles du monde ; un colosse ! Et il fallut que
la terre tremblât pour que ce monument de lin-
dustrie humaine fût confondu. |
» Qu'il me serait facile de trouver dans l’anti-
quité mille exemples des bienfaits de notre alliance,
si j’'osais appeler votre pensée sur la sage Egypte,
sur la riche Phénicie , sur Tyr et sur Sidon , sur
ce peuple de Guanches , plus ancien qu'eux tous ,
# 9
(1) Ophinsa,
(a) Illiade , Live IL
( 10 }):
tristes débris de l'Atlantide, dont de froides momies
attestent lindustrié , dont d'obseurs hiéroglyphes
indiquent l'art nautique. «
» Lorsque les événements ont changé la direction
du commerce , les arts et les sciences ont changé
avec lui.
» Des régions d’où le commerce s’est éloigné a
fui avec lui votre aimable cortége. Des fautes ou
des changements politiques , de nouvelles décou-
vertes en ont été souvent la cause , et elles se sont
peu-à-peu effacées de la mémoire des hommes.
» Les monuments des arts ont été anéantis, et
les chants de l'histoire ne font plus entendre que
des noms auxquels sont attachés de faibles sou-
venirs.
» Le royaume de Trébisonde , le port de Caffa
étaient fameux dans l'histoire. La mer noire était
couverte de vaisseaux. Ses bords étaient riants êt
habités.
» Le royaume de Trébisonde est détruit. Le port
de Caffa est comblé. La mer noire ne goit plus dé
vaisseaux naviguer sur son sein. Sés bords sont mé-
Jancoliques et déserts.
» Le commerce de l'Inde a quitté la route du
golphe Persique. Il a quitté la mer rouge. Balbec
nlest plus [
» Palmire , le siége de l’orgueilleuse et infortunce
€ 106 )
Zénobie , est réduite à un petit nombre de cabanes,
placées comme des nids d’hirondelles dans ses im-
menses ruines.
» Vascos de Gama a doublé le Cap des tempêtes ;
et le commerce audacieux , bravant tous les périls,
a préféré une navigation plus rapide et plus dange-
reuse , à une route moins périlleuse , mais plus lon-
gue. Les royaumes, les villes qu’il fréquantait ont
été enveloppés du nuage épais de Poubli.
» Les sciences et les arts, fidèles à son pavillon,
sont veuus avec lui se fixer sur les rivages qu'il a
choisis. Avec lui ils ont enlevé à la mer une partie
de son domaine.
» Persécuté par le duc d'Albe , le commerce, ami
de l'indépendance et de la liberté, fait ; il s'éloigne
des plaines qu'il avait fertilisées ; il fuit , et des ma-
rais fangeux , inaccessibles , ne lui offrent qu’à regret
un affreux asile !
» Amis fideles et chéris ! arts ! sciences ! vous
vintes l'y chercher ; ensemble des canaux furent
creusés, des digues élevées, des ports, des chan-
tiers, des villes furent bâties ; la Hollande sortit du
sein de la mer.
» Les lettres vinrent ensuite consoler ces coura-
geux fugitifs , adoucir leur langage , donner à a
prière plus de dignité, et, les placaut au rang des.
Cro7 )
puissances du monde , ils conclurent avec elles des
traités,
» Bienfaisante féerie ! monument touchant de no-
tre alliance ! si jamais le commerce devenait ingrat;
rappelez-lui qu'il vous doit le plus beau siége qu’il
eut jamais ! «
L'orateur, considérant ensuite le commerce sous
d'autres rapports, fait voir combien , d'accord avec
les arts et les sciences , il concourt à la prospérité
des états.
» Considérez, dans les fastes de notre histoire,
les époques , hélas ! trop fréquentes, souillées de
crimes et de malheurs. Alors régnait la barbarie.
Les arts , les sciences étaient méconnus ou plutôt
n’existaient pas encore. Le commerce , avili par les
mains qui lexerçaient , n’était qu'un misérable tra-
fic des denrées les plus grossières.
» Lorsque le rapt et la violence sont la profession
des grands , la profession , fondée sur la droiture ,
l'équité et une bienveillance universelle, ne peut
pas prospérer.
» La France , alors divisée par de grands vassaux,
envahie par l'étranger, ne présentait que désordres
et misère. Le chef de l'Etat, chassé loin de sa ca-
pitale, dut à une femme d’être sacré et replacé sur
son trône ; il dut au seul négociant qui existt en
( 108 )
France , de s'y rafermir, de remettre de l’ordre
dans ses finances épuisées. Jacques Cœur , enrichi
par le commerce , s'approcha de son Prince mal-
heureux. Il sacrifia à Charles VII ses’ propres ri-
chesses ; il lui avança des sommes considérables
pour chasser les anglais de la Normandie , et nous
lui devons peut-être d’avoir été Français quelques
siècles plutôt. L’ingratitude et la persécution furent
sa récompense, et ces mains qui avaient versé l'or
dans les coffres de l'Etat, ces mains furent char-
gées de fers!
» Cependant peu-à-peu les nuages de l’ignorance
et de la barbarie se dissipèrent.
» Tandis que Christophe Colomb découvrait un
nouveau monde, François Ie, le plus francais de
tous nos rois, recueiilait les arts, les sciences éga-
rées après la destruction de l'Empire des Grecs.
» Léon X à Rome, les Médicis à Florence, Francois
à Paris, leur offrirent un asile.
» On rougit bientôt de la simplicité des édifices,
des jardins , des ameublements ; les belles-lettres ,
en étendant l'esprit, firent appercevoir ce qui man-
quait.
» Les femmes furent appelées à la Cour et y pa-
rurent avec éclat. Les arts se perfectionnérent sous
leurs yeux, par leurs conseils, par ce tact délicat
€ 109 3
et fin qui fut toujours leur apanage. Le bon goût
et la magnificence devinrent un türe de gloire , et
l’'entrevue des deux plus grands Princes de l'Europe
n’a laissé de traces, dans l’histoire , que par le sou-
venir de la magnificence qui y fut déployée ; et le
champ-du-drap-d’or atteste que la perfection des
arts et de l'industrie est aussi un titre à limmor-
talité,
» Louis XIV vint enfin, comme ces flammes bril-
lantes qui annoncent la fin d'un météore , illustrer
son siècle et les derniers moments de la troisième
Dynastie.
» Il encouragea les arts , les savants de tous les
pays.
» Il plaça Colbert à la tête du ministère. Il en-
noblit les ateliers d’Abbeville et de Sédan. Dans son
palais il accueillit l'Académe française ; cette Aca-
démie , législateur du bean langage , où furent ap-
pelés les plus grands écrivains, où notre ville a vu,
avec orgueil , s'asseoir les deux Corneille , Bense-
rade , Fontenelle, Scuderi.
» ]l s’en proclamait le protecteur à l'instant où ül
formait près de lui un conseil royal du commerce ,
composé des députés des plus grandes villes.
» Nous y envoyämes le Bailli Menager, cet homme
instruit et modeste , dont Daguesseau reconnut bien-
tôt le mérite ; il le recommanda au Roi, et cet au-
(110)
guste Prince, juste appréciateur de toutes les espèces
de talents , l'enyoya en Espagne régler les intérêts
du commerce des Indes ; à Delft , conférer avec
le grand Pensiounaire Hensius ; en Angleterre ;,
auprès de la Reine Anne, poser les bases de la paix,
et enfin à Utrecht, en signer tous les traités.
» Il élevait des palais aux arts dans sa capitale , et
il encourageait dans l'Inde les établissements du
commerce.
» Il construisait pour Jlui- même un magnifique
palais , où brillaient tous les trésors de l'architecture,
de la peinture, de la sculpture , et il donnait au
commerce le plus magnifique instrument qui soit
jamais sorti de la main des hommes , le canal de
Languedoc.
» Cependant son illustre contemporain jette du
fond du Nord un regard d’envie sur la prospérité
de l'Occident. Il secoue son large front couvert de
frimos. Il se dépouille de la pourpre impériale. Il se
couvre d'un vêtement grossier. Il vient à l'école
d'un peuple commercant apprendre à civiliser
ses nations , à les rendre riches , puissantes et heu-
reuses.
» 1 abandonne l’ancienne capitale de ses Etats ,
située dans une vaste plaine, sur un fleuve ignoré ,
inaccessible ; malgré son immense étendue , Moscou
était inconnue au monde.
(cam
» Il pose le siége d’un Empire nouveau , à l'em-
bouchure de la Neva, sur les bords d’une mer
fréquentée.
» Il appelle les arts, les seiences , le commerce,
et, dociles à la voix d’un grand homme, ils quittent
les climats tempérés qu'ils chérissent , et vont em-
bellir ses régions glacées.
» Vous les protégeites, vous! ses illustres suc-
cesseurs. Catherine ! Alexandre , qui peux vénor-
gueillir de l'amitié de Napoléon !
» Vous les avez encouragés , soutenus , comme
on protège , contre l’inclémence des saisons , cet
arbuste d’Iberie, dont les rameaux sont chargés de
pommes d’or. Et vos états, de vastes qu’ils étaient ,
sont devenus un grand Etat.
» Allié de l'Empire français, couvrant de votre
immensité une partie du globe , vous vous empare-
rez bientôt de sa ceinture ; la mer sera délivrée du
joug honteux auquel elle est soumise. «
À da:
M. Lézurier termine ainsi :
» Pour nous, que notre profession appelle à cica-
triser les blessures de l'espèce humaine , à verser sur
ses plaies le baume de l'abondance , nous atten-
drons en silence, et avec respect, que les foudres
aient cessé de gronder.
» Nous cultiverons les arts , les sciences , les
(rr29
lettres ; c’est près de vous , MESSIEURS , dans cette
Académie qui fut fondée par Cideville , par un ami
de Voltaire , par Dambournay , que je m'honore
d’avoir eu pour parent et pour ami de mon enfance;
» C'est près de vous, Messieurs , sous les yeux
du Magistrat éclairé qui vous préside , et qui n’a
pas dédaigné de me présenter pour vous être as-
socié , que je vais en goûter tous les charmes.
» Si le vol des sciences est trop élevé pour moi,
au moins apprendrai-je , près de vous, à connaitre,
à apprécier les charmes des beaux arts.
» Par les belles-lettres j’apprendrai à m'exprimer
avec cette simplicité , cette clarté qui inspire la con-
fiance, parce qu'elle dénote un cœur pur, un esprit
éclairé. J'acquerrai à votre école cette éloquence
sage et calme qui entraine , qui attache tous les
cœurs, et dont les chaînes d’or , qui sortent des
lèvres du Dieu du commerce , sont une embléme
si ingénieuse et si fidèle, «
— Après avoir remercié ; en peu de mots, l'Aca-
démie de l'honneur d’être admis au nombre de
ses membres , honneur qu'il regarde comme un
encouragement plutôt que comme une récompense ,
M. Duputel ajoute :
» Mais, comme l'a dit l'éloquent panégyriste de
Marc Aurèle , dans une circonstance semblable ,
le
PT
Cr13)
le premier devoir qu’imposent les bienfaits, c’est de
s’en rendre digne. Si je manque des connaissances
et des talents nécessaires Pour soutenir avec autant
d'éclat que chacun de vous , Messisurs, le titre
de membre de cette Académie , j'ai du moins le
désir sincère de profiter de tous les avantages alta=
chés âce ütre précieux.
» Soufirez que je vous entretienne quelques ins-
tants de ces avantages. Vous prouver combien je
sais les apprécier , est, je crois, la meilleure manière
de vous témoigner toute ma reconnaissance. «
Avant que d'entreprendre le tableau des avan-
tages que les réunions savantes offrent à l'homme
de lettres , l'orateur le considère tour-à-tour dans
la solitude et dans la société des gens du monde.
» On a beau vanter , dit-il , Putilité de la re-
traite pour l'homme de lettres , répéter que j'eloi-
gnement du monde est fayorable à l'étude , et que
les muses ne préludent à leurs concerts que dans
l'ombre et le silence ; comme beaucoup d’autres
ces propositions si justes, sous plusieurs rapports ,
n'en devienneut pas moius un véritable paradoxe
dés qu’on refuse d'en restreindre l'application.
» En effet , de ce que le tranquille sejour des
champs répand dans l'ame cette douce mclancolie
qui la dispose à Ja méditation ; de ce que le flem-
beau du génie s'est allumé plusieurs fois au milieu
du calme inspirateur des nuits, ou de ce qu'enfn
H
| Cn4)
le savant m'a souvent déchiré le voile qui couvrait
à ses yeux les secrets de la nature qu’à la lueur
d'une lampe solitaire , en faudrait-il donc conclure
que l'ami des beaux arts , et ceux qui se font
une agréable occupation de la culture des lettres
et des sciences, doivent rompre , sans exception;
tout commerce avec les hommes ? Non , sans doute,
et l'expérience reclame avec succès contre cette
conséquence aussi fausse qu’elle serait funeste. «
L'orateur examine ensuite s’il n’est pas indispen-
sable de s'arracher à l'obscurité de la solitude ,
lorsqu'on veut acquérir cette connaissance des règles
de l’usage, cette élégante urbanité , cette politesse
rafinée , cette délicatesse de goût et ce sentiment
des convenances qui ninfluent pas moins favora-
blement sur nos écrits que sur toutes nos habitudes,
il ne se dissimule pourtant pas que si la société des
gens du monde présente des avantages à l’homme
de leures , il y rencontre des inconvénients que ces
avantages sont loin de compenser.
» C'est là, dit-il, qu'il apprend à substituer à Ja
mâle énergie d'une ame indépendante cette sou-
plesse insinuante qui en relâche et détend par dé-
grés tous les ressorts ; qu’il s’'accoutume à sacrifier
la vérité au désir de plaire ou à la crainte du ri-
dicule ; que, se bornant au talent d’eflleurer les ob-
jets , il renonce à celui de les approfondir , et fait
céder la pénible habitude d’un trayail opiniâtre à
mnt ms
(115)
4 facilité des amusements ingénieux ; t'est Ià enfin.
que , séduit par des plaisirs perfides , il laisse insen-
siblement éteindre en lui l'amour de la gloire et
l'enthousiasme si nécessaire aux élans du génie. «
M. Duputel conclut de ce qu'il vient de dire que
les réunions littéraires sont celles qui convienvent
véritablement à l'homme qui se consacre à l'étude.
En effet , dit-il, cés assemblées peuvent seules lui
faire goûter et les douceurs de la retraite sans ses
privations , et les agréments de la société sans ses
dangers. Il trouve dans leur sein les encouragements
qui éveillent le talent , les conseils salutaires qui le
dirigent , et la noble émulation qui le soutient. Il ÿ
trouve des amis ( car aucun lien ne réunit plus
étroitement les hommes que la conformité de goûts
et de penchants) , il y trouve des amis qui péu-
vent au besoin seconder ses efforts , éclaircir ses
doutes , dissiper ses erreurs , régler l'essor de son
imagination , l’enrichir de leurs recherches et de
leurs découvertes , l'aider à polir ses productions
et lui en indiquer les défauts avec cette indulgence
qui caractérise la vraie critique , bien différente de
celle de ces Erostrates littéraires qui semblent ne
s'emparer de son flambeau que pour incendier le
temple des beaux arts, au lieu de l'éclairer. «
Les Académies présentent encore d’autres avanta-
ges dans l'étendue et la variété des talents de ceux
qui les composent. » Car nous ne sommes heureu-
KH »
(116 )
.sement plus dans ces temps encore barbares qui pré“
cédèrent la naissance des lettres et de la philosophie en
France , où les muses , oubliant qu’elles étaient sœurs,
avaient chacune leur domaine distinct et séparé par
d'insurmontables barrières ; dans ces temps où le
poëte et l'orateur , n'ayant d'autre mérite que celui
de combiner des mots , refusaient de se livrer à
des études plus sérieuses, et ignoraient jusqu'aux
premiers éléments des sciences physiques et natu-
relles ; où l'artiste , n’osant s’écarter de l'ornière d’une
ancienne routine , excrcait sa noble profession aussi
mécaniquement que l'artisan fait aujourd’hui le plus
simple métier ; où le savant enfin , rougissant de sa-
crifier aux graces , au lieu d’orner son esprit de
talents agréables, le laissait croupir dans la rouille
d’une lourde et pédantesque érudition.
» Ce n'est pas , continue l’orateur , que je pré-
tende combattre ce principe généralement reconnu,
que chacun de nous ayant reçu de la nature le
germe d’un talent particulier , celui qui s'éloigne
du chemin qu’elle a pris elle-méme soin de lui
tracer , pOur suivre tout-à-la-fois différentes carrières
opposées ; court infailliblement risque de s'égarer.
Je conviens qu’il ny a que quelques-uns de ces
génies privilégiés qu'elle offre de temps en temps à
l'admiration des siècles qui puissent jouir de la fa-
veur si rare d’être universels. Mais je suis aussi
bien convaincu que , sans prétendre approfondir les
mystères de toutes les sciences , on ne doit pas né-
(217)
gliger de se familiariser assez avec chacune d'elles
pour en comprendre au moins le langage. Car mal-
-gré la distance qui semble les séparer ; il existe en-
telles des relations aussi fréquentes , des rapports
aussi directs qu'entre ces peuples si différents de
mœurs , de costumes et d'usages, que le commerce
embrasse de cette chaine immense dont on peut
dire que les deux extrémités s'attachent aux deux
pôles de la terre. «
L'application de ces vérités à l'Académie de Rouen
est facile ; puisqu'ayant choisi pour emblêéme un
temple où trois portiques semblables ouvrent un
‘accès au même sanctuaire , tria linina pandit,
elle appelle égalément dans son sein les savants,
les littérateurs et les artistes qui , » rapprochés et
confondus , font un échange réciproque de leurs
connaissances , et brillent en quelque sorte tour-à-tour
de l'éclat qu'ils se communiquent mutuellement.
. » Ainsi , quelque disparate qui existe entre les
couleurs que le prisme décompose , cest de leur
réunion que se forme la lumière, «
Après avoir réfuté , en peu de mots, les objec-
viotis dés détracteurs des Académies » ; cat , comme
hobsetve l'orateur , lés institutions les plus réspecta-
Bles ré sont pas les moins en butte aux traits empoi-
sonnés de l'envie , et il existe des êtres assez ral-
heureusement organisés pour être aussi pen sen-
sibles aux charmes de la seience que ces oiseaux
ti à
( 1:18)
destinés à vivre dans les ténèbres le sont à la clarté
du jour qui les offusque , » M. Duputel termine son
discours en payant un juste tribut d’éloges à la mé-
moire des Fontenelle, des Lecat, des Dambourney,
des Descamps, des Dulague et autres anciens mem-
bres de l'Académie , dont le souvenir est toujours
cher au public, et en formant des vœux pour ob-
tenir un jour aussi sa part de l'estime et de la
considération que leurs travaux leur ont acquises.
= M. de Lancy, dans son discours de réception,
2près avoir témoigné sa reconnaissance , s'attache à
donner de la littérature une idée grande et sublime.
Elle est, dit-il, d'après une auteur vivant, l’ex-
pression fidèle de la société. » En effet, ajoutet-il ,
tout corps social a une ame , une pensée publique
qui le meut , qui l'anime ,,et qui, passant sans cesse
par des gradaiions diverses , lui fait sans cesse aussi
subir des formes nouvelles. Cette pensée influe à
son tour sur son expression , et enfin, rendue sensi-
ble par la parole , elle compose la littérature de
chaque peuple , de chaque époque.... Le fil de
ces idées métaphysiques se rattache à toutes les tra-
ditions historiques : par-lout nous voyons que la
poësie ou plutôt l’art de la parole a précédé tous
les autres ..,. C’est la parole , la parole seule qui
a crée pour l’homme une patrie , des devoirs, des
affections , des aieux, une postérité... Comme l'ile
de Délos , l'humanité , long-temps errante , se fixa le
jour où naquit Apollon, «
Cu9)
L'érateur pense que, dans le siècle dernier, on a
eu de l'homme des idées peu justes. » L'homme,
dit-il, qui mériterait par excellence le titre trop
fastueux d'homme de La nature , serait celui qui
penserait le plus. Proposition fondamentale , ajoute-
t-il , et inverse de celle admise par l'auteur du
Contrat Social. Selon que l’on partira de l’une ou
de l'autre , l'esprit suivra des routes opposées dans
toutes ses spéculations sur l'homme.
Notre collègue, d’après l'idée qu'il s’est formée
de la littérature , trouve que » le poëte est un
être innocent et sublime qui vit comme hors l'ac-
tion du monde. Les passions qui défigurent les au-
tres hommes perdent leur laideur en entrant dans
son sein ; elles semblent ne le faire palpiter qu’au-
tant qu'il le faut pour donner plus d'harmonie à sa
voix, Jadis ses chants passaient pour être inspirés,
et les hommes s’adressèrent à lui comme au minis-
tre d'une divinité..... Si de nos jours le poëte'a
perdu ce caractère religieux, il se montre encore
parmi nous comme un étre privilégié. Il est l'in-
terprète né de la joie et de la reconnaissance pu-
blique.... La doctrine du poëte est de s’identi-
fier avec toutes les existences , de vivre, pour ainsi
dire , de toutes les vies. Son imagination renouvelle
pour Jui la fable de Prothée ; elle le transforme sans
cesse. , et il existe réellement dans toutes les méta-
morphoses qu’elle lui fait subir. La paix a pour
ni. des charmes ; les descriptions qu’il en fait sout
H 4
( 120 }
pleines de douceurs ; il aime ses joies | ses fêtes
et tout ce vague bonheur que son nom seul promet;
cependant vingt fois il à prêté l'oreille aux claitons
de la guerre , vingt fois il s’èst enflammé du noble
enthousiasme des guerriers; et, dans üne. sécurité
profonde , son cœur a commu le charme d’une-vie
semée de périls. Il a triomphé, et ; placé sur le
char des héros , il a tressailli au bruit des acchaima-
tions publiques. Les trônes mêmes n'ont rien de
trop élevé pour lui ; il s'y est assis et il s’est senti
iour-à-tour magnanime , terrible et clément lorsque
sa plume traçait les noms de Napoléon, d’Alexan<
dre ou de Titus.
5 Tous les séntiments lui appartiennent comme
toutes lés situations. ... Une mère veillet-elle pen-
thée sür le berceau de son fils ; le poëte veille
avée elle ; long-temps il la contemple , if voit ce
inélargé d'amour et de tendresse, de joie et d'al-
farcies , Ces régards carressanis et ces lèvres qui
S'entr'ouvrent comme pour parler au nouveau né.
I! comprend la téndrésse maternelle et elle revit
dans se$ vérs....
\
» Celui qui a dela poësie dans l'ame la répand
sür tout ce qui l'entoure. Les scènes kes plus sim
ples ; les plus familières parlént à soi cæéur; à sun
imagination ; à ses souvenirs ; à lPidéal de la pen-
sées.. Tel est le rapport , telle éstila corélauon
uuiverselle qui existe entre) le visible et Pinrisible,
7
(127 )
Totit ce que nous voyons répond à une ordre dé
nos idées et de nos perceptions ; de même toutes
nos affections, toutes nos penséés ont leur couleur ;
léur musique, lear figure dans le monde sensible.
Toutes ces harmonies, continues dans la nature et
fugiives pour notre œil, composent la poësie de
Yumivers. Elles vont loin dé notre vue se rattacher
au pfincipe du beau et de Pinfimi, à ce principe
incorftiu ét pressénti , qui attire, charme et tour-
ménté d'éatant plus qu'on en approche davantage...
» Les anciens découvraient toutes les vérités mé-
taphysiques par le sentiment , et ils les exprimaient
toutes avec l'imagination, Cette méthode est celle
de la force qui a confiance dans tout ce qu’elle
sent, et qui crée une forme pour tout ce qu’elle
exprime.... La prodigieuse quantité d'idées de
détails qu’exige notre existence sociale , nous rend
peu capables de la perception intime de l'évidence ,
et la muliplicité des désirs qu'elle fait naïtre épuise
en mobilité toutes les forces de nos ames.
»,] y avait plus d'unité, ik'y avait quelque ehote
de plus absolu dans l'existence des auciens ; Jeur
vie morale et intellectuelle se distribuait par plus
grande masse......4«
L'orateur termine ainsi son discours : » vous avez
voulu , AfESSIEURS , que rien ne manquât à lé-
mulation, j'allais presque dire à la gloire de ceux
que vous admeitez parmi vous. Comme en un jour
( 1239
de solemnité vos barriéres se sont abaissées , elles
ont donné entrée à cette portion du public qui
porte un air de fête par-tout où elle se montre;
sous ses regards , le désir de la gloire devient plus
vif , les récompenses sont plus flatteuses, et je ne
sais quelle douceur se mêle à tous les succès. Par-
donuez cet hommage. Quand les dames se montrent
dans l’enceinte de l'Académie , il semble , auprès
de votre tribunal, voir s'élever un autel. Je me
suis rappelé le sort de ce philosophe grec qui re-
fusa d’y faire un sacrifice. Les graces s’en vengè-
rent ; j'ai redouté son sort. Trop heureux, héïas !
si, comme les autres divinités, on pouvait se les
rendre propices avec un peu d’encens. Mais, pour
notre malheur peut-être , il en est qui ont reçu de
la nature tout ce qui peut rendre leur sufirage et
doux et désirable , et qui ont voulu y joindre toutes
les lumières qui la rendent si difficile à obtenir. Je
m'arrête.... De tous les efforts que je pourrais
faire pour leur plaire, celui dont elles me tiendront
le plus de compte , ©est le soin que je prends ici
de n’écarter aucun des voiles dont leur modestie
se plait à s’envelopper. «
( 125 )
Répoxsr de M. Savoye Rollin , Président , aux
Discours de MM. Dubuc , Biard , Lezurier e*
Duputel.
» Messieurs ,
» L'Académie avait fait depuis long-temps des
pertes immenses ; ce jour est consacré à les réparer ;
et si quelques doutes en avaient contesté la possi-
bilité , dès cet instant même ïls se seraient éva-
nouis, Nos nouveaux collègues , en nous remerciant
de leur admission , viennent d’en publier les titres.
L’obligation qu'on leur a imposée a pu faire vio-
lence à la modestie de quelques-uns d'entr'eux qui
ne s'étaient pas encore montrés en public , mais
elle a justifié l'Académie dans ses choix et dans la
sorte d'appareil qu’elle veut attacher désormais à
ses réceptions.
» De tous les corps littéraires qui existent dans l'em-
pire, celui de la capitale est le seul qui puisse
exiger de ses candidats des preuves vérifiées de
Jongue main par l'opinion ; placé dans un centre où
tous les talents se meuvent et à une élévation qui
attire tous les regards, il est le dernier terme de
l'ambition littéraire ; les Académies des provinces
en sont les degrés. Celle de la capitale prononce
moins des jugements qu'elle n'exécuie ceux de la
C4)
renommée ; quand elle ose en méconnaître la voix,
les candidats même qu’elle couronne vivent sans
gloire sous des lauriers qui se flétrissent en touchant
leur front, et les noms qu’elle leur sacrifie sont
comme les images de ces Romains encore célèbres ,
qui , dansles cérémonies publiques, étaient d'autant
plus remarquées , qu’elles n’y étaient pas appercues.
»Ce n’est point à nous, Messteurs , qu'il appar-
tient de décerner de si hautes récompensés ; mais
notré tâche est encore assez belle d'ouvrir la bar-
rièré à cette portion äëe Ja jeunesse qui cherche
les aliments de son bônheut dans les travaux
dé l'esprit , dé lui offtir klafois des conseils qui
l'écläirent, des ressources qui afférmissent ses pas,
ét dés éntonrigements qui redoublent sn ardeur ;
de présenter à l'âge mûr les moyens d'étendre ses
conhaissanées acquises , de reculer les bornes de la
faison humaine , et de méler les nobles délassements
de la pensée aux occupations présque mécaniques
qu’entrainent les besoins de la vie ‘et les devoirs
de la société, Dans nos cités du second ordre, nos
réunions savantes ont cet avantage incontestable ,
que ; plus rapprochés les uns des autres , quoiqu’au
#nhéu d'un nombreux conitotirs, noùûs nous jûgéous
récivroquemient mieux et plus vite ; nous faisons
plus faeilement Pinventaire de nos richesses ; nous
diséeriioms avec plus de sûreté les talents qui
peuveit participèr avee ons an but de nôtre ins-
titation ; ainsi, lé commerçant qui, parmi les soins.
|
(125 )
des spéculations les plus vastes , économise encore
des loisirs qu’il dévoue en secret aux muses, lar-
tiste qui , dans l'obscurité de ses ateliers , rectilie
les tâtonnements de Pexpérience par la sévérité des
calculs , l’homme laborieux qui soumet les prati-
ques de son art aux profondes analyses de la chimie,
l'homme de goût qui verse sur d’arides travaux le
charme des lettres , sont simultanément appelés dans
le sein de l'Académie. En pressentant leurs vœux,
elle a satisfait aux siens ; elle a senti sur-tout qu’elle
Re serait éminemment utile que du jour où elle ras-
semblerait autour d’elle tousles éléments qui servent
à la prospérité de cette grande ville. Eux seuls peu-
veut expliquer les prodiges d'une industrie qui ,
semblable au prothée de la fable , échappe , par
d’inépuisables métamorphoses , à la terrible main
qui la poursuit. Vainement son éternel adversaire
a tenté sa ruine en lui fermant les issus des mers ,
elle oppose à tous les obstacles des eflorts constam-
ment égaux , sa détresse lui inspire une infatigable
vigilance ; aidée des arts et des sciences qui les per-
fectionnent , les matières qu’elle ayait dédaignées ou
qui, jusqu'à présent, avaient paru rebelles à ses
essais , obéissent à des machines créées tout-à-coup
pour les vaincre. Les souffrances mêmes de cette
industrie ont imprimé un plus noble caractère à
Pesprir de l'homme qu’elles stüimulent; en le jettant
hors de toutes les routines , elles lui ont appris une
uouyelle puissance , elles ont peut-être diminué ou
(126)
altéré quelques bénéfices , mais ces pertes sont pas-
sagères , et les inventions dans les arts sont des
acquisitions immortelles et des richesses indestruc-
übles.
» Pour arriver à de pareils résultats , il a fallu non-
seulement la réunion des arts et des sciences , il
a encore failu qu'il existât des moyens de les com-
muniquer ; les sciences ne descendent de leur né-
buleuse hauteur , elles ne deviennent populaires
et fécondes qu'en s'unissant aux lettres. Cette
alliance heureuse a commencé à l'aurore du 18°
siècle. C’est à un génie né parmi vous qu'est due
cette révolution remarquable , et sans laquelle les
sciences néclaireraient pas même ceux qui les cul-
tivent. L'art d'écrire ou de se rendre compte de
ce qu'on sait, tient absolument à la netteté des
idées ; quand on est obscur pour les autres , on
l'est nécessairement pour soi ; la parole n'est que
la pensée , et c’est dans ce sens que Buflon a dit
que le style était tout l'homme,
» Les sciences ont, il est vrai, un langage à part
et une éloquence qui leur est propre ; mais la
culture seule des lettres peut l’enseigner. Les asso-
ciations académiques , et sur-tout celles qui, comme
la nôtre , embrassent toutes les branches des con-
naissances humaines , ont singulièrement contribué
à propager le mouvement qui a fait marcher de
concert les lettres et les sciences , union précieuse
(1:27)
qu’ importe de maintenir sur cette terre classique
des arts de tous les genres.
» C'est pour accomplir avec plus de certitude cette
belle et utile destination que l'Académie a fait un
appel à ces concitoyens , et qu’elle les a choisis
dans les diverses occupations de la vie.
» Qui répandrait avec plus de chaleur et de ve-
rité des idées saines sur le commerce que celui à
qui ses goûts et sa fortune ont permis de l’étudier
dans ses rapports les plus généraux ? Qui démélera
mieux que lui l'influence qu'il exerce sur toutes
les parties du globe , et les liens qui lattachent à
l'agriculture et aux arts ?
» Il n’est point de contrée où les arts assujettis-
sent les matières premières à des combinaisons aussi
infinies ; les productions des deux mondes sont
leurs tributaires. Mais rous devons une reconnais-
sance particulière à l'artiste ingénieux qui, pendant
les orages politiques, s'est appliqué à perfectionner
et à plier à des emplois nouveaux des machines qui
déjà ne travaillaient que les produits de notre sol.
» Il est des professions dont on jugerait mal les
difficultés , si l'on se bornait à un premier aspect ;
l'art de préparer les remèdes est sans contredit le
plus important auxiliaire de l'art de guérir ; les
progrès de la chimie ne lui sont pas étrangers , et
l'un de nos nouveaux collègues nous a prouvé que
les manipulations routinières avaient disparu des l«-
( 128 )
Doratoires; et puisque la complication des remèdes
se proportionne sans doute à la complication des
maladies , e’est ge le plus essentiel que la
chimie ait rendu à l'humanité.
» L'Académie se félicite de compter ercore parmi
ses nouveaux membres l'auteur d'un roman histo-
rique agréable , Céneviève du Brabant. Ce genre
qu'une femme célèbre a sorti naguère de Voubli
profond où il était tombé , avait été eréé au com-
mencemeut du dernier siècle par une autre femme
qui obtint aussi de prodigieux succès qui n’eurent
qu'un éelet éphémère. Que faut-il penser d’un genre
d'ouvrage que deux femmes remplies de talent n’ont
pu soutenir? Il serait condamné par une raison sévère,
que notre collègue ne perdrait point encore son
procès. Les beautés qu'il a semées dans son ou-
vrage lui appartiennent; les défauts sont au genre
qu'il avait choisi.
» Ce jour de réception, Messreurs , fera époque
dans l’histoire de l'Académie ; en rendant le publie
témoin de ces adoptions , elle a voulu lui montrer
le zèle qui Panime pour le progrès des seiences et
Ja eulture des lettres ; et , en donnant plus de pu-
blicité à ses wayaux , elle ne s’est pas dissimulée en
méême-temps ce qui leur manque, mais le senti-
ment qu'elle acquitiait une dette lui a fait oublier
toute autre considérauion, 4
Rroxss
(139)
Répoxss de M. l'Abbé Baston , Vice-Président ,
aux Discours de MM. Blanchemain , Bonnet ,
Boismare et de Lancy. i
» Ce fut à l'époque la plus brillante de notre
littérature , dit l’orateur , en débutant , que s'éleva
en France la querelle fameuse et peut-être intermi-
nable de la supériorité des anciens sur les mo-
derres. «
Ce
» S'il rappelle le souvenir de cette dispute qui
altéra (long-temps ) la tranquillité du pacifique em-
pire des lettres..... ce n'est pas qu’il veuille la
renouveller..... mais du sujet principal sont sortis
uelques rameaux auxquels il lui semble qu’on peut
q
toucher. « Il fait choix de celui-ci : gue tout ce
qui est ancien doit être maintenu ; ce qu
est nouveau doit être rejetté, Cette + à il Ja
coupe , en prenant les précautions nécessaires (1) pour
que l'opération ne soit pas dangereuse , et il s'ef-
force d'établir que l'innovation est souvent préfé-
F
rable à la routine.
(1) La principale est de renfermer ce qu’il dit à ce sujet
dans la sphère des sciences, des lettres et des arts, Il excepte
les institutions EF PETETE et es théories du gouvernement
des hommes: Sur ces grands objets | dit-il , mon cri sera
toujours constance et fidélité.
(130 }
Ï s'agissait ,| avant tout , de bien fixer le sens du
mot innovation. » Si, entre lui et d’autres mots de Ja
langue française , on apperçoit de l'affinité, nn certain
air de famille et de parentage , je penserais volon-
üers , dit M. Baston , qu’il n’en est pas un seul qui lui
ressemble exactement..... La nouveauté n’est pas
toujours de l’innovation ; le renouvellement en appro-
che dayantage , mais ny atteint pas ; le changement
n’en est que la moitié ; la variation est plus mobile
qu'elle. «
L'auteur croit que quelques exemples éclairciront
utilement son sujet : ceux qu’il choisit renferment ,
en effet , plus qu’une leçon de grammaire ; c’est:
ce qui nous engage à les citer.
» Que nos jeunes gens, durant les premieres années
de l'adolescence , ne vissent , pour ainsi dire , le
monde que d oin ; qu'ils étudiassent les conve-
nances 5 léSavant de paraître dans la société ;
qu'ils s'instruisissent avant de décider ; qu’ils ne s’i-
maginassent plus que l'esprit tient lieu d'expérience ,
que les saillies dispensent d’avoir et de montrer du,
jugement ; qu’ils se tussent en présence de l’âge
avancé , à moins qu’on ne les encourageât à mani-
fester leur sentiment..... Ce ne serait pas une in-
novation , mais un retour à la sagesse de nos pères,
dont, il y a vingt ans , nous appercevions encore
destraces sensibles dans les Cercles où la décence
occupait le rang qui lui est dù, le premier.
t 131)
» Que nos jeunes vierges pensassent aux fleurs
qui se fanent au graud jour ; qu’elles n'oubliassent
pas que l'ombre d'une mère est-le plus sûr abri pour
une fille ; qu'elles évitassent d'étre citées comme des
prodiges dans le genre des talents frivoles ; qu’elles
s’afiligeassent moins d’un ridicule que d’un vice ,
moins d’être un peu gauches que d'avoir trop d’ai-
sance ; qu'en se täisant , elles acquissent. le don
de parler un jour à propos: ce ne serait pas une
innofalion , mais Ja reprisé d’un rôle qui leur réus-
sissait parfaitement autrefois , et qu'on regardait ;
sinon comme le seul qui leur convint , au moins
comme celui qui leur convenait le mieux. «
» Mais que , pour leur santé , les femmes se cou:
vrissent davantage dans un pays froid , et dont sou-
vent la température change plusieurs fois dans une
journée : ce serait une innovation salutaire sous bien
des rapports. «
L'auteur conclut que » pour qu'il y ait innovation,
il faut que la chose remplacée par une chose nou-
velle, ait été, dès l'origine, ce qu’elle fut en finis-
sant, ou qu'elle ait eu une si Jlongue durée , que
ce qui avait été ayant elle, soit presqu’entièrement
oublié, «
)
Avançant dans le développement, de: son sujet ;
M. Baston peint La routine : » Une suite de pas sur la
même ligne ; dans le même chemin, avec la méme
mesure. Ce ‘qu'on fait aujourd'hui mest.que la ré-
pes
(13)
2 + + | , . » » pit
pétition dé ce qu’on pratiquait hier ; et hier, c'était
la répétition du jour précédent. Les générations sé
sont copiées. Une génération intermédiaire livra sans
réflexion ce qu’elle avait recu sans examen. C’est
une longue série d’échos : les paroles n'ont été
prononcées qu’une fois. «
» Or, reprend-il , pour que des hommes doués
d'une intelligence qui leur est propre , d’une liberté
Jeur patrimoine inaliénable , d’une émulation source
des découvertes et de leur perfectionnement , fus-
sent assujettis à cette imitation servile..., il faudrait
être assuré que le premier anneau d’une longue ha-
bitude tient à la pierre immuable de la vérité «....
Œt cette assurance , on est Join de l'avoir. D'où l’o-
rateur infére » que l’innovation ; pourvu qu'elle
marche sur les pas de la sagesse, qu'elle soit guidée
par la discrétion, peut étendre la main sur un ou-
vrage antique , et le renverser aux pieds de la
raison. «
Une courte énumération justifie cette conséquence.
» Sur combien de systêmes dominateurs n’a-t-elle
pas (l'énnovation ) répandu le jour pur de l'évidence,
devant lequel leurs clartés nébuleuses e' menson-
gères disparaissaient , comme, au lever du soleil ,
les faibles lueurs d'une puit à météores ? C'est l'in-
novation qui, brisant les crystallins et l'empryrée ,
dont une mauvaise physique avait enveloppé notre
globe stationnaire , reconnut dans le soleil la majesté
(:133 1)
du repos , et fit tourner autour de lui cette poignée
d'atomes condensés qu’on appelle /a terre. C'est l'in-
novation qui, de l'horison où nous sommes, tirant
une ligne idéale par le centre de la terre , rencontra
le pied des hommes qu'elle avait devinés, malgré
Pimagination et ses sophismes , et que depuis, à
travers l'océan et ses tempêtes , on est allé recon-
naître et vériñer sur les lieux. C'est l'innovation qui
remplaça l'horreur du vide , fantôme philosophique,
par la pesanteur de l'air; et, en général, par un
petit nombre de causes réelles et calculées, cette
légion invisible de qualités occultes qu'enfanta au-
trefois la crainte de paraître ignorant , si l'on n'avait
pas tout expliqué. C'est l'innovation enfin qui obtint,
d'une tête fortement organisée, ce doute méthodïi-
gue , la pierre de touche des systêmes, etc. «
Elle ne sert pas seulement à détruire ce qui est
mauvais et faux; elle sert aussi à perfectionner ce
qui est bon et vrai : » les premiers pas , dans la
carrière des sciences, des belles-lettres et des arts,
sont presque toujours mal assurés. Presque toujours
Jes premiers essais se ressentent de la faiblesse et
des autrés imperfections de l'enfance. Minerve ne
sort tout armée que du cerveau de Jupiter. Ce n’est
qu'à force d'innovations que les premières produc-
tions du génie acquièrent de la consisiance, ure
juste étendue , des proportions régulières. Combien
de fois n'a-t-on pas innoyé pour...... conduire à
L,3
C154)
Rome le charriot dramatique du père de la tragé-
die | et en extraire les théâtres de Marcellus et de
Pompée {A4 PL 7T RIT,
M. Baston tire de la séance où il parle une preuve
sensible de ses idées sur l’innovation. » C'est à elle
que nous sommes redevables du plaisir que nous
venons d’éprouver ( par la lecture des Discours des
nouveaux Académiciens. ) Cette séance, ces discours,
ces applaudissements spoutanés , C’est elle qui a tout
créé. Depuis l'origine de l'Académie jusqu’à nous,
les membres élus pour réparer nos pertes étaient
admis sans éclat. Ils entraient et s’asseyaient parmi
nous, et leur bouche ne s'ouvrait pas pour témoi-
gner la reconnaissance dont ils étaient pénétrés ; les
nôtres ne leur exprimaient pas combien nous, étions
contents de notre ouvrage....« Le changement ou
innovation qui a eu lieu annonce , pour l’avenir, des
efforts que le passé ne connut pas, et , nous l’espé-
rons , des succes qu’il n’a point obtenus.
De là M. le Vice-Président passe naturellement à
Janalyse et à l'éloge de l'essai de, chacun. de. nos
nouveaux collègues. L'extrait de leurs Discours far-
sant partie des actes de l'Académie , nous croyons
devoir ne rien ajouter à celui de la réponse qui leur
fut adressée.
= M. Chapais de Marivaux nous a adressé plu-
“
sieurs exemplaires du discours qu'il a prononcé en
qualité de procureur général impérial près la Gour
(135)
de justice criminelle du département de la Seine
Inféricure , dans la séance du 10 juillet 1809, pour
l'enregistrement des lettres de grâce accordées par
_S. M. l'Empereur et Roi à vingt-trois déserteurs
condamnés aux travaux publics.
Ce discours étant connu , nous n’en citerons que
quelques passages pour donner une idée juste de la
manière de l’orateur.
» La justice laisse aujourd’hui désarmer sa rigueur;
et ce spectacle , si digue d’un intérêt universel, ap-
partient tout entier à la clémence.
» L'aspect de ces guerriers , leur. introduction
dans cette enceinte ; la place qu'ils occupent , lha-
bit militaire dont ils sont revêtus, leur contenance
respectueuse et ferme sufiraient pour faire connaitre
leurs désirs et leurs espérances.
» Ils viennent redemander à la loi l'honneur de
se rallier sous les drapeaux de la victoire.... «
L'orateur, parlant des maux qu'entraîne après soi
» P
la désertion , s'exprime ains! :
» Le toit paternel cesse pour le déserteur d'être
hospitalier : ce toit ne peut le recevoir-sans crime ;
et le père, lors même qu'il repousse de son sein le
fils ingrat envers la patrie, demeure encoge respon-
sable du malheur de l'avoir fait naitre....
#1 Il restera sans proches, sans parents, sans amis,
: Sidi
sans épouse , saus espoir de postérité , l'individu
L 4
(156)
flétri qui, dégradant son être , isolant sa personne ,
paralysant ses bras, s'est séparé des rangs et du
cortége des vrais enfants de la patrie.
» Où fuirat-il? L'Empire immense n'est plus pour
lui qu'une vaste solitude. La loi le frappe : la sur-
veillance l’atteint....
» Soldats du grand Napozéton ! vous soutiendrez
la gloire d’un si beau titre.... De l'extrémité du
Nord à celle du Midi, du Tage au Danube, la car-
rière est ouverte. Volez à l’ordre de vos chefs, vous
trouverez par-tout vos enseignes et la victoire.
.» Soldats! vous jurez par cette clémence qui vous
sauve , vous jurez par le bienfait de sceller au
champ de l'honneur les titres de la reconnaissance"
» Nous, témoins de vos promesses, interprètes de
l'ardeur qui vous anime, nous vous félicitons par
avance des lauriers qui vous attendent. «
— M. Lezurier de la Martel a donné lecture
de la traduction d’un morceau du docteur Blair
sur le débit oratoire , cette partie ei essentielle de
l'éloquence que Démosthènes lui donnait le premier ,
le second et le troisième rang. C'était en effet une
de celles qu’il possédait éminemment et à laquelle
il a dû son triomphe.
Le docteur Blair , peut-être le meilleur rhéteur
qu’il y ait eu en Angleterre, exige quatre choses pour
être entièrement et facilement entendu , un degré
C157)
convenable d'élévation dans la voix , de la clarté,
de la douceur et une prononciation ou une accen-
tuation propre à la chose. Après avoir développé
chacune de ces qualités, l’auteur passe à celles du
débit proprement dit , dont les qualités essentielles
sont la grâce et la force ; elles reposent sur quatre
chefs, l’'emphase , les pauses , le son et les gestes ;
l'auteur les développe d’une manière très-satisfai-
sante. En parlant des pauses ,; il donne des règles
pour bien lire et bien déclamer les vers.
Pour mieux faire valoir les préceptes de Blair ,
M. Lezurier a substitué des passages de poëtes fran-
çais à ceux que l’auteur avait cités des poëtes de
son pays:
En général , l'auteur veut que dans la pronon-
ciation on ne s’écarte point de la nature.
C’est elle encore que lorateur doit suivre dans
le geste ; mais l’art et l’étude doivent le perfec-
tionner. L'étude de l'action dans l’oraison consiste
principalement , dit-il, à se garder de tout mouve-
ment désagréable et bizarre.
On ne peut que savoir gré à M. Lezurier de nous
avoir communiqué un morceau aussi intéressant d'un
excellent ouvrage , lequel , lorsque notre collègue
s'est occupé de l'en détacher et de le traduire ,
n'ayait point encore élé mis en français.
"(158 )
GRAMMAIRE.
= M. B.invilliers ,: censeur des études au Lycée
d'Orléans , correspondant de l'Institut et académi-
‘cien non résident , mous a fait parvenir un exem-
plaire de sa grammaire latine théorique et pratique.
Annoncer que c’est la septième édition , c’est assez
faire l'éloge de la méthode de notre confrère.
= M. Duputel a présenté ses éléments de la pro-
nonciation , ouvrage également utile et aux étran-
gers et aux français, de l’un et l’autre sexe, qui
veulent appreudre à parler correctement la langue
française.
— M. Cosseaume a lu des observations sur la
difference qu'il y a entre les expressions précis et
analyse. Y| pose pour principe cette vérité reconnue
par tous les grammairiens , que, dans aucune Jan-
gue, il existe de véritables synonymes. Puis, il
entre dans l'examen particulier du sens que présen-
tent les deux expressions dont il s'agit.
Le mot précis a une origine latine et signifie cou-
per, retrancher , séparer.
» Le mot analyse vient du grec; il signifie résou-
dre , diviser , séparer.
Ces deux expressions , conclut M. Gosseaume ,
ne peuvent donc ètre synonymes ni présenter la
même idée.
|
C 159 )
PUOTE SUR E
: ,
M. d’Ornar. , académicien résidant , qui, dans
tous les temps de sa vie, a fait sa cour aux Muses
et ne les a jamais trouvées cruelles , a lu la pièce
suivante :
J'arrive à mes quatre+vingts ans,
Point trop fatigué du voyage.
Puisqu’on ne peut fixer le temps ,
Senons au moins des fleurs sur son passage.
On dit que le cœur n’a point d’àge ;
On a raison, Malgré mes cheveux blancs ,
Les plus doux sentiments sont encor mon partage ;
J'ai, près de moi, mes amis, mes enfants ,
La paix du cœur , trésor du sage ,
Et je) jouis de tous mes sens.
Pour être, heureux , en. faut-il davantage ?
Je suis toujours sensiblé aux doux accents
De la touchante Polymnie a
Je cède aux gharmes ravissants
De Melpomène et de Thalie ;
L'une me fait verser dé tendres pleurs ;
L'autre m'égaie et éalme les douleurs
Qui: trop souvent , afilisent notre vie,
Au beau cortège des 'Neuf-Sœurs
J'ouvre mon ame épanouie,
Tous les soûts, tous les arts, fruits heureux du sénie,
Ont pour moi les mêmes douceurs,
(140)
Puissant ami de la vieillesse
Grand consolateur des humains ,
Dont la liqueur enchanteresse
Inspire en nas rignts festins ,
Le fin couplet, la brillante allégresse ,
Viens chasser loin de moi les soucis, les chagrins ;
Maïs amène avec toi ( s’il se peut )‘la sagesse ;
Dieu séducteur , je t’aime et je te crains.
Et toi, Divinité chérie ,
Toi que je vois, d’un air malin
Me sourire dans le lointain ,
Ah ! ne me fuis point, je t’en prie !
Sous tes aimahles (lois j'ai connu de plaisir ;
La pure Volupté , d’aucuns regrets suivie ,
Vient encore embellir les restes de ma vie
Par les charmes du souvenir !
Mais , quoi ! vous ie fuyez agréables chimères ?
Vous me fuyez !} et pour toujours ‘1!
La raison... La raison ! par ses leçons amères ,
À détruit le prestige , il n’est plus de beaux jours.
Insensible à mes vœux et sourd à ma prière ,
Le temps, l’impitoyable temps
Me conduit à grands pas an bout de la carrière.
Bientôt j'aurai vécu... vécu quelques instants ;
Bientôt mes yeux seront fermés à la lumiere,
Font .ce qui commença doit avoir une fin ,
C’est une loi de la nature ,
Subissons-la sans regret , sans murmure ;
Mais jouissons jusqu'au, déclin.
Mais peut-on bien jouir , et voir sonffrir les autres ?
Soulager leurs chagrins ; c’est alléger les nôtres ;
Crir)
Les voir heureux , voilà l’objet de mon desir.
Egoïstes glacés , laissez-moi ce plaisir ,
Et, sans regret, je vous laisse les vôtres,
J'ignore si je dois encor
Voyager long=temps dans ce monde,
Je me résigne sans effort ,
J'attends dans une paix profonde
Et n’appréhende point ce qu'on nomme la mort.
Qu'ai-je à craindre de son approche ?
J'ai fui le mal , j'ai fait le bien ,
De l'amitié , j'ai serré le lien.
Pour l’être pur et sans reproche ,”
La mort n’est plus qu’un paisible sommeil
Dont il doit peu redouter le réveil,
Il est un Dieu puissant , juste par excellence ;
Pour être malheureux , il ne nous a point faits ;
En sa grande bonté je mets ma confiance ,
Je m’endors dans son sein , et j'y repose en paix.
L'Amour et Psycué ou la Curiosité punie , conte
en vers , imité du roman en prose de La Fontaine ;
par M, Lemesle , académicien résidant.
L'Amour aimait Psyché : Vénus, jalouse et mere,
Lui défend de la voir, lui défend de l'aimer,
Et menace Psyché de toute sa colère
Si l'Amour en est vu , s’il s’en laisse charmer.
Que fait l’Amour ? Il dissimule :
En fait de ruse il n’a pas son émule :
Aux ordres de sa mère il promet d’obéir,
Bien résolu de ne lui rien tenir.
(142)
À ce dieu dans le monde il n’est rien -d'inipossiblé :
Sur la cime d’un mont entouré de forêts ,
Licu sauvage, désert et presque inaccessible ,, :
Et dont les voyageurs n’approchérent jamais ,
Il ordonne aux beaux aris d'y bätir un palais.
I1 préside à l’ouvrage , en tout c ’est un grand maitre :
Sculpteur , peintre, architecte , il est ce qu il veut être.
Les marbres sont taillés et les cèdres sont prêts ;
Dé forme ronde , élégant de structure,
L'édifice s’élève : on le meuble à mesure ;
On fait une terrasse , on trace des jardins ;
Le pêcher , l’oranger et jusqu'aux pomimiers nains
Se couvrent des présents de Pomone et de Flore.
On dirige les eaux , le dieu du goût décore,
Le palais est meublé , tous les salons sont peints.
L'Amour en souriant contemple son ouvrage
Et s’app'audit avec raison
D'’avoir créé pour son usage
Ce que les rois et les gens du grand ton
Ont nommé de nos jours leur petite maison.
Messagers prompts, agents sûrs et fidèles
Les Zéphirs, de lP'Amour.ont les ordres secrets, .
Ils enlèvent Psyché , la posent sur leurs ailes ,
Et , doucement portée, elle arrive au ="
* JL était nuit , elle était attendue : PT
Un spectacle charmant d’abord s’offre à sa vue,
De mille lampions allumés à-la-fois
}
Jaind, verd , rouge et bleñ la rotonde étincelle.
Au son des instruments , mêlant leurs donges voix ,
Des Nymphes de quinze ans , dont, l’Amour a fait «choix ;
Vienneut ensemble au devant d’elle.
C143 )
Ici, sur des autels on brüle de l’encens ?
Là, les meilleurs parfums que produit l'Arabie :
Les Nymphes tour-à-tour vont offrir leurs présents |
Les beaux fruits de l’Europe, avec ceux de l'Asie.
Des bustes de Paros, des vases d’Etrurie ,
Ce qu’en urnes Corinthe a fait de plus vanté,
Des vins exquis , la céleste ambrosie
Qui conserve à Vénus sa fraicheur , sa beauté,
Nourriture des dieux vraiment enchanteresse
Et qui d'Hebé prolongeant la jeunesse
Lui garantit son immortalité.
Dans le palais déja Psyché s’avance,
L'air retentit de sons harmonieux ,
Les folàtres plaisirs et les ris et les jeux
Font cortège autour d’elle, et , sautant en cadence,
D'un hymne en son honneur accompagnent leur danse,
Elle arrive au salon dont la simplicité
Compose la parure et forme la beauté.
Sur les lambris , entrelacés ensemble,
Son chiffre et celui de l'Amour ,
Qu'un nœud de fleurs environnent et rassemble ,
Décorent les panneaux , en ornent le contour.
Bientôt s'offre à ses yeux une belle statue ;
Comme Vénus elle était demi-nue :
Le marbre en était blanc, l’Amour l’avait sculpté ;
Sans doute de ces lieux c’est la divinité.
Approchons-nous , dit-elle. Q ! surprise imprévue ,
C'était Psyché, sa douceur , sa bonté,
Son sourire enchanteur et sa taille legère ,
Mais surtout sa pudeur , des grâces la première,
Psyché se reconnait, rongit de voir encor
Au piédestal son nom écrit en lettres d’or,
3»
2»
1»
»
»
?
>»
»
»
2»
C144)
Mais le banquet est prêt et la table est servie»
Les vins étaient choisis, les mets délicieux ;
Aux nôces de Thétis Comus ne fit pas mieux.
Des élèves instruits dans l’art de Polymnie
Chantent les vers d'Orphée et les amours des dieux.
D'un cortège nombreux entourée et suivie
Sur la table d'abord Psyché jette un coup d’œil :
Je ne vois qu’un couvert , dit-elle, et qu’un fauteuil ;
Mon embarras s’accroït et ma surprise augmente ;
Votre accueil est charmant et ce palais m’enchante :
Est-ce celui d’un diew , d’un génie où d’un roi?
Serait-ce un enchanteur ? Ah ! je suis sans effroi ;
» Mais de me voir vous étiez dans l’attente ;
» Pourquoi le maître de ces lieux,
Si c’est un enchanteur , redoute-t-il mes yeux ?
An mement où j'arrive il se cache ou s’absente,
Seule, avec vous je me crois sans danger ;
» Maïs ce mystère a de quoi me confondre. «
» Gardez-vous bien de nous interroger ,
» Dit une nymphe , on ne peut vous répondre,
Nous dépendons d’un maître et sommes saus pouvoir ,
Nous taire et vous servir , voilà notre devoir, »
Psyché soupe donc sewle , et souper seule ennuie.
J'ai vu souper les rois , leurs splendides repas
Ne valent point la douce causerie
De deux amants qui , contents de deux plats ,
- Que proprement la bonne vieille apprète ,
Sans scandale et sans bruit , en petite maison,
L'amour en tiers , vont sans façon
Souper ensemble et tète à tête.
+
Tout voyage fatigue et lasse de veiller
Psyché commence à sommeiller,
On
C5)
On la conduit au lit, l’alcove est décorée ;
Glands et franges d'argent , et draperie en bleæ
apissent le contour , et debout au milieu,
Un foudre au bec et la serre dorée, ;
L'oiseau de Jupiter au sommet est perché,
À l’auneau d’or qu’il tient , un cordon attaché
Autour du lit fait mouvoir et déploie
En longs plis ondovants d’amples rideaux de soie,
Piyché goûte déjà les douceurs du repos ;
Morphée à pleines mains lui verse ses pavots
Et doucement lui ferme les paupières ;
Elle s'endort , on éteint les lumières ;
Un silence profond règne dans le palais,
Et de toute sa cour il ne reste à la belle
Que les songes légers qui volent autour d’elle.
L'Amour veillait, il était aux aguets ;
Précédé du mystère il vient voir son amie
Sans suite et sans cortèse, il la trouve endormie ;
Il la réveille et s’assied près du lit.
Qui pourrait répéter ce que l'amour lui dit !
Auprès de celle qu’on adore ,
Pour veiller nuit entière et $ans causer d’ennui ,
Il faut être l’Amour ou parler comme lui,
1e lendemain ‘il y revint encore ,
Enfin toutes les nuits et toujours inconau ,
Car chaque fois avant l’aurore
IL s’échappait sans étre vu.
Psyché s’ennuya du mystère ;
» Un causeur si charmant doit être sûr de plaire ,
» Se disait-t-elle ; est-il d’une extrême laideur ?
» Serait-ce un monstre ? Oh ! non , je suis sans crainte,
» Et je sens bien dans le fond de mon cœur
_
-
Qu'un monstre tel que lui ne me ferait pas peur.
=
» Mais toujours invisible, à quoi ben cette feiute ?
K
C 146)
Enfin elle en parle à l'Amour.
Vous me quittez avant le point du jour
Vous attendez la nuit pour reparaître ;
M'aimer n’est point assez , ah ! faites-vous connaître |
JL importe à tous deux que je ne sois pas Vu ,
Répond l'Amour ; je n’en suis pas le maitre,
Nos plaisirs cesseraient si J'étais reconnu.
Mais l’ Amour eut beau dire ; on sait que chez les femmes ;
Si Pon en croit la docte antiquité ,
La curiosité
Est un désir ardent qui tourmente leurs ames ;
Dans le cœur d’une fille , il est encor plus fort.
La nuit arrive , et suivant son usage ,
Vient notre voyageur ; las du fréquent voyage ,
Plutôt qu'à l’ordinaire il sommeille et s’endort.
L’imprudente Psyché , comme on l’est à son âge ;
Se lève doucement au milieu de la nuit,
Prend , allume une lampe, et sans faire de bruit ;
Se défiant de sa vitesse,
Pose des pas craintifs , les suspend ou les presse,
Et lentement se rapproche du lit.
Tandis qu’à voir l'Amour elle est toute occupée ;
S’applaudissant déjà du succès de son tour,
De la maudite lampe une goutte échappée
Par malheur tombe et va brüler l'Amour,
IL est très-délicat et la moindre brülure
Est pour ce dieu grande blessure ,
Il fait un cri, s'envole. .... Oh ! regrets superflus !
L'indiserette Psyché fait triompher Vénus.
De la rivalité la vengeance est cruelle,
Junon pour une pomme écrasa les Froyens ;
Vénus moins implacable usa d’autres moyens :
Psyché fut son esclave et cessæ d’être belle >
Ut47 9
Tous les enchantements sont déjà disparus |
Et le palais détruit n’offre plus à sa vue ,
Ni nymphes , ni jardins , ni salon, ni statue , -
C'est un affreux désert. .:.. l’enchantéar n’y vient plus,
= Le même ( M. ZLemesle ), a lu une Epitre à
une Dame qui lui demandait siun Vieillard pouvait
encore aimer.
Nous nous contenterons d’en citer quelques pas*
sages
Comment nommer ces sentiments secrets
Qu’auprès de la beauté l’homme éprouve à tout âge ?
Chez un jeune Blondin , au teint brillant et frais,
C'est de l'amour ou plutôt son image ;
Chez un vieillard il faut un mot exprès,
C'est un je ne sais quoi d’affectueux , de tendre
Qui tient à de doux souvenirs
Et qui rappelle des desirs
Que le cœur sent , le cœur seul pent entendre
Et que lesprit me peut pas rendre.
L'amour dit trop, l’amitié pas assez
À lui donner un nom, aidez-moi je vous prie;
Nous voici, pour un mot, tous deux embarrassési
Nous reviendrons au mot : parlons de l’art de plaire : à
Jeunes et vienx , époux , célibataire ;
Tous y prétendent , tous n’ont pas le mêne ton,
Comme les instruments m'ont pas le même son;
C'est le même desir , non la même manière,
ES LE 2 RE
htm ntnsesnsnnnnmsnsmns.se
K 2
C148)
L'auteur parle des diverses manières que l'on
emploie pour plaire.
Des propos gais, quelquefois un peu foux,
| De l’amitié les douces confidences ,
Des soins de tous les jours , sur-tout des préférences ; |
De petits dons , des fleurs nouvelles ;
Des contes , des chansons , des vers , des bagatelles ;,
Des cadeaux , des soupers, etc, , etc. , etc.
CR
Que Sparte et Rome ont dédaigné jadis ,
Pour lequel le Ratave affecte du mépris : |
Que le Germain connait à peine, |
Qui désespère Londre et charme tout Paris, |
Cette manière est douce et convient à tout âge,
Et quand avec l'esprit le cœur est de moitié, |
Elle est du plus charmant usage, É
l
Ce n’est point de l'amour , c’est plus que l’amitié.
|
Î
C'est un mode enchanteur , dont raffollait Athènes ; |
CCR
L'auteur finit par la comparer
À cette courtoisie ,
Dont s’honoraient chez nos aïeux |
Dans les beaux temps de la chevalerie ;
Les Dunois, les Bayard et nos antiques preux.
Leur culte pour leur dame était un nuble hommage ;
Que des déesses la plus sage,
Au !Vestor des amants le plus abandonné ,
Minerve mème eùt pardonné.
Cri9)
-= M, de la Bouisse, académicien non-résidant,
nous a adressé deux nouveaux Voyages , l'un à
Mont-Rouge , Vautre à Rondeiïihes. Notre coliésue,
digne emule de Bachaumont et de Chapelle , met
beaucoup de grâce , de facilité dans ses divers
voyages écrits en prose et en vers ; il n’y en a pas
moins dans les pièces fugitives qui les accompa-
guent,
= Nous avons reçu de M. Mutel , académicien
non-résidant , deux volumes de ses Poësies diverses.
Notre collègue est un octogénaire qui , malgré les
glaces de l'âge , est un amant fidèle des divinités
qui règnent sur le Parnasse.
Ce recueil contient la traduction des troisième
et quatrième livres de l'Encide , une Epitre à Piche-
gru , une autre à la Vicillesse , une troisième à
Vénus , une Fable , des Stances, des Epigrammes
et une traduction de PHymne au Soleil , un Poëme
sur les Sens , et diverses autres Poësies terminées
par un Adieu aux Muses, qui finit par ces vers :
J'écris pour mes amis ; content de leur suffrage , -
Du zoïle envieux , je méprise lu rage.
—: M. l’Abbé de Boïisville | académicien résidant ,
a lu une traduction libre en vers du pseaume (07),
Laurgar Deus et dissipentur,
Cette traduction, précédée d'une dissertation in-
térgssante sur l'époque et la circonstance pour las
”
Kt8
( (150)
quelle ce chant triomphal a été composé , a paru
rendre fidélement le sens véritable et l'intention
poëtique de l'original. L'auteur a eu l'adresse , par
la seule répétition du premier verset , de lier en-
semble les différentes parties dont ce poëme est
composé, etest parvenu à faire disparaître les nom-
breuses difficultés dont il a paru hérissé jusqu'ici.
Cette traduction , composée en forme de cantate ,
rappelle , par la variété de ses stances et de son
rithme , la fameuse cantate de Circé. Nous citerons
pour éxemple la strophe qui correspond au verset
9 , Terra mota est etenim , etc.
Par-tout l’épouvante
Devant toi régna ;
La terre tremblante
D'’horreur frissonna,
La foudre éclatante
Les airs sillonna ,
Et du Mont-Sina
La cime brülante
D'’effroi s’inclina,
Frs sur la demangeaison d’écrire ; par le même.
Faciendi plures libros nullus est finis. — Saromox.
£ Qui pourra mettre un frein à cette folle ardeur !
Ecrira-t-on toujours sans borne et sans pudeur !
Dès que , pour faire un livre, un auteur prend la plume ,
fl ne la quitte point qu’il n’enfante un volume.
Ce volume , au public, à grand peine est livré ,
Qu'aussi-tôt , pour le suivre, un autre est préparé,
(157 Ÿ
Et, comme en ce métier, chacun se eroit habile |
Ou ne voit point de fin à ce travail facile.
Déjà de cet abus , qui de son temps régnait ,
Le plus docte des rois, comme nous , se plaignait,
Déjà l’on écrivait sans cesse ; bien encore
Qu'on ne possédât pas cet art de faire éclore
Et circuler par-tout un senl et même écrit ,
Par la presse, en un jour , mille fois reproduit,
Lui-même , ce grand roi, qui dicta tant d’ouvrages ;
N'avait pas, pour les vendre , un libraire à ses gages ;
Et ne se servait point des chef-d’œuvres anciens
Ou du talent d’autrui pour composer les siens,
Il ne connaissait pas ces abregés sommaires ,
Ces commodes recueils, ces gros dictionnaires ,
Où se forme , en un jour, un docteur consommé ;
Et d’où sort, sans travail, un savant tout armé,
De son vaste palais, sur les riches tablettes ,
On ne déposait pas chaqne jour cent gazettes ;
On ne voyait chez lui , livres bleus ni romans
Rôder dans tous les coins de ses appartements ;
Nulle bibliothèque, à grands frais amassée ,
N'offrait sur ses rayons la science entassée.
On n’avait point encor classé tous les auteurs ,
Auprès des écrivains , mis les commentateurs ,
Dans une case à part, rangé les publicistes ,
Fait une section des encyclopédistes ,
Par ordre disposé tous les historiens,
Poëtes , romanciers | rhéteurs , grammairiens ÿ
Et le peuple savant , république féconde,
Ne s'était point encèr distribué le inonde,
Ï
Cependant ce grand roi, chez ses pauvres hébreux ;
Jugeait , “dès ce temps-là , les Tivres trop nombreux
,
K_ 4
(152)
Et, bien qu’auteur lui-même , il trouvait à redire
A ce goût effrené qu’on avait pour écrire.
C'était donc un torrent redoutable dés-lors ,
Mais un torrent du moins qui respectait ses bords ;
Aujourd’hui c’est par-tout une mer débordée ;
D'écrivains et d’écrits la France est inondée.
Tout l'Empire est peuplé d’enfants compositeurs ,
D'imberbes Apollons et de femmes auteurs ,
Des femmes '..... Qu'ai-je dit !..... Hélas ! la femme sage
Savait coudre et filer , s’en tenait an ménage ,
Mais aujourd’hui l’aiguille a fait place au pinceau ,
£t la plume savante a chassé le fuseau.
De IA tous ces écrits , pour le moins inutiles ,
Dont rougit le bon goût, dont regorgent nos villes ;
Jamais on ne compta d'écrivains plus féconds ,
De volumes plus gros, d'ouvrages moins profonds;
Aucun siécle ne vit les presses moins avares ,
Les livres plus communs , les bons livres plus rares,
Et jamais les auteurs ne furent plus adroits
A redire sans fin ce qu'on a dit cent fois.
Mais , dites-vous , que faire ! On n’a plus rien à dire,
Ode , conte , épopée , apologue , satyre ;
Les anciens ont tout pris , et ne nous ont laissé
Que ronces à cueillir sur un sol épuisé ;
Aussi c’est pour cela que je tiens à prudence
De garder après eux un modeste silence ,
Ft de ne pas sur-tout ravaler par dépit
Ceux dont on met si bien les travaux à profit.
. . .
Gneux et fiers à-la-fois, nos auteurs pleins d’adresse ,
Déprimant les anciens , les dépouillent sans cesse ;
Tout en dépréciant ce qu’ils ont fait de mieux ,
Nous remettons à neuf leurs écrits déjà vieux :
(1559)
Riches à leurs dépens , parés de leurs plumages ,
Sans presque y rien changer, nous pillons leurs ouvrages ;
Nous portons sans pudeur leurs habits retournés,
À la mode du jour seulement façonnés ;
Nous réchauffons leurs vers, rajeunissons leur prose ;
Et nous croyons avoir inventé quelque chose,
Qu’arrive-t-il de là ? Tout ridicule à part,
Peu de gain pour l’auteur , décadence pour l’art.
Les lettres, parmi nous , antrefois florissantes ;
Déjà ne jettent plus que clartés Janguissantes :
Des livres trop nombreux c’est l’effet..... Un ancien
N’en possédait qu’un seul et le possédait bien ;
À sa bibliothèque aujourd'hui l’on se fie,
On a tous les recueils et l'Encyclopédie ;
Mais on ne pälit point sur l’étude. .... Et pourquoi 2...
N'a-t-on pas la science en magasin chez soi ?
Ainsi l’art dépérit. De la littérature
Bientôt le champ fécond langnira sans culture ,
Abonilance fera ce que fit rareté ,
Et richesse , à son tour, produira pauvreté.
Un jour tout reviendra peut-être..... Mais la France
N’en subira pas moins le joug de l’isnorance,
Et, l’orgueil nous mettant un bandeau sur les yeux ,
Même en n’y voyant plus , nous croirons y voir mieux.
Toi qui semble déjà menacer ma patrie,
Je ne t’invoque point hideuse barbarie ;
On m'a dit si souvent que le monde autrefois
Jgnare ct non lettré, végétait sous tes lois,
Que n'ayant ni journaux , ni gazettes ,| le monde
Etait comme plongé dans une nuit profonde :
Je me garderai donc de former des soühaits
Pour voir ton règne affreux se rétablir jamuis.
(154)
Si pourtant doit un jour cesser sous ton empire
Cette ardeur d'imprimer ; cette fureur d'écrire ;
Si je peux voir réduit, par la honte ou là faim ;
À d’utiles travaux , tout méchant écrivain ;
® Si, du moins, par les mœurs, remplaçant la science ,
Tu parviens à bannir loin de nous Ja licence ,
Je verrai ton empire approcher sans effroi ,
Et même je pourrai faire des vœux pour toi.
Mais qu’ai-je proféré ! Le mal qui nous obsède ;
Quelqu’énorme qu’il soit, est-il donc sans remède !
Faut-il désespérer des lettres ! N’est-il plus
De moyens que l’on puisse opposer à l'abus !
Il en est : et voilà celui que je propose :
Puisqu’après tant d’écrits, soit en vers ; soit en prose ;
Il reste démontré qu’en tout genre d’esprit ,
Nos heureux devanciers dès long-temps ont tout dit ;
Qu'’enrichis des grands biens qu'ont laissés nos ancêtres ;
Possesseurs fortunés des chef-d’œuvres des maîtres,
Nous avons, en nos mains , un assez gros trésor
Pour n’avoir pas besoin de le grossir encor ;
Que ce français si pur , cette langue divine ,
Que parlérent Boileau , La Fontaine , Racine,
Brille d’un tel éclat, que rien à sa beauté
Ke doit ètre soustrait, ne peut être ajouté ;
Ne scrait-il pas temps que toute Académie
De Part des vains discours se monträt l’ennemie
D’écrire et de parler , réprimät la fureur
Comme on eut soin jadis d’exciter cette ardeur ,
Et crût en faire assez désormais pour la gloire
Que d’être du bon goût l’heureux conservatoire ?
Je voudrais que , fidéle à Ja tradition ,
Ecartant sans pitié toute innovation
(155)
Sévère , elle bannit loin du classique empire
Tout mot nouveau venu qui cherche à s’y produire ;
Gardät soigneusement , comme un dépôt sacré ;
Tel qu’il nous fut transmis , le français épuré ;
Et chassät de son sein le fier néologisme ,
Comme lon chasserait le honteux barbarisine,
Maint auteur croit souvent , pour un mot javenté ,
Du français qu’il corrompt , avoir bien mérité ;
Tous ces ternres nouveaux , forgés par l’indigence,
Sont, aux yeux du génie, une fausse opulence
Des mots dont se forma la langue de Pascal
L'or pur est préférable à ce triste métal,
Je voudrais , qu’imitant l’antique aréopage ,
Comme lui , sans parier , veillant sur le langage ,
Elle se contentät de juger froidement ,
Toujours en peu de mots, toujours sans compliment ;
Qu’ayant appris long-temps à régler la parole ,
Du silence, à son tour, elle ouvrit une école,
Professät l’art d’écrire avec sobriété ,
Mëme fondät des prix pour la brieveté ,
Et donnût dans ses jeux la couronne olympique
À l’auteur le plus pur et le plus laconique.
O charme des beaux vers , noble précision ,
C’est toi qui des anciens fais Ja perfection !
Ces hommes pleins de goût que le bon sens inspire
Ne disent que la chose et le mot qu’il faut dire,
Malherbe , dans ses vers aussi beaux qu’ils sont courts,
Ne me fatigue point et m’attache toujours ;
On aime à répéter , et jamais l’on oublie
Les recits enchanteurs de Phèdre et d’Athalie ;
On sait tout La Fontaine et tout Boileau par cœur ;
L'un est vrai, l'autre est simple , et tous deux sans longueur.
(156)
Chants sacrés de Rousseau , c’est vous que l’on dévore ;
Et qu'après avoir lus on veut relire encore.
De ce vieux Desbarreaux tout le monde connaît
Et retient sans effort l’énergique sonnet ;
Et, méme en se jouant, ma mémoire fidèle
Du bonhomme Patris le songe me rappelle,
Ces beaux vers que l’on sait sans les avoir appris ;
Quel charme les a donc gravés dans nos esprits !
Par quel talent magique, à leurs moindres ouvrages,
Ces hommes ont-ils l’art d’enchainer nos suffrages !
C'est qu’ils disent beaucoup , toujours en peu de mots ;
C'est qu'ils savent toujours , sobres dans leurs propos ;.
S'arrèter au vrai point, et d’une main légère
Prendre , sans l’épuiser , la fleur de la matière.
Ne rougissons donc pas de les suivre , et souvent
Cardons à leur exemple nn silence prudent ;
Ménageons , ainsi qu'eux , avec parcimonie
Et l’art de la parole et les dons du génie.
Quand tout est déjà dit et cent fois répété ,
L'abondance équivaut à la stérilité,
Mais moi-même je tombe ici dans la redite,
Aussi bien j'ai peut-être excédé la limite ,
Et, blämant les longueurs , ne sais par quel destin
J'ai presque fait moi-même un volume sans fin,
“
= M. N. Bignon, académicien résidant , a la Ja
pièce suivante composée à Poccasion du service
célébré pour le repos de lame de M. J.-Charles
César Formage notre collègue.
D'ÉARSS TITRE.
Postquam sumina dies , irarumt fœta procellis,
Pormidanda dies ; sopitum oppresserit orbem ,
Cr577)
Protints in tenues fugient resoluta favillas
Sœcula : testantur divini carminis author
Jessiades , quæque in populos oracula , mendar |
Fieta que verba dabat, veri jam præco , sacerdoss
Heu ! quanto gravis excutiet distracta fragore
Cuncta tremor , rigidä cùm maÿestate verendus,
Fulgura sæva inter ; tonitruque bognte , nocentünr
Inquirens aderit culpas et crimina judezx !
Buccina terrifico tumulos clangore silentes
Increpitans lalë sumnos abrumpet ; el agmer
Dispersum solio agglomerans adstare jubebit.
Vin torpere suam mors , telo segnis inerli ,
Sentiet obstupefacta ; et quos priës ipsa negärit A
Emerito cursu , dominum confessa polentent,
Omniparens natura novos mirabilur orlus,
IVamque ubi prima sonos dederit tuba , morlua sursüws
Corpora , et è putribus rursüm florere sepulcris ,
Responsura Deo subjudice : pandet apertus
Æitè inscripla liber quæ pectore quisque sub imo
Egerit atque manu , liti argumenta futuræ.
Ultimus intereà, mundo expectante , sedebit
Arbiter : occultum pravé quod fraude lateret
Cælo ostendetur ; pænisque sequacibus omnes
Quod meruere , malo vel lapsi errore piabunt ;
ÎVec maculé fuerit quisquam lætatus inultd.
Me miserum ! quales vitæ reus ore loquelas
Tunc referam ? Cujusve fidem rogitare patroni
Fas erit? Insontes ubi, tanto ultore, minacerm
Securd vix mente queant attendere vultum ;
Ipsaque frigidula trepidet formidine virlus.
O Deus omnipotens , et majestate tremendé ,
Quem juvat iacolumes ; nullé mercede, piorum
C:158)9
Servavisse animas , summæ pielatis ori30 ;
Me quoque , me indulgens ultricibus eripe Rlammis:
Sis memor , 6 præsens hominum tutela , nocentes
Ut Deus indigené elueret sub imagine terras ;
T'e durum exilium, et vitæ miserabilis ultrà
Propter me lolerasse vices ; me propler eumdent ,
Cum facibus truculenta dies illuxerit atris,
Fulmina devoto capiti suspensa repelle,
Jam pater , instaulemque favens averte ruirAN
Düm mea sollieito quæris vesligia cursu
Errantem que voeas studio deeeptus inani,
Fessa laborantem deponere membra coëgit
Fe TA labefacta pedum : lua me cruz alma redemit
Morte reum fœdd : ah ! tantos periisse labores
ÎVe patere , aut mihi luxuriet spes Lanta salutiss
Aspice confusd pudibundum ut conscius urget
Fronte rubor, vultuque nefas culpante , notatur ?
Utque ægres, via eùm voci interclusa dolore est,
Singultus traho cum gemitu : te færnina quondam
Flectere peccatrix valuit , te vincere latroe :
Me quoque bland£ spe veniam expectare juhebas.
Justa quidem sontes vindicta urgebit atroci
Supplicio : sed parce bonus : donoque remittas
Debita ( namque potes) ne tanto fœnore mersurs
Opprimat atra dies æqua ratione carentem.
Magna precor tenuis , nec quæ sint digna petentän
Exigud virtule rogo ; miseralio numen
Arguit : ah ! Liceat flammas vitare perennes ;
Perque greges OviunmL niveos fulgere, nec inter
Squalere infames immundis sordibus hædos.
Ecceego , dim curis animum torquentébus angor ,
Ossaque conmtinmw6 morsu contrila trahuntur
C:59)
In cineres , capite acclini , per vulnera , supplex ;
Oro , crucemque tuam , tot acerb& in morte dolores
Infandos , miserere animæ pereuntis, opemque
Quam. tua promisit clementia solvat egenti ,
ÆAst ubi criminibus damnata horrebit apertis
Improba colluvies | stagnoque impacta voraci
Cœperit addictos flammis torrentibus ignes ,
Et mala longa pati ; sedes me dextra vocatum
Accipiat , cœtu que fruar consorte bonorum :
ÆAuspice te ; merear , tuté jam pace , beatus
Carpere inexhaustà cælestia gaudia vita.
Vers sur la Wallée d Andelle |, hommage à Jacques
Delille , par M. Duputel.
L'’aquilon a cessé d’attrister la nature,
Dans les antres du nord il rentre en mugjissant ,
Aimable avant-coureur d’une saison plus pure ,
Déjà le frais zéphir, d’un souffle caressant
Agite mollement le rideau de verdure
Que forme des bosquets le feuillage naissant.
Dans les riants vallons où la modeste Andelle
Roule ses flots d’argent sur les gazons fleuris ,
Pour jouir de ses dons le printemps me rappelle ;
J'y revole toujours de leurs charmes épris,
co 5 tee. fe ia PE ic ETES
Vous à qui les beaux arts , fertiles en prodiges
Pour remplir le néant des plus vides loisirs,
De leur'illusion prodiguent les prestiges ,
Cessez de me vanter vos fectices plaisirs,
"(160 )
Si les yeux étonnés admirent dans les villes \
Des talents réunis les magiques effets ,
La nature embellit les champêtres asiles ,
L'homme y jouit partout de ses nombreux bienfaits ,
Et de la volupté la plus enchanteresse
C'est là que tous ses sens, pleinement satisfaits,
Savourent, à loisir, la séduisante ivresse.
Qu'il est doux de pouvoir , à l'ombre des forêts ,
Eutendre, le matin, la triste Philoinèle
Aux échos attendris confier ses regrets ;
Le sensible ramier , près de sa tourterelle ,
Dans de plaïntifs accents , roucouler le désir,
Et le moineau plus vif à sa tendre femelle ,
En sons précipités annoncer le plaisir !
Qu'il est doux de pouvoir , foulant l’herbe fleurie ,
Suivre , dans ses détours , le limpide ruisseau
Qui baïgue ,. en serpentant, une verte prairie !
De la mélancolie, au doux bruit de sen eau,
L'ame éprouve bientôt l’aimable rêverie ,
Et trouve à s’y livrer l'attrait le plus touchant.
Qu'on porte ailleurs ses pas , si la scène varie,
Le spectacle qu’elle offre est toujours attachant.
Tantôt c'est une plaine où la jeune bersère
Laisse paitre, à l'écart, son docile troupeau,
Assise sur un banc de mousse et de fougère
Que l’aubépine ombrage , arrondie en berceau ; °”
Tantôt de vastes champs dont on voit, avec joie,
Les fertiles sillons ereusès d’un bras nerveux,
Par les riches trésors que Cérès y déploie ,
Combler du laboureur l'espérance et les vœux ;
es ns em 0 op pé
C:6:1)
Ici des bois touffus , retraite impénétrable
Aux regards des jaloux autant qu'aux feux du jour ;
Dont l’ombrage discret , d’un voile favorable ,
Enveloppa souvent les secrets de l’amour ,
Couronnant des coteaux la cime verdoyante ,
S’unissent à l’azur du plus pur horison :
Là s'offre une vallée, où toujours plus riante ,
La terre qu'embellit la nouvelle saison
Se plait à dérouler son écharpe brillante,
Tel est l’heureux séjour où , loin de tout fracas |
Sans former de regrets, sans connaître l'envie ,
Je vois des simples fleurs qui naissent sous mes pas
Le plaisir composer La chaine de ma vie,
Dans ce nouvel Eden , l’art, d’un étroit compas ;
N'a jamais établi la froide symétrie ;
La nature l’a seule orné de mille appas
Qu'à son gré tous les jours elle-même varie.
Loin de moi ces jardins stérilement pompeux ,
Où le luxe iguorant d'une vaine industrie
Emprunte le secours , pour fatiguer les yeux
Du spectacle éternel de sa monotomie.
IL en est de nos champs comme de la beauté +
Un aimable désordre y tient lieu de parure ,
Et leur plus puissant charme est la simplicité,
Lorsque ses blonds cheveux , errants à l'aventure ;
De l’albétre arrondi voilent la nudité ,
Sans autres ornements que sa seule ceinture ,
Malgré tout l’attirail du faste mensonger
Qu'avec orgueil Junon devant son juge étale ;
Véaus obtient le prix qu'à ce jeune berger
Demande vainement sa superbe rivale,
L
(163)
Bords chéris , doux témoins de mes premiers plaisirs ÿ
Que j'aime à vous revoir ! des lieux que mon enfance
Choisissait pour théâtre à ses heureux loisirs ;
Dans mon cœur satisfait l’agréable présence
Réveille à chaque instant de tendres souvenirs.
Oh ! combien je voudrais revenir à cet âge
Où, n'ayant d’autre soin que celui de ses jeux ;
L'homme de sa raison ignore encore l’usage !
On a beau la vanter, fatal présent des dieux ,
Elle seule obscurcit le funeste nuage
Qui dérobe toujours le bonheur à nos yeux.
Le bonheur ! Ah! pour nous il n’est plus qu’un beau songe ;
Et ce n’est qu'à travers le prisme des erreurs
Que nous pouvons , jouets d’un séduisant mensonge,
Entrevoir quelquefois ses rayons enchanteurs,
Mais comment en saisir la lueur fugitive ?
Cet astre brille-t-il dans les sombres réduits
Où , sous de triples clefs, d’une avarice active
Le pâle agioteur entasse les produits ?
Sous les toits fastueux , temples qu’à la richesse
Un vain luxe bätit au milieu des cités ?
Sur le. mol Edredon où languit la molesse
Que fatigue l'ennui des fausses voluptés ?
À la Cour où le dieu qui préside aux intrigues ,
Recevant seul l'hommage et l’encens des mortels ,
Voit , sans cesse poussés par le souffle des brigues ,
Des, flots d’ambitieux inonder ses autels ;
Ou , dans les champs dè mars , sous la palme incertaine
Qu’'invoquent du guerrier les sanguinaires vœux ?
Non : croyons ce qu'a dit le naïf La Fontaine,
ÎVi l'or, ni la graruleur ne nous rendent heureux.
Si quelqu'un ici bas à dés titres pour l’être ,
C’est celui qui, content de son obscurité,
Sait à l’étroit enclos d’un asile champêtre
Borner de «rs désirs le cercle limité.
(165)
insensible anx attraits de la vaine imposture ;'
Un phosphore trompeur ne l’éblouit jamais ,
Et son cœur, que le feu du sentiment épure ,
Ne goûte, dans le sein d’une innocente paix ,
D'autres plaisirs que ceux que donne la nature.
Que d’autres transportant au milieu des hameaux ,
L'étiquette des cours , les préjngés des villes ,
Aillent , à jour fixé , de châteaux en châteaux,
Acquitter froidement des visites sesviles ,
"Et M quand une fois ils ont dans leurs discours ,
De tous les lieux communs épuisé l’éloquence ,
Des cartes où des dés invoquant le secours ,
Autour d’un tapis vert s’ennuyer par décence ;
Ou bien, à pas comptés , suivant les doubles rangs
De tilleuls ailignés en vertes palissades ,
Entre les murs d’un parc , faire de temps en temps
Quelques processions qu'ils nomment promenades ,
Et bientôt fatigués, rentrer dans leurs salons ,
Contents d’y retrouver des fleurs , de la verdure,
Des ruisseaux , des bosquets , des côteaux, des vallons ,
Des bergers, des troupeaux et des champs. . ... en peinture.
De ces aimables lieux l'aspect toujours flatteur
De plaisirs plus réels m’offre une source pure.
Que n’ai-je en ce moment le crayon enchanteur
Du peintre des jardins, de l’élégant Delille ,
Qui , son rival plutôt que son imitateur ,
A su nous enrichir des trésors de Virgile !
Mes vers rappelleraient ces plaisirs si touchants ;
lis peindraient tour-à-tour l’aimable solitude ,
Où , suivant librement les plus tendres penchants ;
-Mon ame s’abandonne aux charmes de l'étude ;
L'3
«©
(164)
Les utiles travaux de l'habitant des champs |
La gaieté de ses jeux et les danses légères
Qu’au son du flageolet qu’accompagnent leurs chants
Forment sur le gazon les folätres bergères.
Mais Apollon se rit de mes vœux impuissants,
O Delille ! à toi seul, son fidéle interprète ,
L’immortel a remis ses magiques pinceaux ;
Des brillantes couleurs d’une riche palette,
Disposant à ton gré, dans tès riants tableaux ;
Toi seul as le pouvoir d’imiter la nature,
Aussi quand l’aquilon , précurseur des hivers , ’
D'un souffle destructeur flétrira sa parure,
Pour en jouir encor , je relirai tes vers,
= Le même a présenté à l'Académie un exem-
plaire de sa Geneviève de Brabant , dont un jour-
paliste estimé a dit: » avec de l'imagination on pou-
» vait faire sur ce sujet un très-bon roman , et
» M, Duputel la fait «.
MÉLANGES DE LITTÉRATURE.
— M. Leboullenger , académicien non résidant, et
ingénieur des ponts et chaussées , nous a lu une
petite pièce en prose, intitulée : V'Affüt à la Bécasse.
C’est sans doute une bagatelle , mais une jolie baga-
telle, fruit de quelques instants de loisirs dérobés
à des occupations graves et importantes.
» Le lieu de l'affût, ditl , est ordinairement une
# mare ou une fontaine située sur le bord du bois.
C:165 3
En s'y rendant le chasseur impatient médite en
lui-même le poste qu'il occupera... Il choisit sa
place.... et garde le plus profond silence...
La rouge-sorge curieuse le découvre et sonne
aussi-tôt l'alarme ; bientôt arrive le merle éveillé
qui voltige de branche en branche , à sa voix
répond la grive méfiante.... Le vent souffle de
l'est , la pluie survient. Le chasseur croit enten-
dre un. bruit semblable à.la chute d’un corps...
La pluie cesse , il. cherche des. yeux et dans la
plus parfaite immobilité la bécasse qu'il sait être
tombée; mais elle part de ses pieds où elle s'é-
tait abattue.... Elle retombe , inquiète , elle
tourne a tête de tous côtés , entre dans l'eau ;
mais le coup part, elle est morte. S'élancer , sai-
sir son gibier est pour le chasseur l'affaire d’un
moment.... De retour il compose son visage,
affecte la tristesse ; les brocards pleuvent autour
de lui, lorsque montrant le fruit de sa chasse
un sourire de la beauté est le prix de sa patience
et de-son adresse, «
= M. Toustain de Richebourg , académicien non
résidant , qui s'occupe d'un Focabulaire étymolo-
gique , historique , géographique et chronologique ,
a
dû , comme de raison ,; compulser nombre de
recueils , de dictionnaires , etc. , et faire, en les par-
courant , des notes, des remarques critiques sur les
omissions et les fautes mêmes qui ont pu échapper
L 3
( 166)
à leurs auteurs. Notre laborieux collègue nous à
communiqué un trèésgrand nombre d'ebservatiois
intéressantes sur les six volumes in-8° de M. Deses-
sarts , ,inütulés : Les Siècles littéraires. M. de
Toustain de Richebourg , dans ses recherches,
D’est occupé que de la vérité, et n’a point la va-
nité de s’ériger en critique des auteurs dont il re-
lève ou les fautes, ou les omissions,
— M. de Glanville ; académivcien résidant , nous
a communiqué la comparaison qu'il a faite de PAr-
taxercé de M. Delrieu , avec l’Artaxerce de Metas-
tase.
Il est fort difficile de faire l’extrait d’une analyse.
Il n’est guères possible d’offrir que des résultats ;
nous allons cependant essayer de faire connaitre son
opinion.
Il commence par exposer le plan de Metastase ,
qui est le créateur de ce sujet. Ensuite il rapporte
Les expressions de Justin parlant de ce fait histori-
que. Justin ne dit que fort peu de choses de cet
évènement. Metastase y a ajouté plusieurs per-
sonnages ,; et a inventé plusieurs circonstances
pour parvenir à composer sen drame. M. Del-
rieu a cru devoir en changer plusieurs , en suppri-
mer d’autres. D'abord les deux premiers actes sont
de son invention , et » bien que , dit l’auteur , ils
» soient les moins intéressants de la pièce, ils ser-
# vent si naturellement d'exposition, ils motivent
C:67)
» si bien ce qui doit suivre ,que loin d’être hors-
» d'œuvre ils deviennent nécessaires, eu égard aux
» modifications que l’auteur a apportées au sujet qui
» lui était offert ; « car on ne pourrait disconvenir
qu’en suivant le plan de Metastase , ils ne devins-
sent inutiles. Quelques personnages substitués à
d’autres, pour plus grande vraissemblance , ou pour
diversifier davantage les physionomies , la scène de
l'épée sanglante entièrement refondue (Artaban ne
change pas la sienne avec celle d'Arbace , il la lui
présente simplement comme un trophée) ,le dénoue-
ment qui diffère encore de quelque chose de ce-
lui du poëte italien : tels sont les principales situa-
üons qui, sans appartenir aucunement à M. Del-
rien, ont subi sous sa plume quelques améliora-
üons. Je dis sans appartenir à M. Delrieu , car elles
appartiennent entièrement à Metastase ,; comme
toute la pièce , à l’exception des deux premiers
actes. Le développement de cette verité ; [a com-
paraison des passages semblables compose une par-
tie du mémoire. Au surplus , M. de Glanville finit par
dire » quand on embeilit en imitant on a prévenu
» toute espèce de reproche. «
La partie des caractères lui offre encore matière
à quelques observations. Artaxerce est, selon lui,
entièrement subordonné à Artaban , et ce dernier
étant le plus marquant aurait dà donner son nom
à la tragédie.
L 4
(168 )
Enfin M. de Glanville , en terminant son analyse,
voudrait assigner à la tragédie d'Artaxerce une place
distinguée parmi les pièces du second ordre. » On
» désirerait peut-être , dit-il, que plusieurs vers
» fussent moins négligés , plus dignes du co-
» thurne ; .... mais sa pièce est peut-être de tou-
» tes celles qui ont paru dans ces derniers temps
» l'ouvrage où l’auteur a su mieux prendre le ton
» du genre , et intéresser , tant par le fond du sujet
» que par la manière dont il la mis en œuvre,
» etla palme qui lui est acquise est d’ailleurs d’au-
» tant plus glorieuse que la carrière qu’il parcourt
» est célèbre par les chutes beaucoup plus que
» par les succès. «
On voit que ce mémoire a été lu avant le prix
décerné à M. Renouard ,; pour sa tragédie des
Templiers ; au surplus , le jugement de linstitut
a probablement été motivé par des raisons qui
peuvent avoir échappé a M. de Glanville. Il a parlé
comme il était affecté , et la modestie qui préside
à ses jugements l'ont fait déférer sans peine aux
décisions du tribunal suprême du bon goût.
À la suite de plusieurs mémoires que M. de Glan-
ville nous avait présentés et qu'il avait traduits d’un
article de littérature inséré dans le monthly repertorry ;
voulant terminer un ouvrage qui, sous le titre
de Lycée de l’ancienne littérature , titre qui pro-
mettait beaucoup , ne semblait pas devoir étre diss
(169 )
continué dès les commencements , il nous a lu un
discours sur Homere et sur le Tasse. Ce dernier est
comparé comme imitateur. On se doute que M.
de CGlanville se garde bien de mettre au même
rang le poëte italien et le poëte grec pour le génie
et pour l'invention ; mais 1l ne craint pas d'établir
son parallèle, quant au plan du poème , à sa con-
duite ,et principalement aux caractères. Il compare
Godefroy à Agamemnon , Tancrède à Ajax, Renaud
à Achille, Hector à Saladin , Aladin à Priam,
Raymond à Nestor , Herminie à Helène , l'Her-
mite Pierre à Calchas , et Argilan à Thersite. Plu-
sieurs autres avaient déjà indiqué ces ressemblan-
ces ; mais M. de Glanville a prétendu faire un
rapprochemeut complet. Voici, par exemple, com-
me il s'exprime au sujet du chef des croisés.
» Le caractère de Godefroy est certainement
» plus fini que celui d'Agamemnon. Le roi des
» rois commence par se fâcher sans sujet. Il en-
» court ces reproches avilissants d'avarice, quand
» il veut s'approprier la jeune captive , et de là-
» cheté quand il propose par trois fois aux grecs
» d'abandonner le siège et de retourner dans leur
» patrie. Godefroy , au contraire , me forme pas
» un seul projet , une seule entreprise , ne pro-
» fère pas une seule parole qui ne soit conforme
» à l'idée qu'on doit concevoir d'un héros que Île
» suîrage unanime a élevé, au poste le plus émi-
(1:70)
» nent. Il a toujours la même sérénité ; le même
» courage ,; la mème prudence. Les accessoires
» des deux caractères sont également à l'avantage
» du dernier : sur la foi d’un songe trompeur
» Âgamemnon éprouve le courage de ses troupes;
» le messager céleste vient apporter à Godefroy
» les ordres les plus formels avec les promesses
» les plus consolantes, Agamemnon est sans cesse
» en butte à la jalousie des rois , armés pour dé-
» fendre la cause de son frère ; Godefroy, élu
» par inspiration divine , ne laisse aucune prise à
» l'envie. Toutes les passions se taisent à la voix
» du très-baut. «
Dans ce discours analytique et apologetique, M.
de Clanviile ne se borne pas, comme nous l'avons
dit, aux caractères ; il indique encore les prin-
cipaux points de contact des deux poëmes , la
différente manière dont les auteurs ont mis en œu-
vre Îles matériaux qu'avait disposé leur génie ,
le plau, la conduite du poëme.
La forme d'extrait, essentiellement défectueuse ,
se refuse aux développements que nous pourrions
faire du discours de M. de Glanville.
J'ajouterai peu de choses, en essayant de jus-
üfier le Tasse des inculpations que lui firent des
auteurs qui n'étaient que trop recommandables..
par leur savoir et leurs taïients ; il avoue avec eux
Ci71)
que la partie des sentiments n’est pas son triom=
phe. On remarque souvent chez lui de l'affeterie
et du faux brillant ,; mais toutes ces taches ne
sont répandues que sur environ deux cents vers.
Sapprimez-les , si la contexture du poëme en
souffre, son essence n’en essuiera aucune perte
notable.
» Rien n’est parfait ( dit l'auteur ) dans les ou-
» vrages des hommes. Les productions de l'esprit doi-
» vent être assujetties à cette loi commune. Homère,
» le prince des poëtes , a ses moments de sommeil ;
» il a donc fallu qu'il léguât à ceux qui devaient
» venir après lui, l'imperfection dont il n'avait
» pu lui-même se garantir.... Le Tasse a donc
» aussi ses défauts, «
Dernière preuve des talents du Tasse : l'honneur
que ses compairiotes rendent à sa mémoire , et qui
vinrent le chercher dans ses derniers moments.
» Le Tasse, dit M. de Glanville , est pris au sein
» de l'infortune ; il va monter les dégrés du capi-
» tole , de ce capitole que Rome a proclamé depuis
» tant de siècles le temple des héros..., Que
» dis-je ? Il ne pourra jouir d'un honneur inconnu
» jusqu'alors dans la république des lettres. Un
» trépas envieux le ravit à son triomphe , mais il
» ne peut le ravir à sa gloire. La couronne de
» laurier qui devait orner ce front arguste , les
C172)
guirlandes qui devaient descendre sur cette poi-
“
…
» trine , animée par le souflle sacré des muses ,
» sont placées sur le marbre glacé de sa statue ,
» et fournissent ainsi à l'univers l’emblême de l'é-
x
ternité de sa réputation, «
— M. Gourdin a lu quelques réflexions sur une
critique de la Biliothèque orientale de d'Herbelot ,
ouvrage rare et cher qui existe dans la bibliothèque
de cette ville.
Un savant étranger avait accusé d'Herbelot d’a-
voir puisé presque tout son ouvrage dans des rc-
marques écrites en arabe , dont il n'avait pas même
toujours saisi le sens. M. Gourdin a cherché à ven-
ger d’une inculpation aussi injuste l'homme de son
temps le plus modeste comme le plus profond dans.
la connaissance des langues orientales.
HISTOIRE — ANTIQUITÉ.
On considère ordinairement l’histoire comme une
suite et une collection d'évènements ; ils en sont ,
sans doute , une partie essentielle ; mais une autre
qui ne l'est pas moins quoiqu’elle soit trop souvent
négligée | c'est celle des mœurs, des usages, des
préjugés mêmes. C'est sous ce point de vue que
nous rangeons dans la classe de l’histoire un mé-
|
|
C175)
moire très-étendu , également détaillé et important ,
de M. l'abbé Baston , ayant pour titre : Mo/ice sur
les Serfs et la servitude dans la principauté de Muns-
ter en FFestphalie.
Cet ouvrage , fruit de l'observation pendant un
assez grand nombre d'années , ne peut étre main-
tenant regardé que comme le monument d'un ordre
de choses qui n'existe plus. Le but de lécrivain
était de montrer contre les philosophes qui déclament
quelquefois , et contre les poëtes qui exagèrent :pres-
que toujours , qu'en un pays de notre Europe | sous
une domination ecclésiastique ( à part l'opinion ,
Phonneur , la dignité de l'homme } , Les serfs n’e-
taient pas malheureux , et que la servitude leur of-
frait des avantages qui compensaient ses désagré-
ments,
Il débute par une définition légale de la servitude ,
suivant laquelle , dit-il, » si lon s'en tenait aux
» paroles de la loi, le servage des Westphaliens
» aurait ressemblé à l'ancienne servitude germani-
» que ou à l'esclavage chez les romains..... Mais,
» ajoute-t-il , il est arrivé aux mots ( de la défi-
» nition ) ce qui s'apperçoit souvent dans les lan-
» gues vivantes : les sons continuent d’être les
=
-
mêmes , et de nouvelles idées ont remplacé les
3 ANCIENNES... de
-
M. l'abbé Baston justifie cette assertion , en par-
C174)
courant tous les tres qui forment ou peuvent for
mer le code entier du servage : les différentes ma-
nières d'introduire et de faire cesser la servitude,
les obligations du serf à l'égard du maitre, etcelles
du maître à l'égard du serf; leurs droits respectifs ;
les héritages entre serfs; léviction, etc. Sur ces
divers articles notre confrère fait des remarques
intéressantes.
Par exemple , après avoir dit que le maître est
propriétaire et le serf usufruitier , l'un et l'autre hé-
réditaires , il observé que le droit du serf gêne
beaucoup plus le maitre que le droit du maître ne
gêne le serf ; lés chèues et les hêtres d’une mélai-
rie en servage appartiennent au maitre comme pro-
priétaire ; le méstung oa droit d'engraisser ses pores
sous les arbres, appartient au serf comme usufrui-
tier. 11 suit de là que le maître ne peut , saus la-
grément du serf, abattre, sur un terrain qui est à
lui, des chênes et des hétres qui sont à lui , tant
qu'ils produisent du gland et de la faine. » Pour
» peu qu'on y en ait vu l'automne précédent , le
» serf, s'ille veut , oppose à la hache du proprié-
» taire le veto de l'usufruitier. Le bois est à vous ,
» dira-t-il , mais les fruits sont à moi : vous n'avez
» pas le droit de m’en priver. Les campagnes de la
» Westphalie sont pleines d'arbres séculaires, qui
» sèchent sur pied par cette jurisprudence. Un
» chêne à moitié mort est encore fécond dans quel-
( 178 )
» ques-unes de ses branches ; un tronc , creux de
» vieillesse , continue de nourrir par ses extré-
» mités l'animal que l'habitude de la faim amène
» auprès de lui : le serf ne permettra donc pas
» qu'on y touche ; à la lonçue le vent corrige cet
» abus. Il saisit par la tête ces arbres protégés et
» les renverse. Alors le maitre s'en empare , leur
» chûte a périmé les droits et la jouissauce de lu-
» sufruitier «.
A encroire notre confrère (et serait-il raisonnablé
de dui refuser assentiment sur des faits? ) dans leë
cas hitigieux , la loi, l'usage et la jurisprudence par-
Jent toujours en faveur du serf conire le maître,
Entreux la balance n'est presque jamais égale
Jors même qu’il semble extrémement naturel qu’elle
le soit, et c'est toujours du côté du serf qu’on la
voit pencher. L'héritage s'améliorera par des addi-
tons, des defrichements , etc. ; ces accroïssements
profitent au serf , jamais au malze. Les prœstunda
ou redevances sont invariables en ce sens qu’elles
naugmentent jamais. Mais pour peu que la valeur
du bien en servage diminue , les redevances sont
aussitôt réduites, Dix années d’une abondante ré-
colte auront enrichi le serf usufruitier : vient une
onzième très-mauvaise année , le serf ne paiera rien
ou peu de chose de ses redevances. Cette année
slérile sera suivie d’un demi-siècle d'excellentes ré-
(176)
coltes : le maître n’en sera pas plus avancé, et ne
recevra , pour la ma'waïse onzième année ,| aucune
indemuité, » Il ne pourrait, dit M. Baston, exiger
» un épi de plus que ce qu'on lui doit annuellement,
» eût-il, l'année d'auparavant, remis la moitié de
» ce qui lui était dû «.
En examinant la dépendance où les serfs sont de
leur maitre , sur-tout par rapport au mariage ,
Pauteur dit : » Dans nos pays libres , les fils de
» famille ne jouissent pas de plus de liberté.... Aussi
» les serfs de Westphalie ne seraient-ils pas mal dé-
» finis : des hommes , mineurs jusqu’à la mort , ou
» jusqu’à l’affranchissement «, Et ce qui acheve d'al-
léger le joug de cette dépendance , c’est que » si
» Je maître refusait injustement la permission de se
» marier qu'on lui demande , le serf pourrait s’a-
» dresser au juge afin d’être légalement autorisé à
» faire ce que son maitre ne veut pas qu'il
» fasse «.
La lettre de la loi est très-sévère contre le serf
qui coupe les arbres du maître , pour les vendre,
ou méme pour s'en servir, Ce delit est commun;
» mais la loi est rarement appliquée. L'éloignement
» du maître, les ténebres d'une nuit officieuse , le
» défaut de preuves légales , la crainte d'un procès
» ruineux , et mille précautions que sait prendre
» l'homme qui dérobe , sauvent toujours le coupa-
» ble
02
(3729)
» ble que sa conscience n’a pas retenue. Et quand
» retient-elle la conscience d’un ser£ | accoutumié
» par une longue jouissance à se regarder comme
» le vrai maître de toute la chose , et à ne voir
» les droits du maïtre légal , que comme une usur-
» pation , cachée dans la nuit du passé , mais
» réelle ? « |
Un des articles les mieux faits de la MWorice ,
est celui de lévicrion ou perte de l'héritage , encou-
rue par le serf potir raison de quelque délit. L’au-
teur en prend occasion de nous donner une idée
de la Thémis allemande , et cette idée n’est pas avan-
tageuse. » Il faut s'adresser au juge ( pour l'évic-
» tion , dit-il, ) et c'est alors sur-tout que la procé-
» dure marche à pas de tortue : alors qu’elle dé-
» vore , chemin faisant, l'héritage en litige, souvent
» même d'autres héritages. Les hommes de loi em-
» ploient tout leur savoir pour retarder le premier
-
» jugement ; puis , un appel au juge supérieur ;
» puis , un autre appel à la chambre souveraine de
» Wetzlar, qui , suivant la constitution germani-
» que, reçoit les appels de toutes’ les parties de
» l'Allemagne. Il est même permis , après avoir été
#» jugé là, de porter la cause à Vienne. Ordinai-
» rement les plaideurs meurent avant qu'un procès
» en éviction soit terminé..... Siles gens de justice
» étaient plus expéditifs, au lieu d’un interminable
» procès , ils en auraient par douzaines de sommai+
» res, comme le veut le législateur. Tout le monde
M
C:78)
» y gagnerait : et ceux qui mangent l’huitre , ét céux
» à qui il ne reste que les écailles (1).
Nous finirons ce rapport par l'observation morale
qui termine l'ouvrage de M. Baston ; elle fournira
une nouvelle preuve de la bizarrerie et de l’uuiver-
salité de l’orgueil humain.
» Il y a , parmi les serfs de Westphalie , des
» degrés , des distinctions. Le servage a ses nobles
» et ses roturiers ; de grands et de petits paysans:
» les premiers sont les protecteurs des autres, qui
» jouent le rôle de clients. Je ne sais si ceux-ci
» imitent la bassesse des clients romains , hommes
» libres pourtant, s'ils flattent et rampent , mais je
» sais que beaucoup de ceux-là, des grands serfs,
» ont de la hauteur , de la morgue ; non pas tant
» celles des richesses que celles du rang. Rarement
» un grand paysan consentira-t:l que son fils , l'hé-
» ritier du titre qui Je décore , prenne femme dans
» Ja famille d’un petit paysan |, ou que sa fille se
(:) Le roi de Rrusse ( je parle de celui dont nous avons
conquis l’épée ) , assez peu respectueux envers l’organisation
germanique, dont il n’appréhendait pas le couroux , avait
invité , par son exemple , les princes d'Allemagne à faire
juger cliez eux , en ‘dernier ressort, les procès de leurs sujets;
mais il était fort , et la plupart des autres étaient faibles :
cette différence seule leur eût Ôôté l'envie de l’imiter, D'’ailleurs ,
enti’eux et lui, l’antipathie était si grande et si prononcée,
qu’ils u’cussent voulu lavoir , ni pour protecteur , ni pour
modéle. ( Vote de l'auteur. )
C179 )
* Choisisse un époux , né si loin d'elle, Un baron:
» de seize quartiers n’a pas plus d’antipathie pour
» les mésalliances. On en voit pourtant quelquefois
» chez les serfs, mais moins souvent que chez les
» nobles. Ces bons agricoles ne veulent ordinaire-
» ment qu'une femme dans une femme , et sont
» peu susceptibles des mouvements et des folies
» d’une passion. Ils s’écartent moins des routes
» frayées par l'usage ; ils suivent aussi plus doci-
» lement et plus volontiers les convenances et la
» direction de la volonté paternelle «e
= M. Cosseaume , académicien résidant , nous à
communiqué une dissertation qui figurerait parfaite-
ment parmi celles de l'Académie des inscripuions ;
elle à pour titre : Essai er Recherches sur Mithras.
On peut, dit M. Gosseaume, auteur du mémoire
dont nous donnons ici l'extrait, se faire à ce sujet
les questions suivantes :
1° Qu’esuce que Mithras? ;
2° Où son culte d'abord a-t-il été établi ? Quand-
æet comment fut-il connu à Rome?
3° Que signifient les emblémes sous lesquels on
le représente et dont il est accompagné ?
4° Quel est le sens des inscripuons dont le tau-
» reau de Mithras est quelquefois orné ?
D 4
On pourrait encore, dit M. Gosseaume , sur
chacune de ces questions, écrire beaucoup de pa-
M à
{ 180 }
ges: c’est un projet qui est Join de moi; mon in“
tention est, au contraire, de les traiter le plus suc-
cinctement possible : je ne répéterai donc point ce
qui est écrit par-tout , et je ve m'arréterai qu'aux
points qui n'ont pas été traités, ou qui, selon moi,
pe l'ont pas été d’une manière conveuzable.
PREMIERE QU xs TI ON.
Qu'est-ce que Mithras ?
Si nous consultons Hérodote et tous les auteurs
qui l'ont suivi, Mithras , ou plutôt Mitra , était la
Vénus céleste, Voici ce que cet auteur écrit, livre
Clio , trad. de Duryer : » Relativement aux usages
»
»»
#»»
1»
”
”»
2»
”
»
»
”
»”
»»
»
des Perses, ils ne font ni statues, ni temples ,
ni autels , et au contraire ils se moquent de
ceux qui en font , et disent qu’il y a en cela
de la folie : parce que, comme je pense, ils ne
croient pas, ainsi que les Grecs, que les dieux
soient engendrés des hommes. Ils ont coutume
de sacrifier à Jupiter sur les plus hates mon-
tagnes. Ils appellent Jupiter toute la rondeur du
ciel. Ils sacrifient au soleil , à la lune , au feu ,
à l’eau et aux vents , et de tout temps ils ne font
de sacrifices qu’à ces sortes de divinités. Ils ont
depuis sacrifié à Vénus-Uranie , et ont appris ce
sacrifice des Assyriens et des Arabes. Les Assy-
riens appellent Vénus #/ylitta ,les Arabes Aliüta,
les Perses Mithra. «
Diodore de Sicile énonce la même opinion, et dans
(181)
des temps postérieurs, S. Ambroise écrivait que Îles
Perses donuaient le nom de Mithra à Vénus céleste,
Thomas Hyde , dans son ouvrage très-érudit ,
ayant pour titre : De veterum Persarum et Partho-
rum et Medorum religionis historiä , a beaucoup
parlé de Mithras. » Voici sur cet objet ses princi-
» pales assertions : Le soleil, en persan, se nom-
» mait Myhr , amour, miséricorde. La difficulté de
» prononcer ce mot fit que les Grecs le rempla-
» cèrent par celui de Mithras, «
Les Perses n’adoraient point le soleil ; ils lho-
noraient seulement comme le trône du Dieu uni-
que qui seul recevait leur encens.
Le culte de Mithras était purement civil. Les
jeûnes et les macérations par lesquels on éprouva
ensuite les iuitiés , sont une invention des Romains.
Ce culte chez les Persans consistait dans des salu-
tations , et, suivant quelques auteurs, dans des par-
fums offerts : les Grecs avaient ajouté à ces paro-
les d'Erdeviraph des libations et des sacrifices ,
rapportant faussement au soleil ce que les Perses.
ue rapportaient qu’à Dieu.
D. Martin, qui, dans son ouvrage intitulé : De la
Religion des Gaulois , a pareillement parlé de Mi-
thras , prétend, sans en donner des preuves bien
solides, que lon donnait le nom de Miüthras au
soleil , et celui de Mithra à la lune.
Dacier , dans sa traduction des hommes illustres
M 3
T.1,ch.4,
pige 105.
T.1, p. 106:
Page 109,
Page 118
T: 2. P- 424
Apud
gronov.tom.
pag.
D. Martin
D, 429 à 450,
(182)
de Plutarque, s'énonce ainsi qu'il suit , dans une
note insérée sur la vie de Pompée : » Hérodote
» écrit que les Perses adoraient Vénus-Uranie sous
» le nom de Mithras; mais l'opinion commune est
» que Mithras n’était autre que le soleil ; car, en
t
persan, Mithir ou Mithra siguifie seigreur. «
Daniel Glasenius adopte le même sentiment :
» Ægyptiaco vocabulo solem nunc Mithram , nunc osi-
» rim nominabant. Persarum gens solem dicebat
» Mitram. «
»
11 suit de ces citations que généralement Mithras
est reconnu pour le soleil. Quant à la dissidence
d'Hérodote , quile considère comme Vénus-Uranie,
il n'est peut-être pas difficile de montrer que la
différence existe beaucoup plus dans les expres-
sions que dans les faits ; car si Vénus-Uranie et le
soleil sont la même chose , il n’y a plus alors de
difficultés réelles : or, je ne crois pas qu'il soit
permis d'en douter.
Premièrement l'origine est la même ; Mithras et
Vénus-Uranie étaient nés , dit-on, d'une pierre ; allé-
gorie ingénieuse de la génération du feu paf le
choc de la pierre ; c'est le Geos ex reroas de
Julius-Firmicus. C'est par cette raison que l'un et
l'autre étaient représentés par des cippes , ou plus
simplement encore par des cubes de pierre.
20 Vénus-Uranie et le soleil étaient représentés avec
un triple visage, souvent sous la figure d'animaux:
(1835)
du lion , du chien, du loup : l’une et J'autre étaient
entourées d'un serpent. 5° Les propriétés et les fonc-
tions étaient les mêmes ; car si la Vénus céleste
est considérée comme le principe fécond de toute
reproduction , est-il , je le demande , aucune de
ces propriétés qui n’appartienne pareillement au
soleil? N'est-ce pas lui qui donne la vie à la nature
entière par la chaleur de ses rayons, qui crée en
quelque manière , par sa lumière , les charmes et
les beautés qu'elle étale , et qui ne serait rien pour
nous s’il cessait de les éclairer : si donc tout est pa-
reil de part et d'autre, origine , qualités , attribu-
tions , il faut conclure que c’est une même puissance
qu'on a pu honorer sous des noms différents.
DEUuxIHME QUESTION.
Où le culte de Mithras fut-il d’abord établi , et
comment fut-il connu à Rome ?
C'est des Assyriens et des Arabes, suivant le pas-
sage d'Hérogote que j'ai cite , que les Perses reçurent
le culte de Mithras.
M. Freret , auteur de plusieurs savants mémoires
insérés dans les actes de l'Académie des inscriptions ,
croit ce culte originaire de la Chaldée, et qu'il avait
été institué pour célébrer l’exaltation du soleil dans
le signe du taureau.
T. Hyde , sur le même sujet, énonce la proposi-
Lion suivante : » Zoroastre , dit Porphyre au rap-
M 4
ÆNr0 pe
183 et 284,
Page 1:16,
(14)
port d'Eubulus , consacra le premier à Mithras, le
créateur et le père de l'univers, une grotte formée
par la nature , dans les montagnes voisines de la
Perse , arrosée de fontaines agréables , et émaillée
de fleurs. «
De tous ces passages il résulte que les Perses ne
furent pas les inventeurs du culte de Mithras, et
qu'ils l'avaient reçu de leurs voisins. Leur manière
d'honorer la Divinité sur les plus hautes montagnes,
et leur aversion pour les statues et même pour les
temples, persuadent facilement qu’ils sont encore
moins les inventeurs des figures bizarres sous les-
quelles on a représenté Mithras.
A la suite du passage d'Eubulus que je viens de
rapporter d'après T. Hyde et Porphyre, je lis :
» Pantre était le symbole de l'univers , bâti par
Mithras, et les choses qui y étaient artistement dis-
posées étaient celui des éléments , des climats, etc. «
Depuis Zoroastre on continua d'honorer Mithras
dans des grottes qui, non-seulement représentaient
l'univers , mais encore l'obscurité des choses occultes.
Sur quoi je ferai observer que le témoignage
d’'Eubulus prouve bien peu en faveur du système
dont il fait Zoroastre l'inventeur : il règne une si
grande obscurité sur l'existence et les écrits de ce
très-ancien philosophe , qu'il serait possible de lui
avoir fait dire, dans des temps bien postérieurs,
des choses auxquelles il n'aurait pas méme songé,
(185)
Eubulus d’ailleurs était un écrivain grec, et tout le
monde connaît la propension des Grecs à parer tous
les objets de leurs livrées. Nous avons déjà vu que,
d’après l'opinion de T. Hyde , ils avaient changé le
nom persan Myhr en celui de Mithras. J'ajoute ici,
par anticipation , que tout annonce que, du temps
même d'Eubulus , de beaucoup antérieuràPorphyre ,
qui vivait dans le 5 siècle , le culte de Mithras
était connu dans la Grèce. Ne pouvant donc rai-
sonnablement en faire les Perses les auteurs , c’est
chez des peuples amateurs des allésories et des
hyéroglyphes qu'il convient de chercher Porigine
des emblémes sous lesquels on a représenté Mithras,
et je ne vois que les Egyptiens et les Grecs aux-
quels on puisse en faire honneur. Plusieurs raisons
_ m’empéchent de l'attribuer aux Epyptiens; je men
citerai qu’une , mais qui me parait victorieuse.
C'est la queue du taureau de Mithras, qui , dans
» tontes les figures que j'ai vues, se termine en un
faisceau d'épis ; allégorie qui prouve que le soleil
pe quitte pas le signe du taureau sans que la terre
soit chargée d’épis. Or , on sait qu'en Egypte la
récolte se fait en février et en mars , et qu'eu
juillet et août , temps de notre récolte , l'Egypte
_ est sous les eaux.
Quant au temps auquel le culte de Mithras fut
“ sonnu à Rome , voici ce que nous dit Plutarque
en parlant des Pirates que Pompée fut chargé d'aller
combattre : » Leur audace sacrilége n'épargnait pas
Dacier ,
FH ili., pagh
557.
(1867
» même les temples qui , jusques-là , avaient-été
» inviolables et sacrés ; ils ruinèrent et pillèrent
» celui de , etc. etc. ; ils firent aussi les sacrifices |
» barbares qu’on fait à Olympe ( de Pamphilie) »
» et ils pratiquérent certaines cérémonies très -se-
» crètes et très- mystérieuses , entre lesquelles
» étaient celles du Dieu Mithras qu’on a conservées
» jusqu'ici , et dont les premiers ils ont apporté
» l'exemple. «
Quelque précis que soit ce témoignage, M. Freret
s’est ouvertement prononcé contre lui , et M. le
Chevalier de Jaucourt , qui ne fait presque que
copier les mémoires de l’académicien des inscrip-
tions , dans ses articles Mithras et fêtes Mithriaques
du dictionnaire encyclopédique , adopte la même
opinion.
.
]
» Plutarque prétend, est-il dit aux articles cités,
» que ce furent les Pirates, vaincus et dissipés par
“ Pompée, qui frent connaître aux Romains Je culte
» de Mithra ; mais comme les Pirates étaient des
» Pisidiens, des Ciliciens et des Cypriens, nations
» chez lesquelles le culte de Mithra n'était pas
» reçu , il résulte que lidée de Plutarque m'est
» qu’une vaine conjecture avancée au hazard. «
Quel que soit mon respect pour Jes vastes con-
paissances de MM. Freret et de Jaucourt , 1l me
semble , et je ne puis m'empêcher d'en faire la
remarque , que lorsqu'on se permet de contredire
L
û
a
Ü
1
Î
+:
{
C3
(187)
ouvertement un auteur du mérite et de la réputa-
tion de Plutarque , une simple négation ou une
simple allégation dénuée de preuves sont des
moyens bien faibles et bien peu concluants,
Je n'ignore pas que M. Freret regardait ces Pirates
comme une bande d’avanturiers qui, sans doute,
pe méritait pas une grande considération ; mais il
fallait que Rome en eût une opinion bien différente
pour armer contr'eux toutes ses forces maritimes ,
et nommer pour les combattre le plus grand capi-
taine de son temps.
L'idée que nous en donne Plutarque est parfai-
tement conforme à celle que j'énonce : » Il dit po-
» sitivement qu'ils avaient pille plus de 400 villes,
» et qu’ils avaient plus de mille galères. « Ils avaient
donc un grand nombre de soldats et de matelots,
et des chefs pour les commander. Or, présumera-
t-on que toutes ces forces aient été fournies exclu-
sivement par la Pisidie, la Cilicie et l'ile de Cypre?
Et toutes les présomptions n'indiquent -elles pas
qu'aux troupes tirées de ces provinces s'étaient
joints tous les partisans , tous les avanturiers des
pays voisins, qui, attirés par l'espoir du pillage,
s'étaient proposé de partager la fortune des Piri-
diens , etc» ?
Si l'on jette les yeux sur les cartes anciennes , on
voit l'ile de Cypre à l'extrémité orientale de la
Méditerranée , la Cilicie , province maritime de
Page 118.
( 138 )
YAsie mineure , et la Pisidie plus avancée dans les
terres. Or, si une province , séparée de l'ile de
Cypre par un assez grand intervalle, avait fourni
des volontaires à cette armée de dévastateurs , où
voit-on de la difficulté à croire que des provinces
plus voisines , telles que la Pamphylie, la Lycie,
et même la plupart des îles Grecques , lui eussent.
fourni pareillement leur contingent ? Douterait - on
qu’à cette époque le culte de Mithras fût connu
dans la Grèce , lorsque Porphyre cite Eubulus, .
auteur grec , qui avait écrit un traité sur Mithras,
auteur assez éloigné du temps où Porphyre écri-
vait pour que celui-ci, pour que S. Jérôme, écri-,
vain du 4° siècle, en parlent comme d'un auteur
fort ancien , que nous ne connaissons nous-mêmes
que par quelques fragments qu’ils nous en ont M
laissés. L'Assyrie d’ailleurs n’est pas assez éloignée
de la Cilicie pour que cette dernière province ne
pût étre instruite des pratiques religieuses de la
première. Mais une preuve directe que les Grecs
connaissaient , long-temps avant l'expédition des Pi-
rates, le culte de Mithras , est ce que dit T. Hyde,
que ce furent ces peuples qui changèrent le nom .
de Mihr en celui de Mithras ; c'est ce que dit en-
core le méme T. Hyde , que les Grecs avaient
ajouté aux salutations , manière d honorer le soleil
chez les Perses, dont parle Erdeviraph , des
libations et des sacrifices , rapportant faussement
au soleil ce que les Perses ne rapportent qu’à Dieu.
C 189 )
Or , si les Grecs connaissajent le culte de Mithras,
à combien plus forte raison les Ciliciens , les Cy-
priens sur-tout , qui , par leur immense naviga-
tion , se trouvaient en rapport avec tous les peuples
voisins, devaient-ils le connaître. J'accorderai , si
l'on veut, que le culte de Mithras n’était publique-
ment pratiqué ni en Pisidie , ni en Cilicie, ni à
Cypre, mais s’ensuit-il qu'il y ft nécessairement
ignoré? S’'ensuit-il que, parmi les soldats nombreux
qui formaient l'expédition qui fit trembler Rome,
il ny en eût aucuns d'initiés dans les mystères
barbares et les cérémonies secrètes dont parle Plu-
tarque , et capables de faire counaître aux Romains,
superstitieux et avides de nouveautés , le culte de
Mithras ? Je le répète, je vois, dans l'exposé simple
de Plutarque , toutes les possibilités, toutes les pro-
babilités réunies , et les arguments de ses adver-
saires ne me paraissent pas assez concluants pour
me faire abandonner le sentiment de lhistorien
Grec.
TROISIÈME QurxsTron,
Quelle idée doit-on se former des figures emblémati-
ques sous lesquelles on nous représente Mithras , et
des figures accessoires qui l’accompagnent ?
Mon intention n’est pas d'entrer ici dans des détails
superlus, et d'expliquer inutilement des choses qui
ont reçu déjà des explications satisfaisantes : il me
(190 }
sffira de dire, én général, que toutes sont relatives
au soleil et au pouvoir qu’il exerce sur toute la na:
türe , qu'elles donnent un apperçu de la sphère
céleste, des planètes et des attributs des persons |
nages dont elles portent les noms, de la didérence .
des saisons , de la succession du jour et de la
huit, etc.
_ Mais il est quelques-unes de ces figures ou qui
v'ont pas été expliquées, ou dont les explications
sont controversées parini les savants. Au nombre de
ces figures je placerai, 1° le taureau de Mithras ;
2° le scorpion qui s'attache aux parties sexuelles du
taureau ; 5° les inscriptions que l’on remarque sur
quelques-uns de ces taureaux ; 4° enfin l’espèce de
table mithriaque que le père Montfaucon a fait graver
en tête de sa 215° planche , et à la page 378 du
tome 1°! de son bel ouvrage de l'antiquité expliquée.
Je hazarderai à ce sujet quelques observations , et
je les soumettrai, sans prétention , à la critique des
savants.
A l'occasion du taureau de Mithras, M. le Che-
salier de Jaucourt s'énonce de la manière suivante :
» On ne sait trop ce que veut dire cet emblême,
» du moins je Wen connais pas de bonne explica-
» tion. « Que désignent les cornes du taureau? Est-ce
Ma June ? Estece la terre ? Si c’est l’une qu l’autre,
‘üe signifie le poignard qu'il lui plonge daus le cou?
Woilà bien des symboles, et qui tous ou n'ont pas
|
C1g1)
"QE d'explication , ou ne sont pas expliqués d'une
manière uniforme.
M. Mafei croit que le taureau égorgé est un saeri-
fice offert au soleil ; par un prêtre qui représente
Mithras.
Beaucoup d'auteurs ont cru que ce tauréau était
lembléme de la lune, C'est le sentiment de D.
Martin ; c'est celui de M. Freret et de bien d’au-
tres: Tous s'appuient sut cés vers de Stace , qui
montrent le poëte incertain du nom sous lequel il
doit invoquer le soleil : sera-ce sous celui de Titan
ou d'Osiris ?
csssos.....Seu Persei sub rupibus Antri.
Jndignata sequi lorquentenr éornua DMithram.
On joint à ces motifs la glose de Luctatius sur
ces mêmes vers. Cet auteur prétend qu'il y est
question de la lune : » Quæ indignata sequi fratrem
occurrit illi et lurnen sub texit. «
Il ne faut que lire cette explication pour en sen-
tir la faiblesse. La lune , dans la mythologie, ne
fut jamais représentée sous la figure du taureau. On
rencontre d’ailleurs presque autant de figures où
Mithras tient le taureau par le mufle et où il n’en
tourmente pas les cornes. Pour moi je ne doute pas
que le taureau ne représente la terre : le bœuf est
le compagnon de l'homme dans ses travaux cham-
pêtres , le symbole de l’agriculture , et c’est sous ce
Acad. Ins-
cript,s Le 129
page 224
Ouv. cités
Thébaid.
Page 112,
Cio2)
double rapport qu'Apis, chez les Egyptiens , reçut |
les honneurs de l'apothéose ; sil pouvait rester
quelque doute à ce sujet, la queue du taureau
qui se termine par un faisceau d’épis , emblème
frappant de la fécondité de la terre , suflirait pour
le dissiper.
Mais ce n’est pas assez pour le taureau de Mithras
de représenter notre nourrice commune ; il joue
encore ici un rôle important, comme signe du zodia-
que. Ainsi Mithras qui ouvre le flanc du taureau
est lembléme du soleil qui ouvre le sein de la terre,
et qui par sa chaleur excite sa fécondité ; dans
quelles circonstances ces merveilles commencent-
elles à se réaliser ? C'est précisément dans le
temps où le soleil en entrant dans le signe du tau-
reau a acquis un dégré sensible d’exaltation et de
puissance ; c’est alors le mois d’avril et le mois de
mai. La queue du taureau qui s'épanouit en
épis , annonce que le soleil ne quitte pas ce signe
sans que des épis parent la terre ; c’est même un
proverbe parmi nos cultivateurs ; point d’avril sans
épise
Mithras, qui frappe le taureau, dit T. Hyde,
désigne l'action du soleil sur la terre , et la fécon-
dité de la nature.
Cette allégorie , selon moi, est frappante. Le scot-
pion , dont nous allons nous occuper, offre un em-
blême également heureux , et je m'étonne que les
auteurs
€ 195)
äutéurs que j'ai consultés , ou n’en disent rien , où
n'en disent que des choses peu sausfaisantes.
Nous ayons vu le soleil , en entrant dans le signe
du taureau , ouvrir le sein de la terre et provo-
quer sa fécondité : c'est lorsque cet astre entre
dans le signe du scorpion, que la terre cesse d’être
féconde , c’est-à-dire ; dans les mois d’octobre et
de novembre. Alors si la chaleur est encore suf-
fisante pour müûrir les fruits qui pendent aux ar-
bres, certainement elle ne suffirait pas pour des
productions nouvelles. 11 n’était donc pas possible
de designer plus ingénieusement et plus claire-
ment ce commencement de stérilité ; qu'en sou-
mettant à la piqûre mortelle du scorpion les organes
génitaux du taureau , figure symbolique de la terre.
Relativement aux deux inscriptions qu’on lit sur
quelques taureaux de Mithras , la première est
conçue en ces termes : DEo sozt INVICTO MiTarz ; la
seconde présente ces deux mots : NAMA SEBESIO:
J'ai peu de choses à dire de la première que
le père Montfaucon traduit au Dieu soleil l’invincible
Mithras , traduction qui n’eût pas été la mienne.
IL m'eût paru plus naturel de traduire à Mirthras le
seul Dieu invincible, c'est-à-dire , infatigable dans
ses travaux , inépuisable dans ses bienfaits. Je ci-
terai en faveur de mon sentiment des monuments
très-probablement antérieurs à cette inscription la-
tine , 1° l'épitre de S. Paul aux Romains, soli
N
A cad. Ins-
cript,t. 16,
279, ch.1,
pag.13et 14.
(194)
Deo.... honor et gloria ; et dans celle à Thimo-
thée : Regi sæculorum , immortali , invisibili soli
Deo honor et gloria.
Quant à la seconde, voici ce qu'en dit le père
Montfaucon : » c'est une énigme que plusieurs sa-
vants ont tenté d'expliquer jusqu'à présent; mais
je ne vois pas que leurs explications satisfassent «,
J'en citerai quelques-unes que je puise dans les
mémoires de M. Freret, dont j'ai parlé plusieurs
fois ; elles serviront, je pense, à justifier le sen-
ment du père Montfaucon.
M. Muratori dérive Nama du nom de la déesse
Nanæa dont il est parlé au 2° |. des Machabées,
Olaüs Rudbeck croit ces deux mots scythes , et
les explique à l’aide de la langue suédoise,
M. Philippe Torré et le père Panel les dérivent
de l'hébreu , et y voient le nom du soleil.
M. de Fourmont les suppose chaldéens , et les
traduit le fidèle ne périra point.
M. Freret les dérive du persan , et les inter-
prète action de graces.
M. le marquis Mattei les croit grecs , et les
traduit source auguste, ligueur vénérable. 1 estime
que le taureau est immolé par un prêtre, et que
l'inscription s'applique au sang de la victime ; mais
1° les anciens ne caractérisaient pas de cette ma-
nière le sang des victimes; 2° ce n’était pas le
“
| C185)
tauréau qu'on immolait au ‘soleil , mais le cheval ;
ne detur céleri victima tarda Deo. Lactance ; cité
par D. Martin.
Je crois l'inscription dont nous nous occupons
entiérement grecque , mais je la rapporte à Mi-
thras ou au soleil , et à son influence sur toute
la nature. Je crois qu'il y a un v d'oublié au
dernier mot , et je la lis ainsi : zama sebe siou ,\
vaua effluvium , ce6e honora , aix pour ex Divi-
nitatis. Ce qui, dans un pays adorateur du soleil ,
est parfaitement bien placé au pied de son
image, et sur-tout dans la circonstance où il ouvre
le sein de la terre par l'émission de ses rayonse
J'explique de la méme manière une autre ins-
cription trouvée à Tivoli, qui commente par Soli
invocto mithræ , et finit par nama cunctis. Ces deux
derniers mots ont fortement exercé la critique et
donné lieu à bien des méprises , faute d'en fairé
l'application à Mithras ; mais en lappliquant au
soleil , il est tellement vrai qué son influence est
commune à tous , que nous en avons fait un pro-
verbe francais : {1 luit pour tout le monde. Nama
cunctis n'a pas éffectivement une autre significa=
tion.
Montfans:
Je passe à l'explication de la table Mithriaque qui daté
présente en tête un soleil rayonnant sur un qua- dE 14
A : US 11, 219 ; Pa
drige , et à l’autre extrémité la lune sur un char ge 378
wainé par deux chevaux qui paraissent épuisés de
N 2
C:96 )
fatigue. Nuile difficulté sur ces deux figures. Mais,
il n'en est pas de même de la suite qui présente
sur une méme ligne, 1° un Mihras entouré d’un
serpent , mais saus ailes, sans pique et presque
chauve ; 2° trois autels flamboyants séparés par
autant de patères ; 3° un Mithras , pareilement en-
touré , mais aîlé , armé d’une pique et ayant des
cheveux crépus ; 40 quatre autels flamboyants ,
séparés par autant de patères. Ici le père Mont-
faucon nous abandonne complètement. » Je ne
I
La
trouve rien, nous dit-il, qui puisse nous servir
=
”
à expliquer ces emblêmes , qu'un passage de
v
-
Celse , rapporté par Origène , livre 6 , contre
2
-
ce philosophe «.
J'ai été curieux de consulter Origène lui-même ,
et je n’y ai rien trouvé de propre à fixer à ce sujet
les idées. Ce passage € ant fort long , j'en donnerai
ici la substance, Le but d'Origène est de prouver
contre Celse , 1° que les prophètes de Pancienne loi,
plus anciens que Platon , n’ont rien emprunté à
ce philosophe ; 2° que l'écriture Sainte n’admet
point les sept cieux de Platon ; que par conséquent
élle n’a reçu cette doctrine ni des Perses ni des
autres peuples.
A l’occasion de l'échelle de Jacob , Celse cite
l'échelle de Platon dans le Philon , et les sept portes
auxquelles cette échelle conduit. 11 donne à ces
portes le nom des sept planettes, et les suppose
C 197)
formées avec les sept métaux auxquels elles font
allusion. Au milieu de cette érudition , on ne voit
rien qui éclaireisse l'obscurité de notre table Mithria-
que, où l'on ne voit ni échelle ni portes , etc.
L’'autenr Mahométan et par conséquent bien plus
moderne , l'auteur , dis-je, du livre Pharangh
Gjihanghivi, cité par Th. Hyde , fait mention de
sept temples antiques daus lesquels on offrait des
parfums aux sept planettes , ce qui ne répand pas
encore un grand jour sur notre table allégorique.
Pour moi, je suis persuadé que cette table est
un ex-voto en l'honneur de Mithras, que les sept
patères et les sept autels désignent le nombre des
planettes. Mais pourquoi les partager en deux séries ,
trois et quatre ? Pourquoi la différence qui se re-
marque entre les deux Mithras? Je hasarderai à
ce sujet l'explication suivante :
1° Les planettes se divisent èn supérieures et in-
férieures ; les supérieures , plus éloignées du soleil
que la planette que nous habitons , sont trois :
Saturne , Jupiter et Mars; les inférieures , au nombre
de quatre et plus voisines du soleil , sont : Mercure,
la Terre , la Lune et Vénus. On yoit iei le motif
de partager les sept autels votifs , ainsi que les
sept patères, en deux phalanges , l’une de trois,
l'autre de quatre.
2° Les trois planettes supérieures voyant le soleil
dons un grand éloignement , Mithras ou le soleil
ME 3
Page 11e
(198)
doit leur apparaître dans des proportions plus pe
ttes. Sa chaleur étant d'autant plus faible que l’é-
loignement est plus grand , il doit être à leur égard
dépourvu de tous les attributs de la puissance ;
enfin la marche de ces mêmes planettes étant fort
lente , le soleil doit leur paraître presque station-
naire et dépourvu des aîles , symbole de la célérité.
3° Pour les planettes inférieures tout est change ;
voyant Mithras de plus près , il doit avoir pour
elles des proportions plus grandes. Leur mouvement
plus rapide semble accélérer le mouvement du so-
Jeil , et leur Mithras a des aîles ; le voisinage du
soleil leur fait sentir plus vivement l'action de ses
rayons , et Mithras est armé pour eux du symbole
de la force et de la puissance , d’une pique ; enfin
sa tête est entourée ou de cheveux crépus, ou de
rayons , attributs personnels, ou symbole de sonin-
fluence ; ainsi, dans cette explication , que je donne
au moins comme naturelle et probable , toutes les
parties sont liées ensemble, chacune à ses rapports
connus, aucune ne demeure oiseuse.
Les conclusions générales de M. Gosseaume sont :
1° que les Grecs connaissaient le culte de Mithras
bièn avant les Romains ; 2° que les emblêmes et
les inscriptions sont l’ouyrage de ceux-ci , et non
celui des Perses ; 3° que les Grecs et les Romains
avaient ajouté des particularités et des pratiques
ignorées des Perses ; 4° que le sentiment de Plutarque
C:99 )
porte un caractère de vraisemblance bien supérieur
aux objections de ses adversaires,
Nous regrettons au surplus que les limites que
nous nous sommes prescrites ,; ne nous permettent
pas d'exposer beaucoup de détails qui se rencontrent
dans le mémoire de notre confrère ,; relatifs aux
animaux , etç., qui accompagnent les diverses gra-
yures de Mithras ; maïs nous ne devons pas omettre
une observation de M. Gosseaume , observation
qui prévient une objection assez serieuse ; elle est
relative à la troisième figure de la planche 217 de
l’ouvrage du père Montfaucon , où il se rencontre
deux sangliers , animaux qui, ne faisant point partie
de ceux qu’on a placés dans la sphère céleste,
sembleraient ici déplacés. Mais notre confrère fait
remarquer qu’ils représentent la grande ourse , con-
formément au systéme astronomique des orientaux,
qui, suivant Kirker OEdip. tome 2 , planche 2 ,
page 201 , ursæ majoris loco ponunt porcum ferreum,
M. Dupuis , Origine des constellations, dit que les
Syrieus appelaient la grande ourse porcum ferreum.
Ainsi il n’y a plus de discordance , et tout rentre
dans l'ordre commun,
= Le même M. Gosseaume a donné lecture d’une
partie du premier volume de nos anciens mémoires ;
it y trace d'une manière lumineuse et exacte l’his-
toire de l'Académie , dont il présente la physionomie
morale. Cette lecture a été entendue avec l'intérêt
N 4
( 200 )
que mérite un travail aussi considérable , et la Com-
pagnie a témoigné à M. Gosseaume sa reconnaissance.
— Nous devons à M. Descamps , académicien rési-
dant , et conservateur du musée , un mémoire sur
Tuscule ou Tusculum , ancienne ville dont celle
de Frascati occupe aujourd’hui une partie consi-
dérable.
» C'est de Tusculum, ditil, que sont sortis les
» Camille , les Caton , les Fabius , les Cincin-
» natus et tant d'autres héros qui se sont immor-
2
=
I
» talisés par leurs vertus et par leurs exploits. «e
Et cette patrie de tant de grands hommes , qui
a fait long-temps la terreur des vainqueurs du
monde, n'offre plus aujourd'hui que des ruines.
Notre collègue les a parcourues en artiste , et y a
reconnu , entr'autres, les vestiges des bains, des
étangs , des superbes palais de Lucullus, ce ro-
main d’abord savant et vertueux , grand homme
de guerre , mais qui, livré ensuite au luxe et à loi-
siveté , n’est plus guères connu que par son faste
et sa sensualité,
Le Tusculum de Lucullus, remarque M. Des-
camps , lemportait par sa magnificence et par
ses ornements sur tout ce qui existait alors, La bi-
bliothèque offrait une collection complette des ou-
yrages des anciens philosophes.
C'est d'après Plutarque que notre collègue nous
( 201 )
peint le luxe de Lucullus, et qu’il trace, en quel-
que sorte, le plan de tous les édifices qui déco-
raient cette ville célébre.
Mais ce qui rendra à jamais Ja mémoire du
Tusculum durable dans tous les siècles , se sont les
écrits immortels qu'y composa l'orateur philosophe.
En vain aujourd'hui chercherait - on le lieu où
Cicéron avait élevé un temple à Minerve et aux
Muses ; des habitations modernes en ont fait dispa-
raitre jusqu'aux vestiges.
M. Descamps , après avoir rendu compte du
lieu où était jadis Tusculum , nous promet un mé-
moire sur les causes de sa totale destruction, et sur
le nom de la petite ville édifiée sur une partie de
ses ruines.
— M. Lair , académicien non résidant , secré-
taire de la Société d'agriculture de Caen, assis-
tant à uné de nos séances, nous a offert plusieurs
exemplaires de sa notice biographique sur M.
Berriais, botaniste distingué , le collaborateur de
Duhamel-Dumonceau , et auteur du Petit la Quin-
tinie. Le sujet était beau à traiter, et M. Lair l'a
fait d'une manière digne du sujet.
= L'éloge d'un autre botaniste célèbre , M. Wille-
met, que l’Académie s'honorait de compter parmi
ses membres , nous a été adressé par M. Justin
Lamoureux | de l'Académie de Nancy ; cet éloge
( 202 )
a paru si bien écrit à MM, les commissaires nom-
més pour en rendre compte à l'Académie , qu’il a mé-
rité à son auteur le titre de membre non résidant,
BEAUX ARTS.
= M. Desoria, académicien résidant , nous a lu
un excellent mémoire sur l'Effet dans l’art de la
peinture.
Parmi les productions des grands peintres , dit
notre collègue , if en est qui sont admirées par
leur supériorité dans l'invention , le dessin et l'ex-
pression ; on oublie même quelquefois ce qui
leur manque pour que les figures aient cette sail-
lie qui, dans quelques tableaux, semble rivaliser
avec le naturel. Cependant , malgré les avantages
qui résultent pour les progrès de l'art, d’un beau
style et d’une exécution correcte , l'artiste qui ,
en étudiant la nature , l’'observe particulièremene
avec tous les charmes dont la lum ère embellit les
corps, a des droits bien réels à nos hommages.
C'est aux hommes qui s'en sont occupés que
nous devons la théorie de l'effet | etude d'autant
plus intéressante qu’elle appartient spécialement à
la peinture , au lieu que les autres parties de l'art
appartiennent aussi à la sculpture.
Cet art particulier à la peiniure ne paraît pas
avoir été perfectionué par les anciens , ce qu’
CE OR
=
D nr Lns LASER tré
(2059
faut attribuer , sans doute , à l'étude de l'expression,
approfondie par les combinaisons du beau idéal qui
les occupaient entièrement ; d’ailleurs , comme il
est presqu'impossible de posséder toutes les parties,
et que celle dont nous parlons tient à des observa-
tions particulières, on n’a pas dû s’en occuper d’a-
bord ; il fallait de plus étudier essentiellement la
perspective , car il n’est pas douteux qu’elle a dû
être le premier moyen qui a guidé les artistes
de la seconde école. Lorsqu'ils se sont attachés à
perfectionner Part de l'effet , ils ont senti que ,
puisque les corps diminuent en raison de léloïgne-
ment où ils sont de notre œil, ils doivent perdre
de leur couleur propre dans la même proportion ;
ils se sont convaincus que la lumière n’agit avec
toute son intensité que snr les corps qui-sont plus
près de nous , que son affaiblissement s'opère in-
sensiblement , et que par conséquent il en doit
résulter dans sa conduite une harmonie qui pros-
crive le noir absolu , ou, sil devient quelquefois
nécessaire , il faut que lon puisse y arriver sans
s'en appercevoir ; caf Ja lumière est par-tout. Si elle
frappe un corps, il est sans doute moius clair dans
la partie opposée au rayon lumineux ; mais il
n'est pas noir, puisqu'il doit recevoir, par un an-
gle de réflexion, une lumière secondaire, laquelle
peut encore être renvoyée jusqu’à ce qu’enfin elle
se perde tout-à-fait.
Ces principes que j'indique ici ont été dévelop+
(204)
pés dans les savantes productions des écoles de
Venise et de Flandres, par les Georgion, Titien,
Paul Veronèse , David Teniers, Van-Dick, Rem-
brand , Rubens , etc. Ces grands peintres surent
réunir à une expression vraie un eflet si juste, si
imposant , qu’ils n’ont à cet égard jamais été sur-
passés ; et ils sont remarqués par là comme pos-
sédant la partie pittoresque ; mais je crois qu’on
pourrait dire aussi qu’ils possèdent la partie poë-
tique, puisque , par l'art de faire valoir la lumière,
Jeurs tableaux ont acquis un plus haut dégré d’ex-
pression. Je citerai les Nôces de Cana , par P. Vé-
ronèse , comme une preuve de ce que j'avance.
C'est dans cet immortel ouvrage qu’il a pris un
parti dans la distribution des masses, qui fait dire
avec raison qu'il s’est lui-même surpassé. La force
et la vérité, dit-on, ne peuvent aller plus loin;
il brille , sous se rapport , parmi toutes les écoles,
et son génie même y triomphe. Il y a dans ses ta-
bleaux , et particulièrement dans celui-ci, le savoir
admirable de diriger et d’opposer les clairs et les
ombres : par des transitions savantes , il fait
parcourir au spectateur un grand espace , et par
le renvoi des lumières dans les parties ombrées ,
produit sur les premiers plans un ensemble qui
présente à-la-fois le ton , la vigueur et l'harmo-
nie de la nature. P. Veronèse et Rubens sont les
deux hommes qu’on peut considérer comme ayant
su le mieux donner une grande valeur à la cou-
C 205 )
Jeur par la science de l'effet. Le Couronnement de
la reine Médicis , par Rubens, en est un exemple
frappant ; la manière dont ce sujet est traité met
dans tout son jour la théorie du clair-obscur dont
les coloristes ont fait une si heureuse application :
cependant ce chef-d'œuvre diffère absolument des
MNôces de Cana , nou-seulement parce que le pro-
pre du génie est de s'ouvrir une route particu-
lière , mais encore parce que l'effet d’un tableau
doit être combiné suivant la nature du sujet, afin
qu'il puisse par là acquérir plus de force et d’ex-
pression. C’est ainsi que le Déluge du Poussin ,
au moins aussi extraordinaire que les productions
dont nous venons de parler , s’en éloigne par l'ap-
plication , quoiqu'il soit d’un effet aussi sublime.
Ce sujet était donc fait pour le génie du Poussin,
comme le Couronnement de la reine était en quel-
que sorte la propriété du chef de l'école flamande.
D'où l'on peut conclure , sans être taxé d'exagéra-
tion , qu'il serait aussi difficile de refaire les Môces
de Cana et le Couronnement de la reine | qu'il
parait impossible de repeindre le Déluge.
= Nous terminerons ce rapport par jeter quelques
fleurs sur l'urne funéraire d’un artiste estimable,
d’un littérateur éclairé, que nous venions de comp-
ter au nombre de nos membres non résidants
lorsque nous ayons eu le malheur de le perdre.
M. Taillusson , né à Blaye près Bordeaux, si avan-
( 266 )
| tageusement connu , comme peintre , par les tableaux
de Rodogune | d'Olympias , d'Héro et Léandre ,
désira appartenir à cette Académie , dans laquelle
il comptait des amis; en conséqnence il nous adressa
un exemplaire de son ouvrage intitulé : Observations
sur quelques grands Peintres , dans lesquelles on a
cherché à fixer les caractères distinctifs de leur
talent.
MM. Gosseaume ,; Descamps et Tardieu , ayant
été nommés pour en faire l'examen et en faire leur
rapport ; » l’auteur , disent-ils , ne s'astreint ni à
#» réunir les peintres d’un même genre , ni méme
» à les présenter d’après l'ordre chronologique.
» Comme le papillon, il voltige de fleurs en fleurs,
» toujours sûr d’intéresser également et par les
» sujets qu'il expose , et par l'agrément de sa
» narration. Une ligne , deux lignes lui suffisent
» souvent pour exprimer la physionomie de cha-
» cun , et ce qu'il ajoute n’en est guères que le
» développement ; mais ce développement excite
» l’attention , et on serait fâché que l’auteur en eût
» retranché la moindre partie......
» Egalement versé dans l'étude de la mythologie
» et de l’histoire ; M. Taillasson en fit d'heureuses
» applications. Familier avec nos poêtes célèbres,
» il aime à leur comparer ses héros, Michel-Ange À
» Milton et au Dante, le Poussin à Corneille , Ra-
» phaël à Racine , le Sueur à Fénélon, Jouyenet à
trs
(207)
» Crébillon , etc. Critique judicieux , il loue sans
» adulation et censure sans amertume ; il discute
» avec décence les titres de chacun, et propose
» son sentiment avec une réserve qui l'honore....
» En général le style de M. Taillasson est facile,
» varié, approprié aux sujets dont il parle , souvent
» fleuri et plein de poésie. «
Nous devons à la vérité de l'histoire de dire que
ce peintre célébre n’a point obtenu la médaille,
qu'il a été à Rome à ses frais; mais cette anecdote
n’ôte rien à son mérite. S'il eût plus long-temps
vécu , il nous aurait sans doute fait parvenir ses
ouvrages de poësie. M. Taïllasson a prouvé , comme
un grand nombre d'artistes, de savants et de litté-
rateurs , que Plutus marche rarement à la suite
d'Apollon et des Muses. Mais la fortune la plus
brillante périt avec nous, tandis que la réputation
nous survit et consacre notre nom et nos ouvrages
à l'immortalité.
= M. Vauquelin a lu un Essai historique sur l’ar-
chitecture.
L'architecture , fille de la nécessité , dit notre
collègue , fut simple dans son enfance ; ses premiers
pas furent timides.
L'homme , dans l'invention de cet art , n'eut pour
maitre que le sentiment des incommodités insépara-
bles de l'intempérie des saisons et de la rigueur
des climats.
———_"
( 208 ÿ
Il chercha donc à se mettre à l'abri de l'un et dé
l'autre , et le genre de vie qu’il menait détermina
la manière dont il le fit. Les peuples pasteurs n’a-
vaient besoin que d'habitations mobiles et propres
à être transportées à volonté. Les Chinois, de chez
qui la politique exclut toute innovation , conservent
encore dans leur architecture les formes caractéris-
tiques des tentes qui furent les demeures primitives
de ce peuple.
On ne remarque dans toutes leurs constructions
que des colonnes gréles et dépourvues de toute
espèce de chapiteau. Des murs et des cloisons ex-
cessivement minces et souvent percés à jour fer-
ment l'enceinte de leurs maisons , de leurs pagodes;
et , au rapport des voyageurs, leurs villes présentent
souvent plutôt l'aspect d'un camp que celui d’un
établissement fixe.
Les premières retraites des Egyptiens , peuple
chasseur et ichtyophage , furent des cavernes ; aussi
dans la suite n’employèrent-ils que des colonnes ex-
cessiyement courtes , très-multipliées et qui sou-
uennent de lourds plafonds, surmontés, non point de
toits , mais de terrasses.
» Les Grecs , nés agriculteurs , et plus sédentaires
que les deux peuples dont nous venons de parler ,
ont conservé dans leur architecture les formes pri-
mitives de leurs anciennes cabanes. La proportion
et la disposition qu’ils donnèrent à leurs colonnes
sont
1
{
és
( 209 )
sont évidemment celles dés troncs d'arbres qui sou-
tenaient la toiture de leurs premières demeures ; les
architraves , les frises, les corniches , les fronitons
sont encore des copies exactes des pièces dont cette
méme toiture étalt composée pour en assurer la so-
hdité.
» L'architecture , continue M. Vauquelin , n'avait
d’abord employé que des matériaux bruts et sans
forme ; elle les façonna , elle s’en appropria de nou-
veaux ; la pierre , le marbre devinrent l'objet de
ses recherches , et l’art de bâtir se perfectionna in-
sensiblement.
» S'il parait avoir été comme stationnaire chez les
Chinois , il ne le fut point chez les Egyptiens ; leurs
monuments , vainqueurs du temps et de ses ravages ;,
mous étounent encore aujourd’hui par leur gran-
deur , la hardiesse de l'entreprise et leur solidité.
Mais le goût et l'élégance des formes semblent n’ap-
partenir qu’à l'architecture grecque. Les temples ;
les théâtres , les édifices offrent tous des leçons et
des modèles. Les architectes grecs empruntèrent
souvent le secours de la peinture et de la sculpture ;
mais ils les employèrent toujours avec sagesse ;
chaque ornement a sa place arrêtée et y parait mis
par la nécessité.
» La seule architecture grecque prévalut chez pres
que tous les peuples civilisés de l'Europe.
» Quand les Romains eurent conquis la Grèce, les
dépouilles d'Athènes , de Corinthe, de Sicyone fu
[&)
{ 210 }
rent transportées dans la capitale de l'Empire , et les
arts la rendirent aussi eélébre que ses conquêtes.
» Devenue elle-même la proie des barbares du
nord , les arts s'exilèrent d’une terre couverte de
sang et de carnage; à des édifices de la plus grande
élégance succédèrent des constructions lourdes et saus
goût ; et les débris des plus beaux édifices y furent
employés.
» Sur là fin du dixième siècle , l'architecture fit
des efforts pour sortir de cet état de barbarie. Mais
on avait perdu de vue les modèles : à des construc-
tions Jourdes et pesantes on en opposa d'excessive-
ment legères ; c’est ce genre qu’on appelle gothique
moderne , que les Arabes apportèrent en Espagne et
en France. Les peuples du Nord y applaudirent ,
parce que, dans l'accouplement de ses petites colon-
nes, dans les feuillages dont elles sont ornées, dans la
prodigieuse élévation des voûtes où ces mêmes co-
lonnes se prolongent et se recourbent en cent ma-
nières , ils crurent reconnaitre ces antiques forêts
qui servaient jadis de temples à leurs druides.
» Ce genre d'architecture dura quatre siècles.
» Les ruines de Rome tenaient ensévelis les restes
de ja belle architecture grecque , on les découvrit ;
des hommes de génie étudièrent dans ces débris
des anciens monuments les règles de Part, et les ré=
tablirent dans leur splendeur ; en effet, on les re-
Ç{s1r) Ê
trouve , on lés admire dans les édifices des Bra-
mante , des Peruzzi , des Vignole et des Palladio.
» Ce goût du beau et du bon passa en France ;
on commença à le recounaître sous les règnes de
François 1 , d'Henri IV , de Marie de Médicis ;
mais c’est sous le règne immortel de Louis XIV qu'il
reparut dans tout son éclat.
» Bientôt le désir de l'innovation introduisit ces for
mes tourmentées qui dégradèrent l'architecture,
Des voyages en Grèce et en Italie, la découverte
sur-tout de deux villes ensévelies , pendant l’espace
de près de dix-sept siècles, sous les cendres et les
laves du Vésuve , rappelèrent nos architectes aux
vrais principes du beau ; déjà nos édifices publics
et particuliers, nos meubles , nos vases se ressen-
taient du bon goût puisé dans ces précieux monu-
ments de l'antiquité, quand tout-àcoup...... Mais
jettons un voile épais sur cette époque désastreuse
où le génie et les talents étaient des titres de pros-
cription..... Enfin , du sein de l'Egypte reparut
au milieu de nons cet homme étonnant, déjà cé-
lèbre par ses victoires , auquel il était réservé de
sauver la France..... Sa présence produisit des
miracles..... Déjà des canaux se creusent dans
toutes les parties de la France ; des projets d'utilité
ou d’embellissement s'exécutent dans la plupart de
nos villes. Tout assure que le règne de Narozton
sera celui des sciences et des arts.
O 2
(212)
— Nous vous annonçons, Messieurs , avec dou
leur , que la classe des belles-lettres a fait , dans
le cours de cette année, dans la personne de M.
Formage, une perte à laquelle elle a été véritable-
ment sensible. M. Bignon s’est chargé de payer
à la mémoire de notre collègue et de son ami Île
tribut de nos regrets.
Tels ont été les divers travaux dés membres de
l'Académie , dans la classe des belles-lettres pen-
dant le cours de cette année. Vous avez pu vous
convaincre , MESSIEURS , que chacun de nous s’est
attaché à être utile par la nature même des sujets
sur lesquels il a exercé sa plume. C'est ainsi que
nous avons cherché à fixer votre attention et à
mériter vos suffrages : récompense la plus flatteuse ,
sans doute ,; que puissent ambitionner ceux qui
consacrent leurs loisirs à la culture des lettres et
des arts.
( 213 )
Norrez BrocRAPHIQUE
Sur M. FormAGE , Professeur des 1'° et 2° Classes
de Langues anciennes au Lycée impériäl de Rouen ;
décédé le 11 septembre 1808.
Par N. Bicnon , ancien Professeur de Seconde et
Principal du Collège de Rouen , et ex-Professeur
de Grammaire générale à l’Ecole centrale du dé-
partement de la Seine-Inférieure.
Entretenir l'Académie de la perte d'un de ses
membres , dont la vie et les productions rendent
également la mémoire recommandable ; mettre sous
les yeux des personnes instruites et des partisans
de l'instruction , les droits que pouvait avoir à fa
considération publique un littérateur estimable et
professeur consommé , qui, durant près de trente
années , enseigna dans cette ville ayec autant de
réputation que de talent : c’est acquitter un triste
mais indispensable devoir envers un citoyen pré-
cieux ; c’est déplorer sa mort au milieu de ses amis
de ses confrères , de ses disciples, J'ai presque dit,
au sein de sa famille.
On pouvait donc se flatter , Messieurs , ayant
à parler ici de M. Formage , de mériter l'attention
de toute cette respectable assemblée , par la sim-
à 3
(2149
ple considération de l'intérêt que le sujet inspire.
Pour moi, cest le seul titre que j'aie cru avoir à
votre indulgence. Aussi, bien persuadé que je ne
devais étre que l'organe de l'opinion générale , et
que tous les esprits étaient également disposés à
payer avec nous ce dernier tribut de reconnaissance
et d'estime, me suis-je bien gardé de recourir à
ces vains mouvements d'une éloquence étudiée ,
presque toujours insipide , et qui s’imagine pouvoir
suppléer le sentiment par des mots et des phrases. On
n’a pas besoin d'art pour émouvoir quand la douleur
est sans affectation et aussi bien partagée. D'ailleurs ,
Messieurs , ce n’est point un éloge qu'il s’agit ic
de faire , mais un compte qu’il faut rendre.
Je dirai simplement ce qu'a été M. Formage :
je parlerai de ses écrits et de sa personne , autant
que ma propre expérience m'a mis à portée de les
connaître ; et s’il arrivait que ce que j'en aurai
dit pût passer pour un éloge, comme je n'aurai
dit que la vérité, ce serait lui-même , et lui seul
qui laurait fait.
Jacques-Charles-César Formage , naquit le 16 sep-
tembre 1749 , à Coupesart , dans le département du
Calvados , de parents aisés et faisant un commerce
assez considérable. Privé de son père dés Ja tendre
enfance , après avoir signalé, sous un maitre intelli=
gent, beaucoup d'aptitude au travail , et une grande
vivacité de conception , il alla concourir à Paris
Ca5
pour une bourse, qw’il obtint en sixième , au collège
du Plessis , où il fit toutes ses études. Un grand
nombre de couronnes dont sa tête était ombragée
tous les ans , tant au Plessis qu’à l'Université ; une
pièce de circonstance , en vers latins, qu’il composa
dès sa troisième , et que le conseil de l’Université
fit imprimer et afficher dans les douze collèges de
son arrondissement , sont autant de trophées qui
donnaient à M. Formage le droit de se vauter d’être
élève de cette fameuse école. Mais comme il était
toujours en état de faire ses preuves , il ne fut ja-
mais réduit à urer vanité de ses titres,
En terminant son cours de philosophie , M. For-
mage honora comme maitre une maison qu’il avait
tant honorée comme écolier : on lui donna la di-
rection du quartier des Rhétoriciens , et en même-
temps l’agrégation à l'Université, premier degré de
cette sorte de noblesse littéraire qu'une politique
sage confère à la jeunesse , pour servir au mérite nais-
sant de recommandation , et à la société de garantie.
Le jeune maître ne tarda pas à justifier ces deux
promotions ; en formant des élèves capables de mar-
cher sur ses traces , il trouvait encore les moyens
d'entretenir un commerce particulier très-sulvi avec
les Muses : et c’est au milieu de cette série conti-
uuelle d'occupations , tous les jours fuies et tous les
jours renaissautes, qu’il remporta , à l'Académie des
Palinods de fouen, cinq médailles dans l'intervalle
Q 4
(216)
de cinq années consécutives ; c'est en roulant , pour
ainsi dire, ce rocher de Sisyphe , qu’il envoyait
dans nos murs les enfants de sa verve comme
autant de précurseurs qui devaient lui préparer la
voie en lui conquérant des sufirages.
Aussi , lorsque luimême, en 1779 , le poëte vint
y occuper la chaire de troisième , trouva-t-il ,
toute formée , une de ces réputations brillantes
qui sont toujours lécueil des faux talents, et , souvent
même , un fardeau pour les talents véritables. Ce
ne fut pour lui que le sujet d'un nouveau triomphe ;
car il sut bientôt s'élever au-dessus de l’une par son
grand art de faire valoir les autres.
De la chaire de troisième au collége , après avoir
traversé les principaux orages de la révolution ,
dans un temps oùles volcans commençaient à s’allu-
mer sous le Parnasse français , et en faisant pour
l'instruction publique , si pénible alors et presque
gratuite , des sacrifices dont ce n’est pas lui qui à
recueilli les fruits |, M. Formage passa à l'ensei-
nement des langues anciennes dans l'école centrale
du département , nouvel emploi bien dû , sans
doute , à sa grande expérience. La même justice
2
lui fut rendue Jors de Forganisation du Lycée :
pour prix de ses longues veilles, il obtint la pro-
rogation de ses pénibles travaux , avec l'honneur de
continuer ses services à une époque où la gloire
nt
cormmepçait à s'attacher à toutes les fonctions pu
Fr
FI D
Le
Fe
D =
(217)
bliques , sous les auspices d'un Héros que l'Europe
entière craint, chérit et admiré : il porta, parmi
ses nouveaux collaborateurs , dans la chaire des
première et seconde classes de littérature , un talent
émérite , soutenu par un dévouement sans bornes ,
et un nom fait pour inspirer la confiance , qui ;,
dans ces sortes d'établissements , dépend moins ,
peut-être , de l'autorité du génie qui les fonde ,
que de la qualité des éléments qui les composent :
et ce fut ià, Messisurs , le dernier poste de notre
estimable confrère sur la terre. Ouvrier utile et de
Ja première heure , ayant courageusement supporté
le poids et la chaleur du jour , il ne connut de fleurs
dans la carrière que celles dont elle est toujours
semée pour l'homme laborieux qui sait trouver
en lui sa plus belle récompense : et la mort même
sembla respecter ses travaux en nous l’enlevant
au sein de ses loisirs (1), comme pour douner le
temps de réparer la perte par le choix d'un digue
successeur.
Mais M. Formage ne se bornait point aux simples
fonctions de l'enseignement. Non, certes ! ce n’est
pas pour lui qu’en parlant de ces professeurs d’'e-
loquence qui mont jamais fait une phrase élo-
quente , le chancelier d'Angleterre les compare à
des statues immobiles, placées, les bras ouverts ,
oo oo
(1) Les vacances.
(218)
sur le bord des chemins, pour indiquer la route
aux voyageurs , sans jamais faire elles-mêmes le
voyage. Dans tous les genres de son ressort ; M.
Formage a su joindre l'exemple au précepte.
Ne parlons point ici d’une foule d’excellents mor-
ceaux purement scolastiques ; ce ne sont guères là
que de simples improvisations , mais elles n’en ont
pas moins un grand mérite et une grande influence
sur le succès des élèves ; c’est ce battement des
ailes d’une mère attentive , voltigeant de branche
en branche autour d’une tendre couvée , pour pro-
yoquer par limitation , dans ses petits , le pre-
mier développement des forces , et les enhardir à
prendre leur essor.
Nous ayons d’abord de M. Formage un grand
mombre de poésies latines: le mérite de plusieurs
nous est garanti par les juges du Palinod de Rouen,
juges bien compétents , sans doute , dans un temps
où la poësie latine était encore florissante , et sin-
gulièrement exercés dans ce genre de versifcation ,
à ne considérer que le petit nombre d'hommes pré-
cieux qui ont survécu au démembrement de cette
ancienne et illustre compagnie ; presque par tout
notre confrère sait réunir l’élégante facilité de l’au-
teur des métamorphoses à l'harmonie imitative du
chantre del'Enéide. Ou voit que sa muse s’est nourrie
de leur substance ; souveut elle emprante leurs
furiumes, mass eu respectant le fond ; elle s'approprie
C219)
les sucs et les parfums de ces riches et brillants
parterres , mais toujours en laissant scrupuleusement
les fleurs entières sur leur tige. Quelquefois , il
est vrai, la marche ambitieuse de Claudien se fait
un peu trop remarquer dans certains vers ; mais ce
défaut brillant, qui assomme par la monotonie dans
le chantre de Proserpine , devient souvent un nou-
veau charme dans le sobre et discret imitateur.
Ses Fables mises en vers, en deux volumes , mo-
nument d'un grand amour du travail , aussi bien
que d’un goût naturel et simple , sont connues de
toutes les personnes de cette cité qui savent lire ;
mais comme elles étaient , pour la plupart , creces
au miliea de nos troubles civils, et imprimées à la
hâte , lorsque les hurlements prolongés de la dis-
corde retentissaient encore aux oreilles des Muses
effarouchées , il a cru devoir , dans le calme , en
faire la revue et le triage , en écartant , pour les
ps
ranger sous un autre titre , quelques pièces qu
lui semblaient mal assorties au genre ; il a porté
sur tout le reste la lime d’une correction sévêre ,
et après avoir , dans la première édition , travaillé
peut étre un peu trop pour le libraire , il s’est mis,
pour la seconde qu’il méditait, avec tout son avan-
tage , en présence de la critique et de ses juges.
Un Traité sur l'intelligence de la mythologie ,
dont l'Academie a entendu plusieurs morceaux
avec intérêt : une Traduction en manuscrit des
( 220 )
Métamorphoses d’Ovide , dans laquelle , en portant
les chaînes du traducteur , sans en faire entendre
Je bruit dans sa marche , notre confrère évite à-
la-fois et la sécheresse du copiste servile qui se
traîne en dévot superstitieux sur les pas de son
modèle , et l'embonpoint de la paraphrase , res-
source trop ordinaire de ceux qui manquent d'é-
nergie, ou qui souvent ne sentent point : un grand
nombre de pièces fugitives en vers français, d’une
touche pnaive et facile : plusieurs ouvrages dans
différents genres , et qu'une destinée cruelle a forcé
l'artiste à quitter imparfaits sur le métier, sont au-
tant de preuves qu'en se sacrifiant pour la géné-
ration présente , M. Formage ne perdait point de
vue l'intérêt de celles qui doivent la suivre.
La littérature était le domaite particulier de
notre collègue , mais non la limite de son savoir :
il avait encore de Jouables connaissances dans Ja
science botanique, qu'il paraissait néanmoins avoir
plus étudié dans Linnœus, que dans le livre de la
nature. À cet avantage il joignait des notions assez
étendues sur l'anatomie et sur quelques parties de
la médecine , dont il avait même reçu le premier
wrade. Dire qu'il était attaché à plusieurs Acadé-
mies , tant natiouales qu’étrangères, ce serait ajou-
ter peu de chose pour sa gloire ; puisqu'il est dé-
montré, ce qui pourrait bien, en soi, valoir autant,
qu'il était digne de l'être , mais on doit tenir compte
( 221 }
à sa modestie de n'avoir jamais affecté de faire éta-
lige de ses titres.
Ce n’est pas seulement par la nature de ses fonc-
tions et par ses talents que M. Formage méritait
de la considération ; il était encore vraiment res-
pectable sous le rapport de la morale; comme pro-
fesseur , son langage , sa tenue, sa discipline, tout,
dans sa classe , était en harmonie avec le grand
principe de l'extrême révérence que le poste latin
exige à leégard des enfants. Rien mégalait son
exactitude , en général , ou plutôt sa ponctualité
(car le mot le plus expressif est ici, pour lui, le
plus propre), sinon son impartalité rigoureuse
envers chacun de ses disciples, Il savait que la
justice distributive est une propriété dans ceux à
qui on la dispense. On Pa vu revenir de lui-même
contre ses propres décisions , tant il préférait le té-
moignage de sa conscience , le premier bien de
toute la vie , au futile avantage de soutenir une
opinion qui n’est que le triomphe d'un moment.
Faut-il s'étonner qu’il ait été constamment un objet
de véneration pour ses élèves , lorsqu'on savait
que l'intégrité la plus scrupuleuse était chez lui une
vertu habituelle ; vertu précieuse qu'il ne suffit
pas toujours d'avoir, et qui fait dans l'opinion ,
peut être , encore plus de bien que dans la pra-
üque !
Il west qu'un seul reproche que j'aie entendu
( °22 )
faire à M. Formage , comme professeur. Il était
grand partisan, et partisan éclairé de cette langue
harmonieuse vers laquelle la raison et le besoin
nous rappellent tous les jours , puisque , sans elle,
il ne peut y avoir chez nous de véritables littéra-
teurs; or,on ne concevait pas comment ;, dans
ses dernières années , un homme qui , par-tout
ailleurs, savait si bien descendre à la portée de
son auditoire , faisait franchir d’un seul saut l'in-
tervalle considérable entre la simplicité des petits
dialogues du gentil Lucien , et cette dialectique
profonde qui caractérise les oraisons du nerveux
Démostènes. Peut-être était-il entrainé par sa pré-
dilection pour le rival d'Eschine ; heureux qui
peut s’égarer avec un si bon goût ! Peut-être aussi
(car dans M. Formage , c'est par l'amour du bien
qu'on peut mieux expliquer une petite erreur })
ne cédait-il à son goût qu’en faveur de ses élèves
qui, au sortir de sa classe , devaient quitter la
Grèce : il était bien aise , sans doute , de leur
faire saluer en partant le premier orateur de la
contrée , qui serait , sans difficulté, le premier du
monde , si, comme il est le plus nerveux et le
plus solide , Cicéron , de son côté , n’était pas le
génie le plus varié, le plus souple et le plus
brillant.
Comme écrivain, M. Formage n'avait peut-être
pas ce que lon nomme une littérature immense.
Mais il avait , sur Ja plupart de ceux qui y pré-
ED
tendent , l'avantage de savoir très-bien tout ce qu'il
devait savoir , et d'en parler de même. On voit
trop peu de têtes assez fortement organisées pour
ordonner tous les matériaux de ces éruditions
vastes qui doivent finir la plupart du temps par
soumettre l’entendement à l'empire capricieux de
la mémoire : il est aussi une digestion Morale ,
et le bon tempérament de l'esprit , comme celui
du corps, se constitue souvent en partie de Xri-
yations : ce ne sont pas les plus savants que j'eshi-
me , dit le vieux Montagne , mais les mieux savants :
et savoir bien le métier que l’on fait, n'est pas
encore une chose trop commune , même parmi
ceux qui se flattent de savoir beaucoup davantage.
Une autre justice à rendre à notre collègue, c'est
d'avoir conservé sa plume chaste comme ses mœurs
et ses discours : toujours digne virtuose des Pali-
nods , il tend au bien sans eflort , parce que le
sentiment de l’honnête était inné dans son ame
candide et pure. Ses apologues ne se ressentent
en rien du temps où il a vécu : il semble qu'il
ait eu l’art de se créer un monde à part , s'il
n’était plus naturel de penser qu’il se retirait souvent
parmi les animaux, société ordinaire des fabulistes ,
pour être plus sûr de n’en pas avoir de mauvaise,
Parlet-il de la religion ou de la vertu ? C'est
avec ce respect profond dont il fut toujours péné-
tré pour les éternels principes de la morale ; mais
| C2)
avec cette simplicité qui faisait le fond de son na-
turel doux et paisible. Par tout il condamne le vice ,
mais sans le poursuivre , comme un homme per-
suadé que par sa difformité seule , le vice , doit faire
horreur à tout le monde. Point de sorties , point
de déclamations , point de ces sarcasmes mordauts
qui font dire à Lucien de lui-même , qu'il west
qu'un charlatan enrhumé , vendant un spécifique
infaillible contre la toux.
Esseutiellemeut ami de l'ordre , dont il portait la
louable empreinte dans toute l'habitude de sa per-
sonne , ses devoirs de citoyen ne lui coûtaient rien à
remplir. Ami de son pays, lors même qu'il n'y
avait plus de patrie , absolument incapable de faire
ou de vouloir le mal , il n’était fait que pour être,
comme il la été, la victime de l'anarch'e ; et, si
Yon osait lui imputer quelque erreur dans ses
écrits, ce ne serait qu'une preuve de plus en fa-
veur de la modération , de l'innocence et de la
Dbonhomie de son caractère.
M. Formage savait aussi très-bien tout ce que l’on
doit aux liens de la parenté et du sang. Eu lan IV,
3l se choisit une épouse dans une maison estimable de
cetie ville, et le résultat de son alliance avec mademoi-
selle Louise-Désirée-Arsène Canivet , fut de concen-
rer toutes ses principales affections dans le sein de sa
famille adoptive , assez heureuse elle-même pour ap-
précier un pareil dévouement, et le payer du plus
juste
(225)
juste retour. En l'an V , sa mère , presque octogé-
uaire , et devenue aveugle , se trouvait, pour ainsi
dire , sans ressources , par l'effet d’une consolidation
des rentes qui ruinait les fortunes ; il vole à Paris au-
près d’elle , l'amène à Rouen dans son modeste asyie,
pour la contier aux soins d’une épouse qu'il sem-
b'ait avoir choisie quelques mois auparavant , tout
exprès , comme Ja plus digne de partager avec lui
cet honorable exercice des devoirs sacrés de la
picté filiale.
Aussi, quand on Jui parlait de son épouse , si
vous saviez ,; disait-il avec transport , comme elle
aime , comme elle chérit ma mère ! Et lorsque ,
par une espèce de pressentiment de son malheur et
du nôtre , il eut pris derniérement toutes les mesu-
res pour assurer le sort de sa compagne, voilà quelle
était toute mon ambition , s’écria-t-il en versant des
larmes de joie ; car M. Formage , qui se piquait
à juste titre de toutes les sortes de délicatesses ,
avait sur-tout l'ame ornée des sentiments de la plus
vraie et la plus vive reconnaissance.
À une sobriété vraiment très-rare dans tous Îles
geures , notre confrère joignait la pratique soutenue
d'une grande économie , mais de cette économie
qui, loin d'avilir , honore le caractère de ceux qui
jouissent d’un reveuu borné ; et l’on sait qu'aux
ouvriers utiles du Parnasse , #pollon ne promet qu’un
nom et des lauriers.
P
(236)
Cependant cette première vertu de l'heureuse mé-
diocrité n’était pas chez lui moins modeste que les
autres ; il n’en paraissait rien, ni dans ses manières,
ni dans sa personne ; il savait toujours être généreux
à propos et même de fort bonne grâce , aimant
sincèrement tous ses collègues anciens et nouveaux ,
comme il était digne d’en être aimé ; les respectant
par principe ,; comme il se respectait lui-même ;
parlant d'eux avec estime ou avec une extrême
circonspection ; d’une discrétion à toute épreuve ,
quelquefois même dans des choses de la plus lé-
gère conséquence , il fallait être dans son intimité
pour se douter qu’il eût à se plaindre de quelqu'un ;
cherchant peu à se faire de nouveaux amis, parce
qu'il mettait toujours dans ce commerce plus que
l'on n’y trouve ordigairement , mais d’une fidélité
constante envers ceux qu'il s'était faits ; même dans
leurs disgraces , pour me servir des propres termes
de la Rochefoucault , il ne laissait point croître
l'herbe à leur porte : sensible au plus haut degré
sur tout ce qu’il pouvait regarder comme une of-
fense, mais sans rancune , il se contentait de se
mettre sur ses gardes , servant toujours avec zèle
selon ses moyens, et ne pensant jamais à nuire
quand il en aurait eu le sujet et l’occasion ; parlant
suivant sa pensée et l'impulsion de son cœur, ou
ne disant presque mot , on n’était jamais obligé à
traduire sa conversation , mais il ne se doutait pas
qw’il aurait eu souvent besoin de traduire celle des
(227)
autres ; fuyant les affaires , la dispute et l'intrigue
pour lesquelles il n'était pas né ; gardant son rang
avec une espèce de dignité, mais sans orgueil.
Le dirai-je ? Il avait la modestie de ne se pas croire
propre à l’enseignement de la rhétorique, enchaîné,
sans doute, par l'ancienne habitude de son genre ;
car , après tant d'épreuves et tant d'exercice, qui
en eût été plus digne que lui?
Personne n’était plus grave ni plus justement sé-
vère que M. Formage dans le cours de ses fonc-
tions ; dans le commerce de la vie , personne n’é-
tait plus doux , plus indulgent , ni plus facile ;
contant volontiers , riant de ses contes du même
air que de ceux des autres, à qui il ne refusait pas
toujours un certain degré de crédulité qu’il avait
quelquefois pour lui-même ; plein de ces saillies
sans prétention , qui échappaient à la vivacité d'un
esprit pétillant ; jamais désobligeant , presque tou-
jours content des autres , se livrant tout entier à
la récréation , parce qu’il n'avait aucun motif pour
se méfier de lui-même , il était bien loin de regarder
la société comme une arène remplie d’observateurs
qui s’'étudieraient pour se surprendre les uns les
autres : en un mot, ne pouvant être haï de per-
sonne , fait pour être estimé de tout le monde , et
l'ami seulement des gens de bien; voilà , MESSIEURS,
M. Formage tel que je l'ai vu sans prévention d’au-
cune espèce ; voilà les principaux traits qui Carac-
PA
( 228 )
térisaient la belle ame de ce patriarche de l'ensei-
gnement public dans nos murs.
Son image ne m'a point quitté tant que j'ai tenu
ma plume , et c’est , pour ainsi dire , contradic-
toirement avec lui que j'ai fait le douloureux inven-
taire de ses titres et de ses bonnes qualités tem-
pérces par quelques faiblesses. On ne peint plus
des hommes quand on les peint autrement. La
vertu peut supporter quelques taches légères, et
ce serait, à ses dépens , outrager gratuitement la
vérité que de les faire disparaitre. Ma franchise ne
pourrait déplaire qu’à ceux qui seraient trop ou
trop peu satisfaits d'eux-mêmes.
Peut étre trouvera-t-on que j'aurais trop compté
sur lindulgence de l'assemblée pour une notice
aussi longue. Mais, Messieurs , en présence d’un
ancien collègue , dont je fus presque le disciple ,
et que je n’en ai pas moins toujours regardé comme
mon dernier maitre ,; comme tête à têle ayec un
ancien ami , dont Pombre toute récente semble
encore , à l’instant même , errer autour de moi dans
cette euceinte, lorsque ma plume faisait la part du
public , était-il en mon pouvoir de ne pas faire aussi
un peu la mienne ? Pouvais-je compter les lignes ct
minutes , et ne pas prolonger un peu , malgré moi ,
Je charme d’une illusion flatteuse , hélas ! que j'ai
trouvée bien courte ?
Maïs j'écarte , Messieurs , tout ce qui pourrait
- (229 )
porter l’attendrissement dans vos ames ; je sens trop,
par ce quise passe dans la mienne , que vos justes
regrets sont bien loin d’être effacés : c’est le privi-
lége du vrai mérite d’être toujours mieux apprécié,
méme après la mort.
PiRur. x pr. OvPLOUS EI PtOouUT R 2817.
En 1809 , l'Académie avait remis pour la seconde
fois au concours la question suivante :
» Déterminer les moyens les plus propres à écarter
» les dangers qui pourraient résulter ; pour les mœurs ,
» du rassemblement dans les ateliers des ouvriers de
» l’un et de l’autre sexe «.
Aucun des trois mémoires que l'Académie a recus
eur cette question , n'a été jugé digne du prix. Le
mémoire portant pour devise : Aiseris succurrere
disco, a seul obtenu use meution honorab!e.
L'Académie , déterminée par l'importance que cette
question présente pour les villes de fabrique en
général , et pour la ville de Rouen en particulier,
a arrêté que celte question serait remise pour la
troisième fois au concours, et elle a acecpté , avec
reconnaissance, la somme de 500 fr. que M. Savoye
Rollin , Préfet du département , et président de
l'Académ'e , a bien voulu ajouter à celle de 3oo fr.
( 250 )
qui avait été d'abord fixée par la Compagnie pour
la valeur de la médaille.
Le prix ne sera décerné que dans la séance publi-
que de 1811.
Les membres résidants sont seuls exclus du cou-
cours,
Les mémoires, écrits en français, seront adressés ,
francs de port , à M. le Secrétaire de la classe des
belles-lettres , avant le 1°r juin 1811 ; ce terme
sera de rigueur.
L'auteur mettra en tête de son mémoire une
devise qui sera répétée sur un billet cacheté, où
il fera connaître son nom et sa demeure. Le billet
ne sera ouvert que dans le cas où le mémoire aura
remporté le prix.
SRE SAN SEE TE RER TIME CE A PET EEE
ToA BoL. E
DES MATIÈRES.
A
| 1) EME prononcé à l’ouverture de la Séance
publique , par M. l’abbë Baston, Wice-Président ,
page: La
SerEzENCES ET ARTS.
R4A»PORT rAIT »AR M. WYFTALSS.
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce rapport.
Mémoire sur les intersections du côre , du cylindre
et des autres corps engendrés par la révolution
des courbes du second degré , autour d’un axe,
lorsque ces corps sont coupés sur un plan ; par
M. Francæur , 18
Cours complet de mathématiques pures ; par le
méme ; 19
Rapport sur un Mémoire de M. Prudhomme , qui a
pour titre : Des comètes en général ; et en par-
ticulier de la comète qui a été observée en 1807 ;
par M. Letellier, ibid.
Systéme impérial des poids , mesures ef monnaies ;
par M, Bonuet , 24
( ah 1
Mémoire descriptif des Travanx à faire pour l’em-
bellissement de la ville de Rouen et l'amélioration
de son port ; par M. Lemasson , ibid.
Rapport sur les machines à tisser de M. Diard ;
par M. Leboullenger , 23
Recherches sur La construction et les effets du briquet
pneumatique ; par M. Lebouvyer-Desmortiers , 24
De la nature et des propriétés de huit espèces d’c-
lectricité ; par M. Sage , 26
Systéme universel ; par M. Azaïs , 27
Notices sur les progrès des sciences physiques et na-
turelles , et sur les établissements de bienfaisance ,
dans les Etats-Unis d'Amérique ; par M. Valentin,
ibid.
Plan d’un dictionnaïre des productions de la nature
et de Part qui en'rent dans le commerce de la
France avec l’étranger ; par M. Deu, 23
Doutes sur le genre sexuel du blé-froment ; par
M, Jamard, 29
Syrop de raisin , préparé par la méthode de M.
Proust; par M. Vitalis , . 50
Motice sur le sucre de raisin, par M. Robert, 5x
émoires concernant le sucre liquide extrait du
suc de pommes et de poires ; par M. Dubuc, 55 et 54
Instruction sur les moyens de suppléer le sucre dans
les principaux usages qu’on en fait pour la médecine
et pour l’économie domestique ; par M. Parmen-
LA
2
tier, le
(:255
Brochure sur les mortiers ou ciments ; par M. Sage,
36
Observations sur quelques médieaments employés dans
le traitement des maladies siphilitiques ; par A1.
Viulis , 6
Q1
Analyse d’une liqueur anti-vénérienne qui se débite
à Rouen ; par M. Vitalis, 57
Observations médicales ; par M. Besuard , 4t
Essai sur le sentiment d'horreur qu’inspire la mort ; par
M. Vigné , 45
Réfutation des assertions de M. Doyveau-Laffecteur ,
sur le mercure employé comme antisiphilitique ; par
le même , 45
Dissertation sur la pleurésie bilieuse on gastrique ,
par M. Boismare , analisée par M. Vigné, 47
Bulletin des sciences médicales de la Societé de mc-
decine du département de l'Eure , ibid.
Mémoire sur l’artère épigastrique , considérée dans
un état pathologique , relatif à la hernie inguinale ,
et des moyens de s’assurer de sa position pour
éviter le danger de la couper dans l’opération
chirurgicale ; par M. Lamauve , 48
Lettre de M. Sylvestre relative aux cours de 11.
Jvart à l’école d’Alfort , 5t
L2
Programme de la séance publique de la Société d’agri-
culture du département de la Seine, ibid.
| CE NN
€irculaire de la même société qui a pour objet de
demander à l’académie des renseignements pour la
rédaction d’un ouvrage sur l’art de conserver les
substances alimentaires , 52
Reflexions sur l’état actuel des fabriques ; par M.
Lancelevée , 53
Notice des principaux ouvrages présentés à la Société
académique de Cherbourg , 55
Discours de réception de M. Dubuc, 56
em de M Biard k 57
———— de M. Boismare , 59
———— de M. Bovnet, 16
Prix propose pour 1811, 64
DériBéRATION de l’académie concernant l’impression
des mémoires relatifs aux sciences, 66
Tableau général des observations météorologiques ,
faites à Rouen , pendant l’année 1809 ; par M.
Vitalis , 66 bis.
BELLES-LETTRES.
RAPPORT FAIT »pAR M. GourpDinw.
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce rapport.
Pers sur l’origine du prieuré des Deux- Amants ; par
M. Duval Sanadon, 68
Vers latins sur le projet de translation du corps du
cardinal de Joyeuse; par M. Fere , ibid.
(255)
.scours d'ouverture des séances de la Société d’é-
mulation ; par M. Angerville , ibid.
Compte rendu de la séance publique de la Société
des sciences et arts du département de la Loire
inférieure , ibid.
Annonce des sujets de prix proposés par 1 Académie
des Jeux floraux , ibid.
Séance publique de la Société de Besançon, 69
Programme des prix proposés par l'Académie de
Dijon, ibid.
Essai sur l’origine et les progrès de l'art de la
teinture en France ; par M. Vitalis, ibid.
Discours prononcé à l’ouverture de l’exramen pour
l'admission des élèves à l’école polytechnique ; par
MH. Savoye Rollin , 70
Discours de clôture du méme examen ; par M. Vablé
Baston , 79
Examen de la question : Quelles sont les vertus
qui honorent le plus l'espèce humaine ; par M.
d’Ornay , 90
Discours de réception de M. Lézurier de la Martel, ror
de H, Duputel , 112
————— de M, de Lancy , 118
Réponse de M. Savoye Rollin , président ,| aux dis-
cours de réception de MM. Dubuc, Biard , Lézu-
xier et Duputel , 129
(256)
Réponse de M. l'ablé Baston , vice-président ; aux
discours de réception de MM, Blanchemain ,
Bonnet, Boïsmare et de Laney , 129
Discours prononcé par 21. Chapais de Marivaux , lors
de l’entérinement de lettres de grâce accordées
par S, 21. l’Empereur et Roi, à 25 déserteurs
condamnés aux travaux publics , 154
Traduction d’un morceau du docteur Blair ; par 11.
?
Lézurier , 156
Crammaire latine théorique et pratique ; par 1.
Boinvillers , 158
Eléments de la prononciation ; par M. Duputel, ibid.
Observations sur la différence qu’il y a entre les ex-
: ANSE
pressions précis et analyse ; par M. Gosseaume ,
ibie.
Mes quatre-vingts ans, pièce de vers ; par 31. &'Ornay,
159
L'Amour et Psyché ou la curiosité punie , conte en
Ja } >
vers; par M. Lemesle , 141
Ep'tre en vers à une darne qui demandait à l'auteur
si un vieillard pouvait encore aimer ; par le méme ,
147
Voyages ; par 21. de la Bouisse , 149
Poësies diverses ; par M. Mutel, ibid.
Traduction libre en vers du pseaume Exurgat Deus ;
par M. l'abbé de Boisville , ibid.
C 237 )
. . . —
Vers sur la demangeaison d’écrire”, par le même 5 1100
Pièce de vers latins ; par 21. Bignon , 156
Vers sur lu vallée d’Andelle ; par M. Duputel, 159
Géneviève de Brabant ; par le même, 164
Pièce en prose intitulée : V'AMüt à la Bécasse ; par M,
Leboullenger , ibid.
Observations sur Les siècles littéraires ; par M, Tous-
tain de Richebourg, 165
Comparaison de l’Artaxerce de M. Delrieu , avec
l’Artaxerce de Métastase ; par M, Boistard de
Glanville , 166
Réflexions sur une critique dela bibliothè ue orientale :
f/ s q ;
par M. Gourdin, 172
Notice sur les serfs et la servitude dans la princr-
I
pauté de Munster en Westphalie 5 par M. l’abbé
Baston, 1 172
Essai et recherches sur Dithras ; par A1. Gosseaume,
72
Extrait des anciens mémoires de I "Académie qui
doivent composer le premier volume de ses actes ;
199
Memoire sur Tuscule ou Tusculum ; par DL Des-
par M. Gosseaume ,
camps , 200
Notice biographique sur DT, Berriais ; par 21. Lair , 20r
Eloge de M. Willemet ; par M. Justin Lamoureux ;
ibid,
(258
Mémoire sur l'effet, dans l’art de la peinture ; par
M. Désoria , | 202
Observations sur quelques grands peintres ; par M.
Taillasson , 206
Essai historique sur l’archisecture ; par M. Vau-
quelin , 207
Norice biographique sur M. Formage; par M. Bi-
gnon ;, 213
PRix proposé pour 1611, 229
Fiu de la Table,
PRÈCIS ANALYTIQUE
DES CTUR'ATV-AU X
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DES SCIENCES , BELLES - LETTRES ET ARTS
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE IG10.
PRÉCIS ANALYTIQUE
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DES SCIENCES , BELLES- LETTRES ET ARTS
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PENDANT L'ANNÉE 1810.
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rue de la Vicomté , n° 50,
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D'OMBRE S
DE L'ACADÉMIE
Des Screncas , BELLES-LETTRES ET ARTS DE Rouen,
Avec l’indication de l'Année de leur réception.
OFFICIERS EN EXERCICE
PRÉSIDENT.
1804. M. DEMADIERES # , Baron de l'Empire ,
Maire de la ville de Rouen , rue Thouret,
VFrcs-PRÉSIDENT.
1805. M. MARTIN DE BOISVILLE (Jean-François),
Vicaire-général du Diocèse , rue du Loup ,
n° 1er,
SECRÉTAIRE POUR IE$ ScrEnNcESs.
1805. M. VITALIS (J.-B.) , Docteur és Siences
de l'Université impériale ; Professeur des
Sciences physiques au Lycée de Rouen ;
Professeur de chimie appliquée aux Arts ;
Membre de l'Athénée des Arts de Paris ;
des Académies de Caen et d'Amiens ; des
(z
Sociétés ge à de Caen , de Ver-
sailles et de Boulegne-sur-Mer ; de la Société
d'Emulation d'Anvers; de la Société médi-
cale d’Evreux-; Associé honoraire de la So-
ciété de Commerce et d'Industrie de Rouen;
Membre de la Société libre-d'Emulation de
la méme ville ; de la Société des Sciences
physiques et médicales d'Orléans ; de la So
cieté d'Agriculture , Sciences et Arts de
Tours, etc., rue Beauvoisine.
SECRÉTAIRE POUR LES Bxivis Hess
1808. M. PINART'DE BOISHÉBERT , rue du Coguét,
BIBIIOTHÉCAIRE-ARCHIVISTE:.
:769: M. GOSSEAUMEX Pierre:Laurent), Docteur-
Médecin , rue de la Seille , n° 1,
T'R:É?S0"R IE R.
»779+ M+ MÉSAIZE (Pierre-François), Pharmacien,
Correspondant de la Société philomatique ;
de celle de Pharmacie et d'Agriculture de
Paris ; de celle d'Anvers, etc. , placé de la
Pucelle.
ACADÉMICIENS VÉTÉRANS.
1803. M: le Comte BEUGNOT # , Cotiseïller d'État ;
ancien Préfet. du Département dé la Seine-
inférieure , à Paris, rue Grange-Butelière ,
ue 8.
|
639
1762. M. D'ORNAY ( Jean-François -Gabriél Ne
Membre des Académies de Lyon, de celles
des Arcades de Romeet des Georsifles de
Florence , place de la Pucelle, n° 15.
MEMBRES RÉSIDANTTS.
MM.
1757. JAMARD , ancien Prieur de Roquefort, rve
de l'Epée, n9 24.
1758. LEMESLE , ancien Négociant | Grand’Rue ,
n°57.
1771. GOURDIN , Bibliothecaire de la ville, Mem-
bre de l'Académie des Inscriptions de
Stockholm ; de la Société des Antiq, de
Londres ; des Académies d'Anvers , de
Lyon , etc., cour de l'Hôtel de Fille.
1775. DESCAMPS (Jean-Baptiste), Conservateur du
Musée de Rouen , Membre de l'Académie
des Arcades de Rome , rue Poisson, n° 27.
1786. LAUMONIER ( Jean-Bapüste-Philippe-Nicolas-
René }, Chirurgien en chef de l'Hospice
d'humanité ; Correspondant de lPinstitut ,
rue de Lecat.
1805. LHOSTE ( Pancrace-Julien } , Professeur de
Mathématiques au Lycée , rue du Perir-
Maulévrier.
15035. DEU , Receveur des Douanes impériales ;
Meinbre de l’Académie d'Amiens, à l’Héte!
des Duuanes.
ES
1803.
18053.
1803.
18053.
1803.
1805.
1803.
1803.
1803.
1803.
1503.
1803.
1803.
(4)
MM. R
MATHEUS , Négociant, rue Saint-Eloi, no 57.
S. Em. M. le Cardinal CAMBACÉRÉS
(G. D. # ), Archevéque de Rouen, Séna-
teur , en son Palais Archiépiscopal.
BOULLENGER # , Président du Tribunal de
première instance , rue de la Chaîne, n° 10.
LEMASSON , Ingénieur en chef du Départe-
ment , rue du Rempart Bouvreuil , n° 13.
DESCROIZILLES , Négociant , à. l’Escure-lès-
Rouen. e*
BASTON ( Guillaume-André-René) , Vicaire-
général du Diocèse , rue de l’Ecole , n° 51.
ROBERT , Pharmacien en chef de PHospice
d'humanité , à l'Hospice.
TARDIEU ( Jean-Charles ) , Professeur de
Dessin, rue des Bons-Enjants , n° 27.
PAVIE ( Benjamin) , Négsociant, faurbourg
Saint-Hilaire , n°S 21 et 22.
VIGNÉ ( Jean-Baptiste ), Docteur-Médecin ,
membre de la Société médicale de Paris,
rue de la $eille, n° ro.
LETELLIER , Inspecteur de l'Académie im-
périale de Rouen , rue Payée, n° Greta
Saint-Sever.
VAUQUELIiN ( Jean-Guïlaume-Bernard) ,
Architecte, Boulevard Bouvreuil , n° 7. |
LANCELEVÉE (Guillaume-Prosper-François) , |
Négociant , rue Saint-Amand , n° 5.
1804
1804.
1604.
1804.
1805.
1805.
1805.
1805.
1806.
1806.
(5)
MM.
* BOISTARD DE GLANVILLE ( Guillaume-
François ) , rue des Murs-Saint-Ouen.
GODEFROY , Docteur-Médecin , rue Saint-
Eloi.
*
BIGNON ( Nicolas), ex-Professeur de Gram-
maire générale à l'Ecole centrale , rue Saint-
Hilaire. d |
DESORIA (Jean-Bapüste-François), Professeur
de Dessin au Lycée , rue des Maillots , n° 17.
CHAPAIS DE MARIVAUX æ ( Charles-
Bernard) , Membre de la Cour d'appel , rue
du, Vieux-Palais.
PERIAUX ( Pierre ) , Imprimeur-Libraire,
rue de la, Vicomte , n° 3o.
LAMAUVE , Docteur-Médecin, rue Saint-
Laurent , n9 3.
MEAUME ( Jean-Jacques-Germain) , Profes-
seur de Mathématiques au Lycée , rue
Poisson ;, 1° .17.
SAVOYE ROLLIN # , Baron de l'Empire ,
Préfet du Département de la Seine-Infé-
rieure, Membre de l'Académie de Greno-
ble , etc. , en son Ilôrel,
BOIELDIEU ( Marie-Jacques-Amand), Avo-
cat ; Membre de l'Académie de Législation
: y no 'aa
de Paris , rue Beauvoisine , n° RS.
1808.
1808.
1808.
1808.
1808.
1809.
1809.
1610.
1810.
1810.
y8r6*
1810.
(6)
MM.
DUBUC l'aîné, Pharmacien , rue Percière ,
n°0 20.
BLANCHEMAIN (Louis-Laurent), Fabricant,
rue de la Vicomté , n° 86.
BONNET ( François Augusti } , Caissier de la
Monnaie , Hôtel des Monnaies,
BOISMARE ( Jean-Baptiste-Victor ), Docteur-
Médecin , rue Saint-Patrice , n° 8.
LEZURIER DE LA MARTEL (Louis)O. # ,
Baron de l'Empire , rue de Crosne , n° 2.
DUPUTEL ( Pierre } , rue Porre-aux-Rats ,
n° 3 bis,
BIARD , Mécanicien, rue Saint-Patrice, n° 58,
ROSNAY DE VILLERS, rue Ancrière, n°
TUIEULLEN # , Baron de l'Empire , premier
président de Ja Cour d'appel , rue de
l’Ecureuil,
FLEURY , Conservateur des Forêts , rue Beau-
voisine , n° 84.
DESESMAISONS, rue de la Chaîne , n° 21.
LEFILLEUL DES GUERROTS , rue du Cor-
dièr , n° 30.
(C7
ACADÉMICIENS NON RÉSIDAN Ts.
MM.
1762. GROULT , ancién Ofhcier de l'Amirauté , : &
‘Cherbourg.
1766. Le colonel: TOUSTAIN DE-RICHEBOURG ,
Colonel de la sixième Légion du département
de la Seine-luférieure , à Saint-Martin , par
Montivilliers.
1767. MENTÉLLE , Géographe , Membre de lInsti-
tut , à Paris , rte Mazarine , n° 52.
1768. OURSEL , Mathématicien , à - Dieppe.
4970. DANGOS , Correspondant de -Mnstitut , à
Tarbes,
1971. RONDEAUX DE MONTBRAY , Manufactu-
rier , 4 Louviers.
17974. PARMENTIER g& ,; Membre de l'Institut , re
‘des Xmandiers-Popincotrt , n° 12 j à Paris.
1776. Le Sénateur Comte DE FONTANES (CC. —æ ),
Grand-maîtte ‘de l'Université impériale ,
Membre de l'Institut , à Paris ,!'au Palais
du Corps législatif.
1977. DANNEVILLE, à Caen.
1777. COUSIN-DESPRÉAUX , Associé de l'Institut ,
à Dieppe.
1777. MONGEZ , Antiquaire, Membre de l'Institut ,
à Paris , Hôtel des Müônnaies , n° 1r.
1583. EAMANÜÉ , Inspectéur en éhef äés Ponts.et
Chaussées , à Paris , rue du 'Bac , u° 86.
k (8)
MM.
+. MOREAU le jeune, Graveur , à Paris , rue
du Cog-Saint-Honoré. r
. HOUEL , Peintre , Membre de la Société des
Sciences, à Paris, rue Saint-Honoré.
+ LEMONNIER , Peintre d'histoire , à Paris ,
rue de Vaugirard, n°9.
. MOREAU.-DE-SAINT-MÉRY (C. & }, Conseil-
ler d'État, à Paris , rue Jacob , n° 14.
. DEMAUREY , Mécanicien , à Jncarville, près
Louviers,
+ GRAPPIN, Secrétaire de l'Académie , 4 Be-
sançon.
+ LEVAVASSEUR le jeune , officier d'artillerie -
1’
a
+ DAVID, Graveur, à Paris , rue de Corneille ,
LA .
nos
+ DELANBINE , Bibliothécaire | Membre de
l’Athénée , à Lyon.
- SAGE , Membre de l'Institut, à Paris, à
l’Hôtel des Monnaies.
+ LEVÉQUE # , Examinateur de la marine :
Membre de l'Institut, à Paris , rue de l’U-
niversilé ; n° 34.
+ MONNET , Inspecteur des Mines, 4 Paris :
rue de l’Université , n° Gr.
oc
(9)
MM.
. TESSIER ( H.-Alexandre ) & , Membre de
l'Institut, Inspecteur général des Bergeries
du Gouvernement , rue de Condé , n° 19,
à Paris.
LESUIRE , Homme de lettres, à Paris.
1805. GUERSENT , Docteui -Médecin , Professeur
de Botauique ; Membre de la Société médi-
cale de Paris , à Paris.
1805. LEBOULLENGER , Ingénieur des ponts et
chaussées, à
1805. Le Sénateur Comte CHAPTAL {G. # )» Mem-
bre de l'Institut , à Paris , rue Saint-Domini-
que ; F, S.G., n° 70.
| 1803. CHARDON LA ROCHETTE , à Paris , au bu-
reau du Magasin encyclopédique.
1805. MOLLEVAUT , Professeur de Belles-lettres ,
Correspondant de l'Institut, à Nancy.
1805. DELARUE , Membre de l'Académie de Caen,
à Caen,
1805. LEBARBIER , Peintre , à Paris , quai des
Augustins, n° 55.
1805. GODEFROY , Graveur , à Paris , rue des
Francs-Bourgeois-S.-Michel, n° 3.
1803. CUVIER # , Secretaire perpétuel de l'Institat ,
Professeur d’Anatomie comparée , à Paris,
au Jardin des Plantes.
1803.
1805.
1804.
_1804.
1805.
1805.
‘1806.
x806.
1806.
r807.
1807.
1808.
(io)
MM.
Le Sénateur Comte DE LACEPEDE (6.D.#)
Membre de l'Institnt , grand Chancelier de
h'Légion d'hontteür , à Püris , quai de
Foltaire , n° 5.
D'HERBOUVILLE (-C.‘#), Préfét du Dépar-
tement ‘du‘Rhône , Membre de la Societé
d'Anvers ,; à Lyon.
BOIN VILLIERS, Correspondant-.de l’Institut ,
Inspecteur de l'Académie. impériale de
Douay , à Douay.
DEGLAND , D. M. , Professeur au Lycée
*de Rennes , à Lennes. |
LEBOUCHER , Directeur des Douanes, à
Abbeville.
DUMONT-COURSET , à Courset , par Samer ,
Département -du Pas-de-Calais.
ANSON , Administrateur gériéral des Postes ,
à Paris , rue de lu Ville-Lévêgte, n° 41.
Le Biron DE GERANDO , Membre de lIns-
titut , Secrétaire du Ministèfe de l'iutérieur.,
à Parts.
DELABOUISSE , à Paris,
PETIT , Docteur - Médecin, à Lyon. |
PROUST + ,Meémbre de l'Institut,rue du Ménil- |
Montant , près la barrière , à Paris.
LEBOUVYER DES MORTIERS , ancien Ma-
gistrat , à Paris.
1808.
1808.
1808.
1809.
1809.
1809.
1809.
1809.
1810.
3810.
1810.
1810.
1810.
1810,
Qu)
MM.
SERAIN ; ancien Officier de Santé , 4 Canon,
par Croissanville.
LAIR ( Pierre-Aimé }, Secrétaire de la Société
d'Agriculture et de Commerce, à Caen.
DELANCY , à Paris.
FRANCOEUR , Examinateur de l'Ecole poly-
technique ; à Paris.
HERNANDEZ , Professeur à l'Ecole de Mé-
decine de la Marine , à Toulon.
LAMOUREUX ( Justin ), à Bruxelles.
GASTELLIER ( René-Georges ) , Médecin en
chef de l'Hospice, à Montargis.
MUTEL , Homme de Lettres, 4 Bernay.
VAUQUELIN # , Membre de l'Institut , au
Jardin des Plantes, à Paris.
DUBUISSON , Secrétaire de la Société dés
Sciences physiques , à Paris, rue du Faux-
bourg S. Antoine, n° 353.
DUBOIS-MAISONNEUVE , Homme de lettres,
à Paris, rue de Tournon, n° t4.
DENIS, Docteur-Médecin , à Tilly-sur-Seulle ,
département du Calvados.
LEROUX DES TROIS-PIERRES , propriétaire,
aux Trois-Pierres, canton de $, Romain de
Colbosc.
BÉRENGER , Membre de l'Académie de
Lyon, à Lyon.
(m2)
MM.
1810. SÉNÉCHAL, Entrepreneur des constructions
maritimes , au [avre.
1810. DE BONARDI DUMESNIL , ancien Officier de
Carabiniers , Membre du Collège électoral
du département de Ja Seine - Inférieure ,
au Mesnil-Lieubray , canton d’Argueil , ar-
rondissement de Neufchätel,
1810. DELARUE , Pharmacien , Secrétaire de fa
Société médicale , à Evreux.
1810. SEPMAN VILLE , Correspondant de l’Insutur,
a Evreux.
1810. CLERISSEAU , Archñecte, à Paris.
1810. DUVAL-SANADON , Homme de Lettres, à
Martot,
1810. SAISSY , Docteur-Médecin , à Lyon.
1810. BALME , Secrétaire de la Société de méde-
cine de Lyon, à Lyon.
ACADÉMICIENS ÉTRANGERS.
1783
1785.
MM.
. Le Chevalier DE TURNOR , Membre de la
Société des Antiquaires , à Londres.
. Miss Anna MOOR , à Londres.
ANCILLON , Pasteur de l'Eglise française ;, à
Berlin.
1805.
1803.
1803.
1805.
1803.
1803.
1803.
1803.
(15)
1
MM.
DE VOLTA, Professeur de Physique ; Associé
de l’Institut , à Pavie,
DEMOLL , Directeur de la Chambre des Fi-
nances , et Correspondant du Conseil des
Mines de Paris, à Salzbourg.
DEBRAY , Ministre du Roi de Bavière à Ber-
lin ; Membre de la Société de Ratisbonne ;
de l'Académie d'Amiens , à Berlin.
GEFFROY , Professeur d’Anatomie à lP'Uni-
versité de Glascow.
ENGELSTOFT, Docteur en philosophie , Pro-
fesseur, adjoint d'Histoire à l'Université de
Copenhague.
CAVANILLES , Botaniste , à Madrid,
John SINCLAIR , Président du Bureau d’A-
griculture , à Edimbourg.
FABRONI , Mathématicien , Directeur du Ca-
binet d'Histoire naturelle , et Correspon-
dant de l'Institut, à Florence,
Æ Rouen. De l’Imprimerie de P, Peniaux
, Imprimeur de
l'Académie , rue de la Vicomté, n° 50, ( Août 1810 },
=
PRÉCIS ANALYTIQUE
DES RUR AA U'X
DE L'ACADÉMIE
DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS
DÉ ROUEN,
PURENIDOAUN TEL! AUNUN É É) 1910 3
D'APRÈS le Compte qui en a été rendu
par MM. les Secrétaires , à la Séance
publique du 8 Août de la méme année.
DA SIC OMR S
Prononcé à l’ouverture de la Séance publique par
M. DemAD1EerRESs, Maire de la ville de Rouen,
… membre de la légion d’honneur, Baron de l’Empire ,
Fice-Président de l'Académie,
Nas sun s,
Si nous suivons l'histoire des sciences, des lettres
et des arts chez les anciens peuples et chez les
nations modernes, nous verrons que leurs progrès
mont été sensibles que lorsqne ceux qui les culti-
vaient se réunissaient pour se communiquer ou leurs
découvertes ou les fruits de leurs nn
C2)
C'est sur-tout sous Louis XIV qu’on sentit en France
cette vérité ; aussi C’est sous son règne brillant et
fécond en grands hommes que se sont établies les
diflérentes associations connues sous le nom d’Aca-
démies des Sciences, des Belles-Lettres, de Peinture,
d'Architecture.
Le. hommes qui cultivent le même genre de con-
naissances une fois rapprochés, réunis et pour ainsi
dire incorporés, il règne parmi eux une noble ému
lation ; l'honneur du corps auquel chaque membre
aime à prendre part, établit dans la nouvelle société
une censure uule ; la rivalité même y tourne au
profit commun.
A peine les Académies ont-elles été formées ,
qu’elles se sont fait un devoir de soumettre , en
quelque sorte, dans une séance expresse, le produit
auvuel de leurs travaux au jugement du public.
Cet exemple , donné par les Académies de la
capitale, a été suivi par toutes les autres. Quand un
savant, un littérateur , un artiste , n’ont de leurs
productions pour juges et pour censeurs qu’eux-
mémes , quoiqu’ils puissent peut-être mieux pro-
noucer sur leur merite que toute autre personne ;
cependant , les uns ne les voient jamais qu'avec des
yeux de pères , et par conséquent avec trop de
compla sance ; les autres, souvent mécontents d’eux-
mêmes , se défient trop de leurs propres forces,
et leur génie, confondant la ümidité avec la prudence,
n'ose prendre Pessor. Dans l'un et l’autre cas le
jugement du public devient nécessaire, pour ren-
dre les premiers plus sevères et moins indulgents
pour eux-mêmes, et les seconds plus hardis, plus
assures dans leur marche.
Je n’ignore pas que dans quelques sociétés litté-
raires on semble ne rassembler le public à certains
(5)
jours que pour l’amuser par le débit de quelques
productions légères. Les arts agréables s ÿ réunissent
pour offrir des fêtes charmantes dont les muses ba-
dines et folâtres font tous les frais.
Ce n’est pas ainsi que les choses se passaient et
se passent encore dans les premières Académies de
l'Europe. Les muses sévères y paraissent presque
seules , quoiqu'’elles n’interdisent point à leurs sœurs
de venir quelquefois y sourire. C'est par ce mélange
de sérieux et d’agréable que nous tâcherons
Messieurs , de fixer votre attention dans cette séance.
Les comptes rendus de MM. les Secrétaires vous
feront connaître les objets divers qui, pendant cette
année , ont occupé l'Académie.
Sans être prolixes , sans entrer dans de trop grands
détails , MM. les Secrétaires, chacur dans leur classe
respective , chercheront à vous donner une idée
juste de nos travaux. Comment pourriez - vous en
juger sur leur simple titre? Comment , sans une
analyse succincte , mais suffisante ; pourraient-ils
être pour vous de quelqu'intérêt ?
Aprés cette suite d'analyses, nous chercherons à
vous distraire par la lecture de quelques productions
légères. Le tribut douloureux d'éloges que nous
paierons à ceux de nos confrères , qui, dans la tom-
be , ont emporté les regrets d'une grande partie de
cette assemblée , nous méritera le suffrage de vos
cœurs.
Notre dessein en vous réunissant ici, MESSIEURS ,
n’est point de capter vos applaudissements , mais
de mériter votre attention et votre estime. C'est la
plus noble récompense de nos travaux , c'est la
seule que nous ambitionnons d'obtenir.
À 2
(4)
nnpnp———————_—
SCI EAN. CE SLT EAN REMES
BORNE LOIR TX
Fait par M. VirraArrs, Secrétaire perpétuel de
l’Académie , pour la classe des Sciences.
MESSIEURS,
C'est à votre amour constant pour l'étude, c'est
au zèle ardent qui vous anime pour le progrès
des lettres, des sciences et des arts, que l'Acadé:
mie doit le précieux avantage de pouvoir offrir,
chaque année, aux habitants de cette industrieuse
cité, le tribut solemnel de ses méditations et de
ses veilles.
L'étude nourrit l'esprit et augmente les talents
que vous ayons reçus de Ja nature; c'est elle qui
échauffle et qui développe le germe de la pensée;
c’est elle qui apprend à l'homme à connaitre , à
diriger , à combatre ses passions ; c’est elle qui
polit les mœurs et adoucit la violence ou la rudesse
du caractère; c’est l'étude qui émousse la pointe
des épines cruelles qui bordent l'étroit sentier de
la vie ; c’est elle qui nous console dans les angoisses
de l'adversité, qui cicatrise les plaies de lesprit
et du cœur ; c'est l'étude enfin qui, en nous ins-
truisaut de nos devoirs , en nous rappelant sans
cesse aux” vrais principes du bon et de l'honnête,
aggrandit le cercle de nos conceptions , élève lame,
épure les sentiments du cœur, nous procure des
plaisirs aussi vils et aussi purs qu'ils sont délicats,
et répand sur tous les instants de notre vie un
charme inexprimable , et qui ne peut étre bien
ñ
SE TE
(5)
senti que par ceux qui connaissent le prix de
instruction.
Mais , quand il serait vrai de dire que les avanta-
ges dont on vient de parler ne seraient pas autant
de bienfaits que l'on doit à l'étude , l'Académicien
n'en serait pas moins disposé à lui sacrifier tous
ses moments , dans l'espoir de découvrir quelque:
vérité nouvelle, d'étendre la sphère des connais-
sances humaines , de reculer les bornes des arts,
en un mot de se rendre utile à ses semblables.
C'est ce motif noble et désintéressé, Messreurs,
qui soutient votre courage dans la carrière hono-
rable que vous parcourez avec tant d’ardeur.
Je ne ferai point ici l'éloge de vos travaux ; cet:
éloge , dans ma bouche , pourrait paraître suspect ;
je me contenterai d'en rendre un compte exact-
et fidèle , et nous laisserons à prononcer sur leur
mérite , aux juges impartiaux et éclairés qui nous
honorent aujourd’hui de leur présence.
Là
SCIENCES MATHEMATIQUES ET PHYSIQUES,
M. Pinard de Boïsliébert | qui n’avait pu se rendre
aux séances publiques d'admission qui ont eu lieu
l’année dernière, a donné lecture de son discours
de réception.
» Jene puis , dit modestement notreconfrère , at-
tribuer la faveur que je reçois en ce moment de
l'Académie qu'à l'avantage inappréciab'e d’avoir
appartenu à un corps éminemment distingué par
ses talents militaires, et par les connaissances ya-
riées et profondes qu'exigent les fonctions dont il
est chargé «,
Ce début conduit M. de Boishébert à parler des
charmes de l'étude et de l'heureuse influence du
travail sur les mœurs en général.
A 3
(6)
» 11 faut à l'homme , dit M. de Boishébert , un
but auquel il tende , un motif qui fixe son incons-
tance naturelle et le fasse sortir de l’état d'inertie
où la paresse du premier äge le reporte sans cesse. «
L'étude des mathématiques est , suivant l’auteur,
la plus propre à captiver l'esprit, à le fixer et à
lui servir de guide : elle est d’ailleurs la base des
connaissances qui ont rapport au monde physique.
» Si la raison abuse quelquefois des sciences
exactes, l'imagination de son côté a besoin de leur
frein salutaire pour la retenir dans les bornes , sinon
du vrai, au moins du vraisemblable.
» Bufon, plus géomètre , aurait été moins séduit
par des hypothèses ingénieuses , par des systêmes
brillants, si Pon veut , maïs qui n’ont pu prendre
leur origine que dans les prestiges de l'imagination.
» Laissons , dit notre confrère, laissons les ré-
ves d’une imagination trompée , caressée par
Pamour propre , et rentrons dans le cercle des
choses vraiment utiles. «
Cette idée ramène M. de Boishébert au sein
des sociétés savantes dont les travaux, dit il, con-
courent , sous tous les rapports , au bien général de
la société.
» Je sens , ajoute notre confrère , combien il est
avantageux pour moi d’appartenir à une compagnie
qui, en cultivani les sciences , soccupe sur-tout , par
l'étude des belles lettres, d'aggrandir le cercle de
toutes les connaissances relatives à l'état moral de
l'homme, et de propager les lumières qui le ren-
dent meilleur et pour lui-même el pour ses sembla-
bles.
= M. Senéchal , entrepreneur des travaux mari-
times au Hayre , et aujourd'hui membre non rési-
(39
dant de l'Académie , vous a adressé un mémoire
intitulé : Projet d’une grande écluse de navigation
pour le passage des vaisseaux, et de deux grandes
écluses de chasse pour curer et approfondir les ports,
d’après un nouveau systéme de construction.
Organe de la commission chargée d'examiner ce
mémoire , M. Pinard de Boishébert a fait un excel-
lent rapport dont nous regrettons de ne pouvoir faire
connaître ici que la conclusion résumée,
» Il résulte de l'examen de la commission , dit M.
de Boishébert , qne l'ilée des radiers en forme de
voûte renversée , est une conception ingénieuse qui
présente à l'esprit toute la solidité desirable pour
rendre absolument nul l'effet du lev'er d'eau.
» Malheurensemeut cette forme circulaire ne saurait
s'appliquer qu'à un très-petit nombre d'écluses , et
nullement à celles dont les fonctions doubles veu-
lent des portes busquées , en aval comme en amont.
» La nécessité de conserver aux radiers la surface
plane, la seule qui leur convienne à raison du be-
soin de manœuvrer ces portes, le regret de laisser
inutile l'idée de M. Senéchal nous ont déterminés
à présenter à l'Académie un moyen simple , d'en
faire une application générale par la combinaison
de ces voûtes avec la forme de plarte-bande , d’em-
ployer la voûte renversée en-dessous de la platie-
bande , faisant service de décharge contre . la
force ascensionnelle du levier d'eau ; alors tout
serait dans l’ordre.
» Les nouvelles portes de M. Senéclal présentent un
systéme de charpente qui reunit à la légéreté léco-
nomie des bois et la solidité,
» La construction des colliers des portes busquées
est ingénieuse , bien réfléchie , et nous parait pré-
férable aux colliers de cuivre, avec la très-legère
rie
(8)
addition que nous ayons pensé devoir y faire,
pour éviter l’oxidation du fer par le contact des va-
peurs salines.
» La précaution de ménager un clapet de secours,
dans le cas de rupture de ia porte tournante, et les
moyens de la manœuvyrer méritent des éloges.
» Nous craignons seulement que , vu l'etat d’im-
mobilité où seraient ces clapets pendant un grand
nombre d'années, et leur position renfermée et bai-
gnée par les eaux à toutes les marées, l’oxidation
des tourillons et la pourriture de la charpente ne
rendissent ce secours illusoire dans le moment de
détresse prévu par M. Senéchal.
» L'idée des poteaux coulisses, pour lier et fixer les
portes tournantes aux bajoyers est bien séduisante,
mais nous croyons avoir démontré qu’elle ne doit
pas être préférée à la marœuvre très-simple de la
porte de l'éclase de Vauban.
» Nous avons démontré quelamanœuvre du pont
mobile , qui n’est pas sans mérite du côté de l'in
vention , serait dans la pratique exposée à des in-
convénients graves, à raison de lPextrême difficulté
de conserver tous les points d'appui dans une mé-
me ligne et dans un même plan de niveau.
» Mais nous devons dire avec sincérité qu’en géné-
ral , malgré les taches que nous y avous remar-
quées , le mémoire de M. Senéchal mérite , sous
bien des rapports , des éloges. Il contient des détails
précieux pour l'art ; les planches en sont faites avec
un soin et une intelligence rares.
» Si nous nous sommes montrés un peu sévères
dans l'examen de cet intéressant mémoire , l'impor-
tance du sujet, les erreurs dans ce genre de cons-
truction , qui toujours sont graves et trop souvent
irréparables , ne nous ont permis ni mollesse, mi
complaisance,
l'y
(9)
» Nous avons pensé d’ailleurs , qu'avec un talent
aussi distingué , de l'expérience acquise et une ima-
gination facile en moyens, M. Senéchal devait s'é-
lever au-dessus des petits chagrins de l'amour pro-
pre , qui ne peuvent affecter sérieusement que les
hommes médiocres. Leur imagination presque
stérile wenfante qu'avec peine, et, par cela même ,
ils souffrent avec impatience et douleur la critique
d'une production qu'ils ne sauraient ni perfection-
ner , ni remplacer.
» M. Senechal saura bien se réformer et faire dis-
paraitre les taches que nous avons cru devoir indi-
quer à l'Académie pour répondre à la confiance
dont elle nous honore «.
= Vers la fin du mois de juillet 1809, M. Fran-
cœur , membre non-résidant de l'Académie , exa-
minateur des aspirants à Pécole polytechnique, vous
avait adressé un exemplaire de son Crurs complet
de Mathématiques pures, dédie à S. M. l'Empereur
de Russie, — M, Meaume a présenté l'analyse de
cet ouvrage intéressant , dit-il, et par lui-méme et
par le nom de son auteur.
» L'ouvrage, dit M. le Rapporteur , est écrit avec
clarté, le style en est correct , l'impression a été
soignée au point de ne laisser appercevoir qu’un
petit nombre de fautes légères , et c’est un grand
mérite dans une composition de cette nature.
= M. Periaux, membre résident, a fait hommage
à l'Académie de deux exemplaires de la deuxième
édition de son Nouveau Manuel métrique , où Tableaux
comparatifs des Poids et Mesures , contenant un traité
du système en général, et son application au départe-
ment de la Sçine-Inférieure ; avec un Appendice pour
€ 10 )
les mesures agraires et quelques autres mesures, et
pour les poids en usage dans le département de
l'Eure. d
La première édition de cet ouvrage avait obienu
de Son Excellence le Ministre de l'intérieur, M. le
comte de Champagny , une approbation très-hono-
rable pour l'auteur. .
Ea deuxième édition , dans laquelle on trouve des
améliorations relatives particulièrement aux mesures M
agraires, a également reçu l'approbation de S. E. M. M
le comte de Montalivet. |
— M. Ponnet, caissier de la monnaie de Rouen, à
membre résidant de l'Académie , vous a présenté M
un ouvrage in-4° qu’il a publié sous ce titre : Manuel
monétaire et d’orfévrerie , ou Nouveau traité des
Monnaies et des Calculs relatifs aux différentes va-
leurs des espèces , vaisselles et matières d’or et dar-
Te AURA 7 Per)
gent de France et étrangères , selon l’ancien et le
nouveau SyYStéme.
Organe de la commission chargée de faire connaître
cet ouvrage à l'Académie , M. Lezurier de la Martel
a fait un rapport très-intéressant , dont voici les idées
principales =
» Réunir dans un cadre assez étroit tout ce qui
peui intéresser surles monnaies ; épargner du temps,
des recherches et des calculs souvent pénibles aux
personnes qui occupent des places dans le service
monétaire , ou qui se livrent au commerce des
espèces et matières d’or et d'argent , tel est , dit
M. Lezurier, le but que s'est proposé Pauteur du
manuel dont vous ‘m'avez chargé de vous rendre
compte.
» L'auteur commence par un Précis analytique
sur les monnaies et l'orfévrerie , et par quelques
Cu)
faits historiques sur l'origine des monnaies et les
lieux ou elles se fabriquent. L'auteur parle ensuite de
l'organisation monétaire , des attributions de chaque
fonctionnaire, de la police des ateliers , de la compta-
bilité , du poids, du titre et de la valeur des espèces,
d’après la nouvelle institution comparativement avec
l'ancienne , de la fabrication des monnaies et des
ouvrages d'orféyrerie , et enfin de la marque des
matières d’or et d'argent «,
M. le rapporteur analyse chacun des chapitres.
avec une étendue suffisante pour faire bien connaître
la manière dout l'auteur a traité chaque partie de son
sujet. Il entre quelquefois dans des détails historiques
qui annoncent de l’érudition et des connaissances
exactes.
» Si le traité des monnaies d'or et d'argent de M.
Bonneville , et le magnifique essai de M. de Macé
de Richebourg ( continue M. le rapporteur ) l'em-
portent , par le luxe typographique , sur l’ouvrage
de M. Bonnet , le manuel monétaire et d’orfévrerie a
aussi des avantages que les ouvrages précédents
n’ont pas.
» On devait s'attendre à trouver dans un ouvrage
destiné aux fonctionnaires des monnaies , aux orfévres
et aux banquiers , des tables de conversion , de cor-
respondance , de réduction, tous les comptes faits,
des tarifs. L'attente du lecteur n’est pas trompée. Une
grande partie de l'ouvrage contient ces intéressants
tableaux conçus avec beaucoup d'intelligence , exé-
cutés ayec beaucoup d'ordre , et précédés d'instruc-
tions claires et précises «.
» L'ouvrage est terminé par une table chronolo-
gique des lois et arrêtés sur les monnaies depuis
l'assemblée constituante jusqu’en 1810 «.
» Nous ne pouvons que nous féliciter MEsstEURS, dit
C2)
M. Lezurier , de compter parmi nous l’auteur d’un
ouvrage aussi utile. La première partie du manuel
monetaire me semble le complément du traité his-
torique des monnaies de France , ouvrage fort estimé
de Leblanc , qui parut en 1692. La seconde partie
du manuel est d'une grande utilité pour ceux aux-
quels il est destiné , pour les fonctionnaires des
monnaies et les orfévres «,
= M. Lescallier , préfet du deuxième arrondisse-
ment maritime au Havre, correspondant de lIns-
Utut , membre non résidant de l'Académie , vous
a demandé une place , dans votre bibliothèque,
pour plusieurs de ses ouvrages, dont quelques-
uns sont relatifs aux sciences, et les autres appar-
tievnent plus particulièrement à la classe des belles-
lettres.
Tous ces ouvrages, qui ont obtenu le suffrage du
public , prouvent que M. Lescallier réunit à une
grande facilité de travail des connaissances très-
étendues, trés-solides et très-variées.,
= Vous avez recu , Messieurs , de l'Académie de
Cherbourg , la nomenclature des mémoires qui ont
été lus dans les séances de cette société savante,
peudant le cours de l’année qui vient de s'écouler.
Les titres seuls suffisent pour annoncer l'importance
des matières qui en font l'objet,
— Nous devons à M. Maisonneuve | homme de
lettres , à Paris, et membre non résidant de l’Aca-
démie, un petit ouvrage qui concerne la configura-
tion géométrique à donner aux caractères numériques y
vulzairement appelés chiffres arabes.
= M. Dubuisson , secrétaire perpétuel de la société
(15)
des sciences physiques et naturelles de Paris, et
membre non résidant de l'Académie, vou: .a adressé
deux brochures : La première est un exemplaire
de la seconde notice des Travaux de la Société ; la
seconde a pour titre: Hypothèse de la Solidification
du Globe rerrestre.
Chargé de vous rendre compte de la notice des
travaux de la société des sciences physiques et na-
turelles de Paris, deuxième année , M. Letellier ,
membre de l'Académie , a insisté particulièrement
sur l’observation d’un météore qui a paru près de
Weston, dans l’Amérique septentrionale , le 14 dé-
cembre 1807, et des pierres méteoriques qui y ont été
trouvées , par M. VWarden. Après avoir indiqué les
circonstances principales qui ont accompagné le phé-
nomène , notre confrère expose les hypothèses qui
ont été imaginées pour expliquer la formation des
aérolites | ou pierres tombées du ciel,
Quelques physiciens, dit M. Letellier , les regardent
comme des produits lancés de la terre par les volcans
ou les ouragans ; d’autres, comme des substances
minérales fondues par la foudre à l'endroit même
où elles ont été trouvées ; quelques-uns , comme des
concrétions formées dans l'atmoshpère ; d’autres
enfin, parmi lesquels on distingue MM. Biot, Poisson
et les rédacteurs de la bibliothèque britannique ,
pensent que les aérolites sont le produit d'érupuons
volcaniques qui auraient lieu à la surface dela lune.
Cette derniéreopinion parait à MM. les commis-
saires la plus vraisemblable , parce qu’elle _est
appuyée , disent-ils, sur les principes de la plus
saine physique , développés au rapport, et qu'elle
a d'ailleurs , ajoutent-1ls , le mérite d'avoir été
émise , dans des conférences particulières , par
l'illustre M. Delaplace.
(14)
M. le rapporteur termine cette discussion par l'ns2
cription qu'un physicien , sans doute peu satisfait de
toutes les explications qui ont été données jusqu'à pré=
sent du phénomène, a placée sur une de ces pierres:
On y lit: de hoc multi multa , omnes aliquid , rnemo
Satis.
M. le rapporteur glisse ensuite très-lécèrement sur
quelques mémoires qui traitent de la physiologie
générale , de la physiologie végétale, de la physio=
logie animale, et de quelques autres sujets intéres-
sants.
H1STOIRE NATURELLE
= M. Dubue a lu un très-bon mémoire sur La Cha-
taigne du Brésil , dont il a extrait une huile douce,
très-congelable , agréable au goût, donnant une belle
lumière par la combustion, et formant un excellent
sayon avec la soude.
Après avoir fourni, sur l'arbre étranger qui donne
la Chataigne du Brésil, tous les renseignements qu’il
a pu recueillir, M. Dubuc rend compte des expé-
riences qu’il a faites pour extraire l'huile de amande
et pour la conserver. Il détermine la quantité de fluide
oléagineux qu’on peut en obtenir, et il indique l'usage
que l’on peut en faire , ou comme assaisonnement,
ou dans les arts.
Nous ne suivrons pas notre confrère dans tous les
détails auxquels il se livre à ce sujet, et qui méritent
d’être lus en entier dans son mémoire.
L’anteur fait des vœux pour voir bientôt acclimaté
en Europe un arbre dont le fruit peut procurer à
l'homme de si précieux avantages.
Ces vœux sont ceux d'un bon citoyen; et le
mémoire ; dont l'Académie est redevable à M. Dubuc,
(153
en fixant l'attention sur les idées qui en sont l'objet,
contribuera peut-être à accélérer l'époque, où novs
pourrons voir l'arbre majestueux qui s'élève sur les,
bords du grand fleuve des Amazones , fleurir , dans
nos campagues , à côté de l'olivier, de l’ore nger ,
du paimier-dattier , et enrichir tout-à-la-fois l'agri-
culture , le commerce et les arts.
= En rendant compte des Mémoires de l'Athénée
de Niort, qui avaient été adressés à l’Académie , M4
Deu a présenté quelques details historiques sur
l'établissement de cette société savante, et a donné
ensuite l'extrait d’une méthode d'après laquelle
M. Guillemeau le jeune, D. M., et Secrétaire de
l'Athenée , a classé et décrit les oiseaux du Dépar-
tement des Deux-Sèvres,
M. Guillemeau wa point suivi de système dans la.
description des oiseaux de son département ; il les
range ei les distribue d’après une méthode anal ytiqne
ou dichotomique , employée par Lamarck dans sa flore
francaise, .,. L'auteur prend ses premières divisions
dans les pattes de l'oiseau , passe ensuite 4u bec D
épuise les différentes combinaisons qu'il peut offvir
pour arriver aux genres, et prend, dans les autres,
parties de l'animal des caractères pour déterminer
les espèces et leurs variétés.
» Il serait à désirer , dit-notre confrère, qu'on pût
s'occuper dans les différents départements de la
France , de recherches aussi détaillées que celles de
M. Guillemeau , sur les diverses parties de l'histoire
naturelle. Ces travaux, en reculant les bornes des
connaissaices physiques , fourniraient aux statistiques
départementales des matériaux précieux dont l'em-
ploi, confié à des mains habiles, ne pourrait man-
quer d'ajouter un graud prix à ces sortes d'ouvrages,
(16)
— Une commission, composée de MM. D'Ornaÿ
et Robert , avait été chargée de rendre compte à l'A-
cadémie d’un ouvrage qui lui a été présenté par
notre confrère M. Den, sous ce titre : Déctionnaire
des productions de la nature et de l’art , qui font
l’objet du commerce de la France , soit avec l’é-
tranger , soit avec les Colonies , et des droits aut=
guels elles sont imposées ; par MM. Magnien et Deu.
Organe de cette commission , M. Robert vous a
fait un rapport qui donne une juste idée du travail
des auteurs,
» On distingue dans cet ouvrage, dit M. le Rap-
orteur, deux parties essentielles ; l'une scientifique
que lon doit à M. Deu , l’autre fiscale, dont s’est
spécialement occupé M. Magnien.
» La partie scientifique à laquelle nous nous arrê
terons d'abord { c’est tonjours M. Robert qui parle })»
est le résultat des nombreuses recherches de notre
laborieux confrère, en minéralogie , en botanique
et en zoologie.
» M. Deu ne s’est pas contenté d'établir les ca-
ractères génériques et spécifiques des minéraux ;
de faire connaître les nombreux végétaux auxquels
nous devons nos aliments et nos remèdes ; de passer
en revue les animaux dont l’homme a su tirer un
arti utile , il indique encore l'emploi de ces divers
objets dans les arts , les préparations nombreuses
qu'on leur fait subir pour les approprier à nos
besoins.
» La partie fiscale et politique , qui appartient
spécialement à M. Magnien, indépendamment de la
connaissance qu'elle donne de la nature des droits
de sortie ou d'entrée et de leur quotité , connaissance
qui ne peut manquer d'étre utile à tous ceux qui se
livrent au commerce , offre encore des renseigne-
ments
(A7:
aents trés-précieux sur l’importation et l'exportation
des denrées commerciales. Elle indique ä-la fois et
les produiis pour la consommation desquels nous
sommes encore tributaires de l'étranger, et ceux qu’il
est forcé de nous emprunter à son tour... «
» Le dictionnaire offert à | Atad:mie , par M. Deu,
est donc , disent MM. les Commissaires , un bienfait
pour les savants ; les amis des arts et céux du éom-
merce ; et la Compagnie saisira sans doûte cètte oc-
casion de donner à notre respectable confrère une
nouvelle preuve de l'intérêt que lui inspirent les tra-
vaux dans lesquels 1! cherche un déjassemént dés
fatigues de son administration.
= M. Guersent à fait un rapport sur un mémoire
adressé à la Compagnie, par M. Croult, membre
non résidant, et qui a pour titre : Remarques sur
la direetion et le parallélisme des climats , comparés
avec les productions minérales et végétales de la
France.
M. Groult a observé que , dans le département de
la Manche , les diverses couches de granit, de
grès, de schistes et d’ardoises sont dirigées du sud-
ouest au nord-est, et il peuse que les végétaux ont
la même direction sur toute la surface du territoire
de la France,
M. Groult, dit M. Guersent , rappelle , à cette
occasion , l'observation d'Arthus-Young qui a remar-
.qué que si l’on fait passer des lignes par les points
où l’on cultive en France la vigne, le mais et Poli-
-ier , on obtient trois parallèles qui se dirigent du
sud-ouest au nord-est; ce qui, suivant M. Groult,
semble confirmer son hypotèse, et établir un certain
rapport entre la direction des substances minérales
et celle des productions végétales.
B
(18)
» Mais, continue notre confrère , l'observation du
voyageur anglais prouve seulement que les cultures
de la vigne , du mais et de l'olivier, au lieu d’être
circonscrites par telle ou telle latitude , comme il est
naturel de le penser , sont au contraire limitées par
des diagonales qui s'étendent du sud-ouest au nord-
est , et l'on ne voit rien ici qui puisse faire croire
que cette direction soit due à l'influence des diffé-
rentes couches de terre , puisque les terreins primi-
tifs ou secondaires , bien loin d'être dirigés , par
toute la France , suivant une même ligne, semblent
courir dans toutes sortes de directions différentes ;
témoins le granit et le calcaire dans la chaîne des
Alpes et des Pyrenées.
» D'ailleurs , il paraît bien démontré que les dif-
férents terreins sur lesquels repose l'humus qui
seul concourt à la végétation , n’ont aucune influence
sur elle... «
» Toutefois, ajoute M. Guersent , le mémoire de
M Groult mérite de fixer l'attention de la Compa-
gnie. L'auteur , dit-il, paraît s’être occupé beaucoup
de la minéralogie du département de la Manche ,
et l'importance de cet objet doit faire vivement dé-
sirer à l'Académie que M. Groult veuille bien la
faire jouir des découvertes géologiques qui sont
seulement indiquées par des noms dans la carte qui
est jointe à son mémoire.
— M. Fleury , conservateur des eaux et forêts,
a donné lecture de son Discours de réception.
» Le premier sentiment de l’homme appelé à l'hon-
neur de prendre place parmi vous, Messreurs , a dit
notre confrère , est le sentiment de la reconnaissance...
Si je cherche à pénétrer les motifs qui ont pu dé-
terminer l'Académie à m’associer à ses utilestravaux,
a ——
(19)
je ne puis les découvrir que dans la bienveiilance
du magistrat qui la préside et des membres qui
la composent , et dans les fonctions qui me sont con-
iées..…. Vousne serez done point surpris, MessIEuRs,
de m'entendre aujourd'hui vous entretenir des forêts,
en esquissant quelques-uns des traitsles plus propres
à en rappeller l'agrément et l'utilité. «e
»” Les forêts , continue M. Fleury , sont placées
au nombre des productions de la nature , qui in-
téressent essentiellement l'existence des sociétés...
Dans les pays encore privés des connaissances agri-
coles, leurs produits suppléent à Ia culture des
champs. C'est dans leur sein que les peuples sau-
vages se forment des asiles...… Seules, les foréts
pourvoient à la subsistance , au vêtement , à tous les
besoins de ces hommes simples qui ne connaissent
pas ceux que le luxe et la mollesse ont introduit parmi
nous, » C’est ainsi que , dans des temps reculés, les
forêts ont protégé l'enfance des sociétés. Aussi la re-
connaissance des hommes et la vénération qu'inspire
la majesté silencieuse de ces sombres retraites, les
avaient-elles fait choisir comme les lieux les plus
propres à honorer la divinité. »
Ici , notre confrère donne quelques détails sur
les divinités fabuleuses dont la riante imagination
des grecs peupla les forêts. Les romains, héritiers
de la religion des grecs, adoptèrent à ce sujet leurs
fictions religieuses... Les germains , les gaulois firent
aussi des foréts le sanctuaire de la divinité... C'était
encore dans les bois qu'habitaient les bardes dans des
temps plus modernes ; les forts furent également
célèbres par la dévotion des peuples...
Après avoir ainsi exposé le merveilleux de Phis-
toire des forêts , M. Fleury s'occupe de leur impor-
tance et de Jeur utilité réelle,
B 2
(20)
» Les produits des forêts sont utiles tous les jours ;
ils sont essentiels à l’agriculture , au commerce et
aux arts.
» Le bois reçut les premières empreintes de Pin-
dustrie humaine ; on en fit des armes , des instru-
ments aratoires , des ouvrages de mécanique , des
statues ; ils fournissent les matériaux nécessaires à la
construction des vaisseaux et des ponts, à la fortifi-
cation des places de guerre... , etc., etc.
» Les forêts sont aussi d’une haute importance par
l'heureuse influence qu'elles exercent sur l'atmos-
phéère et sur l’état du sol , dans chaque contrée.
» Ces grandes masses de végétaux attirent et di-
visent les nuages , les distribuent en pluies fécon-
dantes qui donnent naissance aux sources et aux
rivières , absorbent les gaz délétères et rendent à l'air
que nous respirons sa fiaicheur et sa pureté. Elles
couvrent et décorent le sommet des montagnes ; elles
soutiennent et affermissent le sol sur la pente rapide
des côteaux ;'et enrichissent les plaines de leur débris;
elles tempérent la violence et les effets des vents
glacés du nerd , et nous garantissent en partie de
Pair brûlant du midi.
» Sous quelque point de vue qu’on les considère
les forêts , qui sont d’ailleurs le plus bel ornement
de la terre, se lient nécessairement à l'harmonie des
lois dé la nature et à l'existence de tous les êtres.
Privé des ressources que Jui procurent les forêts ,
l'homme serait condamné aux plus dures privations.
Il serait tourmenté par le froïd , par la faim, par ja
soif , et son existence ne serait plus qu'un état de
langueur , de souffrance et de misère.
» On ne sera donc point étonné , conclut M. Fleury,
si dans tous les temps les forêts ont fixé l’attention
des gouvernements. Je m’estimerai très - heureux;
C2)
Messsreurs, ajoute notre confrère, de pouvoir pro-
fiter des lumières que je trouverai au sein de l’'Aca-
démie pour en faire Papplication aux travaux que
le gouvernement me confie. Je me ferai un devoir
de soumettre à la Compagnie toutes mes observa-
tions et toutes mes pensées. Mon désir le plus vif
est de lui prouver tout mon zèle etle dévouement
le plus absolu, «
Ce discours, aussi bien pensé qu’il est agréable-
ment écrit, a vivement intéressé l Académie qui ,
par Porgane de son Président , a témoigné à M.
Fleury combien elle regrettait de ne l'avoir pas vw
occuper plutôt la place à laquelle il avait été appelé
par les suflrages de la Compagnie,
MÉDECINS.
Dans la séance du 16 février dernier, M. Vigne,
docteur-médecin , membre de l'Académie , a lu un
discours sur les qualités indispensables au médecir
dans l'exercice de sa profession.
» I ne suffit pas au médecin , suivant notre con-
frère, de bien connaitre le mécanisme de son art ;
c’est au fond de son cœur , c’est dans son ame qu'il
doit puiser surtout ses ressources et ses moyens les
plus eflicaces.
» C’est en s'adressant à l'imagination qu'on est
parvenu à concilier , à conserver des partisans à
une doctrine dont le docteur Thouret a si bien dé-
montré tout le vide,
» Puisqu’il est si facile de commander à l'imagi-
mation , pourquoi , continue M. Vigné , le medecin
ne fexait-il pas usage de ce puissant ressort contre
les maladies qu'il doit combattre ou prévenir ? «
Notre confrère montre ensuite dans le professeux
B 5
(22)
Pinel un modéle de la sensibilité ; de la bonté, de
la perspitagité , de la probité , du désintéressement
qui forment le caractère distinctif du médecin, lequel
doit encore avoir assez de grandeur d’ame pour
honorer publiquement , dans ses collègues , des
talents quil waurait pas lui-même , et qu'avec de
telles dispositions il peut espérer d'acquérir un
jour.
Un autre devoir non moins essentiel à remplir pour
le médecin , eest de ne parler de sa profession
qu'avec l'estime et le respect dus à cet art sublime,
et qui doit être si cher à l'humanité,
Que peuvent , aujourd'hui sur-tout que art
médical s’est enrichi de tant de moyens nouveaux
et précieux ,que peuvent des sarcasmes puériles ,
des sophismes mille et mille fois refutés , et dont
Pauteur s’étonnera toujours que la médecine ait
pu être un seul instant l’objet, contre une doctrine
proposée par l'un des plus grands hommes qui
aient paru sur la terre , et que le temps , devant
qui tout disparait, à servi lui-même à cousolider ?
A moins d'ignorer absolument la nature des vé-
ritables fonctions du médecin, comment donner de
simples probabilités pour fondement à un art qui
a des règles tellement sûres , des principes tellement
certains que les faits les plus constants viennent
jourmellement se ranger sous ses lois ?
Qui pourrait refuser son hommage à une profes-
sion cultivée , honorée par Hippocrate , Aretée ,
Alexandre de Trales, Cælius-Aurelianus, Celse et
tant d’autres grands hommes qui ont illustré la
carrière médicale autant par leurs talents que par
les plus excellentes qualités du cœur ?
M. Vigné achèye de prouver la confiance que
deit inspirer l'art de guérir, en traçant le portrait
Ca5:3
d'un médecin qu'il place auprès d'un malade. » La
douceur est dans ses yeux , la décence dans son
maintien ,; la consolation dans son langage. ... Il
épie attentivement, il suit avec soin les mouve-
ments et la marche de la nature.... il s'oppose
à ses écarts, ranime sa faiblesse , soutient ses ef-
forts, et décide enfin son triomphe. «
Notre confrère termine son discours en rappel-
lant quelques-uns des préceptes que donne M. Marc-
Antoine Petit, membre non résidant de l'Académie,
dans son ouvrage sur la Médecine du cœur : ou-
vrage dont M. Gosseaume vous a autrefois rendu
compte d'une manière si intéressante.
L'énergie avec laquelle M. Vigné parle des de=
voirs de sa profession prouve qu'il en sent toute
la dignité , et qu’il remplit, avec un zèle éclairé,
toutes les obligations qu’elle lui impose. Son dis-
cours parait ayoir été écrit sous la dictée du cœur =
en consultant le sien , M. Vigné ne pouvait suivre
un guide plus fidèle et plus sûr.
= Le même membre (M. Vigné), a lu une
observation sur le vomissement , symptôme principal
d’une fièvre remittente.
M. Vigné décrit les symptômes d'un embarras
gastrique , survenu chez une demoiselle , âgée de
26 ans, d’un tempérament lymphatique , de mœurs
douces et pures, à la suite de longs chagrins.
Le tartre stibié employé seul d'abord et à petite
dose, puis associé à la manne , procura un sou-
lagement marqué, mais éphemére.
La maladie accompagnée de paroxismes assez sem-
blables par leur nature et leur périodicité à des accès
de fièvre tierce , prenant avec le temps plus de
force et d'intensité , M. Vigné eut recours à Lu
(24)
sage du lait caillé pour tout aliment , et il vit, dans
l'espace d'un mois environ, tous les accidents s'éva-
nouir , et la guérison s’opérer de la manière la
plus complete et la plus désirable : et , el est en-
core aujourd'hui l'influence du lait caillé sur lPor-
gane du goût et sur celui de la digestion , que la
personne en continue l'usage avec une sorte de sen-
sualité, quoique depuis six semaines elle ait repris
sans accident celui de toute espèce d'aliments.
M. Vigné fait remarquer que le traitement a été
dirigé avec une méfiance salutaire des narcotiques,
des antispasmodiques , dont il est, dit-il , -on-
vaincu qu’il faut être avare dans la pratique mé-
dicale.
°= Une commission, composée de MM. Gosseaume
et Vigné, avait été chargée de rendre compte des
numéros 14, 15, 16 et 17 du Bulletin des sciences
médicales, par les membres du comité central de
Ja société Fe médecine du département de l'Eure.
Organe de cette commission , M. Gosseaume a
ques les matières dont se compose l'ouvrage en
huit sections , et a présenté BEA se de RARE
d'elles de manière à donner une idée parfaite du
travail soumis à Pexamen de la commission,
Les détails dans lesquels M. Gosseaume est entré,
les réflexions dont il a enrichi son rapport ont in-
téressé vivement Ja Compagnie qui a entendu cette
lecture avec le plus graud plaisir.
— Le mêmemembre ( M. Gosseaume}, vous a fait
connaître , dans un rapport très-bien fait , l'ouvrage
dont M. Saissy, docteur-médecin à Lyon , et aujour-
d'hui membre non résidant de l'Académie , a fait
hommage à la Compagnie , et qui a pour tre à
pra à (
C25)
Recherches expérimentales , anatomiques , chimiques ,
etc. , sur la physique des animaux mammifères hiber-
nants.
L'auteur, dit M. Gosseaume , partage son mé-
moire en deux parties , et en dirigeant ses expé-
riences sur quatre animaux sujets à l’engourdisse-
ment : la marmotte , le hérisson , le lérot et la
chauve-souris.
» Dans la 1'° partie, qui est sousdivisée en six
sections , M. Saissy examine 1° quelle est la tem-
pérature des animaux dans leur état de veille et
dans celui de torpeur ; 2° quel dégré de froid est
nécessaire pour les engourdir , la chaleur qu'ils
conservent dans cet état , le temps qui leur est né-
cessaire , quand on les éveille | pour reprendre
leur température ordinaire ; 5° quelle est la quau-
tité d'oxigène qu’ils consument dans un temps don-
né ; 4° quel est l’état de leur respiration dans ces
diverses situations ; 5° quel est celui de la circu-
lation de leur sang; 6 enfin, quel dégré de sensi-
bilité et d’irritabilité se conservent dans la torpeur.
» Dans [a 2° partie ( c’est toujours M. Gosseaume
qui parle ), l'auteur recherche quelles sont les cau-
ses de l’'engourdissement des mammifères. Il divise
cette seconde partie en trois sections , et expose
dans la 1'e les différences anatomiques qui distin-
guent ces animaux ; il consacre la 2° à l'examen
chimique de leur sang et de quelques autres hu-
meurs ; dans la 3° il signale les causes de l'engour-
dissement , et essaie d'expliquer comment il est
particulier à ces espèces.
» M. Gosseaume suit l'auteur dans le développe-
ment de ses principes, de ses expériences et des
conséquences qu’il en déduit, et termine ainsi som
xapport : » tel est le sommaire du mémoire de M.
(26)
Saissy, ouvrage plein d’expériences et de recher«
ches curieuses, dont l'Institut national a sanctionné
et prociamé le mérite en le couronnant dans sa
séance du 4 janvier 1808. «
= Organe de‘la commission nommée pour cet ob-
et x M, + AM a rendu compte de la dissertation
soutenue à la faculté de médecine de Paris, par M.
Tuillaye, de Rouen, pour obtenirle titre de docteur.
Cette dissertation est un tableau synoptique des
alteralions que peut éprouver la vision par le chan-
gement qu'apportent , daus l’orgâne de la vue ,
dillérentes maladies dont il décrit les causes , les
symptômes et les moyens curatifs.
Quoique M. Thillaye , dit M. le rapporteur ,
r'at fait, pour ainsi dire, qu'énoncer les maladies
dvut il parle , il est aisé de reconnaître qu’il les a
ctudices avec soin, et qu'il connait les meilleures
sources où lon pouvait puiser.
La faculié de médecine de Paris , en conférant
au candidat le titre de docteur , a jugé d’une
ianière favorable son érudition et ses talents. L’ap-
yecbation d'un tribunal aussi respectable devait
faire pressentir à l'Académie le jugement des com-
inissaires.
Li
— Le méme membre (M. Boimare), a fait un
x pp rt sur l'ouvrage que M. Girard , docteur-méde-
gi à Lyon, à envoyé à l'Académie , et quia pour
dtre : Essai sur le tétanos rabien \ ou recherches et
réflexions sur la cause des accidents qui sont quel-
auelois la suite des morsures faites par les animaux
dits ehragés, suivies de quelques notions sur les
meycens de prévenir ou de gucrir cette maladie.
‘ L'auteur pose en principe que ; dans l'aflection.
(27)
rabienne , la maladie est locale ; que la salive pré-
tendue vencneuse d’un animal n’y 6% pour rien 3
que le désordre de l'organisme, qui est quelquefois
la suite d’une blessure , w’est causé que par une
irritation fixée dans la partie précédemment affec-
tée par les dents d’un animal.
» Dans lPessai de M. Girard , disent MM. les
commissaires , on trouve beaucoup d’érudition ; à
lappui de ses opinions l'auteur rapporte une lon-
gue suite d'observations extraites des meilleurs ou-
vrages ; mais les inductions que M. Girard en a
déduites n’ont pas paru à la commission toujours
satisfaisantes. Il semble qu'entrainé par son zèle,
M. Girard ait été trop facile à se laisser convain-
cre. Bien loin de croire, avec l’auteur , qu’il ne reste
plus rien à désirer sur les causes et la nature de
la maladie connue sous le nom de rage , MM, les
commissaires sont persuadés , au contraire , que
l'affection rabienne exige encore de nombreuses re-
cherches avant que nous soyons suffisamment
éclairés sur son étiologie.
= Le même membre (M.Boismare),aren ducompte
d'un ouvrage ayant pour titre: De œtiologia generali
contagii , pluribus morbis, v.g. lui venereæ, pthisi
pulmonari, febri nosocomiali, petechiali, varioloseæ ,
etc. , etc. , et præsertim pesti orientali , ac febré
Jlavæ persæpe proprü : et dont est auteur M. Claude
Balme, docteur en médecine de Montpellier , ex-
médecin de Parmée française en orient , secrétaire-
général de la société de médecine de Lyon , membre
de plusieurs sociétés savantes.
L'ouvrage est précédé d’une introduction dans
laquelle M. Balme établit une série de principes qui
servent de base à son traité.
(28)
» Peut-on pronver par des faits positifs que les
miasmes pestilentiels de la fièvre jaune s'attachent à
une substance quelconque animée, sans rien perdre
de leur malignité , et que les substances qui en sont
impréguées deviennent propres à exercer une action
sur les hommes qui se portent bien, et à propager
ainsi l'épidémie ? « Telle est la question générale que
l'auteur se propose de résoudre.
M. Balme divise cette question en deux parties ,
et il annonce qu'il dira peu de chose de l'influence
que peuvent exercer sur l'espèce humaine les
miasmes morbifiques et contagieax déposés sur les
êtres organiques ; mais qu’il parlera avec plus d’éten-
due des effets que ces mêmes miasmes peuvent
produire sur nos corps lorsqu'ils viennent à s'y
introduire.
Si quelque chose peut nous consoler de ne pouvoir
rappeler ici l'excellente analyse que M. Boismare
vous a présentée de lPouvrage de M. Balme , c’est le
jugement que M. le rapporteur a lui-même porté
sur les moyens de bien connaître le travail soumis
à son examen.
» Pour s’en faire une juste idée , dit M. Boismare,
il serait indispensable de le lire en entier : partout
Vauteur instruit et intéresse. Un grand nombre d’ob-
servations et de faits recueillis, à la vérité, depuis
long-temps , mais jusques-là isolés, ont été réunis et
enchaînés par des raïsonnements qui en ont formé
un véritsble corps de doctrine. Tout flatte , tout
satisfait dans ce savant traité. Les conjectures mêmes
y sont présentées avec un Caractère de vraisem-
Dlance qui offre presque le mérite de la démonstra
tion.
» L’auteur possède un grand fond d’érudition sou-
tenu par une logique saine et vigoureuse. À ces
(29)
qualités M. Balme joint celle de la plns parfaite mo-
destie. Loin de se faire un mérite de ce qu’il a
puisé dans les ouvrages des auteurs qu’il a consultés,
il les indique lui-même avec soin, et, parmi ceux-ci,
j'ai rencontré , avec plaisir; notre savant compatriote ,
feu M. Lepecq de la Clôture , dont il cite souvent
le nom avec le respect qui jui est dà. «
= Si une société savante réfléchit sur chacun de
ses membres l’estime et la considération dont elle
jouit, par une réciprocité naturelle , les succès obtenus
par un de ses membres , lui appartiennent en quel-
que sorte , et deviennent les siens propres.
C'est à ce titre que l’Académie de Rouen croit
pouvoir orner cette séance des palmes remportées
par M. Godefroy , D. M.
Tandis que la société de medecine de Bruxelles
accordait le prix au mémoire de notre confrère
sur cette question : guelles sont les maladies dont la
goutte irrégulière peut prendre le caractère ? La société
de médecine de Lyon couronnait également son
mémoire sur la question des brouillards considérés
comme cause de maladies.
Le secrétaire de la société de Bruxelles écrivait à
M. Godefroy : » J'ai l'honneur de vous adresser la
médaille d’or que la société vous à décernée à l’una-
nimité des suflrages , dans sa séance publique du
19 juin dernier , et qu’elle vous prie d’agreer comme
un faible témoignage de son estime particulière et
de sa haute considération «.
» La société , flattée d’avoir pu vous associer à
ses travaux , et voulant vous donner une nouvelle
marque de sa reconnaissance , m’a chargé de vous
faire parvenir aussi le diplôme de membre corres-
pondant, et un exemplaire du prochain volume ds
(50)
&ès actes dont le mémoire que vous lui avez adressé
fera partie «.
Les conclusions du rapporteur de la commission
nommée par la société de médecine de Lyon pour
l'examen des mémoires envoyés au concours ,; ne
sont pas moins honorables pour M. Godefroy ; les
voici :
» Le mémoire portant pour epigraphe : 4er quoque
mulrüm culiginosus ab agnis sublatus ; ete., quoique
assez étendu , ne fait pas regretter le temps que l’on
passe à le lire et relire... Il est bien fait , bien
écrit. La doctrine qu’il présente est conforme aux
bons principes. Les assertions qu’on y avance sont
étayées par des faits intéressants que l’auteur tire
de sa pratique: Toutes les parties du programme
sont traitées avéc méthode et sagacité. Un mérite qui
est assezrare chez les concurrents, c’est que l’auteur
ne perd jamais son sujet de vue «.
CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES.
M. Descroizilles aîné a donné lecture de deux
hotices ; la première sur les alcalis du commerce
et sur l'usage de l'instrument de son invention qu’il
a appelé alcali-mètre , et qui est devenu le régula-
teur des fabricants , commerçants et consommateurs
de soude, de salin et de potasse ; la seconde notice
offre la description d’un appareil destiné à absorber
l’acide muriatique gazeux , qui se dissipe, en pure
perte , lors de la décomposition du sel marin dans
la fabrication de la soude. Ces deux notices ayant
été insérées dans les annales de chimie , en décembre
1809, nous nous dispenserons de les reproduire ici,
Notre confrère a d’ailleurs annoncé qu’il se propose
(*312)
de refondre toutes ses notices sur les &/calis du com-
merce, dans une nouvelle édition.
Dés le mois de mars 1810 , M. Descroïzilles avait
annoncé à l'Académie qu’il s’occupait à des expé-
riences tendantes à faire une grande et très-utile
application du procédé désinfectant de M. Guyton-
Morveau , en oxigénant les vapeurs d'acide muria-
tique au moment même où elles s'échappent des
nouvelles fabriques de soude. Les appareils qu'on
aurait mis en action à Flessingue et autres lieux
marécageux , auraient été mobiles et susceptibles de
changer de direction avec celle du vent.
Depuis ce temps, M. Descroïzilles a eu l’honneur
d’être admis auprès de S. Excellence le ministre
directeur de l’administration de la guerre , qui ,”
l'encourageant à suivre cet intéressant objet , à ren-
voyé la proposition à une commission de salubrité
formée à Anvers.
Sur ces entrefraites , notre confrère a aussi pro-
posé à S. Excellence le ministre de l'intérieur d'aÿ-
pliquer ce moyen préservatif au dessèchement des
marais pontins et au curage du Tibre.
M. Descroizilles , ayant successivement donné
diverses modifications à sa proposition , ainsi qu'il
résulte de la lettre dont il à été honoré , le à août,
par S. Exc. le comte de Cessac , est parvenu à réduire
le procédé de désinfection à l'appareil Le plus simple
et le plus économique. Après de nombreuses expé-
riences, où il à balancé les avantages et les incon-
véments, notre confrère troûve que le meilleur
moyen de tirer parti des vapeurs que laissen
échapper , en pure perte , et #nême avec dommage
pour les lieux environnants, les fabricants de soude,
est de les condenser, par un appareil clos, comme
Je font déjà quelques-uns d’entre-cux et comme tous
| (5)
le pourront faire aussitôt qu'ils trouveront l'emploi
de l'acide qui en proviendra. et dout Ja valeur ac-
tuelle est de 5o centimes le kilogramme.
On sait, depuis plusieurs années déjà , que la désin-
fection des habitations peut être obtenue au moyen
d’une trés - petite dépense ; mais jusqu'à présent on
avait eu peu d'espoir de combattre efficacement le
méphytisme , au milieu même des marais et en
plein air. L’imagination était efirayée de l'immense
quantité d’acide muriatique ox ygéué qu’il aurait fallu
y consacrer. M, Descroizilles parait avoir , le pre-
mier , concu l'idée de donner à chacun destravailleurs
un carafon désinfectant, suspendu à un jalon mobile,
placé au vent et tout près de lui. Ils pourront donc,
à volonté, respirer un mélange de vapeur désinfec-
tante et d'air aamosphérique , tellement proportionné,
qu'ils n’en seront nullement incommodés.
L'action de l'acide muriatique du commerce sur
l'oxide noir de manganèse , s'opère ayec modération
et en tout temps, par la seule chaleur de l’atmos-
phère , en raison de laquelle les vapeurs , soit désin-
fectanies , soit infectantes, sont en plus ou moins
grande abondance. Cependant , après l'action spon-
tanée de l'acide , pendant la journée la plns chaude,
il faut le secours d'une chaleur artificielle pour
tirer tout le parti possible de ce liquide. M. Les-
croizilles se propose de faire connaitre à cet égard
un procédé très-facile et très-économique , pour en
obtenir de nouvelles vapeurs désinfectantes ,
tant sur les marais #que dans les habitations quel-
conques. Il assure que l'ensemble du procédé , appli-
que à une réunion de quelques centaines de tra-
vailleurs, n’occasionnera pas, pour chacun d'eux,
une dépense de plus de vingt - cinq centimes par
jour. Notre confrère emtreyoit, dans cet emploi de
l'acide
(539
VPacide muriatique , un grand moyen de salubrité ,
dans tous les pays marécageux , et pendant les
remuements de terres, lors des asséchements, des
curages et des fouilles pour de nouveaux canaux
de navigation. Il y voit aussi un puissant encoura-
gement pour nos fabriques de soude , et par con-
séquent pour celles d'acide sulfurique , qui, d’une
activité si grande , sont tombées tout-à-coup dans
une inaction presqu'absolue.
M. Descroïzilles est d’ailleurs tellement convaincu
de l’efficacité du moyen préservatif de M. Guyton-
Morveau , ainsi modifié , qu’il offre d’aller le diriger
en personne , et de n’avoir, pendant tout le temps
des travaux , d'autre habitation qu’une tente sur
le marais méme.
= Au nom d’une commission , le même membre
a fait un rapport sur le Mémoire adressé À l'Aca-
démie par M. Degaulle , membre non résidant ,
concernant les moyens qu’on pourrait employer pour
rendre les explosions des magasins à poudre moins
fréquentes et moins désastreuses,
Les moyens proposés par l’auteur du mémoire ,
consistent à isoler , sous l’eau , dans des bouteilles
de verre , des masses de poudre de 25 kilogrammes,
Chaque bouteille serait placée dans une caisse so-
lidement construite en charpente et doublée en
plomb...
MM. Descroizilles et Leboullenger ont opposé à
ce projet diverses réflexions qui les ont conduits à
conclure que si l'idée d'isoler , sous l'eau , des
masses de poudre de 25 kilogrammes , a quelque
chose de séduisant , le projet est encore loin d’avoir
acquis la maturité qui Ini serait nécessaire pour qu’il
füt adopté , et qu'en invitant l’auteur à le perfec-
C
Ven,
(34)
tionner , si cela est possible , l'Académie peut applau-
dir au zèle avec lequel notre respectable confrère
s’occupe encore, dans un âge très-ayaucé ,; de re-
cherches utiles à l'humanité.
— Une commission , composée de MM. Mesaize
et Robert, avait été chargée de rendre compte de
deux Mémoires sur le Tabac , adressés à l’Acadé-
mie par M. V’auquelin.
M. Robert, chargé de porter la parole , a fait
un rapport dans lequel, en rendant hommage aux
talents de M. Vauquelin , il en a montré beaucoup
lui-même , par la manière facile , élégante et précise
avec laquelle il a présenté l'analyse du travail de
ce chimiste celèbre.
» Eu nous chargeant de lui faire connaître les deux
mémoires de M. Vauquelin, sur le tabac , dit M.
le Rapporteur , l'Académie s’est moins proposé
sans doute de recueillir une opiuion propre à dé-
terminer la sienne , que de nous fournir une occa-
sion de payer à M. Vauquelin le tribut d'éloges dû
à ses nombreux travaux en général , et à celui en par”
ticulier dont il a donné communication à l'Académie.
» Des deux mémoires de M. Vauquelin , l'un a
pour but l'analyse du tabac à larges feuilles , nico-
tiana tabacum latifolia et angustifolia ; l'autre a
pour titre : Analyse des différentes sortes de Tabacs
préparés,
» Dans le premier mémoire , l'auteur se propose
de résoudre cette question : quelle est dans la ni-
cotiane cette partie essentielle à sa nature , qui la
constitue ce qu’elle est, et Jui donne la propritté
exclusive de fournir le tabac? Il resulte de l'a-
nalyse, que le tabac doit son caractère particulier
à un principe âcre , volatil , incolore, soluble dans
(0
Veau et dans l'alcool , paraissant différer de tous
ceux que l’on connait daus le règne végétal, mais
dont l’auteur avoue , avec la franchise qui le ca-
ractérise , qu’il ne connaît pas la nature.
» Le second mémoire a pour objet de rechercher
si les principes reconnus dans la nicotiane se re-
touvent dans les tabacs du commerce , ou de con-
paitre le genre d’altération qu’on lui fait subir dans
ses préparations «,
+ M. Vauquelin a découvert par des expériences
que les Commissaires ont répétées, 1° que le tabac
en poudre est a/ca/in, tandis que le suc de la ni-
cotiane verte contient un acide libre ; 2° que l’ac-
üvité des tabacs préparés tient à la présence dé
diverses matières solubles dans l'eau , en sorte qu’en
lavant le tabac à plusieurs reprises dans l’eau dis
tillée, on lui enlève toutes ses proprictés ; 30 que
quelles que soient lesopérations auxquelles on soumet
la plante dans la préparation des tabacs , le prin-
cipe âcre et volatil qui la caractérise sé rétrouve
sans altération dans le tabac en poudre.
» On conçoit donc aisément ( c'est M. Vauquelin
qui parle), comment le tabac agit si promptement
sur la membrane du nez qu'ilirrite au point d'exciter
des éternuements violents et quelquefois dangereux;
comment 1l cause dans le gosier une âcreté insup*
portable, donne des nausées et quelquefois des vomis:
sements , lorsqu'il pénètre jusques dans l'estomac ;
comment enfin , introduit dans les gros intestins,
il rappelle quelquefois à la vie , par l'irritation qu’il
produit , les personnes asphyxiées par submersion ».
= M. Sage , fondateur et directeur de la première
école desmines, membre de l'Institut, a adresse à l A
cadémie un précis des Mémoires qu'il alus dansles séan-
C 2
(36)
ees de la première classe delInstitut, pendant l'année
1809.
Ces Mémoires , au nombre de virgt , roulent sur
des objets qui appartiennent ou à la physique, où
à la chimie. Nous regrettons bien sincèrement que
le temps ne nous permette pas de faire connaître
ce que chacun d’eux contient d’intéressant et d’utile.
= M. 'italis vous a communiqué , MESSIEURS ;,
des Réflexions sur un mode d’éclairage ; par le gaz
hydrogène , tiré de la houille , proposé par M.
Murdoch , dans les transactions philosophiques de la
société royale de Londres.
L'auteur conclut que le mode d'éclairage, par le
gaz hydrogène , le cédera toujours, pourl'économie,
la facilité et la sûreté du service , aux lampes d’'Ar-
gand , perfectionnées par M. Bordier-Marcel.
— Le même membre (M. 7’ïtalis) a fait hommage
à l'Académie de plusieurs exemplaires d’un imprimé
ayaut pour titre : Recherches sur la couleur nankin
appliquée au coton filé.
» La couleur nankin, dit l'auteur , a pris tant de
faveur parmi nous, la mode a tellement étendu son
empire, qu'il n’est pas étonnant que l’on ait fait
tant d'efforts pour amener cette couleur au dégré
de nuance et sur-tout de solidité qui caractérisent
le véritable nankin des Indes.
» Pour produire cette couleur , l’art eut d’abord
recours aux oxides de fer , et en obtint un jaune
chamois , cuir de bottes, ventre de biche , et quel-
ques-autres tons de couleur , qui ne rendaient
qu'imparfaitement celui du nankin des Indes.
» On approchait plus près du but, en plongeant
alternativement le coton , préalablement décreusé ,
(57)
dans des bains d’eau de chaux et de sulfate de fer
rouge , et en avivant dans une eau de savon legère
et chaude.
» Mais les procédés dont on vient de parler, et
ceux qui ont été proposés par quelques auteurs,
ne donnaient ni la nuance , ni la solidité désirée ;
et c’est là sans doute la raison qui a porté quelques
fabriques à demander aux sociétés savantes un moyen
plus parfait. (Voyez le n° 51 du Bulletin de la’
société d'encouragement pour l'industrie nationale ;
septembre 1808.)
» Enfin M. Favier, ex inspecteur des poudres et
salpétres , dans un ouvrage qui a pour titre : MVou-
velles recherches sur le perfectionnement de l’art de
la teinture ( Paris, 1808 ) publia un procédé qui
l'emporte sur tous les autres ,| et dans lequel il
emploie la décoction de tan modifiée par la disso-
lution d’étain. «
M. Vitalis, en exposant la méthode de M. Favier,
dégagée de tous les détails qui ne lui ont pas paru
présenter une utilité réelle , fait quelques remar-
ques importantes , et notamment sur l'opération de
V'alunage , exigée par M. Favier, sur la qualité de
‘Valun qu’il recommande , et sur l'espèce de prépara-
tion d'étain qu’il convient le mieux d'employer.
M. Vitalis continue ainsi : » j'obtiens la nuance
véritable et la solidité du nankin des Indes , par
les opérations suivantes :
19 Débouilli à l'eau pure,
2° Bain fort composé avec quatre parties de tan
et une partie de bois d'acajou , pour viugt parties
de coton.
3° Bain d’eau de chaux,
° C 3
(58)
4° Bain de muriate d’étain, en dissolution, et à
1 dégré de l’aréomètre de Baumé, pour les acides.
En publiant ces recherches , l’auteur s'est pro-
posé d'éclairer les ateliers de teinture sur un point
qui doit les intéresser vivement.
= Le même membre ( M. Fitalis ) a offert à
l'Académie un exemplaire d'un ouvrage qu'il a
publié sous ce titre : #anuel du Teinturier sur fil
et sur coton filé ; ouvrage qui renferme un grand
nombre de procédés nonveaux, et dans lequel on
traite spécialement , et dans le plus grand détail ,
de tout ce qui concerne la teinture du coton , en
rouge dit des Indes ou d'Andrinople.
Une commission , composée de MM. Descroïzilles ,
Robertet Pavie, ayant été chargée de rendre compte
de cet ouvrage, M. Robert vous a fait un rapport dont
il a bien voulu rédiger lui-même l'extrait suivant:
» Il est aisé de sentir combien peut étre utile à
lavancement des arts chymiques et notamment à
celui de la teinture , la publication des ouvrages
consacrés à la description des procédes si souvent
mis en pratique dans notre département , et qui
en font une des principales richesses.
» L'ouvrage de notre confrère est un tableau
raccourci ; mais exact, de toutes les opérations
faites sous nos yeux. C’est un cours abrégé de
teinture applicable au fl et au coton ; c’est l’ana-
lyse des leçons publiques données par ce savant,
depuis plusieurs années. Par le titre modeste qu’il
a choisi, il a voulu que son livre fût le 7’ade-me-
cum des teinturiers et le guide de tous les artistes.
M. Vitalis a rempli son but , et les savants eux-mêmes
recommanderont la lecture et la méditation de son
(39)
Ouvrage à tous ceux qui se livrent à la pratique
des opérations de teinture. Cette preuve. écrite de
son zèle et de ses constauts efforts pour les progrès
de Part, fera connaître à ceux auxquels il est
destiné ce que peut enfanter le désir d’être utile.
» L'Académie , en applaudissant au zèle de notre
confrère , formera un vœu sans doute ; c’est qu'il
continue de livrer au public le résultat de ses re-
cherches sur les divers procédés ou les produits
des manufactures , et de contribuer ainsi à faire
faire au milieu de nous un grand pas aux arts
chimiques La Compagnie avait déjà vu un de
ses secrétaires (1) , se dévouer généreusement à
des expériences multipliées pour accroître nos ri-
chesses , et étendre les ressources que pouvait
nous promettre l'emploi des plantes tinctoriales
qui croissent sous nos pas. Elle devait espérer de
retrouver encore un jour, à Ja même place , un
dévouement aussi louable , et notre confrère a saisi
de nombreuses occasions de lui en fournir la
preuve. «
— M. l'abbé Baston, membre de lPAcadémie,
vous a rendu compte du Précis analytique adressé à
PAcadémie par la Société des sciences , lettres et
arts de Nancy , pour les années 1$08 et 1809.
L'ouvrage est divisé en deux parties ; la première,
Sciences et arts ; la seconde, Littérature. M. le rap-
a suivi cette division.
La partie des sciences et arts , la seule dont on
doive s'occuper ici, se compose d'un assez grand
nombre de Mémoires très-intéressants.
M. l'abbé Baston ne s’est pas contenté de faire
eonnaitre les ouvrages dont il avait à rendre compte ;
oo
QG) M, Dambournay,
C 4
C40)
son rapport contient des remarques utiles , des
réflexions toujours justes , des discussions présentées
sous les formes gracieuses que le littérateur seul sait
donner à tous les sujets qui viennent s'offrir à sa
plume.
— Les Académies de Marseille, de Grenoble et de
Caen, nous ont fait parvenir le programme des prix
qu’elles se proposent de distribuer en 1810 et en
1811,
Chacun de ces programmes annonce le zèle avec
lequel ces sociétés sayantes cultivent le domaine des
sciences, des lettres ou des arts, et les efforts constants
qu'elles ne cessent de faire pour provoquer la dé-
couverte des vérités utiles.
= M. Dubuc a fait hommage à l'Académie, de
six exemplaires d'une petite brochure intitulée :
Bfémoires sur l’extraction et sur les usages du sucre
liguide des pommes et des poires , avec l’analyse
comparée de cette substance et de la melasse du
commerce.
Notre confrère a ajouté à ces mémoires, qu’il
a communiqués , l'année dernière, à l'Académie ,
des notes et des remarques qui donnent à son tra=
vail un nouvel intérêt.
— Le même membre (M. Dubuc}), a présenté
un mémoire sur les égagropiles.
Le but de notre confrère , dans ce mémoire , est,
comme il le dit lui-même, de reconnaitre exacte-
ment la composition des égagropiles, et d'indiquer
les moyens les plus convenables pour les détruire
chez l'animal vivant , et spécialement chez les mou-
tons ,ou au moins d'en préyenir l'entière formation.
CH)
» L'ignorance et le préjugé qui toujours l'ac-
compagne , disent les auteurs du nouveau diction-
naïire raisonné et universel d’agriculture , vat fait sou-
vent regarder les égagropiies comme des composi-
tions arulcielles , faites par des hommes méchants,
et jetces dans les endroits où passent les troupeaux,
afin qu’alléchés par quelques-uns des ingrédients,
ils les avalent et soient empoisonnés, Cette opinion
erronée a bien des fois, parmiles gens de la cam-
pagne , causé des haïnes envenimées, des querel-
les sanglantes : elle a été la cause d’un procès
criminel qui a été jugé au Tribunal d’Evreux en
1792, en faveur de l'accusé, parce que les juges
s'entourèrent de toutes les lumières que la physi-
que, l'anatomie et la raison peuvent procurer. «
(J’oyez l'Encyclopédie méthodique et les Recueils
des mémoires des sociétés d'agriculture des dépar-
tements de la Seine et de Seine-et-Oise. }
Les résultats obtenus par M. Dubuc , en confir-
mant les expériences faites par MM. Tessier, Cha-
bert , Fremy et autres physiciens , contribueront
sans donte à détruire une opinion deénuée de tout
fondement , et qui a failli conduire à l’échafaud
d’innocentes victimes.
Un fait nouveau , annoncé par M. Dubuc , dans
son mémoire , a fixé l'attention de l'Académie , c’est
le délitement des égagropiles dans les huiles grasses
et volatiles , ou dans les acides nitriques et muria-
tiques dulcifiés , et l’application que l’on pourrait
faire de ces remèdes pour prévenir les suites
funestes de la maladie occasionnée par les égagro-
piles.
Afin de ne laisser aucun doute sur un fait si
important pour l'économie rurale , l'Académie a prié
MM. Mesaize, Robert et Vigné, de suivre avec M.
(42)
Dubuc et M. Prevôt, artiste vétérinaire distingué ;
les expériences que ce dernier se propose de faire,
lorsque l’occasion sen présentera, et en rendre
compte à l'Académie.
AGRICULTURE ET ÉCONOMIE RURALE.
La Société d'agriculture et des arts de Boulogne-=
sur-Mer , a adressé à l'Académie an rapport fait au
nom de la commission chargée de suivre les expérien-
ces relatives au perfectionnement de la charrue.
Il résulte de ce rapport, 1° que la charrue du
sieur Delatre , en conservant la ligne de tirage de
la charrue de M. Guillaume , jugée jusqu'ici la
meilleure par la société d'agriculture du départe-
ment de la Seine , présente dans son étrampure une
facilité dont on ne saurait méconnaître les avanta-
ges ; 2° que la construction de cette charrue la rend
susceptible d'étre employée dans les terres fortes de
cet arrondissement , avec deux chevaux seulement,
tandis que la charrue du pays en exige habituelle-
ment trois; 5° que l’étrampure de la charrue du
sieur Delatre est beaucoup plus facile à employer
dans les labonrs en planches où il faut étramper
souvent, que celle de M. Guiliaume ; 4° qu’elle a
la même supériorité quant à la profondeur du
sillon dans les Jabours à plat , ainsi que dans ceux
en planche ou en ados ; 5° qu’elle exige pour être
mise en activité moins de force que toutes les autres,
La méme société vous a fait passer le programme
des prix qu’elle se propose de décerner dans le
cours de cette année.
= Nous ayons recu de la Société d’asriculture et
de commerce de Caen , le rapport sur les travaux
(1587
des membres qui la composent , depuis le 10 mai
1805 jusqu'au 19 juin 1809, |
» Recueillir et propager les nouvelles découver-
tes, dit M. Bair , secrétaire de la société, et membre
non résidant de l'Académie de Rouen ; faire con-
naire et répandre les procédés peu connus , tra-
yailler au perfectionnement de l'agriculture, encou-
rager les établissements de commerce, convaincre
les cultivateurs par des préceptes , et plus encore ,
par la force de l'exemple , exciter l'emulation des
fabricants par des récompenses , enfin développer
et signaler les talents en tout genre ; tels sont les
soins constants de la société. « |
L'analyse seule des nombreux et excellents mé-
moires dont M. Lair avait à rendre compte, suf-
fit pour convaincre le lecteur que les membres de
la société d'agriculture et de commerce de Caen
répondent parfaitement au vœu de leur institution.
—= Nous devons à MM. de Grandmaïson et Du-
mont , propriétaires du troupeau d’Epluches, près
Pontoise , département de Seine-et-Oise , un petit
ouvrage ayant pour titre : Manuel pastoral , ou re-
cueil d'observations sur l’éducation des mérinos. LÀ
A cet envoi était joint un imprimé dans lequel
les auteurs du Manuel annoncent que , pour répon-
dre à l'empressement que leur ont témoigné bien
des fois des propriétaires et cultivateurs du dépar-
tement de la Seine-Inférieure , de se procurer des
mérinos pris dans leur établissement , ils se sont
déterminés , d'après l'autorisation qw’ils en ont recue
de M. Savoye Rollin, préfet du département , de
placer, tous les ans, à Rinfreville |, commune de
Martainville, chez M. Cercelot, cultivateur au mé-
me lieu , une portion de leurs élèves, à l'effet, et
(44)
sous l'inspection de M. Prevût , l'un des artistes vé-
térinaires les plus distingués dans le département ,
de former une espèce de succursale temporaire ,
digne de fixer l'attention des cultivateurs instruits ,
et de justifier la confiance dont le troupeau d’Eplu-
ches est en possession depuis près de quinze ans.
Le manuel pastoral, qui, an jugement de la société
d'agriculture de Seine-et-Oise , doit être le manuel
des émules de MM. Grandmaison et Dumont , con-
tent tout ce qu’il est nécessaire de pratiquer pour
consolider et perfectionner l'éducation des méri-
nos. On croirait , ajoute M. le secrétaire de la so-
ciété de Versailles, dans le compte rendu àla séance
publique , tenue le 12 juin 1808, on croirait enten-
dre de nouveaux Daubenton instruire et guider les
amis de l’art pastoral.
= M. Deu vous a fait un rapport sur une bro-
chure qui a été adressée à l'Académie, et qui a
pour titre : les deux Ruches pyramidale et villa-
geoise , en présence et en jugement au tribunal de l’o-
pinion publique.
M. Du Coüedic, président du canton de Maure,
département d'Ille-et- Vilaine , cultivateur et
membre de plusieurs sociétés d'agriculture , est au-
teur d’une ruche qu’il nomme Pyramidale.
M. Lombard , de la société d’agriculture de Paris
et de celle d'encouragement , a imaginé une autre
espèce de ruche qu’il nomme Fillageoise.
Ces deux agronemes , dit M. le rapporteur, pré-
tendent aux mêmes résultats : 1° trouver le moyen
de multiplier le produit des abeilles ; 2° dépouiller
les mouches sans les détruire , et en conservant
leurs essaims. Ils ont soumis leurs procédés et adressé
Jeurs mémoires à la société d'agricullure ;, sciences
C45)
ét arts de Rennes , qui a nommé des commissaires
pour lui en faire leur rapport.
C'est des pièces de ce procëés et de l'opinion deg
commissaires de la société de Rennes que notre cons
frère avait à rendre compte à l'Académie,
Après avoir développé les moyens respectifs
employés par les auteurs des ruches pyramidale
ét villageoise, M. Deu conclut : » que la préférence
et l'adoption plus ou moins marquée données par le
public à l’une ou à l’autre de ces deux ruches , dont
chacune a son mérite particulier , peuvent seules
décider la question. «
C46) R
Norice NécroLociQuE Sur M. BESNARD,
D. M. à Rouen;
Par M. GoprFroY.
Lorsqu'une mort subite et prématurée frappe at
milieu de nous un de ces hommes auxquels leur
âge , leur constitution semblaient garantir une longue
existence , nous avons peine à revenir de notre
étonnement : mais l'étonnement fait bientôt place à
la douleur et aux regrets, si cet homme joignait
à la force de l’âge , la maturité du talent , un zèle
infatigable , un dévouement sans bornes , et s’il con-
sacrait tous ses instants à soulager l'humanité dans les
maux qui l’accablent,
Quel homme mieux que celui dont je me propose
de vous entretenir pouvait faire naitre chez vous
ces divers sentiments ? Qui mérita mieux que lui
l'application de cette pensée générale ?
M. Besnard nous a été enlevé dans la maturité de
l'âge comme dans celle du talent. Il a éié arrêté
dans le eours de ses importantes occupations ; et
la mort la foudroyé au milieu de Ja carrière qu’il
parcourait avec autant de zèle que de distinction,
Dans un moment il a éte enlevé à son art, à l'hu-
manité , à ses amis , et le chagrin de ceux-ci n’a
pu se comparer qu'à leur surprise.
Revenus de leur premier étonnement , plusieurs
se hâtèrent de payer à sa mémoire un tribut mérité,
et les feuilles publiques portérent l'expression de
leur douleur amère sur tous les points de ce départe-
ment, M. le président de l'Académie s’empressa lui-
(47)
même de consacrer le témoignage de son estime et
de ses regrets pour notre confrère dans un écrit dont
nous euteidimes la lecture avec le plus vif iftérét. Qui
de vous n’a pas applaudi à la justesse de cette heu-
reuse comparaison ? » M. Besnard nous est enlevé au
milieu de ses succès : c'est un guerrier moissonné sur
le champ même de ses victoires «, Cette phrase est un
éloge complet et ne laisse rien à ajouter.
Cependant un usage consacré parmi nous, veut
que , chaque année, dans sa séance publique, l'Acas
mie paie , à la mémoire des Académiciens que la
mort a enlevés dans le cours de l'année, le tribut
d’éloges qu'ils méritent.
Toute pénible qu'elle dût être pour moi, je mai
pas craint de réclamer cette tâche honorable ; en
prenant la plume je n’ai fait qu'obéir au vœu de
mon cœur. J'ai cru que son expression suppléerait
au talent, et qu'il suffirait de prononcer le nom de
M. Besnard pour fixer votre attention et avoir des
droits à votre indulgence.
Jean-Auguste Besnard , docteur en médecine de
l'école de Paris , reçut à Craon , petite ville du dé-
partement de la Mayenne , le jour de Jean-Francois
Besnard, médecin. Le père de M. Besnard destina
son fils à l'exercice de la médecine , et dirigea en
conséquence ses premières études. Le jeune Besnard
passa bientôt à l'école d'Angers où il fit sa philoso-
phie , et suivit avec distinction les cours de mé-
decine. À dix-neuf ans il y fut reçu medecin. Le
père de M. Besnard pressentit dès-lors ce qu’on avait
droit d'attendre de son fils , et il exigea de Jui
qu’il se rendit à Paris pour y suivre les cours de
médecine. C’est là que, sous les professeurs les plus
instruits, environné d’hospices ouverts aux étudiants u
et qu'une sage réforme À presque tous consacrés
(48)
depuis , sous la direction de maïtres habiles , à
l'étude clinique de la médecine’, M. Besnard éten-
dit et perfectionna ses connaissances. En 1789 ;,
sous la présidence de Marie-Antoine Petit, il sou-
tint sa thèse. Dans ce dernier examen M. Besnard
fixa l'attention , mérita et reçut des éloges de ses
juges.
J'ai peine à concevoir qu'en 1792 son projet
fût de passer en Angleterre pour y suivre les leçons
de chirurgie du professeur Bell; car , à cette époque ,
les lecons du célèbre Dessault, chirurgien en chef
de l’hôtel-dieu de Paris , appelaient dans cette ca-
piale des élèves de toutes les parties du monde.
Quoiqwil en soit, notre confrère s'arrêta à Rouen,
y suivit l'anatomie sous M. Laumonier , et s’y livra
à l'étude de la chirurgie, études qui , bien que
secondaires, n'en démontrent pas moins son excel-
lent esprit en médecine ; et si, pour un moment,
il intervertit l'ordre accoutumé des études , il prou-
va du moins qu'il était bien convaincu que l'étude
de l'anatomie , celle de la chirurgie sont indispen-
sables au médecin.
Il passa ensuite à l'hospice militaire établi dans
cette ville pour y exercer les fonctions de méde-
cin. Il sut , par son zèle auprès de ses malades, son
aménité pour ses jeunes confrères, se concilier la
reconnaissance des uns , l'estime et l'amitié des
autres.
La réputation de M. Besnard ne resta pas cir-
couscrite dans les murs de son hospice, La ville
de Rouen, qui avait à regretter plusieurs médecins
distingués que la mort avait enlevés ou que les
circonstances malheureuses avaient arrachés à l’exer-
cice de leur art, sentit moins la perte qu’elle ve-
nait de faire dans les personnes de MM. Pinard,
Lepecq
( 49 )
Lepecq et Courant ; puisque M. Besnard était à
pour les remplacer : aussi ce médecin, jeune en-
core , se forma-t-il en peu de temps une brillante
clientele, C'était beaucoup pour l'amour-propre ,
c'eût été peu pour le cœur de notre confrère. Si
ses talents lui acquirent une confiance trés-éten-
due , les excellentes qualités de son cœur lui ga-
gnèrent l'amitié générale , et M. Besnard fut autant
l'ami que le médecin de ces maisons.
Dans le cours de Pan 4 , au rétablissement des
écoles de médecine dans la capitale, M. ‘Thouret,
qu'une mort subite vient d’enleyer à ses amis , à
sa famille en pleurs , à la science médicale qu'il
étendit, à l’école savante qu'il dirigeait, à de nom-
breux élèves dont il se plaisait à éclairer les pre-
miers pas, à soutenir le zèle , à couronner les suc=
cès ; M. Thouret, à la mémoire duquel je paie ici
publiquement le tribut de ma reconnaissance et de
mes regrets , oflrit à notre confrère une place de
professeur adjoint. Le médecin modeste refusa, et
Phomme sensible préfera le séjour tranquille d'une
ville du second ordre , où ; dans un cercle plus
étroit , il vivait au sein de l'amitié |, au théâtre
brillant de la capitale , et à la réputation qui l'y
attendait : car notre confrère eût sans doute con-
tribué à élever , à étendre la gloire de notre école
naissante , et il eût eu sa part de la célébrité
qu'elle s'est acquise en si peu de temps.
M. Besnard a très-peu écrit, et n’a livré à l'impres-
sion que sa thèse, Elle a pour sujet : » An pendeat
hominis perfectio , et à ratione et à manu simul
concurrentibus ? » Ecrite dans une langue que l’on a
trop négligée , la latinité en est pure , correcte et
quelquefois élégante. Toujours maitre de son su-
jet ; il le manie , le développe avec discernement
(So).
et précision. Il prévient ou réfute les objections ; et4
fort de faits et de raisonnements qu’il sait toujours
faire marcher de front , il arrive à cette conclusion :
» Ergo hominis perfectio , et à ratione et à manu si-
mul concurrentibus pendet, «
Dans une de nos séances particulières , M. Besnard
nous lut quelques observations de médecine. Il
faut regretter que la modestie de l'auteur les lui
ait fait retirer. Consignées dans votre précis analy-
tique, elles eussent servi à éclairer un point de
doctrine peut-être encore obscur.
M. Besnard avait étudié les langues grecque et
latine , anglaise et italienne. La connaissance qu’il
avait acquise de ces langues le mettait dans le cas
d’en consulter les auteurs. L’érudition qu’il y avait
puisée était plus solide que brillante. Il redoutait
tout systéme en médecine, comme plus propre à
égarer qu’à éclairer sa marche. Ce qui distinguait
sur-tout notre confrère , était une finesse de tact,
un coup-d'œil prompt et sûr qui lui faisaient preu-
dre sur le champ son parti dans les cas les plus
difficiles, Il avait réellement recu de la vature ces
dons précieux qui constituent essentiellement le
médecin. Le tact médical fait toucher le but ; sans
lui Pérudition n’est plus, au lit du malade, qu'hé-
sitation et tâtonnement. Dans les consultations il par-
lait peu, mais il saisissait avec une sagacité rare le
point essentiel de la question, Il ne cherchait pas
à briller, il ne voulait que soulager; et, pour me
servir de la pensée de Plutarque , il préférait la
gloire de bien faire à celle de bien dire. Un zèle
infatigable , secondé d’une force de corps vraiment
athlétique, le mettait dans le cas de répondre au
grand nombre de malades qui le réclamaient.
Tous ses moments leur étaient consacrés. A l’intérét
(ü)
qu'il leut témoignait, au temps qu'il passait auprès
d’eux, au ton vraiment amical qu’il savait prendre,
chacun d'eux se fût cru l'objet unique de ses soins,
de son zèle ; j'allais ajouter de son affection : aussi
puis-je dire , sans craindre d’être taxé d’éxagération,
que la plupart des personnes qui lui accordaient
leur confiance l'ont pleuré comme un ami, comme
un pére.
Si, au-delà du tombeau, nous pouvons encore
sentir et aimer , oh, mon ami, combien votre
cœur sensible aura joui ! que ces pleurs l’auront
MEME né es :
M. Besnard était appelé dans les premières mai-
sons de cette ville ; mais il ne dédaignait pas de
visiter l'artisan , l’ouvrier et le pauvre ; et, sortant
du salon du riche, il monta souvent au quatrième
du malheureux. Son cœur aimant , son ame sensible
qu’il cherchait à dérober sous une apparence de
stoicisme , quelquefois même d’épicurisme , lui
faisaient répandre des larmes auprès de l'être souf-
frant , et sa main bienfaisante et généreuse s’ouvrit
plus d’une fois pour aider l'indigence aux prises
avec la douleur.
Depuis quelque temps la santé de M. Besnard
s’altérait. Il avait pris assez promptement un em-
bonpoint incommode que la lividité de son teint
devait rendre suspect. Il se fatiguait plus vite, et
Je sommeil avait fui sa paupière ; ses amis conce«
vaient quelques inquiétudes ; lui seul , soutenu par
son zèle , n'en suivait pas moins le cours accoutumé
de ses occupations.
Le mercredi encore il visita ses malades; mais il se
plaignait de malaise. Le jeudi , le vendredi , en
donnant des soins à sa santé, il se berçait de l'idée
de revoir bientôt ses chers malades. Le samedi, à
D 2
(52)
huit heures du matin, les symptômes les plus graves
se développent ; à neufheures, plusieurs de ses con-
frères réunis cherchent à détourner l'orage quile me-
naçait. Vain espoir, eflorts inutiles ! Les accidents
augmentent , ils se précipitent ; et , le dimanche, |.
à sept heures du soir , notre confrère avait succombé
à nne fièvre ataxique.
M. Besnard est mort , âgé de 47 ans. Il a cessé
d'exister à cette époque de la vie où l'homme, au
midi de l’âge , peut compter encore sur de longues
années. Il est descendu dans la tombe au moment
où'il allait recueillir le fruit de ses travaux, Fortune,
talents , considération ; oh, terre , tu as tout englouti!
M. Besnard a été enleve à cette cité , à son art dans
la maturité de l’âge | dans celle de son talent. C'est
un arbre chargé de fruits atteint et renversé par
la foudre à l'instant méme de la récolte.
Si la perte de M. Besnard a été vivement sentie
par les habitants de cette ville , par ceux du dé-
partement , qui pourra vous peindre les regrets,
la douleur de ses amis ? Plusieurs encore aujourd’hui
ne parlent de lui qu'avec l'expression du chagrin
le plus vif; et le nom de Besnard leur fait encore
verser des larmes.
Qui , en effet , plus que lui mérita d’avoir des amis ?
Franchise, bonté , esprit gai, par fois d'une origi-
nalité piquante ; sagesse, solidité dans les principes ,
une sensibilité qu’il cherchait à se dérober à lui-
même et aux autres: que de qualités, Messieurs ,
pour se concilier l’estime et l'amitié de ceux qui
l'approchaient !
M, Besuard vivra long-temps dans le souvenir des
honnétés gens et toujours dans le cœur de ses amis.
Pour moi qu’il accueillit avec bonté ; qu'il aida , qu’il
encouragea à l'entrée de la carrière , que j'aime,
(53)
quelque douloureux que soit le ministère que je rem2
plis ici, que j'aime à lui payer publiquement le
tribut de ma reconnaissance,
Que ne puis-je vous faire part de nos entretiens,
particuliers ! C’est là que son esprit et son cœur se
montraient à nud. C’est là qu’onpouvaÿg apprécier
la justesse de l’un et la sensibilité de LE et ces
deux qualités confondues composaient essentielle-
ment la bonté de son caractère. Mais je craindrais
d'abuser plus long-temps de votre indulgence. Je
»’y ai d’autres droits que ceux que me donne le sujet
que je traite : et le panégyriste de M. Besnard ,
parlant de son ami , écrivant avec son cœur , peut
espèrer d’intéresser un instant ; mais il doit savoir
mettre un terme à expression de sentiments qui ne
s’éteindront jamais dans son ame.
NOTICE NÉCROLOGIQUE sur M. THOURET,
Par M. Gosse Ave.
L'Académie vient de perdre un de ses mem-
bres non-résidants les plus distingués , M. Thouret,
docteur et doyen de la faculté de médecine de Pa-
ris, administrateur des hôpitaux , administrateur du
mont-de-piété , ancien directeur de lécole de mé-
decine de Paris, conseiller ordinaire de l'Académie
impériale , de la légion d'honneur , ancien membre du
Tribunat |, membre du Corps législatif |, membre
d’un grand nombre de Sociétés savantes , nationales
et étrangères , et spécialement de l'Académie des
Sciences , belles-lettreset arts de Rouen, à laquelle
il avait été associé en 1787 , décédé le 19 juin 1810
à l'âge de 61 ans.
La vie politique et particulière de M. Thouret
D. 5
(54)
fournirait la matière d'un grand éloge. En attendant
qu'une plume plus habile que la mienne rende à
sa mémoire l'hommage que méritent ses talents et ses
qualités personnelles , qu'il me soit perms de vous
entretenir un instant, Messieurs , de cet estimable
collègue , et de vous montrer par quelle suite de
travaux utiles il obtint la considération dont il jouit ,
et par quel charme irrésisüble il captiva l'amitié
de toutes les personnes qui eurent l'avantage. de le
connaitre.
Le début de M. Thouret dans la carrière médicale
fut un triomphe. M. Diest venait de fonder un prix
pour lacquittement des frais de licence : M. Thouret
se présente pour le disputer, et, malgré les talents d'un
concurrent estimable , sort victorieux du combat.
Etroitement lié avec M. Vicq-d'Azir , un des
ornements de la faculté , il eut part à beaucoup de
mémoires savants qui enrichissent le recueil de la
Société Royale de médecine.
Le magnétisme animal excitait dans Paris une fer-
mentation générale ; c'était le temps des merveilles :
Cagliostro , Bléton , Mesmer se disputaient le privi-
lège d'alimenter l'oisiveté et la curiosité publiques.
M. Thouret s’empara de ce dernier , et, en dévoilant
ses nombreux plagiats, fit voir que rien sur la doc-
trine du magnétisme animal n'appartenait au doc-
teur Allemand , que toutes ses propositions avaient
été imprimées un grand nombre d'années avant qu'il
les compilât dans leurs auteurs, et le ridicule qu'il
répandit sur cette jonglerie , la fit encore une fois
rentrer dans lPoubli,
Je ne suivrai pas M. Thouret dans sa carrière litté-
raire, pour arriver plus promptement à l’une des
plus belles époques de sa vie.
L'université de Paris n’existait plus : comme tant
(55)
dinsiiuuons utiles, elle avait été engloutie dans je
torrent de la révolution. MM. Thouret et Fourcroi
forment le projet de créer une école de médecine
nouvelle ; le plan en est tracé , les professeurs dé-
signés. Un gouvernement réparateur sourit aux ef-
forts de ces hommes généreux ; M. Thouret reçoit
le prix le plus flatteur de son dévouement et de
ses veilles, par le choix que le gouvernement fit
de lui pour être le directeur de l’école nouvelle ,
fonction honorable qu’il a exercée ayec une grande
distinction , et que personne n’a partagée avec lui.
Rien en effet ne lui manquait pour l'exercer avec
une grande supériorité : connaissances profondes et
variées , amour et facilité du travail, esprit concilia-
teur , fermeté et douceur dans le caractère , la nature
lui avait libéralement accordé tous les moyens d’en
remplir les devoirs avec une supériorité prononcée.
Ce fut en cette qualité qu’il coopéra puissamment
à la formation du comité général de vaccine , des-
tiné à correspondre avec tous les médecins de l’u-
nivers , et qui a servi si utilement à la propagation
d’une pratique utile qui promet la destruction de
l'un des fléaux les plus redoutables à la société.
Je pourrais, MEssiEURS, ayec un égal ayantage ,
vous montrer M. Thouret dans les diverses admi-
nistrations dont il a fait partie. Mais, je le répète,
ce n’est pas son éloge historique que je prétends
vous offrir ; j'ai recueilli au hasard quelques traits
de sa vie publique que je confie à votre souvenir,
et je me hâte de vous entretenir un instant de ses
vertus domestiques.
Des rapports d’état avaient uni M. Thouret et
M. Colombier , inspecteur général des hôpitaux ,
et ce dernier n'avait pas tardé à connaître le mérite
de son jeune ami, M. Colombier était père de deux
D 4
(56 )
jeunes demoiselles très-aimables , et des projets
d'union avaient resserré des liens originairement for-
més par l'estime.
M. Colombier meurt , et avec lui périssent ses
places et tous les projets de fortune qui pouvaient
en dépendre. M. Thouret ne voit plus que les filles
de son ami, et , en épousant l’une des deux ,
satisfait au projet généreux qu'il a formé de leur
tenir lieu de père.
La faulx révolutionnaire lui a fait perdre un frère
qui long-temps a été à Rouen l'honneur du barreau.
11 renonce à ses études chéries pour ne s'occuper
que de madame sa belle-sœur et de son neveu,
dont l'éducation et les succès deviennent sa sollici-
tude et sa gloire.
Bon mari, bon père, bon ami , M. Thouret ré-
pandait la gaieté et la sérénité dans tous les lieux
où il se trouvait ; sa conception facile lui faisait
saisir en un instant le nœud de toutes les difficul-
és, Les places nombreuses qu’il occupa le mirent
en relation ayec des hommes de tous les rangs.
Sa politesse , son affabilité , sa droïture , son dé-
sintéressement rendirent puissantes auprès d’eux ses
sollicitations , et son caractère obligeant ne laissa
échapper aucune occasion d’être utile. Je lai con-
nu assez particulièrement pour lui rendre ce témoi-
gnage qu'il fit tout le bien qu’il put faire, et qu'il
doubla les services qu'il rendit par les graces dont
il les accompagna.
NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR M. DE GAULLE,
Ingénieur dela Marine , correspondant de l'Institut
de France , membre non résidant de l'Académie
de Rouen ;
Par M. ViTazrs.
J. B. de Gaulle, professeur d'hydrographie au port
du Havre, reçut le jour à Attigny , département de
la Marne , le 5 juillet 1752. Il s'appliqua de bonne
heure à l'étude des mathématiques qui lui fournirent
l'occasion de développer les heureuses dispositions
qu'il avait recues de la nature, et lui donnèrent
les moyens d'étudier à fond la science de la naviga-
tion.
M. de Gaulle servit d’abord avec honneur, dans
la guerre de 1755 , sous les ordres de MM. de Tour-
ville , de la Touche et de M. le Comte d’Arfort ,
sur les vaisseaux et frégates de l'Etat le Cupricieux ,
le Hardi, la Félicité etla Thétis.
Depuis cette époque et jusqu’en 1766, notre con-
frère fit , sur les bâtiments du commerce , des
voyages aux Indes orientales et occidentales.
De retour de ses voyages, M. de Gaulle crut ne
pouvoir faire un meilleur usage des connaissances
qu’il avait puisées' soit dans la théorie , soit dans la
pratique , qu’en se livrant à l'ense'gnement des prin«
cipes de Phydrographie et de la navigation , dont ik
donna pendant long-temps , et avec succés , des
lecons aux ports du Havre et de Honfleur.
On doit x M, de Gaulle d'excellentes cartes de
la Manche et de l'embouchure de la Seine ; ces
(58)
eartes ont été publiées , par ordre du gouvernement,
en 1772, 1774 et 1758.
En 1805, notre confrère adressa à l'Académie de,
Rouen une brochure intitulée : Æssai sur les
moyens qui pourraient être employés , tant sur terre
que sur mer , pour rendre les observations de la hau-
teur du soleil indépendantes de l’horison , avec une
explication détaillée des changements faits à l’octant
ordinaire pour remplir ce but.
Cette découverte fut accueillie des savants avec
un grand intérêt, et valut à son auteur la recon-
naissance de tous les marins,
Peu de temps après M. de Gaulle fit part à l'Aca-
démie de son projet d’un port de refuge à établir
sur le banc de l'Eclat , proche le Havre ; suivi de la
manière de vérifier géométriquement les sondes qui
ont été fuites anciennement dans cette partie. Cet
important mémoire était accompagné d’un plan très-
bien gravé, tant du Havre que du banc de lEclat ,
avec les quantités d’eau dont il est recouvert , de
basse-mer , sur différents points.
Toujours occupé du bien public, et presqu’à la
veille de terminer sa carrière , M. de Gaulle pro-
posa un moyen qu’il avait imaginé pour rendre les ex-
plosions des magasins à poudre moins fréquentes et
moins désastrueuses. Dans ce nouveau travail, sus-
ceptible , il est vrai, d’être perfectionné , l'Acadé-
mie a vu du moins avec plaisir les généreux efforts
d’un vicillard respectable pour prévenir des acci-
dents terribles, et dont on ne connait que trop
d'exemples.
M. de Gaulle a concouru par ses lumières à l'é-
tablissement des deux petits phares sur les jettées
des ports du Havre et de Honfleur , dont les pé-
cheurs savent si bien apprécier l'utilité. Notre
(59)
confrère a aussi enrichi la marine de divers me-
moires sur l’amélioration du port du Havre, et sur
les côtes qui l'environnent.
Tant de services rendus , par notre savant et la-
borieux confrère , à la science de la navigation , lui
ont mérité la reconnaissance de ses nombreux élé-
ves, et la considération des compagnies savantes les
plus distinguées, L'Institut de France le jugea digne
d’étre associé à ses travaux; et l'Académie de Rouen
s’honore de lavoir compté parmi ses membres non
résidants.
M. de Gaulle , en cessant de vivre , le 15 avril
1810 , a emporté avec lui, dans la tombe, les re-
grets de sa famille , de ses amis et de tous les gens
de bien dont il avait su se concilier l'estime , par ses
talents et par ses vertus sociales.
NorTircesur M. ze comTEe Fourcror#,
Membre non résidant de l'Académie.
Par M) Virazis. ,
N'attendez pas de moi , MEssiEURS , que j'entre-
prenne de vous rappeler ici tous les honorables
souvenirs attachés à la mémoire de l'homme célèbre
que nous regrettons. La vie de M. de Fourcroy
appartient à l’histoire ; elle intéresse également et
les sciences et l’état,
Je sens combien il serait au-dessus de mes forces
de peindre tout-à-la-fois le savant illustre , et
l'homme d’état consommé dans l'administration des di-
verses parties qui ont été confiées à ses soins. Laissons
à une plume éloquente le soin de tracer pour l'ins-
truction de la postérité le portrait de notre immortel
( 60 )
confrère, et contentons nous de recueillir ici quel-
ques-uns des matériaux dont le talent se servira un
jour pour composer son éloge.
Antoine-Francois Ares , comte de l'empire,
conseiller d’état à vie , directeur-général de l'instruc-
tion publique , commandant de la légion d'honneur ,
membre de l’'Institutet de plusieurs Sociétés savantes,
professeur au Muséum d'histoire naturelle, à la
faculté de médecine , à l’école polytechnique , etc.,
était né de parents plus recommandables par l'estime
dont ils jouissaient que par léclat de leur for-
tune.
Il entra de bonne heure dans la carrière des
sciences , et son génie qui l’entrainait vers l'étude
des sciences naturelles, puissamment secondé par
les leçons des Bucquet, des Rouelle, des Macquer,
ne tarda pas à se développer et à fixer l’attention
des compagnies savantes. 2:
L'Académie des sciences, à laquelle il avait pré-
senté plusieurs mémoires , le reçut au nombre de
ses membres en 1783.
Au mis de février de l’année suivante , l'école
du jardin des plantes fit une perte qui semblait
devoir êire irréparable , par la mort du célèbre
Macquer. Il fallait, pour le remplacer, trouver un
homme qui, à des connaissances solides et profondes
en chimie, joignit une élocution facile , uue diction
pure et élégante. M. Buflon le rencontra dans M.
Fourcroy qui se montra digne d’un tel choix.
La réputation du nouveau professeur attira à ses
leçons un concours immense d’auditeurs de tout
âge et de toute condition. Les uns venaient pour
s’y instruire , d’autres étaient uniquement attirés
par le plaisir de l'entendre parler. Bientôt sa re-
nommée se répandit au loin , et l'opinion publique
(61)
le plaça au rang des premiers chimistes de son siècle.
Déjà Bayen avait annoncé des faits qui ne per-
mettaient plus de souscrire aux principes erronés
de la doctrine de Sthaal , et Lavoisier avait senti
la nécessité de donner à la chimie des bases plus
solides , un langage plus exact et plus propre à
exprimer le résultat des nouvelles expériences.
Appelé avec d'illustres coopérateurs à jeter les
fondements de la chimie moderne > M. Fourcroy
ne se contenta pas de travailler à lui créer une
langue nouvelle , il en exposa clairement les prin-
cipes dans des Éléments de chimie , et fut peut-être
un de ceux qui a le plus contribué à répandre le
goût et à faciliter l'étude de cette science.
En 1792 , il fut nommé électeur de la ville de
Paris, puis député suppléant à la convention natio-
pale ; où il ne fut appelé qu'après le procès de
Louis XVI.
Il fit adopter , en 1795 , un projet de loi pour
l'uniformité des poids et mesures ; il proposa et il
obuint les décrets qui ont créé l'école polytechnique,
celle de santé et celle des mines. Il fut charvé du
rapport sur le perfectionnement du tannage par
Seguin , et indiqua les moyens de remédier à la
disette de salpêtre dont nos armées étaient menacées.
Les services qu'il rendait, comme savant À Sa
patrie , n'empéchèrent pas qu’il ne fut dénoncé aux
jacobins , à cause de son silence sur les affaires{pu-
bliques , evil w'échappa à la proscription qu’en prou-
vant que, né sans fortnne , il était forcé de se livrer
aux trayaux de sa profession pour procurer des
moyens d'existence à son père et à ses sœurs.
Ce fut en effet pendant les temps les plus orageux
de la révolution que M. Fourcroy cComposa son
Systême des connaissances chimiques,
(62)
Ecoutons-le parler lui-même dans le diseouts
préliminaire placé à la tête de cet excellent ouvrage.
» Vingt-cinq années d’etudes et de travaux, con-
tinués sans interruption ,; m'ont servi à recueillir
les matériaux du système des connaissances chimi-
ques : la rédaction m'a occupé depuis 1793. Je l'a
écrit en partie dans des temps de malheur et de
proscription , dont il m’a servi à adoucir l’amer-
tume. Tandis que ma patrie , en proie au vanda-
lisme et à l'oppression , voyait presque tous ses ci-
toyens courbes sous le joug d’un despotisme d'au-
tant plus affreux qu'il affectait les formes et les
bannières de la liberté ; quand tous les cœurs fer-
més aux plus douces jouissances et presque à
l'espérance d'un meilleur avenir, se refusaient méme
à l'épanchement si utile aux malheureux , j'oubliais
presque le poids de l'infortune publique dans le
charme de l'étude et dans le travail solitaire. Etran-
ger aux partis, aux factions qui ont désolé la ré-
publique naissante, et qui l'ont mise si souvent en
danger de périr, au milieu même du tumulte et des
discordes civiles , occupant, contre mon gré, une
place où l’homme de bien n'avait qu'à gémir de
l'insuffisance de ses moyens , et où les talents, la
vertu , le courage , inutiles à la chose publique ,
n'avaient de ressource pour échapper aux plus
atroces passions que de se faire ignorer ; seul et
isolé dans la foule bruyante et agitée dont j'étais
entouré , je me consolais en quelque manière , je me
dissimulais à moi-même la misère publique en m'oc-
cupant de la rédaction de mon système.
» Les temps moins malheureux qui ont suivi
l'heureuse époque du 10 thermidor an 2, m'ont
permis de travailler avec plus d’ardeur et de suite
à mon ouyrage. J'y ai mis la dernière main dans
(63)
lés deux années de liberté que m'a laissé ma sortie
du corps législatif, «
M. Fourcroy avait , en quelque sorte, préludé au
grand ouvrage dont on vient de parler , par un
autre non moins précieux, sa Philosophie chimique,
traduite dans presque toutes les langues de l'Europe.
On lui doit encore des Tableanx synoptiques de
chimie , utiles aux élèves qui se livrent à l'étude
de cette science ; la Médecine éclairée par les scien-
ces physiques ; un Traité de matière médicale ; un
Traité des maladies des artisans , traduit du latin
de Ramazzini ; une traduction de l'Æssai sur le
phlogistique par Æirwau, et une foule de mémoires
de chimie , de physique et d'histoire naturelle ,
insérés dans la collection de l’Académie des scien-
ces et de l’Institut , dans les Annales de chimie, et
dans le Bulletin du muséum d'histoire naturelle.
En décembre 1799 ; M. Fourcroy fut appelé
par le 1 Consul, au Conseil d'état , où il présenta,
en avril 1802 , le projet de la nouvelle organisation
de l'instruction publique.
Le 15 septembre il remplaca, dans la direction
de cette partie, M. Ræderer , nommé sénateur.
Un sayant, que ses relations habituelles avec M.
Fourcroy , avaient mis à portée de bien connaître
son esprit et son cœur, M. Desfontaines , adminis-
trateur du muséum d'histoire naturelle , s'exprime
ainsi dans le discours qu’il prononça sur sa tombe:
» Une force d'esprit peu commune , une grande
variété de connaissances , beaucoup d'amour pour
le travail, et une étonnante facilité lui donnaient
les moyens de suffire à tour, et de remplir égale-
ment avec distinction les divers emplois qui lui
étaient confés.
» Dans aucune circonstance son excellent natu-
(64)
rel pe s'est démenti, et nous l'avons vu dans des
temps orageux protéger et servir des hommes d’o-
pinions contraires aux siennes , et dont il savait
p’étre pas aimé.
» D'une obligeance sans exemple, il ne refusait
rien de ce qu’il était en son pouvoir d’accorder
avec justice; combien de familles il a rendu heu-
reuses. Combien de jeunes gens il a instruits, pro
tégés et placés , et qui béniront à jamais sa mémoire!
» M. Fourcroy éprouvait depuis long-temps un
mal-aise général ; les traits de son visage s'étaient
sensiblement altérés. Enfin , le 16 décembre der-
nier, sur les neuf heures du matin, il fut frappé
subitement d’une attaque d'appoplexie, à la suite
de laquelle il expira dans les bras d’une épouse
chérie et inconsolable, entouré de ses enfants , de
ses sœurs , de MM. Vauquelin et Laugier , ses
auciens élèves , ses plus chers amis et ses dignes
cooperaleurs. ce
M. Fourcroy a terminé sa carrière avant l'âge de
55 ans , lorsqu'il pouvait encore rendre de grands
services à l'État et aux sciences. Sa mémoire vivra
dans l'avenir , et elle restera sur-tout gravée dans le
souvenir de l'Académie de Rouen, qu’il a honorée
autant par son génie et ses talents que par les excel-
lentes qualités de son ame.
PRIX PROPOSÉ POUR 1811.
L'Académie propose , pour sujet du prix à décer-
ner dans sa séance publique de 1811 , la question
suivante :
» Etant donnés un volume d’eau et sa chûte,
» déterminer
(65)
#» déterminer la position et les dimensions de la roue ;
# soit à aubes , soit à augets ; qui doit produire le
» plus grand effet possible. «
L'Académie désire sur-tont que l'auteur s'occupe
de rendre facilement applicables à la pratique les
couclusions qu’il pourrait déduire de ja théorie ,
et principalement de l'expérience.
L'auteur aufa soin de joindre à son mémoire
les plans , coupes et profils nécessaires.
Le prix sera une médaille d’or de la valeur de
300 fr., qui sera décernce dans la séance publique
de 1N1ux,
L'auteur mettra en tête de son mémoire une devise
qui sera répétée sur un billet cacheté , où il fera
connaître son nom et sa demeure. Le billet ne sera
ouvert que dans le cas où le mémoire aura rem-
porté le prix.
Les Académiciens résidants sont seuls exclus du
concours,
Les mémoires , écrits en français ou en latin , de=
yront être adressés, franc de port , à M. Virarrs 3
secrétaire perpétuel de l'Académie pour la classe
des sciences , ayant le 4° juin 1811; ce terme sera
de rigueur.
|)
TABLEAU
Dss Observations météorologiques faites
. à Rouen, par M. ViTALIs , pendant
l’année 1810.
( Voyez le Tableau ci-après. }
TABLE ÀU GcÉNÉRAE des Observations météorologiques faites & Rouen pendant l’année 1810 ; par M. J.-B. Viraris, Professeur de Sciences physiques , au Lycée.
A N 1810.
(Les principaux phénomènes sont indiqués par une apostrophe ;
lorsqu'ils ont été plus considérables. )
: Maximum . :
BAROMETRE , 4: . . , . . .
Minimum. . « . .
THERMOMÈTRE à Meucure,|Mazimum. . . .
Échelle de Réaumur. | Minimum Sr EL 0
HYGROMETRE pe Saussuns.| 2ximum
Minimum . . .
DENTS DOMINANITS ee a + ei a a ele ee ae
Jours DE PEULE
Jours DE NEIGE
UDOMÈTRE.. rs. f Quantité d’eau de pluie, de neige
Ù gril...
Jours DE GrrËr.
| Jours px BRUME ET BROUILLARD
Re ÉT
JOURS DE TONNERRE .
Actes de l’Académie 1810. ( page 66 ).
28
27
6 degrés 5 le 2.
—8 5 les 16 et 20.
bo
16, 173 18,20 , 21,
JANVIER. FÉVRIER.
een ee eee |
28 pouces 4 lignes 5 ler,
o les 14 et 24.
pouces 4 lignes 2 le 5r,
9 degrés o le 2
92 degrés les 5,7,
(Grand Vent le
gy11,12,15,18, 19,25, 24, 25.
173 19 5 193 20.
6,8,9,10, 11, 12,15.
1,4, 11,12, 16; 173 20,22; 24
25 O0 Te
o pouce 10 lignes 9/16,
MARS.
28 pouces o lignes 8 le 11.
27 1 o les Get 7.
15 degrés o les get 10.
I o le 25,
95 degrés le 27.
65 les 26 et 50,
N.-E., S.-0.
( Grand Vent les 10,12, 24, 25.)
RENAN 12, 13,16, 24,
27, 281, 31
15.
Néant.
1 pouce 8 lignes,
SIX PREMIERS MOIS.
AVRIL.
28 pouces 3 lignes o le 21.
27 5 o les 6 et 16.
17 degrés o le 30,
1 o les 14 et 15.
95 degrés o le 5.
50 o le 26.
S.-E., N.-E,, S.-0., N.-0.
(Grand Ventles 5,4et6 ).
MAI.
28 pouces 5 lignes 4 le 29.
27 6 1 le 15;
19 degrés o les 1° et 15,
5 5 le 7.
/
90 degrés o les 7 et 8:
60 o le 30,
E., S.-E., N.-O.
159: 4, 5,6,8, 9, 11,16,17,
19, 20.
1 pouce 9 lignes 1/16.
19, 045 19:
10, 18, 21, 25, 20; 40.
Néant.
6,7 ,12, 143% 18, 16, 18,20, 21,
Néant.
Néant.
1 p. 10 lig. 8/16, dont 9 lig. 4/16 le 18.
Néant,
49316, 51.
1, 14, 10:
JUIN.
28 pouces 4 lignes o le 25,
27 9 o le 10,
21 degrés o le 26,
8 5 le 18,
go degrés le 10.
6o les 5,12, 19, 15.
NE., N.-0., S.-E., O.-N.-O.
10, 29.
Néant,
Néant,
o pouce 1 ligne 12/16.
Néant.
a
15,16, 18, 19,22, 24, 2b,, 26.
TABLE AU GÉNÉRAz des Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1810 ; par M. J.-B, Vitrazrs, Professeur de Sciences physiques , au. Lycée.
SI X" D'ER NT ER SM 'O/I"S:
AN :18r0o.
Maximum, « , .,
| Minimum . re
BAROMÈTRE. ..
Échelle de Réaumur, Minimum. . , ..
THERMOMÈTRE à Mercure ! Maximum. . .
JAUMINL OI AENT:
28 pouces 2 lignes 5 le 23.
27 7. 7 lerr
21 degrés leuxer,
10 0 le 25,
Maximum. . .
Minimum
HYGROMÈTRE pe Savssun}
VENTS DOMINANTS., , .. . ,
98 degrés o le 8,
Gt o le 25,
S.-0., N.-0.
(Grand Vent les 15, 27.)
AOAUNT:
28 pouces 3 lignes 2 le 20.
2 8 o le 15.
o le 31,
9 o le 19,
22 degrés
ot dégrés le 10.
( Grand Vent, 15.)
Jours DE PLUIE... ,« Total pour l'année 155 jours.
| ———————————————————
Jours DE NEIGR. . .« Total, , + , , . : 15 jours.
1,213, 4) 04011: 155.14, 15, 102
17/,18,19,20,21/, 26, 27,2
Néant,
,
Jours DE GRËLE . . . Total, . . . . . . 5 jours.
Quantité d’eau de pluie, neige
et grêle .
UDOMÈTRE.
OF tre
21 pouces 2 1, 10/16,
Jours DK GELÉE , : . Total... . . , . 19 jours.
5 pouces 5 lignes 11/16.
Néant,
Jours DE BRUMKS ET BROUILLARD. Zotal 99 jours.
Jours DEF TONNERRE, Tofal, , , ,... 11 jours.
193 254 24.
1,11,
B5 10% I M2,110; 10),
Néant,
Néant.
1 pouce 1 ligne 3/16.
Néant,
2, 10 14, 18, 19,20, 21,22, 924,
25,6% 27l,128),129, 50, 51.
SEPTEMBRE
28 pouces 5 lignes
27, 7
22 degrés o le 2,
9 o les 6 et 9.
OC"T'OB'R°E:
28 pouces 2 lignes 9 le 26.
27 7 3 le 28.
17 degrés o lemr<s.
2 o le 5r.
92 degrés o les 15 et 17.
64 o.le 7,
E.-S.-E,
4, 11, 12, 19,414; 16%, 105 2441 20:
Néant.
Néant.
1 pouce 7 lignes 5/16,
Néant.
6,
28, 29, 30.
L » h
9's 14), 173 20, 21°, 22°) 29;
18, 22°.
92 degrés o le
65 o le
NA NS SOON FOMIN
(Grand vent les 20, 22, 6 ; tempétueux le a2.)
10% LS T0B2 5121233 240207
28,29, 50.
Néant.
Néant.
1 pouce 11 lignes.
mm mms
NOVEMBRE.
28 pouces 2 lignes 8 le 15.
26 11 4(ab. rem,le 10.)
13 degrés o le 16.
2 o le 14.
ot degrés o le 15.
70 o les 7 et 25,
OO
(Grand vent le 8, tempétueux , les ro et 11.*)
11,455 0175 05 05 T0 TL: 14, 10
16,18 ,20,21,26,27, 28°, 20.
Néant.
Néant,
5 pouces G lignes 14/16,
14.
DÉCEMBRL.
0 |
28 pouces 4 lignes o les 30 e 31.
27 4 8 le 25,
10 degrés o les 14, 23 et 25,
—5 o le 51.
Se —_—_—_—_—_————
100 degrés o les 15 , 18 et 2%.
79 o le ser,
—
SOIN ON IN AIO SEC:
(Grand vént'les 14 ,'21, 25,45, 26, 27 ; lem
pétueux le 25, )
2, 4,53 6,8, 10°, 11,12, 15, 14,18, 19,
20,21, 22, 25, 24,20, 27, 28.
28, 29, 31.
© |
Néant,
3 pouces 2 lignes 1/16,
3,13, 14, 15, 18,20, 24, 25.
NE | SR
* Leur novembre, marée extraordinaié de
20. [8 Pieds de haureur à Rouen, qui a caié de
79: |érands ravages dans le déparremenræde la Séine-
Inférieur
1 €t notammenta Quillebeuf,
579 11,16,.17; 18,20.
Néant.
( G7)
——
BELLES-LETTRES,
BA UP D MT:
Fait par M. Govroi», Secrétaire perpétuel de l'Acas
démie , pour la classe des bélles-leitres,
MzsstIEURS,
Mon collègue vient de vous entretenir des tra-
vaux de la classe des sciences. Vous avez applaudi
à leur nombre et à leur utilité ; puissent ceux dé
la classe des bellesettres, dont je vais avoir l'hon-
neur de vous rendre compte , mériter le même
intérêt de la part d'une assemblée aussi nombreuse
que choisie et éclairée !
Vous avez déjà observé et vous verrez encore ,
Msssrieurs, qu'il règne entre l'Académie , plusieurs
sociétés savantes , et des hommes , qui , par goût
ou par devoir , cultivent les sciences , les lettres
et les arts , cette heureuse harmonie , cette com-=
muuication de lumières d’où résultent nécessaires
ment des progrès sensibles dans les connaissances
humaines,
Nous nous plaisons donc à vous annoncer que nous
ayons reçu,
= De la Société des sciences , lettres ef arts de
Nancy, le Précis analytique de ses travaux. La par-
tie litéraire offre une dissertation sur les anciens
gouvernements des hébreux , une autre sur linté-
rêt de l'argeut dans ses rapports avec la morale,
2
(68)
un éloge de M. Willemet, célèbre botaniste , l'un
de nos membres non résidants; eufin un essai sur
la vie et les ouvrages de Bitaubé , le traducteur en
vers français de l’iliade d’Homère.
= De l'Académie d'Amiens , la collection de ses
actes, en quatre volumes in-4°, dans lesquels on
remarque différents morceaux de poësie agréable-
ment écrits,
= De la Société d’agriculture et de commerce de
Caen, le détail imporiant de ses travaux , dans les-
quels se trouve un éloge de M. de Janville, con-
seiller au Parlement et président en la Cour des
comptes de Normandie, éloge rempli de faits inté-
ressants et racontés avec sagesse , dit M. l'abbé de
Boisville, qui en a faic le rapport. M. Lair, notre
collègue et secrétaire de la société, qui en esi lau-
teur , fait mention d'un éloge historique de M.
Bayeux , qui taut de fois a occupé nos seances
publiques et particulières par la lecture de disser-
tations aussi savantes quelégamment écrites. Cet
éloge, dit M. le Secrétaire, est nn monument élevé
au mérite littéraire par la piété filiale. Puisse le fils
de l'immortel traducteur des fastes d'Ovide, plus
henreux que notre iufortuné confrère , briller éga-
lemeyt et plus loug-temps dans la carrière des let-
tres!
— Enfin, de la Société d’émulation de ceite ville ,
souieté si distinguée par la variété , l'utilité et l'a-
grement de ses [Travaux , le Rayport de sa séance
publique, et l'excellent discours de son président
M. Augerville, si connu par son goût pour (out ce
qui est bon , pour tout ce qui est utile.
|
|
|
(69)
= Mie Ze Jasson de Golft, nous a adressé un écrit
en prose ayant pour titre : Îéve d'une académicienne,
L'auteur s'y propose de montrer combien la for-
tune est aveugle dans la distribution de ses faveurs.
Elle introduit des génies de son invention et qui
lui appartiennent. Ces génies où sylphes sont des
pierres précieuses à qui elle prête un caractère
analogue à leurs couleurs. Idée vraiment originale
et qui fait beaucoup d'honneur à l'imagination de
M€ le Masson de Golft, avantageusement connue
dans le monde littéraire par plusieurs ouvrages jus-
tement estimés.
= M. le sénateur François de Neufchätean , nous
a envoyé une Æpitre en vers français sur la Gram-
maire. Le nom seul de son auteur fait l'éloge de
cette production.
= Nous avons recu des Recherches sur l’ancienne
législation et sur l’organisation judiciaire en Bretagne.
= Un poëme en douze chants de M. Brugniere ,
intitulé Napoléon en Prusse,
= Une lettre de M. J’a/ant, directeur gencral
de l'Athenée de la langue française à Paris , sur
cette question : les mots AVANT QUE peuvent-ils avoir
pour complément la négative Nr? MM. les commis-
sares pensent comme l'auteur de cette lettre , que,
d'après les règles de la grammaire et l'usage de
tous les bons écrivains , l'on ne doit point faire sui-
vre les mots avant que , de la négative ne.
= M. Guilbert, membre de la société d'ému-
lation de cette ville et de plusieurs académies, nous
a adressé deux pièces de pogsie française de sa
composition ; l'uue a pour titre : aux Mänes de mor
] EE
(70)
père , l'autre : deuxième Hommage à Corneille , et
deux autres pièces imitées de l'anglais : Myrtil er
Thaïs, romance ; et la Santé, églogue de Pernell.
= M. Boucher, D. M., de l'Académie de Caen,
a envoyé une Notice biographique sur M. Hersan,
aussi D. M., membre de la même Académie ; cet
éloge d'un homme estimable par les qualités de
son cœur et trés-distingué dans sa profession, est
écrit ayec l’'éloquence du sentiment.
= Lors du passage de LL. MM. par cette ville,
M. River, octogénaire et ancien maître ès arts, a eu
l'honneur de leur présenter , relativement à leur
mariage , une pièce de vers latins ayant pour titre:
lmpériale et la Rose. La lecture qui en a été faite
dans ure de nos séances , a été entendue avec cet
intérêt qu’'inspirent et le sujet et les talents réels
d’un vieillard qui, par ses qualités personnelles ,
s'est acquis le respect et l'estime de tous ses conci-
1oyens.
Tels sont , Messieurs , les ouvrages divers ;' les
productions estimables, dans plus d'un genre , que
des litévatenrs , qui n'appartiennent point à l’Aca-
démie , ont bien voulu lui adresser. Pourqnoi les
bornes de cette séance nous empêcheunt-elles de
vous les faire micux connaître , et par là de payer
à leurs auteurs le tribut d’eloge et de reconnais
sance qui leur est dù.
Passons aux trayaux des Académiciens!
GR'A'M MAIRE,
= M. l'abbé Zaston a lu des Remarques sur la
C7)
valeur et l'usage du mot davantage, Cette expres=
sion , dit notre collègue , à plusieurs significations,
mais toutes sont analogues. Davantage est un com-=
paratif qui se rapporte à l'idée entière, base de la
comparaison ; il ajoute plus ou moins à cette idée
pour former le second terme ou le complément
de la comparaison, et le mot encore ajouté à davan-
tage dénote d’une manière évidente que toute l'idée
ést soumise à l’action de davantage. De ce principe
M. Baston conclut la justesse de la phrase dans
laquelle il avait dit de la vérité enveloppée d’un
conte ou d'une fable : la gravité lui siérait mal ,
la prétention encore davantage.
= M. Duputel a communiqué quelques Remarques
sur l’emploi du mot observer et sur celui du mot
nerveux. Observer , dit-il , est synonyme des verbes
suivre , accomplir , regarder , considérer , remar-
quer , épier et surveiller ; par conséquent cette
tournure : je vous observe que est vicieuse , mais celle-
ci : je vous fais observer que est légitime.
Quant au mot nerveux , il ne peut s'appliquer
qu'aux objets qui ont des nerfs ou qui appartien-
nent aux nerfs ; dans les autres cas , il pourrait
être remplacé par Île mot nerval , comme ïl serait
mieux de dire musculeux que nerveux , en parlant
d'un hercule , par exemple.
É 1 OUQ UNE, NICE.
M. Boteldieu a donné lecture d'un discours inti-
tulé : Essai sur le bonheur.
Il y examine cette question : » l'homme qui naît
» et meurt avec le désir d’être heureux , at-il vrai-
» ment ensoi, comme hors de lui-même, les moyens
» propres À le satisfaire ?
P P S 44 E 4
(72)
L'orateur se déclare pour l’affirmative. Après avoir’
montré que l'absence du bonheur n'a sa cause pri-
mitfve ni dans la volonté souveraine , ni dans la
nature même de l'homme , mais que l'ignorance ,
les préjugés et les passions lexilent de la terre; il
fait la peintare de l'homme qui, exempt des désirs
effrénés, suite de l'amour des richesses, du faste
des grandeurs, ne counait que les douceurs et les
charmes de la vie champêtre. Le calme règne au-
tour de lui comme dans son ame.
La description que M. Boïeldieu fait de l'asyle
de la félicité est pleine de graces et de vérité.
» Fille du Ciel, descendue sur la terre pour con-
» soler l'humanité sonffrante et malheureuse, vierge
»n aimable et trop souvent inconnue aux mortels ,
» auguste bienfaisance | qui peut entendre ou
» pratiquer tes sublimes et douces leçons , et se
» croire encore infortuné ?
» En guidant les pas incertains de l’opulence ou
» de la grandeur vers l'asyle du pauvre délaissé,
» toi seule peux encore, dans l'oubli même de ses
» autres devoirs, lui promettre quelques instants
» d’un repos réel et d'une véritable félicité.
» Ah ! si jamais l'injustice des hommes ou les
» coups du destin rassemblent sur mon front abattu
» de sombres et tristes nuages, pour les dissiper
» et les anéantir à jamais, viens , aimable souveraine
» de tous les cœurs sensibles et bons , viens ra-
» pimer et réchauffer le mien flétri par la douleur !
» Pour une ame tendre et généreuse , C’est peu
» de savoir les moyens d’arriver au borheur ; ap-
» prends nous plutôt comment, en le répandant
» avec profusion et délicatesse , on parvient enfin
w à le mériter !
(73)
— M. Gosseaume a fait une notice très-succincte ,
quoique très-remplie, sur notre collègne M. Thou-
ret, docteur et doyen de la faculté de médecine,
que l'Académie vient de perdre.
M. Gosseaume en dit assez pour prouver que M.
Thouret , comme médecin et comme administra-
teur des hôpitaux , fut homme d’un merite disun-
gué, et que , sous le rapport des qualités per-
sonnelles , il emporte l'estime et les regrets de tous
ceux qui l'ont connu.
= M. Thieullen, 1° président de la Cour d’ap-
pel, dans son Discours de réception, écrit avec no-
blesse et avec force, s'élève contre l’égoïisme de
celui qui dédaigne les sciences , les lettres et les arts,
et de celui qui se flatte d’être leur ami, mais seu-
lement pour jouir de leurs bienfaits sans peine et
sans travail.
» En m'admettant parmi vous , vous le prouvez,
» Messreurs, l'amant des muses ne dédaigne point
» leur ami , et les familles littéraires, qui se vouent
» à leur culte, peuvent avoir leurs membres adope
n tifs. C'est sous cetitre, MESSIEURS, que j'existe-
» rai au milieu de vous. Témoin de vos travaux ,
» attentif à votre voix , avec vous et par vous, j'ap-
n prendrai à mieux juger...................
» Combien il est malheureux le Bcotien, enfant
» de la matière qui dédaigne la science , parce
» qu’elle n'est, ni la substance qui le fait végéter,
» ni l'or qu’il accumule !Il ouvre les yeux et il a
» tout vu!
» Ce west point pour Jui , ce n’est point pour cet
» homme , au sens grossier, que la nature se dé-
veloppe dans son ensemble , avec tant de gran-
» deur et de majesté , se multiplie dans ses détails
_ +»
22
(744
# avec tant de variété et de fécondité ; s'agrandit
» par l'analyse et la décomposition , et cache en-
» core au génie de l'homme avide de connaître
» tant de secrets qu'il voudrait lui arracher : ce
» nest point pour lui que les astres roulent sur nos
» têtes avec tant d'ordre et d'harmonie , qu'ils sui-
» yent avec tant de précision leur cours périodi-
» que, et qu’'entrainant avec eux les jours , les
» mois et les saisons , ils forment les années et les
» siècles , et déroulent à longs plis limmensité des
» teMPSs. «
M. Thieullen termine ainsi : » heureux si , lors-
» que je m’abstiendrai de méler ma voix aux vôtres,
» je puis au moins me dire à moi-même que j’ai
#» su vous entendre. «
= M. Lefilleul , après avoir remertié l'Academie
de son admission , parle du genre qui lai en a ou-
vert la porte 3 ce genre est la fable ou lPapologue,
Il trace avec le naturel et la simplicité qui convient
à ce genre de poësie tous les ayantages qu’il com-
porte.
Le mot fable rappelle nécessairement le bon La-
fontaine. Notre collègue termine son discours par
une fable intitulée :
ENT RES" 8 48 DEt PORN
L'Iris un jour disait à Flore :
Pourquoi me faites-vous éclore
En des lieux où la rose étale ses appas ?
Vous le voyez , chacun l’admire ,
Elle est la reine de cet empire ;
Et je dois bien m’attendre, hélas !
À biesser les goûts délicats.
€alme toi, répond la riante déesse 5
La rose enchanteresse ,
AE 9 L2
La rose sur les fleurs mérite de régner.
Eh bien ! son sort doit-il si fort te chagriner ?
N'est-il plus de beaux rangs après le rang suprème à
Reviens de ton erreur extrèrae :
Vas, tu n’es pas à dédaigner ,
Et tu plairas encore près de la rose mêmes
.
À la reine des fleurs j'ai voulu comparer
La muse du bon Lafontaine !
Heureux si j'obtiens pour la mienne
L'accueil qu'à cet Iris Flore fait espérer à
PFO PPS mr.
— M. Mutel, académicien non - résidant, dès sa
plus tendre jeunesse, a fait sa cour aux Muses ; à
Pâge de plus de 80 ans , sacrifiant encore souvent
sur leurs autels , il nous a présenté un Poëme en
IV chants sur l'Education ; une Epitre à Bernardin
de Saint-Pierre; des Stances ; une petite pièce phi<
losophique , ayant pour titre : Un Octogénaire am
coin de son feu ; des couplets sur le mariage de
LL. MM. ; le Mensonge et la Vérité , allégorie
ingénieuse et remplie d'imagination.
= M. de Glanville a donné lecture de deux'imi-
tations, en vers français, l’une ayant pour titre le
Bonheur , l'autre le Parjure. L'agrément , la facilité
répandue dans ces imitations font regretter que «
dans ces pièces fugitives et légères, M. de Glanville
pe suive pas l'impulsion de son propre génie.
— Nous avons eu de M. Lemesle deux Ép'tres
à Amelie ; la premiére pour le jour de sa fête
sur les Mariages du vieux temps et sur les Alariages
modernes. Il ÿy a dans cette épitre plusieurs passages
ai ont lé eutendus ayec plaisir, enwr'augres celui-ci
C76)
Un mauvais choix conduit à l’infidélité;
On tient mal un serment qu’a fait l'indifférence
Et que le cœur n’a point dicté,
La deuxième épître à Amélie présente une Soirée
au coin du feu ; c'est une peinture fidèle de ce qui
se passe dans presque tous les cercles’, où la con-
versation variée , rapide et quelquefois maligne ,
change d'objets , les eflleure tous et n’en appro-
fondit aucun. Le poëte fait agir et parler ses acteurs ;
son récit en devient plus vif et plus piquant.
Une troisième épitre de M. Lemesle est celle
d'Aspasie aux Dames de Rouen. Aspasie se plaint
que , sur la terre, la calomuie flétrit sa réputation ,
que de siècle en siècle on la poursuit ! Elle appelle
de cette injustice au Tribunal des dames de Rouen;
et, aprèsavoir examiné quel est dans lesdivers pays la
condition des femmes, elle trouve qu’en France seule-
ment elles sont vraiment libres , et par conséquent
vraiment aimables ; elle leur dénonce l’auteur d’Ana-
charsis qu’elle accuse de ne l'avoir pas épargnée.
Cette dénonciation attire à Aspasie une lettre écrite.
des Champs-Elysées, intitulée :l Ombre de Barthelmi,
Dans cette épître , en prose , l’auteur d’Anacharsis ,
cet homme de mœurs si douces , ce savant aussi
modeste que profond , se défend des reproches
d'Aspasie , lui prouve qu’il a été à son égard le plus
modéré de ceux qui ont parlé d'elle, et qu'il s’est
plus occupé de ses talents que de la censure de sa
conduite.
= M. Leflleal a présenté un recueil de fables ,
de chansons , et d’autres pièces fugitives, ayant
pour titre : le Papillon.
La commission , nommée pour en rendre comptes
CITE
a trouvé que les fables ont le caractère qui leur
convient , qu’elles sont courtes , écrites avec pré=
cision ; que le style en est facile et naturel,
= M. Boieldieu a lu les deux Roses | apologue.
La premiére est modeste.
Quoique sans tache , à peine sa blancheur
Pouvait-elle éclater au sein d’un verd bocage }
Tant , par un excès de pudeur ,
Pour cacher ses appas , elle cherchait l’ombrage,
Non loin d'elle, au milieu du jardin,
Doux ornement d’une riche corbeille,
Humide encor des larmes du matin,
Etait une autre rose et piquante et vermeille,
Celle-ci reproche à sa compagne l'obscurité dans
laquelle elle languit : la rose modeste lui répond :
On yÿ trouve un asyle à l’abri des orages
On n'y redoute point les ardeurs du soleil ;
Et pour moi la nature est toujours au réveil.
La rose orgueilleuse devient bientôt la victime de
la fureur des vents et des feux de l’astre du jour ;
ce qui amène cette moralité :
D'un destin si cruel, Eglé , que la rigucur
Vous apprenne à connaitre
Combien est dangereux le désir de paraître,
= M. Duputel a lu deux fables, l'une l'Oison et
le Serpent.
L'oison se vante de se faire admirer dans trois
éléments différents, par sa marche , par son vol,
et par sa grace à nager ; le serpent, pour rabaisser
sou orgueil , lui fait observer que dans ces trois
(78)
éléménts ses mouvements sont ridicules. Le poëté
en tire cette conséquence morale : il vaut mieux
exceller dans un seul genre que d’être plus que
médiocre dans plusieurs,
L'autre fable a pour titre : la Flamme et les Tisons,
» La flamme en s’élevant #
» Loin des tisons , au tems de sa naissance
» Leur témoigne son mépris etles insulte :
» Du fond de l’ätre un vieux tison
lui répond que sans eux , à l'instant elle cesserait
d'exister , et que la sombre vapeur qui la precédé
va révéler par-tout
» De la vaine splendeur les causes inconnues:
La morale est
À quelques gens trop fiers d’un éclat emprunté
J'en dis autant : pour eux souvent la renommée ,
En trahissant leur vanité ,
N'est qu’une indiscrète fumée.
= M. d'Ornay nous a fait part d’un Songe , écrit
en vers français et d’une manière à faire croire qu'il
est quelques favoris d'Apollon sur lesquels les an
nées mont aucun pouvoir,
Le poëte suppose que le soir d’un beau jour de
printems
» Sur l’herbe tendre élastique et fleurie
H s'endort et qu'un songe le transporte dans un
monde nouveau où les femmes sont toujours belles,
#» Et ce qui vaut bien mieux , toujours tendres , fidèles,
»» Les hommes toujours indulgents ,
ir Toujours vrais , toujours bienfaisantes
C79)
Dans cet empire
» On était heureux , c’est tout dire #
» Jouir vaut mieux que raisonner,
Un fâcheux réveil fait évanouir le songe et dispas
raltre le monde enchanté. Le poëte s'écrie :
» J'ai tout perdu , le trouble est rentré dans mon cœurs
Il oppose ensuite les désagréments du monde où
nous sommes aux charmes que présentait celui dans
lequel il croyait voyager , et finit par ce vers :
Pour être heureux , il faut rêver !
= M. Duval-Sunadon , déja connu avantageuse
ment par son poëme sur l'origine du Prieuré des
Deux-Amants, uous a communiqué une pièce de vers
adressés aux Français, et spécialement à ses com-
patriotes , les Colons de Saint-Domingue , consternés
à la nouvelle du malheureux combat livré par M. de
Grasse , sous la Dominique, le 12 avril 1782.
Cette production prouve que M. de Sanadon peut
réussir dans plus d’un genre. Le but de l'auteur
est de relever le courage de ses compatriotes. Il le
fait d'une manière à démontrer que le raisonnement
vigoureux et serré n’est pas plus étranger à la bonne
poësie qu’à la prose ; la versification de M. de Sa-°
nadou est forte. de choses, si lon peut s'exprimer
ainsi, On n’y rencontre point cette superfluité d’é-
pithètes parasytes qui annonce dans l'écrivain Ja di-
sette d'idées ; aucune des épithètes ici ne saurait
être retranchée sans aflaiblir l'image ou le sentiment ,
sans énerver la pensée , marque certaine à laquelle
on distingue le vrai poëte du versificateur médiocre.
Quelques morceaux détachésne donneraient qu'une
(80)
faible idée du mérite de cette pièce qu'il faut lire
en entier.
L'Académie en a été satisfaite et s’est empressée de
compter M. de Sanadon au nombre de ses membres
nou-résidants.
= M. Petit | médecin à Lyon et notre corres-
pondant, nous a fait parvenir un poëéme en vers
français , intitulé : Onan , ou le Tombeau du Mont-
Cindre , fait historique présenté en 1809 à l'Aca-
démie des jeux floraux de Toulouse.
MÉET'ANCGCES.
= M. Toustain de Richebourg nous a adressé une
brochure ayant pour titre: Variétés historiques et
littéraires. Ce tütre se lit à la dernière page de
l'ouvrage. L'auteur, en le plaçant ainsi , a voulu
qu’il ne parût point chez les libraires ; au reste ,
il est rempli de recherches qui intéressent le lec-
teur et présente le double avantage du fond et de
la variété des matières.
= M. Lemesle a composé trois discours où règne
une érudition étendue et choisie , des rapproche-
ments heureux , des anecdotes précieuses. Le sujet
de ces trois discours est relatif à l’établissement d’un
cours d’histoire et de littérature.
Ce vœu d’un bon citoyen , d’un littérateur esti-
mable, est heureusement rempli dans l'Académie
impériale , par des professeurs d'uu mérite connus
= M. D’Ornay , dans un Mémoire sur les sépul-
tures , désirerait qu’en respectant les rits et les cé-
rémonies consacrées par la religion , les lois lais+
sassent à chacun le droit de choisir le lieu de sa
sépulture,
(81)
sépulture, et d'y élever des monuments qui, apprô-
rant à la postérité le respect que l’on doit aux morts,
fassent une grande leçon pour les vivants. Il est
persuadé que de pareils monuments disséminés sur
la surface d'un grand empire, perpétueraient d'âge
en âge le nom des grands hommes , et ofiriraiënt
aux voyageurs l’histoire si intéressante de l'art chez
upe nation, immortaliseraient le souvenir de la vertu,
et donneraient sans cesse des lecons que le temps
ne pourrait eflacer,
= M. de Clanville , a donné lecture d'un Essai sur
Alféri, Après un élrge de Racine, M. de Glanville
remarque avec justesse que la perfection n’est que
d’un instant. » À peine ( c’est l'auteur quiparle ) à
» peine l'époque des talents at-elle remplacé l'é-
poque des essais, que les symptômes de la dé-
cadence se manifestent , l'esprit d'innovation s’in-
» troduit , le goût s’altère , les principes se déna-
» turent. Alfiéri, après Corneille , Racine, Voltaire ,
» voulut être tragique ; maïs il voulut aussi être ori-
» ginal. Il avait composé une grande partie de ses
» ouvrages qu'à peine il connaissait les modernes ;
» il ignorait le grec. Tout-à-coup l'étude de cette
» langue le passionne ; ils y livre, dévore Sophocle
» et refait ses tragédies «, Ce qui forme le principal
caractère d'Alféri , ce qu'on peut, selon M. de
Glanville, appeler proprement le caractère du poëte,
c'est l'énergie , non pas seulement celle qui ne ré-
side que dans les mots; mais celle qui correspond
si puissamment à la sublimité des idées.
En rendant justice aux qualités d’Alfiéri, M. de
Glanville n’en dissimule point les défauts. Quelque-
fois obscur, dit-il, à force d’être concis, il a en-
couru le reproche de dureté, Cependant ceux qui
F
=
»
»»
(82)
cherchent le vrai dans les arts , ceux qui accor-
dent leur suffrage à la noblesse du sentiment et à
l'élévation des idées , garderont toujours pour Al-
fiéri une place honorable.
= M. l'abbé Baston a fait un mémoire sur cette
question : est-il vrai que, pour les opérations intel-
lectuelles, la femme ne diffère de l’homme que par
l'éducation.
Les arguments en faveur de l’affirmative sont que
Pame des femmes comme celle de l'homme est
spirituelle , qu’elle est douée de raison, et que, par
conséquent , avec la même éducation , la femme
peut , ainsi que l'homme , enfanter des merveilles
dans tous les genres ; et, pour appuyer cette asser-
ton, on cite les femmes qui se sont distinguées
dans les arts, dans les lettres et méme dans les
sciences,
Après avoir fait valoir les arguments en faveur
de l'aflirmative , notre collègue les réfute et donne
ensuite les preuves de son sentiment.
» L'éducation, dit-il, développe les talents; mais
» elle les suppose. Elle polit le génie ; mais elle ne
» le donue point, et le génie sans culture , et par
» sa propre force , produit quelquetois chez les
» hommes des chef-d'œuvres. Peut-on parmi les
» femmes citer un seul exemple pareil ? «
Tout démontre que l'ame des femmes et l'ame
des hommes diffèrent et ne sont point constituées
de la même manière , et que la partie intellectuelle |
, daus l'un et Pautre sexe ne se ressembie pas plus
que ja parue physique.
» Je ne suis pas le partisan , dit M. l'abbé Bas-
».ton , de cette doctrine téméraire qui assigne
( 83)
» pour cause de nos vertus et de nos vices des
» protubérauces cérebrales ou d’autres conforma=
» tions organiques. Meprisable et sur-tout faux,
» est le système qui, en morale, asservit l’ime au
» corps , fait de celui-ci un despote tout-puissant ,
» et de celle-là l’esclave la plus souple , la plus
incapable de résister à son tyran. Mais on ne peut
» nier que ce corps et ses dispositions n’aient dans
» les hommes et daus les femmes une influence mar-
» quée sur les opérations intellectuelles.
» N'estil donc pas probable au dégré le plus
» éminent que la difference indestructible de Por-
» ganisation corporelle dans les deux sexes , main<
» tiendra des différences pour les opérations intel=
» lectuelles contre les eforts de l'éducation. «
M. l'abbé Baston ne prétend point par là dépoui'=
ler les femmes de leurs qualités spirituelles ; mais
en inférer qu'elles ne sont pas strictement celles des
hommes , parce que l'auteur de la nature les appelle
à des fonctions bien diflérentes; il en conclut que
l'éducation que les partisans du système opposé
veulent que l’on donne aux femmes , nuit égale-
ment en elles au moral et au physique , et qu’el2
les finissent par n'être ni ce qu'on voulait qu'elles
fussent , ni ce qu'elles devaieut étre ; c'est-à-dire
ni des hommes à talents distingués, ni des femmes
à qualités essentielles,
ÉPRSTIoUT RE:
= M. GCosseaume, a lu deux dissertations égale-
ment intéressantes.
La première a pour utre : Recherches sur l'origine
des Philistins et La situation de l'Isle de Caphtor.
Les Philistins et les Caphtorins , dit notre collègue
sont les descendants de Méfrain , second fils de
F à
(84)
Cham , et petit-fils de Noë ; mais dans quel lieu
habitaient-ils avant de s'établir dans la Palestine ?
C'est sur quoi les plus graves auteurs, les meilleurs
interprètes ne sont point d'accord ; parce que , sur
cet article, les diverses versions du texte ne sont
point claires.
Les Philistins habitaient l'Isle de Caphtor ; mais
quelle était cette isle? Pourquoi le texte lui - même
lui donnet-il le nom de Cappadoce , qui est une
grande province du continent ?
Après avoir ou combattu , ou cherché à expli-
quer les divers sentiments de Saci , de Calmet, de
Bochart , notre collègue, de ses recherches préli-
minaires , tire ces trois propositions:
1° Les Philistins sont venus de la Cappadoce dans
la Palestine ; 2° la Cappadoce peut être considérée
comme une isle, en ne prenant point cette expres-
sion dans une acception rigoureuse ; 5° les anciens,
et sur-tout les Juifs, ont pris le mot is/e dans un
sens bien différent de celui dans lequel nous le
prenons tous les jours.
De ces propositions, développées et approfondies ,
M. Gosseaume tire les conclusions suivantes : 1° la
Cappadoce fut originairement habitée par les Philis-
tins ; 2° la dénomination d’isle que Jérémie donne
à cette province , se concilie avec sa position géo-
graphique , ce que démontre une carte jointe à cette
dissertation ; 3° l'autorité des Septante , dont on se
prévaut pour faire des Philistins des Crétois , ne
repose que sur une interprétation vicieuse, suite
d’une faute de copiste ; 4° enfin, c'est sans aucune
nécessité que l’on a promené l'Isle de Caphtor du
Nil à lisle de Chypre , et définitivement à celle
de Crète. Il convient de la laisser en Cappadoce où
toutes les autorités concourent à prouver qu'elle
Re
(85)
existe, et où véritablement la nature l'a placée.
La seconde dissertation de M. Gosseaume est
intitulée : Observations sur l’origine des anciens Em-
pires.
Plusieurs écrivains célèbres , anciens et modernes,
ont fait remonter l’origine des Egyptiens et sur-
tout des Chinois à des millions d'années, M. Gos-
seaume s'élève contre ces suppositions gratuites.
H part d’an point certain et reconnu par les habi-
les chronologistes ,; la dispersion des nations des
plaines de Sennaar. Il fixe , d’après les meilleurs
historiens , l'année particulière de la fondation des
premiers Empires.
H montre, avec M. l'abbé Guérin-du-Rocher ,
que les temps qu'on appelle fabuleux ne sont dans
les historiens qu’une espèce de parodie de l’histoire
sacrée ; que les premiers fondateurs des Empires ne
sont que Noë et ses premiers descendants , dont
les noms et l’histoire ont été défigurés ; ce que notre
collègue prouve victorieusement par Hérodote et par
Plu‘arque.
Quant à la haute antiquité des Chinois , M. Gos-
seaume n’a point de peine à l’anéantir et à montrer
que la fondation de cet Empire ne remonte , com-
me les autres , qu'à l'époque de la dispersion des
nations , qu’il na même commencé qu'à l'an 2915,
659 ans après le déluge.
Nous ne suiyrons pas M. Gosseaume dans tous ses
calculs ; une dissertation dans laquelle les faits se
pressent et se soutiennent mutuellement , se refuse
nécessairement à l'analyse. Notre collègue a suivi
la chronologie des Septante préférablement à celle
de la vulgate qu'il a trouvée fautive.
Les conclusions de cette savante et profonde dis-
sertation sont : 1° que les livres de Moyse ofirent
F 3
(86)
l'histoire la plus ancienne qui existe dans l'univers ;
2° que cette histoire , qui remonte à la création, avait
déja parcouru 29 siècles , lorsque les premières
annales de la Chine nous présentent les Chinois
comme uue peup'ade errante et sans lois ; 3° que
la simplicité , la précision, l'élégance qui caracté-
risent le législateur des Hébreux , annoncent un
historien sage, un critique judicieux , un esprit
cultivé ; 4° que ces annales enfin forment l'échelle
à laquelle toutes les autres annales viennent se me-
surer , et qu’elles sont la source où plusieurs peu-
ples célèbres oni puisé les éléments de leur histoire.
= M. Bérenger , académicien non résidant , nous
a adressé deux ouvrages dont l’un est une nouvelle
édition des £léments d'histoire de France et d’his-
toire Romaine , de le Ragoïs.
L'éditeur y a ajouté l'histoire Grecque , et a porté
l'histoire de France jusqu’à linstant présent.
Son style est moins sec que celui du premier
auteur , ses demandes sont mieux posées et ses
réponses mieux faites; c’est le jugement de M. Le-
zurier ,; invité à rendre compte de cet ouvrage.
Le second ouvrage de M. Bérenger est en deux
volumes , et a pour titre : la Morale chrétienne mise
en action.
= M. ÆMollevaut , notre associé , nous a envoyé la
2° édition de sa Traduction de Salluste. M. Bignon
en a présenté un rapport rempli d'observations
sensées, qui prouvent un juge éclairé.
ANIT\r, OUT M É1S:
= M. l'abbé Baston nous a donné quelques dé-
(67)
tails intéressants sur des tombeaux découverts dans
un champ de la commune de Saint-André-sur-Caill y.
Ces tombeaux , en grand nombre, donnent lieu
de penser que Cailly fut autrefois une ville floris-
sante et consilérabie.
Notre collègue a fait ouvrir quelques-uns de ces
tombeaux ; on y à trouvé quelquefois jusqu’à trois
têtes réunies, et de petits vases de terre grise. Non
loin de là, à quelques pouces sous terre, on a dé-
couvert un pavé coloré que notre collègue soup-
çonne être une mosaique.
M. l'abbé Baston désirerait que M. le Préfet ,
pour qui aucun genre de connaissance n’est étran-
ger, voulüt bien faire fouiller dans ce champ. Il ne
doute pas que les découvertes que l'on pourrait y
faire , ne servissent à éclaircir quelques points in=
téressants de l’histoire de ce département.
= M. Gourdin a lu des réflexions sur le culte
de Cybèle dans les Gaules , et sur un sacrifice en
son honneur, appelé Tawrobole.
Il fait voir que le culte de la mère des Dieux
pa été admis qu'assez tard à Rome, et que , dans
les Gaules , il ne remonte point au-delà du 1% siècle
de notre ère ; que les Tauroboies n'y ont com=
mencé qu'après le milieu du + siècle , et n’ont été
en usage Que jusques yers la fin du 4°. Il cherche
à montrer, par le témoignage de quelques écrivains,
et sur-tout par un grand nombre d'inseriptions ,
que la description des cérémonies observées dans
les Tauroboles , faite par le seul Prudence , manque
dexactitude , et que ce poëte parait ayoir confondu
une initiation ayec un sacrifice.
m7» ( 58 )
BEAUX ARTE
= M. Descamps a donné lecture du discours qu'il
a prononcé Jors de l'ouverture solemnelle du musée
de peinture dont il est le conservateur,
Notre collègue débute par le tribut de recon-
maissance qui est dû au zèle éclairé de MM. les
administrateurs de la cité , pour l'établissement d'un
musée de peinture. Il en montre lutilité pour Îles
progrès de l'art, dont l'influence s’étend sur tou-
tes les branches de l'industrie qui rend ce dépar-
tement l’un des plus renommés de l'Empire.
M. Descamps fait voir que l'historien , le poëte,
l'orateur peuvent y puiser-d’utiles leçons , et , à
celte occasion , il cherche à donner, aux jugements
qu’ils portent sur les objets de peinture , une rec-
ütude qui quelquefois leur manque. 1l corrige les
décisions ou hasardées ou précipitées des specta-
tœurs qu'on appelle curieux.
Ce discours est ainsi terminé : » que la peinture
» et la sculpture , animées du méme esprit, fassent
» passer à la postérité la plus reculée les hauts
n faits et les vertus du héros dont les jours pré-
» cieux font le bonheur des nôtres ! «
= Le même alu quelques réflexions sur Raphaël ,
où il explique pourquoi cet homme célèbre est
considéré comme le premier des peintres mo-
dernes.
» Parmi le nombre d'amateurs, dit M. Descamps,
qui ont parcouru Île musée de Rouen, la plu-
» part se sont attachés à regarder le tableau de
n Raphaël , représentant la Vierge élevée sur des
» nuces ,; au milieu d'une gloire de chérubins :
» plusieurs d’entr’eux n'ont souvent engagé à leur
-
”
(89 )
» donner les causes de cette grande supériorité ,
» impénetrable à leurs yeux. «
» Raphaël est regardé comme le premier des
» peintres , parce qu'il est supérieur à tous ceux
» qui l'ont précédé et à ceux qui se le sont proposé
» pour modèle , par la justesse de ses contours ,
» l'élégance , la noblesse , les proportions jointes
» aux effets naïfs que fouruit la nature , un choix
» pur et savant, un grand goût de draper , des
» plis négligés avec art, conduits avec une grande
» intelligence. Joiguez à toutes ces choses et tant
» d’autres, un génie à-la-fois sublime et profond ,
» sage sans être froid , et simple sans bassesse ,
» grand sans être outré , toujours plein de noblesse ;
» profond sans étre obscur , la raison y paraît sou-
» veraine de l'art : la force est réunie à l'agrément ,
» tout prend sous sa main un divin caractère. En
» suivant ce grand homme on ne s’égare jamais, «
Telle est la réponse de M. Descamps , qui termine
ce mémoire par la promesse de donner plus d’é-
tendue àses idées, en comparant Raphaël à Michel-
Ange, et en essayant de faire connaître le carac-
ière particulier de ces deux hommes célèbres,
PRIX PROPOSÉ POUR 1811.
,
= L'Académie avait proposé pour sujet du prix
de la Classe des belles-lettres , de déterminer les
moyens les plus propres à écarter le danger qu
pourrait résulter pour les mœurs du rassemblement
dans les ateliers , des ouvriers de l’un et l’autre sexe.
Pendant deux années de suite plusieurs mémoires
Ont été envoyés ; mais ils n’ont pas paru satisfaire
(go)
àla solution d'une question que l’administration du
département a jugée d’une assez grande importance
pour qu'elle ajoutât une somme de 500 fr. à la
somme ordinaire de 300 fr. fixée par l'Académie.
Les mémoires, lisiblement écrits en français ou en
Jatin, doivent étre envoyés pour le 1% juin 1811,
terme de rigueur, et francs de port , à M. le se-
crétaire de la Classe des belles-lettres. Les membres
résidants sont les seuls exclus du concours.
Les auteurs mettront en tête de leur mémoire
une devise répétée sur un billet cacheté qui con-
tiendra leur nom et leur demeure.
TABLE
D'EVS UM AT PÉR'E'S.
D iscowrs prononcé à l’ouverture de la Séance
publique, par M. Demadieres , Maire de la ville
de Rouen , Vice-Président de l’Académie, page x
D'CUI EN CE SE) TI ARTS,
RAR) P oNR (Ar Ar rip 4082 M NOT) ANTENNES.
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce rapport.
Discours de réception de M. Pinard de Boishebert, 5
Rapport fait par M. Pinard de Boishchert , sur un
projet d’une grande écluse ‘de navigation pour le
passage des vaisseaux , et de deux grandes écluses
de chasse pour curer et approfondir les Ports »
d’après un nouveau systéme de construction ; par
ZM. Senéchal, 6
Cours complet de mathématiques pures ; par M.
Francœur, 9
Nouveau Manuel Métrique ou Tableaux comparatifs
des poids et mesures; par M. Periaux, ibid
Rapport fait par M. Lézurier , sur le Manuel moné-
taire et d’orfevrerie ; par M. Bonnet , 10
Ouvrages envoyés à l’Académie par M. Lescalier,
Préfet du 2° arrondissement maritime au Havre , 12
Nomenclature des mémoires lus dans les Séances de
l'Académie de Cherbourg , ibid.
(92)
Configuration géométrique à donner aux caractères
numériques , vulgairement appelés chiffres arabes ,
par M. Maisonneuve , 12
Rapport fait par M. le Tellier, sur la seconde notice
des travaux de la société des sciences physiques et
naturelles de Paris, 15
Hypothèse de la solidification du globe terrestre ; par
M. Dubuisson , ibid.
Mémoire sur la chataïgne du Brésil ; par M. Dubuc, 14
Rapport fait par M. Deu , sur les Mémoires de l’A-
thénée de Niort , 15
Dictionnaire des productions de la nature et de l’art ,
gui font l’objet du commerce de la France , soit
avec l’étranger , soit avec les Colonies , et des
droits auxquels elles sont imposées ; par MM.
Magnien et Deu, 16
Rapport fait par M. Guersent, sur un écrit de M.
Groult , concernant la direction et le parallélisme
des climats , comparés avec les productions miné-
rales et végétales de la France , 17
Discours de réception de M. Fleury , 18
Discours sur les qualités indispensables au médecin
dans l’exercice de sa profession; par M. Vigné, 2r
Observation sur le vomissement , symptôme principal
d’une fièvre intermittente ; par le même, 23
Bulletin des sciences médicales de la Société de mé-
decine du département de l'Eure , 24
Rapport fait par M. Gosseaume , sur un ouvrage
intitulé : Recherches expérimentales, anatomiques,
chimiques , etc. , sur la physique des animaux mam-
mifères hibernants ; par M. de Saissy , ibid.
Rapport fuit par M. Boismare , sur une Dissertation
soutenue à la Faculté de médecine de Paris ; par M:
Thillaie, de Rouen, 26
C95)
Rapport fait par le même , sur le tétanos rabien ; par
M. Girard, 26
Rapport fait par le même sur un ouvrage de M. Claude
Balme , intitulé : De ætiologia generali contagi ,
etc. 2 27
Médailles d’or décernées à M. Godefroy , par les So
ciétés de Lyon et de Bruxelles, 29
Notices sur les alcalis du commerce et sur l’acide mu-
riatique gazeux ; par M. Deseroïzilles, 30
Rapport fait par M. Descroizilles , sur ur Mémoire
concernant les moyens qu’on pourrait employer
pour rendre les explosions des magasins à poudre
moins fréquentes et moins désastreuses , 33
Rapport fait par M. Robert | concernant deux Mé-
moires sur le tabac; par M. Vauquelin, 34
Précis des Mémoires lus par M. Sage dans les
séances de la première classe de l'Institut, 35
Réflexions sur un mode d’éclairage , par le gaz hy-
drogène , tiré de la houille , proposé par M. Mur-
doch , dans les transactions philosophiques de la
Société royale de Londres; par M. Vitalis, 36
Recherches sur La couleur nankin appliquée au coton
filé ; par le même , ibid.
Rapport fait par M. Robert, sur le Manuel du tein-
turier sur fil et sur coton filé ; par M. Vitalis, 58
Rapport fait par M. Baston , sur le Précis analytique
de la Société des sciences, lettres et arts de Nancy,
39
Programmes des prix proposés par les Académies de
Marseille, de Grenoble et de Caen , 40
Mémoire sur l’extraction et sur les usages du sucre
liquide des pommes et des poires , avec l’analyse
comparée de cette substance et de la melasse du
commerce ; par M. Dubuc, ‘ibid.
Mémoire sur les égagropiles ; par le même, ibid,
Co#)
Rapport sur des expériences relatives an perfectionne-
ment de la charrue, envoyé par la Société d’agricule
ture et des arts de Boulogne-sur-Mer, 42
Rapport sur les travaux de la Société à ’agriculture et
de commerce de Caen , ibid,
Manuel pastoral, ou Recueil d'observations sur l’édu-
cation des mérinos ; par M1. Grandmaison et Du-
mont, 43
Rapport fait par M. Deu sur deux ruches , l’une py-
ramidale, et l’autre villageuïse » en présence et en
jugement au tribunal de l’opinion publique , 44
Norice nécrologique ,.sur M. Besnard ; par M. Go-
defroy, 46
——— sur M, Thouret ; par M. Gosseaume , 53
sur M, de Gaulle ; par M. Vialis, 57
— sur M, le Comte Fourcroy ; par M. Vitalis, 59
Prix proposé pour 1811, 64
Tableau des observations météorologiques ; par M.
Vitalis, 66
BE&ëLLES-LETTRES.
RAPPORT FAIT PAR M. GoOURDIN.
Ouvrages annonces ou analysés dans ce rapport.
Précis analytique des travaux de la Société des scien-
ces , lettres et arts de Nancy , 67
Collection des actes de l’Académie d’ Amiens, 68
Détail des travaux de la Société d’agriculture et de
commerce de Caen, ibid.
Rapport de la séance publique de la Société d’émula-
tion de Rouen, ibid.
Réve d’une académicienne ; par Mie le Masson le
Golft , 69
ÆEpitre en vers français sur la grammaire ; par M. le
Wénateur François de Neufchâteau, ibid.
Co5)
Recherches sur l’ancienne législation et sur l’organise:
tion judiciaire ‘en Bretagne , 69
MNapo'éon ent Prusse ; poëme » par M. Brugniere n ibid,
Lettre sur cetre question : les mots AVANT QUE peu-
vent-ils avoir pour complément la négative NE ?
par M. Valart , ibid.
Pièce de poësie; par M. Guilbert , ibid.
Notice biographique sur M. Hersan; par M. Boucher ,
7o
L' Impériale et la Rose ; par M. Rivet , ibid,
Remarques sur la valeur et l’usage du mot davantage ;
par M. l'abbé Baston, ibid.
Remarque sur l’emploi du mot observer et sur celui du
mot nerveux ; par M. Duputel, 71
Essai sur le bonheur ; par M, Boïeldieu , ibid.
Discours de réception de M. Thieullen , 75
———— de M. Lefilieul , 74
L'Iris et Flore , fable ; par le même, ibid.
Pièces de poësie ; par M. Mustel , 75
Le Bonheur et le Parjure, imitation en vers français ;
par M. de Glanville, /"T1bids
Eptres à Amélie; par M. Lemesle , ibid,
Le Papillon , recueil de fables | chansons et autres
pièces fugitives ; par M. Lehlleul, 76
Les deux Roses, apologue ; par M. Boïeldieu , 77
L’Oïson et le Serpent, fable ; par M, Duputel, ibid.
La Flamme et les Tisons, fable ; par le même, 78
Le Songe ; par M. d’Ornay, ibid.
Pièce de vers adressée aux Francais , et spécialement
aux Colons de S,. Domingue ; par M. Duval-Sana-
don, 79
Onan , ou le Tombeau du Mont-Cindre , poème en
vers ; par JM. Petit, 80
Variétés historiques et littéraires ; par M. Toustain
de Richebourg, ibid.
C96)
Discours relatifs à l’établissement d’un cours d’his=
toire et de littérature ; par M. Lemesle , 80
Mémoire sur les sépultures ; par M, d’Ornay, ibid,
- Essai sur Alféri ; par M. de Glanville, 8r
Mémoire sur cette question : Est-il vrai que, pour les
opérations intellectuelles, la femme ne diffère de
l'homme que par l'éducation? ; par M, l’abbé
Baston, 82
Recherches sur l’origine des Philistins et la situation
de lile de Caphtor ; par M. Gosseaume, 83
Observations sur l'origine des anciens empires ; par le
même , 85
MNouvelle édition des éléments d’histoire de France et
d'histoire romaine ; de le Ragois ; publiée par M.
Bérenger, 86
La morale chrétienne mise en action ; par le même,
ibid,
Traduction de Salluste ; par M, Mollevaut, ibid,
Détails sur des tombeaux découverts dans un champ
de la commune de S. André-sur-Cailly ; par M.
l’abbé Baston, ibid.
Réflexions sur le culte de Cybèle dans les Gaules ;
par M. Gourdin, by
Discours prononcé par M. Descamps à l’owerture
du musée de peinture , d8
Quelques réflexions sur Raphaël ; par M. Descamps,
ibid,
Prix proposé pour 1811, 89
Fin de la Table,
PRÉCIS ANALYTIQUE
INESPEE REA V AUX
BEMETA CA D'EMIE
DES SCIENCES | BELLES- LETTRES ET ARTS
BR RO EUN?
PENDANT L'ANNÉE IOII.
A ROUEN
_ De l'Imprim. de P. PERIAUX , Imp. de l'Académie ,
| rue de la Vicomté , n° 30.
|
1:61;
PRECIS ANALYTIQUE
AUS CT RAY AU X
\
DE L'ACADÉMIE
DES SCIENCES, BELLES - LETTRES ET ARTS
DE ROULN,
PEN D AUX TU PA NS RE 1817 }
D'APRÈS le compte qui en a été rendu
par MM. les Secrétaires , à la Séance
publique du 9 Août de la mëme année.
\
D'ISCIOPUERS
Prononcé à l’onverture de la Séance publique, par
M. DemADreres | Maire de ‘a ville de Rouen,
membre de la légion d'honneur | Baron de l’Empire ,
Président de l’Académie.
LM RO TPE :
C'est pour la patrie bien plutôt que pour la gloire
A 2
C4)
que nous sommes nés , à dit l'Orateur ro-
main.
Ce philosophe éloquent , qui avait pour maxime
que la moindre de nos actions , celles même qui
paraissent indiflérentes , ne pouvaient être séparées
d’un devoir , n’eût sans doute point fait des Letires
l'éloge le plus brillant , le plus pompeux et le plus
juste , s'il les eût regardées comme le fruit inutile
de l'imagination, comme un simple amusement de
Pesprit ; il savait que , compagnes et interprètes de
la philosophie , les Lettres sont nées pour le bon-
heur des hommes ; il savait même, par sa propre
expérience, combien elles peuvent contribuer au
salut d’un Empire. E
N’en doutons pas, Messieurs , les Lettres n’é-
taient parvenues chez les Grecs à un si haut de-
gré de splendeur et d'estime, que parce qu’elles
étaient toutes consacrées à l'avantage comme à la
gloire de la patrie. Démosthènes , du haut de la
tribune , mettait en fuite les phalanges de Philippe ;
Sophocle et Euripide enchainaient l'ambition de
tous ceux qui auraient osé altenter à la Liberté
pationale ; Aristophane corrigeait les vices ou les
ridicules des particuliers ; et le burin de l’histoire,
dans la main de Polybe, de Xénophon , de Plu-
tarque , gravait ces grands évènements qui don-
nent à la postérité les leçons de l'expérience , et
traçait les portraits de ces hommes qui , par
leur courage , leur habileté ou leur vertu ,
avaient bien mérité de la chose publique , et
C5)
offraient par conséquent à leurs descendants
de beaux , d’excellents modèles à imiter et à
suivre.
Ne croyez point que les Lettres, en changeant
de climat , aient changé de destination. Elles ne
ressemblent point à ces ruisseaux qui, en s'éloi-
gnant de leur source , perdent la limpidité ou la
salubrité de leurs eaux.. Vous les retrouvez chez
Corneille , chez Racine , chez Bossuet, chez Féné-
lon , chez Paschal , chez Montesquieu , ayec le
même caractère d'utilité qui leur était propre dans
la Grèce. J'oserais même dire qu'à cet égard nous
l'emportons sur les anciens , puisqu'il était réservé
à notre temps de voir disparaître ces lignes de
démarcation qui séparaient en quelque sorte le
domaine des Sciences et des Arts de celui des
Lettres. Une heureuse alliance semble aujourd’hui
les confondre , et désormais les muses sévères et
les muses agréables se tiendront par la main comme.
les graces. Les Arts, pour avoir perdu leur rudesse :
et les Sciences , leur sécheresse et leur âpreté ,
en seront-ils moins utiles ?
Peut-être, au contraire , est-ce à cette urbanité
que nous ayons su introduire dans leur commerce
que les Sciences doivent une partie de la perfec-
tion à laquelle elles sont parvenues de nos jours,
Les avenues qui conduisent à leur sanctuaire ,
autrefois âpres et difficiles, sont applanies ; il n'y
avait que quelques privilégiés qui pouvaient être,
luitiés à leurs mystères ; aujourd'hui nos bataillons,
Aa
À (6)
instruits à-la-fois dans la science d'Archimède et
d'Euclide , sauf Part de Polybe et de Vegète »
enchaïnent conustammert la victoire aux drapeaux
de NapoL£on ; et ces mêmes sciences , plus mo-
destes , mais non moius intéressantes , doublent
dans nos ateliers nos forces physiques et y dorment
aux métaux même l’action , la vie ; j'allais presque
dire l'intelligence.
Un autre genre de connaissance qu'il semblait
réservé à notre siècle de porte“ à une perfection
dont l'antiquité ne le croyait peut-être pas capa-
ble , cest la chimie, cette science si utile , si
préciense , si étonnante , qui, analysant toutes les
substances , et pénétrant jusques dans les labora-
toires de la nature , devient en quelque sorte sa
rivale , puisquelle enfante et qu’elle cree comme
elle. En vain une nation jalouse , puissante far sa
position , cherche à nous nuire en nous privant des
productions exotiques qui nous sont nécessaires ;
le génie des sciences saura réparer nos pertes à
cet égard. Vainement la paresse et la prévention
voudraient arrêter son essor par l’éternel mot , tout
est dit , le génie ne connaît point de bornes ;
et c’est alors qu’il prouvera combien elles sont
utiles.
Si les sciences n'offraient que de yaïnes spécu-
Jations, elles seraient alors comme ces météores
brillants qui, en enflammant l'horison , eéblouissent
les yeux et disparaissent. Mais les Sciences prétent-
elles une maïn amie aux Arts; les vyoit-on s'unir ,
4)
s’embrasser , se prêter un mutuel secours , alors,
leur flambleau ressemble à l'astre bienfaisant dont
les rayons puissants animent, colorent , vivifient
et mürissent les productions de l'Univers ; sa mar-
che simple , constante et uniforme est celle de tout
ce qui est utile ; c’est par conséquent la marche
des Sciences et des Arts. C’est aussi celle des Let-
tres, car, comme je vous l'ai montré, Messreurs ,
les Lettres renferment en elles un genre d’uti-
lité qui , pour être moins sévère , n’en est pas
moins précieux pour la société. Les Lettres embel-
Hssent la morale, et la morale seule donne de la
stabilité aux Empires , comme elle va porter le
bonheur et la paix dans les plus humbles retraites.
Les Lettres adoucissent les traits austères et quel-
quefois sauvages de la sagesse. A la faveur d’une
ingénieuse allégorie , la vérité se fait écouter ,
et le cœur ne résiste guères quand l'esprit est
séduit.
Heureux , Messreurs , si, dans le compte que
MM. les Secrétaires de l'Académie vont vous ren-
dre de ses travaux , vous trouvez à faire Pappli-
cation de ce que je viens d’avoir l'honneur de
vous dire de Putilité des Sciences , des Lettres
et des Arts. Vous y verrez , nous avons la con-
fiance de le dire, que chacun de nous a dirigé
ses ellorts vers ce but auquel toute association
littéraire doit son institution,
C'est par là que l'Académie a cherché à méri-
ter en ce jour le sufrage d'une assemblée coms
À 4
(8)
posée des personnes de cette cité les plus re-
commandables par leurs lumières , et parmi les-
quelles nous remarquous avec une sorte d’orgueil
un sexe chez lequel la nature aime à unir aux
graces , ce goût fin ; ce tact délicat et sûr qui
le distingue.
(9)
S'COIEMGE STE ARTS.
R'A FLPEG'R T
Fait par M. ViraAzris, Secrétaire perpétuel de
l’Académie, pour la classe des Sciences.
MESSIEURS,
Depuis long-temps les Sciences n’ont obéi ayec
plus de zèle et de succès que dans les circonstances
présentes à l'impulsion qui leur a été donnée par le
gouvernement. L'agriculture , les sciences physiques
sur-tout ont déployé , cette année, une vigueur nou-
velle, et se sont disputé le glorieux avantage de
répondre à l'appel honorable du Chef suprême de
l'empire.
Nos relations politiques avec les puissances étran-
gères , et par une suite nécessaire la situation
actuelle de notre commerce , nous imposaient des
privations qui se faisaient plus vivement sentir de
jour en jour. La soude , le sucre , l'indigo avaient
cessé d’arriver dans nos ports et d'alimenter nos
besoins ou notre industrie.
Noire auguste Empereur conçoit aussi-tôt le noble
projet d’affranchir pour toujours ses vastes États du
tribut onéreux que uous portions à l'étranger. Des
récompenses maguifiques, des encouragements de
toute espèce sont proposés à l'émulation des
à (19: D
savants, qui, fiers d’être associés en quelque sorte
aux desseins du grand NAPoLéoN , interrogent la
Science et la forcent de répondre aux vues de
Sa Majesté.
De toutes parts on tente des essais, on multiplie
les expériences. Les succès répondent aux effôrts,
et chacun s'empresse de déposer , aux pieds du
trône , l'hommage respectueux de son dévouement,
le fruit de ses méditations et de ses travaux.
Peut-être , MEssiEuRs , nos concitoyens ne yer=
ront pas ,; sans quelqu'intérêt , l’ardeur avec
laquelle vous étes entrés vous-méme dans cette
nouvelle carrière , et les efforts que vous n’avez
cessé de faire pour ajouter quelques épis à la
gerbe récoltée dans le champ fertile des sciences.
Les mathématiques , la médecine , oceuperont
aussi une place distinguée dans le rapport que j'ai
l’honneur de vous soumettre ; et dans lequel je
me vois, à regret , forcé de n’accorder au déve-
Joppement de vos travaux réunis que le court
espace de temps qui suflirait à peine pour analyser
avec une juste étendue quelques-uns des mémoires
que la classe des sciences à produits.
Cette considération essentielle, et que je vous
prie, Messieurs , de ne pas perdre un seul instant
de vue, vous disposera , sans doute , à me continuer
votre bienveillance accoutumée.
D CI EUNYGNEVS ME A THÉ MIAUT Æ QUU LS
M. Periaux |, membre résidant, a fait hommage
à l'Académie de plusieurs éxémplaires de chacun
des deux Tarifs qu’il a publiés cette année.
Le premier ést intitulé : Tarifs de In valeur , tant
en francs et centimes qu’en livres , sols et deniers.
(11)
tournois , des anciennes pièces d’or et d’argent,
d’après le décret impérial du 12 septembre 1810;
suivis de la Réduction des livres tournois en francs
et centimes , et d’Observations sur les paiements à
faire avec les anciennes pièces d'or et d’argent.
Le second a pour titre : Tarifs des anciennes
monnaies d’or et d’argent, contenant, 1° la valeur
des pièces de 48, 24, 6 et 3 livres, tant en francs
et centimes qu’en livres, sols et deniers tournois ;
2° la valeur , au change des monnaies , tant des
pièces ci-dessus que de celles de 6 , 12 et 24 sols,
selon les nouveaux et les anciens poids.
Ces Tarifs, dit M. Bonnet, qui a été chargé d’en
rendre compte , sont dressés avec un très-grand
soin , et le {ormat portatif sous lequel l’auteur les
a réunis leur donne un nouveau dégré d’utilité.
= M. Francœur vous a fait parvenir un exem-
plaire de ses Éléments de Statique : ouvrase destiné
aux candidats de l'école polytechnique et aux
élèves des lycées.
» Les génies du premier ordre, dit M. Meaume ,
qui vous à fait un rapport sur cet ouvrage , se
sont rarement occupés des éléments, et c’est un
malheur pour l'instruction publique.
» Cependant il existe sur la statique plusieurs
ouvrages estimés à juste titre , tels que le Traité
de Monge , les Eléments de Statique de Poinsot,
les Lecons de Starique de Garnier.
» Les Éléments de Statique que vient de publier
M. FrancϾur sont extraits, en grande partie, de
son Traité élémentaire de Mécanique.
» L'ouvrage se compose de trois chapitres, dont
chacun se divise en plusieurs articies.
C2)
» Dans le 1®* chapitre, l’auteur traite des con-
ditions d'équilibre entre trois forces, entre plu-
sieurs forces qui concourent en un point , et entre
des forces parallèles. Il donne ensuite un moyen
général pour décomposer les forces , et fait con-
naître la manière d'évaluer les pressions exercées
sur les points et les axes fixes, etc., etc.
» Le 2° chapitre commence par des définitions
très-claires sur la gravité, le poids, la masse, la
densité, L'auteur fait voir que le centre des forces
parallèles prend le nom de centre de gravité,
quand il s'agit de la pesanteur , ou mieux, suivant
Euler |, du centre d’inertie. 1] détermine ensuite
successivement le centre de gravité du périmètre
et de laire des figures rectilignes et celui des
polyèdres. Ce chapitre renferme plusieurs démons-
trations nouvelles.
» Le 3° chapitre traite d’abord des machines
simples, telles que la poulie, le treuil, les roues
dentées , le cric , la vis et le coin ; on y trouve
ensuite quelques notions générales sur les machi-
nes composées.
» Les Eléments de Statique de M. Francœur ,
continue M. Meaume , sont très-propres à remplir
l'objet pour lequel ils sont destinés. Les méthodes
analytiques employées par l’auteur sont d’autant
plus avantageuses que c’est d’après ces mêmes mé-
thodes que les élèves de lécole polytechnique
étudient la mécanique de M. Francœur ou celle
de M. Poisson.
— Nous avons aussi reçu de M. Francœur
un manuscrit sur les combinaisons , les permuta-
tions , les nombres figurés , etc.
Dans le compte qu'ils ont rendu de cet ouvrage ,
à (130
MM. Meaume et Blanchemain ont annoncé qu’on
y rencontre des points de vue nouveaux , des
recherches et des méthodes qui font honneur au
génie et à la sagacité de l’auteur , avantageuse-
ment connu d’ailleurs par un grand nombre d’excel-
lents ouvrages qu'il a publiés sur diverses parties
des mathématiques.
= M. Lepriol , proviseur du lycée de Rouen,
a fait hommage à l'Académie de son ouvrage in-
titulé : Introduction à la physique et particulitre-
ment à la mécanique.
Organe de la commission chargée de vous en
rendre compte, M. Lhoste , après avoir exposé les
motifs qui ont déterminé l’auteur à détacher ces
prolégomènes d’un ouvrage plus étendu , et à les
publier , continue ainsi :
» Dans la 1e partie , M. Lepriol parle de lob-
jet de la physique , des sources où elle puise ses
principes , des règles qu’elle doit suivre, et des
secours qu’elle doit emprunter pour atteindre son
but ; il fixe enfin la signification d'un grand
nombre de termes en développant les idées qu'on
y attache.
» Dans la 2° partie, qui est la plus étendue ,
et qui aurait mérité , dit toujours M. Lhoste ,
d’être intitulée Philosophie de la mécanique , VAu-
teur s'est proposé de donner des notions exactes du
mouvement, de ses espèces, de leur mesure et
de leur composition , de l'inertie, de la force ,
des différentes espèces de force et de leur mesure,
de l’antagonisme et de la pesanteur terrestre. De là
il passe à la composition des forces, puis à la dé-
termination et à la composition de leurs moments,
Euln l'ouvrage est terminé par lexposition du
C14)
principe des vitesses virtuelles et de sa combi-
naison avec celui de d’Alembert. «
M. Lhoste remarque que l'ouvrage contenant
beaucoup d'analyses algébriques, il s'est vu forcé,
quoiqu’'à regret, de passer sous silence beaucoup
de choses excellentes.
Mais si M. le Rapporteur n'a pu suivre par-
tout l’auteur pas à pas , il ne l'abandonne jamais
toutes les fois que la nature des matières le Jui
permet , et il a grand soin d'entrer dans tous les
details qui peuvent faire ressortir le mérite de
l’ouvrage.
» Nous terminerons cet extrait , continue M.
Lhoste, en disant que le style est clair, facile et
approprié à la matière ; que le livre porte un titre
top modeste, et que M. Lepriol a donné plus qu'il
re semblait avoir promis ; car, d’après le utre, on
pourrait croire qu’on n’y rencontrera que de sim-
ples notions sur la physique et la mécanique, et
lon y trouve la philosophie de lune et l'autre
partie. EnGn, la lecture de l'ouvrage nous a con-
vaiucu que Pauteur n’est pas moins versé dans la
métaphysique que dans la connaissance des hautes
mathématiques , et nous a fait désirer vivement la
prompte publication du travail entier. «
huias
= M. Salva , de Rouen, a fait remettre à la À
Compagnie quelques exemplaires du Mémoire sur
les Longitudes dont il lui avait déjà adressé le
manuscrit.
É 'HAYAS AIT QUE,
M. Chevalier , ingénieur opticien à Paris , vous
a ädressé un ouvrage ayant pour ütre : Le Conser-
vateur de la Vue.
(516 9
M. Lhoste vous a présenté une analyse très-bien
faite des vingt -un chapitres dont se compose
le travail de M. Chevalier.
» Le livre de M. Chevalier, conclut M. Lhoste ,
n’occupera pas une page dans l'histoire de la science,
mais il sera utile aux personnes qui ont besoin des
secours de l’art pour faire usage de leurs yeux ,
et tel est le but que lauteur s'était proposé, «
= L'Académie a recu de M. Sage , fondateur et
directeur de la première école des mines , membre
de l'institut , une brochure intitulée : Exposé des
Effets de la Contagion nomenclative , et Réfutation des
Paradoxes qui dénaturent la physique.
En rendant justice à la droiïture des intentions
de l’auteur , vous n'avez pu, Messieurs | vous
empécher de remarquer que les reproches qu’il
adresse à la nouvelle nomenclature introduite depuis
environ 40,ans , dans les sciences physiques en
général , et dans la chimie en particulier , ne sont
pas aussi fondés qu’il juge à propos de le dire,
et que ce qu’:l nomme paradoxes ne sont que des
vérités de fait que M. Sage lui-même s'empressera
de reconnaitre aussitôt qu’il voudra prendre la peine
de répéter les expériences nombreuses qui leur
servent de base.
= Il vous a été adressé, Messieurs, une brochure
qui a pour titre : Mémoire sur deux faits nouveaux ,
lInflammation des Matières combustibles et l’Appa-
rition d'une vive Lumière , obtenues par la seule
Compression de l’Air , lu dans la Séance pubiique
de l'Académie de Lo » le 27 mars 1804 , par
JMollet, membre de ladite Académie , et actuel-
lement doyen de la faculté des sciences.
1
C:6)
» C'est au milieu de 1802 , dit M. Mollet, que
l'expérience dont il s’agit vint à ma connaissance,
et c’est à la fin de la même année que j’eus l'hon-
neur de la communiquer à l’Institut... Les Com-
missaires nommés par cette illustre Compagnie
mayant pu réussir à produire l'effet annorcé, nous
cherchâmes à Lyon , MM. Eyrard , Haez , Gensonl et
moi, et nous trouvâmes , vers la fin de 1803 , quelle
était la condition nécessaire pour assurer le succès
de l'expérience et la rendre immanquable. Je pus
alors en donner la véritable théorie , et l'expérience
faite à Paris , chez M. Dumotiez, en se conformant
exactement aux renseignements que j'avais donnés ,
réussit, pour la première fois , dans le mois de
février 1804 .... Cependant, plusieurs physiciens
m'ayant paru ignorer l'origine et les auteurs de cette
belle expérience , et l'Académie de Lyon , déposi-
taire de tous ces détails , n'ayant jusqu'ici rien fait
imprimer , j'ai cru qu'il convenait , autant pour
éclairer sur ce sujet les physiciens de tous les
pays, que pour nous assurer la gloire de cette dé-
couverte , de publier enfin un Mémoire où les faits
sont racontés dans la plus exacte vérité, et où l’on
a essayé d'en donner une explication que je crois
complète et satisfaisante «,
L'auteur à , en effet , donné du phénomène
Vexplication la plus précise, la plus lumineuse et
Ja plus conforme aux vrais principes de la physique.
L'Académie s'empresse de rendre aux Savants
lyonnais qui ont contribué , par leurs lumières ,
à perfectionner l'expérience du Briquet pneumatique,
Ja justice qu'ils sont en droit d'attendre, et elle prie
M. Mollet, en particulier , de recevoir ses remerci-
ments pour la communication qu'il a bien voulu lui
donner de son intéressant Mémoire sur cet objet.
ARTS
de. sa
\
(17)
ÀÂRTS MÉCANIQUES.
M. le Préfet du département a envoyé à l’Aca-
démie le décret rendu par Sa Majesté impériale
et royale , le 7 mai dernier , en vertu duquel un
prix de la valeur d’un million sera accordé à lin-
venteur de la meilleure machine propre à filer le
lin, substance végétale si nécessaire à nos fabriques ,.
et que l’on récolte sur le sol de la France.
» Je ne doute pas, Messieurs, dit M. ie Préfet :
que l'Académie ne se fasse un devoir de concourir
de tous ses moyens à encourager et à diriger les
artistes qui voudront concourir > et qui lui feront
part de leur intention, «
La Compagnie a chargé M. le Secrétaire de faire
savoir à M. le Préfet qu’elle usera de tous les
moyens qui sont en son pouvoir pour répondre à
ses vues et à celles du gouvernement , soit en
éclairant les artistes qui s’adresseront à elle sur
les différents articles du programme , soit en les
aidant, s’il est nécessaire , dans la rédaction des
mémoires et dans le dessin des coupes , plans ou
profils des machines qu'ils voudraient présenter au
concours.
= La Societe des inventions et découvertes s
séant à Paris, a fait hommage à l'Académie de son
Annuaire pour les années 1810 et 1814 , et l'a price
de l'agréer comme une preuve du desir d’entre-
tenir avec elle nne communication d’idées qui doit
tourner au profit des amis des arts,
= M. Lair, secrétaire de la Société d'agriculture
et de commerce de la ville de Caen, et membre
B
C:8)
non résidant , vous a adressé une Motice sur la
troisième exposition des Produits des Arts du Cal-
vados.
L'arrivée imprévue de Leurs Majestés dans la
ville de Caen , le 22 mai 1811 , a fait entreprendre
à la hâte cette troisième exposition des produits des
arts du département du Calvados , et M. Lair ,
secrétaire de la Société , qui se signale par
son dévouement pour tout ce qui peut tendre à
l'encouragement du commerce et des arts, a eu
la douce jouissance d'offrir aux yeux de Sa Majesté
trois salles élégamment décorées , et de lui ex-
pliquer la nature et la confection des ouvrages les
plus parfaits et les plus ingénieux. Sa Majesté a
témoigné beaucoup de satisfaction , a examiné avec
intérêt les divers ouvrages , au nombre de 200,
eta daigné concourir elle-même à l'enconragement ,
en donnant ordre de porter à son palais des den-
telles superbes et des bas de coton d’une extrême
finesse et de la plus grande beauté.
CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES.
M. Dubuc , apothicaire chimiste, à Rouen , et
membre de l'Académie , a lu un écrit qui a pour
tre: Considérations ou Notes générales , faisant suite À
aux Mémoires précédemment publiés par l’auteur ,
sur le Sucre extrait des pommes et des poires 4
sur son emploi dans l’économie rurale et les besoins
de la vie , comme supplément au Sucre étranger.
Depuis plus de deux ans M. Dubuc s'OCCUpeM
avec un zèle digne d’éloge , à fabriquer le sirop
de pommes et de poires, dans la vue de suppléer ,
autant qu'il est possible ; au sucre de la canne:
Le seul département de la Seine compte dejà six ou
C19)
huit établissements dans la plupart desquels on suit,
pour la préparation du sirop de pommes , les pro-
cédés indiqués dans les deux mémoires que notre
confrère a publiés sur ce sujet.
Mais uue fabrication plus étendue qu'il vient d’en-
treprendre tout récemment ,; a mis M. Dubuc à
portée de faire de nouvelles observations qu’il s'em-
presse de communiquer à la Compagnie , parce
qu'il les regarde comme propres à simplifier et à
régulariser l'opération qui doit convertir le moût de
nos fruits à pepins , en principe sucré.
La première observation regarde le moyen d’a-
mener le sirop de pommes ou de poires au degré
de l'aréomètre auquel il est commerçable. En cet
état , il doit marquer de 58 à 40 degrés , evil est facile
de l'ameuer à cette densité quand on n’opère que
sur 5o ou 60 litres de moût ; mais si l’on travaille sur
des masses quarante ou cinquante fois plus considé-
rables , aussi-tôt que le liquide dépasse 56 ou 37 degrés
aréométriques , le calorique agit avec tant d'énergie
que bientôt le sirop noircit, prend un goût de
caramel , perd sa saveur douce, moëlleuse et agréa-
ble, et tourne à l’amer. Notre confrère conclut de
cette observation qu'il ne faut donner au sirop dont
il s’agit que 56 ou 57 degrés d’épaississement , afin
de lui conserver toute sa bonté et ses propriétés na-
turelles.
Une autre remarque non moins essentielle , dit
M. Dubuc , est relative à la claritication.
Au blanc d'œuf M. Dubuc est parvenu à substi-
tuer le sang de bœuf ; deux cuillerées de sang équi-
valent à un blanc d'œuf, mais il faut avoir soin de
delayer préalablement le sang dans quatre fois son
volume d'eau ; on l’ajoute ensuite au suc de pommes
froid quon suppose désacidihé et séparé du car-
B 2
C20)
bovate calcaire qui pourrait se trouver en excès
après la saturation de l'acide malique.
M. Dubuc espère même pouvoir se passer du
sang pour clarifier le moût de pommes.
À Ja suite de ces observations , notre confrère,
guidé par l'amour du bien public , signale aux com-
merçants et aux consommateurs les qualités et les
propriétés que doit offrir un sirop de pommes ou
de poires bien préparé.
10 Le sirop refroidi doit donner 36 ou 37 degrés
à l'aréomètre de Baumé pour les acides et les
sels. Le litre en contient 42 où 45 onces, poids
de marc,
2° Sa saveur doit être très-sucrée.
5 Il doit se dissoudre entièrement dans l’eau
pure , sans Ja troubler ni former aucun dépôt.
4° Une mesure de ce sirop suffit pour bien sucrer
huit mesures de lait pur sans le faire cailler ; il faut
avoir soin d’ajouter le lait peu à peu , en l’agitant
avec le sirop. De là son emploi dans les crèmes ,
les épinards, les frangipanes , le café au lait , etc:
5o Une partie en poids de ce sirop sucre forte-
ment cinq parties d’eau-de-vie. Le mélange laisse
déposer , aprés 24 heures , un peu de mucilage
qu'on sépare aisément par le filtre.
60 Cinq ou six livres de sirop suffisent pour réduire
en confiture , très-agréable au goût , trente ou trente-
deux livres de fruits mondés et cuits à petit feu
pendant huit où dix heures.
Ea conséquence naturelle que M. Dubuc tire de
ces faits, cest que la confection du sirop de
pommes et de poires offre des avantages p'écieux ,
des ressources nombreuses , et que l’on doit être
étonné de voir méconnues par un savaul très-res-
pectable d'ailleurs qui parait donner exclusivement
la préférence au sirop et aux conserves de raisin,
(21)
L'expérience m'’a déjà prouvé , ajoute M. Dubuec ,
qu’en délayant une partie de sirop dans dix ou douze
parties d’eau , et en y ajoutant une petite quantité
de levure de bière ou de tout autre ferment , on
obtient en huit ou dix jours, et à une température
moyenne ,; un cidre de bonne qualité : ayantage
précieux que n'offrent ni le sucre ni le sirop de
raisin,
= M. Parmentier, membre de l'Institut de France,
et membre non résidant de la Compagnie, vous a
fait parvenir son Traité sur l’art de fabriquer le
Sirop et la Conserve de Raisin, destiné à suppléer
le sucre des colonies dans les principaux usages de
l'économie domestique.
Cet ouvrage, dit M. Robert , qui vous en a rendu
compte , est divisé en deux parties,
Dans la première , l’auteur se livre à quelques
considérations générales sur le sucre.
Dans la deuxième , M. Parmentier, après avoir
parlé de l'application des sirop et conserve de raisin
à la cuve en fermentation , parcourt rapidement le
cercle des ressources les plus essentielles que l’éco-
nomie domestique et le médecin peuvent trouver
dans le raisin considéré comme supplément du
sucre. ,
M. le Rapporteur combat l'opinion de M. Par-
mentier qui, trop prévenu peut-être en faveur du
sirop de raisin , prétend qu'à tort on a voulu
accorder quelque mérite au sirop de pommes ou
autres préparations analogues, et que sa fabrieation
ue pourra, dans aucun temps , occuper de grands
établissements.
Il est vrai que MM, Robert et Dubuc n’ont fait par-
Venir à M. Parmeulier qu’une petite quantité de sirop
B 3
( 22 }
de pommes ; mais on ne leur avait demandé que des
échantillons, et ceux qu'ils ont envoyés suflisaient
pour faire connaitre la nature du produit de leurs
recherches. Depuis cette époque, M. Parmentier
n'a pu ignorer qu'il s’est élcvé , à Rouen et aux
environs , une foule de fabriques de sirop de pom-
mes , qui ont fait des envois considérables tant
pour Paris que pour les départements.
En terminant’ son rapport , M. Robert paye à
M. Parmentier le tribut d'estime et de reconnais-
sance dues à ses profondes connaissances et aux
utiles travaux dont il ne cesse de s'occuper.
= M. Poutet, pharmacien , à Marseille, vous a
fait parvenir son Mémoire sur la fabrication du
Sirop et du Sucre de raisin,
Cet ouvrage, dit encore M. Robert , au nom de
Ja Commission dont il est l'organe , moins étendu
que le précédent, mais non moins intéressant par
les détails précieux qu’il contient, est divisé en
plusieurs chapitres dans lesquels l’auteur traite
successivement des variétés des raisins de son
département , du foulage des raisins, du mutisme,
de la saturation et de la clarification du moût ,
de la concentration du sirop et de sa décoloration.
M. Poutet est aux yeux de la commission un
praticien habile qu’elle aime à placer au rang de
ceux qui consacrent leur efforts à propager les
découvertes utiles , et à mériter ainsi la bienveillance
de leurs concitoyens.
= M.le Préfet vous a adressé | Messreurs , un
Rapport fait à Son Excellence le Ministre de l'In-
térieur , sur la fabrication du Sucre de raïsin,
suivi d’une /nstruction sur les moyens les plus propres
à simplifier les opérations et à en assurer le succès.
C25)
» Annoncer, disent MM les Commissaires chargés
de rendre compte de ces deux pièces , qu’elles
sont l’ouvrage de MM. Bertholilet , Vauquelin ,
Proust , Chaptal et Parmentier , c’est donner tout-
à-la-fois Pidée de leur importance et de leur
mérite «c,
= M. Proust , membre non résidant de l'Aca-
démie , vous a fait hommage de plusieurs exem-
plaires de son Mémoire sur le mutage du suc de
raisin , extrait d'une lettre écrite de Noyon
à M. le Sénateur Berthollet , le 22 septembre
dernier.
Instruit, par l'expérience , que le sulfite de chaux
est décomposable par l'acide tartarique , et que le
gaz acide sulfureux a la propriété de décolorer le
moût de raisin, M. Pronst est parvenu à conserver
le moût de raisin pendant un assez long-temps et
sans altération , au moyen d’un procédé plus simple ,
plus facile et plus prompt que le procédé ancien
qui consistait à faire brüler trois ou quatre mèches
souflrées dans les tonneaux destinés à recevoir le
moùt.
» Ainsi, dit M. Robert , au nom de la commis-
sion dont il est l'organe , ainsi M. Proust moissonne
chaque jour dansle champ qu’il à défriché le premier.
L'Académie applaudira d'autant plus volontiers aux
succès de notre savant confrère , qu’elle regarde
comme un de ses devoirs les plus chers d’accueillie
avec intérét tous les travaux utiles , et de concourir
de tout son pouvoir à la propagation des lumières «.
= M. J’italis a eu l'honneur de vous communi-
uer un Rapport ue M. le Préfet l'avait charge de
PP sq 5
B 4
(24)
Jui faire, sur l’extraction du sucre de la racine de
betterave.
L'Académie a délibéré que ce rapport serait
imprimé en entier daus le Précis analytique de
cette année. ( J’oyez ci-après. )
— M. Dubuc l'ainé , membre résidant , vous a
communiqué un écrit contenant trois expériences
sur une petite portion du sirop de betteraves pré=
paré par M. Vitalis, pour l'essai dont il a été parlé
dans l'article précédent.
La 1° expérience a pour objet la propriété dont
jouit l’alcool de séparer du sirop de betteraves
deux substances de nature hétérogène , lune solu-
ble dans l’eau et non dans Palcook, et qui a tout
les caractères du corps murçueux ; l'autre noirâtre,
désagréable au goût, insoluble dans l'alcool, et qui
m'est tenue en dissolution dans l’eau que par l'in-
termède du mucilage et du principe sucré. Le sucre
candi obtenu par l’'évaporation de l'alcool, et dont
il a été mis sous les yenx de l'Académie un
échantillon , démontre , dit notre confrère , que
Valcool pourrait être employé avantageusement
dans la préparation en grand du sucre de bette-
raves, si son prix n’était pas trop élevé.
Dans la 2° expérience, M. Dubuc fait voir qu’en
ameuant le suc de betteraves à 21 dégrés de l’aréo-
mètre de Beaumé , et en le chargeant d’une cer-
taine quantité de gaz acide sulfureux, on parvient
promptement à purifier et à clarifier le suc de
cette plante. L’auteur convient cependant que ce
procédé réussit moins bien que l'alcool pour élimi-
ner les deux substances hétérogènes mélangées
avec le suc dela betterave. On s’empare du reste
de l'excès d'acide qui pourrait se rencontrer au
| (2%)
- moyen de la chaux éteinte à l'eau et bien tami-
sée.
Par la 5° expérience , notre confrère se propose
de constater de nouveau un fait qu'il a remar-
qué depuis long- temps , en préparant la sub-
stance sucrée que donvent les poires et les pom-
mes , savoir , qu'une légère fermentation dans le
suc des plantes pent en séparer les corps hété-
rogènes sans altérer sensiblement le principe su-
cré. Cette expérience appliquée au suc de bette-
raves, promettait, dit M. Dubuc , d’heureux ré-
sultats , mais un accident imprevu et trop com-
mun dans les laboratoires, ne permit pas de conduire
le travail à sa fin.
= Organe d'une commission nommée pour cet
objet, M. Dubuc vous a fait un excellent rapport
sur deux échantillons de savon présentés à l'Aca-
démie , l'un par M. Holker fils, manufacturier de
produits chimiques à Rouen, l'autre par M. 'iralis.
La Commission annonce qu’elle a reconnu dans
ces deux échantillons presque toutes les condi-
tions qui caractérisent un savon de bonne qualité ;
mais qu'ils manquent du coup-d'œil marchand ,
du moelleux et de l'uni dans la conpure : imper-
fections legères aux yeux des chimistes, disent MM.
les Commissaires, mais qui empécheraient que des
savons ainsi préparés pussent soutenir la concur-
rence commerciale sans laquelle un établissement
de ce genre ne peut se flatter de prospérer.
Peu de temps après, M. Vitalis ayant eu lhon-
neur de soumettre au jugement de l’Académie un
nouvel échantillon de savon , toujours préparé
avec la soude artificielle |, M. Dubuc, au nom de
la Commission , vous a fait un nouveau rapport daus
lequel il s'exprime ainsi :
C26)
» Il est résulté de l'examen de la Commission
et de celui des négociants qui tiennent la partie
des savons , que le savon préparé par M. Vita-
lis a l'aspect, l'uni , le moelleux et l'odeur par-
ticulière des savons du midi , et qu'il les égale
en bonté par ses qualités détersives et savou-
neuses. «
M. Dubuc a profité de cette occasion pour faire
savoir à l'Académie que notre confrère ,; M. Ro-
bert, s'était aussi occupé de la confection du savon
avec des soudes fabriquées par M. Dubuc le jeune,
manufacturier de produits chimiques, à Rouen :
j'en ai, dit-il, chez moi un échantillor qui a beau-
coup de rapport et d’analogie avec les savons
blancs du midi.
— M. Pavie, membre résidant, vous a commu-
niqué , au mois de février dernier, des observa-
tions sur le procédé employé pour teindre en
bleu , par la cuve montée à chaud , au moyen
de l'ivatis tinctoria , connu dans le commerce sous
le nom de vouede et de pastel.
L'Académie a jugé ce Mémoire digne d’être im-
primé en entier. ( Voyez ci-après ).
— Le même membre (M. Paie), en vous pré-
sentant , au mois d'avril dernier , un petit échan-
tillon d'indigo qu'il avait réussi à extraire de la
plante du pastel, vous avait annoncé , MESSIEURS ,
qu'il s’occupait de traiter en grand cette nouvelle
branche d'industrie, d’après l'invitation qui lui en
avait été faite par Son Excellence le Ministre de
l'intérieur et par M. Savoyÿe-Rollin , préfet de ce
département.
Le succès le plus complet a couronné les eflorts de,
D |
(27)
votre confrère , ainsi que vous avez pu en juger
vous-mêmes , Messieurs, par le bel échantillon qu'il
vous a oflert,
A ce produit, M. Pavie a joint un Mémoire dans
lequel il détaille le procédé qu'il a suivi et qui fui
appartient tout entier ; 1° pour extraire l’indigo de
la plante du pastel; 2° pour amener cette fécule
au plus haut dégré de pureté, Ce Mémoire sera
imprimé à la suite de ce rapport. ( /’oyez ci-après
MÉDECINE.
= M. Boismare, D. M. P., médecin du dépôt
de mendicité de Rouen, et membre résidant, vous
a communiqué , Messieurs , uu Mémoire très-
étendu sur la ropographie et les constitutions mé-
dicales de la ville de Quillebeuf et des lieux cir-
convoisins dont elle recoit des influences. Détermi-
née par l'importance de ce mémoire, l'Académie
a délibéré qu’il paraîtrait en entier daus son Précis
analytique. ( Forez ci-après ).
= Il a été adressé à la Compagnie, par M. Saissr ,
D. M. , à Lyon, membre ron résidant, des con-
sidérations sur quelques mammifères hybernants.
Ce nouveau mémoire, dit M. Gosseaume qui a
bien voulu se charger d’en rendre compte , fait
suite, en quelque sorte, au mémoire du même an-
teur, couronné par l'Institut, et ne peut qu'ajou-
ter à l'opinion favorable que l’Académie avait con-
que du caractère observateur et des belles connais-
sances de M. Saissy. .
= M. Lafisse, fils, D. M..P., vous a fait hom-
mage d’une dissertation qu’il a présentée et soutenue
(28)
à la faculté de médecine de Paris, pour sujet de
son dernier examen. j
Cette dissertation a pour titre : Recherches sur
l'emploi du Quinquina dans les fièvres intermittentes
accompagnées d'hydropisie.
M. Lafisse rapporte d’abord les diverses opinions
sur la cause de ces hydropisies , et il cherche à
établir que ce n’est pas le quinquina, comme
plusieurs auteurs le pensent , mais bien la fièvre
elle-même qui leur donne naissance.
L'auteur cite ensuite des observations dans les-
quelles on voit ces hydropisies céder au quinquiva,
lorsqu'il est donné en quantité suflisante , et il
invoque le témoignage des auteurs qui disent lavoir
vu réussir dans des cas semblables,
M. Lafisse termine par quelques remarques
relatives aux analogies et aux différences qui
existent entre le cas qu’il examine et plusieurs
autres.
La dissertation de M. Lafsse , dit M. Godefroy qui
vous en a présenté l'analyse , se lit avec intérêt. Le
style en est pur , les observations sont bien choisies,
et il faut savoir gré à l’autenr de les avoir réunies
dans un même cadre. Ce premier écrit de.M. Lafisse
doit faire concevoir une haute idée de ses disposi-
tions ei de son discernement.
— M. Lesauvage , docteur en chirurgie , à Paris,
vous a communiqué , Massieurs , la dissertation
qu’il a soutenue à la faculté de médecine de Paris, le
21 juin 1810, et qui a pour titre : Recherches sur
les effeis du verre et des substances vitriformes por-
tées à l’intérieur des organes digestifs.
M. Vigné , dans le rapport que vous l'aviez chargé
de faire sur cette dissertation , s'exprime ainsi :
(29)
» M. le Sauvage reproche à plusieurs médecins ,
* d’ailleurs très-estimables , d’avoir signalé le verre
et le diamant pulvérisés comme déléières , sans
produire aucun fait positif à l’appui de leur asser-
tion ; d’avoir accordé trop de confiance à certains
exemples dénués de preuve décisive et qui justi-
lient doublement son improbation.
» À ces exemples succède une autre série de
faits où il s’agit de plusieurs individus qui, dans
l'ivresse , ayant brisé et avalé leurs verres, périrent
quelque temps après..... Aucun de ces faits ne
peut convaincre M. le Sauvage des dangers qui
naitraient de la déglutition du verre et du diamant ,
parce qu'aucune circonstance , selon lui, n’indique
une lésion mécanique du tube alimentaire , et qu’il
refuse d’ailleurs au verre et aux substances vitri-
formes la faculté d'opérer chimiquement sur lap-
pareil digestif, «
M. le Sauvage tire ensuite d'observations nom-
breuses qu’il emprunte de médecins dignes de foi ,
ou qui lui sont propres , des preuves de l’innocuité
du verre.
» Il invoque encore , à l'appui de son opinion,
le résultat de ses tentatives sur des rats auxquels
il a fait prendre du verre grossièrement pulvérisé ,
sur des chats auxquels il en a fait avaler des frag-
ments de plus d'une ligne de longueur , sur des
chiens à l'estomach desquels il en a confié avec
ou sans aliments, dans l’état de plénitude ou de
. vacuité. Ces animaux n’ont offert aucun signe de
gêne ou de douleur , et n’ont présenté , dans l’au-
topsie cadavérique , aucune trace de phlogose ni d’é-
rosion.
» Tant et de si fortes preuves, continue M. Vigné,
dispensaient M. le Sauyage de porter plus loin ses
(30)
expériences ; cependant il a eru devoir les répéter
sur lui-même , et la toujours fait , soit à jeun ,
soit après ses repas, sans en éprouyer le moindre
accident. «
» Je louerai, avec empressement, dit M. le Rappor-
teur, l’ordre , la précision , l'instruction qui règnent
dans cet ouvrage ; mais je ve puis croire que le
diamant brut et sur-tout le verre pris en fragments
de plus d’uneligne, irréguliers et plus ou moius aigus,
fusseut toujours avalés sans danger ,et que ce soit une
erreur de les regarder comme poisons mécaniques «.
» Oserai-je même en faire Paveu? ( C'est toujours
M. Vigné qui parle. ) Je redoute une assertion qui
consacre l'innocuité de corps piquants , incisifs , pro-
pres à déterminer, sur des organes d’une extrême
délicatesse , d’une sensibilité exquise , l’inflamma-
tion la plus intense, et par suite, lexulcération ,
la gangrène et la mort. Je la redoute autant que je
ferais, pour de tels organes , la présence de ces
corps étrangers dont ils auraient à solliciter l'ex-
pulsion , à l’opérer par des mouvements qui ten-
draient à les fixer plus profondément dans leurs
parois, et concourraient ayec eux aux (ourmeats
et à la ruive du sujet, Un seul exemple semblable
à celuique M. Portal nous à transmis , sufhrait, ce
me semble , pour donner le plus grand poids à ces
réflexions «.
= M. Marquis, D. M. P., Professeur de botanique
au Jardin des plantes de Rouen , a offert à la
Compagnie un Æssai sur l'Histoire naturelle et
médicale des Gentianes , qu'il a soutenu à la faculté
de médecine de Paris , le 22 juin 1810.
Après avoir donné une description générale des
gentianes , marqué leur rapprochement avec d'autres
C3)
plantes , soit par les fleurs, soit par les fruits, et
avoir indique ce qui les distingue , l'auteur, dit
M. Boismare chargé du rapport, fait quelques
réflexions sur la classification des gentianes, admise
par les botanistes , et restreignant son sujet aux gen-
tianes et aux chironies employées en médecine , il
doune seulement les caractères essentiels de chacnne
de ces deux espèces, cite les lieux qu’elles habitent
plus particulièrement , et la saison où leurs fleurs sont
dans leur beauté. M. Marquis passe ensuite à l'his-
toire de ces plantes dont les noms rappellent , dit-
il, des souvenirs intéressants dans l’histoire de l'art
de guérir.
Les propriétés utiles ou agréables des gentianes
appelaient particuliérement l'attention de l’autear :
et il donne à cette partie de son travail tous les
développements que l'on peut désirer.
» C'est sans doute au quinquina seul qu’on doit
avoir recours , dit M. Marquis, toutes les fois que
des symptômes graves, pernicieux caractérisent les
accès d’une fièvre intermittente... ; mais la gentiane ,
qui, d’ailleurs, paraît étre de tous les végétaux
celui qui se rapproche le plus du quinquina par
ses qualités , doit être toujours préférée à cette
écorce dans les tierces vernales bénignes «,
L'essai présenté à la Compagnie par M. Marquis
est, au jugement de M. Boismare , remarquable
par le style agréable dans lequel il est écrit, et
par un laconisme toujours louable , mais qui offre
plus d’une difficulté à l'analyse.
= Nous avons reçu de M. Desgenettes , D. M. L
professeur et secrétaire de la faculté de médecine
de Paris, et membre non résidant de l'Académie ,
deux Opuscules dont l'un est l'extrait de deux Dis-
( 33): -
sertations qu’il a traduites de l'italien en frariçais
sur les parotides dans les maladies aiguës , et
l'autre un discours qu’il a prononcé le 9 novembre
1809 , dans la séance publique de l'école de mé-
decine de Paris.
M. Vigné vous a fait, connaître , MEssreurs ;
le mérite de ces deux ouvrages. Suivant lui , les
deux dissertations sur les parotides, par le D.
Annibal Mariotti, sont le fruit d'ane longue expé-
rience et d’une grande érudition , et l'extrait qu’en a
donné M. Desgenettes lui paraît bien propre à con-
firmer l'idée que l'Académie a conçue des talents
du traducteur.
M. Vigné pense que le discours de M. Desgenettes
est également digne en tout de l'approbation de Ja
Compagnie,
M. le Rapporteur passe rapidement en revue les
matières qui y sont traitées , et observe que M.
Desgeuettes s'exprime, à l'égard de ses collabora-
teurs , de manière à donner de chacun d'eux Pidée
la plus avantageuse.
-» Parmi ces professeurs , que leur juste célébrité
me dispense de nommer , je n’ai pu, sans verser
encore deslarmes, dit M. Vigné , retrouver le nom
de l’un de nos collègues , qui compta, pour ainsi
dire , chacun de ses jours par ses bienfaits , ami
zelé de la science dont il fut l’ornement , protec-
teur de l'élève intelligent et laborieux ; en un mot ,
l'un des hommes que l'on ait eu le plus de raisons
de cultiver et de chérir. À cette simple esquisse,
qui de vous, MESSIEURS , reconvaissant l'excellent
Thouret, ne confondrait ses regrets avec les miens ,
et son hommage avec celui que je rends à sa mé-
moire ? «
Après cet élan d’un cœur sensible et reconnais-
sant ,
(53)
sant , M. Vigné termine ainsi l'analyse du discours
de M. Desgenettes : ’
» Notre confrère , dit-il , applaudit au renouvelle-
ment de cette institution sublime de laquelle éma-
nent toutes les parties de l'instruction publique ;
et, saisissant l'occasion de montrer à quel point la
faculté s'honore d'appartenir à l'Université impé-
riale , il ajoute : et l'Université à son tour ne peut
voir sans intérêt un corps qui réunit l’ancienne
faculté de médecine, l'Académie royale de chi-
rurgie et la Société royale de médecine.
= M. Sage , que nous avons déjà cité plus haut,
vous a fait parvenir une brochure intitulée : Moyen
de remédier aux Poisons végétaux , à ceux qui
sont produits par les Substances métalliques, et au
FVenin des animaux.
M. Gosseaume vous a donné , Mrfssieurs , une
juste idée de cet ouvrage dans le compte qu’il en
a rendu à la Compagnie.
» Après avoir exposé la manière souvent très-
différente dont les poisons agissent sur l’économie
animale, et montré que plusieurs des plus redou-
tables dans les blessures qu’ils rendent mortelles,
peuvent ètre impunément avalés ; que les sauva-
ges mouillent de leur salive , en la portant à leur
bouche , la pointe de leurs flèches empoisonnées
par la décoction de la liane , Upas liente , sans
en éprouver le moindre accident , et que l’on mange,
sans danger , la chair des animaux tués en peu de
temps par ce poison redoutable : l’auteur, dit M.
Gosseaume , entre en matière, décrit les symp-
tômes produits par un grand nombre de poisons
Végétaux , minéraux et animaux, et indique Îles
moyeus qu'il croit propres à les combattre.
CG
(34)
n La matière médicale de M. Sage n'est ni dis-
pendieuse, ni embarrassante : les acides végétaux,
le vinaigre sur-tout, et l’alcali volatil fluor , en forment
tout l'appareil, «
M. Gosseaume , en suivant l'auteur dans le dé-
veloppement de ses idées , a soin de faire remar-
quer en quoi ses opinions lui paraissent s'écarter
quelquefois des principes reçus en chimie ou con-
sacrés en médecine.
» Je nai pas cru , dit notre sayant confrère ,
garder le silence sur des points qui intéressent la
vie des hommes , malgré mon respect profond pour
les vastes connaissances de M. Sage , parce que
les erreurs les plus préjudiciables sont celles qui
se répandent sous la tutelle d’un nom fameux «.
= La Société de médecine de Lyon nous a fait
Venvoi du procès-verbal de sa séance publique , et
du compte rendu de ses travaux, par M. Balme,
secrétaire général,
Il n’était pas aisé de préciser encore davantage
ce précis déjà très-abrégé des travaux d’une Société
distinguée, M. Gosseaume , dont la plume élégante
et facile ne connaît point de difficultés , s’est ac-
quitté de ce travail avec la méthode et la sagacité
qui caractérissent tous ses écrits.
» Le discours d'ouverture prononcé par M. Petit,
president ( c'est M. Gosseaume qui parle ),
roule particulièrement sur les maladies qui ont
régné à Lyon pendant les deux dernières années.
L'Auteur semble en induire qu'il existe un ordre
de succession dans les maux qui nous afiligent,
et que cet ordre bien connu peut nous faire pré-
voir de loin ceux dont nous sommes menacés , et
les organes que nous avous à garantir. En parlant
(35)
du croup , l'Auteur s'attache à prouver que cette
maladie n’est autre chose que l’esquinancie catar-
rhale, et que le nom de croup devrait éire rayé
du tableau nosologique.
» Les matériaux du rapport sont réunis sous les
titres suivants : Pyrexie:s , fièvres épidémiques ,
affections contagieuses , météorologie médicale , ma-
ladies locales périodiques , phlezmasies , poïsons ,
rhumatismes > Vaccinations , névroses | vésanie ,
épilepsie , rage , tétanos , apoplexie , cachexie ,
anasärque , scorbut , gale, dartre , inflammation
de la cornée | extraction des corps étrangers ,
constipation , cancer, ectopie , plaies, fractures ,
animaux hibernanrs , géologie, botanique.
» Le surplus du rapport consiste dans quelques
notices nécrologiqnes et succinctes , et lindicaiion
des prix dont celui proposé en 1808 a été rem-
porté par M. Godefroy , notre eonfrère. Le rédac-
ieur n’en dit que six ligues, mais il en dit assez
pour faire apprécier l'ouvrage couronné. «
» Tel est , dit M. Gosseaume , le sommaire de
l'ouvrage dont vous m’aviez chargé de vous pré-
senter un apperçu. Quelque laconique qu'il soit,
il suffira , j'espère, pour vous donner une idee de
la nature et de l'étendue des travaux de la Société
médicale de Lyon ,; comme de lérudition et du
zèle des membres qui la composent.
= La Société de médecine du département de
l'Eure , vous a adressé, MEsSiEURS , quatre numc-
ros de son Bulletin des Sciences médicales.
M. Gosseaume en a recueilli la substance dans
différents rapports que vous avez entendus avec
autant de plaisir que d'intérêt.
Ca
(36)
M. Gosseaume a fait remarquer en général un
grand nombre d’articles intéressants, et faits, dit-il,
pour soutenir la réputation de ce Journal, dont le
mérite s'accroit encore par la noblesse du style
et l'honnêteté avec lesquelles il est rédigé.
M. le Rapporteur a bien voulu rappeler en par-
ticulier le jugement porté par le célèbre Vauque-
lin, sur un phosphate acide de potasse cristalli-
sable et inaltérable à l'air , découvert par M. le
Secrétaire des sciences. Il résulte de mes expé-
riences , dit M. Vauquelin, que M. Vitalis a en-
richi la chimie d’nne nouvelle espèce de sel qui
doit avoir place dens la classe déjà nombreuse
de ces substances.
= M. Gastellier, D. M., membre non résidant,
vous a fait parvenir un imprimé , dans lequel ïl
combat victorieusement opinion du D. Gay , qui
prétend que lon doit proscrire entièrement la sai-
gnée dans tous les cas et dans toutes les maladies
guelcongues.
AG REC U LIT UR EE
= Conformément à un des articles de vos sta-
euts , M. Rosnay de Villers a lu son discours
de réception , dans la première séance à laquelle
il a assisté,
Pegardant son admission au sein de l'Académie
comme une faveur dont il exprime sa reconnais-
sance envers les membres qui la composent, notre
confrère pense que cet honneur lui impose l'obli-
gation de faire de nouveaux efforts pour améliorer
état de notre agriculture , genre de travail dont
il s’est particulièrement occupé.
(37)
» L’agricuiture , dit M. de Villers , en vénéra-
tion chez les anciens , l'objet d'un cuite particu-
lier chez les Egyptiens et chez les Scythes, protégée
et encouragée à Rome , fut à peine honoree du nom
d'art chez les peuples modernes , qui, séduits par
l'espoir de résultats éclatants , dédaignèrent , com-
mue peu dignes de leur ambition , les modestes
Wayvaux qui assurent la prospérité sans ajouter à la
gloire. On fut long-temps à comprendre que le seul
bien inépuisable est le produit de la terre ; que
les richesses , les revenus ; la population dépendent
de la culture du sol. «
Par une suite nécessaire de l'ignorance des vrais
principes , l'art de cultiver la terre, tombé dans
le mépris et livré à une routine aveugle , ne fit au-
cun progrès pendant un grand nombre de siécles.
La France tourna enfin ses regards versles champs,
et Sully , dont le nom rappelle tous les genres de
vertus et de talents politiques , Sully chercha à
urer l’agriculture de l'avilissement et de l'oubli
où elle était plongée,
Mais, privée de l'appui que lui prétait son illus-
tre protecteur , elle ne tarda pas à retomber dans
sou premier état de langueur et d'inertie : état dont
il eût été facile à Colbert de la préserver sil eût
accordé aux productions du sol la méme attention
qu’il donnait aux produits de l’industrie,
Enfin , grace à la sagesse de notre gouvernement
actuel , honorée de la protection du Souverain £
éclairée par les lumières qué répandent autour d'elle
les nombreuses Sociétés savantes dont les travaux
ont pour but principal d'animer et de perfectionner
la culture ; encouragée par des récompenses hono-
rables, l'agriculture fait chaque jour de nouveaux
progrès. Déjà la France a donné l'exemple d'une
C 5
(58) |
des plus importantes améliorations en acclimatant
la race des brebis à laine superfine.
» Cependant il nous reste encore beaucoup à
faire avant que lPagriculture soit portée au point
de perfection qu'elle est susceptible d’atteindre,
Espérons tout , dit notre confrère , de la pater-
nelle et constante sollicitude d’un Monarque dont
le génie vaste et profond embrasse le systéme
du bien publie dans tous ses rapports et toute son
étendue. Il sait que de toutes les nations de l'Eu-
rope , et peut-être du monde , la France est celle
qui gaguerait le plus à devenir essentiellement
agricole.
» On a pensé jusqu'à présent, ecntinue M. de
Villers , que la culture des grains sur une grande
étendue serait plus profitable à lPétat et aux par-
Uculicrs que la culture des grains sur une moin-
dre étendue , mais associée à celle des fourrages
pour la nourriture des bestiaux «,
Quoique M. de Villers wait présenté sur cette
question qu’un apperçu , comme il s'exprime lui-
même , ses principes n’en méritent pas moins une
grande atrention.
Suivar! ‘ni, la meilleure exploitation serait sû=
rement 4elle qui ,; en éparguant les dépenses ,
donnerait les produits les plus considérables en
grains, en même-temps qu’elle augmenterait la fer-
ülité du sol. Il regarde comme des points incon-
testables, 1° qu'il ne peut exister de bonne ex-
p'oitation sans des fonds snffisauts pour la monter
couvenablement ; 2° qu'on doit éviter que les plan-
tes de la même espèce se succèdent immédiate-
ment; 5° qu'il faut éloigner suffisamment le retour
des productions semblables,
Quaut aux moyens de maintenir les amélioras
(39)
tions, où méme d’angmenter la fertilité du sol ,on en
connaît trois : les labours réitérés, le repos et les
engrais.
Le premier est insuffisant, parce qu'il ne four-
nit aucun principe de fertilité. Le second wa pas
un eflet plus marqué : si le terrein est mieux dis-
posé à produire l'année suivante , fl est douteux
que la récolte puisse indemniser le cultivateur de
la non valeur pendant le repos des terres.
Les engrais ont, sur les deux moyens qui pré-
cèdent, une supériorité confirmée par l'expérience
genérale : ils changent la nature du sol ; ils y portent
des principes de fécondité , de chaleur et de vie.
Mais comment se procurer l’abondance des en-
grais ayec Je moins de frais possibles ?
Pour résoudre cette question , l'auteur observe
que, de tous les engrais connus , le fumier des
animaux , employé seul ou comme complément
des autres amendements, est réputé le meilleur ;
et celui qu'on approprie le plus facilement aux
diverses espèces de terre; d'où M. de Villers con-
clut que ce doit étre de la multiplication des bes-
tiaux que nous pouvons attendre le succès promis
par Pagriculture à la prospérité publique et au
bonheur mdividuel.
Le discours de M. Rosnay de Villers est écrit
facilement et avec une noble simplicité ; il nous
paraît appuyé sur de bons principes et renfermer
d'excellentes vues. L'Académie en a entendu la
lecture avec plaisir , et fonde de grandes espérances
sur le zèle et les talents de son auteur,
= M.Goube, associé correspondant de la Société
d'agriculture de Paris, vous a adressé son Zraité
de la vie et de l’organisation des plantes.
C40)
Organe de la Commission chargée de vous faire
connaître cet ouvrage, notre respectable confrère ,
M. Deu , vous en a présenté une analyse fidèle
et bien propre à vous donner une idée exacte du
mérite de cet ouvrage , dans lequel lauteur , au
jugement de la Commission , développe une grande
étendue de connaissances en physique et en histoire
naturelle.
= M. Dumont de Courset , membre non résidant
de l'Académie , correspondant de l'Institut de France
et de plusieurs Sociétés savantes , vous a fait
hommage , Messieurs , d'un exemplaire de la 2°
édition de son Boraniste cultivateur , en 6 vol in-8°,
-dont la 1° édition, en 4 vol. , même format, avait
paru en 1802.
» L'auteur, dit M. Deu, auquel l'Académie avait
coufié l'examen de cet ouvrage , après avoir passé
plusieurs années au service , se retira dans un do-
maine qu'il possédait près de Boulogne-sur-Mer ,
et se livra avec ardeur à l’agriculture et à la cul-
ture des arbres et des plantes.
» C'est après avoir bien observé et étudié les dif-
férentes natures et expositions des terres de son can-
ton , que M. de Courset a établi les principes de
culture qu’il prescrit dans ses mémoires sur l’agri-
culture du Boulonnais , publiés en 1780 et accueillis
par l'Académie des sciences.
» De nouvelles études et des essais nombreux
inspirérent depuis à l’auteur le dessein de commu-
niquer au public le résultat de ses travaux et de
ses expériences,
» On venait de publier la traduction du diction-
nare de Miller , célèbre jardinier anglais. Cet ou-
vrage ne répondait point à l’auente des botanistes
C41)
et des amateurs..... M. de Courset, qui avait étu-
dié l'original , jugea convenable de suivre une
autre marche et de s’assujettir à une méthode qui,
en rapprochant les genres et les espèces qui ont le
plus d'analogie , conduisit en méme-temps à prendre
des notions de botanique , par l’obligation de cher-
cher les plantes dans la classe ‘et dans l’ordre où
elles sont placées.
» Cette méthode est celle d'Antoine de Jussieu ,
et notre auteur la suit dans son ouvrage.
» Mes liaisons avec M: de Courset, continue M.
Deu , l'avantage que j'avais d'habiter son voisinage ,
et le loisir dont je jouissais alors , m'ont fait hasarder
de me charger, dans la première édition du Botaniste
cultivateur | de quelques détails , tels que l'exposé
de la méthode , le tableau des plantes, un exposé
succinct du système de Linné et le rapprochement
de ses plantes avec celles rangées suivant l’ordre
naturel «,
L'étude du sol, l’analyse des terres , les serres
de différentes températures et les chassis fixent suc-
cessivement l'attention de l’auteur.
Après ces détails généraux , il donne la définition
des parties des plantes, et un apperçu de la méthode
de Jussieu , à la suite de laquelie on a placé un tableau
qui réunit les grandes divisions , les classes et les
ordres.
L'introduction est terminée par une table compara-
tive des genres décrits dans l'ouvrage , suivant la
méthode de Jussieu, rapprochés des classes et di-
visions correspondantes dans le systême de Linné.
L'auteur , dans le premier volume , donne des
détails généraux de culture , etc.
Les cinq volumes suivants contiennent la série
des plantes, suivaut la méthode naturelle de Jussieu.
C42)
L'ouvrage contient 13 à 1400 genres, et environ
8000 espèces. Les végétaux cultivés dans les jardins
de l’auteur sont indiqués par un astérisque. Après
les caractères des divisions , des classes et des
ordres et subdivisions, viennent ceux des genres ,
des espèces et des variétés. On fait connaitre le
port et les hauteurs auxquelles les plantes s'élèvent ,
la forme des feuilles et des fleurs | leurs couleurs
fixes et variables, la description des graines et des
fruits, les pays originaires, les mois de floraison.
Onindique si les plantes sont annuelles , bisannuelles
ou vivaces , si ce sont des arbres ou des arbustes.
On entre eufin dans les détails de culture , des
propriétés , des usages , sans négliger les détails
particuliers relatifs aux genres et aux espèces qui
demandent des exceptions.
Le Botaniste cultivateur est terminé par quatre
tables quiindiquent, r° les noms français de Jussieu ;
2° la nomenclature latine de Linné, adoptée par
les Savants de tous les pays; 5° les noms synonymes
et particul'ers à plusieurs cantons de France ; 4° les
noms anglaisles plus usités qui répondent aux noms
français donnés aux mêmes plantes.
» Le succès de ia première édition. du Botaniste
cultivateur me fait espérer, dit M. le Rapporteur,
que l'Académie voudra bien agréer l'hommage de
la seconde, La rédaction en est plus soignée ; on
y trouve de nouvelles recherches ; en un mot ,
VPauteur s’est elforcé de la rendre , sous tous les
rapports, pus digne de l'attention des Savants et
des nombreux amateurs de la culture des plantes.
—= Vous avez reçu, Messieurs , de M. Tessier ,
membre non résidant, un ouvrage qu'il a publié
sous ce titre : {nstruction sur les bêtes à laine , par-
ticulièrement sur la race des mérinos.
C43)
» L'auteur, dit M. Rosuay de Villers, qui avait
été chargé de rendre compte de cet ouvrage à
l'Académie , l’auteur écrivant, d’après l'expérience,
sur un sujet qui avait déja été traité, fait usage
des observations des autres comme des siennes
propres , Jorsqu'il les croit bonnes , et rectifie
celles qui lui paraissent en avoir besoin, Toujours
simple , modeste et clair , il n'adopte aucun sys-
tême qui puisse le faire soupconner d’exagération.
Son but étant d’instruire , il ne publie que ce qu'il
a reconnu vrai dans la pratique.
» L'Instruciion est divisée en trois parties , et
terminée par un article relatif aux bergers et à la
manière d'élever leurs chiens, «
Dans la première partie , M. Tessier assigne les
caractères du véritable mérinos , détermine ceux
qui le distinguent de nos races communes , monire
l'emploi qu'on peut faire de cette race précieuse ,
et indique les moyens d'en tirer le plus grand
avantage.
La seconde partie est relative aux soins qu'exi-
gent les bétes à laine ; M. le Rapporteur pense
que l'extrait de cette partie de l'ouvrage pourrait
servir de manuel aux bergers.
La troisième partie commence par des réflexions
générales sur les maladies des bêtes à laine: l'au-
teur donne les moyens curatifs probables, et s'at-
tache sur-tout à faire voir comment on peut pré-
server les moutons de la plupart des maladies et
des accidents auxquels on les expose habituelle-
ment.
L'ouvrage est terminé par un article relatif au
choix des chiens et à la manière de les dresser.
“ Cet ouvrage , ajoute M.le Rapporteur , ayant
été approuvé par le gouvernement , qui en a ordonné
C44)
la publication, il ne nous reste qu’à souscrire au
jugement qu'il en a porté , et à émettre le vœu
que cette instruction utile soit généralement ré-
pandue.
= Il a été adressé à la Compagnie , par la So-
ciété d’agricultnre de Paris , un Mémoire de M.
Paris, sous-préfet à Tarascon, sur la culture de la
soude , dans son arrondissement , département dés
bouches du Rhône.
» La guerre ayant porté le prix des soudes étran-
gères à un prix excessif, et celles de France qui
ne se récoltent que sur quelques points des côtes
méridionales , étant tout-à-la-fois et inférieures en
qualité aux soudes d'Espagne , et en quantité insuf-
fisante pour les besoins , on chercha les moyens
de remédier à ces deux inconvénients,
» La chimie conçut le projet de substituer une:
soude artificielle aux soudes qu’on tirait des végé-
taux , et on sait avec quel succès ce projet a été
exécuté.
» L'agriculture voulut aussi venir au secours de
nos fabriques, et M. Paris essaya de relever dans
le canton de Tarascon la culture des plantes qui
fournissent la soude naturelle. «
M. Deu , suivant pasà-pas la marche de lPau-
teur , donne les caractères botaniques des diflé-
rentes espèces de soudes connues jusqu’à présent ,
et indique la manière de cuhiver ces plantes ,
de les récolter et de les incinérer.
» Le rapport du poids de la soude obtenue en
dernier résultat est à celui des plantes brülées , à-
peu-près comme 2 à 15 ; 60 quintaux de plantes
donvent environ 11 quintaux de soude , poids
ordinaire d’un mètre cube de cette substance alca<
line.
C45)
» Indépendamment de la soude , on brûle plu-
sieurs plantes qui participent de ses propriétés, et
qui croissent spontanément dans les terreins d’Ar-
les et des Saintes-Maries.... Il ya, dit toujours
M. Deu , que la cherté de la soude qui engage à
brûler ces dernières plantes.... C’est aussi ce mo-
if qui a déterminé plusieurs agriculteurs à cultiver
la soude jusqu’à 20 lieues de distance des côtes ;
mais on doit observer qu’au bout de quelques
années la semence dégénère , et que la plante
cesse de donner de la soude.
# On assure que le blé semé dans la même terre
réussit parfaitement sans y répandre un nouvel
engrais , ce qui permet d'établir un assolement
utile. '
» À la suite du mémoire de M. Paris , se trouve
le rapport fait par MM. Vauquelin, Tessier et Bosc,
à la Société d'agriculture du département de la
Seine.
» Les résultats de ce rapport doivent , au juge-
ment de M. Deu, devenir un sujet d’encourage-
ment pour les fabriques de soude artiüicielle qui
peuvent fournir des soudes bien supérieures en qua-
lité à celles qui ont été soumises à l'examen de
MM. les Commissaires.
= M. Rosnay de Villers yous a fait, dans une
de vos séances , deux nouveaux Rapports : le pre-
mier , sur les Améliorations agricoles opérées ,
depuis quelques années, dans le département des
Hautes-Alpes , par l’eflet des instructions publiées
par la Société d’émulation de Gap; le second , sur
le résultat du concours qui a eu lieu, le 19 mars et le
26 juin 1810 , pour le perfectionnement de la Charrue ,
présenté à la Société d'agriculture du département
(46)
de la Seine , par M. le sénateur comte François de
Neufchâteau . . . La Société a récompensé , par des
dédommagements et par des médailles , le zèle et les
efforts de quelques concurrents ; mais le probléme
n'ayant pas été pleinement résolu , le concours a
été ajourné jusqu’à ce que les renseignements que
la Société desire se procurer lui soient parvenus.
= Au nom de la Commission nommée pour cet
objet , M. Vitalis a fait le Rapport qui avait été
demandé à l'Académie , par M. Savoye Rollin,
préfet du département de la Seine-Inférieure , sur
les moyens d’encourager la culture du Pastel,
Après avoir rappelé les résultats des expériences
qui permettent de croire qu'on peut, avec avan-
tage et économe , même en temps de paix, retirer
du pastel une fécule bleue en tout semblable à
l'indiso d'Amérique , M. le Rapporteur passe aux
moyens qui ont paru à la Commission les plus
propres à encourager la culture du pastel.
» L'attrait des récompenses , l'envoi gratuit de
graine de pastel de la meilleure qualité, une ins-
tructon courte , claire et précise , distribuée aux
fabricants , aux cultivateurs et aux proprictaires
du département: tels sont , au jugement de MM. les
Commissaires, les moyens qu'il convient d'employer
pour donner à la culture du pastel la grande im-
pulsion qui doit régler sa marche et assurer ses
;
succès.
» La munificence impériale , continue M. le
Rapporteur , ne laisse rien à désirer aujourd’hui
sous le rapport des récompenses.
» Un décret assure des primes d’encouragement
pour la culture du pastel,
» Un prix considérable est proposé à celui qui
(47)
sera parvenu à retirer du pastel la plus grande
quantité d’ind'go.
» La vo'x de l'honneur , si puissante sur le cœur
des Français, achevera de déterminer ceux que
l'attrait des récompenses n'aurait pu ébranler.
» Le Gouvernement a encore prévenu les désirs
de la commission relativement à l’envoi des graines
de pastel. «
M. le Rapporteur observe que , dans Ja dis-
tribution des graines qui s'opère en ce moment ,
notre département mwa point été oublié , et que
notre confrère , M. Pavie, doit en recevoir inces-
samment 5o kilogrammes , d'après l'avis qui fui
en a été donné par M. le Préfet du départe-
ment.
La Commission indique la graine violette comme
Ja meilleure ; on latire de Rieti, sur les confins de
l'Abruzze,
Le troisième moyen propre à encourager la cul-
ture du pastel , consiste dans le soin de rédiger
une instruction à la portée des esprits les plus or-
dinaires et des cultivateurs les moins instruits.
» La Notice sur le Pastel, publiée depuis peu
par M. Puymaurin, contient d'excellentes choses;
mais , si l'on se décidait à mettre cet ouvrage en-
tre les mains des cultivateurs , il paraïtrait à la
Commission convenable d'en retrancher ce qui
regarde la préparation de la pâte de pastel, puis-
que , d'une part, le pastel fermenté convient moins
aux cuves de bleu que le pastel dans le simple
état de dessication , ainsi que M. Pavie l'a fait
connaître depuis longtemps ; et que, de lautre ,
l'expérience a démontré que l’on n’obtient la fécule
bleue que de la feuille de pastel fraiche.
» La Commission recommande particulièrement à
(48)
l'attention de M. le Préfet , le Mémoire sur la cul-
ture et la préparation du Pastel, par M. Jean
Rouques , propriétaire-cultivateur et teinturier , à
Alby. Quelques pages suflisent à l'auteur pour
traiter tout ce qu’il importe essentiellement de sa-
voir soit pour cultiver en grand Je pastel , soit
pour en extraire la précieuse fécule qui fixe en ce
moment l'attention du gouvernement.
M. Vitalis termine ainsi son rapport » :'"Félici-
tons-nous , MESssIEURS, de ce que l’Académie a été
appelée, par M. le Préfet , à l'honneur de répon-
dre aux vues bienfaisantes du gouvernement ; puisse
le travail que nous avons l'honneur de vous pré-
senter, mériter sa bienveillance et votre approba-
tion ! « (1)
= M. D’Ornay a rendu compte de l'/nstruction
sur la culture du Coton dans les départements de
Rome et du Trasimène, adressée à l'Académie par
la Société d'agriculture de Rome.
Cet ouvrage , qui contient 24 pages in-8°, est
divisé en 20 chapitrés nécessairement très-courts ,
et qui traitent successivement de l'exposition et de
la température propre. à la culture du coton ; de
la vature du terrein propre à cette culture ; de la
oo
(1) Par une lettre , en date du 30 juillet dernier, M. le
Préfet | après avoir informé l’Académie qu'il a transmis
le rapport à Son Excellence le Ministre de l'intérieur ,
ajoute :
» En m’annonçant la réception de ce rapport, dont vous
aviez , Mzssieuns , adopté les conclusions, Son Excellence
me recommande de vous témoigner toute sa satisfaction du
zèle avec lequel vous avez répondu à l'appel qui vous à
été fait «,
préparation
(49 )
Préparation à donner au terrein ; des engrais; des
arrosages; de la qualité , du choix et de la préparas
tion de la semence ; du temps où l’on doit semer ;
de la manière de planter le grain ; des soins qu’il
faut apporter aprés avoir semé ; du binage et du
sarclage ; du nombre et du choix des plantes qu'il
faut conserver ; du premier ébourgeonnement ; de
la floraison ; de la seconde pousse aux branches
latérales ; de la récolte du coton ; de l'utilité de la
culture du coton: enfin, des expériences que la
Société se propose de faire l'année prochaine.
Aprés avoir exposé succinctement ce que chacun
des chapitres offre de plus intéressant , M. D'Oruay
propose à l’Académie de remercier la Société de
Rome de son obligeante attention, et de la prier
de continuer à nous enrichir de ses productions.
ne ee rt F
Les divers travaux dont je viens d’avoir l'honneur
de vous rendre compte , MESSIEURS , seront dans
tous les temps, aux yeux de nos concitoyens, un
monument honorable du zèle avec lequel vous
cultivez les sciences et les arts. Ils apprendront à
la postérité que vous ne connaissez d'autre gloire
que celle d'être utiles , d’autre récompense que
celle d'avoir bien mérité de la chose publique.
C5)
PR«I x.
M. le Président a annoncé que l’Académie n’ avait
recu, sur la question mise au concours pour 1811%
qu’un seul Mémoire portant pour épigraphe: Claudite
jam rivos pueri , sat prata biberunt ; que la Commission
chargée de l'examiner ne l'avait pas jugé digne du
prix , mais seulement d'une mention honorable ;
que l’auteur ayant cependant désiré être nomme,
et l'Académie voulant lui donner publiquement un
témoignage de son estime , il allait remplir les
intentions de l'Académie en ouvrant le billet annexé
à son Mémoire. Le cachet ayant été rompu, M. le
Président a proclamé le nom de M. de Maurey ,
membre non résidant de l'Académie , demeurant
à Incarville près Louviers, département de l'Eure.
Norice BIOGRAPHIQUE suR M. MEsA12E, Pharmacien
à Rouen.
Par M. VitTazis.
Il est donc vrai, M£ssieurs, que parmi les fonc-
tions que vous avez daigné me confier , il en est
de pénibles, de douloureuses méme à remplir.
Sensiblement aflligé moi-même de la perte d’un
confrère auquel j'étais particulièrement et depuis
long-temps attaché, comment pourrais-je essuyer vos
larmes et adoucir l’amertume de vos regrets ?
Cherchons du moins à calmer notre douleur, en
C9
gravant profondément dans nctre souvenir les
qualités estimables qui nous avaient inspiré , pour
M. Mesaize , les sentiments les plus vifs d'estime et
d'attachement , et qui honoreront à jamais sa mé-'
moire.
Pierre-Francoiïs Mesaize est né à Fécamp , le 17
juin 1748 ; il n'eut pas le bonheur de connaître sa
mère qui perdit la vie en lui donnant le jour ; pour
comble d’infortune , son pèrc ne survécut que de
trois ans à son épouse.
Le jeune orphelin trouva un appui et un soutien
daus un oncle, qui, non-seulement prodigua à son
enfance les soins les plus tendres , mais qui forma
sa jeunesse autant par son exemple que par ses
conseils , et n’épargna rieu pour son éducation.
À l’âge de 17 ans, M. Mesaize fat placé dans la
maison de commerce de M. Bouuet, marchand
droguiste à Rouen, où il puisa Le goût des sciences
naturelles, et où, pendant trois ans , il apprit à
connaître méthodiquement les nombreuses substan-
ces que la nature fournit aux besoins des arts en
général , et à celui de la pharmacie en particulier.
Une circonstance heureuse vint s'olirir alors au
jeune Mesaize qui brûlait du désir d'agrandir le
cercle de ses connaissances.
M. le baron de Bormes , si avantageusement
connu des chimistes , jouissait d’un revenu consi-
dérable, et en employait la plus grande partie à
des recherches qui tendaient à enrichir la science
de nouvelles découvertes. Ne pouvant suflire seul
aux travaux du laboratoire , il appela près de lui
M. Mesaize, qui ne le quitta que pour prendre
les leçons de M. Delaplanche , pharmacien distingué ,
à Paris, et dont la réputation attirait en foule les
élèves à ses démonstrations de chimie.
D 2
C52)
C'est là que M. Mesaïize prit des idées aussi
étendues qu’exactes des principes de la chimie,
qu’il se forma à l'art difficile des expériences , et
qu'il se familiarisa avec les moyens les plus délicats
de l'analyse,
Ces succès lui valurent l'honneur d'étre choisi
par le célèbre Bucquet, pour préparer ses leçons
de chimie, et il s’acquitta de cet emploi, pendant
trois années entières, avec un zèle et une intelli-
gence qui lui méritèrent l'estime et l'amitié de ce
savant chimiste, A cette époque, la place de phar-
macien étant devenue vacante à l'Hôtel-Dieu de
Rouen, M. Mesaize se présenta au concours, et y
donna des preuves si évidentes de ses talents et
de sa capacité, que d’une voix unanime la préfé-
rence lui fut accordée sur tous ses concurrents. Il
remplit les devoirs de cette place avec ce zèle
soutenu et cette exactitude scrupuleuse dont il
fit toujours profession dans l'exercice de son art.
M. Mesaize était parvenu à cet âge où l’homme
sent le besoin d’unir son sort à celui d’une compagne
aimable et vertueuse. Il ne fut pas embarrassé du
choix. Pendant le temps qu'il avait passé dans la
maison de M. Bonnet, il avait été à portée d'appré-
cier le mérite de Mie Geneviève Bonnet, qui
réunissait toutes les qualités de l'esprit et du cœur.
M. Mesaize eut le bonheur d'obtenir sa main, et
à dater de ce moment il ne compta plus que des
jours heureux.
La place qu’il occupait à l'Hôtel-Dieu lui donnait
le droit d'ouvrir une pharmacie à Rouen, et il en
profita ; il obtint du public une confiance entière ,
et répondit constamment à ce témoignage de bien-
veillance par un soin extrême à ne fournir que des
médicaments bien préparés , et sur-tout par une
intacte probité.
C,53)
Il chercha même à répandre le goût de son étude
favorite parmi ses concitoyens , en faisant des cours
de chimie , les premiers qui avaient été donnés à
Rouen , et qui devinrent en peu de temps le rendez-
vous de toutes les Personnes qui attachaient du prix
à l'instruction. J'en appelle ici au témoignage de
ceux qui ont assisté aux lecons de M. Mesaize : ils
lui rendront sans doute cette justice , qu'il était
difficile de. manipuler avec plus d'adresse, de
s'exprimer avec plus de clarté et de précision.
Aussi , pendant cinq années de suite , ses cours
furent-ils fréquentés avec une assiduité qui seule
fait l'éloge du démonstrateur.
C'était peu pour M. Mesaize de connaître à fond
les principes de la théorie , il aimait sur-tout à en
faire des applications et des applications utiles.
Un des premiers fruits de ses travaux en ce genre
fut un Mémoire intéressant sur les savons de gayac
et de scammonce,
Il soumit ce Mémoire » en 1779 , au jugement de
l'Académie de Rouen » Qui s'empressa de l'admettre
au nombre de ses collaborateurs.
L'année suivante , sur l'invitation des Magistrats
de la ville de Rouen ; notre confrère indiqua les
moyens les plus sûrs pour découvrir les prépara-
tions de plomb ou les substances alcalines qui pou-
vaient se trouver dans les cidres et en rendre l'u-
sage nuisible on dangereux.
Les commissaires nommés par l'Académie de
Rouen pour examiner ce travail » applaudirent
aux recherches qu'il contenait, et à la manière
ingénieuse avec laquelle M. Mesaize avait pro-
cédé,
Peu de temps après il publia le programme d'un
Cours de teinture , qui obtint l'approbation de lil
D 3
(54)
Justre Macquer , et celle de l'Académie de notre
ville. On conçoit assez combien il est à regretter
que notre confrère n'ait pas été mis à portée de
réaliser un projet dont l'utilité ne peut être révo-
quée en doute.
Vers l’année 1705, il fit imprimer le programme
d'un cours élémentaire de botanique appliquée à la
médecine , aux sciences et aux arts; ce cours de-
vait avoir lieu au Jardin des plantes de Rouen.
Depuis une vingtaine d'années , le bois s’est
élevé à un si haut prix , qu'il est devenu indis-
peusable d’aviser aux moyens d’en diminuer , au-
tant que possible , la consommation. Ce besoin se
faisait sentir particulièrement dans la viile de Rouen,
où des milliers de fourneaux de toute espèce , allu-
més nuit et jour , consument , dans l'espace de
quelques mois , le produit annuel de nos forêts.
M. Mesaize chercha et trouva la solution de la
question dans une construction mieux entendue des
fourneaux, et il résulte des expériences faites avec
soin à l'Hôtel-Dieu de Rouen, que les fourneaux
construits d'après les principes de M. Mesaize ,
économisent au moins un quart du combustible.
Cette importante déscuverte devait naturelle-
ment amener uue réforme dans la construction de
ces sortes d'appareils ; cependant elle west point
encore aussi géuérale qu'on pourrait le désirer :
d'où nous devons conclure que, dans cette eircons-
tance comme dans une foule d’autres, la vérité
ue viendra que très-lentement et très-difficilement
à bout de vaincre les obstacles que lui opposent
sans cesse les préjugés, l'ignorance et la mauvaise
foi.
On doit encore à M. Mesaize une analyse des
diflérents tabacs du commerce , et des observations
(55)
sur différents points d'histoire naturelle et notam-
ment sur l'ichtyologie. Dans le Précis analytique
des travaux de l'Académie pendant l'année 1807,
on trouve une notice qu'il a communiquée à la
Compagnie sur un squale très-grand ( squalus
maximus), pêché à Yport, département de la
Seine-Inférieure , dans le courant du mois de
novembre 1806,
Dans des lettres adressées à M. Mesaize par M.
Lacépède, ce sayant remercie notre confrère, en des
termes très-obligeants , des renseignements qu'il a
bien voulu lui transmettre sur différentes espèces
de poissons , ou de quelques individus de cette
classe d'animaux qu'il lui avait envoyés.
Enfin , M. Mesaize a pris part à un grand nombre
de rapports sur divers objets d'arts ou de sciences.
Vous connaïssez tous , Messieurs , le dévouement
de M. Mesaize pour l'Académie ; vous savez avec
quelle assiduité il fréquentait ses séances , et avec
quel noble désintéressement il a exercé parmi nous
les fonctions de trésorier.
Les services rendus aux sciences et à l’Académie
ne sont pas les seuls titres de notre confrère à notre
estime et à la reconnaissance publique. Né sensible et
bon , M. Mesaize n'offensa jamais personne. Jamais
on ne l’entendit mal parler de ceux mêmes dont il
avait à se plaindre. On le vit souvent , au contraire,
Jorsqu’ii pouvait le faire sans blesser les usages ou
les convenances , imposer silence à l’indiscrétion ow
à la malignité. Toujours prét à obliger ses amis , il
preuait sur-tout plaisir à soulager l'indigence.
Combien d'aumônes il a versées dans le sein de la
veuve et de l’orphelin ! Combien de médicaments
Ï a fournis gratuitement aux malheureux !
Une attaque de paralysie , dont il fut frappé it
D 4
(56)
y a dix ans, avait altéré sa constitution naturelle-
ment forte et vigoureuse. Cependant sa vertueuse
épouse était parvenue , par ses soins préveuants ,
par ses attentions délicates , à lui rendre la santé,
et à l’attacher encore à la vie.
Vers le commencement de cette année, il éprouva
une maladie dont il guérit : mais les forces ne se
rétablirent point, et des symptômes fâcheux vinrent
assez rapidement jeter l'alarme dans le cœur de ses
amis, Les secours de l’art, qui lui furent administrés
par les talents et l'amitié réunis dans la personne de
M. Godefroy son médecin , ne purent arrêter les
progrès du mal, et il tomba insensiblement dans
un état de langueur qui annonçait une fin prochaine.
M. Mesaize la vit arriver avec cette résignation et
ce calme qu’inspirent les sentiments religieux et le
témoignagne d’une bonne. conscience. Il cessa de
vivre le 20 juillet dernier , regretté de sa respectable
et inconsolable veuve , de ses parents , de ses
amis , de ses confrères et de tous ceux qui ont eu
l'avantage de le connaître. :
— La classe des sciences a fait aussi, cette année,
une perte qui lui a été très-sensible , dans la personne
de M. M.-A. Petit, D. M. à Lyon, et membre non
résidant.
En attendant que M. Vigné, désigné par l’Aca-
démie pour remplir cet honorable office , puisse
payer à la mémoire de notre savant confrère
le tribut d’éloges qui lui est dû , nous transcrirons
ici l'article nécrologique qui le concerne , et qui
a été inséré dans le n° 21 de la Gazette de santé ,
21 juillet 1811.
» Les arts, les lettres, la médecine , viennent de
perdre M. Marc-Antoine Petit, docteur en médecine à
5
Lyon, membre du ne D cipal de cette ville
et du collége électoral du département, auteur de
la Médecine du cœur, du Mont-Cindre , poëme , etc.
Doué d’une érudition profonde  A goût exquis ;
de l'amour de son art qui ne l'empéchait point
de donner à la littérature ses loisirs , il n'a vécu
que ce qu’il fallait de temps pour montrer moins
ce qu'il a fait que ce qu’il aurait pu faire... .
Il est mort à 45 ans. Digne héritier d'un nom dont
il porta noblement le fardeau , il venait d’étre nommé
correspondant de l’Institut de France , qui récom-
pensait en lui l'alliance déjà rare de la médecine
et de la littérature , et qui menace de devenir plus
rare encore. Sa perte sera vivement sentie à Lyon
et y sera difficilement réparée «
(58 )
MÉMOIRES
Dont l’Académie a délibéré l'impression
en entier dans ses Actes.
OBSERVATIONS
Sur le procédé pour teindre en bleu par la cuve
montée à chaud , au moyen de l'/saris Tinctoria ,
connu , dans le Commerce, sous la dénomination
de V'ouède et de Pastel.
Par M. BENJAMIN Paris.
Ce procédé, le plus expéditif et le plus écono-
mique que je connaisse , donne le bleu le plus solide
et le plus beau : il ‘applique à la soie comme à
la laine , et méme au fil de lin et de coton, lorsqu'il
est exécuté avec le soin et l'intelligence convenables.
Malgré tous ces avantages , combien d'artistes
cependant ont été obligés de l'abandonner à raison
des contrariétés qu’ils éprouvaient , sans se donner
la peine d'en chercher les causes !
Je me suis convaincu , par la persévérance dans
mes recherches, que la manière de cultiver et
particulièrement de récolter lisatis , influait consi-
dérablement sur le résultat du procédé ; et ce sont
ces recherches que je vais, Messieurs , avoir
l'honneur de vous soumetire,
Pour procéder avec ordre, je commencerai par
exposer succinctement comment on cultive et on
récolte l'isatis; je ferai connaitre ensuite la méthode
que j'ai adoptée pour le récolter moi-même et le
faire récolter par mes fournisseurs. Je joindrai um
C59)
tableau des opérations qui ont été exécutées dans
mes ateliers avec différentes espèces d’isatis.
Je suivrai pas à pas la marche dela cuve montée
avec cette plante fermentée ou non fermentée ; j'indi-
querai les phénomènes qu’elle présente , les diverses
maladies auxquelles elle est exposée , et les moyeus
de les prévenir ou d'y remédier; je dirai, enfin ,
ce qu’il convient de faire pour maintenir la cuve
en bon état.
Culture de lIsatis.
‘isatis tinctoria est une plante bisannuelle , de
la famille des crucifères, dont les feuilles servaient
autrefois à teindre en bleu avaut la découverte de
l'indigo.
Elle croît naturellement en Europe sur les bords
de la mer Baltique et de POcéan ; on la cultive en
grand dans le Languedoc , la Provence et dans le
département du Calvados , dans les communes de
Luc, Langrune et la Délivrande. Elle croit encore
naturellement sur les roches de Saint-Adrien près
Rouen , où elle se multiplie abondamment par ses
graines.
Sa racine est grosse , fibreuse et s'enfonce pro-
fondement dans la terre ; elle pousse des tiges
herbacées , très - lisses, hautes quelquefois de >
pieds ; la première année et l'année suivante , où
elle donne sa graine , elle monte de 11 à 14 déci-
mètres ( 4 à 5 pieds} ; le fruit est presque sem-
blable à celui du frêne et ne contient qu’une
semence.
Comme la bonté de l'isatis dépend de la grandeur
de ses feuilles , pour les obtenir telles et en avoir un
grand nombre , il faut semer cette plante dans un
terrein et une saison convenables, en espacer assezles
pieds et les débarrasser de toutes mauvaises herbes.
(60)
On sème ordinairement l’'isatis en avril où mai;
la terre doit avoir été précédemment défoncée par
des labours fréquents. Sa racine étant pivotante et
très - fibreuse , elle exige un sol profond , bien
ameubli, qui ne soit ni trop leger, ni trop sablon-
neux , ni trop fort, ni trop humide.
Sa graine est très-difficile à semer à cause de sa
légèreté. Au lieu de suivre le sillon comme pour
le bled, on est nécessairement obligé d’avoir le nez
au vent et de marcher en arrière , en faisant tourner
son bras horisontalement , de se hausser ou baisser
selon le degré du vent; quand il est trop fort il
est à craindre qu’il n’emporte la graine par peloton;
il faut alors, pour y remédier , la jeter plus haut.
Manière de récolter l’Isatis, particulièrement dans le
département du Calyados.
On fait ordinairement deux récoltes par an : la
première en juillet et la deuxième en octobre.
Cette dernière devrait étre défendue sous un double
rapport. 19 Autant cette plante est un excellent
compost pour le blé quand on n’en retire qu'une
coupe , autant elle lui est préjudiciable quand
on en fait une seconde , parce qu’elle appauvrit
irop la terre. 2° Le regain ( seconde coupe ) sur-
tout , quand il est récolté de la manière qu'il
va étre dit , produit des effets bien moins avan-
tageux pour amener lindigo à Pétat de cuve.
On coupe l'isatis à un demi-pouce dans terre avec
une espèce de truelle large et tranchante par le
bout ; on laisse les feuilles étendues sur la terre
un ou deux jours, pour qu'elles se flétrissent. On
les met ensuite en tas pour leur faire snbir un
premier degré de fermentation. Quandde cultivateur
(61)
sapperçoit qu'il s’est formé au pied du tas une
espèce de liqueur qu’il appelle siroté , il porte les
parties extérieures du tas à l’intérieur, et laisse subir
à la masse un nouveau degré de fermentation, et
on l'étend ensuite sur le gallet ou dans la prairie
pour lui donner la dessication convenable : après
quoi on la porte en magasin pour être livrée au
commerce.
Au moyen de cet apprêt , l'isatis acquiert une
couleur vert noirâtre qui flatte l'œil du consomma-
teur au préjudice de ses intérêts,
De l'Isatis fermenté ou Pastel,
Aussit-tÔt après la récolte, les feuilles légèrement
fanées sont portées à un moulin, où on les réduit
en pâte; cette pâte est mise en pile à Pair libre;
on la presse avec les pieds et les mains; on la bat
et on l'unit ; elle se revét d’une croute noirâtre
qui s’entrouvre souvent. Toutes les fois que cela
arrive , on lie la pâte et on l’unit de nouveau avec
beaucoup de soin , antrement elle s'éventerait, et
il se formerait dans les crevasses de petits vers qui
la gâteraient.
Elle est laissée en cet état pendant 72 à 15 jours;
après ce terme , on ouvre la pile de pastel, on
la broie entre les mains , mélant la croute avec le
dedans, et on en forme des pelotes allongées par
les bouts opposés , dans un moule fait exprès.
Lorsqu'il est bien desséché , on l’emballe et il peut
alors être employé daus Ja teinture.
Méthode que l’expérience a démontrée être la plus
convenable pour récolter l'Isatis destiné à la cuve
de bleu à chaud,
Le gouvernement journalier de cette cuve m'ayait
(62)
convaincu que les contrariétés que l'on n'éprouve
que trop souvent dans cette opération , ne pouvaient
provenir que des états divers où se trouve la
plante à raisen dela manière dent elle à été récoliée
et du plus ou du moins de fermentation qu'elle a
subie. Cette considération me fit concevoir le projet
de cultiver moi-même VPisatis.
Je fis donc préparer trois acres de terre qui
furent ensemencés au commencement du mois de
mai.
Le premier fut ensemencé avec Ja graine d'i-
satis qui croit naturellement sur les roches de Saint-
Adrien.
Le deuxième avec la graine de celui que l’on cul-
tive dans le département du Calvados.
Et enfin le troisième avec la graine d’une espèce
que l'on cultive à Albi. Cette dernière espèce est
sapérieure en qualité à celle du Calvados. Elle a
les feuilles plus larges, plus longues et plus lisses.
Les jeunes plantes subirent un premier sarclage
au commencement de juin, et un second dans le
courant de juillet.
Au mois d’août suivant , deux acres seulement,
savoir : ceux qui avaient été ensemencés avec la
graine provénant du Calvados et la graine tirée d'Albi,
furent coupés dans la même journée. Les feuilles
restèrent étendues sur Ja terre jusqu’au lendemain
quatre heures après midi, où elles furent mises en
petits tas pour passer la nuit : précaution indispen-
sable , parce que l'expérience m'a démontré que
les fortes rosées aïnsi que les pluies causent un
grand dommage à cette plante.
Le lendemain , elles furent étendues sur la terre
à neuf heures du matin et mises ensuite en tas. J'ai
observé qué les tas étaient extrémement chauds, ce
(635)
qui démontre que cette plante fermente avec une
extrême activité ; la chaleur s'est manifestée dans
bisatis du Calvados, pendant trois jours, et dans
celui d'Albi, pendant quatre , en diminuant toujours
progressivement.
L'isatis du Calvados resta étendu pendant six jours 4
et celui d'Albi deux jours de plus. Sa dessication
fut moins prompte , parce que la plante était plus
forte.
Ilest facile de concevoir que , si on ne rencon-
trait pas un temps très-favorable pour récolter cette
plante , il serait impossible de Pobtenir sans fer-
mentation , eu égard à la facilité avec laqueile elle
passe à la fermentation.
Le troisième acre , ensemencé avec l'espèce qui
croît naturellement sur les roches de Saint-Adrien ,
fut consacré à une autre expérience concernant les
vaches qui donnent du lait bleu , d’après l’invita-
tion qui m'en avait été faite par M, Tessier , membre
de l'Institut. J'en fis d'autant plus volontiers le sa-
crifice , qu'il me fut possible de m’en procurer une
quantité suffisante pour exécuter en grand l’expé-
rience comparative dont je rendrai compte dans un
moment. y
A la même époque , je me transportai avec
mes ouvriers à Saint-Adrien , et, par la trés-grande
complaisance de M. le desservant , je me procurai
une quantité considérable de cette plante qui , après
la dessication , me donna un produit de 65 kilo-
grammes (130 livres ) pesant. La plante fut fanée
dans les allées de mon jardin et sur le sable, La
dessication n’a duré que quatre jours ; trois même
auraient sufli, parce que la plante était beaucoup
plus petite , et que le sable sur lequel elle était
étendue , en a hâté la dessication.
C64)
J'ai observé ; dans l'isatis de Saint-Adrien , la
méme disposition à fermenter , que j'avais remar-
quée dans les autres espèces. LA
Tableau des opérations qui ont été exécutées avec
l'Isatis, comparativement aux différentes méthodes
employées dans sa culture. *
"
.
Quatre grandes cuves ayant chacune 3 mètres
C9 pieds) de profondeur sur 2 mètres {6 pieds} de
diamètre dans le bas et 16 décimètres C5 pieds)
dans le haut, furent emplies d’eau chaude à 75
degrés de chaleur , thermomètre de Réaumur.
On a mis dans la première , n° 1%, 60 kilo-
grammes ( 120 livres) d’isatis, cultive et réeelté.dans
la commune de Luc , département du Calvados ,
d’après la méthode en usage dans ce > département ;
et fermenté.
Dans la seconde , n° 2 , 60 vb nes ( 120
livres ) d’isatis des roches de Saint-Adrien , non fer-
menté.
Dans la troisième , n° 5 , 60 kilogrammes ( 120
livres ) d’isatis , récolté dans la commune de Belle-
ville-en-Caux , et produit de la graine du départe-
ment du Calvados , mais préparé sans fermentation.
Et enfin , dans la quatrième, n° 4, 60 kilogrammes
(120 livres) d’isatis, provenant de graine d'Albi,
cultivé sur la même terre et récolté aussi sans fer-
mentation,
Il a été ajouté dans chacune des quatre cuves ,
6 kilogrammes ( 12 livres) d’indigo broyé et amené
à une consistance huileuse , sans autres ingrédients
quelconques : les cuves furent bien palliées, Il était
six heures du soir lorsque les quatre cuves furent
garnies.
Le
(65)
Le lendemain , à cinq heures du matin, les nu-
méros 2 et 3 ( isatis de Saint-Adrien et du Calvados
non fermenté ) se trouvèrent dans un bon état
de fermentation. On reconnut cet état en heur-
tant les cuves , c’està-dire , en plongeant la palette
du rable avec rapidité de la surface du bain à l'in
térieur , jusqu’au pied de la cuve que l’on nomme
patée. Toutes les bulles d’air qui parurent alors à la
surface du bain étaient d'un bleu clair et trés-vif ;
le pied était moelleux et donnait déjà , exposé au
contact de l'air, une légère variation de nuance :
les cuves avaient l'odeur fade de la plante , mais
après leur avoir donné un tranchoir de chaux du
poids de 7 hectogrammes(1livre 1/2), pendant qu’on
les palliait , cette odeur fade disparut sans qu'il se
manifestât aucune autre odeur. La fleurée augmen-
tait à vue d'œil, offrait une couleur bleue cuivrée :
les veines bleues s’appercevaient trés-distinctement
à la surface du bain pendant le palliage. On donna
encore un tranchoir de chaux à chacune des cuves $
ce qui détermina une odeur ammoniacale qui piquait
un peu au nez. Je laissai les cuves en cet état jusqu’à
neuf heures dumatin.
Le n° 4 ( monté avec le pastel d'Albi et non
fermenté ) , était dans un état de fermentation
porté jusqu'à l’effervescence. Une quantité de
feuilles s'était portée à la surface du bain : effet
que l'on nomme semage , en termes de l'art. En
heurtant la cuve , le bain présenta les méme 3
symptômes que les précédentes ; mais le pied
de celle-ci , exposé au contact de l'air , donna
une variation de couleur plus déterminée. Cette
cuve absorba une plus grande quantité de chaux »
C'est-à-dire , trois tranchoirs. La fleurée se montra
plus abondante , mais moins bien réunie et d'un
E
€ 66 )
bleu plus terne ; les veines bleues à la surface
du bain étaient plus larges et plus apparentes-
Si on eût pallié la cuve trois heures plutôt , on
aurait évité l'effervescence très-vive à laquelle la
qualité supérieure de l'isatis avait donné lieu.
La cuve n° 1 montée avec le pastel fermenté ,
était restée dans un état de stagnation. En la
heurtant , les bulles d'air qui parurent à la sur-
face du bain étaient d’un gris sale , le pied était
moins moelleux et ne donnait aucune variation de
nuance par son exposition à l'air. On lui donna
un peu de nourriture , c’est-à-dire un demi-tran-
choir de chaux, et, pendant le palliage ;1l se mon-
tra un peu de fleurée d’un bleu très-pâle et terne;
on ne put distinguer aucune apparence de veines
bleues à la surface du bain.
A neuf heures du matin on pallia une seconde
fois. Les bains des n* 2, 3 et 4, présentèrent le
plus bel aspect. En heurtant les cuves il parut
à Ja surface du bain des bulles d'air qui étaient
d'un bleu de roi trèsvif. La fleurée était d’un bleu
cuivré vicleñt, bien réunie , ayant beaucoup de
relief, imitant la forme de grappes de raisin entas-
sées les unes sur les autres.
Le bain et le pied étaient de couleur jaune oli-
vâtre, qui, par le contact de l'air, se changeait
en une couleur vert bouteille foncé.
Pendant le palliage les veines bleues parurent
très-abondamment à la surface du bain. Les trois
cuves dont il s’agit ici avaient perdu l'odeur pi-
quante qu’elles avaient manifesté à la fin du second
palliage. Les n°% 2 et 3 reçurent , pendant qu’on
les palliait, deux tranchoirs de chaux, et len°4,
qui était encore en état de semage , eu reçut trois,
(0772 d
afin de modérer graduellement l'état de fermenta-
tion violente où elle avait été trouvée au palliage
précédent , et dont elle se ressentait encore. Elles
prirent alors une odeur ammoniacale trés-piquante:
état où l’on doit tenir ces sortes de cuves , sur-
tout davs les deux premiers jours de chaleur et de
travail , et qui doit être ensuite modéré graduelle-
ment, à raison de leur refroidissement,
En heurtant la cuve n° s pour la pallier, il pa-
rut à la surface du baia de petites bulles d’air qui
étaient d'un bleu ciel très-pâle , ce qui annonçait
que la fermentation s’établissait ; le bain et le pied
étaient de couleur d’eau verdâtre , ne donnant au-
cune variation de nuance par leur exposition à l'air.
Pendant le palliage il se manifesta un peu de
fleurée blene ; les veines bleues étaient presque
imperceptibles ; la cuve ne donnait ni l'odeur fade
de la plante , ni l'odeur piquante de l'ammoniaque.
Elle reçut un tranchoir de chaux qui n'apporia
aucun changement dans l'odeur , et, pendant le
palliage , elle ne donna aucune apparence d'amélio-
ration , ce qui prouvait qu’elle se ressentait en-
core de l'état de langueur où elle avait été trouvée
au palliage précédent,
A midi on découvrit les quatre cuves pour re-
connaître leur situation.
En examinant les bains des n° 2 , 35 et 4, ils
parurent tous les trois de couleur olive jaunâtre
bien nourrie ; les veines étaient très-multipliées et
recouvertes d’une pellicule rougeûtre , couleur de
gorge -de-pigeon. La cuve n° 4 ne ce ressentait
plus de l’état de fermentation violente qu'elle avait
éprouvée.
Une goutte du bain de chacune de ces trois cu-
ves fut déposée sur le revers de Îa main ; elles
E à
C68)
présentèrent une nuance de vert très-vif et bien
corsé , qui vira d'abord en vert foncé , et puis
en bleu noir ; cette couleur s'imprima sur l’'épi-
derme d’une manière très-tenace ; les bains étaient
clairs et limpides.
Le bain n° 1 , qui , au palliage précédent, était
. de couleur d’eau verdâtre, était changé en cou
leur olive jaunâtre très-pâle.
Une goutte de son bain déposée sur le revers de
Ja main présenta une nuance de vert pistache , et
pe laissa aucune trace sur l’épiderme; le bain n’é-
tait pas très-clair.
On mit dans chacune de ces quatre cuves un
échantillon d’étoffe de laine , qui resta dans le bain
endant trente minutes, au bout duquel temps
les échantillons furent retirés. Û
Ceux des n°5 2 , 3 et 4 , avaient acquis une
nuance de vert corsé et bien nourri , et ils
fonçaient graduellement à l'air ; ils conservèrent
une teinte de vert pendant l’espace de vingt minu-
tes , et présentèrent ensuite une couleur bleu de
roi foncé, bien tranchée et très-brillante. Les cuves
étaient alors en état de travailler.
On abattit en conséquence , dans chacune d'elles,
une mise composée de trois frocs de Bernay , du
poids de g à 10 kilogrammes ( 18 à 20 liv. ) chacun.
Ces étoffes y furent manipulées l’espace de trente
minutes ; on les retira ensuite de la cuve , en les
tordant , afn de les éventer pour les faire déver-
dir.
On les abattit ensuite de nouveau ; on manipula
pendant le même espace de temps que la pre-
mière fois ; puis on les retira. Après avoir été bien
déverdies , ces neuf pièces se sont trouvées tein-
es en bleu très-foncé et brillant. Il aurait été
(69)
impossible de désigner, à la seule inspection , sur
quelle cuve telle pièce avait été teinte : tant il y
avait de similitude et d’égalité dans la nuance de
chacune d'elles. C
On pallia ensuite les cuves; leurs bains, qui
étaient de couleur olive jaunâtre , se trouvirent
alors d’une nuance vert foncé. Les pieds étaient
toujours restés de couleur olive jaunâtre ; mais
au contact de l'air | au lieu de virer au vert
bouteille foncé , comme au palliage précédent ,
ils virérent au vert bleuâtre , ce qui est l'indice
de la situation la plus convenable à ces surtes de
cuves,
L'odeur des cuves n°’ 2 et 3 était faiblement
piquante ; on donna à chacune un tranchoir de
chaux , et une odeur ammoniacale sensible se
développa aussitôt.
L'odeur du n° 4 était nement afaiblie ; elle
était devenue très-douce et fade. Pour modérer la
trop grande activité de la fermentation dans cette
cuve , on lui administra deux tranchoirs de chaux,
ce qui lui donna l'odeur piquante des n°° 2 et 5.
La couleur de l'échantillon de la cuve n° r
p’avait aucune qualité ; c'était tout au plus une cou”
leur de gris sale de meünier.
En la heurtant pour la pallier , les bulles d'air
qui parurent à la surface du bain, se trouvèrene
d'un bleu clair assez vif ; le pied était plus moelleux
et de couleur olive jaunâtre ; expose à l'air , il virait
en couleur olive verdâire , et avait l'odeur fade de
la plante.
Tous ces indices annonçaient que la fermentation
était enfin rétablie.
On lui donna un tranchoir de chaux. La fleurte
acquit une couleur bleu foncé cuivré violent ; sa
E 3
(70)
forme était de meilleure Ju ; elle augmenta
‘aussi un peu.
Les veines bleues parurent à la surface du Loin
‘d’une manière très-distincte.
L’odeur fade disparut , sans cependant avoir rien
de piquant.
On lui donna encore un tranchoir de chaux , et
l'odeur ammoniacale se manitesta à lPinstant,
À six heures du soir on teignit dans les cuves
n°’ 2,5 et 4 une pareille mise d'étofles qui furent
manipulées comme les précédentes » à l'exception
qu'on les tint en cuve, à la première entrée , 45
minutes , et autant de temps à la seconde entrée
qu’on nomme rejet. Ces étofles se sont trouvées
d'une nuance égale à celle des précédentes. On
pallia les cuves et on donna à chacune d’elles un
tranchoir de chaux.
Nous observerons qu’on ne pourrait réitérer la
manœuvre dont on vient de parler , sans exposer
les cuves à la maladie qu'on nomme vert-brisé ,
et dont il sera parlé ci-après.
Ilest reconnu que les cuves du genre de celles-ci
ne doivent travailler que 50 minutes à l'entrée, et
autant au rejet , et qu'il faut ensuite les pallier et
leur Jaisser au moins trois heures de repos.
En heurtant la cüve n° 4% pour la pallier , on
remarqua, pour le bain et le pied, les mêmes symp-
tômes qu'on avait apperçus , daus les cuves n#2et3,
au palliage qui avait été fait à neuf heures du matin,
excepté que l'odeur piquante qui avait disparu dans
les cuves n° 2et 3, s'était conservée dans celle n° 1*";
aussi ne lui donna-t-on qu’un traachoir de chaux.
Le lendemain , à cinq heures du matin , on abattit,
daus chacune des quatre cuves, uue pareille mise
C7)
d’étoffes qui y furent manipulées le même espace de
temps et de la même manière. Ces étoffes en sortirent
couleur de bleu de roi.
Les pièces teintes sur la cuve n° 1" n’étaiene
pas plus foncées , quoique ce fût sa première mise
et que les autres en eussent déjà teint deux pré-
cédemment,
Je crois devoir observer ici que, pendant les qua-
tre jours suivants du travail de ces cuves, et trois
autres semaines durant lesquelles ces mêmes cuves
ont été réchauflées trois fois , le n° 1 a toujours
présenté un déficit très-sensible dans son produit.
Au quatrième réchaud , on lui donna 12 kilog. 1/2
(25 livres ) d'isatis d’origine d'Albi, avec lequel on
avait monté la cuve n° 4 ; après cette addition,
elle a donné absolument le méme produit que les
trois autres cuves.
D'après ces expériences, qui ont été faites avec soin,
et qui , repétées , ont donné le même résultat, nous
nous croyons fondés à dire que la manière dont
on récolte le vouède dans le département du Cal-
vados est très-préjudiciable aux teinturiers.
Notre opinion se trouve encore appuyée par le re-
sultat qu'offrent les cuves montées avec lisatis ou
pastel en coques qu'on prépare dans le midi de
la France , à raison de la fermentation trop active
ou trop prolongée qu'on lui fait subir.
Une preuve des plus couvaineantes c’est qu’on
ne peut opérer sur les cuves montées avec le pastel ,
que pendani un an à dix-huit mois au plus, après
lequel temps il faut jeter le bain et le pied à la
rivière.
Il n'en est pas ainsi des cuves montées avec
l'isatis non fermenté : celles-ci peuvent durer des
siècles,
E 4
C72)
J'ai conservé ces sortes de cuves, dans mon an-
cien local, pendant vingt-cinq années consécutives ,
et depuis quinze ans que je suis dans mes ateliers
actuels , ce serait encore les mêmes bains et les
mêmes pieds de cuves si je n’avais eté contraint de
les renouveller pour exécuter les expériences
dont je viens de vous rendre compte.
Il vous sera facile, Messieurs , de juger de la
qualité de l'isatis trouvé sur les roches de Saint-
Adrien, par l’état de la cuve n° 2; elle a toujours
offert les mémes symptômes et les mêmes progrès
que le n°3 , et elle a surpassé les effets de la cuve
n° 1 , qui avait été montée avec l'isatis ou vouède
du commerce et qui avait subi la fermentation.
La quantité et la qualité de l’indigo pour monter
ces cuves sont subordonnées à la quantité et à la
qualité des marchandises que l’on a à teindre. Par
exemple : pour les cuves où nous avons mis douze
livres d’indigo, on aurait pu aussi bien en mettre
deux livres comme quinze ; une plus grande quantité
nuirait aux intérêts du teinturier.
Il n’en est pas de même pour la chaux: on ne
peut en déterminer la quantité à raison de la quan-
tité de l’indigo, ni même de la quantité de Pisatis
qu’on emploie ; la quantité de chaux est subordonnée
au dégré de fermentation qui s'établit. Ce dégré de
fermentation dépend de la quantité des matières qui
Ja produisent ; il dépend encore de l’état de Fat-
mosphère , du plus ou du moins de chaleur du
bain, du refroidissement plus ou moins prompt ,
de la quantité et de la qualité des étoffes que l’on
teint.
L'odorat paraîtrait donc le seul guide auquel il
faudrait s’en rapporter pour gouverner les cuves
de bleu à chaud , et on conçoit que la moindre
(75)
indisposition dans cet organe peut occasionner des
erreurs capitales et exposer le teinturier à de grandes
pertes.
C'est pourquoi je vais vous soumettre , MEssiEURS ,
quelques observations qui me sont propres et au
moyen desquelles on reconnaitra, au simple coup-
d'œil , le véritable état d'une cuve , et par consé-
quent de quelle manière on doit la nourrir , c'est-
à-dire , lui donner laquantité de chaux convenable.
Lorsque , dans les premiers jours de réchaud ,
une cuve présente à l’œil un bain de couleur olive
jaunâtre ; que les veines bleues qui sont à sa sur-
face sont très-multipliées et prolongées , qu’elles se
tiennent toutes les unes aux autres , et qu’elles sont
recouvertes d'une pellicule rougeâtre gorge-de-
pigeon ; qu’en soufflant sur le bain les veines se rom-
pent et se partagent en cet endroit; qu'elles se réu-
nissent avec la même rapidité qu’elles ont été sépa-
rées ; qu’elles forment à l'endroit de leur réunion un
point bleu en forme de nœud ; que la fleurée est bien
réunie et d’une couleur bleu cuivré violent ; qu'elle
imite la forme de plusieurs grappes de raisin entassées
les unes sur les autres; qu'en clapotant le bain avec
un petit bâton , les eloches qui se forment à sa sur-
face restent quelques moments sans s’affaisser ;
qu’une goutte de bain déposée sur le revers de la
main paraît à l'instant d'un vert très-vif, qui vire
d'abord en vert très-foncé , puis en bleu noir ,
et qu’une nuance de ce bleu reste imprimée sur l'é-
piderme ; que le pied, de couleur olive jaunâtre ,
exposé à l'air, devient vert bleuâtre : tous ces in-
dices sont des signes certains que la cuve est dans
le meilleur état possible , et il faut alors la nourrir
avec beaucoup de modération.
Si, au coutraire, on n'apperçoit pas la pellicule
(74)
rougeñtre gorge- de-pigeon ; si les veines sont
plus abondantes et plus larges en certains endroits
que dans d’autres ; si, en soufllant dessus , elles ne
se réunissent que trèslentement ou même qu'elles
ne se réunissent point ; si la fleurée n’est pas
bien réunie et si elle est affaissée ; si, en clapo-
tant le bain avec un petit bâton , les cloches
qui se forment erèvent très -rapidement ; si une
goutte de bain déposée sur le revers de la main
parait d’un vert olive jauvâtre virant d'abord en
vert bouteille, puis en bleu ; si une teinte de cette
couleur s'imprime faiblement sur l'épiderme ; si le
pied exposé à l'air devient vert bouteille : tous ces
caractères sont autant de preuves que la cuve est
très - douce en goût , et qu’elle a grand besoin de
nourriture, c'est-à-dire de chaux.
L'observateur pourra remarquer un phénomène
singulier , en adiministrant la chaux aux cuves dont
on vient de parler. Dans le premier cas, celui ow
la cuve est en bon état, la chaux restera quelques
instants à la surface du bain , comme si la cuve
refusait de la recevoir ; dans le deuxième cas , la
cuve s’emparera de la chaux avec une rapidité
étonnante , au point que les premier et deuxième
tranchoirs de chaux disparaitront à l'instant.
En palliant une cuve à laquelle on donne de la
chaux , on reconnañtra si elle est suflisamment
pourvue, à uue pellicule gazeuse de couleur gri-
sètre, qui nage, comme un Corps gras, à la surface
du bain , malgré le mouvement occasionné par le
palliage. Dans ce cas, il faut suspendre toute nour-
riture , et, si on l’appercçoit encore au palliage sui-
vant, coutinuer la diète : sans quoi on s’'exposerait
à mettre la cuve hors de travail, en empêchant la
fermentation de naitre. On reconnait ce même état
(75)
de la cuve à l'odorat, lorsque l'odeur ammoniacale
dont il a été parlé précédemment se fait sentir
jusques dans la gorge.
Il me reste, Messieurs , à vous entretenir des
diverses maladies auxquelles les cuves de bleu à
chaud sont exposées,
Les accidents dont il va être question n'arrivent
que lorsque ces cuves sont mal administrées.
Cuves rebutées.
On reconnait qu'une cuve est rebutée lorsque ,
le lendemain du réchaud, le bain et la patée pa-
raissent de couleur olive vert brunâtre ; queles veines
de la surface du bain sont très-minces, quoique la
fleurée soit abondante ; qu’en heurtant la cuve avec
le rable , les bulles d'air qui paraissent à la surface
restent Jong-temps sans salfaisser ; que l'odeur est
âcre; qu'au toucher , le bain parait légèrement rude
entre les doigts. Une cuve qui offre ces apparences
est faiblement rebutée , c'est à-dire , un peu trop
garnie de chaux : il faut supprimer la nourriture
au palliage , et laisser la cuve sept à huit heures en
repos et quelquefois davantage pour donner le temps
à la fermentation de se rétablir. Si, au contraire,
on la palliait , de trois heures en trois heures , comme
cela se pratique lorsque les cuves sont en bon état, elle
pourrait rester plusieurs jours sans se rétablir ; ce
qui prouve que les cuves ne doivent être palliées
qu'à propos,
Mais lorsque, le lendemain du réchaud, le bain
pe présente aucune nuance de couleur déterminée ;
qu’une goutte placée entre l'œil et la lumière ; parait
claire comme de l’eau ; que le pied de couleur bruue
(76)
rougeâtre ne varie point par son exposition au contact
de l'air, et qu’il n’a aucune odeur déterminée ; qu’au
toucher, le bain et le pied sont rudes ; qu'en heur-
tant la cuve les bulles d'air qui viennent à la sur-
face sont d’un blanc grisâtre et font entendre une
espèce de sifflement , qu'on n’apperçoit ni veines
bleues ni fleurée , ôn peut alors étre certain que la
cuve est tout-à-fait rebutée.
Une cuve en cet état a quelquefois fait prendre
le change à des teinturiers qui les ont traitées comme
des cuves décomposées , parce qu'ils se persuadent
que le mal ne peut venir que de la trop grande
quantité absolue de chaux qui a été administrée à
la cuve, tandis qu’un tranchoir de chaux devient
quelquefois une quantité relative considérable.
On emploie divers moyens pour rétablir une
cuve rebutée ; je me bornerai à en citer un qui me
parait mériter attention , e: sur lequel je me per-
mettrai quelques réflexions.
On met un boisseau de son dans un sac auquel
on attache un poids de douze livres , pour le forcer
à descendre sur la patée ; on le laisse dans la cuve,
depuis six jusqu’à douze heures plus ou moins ,
à raison de l’état de la cuve. Au moment où le
sac s'élève de lui-même à la surface du bain,
malgré le poids de douze livres qui tend à le re-
tenir au fond , la personne qui surveille ce mou-
vement s'en saisit aussitôt et le tire promptement
hors de la cuve. Par ce moyen on perd beaucoup
de bain qui est chargé d’une assez grande quan-
tité de substance colorante. Le motif qui détermine
à suivre cette pratique, c’est qu’on se persuade que
le sac descendu au fond de la cuve a dù s’em-
parer de la surabondance de chaux qu’elle con-
tenait.
C77)
On appuie cette opinion sur ce qu'on 'appergçoit
une liqueur blanchâtre qui s'échappe du sac lorsqu'on
le retire du bain , etsur ce qu’il exhale une odeur
forte ct désagréable.
On croit aussi que si on ne saisissait pas le sac
à l'instant où il monte à la surface , il restituerait,
en redescendant , toute la chaux dont on croit qu’il
a dû se charger.
Je suis loin de partager cette opinion. Pour me
rendre compte de cette opération et en examiner
les eflets , j'ai mis chez moi une cuve à l’état de
cuve tout-à-fait rebutée. Au bout de neuf heures
quinze minutes , le sac de son a monté à la surface
du bainouil a plané sept minutes avant de descendre.
Quarante-cinq minutes après, il s'est éleve de nouveau
et n'a plané que quatre minutes. En redescendant la
seconde fois , il fit monter à la surface du bain des
bulles d'air qui étaient de couleur bleu ciel assez
vif, ce qui annonçait qu’il avait produit un bon
effet, et que la cuve avait besoin non-seulement
d’être palliée , mais méme de nourriture ; cependant
je n’en donnai point, parce que, pour s’instruire , il
faut quelquefois savoir faire des sacrifices. Il était
alors onze heures de nuit , je laïissai le sac dans la
cuve jusqu’au lendemain cinq heures du matin,
Je le trouvai alors à la surface du bain où il avait
entrainé avec lui une quantité considérable de
patée ; si je l'eusse laissé encore quelques instants,
la cuve aurait été complètement décomposée ou
coulée.
D'après cette expérience , il est facile d'apprécier
l'effet que produit le sac de son dans une cuve
tout-à-fait rebutée.
Le son , susceptible de fermentation , devient, à
l'a de de la chaleur , un principe de fermentation
(78)
pour l'isatis. De cette fermentation combinée , ou
peut-être dé la fermentation du son seul, résulte
la formation de lacide acétique où vimaïgre. La
chaux excédente , saturée par cet acide , ne s’op-
pose plus à la fermentation qui se rétablit alors
avéc activité , et détermine , dans la masse de li-
queur, un mouvement suflisant pour porter Île sac
de bas en haut , et le soutenir re quelques
minutes à la surface.
L'odeur puütride du sac, après la fermentation du
son , est la même que celle des eaux sures des ami-
donniers , et s'explique par les mêmes principes.
Le degré de fermentation , déterminé par l'effet
du sac, est quelquefois si violent, que si on ne
le modérait pas par l’action de la chaux , la fer-
imentation changérait bientôt de nature et deviendrait
une véritable fermentation putride qui entraînerait
Ja perte totale de la cuve.
Les symptômes pour reconnaître une cuve re-
butée pendant qu'elle travaille, c’est-à-dire , après
quelques jours de réchaud , ne sont pas les mêmes
que pour une cuve simplement rebutée. Le bain
et le pied se présentent sous des formes bien diffé-
rentes. Dans le premier cas , lé baïn et la patée pa-
raissent d’une couleur olive jaune rougeâtre et
dans le second , d’une couleur olive vert brunäâtre.
Les veines , dans l’un et l'autre cas , sont très-
minces ; en soufilant dessus pour les diviser , elles
ne se réunissent pas où du moins très-lentement ; le
bain placé entre l’œil et la lumière ne donne qu'une
très-légère nuance d'olive clair et terne ; le pied
exposé à l'air varie très-peu ; le toucher du bain et
du pied sont rudes ; l'odeur est âcre : d'où l'on
doit conclure que la fermentation n’a pas lieu.
Les circonstances obligent quelquefois de travailler
C79)
sur ces cuves, Outre qu’on n'obtient que des bleus
ternes et peu tranches , on aggrave le mal en ajou-
tant à la maladie de la cuve rebutée , celle de vere
brisé : à chaque opération , les cuves déclinent
tellement qu’en moins de vingt-quatre heures elles
ae produisent ancune nuance de couleur.
Cuve coulée ou décomposée.
La cuve coulée, après quelques jours de réchaud
est fort facile à reconnaître par son odeur putride.
Elle arrive par degrés à l’état de décomposition ,
et on s’en apperçoit lorsque le bain et le pied pa-
raissent de couleur d’argile rougeâtre , et qu’ex-
posés à l'air ils virent au vert jaunâtre. Le bain est
doux au toucher et le pied mollasse ; les veines
sont trés-larges ; en soufflant dessus elles se divi-
sent et se réunissent très-lentement, L'odeur est
douce et fade ; il est alors indispensable de la ré-
chauffer et de lui administrer deux tranchoirs de
chaux.
Si , au lieu de la réchauffer , on la fait travailler,
on sera surpris de voir que cette cuve , en état de
moladie , fasse des nuances plus foncées et plus
brillantes que précédemment, mais elles seront moins
solides; ce qui me ferait présumer que , par une
fermentation forcée, la cuve tiendrait en suspension
une plus grande quantité d'indigo.
Après l'avoir fait travailler | on la trouvera
bientôt totalement décomposée , et , en très
peu de temps, en putréfaction complette | exha-
lant une odeur fétide très - désagréable ; ce qui
a fait dire à divers auteurs qui ont traité ce
sujet , qu’il fallait s’empresser de les jeier à la
rivière. A la vérité, en examinant soigneusement
(80 )
le pied et le bain de ces cuves , quelle’que soit
la quantité d'indigo qu'elles contiennent , il est
impossible d'en reconnaître un atôme. Cependant ,
en les traitant comme ïil vient d'être dit , on
r’en perd pas la moindre partie ; l’expérience me
l'a toujours démontré. Plusieurs fois j'ai été ap-
elé à Lisieux , à Louviers et à Rouen ,; pour
rétablir des cuves coulées , et toujours la méthode
que j'indique m'a parfaitement réussi. Il y a cepen-
dant une chose très-essentielle à observer en admi-
nistrant Ja chaux à une cuve en état de décom-
position , c’est de ne pas passer d’une extrémité à
l'autre : l'excès de chaux dans une cuve , arré-
tant la fermentation , en donner une trop grande
quantité , ce serait accumuler les accidents les
uns sur les autres.
Vert-brisé.
Cette maladie des cuves est peu connue des
teinturiers , dont plusieurs ne fixent leur attentiou
que sur la cuve rebutée ou coulée, Aussi , lorsqu'ils
rencontrent le vert-brisé sont-ils fort embarrassés.
Administrera-t-on de la nourriture , ou fera-t-on faire
diète ? Quel que soit le parti qu’on prenne on s’ex-
pose à rebuter la cuve ou à la décomposer.
Le vert-brisé est prodnit par plusieurs causes ;
1° lorsqu'on emploie du vouède ou pastel qui a
trop fermenté dans sa préparation , ou du youède
de seconde coupe récolté avec fermentation; 2° lors-
qu'on fait travailler une cuve qui n'était pas en
état, ou qu'on la fait travailler trop long-temps ou
trop souvent, quoiqu’en bon état; 3 lorsqu'on la
laisse manquer de nourriture et qu’on lui en admi-
nistre eusuite trop abondamment.
Tous
(81)
… Tous ces moyens tendent à troubler le mouvement
de fermentation convenable à ces sortes de cuves,
On reconnait cet etat de la cuve aux sympiômes
suivants : le bain et le pied, de couleur olive vert
rembruni , étant exposés à l'air ne varient pas de
nuance ; il y a très-peu ou point de fleurée ; les
veines sont presqu'imperceptibles ; le toucher rest
ni rude , ni doux ; il n'y a point d'odeur détermi-
née ; en: heurtant la cuve les bulles d'air sont de
couleur grisâtre, et les marchandises que l'on teint
sortent de nuance bleu grisâtre très-terne. Aussitôt
qu’on apperçoit quelques uns de ces symptômes, il
faut réchauffer la suve sans lui donner de chaux;
on pourra seulement lui donner quelques livres
d'isatis récolté sans fermentation , et, en moins de
douze heures, la fermentation sera complètement
rétablie.
D'après ce qui vient d'être dit , il est facile de
se convaincre que la moindre interruption dans le
mouvement de fermentation , quelle qu'en soit la
cause, met la cuve en danger.
Pour préveuir tous ces accidents ilest un moyen
bien simple , c’est de faire usage d'isatis ou vouède
récolté sans fermentation.
Une cuve montée de cette manière offre de grands
avantages; elle est en œuvre plus promptement ; on
peut y teindre la laine comme la soie , le fil de
lin comme le coton , et elle dure tant qu’on veut,
tandis qu'avec le pastel fermenté , la cuve ne dure
qu'un an ou dix-huit mois au plus, au bout duquel
temps il faut jeter le bain et le pied à la rivière.
Il est d’ailleurs plus facile de modérer la fermen-
tation que de la provoquer.
(82)
st PS PT
MÉMOIRE.
Sur l'extraction de l'Zndigo de la plante du Pastel.
Par M. PA vx.
Tous les procédés qui ont été publiés pour
extraire la fécule bleue ou lindigo du pastel,
consistent , les uns à faire infuser les feuilles fraîches
de pastel dans de l’eau bouillante pendant un temps
donné ; les autres à les faire fermenter jusqu’à un
certain dégré , et à précipiter ensuite la fécule au
moyen d’un alcali.
Tous ces moyens s'accordent avec celui qui est
indiqué dans l'ouvrage de d'Ambournrey , savant
modeste , et dont le nom sera toujours cher à
l'Académie; mais l'indigo du Pastel sinsi obtenu ,
est, selon moi, par rapport à l’indigo étranger , ce
que le sucre brut est au sucre raffiné.
Je vous soumettrai donc , Messieurs , le détail
de mes opéraions , 1° pour obtenir l'indigo brut;
2° pour l’épurer.
Mille parties de feuilles fraiches de pastel furent
Javées et mises dans une chaudière de cuivre , en
les semant avec la main pour qu'elles ne se trou-
vassent pas trop tassces ; on y a ajouté cinq milles
parties d'eau de rivière froide.
A cinq centimètres au-dessous du liquide , ôn
a assujetti les feuilles au moyen d'une champagne
ordinaire que l’on a fixée à quatre ansettes tenant à
la chandière On alaissé le tout en cet état perdant
douze heures environ ; ce délai expiré la liqueur
éiait légérement colorée en vert bleudire, On fit alors
(85)
circuler autour de la chaudière un courant d'air
chaud de manière à amener le bain au degré de
22 à 25 de chaleur au plus.
Au bout de six heures, le bain était d'une couleur
verte bleuâtre. On vit à la surface des bulles de
diverses couleurs, blanches, blen ciel , bleu d'iris,
et il se forma une pellicule d'un bleu cuivré qui
couvyæait , en grande partie, la surface du bain.
Ayant verse dans un verre conique deux cuille-
rées de bain, on y ajouta la même quantité d’eau
de chaux. Le bain vira sur-le-champ à ja couleur
verte.
Après avoir bien agité la liqueur , on la laissa
reposer ; il se forma , en très-peu de temps, un
précipité bleu, et la liqueur resta jaune verdâtre.
Nous observerons ici que le bain ne doit jamais
avoir plus de 22 à 25 degrés de chaleur, Si on
élève sa températu:e au-delà de ce terme, on ob-
tiendra , il est vrai, de la fécule bleue , mais d’une
qualité bien inférieure.
Lorsque la surface du bain offre la conleur
vert bleuâtre , et qu’elle est reconverte d’une
pellicule cuivrée ; que les builes d'ar sont d'un
bleu - vif bien déterminé ; qu’en éprouvant le
bain dans un verre avec de l’eau de chaux , il
paraît d’un vert bleuâtre bien nourri ; que le
. précipité est d’un bleu bien vif : il faut alors
soutirer ce bain , y ajouter une quantité égale
d'eau de chaux et bien agiter le tout. On yoit
bientôt se former une mousse bleu ciel qui foice
gradue lement.
J'ai essayé , Messieurs , tous les procédés publiés,
soit par le gouvernement ; soit par ceux qui ont
écrit sur cette opération ; comparativement au pro-
cédé que jé vieus de vous exposer, et j'ai trouvé
F 2
CL 84)
que, par ce dernier, j'obtenais une fécule bleus
plus abondante et d'une couleur,plus riche.
L'indigo de paitel ainsi obtenu peut déjà être
employé pour la teinture dans un grand nombre
de cas, mais il a besoin d'être épuré pour quelques
autres.
Voici le moyen que j'ai employé pour obtenir
la fécule bleue dans sa plus grande pureté et telle
qu'on puisse l'employer dans toutes les opérations
de la teinture.
Dans une chaudière contenant 110 à 120 hecto-
litres, placée dans un local bien clos , et soutenue
par un fourneau construit de manière à ne chauffer
la chaudière que dans ses parties latérales , on
versa , jusqu’à 6 décimètres au-dessous du bord, de
l'eau à 80 degrés , thermomètre de Réaumur ; on ÿ
ajouta 60 kilorammes de feuilles de pastel sec et
récolté sans fermentation ; on agita le tout pendant
20 minutes pour abreuver ces feuilles et les faire
précipiter au fond de la chaudière que l'on cou-
vrit bien afin de conserver la chaleur.
Au bout de six heures on jugea , par de petites
bulles d'air de couleur blanchâtre qui parvurent
à la surface du liquide , que la fermentation avait
lieu. On jeta alors dans la chaudière le précipité
obtenu de 1000 kilogrammes de feuilles fraiches de
pastel ; on agita encore, et on couvrit la chaudière
comme précédemment,
Trois heures après , la fermentation était très-
active ; il se manifesta ue fleurée très-brillante et
des veines bleues très-abondantes. On agita le tout
pendant 20 minutes, durant lequel temps , pour
modérer l'action de la fermentation et l'empêcher
de passer à l'état de fermeutation putride , on mit
deux kilogrammes de chaux éteinte à l'air et passée
au tamis.
(85)
Après trois heures de repos, on appercut , à Îa
surface , une écume grisâtre , au-dessous de la-
quelle se voyaient des veines bleues très-larges et
très-multipliées. La fleurée était très-abondante.
On pallia pendant vingt minutes , en ajoutant 15
hecogrammes de chaux en poudre, et on laissa
la liqueur en repos pendant huit heures.
Ce temps expiré on soutira les deux tiers du
liquide; on précipita par l'acide muriatique , et
on obtint une fécule très-pure et de la plus
grande beauté.
On mit ensuite dans la chaudière le précipité
fourni par 500 kilogrammes de feuilles fraiches de
pastel ; on acheva de la remplr avec de l'eau , et
on donna le feu ; on pallia et-on suivit du reste
l'opération comme il à été dit plus haut.
La quantité de chaux que l'on emploie dans
cette opération ne peut pas être toujours la même ;
elle. est subordonnée au degré de fermentation qui
s'établit.
Le bain préparé pour l'épuration étant bien con-
duit, peut durer continuellement , et le teinturier
qui exéculera cette opération aura le double avan-
tage d’épurer la fécule du pastel surabondante à
sa consommation, et de teindre ses étoffes dans le
bain restant.
J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un échan=
tillon d’iudigo de pastel obtenu par les procédés
que je viens de détailler.
Ce n’est donc plus un problème aujourd’hui de
savoir si on pourra suppléer à lindigo étranger.
Il est bien démontré qu'avec notre indigo indigène
on obtient toutes les nuances de bleu possibles
et à meilleur marché. On ne sera donc plus forcé
de remonter les nuances des bleus avec le bois de
KE 5
( 86)
campéche : fraude à laquelle l'excessive cherté de
l'indigo a donné naissance.
J'aurais desiré , Messieurs , pouvoir déterminer
le prix du nouvel indigo ; mais j'ai besoin pour
cela de quelques éléments plus exacts que ceux
que j'ai pu me procurer jusqu’à présent.
Dans une des lettres dont Son Excellence le
Ministre de intérieur ma honoré, je vois que M.
Giobert, professeur de chimie à l'Académie de
Turin , est directeur d’une école expérimentale
établie à Quiers, département du Pà , pour la fa-
brication de l'indigo du pastel.
Le département de la Seine-nférieure , n’aurait-il
pas intérêt de solliciter de Sa Majesté PE Fe à
à Rouen, d'une semblable école ?
Si vous êtes, Messieurs , persuadés , comme je
le suis moi-même , des avantages qu’il y aurait à
posséder dans nos murs une école de ce genre,
je vous prie d’en former la demande à Son Excel-
lence le Ministre de l'intérieur, en vous adressant
d’abord à M. le Préfet du département, dont le
zèle pour le progrès des arts utiles vous est assez
connu. (1) {
|
(1) De nouvelles recherches sur cet objet | ont fait dé-
_couvrir à M. Pavie un moyen très-simple d'obtenir dn pas=
tel un indiso de la muilleure qualité , et qui n’a pas besoin
d’être raffiné pour servir à lart de la teinture.
M, Pavie se propose de communiquer ce nouveau procédé à
l’Académie , qui s'empressera de le publier dans le volume de
ses actes, pour l’année 1812.
(87)
nt nd PC CL
R'A PUP'OUR.T
Fait à M. le Préfet du département de la Seine-
Inférieure , membre de la légion d'honneur ,
baron de l'empire , sur l'extraction du sucre de
la betterave.
Par J. B, Virazis, professeur de chimie.
MONSIEUR LE PRÉFET,
Par Ja lettre dont vous m'avez honoré le 6 avril
dernier , vous m'inyitiez à faire un essai pour
extraire de la betteraye un morceau de sucre par-
faitement cristallisé , aussi dur et aussi blanc que
le sucre de canne, afiu de détruire, de prévenir
même , par des faits, les préventions que le pré-
jugé pouvait opposer à l'introduction de la nouveile
branche d'industrie que S. M. I. et R. veut créer
dans ses états, et qui a pour but de remplacer le
sucre des colonies par celui que peuvent fournir
les productions indigènes et notamment la racine
de betterave.
Flatté de trouver l'occasion de vous donner une
preuve de mon zèle à seconder les vues ben-
faisantes du gouvernement , et de mon empresse-
ment à répondre à vos désirs, je m'occnpais des
moyens de me procurer une quantité suflisaute de
racines de betterave , lorsque M. Huard fils,
raflineur de sucre en pain » à Rouen ; vint me
prier de lui indiquer les procédés à suivre pour
extraire le sucre de cette racine,
M. Huard avait à sa disposition 100 kilogrammes
de betteraves blanches qu’il avait achetées à Paris ;
ce qui me donna la facilité de travailler sur - le-
champ , c'est-à-dire le 9 avril, ee
4
(88 )
Pour réduire la racine en pulpe , on eut re-
cours à la râpe ; mais les moulins à râpe con-
duits par un manège, et les pressoirs ordinaires se-
raient à préférer de beaucoup dans les travaux en
grand.
La pulpe fut soumise à la presse , et rendit 60
kilogrammes d'un suc verdâtre , d'une saveur très-
sucrée, mais conservant le goût et l'arôme de la
plante.
Ce suc marquait 8 degrés à l'aréomètre de Bau-
mé , pour les acides : il rougissait faiblement la
teinture de tournesol , ce qui annonçait cependant
la présence d'un acide libre et qui a été reconnu
pour l'acide malique.
On s'apperçut de l'existence d'une assez grande
quantite de mucilage dans ce suc , par uue écume
abondante qui nageait à sa surface.
Le sue fut versé, le même jour , dans ure
chaudière de cuivre , qui ne recevait limpres-
sion du feu que par son fond , et on évapora
jusqu'à ce que a liqueur fût à-peu-près réduite
a la moitié de son volume.
Le suc m’ayant paru contenir peu d'acide, je
crus pouvoir me dispenser d’en opérer la satura-
tion par les substances alcalines , et l'évènement
a prouvé que je ne m'étais pas trompé.
On clarifia donc, sur - le- champ , par le sang de
bœuf , et au moment où lon vit l'écume bien
formée , on cessa le feu et on jeta le tout sur
ur filtre de toile un peu serrée.
La liqueur filtrée était de couleur ambrée et très-
limpide : elle rongissait la teinture de tournesol.
On la soumit de nouveau à l'évaporation , jus-
qu'à ce quen y plongeant l'aréomètre , l'instru-
meut indiquât qu'elle avait acquis 51 degrés de
( 89)
densité : ce qui répond à 33 ou 54 degrés après
le refroidissement.
En pesant le sirop on le trouva du poids de 6
kilogrammes et demi.
Ce sirop fut porté à l’étuve de la raffinerie de
M. Huard, où, en huit jours de temps et à une
température de 4o degrés / échelle de Réaumur),
il laissa déposer des cristaux de sucre , empâtés d'un
sirop noir d'une saveur très-désagréabie.
Ce dernier sirop laissé à l'étuve fournit de nou-
veaux cristaux d’un plus grand volume , et qui
ressemblaient entièrement , pour la forme , a ceux du
sucre que l’on nomme vulgairement sucre candi.
Pour purger le sucre brut du sirop noir qui l’al-
térait, on se servit du procédé indiqué par le pro-
fesseur Lampadius , Annales de chimie , tom. 59 ,
page 81. On mit la moscouade dans un sac de
toile , et on lui fit éprouver une pression graduée.
Au sortir de la presse, la moscouade couservait
encore uue teinte rousse qu'il fallait faire dispa-
raître entièrement,
Pour atteindre ce but je me servis du même
agent que j'avais employé ; quatre ans aupara-
vant , pour décolorer certains sirops de sucre que
M. Huard père, alors raflineur , à Rouen, avait
intérét de blanchir.
Cet agent est l'acide muriatique oxigéné.
Mais la manière de l'enployer ici devait étre
différente. En effet, l'acide muriatique oxigéne li-
quide dissout le sucre avec une grande facilité ,
et il s'agissait d'enlever la partie colorante sans
rompre le grain.
On y parvint de la manière suivante :
On mit la moscouade dans un linge serré 3
ce j’humecta d'un peu d'acide muriatique oxigéné
( go )
liquide ; on tordit sur-le-champ le linge par les
deux bouts , et on trouva la moscouade convertie
en très-belle cassonade , ainsi que vous pourrez »
M. le Préfet , vous en convaincre par l'échantillon
qui sera mis sous vos yeux.
Cette cassonade portait avec elle une legère
odeur de l'acide qui avait été employé pour la
blanchir ; mais cette odeur disparut entièrement
au premier bouillon qu'on lui fit jeter après l'a
voir fait dissoudre dans une petite quantité d'eau.
La curiosité nous porta , M. Huard et moi,
à traiter sur-le-champ quelques décagrammes de
cette cassonade , par l'alcool , pour remplacer le
térrage , et nous obtinmes une cassonade très-
blanche, avec laquelle on fabriqua un petit pain
de sucre tapé , très-blanc et très-dur.
Ce résultat , quoique très - satisfaisant, nous
laissait cependant quelque chose encore à désirer:
c'était de tirer de notre cassonade du sucre en pain.
Cette opération ,; qui ne nous eût présenté au-
cune difficulté en grand, puisque les manipula-
tions sont absolument les mêmes que pour le raf-
finage da sucre de canne , qu'on sait être iden-
tique avec celui de betterave , nous en offrait de
réelles , eu égard à la petite quantité de matière
sur laquelle nous avions à opérer.
Mais n'écoutant, Monsieur 1e Prérrr,quele désie
de répondre à votre invitaton ,; nous primes les
précautions que nous jugeimes convenables , et
nous parvinmes à former un petit pain de sucre
terré , du poids d'environ 8 hectogrammes , par-
faitement cristallisé, aussi dur et aussi blanc que le
sucre de canne , et tel, en un mot, MONSIEUR LK
PRÉFET , que vous me l'aviez demandé.
Ce sucre examiné soigneusement sous les rap-
(91)
ports physiques et chimiques, ne m’a paru différer
en rien de celui de canne. L'air , l’eau , le feu ,
les acides , l'alcool, l’éther, etc. , agissent abso-
lument de la même manière sur ces deux produits
qui se resemblent encore particulièrement en ceci
que leur propriété sucrante s’affaiblit à mesure
qu’ils ont éte plus raffinés.
Quant au prix auquel pourrait revenir le sucre
de betterave , on ne peut le déterminer par les
dépenses qui ont été faites pour l'essai , attendu.
qu'au moment où M. Huard a acheté les bette-
raves employées , ces racines étaient recherchées
de tous ceux qui voulaient en faire des porte-
graines ; ce qui en élevait considérablement la
valeur réelle. ;
Mais on peut résoudre très - approximativement
la question , en observant qu'on peut retirer, au
minimum , une partie et demie de sucre brut de 100
parties de betteraves , et par conséquent près
d’uue partie pour cent de sucre raffiné.
Or , le prix de 50 kilogrammes de betterave ne
pourra excéder 1 fr. 50 c. En ajoutant à cette
somme 75 c. pour les frais de main-d'œuvre, on
voit que le fabricant pourrait fournir du sucre au
commerce à un prix bien inférieur à celui auquel
se vend aujourd’hui le sucre de canne,
L'intérêt particulier se joint ici à l'intérêt gé-
néral pour favoriser l'extraction du sucre de la
betterave.
Il est prouvé en effet (/nstruction sur la ma-
nière de cultiver la betterave , par la Société d’a-
griculture, du commerce et des arts de Boulogne) ,
qu'un arpent de terre de 100 perches (demi-hec-
tare), doit produire au moins 15,000 kilogrammes
ou environ 500 quintaux (ancien poids de marc}
(92)
de betteraves ; et en n’estimant le quintal qu’à 1 fr.
Sc €. , on aurait 450 fr. pour le prodnit d’un
seul arpent : produit qui offre au culivateur un
bénéfice dont il s’emp ressera sans doute de profiter.
Le rafäneur à ‘on tour aura l'avantage de
pouvoir trouver, pour ainsi dire , sous sa main ;
la matière sur laquelle doit s'exercer son indus-
trie. 11 fabriquera le sucre brut pendant les saisons
de l'automne et de l'hiver ; le printemps et l'été
seront employés aux opérations du raflinage.
Il ne s’agit plus que de choisir , parmi tous
les procédés qui ont été proposés depuis peu ,
pour extraire le sucre de la betterave , celui
qui sera en méme-temps le plus simple et le plus
économique.
Or, on trouvera PEER ces deux quite réu-
nies dans le procédé que j'ai suivi. Il m'a été suggéré
par ce principe bien simple que le sucre con-
tenu dans la betterave étant associé aux mêmes
sub:tances étrangères qui se rencontrent dans le
sucre de canne , savoir, du muqueux, une partie
extractive colorante , une fécule et un acide , on
pouvait isoler toutes les substances étrangères au
sucre de betterave par les mêmes moyens qui ser-
vent à les séparer du sucre de canne.
Aussi la simple clarification par le sang de
bœuf , et la décoloraton par l'avide muriatique
oxigéré liquide que , depuis longtemps, j'avais
appliqué au suc de canne , n'ont sufhi pour ob-
tenir le sucre de betterave dans un etat de pureté
el qu'il peut flatter également l’œil et le goût.
Je ne suis donc point obligé de recourir à
l'emploi de l'alcool, de Paride sulfurique ou sul-
fureux , de la potasse , de la chaux caustique, de
la dissolution d’alun, etc. , agents qui ont été pros
(93)
posés par divers chimistes. ( Voyez le Pulletin de
da Société d’encouragement , avril 1811.)
Je desire, Moxsteur Le PR£rer, que le rapport
que j'ai l'honneur de vous adresser, puise rem-
plir les vues sages et bienfaisantes qui vous animent
constamment pour le progrès des arts et la pros-
périté nationale.
Permettez - moi, MonsiEUR LE PRÉFET , de re-
commander à votre estime et à votre bienve lance
M. Huard fils, qui a exécuté les opérat ons dont
je viens de vous rendre compte avec un zèle et
une intelligence qui doivent donner l'idée la plus
favorable de ses talents et de son dévouement à la
chose publique. « (1)
nn
(1) Pendant le cours de l’année 1811 , M. Huard fils a
fabriqué près de 10 milliers (4500 à 5000 kilogrammes ) Îde
sucre de betterave, Il a donc réalisé d’avance les résultats avan=
tageux que pourront , à leur tour , procurer les écoles spéciales
qui ont été formées depuis pour étendre les progrès de ce nou-
veau genre d’industrie.
À l'égard du procédé développé dans le rapport , M.
Vitalis a reçu , à ce sujet, de M. le Préfet une lettre
ainsi conçue :
» Son Excellence le Ministre de l'Intérieur m’annon-
ce , Monsieur , par sa lettre du ro de ce mois ; qu’elle
a Ju avec beaucoup d’intérêt votre rapport sur l'essai
que vous avez fait pour confectionner du sucre de bette-
rave,
» Les procédés que vous avez mis en usage ont paru
à Son Excellence bien choisis , et > pour les utiliser ,
elle a transmis à la commission des sucressindisènes , votre
mémoire et les échantilluns de sucre qui s’y trouvaient
joints.
» Je me fais un plaisir |, Monsieur , de vous
transmettre ce témoignage de la satisfaction de Son Excel-
lence;
C9)
CR RE
Le + 2 4 1
MÉMOIRE
Sur la Topographie et les Constitutions médicales
de la ville de Quillebeuf, et des lieux circonvoisins
dont elle reçoit des influences;
Par M. Boismare, D. M. P.
Les influences qu’exercent sur la santé l'air quenous
respirons , le sol que nous cultivons, nos aliments,
nos professions , nos mœurs, sont trop généralement
reconnues pour qu'il soit besoin d’en offrir aujour-
d’hui la démonstration, L'expérience et l'observation
nous ont appris combien elles modifient les tempéra-
ments, et quels sont leurs effets relativement aux
maladies.
Hippocrate en a fait le sujet d’un traité précieux
qui doit être l'objet des plus profondes médirations
du médecin voué par état à secourir l'humanité
souffrante. C’est en cherchant ainsi à pénétrer les
secrets de la nature qu'il peut rendre ses: soins
efficaces et arracher des bras de la mort la victime
qu’elle est prête à immoler ; mais il appartenait à
M. Lepecq de la Clôture, qui fut un des membres
distingués de cette Académie, de rendre moins
généraux les préceptes du père de la médecine,
et d’en faire une application particulière au pays
que nous habitons. Ses observations sur les maladies
et constitutions épidémiques de la Normandie , sont
autant de sources fécondes où le médecin praticien
peut puiser des connaissances aussi solides qu’utiles
à l'exercice de son art ; administrateur, des conseils
sages pour favoriser la population et ajouter à la
Co5)
prospérité de ses administrés; le manufacturier , les
moyens d'atténuer l'effet destructeur des rénnions
d'un grand nombre d'ouvriers dans un méme atelier ;
etc. , etc.
Je n'entreprendrai point de louer les productions
de M. Lepecq : l’accueil qu’elles ont reçu du publie
instruit est le meilleur éloge qu’on en puisse faire.
Vous savez d'ailleurs , Messieurs , combien il excella
dans l'art de généraliser ses idées et d’enchaîner les
observations , et vous rendez à sa mémoire toute
la justice due aux talents supérieurs dont il était
doué. Nous devons seulement regretter qu’il r’ait
pu lui-même observer toutes les régions dont il a
donné la topographie et les constitutions médicales,
etque, forcé , pour quelques-unes, de s’en rapporter
à des observateurs moins habiles ou trop négligents ,
il ait placé à côté de ce qui est réellement son
ouvrage et qui porte le cachet du véritable talent,
des descriptions imparfaites ou méme fausses de
certains cantons.
Ce que M. Lepecq a dit de Quillebeuf offre la
preuve de cette inexactitude sur les points les
plus importants, et sur-tout sous le rapport des ma-
ladies , objet principal des recherches de l’auteur.
Frappé des conséquences qui peuvent en résulter,
et pénétré aussi de l'intérêt que doit inspirer cette
petite ville, par son port, sa situation, ses relations
continuelles avec notre grande cité , j'ose entreprendre
de tracer d’une manière plus conforme à l’'obser-
vation, la topographie et les constitutions médicales
de la ville de Quillebenf et des lieux circonvoisins
dont elle reçoit des influences.
Mais , Messteurs , si une connaissanre particu-
lière des localités, m'offre les moyens de remplir
mon objet avec plus de détaiis et d'exacutude que
(96)
n’a pu le faire M. Lepecq, combien serai-je loin
d'atteindre la perfection avec laquelle il décrit ses
observations ! Cependant, Msssreurs, encouragé par
cette indulgence que vous accordez avec tant de
bonté à ceux qu’un but d'utilité inspire, je cède
au désir de justifier un pays qni m'intéresse,
d’une accusation d’insalubrité que les faits eux-mé-
mes doivent repousser,
Je décrirai donc ce que peut offrir de remarquable
la ville de Quillebeuf , relativement à sa position,
à la santé de ses habitants , à leurs mœurs , à leurs
professions ; j'y ajouterai quelques considérations
sur plusieurs communes qui lavoisinent et dont
M. Lepecq n’a point parlé.
Mais afin de vous mettre à portée, MessIEuRs ,
de juger vous-mêmes des erreurs suggérées à cet
estimable auteur , je crois utile de transcrire ici litté-
‘ralement ce qu’il a écrit sur la ville de Quillebeuf.
» En reprenant la rive septentrionale de la contrée,
» dit M. Lepecq , on va rendre à Quillebeuf,
» Henricopolis, petite ville que quelques géographes
» regardent encore commetla capitale du Romois ,
» quoique ce ne soit plus qu'un bourg en compa-
» raison de ce qu’elle fut sous Louis XIII C’est
» un petit port dout tous les habitants sont marins
» et dévoués au pilotage ; sa latitude est au 49°
» degré 30 minutes ; son aspect absolument au sep-
» teutrion , faisant face à la vallée de Lillebonne,
» et recevant l'air glacal du pays de Caux, en
» outre les courants de l'ouest et de l’est que
» la Seine lui procure; son sol est un marais sablon-
» neux ; les fièvres intermittentes n’y sont pas pré
» cisément endémiques , mais longues et rebelles.
» C'est la phtysie qui réclame plutôt la qualité
»n d’endémique : elle enlève les deux tiers de ses
» habitants.
C97)
» habitants, Ceux-ci se regardent à-peu-près comme
» une granile famille; le lien conjugal y est abso-
» [ument révéré et fait la félicité des ménages. On
» assure que , de l'instant qu'un garçon a fait choix
» d’une fille , elle se tient comme certaine d être sa
» femme , et que de ce moment élle prend soin
» du ménage du garçon. L'usage le permet ; alors,
» l'un des deux futurs ne peut manquer à sa parole
” sans s’exposer au déshonneur et au courroux
» des habitants qui le proscriraient de leur com-
» merce «.
Là se termine ce qu'a dit M. Lepecq sur Quille-
beuf. Je ne m'arréterai point aux réflexions que
peut suggérer cette indication générale ; il me suffira
d'en faire connaître les vices par uvre description
plus exacte ; et , pour faciliter l'intelligence de ce
memoire , j'y joindrai un plan topographique ddne
les mesures ne sont point rigoureuses , attendu que
j'ai manqué du‘ temps nécessaire pour le lever
géometriquement , mais qui donnera des localités
une idée suflisante pour ce que je me propose de
prouver.
La ville de Quillebeuf est placée presqu’à l’em-
bouchure de la Seine, à l'extrémité d’une langue
de terre fort étroite et très-allongée, comme on le
voit sur le plan ; elle se trouve aa 49° degré 297
de latitude , à 9 lieues O. de Rouen , 5 S.-0,
de Caudebec , 7 E. du Havre, 5 E.-N.-E. d'Honfleur ,
et 5 Nord de Pont-Audemer.
Elle offre un port dont la posée est sûre pour
les navires du commerce qui montent la rivière,
L'époque de sa fondation remonte fort haut et nous
est inconnue. Ses habitants pensent qu’elle fut autre-
fois considérable , et que ce qui eu existe aujourd’hui
n'était qu'un fauxbourg habité par es pécheurs ;
CG
C98 )
que la partie qui constituait la ville était bâtie sue
l'élévation des côteaux et s’étendait dans la plaine de
Saint-Aubin : néanmoins , rien dans l'histoire ne
justifie cette opinion. Quelques murs de fondation
et des cavités qui semblent avoir formé des caves
sous des maisons , sont, je crois , tout ce dont elle
est étayée; mais ces ruines , selon moi, doivent être
plutôt regardées comme des restes des murs et
fossés qui furent faits au temps de la ligue, pour
fortilier Quillebeuf et en conserver la possession
aux troupes de Henri IV , dans l'intention d’inter-
cepter aux ligués , qui possédaient Rouen , toute
communication avec le Havre par la rivière. Les
historiens , loin de s’accorder avec la manière de
penser des Quillebois , ont placé leur ville peut-être
encore au-dessous de ce qu’elle est pour l'étendue.
Le père Daniel , dans son Histoire de France, la
considère comme un village dans le temps où le
Duc de Villars, commandant une armée de 5000
hommes pour la ligue , essaya, sans succès , de
s’en rendre maitre. 1l ajoute que la défense en était
très-difficile , attendu que les fortifications n’en étaient
que commencées , et qu’elles avaient une étendue
de près d’une licene (1) , étendue exagérée qui doit
être réduite au plus à un huitième de lieue d’après
l'examen du terrein , et cela est nécessaire pour
rendre digne de foile père Daniel , lorsqu'il dit que
la place fut défendue par M. de Bellegarde , grand
Écuyer de France, n'ayant avec lui que 45 soldats,
10 gentilshommes et les habitants du lieu en fort
(1) Norse Ces fortifications étaient établies à une petite
distance de la ville , daus la direction P Q, ( f’oyez le Plan }.
RS.
(99 )
petit nombre , seconrus ensuite par 5o soldats et 15
genuülshommes qui leur furent envoyés de Caudebec.
Comment concevoir ,en eflet, que 200 ou'250 hommes
au plus, dont moïlié étaient marins et peu exercés
au service militaire , aient pu défendre des fortifica-
tions d’une lieux d’étendue , et repousser une armée
de 5000 hommes ?
Ces fortifications furent achevées sous Louis XIII,
et c’est à cela , sans doute , qu’est due la réputation
de Quillebeuf d’avoir été considérable. On eut
aussi à cette époque l'intention de faire une île
de la ville , et l'on pense que les travaux en furent
commencés par l’ordre du maréchal d'Ancre, parce
que des fossés qu'on y remarque encore ont con-
servé son nom.
Mais les fastes de la ville de Quillebeuf sont assez
étrangers à mon objet pour que j'attache peu
d'importance à les faire connaitre. Passons à la
description de son état actuel.
Ses environs sont agreables et ouverts; on y jouit
de points de vues variés et d’une étendue assez consi-
dérable. L'observateur, placé à l'extrémité de la plaine
de Saint-Aubin, vers le lieu où se trouve Quillebeuf ,
pourrait se croire au centre d’une ellipse de très-
grandes dimensions, dont il appercevrait toutes les
parües de la circonférence. Au Nord et au Levant,
on voit les côtes du pays de Caux qui , tournant cir-
culairement autour de la Seine , lui offrent un
bassin dont le moindre diamètre est d’une lieue.
Au Midi et un peu au Couchant, d’autres côteaux
plus élevés, au regard desquels la campagne de
Saint-Aubin forme une vallée, présentent une anse
renfermant des marais et des terreins cultivés en
jardinages pour l’approvisionnement des villes de
Pont-Audemer et Quillebeuf, Derrière ces côteaux,
G 2
€ 100 Ÿ
plusieurs autres s’avançant davantage vers la mer
forment une chaîne qui se termine vers l'Occident
par la pointe de Grâce près Honileur. Entre cette
chaîne de côteaux et l'extrémité des côtes du pays de
Caux, où se trouve la ville du Havre, on voit la voûte
azurée se confondre , à l’horison , avec la mer. La
nature dans tous ces parages est riante et animée ,
et tout y semble réuni pour fixer l'attention; mais
rien n’est plus digne d’admiration que laspect
imposant de la barre qui , s'annonçant par un
murmure dont elle est précédée de quatre à
cinq lieues , et parcourant avec rapidité des espaces
considérables , brise et emporte tout ce qui gêne
sa marche , engloutit les navires échoués qui n’ont
pu trouver dans le port un refuge contre ses fureurs ,
déracine les arbres, détruit les digues , renverse les
murs et vient frapper avec une violence effrayante
les quais qui en sont sensiblement ébranlés. Sa
masse , quelquefois de 12 à 15 pieds d’élévation,
roulant devant elle et le sable et les différents
débris des rivages du fleuve dont elle repousse les
eaux , établit des courants auxquels rieu ne peut
résister dans la première heure de la marée mon-
tante. À ce tumulte étonnant succède un calme
qui s'étend jusqu’à l'ame : plus de courants dans
la rivière ; plus de mugissements dans l'atmosphère.
Bientot le nombre prodigieux de navires , dont
le fleuve est recouvert , en temps de paix
( puisque, assujettis aux heures des marces et à la
direction des vents , ils dirigent ensemble leur
course ) , vient occuper l'attention et compléter
ceue scène variée d’une mawière plus ou moins
iutéressante.
Dans les temps de prospérité maritime , le ta-
bleau nouveau que chaque marée o!re à la con-.
Cror }
templation , attire sur le port les Quillebois eux-
mêmes , que l'habitude ne blase point sur ces sor-
tes de jouissances. Les gains qui résultent de tous
ces mouvements ; ajoutent encore à la joie qu’ils
éprouvent au retour de yoyageurs que l'abon-
dance accompagne.
Ces jouissances ne sont cependant pas toujours
sans amertume. La rigueur des saisons , la vio-
lence des courants , l'extréme mobilité des écueils,
ne causent que trop souvent des naufrages qui en-
traînent après eux la ruine de Se familles.
C’est alors que se remarque ce lien qui uuit en-
treux les habitants de Quillebeuf, et dont parle M;
Eepecq ; c’est dans ces instants de calamité que
chacun s'empresse de voler au secours des mal-
heureux dont la vie et la fortune sont le jouet
des flots : tout ressentiment particulier disparaît et
fait place aux élans généreux qui les portent même
à s’exposer aux dangers les plus imminents, pour
arrêter ou diminuer les suites de ces affreux évè-
uements. À peine le danger est - il apperçu que
des chaloupes et bateaux lamaneurs portent aux
bâtiments menacés de périr des cables et des
bras , qui, à force de rames, peuvent les amener
au port. Les femmes et les enfants attachés aux traits
et aux cordages sur les quais, voulant contribuer
à cet utile secours ,; emploient aussi toutes leurs
forces pour haler le navire et le sauver du nau-
frage.
La fréquence de ces accidents a donné naissance
à différents projets de travaux pour en detruire les
causes ; mais aucun n'a eu son execution,
Les uns ont proposé de retrécir le lit de Ja
Seine , afin que le chenal, creusé plus profondé-
ment par l'Ebe , devint navigable pour les bâti-
ments d’un grand tirant d’eau. G 35
(102 )
D'autres ont formé des projets de canaux arti-
ficiels pour éviter les dangers du passage de
Quillebeuf, etc. , etc.
Je ne rapporterai point toutes les idées qu'a
fait naître le désir de rendre facile la navigation
de la Seine , et qui doivent s'anéantir sous la mul-
ütude d'obstacles insurmontables qu’il faudrait vain-
cre pour les exécuter ; cependant, je ne crois pas
absolument impossible d'y apporter quelque amé-
lioration , et , à cet égard, je pourrais hasarder
quelques réflexions dont je m’abstiens ici, dans la
crainte |, Messieurs , de trop m’écarter du but
que je me suis proposé, et d'abuser de l’atten-
tion que vons avez la bouté de m’accorder. Le
Tableau statistique de la navigation de la Seine, par
M. Noël , est, au surplus, un fort bon ouvrage à
consulter pour ceux qui seraient curieux de con-
naltre, et les projets présentés , et les difficultés
de leur exécutior.
La température froide et sèche est la plus or-
dinaire à Quillebeuf. L'air y est vif et piquant ;
à peine s'y apperçoit-on des douces températures
ordinaires êén été dans notre climat. Les vents
d'Orient et du Nord y soufflent plus particulière-
ment dans cette saison , et ont coutume de pren-
dre plus de violence vers le soir ; ce qui oblige
les habitants à conserver leurs vêtements de laine ,
ou à ne les quitter que pendant quelques heures
daus le milieu du jour.
En hiver , le froid y est porté à un très-haut
degré, et parait encore plus vif que ne l'indique
le thermomètre. Cela est dû , je pense , à la
violence des vents qui, en renouvellant sans cesse
l'atmosphère propre à chaque individu , Ja prive rapi-
dement de son calorique , et laisse le corps envirouné
Ç1o5)
d'air froid et glacial qui irrite et crispe la peau“
Les brouillards sont rares à Quillebeuf, et dis--
paraissent ordinairement avec l’arrivée du flot. Ce-
pendant ils deviennent quelquefois tellement épais
à la marée montante , que les navires en chemin
sont exposés à périr ; les pilotes perdant de vue
Jeurs Amers. Le son de la cloche est alors le
seul renseignement qu'on puisse leur offrir. L'heure
de la marée est presque toujours décisive pour la
direction des vents et la cessation des pluies et des
brouillards qui se trouvent entraînés par la vio-
lence des courants d'air.
La ville est construite , dans toute son étendue,
sur un roc d’une dureté assez considérable , et
appuyée dans sa plus grande partie le long d’une
chaîne de rochers dont nous décrirons plus tard la
direction. Ces rochers sont formés plus particulié-
rement de carbonate de chaux , dans lequel se
trouvent enclavées des petites masses de silex, de
forme presque globuleuse , et dont la superficie
rugueuse est enduite d’une terre argileuse de cou-
leur de rouille. La densité de ces masses de ro-
chers n’est point égale , même dans les parties
qui paraissent homogènes ; ce qui ne permet pas
d'employer à la construction les pierres qu’on en
pourrait détacher. Elles sont facilement divisibles
à la pioche ; exposées à Pair ou à l’action de l’eau ,
il s'y forme des excavations qui les divisent en
petites masses saillantes , plus où moins arrondies.
Cet effet se remarque sur-tout dans les puits, à
la surface des rochers qui s'élèvent derrière les
maisons et dans l'intérieur des caves qui y sont
creusées. Les parois et les voûtes de celles-ci ,
formées par le roc naturel et sans maçonnerie,
présentent des parties sailjantes plus ou moins rondes,
G 4
(104)
Mais c'est sur-tout à l'aval de la ville qu'on voit
Feflet du frottement exercé par l’eau et le galet ,
à la surface légèrement inclinée d'un rocher qui
forme une assez grande étendue du lit de la Seine
dans cet endroit , et se découvre toutes les marées.
On y remarque une quantité considérable d’aspé-
rités arrondies , dans l'intervalle desquelles l'eau
reste sans écoulement, et forme , pour ainsi dire ,
autant de peiits lacs servant de refuge aux crabes
que l'on y pêche à la main à la marée basse , mais
non sans quelque danger. En ellet , ces petits globes
pierreux ne présentent au pied qu’un appui peu
étendu et fort glissant à cause du varech dont la
superficie de ce rocher est recouverte ; ce qui expose
à des chutes dont on sent les conséquences à rai-
son de la dureté et de l'inégalité du lit sur lequel
on est recu.
La ville de Quillebeuf, comme l'a dit M. Lepecq,
ne présente en effet que l'aspect d’une bourgade,
et son étendue est encore moins grande que ne
semble l'exiger sa population | qui ne s'élève ce-
pendant qu'à 1383 (1) ivdividus. Les maisons
construites en bois n’offrent , pour la plupart ,
qu'un premier étage faisant saillie sur les rues qui
sont fort étroites et ne laissent que peu d’accès
aux rayons du soleil. On se loge en outre d’un
manière très-resserrée : on voit presqu’autant de
ménages que d'appartements , et’ il n’est pas rare
de trouver réunis deux à trois lits dans une méme
p'èce où l'on fait aussi la cuisine,
mm
(1) Suivant acte déposé à la Sous-préfecture de Pont-Au=
dèmer , le 10 septebre 1810,
Cd
Une rue principale O.-N. ( Voyez le plan ) 3
forme à elle seule plus des deux tiers de la ville ,
qui , s'étendant à ce moyen en longueur , n’a
guère que 25 à 5o toises de largeur , excepté vers
l'extrémité Nord-Ouest , où elle forme un retour
d’équerre , en prenant alors environ 6o à 80 toises ,
largeur totale de Ja pointe du roc sur lequel elle
est assise. La ville se trouye ainsi appuyée, en
grande partie , le long d’une chaine de rochers
qui se dirigent du N.-N.-O. vers le S.-S.-E. Elle
est nécessairement resserrée , de Pautre côté, par
la Seine dont on a reculé le rivage pour construire
la ville , après l'avoir élevé un peu au-dessus du
niveau de la pleine mer. Quoique cette élévation
soit de 15 à 14 pieds au-dessus de la surface de
la Seine , à la marée basse , elle ne suffit pas
toujours pour s'opposer à l'introduction de l’eau
dans quelques rues lorsqu'un concours de cir-
constances , rare il est vrai, mais que j'ai observé
plusieurs fois , donne à la marée uue force plus
considérable que de coutume.
Dans louragan du 11 novembre 1810 , l'eau
monta dans les rues à tel point que les chalou-
pes pouvaient y naviguer , et elle fit des ravages
eflrayants dans les maisons, Le presbytère , situé
à l'Ouest , fut démoli aux deux tiers. Sur la rive
Occidentale , depuis l'église jusqu'a l'écluse de S.
Aubin, tous les bâtiments , les murs de quai, les
arbres furent ou entraînés par les flots |, ou ren-
versés par le vent. Dans cette affreuse journée, la
violence du vent et des flots faillit enlever et en-
gloutir tous les navires qui se trouvaient au port.
Les amarres arrachèrent les pieux, et on ne par-
vint à retenir les navires qu’en eufonçant des
aucres dans la terre pour y suppléer. Les vagues
C 106)
brisérent les murs des mai ons faisant face au Nord
Ouest , et en emportèrent les meubles.
Les rochers dent il vient d’être parlé sont coupés
verticalement. Leur cime est recouverte de quelques
arbres et arbustes, tels que l’épine noire , l'orme ,
le sureau , entrelacés de lierre , de elématites et
de ronces. Ces végétaux , métant alimentés que
par un peu de terre argileu‘e, sont faibles et lan-
guissants, Ils s'étiolent et ne présentent que peu
de volume , quoique garantis du tranchant de la
hache et du croissant , à raison des dangers auxquels
exposerait la coupe presque perpendiculaire de ces
rochers.
L’élévation des falaises, beaucoup plus considé-
rable que celle des maisons vers le S.-S.-E., di-
mivue graduellement jusqu'au point À où elle se.
rapproche du niveau des quais.
Au-dessus de ces rochers se trouve une sur-
face plane ABCD , qui sincline vers l'Ouest ;.
et réduit Ja rive, du côté du Couchant, à une élé-
yation égale à celle qui existe au Levant et qui
vient d’être décrite. Quelques maisons sont cons-
truites cà et là dans cette plaine , depuis le moulin
M (1) jusqu'à F. Là s'ouvre une rue qui , en s’in-
clinant un pen, vient se rendre au point G ; à
partir de ce point la pente devient beaucoup plus
considérable pour rejoindre en H le niveau de la
grande ruc. Ces maisons et toutes celles de la rue
FG, sont bâties depuis peu, et mieux construites.
que celles de l'ancienne partie , sous le rapport
de la commodité et de la salubrité,
EEE nn)
(1) Le monlin a’été échangé de place depuis la rédaction,
de ce mémoire.
( 107 )
Dans l’espace compris entre cetté rue FG et
le rivage CD , se trouvent diflérentes autres petites
rues non payées , dans lesquelles sont entassées
les écuries et les étables à vaches des habitants de
la ville qui cultivent leurs propriétés situées dans
la campagne de Saint-Aubin : on y voit aussi quel-
ques maisons dont la plupart sont nouvellement
bâties,
Au point E est placée l'église qui est belle et
vaste. Sa construction , en partie gothique et en
partie formée de murs simples , n'offre rien de re“
marquable , si ce n’est l'élévation assez considéra-
ble du chœur , dont l'intérieur est beau et majes-
tueux.
La surface EIKO , qui forme le reste de la
ville, est divisée en quelques petites rues, mal ou
non pavées et irrégulières.
La ville se compose donc de la réunion de
trois parties qui diffèrent entr'elles rélativement à
leur aspect. La première et la plus considérable ,
exposée aux vents froids et garantie des vents
chauds et humides ; la seconde faisant face au
Couchant et à l'abri des vents du Septentrion et
de l'Orient, à raison de son inclinaison ; et la troi-
sième participant de ces deux expositions et rece-
vant sur-tout les vents du Nord.
Je suivrai cette même division dans la recher-
che des influences que peut avoir sur la santé ,
la position de Quillebeuf , relativement aux vents,
aux émapations , tant de la ville elle-même que des
régions qui l’environnent , à la nature du sc} sur
lequel elle est assise , à celle de ses eaux , etc.,
et, après avoir considéré ce que chacune de ces
parties peut offrir’ de particulier , sous ce rapport,
et les différences d'action qui en résultent , je pare
(108 )
lerai des mœurs des habitants , de leurs profes
sions , puisqu'elles exercent aussi un grand em-
pire sur les constitutions médicales dont je m’occu-
perai ensuite.
La première portion , celle qui est placée le long
des rochers , et qui forme environ les deux tiers de
la ville, est, comme je l'ai déjà dit, exposée aux vents
froids seulement. Son aspect principal se trouve
vers le N.-E., et en face de la vallée de Lillebonne
et des communes du Mesnil et de Saint-Georges.
Les maisons placées au Levant d’été , occupent un
terrein peu étendu, Les unes sont bornées im-
médiatement par la Seine ; les autres n’en sont
séparées que par un petit jardin ; ce qui les ex-
pose aux vents froids qui soufilent ordinairement
avec une impétuosité d'autant plus grande , que
le canal de la Seine offre , dans cet endroit, une.
lieue de largeur , et que lagitarion de l'atmosphère
est augmentée par la pression qu’exerce sur elle
les courants rapides des flux et reflux. Les habi-
tations de l'autre côté de la rue ne sont garan-
ties que des vents du Midi et du Couchant par
les rochers , et reçoivent ceux du Nord et du Le-
yant indirectement,
Il n'existe aucune rue latérale du côté des fa-
Jaises. Mais, vers la Seine , quelques places et de.
trés-petites rues permettent aux vents de pénétrer
dans la grande rue , et de la parcourir avec une
violence telle quelquefois qu'on a peine à mar-
cher contre leur direction , et que la respiration
est suspendue par la grande quantité d’air qui s'in-
troduit à-la-fois dans les bronches. Je me suis vu
souvent forcé de me retourner, tous les quatre ou
cinq pas, afin de vider mes poumons de cette
surabondance d’air , et de permettre à la poitrine
( 109 )
de reprendre sa fonction. Cette violence des vents
qui se remarque trés-souvent , et lors même qu’à
quelque lieues de là lPatmosphère parait tran-
quille, a un avantage bien important pour la salu-
brité, celui d'entraîner les émanations infectes qui
s'exhalent de la grande rue. Celle-ci étant parfaite-
ment horisontale , et la pente des ruisseaux et des
égouts peu considérable , les boues y séjournent et
exhalent une odeur insupportable dont on est frappé
en entrant dans la ville, lorsque les vents viennent
du midi et que la température est un peu éle-
vée, Les habitations placées le long des falaises
n’en sont séparées que par des petites cours où se
font les blanchissages , la préparation des aliments,
et, en général, toutes les choses de propreté, Les
eaux sales sont portées à la rue en passant sous
des allées communes , quelquefois même , à tra-
vers les appartements du rez-de-chaussée , et alors
le conduit n’est recouvert que par une planche.
Les ruisseaux étant peu inclinés , et la plupart
non pavés, retiennent les ordures pendant long-
temps. Tout serait réuni contre la conservation de
la santé et pour favoriser le développement d’épi-
démies meurtrières , si des courants d'air ne venaient
détruire ces causes de maladies.
Une réflexion se présente ici à l'observateur
attentif : c’est que , dans les temps de calme et
les grandes chaleurs de l'été, le soleil en échauf-
fant cette portion de la ville, depuis son lever
jusqu'a midi , devrait rendre ces émanations très-
nuisibles à la santé , et déterminer tous les fâcheux
effets d'un air chargé de miasmes délétères ; mais il
n'est point, à Quillebeuf, de repos parfait dans
l'atmosphère qui est toujours agitée par le flux et le
rellux, D'ailleurs , un vent de Sud-Est, qui souffle dans
€ x10 }
toutes les soirées de beau temps et de calme, et qui
suit la direction de la ville, vient en renouveller
constamment l'air.
Sans l’action bienfaisante des vents , il exis-
terait encore à Quiilebeuf une autre cause d'in-
salubrité résultant du choc des courants de la
rivière.
Les murs des maisons placés au Levant de la
grande rue ou ceux des jardins, sont battus
par le flux et le reflux ; maïs, à la basse -mer ,
il reste entrreux et les eaux du fleuve une dis-
tance de quatre à cinq toises. Le flot, qui
vient frapper à laval de la ville ; est repoussé
par les quais dont la construction est ménagée de
manière à garantir la rade de l’action de la barre
pour la sûreté des navires. Le flot change ainsi
de direction ; il se porte vers le pays de Caux,
où il rencontre, le long des marais du Mesnil,
le courant naturel du fleuve, (Ce courant , re-
poussé avec force , se dirige vers la ville , où il
ne trouye aucune résistance jusquà sa jonction
avec le nouveau courant établi par la barre. 1l se
fait ainsi le long de la ville un tournoiement des
eaux , un remous suivi de repos parfait à la
pleine mer. Alors les vases entrainées par les cou-
rants se déposent , forment un obstacle à l’écou-
lement des eaux de la ville , et de là encore une
source d’émanations insalubres si elles y séjournent
long-temps: ce qui arrive dans les mortes marées ;
la pleine mer , dans ce cas , ne couvrant point
ces vases et n'arrivant qu'à deux à trois toises
des murs. Dans les vents de l'Orient et du
Nord , si les marées sont fortes , ce dépôt
ne séjourne pas , parce que les vagues poussées
violemment contre les murs , à mesure que la marée
(0 2 #40
baisse , nétoient et laissent le roc à nud. Lors-
que les marées ne montent point assez et que les
vents du Midi et du Couchant ne donnent point
au fleuve une agitation suflisante , le renouvelle-
ment de Pair vient s'opposer à l’action des miasmes
délétères entretenus par le défaut d’écouiement des
eaux puantes de la ville et non parla vase , puisque
l'experience a prouvé que ses émauations n’ont rien
de nuisible à la santé.
La portion ADCM offre l'aspect d’un village
composé de la réunion d’étables à vaches , écuries ,
granges et autres bâtiments ruraux. Quelques mai-
sons qui forment la rue FG , et celles qui se trou-
vent sur le chemin qui tend de F au moulin M,
sont bâties récemment , bien aérées et générale-
ment saines. Seulement les petites rues comprises
entre celle F G et le rivage du couchant , sont
enfoncées , non pavées , sans égout , et excessive
ment puantes ; mais elles sont habitées par un
trop petit nombre d'individus pour offrir des su-
jets d’observation sur la différence des constitu-
tions.
La troisième et dernière partie de la ville , oc-
cupant la surface DIKH , est celle qui , comme
je l'ai dit plus haut, reçoit les vents de l'Orient,
du Nord et de l'Occident. Elle est très-irrégulie-
rement bâtie , des places non pavées ; de petites
rues mal ou non payées ; des ruisseaux creux et
remplis de boue jusqu’à plus d’un pied de pro-
fondeur , séparent les habitations. Toutes ces disposi-
tions devraient la rendre mal saine ; mais l'agitation
continuelle de son atmosphère remédie à tout , et
rarement la mauvaise odeur y est sensible.
D'après ce que j'ai rapporté sur les qualités
de l'air de la vilie de Quilleheut , on voit que
&
(112)
si un grand nombre de eauses d’insalubrité sy
trouvent réunies , elles sont toutes détruites par
lPavantage qu'offre le voisinage d’un fleuve très-
ouvert et coulant avec rapidité et par une venti-
lation continuelle qui en renouvelle Pair, L'examen
des maladies qui ont été observées à Quillebeuf ,
justifiera ces heureux effets ; mais, pour suivre l’or-
dre que j'ai adopté , je dois auparavant m’occu-
per de la nature des eaux de la ville , des pro-
fessions , du caractère , et eu genéral des mœurs
de ses habitants.
Les Quillebois ne boivent point d'eau ; ils ne
l'emploient qu’à la préparation des aliments et à la
propreté. L'eau de la Seine ne peut servir à au-
cun usage. Outre qu’elle est excessivement char-
gée de vase , elle contient les mêmes sels que l’eau
de la mer , en plus petite quantite , à la vérité, :
mais assez pour la faire rejeter.
C'est à travers les rochers que se filtrent les
gaux dont se servent les habitants de Quillebeuf.
Des sources abondantes, toutes au-dessous du ni-
veau de la ville, leur procurent l’eau potable, au
moyen de puits très - mulüpliés ; mais ceux-ci ,
quoiqu’alimentés par les mêmes sources , con-
tennent des eaux qui offrent des différences re-
marquables. Tous les puits qui, dans la première
partie de la ville, se trouvent placés le long des
falaises , donnent des eaux qui cuisent facilement
les légumes, dissolvent le savon , et qui réunis-
sent, au dire des buveurs d’eau , toutes les quali-
tés agréables au goût. L’eau des puits du Levant
de la grande rue présente des eflets contraires ;
elle ne peut cuire les légumes ni dissoudre le sa-
yon, et se trouble souvent dans les fortes marées.
Je
C:15)
Je n'ai jamais fait l'analyse de ces eaux ; mais j'ai
recueilli ce qu’elles offrent de particulier dans l’u-
sage qu’on en fait. Cette différence me paraît
néanmoins facile à expliquer sans le secours de-
l'analyse , en portant l'attention sur la disposition
des lieux.
L'eau fournie à tous les puits par les mêmes
sources doit être de même nature ; mais dans les
derniers elle subit un changement dû à l'introduc-
tion de l’eau de la Seine. La surface de l’eau des
puits ne se trouve qu'à une profondeur de 9 à 10
pieds à partir du niveau des rues ; celles-ci étant
élevées de 15 à 14 pieds au-dessus &u niveau de
la Seine à la marce basse , il en résulte environ
4 pieds d'écoulement pour les eaux contenues dans
les puits. A la pleine mer , non:seulemeut l’écou-
lement naturel des eaux de source , dans la Seine ,
n'a pas lieu ; mais encore, si le volume d’eau de
la marée est assez considérable pour excéder lé-
lévation du niveau de celle des puits , et déter-
miner le refoulement de son cours , l’eau de la
Seine , pénétrant dans les canaux souterreips , gagne
les puits les plus voisins de la rive et s’y introduit.
La même cause la conduirait jusqu’à ceux placés
le long des falaises , si cette pression s’exercait assez
long-temps ; mais comme elle ne peut avoir lieu
que pendant deux à trois heures , deux fois par
jour, le cours naturel des sources se rétablit dans
l'iniervalle. Cependant l’eau du réservoir des puits
conserve toujours une partie du mélange qui s'y
est fait avec l’eau de la Seine , et qui suffit pour
la rendre impropre aux usages désirés , à cause
des sels qu’elle contient. Ce raisonnement est jus-
tifié par le trouble de l'eau des puits et son
augmentation à l'heure de la pleine mer : augmen-
H
C4)
tation qui d’ailleurs est d’autant plus considérable
que la mer monte davantage , et qui n’est pas sen-
sible dans les mortes marées. Dans ce dernier cas
même quelques-uns des puits exposés à cette
variation , et assez profonds pour que ce renou-
vellement continuel de Veau rende le mélange
p'esque nul , offrent une eau potable pendant
quelques jours , parce que la marée, qui ne monte
qu'à 2 à 5 pieds , se trouve au-dessous du niveau
de l’eau de ces puits. |
Les habitants de Quillebeuf doivent être distingués
en deux classes, relativement aux professions , aux
mœurs , au caractère et au langage; la première
comprendra les naturels de Ja ville, et la seconde
les étrangers qui sont venus s'y fixer.
Tous les hommes nés à Quillebeuf sont marins
et ont de l'éloignement pour toute autre profession ;
mais on doit admettre entr'eux des nuances basées
sur l'éducation et le rang qu’ils occupent dans leur
corps social. Les capitaines de long cours , plus
instruits, plus accoutumés aux usages de la société
par les voyages, y tiennent le premier rang : ils'sont
généreux et affables , d’un caractère franc et loyal,
et doués en général des qualités du cœur qui ren-
dent le commerce des homines agréable, mais ils sont
en petit nombre. Les maitres au cabotage et les
pilotes occupent un rang inférieur , et peuvent , par
leur grossièreté et leur caractère , être confondus
avec les matelots et les pêcheurs. Tous ceux-ci sont
én général peu spirituels , et joignent à un cœur
excellent une dureté apparente , qui tient plus
au vice d'éducation qu’au défaut de sensibilité.
IIS sont presque tous d’un tempérament bilieux et
mélancolique ; leur taille est communément au-dessus
de la môyeune; la plupart ontles cheveux bruns et
CRT)
Ji peau basance; leur voix est rauque et altérée par
l'usage des liqueurs fortes ; ils sont forts et robustes,
supportent facilement les fatigues de leur état , et
ne sont que três-rarement malades ; ils dorment peu
et wont point d'heures réglées pour se livrer au
sommeil ; ils sont fiers et dédaigueux , et leur
orgueil git dans le sentiment de leur force ; néan-
moins ils sont obligeants sans prévenance et sans
prétendre à la reconmaissance.
Les Quillebois sont très-laborieux et constamment
occupés. Les pilotes et les pêcheurs forcés à la
résidence partagent leur temps entre les travaux
de leur métier ‘et le tricot , dans l'intervalle des
marées, Ceux qui ne sortent point du port sont
tout le jour , même dans les mauvais temps , sur
les quais où, le tricot dans les mains, ils s’entre-
tiennent de leur état et observent les mouvements
des marées. Les soirées d'hiver se passent auprès
des femmes , dans des cercles qu'ils nomment
tablées , et la les hommes s'occupent à la prépara-
tion de filets pour la chasse des alouettes , ou bien
encore à leur tricot, et les femmes à la fabrication
de la dentelle.
Les jeunes femmes de Quillebeuf sont en général
assez jolies et fraîches ; leur taille est plus que
moyenne ; elles ont peu d'embonpoint. Le tem-
pérament prédominant du sexe est le bilioso-san-
guin. Les Quilleboises , pour la plupart, sont d’un
caractère acariâtre ét hautain. Elles aiment le luxe,
et leurs plus grandes dépenses sont pour la toilette.
Eeur costume est celui des paysannes, enrichi de
quelques ajustements particuliers , dont la dentelle
quelles fabriquent elles - mêmes fait lornement
principal, Elles font constamment leur volonté ; elles
exercent méme une sorte de despotisme sür leurs
Fa
(116)
maris , qui ne se permettraient rien de relatif à leurs
intérêts sans l'aveu de l’épouse qui tient les rènes
de l'administration. Il est de rigueur que , dès le
jour des noces , le mari donne à sa femme une
procuration généra!e , non-seulement pour gérer leurs
biens, mais même pour les vendre si eile le trouve
à propos; et cet usage , qui tire son origine de la
nécessité où sont les marins de s’absenter, s'étend
jusqu'à ceux qui ne cessent d'habiter la ville. Le
mari qui se refuserait à ce témoignage de confiance
envers sa femme , serait mal vu et s'exposerait à
faire mauvais ménage.
L'occupaton unique des femmes de Quillebeuf
est la fabrication de la dentelle. Dès l'âge de 5 à
6 ans elles sont livrées à ce travail qui devrait
altérer leur santé , en s’opposant au développement
de la poitrine. La position penchée en avant sur
le coussin et en même temps le mouvement con-
tinuel des épaules devraient disposer à la phtysie
pulmonaire qui, cependant , ne s’observe que très-
rarement chez elles ; mais cette attitude leur donne
un mauvais maintien ; elles marchent courbées en
avant ; elles ont le ventre gros etle dos fort arrondi.
La nourriture habituelle des Quillebois se compose
de bon pain de froment , de viandes saines , et plus
particulièrement de légumes et du poisson le plus
inférieur de leur pêche ; le plus beau est porté
aux marchés de Pont-Audemer et de Rouen. Leur
boisson ordinaire est le petit cidre. Les hommes
pour la plupart font abus de liqueurs fortes ; ils
sont peu difficiles sur les mets. Les femmes sont
trés-sobres ; elles ont de l’aversion pour le vin,
les liqueurs , le café , et ne se livrent à aucun
excès. Parmi leur qualités on distingue sur-tout la
propreté.
C7)
Les garçons sont les enfants chéris des péres et
des mères ; ils sont l'appui des familles , et leur
naissance est annoncée, aux parents et aux amis,
comme un évènement des plus heureux. Leur
éducation n’est point dispend'euse; on se contente
de leur apprendre à lire et à écrire, et, dès l’âge
de 8 à 10 ans, ils sont livrés à la marine > qui leur
procure la nourriture et l’entretten. Le pilotage ,
dont les produits sont assez considérables en temps
de paix maritime , est un privilège exclusif pour
les enfants mâles, nés et baptisés à Quillebeuf.:
Le désir de faire participer leurs enfants à cette
faveur a souvent déterminé les femmes enceintes
des communes voisines à y venir faire leurs cou-
ches ; cependant le titre de pilote ne s'obtient qu’à
la mort d’un de ces privilégiés, car le nombre en est
fixé à 99 et ne peut étre augmenté,
Les Quillebois so:t généralement ignorantset supers-
titieux. Leur langage est tout particulier et ne res-
semble en rien aux idiômes du peuple des pays
voisins : il faut une grande habitude pour l'entendre.
Des expressions qui ne sont connues que d’eux , une
prononc'ation qui dénature les mots , rendent
iintelligibles leurs conversations 5 par exemple :
le get l’jse prononcent comme lec, ch comme s, etc.
La fidélité fut l'apanage des Quillebois dans les
temps qui précédèrent la révolut'on, et l’on remar-
quait , en eflet, pour le Üen conjugal , ce respect
que cite M. Lepecq. J'ai vu aussi s'exercer >» Sans
aucune conséquence , cet usage qui permettait à
une fille d'aller chez le garçon qu’elle avait choisi
pour mari, d'y prendre soin de son ménage comme
si déjà elle était son épouse ; mais cette simpl'cité
de mœurs à recu quelques atteintes ; la corruption
a pénétré à Quillebeuf comme ailleurs, et otre
H 5
( 118)
que trop de preuves des progrès qu'elle y fait
chaque jour.
Les étrangers qui sont venus se fixer à Quillebeuf
sont principalement des marchands, des artisans
et ouvriers , si on en excepte quelques personnes
occupant les places d'administration. Leurs mœurs
sont en général fort douces ; ils sont sobres et
adonnés à leur travail. IL existe ertr'eux et les
‘naturels une deémarcation sensible qui nait de la
‘ différence de caractère et de langage : chacun de
son côté s’estimant davantage , ne cherche point
de rapprochement. Rarement on voit le naturel
contracter alliance avec celui qui-ne l’est pas ; et
le Quillebois qui prend femme au-dehors est ordi-
nairement mal vu de ses compatriotes ; cependant
depuis quelques années on se relâche de ceite
coutume si long-temps observée.
Nous avons examiné les qualités de lair de la
ville de Quillebeuf, celles de ses eaux, les pro-
fessions , le caractère et le langage de ses habi-
tants ; 1] nous reste maintenant à consulter les regis-
tres mortuaires pour comparer le nombre des
morts avec la population , et vérifier les obser-
vations précédemment rapportées. Les tableaux sui-
vants mous offriront ce resultat,
( Suivent les Tableaux, )
M
TABLEAUX
Contenant le nombre d’individus morts à Quillebeuf,
pendant trente ans , divisés 1° par. annces et par
mois et 2° par années, âges et sexes.
( 120 )
TABrrAv contenant le nombre d’Individus morts à
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68 60 78 86 14 S
(124)
Twpucrioxs que l’on doit tirer de ces tableaux de
mortalité.
Le premier tableau nous montre que l'automne ,
Yhiver et le printemps , sont les saisons où la mor-
talité est plus grande à Quillebeuf ; les mois de
janvier et février sont les plus meurtr'ers , et le
temps des douces températures est celui qui nuit
le moins à la santé des Quillebois.
Le second tableau prouve ce qu’on a toujours
remarqué , que l'enfance est l’âge qui expose à
plus de dangers ; la preuve en est peut-être plus
sensible encore à Quillebeuf que par-tout ailleurs,
puisque sur 741 morts il se trouve 524 enfants ,
ce qui compose près de moitié du total des mor-
talités ; mais, ce qui m’a particulièrement frappé ,
c’est qu’il en périt beaucoup presqu'aussitôt qu’ils.
ont vu le jour. De 524 enfants , 46 sont morts
dans les 24 heures , et 52 dans les 15 jours de
Jeur naissance. Ne serait-on pas fondé à soupçon-
ner que de mauvaises manœuvres de la part des
sages femmes dans l’accouchement , et le défaut
des premiers soins nécessaires à l’enfant , en sont
la cause?
Les enfants au-dessous de 9 ans ont péri, pour
la plupart , de convulsions occasionnées par la den-
tition et par les vers; mais sur-tout par cette der-
nière maladie , dont les adultes sont aussi atteints.
quelquefois. Sur 324 enfants morts en 50 ans,
257 ont succombhé à ces maladies.
Ne pourrait-on pas craindre encore , avec raison,
que le défaut de secours bien administrés augmente
le nombre des victimes ? Les conseils de sages-
femmes peu experimentées , ont été pendant long.
Cr25 9
temps , les seules ressources contre les maladies
à Quillebeuf , et la confiance exclusive que les
femmes accordent à ces matrones pour l'accouche-
ment, les a mises en possession de la santé de
ces petits individus , et même des personnes plus
avancées en âge. Ces considérations , sans doute ,
jointes à celle de la rareté des maladies parmi les
adultes , ont dû éloigner les chirurgiens de se
fixer dans cette petite ville qui devait naturel-
lement aitirer leurs regards.
Sur 27 morts de 9 à 16 ans , 9 ont péri de fièvre
maligue , 10 de vers , 2 de convulsions dont on
ignore la cause, 1 d’angine , 1 autre de chlorose,
et 4 de maladies dont les caractères ont été incon-
nus aux parents.
Les adolescents , les adultes et les vieillards
périssent en géuéral de maladies très-aigués , par-
mi lesqueiles on remarque les fièvres malignes , et
sur-tout les fluxions de poitrine et quelques an-
gines.
il n'existe à Quillebeuf que fort peu de maladies
chroniques. On y observe un petit nombre d’hy-
dropisies ascites , chez les vieillards ; quelques
hommes sout atteints de la goutte ; les femmes en
paraissent affranchies. Les hommes ont habituelle-
ment le ventre paresseux. Le fluor albus est pres-
que habituel chez le sexe , sur-tout depuis quel-
ques années : l'usage des chaufle-pieds pourrait en
être la cause principale.
Aucune maladie n'est sensiblement épidémique
à Quillebeuf , à l'exception des affections exanthé-
matiques , telles que la rougeole , la variole , la
scarlatine qui sont toujours bénignes ; on n’a pas
d'exemples de terminaison fâcheuse. En 1779 un
flux dyssentérique , qui dura peu , enleva plu-
{ 126)
siéurs malades ; mais c’est la seule épidémie meur-
irière dont on se rappelle,
Pendant ces 350 annees d'observations que nous
rapportons , il n’est mort que 25 individus aflectés
de phtysie pulmonaire ; et il est à remarquer qu’elle
a sévi plus particulièrement sur les étrangers qui
sont venus se fixer à Quillebeuf , puisque , sur les
25 sujets qu’elle a emportés , 15 seulement sont
originaires de Quillebeuf , tandis que les 12 autres
font partie de ces étrangers dont le nombre s'élève
au plus au dixième de la population.
Parmi les Quillebois atteints de cette cruelle
maladie , 35 familles ont à elles seules ofiert 6
victimes ; les autres phtysiques l'ont contractée par
des causes qui paraissent étrangères à leur cons-
titution. d ?
Deux familles étrangères ont également fourni à
elles seules 6 phtysiques.
La phtysie pulmonaire ne paraît pas frapper
plus un sexe que l'autre. Les 25 individus qu’elle
a emportés se composent de 12 hommes et de 13
femmes et filles. La plupart de ces malades n'a
succombé qu’à un âge un peu avancé.
Le tableau de mortalité dans les différents âges
nous prouve donc que le nombre des enfants
morts avant 9 ans , sélève à près de moitié du
total général ; que l’âge moyen, c'està-dire de g
à Go ans, est celui dans lequel il ÿ a moins de
mortalité ; que c’est au-dessus de Go ans qu’on
en trouve davantage ; et qu’enfin ; le plus grand
nombre de ceux qui passent ce dernier âge, ne
périt que de 7e à 8o ans, quoique beaucoup ne
meurent qu'au-dessus de 8o et même de 90 ans.
Dans l'enfance et l'adolescence la mortalité est
à-peu-près égale pour les garçons at les filles ; mais
(127)
à mesure que l’âge avance , le nombre des fem-
mes augmente et devient plus que double de ce-
lui des hommes lorsqu'on arrive à 7o ans et au-
dessus.
Cette différence , à laquelle les voyages des hom-
mes et les elfets de la guerre, peuvent contribuer,
doit aussi nous confirmer dans l'opinion que les
hommes en général vivent moins long-temps que
les femmes.
En dernière analyse de ce qui vient d'être
rapporté , on doit conclure que la ville de Quil-
lebeuf est fort saine ; qu'il s'y observe peu de
maladies ; qu’elles y sont presque toujours spo-
radiques et occasionnées par des causes ordinai-
rement violentes et particulières à l'individu aflec-
té ; que la phtysie pulmonaire , qui, par-tout ,
exerce des ravages effrayants , y est fort rare;
que les fièvres intermittentes ne s'y rencontrent
point ; et qu'en un mot ses habitants y poussent
loin leur carrière.
C'est ici qu'en se rappelant les idées de M.
Lepecq sur Quillebeuf , on verra combien elles
sont éloignées des résultats de l'observation. A la
vérité , mes recherches sont faites dans un temps
postérieur à celui qui a servi de base à cet esti-
mable auteur ; mais les constitutions n'ont pas dà
changer avantageusement , et le nombre de vieil-
lards qui se remarque au commencement du ta-
bleau de mortalité , et dans un temps trèsrap-
proché de l'époque des observations de M. Le-
pecq ; prouve qu'on vivait alors à Quiilebeuf
aussi long-temps et même plus longtemps qu'à
présent.
Nous avons décrit tout ce qui est relatif à la
ville de Quillebeuf en particulier , nous allons
( 128 }
passer maintenant à l'examen des lieux qui lui
sont contigus.
La chaîne de rochers qui s'éleve au-dessus des
maisons de la ville, se prolonge le long du lit
de la Seine , comme nous l'avons déjà dit, dans
la direction du Nord-Nord-Ouest , au Sud-Sud-Est
jusqu'à Vieux - Port , c’est-à-dire dans l'étendue
d'environ une lieue. Ils forment la base de la
campagne de Saint - Aubin et des bruyères de
Trouville. Le carbonate de chaux en est la partie
la plus considérable ; mais, à des distances plus ou
moins rapprochées, on remarque des tables de
silex parfaitement horisontales , n'ayant qu’un à
deux pouces d'épaisseur , et dont les deux sur-
faces sont unies au carbonate de chaux , avec
l'interposition d'un peu de terre alumineuse et de
sable fin qui facilitent leur séparation d’avec la
pierre calcaire. Ces tables, qui sont fort étendues ,
offrent une grande düûüreté et ne se rompent faci-
lement que dans les parties où l'on reconnaît
des félures. Le sommet de ces masses de rochers,
d’autant plus élevé qu'on s'éloigne davantage de
la ville, est recouvert d’un sable plus ou moins
rouge et d’une si petite quantité de terre végétale
que les plantes peuvent à peine y trouver leur nour-
riture.
A une demi-lieue de la ville, toujours en suivant
la rive orientale , on trouve un souterrein appelé
la Cave aux Loups, qui s'étend en différents sens,
mais qu'on dit être sur-tout d'une longueur très-
considérable. J'ai cherché à m’en assurer par moi-
même ; mais, dépourvu de lumière et rencontrant
souvent des masses de sable qui s’étaieht écroulées
par les fentes des rochers, la curiosité a dû céder à
la prudence , et je ne peux à cet égard que rapporter
l'opinion
C129)
l'opinion généralement répandue dans le pays. On
trouve vers l'entrée de cette caverne le capillaire
dé Montpellier. On ignore quand et comment ce
souterrain a été creusé ; il ne paraît pas présumable
qu'il soit l’ouvrâge de la nature ; peut-être faisait-
il partie des travaux faits sous le règne de Henri
IV ou de Louis XIIL, pour la défense de la place.
Le terrein qui forme la campagne de Saint-Aubin
et auqnel ces rochers servent de base , est sablon-
neux et contient beaucoup de caillou. On est par-
venu , à force de culture , à y récolter le seigle et
l'orge ; mais les récoltes qui répondent le plus aux
soins des culivateurs sont celles des luzernes , des
pommes de terre et du chanvre. Le voisinage des
marais de Saint-Aubin , dont les habitants jouis-
saient en commun avant la révolution , leur per-
mettait de se procurer des fumiers en abondance,
à l'aide desquels ils ont amélioré ce terrein ingrat,
sans aucuns frais , puisque les vaches qu'ils avaient
en grand nombre payaient et au-delà , avec leur
lait, les dépenses des fermiers , et que les marais
fournissaient la litière et le pâturage ; on s’apperçoit
déjà des effets du partage qui a été fait de ces
marais communaux , par la diminution du produit
d’une partie de ce terrein.
Au Midi de la campagne de Saint-Aubin se trou-
vent des bruyères qui fournissent aussi des pâtu-
rages ; mais elles ont été également partagées et
sout d’ailleurs dépouillées par les moutons des fer-
miers de Sainte-Opportune et Trouville.
En quittant , à Vieux-Port, la file de rochers
faisant face à l'Orient , et en remontant dans la
plaine pour se reporter vers le Couchant, on trouve
successivement les communes de Trouville , Sainte-
Opportune , Saiut-Urien , Saiut-Oueu-des-Champs ,
I
( 130 )
Bouquelon et Marais-Vernier. Toutes ces communes
sont situées dans des plaines élevées et fort saines
excepté la dernière. Les habitants de celle-ci et
ceux des petites parties des aulres communes qui
s'étendent dans la vallée et viennent se terminer aux
marais , sont plus ou moins exposés aux fièvres in-
termittentes, aux obstructions , aux hydropisies, et
en général aux maladies des pays marécageux-
La commune de Saint-Aubin , qui se trouve entre
toutes celles-ci et la ville de Quillebeuf , est placée
au Nord et au Levant de marais dont letendue
est de près de 2 lieues en longueur , et d'une
lieue et demie en largeur. Dans une grande partie
de ces marais les eaux sont sans écoulement et
retiennent quantité de végétaux pourris qui don-
meut lieu à des émanations insalubres. La par-
tie placée le long des.-cûtes offre sur-tout cet in=
convénient ; des roseaux constamment baïgnés jus-
qu'à moitié de leur tige , rendent ce terrein in-
culte, Les maladies dont nous venons de parler
se remarquent assez souvent dans la commune de
Saint-Aubin , mais y sont moins fréquentes qu’on
ve pourrait le craindre , et cela est dû , sans
doute , à ce que les habitations ne sont point
assises sur les marais, mais au contraire sur une
terre siliceuse extrémement sèche, ce qui ne donne
aux émanations des marais qu'une influence plus
ou moins éloignée sur la masse des habitants.
La majeure partie de ces marais est entretenue
humide par des fosses et rigoles qui s’y distribuent,
et qui recoivent leurs eaux d’une espèce de lac ap-
pelé la Crande-Mare , dont la surface est de plus
de 3500 toises. Celle-ci est alimentée par des sour-
ces qui s'élèvent de son fonds , et l'excédent de
ses eaux est conduit par uu fossé dans la rivière
(4519
de Seine , mais avec beaucoup de lenteur, après
qu'elles ont été retenues et distribuées à volonté
dans les marais, au moyen de vannes et d’une
écluse placée derriére le village de Saint-Aubin.
La grande-mare est très-profonde dans quel-
ques endroits ; elle est poissonneuse et navigable
pour des bateaux plats qui transportent d’une
rive à Pautre des bottes de roseaux , dont on
fait usage pour la couverture Ues bâtiments et la
litière des bestianx. Le cheral praticable pour les
grauds navires qui font la navigation du long
cours, passait , il y a environ un siècle , par la
grande -mare , qui alors était unie à la Seine.
Les immenses marais qui les séparent maintenant
existaient point , et l’on pourrait trouver sous
eux plusieurs navires qui furent engloutis par
les flots. La tradition et les organeaux placés dans
le mur du vieux château de la mare ; pour amar-
rer les navires , et qui s’y trouvent encore , at-
testent d’une mauière irréfragable la vérité de cette
assertion, Beaucoup de vieux marins encore exis-
tants ont vu ces marais se former ; et il y a 6o
ans qu'ils ont suivi sur de grands navires la di-
rection qu'a mainteuant la digue qui sert de
communication de Saint-Aubin au marais Vernier.
On se rappelle même à Quillebeuf qu'un navire
fut incendié, à-peu-près à cette époque , sous le
château du marais Vernier , où était alors une
posée.
Les naturalistes reconnaîitraient à Quillebeuf et
dans ses parages , des richesses qui sont propres
à l'embouchure de la Seine , soit parmi les poissons,
soit parmi les plantes.
Les physiciens y trouveraient un vaste champ
ouvert à l'observaton, dais les phénomènes que
Fra
C:13)
présentent la barre , les courants , les bancs de
sable mobiles et fixes , la nature des écueils qui
portent obstacle à la navigation , les vents qui sont
en quelque sorte assujétis à des règles constanites ;,
la variation du gisement des terres, les accidents
qui accompagnent les naufrages , la nature. des
secours qui sont donnés aux navires , l’eflet des
marées elles-mêmes pour en favoriser ou contrarier
le succès.
Vous rapporter ici, Messieurs , toutes ces choses
dignes de piquer la curiosité des savants , ce
serait trop m'écarter des bornes que me prescrit
mon sujet. Je remets à une autre temps à vous
‘en entretenir.
Ayant habité pendant plusieurs années la ville
de Quillebeuf où je me livrais alors, par goût, à
Vétude des mathématiques et de l'hydrographie ,
j'ai vu , par moi-même , se répéter assez souvent
tous ces phénomènes intéressants, et j'ai puremarquer
ce que chercherait envain celui qui ne ferait à
Quillebeuf qu'un séjour de quelques mois ou même
‘de peu d’années, à raison des changements con-
sidérables qui s’opèrent dans des temps fort courts.
Mes soins seront bien récompensés si mes observa-
tions deviennent utiles , et si vous les jugez,
Massieurs , dignes de votre attention.
=
“Or maté GE ra väquerie dont l'éc
9: Guideaux,
1O. Rochers.
Les Villageset Masures sont indiqué
CA
F
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Tancarville. +
1 $
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DE LA VILLE DE QUILLEBEUF
D "7H £ Nemo 0 0 CR 5
Dos # & # Bois tt det+ Tancarville. * &
‘ SÉPPTLELILEITTEIIELELELE7 Radicatel. ET DE SES ENVIRONS ,
/ |
D'Académie des Sciences , Belles- Lettres et |
Arts de Rouen, en 1811, par M. BOISMARE ,
Dressé pour être annexé à un Mémoire lu à°
D. M. P., Membre de ladite Compagnie.
KE
Radicatel
Mesnil
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Le III
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de S. Georges.
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nt la forme et l'étendue
varie, et qui se
couvre toutes les maréer:
nn.
Bouquelon-
+ Bane de -
Sainte-Opportune
nt l'existence n'est point cons-
qu'il aiste, se découvre
#
quel il reste tr à 5 pieds
Re jours 4 à 5 pi et
n ee quand il se trouve dans le chenal.
oche à m
her q L
découvre toutes Les marées.
|
| |
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G. Roche quelle Lil éreste s EE SIT d'en
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a Gesesssseses]
(CTTETTETILELLLT
Gosse de vesess/
fasssssssesesses
fossersesesssssess
Sainte-Opportune, %
Hbssiin re.
des t + + + + + à + à à +
Banc du Tot, dont l'étendue varie.
la Vaquerie dont l'étendue varie.
Trouville,
Les Villages et Marures sont indiqués par ce signe ++
TABLE AU GÉNÉRAEr des Observations météorologiques faites à Rouen pendunt l’année 1811 ; par M. J.-B. Virazis, Professeur de Sciences physiques , au Lycée.
A
{Les principaux phénomènes sont indiqués par une apostroghe
lorsqu'ils ont éte plus considérables. )
VENTS DOMINANTS .
Échelle de Réaumur.
PR
HYGROMÈTRE 9s Savssune.{
Joprs D£ PLUIE.. - »
Jours DE NEIGE, . . « »
N r8ri. JANVIER.
: Maximum + » . :|] 28 pouces 4 lignes g le 19.
DANCE EES SE ] Minimum. + , + -]] 27 5 5 le 51,
THERMOMÈTRE à Mercure, | Maximum. . . .|| 8 degrés o le 51,
Minimum —7 o le 4.
Maximum . + « «{li00 degrés les 10, 14 et 27.
75 le 25,
S-0:1, N.-O., N.-E.
(€ Grand Vent les 4et 5.)
Minimum -
SIX PRENMIERS MOIS.
li
1es o le 17.
o le 24,
12 degrés b le rr.
—2 o le 50.
98 degrés Jes #,4,9,10et1r.
70 le 17.
SO. , O.-N.-0.
(Grand Ventles2,12,15,14, 16,26.)
MARS.
ES
28 pouces 5 lignes 4 le 209.
27 7 o les 5,7 ets.
AVRIL.
28 pouces 3 lignes o les 12 et 15.
27 4 o les r8 et 19.
135 degrés 5 le 22,
I 5 le 10.
09 degrés Je 2,
6o
le 16,
INSEE, (0-2:
(Grand Vient les 1°°,7, 24.)
11,15, 14,15,16,17,18,24,27.
12,5, 4519 10,118 20%, 30;
2,10; 10; LA 13114; 10 105 204
22,24, 25, 26, 27, 28.
Néant,
JouRS DE TONNERRE . .
Jouns DE BRUME ET BROUILLARD,. .
DOURSIDEIGRELE:e mere ee eo DCE 8.
UDOMÈTRE.. = RE Cent ce LE 1 pouce 8 lignes 8/16.
et grêle, 6 + » = eo
EE SPP SAS 7
JOURS IDENCELER eee ee Te 13235405; 675839) 10,20,21
eh - 0,10, 1171052225, 20275120
26.
2 pouces 2 lignes 9/16.
mm
15, 19, 20-
4, 9,10.
sors à Néant.
Act. de l’Académie 1811. ( page 132 ).
49 2»3: 4 s 65 8,9
18 degrés o le 24.
5 o le 12.
100 degnés o le 14,
Go o le 10.
S.-E., S.-0.,, O.-S.-0.
(Grand Ventles 18’, 21,22 et 29).
MAI. JUIN.
es
28 pouces 4 lignes o les 17et 18.
27 7 6le2. |
27 7
23 degrés o le 27e
10 o les y et 10.
UE DR inst
95 degrés o les 1,4, 7, 10, am.
65 o les 15,28,
25 degrés o le 8,
10 o les 15 etar.
gt degrés le 5.
65 les 14, 19 , 20.
S.-E,
(Grand Ventles5, 11, 28,29.)
S.-E.
(Grand Ventles2,5,6,8.)
ko1758%.9,120: 19,15, 16,18, 19),
20,21,22, 25, 26, 28, 29, 50.
Néant. 5,
Néant, Re
o pouce 4 lignes 4/16. 1 pouce 1 ligne 5/16.
10 , 11. Néant.
10, 19 ; 22. 3, 12,
Néant. CONPET D
#La foudre a tué y chevaux sur la route de Neufchâtel.
1,5,5, 7 859910, 14,5, 16, 17;
4,255 556% 8% 12516; 203 22,25,
19, 20, 26,27, 28,151. Û
25', 2g, 50.
Néant. Néant,
Néant. 29:
1 pouce 11 lignes 4/16. 1 pouce 11 lignes.
Er nees
Néant.
——_——_—_—_—————————
Néant.
| Néant,
21,
1,10,17,26,27,28, 51,
TABLEAU GÉNÉRAz ds Observations météorologiques faites à Rouen pendant l’année 1811 ; par M. J.-B, Vitarts, Professeur de Sciences physiques , au Lycée.
AN 1811.
À
| Maximum, «
BAROMETRE. ..
À ‘| Minimum . alias
THERMOMÈTRE à Mercure ,[ Marimum. ss PTE
Échelle de Réaumur. Minimum …....
Maximum, . «4
Minimum... ..
HYGROMÈTRE »e Susssone]
VENTS DOMINANTSee us ue» » RADIO di TU
Jours DE PLIS... Total pour l’année 154 jours.
Jours pe NEIGR. . « Total... , , . . 15 jours.
Jours DE GRÈLE. . . Total... .,, 5 jours.
3 Quantité d’eau de pluie, neige
UDOMÈTRE. MA JO DRE TR
+ 22 pouces 4 1, 11/16
Jours DA GELÉE. . . Total... .... 26 jours,
6r
28 pouces
J UIT LET.
3 lignes 2 le 25.
27 10 o le 1°,
22 degrés o les 16 ct 26.
12 5 le 4.
95 degrés o tes 0 et 26.
o leG.
N.-0, et N.-E.
25 pouces
SIX DERNIERS MOIS.
ANONUNT | SEPTEMBRE.
5 lignes 8 le 14, 28 pouces 3 lignes 7 le 5.
27 8 o les g.eb 25. || 27 4 4 le 25. 26
+
25 degrés 5le 3, at degrés o le 13.
10 5 les 11 et 2r. 9 o les 27 et 28. 7
h
95 degrés
65
(
les4,8,15, 14, »4et25.|| 98 degrés o le 22.
le118 b2 o le 8, 7o
1 O.-N.-0.,
N.-E, S.-E. |
N.-0., S.-5.-0.,5.-0.
( Grand Vent le 25". }
1:52, 345 4,19, 20, 21, 22.
Jours DE BRUME ET BROUILLARD. Tutal 46 jours.
Jours DE TONNERRE, Total, . , . . . .
20 jours.
2
Néant.
Néant.
pouces 2 lignes 7/16.
Néant.
5,4,5,6,
23}
23.
OCTOBRE.
manner
28 poucis 5 lignes 5 le 20,
11 8 le 26,
NOVEMBRE.
28 pouces 5 lignes o le 27-
a7.
17 degrés o les 4,9, 12,13, 20.
o les 27 et 29.
98 degrés o.tes 5,7, 8, 10.
o le 26,
S.-E., S.-0., O.-S.-O.
(Grand Ventles5,6, 12, 26,29.)
15 degrés 8 le 3.
5 le 23.
98 degrés o les 1,6,7,8,25,29,50.|| 98 degrés.o le 2.
70 o le 12. 65
N.-0., S.-0., NE.
8,9,10, 14,19, 20,22,|| 20, 21,2%, 24,25, 26, 27! ; 25.
Néant, Néant.
Néant. Néant.
1 pouce 1 ligne 4/6.
2 pouces 1 ligne 11/16.
EEE
Néant, Néant.
15, 24, 51e
1, 55 4,53 759312, 24, 26, 27
28, Fo.
Néant.
Neant.
1 pouce 9 lignes 3/6.
1,5,4,5,6,738; 9910918, 12,
15,14, 15, 16,18, 19.
4 pouces 3 lignes 14/16.
Néant.
93 10, 14, 17, 18, 19.
21; 22,29,
18,23, 24, 25, 26,27, 28,29, 50.
DÉCEMBRE.
28 pouces 2 lignes o les 22, 24et25.
8 le11, 27 1 5 le 28.
10 degrés o les. 10. et 19,
—6 o le 51.
o le 5.
O.-N.-0., S.-E. et N.
(Grand Ventles2,5,9', 14,16.)
254558, 11, 15, 14,16, 17, 18,
19,213 25, 24.
Néant. 26 ÿ 27, 29.
Néant. 22«
1. pouce 7 lignes 6/16.
{
22 , 26.
15,18, 24, 26,
Néant,
(133)
E——————————… …… — . 3
BELLES LETTRES.
AE OC R2T
Fait par M. PivarD Dr Boisnéeerr , secrétaire
perpétuel de l’Académie , pour la.classe des belles-
lettres.
ME SeLEUR.S,.
Vous venez d'entendre la lecture des travaux
de la classe des sciençes. Chargé de vous faire
connaître les différents ouvrages qui sont du do-
maine des belles - lettres , c'est à regret que j8
me vois forcé de me renfermer dans les bornes
d'une simple et très-courte analyse.
Toujours un peu sèche , elle ne saurait pré-=
senter qu’imparfaitement le mérite et les grâces qui
appartiennent spécialement aux productions litté-
raires. Je citerai,, autant qu'il me sera possible ,
les traits qui pourront donner à l’assemblée qui
me fait l'honneur de m'écouter , une idée de la
manière et du mérite des. auteurs.
Elle ne verra pas, Messieurs, sans intérêt qu'il
règne entre l’Académie et plusieurs Sociétés sa-
vantes , et des hommes instruits , une corres-
pondance , une communication de lumières dont
l'avantage est apprécié par tous les amis des
lettres.
= Nous avons recu de l’Académie du Gard je
programme des prix qu’elle se propose de décer-
ner eu 1811, Le sujet du prix pour 1810 était l'éloge
L35
(154)
de M. Servan. Son attente n'ayant pas été rem-
plie, elle ne balance pas, à raison de l'importance
du sujet , à proposer le même éloge pour le prix
de 1811.
— De l'Académie de Besancon, un précis de ses
Séances publiques, où , eutr'autres ouvrages pleins
d'intérêt, on remarque une notite excellente sur
M. l'Abbé Rose, auteur de différents ouvrages.
= De la Société d'encouragement pour l’'indus-
tie nationale, le programme des prix pour les
années 1811 , 1812, 1813 et 1814.
= De l’Académie des Jeux Floraux , le pro-
gramme des prix pour l'année 1811, et le précis
des pièces qui ont été couronnées l’année dernière.
= De la Société libre d’émulatiôn de Rouen ,
le rapport de sa séance publique et le discours
intéressant de son président.
— Ona fait hommage à l'Académie d'un Dithy-
rambe sur la naissance du Roi de Rome , par M.
Delavigne , élève du lycée de Paris. Cette pro-
duction , pleine d’intérêt par son sujet , présente
de beaux vers , des idées heureuses , et fait con-
cevoir les plus belles espérances de l’auteur, âgé
de 16 ans.
On y remarque ces vers :
» Rome, tes destins vont changer,
» La France sur ses pas t’appelle à la victoire ,
» Elle ne peut céder sa gloire,
» Mais elle peut la partager.
(135)
— M. Delandine, membre non résidant de cette.
Académie , et conservateur de la bibliothèque pu-
blique de Lyon, vous a fait passer une brochure
intitulée : Ætat de la bibliothèque de Lyon pendant le
cours de 18510,
L'Académie apprendra sans doute avec plaisir ,
que , parmi les ouvrages qui figurent dans cette
intéressante notice , s'y trouvent honorablement
cités ceux que notre confrère M, Vitalis a
publiés en différents temps sur la teinture. En
parlant du Manuel du teinturier sur fil et sur coton
filé, M. Delandine s'exprime ainsi : » L'auteur a
» bien rempli la devise qu'il a prise, multa paucis,
» beaucoup de choses en peu de mots. On sent,
» ajoute-til, combien la connaissance de cet ou-
» vrage, dans la ville de Lyon, peut y étre utile
» au perfectionnement de nos teintures déjà si
» célèbres. «
— L'Académie a reçu une pièce intitulée : Le
Barde neustrien , hommage poëtique à &. M. Na-
poléon, par M. Louis Dubois, membre de plusieurs.
Académies.
— M. Lafosse , architècte de la ville, vous a faie
hommage d’un plan d'architecture rurale.
= M. Duronceray vous a adressé deux ouvrages
de sa composition ; le 1°* a pour Utre : Les Sou-
venirs de Eurthèle ; le 2° est un poëme sous le
titre : Les Cicérons francais.
Passons aux travaux des académiciens.
GRAMMAIRE.
= M. Boinvilliers , membre non résidant , a fait
L4,
(136)
hommage à l'Académie de son ouvrage intitulé *
Cours analytique d’Orthographe et de Ponctuation ,
ou Nouvelle Grammaire des Dames , suivie de sujets
de composition propres à inculquer facilement
les principes de la langue française , sous le rap-
port, 1° de l'orthographe des mots en général , mais
sur-tout des participes ; 2° de la ponctuation, dont
les règles sont applicables , tant à la langue parlée
qu'à la langue écrite : ouvrage théorique et pra-
tique , destiné à toutes les maisons d'éducation £
et dédié à S, A.S. la grande duchesse de Toscane.
ELOQUENC:£.
= M. Demadieres , élu président , dans le discours
d'usage à la rentrée de l'Académie , a entretenu la
Compagnie de l’origine de la mairie et de ses
fonctions. Il la considère sous le double rapport
de la sûreté et du bonheur des citoyens, et relève,
à juste titre , la juridiction qu'elle exerce sur les
mœurs , par la surveillance active dans toutes
les parties de l'instruction publique.
» Heureux devoir à remplir , s’écrie notre collé-
» gue, que celui de faire éclore | de nourrir, de
» fomenter une noble émulation parmi toutes les
» classes, de voir s’élever dans la cité des hom-
” mes qui doivent un jour en faire la gloire et la
» splendeur, «
Ceci conduit l’orateur à rappeler le souvenir
intéressant de la sollicitude municipale dans nos
murs. Il jette un coup-d'œil sur la formation de
cette Academie , et ses heureux résultats,
Aprés avoir semé quelques fleurs sur la tombe
de son prédécesseur , M. Defontenay , et lui avoir
payé le tribut d'éloges bien mérités , pour le bien-
C137)
fait de la réunion des membres de l'Académie
dispersés par le malheur des temps, M. Demadieres
exprime à la Compagnie combien il est seusible
à l'honneur de la présider , et lui présente l’hom-
mage du dévouement le plus sincère et le plus
entier.
= M. Bignon a rendu compte d’un discours la-
tin envoyé à l'Académie par S. Ex. le Grand-Mai-
tre de l’université impériale. Notre Collègue dit que,
pour fixer lPattention sur cet ouvrage , il suflit de
remonter à sa première cause.
Le Grand - Maitre a ordonné que , dans tous
les lycées, il serait prononce , le 1 jeudi de juin
1810 , par le professeur de rhétorique, un dis-
cours latin sur le mariage de nos augustes Sou-
verains , et qu'il serait décerné au meilleur dis-
cours une médaille de la valeur de 100 Napoléons.
C'est de l'ouvrage couronné qu'a rendu compte
M. Bignon. L'auteur est M. Luce de Lancival, en-
levé aux muses à la fleur de l’âge, le lendemain
de son triomphe.
» Mais ce triomphe , perdu pour l'orateur { c’est
n M. Bignon qui parle) , ne l'a pas été pour la lan-
» gue qui avait servi d'interprèle à sa pensée. «
L'orateur débute par un remerciment au Chef
suprême de l'instruction ; d’avoir rendu les pro-
fesseurs d’éloquence les interprètes de l'allégresse
publique ; mais il croit avoir à se plaindre d’a-
voir un prix en perspective pour une tâche aussi
douce à remplir , et que l'amour commande,
Féliciter la France de sa position présente, et
angurer l'avenir du présent , telle est la division de
sou discours.
(138)
M. Luce présente l’état des deux empires dans
la dernière campagne , décrit les horreurs de la
bataille de Wagram , qu’il appelerait volontiers nue.
Pharsale par la multitude des combäattants et la
célébrité des chefs.
C'est au milieu du carnage , ©est sur le champ
de bataille que M. Luce fait concevoir au vainqueur
la pensée d'associer une illustre compagne à ses
grandes destinées : Pater erit quem debellaturus
veneram.
Tout-x-coup la scène change ; le héros arrête le.
char de la victoire : une trève , un traité d’allian-
ce, apprennent à l'Europe étonnée, surprise, en-
chantée, que la paix a été le prélude de l'hy-
ménée,
L'orateur offre. le tableau touchant des adieux
de l’auguste Marie , qui s'arrache des bras d’une
famille chérie,
Brille enfin l'heureux jour où lalliance civile
doit recevoir la sanction religieuse. C’est ici, dit
notre Collègue , que l'orateur donne un libre cours.
à sa verve cratoire.
Pour se faire une idée de cette riche descrip-
üon , il faut ia lire dans l'auteur,
Dans la seconde partie, l'orateur voit dans cette
alliance le présage du bonheur des français, l'ex-
tinction de toute rivalié , lPAutriche conspirant
pour le destin de la France.
» Il ne craint pas qu'un héros , qui, au milieu
» des soins et des faisues de la guerre , a tout
» fait pour l'administration intérieure , reste oisif
» au sein de la paix. «
La peroraison est une invitation à Sa Majesté
(139)
de conserver une vie précieuse pour terminer
ses projets ; pour élever un héritier de son trône
et de ses vertus , et prolonger le bonheur des
français au-delà du terme de son règne.
Cette analyse , que nous sommes forcés d'abréger,
justifie pleinement le choix que l'Académie a fait
de M. Bignon , pour lui donner une idée de ce
discours, que l’on ne saurait pourtant bien appré-
cier , dit-il, que dans l'original.
= Le même membre a fait un rapport sur le
discours latin prononcé à la distribution des prix
des lycées de Paris, par M. Guéroult jeune, doc-
teur és lettres , et professeur de rhétorique au
lycée Napoléon.
Après un exorde rempli de modestie , d'élé=
gance et de savoir , M. Guéroult aborde son su-
jet, ainsi conçu :
» Il est d’une grande importance , pour bien
» écrire, de bien choisir son sujet. « Le genre sé-
rieux et le genre plaisant | forment les deux di-
visions du discours.
La 1e division présente une discussion bien faite
sur le génie de la Pharsale , et sur les Frères
ennemis de Racine ; poèmes également défectueux ,
par défaut , ou de merveilleux , ou de véritable
intérêt. Il n'en est pas ainsi de la tragédie de
Britannicus , où M. Guéroult trouve que Racine a
employé toutes les ressources de l'art dramatique ,
ni de la Jérusalem délivrée , où le Tasse marche
immédiatement après Homère et Virgile.
Dans la 2° partie , sur le genre plaisant, il cite
Boileau dans son Lutrin ; Gresset dans son Vert-Vert;
mais sou indignation s'allume, dit M. LBignou, contre
Cr40)
fes mauvaises plaisanteries de l'écrivain burlesque ;.
qui, sans respect pour Anchise , Priam , Hécube , n’a
point rougi de travestir l'Enéide, et sur-tout contre.
les obscénités de l’auteur de la Henriade, lorsque ,
dans une production cinique , il outrage l'honneur
d'une héroine à laquelle la France doit des autels.
La peroraison ramène M. Guéroult à la distri-
bution des couronnes classiques. Il offre aux élèves
Jes grands matériaux de netre-histoire qui doivent:
enflammer tous les talents d’une noble émulation,
Il leur offre les prix décennaux , l'espoir de tra-
vailler eux-mêmes au rétablissement de l'instruc-.
tion , sous les auspices du Grand-Maitre. Il fait
ensuite ses adieux à ses disciples, et forme le vœu.
de les entendre à la tribune , et de-les féliciter,
d’avoir bien choisi leur sujet.
M. Biguon a trouvé ce discours plein de choses,
de raison et de goût. Ille regarde comme un heu-.
reux composé du style de tous les auteurs de la
Donne latinité , dont M. Guéroult a su s'approprier.
le langage.
— M, Desesmaisons a donné. AL de son dis=.
cours de réception.
L'orateur débute par l'expression de sa recon-
paissance ; il ne veut trouver les titres qui lui ont
mérité le choix de l'Académie , que dans la bien=.
veiïlilance qui encourage Auéliues efforts déjà cou-
ronnés par un prix qui lui fut décerné.
M. Desesmaisons parle des épines, des difficul-
tés , des privations que le savant éprouve dans
l'étude de la nature et des hautes sciences ; tandis.
qu'il trouve chez l’homme de letires le privilège
de s'instruire et de méditer au milieu même des
agréments de la société.
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(141)
Notre collègue soumet à l'Académie » quelques
idées relatives à l’inflaence des lettres anciennes
sur les lettres modernes , et sur l'influence que
les littératures étrangères lui semblent avoir exercé
sur la nôtre.
» Il y a de ces grandes vérités , dit Porateur ,
qui ne sauraient être tenues cachées, quelques
eflorts que fassent les personnes intéressées à les
dissimuler.
» Du nombre de ces vérités est le fait de l'ad-
miration que nous accordons unanimement
aux anciens. En vain on a voulu leur contester
l'avantige de nous avoir servi de modéle. La
voix du monde entier appelle le siècle de Louis
XIV, le rival de celui d'Auguste , tant on se
figure que ce seul titre lui vaut de gloire !
» Qui n’est en eflet frappé de la noblesse, de
l'harmonie , de la grandeur qui règnent dans
toutes les productions de ce bel age ?
» Je ne rechercherai pas si les grands hommes
du siècle de Louis XIV ont imité ceux du siècle
d'Auguste ; mais il est certain qu'ils leur ressem-
blent , et que plus ils leur ressemblent , et plus
ils sont parfaits. «
M. Desesmaisons passe rapidement en reyue Ja
littérature des différents peuples de l'Eutope ; il
rend hommage aux Popes , aux Adisson , aux Mil-
ton , et fait sentir que Shakespear , malgré l’ad-
miration que lui accordent les anglais , ne saurait
paraître ici comme exemple de l'avantage atta-
ché à l’imitation des anciens , puisque peu d’au-
teurs modernes se sont plus écartés que lui de la
belle antiquité.
Notre collègue passe à l'influence actuelle de la
littérature étrangère sur la nôtre.
Cu)
Il attribue l'espèce de stérilité di dées au décou-
ragement résultant de cette opinion : que tout e$t
épuisé ; à l'espèce de supercherie, qui, ne voulat
pas étre surprise dans l'emprunt qu’elle fait aux
anciens , cherche à le déxuiser , à lui donner dés
formes neuves , qui ne sont autres que des for-
mes bizarres. On va puiser dans la littératüre étran-
gère par l'espoir de mieux cacher son larcin.
» Voilà, dit M. Desesmaisons, ce qui a fait trané-
» porter dans notre langue tant de sujets , tant
» d'idées , tant de tournures empruntées aux an-
n glais, aux allemands : on a vu les sorciers de
» Macbeth , faire bouillir dans des chaudières
n magiques des serpents et des crapaux aux lieux
» mêmes où la vieille Mérope avait reconnu son fils, «
M. Desesmaisons termine son discours , comme il
l'a commencé, par l'expression de sentiments de mo-
destie qui donnent un nouveau charme au talent.
— M. l'abbé de Boisville , vice-président , dans
sa réponse, s'exprime ainsi :
5 Vous l'avez prononcée, Monsieur , cette grande
» vérité qui doit étre la profession de foi de tout
» homme lettré : les anciens en tout sont nos
» maires. . . Hors limitation des anciens, point
» de beauté solide, point de chef-d'œuvre parfait ,
» point de vétitéble littérature.
» On a dit que la vérité était une ; on doit dire
» Ja même chose du sentiment du beau. Comme
» il ny a qu'une grande raïson qui doit régner
» dans l'univers, qu’une intelligence unique à la-
» quelle doivent se rapporter toutes les autres in-
» telligences , il n’y a de même, j'oseraisle dire,
» qu'une seule expression du beau , un type uni-
» qne de beauté où doivent se modeler tous les
C145)
» genres de beauté morale et intellectuelle. , . . .
» Les principes que vous professez , Monsieur ,
» font concevoir à la société qui vous recoit , les
» plus heureuses espérances : plus vous êtes péné-
» tré du sentiment du vrai beau, plus elle aime à
» croire que vous en imprimerez l'heureux carac-
» tère aux ouvrages dont vous enrichirez notre ré-
» pertoire académique. «
PO 'É SAT E.,
= M. Lefilleul des Guerrots a lu trois fables, la pre-
mière intitulée le Papillon et le Moucheron ; la secon-
de le Flambeau ; la troisième ayant pour titre : La
Peine et le Plaisir. Vous les avez entendues avec
intérêt, cette dernière sur-tout,
D'un caprice du Roi des Dieux,
Nés, dit-on, à la même heure,
La Peine et le Plaisir vinrent en ces bas lieux
Pour y fixer leur demeure.
Tout différait en eux , maintien, visage , humeur,
Léger comme zéphire , et frais comme la rose ,
Le frère, aimable fou, riait de si bon cœur,
La sœur, pâle et ridée, avait l’air si morose,
Qu'on le trouva charmant , tandis qu’elle fit peur.
Pour suivre le Pluisir , chacun veut fuir la Peine... , «
Trop Tu humains ! votre espérance est vaine.
Tous les deux ont reçu du maitre de vos jours
Des ailes pour votre infortune ;
Vous n’échappez jamais à l’une,
L'autre vous échappe toujours.
= M. Desesmaïsons vous a donné. une traduction
en vers, d’une ode anglaise de Prior, sur l'immensité
C144)
de l'Étre- Supréme dans ses attributs et dans ses
ouvrages.
= M. Duval-Sanadon, membre non résidant ; a
lu une pièce en vers intitulée : Hommage au grand
Corneille , avec cette épigraphe tirée d'Horace :
Cui sit ingenium , cui meus divinior ; at que 0$
magna sonaturum. (1)
= M. D'Ornay , un de nos vétérans, vous a donné
une pièce de vers intitulée :la Mémoire et l’Oubli.
Un jour la Mémoire et l'Oubli
Eurent ensemble une querelle,
Querelle d'amitié , d’espèce bien nouvelle,
L'ordre de discuter fut bientôt établi.
La Mémoire était femme et parla la première,
Il s'agissait de décider entre eux,
Lequel rendait les hommes plus heureux.
C’est moi, dit la Mémoire , et la preuve en est claire :
J'ai reçu du destin le plus beau des présents ;
Celui de tout soumettre à mes enchantements.
Je retrace aux humains les heures fortunées,
Les plaisirs enchanteurs de leurs belles années,
Je sais charmer , par d'heureux souvenirs ,
D'un cœur trop agité , les secrets déplaisirs.
Je remets sous leurs yeux , les doux jeux de l’enfance ;
Dans toute sa fraicheur , la belle adolescence.
et
(1) Cette pièce a été lue en entier à la séance publique.
Nous aurions désiré en extraire ici quelques morceaux pour
donner une idée des moyens de l’auteur , déjà connu avan-
tageusement par son poëme sur l’origine du Prieuré des deux
Amants, etc. ; mais notre Collègue ayant, depuis la séance
publique , fait imprimer son ouvrage , les statuts de l’Acadé-
mie nous interdisent toute citation.
De
(145)
De l'âge mür , les trop vastes projets ;
Les immenses désirs , rarement satisfaits,
De la sagesse , les maximes ,
De la vertu, Jes traits sublimes,
Ils pleurent sur la mort de Socrate et Cator,
Sur le Cap Sunium , ils écoutent Platon ;
Et du temps et des lieux, je saïs franchir l’espace
Dans mes vastes tiroirs , chaque objet a sa place;
Je les ouvte , et bientôt, par un charme puissant,
Tout renait, le passé redevient le présent,
Un Homère à la main , ils montent au Parnasse :
Ils recitent les vers de Wäirgile et d’Horace,
Du génie et des arts, les prodiges divers ,
Le tableau des vertus qui parent l'Univers :
Tout se retrace à leur ame enchantée ,
Par ces brillants tableaux , doucement agitée,
Si les hommes savaient jouir de mes bienfaits,
Ils seraient plus heureux ; ils seraient plus parfaits.
Le généreux Oubli, modeste en son langage,
Lui répondit avec douceur :
J’admire vos talents, ma sœur,
Vous possédez l’étonnant avantage
De redonner la vie et recréer des sens
À mille êtres perdus dans l’abime des temps;
Mais ne vous vantez pas de ce rare partage ;
Car si vous présentez quelques doux souvenirs ,
Quelques traits généreux , quelques vertus sublimes ;
Vous rappelez aussi ce long amas de crimes ,
Dont l’atrocité fait frémir !
Si, pour en adoucir l’empreinte douloureuse ,
Vous offrez aux humains, des Titus , des T'rajans #
La liste , hélas ! trop peu nombreuse ,
Vous retracez aussi la suite malheureuse
des Tibères et des Séjans !
De ce ZVéron , le plus noir des -tyrans ,
K
(146)
Qui versa tant de sang, qui coûta tant de larmes ,
Pour qui Rome embrasée avait de si doux charmes ;
Vous rappelez la guerre , la guerre et ses horreurs ,
L’ingratitude et ses noirceurs ,
L’ambition insatiable >
L’hypocrisie encore plus coupable ,
Le fanatisme aveugle en ses fnreurs, é
Monstre altéré de sang, farouche, impitoyable... .
Mais éloignons ces sinistres objets ;
Si l’homme n’oubliait jamais, |
Qu'il serait malheureux ! sans cesse | à sa pensée, L
Des maux qu’il a soufferts | l’image retracée
Porterait le trouble en son cœur ,
Eterniserait le malheur ,
|
Et, de ses tristes jours flétrirait la durée, |
ï
;
Mais , pour calmer les maux dont le monde est rempli,
Le Ciel, dans sa bonté , créa l’heureux Oubli.
Mortels reconnaissants , rendez-lui votre hommage,
Connaissez ses bienfaits , rangez vous sous ses lois,
Entre deux amis quelquefois
Il s’éléve un léger nuage,
Avec l’aide du temps , je conjure lorage ;
Un tendre embrassement achève mon ouvrage ;
L'amitié reprend tous ses droits
Et l’on s’en aime davantage,
La brillante mythologie
Dont les prestises enchanteurs ,
De héros bienfaisants et de Dieux protecteurs ,
Peuplait la nature embellie,
Plaçait aux bornes de la vie
Un fleuve de mon nom, dont les paisibles eaux ,
Aux hommes détrompés de leurs vaines chimères,
Après de courts plaisirs et de Jongtes misères ,
Offraient enfin un éternel repos,
(147)
C’en est assez ; comme il est sur la terre
Moins de bien que de mal, moins de ris que de pleurs ;
Moins de plaisirs que de douleurs,
J'en conclus qu’aux humains je deviens nécessaire,
Et que, bien plus que vous , ma sœur ,
Je contribue à leur bonheur,
À qui des deux accorder la victoire ?
Tous deux également ont des droits sur nos cœurs,
Tous deux également nous comblent de faveurs.
Proftons sans juger , disons à la Afémotire :
Des vertus, @es talents , et sur-tout des bienfaits,
Rappelez fréquemment la consolante histoire,
L]
Puisse à son tour l’Oubli, que suit la douce paix,
De l’être infortuné tarir enfin les larmes ,
Sur nos jours trop bornés , répandre quelques charmes,
Et, par cet accord généreux,
Les hommes devenir meilleurs et plus heureux !
= M. Lemesle a occupé agréablement plusieurs
de nos séances par la lecture de quatre épitres
en vers également intéressantes par les sujets et par
le style. C'est Aspasie qui, des Champs-Elisées
continue d'écrire aux dames et à leur donner de;
leçons utiles. La première de ces épitres est sur
les dangers de la lecture des romans , et sur La
gradation à mettre dans l'éducation des enfants ; la
seconde , sur La musique moderne ; la troisième ,
sur la danse ; et la quatrième, sur de dessin.
Aspasie, comme l’on voit, occupe ses loisirs dans
l'autre monde , des moyens de remplir les nôtres
d'une manière Egalement agréable et avantageuse ;
mais laissons -la parler elle-même. Voici comme
elle s'exprime dans la première de ces épitres :
K 2
(148)
J'ai des conseils à vous donner,
Et ce n’est pas toujours un sür moyen de plaire ;
Un, auteur ne divertit guère
Quand il ne fait que raisonner.
1
Après avoir décrit les malheurs de Sapho et
déploré sa funeste fin, Aspasie s’écrie :
O vous qui me lisez , après ce triste exemple ,
Osez faire des vers et lire des romans !
Vous aimerez un jour, . . Mais laissez faire au temps.
Attendez que l’hymen vous appelle à son temple,
Il en coûte beaucoup pour être : bel esprit ;
Voyez où tout cela condnit ,
On est calomniée ; on aime ; on devient folle ;
Si l'avenir n'offre rien qui console ,
Que faire alors ? Leucade a perdu son crédit,
La tète tourne , et l’on finit peutètre
Par se jeter par la fenêtre.
Le trépas est moins noble et le remède est dur,
Mais pour guérir d’amour c’est un moyen très-sür,
Venant ensuite à la seconde partie de sa lettre,
Aspasie trace ces règles :
Méres qui m’entendez , dont les tendres secours
Pour vos enfants et dès leur plus bas âge,
Sont des plaisirs de tous les jours,
C’est à vous qu’appartient , comme un noble apanage ,
Le droit de leur donner la premiére leçon,
Et leur bonheur un jour doit être votre ouvrage.
Ne vous hütez pas trop de former leur raison..,...
Bien loin de la forcer, imitez la nature;
Graduez vos leçons ; marchez avec lenteur,
Le chène tour-à-tour prend, quitte sa verdure ;
Mais c’est après cent ans qu’il atteint sa hauteur.
(149)
D'un fruit prématuré, venu par artifice,
La bonté répond mal à sa couleur factice. ..,
Que votre jeune fille étourdie et volage,
Après avoir répété sa lecon ,
Reprenne avec gaité les hochets de son âge ,
Et fasse, en se jouant , reposer sa raison.
Ne lui donnez que tard le compas d’Uranie,
Et laissez lui long-temps les grelots de Momus ;
Mais qu’à l’aspect du pauvre elle ait l’ame attendrie ;
Et fasse sous vos yeux l’essai de ses vertus,
y
La seconde épitre est sur la musique. Aspasie veut
bien que son étude fasse parue de l'éducation ,
mais elle ne permet pas qu'on s'y livre sans me-
sure :
Vous qui n'aimez les arts que pour votre agrément,
N’en faites point vos uniques délices ;
N’ambitionnez point un sublime talent ,
IL coûte trop de temps et trop de sacrifices. . .… «
Elle se plaint que nous avons trop multiplié les
diverses sortes d'instruments.
Dans nos célèbres théories,
Où présidaient les graces , les amours ,
Aux fètes de Délos nous n’avions point recours
A vos bruyantes symphouies,
La flüte du dien Pan , la lyre d’Apollon,
De nos Athéniens, favorites chéries ,
Accompagnaient de leur aimable son
Les vers de Simonide et ceux d’Anacréon,
Tout est changé... 0 AU LE
Exilé de la table et dédaigné des grands
L'enfant de la gaité , le malin vaudeville,
Errant et fugitif, trouve à peine un asyle
Au repas du vieil oncle, à ceux des grand’momans..
NE 2
( 150.)
D'un vieux conte de fée à Paris on raffole ,
De Panard , de Favart on ne se souvient plus ;
Au théâtre, Minerve a pris le premier rôle ;
Et, comme a dit Mousseau, qui ne badinait guére,
La bonne est sur la scène ét l'enfant au parterre. ,...
IL semble du vrai goût que le Français soit las ;
Au lieu d’emptunter à Thalie
Ses traits saillants et nés de la Folie,
Où lon riait aux grands éclats,
On travestit le chantre d’Athalie ,
Des pièces de Sophocle on fait des opéras.....
Ne forcons point notre talent,
Comme l’a dit votre bon Lafontaine...
Son axiome vrai peut s’appliquer au chant ;
La musique à son genre, elle a som caractére ;
On ne chante jamais quand on est en colère :
On chante encore moins quand on est expirant ;
Il est dans les beaux arts de certaines limités
Que la nature et le goùt ont prescrites,
Mais on veut imiter les mugissantes mers ,
Le sifflement des vents , les éclats de [à fondre
Qui part, brise, renverse et rédait tont en poudre ;
C'est un pénible effort ; quel en sera le fruit ?
À soutenir la voix , l'orchestre s’évertme ,
L'acteur s’épuise et l'actrice se tne ;
On cherche le plaisir , on n’entend.que du brait.....
La troisième épitre traite de la danse qui, dans
son origine , faisait partie du culte religieux. Mais :
dit Aspasie ,
Mais, de vos jours la danse est devenue
Un peu profane ; on en a fait un art,
Elle à ses lois , ses principes à part ;
(re 3
Savante pantomime , elle est, quoique, muette,
Des passions la fidèle interprète,
Pour le prouver , Aspasie cite les ballets de Novère
et ceux de Gardel, qui,
À nos regards surpris ; expriment tour-à-tour
La haine, le dépit , la fierté ; la colëre,
La terreur , la pitié , la vengeance et l’amour,....
Mais vous , pour qui la danse est un amusement,
Contentez-vous d'y mettre de l’aisance,
On dit que votre ville attache à ce talent
Peut-être un peu trop d'importance ;
Quand on a d’y briller un extrême désir,
C’est un tourment, ce n’est plus un plaisirs...
La danse sied à la jeunesse ;
Son règne est court , on la quitte à trente ans ;
Ce n’est point , j’en conviens , le premier des talents,
Mais cet art est utile ; il donne la souplesse ,
Une attitude ferme , au corps de la noblesse ,
De la grace à la tête , à des bras demi nus ;
Et la grace est sans doute une beauté de plus...
Aspasie, après avoir déérit les dangers mortels
auxquels s’est exposée une jeune personne pour
s'être livrée avec excès à la danse , et sur-tout
à cette danse que l’on nomme wa/se , qu’elle con-
damne comme aussi dangereuse ponr les mœurs
que pour la santé , termine ainsi ses avis:
C’est de tous les talents celui le plus frivole.
C’est un art, direz-vous,.... Je le crois snr parole,
Soit, c’est un art.... Mais que penser d’un art
Où l’on regrette tôt où tard
Le temps qu'on perd à son école?
k &
(1528
Caltivez votre csprit , formez votre raison ;
La danse n'a qu'une saison ;
C’est la fleur du matin , qui le soir est fanée :
La rose dure un jour ; mais la pomme une année,
Aspasie , dans sa quatrième épitre, traite du dessin.
Il plait dans tous les temps , il convient à tout âge;
Il a de plus cet avantage
’ètre toujours sons notre main.
Amuser est son but, créer est son ouvrage ,
Des amis, des parents il conserve l’image. ....
LU o
Il est très-commode en voyage ;
Il n’a besoin d’aucuns apprêèts ;
Un carton , des crayons composent son bagage. ...
A bien user du temps il ‘instruit la jennesse ;
I! charme encore dans la vieillesse. ....
Il ne lui faut, comme à l'abeille,
Qu'un bois, une prairie , un jardin et des fleurs.
Les préceptes que donne l’auteur dans cette épitre,
sont en action.
Aspasie raconte que Cariclée son amie cultivait
comme elle Île dessin ; qu'un jour elle lui offrit
un charmant paysage sur lequel elle fait ces ré-
flexions :
Ce site est pittoresque , agréable à la vue,
Le dessin est correct , tout en est bien groupé ;
Cet ensemble me plait, tient mon œil occupé ;
Mais l’esprit veut penser et mon ame être émue ;
Or, c’est l’intérèt seul qui les touche et remue.
Que dit-il à mon cœur , ce tableau ?... Presque rien,
J'aime ces bois , cette prairie ;
Je suis d'accord que tout est bien ;
Mais à ce beau dessin il manque de la vie,
LEE 5070
Cariclès profite de l'avis de son amie , et un mois
après lui rapporte son paysage. Aspasie l'examine.
Voici (dit-elle) du nouveau
Sur un tertre.. .en gazon , j'appercçois un tombeau, ..,
Monument isolé dont la première vue
fait penser mon esprit et rend mon ame émue ;
Il est entouré de cyprès,
Des morts tristes amis et compagnons mucts ; «+.
Sur cette tombe une nymphe est couchée,
Et sa main, en-dehors languissamment penchée ,
Du doigt indique un marbre, où l’on peut lire encor
Ce peu de mots gravés en lettres d’or ;
Moi-méme aussi j'étais heureuse,
Le poëte, comme l’on voit, a profité habilement
de ces mots du Poussin , ef in Arcadiä ego.
Cette intéressante épitre est terminée par ces vers
pleins de sentiment,
On peut s’aimer encore au-delà de la vie,
Quoi qu’il arrive à l’avenir
De Cariclée ou d’Aspasie,
Léguons-nous nos tableaux , et qu’ils puissent servir
À celle de nous deux , veuve de son amie,
D'un éternel et tendre souvenir.
= M. Mutel, membre non résidant, vous a en-
voyé un poëme intitulé : la Restauration de la Py-
ramide d’'Fvry , par Napoléon.
Notre Collègue , octogénaire et toujours l'amant
des muses , ne prétend pas ici emboucher la trom-
pette héroïque.
» Satisfait d'admirer d’incroyables exploits ,
» À de plus simples faits je consacre ma voix,
( 1549
5 Dans le cours de la vie, en miracles féconde,
# Dn Monarque immortel , qui fait le sort du monde ,
» J'ai choisi le moment où , dans les chatips d'Yvry ,
» Associant son nom au nom du grand Henri,
» Ii fit, pour honorer sa valeur intrépide,
» Relever du bon roi la simple pyramide. «
Ce poëme , qui intéressé par le choix du sujet,
prouve que les annces né peuvent rien sur l’ima-
ginalion vive dé son autenr.
= M. Drputel a lu deux fragments d’un poème
médit sur PÆtna, Dans le premier, qui est le début
du poëme, l'auteur expose d'abord quels ont été.
les différents systèmes mythologiques sur cette mon-
tagne célèbre , et annonce que ce n'ést point aux
nrensonges des anciens poêtes, mais à la physique
seule qu'il aura recours pour en expliquer les
phénomènes, |
À ces fables on crnt tant que l'expérience
De. réglant point encor l’essor de la science ,
Jes timides mortels d’um pas faible et peu sûr,
Ne marchaient qu’au hasard dahs un sentier obscur.
;
|
Mais , graces aux savants qui consacrent leurs veilles
À chercher le secret des plus grandes merveilles ,
Le bandeau de l'erreur est enfin arraché ;
La nature pour nous ñ’a plus rien de caché ,
Et l’homme qui la suit dans ses métamorphoses ,
Calcule leurs effets, en assigne les causes ,
Instruit par quels moyens d’invisibles ressorts
Font à Jeur gré mouvoir , ou végéter les corps.
C'est toi que j'en atteste | étoinante chimie ,
Compagne et quelquefois rivale du génie !
Mais Delille peut seul, avec art, dans ses vers,
Décrire tout-à-tour tés. prodiges divers,
C1 155)
Et, nous faisant errer de surprise en surprise ,
Nous apprendre comment ta savante analyse ,
Chassant les éléments de leur trône usurpé ,
Sut enfin découvrir à notre œil détrompé
Quelle est de chacun d’eux la nature et l’essence ;
Quelles combinaisons leur donnérent naissance ,
Et par quels procédés ; phénomène nouveau,
Tu décomposes l’air ; le feu , la terre et l’eau,
M. Duputel passe ensuite , après quelques vers
de transition et une comparaison assez ingénieuse,
à la description topographique de lPextérieur de
l'Etna.
Amphithéâtre immense , dit-il ,
Il présente trois rangs
De sites, de pays, de climats différents,
Et les quatre saisons dans la même journée
Semblent y parcourir le cercle de l’année.
Nous ne suivrons pas l'auteur dans la description
aussi fidèle que poétique qu'il fait de chacune
des régions bien distinctes que l’on remarque sur
la montagne qui fait l’objet de ses chants. Forcés
d’abréger , nous ne nous arréterons pas non plus
avec lui sur les bords du cratère , dont l'horrible
aspect ne peut effrayer
Les mortels animés par le noble désir
De s'instruire de tout , de tout approfondir.
Ce qui l'amène naturellement à parler d'Empé-
docle , dont il décrit ainsi la funeste catastrophe :
Mais de son zèle , hélas ! généreuse victime,
Un jour qu’il se penchait au-dessus de l’abyme
C156)
Pour en interroger Isimmense profondeur ,
La flamme dans les airs s’élève avec fureur ,
La terre au lin mugit, tressaille , se déchire,
Et dans son sein brülant, en roulant, il expire.
M. Duputel réfute ensuite l'opinion de ceux qui
metient en doute la vérité de l'histoire d'Empédocle,
et cite comme un garant de cette histoire les débris
de sa tour que les voyageurs remarquent encore
sur la cime de PEtna., Puis il ajoute :
Mais par le temps , aidé des efforts du génie,
De la science enfin, la route est applanie ,
Plus heureux qu'Empédocle , aujourd’hui ses rivaux,
Sans redouter la mort, pour prix de leurs travaux ,
Parviennent à savoir quelles, causes font naître
Les prodiges qu’en vain il cherchait à connaitre,
Au regurd, continue-t-il,
Au rezard pénétrant des Faujas |, des Buffons,
Rica ne peut échapper dans ces gouffres profonds ,
Et, sans voile pour eux , la nature elle-même
leur à de ses secrets révélé le système,
Heureux si je pouvais , répandant sur mes vers
Un éclat emprunté de leurs écrits divers ,
A mon nom, inconnu des filles de mémoire,
Faire aussi réfléchir un rayon de leur gloire !
Le second fragment lu par M. Daputel contient
la description d’une irruption du volcan et de la
destruction de la ville de Catene.
Voici comme notre Collègue peint les effets de
lirruption :
Un océan de feu , du haut de la montagne,
:
Roule, et se précipite, à travers la campagne,
7
(197)
Rien ne peut arrèter ses flots dévastateurs ;'
Moissons , vignes , forêts, maisons , troupeaux , pasteurs;
Tout ce qui s’offre enfu sur son fatal passage
?
Tombe, et sert aussi-lôt d’aliment à sa rage.
De leur antique base arrachés pour toujours ,
Les plus fermes rochers , dans son rapide cours ,
Se trouvent emportés, et, prêt à se dissoudre,
Le granit calciné croule réduit en poudre.
Au centre de la terre en un instant fondus
Les différents métaux , ensemble confondus ,
Forment une autre mer , qu’un torrent de bitume
Grossit , en y mélant sa bouillonnante écume.
Tels la fable nous peint le brülant Phlégéton ,
Le Cocyte , le Styx et l’avide Achéron,
En décrivant le désastre de Catane , l'auteur
rappelle ainsi les différents aspects sous lesquels
la mort se présente aux malheureux témoins de cet
évènement.
Sous les débris fumants de leurs toits embrasés ,
Les uns dans leurs maisons succombent écrasés ;
Les autres , parcourant avec effroi la ville,
Pour essayer du moins une fuite inutile ,
Expirent dévorés par les gouffres brülants
Qui s’ouvrent tout-à-coup sous leurs pas chancelants ;
Sous un épais amas de terres éboulées ,
De pierres et de cendre ensemble amoncelées ,
Ceux-ci qui, vainement implorent du secours ,
Sont, encore vivants , engloutis pour toujours ,
Et ceux-là , respirant la vapeur dangereuse
Qu’exhale dans les airs une onde sulphureuse ,
Lentement suffoqnés tombent sans mouvements.
Le vieillard au milieu des plus cruels tourments
Voit finir à regret sa caduque existence,
L'enfant qui, du danger n’a point l'expérience,
(158)
Passe au mème moment , sans douleur , sans effort ;
Des ombres du sommeil dans celles de la mort.
Le trait connu du généreux dévouement des deux
frères Anfinamus et Anapius, termine ce fragment.
La longueur de cet épisode touchant ne permet
pas de le citer ici. On se contentera d'en rappor-
ter les derniers vers , pour faire voir avec quel art
M. Duputel a su joindre à cette action un évène-
ment non moins mémorable , la formation pres-
que subite d'un mole , par un courant de lave
qui se précipita dans la mer , où il ne tarda pas
à acquérir la dureté d'un rocher. Cet évènement ,
cité par M. Brydone et plusieurs autres auteurs
également dignes de foi , eut lieu dans le cours
du 16° siècle, Voici comme notre collègue le rap-
pelle. Ces deux frères, ditil,
Ces deux frères à peine , 6 prodige incroyable!
Quittaient de tant d’horreurs le théâtre eftroyable ,
Et fuyaient vers la mer , l’un et l’autre chargés
Du précieux fardeau qu’ils s’étaient partagés,
Qu’au sein des flots surpris, qui grondent autour d'elle,
La lave se frayant une route nouvelle,
Comme un roc se durcit et présente à leurs yeux
Un mole jusqu'alors inconnu dans ces lieux.
Vers ce mole aussi-tôt l'espérance les guide,
Et contre les fureurs d’une terre perfde,
Dont le sein vomissait la mort de toute part,
C’est au milieu des eaux qu’ils trouvent ua rempart,
M £:21 A\N:6 as.
— M. de GClanrille a donré une dissertation critique
C' 199)
sur Hérodien. Get auteur , dit notre Collègue, est
peut-être uu de ceux dont la destinée a été de
subir les jugements les plus contradictoires.
IL ne peut aspirer qu’au second rang ; mais la
prévention ou Vabus de la critique Font mal-à-
propos relegué au dernier.
La perfection de l'historien tient à la réunion de
beaucoup de qualités qui , rarement, se trouvent
dans le même individu.
Fidélité , exactitude dans les faits , intérét dans
la manière de les présenter. C’est sous ce double
rapport que M. de Glanville examine l’auteur grec,
seul moyen, dit-il, d'expliquer la diversité d’opi-
nions des critiques.
Après avoir cité Photius , qui donne à Hérodien
toutes les qualités qui constituent l'historien , il Jui
oppose Tillemont qui lui reproche l'omission des
dates , faute très-grave dont il est difficile de Île
laver.
M. de Glanville venge Hérodien de l'accusation
de haine et de partialité , par exemple , de par-
tialité en faveur de Maximiu , et de haine contre
Alexandre Sevère.
Hérodien , dit notre Collègue , dépeint Maximin
comme un tyran cruel et farouche , mais grand
capitaine. Parle-t-il d'Alexandre Sevère ? IH lui re-
fuse | il est vrai , les talents militaires , mais il
relève son humanité. À l'égard de ses sujets, dit-
il , il vécut toujours sans reproche. M. de Glan-
ville conclut que l'accusation de haine et de par-
tialité n'est pas fondée.
Quant à l'exactitude des faits , Hérodien fait
battre l'empereur Alexandre Sevère par les Per-
ses , tandis que Lampride douue la victoire aux
Romains.
(€ 160 )
Tillemont, ne pouvant accorder des recits aussi
opposés , dit que l'autorité d'Hérodien est plus
grande par la considération du temps où il vivait,
et la qualité de son histoire , et concoït qu’il est
plus croyable que les historiens romains ont attri-
bué de fausses victoires à leurs généraux. Br À
De cet examen notre Collègue conclut » qu'Hé-
» rodien est un historien du second ordre ; mais
» bien un écrivain du premier; car, d’un côté ,
» l'on voit qu’il a des taches ; de l'autre , on ne
» peut s'inscrire en faux contre les jugements de
» Photius et de Sigonius contre l’intérét et le
» plaisir que cause la lecture de son ouvrage. Il
» laisse donc avant lui un certain nombre d’auteurs,
» s'il est comparé aux anciens ; mais s’il entre en
» parallèle avec les auteurs de son siècle , il est
» sans contredit le premier ; le seul Dion Cassius
» pouvait rivaliser avec lui. Plus utile pour la chro-
» nologie , pour les détails historiques , il est infé-
» rieur à Hérodien du côté du style, «
— M. Gourdin a lu des Recherches sur l’écriture
dont se servaient les Gaulois lorsque César fit la
conquête de leur pays.
Cette dissertation intéressante est divisée en qua-
tre parties. Dans la 1°, on rapporte les passages
des commentaires qui prouvent que les Gaulois,
sans entendre la langue grecque , se servaient des
caractères de cette langue. On examine si ces pas-
sages n'ont point été altérés comme quelques com-
mentateurs l’ont pensé. Dans la >< , on expose les
opinions de divers auteurs sur l’origine des carac-
tères grecs dont usaient les Gaulois , au rapport de
César. Dans la 5°, on examine et lon discute ces
difiérentes opinions , dont la plus générale est
que
C161)
que les Gaulois tenaient des Phéniciens les carac-
tères de leur ecriture. Enfin , dans la 4°, l’auteur
expose le sentimént qu’il adopte. l
Aprés avoir montré qué les Gaulois n'étaient
point une colonie phénicienne , il prouve que ce
m'était point des Phéniciens qu'ils avaient emprunté
les caractères grecs dont ils usaient , que ces ca-
ractères leur étaient propres, quoiqu’ils fussent les
mémes que ceux dont les Grecs se servaient , parce
qu'originairement ils venaient de la méme source
de l'ancien hébreu ou samaritain.
Telle est l'opinion de notre savant Coilègue , opi-
pion qu’il appuie du témoignage de plusieurs éeri-
vaius distingués ; et c’est ainsi qu’il coucilie les
deux passages des commentaires de César , dont
l'espèce de contradiction à embarrassé les Savants et
les Commentateurs.
= M. Lezurier de la Martel vous a donné un
Diémoire sur le commerce de lempiüe francais
considéré dans ses rapports avec le Portugal.
_Ce mémoire, envoyé au Ministre peu de temps
après le traité d'Amiens, presente des données qui
re sont plus guères de saison aujourd’hui ; cependant
on wy voit pas sans intérêt les évènements passés; et,
dès-lors , on considérait le Portugal tellement lié
d'intérêt avec l’Argleterre , qu’il paraissait impos-
sible d'établir avec ce royaume des relations com-
merciales d’une uülité réelle , saus changer abso-
Jument son existence politique.
Notre collègue préseute 1° l'état du commerce
du Portugal avant la révolution ;
2° Les obstacles qui s'opposent à nos relations
avec le Portugal ;
30 Les améliorations que nous aurions à désirer
L
(162)
pour que rien ne s'opposät à la prospérité de notré
commerce avec cette puissance,
M. Lézarier conclut, 1° que le commerce fran-
çais en Portugal , antérieurement à 1787 , nous
était défavorable , d’ane part , puisque nous sol-
dions la balance en argent par la somme de 6 mil-
lions environ.
D'une autre part , il nous était avantageux, puis”
que nous en urions des matières premières, ali-
ment de nos manufactures.
2° Les obstacles qui s'opposent à son rétablis-
sement sont l'influence prodigieuse des anglais, et
la supériorité de leur industrie.
5° Les améliorations que nous pourrions espérer ,
sont contrariées par la situation géographique du
Portugal, ses anciennes liaisons politiques et ses
produits naturels qui le livrent nécessairement à
l'Angleterre.
= M. l’abbé Baston a lu un Æssai sur la recti-
fication de l'esprit,
Peut-on rectifier l'esprit ? En supposant cette opé-
ration possible , quels moyens faudrait -il employer
pour réussir ?
Telles sont les deux questions dont la solution
est l’objet de ce mémoire.
D'abord il présente quelques notions nécessaires
pour bien poser Pétat de la question , et ne pas
donner un exemple de la maladie dont il cherche
le remède.
Esprit droit , esprit Juste , esprit conséquent , ter-
mes qui semblent synonymes; mais dont M. Bas-
ton montre parfaitement bien les diflérences.
» Je délnirais , dit-il , l'esprit droit | celni qui
» tend au but par le chemin Le plus court. 1l
(€ 165 ) ï
» devine , én quelque sorte, lés voies obliques ,
» et les évite. Il arrive promptement au terme ,
» parce qu'il a la sagesse de ne point s'engager
» dans les détours qui en éloignent. .. . Le propre
» de l'esprit droit ést de ne faire que ce qu'il faur.
» Je définirais l’esprit juste ; celüi qui ne se mé-
» prend ni dans le choix, mi dans la disposition
# des choses et dés moyens. ..,Le propre de
» l'esprit juste est de tout mettre à sa place, de
» tout envisager dans son vrai jour , soit qu’il com
» pose, soit qu’il analyse,
» Jé définirais l'esprit conséquent, celui qui,
» dans la génération des idées par le raisonnement,
» n’en admet aucune qui ne sorte des principes
» générateurs. .,....Le propre de L'esprit consé-
quent est de ne conclure que ce que renferment
» les idées comparées.
M. l'abbé Baston conclut : que la perfection con-
siste dans la réunion de ces qualités ; mais, à défaut
de cette réunion parfaite , il donne la préférence à
l'esprit conséquent. El pourquoi cette préférence ?
C'est que la conséquence est le seul but où doit
arriver tout homme qui compare des idées, Ii im-
porte peu par quelle vo'e il y parvient.
Notre Collègue oppose à ces qualités les vices
contraires. Le symptôme le plus nuisible est d'être
faux ;le plus choquant est d'être gauche ; le plus
ennuyeux est l'opposé de l'esprit droit , sauf quel-
ques exceptions assez rares.
C'est de cet assemblage de défauts que se com-
pose la maladie dout M. Baston 5e demaude si
elle est saus remède.
Il avoue que de trés-habiles geus la regardent
comme incurable ; mais il en est d'antres |, non
moins estimables , qui sont d'un avis fnntraire,
L 2
Ÿ
(:64)
L'auteur, après avoir gémi sur l'idée désespéranté
dune maladie aussi grave , sans espoir de remède,
aborde son sujet , et se détermine pour l’af£rma
uvè de Ja possibilité d’une guérison.
Tous les genres de maux qui afiligent l'espèce hu-
maine peuvent céder aux moyens curatifs. Tel est
le principe d après lequel notre Collègue conclut
l'affrmative de sa proposition. Il passe en revue
les faits qui attestent le succès des efforts continus
que fait la nature pour rétablir l’ordre dans le
monde matériel. Il ne se dissimule pas l’objection
qu'on peut lui faire sur l'immense différence qui
existe entre cet ordre de choses et la nature des
êtres spirituels.
Mais il croit être en droit de conclure, par un
à fortiori, que la nature , toujours attentive à ré-
parer ses pertes , sous le rapport de l'ordre établi,
doit avoir sans doute des ressources, des moyens
curatifs contre les maladies de l'ame , cette portion
de nousmêmes , qui , par sa supériorité, son excel-,
lence ;, doit appeler toute la sollicitude de cette
mère commune de tous les êtres.
Hne s'agit point ici des efforts de Ja nature seule ;
M. Baston ne prétend pciut établir qu'abandonné
à lui-même, un esprit gauche puisse se redresser ;
raaïs bien que, secondée par Part , et convenable-
ment aidée , la nature tend sans cesse à réformer
les vices accidentels de conformation, qu'il ne faut
pas confondre avec les défauts naturels , qu’il appelle
défauts de l'espèce.
L'auteur réfute les différentes objections qui lui
paraissent plus subtiles que bien fondées , et s’ar-
rête à l'idée cousclaute de Ja possibilité de recti-
fier l'esprit, quel que soit le vice dont il est aflectée
—_
(165) :
= Dans un second Mémoire notre Collègue divise
en deux classes les esprits sans rectitude , ceux
qui n'ont encore qu’une volonté dépendante de
celle d'autrui, et eeux qui, ayant une volontg
libre et indépendante , ne peuvent être conduits
que par des conseils. La preinière classe comprend
l'enfance jusqu'à vingt ans. La deuxième se com-
pose d'un àâge plus avancé , jusqu'à l'âge viril in-
clüsivement,
L'auteur , en excluant absolument des moyens
curatifs Ja vieillesse , ne se dissimule pas la dif-
ficulté majeure résultante de l'habitude. déjà invé-
térée , lorsque l'adolescence est, passée : moins un
esprit a fait de pas dans la carrière Jes idées, dit
M. Baston, et plus il est facile de l'accoutumer à
marcher droit,
Les remèdes sont de deux espèces. » Remédes
» généraux qui conviennent aux trois vices en ques-
» tion dans ce qu’ils ont de commun, et remèdes
» part culiers qui conviennent séparément à chacune
» des branches de-ce défaut dans ce qui les diffé
n rencie. «
Remèdes généraux. M, Baston trouve dans la con-
naissance imparfaite des objets la cause ordinaire
des fanx raisonnements. On fera donc beaucoup
pour la rectification de Pesprit, en lui fournissaut
les moyens de connaître mieux l'objet de ses
op rations. Ici l'iérconstance et Ya lévèreté paraissent
À l'auteur les défauts qu’il est essentiel de guérir.
L'inconstance change à chaque instant d'objet,
La légèreté elleure tout , n’a point d'idées propre-
ment dites. Nulle suite , nulle liaison dans les
opérations d'un esprit afllisé de cette malade, IL
ja faut combattre par une application et une atten-
mon systématique , peérsevéraute , jusqu'a ce que;
=
l'habitude en soit forruée. L 3
C 166
La précipitation est encore un vice de l'esprit.
On se hâte ae conclure; on ne laisse pas mürir
ses idées ; on se décide sur un simple apperçu :
de à les jogements faux ; une lenteur, méme afiec-
tée , doit être substituée à ceite dangereuse dispo-
sition.
L’imagination est l'obstacle le plus difficile à
vaincre. L’auteur veut tous les efforts possibles pour
én diminuer la fougae, l’humilier , lui faire honte
d'elle-même , et l'endormir assez longtemps pour
que le travers d'esprit qui lui devait l'existence
soit äbsolument détruit,
Eu suivant cette méthode , dit M. Baston, peut-.
être aurait-on fait de l’Arioste un Montesquieu,
Lés passions , les préjugés, source funeste de
faux jugements. Combattre les unes , détruire les
autres.
Juger par analogie et par comparaison , c’est pren-
dre la route qui mène à l'erreur ; que voudrait-on
de plus pour y renoncer ?
La confusion des mots fait que l’on confond les
idées. De là M. Baston conclut que , pour bien luger ,
il faut commencer par bien apprendre la langue
dans laquelle on pense et dans laquelle on s’ex-
prime :
La mémoire parait encore à notre Collègue une.
faculté dangereuse , lorsqu'elle est cultivée avec
excès. Beaucoup de choses d'emprunt , peu ou
presque point d'idées à soi; prodiges d’érudition ,
les gens à mémoire sont rarement des hommes ju-
dicieux. Au reste , notre Collègue ne s'élève ici
que coutre une mémoire dont le but unique est
d’entasser beaucoup de choses, beaucoup de mots,
dont le résultat est pour l'esprit un amaigrissement
universel, et nuit plus qu’on ne saurait le eroire
au développement des faculés intellectuelles.
CR
M. Baston se résume ainsi : » Pensez que Île
» traitemeut étant bien exécuté, nous avons un
» esprit qui, affranchi de l'inconstance | suit son
» objet; qui , guéri de la lésèreté , le suit avec
» application ; qui, exempt de précipitation , l'exa-
» mine avec attention ; un esprit dont l’imagination
» walière plus le coup-d'œil ; dont les analogies et
x les comparaisons ne trompent plus la facilité ;
» dont les passions ne troubient plus la sagesse : un
» esprit enfin que les préjugés n’entrainent plus ,
» que les mots ne gouvernent pas, et que la mé-
» moire w’aflame point .....ÆEt, je le demande,
# conçoit-on qu'un pareil esprit puisse n’être pas
» droit , juste ét conséquent ? «
M. Baston termine par les remèdes particuliers.
J’etude de la logique donne à l’esprit la rectitude
qui constitue le bon raisonneur. La logique apprend
beancoup , puisqu'elle met en état de beaucoup
savoir , et sur-tout de bien savoir,
Une étude appropriée , celle qui est la plus con-
venable pour corriger le vice particulier que lon
veut combattre , est un moyen sur lequel il ne-
faut pas se méprendre. Par exemple , autant nui-
rait au redressement d’un esprit , l'étude d’un
ouvrage diffus , passionné , déclamateur , où l'or-
dre est sacrifié à la véhémence, où l’on se soucie
moins de dire vrai que de persuader ; autant. y
servirait l'étude d'un ouvrage écrit avec précision,
sang froid et méthode,
M. Baston <e fait l’objection que Pesprit , ainsi
modifié , pourrait bien n'être pas fort agreable :
mais en revanche , il sera solide , ce qui vant
mieux pour lui et pour les autres.
L 4
C 168
= M. Lhoste a Ju une traduction d'un écrit an-
glais intitulé : Remarques sur l’imprimerie.
Cet opuscule présente l'homme naturellement
avide de connaitre tout ce qui peut l'intéresser.:
La curiosité naturelle , l'amour-propre chez le sau-
vage même , ne laissent jamais l'homme indiffé-
rent sur les évènements de tout genre qui peuvent
servir à ses jouissances, ou nourrir son crgeuil. De
là est nce chez tons les peuples la tradition orale
qui a dù enfanter la fable unie à nn fond de vérité.
Telle est l'origine de l'histoire des peuples. Leur
berceau fut toujours entouré du merveilleux. A
mesure que les peuples se civiisèrent ,; on sentit
combien était vicieux le savoir parement tradition-
nel ; aussi celui qui , par l'écriture , trouva le
moyen de fixer les faits, fut-l regardé comme le
bienfaiteur du genre humain, L’écriture manuelle
laissait encore beaucoup : à désirer. L'imprimerie vint
offrir les avantages qui manquaiïent à l'écriture.
Différents peuples s’en disputèrent la découverte ;
nul doute de son heureuse influence sur les scien-
ces et lesletitres. Quant aux mœurs, elles ont perdu,
à la vérité , leur férocité, à mesure que l'esprit est de-
venu plus cultivé; mais à côté de ce bien s’est trouvé
le mal. Les systèmes dangereux ont pénétré jusqu'aux
dernières classes de la société. Tels sont les objets trai-
tés dans cet opuseule , que notre Confrère nous a fait
connaitre par uue traduction soignée.
H PS T o FRE.
= M. Lezurier a donné un Æssai historique sur le
commerce de la mer noire , à diverses époques.
Notre Coliègne , dans son exorde , présente le
enre d'intérêt qu'inspire son sujet.
Il prend le commerce dans son berceau nais-
C 169) RE
saut sur les rives de cet immense bassin , célé-
kr par les anciens poëtes , et non moins fameux
par la lutte de Mithridate contre la puissance
romaine, et aujourd’hui ne présentant plus que les
tristes résultats de l'ignorance et de la barbarie,
M. Lezurier paraît quelquefois sortir de son but
lorsqu'il raconte les guerres, les querelles politi-
ques qui, de la plus haute antiquité jusqu’à nos
jours , ont désolée ces belles contrées : » Maïs com-
» ment parler , dit notre Collègue , du commerce
» et des changements qu’il a éprouvés dans sa mar-
» che , sans s’arréter un instant sur les évènements
» qui en ont été la cause? «
L'expédition des Argonautes est la première dont
Phistoire fasse mention. La conquête de la Toison
d'or n’est qu’une enveloppe emblématique , frait
de l'imagination des poëtes. La reconnaissance des
peuples mit les compagnons d’Argos au rang des
Dieux. Mais bientôt ces rivages furent abandonnés
et pour long-temps , et le commerce prit une autre
direction au moyen d’entrepôts établis par Cyrus.
Mithridate rendit le Pont-Euxin au commerce ;
et Constantin fit de la nouvelle Rome le ceutre
des transactions comimeérciales.
Les Mahométans , par leurs conquétes, changent
la face des choses ; li d‘couverte de l'Amérique
ouvre un champ plus vaste aux spéculations , donne
une nouvelle direction aux e:prits.
Enfin, paraissent sur la scène Pierre-le-Grand et
sés successeurs , qui emploient tour-à-tour la force
des armes , l'intrigue et l'adresse des négociations.
Tout semble présager un avenir brillant ; mais bien-
tôt de nouvelles catastrophes font évanouir les es-
pérances , et déconcertent le projet de rendre à
cette belle partie de l'Europe son ancienne splendeur.
) PA A
Co }
Tels sont les objets que notre Collègue a traités
dans cet essai plein d’érudition , et dont l'intérêt
s’attache aux évènements qui se passent sous n05
yeux.
Cet essai est terminé par quelques extraits des
anciens qui établissent la réalité de la révolution
terrible qui , portant la désolation dans ces con+
trées , a beaucoup diminué l'immense bassin de la
mer noire, connue jadis pour la plus étendue de
toutes les mers intérieures.
= Le même a lu un fragment d'une notice histori-
que sur Robert IT, fils a né de Guillaume-le-Conqué=.
rant , et se propose d'en donner la suite.
= M. Gosseaume vous a ccmmuniqué une dis=
se”tation sur l’hécatombe de Pythagore.
Depuis un grand nombre de siècles, dit l’auteur,
on nous répète , d'âge en âge , que Pythagore ayant
découvert le fameux carré de l'hypothénuse , en fut si
reconnaissant qu'il fit aux muses le sacrifice connu
sous le nom d’hécatombe.
Il paraît, par un passage d'Athénée, qu’Apollodore
l'arithméticien est un des premiers qui nous ait
transmis cette anecdote : » ÆApollodosus arithmeti=
cus auctor est hecatumbem illum immolasse | quod ,
etc. Quel était cet Apollodore ? Il s’en faut cepen-
dant beaucoup qu'il y ait sur cet objet uniformité
de sentiments parmi les auteurs qui ont écrit suf
Pythagore ; les uns admettant lhécatombe sans
restriction ; d’autres la restreignant beaucoup ; d’aus
tres enfin , niant absolument un fait qui leur par
rait incompatible avec les maximes de ce philoso-
phe.
Désirant répandre quelque jour sur ce point cu»
rieux de l’histoire ancienne , j'examinerai successive»
ment les trois questions suivantes :
C172 )
1° Qu'est-ce qu'une hécatombe , et quelle idée
en curent les anciens ?
2° Les principes de Pythagore lui permettaient<
ils d'immoler une hécatombe ? |:
3° Queile espèce d’hécatombe est - il probable
qu’il ait immolé , en admettant qu’il en ait immolé
uue?
PREMIÈRE QUESTION.
Qu'est-ce qu’une hécatombe , et quelle idée en eurent
les anciens ?
Si nous prenons les expressions dans une accep+
tion rigoureuse , l'hécatombe est le sacrifice ou l’im-
molation de cent bœufs. L'histoire nous en a con-
servé plusieurs exemples : tel fut le sacrifice de
Conon , après la victoire navale qu'il remporta sur
les Lacédémoniens ; tel fut encore le sacrifice de
Balbinus , rapporté par Capitolin. ..,....
Il semblerait que la Laconie aurait donné sans
prétention la première, idée de cet immense sa-
crifice , par l'immolation d’un taureau que chacune
des cent villes dont elle était composée, faisait en
un même jour, C'est le sentiment de Strabon :
antiquitus verd dicunt laconiam hecatumpolim esse
dictam, adeù que singulis annis sacra hecatumbeæ
Jfacta. Mais le désir de se distinguer par de pareils
sacrifices était plus facile à former que l'exécution
n’en était souvent possible , et ne pouvant attein-
dre à la dépense d'un sacrifice de 100 bœufs , on
leur substitua peu-à-peu des animaux d'une moin-
dre valeur, tels que des brebis, des cochons, etc,
si imperatorium Ssacrificium sit centumn leones , cen-
tum aquilæ et hujusmodi centena animalia ferie-
&antur,
Capitolia
in Balbinum,
Spon. Re-
© cherch. car,
de l'antiq.
IS HE
Capitolin,
Loco cit.
Mont-Fau-
con, antiq.
expl. (3,
154.
Hygin ibid.
{iad L, r.
eh
Cent aigles , cent moutons immolés pour cent
bœufs , étaient déjà une licence considéra ble; on
fut plus loin , et , en dérivant contre toute vrai-
semblance le mot hécatombe d'éxeror , et ævs au lieu
de fs, on n’immola plus que 25 quadrupèdes , allé-
guant, par une subtilité peu délicate , que ces 25
animaux ayant ensemble cent pieds , il suffisait
que le nombre 100 se trouvât dans ces parties
pour conférer au sacrifice le nom d’hécatombe.
Encore était-ce 25 victimes offertes à la Divinité;
mais on trouva le moyen de diminuer de trois
quarts l'importance du sacrifice , en se réservant
toutes les parties utiles des victimes , et ne brû-
Jant , en l'honneur des Dieux , que les os qui n’é-
taient bons à rien.
Homère , en plusieurs endroits de lVIliade et de-
POdissée , parle d’hécatombes ; nous allons voir si,
par cette expression , il désigne véritablement un
sacrifice de 100. bœufs.
Dès les premières pages de l'Iliade , Chalcas pro-
pose ; pour appaiser Apollon et faire cesser la.
peste qui ravageait l’armée des Grecs , de remet-
tre sans rançon la fille de Chrysès dans les mains
de son père , et d’immoler une hécatombe. . ...
En conséquence, le peuple est puriñé et offre
sur le rivage des hécatombes parfaies de bœuts
et de chèvres.
Que d'observations à faire sur ce seul passage
d'Homère , toutes relatives aux hécatombes , tou-.
tes tranchantes , toutes décisives !
- Il prouve d’abord qu’on distinguait les hécatom-
bes parfaites de celles qui ne lPétaient pas.
20 Que, dès ces temps reculés, on faisait des
hécatombes parfaites de chèvres comme de tau-
reaux.
(175)
5° On a donc bien lieu de présumer que tou“
Yes les fois que le poëte parle d'hécatombes sans
ÿ joindre aucune épithète , il faut entendre un
simple sacrifice et non limmolation de 100 bœufs.
Et en effet , croira-t-on que , dans une terre étran-
gère et ennemie, au milieu d'un camp où rare-
ment on voit régner l'abondance , les Grecs eussent
des taureaux ou des chèvres à immoler par cen-
taines ? Croira-t-on qu’un vaisseau portatif qu’on
mettait à terre à la fin d’un voyage , et qu’on re-
mettait à la mer quand on entreprenait uue navi-
gation nouvelle , vaisseau dont 20 rameurs formaient
tout l'équipage , et destiné à porter Ulysse et la
belle Chryséide , füt capable de porter , de conte-
nir même 100 bœufs et même 100 chèvres? C’eût
été compromettre la vie de ces voyageurs que de
les associer ainsi à une multitude d'animaux indis-
ciplinés , que la moindre agitation de la mer eût
elfrayés au grand désayantage de leurs compagnons
de voyage. Les détails du sacrifice et du festin
montrent ce qu'il faut penser de cette glorieuse
hécatombe, On ne prendra pas plus à la lettre le
sacriice de Nestor àPyle , où il immola, en l'hon-
neur d'Apollon , quatre mille cinq cents taureaux
noirs.
Hecatumbas immolamus , disait Philon, juif, dans
sa légation à Caligula, c'eût été bien des taureaux
de sacrifiés s’il eût fallu prendre ces expressions
dans une acception rigoureuse.
Ce qui achève de prouver que l’hécatombe de
Pythagore différait essentiellement de l’hécatombe
réelle , est ce que Ciceron a écrit en son Traité de
la nature des Dieux , où il réduit à un seul tau-
reau ce sacrifice célèbre , et ne donne encore cette
assertion que comme une tradition peu constaute :
Iliad, Ex
Odyss, L, 5,
U174)
L.5,n°88. » Quamquam Pythagoras , cum in geometriä quid-
» dam novi invenisset | musis bovem immolasse di-
N'LIIUMES CLC, sels the cet
Il résulte de ce qni vient d'être dit, que l'idée
que Jon s’est formée du sacrifice connu sous le
nom d’'hécatombe , a singulièrement varié ; que , dès
la plus haute antiquité, on ne le prenait pas lité-
ralement pour un sacrifice dé 100 bœufs , ei que
souvent la raison oblige à né considérer ceue ex-
pression que comme une manière d’honorer et
d'illustrer un sacrifice d’une moindre valeur ; enfin,
que , du temps de Ciceron, la traditiou réduisait à
un bœuf unique le sacrifice de Pythagore. Je vais
examiner dans la section qui suit si l'on doit
même admettre cette grande restriction , et si les
principes convus de ce philosophe ne font pas une
loi de la reléguer au nombre des fables,
DEUXIÈME Question.
Les principes connus de Pythagore permettent-ils
d'admettre qu’il aicoffert une véritable hécatombe ?
” C'est du voyage du jeune Anacharsis que je ti-
rerai les principales maximes de Pythagore, parce
que l’auteur estimable et très-crudit de cet ouvrage
les a lui - même extraits de Jamblique et autres au-
teurs qui se sont occupés spécialement de la vie
et des mœurs de ce philosophe.
Pythagore permettait l'usage modéré du vin et
celui des viandes immolces , excepté le bœuf et
le bélier,
Quoiqu'il ne crût point à la métempsycose , il
défendait de tuer les animaux, par un principe de
justice. A-ton le droit d'offrir aux immortels l'hom-
(175)
mage d'une vie qui ne nous appartient pas? Îl
s'abstint , en conséquence, des sacrifices sanglants.
D'après des principes aussi doux, peut-on pré-
sumer que Pythagore se soit permis d'immoler jus-
qu'à 100 bœufs à-la-fois pour célébrer une décou-
verte en géométrie ? Et , à ce sujet , j'observerai
d'abord qu’un étalage et une pompe de cette im-
portance eussent contrasté visiblement avec la mo-
destie et la simplicité philosophique. J’observerai,
æeu second lieu , que la dépense d’une hécatombe ,
proportionnée aux facultés d’une république ou
d'un souverain puissant , paraîtrait bien extraor-
dinaire de la part d’un particulier , plus recom-
mandable par la sagesse que par la fortune. La
plupart des historiens , en effet , nous le repre-
sentent, cèux-ci comme le fils d'un sculpteur ;
d'autres comme le fils d’un äthlète. L'abbréyia-
teur de Trogue Pompée , lui donne à la vérité un
riche négociant pour père ; mais il trouva de quoi
sacrilier la plas brillante fortune dans les voyages
quil entreprit pour perfectionner ses connaissances,
dans les machines qu'il inventa , et les instruments
de géométrie et d'astronomie qu'il perfectionna ,
talent rare dans lequel on convient qu'il excellait. . .
J'ai déjà montré que Cicéron avait réduit pres-
qu'à rien l’hécatombe de Pythagore ; mais je n'ai
exprimé que Popinion du siècle de l'orateur ro-
main ; car pour lui il nadmettait pas même l’im-
mo'ation d’un seul taureau , et il en fournit les
motifs : Quanquam Pythagoras cum in geometriä
guiddarm novi invenisset | musis bovem immolasse
dicitur sed id quidèem et non credo , quoniam ille
ne Apollini quidem Delio hostiam immolare voluit ,
ne aram sangtine adspergerert.
Onest donc obligé d'admettre cette conclusion,
Diogène
Laërre. L.8.
Justin. L,
20. Ch. 4e
Naudé,
Aristoxène ,
Polydore ,
Virgile, etc.
Deos loco,
Ovid , mé-
tom, Le V.
74» 75
Horat. Od.
L, 1. Ode 5.
Ode 4,
21 , 27.
C176)
que les prineipes de Pythagore ne lui permettaient pas
d'offrir le sacrifice qui les eût violés de la manière
la plus absolue.
D'un autre côté, est-il vraisemblable que le sä-
crifice de 100 animaux d'une même espèce ; em
réduisant l’hécatombe à la manière de Capitolin et
autres, fût l'offrande la plus agréabie aux muses ?...
Ces divinités aimables étaient , suivant le langage
des poëtes, les compagnes inséparables des Nymplies
et des Graces. Attachées les unes et les autres à des
Dieux d’un ordre supérieur, elles étaient vierges,
habitaient les bocages , les montagnes , les vallons
ombragés , les bords fleuris des sources pures.
Leurs fonctions étaient d'embeilir les festins des
Dieux ; leurs plaisirs de se confondre dans des
fêtes champêtres , et de se prêter de mutuels agré-
MeENntSe és eee ;
Tant de rapports, de goûts et de fonctions ne
permettent pas de douter qu'on dût les honorer
par des sacrifices analogues , et surtout par des
sacrifices simples et innocents comme elles. Aussi
voyons-nous ici les mythologistes d'accord avec la
raison et les convenances. Gyraldi , dans son Histoire
des Dieux , cite un passage de Suidas qui confirme
cette assertion : Suidas ait , apud Athenienses ne-
phalia exhibita fuisse Mnemosynæ , Auroræ , Soli,
Lunæ, Veneri, Uraniæ et Nymphis :.,....in hoc
autem sacrificio non vinum , sed aqguam mulsam
libabant.
Et, pour ne pas multiplier vainement les citations,
je ne rapporterai que l’oracle d'Apollon cité par
Porphyre, et rapporté par le même Gyraldi.
Mel vero Nymphæ atque liquentia vina.
Offerri lætantur. }
C'était
(137)
C'était du vin , du lait, du miel qu'on leur of-
frait ; cétait de guirlandes de fleurs qu'on parait
leurs temples , qu’on ornait leurs, coussins ; et ,
certes , des divinités qui ne respiraient que la dou-
ceur et la bienfaisance , qui agreaieut si visiblement
des sacrifices qui en étaient le symbole, n'eussent-
elles pas dû se révoiter à l'aspect de 100 taureaux
égorgés en leur honneur , et méconnaitre l’adora-
teur barbare qui se fût ainsi permis d’ensanglanter
leurs autels ?
Tous les motifs se réunissent done pour rejeter
l'idée d’une hécatombe véritable , ou de 100 hos-
ües vivantes immolces par Pythagore en l'houneur
des muses.
TROISIÈME QUESTION.
Quelle espèce d’hécatombe est - il probable qne
Pythagore ait sacrifiée , en supposant qu'il en ait
immolé une ?
S'ealvie 's'a' nel die, QU CLIENTS 'R 0e HI CR Sn on ON Rte
.... Quelques auteurs, trouvant de grandes difli-
cultés à admettre sans restriction le sacrifice attri-
bué à Pythagore, ont cherché à l'aiténuer pour le
rendre plus conforme aux sentiments et aux maxi-
mes de ce philosophe, C'est ainsi que Diogène
Laerce l'a réduit à l'ofrande de 106 petits bœufs
de pâte ; d'autres ont substitué la cire à la pâte ,
ce qui ne donnait pas une grande valeur au sa-
crilice.
Le père Montfaucon semblerait fortifier cette
opinion par l'exposition suivante : » On offrait aux
Dieux de la farine cuite, des gâteaux de farine de
blé ou d'orge .... Un autre gâteau que l’ou ap-
M
Antiq. expl.
ts 25 pe 157-
(178)
pelait bos ou bœuf ; parce qu'on lui faisait des
cornes , était destiné à Apollon, à Diane , à Hécate,
à la Lune. On voit aisément les motifs qui faisaient
consacrer ces gâteaux aux trois dernières divinités ;
mais on ne voit pas aussi clairement quels rap-
ports ils pouvaient avoir avec Apollon. Le même
auteur ajoute : qu’il ne se faisait point de sacrifices
sans les accompagner d’une pareille offrande. C'é-
tait donc un accessoire au sacrilice principal , et
non un remplacement des hosties qu’on se propo-
sait d’immoler.
Et véritablement une hécatombe pareille eüût-elle
été un sacrifice d’une importance proportionnée à
celle que Pythagore mettait à sa découverte ? Eût-
elle valu la peine d’être citée comme un acte si-
gnalé de reconnaissance ? Je ne m'arrêterai donc
pas à cette idée; Pythagore n’était pas de caractère
à jouer sur les mots, et personne n’était plus in-
timément convaincu que lui , que
Vouloir tromper le Ciel est folie à la terre.
Il était pareillement ennemi de toute espèce d’os-
tentation , lui qui, le premier, refusa le titre de
sage, se contentant modestement de ceiui d’ama-
teur ou d'investigateur de la sagesse ; mais eût-il
été vauité plus ridicule que celle de mettre en
parallèle , par un abus de noms, avec le sacrifice
le plus imposant , l’offrande la plus vulgaire et la
plus mesquine.
Partaut donc du principe que ce philosophe ait
véritablement témoigné par un sacrifice sa récon-
naissance envers les muses , en s’éloignant égale:
ment dela mesquinerie supposée par Diogène Laerce,
et de In" vanité d’une véritable hécitiebe , incom-=
(179 )
patible d’ailleurs avec les idées philosophiques de
Pythagore , voici une explication qui m'est suggérée
par Plutarque , et qui me parait propre à concilier
des idées incompatibles dans toute autre hypothèse.
On lit dans la vie de Thésée, par Plutarque ,
que Thésée fit frapper une monnaie açec la marque
d'un bœuf , soit à cause du taureau de Marathon
ou en mémoire du général Taurus qu'il avait
tué , soit pour exciter ses concitoyens au labou-
rage ; et on dit que c’est de cette monnaie qu'ont
été tirées ces expressions : ceci vaut dix bœufs ,
cela en vaut cent. Cette manière de s'exprimer
n'était certainement point particulière à la monnaie
de Thésée. Le même Plutarque en cite un autre
exemple dans la vie d'Agésilas. Ce général , rappelé
au milieu de ses succès , pour la défense de son
propre pays, disait que le Roi de Perse l'avait
chassé avec dix mille archers ; faisant allasion à la
monnaie de Perse, dout l'empreinte était un archer,
et avec laquelle le Roi de Perse , corrompant les
orateurs d'Athènes et de Thèbes, avait excité ces
peuples à prendre les armes coutre Sparte. ...
J'observerai en passant qu'il est probable que
les premières monnaies portèrent lefligie d'an bœuf
ou d’un mouton, animaux qui formaient alors les
principales richesses. Ce fut l'empreinte de la
monnaie romaine sous Servius Tullius; et plus de
quinze cents ans avant ce prince , les 100 agneaux
que Jacob payait pour le prix du champ qu'il
achetait à Salem , étaient sans doute cent piéces
Dacier , t.
t, pags 168.
Genes, 6,
de monnaie à l'effigie d'un agneau ; car on ne 35, veao,
peut pas présumer que du temps de Jacob les
échanges se fissent avec des troupeaux ou des mar-
chandises , lorsque du temps d'Abraham » deux
cents ans avant Jacob , la mounaie m tallique était
d’un usage habituel. M >
Genes. 23
À Le à
Act. Apost.
C7, Ve 16.
Notes de
Dacier,
Ovid. mé
tam, 1. 5,v.
E 2
75, 74.
( 180 )
S. Etienne , aux actes des Apôtres , dit positive-
“ment que l'acquisition de Jacob , car c’est Jacob
et non Abraham qu'il faut lire , avait été faite à
prix d’argent : pretio argenti.
Il était donc naturel de dire du temps de Jacob:
je paierai cet objet 100 agneaux ; du temps de
Thésée, je le payerai ro0 bœufs ; sons Servius Tul-
lius , je le paierai ro0 moutons, etc. , parce que
toutes ces expressions ne désigneut que l'efhgie
des monnaies courantes.
Eu partant ainsi du principe que des monnaies
grecques à l'effigie d'un bœuf avaient accrédité
cette manière de parler : j'achète cet objet tant de
dœufs , que ces expressions, qui étaient parfaitement
counues de Plutarque , 1400 ans après Thésée ,
devaient être familières à Pythagore , de 700 ans
plus voisin de Thésée que Plutarque , peut-être
même les bœufs monnaie avaient-ils cours dans le.
pays, où, et quand Pythagore offrit son sacrifice ,
on résoudrait , ce me semble , d’une manière très-
naturelle le probléme qui nous occupe, en disant
que Pythagore offrit alors aux muses un sacrifice
de la valeur de 100 bœufs ; et comme le bœuf
valait deux drachmes ou 40 s. , il suit que ce sa-
crifice aurait couté 200 fr. , somme alors fort con-
sidérable ; et certes , d’un sacrifice de la valeur de
100 bœufs, où plus simplement de 100 bœufs à
une hécatombe, le passage est extrêmement facile. . .
Cette explication , qui venge Pythagore de l’accu-
sation d’avoir dérogé à ses principes en offrant à
des divinités aimables et timides , le sang d'une
énorme quantité d'animaux , de la vie desquels il
publiait qu'il n'avait pas le droit de disposer ; qui
fait corrüer l’enfantillage de 100 petits gâteaux
cornus travestis en une pompeuse hécatombe ; qui
( 181 )
laisse à Pythagore sa dignité , au sacrifice son im-
Portance, à la reconnaissance sa plénitude , me
parait plus simple, plus naturelle , plus conforme
aux usages du temps, qu'aucune de celles qui ont
€té proposées. Quant à l’espèce du sacrifice offert,
je v’essaierai pas de déchirer le voile qui la cou-
vre et que le temps épaissit tous les jours; mais
n'est-ce pas sacrilier aux muses que d’orner et
d’embellir leurs temples , d’exécuter ou de per-
fectionner des machines, de faire fleurir les Scien-
ces et les beaux Arts, et d'y consacrer une par-
tie de ses facultés ? .... Et n’est-on pas tenté de
sourire à une explication qui, en admettant une
tradition honorable à Pythagore , lui conserve des
attributs dont elle ne peut se passer ; la simplicité,
la dignité et la vraisemblance ?
= M, Duputel à lu des recherches sur Le royaume
d’Fvatot : » Yvyetot a joui , de temps immémorial ,
» de toutes les prérogatives attachées à la royauté.
» Les seigneurs ont pris et reçu, publiquement ,
» même de nos rois les plus intéressés à le leur.
» contester , le titre de Roi. «
Tels sont les faits que notre Collègue entreprend
d'établir :
Ils ont souflert contradiction de la part de plu-
sieurs écrivains, M. l'abbé de Vertot , dont l'auto-
rité est d’un grand poids, dit que ce royaume est
fabuleux , et qu'il na pas plus de place dans l'histoire
que sur la carte.
M. de Vertot rejette comme une fable inventée
par Gaguin , l'assassinat de Gautier d'Yvetot , par
Clotaire I , donné comme origine du titre de roi
en faveur des héritiers de ce seigneur.
M. Duputel relève cette erreur, et prouve que
M 3.
(182)
deux actes de 1429 et 1461, antérieurs à Robert
Gaguin, font mention de cet assassinat, et que ce
fait est consacré par une tradition qui remonte à
des temps fort éloignés.
Le silence des auteurs contemporains de Clotaire,
donné par M. de Vertot comme preuve de la
supposition du fait, parait de peu de valeur à
notre Collègue , parce que la flatterie a‘ de tous
temps dirigé la plume des contemporains.
» Quelle que soit , au reste , l'époque précise
» de l'érection de la seigneurie d’Yvetot en royaume,
» et l'évènement qui y a donné lieu , il est hors de
» doute qu’elle remonte bien plus haut que le 14°
» siècle.
» Un arrêt de l'Echiquier de 1592 donne le titre
»n'de roi à un seigneur d’'Yvetot. Lors de l’inva-
» sion de la Normandie par les anglais, en 1417 »
» les biens de Vilaines, surnommé le Begne, fu-
» rent confisqués , les titres perdus, les préroga-
» tives oubliées ; Louis XI, par lettres patentes ,
» les rétablit comme par le passé. «
M. Duputel cite un grand nombre de pièces au-
thentiques et autographes en faveur de son opi-
nion , et s'étonne de lobstination de quelques écri-
vains à regarder comme fabuleuse l'existence du
royaume d’Yvetot , malgré les actes mulupliés , où ,
sans équivoque , plusieurs de nos rois ont donné
aux seigneurs d’'Yvetot le titre de roi, avec tous
les attributs de l'autorité souveraine.
(183)
AS PA De AS A |
NUOUTSNC E BIOGR A P'HI QUE
Sur M. l'abbé LALLEMANT.
Par M. PiNARD DE BOISHÉBERT.
MESSIEURS ,
Dans cette Séance, que je peux appeler la fête
solennelle des Sciences et de Lettres , je suis forcé,
par le ministère dont l'Académie m’honore , de vous
entretenir de ses pertes.
La mort nous a séparés de M. Haillet de Cou-
ronne , de M. Bouet et de M. l'abbé Lallemant.
M. Descamps, attaché à M. de Couronne , dès son
enfance ,; par les liens de la reconnaissance et de
l'amitié, s'est chargé d’en faire l'éloge.
M. Vauquelin a fait la notice biographique sur
M. Bouet.
Je vais avoir l'honneur de vous entretenir de M.
Richard-Xavier-Félix-Conteray Lallemant , né à
Rouen le 8 mars 1729. Notre estimable Collègue a
terminé sa carrière le 18 août 1810.
Héritier des principes d’une famille ancienne et
constamment distinguée par ses vertus et ses talents
uules , dès sa première jeunesse, M. Lallemant
montra une disposition ,; un goût particulier pour
les lettres.
Les succès qu'il obtint dans le cours de ses étu-
des , présagèrent qu’il suivrait les traces de ses aïeux.
M. Lallemant, élevé dans des principes religieux
et sévères , se destine à l'état ecclésiastique , et
M 4
C184)
embrasse. Tout entier à ses devoirs , n'ayant
d'autre désir que celui de les remplir avec fidélité,
habitué à un genre de vie grave et austère , il se
livre aux travaux pénib'es du ministère sacré. La
prédication le fait connaitre avec avantage; et M.
l'évêque d’Avranches l'enlève à la paroisse qui fut
son berceau , pour se l'attacher en qualité de vi-
caire général.
Chargé, sous le règne de Louis XV , d’affaires
relatives au clergé, il s'acquitte avec distinction de
la mission délicate et honorabie qui lui était con-
fée.
Telle est l'esquisse imparfsite de l’ecclésiastique
vertueux , plein de zèle pour les fonctions subli-
mes de son état.
Nous allons nous occuper du savant, de l'hom-
me de lettres ,; qui ne les cultiva jamais qu’en
ami de lordre et des mœurs, et sous le rapport
intime qu'elles ont avec une religion qui jamais
ne craignit les lumières , ni le développement des
facultés intellectuelles.
M. l'abbe Lallemant s’était fait connaitre par quel-
ques ouvrages qui ennonçajent un térateur sa-
vant , et dévoué sur-tout à ce qui pouvait être
utile.
L'Académie l'admit avec joie dans son sein , le
18 mars 1767. Elu président en 1790, la Compa-
gnie l'avait honoré dela vétérance l'année précédente.
L'éloge de notre Collègue , Messieurs , ne peut
être séparé de celui de sa famille. Succession , com-
munauté de talents et de vertus, tel est l'ensemble
que depuis longtemps nous présentent les indivi-
dus qui la composent. M. l'abbé Lallemant eut deux
frères.
Uuis entr'eux, plus encore par la conformité de
C 165)
goût et de talents que par les liens du sang, ils
ne connurent d'autre jouissance que celle de bien
mériter de leurs concitoyens.
C'est aux ancêtres de certe famille respectable,
que nous devons dans notre cité le premier éta-
blissement et la prospérité de Part de l'imprimerie.
Robert Lallemant , des anciens Conteray d’Allema-
gne , et capitaine général de la Normandie dès
le temps du célèbre Guitenberg, envoya chercher
à ses frais , en Allemagne , tout ce qui était né-
cessaire pour l'exercice de l'imprimerie ; et ce fut
au profit des personnes qu'il y employa, qu'il l’é-
tablit à Rouen ; trait bien rare et bien magnifique
de désintéressement et d'amour du bien public!
MM. Lallemant travaillèrent constamment et dans
la plus grande union à diverses éditions d’ouvra-
ges classiques , où ils se montrèrent d'une manière
distinguée , sous le double rapport d'auteurs et de
typographes habiles.
Nous devons à leurs travaux un Dictionnaire fran-
çais-latin in-8°, Le Rudiment latin , avec la Méthode ,
in-12; le Dictionnaire français-latin , par le père le
Brun , augmenté par eux in-4°.
Ovide latin et français , par Fontanelle , aug-
menté par eux, 2 vol.in-12.
Virgile latin avec n6tes, par Jouvenci , augmenté,
Ên-12, ,
Une nouvelle édition de Basnage , dont M. l'abbé
Lallemant a composé l’épitre dédicatoire à M. de
Miromesnil,
Notre Collègue , outre différents mémoires pleins
d'intérét , discours prononcés aux Séances publi-
ques, dont il a enrichi le recueil des travaux de
lPAcadémie , a donné une édition des Fables de
Phèdre , en latin et français, avec des notes très-
(186)
bien faites. Nous avons de lui la Bibliothèque his-
torique et critique ; servant de 2° vol, de l'Ecole
de la chasse, par la Couterie. Le Salluste latin avec
notes ; Cornélius-Népos , aussi avec notes, etc.
Occupé de savantes recherches sur l’origine des
langues, et des différents idiômes qui en sont sor-
üs , M. l'abbé Lallemant lut à la Séance publique
de l'Académie , en 1790 , un mémoire savant sur
YHistoire naturelle de la parole. Notre Collègue
prétend trouver dans une seule langue primitive ,
la c'ef de tous les signes par lesquels , chez les
différents peuples , on est parvenu à communiquer
mutuellement ses idées,
Il a pensé que le peuple chinois présentait
non-seulement le berceau du genre humain , échap-
pe au désastre du délnge , mais encore , dans sa
langue monosyllabique , le rype de toutes les autres
qui n’en étaient que de simples dérivés.
La révolution , qui semblait devoir arrêter ses
recherches et mettre un obstacle à ses méditations
habituelles , produisit accidentellement un effet con-
rare. Forcé par la tourmente politique et par la
rigueur des lois relatives à la déportation, de s’ar-
racher à ses études, à sa patrie, M. l'abbé Lal-
lemant alla chercher un asile en Angleterre. Il
y trouva des personnes distinguces par leur mérite,
dout ses conaaissances littéraires le rapproch èrent
facilement, Dès- lors le musee de Londres lui fut
ouvert et offrit à ses savantes recherches des res-
sources abondantes et bien précieuses.
Peu après son retour à Rouen , l'Académie fat
rétablie , et M. lPabbé Lallemant présida la céré-
monie de Ja réinstallation , fit l'ouverture de Îa
séance par un discours analogue à l'heureuse cir-
constance qui réunissait des hommes savants que
le malheur avait si long-temps dispersés.
( 187 )
Dans les dernières années de sa vie, des infirmi-
tés avaient Ôté à notre Collège presque totalement
l'usage des jambes.
Ne pouvant plus se rendre aux séances de l'A-
cadémie , qui toujours fut l’objet de son attache-
ment , M. l'abbé Lallemant se livra plus que jamais
au travail.
Approfondir et développer son systéme de la lan-
gue primitive , fut dès-lors son unique occupation,
sa pensée habituelle.
Un secrétaire recueillait tous les matériaux qui
devaïent faire l'ensemble , le corps de preuves de
Ja solidité de son système.
La mort a tout brisé , a tout détruit ; nous disons
que tout est détruit , parce qu'il serait difficile de
réunir ce qui est resté épars et incomplet dans une
matière absolument neuve ; et d’ailleurs ce genre
de recherches demanderait un courage , une opi-
niâtreté de travail bien rare , lorsqu'il s’agit de
mettre en ordre une suite d’idées qui nous sont
étrangères , et ne présentent plus , pour ainsi dire,
qu’un dédale obscur et inextricable.
Au reste, quel que soit à l’avenir le sort du sys-
têéme de M. l'abbé Lallemant , ses premiers travaux,
dont l'utilité et le mérite sont incontestables, suf-
fisent à son éloge , et sa mémoire sera toujours
chère aux vrais amis des lettres,
( 158 )
A PT PT TS
N'OPTE’E BI 0'GR A PHIQUE
Sur M. Bourr.
Par M. VaAuçuszix.
Jean-Louis Bouet naquit en la commune de Chris-
tot , près Caen, le 1% août 1765. Son père , cul-
tivateur et charpentier , lui fit apprendre l’état de
menuisier ; il était alors âgé de quinze ans, et”
manilestait déjà d’heureuses dispositions ; il ne tarda
pas à surpasser son maître, et à appercevoir qu'il
avait besoin de fréquenter les grandes villes pour
acquérir les connaissances qui lui étaient nécessai-
res pour exercer avec distinction une profession ,
je dirai même un art , dont les productions sont
variées à linfini.
M. Bouet vint à Rouen en 1584, dans la seule inten-
tion de se perfectionner ; il y réussit, et se trouva
en peu d'années capable d'entreprendre les tra-.
vaux les plus difficiles. Mais, transporté dans une
sphère beauconp plus étendue , ses idées s'élevè-
rent et s’'agrandirent ; il conçut et réalisa le projet
d'apprendre le dessin et les principes élémentaires
de l’architecture.
Notre ville lui offrit tout ce qui pouvait secon-
der ses désirs ; il y trouva une école où régnait
une grande émulation due au zèle de M. Descamps,
professeur aussi distingué par l'étendue de ses
connaissances que par sa COnstante sollicitude pour
les progrès de ses élèves.
M. Bouet re manqua pas une aussi heureuse
( 189 )
occasion qui remplissait si bien ses vues ; et quoi-
qu’il füt forcé de partager son temps entre l'exer=
cice de sa profession et les nouvelles études aux-
quelles il se livrait , il sut vaincre tous les obsta-
cles et se suffire à lui-même par son ardeur et le
travail le plus assidu. Ses progrès furent rapides ;
bientôt il fut en état d'enseigner les premiers élé-
ments du dessin , peu après ilentra, comme dessi-
nateur , chez M. Guerout , alors architecte de la
ville ; ensuite chez M. Pioche, qui était ingénieur
de l'arrondissement. Dès-lors M. Bouet abandonna
pour toujours ses premières occupations , et se
livra tout entier à l'étude de l’art auquel il s'était
voué ; il suivit les constructions , en apprit tous les
détails, et parcourut avec rapidité le cercle des
connaissances nécessaires à un architecte.
En 1795 , la place d’architecte de la ville devint
vacante par la retraite de M. Gucrout ; notre
Collègue lui succéda.
Les circonstances difficiles dans lesquelles la France
se trouvait à cette époque , paralysèrent entière-
ment les arts , et ne permirent pas à M. Bouet de
mettre en évidence les talents qu’il avait acquis par
l'étude et la méditation ; ce ne fut qu'au retour de
l'ordre qu'il trouva l'occasion de les développer
dans la composition des plans et dans la conduite
de plusieurs maisons particulières dont l'exécution
Jui fut confiée ; on y remarque des distributions
commodes et de belles proportions ; ces premiers
essais commencèrent sa réputation.
Ce fut à-peu-près vers cette même époque que
Pindustrie française se releva de l'espèce d'anéan-
tissement où l'avaient plongée les troubles de la
révolution ; on vit alors s’élever de toutes parts ces
grands et vastes ateliers de filature , qui fout {a
C 190 )
richesse et l’un des plus beaux ornements de notre
département. Notre Collègue fut chargé de donner
les plans et de diriger l’exécution de plusieurs de
ces grands établissements ; il s’en acquitta de ma-
nière à mériter l'estime et la confiance des person-
nes qui l'avaient occupé.
En 1804 , l'Académie admit M. Bouet au nombre
de ses membres résidants.
Notre Collègue était alors chargé de nombreux
travaux , à la ville et à la campagne , qui, joints
aux devoirs de sa place d’architecte de la ville ,
absorbèrent tous ses instants. Souvent il passait les
nuits à composer , et les jours étaient employés
à de fréquents voyages et à visiter les travaux.
Cette multiplicité d’affaires de tout genre le mit
souvent dans la dure nécessité de confier à ses élèves
des détails qui devaient concourir à l'ensemble de
sés compositions ; telle est la cause de quelques
défauts d'accord qui se font remarquer dans les
dernières productions de M. Bouet.
Tant de soins, tant de fatigues altérèrent insensi-
blement sa santé, et furent la principale cause de
la longue et douloureuse maladie à laquelle il a suc-
combé le 25 août 1810 , dans un âge où il pouvait
espérer jouir encore long-temps du fruit de ses
travaux. Il laisse après lui une famille désolée
de la perte du meilleur des maris et du plus tendre
des pères.
M. Bouet fut l'ami de toutes les personnes qui
eurent des rapports avec lui ; son caractère obli-
geant , aflable et modeste , lui concilia l’estime de
ses supérieurs , le respect et l'attachement de ses
subordounés.
C1g1)
té dl td
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sur M. HAILLET DE COURONNr.
Par M. DsscAmp»s.
M. Haillet de Couronne naquit à Rouen le 14 avril
1728. Ayant fait, de la manière la plus brillante,
son cours d'étude à Paris, au collège de Louis-le-
Grand , à l'âge de 18 ans il entra au service en
qualité de cornette au régiment d'Harcourt , et fit
deux campagnes dans la guerre d'Hanovre que Îa
France sontenait à cette époque. L’état militaire con-
venait beaucoup à la vivacité de son âge ; il était
doué d’une figure très-agréable , d’un esprit enjoué
et brillant , d’un son de voix gracieux , d’une flexi-
bilité de caractère qui se ployait à tout : tant d’a-
vantages réunis promettaient à M. de Couronne des
jouissances précieuses dans l'état qu’il s'était choisi.
Mais la tendresse maiernelle caleule-t-elle comme
un militaire de vingt ans ? Madame de Couronne
avait vu avec peine l'éloignement de son fils unique
pour la place de lieutenant - général criminel au
bailliage de Rouen, qui était en quelque sorte
héréditaire dans sa famille, et, par ses sollicitations ,
elle réussit enfin à déterminer son fils à en exer-
cer les fonctions honorables autant qu'epineuses. . .
M. de Couronne se livra dès-lors à l'étude des lois,
étude bien sérieuse pour un jeune homme accou-
tumé à la dissipation et à l’aisance de la vie mili-
aire. Cette étude , toujours sérieuse par son objet,
prend un caractère bien plus grave quand il s’a-
C19 )
git des lois pénales qui ne nous occupent que de
crimes commis envers la societé , de l’art d’en ac-
quérir les preuves et de punir avec équité. . . La
sagacité de M. de Couronne ne pouvait rencontrer
d’obstacle , et le militaire aimable se fit bientôt
distinguer par de vrais talents. . . Cependant le
goût naturel de M. de Couronne le dirigeait vers
d’autres études , et il consacrait à celle des Lettres
et des Beaux - Arts , tous les moments qu’il pou-
vait dérober aux devoirs de sa place.
Lié particuliérement avec MM. Le Cat, du Boul-
lay ,; Descamps et autres Académiciens , M. de
Couronne ne pouvait rester étranger à l'Académie,
etil y fut admis en qualité d’adjoint en 1752. .. Aca-
démicien titulaire en 1766 , il y fitson remerciment en
prose et en vers , séance tenante , et intéressa éga-
lement l'assemblée comme écrivain correct et ver-
sificateur facile,
Il fut nommé vice-directeur en 1767 , et direc-
teur en 1768 . .. Les deux années suivantes ,
l'Académie perdit deux de ses membres les plus
chers à cette Compagnie , M. Le Cat, secrétaire
perpétuel pour la partie des Sciences , et M. du
Boullay , secrétaire perpétuel des Belles-Lettres.
M. de Couronne réunit tous les suffrages dans la
séance du 22 novembre 1769 ; il fut proclamé se-
crétaire perpétuel pour la partie des Belles-Lettres.
La place nouvelle qu’occupait à l'Academie M. ‘de
Couronne , réponduit parfaitement à ses goûts, et
sa correspondance très-étendue le mit en rapport
avec une infiuité d'hommes habiles qui perfection-
nèrent ses talents naturels. . . . Son premier soin
fut de répandre des fleurs sur la tombe de M. du
Boullay. Cet éloge lui fit honneur. Partagé en deux
parties , l’orateur montre dans la prenuère lacadé-
micien
‘(195 )
micien distingué par ses travaux littéraires ; dans
la seconde, le citoyen vertueux digne de nos re-
gretsiYsherte le
A la fin de l’année académique , chaque secré-
taire est chargé de donner une notice des acadé-
miciens décédés depuis la dernière Séance pabli-
que, et ce fut pour M. de Couronne un nouveau
sujet de triomphe. Familiarisé avec la langue des
beaux arts , les termes techniques se présentaient
d'eux-mêmes à sa plume , et prenaient, pour ainsi
dire , le caractère de l'homme intéressant qu’il vou-
lait montrer. Il eut beaucoup de noms illustres à
célébrer. Le Moine , Chardin , Pigale , Slodtz ,
Cochin , Lebas, Lemire, Leveau , etc. , et autres
exercèrent tour-à-tour sa douce et facile éloquence ;
sa main tressait les couronnes que l'Académie dépo-
sait sur leur cercueil.
M. de Couronne , naturellement laborieux et
d’une constitution robuste, consacra tous ses instants
à l'étude, et, comme il suivait Pimpualsion de son
goût, il y fit de grands progrès.
L'histoire en général , et surtout celle de Nor-
mandie et des hommes célèbres qui l'ont illustrée,
l'occupèrent d’ure manière toute particulière. Il avait
amassé sur cet objet une grande quantité de maté-
riaux, pris des notes dans un nombre prodigieux
de volumes , consulté tous les hommes habiles avec
lesquels il avait des relations ; M. du Boullay , dont
les connaissances en histoire étaient fort étendues ,
avait fortifié , sous ce rapport , le goût de M. de
Couronne ; M. Descamps, son ami intime , lui avait
communiqué une partie du feu dont il était animé
pour les arts qu'il professait,
M. de Couronne s'était formé une collection pré-
cieuse de tableaux, sculptures , gravures , dont par
N
(194)
la suite il sacrifia une partie à d’autres goûts; je
veux parler ici particulièrement de celui qu’il con-
serva jusqu’à la fin de sa carrière : lamour des
livres anciens et des éditions rares, Assidu à toutes
les ventes de livres, M. de Couronne s'était formé
une immense bibliothèque, qui peut être considé-
rée comme une des plus riches et des plus rares
collections en ce genre qu’un particulier puisse
former.
Dans le printemps de sa vie, M. de Couronne fit
les délices de la société, où sa conversation legère
et les agréments de son esprit le faisaient recher-
cher; il eut des relations avec les grands, et plus
d’une fois il les fit tourner au profit de l’Académie.
Dans la plupart des circonstances importantes ,
lorsque cette Compagnie savante devait se montrer ,
se faire représenter par ses commissaires ou pen-
dant l’absence de ses présidents, M. de Couronne
fut souvent chargé de porter la parole au nom de
la Compagnie , et toujours ayec cette dignité qui
le caractérisait.
En 1788 , il perdit sa mère , et cette mort rom-
pit la chaîne qui l’attachait au barreau. Dès cet
instant M. de Couronne se défit de sa charge
et se livra entièrement au penchant qui lentrai-
nait vers des occupations plus agréables.
Dans un âge plus ayancé, notre savant secrétaire
ne connut plus d'autre plaisir que celui de l'étude :
les livres et une correspondance littéraire très-éten-
due occupaient tous ses moments. La tourmente
révolntionnaire vint l’arracher à ses jouissances ; des
infirmités , des chagrins qui l’accueillirent , obscur-
cirent les derniers moments de sa vie ; une sombre
mélancolie ternit des jours autrefois si sereins. Croyant
retrouver dans la capitale des jouissauces qui lui
(195 )
manquaient dans sa ville natale , il prit la résolution
de s’y fixer à l’âge de soixante et dix-huit ans ;
il y termina, dans le sein de sa famille, sa longue
et laborieuse carrière , âgé de quatre-vingt-trois ans.
M. de Couronne n’a publié aacun ouvrage d’im-
portance; mais on connait les titres de ceux dont
il s'occupait sans relàche , et qui sont demeurés
inédits ; et peut-être incomplets , dans les mains
de ses enfants, ce sont , 1° un Dictionnaire bibliogra-
phique des grands hommes de la province de Nor-
mandie.
2° Un Dictionnaire bibliographique des livres rares,
curieux et intéressants.
5° Un Traité comparatif de la poësie ancienne et
moderne.
4° Des Considerations sur la poësie dans son ori-.
gine , ses progrès et sa décadence,
60 Enfin, une Jistoire de l’Académie de Rouen
et de ses travaux.
Les connaissances de M. de Couronne en his'oire
étaient trop importantes pour que les autenrs qui
courent la même carrière n'aient pas ambitionné
de les mettre à profit. C’est ainsi que M. Prn-
dhomme s’est empressé d’associer notre Collègue à
la rédaction de son nouveau Dictionnaire historique ,
dont la publication n'était pas encore achevée ; ce
qui doit rendre commun à tous les amis de Ja lit-
térature la perte que l'Académie a faite.
Le style de M. de Couronne est généralement
facile et coulant ; il a de la chaleur et du coloris,
mais il se livre un peu trop à cette fécondité , à
cette abondance qui souvent nuit à la correction.
Il n’en est pas moins vrai de dire que M. de
Couronne mérite d'être compré an nombre des
hommes les plus iustruits et les plus laborieux üe
(196 )
con siècle. L'académie regrettera toujours l'amabi
li:é de son commerce , la facilité de ses conceptions
et la variété inépuisable de son érudition,
LAB LE
NES PM'ANT I Ê RNE S
Len 22h 0 21
AD vrs d’ouverture de la Séance publique , page 3
S Cr AE N'CE S% RIT A RTS:
Rapport fait par M. Vitalis, secrétaire perpétuel de
l'Académie , pour la classe des Sciences , 9
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce rapport.
Tarifs des anciennes monnaies d’or et d’argent ; par
M. Periaux, 10
Eléments de Statique ; par M. Francœur , IL
Mémoire sur les combinaisons , les permutations ,tles
nombres figurés , etc. ; par le même, 12,
Introduction à la physique et particulièrement à la
mécanique ; par M. Lepriol , 15
Mémoire sur les longitudes ; par M.Salva, 14
Le Conservateur de la Vue; par M.Chetalier, ibid.
Exposé des effets de la contagion nomenclative , et
réfutation des paradoxes qui dénaturent la physi-
que ; par M. Sage, 15
Mémoire sur l’inflammation des matières combustibles
et l'apparition d’une vive lumière , obtenue par la
seule compression de l’air; par M. Mollet, ibid.
Décret concernant un prix d’un million pour linven
teur de la meilleure machine propre à filer le lin, 17
Annuaire de la Société des inventions et découvertes
ibid
( 198 })
MNorrcr sur la troisième exposition des produits des
Arts du Calvados; par M. Lair, 17
Considérations ou notes générales sur le sucre extrait
des pommes et des poires, sur son emploi dans l’é-
conomie rurale et les besoins de la vie, comme
supplément au sucre étranger ; par M. Dubuc, 18
Traité sur l’art de fabriquer le sirop et la conserve
de raisin; par M. Parmentier , 21
Mémoire sur la fabrication du sirop et du sucre de
raisin ; par M. Poutet, 22
Mémoire sur lé mutage du sucre de raisin ; par M.
Proust , 23
. Rapport sur l’extraction du sucre de la racine de bet-
teraves ;par M. Vitalis ; * ibid.
Expériences sur une petite portion de sirop de Bette-
raves préparé par M. Vitalis ; par M: Dubuc, 24
Rapport faic par M. Dubuc sur deux échantillons de
savon présentés à l’Académie, l’un par M. Holker
fils, l’autre par M. Vitalis, 25
Observations sur le procédé employé pour teindre en
bleu, par la cuve montée à chaud ; au moyen de
lIsatis tinctoria ; par M. Pavie, 26
Mémoire sur l'extraction de l’Indigo de la plante du
Pastel ; par le même , ibid.
Mémoire sur la topographie et les constitutions médi-
cales de la ville de Quillebeuf et des lieux circon-
voisins dont elle reçoit des influences ; par M,
Boismare , 27
€onsidérations sur quelques mammifères hibernants ;
par M. Saissy, ibid.
Recherches sur l’emploi du Quinquina dans les fièvres
intermittentes , accompagnées d’hydropisie ; par M.
Lafsse , ibid.
— sur les effets du verre et des substances vitrifor-
mes portées à l’intérieur des organes digestifs ; par
A
( 199 )
M. Lesauvage , 28
Essai sur AM naturelle et médicale des Gentianes ;
par M. Marquis, 30
Dissertations sur les parotides dans les maladies aiguës ;
par M. Desgenettes, 5r
Moyen de remédier aux poisons végétaux, à ceux quÈ
sont produits par les substances métalliques , et au
venin des animaux ; par M. Sage, 94
Compte rendu des travaux de la Société de médecine de
Lyon; par M. Balme, 54
Bulletin des sciences médicales ; par la Société de mé-
decine du département de l'Eure, 55
Réfutation de l’opinion du D. Gary , sur la saignée ;
par M. Gastellier , 56
Discours prononcé par M. Rosnay de Villers, pour
sa réception, ibid.
Traité de la vie et de l'organisation des plantes ; par
M. Goube , 39
Le Botaniste cultivateur ; par M. Dumont de Courset,
40
Instruction sur les bêtes à laine , particulièrement sur la
race des mérinos , par M. Tessier , 42
Mémoire sur la culture de la soude ; par M. Paris ,
Sous-préfet à Tarascon, 44
Rapport sur les améliorations agricoles opérées dans le
département des Hautes-Alpes , et sur le résultat
d’un concours pour le perfectionnement de la char-
rue ; par M. Rosnay de Villers , 45
— sur les moyens d'encourager la culture du Pastel ;
par M. Vitalis, 46
Instruction sur la culture du coton dans les départe-
ments de Rome et du Trasimène ; par M. D'Ornay,
48
Prix qui avait été proposé pour 18171, 5o
Norrce biographique sur M.Mesaise;par M.Vitalis,ibid,
N 4
( 200 )
Norice sur M. Petit, D. M. à Lyon, 56
Mémoires dont l’Académie a délibéré l'impression
en entier dans ses actes.
OsserrATIoNs sur le procédé pour teindre en bleu par
la cuve montée à chaud , au moyen de l’Isatis tinc-
toria ; par M. Pavie, 58
Mémorrs sur l’extraction de l’indigo de la plante du
pastel; par le méme , 82
Rapport sur l’extraction du sucre de la betterave ;
par M. Vitalis, 87
Mémorrs sur la topographie et les constitutions mé-
dicales de la ville de Quillebeuf et des lieux cir-
cenvoisins dont elle reçoit des influences ; par M.
Boismare , 94
Tableau des observations météorologiques pendant
l’année 1811 ; par M. Vialis, 132
Bike rs - LETTRES,
RApporr fait par M. Pinard de Boishébert , secrétaire
perpétuel de l’Académie , pour la classe des Belles-
Lettres, 153
Ouvrages annoncés ou analyses dans ce rapport.
Programme des prix proposés par l’Académie du
Gard , 155
Précis des séances publiques de l’Académie de Besan-
çon, 154
Programme des prix de la Société d'encouragement,
ibid.
— de l’Académie des Jeux Floraux , ibid.
Rapport de la séance publique de la Société libre
d’émulation de Rouen , ibid.
Dithyrambe sur la naissance du Roi de Rome; par
(rot)
M. Delavigne , 134
Etat de la bibliothèque de Lyon pendant le cours de
1810 ; par M, Delandine. 135
Le Barde neustrien ; par M. Louis Dubois, ibid-
Plan d'architecture rurale ; par M. Lafosse, ibid”
Les Souvenirs de Barthele; par M. Duronceray , ibid”
Les Cicérons français; par le même , ibid”
Cours analytique d'orthographe et de ponctuation ou
Nouvelle Grammaire des Dames ; par M. Boinvilliers,
156
Discours prononcé à la rentrée de l'Académie, par
M. Demadieres, 136
Compte rendu par M. Bignon, d’un discours latin,
par M. Luce de Lancival, et d’un autre discours
latin prononcé par M, Guéroult, 137
Discours prononcé par M. Desesmaisons pour sa
réception , 140
Réponse de M. de Boisville , vice-président , au dis-
cours précédent , 142
Fables ; par M. Lefilleul des Guerrots , 143
Traduction en vers d’une Ode anglaise de Prior; par
M. Desesmaisons , ibid,
Hommage au grand Corneille ; par 71. Duval Sana-
don, 144
La Mémoire et l’Oubli; par M. D'Ornay, 144
Epitres d’Aspasie aux Dames; par M. Lemesle, 147.
La restauration de la pyramide d’Fvry , poème par
M. Mutel. 155
Fragments d’un poème sur l’Etna; par M. Duputel,
154
Dissertation sur Hérodien ; par M. Boistard de Glan-
ville , 158
Recherches sur l’écriture dont se servaient les Gau-
lois lorsque César fit la conquête de leur pars;
par M, Gourdin , 160
( 202 )
Mémoire sur le commerce de l’Empire français con-
w sidéré dans ses rapports avec le Portugal ; par
M. Lezurier de la Martel, 16t
Essai sur la rectification de l'esprit ; par M. l’abbé
Baston , 162
Remarques sur l'imprimerie ; par M. Lhoste , 168
Essai historique sur le commerce de la mer noire ;
par M. Lezurier , ibid.
Dissertation sur l’hécatombe de Pythagore ; par 21.
Gosseaume , 170
Recherches sur Le royaume d Yvetot ; par M. Duputel ,
181
Notice biographique sur M. l'Abbé Lallemant ; par
M. Pinard de Boishébert , 183
— sur M. Bouet ; par M. Vauquelin, 188
— sur M, Haillet de Couronne ; par M. Descamps ;,
pe be, 191
PRES SE SUN
LISE /
KE, A : F re
Fin de la Table,
FAUTES À CORRIGER.
Précis analytique de 1810.
Page 74, vers 5 , au lieu de elle est la reine , lisez elle
estreines
Ibid, vers 8, au lieu de calme toi, répond la riante déesse ;
: = EL »
Lisez calme toi , lui répond, etc.
Page 75, vers 15 , au lieu de encore, lisez encor.
Page vers 1 : !
g 77 5, au lieu de non loin d’elle » lisez non
trés-loin d’elle.
Précis analytique de 1811.
Page 35, ligne 27, après le moË upas, effacez liente.
Page 14, ligne 4, au Jieu d'analyses algébriques » Jisez ana
lyse algébrique.
P. 101 ,lignes 1 et 2, lisez ainsi : attire eur le port les
Quillebois , eux même que l’habitude , etc,
P. 115 , ligne 29, au lieu de l’iniervalle, lisez l’in-
tervalle.
P. 17, ligne 25, le g et l’7 se prononcent commelec ;
lisez comme le z.
P. 156, ligne 28 , au lieu d'irruption , lisez éruption.
P,. 170 , ligne 25, au lieu d'Appolodosus , lisez Appolo=
dorus,
P. 191, ligne G , au lieu d'immolé, lisez immolée.
Ibid , ligne 2 de la 2° addition, au lieu de recherch. car
lisez recherch, cur.
P. 172, ligne 17, au lieu d'Odissée | lisez Odyssée.
P. 175, ligne à de la 1'° addition , au lieu de Laërre ;
lisez Laërce,
P. 195 , ligne 9 , au lieu de bibliographique , lisez
biographique,
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