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Full text of "Precis Analytique des Travaux de l'Academie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen"

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PRÉCIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 
L'ACADÉMIE ROYALE 
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS 
DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1831. 


D:961- 


DORE PRIRENT 


PRÉCIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 


L'ACADÉMIE ROYALE 
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS 


DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1831. 


ROUEN, 


IMPRIME CHEZ NICÉTAS PERIAUX, 


RUE DE LA VICOMTÉ, n° 55. 


1851, 


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* 


PRÉCIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 
DE 
L’ACADEMIE ROYALE 
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS 


DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1831. 


DISCOURS D'OUVERTURE, 


PRONONCÉ PAR M. BLANCHE, PRÉSIDENT. 


MESSIEURS , 


Dans la littérature et la science , comme dans l’ordre 
moral et politique , les révolutions sont diversement ac- 
cueillies par les contemporains. C’est le sort de tonte 
nouveauté de faire naître, chez les uns, la crainte et les 
regrets, chez les autres, la confiance et l'espoir. De là 
deux factions rivales, deux puissances intellectuelles qui 
se disputent le monde et représentent la lutte éternelle 
de deux idées, de deux intérêts dans l'humanité, la 
conservation et le progrès. 


(2) 

Jamais cette lutte ne fut plus apparente que de nos 
jours; les deux régimes littéraires, l'ancien et le nouveau, 
sont aux prises et se font une guerre violente. Le libé- 
ralisme a étendu son heureuse influence sur l’art et la 
poésie, comme sur toutes choses. De jeunes indépendants, 
nés avec le siècle, contemporains de ses merveilles, 
s'isolent hardiment du passé qu'ils récusent tout en 
l’admirant, s’insurgent contre l'autorité des modèles, et 
traitent de routine envieuse et pédantesque ce que d’autres 
appellent les règles du beau. Arrêtez! ont crié ceux qui 
se sont constitués les gardiens du bon goût , vous perdez 
l’art, vous en transgressez toutes les lois ! Et les novateurs 
ont répondu par une foule de productions pleines de har 
diesse et de pensée. Une merveilleuse sympathie les 
accueille ; tout ce qui est jeune et plein de vie les entoure 
et leur fait cortège; plus d’un vieillard même les admire 
et les absout, et le temple qu'ils viennent d'élever se 
remplit d'admirateurs. Vous le savez, Messieurs, la 
jeune école est déjà constituée : elle a ses ramifications 
diverses, ses talents secondaires, ses médiocrités pa- 
rasites et ses obscurs imitateurs. C’est un nouveau monde 
littéraire , avec ses chefs, ses puissants et ses masses ! 

Le succès n’est donc plus douteux ; le temps de la 
résistance est passé. Pour moi, Messieurs, je ne veux 
juger ici ni les ouvrages, ni les systèmes; le temps et 
le bon sens général prononceront. Je ne me suis pro- 
posé que de chercher avec vous si, dans le nouvel or- 
dre de choses, il n’y a point encore, pour Part, quel- 
ques éléments de prospérité et de vie; si la poésie, 
surtout, eette haute et sublime expression de la vie 
terrestre, cette forme divinisée de la pensée humaine, 
ne peut trouver une place au milieu de nos institutions 
sociales, de nos croyances et de notre sagesse moderne. 

Si l'on a dit, Messieurs, que la littérature était 
l'expression de la société , sur laquelle elle réagit ensuite, 


(3) 

cette vérité devra surtout s'appliquer à la poésie, qui, de 
sa nature , est de toutes les émanations de l'ame la plus 
instinctive et la plus spontanée, car elle ne vit que d’émo- 
tions et de sentiment. « Ce que les philosophes ont pensé, 
les poètes l'ont senti », disait un écrivain. Le poète parle 
donc de la plénitude de son cœur ; sa science est lout 
“entière dans son organisation morale , dans une sensibi- 
lité profonde et énergique qui exclut l'analyse et la ré- 
flexion. Ainsi l'avait conçu Platon dans sa brillante allé- 
gorie : ainsi semble l'avoir décrit Virgile sous la forme 
d'une sibylle aux accents prophétiques. Or, Messieurs, 
si haut qu'il soit placé, le poète n’est pas tellement isolé 
sur cette terre, qu'il puisse se soustraire au contact des 
autres hommes et des idées contemporaines. Il est de son 
siècle , il marche avec lui , s’il ne le devance ; c’est une 
loi qui pèse également sur tous , et de laquelle résulte 
pour lui une sorte de position morale dans les limites de 
laquelle il pense et agit. 

Quelle sera donc cette position du poète au dix-neu- 
vième siècle ? ou, si l’on veut , quelle est la pensée do- 
minante des hommes de nos jours, celle à laquelle se 
rattachent nos actions , nos intérêts , nos passions ;, nos 
vœux et nos espérances ? Celte pensée n’est rien moins 
que la haute application des vérités morales à la poli- 
tique. C’est le libéralisme chrétien, qui, après s'être 
long temps débattu contre l'esclavage ancien et la barbarie 
du moyen âge, fort de ses développements et de son im- 
posant cortége de peuples, commence enfin l'édifice de la 
société moderne. C’est la grande réforme sociale, qui 
n'agit plus, comme autrefois, dans le silence et dans 
l'ombre, mais qui marche pleine de force et de con- 
fiance, parce qu’elle est devenue la pensée et la volonté 
de tous. Cette grave préoccupation politique a donné 
naissance à cet amour du positif et des vérités pratiques 
à cette vie d’affaires et de combinaisons sociales qui, il 


C4) 
faut l'avouer , ne ressemblent guère aux tableaux et aux 
traditions des âges héroïques. 

Reste à savoir si la poésie est tout entière dans une 
forme unique , si elle ne peut se passer des prouesses ou 
des fictions homériques, si, enfin, l’héroïsme né de la 
vérité et de la science lui offre moins d’inspirations que 
l’héroïsme aveugle et brutal des premiers âges de l’'huma- 
nité. 

Messieurs, l'erreur la plus grave de ceux qui refusent 
un avenir à la poésie est l'exclusion dans l’admiration 
et dans l’idée qu'ils se forment de l’art; ils ’enferment 
dans certaines limites, ils rétrécissent son domaine, parce 
qu'ils prennent pour l’art lui-même ce qui n’est que son 
objet passager. Mais, s’il est vrai, comme l’a dit un 
grand philosophe de notre époque, « que le caractère 
« de l’art consiste à réveiller dans nos ames certaines 
« sympathies cachées, mais puissantes, avec la vérité, 
« par l'entremise de la beauté, qui elle-même n'est 
« qu'une forme de la vérité », qui peut fixer le terme 
où s'arrêtera le travail de l'artiste? À qui a-t-il été donné 
de calculer combien de nobles sympathies pourrait ré- 
veiller tout-à-coup dans une ame d'homme la voix du 
génie ? 

De nouveaux besoins naissent à chaque progrès que 
{ait la science; une croyance s’épuise et vieillit; une 
autre lui succède ou vient la rajeunir, et le génie s’en 
empare. C’est ainsi qu'à cette vieille civilisation latine, 
implantée dans notre occident par la conquête romaine, 
est venu se mêler l’esprit du nord, avec ses pensers rudes 
et austères comme la nature des contrées scandinaves, 
avec son instinct grave et méditatif, ses sombres et mys- 
térieuses traditions et sa rêveuse mélancolie, Quel vaste 
champ pour la poésie, que cette société septentrionale 
qui, après avoir si long-temps vécu comme en dehors 
de nous, commence à peine à se révéler et nous offre 


(5) 
tout-à-coup un monde ignoré avec des siècles de mer- 
veilleux souvenirs. Que la science les recueille, que 
l'imagination les pare de ses brillantes couleurs , et qu’un 
barde inspiré réveille au milieu de nous les sons harmo- 
nieux de la harpe du Nord! 

Quant à cette philosophie chrétienne sur laquelle s’ap- 
puie notre état social, et dont le caractère spiritualiste 
et pratique fait le désespoir de quelques esprits chagrins, 
n’a-t-elle pas aussi son côté poétique ? Dans le moyen 
âge , de grands esprits, le Dante à leur tête , ont fait des 
efforts inouis pour se dégager des liens de la civilisation 
latine et chanter le christianisme. Les poèmes cheva- 
leresques tendaient indirectement vers ce but; mais 
l'œuvre est restée imparfaite. Qui peut dire qu'elle ne 
s’achèvera point? qui peut mesurer le vol et la puissance 
du génie qui l’entreprendra? Sous nos yeux, un grand 
poète a déjà célébré, dans des vers qu’envierait Horace, 
l’imposant tableau de l’émancipation des peuples. Il 
n’est point allé chercher des inspirations sur les bords 
de PEuripe ou dans les plaines de la Troade , mais sur 
les champs de bataille où sont passés les héros de sa 
patrie, et dans une ame que remplit l'amour de la 
liberté. Pourquoi donc ne verrions-nous pas naître, de 
nos croyances philosophiques, une poésie de vérité 
qui répondrait à tous les besoins de notre ame, et, renon- 
çant à ces traditions usées, à cet héroïsme fabuleux, à 
ces images fantastiques que, dans le domaine de l'art, 
la force même de l'habitude ne saurait plus défendre , 
célébrerait et la pensée de l’homme civilisé et ses innom- 
brables résultats. Dès-lors, l’art s’agrandirait, car il 
deviendrait, comme la science , le plus noble instrument 
de l'amélioration morale et du perfectionnement des 
sociétés. 

Mais cette haute préoccupation politique n'est-elle 
pas elle-même un obstacle aux paisibles travaux de l’art? 


(6) 

Au milieu des luttes violentes et des révolutions qu’elle 
amène, des passions et des intérêts qu’elle arme les uns 
contre les autres, que fera le poète? Ce qu’il fera, Mes- 
sieurs, ce que fit le Dante, qui, soldat et théologien, au 
milieu des disputes scientifiques et des guerres de parti, 
trouva le temps d’être le plus grand poète du moyen âge; 
ce que fit Milton le puritain, au sein même de la révo- 
lution de Cromwel, et près du trône sanglant qu'éleva 
ce politique entreprenant et dissimulé. Croit-on que le 
génie poétique ait peur des grands événements et des 
fortes commotions qu'ils font naître? Loin de là, Mes- 
sieurs, il les cherche , il les revendique comme son bien, 
car il y puise l'enthousiasme et la vie. Pour le poète, 
la mort serait ce repos de l’humanité après lequel sou- 
pire le vulgaire des esprits, cet âge d'or si précieux à la 
paresse de certaines intelligences. Les époques d’action 
et de mouvement, dans l’histoire des hommes, sont les 
champs fertiles où s’enrichissent l’art et la poésie. 

Quelle époque , en France, leur offrit jamais plus de 
garanties et de sécurité que la nôtre? La pensée, libre 
jusque dans ses écarts, n’est plus en butte aux caprices 
de l'arbitraire, aux vengeances du pouvoir! L'artiste ne 
vit plus des dons que lui jetait, avec une dédaigneuse 
parcimonie, la main d’un courtisan ; ses œuvres s’adres- 
sent à des concitoyens. Et, sous le règne d’un prince ami 
des lois et de la liberté, placé par le libre choix du peuple 
sur un trône où ce peuple saura le maintenir et le res- 
pecter comme son ouvrage et sa conquête, les arts, dès 
long-temps accoutumés à ses bienfaits, ne sauraient man- 
quer de cette noble protection dont il couvre également 
tout ce qui tend à la grandeur , à la prospérité, à l'illus- 
tration de la patrie dont il s’honore d’être le premier 
citoyen. 


CT 


A AAA AA AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA AA AAA AAA 


CLASSE 
DES SCIENCES. 


RAPPORT 


Fair par M. DES-ALLEURS , Secrétaire perpetucl de la Classe 
des Sciences (x). 


Messieurs, 


Je vais avoir, pour la première fois, l'honneur de vous 
présenter le rapport général annuel sur les travaux de la 
Classe des Sciences. Vous avez toujours entendu mes 
devanciers avec faveur, puissiez-vous m'écouter avec 
indulgence ! 

J’adopterai les divisions suivies avant moi, et je ran- 
gerai les divers objets dont j'ai à vous entretenir sous les 
titres suivants : 

- 1° Physique, mathématiques et arts mécaniques ; 

20 Chimie ; 

3° Aits industriels , commerce ; 

4° Histoire naturelle ; 

5° Agriculture , sciences économiques ; 

G° Medecine, chirurgie, physiologie. 

J’entre en matière. 


(1) Les alinéas marqués de ce signe * ont été supprimés à la lecture, 
en séance publique, 


(8) 


a Section. — PnYsiQUuE, MATHÉMATIQUES ET Arts 
MÉCANIQUES. 


Vous avez déjà eu l’occasion, Messieurs, de rendre 
justice aux consciencieuses recherches de M, Morin , in- 
génieur, correspondant de l’Académie. Cet observateur 
zélé, par l'établissement de sa correspondance météoro- 
logique , a tâché de rendre profitables, en pratique, les 
observations atmosphériques , en les coordonnant d'après 
la science. MM. Cazalis et Léoy avaient donné de justes 
éloges aux premiers efforts de l'honorable ingénieur ; 
M. Girardin, non moins compétent que ses prédéces- 
seurs, a rendu un nouvel hommage à la suite de ces 
mêmes travaux que M. Morin vous a communiquée, et 
fait ressortir avec habileté les points fondamentaux d’une 
doctrine qu'un examen superficiel aurait pu ranger 
dans la classe des idées purement spéculatives, tandis 
qu’elle donne l'espoir de joindre bientôt la certitude à la 
clarté. 

* Si le système de M. Morin, qui consiste à prédire 
les variations atmosphériques long-temps à l’avance, 
sur un point donné de la terre, venait à être adopté, et 
qu'il obtint le succès que l’auteur s’en promet, point de 
doute que ce système n’eût promptement une grande 
vogue , puisque les almanachs, qui, sans que je veuille 
attenter par là à leur réputation, se trompent tous les 
jours, sont encore recherchés avec avidité par le peuple, 
et même par des classes plus élevées. 

* Les spéculations de M. Morin ne sont point la suite 
d’une idée fixe plus où moins enracinée dans une tête 
d’ailleurs meublée de connaissances aussi solides que 
nombreuses ; ses recherches sont fondées sur des bases 
très réelles, et il met une grande persévérance à lier, avec 
les observateurs de divers pays, sous le rapport météo- 


(9) 
rologique , une correspondance qui mérite à la fois l’es- 
time et la reconnaissance des savants. Tout porte donc à 
croire que ses efforts finiront par organiser une société 
qui, s'occupant sans relâche de météorologie, d’après le 
plan proposé, ne pourra manquer de rendre à la physi- 
que d’importants services. 

* M. Girardin a dit, en terminant son rapport , qu'il 
se faisait un devoir de rendre justice au zèle et au talent 
de l’auteur, mais surtout à son courage. « Qu'il persévère, 
ajoute le rapporteur, qu'il s'attache surtout à présenter d'une 
manière claire et précise les conséquences des faits observes ; 
qu'il mette un peu plus de lucidité dans la discussion scienti- 


Jique, et il ne tardera pas à faire de nombreux proselytes. » 


= La seule chose qui manque peut-être à la capitale de 
la France pour en faire la première ville du monde, est 
une distribution d’eaux saines et abondantes, mises en 
tous lieux et sans interruption à la disposition des habi- 
tants ; par là Paris deviendra la plus salubre et la plus 
commode des villes, comme elle en est la plus belle et 
la plus riche en monuments de tous les genres. 

Plusieurs fois on a parlé de la réalisation de ce projet & 
qui sera le complément de travaux immenses déjà ter- 
minés. L’attention publique se porte de nouveau, en 
ce moment, sur l’accomplissement de cette entreprise. 
M. Mallet, ancien ingénieur en chef à Rouen, corres- 
pondant de l'Académie, vous a adressé une Notice sur 
une distribution générale d’eau à domicile dans Paris. 

M. Lévy, chargé de vous la faire connaître, a rendu 
une éclatante justice au travail de notre confrère , à l'in- 
térêt duquel son opportunité ajoute encore. 

* ]la su faire sentir quel immense intérêt s'attachait 
à une conception de cette nature, qui tenait, par tant 
de points, à l'économie publique , à la salubrité générale 
et à l'embellissement de la capitale, à laquelle, ainsi 


2 


(10) 

que nous le disions tout-à-l'heure, il ne manque peut 
ètre en ce moment que l'achèvement de ce projet pour 
être enfin la première ville de l'Europe sous tous les rap- 
ports. Or, il faut bien avouer que, de ce côté , les Anglais 
nous ont devancés et bien dépassés. IL serait d'un faux 
esprit national de ne pas vouloir leur emprunter ce qu'ils 
ont de bon et de vraiment utile ; et nul ne peut nier qu'ils 
n'aient, au moyen de canaux en fonte et de machines à 
vapeur, en mettant à profit les lois physiques de l'hydrau- 
lique , obtenu les effets et les avantages que les anciens 
avaient également recherchés et obtenus, à grands frais, 
au moyen de ces nombreux et immenses aqueducs dont 
quelques-uns existent encore , et dont les autres excitent 
chaque jour notre admiration dans leurs majestueuses 
ruines. 

* L'ouvrage de M. Mallet, chargé lui-même en ce 
ruoment de l’inspection des eaux de Paris, a pour but 
de faire valoir les meilleurs procédés usités , de présenter 
les modifications exigées par l'expérience et la connais- 
sance des localités, de manière à obtenir un succès com- 
plet aux moindres frais possibles. 

« Cet ouvrage, dit le rapporteur, ayant pour but de faire 
sentir l'utilité de cette grande entreprise à tout le monde , c’est 
pour tout le monde qu'il est écrit. L'auteur aurait pu se mon- 
trer savant ; il a mieux aime étre clair et précis. Aussi il sera 
lu par tous avec un vif intérêt, et, après l'avoir lu, il n’est 
personne qui ne fasse des vœux bien sincères pour voir la 
prompte exécution du projet qu'il a si heureusement conçu. » 


= Vous avez entendu, avec une avide curiosité, les 
détails que M. Brunel père vous donna, il y a deux ans, 
de vive voix et par écrit, sur son beau travail sous-ma- 
rin de la Tamise ; vous admirâtes, dans le récit animé 
des terribles catastrophes survenues durant le cours de 
son travail , le dévoùment, le courage et la présence d’es- 


C0) 

prit de son fils. Voici qu'aujourd'hui M. Brunel vous 
adresse les vues d’un pont merveilleux conçu par ce même 
fils, qui a été chargé de le construire après un concours 
avec les ingénieurs les plus renommés de la Grande- 
Bretagne. Ce pont, qui doit être élevé sur l'Avon, près 
de Clifton, dans le Sommersetshire, à peu de dis- 
‘tance de Bath et de Bristol, entre lesquels il procurera 
une communication commode, sera dans le genre des 
ponts dits de suspension. Fondé sur deux roches escar : 
pées, il formera un plancher isolé de trente-six picds de 
largeur et de sept cents pieds anglais de longueur, d’un 
seul jet, et sera élevé, au-dessus du niveau des plus hautes 
eaux, de deux cent trente pieds environ, de sorte que la 
navigation avec les vaisseaux de haut bord sera libre et 
facile sous ce pont audacieux. 

M. Gossier, que M. Brunel père avait chargé de vous 
présenter ces dessins, vous a donné des détails circons- 
tanciés sur cette belle construction, qui doit nous inté- 
resser d'autant plus que le jeune ingénieur est français, 
élève de notre Ecole polytechnique et à peine âgé de 
vingt-cinq ans (1). Aussi nous répèterons avec complai- 


(1) Voici les détails techniques que M. Gossier a recueillis de M. Bru- 
nel père, et qu'il nous a communiqués dans sa notice, Il faut se rappeler 
que toutes ces mesures sont données en pieds anglais, lequel pied ne 
représente que onze pouces et une ligne environ de notre pied de roi. 

« La flèche de l'arc que doivent former les chaînes de suspension sera 
de soixante-dix pieds. Quatre chaînes doivent supporter le pont, deux 
de chaque côté. La section transversale des chaînes, quelqu'en soit le 
nombre, présentera une surface de quatre cent quatre-vingts pouces car 
rés; ainsi, la section transversale de chaque chaine, s’il y en a quatre, 
sera de cent vingt pouces carrés. 

& De plus, le pont étant à vide, chacun des quatre cent quatre-vingts 
pouces carrés des chaînes ne supportera pas plus de deux tonneaux et 
demi, dit M. Brunel ; d'où l’on peut conclure que le poids du pont seul 
sur les deux arches de suspension, ne surpassera pas, mais approchera 
beaucoup de douze cent vingt tonneaux, ou 2,440,000 livres. » 


(C:2) 

sance un mot que la joie du génie paternel, qui se voit 
survivre dans un fils adoré, rend aussi touchant qu’il est 
d'ailleurs remarquable : « Les mêmes vaisseaux, dit le vieil 
ingénieur dans sa correspondance avec son digne ami, 
des mêmes vaisseaux qui passeront sur la tête du père, pas- 
seront sous les pieds du fils » ; et, dans la satisfaction qu'il 
éprouve de cet heureux rapprochement, il ne peut s’em- 
pècher de s’écrier : bien trouvé ! On sourit à la fois du bon 
mot , et l’on s’attendrit sur le sentiment qui l’a dicté. 


ome Section. — CHIMIE. 


— M. Polydore Boullay, de Paris, fils de l’estimable 
pharmacien de ce nom, a fait hommage à l'Académie 
des thèses qu'il a soutenues à la Faculté des sciences de 
Paris, pour obtenir le grade de docteur ès-sciences (1). 

Ces deux thèses, qui ont pour titre, l'une, de l'Ut- 
mine et de L Acide azulmique ; V'autre , Dissertation sur le vo- 


TL  ——  ——————————————————————…———“—“îû———————————— 


(1) Le rapporteur a joint la note suivante à son travail. C’est un de- 
voir pour nous de l’insérer ici. 

« Notre impartialité nous a engagé à dire que, plusieurs années avant 
les travaux de M. Boullay sur l'ulmine, un chimiste allemand, le 
docteur Sprengel, professeur privé de chimie économique à Gœtiingue, 
a fait paraître un mémoire fort intéressant sur l’Aurmnus végétal, qu'il a 
considéré, à l'exemple de Dœbereiner, comme un acide capable de 
saturer les bases, et auquel il a donné le nom d'acide humique, créé 
par Dœbereiner. M. Sprengel a fait une étude assez approfondie de 
cet acide humique, qui n’est autre chose que l’ulmine ou l'acide ul- 
mique de M. Bonllay ; et il a décrit les propriétés générales des hu- 
mates, et en particulier celles des humates neutres. Son mémoire à 
été publié dans Ærchiv für die gesammte Naturlehre, tome vin, 
v. 141. (OEkonomische Neuighkeïten und Verhandl;ann.1827, 
nos 57, 59, 61, 67 et 68. — Voyez aussi 4€ section du Bulletin uni- 
versel des sciences et de l’industrie; juillet 1830, p. 200.) Il est 
grobable que M. Boullay n'avait aucune connaissance des travaux du 
chimiste allemand, car il n'en fait aucune mention dans sa disserta- 
lion. » 


(132) 

lume des atomes dans les combinaisons chimiques, traitent 
des points de chimie transcendante, et ont trouvé dans 
M. Girardin, rapporteur, un homme qui a pénétré fort 
avant dans ces matières abstraites. Il s'est plu à rendre 
justice à l’auteur, qui paraît devoir tenir avec la science 
tous les engagements que son nom lui avait fait contrac- 
ter lorsqu'il est entré dans cette glorieuse et pénible car- 
rière. 


= M. Girardin vous a vivement intéressés, dans une de 
vos dernières séances, en vous soumettant les résultats 
d'expériences qu'il a tentées pour confirmer d'abord celles 
de M. Braconnot , de Nancy, et ensuite pour donner une 
extension nouvelle aux avantages que promettent ces 
mêmes expériences, qui ont pour but de conserver le lait 
pendant très long-temps, ce qu’on n'avait pu faire jusqu’à 
présent. Elles consistent à extraire , par des moyens par- 
ticuliers, du résidu que laisse le lait après qu'on en a 
retiré le petit-lait, soit un fromage soluble, soit une 
crème très utile pour les usages domestiques, soit, enfin, 
par l'addition du sucre, un sirop de lait très agréable. 

Ce sirop de lait, qui peut se conserver d’une manière 
illimitée, donne une boisson excellente et qui sera d’un 
grand secours à nos marins. Ce même sirop rapproché 
forme une sorte de frangipane ou confiture inaltérable, 
qui, par une nouvelle concentration, peut permettre de 
fabriquer des tablettes de lait très salubres. 

M. Girardin a encore indiqué, d’après M. Braconnot, 
le moyen de tirer du caseum soluble un liquide émulsif 
qu'on peut utiliser, mais surtout une sorte de colle de 
lait qui a la consistance de la colle de poisson, se con- 
serve aussi bien, est à très bas prix , et peut la remplacer 
dans tous ses usages pour les arts, Ce dernier résultat est 
fort important ! 


Notre confrère nous a offert ensuite des échantillons 


(4) 
de choix, présentant une grande pureté , de belles cris- 
tallisations , de produits immédiats végétaux encore 
rares et peu connus, tels que l’alizarine, l'orcine , la sa- 
licine , le piperin , l'asparagine , l'hespéridine , la plombagine , 
la caféine. U y a joint un magnifique échantillon de #ro- 
mure de potassium, récemment vanté par M. Magendie 
pour le traitement des scrofules. 


—= Une Notice sur une cendre colorée très alcaline, par M. 
Dubuc, a pour but de faire connaître les résultats obtenus 
par l'analyse chimique d’une cendre qui s’agglomérait 
dans le foyer sous forme de scories, et qui provenait de 
la combustion de bois de hêtre excru sur un terrein 
ocreux et graveleux , dans une propriété de M. le baron 
Adam, notre confrère. 


= Un mémoire de M. Dubuc , sur la falsification de la 
garance au moyen de la terre ocreuse, mais surtout de 
l'écorce connue dans le commerce sous le nom d’écurce 
de pin, et sur les moyens de découvrir facilement ces so- 
phistications si préjudiciables aux intérêts de nos fabri- 
cants et de nos teinturiers , a mérité que vous en ordon- 
nassiez l'impression en entier dans le précis de vos 
travaux. Vous avez accordé le même honneur à la notice 
précédente , ainsi qu'à celle de ML. Girardin, qui a pour 
objet de déterminer la nature de l’alliage qui entre dans 
la composition de la cloche dite d'argent placée dans 
le beffroy de Rouen. M. Girardin a démontré, contre le 
préjugé populaire, qu’il n’entre pas dans cette cloche, 
non plus que dans les autres cloches anciennes, un atome 
de métaux précieux, que ce n’est donc point à leur pré- 
sence qu’elles doivent leur son clair et brillant. 

Il à expliqué, d’une manière à la fois ingénieuse et 
plaisante, par quelle supercherie les anciens fondeurs 
s’appropriaient l’or et l’argent que la piété ou la vanité 


(15) 
faisaient prodiguer aux personnes invitées à la céié- 
monie de la fonte des cloches, opération qui se faisait 
jadis avec beaucoup d'appareil et de solemnité. 

Il à également essayé une explication probable du 
nom de cloche d'argent donné à ce grand corps sonore. 

Un dessin de M. Deleau, architecte, fournit une 
idéeexacte des proportions du Kouvel ou eloche d'argent, 
dans ses diverses dimensions. 

Ce travai de M. Girardin, qui doit exciter la curio- 
sité de nos compatriotes, est le complément des ren- 
seignements archéologiques que nous à communiqués 
M. Ballin sur cette même cloche qui donne, depuis si 
Jong-temps, dans nos murs, le signal de la retraite, des 
réjouissances et des alarmes (1). 


3me Section. — ARTS INDUSTRIELS, COMMERCE. 


= Un rapport de M. Le Prevost, médecin, sur le 
Bulletin industriel de l'arrondissement de S.-Étienne , 
a fourni à notre confrère l’occasion de remarques cri- 
tiques judicieuses , appuyées de faits concluants et 
contradictoires, sur la suppression des charroïs dans les 
grandes exploitations, sur les brevets d'invention, qui 
devraient être entièrement distincts, selon lui, de ceux 
d'importation, si même l’on ne supprimait entièrement 
ces derniers; et enfin, sur l'emploi du chlore liquide 
ou gazeux dans les affections de la poitrine. 


= M. Pimont, en vous rendant compte des travaux 


(1) Voir, à la page 353 du Précis de 1830, l'analyse du travail de 
M. Ballin, qui a mis hors de toute discussion la question de savoir si la 
cloche dite d'argent est l'ancienne Rembol, comme quelques-uns le 
pretendaient. Il a démontre évidemment que cette ancienne cloche n'existe 
plus, et que celle qui est actuellement dans le beffroy se nomme Le Rou- 
vel, nom qu’elle porte inscrit en toutes lettres sur son listel. Voici, au 


(16) 
de la Société académique de Nantes, après avoir signalé 
plusieurs mémoires sur divers points de la science, no- 
tamment sur la fabrication des chaux hydrauliques, vous 
a exposé, à son tour, ses propres vues sur les brevets d’in- 
vention, à propos d’un mémoire contenu dans ce même 
recueil. Ses connaissances spéciales sur cette matière et 
sa situation personnelle lui ont permis de jeter une 
nouvelle lumière sur les causes qui exigent impérieuse- 
ment la révision la plus prompte de cette législation, 
qui se rattache d’une manière intime à la prospérité de 
nos établissements industriels. 


reste, cette inscription, telle que M. Ballin l’a découverte et nous l’a 
communiquée : 


INSCRIPTION, sur une plaque de cuivre, placée au-dessus de la 
porte du bas de l'escalier du Beffroy de la Grosse-Horloge , 


à Rouen. 


Œn Lan de lincarnarcion nre segnour. mil 
LE 2 » 

ec. nur, et neuf, fu comence cest. berfrop : ct 
És ans ensuiuas iusques enlan mil. cer. 
ZT x .… . = 

aux €t ot. fu fait ct parfait. ou quel 
Œemps noble home mess. quille de bellep 
Gues rcheuallier chambellen du HKop nostre 
Sie estoit cappitaine de ceste ville honorable 
home pourueu et sage toljan de Latuille bail 
lp et sie guillaume alorge. Toban mustel. 
quille. de. gaugp. Richart. de sommerp. nicolas 
Leroux. gaultier campion. conseilliers de La 
Dicte ville. et pierres bjerme veseueur d'irelle. 


INSCRIPTION sur la Cloche dite d'argent, dans le méme 
Beffroy. 
+ 1€ SU : NOMME : HOUUEL : ROGIER : LE 
SERON : ME $5IS€ : SERE : IESGAN : DAMJENS : 
ME IST + 


C9 

= M. Dubuc a essayé de réaliser l'espoir conçu par 
notre illustre prédécesseur Dambourney , de remplacer 
par des substances indigènes les matières tinctoriales 
exotiques. Il a fait de nombreux essais, dont quelques- 
uns ont été suivis du plus heureux succès, sur le Phito- 
lacca decandra de Linné. Ces expériences intéressaient 
trop le commerce en général, et l’industrie rouennaise 
en particulier, pour que vous ne leur donnassiez pas 
une utile publicité : elles seront imprimées en entier 
dans vos actes (1). 


= Un important mémoire de M. Lepasquier, sur la 
navigation de la Seine entre le Hävre, Rouen et Paris, 
mais notamment entre ces deux dernières villes, a fixé 
votre attention d’une manière toute spéciale. 

Il a pour but de tracer l’histoire des modifications 
apportées et des améliorations introduites par la concur- 
rence, la révision des tarifs de frais, etc., depuis dix 
ans environ, dans les transports de marchandises par 
eau entre le Hävre, Rouen et Paris. 

Des tableaux détaillés, qui rassemblent sous un as- 
pect synoptique les différents produits des entreprises 
diverses, la nature des matières transportées, etc., 
rendent ce travail aussi clair qu'il est curieux : c’est 
une des bases sur lesquelles doivent reposer les calculs 
qui serviront à déterminer l’exécution d’un plan alterna- 
üf de canalisation, de dragage , etc., qui tend à donner 
au lit de la Seine, de Rouen jusques à Paris, un étiage 


QG) M. Dubuc a joint depuis à son mémoire une note supplétive 
dans laquelle il annonce qu'il vient de s’apercevoir que les feuilles du 
phitolacca, auxquelles on pouvait faire contracter une rougeur artifi- 
cielle au soleil et à la rosée, la contractaient de même à l'ombre et 
dans l'obscurité. Il a annoncé qu'il poursuivait sans interruption ses 
essais pour tirer de ces feuilles , ainsi que des fanes de pommes de terre 
et du stramonium ordinaire, un bon tabac à priser. 


3 


(18) 

fixe de deux mètres au moins, dans toutes les saisons, 

Nous vous avions dit, Messieurs, que c'était une 
archive précieuse à mettre le plus promptement possible 
à la disposition de tous ceux qu'intéresse, d'une manière 
directe , la navigation de la Seine, vous avez voté l'im- 
pression du mémoire de M. Lepasquier et des tableaux 
synoptiques qui en forment, à la fois, le résumé et le 
complément. 


fe Sectiun. — HISTOIRE NATURELLE. 


= Il n’est pas, en Normandie , un fermier ni un pro- 
priétaire qui n'ayent à déplorer les ravages d’un insecte 
qui, depuis un certain nombre d'années, s’est fixé sur 
plusieurs espèces de pommiers et les a infectés d’une 
sorte de lèpre chancreuse incurable jusqu'à présent. 
MM. Dubuc, A. Le Prevost et d’autres de nos con- 
frères ont fait de nombreuses recherches pour trouver 
le remède à cette peste qui désole nos vergers. M. Houtou 
La Billardière vous a lu de nouvelles observations qui 
tendent à démontrer les causes de l'action corrosive du 
puceron, et à provoquer ainsi la découverte d'un agent 
qui en opère sûrement et à peu de frais la destruction. 
Vous avez décidé que cétte notice, d'un intérêt local si 
pressant, serait imprimée en entier dans le recueil de 


OT CT) 


= M. À. Le Prévost a mis sous vos yeux un fragment de 
pierre calcaire détaché de la côte Sainte - Catherine à 
Rouen , dans lequel on a trouvé, incrustées et disposées 
dans leur ordre naturel, deux des rangées supérieures 
des osselets pétrifiés de la patte antérieure d'un #46 


oo 


(1) Voir, à la suite de ce rapport, le programme du prix proposé 
pour la classe des sciences, 


(19) 
saure. Ce fragment curieux a élé envoyé à M. Passy, 
auteur de l'ouvrage géologique que vous avez jugé digne 
du prix extraordinaire mis au concours en 1829. 

Je dois rappeler, à cette occasion, Messieurs, un fait 
qui témoigne hautement de votre dévoñment à la science. 
Vous deviez à M. Passy une riche collection d'échan- 
tillons minéralogiques et géologiques qu'il avait jointe 
à son ouvrage ; vous avez Cru que cette collection serait 
utile à tons ceux qui s'occupent de la géologie, science 
qui ne fait, pour ainsi dire, que de naïre, et cependant 
à l'étude de laquelle un grand nombre de talents distin- 
gués se sont voués récemment avec une ardeur qui 
promet les plus heureux résultats: vous en avez donc 
fait hommage à l'administration municipale, en expri- 
mant le désir qu’elle fût placée dans le cabinet d'his- 
toire naturelle de la ville, de manière à pouvoir toujours 
y être consultée séparément. Elle a été acceptée , et 
M. le maire vous en a témoigné sa reconnaissance dans 
la lettre qu’il vous a adressée , en vous transmettant l’ex- 
trait de la délibération prise en conseil le 4 mai der- 
nier (1). 


= Un botaniste que lon peut hardiment ranger parmi 
les plus studieux, M. Desmazières, de Lille, votre cor- 
respondant, a consacré depuis plusieurs années ses 
connaissances et sa rare patience à des recherches mi- 
croscopiques el autres sur les plantes cryptogames du 
nord de la France; il vous a communiqué souvent les 
fruits de ses travaux, et, cette année encore, vous avez 


(1) D'après le vœu exprimé par l’Académie, la délibération porte: 
que la collection sera renfermée dans une armoire distincte et sé- 
parée, et que l'étiquetage des différentes pièces qui la forment sera 
coordonné avec l'ouvrage de M. A. Passy, sur La Géologie de la Seine- 
Inférieure, qui s'imprime en ce moment, de manière que l'on puisse, 
en lisant l'ouvrage, trouver de suite les échantillons désignés. 


(20 ) 

reçu une nouvelle fascicule qui contient un grand 
nombre d'espèces décrites et classées par ce laborieux 
botaniste. M. 4. Le Prevost, dans un rapport très remar- 
quable, vous a fait juger l'importance des résultats dûs 
aux efforts de notre correspondant ; il vous a laissé entre- 
voir le terme prochain de l’entreprise commencée par 
M. Desmazières , « qui, dans ce nouvel envoi, j'emprunte 
ici les propres expressions de l'honorable rapporteur, 
vous à offert beaucoup de faits nouveaux , beaucoup d'indica- 
tions précieuses, pressés dans un petit nombre de pages. Vous 
lui devez donc de doubles remerctments , et pour le fond de ses 
Jjudicieuses Observations, et pour la forme à la fois concise 
et claire sous laquelle il vous les a présentées, et qui leur 
donne un nouveau prix. » 


= M. 4. Le Prevost, sans cesse à la découverte de ce 
qui peut intéresser la science dans ses diverses branches, 
vous a présenté un fragment de bois cylindrique qui 
laissait voir, enfermées au centre de ses couches ligneu- 
ses, quatre empreintes symétriques, dont l'existence à 
paru dépendre d’une cause extraordinaire, sur Pexpli- 
cation de laquelle il a appelé les investigations de ses 
confrères. 

M. Dubreuil s’est occupé spécialement de la recherche 
de cette cause, et vous a lu une note dans laquelle il 
donne à ce problème une solution physiologique qui 
a satisfait tous les esprits, et a paru si naturelle et si con- 
cluante, que vous avez décidé que cette nolice serait 
insérée en entier dans le Précis, avec la lithographie du 
fragment de bois qui en a fourni l’occasion. 


5e Section. — AGRICULTURE , SCIENCES ÉCONOMIQUES. 


= L'agriculture est la base véritable de la prospérité 
matérielle de La France, Ce fait, généralement senti avant 


(21) 
notre première révolution , a été combattu par les écono- 
mistes, qui ont cherché dans les ressources industrielles 
et dans la promulgation de théories erronées sur l'impor- 
tance, la répartition, etc., des produits indigènes, des fon- 
dements au bien-être général de la population, qui ont 
bien vite fléchi quand on a essayé de l’élever sur eux. Les 
gouvernements de la France ont alors reconnu que les 
faits étaient plus forts que les raisonñements, et ils se 
sont associés à l’élan des bons citoyens et des proprié- 
taires ruraux que leurs connaissances et leur fortune met- 
taient à même d'éclairer les nouveaux procédés, et d'en 
aider l'application , par les subventions et les encourage- 
ments nombreux qu'ils ont donnés à nos florissantes So- 
ciétés d'agriculture. Nous possédons dans nos rangs beau- 
coup de membres qui ont fait leurs preuves dans cette 
science , la première de toutes, puisqu'elle est la plus di- 
rectement utile, la plus directement nécessaire. De tout 
temps l'Académie a entretenu de fréquentes relations 
avec les sociétés et les hommes qui se sont le plus occupés 
de l’agronomie et de ses dépendances; cette branche in- 
téressante n'a pas été plus négligée cette année que les 
précédentes, comme le prouvent les rapports successifs 
que nous ont faits : M. Meaume, vétéran, qui, appelé à 
d'honorables fonctions (1) loin de Rouen, a toujours 
profité de ses divers séjours dans sa famille pour prendre 
part à nos travaux, sur plusieurs numéros de la Société 
d'Agriculture de Tarn-et-Garonne et sur un numéro d'un 
des trimestres de 1830 de la Société centrale d'agriculture 
de la Seine-lnférieure ; ME. Prevost , pépiniériste , sur ceux 
de la Société de Caen (2); M. Leprevost , trésorier, sur 


(1) Inspecteur de l'Académie d'Amiens. 
(2) M. Prevost, dans son rapport sur le tome troisième du mé 
moire de la Société d'agriculture et de commerce de Caen, a donné 


des détails très étendus relatifs au rapport de M, Eudes Deslong- 


(22) 

ceux de la Société d'agriculture de Seine-ei-Oise , séant 
à Versailles, dans lesquels il a saisi heureusement l’occa- 
sion de rendre un juste hommage à la mémoire de M. le 
marquis Delalonde , notre compatriote ; M. Pimont, sur 
ceux de la Société de Saint-Quentin , dans lesquels des 
considérations sur l'importance et les avantages du dessé- 
chement des marais lui ont surtout paru dignes d’une at- 
tenlion sérieuse, et ont mérité ses éloges ; M. Dubuc, sur 
ceux de la Société d'Indre-et-Loire, sur ceux de la Société 
de Chälons-sur-Marne , sur ceux, enfin, de la Société 
royale et centrale d'agriculture de Paris , et sur l’ouvrage 
de M. Gasparin , imprimé par ordre et aux frais de cette 
Société,et ayant pour titre : Guide des propriétaires de do- 
maines ruraux affermés. Ce dernier rapport de M. Dubuc 
doit être distingué des rapports ordinaires ; l’auteur y 
provoque ; avec un zèle dont personne ne peut douter, 
l'établissement d’une ferme expérimentale en Norman- 
die, à l'instar de celle de Rôville, et ilindique les objets 
à vérifier ou à expérimenter dans cette exploitation. Nous 
aurons soin de consigner dans notre rapport imprimé 
huit propositions extraites du travail de M. Dubuc, qui 
méritent de fixer l'attention des agronomes et de déter- 
miner les essais des cultivateurs (x). 


2220 


champs, qui traite des divers ouvrages envoyés à la Société sur le 
puceron lanigère, ainsi que sur le mémoire du docteur Frédéric Blot, 
inséré en entier dans ce recueil ( Ÿ. tom. 3e de ces Mémoires, de La 
page 295 à la page 357 ); mais les personnes qui auront parcouru 
l'ouvrage, d’ailleurs intéressant , de ce naturaliste, se convaincront faci- 
lement que la question proposée cette année par l’Académie est encore 
très opportune et très importante, puisqu'elle est loin d’être résolue dans 
les fragments cités ci-dessus. 

QG) Voici textuellement la portion du rapport de M. Dubuc, que 
nous indiquons ici : 

« C’est dans un vaste faire-valoir que toutes les grandes questions 
peuvent être résolues par l'expérience de plusieurs années, Il est donc 


(23) 

= Je dois également mentionner séparément un rap- 
port très étendu de M. Duputel sur trois cahiers de la 
Société centrale d’agriculture de la Seine -Inférieure , 
dans lequel le rapporteur se plaît à rendre justice aux 
travaux nombreux el variés des membres de cette société, 
et à donner des éloges personnels à nos confrères MM. 
Dubuc, Gossier, Prevost, pépiniériste, et Leprevost, 
vétérinaire. Le ton de conviction profonde et d’entière 
bonne foi avec lequel ces éloges sont donnés, doit en 
faire apprécier le véritable prix à ceux qui en sont 
l'objet. 


bien à désirer pour la Normandie, et dans l’intérèt général de la science 
agronomique, de voir le domaine d'Harcourt converti en ferme expéri- 
mentale par la Société centrale, qui seule, en France , possède assez de 
capitaux pour réaliser une pareille entreprise. Ce vaste établissement est 
digne d’elle, et si jamais il se formait, je crois que les principaux essais 
devraient avoir lieu sur les sujets suivants : 

« 19 Déterminer si la terre arable , terre à blé, peut être mise en rap 
port perpétuel, sans nuire, malgré l'abondance des fumiers , à la récolte 
des froments sous le double rapport de la quantité et de la qualité, 

« 2° Rechercher pour quels motifs les Ganlois, et plus tard les Fran— 
çais, adoptèrent l’assolement triennal et diennal avec jachères, pour la 
culture des fromentacées. 

« 3° Déterminer, par des expériences répétées, s’il est vrai que le fumier 
frais l'emporte de beaucoup, par ses qualités, aux champs, sur le fumier 
noir ou fermenté. 

« 4° Fixer, autant que possible, l'effet des sels terreux déliquescents, 
surtout de ceux à base de chaux, considérés comme stimulants végétatifs, 
soit employés seuls , soit mêlés aux fumiers des étables, 

« 5° La nourriture et l’engrais du bétail par les nouvelles méthodes font 
encore un sujet de controverse parmi nos cultivateurs ; chacun s'appuie 
d'arguments plus ou moins spécieux pour l’admettre ou pour le rejeter : 
c’est donc encore par des essais comparés et multipliés qu'on trouvera la 
solution de ces questions, et ils ne peuvent se faire d’une manière con— 
cluante que dans une grande ferme expérimentale. 

« 60 L'emploi des fourrages hachés et mélés ensemble, et celui des 
graines concassées pour la nourriture des animaux de trait, compte de 
nombreux partisans dans quelques parties de la France, et plus encore à 


(24) 

= Dans un rapport sur une brochure de M. Le Mar- 
chand de la Faverie, relative aux abeilles, M. Gossier, qui 
a été chargé par l’auteur de la garde et de la surveillance 
des ruches qu'il possédait à Rouen, et qu'il observait 
avec un intérêt presque passionné, a donné des détails 
techniques sur la construction des alvéoles de ces indus- 
trieux insectes ; il s’est même élevé, à cette occasion, à 
des considérations supérieures sur le commerce des 
cires et sur l'application, qu'il avait proposée il y a 
déjà long-temps, de la forme de ces alvéoles aux poids et 
mesures, comme étalon de celles de capacité. IL a 
prouvé que ses propres réflexions et ses études sur ce 
sujet le rendaient tout-à-fait digne de la marque de 


À 


l'étranger; mais en Normandie, soit raison, soit préjugé, on n’admet guère 
ce mode d'alimentation ; cependant il parait démontré que quatre parties, 
en poids, de plantes époudrées et hachées grossièrement ensemble, nour- 
rissent autant les animaux de travail que Cinq parties de ces mêmes herbes 
prises isolément et entières. On a encore remarqué que trois mesures 
d'orge ou d’avoine concassées et humectées avant la pourvende, équiva— 
laient, comme aliment , à Quatre mesures de ces mèmes graines données 
aux chevaux sans aucun apprèt, Ce sont autant de faits à confirmer par 
des expériences en grand. 

« 7° Les racines sarclées, dites à fourrages, et les végétaux azotés, 
turneps, betteraves, carottes, raphanus, etc., ete., font aussi partie des 
nouveaux procédés d'alimentation pour l’engrais des bestiaux, soit à 
V'étable , soit aux champs ; mais ces méthodes, que nous trouvons bonnes, 
rencontrent de nombreux opposants; il est donc important de vériher, 
comme beaucoup le prétendent, s’il faut préférer à ces substances, dont 
quelques-unes sont débilitantes, les foins, les plantes trifoliacées, la 
paille ordinaire , etc., comme valant mieux, notamment pour le cheval. 

« 8° Déterminer encore s’il est vrai, comme l’affirment de bons fer- 
“miers, que le pois gris (pisum arvensis), et la vesce sont moins grenus 
el leur herbe moins nourrissante pour les animaux que ces végétaux ne 
l'étaient avant l’emblavüre perpétuelle des terres arables. » 

M. Dubuc ajoute qu'il ne fait qu’indiquer une très faible partie des 
travaux à faire dans la ferme expérimentale, et qu’il estime qu'il faudrait 
au moins une période de dix années pour rendre les résultats concluants. 


(25) 
confiance que lui avait donnée M. de la Faverie, en lui 
transmettant l'héritage de ses ruches, et l'Académie en 
lui renvoyant son ouvrage. 


= Un second travail de M. Gossier, divisé en deux par- 
ties, et intitulé: Pommes de terre, fiégime végétal, a suggéré 
à l’auteur des remarques diététiques d’un haut intérêt. 
I'asu, par des exemples puisés dans un recueil de faits 
que ses voyages lui ont permis de rassembler en Jrlande, 
prouver d’abord que le régime végétal, et notamment 
celui dont la pomme de ierre forme la base, pouvait 
offrir les mêmes ressources que le régime animal en 
général , et procurait ensuite d’autres avantages spéciaux 
dont M, Gossier vous a fait sentir vivement les consé- 
quences morales. 

* Voici une analyse rapide, mais exacte, du mémoire 
de M. Gossier. 

* 11 commence par établir que le préjugé qui ferait 
regarder une population comme inférieure à une autre 
parce qu’elle aurait une nourriture plus simple, exclu- 
sivement végétale, et plus rapprochée de la nature que 
celle dont on use dans nos climats, serait un préjugé 
absurde, Le pain de froment , que nous regardons comme 
le plus noble et le plus sain des aliments, n’est en usage 
que dans la plus petite portion du monde, puisqu'il 
n'est pas même général en Europe. M. Gossier pense 
que l'alimentation végétale, et notamment celle par la 
pomme de terre, est capable de donner à l'homme 
toutes les forces physiques et toute l'aptitude morale 
désirables. L'Irlande, où ce tubercule forme la base de 
l'alimentation en général, lui fournit des preuves con- 
cluantes à l’appui de son système. Il reconnait cepen- 
dant que les ouvriers tirés de ce pays, et employés en 
Angleterre à des ouvrages de force, ne peuvent y deve- 
nir aptes que par l'emploi de la diète animale, même 


4 


(26) 

poussée à l'excès. Mais M. Gossier croit que ce surcroît 
de forces artificielles, amassées pour les dépenser au 
profit des entrepreneurs, loin d’être favorable à les- 
pèce, lui nuit, au contraire, en usant plus vite l’exis- 
tence el la vitalité chez ces mêmes sujets. Les résu- 
més statistiques établis sur cette classe d'individus, 
fournissent , en effet, des arguinenis irrésistibles à l’ap- 
pui de cetle opinion. M. Gossier s'élève aveg raison 
conire l'abus de ces spéculations, fondées sur l’exagéra- 
tion des forces productives de certains individus, spécu- 
lations devenues trop fréquentes, et il combat ces mêmes 
abus avec une supériorité de raison et une conviction 
religieuse imposanies : cela lui fournit une heureuse 
transition morale pour examiner un point sur lequel 
ont beaucoup insisté les physiologistes , et qui, s’il était 
accordé, semblerait devoir ruiner, de fond en comble, 
le système de notre confrère. 

* Les physiologistes ont dit qu'il résultait de la denti- 
tion de l’homme et de la disposition de ses organes 
digestifs, la preuve qu’il était exclusivement propre au 
régime animal; mais M. Gossier réplique que ces mêmes 
organes ne sont pas moins propres à la digestion des 
aliments végétaux, ce qui détruit déjà, en partie, l’ar- 
gument; d'un autre Côté, l'industrie de l'homme le met 
à même de s'approprier toutes espèces de substances 
pour sa nourriture, mème celles qui y paraissent le 
moins propres. Or, ce même homme, dans l'échelle 
des créatures, semble avoir été formé pour exercer une 
sorte de suprématie sur toutes les autres: il a donc reçu 
la faculté, suivant les positions diverses dans lesquelles 
il se trouve, de pouvoir user également de la diète ani- 
male et de la diète végétale; mais rien ne prouve, dès-lors, 
que la première ait le droit de prétendre à une préférence 
exclusive. 

* Dans la seconde partie de son mémoire, M. Gossier 


(27) 

‘outient sa thèse par des arguments tirés de la nature mo 
tale de Fhomme ; il cite donc, à l'appui de sa proposition, 
l'impression involontaire que preduit la vue des ani- 
maux lués, l'idée instinctive que le peuple conserve de 
la profession de bourreau, Feffet involontaire que nous 
produit l’idée du meurtre, la vue du sang et de la viande 
morte, tandis qu'au contraire une impression doure 
s'allache à la pensée du régime végétal, régime que les 
poètes ont dit être celui de l’âge d’or. L'auteur, rentrant 
dans la discussion technique de son sujet, fait encore 
des rapprochements statistiques qui tendent à prouver 
aussi que le régime végéial est celui qui permet, sur une 
surface donnée , le développement de population le plus 
grand qu'il soit possible d'atteindre. Un fait semble dé- 
montrer encore combien l’homme est peu fait pour 
manger la chair des animaux, c'est qu'il est obligé 
de la dénaturer entièrement pour lapproprier à ses 
vrganes. Cette manie d’aliérer par l'art ious les mets, 
lui a même fait donner, par un spirituel écossais, comme 
définition de Pespèce, le nom d'animal cuisinier. 

* M. Gossier, après avoir résumé tous ses arguments, 
dit qu'il sait bien qu'il ne faut pas prétendre à l’appli- 
cation rigoureuse des théories dans la pratique, 
mais qu'il faut quelquefois renouveler l'exposition de 
celles-ci dans toute leur nudité, et cela dans l'intérêt 
des économistes et des législateurs ; il termine enfin en 
ces Lermes : « Convanquons-nous bien que plus l'homme «y 
procherait de la simplicité dé la nature dans ses gouts, dus 
sa manière de se vélir et de se nourrir, plus grand propor- 
lionnellement serait, à coup sûr, le nombre de nos sem- 
blables, qui pourraient être exempls de travaux pénibles, 
vivre dans une honnête et tranquille aisance, enrichir leur 
esprit, culliver la science et la pratique de la verln,. se 
montrer égaux à lu grandeur de leur origine et dignes de 


deurs hautes destinres, » 


(38) 


Ge Section. — MÉDECINE, CuiRURGIE, PHaysioOLOGIt; 


= M. Hellis, au nom d'une commission composée en 
outre de MIX, Vigné et Godefroy, vous à fait un rapport 
très étendu sur un ouvrage manuscrit de M: de Parchappe, 
docteur-meédecin , intitulé : Fragment d'une Histoire philo- 
sophique de la Medecine. 

Démontrer que la pratique du père de la médecine, 
fondée sur l'observation, se coordonnait, dans son en- 
semble, par une théorie basée sur deux principes féconds 
en résultats, l’un qui est la théorie des humeurs et des 
qualités élémentaires ; l’autre, la théorie de l’action de 
la nature; tel semble être le but principal de l’auteur 
dans ce fragment, où l’érudition est employée avec profit 
et discernement. H suit Hippocraie sommairement dans 
l'application immense et variée de ces principes aux lois 
diverses de l'organisme. Ce coup-d'æil rapide, jeté avec 
assurance sur une docirine si vaste, qui a reçu tant de 
développements de son créateur et surtout de ses succes- 
seurs, ne peut appartenir qu'à un homme versé dans la 
science et doué d’un jugement et d’un esprit d'analyse 
trop rares aujourd'hui. 

NT. Hellis a fait ressortir, dans leurs détails, le but et 
lä marche que je viens de signaler ici, el, après avoir 
tracé un tableau aussi vrai que piquant de la situation de 
l'art médical en ce moment, et du début dans la pratique 
des jeunes docteurs formés à l’école hippocratique ou 
d'observation, ou sortis de la nouvelle école, dite physto- 
logique , il a rangé l’auteur parmi les sujets produits par la 
première , et qui donnent les espérances les plus légitimes. 

# Voici ce passage du rapport de M. Hellis 

 * Ils n’ont pas été rares, dans la dernière période qui 
Vient de s'écouler, ces jeunes docteurs , encore tout pou: 
freux dés bancs de l’école, qui parlaient en maîtres, et qui, 


{ 29 ) 
s'érigeant en réformateurs, afiectaient un profond mépris 
pour toute espèce d’antiquité qu'ils ne connaissaient pas , 
s’épargnant ainsi la peine de l’étudier et de l’approfondir. 
Mieux servis par leur mémoire que par leur jugement, 
on les reconnaissait aisément à l'assurance avec laquelle 
ils débitaient les axiomes du maître qui les avait formés, 
d’après lequel ils juraient, et qui seul leur suffisait à tout. 

« IL était facile de prédire à ces praticiens si dédaï- 
gneux du passé, si confiants au présent, ce qui les atten- 
dait pour l'avenir : chacun de leurs pas dans la carrière 
n'est que déception; chaque jour ils se voient égarer par 
la lueur infidèle qui devait les guider, et trop tard, hélas! 
ils comprendront, qu'en médecine surtout, l’âge mûr 
ne réalise pas les utopies de la jeunesse. 

« Mais, à côté de ces débutants si présomptueux et si 
funestes à la société, il faut avouer qu'il s’en présente 
aussi qui sont animés de sentiments tous différents ; qui, 
doués d'un jugement sain, d’un esprit indépendant, 
d'une grande aptitude pour le travail, sont curieux de 
voir par eux-mêmes, et ne reculent point devant les 
obstacles qu'il faut surmonter pour connaître et apprécier 
les modèles laissés par l'antiquité, objets, tantôt d’un 
culte si profond, tantôt de si amères dédains! 

« Convaincus que l'édifice des sciences d'observation 
ne peut s'élever que par la suite des temps, avant de 
songer à en couronner le faîte ou à en ébranler les fon- 
dements, ils sont jaloux d’en sonder les bases et d'éprou- 
ver le sol sur lequel elles reposent, afin de juger ce que 
chaque siècle y a ajouté de vraiment durable, et de ce 
qui reste encore à faire pour le perfectionner. » 


= M. Duhamel, ancien praticien de cette ville, vous a 
fait hommage d’une Thèse sur la Pneumonie , qu'il a sou- 
tenue récemment devant la Faculté de médecine de 
Paris, pour obtenir le titre de docteur en médecine. 


( 30) 

M. le docteur Godefroy, qui vous en a rendu compte ; 
dit, dans ses conclusions, que cette thèse « est l'ouvrage 
d'un médecin distingué, nourri de la lecture des anciens, cl 
qui, malgré une assez longue pratique de son art, a su se tc- 
nir au niveau des découvertes que l’on y a faites. » W ajoute : 
« J'aime à payer à l’auleur ce tribut d’eloges mérites, auxqrtels 
l’obligeance et les conventions sociales n'ont aucune part. » 


= M. Bonfis fils aîné, médecin à Nancy, et notre 
correspondant, vous avait soumis, en 1829, un mémoire 
dans lequel il proposait d’allier l'opération de la rhino- 
plastie à celle de la staphyloraphie, dans des cas où la 
perte de substance du voile de palais était trop considé- 
rable pour que l’on püût réussir par le procédé ordinaire: 
M. Vingtrinier, dans le rapport qu'il vous fit, au nom 
d'une commission, sur ce mémoire, vous dit que l’idée 
de M. Bonfils était à la fois ingéniense et hardie, mais 
l'opération difficile et d'un succès douteux : vous enga- 
geâtes, en conséquence, M. Bonfils à vous faire con- 
naître le succès qu'il obtiendrait, s’il avait occasion de 
pratiquer l'opération ; cette occasion s’est présentée, ct 
vous avez reçu, cette année , un nouveau mémoire dans 
lequel il vous expose les résultats de sa tentative. M. 
Vingtrinier, auquel ce second travail a été renvoyé, à 
prouvé que l'expérience avait confirmé les prévisions théo- 
riques de l’auteur, qui donne à cette modification de là 
staphyloraphie le ñom de staphylodémie, où staphyloexie ; 
ou staphiloplatie (x). 

Cette note, et le rapport auquel elle a donné lieu, 
doivent être insérés en entier dans le Précis de 1831: 


= Me voici arrivé, Messieurs, aux trois ouvrages les 


(1) De deze, je bâtis, je construis; eo ,j'augmente, j'agran- 
dis; ThaTos, large, ample, 


(STE 
plus importants de cette branche de vos travaux scienti- 
fiques, et cependant je n’en ferai qu'une mention très 
sommaire, puisque vous avez arrêté leur impression 
dans votre Précis analytique, où ne manqueront pas de 
venir les consulter tous ceux qui s'occupent de l’art de 
guérir et de ses progrès. 

‘Le premier de ces ouvrages , dont M. Hellis est l’au- 
teur , est intitulé : Mémoire sur les malades militaires traités 
à l’'Hôtel-Dieu de Rouen, en 1830. 

Le second, résultat des observations de M. Le Prévost, 
docteur-médecin , a pour titre : Notice sur une maladie 
cruplive peu connue. 

Le troisième enfin, dû à M. Vigne, est un Essai sur 
l'ame. 

Les deux premiers sont des ouvrages pratiques ; résu- 
més d'observations nombreuses et auläentiques , ils 
cherchent à ramener l’art de guérir à la véritable obser- 
vation , à l'examen impartial des faits, et à en faire un 
rapprochement qui prouve que les anciens et célèbres 
praticiens , dont une jeunesse présomptueuse et aveuglée 
essaye en vain de vouer les noms à la dérision et au 
mépris, avaient observé avec fruit et avec vérité. Ce 
témoignage , rendu par deux praticiens exercés à la mé- 
decine bippocratique , fixera l'attention des vrais mé- 
decins ; obtiendra leurs suffrages et méritera leur recon- 
naissance. 

Le dernier, application des vérités morales qui dé- 
coulent de Pobservation des phénomènes invariables de 
la plus haute, de la plus saine physiologie , est l'œuvre 
d'un médecin qu’une pratique longue et assidue n'a jamais 
détourné des méditations théoriques ; il sera une réponse 
victorieuse à ceux qui ont prétendu que l'étude de ja 
médecine conduisait au matérialisme ! Affont sanglant 
fait à un art dans lequel les hommes qui ÿ on! vraiment 
excellé, à commencer par Hippocrate , le premier de 


(32) 
tous (1), ont toujours professé la morale la plus pure 
et les sentiments religieux les plus profonds, parce qu'ils 
étaient les plus sincères ! 


= C’est maintenant l'instant de mentionner deux rap- 
ports que leur étendue, que les détails curieux dans 
lesquels sont entrés leurs auteurs rendent tout-à-fait re- 
marquables, et que le défaut de spécialité des ouvrages 
qui y ont donné lieu ne m'a pas permis de ranger dans les 
divisions précédentes : je veux parler du rapport que M. 
Dubuc vous a présenté sur le précis de l'Académie d'Or- 
léans , mais surtout de celui que M. A. Le Prevost vous a 
lu sur le recueil de l'Académie de Dijon. Les travaux tou- 
jours intéressants, toujours remplis d’à-propos, de cette 
Académie, l’une des plus anciennes, l’une des plus zélées 
dont s’honore la province, ont trouvé dans le rapporteur 
un homme capable de faire apprécier des œuvres si va- 
riées ; leur mérite est devenu évident à vos yeux par les 
fragments dont les rapporteurs vous ont donné lecture, 
et qui ont obtenu vos suffrages unanimes. 

* M. 4. Le Prevost, dans son rapport, n’a passé 
sous silence aucun des nombreux objets contenus dans 
le volumineux compte rendn de l'Académie de Dijon, 
Profitant d’une circonstance que lui présentait natu- 
rellement ce dont il avait à nous parler, ila exprimé, 
avec une énergie de conviction qu'il a su nous faire par- 
tager, le vœu que la province s’'émancipât, enfin, du 
joug que les corps savants de Paris lui ont imposé. 


= * Le temps vous a manqué pour entendre les 
rapports que MM. Blanche , Delaquérière, Pimont, Du- 
dreuil, Floquet, Vingtrinier , Destigny , Lévy, Morin, Le- 


(1) F. l'ouvrage intitule : Du Génie d'Hippocrate et de son 
influence sur l'art de guérir, pages 103, 152, 37, 64, etc. 


(33) 

prevost, vétérinaire, Girardin, Durouzeau, Pouchet, Ma- 
gnier, Houtou La Billardiére et Th. Licquet , doivent vous 
présenter sur les travaux de l’Académie de Besançon , sur 
ceux des Sociétés de Limoges, du département de l'Eure, 
de Tarn-et-Garonne, de Saint-Etienne, de Poitiers, de 
Saint-Quentin, d'Orléans, de la Loire-Inférieure , d'En- 
couragement pour l’industrie nationale , de Géographie , 
du département d’Indre-et-Loire, de Boulogne-sur- 
Mer, etc:, etc. 


— Plusieurs de ces mêmes membres sont chargés de 
rapports spéciaux sur un prospectus d’une école théori- 
que et pratique d’horlogerie établie depuis peu à Mâcon ; 
sur des expériences faites avec la semence de moutarde 
blanche, par MM. Henri fils et Garot : sur le Manuel de 
l’horloger et sur celui du Fabricant d’étoffes imprimées et de 
papiers peints , que nous devons à M. Lenormand ; sur le 
Résumé d'ictiologie de M. Ajasson de Grandsagne ; sur 
une thèse intitulée : Du tempérament de la femme, par M. 
Navet , docteur en médecine à Rouen ; sur un mémoire 
de M. Ch. Derosne , relatif à l'emploi du sang séché 
comme engrais; enfin , sur deux ouvrages de M. Moreau 
de Jonnès, membre de l’Institut, notre correspondant ; 
ouvrages dont le premier , relatif au choléra-morbus pes- 
tilentiel de Russie , rencontre dans les circonstances ac- 
tuelles une cause naturelle de la plus pressante attention ; 
le second, intitulé : Histoire physique des Antilles françaises, 
est rendu plus curieux pour nous par Essai sur les Volcans, 
de M. Girardin, inséré dans le Précis de l’année dernière. 

Ces nombreux et importants matériaux , que nous pou- 
vons compter parmi les richesses acquises en 1851, 
garantissent l'intérêt de vos premières séances de 1832. 


= Vous avez aussi déposé honorablement dans vos 
archives plusieurs ouvrages et brochures périodiques, 
notamment les numéros du Journal de l’Académie de 


5 


(34) 

l'Industrie , fondé par M. César Moreau, votre correspon- 
dant ; la Liste générale des médecins, chirurgiens , 
pharmaciens, etc., du département de la Seine-Inférieure, 
que M. le Préfet vous a adressée : la sixième livraison du 
premier volume des Annales de la Sucièté académique 
de Nantes, les recherches de MM. Plisson et Henry 
fils, sur les substances organiques azotées , diles neutres ; 
la nouvelle édition de l'ouvrage sur le Traitement des 
scrophules, par M. Chaponnier ; les programmes des 
prix proposés par l'académie de Bordeaux, par la Société 
industrielle de Mulhausen, etc., etc. 


Jusques ici, Messieurs , je ne vous ai entretenus que 
du tribut payé par des membres résidants ou correspon- 
dants, ou par d’autres savants étrangers à la Compagnie ; 
il me reste à mentionner deux objets qui appartiennent 
à l’Académie tout entière, et font également honneur 
à son amour pour la science et à ses efforts pour la ré- 
pandre : je veux parler , Messieurs , du plan d’une statis- 
tique générale du département de la Seine- Inférieure ; de 
l'impression que vous avez votée et de la publication que 
vous allez faire très incessamment de l’ouvrage sur la Géo- 
logie de la Seine-Inférieure , par M. A. Passy, votre corres- 
pondant, et aujourd'hui préfet du département de l'Eure. 


— Une commission nombreuse s’est occupée pendant 
plusieurs mois de poser les bases d’un traité complet 
sur la statistique de la Seine-Inférieure ; elle a, dans des 
conférences multipliées, arrêté ce plan, qui renferme 
des détails immenses. M. Ballin, chargé de vous en pré- 
senter le résultat, a remis sous vos yeux la lettre remar- 
quable et la fin du discours d'installation de M. le comte 
de Murat (x), alors votre président, qui provoquait ces 


(1) Nous transerivons ici le passage du discours prononcé le #4 dé- 
cembre 1829, et cité par M. Ballin : 


(35) 
recherches importantes que l'Académie méditait aussi 
de son côté (1). El a exposé avec clarté les motifs qui 
avaient déterminé la commission à proposer, non-seu- 


« Tout se lie dans l’ordre social , et les arts de l'esprit ne sont sans 
influence ni sur la paix publique, ni sur la prospérité des empires, car 
lèur action sur les mœurs peut donner de sages et d’utiles impulsions, 
surtout à une époque signalée par l'expansion des lumières, par cette 
marche constamment et rapidement ascendante dont s'étonne l'esprit 
humain, et qui a porté les sciences, les lettres et les arts au point 
où nous les voyons aujourd'hui. Vous-mèmes, Messieurs, avez marché 
avec distinction dans cette brillante carrière , et, guidés par un patrio— 
tisme éclairé, vous vous êtes presqu'exclusivement occupés des spécia- 
lités locales. Tout ce qui peut se rattacher à la gloire ou à l’intérét de 
la terre est devenu l'objet de vos soins, de vos études ; et vous vous êtes 
livrés , avec un égal empressement et avec un égal succès , aux recherches 
scientifiques , littéraires, historiques, monumentales , agricoles et indus- 
trielles. Cette belle Normandie, riche, féconde et célèbre à tant de 
titres, méritait bien, en effet, une telle prédilection, et j'oserais at— 
tendre encore une heureuse application du système que semble avoir 
adopté l’Académie, si elle jugeait convenable de s'occuper , dans le dé- 
partement de la Seine-Inférieure , d’une statistique élevéë et complète, 
dont ceux de la Seine et des Bouches-du-Rhône ont offert les premiers 
modèles. Un tel ouvrage serait d’un haut intérèt , et je serais heureux d'y 


concourir par la-communication de tous les documents à ma dispo- 
sion, » 


QG) M. T. Licquet nous lut, en cffet, dans la séance du 22 janvier 
1830, où La lettre de M. de Murat fut remise à l'Académie, un travail 
qui lui était personnel , et qui avait pour but d'engager l'Académie à 
prendre l'initiative et à s'occuper spontanément de ce plan. Voici un 
fragment de ce mémoire, cité par le rapporteur : 

« À quelle illustration prétendront désormais les Académies si elles 
demeurent stationnaires, quand tout s’agite sous leurs yeux, si elles 
restent en arrière du grand mouvement qu’elles ont imprimé ? Il ne tient 
qu'à vous, Messieurs , d'échapper à cet état de dégénérescence qui me— 
nace, je crois, toutes les sociétés savantes, et je viens vous en pro- 
poser ou plutôt vous en rappeler les moyens. 

« Plus d'une fois les chefs de notre administration départementale 
ont émis le vœu que des hommes offrant la réunion des connaissances 
nécessaires , se rapprochassent dans le but de composer une statistique 
générale du pays. Vœu stérile jusqu'à ce moment , peut-être parce qu'il 


(36 ) 
lement les grandes divisions de l'ouvrage, mais encore 
les chapitres qui en sont le développement. Des tableaux 
séparés vous ont offert chacune de ces grandes divisions 
avec leurs subdivisions en titres et en chapitres (1). Vous 


n'y eut point d'appel direct. Aujourd'hui, Messieurs, cet appel est 
fait, et c'est à vous qu’il s'adresse. 

& M. le président nous a dit, si je me rappelle bien ses expressions , 
qu’il favoriserait de tout son pouvoir la publication du grand travail 
dont il s’agit. Emparons-nous , Messieurs, de cette déclaration posi— 
tive; n’abandonnons pas à d’autres l’importante et honorable mission 
qui nous est offerte; élevons à la gloire de l'Académie ce monument 
d'utilité générale ; qu'il ne soit pas dit que le premier corps savant du 
pays ait refusé son intervention dans l'accmplissement d’une idée géné- 
reuse, libérale, dans la réalisation d'un bienfait immense et tout pa- 
triotique. 

« Confer au pinceau le soin de retracer l'image d’un grand homme, 
dresser des statues au génie, il n'y a rien là, sans doute, que de juste et 
de méritoire; mais, sans doute aussi, Messieurs , il n’y a rien là que 
d’assez facile, et que tout le monde ne puisse entreprendre. Un senti- 
ment d’adiniration légitime suffit à provoquer la pensée; un seul artiste 
peut être chargé du travail; un peu d’or vient à bout du reste, Tel n’est 
pas l’état des choses pour la création d'une statistique générale, Il faut 
des géologues pour présenter le sol tel que l'a fait la nature, des hommes 
versés dans les sciences exactes pour calculer les hauteurs et mesurer les 
surfaces, des médecins pour faire connaître la constitution médicale du 
climat , des historiens pour les faits et les mœurs, la géographie ancienne 
et moderne, la chronulogie, dont les derniers écrivains sont parvenus à 
faire un cahos; des antiquaires pour décrire les monuments, des artistes 
pour les dessiner; des philologues pour remonter à la source du vieux 
langage et le comparer au langage de nos jours; des jurisconsultes pour 
expliquer la législation primitive du pays et en dévoiler l’origine; des 
naturalistes pour explorer les trois règnes ; il faut, enfin, la réunion 
de toutes les sciences, le tribut de tous les talents. 

« Aussi, Messieurs, si vous adoptiez le principe de cette proposition, 
je demanderais que personne de nous ne füt exempt de travail. Ce n'est 
pas l’œuvre d’une commission que je provoque, c’est à la coopération 
franche et complète de l'Académie tout entière que j'en appelle, et nos 
confrères correspondants pourraient aussi faire partie des commissions 


di erses. » 


(1) Ces divisions forment déjà 14 livres, 45 titres et près de 140 chap. 
} , P ( [ 


C3) 

avez favorablement accueilli ce rapport, qui a fait naître 
dans votre sein de nouvelles recherches sur le même 
sujet. Plusieurs membres, embrassant le projet dans son 
ensemble, vous ont communiqué d'importantes modi— 
fications à y faire. Parmi ces membres, je dois surtout 
citer M. Le Prevost, docteur-médecin , qui vous a prouvé 
qu'il avait fait une étude approfondie de cette grave 
matière. De nombreuses séances ont été presque exclusi- 
vement consacrées à la discussion de ce plan: il est 
adopté aujourd’hui. Ainsi donc, avant de vous séparer, 
vous pourrez transmettre à l'administration départemen- 
tale le travail qu’elle a demandé, qu’elle attend avec 
impatience et avec confiance , ainsi que vous l’a témoigné 
M. le préfet lui-même, dans une de vos séances. Il 
pourra bientôt se convaincre, en le recevant, que vous 
avez fait tout ce qui dépendait de vous pour bien vous 
acquitter de votre mission, 


= Enfin, Messieurs, grâce à votre zèle et à vos sacri- 
fices (1), grâce au désintéressement de l’auteur, qui a 
voulu s'associer à vous, en abandonnant, pour cet objet, 
la plus grande part des 1500 francs qui étaient la valeur 
du prix que vous lui aviez décerné ; grâce, enfin, à la 
bienveillance du conseil général du département, qui a 
payé aussi son tribut à cette entreprise scientifique , 
vous allez incessamment livrer au public l'ouvrage sur la 
géologie de la Seine-Inférieure de M. A. Passy, couronné 
en 1829. Cette publication, d'une exécution typogra- 
phique remarquable, va hâter encore les progrès d’une 
science qui marche déjà à pas de géant. Une belle carte 
géologique du département , gravée par A. Tardieu, sur 


(1) L'Académie à fait un emprunt à la caisse dite de cotisation, qui 
est entretenue exclusivement par la contribution annuelle des membres, 


pour pouvoir suffire à cette dépense considérable. 


( 38 ) 

une grande échelle, de nombreuses hithographies repré- 
sentant des coupes de terreins et les falaises du littoral 
de la Seine-Inférieure, complèteront ce monument 
nouveau des efforts constants de l'Académie pour faci- 
liter l'étude des sciences à ses concitoyens, qui se diront 
sans doute , eh cette circonstance , que si les événemens 
politiques vous ont dépouillé de la propriété de tant 
d'établissements d'utilité publique érigés à grands frais 
et de vos propres deniers, ils n’ont pu vous ôter, du 
moins, ce dévoûment à la science et cet empressement à 
rechercher les moyens de la mettre à la portée de tous, 
dont vous avez hérité de vos devanciers. 


Telle est, Messieurs , l'analyse succincte, ou, pour 
mieux dire, tel est le résumé rapide de ce que vous 
doit la science cette année. Il m'a fallu résister souvent 
au plaisir de m’étendre autant que je l'aurais désiré ; 
mais J'ai été forcé de céder à la nécessité de ménager vos 
instants et votre attention , et j'ai dû sacrifier plus d’une 
fois le désir d’être tout-à-fait complet au besoin plus 
impérieux encore d’être court. 

En jetant les yeux sur ce que vous avez fait, dans un 
de ces moments où les intérêts particuliers, mis en émoi 
par les intérêts généraux, enlèvent à ceux qui cultivent 
les sciences tant d'heures irréparables, vous avez lieu 
d’être satisfaits. Un autre dira les encouragements glo- 
rieux que vous avez donnés aux beaux arts; j'ai exposé 
ceux que vous avez offerts aux sciences. Cet ensemble 
d'efforts, ces travaux estimables qu’on peut nier malgré 
leur évidence, déprécier malgré leur utilité, rabaisser 
malgré leur but honorable, mais que l’on ne peut heu- 
reusement détruire , vous auraient mérité, dans tous les 
temps , le respect et la reconnaissance de vos concitoyens 
et de tous les gens instruits, ils seront plus que suffisants 
aujourd’hui pour vous les conserver ! 


(39) 


PAM AAA AA 


Prix PROPOSÉ pour 1832. 


. L'Académie propose , pour sujet du Prix qui sera dé- 
cerné dans la Séance publique de 1832, la question 
suivante : 


« Exposer l'Histoire naturelle du Puceron lanigère. » 


« Les concurrents devront rechercher quelle est son 
origine ; décrire ses habitudes , ses moyens de conserva- 
tion et de reproduction; dire l’époque où les jeunes 
pucerons naissent ou éclosent ; quelle est la durée de 
leur vie. Les mâles sont-ils seuls pourvus d’ailes ? Est-il 
constant que le puceron lanigère s'enfonce dans la terre 
pendant l'hiver? Vit-il sur les racines de la même ma- 
nière que sur les branches? À quelle cause peut-on at- 
tribuer sa disparition subite de quelques arbres ? A-tl 
des ennemis qui puissent le détruire ou le faire fuir des 
contrées où il se trouve ? Comment se transporte-t-il 
d’un pays dans un autre ? Le trouve-t-on sur d’autres 
arbres ou arbustes que le pommier ? Combien , enfin, 
y a-t-il d'années qu'il a commencé à se montrer en Nor- 
mandie ? » 


Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 300 
francs. 


Chacun des auteurs mettra en tête de son ouvrage 
une devise, qui sera répétée sur un billet cacheté dans 
lequel il indiquera son nom et sa demeure. Le billet ne 
sera ouvert que dans le cas où l’ouvrage aurait obtenu 
le prix. 


« 


( 40 ) 
Les Académiciens résidants sont seuls exclus du 
concours. 


Les ouvrages des concurrents devront être adressés , 
francs de port, à M. pes ALLEURS fs, D.-M., Secrétaire 
perpétuel de l’Académie pour la classe des Sciences , rue de 
Ecureuil, n° 19, avant le 1t° juin 1832. Ce terme est 
de rigueur. 


(41) 


RAA AAA AAA AA AAA AAA AAA MAN AAA AAA AU AA AE 


MÉMOIRES 


DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN 


ENTIER DANS SES ACTES. 
—> 2h DD GE de e— 


NOTICE 
SUR UNE CENDRILLE RICHE EN SALIN, 


Provenant d'un hêtre (fagus sylvaticus) excru sur un sol 


ocreux et graveleux ; 
Lue à l'Académie, le 18 février 1831, 


Par M. Dueuc. 


Messieurs , 


C'est à l'honorable M. Adam , notre confrère , que je 
dois aujourd’hui l’occasion d'offrir à l’Académie la notice 
alkalimétrique suivante. En voici le sujet : 

M. Adam s'étant aperçu que des cendres provenant 
de son foyer s’aggloméraient, par leflet de la chaleur, 
en formant une espèce de scorie brune violacée , m’in- 
vita à en faire l'analyse. M. Adam m’assura qu'elles pro- 
venaient d’un hêtre excru dans le Roumois , sur un sol 
ocreux, rougeâtre et graveleux, circonstances qui contri- 
buaient probablement pour quelque chose dans la pro- 
duction de cette cendre , qui n'a aucun rapport physique 
avec celle que donne le hêtre ordinaire. 

6 


(42) 

J'en expose un échantillon à vos regards. 

Cette singulière anomalie dans des cendres produites 
par la combustion rapide d'un bois d'arbres congénères, 
s’observe parfois par les fabricants de potasse ; mais les 
causes en sont encore assez obscurés pour mériter l’atten- 
tion des chimistes et de ceux qui s'occupent de la physio- 
logie végétale , etc. Ces motifs m'ont déterminé à me ren- 
dre à l'invitation de M. Adam. J’ai donc fait l'analyse 
des cendrilles en question. 

Je vais décrire succinctement les procédés que j'ai 
cru devoir employer pour atteindre ce but, c’est-à-dire 
pour constater la quantité de salin que recèle cette cen- 


drille, la cause de son agglomération et celle de sa colo- 


ration. 

Quatre onces de ces cendres ont été lessivées avec une 
suffisante quantité d’eau, pour les dessaler complètement. 
La lessive fut ensuite évaporée jusqu’à siccité complète , 
et donna près de huit gros de salin un peu jaunâtre, 
mais très détersif. 

J'en expose aussi à vos regards. 

Ce salin, examiné chimiquement, donna plus des 
trois quarts de son poids de bonne potasse. Ces expé- 
riences me firent voir aussi que la couleur jaunâtre de 
ce même salin lui était communiquée par une faible 
quantité de fer en état d'oxide, qu'il retient opiniâtre- 
ment, J'ignore par quelle cause ce métal se trouve 
aiosi allié à l’alcali; mais le fait est constant et mérite 
d’être noté, surtout à l'égard de l'usage de cet alcali fer- 
rugineux dans les buanderies , etc. 

Ici, je crois devoir faire observer que certaines potasses 
dun commerce sont parfois colorées par le manganèse ; 
mais ce métal ne colore pas les tissus blancs, comme 
cela peut avoir lieu avec un salin ferrugineux, surtout si 
l’on emploie la lessive très-chaude. 

J'ai aussi analysé la charrée où le résidu provenant 


(43 ) 
de lexpérience précédente ; il pesait trois onces, étant 
bien desséché. Ainsi la cendre, telle qu’elle sort de 
l’âtre, donne le quart au moins (1) de son poids de 
salin de bonne qualité , comme matière détersive ; mais, 
ainsi que je viens de l’observer, cet alcali est légèrement 
ferruyineux. 


Analyse de la Charree. 


L’acide sulfurique aqueux , un peu en excès, en dissout 
avec effervescence tout le calcaire et le fer qu’elle con- 
tient; pendant l’opération, il y a dégagement d’acide 
carbonique et de gaz hydrogène sulfuré (acide hydrosul- 
furique ). 

J'ai séparé la chaux et le fer de cette dissolution par 
les moyens connus, moyens assez nombreux, mais que 
je crois inutile de rapporter ici pour ne pas donner trop 
d’étendue à cette notice. J’ai aussi reconnu, dans cette 
même dissolution, une faible quantité d’alumine , mais 
point de magnésie. 

Cette même charrée fut également soumise à l’action 
de lPacide hydrochlorique étendu d’eau. Ce réactif en 
sépara la chaux et l’oxide de fer, avec une forte effer- 
vescence et dégagement d'acide carbonique et de gaz hy- 
drogène très inflammable. 

Des expériences faites avec soin sur les dissolutions 
précédentes m'ont prouvé, par leurs résultats, que 
cette charrée renfermait près de la moitié de son poids 
de carbonate de chaux, et environ quatre décigrammes 
(huit grains ) d’oxide de fer. 

Le résidu , insoluble dans l'acide muriatique, n'était 


1) Je dis au moins, parce que la charrée, malgré le soin qu'on prend 
1 q , 5 

pour la laver, retient toujours une faible portion d’alcali dans l’eau qui 

s’y trouve interposée pendant son lavage. 


(44) 


qu'un mélange de sable siliceux et d'alumine. Je lui 
enlevai cette dernière au moyen de l’acide sulfurique 
aqueux, et l'en précipitai par l’'ammoniaque. Le poids 
en était d'environ dix grains. La silice, ou mieux le 
sable blanc siliceux, resté à nu et privé d'humidité par 
une légère calcination, pesait près de quinze décigrammes 
ou trente grains; et, comme j'avais opéré sur cent parties 
en poids de cette charrée, il en résulte, très approximati- 
vement, que cent grains de cette matière, privée de son 
salin, sont composés , savoir : 


De carbonate de chaux ... : . ... Bo grains. 
Sable siliceux très blanc . . . . . ... 30 
PUTNETEES LED . ue à ee tes ce LA 

Fer c@iéocreux 2.2. 7 24/4, . 


Point de magnésie. 


Total... 100. 


Chacune de ces matières se trouve dans un état de 
ténuité extrême, circonstance qui explique pourquoi la 
charrée ordinaire des buanderies est si fort recherchée 
pour l'amendement de certains sols ; d’où il suit que les 
quatre éléments du règne minéral, réunis, on ne sait 
comment (j'en demande pardon aux chimistes et aux na- 
turalistes }, avec le carbone, l'hydrogène , l’oxigène , et 
parfois l’azote , forment le corps ligneux dont est pro- 
venue la cendrille qui m'a été fournie par M, Adam. 
Car, ici, il faut bien noter que l’alcali que donne cette 
cendre n'existe pas tout formé dans les bois de hautes 
futaies, mais qu'il est le résultat d’une combinaison 
dont la cause est encore inconnue, et qui a lieu durant 
la combustion du végétal (x). 


(1) L’azote, jusqu’à ces derniers temps, ne jouait, disait-on, qu’un 
rôle peu signifiant dans Ja végétation, et on ne le trouvait guère que dans 


(45) 

Il résulte encore de cette analyse que le hêtre excru sur 
un sol ocreux, graveleux et bien orienté, est plus riche 
en alcali que le même arbre cultivé dans des terreins ar- 
gileux, glaiseux et humides; car la cendre provenant de 
ce dernier bois contient un quart moins de salin que la 
- première , l’une et l’autre prises à poids égal : circon- 
stance à noter pour les fabricants de salin, de potasse, 
et même pour les ménagères qui font usage des cendres 
sortant de l’âtre pour faire la lessive. 

Tout porte à croire également que la forte chaleur que 
produit le bois de hêtre excru sur des sols ocreux, et la 
coloration de la cendrille produite par sa combustion, 
sont dues à la silice et à l’oxide de fer que cette espèce 
de bois renferme naturellement. 

En définitif, cette cendre ou cendrille , quoique riche 
en salin, pourrait avoir quelque danger par son emploi 
dans les buanderies, et tacher certains tissus fins, par 
l’oxide de fer qu’elle recèle ; mais l’aleali qui en provient 
peut servir dans une foule d'occasions où cet oxide est 
sans influence , telle que la fabrication du savon mou, 
celle du salpêtre , le lavage du gros linge, etc. 

Messieurs, l'analyse de cette espèce de cendre et les 
remarques qui en sont comme le corollaire, ne sont pas 
dénuées, nous le croyons du moins, de quelqu'intérèt, 
surtout pour ceux qui s'occupent de la physiologie végé- 
tale, des plantations, de la fabrication de la potasse en 
grand , etc. Je remercie donc M. Adam de m'avoir 
procuré l’occasion d'offrir à l’Académie un travail sur 
un sujet encore peu exploré, et dont l’ensemble peut 
être utile aux arts, à l’industrie et dans les buanderies. 


les plantes dites crucifères et dans la famille des nicotianes; mais des 
recherches nouvelles font présumer qu’il en est autrement, et qu'il forme 
la base des alcalis végétaux, des alcaloïdes, etc. 


(46) 


AAA OA AAA AAA AA AAA A AAA 


NOTICE 


AAA AA AAA AAA AAA AAA A AAA 


SUR LA GARANCE ( AUBIA TINCTORUM, L.), 
Avec des moyens simples d'en reconnaître la falsification ; 
Lue à l'Académie, le 24 décembre 1830, 

Par M. Dusuc. 


MEssiEuRrs , 


Si l'ingrédient qui fait l’objet de cette notice s'em- 
ployait entier, c’est-à-dire sans être moulu, dans les 
ateliers de teinturerie, la falsification en deviendrait pres- 
qu'impossible , vu que la garance en racine offre un 
aspect physique particulier et un goût douceâtre sucré 
que n’ont aucunes autres matières végétales teinturien- 
nes: mais il en est autrement; la garance ou alisary se 
vend dans le commerce à l’état pulvérulent et renfermée 
en fortes masses dans des tonneaux où elle s’échauffe et 
prend une couleur brunâtre, analogue à celle de l'écorce 
qui sert à la sophistiquer. Cette écorce vient de Barbarie 
par la voie de Marseille. On lui donne le nom de pin ou 
de fausse garance, et l’on prétend qu'elle est produite par 
un arbre de la famille des conifères, d’autres disent par 
un chêne rouge non décrit par Michaux et encore inconnu 
en France. J’expose de cette écorce à vos regards. On se 
sert encore de l’ocre rouge ou de terres bolaires pour la 
falsification de l’alisary. 

Voici des moyens simples que nous avons toujours em- 
ployés avec succès, dans notre longue pratique , pour dé- 
couvrir la falsification de la garance moulue, ou alisary, 
par les ingrédients que nous venons de citer (x). 


(1) La garance en poudre est connue dans le commerce et par les 
teinturiers sous le nom d’alisary ou Lisary, 


C47) 
Procedé pour y découvrir l’ocre el autres matières terreuses. 


On met dans un grand verre conique environ deux 
onces d’alisary soupçonné ; on y ajoute assez d’eau pour 
bien délayer le tout ensemble; ensuite on agite fortement 
le vase pendant une minute, puis on laisse déposer un 
moment, et l’on décante le fluide et la racine qui le 
surnage, On répète une seconde fois l'opération. 

Si la garance moulue contient de locre ou de la 
terre , ces matières , vu leur pesanteur spécifique et leur 
insolubilité dans l’eau, se précipitent au fond du verre, 
et, en les faisant sécher, on peut apprécier, à la balance, 
dans quelles proportions elles se trouvent additionnées à 
la matière tinctoriale. 

Ainsi, au moyen d’un procédé presque mécanique, 
le commerçant et le téinturier peuvent s'assurer de la 
pureté de l’alisary, ou savoir s’il n’est pas mêlé de terre, 
avant d’en faire la vente ou la mise en œuvre. 


Procedés pour découvrir l'écorce dite de pin, ou fausse ga- 
rance, dans l’alisary tinctorial. 


D'abord, pour mieux comprendre l'effet des réactifs 
chimiques sur l'écorce de pin, il faut savoir que la vraie 
garance est une racine résineuse , et qu’elle ne contient 
ni acide gallique ni tanin appréciables, tandis, au con- 
traire, que l'écorce en question recèle abondamment ces 
deux matières (1). C’est d’après ces notions que nous 
avons dû employer l’acétate de fer et l’alcool, pour recon- 
naître la fausse garance dans l’alisary. 


Premier procédé. 


On verse sur environ deux onces de garance moulue 
ou d’alisary du commerce , deux verrées d’eau bouillante ; 


(1) On peut faire une bonne encre à écrire avec l'écorce de pin, vu 
qu'elle est riche en acide gallique et en tanin, bases de ce fluide; mais 


(48) 

on agite bien ce mélange à plusieurs reprises ; après vingt 
ou trente minutes, on coule cette infusion à travers un 
linge serré, et on la met dans deux verres. On ajoute 
dans l’un environ un gros d’acétate de fer neutre, et 
dans l’autre une cuillerée de solution aqueuse de belle 
colle forte. Dans le premier cas, et si l’alisary est mêlé 
de fausse garance , le liquide prendra sur le champ une 
couleur noire d'encre ; dans le second , ce même fluide 
deviendra lactescent, et en vingt-quatre heures on verra 
au fond du vase un dépôt d’un blanc grisätre : c'est du 
tannate de gélatine; tandis que ces effets n'auraient pas 
lieu si l’alisary était pur. 


Deuxième procédé par l'alcool. 


1° On met quatre gros de garance pure à infuser dans 
deux onces d’esprit de vin à trente-six degrés ; on agite 
plusieurs fois le mélange ; k 

2° On fait une autre teinture, en prenant également 
quatre gros d’écorce de pin ou fausse garance et deux 
onces d’alcool. En vingt-quatre heures, on retire de ces 
deux ingrédients une belle teinture rouge. 


Épreuves et résultats servant à constater la différence chimique 
qui existe entre les deux ingrédients traités par l'alcool. 


Si l’on mêle une cuillerée de la première teinture dans 
une demi -verrée d’eau , sur le champ le mélange devien- 
dra trouble et lactescent. Cet effet a lieu par la séparation 
de la résine de garance. L’acétate de fer ou le vitriol 
vert (x) ne trouble pas cette teinture. - 


on la rend plus belle et plus noire que l’encre ordinaire en y ajoutant um 
peu de noix de galle de Smyrne. 

Gi) I y a plus de trente ans que je préfère l'acétate de fer au vitriol 
vert (proto-sulfate de fer), comme réactif plus sûr que ce dernier pour dé- 
couvrir les matières astringentes dans les teintures et infusions végétales. 


(49) 

Si on soumet la teinture de fausse garance aux mêmes 
réactifs, on a des résultats tout différents : d'abord elle 
n'est pas troublée par son mélange avec l’eau; les sels 
ferrugineux la font virer au noir; enfin cet alcoolat diffère 
encore du premier en ce qu'il est amer et styptique au 
goût. 

© Ainsi, en résumant les résultats des essais précédents, 
on voit que l'esprit de vin, alcool, peut servir de réactif, 
comme les sels ferrugineux, pour découvrir la présence 
de l'écorce de pin dans l’alisary tinctorial, puisque la tein- 
ture de cette écorce wire au noir en l’additionnant seule- 
ment de quelques gouttes d’acétate de fer, effet qui n’a 
pas lieu en faisant subir la même épreuve à la teinture 
de l’alisary non frelaté de matières astringentes végétales. 

On pourrait encore proposer d’autres moyens que 
ceux que nous avons indiqués pour reconnaître la pureté 
de la garance moulue, mais sans multiplier les réactifs. 
Tout le monde peut atteindre ce but avec l’acétate de 
fer, l'alcool, l’eau et le goût. 

Je termine par dire particulièrement un mot sur 
l'écorce exotique qui sert à sophistiquer la garance 
moulue. î 

Tout porte à croire que cette écorce épaisse, rouge 
intérieurement, rugueuse à l’extérieur et d’un goût très 
styptique, appartient à une espèce de chêne inconnu 
dans l’Europe, et non à un arbre résineux de la famille 
des pins ou sapins ; car on ne connaît aucune écorce des 
conifères dont les propriétés soient astringentes et riches 
en tanin et en acide gallique comme celle dite de Barba- 
rie , dont on se sert pour falsifier la garance moulue. 

Enfin j'ai cru, dans un temps où la garance est rare, 
d’un prix très élevé, et par ce motif sujette à être falsi- 
fiée, que cet ouvrage pratique pourrait être de quelqu'uti- 
lité au commerce et à l'industrie. Ces motifs m'ont 
déterminé à le présenter à l’Académie. 


«3 


AAA AAA AAA A AAA 


AAA AAA AAA AA 


NOTE 


SUR LA COMPOSITION DE L’ALLIAGE QUI FORME 
LA CLOCHE D'ARGENT , 


Renfermée dans le Beffroy de Rouen; 
Lue à l'Académie, le 7 juillet 1331, 


Par J. GirARDIN, Professeur de chimie, etc. 


MESStEURS , 


Tout ce qui se rattache d’une manière plus ou moins 
directe aux antiquités de notre ville, excite votre atten- 
tion à un haut degré. Vous accueillerez donc, je pense, 
avec quelque intérêt , la note que je vais avoir l'honneur 
de vous lire sur la composition chimique du métal de 
la cloche du Beffroy de Rouen. 

Cette cloche, sur l'ancienneté de laquelle les historiens 
n'ont que de vagues données, est connue sous le nom 
vulgaire de cloche d'argent , et pas un bourgeois de notre 
ville ne met en doute qu'elle ne renferme une grande 
quantité d'argent , comme semble l'indiquer cette déno- 
mination. Dans le mois d'avril 1830, M. le maire 
m'invita à faire l'analyse du métal qui la compose, ce 
fonctionnaire désirant savoir si le son particulier qu'elle 
répand lorsqu'elle est mise en branle était une consé- 
quence de sa constitution chimique. J'acceptai la propo- 
sition de l'autorité municipale avec d'autant plus de 
plaisir, que , depuis long-temps, je cherchais l’occasion 


Frecis A nalge 4851, 72 194 


?L17 


77 ce e h 


) 
CC. 


(51) 

de m'assurer si, comme on le pense généralement , les 
cloches anciennes renferment des métaux précieux, 
métaux qui auraient été ajoutés par les fondeurs , dans 
l'intention d'embellir leur son. M. Deleau, architecte 
ordinaire de la ville, eut la complaisance de me conduire 
au Beffroy de la Grosse-Horloge, et de mettre à ma 
disposition plusieurs grammes du métal qu’il fit enlever 
aux parois de ce grand corps sonore. Je fus accompagné . 
dans cette visite au Beffroy, par nos honorables confrères 
MM. Licquet, Auguste Le Prevost et Ballin. Ce dernier 
académicien vous a rendu compte, dans la séance du 23 
avril 1830 , des résultats de cette exploration archéo- 
logique , qui lui a fourni l’occasion de relever, avec 
exactitude , l'inscription du bas de l'escalier de ce Beffroy, 
que les historiens de la ville de Rouen n’ont rapportée 
qu'imparfaitement, et celle de la cloche d'argent qui 
paraît n'avoir été citée par aucun d'eux. 

D'après l'inscription qui se voit sur le listel de cette 
cloche, il est bien évident aujourd’hui que celle-ci 
n'est pas la même que la cloche nommée Rembol, dont 
Charles vi gratifia deux de ses pannetiers, pour punir 
les Rouennais d’une insurrection qui éclata en 1390.1l en 
résulte que toutes les hypothèses qu’on a successivement 
émises sur l’origine du nom de cloche d'argent, hypothèses 
faites dans l'opinion que notre cloche actuelle est le 
Rembol de cette époque, sont sans aucun fondement (1). 

Quoi qu'il en soit, voici les dimensions de cette cloche, 
Je dois ces renseignements, ainsi que la figure que j'ai 
l'honneur de mettre sous vos yeux (p1. 1), à l’obligeance 
de M. Deleau. 

Elle a trois pieds trois pouces de hauteur à partir de 
l'ouverture inférieure jusqu'à la naissance des anses qui 


(1) Foir, au Rapport général, l'inscription de M. Ballin. 


(5) 
surmontent le cerveau où partie supérieure. Sa plus grande 
largeur est de quatre pieds. Le cerveau a un diamètre 
intérieur de deux pieds quatre pouces six lignes. Les pa- 
rois, dont l'épaisseur est de trois pouces trois lignes à 
l'ouverture intérieure , région où frappe le battant, n’ont 
plus qu'un pouce une ligne au cerveau. Son battant a 
deux pieds onze pouces de longueur ; il est en fer, et sus- 
pendu à une forte lanière en cuir. 
= La portion du métal qui a été enlevée à cette cloche 
à l’aide de la lime , présente tous les caractères extérieurs 
de la limaille de bronze. Sa composition chimique dif- 
fère très peu de celle du métal des cloches modernes. En 
eflet, à l’aide des procédés analytiques très simples et 
babituellement usités dans de pareils cas, ce qui me 
dispense d entrer dans aucun détail à cet égard, je n’ai 
reconnu dans cet alliage. que du cuivre , de l’étain, dans 
des proportions très rapprochées de celles du métal des 
cloches actuelles, plus un peu de zinc et de fer. Voici, au 
reste, les résultats numériques de mon analyse. 
: Sur cent parties en poids, le métal de la cloche d'ar- 
gent se compose de 


:Goivre.# 27 cell 


RAS LU SUILE-E 

sous dtaims-nag 2 louud2l a6 

” Zinc s ates4b us gi 1,80 
Fer sde a is ue 1,20 
4 100, 


Les cloches françaises, modernes sont généralement 
formées d'un alliage composé de 


(ER TAPER 0 78 
Étain 22 


Parfois on y trouve des métaux étrangers , tels que fer, 
zinc, plomb , etc., en quantités variables. Ces métaux 
n'ont d'autre ‘objet reconnu que celui de diminuer le 


(53) 
prix de l’alliage, c'est-à-dire d'augmenter les bénéfices 
des fondeurs, 

On voit, par cette comparaison, qu'il n’y a pas une 
très grande différence , sous le rapport de la nature chi- 
mique, entre la cloche du Beffroy de Rouen et les cloches 
modernes. Le fer et le zinc que j'ai trouvés dans la 
première sont en si faible proportion, qu'on doit les 
considérer comme accidentels à sa composition. Ils pro- 

‘viennent, sans aucun doute, du cuivre dont le fondeur 
a fait usage ; car le cuivre du commerce est rarement 
exempt de ces deux métaux. On ne peut supposer que le 
zinc ait été ajouté à dessein, puisque ce métal a été 
indiqué pour la première fois par Paracelse, qui mourut 
en 1541, et que la cloche du Beffroy paraît être bien 
antérieure à cette époque. D'ailleurs, ce n’est guère que 
depuis un siècle que le zinc est devenu très commun et 
qu'on a commencé à l’employer dans les arts. D'un autre 
côté, l’on sait que le cuivre gris, une des espèces miné- 
ralogiques du cuivre les plus abondamment répandues ét 
exploitées , est toujours accompagné de sulfure de zinc, 
et que presque toutes les autres espèces de la même fa- 
mille sont mélangées de sulfure de fer, notamment le 
cuivre pyriteux , qui est une combinaison, à proportions 
égales, de sülfure de cuivre et de sulfure de fer. Il n’est 
donc pas étonnant que le cuivre du commerce renferme 
ordinairement de petites quantités de ces deux métaux 
étrangers, et que, par suite, on en trouve dans les objets 
fabriqués avec le premier. 

La cloche du Beffroy, d’après mon analyse , ne con- 
tient donc pas un seul atome d'argent, et il est très 
vraisemblable que les autres cloches coulées à cette épo- 
que et antérieurement n'en renferment pas davantage. 
Cependant , ilest bien constant que, lors de la fonte de 
ces corps sonores , on introduisait une assez grande quan- 
tité de ce métal précieux dans le bain, dans l'intention 


(54) 
de leur communiquer un son clair et pur, et cette 
croyance , sur lutilité de l’argent dans cette circonstance , 
s’est perpétuée jusqu'à nos jours, car elle fait encore 
partie de ces nombreux préjugés qui circulent dans tous 
les rangs de la société. 

Comment se fait-il donc que l'analyse chimique 
ne nous démontre pas plus de traces d'argent dans les 
cloches anciennes, où l’on en ajoutait, que dans les 
cloches modernes où l’on n’en met pas? La cause de 
cette singularité doit exciter vivement votre curiosité , 
Messieurs ; l'explication que je vais en donner , d’après 
l'autorité d'un chimiste connu, va la satisfaire complète- 
ment, tout en faisant naître votre admiration.pour l’a- 
dresse merveilleuse des fondeurs de cette époque. 

Vous connaissez tous, Messieurs, l’ancien usage de 
bénir les cloches et de leur donner un parrain. Alors, 
comme aujourd'hui, les personnes de haut rang ou dis- 
tinguées par leur piété, recherchaient avec empressement 
l'honneur de tenir les cloches sur les fonts baptismaux ; 
mais, non contentes de cette distinction, elles voulaient 
donner des marques de leur générosité ou de leur dévo- 
tion, en offrant à la paroisse la quantité d'argent néces- 
saire à embellir, comme on le croyait et comme le fai- 
saient entendre les fondeurs , le son de la cloche. Toutes 
les dames de l'endroit s’empressaient de s'associer à cette 
œuvre de vanité plutôt que de vraie dévotion, en ajoutant 
quelques pièces de leur argenterie, en sorte que souvent 
une immense quantité d'argent travaillé était apportée 
dans l'atelier où devait s’opérer la fonte de l’alliage. Les 
donateurs et parrains étaient invités à plonger dans le four, 
et de leurs propres mains, l'argent qu'ils consacraient 
à cette opération ; néanmoins, malgré la publicité donnée 
à la fonte des cloches, il ne s’y trouvait pas plus d’argent 
après leur confection qu'il n’y en avait dans les métaux 
employés par les fondeurs. Voici comment ces derniers, 


(55) 
tout aussi habiles que leurs successeurs, savaient proli- 
ter d’une erreur qui les enrichissait. 

Le trou ouvert sur le haut du fourneau, et destiné à 
l'introduction de l'argent, était pratiqué directement au 
dessus du foyer, et cette partie du fourneau , à réverbère, 
comme le savent toutes les personnes qui ont visité les 
ateliers dans lesquels on travaille les métaux, est séparée 
de la sole du four sur laquelle les matières sont mises en 
fusion. El résultait de la disposition de ce trou, qui ser- 
vait aussi à l'introduction du combustible, que la tota- 
lité de l’argent que l’on y projetait, au lieu d’être intro 
duite dans le bain de bronze liquéfié, tombait directe- 
ment dans le foyer, coulait et allait ensuite se rassembler 
dans le fond du cendrier, d’où le fondeur s’empressait 
de le retirer une fois la cérémonie terminée et l'atelier 
désert. 

Vous voyez, Messieurs, que les fondeurs anciens, 
plus instruits et plus fins que leurs concitoyens, savaient 
exploiter adroitement leur crédulité, et mettaient en pra- 
tique ce vieil adage d'Horace, qui sera sans doute apphi- 
cable à tous les temps : 

Vulgus vult decipi, decipiatur ! 

Il west donc pas étonnant que les cloches anciennes 
n'offrent pas plus d'argent dans leur composition que 
celles fabriquées de nos jours. Leur timbre , quoi qu’on 
en dise, n'est pas plus beau que celui de ces dernières, 
et si quelqu'un avait quelques droits de se plaindre de 
l'abolition d'une coutume aussi inutile que coûteuse, ce 
ne serait assurément que les fondeurs de notre époque. 

Pour en revenir à notre cloche d'argent, je ne crois 
pas que la petite différence qu’elle présente , dans les rap- 
ports du cuivre et de l’étain avec les autres cloches, 
influe sur la nature du son clair et retentissant qu’elle 
répand. Celui-ci doit tenir plus vraisemblablement à sa 
forme et à l’état d'homogénéité de ses parties. 


(56) 

Le surnom de cloche d'argent donné au Rouvel renfermé 
dans le Beffroy, a fait naître bien des suppositions plus 
ou moins hasardées , et il embarrasse encore beaucoup 
nos antiquaires. Notre estimable confrère M. Ballin dit, 
dans sa notice que je vous ai rappelée en commençant , 
qu'on peut l’attribuer, soit au son argentin qu'il rend 
lorsqu'on le met en volée, soit à quelque circonstance 
analogue à celle qui a fait appeler tour de beurre l'une 
des tours de la Cathédrale. Cette dernière hypothèse est 
plus vraisemblable que la première; mais ne pourrait-on 
pas trouver l’origine de cette dénomination dans ce qui a 
pu se passer au moment de la fabrication de cette cloche ? 
Un tocsin, destiné, comme le Rouvel, à servir dans toutes 
les circonstances solennelles, a dû être fondu et coulé 
avec une grande pompe. Les bourgeois les plus distingués 
de la ville ont dù briguer l’honneur de contribuer à la 
beauté de son timbre ; et si, lors de la fonte des cloches 
ordinaires de paroisse, les parrains et les fidèles faisaient 
don de grosses sommes d’argent, ilest permis de suppo- 
ser, avec quelque apparence de raison, que les présents 
offerts aux échevins de la ville pour embellir le son du 
Rowvel, ont été magnifiques et considérables. Ne serait-ce 
pas alors, à cause de cette grande quantité d’argent qu’on 
supposait avoir entré dans la préparation de l’alliage, 
tandis qu’il passait dans la cassette du fondeur, que le 
nom de cloche d'argent aura été donné à ce grand corps 
sonore ? Cette opinion ne me semble pas dénuée de toute 
vraisemblance : cependant, Messieurs, je la soumets à 
votre sagacité, et ne la soutiens qu'avec la défiance que 
mon peu de lumières en fait d'archéologie doit m'ins- 
pirer. 


li 


AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AA RAA A AAA AAA 


MÉMOIRE 


SUR LE PHYTOLACCA DECANDRA, L., 
ou PHYTOLAQUE, 
Communiqué à l’Académie les 25 mars et 15 avril 1831; 


Par M. Dueuc. 


AVERTISSEMENT. 


MESSIEURS, 


Deux fois, en 1827 (1) et en 1829 (2), j'exposai à vos regards des 
feuilles et des baies du p#i/olacca decandra, À. , récoltées aux envi- 
rons de Rouen. Je vous fis voir cette plante dans l’état d’accroissement 
où je la juge le plus convenable aux essais variés queggen ai faits 
comme ingrédient tinctorial. Je promis aussi de nur À l'Aca- 
démie les résultats les plus remarquables de ces essais, plus une note 
sur la culture de la phytolaque. Je viens aujourd’hui acquitter cette 
double promesse. Ce travail est un peu long, mais je n'ai pu lui don- 
ner moins détendue, vu les nombreux détails qu'il comporte. Je de - 


mande votre indulgence ordinaire pour en entendre la lecture. 


(@) 6 Juillet. 
(2) 8 Août. 


MÉMOIRE tent sur les feuilles que sur les Laies du Phylolacca 
decandra, L., ou Phytolaque, considérées spécialement 
sous leur rapport tinctorial et atramentaire (bonnes à faire 
de l'encre); avec une Notice sur la cülture de cette plante 
en France. 


MEssiEURs , 


Il y a plus de cinquante ans , en suivant les cours que 
M. Dambourney faisait au jardin des plantes de cette 
ville , sur les propriétés tinctoriales d’un grand nombre 
de nos végétaux indigènes, que je conçus le projet de 
faire un travail sur les baies du phitolacca decandra, L. ; 
et en effet, je m'en occupai dès l'époque où j'étais phar- 
macien en chef à l’Hôtel-Dieu de Rouen; mais la tour- 
mente révolutionnaire me força bientôt d'abandonner 
des expériences et des «bservations qui exigent calme et 
sécurité pour être bien faites. Ayant repris ce travail de- 
puis quelques années, je vais aujourd’hui vous en com- 
muniquer les principaux résultats. 

Le beau végétal, dont les feuilles changent de couleur 
trois fois l’année , qui fait le sujet de ce mémoire , porte 
aussi le nom de plante de fard, parce que le suc rouge 
carminé dë son fruit sert aux insulaires à se farder ; de s0- 
lanum magnum , à cause du superbe aspect de cette plante, 
qui fait souvent l’ornement de nos jardins, etc. ; enfin, 
ce végétal , originaire de l'Amérique septentrionale , est 
acclimaté depuis long-temps en Europe, où il prospere 
dans presque tous les sols en bravant les hivers les plus 
rigoureux de nos conirées. Il est rangé, par Linneus, 
dans sa Décandrie décaginie. D'abord , j'avais borné mes 
essais, dans cet ouvrage, en n'y traitant que des baies de 
la phytolaque ; mais bientôt je m’aperçus que les feuilles 


(59) 
de cette plante, prises vertes ou rouges, fournissaient 
aussi un bon ingrédient tinctorial. J'ai donc opéré sur 
l’une et l’autre partie de ce végétal, 

lei, et pour servir à l'intelligence de ce travail, je dois 
faire observer que les feuilles de la phytolaque ont des 
propriétés variées en raison de leur état d’accroissement. 
Les feuilles vertes sont riches en tanin, tandis que ces 
mêmes feuilles, rougies sur l'herbe à la rosée où natu- 
rellement sur la te ne contiennent guère que de l’a- 
cide gallique ; circonstance qui établit une différence très 
notable entr'elles, considérées comme ingrédient tincto- 
rial. Les expériences suivantes, par leurs résultats, vont 
venir à l'appui de cetie assertion. 

Avant de faire mes essais sur les baies de cette plante, 
je consultai le bon ouvrage que M. Dambourney publia à 
Rouen en 1786 (cet ouvrage fut imprimé aux frais du 
gouvernement), sur les propriétés tinctoriales de ces fruits 
et de bien d’autres en indigènes , et j'y lus avec une 
sorte d'étonnement, qu'il n'avait Rone de ces baies, avec 
la laine et les lainages, qu’une couleur fugitive ou pres- 
que négative... Un tel jugement , porté par un aussi savant 
expérimentateur que M. Dambourney , m'avait presque 
fait abandonner le projet de faire de nouvelles recherches 
sur ce fruit ; mais, en examinant la nature des essais de 
notre conciloyen et ceux tentés postérieurement par M. 
Braconot, à Nancy, et Kuhlmann, à Lille, sur les mêmes 
baies , je vis que la matière était loin d’être épuisée. 
J'ai donc fait de nouvelles recherches, non seulement sur 
le fruit de la phytolaque , maïs encore sur les feuilles de 
cetie plante, récoltées aux environs de Rouen, à diverses 
époques de leur croissance. Les résultats que j'en ai 
obtenus ne sont pas, je crois, dénués d'intérêt pour 
l'art du teinturier; vous en jugerez par le travail que 
voici : 

Je traiterai d'abord des feuilles de cette plante ; en- 


( 6o ) 
suite d’autres essais auront lieu sur ses baïes ; enfin , ce 
mémoire sera terminé par une notice sur la culture du 
phytolacca decandra , considéré dans son ensemble sous 
divers rapports , et aussi comme une annexe intéressante 
pour l'Agriculture française. 

Par des motifs que j'exposerai ailleurs, j’ai dû opérer 
sur des feuilles de phytolaque récoltées à trois époques de 
l'année : 

1° Vers la fin de juillet, où quand elles ont acquis leur 
plus grand degré d’accroissement , et dont la couleur verte 
est encore pure et sans nuance de rouge (x); 

2° Sur les mêmes feuilles récoltées en septembre, ou 
au moment où elles ont pris, sur la tige, une couleur 
rouge verdâtre ; 

3° Enfin, sur ces feuilles tout-à-fait rouges, cueillies 
avec des baies du dix au quinze novembre, époque où 
ces deux produits sont le plus riches en principes colo- 
rants et teignants. 

Voici maintenant la série d'expériences que j'ai faites 
pour constater les propriétés teinturiennes et altramen- 
taires de ces feuilles , employées fraîches. 


Première Expérience. 


On fit bouillir successivement dans un litre d’eau, 
pendant quinze minutes, huit onces de chacune de ces 
feuilles hachées menu; puis on laissa refroidir la décoc- 
tion , et ensuite elle fut coulée avec expression. 


a  — — —————————— 


(1) Ces mêmes feuilles, et celles cucillies en septembre, étant exposées 
sur l'herbe ou rouies au grand air et à la rosée, y contractent, en quinze 
ou vingt jours, une belle couleur rouge qui les rapproche beaucoup, 
comme ingrédient tinetorial et atramentaire, des mèmes feuilles rougies 
naturellement sur la plante , et dont la récolte avec les baies a lieu dans 


l'arrière-saison. 


(61) 
La décoction des feuilles vertes porte le n° +, 
Celle faite avec les feuilles rougeâtres, le n° 2, 
La troisième, préparée avec les feuilles rouges, le n° 3. 


Lemarques et observations fuites sur ces trois decoctions, 
examinées d'abord physiquement , et ensuite au moyen de 
divers réactifs chimiques. 


. La décoction numéro 1 avait une forte couleur jaune 
olivâtre ; elle était sensiblement amère et styptique au 
goût, point d’odeur prononcée ; elle déclinait au noir 
brun par son exposition au grand air. 

Les décoctions numéros 2 et 3 avaient une belle cou- 
leur rouge ponceau ; leur goût était plus amer et styp- 
tique que celui de la précédente ; elles noircissaient for- 
tement à l’air et à la lumière. Enfin, les trois décoctions 
étaient sans effet appréciable sur les teintures aqueuses 
de violette et de tournesol, et tout-à-fait inodores. 

Ces épreuves, faites sur cette plante pendant trois 
années de suite, et dans les mêmes circonstances, ont 
toujours donné les mêmes résultats, ce qui prouve que 
la phytolaque a des propriétés diverses en raison de son 
état d’accroissement (x). 


Effets des réactifs sur ces trois décoctions, prises chacune 
séparément. 


Le vitriol vert neutre, ou proto-sulfate de fer, et l’acétate 
de ce métal, les altèrent et les noircissent plus ou moins; 


(1) On est souvent, dans le commerce, en désaccord sur les qualités 
variées et sur les propriétés de certains ingrédients tinctoriaux. Mais les 
anomalies que nous signalons dans les feuilles de la phytolaque peuvent 
servir à expliquer aux tribunaux la valeur de ces réclamations, et éclairer 
les juges sur le fond de ces difficultés, qui résultent presque toujours de 
l’état d’accroissement où ces végétaux sont cueillis avant d’en faire l'em- 
ploi dans les ateliers. 


(62) 
ils font virer en noir brun la décoction numéro 1 et en 
noir violacé la décoction numéro 2; mais ils colerent 
plus fortement en noir le numéro 3, Ces couleurs pren- 
nent de l'intensité à l'air. 

La colle forte trouble plus fortement la décoction nu- 
méro 1 que celle numéro 2, tandis que son effet est 
presque nul sur la décoction numéro 3. Enfin, la 
décoction des feuilles du phytolacca, rouies ou rougies 
à l'air et à la rosée, n'est pas non plus sensiblement 
troublée par la même solution aqueuse de colle forte, 
quoique noircie fortement par les sels de fer. 

Ces résultats prouvent chimiquement que les feuilles du 
phytolacca varient dans les proportions de tanin et d'acide 
gallique qu’elles recèlent en raison de leur état d’accrois- 
sement et de leur coloration, soit sur la plante , soit étant 
rouies par leur exposition à la rosée, circonstances essen- 
tielles à noter, surtout à l'égard de leur emploi comme 
ingrédient tinctorial et atramentaire. L’acétate de plomb 
liquide et le sel de saturne du commerce précipitent et 
décolorent ces décoctions. Le précipité produit dans la 
décoction numéro 1 est d’un jaune clair, celui que donne 
le numéro 2, jaune ravenelle ; mais la décoction nu- 
méro 3 en donne un très volumineux d’un beau jaune 
jonquille, et plus abondant, toutes choses égales, que 
ceux obtenus des deux premières décoctions. 

Enfin, le sel d’étain ( permuriate d’étain du commerce) 
décolore également ces décoctions, en y occasionnant 
des précipités volumineux de couleur jaune de ravenelle, 
surtout dans celle numéro 3 (1). Ces précipités, et ceux 


(1) La décoction de feuilles rouges donne un précipité brun foncé 
avec l'alun, gris cendré avec le sulfate de zinc, jaune olivâtre avec le 
sulfate de cuivre, et jaune avec le tartrite de potasse antimonié (émétique 
des pharmacies ); mais je n'ai pas éprouvé ces mordants, excepté l’alun, 
en teinture, Je les indique simplement ici comme objet de recherches, et 


(63) 

produits par es sels de plomb, adhèrent fortement aux 
tissus, surtout à la laine el aux lainages. Les expériences 
suivantes vont, par leurs résultats, conlirmer cette asser- 
uon. 


Deuxième Expérience. 


Huit onces de feuilles vertes du phytolacca (ou quatre 
onces de sèches), mais particulièrement les rouges, 
bouillies dans un litre d’eau rendue alcaline par quatre 
gros de carbonate de soude du commerce, donnent un 
bain jaune foncé et parfois brunâtre, qui teint en brun 
clair les fils de lin et de coton préalablement décreusés 
et alunés par les méthodes connues. 

La laine désuintée et alunée prend aussi, dans le 
même bain, une belle couleur olivâtre, peu altérable à 
l’eau de savon, et par l'exposition au grand air et à la 
lumière. Les fils de lin et de coton doivent être teints par 
une température de cinquante à soixante degrés. La laine 
peut soutenir le bouillon pendant douze à quinze mi- 
nues, sans que la couleur s’en dégrade ; mais, dans l’un 
et l’autre cas, l'opération dure environ une heure. 


Troisième Experience. 


Si, dans une forte décoction de feuilles de phytolaque 
prises veries et dans leur plus grand degré d’accroisse- 
ment (quand la plante commence à fleurir), on met à 
bouillir pendant vingt à trente minutes de la laine désuin- 
tée, puis imprégnée de muriate d’élain comme mordant, 
cette laine y prendra une belle couleur jaune mordoré 
bon teint, et très agréable à la vue. 


As LE L LT L 
comme pouvant être utiles à ceux qui voudront faire l'emploi du pAyte- 


dacca comme ingrédient tinctorial, etc. 


(64) 

Si, au lieu de feuilles vertes, on emploie à cette opéra 
tion des feuilles rouges, la laine prendra alors une cou- 
leur jaune nankin également solide. 

On peut, dans ces opérations, se servir pour mordant 
du sel de saturne du commerce ; il produit presque les 
mêmes effets que le muriate d’étain sur la laine. Les 
toiles de lin et de coton sont teintes en jaune ravenelle 
par ce même procédé. 


Quatrième Expérience. 


Cette autre expérience a eu lieu avec les feuilles du 
phytolacca rougies sur les tiges et ramassées avec les 
baies dans l’arrière-saison. La décoction de ces feuilles 
est très riche en acide gallique , et donne à la laine désuin- 
tée et imbue d’acétate de fer ou d’un autre mordant 
ferrugineux , une couleur d’un assez bon noir, surtout en 
exposant cette laine, au sortir du bain, au grand air et à 
la lumière. 

Si à six onces de ces feuilles fraîches on ajoute seule- 
ment une once de noix de galle ordinaire écrasée, on ob- 
tient alors un bain qui teint du plus beau noir les lainages 
avec les sels ferrugineux (1). Nous croyons que ce bain, 
ainsi préparé, équivaut pour l'effet tinctorial à quatre 
onces de noix de galle du commerce employées seules. 

Ainsi, les feuilles rouges de la phytolaque, seules ou 
mêlées d’un peu de noix de galle, peuvent remplacer, 
dans les ateliers, les ingrédients astringents exotiques 
qu’on y emploie pour la teinture noire, noir fauve, etc. 


(x) J'ai toujours observé dans mes essais, faits en petitil est vrai, 
que l’acétate de fer neutre, préparé avec le vinaigre incolore provenant 
dn bois, donnait à la laine traitée avec la phytolaque ou avec d'autres 
matières astringentes une couleur plus belle et plus noire que le 
sulfate de fer ou vitriol vert employé pour mordant avec ces mêmes in- 


grédients, 


(65) 

Ici se terminent nos essais et nos observations sur 
les propriétés tinctoriales des feuilles du phytolacra de- 
candra, el nous allons nous occuper de leur propriété 
atramentaire. Cette autre application fera voir de plus 
en plus combien on a négligé en France de tirer parti de 
ce beau végétal. 


Encre de phytolacca decandra, préparée avec Les feuilles 
rouges de cette plante. 


Prenez : feuilles sèches de phytolacca quatre onces, ou 
huit onces de fraîches, c’est-à-dire cueillies en novembre; 
bois d'inde moulu quatre gros ; vitriol vert non rouillé et 
gomme arabique écrasée, de chaque une once et demie ; 
eau pure de pluie, de rivière ou de mare, un litre. 

Faites infuser à une douce chaleur (sans bouillir) dans 
l'eau, et pendant vingt-quatre heures, les feuilles coupées 
menu avec le bois d'inde ; ensuite on coule le mélange 
avec expression. L'on y ajoute la gomme ; quand elle est 
fondue , on y met le vitriol vert, puis on agite le tout 
ensemble. Quand ces deux derniers ingrédients sont dis- 
sous, l’encre est faite. On la décante deux heures après 
pour l’usage. Cette encre, dont la quantité est d'environ 
un litre, marque trois à quatre degrés au pèse-sels. Sa 
couleur sur le papier est d’abord pâle , parfois jaunâtre , 
mais bientôt elle noircit à l’air, comme cela a lieu pour la 
plupart des encres dont on fait usage dans les pensions, 
dans les écoles. Si elle était trop épaisse , on y ajouterait 
un peu d’eau. 

Si l’on veut avoir une encre aussi belle et aussi noire 
que l’encre dite de bureau, il suffit, pour obtenir ce ré- 
sultat, d'ajouter aux deux ingrédients la phytolaque et 
le bois d'inde , une once de noix de galle écrasée. Cette 
encre, ainsi préparée, revient à moitié moins cher que 
celle faite avec la noix de galle seule. Elle présente encore 
dans son emploi un autre avantage précieux, celui de 

9 


(66 ) 

n'èlre pas tout-à-fait efacée ou détruite par la vapeur 
du chlore , par les chlorures, par l'acide nitrique , ete. ; 
car, après l’action de ces réactifs, il reste toujours sur le 
papier des traces bien visibles des lignes qu'on y avait 
écrites. On peut encore les rendre plus lisibles en chauf- 
fant légèrement l'écriture altérée, ou en l’imbibant d’une 
solution aqueuse de prussiate de potasse. 

J'ai aussi éprouvé, par deux années d'expériences, 
que cette dernière encre était moins altérable par son 
exposition au grand air et à la lumière, que l'encre où 
il n'entre pas de feuilles rouges de phytolacca. 

Les résultats de ces essais prouvent donc que les feuilles 
de la phytolaque peuvent être employées avec succès et 
avec économie à faire de bonne encre à écrire, soit seules, 
soit mêlées d’une faible quantité de bois de campèche et 
de noix de galle. 

Enfin, je termine ce chapitre par les observations 
suivantes , concernant l’emploi des feuilles du phytolacca 
decandra, considérées comme ingrédient tinctorial ou 
atramentaire. 

Les nombreux essais que j'ai faits sur les feuilles de ce 
végétal m'ont définitivement prouvé que plus elles sont 
rouges, plus elles sont riches en acide gallique et em- 
preintes du principe jaune colorant qui doit les rendre 
précieuses pour la préparation d’une encre presqu'in- 
délébile (1). Je crois encore -que la couleur jaune et 


(1) Jusqu’à ce jour, on ne connaît point d’encre à écrire tout-à-fait 
indélébile, ou qui puisse résister à l’action combinée des nombreux réac- 
tifs que la chimie possède, Mais l'encre faite avec les feuilles très rouges 
du phytolacca et un peu de noix de galle, offre au moins l'avantage pré 
cieux de n’être effacée qu'incomplétement par les moyens assez connus 
des faussaires, et de laisser des traces jaunätres très visibles sur le papier. 
Outre cet avantage, elle a encore celui de résister bien et plus long-temps 


à l’action de l’air et de la lumière que l'encre ordinaire du commerce et 
de bureau, 


(67) 

jaunâtre que certains tissus prennent dans le bain de 
ces feuilles est spécialement due à ce même principe. 
C'est à l'expérience des chimistes teinturiers que je m'en 
rapporle pour vérifier ou infirmer la vérité de cette asser- 
tion. J'ai déjà fait quelques expériences pour isoler ce 
principe jaune des feuilles et du suc des baies du phyto- 
lacca decandra ; mais sans succès prononcé. 

Je vais maintenant traiter des propriétés colcrantes et 
teinturiennes des baies de la phytolaque. 


Observations et expériences sur les baies du phytolacca. 


Tandis que je m'occupais à Rouen des propriétés 
colorantes et teignantes du beau suc carminé que donnent 
en abondance (souvent les trois quarts de leur poids } 
les baies de la majestueuse plante qui orne souvent nos 
jardins, M. Kuhlmann, savant chimiste à Lille, faisait 
savoir à l'Académie de cette ville que ce suc n’a point 
un effet aussi négatif en teinture que le pensait M. Dam- 
bourney. En effet, M. Kuhlmann est parvenu à donner 
à la soie, avec le suc de ces baies, des couleurs hortensia 
et lilas foncé solides, en employant, pour fixer ces cou- 
leurs, l’alun ordinaire et le permuriate d’étain comme 
mordants (voir, à cet égard, le Recueil des travaux de l'A- 
cadémie de Lille, année 1827 ); mais le lin, le coton 
et même la laine furent, dit-il, rebelles à ses essais. 

Je crois avoir mieux réussi que le chimiste de Lille, 
en opérant sur les feuilles de la phytolaque ( expériences 
deuxième , troisième et quatrième de ce mémoire }). Les 
baies de cette plante m'ont aussi fourni de belles et 
bonnes couleurs, soit en teinture , soit employées comme 
objet de fard... Je vais successivement rendre compte 
à l'Académie de mes expériences sur ces fruits, et en- 
suite de leurs résultats. 

Nota. M faut, dans ces essais, employer les baies très 


(68 ) 
mûres, prises récentes, ou desséchées avec soin, c'est-à- 
dire cueillies dans leur état de complète maturité, ou 
au moment où elles se détachent de leur grappe; car 
autrement ce fruit donnerait des résultats incertains 
comme ingrédient teignant (x). 

La dessication doit s’en opérer à une chaleur de trente- 
six à quarante degrés centigrades et être très prompte, 
car autrement les baies pourraient s’altérer par la moi- 
sissure ou par la fermentation, et acquérir de nouvelles 
propriétés : cela s'explique de soi-même. 


Extraction du suc de phytolacca decandra pour teintures , 
pour les arts, etc. 


On prend, par exemple , un kilogramme de ces baies 
fraîches; on les écrase dans un vase de grès, de terre 
ou de bois, puis on y mêle peu à peu vingt onces d’eau 
à moitié chaude ; on couvre le vase, qu'il faut tenir en 
lieu chaud pendant deux heures, ensuite on coule à 
travers un linge serré, avec forte expression. Si l’on 
opère sur des baies sèches, on met trois livres d’eau 
chaude par kilogramme de ce fruit, et on laisse macé- 
rer quatre heures avant de couler le mélange. Pen- 
dant cette. macération, il s'opère un léger mouvement 
fermentatif dans le suc, qui en facilite l'extraction et en 
exalte la couleur, C’est dans cet état que nous le croyons 
le plus convenable pour être employé en teinture et 
dans les arts. Ce suc, ainsi préparé, est d’un beau rouge 
carminé ; sa saveur est douceâtre, un peu amère, et il 
n'a aucune action sur les teintures aqueuses de fleur de 


(Gi) Ce west guère, en Normandie, que dans les premiers jours de 
novembre que ce fruit est bon à cueillir pour l'usage teinturien, ou pour 
en extraire un beau fard qui peut remplacer le carmin ordinaire. 


(69) 
violette et de tournesol; ainsi il ne contient pas d’acide 
libre. 

Le sulfate de fer neutre, vitriol vert, et l’acétate du 
même métal, préparé avec le vinaigre de bois non co- 
loré, font virer ce suc en noir brunâtre. 

Le permuriate d’étain et le sel de saturne ordinaire 
du commerce le décolorent presque complètement. 

Le premier y occasionne un beau précipité couleur 
jaune ravenelle ; le deuxième un précipité jaune jon- 
quille (x). 

Ces derniers essais et leurs résultats étaient utiles à 
consigner dans ce travail, et ont servi avec succès pour 
nous guider dans les expériences suivantes. 


Première Expérience avec le sur. 


Si l’on plonge du fil de lin ou de coton, ou de la toile, 
préalablement décreusés, alunés et bien secs, dans ce 
suc, l’un et l’autre, mais particulièrement le coton, y 
prendront, au moyen d’une chaleur modérée ( cinquante 
à soixante degrés ), et en moins de trente minutes, une 
couleur orange peu altérable à l'air et résistant à l’eau 
de savon. On peut augmenter l'intensité de la couleur 
en ajoutant dans le bain quelques grains de muriate 
d’étain, vers la fin de l'opération. Par une deuxième im- 
mersion, on donne plus d'intensité à cette couleur. Le 
coton y devient parfois violacé ; mais cette couleur décline 
souvent en un beau jaune jonquille par son exposition 
au soleil. 


(1) J'ai aussi soumis ce même suc à l'effet des réactifs cités dans la 
deuxième note qui dépend de la première expérience faite sur les feuilles 
rouges de la phytolaque. Ils occasionnent tous des précipités abondants 
de diverses nuances ; mais je ne les ai pas encore essayés en teinture, 


(7o) 
Deuxième Experience. 


Si, au lieu de fil de lin ou de coton, on emploie avec ce 
suc de la laine désuintée et imbue d’une solution aqueuse 
de sel de saturne comme mordant , cette laine prendra, 
au moyen de ce procédé ( première expérience ), une 
couleur jaune curcuma bon teint ou peu altérable au 
savon el au vinaigre. 

En substituant au sel d'étain le sel de Saturne , dans 
cet essai, la laine acquiert alors une belle couleur jaune 
ravenelle , aussi bon teint ; si c’est l’acétate ou le sulfate 
de fer, cette laine se teint en une bonne couleur bru- 
nâtre, déclinant parfois au vert. 

Nous le répétons ici, les fils de lin et de coton doivent 
être teints à une chaleur de cinquante-cinq à soixante 
degrés. La laine peut supporter le bouillon pendant douze 
à quinze minutes, sans altération dans sa couleur. Les 
laines et lainages teints avec le suc et les sels ferrugineux 
ne sont pas non plus dégradés par une longue ébullition 
avec ce même suc. 

Toutes ces couleurs se foncent par leur exposition à 
l'air et au soleil. 


Troisième Expérience. 
Laque ou matière colorante extraite de ce suc. 


Prenez : suc de phytolacca préparé par le moyen ci- 
dessus indiqué , une livre ; alun ordinaire, préalablement 
fondu dans l’eau , quatre onces. Mêlez ces deux matières, 
et agitez-les ensemble pendant quelques minutes. Enfin, 
ajoutez-y une once d’ammoniaque ou alkali volatil. Agi- 
tez encore; bientôt le suc se décolore et laisse déposer au 
fond du vase un sédiment de couleur rouge foncé et parfois 
rouge violet. Cette matière , étant desséchée au feu doux et 
à l'ombre, peut servir, en peinture, dans les arts, à colorer 


(729 

ie papier. Le suc de phytolucca rend beaucoup de cette 
espèce de laque... On peut employer, en place d'ammo- 
aiaque, le carbonate de soude pour la précipiter ; mais 
alors elle décline tout-à-fait au brun (x). 


Quatrième Experience. 
Rouge de fard. 


Prenez : baies très mûres et entières quatre onces ; 
alcool non coloré douze onces : versez l'esprit de vin sur 
le fruit, bouchez le flacon et agitez plusieurs fois ; après 
deux jours de macération la teinture est faite. Sa couleur 
est un beau rouge carminé; elle se garde indéfiniment 
sur le fruit , sans s’altérer ni se décolorer. On peut aussi 
préparer ce rouge de fard avec l’eau-de-vie à vingt 
degrés ; mais sa couleur est moins vive et elle se garde 
moins bien que celle faite à l’alcool. 

Ce beau rouge végétal colore très bien la peau et peut 
remplacer économiquement le carmin du commerce , qui 
contient souvent du cinnabre , et sans en voir les incon- 
vénients. Cette même teinture colore aussi en beau rouge 
le papier blanc non collé; et je suis convaincu qu'en va- 
riant ces essais, on en peut tirer diverses nuances 
utiles dans les arts industriels. 


Cinquième et dernière Expérience, 


Ayant pour but l'extraction de la carmine ou matière carminée des 
baies du pAytolacca decandra. 


La riche couleur de ces baies me fit présumer qu'elles 


(1) Tout porte à croire, et par analogie, que le suc extrait des feuilles 
rouges de la phytolaque donnerait aussi de la laque ou une matière colo- 
rante par ce procédé; mais je n’eu ai pas fait l’essai. 


« 


(72) 
pourraient bien, comme la cochenille, corcus cacti, 
fournir le beau produit auquel MM. Pelletier et Caventou 
ont donné le nom de curmine. J'ai donc tenté, en em- 
ployant le procédé indiqué par ces deux chimistes , d’ex- 
traire ce beau rouge des fruits en question bien desséchés. 
A cet effet , j'ai commencé par les soumettre à l’action de 
l’éther chaud. Ce réactif, sans toucher à la couleur rouge 
des baies, en a dissout une matière jaunâtre poissante 
aux doigts et donnant, par la combustion, une odeur 
tranchée de matière animale. (On trouve également ce 
même principe dans le coccus cacti.) Ensuite je soumis 
ces baies, purgées de cette matière grasse, à l’eflet de 
l'alcool à trente-deux degrés. Cet autre réactif en tira 
une belle couleur écarlate , et tout porte à croire que cette 
matière colorante est de la carmine où au moins un 
principe très analogue ; mais nous n’avons pas encore pu 
l’extraire isolée par le procédé indiqué par M. Pelletier. 

Cet alcool, seul ou mieux réduit en consistance syru- 
peuse par une évaporation lente, peut également servir 
de rouge de fard, à colorer le papier, etc., etc. 

Ainsi, il résulte de ces essais que les fruits de la phy- 
tolaque renferment une matière grasse animalisée et un 
principe rouge écarlate ou phytolacine. Ce principe est-il 
analogue à la carmine ordinaire? C’est ce qui reste à 
déterminer ; mais, dans tous les cas, pour le rendre utile 
aux arts industriels, il faudrait pouvoir l'obtenir par un 
procédé plus simple et plus économique que celui suivi 
jusqu’à ce jour pour l'extraction de la carmine de la 
cochenille (x). 


(1) J'invite, dans l'intérêt de la science et des arts, les jeunes chi- 
mistes à s'occuper de cet objet. J'ai de fortes raisons pour croire que ce 
principe colorant est uni à la matière jaune que j'ai déjà signalée en 
traitant des feuilles du pæytolacca; mais tout porte croire que ces deux 
principes colorants pourront être obtenus isolément. 


(73) 

J'ai donné ailleurs une recette pour préparer une encre 
presqu'indélébile avec les feuilles rouges du phytolacea, 
Des expériences m'ont prouvé que le fruit de cette belle 
plante, quoique moins riche en acide gallique que les 
feuilles, était encore supérieur, employé sec, à ces der- 
nières pour faire une encre du plus beau noir et moins 
attaquable à l'air, à la lumière et par les agents chi- 
miques, que toutes les encres connues jusqu'à ce jour, 
qui ont pour base la noix de galle ou le bois d’inde. Il 
suffit, pour obtenir cette bonne encre, de mêler à une 
livre de noix de galle noire quatre onces de ces baies 
sèches, de faire infuser ces deux ingrédients écrasés en- 
semble, pendant vingt-quatre heures, dans quatre pintes 
d’eau bien chaude, mais sans bouillir, et d’ajouter à 
l’infusion coulée avec expression six onces de gomme 
arabique blanche et six onces de vitriol vert non rouillé 
( sulfate de fer }. On commence par faire fondre la 
gomme, puis le proto-sulfate de fer, l’un et l’autre préa- 
lablement écrasés; on remue bien le tout pendant quel- 
ques minutes, et l'encre est faite. 

Si, en place de vitriol vert, on emploie l’acétate de {er 
dans cette opération (on n’en met que cinq onces), on ob- 
tiendra encore une encre plus belle etmoins altérable aux 
réactifs chimiques que celle noircie par le premier sel. 
Cette encre est vraiment précieuse pour écrire les actes 
d'une grande importance ; mais elle revient à un prix plus 
élevé que l’encre ordinaire du commerce, dite encre de 
bureau (x). 

Ici, nous devons faire observer que les baies du phyta- 
lacca, employées vertes ou desséchées, ne donnent pas 
seules une bonne encre; il faut donc les mêler à d'autres 


() Dans les fabriques en grand, l’acétate de fer neutre, bien soluble 
dans l’eau et préparé avec le vinaigre de bois , reviendrait à peu près à 4 fr. 
le kil., tandis que le vitriol vert vaut au plus 10 sous dans le commerce, 


10 


(74) 


ingrédients astringents pour obtenir ce fluide d'un beau 
noir et bien eoulant. Cette observation pourra aussi être 
utile aux teinturiers, etc, 

Ainsi, Messieurs, en examinant les résuliats des expé- 
riences consignées dans les deux premières parties de ce 
mémoire , plus les observations et les notes qui en font 
souvent les corollaires, on voit : 

9 Que les feuilles du pAytolacca decandra, employées 
plutôt rouges que vertes, donnent aux tissus, avec les 
sels ferrugineux et autres mordants terreux et métal- 
liques, des couleurs jaunes, fauves, violacées, etc. 

29 Que les baies de cette plante peuvent donner au fil 
de lin, mais particulièrement au fil de coton et même à la 
laine , des couleurs variées et solides , en raison des mor- 
dants employés pour fixer ces couleurs, et produire en 
outre un rouge de fard économique , qui peut remplacer 
le carmin ordinaire sans en avoir les inconvénients (x). 

3° Qu'on peut encore tirer un parti avantageux des 
feuilles rouges de la phytolaque et de ses baies pour la 
préparation d’une encre économique, ou pour en faire 
une encre perfectionnée et presqu'indélébile , en asso- 
ciant l’une et l'autre, suivant certaines circonstances , 
avec la noix de galle , le boïs d'inde ou autres ingrédients 
astringents. 

En définitif, cet ouvrage sur les propriétés tinctoriales 
et colorantes des feuilles et des baies du phytolacca decan- 
dra, est encore incomplet, je l'avoue; mais il donnera 
occasion, par les nombreux détails qu'il comporte, aux 
chimistes manufacturiers et aux teinturiers plus instruits 
que moi, de faire de nouvelles recherches sur ce beau 
végétal, que je regarde, avec le coriaria myrtifolia, étant l'un 


QG) Nota. Un grand nombre d'échantillons en laine, coton, fil, toile de 
liu, teints par les procédés indiqués dans cet ouvrage, ont été exposés aux 
regards de l'Académie, et remis à Ja garde de son biblivthécaire, 


C75) 

et l'autre cultivés en France, comme pouvant suppléer, 
dans nos ateliers de teinturerie, bon nombre d'ingrédients 
exotiques qu'on y emploie et qu’on y emploiera proba- 
blement encore long-temps, ne füt-ce que par la force 
de l’habitude et souvent de préjugés ; mais, en dernier 
résultat, ces deux végétaux finiront par devenir indigènes 
chez nous comme la lavande , l'isatis que nos teinturiers 
.n'employaient pas autrefois. 

Je vais terminer ce travail en y traitant de la culture, 
en France, du phytolacca decandra, considéré spécialement 
comme ingrédient tinctorial et atramentaire ; J y ajoute- 
rai une note supplétive contenant diverses remarques 
et observations sur les propriétés générales et particu- 
lières de ce végétal. 


Culture cn grand du phytolocca decandra, L.; précédée 
d'observations sur l'ouvrage de M. Dambourney ; etc. 


Messieurs, jamais ouvrage ne parut plus utile ni plus 
français que celui que publia, il y a près d’un demi- 
siècle, feu M. Dambourney, membre de cette Acadé- 
mie. Aussi fut-il imprimé aux frais du gouvernement. 
Le savant Dambourney y traita des propriétés teintu- 
riennes d'un grand nombre de végétaux, dont la plupart 
croissent spontanément en France , sur toutes sortes de 
sites, dans des terreins vagues et souvent les plus ingrats. 
Tout faisait présager alors que les travaux de notre conci- 
toyen seraient continués, étendus, et qu'on finirait par 
recueillir ou récolter, au moins en grande partie, sur le 
sol de la belle France , des ingrédients pour alimenter les 
ateliers de teinture ; mais ilen a été autrement jusqu'à 
ces derniers temps, car les teinturiers n'employent guères 
que trois à quatre de ces ingrédients excrus en tout ou par- 
tie dans nos contrées ; savoir : la garance , le brou de noix, 
le pastel ou vouède et la vaude ; car nous n'y comprenons 


(76) 

par le chardon à bonnetier (dipsacus fullonum), qu'on ent- 
ploie à lainer les draps, et non à les teindre. Néanmoins 
M. Dambourney tira de belles et de bonnes couleurs de 
dix à douze plantes herbacées ou ligneuses qui s'offrent 
naturellement à nos regards. Dans ce nombre se trouvent, 
en première ligne, le bouleau ordinaire (betula alba) , la 
fumeterre, plante extrêmement vivace qui croît partout 
avec ou sans culture, et dont on peut faire au moins 
deux bonnes récoltes par an; le genet à balais, le peu- 
plier d'Italie et ses nombreux congénères, le rhamnus 
frangula où la bourgène, les rhus, le coriaria myrtifo- 
lia, etc., tous végétaux qu'on peut récolter abondam- 
ment dans nos contrées, sans nuire à la culture de la 
plante la plus utile à l'homme, le blé, et qui peuvent, 
selon M. Dambourney, remplacer en teinture les ma- 
tières exotiques pour lesquelles la France est encore bé- 
névolement tributaire de l'étranger. 

Sans doûte que de hautes considérations d'économie 
politique empêchèrent le gouvernement de faire donner 
suite aux travaux de M. Dambourney et à ceux pour la 
fabrication du sucre de betterave , dont la possibilité fut 
constatée sous le ministère de M. le baron de Breteuil(x); 
mais alors la France possédait d'immenses colonies dans 
les deux Indes, avec lesquelles on devait conserver des 
moyens d'échange... Maintenant, tout est bien changé, 
et notre intérêt bien entendu, après la perte de ces colo- 
nies, est que nous récoltions sur le sol français les ingré- 


rt 


() Comme nous l'avons déjà dit , l'ouvrage sur les produits tincto— 
riaux obtenus d’un grand nombre de végétaux indigènes fut imprimé aux 
frais du gouvernement en 1786. À peu près à la mème époque, M. de 
Breteuil, ministre de Louis XVI, fit répéter en France les expériences 
du chimiste de Berlin, Hachard, d'où il résulta qu’on pouvait obtenir 
des betteraves blanches veinées de rouge nn sucre très analogue à celui 
que donne l’arundo saccharifera. 


CY7A 
dients tinctoriaux qu'elles fournissaient jadis à la métro- 
pole contre des farines, des meubles, de l’orfèvrerie , des 
modes, etc., etc. C'est pour atteindre en partie ce but 
que je propose le phytolacca decandra, cultivé en France 
comme ingrédient tinctorial et atramentaire. 


* Culture en grand du phitolacca decandra , L. 


La culture de cette plante vivace , originaire, dit-on, 
du nord de l'Amérique , est d'autant plus facile dans nos 
contrées qu’elle y croît dans toutes sortes de terreins. 
Elle peut donner annuellement deux bonnes récoltes de 
ses feuilles «la première dans le mois de juillet , et l’autre 
en novembre ; mais elle ne produit pas de fruit si la 
plante est coupée en juillet. Plus l’année est chaude et 
la plante bien orientée, plusles feuilles et les baies qu’elle 
produit sont belles et propres à la teinture et dans les 
arts (1). 

On peut cultiver et multiplier la phytolaque de deux 
manières, 1° en retirant ses racines de terre au mois de 
mars pour en faire des plants; 2° en faisant des pépi- 
nières au moyen du semis de sa graine , et en repiquant 
les sujets qui en proviennent. 

Dans le premier cas, on prend de ses racines (âgées de 
trois à quatre ans autant que faire se peut); on les divise 
en les coupants par section longitudinales, puis on les 
replante en ligne dans un terrein meuble; la distance 
entre chaque pied doit être d’au moins un mètre en tout 
sens, car la phytolaque est très rameuse ; la racine ou ses 
tronçons doivent être recouverts de l'épaisseur de deux 


————— À 


(1) A la seconde production des feuilles, la plante fleurit encore, 
mais ses baies n'ont pas le temps de mûrir; cela se conçoit aisément. 
Alors les fruits avortent , mais les feuilles deviennent belles et prennent 


une couleur rouge de sang vers l’arrière-saison. 


(78 ) 

pouces de terre, et l'époque la plus favorable en Nor- 
mandie pour faire ces plantations est du dix au quinze 
du mois de mars. La plante ne donne qu'une coupe de 
feuilles la première année de sa plantation. Cinq à six 
forts pieds de cette racine, convenablement divisés , suf- 
fisent pour en garnir une perche de terre à vingt-deux 
pieds de côté pour perche , et pour rapporter au-delà de 
cent kilogrammes de feuilles , en en faisant deux coupes 
par saison. Les racines durent six à huit ans en plein rap- 
port; si elles deviennent trop multiples, ce qui arrive 
souvent, alors on les éclaircit pour donner de Pair à la 
plante et pour faciliter son accroissement. 


Culture de la phytolaque par le semis de sa graine. 


D'abord on établira une couche de terre ordinaire, 
dans laquelle on mêle environ le quart de son volume 
de vieux terreau , ou à défaut une corbeille ou deux de 
croltin de cheval, puis, au commencement de mars, 
on y plante, à trois pouces environ de distance l’une 
de l’autre , de belle graine sèche de phytolucca decandra de 
la dernière récolte. Chaque baie doit être recouverte 
d'à peu près un pouce de terre. On peut également faire 
une bonne pépinière de cette plante en sem'ant ses baïes 
sur une terre arable bien amendée et meuble. Trente à 
trente-six jours après le semis, la plante sort de terre, 
et une graine donne souvent , comme celle de betterave, 
plusieurs individus. Quand les jeunes tiges ont acquis deux 
à trois pouces d'élévation au-dessus du sol, alors on en- 
lève chaque pied avec précaution, on divise les multiples 
et on les replante au piquet, en mettant trois pieds d’in- 
tervalle en tout sens entre chaque pied. 

Une perche de terre emblavée de cette graine peut four- 
nir assez de plant pour en garnir un arpent; et, comme 
nous l'avons déjà fait observer, tous les sols sont à peu 
près bons à la culture de cette belle et utile plante. 


(79) 

Ainsi, deux moyens, la division des racines ou le 
semis, tous deux faciles d'exécution, s’offrent aux agri- 
culteurs pour la multiplication aux champs du phytolacea 
decandra, sans autre soin qu'un sarclage et un binage 
dans le printemps, car les grandes et nombreuses feuilles 
qu'il produit finissent par étouffer les mauvaises herbes 
qui environnent cette magnifique plante, avantages que 
n'a pas la vaude et encore moins la garance , qui 
exigent des sols choisis et de longues cultures pour leur 
entière prospérité. Nous ajouterons que les tiges de la 
phytolaque, sèches et brûlées , donnent une cendre telle- 
ment riche en salin pour les buanderies ou pour en 
faire de la potasse, qu'elle en contient souvent jusqu’à 
près de la moitié de son poids. ( Braconot , etc. ) 

Ea définitif, la culture en grand du phytolacca decandra 
et celle du coriaria myrtifolia, dont j'ai entretenu l'Acadé- 
mie en 1829 (1), peuvent devenir en France une indus- 
trie aussi utile que lucrative à ceux qui s’y livreront, 
puisque toutes les parties de ces végétaux donnent des 
produits avantageux à l’agronomie , aux arts, en teintu- 
rerie , etc. 

Ici, Messieurs, se termine mon long et laborieux 
travail sur le phytolacca decandra; mais prêtez-moi encore 
un moment d'attention pour entendre une note supplétive 
que j'ai cru devoir y ajouter, ne fût-ce que comme objet 
de renseignements. 


QG) Voir, à cet égard, le Précis analytique des travaux de l'Aca- 
démie de Rouen, imprimé en 182q,. 


( 80 ) 


Note supplétive au travail précédent. 


Les feuilles du phytolacca decandra, comme nous l’a- 
vons fait observer, peuvent servir en teinture et pour 
en faire de l'encre; mais il est certain que plus elles 
sont rouges, mieux elles valent, employées comme ingré- 
dient tinctorial, surtout à l'égard des couleurs fauves 
noirâtres et avec les sels ferrugineux. 

J'ignore à quelle cause on peut attribuer la coloration 
tardive de ces feuilles , d'abord vertes, et encore pourquoi 
elles perdent , en devenant rouges, en vieillissant ou par 
leur exposition à la rosée , le tanin qu’elles contiennent 
pendant les trois premiers mois de leur végétation, pour 
se saturer en quelque sorte d'acide gallique ; mais cet ef- 
fet, que je crois avoir signalé le premier, se reproduit 
aussi sur diverses plantes, et spécialement sur les feuilles 
du quercus nigra où chêne quercitron, les sumacs cultivés 
en France , etc. ; et plus les feuilles de ces végétaux rou- 
gissent par la vétusté, et plus elles sont riches en acide 
gallique et pauvres en tanin. En général, ces feuilles se 
conservent bien et ne sont jamais attaquées des vers; 
toutes remarques qui ne sont pas sans intérêt pour les 
cultivateurs , pour ceux qui emploieraient ces ingrédients 
en teinturerie , etc. 

On a dit, dans plusieurs ouvrages anciens et moder- 
nes, que la phytolaque, un peu congenère des solanées, 
pouvait servir d’aliment, et que ses jeunes pousses et 
même ses larges feuilles vertes, arrangées comme les 
épinards (spinacia oleracea) ; étaient un excellent mets... 
Nous avons fait l'épreuve sur nous même de cette alimen- 
tation, et, d’après ses effets sur l'estomac, qu’elle semble 
paralyser, nous ne conseillerions jamais d’en faire usage 
qu'avec la plus grande réserve. 


(8: ) 

Messieurs, après avoir examiné chimiquement les 
feuilles vertes de la phytolaque, j'ai reconnu aussi qu'elles 
avaient beaucoup d'analogie de composition avec celles 
du nicotiana tabacum , analysées précédemment par M. 
Vauquelin. Enfin, d’autres expériences faites l’année der- 
nière sur ces mêmes feuilles, me portent à croire qu’on 
peut en obtenir d’aussi bon tabac à priser que celui pré- 
paré en France avec les nicotianes qu’on y cultive. Je 
continuerai mes essais à cet égard, et je rendrai proba- 
blement compte à l’Académie des résultats que j’en aurai 
obtenus, ainsi que de ceux que je me propose de faire de 
nouveau sur les fruits du phytolacca decandra, pour en 
isoler les deux principes colorants : le Jaune et le rouge. 


Dureuc. 


11 


(82) 


AAA AAA A AAA AA AAA AAA AA AAA RAA AAA APP AA 


RÉFLEXIONS 
SUR LA NAVIGATION DE LA SEINE, 
Entre Paris et Rouen ; 
Lues à l'Académie, le 15 juiliet 183, 


Par M. LEPASQUIER. 


RTESSIEURS, 


La ville de Rouen était encore, il n’y a que peu 
d'années, l’entrepôt de la presque totalité des marchan- 
dises qui s’expédient par mer pour l’approvisionnement 
de la capitale; arrivant directement en ce port, ou 
transbordées au Havre sur allèges, elles remplissaient 
alors les magasins de nos négociants et de nos commis- 
sionnaires. Elles s’accaumulaient sur nos quais, où se 
faisait remarquer une prodigieuse activité, et n'étaient 
dirigées vers leur destination qu'après avoir procuré aux 
spéculateurs des bénéfices, aux simples expéditeurs 
intermédiaires des droits de commission, aux ouvriers 
un salaire. 

Le transport par eau de ces mêmes marchandises as- 
surait encore aux mariniers de Rouen un fret avantageux 
qui variait, dans les basses eaux, de 22 à 24 francs par 
tonneau , et dans les eaux ordinaires, de 15 à 18 francs; 
quelques picards venaient , à la verité, prendre part à ces 
bénéfices ; mais, en définitive , la portion la plus consi- 
dérable demeurait acquise à notre pays. 

Cet état de choses n’est plus le même depuis neuf 


à . : de s 
TS SR SP PR PS TT 


(83) 

années environ : la lenteur avec laquelle marchaient les 
bateaux de transport , les nombreux accidents qui les 
retardaient encore dans le trajet, soit à cause de l'excès 
de chargement, soit en raison des écueils si fréquents 
que présente en été le lit de la Seine, soit par Pimpré- 
voyance et le défaut de soin des conducteurs, excitaient 
les plaintes les plus vives, comme les mieux fondées, 
des négociants de Paris. De notre temps, l’activité est 
l'ame du commerce et l’une des conditions essentielles 
d’un heureux succès en affaires ; aussi souffrait-on impa- 
tiemment, dans la capitale, d'être toujours incertain de 
l'époque de l’arrivée des marchandises expédiées du port 
de Rouen, et de ne les recevoir ordinairement que 
vingt, vingt-cinq et quelquelois trente jours après leur 
embarquement. Cet inconvénient devenait tellement 
grave , que la voie du roulage, quoique beaucoup plus 
coûteuse, commençait d'être préférée. 

Ce fut dans ces circonstances que s’organisèrent suc- 
cessivement diverses entreprises de bateaux à vapeur 
pour le transport des marchandises entre le Havre et 
Rouen. Ces bateaux, à qui un moteur puissant permet- 
tait de franchir sans difficulté le passage de Quillebeuf, et 
dont la marche régulière garantissait, en quelque sorte, 
l'arrivée à heure fixe dans le port de Paris, obtinrent, 
dèsles premiers temps de leur navigation, des chargements 
considérables, etréalisèrent d'abondantes recettes. Toute- 
fois, les entreprises auxquelles ils appartenaient n’ont 
point prospéré, d’une part, à cause du peu d'ordre et 
d'économie qui, selon toute apparence, fut apportée 
dans leurs dépenses; d'autre part, parce que le poids 
des machines à feu dont ces bateaux étaient armés 
exigeant à lui seul un tirant d’eau assez considérable, il 
leur était impossible de naviguer pendant près de trois 
mois de l’année, où la hauteur de l’eau n'excède pas 
quatre-vingt-huit centimètres à l'étiage de Vernon. 


(84) 

En 1826, une nouvelle association se forma dans le 
même but d'exploiter le transport des marchandises par 
eau entre le Havre et Paris; mais, instruits par l’expé- 
rience, les entrepreneurs adoptèrent un système propre 
à conserver à leurs bateaux les avantages d’une marche 
rapide, en évitant l'inconvénient des basses eaux du 
fleuve, Ainsi, ils les remorquent entre le Havre et Duclair 
au moyen d’un bateau à vapeur ; amenés ensuite jusques 
dans le port de Rouen, ces bateaux franchissent le pont 
et se dirigent sur Paris, halés par des chevaux disposés, en 
relais, de distance en distance. Ils doivent arriver à leur 
destination cent onze heures après leur départ de Rouen. 

Cependant, les bateaux à vapeur, précédemment mis 
en navigation entre le Havre et Paris, et plus encore 
le projet de la nouvelle entreprise que lon vient de si- 
gnaler, avaient éveillé l'attention des principaux mariniers 
de Rouen, qui sentirent que le transport des approvision- 
nements de la capitale finirait par leur échapper com- 
plètement , s'ils ne changeaient rien à leur ancien mode 
de navigation. ls s’organisèrent donc en société , 
convinrent des dispositions nécessaires pour qu'un de 
leurs bateaux , au moins, fût toujours en chargement au 
port de Rouen, et pour que chaque bateau chargé fit 
également, en cent onze heures , le trajet de Rouen à 
Paris. On conçoit que, pour les mettre en mesure de 
remplir cette dernière condition, si intéressante pour 
le commerce , il fallait leur donner les moyens de 
vaincre les obstacles qui nourraient ralentir leur marche 
pendant le trajet; en conséquence, une décision mi- 
nistérielle du 3 juin 1826 , accorda à cette compagnie 
certains priviléges sur tous les autres bateaux naviguant 
par les moyens ordinaires (1). 


(1) Ces priviléges consistaient dans le droit de trématage et de prio- 
rité de passage aux ponts et perluis. 


(85) 

A peine cette société fut-elle formée , que tousles autres 
mariniers sentirent combien il était important pour leurs 
intérêts de s'organiser de la même manière ; plusieurs 
demandes furent , en conséquence , adressées au gouverne- 
ment, à l’eflet d'obtenir de semblables priviléges, qui 
furent accordés sans difficulté à trois autres compagnies. 

Ainsi , la détermination prise par quelques mariniers 
d'organiser un service accéléré de Rouen à Paris, eut 
et devait avoir pour résultat de stimuler tous les autres 
à suivre cet exemple. Il est seulement à regretter que 
cette détermination n'ait point eu lieu quelques années 
plutôt. Tout semble indiquer qu'en prévenant ainsi les 
plaintes du commerce de Paris, ils n'auraient point 
sugoéré l’idée de former des entreprises rivales qui en- 
lèvent aujourd'hui à la place de Rouen une partie 
des avantages dont elle jouissait auparavant, et qui 
menacent de l’en priver tout-à-fait. 

Le tableau suivant donnera une idée du développement 
qu'a pris, depuis quelques années, la navigation , par 
voie accélérée , entre le Havre, Rouen et Paris. 


NAVIGATION DU HAVRE À ROUEN, A PARIS. NAVIGATION DE ROUEN A PARIS. 


Nombre 
de ses 
bateaux. 


Nombre 
de ses 
bateaux. 


DÉNOMINATION 
de chaque entreprise. 


DÉNOMINATION 
de chaque entreprise. 


Bateaux accélérés en sapin, ateaux accélérés normands. 
dits chalans . 20 (1)Bateaux id. Fleury . .: . 
Bateaux à vapeur en fer et Bateaux id. de b. Seine. 
chalans + 8 Bateaux id. de Seine-et- 


» 
[e-] 
si 
© 
e 
2 
TZ 
7e] 


AOL 2.5. 


(x) Ces bateaux sont pontés et du port de 220 tonneaux, ainsi que les chalans 
de l’entreprise des Bateaux à vapeur ; quant à ceux-ci, leur tonnage varie de 120 k 
130 tonneaux. 


(2) Les bateaux de cette entreprise sont, en général, connus sous la dénomina- 
tion de besognes ; ils diffèrent beaucoup entr'eux quant au tonnage; il eu est de 
même de ceux des trois autres entreprises : ils portent communément 300, 850, 
400 et jusqu'à 450 tonneaux. 

Le nombre des bateaux qui font la navigation à longs jours est de 120 à 130. 


( 86 ) 

Le premier effet de l'établissement de ces entreprises, 
et de l’active concurrence qui s'ouvrit bientôt entr'elles, 
fut de faire baisser considérablement les prix des trans- 
ports. On a dit plus haut que ces prix étaient de 15 à 
18 francs dans l’état des eaux ordinaires. Il sont descen- 
dus au point de varier de 8 à ro francs. 

Dans cet état de choses, la modicité des bénéfices dut 
stimuler les chefs des différentes entreprises à rechercher 
tous les moyens de diminuer leurs frais et d’applanir les 
obstacles qui pouvaient entraver la célérité ou la facilité 
de la marche de leurs bateaux. ut 

C’est ainsi que l’on fut naturellement, conduit à exa- 
miner quelles modifications il pouvait être convenable 
d'apporter aux anciens réglements concernant la naviga- 
tion de la Seine. RO PRE: 

Il existe entre Rouen et Paris plusieurs ponts, plu- 
sieurs pertuits qu’il est assez difficile de franchir, et dont 
quelques-uns même présentent d’assez graves dangers. 
En conséquence, le gouvernement avait préposé à cha- 
cun de ces passages, depuis un temps pour ainsi dire 
immémorial, des agents connus sous la dénomination de 
maitres de pont où perluis, chargés de procurer aux con- 
ducteurs de bateaux les chevaux et agrès nécessaires, 
de diriger leur marche ,, de leur faire éviter les écueils 
où viendrait échouer leur inexpérience. Ils remplissent, en 
un mot, un office tout-à-fait analogue à celui des pilotes 
à l'entrée des ports maritimes. Leurs fonctions et devoirs 
sont determinés par les six premiers articles du chapi- 
tre 4 de l’ordonnance de 1672. ; 

Les bateaux qui naviguent de Rouen à Paris ont à 
franchir seize passages de cette nature : les pertuis de 
Mallot, de Poses, des Gourdaines et de la Morue, et les 
ponts de Vernon, de Mantes, de Meulan, de Poissy, de 
Maisons, du Pecq, de Chatou, de Besons, d’Asnières , de 
Neuilly, de S.-Cloud et de Sèvres. À chacun de ces pas- 


( 87 ) 

sages, les conducteurs de bateaux sont tenus de payer au 
maître et à ses agents des rétributions qui s’élevaient, en 
totalité, à la somme de 268 francs pour un bateau mon- 
tant à Paris, ayant trente-trois mètres de long et du 
port d'environ 200 tonneaux. Il est vrai qu'elles étaient 
pour la plupart abusives, en ce sens que l’on n’obser- 
vait plus le tarif émané autrefois du ministère de 
l'intérieur , et qui avait eu pour objet d’en déterminer la 
quotité ; mais les abus se trouvaient tellement enracinés 
par la succession des temps, qu'il eût été impossible 
aux mariniers d’invoquer ce tarif, qui, au surplus, était 
devenu lui-même susceptible de révision. 

Cette révision a eu lieu; elle résulte d’un arrêté du 
Ministre de l’intérieur, en date du 5 mars 1831. En 
conséquence , les bateaux qui, dans les circonstances 
précédemment indiquées, payaient en rétribution aux 
maîtres des ponts et pertuis une somme de 268 francs, 
ne leur payent plus aujourd'hui que 139 francs Go cent. 

Ce même réglement renferme, d’ailleurs, sur l’organi- 
salion du service des maîtres de ponts et pertuis, sur la police 
de la navigation de la Seine , sur la fixation du tirant d’eau des 
bateaux, diverses dispositions essentiellement propres à 
faire atteindre au but que doit se proposer l’administra- 
tion publique. 

Il ne reste plus, pour ainsi dire, qu'un vœu à former 
dans l’intérêt de la navigation de la Seine, c’est l’exécu- 
tion d’un projet qui aurait pour résultat de maintenir en 
toute saison, dans le lit du fleuve, une hauteur d’eau 
de deux mètres au moins. Ce projet a été étudié par un 
des plus habiles ingénieurs dont s’honore aujourd’hui le 
corps des Ponts et Chaussées, et il n’exigerait point, pour 
être réalisé, au-delà d’une dépense de trente-six millions. 
Il s’agit donc d'examiner si les droits de péage qui pour- 
raient être perçus sur la Seine ainsi canalisée, s’élève- 
raient à une somme représentative des intérêts de ce 


( 88 ) 
capital et d’un fonds d'amortissement suflisant pour 
l'éteindre dans un espace de temps déterminé. 

Le gouvernement a seul les moyens d'obtenir, à cet 
égard, des appréciations exactes, en faisant dresser un 
état détaillé de toutes les marchandises auxquelles le lit 
de la Seine sert annuellement de véhicule, non-seulement 
entre Paris et Rouen, mais encore entre tous les points 
intermédiaires, soit en montant, soit en descendant, 
L'administration du département de la Seine-Inférieure 
ne peut recueillir les éléments partiels de l’état dont il 
s’agit qu’en ce qui concerne les marchandises qui sont 
expédiées de Rouen sur la capitale ; elle n’a point négligé 
ce soin , et le tableau ci-après indique , mois par mois, 
quelle a été l'importance de ces expéditions pendant les 
trois années qui ont précédé celle où nous venons d’en- 
trer. On voit que ces expéditions ont suivi une progres- 
sion toujours croissante , et qui est exprimée 


Pour 1828, par le chiffre....... 136,028,o1g kil. 
Pour 1829, par le chiffre. ...... 182,414,544 
Pour 1830, par le chiffre....... 209,056,434 


Un second tableau placé à la suite de celui dont on 
vient de parler, indique, quinzaine par quinzaine, et 
pour chaque nature de marchandises ; le prix des trans- 
ports pendant les mêmes années. 


( Voir les tableaux x et 2 ci-contre.) 


TABLEAU No 7. 


Précis Analyt., page 88. 


= = zr RE D me nn AS Er nr __ : 
BATEAUX ACCÉLÉRE BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ACCÉLÉRÉS BATEAUX ARTICULÉS À VAPEUR BATEAUX À VAPEUR BATEAUX 
MOIS. Normanns. Freury Morer. BERTIN ET cie, HerFort Er cie. Hugert ET DELANNEAU. JorpAn ET cie, NAVIGUANT À LONGS JOURS. 
RE Ca er 
1825. 1829. 1830. 1828. 1829. 1850, 1828. 1829, 1830. 1828. 1829 1830. 1828 1829. 1830. 1828. 1829. 1830. 1828. 1829. 1820. 
nn, | men, À nes | CE | | En | Ce mem | cou mers | eme menmgemmennemees | cocon | eee À un | eme | co e Noces cms | | | | commun | À 
kilog. kilog. kilog kilog kilog. kilog. kilog kilog. kilog kilog kilog. kilog. kilog. kilog. kilog. kilog. kilog, kilog. kilog. ; 
JANVIER... 3,5,2,000 2,260,700 ” (1) 2,055,000 ” 1,590,880 271,000 7 960,000 379,444 # » (3) ” " » (4) " n (5) # 619,000 ZA 5 
Février ...) 5,880,000 3,149,0g1 2,022,000 2,975,000 364,000 1,063,324 ” (2) ” 780,000 1,287,478 193,068 ” ” 7 2 12,000 C2 129,000 295,800 827,800 |à 
Mans...... 70,000 7:306,978 |  7,263,o00 1,758,000 3,839,300 1,209,000 2,175,200 |  3,28/,500 970,000 2,689,80ÿ |  2,5/2,796 " ” " ” 140,400 “ 140,400 2,410,180 |  6,936,290 
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Mar...) 4,463 oo 6,818,500 6,828,000 2,519,000 2,427,900 506,500 2,/90,000 1,909,/15 4,003,500 2,716,000 2,711,422 1,628,256 ” 2 ” 2 334,760 " 334,760 146,200 245,000 2,588, 105 8,254.634 
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AoUT.... 4844355 4,039,000 5,555,000 2,068,760 1,995,500 1,109,000 1,190,230 1,739,200 2,515,536 2,061,117 1,789,691 2,062,843 ” 7 ” 2 491,300 212,058 " 491,300 193,932 285,947 3,148,050 5,407,500 
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Décemne..| G,208,892 | 4,300,000 | 6,330,00p || 2,773,700 | 2,678,500 | 3,85,000 | 2,591,793 3,369,750 À  1,681,005 | 1,424,758| 31,727,463 ” ï 555,564 2 " 4715220 ” ” 144,600 | 1,697,725 |  3,307,865 
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(1) La compagnie des Accélérés Normands, non plus que les autres compagnies, (3) La compagnie des Accélérés Herfort et comp® n’est formée que depuis le mois 
> de novembre 1830. C'est ce qui explique les lacunes que présentent les colonnes 14, 


perce que la Seine a èté glacée depuis le 23 décembre 1824 jusqu'au 20 février suivant. 


n'a pu faire partir aucun bateau du port de Rouen pendant Île mois de janvier 182 
15 et 16 du présent tableau. 

(4) Les Bateaux articulés à vapeur de la compagnie Hubert et Delannrau 
sont toujours chargés au Havre en destination pour Paris; mais tantôt ils se rendent 
directement dans la capitale, tantôt leurs marchandises sont transbordées à Rouen sur 
d'autres bateaux, selon que les entrepreneurs jugent cette manœuyre plus convenable 


(2) Aucun des bateaux de la compagnie des Æccélér. olet ne s'est trouvé au 


port de Rouen en février 182q. Il n'en a donc pu être mis en chargement pour la ca- 


pitale. — La mème observation s'applique à cette compagnie en ce qui concerne le 
mois de février 1830. 


s. Dans le premier cas, les transports directs sont indiqués en correspon- 
dance avec chacun des mois pendant lesquels ils ont eu lieu; dans le second, ils ont dù 


être omis, parce qu'ils sont confondus avec ceux qu'ont effectués les autres compa= 
gnies. Au surplus, cette compagnie a terminé ses opérations; sa liquidation s’est opérée 
et ses bateaux ont passé eu d’autres mains. 


(5) D'abord, les marchandises apportées du Havre à Rouen parles Bateaux à va 
peur Jordan et comp, élaient irausbordées sur les Bateaux accélérés Normands, 


en conséquence d'arrangements faits entre les deux entreprises. Ces arrangements ont 
: re . 
depuis été modifiés, et tous les bateaux vont directement à Paris ou s'arrètent à Rouen, 


selon que la navigation de la Haute-Seine leur offre plus ou moins de facilités, en 


raison de la hauteur des eaux à l'étiage régulateur du pont de Vernon. De là les La- 


à £ é au. 
cunes qui se font remarquer dans Jes colonnes :0, 21 et 22 du présent table 


TABLEAU N° 2. 


INDICA TION 


ÉPICERIES. LIQUIDES. 
ER 


re ct 29 


des 


QUINZAINES 
MOIS. 1828, 1829. 


1829. 1830. 1828. 1829. 18230. 1828. 1829. 1830, 


Rs mener | comen, | eoemeeemeees corse eme ae | CORRE COR LE C SERE | o  nn | 


ire Quinzaine ; nr 12 à 131 PE 148 12,13 et14f PL 1of 11 à 120 PA q£ 11 à ax Sof 
JANVIER. . 

20 idem. 7 ” 

ire Quinzaine, ” 10 50 à 12 12 à 12 50 ” 12 12 à 12 50 ” 8 9 11 50 à 12 " Sà 9 11 à 11 5o 


FÉVRIER. ...... 


29 idem... i id, 9 à 10 id, 15 à 16 10 it id. 15 à 16 
1e Quinzaine, , 10 à 10 bo 9 10 à 11 AIT 9 10 I1à » 14 
Mans.. à é E ; 3 : 
2% idem... # id, 7 50a8 id. 17 18 8 id. L 18 
110 Quinzaine, ” 10 à 10 5o 8 10 à 11 15 50 à 16 
ARTE sa ele ls alale . 5 : : * 
10 idem... ” id. 8àa) id. 14 à 15 
are Quinzaine, n 10 À ut 10 IL à # 13 7 


Mar 


12 à 12 5o un 16 id. 


29 idem 17 14 à 14 14 à 15 |12,14,17 


1re Quinzaine, ” 10 22 12 50 22 ” 19 à + 


OUIN A Maure 


av idem... ' 24 26 14 23" 14 id, 


11e Quinzaine. ” 20 22 


Jurirer 


20 idem... ” 12 15 72 1114 12 72 


à 10 it ” 15 ” 

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22 idem... “ 10 # 8 50 à 9 10 ” 16 17 
ire Quinzaine. ” 10 11 8à y 11 ” 16 ” 


SEPTEMBRE. . 


2° idem.. …. ” 10 ” 10 11 10 17 ” 


ire Quinzaine. ” 10 ” 11 50 à » 1 1” 
Ocrogne....., Q 9 7 


ae idem... ” 10 11 


DE SE) 10 1 à y 
13 14 16 », 16 y 


11 5o à 12 Er 14 15 


Novennre re Quinzaine. . “ 10 ‘11 


2 idem... “ 16 17 


are Quinzaine. ” 1# ” 


Décemnre. 


2e jidem.,,., ” 13 7 10 50 11 12 ” 12 à 12 50 


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( 89 ) 


AAA AAA AAA AAA AAA AA A AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA A AAA 


NOTICE 


SUR LE PUCERON LANIGÈRE; 


Lue à l’Académie, dans la séance du 27 mar 183x, 


Par M. Hourou LA BILLARDIÈRE. 


Messieurs , 


Plusieurs fois notre honorable confrère M. Dubuc 
nous a entretenu du puceron lanigère, qui devient de 
plus en plus abondant dans nos contrées, et produit sur 
les pommiers, sur lesquels il vit habituellement, des dé- 
gâts tellement graves, qu'ils font craindre la perte d’un 
grand nombre de ces arbres, ou au moins celle d’une 
grande partie de leurs produits. M. Dubuc, dans ses re- 
cherches sur cet insecte nuisible , ne s’est pas seulement 
borné à présenter les dégâts q u’il produit sur les pommiers 
et les moyens de le détruire, mais il l’a encore examiné 
sous le rapport chimique, et a découvert dans cet in- 
secte le mème principe colorant que celui qui existe 
dans la cochenille. Après des travaux aussi complets que 
ceux de M. Dubuc sur cet insecte , et insérés par extraits 
dans les volumes de l'Académie de Rouen, il me reste 
bien peu de chose à dire ; aussi ce que J'ai l'intention 
de communiquer à la Compagnie est une observation 
assez curieuse sur ces insectes, 

Les pucerons lanigères vivent en société, attachés aux 
branches des pommiers , et toujours en dessous, eb pré- 
sentent , par leur réunion, des masses qui ressemblent 


12 


C90 ) 

à des tampons de coton formés par le duvet dont ces in- 
sectes sont pourvus sur la partie postérieure du corps. Au 
milieu de la partie cotonneuse de ces masses d'insectes, 
on remarque, surtout le matin, une grande quantité de pe- 
tites gouttelettes de liquide transparent et incolore , dont 
les plus grosses tombent lorsqu'on remue les branches. 
Ces gouttelettes , vues à la loupe , paraissent recouvertes 
d’une membrane , et adhérentes à la partie postérieure de 
l'abdomen de ces insectes. Le liquide qui sort de ces 
espèces de vésicules jouit de propriétés alcalines à un 
degré tellement marqué que, non-seulement le papier 
de tournesol rougi par un acide, sur lequel on met de ce 
liquide, devient d’un bleu très prononcé , mais encore 
que certaines matières colorées sur lesquelles on le fait agir 
éprouvent des effets qui dénotent la présence d’un alcali 
concentré. Je citerai, par exemple , l'effet produit sur de 
la toile teinte par le bleu de prusse , dont la couleur bleue 
est détruite par ce liquide, couleur qui exige, pour éprou- 
ver le mème effet décolorant, un alcali caustique à un 
degré assez fort. Les insectes dépourvus des vésicules al- 
calines, écrasés sur le papier rouge de tournesol, ne pro- 
duisent pas les mêmes effets alcalins ; ils donnent seule- 
ment une tache brune , mais paraissent, au contraire, 
rougir le papier bleu de tournesol, indiquant par là des 
propriélés acides. 

Le puceron lanigère secrétant abondamment un liquide 
très alcalin , et vivant sur les branches de pommier, en 
introduisant sa trompe dans l'écorce, y introduit peut- 
être en même temps une certaine quantité de matière 
aälcaline qui détermine, sur ces parties de l'arbre, les 
excroissances que l’on y remarque. Ce qui porte à penser 
qu'il en est ainsi , c’est que le puceron du rosica , qui a la 
même organisation et le même mode d’existence que 
le puceron lanigère , sans avoir la faculté de secréter un 
liquide alcalin comme ce dernier, ne détermine pas 


(gr) 

d’excroissance sur les branches des arbustes sur lesquels 
il vit. On peut donc supposer avec vraisemblance que 
les dégâts que le puceron lanigère occasionne sur les 
pommiers sont dûs aux secrétions alcalines, qui sont 
si abondantes, que ces insectes, par l'instinct que la 
nature leur a donné, se placent toujours sous les bran- 
ches pour que les vésicules dont j'ai parlé tombent par 
terre ; autrement , la quantité de liquide que ces insectes 
secrètent inonderait bientôt leur république , s’ils se pla- 
çaient sur les branches. 

Les dégâts que ces insectes font sur les pommiers me 
font faire tous les jours des vœux pour que l’on découvre 
un moyen efficace de les détruire. Loin de blâmer ceux 
proposés par M. Dubuc, je les regarde comme bons 
en eux-mêmes , mais d'une exécution longue et très diffi- 
cile ; je pense que ce n’est pas par de tels moyens que 
l’on pourra parvenir à détruire des myriades de ces insec- 
tes qui ravagent les vergers de la Normandie, mais en 
en cherchant d’analogues à ceux qui réussissent parfaite- 
ment pour détruire certains insectes , tels que les cha- 
rençons du blé: j’en citerai un exemple dont le résultat 
ne peut être contesté, et que j'ai mis en pratique, avec le 
plus grand succès , sur des masses assez considérables de 
blé : il suffit, pour cela , de couvrir le tas de blé avec des 
branches et des feuilles de sureau , et, dans l'hiver, d’'é- 
craser les branches pour développer davantage l'odeur de 
cet arbuste, qui fait fuir complètement ces insectes des- 
tructeurs ; peut-être que l’odeur de quelques plantes ou 
des fumigations produiraient des effets analogues sur le 
puceron lanigère , et seraient d’une application beau- 
coup plus facile que le moyen de détruire ces insectes 
qui consiste à les écraser avec june brosse mouillée d’un 
liquide corrosif, comme l'a proposé M. Dubuc. 


(92) 


AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA, 
NOTICE 
SUR QUELQUES ÉCHANTILLONS DE BOIS 
Remis à l’Académie par M. Auc. LE PREVOST ; 
Lue à la Séance du 15 juillet 1831, 
Par M. DusreuL. 


MESSIEURS , 


Notre confrère M. Aug. Le Prevost a remis à l'Aca- 
démie , à la séance dernière , deux morceaux de bois sur 
la coupe transversale desquels on remarque quatre petits 
corps ligneux, en état de décomposition, disposés en 
croix , et incrustés dans le tronc d’un jeune arbre (x). 

M. le président m'ayant demandé mon opinion , tant 
sur ces incrustations et leur {disposition symétrique, 
que sur la forme tétragone que présente à ce point de 
section le canal médullaire de cet arbre , je demandai 
que ces échantillons me fussent remis, afin de les exa- 
miner avec soin et de donner à l’Académie, sur ce 
sujet, les explications qu'elle pourrait désirer. Je viens 
m'acquitter de cette mission. La première idée qui me 
vint, à l'inspection de ces échantillons, fut celle que 
ce jeune arbre avait reçu quatre blessures sur les quatre 
points affectés, à l’époque où il n'avait que la grosseur 
correspondante aux points de ces incrustations ; mais, 
sur l'observation de M. le président, qui me fit remar- 


EEE 


(1) Planche 11. 


3 » 
Freres 1ralge. 1851, 7.95. FU 


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à ) ) Don n 
D ) 
Dœplicaliou De Lo lœuche 
Lys Trongon de Marronnéer, san læ couge dixguel on rerncerguue dx LyS Cnge longitudinale da même Crençen, gui lsre voir l'origrne des 
Érne kéragone dis canal médullasre et lrnorustation de &reneeux ramearre à des bosrqeens axtllaines 


desseches et drspioses en croix 
Fig # Tige de Marronnier sartaguelle on remarque la drspontion 


es rameasrx on orne el vertécélles au pernié ou se Terminiæ la 


Fey 2 Trongen du rnerne arb 


} sar la corgrte daguet en ne rurærgree 


Z'erer on que de deux rares Junrnrés Le cage erérises 
ne  ———— 
Zué de Nuëtur Toriaux. & Hour 


(93) 

quer qu’au point de la coupe le canal médullaire avait 
pris une forme tétragone , tandis qu'à deux centimètres 
plus bas il était parfaitement circulaire , je commençai 
à reconnaître à ces taches une autre cause ; après avoir 
dégusté l'écorce de cet arbre , que je trouvai très amère, 
je soupçonnai que j'avais affaire au maronnier d'Inde, 
M. Le Prevost m'ayant confirmé dans cette opinion , en 
me disant que c'était sous ce nom que ces échantillons 
lui avaient été remis , alors je m'expliquai le reste. J’au- 
rais pu, sur l'instant, faire part à l'Académie de mes 
observations ; mais, pour lui démontrer toutes les cir- 
constances de ce fait, j'avais besoin de quelques échantil- 
Jons que je ne pouvais me procurer qu'en différant de 
quelques jours. 

Les voici : 

Dans les maronniers d'Inde , les rameaux sont opposés 
en croix, C'est-à-dire que si deux rameaux sont dirigés 
nord et sud, les deux superposés regardent l’est et l’ouest ; 
mais, au point où se termine la pousse d’une année et 
où commence celle de l’année suivante , ces rameaux sont 
tellement rapprochés qu'ils forment presqu'une verticille ; 
et si, pour favoriser le développement de la tige prin- 
cipale , on racéourcit, à peu de distance du tronc, les 
rameaux latéraux, sans laisser subsister un bourgeon 
sur le chicot de ce rameau, pour y entretenir la vie, il 
meurt , non-seulement jusque contre l'écorce , mais jus- 
qu'à l'origine du bourgeon qui l’a produit. 

C'est ce qui sera arrivé à l’arbre sur lequel on a pris 
les échantillons qui font l’objet de cette notice ; les petits 
rameaux latéraux auront été coupés au-dessous du der- 
nier bourgeon, vers leur bosse, ou bien une autre cir- 
constance en aura suspendu la végétation et la vie : ils 
se seront desséchés, et ils auront été ensevelis dans le 
tissu ligneux par l'accroissement latéral et successif du 
tronc, 


( 94 ) 


En exploitant cet arbre, on a fait un trait de scie un 
peu au-dessus du point d'insertion de ces quatre rameaux, 
qui les a coupés transversalement en même temps que 
le tronc dans le tissu duquel ils sont incrustés. 

Je mets sous les yeux de l'Académie un échantillon 
du même arbre, qui présente à peu près les mêmes 
circonstances , avec cette différence que, sur celui-ci, 
iln'y a que deux rameaux d’incrustés, parce qu'il ne s’est 
développé à ce point que deux bourgeons opposés comme 
étant la partie moyenne d’une branche , et non pas quatre 
rameaux disposés en croix comme dans celui qui a été 
offert à l'Académie , et dans un autre plus jeune que je 
mets sous ses yeux. 

On remarque aussi sur l’un de ces échantillons, à 
l'origine de ces rameaux incrustés, les rudiments de 
deux bourgeons axillaires et superposés, destinés à rem- 
placer ceux-ci en cas de soustraction ou altération. C’est 
un caractère qui est commun au maronnier et à quelques 
autres arbres. 

Quant à la forme quadrangulaire que présente le canal 
médullaire, au point de la coupe de cette tige, il est 
reconnu que cet organe affecte différentes formes à l’o- 
rigine des rameaux , suivant leur disposition sur les tiges. 
Il est de forme ovoïde lorsque les rameaux sont opposés, 
triangulaire lorsque les rameaux naissent trois à trois 
autour de la tige, quadrangulaire enfin, lorsque quatre 
rameaux disposés en croix naissent du même point. 

Je pense que l’Académie aura entendu parfaitement 
cette explication, et qu'elle lui suffira pour se rendre 
compte du phénomène que présentent les échantillons 
qui lui ont été offerts par notre confrère M. Aug. 
Le Prevost , que les questions de physiologie végétale 
intéressent toujours à un si haut degré. 


(95) 


AAA AAA AAA AAA AAA A AAA AAA AAA A AAA 


MÉMOIRE 
Adressé à l'Académie par M. BonFiis, Médecin à Nancy, 


Sous le titre de 


STAPHYLODÉNMIE, 


ou Nouveau procédé opératoire pour faire la suture 


du voile du palaïs. 


Messieurs, 


En novembre 1829, j'ai eu l'honneur de vous adresser 
un mémoire sur une modification de la staphyloraphie ; 
mais l'opération projetée qui y était décrite n'ayant pas 
été mise à exécution sur la jeune personne dont il était 
question, ni sur aucune autre, je n'ai pu vous trans- 
mettre le résultat de l’expérience qu’en craignait de voir 
en contradiction-avec ce que la théorie et le raisonne- 
ment me permettaient d'espérer. 

L'occasion de pratiquer la staphyloraphie selon la 
méthode de M. Roux, et par le procédé que j’ai proposé 
dans ce mémoire , ne se présentant que très rarement , 
j'ai dû profiter de la première circonstance pour tenter 
quelque chose qui püt venir à l'appui de ce que je pro- 
posais, et je viens ajouter à mon premier travail le ré 
sultat d’une opération analogue à celle que j'ai décrite, 

La femme Legai, âgée de 55 ans, qui vendait à boire 
à Jarville, petit village à la porte de Nancy, et qui 
demeure actuellement dans cette ville, faubourg Saint- 


(96) 

Pierre, n° 108, eut, en 1829, le voile du palais entièrement 
détruit par un ulcère pour lequel elle fit un traitement 
qui en arrêla les progrès, et elle guérit ; mais elle parlait 
difficilement ; elle nasillait, et, lors de la déglutition, une 
grande partie des aliments et des boissons remontait dans 
les fosses nasales , et s'écoulait par leur ouverture anté- 
rieure. 

Cette femme en eut beaucoup de chagrin. Tout en 
lui laissant espérer qu'après son entière guérison, et 
avec le temps, elle éprouverait du mieux, je ne lui 
cachai pas qu’elle ne parlerait jamais comme aupara- 
vant. 

Elle prit patience pendant environ trois mois, et 
voyant qu’il n’y avait aucun changement en mieux, elle 
vint me trouver et me demander si, au moyen de quel- 
que opération, il ne serait pas possible d'empêcher les 
aliments et les boissons de remonter par les narines, et 
de la faire parler un peu moins mal. Je lui répondis que 
je venais d’en imaginer une qui n'avait pas encore été 
pratiquée sur le vivant, et que cette opération pourrait 
peut-être améliorer son sort; je lui proposai donc de 
la subir, et elle y consentit aussitôt. 

Comme elle était peu à l'aise, et qu'elle ne pouvait 
avoir chez elle les soins qu’allait exiger sa position, je 
l'engageai à entrer à la Maison de secours de Nancy, 
dont je suis médecin. 

Le 26 août dernier (1830 }), je l’opérai en présence de 
M. le docteur Morel, chirurgien aide-major au 5° régi- 
ment d'infanterie légère, alors en garnison à Nancy, 
actuellement à Metz; de M. Magnien et d’un de ses 
collègues, tous deux sous-aides-chirurgiens à l'hôpital 
militaire de Nancy, et de trois étudiants de notre école 
secondaire de médecine, les autres étant en vacances. 

L'appareil instrumental consistait en : 1° trois bistou- 
ris; un droit boutonné, un droit aigu, et un autre aigu 


(9293 

et convexe ; lous trois étaient garnis d'une bandelette de 
linge, qui ne laissait voir qu’un pouce de l'extrémité de 
la lame; 2° le porte-aiguille et les aiguilles de M. Roux 
pour la staphyloraphie ; 3° une paire de ciseaux ordi- 
naires; 4° des fils simples de grosseur moyenne, pour 
faire les points de suture ; 5° des petites pinces à dissé- 
quer, terminées par de très petites airignes; 6° une 
spatule à long manche pour abaisser la langue, et 7° 
des pinces à pansement. 

La malade fut placée en face du jour, assise sur une 
chaise ordinaire. Un aïde lui tenait la tête par derrière, 
un autre la base de la Jangue avec la spatule. Je saisis 
successivement des deux rôtés, avec les petites pinces à 
airignes , la membrane muqueuse cicatrisée que revêtait 
le bord interne de chacun des piliers postérieurs du voile 
du palais : j’allai, avec le bistouri boutonné , aviver ces 
bords dans toute leur hauteur, et sur environ quatre 
millimètres de largeur. 

Je circonscrivis ensuite, par trois incisions, avec le 
bistouri droit et aigu, le lambeau de la membrane pala- 
tine qui devait remplacer le voile du palais. Les denx 
premières partaient du sommet de chaque pilier du 
voile, et venaient parallèlement lune à l'autre jusqu’à 
la réunion du tiers postérieur de la voûte palatine avec 
le tiers moyen. La troisième s’étendait au travers du 
palais de l'extrémité antérieure de l’une des deux pre- 
mières incisions, au même point que celle du côté op- 
posé. 

Dans cette dernière incision, les deux artères palatines 
furent coupées, et la droite donna du sang par jet, pen- 
dant environ cinq à six minutes que l'opération fut sus- 
pendue. 

Ensuite je séparai, tant avec les doigts qu'avec une 
spatule, la membrane palatine de la voûte qu’elle tapisse, 
et je laissai le périoste après l'os, Ce fut le moment le 


2 
19 


(98 ) 

plus douloureux de l'opération, que la malade supporta 
fort bien. Il s'écoula du sang en nappe, et en assez 
grande quantité pour m'empêcher de faire sur-le champ 
la suture. Je laissai donc encore reposer la malade ; je la 
is gargariser avec de l’eau fraîche, pour arrêter l'hémor- 
ragie; mais le sang ne cessa de couler qu'au bout de 
quinze à vingt minutes. Alors je fis la suture avec les 
instruments de M. le professeur Roux. 

Lorsque je voulus commencer cette suture, le lambeau, 
retracté légèrement sur lui-même, avait environ trois 
centimètres de largeur sur quatre de longueur , et quatre 
millimètres d'épaisseur. Je m'’aperçus qu'il se tenait 
placé horizontalement et presqu'appliqué contre la sur- 
face du palais, d'où il avait été détaché par arrachement, 
Je reconnus que des fibres qui, dans l'arrachement , 
s'étaient laissé distendre sans se rompre, l'avaient ainsi 
relevé par leur élasticité, et je les incisai avec le bistouri 
convexe; mais, ayant porté mon instrument un peu trop 
_avant, et la base du lambeau adhérente au bord posté- 
rieur de la voûte palatine étant assez mince, j'y lis acci- 
dentellement une boutonnitre transversale , comprenant 


le se 


tout le tiers moyen du lambeau; alors il cessa « 
relever et de s'appliquer au palais. Mais cela me fit 
craindre que, ne recevant plus autant de vaisseaux par 
sa base, il ne vint à se sphacéler. Sa suture consista en 
quatre points entrecoupés, deux de chaque côté. Elle 
ne m'offrit que peu de difficultés; elles provinrent prin- 
cipalement de ce qu'il est impossible de faire jouer, 
avec une seule main, le porte-aiguille de M. Roux. Cela 
serait cependant très utile; car, après avoir planté l’ai- 
guille d’arrière en avant, dans le pilier du voile ou dans 
le lambeau , il fallut en saisir la pointe avec des pinces 
à pansement, pour éviter qu'en se détachant du lieu où 
elle était plantée, elle tombât dans le pharinx ou la 
trachée artère, Or, si l'opérateur tient les pinces et la 


( 99 ) 
pointe de l'aiguille , il ne peut plus faire lui-même lâcher 
prise au porle-aïguille ; il est alors obligé de confier l'un 
ou l’autre instrument à un aide qui peut déplacer l’ai- 
guille et causer ainsi des accidents. Pour parer à cet 
inconvénient, j'ajouterai au manche de cet instrument 
trois anneaux qui rendront son usage plus facile, ct 
permettront à l'opérateur de s’en servir sans avoir besoin 
des deux mains ou d’un aide pour le faire manœuvrer. 

L'opération finie, I» malade fut mise dans son lit, 
assise et penchée en avant. Je lui défendis expressément 
de parler et d'avaler sa salive, qu’elle devait laisser 
écouler de sa bouche dans un vase qu'elle tenait sur 
ses genoux. Elle ne devait ni boire ni manger. 

Je la revis le soir, elle avait un léger mouvement de 
fièvre et salivait beaucoup ; elle avait exécuté strictement 
tout ce qui avait été recommandé ; mais la ruitelle s'en- 
dormit, et elle avala sa salive. 

Pendant quatre jours, elle ne prit pour toute nourriture 
que des lavements de bouillon. Le cinquième, elle ne 
put résister à la faim, et, malgré mes recommandations, 
elle but une semoule très liquide. Le sixième, elle fit 
diète; mais il fallut lui donner des aliments le sep= 
tième. L 

Le second jour, la surface antérieure du lambeau était 
couverte d'une escarre blanche qui me fit craindre le 
sphacèle de la totalité du lambeau; ce que je redoutais 
d'autant plus que, comme je l'ai dit, le tiers moyen de 
sa base avait été détaché accidentellement du bord pos- 
térieur de la voûte du palais par l'instrument tranchant. 

Le troisième jour, celte surface n'avait pas encore 
changé d'aspect; mais le quatrième, des bourgeons 
charnus parurent, et le lambeau prit une couleur rouge 
vif qui m'ôta toute espèce d'inquiétude sur la conser- 
vation de sa vie. 

Le sixième jour, j'ôtai les fils des points de suture, 


Û ( 300 }) 
et je m'aperçus que les bords latéraux du lambeau n'é- 
taient adhérents aux piliers du voile que dans les deux 
tiers supérieurs, ce que J'attribuai aux mouvements de 
déglutition que la malade avait faits pendant les nuits 
pour avaler sa salive, et pour prendre la semoule liquide 
le cinquième jour. 

Le septième jour, la partie inférieure et libre du lam- 
beau s’élait repliée en avant, par la tendance qu'elle 
avait à s'appliquer à la voûte du palais, d’où elle avait 
été détachée, et par le commencement de cicatrisation 
de la surface antérieure et vive. 

Le huitième jour, je permis à la malade de prendre 
des aliments, et elle fit, par jour, quatre repas consis- 
tant en semoule au bouillon ou en soupes grasses au 
pain, et bien cuites. Il n’y eut presque point de fièvre 
et très peu d’inflammation. La malade put sortir le g 
septembre, quinze jours après l'opération. 

Les parties réunies par la suture adhéraient fortement 
les unes aux autres par une cicatrice imperceptible. La 
partie inférieure du lambeau avait toujours continué à 
se replier sur sa surface antérieure, où elle faisait saillie 
et formait comme une espèce de luette ; mais la dégluti- 
tion n'était nullement gênée , et les aliments étant con- 
duits un peu plus avant dans le pharinx, il n’en remonte 
que très rarement et qu’une très petite quantité dans les 
narines. Sa voix est un peu plus naturelle, mais toujours 
nasale. Enfin , la position de la malade est réellement 
améliorée. Je ne me proposais pas autre chose : il eût été 
déraisonnable de croire que ce voile du palais, ainsi 
entièrement constitué par la membrane palatine, et tout- 
à-fait dépourvu de muscles, exécuterait des mouvements 
et remplirait ses fonctions dans toute leur intégrité, 

Mais nous devons encore considérer cette opération 
sous un autre point de vue; elle fait pressentir ce qui 
résultera du perfectionnement de la staphyloraphie , que 


(rors) 
j'ai proposé dans le mémoire que j'ai eu l'avantage de 
vous adresser. 

En effet, j'avais avancé que, 1° lorsque la division du 
voile du palais ne s'étendrait pas à la voûte palatine, et 
que les lambeaux de ce voile seraient insuffisants ou trop 
écartés , et qu'ils ne pourraient être parfaitement rappro- 
chés par aucun procédé, de manière à reconstituer entiè- 
rement cet organe à la partie supérieure, comme M. Roux 
l’a vu plusieurs fois (1); 2° que, dans le cas où il ne 
s'agirait que de remédier à la perforation accidentelle de 
ce voile, avec perte de substance à sa partie supérieure , 
il serait possible , pour ces deux cas, de prendre dans la 
membrane épaisse qui tapisse la partie postérieure de 
la voûle palatine , un lambeau de grandeur et de forme 
convenables pour obturer l'ouverture qui resterait du 
voile du palais après la staphyloraphie. 

Tout ce qui précède me semble répondre suffisam- 
ment aux objections qu’on a pu faire contre l'opération 
que je proposais. Cependant, je vais les discuter les unes 
après les autres, et voici ce que j'écrivais, le 24 février 
1830, à un praticien distingué de la capitale, à qui j'avais 
communiqué mon premier mémoire. 

« Je conviens qu’elle présente quelques difficultés de 
plus que la staphyloraphie simple ; mais vous convien- 
drez cependant aussi qu'il ne sera pas beaucoup plus 
difficile de rapprocher, par une suture, ce lambeau 
palatin des deux lambeaux staphylins, que de réunir 
ces deux derniers entr’eux. 

« D'ailleurs, cela deviendra beaucoup plus facile si, 
quelques jours d'avance, on habitue le malade à se pré- 
senter convenablement à l'opérateur et à se laisser exa- 
miner et toucher le fond de la bouche. Au reste, si le 


re —————_—_— 


(1) Voyez Mémoire sur La Staphyloraphie, par Plilb,-Joseph Roux, 


de Paris, 1825 , in-89 , pages 67, 71 et 56. 


( 107 ) 

malade ou le chirurgien se trouvaient fatigués, malgré 
toutes ces précautions et quelque repos, on ferait l’opé- 
ration en deux temps, comme je l'indique dans le 
mémoire à consulter dont il est question. Le premier 
temps ou première opération, ai-je dit, consisterail à reunir 
seulement tout ce qu'on pourrait des deux lambeaux du voile 
du palais, et, après leur parfaite consolidation, on procéderait 
seulement à la seconde partie de l'opération, dans laquelle on 
Jormerail le lambeau obturateur et on ferait la suture. 

« Si, dans la rhinoplastie , le lambeau ne tient au front 
que par un isthme très étroit, isthme qui éprouve encore 
une torsion, si ce lambeau , placé à l'extérieur, est par 
là exposé à se refroidir facilement ; si, dans le déplace- 
ment qu’il éprouve , puisque pris au front , il est abaissé 
jusqu'à la place qu'occupait le nez, la circulation, 
quoiqu'ayant une direction tout-à-fait opposée, conserve 
encore assez d'activité pour entretenir la vie dans ce 
lambeau et pour l'empêcher de se sphacéler, pourquoi 
la portion de membrane palatine, qui viendrait com- 
pléter le voile du palais, ne continuerait-elle pas à vivre, 
et pourquoi serait-elle frappée de sphacèle , lorsqu'elle 
adhère au bord postérieur de la voûte du palais par une 
base très large, lorsqu'elle n’éprouve point de torsion 
dans cette base, lorsque d’horizontale qu’elle était elle ne 
devient que verticale , lorsqu'enfin elle reste placée dans 
une cavité où la température fort élevée ( de 30 à 317 
degrés } est favorable à l'entretien de la vie? 

« Je ne doute nullement que le lambeau formé de la 
membrane palatine, se réunisse par ses bords épais avec 
les bords avivés des lambeaux du voile du palais. 11 pré- 
sente les mêmes tissus, moins les muscles ; il est, comme 
le voile du palais, abondamment pourvu de vaisseaux, 
de nerfs et de tissu cellulaire, organes par lesquels les 
réunions s’opèrent. 

« Quant à la cicatrisation des surfaces à l’état de cruen- 


GC 104: 
tation, je ne vois pas ce qui pourrait l'empêcher, Ne 
s'opère-t-elle pas à la face profonde où postérieure du 
lambeau de la rhinoplastie? On sait aussi avec quelle 
facilité et quelle promptitude les cicatrices ont lieu dans 
la bouche. 

« Ilest vrai que Le lambeau de la membrane palatine, 
qui va faire partie intégrante du voile du palais, est 
dépourvu de fibres musculaires; qu'il ne pourra, par 
conséquent , participer activement aux mouvements de 
cet organe, au centre duquel il sera inerte; mais il ne 
génera aucunement ses mouvements, qui l’entraîneront 
saus éprouver de résistance et le feront peut-être un 
peu plisser, Il fournira aux fibres musculaires du voile 
un point d'insertion et d'appui qui favorisera leur action ; 
il remplira un espace vide que rien ne pouvait occuper, 
par l'impossibilité où l’on est quelquefois de rapprocher 
entièrement les deux portions du voile du palais divisé, 
ou lorsqu'il n'y a que simple perforation ; il empêchera 
la voix d'être nasale, et les aliments et les boissons de 
passer dans les narines. » 

Le procédé que je viens de proposer, et que j'ai exé- 
cutf, ne peut plus être appelé staphyloraphie; car il 
s’agit de refaire, en partie ou en totalité, le voile du 
palais. On pourrait donc, pour distinguer ce procédé de 
l'opération de M. Roux, l'appeler staphylodémie (d'euo, 
je construis, je bâtis, j'édifie ), où staphyloexie ( as£io , 
augmenter, agrandir ), où enfin staphyloplatie (mAarTos, 
large, ample ). H me semble que la première dénomina- 
tion serait la plus convenable. 

Mais, depuis, il m'est venu à l’idée qu'on pourrait 
encore, par une opération analogue , obturer les perfo- 
ralions anciennes et cicatrisées de la voûte osseuse et de 
la membrane du palais, après qu'on aurait détruit la 
cause interne, ordinairement syphilitique, qui les a pro- 
duites. Alors le procédé pourrait être celui-ci : on avive- 


(102) 

rail, avec l'instrument tranchant à peu près les deux tiers 
de la circonférence de l'ouverture , qui est ordinairement 
ronde ou ovale ; on formerait ensuite, dans la membrane 
palatine, et du côté non avivé de l’ouverture, un lam- 
beau de forme et de grandeur telles, qu'après s'être 
retracté , il pourrait encore occuper entièrement cette 
ouverture, Si cette dernière était ovale, ce serait le long 
de l’un de ses grands côtés qu’on formerait ce lambeau, 
qui serait détaché de la voûte osseuse jusqu’à son bord 
adhérent à un point de la circonférence du trou, en 
ménageant le périoste, comme il a été dit dans le mé- 
moire à consulter. Il serait ensuite renversé sur lPouver- 
ture, et maintenu pendant quelques jours, soit par une 
suture , soit par un obturateur ou plaque métallique fixé 
aux dents, et qui serait enlevé lorsqu'on présumerait 
parfaite l’adhésion du lambeau à la circonférence avivée 
de l'ouverture. 


AAA AAA AA AAA AAA 


RAPPORT 
Sur le Mémoire précédent , 


Par M. ViINGTRINER, Docteur-Médecin. 


Messieurs, 


L'opération que cherche à perfectionner le docteur 
Bonfils est une des plus difficiles à exécuter, et elle est 
peut-être aussi une des plus essentielles parmi celles que 
l’on pratique pour remédier aux difformités. Ces deux rai- 
sons expliquent pourquoi elle a pu devenir l’objet d’une 
investigation nouvelle, après les travaux du professeur 
Roux, de Paris, et du professeur Grèfe, de Berlin, 


“ 


6 10h, 1 
qui ne datent encore que de quelques années, 1816 et 
1819, et que d’on croyait complets. 

Appliquer l'opération du bec-de-lièvre aux. divisions 
du voile du palais, est l’idée qui à été conçue par ces 
deux chirurgiens célèbres, et qui a fait naître le procédé 
opératoire qu’on appelle la staphyloraphie, ou suture du 
voile du palais. Celle®qu'a conçue le docteur Bonfils 
est de joindre à ce procédé, dans quelques cas où il ne 
pourrait suffire, celui qui est usité pour faire la rhino- 
plastie ou le nez artificiel; c’est-à-dire emprunter lun 
lambeau d’une partie voisine pour fermer l'ouverture 
trop considérable du voile du palais, que la suture ne 
pourrait fermer. Il pense qu'on-poutrait appeler ce pro- 
cédé staphylodémie , parceWiqu'il . s’agit d'ajouter autant 
que de réunir. à ”* 

J'ai l'honneur de rappeler à l'Académie, que, dans 
la séance du 19 marstdernier& je lui ai rendu compte de 
l'invention ingénieuse de M. Bonfils, qu'il proposait 
alors pour être appliquée à un sujet dont il nous a fait 
connaître le vice de conformation, qui était presque 
l’absence complète du voile du palais, et qu'au nom de 
la commission dont j'étais l'organe , j'ai dit que l’opé- 
ration était suffisamment justifiée en théorie pour être 
pratiquée. 

Aujourd'hui, Messieurs, c’est sur l'application du pro- 
cédé que nous avons à fixer votre attention, et d'avance 
nous dirons que, si nous sommes heureux d’avoir à 
féliciter l’opérateur , nous sommes satisfaits d'avoir porté 
le jugement qui se trouve consigné dans le rapport pré- 
cité. ‘ f 

Ce n’est pas sur le sujet dont nous a précédemment 
entretenus M. Bonfils dans son mémoire à consulter, que 
l'opération a été tentée, c’est sur une autre femme, 
chez laquelle le voile du palais avait été entièrement 
détruit par un ulcère, et qui, par suite, éprouvait à la 


14 


{ 106 ) 


fois l'incommodité dégoûtante de Voirsrevenir les ali- 
ments par le nez, plusieurs fois à chaque repas, et la 
gène de parler en nasillant. 

Voici quelle a été l'opération... ( Voir le Mémoire, 
page 97 ). 

Il s'agissait donc de refaire, de toutes pièces ou à peu 
près , le voile du palais. On concbit que , quelque soit le 
succès , avec toutes les chances les plus favorables, ce 
voile nouveau, dépourvu de fibres musculaires et tou- 
jours beaucoup plus étroit que le voile naturel, ne pour- 
rait jamais remplir les mêmes fonctions dans toute leur 
intégrité ; aussi l'amélioration obtenue n’a-t-elle pas été 
la guérison complète de la difformité, comme dans les 
cas moins difficiles où la staphyloraphie est pratiquée. 
Quoiqu'il en soit, elle à été assez satisfaisante pour 
justifier l'opérateur et mériter que l’Académie s’intéressât 
à ses succès. Le 


(rp) 


L 
AAA AAA AAA AAA ROSE EEE ER ERA NENPENETEEE VA AMAANAAA NAN ARS 
de, 
£ ) L 
, * NOTICE 
# L 
$ 
SUR UNE MALADIE ÉRUPTIVE PEU CONNUE » 
» ,« »., e 
d Lue à l'Académie le 8 juillet 831, 


S " 
_ 


Par M. Le Prevosr, D.-M. 


" MEssiEurs, 


Depuis trois mois il existe dans Rouen et dans les 
environs une maladie éruptive, qu'on prendrait. au 
premier aperçu pour la rougeole, d’autant plus que 
cette dernière maladie règne épidémiquement dans 
notre ville depuis la fin de l'hiver et le commencement 
du printemps; cependant en y portant la plus légère 
attention on verra qu'il y a une différence entre les deux 
exanthèmes. Celui qui fait le sujet de cette notice paraît 
tout-à-coupssans aucuns signes précurseurs ; ce sont des 
boutons rouges qui, dès le premier jour se montrent 
au visage, au cou, à la poitrine, au dos, aux bras et 
aux cuisses; le second jour on voit que ces boutons 
sont plus nombreux ; on en aperçoit aussi aux jambes ; 
ceux poussés de la veille sont d’un rouge plus vif; le 
troisième jour beaucoup de boutons commencent à pâlir, 
et le quatrième ou le cinquième au plus tard, ils dispa- 
raissent tous sans qu'il y ait aucune desquammation de 
l'épiderme chez le plus grand nombre des malades. Pen- 
dant cette courte maladie le pouls est à peu près naturel, 
excepté le second jour où il a un peu plus de fréquence 
qu'à l'ordinaire. La plupart des malades ne perdent 


LE 108 ) 
pas tout-à-fait l'appétit ;Je troisième jour tous désirent 
ardemment des me le Sommeil est ‘peu troublé 
pendant tout le cours e Iémaladie ; ; les boutons sont 
un peu plus saillants êt plus tefdus quesceux de la 
roügeole ; : mais les | a caractéristiques de cette 
dernière maladie, tels que | la fièvre qui précède l'érup- 
tion, Ja toux gutturale, les étethueñients enchiffrene- 
ment, les saignements de pez, là rougeur et le gontie- 
ment des yeux, les vomis$ements , éte: , manquent chez 
la plupart dés malades. Cependant, sur le nombre de 
vingt que j'ai eu lieu ébée$er $ tx ont eu des envies 
de vomir, et un seul a eu un saignement dé nez peu 
abondant. Sur ce’ nombre de vingt, il n’y'a eu que deux 
garçons en bas à âge qui aient eu cette éruption ; parmi 
les filles, il y en avait cinq qui étaient nubiles. La 
plupart de ces demoiselles étaient dans des pensions, où 
il paraît que la maladie s’est communiquée par conta- 
gion, Plusieurs d’entre elles avaient eu la rougeole les 
années précédentes; une l'avait eue dans le mois de 
février dernier. J'en ai la certitude, parce que c’est moi 
qui les ai traitées. J'ai vu cette éruption les années 
précédentes sur quelques individus isolés’ et en petit 
nombre. Îl y a sept ans que j’eus l'occasionsde l'observer 
sur cinq individus, et deux d’entre eux avaient aussi eu 
la rougeole. Du reste, cette «maladie s’est guérie avec 
la plus grande facilité; quelques boissons délayantes et 
légèrement diaphorétiques, une diète peu nourrissante 
pendant deux ou trois jours ont suffi. J’ai fait garder le 
lit à la plupart de ces malades, et à la fin j'ai purgé ceux 
qui m'ont paru en avoir besoin. Pourrait-on croire que 
c’est une espèce de rougeole? d’autant que cette maladie 
a été très fréquente dans le printemps. Mais, comme 
je l'ai déjà observé, les symptômes principaux manquent; 
d’ailleurs , il y a beaucoup de médecins qui pensent 
qu'on ne l’a jamais deux fois. Voilà trente-cinq ans 


( 109 ) 
que j'exerce la médecine dans Rouen, et je puis attester 
que je ne l’ai jamais vue survenir une seconde fois au 
même individu. Cependant à quel genre d’éruption 
peut-on rapporter celle qui fait le sujet de cette notice ? 
La scarlatine est une maladie qui a été peu connue des 
anciens médecins. Ce sont les Arabes qui les premiers 
en ont fait mention en traitant de la rougeole ; encore 
n'en donnent-ils que des notions imparfaites. Ce n’est 
que dans le dix-septième siècle que Sennert et Forestus 
l'ont fait connaître par leurs observations. C’est à tort 
que quelques médecins ont prétendu que Coyter, médecin 
allemand, qui a pratiqué la médecine pendant quelques 
années dans le Poitou, était le premier qui en avait 
parlé vers le milieu du seizième siècle. La maladie 
décrite par Coyter était une fièvre pétéchiale, qui fit de 
grands ravages à Poitiers, à la Rochelle, à Angoulême 
et à Bordeaux en 1557; elle différait par ses principaux 
symptômes , par sa durée et par sa gravité, de la fièvre 
scarlatine. Je serais tenté de croire que la maladie, que 
j'ai décrite dans ce mémoire est celle qui a été observée 
par Sydenham, puisqu'en parlant de cette maladie il 
dit que l’éruption ne dure que deux ou trois jours et 
que la maladie est légère, neque vehementer admodm 
ægrotant; mais il dit que ce sont des taches rouges qui 
paraissent à la peau, macul& rubræ, et non pas des 
boutons, papulæ, comme ceux qui caractérisent l’érup- 
tion que j'ai décrite ; il parle aussi de desquammation de 
l'épiderme. On sera étonné que Sydenham , qui était un 
observateur si exact, et qui a pratiqué la médecine si 
long-temps à Londres, ait décrit la scarlatine comme 
une maladie très légère, et qu'il n'ait pas parlé du mal 
de gorge qui en est le symptôme caractéristique , ni de 
lPanasarque qui en est assez souvent la suite, comme 
Sennert et Forestus l’ont observé dans le siècle où il 
vivait. El faut en conclure que cette maladie n'était pas 


( x10 ) 
aussi fréquente , ni accompagnée des mêmes symptômes 
que de nos jours, et voilà sans doute la raison pour laquelle 
Stoll a dit que la fièvre scarlatine n'était pas encore 
assez connue, aondùm sat cognita. Cette maladie a com- 
mencé à Rouen et dans les environs l'automne dernier, 
a été très fréquente cet hiver, a continué ce printemps, 
et continue encore en ce moment sur quelques sujets. 
Elle s’est montrée très grave dans l’hiver et au commen- 
cement du printemps. L'éruption était précédée, chez 
tous les malades, de fièvre, de mal de gorge ; plusieurs 
avaient du délire et des vomissements ; le troisième jour , 
quelquefois plutôt, on voyait paraître, d’abord au visage, 
au cou et à la poitrine, des taches rouges très rapprochées 
les unes des autres ; l’éruption continuait les jours sui- 
vants sur les autres parties du corps, la fièvre devenait 
plus intense, la déglutition plus difficile : il sortait de 
la bouche et des narines une grande quantité de muco- 
sités ; assez souvent le mal de gorge augmentait pendant 
l’éruption, quelquefois il disparaissait. ‘Ce mal de gorge 
a été plus grave et de plus longue durée chez les jeunes 
gens que chez les enfants et les adultes ; assez souvent les 
jeunes gens n’ont eu que le mal de gorge sans éruption, 
ou elle ne s’est montrée qu'aux coudes et aux genoux 
chez quelques-uns. Dans le commencement, la langue 
était couverte d’un enduit blanchâtre; elle se nétoyait peu- 
à-peu dans le cours de la maladie ; sur les côtés et dans le 
milieu; sur son déclin, elle devenait d’un rouge très vif, et 
le passage des boissons lui faisait éprouver des cuissons 
et des picottements incommodes. En général, la maladie 
ne s’est pas terminée avant huit jours, et a duré quelque- 
fois jusqu'au quinzième; mais il y a eu chute de l'épi- 
derme chez tous ceux qui ont eu l’éruption , tantôt sous 
forme d'écailles surfuracées, tantôt par de larges lam- 
beaux qui s’en détachaient ; quelques-uns même ont 
perdu leurs ongles et leurs cheveux, Cette maladie n’a 


( 09 
été funeste qu'à un petit nombre d'individus, mais elle a 
été grave et pénible chez un assez grand nombre. L'érup- 
tion a présenté quelques variétés qu'il est essentiel de 
noter. Chez le plus grand nombre on voyait des taches 
rouges très rapprochées les unes des autres, comme je 
l'ai déjà dit; chez quelques-uns la peau était d’un 
rouge écarlate sur toute sa surface, avec gonflement et 
démangeaisons incommodes ; chez d’autres on voyait 
des plaques plus où moins rouges çà et là, et au milieu 
de ces plaques on apercevait des boutons quelquefois 
rougeâtres et le plus souvent blancs, ayant de la ressem- 
blance avec les pustules miliaires. Cette variété dans les 
éruptions m'a donné lieu de penser que l’éruption qui 
fait le sujet de cette notice pourrait bien être une espèce 
de scarlatine très bénigne plutôt qu’une rougeole ; d’au- 
tant plus que chez une fille de vingt-quatre ans, qui a 
eu cette éruption de boutons rouges sans toux et presque 
sans fièvre , il y a eu un mal de gorge qui n’a duré que 
irente-six heures. Le quatrième jour l’éruption avait 
totalement disparu, et la maladie s’est terminée là; 
mais l'épiderme est tombé en écailles. Un enfant, qui 
demeure dans la même maison, a eu une éruption 
semblable à celle de cette fille, mais sans mal de gorge ; 
elle a disparu aussi le quatrième jour , et l’épiderme s’est 
déiaché en écailles en plusieurs endroits, notamment 
au cou et au menton. Ce sont les deux seuls sujets sur 
lesquelsÿj'aie observé cette desquammation de l’épiderme 
sur les vingt à qui j'ai donné des soins ; mais le mal de 
gorge de la fille de vingt-quatre ans avec cette desquam- 
mation chez elle et chez un enfant à qui elle a commu 
niqué la maladie, c’est-à-dire une éruption de boutons 
rouges lout-à-{ait pareils à ceux qu'elle avait eus, et la 
ressembiance de ces boutons avec ceux des dix-huit autres 
malades que j’aivus, m'ont déterminé à considérer cette 
éruption comme une variété de la scarlatine. Cependant 


(150.2 

il me reste encore quelques doutes, car, dans le nombre 
des filles qui ont eu cette aflection , il ÿ en a quatre que 
j'ai précédemment traitées de la scarlatine avec fièvre , 
mal de gorge, difficulté d’avaler, expuition muqueuse 
et desquammation de l’épiderme à la in de la maladie. Il 
est encore douteux s'il en est de la scarlatine comme de 
la variole et de la rougeole, qu’on n’a qu’une seule fois 
dans le cours de la vie. Des observations ultérieures, 
faites sans aucun esprit de système, pourront seules 
décider cette question. 


(land) 


AA AAA AN AAA AAA AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA PE AA A AN AAA A AAA 


ESSAI SUR L’AME, 
Lu à l'Académie, Le 15 juillet 1831, 
Par M. Viexé, D.-M. 


Messieurs, 


Je désire , en vous faisant hommage de mes réflexions 
sur l’ame, pouvoir acquitter une partie de ma dette en- 
vers vous. | 

Autant le sujet est grave, autant il m'est permis de 
compter sur votre indulgence. 


Première partie. 


Les plus grands philosophes de l'antiquité se sont fait 
de l’ame une idée bien étrange. 

Ils ont pu se persuader que l'ame était une substance 
aërienne, une chaleur innée, un composé de tous les 
éléments, une qualité, une modification de la matière 
vivante el organisée. 

Que d'écrivains modernes ont encore été sectateurs 
aveugles du matérialisme ! 

Mais, quelle que puisse être l'opinion des hommes à 
l'égard de lame, elle sera ce qu'elle a toujours été, 
toujours semblable à Dieu qui en est l'unique source , 
et rien ne saurait infirmer cette assertion, ne saurait 
prouver le contraire. 


15 


(114) 

Que signifient donc ces propositions : il ne peut exis- 
ter d'êtres immatériels ; il y a dans toute la matière une 
ame universelle de laquelle émanent toutes les ames 
particulières ; l'ame ressemble au corps qu'elle habite, 
elle en est la partie la plus déliée , ‘la plus mobile; la 
pensée consiste dans le mouvement d’un certain nombre 
d’atomes ; elle n’est pas un effet, un résultat de l’excita- 
tion de la substance cérébrale, mais cette excitation elle- 
même, et tant d’autres idées de ce genre qui mettent 
l'ame au rang des corps, et Jui font subir les mêmes 
lois, la même destinée ? 

Naturellement conduite à se juger de toute autre ma- 
nière , l’ame gémit de se voir confondue avec la matière 
et menacée de sa propre ruine, elle qui doit nous sur- 
vivre, et radieuse s’élancer vers les cieux. 

Que servirait à l’homme scn organisation particulière, 
s'il n’était pourvu d'une ame qui dût le guider et le faire 
servir à ses plus nobles desseins? 

Sans elle saurait-il qu'il existe ? surtout aurait-il de la 
divinité l’idée qu'il doit en avoir ? Aurait-il à sa gloire 
élevé les plus beaux monuments de tous les siècles? Pour 
mieux l’adorer, les ferait-il retentir de cantiques, su- 
blimes inspirations de son ame, et la preuve incontestable 
qu'elle est toute céleste, que sans cesse elle aspire à s’é- 
lever au-dessus de toutes les sphères , au-dessus de toutes 
les régions; que l'univers entier ne saurait la contenir, 
et que Pun de ses attributs est l’'immensité? 

Cependant, on s’est encore appliqué sérieusement à 
découvrir la place qu'elle était supposée devoir occuper 
dans le corps humain, et la partie la plus exiguë du 
cerveau en à d'abord été réputée le siége : mais, ayant 
reconnu qu'elle manquait dans certains sujets, que 
chez d’autres elle était squirrheuse ou putréfiée, sans 
que la raison en eût été le plus légèrement altérée , on 
l'a fait déchoir de cet honneur pour le décerner à toute 


Cia ) 

autre partie de l’encéphale , à toute autre partie du corps, 
car je n’en sais pas une qui n’en ait joui et n'en ait été 
dépossédée par l'observation fille du temps et de la vérité. 

Que peut-il y avoir de commun entre la matière et 
l'intelligence ? et comment l’homme a-t-il pu s'égarer 
au point de chercher à l’ame une demeure corporelle ? 

Toujours attentive, l'ame nous fait apercevoir les” 
dangers qui nous environnent, et nous les fait éviter ; 
mais de quel endroit et par quel moyen s’opèrent cette 
communication, ces eflets si précieux ? C’est le secret de 
la divinité. 

Vainement nous prendrions à tâche de le lui dérober. 

Sachons plutôt nous humilier devant elle , et nous 
tenir dans les bornes qu’elle nous a prescrites. 

Sachons l’admirer dans toutes ses œuvres, la deviner 
dans tous ses mystères, et dans l'impossibilité même où 
elle nous a mis de les pénétrer. 


Deuxième partie. 


L'homme est composé d’un corps, d'un principe qui 
le vivifie, d’une ame qui le gouverne et que lui seul, 
entre tous les. êtres créés, a reçue de Dieu. 

Ainsi, donner une ame aux animaux, aux végétaux, 
aux minéraux eux-mêmes, pour désigner, dans les deux 
premières classes, la cause de tous les actes de la vita- 
lité, dans la troisième, la persistance des forces d’agréga- 
tion et de combinaison, c’est évidemment profaner le 
nom le plus sacré. 

Sur cela donc apprenons à mieux nous expliquer, à 
mieux nous entendre, et ne souffrons plus que de toutes 
les substances la seule incorruptible partage une déno- 
mination qui lui appartient exclusivement, et laisse 
entre elle et la matière une distance égale à celle qui 
sépare la vie et la mort. 


(116) 

Émanation divine, l'ame tend à se réunir au seul être 
immuable, infini, souverain auteur de toutes choses; 
elle voit, dans le grand œuvre de la création, à la place 
de l'Univers-Dieu, le Dieu de l'Univers. 

Cet Univers, que Dieu lui-même a livré sans réserve 
à la dispute des hommes, est dit par quelques-uns avoir 
existé de tout temps et devoir exister toujours, comme 
si, dans sa nature , dans les lois auxquelles il obéit , dans 
les changements et les altérations dont il est susceptible, 
on ne découvrait autant de preuves qu'il a commenté, 
qu'il finira , et qu'il est l'effet d’une cause supérieure à 
tous les doutes que l’on puisse élever contre elle. 

On a supposé que Dieu lui-même était l'ouvrage des 
hommes, comme si, pour exister, il avait besoin qu'ils 
le reconnussent; pour être adorable , qu'ils lui adres- 
sassent leurs vœux et leur encens ; pour être tout puis- 
sant, qu'ils s’humiliassent devant lui, et fissent l’aveu 
de leur faiblesse. 

On a dit encore que l’ame était produite par le soleil, 
et que, dégagée de ses liens, elle irait l’habiter ; mais , 
si pur que soit l’astre du jour, peut-on le lui assigner 
pour demeure, lui dont l'éclat doit se perdre dans la 
nuit éternelle où lame verra plonger la nature entière ? 

Ainsi, l'ame est indestructible, est immortelle, et toutes 
les ruses du mensonge, toutes les subtilités de lerreur , 
toutes les conséquences tirées de l'influence que semblent 
exercer sur elle les maladies du corps, disparaissent 
comme d'épaisses ténèbres devant les lumières de la 
raison. 

L’ame perçoit, compare, juge, et détermine l’action 
des organes soumis à son empire. 

Sans elle, le corps serait une machine uniquement 
susceptible de mouvements automatiques. 

Et que l’instinct accordé à tous les animaux ne serve 
pas de prétexte à l'homme pour les comparer à lui. 


(ax) 

Qu'il sache mieux se juger, mieux apprécier tous ses 
moyens de faire briller de tout leur éclat les plus belles 
qualités du cœur, et de porter au plus haut degré l’exer- 
cice de toutes les vertus. 

IL est évident que les facultés de lame ont été données 
à l’homme pour le rendre heureux : l'imagination, pour 
l'élever à la hauteur des choses les plus sublimes; l’at- 
tention, pour l’y fixer d’une manière invariable ; la mé- 
moire, pour ne jamais oublier un bienfait; la volonté, 
pour saisir toutes les occasions de le reconnaître, par 
conséquent d’honorer sans cesse la source de toute bonté, 
de toute perfection. 


Troisième partie. 


La structure de notre corps nous pénètre d’étonnement, 
nous saisit d’admiration ; mais serait-il raisonnable d’af- 
firmer que le plus petit insecte fût, à cet égard, moins 
surprenant, moins admirable? La ténuité de ses organes 
me rend son existence encore plus incompréhensible , 
et lui seul, autant que toute la nature, me semble attester 
la puissance infinie de son auteur. 

Quoi qu'il en-soit, le corps humain doit paraître le 
plus bel ouvrage de la divinité, puisque l'ame réfléchit 
sur lui ses rayons célestes; et comment nier qu'elle soit 
l’ornement et le guide de ce corps organisé pour accom- 
plir toutes ses volontés? 

Ainsi, par elle l’homme sait mesurer le temps pour le 
mettre plus à profit ; observer la nature , étudier ses phé- 
nomènes, ses combinaisons, ses mystères , la presser, la 
saisir, en être le digne émule ; à son utilité particulière 
employer tous les éléments, en éviter tous les dangers ; 
attaquer les monts les plus élevés, les rochers les plus 
durs, les renverser, les faire entièrement disparaître ; 
dompter les animaux les plus fiers, les plus rebelles, 


( x18 ) 


apprivoiser les plus féroces; au fond de leurs abimes 
surprendre les habitants des mers; de l'oiseau qui le fuit 
tromper la vitesse, et le précipiter du haut des nues ; 
fixer des limites à l'océan et sur une frêle barque le par- 
courir , le braver ; à toutes les contrées du globe imposer 
ses lois; s'élever dans les airs et paraître maJestueusement 
se frayer la voie de l’immortalité ; fouiller dans les en- 
trailles de la terre , lui ravir ses trésors, leur donner ses 
traits et presque leur donner la vie ; les convertir en palais 
pour sa demeure, et, j'aime à le répéter, les convertir 
en édifices encore plus magnifiques pour y déposer l’image 
de son Dieu, pour y déposer son cœur. 

L'ame est donc ce qui fait opérer à l’homme les plus 
grands prodiges, ce qui le distingue d'avec tous les ani- 
maux, ce qui l'élève au-dessus d'eux, au-dessus de 
lui-même, et je ne puis mieux faire, en me résumant, 
que de redire avec l'honorable auteur d'une réfutation 
lumineuse des principes du matérialisme : 

« L'ame est la cause, tant des phénomènes intellec- 
tuels que des phénomènes matériels qui ont leur point 
de départ dans notre volonté. 

« Dieu, régulateur et des ames et des corps, est la 
cause des phénomènes intellectuels où nous sommes in- 
volontaires , et des phénomènes matériels qui s’accom- 
plissent sans notre intervention. 

« La matière n’est ni ne peut être cause de rien. 

« Retranchez maintenant par la pensée, vous le pou- 
vez, retranchez de ce monde ces deux principes d’aclion, 
les seuls qu’il soit possible d’y concevoir ; retranchez-en 
Dieu et lame : que reste-t-il? 

« Des forces, pures abstractions qui ne relèvent d’au- 
cun être quelconque; des mouvements sans moteur réel ; 
des effets sans cause efliciente ; enfin l’enchaînement des 
phénomènes roulant à perpétuité, et sans repos, dans un 
cercle vicieux, » 


( r19 ) 

Pourquoi donc nier ce qu'il y a de’plus vrai, de plus 
incontestable ? 

Si quelque chose dans l’homme participe de la na- 
ture divine, disait Socrate à ses nombreux disciples, 
c'est son ame. Il n’y a pas de doute que c’est elle qui le 
conduit, qui le gouverne ; néanmoins on ne peut la voir. 

Apprenez donc à ne pas douter des choses invisibles ; 
apprenez à reconnaître leur puissance par leurs effets, et 
à honorer la Divinité. 


( 120 ) 


AAA A AA A AA AA AAA AAA RAA AA AAA A A AA AA AA AA AAA 


RAPPORT 
SUR LES MALADES (MILITAIRES ) 


Traités à l'Hétel-Dieu de Rouen en 1830, 
; Lu à l’Académie, le ex juillet 1831, 


Par M. Herus, Médecin en chef de l'hôpital civil et militaire. 


Messieurs, 


Indépendamment des malades civils, l'Hôtel-Dieu de 
Rouen admet un grand nombre de militaires qui forment 
une division long-temps confiée à un médecin particulier. 

Le Pecq, en 1782, fut nommé médecin militaire ; il 
en exerça les fonctions jusqu'au moment où les troubles 
de la révolution le forcèrent à quitter notre ville. Plus 
d’une fois, il fit part à l'Académie de Rouen des obser- 
vations qu’il avait été à même de recueillir, et les anciens 
mémoires de la Société en conservent encore plusieurs 
fragments fort intéressants. 

MM. Bénard et Delaroche furent successivement char- 
gés de ce service jusqu’en 1810 (1), où les médecins mili- 
taires près les hôpitaux civils furent supprimés, et leurs 
fonctions réunies à celles des médecins et chirurgiens en 
chef de chaque établissement. Depuis cette époque, les 
militaires fiévreux sont confiés au médecin de l'Hôtel 
Dieu, les blessés au chirurgien; les galeux et les véné- 


(1) Antérieurement à cette époque, les militaires occupaient le local 
d'Emnemont , converti en hôpital. C’est lorsque cette maison fut rendue 


à sa première destination que les malades qu’elle renfermait furent trans— 
portés à l'Hôtel-Dien. 


Cast 


riens sont traités à l'hospice général, formant toujours 
une division propre sous la surveillance de l’intendance 
militaire (x). 


TE Te DS DITS EP EEE CT Ce EL 


(1) Pour mieux faire comprendre ce qui doit suivre, il ne sera peut 
être pas inutile de dire un mot sur le mode que j'ai adopté dans l'hôpital 
your l'instruction des élèves et pour la tenue des observations. Jusqu'en 
1828, pas un d'eux n'avait pénétré dans les salles de médecine. Le mé- 
decin faisait sa visite avec le pharmacien. Aucune note n'était re- 
cueïllie. Les pansements à faire étaient écrits sur le même cahier que les 
médicaments et remis à la chirurgie, qui se chargeait de leur exécution : 
usage bien vicieux et non moins préjudiciable aux élèves qu'aux malades. 
De cette sorte, les intentions du médecin ne pouvaient jamais ètre com- 
prises, et les élèves, instruments aveugles, exécutaient avec négligence 
et dégoût des prescriptions dont ils ne comprenaient ni le besoin, ni le 
motif, 

Ma première pensée, lorsque je pris le service , fut d’appeler des élèves 
à la médecine : jusqu'alors la chirurgie seule avait composé toute leur 
instruction. S'ils puisaient quelques notions médicales dans les livres, 
aucun n’était à même de les rectifier par la pratique. Le plus ancien 
des internes et douze externes suffisamment instruits sont successive— 
ment attachés au service médical. Les malades sont partagés en divi— 
sions , à chacune desquelles appartiennent trois élèves, et les lits répartis 
de sorte que chacun n'ait à suivre qu'une vingtaine de malades, sur les-4 
quels il doit, chaque jour, donner les renseignements demandés, Un 
cahier de visite est tenu successivement par le plus ancien de chaque di- 
vision, Sur ce cahier sont portés, jour par jour, les symptômes caractéris— 
tiques de la maladie, les médicaments administrés et l'effet obtenu, Cha- 
que jour ces notes sont fidèlement déposées sur un volumineux registre. 
On ne saurait croire avec quelle ponctualité s'exécute un trayail qui, au 
premier abord, semble fort compliqué. 

Outre cette clinique perpétuelle pour mes élèves, dix malades civils, 
einq hommes et cinq femmes , choisis parmi ce qu'il y a de plus intéres— 
sant , servent de matière aux leçons qui, pendant six mois, sont faites, 
tant au lit du malade que dans l’amphithéâtre, pour tous les étudiants 
de l’école. 

A la sortie ou au décès de chaque malade, les notes qui le concernent 
sont lues à haute voix en présence de tous, et ce n'est qu’à ce moment 
que Je nom de sa maladie est prononcé et porté, ainsi que le résultat du 
traitement , au registre d'observations dans une colonne laissée en blanc 
à cet effet. Cette méthode offre le grand avantage de prévenir les erreurs 


16 


(“x22) 

Long-temps la garde royale seule fut en garnison à 
Rouen, privilége dont notre ville jouissait avec Paris et 
Orléans. Depuis le mois d'août, elle a été remplacée 
par divers régiments de ligne qui n’y ont séjourné que 
pea de temps. Ce fut d’abord le 52°, ensuite le 31°, et 
maintenant le 61°. 

Outre ces militaires, les gendarmes , les marins et les 
douaniers sont admis dans les mêmes salles. Leur petit 
nombre ne méritant pas une mention particulière, il 
n'en sera point question ici. 

Le nombre des militaires admis en 1830 , pour la mé- 
decine , fut de quatre cent trois, ainsi répartis : 


Maladies chroniques. 


entrés, morts. 


Phthysies pulmonaires et pneumonies chro- 

Diqués nn Ale catièure sanians damaibies 
Pétifohties. : 2 27 100 de, tin dd 18 1e 
CARRE VE Al nes se ren dresser. 
Pustules syphilitiques. .........,,...... 
Hypertrophie du cœur........,..,...,... 


de diagnostic, La maladie n’étant désignée que par la succession et l’en- 
semble de ses signes propres, les élèves dont la curiosité est piquée s’exer- 
cent à juger par eux-mèmes, et rarement ils attendent long-temps pour 
se prononcer. Îl arrive souvent qu'une maladie présente, au début, une 
apparence de gravité qu’elle ne conserve pas; une autre, légère dans le 
principe, se complique d’un typhus, d’une scarlatine, d’une variole, et 
si, comme il est d'usage, on se bornait au diagnostic du premier jour, 
on s’exposerait à de fréquentes erreurs : c’est là ce que j’ai täché d'éviter. 

Lorsque tous les malades sont sortis, ce qui demande quatre à cinq 
mois, l’interne est chargé d’en faire un relevé général pour connaître la 
nature des maladies régnantes et les succès obtenus, Ce sont quelques 
réflexions sur un travail fait de cette manière pour les militaires, en 


1850, que je Yais présenter ici. 


{ 1239 


Maladies aiguës. 


entrés. morts. 


Embarras gastrique et intestinal. ........ | “4 » 
Me divorces sh eme ln aie efretete lee 15 » 
NOTE ie ssl een selle ne eo elsiaieie G » 
Anpineses.s.cners se rersessoneseoeeée 13 » 
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Broneintes Aigues. ve 00... 02000 23 » 
HémaphAe re. 2400. MSN EL. 7 »” 
Pleuro-pneumonies................... | 14 | » 
: 379 | 6 

D'autre part. ........ 24, | 8 

TOTAL. css 407 114 


Les maladies chroniques occupent la moindre place 
dans le service militaire de l'Hôtel-Dieu ; il n’en est pas 
comme du civil, où les grabataires et les incurables sont 
une lèpre qui dévore et déborde sans cesse, malgré tous 
les efforts de l'administration. Les eaux, les réformes et 
les convalescences nous offrent des ressources qui nous 
manquent ailleurs. 

Sur seize phthysiques, sept périrent ; les autres fu- 
rent réformés. Un, qui succomba à une péritonite chro- 


(124) 
nique , offrit une dégénération tuberculeuse du péritoine. 

Un autre mourut d’une anasarque ; c'était un sergent 
de l’ex-garde royale, malade depuis six mois des suites 
d’une épidémie que la mauvaise qualité du pain rendit 
meurtrière dans les casernes de la capitale. I n’offrit de 
remarquable que le courage avec lequel il supporta ses 
longues souffrances et la prodigieuse distention de son 
ventre et de ses cuisses, qui fut telle qu'il ne me sou- 
vient pas d’en avoir vu de plus forte. * 

Les embarras de l’estomac et des intestins n’offrent 
d'ordinaire rien à citer. Ces affections simples et béni- 
gnes cèdent à la diète, aux délayants, souvent à de doux 
évacuants; c'est ce qui arriva, sans exception, sur Cin- 
quante qui en furent atteints. Un d’eux mérite cependant 
une mention spéciale. De planton chez le général Tro- 
briant, il s'était amusé au cabaret pour quelques verres 
d’eau-de-vie , dont il avait peu l'habitude ; il se hâta pour 
réparer le temps perdu. En entrant il chancelle, pâlit et 
tombe sans connaissance, les yeux fixes, les mâchoires 
serrées et tout le corps immobile. Appelé sur le champ, 
divers révulsifs furent essayés vainement ; je le fis porter 
à l'Hôtel-Dieu. Ce ne fut qu'après cinq heures de cet état 
qu'un lavement purgatif ayant fait cesser tout spasme, 
le tube intestinal et l'estomac reprirent leur action, et 
qu'une évacuation copicuse, aidée par l’'émétique, le 
rendit au sentiment ainsi qu'à la santé. Il fut plus de 
quinze jours à se remettre de cette secousse. Il rentra 
peu après pour une variole des plus confluentes, dont il 
guérit, non sans avoir couru quelque danger. 

Je tiendrai peu de compte des flux ; j'en reçus quinze 
qui offrirent peu de gravité. Huit cédèrent aux délayants, 
cinq à l’ipécacuanha ; un, plus rebelle, exigea l'emploi 
de l’opium et du simarouba. 

Les angines tonsillaires, au nombre de treize, se ter- 
minèrent, dix par résolution, trois par abcès, du 7 au 9. 


(@iro5n) 
Huit furent évacuées au début et au déclin. Trois fois 
seulement les sangsues furent appliquées aux angles des 
mâchoires, et cela n’empêcha pas une d'elles de se ter- 
miner par suppuration , tant nos moyens soni peu puis- 
sants pour détourner la nature de la voie qu'elle s’est 
choisie. 

Plusieurs vinrent pour des salivations, souvent dues 
au mercure; un d'eux, fort et vigoureux, mouillé par 
un froid de dix degrés après s'être mis en sueur dans 
un incendie qui eut lieu au mois de janvier, présenta 
d’abord une irritation de la poitrine avec toux, sans 
fièvre. Bientôt il rendit , sans effort, et comme par expui- 
tion, sans gonflement de la bouche, une énorme quan- 
tité de matière filante et glaireuse ; cela dura près de 
trois mois, à la dose de deux à trois livres par jour. 
La peau n'était point sèche, et le ventre se tint assez 
libre, Je crus n'avoir rien de mieux à faire que de sou- 
tenir le malade par un bon régime. I supporta parfai- 
tement cette énorme déperdition, qui n’altéra presque 
jamais sa gailé ni son appétit. I ne maigrit pas autant 
qu'on aurait pu le croire. il est évident que le saisisse- 
ment de la peau et la suppression de la transpiration 
furent la cause déterminante de cette affection. Je noterai 
cependant que, dix mois avant, il avait fait un traite- 
ment par les frictions ; pour une syphilis que des taches 
vénériennes attestaient encore. Le mercure, après un 
aussi long temps, peut-il ainsi manifester son action ? 
C'est une question que je ne déciderai point ; je me 
borne à noter le fait. 

Je me hâte d'arriver aux fièvres continues et inter- 
mitltentes, qui furent aussi nombreuses que graves. 
Leur nombre s'éleva à cent soixante-dix-neuf, cent dix 
continues et soixante-neuf intermittentes. Les premières 
se montrèrent avec une violence qui aurait pu faire croire 
qu’elles dépendaient d’une cause épidémique ; un flux 


( 126 } 
séreux au début, avec douleur sourde , quelquefois même 
élévation du ventre ; la langue molle, humide , rouge et 
comme dépouillée ; tantôt épaisse, âpre et noircissant 
facilement ; un abattement général; des symptômes bi- 
lieux et des vomissements fréquents, joints à une singu- 
lière tendance aux fluxions vers l’encéphale , tels furent 
les signes observés. La torpeur, le délire, les convul- 
sions survinrent aussi chez un grand nombre de ces 
malades. Quinze seulement de ces fièvres parurent assez 
légères pour être abandonnées à elles-mêmes; ce fut 
avec succès : une moiteur générale, des évacuations fa- 
ciles par bas, une éruption pustuleuse aux lèvres et aux 
ailes du rez terminèrent la plupart. Soixante, qui of- 
fraient plus de gravité, furent évacués au début et soumis 
à des médications variées suivant le besoin. La guérison 
survint, secondée par des sueurs générales, plus souvent 
par la diarrhée, que plusieurs fois cependant il fallut 
modérer, tant elle se prolongeait. Des épistaxis se mon- 
trèrent fréquemment ; quelquefois ils soulagèrent, d’au- 
tres fois ils parurent dangereux ou insignifiants; un seul 
fut décidément critique. Sur ces soixante malades qui 
guérirent , les sangsues furent appliquées trois fois der- 
rière les oreilles et une fois à l’anus, Pas un ne fut saigné. 
Cinq présentèrent , bien tranchés, des cas de fièvre ar- 
dente dite bilieuse inflammatoire. Une d'elles ne se ter- 
mina qu'après six épistaxis. Toutes ces fièvres dont il 
vient d’être fait mention ne dépassèrent pas quinze jours. 
Celles qui durèrent davantage s’accompagnèrent des 
symptômes les plus alarmants, tels que délire, coma, 
convulsions , vomissements opiniâtres, gangrènes, etc. 
Elles furent aussi variées dans leur marche que dans 
leur terminaison; les mêmes moyens ne furent pas 
constamment efficaces. La tête parut la région le plus 
souvent menacée. Ces fièvres furent au nombre de trente- 
cinq : deux périrent qui avaient été saignés , l’un du pied, 


(“2570 
avant son entrée , l'autre du bras, à l'hôpital, Tous deux, 
outre cela, avaient eu plusieurs hémorragies nasales. 
Un troisième , arrivé exténué par de nombreuses sang 
sues mises, à la caserne , sur le ventre , tomba dans un 
affaissement dont rien ne put le tirer. 

Un malade saigne du bras fut plus heureux ; il guérit , 
ainsi que deux auxquels des sangsues furent mises der- 
rière les oreilles. Sur six malades saignés, soit par les 
sangsues , soit par la lancette , trois périrent ; les vingt- 
neuf autres furent évacués lorsqu'ils vinrent au début et 
soumis à l'emploi des laxatifs doux, comme le tamarin, 
la casse, la crême de tartre, la manne suivant le be- 
soin. Les vésicatoires furent rarement avantageux ; le 
quinquiva rendit de grands services. 

Grand nombre de ces malades eurent des épistaxis 
avec une issue différente, et non sans danger pour plu- 
sieurs, moins par leur abondance que par l’activité que 
les symptômes semblaient en recevoir lorsqu'ils ne s’a- 
mendaient point immédiatement, ce qui faisait crain- 
dre une issue funeste. Deux périrent ainsi, non soulagés 
par des épistaxis répétés , un dans les convulsions, l'au- 
tre épuisé par une énorme escarre qui ne fut point cri- 
tique. Trois dans-le même cas guérirent, ayant eu au dé- 
but des hémorragies répétées à des époques variables ; 
chez deux la diarrhée avec moiteur fit bien espérer ; 
l’autre, atteint d'un tœnia dont il rendit de longues por- 
tions, guérit malgré une escarre gangréneuse de six 
pouces de largeur, survenue au vingt-unième jour. 

Ce n'est pas la première fois que je rencontre des 
fièvres graves chez des individus ayant des tœænia, et 
bien qu’alors les malades aient coura les plus grands 
dangers, il ne me souvient pas en avoir vu périr au- 
cun. 

J'ai dit n'avoir observé qu'une hémorragie décidé- 
ment critique ; le malade était arrivé au dix-neuvième 


( 128 

jour, au milieu des signes les plus menaçanis ; le délire et 
la prostration ne cessaient point. Le vingtième, il eut une 
légère hémorragie sans résultat prononcé ; mais, à l’acca- 
blement croissant et à l’activité particulière du pouls, 
j'en présageai une seconde. Je recommandai de la res- 
pecter, quelle qu’elle fût, l'avertissement ne fut pas de 
trop. Dans la nuit du 22 au 23, il en survint une ef- 
frayante par son abondance et par les syncopes qui la 
suivirent. La fièvre cessa de suite, la convalescence fut 
prompte et complète. 

Plusieurs fois j'ai remarqué, à une époque avancée de la 
maladie , des vomissements bilieux précédés d’un trouble 
général et suivis d’un calme complet. Ils étaient criti- 
ques. Un assez grand nombre , tourmenté sans résultat, 
se trouva bien , à cette époque de la maladie, de l’éméti- 
que à doses réfractées. 

Il serait difficile de dire si tel symptôme grave était déci- 
dément funeste , car parmi ceux qui sucecombèrent et ceux 
qui guérirent, on en observa souvent d’analogues. C’est 
ainsi qu'un périt à la suite d’un gonflement œdémateux de 
la face, malgré lequel son voisin guérit parfaitement. 

Quelques malades, arrivés au dernier degré de prostra- 
tion, durent leur salut au quinquina en décoction à haute 
dose. Dans plusieurs cas, ce médicament me parut tel- 
lement héroïque , que sans lui j’entrevoyais bien peu de 
chances de guérison. On voyait sous son influence le 
malade s’éveiller, la langue se nétoyer, le flux dimi- 
nuer, le pouls et la chaleur renaître ; et si, par erreur 
ou à dessein, on en suspendait l’usage , les élèves eux- 
mêmes s’en apercevaient au premier aspect. 

Ces fièvres m'ont surtout paru remarquables par leur 
nombre et leur gravité (1). Elles se montrèrent surtout 


(1) Les travaux des contemporains ne me paraissent pas avoir jelé sur 
l’étiologie des fièvres le jour qu’on en devait espérer. Des mots nouveaux 


( 129 ) 

dans la seconde période de l’année, où les malades 
nous abondèrent d'une manière tout insolite. La cause 
en était palpable ; à la garde royale, corps d'élite, succé- 
daient des recrues, des régiments de ligne fort inéga- 
lement composés. La réorganisation de l’armée sou- 
mettait à des marches forcées une foule de soldats 
restés jusqu'alors dans leurs foyers, et les circonstances 
multipliaient, pour la garnison de Rouen, des corvées 
au-dessus des forces de beaucoup de ceux qui la com- 
posaient. Sur cent dix, il en périt six, et sur six aux- 
quels on tira du sang, soit par les sangsues , soit par 
la lancette, il en périt trois. Les autres furent pour 
la plupart évacués au début et soumis à une médica- 
tion variée suivant le besoin. 


donnés pour désigner des maladies anciennes, des recherches peu con 
cluantes d'anatomie pathologique, la réunion sous un même titre d’af- 
fections en tout dissemblables , et une tendance générale à localiser des 
altérations qui, par leur cause et leur mobilité, s’y refuseront toujours; 
voilà où nous en sommes sur la nature et le siège de ces fièvres, Quant au 
traitement, quel est l'observateur impartial qui oserait affirmer que, de- 
puis les doctrines nouvelles, il soit plus rationnel, moins variable et surtout 
plus heureux ? - 

Lorsqu'il s'agit de former des élèves et de leur enseigner la vérité, on 
conçoit que la tâche devient de plus en plus difficile; aussi jai renoncé à 
toute dénomination propre pour les fièvres. Je les divise en continues et 
intermittentes , division invariable ; et chacune de celles-ci est, suivant 
ses symptômes, désignée sous le nom de grave ou bénigne. J’ai soin de 
rappeler les dénominations anciennement usitées, sans lesquelles la lec— 
ture des anciens auteurs deviendrait inintelligible, et je fais connaître en 
mème temps leur synonymie, avec les expressions nouvelles. De cette ma— 
nière, aucune idée préconçue ne vient influer ni sur la nature, ni sur le 
traitement; l'esprit , libre de préjugés, observe avec plus d'indépendance, 
et, lorsque mes élèves suivent une fièvre grave, ils la dénomment eux- 
mêmes à leur gré; ils la qualifient indifféremment de fievre putride, adi-— 
namique, entéro-mésentérique, dothin-entérite, gastro-entérite, parce 
qu'ils savent que pour nous les mots ont peu de valeur en présence des 
faits. 

17 


{ 1301) 

L'ouverture des corps nous a présenté, chez un grand 
nombre, mais non constamment, des éruptions, des 
ulcérations ou désorganisalions plus ou moins avancées 
dans les intestins , et notamment dans le cœcum et 
l'iléon, des engorgements du mésentère , concurrem- 
ment avec des désordres variés vers la poitrine ou 
l'encéphale , dûs à des complications survenues dans 
une période avancée de la maladie; l’estomac fut 
constamment trouvé peu gravement altéré. 

Les convalescences furent , en général , franches et ra- 
pides ; la plupart de ceux qui sortirent de l'hôpital 
reprirent leur service. 

Aurais-je obtenu d’aussi heureux résultats en usant 
moins sobrement de la saignée ? Je ne puis le penser : 
l'exemple de mes devanciers, MM. Lepecq, Rouelle et 
Roussel, m'a servi de guide sur ce point, et l'expérience 
confirme chaque jour leur manière de voir. 

Convaincu que, dans notre ville, les médications dé- 
bilitantes conviennent moins qu'ailleurs, nous y regar- 
dons en deux foïs pour verser le sang; nous sommes 
mêmes en garde contre les sangsues : nous prescrivons 
rigoureusement leur nombre et le temps pendant lequel 
elles doivent couler. Pour la saignée de la veine, nous 
exigeons qu'on se serve de vases d'étain de la capacité 
de trois onces; on nous les représente le lendemain. 
Nous tenons un compte sévère de la qualité du sang. IL 
ne me souvient pas d'en avoir fait tirer au-delà de dix 
onces, et jamais, je crois, je ne l’ai réitérée chez le 
même individu. 

Je pense que ces précautions, trop souvent négligées, 
auront l’assentiment de tout praticien éclairé. 

Je n’ai point fait mention de la tendance qu’avaient 
beaucoup de fièvres continues à devenir intermittentes 
vers leur déclin. Plusieurs furent décidément rémit- 
tentes, ce qui tint à la constitution qui, depuis trois 


( x3#) 
ans, a rendu si fréquentes les fièvres d'accès, non-seu- 
lement sur les rives de la Seine, qu'elles ont désolées 
plus que jamais, mais encore dans notre ville, où elles 
se montra ent si rarement. Les militaires même récem- 
ment arrivés n’en furent point à l'abri. Nous en reçümes 
soixante-neuf : 

Sept irrégulières ; 

.Onze quotidiennes ; 

Quarante-trois tierces ; 

Sept quartes ; 

Une larvée. 

Un tiers environ céda spontanément par le repos et 
la diète, aidé de quelques évacuations par la peau, les 
selles ou le nez. On remarqua surtout des épistaxis sur 
les quotidiennes. Une seule fois les sangsues furent mises 
à l'anus ; aucun d’eux ne fut autrement saigné. 

Quarante-neuf furent évacuées, et vingt-neuf fois la 
fièvre céda à cette seule médication. Les autres guérirent 
par le sulfate de kinine seul ou associé à Popium. Deux 
résistèrent : chez l’un, la fièvre était entretenue par une 
tuméfaction énorme de la rate, contractée aux colonies ; 
chez l’autre, par un mauvais état de la poitrine. Je les 
fis tous deux réformer. 

Le reste guérit , sans exception, avec une promptitude 
et une sûreté à laquelle nous sommes habitués. Jamais 
le quinquina ne fut donné en substance ; le sulfate de ki- 
nine s’est toujours montré le plus doux comme le plus 
efficace des remèdes. Depuis trois ans, les fièvres d'accès 
se sont montrées aussi fréquentes qu’elles étaient rares 
dans notre ville, et ce n’est pas exagérer que de porter à 
trois cents le nombre des malades auxquels nous l’avons 
administré, non-seulement sans regret, mais avec un 
succès constant. 

Les fièvres ne furent pas seules dignes d'attention; les 
maladies de poitrine donnèrent lieu à des observations 


(Ç adau) 
aussi nombreuses qu'intéressantes. Nous allons les par- 
courir, après avoir mentionné quelque cas d’affections 
intercurrentes. 

Un militaire, se promenant sur les petites eaux de 
Martainville, introduisit sa main dans un buisson pour 
prendre un nid ; il fut mordu par une vipère aux @oigts 
index et médius ; le bras se gonfla, la main devint dou- 
loureuse, et des symptômes nerveux se déclarèrent. Les 
morsures furent cautérisées et le malade envoyé à l'Hà- 
tel-Dieu, où quelques doses d’éther suffirent pour cal- 
mer ces accidents qui n’offrirent rien de bien alarmaut. 

Six varioles confluentes guérirent avec facilité. Nous 
avons consigné ailleurs le mode de traitement que nous 
avons adopté (1). Une septième survint chez un malheu- 
reux qui languissait d’une pneumonie chronique. Une 
fluxion nouvelle qu’elle détermina sur la poitrine, le fit 
périr dans les convulsions avant la sortie complète de 
l’éruption; c’est là ce qui m'a déterminé à le ranger parmi 
les malades morts de pneumonies chroniques. 

Un malade, convalescent d'une fièvre d’accès fort bé- 
nigne , avait, depuis vingt jours, une blennorrhagie peu 
douloureuse ; il n’obtint aucun soulagement, ni du co- 
pahu, ni du poivre cubèbe administrés à haute dose. Je 
note ici ce cas d’infidélité de la part de ces remèdes, 
qui d'ordinaire réussissent si bien. Le malade était fa- 
tigué des médicaments ; je l’envoyai à l’'Hospice général, 
aux soins de notre confrère, qui, sans doute, aura été 
plus heureux dans le traitement de cette affection bien 
légère, ainsi que chacun sait, mais parfois aussi impor- 
tune pour le médecin que pour le malade. 

Parmi cinq rhumatismes, un fixé sur le nerf sciatique 
fut envoyé aux eaux de Bagnoles, qu'il prit avec succès. 


(1) Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Rouen, en 1824, 


( 1839 

Un autre était atteint d’un rhumatisme aigu fort dou- 
loureux. Déjà pris, il y a deux ans, il avait été traité 
par les saignées répétées ; il avait long-temps souffert, 
et il fut plus de trois mois sans pouvoir reprendre le ser- 
vice. Nous suivimes une autre marche; néanmoins les 
douleurs ne se calmèrent qu'après vingt-huit à trente 
jours, par les sueurs et les narcotiques. Il reprit son ser- 
vice; après avoir séjourné près de trois mois à l'hôpital. 
Les affections catarrhales simples et les pleurodinies 
offrent trop peu d'intérêt pour trouver place ici. Leur 
nombre s’éleva à quarante-neuf, qui guérirent avec une 
grande facilité. 

Les instructeurs et les musiciens des régiments sont 
souvent affectés d'hémoptisies : sept cédèrent facilement 
au silence, à la diète, aux boissons adoucissantes. Je 
juge bien rarement utile de recourir à une médication 
plus active, puisque celle-là me réussit constamment. 

I m'eût été bien facile de grossir la liste des pneumo- 
nies aux dépens des bronchites aiguës, car des nuances 
souvent bien légères séparent ces deux aflections. Habi- 
tués à une certaine sévérité dans le diagnostic, nous atten- 
dons, pour nous prononcer, que la masse des signes ne 
nous laisse aucune équivoque. Une crépitation douteuse 
est par nous comptée pour rien, et un côté du thorax mal 
résonnant sous la percussion ne nous suffit pas, dans la 
conviction où nous sommes qu’un poumon peut passa- 
gèrement être engoué par des causes bien variées, étran- 
gères à la pneumonie et sans aucun danger. Les bron- 
chites aiguës furent au nombre de vingt-trois, qui se 
terminèrent heureusement. 

Les pleurésies et les pleuro-pneumonies, au nombre 
de quatorze , ne furent pas traitées avec moins de succès. 
Tous ceux qui en furent atteints présentèrent au début 
les symptômes les plus aigus. Voici le traitement qui 
leur fut administré : 


(134) 

Cinq seulement furent saignés, un après le septième 
jour, pour une pneumonie grave, compliquée d'hyper- 
trophie du cœur, qui causa sans doute les accidents mul- 
tipliés qui retardèrent la guérison jusqu’au trentième 
jour. Il ne put reprendre son service que le cinquan- 
ième. 

Un deuxième fut saigné sans beaucoup de soulage- 
ment ; l'élève n’avait obtenu que quatre onces de sang ; 
un seul émétique fut donné. La guérison fut complète le 
douzième jour. 

J'en fis saigner au troisième jour un qui offrait la ma- 
ladie dans toute son acuité : la nature du sang me con- 
vainquit que j'aurais pu mieux faire. Îl eut une rechute, 
et guérit par des sueurs abondantes précédées d'épis- 
taxis : il séjourna vingt-huit jours. 

Une saignée du bras avait peu soulagé un malade 
violemment pris. Un émétique opéra mieux ; quinze 
sangsues enlevèrent un point douloureux qui résistait, et 
dès-lors la maladie suivit une marche douce et prompte 
vers la guérison, qui eut lieu le septième jour. 

Chez un cinquième, J'eus recours aux sangsues pour 
une pleuro-pneumonie des plus aiguës ; des symptômes 
alarmants de prostration suivirent ; la maladie fut grave, 
des sangsues furent réappliquées à l’anus, le malade 
guérit le dixième et sortit le quinzième jour. 

Les neuf autres ne furent point saignés ; l’émétique , 
donné au début, ne fut chez aucun répété dans le cours 
de la maladie. Le point douloureux, l'oppression , la 
fièvre diminuaient par cette seule médication. Des sueurs 
survenaient, des crachats mousseux étaient rendus et 
terminaient tout de la manière la plus douce et la plus 
heureuse. 

Chacun comprendra que les succès que nous avons 
obtenus sur la totalité de nos malades furent singulière- 
ment secondés par la position particulière où ils se trou- 


(12359 
vaient. C’est à des résultats de même nature qu'il les 
faut comparer pour les bien juger. Il ne serait pas pos- 
sible d'établir aucun parallèle entre la médecine faite sur 
des hommes choisis de vingt à trente ans, et celle qui 
opère sur des malades civils, hommes et femmes, épui- 
sés par l’âge, le travail ou les infirmités. 

La mortalité fut d’un sur vingi-neuf pour la masse. 
Pendant le premier semestre, il en mourut quatre sur 
cent cinquante - sept, ce qui fait un sur trente-neuf; 
tandis que , dans le second , il en périt dix sur deux cent 
quarante-six, où un sur vingt-cinq (1). 

Le succès le plus frappant que nous ayons obtenu est 
sans contredit celui des pneumonies , car sur quatorze 
il n’en périt aucune. On peut, d’après les faits cités, 
juger la méthode qui fut suivie , et combien je crus de- 
voir être sobre de saignées dans une affection qui passe 
pour la réclamer si impérieusement. L'âge et la force 
des sujets, loin d’être ici une chance favorable , semblent 
produire un effet tout contraire. Si nous agissons ainsi 
sur des militaires dans la force de lâge , que doit- ce 
être pour le civil? Aussi, bien rarement chez eux je fais 


(1) La mortalité dans les hôpitaux varie suivant l'état physique et 
moral de ceux qu’on y traite. Autre est une ville florissante et dont la 
population est heureuse, et celle dont l’industrie souffre et ne permet 
pas à une partie de ses habitants de pourvoir à ses premiers besoins. Le 
manque de travail, la cherté du pain, plus encore que les maladies an- 
nuelles, grossissent le nécrologe d’un hôpital civil. 

Les variations sont bien autrement sensibles dans un hôpital militaire. 
En temps de paix, la mortalité est généralement peu considérable ; mais 
viennent des bruits de guerre, des recrues nombreuses , elle augmente ra- 
pidement. Que la fatigue, les privations , la nostalgie s’en mèlent, il n’y 
aura plus de rapprochement possible. Survienne enfin une maladie épidé-— 
mique, comme la dysenterie, la fièvre jaune, le typhus, le choléra, au lieu 
de perdre un malade sur trente , le médecin le plus expérimenté se trou- 
vera heureux d'en sauver dix sur vingt. 


(136) 
ouvrir la veine , et cependant les pneumonies n'y man- 
quent pas : de nombreux témoins peuvent affirmer les 
succès qu’on obtient par une méthode bien différente. 

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il en est ainsi à l'Hôtel- 
Dieu de Rouen; M. Laennec, qui a rendu de si 
grands services à la science sur cette partie, convient, 
d'après les observations que j'adressai à l’Académie 
royale de médecine, en 1825, qu'à l'Hôtel-Dieu de 
Rouen, il en périt un sur neuf, tandis qu'ailleurs la 
mortalité est d'un sur six. J’ai quelques raisons de croire 
que les relevés des dernières années sont encore plus 
satisfaisants. 

M. Laennec, dans son bel ouvrage sur l’ausculta- 
tion (x), en avouant les avantages de notre méthode, 
n'avait pas bien présents les faits sur lesquels il jugeait ; 
il n'eût pas dit qu'elle était fatigante pour les malades. 
Les élèves et les jeunes confrères qui fréquemment as- 
sistent à nos visites, peuvent attester que s’il en est peu 
d’aussi heureuses, il n’en est point de plus douce. 

Si ces faits ne résultaient que de l'observation du 
moment, on pourrait admettre l'existence d’une de ces 
constitutions particulières qui donnent aux maladies 
une physionomie propre et insolite. Je ne puis admettre 
celte supposition. Depuis dix ans, je vois les mêmes 
moyens suivis des mêmes résultats ; où Lepecq a-t-il 
puisé les faits si beaux, si concluants de ces pneumonies 
que la saignée exaspérait, et qui cédaient comme par 
enchantement à de doux évacuants convenablement ad- 
ministrés ? 

Si nous remontons un peu plus haut, nous pourrons 
nous convaincre qu'ailleurs qu’à Rouen ce mode de faire 
a été suivi avec succès. A-t-on perdu le souvenir de ce 


(1) LAENNEC, Auscultation médiate, 2e édition, tome 11, 


(137) 
doyen de Caen, qui eut à soutenir, en 1682, un procès 
contre la faculté qu'il présidait, pour avoir osé guérir 
des pneumonies par l’émétique et les purgatifs, moyens 
alors solennellement condamnés. 

Stoll, à Vienne, dut une grande partie de sa gloire à 
l'emploi des moyens qui, quinze ans auparavant, réus- 
sirent si bien à M. Le Pecq. Et, il y a près de deux cents 
ans, Lazare Rivière, par ses écrits et sa pratique, 
n’avait-il pas signalé les mêmes faits à la faculté de 
Montpellier ? 

Je sais que la médecine doit varier suivant les temps 
et les lieux ; je ne pense pas que ce mode d'agir qui 
réussit si bien ici, soit partout également bon, je n’ose- 
rais même affirmer qu'il conviendra toujours; mais je 
suis Convaincu que notre ville, par sa position, ses 
vents, ses eaux, les mœurs de ses habitants, a un climat 
propre, dont l'influence est tellement puissante, qu’elle 
modifie en peu de temps la constitution de ceux qui y 
viennent séjourner, et imprime aux maladies même 
les plus aiguës en apparence, un caractère catarrhal et 
bilieux qui peut bien offrir des nuances, mais qui règne 
trop généralement pour qu'on n’y porte pas dans le trai- 
tement une atténtion toute spéciale (1). 

J'ai dit quelques mots sur plusieurs des moyens cura- 
tifs dont je fais un fréquent usage. Je n’entrerai point dans 
un détail qui serait ici fastidieux. La plupart des médica- 
tions que j'emploie sont d'une extrême simplicité. Ce 
n'est point dans l'asile du pauvre que lon doit sacrifier 


(1) Romæ seribimus et in aere romano, quod ideo monemus, ne in- 
sulsus aliquis, cujus nomen tacemus, si contraria in suà patrià aquilonari 
experiatur, insulsè denuo irascatur in sequaces Hippocratis. Sancte fateor 
ferè centiès hujus modi veritatem expertus sum Romæ in ægrotantibus ; 
et sæpe cum magno animi mærore quando medicos in contrariam ire 
sententiam observabam. ( Baglivi opera, t.1.) 


18 


( 138 ) 


au luxe ou au caprice de la mode; des besoins plus réels 
sont là qui*réclament ce qu'ailleurs on peut accor- 
der pour flatter le goût ou capter l'imagination. Nous 
ignorons ces remèdes rares et compliqués dont l’action 
ne saurait être expliquée par ceux mêmes qui les em- 
ploient. Jamais nous n'avons attaché de prix au nom- 
bre ni à l'élégance de nos formules; nous allons droit 
au but. La matière médicale est bien riche pour celui qui 
la sait employer. Le formulaire que j'ai tracé pour l'hô- 
pital est tellement simple , que je crois qu'il serait pos- 
sible de le graver sur une carte. Je n’y fais que de bien 
rares additions, et si parfois je tente l’essai d'une subs- 
tance nouvelle, c’est avec une réserve qu’on pourrait 
ailleurs appeler de la timidité, mais qui, du moins, ne 
m'expose à aucuns regrets. C’est surtout à l'Hôtel-Dicu 
de Rouen qu'on ignore les expériments dangereux; la 
vie de nos semblables m'a toujours été d’un trop haut 
prix pour la compromettre dans la moindre tentative ha- 
sardeuse. Depuis le sulfate de kinine, découverte dont 
le premier je crois à Rouen avoir constaté l'efficacité, 
bien peu de médicaments nouveaux m'ont paru dignes 
d'être usuellement conservés. L'aconit, la thridace , la 
salicine , les derniers dont j'ai fait l'emploi, m'ont paru 
infidèles ou dangereux. Soumis au creuset de l'expérience, 
ils n’ont pas mérité à mes yeux les éloges qu’on leur pro- 
diguait. 

Sans prétendre infirmer en rien le mérite ou l'exacti- 
tude des observations de praticiens recommandables, je 
n'ai point encore denné l’émétique à haute dose dans la 
pneumonie, parce que je crois qu'on peut obtenir des suc- 
cès par des voies plus douces et plus sûres. Jamais notre 
budjet ne s’est enflé d’une profusion de sangsues, dont Pu- 
tilité ne m'a point été assez démontrée pour en imposer 
aux malades le tourment et le danger; mais nous nous 
attachons surtout à pénétrer nos élèves des ressources in- 


( #39 ) 
finies de la nature, sans chercher à les séduire par un vain 
appareil de médicaments qui les exposerait plus tard à 
de tristes déceptions. 

Quel que soit le mode de traitement que nous adop- 
tions, nous ne perdons jamais de vue qu'au-dessus de 
tous nos moyens il existe une force médicatrice toujours 
présente , toujours agissante, dont les efforts ne deman- 
dent qu’à être secondés, que le médecin doit suivre et 
connaître , que le plus habile est son plus digne inter- 
prête, et qu'il ne doit jamais compter sur plus de succès 
que lorsqu'il la laisse agir en toute liberté. 


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CLASSE 


DES BELLES-LETTRES ET ARTS. 


RAPPORT 


Fair par M. N. BicNoN, Secrétaire perpétuel. 


Messieurs , 


Ce serait peut-être un tableau de quelque intérêt pour 
le public que l'exposé des produits littéraires de la der- 
nière moitié du 18° siècle, comparés à ceux qui signa- 
lent le 19°, malgré les perturbations politiques de toute 
espèce et l’entraînement des esprits vers les spéculations 
lucratives de toutes les industries. Ce pourrait être, en 
même temps, une solide réponse au dénigrement de ces 
pessimistes de profession qui s'obstinent encore à nous 
faire accroire que, depuis quarante ans, l'instruction de 
la jeunesse a été sans résultat , offusqués sans doute par 
l'éclat de la lumière dont l’âge viril actuel les en- 
vironne. 

Non, Messieurs, non, malgré le système rétrograde oc- 
culte constamment suivi depuis le commencement du siè- 
cle , surtout dans le personnel de la partie administrative, 
l'instruction publique a porté son fruit par la seule force 
des choses ; dans aucun temps, le professorat n’a compté 
plus d'hommes d’un vrai talent ; et, si l’on excepte quel- 


Cr#2) 
ques vieilles pratiques routinières et celte prétendue phi- 
Josophie scolastique qui, sous un nom pompeux, occupe 
le temps le plus précieux de la jeunesse d’une métaphy- 
sique abstruse, aux dépens de la théorie des idées et du 
raisonnement, la seule métaphysique intelligible et profi- 
table, jamais encore l'instruction publique en France 
n'offrit ni autant d’élendue ni autant de variété dans ses 
éléments, pour la composition d’un bon système appro- 
prié aux besoins de la société actuelle, La preuve en est 
sensible dans la jeunesse studieuse sortie nouvellement de 


nos colléges , et qui prend soin de cultiver les semences 


qu'on lui a confiées; oni, Messieurs, et (que l’on veuille 
bien nous pardonner cette franchise, qui n’est que l’ex- 
pression d'une ancienne et habituelle sympathie) pour 
être quelquefois admirables par l'étendue de leurs con- 
naissances, peut-être ne manquerait-il à nos jeunes gens 
que d’avoir souvent un peu moins de ce ton dogmatique 
et tranchant qui fait repousser la vérité même, et un peu 
plus de ces aimables déférences qui donnent tant de 
charme au savoir. 

Mais, Messieurs, ce ne peut être ici que le pro- 


gramme, en quelque sorte, d’une siatistique comparative 


à faire, qui demanderait un autre temps et une autre 
plume. 


— L'ouverture des travaux de cette année s’est faite sous. 


la direction de M. Houel; nommé subitement à la prési- 
dence du tribunal civil de Louviers, il n’a eu que le temps 
de faire à la compagnie un adieu verbal plein d’expres- 
sions affectueuses qui ont encore augmenté les regrets 


de son éloignement. M. Blanche, qui lui a succédé dans. 


la même séance, s’est rendu l'organe de l’assemblée, en 
adressant à M. Houel des remercîments sur la manière 
distinguée dont il avait supplééle président durant pres- 
que toute l’année dernière ; et il a saisi un motif de con- 


(143) 
solation pour toute la compagnie dans cet espoir que la 
ville pourrait reconquérir un jour, pour sa magistrature, 
un talent indigène qui laisse d’honorables souvenirs dans 
notre barreau. 


= L'Académie a reçu, cette année, pour orner sa bi- 
bliothèque et l'éclairer elle-même dans ses travaux : 

De M. le Préfet du département, vingt-quatre volumes 
des Classiques latins, faisant suite à la collection des en- 
vois précédents du même ouvrage ; 

De M. le Maire de la ville, le catalogue de la Biblio- 
thèque publique (partie des Belles-Lettres), par M. Théo- 
dore Licquet, conservateur ; 

De M. Tougard, avocat à la Cour royale, une Adresse 
aux deux chambres législatives, sur la peine de mort, et 
une pétition aux mêmes, sur le droit électoral; 

De M. Sellon, membre du souverain conseil de 
Genève, un programme de prix, sur les moyens d'assu- 
rer la paix générale, et sur le vœu à exprimer au futur 
congrès ; 

De la Société d'enseignement mutuel à Rouen, le 
procès-verbal de sa Séance publique, en 1830, et des 
progrès dûs au zèle et aux sacrifices d’une administration 
toute bienveillante ; 

De la Société royale des Antiquaires de France, le Pré- 
cis d'une notice sur ses travaux, par M. Sébastien Bottin ; 

De la Société de géographie de France, les n°° 93 et 
94 de son 15 volume ; 

De M. Auguste Asselin, de Cherbourg, une Notice sur 
la découverte des restes d’une habitation romaine dans 
la mielle de cette ville, et sur quelques antiquités trouvées 
entre Cherbourg et Valognes ; 

De M. F. C.…, une Biographie d'Abbeville et de ses 
ænvirons ; 


De la Société des antiquaires du Nord, à Copenhague, 


(144) 

un rapport très détaillé fait au roi de Danemark, par 
M. le chevalier d'Adamson, le 31 mai 1830, et qui cons- 
tate l'existence, à cette époque, de 2,824 écoles d’ensei- 
gaement mutuel dans ces petits états, où la méthode n’a 
commencé à s'établir qu’en 1822 ; ce qui prouverait assez 
‘peut-être que le bon sens et la lumière de l’esprit ne 
sont pas en raison directe de la proximité du soleil. 


= Organe d’une commission nommée pour les poésies 
de M. Edmond du Petit-Bois, M. Duputel, dans un préli- 
minaire , a jugé notre siècle bien propre à fournir des su- 
jets de tragédies à la postérité, mais très peu poétique 
pour l’âge présent. Il a entendu les cris des factions, le 
retentissement ce la chute des empires, précurseur du 
bouleversement de la vieille Europe! Aussi fait-on bien 
peu de vers aujourd'hui, dit notre confrère; et, venant 
ensuite à ceux de M. du Petit-Bois, qu'il soupçonne 
être encore fort jeune , n'ayant point dans son style un 
genre déterminé, la Mort de Landais, par la chaleur 
d'expression et les vérités de sentiment, lui a paru digne 
de plaire en tout temps et en tout pays; il a signalé des 
beautés et des défauts dans la ballade et dans l’ode, quel- 
quefois un peu tachetée de romantique. 

Ici, Messieurs, nous devons faire une remarque essen- 
tielle pour la statistique de l’Académie ; c’est que, depuis 
plusieurs années, nous n’entendons plus que le nom de 
ce phénomène littéraire, de cette école vaporeuse pré- 
chée naguères parmi nous avec tant de chaleur, qui de- 
vait envahir tous les genres, pour laquelle 7/ n’y avait pas 
assez de presses, et qui paraît destinée à s’abîmer au milieu 
des farces théâtrales ; à moins, toutefois, que , pour con- 
server au système ce qu'il peut avoir d’applicable à l’état 
actuel de la civilisation française, ses coryphées, guéris 
d’un enthousiasme irréfléchi, ne rentrent dans les limites 
de la raison et du vrai goût, si légèrement sacrifiés à 


C145) 
cette bizarre fantaisie, qui ferme peut-être la voie de 
lPimmortalité à quelques-uns de leurs ouvrages. 


= La Revue normande, ouvrage périodique annuel de 
M. de Caumont, professeur à Caen, a pour but, suivant 
M. 4. Le Prevost, d'affranchir les provinces du monopole 
des réputations, que la capitale continue à s’arroger en 
fait de sciences, de littérature et d’arts ; et le moyen choisi 
par l’auteur pour l'émancipation des talents de toute 
espèce, c’est d'offrir, dans sa revue, un centre de renom- 
mée à tous les produits intellectuels des cinq départe- 
ments formés de l’ancienne Normandie, et de les publier 
par la voie de la presse, dans un recueil indépendant des 
coteries parisiennes. L'analyse de notre confrère, pour 
le recueil de cette année, est bien capable d’inspirer la 
confiance , et la manière dont il s’est exprimé sur les ta- 
lents et la personne du rédacteur, offre encore une nou- 
velle garantie. 


= Un Cours d'antiquités monumentales, professé gratui- 
tement par le même M. de Caumont, et dans la même 
ville, a corroboré, sur le rapport de M. Deville, l'opinion 
avantageuse de M. Le Prevost. Ce cours, qui contient 
cette année l'ère celtique avec son atlas, doit embrasser 
la domination romaine etle moyen âge, pour se termi- 
ner avec l'époque de la renaissance. Notre confrère à fait 
sentir, en connaissance de cause, l’importance, en géné- 
ral, d’une tâche aussi vaste et aussi remplie de difficultés; 
combien, en particulier, il a fallu de sagacité pour percer 
les épaisses ténèbres de cette première partie, et de cons- 
cience, en même temps, pour se défendre de la manie 
trop ordinaire des systèmes sur l'histoire monumentale 
d’un peuple qui n’écrivait pas. Cependant les éloges n'ont 
pas été sans restriction : notre confrère, qui lui-même a 
procuré quelques renseignements à M. de Caumont, au- 


19 


(146) 
rait désiré plus d’étendue dans la section touchant les 
médailles. 


= L'Examen de l'Essai historique, géographique et statisti- 
que sur le royaume des Pays-Bas, par MM. Balbi et de 
la Roquette, a offert à M. Ballin des résultats de recher- 
ches nombreuses, sinon toujours exacts, du moins ap- 
prochant aussi près que possible de la vérité; mais il 
aurait désiré que la précipitation de ce travail de circons- 
tance eût permis d'établir une ligne de démarcation fixe 
entre le territoire des Belges et celui des Hollandais, 
quoiqu'il paraisse difficile de réunir plus de documents 
utiles dans un tableau d’aussi peu d’étendue ; et notre 
confrère a saisi l’occasion d'offrir un tableau du même 
genre, inventé et publié par lui-même à Paris, il y a plus 
de trente ans, lorsqu'il n’était âgé que de treize. C’est le 
Tableau des principes de la langue française, que Boiste, 
son imprimeur, a mis en tête du dictionnaire de ce nom, 
malgré deux condamnations judiciaires avec dépens et 
indemnité envers le jeune auteur. Et voilà comme on fait 
tous les jours, avec plus ou moins d'adresse, des gram- 
maires et d’autres livres, etc. 


MEMBRES CORRESPONDANYTS. 


= La Compagnie a entendu avec tout l'intérêt des bons 
souvenirs la lecture du discours prononcé par M. #ouel, 
lors de son installation à la présidence du tribunal civil 
de Louviers. 


= L'Opinion de M. Boucher de Perthes sur le système 
prohibitif des douanes, est un dialogue assez piquant dans 
la forme , suivant M. Deville ; mais, quant au fonds, « j'en 
« appelle, dit notre confrère, au jugement de tous les 
« économistes, même des plus hardis: tous ont reculé de- 


ee nie anne à 


(147 ) 
« vant l'application des systèmes absolus ; et ce n'est ja- 
« mais que par voie d'amélioration qu'ils ont procédé en 
« pareille matière... » 


= Le Banquet d'Esther, par M. Charles Malo, seraitun 
succès, dit encore M. Deville, si l'on pouvait oublier le 
sujet, les pensées et Les vers de Racine. Les artistes, con- 
tinue-til, et les poètes qui, chezles Grecs, remportèrent 
le prix pour avoir corrigé les ouvrages des autres, 
s'étaient bien gardés de s'attaquer aux statues de Phidias 
et aux tragédies de Sophocle. 


= Les Chants armorirains de M. Boucher de Perthes, 
sont un ouvrage composé d'odes et de récits ossianiques. 
D’après le rapport de M. Magnier, la nature des sujets 
de poésie étrangers à nos habitudes et à nos mœurs 
offre de grandes difficultés à l'intelligence du texte. Mais 
il a trouvé un puissant auxiliaire dans les notes, qu'il juge 
très bien faites, et la partie pour nous la plus intéres- 
sante de l'ouvrage. Il regrette que, renonçant à la lyre, 
l’auteur n'ait pas adopté la forme des récits poétiques... 
Cependant il a remarqué de beaux vers, imagination, 
poésie de style, sentiments élevés, etc.; mais, pour les 
récits ossianiques, M. le rapporteur avoue qu'il n'a ja- 
mais pu se faire à ce ton forcé, à ce langage semi-barbare, 
et il ne conçoit pas non plus comment un jeune homme 
guéri par deux beaux yeux d’une antipathie innée pour 
Pamour, peut se donner la mort au festin même de la 
noce, sans être tenté d'attendre un peu plus tard. 


= On doit encore à M. Boucher de Perthes un re- 
cueil de romances, légendes et ballades, qui fournissent 
une des preuves de la flexibilité d’un esprit cultivé dans 
tous les genres de littérature. 


= Dans un compte rendu de six opuscules religieux 


(148 ) 

de M. l'abbé La Bouderie, M. l'abbé Gossier a reconnu le 
talent d’un écrivain rempli de connaissances utiles, tou- 
jours parfaitement en harmonie, dans les productions de 
sa plume, avec les devoirs de son état, et heureux du 
succès de ses ouvrages, si les utopies pouvaient rendre les 
bommes parfaits. « Il est beau, dit M. Gossier, de voir la 
« politique et la religion marcher ensemble en temps de 
« calme, mais je ne suis pas surpris que quelques per- 
« sonnes instruites et bien intentionnées aient pensé 
« qu'aux approches de l'orage ce sont deux vaisseaux 
« qui, pour éviter le choc, doivent se séparer, au risque 
« d'être privés, au besoin, d’un secours mutuel. » 


= Dans un rapport sur l’Apologie pour Henri VIT, roi 
de la Grande-Bretagne, M. Lévy convient avec l’auteur, 
M. Spencer Smith, que les mérites de Henri l'emportent 
sur ses démérites ; mais l’apologiste lui paraît bien au- 
dessous des autres historiens, sur la partie louable de ce 
règne, et beaucoup trop indulgent à l'égard d’une insa- 
tiable avarice et des crimes qu’elle a fait commettre. 
M. Lévy n'admet pas que le monarque ait été taxé par 
les bons historiens d’un caractère farouche et sangui- 
paire, ni qu'il ait accordé à Perkins un seul des trois 
pardons dont l’apologiste lui fait honneur ; il n’admet pas 
non plus que les vices de Henri VIT aient été ceux de 
son siècle; c'étaient les siens, dit M. Lévy, et ses vertus, 
celles d’un siècle sortant de la barbarie. Quant aux droits 
à la couronne, abstraction faite de la conquête, notre 
confrère n’a vu nulle part qu’on ait reproché au monarque 
breton de s'être appuyé de ceux de la maison d’York, 
mais bien de n'avoir pas eu la bonne politique de se fon- 
der sur son droit, joint à celui de son épouse. 


= L'Académie a reçu de M. Berger de Xivrey: 
1° Un prospectus, avec le 1° chapitre, en grec, d’une 


(149 ) 

nouvelle édition, par N. D. Manos, de la Géographie de 
Ptolémée d Alexandrie; 

2° Les Pastorales de Longus, édition complète, dont la 
conquête a coûté tant de peines et de traverses à l’infor- 
tuné Paul-Louis Courrier, avec une édition latine du 
même auteur, par M. Louis de Sinner ; 

3° Quatre pièces de vers latins, grecs et allemands, à la 
louange de ce dernier, par ses amis; 

4° Le Prospectus d’une édition nouvelle, suivant Por- 
dre alphabétique, du Trésor de la langue grecque, d'Henri 
Estienne, publiée par MM. Hase, de Sinner et Fix; 

5° Un travail manuscrit de M. Berger lui-même, sur 
celte immense entreprise, et destiné à l'impression par 
l'académie. (J’ide infrà.) 


= Une méditation d’une philosophie religieuse sur les 
Cimetières, par M. de Bonardi, rappelle l'homme à son 
origine et à sa fin dernière, en distinguant dans son être 
la partie matérielle, qui se dissout pour entrer dans la 
composition d’autres corps, et la partie spirituelle, qui 
émane de Dieu, se réunit à lui, et, comme la divinité 
même, co-existe à la nature entière sans occuper un 
point dans l’espace. De là l’auteur prend occasion de 
nous appeler sur la tombe des personnes dont la mémoire 
nous est chère, pour y recevoir leurs inspirations, et nous 
élancer par la pensée hors d’une vie souvent misérable , 
vers l’éternelle durée du bonheur infini... Conseil assuré- 
ment bien salutaire! mais, puisque les ames co-existe- 
raient à toute la nature, sans aller dans le domaine de la 
mort pour interroger les mânes, que de vertus de plus, 
que de bassesses et d’atrocités de moins, si quelquefois 
seulement l’orgueilleuse misère humaine songeait sérieu- 
sement au bras de fer de l’inévitable nécessité qui nous 
y pousse. 


= Un ouvrage qui peut donner l’idée de quelque re- 


(150) 

mède à un grand mal que l’on cherche à guérir dans notre 
état social en France, c’est l'Histoire des Colonies pénales 
de l'Angleterre, dans l Australie, par M. Ernest de Blosse- 
ville, conseiller de préfecture au département de Seine- 
et-Oise. Cet ouvrage, mis au rapport de M. Duputel, à été 
renvoyé à l’année prochaine. 

Il en a été de même pour les recueils de la Société 
de l'Eure et de celle de Nantes, dont plusieurs membres 
sont chargés de rendre compte. 


= Malgré l'usage de ne mentionner dans le précis an- 
nuel que les ouvrages reçus durant la tenue des séances, 
nous croyons devoir donner à M. Albert Montemont 
acte de l’envoi d'une ode de circonstance , qui nous est 
parvenue depuis l'ouverture des vacances, sous le titre de 
la Nymphe de la Vistule aux Français , et portant la date 
du 29 août 1831. C’est, dans la crise actuelle, une œuvre 
de courage qui n’a pu être inspirée que par un louable 
sentiment d'humanité. 


NIEMBRES RÉSIDANTS. 


= Un compte très détaillé rendu par M. Ba/lin sur le 
bon ordre qu'il a su établir dans la bibliothèque et les 
archives de la Compagnie, malgré l'exigence de ses fonc- 
tions civiles, a mérité à l’auteur des témoignages de satis- 
faction. 


= M. Periaux père, auteur du Tableau bibliographique 
de tous nos mémoires depuis 1744, persistant à faire le 
service actif dans la vétérance, a reçu des remerciments 
bien mérités pour l'offrande de 300 cartes contenant le 
dépouillement du précis de 1830, faisant suite à son im- 
mense travail. 


= M. l'abbé Gossier a fait don d’un buste très ressem- 


Ci51) 

blant, exécuté par ses soins et à ses frais, de notre con- 
frère M. Brunel, ingénieur du tunnel sous la Tamise. 
L'Académie a reçu l’offrande comme un monument de 
famille consacré par l'amitié à la mémoire du génie. 


= M. Magnier, comme récipiendaire, est venu se 
marquer une place distinguée dans nos rangs, par un 
discours sur la cause du peu de popularité de notre 
poésie. 


= M. Paumier, au même titre, a signalé son entrée en 
traitant des rapports entre la religion et les sciences, et 
des services mutuels qu'elles se sont rendus. 

(Ces deux discours sont imprimés à la suite.) 


= L’Analyse critique et littéraire de l’Enéide, publiée en 
deux volumes, par M. Magnier, a été l'objet d'un rapport 
par M. Licquet. Ce rapport présente la manière d’expli- 
quer les morceaux de détail, l'examen de l’ensemble du 
poème, et desremarques sur l'intelligence du texte. 

Sur la 1€ partie, M. Licquet félicite l’auteur d’avoir 
fait une habile et heureuse application de la méthode du 
savant Rollin, imitée, dit-il, par M. Jacotot, peut-être 
avec trop de hardiesse, etc. 

Sur les éléments et la conduite du poème, M.Magnier re- 
marque un certain nombre de personnages éphémères, des 
rôles mal soutenus, trop d'épisodes aux dépens de l’action, 
et un héros qui palit au milieu de cette brillante marque- 
terie de tableaux divers, dont chacun ne peut toutefois se 
lire sans beaucoup de plaisir; mais, à la fin du poème, 
M. Magnier pense que l'esprit est moins satisfait de l’en- 
semble qu'après la lecture de lIliade ou de la Jérusalem 
délivrée; et laraison, c’est que le but principal de 
l'Enéide lui paraît être dans les idées du poète plutôt que 
dans celles du héros, qui ne connaît sa mission que vers 
le milieu de l'Epopée...... Néanmoins l’auteur reconnaît 


C 254 7 


ici, dans le but principal du poème, un objet d’un grand 
intérêt pour les latins, mais seulement pour ceux de l’é- 
poque et de la contrée. À 

Quant à l'intelligence du texte, M. le rapporteur fait 
observer en particulier deux corrections qu'il juge très 
importantes; M. Magnier entend par le dona ferentes, de 
Laocoon, des présents faits aux dieux ; et par le pauci 
lœta arva tenemus du 6° livre, le petit nombre des ames 
purifiées destinées à rentrer dans l’ame universelle. « Au 
« reste, conclut M. Licquet, M. Magnier a voulu mon- 
« trer que ces passages étaient mal entendus, et il me 
« semble qu'il a parfaitement réussi. J'ai rappelé au 
« commencement de ce rapport le vœu émis par M. Ma- 
« gnier qu'une analyse raisonnée accompagne toujours 
« l’explication des auteurs; j'en formerai un autre en 
« terminant, c’est que tous les professeurs puissent s’ac- 
« quitter de ce devoir avec le talent, la conscience et 
« Pérudition de M. Magnier. 


= Une question grammaticale, bien au-dessous du tra- 
vail précédent par l'importance, mais qui s’en rap- 
proche par le genre, c’est de savoir s’il est correct 
d'écrire : les difficultés que j’ai eues à vaincre, autrement 
le participe passif eu doit-il être variable ou non? Dans 
une discussion verbale sur la valeur et les rapports des 
mots français, comparés aux locutions analogues de plu- 
sieurs langues mortes et vivantes , M. Bignon s’est déclaré 
pour l’affirmative, comme applicationexacte et nécessaire 
de la règle générale. 

M. Lévy a attaqué cette décision, verbalement d’abord ; 
ensuite il a composé un mémoire très étendu sur la ma- 
tière, dans lequel il a cherché à réfuter son confrère et à 
établir le système opposé. Cependant , au moyen d’une 
distinction délicate dans le sens de la phrase, d’après la 
grammaire de M. Boniface, il a conclu que le participe 


{ 153% 
peut être ‘variable ou non, suivant la qualité ou l’état du 
sujet de la proposition. 

MM. Gossier et Adam ont aussi, chacun dans un mé- 
moire, fourni de grands développements sur la théorie 
des participes français, et conclu en faveur de la variabi- 
lité dans l’état de la question. Mais, malgré tout l'intérêt 
que pourrait présenter l'analyse de la proposition qui 
distingue le premier, et les remarques du second sur nos 
verbes comparés à ceux des Anglais, c'est si peu de 
chose pour certaines gens que l'orthographe d’une langue 
universelle que toute la civilisation du monde se pique 
d'apprendre à parler correctement! Et l’on nous saura 
gré peut-être de supprimer des détails qui rappelleraient 
des hommes instruits aux éléments d'une science que 
chacun sait ou croit savoir. Ce n’est guère qu'au pre- 
mier âge que l’orthopédie est applicable ; l’âge mûr a 
pris et veut garder son pli: c’est toujours là que nous en 
sommes. 


= Toujours empressé d'enrichir le présent des con- 
quêtes qu'il fait, pour notre histoire locale, dans les ar- 
chives des siècles passés, M. Deville a lu un mémoire sur 
l'étendue de la partie du territoire neustrien concédée 
à Rollon par le traité de St.-Clair-sur-Epte, en 911. 
D'abord, sur la garantie de Flodoard, l’auteur met la 
Bretagne occupée par les Normands de la Loire hors de 
la partie concédée aux Normands de la Seine ; il rejette 
l'identité de limites entre la Normandie à l'époque du 
traité, et la province qui en a été le résultat. Ne trouvant 
point de traité écrit, et doutant même qu'il en ait jamais 
existé un de cette nature, c'est à l’histoire contempo- 
raine qu'il demande la solution du problème relatif à 
l'étendue de la province moderne. 

Ainsi, après avoir comparé et discuté les témoignages 
de Flodoard et de Dudon de St.-Quentin, suivant, à 


20 


(154 ) 
lorient, le cours de la Bresle jusqu'à la ville d'Eu, 
M. Deville trouve que , sur la rive droite de la Seine, la 
Normandie de Rollon paraît avoir embrassé tout ce qui 
appartenait, de ce côté, à la Haute-Normandie. 

Passant ensuite sur la rive gauche du fleuve, d’après 
l'autorité des chroniqueurs et des chartes, notre confrère 
prend l'Eure pour sa ligne de démarcation, dont la ri- 
vière d’Avre est le prolengement, à partir de son confluent 
avec la première, embrassant ainsi Evreux et son terri- 
toire dans la dépendance de Rollon. D'après d’autres au- 
torités, tant anciennes que modernes, l’auteur est porté à 
croire que la Normandie de Rollon, ainsi limitée à 
l’orient , s'étendait , ici comme dans la première partie, 
jusques à la mer, non compris d’abord les pays Bessin, 
Avranchin et Cotentin, qui, avee le Maine et le terri- 
toire de Caen , ne furent réunis qu'en 924 et en 933, par 
des stipulations particulières. Ainsi se trouva complétée 
la province de Normandie, telle qu’elle était de nos 
jours. 

— Lecture faite de ce mémoire, M. Théodore Licquet a 
déclaré qu'un travail sur l’histoire de la Normandie, dont 
il s'occupe, comprend le même sujet traité par M. De- 
ville. La Compagnie a donné à M. Licquet, dans ses re- 
gistres, acte de sa déclaration. 


— M. Deville a joint à son mémoire une carte géogra- 
phique, sur laquelle sont tracées les limites assignées à la 
Normandie de Rollon. 


= Dans des recherches curieuses sur l’ancien pont de 
Rouen, M. Deville établit qu'il n’en existait pas en 885 
; P 
ni en 962. D'après une charte de Richard IE, il reconnaît 
l'existence du premier pont en 1027, dans le voisinage de 
Il ? 5 
la rue Potart, probablement en bois, atteint du feu en 


Cru) 

1:35, consolidé par Geoffroy Plantagenet en 1145, et qui 
fat remplacé, sous les auspices de Mathilde, épouse de ce 
prince, par l’ancien pont de pierre, entre les années 
2151 et 1167. C’est ce pont qui périt en 1564, et dont 
les piles, tronquées avec tant d'efforts, semblent encore 
en attendre un autre. (Ce mémoire est imprimé à la suite.) 

Ainsi, Messieurs, d’après les documents authentiques 
recueillis par notre laborieux confrère, tous les ponts de 
Rouen, jusqu'au 19° siècle, ont été successivement dirigés 
sur une ligne à peu près perpendiculaire au centre. Nous 
serait-il permis de regretter qu'il ait fallu 800 ans pour 
découvrir l'utilité d’une pointe d'’île, et pour imaginer la 
position du nouveau pont à l'extrémité la moins commer- 
çante de la ville? 


= Une lettre de M. Deville à M. {lavoine, ingénieur de 
la flèche actuellement en construction de notre cathé- 
drale , sur l’ancienne flèche élevée par Robert Becquet, 
offre des détails intéressants qu'il n’est permis de dédai- 
gner qu'à l'ignorance superbe qui ne connaît pas le prix 
de pareilles recherches pour les amateurs de notre histoire 
locale. (Cette lettre se trouve imprimée à la suite.) 


= Les bibliographes ne liront pas sans intérêt une no- 
tice bibliographique de M. Duputel, sur une tragédie in- 
titulée Tyr et Sidon, par Daniel Danchères, imprimée à 
Paris en 1608, parodiée et augmentée par Jean de 
Schelandre, etc. (Cette notice est également imprimée 
à la suite.) 


= On doit, en outre, à M. Duputel un petit souvenir 
d’ancien fabuliste, dans un apologue fécond plus que ja- 
mais, par le temps qui court, en applications de toute 
espèce. Abstraction faite du mérite de la pièce, nous 
avons dù regarder comme une bonne fortune, vu la pénu- 
rie d'inspirations poétiques, d’être mis à portée de prou- 


(1:56 ) 
ver que, du moins, on fait encore des vers dans cette 
Académie, et d'interrompre la prescription d'un genre 
agréable au milicu de tant d’affaires sérieuses : 


ss cceee se GED ANMOTE LETL 
Temperetrisu.... eee 


LES DEUX LIVRES, 


FABLE, 


Sur les tablettes d’un libraire, 
L'autre jour, un livre nouveau, 
Fort médiocre au fond, mais d’un beau caractère, 
Papier fin, grande marge et reliüre en veau, 
Se trouvant à côté d’un excellent ouvrage 
Dont l’habit, fait d’un ancien parchemin, 
A tout le monde attestait l’âge, 
D'an ton fier lui tint ce langage : 
« Que fais-tu près de moi? Loin d'ici, vieux bouquin ! 
« En vérité, c’est bien ta place! 
« N’est-elle pas chez l'épicier ? 


« Ou, si l’on te garde par grâce, 


À 


Tu devrais te cacher du moins dans le grenier. 
« Sous ton antique et sale couverture, 
« Ne vas-tu pas t'imaginer 


2 


Qu'un amateur de toi se laissera tenter, 
« Et surtout en voyant les filets, la dorure 

« Dont on a pris soin de m’orner?.... 

« — Si le mérite est dans la reliûre, 

« Sur moi, lui répond son voisin, 
« Vous avez, j'en conviens, un puissant avantage, 
« Mais, quand même il serait couvert en maroquin, 
« Aux yeux des connaisseurs jamais un sot ouvrage 

« N'en vaudra davantage ; 

« Au lieu que, de celui qu'on appelle bouquin, 


- 
2 


Ils offrent tous les jours une assez forte somme. » 


(a5z ) 
Cette fable s'adresse à plus d’un parvenu 
Qui paraît ignorer le proverbe connu : 
Ce n’est pas l'habit qui fait l'homme. 
Et je crois bien, sans contredit, 
Que maint exalté romantique 
Et maint imberbe politique 


Pourraient également en faire leur profit. 


= M. Hellis a jeté nn coup-d'œil d’amateur sur le ta- 
bleau à l'honneur de Pierre Corneille, dont l’habile et 
brillant pinceau de notre jeune compatriote , M. Court, 
a décoré la salle de nos séances hebdomadaires; et il a 
terminé par la proposition d'un témoignage de reconnais- 
sance et de satisfaction envers un talent désintéressé qui 
voit dans la gloire la plus belle récompense du génie. 
L'Académie a senti toute la justesse de l'initiative, et a 
arrêté que, dans la prochaine séance publique , il serait 
décerné à M. Court une médaille d’or de la valeur de 
600 francs, à l'effigie du Poussin. 

Ainsi, Messieurs, si la littérature n’a pas répondu 
cette année à votre appel, vous allez être bien dédommagés 
par le grand intérêt que le génie des arts vient répandre 
sur vos travaux. 


Les lectures achevées, M. le Président a invité M. Court 
à monter sur l’estrade ; et là, prenant affectueusement la 
main du jeune artiste, en présence d’une assemblée nom- 
breuse de ses concitoyens, qui le couvraient de leurs 
regards avides de le connaître, M. Blanche lui a adressé 
quelques phrases improvisées, mais empreintes du sen- 
timent profond de la reconnaissance de la Compagnie et 
du vif intérêt qu’elle attache, avec la ville entière , aux 
progrès d’un si beau talent, toujours, malgré l'envie, su- 
périeur à lui-même comme à sa croissante renommée. 


(158 ) 
Cette courte allocution, pleine de chaleur et de verve, 
terminée par la remise de la médaille, a été spontanément 
suivie d’une décharge d’applaudissements extraordinaires 
et de bravos répétés avec cet élan du cœur qui distingue 
les vraies fêtes de famille. Macte animis, generose puer!.….. 


AAA AAA AAA 
PRIX PROPOSÉ POUR 1832. 


L'Académie royale de Rouen propose, pour le con- 
cours de 1832, le sujet suivant : 


Quelle peut être l'influence de l'instruction des classes infe- 
rieures sur le bonheur des nations et sur le perfectionnement 
de l'espèce humaine. 


Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 
300 francs. 


Les auteurs mettront en tête de leur ouvrage une 
devise, répétée sur un billet cacheté, dans lequel ils 
feront connaître leur nom et leur demeure. Le billet 
ne sera ouvert que dans le cas où l'ouvrage aurait 
obtenu le prix. 


Les Académiciens résidants sont seuls exclus du 
concours. 


Les ouvrages seront adressés, francs de port, à 
M. N. BiGNON, Secrétaire perpétuel pour la classe des 
Belles-Lettres et des Arts, rue Sénécaux, n° 55, avant 
le x juin 1832, terme de rigueur. 


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LE GRAND CORNEILLE 


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MÉMOIRES 


DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN 
ENTIER DANS SES ACTES. 


RÉFLEXIONS 
SUR LE TABLEAU DEMANDÉ PAR L'ACADÉMIE A M. COURT, 
Lues à l’Académie le Q août 1851, 


Par M. Hezus, D.-M. 


Messieurs , 


La gloire est la vie de l'artiste ; elle seule le dédom- 
mage de ses peines et le soutient dans ses travaux. L’es- 
poir d’un peu de renommée double ses forces, échauffe 
son génie et lui fait enfanter des merveilies. Le jeune 
compatriote à qui nous devons le plus bel ornement du 
lieu de nos séances n’est point infidèle à cet adage. Il a 
dignement répondu à votre appel, et vous avez pu vous 
convaincre à loisir du charme et de l'éclat qu’il a su ré- 
pandre sur une composition qui en paraissait si peu sus- 
ceptible , lorsqu'on songe au lieu de la scène qui lui était 
imposée, aux difficuliés qui naissaient, et de la forme 
du costume et de la vérité obligée des personnages ; on 
peut s'étonner que le peintre n'ait pas reculé devant tant 
d'obstacles, et l’on est réduit à admirer avec quel bon- 
heur il en a su triompher. 


( x60 ) 

Les ouvrages de ce genre ne sont pas de ceux qui se 
jugent au premier coup-d'œil ; il faut, pour les bien ap- 
précier, se reporter aux temps et aux lieux, se rappeler 
le caractère des personnages, s'identifier avec le peintre 
dans ses études comme dans ses idées, sans quoi on 
s’exposerail à critiquer ce qui est le plus digne d’éloges. 
Jean-Jacques avoue avoir blâmé, comme inconvenante , 
une scène de Mahomet que plus tard il reconnut être 
un chef-d'œuvre. Ceci, dit-il, doit nous rendre réservés 
lorsqu'il s’agit de juger nos maîtres. Le Dominiquin, 
persécuté par les partisans d’une école rivale , était telle- 
ment écrasé que son nom était mis en oubli. Sa santé, 
affaiblie par de continuels revers, ne lui permettait guère 
de sortir de chez lui; on le croyait mort. Il eut la dou- 
leur de voir ses plus beaux ouvrages devenir des objets 
de mépris et de dérision. Son tableau de la Flagellation 
était méconnu, sa Communion de Saint-Jérôme fut ar- 
rachée de la place qu’elle occupait dans l’église San-Gi- 
rolamo della Carità, et jetée dans un grenier, Les moines 
de cette église, désirant avoir un nouveau tableau d’au- 
tel, en chargèrent Poussin , et lui envoyèrent le tableau 
du Dominiquin pour peindre dessus et lui éviter les frais 
de la toile. Notre compatriote eut à peine regardé cette 
œuvre du génie, que, frappé de ses rares beautés, il la 
reporte dans l’église d’où elle avait été si indignement 
arrachée , il en fait le sujet d’une leçon publique, et, 
établissant un parallèle entre la Communion de Saint- 
Jérôme, la Transfiguration de Raphaël et la Descente de 
croix de Daniel Volterre, il fait ressortir tout ce qu'il y 
avait d’admirable dans ces trois sublimes productions, 
qu'il proclame les chefs-d'œuvre de l'Ecole romaine. Dès 
ce moment, le Dominiquin fut rendu à la vie et à la 
célébrité, et son nom prit la place qui lui appartenait 
parmi les grands peintres de l'Italie, 

Le tableau demandé par l'Académie à M, Court était 


( 161 ) 
Corneille accueilli au théâtre par le grand Condé, après 
une représentation de Cinna. 

Le peintre a disposé son sujet de telle sorte que tout 
s'explique à la première vue. Nous sommes au théâtre = 
le parterre, l’amphithéâtre , les loges sont sous nos yeux. 
Une image fidèle nous met à même de juger des dimen- 
sions de la salle, de son architecture, de ses riches or- 
nements. Ces objets, placés dans le lointain, se perdent 
dans une teinte légèrement vaporeuse propre aux salles 
de spectacle éclairées par un grand nombre de lumières 
et garnies de spectateurs nombreux. Le premier plan 
nous offre un côté de la scène: c’est là que se passe l’ac- 
tion principale. Cette partie du tableau est fortement 
éclairée par la rampe, par les candélabres qui décorent 
les loges et par les foyers lumineux qu'il est d'usage de 
placer sur les divers points de la scène, Suivant l'usage 
du temps, Condé, ayant à ses côtés le prince de Conti, 
assiste à la représentation sur le théâtre même, entouré 
des notabilités de l’époque. Le prince vient d'apercevoir 
le père de la tragédie française, arrivé tardivement et 
cherchant sans doute une place du côté opposé ; il se 
lève, va au-devant de lui, lui serre affectueusement la 
main, et se dispose à l'embrasser, pour l’offrir ensuite aux 
applaudissements d'un public encore tout ému de l'effet 
d'une de ses plus sublimes productions. 

Chacun peut juger avec quelle richesse de coloris , 
quelle vérité d'expression, quelle sévère observation des 
convenances , ces divers objets sont rendus. On se de- 
mande par quel artifice le peintre a pu, dans un espace 
aussi retréci, réunir sans confusion tant de choses di- 
verses et ajouter au motif principal des épisodes qui s'y 
lient d'une manière tellement heureuse, qu'ils semblent 
indispensables pour jeter du charme et de la variété sur 
un sujet rebutant par sa froideur et sa monotonie, Là 
où un talent médiocre n'eûùt vu que des obstacles, le 


21 


(162) 
génie sait découvrir une source de beautés imprévues. 
C'est le bloc informe dans les mains de Michel-Ange, 
c'est le marbre s’animant sous les doigts de Canova. 

L’ordonnance du tableau est telle, que l'esprit satisfait 
n’en cherche point d’autre ; il semble que chacun eût 
ainsi fait. Il en est de tout ce qui est simple et vrai 
comme de ces vers de Racine, qui rendent si naturelle- 
ment la pensée qu'on croirait ne pouvoir l’exprimer au- 
trement. 

On ne peut nier que le front de Corneille ne soit 
d’une grand beauté; cet œil qui n’ose se lever, ces lèvres 
sur lesquelles le contentement se trahit par un demi- 
sourire, celte tenue un peu embarrassée plutôt qu'hum- 
ble, me semblent ce qu'il y avait de plus convenable 
quand on se reporte aux temps et aux événements du 
jour. 

La vieillesse du grand homme avait été affligée par des 
revers qui l'avaient éloigné du lieu de ses triomphes, et, 
dans cette ovation inattendue, il se trouvait en face et de 
la gloire de Condé et de ce même public qui, par un 
arrêt bien sévère, avait flétri les palmes que si long- 
temps il s'était plu à lui décerner. 

Le génie n’avait pas encore obtenu ses lettres de no- 
blesse , et il y avait loin alors de l'humble poète au grand 
seigneur qui le pensionnait et daignait l’admeitre à sa 
table. 

Peut-être pourrait-on désirer un peu moins de roideur 
dans la pose du grand Condé et quelque chose de plus 
gracieux dans sa physionomie. L'idée qu’on se fait d’un 
grand homme le place en tout au-dessus du vulgaire. On 
aime à retrouver dans les traits d’un héros l'empreinte 
d’une belle ame, et je suis sûr qu’on eût aisément par- 
donné au peintre s’il eût été moins scrupuleux. Je sais 
que le vrai a toujours son prix. L'artiste a cru ne pas 
pouvoir mentir à l’histoire, et si quelqu'un s’avisait de 


(163) 
Jai en faire un reproche sérieux, ne serait-il pas en droit 
de demander à l'Académie par quelle fatalité, ne lui im- 
posant que deux personnages à peindre, elle les avait 
choisis d’une nature aussi rebelle ? 

Un courtisan de Louis XIV trouverait le vainqueur 
de Rocroy trop embelli, tandis que e’eût été rendre son 
frère méconnaissable que de le représenter avec des for- 
mes élégantes et une figure spirituelle. 

Le peintre peut donner carrière à son imagination lors- 
qu'il s’agit des Grecs et des Romains. Libre à lui d’em- 
bellir Didon, Léonidas et Brutus; ils ne vivent, pour 
nous , que dans leurs actions. Mais une pareille licence ne 
saurait être accordée pour les hommes de notre pays, 
dont les portraits sont vingt fois retracés sous nos yeux, 
et qui, par les souvenirs de nos pères, sont presque des 
contemporains. En agir autrement ne serait plus peindre 
l'histoire, mais bien faire du roman. 

Il était, dans l’exécution de ce tableau , une difficulté 
dont il faut tenir compte , parce qu’elle était insurmon- 
tables. Deux personnages vont au-devant lun de lautre , 
et sont prêts à s’embrasser ; ils doivent être vus à la fois 
par le public qui assiste à la représentation, et par un 
autre public pour lequel le tableau est fait. Il est impos- 
sible, dans ce cas, d'éviter le profil, et deux profils en 
regard au premier plan nuisent singulièrement à la grâce 
et à l'expression. Corneille est un peu de trois quarts et 
gagne à être vu de la sorte; Condé est absolument droit, 
et ne pouvait être autrement. Ïl n’appartenait pas au 
peintre de changer cette disposition, car elle entrait ri- 
goureusement dans le programme. 

Assez de figures nobles et gracieuses attestent le talent 
du peintre dont le pinceau est libre. La figure de La Fon- 
taine est pleine d'esprit et de vérité; le jeune page qu'il 
interroge rappelle cette tête charmante qui inspire tant 
d'intérêt dans le tableau de la Maternité du même 


(164) 
auteur ; et il me semble que l'image vivante du Poussin, 
placée dans un tableau destiné à l'Académie, est une 
attention délicate et une manière flatteuse de lui rappe- 
ler une de ses plus belles illustrations. 

Il est une partie du tableau qui n’a point essuyé de 
critique et qui n'a trouvé que des admirateurs. C'est 
cette loge charmante où se groupent si heureusement la 
prude , la coquette et la bonne. Pourquoi cette compo- 
sition a-t-elle de suite enlevé tous les suffrages? c'est 
qu’elle est toute d'imagination; c’est que le peintre, libre 
de son allure , a pu largement sacrifier aux grâces ; c’est 
que cette scène ne lui était point imposée. Elle lui a, 
certes, coûté bien moins d'efforts que celle qui se passe 
plus bas et qui demande à être plus long-temps étudiée 
pour être bien sentie. 

Je ne m'étendrai point davantage sur le mérite d’une 
composition qui, jusque dans ses moindres détails, at- 
teste la main du maître. Mon but, en vous parlant de 
l'ouvrage, est de rappeler aussi l’auteur à votre souvenir. 

Absent de cette ville, il n’a pu jouir des éloges de cette 
foule qui n'a cessé d’accourir pendant la trop courte 
exposition de son tableau. L' n’a point encore triomphé : 
sa modestie fortifiant ses doutes, peut-être craint-il ne 
pas avoir atteint le but et mal saisi vos intentions. IL est 
un jugement qu’il préfère à celui du public, qui se laisse 
aisément entraîner et séduire : c’est celui des juges éclairés 
et réfléchis ; c’est là surtout le suffrage qu'il ambitionne 
et qu'il n’a point encore obtenu. 

Je n'entre pas une fois dans la salle de nos séances, 
que , frappé du bel effet de ce tableau, je ne reporte mes 
idées sur les études qu'il a exigées, le temps qu'il a ré- 
clamé; je pense ensuite au désir exprimé par l’Académie 
de posséder un tableau de chevalet ou un portrait en 
pied de Corneille. L'auteur me paraît avoir tellement 
dépassé ce qu'on attendait de lui, qu'il n'existe plus 


“ SD PT 


=) Er re : ARR TOR 2 is De 


( 165 ) 


aucune proportion entre ce qui était demandé et ce qui 
a été offert. | 

Les sentiments qui animent M. Court éloignent toute 
idée d’une compensation possible; mais, Messieurs, il est 
dans la mission de l'Académie d'encourager les arts, et si, 
dans cette circonstance, elle doit s'avouer vaincue en gé- 
nérosité, elle peut ne pas l'être en nobles procédés. IT lui 
reste un moyen facile de rétablir la balance, en témoi- 
gnant à l’auteur, d'une manière authentique et digne 
d'elle , et l'estime qu’elle lui porte et la reconnaissance 
qu'elle lui doit pour le beau tableau dont il l’a dotée. 

C'est là, Messieurs, ce qui me détermine à proposer 
qu'une médaille d’or soit publiquement décernée à 
M. Court, comme témoignage de satisfaction. 


( 166 } 


AAA AAA AAA AAA A AAA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA ANA Sal 


RECHERCHES 


SUR L'ANCIEN PONT DE ROUEN, 
Lues à la Séance du 10 décembre 1830, 


Par M. A. Device. 


Messieurs, 


Malgré les recherches faites jusqu’à ce jour, il règne 
encore beaucoup d’obscurité sur l’époque où il aurait 
été établi un pont sur la Seine à Rouen pour la première 
fois, sur l'âge que pouvait avoir notre ancien pont de 
pierre, et sur le prince auquel on doit l’attribuer. Ces 
questions ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de cette 
ville ; je me propose de les traiter. 

Le savant annotateur du Roman de Rou dit, au sujet 
du pont de Rouen: « Nous établirons ailleurs que ce 
« pont, dont l’existence est constatée de la manière la 
« plus authentique sous Richard IT, doit avoir été bâti 
« avant l'invasion normande. » ( Roman de Rou, t, X°, 
pag- 210.) 

Notre confrère ayant depuis renoncé à lui accorder une 
si haute antiquité, nous passerons de suile aux preuves 
qui l’auront probablement engagé à modifier son opinion. 

Un passage des Annales de Saint-Vast prouve qu’en 
885 il n'existait point de pont à Rouen. En voici la 
traduction : 

« Année 885. Or donc au mois de juillet , le 8"e des ca- 
« lendes d’août, les Normands entrèrent avec toutes leurs 
« forces dans la ville de Rouen, Les Français les suivirent 


(167 ) 
« jusqu’au même lieu; et, comme leur flotte n'était pas 
« encore arrivée, ils passent la Seine avec les navires 
« qu'ils avaient trouvés sur le fleuve (x) ». 

Cette date est antérieure , il est vrai, à la prise de pos- 
session de la Normandie par Rollon; mais, portons-nous 
à la 19% année du règne de son petit-fils, de Richard Ier, 
et nous verrons qu'à cette époque il n'existait point encore 
de pont à Rouen. Thibaud /e Tricheur, comte de Chartres, 
était venu attaquer cette ville par la rive gauche de la 
Seine. N'ayant point de navires, il se trouva arrêté tout 
court. Le duc Richard, qui en avait sur la rive oppo- 
sée, traverse la rivière en face du quartier Saint-Sever, 
marche à Thibaud et le met en fuite. Cet événement est 
de 962, d’après Flodoard. Voici les paroles que Dudon 
de Saint-Quentin, historien normand et contemporain, 
met dans la bouche du duc Richard, à cette occasion: 
« Quia altum Sequanæ pelagus nobis et illis obstaculum 
« extat, navesque absunt illi, quibus transeat, nulla- 
« tenüs nos bello lacessere temptat..… Nos verd quibus 
« adsunt naves, ascitis principibus nostris ad illos trans- 
« eamus. » (Scriptores normannicæ Historiæ , pag. 143. ) 

Je vais au-devant d’une objection qui pourrait m'être 
faite. Robert Wace, dans son Roman de Rou, mentionne 
un pont à Rouen, sous le même Richard [*, dès l’an- 
née 946, lors du siège de cette ville par Othon et Louis 
d'Outremer (2). 


(1) Anno D ccc LxXxXV, mense itaque julio viti kal. augusti (Nor- 
manni) Rotomagum civitatem ingressi cum omni exercitu ; Francique eos 
usque in dictum locum insecuti sunt : et quia necdum corum naves ad- 
venerant, cum navibus in Sequana repertis fluvium transeunt, (Recueil 
des Historiens de France, t. viut, p. 84.) 

(2) Vit par /i pont de Saine è venir à aler, 

De verz Hermentreville è venir & passer. 
( Vers 4112.) 


Seingmors, dist li Roiz Otes, cil ki là dedenz sont 


( :68 ) 

Mais qui ne sait que Robert Wace a suivi pas à pas, 
dans sa chronique rimée , Dudon de St-Quentin et Guil- 
laume de Jumiéges, abréviateur et copiste de ce dernier ? 
Il n’a pas d’autres guides. Seulement, en sa qualité de 
poète, il se permet de temps en temps quelques enjoli- 
vements, comme il le fait ici en parlant d’un pont; 
Dudon et Guillaume de Jumiéges, dont il répète les 
termes pour le fond du récit, n’en parlent pas. Ce qui 
prouve l'erreur, involontaire ou non, de Robert Wace, 
c’est que, racontant plus loin, toujours d’après Dudon 
son devancier, mais sans le dénaturer cette fois, l’attaque 
de Thibaud Ze Tricheur, attaque postérieure de seize ans 
à celle d’Othon et de Louis d'Outremer, il fait passer, au 
même duc Richard, la rivière au même endroit, dans 
des bateaux, faute de pont (1). Robert Wace aura peint, 
la première fois, ce qu’il avait sous les yeux, sans s’inquié- 
ter de la vérité historique, car il existait un pont à 
Rouen de son temps; la seconde fois, il a suivi son guide 
à la lettre. 

Quoi qu'il en soit, au surplus, le témoignage de Robert 
Wace, qui écrivait dans la seconde moitié du XII: siè- 
cle (2), ne pourrait tenir contre celui de Dudon, histo- 


Se desfendent de nos as semblanz ke il font; 
Jà n’aront mal par nos ne destruit ne seront, 
Se nos ne lor tollunz Saine de soz Li pont. 

( Vers 4125.) 

(1) Tot soef à sanz noise fist sa gent asemler, 

Chalanz e eskéis kank’il en pout trover ; 
Tote noit fit sez homs ultre Saine passer. 
(Vers 47:8.) 

(2) Si l’on en croyait l’auteur de la notice qui précède le Roman 
de Rou, Robert Wace aurait terminé son poème en 1160. Il y a erreur 
de dix années pour le moins : Wace dit, à la fin de la vie de Richard Ler : 

Treiz reis Henris vi è cunui, LL 
E cler lisans en lur tems fui, 


(169 ) 
rien contémporain et témoin oculaire. Ainsi, il reste 
constant qu’en 962, sous le duc Richard 1°, il n’y avait 
point de pont à Rouen. 

En 1002, Richard meurt (1); Richard II lui succède. 
Ce duc, étant à Fécamp, lieu de sa résidence de prédi- 
lection, fit, en 1025, un acte de donation en faveur de 
l'abbaye de Jumièges (2). Il est question dans cet acte 
du pont de Rouen; c’est la première fois que son exis- 
tence nous est révélée. Le prince donne aux moines 
de Jumiéges ses droits de pêche, depuis le Pont-de-lAr- 
che jusqu’au pont de Rouen, et du pont de Rouen au 
village d'Estaindrat. 

« À ponte Archas usque ad pontem civitatis, et à ponte 
« civitatis ad locum qui dicitur Stindrap (3). » 


Des Engleiz furent Reis tos treis, 
E tos treis furent Ducs è Reis. 
(Vers 5324.) 
Or Henri-le-Jeune, le troisième d’entr'eux, ne fut admis à la royauté, 
par Henri II son père, qu’en 1170. 


(1) Orderic Vital, Robert du Mont, et les autres historiens nor 
mands, d’après Guillaume de Jumièges, placent la mort de Richard Ier 
en 996. La chronique de Fécamp fait mourir ce prince en 998 ; Dudon 
de Saint-Quentin en 1002. Le témoignage de Dudon, contemporain de 
Richard Ier et son commensal, me paraît devoir l'emporter sur celui de 
ces chroniqueurs. Un ancien fragment de l’histoire de France, inséré au 
Recueil des Historiens de France, t. X, p. 213, donne également la 
date de 1002. En général, la chronologie de nos premiers dues offre 
beaucoup d'incertitude. 


(2) Cet acte, dont on ne possède que des copies, porte la date de 
1027; mais il donne en même temps l’Indiction et l'année relative du 
règne du roi Robert ; or, l’une et l’autre concordent avec l’année 1025. 
11 est constant, d’ailleurs, que Richard IT n'existait plus en 1027; il 
était mort dès l’année précédente, au mois d'août, 


(3) Ce village est cité dans la charte de Guillaume-le-Conquérant 
pour l'abbaye de Saint-Georges-de-Bochenille. On ignore aujonrd’hui 
sa véritable position, mais il devait être placé entre Rouen et Saint- 


22 


(170) 

Ce pont avait-il était bâti par ce prince, ou par Ri- 
chard 1% son prédécesseur, dans les quarante dernières 
années de son règne? C’est ce qu'il est impossible de 
dire. Des documents inattendus pourraient seuls per- 
mettre de résoudre cette question. 

Ce pont était-il en pierre ou en bois? Même incerti- 
tude. Tout porte à croire, néanmoins, qu’il était en bois, 
suivant l'usage assez général d'alors, et d’après les nom- 
breux exemples qu’il nous serait facile de citer. Il ne fau- 
drait pas, en effet, Messieurs, confondre cet ouvrage 
d’un de nos premiers ducs avec l’ancien pont de pierre 
qui a fait place au pont de bateaux actuel. Ce n’est qu'au 
douzième siècle que ce pont de pierre fut élevé, comme 
je le prouverai plus bas. 

Notre premier pont se trouve mentionné, pour la se- 
conde fois, dans la charte de fondation de l'abbaye de 
Saint- Amand, donnée par Goscelin d'Arques, sous 
Guillaume-le-Bâtard, en 1035 au plutôt par consé- 
quent (1). On y lit : à 

« In foro Rothomagi unam aream, deinde unym mo- 
« lendinum in Ravelini villa, post hæc unum concedi- 
< mus cellarium juxta pontem Sequanæ, positum in loco 
« qui dicitur Poteria. » (2) 

« .…. Nous concédons, en outre, un cellier placé auprès 
« du pont de la Seine, dans le lieu dit la Poterie (3). » 


Georges, sur le bord de la Seine. « Decimam de villa quæ vocatur Es— 
« taindrat, quæ est super ripam Sequanæ. » (Essai historique et 
descriptif sur l'abbaye de Saint-Georges, p. 60.) 

(Gi) D. Pommeraie, qui rapporte cette charte dans son Histoire de 
l'abbaye de Saint- Amand, \a place sous la date de 1030. C’est nne 
erreur, puisque le donataire parle du duc Guillaume, qui ne succéda à 
Robert son père que vers 1035 au plutôt. ; 

(2) Cartulaire mss. de l’abbaye de Saint-Amand, aux archives du dé- 
partement de la Seine-Inférieure. 


(3) Ce lieu n’est autre aujourd'hni que la rue Potart. 


C171) 

IF faut franchir un siècle pour retrouver, dans nos 
vieilles annales, le pont de Rouen. La chronique de cette 
ville dit, sous la date de 5136: « cette année , le feu prit 
« à partir de la tête du grand pont, etc. » (1) 

Neuf ans après, en 1145, Geoffroy Plantagenet s’oc- 
cupait à le solidifier : « pontem refecit firmissimum. » (2) 

Il appartenait à sa femme Mathilde, fille de Henri E*, 
mariée en premières noces à l’empereur Henri V, de 
faire encore plus pour la ville de Rouen. Cette princesse 
avait rapporté de grandes richesses d'Allemagne (3); elle 
en possédait de plus grandes encore en Normandie. Elle 
en consacra une partie à l’embellissement et à l'utilité 
de Rouen, en y élevant un pont en pierre, celui-là même 
dont, aux marées basses de l’année, chacun de nous a pu 
voir les débris (4). 

« Ad pontem lapideum super Sequanam a se inchoa- 
<_tum multam summam pecuniæ dimisit. » 

C'est ainsi que s'exprime un contemporain, historien 
exact et qui fut nécessairement témoin oculaire, Robert 


(1) Recueil des Historiens de France, t. XI, p. 785. 

(2) Robert du Mont, apud Duchesne, p. 482. 

(3) « Gäzas enim imperatorias, quas secum de Italià incomparabiles 
« attulerat, » ( Le Continuateur de Guillaume de Jumiéges, l. vint, 
C, XXVII. ) 

(4) Peut-être fut-elle mue, en cette circonstance, par le même sen 
timent qui la porta, lors de plusieurs de ses maladies , à ouvrir ses trésors 
aux pauvres et aux monastères, (Voy. le Rec. des Historiens de France, 
t, 11, p. 305.) Car il faut bien se persuader que, dans ces temps recu 
lés, on croyait aussi accomplir un devoir religieux, et s’aplanir la route 
du ciel, en consacrant ses richesses à des travaux d'utilité publique. J’en 
citerai un seul exemple, qui trouve ici parfaitement son application, Je 
l'emprunte au cartulaire mss. de l’abbaye de Saint-Florent de Saumur : 
« Sciatis quod burgenses et milites Salmuri, pro remedio animarum 
« suarum, fecerunt pontem Salmuri ligneum super Ligerim. » (A 
annum 1162.— Archives d'Angers, ) 


(172) 
du Mont (1). Il ne fixe pas l’époque de ce grand travail. 
Appliquons-nous à la rechercher. 

Si nous admettons que ce soit l’ancien pont des ducs 
Richard que Geoffroy Plantagenet ait consolidé en 1145, 
ilest plus que probable que quelques années se seront 
écoulées avant que Mathilde ait conçu, ou du moins ait 
mis à exécution le projet d'élever un pont de pierre à 
Rouen. Elle n'aurait pas renversé l'ouvrage de son mari 
avant que la nécessité ne s’en fût fait sentir. Ce ne serait 
donc tout au plus qu'après la mort de Geoffroy, arrivée 
six ans plus tard, en 1151, qu’elle aurait jeté les fondations 
du nouveau pont. Dans tous les cas, elle ne l'aurait pu 
commencer au plutôt qu'en 1147, puisque ce ne fut qu’à 
cette époque qu'elle quitta l'Angleterre pour venir se 
fixer définitivement à Rouen et s’y reposer de ses longues 
agitations politiques (2); mais il me paraît plus naturel, 
sous tous les rapports, de pencher vers la première opi- 
nion. 

L'époque de la construction de notre ancien pont de 
pierre se trouverait donc enfermée entre les années 1154 
et 1167, l’impératrice Mathilde étant morte au mois de 
septembre de cette dernière année. Ce pont avait donc 
quatre siècles d'existence, lorsque , le 6 mars 1564 (3), 
deux de ses arches s'écroulèrent subitement et en inter- 
dirent définitivement l’usage. 

Si l’on voulait que les travaux de consolidation entre- 
pris par Geoffroy Plantagenet en 1145, dont nous avons 


QG) Abbé du Mont-Saint-Michel en 1154, mort en 1186. Il fit pro- 
fession en 1128. 

(2) « Anno gratiæ MCXLVIT. ... Imperatrix jam anglicanæ discordiæ 
tædio affecta....in Normanniam transfretavit ; malens sub tutela mariti 
sui in pace quiescere, quam in Anglià tot molestias sustinere. » (Recueil 
des Historiens de France, t, xW1 ,p. 123.) 


(3) Miss. n0 494, supp., Bibl. royale. 


C173) 

parlé plus haut , s'appliquassent, non au pont des ducs 
Richard, mais à celui-là même que Robert du Mont fait 
élever en pierre par Mathilde, ce qui ferait remon- 
ter par conséquent la construction de ce dernier à la pre- 
mière moitié du XII siècle au lieu de la seconde, les 
objections se presseraient en foule. En effet, Mathilde, 
mariée à l’âge de onze ans à l’empereur Henri V, ne re- 
vint d'Allemagne à la cour de son père , à Londres, qu’en 
1126. Amenée, vers la fin de l’année suivante, sur le con- 
tinent, pour épouser en secondes noces Geoffroy Plan- 
tagenet, elle le suivit au Mans. De 1129 à 1135, époque 
de la mort de son père Henri Er, elle ne fit que de courtes 
apparitions à Rouen. A partir de 1135, jusqu'à l'entrée 
de son mari dans cette ville par la force des armes en 
1144, elle n'y mit pas le pied. Quand aurait-elle pu en- 
treprendre et mener à fin, dans ce laps de temps, un ou- 
vrage aussi considérable ? Comment supposer, d’ailleurs, 
dans tous les cas, qu’en 1145 on eût été obligé de solidi- 
fier un pont en pierre bâti à peine depuis quelques 
années? Tout se réunit donc pour repousser cette suppo- 
sition. 

Ainsi, il résulte de ce qui précède, qu’en 962 il n’exis- 
tait pas de pont à Rouen; qu’en 1025, il y en avait un; 
que, de 1151 à 1567, Mathilde, fille de Henri If et 
femme de Geoffroy Plantagenet, substitua à ce premier 
pont, qui probablement était en bois, un pont en pierre, 
celui dont on s'occupe en ce moment de détruire et d’ex- 
traire les fondations. 


(174) 


AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AA AAA AA AA AAA 


LETTRE 


ADRESSÉE À M. ALAVOÏINE, 


Architecte de la nouvelle Flèche en fonte de fer de la Cathédrale 


de Rouen, 


SUR LA FLÈCHE DE ROBERT BECQUET; 


Lue à l'Académie, dans la séance du 29 avril 185, 


Par M. A. DEvicce. 


Moxsieur, 


Si les artistes chargés de la construction de l’ancienne 
fièche de la Cathédrale de Rouen, qui fut incendiée par 
la foudre le 15 septembre 1822, avaient eu l’heureuse 
idée d'écrire l’histoire du monument qu'ils avaient élevé, 
nous ne serions pas réduits à des conjectures sur une 
foule de détails qui se rattachent à l'érection de cette 
flèche célèbre. Déjà notre savant confrère M. E.-H. Lan- 
glois avait cherché à suppléer à leur silence, dans sa 
Notice sur l’Incendie de la Cathédrale de Rouen, publiée en 
1823. Aidé par les faibles indications éparses dans les 
anciennes histoires de la ville de Rouen, mais guidé, 
avant tout, par les souvenirs et l'étude approfondie du 
monument principal, M. Langlois avait fait tout ce 
qu'on pouvait attendre d’un artiste aussi versé dans l’é- 
iude de nos vieux édifices religieux. Malheureusement, 
on ne connaissait pas encore , à cette époque, les pièces 
qui viennent d’être découvertes dans les archives du dé- 


(175) 
partement. Muni de ces précieux documents, M, Lan- 
glois eût écrit une histoire complète. 

Vous proposant, Monsieur, de décrire vous-même le 
beau et hardi monument en fonte de fer qui va s’élan- 
cer dans les airs à la place de la flèche consumée en 
1822, et que vous aurez eu la gloire d'élever, j'ai pensé 
qu'il pouvait entrer dans votre plan de faire précéder 
votre travail de quelques réflexions sur l’ancienne pyra- 
mide : c’est ainsi qu'on la nommait jadis. Vous m'avez 
depuis assuré que tel était votre dessein. Je m’estimerai 
heureux, Monsieur, de pouvoir vous fournir quelques 
notes, qui n'auront d'autre mérite que d’avoir été pui- 
sées à des sources originales et contemporaines. Il vous 
sera facile de les coordonner et de suppléer à ce qu'elles 
laisseraient encore d’obscur ou d'incomplet. 

Je ne vous parlerai pas, Monsieur, du plan de la py- 
ramide découvert depuis peu parmi les papiers du cha- 
pitre de la Cathédrale ; je me suis empressé de vous le 
faire connaître : plan d’autant plus précieux que c’est 
tout ce qui nous reste aujourd'hui de la flèche de Robert 
Becquet, et qu'il est incontestablement de la main de 
cet habile homme. Vous rendriez, Monsieur, un véritable 
service aux arts et à la gloire de votre devancier en le pro- 
duisant dans votre ouvrage. Il deviendrait impérissable. 

Les documents que m'ont fournis les archives du dé- 
partement, et dans la découverte desquels j’ai été sou- 
vent aidé par le zèle complaisant de M. Legendre, 
un des conservateurs de ce précieux dépôt, peuvent se 
diviser eu deux casses. Je rangerai dans la première 
les nombreuses délibérations du chapitre de la Cathé- 
drale, qui sont consignées dans les registres capitulaires. 

Dans la seconde viennent se placer plusieurs pièces 
détachées et les comptes du trésorier du cardinal d'Am- 
boise , II du nom , archevêque de Rouen, lequel contri- 
bua si puissamment à la restauration et à l’embellisse- 


(176) 
ment de son église métropolitaine. Je signalerai surtout 
le compte de l’année 1544—1545 (1), comme étant du 
plus haut intérêt; on y trouve le nom des principaux 
ouvriers employés à la construction de la pyramide et 
le détail de la dépense. 


DÉLIBÉRATIONS DU CHAPITRE. 


Le clocher qui décorait la tour centrale de l'Église ca- 
thédrale de Rouen, avant celui qui fut élevé par Robert 
Becquet, avait été incendié le 4 octobre 1514. Je trouve 
dans les registres capitulaires le récit de cet événement ; 
il mérite d’être conservé ; en voici la traduction (2) : 


« Mercredi, quatre octobre. 


« Incendie de la Tour. 


« Ce même jour, mercredi, quatre octobre, fête de saint 
« François, après la clôture du chapitre , entre neuf et 
« dix heures du matin, Messieurs étant dans le chœur 
« de l’église, comme on commençait la messe de ce 
« jour, on aperçut à la tour qui est assise entre le chœur 
« et la nef de ladite église, et qu’on nomme vulgaire- 
« ment en français l'esguille, une très forte fumée. Aus- 
« sitôt s’éleva une clameur dans l’église et par toute la 
« ville que le feu était à la tour. Au même instant, la 
« ville entière fut dans l'émotion. Le peuple d’accourir 
« en foule à église , d'apporter de l’eau et de la monter. 
« Mais il était impossible d'arrêter ainsi le feu. Que 


(1) Tous ces comptes sont arrêtés de Saint-Michel en Saint-Michel. 
(2) Les registres capitulaires de la Cathédrale ne commencèrent à 
être écrits en français qu’en 1562. Jusqu’à cette époque, ils sont rédigés 


en latin, 


LÉ AD 


dis-je! bientôt, à douleur! aux yeux de tous, toute la 
tour, celle tour si somptueusement revêtue de plomb, 
au bout d'une heure s’écroula. La croix qui était 
placée à son sommet tomba tout enflammée sur le 
toit du chœur, aussi couvert en plomb, le brisa, et, 
pénétrant dans la charpente, l’enflamma de telle ma- 
nière que l’on crut que toute la ville allait être la proie 


du feu. Et se faisaient alors dans chaque monastère, 


dans chaque église, dans chaque couvent, et par la 
ville, des prières, des oraisons et des processions avec 
les reliques, les châsses, les croix, et au milieu des 
gémissements et des larmes. Aussitôt, par un effet de 
la clémence divine , vers midi, le feu s’appaisa , après 
que le chœur (x) eut été brûlé jusqu'à la maçonnerie. 
Aucune des maisons situées autour de l’église ne fut 
endommagée , bien que le plomb coulât par les gout- 
tières comme eût fait la pluie et volât sur les toits avec 
les flammèches, qui furent portées jusqu'au monas- 
tère de Saint-Ouen de Rouen. Dans cet incendie, 
quatre cloches qui étaient dans la tour furent consu- 
mées et perdues. MM. les chanoines et les chapelains 
portèrent révérencieusement les châsses, les reliquai- 
res, les tables, les ornements et les autres choses pré- 
cieuses de l’église jusqu’à église de Saint-Maclou et 
dans les maisons et les lieux voisins, pour les sauver. 
L'église fut complètement dépouillée et évacuée ; et 
elle était tellement remplie d’eau qu’il eût été impos- 
sible d'y célébrer l'office divin. Cet incendie fut cause 
pour elle d’une perte inestimable. IL fut dù à la négli- 
gence des plombiers qui étaient occupés à la répara- 
tion de la tour. » 

Le clocher avait été consumé le 4 octobre 1514 ; dès le 


(1) Pour le toit du chœur. 


t. 
© 


(178) 
27 du même mois, des plans de reconstruction furent 
présentés au chapitre, qui les renvoya à l'examen d’une 
commission. 

Dans le cours du mois de novembre, on s'occupa à 
plusieurs reprises de savoir, sans rien décider toutefois , 
attendu la diversité des opinions, disent les actes capitu- 
laires, si on élèverait le nouveau clocher en bois ou en 
pierre. 

Le 6 décembre de la même année, il fut arrêté que la 
portion de la maçonnerie de la tour, qui avait été calci- 
née par le feu, serait réparée ; qu'on monterait la nou- 
velle bâtisse de cinq ou six pieds plus haut que l’an- 
cienne , et que le réste de la flèche serait construit en 
belle charpente, le mieux qu'il se pourrait faire, d’après les 
modeles qui en seraient dressés. 

Ce ne fut qu'au mois d'avril de l’année suivante (1515) 
que le chapitre jeta les yeux sur Martin Desperroys, 
maître charpentier de Rouen, homme très expérimenté 
dans son art, disent les registres capitulaires, pour le 
charger de la direction des travaux (+). I lui fut promis 
soixante livres tournois par année de salaire, 

Il n'était pas alors question de Robert Becquet. Je ne 
vois son nom cité pour la première fois , dans les nom- 
breux registres que j'ai consultés, qu'en 1526 (2). A la 
mème époque ; Martin Desperroys, ou mieux Desper- 
rois, était le charpentier en chef de la Cathédrale. Il 
avait sous lui un autre maître charpentier nommé Jean 
Dumouchel. Si l'on n’eût point laissé passer trente an- 
nées avant de remplacer le grand clocher consumé en 


(1) Il avait exécuté, un petit nombre d’années auparavant, tous les 
grands travaux de charpente du magnifique château de Gaillon. J’en ai 
trouvé la preuve dans les comptes de la maison d’Amboise, 

(2) I s’agit d’une réparation qu'il est chargé de faire à une grange de 
Sotteville, appartenant au cardinal d’ Amboise IL. 


(179 ) 
1514, il est bien probable que nous ne connaîtrions 
. même pas aujourd'hui le nom de Robert Becquet ; celui 
de Martin Desperroys fût seul arrivé jusqu’à nous. 

Un marché avait été passé avec un marchand de Pa- 
ris, moyennant quatorze cents livres tournois, pour la 
fourniture des bois nécessaires à la confection de la nou- 
velle pyramide (1). La livraison éprouvant de longs re- 
tards, il fut délibéré, le 10 novembre, si on ne la ferait 
pas en pierre. La chose resta en suspens. 

Les travaux de la maçonnerie avaient été confiés à 
Rouland Le Roux, maître maçon de la Cathédrale (/atho- 
mus ecclesiæ, à la lettre : tailleur de pierre de lPéglise). 
Cet artiste, car, malgré la modestie de son titre, c’en 
était un, au lieu de se borner à réparer la partie de la 
tour endommagée par le feu, et de la surhausser de cinq 
ou six pieds, ainsi que cela avait été décidé, conçut le 
plan d'un nouvel étage en pierre, et le commença. Le 
3 janvier 1516, cette bâtisse dépassait de neuf pieds la 
maçonnerie primitive, Mandé le lendemain devant le 
chapitre assemblé, Rouland Le Roux, interrogé pourquoi 
il s'était écarté du plan qui lui avait été tracé, répondit 
« que ce qu'il avait fait était pour l’embellissement et 
« la plus grande beauté de l'édifice , et qu'il n'avait agi 
« que sur l'avis de personnes expertes , et, entr'autres, 
« de maitre Martin Desperroys ; qu'il jugeait même né- 
« cessaire de continuer l'ouvrage de sept toises et demie 
« en sus pour que la chose fût bien; qu'il pourrait, à 
« la rigueur, se borner à quinze pieds, mais que cela 
« produirait un moins bon effet, » Martin Desperroys 
ayant été entendu, Rouland Le Roux fut engagé à dépo- 
ser le plan de ce qu'il voulait faire. L'hiver interrompit 
les travaux. 


(1) Délibération du 23 mars 1515, 


( 180 ) 

On voit qu'il s’agit ici du dernier étage en pierre de la 
tour encore existant, que vous venez de réparer. Le ca- 
ractère de son architecture ne permet pas le moindre 
doute à cet égard. Ce document est intéressant , surtout 
en ce quil fournit la preuve que le clocher qui avait 
précédé la pyramide incendiée en 1822, partait d’un 
étage plus bas que celle-ci (1), par conséquent de trente- 
six pieds au-dessous. Si, comme on le dit, il s'élevait 
dans les airs à une hauteur égale à celle qu’atteignit plus 
tard la flèche de Robert Becquet, il devait nécessaire- 
ment paraître plus élancé que celle-ci, et l’on ne sera 
plus étonné qu’on l'ait vulgairement désigné sous le nom 
de l’éguille. 

L'année 1516 se passa à discuter de nouveau si le clo- 
cher serait construit en pierre ou en bois. Quatre maîtres 
maçons , de Chartres, de Beauvais, de Harfleur, de Ca- 
rentan, auxquels on en adjoignit plusieurs de la ville, 
furent appelés à Rouen pour donner leur avis. Tous se 
déclarèrent pour la pierre, comme étant plus somptueuse (2). 
Ils affirmèrent en même temps, d’après l'examen qu'ils 
en avaient fait, que la base et les murs de la tour étaient 
sains, solides et en état de porter une pyramide en pierre. 
Nonobstant, par suite de l'opposition de quelques cha- 
noines, rien ne fut encore arrêté. 

Rouland Le Roux continuait à travailler à la tour. Il 
dut, par précaution, ainsi que vous avez constaté que 


QG) La tour, jusqu’à cette partie inclusivement, date du commence 
ment du treizième siècle ; seulement , la décoration des huit grandes fe— 
nêtres de l'étage immédiatement au-dessous de celui de Rouland Le Roux 
est d’une époque postérieure, Je serais porté à croire qu’elles ont été 
remaniées lors de l'agrandissement des fenêtres du chœur, qui eut lieu 
en 1430. 


(2) IL est bien probable que si, au lieu de maîtres maçons, on eût 
appelé des maîtres charpentiers, le bois eût eu la préférence sur la pierre, 


( 187) 
cela avait eu lieu, disposer la maçonnerie pour recevoir 
une flèche en pierre, le cas échéant ; car on n’était point 
encore fixé sur le choix de la matière. Ce ne fut que sept 
années après qu'on trancha définitivement la question. 
Elle resta continuellement flottante dans ce long inter- 
valle de temps. 

Ce ne fut que dans les premiers mois de l’année 1517 
que la maçonnerie du dernier étage actuel de la tour fut 
achevée , et qu’on le couvrit d’une charpente provisoire 
formant un beffroi. On y plaça quatre cloches, dues, à 
ce qu'il paraît, à la libéralité de plusieurs particuliers, et 
offertes l’année même de l'incendie (x). 

Les choses restèrent en cet état durant vingt-cinq ans. 
On s’occupait toujours du projet de reconstruction et de 
la grande question de savoir si on emploierait la pierre 
ou le bois ; ne füt-ce, comme l’insinue le procès-verbal 
d’une des délibérations du chapitre, que pour tenir en 
haleine le zèle et la piété des fidèles. Les dons , malgré les 
indulgences promises, arrivaient lentement. L'exemple 
du souverain n'était pas fait pour les appeler. Louis XII, 
au premier bruit de l'événement, avait accordé une 
somme de douze mille livres, payables en six années, 
pour réparer les désastres causés par le funeste incendie 
de 1514. Un paiement de 2,000 livres venait d’être ef- 
fectué, lorsque la mort ravit ce bon prince à la France. 


(1) L'une d’elles, donnée par l'amiral de Graville, le 6 novembre 
1514 ,et qu'il nomma Louise, pesait six cent soixante livres. Elle fut 
destinée à remplacer la cloche appelée Losquelle, (Registre capitu- 
laire. ) 

M. Langlois (Notice sur l’Incendie de la Cathédrale de Rouen, 
p. 48) a pu croire, d’après l'inscription d’une autre de ces cloches, 
conçue en ces termes : L’an 1514 je fus faite pour servir à cette 
église, que le beffroy avait été construit l’année de l'incendie. Les re— 
gistres capitulaires détruisent cette opinion. 


(182) 

François {* s'engagea à remplir les engagements de son 
prédécesseur. Il est certain qu'il en renouvela plusieurs 
fois la promesse : les registres capitulaires en font foi ; il 
l'est beaucoup moins qu'il l'ait accomplie. Peut-être en 
fut-il empêché par les guerres qu'il eut à soutenir et par 
les besoins sans cesse renaissants de l'Etat. 
Le 1% mars 1521, le chapitre examinait un plan de 
reconstruction en pierre présenté par Rouland Le Roux. 
Deux ans après, il décidait, une fois pour toutes, que la 
flèche serait faite en charpente, dans sa forme antique, et 
sous la direction de Martin Desperroys. Restait à mettre 
la main à l'œuvre ; mais les dépenses extraordinaires et 
d'urgence dans lesquelles les désastres causés par l'incen- 
die de 1514 avaient jeté le chapitre, avaient, si ce n'est 
épuisé, du moins fort altéré ses ressources. On préféra re- 
mettre cette entreprise à des temps meilleurs ; et achever 
les travaux commencés. Ils étaient nombreux : une partie 
de la décoration du grand portail (1), l'orgue (2), le tom- 
beau du cardinal d' Amboise, la fontaine du parvis (3), la 
balustrade en cuivre du chœur (4), le couronnement exté- 


QG) C’est au talent de Jacques et de Rouland Le Roux, père et fils, 
que l’on doit ce riche et élégant morceau d'architecture. Les sculptures 
furent exécutées par des artistes de Rouen, dont je me propose de révé- 
ler plus tard les noms. 


(2) I fut exécuté de 1515 à.1518, par un nommé Ponthus Cancelin. 
On fit marché à 300 livres pour le peindre et dorer. (Regist. capitul.) 
Les gages de l’organiste étaient de 20 livres tournois par an. 


(3) IL est inutile, je pense, de dire que ce n’est point de la fontaine 
actuellement existante qu'il s’agit. 


(4) Une partie de la magnifique clôture en cuivre du chœur fut exé— 
cutée par Benoist Huart et Guillaume Boucher, fondeurs de Rouen, de 
1524 à 1528. La dépense générale s’éleva à 5,256 livres tournois, et fut 
supportée, à peu près par moitié, par le chapitre et par le cardinal 
d'Amboise LL. (Registres mss. de la maison d'Amboise. } 


( 183 ) 
rieur de la chapelle de la Vierge (1), la couverture de la 
nef (2), etc., datent en effet de cette époque , et atteste- 
raient au besoin les efforts et le zèle du clergé de l'église 
métropolitaine. 

J'arrive à l’année 1542. Ici commence à figurer Robert 
Becquet; il va jouer le rôle principal. C’est l'époque de 
l'érection de la flèche. Comment fut-il substitué, pour 
cette entreprise, à Martin Desperroys? c’est ce que je 
ne puis dire avec certitude , privé que je suis, pour cette 
année-là, de mon guide ordinaire : le registre capitulaire 
manque, Je présume toutefois que ce fut par suite de la 
mort de Martin Desperroys : je ne trouve plus celui-ci à 
partir du milieu de l’année 1526. Robert Becquet paraît 
dans les travaux de la Cathédrale dès l'année 1529. Mar- 
tin Desperroys, si vous admeitez ma conjecture , serait 
décédé entre ces deux époques. 


(1) Voici ce que je trouve dans les mêmes comptes, année 1540-1541, 
relativement à la couverture de la chapelle de la Vierge : 

« À Ligier Symont marchand de Rouen pour l'achat de 60 milliers de 
DIM se dns aet asser en AIIAOoiNy res: 

& À Nicollas Lehucher serrurier de Rouen, pour les croix et feraille 
« mise à la craiste de la chapelle Nostre-Dame et ès lucarnes et aultres 
« ‘ouvrages de lad: chapelle. ...,.....:.........n 97 iv. 8. 4.d. 

« A Nicollas Quesnel ymaginier pour la façon de l’ymage Nostre-Dame 
« pour mettre sur la craiste de la dicte chapelle selon le marché. 20 liv 

( Cette statue existe encore en place. ) 

« À Nicollas Lefumyevre paintre et doreur sur le marché de dorures 
« de la craiste de la d, chapelle Nostre-Dame des ymages lucarnes ar- 
« moryes et aultres ouvrages par marché faict à lui au rabaïiz au prix 
CAROL TRAME REMENT LE ACT snnssrsenenennnss …... 47o liv. » 

(2) Robert Becquet y fut employé de 1539 à 1540. La nef avait été 
couverte provisoirement en tuiles, peu de temps après l'incendie, Plus 
tard un la revetit de plomb, afin de mettre cette partie de l'édifice en 
harmonie avec la toiture du chœur. 

Il est dit au registre capitulaire, sous la date du 15 janvier 1540, que 
la tuile de la couverture du chœur sera vendue au plus offrant, et qu’elle 
sera remplacée par du plomb. 


(184) 


PIÈCES DÉTACHÉES ET COMPTES DU TRÉSORIER DU CARDINAL 
D'AMBOISE I. 


On ignorait jusqu'à ce jour que Robert Becquet eût 
eu un frère, maître charpentier comme lui. Les deux 
frères, qui prennent le titre de maistres de charpenterie à 
Rouen (x), passèrent avec le chapitre, le 3 mars 1539, 
un marché pour refaire le comble du chœur de la Cathé- 
drale , afin de le mettre à l'unisson de celui de la nef. Ils 
traitèrent moyennant 375 livres tournois. J'ai trouvé la 
pièce originale portant les signatures de Robert et Laurens 
Becquet. 

Je vous ai remis précédemment la éopie d'une se- 
conde pièce fort intéressante , dont malheureusement les 
premiers feuillets et la date manquent. C’est une espèce 
de factum de Fobert Becquet, dans lequel il répond, ar- 
ticle par article, à une série d'observations faites contre 
le plan de sa flèche par plusieurs maîtres maçons qui 
avaient été chargés, sans doute , par le chapitre , de l’exa- 
miner et de donner leur avis. Cette pièce doit être du 
commencement de l’année 15/42. 

Bien qu’il demeure constant, par ce factum et par la 
tradition, que la pyramide incendiée le 15 septembre 
1822 ait été conçue et exécutée par Robert Becquet (2), 


(1) Dans une autre pièce, Robert Becquet s'intitule : charpentier 
du Roy à Rouen, et de sa grande église Nostre-Dame du dit lieu. 

On sait bien peu de chose sur Robert Becquet. Rouen, et Darnétal au- 
près de cette ville, se disputent l'honneur de lui avoir donné le jour ; bien 
que tout porte à croire que Rouen soît sa patrie. On ignore l’année de sa 
naissance. Je vois par les registres capitulaires de la Cathédrale qu’il mou- 
rut en 1554, à Rouen, dans une maison située auprès de l’abbaye de 
Saint-Amand , qu'il tenait à bail viager ; qu’il laissa une veuve, et un fils 
qui portait le om de Guillaume. 

(2) En général, Robert Becquet est cité seul, dans les registres ca 
pitulaies, lorsqu'il s’agit de le flèche; ce qui doit achever de prouver 


( 185 ) 
il n'est pas juste de ravir à un autre maître charpentier de 
Rouen, nommé Toussains Dubuc, son associé dans cette 
entreprise, la part qu’il y prit. C’est la première fois que 
ce nom est révélé aux amis des arts ; je me fais un devoir 
religieux de le consigner ici. 

Avant d'exécuter la pyramide, on en fit faire un mo- 
dèle en petit par un menuisier. Je lis dans le compte du 
trésorier du cardinal d'Amboise IT, année 1541-1542 (x): 

« À Martin Guillebert menuisier pour les matieres et 
« façon du modelle de la dite tour par lui faict selon le 
« marché et ordonnance des députez..... 67 10°. » 

Enfin, le 19 juin 1542, on commença le travail de la 
charpente. Elle se trouva prête à être posée à la fin du 
mois de septembre. Cette étonnante célérité contraste 
singulièrement avec les trente années écoulées à délibérer 
sur le projet de reconstruction. Voici ce que porte le 
compte du trésorier : 

« Aux maistres charpentiers, scieurs d’aitz et aultres 
« personnes qui ont besongné pour faire la d. tour de- 
« puys le lundy dix neufvieme jour de juin jusques au 
« samedy dernier jour de septembre le tout aujourd huy 
« mil cinq cens quarante et deux il y a quinze sep- 
PU dE Ce OO OC een 1 OC AC TO 

L'année 1543 se passa à descendre le beffroi et à pré- 
parer la tour à recevoir la pyramide. 

Je crois vous avoir donné copie d’un rapport de Ro- 
bert Becquet , sous la date du 30 décembre 1542, relatif 
à cet objet. Il entre dans d’assez grands détails. 


que, s'il fut aidé dans l'exécution du monument, la conception lui en 
appartient, 


(1) Le cardinal d’'Amboise s'étant offert généreusement, à défaut du 
chapitre, pour élever la flèche à ses dépens, il n’est pas étonnant que ce 
soient les comptes de son trésorier, et non les registres capitulaires, qui 


m'aient fourni ces nouveaux détails et ceux qui vont suivre. 


24 


(1:86) 


L'année 1544 fut employée utilement ; elle vit dresser 
et s’élancer enfin dans les airs la flèche si long-temps at- 
tendue. 

Vous êtes impatient, Monsieur, de connaître les détails 
et la dépense de cette opération. Ouvrez avec moi le 
compte du trésorier du cardinal d'Amboise pour l'année 
1544—31545 : il ne vous laissera presque rien à désirer. 

Vous y verrez que Robert Becquet et Toussains Dubuc, 
les deux maistres charpentiers de la tour, comme s’exprime 
le compte, reçurent pour leur travail, suivant marché 
fait, deux cents écus d’or soleil, qui valaient 450 livres 
tournois de ce temps (x); que Jacques Hallé et Nicolas 
Dumonstier exécutèrent la couverture en plomb de la 
flèche, et qu'ils furent payés à raison de trois deniers par 
livre de matière employée ; que le plomb fut acheté au 
prix de trois livres dix sous les cent livres (2); que la 
flèche fut peinte en entier, et quelques-unes de ses par- 
ties dorées. Pierre Hellot, Jehan Gaugain, Georges Le- 
pilier, Nicollas Fumyevre et Louys Debray, cités comme 
peintres de Rouen, furent chargés de cet ouvrage. 

Je pourrais pousser plus loin cette analyse; mais je 
croirais affaiblir l’intérêt que présente ce compte en me 
bornant à vous en présenter un simple aperçu : il mérite, 
ce me semble, d’être transcrit en entier. 


1544— 1545. 


Aultre mise à cause de l'édifice e bastiment de la tour et 
clocher de l’église de Rouen. 


« À Pierre Hellot et Jehan Gau- 
gain pour leur payer d’avoir doré le 


(x) L’écu d’or au soleil, en 1544, valait 45 sous tournois. 71 éeus 1/6 
pesaient un marc d’or. 


(2) Le prix du plomb est aujourd’hui d'environ 35 francs les cent livres. 


(187 ) 
coq mys sur la d. tour (x) les troys 
pommes et toute la croix, et l’es- 
taige prochaine de au dessoubz de 
la d. croix la cornice et première 
platte forme d'icelle croix dix escus 
soleil selon le marché faict avec 
eulx par M. de Brennetot M. Jac- 
ques Lecueur (2) et le comptable 
du dt. par leurs quittances....,... sxm. X. 

« Au dit Jehan Gaugain pour la 
peyne d’avoir doré le second es- 
taige de au dessoubz de la d. croix 
contenant unze piedz de la cornisse 
de dessoulx et pour avoir mis les 
couleurs des ditz doreures seulle- 
ment sans comprendre l'or cent 
solz t selon le marché sur ce faict 
par les d® S' de Brennetot et le 
comptable ez la quittance du d. 
Gaugain pour ce. .....s.s.ssese. G 

« À Jehan Venot batteur d’or 
soixante douze livres pour ung mil- 


solz 


lier et ung cent de feuilles d’or fin 
double et deux papiers deux cens 
d’autre feuille d’or simple et six pa- 
piers de fin or lesquelles feuilles et 
papiers d’or ont esté livrés par le 
dit Venot à M. Louys Le Maistre 


(a) Il est question, dans les actes capitulaires, sous la date du 14 oc- 
tobre 1544, du choix à faire, pour dorer le coq, entre l'or mat et l'or à 
feu. On se décida pour l'or à feu. 

La croix fut déposée et replacée aux frais du cardinal d'Amboiïse, au 
mois de mai 1550, comme ayant été mal adaptée, ( Regist. capitul. ) 


(2) Chanoines de la Cathédrale, 


( 188 ) 
comys à prendre garde sur les com- 
paignons et ouvriers du d. basti- 
ment par les quittances du dit Ve- 
DORE eee nes. 000 UOTE 

« Pour achapt de millier cinq cens 
et demy de lattes achaptez et livrez 
au d', M. Louys, pour latter la cus- 
pide (1) de pyramide de la d. tour 
selon les achaptz et quittances sur 
ce portez la somme de dix huit li- 
vres dix solz pour ce...........: 

« À Jacques Halléet Nicolas Du- 
monstier sons consors plombiers la 
somme de quattre cens soixante 
huyt livres dix huyt solz neuf denier 
Pour avoir employé le nombre de 
trente sept milliers cinq cens quinze 
livres de plomb neuf à la couverture 
de la piramide de la tour et pour le 
deché du dt plomb au prix de douze 
livres dix solz pour millier qui est 
troys deniers pour livre selon le 
marché faict avecques eux de ce 
compte et estai qu'ils en ont baïillé 
à la certification du dt M. Louys 
Lemaistre et pour le denier adieu 
du dt marché faict avecques eulx de 
la d. plomberye deux testons pour 


CB) ee pre sie se aieiete ete TE CU 


: 
LXXII. 


1 s 
XVIII. X: 


ce 1 s 


LA VEXX. IX, 


DE ES US 


() La pointe ; toute la partie qui s'élevait au-dessus des colonnades. 


(2) La différence que l’on remarque entre la somme en chiffres et 
celle énoncée en toutes lettres provient de ce qu’on a ajouté à cette 
première la valeur des deux testons, qui sont mentionnés dans le corps 


de l’article. 


(189 ) 

« À... Le Prevost bourgeoys mar- 
chand demourant à Rouen la somme 
de treize cens quaranie deux livres 
quinze solz troys deniers pour ven- 
due et délivrance de trente ung mil 
cinq cent ving deux livres de plomb 
au prix de trente cinq livres pour le 
millier ainsy qu’il appert par quattre 
quitiances signez tant de luy que de 
ses facteurs et serviteurs pour ce icy. 

« À Nicollas Dumonstier plom- 
bier la somme de trente deux livres 
dix solz & sur et tant moinys et en dé- 
duction de quarante livres tournois 
pour ung marché faict avecques luy 
pour faire les establis de toute la d. 
cuspide de piramide de la tour pour 
servir aux plombiers et paintres se- 
lon le d. marché et deux de ses quit- 
lances pour Ceessssssssesesesre. 

« À Georges Lepillier et Nicol- 
las Fumiebvre paintres suivant le 
marché par transport de Louys De- 
bray aussi paintre de Rouen pour 
avoir doré cinq (x) georges de la d. 
pyramide d’icelle tour les cornices 
et contours diceulx estaiges ensem- 
ble les escussons des armoryes de 
Mons"... especes et aultres choses à 
dorer es ditz cinq estaiges la somme 
de deux cens trente huyt livres tour- 
nois suyvant le marché faict avec- 


ques le dt, Debray ainsy par luy 


ce 


XI. XLIT. 


XXXIT. 


XV. 


5 


IR 


CH) uSre, 


d 


( 190 ) 
transporté au fils Le Pillier de Fu- 
mievre et par les quittances diceulx ? 
POUT Ceessssesssrss.essseseuses II. XXXVHI. 
« À Guillaume Helouyn mar- 

chand cloustier de Rouen pour le 

clou qui a esté nécessaire et requis à 

couvrir la dicte piramide de la tour 

qui a été receu par Maistre Louys 

Lemaistre la somme de soixante 

deux livres deux solz troys deniers 

tournoys selon les parties du d. 

cloustier et certiffication du d. Le- 

maistre et la quittance du d' clous- 2 ain ee 

ter pouriCe... 1." re-.-0e LXAT- 1 ITNIIT. 
« À Thomas Delahoulle charpen- 

tier juré de la ville de Rouen pour 

une visitation par lui faicte en la d. 

tour pour savoir si les fortiffications 

qui y avoient esté faictes de nou- 

veau estoient deuement faictes ou 

non et pour en avoir faict son rap- 

POIL sui eue see oies eiele AU ENTER: X. 
« À maistre Toussayns Dubuc 

l’un des maistres charpentiers de la 

d. tour (1) dix livres tournoys pour 

reste de parpaye de deux cents escus 

soleil (2) de tout le guindage et 

montaige du boys de la d. tour se- 


(1) I est inutile de dire que l’autre était Robert Becquet. Ce dernier, 
comme il appert aux registres capitulaires, avait une pension de cent 
sous sur la fabrique à raison de son office de maître charpentier de la Ca- 
thédrale. Le 22 octobre 1548 , il réclamait les arrérages de trois années 
qui lui étaient dùs. 

(2) L’écu d’or au soleil valait alors 45 sols tournois. 14 livres tournois 

£ ormaient le marc d'argent, 


( 191 ) 
ion le marché que l'on avait faict 
avecques luy monstré aux comptes 
précédens par sa quittance... ..... 

«A Jehan de Blacquetotferonnier 
de blancœuvre demourant à Rouen 
la somme de soixante une livre dix 
neuf solz, neuf deniers tournoys 
pour toute la feraille par luy four- 
nie et livrée tant pour parfaire et 
paragrer la piramide de la d. tour 
el pour faire les liaysons d’icelle 
que aussy pour toute l’autre fe- 
raille qu'il a convenu faire pour la 
fortiffication de la d. tour et beffroi 
d’icelle comme appert par ses par- 
ties et quittances et par certiffica- 
tion du d', S' Lemaistre pour ce 
A PÉNO DOUANES CU e5 ss 

« Pour le reste du boys nécessaire 
pour peragrer de parfaire la d, 
pyramide d’icelle tour voyturaige 
brouetaige et siage du d, boys pour 
faire la montée de la d. tour et le 
beffroy et pour faire les fortiffica- 
tions qu'il a convenu faire pour 
obvyer à l'inconvénient des ventz 
la somme de deux cens quarante 
huyt livres ung solz deux deniers 
tournoys comme appert par la d. 
certification du dt. Lemaistre et 
les quittances des marchands de 
boys brouctiers et scieurs d’aitz 
pOUT Ce. eue» Re be de de eee 

« Aux maistres charpentiers et 
aultres ouvriers et compaignons du 


cc 


Y1, XLVIII, 


J. 


C1g2) 
dict meslier scieurs d’aitz, manou- 
vriers et aultres personnes qui ont 
besongné par journées et sepmaiu- 
nes durant l'an de ce présent compte 
payé au dernier jour d’icelles sep- 
mainnes suyvant le papier de mais- 
tre Louys Lemaistre commis à 
faire le registre et papier des jour- 
nées et sepmainnes que ont beson- 
gné et défailly les dits ouvriers et 
par mandement de Mons'. exhibé 
aux comptes précédents et les quit- 
tances de maistre Jehan Lemercyer 
greffrier à ce commys pour faire les 
parties et registres diceulx paye- 
menz pour toutes les d‘ sepmain- 
nes la somme de mil troys livres 
deux solz cinq deniers ainsy qu'il 
appert par les papiers nottes et re- 
gistres du d' Lemaistre de Le Mer- ne bts 
cier monstrez et exhibez pour ce... M. HI. Ov. vi. 


: 4 m ce xx [l s d 
$Somma hujus capituli.. XII. V. HIT. VIN. IN. VI. 


Pour trouver le compte général de la dépense de 
la flèche, il faudrait, à ces trois mille cinq cent qua- 
tre-vingt- dix-huit livres quatre sous sept deniers, 
CYeosssossesseseseeseenesesesses 3,598! 45 qd 
ajouter : 

1° Pour l'achat des bois de charpente 
fait par le chapitre.................. 1,400 » » 

2° Aux ouvriers charpentiers pour 
l'assemblage de la charpente......... 417 x «x 

3° A Robert Becquet et Toussaint 
Dubuc un premier paiement......... 44o » » 


A reporter... 5,855! 5° 84 


(193) 
Reports... 58551 bs gi 
&° Le petit modèle en bois de la 
He lac Su COUR E 67 10 » 
5° Premier paiement à Dumonstier, 
plombier, pour l’échafaud de la tête de 


AMI GHE ER NES MOTEUR PT 10 » 


> 


Ce qui donnerait une somme de.... 5,g3o! 5° 84 


Il resterait à l’'augmenter du prix du plomb employé à 
l'achèvement de la couverture et du montant de la main- 
d'œuvre, car la flèche ne fut complètement couverte 
que quelques années après, bien que l’opinion générale 
soit qu’elle ait été entièrement terminée en 1544. Un 
passage d’une lettre du cardinal d’Amboise IT imprimée 
dans plusieurs recueils pouvait faire soupçonner cette 
vérité; mais on ne s’y était pas arrêté. Dans cette lettre, 
datée du 29 avril 1544, le cardinal dit, en propres termes : 
« Pour ce qu'il reste encore à couvrir de plomb la dite 
« tour et y faire encore plusieurs autres ouvrages et be- 
« songnes pour la magnificence et enrichissement d’i- 
« celle ; et aussi que pour le présent il est très difficile de 
« pouvoir fournir entre autres matereaux recouvrer et 
« faire venir d'Angleterre le plomb requis et nécessaire 
« à couvrir la dite tour, pour raison des guerres de pré- 
« sent étants entre le Roy, notre souverain seigneur, et le 
« Roy d'Angleterre, etc. » 

Or, cette guerre, allumée en 1543, ne fut terminée 
qu'en 1550. 

J'ai découvert dans nos archives une pièce qui vient 
à lPappui de la lettre du cardinal d’Amboise. C'est un 
procès-verbal de l'examen fait par Robert Becquet et 
Toussaint Dubuc, et signé par eux, de la plomberie 
de la flèche, sous la date du 16 mai 1547. On y lit : 
« Nous trouvons que le plinte du pied destalle servant 
« d'empatement sur la première plate forme sur la mas- 


25 


(194 ) 

« sonerye est deubment plombé à six pieds de hauteur 
« et le reste du dict pied destalle est imparfait et doibt 
« estre parfait jouxte le pourtrait, et pour la segonde 
« haulteur où sont les premiers colonnes il n’est com- 
« mencé à plomber reste qu’il est tarase , la troisiesme et 
« quatriesme haulteur ne sont encommencées à faire 
« comme dict est tant les colonnes que le double corps 
« de la dite tour. la cinquiesme haulteur est plombée 
« reste l'arriere corps de force, » 

Et plus loin : 

« L’estimation du plomb qui convient avoir pour la 
« perfection de la tour nous ne pourrions estymer si 
nous n'’aviont fait ung essay d’une toize de plomb 
« pour veoir ce que pourrait peser. » 

Les comptes des cardinaux d’Amboise manquant dans 
nos archives à partir de l’année 1545, il ne m'est pas 
possible de fixer la date précise de l'achèvement de la 
couverture (1), et de compléter le compte général de la 
dépense. 

Je ne doute pas, cependant, Monsieur, quant à ce der- 
nier point, qu’aidé par l'extrait du procès-verbal de Ro- 
bert Becquet et de Toussaint Dubuc, et en prenant pour 
base les frais et les évaluations du compte que je viens de 
transcrire en entier, vous ne pussiez Calculer presque 
rigoureusement combien il fut employé de plomb pour 
les parties non achevées, et trouver le chiffre de la dé- 


(1) Un acte capitulaire du 6 décembre 1550, où il est question des 
établis qui ont servi au plombier de la flèche, fournirait, au besoin, la 
preuve que le plombage n’a été terminé au plutôt qu'en cette même an— 
née 1950. | 

Je vois, dans les mêmes registres, sous la date du 25 juillet 1545, que 
le chapitre avait député un de ses membres vers le cardinal d’'Amboise, 
à Gaillon, pour le supglier de faire achever la couverture de la flèche, 
afin de prévenir la détérioration de la charpente. Il remit à s’en occuper 


plus tard, 


C195) 

pense. De celte manière, nous aurions le compte total 
de la flèche de Robert Becquet. Je ne pense pas, en 
partant des données ci-dessus indiquées, qu'il s’élevât 
beaucoup au-delà de sept mille livres du temps, les- 
quelles représenteraient (1) environ trente-six mille francs 
de notre monnaie , en admettant que le marc d’or, sous 
le rapport du poids, soit le même en 1542 et en 1829. 


Tels sont, Monsieur, les détails que j'ai recueillis sur 
la pyramide de Robert Becquet, et que je m’empresse 
de vous communiquer. S'ils peuvent vous être de quel- 
que utilité, j'aurai atteint en grande partie le but que je 
me suis proposé en m'occupant à les réunir. 


J'ai l'honneur d’être, Monsieur, etc., 


A. DEVILLE. 


(r) La livre d’or vaut, dans ce moment, 1,680 fr. En 1545, 165 liv. 
7 5. 6 d. tournois équivalaient au marc d’or, d’après Le Blanc. 


(196 ) 


PAPA AA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA AA RAA AA AE AA 


SUR LA CAUSE 


DU PEU DE POPULARITÉ DE NOTRE POÉSIE. 
Discours de Réception de M. MAGNIER, 


Lu en la séance du 11 février 1831. 


MESSIEURS, 


En m'admettant parmi vous, vous avez eu égard aux 
fonctions que je remplis, aux connaissances qu’elles sup- 
posent, et peut-être à une œuvre de critique qui n’est 
elle-même que le résultat de mes occupations quoti- 
diennes. Vous n’aviez pas d’autres raisons de m’adjoin- 
dre à vos travaux. C’est à moi maintenant de vous épar- 
gner les regrets qui ne suivent que trop souvent un vote 
de confiance. Permettez-moi donc de vous faire hom- 
mage de quelques idées qui, sans être neuves pour 
sous, prouveront du moins mon intention de prendre 
part aux questions littéraires qui doivent quelquefois 
s’agiter dans vos réunions, J’ai cru ne pouvoir mieux 
vous témoigner ma reconnaissance qu'en cherchant à 
justifier, par le sujet même de ce discours, l'opinion 
bienveillante que vos suffrages ont exprimée. 

Un fait incontestable, et qu'il suffit d’énoncer pour 
qu'il soit à l’instant même avoué et reconnu, c’est que 
chez nous la poésie n’est pas populaire. Et, par-là, je 
n’entends pas seulement que les poètes ne sont point 


(197 ) 

lus par cette partie de la nation, qui, désignée sous le 
nom commun de peuple, en représente la classe la moins 
éclairée, et souvent même la classe tout-à-fait ignorante ; 
je parle de ceux qui lisent, de ceux qui se font de la lec- 
ture un moyen d’amusement autant que d'instruction, 
des esprits éclairés pour qui les jouissances du goût et 
les plaisirs de l'imagination sont un des charmes de la 
vie. Combien en est-il parmi eux, et, pour cela, je puis 
en appeler à cette assemblée , où je me vois environné de 
tant d'instruction et de lumières, combien en est-il parmi 
vous, Messieurs, qui , cherchant le délassement de leurs 
travaux ou le moyen de passer sans ennui les moments 
qui pèsent, trouvent dans les vers, plutôt que dans la 
prose, le sujet de leurs lectures favorites? Et cependant le 
but de la poésie est surtout de plaire. Si le poète a re- 
noncé à la liberté du langage ordinaire pour s’astreindre 
au joug du vers, c’est dans l'espoir de charmer votre 
oreille ; si, laissant là les routes communes et les champs 
du vulgaire, il vous transporte avec lui dans un autre 
univers, c’est pour y faire goûter à votre ame des plai- 
sirs inconnus ailleurs. D'où vient donc que la plupart de 
ceux qui lisent préfèrent la prose à la poésie? Ce n’est 
pas une question sans importance , Messieurs, un de ces 
lieux communs sur lesquels on fait rouler un moment 
des paroles oiseuses. Parmi les divers sujets que j'aurais 
pu choisir, celui-ci m'a paru digne de votre atttention, 
et, sans me flatter de l’approfondir, les difficultés mêmes 
qu'il présente, et que vous saurez apprécier, me seront 
du moins un sûr garant de votre indulgence. 

Personne ne niera que la poésie antique n'ait été plus 
populaire que la nôtre. L'esprit des hommes aurait-il 
changé? 'Serions-nous moins sensibles aux charmes de 
l'harmonie, moins disposés à nous plaire aux jeux de 
l'imagination? Non, sans doute. Comme si la nature et 
notre cœur, et l'univers, et Dieu lui-même, ne pouvaient, 


(198 ) 
tels qu'ils sont, suffire à notre ame , l'homme se plaît à 
en former une foule de combinaisons imaginaires, qui 
deviennent pour lui autant de créations nouvelles , et la 
source des impressions les plus fortes et les plus variées. 
C’est aujourd'hui, comme autrefois, un des besoins de 
l'humanité; et c’est encore à la poésie qu’il appartient 
d'y pourvoir. Notre nature est donc toujours la même : 
les circonstances seules ont changé. L’antiquité avait des 
moyens de poésie que nous n'avons pas : elle avait une 
histoire poétique, elle avait surtout un merveilleux qui 
n'existe plus, et que rien n’a remplacé. Développons 
cette idée; nous y trouverons plus de vérités qu’elle ne 
semble en promettre, et peut-être même une réponse à 
la question que nous avons posée. 

Des siècles d’ignorance et de barbarie aux siècles de 
science et de civilisation, il y a une époque de transition 
où l'esprit humain, sorti de son premier état de faiblesse, 
a besoin de croître encore pour arriver à toute sa force et 
sa grandeur. Les hommes ne sont alors que de grands 
enfants. C’est l'époque de la crédulité. Sans parler des 
terreurs ou des surprises religieuses qui, dans ces temps, 
ont animé et rempli les cieux et la terre d’êtres fantas- 
tiques et d'événements merveilleux, combien de faits, 
que d'histoires extraordinaires n’ont pas dû résulter du 
penchant naturel de l’homme à entendre ou redire les 
actions de ses pères! Il suffit de considérer un seul et le 
mieux connu de ces faits antiques, pour juger des chan- 
gements que, par eux-mêmes et le cours naturel des 
choses , ils ont subis dans les souvenirs et l’imagination 
des peuples. 

La Grèce entière, soulevée de son sol par la haine na- 
tionale, qui devait se rallumer tant de fois entre l'Eu- 
rope et l'Asie, a pesé de toutes ses forces et de toutes ses 
passions sur un peuple rival, qu’elle renverse après dix 
années de constance et d’héroïsme, Les âges suivants ont 


(199 ) 

long-temps retenti de ce long et vaste ébranlement. Pour 
la génération même qui en fut témoin , il se joignait à la 
réalité bien des merveilles. Les pères en ont fait le récit 
à leurs fils, et, de générations en générations, deux siècles 
à peine écoulés, il existe, sur la guerre de Troye , une 
foule de traditions presque toutes merveilleuses; on ne 
connaît plus autrement la guerre de Froye ; et, quand on 
veut plaire aux Grecs, c'est de la guerre de Troye et de 
ses héros qu'il faut leur parler. Homère paraît! il ras- 
semble toutes ces traditions ; sans avoir besoin de les em- 
bellir autrement que des couleurs de son divin langage, 
et de l’ordre sublime qui les fait paraître dans toute leur 
grandeur et leur clarté, ses chants deviennent pour ses 
contemporains le récit véritable de la guerre de Troye 
et de ses conséquences , telles qu’on les connaît, telles 
qu'on les croit, telles qu’il les croit lui-même. Comme 
son siècle, il a la foi dans les faits et les merveilles qu'il 
raconte et qu’il n’a pas créés. 11 n’a fait que de l'histoire, 
la seule qu’on püt faire et croire alors. 

Ainsi, en remontant à l'origine de l'épopée homé- 
rique, nous trouvons que, dans ses fictions, et jusque 
dans ses merveilles les plus extraordinaires et les plus 
bizarres, elle n'offre que des faits généralement admis, et 
dont le charme réside dans la foi du poète qu’elle inspire 
et du peuple qu’elle enchante. Il en fut de même à l'ori- 
gine de toute poésie : il n’y en a point qui n'ait eu pour 
fondement les croyances populaires ; et, quelque absurdes 
qu'elles puissent nous paraître aujourd'hui, c’est par ces 
croyances sérieuses alors et presque toutes religieuses , 
que les poètes ont régné dans lés premiers âges et sur la 
postérité. 

En effet, il est si difficile d’abuser les hommes sur ce 
qu'ils savent ou sur ce qu'ils ont vu, qu'à moins de les 
trouver imbus des idées ou des faits merveilleux dont 
vous prétendez les charmer, vos contes pourront bien les 


( 200 }) 
amuser un moment, mais ils ne resteront pour eux que 
des contes. L’imagination et la raison sont presque tou- 
jours en guerre ; on ne peut souvent satisfaire l’une qu'aux 
dépens de l’autre. Si vous vous abandonnez à l'imagina- 
tion, vous pourrez bien éprouver la joie, le transport 
d'une ivresse momentauée; mais bientôt un sentiment 
secret viendra troubler vos jouissances : craignez, si vous 
sortez de la vérité, que la raison ne se révolte, et qu’en 
reprenant ses droits elle ne détruise vos plaisirs. Mais 
supposez aussi que , tout entiers à la raison, sans autres 
inspirations que celles du bon sens, vous suiviez pas à 
pas ce guide froid et vulgaire, vous courrez risque de 
tomber bientôt dans un sommeil mortel. Le seul moyen 
d’un plaisir sûr et constant, que rien ne trouble et n'af- 
faiblisse, c'est de satisfaire à la fois l'imagination et la 
raison. Or, vous avez beau faire, l'imagination ne se 
contiendra pas dans les bornes du monde réel; penchant 
que j’appellerais un travers de notre nature, si je n’y 
voyais le besoin, le pressentiment d’un monde où tout 
doit changer, s’embellir et s’agrandir pour l’ame délivrée 
de sa dépouille terrestre. Mais comment la raison se 
pliera-t-elle au joug de l'imagination? Comment servira 
t-elle ses caprices? Comment la suivra-t-elle dans son 
univers de mensonge ? L’antiquité a résolu le problème, 
Messieurs ; les fictions et les merveilles sont nées d’elles- 
mêmes. N'ayant été d’abord que les résultats successifs 
de la crédulité de quelques générations, maïs ensuite 
consacrées par le génie plein de foi dans un langage har- 
monieux et sublime, elles se sont fixées et maintenues, 
comme l'histoire et la vérité, dans la mémoire et l’ima- 
gination des âges suivants. C’est ainsi que le monde de 
la poésie merveilleuse se trouva créé pour les anciens ; 
non pas un monde fantastique où l'imagination du poète 
se jouait, suivant ses caprices, au milieu des prodiges 
qu’il inventait lui-même , mais un monde réel , où , forcé 


( 2071 }) 
de se conformer aux traditions antiques, il trouvait en 
elles des merveilles toutes faites, qui, pour ses contem- 
porains, avaient les charmes de la vérité joints à ceux de 
l'invention poétique. 

Malgré toutes les différences qui devaient résulter de la 
religion et du mélange bizarre et burlesque des débris de 
la civilisation romaine avec la barbarie du Nord, le 
moyen âge est l’époque homérique des temps modernes. 
Les héros et les demi-dieux semblèrent renaître avec les 
souvenirs du siècle de Charlemagne , et la guerre de Troye 
se renouvela plus vaste et plus sublime dans l’ébranle- 
ment religieux de l'Europe contre l'Asie et Mahomet. 
À travers deux ou trois siècles de ténèbres, l’histoire de 
Charlemagne, dont les traditions se retraçaient sans cesse 
à l'imagination, n’offrait plus qu'un ensemble de fictions, 
où se retrouvent l'esprit même et les idées chevaleres- 
ques du temps qui les a créées. Et si nos regards s’arré- 
tent sur les croisades seules , quelles merveilles n'avaient 
pas dû naître, à une époque ainsi disposée , de l’éloigne- 
ment des contrées où ces guerres saintes précipitaient les 
peuples , et de l'enthousiasme religieux, si fécond en pro- 
diges réels ou imaginaires ? Parcourez les souvenirs du 
moyen âge; le miracle y est chose commune, l’inter- 
vention divine et l’action des démons toute naturelle, 
les prédictions aussi fréquentes, aussi sûres que les ora- 
cles de Calchas ou des sibylles. Il semble même que 
ce qu'il y a d’extraordinaire dans une action soit pour 
les esprits une raison d’y croire. N'est-ce point là cette 
époque de foi et de crédulité qui créa le merveilleux 
antique , l’âge d’or de l’imagination, la source unique 
de cette poésie, la seule vraie, qui, dans ses fictions 
même, est encore la vérité? Les grandes actions, les 
figures héroïques, les faits gigantesques s’oflraient en 
foule ; il ne leur a manqué qu'un Homère, c’est-à-dire 
l'historien des siècles de crédulité et d’inventions popu- 


26 


({ 202 ) 

laires. Si, au milieu de toutes ces créations merveil- 
leuses , résultant de l’état des esprits et des croyances de 
l’époque, dans cette abondance prodigieuse des légendes 
et des contes religieux ou chevaleresques, il se fût trouvé, 
pour les mettre en œuvre et en consacrer à jamais la vé- 
rité, un génie crédule et puissant, qui, en les élevant 
par son langage à la hauteur de sa pensée, leur eût 
donné l’empire homérique sur l'imagination moderne, 
peut-on se figurer sans enthousiasme et sans regrets la 
vasle carrière où nos poètes auraient marché, non plus 
suivis de quelques adeptes, mais environnés de cette 
foule innombrable qui, dans leurs chants et leurs ta- 
bleaux , croirait s'entendre et se voir elle-même chanter 
et peindre ? 

Le Dante devait être l'Homère du moyen âge; mais 
il ne traita point le véritable sujet de l'épopée moderne. 
Deux siècles plus tard, l’Arioste et le Tasse s’'emparèrent 
de Charlemagne et des croisades : d’après leur succès, 
on peut juger de l’empire qu'aux temps mêmes de la 
crédulité les fictions du moyen âge pouvaient prendre 
sur le monde, Mais, heureux de trouver encore assez de 
souvenirs et de traditions populaires pour que leurs fic- 
tions ne fussent pas étrangères ou contraires aux idées et 
au goût de leur temps, ils ne trouvèrent plus cette cré- 
dulité, qui, par les chants de la poésie, grave ses inven- 
tions et se consacre elle-même dans l'esprit des hommes. 
L'époque avait été manquée ; il était trop tard alors, à 
plus forte raison depuis ; et ce devait être le résultat iné- 
vitable de la renaissance des lettres. 

Lorsque nos pères sortirent des ténèbres où le monde 
était plongé, ce fut à la lueur d’un flambeau, qui, long- 
temps à peine entrevu dans la nuit des siècles, reprit 
peu à peu sa lumière , pour en inonder l'Europe entière. 
Dès-lors ils marchèrent à grands pas dans la carrière de 
civilisation, où peut-être nous entrerions à peine , si la 


PE 


(203) 

littérature ancienne, en leur révélant avec ses chefs- 
d'œuvre le goût et le génie qui les avaient inspirés, ne 
les eût tout-à-coup élevés à la hauteur des Grecs et des 
Romains. Mais aussi qu'en arriva-t-il? Les yeux pres- 
que uniquement fixés sur cette lumière, ceux dont la 
voix et les écrits devaient diriger les peuples, portèrent 
les esprits du mème côté. Les Romains envahirent en- 
‘core une fois le monde ; les écrivains anciens devinrent 
les nôtres ; leur poésie, toute créée, parut la seule et vé- 
ritable poésie ; on ne connut plus d’autres fictions que 
celles de la crédulité grecque ou romaine. IL en résulta 
de nouveaux chefs-d’œuvre ; et qui de nous n’oppose avec 
orgueil aux plus beaux siècles de la Grèce et de Rome 
le siècle de Louis XIV et ses productions merveilleuses ? 
Mais en même temps nous en conviendrons, cette 
poésie n'était plus celle du peuple. Pour se plaire à ses 
fictions , il fallait , par de longues études, s’être dépouillé 
de la rouille populaire ; les femmes, à qui les mœurs 
chevaleresques avaient donné tant de part aux jouissances 
de la vie moderne, devaient rester en dehors de cette 
poésie régénérée des Grecs et des Latins ; enfin, la na- 
tion presque entière n’entendait plus la voix de ses 
poètes. | 

Mais, dans cet envahissement de la poésie antique, 
que devenaient les traditions populaires des âges précé- 
dents? Elles n'avaient plus, dès-lors, ce qui les aurait 
consolidées et maintenues dans lesprit des peuples, le 
concours , la croyance égale et la consécration nécessaire 
de ceux qui dominent par le génie ou par le pouvoir. 
Comment auraient-elles pu résister à l’action du temps? 
Si du moins, comme les traditions homériques, elles 
s'étaient trouvées mêlées à la religion, elles auraient par- 
ticipé de son empire et de sa durée; mais le christia- 
nisme ne pouvait, sans s’ébranler lui-même, imposer 
d’autres merveilles à la croyance des hommes que celles 


(204 ) 

de sa fondation. Il fallait donc que le peuple, en restant 
étranger à la poésie antique , perdit aussi les traditions 
du moyen âge : il ne les connaît pas plus que celles du 
temps d'Homère. D'un autre côté, au-dessus et loin du 
peuple, ceux qui s’en étaient séparés pour vivre dans 
l’ancien monde , n’y vivant qu'en imagination, n'avaient 
pas cette foi solide sans laquelle la fiction n’a plus tous 
ses charmes. La science elle-même se fatigua bientôt de 
formes et d’idées qui ne lui retraçaient rien de ce qu’elle 
voyait ou croyait. 

Ainsi, Messieurs, grands ou petits, savants ou igno- 
rants, nous n'avons plus de merveilleux : antique ou mo- 
derne , il a perdu son empire, et, dans l’état actuel des 
nations, rien n’annonce qu'il puisse jamais se rétablir. 
Fenteriez-vous, par exemple, de nous offrir un nou- 
veau genre de fictions? Soyez sûr que vous errerez seul 
dans ce nonvel univers , que votre imagination peut rêver 
ou créer au gré de ses caprices ou de son délire. Quelle 
que soit la puissance du génie, Homère et ses succes- 
seurs ne produiraient pas aujourd'hui sur l'humanité ce 
qui, de leur temps, n'avait été que l’œuvre des siècles 
et des peuples eux-mêmes. Tenterez-vous, comme quel- 
ques-uns de nos poètes, de nous rendre les fictions du 
moyen âge? Mais nous venons de montrer que, depuis 
long-temps déjà, le fil des générations s’est rompu pour 
elles; et, pour croire aux merveilles, il faut les avoir 
reçues avec la vie ; il faut que nos pères les aient, pour 
ainsi dire , fait passer en nous avec leur sang. 

Et qu'avons-nous besoin, me dira-t-on, de toutes 
vos créations bizarres, bonnes seulement pour amuser 
les enfants et les peuples enfants ? Toutes ces inventions 
des temps antiques, toutes ces merveilles dont vous nous 
faites la poésie , ne sont pas la poésie telle que nous l’en- 
tendons aujourd'hui. C’est vrai, Messieurs, et c'est une 
des raisons pour lesquelles notre poésie n’est pas et ne 


Re 


( 2095 ) 

peut pas être populaire. Bien des siècles après les temps 
héroïques et l’époque d'Homère ; dans toute la splendeur 
de la civilisation grecque ou romaine, lorsque la lyre de 
Pindare ou d'Horace faisait entendre à l'oreille des 
hommes plus instruits des accents plus savants et plus 
variés, lorsque la voix des personnages évoqués par So- 
phocle et Euripide faisait frémir et pleurer Athènes , 
lorsque Virgile, en chantant la fondation de l'empire 
romain , révélait les sublimes destinées de la ville éter- 
nelle, la poésie ne communiquait avec les hommes 
que par ces faits de tradition auxquels l’antique cré- 
dulité, les chants des premiers poètes, la religion même, 
et les idées de l'enfance, assuraient la foi des peuples. Le 
grand avantage de la fiction, quand elle est admise, 
quand elle est dans l'esprit de la nation, c’est d'être à 
la portée de tout le monde. File parle également à toutes 
les imaginations , et c'est par là que la poésie ancienne 
était celle du peuple : elle avait, pour tous les yeux, des 
images réelles et vivantes, une foule d'actions, de ca- 
ractères , de personnages ; qui lui permettaient de pré- 
senter , sous des traits et des formes connus, et en quel- 
que sorte corporels, les idées, les sentiments et les 
passions pour lesquels nous n'avons souvent qu'une 
expression, qui, dans sa généralité philosophique ou 
sentimentale, échappe à la plupart des esprits , et surtout 
à l'imagination populaire, accoutumée à ne saisir et ne 
comprendre que les faits et les réalités. 

On conçoit, Messieurs, comment notre poésie, ré- 
duite à n'employer qu'un merveilleux auquel personne 
ne croit, ou forcée de s’en passer , a perdu son plus fort 
moyen d'action et d'empire. Heureux ceux qui croient ! 
Dans la poésie, comme dans la religion, de quelles jouis- 
sances l’incrédulité ne prive-t-elle pas les ames sèches et 
froides qui n’admettent que les réalités de notre monde 
et de la vie présente ! Mais le mal est irréparable; il 


( 206 ) 


faut s'y résigner, Messieurs. Voyons cependant s'il ne 
resterait pas quelque moyen de satisfaire encore aux be- 
soins de la poésie, ou plutôt des esprits qui devraient y 
trouver leur charme. 

De tous les faits et des raisonnements qui nous ont 
conduit à notre conclusion fatale sur le merveilleux an- 
tique ou moderne , nous sommes en droit de conclure 
d’autres vérités. Le poète ne trouvera croyance et sym- 
pathie dans la raison, le cœur et l'imagination de ses 
contemporains , qu'en leur présentant ce qu'ils savent , 
ce qu'ils sont disposés à croire et sentir. Il n’y a de poésie 
populaire que celle qui rend au peuple ce qu'il a prêté, 
celle qui, prise dans l'esprit du temps et dans la na- 
tion même, n’est en réalité que l’image et l'expression 
fidèle de ses idées et de ses sentiments, embellis et non 
changés par l’art et le pinceau du poète. Vous donc 
qui, dans les transports de votre imagination , voyez un 
peuple entier séduit et entraîné par vos chants, dé- 
trompez-vous : le peuple reste immobile à sa place, et 
il y restera si vous n'allez le chercher. Présentez-lui ses 
idées , parlez-lui sa langue , qu'il croie enfin s'entendre 
lui-même , si vous voulez qu'il trouve du charme à 
vous entendre. Au lieu de le façonner à vos travaux, 
et de chercher à lui faire partager des inspirations et 
des pensées qui ne sont pas dans sa nature et dans 
ses dispositions présentes , conformez-vous à ses goûts , 
servez-le suivant ses idées et ses désirs : alors vous se- 
rez pour lui dans le vrai; alors, seulement alors vous 
dominerez son ame. En voici la preuve. 

Nous ne sommes plus dans ces heureux temps où la 
religion , maîtresse de tousles cœurs, ne connaissait 
presque point d'enfants ingrats ou rebelles. Cependant, 
il reste encore bien des ames embrâsées de feu divin ; 
et, comme il arrive dans les temps d'opposition, com- 
bien se sont affermis dans leurs sentiments par les 


(207) 
combats mêmes qu'ils soutiennent pour les conserver ! 
Bien plus, chez la plupart, il n'y a qu'indifférence , 
et non pas rebellion ouverte où abandon complet : 
ils ne croient pas en apparence, mais sans raison de 
ne pas croire ; et soyez sûrs qu'au fond de leurs cœurs il 
reste, à leur insu , bien des idées d'enfance qu'on ne 
secoue pas à son gré, et qui, doucement réveillées, ont 
encore le charme de la vérité. Et, quand il n’y aurait 
que ces ames toujours ouvertes aux douces impressions, 
qui, dans leur besoin d'appui , sentent mieux le plaisir 
de croire au protecteur du faible , au consolateur de l’af- 
figé, la religion n’aurait-elle pas encore pour elle la 
plus belle moitié de la nation, celle qui s'émeut le plus 
vivement aux beautés de l'imagination, et dont le goût 
naturel aura toujours tant d’empire sur le nôtre? 

Les idées les plus fécondes sont en même temps les 
plus simples ; mais elles ne viennent qu'au génie. Cha- 
teaubriand eut celle-ci, Messieurs : il vit que le senti- 
ment religieux est encore le plus généralement répandu 
parmi nous, Peinte ou mise en action dans ses ouvrages, 
la religion est devenue lame de son style et la base 
de ses succès. C’est par là que , trouvant son point d’ap- 
pui dans la nation, il a commencé la révolution lit- 
téraire de notre siècle. La poésie s’est emparée de 
cette idée. Comme Chateaubriand , Lamartine voyant 
dans le peuple même linstrument aussi bien que le 
but de ses chants, a touché la même corde , et vous 
savez les sons qu'elle a rendus sous ses doigts, non plus 
des sons solitaires, mais entendus de plus de monde 
que ceux des autres poètes. La poésie religieuse est donc 
celle qui trouve encore le plus de sympathie et d'ac- 
cord avec ses chants, celle dont les accents résonnent 
le mieux au fond des cœurs; et n’en soyez pas surpris : 
par conviction, habitude ou souvenir, nous sommes 
presque tous disposés à l'entendre. 


( 208 ) 

Cependant, il ne suffit pas d'offrir au peuple ses pro- 
pres pensées et des sentiments à lui: il faut encore qu'il 
les saisisse et les admette sans peine. Dans la poésie, l’idée 
du travail exclut celle du plaisir. Le tort de la plupart de 
nos jeunes poètes, et trop souvent de Lamartine lui- 
mème, est d'exiger une contention d'esprit qui ne suf- 
fit pas toujours pour les suivre dans le monde intérieur 
où ils se complaisent:leur poésie de sentiment et de con- 
templation reste inaccessible à la raison commune, Mais 
ce que tout le monde comprend sans peine, et presque 
toujours avec plaisir, c’est une action, ce sont les choses 
que l'imagination saisit, pour ainsi dire, par les yeux. Il 
a bien senti cette vérité celui qui, dans sa prose , a été 
sans contredit le plus grand poète de notre siècle, Non 
content de trouver dans la religion des idées neuves qui 
semblaient appartenir à tout le monde, il a vu que le seul 
moyen de parler à toutesles imaginations, c'était de mettre 
en action sa pensée religieuse. Il s’est trompé sans doute, 
quand il a voulu créer un merveilleux qui n’était pas 
dans la nation; et son exemple prouve assez que la grande 
difficulté, c’est d’avoir un genre d’action qui, permettant 
toutes les beautés et toutes les hardiesses du langage poé- 
tique, soit, comme l'antique merveilleux , à la portée de 
tous les esprits et conforme à toutes les croyances. Où 
trouverons-nous donc ce genre d’action qui convienne à 
notre siècle? En terminant, permettez-moi d'exposer 
sur ce point ma pensée et mes espérances. 

Le goût naturel à l’homme qui, dans les siècles d’igno- 
rance, se fait des souvenirs de ses pères la source des plai- 
sirs de son imagination, renaît parmi nous plus sévère, 
mais encore susceptible de charmes. Déjà même, sur les 
pas d’un homme de génie, le roman, si habile à connaître 
et saisir les moyens de plaire, est sorti de la vie présente 
et a pris pour domaine le passé. Mais la poésie laisserait- 
elle usurper ses droits ? elle qui, dès sa naissance et chez 


( 209 ) 

tous les peuples, s’est fait des traditions antiques son 
moyen de gloire et d’empire, croirait-elle qu'aujourd'hui 
le passé reste pour nous sans grandeur et sans illusion ? 
Les faits et les personnages, à mesure que le temps nous 
en éloigne, semblent grandir et prendre une figure plus 
imposante; ce qui ne fut que vulgaire, ce qui ne serait 
maintenant qu'une action commune et bientôt oubliée, 
revêt, dans le lointain des âges, une importance moins 
imaginaire que réelle. Ce nouveau genre de merveilleux, 
le merveilleux historique, n'attend peut-être que son 
poète. Qu'un homme de génie se rencontre qui nous 
rende le passé tout vivant, qui, exhumant, pour ainsi dire 
les personnages fameux des diverses générations et les 
générations elles-mêmes, les fasse apparaître devant nous 
avec leurs vertus, leurs passions, leurs crimes, et un lan- 
gage qui imprime à ces figures antiques leur caractère 
et leur sceau de vie ; les hommes des temps anciens, et 
ces temps eux-mêmes, comme autant de figures coulées 
en bronze, resteront pour la postérité les types éternels 
des idées, des caractères et des passions qui, aux diver- 
ses époques, ont animé le monde. Combien ces créations 
du génie devront encore ajouter au goût de l’histoire si 
facile à satisfaire, et que de toutes parts l'instruction tend 
à répandre ! Ne voyez-vous pas, dès-lors, l’histoire et la 
poésie se prêter un secours mutuel , l’une donnant à l’'au- 
tre son action et sa vérité, l’autre secondant de toute sa 
puissance l’empressement des esprits à se reporter dans 
les temps antérieurs ? Si, de cette manière, et comme il 
est permis de l’espérer, un jour vient où chaque fran- 
çais ne trouve , dans la manifestation poétique du passé, 
que des vérités populaires et des souvenirs presque fami- 
liers , la poésie n’aura-t-elle pas reconquis, dans toute sa 
grandeur, cet empire qu'aujourd'hui, loin du peuple, 
elle se plaint d'exercer sur un petit nombre d'ames pri- 
vilégiées et seules dociles à ses lois ? 


( 210 ) 

Eañfin, Messieurs, dans l’état actuel des esprits, il n est 
personne qui ne s’altende à quelque changement. On 
sent de toutes parts le besoin de replacer la poésie sur 
d’autres bases ou dans une autre voie; et de là ce mal- 
aise, cetle agitation, ce mouvement de réaction, qui, de- 
puis quinze ans surtout, menacent de bouleverser notre 
monde littéraire. Il en sera comme de ces révolutions 
qui, dans le cours inévitable des choses, et aux épaques 
marquées par la providence, remuent quelquelois les 
peuples pour les renverser à jamais ou pour leur don- 
ner une vie plus forte et pleine de destinées nouvelles. 
Espérons que celle-ci ne sera point fatale. Les époques 
de décadence littéraire n’ont jamais éié que des époques 
de décadence dans la nature et la dignité des nations. 
Après Alexandre, la Grèce devient esclave , et son génie 
perd , avec la liberté, son essor et sa grandeur. Sous les 
iyrans qui l’abrutissaient ;; Rome pouvait-elle conserver 
les sentiments qui inspirent les grandes pensées et font 
les grands hommes ? L'Italie même, dans les temps mo- 
dernes, n’a joui de son génie et de sa gloire que dans 
les luttes de ses villes rivales et parmi les combais de ses 
citoyens divisés pour la cause de la liberté ; quaud elle 
a fléchi sous la verge étrangère, son génie s'est tù, Et 
nous, dont le génie a devancé les temps qui devaient 
l'inspirer , nous à qui les progrès de notre siècle assu- 
rent cette liberté qui donne à l’homme ioute sa force et 
sa puissance, nous qui, loin de ramper sous ce joug 
étranger qui ravale les nations, serions prêts à renouve- 
ler les prodiges dont le souvenir fait encore trembler le 
monde, ce serait à cette époque de gloire, de puissance 
et de liberté que nous tomberions dans cet état de fai- 
blesse et d’an‘antissement qui n'appartient qu'aux peu- 
ples dégradés! Laissez marcher la nature humaine ; le 
génie est de tous les temps ; il ne lui a souvent manqué 
qu'un siècle inspirateur : avec les sentiments qui seuls 


(arr ) 
dé ormais doivent animer nos cœurs et honorer la 
France, des hommes se présenteront, n’en doutez pas, 
qui sauront se faire entendre , et rendre populaires le vrai 
beau et la belle nature. 


M. Blanche , président, a répondu : 

« Monsieur, lorsque l'Académie vous a ouvert ses 
rangs, chacun de ses membres avait pu apprécier l’éléva- 
üon de votre esprit et l'indépendance de vos sentiments. 
La dissertation que nous venons d'entendre aurait achevé 
la conviction, si, à cet égard, il fût resté quelque chose 
à faire. » 

M, Blanche ne suivra pas l’orateur, at-il dit, dans les 
développements pleins d'intérêt qui servent à la preuve et 
à l’ornement du discours , etc. ; mais il a adopté comme 
vérité incontestable l'impossibilité d'admettre chez nous 
les machines poétiques de l'antiquité, repoussées par la 
raison et les croyances de notre époque. Il à embrassé 
avec plaisir l’heureux espoir de voir l’histoire concourir 
à la résurrection d’une poésie populaire. Quant à la coïn- 
cidence des décadences littéraires avec celles des peuples, 
admise par M. Magaier, M. Blanche l’a confirmée par 
un passage analogue de madame de Staël, qui, parlant 
d'Homère , paraît fixer l’origine du poème à des temps 
renommés par la simplicité des mœurs, quoiqu’elie 
ajoute que « ce n’est ni la vertu ni la dépravation qui 
font le sort de la poésie » ; mais, suivant elle ; la poésie 
doit toujours beaucoup à la nouveauté de la nature et à 
l'enfance de la civilisation, etc. 


PRE AA AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AA AA A 


NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 
SUR LA TRAGÉDIE DE TFR ET SIDON, 
Lue à l'Académie, le 3 juin 1831, 


Par M. Dururer. 


/ 


Messieurs , 


La bienveillance avec laquelle vous avez reçu quelques 
notices bibliographiques que je vous ai précédemment 
soumises, et dont vous m'avez donné une preuve bien sen- 
sible en les insérant dans le Précis de vos travaux pour 
les années 1827 et 1828, m'enhardit à vous en présenter 
une nouvelle aujourd’hui, dans l'espoir que vous ne lui 
ferez pas un accueil moins favorable. 

Cette notice aura pour objet deux pièces de théâtre de- 
venues assez rares pour que peu de bibliographes aient eu 
l'occasion de les voir, ce qui a pu induire ceux qui en 
ont parlé dans lès erreurs que je me propose de vous 
indiquer. 

La première des pièces dont il s’agit, imprimée à Pa- 
ris, in-12, chez Jean Micard, en 1608, a pour titre : 7yr 
et Sidon, tragédie, ou les funestes amours de Belcar et de Me- 
liane, avec autres meslanges poétiques, par Daniel d'Anchères, 
gentilhomme verdunoïs ; et la seconde, intitulée (1) : Tyr et 


(1) Le seul exemplaire de cette pièce que j'aie pu me procurer étant 
sans frontispice, j'en rapporte ici le titre d’après MM. de Beauchamps 
et de La Valière, ce qui fait que je n’en garantis pas l'exactitude. 


(Re 

Sidon, tragi-coméedie en deux journées, dont l'une représente 
les funestes succès des amours de Léonte et de Philoline, et la 
seconde les empéchements et l'heureux succès de Belcar et de 
Meliane; chacune en cinq actes et en vers, avec une préface 
el un avis de l’imprimeur au lecteur, a été imprimée in-8° à 
Paris, chez Robert Estienne , en 1628, sous le nom de 
Jean de Schelandre. 

-Cetie seconde pièce , qui a d’autres rapports que ceux 
du titre et du sujet avec la première , puisque l’on y re- 
trouve tous les personnages , toutes les siluations, les 
scènes, les vers même de celle-ci, n’en est-elle qu’une 
seconde édition avec quelques variantes, la suppression 
des chœurs, l'addition d'une première partie, et un dé- 
guisement du nom de l’auteur ? Ou Jean de Schelandre ne 
serait-il qu'un plagiaire effronté qui se serait approprié, 
avec aussi peu de scrupule que de réserve, l'ouvrage de 
Daniel d'Anchères, dont il n'aurait pas même pris soin 
de changer ou de modifier le titre? C'est ce que j'aurai 
bientôt à examiner, Messieurs; mais permettez qu'au- 
paravant je vous signale ici quelques erreurs échappées 
aux deux seuls bibliographes qui aient, à ma connais- 
sance , parlé, avec quelques détails, des deux pièces en 
question, erreurs d'autant plus essentielles à relever, 
selon moi, que l'autorité du nom de leurs auteurs leur 
donne plus de poids. 

Dans ses Recherches sur les Thédtres de France, tome 2, 
page 14, M. de Beauchamps indique la tragédie de Tyr 
et Sidon de Daniel d'Anchères comme étant en prose et 
en vers, avec l'argument et l'abrége des personnages en sonnet, 
et se trouvant dans les mélanges poétiques de l’auteur , 
intitulés, d’après lui, Amours d'Anne, etc. Eh bien! Mes- 
sieurs, pas une de ces assertions qui ne soit erronée. En 
eflet, loin d’être en prose et en vers, la tragédie de Daniel 
d'Anchères est toute en vers alexandrins, sauf les chœurs, 
qui sont d'une autre mesure; l'argument est en prose, et 


(214) 

l'abrégé des personnages seul est en vers; c'est à dire que, 
sous le nom de chaque personnage, se trouve un vers, em 
forme de sentence , indiquant l’esprit ou la moralité de 
son rôle. Enfin, ainsi que vous avez pu en juger par le 
titre, que j'ai rapporté textuellement, Tyr et Sidon ne fait 
point partie des mélanges poétiques de l’auteur, et ces 
mélanges placés à la suite de la tragédie, ne sont pas, 
comme l'annonce à tort M. de Beauchamps, intitulés 
Amours d'Anne, mais portent, au haut des pages, différents 
titres tels que procez de Hollande, meslanges, gayetez, et les 
stances, sonnets, quatrains, etc., consacrés à célébrer les 
amours d'Anne, n’en occupent qu'à peu près un tiers. 

M. de La Valière , dans sa Bibliothèque du Theâtre 
français , tome x°", page 408, partage les principales 
erreurs de M. de Beauchamps, en répétant, d’après lui 
peut-être, que l'argument et l'abrègé des personnages sont 
en sonnels, et que la tragédie est en prose et en vers; ce 
qui est d'autant plus étonnant que l'analyse qu'il en 
donne peut faire présumer qu'il a dà la lire en entier. 

Mais, quelque remarquables que soient ces erreurs, on 
peut ent signaler une bien plus grave, également commune 
à MM. de Beauchamps et de La Valière. Elle consiste en 
ce que ces deux savants bibliographes ont, l’un et l’autre, 
indiqué la même tragédie sous deux dates différentes, pré- 
senté comme une autre pièce une réimpression avec va- 
riantes et additions, et, confondant, si je puism’exprimer 
ainsi, le masque et le visage, consacré deux articles à un 
même individu, tantôt sous son nom propre, et tantôt 
pseudonyme. 

En effet, pour peu qu’on lise avec quelque attention 
les deux tragédies, ou tragi-comédies, de Tyr et Sidon, il 
est facile de reconnaître que celle publiée en 1628 est, 
ainsi que je l'ai déjà observé, identiquement la même, 
sauf quelques variantes et l’addition d’une première par- 
tie, que celle qui avait paru vingtans auparavant. 


(215) 

Quant à identité de l’auteur, elle ne ressort pas moins 
de quelques détails dans lesquels lui-même ou son édi- 
teur sont entrés sur sa personne, que de la transparence 
du voile dont il a cru devoir s’envelopper, et à travers 
lequel on ne cesse de le voir, comme j'espère vous en 
convaincre bientôt, 

On trouve, en tête de l'édition de 1608, une épître 
dédicatoire au sérénissime Jacques, E* du nom, roi de 
la Grande-Bretagne, dans laquelle l’auteur promet à ce 
monarque que, « si il lui fait l'honneur d’avoir pour 
« agréables les prémices qu'il lui offre, s'étant fortifié la 
« voix sous ses favorables auspices, il fera retentir au 
« Parnasse françois le divin sujet de ses louanges ». 
Cette épître dédicatoire est suivie de plusieurs pièces de 
vers adressées , tant à Jacques 1°", q'à la reine son épouse 
et au prince de ##/alles ou de Galles, leur fils, etc., qui 
prouvent que Daniel d'Anchères était particulièrement 
attaché au service de Jacques Er. 

Dans la réimpression de 1628, l'éditeur, désigné par 
les initiales F. O. P., apprend, dans sa préface au lec- 
teur, que l’auteur avait, « à l’âge de vingt-cinq ans, com- 
« posé trois livres d’une Stuartide admirée de ce docte 
« roi de la Grande-Bretagne, qui à fait asseoir auprès de 
« lui les Muses dans son propre throsne ». Ce qui fait 
voir que l’auteur de Tyr et Sidon avait réalisé, dans lin- 
tervalle de 1608 à 1628, la promesse qu’il avait faite, à 
cette première époque, à Jacques I", de faire retentir au 
Pärnasse françois le divin sujet de ses louanges, et que, par 
conséquent , le prétendu Jean de Schelandre se char- 
geant d’acquitter les dettes contractées par Daniel d’An- 
chères , ne doit former avec lui qu’un seul et même in- 
dividu. 

Mais ce qui achève, selon moi, la démonstration et 
doit dissiper tous les doutes qui pourraient encore rester 
à cet égard, c'est que l’un des noms est absolument l’a- 


{216 ) 


nagramme exacte de l'autre, et que, par la simple trans- 
position des lettres qui entrent dans les mots Daniel de 
Anchères, on composera, sans y faire aucune addition ni 
retranchement, ceux de Jeun de Schelandre. 

Je devrais maintenant examiner lequel de ces deux 
noms est réel, et lequel supposé. Mais je crois que , 
d'après ce que je vous ai déjà exposé, Messieurs, votre 
opinion ne peut être incertaine à ce sujet. Je n'ajou- 
terai donc qu’un mot. Il me semble évident que l’auteur 
réel de la tragédie de Tyr et Sidon ne peut être que 
Daniel d’'Anchères. En effet , c’est Daniel d'Anchères qui a 
signé l’épître dédicatoire à Jacques I**; c’est à lui que 
Hodey et Paul-Antoine d’Agent ont adressé des vers 
apologétiques, placés, selon l’usage du temps , au-de- 
vant de sa tragédie , au nombre de ce qu’on appelait 
alors les approbations du Parnasse ; ce qui n'eût pas eu 
lieu s’il neût été qu’un personnage imaginaire, un 
être de raison. D'ailleurs, il ne pouvait avoir aucun 
motif de déguiser son nom , en publiant , pour la pre- 
mière fois, sa tragédie en 1608, au lieu qu'il n’en 
était pas de même lorsqu'il la fit réimprimer vingt ans 
après, avec l’addition d’une première partie pleine de 
détails si obscènes , de vers si grossiers, qu’il n'était 
vraiment pas possible à un honnête homme de les 
avouer ni de les publier sans le secours d'un mas- 
que qui pût dérober à tous les yeux combien il en de- 
vait rougir. 

Car , Messieurs, ne nous y trompons pas, malgré les 
éloges que l’on reproduit chaque jour de la pureté des 
mœurs de nos bons aïeux, qui pouvaïent être très chas- 
tes, mais dont le langage , à coup sùr, ne l'était guère, 
un grand nombre d'ouvrages en tout genre des qua- 
torzième , quinzième , seizième et commencement du 
dix-septième siècle, sont là pour attester , au besoin, 
la nécessité de la recommandation que le législateur de 


(. au 
notre Parnasse a cru devoir faire aux poètes de son temps, 
lorsqu'il a dit, dans son Art poétique : 


... Le lecteur français veut être respecté; 
Du moindre sens impur la liberté l’outrage 
Si la pudeur des mots n’en adoucit l’image. 


Mais il paraît qu’à l’époque où écrivait Daniel d'An- 
chères , on n’y regardait pas de si près. Aussi, a-t-il eu 
soin, sur la demande de son imprimeur, comme ce- 
lui-ci nous l’apprend dans un avertissement qui précède 
la tragédie de Tyr et Sidon , édition de 1628 , d'indiquer 
les retranchements des passages et des vers les plus indé- 
cents, qu'il y aurait à faire pour la représenter , ainsi qu’il 
paraît que c'était la mode alors, sur les théâtres particu- 
liers. « Cette pièce ayant, dit-il, été composée pro- 
« prement à l’usage d’un théâtre public, où les acteurs 
« sont privilégies de dire plusieurs choses qui seraient 
« trouvées ou frop hardies où mal séantes aux personnes 
« plus retenues que les comédiens ordinaires. » 

Permettez, Messieurs, qu'avant de terminer ces re- 
marques, je vous en soumette une que je n'y crois 
pas tout-à-fait étrangère , et qui'me semble pouvoir , 
sous plus d’un rapport, être offerte aux méditations du 
philosophe moraliste. 

Il paraît, d’après le passage que je viens de vous 
rapporter de l’avertissement de limprimeur de la tra- 
gédie de Tyr et Sidon, en 1628, et les observations 
qu'il a fait naître à M. de Beauchamps ( Recherches sur 
les Théâtres de France , tome 2, page 61), que le goût 
des représentations domestiques était aussi général en 
France, au commencement du dix-septième siècle , que 
nous lavons vu depuis à la fin du dix-huitième, et 
que, pour me servir de ses expressions ,; à chacune 
de ces deux époques « les honnêtes gens ne se fai- 
« saient point un scrupule de se rassembler pour jouer, 


28 


(218 ) 
« entre eux, des pièces de théâtre. » Mais , et c'est 
le point sur lequel j’appellerai plus particulièrement 
votre attention , il existe une différence bien remarqua- 
ble entre la première et la seconde époque, dans le 
choix des pièces destinées à ces représentations. 

Au commencement du dix-septième siècle , les acteurs 
de profession avaient seuls, comme vous venez de le 
voir, le privilége de dire plusieurs choses, ou #rop har- 
dies, ou mal séantes; et les pièces qu'ils ne rougissaient 
pas d'offrir au public ne pouvaient se reproduire sur 
les théâtres particuliers qu'après qu'on en avait retran- 
ché ce qui aurait trop ouvertement blessé la décence. À 
la fin du dix-huitième siècle, au contraire , la scène pu- 
blique , épurée , s’est montrée plus retenue, plus réser- 
vée, tandis qu’on n'hésitait pas à représenter, dans les 
petits appartements des grands seigneurs, les châteaux 
des traitants, et sur les théâtres bourgeois, ces pièces à 
équivoques grossières , ces parades indécentes, ces vau- 
devilles graveleux , auxquels les Fagan , les Moncrif, les 
Piron, Collé, Laujon, etc., ont dû une célébrité dont 
notre siècle , plus positif, a déja fait justice. 

D'où peut provenir; Messieurs, cette différence ? In- 
dique-t-elle une amélioration dans nos mœurs? est-elle 
un effet des progrès de la civilisation? Il n’entre pas dans 
le plan que je me suis proposé de résoudre ces questions ; 
mais je n’en ai pas moins cru devoir vous les soumettre , 
persuadé qu’elles sont de nature à fixer votre attention. 


C219) 


RAA VAN AA AA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA PPS 


DISCOURS DE RÉCEPTION 
LE 


M. L.-D. PAumiER, Pasleur; 


Lu à l’Académie, séance du 11 mars 183r. 


Messieurs, 


En venant, pour la première fois, occuper ici la place 
à laquelle vous avez daigné m'appeler par vos hono- 
rables suffrages , si, d’un côté, j’éprouve le besoin de 
vous remercier de cette marque distinguée de votre 
bienveillance ; de lautre, je désire vous donner une 
juste idée, et me bien pénétrer moi-même, de l’étendue 
de la reconnaissance que cette bienveillance m'inspire. 

Si je ne considérais que l’Aonneur attaché au titre d’a- 
cadémicien, je pourrais craindre de prendre pour de 
la gratitude ce qui ne serait peut-être en moi qu'un 
mouvement d'amour - propre flatté ; et encore serais- 
je forcé de me dire tout bas que ce titre n’est véri- 
tablement un honneur que pour l’homme qui le reçoit, 
non comme une faveur où un témoignage de tolérance, 
mais comme une récompense qu'il a su mériter par ses 
travaux scientifiques ou littéraires. 

Si je ne pensais qu'aux obligations que je contracte 
en entrant dans cette savante Compagnie, j'aurais lieu 
de redouter aussi une augmentation de travail et même 
une tâche au-dessus de mes forces, puisque déjà les 
fonctions de mon ministère absorbent presque tous mes 
instants. J'ajouterai même que je me ferais un 


( 220 ) 

scrupule de dérober aux membres de mon église des 
heures que je leur dois toutes, si c'était pour ne venir 
les passer à vos séances que comme à un délassement 
agréable , ou pour oublier des devoirs plus importants 
et plus sérieux en goûtant ici le charme de vos entre- 
tiens. On connaît la réponse de cet homme auquel 
un savant prélat (1), pour étudier sans distraction, avait 
plusieurs fois refusé de donner audience : « Eh ! pour- 
« quoi donc, dit avec humeur et malice le visiteur 
« éconduit, pourquoi le Roi ne nous a-t-il pas envoyé 
« un évêque qui ait fait ses! études? » Messieurs, je 
regarderais une pareille plainte comme un grave repro- 
che, si mes relations futures avec l'Académie don- 
naient jamais occasion au plus humble de mes parois- 
siens de la proférer contre moi avec quelque justice. 
Mais plus j'y réfléchis, plus je suis convaincu qu’il n'y 
a rien d'incompatible entre les fonctions du pasteur 
et les occupations ou plutôt les jouissances de l’acadé- 
micien. W me sera facile , Messieurs , de vous faire par- 
lager ma conviction à cet égard : c’est dans ce but que je 
vais vous soumettre quelques considérations , nécessaire- 
ment très-incomplètes, sur les rapports qui me paraissent 
exister entre la Religion et les Sciences, et sur les services 
qu'elles se sont mutuellement rendus. 


Premiere partie. 


Plus d'une fois on a prétendu que la religion était l'en 
P q 5 

nemie des sciences humaines. Plus d'une fois on a dit 

qu'elle redoutait l'examen et des recherches approfon- 

dies , et que les hommes religieux étaient naturellement 

partisans de l’ignorance et de l’obscurantisme. Rien n’est 


22 get 


(1) Huet, évèque d’Avranches. 


RÉ 7, 


(ax ) 
moins fondé pourtant que ces assertions hasardées, que 
lon répète encore si souvent de nos jours. Non, cette 
Révélation divine descendue du ciel pour éclairer les fils 
d'Adam sur leur origine , leurs devoirs, leurs immortel 
les destinées, ne favorise point l’'indolence de l'esprit , 
et n’a point la funeste propriété d'éteindre le flambeau 
de la raison, qui est aussi un don de la Divinité. 
Disons mieux : loin de rétrécir l'intelligence , et par là 
de nuire au savoir, elle l’étend , au contraire , et lui four- 
nit des lumières nouvelles. En prescrivant à l’homme 
l’activité, la tempérance , l'amour de l’ordre , le perfec- 
hionnement moral de cette ame qui constitue la partie 
essentielle de son être, l’emploi de tous les moyens 
qu'il peut avoir de contribuer à la gloire de son Créateur 
et au bonheur de ses semblables, elle tend à laffranchir 
des passions basses qui l’abrutissent ; et dès-là même 
elle le dispose à rechercher tout ce qui estutile, tout ce 
qui est noble et véritablement digne de son admiration. 
Et ne suffit-il pas, Messieurs, de rappeler les grands 
noms des Pascal, des Newton , des Leibuitz, et de tant d’au- 
tres savants du premier ordre qui se distinguèrent tou- 
jours par leur attachement au Christianisme , pour dé- 
montrer, par les plus beaux exemples , combien la reli- 
gion élève l'esprit ? Or, plus l'esprit est élevé, plus il est 
propre à former de vastes plans et à poursuivre de 
sublimes découvertes. C’est donc par la religion, autant , 
et plus encore ,; que par tout autre moyen, que les bi- 
mites des sciences ont été reculées. L’ame , fatiguée de 
l'incertitude et des fréquentes contradictions des sys- 
tèmes humains, a pu enfin se reposer dans la contem- 
plation ravissante d’une cause unique qui explique tout. 
Aux yeux de limpie, la nature n'était qu'un assemblage 
fortuit, échappé des mains du hasard ; aux yeux du sa- 
vant chrétien, elle s’anime et s’embellit encore, en lui 
apparaissant comme une émanation de la suprême intel- 


(222) 
ligence et de l'infinie bonté; et le sentiment le plus pur 
vient se mêler, chez lui, au calcul de la science, sans lui 
rien Ôter de sa justesse, sans jamais compromettre ses 
succès et ses triomphes (1). 

Je n'ignore pas, Messieurs, qu'en interprétant mal, 
et en appliquant, hors de propos , à d’autres temps et à 
d’autres mœurs telle maxime ou telle action attribuée à 
Moïse ou aux patriarches, quelques personnes ont par- 
fois voulu justifier, par la Bible, leur fanatique intolé- 
rance ou leurs pratiques supertitieuses. Je sais encore 
qu'au nom de Josué on défendit jadis, dans Rome, 
à la terre de tourner, et que Galilée fut condamné à la 
prison par sept cardinaux inquisiteurs, pour avoir sou- 
tenu que le système de Copernic ne contredisait point 
PEcriture Sainte. Mais, que prouvent de tels exemples, 
sinon que l’on confond trop souvent deux choses qu'il 
faudrait toujours soigneusement distinguer ; savoir : l’au- 
torité des livres saints et l’autorité des interprétations 
et des explications des hommes ? Dès-lors, tout ce qui 
porte atteinte à la seconde semble ébranler la première, 
et aussitôt on s’en alarme. Confusion pleine d’erreurs , 
dont il serait aussi absurde qu’injuste de rendre le Chris- 
tianisme responsable, et sur laquelle on ne peut trop 
gémir (2). 

Mais, s’il est vrai que la religion n’est point contraire 
aux sciences ; si elle leur est favorable par les disposi- 
tions qu’elle produit chez ceux qui les cultivent , on peut 
affirmer , de plus, qu’elle même est la science par ex- 
cellence , à laquelle la plupart des autres se rattachent, 
ou viennent puiser comme à une source commune. 

Ici, Messieurs, quelle immense carrière s’ouvrirait à 


(1) Mélanges de Religion, etc., tom. 2. 
(2) Relig. et Christ., Are année, 


{ 223) 
notre méditation, si le temps me permettait de la par- 
courir avec vous ! 

S'agit-il, parexemple, de la saine philosophie, de celle qui 
est vraiment digne de ce beau nom, et que chérissent 
tous les amis de la sagesse ? La religion la seconde puis- 
samment dans ses recherches sur Dieu , sur l'ame , sur 
toutes les existences, toutes les généralités , toutes ces 
innombrables chaînes d’agents et d’eflets, qui font de 
l'univers un seul tout et nous conduisent à une pre- 
mière cause. 

S'agit-il des sciences physiques, qui, non contentes 
d'étudier les œuvres matérielles de la création , d’en ob- 
server les phénomènes, d'en examiner les rapporls et les 
ressemblances, doivent aussi les ramener sous certaines 
lois et sous certains principes ? Jamais ceux qui s’en oc- 
cupent ne sont meilleurs observateurs et ne se rendent 
plus utiles, jamais ils n’appellent sur leurs travaux un 
intérêt plus vif et plus durable, que quand ils nous en 
parlent avec un cœur religieusement ému. 

S'agit-il de la chronologie ? C’est dans les écrits de 
Moïse qu'elle a trouvé ses premières dates certaines ; et, 
sans ce guide divinement inspiré, elle se serait égarée , 
peut-être ,; avec les Chaldéens, les Egyptiens et les Chi- 
nois, dans ce nombre incalculable de siècles inventés, dont, 
comme on l’a si bien dit, Ze temps n’est point le père. 

S'agit-il de l'histoire ? Comment, sans le secours de 
la Bible, eût-elle pu découvrir la vérité dans les bril- 
lantes fictions de la Mythologie , et à travers les profon- 
des ténèbres qui enveloppent les temps fabuleux ? 

S'agit-il de la jurisprudence et de l'amélioration des 
mœurs ? Que l’on parcoure tous les traités publiés par 
les écrivains anciens et modernes, sur ces sujets si im 
portants et si intimement liés au bonheur et à la pros- 
périté des peuples ; et qu’on nous dise si l’on pourrait 
trouver ailleurs que dans l'Evangile les meilleurs 


(224) 

principes de législation , la plus forte sanction des lois, 
et les sublimes préceptes d’une morale tonjours appro- 
priée à la nature et à la destination de l’homme? « Chose 
« admirable , » s'écrie à cette occasion l’illustre Montes- 
quieu , « la religion chrétienne, qui ne semble avoir 
« d'objet que la félicité de l'autre vie , fait encore notre 
« bonheur dans celle-ci; et nous lui devons , dans le 
« gouvernement , un certain droit politique , et dans la 
« guerre un certain droit des gens, que la nature hu- 
« maine ne saurait assez reconnaître. » ( Esprit des Lois, 
liv. 24 , art. 3). 

S'agit-il enfin, Messieurs, de la civilisation, sans la- 
quelle il n’y a point de sciences? rappelez-vous ce qu'é- 
taient , sous le paganisme, les habitants des Gaules et 
des Les Britanniques. Voyez nos ancêtres immolant de 
malheureux captifs sur les autels des faux dieux, et se 
faisant remarquer par leur paresse et leur inaptitude aux 
arts de la vie civile ; tellement qu’au rapport de Tacite, 
« l’inertia Gallorum » (1) était passée en proverbe. Voyez 
aussi ces Bretons, dont Cicéron, dans ses lettres à Atti- 
cus (2), disait qu’on ne devait pas s’attendre à trouver 
parmi eux des esclaves bien propres au service, parce 
qu'ils étaient un peuple grossier et sans aucune espèce 
de culture ; au point que, quand Agricola les eut subju- 
gués , ses soldats durent leur montrer à se construire des 
maisons et des temples : « Hortari privatim, adjuvare pu- 
« blicè, ut templa, fora, domus extruerent ; laudando promp- 
« Los, et castigando segnes (3). » Après avoir contemplé 
cet humiliant tableau , pensez à ces Français et à ces An- 
glais de nos jours, descendants de ces mêmes peuples, et 


(1) Germania, 28, 
(2) Lib. 1v, epist. 16. 
() Vita Agricole, S 21. 


( 225 ) 


parvenus à un tel degré d’activité, d'instruction, de goût 
et d'industrie, qu'aucune nation ne les surpasse. Et re- 
connaissez là les fruits de ce christianisme, qui a porté 
constamment avec lui, partout où il a pénétré, les arts, 
les sciences et les mœurs. 

Et ne croyez pas, Messieurs, que ce que l'Evangile a 
fait pour retirer l'Europe de l'ignorance et de la barba- 
rie, il y a douze ou quinze siècles, il ne puisse plus le 
faire aujourd'hui, comme le prétendent ces hardis fai- 
seurs de systèmes, qui vont en tous lieux répéter « que 
« le christianisme a fait son temps et rempli sa mis- 
« sion; qu'il est tombé pour ne plus renaître, parce 
« qu'on ne ressuscite point le passé ». Laissons les élé- 
gants disciples de l’infortuné Saint-Simon s’applaudir de 
leur triomphe idéal, en redisant à satiété ces phrases 
lugubres autant que mensonoères. Tandis qu’ils nous 
montrent ainsi l’auguste religion du Fils de Dieu comme 
« mourant de vieillesse, de décrépitade et d'impuis- 
« sance », le christianisme poursuit glorieusement sa 
carrière , et n’en continue pas moins, SOUS nos yeux, son 
œuvre régénératrice. Les habitants du Groënland le reçoi- 
vent par milliers; les Hottentots, les Cafres, les Béchua- 
nas, et d'autres.tribus africaines , tellement sauvages que 
naguère encore un publiciste fameux les représentait 
comme « incapables d'être apprivuisées », se soumettent 
aussi, en grand nombre, à ses salutaires influences, et 
bâtissent des villes, des hôpitaux et des écoles, sous la 
direction des pasteurs européens qui les instruisent, Les 
Indous, abandonnant peu à peu le culte avilissant de 
Brama, commencent à renoncer à la barbare coutume de 
brûler leurs veuves, et à préférer les grandes et conso- 
lantes vérités de la Bible aux fables ridicules de leur 
védam. Parmi les peuplades indiennes encore éparses 
sur l'immense lisière des Etats-Unis d'Amérique, les 
Chactas et les Chiroquois , en devenant chrétiens, ont fait 


29 


( 226 ) 
de tels progrès dans la civilisation, que l’un de ces der 
niers publie un journal fort remarquable, qui compte 
parmi ses correspondants et ses abonnés le célèbre voya- 
geur baron de Humboldt. Surtout, Messieurs, c’est 
dans les îles de la mer du Sud que le christianisme à 
récemment obtenu le triomphe le plus rapide et le plus 
complet. « En moins de dix années, dit l’un des rédac- 
« teurs de la Revue encyclopédique (1), la Polynésie a 
« changé de face; et l’on trouve des églises chrétiennes , 
« de sages lois, un gouvernement régulier, des arts, de 
» l'industrie, des écoles florissantes, auxquelles les seules 
« îles Sandwich envoient quarante-cinq mille enfants, là 
«où naguère il n’y avait que le despotisme , un culte san- 
«_glant, des sauvages malheureux et des passions brutales. 
« Quelques missionnaires anglais et américains, avec la 
« Bible, ont fait là ce que les anciens attribuaient à tous 
« leurs dieux réunis! » Ajoutons à ces résultats, attestés 
par les rapports authentiques d’un de nos officiers de 
marine les plus distingués (2), et d’autres documents 
non moins irrécusables (3), les secours que procurent 
à la géographie ces missionnaires voyageurs ; ajoutons-y 
encore Les progrès immenses qu'ont fait faire à la philo- 
logie tous les traducteurs de la Bible , qui, depuis trente 
ans, a élé imprimée en plus de cent quarante-cinq langues 
ou idiômes divers , pour être répandue par millions d'exem- 
plaires chez tous les peuples du monde ;.... et deman- 


(1) Numéro d'octobre 1830. 

(2) M. Duperré, devenu depuis amiral et pair de France. 

(3) Voyez, entr'autres ,un discours de M. Hyde de Neuville, alors 
ministre de la marine, (Moniteur du 2 janvier 1830); le Journal des 
Missions évangéliq., de Paris: et les Rapports annuels des Sociétés 
missionnaires de Londres, de Paris, de Bäle, etc. — Voyez aussi 4 
visit Lo the South Seas, during the years 1829 and 1830, by C.S, 
Stewart, 2 vol , New-York, 1331. ’ 


(3272) 
dons-nous , Messieurs , si, indépendamment du point de 
vue religieux et chrétien, il n’y a pas là de quoi exciter 
l'admiration et la vive sympathie de tous les amis des 
sciences et de l'humanité ? 


Seconde partie. 


Il me reste à prouver, Messieurs, que les sciences ren- 
dent à la religion de précieux et importants services , en re- 
tour de tous ceux que nous venons de voir qu’elles en 
reçoivent. Si je parviens à établir cette seconde partie de 
ma thèse; si je démontre, par des faits incontestables, 
qu'à cet égard encore on voit régner entre la religion et 
les sciences la plus parfaite harmonie, ne sera-ce pas, 
pour la révélation divine, un nouveau titre pour captiver 
les hommages et la confiance des mortels? 

En entrant dans le développement de cette seconde 
idée, je ne dois pas dissimuler une objection qu'on ne 
manquera pas de me faire ; c’est qu’on a vu des hommes 
distingués par leur savoir se constituer les ennemis dé- 
clarés de la religion, et n’employer leurs talents qu'à la 
décrier et à la combattre. Je conviendrai sans difficulté 
de ce fait, quelque affligeant qu'il puisse être, comme 
je convenais tout-à-l’heure que quelques personnes, 
aussi pieuses que peu éclairées, regardent mal à propos 
les sciences d’un œil défiant et jaloux. Mais l’un de ces 
exemples prouve-t-il donc plus que l’autre? Qui ne com- 
prend que plusieurs causes peuvent concourir à faire 
d’un savant un incrédule ? Tantôt, ce sont les passions 
du cœur qui aveuglent l'esprit ou lui suggèrent la manie 
des systèmes et la folls présomption de vouloir tout 
expliquer; tantôt, c’est une excessive préoccupation, 
une attention trop exclusivement portée sur un seul 
objet, qui inspire , pour tous les autres objets dont on 
ue s'est point occupé, de l’indiflérence et du dédain: 


( 228 ) 
d’autres fois, c’est l'impossibilité où est l’homme d'ap- 
profondir en même temps toutes les sciences , de sorte 
que, tout en méritant le titre de savant , à certains égards, 
il n’en mérite pas moins, sous d’autres rapports, le re- 
proche d'ignorance et même de témérité, quand il entre- 
prend de juger de ce qu’ilne connaît pas. 

Qu'il me serait aisé d'appliquer ces simples remar- 
ques à plusieurs des coryphées de la philosophie légère 
et anti-religieuse du dernier siècle ! On les regarda long- 
temps comme les suprêmes arbitres du savoir et du 
goût , et leurs noms seuls faisaient autorité ; au lieu que, 
dans notre siècle, beaucoup plus positif, on apprécie 
leur mérite réel à sa juste valeur, en matière de recher- 
ches consciencieuses et de solide érudition. Ah ! si, à la 
place de l'ignorance relative et de la frivolité qui les ca- 
ractérisèrent trop souvent, au jugement même de ceux 
qui furent long-temps leurs plus zélés admirateurs (1), 
ils avaient eu un savoir véritable avec de la circons- 
pection et de limpartialité ; si, surtout , ils eussent été 
attentifs à ne rien admettre que sur des preuves cer- 
taines, et à ne pas rejeter une vérité de fait, par cela 
seul qu'ils la trouvaient inexplicable , eUX aussi, n'en 
doutons pas , auraient confirmé , par leur exemple , cette 
assertion d’un grand homme qui, le premier , ramena 
les séiences à l'expérience et à la nature, c’est que « si 


(Gi) Benjamin Constant, qui, comme il nous l’apprend lui-même dans 
sa lettre à M. Hochet (voyez Chateaubriand, Etudes historiques, 
préface, pag. 155), « se vit forcé de reculer dans les idées religieuses, 
« en approfondissant les faits, en en recueillant de toutes parts, et en 
« se heurtant contre les difficultés sans nombre qu'ils opposent à lin- 
« crédulité», Benjamin Constant n’a pas craint de dire: « pour s’égayer 
« avec Voltaire aux dépens d'Ezéchiel et de la Genèse, il faut réunir 
« deux choses qui rendent cette gaité assez triste, /a plus profonde 
« ignorance et la frivolité la plus déplorable! » 

(De la Religion, etc., t, 2, pag. 210.) 


( 229 ) 
« un peu de philosophie conduit à l'incrédulité, beau- 
« coup de philosophie ramène à la religion (1). » 

En eflet, Messieurs, que fait l'astronome, quand, à 
l’aide de ses instruments perlectionnés et de ses laborieux 
calculs, il perce, pour ainsi dire, la profondeur des 
cieux ; quand il découvre dans l'univers une grandeur 
dont l'imagination est écrasée ; quand il reconnaît, avec 
une sorte d'épouvante, que cet univers lui-même n’est 
qu'un des univers sans nombre semés dans l’espace à 
d’effroyables distances ? IL fournit à la religion la plus 
magnifique idée de la puissance et de la majesté du 
Créateur. 

Que fait l’anatomiste, quand il expose l’ordre si régu- 
lier qui règne dans tous nos organes, les rapports déli- 
cats qui les lient, les soins si ingénieux qui en éloignent 
la destruction ? Il nous peint, avec une force irrésistible, 
la prévoyance et la suprême sagesse de celui à qui nous 
devons tout ce que nous sommes. 

Que fait le naturaliste, quand il enregistre cette mul- 
titude d'êtres organisés dont la terre est peuplée partout ; 
quand il nous montre le plus petit espace occupé par la 
vie, sous mille formes diverses , et à chacune de ces for- 
mes répondant des moyens de conservation et de plaisir? 
Il étale à nos yeux, avec un charme inexprimable, tous 
les trésors de la bonté divine (2). 

Maintenant donc, si, parmi ces hommes appelés 
par état ou par goût à étudier et à décrire les merveilles 
de la création, il s’en trouvait qui fussent matérialistes 
ou athées, aurait-on droit d'en conclure que les cieux et 


(1) « Leves gustus in philosophià moyere fortassè ad atheismum, sed 
« pleniores haustus ad relisionem reducere. » 
(Bacon, De augment. scientiar., hb, 1.) 
(2) Voy. Mélanges de relig.,t.2, et Bonnet, Contemplat, de la 
nature. 


( 230 ) 
la terre n’ont plus de langage, et ne racontent plus la gloire 
de leur auteur (1)? Cela prouverait, tout au plus, qu'ilest 
des sourds qui ne veulent pas entendre. 

Mais, outre ces idées générales, qui s'appliquent à la 
religion naturelle aussi bien qu'à toute autre, que de ser- 
vices les sciences n’ont-elles pas rendus, en particulier, 
à la religion révélée ! Forcé de me restreindre, je regrette 
vivement de ne pouvoir indiquer que quelques-uns des 
résultats frappants qui s'offrent ici en foule. 

On sait que l'infortuné Bailly (2) s'était donné beau- 
coup de peine pour justifier la chronologie reculée des 
Indiens, en soutenant l'exactitude et l'authenticité de 
leurs tables astronomiques. Ce système acquit en France , 
et dans toute l'Europe , une grande célébrité. Il y a qua- 
rante ans , le savant professeur Playfair Venseignait pu- 
bliquement devant la Société royale d'Edimbourg , et 
la fameuse Revue de cette ville lui prêtait activement 
l'appui de toute son influence. Déjà lincrédulité triom- 
phait, et il semblait que la chronologie mosaïque ne se 
relèverait plus du discrédit où elle était tombée. Frivole 
et passager triomphe , Messieurs ! Bientôt les Bentley , 
les Laplace, les Delambre , refirent les calculs de Bailly, 
et prouvèrent qu'il s'était trompé. En sorte qu'il fut 
reconnu que ces mêmes tables indiennes, que les Bra- 
mines voulaient faire remonter à vingt millions d'années, 
avaient été fabriquées , après coup, il y avait à peine huit 
siècles (3) ! 

Malgré cette défaite, on revint bientôt à la charge, 


(Gi) Ps. 19, v. 1er. ( Le dix-huitième dans la vulgate. ) 

(2) L'un des savants français victimes de la terreur révolutionnaire 
en 1793. 

(3) Voyez Ure’s New system of Geology; Laplace, Système du 
monde; Delambre, Hist. de l'Astronomie; Cuvier, Révolutions du 
globe, cte,, etc. 


{ 231) 
et ce fut principalement à l’occasion du fameux Zodiaque 
de Denderah , apporté d'Egypte à Paris. On se rappelle 
tout le parti que Dupuis et ses disciples espéraient en 
ürer, pour appuyer leurs rêveries sur l’origine des cultes, 
et sur une prétendue civilisation égyptienne , bien anté- 
rieure à Moïse et même au déluge. Leur hypothèse oc- 
cupa vivement un grand nombre d’esprits : « Dans les 
« journaux , dans les salons , il n’était bruit que du Zo- 
« diaque. Avez-vous vu le Zodiaque ? que pensez-vous 
« du Zodiaque ? étaient des questions auxquelles on ne 
« pouvait hésiter de répondre, sous peine de déchoir 
« du rang d'homme ou de femme du bon ton, puisque 
« la mode, cette souveraine capricieuse , si puissante 
« surtout en France, daignait faire à un monument de 
« cette antiquité l'honneur de l’admettre un instant 
« dans son variable empire (1). » Dans le monde savant 
se trouvèrent des hommes supérieurs qui refñrent aussi 
les calculs de Dupuis et de ses partisans, et en prouvè- 
rent l’inexactitude (2). Des archéologues et des artistes, 
profondément versés dans l’étude comparative des mo- 
numents anciens, s’accordèrent généralement à donner 
pour âge au Zodiaque l'époque de la domination ro- 
maine en Egypte (3). Mais, quoique lhypothèse qui lui 
attribuait une antiquité de plus de soixante siècles me- 
naçât ruine , on osait encore la soutenir, parfois même 
avec avantage. Tout-à-coup elle s'est évanouie comme 
un songe trompeur ! Sur le front des temples ruinés, de 


(1) Greppo, Essai sur le Syst. hiéroglyphig. de M, Champol- 
lion, pag. 259. 

(2) Biot, Visconti, l'abbé Testa, etc., Journal des Savants, 
1823 ot 1824. 

(3) MM. Huyot et Gau, Letronne, Recherches pour servir à 
l'histoire de l'Egypte; le mème, Observations sur l'objet des re- 


résentations zodiacales. Paris, 1824. 
) LL 


(492 7 

l’un desquels le Zodiaque, objet de tant de discus- 
sions, avait été extrait, et au milieu des peintures 
mystérieuses dont ces temples étaient ornés, lesquelles 
devaient , disait-on, renufermer les premières connais- 
sances du monde encore enfant, MM. Letronne et 
Champollion ont lu, l’un en grec, l’autre en hiérogly- 
phes, qu'il a enfin rendus intelligibles (1), les titres et 
les noms de Ptolémée, de Cléopâtre et des empereurs 
romains qui les avaient fait construire vers le commen- 
cement de l'ère chrétienne. Jamais démonstration de la 
vérité de la Bible , et de l'inutilité des efforts de ceux 
qui l’attaquent , fut-elle plus piquante et plus complète 
à la fois (2)? 

Et que n’aurais-je pas encore à dire, Messieurs, de 
tant d’autres précieux renseignements du même genre 
qu'ont déjà recueillis les deux frères Champollion, pour 
lesquels, au moyen de l'admirable découverte de l'alpha- 
bet hiéroglyphique , les monuments d'architecture et 
les papyrus de l'Egypte n’ont plus de secrets ! On ne 
dira plus des pyramides : 

« Vingt siècles descendus dans l’éternelle nuit 
& YŸ sont sans mouvement , sans lumière et sans bruit, » 


Ces muets séculaires viennent de reprendre la parole 
dans leur désert (3). Et quoi de plus providentiel que 
ces voix imposantes qui, après un silence de trois mille 
six cents ans, semblent sortir des vastes tombeaux des 
Pharaons et du milieu des enveloppes des momies, tout 
exprès pour rendre hommage à la religion révélée, en 
confirmant les récits de la Genèse et de l’Exode! Tout 


oo 


(1) Précis du Système hiéroglyphiq. des anciens Egyptiens. 
(2) Cellerier fils, Origine authentig. de l'ancien Testament, 
pag: 103. 


(3) Chateaubriand, Etud. historiq., préface, p. 159. 


( 233) 
récemment, MM. Champollion le jeune et Lenormant 
ont parcouru l'Egypte du nord au midi, et leurs infa- 
tigables explorations ne leur ont fait rien découvrir qui 
remontât au-delà de l’époque d'Abraham. Pour les 
temps antérieurs , ils n’ont trouvé, dans les monuments 
comme dans Manéthon , que des débris et des fables. 
Au contraire, tous les documents qu'ils ont rapportés, 
ou qu'ils avaient déjà explorés en Europe avant leur 
départ, ont démontré les récits de Moïse, ou éclaire 
des passages regardés jusqu'ici comme obscurs et sujets 
à contestation. Aujourd'hui, Messieurs, Voltaire ne 
demanderait plus comment et sur quoi le législateur des 
Hébreux a pu écrire le Pentateuque, puisqu'on à la 
preuve que de son temps on écrivait sur le papyrus. Il 
ne demanderait plus comment le sacrificateur Hilkija 
put retrouver, dans le temple de Jérusalem, après un 
intervalle d'environ mille ans , l'autographe de la loi di- 
vine, puisque des papyrus et des contrats de l’époque des 
Pharaons subsistent et sont lisibles encore. Il ne deman- 
derait plus comment Moïse a pu faire exécuter , dans le 
désert, tant d'objets d'art pour le tabernacle et pour 
les vases et les vêtements sacrés, puisqu’alors tous les 
arts florissaient en Égypte, où Moïse en avait acquis la 
connaissance (1). I ne demanderait plus si Esdras n’a 
pas forgé les livres saints dont il forma le recueil ; car, si 
ces livres étaient l’ouvrage de l’imposture, comment 
aurait-on pu falsifier l’histoire écrite et monumentale 
d'Egypte, pour la faire coïncider avec eux dans une foule 


Gi) M. Eus. Salverte, sans trop s'inquiéter s’il contredisait Voltaire, 
qui contestait au fils adoptif de la fille de Pharaon jusqu'à l’art d'écrire, 
représente Moïse, dans un ouvrage récent, comme un génie supérieur 
qui connaissait l’usage de la poudre à canon, etc. ! Que de contra- 
dictions semblables ne trouve-t-on pas dans les livres des adversaires du 
christianisme ! 


(254 ) 
de circonstances et de dates essentielles ? Mais je ne fi- 
nirais pas si je voulais épuiser ce riche sujet, dont le 
développement remplirait des volumes (1). Il est plus 
que temps de laisser reposer votre attention, et je n’a- 
joute plus que quelques remarques tirées de la géologie. 

Cette belle science, Messieurs, est encore toute nou- 
velle ; elle est, pour ainsi dire, née d'hier, et déjà elle 
aussi a payé son noble tribut à la religion, contre la- 
quelle on dirigea trop souvent ses laborieuses, mais en- 
core imparfaites recherches. 

On n’a pas oublié, en effet, qu'après avoir épuisé 
vainement leur arsenal d'arguments métaphysiques, les 
incrédules ont eu recours à des attaques d'un nouveau 
genre. Frappés de l'obscurité et de la contradiction qu'ils 
observaient dans les divers systèmes par lesquels on 
chercha long-temps à expliquer l’origine et la compo- 
sition de notre globe , plusieurs tournèrent de ce côté l’ac- 
tivité de leur esprit. Ils explortrent les rivages des fleuves 
et des mers, les couches des montagnes, les entrailles 
de la terre ; et, semblables aux géants de la Mythologie, 
ils crurent avoir puisé, dans leur mère commune, des 
forces suffisantes pour combattre le Tout-Puissant et sa 
parole de vérité (2). La plupart des écrivains sceptiques 
du siècle passé furent séduits par les objections de ces 
gologues de leur temps. Plntôt que de croire au déluge, 
le patriarche de Ferney aima mieux admettre que des 
coquillages et des poissons pétrifés , trouvés à de grandes 


(1) Voyez cette matière traitée dans l'excellent Essai sur le Sys- 
tème hiéroglyphiq., etc, de M. Greppo (déjà cité), et une Lettre 
sur ce mème Système considéré dans ses rapports avec l’Ecriture 
sainte, par M. A. Coquerel, pasteur. Paris, chez Dondey-Dupré, 

(2)  @....,.,......:e.e Cùm tetigere parentem, 


« Jam defecta vigent, revocato robore, membra, » 
(Lucan, lib. 1v, v, 600.) 


("235") 

distances de la mer, avaient été portés là par des voya- 
geurs. Un chanoine, nommé Récupéro, qui a écrit l'his- 
toire du mont Etna, s’imagina, d’après quelques données 
évidemment fautives, qu'il fallait deux mille ans à une 
couche de lave pour devenir propre à la végétation. Et 
comme , dans une cavité près de Jaci, on découvrit des 
marques certaines de sept couches distinctes superpo- 
sées, dont les surfaces sont parallèles , et la plupart cou- 
vertes, en apparence, d'un lit de terre végétale, on en 
conclut que la première couche avait dù couler il y avait 
au moins quatorze mille ans. Effrayé, sans doute, d’une 
telle conclusion, l’évêque de Récupéro lui recommanda, 
dit-on, très sérieusement de bien penser à ne pas faire 
sa montagne plus ancienne que Moïse n'avait fait le 
monde (1). Aujourd'hui qu'un voyageur géologue (2) a 
démontré, sur les lieux mêmes, que la conjecture du 
bon chanoine était sans aucun fondement, personne ne 
partage plus , grâces aux progrès de la science, les alar- 
mes de son évêque. Ne sait-on pas, d’ailleurs, qu'Her- 
culanum est aussi recouvert de sept couches de lave du 
Vésuve , qui ont entr'elles des veines de 4on tearrin, et 
qu'il n’y a pourtant que dix-sept cent cinquante ans que 
la plus profonde de ces couches a englouti cette malheu- 
reuse ville ? 

Ilest, en particulier, Messieurs, un point de critique 
sacrée qui se rattache à l’idée que je développe, et sur 
lequel les théologiens ont long-temps disputé, malgré les 
nombreux commentaires destinés à l’éclaircir (3) : je 
veux parler du vrai sens qu’on doit donner aux premiers 


CREER LEE CR be 0 
(Gi) Bridone’s Sicilian tour. 


(2) Le Dr Daubeny, Edinburgh philosophical Journal, vol. C4 4 
pag. 266; et Christian Observer, march 1830. 


(3) On peut en lire l'interminable liste dans la Bibliothèqg. sâtrée, de 
Calmet. 


( 236 ) 
versets de la Genèse. Après n’y avoir vu qu'une création 
unique , on en vint à conjecturer, d’après la signification 
de quelques mots hébreux , qu'il fallait faire une distinc- 
tion entre la création primitive de l'univers et la confor- 
mation progressive de notre globe (x). Les travaux, quoi- 
que très imparfaits, des premiers géologues rendaient 
déjà cette distinetion nécessaire. Mais les six jours de 
cetle création, racontée en détail par Moïse, présen- 
taient encore bien des difficultés insolubles. Il en résul- 
tait des doutes qui semblaient porter atteinte à l’autorité 
divine de la Bible; et les personnes pieuses qui, sans 
renoncer à la science du salut, cultivent en même temps 
les sciences humaines et font profession de croire que 
les vérités révélées ne sauraient être en contradiction 
avec celles que les sens nous manifestent ou que la rai- 
son nous démontre, voyaient avec douleur les détrac- 
teurs des livres saints puiser dans le plus ancien de tous 
les principales armes dont ils se servaient pour les atta- 
quer. Tout-à-coup les études géologiques ont pris un 
nouvel essor. L’antiquité matérielle du globe a été im- 
mensément élendue. Les anciennes théories , qui souvent 
s’entre-détruisaient et se neutralisaient l’une par l’autre, 
ont cédé à des chservations incontestables, et les adver- 
saires de l’ancien Testament ont cru voir la vérité de la 
Genèse abîmée sans retour avec la vieille science. Ce- 
pendant, qu'est-il arrivé? La science nouvelle, perfec- 
tionnée avec la plus louable émulation par une multitude 
de savants français et étrangers , et telle qu’elle est sortie 
principalement des mains de notre célèbre et infatigable 
compatriote, M, le baron Cuvier (2), paraît avoir anéanti 


(1) Dissertation sur la vrai Système du monde, etc., par D. En- 
contre, ministre. Montpellier, 1807. 

(2) Voyez ses Recherches sur les ossemens fossiles, et surtout 
le Disc. préliminaire, sur les Révolutions du globe. 


( 237 ) 
sans retour, il est vrai, l'explication vulgaire et littérale 
des six jours (1), maïs, au lieu de convaincre la Genèse 
de mensonge, elle nous en a donné un commentaire 
aussi admirable qu'imprévu, plus propre que toutes les 
dissertations critiques à lentourer de confiance et de 
respect. Elle nous a découvert, avant la naissance de 
l'homme et la dernière organisation du globe, de longues 
périodes où le Dieu de la nature revêtait successive- 
ment son ouvrage de formes diverses et progressives ; 
préparant ainsi lentement l'empire de l’homme intelli- 
gent et moral. Avant celui-ci, le globe est occupé d'a- 
bord par le chaos des ondes, puis par des végétaux 
monstrueux, puis par des reptiles gigantesques ou étran- 
ges, puis par des mammifères énormes et pourtant ana- 
logues aux nôtres. Ce ne sont pas là, Messieurs, de 
simples conjectures, des hypothèses brillantes, mais 
plus ou moins hasardées ; ce sont des faits qu’il est im- 
possible de nier. Lorsqu'en effet, guidé par la géologie, 
on examine attentivement l'enveloppe solide de notre 
terre, on se convainc qu'après les couches de granit, 
qui annoncent qu'à l’époque de leur formation nul être 
organisé n'avait encore paru , se retrouvent les végétaux, 
par fragments ou par empreintes. (Gen. 1, v. 11.) En 
s’élevant aux couches supérieures, les coquillages et les 
débris de poissons se découvrent (ib., v. 20 et21}, et 
successivement les restes des grands reptiles et les os 
des quadrupèdes (ib., v.24 et 25); en démontrant ainsi 


(1) Le mot hébreu 16m, Jour, signile aussi une époque, unstemps 
indéterminé. (Genèse, ch. 2, v. 4; Exode 20, v. 123 Daniel 2, v. 44, 
etc.) Au reste, on retrouve, chez quelques anciens peuples, l'idée de ces 
époques plus ou moins longues employées dans la création. Les Ztrusques 
supposaient des époques de mille ans chacune. (//ist. univers., in- 
trod, , pag. 52.) Les Perses admettaient six espaces de temps, équiva- 
lant en tout à une année, ( Hyde, Relig. veter, Pers., pag, 166. ) 


( 238 } 


l'accord parfait des Jours ou époques mentionnés par 
l'historien sacré , avec les grandes époques de la nature. 
Au milieu de ce vaste cimetière, triste amas de ruines 
d'un monde primitif, l’homme cherche avec un vif in- 
térêt , et même avec inquiétude , mais en vain, les restes 
de son semblable ; il interroge sans succès les annales 
des siècles; elles Ini répondent que l'homme, créé le 
dernier (ib., v. 26 et 27), n’a point été enveloppé dans 
ces épouvantables catastrophes, car alors Dieu ne lui 
avait point encore donné la vie (1). 

« Ainsi donc , » s'écrie à ce sujet un savant et pieux 
professeur étranger (2), dont j'ai emprunté plus d’une 
fois, dans ce discours, les idées et même les expres- 
sions, « ainsi cette mystérieuse histoire de la création, 
« ensevelie dans les abimes du passé ; ce secret infini 
«_ que nul œil n’a pu voir, nulle oreille entendre , par 
« conséquent nulle tradition conserver; ce secret qui, 
« après avoir été enfoui pendant des milliers d'années 
« dans les entrailles de la terre, n’en a été retiré que 
« de nos jours, avec les ossemens des mastodontes et 
« des megalosaurus ; ce secret, Moïse le possédait, et 
« il l’écrivit dans son livre... Où l’avait-il trouvé? Qui 
« avait dirigé sa plume? On a cherché de pauvres so- 
« lutions à cet admirable problème ; et, quoi qu’on 
« fasse , la science de Moïse, instruit dans toute la sagesse 
« des Égyptiens (3) , ne peut assez bien expliquer de tels 
« hiéroglyphes. Les prêtres de l'Egypte n'avaient sûre- 
« ment pas dépassé notre dix-neuvième siècle dans 
« l'étude de la géologie; et il n’est pas vraisemblable 
« que M. Champollion retrouve jamais, dans leurs 


(Gi) Voyez Relig. et Christ., numéro d'octobre 1830, et une Thëse 
physico-théologique, de M. B.-D.-E, Frossard. Montauban, 1824. 


@) M. Cellerier fils, de Genève. 
(3) Act, des Apôt., c, 7, v, 21. 


( 239 ) 


; à + : ‘ 
« papyrus, l'ouvrage de M. Cuvier, ni rien qui y soit 


« 


« analogue. Non, il n’y a qu’une intervention divine qui 
« puisse expliquer ce mystère ; et Moïse ne l’a connu 
« que parce qu’il l’avait appris de Dieu mème qui 


« l'inspirait (1). » 


De tout ce qui vient d'être dit, Messieurs , découle 
cette conséquence bien réjouissante pour l’homme 
instruit et ami sincère du christianisme, c'est qu'on 
voudrait vainement nous faire craindre de nouvelles 
découvertes scientifiques. Pourquoi les redouterions-nous 
comme dangereuses pour la foi? Le Dieu de la nature 
n'est-il pas en même temps le Dieu de la religion? Et 
ne sommes-nous pas sûrs d'avance que le plus parfait 
accord régnera toujours entre ses différents ouvrages? 
Sans doute, il est permis à la foi d’être quelquefois 
timorée ; maïs elle ne doit jamais être ombrageuse , 
comme l’orgueil qui s'attache aux vaines théories des 
hommes. 11 n’y a que le mensonge qui gagne à s’envi- 
ronner de ténèbres : or, la religion ne veut que la vé- 
rité , et la vérité est aussi le but des sciences. Bien loin 
donc d’être jaloux des découvertes des vrais savants, 
nous les appellerons de tous nos vœux ; l'expérience nous 
ayant appris qu'elles confirmeront constamment nos li- 
vres saints, et pourront , tout au plus , nous faire aperce- 
voir un sens nouveau dans des passages obscurs que , 
jusqu'ici peut-être , nous avions mal compris. Si quelque 
difficulté, quelque contradiction apparente vient parfois 
nous embarrasser , prenons patience. Laissons au temps 
le soin de dérouler ses mystères. Une génération passe et 
L'autre vient (>); mais le genre humain subsiste. Le divin 


(1) Relig. et Christ., ubi supra. 


(a) Ecclés,, c. 1, v. 4. 


( 240 ) 
Rédempteur qui a dit dans l'évangile : Je suis la lumière 
du monde (x), vit et règne éternellement; sans aucun 
doute il tiendra sa promesse , et l'obscurité qui reste en- 
core sera tôt ou tard dissipée. 

Mais, outre cette conséquence, que, comme pasteur, 
j'ai dû indiquer la première, en est une autre que je m’ap- 
pliquerai comme académicien. Puisque tant de rapports 
intimes unissent la religion aux sciences, et les sciences à 
la religion, que de motifs n’ai-je pas pour vous remer- 
cier, Messieurs, à cause de mon admission dans cette 
honorable Compagnie , où presque toutes ces sciences 
sont cultivées et encouragées ! Il en est quelques-unes 
que j'ai à peine effleurées : il en est beaucoup plus qui 
me sont étrangères. Mais, en venant à vos séances, en 
assistant ici à la lecture de vos mémoires , de vos rapports, 
et à vos lumineux entretiens, je pourrai, du moins, 
connaître les principaux résultats des recherches qui se 
font ailleurs, et nourrir mon esprit des fruits de vos 
savantes veilles. Je trouverai parmi vous des natura- 
listes et des chimistes distingués , des antiquaires que 
la capitale s'honorerait de posséder, et qui déjà ont ré- 
pandu un si grand jour sur les nombreux monuments 
que tant d'étrangers viennent admirer dans notre belle 
province : j'y trouverai des littérateurs et des poètes, à 
l’école desquels j'apprendrai à mieux sentir les beautés 
de nos meilleurs auteurs, et à mieux mettre à profit les 
richesses de l’histoire : jy trouverai des magistrats aussi 
éclairés qu’intègres, des hommes qui se dévouent à 
soulager les maux de l'humanité souffrante, des amis 
des lumières , des arts et de l’industrie : j'y trouverai, 
surtout ( qu’il me soit permis de m'en féliciter d’une 
façon toute particulière ) , un ecclésiastique vénérable et 


(1) Saint-Jean, c. 8, v. 12. 


a — mm 


C24r) 

justement estimé (1), qui prouve par son savoir et sa 
piété tolérante , mieux que je n'ai pu le faire par ce 
discours, combien la religion et les sciences ont entre 
elles d'harmonie! Oui, je trouverai tout cela parmi 
vous, Messieurs; et c’est avec une sincère gratitude 
que j'anticipe sur les avantages aussi réels que variés que 
j'espère en retirer. Puissé-je , de mon côté, ne pas rester 
tout-à-fait spectateur oisif de vos travaux persévérants , 
qui ont toujours ce double but de favoriser les progrès 
des sciences, des lettres et des arts, et d’être utiles à 
vos concitoyens ! 


À ce discours, approprié, par la gravité du style, 
à la grandeur du sujet et au caractère de l’orateur , 
M. Blanche, président, a répondu : 

« Vous avez, Monsieur, proclamé d’imposantes vé- 
rités ! Oui, sans doute , la religion rend l'ame accessible 
aux plus nobles conceptions; les esprits justes et sans 
préventions ne sauraient aujourd'hui le contester. Les 
erreurs de quelques hommes, les préjugés d’un plus 
grand nombre ,.ne prouvent rien contre elle ; ils ne té- 
moignent que de la faiblesse de l'humanité. Si ce fut 
au nom de la religion que Galilée souffrit la persécu- 
tion, ce fut aussi pour l’une de ses plus intimes émana- 
tions, la vérité, qu’il supporta ses maux avec résignation 
et patience; et la vérité, Messieurs, vaut bien qu'on 
fasse quelque chose pour elle! Galilée n’en était pas 
moins religieux, pour avoir soutenu l’existence des deux 


QG) M. l'abbé Gossier, chanoine honoraire, qui vint , avec la plus cor- 
diale bienveillance, annoncer le premier à M. Paumier sa nomination, et 


qui, le jour de sa réception, voulut encore être son introducteur au sein 
de l'Académie. 


31 


(242) 
révolutions de la terre autour du soleil et sur elle- 
même ; mais il était plus éclairé que les sept cardinaux 
inquisiteurs qui le condamnèrent. 

« Nous nous plaisons à reconnaître avec vous , Mon- 
sieur , cette double vérité que la religion, en révélant à 
l’homme le sentiment de sa dignité, la conscience de 
sa noble origine , fait naître en lui le besoin de pénétrer 
les mystères que lui dévoile l’étude des sciences hu- 
maines , et que ses lumières, en s’agrandissant, rendent 
en même temps sa foi plus vive et plus sincère. Quel 
naturaliste osera proclamer, en effet, s’il est de bonne 
foi, que tant de merveilles dans la structure ‘des êtres 
qui peuplent l’univers ne sont que l'œuvre d’un hasard 
qu'on ne saurait comprendre? Et comment ne pas 
reconnaître la main d’une intelligence supérieure et 
divine, dans l’arrangement admirable de nos tissus et 
dans les étonnants rapports que présente l’organisation 
des êtres vivants avec leurs habitudes, leurs mœurs 
et la nature du sol qui les porte et les nourrit ? IL est 
encore , pour la religion , d’autres titres à nos respects, 
à nos hommages! ce sont les vertus qu’elle inspire. 
Vous n’en avez point parlé, Monsieur , comme si vous 
aviez craint de nous entretenir de vous-même ! Ras- 
surez-vous : je saurai m'imposer un silence qui plaît à 
votre modestie; et d'ailleurs, l’homme de bien met 
peu de prix à la louange ; il lui suffit de lavoir mé- 
ritée. » 


AAA AAA A AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AE à 


MÉMOIRE 


Adressé à l'Académie par M. BERGER DE XIVREF, 
Sur la nouvelle édition du 


TRÉSOR DE LA LANGUE GRECQUE 


DE HENRI ESTIENNE, 


Que publie en ce moment M. Firmin Didot. 


Messieurs, 


M. Ambroise-Firmin Didot, imprimeur du Roi ei 
de llustitut, publie, dans l’ordre alphabétique, une 
édition du grand ouvrage intitulé : Thesaurus Linguæ 
græcæ, qui fut imprimé à Paris par Henri Estienne, son 
auteur, en 1572. 

Je vous donnerai d’abord, Messieurs , plusieurs dé- 
tails sur la composition de ce livre et la personne de son 
auteur, ensuite sur la nouvelle édition qui s'exécute en 
ce moment, et sur les personnes qui concourent à ce 
iravail, beaucoup plus considérable qu'il ne paraît au 
premier abord. Enfin, je vous présenterai les titres par- 
ticuliers d’un des principaux collaborateurs de cette en- 
treprise, M. Louis de Sinner, qui regarderait son ad- 
mission parmi vous comme un des plus honorables 
encouragements. 

Depuis long-temps, faire un dictionnaire, c'est publier 
le meilleur des dictionnaires précédents, en rectifiant 


( 244) 

quelques définitions, choisissant de meilleurs exemples, 
et ajoutant un certain nombre de mots. Cette opération, 
souvent repétée, donnant chaque fois un résultat supé- 
rieur au résultat précédent, a fini par nous procurer des 
dictionnaires à peu près complets sur toutes les langues 
les plus répandues. Mais le plus ancien de ces ouvrages, 
celui qui forme le premier anneau de cette chaîne de 
perfectionnements successifs, quelque incomplet qu'il 
fût, supposait plus de travail et de recherches de la part 
de son auteur qu'aucun des suivants. La langue grecque 
et la langue latine ont eu cela de particulier que, pour 
chacune d'elles, ce premier travail a produit un chef- 
d'œuvre accompli, tel que, malgré cette succession des 
travaux lexicographiques dont nous venons de parler, il 
est encore à faire dans la plupart des autres langues. Deux 
hommes que la France doit compter avec orgueil parmi 
ses plus grandes illustrations, Robert Estienne et Henri 
son fils, sont les auteurs de ces étonnants ouvrages. 
Celni de Robert Estienne est le Thesaurus Lingucæ latin® , 
en deux volumes grand in-folio, imprimé à Paris en 
1543, et contenant quinze cent cinquante pages d’im- 
pression à deux colonnes. Voici ce que dit de ce travail 
M. Firmin Didot père, chef actuel de cette famille dis- 
tinguée , où le mérite typographique et littéraire semble 
aussi se transmettre comme un héritage : 

« Il engagea plusieurs personnes à se charger de la 
« composition de ce dictionnaire : il offrit même de 
« fortes récompenses pour un pareil travail; mais ce fut 
« en vain; on n'avait pas alors le secours des index qui 
« facilitent les recherches. Il fallait, pour retrouver les 
« passages des auteurs, les chercher dans sa mémoire , 
« et user, comme il en fit l’expérience, les livres à force 
« de les feuilleter. Enfin, sentant la nécessité urgente 
« d’un tel ouvrage pour l'éducation publique, il prit le 
« parti de l’exécuter lui-même, et donna aux savants le 


(245 ) 

« Trésor de la Langue latine, dont il fit un abrégé pour, 
« les jeunes gens. Il augmenta et améliora par la suite 
« cet important dictionnaire. Mais il pensa succom- 
« ber à,ce, pénible travail, qu'il avait accompli en deux 
« ans, S'en occupant nuit et jour , et négligeant, comme 
« ille dit, jusqu'au soin de son corps, lui qui, lorsqu'il 
« était libre enfin de ses longs travaux , plein d'élégance 
«, dans ses mœurs, tenait, avec une épouse aussi ins- 
« truite qu'aimable , sa maison, non pas sans doute 
« avec luxe, mais dans l’aisance la plus honorable. En 
« réfléchissant sur un tel ouvrage, exécuté dans un si 
« court espace de temps, on est tenté de ne pas trouver 
« exagérée l'expression de son fils, laborieux auteur du 
« Trésor de la Langue grecque , lorsque, étonné de tout 
« ce qu'a fait son père, il dit, dans des vers énergiques 
« et ingénieux, que le travail, qui dompte les autres 
« hommes, s'est vu lui-même dompté par Robert 
« Estienne (x). » 

: J’ajouterai à cet intéressant passage de M, Didot, que 
l exactitude parfaite de toutes les citations est jointe, dans 
ce livre, à une correction typographique bien rare au- 
jourd'hui, remarquable surtout dans un dictionnaire , 
genre d'impression plus difficile qu'un autre. Ce mérite 
appartient encore à Robert Estienne, comme imprimeur, 
et augmente la masse, déjà si accablante, du travail qu’il 
s'imposa pendant ces deux années. 

Il n'entre pas dans notre plan de passer en revue tous 
les autres travaux de Robert Estienne, comme imprimeur 
et comme savant, sur les littératures latine, grecque et 


hébraïque. « IL établit chez lui, dit encore M. Didot (2), 


(1) Observations littéraires et typographiques sur Robert et 
Henri Estienne, insérées à la suite des Poésies et Traduction en vers 
de Firmin Didot, — Paris, 1826, in-12, pages 194, 195. 

(2) Mème lieu. 


( 246 ) 

« une réunion de savants de diverses nations, qu'il ac- 
« cueillait avec autant de grâce que de générosité. Plu- 
« sieurs étaient correcteurs d'épreuves dans son impri- 
« merie. Pour avoir un langage commun, ils se servaient 
« de la langue latine, qui devint tellement familière 
« chez Robert Estienne, que les domestiques même la 
« parlèrent. C’est dans cette maison que l'épouse de 
« Robert Estienne lui donna un fils, Henri Estienne, 
« qui devait être, comme son père , l'honneur éternel de 
« la typographie. » 

Ce que nous venons de rapporter sur Robert Estienne, 
pour le latin, peut s'appliquer pour le grec à ce fils qui, 
élevé avec les plus grands soins par un tel père, fut un 
véritable prodige. Nous prendrons la liberté de rappeler 
ce que nous disions nous-mêmes sur les travaux de ce 
grand homme, dans un essai (1) que vous avez ac- 
cueilli favorablement, Messieurs, grâce à l'extrême bien- 
veillance du rapport de votre savant confrère M. Lic- 
quet , rapport qui eut pour nous le résultat honorable 
en vertu duquel nous correspondons aujourd’hui avec 
votre Société, 

« Il semble, disions-nous, avoir surpassé les forces 
ordinaires de l’homme , à considérer comment , dans le 
cours d'une vie sans cesse agitée, se mêlant d’affaires po- 
litiques et religieuses, dirigeant son imprimerie dont il 
corrigeait lui-même toutes les épreuves grecques, com- 
ment il a pu mettre fin à ce travail immense du Thesau- 
rus , et publier plus de cinquante autres ouvrages latins, 
sans compter des notes sur plus de trente auteurs grecs 
ou latins, et des traductions latines de plus de douze au- 
teurs grecs. 


(Gi) Recherches sur les sources antiques de la Littérature fran- 
gaise.— Paris, Crapelet, 1829, in-80, partie J, page 114. 


(247) 

« Mais l'étounement que causent d'aussi vastes tra 
vaux est à son comble , lorsqu'on voit ce même homme 
traduire en français des livres de tous les principaux 
auteurs grecs, et composer plus de vingt ouvrages dans 
notre langue, qu’il passait pour parler et écrire aussi 
bien qu'homme de son temps. » 

Le grandiose qui s'attache à une aussi étonnante ca- 
pacité, a frappé même des littérateurs voués exclusi- 
vement aux lettres modernes. Dans un recueil périodi- 
que , destiné à l’amusement des gens du monde, et ha- 
bitué à préconiser les nouveautés littéraires les plus 
bizarres , je trouve sur Henri Estienne ce jugement aussi 
juste qu'élégamment exprimé : 

« Figurez-vous un enfant élevé dans une maison où 
« les fondeurs de caractères , les correcteurs d'épreuves 
« étaient des savants qui, tout en travaillant, passaient 
« leur vie à discuter sur des passages hébraïques et des 
« étymologies grecques; bercé par la fille de Joseph 
« Badius , professeur et imprimeur ( car ces deux qua- 
« lités ne s’excluaient pas), aux sons des purs vers d'Ho- 
« race qu'elle lui chantait pour l’endormir ; plus fa- 
« milier, dès l’âge de huit ans, avec l’idiôme et les 
« mœurs des vieux romains qu'avec le langage et les 
« usages gaulois du quartier Saint-Jacques; et qui, 
« jouant avec ses camarades, représentait la Médée 
« d’'Euripide , et faisait retentir le clos de Sainte-Géne- 
» viève de chœurs grecs et de scholies latines. A quinze 
« ans, on le confie aux soins de Pierre Danès, élève lui- 
« même de l'illustre Budé, de Jean Lascaris, et qui 
« passait pour le premier helléniste de son temps. Voyez 
« ensuite ce jeune homme, qui compose en latin, en grec 
« et en hébreu, avec autant de facilité que dans sa langue 
« maternelle, parcourir à cheval l'Italie pour rechercher 
« des éditions rares, et s'amusant, pour se distraire 
« sur sa selle , à traduire de mémoire des poètes latins 


(248 ) 

« en vers grecs, et des poètes grecs en vers latins. En- 
« trez dans toutes les universités ; pénétrez dans les ga- 
« leries du Vatican, parcourez les longues salles des bi- 
« bliothèques de Leipsig, de Halle, d'Oxford , de Cam- 
« bridge, de Florence, de Milan ; ayez la patience de 
« vous faire présenter ces nombreuses éditions des pères, 
« des poètes classiques , des historiens ; chargées de la 
« devise de Henri Estienne : et ensuite essayez de pro- 
« noncer , sans une sorte d’effroi, ce grand nom auquel 
« se rattachent tant de science et de travaux gigan- 
« tesques (1). » 

Les preuves de ces assertions se trouvent dans le 
grand ouvrage de Maittaire, S/ephanorum Historia. M. Fir- 
min Didot, dans la notice que nous avons déjà citée , 
explique , en imprimeur très-instruit, toutes les difficul- 
tés typographiques surmontées par Henri Estienne dans 
la belle édition des Poetæ grœci principes, à laquelle 
nous ne connaissons rien de supérieur. Laissons le en- 
core parler : « Dans un caractère déjà savamment hérissé 
« de jeux de plume et d'innombrables ligatures, et pen- 
« dant tout le cours de l'impression de tant d'auteurs grecs 
« différents, dont même quelques-uns étaient publiés pour 
« la première fois, il introduisit plusieurs signes particu- 
« liers, quatre surtout qu'il avait inventés pour distin- 
« guer, 1° les noms propres ; 2° les pays; 3° les mon- 
« tagnes ; 4° les rivières : s’entourant ainsi de chances 
« d'erreurs , soit pour la littérature, soit pour la topo- 
< graphie. Mais , quand il s'agissait de l'utilité des lec- 
« teurs, n’épargnant aucuns frais, se jouant des plus 
« grandes difficultés typographiques, qu’il sut vaincre par 
« des opérations singulièrement rapides, ce qui appor- 


a 


QG) Article intitulé : Le Trésor de Henri Estienne, par A. Loëve- 


Weimar, et inséré dans la Revue de Paris. 


(249) 
« tait encore de nouvelles chances d’erreur , et cherchant 
«ces difficultés avec autant de zèle que nous en mettons 
« à les fuir (1). » 

On voit que, dans les ouvrages composés par Henri 
Estienne , et imprimés chez lui, tout, absolument tout, 
était de lui, jusqu'aux poinçons destinés à la fonderie 
des caractères, lesquels étaient gravés d’après des let- 
tres figurées de sa main; car son écriture, dont il reste 
de nombreux échantillons à la Bibliothèque du Roi et 
ailleurs, était aussi belle que celle du fameux calli- 
graphe crétois Ange Vergèce, que François Ier avait 
fait venir en France, et dont l'écriture avait servi de 
modèle aux premiers poinçons gravés par ordre de ce 
prince. J’ai eu occasion d’en faire moi-même la com- 
paraison. 

« Son Trésor de la Longue grecque, dit encore M. Loève 
Weimar (2), œuvre plus qu'humaine , prope incredibile 
monumentum ; ainsi que l’écrivait à Joseph Scaliger le 
savant Casanbon, gendre de Henri Estienne, devait rem- 
plir sa vie tout entière. Le père de Henri Estienne lui 
en avait recommandé l'exécution en mourant , et celui- 
ci obéit avec Joie, car c'était le rêve de sa jeunesse et 
de son âge mèr, et il s'était disposé à l’accomplir, dans 
ses vieux jours , par des travaux dont on ne pourrait se 
former une idée qu'en joignant le savoir du philologve 
à la science du typographe le plus expert. Un mot suf- 
fira : le Trésor de Henri Estienne consuma son riche 
patrimoine et sa vaste intelligence ; il mourut insensé 
et réduit à l’aumône (3) ! 

« Son dévoüment à la science fut bien entier, car il 


(1) Pages 218, 219. 
(2) Dans l'article déjà cité. 


(3) I mourut à l'hôpital de Lyon, dans sa soixante-dixième année. 


32 


( 250 ) 


n'avait pas entrepris ce travail sans en connaître les dé- 
sastreux résultats , ainsi que le témoignent ces vers tou 
chants qu'il adresse à son lecteur : 


At Thesaurus me hic de divité reddit egenum; 
Et facit ut juvenem ruga senilis aret ; 

Sed mihi opum levis est, levis est jactura juventæ, 
Judicio haud levis est si labor iste tuo. 


« Ce Trésor, de riche m'a rendu indigent, il a fait de 
« moi un vieillard avant l'âge; mais la perte de mes 
« biens, la perte de ma jeunesse me sera légère, si ce 
« travail est de quelque poids dans ton estime. » 

« Véritables typographes , auprès desquels nous ne 
« sommes rien! » s’écrie M. Firmin Didot, qui cite ces 
vers dans son recueil de poésies. Et il ajoute : « Puissé-je, 
« avant de mourir, voir une nouvelle édition du Trésor 
« de la Langue grecque, publiée et imprimée par les soins 
« de mon fils Ambroise-Firmin Didot! Oui, je vou- 
« drais voir mon fils apporter à la publication du Trésor 
« de la Langue grecque le soin religieux que Henri 
« Estienne voulait donner à la nouvelle édition qu'il 
« préparait de l'ouvrage de son père, le Trésor de la 
« Langue latine. » 

« Cette joie d'honnête homme et d'ami sincère de la 
science, M. Firmin Didot est à la veille de la goù- 
ter (1). » 

Ici je vais entrer dans quelques détails sur la ma- 
nière dont a commencé à s'accomplir le vœu de notre 
célèbre imprimeur. Lorsqu'il l'émettait en 1826, une 
réimpression de cet ouvrage était publiée à Londres par 
le libraire Valpy, et allait être terminée; et, telle fut 
l'estime que le monde savant fit d’une telle publication, 


(1) Dans ces citations de M. Loève Weimar, j'ai supprimé quelques 
endroits inexacts, où inutiles pour mon objet. 


( 257 ) 

que cette nouvelle édition , dont le prix était de douze 
cents francs par exemplaire, obtint, dès son appari- 
tion, mille quatre-vingt six souscripteurs. Après un tel 
nombre de souscriptions, qui semblait devoir faire face 
à peu près à toutes les demandes, quels ont été iles mo- 
tifs de M. Firmin Didot en engageant M. son fils à 
employer son temps, sa science et sa fortune , à une 
aussi vaste entreprise ? car il est évident que , père de 
famille et administrateur éclairé autant que littérateur 
instruit, il a dû voir, dans cette entreprise si honorable, 
sinon des chances de gain, au moins l'espoir de rentrer 
daus les frais énormes qu’elle entraîne. Une phrase de 
M. Didot, que M. Loève Weimar, dans sa citation, 
a supprimée à dessein, comme trop spéciale pour un 
article destiné uniquement aux gens du monde, va vous 
faire apercevoir ces motifs. M. Didot y exprime le désir 
de voir son fils, « non seulement remettre à leurs places 
« les divers suppléments, mais donner à l'ouvrage un 
« ordre plus facile , que Henri Estienne, sans y songer, 
« indique lui-même dans cette longue et savante lettre 
« sur l’état de sa typographie ; ordre qui, en conservant 
« au dictionnaire tout l'avantage qu’il a reçu de l’auteur, 
« par une distribution ingénieuse mais un peu difficile , 
« quelquefois sujette à contestation , et qu'il se repentit 
« plusieurs fois d'avoir suivie, épargnerait beaucoup de 
« temps pour les recherches. » (x) 

Quelques explications seront peut-être nécessaires ici 
pour ceux d’entre vous, Messieurs, qui, sans être au 
courant de cette matière, s’intéresseraient cependant à 
une entreprise qui ne peut être que très-honorable pour 
notre pays, et voudraient, par conséquent, comprendre 
bien en quoi elle consiste. Je vais vous donner ces ex- 


(1) Page 221, 


( 252 ) 


plications, d'autant plus volontiers qu'elles me fournis- 
sent l’occasion de vous démontrer d'une manière encore 
plus palpable cette capacité extraordinaire de notre 
grand Henri Estienne , et toute la perfection qui a été 
donnée à son œuvre par les soins de M. Ambroise- 
Firmin Didot, puissamment secondé par MM. Hase, 
de Sinner et Fix, avec lesquels je m'honore d'être en 
relations assez intimes. , 

Henri Estienne portait, dans les sujets qu'il traitait, 
ce coup-d'œil perçant et original d’un génie supérieur 
qui sait s'approprier un sujet par un point de vue neuf 
et saillant, sa création à lui. C’est ainsi qu'il vit, dans 
cette langue grecque si prodigieusement riche, et dont 
il réunit plus de cent mille mots (1), un nombre assez 
restreint de formes primitives ou racines , souches com- 
munes d’un nombre égal de familles, méthode aussi in- 
génieuse que commode pour la mémoire de Pétudiant. 
U employa ainsi, pour l'étude du grec, ce système de 
classification qui, plus tard, appliqué d’une manière 
plus heureuse et plus complète à une science qui s'y 
prêtait davantage, devait faire la gloire du suédois 
Linnée, porter l’ordre et la elarté dans toutes les 
branches des sciences naturelles, et s'étendre presqu'à 
tout. Car ces classifications, ingénieuses fictions de l’es- 
prit philosophique, se sont appliquées, de nos jours, aux 
sciences les plus différentes. 

Henri Estienne réduisit donc à environ trois mille fa- 
milles tous les mots de son vaste dictionnaire. Les peines 
et les recherches que lui causa un pareil travail furent 
peut-être , pour un esprit comme le sien, l'attrait prin- 
cipal qui contribua à le soutenir dans cette tâche dont 


(1) Le Dictionnaire de l'Académie française en compte à peine qua- 
rante mille, 


= mt PE ES me tot tél 


("253") 

vous appréciez à présent l'étendue. Maïs, quoiqu'il y ait 
entre les mots de la langue grecque des rapports étymo- 
logiques plus marqués que dans d'autres langues, que 
dans la nôtre par exemple, cependant, pour compléter 
un tel système d'étymologie, on ne peut se dissimuler 
qu'il fallait souvent hasarder des explications dont les 
plus ingénieuses sont quelquefois les moins fondées. 
C'est ce qu'a prouvé, dans ces derniers temps, l'étude 
des langues antérieures à la grecque : l’on y a retrouvé les 
véritables racines de plusieurs mots auxquels Henri Es- 
tienne avait donné à tort pour racines d’autres mots 
grecs. Néanmoins, cette méthode a quelque chose de 
bien ordonné qui séduit. Elle a introduit, dans l'Univer- 
sité de France, un usage qui y subsiste encore , celui de 
faire apprendre les racines grecques et de les faire con- 
sidérer comme la base de la langue : usage qui, au dire 
de plusieurs savants hellénistes, est peut-être l’une des 
causes de notre infériorité dans cette partie. 

Vous voyez, Messieurs, que notre admiration pour 
Henri Estienne ne nous aveugle point sur ce qu’il peut 
y avoir de défectueux dans son œuvre. Mais ce même 
respect pour la vérité doit nous faire ajouter qu'il était 
impossible de neutraliser avec plus de talent les inconvé- 
nients d’un pareil plan. Et, d’ailleurs, des efforts qu'il 
fit pour lexécuter jaillirent presque à chaque mot de 
petites dissertations nourries de la plus saine érudition, 
et que les gens de l’art considèrent comme des morceaux 
achevés. 

A ce défaut de vérité que nous venons de signaler dans 
le plan du Thesaurus, nous ajouterons qu'il est réellement 
moins commode pour l'usage qu'un dictionnaire disposé 
tout bonnement dans cet ordre où le hasard assigne aux 
mots leur place, d’après le rang que tient leur première 
lettre dans l’alphabet, au lieu de cette classification éty- 
mologique qui plaît à l'intelligence , en rapprochant les 


(254) 

mots par les idées. Henri Estienne apporta à cet incon- 
vénient le seul remède possible, qui était de faire suivre 
le premier dictionnaire d’un autre qui contint tous les 
mêmes mots dans l’ordre alphabétique, avec l’indica- 
tion de la page et de la partie de la page où le mot 
était expliqué. De cette manière, il faut presque tou- 
jours chercher deux fois. 

Cette table, ou index, que j'ai appelée second diction- 
naire, forme la seconde partie du cinquième volume, 
intitulée : Appendix libellorum ad Thesaurum grœcæ Linguæ 
pertinentium, et qui comprend d’abord les traités suivants, 
en grec : 

10 Des dialectes grecs, par Jean le Grammairien; 

2° Un autre traité sur le même sujet, par Grégoire 
de Corinihe. 

Deux extraits de Plutarque , dont : 

3° L’un sur l'usage qu'a fait Homère des différen's 
dialectes ; 

4 L'autre sur l'emploi des figures dans le même 
poète. 

5° Un traité des figures de mots, par le grammairien 
Tryphon ; 

6° Une liste des mots qui ont un accent différent se- 
lon la différence de leur signification, par Philoponus ; 

7° Un traité d'Ammonius sur ce qu’on appellerait au- 
jourd’hui les synonymes ; 

8° Une liste hiérarchique des titres des magistrats 
grecs, par Orbicius; 

9° Une longue table des verbes irréguliers, par Henri 
Estienne ; 

10° Un traité des chiffres ; par Hérodien ; 

119 Un traité des poids et mesures des Grecs, par 
Galenus, auquel sont joints deux autres traités sur la 
même matière, l’un par Cléopâtre, l’autre par Diosco- 
ride, avec la traduction latine par Henri Estienne ; 


( 255 ) 

12° Un traité latin d'Henri Estienne sur le même 
sujet. 

- Vient ensuite l'index alphabétique, qui comprend 
1,723 colonnes (1). 

Le véritable dictionnaire comprend quatre volumes, 
formant en tout 6,273 colonnes. Au commencement du 
premier volume sont les pièces suivantes : 

‘1° Deux épigraphes, l’une grecque, l’autre latine , et 
les extraits de trois priviléges, dont deux accordés par 
Pempereur Maximilien 11 pour toute l'étendue de lem- 
pire, et un par Charles IX pour la France ; 

29 La dédicace à Maximilien II, empereur; Char- 
les IX, roi de France; Elisabeth, reine d'Angleterre; 
Frédéric, comte palatin du Rhin; Auguste, duc de 
Saxe ; Jean George, marquis de Brandebourg; et aux 
plus illustres Académies des états de ces souverains ; 

3° Le catalogue des auteurs cités; 

4° La préface de Henri Estienne. 

Puis trois éloges de la littérature grecque, dont : 

5° Le premier, par Scipion Cartéromaque ; 

6° Le second, par Marc-Antoine Antimaque ; 

7° Le troisième, par Conrad Herbasch. 

Viennent ensuite, dans un sixième volume , deux glos- 
saires où recueils de mots plus rares que les grammai- 
riens nous ont appris être d’origine étrangère ; car c'est 
là le sens que les critiques anciens donnent au mot 
yhwsca (glossa). L'un de ces glossaires est latin-grec, 
l'autre grec-latin. De plus, des extraits de plusieurs an- 


(1) Il y a deux colonnes à chaque page. En comparant la contenance 
de ces colonnes avec celle des pages d’un in-8° ordinaire d'aujourd'hui, 
j'ai trouvé qu’une colonne représente deux pages in-8°, Ensuite, ayant 
fait l'addition des colonnes de tout l'ouvrage, j'ai calculé qu'il faudrait, 
pour en représenter le contenu, trente-six volumes in-80 de cinq cents 
pages chacun. 


( 256 ) 
ciens lexiques grecs et un traité du dialecie attique par 
Henri Estienne. Ce traité comprend à lui seul cent qua- 
rante-six pages (sans division par colonnes). La pre- 
mière partie, où sont les glossaires, est de six cent 
soixante-six colonnes. 

Tel est l'ouvrage que Henri Estienne imprima en 
1572, sans autre secours antérieur que les Commen- 
taires de la Langue grecque de Budé. Ce savant parisien 
avait jeté pêle-méle , dans un volume in-folio , au fur 
et à mesure de ses lectures , d'excellentes observations 
sur les véritables acceptions de beaucoup d'expressions 
grecques. Henri Estienne en fit passer la substance dans 
son Thesaurus, en rendant toujours un éclatant hommage 
à Budé. Mais, comme son désir insatiable d'instruction 
lui faisait faire tous les jours de nouvelles lectures, il 
plaça à la fin des deux premiers volumes des adjicienda , 
et, de plus, introduisit dans l'index alphabétique un as- 
sez grand nombre de mots qu'il avait découverts depuis 
l'impression du dictionnaire. 

Le Trésor de Henri Estienne fut, comme on le pense 
bien, la source médiate ou immédiate des nombreux 
dictionnaires grecs qui ont paru depuis , soit en latin, 
soit dans les langues modernes. Seulement , on peut af- 
firmer que les meilleurs y recoururent toujours direc- 
tement et sans intermédiaire. Mais il n‘y avait pas eu de 
nouvelle édition de l’ouvrage même , jusqu'en 1815, où 
le libraire Valpy, à Londres, en commença la réim- 
pression dont j'ai eu l'honnenr de vous parler , et qu'il 
termina en 1829. Je qualifie cette opération de ré- 
impression, parce que, malgré les nombreuses addi- 
tions de mots que, de toute l'Europe , les savants en- 
voyaient aux éditeurs anglais (1), ils ne donnèrent pas 
à l’œuvre d’Estienne ce degré de perfection qui doit 


——————— 


(1) M, Boissonade en envoya, pour sa part, environ douze mille. 


a 


C 257) 

caractériser une édition nouvelle. Au contraire , ils y ont 
introduit un grand désordre par le peu de soin qu’ils ont 
mis dans la répartition des richesses qui leur arrivaient 
de tous côtés. Ainsi, comme dans les nouveaux aperçus 
sur la signification de mots déjà connus , qu’envoyaient 
beaucoup de savants, il devait se trouver tout naturel- 
lement et assez fréquemment les mêmes exemples , les 
miêmes citations , les personnes chargées de mettre en 
œuvre ces matériaux, conservant trop religieusement 
dans son intégrité l'envoi de chacun , ont souvent répété 
jusqu'à trois et quatre fois absolument la même chose. 
De plus, parmi ces mots que Henri Estienne ajouta, 
après son travail principal, dans l'index alphabétique, 
les uns sont reportés à leur place dans le dictionnaire ; 
les autres restent dans cet index. Les addenda sont im- 
primés à part, les glossaires de même : en sorte que ce 
que fit Henri Estienne jusqu’au dernier moment, par 
les seuls moyens qui lui restaient pour donner à son 
édition toute la perfection qui dépendait de lui, est de- 
venu , dans l'édition anglaise, une source d’imperfection 
par la négligence des éditeurs. Aussi ai-je entendu dire 
à un savant du premier ordre, qui la examinée at- 
tentivement , que cette édition est un véritable chaos. 
Les Anglais nous ont donc laissé l'honneur de donner 
la dernière main à ce beau monument national. « Ce- 
« pendant, » disent les éditeurs français dans leur 
grand prospectus, « bien que le plan de notre édition 
« soit totalement différent, nous ne nous serions point 
« permis d'établir une concurrence qui eût pu porter 
« préjudice au courageux éditeur d’une telle entreprise, 
« s'il ne nous avait, auparavant , assuré lui-même que 
« son édition était épuisée. Nous aurions craint de 
« nous attirer les reproches qu'a mérités Scapula (+). » 
nt 2 cé pop Re 

(1) Ce domestique do Henri Estienne, qui se nommait L'Epaule, 


2 
v) 


( 258 ) 

S'étant mis à l'abri de tout reproche par la délica- 
tesse de ce procédé, M. Ambroise-Firmin Didot s’est 
occupé d’obéir au désir de son père, en évitant non- 
seulement les fautes des éditeurs anglais, mais aussi 
en remédiant aux inconvénients qu'une expérience de 
deux siècles et demi avait fait reconnaître dans l'édition 
primitive : c'est-à-dire en adoptant l’ordre alphabéti- 
que, et en fondant dans le corps du texte tous les sup- 
pléments d’'Estienne , et toutes les éditions postérieures , 
soit consignées dans les dictionnaires subséquents , soit 
envoyées en dernier lieu par les savants de nos jours 
aux éditeurs anglais ou à M. Didot lui-même, « Ce- 
« pendant (dit encore le grand prospectus, au sujet de 
« l'ordre étymologique ), afin de ne rien laisser à perdre, 
« même sur ce point, du travail de Henri Estienne , 
« travail prodigieux qui lui causa tant de peine, ainsi 
« qu'il le dit lui-même (1), et de ne faire que ce qui 
« semble nécessaire, nous ajouterons à la fin de notre 
« nouvelle édition la table étymologique des mots, 
« selon l’ordre présenté par Henri Estienne, et suivi 
« par les éditeurs anglais. Nous osons même promettre 
« que les savants trouveront plus de recherches éty- 
« mologiques dans notre édition que dans celle des 
« Anglais. » 

Voilà les principaux perfectionnements de la nouvelle 
édition française , qui se recommande encore par beau- 
coup d’autres perfectionnements particuliers, dont le 
détail se trouve exposé avec une grande lucidité dans le 


fut une des principales causes de la ruine de son maître , par l'abrégé 
qu'il ft du Thesaurus. Cet abrégé, paraissant en même temps, coûtant 
beaucoup moins cher, et suffisant au commun des lecteurs, paralysa, pour 
ainsi dire, la vente de l'ouvrage d’Estienne, et détruisit de si légitimes 
espérances, 


QG) Epistolæ ad Lectorem, p. XXH sqq- 


(259) 
prospectus in-folio joint, avec d’autres pièces, au 
présent mémoire. Ajoutons qu’au lieu de 1200 francs, 
prix de l'édition anglaise, la nôtre ne coûtera que 336 
francs. 

Maintenant , quel moyen M. Didot a-t-il employé 
pour exécuter une si vaste entreprise ? 

Dès la fin de l’année 1828 , il parla de son projet à 
deux jeunes savants de Berne, MM. Louis de Sinner et 
Théobald Fix. Celui-ci, élève du célèbre professeur Go- 
defroi Hermann , sans avoir encore rien publié , a acquis 
sur la littérature grecque , et particulièrement sur la mé- 
trique , une érudition à laquelle les savants qui le con- 
naissent se plaisent à rendre hommage. Quant au premier, 
il était déjà connu du monde savant par trois ouvrages, 
D'abord , une Oratio festa (1), ou discours d’apparat sur 
l'importance de l'étude de l'écriture sainte, morceau qui 
s'était fait remarquer entre tant d’estimables productions 
dues à cet usage de la savante Allemagne , de faire tour- 
ner au profit des études fortes et profondes toutes les 
solemnités littéraires. L'année suivante, en 1824, il avait 
joint à ce premier titre une édition critique de Bondel- 
monti, auteur florentin du commencement du quinzième 
siècle, qui écrivit en latin une description fort exacte 
des îles de l’Archipel(2). Cette publication, faite à Paris, 
et qui reçut un nouvel éclat du nom de M. Hase, sous 
les auspices duquel elle parut, montra dans M. Sin- 
ner, maloré sa jeunesse (il avait alors vingt-trois ans), 


(1) De ambitu, utilitate et necessitate studii Exegeseos sacræ 
Oratio festa die XIL aprilis recitata, auctore Lud, de Sinner. 
Bernæ , 1823 , in-60. 


(2) Christoph. Bondelmontii Florentini librum insularum Ar- 
chipelagi e codicibus regiis nunc primum totum edidit, præfa- 
tione et annotatione instruxit Gabr, Rud. Ludov. de Sinner, 
Helveto-Bernas. Leipsiæ, 1824, in-50. 


( 260 ) 

une excellente latinité et une érudition solide, jointe 
à un e-prit plein de lucidité, entendant parfaitement 
le plan d'un ouvrage. Il passa ensuite quatre ans en 
Russie, où son érudition obtint les plus augustes suf- 
frages (1). À son retour à Paris, en 1828 , il y re- 
trouva M. Fix, son compatriote et son camarades et, 
comme ils cherchaïient une manière d'employer utile- 
ment leurs connaissances pour eux et pour le public, 
ils trouvèrent M. Didot plein du désir d'assurer à notre 
pays un titre que les Anglais avaient été sur le point de 
nous ravir. 

Dans l'intervalle de cette première proposition et de 
l’arrangement définitif, M. de Sinner entra en relations 
plus intimes avec M Didot, par la publication du texte 
complet des Pastorales de Longus. Ce délicieux roman, 
connu des gens du monde par la belle traduction 
d’Amyot, nous était parvenu dans des manuscrits in- 
complets. Le fragment qui le complétait fut retrouvé, 
en 1809, dans une bibliothèque de Florence, par ce 
Paul-Louis Courier au nom duquel se rattache l’idée 
de tant de mérites différents ; qui mania la satyre litté- 
raire avec tant de bon sens, d'esprit et de malice ; 
qui porta dans l'étude des anciens l’érudition la plus 
solide et les aperçus les plus lumineux, et qui écrivit 
le français avec une telle perfection, que la postérité 
(déjà commencée pour lui par sa fin tragique) doit 
le placer à côté des Pascal, des Fénélon, des Voltaire, 
des Buffon, des Rousseau, ces maîtres de la prose 
française. 

La découverte de ce fragment de Longus donna lieu, 
dans le temps, à une polémique assez animée qui in- 


(G) L'impératrice-mère lui ft remettre une tabatière de prix , en té- 
moignage de sa satisfaction pour les soins qu’il ayait donnés à l’instruc- 
tion de plusieurs jeunes gentilshommes russes, 


Re 


(261) 

téressa tout le monde savant. Mais comme Courier, par 
l'extrême roideur de son caractère, semblait aller au- 
devant des persécutions et des tracasseries, son édition 
du Daphnis et Chloé (la seule complète), tirée , x Rome, 
à cinquante - deux exemplaires seuiement , et aujour- 
d'hui presqu'aussi rare qu'un manuscrit , fut encore en- 
travée par la police impériale, qu'avait offusquée la trop 
libre allure du savant canonnier à cheval (1), frondeur 
républicain comme il y en avait alors bien peu. 

M. de Sinner publia donc, chez M. Didot , en 1829, 
d’après cette édition de Courier , un texte arrêté du Lon- 
gus (2), accompagné d'une préface et de notes , où tout 
ce qui est relatif à cet auteur et aux travaux de Courier 
sur Longus, fut traité ex professo. A m'en a remis un 
exemplaire, dont il m'a chargé de faire hommage à 
l'Académie , et que j'ai l'honneur de lui adresser. 

M. Didot, dans ses rapports journaliers avec M. de 
Sinner , ayant müri le plan de sa grande entreprise , 
désira qu’elle obtint , aux yeux de l'Europe savante, la 
garantie d’un nom respecté de tous. Il proposa donc à 
M. Hase de prendre la direction de tout l'ouvrage. 
Mais M. Hase voulut auparavant que le plan en fût sou- 
mis à l’Académie des inscriptions et belles-leitres, qui, 
l'ayant fait examiner par une commission spéciale , lap- 
prouva le 29 mai 1829. 

Tout se trouvant ainsi fixé, M. Didot ne négligea 
plus rien, ni soins, ni dépenses, pour assurer à cette 
publication toute la perfection dont une œuvre humaine 


(1) Il était chef d'escadron d'artillerie; mais il a pris le titre de 
canonnier à cheval en tète de ses pamphlets. 

(2) Longi Pastoralia e codd. mss. duobus Italicis primum græce 
integra edidit P. L. Courier. Exemplar romanum emendatius et 
auctius typis recudendum curavit G. R. Lud, de Sinner. Paris, 
1829, in-50, 


( 262 ) 

est susceptible. x° Un prospectus français, accompagné 
d'un appendix latin pour la partie prosodique, con- 
tenant seize pages in-folio à deux colonnes ( donnant 
échantillon du papier, du format et de la disposition 
de l’ouvrage même }, fut suivi : 2° du même prospectus 
tout latin, en quarante-huit pages in-8°; 3° d’un extrait 
français contenant seize pages in-8° ; et 4° d’un addita- 
mentum latin de huit pages, également in-8°. J'ai l’hon- 
neur d'adresser à l’Académie ces différents prospectus , 
où sont consignées toutes les améliorations apportées 
dans l'édition nouvelle ; les soins des savants éditeurs 
pour faire passer chez eux , mais avec ordre , toutes les 
richesses de l'édition anglaise, et les nombreux tri- 
buts envoyés encore depuis par des savants français et 
étrangers. Je citerai seulement encore ici un passage du 
prospectus in-folio, pour vous donner , Messieurs , un 
exemple des difficultés qui caractérisent cette entre- 
prise. | 

« Si les Anglais avaient pu ou voulu vérifier les ci- 
« tations que leur communiquèrent les savants , ils au- 
« raient mérité la reconnaissance des lecteurs. Malheu- 
« reusement, sous ce rapport, tout nous reste encore à 
« faire; cependant nous espérons pouvoir, presque en 
« totalité, réussir dans le long et fastidieux travail dont, 
« au premier abord, les difficultés nous avaient paru in- 
« surmontables, puisqu'il fallait tâcher de se procurer 
« tant de livres qui, depuis long-temps, avaient disparu 
« du commerce , et particulièrement divers ouvrages de 
« critique , imprimés pour la plupart à un petit nombre 
« d'exemplaires, dans les pays étrangers, et en outre la 
« série complète des éditions qui , dans les suppléments 
« fournis aux éditeurs anglais par les divers savants, sont 
« citées sans aucune exacte indication, et suivant la bi- 
« bliothèque qui se trouvait à la portée de chacun 
« d'eux. 


Ut 564) 

« Pour arriver à ce but, les nouveaux éditeurs ayant 
réuni à la bibliothèque d M. Didot celle de M. de 
« Sinner, ont fait venir d'Angleterre et d'Allemagne tous 
« les ouvrages dont ils ont reconnu l'indispensable néces- 
« sité; et, ne pouvant obtenir de toutes les bibliothèques 
« ne de Paris la permission de garder trop long 
« temps certains ouvrages , ou rares , Ou trop souvent de- 
« mandés, ils ont fait reporter la pagination sur les marges 
« de celles qu’ils possédaient. De cette manière, ils sont 
« parvenus, pour quelques auteurs, à réunir en un petit 
« nombre d'éditions la plupart de celles qui leur man- 
« quent. » 

La riche collection de livres, résultat de tous ces soins, 
a été rassemblée dans un petit appartement loué dans le 
voisinage de M. Didot, et décoré du nom de Stephanium. 
Deux exemplaires de l'édition anglaise , du prix de 1200 
francs chacun, y sont découpés ; Pour transporter tous 


A 


les mots de l’ordre étymologique à l’ordre alphabétique. 
Il en a fallu deux, parce que les feuillets d’un livre 
ainsi découpé ne peuvent servir que d’un côté. Il faut 
donc un exemplaire pour le recto et un pour le verso. Un 
homme, qui n'est pas étranger à la connaissance des 
deux langues élassiques , est continuellement occupé à 
coller attentivement ces bandes, plus ou moins divisées 
selon le nombre des intercallations manuscrites faites par 
les éditeurs et leurs collaborateurs correspondants. Ces 
grandes feuilles, ainsi préparées par les soins de MM. de 
Sinner et Fix, sont remises à M. Hase, qui les rapporte, 
au moment de l'impression, toutes chargées d’additions 
et de corrections dont il est inutile de qualifier le mé- 
rite. M. Didot, à qui un séjour de deux ans dans la 
Grèce a rendu la langue grecque familière, et que l'é- 
ducation la plus soignée, dirigée par le célèbre docteur 
Coray, à initié aux secrets de l’érudition, corrige lui- 
mème toutes les épreuves, qui passent aussi par les mains 


(264 ) 
de MM. Fxet de Sinner. Les dépenses déjà faites dès 
le début suflira cnt seule. pour conduire à fin une très 
grande entreprise or inaire de librairie. 

Les relations d'un riche libraire avec les gens de let- 
tres qu'il emploie , unt été souvent, pour ces derniers ; 
l’occasion de justes plaintes. C’est que souvent les li= 
braires les plus riches, tout en devant leur fortune au 
commerce des productions de l'esprit , conservent une 
grossièreté et acquièrent une impertinence provenant 
du défaut d'instruction et des habitudes purement mer- 
cantiles. M. Didot ne peut avoir rien de commun avec 
ces gens-là. Le mème zèle pour la science fait dispa- 
raître l'inégalité de fortune ; et il est l'ami des savants 
dont il peut être le collaborateur. 

Le Stephanium, dont M. de Sinner fait les honneurs , 
sert de point de réunion à une petite académie de sept 
ou huit hommes studieux, assez étrangers aux plaisirs 
et aux occupations favorites de la brillante capitale au 
milieu de laquelle ils demeurent. On vient consulter 
quelque édition rare, apporter quelque mot qu'on a 
trouvé pour la première fois dans une lecture de la veille; 
on s’informe, par la même occasion, où en est lim- 
pression du Thesaurus; on se donne réciproquement des 
nouvelles des principales productions philologiques : tout 
cela se fait gaiement et sans pédanterie; et, dans ces 
occupations qui paraîtraient bien insipides aux person- 
nes qui y seraient étrangères , nous trouvons la satisfac- 
tion que tout le monde éprouve à parler de ce qui l’oc- 
cupe avec des gens qui s’occupent de la même chose ; à 
acquérir de nouvelles connaissances sur la partie que l’on 
a plus spécialement cultivée. On se réunit le soir, au 
moins une fois par semaine ; on dîne souvent ensemble. 
Une petite circonstance littéraire devient l’occasion d’un 
dîner un peu plus soigné. Quand l’Académie de Tubin- 
gue envoya le bonnet de-docteur à M. de Sinner , le 30 


des 


er lee da 


(_265,) 

juin dernier, il nous réunit dans un repas aussi bien 
servi que cordialement offert ; et trois des convives, 
MM. Walz, Hauthal et Anders, célébrèrent lè nouveau 
docteur en vers grecs, latins et allemands. Communi- 
qués en secret à M. Didot (qui était aussi des nôtres }, 
au moment de nous mettre à table , ces vers furent im- 
primés pendant le dîner, et nous furent distribués au 
dessert. J'en joins un exemplaire aux autres pièces que 
j'ai l'honneur d'adresser à l'Académie. 


TABLEAU 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE 


DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS 


DE ROUEN, 


POUR L'ANNÉE 18311832. 


SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. 


 % Ordre royal de la Légion d'honneur. 
O. signifie Offcier. 

C  — Commandeur. 

G. — Grand-Officier. 

G.C. — Grand'Croëz. 


TABLEAU 
DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES 
BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, 


POUR L'ANNÉE 1831—1932. 


OFFICIERS EN EXERCICE 


M. Lepasquier (Auguste) X, Président. 

M. Hezus, J’ice-Président. 

M. Des Arceurs, Secrétaire perpétuel pour la Classe des Sciences. 

M. Bicnox (N.), Secrélaire perpétuel pour la Classe des Belles- 
Lettres et des Arts. 

M. Bazuix (A.-G.), Bibliothécaire-Archiviste. 

M. Lepreyost , vétérinaire, Trésorier. 


_ ACADÉMICIENS VÉTÉRANS , ML. se 


1803. Le Comte Beuexor ( G. C. :K), ancien D du 1806, 
département de la Seine-Inférieure, à Paris, rue de 
la Michodière, n° 8. 

1562. D'Onxax (Jean-François-Gabriel) , doyen des Acade- 1807. 
miciens , membre de l’Académie de Lyon, de celles 
des Arcades de Rome et des Georgilles de Florence, 
à St-Martin-de-Boscherville. 

1811, Le Baron AsseziN DE ViuxequiEr ( O. #), premier 1819. 
Président de la Cour royale, membre de la Chambre 
des Députés, rue de la Seille, n° 10. 

180%. Vrraurs ( O. :K), ancien Secrétaire perpétuel de 1822. 
l'Académie pour la classe des sciences; Docteur ès 
sciences de l'Université; Professeur émérite des 


sciences physiques au Collége royal de Rouen; an- 


1916. 


1824. 


1830. 


(270) 
cien professeur de chimie appliquée aux arts ; 
membre de plusieurs Académies et Sociétés sa— 
vantes, Curé de Saint-Eustache, à Paris. 


5. Brière X , Conseiller à la Cour de cassation , 


à Paris, re de Bondy , n° 62. 


. Le Baron Lezurrer DE LA Marrez ( O. #), 


ancien Maire de Rouen, à Hautot. 
Descamps ( Jean-Baptiste), Conservateur du Musée 
de Rouen, membre de l’Académie des Arcades de 


Rome, re Beauvoisine, n° 31. 


3. Pavre (Benjamin), Manufact., Trésorier honoraire 
J > ; ’ 


faubourg S.-Hilaire, n° 75. 
Rigarp (Prosper) ##, ancien Maire de Rouen, 
rue de la Vicomté, n° 34. 

Perraux (Pierre), ancien Imprimeur du Roi, mem- 
bre de l'Académie de Caen, et des Sociétés d'agri- 
calture et de commerce de Rouen et de Caen, Zoz/. 
Leauvoisine, n° 54. 

MeaumE (Jean-Jacques-Grégoire ), ancien Professeur 
de Mathématiques spéciales au Collége de Rouen, 
Doct. ès-Sciences, Oflic. de l'Université, Inspecteur 
de l’Académie , à Amiens. 

Levieux, Commissaire du Roi près la Monnaie de 
Rouen , à /’Hôtel des Monnaies. 


ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM. 


1822: 


1823. 


1824. 


1827. 
1828. 


1830. 


1835, 


S. À. S. Mgr le Cardinal Prince DE CRoY, Archevèque de 


Rouen, etc., au Palais archiépiscopal. 


Le Licutenant- Général Barun Teste (O.XK), Commandant 


la 14e division militaire. 


Le Baron Duronr-Derrorte (O0. :K), Préfet de la Seine- 


Inférieure , ex l'hôtel de la Préfecture. 


Barger (Henri) #, Maire de Rouen, Zouler. Cauchoise, 


no 54, 


jé ur, ct 


Y803. 


1804 


1808. 


1809. 
1813. 


1815. 


#317. 


(271) 
ACADEMICIENS RÉSIDANTS, MM. 


Viaxé ( Jean-Baptiste), D.-M., correspondant de la So- 
cicté de médecine de Paris, 7ve de la S'eille, n° /. 

LerTeczier, Inspecteur de l’Académie universitaire, rue de 
S'otteville, n° 5, faubourg S.-S ever. 

Gopgrroyx, D.-M., rue des Champs-Maillets, no 11. 

Brexox ( N.), Docteur ès-lettres, Professeur émérite de 
rhétorique au Collége royal de Rouen et à la faculté des 
lettres, offic. de l'Université de France, rve Sénécaur, 
n° 55, 

Dusuc l’ainé, Chimiste , ancien Pharmacien à Rouen, membre 
de l’intendance sanitaire du département de la Seine-[nfé- 
rieure, de la Société centrale d'agriculture du même dépar- 
tement , correspondant de l’Académie royale de médecine de 
Paris, etc., etc., rue Percière, n° 20. 

Durvurez ( Pierre), rue du Duc de Chartres, n° 12. 

Le Prevost (Auguste), Membre honoraire de la Société des 
antiquaires de Londres; Membre des Sociétés des anti 
quaires de France , d'Ecosse et de Normandie; de la Com- 
mission des antiquités de Ja Seine-Inférieure ; de la Société 
géologique de France; de la Société linnéenne de Nor- 
mandie ;. Correspondant de la Société royale et centrale 
d'agriculture; des Sociétés d'agriculture de Rouen, Evreux 
et Caen; de la Société d’émulation d’Abbeville, 74e de 
Buffon, n° 21. 

Licquer ( Théodore), Membre des Sociétés des antiquaires 
d’'Ecosse et de Normandie; de la Commission des antiquités 
du département de Ja Seine-Inféricure; Conservateur de la 
Bibliothèque publique de Rouen, à /’ÆHütel-de-V'ille. 

Fraugerr, Docteur-Médecin, Chirurgien en chef de l'Hô- 
tel-Dieu , rze de Lecat, ne 5. 

Lerrevosr , Vétérinaire, rze S.-Laurent, n° 3. 

Le Baron Anam #, Président du Tribunal de première 
iuslance , place S,-Ouen, n° 23, 


1817. 


/ 


1818. 


1819. 


1820. 


1822. 


1824. 


(272) 

Du Rouzelu X, chevalier de l’ordre de l’Eperon d’or de 
Rome, Conseiller à la Cour royale, place S'aint-Elor , 
no 6. 

Le Prevosr , Docteur-Médecin', rve Malpalu , mo 12. 

Braxcae , Médecin en chef de l’'Hospice général, rze Bour- 
gerue, vis-à-vis l'Hospice général. 

Tarz K, Procureur général, rze Dinanderie, n° 15. 

Dessriexx , Horloger, place de la Cathédrale. 

Hezurs fils, D.-M., Médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, pZace 
de la Madeleine. 

Le Marquis DE MARTAINVIZLE X, ancien Maire de Rouen, 
rue du Moulinet, n° 1x. 

DezaquéRiÈREe (E.), Négociant, ve du Fardéau, n° 24. 

Lévy, Professeur de mathématiques ‘et de mécanique ; Mem- 
bre des Académies de Dijon, Bordeaux et Metz, des So— 
ciétés académiques de Strasbourg, Nantes et Lille; Chef 
d'institution, ze S'airt-Parfrice, n°36. 

Leprasquier (Auguste) 2%, Secrétaire général de la Pré- 
fecture du département de la Seine-Inférieure , à Z’Adlel de 
Za Préfecture. 

Des Arreurs , D-M., Médecin adjoint de l'Hôtel-Dieu, 
membre du Jury médical, Secrétaire du Comité central de 
vaccine , etc. , 7ve de L >Écureuil, n° 19. 

L’'Abbé Gosster , Chanoine honoraire à la Cathédrale , ze du 
Nord, n° 1. 

Marzcer-DugourcAx, Architecte en chef de la Ville, gzar 
de la Romaine , n° 72. 

Prévosr, Pépiniériste, au Bois-Guillatme, ( son adresse à 
Rouen, rte du Champ-des-Oiseaux , n° 65 ). 

Durreuz, Directeur du Jardin des plantes, 44 Jardin des 

‘ plantes, à Rouen. 

LanGcors (E.-H.), Peintre, Professeur de dessin à l'École 
municipale, rze Beauvoisine, enclave Sainte-Marie. 

Reiser XK , Receveur général des finances , gear d’Harcourt. 

Hourou-LaBrzLARDIÈRE , ancien Professeur de chhnie appli- 
quée aux arts, apenue du Mont-Riboudet. 


1825 


1825. 


1827. 


1828. 


1829. 


1830. 


( 273 } 


Paru (A.-G.), Secrétaire des Commissions des antiquités 
et des archives du département de la Seine-Unférieure; Chef 
de la 1re division à la Préfecture , rze de Crosne, n°0 14. 

Donmesxiz (Pierre), rue de la Chaïne , no ox. 

Mori , Pharmacien ; correspondant de l’Académie royale 
de médecine, de la Société de, chimie médicale de Paris , 
de la Société linnéenne et des Sciences physiques et chi- 
miques de la même ville; de la Société académique de 
Nantes, et de plusieurs autres Sociétés savantes, re Bou 
vreuil, n° 27. 

Device (Achille), membre des Sociétés des antiquaires 
d'Écosse et de Normandie, des Commissions des antiquilés 
et des archives du département de la Seine-fnférieure, 
et de la Société d’émulation de Rouen; Receveur des 
contributions directes, rze de Fontenelle, no 2 bis. 

Vixérmnier, D.-M., Chirurgien en chef des Prisons, 7ze 
de la Prison, n° 33. 

Pimoxr (Prosper), Négociant, rve Herbière, n° 38. 

Fcoquer (A) fils, Greflier en chef à la Cour royale de Rouen. 

GirarniN (3), Professeur de chimie industrielle ; collabo- 
rateur du Bulletin des sciences naturelles et de géologie, de 
la Revue normande; membre résidant de l’Académie royale 
des sciences, de la Société libre d’émulation de Rouen; 
membre de l’intendance sanitaire de Rouen, du conseil central 
de salubrité du département; correspondant de la Société 
d'histoire naturelle de Paris, de la Société géologique de 
France, de l’Académie royale des sciences de Bordeaux; 
de la Société linnéenne de Normandie , industrielle de Mul- 
hausen, de pharmacie de Paris, polymatiqie du Morbihan, 
hygiénique et industrielle de Paris; des Sociétés d'agriculture 
et des sciences de Lille, de Clermont-Ferrand, de Seine-et- 
Oise, etc., re de la Glacière, près le boulev. Beauvoïsine. 

Poucuer, D.-M., Professeur de botanique, rze Beauvoï- 
sine, n° 200. 

Fôvrie, Médecin en chef de l’Asile des aliénés, rze de S'o- 
crale , n° 12, 


35 


(274) 


1851. Mar, Docteur ès-lettres, officier de l'Université, Pro= 


fesseur de rhétorique au Collége royal, éoulevard Bou- 
vreuil, n° 6. 
Paumrer (L.-D.), Pasteur, Président du Consistoire de 


Rouen, rampe Bouvreuil, n° 16 bis, 


ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS , MM. 


1803. 


1804. 


1805. 


.… Le Colonel Vicomte TousTain DE RICHEBOURG , à St-Martin- 


du-Manoir, près Montivilliers. 


. Levavasseur le jeune, Officier d'artillerie. 
. Le Baron DesceneTTes (C. #), Médecin, membre de l’Aca- 


démie royale de médecine , à Paris, gzai Vollaire, n° x. 


versité, n° Gt. 

Le Chevalier Tessrer 2X , membre de l’Académie des sciences 
de l’Institut, de la Société centrale d'Agriculture , Inspec- 
teur général des Bergeries royales , à Paris, ve des 
Petits-Augustins , n° 26. 

GuEnsexT X, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, 
à Paris, rue Gaïllon, n° 12. 

Lnosre , à Sartilly, près Avranches, départt de la Manche. 

Le Comte CHapTaz (G. 2), Pair de France , membre 
de l’Institut, à Paris, ve de Grenelle-S1-Germain, n° 88. 

Morzevauzr (C. L.), membre de l'Institut, à Issy, près 
Paris. 

L'Abbé pe La Rue, membre de l’Académie de Caen, cor- 
respondant de l’Institut, à Caen. 

Le Baron Cuvier (G. O. X), Conseiller d'Etat, membre 
de l'Institut, à Paris, au Jardin du or. 

Deccaxn (J.-V), D. M., Professeur d'histoire naturelle, 
à Rennes. 

Le Baron DEMADIÈRES ( Pierre-Prosper) X, à Paris, ve 
Notre-Dame-des-Victoires , 5° 4o. 

Boucxer , correspondant de l’Institut, Académie des sciences, 
Directeur des Douanes, à Abbeville. 


D 


. Monnet , ancien Inspecteur des Mines, à Paris, rue de l'Uni- 


1806, 


1808. 


1809. 


3810. 


x8ur. 


(275) 

Le Baron DE GErAxno (C. K), membre de l'Institut, à 
Paris, 2mpasse Férou, n° 7. 

Deragouisse , Homme de lettres, à Paris. 

Boïecnreu, Avocat, à Paris, Palars des Païrs. 

SERAIN, ancien Officier de santé, à Canon, près Crois- 
sanville. ( Calvados.) 

Lai ( Pierre-Aimé), Conseiller de Préfecture, Secrétaire 
de la Société royale d'Agriculture et de Commerce, etc., 
à Caen. 

Derancy K , à Paris, re Duphot, n° v4. 

Fraxcœur 2, Professeur à la Faculté des sciences, à 
Paris , rve du Cherche-Midi, no 25. 

Henvanpez, Professeur à l'Ecole. dé anédecine de la Ma- 
rine , etc., à Toulon. 

Lamoureux (Justin), à Bruxelles. : ‘ 

Rosnayx DE VILLERS , à Amiens. * 

Dusuissox (J.), D.-M., membre de plusieurs Académies et 
Sociétés médicales, à Paris, re Hautevrlle | n° 10, faubourg 

Poissonnière. 

Durois-Maisonneuve, Homme de: lettress à Paris, rue du 

. Pot-de-Fer-Süint-Sulpice ; n° 14. : in à 

Dexis ( Jean-Pierre Auguste ), D-M:Xà Argentan, dépar- 
tement de l'Orne. 

Le Baron DE Bonarnr-DumrsniL, aneien Officier de ca- 
rabiniers, au Mesnil-Lieubray, canton d’Argucil, arron- 
dissement de Neufchätel. 

Deranue , Pharmacien, secrétaire de la Société d'agricul- 
ture, médecine et arts, à Evreux. ‘ 

Le Comte Dônatien De Sesmatsons (C. Xt) » Pair de France, 
à Paris, rue de Vaugirard , m°°54. 

Saissy , Docteur-Médecin, à, Lyon. 

Barme, secrétaire de la Société de médecine ; à Lyon. 

Leroux des Trois-PrerRes , Propriétaire, aux Trois-Pierres 
près St- Romain-de-Colbosc. : 

L'Abbe Leprtoz , ancien Recteur de l’Académie universitaire 
de Rouen, à Paris. 


1811. 


1812. 


1813. 


1814. 


1815. 


1816. 


1817. 


(276) 

De LaAPpoRTE-LALANNE 2, ancien Recteur de l’Académie 
universitaire de Rouen, à Paris, av Carrousel. 

Le SauvacEe, D.-M., à Caen. 

LarIsse, D-M., à Paris, rue de Menars, n° 9. 

Hercort ( A.) 2, à Paris, rue d’Astorg , n° x3. 

BouzLax #, Pharmacien, à Paris, rue des L'ossés-Wont- 
martre , n° 17. 

BriQuer (B.-A.), ancien Professeur de Belles-Lettres, à 
Niort (Deux-Sèvres ). 

LAMANDÉ (Mandé-Corneille) #, Inspecteur divisionnaire 
des Ponts et Chaussées, à Paris, rze du Hegard , n° x. 

Gous fils (E.), Statuaire, à Paris, au Palais des Arts. 

FLAUGERGUES, Astronome , correspondant de l'Institut , à 
Viviers ( Ardèche ). 

TaRBÉ prs Saërons (Sébastien-André) #, ancien Chef de 
division au Ministère du commerce, à Paris , rue du Grand- 
Chantier, n° 12. 

Pécueux (B.), Peiatre, à Paris, rue S-Florentin, n° 14. 

Massox DE Sarxr-Amanp #, ancien Préfet du département 
de l'Eure, à Paris, zue de Bellechasse, n° 15. 

Le Maréchal Comte Jourpax (G. C. #), Pair de France, 
rue de Bourbon, n° 52. 

PERCELAT, ancien Recteur de l’Académie universitaire de 
Rouen, Inspecteur de l'Académie de Metz. 

Fagre (Jean-Antoine) , correspondant de l’Académie des 
sciences de l’Institut et de diverses Académies, Ingénieur 
en chef des Ponts et Chaussées, à Brignoles (Var). 

Box (O. %#), Médecin en chef des Hospices, à Bourges. 

Lorseceur DesconGcHames (Jean-Louis-Auguste) #, D.-M., 
Membre honoraire de l’Académie royale de médecine, etc., 
à Pais, rue de Jouy, n° 8. 

Durrocuer (Réné-Joachim-Henri), D.-M., correspondant 
de l’Institut, Membre de l'Académie royale de médecine, 
etc., à Chareau, près Château-Renault (Indre-et-Loire ). 

Pain, maitre des conférences à l'Ecole normale, à Paris, 


rue Casselle, n° 15. 


“ 


pas ii tnt dr de 


(277) 
1817. MÉRAT (François-Victor) #£, D.-M., membre de l’Aca- 
démie royale de médecine, etc., à Paris, rve des S'aints- 
Pères , n° 15 6. 

Hurrrez p’Argovaz, correspondant de plusieurs Sociétés 
savantes nationales et étrangères, Vétérinaire, à Montreuil 
sur-Mer ( Pas-de-Calais). ; 

Moreau DE JonnÈs (A.) #, Oflicier supérieur au Corps 
royal d'Etat-Major, membre du Conseil supérieur de santé, 
chargé au Ministère du commerce des travaux statistiques, 
correspondant de l'Académie des sciences de l'Institut, 
Chef de bataillon, à Paris, place Vendôme, n° 8. 

1818. DE Gournayx, Avocat et Docteur-ès-lettres, à Caen (Cal- 
vados), re Gemare, n° 18. 

Parru, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées , à Caen. 

Borra, ancien Recteur de l'Académie de Rouen, Homme 
de lettres, à Paris, place S.-S'ulpice, n° 8. 

Le Comte pe Kercanou (O0. %), Pair de France, à 
Paris, rue du Pelit-Vaugirard, n° 5. 

Le Chevalier Aurssax De Cuazer ( O. X ), Homme de 
lettres, à Paris, rue de Clichy, n° 48. 

Le Marquis De Monrauzr #, à Nointot, près Bolbec; (à 
Rouen, rue d'Écosse, n° 10.) 

Le Marquis Eunes DE MiRvilLe, à Gommerville, près St- 
Romain. 

1819. BoucHarLaT, membre de la Société philotechnique, à Paris, 
rue de Savoie, n° 9, près da quai de la Vallée. 

Le Baron Mazourr ( C. #), ancien Préfet de la Seine- 
Inférieure, Maitre des comptes, à Paris, rue Godot, 
n° 5. 

Dspauzts (Alexis-Joseph), Graveur de médailles, à Paris, 
rue Furstenberg, n° 8 ter. 

1820. Garon, Receveur principal des Douanes, membre de plu- 
sieurs Sociélés savantes, à Abbeville (Somme). 

1821. Benruren (P.) X#, Ingénieur en chef des Mines, Profes- 
seur de chimie à l'Ecole royale des Mines, membre de 


l'Institut, à Paris, rve d'Ænfer, n° 54. 


182r. 


1522. 


x824. 


182), 


(278) 

L'Abbé JAMET (Pierre-François), Prètre, Supérieur de la 
Maison du Bon-Sauveur, Instituteur des sourds-muets, À 
Caen (Calvados ). 

Cuauery X, Inspecteur général honoraire des Ponts et Chaus- 
sées, à Oyré, près la Flèche (Sarthe). 

L'Abbé LABOUDERIE (Jean), Vicaire général d'Avignon, à 
Paris, cloître Notre-Dame , n° 20. 

Lemonnter ( Hippolste), Secrétaire-Bibliothécaire de l’Aca- 
démie royale de France, à Rome. 

Moréox (de) #, Ingénieur, à Paris, re Godot, n° 2. 

TuarÉBauT DE BERNEAUD , Secrétaire perpétuel de la Société 
linnéenne, à Paris, rve de Verneuil, n° 51. 

BeuGxoT (Arthur), Avocat, à Paris, rue du faubourg S.- 
Honoré, n° 119. 

Desrouer , D.-M., à Paris, rve Ste-Marguerite, n° 3/. 

SorcicorFre ( Louis Henri-Joseph) %, Directeur des 
Douanes , à S.-Malo (Ille-et-Vilaine ). 

Estanceztx, Membre de la Chambre des Dépntés, à Eu. 

FoxTanreR ( Pierre), Humme de lettres, Officier de l'Uni- 
versité, à St-Flour (Cantal). 

Marzer 2, Inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaus- 
sées, à Paris, ze du Regard, n° 14. 

Jourpan #, D.-M., à Paris, rze de Bourgogne, n° 4. 

Moxrazcox, D.-M., à Lyon. 

Bourçrois (Ches) %#, Peintre en portraits, à Paris, rve de 
l'Oratoire-du-Roule, n° 50. 

Janvier (Antide), Horloger ordinaire du Roi, à Paris, Pa- 
dais de l'Institut. 

DELAQUESNERIE, correspondant des Sociétés d'émulation et 
d'agriculture de Rouen, de la Société centrale d’agriculture 
de Paris, etc, à St-André-sur-Cailly. 

Descuamps, Bibliothécaire-Archiviste des Conseils de guerre , 
à Paris, re du Cherche-Midi, n° 39. 

SaLGues, D.-M., à Dijon (Côte-d'Or). 

Le Baron BourrexGer (O. #), ancien Procureur général 
à la Cour royale de Rouen. 


1825. 


1820. 


1827. 


C279 ) 

Prec X , Juge de paix, au Havre. 

D’ANGLEMONT ( Edouard), à Paris, rue de Savoie , n° 214, 

DesmaresT, Professeur à l'Ecole royale vétérinaire d’Alfort, 
correspondant de l'Institut, à Paris, rue S.—Jacques, 
n° 161. 

Bexoisr, Lieutenant au corps royal d'État-Major, Chef d'es- 
cadron, à Paris, rue S'aint-Dominique, n° 23. 

Juzra-FonTENELLE, D.-M., Chimiste, à Paris, rue de 
l'École-de-Médecine, n° 12. 

Civiae #, D.-M., à Paris, ve Godot-de-Mauroy, n° 30. 

FERET ainé, Antiquaire, à Dieppe. 

Paye #, Manufacturier, à Paris, rue des Jeüneurs , n° 4. 

Le Comte BLANCHARD DE LA Musse, ancien Conseiller au 
Parlement de Bretagne, Homme de lettres, à Montfort- 
sur-Meu (Ille-et-Villaine ). 

Moreau (César) , Fondateur de la Société française de 
statistique universelle et de l’Académie de l'industrie, etc., 
à Paris, place Vendôme , n° 24. 

Moxrémont (Albert), Homme de lettres, à Paris, rue du 
Four-S.-Germain, n° 13. 

LapEvÈzE, D.-M., à Bordeaux. 

Savix, D.-M., à Montmorillon (Vienne). 

LevormaxD , Professeur de technologie, à Paris, ve Percée- 
S.—-André, n° 11. 

Boïecoreu 2, membre de l'Institut, à Paris, éou/evart 
Montmartre, n° 10. 

Bençasse X, Procureur général, à Montpellier (Hérault ). 

Germaix (Thomas-Guillanme-Benjamin), correspondant de 
la Société des pharmaciens de Paris et de la Société royale 
de médecine, Pharmacien, à Fécamp. 

Huco (Victor), Homme de lettres, à Paris, rue Jean- 
Goujon, n° 9. 

DE Bzossevicce (Ernest), Conseiller de préfecture, à Ver- 
sailles ( Seine-et-Oise ). 

De BLossevizce (Jules), à Paris, rue de Hichelieu. 

DssmaziÈnes (Jean-Baptiste-Heuri-Joseph), Naturaliste, à 


1828. 


1829. 


( 280 }) 
Lambersart, près Lille: chez M. Maqnet, propriétaire , ruà 
de l'Hôpital-Militaire, n° 110, à Lille (Nord). 

Maro (Charles), Homme de lettres, à Paris, ve Dauphine, 
no 335. 

Le Baron C. A. pe Vaxssay (C. X), ancien Préfet de la 
Seine-Inférieure , à la Barre, près Saint-Calais (Sarthe ). 

Cour, Peintre, à Paris, rve des Beaux-Arts, n° à. 

Virex (J-3.), Docteur-Médecin, à Paris, rve Soufflot, 
n° 1. 

Boxrics (Joseph-Francois) fils aîné, Docteur-Médecin, Pro- 
fesseur à l'Ecole secondaire de médecine de Nancy, membre 
de plusieurs Sociétés savantes, à Nancy (Meurthe ). 

Marccer-Lacosre ( Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté 
des lettres de Caen. 

Laurar», Membre de l’Académie, à Marseille (Bonches-du- 
Rhône). 

Dupras, Homme de lettres, à Paris. 

SPENCER Smirx (Jean), membre de l'Université d'Oxford, 
de la Société royale de Londres, de la Société des Anti- 
quaires de Londres, de la Société pour l’encouragement des 
arts, etc., de Londres, et de plusieurs Sociétés savantes, 
à Caen, 7ve des Chänoïnes. 

Le Baron pe MorTEMART-Borsse 2, Membre de la Société 
royale et centrale d'agriculture, ete , à Paris, rve Jean- 
Goujon, n° 9. 

Morix ( Pierre -Etienne }, Ingénieur des Ponts et Chaussées, 
à St-Brieux ( Côtes-du-Nord ). 

CoTTEREAU (Pierre-Louis), D.-M., Professeur agrégé de 
la Faculté de médecine de Paris, médecin du Bureau de 
charité du 5e arrondissement et du 2e dispensaire de la So- 
ciété philantropique, à Paris, rve du Petit-Carreau, n° 19. 

Fée, Chimiste, Pharmacien en chef de l'hôpital militaire , 
à Lille (Nord). 

Portez , D.-M., à Evreux (Eure ). 

GurninGuer (Ulric) , Homme de lettres, à Paris ; (à Rouen, 
rue de Fontenelle, no 35). 


+ AE 


1829. 


2830. 


1831. 


( 28r ) 


Cazaus , Professeur de physique au Collége royal de Bour- 
bon, à Paris, rue des Grands-Auguslins, n° 22. 

ScHwiLGué , Ingénieur des Ponts et Chaussées , au Havre. 

ALAVOINE (Jean-Antoine) #, Architecte, chargé des tra 
vaux de la flèche de la Cathédrale de Rouen , à Paris, rve 
Neuve-des-Bons-Enfants, n° 25. 

Péerx, Homme de lettres, à Metz (Moselle ). 

BerGer DE XIVREY (Jules), Homme de lettres , à Paris, 7ve 
du Guay-Trouir, près le Luxembourg, n° 3. 

Le chevalier CHaponnter ,D.-M. , à Paris, rve de Cléry, n° 16. 

Passx (A.), Préfet de l'Eure, à Evreux. 

Soxer-VViieMET (Hubert-Felix), Botaniste, membre de 
plusieurs Sociétés savantes, Bibliothécaire de la ville, à 
Nancy (Meurthe ). 

LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville, à 
Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme ). 

RrrauD, Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes, 
à Paris, rve de la Rochefoucault, no 5. 

Banré De JALLAIS, ancien Admioïstrateur, Homme de lettres, 
à Chartres, pavé de Bonneval (Maine-et-Loire ). 

Housc (Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes, Pré- 
sident du Tribunal civil, à Louviers (Eure ). 

Le Comte ne Murar (C. K), ancien Préfet de la Seine- 
Inférieure, à Euval, près Vayre (Puy-de-Dôme), ou à 
Paris, rve S'aint-Honoré , n° 345. 

Le Comte DE Rivaup LA RAFFINIÈRE (G O. 2K), Lieute- 
nant-Général, à la Raflinière, près Civray (Vienne); (à 
Rouen, 7e Porte-aux-Rats, n° 13, chez Mme de Bra- 
quemont ). 

Lerrcceuz DES GuERROTS, chevr de l’Eperon d'or de Rome, 
aux Guerrots, commune d'Heugleville-sur-Scie, par Bel- 
lemare, arrond. de Dieppe. 

Le Terrier 2, Inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaus- 
sées , à Paris, quai d'Orsay, n° x. 

BoucHer DE PerTnes , Présideut de la Société royale d'Ab- 
beville ( Sorame ). 


36 


( 282 ) 


CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM. 


1803. Demorr, Directeur de la Chambre des finances , et corres- 
pondant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg. 
Le Comte DEBrAY , Ministre et Ambassadeur de S. M. le 
Roi de Bavière , à Vienne. 
Gerrroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow. 
ExcGgcsrorr , Docteur en philosophie , Professeur adjoint 
d'Histoire à l'Université de Copenhague. 
John SinccAR, Président du Bureau d'agriculture , à 
Edimbourg. 
1812. Vocez , Professeur de chimie à l’Académie de Munich, 
1816. Campgetz, Professeur de poésie à l'Institution royale de 
Londres. 
1817. Le Chevalier DE KikckworF, Médecin militaire, à Anvers. 
1818. Dawson Turner , Botaniste, à Londres. 
Le R. Th. Froënazc Diepin , Antiquaire , à Londres. 
1821. VÈNE XK, Capitaine de génie, au Sénégal. 
1823. CHAUMETTE DES Fossés, Consul général de France , à Lima. 
1825. Le Comte ViINCENZO DE ABBATE, Antiquaire , à Alba. 
1827. Deruc, Professeur de Géologie, à Genève. 
1828. Brunez 2XK, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre 
de la Société royale de Londres, à Londres. 
1830. Le Chevalier RAFN (Gratien), Professeur, Secrélaire de la 
Société royale des antiquaires du Nord, à Copenhague, re 
du Prince-Royal, n° 40. 


SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES, 


Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où 
elles sont établies. 


Abbeville. Société royale d'Emulation (Somme ). 
Air. Société académique (Bouches-du-Rhône ). 
Amiens. Académie des Sciences (Somme ). 


( 283 ) 


Besançon. Académie des Sciences , Belles-Lettres et Arts (Doubs ). 
—— Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. 

Bordeaux. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Gi- 

ronde ). 

— Société royale de médecine. 

Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture, du Commerce et des Arts 
(Pas-de-Calais). 

Caen. Académie royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Cal- 

vados ). 

— Société royale d'Agriculture et de Commerce. 
—— Société des Antiquaires de la Normandie. 

Cambrai. Société d'Emulation (Nord ). 

Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et 
Arts du département de la Marne. 

Chäteauroux. Société d'Agriculture du département de l'Indre. 

Cherbourg. Société d'Agriculture , Sciences et Arts (Manche ). 

Dieppe. Société archéologique. 

Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles - Lettres (Côte- 
d'Or). 

Douai. Société royale et centrale d'Agriculture , Sciences et Arts du 
département du Nord. 

Draguignan. Société d'Agriculture et de Commerce du département 
du Var. 

Evreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du 
département de l'Eure. 

Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du 
département du Nord. 

Limoges. Société royale d'Agriculture, des Sciences et des Arts 
(Haute-Vienne). 

Lons-le-S aulnier. Société d'Émulation du Jura. 

Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhène). 
— Société de Médecine. 

Marseille. Académie des Sciences , etc. ( Bouches-du-Rhône ). 

Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d'Agricul- 
ture ( Moselle ). 

Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du 


département du Tarn-et-Garonne. 


( 284 ) 


Mulhausen. Société industrielle. 
Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ). 
Wantes. Société académique des Sciences et des Arts du départe- 
ment de la Loire-Inférieure. 
Nimes. Académie royale du Gard. 
Niort. Athénée; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- 
tement des Deux-Sèvres. 
Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). 
Paris. Athénée royal, rue de Valois, n° 2. 
— Institut de France , au Paluis des Quatre-Nations. Acadé- 
mie des Sciences et Académie Française 
— Société d'Economie domestique et industrielle, rve Ta- 
ranne, n° 12. 
— Société de Géographie, passage Dauphine. 
— Société de la Morale chrétienne, rve T'aranne, n° 12. 
— Société de Pharmacie, ve de l’Arbalète, n° 13. 
— Société des Sciences physiques. 
— Société Linnéenne, rue de Verneuil, n° 51, faubourg St- 
Germain. 
— Société médicale d'Emulation, à /a Faculté de Médecine 
— Société royale et centrale d'Agriculture, à /’Hôlel-de-Ville. 
— Société d’'Horticulture, re T'aranne, n° x2. 
— Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale, 72e du 
Bac, n° 42. 
Poitiers. Société académique d'Agriculture , Belles-Lettres, Sciences 
et Arts ( Vienne). 
Le Puy. Société d'Agriculture , Sciences, Arts et Commerce ( Haute- 
Loire ). 
Rennes. Académie des Sciences, etc. (Ille-et-Vilaine ). 
fiouer. Société centrale d'Agriculture du département de la Seine- 
Inférieure® 
— Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, 
Lettres et Arts. 
—— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de 
l'Industrie. 
— Société de Médecine, 


( 285 ) 

— Société des Pharmaciens. 

—— Société pour l’encouragement de lInstruction élémentaire 
par l’enseignement mutuel, dans le département de la 
Seine-Inférieure. 

Saint-Etienne (Loire). Société d'Agriculture, Sciences, Arts et 

Commerce. 


Saint-Quentin. Société des Sciences, Arts, Belles-Lettres et 


Agriculture (Aisne ). 

S/rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- 
ment du Bas-Rhin. 

Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). 

Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du 
département d’Indre-et-Loire. 

Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- 


ment de Seine-et- Gise. 
SOCIÉTÉS ETRANGERES. 


Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. 

Liége. Société libre d'Emulation et d'Encouragement pour les Sciences 
et les Arts. 

Londres. Société des Antiquaires de Londres. 


( 287 ) 


TABLE MÉTHODIQUE, 


COMPRENANT , 


OUTRE LES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT 
VOLUME, 


La mention de tous les ouvrages reçus par l'Aca- 
démie, ou dont les rapports ont été faits pen- 
dant l'annee académique 1830—1831x. 


Discours d'ouverture de la Séance publique, par A. le doc- 
teur Blanche , président , pag. x 


CLASSE DES SCIENCES. 


RAPPORT fait par M. des Alleurs, D,-M., secrétaire per- 


peéluel , 7 


are Section. — PHYSIQUE, MATHÉMATIQUES ET ARTS 
MÉCANIQUES. 


Correspondance météorologique (4° memoire | déjà mentionné 
dans le volume précédent), par M. Morin, ingénieur des 
ponts et chaussées. — Rapporteur, M. Girardin, 8 

Notice sur une distribution genérale d'eau à domicile dans 
Paris, par M. Mallet, inspecteur des ponts et chaussées. 
— À. M. Lévy, \ 9 


Pont de suspension qui doit étre élevé sur l'Avon, près de 


( 288 ) 


Clifion, en Angleterre, d'après les plans de M. Brunel 
fils, 11 


2° Sections — CHINE. 


Thèses de M. Polydore Boullay , de Paris , intitulées, l’une 
de l'Ulmine et de l’Acide azulmique , l’autre Dissertation 
sur le volume des Atomes dans les combinaisous chimiques 
(mentionnées dans Le Précis précédent ). — R. M. Gi- 
rardin , 13 

Expériences sur les moyens de conserver le lait sous diverses 
formes et pour divers usages, faites par M. Girardin, 
d'après celles de M. Braconnot , de Nancy, 1b. 

Cristallisations , produits de végétaux rares et peu connus , 
présentées par M. Girardin , 14 

Notice sur une cendre colorée très alcaline, par M. Dubuc, ib. 

Tmprimée en entier p. 4x1. 
Mémoire sur la falsification de la garance, par M. Dubuc , b. 
Imprimé en entier p. 46. 

Note sur la composition de l’alliage qui forme la cloche d’ar- 
gent renfermée dans le Beffroy de Rouen, par M. J. 
Girardin , ib. 


Imprimée en entier p. 50. 
3e Section. — ARTS INDUSTRIELS , COMMERCE. 
Réflexions de M. Le Prevost, D. M., sur les charrois dans 


les grandes exploitations , les brevets d'invention , et l'em- 
ploi du chlore liquide ou gazeux dans les affections de la 


poitrine , 15 
Réflexions de M. Pimont sur la fabrication des chaux hy- 
drauliques et sur les brevets d'invention , 16 


Mémoire sur les proprièlés tinctoriales et autres du Phyto- 
lacca decandra de Linné, par M. Dubuc, 17 


Imprimé en entier p. 57. 


(289) 
Mémoire sur la navigation de la Seine entre le Havre , Rouen 
et Paris, par M. Lepasquier , 17 


Imprimé en entier p. 82. 


4° Section. — HISTOIRE NATURELLE. 


Notice sur le puceron lanigère, par M. Houtou-Labitlar- 
. dière (VW. note 2, p. 21. ), 18 
Tmprimée en entier p. 89. 
Fragment de pierre calcaire détaché de la côte Saïnte-Cathe- 
rine, et contenant les osselets pétrifiés de la patte d’un 


ichtyosaure présenté par M. A. Le Prevost , 1b. 
Dépôt au cabinet d'histoire naturelle de Rouen des échan- 
tillons minéralogiques et géologiques de M. Passy , 19 


CV. 8e section, STATISTIQUE, p. 291.) 
Recherches sur les plantes cryptogames du nord de la France , 
par M. Desmazières , de Lille (x), ib. 
Note sur un fragment de branche d'arbre , dont le centre pré- 
sente quatre empreintes symétriques , par M. Dubreuil , 20 


Imprimée en entier p. 92. 


5° Section. — AGRICULTURE , SCIENCES ÉCONOMIQUES. 


Divers rapports de MM. Meaume , Prevost ( pépinieriste ), 
Leprevost ( vétérinaire ) et Pimont , sur des ouvrages d’agri- 
culture , 21 

Rapport sur l'ouvrage de M. Gasparin , intitulé : Guide des 
propriétaires de domaines ruraux affermés, par M. 
Dubuc, et vues de ce dernier sur l'établissement d'une 
ferme expérimentale en Normandie , 22 


(1) Monographie du genre næmaspora des auteurs modernes, et 
du genre libertella, etc. ; Observations microscopiques sur le blanc 
du rôsier, etc.; Observations cryplogamiques et zoologiques, etc. 


— 1831. 
37 


( 290 ) 
Rapport de M. Duputel Sur trois ‘cahiers de la Societé 
centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure , 23 
Mémoire sur les abeilles, par M. Lemarchand de la Faverie. 
— R. M. l'abbé Gossier , 24 
Remarques diététiques sur la pomme de terre et le régime vé- 
gétal , par M. l'abbé Gossier , 25 


Ge Section. — MÉDECINE , CHIRURGIE ,; PHYSIOLOGIE. 


Fragment d’une histoire philosophique de la médecine ; par 
M. de Parchappe, D. M. — R MM. Hellis, Vigné et 


Godefroy , 28 
Essai sur la pneumonie aiguë , thèse par M. Duhamel , D.-M. 
— R. M. Godefroy , 29 


Compte rendu par M. Bonfits fils aîné, D.-M., à Nancy , 
d’une opération de staphyloraphie modifiée { V.. le vol. de 
1830, p.29.) — R. M. Vingtrinier , 30 

Le Mémoire de M. Bonfils est imprimé en entier, p. 95, éf 
Le Rapport de M. Vingtrinier se trouve à la suite, p. 104. 

Mémoire sur les malades militaires traités à l'Hôtel-Dieu de 

Rouen , en 1830 , par M. Hellis, 35 
Imprimé en entier p. 120. 

Notice sur une maladie éruptive peu connue, par M. Le 

Prevost, 1b. 
Imprimée en entier p. 107. 
Essai sur l’ame , par M. 'igné, ib. 


Imprimé en entier, p. 113. 
7° Section. — MÉLANGES. 


Rapport de M. Dubuc sur le Précis de l Académie d'Or- 
léans, et de M. A. Le Prevost sur le Recueil de l'Aca- 
démie de Dijon , 32 

Indication des sujets de divers rapports ajournés à l’année 
prochaine : Prospectus d'une école théorique et pratique 
d’horlogerie à Mâcon; Expériences faites avec la semence 


€ 294 ) 
de moutarde blanche, par MI. Henri fils et Garvt ; 
Manuel de l'horloger et Manuel du fabricant d'étoffes im- 
primées et de papiers peints, par M. Lenormand ; Résumé 
d'ichtyologie , par M. Ajasson de Grandsagagne ; Du tem- 
pérament de la femme ; thèse par M. Navet ; Mémoire 
sur l'emploi du sang sèché comme engrais, par M. Ch. 
Derosne ; Mémoire sur le choléra-morbus pestilentiel de 
Russie, et Histoire physique des Antilles françaises , par 


M. Moreau de Jonnès , 33 
Journal de l’Académie de l'industrie, fondé par M. César 
Moreau , ib. 
Liste générale des médecins, chirurgiens , etc. , du départe- 
ment de la Seine-Inferieure , 34 
Recherches sur les substances organiques azotées dites neu- 
tres, par MM. Plisson et Henri fils , ib. 


Traitement des scrophules , nouvelle édition ; par M. Cha- 
ponnier, 1b. 


8° Section. — STATISTIQUE. 


Plan d'une statistique générale du departement de la Seine- 
Inférieure, présenté à M. le préfet (x) par l’Académie royale 
de Rouen , 34. 

(V. Ze volume précédent, p. 35.) 

Géologie de la Seine-Inférieure , par M. A. Passy. Ouvrage 
que l’Académie a couronné en 1829, et dont elle a or- 
donné l'impression , qui touche à sa fin (2), 19, 34, 37 

Prospectus de la Société française de statistique universelle ; et 
prospectus de divers ouvrages statistiques , par M. César 
Moreau. 

Plan manuscrit de statistiqne, par M. Isidore Simard. 


(1) I l'a été en effet, peu de jours après la Séance publique. 
(2) Un beau volume in-4o, avec atlas et carte. Se trouve, à Rouen, 
chez Nicétas Periaux, éditeur; à Paris, chez Lance, libraire, rue 


Croix-des-Petits-Champs, n° 50, 


(292 ) 


PRIX PROPOSÉS POUR 1832. 


Pour la classe des sciences , 39 
Pour la classe des lettres , 158 


MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE À DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION 
EN ENTIER DANS SES ACTES. ( V.p, 297). 


Notice sur une cendrille riche en salin , par M. Dubuc ( V. 

P. 14. ); 41 
Notice sur la garance , par M. Dubuc (F.p. 14.), 46 
Note sur la composition de l’alliuge qui forme la cloche d’ar- 


gent , par M. J. Girardin (V. p. 14.), 5o 
Mémoire sur le phytolacca decandra , par M. Dubuc (F. 
P-17); 57 
Réflexions sur la navigation de la Seine, entre Paris et Rouen, 
par M. Lepasquier ( V.p. 17.), 82 
Notice sur le puceron lanigère, par M. Houtou-Labillar- 
dière ( V. p.18 et21, note 2.), 89 
Notice sur quelques échantillons de bois, par M. Dubreuil 
CMP pr20:)6 92 


Mémoire adressé à l'Académie , par M. Bonfils, médecin à 
Nancy , sous le titre de Staphylodémie, etc. ( 7. 
P-50°); 95 

Rapport sur ce mémoire , 104 

Notice sur une maladie éruptive peu connue, par M. Le 
Prevost , D.-M. (V.p.31.), 107 

Essai sur l'ame , par M. Vigne, D.-M.(V.p. 31.), 113 

Rapport sur les malades militaires , traités à l’'Hétel-Dieu de 


Rouen , en 1830 , par M. Hellis (V. p. 31.), 120 


( 293 ) 
CLASSE DES BELLES-LETTRS ET ARTS. 


Rapport fait par M. N, Bignon , secrétaire perpétuel, v41 
1e Section. — GRAMMAIRE. 


. Tableau des principes de la grammuire française, par M. 4.6. 
Ballin , 1°% et 2° édit. ( La °°° édit. a paru en 1798, sous 
de titre de Resumé general, etc., imprimé sur une seule 
Jeuille de grand-raisin. ), 146 

Trésor de la langue grecque d'Henri Estienne ; prospectus 
d'une nouvelle édition publiée par MM. Hase , de Sinner 
et Fix , 149 

Mémoire sur cette entreprise, par M. Berger de Xivrey. — 
R. M. Floquet, 1b. 

Imprimé en entier p. 243. 
Dissertations sur le participe eu, suivi d'un anfinitif, par 


MM. l'abbé Gossier et le baron Adam , 152 
2® Section. — FLOQUENCE. 


Discours prononcé par M. Juste Houel, lors de son ins- 
tallation , comme président du tribunal civil de Louviers , 
le 27 novembre 1830 , 149 

Discours sur les rapports entre la religion et les sciences , par 
M. L. D. Paumier, pasteur, 197 

Imprimé en entier p.219 

Réflexions sur le tableau demande par l Académie à M. Court, 

par M. Hellis, (médaille décernée à cet artiste. ) 157 


Imprimées en entier, p. 159. 


3° Section. = POËsIE. 


Le Génie, le Combat des Trente, l'Épée et le Cavalier, la 
Mort de Landaiïs et la Mort de Gilles de Bretagne , par 


C 294 ) 
M. Edmond du Petit Bois. — R. MM. Duputel ( rappor- 


teur), Adam et Vingtrinier , 144 
Le banquet d'Esther, fragment de poème , par M. Chartes. 
Malo. — R. M. Deville , 147 
Chants armoricains ou souvenirs de Basse - Bretagne ; par 
M. Boucher de Perthes. — R. M. Magnier , 1b. 
Romances , ballades et légendes , par le méme. — R. MM. 
Deville (rapporteur), Licquet et l'abbé Gossier , ib. 
La Nymphe de la Vistule aux Français, dithyrambe , 
par M. Albert Montémont , 150 
Longi Pastoralia, edition complète, publiée par MM. P. 
L. Courier et Louis de Sinner, (V.p. 260.) 149 
Quatre pièces de vers latins , grecs et allemands à la louange 
de M. Louis de Sinner , 1b. 
Les deux Livres , fable, par M. Duputel, 155 


4° Section. — CRITIQUE LITTÉRAIRE. 


Analyse critique et littéraire de ’Enéïde, par M. L. Magnier. 
— R. M. Licquet , 151 

Classiques latins ( 24 vol.), publiés par M. N. E. Lemaire, 

Discours sur la cause du peu de popularité de notre poesie , 
par M. Magnier , 1b. 


Imprimé en entier p. 198. 
5° Section. — LÉGISLATION. 


Pétition présentée aux Chambres , relativement à l'application 
de la peine de mort , par M. Tougard. 

Rapport sur la demande de la reconnaissance légale de la 
Société libre d’émulation de Rouen | par M. Tougard. 

Opinion de M. Cristophe (x) , vigneron , sur les prohibitions 
et la liberté du commerce, par M. Boucher de Perthes. — 


{1) L'auteur écrit ainsi, 


( 295 ) 
R. MM. Deville (rapporteur), Licquet et l'abbé Gos- 
sier , 146 
Vœux adresses au futur congrès, et avis préliminaire , etc. , 


par M. J.-J. de Sellon. — R. M. Delaquerière , 143 


6° Section. — HIsroirE. 


‘ Apologie pour Henri VIII , roi d’ Angleterre , par M. Spencer 
Smitt. = R. M. Lévy, 148 
Histoire des colonies pénales de l’ Angleterre dans l’Austra- 
lie, par M. Ernest de Blosseville. — R. M. Duputel, 
150 
Essai historique , géographique et statistique sur le royaume 
des Pays-Bas, par MM. Balbi et de la Roquette. — R. 
M. Ballin, 146 
Mémoire sur la portion de territoire concédée à Rollon par 
le traité de Saint-Clair-sur-Epte , par M. Deville, 353 
Déclaration de M. Th. Licquet à ce sujet , 154 
Recherches sur l'ancien pont de Rouen , par M. Deville, 154 
Imprimées en entier p. 166. 
Lettre à M. Alavoine, sur l’ancienne flèche de la cathédrale 


de Rouen, par M. Deville, 155 


Imprimée en enfier, p. 174. 
7° Section. — ARCHÉOLOGIE, 


Cours d'’antiquités monumentales ; €. x, 1°® partie. — 

Ëre celtique , par M. de Caumont. — R. M. Deville, 145 

Notice sur la découverte des restes d'une habitation romaine 
dans la Mielle de Cherbourg, par M. Auguste Asselin. — 
R. M. Delaquérière. 

Recherches sur le cuir doré , anciennement appele or basané , 
par M. Delaquérière. 

Mélanges d’archeologie , etc., prospectus, par M. Séë. 
Bottin. 


( 296 ) 
8° Section. — GÉOGRAPHIE. 


Géographie de Ptolémée d'Alexandrie, par N. D. Manos , 
nouvelle édition , prospectus , 149 


9° Section. — BIOGRAPHIE, 


Biographie d'Abbeville et de ses environs, par M. F. C. 
Louandre. — R. M. Licquet. 


10° Section. — BIBLIOGRAPHIE. 


Catalogue de la bibliothèque de la ville de Rouen , 1. 1°; 
Belles-Lettres , par M. Théod. Licquet. 

Catalogue des livres doubles de la bibliothèque de la ville de 
Lyon. 

Paquet de cartes pour servir de catalogue au Précis analy- 
tique des travaux de l'Académie, vol. de 1830 , par M. 
Periaux , père, 150 

Notice bibliographique sur la tragédie de Tyr et Sidon, de 
Daniel Danchères , par M. Duputel , 155 


sa Section. — MÉLANGES. 


Examen de la doctrine des écritures touchant la personne 
de Jésus-Christ, etc., par M. De Luc. 

Discours prononcé au mariage de M. le vicomte Portalis. — 
Article Schisme , extrait de l'Encyclopédie moderne. — 
Lettre à M. le curé de... — Gloria in excelsis Deo. 
— De la béatification et de la canonisation.— Préface... 
Six Opuscules , par M. l'abbé Labouderie. — R. M. l'abbé 


Gossier , 147 
Méditation sur les cimetières, par M. le baron de Bonardi, 49 
Rapport de M. Ballin sur les archives , 150 


Buste en plâtre de M. Brunel, donné par M, l'abbé Gos- 


sier , 1b, 


(297 ) 


MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION 
EN ENTIER DANS SES ACTES (V. p, 292). 


Réflexions sur le tableau demandé par l’Académie à M. Court, 


par M. Hellis (V. p.157), 159 
Recherches sur l'ancien pont de Rouen, par M. Deville 
(CF. p.154), 166 


Lettre adressée à M. Alavoine , architecte de la nouvelle flèche 
en fonte de fer de la cathédrale de Rouen , sur la flèche de 
Robert Becquet, par M. À. Deville (V. p. 155), 174 

Sur la cause du peu de popularité de notre poésie ; discours de 


réception de M. Magnier (V. p.151), 196 
Réponse de M. le Président , 211 
Notice bibliographique sur la tragédie de Tyr et Sidon, par 

M. Duputel (V. p. 155), 212 


Sur les rapports entre la religion et les sciences, et Les services 
mutuels qu elles se sont rendus; discours de réceplion de 
M. L.-D. Paumier , pasteur (V.p. 153), 219 

Réponse de M. le Président, 241 

Memoire adrèssé à l’Academie sur la nouvelle édition du 
Trésor de la Langue grecque de Henri Estienne, que 
publie en ce moment M. Firmin Didot; par M. Berger de 


Xivrey (V. p. 149), 243 
Tableau de l’Académie royale des sciences, belles-lettres 
et arts de Rouen , pour l’année 1831—1832, 267 


38 


( 298 ) 


OUVRAGES 
ENVOYÉS PAR DES SOCIÉTÉS SAVANTES, 


ET OUVRAGES PÉRIODIQUES, 


Classés suivant l'ordre ulphabétique du nom de la Ville où 


ils sont publies. 


Besançon. Académie des sciences , belles- lettres et arts, 
Séance publique de 1830. — R. M. Blanche. — Plusieurs 
anciens cahiers pour compléter, en partie, la collection de 
l'Académie. — La Société d'agriculture et arts du départe- 
ment du Doubs a aussi fait un semblable envor. 

Bordeaux. Académie des sciences, belles-lettres et arts, 
Programme. 

Boulogne-sur-Mer. Société d'agriculture. Procès-verbal de 
la Séance publique de 1830. — R. M. Licquet. 

Caen. Revue normande , publiée sous la direction de M. de 
Caumont ; 1° vol., 1'° et 2° partie, 1830 et 1831. — R. 
M. Auguste Le Prevost, 145 

— Société royale d'agriculture et de commerce. Plusieurs 
volumes et brochures pour compléter la collection de 


l'Academie. 


(299 ) 

Châlons - sur - Marne. Société d'agriculture , commerce, 
sciences et arts du département de la Marne. Programme. 
— Séance publique de 1830. — R. M, Dubuc. 

Douai. Societé royale et centrale d'agriculture, sciences et 
arts du département du Nord. Deux anciens cahiers pour 
completer la collection de L Académie. 

Draguignan. Societé d'agriculture et du commerce du dépar- 

‘ tement du Var. Bulletin n° 34, 12° année , 1831. 

Evreux. Societé d'agriculture , sciences , arts et helles-lettres 
du département de l'Eure. Recueil n° 4, 1830; n% 5 
et 6, 1831. — R. MM. Floquet et Houtou-Labillardière. 
— Plusieurs volumes d'anciennes publications qui man- 
quaient aux archives de l Académie. 

Lille. Societé royale et centrale d'agriculture , sciences et arts 
du département du Nord. Mémoires de 1829 et 1830. — 
R. M. Girardin. 

Limoges. Société royale d'agriculture , sciences et arts. Bulle- 
tins n® 3 et 4, t. 9. — R. M. Delaguérière. 

Montauban. Société des sciences , agriculture et belles-lettres 
du departement de Tarn-et-Garonne. Recueil agronomique, 
ni graoanles à +: sr Son zx 23, 446, 
1.12, 1831. — R. MM. Pimont, Leprevost ( trésorier ) 
et Deville. « ” 

Mulhausen. Societé industrielle. Programme des prix propo- 
sés. — Prospectus de la statistique générale du département 
du Haut-Rhin. 

Nantes. Société académique. Annales, 4°, 5° et G° livr. di 
1 vol. — R. MM. Girardin et Duputel. 

Orléans. Société royale des sciences, belles-lettres et arts. 
Annales , t. xx, n° x et 2 ( avec 5 lithographies), 1830. 
— À. MM. Dubuc et Floquet. 

Paris. Société d'encouragement pour l'industrie nationale. 
Trois cahiers de programmes des prix proposés le 29 de- 
cembre 1830. — R. M. Lévy. 

— Sociélé royale et centrale d'agriculture. Mémoires de l'an- 


( 300 ) 
née 1828,t.1et2. — R. M. Dubuc. — Rapport sur le 
concours ouvert pour le percement des puits forés, fait 
à la même Societé par M. le vicomte de Thury. — R. 
M. Dubuc. 

— Société de géographie. Bulletins n° 93 à 97 dut. 15, 
1831. — À. MM. Lévy, Du KRouzeau et Magnier. 

— Académie de l'industrie agricole , manufacturière et com- 
merciale, fondée par M. César Moreau. Circulaire et jour- 
nal, n° 1 à 8. 

Poitiers. Societé d'agriculture , belles- lettres , sciences et 
arts. Bulletins n°% 29 et 30 de la x'° partie; 5 et 6 
de la 2°, 1830. — R. M. Dubreuil. 

Rouen. Société centrale d'agriculture du département de la 
Seine-Inférieure. Cahiers 37, 38 et 39, 1830. — R. 
MM. Duputel et Meaume. — Plusieurs anciens cahiers 
pour compléter la collection de l’Académie. 

— Societé libre d’émulation. Séance publique du 6 juin 1830. 
— À. M. Foville. — Plusieurs anciens cahiers pour com- 
pléter la collection de l Académie. 

— Société pour l’encouragement de l'instruction élémentaire 
par l’enseignement mutuel, dans le département de la 
Seine-Inférieure. Distribution des prix , le 24 août 1830. 

Saint-Etienne (Loire). Société d’agriculture, sciences , 
arts et commerce. Bulletin industriel, t. 8, 6°, 7°, 8e 
etvgt Lw., 183054 9, 2°. et3% Go. x03r. — R. 
MM. Pimont et Auguste Le Prevost. 

Saint-Quentin. Société des sciences, arts, belles-lettres et 
agriculture. Séances publiques des 21 décembre 1826, 3 jan- 
vier 1828 et 16 juillet 1829.— R. M. Pimont. — Plu- 
sieurs anciens cahiers pour complcter la collection de l’Aca- 
demie. 

Tours. Societé d'agriculture , de sciences, d'arts et de belles- 
lettres du département d’'Indre-et-Loire. Annales d’agri- 
culture, t.10,n%4et5, 1830;t.11,n% 1,2, 3,4 et 
5, 1831, — R. MM. Dubuc et Leprevost (trésorier ), 


me or am 


re 


( 301 ) 


Versailles. Société d'agriculture et des arts de Seine-et- 
Oise. Mémoires, 30° et 31° année. — R. M. Leprevost 


(trésorier). — Plusieurs anciens cahiers pour compléter 
la collection de l’Académie. 


PAys ÉTRANGERS. 


Copenhague. Société des antiquaires du Nord. Extrait de 
‘ son règlement. 


Fix DE LA TABLE. 


Omission dans la Liste des Sociétés correspondantes. 


Le Mans. Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts, 


AVIS AU RELIEUR. 


ee 


Les Planches doivent être placées dans l'ordre suivant : 


Cloche du Beffroi de Rouen, ...........er regard de la page 51 
Troncons de Marronnier, etc.,........... sootbtée roses. 0 


Tableau de M: Court, .............. PC CNADE ere X00 


P. 33, ligne 17, 


35, 14; 
753 110 
106, Gi 


109, dernière, 


159, à partir de la ligne 14, &l faut Lire : I] a dignement répondu 
à votre appel, et vous avez pu vous convaincre à loisir du charme et 
de l'éclat qu'il a su répandre sur une composition qui en paraissait si 
peu susceptible. Lorsqu'on songe au lieu de la scène qui lui était 
imposée , aux difficultés qui naissaient, et de la forme du costume et 


ERRAT A. 


au lieu de ictiologie, Lisez : ichtyologie: 
après terre, aj. : natale. 

au Lieu de la lavande, Lisez : la vaude. 

au lieu de quelque soit, lisez : quel que soit. 


au lieu de où il vivait, Lisez : où ils vivaient, 


de la vérité obligée des personnages, on fieut s'étonner, etc. 


REP F k * L 
: « en! 
, : : «“ ' Ê Fake 


1 


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