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Full text of "Precis Analytique des Travaux de l'Academie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen"

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PRECIS ANALYTIQUE 
DES TRAVAUX 
L'ACADÉMIE ROYALE 
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS 
DE ROUEN. 


PENDANT L'ANNÉE 1847. 


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PRECIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 


L'ACADÉMIE ROYALE 
DES SCIENCES . BELLES-LETTRES ET ARTS 
DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE Î847. 


ROUEN, 


IMPRIMÉ CHEZ ALFRED PÉRON, 


RUE DE LA VICOMTE, 55. 


1847. 


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PRÉCIS ANALYTIQUE 
DES TRAVAUX 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE 


Des Sciences, Belles-Lettres et Arts 


DE ROUEN, 


PENDANT L'ANNÉE 1847. 
Se 
DISCOURS D'OUVERTURE 


De La Séance publique du 9 Aoùt 1847, 


Prononcé par M. l'Abbé PICARD, Président. 


MESSIEURS , 


Lorsque de vieux et solides amis voient arriver le mo- 
ment qui, ne fûüt-ce que pour un temps, doit les sépa- 
rer les uns des autres, un sentiment impérieux s'empare 
de leurs ames et semble en bannir toute autre pensée. 
Ramassant, comme en un faisceau , tous les souvenirs qui 
se rattachent à leur longue et cordiale intimité, en même 
temps qu'ils en savourent les douceurs avec plus de délices 
que jamais , il leur semble que tout cela va leur manquer 

{ 


3 ACADÉMIE DE ROUEN. 


à la fois, et le vide qui s'ouvre devant eux, ils ne l'envi- 
sagent qu'avec une sorte d’effroi, une indéfinissable préoc- 
cupation. 


Aujourd'hui, Messieurs , j'éprouve quelque chose de 
semblable au milieu de vous. Cette réunion plus solennelle 
que toutes les autres, et que viennent honorer de leur 
présence les hommes éminents de la cité, c’est aussi la 
dernière des séances que nous aurons tenues cette année. 
Pendant plusieurs mois , il ne sera plus donné aux mem- 
bres de cette Académie de se réunir régulièrement à des 
Jours marqués, de mettre en commun le fruit de leurs tra- 
vaux et de leurs recherches, d'échanger entre eux ces 
témoignages de confiance, d'affection , de cordialité qui 
répandent un charme si puissant sur leurs réunions scienti- 
fiques et littéraires. Plus que tout autre , Messieurs , je dois 
ressentir cette privation, parce que personne plus que 
moi n'avait à profiter de cet utile et agréable commerce. 
Vous ne serez donc pas surpris que, tout entier à cette 
pensée, dans le peu de mots que je dois vous adresser 
aujourd'hui selon l'usage, je m'attache tout particulière- 
ment à retracer les caractères, à faire ressortir les avanta- 
ges de l'amitié littéraire et intellectuelle. J'ai dù, Messieurs, 
ne pas entreprendre un sujet plus vaste et plus relevé. II 
y aurait présomption de ma part à affecter le langage de 
l'érudition et de la science. Il me convient tout au plus de 
parler celui du cœur. Ses exigences sont moins sévères et 
ce sera pour moi un moyen de plus de me concilier votre 
indulgence. 


De tout temps, on a cherché à pénétrer les mystères de 
l'amitié. C'est un sentiment si doux pour chacun en parti 
culer, si précieux pour la Société tout entière, que les 
esprits profonds et méditatifs n’ont pu manquer d'en faire 
l'objet de leurs réflexions et de leurs recherches. Tout le 


DISCOURS D'OUVERTURE. 5 


monde connait la haute idée qu'avait conçue de l'amitié le 
divin Platon, ce génie supérieur qui sonda si profondé- 
ment les secrets de l'ame et de la pensée , etiln'est, non 
plus , personne d’entre vous , Messieurs, qui n'ait lu et 
relu avec délices le traité composé sur cette matière par 
l'homme à jamais illustre que Rome proclama tout à la fois 
le prince de ses orateurs et de ses philosophes. 


Mais, comme il arrive toujours dans ces sortes de re- 
cherches, chacun a jugé de l'amitié selon le système de 
philosophie qu'il avait précédemment adopté, et de là sont 
venus les diflérenis aspects sous lesquels elle s'est pré- 
sentée à ceux qui ont voulu l'étudier à fond, et se former 
une juste idée de ses motifs et de ses principes. 


La philosophie sensualiste n'a vu dans l'amitié qu'un 
calcul d'intérêt personnel. Pour elle, ce qui lie les hom- 
mes, c'est uniquement le besoin qu'ils ont les uns des au- 
tres, et leur amitié s'accroît, elle prend plus d'intensité, 
si Je puis m'exprimer de la sorte, à mesure qu'ils espèrent 
mutuellement pouvoir se rendre de plus importants ser- 
vices. 


Plus pure et plus désintéressée , la philosophie idéaliste 
a conçu aussi de l'amitié une idée plus noble et plus re- 
levée. Elle en place le principe dans la sympathie qui se 
manifeste invinciblement entre les esprits, lorsqu'ils se 
trouvent avoir les mêmes vues, les mêmes affections, les 
mêmes désirs. Plus cette conformité de vues et de pensées 
est parfaite, plus aussi l'amitié qui les unit devient intime 
et indissoluble. 


Enfin, des ames plus grandes encore ont conçude l'amitié 
une plus grande idée. Il leur semble que c'est trop re- 
trécir ce noble sentiment que de le faire seulement consister 


4 ACADÉMIE DE ROUEN. 


dans ces jouissances intellectuelles, d’ailleurs si pures, 
mais enfin qui se réduisent toujours à la satisfaction per- 
sonnelle. Pour ces ames généreuses , il faut à la vraie 
amitié un but plus vaste, plus désintéressé , plus universel. 
Pour elles, l'amitié c’est l'union intime de plusieurs vo- 
lontés qui se combinent ensemble pour opérer le bien. 
Elles se savent gré mutuellement de leurs efforts communs, 
elles se réjouissent réciproquement de leurs succès, et c'est 
là que se trouve le lien de leur amitié, c'est là ce qui en 
produit tous les charmes , toutes les délices. 


Il n'entre pas dans mon dessein, Messieurs , de discuter 
ici le mérite respectif de ces explications philosophiques. 
S'il en est une qui doive être préférée, votre choix , j'en 
suis sûr, est déjà arrêté d'avance. L'amitié qui vous 
paraît surtout digne de vos hommages, c'est celle qui, 
dans son principe et dans ses motifs, se montre la plus 
généreuse , la plus dégagée des étroites préoccupations 
de l'égoisme. 


Mais , sans entrer dans ces discussions , sans rien pré— 
juger sur ces théories, je crois pouvoir avancer que l'amitié 
littéraire et intellectuelle réalise tout ce qu'il y a de grand 
et de noble dans ces opinions diverses, et, après la cha- 
rité chrétienne avec laquelle d’ailleurs elle se confond, 
lorsque la religion vient l'ennoblir et la consacrer , je ne 
vois pas de sentiment humain plus propre à en remplir 


toutes les exigences. 


D'abord, elle a pour mobile, si vous le voulez, l'intérêt 
particulier, mais un intérêt bien plus pur, bien plus relevé 
que celui qui forme les autres associations humaines. Ces 
hommes de lettres , ces hommes de science qui se réunis- 
sent, qui se recherchent les uns les autres, quel but 


DISCOURS D'OUVERTURE. ù 


croyez-vous qu'ils se proposent, lors mème qu'ils n'envi- 
sageraient que leur intérêt personnel ? Ce qu'ils veulent se 
procurer , est-ce l'argent ? est-ce la fortune ? est-ce seule- 
ment le bien-être physique, l'unique ambition des ames 
vulgaires? Non , Messieurs, une pensée plus digne domine 
dans ces ames pour lesquelles l'esprit vaut infiniment mieux 
que la matière. Ce qu'elles se proposent, c’est de s'éclairer, 
de s’instruire de plus en plus , c'est d'ajouter à la somme des 
connaissances qu'elles ont déjà acquises par elles-mêmes, 
des connaissances plus abondantes encore, fruit du travail 
des autres intelligences avec lesquelles il leur est donné 
d'entretenir un commerce intime et familier. Voilà, Mes- 
sieurs, une des sources principales de cette attraction mu- 
tuelle des esprits qui cherchent ainsi à se compléter les uns 
les autres ; et de même que dans la Société matérielle , 
tous ont besoin de tous, de même aussi, dans la Société 
des intelligences, chacun sent que, pour la réalisation de 
ses propres désirs , il ne suflit pas de ses seuls efforts, mais 
qu'il lui faut encore le concours des autres. 


C'est là , Messieurs , la base , la raison de ce qu'on à si 
bien nommé le commerce des sciences et des lettres. 


Et, chose bien remarquable, ce sont précisément les 
esprits supérieurs qui ressentent plus vivement, qui 
avouent avec plus de franchise ce besoin d'autrui. La mé- 
diocrité ne voit d'ordinaire rien autre chose que ce qu’elle 
croit posséder ; sur tout le reste, elle se montre trop sou- 
vent jalouse, dédaigneuse ; le vrai mérite, jamais. Son ca- 
ractère le plus marqué, c'est une indulgence toute bien- 
veillante. II ne rougit pas de recevoir de celui qui a bien 
moins que lui. I fait peu d'attention à ce que présentent 
d'imparfait les productions de ceux qui sont loin de l'égaler 


6 ACADÉMIE DE ROUEN. 


en pénétration et en génie, et ne leur sait pas moins gré de 
lui avoir suggéré quelquefois des pensées utiles. L'ignorant 
foule aux pieds avec dédain le sable répandu sur les rives 
de certains fleuves ; le savant l'examine, l'analyse avec at- 
tention, et bientôt il en extrait des parcelles d’or, et, de 
ces parcelles d'or, il compose des objets précieux où 
le mérite de l'art le dispute avec succès à la valeur de la 
matière. 


Considérée sous ce premier point de vue, l'amitié intel- 
lectuelle se montre déjà assez recommandable. Elle peut 
déjà, à plus d'un titre, se poser en face des autres af- 
fections humaines et leur disputer la prééminence. Cepen- 
dant, nous n'avons considéré encore qu'en partie et ses 
avantages et ses douceurs. En se liant avec ceux dont le 
commerce peut leur être si utile, les hommes voués aux 
lettres et aux sciences ne se proposent pas seulement de 
tirer profit de leurs connaissances, mais encore ils y trou- 
vent une occasion précieuse de satisfaire une noble passion 
qui les anime , passion impérieuse, qui , si elle ne trouvait 
enfin à se reposer sur son objet, ferait à jamais le tour- 
ment de leur vie. 


Il est, Messieurs, un sentiment commun à toutes les 
ames qui ont su conserver leur propre dignité, et ne pas 
déchoir de la haute position où Dieu les a placées. Ce senti- 
ment, c'est l'amour du beau et du vrai, et, par cela même, 
de l’utile, qui, bien entendu, n’est autre chose que le beau 
et le vrai combinés ensemble. 


Donnez-moi un homme vraiment homme, vraiment 
philosophe, et vous verrez, qu’en lui, cette pensée domine 
toutes les autres. Non seulement il aime le beau et le vrai 
pour son propre compte , mais encore , ce même amour , 
il veut le trouver dans les autres , et tout ce qui ne le pos- 


DISCOURS D'OUVERTURE. ri 


sède pas, tout ce qui ne le réalise pas, a pour lui quelque 
chose qui le heurte, qui le choque , de même qu'un ton faux 
et discordant blesse l'oreille de l'habile musicien qui s’est 
fait de l'harmonie comme une nécessité vitale. Au milieu des 
préoccupations matérielles qui n’influent que trop souvent 
sur notre civilisation moderne, et semblent labsorber 
presque tout entière, l'homme de goût, l'homme de génie 
a souvent à souffrir. Il voit la grande masse du genre 
humain toute livrée aux choses de la matière ; 11 la voit 
indifférente, souvent même dédaigneuse et méprisante 
pour les pures et sublimes conceptions de la pensée, et, 
lui cependant, c'est là seulement ce qu'il estime , ce qu'il 
apprécie. C'est là seulement ce qu'il regarde comme digne 
d'être le dernier but de l’activité humaine. A quel triste 
isolement, à quel pénible silence ne se trouve-t-il donc pas 
condamné ? Jugez-en par vous-mêmes, Messieurs , vous 
que consume cette flamme presque divine du génie. Au 
sein même de toutes les jouissances matérielles, seriez- 
vous heureux si vous ne pouviez épancher au dehors les 
nobles sentiments qui affluent dans vos ames; si vous ne 
rencontriez personne pour vous écouter , pour vous COM— 
prendre ; si vous n’aviez pas quelqu'un à qui vous puissiez 
dire dans un moment d'enthousiasme : O que cela est beau! 
O que cela est vrai ! et si vous ne l’entendiez pas répondre 
à vos acclamations par des acclamations semblables? 


Cet écho, cette délicieuse sympathie, on les trouve 
surtout dans les sociétés intellectuelles où viennent se 
réunir à l'envi les vrais amateurs des sciences et des lettres. 
Sans doute, parmi les membres divers qui les composent, 
chacun peut suivre une route différente dans le vaste do- 
maine de l'intelligence. Les uns s'adonnent plus particu- 
lièrement aux sciences , les autres aux arts, les autres aux 
lettres ; mais tous, ils recherchent la même chose , le beau 


8 ACADÉMIE DE ROUEN. 


et le vrai, et lorsqu'ils sont parvenus au terme de leurs 
efforts, ils ne peuvent contenir leur joie, il faut qu'ils la 
fassent éclater autour d'eux ; il leur faut des amis qui sym- 
pathisent avec les profondes convictions dont ils sont 
pénétrés eux-mêmes. Aussi, lorsque, de temps en temps, 
dans les sociétés savantes auxquelles ils appartiennent, ils 
viennent faire part à leurs confrères du fruit de leurs tra 
vaux et de leurs études, ce qu'ils recherchent , ce ne sont 
pas de vains applaudissements, de stériles félicitations. Ils 
croient d'autant moins les mériter qu'ils en sont plus 
dignes. Mais les sentiments délicieux qu'ils ont éprouvés , 
ils veulent les faire goûter à ceux qui les entourent, et, de 
leur part, ces communications sont, par dessus tout, 
l'expression et l'aliment de la sincère amitié qui les lie. 


Ai-je tout dit, Messieurs, pour bien retracer les carac- 
tères de cette amitié qui déjà se montre à vous si belle et 
si pure? Non, sans doute , et ici, plus d'une ame géné- 
reuse, si je n’ajoutais pas quelques traits au tableau, me 
reprocherait d'être resté bien au-dessous de la matière, Un 
champ plus vaste encore s'ouvre devant ceux que pénètre 
ce sentiment sublime. 


On a dit autrefois, et avec raison, du vrai orateur, que 
c'est, avant tout , un homme de bien, habile à communi- 
quer aux autres, par la parole, les sentiments justes et 
droits dont il est rempli lui-même. Cette définition, je 
l’appliquerais aussi volontiers au vrai savant, au vrai litté- 
rateur, lorsqu'en eux, rien ne vient altérer et obscurcir 
les qualités qui leur donnent droit à ces titres. 


Ce sont aussi des hommes de bien, des hommes qui 
veulent le bien , et ils le veulent non seulement pour eux- 
mêmes , et pour ceux avec qui ils ont déjà formé des liens 
de confraternité, mais ils le veulent aussi pour tous. Les 


DISCOURS D'OUVERTURE. 9 


connaissances qu'ils ont acquises, ils n’ont rien plus à 
cœur que de les répandre. Ils voudraient voir les masses 
elles-mêmes y participer, du moins dans une certaine pro- 
portion, et en recueillir les avantages pratiques, et la com- 
munauté de leurs efforts pour atteindre ce but éminem- 
ment désirable, n’est pas ce qui contribue le moins à rendre 
plus étroite encore et plus intime l'amitié qui les attache 
les uns aux autres. 


C’est une sainte et noble passion, Messieurs, que celle 
de faire le bien. C’est elle qui inspire les grands dévoue- 
ments, les grands sacrifices. Elle ajoute un prix tout par- 
ticulier aux avantages dont il nous est donné de jouir en 
ce monde , ou plutôt, elle seule en fait tout le prix pour 
les ames d'élite. Pour celui qu'anime ce sentiment , qui 
touche de si près à la Charité chrétienne, que sont les 
richesses matérielles, s'il ne peut s’en servir pour soulager 
ses semblables? Que sont les trésors de l'intelligence , si 
lui seul doit les posséder , ou s'ils ne sont réservés qu'à un 
petit nombre de privilégiés? Plus il apprécie ces biens , 
plus il en désire la diffusion autour de lui; il n'a pas de 
repos, pas de tranquillité d'esprit qu'il ne voie ceux qui 
l'entourent participer, du moins en quelque chose, à son 
abondance. 


Mais quelque riche qu'il soit, que peut l’homme isolé 
pour le bien matériel et intellectuel de ses semblables? 
Il peut, tout au plus, faire tomber une goutte d'eau, là 
où, pour remplir le vide qui existe, il faudrait un océan 
immense, et cette goutte d’eau, si d'autres en grand nom- 
bre ne viennent s’y joindre, on la verra bientôt s'évaporer, 
se dessécher et disparaître. Que fera-t-il alors? Découragé 
par son impuissance individuelle, se condamnera-t-il à 
une stérile et désolante inaction ? Non, Messieurs, mais il 
portera ses regards autour de lui. I se dira : je ne puis. 


10 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ilest vrai, que bien peu par moi-même, mais il en est 
beaucoup qui peuvent autant que moi, plus que moi. Réu- 
nissons nos efforts, mettons en commun nos ressources , 
et alors une foule de difficultés s'aplaniront sous nos pas, 
et nous ferons, tous ensemble, ce dont, isolés les uns des 
autres, nous n’eussions jamais osé concevoir la pensée. 


Les fruits de cette association d'efforts, souvent , Mes- 
sieurs , vous les avez vus se réaliser sous vos yeux, lors- 
qu'il s'agissait de soulager la misère matérielle des masses. 
Par là, on a opéré de véritables prodiges, surtout à cette 
époque même où nous nous trouvons, en cette année si 
pénible et si désastreuse. D'abord chacun avait été frappé 
comme de stupeur, en mesurant d'un premier coup d'œil 
la profondeur de l’abime. On se disait : non, il ne sera 
jamais possible de satisfaire à tant de besoins, de soulager 
tant de misères ! Mais bientôt, on s’est réuni, on s’est con- 
certé, on a confondu ensemble de mutuels efforts ; et qu’en 
est-il résulté? C’est que, non seulement on a fait un grand 
bien, mais encore une sympathie toute nouvelle s’est éta- 
blie entre ceux qui venaient y coopérer, chacun pour leur 
part, et bien des amitiés pures et généreuses , des amitiés 
fondées sur la conscience d’avoir fait ensemble le bien, 
sont nées de ce touchant concours de toutes les classes, 
de toutes les opinions, pour venir au secours de ceux qui 
souffrent. 


Or, quelque chose de semblable se passe dans l'ordre 
des intelligences. Celui qui s’est voué sincèrement à la 
culture des sciences et des lettres, celui qui sait en appré- 
cier les immenses avantages, ne veut pas que ces avan- 
tages ne soient que pour lui et ses amis. Il gémit amère- 
ment à la vue de l’apathie qu'il voit trop souvent régner 
autour de lui par rapport à tout ce qui s'élève au dessus 


DISCOURS D'OUVERTURE. {i 


des sens et de la routine. Il sait que les peuples ne vivent 
pas seulement d'un pain matériel, mais qu'il leur faut 
encore l'aliment de l'ame. Il sait que, même à leur insu, 
les multitudes les plus ignorantes profitent toujours des 
lumières dont le foyer est religieusement entretenu dans 
leur sein. C’est donc pour lui une œuvre bonne et pré- 
cieuse par excellence, que de se consacrer à la conserva- 
tion et à la diffusion des doctrines utiles à la société hu- 
maine. C'est à ce but qu'il rapporte tous ses soins, tous 
ses travaux, toutes ses veilles ; et lorsque , près de se 
décourager peut-être en pensant au peu qu'il pourrait faire 
par lui-même, il trouve des hommes en grand nombre, 
consumés du même feu que lui, animés des mêmes inten- 
tions bienveillantes, lorsqu'il est appelé par eux à venir 
leur fournir sa part de coopération et de zèle, c’est alors 
que son ame se dilate, qu'elle est enivrée de la joie la plus 
délicieuse. Ce sont de nouveaux amis qu'il vient d'acqué- 
rir. Il leur sait gré du bien qu'ils veulent opérer avec lui- 
même, et le sentiment qui l’attache à eux participe tout 
à la fois et des douceurs de l'amitié et de l’ardeur de la 
reconnaissance. 


Ceci, Messieurs, nous explique une sorte de phénomène 
moral que nous ont présenté les siècles passés et dont 
nous aimons encore à recueillir les précieux avantages. 
Des hommes avaient quitté tout pour se donner à Dieu 
seul; ils avaient dit un éternel adieu au monde; ils vou- 
laient ne s'occuper que des pensées sérieuses de l'éternité. 
Il semblait donc que, désormais , ils dussent rester tout à 
fait étrangers au mouvement des sciences humaines, ou- 
blier entièrement le monde qui passe, pour ne s'occuper 
que de celui qui ne finit pas. Cependant on les a vus bien 
tôt se livrer à des distractions qui, au premier aspect, pa- 
raissaient peu en rapport avec la vie humble et silencieuse 


12 ACADÉMIE DE ROUEN. 


qu'ils avaient embrassée, Aux pratiques pieuses du cloitre, 
ils ont joint l'étude approfondie des sciences humaines. 
Philosophie, littérature, histoire, critique, beaux-arts, 
sciences exactes et industrielles, rien ne leur a été étran- 
ger, et grâce à l’inaltérable patience qui brillait au nombre 
de leurs plus belles vertus, grâce à des travaux assidus 
qui absorbaient la vie tout entière, non pas seulement 
d'un seul homme, mais de plusieurs hommes, ils ont 
amassé dans l’ordre intellectuel des trésors immenses, aux- 
quels viennent puiser tous les jours après eux , ceux qui 
ont hérité de leur ardent amour pour les sciences et les 
lettres. 


Des hommes éminents en savoir et en sainteté diri- 
geaient ces illustres enfants du cloître. Ils avaient avant 
tout pour but de leur faire conserver l’esprit de leur état , 
de les préserver des séductions et des préoccupations mon- 
daines. Les ont-ils cependant détournés de ces études, de 
ces recherches scientifiques et littéraires ? Bien loin de là, 
Messieurs, ils les ont encouragés au contraire ; souvent ils 
leur en ont fait une obligation consciencieuse. Pourquoi ? 
Parce qu'ils savaient que c’était un moyen précieux de ren- 
dre à la société d'immenses services , et, en échange des 
biens temporels qu'ils en avaient reçus , de lui offrir des 
biens d’un ordre tout à fait supérieur , les biens de l’intel- 
ligence et de la pensée. 


Et un autre avantage est venu, comme par surcroît , se 
Joindre à ce premier résultat. En même temps qu'ils ont 
fait le bien pour les autres, ils l'ont fait aussi pour eux- 
mêmes. Par cette heureuse communauté d'efforts, de sa- 
crifices et de dévouements pour se rendre utiles, ils ont 
senti se resserrer encore davantage les liens de fraternité 
qui déjà les unissaient devant Dieu et devant les hommes, 


DISCOURS D'OUVERTURE. 13 


et, on l'a remarqué dans tous les temps, les congrégations 
religieuses qui ont le mieux conservé l'esprit de leur voca- 
tion, c'est-à-dire l'esprit de paix, de charité, de bienveil- 
lance, ce sont précisément celles qui se sont livrées avec 
le plus d'ardeur à l'étude des sciences et des lettres. 


Ce sentiment , Messieurs , ne s’est pas perdu au milieu 
de nous. Il a survécu à la ruine de ces savantes congréga- 
tions auxquelles maintenant , plus que jamais, on s'ac- 
corde à rendre justice. Partout encore, il se trouve des 
hommes de cœur et de génie qui se recherchent les uns 
les autres, afin de se livrer ensemble aux travaux de l’intel- 
ligence , et les rapports qui s'établissent entre eux, sont, 
par la nature du but qu'ils se proposent , pleins de dou- 
ceur , de cordialité et de confiance. 


Voilà l'origine de ces associations intellectuelles, de 
ces Académies qui se multiplient tous les jours sous nos 
yeux ; voilà aussi ce qui en forme le lien principal, ce qui 
les rend solides et durables. Elles sont donc un bien, un 
véritable bien, non-seulement pour les membres qui les 
composent, mais encore pour la société tout entière. 
Puisse cet esprit s'étendre , se propager de plus en plus! 
Ce sera une précieuse compensation à l'esprit d'intérêt et 
d'égoisme qu'on reproche si souvent, peut-être même trop 
souvent , à notre siècle. 


Messieurs , il ne m'appartient pas de faire l'éloge du 
corps savant que j'ai l'honneur de présider aujourd'hui 
pour la dernière fois. Dans ma bouche, cependant, cet 
éloge serait moins suspect que dans toute autre, puisque 
je n'aurais rien à en revendiquer pour moi-même. Mais 
qu'il me soit permis de le dire ici en finissant, cette 


1 ACADÉMIE DE ROUEN. 


amitié , cette confraternité littéraires que je viens de dé- 
crire , bien imparfaitement sans doute , je les ai constam- 
ment trouvées parmi mes confrères ; et si j'ai la confusion 
de les représenter si mal au milieu de cette Assemblée , je 
suis du moins heureux et fier de pouvoir leur rendre ce 
publie et solennel témoignage. 


SPORE ES QE ee 


CLASSE DES SCIENCES. 


apport 


PAR M.J. GIRARDIN, 


SECRETAIRE PERPETUEL DE LA CLASSE DES SCIENCES. 


Messieurs , 


En prenant pour la première fois la parole comme or- 
gane ofliciel de la classe des Sciences de l'Académie, je 
reporterai tout d'abord vos souvenirs sur mon honorable 
prédécesseur, dont le brusque départ a causé dans cette ville 
de si justes et de si unanimes regrets. M. Levy a occupé 
avec une grande distinction , et à deux reprises différentes, 
les délicates fonctions de secrétaire perpétuel. Il m'est 
agréable de vous rappeler avec quel talent il résumait les 
questions les plus abstraites, avec quel art il exposait les 
travaux si divers de ses confrères, avec quelle facilité il 
savait faire parler aux sciences le langage de la raison. 


SCIENCES 
MATHÉMATIQUES 


16 ACADÉMIE DE ROUEN. 


En présence de l'obligation qui m'est imposée de pré- 
senter, après lui, un tableau fidèle des occupations scien- 
tifiques annuelles de l'Académie , je sens renaître toutes 
les hésitations qui sont venues m'assiéger lorsque j'ai été 
appelé à l'honneur de lui succéder. Ce qui m'enhardit 
quelque peu, c’est de savoir qu'un auditoire est d'autant 
plus porté à l'indulgence qu'il est plus éclairé et plus 
intelligent. 


Toutes les sciences, vous le savez, Messieurs , se prêtent 
un mutuel appui , et les progrès de l’une ne sont pas sans 
influence sur la marche et le développement des autres. 
Toutes, d’ailleurs , viennent plus ou moins aboutir à des 
applications qui rendent les conditions de la vie commune 
plus faciles et plus douces , et qui servent , elles aussi , aux 
progrès des sciences dont elles dérivent; car les applications 
mettent les doctrines à l'épreuve, et l'erreur ne peut sub- 
sister longtemps. Il est donc rationnel d'envisager toutes 
les branches des connaissances humaines sous le double 
point de vue de la théorie et de la pratique ; c’est ce que 
comprend l'Académie, qui n'a jamais séparé l’art de la 
science , qui a constamment cherché à faire servir les don- 
nées les plus élevées de l'observation et de l'expérience à 
l'amélioration matérielle et morale de la Société. Cette 
année encore, vous allez en acquérir la preuve, notre 
compagnie , fidèle à sa grande mission, a accueil avec le 
même intérêt les spéculations de la théorie et les résultats 
positifs de la pratique industrielle. 


Je commencerai cette revue rétrospective , par ce qui a 
trait aux mathématiques , qui viennent en aide à toutes les 
sciences sans exception, et qui en sont , pour ainsi dire , 
l'instrument le plus précieux. 


CLASSE DES SCIENCES. 17 


Notre confrère, M. Amiot, aujourd'hui professeur sup 
pléant en exercice au collége de France, a envoyé à l'Aca- 
démie deux mémoires sur les surfaces du second degré, 
qui ne sont , comme on sait, qu'une extension des sections 
coniques. Ces surfaces se rattachent aux phénomènes de la 
lumière et de la chaleur , et il est infiniment probable que 
leur rôle s'étendra de plus en plus à mesure que leurs 
propriétés et les phénomènes naturels seront mieux con- 
nus. Leur étude est donc de la plus grande importance, et 
déjà d'illustres géomètres s’y sont livrés d'une manière 
soutenue. M. Amiot s’en est aussi occupé avec beaucoup de 
talent et de succès , et il a démontré un grand nombre de 
propriétés et de théorèmes nouveaux qui avaient échappé à 
la sagacité de ses devanciers (a)*. L'Institut, sur la proposi- 
tion de M. Cauchy, l'un des premiers, sinon le premier 
mathématicien de l'Europe , a donné sa haute approbation 
aux travaux de notre confrère. Ce qui fait le plus grand 
honneur à M. Amiot, c'est que ses recherches ont servi à 
M. Cauchy de point de départ pour exécuter lui-même des 
travaux très remarquables sur un sujet analogue. 


Une circonstance qui se rattache à la publication des mé- 
moires de M. Amiot , peut mieux que toute autre chose en 
faire sentir l'importance. M. Chasles, membre de l'Institut 
et géomètre très distingué, éleva une question de priorité 
sur une petite partie du travail de notre confrère. Cette ré- 
clamation suscita dans le sein de l'Académie des sciences 
une discussion à laquelle prirent part MM. Chasles, Pon- 
celet et Amiot, et de laquelle ce dernier sortit vainqueur. 
« De quelque face qu'on envisage les choses , a dit M. Pon- 
celet , l'idée des nouvelles définitions et des nouveaux 
théorèmes sur les foyers des lignes et des surfaces du 
deuxième ordre appartient, sans aucune restriction, à 

L'an] da. na pieds 

* Voir les notes à la fin de l’article. 

5) 


PA 


Mémoire 
de M. Amiot 
sur les surfaces 
du 24 degré. 


SCIENCES 
PHYSIQUES 
ET NATURELLES. 


18 ACADÉMIE DE ROUEN. 


M. Amiot, et 1l est certain que les théorèmes démontrés 
analytiquement par ce savant, sont venus présenter la 
théorie des foyers sous un aspect qui n'avait point attiré 
l'attention des géomètres. » 


Dans un autre écrit, qui a été couronné par l’Académie 
royale de Bruxelles, M. Amiot a signalé de nouvelles pro- 
priétés des surfaces, et dans un troisième mémoire , il a 
complété et même rectifié les travaux de Monge , le célè- 
bre auteur de la géométrie descriptive. 


L'Académie de Rouen, sur la proposition de M. Bigour- 
dan qui lui a fait connaître en détail les beaux mémoires 
de M. Amiot, s’est empressée de joindre ses suffrages à 
ceux des Académies des sciences de Paris et de Bruxelles. 


Dans ie vaste domaine des sciences physiques et natu- 
relles , quelques points seulement ont été abordés par l'A- 
cadémie , car ce n’est qu'en circonscrivant le champ de 
l'observation et de l'expérimentation qu'on peut espérer 
des conquêtes fructueuses et sûres. Dans l’état actuel de 
nos connaissances , les mystères abondent encore ; cette 
multitude même atteste le peu de progrès que nous avons 
faits, et l'immensité de la carrière qui reste à parcourir. 
Des faits viennent d'être expliqués, c’est-à-dire compris 
dans les lois générales déjà connues ; sur le champ, d’autres 
faits les remplacent, comme pour entretenir l’activité des 
recherches ; de nouvelles découvertes ébranlent les théo- 
ries et la confiance ; le doute revient avec son cortége de 
mystères. C’est ainsi que la physique , la chimie, l'histoire 
naturelle ont changé plusieurs fois de face; que leurs doc- 
trines fondamentales ont été renouvelées , et qu'aujourd'hui 
même on se demande si elles sont dans la bonne voie. Au 
reste, sans ces doutes, sans ces mystères , la marche des 
sciences serait bientôt arrêtée , et l'esprit humain s’endor- 
mirait dans une trompeuse et stérile admiration. 


CLASSE DES SCIENCES. 19 


Parmi tous ces phénomènes naturels qui révèlent à 
l'homme une puissance éternelle et infinie , il n’en est au- 
cun qui soit à la fois plus terrible et plus majestueux que 
la foudre. Sans doute, grâce à Francklin et aux physiciens 
des cinquante dernières années , nous savons l’origine et 
les causes de ces effets grandioses qui agitent les vastes 
plaines de l'air, et qui, trop souvent, produisent à la sur- 
face de la terre de désastreuses perturbations. Mais qu'il 
nous reste encore à apprendre sur tous ces mouvements 
désordonnés des fluides électriques ! 


M. Boutan, professeur de physique au collége royal de 
Rouen, a essayé d'éclairer quelques-uns des points encore 
obscurs de l'électricité atmosphérique, en imaginant des 
expériences nouvelles. En première ligne, il faut placer 
comme non défini, le bruit qui suit l'apparition de l'éclair , 
et qu'on appelle vulgairement le tonnerre. On a donné de 
ce bruit, si variable dans son mtensité et dans son timbre, 
un grand nombre d'explications qui ne peuvent satisfaire 
les esprits sérieux. M. Boutan les a examinées successive- 
ment, a montré leur insuflisance , les a remplacées par 
une autre qui lui est propre et qui sort du domaine de la 
théorie , car il l'appuie et sur des observations au centre 
des nuages orageux , et sur des expériences de laboratoire 
fort concluantes. La voici en peu de mots: 


Dans un nuage orageux, l'électricité tout entière forme 
une couche à sa surface , et son intérieur est dans un état 
detension supérieure à la pression atmosphérique ambiante; 
il est par conséquent très dilaté. Qu'il perde brusquement 
son fluide électrique , par une décharge sur un nuage voi- 
sin ou sur le sol, la pression extérieure va devenir prépon- 
dérante, puisque la force antagoniste a disparu, et dès lors 
l'air ambiant va se précipiter dans le milieu raréfié repré- 


Mémoire 
de M. Boutan, 
sur l'électricité 
atmosphérique 


Explication 
du bruit 
du tonnerre 


Odeur 
de la foudre. 


20 ACADÉMIE DE ROUEN. 


senté par le nuage orageux. De cette rentrée subite de 
l'air doit résulter un choc violent tout à fait comparable au 
bruit engendré dans l'expérience du crève-vessie, et ana- 
logue aussi, pour l'intensité, au bruit du tonnerre. 


Cette explication satisfait à toutes les exigences du 
phénomène ; elle rend parfaitement compte de la persis- 
tance du bruit, des effets de roulement, des variations de 
volume, des changements rapides de forme que présen- 
tent les nuages orageux, du grand refroidissement qui 
survient au sein des nuées électriques et qui produit 
la grêle; enfin de ces vents violents, de ces tourbillons, de 
ces trombes même (b) qui apparaissent au moment des 
orages et que toute autre théorie est impuissante à jus-— 
tifier. 


Une autre particularité, qui est encore à éclaircir, c'est 
l'odeur forte et pénétrante qui signale la chute de la foudre, 
et qu'on a comparée, bien mal à propos, à celle du soufre 
en combustion. M. Boutan croit pouvoir la rapporter , 
avec MM. Schænbein, Fisher et Marignac, à l'Ozône, corps 
particulier d'odeur nauséabonde dont la véritable nature 
est encore un problème, mais que les chimistes allemands 
considèrent comme un nouvel élément. Cette odeur se 
manifeste aussitôt qu'on fait passer, au moyen de pointes 
métalliques , un courant d’étincelles électriques dans du 
gaz oxygène (c). Une expérience de M. Boutan semblerait 
indiquer que, dans certaines circonstances , la sensation 
des odeurs peut être déterminée à la manière des sons et 
de la lumière, c'est-à-dire par les mouvements vibratoires 
de l’éther. Il est certain que la seule transmission du fluide 
électrique dans l'air, engendre une odeur très appréciable, 
analogue à celle de la foudre, sans qu'il y ait aucun phé- 
nomène chimique produit, ni volatilisation de matières 


CLASSE DES SCIENCES. 21 


quelconques. Malgré les recherches du professeur du 
collége, cette importante question nécessite de nouveaux 
travaux ; il lui appartient de les continuer. 


Les observations météorologiques qu’on exécute mainte- 
nant de tous côtés, en fournissant de précieux documents 
sur tous ces grands phénomènes dont l'atmosphère est le 
théâtre, aideront les physiciens à en découvrir l’origine, 
à mieux en expliquer les eflets, à déterminer toutes les 
conditions de leur manifestation. L'Académie est heureuse 
de pouvoir apporter son contingent, sous ce rapport, grâce 
à l’un de ses membres, M. Preisser, qui, depuis 1845, 
tient note, jour par jour, de tout ce qui a trait à la physique 
atmosphérique. 


Le même membre, en mettant sous nos veux un modèle 
de l'appareil électro-magnétique qui fonctionne sur le che- 
min de fer de Paris à Rouen, a rappelé les principes sur 
lesquels repose cette admirable application de la science à 
l'un des besoins les plus impérieux de notre époque, la 
rapidité de la propagation des idées et des communications 
de la pensée. Il à indiqué quelques-uns des moyens mis 
en usage pour tirer parti de la force motrice créée par lé- 
lectricité, et pour transmettre son influence à de grandes 
distances avec une incommensurable vitesse. A l'aide 
d'expériences exécutées devant l'Académie, il à fait mieux 
comprendre l'ingénieux mécanisme du télégraphe électri- 
que le plus employé, c’est-à-dire de celui qui repose sur 
l'importante découverte de M. Arago, l’aimantation du fer 
doux à l’aide de la pile. 


De la physique à la chimie la transition est toute natu- 
relle, car un lien très intime unit ces deux belles branches 
des sciences d'observation. Iei de nombreuses communi- 
cations sont à enregistrer. 


Observations 
metéoro- 
logiques 

de M. Preisser. 


Télégraphe 
électrique. 
Communica- 
tion 
de M. Preisser. 


État du soufre 
dans les eaux 
sulfureuses. 
MM. Boullay 
et Henry. 


29 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Deux de nos confrères de Paris, MM. Boullay et Henry , 
ont résolu un point important de l'histoire chimique des 
eaux minérales sulfureuses, à savoir l’état sous lequel y 
existe le soufre, cet agent thérapeutique si puissant lors- 
que la nature a présidé elle-même à sa dissolution. Les 
expériences de nos confrères ont terminé les débats que 
cette question avait soulevés depuis longtemps entre les 
chimistes, et il est bien constant aujourd’hui que, dans les 
eaux sulfureuses de la chaîne des Pyrénées, c’est à un 
sulfure de sodium hydraté (NaS, HO), associé acciden- 
tellement à une proportion variable d'hydrogène sulfuré , 
qu'il faut rapporter tous les effets physiologiques et chi- 
miques qu'elles exercent sur l'économie animale. 


Le dégagement du gaz azote qu'on remarque, en plus 
ou moins grande proportion, au bouillon de toutes les 
sources sulfureuses des Pyrénées, a été expliqué diverse- 
ment. Anglada semble avoir émis à ce sujet l'opinion la 
plus admissible. Ce gaz provient, selon lui, de la décom- 
position des courants d’air souterrains en présence du 
principe sulfureux. De là une dégénérescence plus ou 
moins grande des eaux, d’où résultent à la fois for- 
mation de sulfate, puis dégagement d'acide sulfhydrique 
et d'azote. 


Admettant, avec Anglada, que les choses se passent 
ainsi, MM. Boullay et Henry pensent, comme le chimiste 
de Montpellier, que l'élément sulfureux des eaux des 
Pyrénées est à l’état de monosulfure de sodium hydraté 
(Na S, HO) dans la nappe originelle, et ils expliquent alors 
l'odeur plus ou moins sensible d'œufs pourris au point 
d'émergence, par la présence d’une certaine quantité de 
gaz hydrogène sulfuré devenu libre sous l'influence de ces 
courants d'air souterrains, Si ce genre d’altération, auquel 


CLASSE DES SCIENCES. 23 


il est sans doute diflicile de remédier , ne nuit pas à l'efli- 
cacité des eaux, il ne justifie pas toutefois l'opinion de 
M. Fontan, c'est-à-dire l'existence d'un sulfhydrate de 
sulfure (NaS + HS +HO) dans les proportions qui 
constituent ce genre de sels. 


Dans les eaux, comme celles de Challes en Savoie, où 
il y a complète absence d’odeur au sortir de la roche, on 
n'aperçoit pas de dégagement gazeux à ce point, et alors 
le sulfure doit être tout à fait neutre, jusqu'à ce que, dans 
les bassins de réception , il se modifie plus tard. 


Le travail de MM. Boullay et Henry est digne, à tous 
égards, de l'attention des chimistes et des médecins , et 
c'est à juste titre, à dit M. Girardin, rapporteur, qu'il a 
obtenu les suffrages de l'Académie royale de médecine. 


M. O0. Henry, chargé en 1845, par l'Académie royale de 
médecine, de procéder à une nouvelle analyse des eaux 
ferrugineuses de Forges, a rempli cette mission avec le 
talent qui le caractérise, et a complété nos connaissances 
sur ces eaux qui méritent toujours la célébrité dont elles 
ont joui dès le xvu° siècle. Grâce aux procédés plus sûrs 
de l'analyse minérale, notre confrère a rectifié ce qu'il v 
avait de défectueux et d'incomplet dans le beau travail 
chimique de feu Robert de Rouen sur ces mêmes eaux. 
Il a constaté, entre autres choses, que le fer y est salifié , 
non par l'acide carbonique, comme on l'avait admis jus- 
qu'alors, mais par cet acide organique que Berzélius a dési- 
gné sous le nom d'acide crénique; que le crénate de fer 
peroxydé par l'air et associé à plusieurs conferves, constitue 
en totalité le dépôt jaune que forment les eaux dans les 
conduits qu'elles parcourent, dans les bassins où elles 
séjournent, dans les bouteilles qui les contiennent. Sous 


Analyse 
des eaux 
ferrugineuses 
de Forges, 
par M. Henry. 


Aualyse 


de la gratiole, 


M. 


par 
Marchand, 


19 


4 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ce rapport, elles sont analogues aux eaux naturelles de 
Porla, de Saint-Allyre, et à toutes les autres eaux ferru— 
gineuses de notre département (d). 


C'est avec le crénate de fer impur, ramassé dans les 
bassins , qu’on prépare les nouvelles pastilles ferrugineuses 
de Forges, dont l'usage a été approuvé par l’Académie 
royale de Médecine , par la raison que le dépôt ocracé des 
bassins représente assez bien le produit naturel spécial 
des eaux de Forges, et parce que sa composition 
chimique étant connue , il devient facile au médecin d'en 
préciser l'emploi. 


Un autre correspondant de l'Académie , M. Marchand , de 
Fécamp, a porté son attention sur l’une de nos plantes les 
plus vulgaires, mais aussi les plus actives, la Gratiole, 
dont notre célèbre Vauquelin avait déjà entrepris l'étude 
en 1809. Les perfectionnements apportés, depuis cette 
époque , à l'analyse immédiate des matières organiques, 
ont permis à notre confrère d'ajouter des faits nouveaux et 
importants aux recherches de son habile prédécesseur. 
Ainsi, ce que Vauquelin avait considéré comme une ma- 
tière résineuse amère, à laquelle il rapportait les propriétés 
purgatives et toxiques de la gratiole, n’est qu'un mélange de 
tannin et d'une substance neutre fort active que M. Mar- 
chand propose de nommer Gratiolin. Mais avant d'ad- 
mettre cette substance dans le catalogue de nos principes 
immédiats définis , il faut en faire une étude plus com 
plète , en déterminer la constitution élémentaire. C'est à 
M. Marchand lui-même qu'il appartient de combler ces 
lacunes; nous nous en rapportons sur ce point à son zèle 
et à son talent. 


CLASSE DES SCIENCES. 25 


M. Lepage, de Gisors , nous a envoyé une note intéres- 
sante sur un empoisonnement commis au moyen de la 
céruse introduite dans de la farine, et sur l’efticacité du 
persulfure de fer hydraté pour annihiler presque instanta- 
nément les formidables effets des composés du plomb. Ce 
fait confirme les assertions de MM. Sandras et Bouchardat 
qui, les premiers, ont proposé de ranger le persulfure 
de fer hydraté en tête des antidotes contre les poisons 
métalliques 


M. Morin nous a rendu compte des expériences chimico- 
judiciaires qu'il a faites sur les estomacs de vaches dont 
la mort était attribuée à l'ingestion de chlorure de chaux. 
Il n’a trouvé dans les liquides des viscères que du chlo- 
rure de calcium , sans traces de chlore libre, et, dans 
les parois mêmes de ces viscères, que du chlorhydrate 
d'ammoniaque. 


Dans le cours de ses recherches, M. Morin a reconnu 
que les toxicologistes ont commis une grave erreur en in- 
diquant qu'on peut découvrir des traces d’eau de Javelle , 
ou d’autres composés décolorants du chlore à la couleur 
brune que prend une lame d'argent qu'on plonge dans les 
liqueurs suspectes , après qu’on les a additionnées d’acide 
sulfurique. Notre confrère a obtenu les mêmes réactions, 
alors que les liqueurs ne contiennent aucune trace de chlore 
libre, mais seulement des chlorures alcalins. 


Il en conclut que pour accuser la présence du chlore 
libre dans un liquide alimentaire , on doit se borner à em- 
ployer la lame d'argent sans le concours d'aucun acide 
susceptible de décomposer les chlorures alcalins, qui 
presque toujours s'y rencontrent, et que, d’ailleurs, ce 
moyen méme est sans valeur, s'il n'est pas corroboré par 


Empoisonne- 
ment 
par la céruse. 
Efficacité 
du persulfure 
de fer hydraté. 


Recherches 
toxicologiques 
de M. Morin. 


Faits nouveaux 
en toxicologie, 


observés par 


MM. Girardin 


et Morin. 


Aualyses d’ob- 
jets antiques, 


M 


par 
Girardin. 


26 ACADÉMIE DE ROUEN 


la coloration bleue que présente, au contact des produits de 
la distillation des liquides de l'estomac , un papier recou- 
vert tout à la fois d'iodure de potassium et d’amidon. 


MM. Morin et Girardin ont fait connaître à l'Académie 
la série d'expériences qu'ils ont exécutées, par ordre de la 
justice , sur les cadavres d’un homme et d’une femme de 
la petite commune de Saint-Lucien, canton d'Argueil , 
morts à un mois de distance, après de violents vomisse- 
ments. La mort de ces individus était le résultat d'un 
crime, puisque les experts trouvèrent dans tous les or- 
ganes une quantité notable d’arsenic. Les aveux des cou- 
pables avant leur exécution , confirmèrent complètement 
les dires des chimistes. Ce que cette affaire médico-légale a 
présenté de nouveau, c’est l'existence simultanée de deux 
poisons , l'arsenic et l'antimoine. Ce dernier provenait de 
l'administration par les empoisonneurs à leurs victimes du 
vomi-purgatif de Leroy. Ce remède, malheureusement 
trop populaire, n’est autre chose qu'une forte infusion de 
séné dans du vin blanc, additionnée d’une forte dose 
d'émétique. On l'avait donné pour faire disparaître les traces 
de l’arsenic , par suite de cette absurde croyance répandue 
dans la société , que tout poison devient inaccessible aux 
recherches de la science , lorsqu'il n’est plus à l’état de 
liberté dans l'estomac et les intestins. On ne saurait le dire 
trop haut , une fois que le poison circule dans nos organes, 
qu'il y soit libre ou caché dans la profondeur des tissus, 
la moindre trace ne peut échapper aux investigations des 
chimistes expérimentés. 


Si la chimie vient ainsi en aide à l’histoire naturelle ni 
la thérapeutique , à la médecine légale, elle n’est pas moins 
nécessaire pour l'étude des monuments de l'antiquité. 
Caylus est le premier qui s'en soit aidé sur une échelle 


CLASSE DES SCIENCES. 27 


un peu large ; malheureusement, les antiquaires qui l'ont 
suivi, sont peu entrés dans cette voie; ils n'ont pas su 
apprécier l'intérêt qui s'attache à ce genre de vérification. 
Le mémoire que M. Girardin a lu à l’Institut , sous le titre 
de : Analyse de plusieurs produits d'art d'une haute an- 
tiquité, prouve de nouveau tout ce qu'il y a d’utile pour 
l'archéologie dans ces sortes de travaux. Plus on étudie à 
fond l'antiquité, a dit M. Deville, plus on se convaine que 
les anciens sont nos maitres en tout. Il ressort, en effet, 
des expériences de M. Girardin, que les Romains ont 
connu et employé habilement de superbes couleurs miné- 
rales, soit pour la peinture murale , soit pour la coloration 
du verre ; qu'ils ont fabriqué du véritable cristal , fait usage 
de la soudure autogène , pratiqué l’étamage, l'argenture 
du cuivre et du bronze, et même le plaqué d'argent. 


Une découverte, fort ordinaire pour les chimistes, mais 
merveilleuse pour tous ceux quine sont pas initiés aux 
admirables et si faciles métamorphoses dont sont suscep- 
tibles les produits du règne organique , a vivement préoc- 
cupé l'attention publique à la fin de l’année dernière. C'est 
la conversion du coton, du linge , du papier, du bois, en 
une matière excessivement combustible , par leur simple 
immersion dans l’eau forte. Ce curieux résultat, déjà si- 
gnalé en 1833, par M. Braconnot, de Nancy, mieux étudié 
en 1838, par notre confrère , M. Pelouze, a donné l'idée 
au professeur Schœænbein, de Bâle, dans les derniers mois 
de 1846, de remplacer la poudre de guerre par le coton 
fulminant, où fulmi-coton. La nouvelle poudre possède, 
en effet, une force de projection cinq à six fois plus consi- 
dérable , l'avantage de ne pas encrasser les armes , puis- 
qu'elle ne laisse aucun résidu par la combustion, de pou- 
voir être mouillée sans perdre de son inflammabilité, et 


Communica- 
tion 
de M. Preisser, 
sur le 
fulmi-coton. 


Consommation 
de la bouille. 


28 ACADÉMIE DE ROUEN. 


transportée au loin sans danger ; car bien comprimée , elle 
prend diflicilement feu. Quant aux inconvénients qu'elle 
présente dans son emploi, ils disparaissent lorsqu'on l'ap- 
plique seulement à l'explosion des rochers et des mines, à 
la confection des feux d'artifices. L'expérience ultérieure 
apprendra ce que l’on peut attendre des services réels de 
ce produit qui a, tout d’abord, excité une trop vive admi- 
ration, et fait naître de trop grandes espérances. 


Au moment où, de tous côtés, chacun s'empressait d'é- 
tudier et de fabriquer cette poudre à canon d'un nouveau 
genre , M. Preisser en a fait le sujet d’une communication 
à l’Académie , et a répété devant elle les jolies expériences 
pyrotechniques dont le fulmi-coton est devenu l'occasion. 


Des applications de la chimie et de la physique plus im- 
portantes, plus directement profitables à l'industrie gé- 
nérale, ont été pour nous la source d’intéressantes dis- 
cussions. L'économie du combustible est un des points 
qui attirent particulièrement l'attention des théoriciens et 
des praticiens , et le moindre succès dans les moyens em- 
ployés pour arriver à ce but, est un véritable progrès dans 
un temps où la consommation de la houille s'accroît 
chaque jour d’une manière si rapide. De renseignements 
statistiques recueillis par M. Pimont, il résulte que les 
11,298 appareils à vapeur fonctionnant en France en 
1845, ont exigé, pour leur entretien, 20 millions d’'hec- 
tolitres de houille (e) ! 


Cette consommation prodigieuse de combustible n'est- 
elle pas faite pour inspirer des craintes sérieuses sur 
notre avenir industriel, et pour nous porter à rechercher 
les moyens de nous procurer la houille aux meilleures 
conditions possibles , aussi bien que ceux qui peuvent en 


CLASSE DES SCIENCES. 29 


diminuer l'emploi ? C'est à ce double but que l'un de nous 
a consacré tous ses soins depuis quelques années. 


Faisant appel aux lumières de la science, M. Pimont 
a essayé de tirer profit de cette immense quantité de cha- 
leur perdue dans nos appareils calorifiques. Employer 
d'une manière bien plus avantageuse qu'on ne l'avait fait 
jusqu'alors la chaleur perdue , provenant soit de l'échap- 
pement des machines à vapeur, soit de la vapeur et de l’eau 
condensée des machines à parer, des machines à sécher 
et des chauffages, soit enfin des bains de teinture, quand 
ils sont jetés comme inutiles ; tels sont les résultats qu'il 
a obtenus à l’aide d'appareils qui fonctionnent sans nul 
embarras , sans le moindre inconvénient, et qui ont déjà 
reçu la sanction toute favorable de l'expérience. M. Pimont 
nous à présenté successivement la description de ses ap- 
pareils caloridores et de toutes les modifications qu'ils 
peuvent subir selon leur application à chaque spécialité 
industrielle , et aussi dans la même industrie, suivant les 
conditions dans lesquelles elle se trouve placée. Mais tout 
en découvrant la manière de produire la vapeur avec le 
plus d'économie possible, notre ingénieux confrère n'a 
pas négligé les procédés capables de la conserver et de la 
maintenir au degré de chaleur et à la tension qu'elle a 
acquis , et de pouvoir la conduire dans cet état et sans 
refroidissement à de grandes distances ; de là, l'invention 
d'enveloppes imperméables , qu'il appelle calorifuges , 
dont il revêt les tuyaux , les conduits, les cylindres et 
même les grands générateurs, soit dans les machines de 
nos ateliers , soit dans celles qui sont appliquées à la na- 
vigation ; ces enveloppes, tout en apportant une grande 
économie de temps et de combustible, préservent les 
chauffeurs de cette chaleur étouffante qui énerve leurs 
forces et détruit leur santé. 


Appareils 
HOouveaux 
de M. Pimont, 
pour 
économiser 
lecombustible. 


Recherche 
de la houille 
dans le 
département. 


30 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Les appareils de M. Pimont, placés à bord des divers 
remorqueurs de la Basse-Seine , et notamment du Robert- 
Guiscard , ont réalisé une économie de 20 p. ,° de com- 
bustible sur l'ancien système. 


Une commission de l'Académie est chargée de suivre 
les effets et d'apprécier les avantages des inventions de 
M. Pimont. Sans empiéter sur ses droits, il nous est 
peut-être permis d'avancer que notre confrère à singu- 
lièrement préparé la solution d'une partie du problème 
que nous posions précédemment. 


L'autre partie de ce problème , c’est à la géologie à la 
résoudre. Pourquoi, puisque nos extractions de houille 
ne sont pas en rapport avec nos besoins , de plus en plus 
impérieux, ne chercherions-nous pas dans les profondeurs 
de notre sol ce minéral que nous avons peut-être sous nos 
pieds , et que nous allons demander à des nations voi- 
sines , nos rivales en industrie ? Les progrès récents de 
la géologie , les documents recueillis sur la constitution 
du sol de notre département , les perfectionnements ap- 
portés à l’art des sondages, tout ne tend-il pas à favoriser 
le projet conçu , dès 1837, par M. Pimont, de se livrer 
à la recherche de gites houillers dans la Seine-Inférieure ? 


Un rapport circonstancié de M. Pouchet sur cette ques- 
tion, soulevée cette année dans le sein de l’Académie , 
démontre que si, dans l’état actuel de la science , il n’est 
pas permis de prononcer affirmativement sur l'existence 
de dépôts de houille dans les parties inférieures de nos 
formations secondaires , on a cependant des probabilités 
bien encourageantes. M Pouchet tire surtout ses preuves 
de l’analogie de constitution géologique existant entre les 
formations de notre pays et celles de l'Angleterre et de 


CLASSE DES SCIENCES. 31 


la Belgique , de l'identité des débris d'animaux fossiles 
dans les régions anthracifères de la Grande-Bretagne et 
celles situées à l'embouchure de la Seine. 


« Lorsque de semblables conditions existent, qui oserait 
dire, s'écrie M. Pouchet, que notre département est 
absolument dépourvu de charbon ? Qui oserait contester 
qu'un jour à venir ce précieux combustible n'y sera point 
découvert ? » 


Que la recherche de la houille ait un insuceès complet , 
la sonde ne pourra-t-elle pas laisser , après son passage, 


un puits artésien, ou rencontrer des dépôts de calcaires . 


compactes , d’argiles plastiques, de lignites, de karstenite, 
de sel gemme , etc. , toutes matières minérales suscep- 
tibles de vivifier le pays ? Les sondages fussent-ils même 
absolument stériles pour nos intérêts matériels , la science 
géologique n’en recevra-t-elle pas de curieux et instructifs 
renseignements ? 


Ces diverses considérations ont engagé l'Académie à 
s'associer à l’œuvre toute nationale du Comité formé à 
Rouen par les soins de M. Pimont pour la recherche de 
la houille dans le département. Elle à manifesté le désir 
que le Comité fit collecter avec soin des échantillons 
minéralogiques des couches traversées par la sonde, et en 
opère le dépôt dans les archives de l’Académie, chez 
l'ingénieur en chef des mines, et dans le Muséum d’his- 
toire naturelle de la ville. 


Les discussions intéressantes que le projet du Comité 
des houilles a suscitées dans notre sein, ont amené natu- 
rellement M. Bergasse à donner des renseignements 
curieux sur l'état actuel des houillères de Littry, dans 
le Calvados. En voici un résumé succinct : 


Houillère 
de Littry, 
dans 
le Calvados 


32 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Les mines de Littry, situées à peu de distance de 
Bayeux, avaient été originairement concédées par Louis XV 
au marquis de Balleroy, en 1740. Le marquis s'empressa 
de les exploiter et d'établir une usine pour la fonte du 
minerai de fer que l'on trouvait en assez grande abon- 
dance à la surface des couches de charbon. Il ne rechercha 
que le charbon à maréchal , et négligea toutes les qualités 
inférieures. Son exploitation , dirigée avec peu d'intelli- 
gence, ne fut pas heureuse, et en 1745, il céda la con- 
cession à une commission de treize personnes. Plusieurs 
actions se trouvent encore dans les familles des premiers 

. associés. 


En 1745, on évaluait à 200,000 francs la valeur des 
mines et du matériel. On a caleulé que , depuis , ce capital 
arapporté plus de huit millions de produit net. 


Les destinées de la compagnie n'ont pas toujours été 
également prospères. Les couches de charbon ont peu de 
puissance ; souvent elles n’ont qu'un mètre ; elles sont très 
profondes, forment de distance en distance des espèces de 
rognons, c'est-à-dire des accumulations un peu plus con- 
sidérables de minerai, puis se redressent tout à coup et 
cessent entièrement. 


Les premiers exploitants n'avaient pas administré en bons 
pères de famille. Ils avaient, pour ainsi dire , jardiné çà et 
là, sans suivre aucun système. Lorsque tout le charbon de 
première qualité s’est trouvé épuisé , il a fallu reprendre 
en sous-œuvre et suivre des couches qui n'avaient été 
qu'effleurées. 


Depuis quelques années, le seul charbon que l'on trouve 
à Littry est d’une qualité médiocre, mélangé de schiste, et 
n'est employé que par les chaufourniers, qui sont d'autant 


CLASSE DES SCIENCES. 33 


plus nombreux dans cette partie du Calvados et dans la 
Manche, que la chaux y est utilisée en grand comme amen- 
dement, et n'y produit pas de moindres miracles que dans 
le département de l'Ain. Même pour ce modeste emploi, 
les charbons de Littry ont rencontré une concurrence re- 
doutable dans les charbons belges et anglais. Aussi, par 
suite de cette concurrence, les actionnaires de Littry n'ont 
touché en 1845 presqu'aucun dividende. Cependant les 
chaufourniers sont revenus peu à peu s’approvisionner à 
Littry. Ils ont reconnu que les charbons qu'ils y achètent, 
brûlant avec moins de rapidité que les charbons anglais, 
sont plus propres que ces derniers à la cuisson de la chaux. 
Malgré le rétablissement de ce débouché, les actionnaires 
auront à peine 100 mille francs à se partager en 1847, 
et cependant a compagnie n’emploie pas moins de 900 
ouvriers. Toutes ses espérances d'avenir sont fondées sur 
un puits de 200 mètres de profondeur, auquel on travaille 
depuis un an, qui ne sera pas terminé avant 18 mois, et 
qui lui coûtera 200,000 francs. Ce puits a pour objet 
l'exploitation d'une couche de charbon de maréchal, de 2 
mètres et demi d'épaisseur, dont des sondages multipliés 
ont révélé l'existence. 


Il y a loin, d'après cela, des mines de Littry à celles de 
Newcastle, où le charbon est superficiel, et à celles de Fir- 
my dansl'Aveyron, où les couches de houille ont, à ce qu'on 
assure, 100 mètres d'épaisseur. 


Nous devons encore à M. Bergasse la connaissance 
de la reprise des travaux d'exploitation de plusieurs 
gites métallifères en France, notamment des mines 
de cuivre et de plomb argentifères de l'Aveyron, et de la 
découverte dans les Hautes-Pyrénées d'une mine très 
riche de plomb argentifère et de manganèse. Le manganèse 

è 


Nouveaux gites 
métallifères 
en France. 


Tremblement 
de terre 
dans la Seine- 
Inférieure. 


3% ACADÉMIE DE ROUEN. 


des Pyrénées est bien supérieur à celui de Bourgogne 
et vaut celui d'Angleterre. Il en arrive déjà de grandes 
quantités sur notre place, pour le service de nos belles 
fabriques de chlorure de chaux. 


Un phénomène géologique, presque toujours terrible et 
désastreux dans sa brusque apparition, ce sont ces secous- 
ses, ces trépidations, ces ondulations souterraines qui 
soulèvent, disloquent, ou agitent le sol, et qu'on désigne 
sous le nom général de tremblements de terre. Causés très 
probablement par le retrait ou l’inégal refroidissement de 
la croûte solide du globe , et liés d’une manière assez inti- 
me avec les éruptions volcaniques, ces tremblements sont 
beaucoup plus fréquens dans les terrains ignés que par- 
tout ailleurs. Excessivement rares dans nos régions secon- 
daires et tertiaires, leur manifestation est, par cela même, 
la source de frayeurs presque toujours exagérées, car 
ils ont ordinairement peu de puissance, d’étendue et 
surtout de durée. 


Il y a un mois à peine, le 10 juillet, entre 10 heures 1/2 
et 11 heures du soir, deux très légères secousses de quel- 
ques secondes de durée ont agité le sol, depuis Paluel, à 
l'embouchure de la Durdent jusqu'au Havre, en suivant, 
pour ainsi dire, les côtes sans descendre dans les vallées. 
Elles ont été très sensibles à Fécamp, Montivilliers, Sanvic, 
Ingouville , Graville, Orcher et le Havre. C’est dans cette 
dernière ville qu'elles ont produit le moins d'effet. Le 
bruit qui les accompagnait ressemblait au roulement d’une 
voiture pesamment chargée. Les mouvements ont été 
assez forts pour ouvrir et fermer des portes, faire écrouler 
des toits et des tas de briques. Toutefois, aucun phéno- 
mène atmosphérique visible n’a précédé , accompagné ou 
suivi ce tremblement de terre, et, chose remarquable , 


ULASSE DES SCIENCES. 39 


le baromètre et le thermomètre n'en ont pont été 
influencés. 


Ces faits ont été constatés et signalés à l'Académie par 
notre confrère M. Marchand de Fécamp, et par M. Leudet, 
pharmacien au Havre. M, Marchand , notamment , NOUS à 
transmis des renseignements fort détaillés sur ce qui s’est 
passé dans sa localité le 10 juillet , et nous a rappelé que 
le 22 juin 1843, à 7 heures du matin, un tremblement se 
fit sentir dans les environs de Fécamp. On.a gardé le sou- 
venir de celui qui eut lieu en 1782 ou 1783. 


Si la physique , la chimie , l'histoire naturelle ont oc- 
cupé largement les instants de l'Académie, l’agriculture 
n'a pas été négligée par elle, au moins dans ses généra— 
lités. De nombreuses communications, d’intéressants rap- 
ports ont été présentés à ce sujet par M. Bergasse, qui puise, 
dans sa parfaite connaissance des pratiques agricoles de 
presque toutes les régions de la France, des points très 
instructifs de comparaison avec les habitudes norman— 
des (f). 


Dans une notice sur la pomme de terre, l'une des meil- 
leures, sans contredit , qui aient été publiées depuis quel- 
ques années sur ce précieux tubercule, notre confrère, 
M. Philippar, démontre parfaitement l'inutilité de la plan- 
tation automnale , recommandée naguère avec tant d'en- 
thousiasme par Morren de Liége et certains agronomes 
anglais. 


C'est encore à M. Bergasse que nous avons dù l'analyse 
critique des ouvrages de MM. du Breuil fils et Girardin, l’un 
sur {a théorie et la pratique de l'arboriculture, l'autre sur 
les fumiers considérés comme engrais. Le premier de ces 


AGRICULTURE 


Notice 
de M.Philippar 
sur la pomme 
de terre. 


Ouvrages 
agricoles 
de MM. Du 
Breuil 
el_ Girardin. 


PHYSIOLOGIE 
ANIMALE. 
Inhalation 
éthérée. 


36 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ouvrages qui, d'après M. Bergasse, est le manuel le plus 
complet , le plus satisfaisant qui ait été écrit sur la culture 
des arbres , a valu à son auteur des témoignages non équi- 
voques d'approbation, tant de la part de plusieurs Sociétés 
horticoles du royaume, que du gouvernement Russe qui en 
fait publier une traduction. Même faveur lui est accordée 
en Angleterre. 


La physiologie de l'homme est peut-être encore plus di- 
gne que celle des plantes de fixer l'attention des observa- 
teurs, car elle est plus compliquée et moins bien connue. 
Cultivée avec plus d’ardeur que jamais, cette branche des 
sciences médicales a fait, dans ces derniers temps, de 
très remarquables progrès , mais il lui était réservé de nous 
fournir cette année un nouveau sujet d'étonnement et 
d'admiration, en découvrant le moyen de supprimer la 
douleur dans les opérations chirurgicales. C’est l’éther 
sulfurique, ce stimulant diffusible par excellence , qui, dans 
les mains du docteur américain Jackson, devient l'agent 
des effets stupéfiants les plus curieux et les plus intenses. 
Inspirée avec l'air, pendant quelques minutes, la vapeur 
éthérée plonge le cerveau dans un état d'inertie, d'engour- 
dissement tel qu'il ne perçoit plus la douleur, et que les 
mutilations les plus cruelles peuvent être exécutées sur 
l’homme et les animaux vivants sans qu'ils en aient cons- 
cience. On avait jusqu'ici vainement cherché dans l'ivresse 
alcoolique, le narcotisme opiacé, le magnétisme, les 
moyens d'épargner à l'humanité les tortures auxquelles 
la soumettent les opérations chirurgicales. L'ivresse éthérée 
produit cet admirable résultat , ainsi que le démontrent les 
centaines d'expériences exécutées depuis 6 mois en Amé- 
rique, en Angleterre, en France, en Allemagne. Sans 
doute , l'emploi des inbalations éthérées n’est pas applica- 
ble à tous les cas; il peut offrir des inconvénients , des dan- 


CLASSE DES SCIENCES. 37 


gers même quand il est mal administré, mais son utilité 
est incontestable dans des conditions données. 


Des discussions du plus haut intérêt ont été élevées au 
sujet de cette découverte merveilleuse dans le sein de l'A- 
cadémie , et les membres qui s'occupent particulièrement 
des sciences médicales nous ont fait connaitre les résultats 
des opérations qu'ils ont pratiquées avec succès en se ser- 
vant de la vapeur éthérée. MM. Preisser, Pillore et Mélays 
nous ont aussi rendu compte de leurs expériences sur les 
animaux. Répétant les essais de M. Amussat, ils ont constaté, 
comme cet habile chirurgien, que pendant l'inhalation éthé- 
rée , le sang des artères devient noir, que cette transforma- 
tion précède l'apparition de l’insensibilité, et que dès que 
l'animal respire de l'air pur, le sang artériel reprend sa cou- 
leur rouge avant le retour de la sensibilité. L'inspiration de 
gaz autres que l'air a produit les mêmes effets. Il résulte 
donc de là que l’insensibilité est le résultat de l'influence 
qu'exerce sur les centres nerveux le sang qui n’a pas subi 
l’hématose pulmonaire ; qu’en un mot, elle doit être attri- 
buée à un commencement d’asphyxie qui, à un degré plus 
avancé, amènerait la cessation des mouvements respira- 
toires et la mort. 


Quant à remplacer l'inspiration de l'éther par celle d'un 
gaz, pour éviter l'influence fâcheuse sur les suites des opé- 
rations chirurgicales de l'ivresse et de l'irritation pulmo- 
naire qu'elle provoque , tout le monde n'a pas été d'accord 
avec les auteurs du mémoire que nous analysons, et il a 
été reconnu généralement que l’éther est encore, jusqu'à 
présent, le moyen le plus commode et le moins dangereux 
de provoquer l'insensibilité , lorsqu'on à soin de ne pas ar- 
river jusqu'à la période de stupeur où d'asphyxie propre- 
ment dite 


Nouvelle 

maladie 

cutanée, 
par M. Forget. 


38 ACADÉMIE DE ROUEN. 


L'observation clinique, qui ne cesse de progresser, 
apprend aux praticiens à mieux distinguer, sinon à mieux 
guérir, ces mille et une variétés de maux qui aflligent notre 
pauvre humanité. Il nous serait doux de vous annoncer que, 
grâce à ces progrès, une maladie vient de disparaître du 
cadre nosologique. Malheureusement c'est le contraire que 
nous avons à vous signaler, car notre habile correspon— 
dant de Strasbourg, M. le professeur Forget, vient de dé- 
couvrir une affection cutanée non encore décrite par 
les auteurs. C’est un resserrement chronique des couches 
profondes du derme , à la suite d’une phlegmasie chro- 
nique de la peau ; et ce qu'il y a de plus fàcheux dans cette 
triste acquisition, c'est qu’elle se montre très rebelle aux 
remèdes les plus actifs et les mieux appropriés. Cette nou- 
velle infirmité a reçu de M. Forget les noms par trop scien- 
üifiques de Chorionitis, de Sclérostenose cutanée. A cette 
occasion, M. Avenel, après un éloge mérité des qualités 
éminentes d'observation de notre correspondant , fait une 
critique des dénominations tant soit peu barbares imposées 
à une maladie encore incornue dans son essence ou dans 
ses rapports les plus essentiels. Cette manie des appellations 
grecques aurait dû succomber sous le ridicule dont l’a cou- 
verte le spirituel Gosse, qui prête à l’un de nos botanistes 
classificateurs la bouffonne idée de substituer au nom si 
vulgaire de la carotte la dénomination plus scientifique de : 


Micromacroglucoxanthoerythroleucorhizos ! 


ce qui veut dire en bon français : racine petite, grosse , 
sucrée , jaune, rouge et blanche. 


« Les hommes de science de la valeur de M. Forget, dit 
M. Avenel, peuvent se passer de ce clinquant si commun 
de nos jours, et laisser l'affectation à ceux qui ne possè- 
dent point autre chose. » 


CLASSE DES SCIENCES. 39 


J'ai encore à vous parler, Messieurs, des communica- 
tions qui nous ont été faites sur la statistique morale, dont 
on peut tirer un excellent parti, lorsqu'on la consulte avec 
cette réserve que commande l'abus qu'on en fait trop 
souvent. 


Si nous étudions, avec notre confrère M. Homberg , le 
compte général de l'administration de la justice civile et 
commerciale en France pendant l'année 184%, nous cons- 
taterons avec regret que le nombre des procès va sans 
cesse en augmentant. Il y en a aujourd’hui un sur 29% ha- 
bitants, et, chose à noter, c’est qu'en Normandie, dont la 
vieille renommée en fait de chicane est bien établie , il y 
en à un pour 247 habitants. Toutefois, hâtons-nous de dé- 
clarer que le Caivados, l'Eure et l'Orne se chargent 
seuls de soutenir l'antique réputation des plaideurs nor- 
mands , puisque le chiffre des procès dans la Manche et la 
Seine-Inférieure ne s'élève pas à la moyenne de toute la 
France. 


Mais c’est toujours Rouen, d'un autre côté, qui, d’après 
le compte-général , vient immédiatement après Paris dans 
le nombre des faillites, comme dans celui des ventes judi- 
ciaires et des séparations de corps. Notre département est 
fécond en misères de beaucoup d'espèces; contributions , 
procès, faillites, séparations de corps. Mais ces misères-là, 
comme le fait observer M. Homberg, attestent ses ri- 
chesses. Les contributions se paient en raison des fortu- 
nes; les procès, les ventes judiciaires, les faillites sont 
l'inévitable conséquence d’un grand mouvement d’affaires ; 
et quant aux séparations de corps, comme elles entraînent 
séparations de biens, beaucoup de femmes qui se résigne- 
raient à leur sort, ou se contenteraient d'une séparation de 


STATISTIQUE. 


Administration 
de la Justice 
civile 
et commerciale 
en France. 


Résume 
des opérations 
du 
Mont-de-Picte 
de Rouen, 
par M. Ballin. 


Ouvrages 
de Statistique 
de M. Fayet. 


#0 ACADÉMIE DE ROUEN. 


fait, veulent la séparation judiciaire, pour rentrer en pos- 
session de leur dot. 


Toutes ces raisons atténuent la mauvaise opinion qu'on 
pourrait prendre tout d'abord de nos populations , en ne 
consultant que les chiffres bruts de la Statistique, sans en 
scruter l’origine et la moralité. 


Un autre genre de documents qui rappelle encore les 
misères de notre état social, nous a été fourni par M. Ballin; 
c'est le résumé des opérations faites par le Mont-de-Piété 
de Rouen, de 1837 à 1846. 


Il en ressort : 


1° Que les engagements s'élèvent , année cominune, au 
nombre de plus de 96,000 , qui donnent lieu à plus d'un 
million de prêt ; 


2° Que les renouvellements portent sur plus de 20,000 
articles, dont les prêts se montent à plus de 300,000 fr. : 


3° Enfin, que les ventes ne portent que sur 6,000 articles, 
représentant plus de 64,000 fr. de prêt. Ainsi , les objets 
abandonnés par les emprunteurs ne dépassent guère 6 
p. ,/° des engagements , ce qui prouve que la plupart d'en- 
l'eux attachent beaucoup d'intérêt à leur conservation. 


Je saisirai cette occasion pour vous annoncer que 
M. Ballin a reçu, pour sa Statistique du canton du Grand- 
Couronne, la seule récompense que l'Institut ait décernée 
cette année pour le concours de Statistique. 


M. Fayet, professeur de mathématiques , à Colmar , 
nous à fait hommage de son Essai sur l'accroissement 
de la population et sur les progrès de la criminalité en 


CLASSE DES SCIENCES. #1 


France, ainsi que de deux grands tableaux qui résument, 
dans des colonnes bien entendues , la Statistique intellec- 
tuelle et morale de plusieurs départements (Moselle, Bas 
et Haut-Rhin, Allier, Puy-de-Dôme, Cantal, Haute- 
Loire. ) 


« C'est une entreprise utile autant que curieuse, que 
celle qu'a conçue M. Favyet, a dit M. Vingtrinier , rappor- 
teur de ces ouvrages ; il cherche à rendre populaire pour 
ainsidire , les faits , les constatations d’une époque ; il offre 
à chaque département des moyens de se bien connaître , 
et tout le monde conçoit aujourd'hui qu'une bonne Sta- 
tistique , donnant avec vérité l'étendue territoriale de 
chaque commune , la valeur et la nature des productions 
du sol , la population , les établissements de tous genres, 
le mouvement des prisons, des hôpitaux , ete., sera une 
œuvre extrêmement utile , si elle est vraie. » 


Cette dernière condition peut être facilement remplie , 
grâce aux eflorts de l'administration supérieure , qui à 
réuni depuis longtemps déjà une immense quantité de 
documents ofliciels ; aussi, maintenant, y at-il des moyens 
de recherches et de contrôles qui font que beaucoup de 
travaux statistiques ont pris le cachet de la vérité. Toute- 
fois , il est nécessaire , d’après M. Vingtrinier , dans les 
études de cette nature, de ne jamais prendre pour assurés 
les faits établis par un auteur comme étant la parole du 
maître, et avant de partir d'une aflirmation faite par un 
autre , il est toujours bon de repasser le calcul, comme 
on fait en arithmétique. 


e 


Comme preuve de cette nécessité, notre confrère cite 
ce qui lui est arrivé. Sur la foi des économistes et des 
criminalistes , il a cru pendant longtemps qu'il existait, 


12 ACADÉMIE DE ROUEN. 


en France, une malheureuse tendance vers une augmen- 
tauon dans la criminalité. Or, en étudiant par lui-même , 
en disséquant les chiffres avec scrupule , il est arrivé à 
une conclusion tout opposée. 


M. Fayet, lui, s'est rangé parmi les alarmistes , et il a 
trouvé le moyen de se procurer des chiffres pour établir 
que l'ascension annuelle des crimes en France est mar— 
quée par le nombre 332. Ce résultat a paru si extraor- 
dinaire à notre rapporteur, qu'il a voulu savoir l'opinion 
de nos confrères MM. Moreau de Jonnès et Arondeau , juges 
si compétents en pareille matière. Tous deux ont trouvé , 
comme M. Vingtrinier, la cause de l'erreur de M. Fayet, 
dans l’association qu'il a faite des chiffres correctionnels 
avec les chiffres criminels. Qui ne comprend que l'aug- 
mentation du chiffre correctionnel , étant subordonnée à 
l'état de la misère du peuple, il n’y a pas de conclusion 
grave, alarmante à en tirer ! Ainsi, par exemple , en 1847, 
les prisons correctionnelles sont encombrées d’un tiers en 
plus que dans les années ordinaires. A Rouen , la maison 
de correction montre , chaque année , en juin, un chiffre 
de 500 ; aujourd’hui il est de 800. Mais, d’un autre côté, 
la maison de justice criminelle n'a pas dépassé son chiffre 
annuel ; c'est ce qui rassure. La mendicité est le délit de 
ces 300 malheureux qui ont gonflé le chiffre ordinaire ; 
conséquemment ce serait à tort que M. Fayet les ferait 
servir à prouver le progrès de la criminalité en France. 


Malgré toutes ses observations critiques à l'égard des 
ouvrages de M. Fayet, M. Vingtrinier n'est pas moins 
d'avis qu'il faut encourager de pareils travaux, et user de 
bienveillance envers les hommes zélés qui, comme le pro- 
fesseur de Colmar, veulent bien se livrer aux recherches 
difficiles et peu agréables de la statistique, parce que ce 


CLASSE DES SCIENCES. #3 


nest Jamais que dans l'intérêt public que ces hommes 
travaillent. 


J'aurais voulu vous parler, Messieurs , des rapports 
étendus et substantiels de MM. Bergasse, Vingtrinier , Gi- 
rardin, Avenel, Preisser, sur un grand nombre d'ou- 
vrages adressés à l'Académie ; de l'envoi, par notre cor- 
respondant, M. le docteur Duchesne, des copies de deux 
lettres autographes de Rouelle et Lecat, ces grandes 
illustrations normandes du xvure siècle. 


J'aurais voulu vous énumérer les diverses publications 
scientifiques faites en dehors de l'Académie par plusieurs 
de ses membres ; tels que MM. Moreau de Jonnès, Amiot , 
Pelouze , Bussy, Philippar , Payen , Boutigny , V. Pas- 
quier, Michelin, Boucher de Perthes , Soyer-Willemet , 
Lesauvage, Lamare , Jules Reiset , Forget, Avenel, Du 
Breuil, Girardin (g) ; mais le temps me presse, et je me hâte 
de terminer ce trop long rapport, en vous signalant les 
changements survenus dans le sein de la Compagnie 
pendant l’année qui vient de s’écouler. 


Nous avons eu la douleur de perdre le dernier des mem- 
bres qui aient concouru à la nouvelle organisation de l'Aca- 
démie, M. Le Tellier, qui a laissé de si honorables souve- 
nirs dans cette ville, où il a été successivement excellent 
professeur, industriel habile , inspecteur d'Université in- 
tègre et consciencieux. Notre confrère M. Lévy a rédigé, 
sur celui qui fut son maître, son protecteur et son ami, 
une notice biographique que nous nous empresserons 
d'insérer dans le Précis de nos travaux. 


Nos regrets se sont accrus lorsque nous avons vu dis- 
paraître de nos rangs, et presque coup sur coup, Virey, 


Rapports, 
publications 
des Membres 

de l’Académie. 


NECROLOGIE 


Nouveaux 
Membres 
de l’Académie 


AA ACADÉMIE DE ROUEN. 


cet auteur fécond et érudit qui a écrit avec un égal succès 
sur la médecine, la pharmacie , l'histoire naturelle ; Du- 
trochet, ce physiologiste profond , qui a doté la science 
de vues si mgénieuses , de découvertes si capitales ; Cotte- 
reau, ce médecin zélé et philanthrope , dont la vie a été si 
active et malheureusement si courte (h). 


Mais, comme il est dans la destinée des Académies de 
se régénérer continuellement, nous avons, pour combler 
ces vides regrettables , appelé dans notre sein des hommes 
qui apporteront leur concours empressé à l'œuvre civili- 
satrice que nous poursuivons. Ces nouveaux collabora- 
teurs sont : 


MM. Boutan, professeur de physique au Collége royal 
de Rouen. 


Lepage , pharmacien, professeur de physique et 
de chimie au Collége de Gisors ; 


Herberger, chimiste , directeur de la Société Pa- 
latine des sciences chimiques, à Kaiserlautern 
en Bavière ; 


Boileau de Castelnau , médecin en chef de la maison 
centrale de Nismes. 


Les travaux antérieurs de ces estimables confrères sont , 
pour l'Académie, un gage assuré des services qu'elle 
recevra de leur collaboration future. 


J'ai sans doute bien incomplètement raconté les occu- 
pations scientifiques de l'Académie pendant l'année; signalé 
imparfaitement la tendance générale de ses efforts pour 
l'accroissement des connaissances , pour l'entretien parmi 


CLASSE DES SCIENCES. #5 


nous de cette émulation, de ce feu sacré qui poussent in 
cessamment les esprits à découvrir de nouvelles voies 
dans les sentiers encore mal frayés de la science. Avec 
un aussi beau sujet à traiter, j'aurais dû mieux faire ; mais 
ce qui, je l'espère, rachètera ma faiblesse, c'est que 
j'ai voulu, avant tout, être impartial et véridique autant 
qu'on peut l'être quand on a grande envie d'être vrai , et 
qu'on n'a pas besoin d'autre chose pour intéresser. 


COMPLÉMENT. 


16 ACADEMIE DE ROUEN. 


COMPLÉMENT 


DU 


RAPPORT DU SECRÉTAIRE 


DE LA CLASSE DES SCIENCES. 


Je crois devoir donner ici quelques détails qui auraient 
allongé, outre mesure, mon Rapport destiné à être lu en 
séance publique. Ce sera satisfaire à la fois aux exigences 
du public scientifique et aux justes égards qui sont dus à 
d'honorables confrères dont le zèle a fourni à l'Académie 
des occasions de travaux et de discussions. 


(a) Voici l'exposé analytique du mémoire de M. Amiot sur les 
surfaces du second degré, par M. Bigourdan, rapporteur. 


» On sait que lorsqu'on cherche, dans un plan, le lieu de tous 
les points, dont les distances à une droite donnée et à un point fixe, 
situés dans le même plan, conservent un rapport constant, on 
obtient l'équation la plus générale du 24 degré entre deux varia- 
bles. Si l’on identifie cette équation avec celle d’une courbe quel- 
conque du 21 degré, on obtient immédiatement non-seulement 
les foyers et les directrices de cette courbe, mais encore ses élé- 
ments en grandeur et en position. 


» M. Amiot, dans un premier travail, s'est proposé une ques- 
lon analogue par rapport aux surfaces du 24 degré, et il a trouvé, 


CLASSE DES SCIENCES. 17 


non un foyer unique, mais des courbes dont les différens points 
jouissent de propriétés assez semblables à celles des foyers des 
courbes du 21 ordre. 


» Le procédé de M. Amiot est aussi élégant que fécond. Il s'est 
proposé de trouver le lieu décrit dans l’espace par un point mo- 
bile, dont la distance à un centre fixe offre un carré constamment 
proportionnel au rectangle construit sur les distances du même 
point à deux plans donnés. On obtient ainsi une équation qui re- 
présente généralement une surface du 2e ordre. En étendant aux 
surfaces du 2e ordre et en généralisant la définition des foyers et 
des directrices des sections coniques, l’auteur est conduit à se 
proposer cette question : étant donné une surface du 2e ordre 
par son équation, cherchons si cette surface admet un ou plusieurs 
foyers , ainsi qu’un ou plusieurs systèmes de plans directeurs. 


» En poursuivant son analyse avec beancoup de sagacité, 
M. Amiot trouve que les foyers ne forment pas des points isolés , 
mais des courbes continues qu'il appelle des focales , et il prouve 
que toute focale est une des trois courbes du 2e ordre. Aux fo- 
cales se trouvent intimement liées d'autres lignes qu'il nomme 
synfocales. 


» M. Amiot expose ensuite les propriétés des focales-synfo- 
cales et plans directeurs, d’abord dans les surfaces douées d’un 
centre et particulièrement dans l’ellipsoide , et ensuite dans les 
surfaces dépourvues de centre. Enfin il applique sa théorie des 
focales à la discussion d’une surface du 24 degré , donnée par 
son équation. 


» Dans son travail, M. Amiot a démontré un grand nombre 
de propriétés et de théorèmes nouveaux, indépendamment de 
quelques autres déjà connus. 


» Dans un second mémoire, M. Amiot a donné une plus grande 
extension à son premier travail. En démontrant des théorèmes 
nouveaux très importants sur les surfaces du second degré , il a de 
plus en plus étendu l’analogie qui existe entre les focales des 
surfaces et les foyers des courbes. Enfin , à l’aide de sa savante et 
féconde analyse , il a résolu par des moyens nouveaux des proble- 
mes très importants sur les surfaces du 2 degré, » 


18 ACADÉMIE DE ROUEN. 


(b) Dans son rapport sur le mémoire de M. Boutan, M. Preis- 
ser s'exprime ainsi à propos des trombes : 


« Je ferai une observation critique à mon collègue, qui me sem- 
ble avoir oublié, dans son explication de la trombe, un élément 
essentiel et qui doit singulièrement contribuer à donner à ce mé- 
téore son effroyable propriété de destruction. Il explique bien les 
tourbillons électriques dans les hauteurs de l'atmosphère, et je 
rends pleinement justice à la clarté de sa théorie, mais un nuage 
orageux n’agit pas seulement en vertu de sa masse ; mais surtout 
par sa distance au sol. 


» La trombe est un immense entonnoir électrique qui rase, 
pour ainsi dire, le sol en tourbillonnant. Dans ce gouffre, viennent 
se précipiter tous les nuages orageux qui lancent de tous côtés la 
foudre qu'ils recèlent. Pour que son action destruclive s'exerce 
dans les dimensions gigantesques que nous avons observées dans 
le météore qui est venu bouleverser la belle vallee de Malaunay 
et de Monville, il faut que les distances entre la nuée et le sol 
soient presque nulles. Alors rien ne limite plus sa force attractive. 
Les arbres sont déracinés , les édifices les plus solides sont soule- 
vés et anéantis. 


» Mais pour que des nuages électriques puissent ainsi s’abais - 
ser vers le sol, il faut qu'ilssoient surmontés par d’autres nuages 
possédant un fluide de même nom. Dès lors il s'opère une puis- 
sante répulsion et le nuage surbaissé, en se déchargeant d'une 
grande partie de son fluide , éprouve le mouvement de rotation 
que M. Boutan a décrit si clairement dans son mémoire. » 


(ce) Relativement à cette odeur de la foudre, le rapporteur 
s'exprime ainsi : 


« Je regrette de ne pas avoir trouvé dans le mémoire de M. 
Boutan une autre explication de ce phénomène ; quoiqu’elle soit 
soumise à des objections, elle me semble cependant présenter 
quelque chose de très plausible. 


» L'air, comme on le sait , est formé des mêmes éléments que 
l’eau forte, et nous pouvons , en faisant passer une série d'étin- 
celles électriques à travers de l'air renfermé dans un ballon hu- 
mide , opérer la formation d’une petite quantité de ce liquide. 

- 


sam 


CLASSE DES SCIENCES. 19 


Si avec nos faibles machines, nous arrivons à ce résultat, que ne 
doivent pas faire ces immenses éclairs, ces nuages électrisés qui 
viennent se décharger sur la terre? D'ailleurs, l'analyse chimique 
démontre l’existence de l'acide nitrique dans presque toutes les 
pluies d'orage. Il n’est donc pas déraisonnable d'admettre que 
quand la foudre tombe sur un édifice, il se forme de l'acide ni- 
trique dont les vapeurs désagréables peuvent , jusqu'à un certain 
point, être comparées à celle du soufre qui brûle; d'autant plus 
que cette expression, mauvaise odeur de soufre, est adoptée 
par beaucoup de personnes pour désigner une odeur désagréable. 
Probablement aussi cet acide, en réagissant sur les métaux, 
donne naissance à un peu d'acide hyponitrique dont l'odeur est 
plus nauséabonde encore. La production de ce corps nous expli- 
querait cette formation de vapeurs blanches et rongeâtres que l’on 
observe dans les lieux foudroyés, immédiatement après le pas 
sage de la foudre. Les ouvriers de Monville, qui ont été enve- 
loppés par la trombe , ont tous signalé l'existence d'une odeur 
très désagréable et d'une vapeur épaisse qui les environnait. » 


(d) Voici un extrait du rapport que M. Girardin a présenté à 
l'Académie , sur le mémoire de M. Henry : 


« Je vais extraire de ce mémoire , ainsi que d’une notice spé- 
ciale , communiquée en 1843 par le docteur Cisseville à l’Associa- 
tion Normande , séant à Neufchâtel , les faits qui me paraissent 
nouveaux et dignes de fixer l’attention de l’Académie. 


» Le monticule sur lequel est situé le bourg de Forges, se di- 
rige de l’est à l’ouest. Il est composé, depuis l'argile bigarrée 
qui apparaît à la surface du sol jusqu’au grès vert, de nombreu- 
ses alternances d'argile plastique, de sables et de grès ferrugi- 
neux , ayant une puissance de 50 à 55 mêtres, et desquelles sor- 
tent, au nombre de trois, les sources minérales exploitées. 


» Ces trois sources, appelées la Æeinette , la Royale et la 
Cardinale, sont situées au couchant du bourg, dans un vallon do- 
miné par quelques éminences. Elles sourdent à trois mètres en- 
viron au-dessous du sol, dans une petite cour dallée en mica- 
schiste, dans laquelle on descend par quelques marches. La Xei- 
nette et la Cardinale coulent horizontalement : la Aeinette, de 


h 


50 ACADÉMIE DE ROUEN. 


l'est à l’ouest ; la Cardinale , du nord au sud. La Æoyale sourd 
perpendiculairement au milieu des deux autres, et coule ensuite 
de l’est à l’ouest, comme la Aeinette. 


» D’après un jaugeage fait avec soin par M. Cisseville : 


La Aeinette donne 900 litres d’eau par heure, ou 21,600 litr. 
par 24 beures. 


La ‘Aoyale. . . . 450 . . .. . . . - . ..-,. 10,800 
La Cardinale … : 180 .-..- .». RE PU, 


Les trois sources réunies fournissent donc , dans les 24 heures, 
36,720 litres d’eau. 


» La densité de l’eau des trois sources est, à peu de chose 
près, la même , 4,5 environ. 


» La température est aussi à peu près la même dans les trois 
sources , et dans le réservoir qui lesreçoit en sortant de leur canal. 
Elle est de 7° cent. pour la Reinette et la Royale, de 6° pour 
la Cardinale , de 6° 4/4 dans le réservoir commun. 


» La saveur n'est pas la même dans l’eau des trois sources ; 
elle est fraîche dans toutes; peu ferrugineuse dans la Aeinette , 
plus prononcée dans la Aoyale , et décidément atramentaire dans 
la Cardinale. 


» Toutes forment dans leurs bassins respectifs des dépôts 
ocreux et floconneux. La Cardinale présente à sa surface une 
pellicule irisée prononcée, que les buveurs recherchent avec 
soin , et désignent sous le nom de Créme de la Source. 


» Lorsqu'on vient à découvrir le bassin qui reçoit séparément 
chacune des sources , on est frappé de l'aspect que présentent les 
dépôts qui s’y trouvent. Ce n’est plus un amas rouge ocracé, mais 
une réunion de flocons, d’aspect lanugineux, rouges ou rosés très 
légers; quelques-uns même sont tout-à-fait blancs et comme 
soyeux. Vient-on à recueillir ces flocons qui se divisent avec une 
grande facilité ; on y aperçoit à l’aide du microscope une réunion 
de conferves parfaitement organisées, au milieu d’une masse gri- 
sâtre amorphe , et de parties ferrugineuses n'offrant également 
aucune forme. Ces végétations se composent d'oscillaires et d'une 


CLASSE DES SCIENCES. of 


autre conferve particulière. On les retrouve dans les rigoles et les 
conduits où circulent les eaux. 


» Les trois sources renferment les mêmes principes minéralisa- 
teurs, à savoir : des bicarbonates de chaux et de magnésie, des 
chlorures de sodium et de magnesium , des sulfates de chaux, de 
soude et de magnésie, de la silice et de l’alumine, un sel ammonia- 
cal (sans doute du carbonate), du crénate de potasse, du crénate de 
manganèse et du crénate de protoxyde de fer. La Xoyale a offert 
de plus des traces de nitrate de magnésie. Il y a, en outre, dans 
toutes , des gaz azote , oxygène , et surtout du gaz acide carbo- 
nique en dissolution. 


» Le résidu salin, laissé par l’évaporation , varie peu dans cha- 
cune des trois sources ; ainsi: 

La Aeinette fournit un résidu de 0 g. 250 p. 4,000 gr. d’eau. 

HAN AOYUIE ES 0 C0) 0200 

La Cardinale -… 2. . : : 0, 1245 


» La proportion des principes dissous est, au contraire, 
fort variable lorsqu'on fait entrer en ligne de compte l'acide 
carbonique et les différentes substances qui sont altérées par 
la chaleur. 


» La quantité du sel ferrugineux (crénate de protoxyde), qui 
communique aux eaux de Forges leurs propriétés spéciales, est 
loin d'être la même dans les trois sources. D’après M. Henry, il v 
a dans chaque litre d’eau : 


De la Aeinette. . . ; 0, gr. 0220 de crénate, ce qui repré- 
UT PRE CRETIOR ERP 0,0103 de fer métall. 


De la Royale. . . . . 0, 0670 .  0,0402 
De la Cardinale. . . 0, 0980 .  C,0588 


» Le sel ferrugineux est donc plus abondant dans la Cardinale, 
en moindre quantité dans la Aoyale, et en proportion fort mi- 
nime dans la Aeinette. 


» Ce sel est en complète solution dans les eaux, au moment 
de leur sortie de terre, mais il ne s’y maintient pas à l’état soluble 
lorsqu'on les expédie ; car , on n’en trouve , pour ainsi dire, plus 


ACADEMIE DE ROUEN. 


alors dans la Aeinette et la Royale, et à peine même si la Cardi- 
nale en retient sensiblement. Tout est séparé au fond des vases à 
l'etat d’un produit rouge insoluble. De là, l'importance de boire 
ces eaux à leur point d'émergence, et la nécessité pour le chi- 
miste de les analyser aux sources mêmes. 


» L'examen du dépôt floconneux qui se forme spontanément 
dans les bassins de réception des eaux, était très important, par- 
ce qu'il doit représenter le principe spécial ferrugineux des 
eaux de Forges dans un état, on peut dire, plus concentré, et 
qu'il devient alors plus facile , par l'analyse , d'en bien connaître 
la nature. M. Henry a trouvé ce dépôt composé ainsi qu'il suit, 
sur 100 parties : 


Matière organique , c'est-à-dire acides crénique et apocré- 


TIQUE ae CU ES ce HN EAU 
Peroxyde de fer avec trace de manganèse. . . 81,1 
Sable ou mica , carbonate de chaux et con- . . 

LERVES  s : s'aste io CD CE ECREUR-2- 4,2 

100,0 


» C’est donc à l’état de crénate de fer , et non à l’état de car- 
bonate, comme le croyait M. Robert, que le fer existe dans les 
eaux qui nous occupent, puisque ni dans les eaux, ni dans le 
dépôt ocracé qu’elles forment , il n’y a de traces de carbonate de 
fer. Tout prouve que dans les autres eaux ferrugineuses, dans 
lesquelles le fer n’est pas à l’état de sulfate, c’est aux acides or- 
ganiques, crénique et apocrénique, découverts par Berzélius , 
en 1854, qu'il est combiné. Cela est bien évident pour les eaux 
de Porla, de Ste-Allyre, et pour toutes les eaux ferrugineuses 
de notre département , ainsi que je m’en suis assuré tout derniè- 
rement encore sur la source éminemment ferrugineuse de 
Rolleville, auprès de Montivilliers. Cette dernière source m'a 
offert, dans le bassin où l’eau séjourne, le même dépôt ocracé , 
les mêmes conferves et oscillatoires que ceux qu'on remarque 
dans les bassins des sources de Forges. Je rappellerai que c'est 
également à cet état de crénate et d'apocrénate de fer que nous 
avons trouvé le fer, M. Preisser et moi, dans les eaux de St-Paul 


CLASSE DES SCIENCES. 93 


et de la Maréquerie, à Rouen, dans celles de Rançon , prés de 
St-Wandrille. 


» Quelle est l'influence sur le fer de cette matière organique 
que les progrès seuls de la science ont permis de reconnaître dans 
les eaux ferrugineuses? En quoi modifie-t-elle son action sur 
l’économie animale ? Le docteur Cisseville est disposé à croire 
qu’elle atténue d’une manière avantageuse les propriétés trop 
styptiques ou trop astringentes du fer. Ce qu'il y a de certain, 
d’après le même praticien, e’est qu'on ne remarque pas, chez les 
personnes qui font usage des eaux de Forges , les accidents qui 
accompagnent ordinairement l'emploi des ferrugineux artificiels 
ou de certaines eaux ferrugineuses naturelles. » 


» Sur l'avis exprimé par notre confrère, M. Chevallier, on a eu 
l'idée d'utiliser le dépôt ocracé naturel des eaux de Forges comme 
succédané de ces eaux elles-mêmes , dans le cas où les malades 
voudraient en faire usage au loin, ou ne pourraient aller prendre 
les eaux sur place. M Cisseville a donc fait préparer des pas- 
tilles avec le dépôt des bassins, et l’établissement de Forges à 
concédé aux deux pharmaciens de ce bourg, MM. Gillet et 
Mallard, le droit de les fabriquer et de les vendre, sous le 
nom de Pastilles ferrugineuses de Forges. » 


(e) Voici quelques chiffres que j'emprunte au mémoire de M. 
Pimont. 

En dix ans, de 1835 à 1845, le nombre des appareils à vapeur, 
existant en France, a plus que quadruple. I était ainsi qu'il suit, 
dans la dernière année de cette période décennale : 

1802 chaudières calorifères , réparties dans 4124 éta- 

5022 chaudières motrices , blissements ; 

3026 machines à vapeur à haute pression; 

618 machines à moyenne et à basse pression; 
416 locomotives ; T 


382 machines pour la navi- ? 58 à haute pression. 
gation , à savoir: 254 à moyenne et basse press. 


Enfin 52 machines sur bateaux ? 27 à haute pression. 
stationnaires , 5 à moyenne et basse press 


En tout, 11,298 appareils à vapeur. 


5% ACADÉMIE DE ROUEN. 


Sur ce nombre , les 4,474 machines à basse , moyenne et haute 
pression , représentent 75,260 chevaux-vapeur, ce qui correspond 
à 219,780 chevaux de trait, ou à la force de 1,758,240 hommes de 
peine. 


Cette force énorme est obtenue au moyen de 45,121 hectolitres 
de houille par jour. 


La quantité totale de houille nécessaire à l'entretien de tous les 
appareils travaillant en France pendant l'année 1843, a été de 
19,617,900 hectolitres. 


(f) M. Bergasse nous a appris que toutes les variétés de fro- 
ment cultivées dans notre département , même celles qui y out 
été introduites sous le nom de blés anglais, appartiennent à 
l'espèce Touxelle du botaniste Seringe, c'est-à-dire au Zriticum 
vulgare, qui réunit actuellement les 7riticum œstivum et 
hybernum, mal à propos distingués par Linné. L'espèce dite 
Patanielle, Triticum turgidum,. est cultivée sous le nom de 
gros blé daus quelques cantons du Calvados, privilégiés par leur 
fertilité. 


On croit généralement, même à Rouen, que la farine de la 
Durelle (Triticum durum) et de la Patanielle ( Triticum polo- 
nicum) absorbe moins d'eau que celle de la ouxelle et de la 
Patanielle. C’est là une erreur, d’après M. Bergasse. Ce qui a pu 
y donner naissance , c'est que les blés durs anglais, qui sont 
beaucoup plus riches en gluten que tous les autres , fournissent, 
par une mouture imparfaite , une farine qui forme avec l’eau une 
pâte sirupeuse ou glaireuse , et qui semble repousser l’eau au 
lieu de vouloir l’absorber. Mais lorsque ces blés ont été lavés 
préalablement, comme on le fait à Marseille, lorsqu'ils ont été 
soumis à des meules taillées à grains fins, leur emploi présente 
d'immenses avantages. Le Ministre de la guerre ne l'ignore pas, 
lui qui exige que les agens comptables, lorsqu'il leur fournit des 
blés durs , rendent à l'Etat poids pour poids et ne leur alloue 
aucun déchet. 


CLASSE DES SCIENCES. DD 


(g) Parmi les nombreux ouvrages dus aux Membres de lAca- 
démie , nous nous fesons un devoir de mentionner d’une manière 
toute spéciale l'Annuaire , de chimie ou répertoire des décou- 
vertes et des nouveaux travaux en chimie faits dans les di- 
verses parties de l'Europe, publié par MM. Millon et Reiset. 


Le deuxième volume de l'Annuaire qui renferme tous les tra- 
vaux accomplis en 1845, donne l'analyse raisonnée de 218 mé- 
moires de chimie minérale et de 215 mémoires de chimie orga- 
nique. Le troisième volume , qui comprend les travaux de 1846, 
présente l'examen critique de 219 mémoires de chimie minérale , 
et de 307 mémoires de chimie organique ; c'est presque un cin- 
quième de plus qu’en 1845. 

« Un ouvrage de ce genre, a dit M. Girardin , dans son rapport, 
n'a d'autre mérite que l'exactitude et la clarté des résumés, 
que l’impartialité des appréciations portées sur chaque travail en 
particulier. Or , l'Annuaire de MM. Millon et Reiset réunit à un 
haut degré ces conditions , et de tous les recueils analogues, car 
il y a d’autres répertoires scientifiques publiés par MM. Berzélius, 
Kopp et Gerhardt, c'est l'Annuaire dont notre confrère est un 
des auteurs, qui me paraît le plus exact, le plus clair, le plus 
impartial. Il y a encore un point sur lequel je trouve cet Annuaire 
supérieur, ou au moins préférable aux autres compendium, c’est 
l'absence de vues systématiques dans l'analyse ou la traduction 
des ouvrages examinés. Les auteurs se bornent à faire connaître 
aussi exactement que possible les recherches et les opinions des 
savants dont ils signalent les écrits, sans les interpréter d’après 
des vues théoriques qui leur soient propres, et sans forcer les 
faits à entrer, bon gré malgré, dans un cadre factice, véritable 
lit de Procuste, sur lequel trop souvent la vérité est sacrifiée. 

» L'Annuaire, en condensant chaque année les nombreux 
détails que la pratique des laboratoires met à jour, sera d'un 
immense secours pour ceux qui construiront plus tard l'édifice 
de la chimie philosophique. , 

» Sans doute un pareil livre n'est pas de nature à donner beau- 
coup de gloire à son auteur , mais c'est à coup sûr une œuvre 
méritoire qui lui assure la reconnaissance de ses confrères, et du 
public lettré qui suit avec intérêt la marche d’une science si 
grande par son but, si belle par ses conceptions, si utile par 
ses résultats, si universelle par ses applications. » 


56 ACADÉMIE DE ROUEN. 


(h) Voici quelques détails biographiques sur ces trois membres 
correspondants : 


Julien-Joseph Virey , fils d'un notaire royal, naquit à Hortes 
(Haute-Marne), le 22 décembre 1775. Après avoir fait ses huma- 
nités au collége de Langres, il fut placé chez un parent, pharmacien 
de cette ville, pour y commencer ses études en pharmacie , et, 
quelques années après, les guerres de la Révolution survenant, 
il fut appelé dans les hôpitaux et attaché comme pharmacien 
sous-aide à l'hôpital militaire de Strasbourg. 


Distingué par le célèbre Parmentier, qui ne laissa dans l'ombre 
aucun des jeunes pharmaciens qui annonçaient du mérite , il fut 
envoyé par lui à l’hôpital du Val-de-Grâce, de Paris, Dans cette 
situation, les dispositions de Virey trouvèrent largement à se dé- 
velopper. Non content de remplir exactement ses devoirs, Virey 
se livra au travail, aux recherches scientifiques , avec une acti- 
vité,une persévérance peu communes. Exact à tous les cours, il 
passait à la bibliothèque du Panthéon les instants qui lui restaient 
libres, et, outre l'étude de l’histoire générale, l'étude de la 
botanique et de la matière médicale, celle de l'histoire du genre 
humain, considérée moralement et physiquement, devint une de 
ses occupations favorites. Aussi, la partie la plus considérable 
peut-être des travaux qu'il a publiés, est relative à l'histoire de 
l'homme. « C’est de cette manière, dit notre confrère, M. Sou- 
beiran, auquel j'emprunte tous les détails de cette notice , qu'a- 
près avoir contribué dans les hôpitaux à soigner et guérir les 
affections du corps, il voulut, avec les philosophes, concourir au 
but si noble et si élevé de faire faire un pas de plus aux travaux 
de l'intelligence. » 


Les travaux que Virey a publiés sont très nombreux et de divers 
genres. Appelé à être l’un des rédacteurs du Journal de Phar- 
macie et des Sciences accessoires , il a inséré dans ce journal 
une multitude de notices relatives soit aux animaux, soit aux vé- 
gétaux , soit aux minéraux qui entrent dans le domaine de la 
matière médicale. Il avait acquis, sur ces matières, une expé- 
rience profonde; aussi était-il souvent consulté par l’administra- 
tion des Douanes, sur les substances étrangères introduites en 
France comme médicaments. 


CLASSE DES SCIENCES. 57 


Collaborateur du nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle 
appliquée aux arts, et l’un des principaux auteurs du grand 
Dictionnaire des sciences médicales, il a traité dans ces deux 
recueils, qui forment chacun une encyclopédie spéciale, les sujets 
d'ensemble. Ainsi, on lui doit les articles Nature, Animal, 
Règnes, et divers sujets généraux de physiologie, d’hygiène, 
de philosophie et de l'histoire de la science. I à enrichi l'édition 
de Buffon de Sonnini d'un assez grand nombre de notes. 


Avec des matériaux aussi nombreux que ceux que Virey avait 
rassemblés, il ne pouvait manquer de publier des ouvrages 
originaux ; ils se succédèrent continuellement dans le cours de 
sa vie. Telles furent trois éditions d'un 7raité de Pharmacie 
théorique et pratique ; une traduction de la Chimie organique, 
de L. Gmélin, augmentée de notes critiques et de résultats d’ex- 
périences de laboratoire ; deux éditions de Histoire naturelle 
du genre humain, en 3 volumes, et qui furent réimprimées 
à l'étranger; deux éditions de l'Histoire de la Femme sous les 
rapports physiologiques , moraux et littéraires, ouvrage qui 
fut traduit en allemand; l'Histoire des mœurs et de l'instinct 
des animaux avec des classifications naturelles, 2 volumes. 
Telles furent encore, lorsqu'il se fit recevoir docteur médecin, 
en 1814, sa thèse inaugurale intitulée : Æphémérides de la 
vie humaine ; et un autre travail sous ce titre : Examen im- 
partial de La médecine magnétique. On doit aussi à Virey une 
Histoire naturelle des médicaments, des aliments et des poi- 
sons ; un livre sur La puissance vitale dans les fonctions phy- 
siologiques ; une Hygiène philosophique appliquée à la civili- 
sation moderne, ouvrage traduit en italien ; et enfin son dernier 
ouvrage , intitulé : De la Physiologie considérée dans ses rap- 
ports avec la Philosophie, 1844. 


La simple énumération des titres de ces livres suffit pour mon- 
ter avec quelle ardeur Virey se livrait au travail. L'étude était 
son occupation et sa distraction de tous les instants. Un seul 
motif le guidait, et il respire dans toutes ses œuvres, l'amour de 
ses semblables, le désir de concourir à leur bonheur et à leurs 
progrès. 

Tant de travaux ne restèrent pas sans récompenses. Virey avait 
été pendant longtemps pharmacien en chef de l'hôpital d'instruc- 


58 ACADÉMIE DE ROUEN. 

tion du Val-de-Grâce. 11 était membre de l’Académie royale de 
Médecine, du Comité historique des Sciences près le ministère 
de l’Instruction publique, officier de la Légion d'honneur. Eu 
1825, il fut appelé à la Chambre des Députés; la même année, 
il fut présenté par l’École de Pharmacie et par l’Institut pour 
une chaire d'histoire naturelle vacante dans cette école; la 
Restauration le repoussa. Un grand nombre de Sociétés savantes 
le comptaient au nombre de leurs membres correspondants ; il 
fut reçu à l'Académie de Rouen, en 18928. 


Une attaque d’apoplexie a enlevé Virey à ses nombreux amis 4 
au commencement de mars 1846. 


Réné-Joachim-Henri Durrocnet, né en 14776 au château de 
Néon, dans le département de l’Indre , était, comme fils ainé 
d’une famille noble et riche, destiné à posséder un jour une 
fortune considérable; mais son père ayant émigré, tous les biens 
qu’il pouvait attendre furent confisqués, et le jeune Dutrochet 
se vit dans la nécessité de choisir une profession ; il embrassa la 
carrière médicale, afin de ne pas renoncer aux goûts qu'il res- 
sentait déjà pour l'observation de la nature , tout en s’assurant 
une existence honorable et utile. 


En 1806, Dutrochet prit le grade de docteur à la Faculté de 
médecine de Paris, après avoir soutenu une thèse sur la théorie 
de la voix, essai remarquable par l'originalité des vues qui y 
sont exposées, et qui pouvait faire prévoir la direction qu'il a 
invariablement suivie dans les travaux qui, depuis, lui ont valu 
une si juste célébrité; quatre ans plus tard, il complétait ce 
premier essai en publiant une nouvelle théorie de l'harmonie. 


Depuis lors, Dutrochet s’est livré, avec un zèle infatigable , à 
l'étude des phénomènes physiques , considérés dans leur relation 
avec l'organisme des plantes et des animaux. 


Pendant quelques années, il exerça la médecine , et, en 1808 
et 1809, il servit comme médecin militaire dans l’armée qui 
combattait en Espagne. Mais une vie aussi rude , qui soumet la 
volonté, la pensée même, à une foule d’éventualités doulou- 
reuses, ne pouvait convenir longtemps à un esprit méditatif, 
qui avait besoin de toute son indépendance et de toute sa liberté. 
Aussi renonça-t-il de bonne heure aux avantages que son grand 


CLASSE DES SCIENCES. 59 


savoir n'eût pas manqué de lui faire obtenir, et s’adonna-t:il, 
dans la retraite la plus absolue, à des travaux qui absorbèrent 
tous ses moments. C’est dans cette retraite de Château-Renault 
qu'il fit d'ingénieuses observations sur l'accroissement des 
végétaux, des recherches anatomiques et physiologiques sur l’or- 
ganisation des plantes et des animaux, sur leur motilité; son 
histoire de l'œuf avant la ponte. 


Un des premiers, Dutrochet entrevit combien il restait à faire 
pour asseoir la physiologie végétale sur une base inébranlable, 
sur l'expérience et sur l’observation. Observateur patient, minu- 
tieux même jusque dans les plus petits détails, il n’en procla- 
mait pas moins toute la puissance des vues générales et com- 
paratives. Dès ses premiers travaux, il annonce aux botanistes , 
aux zoologistes, aux médecins, que les phénomènes de la vie, 
pour être compris, doivent être étudiés successivement dans le 
végétal, dans l'animal, dans l’homme , dans toutes les classes 
des êtres organisés. Dans toutes ses recherches, Dutrochet a été 
inspiré par le véritable esprit biologique, l'esprit de comparaison 
et d'analogie. 


En 1819, l’Académie royale des Sciences le nommait un de 
ses correspondants. Quelques années plus tard, elle couronnait 
deux de ses Mémoires : en 1821 , ses Recherches sur l'&ccrois- 
sement et lareproduction des Fégétaux; en 1822, ses recherches 
sur le développement du Triton ou Salamandre aquatique dans 
ses différents degrés, depuis l'œuf jusqu’à l'animal par fait. 
Enfin , en 4851 , elle se l'associait en qualité de membre résidant, 
et comme membre de la section d'économie rurale. 


Une pensée juste et profonde, à savoir que si une force in- 
connue préside au développement des êtres vivants et aux actes 
qu'ils accomplissent, un grand nombre de ces phénomènes ne 
peuvent être analysés et définis sans les secours puissants que la 
physique et la chimie fournissent à l'observateur, a inspiré à 
Dutrochet ses plus beaux travaux , et l’a conduit, en 4826, à une 
découverte capitale dans la physiologie moderne, la théorie de 
l’'endosmose. Cette théorie et la démonstration des faits qui lui 
servent de base, ont placé Dutrochet au premier rang parmi 
les hommes éminents qui se sont occupés de physiologie géne- 
rale. Il en jaillit les plus vives lumières sur les phénomènes de 


60 ACADÉMIE DE ROUEN. 


l'absorption et de la circulation dans les végétaux; il en jaillit, 
en même temps, l'explication simple et naturelle d'une foule de 
phénomènes de la nutrition et de la secrétion. 


Ne pouvant mentionner tous les écrits dus à la plume infa- 
tigable de Dutrochet, nous citerons les principaux, et entre 
autres : 

Mémoire sur les parties végetantes des animaux vertébrés 
(1821 ); 

Mémoire sur l'influence du mouvement sur les directions 
spéciales qu'affectent les parties des Végétaux ( 1822 ); 

Mémoire sur la direction que prend une aiguille aimantée 
placée à la circonference d'un cercle qui tourne sur son centre 
(1822 ); 

Nouvelles expériences sur les Sensitives (1825) ; 


Expériences sur la circulation des liquides dans les tubes 
de verre verticaux (1829 ) ; 


Recherches sur la température propre des Végétaux (1839); 


Recherches sur la chaleur vitale des Animaux à basse tem- 
pérature (1840 ); 


Recherches physiques sur la Force épipolique (184%2) ; 

Observations relatives à l'action motrice exercée sur la sur- 
face de plusieurs liquides , tant par l'influence de la vapeur 
de certaines substances que par le contact immédiat de ces 
mêmes substances (1842 ); 

Des mouvements révolutifs spontanes qui s’observent chez 
les Végétaux (1845 ); 

De l'infleæion des Tiges végétales vers la lumière coloree 
(4845 ); 

Recherches sur la volubilite des tiges de certains VFégetaux , 
et sur la cause de ce phénomène (1844), etc. 


Membre de la Société royale et centrale d'agriculture , Dutro- 
chet en suivit avec intérêt tous les travaux, et parmi les déli- 
bérations auxquelles il prit une part active, on peut citer les 
projets de perfectionnement de l'instruction agricole , les obser- 
vations sur les procédés de décortications partielles destinés à 
suspendre les ravages de certains insectes qui attaquent les ormes 


CLASSE DES SCIENCES. ü1 


des grandes plantations publiques. Par une série d'observations 
microscopiques et d'essais chimiques, il parvint à constater, en 
1843, l'origine antique de filaments de laine trouvés dans un 
sarcophage égyptien; et par l'examen de lambeaux de tissus ap- 
portés par M. Jomard, des hypogées de la ville de Thèbes, il 
démontra d'une manière évidente que cette terre d'Egypte, si an- 
ciennement dotée des avantages d'une civilisation avancée , pos- 
sédait la race des moutons mérinos. Privée, depuis bien des 
siècles, de cette antique civilisation et des avantages matériels 
qui en résultaient, l'Egypte avait vu disparaître les mérinos 
que l’Europe lui a rendus il y a une trentaine d'années, après 
les avoir reçus de l'Espagne qui, elle-même , les avait reçus des 
Maures d'Afrique. L'origine africaine de cette race précieuse de 
moutons sert à confirmer l'opinion de Dutrochet , que cette race 
existait réellement dans l'antique Egypte. 


L'Académie de Rouen s'empressa, dés 1816, de recevoir 
Dutrochet au nombre de ses correspondants. I] avait sollicité cet 
honneur en lui envoyant son Mémoire sur les Rotiferes, et des 
développements sur le mécanisme de la rotation chez les 
Rotifères. Plus tard, il lui communiqua ses recherches sur les 
enveloppes du fœtus. 


Dutrochet a été enlevé aux sciences le 4 février 1847. 


Pierre-Louis COTTEREAU , né à Vendôme, Le 4er décembre 1797, 
d'une famille aisée manifesta de bonne heure les plus heureuses 
dispositions pour les sciences naturelles. Reçu bachelier ès-lettres 
à 14 ans, il commença aussitôt l'étude de la médecine à l'hôpital 
civil et militaire de Vendôme, et en 1814, il se fit élève en 
pharmacie. Reçu pharmacien vers la fin de 1820, il n'exerça cette 
profession que fort peu de temps, et, entrainé par son goût 
pour la pratique de l’art de guérir, il reprit ses premières études 
médicales ; ses examens furent passés rapidement , et le 7 juillet 
1825, il soutint avec un grand succès une thèse latine : De vene- 
ficio a miasmatibus paludosis. Cette thèse lui valut le titre de 
docteur de la faculté de Paris. 


En 18927, il obtint par concours la place de professeur agrégé 
à cette faculté, après avoir soutenu une thèse latine : £æx Fluidis 
imponderabilibus quænam auæilia therapeutica? I se lança 


62 ACADÉMIE DE ROUEN. 


aussitôt dans la pratique médicale, en même temps qu'il ouvrit 
des cours particuliers de thérapeutique , de matière médicale et 
de pharmacie , qui, depuis, n’ont pas été interrompus. Pendant 
cinq ans, à partir de 4851, il remplaça M. Deyeux, dans la chaire 
de pharmacie’ de l’École de médecine, et fut l’un des professeurs 
les plus suivis de la faculté. En 1859, la Cour royale l’admit au 
nombre des experts chimistes assermentés. Il était depuis long- 
temps médecin des bureaux de charité et des dispensaires , secré- 
taire de la commission sanitaire du 5° arrondissement de Paris, 
et membre d’un grand nombre de sociétés savantes avec lesquelles 
il correspondait très activement. Il reçut la décoration de la 
Légion d'honneur en 1839. 


Travailleur infatigable et consciencieux, toujours poussé par 
une insatiable avidité de savoir vers l’inconnu, riche d’immenses 
connaissances , appliquant sans cesse à de nouvelles ramifications 
de la science l’activité de son esprit, Cottereau était devenu le 
médecin le plus instruit et en même temps le plus occupé de la 
capitale. Mais à aucune époque de sa vie, les sciences ne purent 
lui faire oublier le côté le plus agréable des travaux intellectuels. 
Profond latiniste , helléniste distingué, parlant toutes les langues 
vivantes, versé dans les langues orientales et asiatiques, il a par- 
tagé les travaux de l’illustre Rémusat , et, au milieu de recherches 
si variées, sans perdre de vue un seul instant son but principal, 
il a conservé en lui le souvenir et le culte trop oublié des impé- 
rissables modèles de l’antiquité. 


Cottereau a succombé le 19 février 1847 , après cinq jours de 
maladie , aux atteintes d’une pleuropneumonie. 


Il laisse un grand nombre d'ouvrages inédits. Le nombre de 
ceux qu’il a publiés est considérable. Nous citerons entre autres : 


Un Dictionnaire de Posologie médicale , fait en collaboration 
de MM. Chevallier et Bricheteau, ( 1829 ); 


Un Traité élémentaire de Pharmacologie , ( 4856 }); 


Treize mémoires d'histoire naturelle, communiqués à la Société 
médicale de Tours, ( de 1817 à 1819 ); 


Seize mémoires sur la thérapeutique et la pathologie , commu- 
niqués à diverses sociétés savantes ( de 1827 à 1829 ). 


CLASSE DES SCIENCES. 6: 


Cottereau était arrivé, par de nombreuses expériences sur 
lui-même, à un emploi aussi heureux que nouveau du chlore 
à l’état gazeux, dans les maladies de poitrine. Il a employé le 
premier, et avec succès, l’iode et le brôme, dans les mêmes 
affections. Pour l'administration de ces substances, il a construit 
un appareil qui lui est propre et qui porte son nom. Avec 
MM. Leblanc et Trousseau, il a encore étudié l'application du 
chlore au traitement de la morve, regardée comme incurable 
par tous les vétérinaires. 


L'Académie de Rouen admit Cottereau, en 1829, au nombre 
de ses correspondants. Elle avait reçu de lui, en juillet 1828, 
un très intéressant Mémoire sur quelques effets singuliers 
produits par l'usage interne et externe de certains médica- 
ments. 


RS SES ESESERS SES EEE = 


CONCOURS POUR LE PRIX DES SCIENCES 


DE 1847. 


L'Académie avait proposé, pour le prix des sciences à 
décerner cette année , le sujet suivant : 


« Ÿ at-il accroissement du nombre des aliénés des deux 
« sexes, dans le département de la Seine-[nférieure ? 


« En cas d’affirmative , rechercher les causes de ces ac- 
« croissements , et indiquer les moyens d’y remédier. » 


Un seul mémoire est parvenu; mais comme son 
auteur, en se bornant à quelques allégations vagues , n'a 
cité aucun fait, rapporté aucune observation , établi aucune 
hypothèse qui puisse amener à la solution de la question, 
l'Académie a décidé qu'il n’y avait pas lieu de décerner 
le prix, et a retiré le sujet du concours. 


CLASSE DES SCIENCES. 
Mémoires 


DONT L'ACADÉMIE 4 DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER 


DANS SES ACTES, 


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NOTICE NÉCROLOGIQUE 


M. LETELLIER , 


PAB M. LÉVY, 


Membre vétéran. 


Germain-François LereLLier naquit le 8 avril 1767 à 
Villette (Eure), d'un cultivateur chargé d’une nombreuse 
famille. Destiné, dès sa naissance à l’état ecclésiastique, ses 
premiers succès dans les études le firent nommer grand 
boursier au Collége d'Harcourt (aujourd'hui Saint-Louis. ) 


Ses progrès furent rapides. A vingt ans, il était maître-ès- 
arts de l'Université de Paris, lorsque la révolution vint le 
détourner de la carrière qu'il avait embrassée. 11 se voua 
dès lors à l'étude des Sciences qui lui offraient un attrait 
particulier. Admis à l'École normale , il suivit avec avidité 
les leçons de Monge, Lagrange, Laplace et Fourcroy. 
Ces maîtres habiles, charmés de l’ardeur et du savoir du 
jeune homme , le firent rommer, le 1° février 1791 , pro- 
fesseur de mathématiques et de physique au Collége de 
Rouen; puis, en 1795, professeur de mathématiques à 
l'École centrale de la même ville. En 1804, il devint pro- 
fesseur de mathématiques transcendantes au Lycée de 
Rouen. Il remplit ces fonctions jusqu'au 15 décembre 1809, 
où il fut nommé inspecteur de l'Académie de Rouen. Il 


68 ACADÉMIE DE ROUEN. 


en exerca les fonctions jusqu'en 1834, époque à laquelle 
il fut, sur sa demande , admis à la retraite. 


Déjà, depuis plusieurs années , ils’était livré à des entre- 
prises industrielles avec autant d'intelligence que de succès. 


Membre de l'Académie depuis 1809 , il était demeuré 
le seul membre parmi ceux qui avaient contribué à sa réor- 
ganisation. Il mourut à Paris le 17 novembre 1846 , à l'âge 
de 79 ans. 


M. Letellier fut remarquable par sa haute intelligence , 
son activité et son attachement à ses devoirs. L'École cen- 
trale compta en lui un professeur distingué ; l'Académie 
universitaire , un inspecteur ferme , indulgent et éclairé ; 
l'industrie , un homme qui comprenait le progrès dans ce 
qu'il a de durable et d'utile. Il dut à cette sûreté de 
jugement une position honorable et une réputation qu'au- 
cun nuage n'est venu ternir. 


Son aménité , sa douceur, la sûreté de ses relations, 
la bonté de son cœur lui avaient créé de nombreux amis. 
Il avait su se les préparer de longue main par l'intérêt qu'il 
portait à la jeunesse, qu'il ne se bornait pas toujours à 
aider de ses conseils et de ses applaudissements. Je n'en 
citerai qu'un fait, qui ne blessera plus sa modestie , mais 


qui, jusqu'à ce jour, était presqu'ignoré. 


Le condisciple de l’un de nous , appartenant à des pa- 
rents peu fortunés, lui dut son éducation tout entière , et 
une position honorable qui le mit à même d'assurer une 
existence paisible à l’auteur de ses jours. 


Puisse, ce faible tribut payé à la mémoire d’un de nos 
dignes confrères, sauver de l'oubli le nom d’un homme 
de bien , qui nous fut cher à plus d’un titre. 


D — ” c ee — D PE RQ => 
RES SSEREELEE=SEIESISI = — 


NOTE 


sur Les 


TÉLÉGRAPHES 


ELECTRIQUES, 


PAR M. F. PREISSER, 


Docteur és-Sciences physiques, Professeur de Physique 


à l'Ecole muuicipale, etc. 


Messreurs , 


Les sciences physiques fournissent de nos jours de si 
nombreuses applications, que beaucoup d’entre elles passent 
inaperçues, et que l’on ne porte son attention que sur celles 
qui paraissent les plus importantes et qui excitent le plus 
notre curiosité . 


De toutes les branches de la physique , la plus intéres- 
sante peut-être est l'électricité, qui comprend aujourd'hui 
le galvanisme et le magnétisme. 


Parmi les applications les plus surprenantes, vous avez 
déjà nommé les télégraphes électriques, Tout le monde les 


70 ACADÉMIE DE ROUEN. 


connaît de nom , mais peu de personnes en conçoivent le 
mécanisme. 


Pensant que l'Académie accueillera favorablement une 
lecture sur cet intéressant sujet, j'avais depuis longtemps 
le projet d'en faire l'objet d’une communication, mais j'ai 
toujours été arrêté par la crainte de n'être pas assez clair 
dans des explications trop arides quand les yeux ne sont 
pas frappés par le mécanisme fonctionnant. 


Aujourd'hui je n’ai plus les mêmes motifs de garder le 
silence, car je puis faire manœuvrer devant vous le télé- 
graphe électrique que j'ai acheté pour la collection des 
instruments de physique de l’école municipale. 


Dans tout ce que je vais avoir l'honneur de vous lire, 
Messieurs, je n’ai cherché qu'à être clair, et j'ai écarté 
avec soin les détails théoriques et les expressions techni- 
ques qui pourraient vous embarrasser. Mon intention est 
surtout de parler à vos yeux. 


Avant de vous donner la description des télégraphes 
électriques, il est indispensable que je vous fasse connaître 
les principaux phénomènes qui forment le point de départ 
de cette application. 


Rien n'est comparable à la rapidité avec laquelle le 
fluide électrique se propage. [ ne lui faut qu'une seconde 
pour parcourir 117 mille lieues, et, chose extraordinaire , 
le génie de l'homme est arrivé à mesurer cet espace, il a 
démontré qu'il était supérieur à celui que parcourt la lu- 
mière. C’est au physicien anglais Wheastone que l'on 
doit cette détermination; c'est lui aussi qui a eu, un des 
premiers, l’idée d'utiliser cette vitesse inouie pour la pro- 
pagation des nouvelles,et de mettre en rapport,avec la rapi- 


CLASSE DES SCIENCES. 71 


dité de la pensée, les pays les plus éloignés du globe. En 
un centième de seconde, les communications peuvent être 
échangées d’un pôle à l’autre. 


Les différents télégraphes électriques qui sont en activité 
en Angleterre, en France, en Allemagne, en Amérique, 
sont fondés sur l’action des courants électriques développés 
par les piles constantes : 


1° Sur l'aiguille aimantée ; 

29 Sur le fer doux ; 

3° Sur les appareils d'induction. 

Examinons rapidement ces différentes actions. 


Action des courants sur l'aiguille aimantée : 


Toutes les personnes qui se sont occupées de sciences, 
savent qu'Arsteo, de Copenhague, posa les premiers fon- 
dements de l'Electro-Magnétisme , en découvrant qu'une 
aiguille aimantée, placée au-dessus ou au-dessous d’un 
courant électrique, se tourne toujours en croix avec ce 
dernier, comme vous pourrez vous en assurer par l’expé- 
rience suivante. 


Maintenant vous pouvez déjà avoir une idée du sys- 
tème de télégraphe le plus simple que lon ait imaginé. 


Qu'on se figure, tendus entre deux points aussi éloignés 
qu'on voudra, 25 fils de fer ou de cuivre parallèles et isolés 
sur des supports en bois, et, qu'au point d'arrivée, ces fils 
entourent par plusieurs circonvolutions autant d’aiguilles 
et boussoles, puis reviennent au point de départ. 


En ce point, sera établi une pile; les fils de retour seront 
fixés par un bout à l'un des pôles, et les autres extrémités 


72 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ne communiqueront à l'autre pôle que par la poussée d’au- 
tant de touches, dont chacune fera buter contre le zinc le 
bout des 25 fils, selon la poussée que lui imprimera le doigt 
de l'opérateur. Chacune des touches portera inscrite une 
des 25 lettres de l'alphabet, et, à l'extrémité bleue de cha- 
cune des 25 aiguilles, sera fixé un petit cercle vertical de 
papier qui portera la même lettre que la touche corres- 
pondante. 


Veut-on transmettre la lettre A? l'opérateur appuiera 
sur la touche marquée A; le fil de cette touche butera 
contre le zinc ; le couple voltaïque entrera en action, et il 
se produira un courant qui fera tourner l'aiguille de ma- 
nière à ce que, sortant de son cadre, elle vienne se placer 
transversalement devant les yeux du receveur, en lui 
montrant la lettre À , qu'il inscrira sur le papier. On peut 
ainsi transmettre facilement de 12 à 20 lettres par 
minute. 


Ce système est le premier qui ait été imaginé, mais on 
lui a bientôt préféré d’autres systèmes plus parfaits. Je ne 
vous l’expose ici qu'à cause de sa grande simplicité théo- 
rique, et il donne une idée très nette de la transmission 
rapide de la parole à une distance quelconque par les pro- 
cédés électriques. 


Le second système est fondé sur l'emploi des électro- 
aimans. C’est celui que j'ai l'honneur de vous présenter 
et qui fonctionne sur la plupart des grandes lignes. 


L'aimant attire le fer, tout le monde sait cela. Mais ce 
qu'on sait moins communément, c'est que le fer doux peut, 
au moyen de l'électricité, être changé en aimant d’une pro- 
digieuse puissance. 


Que l'on prenne une lame de fer doux ou un fer à 
cheval , et qu'on l'entoure d'un fil de cuivre en hélice. 


CLASSE DES SCIENCES. 73 


Dès que l’on fait communiquer les deux extrémités du fil 
avec les deux pôles d'une pile, aussitôt le fer doux devient 
aimant, et, comme un aimant, il attire le fer. Interrompez 
la communication entre la pile et l'hélice, et aussitôt le 
fer doux perd la propriété d'attirer le fer; il cesse d'être 
un aimant. 


Supposons maintenant qu'il s'agisse d'établir un télé- 
graphe électrique entre Paris et Rouen. 


Plaçons une pile à Paris, disposons à Rouen les lames 
de fer doux et les hélices qui, en donnant accès au fluide 
électrique, transformeront ces lames en aimants; puis, éten- 
dons de l’une à l’autre de ces deux villes les fils conduc- 
teurs qui, partant de la pile, iront aboutir à l'hélice. 


Mettons actuellement la pile en action. Aussitôt que le 
fluide électrique se développe dans l'hélice, le fer doux est 
aimanté et attiré par la pièce de fer stationnaire; 1lse porte 
au devant d'elle. 


Maintenant , interrompons le courant électrique; aussi- 
tôt, l'électricité n’arrivant plus jusqu’à l'hélice, le fer doux 
perd sa puissance magnétique; il n’attire plus, iln'est plus 
attiré. Or, imaginons que pour se porter vers l'aimant, le 
fer stationnaire ait à vaincre la résistance d’un petit ressort, 
la force magnétique que lui prête le courant électrique lui 
permettra de vaincre cet obstacle. Mais dès que par l'in- 
terruption du courant, cette force magnétique cessera de 
l'animer, aussitôt le petit ressort repoussera la lame de fer 
doux jusqu'à la place qu'elle occupait avant l'arrivée du 
courant. 


De sorte que chaque fois que nous établirons et que 
nous romprons ce courant, le fer doux sera porté en avant, 


74 ACADÉMIE DE ROUEN. 


puis repoussé en arrière. Cet effet mécanique , ce mouve- 
ment de va et vient une fois produit , il ne nous reste plus 
qu'à chercher un moyen de l'utiliser pour la transmission 
des signes. Vingt moyens sont praticables. 


Voulez-vous que l’action de l'électricité amène devant 
vos yeux des lettres, et compose ainsi de toutes pièces des 
mots et des phrases ? Rien de plus facile. Voici comment 
on s’y prend : 


Les fils que nous venons d'employer, conduisent bien 
l'électricité, mais toutes les substances n'ont pas cette pro- 
priété. Il en est qui opposent un insurmontable obstacle 
au passage de l'électricité. 


L'ivoire est au nombre de ces substances non conduc- 
trices. 


Ceci une fois posé, prenez une roue d’engrenage en 
cuivre, portée sur un axe également en cuivre, puis rem- 
plissez d'ivoire les intervalles qui séparent les dents de 
cette roue. Vous aurez un cercle complet dont la circonfé- 
rence sera composée alternativement de substances con- 
ductrices et de substances non conductrices de l’électri- 
cité. Admettons qu'il y ait 24 parties de chacune de ces 
substances; maintenant, rompons près de la pile l’un des 
deux fils qui vont de Paris à Rouen, faisons que l'extrémité 
libre de la porte de fil restée adhérente à la pile, soit tou- 
jours en contact avec la circonférence de la roue, et enfin 
attachons à l'axe de la roue l'extrémité libre de l'autre 
portion du fil brisé. Cette disposition étant prise, il arrivera 
évidemment, quand nous ferons tourner cette roue , que 
l'extrémité du fil qui touche le bord de la roue se trou- 
vera alternativement en contact avec le cuivre et avec 
l'ivoire. Quand il touchera le cuivre, le courant électrique 


CLASSE DES SCIENCES. 75 


passera de ce fil sur la roue, de la roue sur l'axe de celle-ci, 
et de cet axe sur le fil qui lui est attaché et qui le conduira 
à Rouen. Quand, au contraire, il touchera l'ivoire, celui-ci 
s'opposera au passage de l'électricité, et le courant sera 
interrompu, et comme la roue se compose de 2% parties 
cuivre et de2# ivoire, le courant électrique sera 24 fois éta- 
bli et 24 fois interrompu, et, par conséquent, la lame de 
fer doux qui communique à Rouen avee les fils de la pile, 
sera 2% fois rendue magnétique et retournera 2% fois à 
l'état naturel. 


Imaginez maintenant qu'en avant de cette pièce de fer 
doux, soit placée une roue d’engrenage, et supposez que 
cette roue soit empêchée de tourner par une petite pièce 
de fer; quand la pile sera en mouvement, la lame aimantée 
attirera à elle cette pièce de fer, et l'engrenage, au mouve- 
ment duquel rien ne s’opposera plus, avancera d'une dent. 
Lorsqu'au contraire le courant sera interrompu, le fer 
abandonné par l’aimant sera reporté contre la roue qui, 
dès lors, cessera de tourner. 


Imaginons , pour plus de simplicité , que chacune des 
parties de cuivre de la roue de cuivre et d'ivoire que nous 
avons établie à Paris, porte l’une des lettres de l'alphabet; 
imaginons encore que chacune des dents de l’engrenage 
que nous avons monté à Rouen, porte également une 
lettre ; convenons que la lettre qui fera partie de la dépê- 
che sera celle qui occupera le sommet des deux roues ; 
ayons soin qu'au début de chaque expérience , les mêmes 
lettres occupent les mêmes places sur les deux roues de 
Rouen et de Paris; supposons que c’est en ce moment 
la lettre À qui occupe le sommet des deux roues ; pour 
amener la lettre B, par exemple , àla place occupée par 
la lettre A , il faut observer qu'il y a entre les deux lettres 
une pièce d'ivoire, Done, quand cette pièce passera sous 


716 ACADÉMIE DE ROUEN. 


le fil adhérent à la pile, il n'y aura pas d'effet produit , 
mais aussitôt après la partie cuivre qui porte la lettre B 
viendra occuper la place de cette pièce d'ivoire, et aussitôt 
le fil qui la touche versera sur elle son électricité , l'élec- 
tricité se communiquera de la roue à l'axe de celle-ci, de 
l'axe au fil qui mène à Rouen. A Rouen, le fer renfermé 
dans l'hélice entrera en action , il attirera à lui la pièce de 
fer qui tenait l'engrenage en arrêt : une dent s’avancera , 
la lettre B viendra se placer au sommet de la roue , et l'ob- 
servateur de Rouen sera prévenu que le premier mot de la 
missive commence par B. 


C’est ici le cas d'indiquer comment on sera prévenu à 
Rouen que le correspondant de Paris a une dépêche à 
transmettre. Rien de plus simple ; il suflira d’une son- 
nette, placée dans la chambre du télégraphe à Rouen, 
que l’on mettra en mouvement , de Paris, par l'électricité 
pour faire savoir que l’on a un signal à transmettre. 


Nous avons employé deux fils pour établir la communi- 
cation entre nos deux stations , car pour que l'électricité, 
dégagée par la pile , produise l'effet désiré , il faut qu’elle 
se propage dans un circuit entièrement fermé. On rem- 
plit aujourd'hui cette condition , en rompant le fil à l’une 
des stations, lui laissant seulement la longueur néces- 
saire pour qu'il puisse descendre dans un puits creusé près 
de la pile et le terminant par une plaque qui plongera dans 
l’eau de ce puits ; on disposera de même à l’autre station 
la portion de fil qui sera en rapport avec l'hélice. Les 
deux plaques seront séparées l'une de l’autre par une 
étendue de terre égale à la distance de Paris à Rouen; 
cette étendue de terre remplira l'office du fil retranché, et 
malgré cette soustraction de plus de 30 lieues de fil, le 
courant s’établira avec autant de régularité que jadis, les 


CLASSE DES SCIENCES. 17 


signaux seront transmis avec la même fidélité, avec la 
même promptitude. 


On peut encore, comme M. Bréguet l’a observé derniè- 
rement , remplacer le fil supprimé par l'un des rails du 
chemin de fer. 


Si l'employé , chargé d'écrire la correspondance , est 
absent , l'appareil écrit lui-même la dépêche, et voici com- 
ment : 


Plaçons au-dessous de l'électro-aimant une bande de 
papier que nous mettrons en mouvement à l’aide d’un mé- 
canisme quelconque: disposons de plus un pinceau ou un 
crayon de telle sorte qu'un mouvement de bascule im- 
primé au fer doux suflise pour pousser ce pinceau ou ce 
crayon sur la bande de papier ; faisons enfin que ce mou- 
vement de bascule soit imprimé au fer doux chaque fois 
que le courant électrique viendra développer en lui la vertu 
magnétique. Ces dispositions étant prises, il est clair que 
chaque fois que le fer doux sera mis en mouvement, le 
pinceau tracera un signe sur le papier. Le courant ne 
dure-t-il qu'un instant? il n°y aura qu'un point marqué. 
Dure-t-il plus longtemps ? il y aura une ligne ; plus long- 
temps encore? une ligne plus longue sera produite , et si 
nous avons à l'avance donné une signification précise à tou- 
tesles combinaisons possibles de points de lignes de diver- 
ses grandeurs, il est évident que nous pourrons faire , d’un 
bout à l’autre de la ligne télégraphique, l'échange de nos 
pensées. 


Télégraphie par induction. 


On a donné le nom de courants d'induction à des cou- 
rants particuliers qui se développent dans les conducteurs 


18 ACADÉMIE DE ROUEN. 


au moment où ces corps conducteurs s'approchent ou s'é- 
loignent, soit de courants voltaïques, soit de barreaux ai- 
mantés. Si l’on enroule autour d'une bobine deux fils de 
cuivre couverts de soie, à un très grand nombre de tours ; 
que l’un soit attaché par les deux bouts aux pôles d'une 
pile, l’autre appliqué par les siens à un multiplicateur ; à 
l'instant où la pile entre en action, l'aiguille du multipli- 
cateur est fortement déviée, mais revient aussitôt à sa posi- 
tion première. Tant que la pile est en activité, l'aiguille 
reste au zéro ; mais à l'instant où l’on interrompt l'action 
de la pile, l'aiguille est encore chassée vivement, mais du 
côté opposé, et elle revient aussitôt à son point de départ. 
Il résulte de là, comme il n'y a pas communication, que 
les courants et la pile produisent dans le fil voisin des cou- 
rants instantanés quand commence ou cesse l’action de la 
pile. 


On peut obtenir le même effet sans pile en faisant péné- 
trer brusquement dans la bobine précédente un aimant un 
peu puissant , il y a développement de courant dans le fil 
au moment de l'entrée et de la sortie du courant. 


Les phénomènes d'induction fournissent un système de 
télégraphie électrique auquel on a donné , le long de cer- 
taines lignes, la préférence sur celui que nous avons in- 
diqué. 


Toutefois , il ne s’agit que du mode de production des 
courants ; car le mécanisme du télégraphe est le même au 
fond ; seulement on remplace la pile par un appareil d'in 
duction purement magnétique. 


On concoit aisément cette production de courantsavec une 
large bobine creuse entourée du double fil conducteur, et 
dans l’intérieur de laquelle on introduit brusquement un 


CLASSE DES SCIENCES. 79 


barreau magnétique suspendu, ce qui détermine un cou- 
rant instantané ; on en obtient un autre par la brusque sor- 
tie du barreau. Or, comme on n'a jamais besoin que de 
courants instantanés , on conçoit qu'on puisse remplacer 
avec cet appareil la pile pour la production de tous les cou- 
rants qu'exige la transmission télégraphique. 


Un appareil de ce genre est établi en Allemagne , mais 
on préfère aujourd'hui la disposition imaginée par Wheal- 
stone. C'est le système qui fonctionne au chemin de fer 
de la ligne d'Orléans. Dans ce système , une roue horizon- 
tale à 26 divisions engrène dans un-pignon vertical ; le 
mouvement de cette roue qu'on tourne à la main , a pour 
effet, par l'intermédiaire du pignon , de produire de brus- 
ques entrées et sorties d’un petit barreau aimanté, par 
rapport à une bobine , comme ci-dessus. Chaque passage 
d'une dent de la roue produit donc, par mduction, un 
courant instantané , et ces courants parfaitement gouvernés 
par la main qui tourne la roue, sont aussi rapides, aussi 
multipliés qu'on le veut. Ici, le passage d'une dent, dé- 
terminé par un mouvement de la main, remplace la pres- 
sion du doigt sur une touche dans l'appareil cité plus 
haut, c'est-à-dire détermine un courant instantané qui 
anime un électro-aimant, contre lequel vient battre le 
petit levier régulateur du mouvement d'horlogerie. 1 n'y 
a donc, au fond, d'autre différence que la substitution 
de l'action inductive magnétique à l’action de la pile : ce 
qui semble offrir quelques avantages. 


Au lieu de faire mouvoir avec elles une aiguille indica- 
trice, la roue d'horloge fait tourner un léger cadran de 
carton qui porte des lettres correspondantes à celles de la 
roue motrice. On amène une des lettres de celle-ci contre 
un repère fixe, et le petit cadran de carton tourne d'autant 
de divisions, de manière à amener la même lettre dans 


80 ACADÉMIE DE ROUEN. 


une position fixe et convenue. Les deux opérateurs ont 
done sous les veux cette lettre, comme ils avaient l'aiguille 
indicatrice dans l'appareil que celui-ci remplace. 


Enfin, je terminerai ce rapide aperçu en mentionnant 
les expériences de Matteucci. Ce physicien s'est assuré par 
des expériences directes que le courant électrique ne se 
perd pas dans l’eau. Il a creusé de chaque côté de l'Arno 
des puits profonds dans lesquels il plonge les plaques ter- 
minales d’un seul fil; ce fil repose sur le lit de l'Arno. 
Pour que le courant s’établisse , il faudra donc que l’élec- 
tricité passe dans le fil submergé et dans le sol au-dessous 
même du fleuve. C’est ce que l'expérience a pleinement 
démontré. M. Matteucci propose de joindre par ce procédé 
les côtes de France à celles d'Angleterre. Un Américain va 
plus loin , il veut lier, de la même façon, l'Europe à l'A- 
mérique : la Nouvelle-Écosse à la côte d'Irlande. 


Le même principe peut servir à régler et à faire cireu- 
ler le temps dans les maisons et dans les villes exactement 
comme on fait cireuler l’eau et le gaz dans les tuyaux. Une 
seule horloge mettra en mouvement toutes les horloges, 
réduites dès-lors à un cadran {et à des aiguilles qui, pour 
la première fois, marqueront toutes rigoureusement la 
même heure. 


Et, comme on conduit le temps , on peut conduire aussi 
la musique. Un habile constructeur , M. Froment , trans- 
met à toute distance le jeu du pianiste. 


RECHERCHES 


SUR 


L'ÉLECTRICITÉ 


ATMOSPHÉRIQUE, 


PAR M. BOUTAN, 


Professeur de Physique au Collége royal de Kouen. 


Un siècle tout entier s’est écoulé depuis la publication 
du Mémoire où l'abbé Nollet signalait, pour la première 
fois, d'une manière positive, l'identité qui existe entre 
l'électricité et la cause qui produit les orages : cette con- 
ception du physicien français fut bientôt confirmée par des 
expériences nombreuses, indiquées d'abord par Francklin, 
répétées ensuite par d’'Alibard, Romas, Beccaria, Ro- 
nayre, Read, le duc de Baulno, et une foule d’autres 
savants , séduits et enthousiasmés par cette idée hardie 
d'aller puiser l'électricité au sein même des nuages ora- 
geux. Cependant, malgré les observations multipliées et 
consciencieuses qui ont été faites depuis cette époque ; 
malgré les travaux si remarquables de Volta, Saussure , 
Schubler, Peltier, de MM. Becquerel et Pouillet ; malgré la 

6 


82 ACADÉMIE DE ROUEN. 


multitude de faits authentiques qui ont été publiés, la 
science de l'électricité atmosphérique est encore dans l’en- 
fance, et parmi les phénomènes que nous observons 
pendant les orages, il n’en est qu'un très petit nombre 
dont on puisse donner aujourd’hui une explication satis— 
faisante. 


Quelle est la cause de la marche si lente de cette partie 
de la météorologie? Elle réside évidemment dans la diffi- 
culté même du sujet, dans les complications nombreuses 
qui l'entourent , et surtout dans cette impossibilité où nous 
sommes d’assimiler les expériences faites dans nos cabi- 
nets de physique aux actions électriques qui se produisent 
dans notre atmosphère. En effet, dans toutes les théories 
d'électricité statique, nous ne nous occupons que des résul- 
tats produits par des sources d'électricité très peu intenses ; 
nos machines, nos batteries, ne nous fournissent que 
des quantités d'électricité bien minimes , lorsque nous les 
comparons à ces torrents de fluides libres qui résident 
dans les immenses conducteurs aériens, désignés sous le 
nom de nuages orageux. En outre, les conducteurs que 
nous employons sont toujours des corps métalliques isolés 
complètement du sol, tandis que dans les orages , les ré— 
servoirs d'électricité, ce sont des masses gazeuses dans un 
état de condensation qui nous est à peu près inconnu. 
Enfin, iln’y a qu'un bien petit nombre de physiciens , qui, 
accidentellement , ou par un dévouement à la science que 
nous ne saurions trop exalter , aient pu observer , au sein 
même des nuages orageux, les phénomènes successifs 
qui s'y manifestent. 


Nous ne pouvons donc posséder sur cette partie de la 
physique météorologique, que des données bien incertaines; 
nous ne pouvons , par suite, produire que des théories plus 


CLASSE DES SCIENCES. 83 


ou moins hasardées, ayant toujours pour points de départ 
les lois que nous avons établies en électricité statique. 


Il est pourtant une méthode qui me semble devoir, de 
préférence à toute autre, amener d’heureuses consé- 
quences. Elle consiste à nous rapprocher le plus possible , 
dans nos expériences de cabinet, de ce qui se passe dans la 
nature , de chercher à nous placer dans les mêmes cir- 
constances , afin que nos résultats soient assimilables , et 
nos inductions plus légitimes. 


C'est en partant de ce point de vue, que j'ai été conduit 
à faire quelques recherches sur différents points de l’élec- 
tricité atmosphérique , et à tenter des expériences qui me 
paraissent fournir une explication satisfaisante de quelques- 
uns des fait qu'elles nous présente. Ce sont ces re- 
cherches que j'ai l'honneur de soumettre au jugement de 
l'Académie. 


1. DU TONNERRE. 


Quelques instants après l'apparition de l'éclair qui a jailli 
entre deux nuées, ou bien entre une nuée et le sol, on 
entend habituellement un bruit éclatant, d'une grande 
intensité ; tantôt sec et strident, et comparable alors, 
selon l'ingénieuse expression de Lucrèce, à l'aigre cri 
du papier qui se déchire . tantôt sourd , continu, variable 
dans son intensité, et engendrant alors un véritable rou- 
lement ; quelquefois , enfin , ce bruit est saccadé , il a des 
interruptions nombreuses , il change de nature d'un instant 
à l’autre. Ce bruit, si variable dans son intensité et dans 
son timbre, c’est le tonnerre. 


On a donné du tonnerre un grand nombre d'explica- 
tions; quelques-unes sont spécieuses, il est vrai, mais 


Si ACADÉMIE DE ROUEN. 


elles ne sauraient cependant résister à un examen sérieux ; 
je me bornerai à discuter les principales. 


Celle qui est le plus généralement admise, et qu'on 
expose dans la plupart destraités de physique, rend compte 
du bruit qui accompagne l'éclair de la manière suivante : 


« L'étincelle qui part entre deux sources abondantes 
d'électricité, divise brusquement l'air qui est interposé 
entr'elles ; cette expansion est, en effet, confirmée par 
l'expérience du pistolet de Kinneroles, et par celle du 
mortier électrique. Or, cette expansion brusque produit 
un vide momentané dans toute la portion d'air sillonné 
par l’étincelle. Alors donc, que celle-ci a disparu, l'air 
ambiant doit se précipiter dans le vide formé, et de à, 
un choc intense de l'air contre l'air, un bruit analogue à 
celui que nous engendrons à l’aide du crève-vessie. Une 
fois cette idée admise, on rend compte avec la plus grande 
facilité de l'intervalle de temps qui sépare l'apparition de 
l'éclair de l'audition du tonnerre , de la continuité du bruit 
pendant quelques secondes, et même de ses roulements. » 


Il est facile de montrer que cette théorie est tout-à-fait 
insuffisante , et contraire , d’ailleurs, aux observations des 
météorologistes. En effet, on y assimile le bruit du ton- 
nerre au craquement de l’étincelle de nos machines ou de 
nos batteries ; et, certes, il faut avouer, qu'entre les deux 
bruits , il n'existe aucune analogie, et que des milliers de 
craquements semblables , produits simultanément, ne sau- 
raient donner un caractère de son pareil à celui du ton- 
nerre. D'ailleurs, le bruit de l’étincelle ne devient un peu 
intense qu'à la condition que l’étincelle sera suflisamment 
longue ; or, nous le savons, pour expliquer les éclairs en 
lames ou éclairs diffus, comme les nomme M. Arago, 
on est obligé d'admettre l'existence de décomposition par 


CLASSE DES SCIENCES. 85 


influence primitive dans les lames d'air qui séparent les 
deux nuages, et puis, de recomposition de couche à 
couche. Dans ce cas , par conséquent , l’étincelle n'a qu'une 
longueur très faible, plus petite à-coup-sûr que l'inter- 
valle qui sépare les losanges d'étain dans les carreaux étin- 
celants ; le bruit engendré par chacune de ces étincelles 
doit donc être excessivement faible; et l'ensemble de ces 
bruits ne saurait donner naissance au tonnerre. 


Il faut ajouter, pour renverser complètement cette théo- 
rie, qu'il est incontestable qu'il se produit quelquefois des 
éclairs sans tonnerre ; les éclairs de chaleur (pour me 
servir de l'expression vulgaire), en sont un exemple. En 
outre, il se produit aussi du bruit sans éclairs ; des faits de 
ce genre sont consignés dans la notice de M. Arago’. Déluc 
a vu des éclairs très intenses, jaillir à une petite distance 
de la place où il se trouvait , et il n'entendait aucun bruit. 
Voilà donc une preuve bien évidente qu'il n'existe pas une 
liaison nécessaire entre le tonnerre et l'étincelle électrique 
qui le précède ordinairement. 


Je terminerai cette discussion en citant un dernier fait 
qui est encore très concluant. Il paraît prouvé, d’après les 
observations des physiciens qui se sont trouvés dans le 
voisinage de nuages orageux , que le foyer du bruit serait 
au sein du nuage lui-même, et non pas dans la portion 
des “couches d’air sillonnées par l'éclair ; que, par suite, 
la continuité et la durée de ce bruit dépendraient unique- 
ment de la longueur , de la forme et de la tension élec- 
trique du nuage. 


La seconde hypothèse dont je m'occuperai a été pro- 
posée par M. Pouillet. Ce physicien attribue le bruit, à une 


innuaire du Bureau des Longitudes, 183$. 


86 ACADÈMIE DE ROUEN. 


vibration moléculaire excitée dans la masse d’air am- 
biante par le choc de l’étincelle, vibration qui irait en se 
propageant par le fait de la communication du mouve- 
ment, et en augmentant d'intensité, attendu que des 
vibrations analogues se manifestent dans les lames d'air 
qui transmettent le son. 


Cette théorie est, comme on le voit, sujette aux mêmes 
critiques que la précédente ; comme elle aussi, elle est 
obligée d’avoir recours aux échos des vallées et des mon- 
tagnes pour expliquer les renforcements du tonnerre et 
ses roulements prolongés. Il est cependant bien certain, 
que dans les pays de plaines , le tonnerre a aussi ses rou- 
lements ;: mais alors, on se rejette sur la réflexion du son 
par les nuages eux-mêmes. 


Enfin, on a voulu expliquer les roulements du ton- 
nerre, et cette idée est due à Kaemtz', par les interfé- 
rences du son. Il admet plusieurs centres simultanés d’ex- 
plosion , qui engendreraient des ondes sonores se pro- 
pageant dans tous les sens , se croisant dans certains points 
de leurs parcours , et déterminant aux points de croise- 
ment, suivant que les vibrations seraient concordantes 
ou discordantes, des renforcements ou des diminutions 
d'intensité dans le son. Cette explication a le défaut de ne 
pouvoir s'appliquer à la généralité des cas. Car, tout le 
monde sait qu'il n’est pas nécessaire de voir apparaître 
plusieurs éclairs en lames simultanés, ou un seul éclair 
en zigzag, pour entendre plus tard les roulements du 
tonnerre. En d’autres termes , ceux-ci n'exigent pas pour 
se produire l'existence , au même instant, de plusieurs 
centres sonores. 


* Cours de Météorologie, traduit par Martins. 


CLASSE DES SCIENCES. 37 


Nous voilà donc arrivés à cette conséquence , que les 
diverses théories proposées pour l'explication du ton- 
nerre , sont insuflisantes et inadmissibles. On n’a pas tenu 
compte , dans ces explications, d’un fait important qui doit, 
à mon avis, jouer un rôle nécessaire dans la production du 
phénomène qui nous occupe. Ce fait a été cependant signalé 
à ma connaissance , d’abord dans les Archives de l'Électri- 
cité, publiées par M. de la Rive, et, ensuite dans un Mémoire 
de M. Peltier'. Mais on n’en a point tiré toutes les consé- 
quences, et, surtout, on n'a point tenté d'expériences pour 
vérifier l'explication qui s’en déduit. Ce fait, le voici: 


On démontre par des expériences directes et aussi par 
le calcul, que dans tous les corps conducteurs qui sont 
électrisés , le fluide libre doit se porter tout entier à la sur- 
face où il doit former une couche d’une certaine épaisseur. 
On sait encore que cette couche doit varier d'épaisseur , 
ou, ce qui est la même chose, que l'électricité doit avoir 
des tensions différentes dans les divers points, suivant la 
forme de la surface. Ce sont là des lois générales qui dé- 
pendent de la nature même du fluide électrique; elles 
doivent donc être encore vraies lorsque l'électricité, au lieu 
de résider dans un corps conducteur métallique, se trou- 
vera à l’état libre dans les nuages orageux. Ceux-ci sont, 
il faut l’avouer, des conducteurs bien moins parfaits que les 
métaux ; mais enfin ils conduisent assez bien l'électricité 
de tension, et celle-ci doit encore chez eux se porter en 
grande partie à la surface, en vertu de la répulsion du 
fluide sur lui-même. 


On peut objecter que la surface d'un nuage n'est jamais 
nettement définie comme celle d’un corps solide. Je vais 
répondre par des faits d'observation. 


tdanales de Physique et «de Chimie, 3° Série, tome IX. 


88 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Dans un mémoire publié dans les Annales de physique 
et de chimie (1841), M. C. Schafhaeutl raconte que, 
se trouvant sur le Mont Brenner, muni de plusieurs 
instruments de physique, un hygroscope et un électros- 
cope, il fut assailli par un violent orage. Il était placé 
à quelques mètres seulement d’un nuage orageux; et, 
cependant, l'air était assez sec pour que l'hygroscope 
ne fût pas influencé; l’électroscope ne l'était pas davan- 
tage. Bientôt les deux appareils furent affectés simultané- 
ment ; l'observateur était arrivé au sein même du nuage. 
Il est done certain, d’après cette observation, que le nuage 
électrisé avait une surface bien déterminée qui le séparait 
de la masse gazeuse environnante. M. Schafhaeutl ajoute 
qu'il ne peut douter que chaque nuage ne se constitue en 
une masse substantielle , par les mêmes forces d'attraction 
qui font que l’eau affecte la forme sphérique ; qu'il a sou 
vent remarqué des nuages flottant l’un sur l’autre et se 
poussant mutuellement sans se mêler en aucune façon. 


Ce fait étant bien établi, continuons notre explication. 
Si l'électricité forme une couche à la surface du nuage, 
elle y est maintenue par la pression atmosphérique ; donc 
le nuage ne subit plus, de la part du milieu environnant, 
qu'une pression égale à la force élastique de l'atmosphère , 
diminuée de la tension de l'électricité qui se trouve à sa 
surface. Mais, avant que le nuage fut électrisé, la masse 
gazeuse qu'il renferme avait une force expansive égale à la 
pression ambiante : l'équilibre existait, le nuage devait 
conserver sa forme et son volume ; aussitôt qu'il devient 
électrique, sa force élastique intérieure devient prépondé- 
rante et doit faire dilater le nuage, jusqu'à ce que les deux 
pressions soient égales. 


° 3° série, tome II, p. 44. 


CLASSE DES SCIENCES. 89 


Notons bien que l'augmentation de volume du nuage 
par le fait de son électrisation , doit se déterminer quelle 
que soit d’ailleurs l'hypothèse que l'on admette pour la 
constitution de ces masses semi-liquides. En effet, les nua- 
ges sont-ils formés par une agglomération de vésicules 
creuses, pleines d'air humide, etcomparables, moins le vo- 
lume , aux bulles de savon dont la pellicule est si mince ? 
Alors , la surface du nuage est formée par des portions de 
surface de quelques-unes de ces sphères, et ce sera l'air 
qui sépare ces vésieules et celui qui les remplit . qui se di- 
latera. Admet-on comme MM. Fresnel et Saigey que ce 
sont des globules d'eau très divisés qui constituent les 
nuages? Dans ce cas, on est obligé de convenir que ces 
globules d’eau ne peuvent se toucher, que, par suite, ils 
sont séparés par de petites atmosphères d'air saturé , et, 
dès lors , il est clair que ce seront ces atmosphères qui su- 
biront la dilatation indiquée. 


Supposons maintenant que, par l'influence attractive 
de l'électricité de nom contraire, contenue dans un nuage 
voisin ou dans le sol, le premier nuage se décharge de son 
électricité ; à ce moment, la pression extérieure va l'em- 
porter, et, dès lors, l'air ambiant va se précipiter dans le 
milieu raréfié représenté par le nuage orageux. De cette 
rentrée subite de l'air, doit résulter un choc violent, tout 
à fait comparable au bruit engendré dans l'expérience 
du crève-vessie, et analogue aussi, pour l'intensité , au 
bruit du tonnerre. Malheureusement, il est si peu de phy- 
siciens qui, se trouvant au milieu d'une nuée orageuse , 
aient pu constater ce qui s’y passe au moment de l'éclair, 
qu'on pourra accuser l'explication précédente d'être une 
simple théorie, sans preuves positives. Cependant, je 
trouve dans la relation du docteur Schafhaeutl que je 
citais tout À l'heure , une preuve à l'appui : ce physicien 


90 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ajoute, que peu d'instants après son arrivée au sein même 
du nuage , circonstance qui lui fut indiquée par la diver- 
gence considérable des pailles de son électroscope, un éclair 
jaillit, et en même temps une décharge considérable d’eau 
se produisit. Aussitôt après cette décharge, (je cite ses 
propres paroles ,) l'hygroscope revint à son point primitif, 
et les feuilles d'or de l'électroscope se rapprochèrent 
comme auparavant. Le vent soufflait alors vers le centre 
du nuage. 


J'ai cherché , d’un autre côté , s’il ne serait pas possible, 
en plaçant, autant que faire se pouvait, une masse gazeuse 
électrisée dans les mêmes conditions que le nuage ora- 
geux, s’il ne serait pas possible, dis-je, de manifester 
cette diminution que doit subir la force élastique du gaz 
électrisé, pendant que l'électricité libre se trouve à la sur- 
face. Voici une expérience très simple , qu’on peut facile- 
ment répéter dans un cours, et qui me semble confirmer 
pleinement cette opinion. 


A l'extrémité d’un tube de verre, on prend de l'eau de 
savon, et on en forme une bulle à parois minces et remplie 
d'air humide; pour garantir la bulle des courants d'air 
qui pourraient l’agiter et la faire crever , on la forme dans 
un grand flacon muni d'une tubulure unique ; on ferme le 
tube avec un peu de cire molle , afin que la bulle ne dimi- 
nue pas de volume, et on attend un certain temps pour 
que l’air intérieur de la bulle se mette en équilibre de tem- 
pérature avec l'air extérieur. Maintenant, par un fil de cui- 
vre, revêtu de soie et terminé en pointe, qu'on a eu le soin 
d'introduire d'avance dans l’intérieur du tube jusqu'à l'o- 
rigine de la sphère , on fait arriver de l'électricité qui s'é- 
coule librement par la pointe du fil de cuivre et se répand 
dans l'atmosphère humide de la bulle ; celle-ci s'électrise 
done, et, à sa surface , il y a une certaine épaisseur de 


CLASSE DES SCIENCES. 91 


couche électrique. On voit, en effet, la bulle grossir; car 
on constate l'apparition de couleurs brillantes sur ses pa- 
rois, les anneaux colorés de Newton se forment, ce qui 
est un signe certain de la diminution d'épaisseur de la pel- 
licule liquide , et, par suite, de l'augmentation de volume 
de la sphère électrisée ; puis , si on décharge brusquement 
la machine de son électricité, la pression atmosphérique 
réagit, et l’on voit la bulle crever instantanément. 


Ainsi, soit par des inductions tirées des lois de l’élec- 
tricité statique , soit par des observations faites dans les 
nuages eux-mêmes, soit enfin par une expérience où les 
circonstances sont analogues, on parvient toujours à légi- 
timer cette explication. Ce n’est pas tout , je vais montrer 
encore qu'elle rend compte des moindres particularités 
que l’on peut signaler dans la production du tonnerre. 


Pourquoi le bruit persiste-t-il pendant un certain temps ? 
Pourquoi varie-t-il d'intensité? Comment le roulement 
du tonnerre peut-il prendre naissance ? A toutes ces ques- 
tions, la réponse est facile. Supposons un nuage élec- 
trisé qui soit à 340 mètres de l'endroit où nous sommes 
placés, et qui, lui-même, ait une longueur de 3,400 
mètres ; le nuage se déchargeant , l'air va se précipiter dans 
toute cette longueur, et le bruit se produira à la fois dans 
tous les points ; mais, à cause de la vitesse du son dans 
l'air, si différente de celle de la lumière, il est évident que 
nous n'entendrons le commencement du bruit qu'une 
seconde après avoir vu l'éclair , et que ce bruit durera dix 
secondes ; voilà pour la continuité. Expliquons le roulement. 
Le nuage électrisé est toujours soumis aux influences des 
nuages voisins qui sont généralement à des distances iné- 
gales des différents points de sa surface ; par suite, la ten- 
sion électrique est elle-même variable d’un point de la 
surface à un autre ; par suite, aussi, la raréfaction de l'air 


92 ACADÉMIE DE ROUEN. 


intérieur doit changer avec la portion du nuage que l'on 
considère. Sans doute, cette variation empêche qu'iln'y ait 
équilibre dans le nuage, et des courants nombreux doivent 
s'établir dans son sein; courants, qui, au bout d’un cer- 
tain temps, amèneraient un équilibre stable, si toutes les 
circonstances extérieures restaient les mêmes. Mais, les 
tensions électriques latérales changent à chaque instant, 
et si l'étincelle part, l'air rentrant dans un milieu dont la 
raréfaction est inégale, doit produire des chocs d'intensité 
variable ; par conséquent , le bruit que nous entendrons, 
pourra ressembler à un véritable roulement. Il ne s'en 
suit pas que les échos des montagnes, que les nuages 
eux-mêmes, en réfléchissant le son, n’influent pas sur ce 
roulement ; j'ai voulu seulement montrer qu'on peut en 


concevoir la production indépendamment de ces dernières 
causes. 


Si plusieurs nuages orageux sont à la suite l'un de l'au- 
tre, séparés par de petites distances , et qu'ils se déchar- 
gent à la fois de leur électricité, il doit en résulter des 
interruptions dans le bruit, correspondantes aux intervalles 
qui existent entre les nuages eux-mêmes. Ces moments 
de silence se présentent, en eflet, assez fréquemment dans 
certains roulements de tonnerre. 


La variation de volume que doit éprouver un nuage au 
moment de son électrisation , nous permet de concevoir 
encore et d'expliquer les changements rapides de forme 
que nous voyons éprouver aux nuages orageux, au moment 
où ils arrivent au-dessus de nos têtes, et qui sont devenus, 
pour nous, des signes certains de la présence de la foudre 
dans leur intérieur. 


Nous trouvons encore , dans cette dilatation des nuées, 
l'une des causes de ce grand refroidissement qui doit sur- 


CLASSE DES SCIENCES. 93 


venir au sein des nuées électriques pour que la grêle puisse 
s'y former; car, nous savons que toute matière gazeuse, 
pour se dilater, est obligée de convertir une portion de 
sa chaleur sensible en chaleur latente , lorsque celle-ci ne 
lui est point fournie par une source étrangère. 


Un autre fait constant d'observation, que toute autre 
théorie est impuissante à justifier, le fait de l'existence 
de vents violents, de tourbillons, quelquefois de trombes, 
au moment des orages, trouve ici une explication très na- 
turelle. Chaque nuage qui se décharge de son électricité , 
devient un centre, un foyer d'aspiration pour les masses 
d’air environnantes ; et, de proche en proche, l'aspiration 
doit se continuer dans les couches atmosphériques jusqu'à 
de grandes distances. Le transport de ces couches sera 
d'autant plus rapide, que la tension électrique primitive 
était plus forte et le bruit du tonnerre plus intense. Or, si 
l'on suppose qu’au même instant, ou à des intervalles très 
rapprochés , plusieurs nuages, situés dans différents points 
du ciel, lancent la foudre, chacun d'eux va imposer au 
vent une direction particulière , de telle façon que nous 
allons avoir des courants se croisant dans tous les sens, et 
devant engendrer, au moment de leur croisement, un mou- 
vement giratoire , ou un véritable tourbillon. En vertu de 
la force centrifuge développée par le mouvement rotatoire 
des molécules d’air du tourbillon, celles-ci doivent s'é- 
loigner de l'axe même et engendrer un véritable vide, 
tout-à-fait analogue à celui qui se produit dans le venti- 
lateur à force centrifuge. Si ce tourbillon s'appuie sur le 
sol, la pression atmosphérique latérale fera monter dans 
le vide les corps terrestres ou des colonnes liquides, dans 
le cas où cette base serait en contact avec l'eau. Si, en 
même temps, la partie supérieure du tourbillon passe 
à une petite distance d'un nuage, par la même raison 


94 ACADÉMIE DE ROUEN. 


celui-ci s'engouffrera dans le canal aspiratoire; et, s'il 
est orageux , il lancera la foudre et les éclairs à droite 
et à gauche, vers la surface du sol. 


Enfin, il ne me reste plus, pour vérifier complètement la 
théorie proposée , qu'à faire comprendre comment il peut 
se faire qu'un même nuage donne successivement nais- 
sance à plusieurs éclairs. Il semblerait, au premier abord, 
que lorsqu'une fois le nuage s’est déchargé, il devrait ne 
plus donner signe d'électricité. Pour résoudre cette difii- 
culté, je ne saurais mieux faire que de rappeler l'idée que 
M. Peltier s'était formée, à la suite d'observations multi- 
pliées, de la constitution d’un nuage orageux ". «La demi- 
« conductibilité des nuages, dit-il, leur donne des atmos- 
« phères distinctes : une extérieure et un grand nombre 
« d’autres intérieures ; toutes agissent à distance comme 
« tension statique, mais à cause même de leur demi- 
« conductibilité, toutes ces tensions ne peuvent se réunir à 
« la fois dans un écoulement. Lorsque l'atmosphère élec- 
« trique extérieure s’est écoulée par une décharge instan- 
« tanée, toutes les petites masses ou flocons de vapeur qui 
« ont leurs atmosphères propres ne peuvent rendre que 
« peu à peu à la périphérie ce qu'elle a perdu; de même, 
« l'atmosphère électrique des flocons étant diminuée , ne 
« peut se reformer que peu à peu au moyen d’un nouvel 
« écoulement provenant des particules isolées qui ont con- 
« servé une partie de leur atmosphère électrique. » M. Pel- 
tier confirme cette opinion à l’aide d'expériences faites avec 
des électroscopes très sensibles avant et après les déchar- 
ges électriques. 


‘ Annales de Physique et de Chimie, 3° série, et Mémoire de 
Peltier sur les trombes. 


CLASSE DES SCIENCES. 95 


Je crois donc pouvoir tirer, de la discussion précédente, 
cette conséquence : que l’on n'a pas assez tenu compte , 
dans les études faites sur le tonnerre, de la constitution des 
nuages orageux, et que l'introduction de l'idée que nous 
avons développée conduit à une théorie plus naturelle et 
plus complète que celle qui est généralement admise. 


II. ODEUR DE LA FOUDRE. 


Je passe à un autre ordre de phénomènes. 

Tout le monde sait qu'au moment où ( pour me servir 
du langage ordinaire ) la foudre tombe , on sent une odeur 
forte et pénétrante, qui a été comparée tantôt à l'odeur 
du soufre qui brûle, tantôt à celle du phosphore. Deux 
explications ont été proposées au sujet de cette odeur. 

Les uns admettent, d’après M. Fusinieri, que la foudre 
entraîne avec elle dans sa marche des particules de diverses 
matières , qui, portées à une haute température par l’étin- 
celle électrique, brüleraient dans l'air , en produisant lo- 
deur en question. M. Fusinieri prétend que le long des 
fissures produites par le passage de la foudre, il a rencon- 
tré du fer oxydé et du soufre. Quoiqu'il en soit de l'exac- 
titude de ce dernier fait, il est certain que, chaque fois 
que la foudre tombe , une odeur est engendrée, et qu'on 
ne rencontre que très rarement, dans les fentes ou les 
sillons qu'elle a produits , des traces de matière nouvelle. 
Les arbres foudroyés de la vallée de Monville n'offraient 
aucune substance étrangère au bois ; ils n'avaient été que 
profondément déchirés, en même temps que desséchés 
par le passage de l’étincelle électrique. D'ailleurs, com- 
ment pourrait-t-on assigner l’origine de ces matières pul- 
vérulentes que la foudre entraînerait ? 


D'autres physiciens pensent qu'il faut attribuer l'odeur 
de la foudre, à la vaporisation rapide des liquides contenus 


96 ACADÉMIE DE ROUEN. 


dans les bois qu'elle traverse, dans les pierres qu'elle 
brise, dans le sol où elle disparaît. Mais alors, on ne con- 
cevrait pas la nature de l'odeur produite ; car de la sève 
de bois qui se volatilise , des pierres qui laissent échapper 
des particules de matière pondérable, ne sauraient fournir 
une odeur analogue à celle du soufre, du phosphore ou 
du gaz nitreux. En outre, il arrive assez souvent que la 
foudre n'a rien lacéré, ni bois, ni pierres, et cependant la 
même odeur se manifeste. 


Voici une expérience qu'il est très facile de répéter, et 
qui prouve , à mon avis , que l’étincelle électrique seule , 
sans traverser aucun corps solide, par sa seule transmis- 
sion dans l’air, engendre une odeur très appréciable et 
tout à fait analogue à celle de la foudre. Je prends un long 
tube de verre de deux centimètres environ de diamètre ; 
dans les trois quarts de la longueur de ce tube, j'introduis 
un fil de cuivre contourné en spirale, et dont l’une des ex- 
trémités qui dépasse l’orifice du tube est mise en contact 
avec le conducteur de la machine électrique. En insufflant 
de la vapeur d’eau, à l’aide de la bouche, dans l’intérieur 
du tube de verre par son autre extrémité, je forme une 
chaîne conductrice interrompue , constituée par les gout- 
telettes d'eau qui se sont déposées le long de la paroi in- 
térieure du tube de verre. Si, maintenant, la machine 
étant chargée, on approche le nez de l’orifice libre 
du tube, on sent une odeur forte et désagréable qui 
a bien, en effet, une certaine analogie avec celle du soufre 
ou du phosphore. Dans ce cas, cependant , l’étincelle n’est 
passée dans l’intérieur d'aucun corps solide, elle n’a pu tra- 
verser que l'air atmosphérique etde l'eau pure. Si l'électri- 
cité était produite par le frottement d'un corps contre le cui- 
vre, On pourrait attribuer l'odeur à la volatilisation de ce mé- 
tal; mais ici, c'est de l’électricité rendue libre par l'influence 


CLASSE DES SCIENCES. 97 


du plateau de verre qui réside sur le conducteur de la 
machine; sa tension ne peut devenir bien forte ; un trans- 
port de matière pondérable n'aura done pas lieu au mo- 
ment de son écoulement. Nous arrivons, par conséquent, à 
ce résultat : de l'électricité qui circule dans une atmosphère 
d'air humide, donne naissance à une odeur bien caractérisée. 


Mais, me dira-t-on, l'électricité qui est un fluide impon- 
dérable, aurait done une odeur? Cependant dans le plus 
grand nombre de cas, une odeur suppose toujours le 
contact de molécules matérielles avec la membrane du nez ; 
les essences, et, en général, toutes les substances volatiles 
odorantes en sont un exemple. A cette objection, je répon- 
drai que plusieurs faits semblent indiquer que, dans cer- 
taines circonstances, la sensation des odeurs peut être 
déterminée comme celle des sons ou de la lumière, c’est- 
à-dire par la vibration d’un certain milieu. Je citerai comme 
preuve, l'arsenic qui est complètement inodore tant qu'il 
ne s’oxyde pas, et qui devient odorant au moment de l'oxy- 
dation , quoique, cependant, le produit de cette oxydation, 
l'acide arsénieux, soit lui-même inodore. C’est donc l'ac- 
tion chimique qui développe l'odeur ; mais, une action 
chimique, c’est un mouvement, un groupement molécu- 
laire nouveau qui ne peut avoir d'autre effet que de com- 
muniquer un mouvement vibratoire à l’éther. 


Je pourrais citer beaucoup d’autres faits de ce genre ; 
je me bornerai au précédent, car je n’attacherais à cette 
opinion une importance réelle, qu'autant qu'on parvien- 
drait à produire la réflexion des odeurs , ou quelqu'autre 
phénomène semblable ; actuellement , je ne la donne que 
comme une hypothèse qui n’a rien de contradictoire et 
qui expliquerait parfaitement le phénomène que nous 
étudions. Je dois rappeler , à cette occasion, un fait im- 
portant que l'on a trop vite oublié, et qui signale l'influence 


4 


98 ACADÉMIE DE ROUEN. 


que l'électricité exerce sur l'émanation des odeurs. Voici 
l'exposé qu'en donne M. G. Libri. « Lorsqu'un courant 
«continu d'électricité traverse un corps odoriférant, le 
« camphre par exemple, l'odeur de ce corps devient de 
« plus en plus faible , et, enfin , elle disparaît entièrement. 
« Quand ceci est arrivé, qu'on soustraie le corps à toute 
« influence électrique , qu'on le mette en communication 
«avec le sol, et l'on remarquera qu'il reste sans odeur 
« pendant quelques instants. Le camphre ne reprend ses 
« anciennes propriétés que peu à peu et assez lentement.» 

On trouvera peut-être une solution plus probable de 
cette question, en se reportant à des expériences récentes 
de MM. Schæœnbein, Fisher et de Marignac *, sur un ra- 
dical nouveau qu'ils ont nommé Ozone. Ces chimistes ont 
établi, qu'en faisant passer, au moyen de deux pointes de 
platine, une série d’étincelles électriques dans l'oxygène, 
celui-ci a aussitôt manifesté la propriété de l'Ozone; son 
odeur est devenue forte et nauséabonde , l’'amidon mélangé 
avec l’iodure de potassium a été bleui. On comprend que si, 
au lieu de très petites étincelles, ce sont de larges éclairs qui 
sillonnent une atmosphère oxygénée, la production de 
l'Ozone sera abondante, et l'odeur pourra devenir très 
forte. Au reste, pour décider quelle est la plus probable 
de ces deux théories , il me reste à faire une série d’expé- 
riences dont je puis d'avance indiquer le cadre. D'abord, 
il faudra examiner si la nature du gaz , au sein duquel se 
produit l'étincelle électrique , a une influence quelconque 
sur l'odeur produite ; dans le cas où cette influence serait 
nulle, rechercher si, en faisant écouler l'électricité dans 
le vide, les réactifs ordinaires de l'ozone éprouveront une 


‘ Annales de Physique et de Chimie, tome xxXXvVH. 


? Annalen der Physik und Chemie, tomes LXVIX et LXVIH. 


CLASSE DES SCIENCES. 99 


modification sensible ; dans le cas où elle existerait, déter- 
miner quels sont les gaz dont la présence est nécessaire 
à la production du phénomène , et si les gaz eux-mêmes 
n'éprouvent pas une altération dans leur nature intime. 
Ces questions , si intéressantes au point de vue physique, 
le sont peut-être davantage pour jeter quelque lumière sur 
cette partie encore si obscure de la chimie moléculaire. 
Si je suis assez heureux pour arriver à des résultats satis- 


faisants, je me ferai un devoir de les communiquer suc- 
cessivement à l’Académie. 


ITT. 


Je me suis encore occupé d’une troisième classe de faits 
qui se rapportent à l'électricité atmosphérique : j'ai tâché 
de déterminer l'influence que des sources d'électricité 
exercent sur des masses d'air saturées de vapeur et isolées. 
Le temps m'a manqué pour compléter mes recherches à 


ce sujet; aussi, je ne signalerai qu'un seul des résultats 
auxquels je suis arrivé. 


Je prends un "grand flacon à trois tubulures, dont la 
surface extérieure est recouverte jusqu'à une certaine hau- 
teur d’une feuille d’étain, comme l’armature externe d’une 
bouteille de Leyde. Dans la tubulure du milieu, est soli- 
dement mastiquée, par l'intermédiaire d'un bouchon, une 
tige de cuivre terminée en boule à l'extérieur, et en pointe 
à l'intérieur. Dans l'une des tubulures latérales , est fixé 
un tube de verre recourbé à angle droit, s’ouvrant dans 
le flacon, et communiquant avec l'air ambiant à l'aide 
d'un robinet. A la troisième tubulure, est adapté un ma- 
nomètre à eau, ouvert à ses deux extrémités. D'avance , 
on à introduit un peu d'eau dans le flacon, de telle sorte 
que , quand tout est fermé, l'air intérieur se sature de 


100 ACADÉMIE DE ROUEN. 


vapeur d'eau. On place le flacon sur un gâteau de résine 
isolant, et on attend pendant un temps suflisant pour 
que l'atmosphère saturée du flacon soit en équilibre par- 
fait de température avec l'atmosphère extérieure. On re- 
connaît que cette condition est remplie, lorsque, le robinet 
étant fermé, l’eau se trouve à la même hauteur dans les 
deux branches du manomètre. Cette précaution est tout- 
à-fait indispensable, car, l'appareil, d’après sa construc- 
tion même, joue le rôle d’un vaste thermomètre à air 
d’une sensibilité extrême. A ce moment, on fait com- 
muniquer la tige de cuivre de la tubulure du milieu 
avec le conducteur électrisé de la machine ; le fluide libre 
s'écoule par la pointe dans le flacon, et électrise positi- 
vement l'air saturé de vapeur; cela fait, on établit une 
communication métallique entre la machine et l'armature 
extérieure du flacon, et, alors, on voit l'eau monter 
dans le manomètre du côté du flacon; ce qui indique 
qu'au moment où l'électricité positive d'une source réagit 
sur l'électricité de même nom, contenue dans un gaz Sa 
turé de vapeur, celle-ci se condense en partie, et, de là, 
survient une diminution dans la force élastique du mé- 
lange. 


Je dois avouer que, pour que cette conséquence füt 
mise hors de doute, il faudrait montrer qu'en opérant 
de la même manière dans un flacon semblable rempli 
d'air parfaitement sec, le liquide du manomètre reste 
stationnaire. Il faudrait ensuite chercher quelle serait, 
sur le mélange gazeux électrisé , l'influence d’une source 
d'électricité contraire. 


Ce sont là des problèmes dont je me propose de pour- 
suivre la solution, car elle me paraît devoir jeter un jour 
nouveau sur plusieurs points de l'électricité atmosphé- 
rique. 


CLASSE DES SCIENCES. 101 
En résumé, je conclus : 


1° Qu'en introduisant, dans l'explication du tonnerre, la 
notion du transport de l'électricité à la surface des corps 
conducteurs , on arrive à une théorie très rationnelle, qui 
rend compte des moindres particularités du phénomène ; 


2° Que les théories, généralement admises pour cette 
explication, doivent être rejetées, attendu qu'elles sont en 
contradiction avec les faits observés ; 


3° Que la théorie nouvelle rend compte de l'abaissement 
de température qui se produit dans les nuages orageux ; 


4° Qu'elle fait connaitre la cause des vents violents et 
des trombes qui accompagnent quelquefois les décharges 
électriques ; 


5° Que l'odeur qui se répand, au moment où la foudre 
tombe, ne doit être attribuée, ni à un transport de ma- 
tières , ni à une volatilisation de corps liquides ; 


6° Qu'on doit plutôt l’attribuer à la formation d'ozone 
dans l'air par le passage de l’étincelle électrique ; 


7° Que l'influence réciproque de deux masses gazeuses 
électrisées de même nom, pourrait être une des causes 
de la condensation partielle de la vapeur d'eau qu'elles 
contiennent. 


—_St— 


SISISISISISSIS SSI = 


PIÈCES 


TREMBLEMENT DE TERRE 


Du Havre et de Fécamp. 


& 


Seance du 23 Juillet 1847. 


L'Académie, ayant désiré recueillir des renseignements 
sur les secousses de tremblement de terre qui se sont 
manifestées dans quelques parties du département de la 
Seine-Inférieure au commencement de juillet 1847, a 
jugé utile de les consigner dans ses mémoires, et elle à, 
en conséquence, ordonné l'impression des pièces suivantes: 


1° Extrait du Journal de Rouen , du 13 juillet 1847. 


« Un tremblement de terre vient de se faire sentir au 
Havre et dans plusieurs localités environnantes où , s'il 
n'a causé aucun dommage notable , il a du moins excité 
dans la population une émotion très vive. 


« Voici , au sujet de ce phénomène, ce que nous lisons 
dans le Journal du Havre : 


CLASSE DES SCIENCES. 103 


« On ne s’entretient, depuis deux jours, en ville , que 
d'un phénomène géologique fort rare en nos climats , et 
qui nous est signalé par un grand nombre de personnes 
dignes de foi. Samedi soir, entre dix heures et demie et 
onze heures, une légère secousse de tremblement de terre 
a été ressentie à Ingouville , Graville , sur la côte , et s'est 
prolongée dans les environs du Havre jusqu'à Harfleur, 
Montivilliers et Orcher. Le mouvement à duré quelques 
secondes , dans la direction de l’ouest à l’est , avec accom- 
pagnement d’un bruit sourd , semblable à un roulement 
de voiture éloigné , qui a surtout été entendu dans la cam- 
pagne. 


« Diverses personnes qui étaient couchées , ont senti 
leur lit trembler, d'autres ont été réveillées en sursaut 
par le bruit de leur vaisselle et de leur argenterie s’entre- 
choquant , ou d'une porte qui s’ouvrait avec fracas. Celles 
qui étaient encore éveillées ont vu vaciller les lumières et 
se sont aperçues que le sol tremblait au-dessous d'elles. 
Plusieurs autres ont cru à la présence de malfaiteurs, et 
se sont levées en toute hâte pour chercher d'où provenait 
ce bruit extraordinaire. 


« Au Havre, la secousse a été peu sensible, et n’a 
duré qu'un instant; mais elle a été constatée de manière 
à ne laisser aucun doute. Une personne, occupée à sa 
fenêtre à suivre , dans le ciel , une observation de préci- 
sion , a été surprise par le frémissement marqué imprimé 
à ses instruments , et le dérangement général de ses points 
de repère. Elle attribuait d’abord cet ébranlement au pas- 
sage d'une lourde voiture ; mais , reconnaissance faite de 
la solitude des lieux , elle a cherché maintes autres expli- 
cations au phénomène , avant de s'arrêter à la véritable. 


« Le Courrier du Havre contient , sur le même événe- 
ment, les détails qui suivent : 


104 ACADÉMIE DE ROUEN. 


« Samedi soir 40 juillet, un phénomène , rare dans nos 
contrées , a mis en émoi plusieurs localités de l'arrondis- 
sement du Havre. A onze heures moins dix minutes du 
soir , une violente secousse de tremblement de terre s’est 
fait sentir à Fécamp, dans plusieurs communes environ— 
nantes , à Graville, et même dans le quartier du Havre 
voisin de l’église. 


« À Graville et à Fécamp, surtout, les oscillations ont 
été très vives, et la terreur est devenue générale ; mais , 
après plusieurs secondes environ , le mouvement, qui se 
faisait sentir du nord au sud, s’est complètement calmé , 
et on en a été quitte pour la peur. Un témoin oculaire 
nous rapporte que les oscillations ont été si fortes à Fé- 
camp, qu'elles ont renversé et brisé, dans la boutique 
d'un faïencier , toutes les poteries qui garnissaient les 
étagères. 


«Le même mouvement s’est fait ressentir à la même 
heure à Gerville et à Goderville, et nul doute que les ren- 
seignements qui nous parviendront bientôt des autres loca- 
lités ne nous apprennent que ce phénomène s’est étendu 
sur tout le rayon de notre arrondissement. 


« La chaleur avait été très intense pendant toute la 
journée , et le ciel paraissait orageux. On a remarqué à 
Fécamp que le vent qui, pendant tout le jour, avait soufflé 
du nord-ouest, a, lors de l'événement, subitement passé 
au nord-est. 


« Il y a soixante-cinq ans (en 1782), Fécamp fut aussi 
visité par un tremblement de terre , qui ne causa que des 
dommages insignifiants ; mais les secousses ne s'étaient 
point alors fait ressentir sur une aussi vaste étendue que 
celles de samedi soir. » 


CLASSE DES SCIENCES. 105 


2° Lettre adressée le 13 juillet, par M. J. Girardin, 
Secrétaire perpétuel pour la classe des Sciences, à 
Messieurs E. Leudet et Poulain, au Havre, et à 
M. E. Marchand, à Fécamp. 


« Monsieur, 


« J'apprends , par le Journal de ce jour, que plusieurs 
secousses de tremblement de terre ont été ressenties au 
Havre et à Fécamp le samedi 10 courant. Désirant recueillir 
pour l’Académie de Rouen des renseignements précis 
et tout-à-fait scientifiques sur ce phénomène si rare dans 
nos localités, je vous prie de vouloir bien réunir toutes les 
données exactes sur le jour , l'heure, la durée, l'étendue 
et les autres particularités de ce tremblement. Je commu- 
niquerai ces intéressants documents à l'Académie en faisant 
connaître que c'est à vous que je les devrai. 


« Veuillez interroger le plus de personnes graves possi- 
ble , afin de contrôler les renseignements les uns par les 
autres , et arriver à connaître la vérité Vous concevez 
que, dans une telle question, les observations et les faits 
n'ont véritablement de valeur scientifique que par leur 
certitude et leur clarté. Je m'en rapporte, sur ce point, 
à votre intelligence éclairée. 


« Je vous remercie à l'avance des soins que vous voudrez 
bien donner à cette affaire, qui intéresse à un si haut 
degré l'histoire physique du globe. 


«@T, GiRARDIN. » 
3° Réponse de M. E. Marchand, en date du 19 juillet. 


« Monsieur , 


«J'ai différé jusqu'à ce jour pour vous transmettre les 
renseignements que vous me faites l'honneur de me de- 


106 ACADÉMIE DE ROUEN. 


mander par votre lettre du 13 de ce mois, parce que 
m'étant adressé à un assez grand nombre de personnes 
de la campagne pour recueillir le plus possible de faits 
bien authentiques , j'ai dû attendre jusqu’à hier pour voir 
ces diverses personnes. Cependant, Monsieur, je dois 
vous le dire de suite, je n'ai pu recueillir d’autres faits 
que ceux que j'ai déjà eu l'honneur de faire connaître à 
M. Arago , dans une lettre que je lui ai adressée le 11 de 
ce mois , c’est-à-dire le lendemain du tremblement de terre. 
Je vais dans un instant vous transcrire ici cette lettre , mais 
auparavant, je dois vous dire que bien que je fusse éveillé 
au moment où les secousses du tremblement de terre se 
sont fait sentir à Fécamp ( j'étudiais dans mon lit), je n'en 
ai eu aucune connaissance. C'est ce qui vous expliquera 
le manque d'observations barométriques et thermomé- 
triques au moment de la manifestation du phénomène. Si 
j'avais ressenti quelques-unes des secousses, je n'aurais 
pas manqué de faire ces observations , et je serais à même 
aujourd’hui de compléter l'histoire de ce phénomène. 


J'ajouterai encore qu'il n’est pas vrai, comme l'ont 
avancé quelques journaux , qu'à Fécamp, toute la vaisselle 
placée sur les étagères d'un marchand , ait été cassée. 
A Fécamp, pas plus qu'ailleurs , aucun accident de ce 
genre ne s’est manifesté; seulement , dans un très grand 
nombre de maisons , les assiettes placées debout, comme 
on le fait généralement à la campagne , ont vacillé en 
faisant entendre un bruit résultant de leur choc les unes 
contre les autres. M. Delaquerrière , membre de l'Aca- 
démie , en ce moment à Mentheville, m'a assuré qu'une 
partie du toit en tuiles de la maison occupée par M. Du- 
saussey , à Mentheville , s'était écroulée 


Un éboulement de terre a eu lieu dans l'une des 
carrières qui existent sous notre ville, mais cet accident 


Rs nc. 


—…——_— 


CLASSE DES SCIENCES. 107 


ne doit pas , je le crois du moins, être considéré comme 
dû aux effets du tremblement de terre, car dans la partie 
surtout où cet éboulement s'est produit, plusieurs fois 
déjà , à des époques plus ou moins rapprochées, des acci- 
dents du même genre, mais souvent plus graves dans leurs 
conséquences, se sont manifestés. 


« Des bruits assez généralement accrédités annonçaient 
une foule de faits curieux comme ayant accompagné le 
tremblement de terre ou résulté"de ses effets. On parlait 
de lueurs vues aux clochers de quelques églises ou sorties 
du sein des eaux, d'un bolide aperçu en mer, etc. ; tous 
ces faits ont disparu devant une investigation sérieuse, et, 
pour moi, il en est résulté la certitude qu'aucun phéno- 
mène atmosphérique, remarquable pour la multitude, n'a 
précédé, accompagné ou suivi la manifestation du trem- 
blement de terre. 


« Vous remarquerez, Monsieur, que, dans ma lettre à 
M. Arago, je dis que les tremblements de terre sont rares 
à Fécamp; cela est vrai, mais je dois vous rappeler que 
le samedi 22 juin 1833, à 7 heures du matin, un trem- 
blement de terre s'est fait sentir à Angerville-Bayeul, 
Gonfreville-Caillot, Limpiville, Saint-Maclou, etc., et que 
les secousses, qui ne durèrent que quelques secondes, 
furent assez fortes pour effrayer les habitants de nos cam- 
pagnes. 


« Maintenant , Monsieur, je transcris ici ma lettre à 
M. Arago : 


« Fécamp, 11 juillet 1847. 


« Monsieur, je m'empresse de vous informer qu'hier 
soir, vers 40 heures 50 minutes, deux secousses de trem- 
blement de terre se sont fait sentir dans notre ville et dans 


les campagnes environnantes. 


108 ACADÉMIE DE ROUEN. 


« Depuis quelques jours , le temps était orageux. Hier, 
le vent était au nord-ouest ; aujourd'hui, il est à l’est, Le 
thermomètre accusait hier soir à 8 heures, + 20° centigr.; 
ce matin, à 8 heures, la température était encore au 
même degré. Je n'ai point déterminé hier la hauteur du 
baromètre ; aujourd’hui , il est à 0" 765. Le ciel est sans 
nuages. 


« La première secousse a été la plus forte ; elle était 
accompagnée d’un bruit que l'on peut comparer à celui 
occasionné par une voiture lourdement chargée, et cou- 
rant avec rapidité sur le pavé. Chose remarquable, ce 
bruit a semblé , à toutes les personnes qui l’ont entendu, 
se faire entendre dans les parties supérieures des habita- 
tions, de sorte que plusieurs d’entre elles se sont imagi- 
nées que les toits de leurs maisons s’écroulaient. 


« D'après tous les renseignements que j'ai pu recueillir, 
il paraît assez positif que les oscillations se sont mani- 
festées dans la direction du nord au sud, de telle sorte 
qu’une personne couchée dans la direction ouest-est, après 
avoir senti son corps s’incliner à droite, c'est-à-dire vers 
le sud, a éprouvé une sorte d’exhaussement vertical , 
puis est retombé sur le côté gauche. La durée de ces 
trois mouvements peut avoir été de 15 secondes environ. 
Immédiatement après cette première secousse , l'atmo- 
sphère était calme. 


« La seconde secousse, qui s'est fait sentir 5 minutes 
environ après celle-ci, a été beaucoup moins forte, et elle 
n’a duré qu'une ou 2 secondes au plus. 


« Ces deux secousses de tremblement de terre ont été 
inégalement senties dans les diverses parties de notre ville ; 
au centre , elles ont été moins fortes que dans les extré- 


CLASSE DES SCIENCES. 109 


mités. Cela tient probablement à ce que le centre de la 
ville est construit sur de très anciennes carrières , êt que 
peut-être les vides existant dans ces carrières ont amoindri 
la force des secousses. Quoi qu'il en soit, il paraît que, 
dans beaucoup de maisons, des phénomènes curieux se 
sont manifestés : les vitres et les refends en planches fai- 
saient un assez grand vacarme , et, dans une chambre où 
se trouvait un malade , la garde de celui-ci fut fort effrayée 
en voyant des vases danser ( c’est son expression ) sur une 
table , et les portes d’une armoire s'ouvrir brusquement. 


« Un autre fait assez remarquable est celui-ci : un très 
grand nombre d'oiseaux , troublés dans leur sommeil , ont 
abandonné les bois sur lesquels ils étaient juchés, et sont 
tombés soit à terre, soit au fond de leurs cages. 


« Les tremblements de terre sont rares à Fécamp. Il 
paraît assez bien établi, d’après le souvenir des anciens , 
que, depuis 60 ans, il ne s’en était pas fait sentir dans 
cette ville, mais que, vers 1782 ou 1783, une secousse 
égale, pour l'intensité, à celle que nous avons ressentie 
hier, y aurait produit des phénomènes analogues. 


«Je n'ai pas encore appris qu'à Fécamp ni dans ses 
environs l’on ait d'accidents à déplorer. 


« Agréez, etc. 


« Depuis que cette lettre a été envoyée à M. Arago, et 
surtout, Monsieur, depuis que j'ai reçu la vôtre, j'ai pu 
encore recueillir quelques détails que j'ajoute ici pour ter- 
miner celle-ci. 


« Le samedi toute la journée, le baromètre est resté 
stationnaire à 758 millimètres 1/2 ; il a donc remonté, du 
soir au lendemain, de G millimètres 12. 


110 ACADÉMIE DE ROUEN. 


« Le bruit qui a accompagné (peut-être même précédé ) 
le tremblement de terre, s’est aussi fait entendre en mer, 
à une lieue environ des côtes. On a cru remarquer une 
légère agitation à la surface de l’eau. Je n'ai pu apprendre 
d'aucun marin si l'aiguille aimantée a éprouvé quelques 
variations. 


« Le tremblement de terre s'est fait sentir au moins 
depuis Paluel (lieu d'embouchure de la Durdent ) jusqu'au 
Havre. Je n’ai pas de renseignements précis sur son éten- 
due dans l'intérieur des terres ; je ne pense pas, cepen— 
dant, qu'il se soit fait sentir à plus de 12 ou 15 kilomètres 
des côtes. 


« Voici, Monsieur, tous les renseignements que je puis 
vous transmettre ; je regrette bien vivement qu'ils ne soient 
pas plus complets. 


« Depuis longtemps, j'avais le désir de tenir note de 
toutes les variations météorologiques qui se manifestent à 
Fécamp ; le phénomène du 10 de ce mois me décide à 
prendre des mesures pour être à même de faire des obser- 
vations régulières trois fois par jour, à partir du 1% jan- 
vier prochain. » 


L° Réponse de M. E. Leudet , en date du 20 juiller. 


« MONSIEUR , 


« Je me suis livré à une petite enquête relativement aux 
secousses de tremblement de terre qui ont été éprouvées 
dans notre localité ; malheureusement, ce que j'ai recueilli 
n'est pas tout-à-fait satisfaisant. 


« Le baromètre n'a point été examiné au moment des 
secousses ; la dernière observation à été faite à 8 heures 


CLASSE DES SCIENCES. 111 


du soir ; il n'avait rien éprouvé à ce moment; il était au 
même point à 6 heures du matin, le lendemain. 


« Le thermomètre n'a pas été davantage affecté. 


« D’après tous les rapports, deux secousses ont eu lieu 
successivement, et la durée n’a été que de quelques se- 
condes ; le mouvement se faisait de l’ouest vers l’est. Elles 
ont été presque insensibles au Havre, plus sensibles à 
Sanvie , Ingouville, Graville, et surtout Montivilliers. Une 
remarque à faire, c'est que les vallées n’ont à peu près 
rien ressenti, tandis que , sur les hauteurs, les secousses 
ont été très sensibles. Cet effet a surtout été observé à 
Montivilliers et environs, où, dans la vallée, on n'a éprouvé 
qu'un très léger mouvement , tandis que , sur les hauteurs, 
les mouvements ont été assez forts pour ouvrir et fermer 
des portes, et faire écrouler un tas de briques. La même 
remarque s'applique au Havre. 


« Les deux secousses étaient accompagnées d'un bruit 
souterrain, semblable au roulement d’une voiture lourde- 
ment chargée. Il a commencé un peu avant les secousses, 
et s’est continué un peu après ; mais, comme Je vous l'ai 
déjà dit, le tout n'a duré que quelques secondes. 


« Tels sont le peu de renseignements que j'ai pu me 
procurer. » 


EXPÉRIENCES 


TENDANT A PROUVER QUE LA CESSATION 


DE L'HÉMATOSE PULMONAIRE 


Est la cause de l’insensibilité 
qui suit les inspirations d’éther en vapeur, 


Par MM. F. Preisser, Pillore et Mélays. 


Mémoire lu à l'Académie royale des Sciences , Belles-Lettres 
et Arts de Rouen, dans sa seance du 12 Mars 1847. 


Lorsqu'on annonça que l'inspiration de l’éther en va- 
peur éteignait si complètement la sensibilité que nulle 
opération chirurgicale ne pouvait éveiller la douleur, 
nous fümes du nombre de ceux qui accueillirent avec dé- 
fiance les merveilles qu'on prônait; d’ailleurs, ce n'était 
pas sans crainte que nous voyions remplacer par l’éther en 
vapeur l'air atmosphérique, cette nourriture gazeuse, 
indispensable à la v'e de notre sang. Il fallut, pour nous 
rassurer , l'autorité des maîtres de l'art, qui proclamèrent 
l'innocuité de ce genre d'inspiration et ses résultats mer- 
veilleux. 


Dès lors, nous acceptâmes, comme chose démontrée 
expérimentalement, qu'au contact d’un mélange d'air at- 


CLASSE DES SCIENCES. 113 


mosphérique et d'éther en vapeur, le sang veineux se 
transformait dans le poumon comme avec l'air seul, et 
que C'était à l’éther absorbé qu'il fallait attribuer cette 
modification si profonde de l'innervation qui rendait 
l'homme insensible à la douleur. 


Dans les premiers temps, les appareils à inhalation se 
multiplièrent , et il fut généralement admis que le meil- 
leur, pour provoquer l'insensibilité, était celui au moyen du 
quel-on inspirait beaucoup d'éther et peu d'air atmosphé- 
rique. Enfin, M. Amussat vint affirmer que l’expérience 
lui avait démontré que l'inspiration de l’éther en vapeur 
empêchait l'hématose pulmonaire. En effet, en mettant à 
nu chez un animal l'artère et la veine de la cuisse, il avait 
reconnu , disait-il, que le sang artériel devenait noir ; car, 
l'artère, d'abord rose, avait pris pendant la durée de l'inha- 
lation éthérée la couleur noire de la veine. Il ajoutait que 
l'artère avait repris la couleur rose lorsqu'on avait rem- 
placé l'éther par l'air atmosphérique. 


A ce moment, la question de l'insensibilité après l’inspi- 
ration de la vapeur d’éther se présenta à nous sous une face 
nouvelle. La modification que subissait le système nerveux 
était-elle due à la présence du sang imprégné d’éther ab- 
sorbé, ou à la présence du sang non hématosé dans les 
poumons ? L'insensibilité était-elle le résultat d’une sorte 
d'ivresse ou de l'asphyxie? Telles furent les questions que 
nous cherchâmes à résoudre par la voie expérimentale. 


Nousrépétämes plusieurs fois l'expérience de M. Amussat 
et toujours il fut démontré pour nous : 


1° Que pendant l'inhalation éthérée . le sang dans l'ar- 
tère devenait noir ; 
2° Que cette transformation précédait l'apparition de 


l'insensibilite ; 
s 


114 ACADÉMIE DE ROUEN. 


3° Que , dès qu'on cessait l'inhalation éthérée , et que 
l'animal respirait de l'air atmosphérique , constamment 
le sang contenu dans l'artère reprenait sa couleur rouge 
avant le retour de la sensibilité. 


Dans une de nos expériences, malgré la durée de 
l'inhalation éthérée, nous fûmes étonnés de ne pas voir 
l'artère changer de couleur ; nous ouvrîimes une branche 
collatérale , et nous reçumes dans une capsule un sang 
noirâtre, tout-à-fait semblable au sang veineux. Ce sang, 
malgré son contact avec l'air atmosphérique , ne prit pas 
la teinte rouge , et fut remarquable par la promptitude de 
sa coagulation. À quoi tenait cette persistance de la cou- 
leur de l'artère? A son opacité. Le chien était de très 
haute taille ; l'artère était en outre couverte d’un peu de 
tissu cellulaire; elle paraissait jaunâtre, et n'avait pas 
changé. Sur les chiens de petite taille, l'artère étant très 
transparente , l'expérience donne des résultats incontes- 
tables. Avant l’expérimentation, l'artère est rouge clair, 
elle passe très vite au rouge foncé, et enfin présente la 
couleur noirâtre de la veine à laquelle elle est accolée. 


Après que ce premier ordre de phénomènes fut par nous 
constaté irrévocablement par plusieurs expériences, il 
fallut essayer si l'insensibilité résulterait de l'inspiration de 
gaz qui, non toxiques , n'ont d'autre action que d'être im- 
propres à l'hématose pulmonaire; et si, dans ce cas 
comme dans l'inspiration éthérée, la coloration noire du 
sang artériel précèderait l'insensibilité. Nous remplimes de 
gaz azote une vessie terminée par un tube en caoutchouc, 
fermé par un robinet; à ce tube, nous adaptâämes un 
entonnoir. L'artère et la veine étant mises à nu préala- 
blement , nous étendimes un chien sur une table, et nous 
Jui introduisimes le museau dans l’entonnoir pour le forcer 
à respirer le gaz contenu dans la vessie. 


CLASSE DES SCIENCES. 115 


Comme dans les expériences avec l'éther , le sang arté- 
riel prit la teinte du sang veineux, et l'insensibilité survint 
avant la cessation des mouvements respiratoires. Aussitôt 
que l'insensibilité fut bien constatée en mettant une patte 
de l'animal dans un brasier, on retira le museau de l’en- 
tonnoir , on rendit l'air atmosphérique au chien qui res- 
pirait encore, etbientôt le sang artériel reprit sa coloration, 
et la sensibilité reparut. 


Nous répétâmes la même expérience avec l'acide carbo- 
nique , le gaz hydrogène , la protoxide d'azote, et toujours 
les résultats furent les mêmes, sauf quelques diffé- 
rences dans le temps écoulé avant la production de l’in- 
sensibilité. 


En résumé, les chiens soumis à l'inspiration de ces 
quatre gaz ont tous présenté la coloration en noir du sang 
rouge et! l'insensibilité avant la cessation des mouvements 
inspiratoires. Arrivés à l'insensibilité, nous avons rendu 
à tous la liberté de respirer l'air atmosphérique , et l'inspi- 
ration de l'air a toujours rendu au sang artériel sa cou- 
leur rouge, et aux animaux leur sensibilité. Il faut noter, 
qu'à l'instant même, ils ont pu marcher sans vacillations : 
ils différaient , sous ce rapport, des animaux qu'on avait 
soumis à l'inhalation éthérée; ces derniers, au réveil , 
vacillaient, semblaient avoir de la difliculté à mouvoir les 
membres postérieurs, et paraissaient être dans un état 
d'ivresse qui exigeait un temps assez long pour se dis- 
siper. 


De ces expériences, nous concluons : 
{° Que l'insensibilité a été le résultat de l'influence qu'a 
exercée sur les centres nerveux le sang qui n'avait pas 


subi l'hématose pulmonaire ; en un mot, qu’elle doit être 
attribuée à un commencement d'asphyxie qui, à un de- 


416 ACADÉMIE DE ROUEN. 


gré plus avancé, eût amené la cessation des mouve- 
ments respiratoires et la mort. (Chez un chien de forte 
taille, après avoir obtenu en 15 minutes l’insensibilité, 
nous avons continué l’inhalation éthérée; 25 minutes après, 
le chien avait cessé de respirer , il était mort) ; 


2° Que l'insensibilité a été provoquée par des gaz qui 
ne déterminent pas l'ivresse ; 


3° Qu'il est possible que l'ivresse et l'excitation pulmo- 
naire que provoquent les inspirations éthérées , aient une 
influence fâcheuse , indépendante de l’asphyxie ; 


k° Puisqu'il résulte des expériences, que l’insensibilité 
précède toujours la cessation des mouvements respiratoires, 
et que l'inspiration d'air rend au sang artériel sa couleur 
rouge et aux animaux leur sensibilité, nous pensons qu'il est 
probable que cette asphyxie , provoquée sous les yeux du 
médecin et limitée par lui, n’expose pas à de graves dan- 
gers ; 


5° S'il était démontré que l'ivresse et l'irritation pulmo- 
naire que provoquent les inspirations éthérées, ont une 
influence fâcheuse sur les suites des opérations , il serait 
peut-être permis, dans certaines circonstances rares , de 
provoquer l'insensibilité sans déterminer l'ivresse et sans 
irriter les muqueuses ; 


6° Nous croyons qu'il y aurait avantage à préférer un 
gaz à une vapeur, parce qu'avec un gaz, il sera beaucoup 
plus facile de déterminer très rigoureusement la quantité 
absolue ou proportionnelle que le patient aura inspirée. 


——2120)} 5 REEe— 


ERRES CHIEKS SIPRKS DRRKO DANÈEO CRKO CAMES CRÉES SHYES 


OBSERVATIONS 


MÉTÉOROLOGIQUES 


Saites à Rouen, 


PENDANT L'ANNÉE 1846 ET PENDANT L'HIVER ET LE PRINTEMPS 
DE L'ANNÉE 1847, 


Présentées et lues à l’Académie à diverses époques, 


PAR M, F. PREISSER, 


Docteur es-Sciences, Professeur de Physique industrielle 
à l'École muvicipale de Rouen. 


Décembre 1845 à Mai 1846. ( Hiver et Printemps.) 


Hiver. Température. — L'hiver de 1846 a été très doux. 
La moyenne de la température a été de + 5°8. La moyenne 
correspondante en 1845 a été de + 2° 2. 


Le thermomètre n’est descendu que rarement au-dessous 
de 0. Le plus fort abaissement a été remarqué le 11 février ; 
l'instrument à marqué — 7° #. Le maximum de tempé- 
rature a été de 17° 4, le 11 février. 


Il n’y a eu que trois jours de neige. 


La moyenne de la température à Paris, en hiver, est 
de 3°3, d'après trente-trois années d'observations. 


118 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Prinremes. — La moyenne du printemps a été, à 
Rouen, en 1846, de 11°2. Celle de l'année dernière n’a 


été que de 8° 1. 
A Paris, pendant la même saison , la moyenne est de 


10° 3: à Rouen, pendant ces trois mois, le thermomètre 
n'est pas descendu une seule fois au-dessous de 0. 


La température la plus basse a été de +- 0°,2le 13 mars, 
et la plus élevée, de + 27° 8, le 25 mai. 

L'oscillation thermométrique , pendant cette période de 
six mois, peut donc être représentée par 34° 9. 


Je n'ai pas à vous signaler de brusques variations dans 
la température de ces deux saisons. 


Le froid qui a commencé à se faire sentir les 10, 11 et 
12 février, a disparu progressivement. 


Des Vents. — Voici comment nous avons classé les 
vents dominants qui ont régné en hiver : 


N. ARE RC RE PET? 7 
Nas 7, 2 0 ee ES RÉDPUSE À S.-0. 29 
E. 5 Pan ER IPRRPNIE enr SU 27 
SARA O LE dr À mn » éné N.-0, 9 


Comme on le voit par ce tableau, ce sont les vents de 
S.-0. et d'O. qui ont surtout soufflé sur notre ville. Ces vents 
chauds et humides ont naturellement dù avoir une grande 
influence sur la température ambiante. 


Vents qui ont règné au printemps. 


N LR Re LME ASE S. 19 
NEA EAST TA Rae . S.-0. 18 
E. DRE L'URSS Hi; 0. 12 
S.-E. #4. N.-0. 6 


. CLASSE DES SCIENCES. 119 


Ici nous observons encore la prédominance des vents 
chauds. 


L'hiver a été signalé par des vents forts et des ouragans, 
deux en décembre, quatre en janvier, et deux en février ; 
quatre sont venus du S.-0. et deux de l'O. 


Au printemps nous avons également noté cinq violentes 
bourrasques , toutes engendrées par des vents de S.-0. 


Pluie. — Si l'hiver a été d’une douceur remarquable , 
en revanche , il a été très pluvieux. 


On y compte trente six jours de pluie, et la quantité 
totale d’eau tombée dans ludomètre est de 25° 528. 


Cette quantité est moindre que celle de l'hiver 1845 
(27° 454), mais elle est notablement plus grande que celle 
qur est tombée pendant la même période de temps à Paris. 


Pendant la durée du printemps, il est tombé à Rouen, 
20° 969, et en 1845, 27° 506. 


Ï y a eu quarante-deux jours de pluie et exactement 
quatorze jours chaque mois. En 1845, avec une plus 
forte quantité d’eau , le nombre de jours pluvieux n'a été 
que de trente-un pendant cette saison. 


A Paris, il n'est tombé que 14° 107 de pluie. 


En général, depuis que je me suis livré à Rouen aux 
5 ue ] 

observations météorologiques, J'ai constaté chaque mois 
qu'il pleut plus souvent à Rouen, et que la quantité d’eau 


tombée est plus grande. 


La réputation de notre ville ne serait donc pas usurpée 


sous 6 rapport. 


120 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Pression atmosphérique. — Le tableau suivant va nous 
donner la pression barométrique moyenne de chaque mois 
de l'hiver et du printemps : 


Décembre . 755,96 Mars.. . 755,60 
Janvier. . . 759,31 Avril... ‘751,62 
Février. . . 755,66 Mai. ."1756:09 


de l'hiver = 756,96 


Pression moyenne { x : 
du printemps 754,44 


Nous observons "encore cette élévation de la colonne 
barométrique pendant les jours froids de l'année, les 
oscillations barométriques et thermométriques sont en 
sens inverse. 


Nos tableaux confirment ce fait général qui a déjà été si 
souvent signalé, que pendant les vents violents, les bour- 
rasques et les coups de vents, le mercure du baromètre 
descend, et souvent d'une manière fort brusque. 


Enfin, l'inspection attentive de la onzième colonne de 
nos feuilles et leur comparaison avec les pressions atmos- 
phériques démontrent que les oscillations lentes et régulières 
du baromètre, coïncident généralement avec un temps 
constant, et les perturbations dans l'atmosphère sont 
annoncées par des changements brusques de hauteur de 
la colonne mercurielle. 


Voir les Tableaux. 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES 
bus a” Hbécembre 2845 


Au 40 Rai 1846. 


Observations météorologiques faites 


7 H'° du matin. | 2 H': du soir. | 9 H': du soir. 


JOURS. 
Baromètre] Therm. |Baromètre| Therm. |Baromètre Therm. 


à 0. extérieur. à 0. extérieur àa10. extérieur. 


1 759,41 107 760,54 758 760,72 + 5,8 
2 761,04 708 757,31 io | 753,82 + 9,1 
3 749,10 33 749,89 2 7 749,69 + 5,4 
4 755,93 + 2,4 749,99 81 749,21 + 8,6 
5 750,11 + 2,9 752,59 + 9,4 751,25 + 6,4 
ô 749,19 + 5,1 750,60 ns (Ye 750,04 + 5,1 
7 752,61 + 4,0 753,37 + 8,9 761,04 9,1 
8 763,11 25,1 766,47 7 760,41 + 3,4 
9 764,94 + 6,7 765,57 + 9,6 767,31 + 4,2 
10 765,06 + 2,1 766,14 GA 768,81 + 92,1 
11 759,31 + 6,1 757,96 + 8,6 || 760,04 + 6,4 
12 763,81 + 5,4 764,44 + 6,4 768,42 | 
13 770,18 0,3 769,69 SE 7) 769,78 7 
14 769,18 I 766,32 12167 764,04 + 5,4 
15 758,38 120559 756,69 + 9,8 758,34 78 
16 756,61 HN) 756,69 410,4 756,91 77 
17 756,34 + 9,4 755,74 410,2 750,92 +i1,4 
18 743,54 EEE 743,11 +-10,3 743,91 7 
19 746,11 SNS 742,57 EE) 737,11 707 
20 733,04 + 4,6 733,64 + 5,3 735,25 rs 
21 749,94 En 747,21 + 3,8 750,21 C7 
22 754,68 Sn 746,11 DE 7 736,84 + 9,1 
23 738,83 2 Er 741,65 + 5,5 748,04 + 4,3 
21 755,91 PONS 759,14 on 762,91 100 
25 768,04 + 0,4 767,44 + 5,4 766,84 2 
26 767,18 ni 766,10 + 8,1 || 765,04 A 
27 767,82 + 6,4 766,35 + 7,9 || 763,90 + 6,4 
28 756,01 + 9,4 754,24 10,1 || 751,53 + 7,4 
29 753,90 3 Si 755,23 19 01075977 + 8,3 
30 758,71 +10,1 758,40 +12,4 759,15 + 9,6 
31 762,81 0001S 761,98 + 9,9 753,91 +10,4 
| 
RE lard 
M S | 756,57 JE 72 | 756,23 720 755,08 + 5,4 
| 


| 


où Rouen. 


Thermomètre 


l 
maxima Dia minima. 


| 


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+ + » + 


… 
L2HNHNALNCRCXLESX EXC 


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N'®@ © — © O0 O0 4 ei © © mt mé OO ee ES met D OO DUR be DO OHN— 


- 


ÉTAT DU CIEL 


A MIDI. 


Nuageux. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 
Variable. 
Nuageux. 
Nuageux. 
Pluie. 
Pluie. 
Nuageux. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie, 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie et neige, 
Pluie et grêle, 
Pluie. 
Pluic. 
Couvert. 
Nuageux. 
Pluie 
Pluie. 
Pluie. 
Pluie. 


Decembre 


S.-0. 


S.-0. fort. 


O.-N.-0. fort. 
O. fort. 
0. 


| $.:s.-0. 


S.-S.-0. 
O. fort. 
O. fort. 


N.-E, tr. fort. 
N.-0. tr, fort. 
N.-N.-O. fort. 


0. 

O. fort. 
9: très fort. 
DOTE. 


1845. 


RÉCAPITULATION. 


Moyenne du mois, 
= 5,74 


Moyenne vraie, — 
73, 


Moyenne baromét., 
= 755,96. 


Pluie et neige, — 
13,642. 


24 Jours de pluie. 
{ Jour dé neige. 


1 Jour de grêle. 


VE NTS. 

13 Vents O. 

5. 1d. S-0 

{1 id. O.-N.-0 
11 ide:S 
314. S:-S.-0 
2 id. N-E. 
35114. IN-0: 

3 id. N.-N.-0. 


Observations météorologiques faites 


1 ER TOME À 
7 H°° du matin.| 2 H'* du soir. | 9 H'* du soir. 


TT 


JOURS. | 
{Baromètrel Therm. |Baromètre} Therm. |Baromètre| Therm. 


extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur . 


à 0. 


1 754,77 + 5,4 758,40 +10,1 760,31 + 7,1 
2 763,19 + 4,2 765,45 + 8,4 767,11 + 7,3 
3 771,84 + 2,0 770,71 + 3,1 768,92 + 1,7 
4 763,36 + 0,3 758,34 + 1,1 759,11 — 2,4 
5 760,34 0,0 759,84 + 3,1 760,34 + 1,4 
6 762,61 + 3,2 761,39 + 1,0 759,11 + 2,4 
7 763,19 + 1,4 762,10 + 4,1 766,24 + 3,0 
8 772,27 + 1,7 761,84 + 6,4 773,44 + 5,2 
9 773,11 — 3,0 775,11 + 3,2 773,50 + 2,4 
10 770,25 — 1,1 770,01 — 1,0 770,31 — 0,8 
11 770,34 — 1,4 768,07 ms | : 765,46 — 2,1 
12 762,04 — 2,1 758,91 — 0,7 756,92 — 1,8 
13 753,86 + 2,0 750,24 + 3,7 749,72 + 2,4 
14 747,01 + 3,7 746,85 + 8,6 747,91 + 6,1 
15 754,37 + 4,4 755,89 + 7,9 755,40 + 4,2 
16 755,84 + 2,1 754,83 + 6,1 754,21 + 5,9 
17 753,12 + 6,6 753,84 +10,1 752,55 + 5,1 
18 753,04 + 1,2 753,95 +"5,1 751,47 + 4,1 
19 746,21 + 6,4 741,39 + 8,8 742,61 + 9,9 
20 749,20 + 7,0 748,40 + 9,8 751,25 + 5,4 
21 748,80 + 7,7 747,21 +10,1 745,24 +10,6 
22 746,27 +11,4 746,04 +12,8 743,03 +11,4 
23 737,61 +10,4 742,36 +14,3 753,15 +10,0 
24 744,70 + 8,1 748,10 +10,3 745,80 + 8,1 4 
25 749,25 +10,0 747,21 +10,2 742,08 +10,1 
26 743,37 + 9,8 749,81 +10,8 745,03 + 9,1 
27 747,65 + 8,8 748,13 + 9,4 751,04 + 7,8 
28 749,64 + 8,0 749,27 +11,4 754,34 + 8,1 
29 743,37 7,2 755,72 +11,6 758,81 + 8,2 
30 747,65 SL 0 758,21 410,2 758,34 + 8,4 
31 749,64 + 9,1 761,21 +12,0 760,50 + 9,1 


nd 


Moyences. 755,22 + 6,5 || 755,55 + 5,4 


| 
! 

| l 
! 


756,04 + 4,1 | 


ù Houen. —  danvier 1846. 


| 


ÉTAT DU CIEL VENT:S 


Thermomètre 


RÉCAPITULATION. 


| " À MIDI. A MIDI. 
LE 
maxima, | minima. 
+10,2 + 4,1 | Nuageux. S-0: Pression moyenne , 
+ 8,7 + 2,4 || Beau. S.-0. — 755,60. 
+ 4,3 "1,1 Beau. N.-E. 
+ 1,2 — 3,8 Couv!, neige. | N.-0O. Température moy., 
4 3,2 — 2,2 || Beau. N.-0. 45 "9 
— 2,5 — 5,6 Couvert. N.-E. 
+ 4,4 — 0,6 || Couv!, pluie. | N,-E. Maximum de temp'*, 
+ 6,7 + 1,1 Nuageux. 0. — 15°,1 (23 du mois) 
+ 4,1 + 2,0 Couvert. E° 
— 1,0 12,0 Couvert. E, | Minimum de temp'*, 
— 1,1 — 2,8 Couvert. E. — 5,6 (6 du mois). 
— 0,4 — 3,1 Couvert. N. 
+ 4,8 — 2,2 Beau. N. Pluie et neige en 
+ 9,1 + 1,6 Nuageux. N. centim., — 8,310. 
+ 8,1 + 3,2 Nuageux S.-0. 
+ 6,2 + 1,3 || Couv!, pluie. | S.-O. 14 Jours de pluie. 
+10,1 + 5,0 Couv!, pluie. | S. 1 id. de neige. 
+ 5,6 — 0,4 Couw!, pluie. | S.-0. 
+10,2 + 3,1 Couv!, pluie | S,-0. | — 
+10, + 5,0 || Nuageux. S.-0. 
+11,7 + 5,6 || Couv!, pluie. | O. | VE NTS. 
+14,6 +-10,2 Couv!, pluie. | 0.-0. 
+15, + 9,2 Couv!, pluie. | S.-O. tr. fort.| 2 Vents N. 
+19, + 7,7 Couv!', pluie. | S.-0. 2 id. N.-0. 
+-12,1 + 7,9 C!, pl., ourag. | S.-O. tr. fort.| 3 id. N.-E. 
+10,9 + 6,2 Nuageux. S.-0. CODE (5: PU 
+-10,7 + 5,8 | Nuageux. S -0. L'hYrd S: 
+11,7 + 6,1 Couv!', pluie. | S.-0. Pas de vents S.-E. 
+11,8 + 6,0 | Couv!, pluie. | S.-0. 3 Vents 0. 
+-10,4 + 5,1 Couv'. pluie, | S.-0. tr. fort.| 16 id. S.-0. 
+12,8 + 6,8 Couv!, pluie. | S, tr. fort. 
| 
| 


+ 8,0 + 2,3 


Observations météorologiques faites 


7 H'°: du matin. || 2 H:° du soir. | 9 H': du soir. 


JOURS. 
Baromètre] Therm. ||Baromètre| Therm. ||Baromètrel Therm. 
à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0, extérieur. 
| 
| 
1 758,04 + 9,0 756,21 +-12,4 756,91 + 8,4 
2 754,27 + 8,1 756,31 +11,3 757,44 + 7,1 
3 759,31 + 7,3 759,24 + 8,9 759,67 + 8,0 
4 759,40 + 8,1 759,12 + 9,1 759,92 + 7,1 
5 757,38 + 7,6 757,31 + 9,6 758,14 + 8,0 
6 756,65 + 4,1 757,91 + 8,4 759,20 + 4,1 
7 762,03 —+ 8,1 760,82 + 9,1 759,82 + 7,3 
8 759,81 = UE) 759,02 + 6,2 759,91 + 5,7 
9 760,89 + 3,8 760, 24 + 3,4 761,84 0,0 
10 765,34 — 1,4 765,82 di 766,21 + 1,2 
il 763,11 — 7,2 761,54 + 2,0 760,31 + 2,4 
12 762,12 + 9,1 762,44 + 6,8 763,21 + 1,0 
13 762,14 + 2,0 761,16 + 5,1 763,72 + 3,4 
14 762,17 + 4,1 761,82 + 5,7 763,54 + 44 
15 766,15 + 4,0 764,75 + 6,5 765,42 + 5,2 
16 764,31 + 3,7 763,17 + 7,1 765,34 4 732 
17 762,84 + 8,9 761,69 +10,0 760,61 + 7,1 
LL e78 758,31 + 5,1 756,57 + 6,4 757,48 + 6,0 
19 760,42 + 1,6 760,30 + 5,7 761,84 + 9,1 
20 762,04 + 1,0 762,03 + 8,4 762,40 + 6,7 
21 763,81 + 4,7 755,48 + 9,9 764,64 + 6,1 
22 762,11 + 4,0 762,04 +-12,4 760,31 + 6,3 
23 758,12 + 8,3 758,00 +-12,7 757,12 + 9,9 
24 754,39 + 8,1 754,65 +14,2 754,99 +-10,7 
25 753,01 + 7,0 753,72 1158 754,75 +12,1 
26 756,75 67 756,45 +13,4 756,80 +-10,2 
27 739,99 +-10,0 || 752,08 +-16,4 753,84 +12,5 
28 754,31 +-14,% 756,11 | +-16,1 758,64 412,4 
| 
| 
Moyennes. || 759,77 + 5,3 758,07 | 85 760,11 + 6,2 
| 


an Üouen. — Sevrier 1846. 


| 
ÉTAT DU CIEL| VENTS 
| RÉCAPITULATION. 


A MIDI. A MIDI. 


Thermomètre. 


à à 


maxima. | minima. 


+12,4 + 8,0 Couv', pluie.| 0 Pression moyenne , 
EN + ei Cou, pluies Q- — 759,91. 

,1 ouy', pluie.| ©. 
+-10,2 + 7,0 Couv!, pluie.| O. Température moy., 
+-10,0 + 6,4 Conv', pluie.| O. — 6°5,. 
+94 | +5,1 | Variable. N.-0. He 
+ 9,5 + 4,0 Couv', pluie.| O. fort. Maximum de temp'*, 
+ 8,2 + 3,7 Cou, pluie,| O. fort. — 17,9 (28 du mois). 
+ 4,0 — 0,2 Couv', neige.| N.-E. 
+ 1,7 — 2,7 Beau. "FN Minimum de temp'°, 
+ 2,2 — 7,4 Couvert. N.-0. — 7,4 (11 du mois). 
+ 7,0 — 3,6 Beau. N. 
+ 6,1 0,0 C!, pl., brouill.| 0. 11 Jours de pluie. 
+ 6,5 + 3,1 Très couvert,| 0. l id. de neige. 
+ 7,0 + 4,1 || Nuageux. N.-0. 1 id. de brouill. 
+ 8,0 + 2,2 Couvert. 0. 
+-10,7 + 4,5 Nuageux. 0. — 
+ 7,1 + 4,0 || Couvert 0. É 
16,2 + 1,0 || Couvert. S.-0 FENTS. 
+ 8,8 + 0,1 || Nuageux. S. 
+10,1 + 1,4 || Nuageux. S. 15 Vents O. 
nee % 3,9 cu AE A k f ss 

13% ouv pluie, . » -.N.=E. 

415,4 + 6,8 Cou! pluie. | ©. Pas de sos E. 
+13,9 + 5,2 Couvert. 0. 2 Vents N. 
415,7 + 5,8 Beau. Se 5 id us. 
+16,8 + 8,2 Beau. S: 2 id. S.-0. 
+-17,9 +10,1 Beau. S. Pas de vents S.-E. 


Observations météorologiques faites 


7 H': du matin, || 2 H': du soir. | 9 H'* du soir. 


ef 


, 


JOURS. 


| 
Baromètre! Therm. |[Baromètre| Therm. |[Baromètre Therm. 


à O0. 


à 0. extérieur. extérieur. mé 


Moyennes. || 755,86 | + 6,1 755,08 +11,3 || 856,86 | + 0,0 


l 763,10 +-10,6 762,45 +15,9 761,04 + 9,9 
2 761,39 + 7,1 760,70 +14,8 760,84 +10,2 
3 760,21 + 9,1 758,81 +16,1 756,14 +-14,0 
4 755,31 +-12,0 748,31 +13,2 749,11 +11,0 
5 753,94 + 8,9 751,10 +11;1 753,02 +11,1 
6 753,72 + 7,9 756,08 +10,2 761,04 + 3,1 
7 754,74 + 3,9 752,07 +-14,8 751,91 + 7,8 
8 760,01 + 5,0 761,18 + 9,4 764,34 + 5,1 
9 761,79 + 3,9 762,43 +-10,1 765,38 + 3,8 
10 768,41 + 3,9 769,37 +19,2 769,24 + 4,4 
11 770,94 + 1,8 771,09 SR 771,81 + 3,4 
12 773,31 + 3,8 779,14 + 8,1 772,25 + 1,2 
12 771,79 + 0,6 770,67 +14,1 770,29 + 6,3 
14 767,56 + 8,0 766,51 +12,8 764,92 + 8,9 
15 762,56 +-10,2 762,01 +12,0 760,84 + 8,1 
16 755,58 + 8,1 750,30 +16,8 749,03 + 8,0 
17 745,31 + 8,0 745,54 +10,8 746,04 9,3 
18 745,08 + 4,1 745,59 + 6,5 746,39 == 
19 749,99 + 1,9 749,06 + 8,9 749,75 + 4,1 
20 748,45 + 2,0 751,04 + 7 750,31 + 2,9 
21 743,65 + 3,1 746,82 +#10,4 746,75 + 5,6 
21 749,11 + 7,0 749,31 +10,1 741,71 + 6,8 
23 744,19 + 4,7 744,34 +-10,4 746,04 + 4,0 
24 746,81 + 7,8 744,67 + 9,8 745,08 + 5,4 
25 748,19 + 8,2 746,31 + 6,4 748,03 + 6,1 
26 749,94 + 8,5 751,96 +10,2 754,48 + 4,0 
27 755,92 + 6,1 753,62 +10,4 751,39 + 6,8 
28 746,56 + 6,8 743,92 + 8,4 747,02 + 5,8 
29 756,59 + 8,1 759,30 +-10,1 760,38 + 5,8 
30 763,82 + 2,5 758,20 +14,8 756,25 + 5,1 
31 752,25 + 7,4 751,55 15,7 754,21 + 6,8 
| 


ù Rouen. — Alars 1846. 


Thermomètre 
ÉTAT DU CIEL] VENTS 


RÉCAPITULATION. 


A MIDI. A MIDI, 


maxima. | minima, 


à 


Couv', pluie. 
CA gr. abond. 
Cou! 0 pluie. 
Couv!, pluie. 
Nuageux. 
Beau. 

Beau. 


Pas de vents N.-E. 
Pas de vents E 
1 Vent S.-E. 


+ 9,1 Beau. S. Pression moyenne 

+ 5,8 || Couv!, pluie. | O — 755,60. 1 

FE Hs ne ie a Température moy., 
, ? > 2 

+ 7,2 Couv!, pluie. | ©. er: 

+ 2,8 Couvert. N. Maximum de temp'*, 

+ 20 BE e 5 — 17,1 (16 du mois). 

L: œ X . . * 

de are Rp sen RO: Minimum de temp'*,| 

+ 1,6 Nuageux. N.-0 mc 5 2(13 du mois} 

+ 1,1 Beau. N. Pluie, = 6,327. 

LE we Sners s£ 14 Jours de pluie. 

+ HE Couvert. 0. 2 Le de neige. 

+ 7,7 Couv!, pluie. | S.-0 2 Id. de grèle. 

+ 7,9 Beau. 0. 

+ 3,0 || Nuag., pl., gr.| S.-0. fort T 

+ 1,5 Id., pl.,neige| S. F : 

+ 0,8 Nuag. , pluie. S.-E. VENTS 

+ 1,2 Id., pl., neige! S.-0. : s 

+ 1,0 Cotes pluie. N.-O. À Yes à 0 

+ 4,6 Couvert. S.-0. fort 6 id. ©. 

+ 3,3 Nuag,., pluie, } S. 3 id N_ 

+ 4,0 Couv!, pluie. | S. ñ El N. 0 

+ 4,6 S. ; ETES 

+ 3,8 Se 

+ 4,0 0 

"20 S. 

+ 4,8 0. 

+ 2,0 S. 

+ 4,8 (aE 


+-12,4 


Observations météorologiques faites 


7 H:: du matin. | 2 H'“ du soir. | 9 H'* du soir. 


+ 9,0 751,46 +-12,7 752,20 + 9,2 


7 , = e — 
JOURS. 
Baromètre| Therm. [Baromètre Therm. |Baromètre| Therm. 
à 0. |'extérieur . à 0. extérieur. à 0, extérieur. 
1 752,80 + 8,4 751,72 +-15,4 750,11 +-12,0 
2 749,71 +10,1 748,10 +14,3 749,10 +13,1 
3 750,00 + 5,2 751,30 12,0 751,11 + 7,2 
4 748, 11 + 6,3 746,73 +-10,1 746,02 +11,0 
5 743,08 +11,1 742, 62 15,2 740,32 +10,8 
6 738,21 +10,1 739,11 —+12,2 737,02 + 4,6 
7 736, 16 + 7,0 735,30 + 8,2 736,82 + 6,1 
8 737,97 + 7,1 736, 37 + 8,8 738,80 + 7,4 
9 749,11 + 9,2 62,13 +11,0 753,34 + 9,1 
10 755, 68 +10,1 753,79 +-13,6 754,21 +11,0 
il 748, 771 + 9,4 743,60 +14,1 743, 03 +12,4 
12 746,61 +12,8 747,53 +16,3 748,44 +-12,8 
13 749,09 +12,2 750,33 16,1 750,47 +12,8 
14 749. 13 13,0 750,04 +17,0 749,17 +-12,1 
15 748,40 +-11,1 750,20 + 14,1 751,80 +-10,8 
16 755,04 +13,4 757,70 +-14,4 758,99 +14,0 
17 || 757,41 +-13,1 756,12 +16,2 756,82 +10,4 
18 756,40 + 9,4 758,20 +-11,4 758,73 + 9,0 
19 759,07 + 7,7 757,04 +10,1 756,24 + 9,1 
20 754,11 + 7,1 755,34 + 8,7 756,60 + 7,0 
21 756,32 + 7,0 756,98 +-10,7 757,41 + 7,2 
22 755,11 + 9,0 754, 731 +12,2 702,17 + 9,2 
23 751,50 LOGE 750,62 +-10,7 749,18 + 7,4 
2% 753,91 +10,1 754, 64 +14,4 755,71 + 9,4 
25 756,20 CIC 754,12 +16,6 753,14 +11,2 
26 753, 707 + 9,6 753,34 +-13,1 753,21 + 8,8 
27 756, 80 + 8,1 757,82 +11,1 758,47 + 3,3 
28 || 757,04 + 5,4 757,11 +15, 1 760,02 + 4,8 
29 761,00 + 5,1 763,51 + 9,1 766,11 + 5,1 
30 768,32 + 5,0 768,71 +-10,4 769,04 + 5,1 
| % | 
| 
| 


a Rouen. — Avril 1846. 


Thermomètre 
à à 
maxima. | minima. 
+-16,2 + 7,3 
414,4 + 8,7 
+#13,0 + 5,0 
+12,9 + 5,8 
+-16,8 + 8,9 
+-13,0 + 84,1 
+ 9,1 + 4,8 
+-10,4 + 5,7 
+-11,8 re) 
+14,9 +- 8,0 
+-16,8 + 8,3 
+-18,4 +10,1 
+18,8 410,4 
+17,8 + 9,4 
+-15,4 + 8,6 
415,6 +-10,8 
+-16,8 + 8,4 
+-14,0 + 7,7 
410,8 + 7, 
+10,7 + 6,2 
+-10,8 + 5,0 
+-13,4 + 4,1 
+-11,4 + 4,0 
ER + 4,3 
+-19,1 + 5,6 
+14, + 7,0 
+11,4 170 
+16,2 te 
+-10,4 + 4,0 
+14 + 4,2 


+141 + 7,0 


ÉTAT DU CIEL 


A MIDI. 


Beau. 


Couv’, pluie. 
Jouv, pluie. 
Couv', pluie. 
Nuag., pluie. 
Nuag., pluie. 
Couv!, pluie. 
Couv!, pluie. 


Couv!, 


Couvert. 
Beau. 
Beau. 


Nuag., pluie. 
Nuag., pluie. 


Couvert. 
Couv!', 
Beau. 


Couv!, pluie. 


Couvert. 


Couv!', pluie. 


Couvert. 
Couvert. 
Nuageux. 


Nuag., pluie. 


Beau. 
Beau. 
CSD, 
Nuageux. 
Beau. 
Beau. 
Beau. 


pluie. 


grêle. 


VENTS 


A 


eu 
066 


Ü 


, 
m1 


AU 
EE 


22222PPPPAOMRONLPROE2ZAROOO 


2 


MIDI. 


5 


RÉCAPITULATION. 


Pression moyenne, 
— 751,62. 


Température moy., 
— 10,5. 


Maximum de temp'", 
—+-19,1 (25 du m°). 


Minimum de temp*,| 
—+4-1,8 (28 du mois) 


— 9,371. 
14 Jours de pluie. 


Pluie, | 


1 id. de grêle. 
FŒENTS. 

> Vents sS. 

4 Mid S-0. 

Sd T0: 

Jde SE: 

Side NN: 

4 id. N.-E. 

VAUINE: 

2 1d-.N-0. 


Observations météorologiques faites 


7 H:: du matin,| 2 H': du soir. | 9 H'* du soir. 


. CC , 
JOURS. | 
Baromètre! Therm. |Baromètre! Therm. ||Baromètre 


, 
Therm. 


à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur. 


766,03 
763,08 
760,11 
755,25 
752,60 
753,21 


+11,7 
+14,0 
+14,4 
+16,8 
+13,3 
410,0 
756,31 +12,8 
758,82 415,9 


759,14 417,4 
763,11 +16,1 


755,01 414,6 753,27 +17,1 
750,39 +14,1 751,30 +16,8 
754,21 +11,4 754,03 +-17,1 
757,81 +16,0 758,40 +-20,1 
760,02 +15,2 658,31 +-21,4 
758,11 415,1 760,44 +18,4 
764,12 413,5 762,60 +16,4 
759,42 415,2 754,25 +-24,4 
750,32 413,5 748,19 +15,1 
751,82 +11,0 755,04 +15,0 
756,52 +11,1 755,30 417,3 


761,17 +-14,2 
753,72 | +15,2 
747,00 | —+19,1 
758,03 | “+ 8,1 
754,71 + 8,2 


CR 
© © # CO DD = © CO © 1 © O7 de CD DO 


768,91 + 8,3 766,11 +15,2 
766,39 414,3 764,80 217,1 
761,82 415,1 760,32 +18,7 
756,24 415,1 754,04 +-25,0 


| 755,96 +18,8 


750,04 + 9,1 745,41 +-12,4 744,08 +-15,1 
17 742,03 + 8,4 740,80 2,1 741,17 +10,1 
18 740,94 + 8,9 738,54 —+-15,6 742,81 +11,5 
19 751,20 +-14,6 753,54 +18,6 752,17 +-16,8 
20 751,31 +-10,0 751,04 21,3 752,15 +17,1 
21 753,21 —+-14,2 755,11 +16,7 758,35 +15,4 
22 763,04 +-14,0 761,27 + 17,4 762,64 +14,5 
23 765,91 +-15,6 766,31 +-24,1 767,34 +17,1 
24 765,84 +16,7 765,91 +-24,3 766,13 +-18,2 
25 766,11 +-17,1 764,08 —+-27,1 765,14 +19,1 
26 763,04 —+-15,7 763,64 +24,3 763,86 +18,1 
27 762,82 +-16,2 761,05 +-19,8 762,71 +-17,2 
28 763,11 sr lit 763,30 +-18,1 764,14 +15,5 
29 768,45 12,2 765,98 +15,0 764,55 +13,1 
30 765,86 +15,0 763,75 +-18,9 764,12 16,0 
31 761,30 +-16,1 760,91 +940 762,34 417,8 
bete 2e | 
| Moye DS. 756,42 +13,7 | +-14,6 
1 


| 


— —. 


ù Rouen. — lai 1846. 


Thermomètre 


ETAT DU CIEL VENTS 


a —, , 
RECAPITULATION. 


. 5: A MIDI. A MIDI. 


maxima, | minima. 


+16,8 + 7,8 Beau. N. Pression moyenne, 
+18,9 + 8,0 | Beau. N. — 756,09. 
+-20,3 + 9,1 Beau. N.-E. 
+-26,0 92 Beau. S. Température moy., 
+-18,1 +10,4 Beau. S'- — 15,1. 
+17,7 + 9,1 Couv!, pluie, | O. 
+-18,6 +10,2 || Couvert. S.-0. Maximum detemp'*, 
+-21,0 +-11,4 Nuageux, S.-0. —27,8 (25 du mois) 
+-22,4 +13,0 Nuageux. S.-0. 
+-20,3 +13,4 Beau. S. Minimum de temp'°, 
+-18,8 +-12,1 Beau. S.-0. —5,0 (17 du mois). 
+-25,1 +-12,3 Beau. S. 
+16,7 +-10,0 Couv!, pluie. | N. Pluie, — 5,271. 
+-15,8 + 7,0 Beau. N. 
+18,1 + 6,4 | Beau. N. 7 jours de pluie. 
+-14,8 + 5,1 Couv', pluie. | N. 
+13,4 + 5,0 || Couv', pluie. | S.-0. fort. — 
+16,1 + 7,4 || Couv', pluie, | S.-0. fort. 
+-19,4 +10,8 Couv!', pluie. | S.-0. fort. VENTS. 
+-22,5 + 9,1 Couv!', pluie. | S.-0 
+-18,2 +10,2 || Nuageux. E. 6 vents N. 
+18,8 +-11,4 Beau. E. 7 id. N.-E. 
+-24,8 +11,7 Beau. E. Pas de vents N.-0. 
+-24,9 +-10,7 Beau. N.-E. { vent O. 
+-27,8 +13,1 Beau. S: 5 id. S. 
+-25,2 +-13,0 Beau. N.-E. 8 id. S.-0. 
+-20, 1 +12,2 Beau. N.-E. Pas de vents S.-E. 
+-18,9 + 9,5 Beau. N.-E. # vents E. 
+-16,4 + 8,4 || Nuageux. E. 
+-20,5 + 9,0 Beau. N.-E. 
+-25,6 + 9,2 Beau N.-E. 

| 

| 

Il 
+-20,4 + 9,8 | | 

| 


CLASSE DES SCIENCES. 121 


Juin à Novembre 18,6. (Été et Automne.) 


Érs. Pressionde l'atmosphère. —Lacolonne barométrique 
s’est maintenue durant le cours de cet été à une hauteur 
plus grande qu'à Paris, et que l'année dernière pendant 
la même époque à Rouen. En effet, la hauteur moyenne 
de la saison qui a été de 758,27 en 1846, est de 756,35 
seulement en 1845. 


En général, il n'y a pas eu de brusque variation dans 
la colonne mercurielle ; la plus grande élévation a été de 
767,82 (le 27 juillet), et le plus grand abaissement, de 
748,90 (le 47 du même mois), de sorte que l’oscillation 
barométrique de cette saison n'est que de 18,92, tandis 
qu'en 1845 elle était de 24,77. 


Température. —L'été de 1846 a été très chaud à Rouen, 
et le thermomètre s'est élevé à une hauteur qu'elle atteint 
rarement dans nos contrées. C’est ainsi que le 5 juillet, 
l'appareil placé au nord et à l'ombre a marqué 36°,8. 
La température la plus basse a été de 9,1 dans la nuit du 
12 juillet. 


On voit que la différence des températures extrêmes de 
cette saison a été de 27°,7. 


La température moyenne de l'été est représentée par 
209,1, tandis que celle de l’année dernière n'a été que de 
17,2, et que le thermomètre ne s'est pas élevé au-delà 
de 30°,2. 


Vents. — Ce sont les vents chauds du S.-0. et du S. 
qui ont dominé pendant cette saison. 


122 ACADÉMIE DE ROUEN. 
Nous avons observé à cet effet : 


29 vents dominants venant du S.-0. 


15 — — du S. 
13 — — d'E. 
12 — — d'O. 

10 — — de N.-E. 
6 — — de N. 

5 — — de N.-0. 
2 — — de $.—E. 


Pluie. — J'ai recueilli, dans l'udomètre, 16°%,654 de 
pluie. Le nombre de jours de pluie a été de 19. 


En 1845, la quantité d'eau tombée était de 21°,319, et 
le nombre de jours de pluie de 22. 


Cet été, comme l'été dernier, il est tombé à Rouen no- 
tablement plus de pluie qu'à Paris. 


Il y a eu 5 orages : 


2 en juin. 
2 en juillet. 
4 en août. 


Celui du 14 juillet a été très violent; la foudre est 
tombée à plusieurs reprises sur notre ville. 


L 1 
Aurome. Température. — La température moyenne de 
l'automne qui a régné à Rouen, a été de 11°,8. Elle est 
exactement la même que celle que j'ai observée l’année 
dernière , pendant la même saison, dans les mois de sep- 
tembre et d'octobre ; le thermomètre n’est pas descendu 
une seule fois au-dessous de zéro. 


Le maximum de la température a été de 26°,8 ; il a été 
observé le 11 septembre. 


CLASSE DES SCIENCES. 123 


Le minimum a été observé le 12 novembre ; il a été 
de 2°,5. 


L'oscillation thermométrique de cette saison a done été 
de 29°,3. 


Le froid qui a commencé à se faire sentir vers le milieu 
de novembre , n’est arrivé que progressivement, et a dis- 
paru de même à la fin du mois. 


Vents.— Les vents dominants qui ont régné en automne 
peuvent être classés ainsi : 


N 7 5-0... 1m 
N.-E..... 11 Le DHANOE 6 
N.-0 (D S À ES 
OLA. 3 DA CNE 6 


On voit par ce tableau que, dans cette saison, les vents 
chauds et humides de S.-0. et de S. ont souvent dominé. 
La température ambiante a dû naturellement se ressentir 
de leur influence 


On n'a observé à Rouen, ni bourrasques violentes ni 
ouragan. 


Pluie. — Cette saison a été très pluvieuse; [es vents 
de S.-0. nous ont amené une énorme quantité d’eau, plus 
considérable même que celle tombée pendant l'automne 
de 1845, qui pouvait cependant être considérée comme 
une des saisons les plus pluvieuses que l’on ait observées 
dans notre contrée. 


Il est tombé pendant les trois mois de septembre, ac- 
tobre et novembre , 26,396° d’eau. 


Pendant le mois d'octobre seul , j'en ai recueilli 1#°710 , 
et il nous à fourni plusieurs exemples de ces pluies tor- 


124 ACADÉMIE DE ROUEN. 


rentielles qui versent sur la terre de 30 à 40 millimètres 
d'eau. 


En 1845, la quantité d'eau tombée pendant l'automne 
a été de 21°643. 


Le nombre de jours de pluie a été, en automne 1846, 
de 40 , et, en 1845, de 41. 


Pression atmosphérique. — La pression atmosphérique 
a été de 756,42 pour le mois de septembre, 
751,13 —_ d'octobre, 
758,40 = de novembre. 


La pression moyenne de la saison a été de 755,41. La 
pression correspondante, en 1845, a été de 757,08. 


On peut observer ici que, pendant le mois d'octobre, 
si remarquable par ses fortes averses , le baromètre a été 
constamment très bas. La moyenne (751,43) est en effet 
de plusieurs millimètres moindres que toutes celles que 
J'ai observées à Rouen. Le baromètre est descendu le 145 
octobre, après une forte pluie, à 736,03. C’est la plus 
grande dépression de la saison. 


Le 9 novembre, le mercure s’est élevé à 770,64. C'est 
la plus grande hauteur. 


L'oscillation barométrique de la saison a donc été de 
34®®,61 ; l'oscillation correspondante de l’année dernière 
n'a été que de 26"",07. 


Voir les Tableaux. 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES 
Du 1° Juin 1846 


Au 30 Novembre 1846. 


l 


JOURS. 


Moyennes. | 


Observations météorologiques 


e 


7 H:: du matin. 


> 7 


Baromètre| Therm. 


à 0. extérieur. 


762,11 +-18,2 
761,31 +19,4 
762,94 418,4 
761,24 424,5 
760,32 +24,8 
760,62 +29,1 
760,12 25,0 
758,04 SU TE 
756,32 7 
761,74 +-14,3 
765,61 417,4 
767,04 +16,2 
762,61 20,1 
760,32 +18,2 
760,14 +19,2 
766,17 +18,8 
767,24 +21,7 
762,84 +29,4 
760,86 425,2 
761,64 429,6 
758,37 +20, 1 
757,81 +24,8 
753,58 417,9 
750,40 +19, 

752,25 412,8 
754,02 411,5 
752,62 15,5 
758,31 +14,2 
757,05 415,1 
760,80 +15,6 
759,79 +-18,8 


2 H': du soir. 
on 
Baromètre] Therm. 


10; extérieur 


761,91 426,4 
762,04 426,3 
762,46 428,1 
760,11 +-29,4 
760,02 +30, 1 
759,20 | -+%6,4 
758,48 430,7 
757,30 | 20,4 
756,02 419,3 
760,81 +21,5 
763,10 +20,4 
764,52 +24,5 
760,26 +28,4 
759,24 431,4 
761,34 +273 
765,80 24,9 
764,17 +26,4 
761,39 431,4 
758,12 129,8 
760,00 +28,4 
757,18 27,3 
755,04 +-28,6 
754,96 419,4 
747,94 | 16,1 
752,08 +13,0 
753,21 421,4 
754,92 419,7 
758,14 +18,4 
755,70 420,4 
760,02 493,4 
757,51 +-24,6 


9 Hr:: du soir. 
a 
Baromètre} Therm. 


à O. extérieur. 


761,64 +-23,0 
761,39 +-23,6 
761,54 419,9 
760,21 420,7 
760,64 422,9 
759,62 422,6 
759,31 24,7 
757,62 +18,8 
758,40 414,2 
762,86 418,1 
762,17 1732 
763,30 419,8 
761,46 +24,4 
760,38 426,9 
762,11 +94,1 
766,27 +4-29,0 
763,30 +21,6 
761,91 427,4 
759,61 +-26,4 
758,63 424,5 
757,92 +21,7 
753,31 +-20,6 
752,34 +16,8 
750,31 +14,2 
752,63 11,5 
752,71 415,3 
756,34 +16,4 
759,11 +14,7 
758,14 417,2 
761,38 +-20,0 
758,55 +-20,7 


faites à Rouen. — Juin 1846. 


Thermomètre 
ÉTAT DU CIEL VENTS | 
RÉCAPITULATION. 


à à 


A MIDI. A MIDI. 
maxima. | minima. 


+28,8 +13,7 Très beau. 
+-28,8 +13,4 Très beau. 
+-30,2 +15,7 Très beau. 
+-30,8 +15,9 Très beau. 
+-27,4 +16,1 Nuageux, 
+-30,9 +16,0 Nuag. pet. pl. 
+-21,4 +14,4 || Couv!, pluie. 
+-22,1 +-13,0 Couvert. 
+-22,4 +13,4 Couvert. 
+21,4 +14, Nuageux. 
+-25,8 +15,2 Beau. 

+29,8 | +181 || Beau. 
| 


La moyenne de la! 
pression atmosphé- 
rique, 758,61. 


, 
le) 


1! 
© 


Moyenne de la tem- 
pérature, 21°4. 


+28, 1 +11,1 Très beau. 


Moyenne des thermo- 
mètres maxima et 
minima. — 2095, 


. 
re 


+31,6 +-17,7 || Beau. 
+-28,8 +17,0 || Beau. 
28,4 +16,4 || Beau. 
+-27,8 +-16,7 Beau, 
+-32,2 +19, || Beau. 
+-30,3 +-20,4 || Beau. 
+-30,0 +-18,7 Beau timètres , 4 c. 341. 
+-30,0 +17,8 Quelq. nuages 

+29, 1 +16,5 || Couv', orage. -E. = 

22,3 +112 || C', pl, orage.| S.-O. fort. 


Û 
mir 


6 jours de pluie. 


2 orages. 


‘ 
FE 


Pluie tombée en cen- 


2H222222H2000O0NR2RR EE 
© © 


+18,4 +-10,8 Pluie contin. | S.-O. FIRINTIS: 
417,1 +10,4 || Pluie. S.-0. 
+-22,8 10,6 Nuageux. S. | 8 Vents E. 
+-21,2 11,8 Couvert. S. 6 id. N.-E. 
+-24,7 +11,7 Nuageux. S.-0. | 1 id. N.-0. 
+-26,2 +-12,4 || Nuag., pluie. | N.-0. LS MEMO: 
+-23,7 +11,2 || Nuageux. 0. FA SO. 

200 À ICE 

| Pas de vents S.-F. 
3 Vents N. 


| 
+-26,4 +14,9 | | 
| 


(l 


SHIDGRCE 


| 7 H'° du matin.|| 2 H'° du soir. 


JOURS. 


Observations météorologiques faites 


9 Hr:: du soir. 


et | 


{Baromètre Therm. |lBaromètre! Therm. [Baromètre] Therm. 


AD: extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur . 


415,7 761,30 | “<+22,7 763,92 418,7 
417,5 763,18 +-26,3 764,36 421,4 
415,5 761,60 | —<+28,4 761,82 19927 
+16,4 756,41 +-34,7 758,21 425,4 
17,4 754,20 +20,4 755,29 418,4 
414,2 755,95 | —+21,2 758,14 + 14,4 
417,5 756,82 +-25,2 755,86 417,8 
7 753,60 18,4 753,91 415,4 
+16,6 757,64 | —<+-22,1 758,80 +16,7 
416,5 760,03 +-24,4 761,33 +17,3 
416,9 761,27 +-24,4 762,71 +18,7 
416,2 758,02 427,1 759,64 +21,1 
182 755,62 +-24,1 757,35 410,4 
Et 759,61 421,5 760,58 416,3 
418,8 752,04 | —+24,3 750,21 415,4 
416,4 748,98 419,2 749,32 +141 
414,2 748,94 +-20,4 750,47 415,7 
415,8 754,71 424,5 757,34 +18,1 
416,9 762,04 421,8 764,25 414,7 
417,0 759,30 | --20.7 758,92 TA 
416,4 756,34 421,4 757,25 417,4 
415,8 755,25 30,7 756,21 422,7 
419,0 756,92 425,4 758,14 +-20,0 
415,6 761,03 20,8 764,61 +18, 
415,3 766,61 +91,4 766,86 +18,7 
413,7 765,14 | 23,9 766,11 +20, 1 
414,7 763,91 +26,7 764,61 +18,9 
41858 760,18 | 30,4 759,82 424,5 
420,1 756,63 34,8 757,36 +95,1 
+-21,7 753,51 433,6 || 753,02 90,1 


415,8 | 761,61 +-20,5 | 762,44 +-15,7 
| 
| 
| 


+16,8 757,10 | —+24,6 758,99 +18,7 


à Uoucn. 


Juillet 


1846. 


EE, 


à 


maxima, | minima. | 


+-26, 1 


Thermomètre 


à 


413,9 


ÉTAT DU CIEL 


À MIDI. 


Nuag., pluie. 
Nuageux. 
Beau. 
Beau. 
Beau. 
Nuageux. 
Nuag., pluie. 
Nuageux. 
Beau. 

Beau. 
Couvert. 
Beau. 

Beau. 
Couvert*. 
Couvert. 
Nuageux. 
Couv!, pl., or. 
Couv!', pluie. 
Beau. 
Nuageux. 
Trèsnuageux. 
Couvert. 
Beau. 

Beau. 
Nuageux. 
Nuageux. 
Beau. 

beau. 

Beau. 

Beau. 
Nuageux. 


* Orage très 


lviolent, pluie, 


A 


L 1200) | 
20C 


PHARES OnOOS 
OO 


VENTS 


MIDI. 


0 
© 


: fort. 


= 
C 


RÉCAPITULATION. 


Pression atmosphér. 
moyenne, 758,44. 


Moyenne des ther- 
momèêtres maxima 
et minima.=— 20°,0. 


Température la plus 
élevée , 369,8 (le 5) 


Température la plus 
basse. — 9°,1 (le 12) 


5 Jours de pluie. 
2 orages. 


Pluie tombée en cen- 
timètres. — 2,642, 


VFENTS. 
7 Vents O. 
GORE OO: 
& "10.0 E: 
11 ITS: 


Pas de vents S.-E., 
N -E., N.-0. et N. 


Observations météorologiques 


7 He du matin.| 2 H:: du soir. | 9 H'*: du soir. 


ne, 


Baromètre! Therm. |[Baromètre| Therm. |Baromètre| Therm. 


à 0. extérieur. à 0. extérieur. a 10: extérieur. 


1 752,21 423,9 751,64 432,4 759,46 +26,4 | 

2 753,62 +-20,2 752,46 +26,0 755,14 419,2 
3 753,42 +19,6 756,21 227,1 757,18 +19,9 
4 758,46 +17,5 757,61 +96,4 754,21 18,4 
5 753,38 418,5 753,10 433,8 751,20 427,2 
6 752,13 420,5 751,25 97,3 752,75 +20,4 
7 751,83 +18,0 751,20 +24,4 752,21 418,4 
8 754,75 ir 753,67 423,3 755,54 19,9 
9 758,19 16,4 757,17 H,7 758,91 +-20,0 
10 761,13 2 760,77 +23,4 761,72 419,4 
11 760,71 +19,0 760,24 +-91,7 761,37 nel 
12 758,17 +-21,0 760,30 25,8 761,55 20,1 
13 757,38 419,7 756,27 24,9 757,18 419,1 
14 754,29 +-20,0 756,14 +22, 4 755,50 NT 
15 754,18 18,4 753,71 427,1 754,72 +-20,1 
16 756,29 4173 754,12 495,4 756,82 +18,1 
17 751,12 416,2 756,03 +-23,7 757,12 +417,8 
18 752,92 418,4 752,64 +4-29,4 752,60 18,4 
19 756,30 418,7 752,50 +-20,2 752,18 +151 
20 751,14 +20, 1 755,03 99,7 754,80 +16,4 
21 756,38 108 750,08 +21,0 751,29 | 16,6 
92 757,28 416,7 754,62 +-20,1 755,34 +18,1 
93 760,11 417,1 757,91 419,4 PA | ET 
94 761,39 415,2 759,28 420,2 759,79 | —+18,1 
95 760,10 417,9 760,64 419,9 762,79 it 
26 754,18 415,8 757,01 + 24,1 755,13 +189 
27 754,72 416,1 753,61 424,0 752,18 +184 
28 752,60 417,4 752,21 424,1 752,27 71 
29 761,94 415,7 752,34 +29,4 753,91 +18,2 
30 761,74 117,1 760,12 +-29,1 761,79 419,1 
31 763,12 415,1 762,18 +-23,0 763,56 419,0 
Moyennes. || 756,29 +-18,0 755,55 +-24,0 757,75 +19,1 


faites à Rouen, — Août 1846. 


Thermomètre. | 
ÉTAT DU CIEL] VENTS 
À | RÉCAPITULATION. 
é A MID. A MIDI. 
maxima. | minima. 
| 
Beau , le s' or. Hauteur barométr. 
+34,5 +17,6 violent et pl.| S.-0. moyenne.— 757,75. 
+28,5 +-17,2 Nuag., pluie. | S.-0. : : : e 
+284 +156 Nuageux. S. Le Le Cu moy., 
—+27,1 —+14,8 Couvert. S: "TRE 
+34,9 +16,7 Nuageux. S.-0. Moyenne des ther-| 
—+-28,0 +17,1 Couvert. S -0. momètres maxima 
+-25,1 +15,4 Nuag., pluie, | O et minima 19°, 8. 
+24,6 + 14,8 Nuageux. S.-0. Température la plus 
+-22,4 +14,1 Nuageux. S.-0. éléféd Au mois TA 9 
+-25,0 +#15,4 || Nuag., pluie. | S.-0. (Le 5 du mois.) à 
+-22,9 +15,0 || Nuag., pluie. | S.-0. + 
—+27,2 -+16,1 Beau. S,-0. Température la plus, 
—+-25,1 -+-15,0 Beau. S.-0. basse. — 11°,7. (Le 
+-23,7 +14,7 Beau. S.-E. 19 du mois. ) 
+-28,1 +15,6 || Nuageux. O. 8 Jours de pluie. 
+-26,2 H12,2 || Beau. S.-E. 1 orage. 
+-24,1 -+13,3 || Couvert. S.-0. ; l 
+227 | +126 | Nuag. pluie. | S.-O. fort. | Pluie tombécen cen 
+-21,2 +-11,7 || Nuag., pluie. | S.-0. OR Chou 
+ 22,8 H14,7 Nuageux. N.-0. 1e 
+21,1 +15,1 Pluie. N.-0. fort. 
+-20,4 14,7 Nuageux. N. : 
420,0 -13,3 Couvert. N.-E. PS: 
+21,4 +-14,7 Beau. N.-E. ‘ 
+201 | +156 || Beau. N.-E. Fi RONSE 
+25, 1 +13,0 Beau. E. 9 td S Ê 
25,5 +15,0 Nuageux. N.-E. 1 td F 
+24,3 +16,1 Couvert. N. 2 dd S_-E 
23,7 +13,6 Nuageux N.-0. RUN O 
+-23,0 +14,1 Beau. N. 3 id N. è 
+-23,7 +-15,0 || Nuageux. N.-0. & à A4 NE. 


Observations météorologiques faites 


7 H': du matin, || 2 H': du soir. | 9 H': du soir. 


a 


Baromètre| Therm. [Baromètre Therm. 


JOURS. 


Baromètre| Therm. 


à 0. extérieur. 


extérieur. extérieur. 


à O. 


763,74 +18,4 763,08 —+-22,4 764,38 +19,1 
764,27 +-18,1 763,82 +-21,6 763,32 +-20,0 
763,31 +-20,4 761,92 +-24,8 762,30 +-20,1 
760,81 +-19,7 759,71 +-23,3 760,39 +18,1 
757,22 +-20,0 757,03 +-23,7 756,72 —+20,2 
758,17 +-20,7 756,30 +-24,1 756,90 +18,4 
758,10 +-19,7 757,67 +-24,2 759,41 +17,3 
760,24 —+-21,7 759,71 +24,9 760,47 +-22,6 
761,30 +-18,4 763,46 +-23,7 764,11 +-20,5 
765,13 +-20,0 764,36 +-25,3 765,87 +18,7 
766,34 +-17,4 765,09 +241 766,30 17,4 
763,20 +-16,1 762,60 +-21,5 763,71 +-17,1 
763,18 +-16,1 762,79 +-20,7 763,92 +16,7 
764,02 +15,2 764,71 +21,4 763,73 +16,9 
763,34 +-14,4 762,79 +-21,4 763,18 +-16,0 
761,20 +15,1 758,09 +-29,1 757,11 417,1 
753,08 +16,0 752,64 21,7 751,69 +#16,0 
752,24 +14,6 756,26 +-20,1 748,60 +15,4 
745,12 +-17,4 743,38 +-24,4 743,98 +-18,1 
748,64 +16,2 748,02 +-21,0 748,39 +18,0 
749,71 +-14,7 750,66 +-20, 1 749,12 +17,7 
748,24 +15,1 747,08 +19,9 745,20 +16,4 
748,79 +15,6 747,31 +-19,3 748,61 +16, 

750,20 +16,1 750,73 +19,8 751,72 16,6 
754,39 +-15,0 754,02 +19,0 754,88 +13,9 
756,27 +15,2 755,11 +18,1 755,08 +13,6 
749,25 +13,0 748,05 +14,5 747,34 +11,7 
747,31 +10,7 746,31 15,1 || 748,04 11,2 
749,04 +11,7 750,79 +-15,0 754,67 17,8 


SON QE CD —= 


Hs 


762,71 +-18,8 762,09 +-21,9 763,30 +-20,7 


756,55 +16,7 755,98 +91,4 || 756,75 +16,9 


male = 


a Rouen. 


Thermomètre 


2 


à à 


maxima. | minima, 


+-22,0 +13,6 
+-29,7 +13, 1 
+-23,1 +-15,4 
+25,4 +-14,7 
+-24,7 15,1 
+-21,8 —+17,9 
+-25,8 —+-16,4 
+-26, 1 16,1 
+-26,0 +-17,0 
+-24,6 —+-16,8 
26,8 +17,4 
+-25,7 +-16,2 
+-22,9 +15,6 
+-22,1 +-15,0 
+-22,0 +-14,4 
—+-22,7 +13, 1 
+-23,1 +13,2 
+-22,4 +-14,7 
+21,9 +-14,0 
—+-24,8 +-15,7 
+-22,0 +15,0 
+-21,1 —+14,0 

+-20,2 +14,1 
+-20,6 +-13,7 
+-19,9 +-14,1 
+19,2 +-12,7 
+18,9 +-11,7 
+-14,9 +11,2 
+15,2 + 9,1 
+-15,4 + 6,4 


-1-22,2 414,3 


ÉTAT DU CIEL 


A MIDI. 


Couvert, 
Beau. 

Beau, 

Beau. 

Pluie, couv*. 
Beau. 
Nuageux. 
Nuageux. 
Beau. 

Beau. 

Beau. 

Beau. 
Nuageux. 
Beau. 

‘Beau. 
Nuageux. 
Nuageux. 
Nuageux. 
Couvert. 
Cou!, pluie. 
Pluie, couv!. 
Couvert. 
Couv!, pluie. 
Nuageux. 
Couv!, pluie 
Couv!, pluie. 
Couvt} pluie. 
Couv!, pluie. 
Couv!, pluie. 
Nuageux. 


= 


CS RG TR er Er ET) 
mn EE 


SS60 


© 


© 


” 
LA 


ZIP PROPOVEPGAZLZLZRVU 
609 


Ü 
— 


— Septembre 1646. 


RÉCAPITULATION. 


Pression barométr. 
moyenne.— 756,42. 


Température moy., 
+18,3 

Températ. moyenne 
observée par les ma- 
xima et minima, 
18°,2. 

Température la plus 
élevée, — + 26°,8 
(Le 11.) 

Tempér la pl. basse, 
+ 162,4. (Le 30.) | 


Pression barométr. 
la plus élevée, — 
766,34. (Le 12. ) | 

Pression la plus basse 
du mois , — 743,38. 
( Le 30.) 

Pluie tombée en cen- 
timètres, — 7,740. 


FEN. TS: 
1 Vent N. 
4 id. N.-E. 
21810 AN: 0: 


Pas de vents O. 
13 Vents S.-0. 
JAP TS. 
40 10. .6S;: 
3 ed. FE: 


Observations météorologiques faites 


Therm. 


7 H:: du matin. | 2 H': du soir. 


= 


Baromètre! Therm. 


9 H:: du soir. 


—_ 


Baromètre] Therm. 


à 0 extérieur. à 0. poses | à 0. extérieur. 
1 757,14 +12,1 756,28 +4-16,1 756,09 +153,8 
2 756,29 13,8 751,68 +17, 1 751,86 +-14,8 
3 751,30 —+16,1 749,10 +17,7 751,70 +-14,1 
4 747,17 +14,9 746,74 +-18,0 748,19 +16,6 
5 748,34 +13,4 748,07 —+18,4 747,48 +14,7 
6 751,37 +14,8 750,28 417,3 750,86 415,3 
7 756,04 +-12,1 755,23 415,6 754,47 +10,9 
8 753,84 12,7 759,71 +-17,0 752,20 415,5 
9 753,80 +13,1 754,21 +17,4 754,75 +15,6 
10 752,70 15,6 751,27 +16,9 754,12 +13,7 
il 748,30 +-10,4 749,70 +-15,7 750,28 +-14,2 
12 750,28 411,5 759,64 +16, 1 752,27 +-14,0 
13 749,12 410,0 750,57 +12,7 753,20 + 9,8 
14 752,49 + 6,5 745,71 + 9,7 738,61 +- 7,8 
15 736,95 +11,8 736,03 +13,5 ‘|| 738,42 +-11,9 
16 739,40 +-10,9 739,18 —+15,4 742,12 —+12,8 
17 745,32 + 9,8 743,61 +-13,6 744,61 +-10,7 
18 746,82 +10,7 749,52 —+14,9 752,34 +-10;7 
19 755,10 CÉNTI6 753,21 15,4 753,64 L 9,4 
201 ‘1! 751,72 + 9,8 751,20 +-13,4 752,23 + 7,6 
21 738,24 + 8,0 740,72 411,6 740,81 + 7,0 
22 745,81 + 7,9 745,08 +10,0 747,29 + 6,5 
23 752,24 + 6,4 755,86 + 9,1 754,82 207,0 
24 751,81 + 6,5 749,27 +-10,1 746,20 + 7,8 
25 749,20 + 8,1 751,82 +11,9 755,34 + 7,9 
26 756,12 + 4,8 757,31 +11,8 760,04 + 8,1 
27 763,14 + 4,4 761,60 +10,1 762,34 + 7,0 
28 PAP 763,11 + 3,5 760,74 +10,4 760,30 + 7,3 
[E %29 756,38 7 756,07 + 9,1 757,61 + 8,1 
1 «30 2100758:82 + 7,7 760,01 +11,5 759,90 + 8,0 
31 762,42 + 8,0 761,07 +10,4 762,34 + 8,1 
{ 
| | 
PRE AU RE nr 
| | 
| Moyennes. | 351,72 | 10,0 || 751,18 | +13,8 || 751,38 | +410, 


Î 


ü Üouen. — Ortobre 1846. 
‘| 


Thermomètre | 
=. 2, |IÉTATODU CIEL, VENTS 
x RÉCAPITULATION. 
à A MipDi. A MIDI. 
maxima. | minima, 
+-16,8 + 7,4 Nuageux. N.-0. Pression barométr. 
+17,7 + 9,1 Pluie. S.-0. moyenne,=— 751,43. 
+-17,4 +-12,1 Pluie. S.-0. P : 
+18,6 +12,4 Nuageux. S. Températ. One 
418:7 | +12,7 || Couvert. S.-0. 119,5. 
+18, +12,8 || Couv!, pluie. | S.-0. Températ. moyenne 
+15,9 + 9,6 Nuageux. S.-0. observée par les ma- 
+-17,6 +11,6 Pluie. S.-0. xima et les minima, 
+18,4 LÉ Couvert. S.-0. OTCES 
17,5 11,7 Couvert. S.-0. 
Li163 410,0 || Couvert. de FER RR PIRE EE 
416,7 +10, || Couvert. 20: vée, — 18°,7. (Le 5 ) 
+13,1 =.9;0 Nuageux. S. Température la plus 
+-12,6 + 6,5 Pluie contin. | S.-0. basse, — + 2,4 
+15, 1 + 9,1 Nuageux. S. ( Le 231) 
+15,0 + 8,4 Eclaircies. S.-E. PAS st. 1: 
414,6 | + 9,1 || Couv!', pluie. | S.-0. ression baromét. la 
+15,1 + 6,4 || Nuageux. 0. plusélev.,— 763,14. 
415,6 | + 9,2 || Nuag., pluie. | S.-0. (Le 27.) 
+-14,0 + 7,1 || Nuag., pluie. | S.-O. Pression la pl. basse, 
+13,5 + 6,7 Pluie contin. | S.-0. — 736,03. ( Le 15.) 
+-10,8 + 6,8 Nuag. ., pluie. | S.-0. : 2-44 
+ 9,8 + 2,4 Couv!, pluie. | S.-0. Pluie tombée en cen- 
+10, ( + 6,1 Pluietr. forte.| O. timètres , — 14,710. 
+-10,5 + 3,8 || Pluie. S.-0. = 
419,1 + 4,2 || Nuag., pluie. | N.-O. ss 
+11,5 + 3,5 | Noere N.-0. VENTS. 
+11,8 + 3,1 || Nuageux. N.-E. Pas de vents N. 
+11,4 + 4,0 Nuageux. N.-0. 3 Vents N.-E. 
+-12,2 + 7,4 Couvert. N.-O. & id. N.-0O. 
+11,0 + 7,2 Beau. N.-E. Id O0! 
| 17 id. S.-0 
{ id. S.-E 
Sd tie Sas + CORRE 
| Pas de vents E. 
16,5 + 8,1 | | 


Observations météorologiques faites 


7 H:°: du matin, | 2 H': du soir. | 9 H'* du soir. 


RE CE 


Si — 


a 


Baromètre| Therm. DCE SU Therm. ||Baromètre! Therm. 


l 
à 0. extérieur. à O0. extérieur. à O0. extérieur. 
| 


| 
1 758,40 | + 8,4 || 759,31 |:-+11,7 || 759,70 | + 9,4 
2 760,61 + 8,7 | 759,08 +-12,1 760,71 +-10,1 
3 761,92 + 6,8 || 762,14 +13,2 762,92 + 9,8 
4 763,11 + 5,0 763,92 +-192,5 764,71 + 8,2 
5 764,80 + 6,7 763,18 + 7,8 763,94 + 6,0 | 
6 763,04 + 3,8 762,21 + 4,9 763,71 + 3,9 
7 765,82 + 4,0 764,36 + 5,0 765,60 + 3,0 
8 767,11 + 9,7 767,09 + 5,5 768,14 + 2,8 
9 770,04 + 1,8 769,07 + 1,0 770,64 + 0,4 
767,91 + 2,0 765,92 + 0,2 766,11 + 0,8 
763,12 + 0,4 762,34 + 4,1 763,67 + 0,9 
764,34 + 0,8 764,03 + 3,8 764,72 + 1,0 
765,36 api 764,17 + 4,0 765,44 + 0,7 
764,32 0,0 763,18 + 4,4 763,75 + 0,4 
763,11 + 1,0 762,93 + 0,2 763,60 + 0,7 
763,04 + 0,2 762,61 + 0,8 763,17 + 0,8 
759,40 + 0,4 758,24 + 6,1 758,03 + 9,4 
757,64 + 4,6 756,27 + 9,7 757,11 + 6,7 
757,31 + 6,1 759,40 +-10,8 756,61 + 8,6 
749,27 + 8,1 752,12 +-10,0 753,11 + 7,7 
754,29 + 7,1 754,01 +-10,0 755,27 + 8,0 
756,40 + 8,1 755,21 +11,2 754,21 + 9,8 
752,61 + 8,9 752,12 +-10,8 753,61 + 9,0 
752,04 + 8,1 751,17 +13,2 751,64 +-10,1 
752,92 + 9,0 750,11 +40,1 749,20 + 9,0 
745,08 + 8,0 744,10 +-12,4 742,74 + 8,7 
743,75 il 749,11 + 9,1 742,04 + 6,1 
743,84 + 5,0 742,10 + 7,1 742,09 + 5,1 
751,71 + 4,0 750,29 + 5,1 750,60 + 3,2 
754,20 + 0,5 754,62 + 3,4 754,71 + 1,5 


| Moyenues 
| 


758,55 + 4,4 758,30 +7,3 758,36 24,6 


n Rouen. — Uovembre 1646. 


Thermomètre | 
LACS ETAT DU CIEL VENTS | 
: : RECAPITULATION. 
A Mipi. A MIDI. 
maxima. | minima. 
| 
+-13,4 + 4,0 Beau. S.-E Pression barométr. 
+13,5 + 4,4 Beau, E. moyenne, —758,40. 
+-14,8 + 5,2 Couvert. S: | 
413,5 EEE Fear s Température moy,. 
, re . . — | 4 n 
+90 | 32 | Beau. SE. mA 
+ 5,2 + 3,1 Couvert. N. Température moy., 
+ 5,2 + 1,2 Couvert. N. observée par les 
+ 6,0 0150 Couvert. N. maxim. et minim., 
+ 2,8 + 0,9 || Couvert. N.-E. = 5°,5. 
+ 4,5 + 0,8 Beau. N.-E. 
He se 20 Beat. NE. Fenperitere la plus 
HE 0 + 26 Heu N. ev.,—14°,8. (Le 3.) 
+ 5,0 + 2,2 Beau. N.-E Température la plus 
+ 4,5 + 2,0 Beau. N. basse,—2°,5(Le 12.) 
l : 3 
a 1. dE Le Labo Es Pression barométr. la 
+ 73 HET vert. So. plusélev.—770°,64. 
+10,5 + 4,0 Couvert. S=0: (Le 9.) 
+11,7 + 6,0 Couvert. 0.-0. Pression la plus basse 
+10,7 + 5,4 Pluie. S.-0. — 742,04. (Le27.) 
10 ie. É Ê ; 
Eire È ae ce FR à 0. PSS encen- 
SET + 6,8 Pluie. $.-0. timètres, 3,946. 
14,5 + 8,0 | Pluie. S.-0. E 
+10,5 + 8,1 Pluie. SO. VENTS. 
+13,1 + 7,8 Couvert. Se0: RATE 
+ 9% | +60 | Pluie. S-O. ROSE 
+708 | +50 | Pluie. S.-0. MORE CCE 
+ 5,6 AREA Couv!, éclaire. 0. (oi 0. St 
Mn LC Bent N. il id. S.-0. 
2 id. S-E. 
SR (1 CRC 
| SD (6 en 1 
Il 
| 
| 


TE? à FASIS AE Di 2 A 


CLASSE DES SCIENCES. 125 


Décembre 1846 à Mai 1847. ( Hiver et Printemps.) 


Hiver. Température.—L'hiver de l'année 1847 a présen- 
té, à Rouen, de nombreuses alternatives d’abaissement et 
d'élévation de température. J'ai observé un maximum de 
+ 7 à + 12° pendant une semaine du mois de décembre, 
pendant la moitié de janvier et de février. Mais il y a eu 
aussi plusieurs périodes d’un froid assez vif pour faire des- 
cendre la température moyenne de la saison au-dessous 
de la moyenne ordinaire. En 1846, elle était de + 5°,8, 
en 1845, de + 2,2; cette année, elle est de 4 1°,6. 
Comme on le voit, il a fait à Rouen plus de deux fois plus 
froid qu'à Paris, où la température moyenne de l'hiver 
est de 3°,5. A la fin de décembre , la Seine a été très près 
de se prendre en glace. 


Pression atmosphérique. — Voici quelles ont été les in- 
dications barométriques moyennes pendant les 3 mois de 
l'hiver : 


Décembre........... 75k,97. 
EN CNUTE RAR SE 755,94. 
Piper iii 757,68. 


La pression moyenne de la saison a donc été de 755,96. 


L'hiver a été signalé par de nombreuses et brusques 
variations du baromètre qui ont presque toujours précédé 
de violentes perturbations de l'atmosphère. Les récits 
des journaux ont signalé de fréquents désastres sur mer 
depuis quelques mois, et les nombreuses pertes de navires 
éprouvées par les marines des différents pays. 


126 ACADEMIE DE ROUEN. 


Le 23 décembre , j'ai observé un remarquable abaisse- 
ment de la colonne mercurielle ; le baromètre est des- 
cendu à 723°,64. Jamais à Rouen je ne l'avais vu 
tomber aussi bas. Les vents soufflaient du S.-0. Ce brusque 
abaissement du mercure a été signalé le même jour sur 
d’autres points de la France. 


Outre plusieurs bourrasques violentes , nous devons en- 
core signaler un orage, avec éclairs et tonnerre, qui a 
éclaté dans la nuit du 26 au 27 janvier. Les extrêmes de la 
variation barométrique ont été de 723",64 et de 774,11, 
de sorte que l'amplitude de l'oscillation pendant la saison, 
doit être représentée par 50,47. 


Vents. — Les vents dominants qui ont régné cet hiver 
peuvent être ainsi classés : 


AN RS 0 N.-0 12 
PR EE 3 NE. 16 
; a Et P ME 20 
RES ME SU 27-140 


Pluie. — 11 y eu 25 jours de pluie et 12 jours de neige 
pendant cette saison. J'ai recueilli dans l'udomètre 25,719 
seulement. Le mois de janvier a été très pluvieux, mais, 
en février, il est tombé plusieurs averses de 2 à 3 cen- 
timètres d'eau. 


La neige a été amenée par les vents de N. et N.-E., 
et la pluie, par ceux de S.-0. 


Printemrs. Température. — La moyenne température 
du printemps de l’année 1847, a été de 9°,3. 

La moyenne correspondante de l’année dernière a été 
de 1 1°,2. 


La température la plus élevée a été de 29°,8, le 28 Mai, 
et la plus basse de — 7, 8, le 11 Mars. 


CLASSE DES SCIENCES. 127 


L'oscillation thermométrique est donc représentée par 
37°, 6. 


Nous observerons que la température moyenne du mois 
de Mars, 5°,6 et celle du mois d'avril 7°, a été plus 
basse que celle des années précédentes. La dernière quin- 
zaine du mois de Mai a, au contraire , présenté une nota-— 
ble élévation de la colonne barométrique. La moyenne du 
mois a été de 15°,2. 


Pression barométrique. Le tableau suivant nous donne 
la pression moyenne de chaque mois de la saison. 


Mars :- 79990 
AVUL 70-100 19: 
Mat... 27100 48 


La pression moyenne a donc été de 757,67. 


Elle est plus forte que celle du printemps de l'année der- 
nière (75%, 44), mais aussi la température en 1847 a-t-elle 
été moins élevée. 


La pression la plus élevée a été de 771,0#, et la plus 
basse de 741, 0%, de sorte que l'amplitude de l'oscillation 
de la colonne mercurielle est exactement représentée par 
30 millimètres. Il n'y a pas eu pendant cette saison de 
violentes perturbations de l'atmosphère. Le baromètre à, 
en général, oscillé d’une façon assez régulière, et les dé- 
pressions un peu brusques que l’on a observées ont eu lieu 
en Mai avant les quatre orages notés pendant ce mois. 


Vents, — Voici comment on peut classer les vents domi- 
nants pendant cette saison : 


ESP à > APS | 
.N.-0. 12 S.-0. 29 
di. 18 N.-E. 9 


PER SE. 6 


128 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Il ya eu en Mai deux orages par un vent de S., et deux 
autres par un vent de S. O. 


Le 9 du même mois j'ai observé , à Rouen , un fort Coup 
de vent , une véritable bourrasque tourbillonnante venant 
du S. O. D’après les journaux, elle se serait fait sentir sur 
d’autres points du département. Elle a été immédiatement 
suivie d’une forte averse. 


Du reste, à part cette exception, il n’y a pas eu pendant 
toute la saison de perturbations atmosphériques, ce qui 
est dénoté par la marche régulière du baromètre. 


Pluie. — I est tombé à Rouen 19 centimètres 979 
de pluie, et, l’année dernière, pendant la même saison , 
20,969. Le nombre des jours de pluie a été un peu 
moindre en 1847. Je n’en ai compté que 33, et 42 l'année 
passée. Ces 33 jours de pluie sont repartis de la manière 
suivante : 

6 en Mars, 
19 en Avril, 
et 8 en Mai. 


Nous devons aussi signaler trois jours de neige en Mars 
et deux jours en avril. Pendant le mois de Mai il est tombé 
2 fois de la grèle, et 6 fois en avril. 


Pendant ce dernier mois, il est tombé plus de pluie que 
pendant les deux autres réunis, et nous y avons observé : 


19 jours de pluie 
2 jours de neige 
et 6 jours de grèle. 


Voir les Tableaux. 


2-50 Mod 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES 
Du 4”: Décembre 1846 


Au 31 Mai 1847. 


Observations météorologiques faites 


7 H'° du matin. | 2 H'°* du soir. | 9 Hr:° du soir. 


= >, || — 


Baromètre| Therm. |Baromètre} Therm. ||Baromètre| Therm. 


à 0. 


extérieur. à 0. extérieur. A7 0: extérieur. 


| 

l 
1 754,71 —onlarenes CNE | 747,21 | + 0,4 
2 749,80 | — 3,4 || 740,71 | 0,4 || 741,67 | — 1,3 
3 746,72 | —0,8 | 747,91 | —1,7 | 748,34 | — 2,7 
4 352,64 | —1,8 | 756,61 | + 0,3 || 757,92 | — 1,0 
5 759,86 | + 0,8 | 758,22 | 1,7 | 757,57 | + 0,7 
6 152,64 | + 1,3 | 758,70 | + 4,7 || 754,79 | + 2,7 
7 757,82 | + 2,6 | 756,39 | +44 | 758,60 | — 0,4 
« 261,87 08 last ch is || Zeogn à 02 
9 76134 | +07 | 760,68 | +26 | 760,17 | + 1,4 
10 158,04 | + 2,7 || 756,186 | + 4,7 || 754,20 | + 0,8 
11 749,30 | — 1,0 | 748,60 | — 2,9 || 749,12 | — 3,7 
12 749,32 À — 1,5 || 748,84 | + o,2 || 749,41 | — 3,2 
13 752,20 | —92,8 | 751,87 | — 40 | 751,660 | — 5,1 
14 750,21 — 5,8 | 747,33 | — 3,1 | 746,66 | — 2,7 
15 745,21 A 744,61 —90 | 74899 | — 3,1 
16 750,64 — 3,4 || 749,21 + 09 | 750,12 | — 2,6 
17 751,64 — 0,9 757,11 + 1,9 || 756,15 + 152 
18 765,60 | — 3,0 | 765,04 | — 2,0 || 765,36 | — 7,0 
19 758,66 | — 1,2 | 758,27 | + 3,0 | 759,40 | + 2,0 
20 757,21 + 4,8 | 755,48 | + 7,4 || 750,14 | “+ 3,9 
21 746,27 | + 7,1 745,08 | + 87 || 742,71 | —+ 6,9 
22 736,20 | + 5,0 | 738,61 | + 5,0 | 735,41 | + 4,5 
23 723,72 + 6,8 723,64 + 8,1 || 723,92 + 5,9 
24 735,22 + 5,7 736,61 + 8,0 || 739,73 9,4 
95 747,31 +192 | 750,2% | + to || 755,91 ET er 
26 762,39 vol 7es ul aa rete he:0;2 
97 766,84 | +924 | 767,64 | + 3,0 || 768,11 0,0 
28 772,20 | — 09 | 772,04 | — 4,1 || 773,17 | — 6,1 
29 772.80 le — 530) 77225 le 6al|09773800 107,0 
30 | 776,11 — 80 | 773,34 | — 7,2 || 773,60 | — 8,1 
31 772,35 | — 3,2 | 769,60 | —7,8 | 768,13 | — 6,6 

| | 

on | ——— — Fosses —— a — 

ya | 754,43 0,4 || 754,02 | +o,9 || 754,36 | — 0,7 


| | 


Décembre 


à 


maxima. 


0 0 se 0 
JE mm DOME meOQQ = DO mb IOG Je OO Job 


+ + » 


sv. + + + 


e_._… 


- 


DUREE AE ET T4 


+ 2,0 


AA ER ERA A ASSIS SRI EI AIO 


Thermomètre 


à 


minima. 


A RE TR SE A 
5 © © © + © © @ Or © O0 D = Or = © © © = Où D D © D E = C0 O1 


- 


se Se + + 0 © 


DÉEDUD me OOGRUDOUSUINOGQUTDOO me © LÉ C0 Co 


2,8 


ÉTAT DU CIEL 


A MIDI. 


Beau. 

Beau. 
Couvert. 
Beau. 
Cou", pluie. 


Couv!', pluie. ! 


Couvert. 
Couvert 
Couvert. 
Couvert. 


Neige abond. 
Neige abond. | 


Neige. 


Nuag., neige. | 
Nuag., neige. 


Couvert. 
Couvert. 
Beau. 

Neige, pluie. 
Pluie. 


Pluie. 

Couv*, pluie. 
Nuag., pluie. 
Couvert. 
Couvert. 
Couvert. 
Beau. 

Beau. 

Beau. 

Beau. 

Beau 


2O22222LO222LD 2227 


VENTS 


A MIDI. 


sé 


2222222020 
HE à 


5 


225 


L 
— 


fort. 
fort. 


1646. 


RÉCAPITULATION. 


Hauteur barométr. 
moyenne.— 754,27. 
Température moy.,! 
0 
Moyenne d'après le 
thermométrograp.,! 
= — 0,2. | 
Température la _blus 
élevée du mois — 
+-9,5 (21 du mois). 
Température Ja plus 
basse, — —9,2 ( 30! 
du mois ). 
7 jours de pluie. 
ô id. de neige. 
Pluie tombée, “éval. 
en cent. — 7,475. 
Pression barométr. 
la plus forte, = 
774,11 (30 du mois). 
Pression minima, — 
723,64 (23 du mois). 
Cette pression mini- 
ma est la plus basse 
que l’on ait obser- 
vée à Rouen, 


FENNITS 
9 Vents N. 
70bidèe N'-0: 
24140 0: | 
Pas de vents E. | 
1 Vents. 
7 ï1d. S:-0. 
5 id. N.-E. 


Pas de vents S.-E. 


Observations météorologiques faites 


| "7 Hrs du matin.| 2 H': du soir. | 9 H': du soir. 


ne 5, | + —2— 


\\Baromètre| Therm. [Baromètre] Therm. |Baromètre] Therm. 


| 
| 
| à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur . 


1 767,37 ES 766,71 tot 765,14 CE 
2 758,40 = if 756,61 — 190 754,76 — 3,4 
3 750,35 — 0,8 748,50 + 1,0 750,79 2478 
4 755,84 + 2,4 754,20 | + 4,2 756,11 + 4,0 
5 757,04 + 5,0 756,92 | —+ 5,8 758,14 + 5,5 
6 758,40 + 5,0 758,72 + 6,4 760,47 + 6,2 
7 762,14 ET 759,60 + 5,0 758,19 + 4,0 
8 761,34 US 761,04 + 9,4 762,60 US 
9 766,25 + 2,0 765,29 UE 765,91 ES 
10 764,78 EE 763,04 #0 763,80 290 
11 762,71 US 760,42 + 0,8 760,92 Et) 
12 758,79 a 707,30 0002 MOTS 755,20 MA 
13 756,40 | + 1,5 757,31 EE 757,79 En 
14 758,91 Me 758,04 | + 2,9 758,86 7 
15 759,78 M0 758,40 | + 2,5 758,71 Pot 
16 758,47 2190 757,39 + 5,1 757,92 + 4,1 
17 760,05 M0 760,42 | + 4,5 759,14 + 1,0 
18 759,82 + 0,2 759,08 0,0 760,89 — 0,4 
19 762,45 of 762,09 | + 0,2 762,92 on 
20 761,35 US 760,92 + 1,0 761,07 EvIS 
21 758,34 EM 757,20 | + 1,0 757,89 + 0,4 
22 756,91 2010 754,60 | —+ 4,1 754,92 + 0,6 
93 759,95 + 9,0 753,14 + 5,0 753,61 + 4,0 
24 747,20 Mer 746,39 + 6,1 747,30 + 4,5 
25 747,71 + 5,1 749,22 + 8,9 750,37 + 7,0 
26 748,13 + 6,0 749,21 + 8,7 749,71 + 6,6 
27 747,31 + 8,0 745,71 +10,0 745,38 L10,1 
28 743,17 CRT 743,04 | —+10,0 742,79 + 5,6 
29 745,92 + 2,0 743,95 + 5,8 744,30 + 4,1 
30 749,20 + 5,0 749,30 Er 750,01 + 4,0 
31 748.21 1013 748,04 ar 749,61 + 2,0 


Moyences. || 756,17 | LU | 755,61 on 756,06 + 9,4 


Ù 1! | 


ù diouen. —— Sanvier 627. 


Thermomètre | 
ÉTAT DU CIEL VENTS 
; RÉCAPITULATION. 
à à A MIDI. A MIDI. 
maxima. | minima. 
— 9,5 — 9,3 Beau. N. Hauteur barométr. 
— 0,9 — 5,0 Beau. N.-E. moyenne, —755,94. 
+ 1,9 — 0,9 Pluie. S.-0. Températ. moyenne, 
+ 5,0 + 2,1 Pluie. S.-0. 1e 
+ 5,8 + 5,0 Couv!, pluie. | S.-0. Moyenne d’après le 
217,0 + 5,0 Couv', pluie. | S.-0. thermométrograp., 
+ 6,0 + 3,1 Couv!', pluie. | S.-U. =); 
+ 2,9 + 1,8 Couvert S. Températ. la plus 
+ 2,0 — 9,1 Beau. N. élevée du mois, — 
— 9,0 — 3,2 Beau. N.-E. 10,5 (27 du mois }: 
+ 0,9 — 4,9 Beau. E. Températ. la plus 
+ 2,0 — 1,5 Couv', pl. fine.| N.-E. basse , — — 9,3 
+ 4,3 — 1,2 Beau. E: (le 1°" du one 
+ 3,0 — 3,1 Beau. E. Pression barométr 
+ 3,2 — 0,8 Beau. E la plus forte, — 
+ 5,5 + 1,0 Couvert. S.-0. 767,37 (le 1°" du m.). 
+ 4,6 0,0 Couv', pluie. | S.-0. Pression minima, — 
+ 0,8 — 2,8 |! Couv!', pl. fine| S.-0. 742,79 (28 du mois). 
+ 1,0 — 0,8 Beau. N.-E. 13 Jours de pluie. 
+ 1,0 — 3,0 Couv', neige.| N.-E. 1 id. de neige. 
+ 1,4 2,8 Couvert. N. 1 Orage avec © écl. 
+ 4,8 — 0,7 Beau. N.-0. et tonnerre. 
+ 6,8 + 1,9 Nuageux. S.-0. Pluie tombée en cen- 
+ 6,7 + 3,0 Couv!, pluie. S.-0. timètres. — 10,534. 
+-10,0 + 5,0 Couv', pluie.| S.-0. 
+ 9,4 1087 Pluie. S.-0. Æ É 
+10,5 + 6,8 Couv!', pluie ,*| S.-0. fort. ETES 
10,0 + 3,1 || Pluietr. forte.| S.-0. fort. VENTS. 
+ 6,1 + 1,8 Couvert. S.-0. 
7,0 + 2,2 || Nuageux. S! ; Fr ne 0 
5 Couvert. .-O, Ia. N.-U. 
"as HE RE Pas de vents O. 
4 vents E. 
————— 2Oid..S: 
15 id. S.-0. 
5 id. N.-E. 
+ 4,2 + 0,2 * écl. et tonn. Pas de vents S.-E. 


Baromètre! Therm. |Baromètre| Therm. [Baromètre 


© © 1 O1 C0 D mt 


Observations méteorologiques faites 


et | » 
7 H': du matin. 2 H:° du soir. | 9 Hr: du soir. 


Therm. 


à 0. extérieur. à 0. extérieur. à O. extérieur. 


750,69 + 0,2 750,30 + 4,0 751,10 + 1,0 
753,37 + 1,8 753,07 00 752,91 + 1,0 
756,40 "10 757,92 01 759,07 TH 
761,71 0,0 762,14 + 1,0 763,54 + 0,7 
763,64 1-0 762,60 C9 761,91 + 2,4 
756,71 Dr 752,34 NT 749,40 + 6,4 
749,04 + 4,9 743,61 ES 740,31 ri 
751,17 — 9,4 756,44 + 1,4 743,71 — 0,6 
746,12 "159 745,87 06 745,94 269 
745,20 0 746,34 2Ù {1 747,71 0 
753,14 A 752,64 20919 753,15 AT 
756,92 8 756,34 ,/) 756,91 31 
758,34 5 759,13 1 760,71 + 0,5 
755,30 + 2,4 754,25 + 4,7 754,10 + 6,0 
749,86 716 749,21 + 9,1 748,54 194 
756,14 + 7,1 756,34 + 9,0 756,10 Pr 
762,67 + 9,4 762,07 +11,8 763,48 + 7,8 
764,04 + 9,8 762,75 +-10,8 761,09 07e 
761,04 ONE 764,65 +10,4 768,60 + 6,1 
768,92 720 767,31 +10,0 768,69 + 6,0 
768,81 + 4,7 769,72 —+-10,4 770,40 + 5,4 
768,77 + 1,7 767,20 + 9% 767,29 22137 
765,02 CD 7 764,31 + 7,2 764,09 + 4,1 
763,39 107 762,17 + 5,0 761,91 1 
762,47 = Si 760,49 1,5 760,91 EH 
760,94 = ji 760,42 TE ii) 760,84 Er 
759,18 1410 758,40 06 757,82 240 
760,27 40 760,46 0,0 761,10 Lire 


. 


757,82 HS 757,34 + 4,5 757,89 


Thermomètre. 
ÉTAT DU CIEL| VENTS 
à | | 
b } 
à à “ A MIDI. | A MIDI. 
maxima. | minima. | 
+ 3,8 0,0 Couvert. N. 
+ 3,0 — 1,2 Gt, pl. neige.| N. 
+ 2,9 — 0,9 Couvert. Ne 
+ 1,8 0,0 Couv', neige.| N.-E 
+ 8,0 + 0,7 Nuageux. N. 
+ 8,5 + 2,2 Couv', pluie.| O. 
+ 8,5 — 19,4 Couy!', pluie.| S.-0. fort. 
+ 2,0 —19:5 Beau, neige.*| N.-0. 
08 — ,2 Neige, abond.| N. 
1,8 —14;1 Neige, abond.| N. 
+ 3,0 — 7,8 Couvert. N.-0. 
—1,5 — 4,9 Nuageux. N. 
+ 3,1 — 2,0 Beau. 0. 
219,0 + 2,4 Pluie. } S.-0. 
+ 9,8 + 5,4 || C° pl. contin.| S.-0. 
+11,8 + 7,0 || Couv' pluie. | S -0. 
+-12,2 + 8,4 || Nuageux. O. fort. 
+11,0 + 7,2 Nuageux. S.-0. 
+-10,0 + 1,2 Nuageux. O. fort 
+-10,8 + 1,0 Nuageux. S.-0. 
+10,7 + 0,8 Beau. 0. 
+ 9,4 + 1,4 Beau. N.-0. 
+ 8,5 — 0,8 Beau N.-E. 
+ 5,0 — 2,5 Beau. N. 
+ 2,0 — 4,5 Beau. N.-E. 
+ 1,2 — 5,1 Beau. N.-E. 
+ 0,2 — 4,8 Beau. N.-E. 
+ 0,8 — 4,1 Beau. N.-E. 


- 


ü Üouen. 


Sévrier 


— 0,5 


* Ouragan 
pend' la nuit. 


RÉCAPITULATION. 


Température moy., 
= + 2,6. 

Moyenne de la temp. 
d’après le thermo-| 
métrogr. — + 2,0. 

Temp. la plus élevée 
du mois, — + 19,2 
(le 17). 

Temp. la plus basse 
du mois , = — 7,8 
(lenti10): 
> Jours de pluie. 
> Jours de neige. 


Hauteur barométr 
moyenune,— - 


1 Ourag. les du m. 
Pluie tombée éval.! 
en cent.;, — 7,710. 
Pression baromét. la 
plus forte, —770,40 
(le 21 ). | 
Pression minima, — 
743,71 (le8.), quelq. 
heures avant l’ou- 
ragan. 


| 


FE NTS. 
8 Vents N. 
3 id. N.-0. 
CN Ti EM TT À 


Pas de vents E. 
Pas de vents S. 

6 id. S-0O. 

6 id. N.-E. 
Pas de vents S.-E. 


Observations météorologiques 


7 He du matin, | 9 Hr: du soir. | 9 H'°* du soir. 


oo —— | 


JOURS. 
Baromètre 


| Therm. |Baromètre| Therm. ||Baromètre Therm. 


à 0. extérieur. à O. extérieur. à 0. extérieur. 


1 763,24 — 3,9 763,95 + 1,2 764,49 — 1,0 
2 770,08 — 0,6 769,13 + 4,6 770,40 + 2,6 
3 770,37 + 3,0 770,09 + 5,0 770,42 + 2,4 |@ 
4 769,88 + 2,4 769,18 + 4,8 766,83 + 2,5 fl 
5 765,02 + 2,0 763,41 + 5,0 762,91 + 2,4 
6 760,54 + 1,1 759,61 + 3,0 759,47 + 1,8 
7 757,20 + 2,6 756,87 + 5,0 757,48 + 3,2 
8 761,55 + 1,4 760,36 + 6,1 760,81 + 3,1 
9 758,23 + 3,0 759,14 + 5,1 760,07 + 2,0 
10 759,08 0,0 757,84 Er 0 756,92 11,0 
11 766,92 — 5,6 767,39 — 3,1 768,07 — 4,1 
12 763,84 — 5,0 764,52 + 1,6 764,65 + 0,8 
13 769,02 + 0,9 768,45 + 7,1 767,10 + 3,1 
14 770,56 + 3,8 769,31 + 7,5 768,14 + 4,1 
15 766,22 + 4,6 765,04 +10,4 766,21 + 4,2 
16 759,08 + 6,1 758,71 +12,3 758,90 + 6,0 
17 758,30 + 4,9 756,75 +15,0 755,47 + 8,7 
18 758,24 + 5,4 758,03 +14,2 758,75 + 6,2 
19 755,60 + 4,8 749,81 +14,1 748,30 + 8,2 
20 749,72 + 9,1 759,14 +13,8 752,60 + 8,1 
21 750,31 + 9,9 750,67 +13,0 749,17 +.8,0 
22 750,27 7410 |100759536 +14,0 753,61 + 7,7 
23 757,21 + 6,5 755,90 +14,1 755,27 + 9,0 
24 755,34 + 6,8 757,61 +11,5 757,11 +Æ.7,t 
25 760,13 + 8,1 759,08 +14,3 || 760,64 +10,4 
26 761,11 + 8,0 || 760,27 +15,1 || 760,92 +10,6 
27 759,44 + 7,1 | 759,10 +16,4 || 756,87 12,5 
28 749,30 + 8,4 || 748,69 +10,1 || 748,42 + 7,1 
29 755,36 + 5,6 753,07 + 2,0 || 754,36 + 4,1 
30 754,29 + 84,1 752,87 | + 7,8 || 750,61 + 4,7 
31 745,87 + 4,5 744,44 + 7,2 745,11 + 4,2 
Moyennes. || 759,52 | + 3,7 | 759,34 | + 8,4 || 759,93 | + 4,8 


faites à Rouen. — fHars 1847 


Thermomètre 
_ k =. |ÉTATOUCIEL| VENTS 
J ; RECAPITULATION. : 
è - A MIDI. A MIDI. 
maxima. | minima, 
+ 2,5 — 4,0 Beau. N.-E Hauteur barométr. 
+ 6,0 — 0,6 || Couv', p!. fine] N.-0 moyenne.— 759,36. 
+ 5,8 + 1,0 Couvert, N. Tempér rature moy. , 
+ 4,8 — 1,5 Nuageux. N. — +-5,6. 
+ 5,2 + 1,0 Couv!, pluie. | N.-E Moyenne de la tem 
+ 4,0 + 1,3 Couvert. N.-0. pérature d’après lei 
+ 5,0 + 1,2 Couvert. N.-O. thermométrograp., | 
+ 5,2 + 1,5 Couvert, N.-0. = 5,5. 
+ 5,5 —10;2 Couv!, pluie. N.-0. fort. Température la plus: 
+ 2,2 — 7,0 || Couv!, neige. | S.-O. élevée du mois, —\ 
— 92,4 07,0 Beau. N. {17,4 (le 27): À 
+ 2,9 m1) Neige. N.-0 Température la plus | 
+ 7,9 LE) Couvert. S.-0 basse du mois, — 
+ 8,4 — 2,6 Beau. S. —7,8 (le 11.) l 
+-12,0 + 0,9 Beau. Se 6 Jours de pluie. | 
+-13,8 + 3,0 Très beau. S.-E. 3 id. neige. f 
+15,5 + 4,8 Très beau. S.-E. Pluie tombée éval. i 
+-14,0 1221 Très beau. SE; en centimètres, —| 
+14,2 + 4,3 Très beau. S. 2,710. i 
+15, 1 + 9,0 Nuageux. S.-0. Pression barométr. 
+13,8 457 Beau. S.-0. la plus forte, —; 
+-14,9 + 6,0 Nuag., pluie. | S.-E. 770,56 ( le 14). 
+14,0 + 5,2 || Nuageux. S.-0 Pression la pl. faible, 
+11,0 + 3,4 || Nuageux. S.-0. — 744,44 ( le 31). 
+15,3 + 6,2 || Beau. S.-0. 1$ | 
+16,4 + 5,3 Beau. S.-0. 
+-17,1 + 7,0 Beau. S: VENTS. 
+16,1 + 6,3 || Nuageux. S.-0. DCE 
+ 6,1 + 0,8 || Pluie etneige.| S -O. à Ex RE 
+ 8,0 + 1,4 || Nuag., pluie. | O. o" AD à 
+-10,0 — 0,8 Nuageux. 0. FT im 
? D Pas de vents E. 
4 VentssS. 
hs 10 id, S.-0. 
2 id. N.-E. 
Ad SE: 
19,3 HAVE 


Observations metcorologiques 


2 H': du soir. | 9 H':* du soir. 


| 
7 H:: du matin. 


a , er — , ES 
JOURS. 
Baromètre! Therm. |Baromètre| Therm. |Baromètre| Therm. 
à 0. extérieur. à O. extérieur. à O. extérieur. 
1 745,30 + 0,2 745,50 + 9,6 746,32 9,1 
2 744,20 + 1,4 743,71 +-10,0 741,04 + 2,1 
3 742,75 C0 744,38 + 5,0 745,07 + 1,8 
4 747,18 6 755,36 + 6,7 756,17 + 3,9 
5 755,11 + 2,4 756,34 10,1 755,71 + 5,7 
6 755,20 + 4,1 755,07 + 9,8 756,47 + 6,7 
7 757,39 + 7,7 756,86 + 9,8 756,31 + 8,0 
8 758,11 + 6,9 755,02 +-11,1 753,71 + 8,1 
! Ent g) 752,62 84 756,73 +10,1 756,91 + 8,0 
10 757,14 + 8,1 756,91 + 9,7 756,60 a A) 
it 756,42 + 8,0 752,80 + 9,4 757,39 + 8,1 
12 754,24 + 7,8 753,62 +-10,1 753,24 = y 
13 753,25 184 754,61 + 9,4 753,73 + 7,4 
14 754,44 | + 6,4 753,70 + 9,2 754,17 + 5,7 
15 756,91 | + 2,1 754,75 + 6,2 754,31 + 3,7 
16 750,93 | + 3,2 757,39 04,2 756,20 + 2,0 
17 757,48 | + 3,0 || 753,69 + 6,0 754,12 + 4,4 
18 756,30 | —+ 3,0 756,47 + 6,5 756,90 + 4,0 
19 753,29 | + 5,4 754,38 + 7,5 755,60 + 5,1 
20 755,17 2L 756,42 410,0 756,61 + 5,6 
21 157,38 | + 7,0 758,80 +13,0 759,60 0746 
22 75900! 27,3 759,39 +-14,1 760,33 + 4,8 
23 759,55 | —+ 6,0 760,40 410,1 759,10 + 7,8 
24 758,14 2e A 758,90 410,5 759,71 + 5,0 
25 HSE IN, 760,17 +14,7 760,80 + 8,7 
26 760,84 + 6,8 758,75 +14,2 758,12 + 5,8 
27 16784 | D 1287 :9 757,24 414,0 759,04 + 9,0 
28 757,30 + 8,4 755,17 +-13,4 755,02 728 
29 752,60 + 9,1 752,21 +10,4 753,14 + 7,4 
30 753,61 + 6,0 753,40 io 754,20 Hire 
— UT 06 NP |L ER De | HE 
| | 
| Moyeunes. | 75502 |N4153 755,11 + 9,6 755,27 + 6,4 
l | | 
è 1 


faites a Rouen. — Avril 1847. 


+11,1 


l 
Thermomètre | 
ET ÉTAT DU CIEL VENTS 
| RÉCAPITULATION. 
à à | A MIDI. A MIDI. 
maxima. | minima, | 
| 
+-10,0 — 0,8 Couvert. SS Pression barométr. 
+-10,0 — 1,4 Couvert. S.-0. moyenne, 755,13. 
+ 5,0 + 0,8 (Et neige, pl.[ N.-0 Pression baromét. la 
+ 8,0 al Nuag., pl., gr.| O. plusélev.,— 760,84. 
+-10,8 ann Couv!, pluie. | S.-0. ( le 26.) 
+10, 1 + 3,4 || C!', pl., grêle. | N.-0. Pression la pl. basse, 
+ 11,1 + 7,5 Couv!, pluie. | S.-0. — 741,04. (le 2.) 
+-11,6 + 6,8 Couv!, pluie. | S.-0. tr. fort.| Moyenne de la tem- 
+11,1 + 7,6 Couvert. 0. fort. pérature, = 7,1. 
+-11,4 10; 2 Couv', pluie. | 0. Moyenne donnée par 
+11,3 + 7,2 || Couv', pluie. | S.-0. le thermométrogr., 
+11,0 + 7,8 Cou’, pluie. | O — 71; Î 
+111 + 4,1 Couv!, pluie. | 0. Tempér. la plus éle- 
+ 9,8 + 2,0 Nuageux. N.-E. vée, — 15,1. (le 26.) 
+ 8,8 + 1,0 (BE pl. , D. gr.| N. fort Tempér ature la plus 
+ 9,2 — 0,2 || Couv!', pl. gr.| N. basse, — — 1,4. 
+ 8,1 + 0,2 Couvert. N. (le:20) 
+ 7,4 + 2,8 Gouv”, pluie. | N. 19 Jours de pluie. 
+12,0 + 2,5 || Couv!, pluie. | N.-O. 2 id. de neige. 
+-12,1 + 3,0 || Couvert. N.-E. 6 id.de grêle. | 
+-13,0 + 3,0 Beau. N.-E. Pluie tombée en cen-| 
+13,0 + 3,8 Beau. N.-E. timètres , = 11,552. 
+10; 1 + 1,2 || Nuageux. N.-E. . | 
+-14,0 +450 Beau. N.-E 
+15,0 + 2,9 Beau. N.-E VENTS. 
+ 15,1 + 3,0 Couv', pluie. | 0. 2 Van 
+-14,0 + 6,1 Couv', pluie. | S.-0. 3 ee Be 
+-14,5 + 2,4 | Cou! © pluie, | S.-0. 6 TL 0. ; 
+13,2 + 6,0 | CG ouv', pl.,gr.| S.-0. Pas de vents E 
+-13,0 + 4,0 Nuag.! pl. gr. S.-0. RE ETS 
9 id. S.-0. 
AOGIO ONE 
| VE A Pas de vents S.-E. 
+ 3,2 || 


Observations météorologiques 


7 H:° du matin, || 2 H'° du soir. | 9 H': du soir. 


JOURS. | 
Baromètre] Therm. |Baromètre, Therm. |[Baromètre! Therm. 
il 
à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur. 
1 756,60 729 755,86 +-14,2 754,02 18,4 
2 755,89 + 8,4 750,31 +-10,0 751,08 + 8,0 
3 752,84 + 8,3 756,92 +11,2 757,04 + 9,0 
4 756,90 + 8,9 755,17 +11,0 756,18 + 8,4 
5 755,24 + 6,7 753,04 +11,1 753,49 + 9,1 
6 755,10 + 9,0 754,64 +-15,0 755,37 + 9,6 
7 752,40 + 9,4 750,39 +16, 1 751,04 +10,0 
8 746,66 +10,1 749,87 +12,0 753,11 + 9,0 
9€ «1! 756,77 + 9,0 756,39 +19,0 755,07 +15,0 
+-10,0 753,22 +18,0 753,07 +-15,4 
2,0 752,28 +18,0 751,96 +-15,8 


+11,2 754,22 +-13,1 754,47 +10,1 
756,30 +18,1 757,84 +15,7 


14 755,02 +11,2 758,17 +-17,6 758,77 +-15,3 
15 759,27 +-13,1 759,80 420,4 259,17 +16,4 
16 752,62 +16,3 754,72 +21,0 755,09 +-16,7 
17 759,14 +13,4 761,36 417,4 761,90 +-15,4 
18 762,62 +-14,0 758,14 +-20,0 758,98 +-18,0 
19 759,03 +-15,7 758,64 +-21,4 759,67 +-17,0 
20 759,72 +16,7 760,46 +-21,0 762,50 +12,2 
21 763,04 +13,7 764,04 417,4 765,11 413,7 
22 762,84 14,4 760,36 24,2 760,36 +-18,9 
23 759,92 +-15,9 756,27 +-28,3 755,35 +-25,2 
24 753,75 +-16,2 761,35 295,5 760,20 +19,3 
25 764,10 11,3 769,40 +-15,5 768,83 +13,9 
26 766,46 +-13,1 764,07 +-21,6 763,71 +16, 1 
97 763,35 | 15,12 | 760,64 | 25,1 || 75946 | “17,1 
28 761,10 19,7 759,10 +-29,2 758,60 +-24,4 


759,15 +19,5 760,08 +-20,2 762,61 +-15,9 
767,92 +13,3 771,04 +-24,6 770,05 +17,2 
769,43 +14,2 769,81 +-25,4 770,02 +-17,4 


758,50 412,2 758,25 18,8 758,70 +-14,6 


CD ND = © 
_*_ rue. D SNS E 1-7 2e; 
IIS 
C1 Q1 Or ©” 
SSSE 
AG SR 
© & © et 
DR uRR 
SAR 


faites à Rouen. — lai 1847. 


Thermomètre | 
ETAT DU CIEL VENTS 
—  —, : 
RECAPITULATION. 
È = A MiDi. A MIDI. 

maxima. | minima. 

+14,0 | + 7,1 Nuageux. S. Pression barométr. 
+-12,0 + 6,1 Couv!, pluie. | S.-0. moyenne, —758,48. 
+-12,0 + 5,0 Nuageux. N.-0. Pression barométr. la 
+12,0 + 5,1 Couv!, pluie. | N.-0. plusélev., — 771,04 
+15,0 + 4,1 Nuageux. S.-0. (le 30). 

+-16,9 + 7,1 Nuageux. S. Pression la plus basse 
+-18,0 + 7,2 Nuageux. S. — 746,66 (le8). 
+18,1 + 7,4 C!,pl.,gr.,or.| S. Moy. delatempérat., 
+-19,0 + 8,0 Beau , quelq.*| S. — 19,2% 

+-20,0 + 9,4 Beau , pl., or.| S. Moyenne donnée par 
+-18,6 + 8,6 Beau. S. le thermométrogr., 
+-16,5 + 6,8 C!, pl.,or.,gr.| S.-0. = 14,8. 

+-18,9 +-10,0 Nuageux. S.-0. Température la plus 
+19,0 + 9,4 Nuageux. S.-0. élevée du mois, — 
+-20,8 +13,0 Nuageux. S. + 29,8 (le 28). 
+-21,4 +-12,0 Nuageux. S: Température la plus 
+-21,0 +10,5 Nuageux. S.-0. basse du mois , — 
+-21,7 +13, Nuageux. 0. 4,1 (le5). 

+-21,9 +13,5 Nuageux. S.-0. 2 Jours de pluie. 
18,3 +11,7 Nuageux. S.-0. 2 id. de grêle. 
+21,4 + 8,9 Beau. S 4 orages. 

+25,9 +14,2 Beau. S.-E. Pluie tombée, éval, 
+-28,4 +12,2 Beau. S.-E en cent. — 5,917. 
+-25,9 +10,5 Couvert. N.-0. : 

+17,1 + 6,2 || Couv', pluie. | O. 

22,8 + 8,4 || Très beau. E. VENTS. 
+-27,8 +11,0 || Très beau. E. Pas de vents N 
—+29,8 +16,8 Très beau. S.-0. 3 vents N.-0. 
+-22,4 +10,1 Nuag., pl., or.| S.-O. % id. O. 

+25,0 + 8,2 Beau. E. & id. E. 

+25,5 +11,2 Beau. E. 10 id. S.-O0. 

10 id. S. 
: | Pas de vents N.-E. 
RUE 2 vents S-E. 


* nuag., pl. et 
+-20,3 + 9,3 BXL coup de v. 


Il 
1 


leseseseseste eeetaMesenentesienek hesle teste steak state se se esse se sa See 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 


Rapport 


M. LE SECRÉTAIRE PERPÉTUEL 


DE TA CLASSE DES BELLES LETTRES ET DES ARTS. 


MESSIEURS , 


Si j'ai mille raisons pour me réjouir du choix que l'Aca- 
démie à fait en me donnant un nouveau Collégue , j'en ai 
une aussi pour m'en inquiéter ; c’est l'obligation où je me 
trouve de prendre la parole après lui, dans cette solen— 
nité. Je vous prie, Messieurs, de me tenir compte de la 
position défavorable où me met le rapport que vous venez 
d'entendre, et de me continuer l'indulgence dont vous 
m'avez fait une douce habitude ; la comparaison à laquelle 
je ne puis me soustraire, me la rend, aujourd'hui, plus 
nécessaire que jamais. 


Je vous ai parlé, dans un de mes précédents rapports, 
du Mémoire de M. Homberg sur le Régime dotal. Notre 
confrère en traçait alors l'histoire. 

J 


130 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Cette année, il a critiqué l'application actuelle, et signalé 
les inconvénients et les dangers de ce régime, qu'il regarde 
comme également nuisible à l'intérêt des époux, dont il 
paralyse souvent la fortune, sans l'assurer toujours ; à l'in- 
térêt des tiers, auxquels il tend des piéges qu'ils ne peu- 
vent ni découvrir, ni éviter ; enfin , à l'intérêt général du 
pays, par la gène qu’il apporte dans le mouvement des 
propriétés et la facilité des transactions. Notre confrère a 
fait preuve d’une courageuse conviction, en publiant cette 
opinion dans une contrée que des habitudes enracinées 
soumettent à l'empire presque exclusif du Régime dotal. 


M. Homberg , à lui seul , a fait, dans nos travaux, une 
assez belle part à la Jurisprudence. 


Voici quelle est celle de l'Histoire et de l'Archéologte. 


L'Académie des Sciences morales et politiques avait mis 
au concours le Tableau de l'Administration monarchique, 
en France, depuis Philippe-Auguste jusqu'à Louis XIV 
inclusivement. Un de nos confrères a traité ce vaste sujet, 
et il a obteuu un succès dont personne ici ne pourra s'é- 
tonner. Le nom de M. Chéruel a été proclamé par l'Aca- 
démie des Sciences morales, qui lui a décerné une médaille 
d'or. 


Notre confrère ne pouvant pas nous lire, à cause de son 
étendue, l'ouvrage qui lui a valu cette nouvelle distinction , 
nous l'a fait connaître par un résumé. 


M. Chéruel pose d’abord le problème qu'avait à résoudre 
le pouvoir royal, de centraliser dans une seule main, et 
de diriger, par une seule volonté, toutes les forces de la 
nation. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 131 


Ce système de la monarchie absolue, on en trouve la 
première application dans les derniers temps de l'empire 
Romain ; mais il est anéanti par les Barbares, et quelques- 
uns des rois Francs, Charlemagne lui-même, s'efforcent 
en vain de le rétablir. La Féodalité l'emporte. 


Philippe-Auguste recommence la lutte , et crée les pre- 
miers éléments de l'administration. Ses successeurs agran- 
dissent leurs possessions et forment le royaume. Le pou- 
voir se constitue ; le Parlement et la Cour des Comptes 
centralisent la Justice et les Finances ; les fonctionnaires, 
représentants de la Royauté, vont porter son action et son 
influence dans toutes les parties de la France. Telle est la 
part du x siècle. 


Cependant, il faut deux siècles encore pour vaincre la 
Féodalité et les Communes. Cette victoire est remportée 
sous Louis XI, par l'établissement d'une armée et d’un 
impôt permanants. 


Alors commence l'organisation des Provinces, à l'image 
du pouvoir royal ; elle s'accomplit dans la première moitié 
du xvi° siècle. 


Bientôt les guerres de religion deviennent une occasion 
de résistance. Henri IV, Richelieu et Mazarin répriment 
définitivement ces dernières tentatives d'indépendance, et 
laissent enfin pour héritage, à Louis XIV, le problème 
résolu de l'Unité monarchique. 


L'étude des différentes phases que le pouvoir royal a 
parcourues pour arriver à cette unité, bienfait impérissable 
dont il a doté la France , prêtent à la royauté absolue un 
caractère incontestable de grandeur. Mais ce n'était là 


132 ACADÉMIE DE ROUEN. 


qu'une grandeur factice ; et cette puissance artificielle de- 
vait s'écrouler, parce qu'elle n'était pas appuyée sur les 
principes de liberté et d'égalité devant la loi, qui sont la 
seule base inébranlable de l’organisation des sociétés. 


Vous regretterez, comme moi, Messieurs, qu'il ne m'ait 
été permis de vous offrir que le plan abrégé d’un travail 
qui comporte tant de considérations élevées et de si larges 
développements. Mais vous jugerez facilement quel parti 
M. Chéruel doit avoir tiré d’un aussi beau programme. 


Nous devons encore à M. Chéruel une Notice sur Nicolas 
Bretel, sieur de Grémonville, dont les biographes nor- 
mands ont eu le tort de ne pas parler, et dont la Biogra- 
phie Universelle a eu le tort de parler avec inexactitude. 


Nicolas Bretel, né à Rouen en 1606, était fils d’un pré- 
sident au Parlement, et petit-fils de Claude Groulard. 
Sans être un de ces hommes éminents qui font rejaillir sur 
leur patrie l'éclat d'une grande renommée , Grémonville, 
par son intelligence distinguée et son noble caractère , a 
mérité que sa ville natale conservât son souvenir. Ses 
talents le conduisirent à de hautes fonctions ; sa vertu lui 
attira une honorable disgrâce. 


Nommé ambassadeur à Venise, en 1644, il fut chargé 
d'abord d'une mission près d'Innocent X, relativement 
aux différends qui s'élevaient entre la France et l'Espagne. 
Mais Mazarin fit manquer la négociation en sacrifiant misé- 
rablement les intérêts du royaume à ceux de sa famille : 
il voulait, avant tout, obtenir pour son frère le chapeau 
de cardinal. Puis, cherchant un prétexte pour déclarer 
la guerre à Innocent X, il fit demander à Grémonville 
un certificat de ses conférences avee le pape, dont il lui 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 133 


envoya le modèle, et qui n'était qu'un tissu de men- 
songes. 


Grémonville refusa avec fermeté de souiller son nom 
d'une pareille infamie, quoi qu'il sût bien que ce refus 
entraînerait sa perte. En effet, il tomba dans la plus pro- 
fonde disgrâce , et vit se fermer devant lui, alors qu'il 
n'avait que trente-sept ans, la carrière qui lui promettait 
un si bel avenir. 


Ce trait seul méritait à Grémonville l'hommage que 
M. Chéruel a rendu à sa mémoire. 


M. l'abbé Picard nous a retracé Quelques cérémonies 
allégoriques qui étaient autrefois en usage à la Cathédrale 
de Rouen, et dont on lit la description dans un traité de 
notre archevêque , Jean d’'Avranches. 


C'était l'Office des Enfants, qui se célébrait le jour des 
Saints Innocents, et dans lequel toutes les fonctions du 
chœur étaient, en effet, remplies par des enfants, dont 
l'un recevait les insignes de l'Épiscopat, et donnait, en 
qualité d’évêque , la bénédiction aux fidèles. 


C'était l'Office de l'Étoile, qui se disait le jour de l'Épi- 
phanie, et où étaient représentés l'étoile miraculeuse et 
l'adoration des Mages. 


C'était, enfin, l'Office du Sépulcre, par lequel on faisait 
l'ouverture de la Pâque , et où l'on reproduisait la scène 
des trois Marie et de la Résurrection. 


Mais ces cérémonies , instituées par une foi naïve, ne 
tardèrent pas à être dénaturées par les abus, et à perdre 


13% ACADÉMIE DE ROUEN. 


leur innocence et leur simplicité primitives. I fallut bientôt 
les supprimer. 


M. l'abbé Picard, en indiquant les hymnes qui étaient 
chantées dans ces trois solennités, a particulièrement in- 
sisté sur les beautés du Victimæ Paschali laudes, dont il 
nous a lu la traduction en vers. 


L'Abbaye de Bellosane, a été, pour M. l'abbé Cochet, 
le sujet d’une notice dans laquelle il a raconté sa fondation 
au xir° siècle, sa ruine pendant les guerres religieuses du 
xvi*, et sa reconstruction de 1680 à 1732. Dans la pre- 
mière période de son existence, ce monastère a compté, 
parmi ses 35 abbés, Vatable, Amyot et Ronsard. Notre 
confrère a été surtout ébloui par le « reflet de gloire que 
ces trois illustrations littéraires ont jeté sur l'Abbaye de 
Bellosane » , ce sont ses expressions. Mais ne peut-on pas 
aussi être quelque peu surpris de voir décoré du titre 
d'abbés , Vatable , qui passait pour hérétique, et Ronsard, 
dont les poésies licencieuses devaient être, pour les moines 
de son abbaye, un objet de scandale et d'horreur. 


L'Abbaye de Bellosane supprimée, ainsi que toutes les 
autres, à la Révolution, fut vendue comme bien national, 
et devint une propriété particulière. Peut-être ne parta- 
gerez-vous pas entièrement les regrets bien naturels, d’ail- 
leurs , que cause à notre confrère ce changement de des- 
ünation , lorsque vous apprendrez que le personnel de ce 
riche établissement était alors réduit à 7 religieux ! On peut 
même douter que ces bons moines aient été désolés de 
l'arrêt qui leur ouvrait les portes du cloître; du moins 
est-il certain que leur désolation ne fut pas unanime , car 
ce fut l'un d'eux qui se chargea de présider à la démolition 
du couvent, pour être bien assuré, sans doute, qu'on ne 
l'y ferait jamais rentrer. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 135 


Plusieurs des objets d'art qui décoraient l'Abbaye de 
Bellosane ont été recueillis dans les églises d’Argueil, de 
Sainte-Marguerite et de Brémontier. 


M. Pottier a communiqué à l'Académie, avant de le 
livrer à l'impression, son article sur l'Origine de la Porce- 
laine en Europe. Quoique je me fasse une loi de n’accorder 
qu'une simple mention aux œuvres dont la publication a 
prévenu l'analyse que je pourrais en faire, je ne puis 
m'empêcher de rappeler que M. Pottier a donné un nou- 
veau lustre à notre viüle, en prouvant, contre l'opinion 
admise jusqu'ici, qu’elle a été le berceau d'une de nos plus 
belles industries. Ce fait est ofliciellement constaté par les 
lettres-patentes de Louis XIV, du 31 octobre 1673, qui 
autorisent l'inventeur, Jean Poterat, à établir à Rouen 
une fabrique de porcelaine, tandis que celle de Saint 
Cloud, que l'on regardait comme la première, n'a été 
créée que 22 ans plus tard, en 1695. 


Le nom de Jean Poterat doit donc grossir désormais 
la liste, déjà si remplie, des hommes remarquables de 
notre ville. 


M. Fallue nous a donné lecture d’un fragment sur 
l'agrandissement de la Bibliothèque de la Cathédrale, dans 
le second quart du xvrre siècle , époque à laquelle elle reçut 
des dons considérables de plusieurs chanoines , et surtout 
de l'archevêque François de Harlay. 


Une circonstance qu'il importe de noter, c'est que ce 
prélat imposa au Chapitre la condition que ses livres se- 
raient mis à la disposition des travailleurs, et qu'il dota 
ainsi la ville de Rouen de la première bibliothèque publique 
qui ait été ouverte en France. 


136 ACADÉMIE DE ROUEN. 


A propos des Lettres sur l'Histoire monétaire de la 
Normandie, par M. Lecointre-Dupont, M. Deville a ré- 
pandu la lumière sur la question si obscure encore des 
monnaies de nos ducs, sur les causes de leur excessive 
rareté, et sur l’histoire monétaire de notre province , depuis 
sa réunion à la France, sous Philippe-Auguste, jusqu'au 
règne de Henri IV. 


M. Deville a aussi entretenu l'Académie de la découverte 
faite à Caudebec-lès-Elbeuf , le 27 mai 1847, de médailles 
Romaines, au nombre de plus de 8,000. Un Claude le 
Gothique qui en faisait partie, place l'enfouissement entre 
les années 269 et 270. Dans cette énorme quantité de 
médailles, M. Deville n’en a trouvé qu'une seule, à laquelle 
sa rareté donne un grand prix, c'est une Cornelia supera , 
qu'il s’est empressé d'acquérir pour notre Musée d’Anti- 
quités. 


Enfin, notre laborieux confrère a rencontré, dans un 
passage de Pline , une révélation qui intéresse au plus haut 
degré l'histoire des Arts, et qui rend aux Romains l'hon- 
neur d'avoir trouvé les premiers rudiments d’une décou- 
verte qui a changé la face du monde. 


Pline, dans son Histoire Naturelle, dit, en substance, 
que Varron avait employé, pour reproduire les 700 por- 
traits de son ouvrage sur les Hommes illustres, « un cer- 
tain procédé, digne, par les avantages de son invention, 
d'exciter l'envie des Dieux mêmes, et au moyen duquel il 
pouvait répandre ces portraits dans tout l'univers. » 


De plus , Aulugèle nous apprend que les portraits publiés 
par Varron, étaient accompagnés d'épigrammes ou inscrip- 
tions d'une certaine étendue. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 137 


Quel était le procédé dont Pline parle avec tant d'admi- 
ration , et qui multipliait ainsi le dessin et l'écriture ? C’est 
ce qu'on n'avait pas approfondi jusqu'à présent. 


M. Deville laissant un moment de côté les textes dont 
l'interprétation admet toujours le doute, a présenté à 
l'Académie une explication vivante , si je puis dire ainsi, 
du moyen de reproduction employé par Varron. Ce sont 
des épreuves tirées avec des cachets antiques, qui por- 
tent les noms de ceux à qui ils ont appartenu , tracés au 
burin , en relief, en caractères auxquels il ne manque que 
la mobilité, et qui ne peuvent être reproduits que par 
l'application d'une encre et au moyen d'une pression. 
C'est l'imprimerie ! 


Mais ce procédé est-il bien celui dont Varron s’est 
servi? Oui, positivement, car Lysimaque écrivant à son 
père, auteur d’un livre sur les Hommes illustres , que , 
dans sa partialité filiale , il compare et préfère à celui de 
Varron, dit, en parlant de l'œuvre paternelle, et en fai- 
sant allusion à celle de Varron : « Vos épigrammes n'ont 
pas besoin de demander au temps d'être gravées sur un 
vrai métal, elles ont, si je ne me trompe, trouvé une 
matière plus durable. » 


Cette allusion , Messieurs , est claire et décisive. Il est 
certain, désormais , que les Romains avaient trouvé, en 
ciselant le métal, un moyen de multiplier le dessin et l’'é- 
criture ; et n'est-ce pas là le premier pas de la gravure et 
de l'imprimerie ? Ce fait considérable, acquis par M. De- 
ville à l'histoire des Arts, est une des belles conquêtes de 
l'Archéologie. 


M. l'abbé Cochet, dans un mémoire intitulé De l'Ogive 
el du Plein-Ceintre, à propos de deux églises de campagne, 


138 ACADÉMIE DE ROUEN. 


cherche à renverser tous les principes posés par l'expé- 
rience des archéologues sur ces deux genres d’architec- 
ture qui, sous les noms de style roman et de style go- 
thique, marquent les deux époques les plus curieuses de 
notre histoire monumentale. Il induit du rapprochement 
des églises d'Osmoy et de Bures, dont la première est à 
plein-ceintre et la seconde à ogives , et qui, toutes deux, 
portent la date du xn° siècle , la preuve que le style ogival 
a vu régner simultanément avec lui le rival qu'il devait 
détrôner. Notre confrère pense qu'on ne saurait préciser 
l'époque à laquelle l'ogive a paru pour la première fois 
en Normandie; il étend cette incertitude jusqu'à la ca- 
thédrale de Rouen elle-même, et avance qu'on ne 
peut pas affirmer que cette basilique ne soit pas celle que 
bâtit l'archevêque Maurile , en 1063; c’est-à-dire qu'il 
fait remonter au x1° siècle, l'introduction de l'ogive en 
Normandie. 


M. Deville s'élève avec force contre cette opinion. Il re- 
garde l'apparition de l'ogive dans la seconde moitié du 
x siècle, comme un article de foi archéologique. Ii 
repousse les conclusions que tire M. l'abbé Cochet du rap 
prochement des églises d'Osmoy et de Bures, parce qu'un 
examen attentif de cette dernière lui a fait apercevoir , au 
milieu des ares ogivaux qui ont déterminé la conviction de 
son adversaire , les traces évidentes des ares à plein-ceintre 
qui les ont précédés et qui témoignent du style primitif de 
l'église. Et ces vestiges d'architecture romane se re- 
marquent particulièrement à l'endroit même où a été in 
scrite la date sur laquelle repose toute l'argumentation de 
M. l'abbé Cochet. 


Quant à la cathédrale de Rouen, M. Deville ne veut op- 
poser, aux doutes de son confrère, qu'un fait attesté par 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 139 


des actes authentiques , c'est que notre église métropoli- 
taine fut brûlée en 1200 , et que sa reconstruction est, par 
conséquent, postérieure à cette date. 


En résumé, M. Deville maintient que le style ogival n'a 
remplacé, en Normandie , le style à plein-ceintre que dans 
la dernière moitié du xu° siècle, de 1150 à 1200. 


M. Barabé est l’auteur d'une Notice historique sur 
l'Eglise Saint-Sauveur de Montivilliers. 


Après quelques détails sur la fondation de l'abbaye de 
cette ville, notre confrère raconte les luttes que l'Abbesse 
eut à soutenir contre les Échevins. Il ne s'agissait de rien 
moins que de savoir si les Te Deum devaient être chantés 
à Saint-Sauveur, qui était en même temps église abbatiale 
et paroisse principale de la ville, ou dans la chapelle du cou- 
vent. Ces discussions, qui se prolongèrent dans toute leur 
vivacité durant un demi siècle, furent entremêlées , comme 
vous le pensez bien, de quelques curieux épisodes. 


En 1678, par exemple , les Échevins, pour se venger 
de la résistance de l'Abbesse, imaginèrent de faire sonner 
la retraite tous les soirs à 10 heures, par la grosse cloche 
de Saint-Sauveur, suspendue dans une tour qui touchait 
au dortoir des nonnes; et, de peur que le mugissement 
de l’airain ne troublàt pas suflisamment le sommeil de 
leurs victimes, ils le renforcèrent du roulement des tam- 
bours qui battaient en même temps à la porte du mo- 
nastère. Les religieuses se plaignirent, avec raison, mais 
sans succès , de ce que ce tapage nocturne pouvait exercer 
sur leur salut une influence fâcheuse, car après ces 
cruelles insomnies et ces nuits agitées, elles n'avaient plus 
lv force de se lever pour matines,. 


140 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Mais un siècle plus tard , les rôles étaient changés, et, 
en 1763, les Échevins humiliés étaient réduits à porter le 
dais sous lequel l’Abbesse triomphante parcourait proces- 
sionnellement la ville, le jour de son installation. 


Le résultat de ces conflits fut déplorable pour l’église 
Saint-Sauveur. L'Abbesse prétendait que les réparations 
devaient être faites aux frais de la ville, parce que Saint- 
Sauveur était église paroissiale ; le corps des Échevins sou- 
tenait, de son côté, que ces dépenses devaient être à la 
charge de l’abbaye, parce que Saint-Sauveur était église 
abbatiale ; et ils avaient tous deux raison. Mais la malheu- 
reuse église eut le temps de dépérir et de se ruiner pen- 
dant les querelles de ses propriétaires, car ils se disputèrent 
jusqu’à la Révolution qui les mit enfin d'accord en les dé- 
possédant tous les deux. 


Ces relations de bon voisinage étaient à peu près les 
mêmes , partout où il y avait en contact une abbaye et des 
échevins. 


J'aborderai maintenant, Messieurs, la Littérature et la 
Poésie. 


M. Guiard, dans une dissertation sur le Philoctète de 
Sophocle, montre d’abord, par des dates, qu’il faut relé- 
guer au rang des fables le procès impie que l’on accusait 
les fils de ce grand tragique d’avoir intenté à leur père 
pour le faire interdire. Il discute ensuite les opinions des 
critiques allemands qui se sont attachés avec prédilection 
à une tragédie qui avait pour eux tout l'attrait d'une étude 
psycologique. M. Guiard ayant été amené, par son sujet, 
à examiner quelques principes sur l'art dramatique émis 
par Schiller, en a profité pour venger la scène française des 
snjustes dédains du dramaturge allemand. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 141 


M. Ballin a extrait d'une brochure qui lui a été apportée 
de Rome, des détails sur une solennité célébrée au Capi- 
tole, en l'honneur du Pape, le 1° janvier 1847. Au milieu 
des magnificences de cette fête, une nombreuse réunion 
de musiciens et de voix d'élite ont exécuté une cantate dont 
les paroles sont de M. le comte Marchetti, de Bologne, et 
la musique de Rossini. C'était un chant d’admiration , 
de gratitude et d'espérance , poétique et harmonieux écho 
des sentiments qu'ont inspirés, aux populations des États 
Romains, les actes de haute raison et de généreux libé- 
ralisme, par lesquels Pie IX a si glorieusement marqué 
son avènement au pontificat. Cet écho lointain, Messieurs, 
quelque faible que soit la voix qui l’apporte dans cette en- 
ceinte, doit retentir jusque dans vos cœurs, et y éveiller 
de sincères et vives sympathies. 


L'Académie sait gré à notre confrère de l'avoir associée , 
en quelque sorte, à l’un des hommages dont a été l'objet 
ce souverain pontife qui poursuit si courageusement, 
malgré les obstacles qui l'entourent et les dangers qui le 
menacent, sa grande œuvre de régénération et de pro- 
grès. 


M. Ballin nous a lu ensuite une Notice sur M. le comte 
Marchetti, dont il a été le collaborateur en 1812, dans 
la Secrétairie d'Etat du royaume d'Italie. 


Après bien des vicissitudes , M. le comte Marchetti obéit 
enfin à sa vocation, et deux volumes de productions, pleines 
à la fois d'élévation et d'originalité, l'ont placé au premier 
rang des poètes de sa patrie. L'ode sur les Derniers mo- 
ments du fils de Napoléon, que M. Ballin nous a traduite, 
a complètement justifié, à nos veux, la brillante réputation 
de son auteur. 


112 ACADÉMIE DE ROUEN. 


M. Dutuit, dans son discours de réception, a traité un 
sujet pour lequel il est passé maître : Le Goût des Livres. 


Notre nouveau confrère commence par décrire trois 
variétés d'amateurs de livres : le Bibliophile, qui a, pour 
guider ses choix, toutes les ressources du bon goût et de 
l'érudition ; le Bibliomane , chez qui la fantaisie et la passion 
l'emportent quelquefois sur les lumières ; et le Bouquiniste, 
qui participe de tous les deux, et au quel, pour être l'un ou 
l’autre , il ne manque que la fortune. 


M. Dutuit combat le préjugé qui ne voit dans le goût des 
livres qu'une futile et ridicule manie. Il fait ressortir la 
haute position qu'occupent, dans l’ordre social, les Biblio- 
philes, parmi lesquels on compte des princes, des rois 
et même des saints. Il énumère les bienfaits que les ama- 
teurs de livres ont répandu sur le monde , et cite, comme 
leurs titres de gloire, le progrès de l'imprimerie et de 
la reliure , la création des bibliothèques publiques et de la 
science bibliographique, la perfection des éditions clas- 
siques, la découverte des textes inconnus et des raretés 
historiques et littéraires. 


Que si on n'était pas convaincu, et que la réhabilitation 
des Bibliophiles souffrit encore quelque difficulté, M. Dutuit 
passe condamnation. Il consent, et c’est une concession bien 
méritoire de sa part, il consent à ce que le goût des livres 
ne soit qu'une manie. Mais, alors, il faut bien convenir que 
c’est la plus charmante et la plus inoffensive des manies, 
celle qui procure aux hommes qui en sont possédés, les 
plus vives, les plus douces et les plus durables jouis- 
sances. 


M. le Président remercie le récipiendaire d’avoir pris la 
défense des amateurs de livres, à la réhabilitation des 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 143 


quels il est personnellement intéressé. Il attribue la plu- 
part des railleries dont les Bouquinistes sont assaillis, à la 
jalousie de certains faux frères, qui voudraient dégoûter 
les autres du métier , afin qu'il devint meilleur pour eux- 
mêmes. Tactique odieuse, à laquelle M. le Président, qui 
revendique hautement ses droits incontestables au titre de 
bouquiniste, promet bien de ne pas se laisser prendre. 


Il insiste à son tour avec de nouveaux arguments, sur les 
services que les collecteurs rendent aux sciences et aux 
lettres, même lorsqu'ils entassent les livres sans discer- 
nement. Les directions diverses et souvent bizarres dans 
lesquelles les entraîne leur caprice, permettent à toutes 
les branches des connaissances humaines de profiter de 
leurs découvertes. 


M. Ballin nous a raconté, en vers, deux historiettes : 
Le Débiteur moraliste et Les Deux Proverbes. L'une et 
l’autre sont le récit des ruses à l’aide des quels un débiteur 
échappe à l'huissier qui le poursuit. 


M. Deschamps, sous le titre de L'OEïil de Dieu, donne 
à son fils des conseils que vous allez entendre. 


M. Guiard va vous lire aussi une pièce intitulée Jeanne 
et Marie. 


Il faut ajouter à ces travaux, dont la série est épuisée, 
les rapports qui nous ont été présentés sur des ouvrages 
que l'Académie a reçus de leurs auteurs ou des Sociétés 
qui correspondent avec elle, par MM. Bénard, Bergasse , 
De Caze, Deville, l'abbé Picard et Vingtrinier. 


Je voudrais bien pouvoir terminer ici ce compte-rendu , 
qui a déjà mis trop longtemps à l'épreuve votre bienveil- 


144 ACADÉMIE DE ROUEN. 


lance et votre attention ; mais j'ai à vous parler encore, 
et je le ferai le plus brièvement possible, de quelques 
objets auxquels leur spécialité assignait une place à part. 


L'image d'un homme de génie inspire toujours, à ceux 
qui la contemplent, un sentiment de curiosité respectueuse 
et d'irrésistible intérêt. Aussi la conservation des portraits 
des grands hommes est-elle une partie essentielle du culte 
qui leur est dû. Mais il faut, pour qu'elles aient toute leur 
valeur, que ces représentations matérielles de l'intelligence 
portent un cachet irrécusable d'authenticité. 


Un portrait de Pierre Corneille qui remplirait cette con- 
dition, serait d'un prix inestimable pour ses compatriotes, 
qui, jusqu’à ce jour, indécis, égarés au milieu d'une foule 
de types dissemblables, cherchent encore quel est celui 
qui leur a conservé fidèlement les traits du grand Cor- 
neille. 


M. Hellis a entrepris de mettre un terme à ces incerti- 
tudes; et vous apprendrez bientôt, par la lecture qu'il 
va vous faire , l'heureux résultat de ses recherches. 


Mais ce que M. Hellis ne vous dira peut-être pas, c'est 
que, étant devenu momentanément possesseur du vrai 
portrait de Pierre Corneille, il en fait faire, en ce moment, 
une reproduction qu'il destine à l'Académie , et qui viendra 
bientôt se réunir à une belle copie du portrait de Thomas 
Corneille , d’après Jouvenet, dont la libéralité de M. Deville 
vient d'enrichir notre galerie. 


Une autre de nos grandes célébrités a trouvé un digne 
interprète, dans un homme qui, lui aussi, parcourt avec 
une égale supériorité, la double carrière des sciences et 
des lettres. M. Flourens, secrétaire perpétuel de l'Aca- 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 125 


démie des Sciences et membre de l’Académie Française ; 
a consacré à Fontenelle un volume , dans lequel il étudie 
surtout le continuateur de Descartes et l'historien de 
Newton. Le premier soin de M. Flourens , après la publi- 
cation de son livre, a été de l'envoyer à l'Académie. 
M. Bénard, chargé de nous en rendre compte, termine 
ainsi son rapport : 


« Le livre de M. Flourens est du plus haut intérêt pour 
«le philosophe et pour le savant. Il sera lu, avec plaisir, 
«même par les hommes qui, étrangers aux sciences , 
« s'intéressent à leurs progrès. Il est impossible, en lisant 
« cet éloge de Fontenelle , loué comme il a loué lui-même 
« ses devanciers , c’est-à-dire par une appréciation histo- 
« rique et philosophique de ses œuvres, de n'être pas 
& frappé de la ressemblance du panégyriste avec son héros. 
« Même élévation, même justesse de coup-d’œil ; même 
clarté de plan et d'exposition ; même netteté, même 
simplicité élégante de style ; même finesse d’aperçus. 


A 
À A 


«La ville de Rouen doit être reconnaissante envers 
«M. Flourens du monument qu'il vient d'élever à l'un 
« des hommes illustres auxquels elle est glorieuse d’avoir 
« donné le jour. L'Académie, en particulier, doit des 
«remerciements empressés à l’auteur d’un livre qui l'in 
«téresse si vivement, puisqu'il s'agit du grand homme 
« qui à contribué à sa fondation, et qu'elle place , entre 
« Corneille et Poussin , au rang de ceux dont elle invoque 
« le patronage. » 


= 


L'Académie a été profondément touchée, en effet, de 
l'hommage délicat que M. Flourens a bien voulu lui offrir , 
et elle à accueilli avec bonheur la demande qu'il lui 
adressait, en même temps, du titre de membre corres- 

d 10 


146 ACADÉMIE DE ROUEN. 


pondant. Nous sommes fiers, aujourd'hui, de compter 
M. Flourens parmi nos confrères. 


L'ouvrage de M. Flourens n’est pas le seul qu'ait inspiré 
Fontenelle. Tandis que M. le secrétaire de l’Académie des 
Sciences appréciait, comme philosophe et comme écrivain, 
celui qu'il remplace et qu'il égale, notre confrère M Charma, 
professeur de philosophie à la Faculté de Caen, se faisait 
l'historien de sa vie. La Biographie de Fontenelle, par 
M. Charma, est un tableau coloré, brillant et vrai, de 
cette existence si calme, si laborieuse et si longue, ta-— 
bleau dans lequel l’auteur a su, par l'étendue de ses re- 
cherches, introduire beaucoup de faits nouveaux, en 
même temps que, par le charme et l'animation de son 
style , il a rendu aux faits déja connus tout le piquant de 
la nouveauté. 


Enfin, comme pour compléter ces hommages, un de 
nos confrères a été assez heureux pour découvrir, chez un 
brocanteur. un portrait de Fontenelle, exécuté par un 
artiste habile. Ce portrait, sauvé de la destruction par 
l'acquisition que nous en avons faite, figure , dans le lieu 
de nos séances, parmi ceux des grands hommes du sou- 
venir desquels nous tâchons de nous inspirer. 


Vous n'avez pas oublié, Messieurs, que, dans notre 
séance de l’année dernière, le prix de 800 fr., fondé par 
l'abbé Gossier, a été décerné à M. de Fréville, auteur 
d'une Histoire du Commerce maritime de Rouen. depuis 
les temps les plus reculés jusqu'à la fin du xvi° siècle. Ce 
sujet si intéressant pour notre ville industrieuse et conm- 
merçante, et la manière vraiment distinguée dont il a été 
traité, nous faisaient désirer que le travail de M. Fréville 
eût les honneurs de l'impression. Malheureusement, la 


ne 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 147 


faiblesse de nos ressources ne nous permettait pas d'en 
faire les frais. Mais nous avons trouvé dans les représen— 
tants du département, de la ville et du commerce , un 
appui bienveillant et un généreux concours. La Chambre 
de Commerce, le Conseil général de la Seine-Inférieure , 
et le Conseil municipal de Rouen, nous ont accordé cha- 
cun une somme de 500 fr., et nous pourrons bientôt faire 
subir l'épreuve de la publicité à l'ouvrage que nous avons 
couronné. 


L'Académie témoigne ici sa gratitude aux hommes 
éclairés qui ont partagé son dévouement et secondé ses 
efforts, et elle remercie particulièrement M. J. Rondeaux, 
M. le baron Dupont-Delporte et M. Henry Barbet, du se- 
cours puissant qu'ils lui ont prêté, en prenant, auprès 
des corps qu'ils présidaient , une pressante initiative. 


L'Académie de Rouen, Messieurs, comprenant toute 
l'étendue de sa mission, ne la circonscrit pas dans le cercle 
de ses réunions intimes. Toutes les fois qu’elle trouve 
l'occasion d'exercer son influence au dehors, dans l’in- 
térêt des lettres, des sciences et des arts, elle la saisit 
avec ardeur. Aussi, lorsqu'une mesure inattendue est 
venue dernièrement porter un coup funeste à l'instruction 
publique dans notre ville, elle a fait entendre sa voix une 
des premières, parmi celles qui se sont élevées de toutes 
parts, pour en conjurer les effets. Vous allez connaître , 
tout-à-lheure , les motifs qu'elle à fait valoir et qu'elle 
croit de nature à éclairer ses concitoyens et le pouvoir sur 
cette grave question. La lettre qu'une députation de trois 
membres a été chargée de remettre à M. le Ministre de 
l'instruction publique , fait partie des lectures qui doivent 
remplir cette séance. 


Je finis en proclamant les noms des nouveaux confrères 


148 ACADÉMIE DE ROUEN. 


que la classe des Lettres a reçus dans ses rangs qu'aucune 
perte n’a éclaircis : 


M. Clogenson, conseiller à la Cour royale de Rouen, a 
été nommé membre résidant. 


MM. Viguier, Inspecteur général des Études, et Flourens, 
ont été admis au nombre des membres correspondants. 


De pareils choix s'expliquent et se louent d'eux-mêmes. 


Je suis vraiment désolé, Messieurs, de la longueur des 
instants que l’accomplissement de mon devoir de secré- 
taire m'a forcé de vous dérober. Jose espérer, pourtant, 
que vous n'avez pas entendu, sans quelqu'intérêt , ce fidèle 
résumé des travaux de mes confrères. S'il en est autre 
ment, la faute doit en être imputée tout entière à celui que 
l'Académie a choisi pour organe. 


PROGRAMME DU PRIX PROPOSÉ 


POUR 1848. 


6 000e——— 


CLASSE DES LETTRES ET ARTS. 


L'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de 
Rouen, décernera , dans sa séance publique du mois d'août 
1848, une médaille d'or de la valeur de 300 fr. , au meilleur 
mémoire manuscrit et inédit, dont le sujet sera : 


Recherches biographiques sur Thomas CorNeiLLe, ef revue 
critique de ses ouvrages. 


PROGRAMME DU PRIX GOSSIER, PROPOSE 


Pour 1849. 


L'Académie décernera un prix de 800 fr. à l'auteur du 
meilleur Mémoire sur les Artistes normands, et les OEuvres 
d'Art en Normandie au xvi° siècle. 


Observations. 


Chaque ouvrage devra porter en tête une devise qui sera 
répétée sur un billet cacheté, contenant le nom et le domi- 
cile de l'auteur. Dans le cas où le prix serait remporté, 
l'ouverture du billet sera faite par M. le président, en séance 
particulière, et M. le secrétaire des Lettres et Arts don- 


150 ACADÉMIE DE ROUEN. 


nera avis au lauréat de son succès, assez tôt pour qu'il 
lui soit possible de venir en recevoir le prix à la séance 
publique. 


Les académiciens résidants sont seuls exclus du concours. 


Les mémoires devront être adressés, francs de port, 
pour le premier concours, AVANT LE 1% Juin 1848, et 
pour le second, avant LE 1° gun 1849, TERME DE 
RIGUEUR , à M. Richard, secrétaire perpétuel de l'Aca- 
démie, pour la classe des Lettres et Arts. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 


#Hemoires 


DONT L'ACADËMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER 


DANS SES ACTES. 


SOCOSCOCOOSCTOIESESE 


MÉMOIRE 


Présenté à M. le Ministre de l'instruction publique, 


TOUCHANT LA CRÉATION 
DE FACULTÉS DES LETTRES ET DES SCIENCES 


À Rouen, 
Par M. A. DEVILLE, rapporteur. 


—étle Q mé — 


Monsieur LE MINISTRE , 


L'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts 
de Rouen, fidèle au but de son institution, n’a cessé de 
suivre avec sollicitude les progrès et la marche de l'en- 
seignement intellectuel à Rouen, et de tout ce qui se 
rattache à l'instruction publique. 


Elle signalait les premières années de son existence 
dans cette ville , en créant, à ses frais, un jardin bota- 
nique et en ouvrant un cours de botanique et d'histoire 
naturelle. Un peu plus tard, elle prenait sous son patro- 
nage immédiat , l'école de dessin et de peinture , où pro- 
fessait Descamps, le cours public d'anatomie de Lecat, 
les cours d'hydrographie de Dulague, qui ont servi de, 
modèle aux cours fondés dans nos ports par Napoléon. 


154 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Dès 1781, elle créait une bibliothèque qu'elle ouvrit au 
public. 


L'Académie n’avait pas été la dernière à applaudir à la 
grande création de l'Université conçue par Napoléon, qui 
relevait en France l'instruction publique, et dotait nos 
grandes villes de colléges et de chaires professorales. 


La ville de Rouen, en vertu des art. 13 et 15 du décret 
impérial de 1808, base et loi encore vivante de l'ins- 
truction publique en France, avait droit, comme chef- 
lieu d’une Académie, à une Faculté des lettres et à une 
Faculté des sciences. 


Une Faculté des lettres y fut établie. Des professeurs 
distingués , Jondot, Chenedollé, Etienne Quatremère , S'y 
firent entendre et applaudir. 


La Restauration porta la main sur l'institution de Napo- 
léon. 


Ce qu'un décret impérial, ayant force de loi, avait créé, 
elle voulut le défaire. Fut-ce en vertu d’une loi? non. 
Un simple arrêté d'une Commission de l'instruction pu- 
blique, Commission qui n'existait qu'en vertu de ce décret, 
supprima la Faculté des lettres dans dix-sept villes, chefs- 
lieux d'Académie. Rouen était du nombre. 


Une ordonnance royale, rendue le 18 janvier 1816, 
consacra , par un effet rétroactif, sans lui apporter plus de 
légalité, l'arrêté de la Commission de l'instruction pu- 
blique , qui avait été rendu et mis à exécution, deux mois 


et demi auparavant (le 31 octobre 1815). 


Rouen, dépossédé de sa Faculté des lettres, fut moins 
heureux que Bordeaux, Lyon, Montpellier, Poitiers et 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 155 


Besançon , qui avaient été frappés comme lui, mais qui, 
plus tard, sans avoir plus de droits à cette préférence , 
obtinrent la réintégration de leur Faculté. 


Rouen a longtemps gémi de ce déni de justice. Il trou- 
vait une compensation, quelque faible qu’elle fût pour 
son collége royal, dans la création de la Commission 
d'examen, dont l'ordonnance du 18 janvier 1816, par un 
retour à un sentiment de justice , il faut le reconnaître, 
avait du moins doté tous les chefs-lieux d’'Académie qu'elle 
privait de Facultés. 


Cet ordre de choses était en vigueur lorsque l'ordon- 
nance royale, rendue sous votre ministère, le 1% janvier 
1847 , vint rapporter l'ordonnance royale de 1816. 


Cette ordonnance de 1816, derrière laquelle s’abritait 
l'arrêté de la Commission de l'instruction publique du 34 
octobre 1815, étant rapportée purement et simplement , 
que restait-1? Le décret impérial de 1808, constitutif 
de l'Université, qui rendait nécessairement à Rouen sa 
Faculté des lettres, et lui donnait droit à une Faculté des 
sciences. 


Une ordonnance ministérielle umiversitaire en a décidé 
autrement. Cette ordonnance, du 2 janvier 1847, porte : 


« Art. 1%. Les Facultés des lettres desserviront, pour la 
« collation des grades, les Académies dépourvues de Fa- 
« cultés, qui leur seront annexées en vertu d’un tableau de 
« circonscription qui sera arrêté par le Grand-Maitre de 
« l'Université, » 


Jusques-à, Rouen, l'une des quatre grandes villes du 
royaume , pouvait, devait espérer que son nom figurerait, 


156 ACADÉMIE DE ROUEN. 


et même un des premiers, sur la liste des villes favo- 
risées. 


L'arrêté du Conseil royal de l'Université réglant le ta- 
bleau de circonscription des Facultés , inséré au Moniteur 
du 11 avril 1847, est venu détruire cet espoir : Treize 
Facultés son créées. Rouen, la quatrième ville du royaume 
après Paris, n’y figure pas! Rouen, ville de cent mille 
ames, est mis sous la dépendance de Caen, qui n’en 
compte pas même la moitié! 


L'Académie des sciences, belles-lettres et arts de 
Rouen, justement émue, vient faire entendre sa voix, 
sûre qu'un Ministre, animé d’un zèle si éclairé pour tout 
ce qui touche au progrès des lettres et des sciences, et 
qui en à donné de si nombreuses preuves, daignera pèser, 
dans sa sagesse, les considérations qu'elle prend la liberté 
de lui soumettre. 


Si on s'arrête, pour apprécier les droits des villes à pos- 
séder des Facultés, à leur importance relative et à leur 
population, que voyons-nous? Sur le tableau des treize 
villes dotées de Facultés, en mettant de côté Paris qui fait 
exception, dix d’entre elles sont au-dessous de Rouen 
pour la population ; une lui est à peine égale, Bordeaux ; 
une seule, Lyon, lui est supérieure. Quelques-unes des 
villes portées au tableau, comme Aix, Poitiers, Besançon, 
Grenoble , Dijon , n’atteignent pas le tiers de la population 
de Rouen. 


Rouen, préfecture de 1" classe, n'est-il pas le siége 
d'une cour royale, d’une division militaire, d’un arche- 
vêché? N’a-t-il pas toujours compté parmi les villes de 
France de premier ordre ? 


Que si nous nous reportons à la population même des 
colléges royaux, chefs-lieux d'Académies, qui figurent 


Poe 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 157 


au tableau des Facultés, et que nous mettions en re- 
gard celle du collége royal de Rouen, nous arriverons 
au même résultat. Paris toujours mis hors ligne, une 
seule ville encore, Lyon, offre un chiffre plus élevé que 
Rouen; les onze autres colléges royaux du tableau 
restent au-dessous de celui de Rouen. Le collége royal de 
cette ville ne compte pas moins de 6#% élèves, tandis 
qu'il est tel collége de la liste des Facultés qui n’en a que 
371 (Montpellier), tel autre, 305 (Dijon), tel autre, enfin, 
( Grenoble ) que 277 *. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. 


Citerons-nous la ville de Caen, chef-lieu de la Faculté 
dont Rouen est déclaré l'annexe ? Sous le double rapport 
et de la population urbaine et de la population collé- 
giale , il est inférieur à la ville qu'on rend sa vassale. Qui 
osera, sous tous les autres rapports, comparer Caen à 
Rouen? Rouen possède un archevêché ; Caen n'a pas même 
d'évêque; Rouen est le siége d'une division militaire ; 
Caen est placé dans son ressort. Ce que nous disons ici, 
ce n'est point pour enlever à la ville de Caen les Facultés 
dont elle est en possession, mais pour faire ressortir les 
droits de la ville de Rouen à jouir au moins de la même 
faveur. 


Objectera-t-on qu'à l'époque où Rouen avait une Faculté 
de lettres, les cours de cette Faculté n'étaient pas suivis 
par un nombre très considérable d’auditeurs? mais n'en 
était-il pas de même partout ? A la sortie de nos grandes 
commotions révolutionnaires, alors qu'un long oubli avait 
pesé sur les lettres, qu'elles avaient été, non-seulement 
abandonnées, mais proscriptes, où trouver une popula- 
tion préparée à suivre les leçons d'un haut enseignement ? 


* Almanach de l'Université de France, 1847. Nous avons défal- 
qué, dans cette appréciation, les élèves primaires, qui ne figurent 
pas pour le colléve de Rouen. 


158 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Les hommes de 20 à 25 ans, toujours avides d'instruction, 
se fussent présentés ; ils étaient dans les camps : le sys- 
tème militaire avait tout enlevé, tout absorbé. 


Le même reproche avait été adressé à Lyon, à Bor- 
deaux, qui présentaient une population égale et supérieure 
à Rouen. Aussi, leur Faculté leur avait-elle été enlevée, 
en 1815, comme à tant d’autres villes. Depuis, on la leur 
a rendue , et c'était justice. Rouen n’a pas revu la sienne. 
Plus tard, on lui a donné une Faculté de théologie, 
c'était à bon droit; mais pourquoi pas une Faculté des 
lettres, une Faculté des sciences? Dira-t-on que Rouen 
est une ville essentiellement commerçante et industrielle , 
où le goût des lettres et des sciences a peu de racines et a 
pris peu de développement ? Mais les deux villes que 
nous venons de nommer, Lyon, Bordeaux, auxquelles on 
avait restitué leur Faculté , et qui la conservent , ne sont- 
elles pas absolument dans les mêmes conditions que 
Rouen? Pourquoi donc déshériter cette dernière ville? 


Il y a plus, en renonçant même à invoquer ces exemples, 
nous ne craignons pas d'avancer qu'on se tromperait sin- 
gulièrement si l'on croyait que la ville de Rouen est restée 
étrangère au mouvement intellectuel qui, depuis un quart 
de siècle, grâce au bienfait de la paix, s'est manifesté 
en France ; loin d’être en arrière, elle est une des pre- 
mières qui ait donné le signal. Qu'on passe en revue 
les institutions, les établissements scientifiques, litté- 
raires et d'art en tous genres, qu'on y a créés, déve- 
loppés, dans ce court espace de temps; leur nomenclature 
seule étonnera. 


Sans parler de notre Académie, signalons la Société 
libre d'Émulation, la Société d'Agriculture, la Société 
d'Horticulture , les Sociétés de Médecine et des Pharma 
ciens , la Société de Commerce et de l'Industrie , la Société 


Du 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 159 


Philharmonique , la Société des Amis des Arts , la Commis- 
sion d’Antiquités, la Commission des Archives, l'École dé- 
partementale d'Agriculture et d’Économie rurale ; les cours 
municipaux de Chimie , de Physique , de Mathématiques , 
d'Histoire naturelle, de Dessin et de Peinture, de Musique, 
qui sont fréquentés par un si grand nombre d'élèves ; ceux 
qui ont été institués par la Société libre d'Émulation ; 
le Musée de peinture , le Musée des Antiquités, le Jardin 
botanique , les Expositions des tableaux, etc., etc. Quelle 
ville a fait plus que Rouen, sous ce rapport? quelle 
ville a plus fait pour le développement, l'encouragement 
des lettres, des sciences et des arts? Que de publications, 
dans ces diverses branches des connaissances humaines, 
sorties de son sein, depuis trente années! Si notre Aca- 
démie n'était pas ici aussi directement intéressée, nous 
citerions, pour terminer ce tableau, les récompenses si 
honorables qui sont venues chercher les auteurs de 
quelques-uns de ces ouvrages. L'Institut a fait plus, il a 
ouvert ses rangs à plusieurs d’entre eux. 


Veut-on la preuve que des Facultés seraient accueillies 
à Rouen avec une faveur marquée , que leurs cours 
seraient suivis avec empressement? Des professeurs étran- 
gers sont venus donner passagèrement, dans nos murs, 
des leçons publiques de littérature et d'histoire. On s'y 
portait en foule, et pourtant il fallait payer pour entendre 
ces leçons. 


Dira-t-on que Rouen est trop rapproché de Paris pour 
avoir une Faculté? mais Dijon et Grenoble, qui en sont 
dotés, sont bien plus rapprochés encore entre eux. Si 
l'objection pouvait avoir quelque valeur, il faudrait done 
enlever à Rouen sa cour royale, sa division militaire, 
son archevêché ? Quelque voisin que Rouen soit de Paris, 


160 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ce n’en est pas moins une ville de cent mille âmes, 
dont il faut satisfaire les besoins intellectuels. Il ne peut 
être ici question, puisque nous avons nommé Paris, de 
centralisation ; le Gouvernement et le pays sont d'accord, 
pour vouloir, non resserrer, mais étendre le bienfait de 
l'instruction publique. En faire jouir directement, sur la 
plus large échelle, tous les grands centres de population , 
c’est un devoir comme c’est un besoin. 


D'autres voix, Monsieur le Ministre, se feront, sans au- 
cun doute, entendre dans l'intérêt spécial du collége royal 
de Rouen, des études et des familles, pour faire ressortir 
les conséquences que la suppression de la Commission 
d'examen et l'annexion de notre collége à la Faculté de 
Caen auraient pour elles; pour vous montrer, dans un 
avenir prochain, l'affaiblissement des études, l’éloigne- 
ment des élèves, le découragement des professeurs, et, 
par suite, ajoutera notre Académie, l'influence fâcheuse 
qui pèserait sur la marche générale des établissements in- 
tellectuels dans cette ville. 


D'autres voix s’élèveront pour signaler les mêmes 
symptômes, les mêmes effets sur notre école préparatoire 
de Médecine, qui, privée du puissant auxiliaire d'une 
Faculté des sciences, ne peut que s’affaiblir, et remplir 
imparfaitement le but de son institution. 


D'après toutes les considérations qu'elle vient de déve 
lopper , l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de 
Rouen , dans sa profonde conviction, croit de son devoir 
de faire , Monsieur le Ministre , un appel à votre justice et 
à votre protection éclairée, pour réclamer, en faveur de la 
ville de Rouen, le rétablissement de sa Faculté des lettres 
et la création d'une Faculté des sciences. 


Des Jortraits 


PEINTS ET GRAVÉS 


PIERRE CORNEIÏLLE, 


Par M. HELLIS. 


MESSIEURS , 


On a dù parfois s'étonner que la ville de Rouen, ne 
possédât pas une seule peinture qui pût donner une idée 


exacte de ce qu'était Pierre Corneille (1). 


L'Académie éprouvait ce regret lorsqu'il y a quinze 
ans, elle s'adressa à M. Court, pour avoir un portrait 
du poète. L'artiste, dans cette circonstance, nous traita 
avec générosité, je puis dire avec magnificence ; notre 
reconnaissance doit égaler le bienfait. Pour un portrait 
en pied qui lui était demandé, il nous dota d’une riche 
page retraçant un des plus glorieux épisodes de la vie 
du grand homme (2); nous ne saurions cependant discon- 
venir que le but tant souhaité n'a pas été atteint, Ce 


11 


162 ACADÉMIE DE ROUEN. 


que nous désirions par-dessus tout, c'était l'image vivante 
de Corneille ; c'était de pouvoir contempler chaque jour 
les traits révérés de notre compatriote. 


Si l'artiste, dans son tableau, ne nous a offert qu'une 
figure à peu près de convention, c'est qu'il a manqué 
d'un guide sûr pour diriger son pinceau, ses recher- 
ches ayant été vaines pour trouver un portrait original 
du grand homme. 


Ils sont en effet des plus rares, car il demeure avéré 
que Lebrun seul mérite confiance sous le rapport de 
l'authenticité et de la vérité. 


Les vicissitudes de l'image de Corneille formeraient 
une curieuse histoire; elles ont donné naissance à une 
foule de gravures et de portraits, qui, par leurs dissem- 
blances, jettent les curieux dans de singulières perplexi- 
tés. Je vais tenter de répandre quelque clarté sur ce point 
obseur. Puissai-je livrer le fil qui conduira désormais 
dans ce dédale encore inconnu. 


Corneille, qui s’éleva si promptement au plus haut 
degré de gloire, dont les chefs-d'œuvre, enfantés coup 
sur coup, ne laissaient point à l'admiration le temps de 
se refroidir, lui qui fut, à 36 ans, salué du titre de 
grand homme que la postérité lui a conservé, Corneille 
devait exciter la curiosité au plus haut degré; chacun à 
l'envi dut souhaiter de connaître celui qui jetait un si 
vif éclat sur la littérature, et qui répandait sur son pays 
une telle illustration. On ne doit pas s'étonner des nom 
breux eflorts que les artistes tentèrent pour nous trans- 
mettre ses traits. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 163 


Dans cette revue, je ne m'occuperai que des œuvres 
vraiment remarquables; ma tâche serait trop pénible 
et trop fastidieuse s'il me fallait tout mentionner. Je 
signalerai ce qui fut fait aux diverses phases de la vie 
de notre poète; j'examinerai ensuite l'authenticité des 
modèles qui ont dirigé le pinceau et le burin. 


Il n'existe point de gravure antérieure à celle de Michel 
Lasne , sous la date de 1643 ; celui-ci originaire de Caen, 
condisciple de Corneille, toujours lié d'amitié avec lui, 
dut éprouver quelque joie à faire connaître un homme 
qui était parvenu à une si haute célébrité, Son témoi- 
gnage est du plus grand poids; aussi nous arrêterons 
nos regards sur cette belle gravure, qui doit être notre 
point de départ. 


Corneille avait 37 ans; il est représenté la figure ovale, 
un peu fatiguée par le travail: le front uni, haut, dé- 
garni de cheveux, qui flottent abondans sur les épaules; 
les sourcils bien arqués, un épi à celui de droite, les 
yeux vifs; le nez droit un peu renflé à son extrémité ; 
des moustaches et la mouche au menton; un pli règne 
de l'aile du nez à l'angle de la bouche, un plus léger 
sur la joue; la bouche est belle et pleine de distinction. 
L'expression générale est douce et grave. Le costume 
se compose d'une calotte sur la tête, d’un manteau long 
avec large rabat. Cette gravure in-#° semble faite avec 
prédilection ; un gracieux ornement entoure le buste, et 
se termine en bas par les armoiries récemment accordées 
à la famille. On hit au dessous: delineavit et excudit, ce 
qui prouve qu'il grava d'après son propre dessin. Il 
n'existait pas encore de portrait; plus bas on lit: Peter 
Cornelius, Rothomagensis, anno domini 1643. 


164 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Nous retrouvons là toute la sollicitude de l'amitié. Ce 
mot Rothomagensis me paraît remarquable ; il sent bien 
son normand, revendiquant pour sa ville l'honneur qui 
lui devait revenir d’avoir donné le jour à un si grand 
homme. 


Michel Lasne a plus d’une fois répété cette gra- 
vure pour les publications des œuvres du poète. Ainsi, 
en 1644, il en fit paraître une in-12, d'une très fine 
exécution, en tout conforme à la première, sauf l'orne- 
ment; et, plus tard, une troisième in-8°, pour mettre en 
tête de la traduction de l'Imitation; on sait que l'Imitation 
avec gravures ne parut que de 1654 à 1656. On lit au 
bas de cette gravure l'annotation suivante, qui me paraît 
remarquable par son intention: 


PIERRE CORNEILLE , NATIF DE ROUEN, 

S'EST RENDU CÉLÈBRE PAR QUANTITÉ DE PIÈCES DE THÉATRE ET 
PAR LA TRADUCTION EN VERS FRANÇAIS DU LIVRE 
INCOMPARABLE DE L'IMITATION DE 
JÉSUS-CHRIST. 


C'est vers cette époque que Lebrun fit son portrait; 
sa date est de 14647. Si nous y retrouvons les mêmes 
traits et la même expression, nous ne pourrons douter 
de la vérité de la ressemblance; ces deux témoignages 
se prêteront un mutuel appui. Mais que devint ce por- 
trait pendant un siècle? Il paraît qu'il fut bientôt oublié, 
puisque nous verrons les artistes les plus célèbres puiser 
à d'autres sources, et s’écarter tellement de la vérité que 
tout rapprochement devient impossible ; mais n'antici- 
pons pas sur l'avenir. 


Les productions de Michel Lasne, et le portrait de 
Lebrun, composent la première phase de la ressemblance 


PIE IRIRIS CORN ET ILILIE. 


d'aprés Paillet, 


1663 


CLASSE DES BELLES LETTRES. 165 


que l'art a parcouru ; c'est aussi la plus vraie comme la 
plus glorieuse. 


Corneille, jeune encore, avait produit ses chefs-d'œuvre; 
il était tel que la postérité l'eût toujours dù connaitre. 
Mais il semble que son image devait suivre la décrois- 
sance de son génie, jusqu'au moment où, rappelé à 
la vie par l’admirable talent de Ficquet, il reparut à nos 
yeux sous une forme toute nouvelle. 


Voulez-vous conserver de pieux souvenirs? Ayez des 
portraits des derniers ans. Voulez-vous transmettre un 
grand homme à la postérité ? Saisissez ses traits dans la 
force de l’âge et du talent, dans la crainte de ternir sa 
brillante auréole. 


En suivant l’ordre chronologique, se présente la gra- 
vure de Vallet, d'après le dessin de Paillet, en 1663. 
Il ne saurait y avoir de méprise, car Vallet indique qu'il 
a exécuté sur le dessin fait d’après nature, ad vivum 
delineavit ; cela ne souffre pas d’'équivoque. On y voit 
déjà de nombreuses dissemblances avec les gravures de 
Michel Lasne et le portrait de Lebrun, qui paraît tout-à- 
fait oublié, et qui n'a point, jusqu'alors, été reproduit. 
Ces dissemblances sont telles , que la réflexion seule peut 
convaincre que l'artiste ne s’est point écarté de la vérité. 
Il s'était écoulé près de 20 ans entre les deux ouvrages, 
et le temps n'avait pas épargné ses outrages à la figure 
d’un homme qui s'était livré à de si longs et si constants 
travaux. 


Corneille avait alors 57 ans; je ne parlera point du 
costume, qui se rapproche de celui décrit précédemment ; 
mais la figure parait plus courte, plus massive , la bouche 


166 ACADÉMIE DE ROUEN. 


plus large , les cheveux flottant plus abondants , et garnis 
sur le front bien au-delà de la calotte, la barbe moins 
apparente; une verrue est survenue à la joue droite, et 
une plus petite à la joue gauche : tout cela demande expli- 
cation. 


Le front de Corneille, dégarni à 30 ans , ne pouvait être 
touffu à 57, il y suppléait par de faux cheveux , ce qui 
vieillit singulièrement ; la chute de quelques dents, en 
élargissant la base de la face, diminue son ovale et rap- 
proche le nez du menton, La barbe blanchit et s’éclaircit, 
de là, sa moindre apparence ; des verrues sont survenues 
aux deux joues, elles nous serviront bientôt utilement ; 
de plus, une légère patte d’oiïe se montre sur les tempes 
et quelques apparences de rides au front. Fascinés que 
nous sommes par la gravure de Ficquet, d’après Lebrun, 
nous avons quelque peine à nous rendre à la fidélité de 
cette image. Un examen attentif ne permet pas d'en 
douter ; d’ailleurs, Vallet nous répète : Ad vivum deli- 
neavit , il l'a prise sur le vivant. Elle justifie du même 
modèle à deux époques différentes de la vie; les progrès 
de l’âge peuvent seuls rendre compte des altérations 
qu'on y remarque. Cette gravure a été souvent repro- 
duite, notamment par Desrochers en 1704; et, beaucoup 
plus tard, Petit, Cars fils et Dewritz y ont consacré leur 
burin; ce qui prouve qu'elle passait pour authentique (3). 


Vallet et ses traducteurs composent la deuxième période 
de la ressemblance : nous avons, pour la première , Michel 
Lasne en 1643, et l'autorité du portrait de Lebrun. La 
distance qui sépare ces deux sortes de productions, n’est 
guère moins de 20 années, ce qui nous met à mème d'es- 
ümer l’âge du Corneille reproduit par Ficquet. 


ue 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 167 


Nous ferons remarquer que, jusqu’à l'an 1663, pas une 
gravure n'a été faite d’après un portrait. Celui de Lebrun 
était si complètement ignoré des artistes, que Paillet fut 
obligé de faire un dessin pour la gravure de Vallet. Ainsi, 
jusque-là , il ne faut compter sur aucun portrait original 
autre que celui dont je viens de parler. 


Si, au premier coup-d'œil, nous avons quelque peine à 
retrouver Corneille dans la première transformation, l'étude 
de quelques parties fixes et immuables nous amène à le re- 
connaître ; nous allons assister, dans la troisième période , 
à une métamorphose si étrange, si complète, si inexpli- 
cable, qu'on ne sait qu’en penser. Si 15 ou 20 ans avaient 
apporté un tel changement dans les traits, que l'analyse 
seule pouvait démontrer l'identité, 20 ans de plus devaient 
faire bien d’autres ravages ; car, chez l'homme, la déca- 
dence est rapide, surtout au déclin de la vie ; alors les 
années semblent compter deux fois. Il n'en est point ainsi, 
c'est tout le contraire qui arrive : tâchons de découvrir la 
vérité. 


Il est en nous un sentiment qui nous porte à souhaiter 
de laisser, aux yeux de nos semblables, une idée avanta- 
geuse de notre personne. 


Corneille vieillissant, négligé, oublié pour un rival qui avait 
captivé les faveurs du public, n'était peut-être pas sans quel- 
que désir de transmettre ses traits à la postérité. Cossin, cé- 
lèbre graveur, demandait un modèle ; mais où le prendre? 
Le portrait de Lebrun était bien loin ; on ne l'avait proba- 
blement pas, puisqu'il ne figure nulle part; d’ailleurs , 
une si petite toile, cet air grave et froid , cette figure pâle, 
cette calotte monacale, devaient produire bien peu d'effet 
et lutter désavantageusement avec ce brillant Racine, alors 


168 ACADÉMIE DE ROUEN. 


l'idole de la Cour. Le dessin de Paillet était trop ressem-— 
blant pour plaire , et le poids des ans eût rendu la vérité 
plus triste encore. Il fallait un autre type ; on s’adressa à 
Sicre, en lui recommandant de retrouver, sur cette figure 
outragée par le temps , une ressemblance qui lui fit plus 
d'honneur. L'artiste, ainsi autorisé, se mit à la besogne : 
le génie ne connaît point d’obstacle ! Il affubla le père de 
la Tragédie d’une énorme perruque (#), retrancha la barbe 
qui n’était plus un ornement ; il allongea la figure, effaça 
les rides, rendit vermeil ce visage que le travail avait pâli 
à 30 ans ; il ne respecta pas même la couleur des yeux ; 
il conserva le nez, la verrue à la joue et le menton 
bifurqué; mais, pour ce qui est de la forme du crâne, de 
l'ouverture des orbites, de la direction des sourcils, où 
les prit-il? Je ne le saurais dire. Il fit un portrait de 
fantaisie: puis, fidèle à son programme, il revêtit son 
modèle d'une magnifique simarre , ayant un élégant rabat, 
les bras ornés de somptueuses manchettes, les mains 
magistralement croisées et supportées par un livre indi- 
quant l’auteur et la nature de ses travaux; de plus, une 
riche draperie faisait valoir le fond , et une colonne entre- 
vue donnait au tout un aspect monumental, qui s’éloignait 
passablement de la modeste habitation de la rue de la Pie. 
Il traduisit Corneille en un lourd financier. La famille dut 
sourire : les idées un peu nobiliaires de Thomas durent 
être satisfaites (5); si la ressemblance était nulle, le portrait 
n'avait pas de date, et l’on travaillait pour la postérité. 


Le talent de Cossin répandit cette image : ce type fut si 
généralement adopté, que plus d’un peintre de talent refit 
des Corneille nouveaux, en variant, suivant son goût, la 
pose et le costume. Des graveurs de renom reproduisirent 
ces œuvres et leur donnèrent une sorte d'authenticité , ce 
qui a séduit beaucoup d'amateurs. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 169 


Je soumets aux curieux la réflexion suivante : Corneille 
est mort en 168%; le portrait de Sicre, gravé en 1683, 
n'était point connu avant cette époque; on accordera au 
moins qu'il fut postérieur de quelques années à la gravure 
de Vallet. Toutes les imitations qui ont suivi ne peuvent 
être originales. On sait que le grand poète, arrivé à la 
caducité , fut, pendant près de deux années, dans un état 
d'infirmité qui causa la gène où il mourut. Ceci suffit pour 
condamner tous les portraits originaux qui ont paru dans 
le xvur* siècle et dans la dernière partie du xvrr°. 


Il est à remarquer qu'en gravant ces productions men- 
songères, pas un artiste ne cita de noms de peintres. 
Ficquet grava d'après Lebrun, Michel Lasne d’après son 
propre dessin, Vallet d'après cel de Paillet, Cossin 
d'après Sicre; mais toutes les autres variantes que la 
gravure fait connaître , n'indiquent point leur origine, ce 
qui doit toujours tenir en réserve les collecteurs un peu 
difliciles. Ainsi Lubin en 1696, Bernard Picard en 1716, 
Dupin en 1740, etc., n'ont point indiqué quel était le 
maître qui leur avait servi de guide. Pour satisfaire des 
amateurs qui désiraient des portraits de Pierre Corneille, 
des peintres d'un talent distingué ont, depuis 1683, produit 
des œuvres remarquables, parfois bien dignes, sous le 
rapport de l'exécution , de figurer dans les cabinets les plus 
riches; mais, postérieures à la mort du grand homme, 
elles ne peuvent prétendre à aucune ressemblance. 


Ce qu'il y a de certain, c'est que le Corneille imaginé 
par Sicre fut accrédité comme véritable pendant 80 ans ; 
beaucoup de cabinets en fournissent la preuve. Les efforts 
de Thomassin et de Ficquet n'ont point encore complète- 
ment détruit cette illusion; j'en pourrais citer plus d'une 
preuve , je me contenterai du fait suivant : 


170 ACADÉMIE DE ROUEN. 


En 1806, un arrière petit-fils du célèbre Lebrun , vou- 
lant témoigner sa gratitude à la Société d'Émulation de 
Rouen , qui l'avait admis dans son sein, copia lui-même le 
portrait de Sicre , croyant reproduire l’œuvre de son aïeul. 
Pour un commissaire du musée Napoléon, l'erreur était 
lourde ; toujours est-il que je m'en félicite, puisque cela 
me met à même de vous offrir un fidèle spécimen de cette 
œuvre curieuse (6). Quel était ce Sicre? Qu'a-t-il fait ? Je 
l'ignore. Son travail paraît n'être pas dépourvu d'art, et 
devoir produire un assez bel effet ; n'eut-il peint que cela, 
il peut prétendre à l'immortalité ! 


En expliquant cette métamorphose comme il précède, 
nous nous trouvons à l'aise , et les faits suivants découlent 
tout naturellement. 


On s'est demandé comment Perrault, dans sa Vie des 
hommes illustres, publiée 14 ans après la mort du poète, 
avait donné, gravée par Lubin, une si étrange figure de 
Pierre Corneille ; c'est qu'il était dans la confidence. Car 
comment admettre que Perrault qui avait connu Corneille, 
qui était lié avec Fontenelle, qui siégeait à l'Académie avec 
Thomas, eût commis une pareille méprise ! Il n’y eut point 
méprise, mais intention. Toutefois , cètte pieuse fraude ne 
passa point sans réclamations. La gravure de Cossin, toute 
belle qu'elle était, fit peu de sensation; c'était en 1683, 
Corneille allait cesser d'être, ou plutôt il n'existait plus, 
sa personne était complètement oubliée ; il n’en fut pas de 
même lors de la publication de l'œuvre de Perrault. 
L'Histoire des hommes illustres souleva plus d'une cri- 
tique. Les contemporains, à même de juger sainement 
la chose. s'étonnèrent d'une pareille dissemblance (7) ; 
d'autres pensèrent que par erreur on avait pris le portrait 
de Thomas pour celui de Pierre (8). Erreur impossible : 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 171 


les suppositions faites à la légère, tombent au moindre 
examen, En 1696, le portrait peint par Jouvenet n'existait 
pas, et celui de Mignard n'avait pas encore été gravé, Ce 
dernier, représentant Thomas à 30 ans, ne pouvait con- 
venir, et l’on admettra diflicilement que l’auteur d'Ariane 
ait posé pour le portrait de son frère. D'ailleurs quand 
Perrault écrivait, Thomas vivait encore; il regrettait son 
frère autant qu'il l'avait aimé. Je vous soumets toutes les 
gravures d’après son portrait exécuté par Mignard (9) dans 
sa jeunesse ; et l'original de celui de Jouvenet, qui est 
sous vos yeux, doit complètement détruire cette suppo- 
sition (10). 


Il est à remarquer que, bien que le portrait de Lebrun 
revint dans les mains de Fontenelle, peu après la publi- 
cation de la Vie des hommes illustres, il ne fut gravé pour 
la première fois par Thomassin que 27 ans après la mort 
de Perrault, arrivée en 1705. 


Si mes explications ne vous paraissent pas satisfaisantes, 
j'attends que l’on m'en donne d'autres que j'adopterai de 
grand cœur ; mais les miennes n'ont-elles pas pour elles 
bien des probabilités ? Toujours est-il, Messieurs, que les 
faits existent, vous en avez sous les yeux les preuves irré- 
cusables. 


Ainsi, nous trouvons dans la première période, Corneille 
gravé par Michel Lasne et peint par Lebrun; dessiné dans 
la seconde par Paillet; dans la troisième, travesti par 
Sicre. L'erreur, souvent plus flatteuse que la vérité, obtient 
de grands succès. Offrez au public le somptueux portrait 
de Sicre et l'œuvre simple de Lebrun, l'effet ne sera pas 
douteux sur la masse ; la vérité trop nue ne compte qu'un 
petit nombre d'adorateurs. 


172 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ne nous étonnons donc pas si le merveilleux portrait fut 
porté aux nues, si on tàcha de l'accréditer. Aussi fut-il 
constamment reproduit depuis l'an 1683 jusqu'en 1766, 
et même au-delà. Pendant cette longue période, le 
portrait de Lebrun sommeillait encore, attendant, pour 
paraître au grand jour , un interprète digne de lui. En vain 
Thomassin (11) le grava-t-il pour la première fois vers 
1730; son burin exact, mais trop dépourvu de charmes, 
ne fit aucun tort à Sicre, qui fut, malgré cela, reproduit 
dans une de ses plus riches variantes par Dupin, en 1740, 
après la mort de Thomassin. Il fallait une main plus ferme 
pour détrôner l’usurpateur , et assurer le triomphe de la 
légitimité. 

Enfin Ficquet parut; le célèbre Cochin se chargea du 
dessin d’après lequel il exécuta, en 1766, une vignette avec 
de gracieux ornements’. Cette production se recommande 
trop d'elle même, pour que j'en fasse ici l'éloge. 


A peine Corneille fut-il ainsi réhabilité, que sa gloire 
parut briller d’un nouveau lustre; si tout ce qui avait pré 
cédé ne fut pas mis en oubli, le plus grand nombre des 
artistes ne s’inspira plus que de ce nouveau modèle. Les 
reproductions en sont si nombreuses, qu'un volume suffirait 
à peine à les décrire (12). Pour opérer une pareille révolu- 
tion, il fallait un chef-d'œuvre ; Ficquet en enfanta un. On 
ne douta point de la fidélité d'une gravure que chacun 
admirait; il fut donné à un si petit nombre de s’assurer de 
la vérité, que, sans l’heureuse découverte du portrait, la 
gloire de Ficquet serait restée entière chez la postérité. 


TT 


* La Bibliothèque historique mentionne une gravure in-4° du 
même auteur. Les recherches infructueuses que j’ai faites pour 
la trouver, me portent à croire qu'elle ne différait de la première 
que par la marge. 


2 = 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 173 


Nous ne parlerons point des bustes et des statues élevés 
à Corneille , pour y chercher un type primitif de sa ressem- 
blance ; le marbre et le bronze ne furent point à son usage 
pendant sa vie. Alors on se hâtait un peu moins de décer- 
ner des apothéoses ; ce soin fut légué au siècle suivant. Ce 
que j'en dirai, servira à démontrer que Lebrun, ou Ficquet 
d'après lui, furent les guides qu'ont toujours suivi les 
grands artistes ; ceux qui ont voulu marcher dans une 
autre voie, n’ont rien produit de recommandable. 


J'ignore s’il existe des bustes ou des statues antérieurs 
à la moitié du siècle dernier; pour mon compte, je n'en 
connais point (13). Depuis cette époque, le goût des arts et 
le culte des souvenirs, singulièrement étendus , en ont fait 
éclore une telle quantité, que je ne terminerais pas à les 
énumérer ; je me bornerai à citer ceux qui décorent notre 
ville; ce que j'en dirai peut s'appliquer aux autres. 


L'Académie de Rouen réclamera toujours pour ses 
membres l'honneur d’avoir été fidèle au œilte du grand 
poète. 


Dès l'an 1756, elle souhaita orner le lieu de ses réunions 
des bustes des hommes célèbres que la ville avait vu naître. 
Ce vœu fut bientôt rempli ; M. Pigalle, associé, donna les 
bustes de Corneille et de Lémery ; M. Lemoine, ceux de 
Fontenelle etde Jouvenet. Lorsque l'Académie périt en 1793 
avec les autres institutions, elle fut par cela même dé- 
pouillée des livres et des objets d'art qu'elle possédait. 
Le buste donné par Pigalle fut religieusement recueilli par 
M. Licquet, ancien conservateur de la Bibliothèque pu- 
blique ; c’est à lui qu'on doit de le retrouver dans cet éta- 
blissement. 


On ne saurait douter que Pigalle ait pris Lebrun pour 
guide ; ses relations avec Fontenelle ne lui permettaient 


174 ACADÉMIE DE ROUEN. 


pas de s'égarer. Son buste est conforme aux bonnes tradi- 
tions ; sa tête moins étudiée dans les détails que celle de 
Cafiéri, est d’une large exécution. Il a seulement modifié 
le costume , en laissant le cou nu, et en attachant le man- 
teau avec une cordelière dont les glands retombent sur la 
poitrine, ce qui était d'usage au temps où Corneille écrivait. 


Il était réservé à un membre de la Compagnie d'offrir 
à notre compatriote un plus éclatant hommage. 


Le nom trop oublié d'un artiste aussi recommandable que 
malheureux doit trouver ici sa place. Parmi les élèves dis- 
tingués que fit éclore l'École de peinture de Descamps", 


1 L'École de peinture fondée par Descamps et dignement conti- 
nuée par ses successeurs, MM. Descamps fils, Chaumont, Car- 
pentier , Langlois et Morin, comptait, dès l’an 1765, 300 élèves. 
Plus d’un artiste habile est sorti de ses rangs. Nous citerons : 


Peintres , MM. Bellenger , La Vallée-Poussin, Le Barbier, Lemon- 
nier, Thierce, Leguillon, Descamps fils. 


Graveurs , MM. Le Mirefrères, Stange, Lefèvre, Leveau, Godefroy. 
Sculpteurs , M. Jadoulle. 


Architectes , MM. Couture frères , Malorty, Loyer , Lebrument, 
le prince de Beaujour, Prêtrel, Barragay, Allais, Vauquelin, 
Grout , de Sierville. 


Ingénieurs, MM. Loyer , Bremontier, Bernardin de St-Pierre, 
Broude, Godefroy, Devaux, Ribard, 


« Vous avez raison, écrivait, en 1768, M. Cochin à M. Descamps, 
vouset votre Académie, de vous applaudir d’avoir formé de pareils 
élèves, et en aussi grand nombre, » 


Qu'il me soit permis d'ajouter aux uoms déjà cités ceux de 
MM. De Boisfremont , Court et Brevière. Ce dernier , si connu par 
la perfection où il a porté la gravure sur bois, dont il a fait un art 
tout nouveau, est le chef d’une école dont la plupart des élèves, 
sortis de Rouen, comme lui, sont devenus des maitres. Qui n’a 
admiré les productions dues au burin spirituel et délicat de 
MM. Hans, Hébert et Dujardin ? 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 175 


un jeune homme montra pour la sculpture des disposi- 
tions remarquables ; Jadoulle (Marie-Nicolas), né à Rouen 
en 1739, souvent couronné par l'Académie, était néces- 
sairement appelé à entrer dans son sein. 


Ce sculpteur dont les œuvres se faisaient remarquer 
par la grâce et la pureté du style, eut la douleur de voir 
anéantir pendant la Révolution la presque totalité de ses 
ouvrages. On a cependant conservé le souvenir des 
belles figures qu'il avait faites pour l’église de Saint-Yon, 
de son bas-relief à l'église de Saint-Ouen, et de la statue 
en pied d'Henri IV qui ornait la fontaine du Vieux-Palais. 


En 1775, il soumit à l’Académie un buste de P. Corneille, 
destiné au nouveau théâtre de cette ville, et, de plus, il exé- 
euta, en 1776, trois bas-reliefs encore existants, placés 
entre les croisées et l’entablement de la façade de cet 
édifice. 


Celui du milieu représente P. Corneille; la tête se dé- 
tache presqu'en entier d’un grand médaillon que deux 
génies attachent au Temple de Mémoire; une couronne, 
un sceptre , des armures , des faisceaux et l'aigle romaine, 
forment de gracieux ornements. On lit sur un bouclier : 
Jadoulle 1776. Les deux caissons qui accompagnent le 
premier, représentent la Tragédie et la Comédie sous la 
forme de deux femmes assises, de grandeur plus que 
nature, et reconnaissables à leurs attributs. 


Cet ensemble d'une belle et facile exécution est anté- 
rieure aux productions de Cafliéri sur le même sujet. 


Jadoulle à puisé ses inspirations aux bonnes sources, 
pour ce qui regarde la figure et le costume du poète. 


176 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Les trois bas-reliefs qu'on voit à l’église de Sainte- 
Madeleine! complètent ce qui nous reste de cet artiste. 
Celui de La Charité, qui couronne la porte d'entrée, est 
plein de charme et de sentiment. Jadoulle, dont le nom 
mérite d'être conservé parmi nous, ne cessa d’être pour- 
suivi par l'infortune. Le besoin le força à chercher un 
asile à l'hôpital, où il mourut en 1805. 


Vient ensuite J. J. Cafhiéri, petit-fils de celui qui, en 
1660, fut appelé d'Italie par Mazarin, pour travailler en 
France. 


Il surpassa son père et son grand-père qui furent ses 
maîtres. Il se fait remarquer par le goût, l'expression, 
le fini de ses ouvrages. Le ciseau et le burin cédèrent 
alors à la même inspiration; Cafliéri et Ficquet se plurent 
à reproduire les hommes célèbres du grand siècle. 


En 1785, l'artiste fit hommage à l'Académie des bus- 
tes de Pierre et de Thomas Corneille, fac-simile de ceux 
qu'il sculpta pour la Comédie-Française à Paris. Ces bustes 
enlevés à la Compagnie pendant la Révolution, décorent 
aujourd'hui le premier étage du péristyle de l'Hôtel de 
Ville (14). Ce fut, pendant longtemps, les seules images des 
deux frères que notre autorité municipale possédât ; aussi 
sont-elles quelque peu endommagées à force d’ovations. 
Bien étudié, bien modelé ,le buste de Corneille rappelle le 
portrait de Lebrun plus que le médaillén de Ficquet. C’est 
absolument la même attitude, ce sont les mêmes traits et 
le même ajustement. Mieux qu'aucune statue de ce maître, 
il approche de l'exactitude du modèle. 


* L'église de Sainte-Madeleine n’est autre que la jolie chapelle 
de l'hôpital, convertie en paroisse depuis 1802. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 177 


La statue en terre cuite du même auteur, placée au 
Musée, est d'un bel effet ; elle est pleine de vigueur et de 
mouvement; c’est le premier jet de celle qui lui fut com- 
mandée par le-roi Louis XVI(15). La pose est noble, les 
draperies bien jetées; on y reconnaît la manière large 
mais un peu négligée de l'époque. Jouvenet eût fait ainsi. 
L'artiste ne visant qu'à l'ensemble, laisse à désirer dans 
les détails. La figure est vieillie, la tête anguleuse laisse 
voir des rides et des veines que la tradition ne consa- 
cra pas; peut-être est-ce à dessein, mais il en résulte moins 
d'exactitude que dans le buste du même auteur. 


Un buste placé rue de la Pie par M. Lefoyer, propri- 
étaire de la maison où naquit et vécut Corneille, signale 
cette demeure aux Étrangers. Ce souvenir d’un bon citoyen 
honore son auteur, mais ne peut compter parmi les pro- 
ductions de l'art. 


Si je parle de la statue en marbre de Cortot, qui dé- 
core la grande salle de notre Hôtel-de-Ville, (présent du 
Ministère en 1822), c'est pour regretter que l’auteur se soit 
écarté des excellents modèles qui l'avaient précédé. Je 
n'ai point à me préoccuper de l'ensemble, dont je ne m'é- 
tablis point juge; mais ce que je puis affirmer, c’est que la 
ressemblance s'éloigne beaucoup des productions de Fic- 
quet et de Cafhiéri. 


On se plait davantage auprès de la statue en bronze 
placée sur le Pont-Neuf. L'œuvre de David n’est point au- 
dessous de la réputation de ce grand artiste. La tête du 
poète est belle, conforme aux traditions de Cafhéri , et suffi- 
samment étudiée pour une statue qui ne doit être vue que 
de loin et jugée dans son ensemble. Nous devons nous 
féliciter que ce monument , le plus capital en ce genre , 
ait été confié à un homme d’un talent aussi distingué (16). 


12 


178 ACADÉMIE DE ROUEN. 


On conserve au Musée d’Antiquités de la ville un médail- 
lon en cuivre à l’efligie de Corneille, de forme ovale; bien 
qu'il soit peu remarquable sous le rapport de l'exécution, il 
n’en offre pas moins la véritable empreinte du poète. S'il n'a 
point été fait d’après nature, ce que le séjour de Corneille 
rendait très facile, comme tout porte à croire que le portrait 
de Lebrun fut rapporté à Rouen vers 1647, il se pourrait 
bien que cette efligie, qui le rappelle parfaitement, fût sa 
première révélation. J'ignore dans quel but il fut exécuté, 
mais ce n'est pas le seul en ce genre qui soit conservé en 
Normandie. 


Malgré toute l'habileté qu'a déployée Ficquet, on sait 
combien il est peu sûr de peindre d’après un graveur, 
celui-ci se permettant souvent des changements suivant 
son goût, son but, sa manière de voir; ce qui donne par- 
fois au sujet une face toute nouvelle. Ce sont autant de 
traductions en langues différentes, qui s’éloignent plus ou 
moins du texte. 


Le burin peut-il toujours tenir compte du ton des 
chairs, de la teinte de la barbe et des cheveux, et donner cet 
aspect qui témoigne la vie en faisant circuler le sang? Cela 
n'appartient qu'au pinceau. Il ne faut donc pas s'étonner 
si toutes les ressemblances de Corneille diffèrent entre 
elles et laissent tant à désirer. On retrouve bien quelques 
traits, quelques parties saillantes, une construction uniforme 
consacrée depuis l'œuvre de Ficquet ; mais de cette em- 
preinte, que Lebrun seul a été appelé à saisir sur la nature, 
il n°y faut point compter. Il en est à comme de ces légen- 
des accréditées d'âge en âge, où les produits de l'imagina- 
tion permettent à peine de saisir le fait incontesté qui 
leur à donné naissance. 


Vous serez peu surpris maintenant des variations qui 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 179 


ont régné touchant les ressemblances de Corneille. Pen- 
dant longtemps, on ne posséda que les gravures de Lasne 
et le portrait de Lebrun; les premières ne pouvaient répon- 
dre à tout, le portrait seul de Lebrun pouvait faire loi. 
Nous tacherons d'expliquer pourquoi, pendant 80 ans, il 
n'en fut pas question. Le dessin de Paillet, sous la date de 
1663, vint jeter du trouble dans les ressemblances, et le 
tableau de Sicre mit le comble à cette confusion. 


En 1766, Ficquet vint nous révéler une œuvre trop long- 
temps ignorée; néanmoins cela ne suffisait pas pour ren- 
dre à la vérité tout son éclat. Je l'ai déjà dit: la gravure la 
plus parfaite laisse toujours à désirer, ses éléments sont 
trop simples. Si la toile peut se traduire par le burin, 
celui-ci ne peut pas, avec le même succès, animer la toile. 
La gravure est à la peinture ce que la sécheresse de la 
pointe est à la souplesse du pinceau. C’est là ce qui rendait 
si regrettable le précieux portrait de Lebrun. 


Corneille, comme on sait, n'habitait point Paris, lorsqu'il 
se fit peindre. 1l est à penser qu'il rapporta son image 
à Rouen, lieu de son séjour. C'est là qu'il écrivait au 
milieu des charmes de l'intimité d'une vie patriarcale. 
Sa sœur Marthe, si remarquable par l'affection qu'elle lui 
portait et par son jugement exquis, était pour lui l'objet 
d'une prédilection particulière. D’ordinaire, quand on se 
fait peindre, ce n'est pas pour soi, mais bien pour ceux 
qui nous portent un véritable attachement. 


Son fils aîné, capitaine de cavalerie, qui demeura le seul 
héritier de son nom, dut tenir à conserver un souvenir 
auquel il avait plus de droits que personne. Lorsqu'on à un 
père qui à joui d'une grande célébrité, il est naturel qu'un 
sentiment d'amour-propre vienne se joindre à l'amitié, et 


180 ACADÉMIE DE ROUEN. 


nous fasse souhaiter plus vivement de conserver les traits 
de celui qui nous lègue un glorieux héritage. 


Il est incontestable que Corneille ne possédait point son 
portrait à Paris, lorsqu'il s’y fixa vers 1663 (17); j'en 
prends pour témoin Paillet, qui fut, à cette époque, obligé 
de faire un dessin d’après nature, pour fournir motif au 
graveur. Corneille en avait fait don , et il n'y songeait plus. 
S'il était dans les mains de son fils, comme tout porte à le 
croire , quelques raisons s’opposaient à ce qu’il le réclamät. 
On sait que ce fils se mit en défaveur par son mariage 
secret avec la fille d’un marchand de Paris ; on s’étonnera 
peu alors de la demande faite à Sicre en 1683, mais cela 
sert de preuve irrécusable, que le portrait de Lebrun n’était 
point alors à la disposition de Pierre ni de Thomas. 


Il m'a fallu arriver jusqu'à l'an 1730, pour retrouver la 
trace de ce portrait, dont aucun souvenir depuis 16#7 ne 
m'a révélé l'existence. C'est vers cette époque que 
Thomassin en fit la gravure, quoi qu'il soit à croire que 
déjà il fut, depuis bien des années , revenu aux mains de 
Thomas ou de Fontenelle; voici à cet égard ce qui me 
paraît le plus probable. 


Corneille mourut en 1684, et son fils en 1698; à cette 
dernière date, l'ouvrage de Perrault avait vu le jour. 
Corneille fils en mourant ne laissa qu'un enfant en bas-âge, 
dont Thomas, son grand-oncle, fut le tuteur; c’est proba- 
blement alors que le portrait revint aux mains de Thomas, 
et plus tard dans celles de Fontenelle. 


Celuiéi, admirateur passionné de son oncle, et collabo- 
rateur de cet excellent Thomas, voulut sans doute réunir 
sous ses veux l’image des deux frères, qui, pendant toute 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. « 181 


leur vie , avaient offert le modèle d’une si constante amitié. 
Le portrait de Thomas qui accompagne celui de Pierre , fut 
peint par Jouvenet vers 1700. 


Les liens d'amitié et de parenté qui existaient entre 
Fontenelle et Thomas, ne permettent pas de savoir si les 
portraits furent dans les mains de Fontenelle avant la mort 
de son oncle, ou s'ils n'y revinrent qu'après ; cela, au 
fond, importe peu , puisque, soit d’un côté soit de l’autre, 
ils ne sortirent pas de la famille. 


Quant à celui de Lebrun, il s'était écoulé plus d’un siècle 
depuis son origine jusqu'à sa réhabilitation par Ficquet ; 
pendant le siècle suivant, il est de nouveau tombé dans 
l'oubli. Qu'était-il devenu depuis Fontenelle ? Avait-il péri 
par l'effort du temps? Était-il passé à l'étranger avec tant 
d’autres richesses ? Avait-il disparu au milieu de la tour- 
mente qui, il y a 60 ans, bouleversa tant d’existences 
et détruisit tant de nobles demeures? C'est ce qu’on avait 
lieu de craindre; heureusementil n’en est rien. Ce por- 
trait existe, Messieurs , ilest sous vos veux ; rien ne me sera 
plus facile que d'établir sa filiation depuis Fontenelle 
jusqu'à nous. 


Ce dernier ne s'étant point marié, et ses deux frères 
étant entrés dans les ordres, fit un testament par lequel 
il divisa sa succession en quatre parts, entre madame de 
Forgeville, cette amie dont il est si souvent question dans 
ses ouvrages, les deux demoiselles de Marcilly, petites- 
filles de Thomas, et madame de Montigny chez laquelle 
il mourut, et qui lui prodigua jusqu'au dernier jour les 
soins de la plus tendre amitié (18). C'est elle qui recueillit 
les deux portraits qu'elle obtint de la libéralité de Fonte- 
nelle, Cette dernière épousa à Portmort près Andely, en 


182 ACADÉMIE DE ROUEN. 


1743, Nicolas Jubert de Bouville, Maréchal-de-Camp. Cette 
dame , née en 1723, vécut jusqu'en 1803. Après sa mort, 
le château et la terre de Portmort furent vendus et les 
objets mobiliers transportés au château du Plessis , près de 
Pont-Audemer, chez madame d’Anneville, une des héri- 
tières de madame de Bouville. En 1842, madame d’An- 
neville mourut après avoir institué M. le comte d'Osmoy 
son légataire universel. 


Si ces preuves ne vous paraissent pas suflisantes, je 
vous demanderai où l'on doit chercher des portraits de 
famille si ce n’est dans la famille. Là, on ne se méprend 
point sur la ressemblance. Sous le rapport de la fidélité, 
ce témoignage est irrécusable. Quant à l’originalité, des 
copies plus ou moins heureuses peuvent faire naître des 
doutes et fortifier la confiance ou l'espoir des amateurs 
qui les possèdent; mais, outre le mérite de l'exécution, 
que la comparaison peut aisément faire apprécier, il faut 
mettre en ligne de compte ce qui est le plus naturel et 
dans l'usage de tous les temps. 


Un portrait de famille ne sort point d'ordinaire des 
mains de ses membres; quand on permet des copies, 
on a soin de se réserver l'original. 


Qui prouve, me direz-vous, que Fontenelle avait ce por- 
trait? Ces choses-là ne sont point de celles dont on jus- 
tifie par acte notarié et qu'on peut démontrer après un siècle. 
Mais qui pouvait l'avoir? Du côté de Pierre, un enfant 
en bas âge dont Thomas était le tuteur; de V'éntié, Fon- 
tenelle , neveu et ami de Thomas et admirateur passionné 
de son oncle; je l'ai dit, il le tenait ou de sa mère Marthe, 
sœur des Corneille, ou plutôt de Thomas qui l'avait re- 
trouvé dans l'héritage de son pupille. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 183 


Suivant cette hypothèse, en quittant Paris en 1707, l'on- 
cle aurait donné à son neveu les deux portraits comme 
un précieux souvenir. S'ils eussent fait partie de la suc- 
cession de Thomas, ils seraient demeurés aux mains d’une 
de ses filles, soit de madame La Tour du Pin, soit de 
madame de Marailly ; ils ne seraient pas échus à madame 
de Montigny qui n'était point parente de Fontenelle , mais 
qui méritait bien cette faveur par son culte pour le grand 
homme, et pour le dévouement qu'elle porta au vieillard 
centenaire dont elle fut la compagne assidue et l'ange tuté- 
laire jusqu'au dernier jour. 


N'oublions pas que Thomassin, 25 ans avant la mort 
de Fontenelle , grava d’après le portrait de Lebrun, ce qui 
éloigne l'idée qu'il aurait pu être par Thomas porté au 
château de Portmort avant cette époque. 


. 


Quand on pourrait élever quelques doutes relativement 
à Fontenelle, on n’a jamais contesté qu'après lui madame 
de Bouville posséda les deux originaux ; ce qui va suivre 
en fournira la preuve surabondamment. 


M. Corneille, inspecteur de l'Académie de Rouen, que 
vous connaissez tous (19), mu par un sentiment que chacun 
appréciera, avait à cœur de retrouver ce portrait de Lebrun 
qu'il pensait devoir exister; il apprend qu'on en con- 
serve un à l'Institut provenant du Louvre , lorsque l'Aca- 
démie Française y faisait sa demeure. Il se rend à Paris, 
et trouve dans le cabinet de M. Raynouard, alors secré- 
taire perpétuel de la Compagnie, ce portrait si désiré. 
Il le contemple avec bonheur, et, quelques années plus 
tard, M. Auger étant secrétaire , il y retourne de nouveau, 
demande la permission de le décrocher pour le voir de 


184 ACADÉMIE DE ROUEN. 


plus près. En le retournant , il lit sur la traverse du chassis, 
écrite à la main, l'inscription suivante: 


PIERRE CORNEILLE. 


CE PORTRAIT À ÉTÉ COPIÉ D'APRÈS L'ORIGINAL PEINT PAR CHARLES 
LEBRUN, LEQUEL EST À LA COMTESSE DE BOUVILLE À QUI IL 
APPARTIENT , ÉTANT EN SON CHATEAU DE PORTMORT , EN NOR- 
MANDIE. 


Désenchanté par cette découverte, M. Corneille se dirige 
vers le château de Portmort, et demande à voir le pré- 
cieux original ; vain espoir ; la propriété a changé de maître 
depuis 20 ans, et la succession de madame de Bouville , 
divisée entre plusieurs collatéraux, laissait dans une grande 
incertitude. Seulement, il apprit que beaucoup d'objets 
mobiliers avaient été transportés au château du Plessis, près 
de Pont-Audemer. 


Madame d'Anneville vivait fort retirée dans cette char- 
mante retraite, pleine de nobles et doux souvenirs ; là, elle 
aimait à oublier les orages qui avaient agité sa vie. Bien 
peu connaissaient la valeur des richesses qu'elle avait re- 
cueillies du château de Portmort ; aussi, pendant longues 
années , il ne fut plus question ni de Pierre ni de Thomas 
Corneille. 


Cette dame étant décédée en 1842, lorsque sa suc- 
cession fut réglée, on trouva en 1844, dans le château 
où ils séjournaient depuis #1 ans (20), deux portraits 
désignés comme étant ceux de Pierre et de Thomas Cor- 
neille. Une simple indication ne suflisait pas pour cons- 
tater leur originalité ; aussi les avis furent loin d'être una- 
nimes. De plus, les mutations nombreuses survenues 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 185 


depuis #0 ans, jetaient un grand trouble dans la généa- 
logie, madame de Bouville étant décédée fort âgée, après 
avoir perdu son fils qui mourut sans laisser d'enfants. 
Madame d’Anneville était une parente éloignée , qui , elle- 
même, avait testé en faveur de M. le comte d'Osmoy, parent 
de cette dame à un degré éloigné aussi. Ce fut alors que, 
frappé du mérite de ces deux portraits, je recueillis en 
silence les preuves de leur authenticité. Ce n’est pas sans 
bien des démarches et sans de longues recherches, que 
je suis arrivé à l'évidence et à la simplicité de faits que 
je viens de présenter. 


J'avouerai ici que, parvenu au terme de mes re- 
cherches, j'aurais bien souhaité posséder un portrait 
qui devenait précieux à tant de titres; mes offres ne 
furent point acceptées, mais l'obligeance de son heu- 
reux possesseur n'eut point de bornes, et me mit à 
même de faire exécuter, par un artiste distingué, des 
copies qui réunissent toute la perfection désirable (21). 


M. le comte d'Osmoy est trop bon appréciateur des 
belles choses, et trop jaloux de la gloire de son pays, 
pour se dessaisir jamais de ce qu'il regarde presque 
comme un titre de famille. Il pense que son château ne 
tire pas moins d'honneur de l'image des deux frères, que 
des visites qu'il reçut jadis du roi Jacques IF, pendant son 
exil. 


Corneille et son frère resteront confiés à sa garde, au 
sein de cette Normandie qui s’énorgueillit de leur avoir 
donné le jour, et qui fut pour eux la souree et l'objet de 
leurs plus chères affections. 


J'espère, Messieurs, que vous ne douterez plus de l'au- 
thenticité des originaux qui sont sous vos veux, et que 


186 ACADÉMIE DE ROUEN. 


vous n'hésiterez point à classer parmi les copies ou les 
invraisemblances , ce que vous rencontrerez ailleurs. 


Le portrait de l'Institut se voit actuellement dans la 
Salle des Académiciens, au musée de Versailles. 


Si l'Académie se contentait d'une reproduction, per- 
sonne ne pensera que le Théâtre-Français ait été plus 
heureux ; il possède les deux bustes de Cafliéri, et des 
copies des portraits de Pierre et Thomas Corneille (22). 
Longtemps il voua son culte aux faux Dieux; Sicre et 
compagnie y régnaient sans partage; mais le buste de 
Pierre lui ayant dessillé les yeux , l’habile artiste qui s'était 
inspiré des originaux appartenant à madame de Bouville, 
fit présent de deux copies qui n'étaient point mensongères. 
Heureux s’il se fut adressé à un peintre plus digne de la 
tâche qui lui était confiée ! 


Marchands toujours si bien approvisionnés, amateurs 
qui vous flattez tous de posséder dans vos collections des 
portraits originaux de Pierre Corneille, ne jetez pas les 
yeux sur cet écrit, si vous tenez à conserver les douces 
illusions qui font votre bonheur ! 


Maintenant je demanderai si beaucoup d’entre vous se 
fesaient une idée exacte de la figure de notre compatriote, 
et si les artistes qui ont tenté de le reproduire, l'ont fait 
avec fidélité. 


Pourquoi, me direz-vous, attacher tant d'importance à 
une forme qui ne devait durer qu’un jour? Le poète ne 
revit-il pas dans ses œuvres, pur reflet de son ame? A 
cela je répondrai : L'art qui reproduit, est aussi une œuvre 
du génie. Renversez les statues, déchirez les toiles, les 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 187 


Barbares en usaient ainsi. Pour nous , nous serons toujours 
avides de contempler les traits des grands hommes, et 
d’entourer d'hommages leur enveloppe passagère, parce 
qu'elle fut comme une humble demeure , un jour favo- 
risée d’une émanation de la Divinité. 


Pensant que pour constater une aussi précieuse authen- 
ticité, rien n'était à négliger, j'ai d’abord examiné le ta- 
bleau dans sa forme et ses dimensions. Il a 0, 52, sur 0, 65 ; 
il est peint sur une toile du temps qui a nécessité le ren- 
toilage sur un chassis à clef. Cette opération date de l'é- 
poque où Cafliéri exécuta les bustes. 


Derrière la toile, on lit, sur une bande de papier , en 
caractères d'imprimerie fortbien tracés à la plume, l'inserip- 
tion suivante : 


Pierre CORNEILLE , NÉ À ROUEN EN 1606, mort 4 Paris 
EN 108%, PRINT PAR CHARLES LEBRUN. 


Je sais généralement le peu de cas qu'on doit faire des 
étiquettes ; il en est cependant qui peuvent fournir d’utiles 
renseignements. Nous verrons que celle-ci est des plus 
importantes. La teinte du papier , conforme à celle de la 
toile , atteste que cette inscription remonte à l’époque du 
rentoilage. 


Cette admirable peinture est étonnante de pureté et de 
conservation , rien ne prouve mieux qu'elle fut toujours 
dans des mains qui lui vouèrent un culte assidu. Une sœur 
ou un fils nous sont révélés par ce seul fait, comme les 
premiers possesseurs. La figure est exempte de toute 
altération. On n'y voit ni brisures ni retouches ; on croirait 
qu'elle sort des mains du peintre, si deux siècles ne lui 


188 ACADÉMIE DE ROUEN. 


avaient donné cette teinte légèrement rembrunie qui est la 
consécration du temps. 


J'ai dû ensuite comparer la vignette de Ficquet avec le 
tableau, et vérifier si c'était bien le même modèle. Il est 
hors de doute que le graveur a copié d’après Lebrun ; 
lui même il l’atteste. Je pense avoir démontré que le por- 
trait dont je m'occupe est bien l'original (23); voyons s'ils 
se ressemblent. 


La pose , les traits, le regard , les plis des vêtements 
sont fidèlement rendus ; les moindres détails sont étudiés 
avec le plus grand soin. Ainsi, ce léger épi au sourcil droit, 
signalé par Michel Lasne et par Thomassin , n’a point été 
omis, mais l’ensemble diffère très notablement, soit par 
l'infidélité du dessin , soit par les étroites proportions de la 
vignette. Ainsi, dans la gravure, le front est plus fortement 
modelé ; les plis du visage plus prononcés, le nez plus ré- 
gulier, presque aquilin , la bouche plus large et plus sèche. 
Il en résulte qu'indépendamment de la douceur et du 
charme de l'original dont elle s'éloigne beaucoup, la vi- 
gnette représente Corneille à soixante ans, quand le por- 
trait n’en accuse pas plus de quarante. Qu'on me pardonne 
cette expression qui ne diminue en rien mon admiration 
pour le talent de Ficquet : depuis que j'ai sous les yeux 
l'original de Lebrun , son Corneille gravé me fait l'effet 
d’un tuteur de comédie, tant il s'éloigne de l'aménité et 
de la juvénilité du modèle. Comme peinture, l'œuvre de 
Lebrun se fait plutôt remarquer par la finesse des tons , que 
par la vigueur de l'exécution ; ce n’est point le brillant de 
Philippe-de-Champagne, le relief et le luxe de Claude 
Lefèvre ou de Rigaud. Cela ne ressemble en rien au riche 
portrait de Thomas , par Jouvenet. Je crois même que la 
fougue et la verve de cet artiste eussent été moins appro- 
priées au caractère grave et réfléchi du poète , que la mé- 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 189 


thode sage , et, parfois, un peu froide de Lebrun. On a lieu 
de s'étonner comment cet artiste, homme d'imagination, 
qui ne se trouvait à l'aise que sur de grandes toiles, put 
s’astreindre aussi minutieusement aux rigueurs du modèle. 
On sent qu'il a mis là toutes ses complaisances. Si le por- 
trait saisit peu au premier coup-d’œil, plus on l'examine, 
plus on aime à le voir. Sa touche, large, simple et facile, 
ne laisse aucun doute sur une peinture originale. L’expres- 
sion en est douce et calme , les traits bien prononcés, le 
teint pâle , la bouche belle, pleine de distinction, les yeux 
pénétrants ; le nez droit, un peu renflé à son extrémité, 
le front haut, dégarni de cheveux qui flottent abondants 
sur les épaules. Une calotte sur la tête , la chevelure ainsi 
que les sourcils, les moustaches et la mouche d’un chatain 
clair ; ce sont bien les mêmes traits que dans la gravure, 
mais ce n'est plus le même ensemble ; c'est au point que 
voyant l'un et l’autre à distance , je doutai d’abord que ce 
fut le même personnage. 


Ce qui charme dans le portrait, c'est le calme, la dou- 
ceur et l'intelligence traduits par de beaux traits sans 
trop de vulgarité. 


« Corneille , dit Fontenelle , était grand, assez plein, l'air 
« fort commun, toujours négligé et peu curieux de son 
«extérieur. Il avait un visage agréable, un grand nez, 
« la bouche belle, les yeux pleins de feu , la physionomie 
« vive , les traits fort marqués et propres à être transmis 
« à la postérité dans une médaille ou dans un buste. » 
On peut, d’après cet ensemble, reconnaitre cet homme qui 
se trouvait mal à l'aise parmi les grands , où il rencontrait 
si peu de héros à la hauteur de son ame; dont on disait : 
qu'il n'avait point de monde, et n'était bon qu'à lire (2%). 
On doit peu s'étonner qu'à la Cour, lorsqu'il cessa de 


190 ACADÉMIE DE ROUEN. 


vivre, on dit, pour toute oraison funèbre : le bon homme 
Corneille est mort...…, Oui, ilest mort le bon homme, 
mais pour aller à l'Immortalité !.…. 


La ville de Rouen, par son admiration, n’a jamais cessé 
d'être digne d'avoir été le berceau du grand poète (25). 
Nos places , nos rues, nos maisons , offrent son image à 
chaque pas. Le bronze, la terre, le marbre et la toile 
le reproduisent à l'envi. Sa fête et le jour de sa naissance 
ont chaque année leur solennité. Les enfants savent son 
nom. C’est le plus noble citoyen de la vieille Cité. 


Sept villes de la Grèce se disputaient l'honneur d'avoir 
donné naissance à Homère ; Corneille est pour nous ce 
qu'Homère fut pour elles. Ne craignons point de trop mul- 
tiplier nos hommages, car nous n’aurons jamais fait assez. 
S'il est partout connu et admiré, nul part son culte n'a 
été plus fervent que dans notre Académie. Il préside à 
nos séances, il est l'ame de nos réunions, le lien de notre 
confraternité; il nous protège de son égide et nous om- 
brage des rayons de sa gloire. Nos plus beaux jours sont 
ceux où l’on vient nous parler de ses OEuvres, ou nous 
révéler quelques particularités de sa vie. La Compagnie, à 
peine constituée , proposa son éloge quarante ans avant 
l'Académie Française (26), et depuis, que n’avons-nous 
pas fait pour pouvoir chaque jour contempler ses traits. 
Félicitons-nous de trouver l’occasion de contenter nos 
vœux ! Que l'Étranger ne nous reproche plus de douter de 
la ressemblance d'un de nos plus grands hommes! Sa 
fidèle image, trop longtemps méconnue , ornera le lieu de 
nos séances, et nous pourrons, en la montrant avec orgueil, 
dire à notre tour ; 


Rien ne manque à sa gloire, 
Il manquait à la nôtre. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 191 


NOTES. 


NCIS 


Il n'existe, au Musée de Rouen, qu'un tableau de chevalet 
relatif à Pierre Corneille ; il est de Desoria, et ne remonte pas à 
plus de 60 ans. Le poète est représenté dans son cabmet d'étude, 
per une soirée d'hiver. Lafontaine s'est endormi au coin du feu; 
madame Corneille sort au moment où arrive le père Delarue, 
grand ami de la maison. Cette peinture, dont les détails sont 
agréables, ne se recommande point par la ressemblance de 
Corneille, dont l’auteur s’est fort éloigné. 


Le plafond de la salle du Théâtre des Arts, peint par Lemoine, 
représente l'apothéose de Corneille. Cette vaste composition ne 
manque ni de grâce ni d'effet; elle représente Corneille d'après 
Ficquet. Je ne pense pas néanmoins que ces deux productions 
puissent compter sous le rapport de l’art et de la ressemblance. 


N° ©. 


Le sujet choisi par M. Court, est Corneille accueilli sur la 
scène par le grand Condé, après une représentation de Cinna. 
Ce tableau, d'une grande dimension, est d’une fort belle exécu- 
tion, et renferme une foule d'épisodes et d'accessoires remar- 
quables. Le peintre a su y faire entrer les principaux personnages 
de l’époque, et les faire valoir de tout le charme et la vigueur 
de son pinceau. C'est une de ses plus belles productions. 


192 ACADÉMIE DE ROUEN. 
N° 3. 


Cette gravure est précieuse par les lumiéres qu’elle nous 
donne sur les altérations que les progrès de l’âge avaient amené 
dans la figure du poète. 


Nous retrouvons les mêmes plis du visage que dans le portrait 
de Lebrun, mais plus prononcés; la barbe plus rare laisse voir 
la forme du menton; la bouche offre aussi de notables change- 
ments. La perruque qui supplée aux cheveux, ne permet plus de 
saisir le développement du front, et contribue encore à donner 
à l’ensemble un aspect tout particulier. 


Le dessin cependant est loin d’être fidèle; tant il est vrai que 
rien n'est plus difficile que d'obtenir, même des plus habiles 
artistes, un trait de tout point exact. 


Les parties immuables sont d'autant plus à conserver, que ce 
sont elles qui justifient du type primitif; elles n’ont pas toutes 
été respectées. Ainsi la projection du nez ne change point avec 
les années. De droit, lenez ne peut devenir aquilin. Quand la barbe 
s’éclaircit, quand les cheveux tombent, les sourcils ne peuvent 
être plus épais. Tels sont les reproches que nous adressons à 
Vallet, dont l’œuvre est d’ailleurs remarquable; j'ai mis tout mes 
soins à reproduire ici dans toute sa pureté, le trait de sa gravure. 


Cars donna, il y a 80 ans, une jolie vignette d’après Vallet, 
mais voulant perfectionner son modèle , il s’éloigna tellement de 
sa simplicité, qu'il fit à Corneille une figure aussi disgracieuse 
qu'inintelligente ; il n'existe plus de rapprochement possible entre 
lui et Ficquet. La vérité est une, mais l'erreur se multiplie à 
l'infini. 


Ce qu'il y a de plus étonnant , c’est que Cars devait connaître 
les gravures de Michel Lasne et de Ficquet, qui l'avaient pré- 
cédé ; c'est qu'il était lié avec Caffieri qui le réclamait souvent, 
et le proclamait le plus habile graveur de son époque. 


M. Baratte, dans sa charmante publication sur les poètes nor- 
mands, a donné, gravée par Dewritz, une reproduction de l'œuvre 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 193 


de Cars. Il est à regretter que cet ouvrage, qui date de 1846, 
n'ait point paru un peu plus tard; l’auteur eût pu s'enrichir 
d’une ressemblance exempte de reproche. Ficquet, ce me 
semble , était à préférer, car Ficquet est vrai dans beaucoup de 
points. 


Existe-t-il des portraits peints d’après la gravure de Vallet ? 
j'en serais peu surpris, tant on rencontre dans les cabinets d’é- 
tranges et inconcevables figures sous le nom du grand homme. 
On serait tenté de dire en les voyant : toute figure est celle de 
Corneille, excepté celle donnée par Lebrun. 


N° &. 


Pierre Corneille , non plus que son frère , ne porta jamais la 
grosse perruque ; le premier, peu curieux de son costume, se 
contenta de ses cheveux et d'une calotte, tant qu'il vécut à 
Rouen. En 1665, Vallet nous le représente ainsi ; il est peu cro- 
yable qu’il ait changé ses habitudes pendant son séjour à Paris. 
Il peut se faire qu'il l'ait mise quelquefois pour se présenter à la 
Cour, mais on peut affirmer que jamais elle ne fit partie de son 
Costume. A cette époque, il fallait être Jouvenet pour oser 
peindre un homme célèbre sans la coiffure officielle, 


Ce n'est qu’en voyant ce portrait, donné par Sicre, qu'on peut 
se faire une juste idée de la lourde et insignifiante figure que le 
peintre a donnée au père de la Tragédie ; on voit bien qu'il a cher- 
ché à réparer les outrages du temps. La forme du nez, la verrue à 
la joue, Le mentou bifurqué , et quelques plis au front signalés par 
Vallet, attestent qu'il étudia la figure de Corneille ; ne pouvant 
se conformer à la vérité, il a donné dans d'étranges écarts. C'est 
sans doute en songeant à Thomas qu’il fit les yeux de couleur 
jaune, car les yeux de Pierre étaient de la couleur de ses che- 
veux. Je suis porté à croire que M. Sicre était un jeune artiste 
qui n'avait pas été à même de connaitre Corncille bien des 
années avant que d’être appelé à le peindre, 


13 


19% ACADÉMIE DE ROUEN. 


N° 5. 


Le père de Corneille fut anobli par Louis XIIT, en 1637. 
Ses armes étaient d’azur à la fasce d’or, chargée de trois têtes de 
Lion, de gueule, et accompagnées de trois étoiles d'argent, posées 
deux en chef et une en pointe. 


Les deux frères furent toujours fort sensibles à cette distine- 
tion ; Pierre avait le titre d’écuyer , sieur de Danville, et Thomas 
aimait à être appelé sieur de Lisle. 


Combien cependant pälissait la noblesse en vertu d’une Charte 
royale, auprès de celle conquise par le génie du poète! La pre- 
miére a disparu, la seconde subsistera toujours; autre temps 
autres mœurs. Alors cela pouvait avoir son mérite et son utilité. 


Pierre Corneille avait fait recevoir son fils gentilhomme de la 
Chambre ; sa mésalliance avec mademoiselle Cauchois , fille d’un 
marchand de Paris, fut cause de la mésintelligence qui régna 
entre le pére et le fils. 


N° 6. 


La copie dont il est ici question, porte derrière la toile : PIERRE 
CORNEILLE , COPIÉ D'APRÈS CHARLES LEBRUN, MON BYSAÏEUL. J.-B. 
LesruN , F. 4806, DU RÈGNE DE L'EMPEREUR NAPOLÉON LE GRAND. 


Ce M. Lebrun passait pour un grand connaisseur en tableaux. 
Il fut chargé par Napoléon de faire des acquisitions pour le 
Musée. Je crois qu’il fut le mari de madame Lebrun, si connue 
par ses beaux portraits. 


Marchand de tableaux à Paris, le curieux portrait de Sicre 
était dans ses mains en 1806. IL orne sans doute le cabinet de 
quelque curieux, et certes il est à conserver. 


M. Lebrun est auteur de la Galerie des Peintres Flamands, 
Hollandais et Allemands, en 3 volumes in-folio, avec 201 
planches. Il a publié aussi quelques opuscules sur la peinture. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 195 


Ni: 


Si l'on ne veut point admettre intention de la part de 
Perrault, il est possible que Bégon, grand collecteur de portraits, 
qui lui en a fourni un grand nombre, ait donné, par l'entremise 
de Lubin, une variante du portrait de Sicre, fort accrédité à 
cette époque. Alors on y regardait de beaucoup moins près que 
de nos jours, et Bégon qui n’habitait point Paris, pouvait n’avoir 
jamais vu Corneille, et être tout-à-fait dans la bonne foi, Sur des 
faits de cette nature, chacun est libre d'adopter l'explication qui 
lui convient; cela ne change rien à la chose. 


N° 8. 


Cette erreur a encore été admise par M. Taschereau , dans sa 
vie de Corneille, publiée en 1829. Il s'exprime ainsi, p. 305. 


« Par une singulière confusion, Charles Perrault, ou plutôt J. 
« Lubin, a, dans sa Galerie des hommes illustres, donné le 
« portrait de Thomas Corneille pour celui de Pierre. Cette erreur 
« a été reproduite par beaucoup de graveurs. Ficquet n'y est 
« point tombé pour son joli portrait de notre tragique. » 


N°79; 


Thomas Corneille fut, dans sa jeunesse, peint par Mignard. 
Il ne m'a point été donné de voir ce portrait, qui sans doute est 
conservé dans quelque collection. IL représente Thomas à 50 
ans. Il est connu par la gravure de Thomassin , en 1700. Le même 
le reproduisit encore en 1708 , en le vieillissant. Debois, Des- 
rochers, Dupin, Delalave, Bernard Picard, Roger, Pourvoyeur , 
Bretonnier, Touquet , Delvaux, Landon , Ch. Dewrits, ont gravé 
d’après Mignard; St-Aubin et Revel ont gravé le profil de son 
buste. Dévéria l’a peint en pied, mais peu ressemblant. Toutes 
ces œuvres ne sont pas également recommandables, elles offrent 
de nombreuses variantes, comme on le peut croire 


196 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Néanmoins le portrait de Mignard fut tellement effacé par 
celui de Jouvenet, que ce dernier a prévalu, grâces à Caffiéri, 
qui l’adopta pour l'exécution de son buste. 


N° 10. 


il n'existe point, pour le portrait de Thomas, les mêmes 
incertitudes que pour celui de Pierre; quoiqu’on n'ait jamais 
hésité sur sa ressemblance, on est surpris des portraits faux et 
singuliers qu’on rencontre sous le nom de cet homme célèbre. 
L'œuvre si remarquable de Jouvenet a fini par faire autorité, et 
la plupart des copies ressemblent assez pour qu'on ne s’y 
puisse méprendre , tant cette figure , dont les traits sont forte- 
ment prononcés, prête à l'imitation. Je pense faire plaisir aux 
amateurs en donnant la description de cette toile, comme je l'ai 
fait pour celle de Lebrun; cela plus tard peut avoir son utilité. 


Thomas Corneille est représenté à 75 ans environ. La toile a 
0 65 sur 0 75, ayant été agrandie de quelques centimètres et 
rentoilée sur un chassis à clef; sa conservation est parfaite. On 
lit sur une bandelette de papier collée sur le chassis, en très 
beaux caractères d'écriture batarde : 7'homas Corneille, né à 
Rouen, en 1625, mort à Andely le 8 décembre 1709, dgé de 
84 ans, peint par J. Jouvenet. 


Presque vu de face, vêtu d'un riche manteau à ornements 
couleur d’or sur un fond lilas, cravatte blanche retombant en 
forme de jabot. La tête, d’un beau caractère, indique beaucoup 
de bonhomie mélée d'intelligence. Le front est large, les sour- 
cils épais, le teint légèrement fleuri, le nez aquilin, la bouche 
légèrement entr’ouverte, le menton bifurqué, une verrue au 
bas de la joue droite. Une magnifique chevelure blanche tombe 
abondamment sur les épaules, sans frisure aucune. Les yeux, 
de couleur fauve, ont les pupilles fort dilatées, ce qui fait présa- 
ger la cécité, si déjà elle n'existait. On ne retrouve là aucune 
ressemblance avec le portrait de Sicre , si ce n’est la couleur des 
yeux. La touche ferme et hardie rend bien difficile toute espèce 
d'imitation; c’est la manière de Ribera dans plusieurs de ses 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 197 


œuvres. Aussi tous ceux qui ont tenté de saisir cette ressemblance, 
renonçant à aborder cette manière heurtée , si propre à produire 
des effets et à rendre avec tant de vérité les dégradations d'un 
âge très avancé, ont pris le parti de peindre lisse et tout uni, 
ce qui, en rajeunissant de beaucoup le modèle, ne donne au- 
cune idée de l'original. 


Ce remarquable portrait a été gravé par B. Picart, Duflos, 
Dequevauvilliers, et par un autre dont je n'ai pu trouver le nom, 
l'épreuve, que j'ai consultée, étant avant toute lettre. Je regrette 
de ne pouvoir le citer, à cause de sa bonne exécution. 


NRA 


La gravure de Thomassin parut vers 1750. Alors le por- 
trait était aux mains de Fontenelle; il fallait que l'erreur fut 
encore bien complète, puisque 10 ans après, Dupin grava une 
variante du portrait de Sicre. L'œuvre de Thomassin manque de 
détails, et, sous ce rapport, laisse beaucoup à désirer ; mais 
l'effet général est assez satisfaisant. Il est tombé dans un excès 
opposé à Ficquet, en donnant à Corneille moins d’âge qu’il n’a 
dans le portrait de Lebrun. 


No: 


Les reproductions d’après Ficquet et Thomassin sont extré- 
mement nombreuses; elles se sont surtout multipliées depuis 
30 ans, pour servir d'ornement aux nouvelles éditions des œuvres 
de Pierre Corneille. Je citerai par ordre alphabétique les graveurs 
suivants: Adam, Bretonnier, Burel, Bonneville, Chapnian, Couche 
fils, Delvaux, Duflos , Dequevauvilliers, Dewrits, Droyer, Elvaury, 
Ethiou, Ferdinand, Frilon, Gaucher, Goulu, Gouttière, Hardiviller, 
Ingoulf, Jamont, Macret, Meurillon , Masne, Simonet , Schoflier, 
Soliman, Taurel. Je citerai en dernier lieu, comme toute récente, 
lajolie publication du Plutarque Français, qui, dans sa série de 
portraits enluminés, et certainement fort agréables aux jeunes 
demoiselles, n'a point omis Pierre Corneille. Ces imitations dont 


198 ACADÉMIE DE ROUEN. 


quelques-unes se recommandent par leur bonne exécution, s'e- 
cartent souvent beaucoup aussi de Ficquet, qui déjà laissait à 
désirer. 

Chez plusieurs, les égarements dépassent toutes les limites ; 
tous n’ont pas éte fidèles au costume, à la pose ainsi qu'aux or- 
nements, parfois modifiés sans trop de désavantage. 


Les Anglais ont aussi reproduit d’après le même modèle; je cite- 
rai parmi eux, Birrel, Fonfell, S. Wedgwood, Hopwood, Valkep 
et Seriven; plusieurs de ces ouvrages sont remarquables par la 
finesse de leur exécution. Je citerai surtout celui de Scriven, 
publié à Londres en 1824, qui, de tout ce qui a été fait en ce 
genre, s'approche le plus du sentiment de Lebrun, bien plus que 
Ficquet même. Ceci est d'autant plus remarquable, que l'artiste 
ne peut avoir eu connaissance du portrait original alors oublié au 
château du Plessis. Peut-être a-t il été à même de consulter une 
bonne copie, celle de l’Institut probablement, car il indique 
qu'il a gravé d’après un tableau de Lebrun, nous savons que 
cette copie passa plus d'une fois pour être l'original. 


Il existe aussi des gravures d’après des portraits en pied de 
Pierre Corneille par des artistes modernes. Ainsi, Geille grava 
d’après Rogier, L'Estudier d’après Meissonier, Trichon d’après 
Valtier, Lévy d’après Gigoux; ces œuvres, dont l’idée est puisée 
dans Ficquet ou Thomassin, s’éloignent de la vérité plus encore 
que les vignettes. Je dois cependant mentionner à part la gra- 
vure de Bouchot d'après Charon, où Corneille est représenté à 
son bureau, composant Rodogune; cette production m'a paru 
remarquable. 


La lithographie a aussi, dans ces derniers temps, voulu payer 
son tribut à la ressemblance de Corneille; il y en à sans doute un 
grand nombre. Il ne m'a été donné de consulter que celles de 
Sandré, Noël, Delpech, et Le profil par Marc-Aurèle. 


Parmi les statues, ont été gravées celles de Caffieri ainsi que 
ses bustes, et la statue en bronze de David. 


Je ne devrais point mentionner ici les gravures d'après les 
sculptures de Cortot et Laîtié, ces auteurs ne pouvant figurer 
parmi ceux qui se sont inspirés du Corneille de Lebrun. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 199 


La gravure de Ficquet, publiée il y a près d'un siècle, est 
depuis longtemps épuisée ; malgré sa perfection comme art, nous 
ayons dû signaler ses défauts comme ressemblance. D'ailleurs, un 
aussi petit format ne convient plus aux goûts et aux besoins de 
notre époque. Il est à souhaiter qu'un de nos habiles graveurs 
s'empare de la découverte que nous avons faite, et nous donne 
un portrait digne de ceux de Raphaël, de Michel-Ange, du 
Titien et Wandick. C’est un vœu que forment les amis des arts 
et de la littérature. Espérons qu'il se réalisera hientôt. 


Lg La 


Je ne sais si je dois compter au nombre des statues élevées 
à Pierre Corneille, celle qui se voit dans le Parnasse Français, à 
cause de sa petite dimension , et la réunion nombreuse d'hommes 
célèbres qu'on y a rassemblés, Ce travail dû aux soins de M. Titon 
du Tillet, fut exécuté par Garnier en 1718. J. Audran en a fait 
une gravure, et M. du Tillet en a donné une description en un 
volume in-folio, orné de figures. 


Cette date de 1718 est remarquable; c’est, comme statuaire , la 
première fois que Corneille est ainsi représenté , mais on y cher- 
cherait en vain des traces de sa ressemblance. Vêtu d’une cotte 
de mailles à la romaine , il tient une couronne d’une main, et, 
de l’autre, un rouleau sur lequel on lit: Ze Cid et Cinna ; un man- 
teau qui ceint les reins, se relève sur le bras droit. Il est sans 
barbe , avec un nez grec et une flamme sur la tête, les cheveux 
flottants sur les épaules ; on ne saurait vraiment où M. du Tillet 
puisa ses inspirations , si l'ouvrage publié en 1760 ne renfer- 
mait la gravure d’une médaille avec cette inscription : ROME N'esr 
PLUS DANS ROME , ELLE EST TOUT OÙ JE SUIS. 


On ignore peut-être que le Parnasse Français qui se voit à la 
Bibliothèque royale à Paris, est un faible aperçu du monument 
que M. Titon du Tillet avait à cœur d'élever aux gloires de la 
France. Boileau qui vivait encore lorsqu'il conçut son projet, 
l’approuva et l’aida de ses conseils. Apollon, sous les traits de 
Louis XIV, devait couronner le monument; trois des plus illustres 
dames françaises devaient y oceuper la place des Grâces, et neuf 


200 ACADÉMIE DE ROUEN. 


de nos poètes les plus distingués , celles des Muses. Dans un rang 
inférieur , des médaillons eussent présenté des hommes célèbres 
dans un genre moins élevé. Enfin, des Génies tenant des rouleaux 
ouverts, eussent présenté à Apollon le titre des ouvrages moins 
importants, mais dignes cependant de souvenir. Les figures 
toutes de marbre, en pied , devaient avoir 40 à 12 pieds de haut, 
les médaillons 3 pieds de diamètre , la montagne une hauteur 
proportionnée. On estimait à deux millions la dépense de ce 
monument. N'ayant pu obtenir les fonds nécessaires pour cela, 
M. du Tillet exécuta à ses frais le Parnasse en bronze, et y plaça 
Boileau qui avait terminé sa carrière. 1l était digne à tous égards 
de figurer au milieu de cette illustre compagnie. 


N° 14. 


Les bustes de Caffieri que possède le Théâtre Français, 
jouissent d’une juste célébrité ; c’est bien ce que l’on connait de 
plus parfait en ce genre. Le sculpteur exécuta en 1777 celui de 
Pierre ; avant cette époque , il ne connaissait point le portrait de 
Lebrun; il crut pouvoir se servir des anciennes copies qui étaient 
à la Comédie Française. Les ayant reconnues fausses, il s’adressa 
à madame de Bouville, qui lui confia les originaux d'après lesquels 
il exécuta les bustes. Il est à remarquer que la vignette de Ficquet 
avait paru douze ans auparavant. 


Si le buste de Pierre Corneille est beau d'exécution , on y sou- 
haiterait plus d’aménité et de distinction. Le poëte parait plus 
agé, et la bouche est tout-à-fait dépourvue de charmes. 


Le Musée de Versailles offre aussi une copie du buste de 
Caffieri, où les imperfections signalées sont plus sensibles encore. 


Caffieri obtint pour sou travail ses entrées à perpétuité ; l'année 
suivante , il offrit de faire le buste de Rotrou aux mêmes condi- 
tions, en faveur d’un de ses amis qu'il désirait obliger. On pour- 
rait croire qu'il comptait peu sur sa santé, puisqu'il offrit de faire 
un acte par lequel, si la mort venait à le surprendre, le buste 
serait terminé à ses frais par l'artiste le plus éminent de l’é- 
poque; il donne aussi toute garantie sur sa solvabilité. La 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 201 


réponse se fit un peu attendre; en 1782, il proposa les bustes de 
Thomas Corneille et de La Chaussée, demandant les entrées 
pour un ami et son épouse. Il y a lieu de croire que ses offres 
furent acceptées, puisqu'en 4785, Thomas parut en terre cuite 
à l'exposition, où il reparut de nouveau en marbre en 1785. 
L’exécution de ce buste ne le cède en rien à celle de Pierre, 
seulement le sculpteur a de beaucoup rajeuni son modèle. 


Je ne puis, dans cette revue, passer sous silence la jolie sta- 
tuette en bronze de M. Mélingue, qui orne la salle du comité. 


N° 15 


Le buste de Cafliéri qui réhabilitait si glorieusement l'image 
de Corneille, produisit une telle sensation, que le Roi Louis XVI, 
en 1778, fit demander à l’auteur une statue en pied du 
figura en marbre à l'exposition suivante de 1779. Si des pièces 
justificatives n’établissaient pas la vérité de ce fait, il passerait 
pour incroyable. La statue de Corneille est peut être le chef- 
d'œuvre de Caffieri, tant elle est noble et pure. On n’y remarque 
point les imperfections que j'ai signalées dans le modéle en terre 
cuite que possède la ville de Rouen. Accordée à l'Institut, elle se 
voit dans le salon de l'Empereur. Cette pièce, située à l'extrémité 
du vestibule qui conduit à la salle des séances publiques, ne 
compte que cinq personnages. Mais quelle réunion! Napoléon , 
Corneille, Molière, Racine et Lafontaine. 


Napoléon debout, comme prêt au combat, revêtu des orne- 
ments de l'empire , le sceptre en main, semble tenir conseil au 
milieu de ses ministres assis. 


Je l'avouerai; en contemplant cette réunion, je n'ai pu que 
rappeler ce mot du captif de Sainte-Hélène : si Corneille eut vecu 
de mon temps, je l'aurais fait prince. Ce vœu semble réalisé. 
On voit encore à l'Institut, dans la salle des séances ordinaires, 
une statue de P, Corneille, de Laitié; elle est fort belle aussi, 
mais dans une attitude dramatique qui ote au personnage toute 
vérité, et, à sa figure , toute ressemblance. Baron l'acteur eut 


202 ACADÉMIE DE ROUEN. 


été parfait, représenté de la sorte. Je doute que Corneille ait 
jamais posé ainsi, même au plus fort de ses inspirations. 


L'Académie française n’a point été infidèle à la mémoire d’un 
des plus beaux génies dont la France s'honore. La statue de 
Corneille, élevée derrière le fauteuil du président, semble être 
l’âme de la Compagnie. Vis-à-vis, se voit la statue de Molière, 
d’une très belle facture. J'ai cherché en vain l'inscription ancienne 
qui était si heureuse. On sait que , de son vivant , Molière n’eut 
point l'honneur de faire partie de l’Académie. C'est sans doute 
faute d’attention que je n’ai point apercu, dans la salle des 
séances , les bustes de Fontenelle et de Thomas Corneille. 


Outre une copie des bustes de CafBieri , le Musée de Versailles 
possède une fidèle copie ou répétition du Corneille de Laitié. 


N° 10. 


La statue en bronze que possède la ville de Rouen, est due 
aux soins de la société d'Émulation. 


Une souscription fut ouverte, une noble ardeur s’empara des 
grands et des petits. Chacun voulut contribuer à cette œuvre de 
patriotisme, et bientôt on arriva à la somme suffisante. En 1834, 
le monument fut élevé au milieu du Pont-Neuf, absolument dans 
la même situation qu'Henri IV à Paris, sauf le point de vue que 
Paris pourrait nous envier. 


Ne,17- 


Les registres de la paroisse Saint-Sauveur, conservés aux 
archives de la préfecture de Rouen, justifient que Corneille sé- 
journa à Rouen jusqu’en 1663; sa signature, régulièrement ap- 
posée aux comptes de la paroisse dont il était marguiller, le 
prouve surabondamment. 


N° 18. 


Fontenelle, dans les premières années de son séjour à Paris, 
demeura chez son oncle Thomas, puis chez M. Le Haguais, 
avocat-général de la Cour des Aides; de là, il fut au Palais Royal 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 203 


où le régent lui avait accordé un logement; il fut ensuite 20 ans 
chez M. Richer d'Aube , son neveu à la mode de Bretagne. Après 
la mort de ce dernier, il vécut chez madame de Montigny, 
depuis madame de Bouville, qui remplaça son frère près de 
leur ami commun. 


L'opinion que Fontenelle posséda le portrait de Pierre Cor- 
neille, se trouve fortifiée de l’autorité de M. Guilbert qui dit 
dans ses mémoires biographiques, Æouen 1812, page 244. « Un 
des plus célèbres peintres de l’école Française, M. Lebrun, nous 
a conservé les traits du père du théatre. Le portrait de ce grand 
homme était passé, après la mort de Fontenelle, dans les mains 
de madame la comtesse de Bouville, et c'est d’après ce portrait 
original que Caffieri fit en terre cuite la statue en pied de Pierre 
Corneille, qu'on voit au Musée des monuments antiques.» 


N°19: 


Le chef de la famille des descendants du grand homme, 
est actuellement mademoiselle Corneille, qui fut élevée par M. 
de Malsherhes. J'ai éprouvé d'autant plus de satisfaction à lui pré- 
senter mes respectueux hommages dans sa modeste habitation rue 
de Vaugirard, que l’âge n’a diminué en rien son urbanité, son 
enjouement et la vivacité de son imagination. 


M. Pierre Corneille, inspecteur de l’Académie universitaire à 
Rouen, dont il est ici question, est un des nombreux descendants 
du poète; il est l’ainé des arrières petits-fils de Claude Corneille 
qui alla trouver Voltaire à Ferney ; ce Claude était lui-même ar- 
rière petit-fils du grand homme. Pierre Corneille eut deux autres 
fils, dont un fut tué au siége de Graves , l’autre entra dans les 
ordres. 


Il eut aussi une fille qui se maria, et eut pour petite-fille Char- 
lotte Corday, dont le courage ne fut point infidèle à sa noble ori- 
gine. On sait avec quelle fermeté elle affronta le Tribunal révolu- 
tionnaire, Condamnée à mort, elle monta sur l’échafaud sans 
palir; ses dernières paroles furent ce vers si connu du comte 
d'Essex: 


Le crime fait la honte et non pas l'échafaud 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


19 
=] 
+ 


N° 20. 


20. Avec les portraits de Pierre et de Thomas Corneille, on 
retrouva celui de madame de la Mésengère, un très beau portrait 
de Charles Ier. donné par Jacques IT, et le portrait de ce prince 
par Lesly; plus, un grand nombre d’autres toiles bien précieuses, 
soit par leur exécution , soit par les souvenirs auxquels elles se 
rattachent. Le château du Plessis avait été acquis, il y a un siècle, 
par Guillaume Scott , grand-père de madame d’Anneville; Ce M. 
Scott , Irlandais resté fidèle au parti du roi détrôné, vint se fixer 
en France ; ce qui explique l'origine des précieux souvenirs que 
renferme ce château. 


M. Scott avait aussi acheté la terre de la Mésengère, et son fils 
porta le nom de président de la Mésengère. 


N° 21. 


Pour exécuter les copies, j'appelai près de moi M. Lebrun, 
ancien pensionnaire de la ville de Rouen, à Paris. Il semble vrai- 
ment que Corneille soit voué aux artistes de ce nom. M. Lebrun 
de Rouen ne descend point du peintre des batailles d'Alexandre, 
il n’a rien de commun avec l’auteur égaré de la copie de Sicre. 
C'est un enfant de la ville, élève de M. Coignet, qui a bien cons- 
ciencieusement reproduit son modéle, et qui est capable lui- 
même de faire des portraits qu'on pourra copier un jour. 


LL 


N° 22. 


Le portrait de Pierre porte, sur la traverse du chassis, la 
même inscription que celle du musée de Versailles; cette in- 
scription , comme celle de l'original , est en caractères d’impri- 
merie , tracés très nettement à la main ; de plus, on lit en beaux 
caractères d'écriture ronde , de la même main que l'inscription 
placée derrière le portrait original de Thomas, par Jouvenet : 
Donné par Caffiéri, en 4777. Derrière la copie d’après Jouve- 
net, on trouve de la même écriture et de la même main que les 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 205 


autres inscriptions : Z'homas Corneille, né à Rouen, en 1625, 
mort à Andely, en 1709. Copié d'après J. Jouvenet. Et sur 
la traverse du chassis : L'original appartient à madame la 
comtesse de Bouville, donné à la Comédie-Française, par 
J.-J. Caffiéri, sculpteur du Roi. 


La copie du musée de Versailles a beaucoup souffert; elle est 
d'une touche ferme, un peu sèche; mais, en somme, c’est la 
meilleure de toutes celles que j'ai rencontrées. Elle ne paraît point 
être de lamême main que celle du Théâtre-Français. On lit au bas 
engros caractères , sur une bande dont le fond est différent du 
tableau : Pierre Corneille peint en 1647. Cette date est précieuse, 
et plusieurs fois a pu faire croire que c'était l’œuvre même de Le- 
brun ; plus d'un artiste l’a pensé ainsi. Je ne citerai que l'œuvre 
bien faible d’Alix , faite en 1795, qui est souscrite ainsi : D'après 
le portrait original de Lebrun, appartenant à la ci-devant Aca- 
démie-Française. Nous savons à quoi nous en tenir sur ce point ; 
l'inscription que nous avons citée comme étant derrière la toile, 
va nous faire connaître la date de cette copie; elle ne remonte 
point au-delà de 1777 ; elle fut exécutée en même temps que 
celles que Caffiéri donna au Théâtre-Français : cette identité 
d'écriture et d'inscription prouve sans réplique que les copies de 
Versailles et de la Comédie-Française datent de la même époque. 


Madame de Bouville, qui, plus que personne, connaissait le prix 
de ces originaux , mit à sa complaisance cette condition qui fut 
fidèlement remplie. La copie du portrait de Thomas , placée dans 
la salle des académiciens à Versailles, porte la date de 1783, 
qui est bien celle de l'exécution du buste. On voit aussi à Ver- 
sailles , deux autres portraits , sans date , de Thomas ; ces copies 
sont toutes d’après Jouvenet , et d’une faiblesse bien grande ; 
une surtout, qui semble plus moderne, s’écarte de la vérité 
au-delà de toute mesure. 


Les copies , d'après l'original, doivent être fort rares. Pendant 
bien des années , la famille accrédita le portrait de Sicre. On 
peut présumer, d'après les inscriptions que j'ai citées, que 
madame de Bouville ne se dessaisissait pas facilement de ses 
portraits. Il est douteux qu’ils aient fait plusieurs fois le voyage 
de Portmort à Paris. Nous connaissons deux copies : celle du 


206 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Théâtre-Français et celle de l'Institut. La correspondance de 
Caffiéri en fait présumer une troisième , qne désirait un de ses 
amis. Peut-être était-ce celle qui, plus tard, fit partie de la 
collection de Talma, et qui fui détruite lors de l'incendie du 
cabinet de M. le marquis de Biancourt. Les copies peuvent, je 
le sais, avoir engendré des copies toujours moins fidèles , ainsi 
que je l'ai signalé en parlant des reproductions de Thomas, 
d’après Jouvenet. 


N° 93. 


Que l'on compare la description du portrait de Lebrun, 
avec celle que j'ai donnée de la gravure de Michel Lasne, on 
ne pourra douter de la parfaite ressemblance; ces deux témoi- 
gnages ne laissent aucun doute sur le véritable type de la figure 
de Corneille. 


Le portrait peint par Sicre, exposé comme je l'ai fait à l’Aca- 
démie et à l’Hôtel-de-Ville, ne permet pas plus de rapprochement 
avec celui de Lebrun qu'avec celui de Jouvenet ; d’où j'ai été 
conduit à admettre que c'était une œuvre de fantaisie exécutée 
pour satisfaire la famille. 


N° 24. 


Voici le portrait que Labruyère trace de Pierre Corneille : 
« Simple, timide, d'une ennuyeuse conversation ; il prend un 
« mot pour un autre, il ne sait ni réciter, ni lire son écriture. 


« Laissez-le s'élever par la composition, il n’est point au-dessous 
« d’Auguste, de Pompée, de Nicomède, d'Héraclius. Il est roi 
« et un grand roi; il est politique, il est philosophe. Il entre- 
« prend de faire parler des héros, de les faire agir ; il peint les 
« Romains, ils sont plus grands et plus Romains que dans leur 
« histoire. » 


2 


N° 25. 


C'est bien à tort que M. Taschereau reproche à la ville de 
Rouen d’avoir eu peu de souci pour ce qui touche la gloire de 
Pierre Corneille. On douterait qu'il soit jamais venu à Rouen, et 


2 * 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 207 


qu'il eût été au Théâtre, à l'Hôtel-de-Ville, au Musée, à l'Acadé- 
mie, à la société d'Émulation. Cette dernière Société a placé le 
jour de sa séance publique le 6 juin, anniversaire de la naissance 
du grand homme, et, chaque année, le jour de la Saint-Pierre, des 
acteurs de la Capitale viennent fidèlement représenter quelqu'un 
de ses chefs-d'œuvre. 


N° 26. 


En 1768, l'Académie de Rouen couronna le discours de 
M. Gaillard; ce fut le duc d'Harcourt, gouverneur de la province, 
qui fit les fonds du prix. Le célèbre et infortuné Bailly obtint 
l'accessit. L'Académie Française et les notabilitéslittéraires étaient 
trop sous l'influence de Voltaire pour oser songer à Corneille. 


EPILOGUE. 


La bibliothèque historique, publiée en 1775 par Lelong et Fon- 
tette, dit, à l'article Corneille, qu'il a été peint par Lebrun et par 
Sicre. Quant à Thomas, elle cite les portraits de Mignard et de Jou- 
venet. Je pense qu’elle était parfaitement renseignée. Il n'existe 
pas d’autres portraits originaux de ces deux hommes célèbres. 


Dans le cours des recherches auxquelles je me suis livré, 
j'ai partout rencontré sympathie et bienveillance ; j'ai abondam- 
ment profité des richesses que renferme la Bibliothèque de Rouen, 
et je dois beaucoup au concours éclairé de mes excellents confrè- 
res MM. Floquet et Ballin. Je dois cependant mentionner par- 
ticulièrement l'accueil que j'ai reçu de Messieurs du Théatre-Fran- 
çais, qui m'ont mis à même de consulter, avec la plus grande 
liberté, et leurs archives et leur charmante collection. Je dois à 
l'obligeance de M. Régnier, sociétaire, quelques lettres relatives 
à l’objet qui m'occupe ; on ne sera peut-être pas fâché de les trou- 
ver ici. 


: 


208 ACADÉMIE DE ROUEN. 


M. Molé à M. Cafferi, 4777. 


« La Comédie, après avoir admiré votre ouvrage du buste de 
Pierre Corneille que vous avez placé dans notre foyer , n’a rien 
de plus pressé que de vous témoigner ses sincères remercie- 
ments du cadeau précieux que vous lui avez fait du portrait peint 
du même grand homme. Elle est désespérée de ce que, dans 
mille occasions, des raisons de prudence insurmontables l’em- 
péchent de se livrer à tous les mouvements d'une reconnais- 
sance fondée, telle que celle qu'elle devrait à un homme d’un 
talent aussi distingué que le vôtre. Mais au moins elle vous prie 
de compter et sur son admiration pour Île vôtre , et sur l’em- 
pressement qu’elle mettra dans toutes les occasions à vous prou- 
ver des sentiments d’attachement et d'estime. Je suis enchanté 
pour mon compte de celle qui me procure la satisfaction de 
vous assurer de tous les sentiments particuliers d'estime et de 
reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être, 


« Le Semainier. » 


Dans une lettre du 2 novembre 1778, Caffiéri dit que M. le 
comte d’Angeviller le chargea de l'exécution de la statue de 
Pierre Corneille, en marbre, pour le roi. Il demande le buste 
où il avait réussi, pour reproduire la tête. 


Il demande aussi le portrait peint de Thomas, un particulier 
désirant avoir son portrait pour faire pendant de Corneille. En 
réponse à cette lettre, le semainier de la Comédie répondit : 
« FE D Ne Elle voudrait pouvoir vous témoigner sa 
gratitude, en vous communiquant le portrait de Thomas Corneille 
dont vous avez besoin. Mais elle ne peut ni ne doit vous trom- 
per, et vous exposer à des reproches en vous laissant transmettre 
à la postérité un ouvrage qui serait précieux sans doute par son 
travail, mais qui manquerait de ce qui intéresse le plus dans un 
portrait, la vérité. Le portrait qu’elle possède de Thomas Corneille, 
ainsi que celui de son frère, qu’elle vous a prêté et dont vous 
n'avez pu faire usage, sont faux tous les deux : elle a été trompée 
à cet égard. Ils lui ont coûté fort cher, mais on ne doit pas vous 
en imposer. M. Bouret a dit à la dernière assemblée qu'il avait 
eu l'honneur de vous informer de ces détails, et de vous assurer 


E* 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 209 


que vous étiez le maître de faire emporter le buste que vous 
avez fait de Pierre Corneille, pour en faire une copie, la Comédie 
n'ayant rien, Monsieur, à refuser à une personne comme vous, 
dont elle estime la personne et les talents. » 


Lettre de Caffiéri, 16 mars 1778. 


« Messieurs et Mesdames, 


« Lorsque je vous ai emprunté les portraits de Pierre et de 
Thomas Corneille, j'étais persuadé qu'ils ne leur ressemblaient 
nullement. Mon intention a toujours été de les remplacer par 
deux autres plus vrais et plus fidèles. Je vous ai donné une 
copie de Pierre Corneille, faite d’après Ch. Lebrun. Depuis, j'ai 
profité de la bonne volonté de madame la comtesse de Bouville, 
qui m'a confié le portrait original de Thomas Corneille, peint 
par Jouvenet , pour en faire une copie. Je vous prie, Messieurs 
et Dames , de vouloir bien l’accepter comme une preuve de mon 
attachement et de l'intérêt que je prends à votre collection des 
grands poètes. 

« J'ai eu l'honneur de vous proposer d’exécuter en marbre 
le portrait de J. de Rotrou, pour faire pendant à Pierre Corneille, 
aux mêmes conditions auxquelles j'ai fait Pierre Corneille, pour 
l'entrée d’un ami que je veux obliger. J'ose espérer que vous 
voudrez bien acquiescer à ma demande. 


« J'ai l'honneur etc. » 


Une lettre du même, du 22 novembre 1779, porte que , le 42 
juillet de la même année, il a offert le portrait peint de Thomas, 
qui fut placé dans le foyer, et demande réponse à sa lettre pré- 
cédente, dont les conditions n'étaient pas encore acceptées. 


Lettre de Caffieri, 1782. 


Messieurs et Mesdames, 


« J'ai l'honneur de vous proposer de faire les portraits en 
marbre de Thomas Corneille et de La Chaussée, pour un ami et 
son épouse, que je désire obliger. J'ose espérer que mon offre 

11 


210 ACADÉMIE DE ROUEN. 


vous sera agréable, et que vous voudrez bien m'accorder ma 
demande. 


« P.S. Je vous observerai, Messieurs , que j'ai acquis le 
portrait de La Chaussée, peint par M. De Latour , qui est le seul 
qui existe. 

« Pour celui de Thomas Corneille, je le ferai d’après l’origine” 
que possède madame la comtesse de Bouville , sa petite-fille. » ? 

« CAFFIÉRI. 3 janvier 1785.» 


M. Caffiéri a l'honneur de vous observer qu'il a fait présent à 
la Comédie, en 1778, de deux fidèles copies qu'il a fait faire à ses 
dépens, de Pierre Corneille, peint par Lebrun, et de Thomas 
Corneille , peint par Jouvenet, d’après lesdits originaux que 
possède madame la comtesse de Bouville. 


Auimé du même zèle d'enrichir la Comédie des portraits de ses 
illustres auteurs, il a donné , en 1779, à MM. les Comédiens du 
roi, les deux bustes en terre cuite de Philippe Quinault et de 
Jean Lafontaine. 


M. Caffiéri rappèle qu'il vend ordinairement chacun de ses 
bustes en terre cuite 23 louis. Il estimait ses bustes en marbre 
à 5,000 fr., sur lesquels il avait à payer 560 fr. pour le marbre 
et 600 fr. pour l’ouvrier. 


? Caffiéri pouvait croire que madame de Bouville était petite-fille 
de Thomas. Je dois ici rétablir la vérité. Elle était de la famille 
Mathieu de Lamperière, père des deux femmes des Corneille. Son 
frère, Jean-Louis de Lamperière, chevalier , seigneur de Montigny, 
conseiller au parlement de Paris, épousa , en 1717, Marthe Richer 
d’Aube, dont il prit le nom , sous lequel il est plus connu. Fonte- 
nelle vécut 20 ans chez lui. Celui-ci étant mort, sa sœur, du nom 
de Jeanne-Suzanne de Lamperière de Montigny, conserva pour l'ami 
de son frère une tendresse filiale. C'est cette dame qui épousa, 
en 1743, à Portimort, M. Nicolas-Jubert de Bouville, mort maré- 


chal-de-camp. 


DONNE NON LE OO OODON ONE ONONNN NO 


À S. M. LA REINE. 


JEANNE ET MARIE. 


Génie au vol puissant, qui, bien loin de la terre 
Balances ton essor dans les plaines des cieux , 
Suspends l'oreille d'une mère 
A ce récit mystérieux ! 


? 


Quand celle dont le nom vibre encor dans votre ame ; 
Celle que vous priez, ô Reine , avec des pleurs, 

De ses jours précieux voyait s’user la trame , 

Et de son beau printemps se ternir les couleurs : 


Un soir que, faible hélas! sur sa couche étendue , 
Entre ses blanches mains tenant un crucifix , 

La mourante, en rêvant , laissait errer sa vue 

Du portrait de son père au berceau de son fils : 


212 ACADÉMIE DE ROUEN. 


A cette heure douteuse où la nuit qui s'avance 
Prépare son dictame aux cœurs lassés du jour, 

Où de la terre au ciel monte une plainte immense , 
Un immense soupir de tristesse et d'amour ; 


D'un souvenir touchant quand votre ange bercée, 
Comme un écho lointain du concert des Élus, 
Entendait vaguement, dans les airs balancée , 

La cloche aux sons pieux murmurer l’Angelus ; 


À ce moment suprême où, seule et recueillie , 
Invoquant pour les siens les grâces de son Dieu, 
Elle chargeait tout bas la brise d'Italie 

De porter à la France un doux, un tendre adieu. . . 


Soudain, à la lueur d’une lampe d’albâtre , 
Semblable aux êtres purs que créait Canova , 
Dans la pâle clarté d’un demi-jour bleuâtre , 
Une blanche figure à ses yeux se leva. 


Des fastes des Hébreux était-ce une héroïne ? 
Était-ce un lys éclos du sang des Confesseurs ? 
Agnès ou Débora? Judith ou Catherine ? 

Sœurs au maintien pareil comme il sied à des Sœurs. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 213 


Par l'ineffable loi d'une exquise harmonie, 

Dans son port chaste et fier, dans son œil doux et vif, 
Brillait la passion à la candeur unie , 

L'enthousiasme ardent joint au bon sens naïf. 


Elle était à debout. Sa brune chevelure 

Se partageait sans art sur son front ingénu , 

Et sur son sein, couvert d’une brillante armure, 
Ses virginales mains pressaient un glaive nu. 


Alors, quand tout émue à ce spectacle étrange, 
Votre fille admirait l'habitante des Cieux, 
L'immortelle sourit du sourire d'un ange, 

Et sa bouche exhala ces mots mélodieux : 


18 


« Ô vous que j'ai toujours chérie 

« Entre les filles d'ici-bas, 

« Vous suis-je étrangère, à Marie ! 

« Ne me reconnaissez-vous pas ? 

« Avez-vous, jeune et noble femme , 
« Oublié les songes de flamme 

« Qui vous portaient aux saints parvis ; 
« Extase solennelle et grande, 

« Où le ciel, qui vous redemande, 

« S'ouvrait à vos regards ravis ? 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


« Avez-vous oublié ces heures 

« Pleines d'un charme austère et doux, 
« Où, des éternelles demeures, | 
« Mon esprit descendait sur vous ? 
« Ne vous souvient-il plus, Marie, 
« Que, de la céleste patrie, 

« Je me penchais avec amour 

« Vers cette patrie encor chère, 

« Vers cette vieille et noble terre , 
« Vers la France où j'ai vu le jour ? 


« Sur votre royale famille, 

« Quand l'orage en courroux grondait , 
« Vous le savez, aimable fille, 
« Mon cœur au vôtre répondait. 

« Mes pleurs s’unissaient à vos larmes, 

« Quand l’émeute accourait en armes 

« Pour frapper la patrie au sein. 

« Mes chants suivaient vos chants de fête , 
« Quand le ciel, d’une auguste tête, 

« Détournait le fer assassin. 


« Depuis, pour rendre témoignage 
« D'un commerce mystérieux , 

« Vous imprimätes mon image 

« Sur le marbre religieux. 

« Votre ciseau pur et fidèle 

« Des traits ingénus du modèle 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 


« Releva la naïveté : 

« Et par l’art votre main guidée 
« Tira , d’une pieuse idée , 

« Une noble réalité. 


« Désormais , à fille royale, 

« Cette France que nous aimons, 
« Dans sa reconnaissance égale , 
« Ne séparera plus nos noms. 

« Elle inscrira Marie et Jeanne, 
« La princesse et la paysanne , 

« Dans son blason énorgueilli, 

« Partageant un cuite de mère 

« Entre l'artiste et la guerrière, 
« Entre Vaucouleurs et Neuilly. 


« Réjouis-toi donc , à Marie ! 

« La gloire survit au trépas. 

« Ton nom est cher à la patrie, 

« Et l'Éternel te tend les bras. 

« Je sais . . . tes soupirs me le disent . .. 
« Combien, sur tes jours qui s'épuisent, 
« On pleure , hélas ! loin de ces lieux. . 
« Viens ! le chœur des élus commence, 

« Viens, pour les tiens et pour la France, 
« Prier avec moi dans les cieux. » 


16 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ILE. 


Oui, la France bénit la guerrière et l'artiste. 
Marie a, comme Jeanne , une auréole au front. 
Des noms chers au pays son nom grossit la liste, 
Et sur son œuvre en vain les siècles passeront. 


Dans ce noble palais dont la gloire éclipsée 
D'un lustre renaissant brille aux yeux éblouis, 
Où d’un âge voisin l'histoire retracée 

Joint ses fastes rivaux aux pompes de Louis; 


Sous ces lambris altiers où Fabert et Turenne, 
Où Desaix et Marceau paraissent dans leur jour, 
Sur les traits inspirés de la bonne Lorraine , 

Le regard attendri s'attache avec amour. 


Il est doux, lorsqu'on vient saluer nos batailles, 

De rencontrer au seuil notre ange protecteur : 
Jeanne est bien dans ce lieu ; sa place est à Versailles ; 
Elle fut à la peine, elle a droit à l'honneur. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 217 


Jeanne est bien dans ce lieu ! — Mais il est une terre 
Qui doit à son martyre un éclat immortel. 

Rouen donna jadis des pleurs à la guerrière , 

Et Rouen de la Sainte a négligé l'autel. 


Que dis-je, plût à Dieu qu'à sa pure mémoire , 
Jamais , dans la cité des nobles monuments, 
L'art n’eût tenté de rendre un honneur dérisoire , 
Un profane tribut qui pèse aux cœurs normands ! 


Rouen de la Pucelle offre une informe image , 
OEuvre sans dignité d'un ciseau sans vigueur : 

Ah ! l’auteur indiscret d’un si vulgaire hommage , 
Jamais du feu divin n'eut l’étincelle au cœur. 


Mais l'œuvre du faux goût tombera détrônée ; 

0 Reine , c’est à vous que s'adressent nos vœux, 
Votre ame maternelle est d'avance gagnée , 

Qui peut mieux nous comprendre etnous seconder mieux! 


IV. 


« Reine, accueillez notre prière ! 

« Que sur un noble monument , 

« Par vous l'artiste et la guerrière 
« Joignent leur souvenir charmant. 


ACADÉMIE DE ROUEN. * 


« Tout une cité vous en prie . . 

« Réunissez Jeanne et Marie 

« Aux yeux d’un peuple transporté ; 
« Et que Rouen qui les appelle, 

« Par vous sente augmenter son zèle 
« Pour la gloire et la liberté. » 


CONSIDÉRATIONS 
CRITIQUES 


LE RÉGIME DOTAL, 


PAR M HOMBERG., 


© 


Nous avons fait l'histoire du régime dotal. Nous l'avons 
montré naissant à Rome d’un concours de circonstances 
bien complétement étrangères à notre époque , à notre 
pays , à nos MŒurs. 


Nous avons dit comment il s'était perpétué d'âge en 
âge, jusqu'au temps où nous vivons malgré les change- 
ments successifs apportés dans les institutions et dans les 
lois. 11 nous reste à remplir une tache sans laquelle nos 
premiers travaux seraient bien inféconds; il nous reste à 
l’apprécier dans ses résultats pratiques. 


Qu'importerait en effet la manière dont le régime dotal 
s’est introduit dans notre législation , si son action s'y mon- 
trait bienfaisante et utile. 


220 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Quand un citoyen fait l'honneur et la gloire d'un peuple, 
personne assurément ne songe à lui demander ses lettres 
de naturalisation ; mais le régime dotal est à nos yeux un 
fléau véritable. 


Il diminue les richesses du pays , il paralyse l'essor du 
commerce et de l'industrie, il outrage la morale , viole 
l'équité, et porte des semences de discorde et de chagrin 
jusqu'au sein des familles les mieux unies. 


Voilà pourquoi nous nous sommes cru en droit de nous 
enquérir d’où venait cet intru , et de discuter les titres que 
son grand âge semblait lui donner à notre considération. 


Maintenant que nous avons découvert les pieds d'argile 
du colosse , nous nous sentons plus fort pour le combattre. 


Nous l’envisagerons d'abord au point de vue de l'intérêt 
des époux qui l’adoptent pour base de leur union , et nous 
montrerons d'une part combien sont vaines et dérisoires 
les garanties qu'il parait offrir à la conservation de leur for- 
tune ; puis, d’une autre , par combien de troubles et d’em- 
barras il fait payer cette fausse protection ? 


Nous l’envisagerons ensuite au point de vue de l'intérêt 
des tiers qui contractent avec les femmes dotales , et nous 
ferons voir combien les précautions dictées par la prudence 
la plus craintive sont souvent impuissantes à prévenir pour 
eux de cruelles déceptions. 


Enfin nous considèrerons le régime dotal dans ses rap- 
ports avec l'intérêt général du pays et nous signalerons sa 
fatale influence sur la propriété foncière qu'il déprécie, sur 
l'industrie qu'il paralyse , sur la morale publique qu'il per- 
vertit. 


Zu 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 221 


Ce plan nous parait embrasser tous les aspects de la 
question. 


Nous sentons bien qu'il faudrait, pour le remplir conve- 
nablement, une plume plus exercée que la nôtre; mais 
quand on a agi dans la mesure de ses forces pour le triom- 
phe d’une idée qu'on croit salutaire, on a pour soi la 
conscience d’avoir satisfait à toutes les exigences du 
devoir. 


$ Ier. 


Du régime dotal considéré dans ses rapports avec l'in- 
térêt des époux. 


Les plus ardents défenseurs du régime dotal ne le 
considèrent pas comme entièrement exempt d’inconvé- 
nients, tant à cause des facilités qu'il donne à la fraude, 
qu'à cause de la dépréciation dont il frappe une masse 
énorme de biens-fonds; mais, s’il y a [à danger pour les tiers 
et diminution évidente de la richesse territoriale du pays, 
il ya, suivant eux, de tels avantages pour les femmes 
mariées dans la stipulation d'un régime qui leur assure la 
conservation de leur dot, que cette considération doit pré- 
valoir sur toutes les autres. 


Ce sont ces avantages que je veux tout d’abord discuter; 
car là est le cœur de la question, et c'est toujours au cœur 
qu'il faut viser quand on veut abattre un ennemi. 


Une femme est mariée sous le régime dotal, son mari 
est un dissipateur ou bien un spéculateur malheureux. 


Il se ruine, tombe en déconfiture ou en faillite; tout, 
autour de lui, est misère et désespoir, tous ses fournis 


222 ACADÉMIE DE ROUEN. 


seurs, ses domestiques, ses amis les plus intimes, tous 
ceux qui ont eu confiance en lui, qui, trompés par les ap— 
parences de fortune dont ils le voyaient entouré, ont dé- 
posé leur argent dans ses mains , sont entraînés dans son 
désastre ; mais la fortune de sa femme , qui n’a pu s’obliger 
avec lui, n’a reçu aucune atteinte. Alors fuyant les cla- 
meurs de ses créanciers , il se réfugie dans l'intérieur de 
son ménage où règne encore l’aisance. 


Une séparation de biens intervient entre les époux. 


Ce qui reste de l'avoir du mari, si quelque chose en 
reste , est jeté en pâture aux créanciers; puis, les biens de 
la femme, qui peuvent être considérables, donnent aux 
époux les moyens de mener encore une vie somptueuse. 


Voilà le triomphe du régime dotal. C’est devant de pa- 
reils résultats que s’inclinent ses partisans. Combien n'’est- 
il pas heureux, disent-ils , que ce mari n'ait pu compro- 
mettre la fortune de sa femme et l'avenir de ses enfants ! 
Au moins les époux auront toujours de quoi vivre! et les 
enfans pourront être dotés par leur mère. 


Oh! sans doute il sera‘ heureux ce banqueroutier, si, 
étouffant tout sentiment de pudeur, il peut , à travers les 
glaces de l'élégante voiture dans laquelle sa femme le 
promène , contempler d'un œil paisible le malheureux ou 
vrier qui lui avait confié ses épargnes, et qui maintenant 
balaie les rues où décrotte les souliers pour pouvoir 
nourrir sa famille ! Elle sera heureuse l'épouse qui, après 
avoir ruiné son mari par ses prodigalités, pourra narguer 
la misère de la pauvre veuve dont le petit pécule aura 
servi à satisfaire quelques unes de ses luxueuses fantaisies, 
et les enfants seront heureux aussi, car, richement dotés, 
ils pourront un jour se faire servir par les fils des créan- 
ciers de leur père. 


_ 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 223 


Est-ce donc là l'espèce de bonheur que rèvent les pa- 
rents qui veulent marier leur fille sous le régime dotal? 


Un mari va enlever leur enfant loin d’eux, il va devenir 
maître à peu près absolu de sa personne, il pourra la 
faire expirer de douleur sous les coups répétés de ce 
petit poignard domestique qu'on appelle «incompatibilité 
d'humeur, » et qui atteint le cœur sans laisser de trace 
à l’épiderme. Il pourra, chose bien plus grave encore, per= 
vertir son esprit et corrompre son âme. Ce sont là des 
nécessités du lien conjugal auxquelles se résigne l'amour 
paternel, et même assez facilement, si l’on en juge par le 
peu de précautions que l'on prend le plus souvent pour 
s'assurer du bon caractère et de la moralité de celui que 
l'on accepte pour gendre. Mais ce qu'on veut sauvegarder 
avant tout, c’est la fortune, et quand on a mis la dot à 
l'abri des spéculations malheureuses du mari, on s’endort 
avec la confiance d'avoir fait tout ce que l’on pouvait faire 
pour le bonheur de sa fille. 


C’est que malheureusement il se mêle toujours un peu 
d'égoisme aux sentiments humains , et beaucoup de pa- 
rents aiment à se dire : «quoiqu'il arrive maintenant, notre 
« tâche est remplie. Notre fille conservera la fortune que 
« nous lui donnons , notre considération n'aura jamais à 
« souffrir de sa position dans le monde, et, sur les biens 
« que nous nous réservons, nous n’aurons pas de nouveaux 


« sacrifices à nous imposer pour venir au secours de sa 
« misère. » 


Il n'est pas bien étonnant que, par le temps qui court, 
ce raisonnement assure le succès du régime dotal, et, en 
écrivant ces pages , notre espoir n'est pas , il faut le dire, 
de dissuader le plus grand nombre des parents de cher- 
cher en lui des garanties qui suflisent à leur sécurité. 


294 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Nous écrivons pour des hommes désintéressés dans la 
question , et qui, voyant les choses de plus haut, ne peuvent 
sympathiser avec les odieux calculs que nous venons de 
dire. Nous écrivons aussi et surtout, pour un petit nombre 
de parents, véritablement désireux du bonheur de leurs 
enfants , et c'est avec ceux-ci que nous voulons descendre 
dans l’intérieur du ménage soumis au régime dotal, pour 
l'examiner , ce régime, non pas d’une manière purement 
théorique , non pas non plus au point de vue de quelques 
monstrueuses excentricités, mais tel qu'il est habituelle- 
ment, bourgeoisement, honnêtement, tel que nous le fait 
connaître notre pratique de tousles jours, tel, enfin, quenous 
le voyons fonctionner, soit dans notre cabinet par nos 
relations d’affaires, soit dans le monde par nos relations 
de société ou de famille. 


Le mari est le chef de l'association conjugale, il en ad- 
ministre les biens, touche les revenus, règle les dé- 
penses. Mais ce n’est pas dans son intérêt seul qu'il agit 
ainsi, c'est dans l'intérêt de l'association, de l'être col- 
lectif qui constitue le ménage, la famille, et qui se com- 
pose tout à la fois du mari, de la femme et des enfants. 
C'est là une différence radicale , et jamais assez observée 
en cette matière, entre la société moderne et la société 
ancienne. Cette différence n’est pas dans les lois seule- 
ment, elle est, d'abord et surtout, dans les mœurs. Le 
Pater familias autrefois à Rome , était un tyran , un mo- 
narque absolu qui pouvait dire : « La famille c’est moi », 
car lui seul avait une existence propre , une individualité ; 
les autres vivaient pour lui, et en quelque sorte par lui. 
De nos jours le mari n’est plus qu’un roi constitutionnel 
ayant mandat de gouverner dans un intérêt commun , et 
ne pouvant plus dire moi, mais devant dire nous. 


Sans doute, ce gouvernement constitutionnel du mari 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 225 


reçoit bien des modifications du caractère respectif des 
époux , de leur éducation, de leur manière de vivre , de 
leur position socialé , de la profession qu'ils exercent. 


L'influence de la femme dans certains ménages sera 
à peu près nulle ; dans d’autres , elle asservira entièrement 
le mari, et ne lui laissera aucune liberté d'action : mais : 
mettant de côté les exceptions pour nous en tenir à ce 
qu'il y a de plus normal dans la constitution actuelle du 
ménage et de la famille, nous croyons pouvoir dire sans 
crainte d’être démenti par personne , que l'association entre 
le mari et la femme est si intime, que tous leurs intérêts 
sont tellement confondus que, ce qui est jouissance ou 
privation pour l'un , est aussi jouissance ou privation pour 
l'autre , et, enfin, que la femme est aussi intéressée que 
le mari à la prospérité et à la considération du ménage. 


Il est même vrai de dire que, tant que durera l’asso— 
ciation , la distinction entre les biens du mari et ceux de 
la femme préoccupent peu les époux. S'il ont des enfants, 
les uns comme les autres devront se réunir un jour dans 
les mains de ceux-ci ; s'ils n’en ont pas, les uns comme 
les autres devront concourir à leur procurer pendant leur 
vie commune la plus grande source de jouissances pos- 
sible, et il est bien rare que la pensée des collatéraux qui 
devront recueillir ces biens après leur mort, change quel- 
chose à ce problème. 


Ce qui est donc avant tout désirable dans l'intérêt des 
époux, j'entends dans leur intérêt sainement et honnête- 
ment entendu, c’est que le mari tire le meilleur parti pos- 
sible des biens confiés à son administration. De là, cette 
conséquence, que toutes les entraves que le mari rencon- 
trera dans cette administration , pèseront également sur 
les deux époux. 


15 


226 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Aussi, combien de fois n'avons-nous pas vu des femmes, 
mariées sous le régime dotal, déplorer , dès les premières 
années de leur union, les rigueurs de ce régime , et cher- 
cher , d'accord avec leur mari, les moyens de se soustraire 
à ses entraves. 


Nous pourrions citer bien des cas où la raison la mieux 
éclairée , la prudence la plus craintive n'aurait pu désa- 
vouer les motifs de ces plaintes et de ces efforts. 


Nous avons connu, par exemple, des parents qui, en 
mariant leur fille, lui avaient constitué en dot une belle 
propriété d'agrément. 


Au moment du mariage , la fortune des époux, leur 
position dans le monde comportait la possession de cette 
propriété, et l'orgueil un peu aristocratique des parents 
était flatté de la pensée que le noble manoir, illustré par 
les ancètres , resterait à toujours dans la famille, pour y 
conserver l'éclat du nom qu'ils avaient porté. 


C'était fort bien alors ; mais les évènements se plaisent 
à confondre les prévisions de la prudence humaine. 


Une révolution politique a fait perdre au mari une 
position lucrative et brillante; des capitaux, placés avec des 
sûretés apparentes , ont été perdus, et, tandis que les re- 
venus des époux diminuaient ainsi, leur famille s’aug- 
mentait, leurs charges s’aggravaient. Il leur faut aujour- 
d'hui pourvoir à l'éducation de nombreux enfants ; forcés 
de passer à la ville une grande partie de l'année, ils ont 
cessé d'habiter le manoir féodal, dont les splendeurs ne 
conviennent plus à l'état de leur fortune , au genre de vie 
qu'ils mènent. 


Ce château, n'étant plus habité, se détériore, et pour 
le conserver en bon état, comme la loi lui en impose le 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 227 


devoir , le mari est obligé d'y dépenser chaque année des 
sommes qui seraient bien plus utilement employées à 
instruire et à doter ses enfants. 


Vienne le jour de la dissolution du mariage , les époux 
auront vécu dans la gène, les enfants auront été pauvre- 
ment élevés , peut-être pauvrement mariés. On s'empres- 
sera de liciter le vieux château, qui ne pourrait trouver 
place dans le lot d'aucun d'eux, dont aucun d'eux , d’ail- 
leurs, ne voudrait se charger, et le prix que ceux-ci en 
tireront , sera bien inférieur à celui que leurs parents en 
auraient pu tirer trente années auparavant , sans compter 
que, pendant ces trente années, il aurait pu être triplé 
par les intérêts cumulés. 


Nous savons bien qu'autrefois on ne calculait pas ainsi. 
Les fortunes étaient plus stables, et, lorsqu'un mariage 
avait apporté dans une famille noble un nouvel apa- 
nage , cet apanage y restait pendant bien des généra- 
tions, se transmettant de mâle en mâle par ordre de pri- 
mogéniture. 


Les exigences de l'éducation des enfants ne nécessi- 
taient pas comme aujourd'hui le coûteux séjour des villes. 
Les parents, sans peut-être pour cela aimer moins leurs 
enfants, craignaient moins de se séparer d'eux , et, pen- 
dant que les filles étaient au couvent, et que les garçons 
faisaient leurs études chez les oratoriens ou chez les Jé- 
suites, les gentilshommes qui ne remplissaient pas de 
fonctions politiques, n'avaient d'autre soin que de cultiver 
et d'habiter leur domaine. Quant à ceux qui étaient dans 
les emplois, leurs regards restaient toujours attachés sur 
le manoir des champs qui devait les recevoir au jour de 
la disgrâce ou de la retraite. 


D'un autre côté, les spéculations de l'industrie n'ap- 


228 ACADÉMIE DE ROUEN. 


pelaient point les capitaux , de sorte qu'il y avait, dans les 
fortunes comme dans les existences, une stabilité qui n’est 
plus connue aujourd'hui. R 


Que faut-il de nos jours pour qu'une famille quitte 
son berceau, et aille vivre loin des lieux où sont situées ses 
propriétés ? 


Combien de personnes, appelées dans une province 
éloignée de la leur, soit par des fonctions publiques, soit 
par des raisons de santé , n’ont-elle pas fini par y prendre 
racine et s’y fixer. 


Nous examinerons plus tard , au point de vue de l'intérêt 
public, les conséquences de ces émigrations. Bornons- 
nous, quant à présent, à constater en fait, qu'elles sont 
très fréquentes, et souvent déterminées par des motifs 
que la raison la plus sévère ne saurait désavouer. 


Des parents ont marié leur fille près d'eux. En frappant 
de dotalité les biens qu'ils lui donnent , ils espèrent atta- 
cher le ménage qui se forme au sol sur lequel ils ont 
l'intention de continuer à vivre. Mais , c’est pour toute la 
durée de ce ménage qu'ils stipulent, et l’effet de leurs 
dispositions pourra bien survivre aux considérations qui 
les ont inspirées. Viendront peut-être des circonstances 
qu'ils n'avaient pu prévoir : Une position avantageuse of- 
ferte au mari à l’autre extrémité du royaume , ou bien la 
santé de la femme elle-même exigeant un climat plus 
doux. 


Supposons que, dans l'intérêt de celle-ci, pour prolonger 
des jours qui lui sont chers , son mari quitte les brouillards 
de la Flandre ou de la Normandie pour aller habiter le midi 
de la France.#Combien n'est-il pas regrettable alors de 
laisser derrière soi des biens qu’on ne peut plus administrer, 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 229 


surveiller soi-même. Combien les parents de la femme, s'ils 
vivaient encore, ne déploreraient-ils pas eux-mêmes les 
entraves que, dans l’égoisme de leur affection, ils ont voulu 
imposer à leurs enfants, et, que ne feraient-ils pas au- 
jourd’hui pour les en dégager ! Mais les regrets sont su- 
perflus ! Jamais, dans leur nouvelle résidence , les époux 
ne jouiront des avantages que donne la propriété, tandis 
que loin d’eux , privés de la surveillance du maître , leurs 
biens dépériront. 


Est-il mème besoin de supposer un éloignement et un 
changement de résidence, pour admettre un légitime désir 
de vendre une propriété foncière. L'article 1558 du Code 
civil permet d’aliéner la dot pour faire de grosses répa- 
rations indispensables à la conservation de l'immeuble 
dotal, c'est-à-dire que si la femme possède deux im- 
meubles dotaux, elle en pourra aliéner un pour se pro- 
curer les moyens de réparer l’autre. Mais si elle n’en 
possède qu'un, comment fera-t-elle ? Il lui faudra conser- 
ver une ruine dont elle ne pourra tirer aucun parti. Sup- 
posons , sur un terrain avantageusement situé , des cons- 
tructions trop mauvaises pour pouvoir être réparées. 
Supposons des usines consiruites d’après un système vieilli 
et abandonné ; voilà encore des propriétés stériles. Il fau 
dra attendre la dissolution du mariage pour abattre et 
reconstruire. De tous côtés on ouvre des canaux, on 
perce des routes , on établit des chemins de fer. De colos- 
sales entreprises, que l’on n'aurait jamais soupçonnées au- 
trefois, bouleversent le sol, et exigent dans un intérêt 
d'utilité publique le sacrifice de la propriété privée. 


Combien n’avons-nous pas vu de domaines subir , à la 
suite de ces travaux, de profondes altérations, et sortir en- 
tièrement de leurs conditions premières. 


Une route nouvelle s'ouvre à travers des terrains qui 


230 ACADÉMIE DE ROUEN. 


n'avaient jamais été destinés qu'à la culture. Par le seul 
effet du percement de cette route, ces terrains, devenus 
propres à être bâtis, acquièrent une grande valeur ; mais 
si leur propriétaire n’est pas assez riche pour bâtir lui- 
même, il n'en pourra tirer convenablement parti qu'en 
les vendant par portions à des entrepreneurs. Malheur à 
lui si la dotalité les frappe. Il verra ses voisins s'enrichir, 
et lui, continuera à louer , pour une ingrate culture, de 
mauvaises terres qui, tout près de lui, se vendront pour 
bâtir. 

Qu'’au lieu d’une route , ce soit un chemin de fer qui 
vienne tracer, à travers un domaine , son infranchissable 
sillon, coupant par la moitié un château , une ferme, un 
jardin d'agrément, laissant, comme nous en avons vu 
tant d'exemples, la maison d’un côté, le jardin de l’autre, 
les bâtiments d'exploitation à droite, les terres à exploiter 
à gauche, mettant une lieue de distance entre le pâturage 
et l’étable, le commencement et la fin des avenues, l’allée 
dans laquelle on se promène, et le banc de gazon sur lequel 
on se repose. Assurément, si les auteurs du contrat de 
mariage avaient vu ces propriétés dans l’état où elles sont 
aujourd'hui, ils se seraient bien gardés de les rendre 
dotales ; ils seraient les premiers à conseiller de les 
vendre. Mais, stipuler dans un contrat de mariage, c’est 
graver sur le bronze, et jusqu'à la dissolution du ma- 
riage , le régime dotal vivra avec toutes ses rigueurs. 


Les circonstances ne sont plus les mêmes : fortune, 
position, gouvernement , tout a changé autour des con- 
joints, et, combien de révolutions ne peuvent-elles pas 
s'accomplir pendant la durée d’une association conjugale ! 
mais le pacte matrimonial reste immuable, et tant que 
les époux vivront , son joug pèsera sur eux. 


Voilà ce à quoi ne réfléchissent jamais assez ceux qui 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 231 


tracent ce cercle dé Popilius, qu'on appelle un contrat de 
mariage. 


Is obéissent aux idées du moment , se laissent influencer 
par de mesquines considérations, et ne songent pas que les 
liens qu'ils forgent peuvent durer plus d’un demi-siècle , 
et que nous vivons dans un temps où il n’est pas donné à 
la prudence humaine de voir si loin dans l'avenir. 


Il est vrai de dire que, dans la province que nous ha- 
bitons , les inconvénients que je viens de signaler sont 
un peu atténués par la longue habitude , généralement 
prise , d'insérer dans le contrat de mariage une clause qui 
permet l’aliénation des immeubles dotaux moyennant rem- 
ploi. 


C'est déjà quelque chose de gagné sur les déplorables 
rigueurs du régime dotal, que cette faculté donnée aux 
époux de remplacer des biens qui leur sont devenus oné- 
reux, par d’autres qui peuvent leur être profitables. 


Mais remarquons bien que si cette faculté est accordée 
avec quelque étendue , la dotalité n’est plus qu'un vain 
mot, et toutes ses prétendues garanties deviennent illu- 
soires. Si, par exemple, le remploi peut se faire en biens 
d’une nature différentes de celle des biens vendus ; si des 
immeubles peuvent être remplacés par des actions in- 
dustrielles ou autres valeurs mobilières susceptibles de 
s’aliéner ou de se perdre sans être elles-mêmes rempla- 
cées, le régime dotal n’a plus de sens , car la conserva- 
tion de la dot n’est plus assûrée. 


Il faut donc, pour ne pas sortir des conditions de ce 
régime , que le remploi des immeubles vendus ne puisse 
s'effectuer qu'en immeubles de même nature, devenant 
dotaux comme ceux qu'ils remplacent , et ne pouvant plus 


1Ù 


232 ACADÉMIE DE ROUEN. 


être vendus eux-mêmes sans un nouveau remplacement. 
Les intérêts de la femme sont alors à couvert, car l'acqué- 
reur du bien dotal est obligé de surveiller le remplacement, 
et si ce remplacement n'était pas jugé suflisant , il serait 
responsable de l'insuffisance. 


Nous examinerons plus tard, au point de vue de l’inté- 
rêt des tiers, les conséquences de cette responsabilité ; 
disons seulement, dès à présent, qu’elle a pour les époux 
ce déplorable effet, que l'acquéreur, voulant trouver une 
compensation à la responsabilité qu'il encourt , ne se décide 
que par la vileté du prix qui lui est demandé, et que cette 
vileté doit naturellement être d'autant plus grande que les 
difficultés de la surveillance du remploi sont plus consi- 
dérables. 


Acheter une pièce de terre en remplacement d’une autre 
qu'on a vendue , ne paraît pas chose bien difficile; mais la 
question ne se réduit pas toujours à des termes si simples. 


Souvent , en remplacement de biens vendus en Norman- 
die, ce sera en Provence qu’on en voudra acquérir ; ou 
bien, on aura vendu une terre et on aurait besoin d’une 
maison, une maison et on voudrait une usine. Ou bien 
encore, au moment où l'on aura trouvé à vendre on ne 
trouvera point à acheter, il faudra laisser ses fonds entre 
les mains de l'acquéreur qui les consignera et fera ainsi 
perdre des intérêts. 


Souvent il arrive que , par suite d’un partage de succes- 
sion ou d’une expropriation pour cause d'utilité publique , 
une faible somme revient à une femme dotale, et ne peut 


être touchée que moyennant un remplacement en im- 
meubles. 


Pense-t-on qu'il soit bien facile d'employer 100 fr. ou 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 233 


200 fr., quelquefois une somme plus modique encore, à 
l'acquisition d'un fonds de terre où d'une propriété bâtie ? 
La dificulté équivaut, dans bien des cas, à une impossi- 
bilite véritable, et les deuiers versés à la caisse des consi- 
gnations y attendent éternellement un emploi que les 
époux ne se trouvent jamais en mesure de réaliser. 


Remarquons en outre que ce ne sont pas seulement les 
immeubles de la femme dont la disposition se trouve para- 
lysée par les effets du régime dotal ; les arrêts ont étendu 
la prohibition d'aliéner à la dot mobilière, et encore que 
cette jurisprudence ait été, lorsqu'elle s’est établie, vive- 
ment attaquée comme contraire à tous les textes du code 
civil et du droit romain , elle n’en a pas moins acquis l’au- 
torité d’un point de doctrine que l'on n'ose plus contester 
devant les tribunaux. 


La plus grave conséquence de cette inaliénabilité, c’est 
que la femme ne peut renoncer à l'hypothèque légale que 
la loi lui donne sur les biens de son mari pour la conser- 


vation de ses droits. 


Or, comme les apports de la femme ne sont pas toujours 
complètement énoncés dans le pacte matrimonial ; comme, 
après le mariage, ces apports peuvent être augmentés par 
des successions ou des donations dont des inventaires régu- 
liers ne constatent pas toujours l'importance , il en résulte 
que les tiers ne peuvent jamais connaître avec exactitude 
le montant des reprises conservées par cette hypothèque 
légale de la femme , qui doit cependant primer toute autre 
hypothèque consentie pendant le mariage sur les immeu- 
bles qui en sont frappés. 


On conçoit aisément , d'après cela, que ces immeubles 
ne soient pas facilement acceptés comme garantie hypo- 
thécaire des obligations que le mari veut souscrire. 


234 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Surtout si l’on fait attention qu'outre les reprises actuelles 
de la femme et ses droits déjà acquis, le prêteur a encore 
à considérer l'éventualité d’une séparation de biens entre 
les époux , d’une expropriation, d'un état d'ordre dont les 
frais viendraient accroître le montant de la créance que 
l'immeuble aurait à payer avant la sienne. (1) 


Maintenant, est-il besoin d’insister sur la gravité des 
inconvénients que peuvent entraîner, pour la femme elle- 
même, ces entraves dans lesquelles le mari se trouve placé 
pour l'administration de sa fortune. 


Sans doute, il existe des maris dissipateurs qui se ruinent 
en folles dépenses, et, pour ceux-là , la loi ne saura jamais 


(1) Dans son excellent ouvrageintitulé: Du Régime dotal et de la 
nécessité d'une réforme dans cette partie de notre législation, M. 
Marcel a traité ces questions en homme consommé dans la pratique 
des affaires, et, par des chiffres, il démontre fort bien combien est 
sérieuse l’objection du prêteur qui rencontre l'hypothèque légale 
d’une femme dotale sur les biens qu’on lui offre en garantie hypo- 
thécaire. 


Ainsi, par exemple, il suppose un cultivateur, un petit marchand, 
un simple ouvrier, propriétaire de quelques immeubles évalués à 
4,000 fr.; cet homme éprouve un incendie, une inondation, une 
maladie, un de ces mille accidents qui peuvent faire naître des 
besoins pressants; il voudrait emprunter 1,000 fr. sur ses immeubles 
qui en valent 4,000. 


Admettons que sa femme ne lui ait apporté en mariage qu'un 
simple trousseau estimé 1,000 fr.; le prêteur fera tout naturelle- 
ment ce calcul: 


Valeur du trousseau, 1,000 fr. 

Frais de séparation de biens, 500 

Frais d’expropriation et d’état d'ordre, 2,000 
Total. 3,500 


Les biens valussent-ils 5,000 fr. au lieu de 4,000, on pourrait 
encore trouver imprudent celui qui donnerait 1,000 fr. sur un 
pareil gage. 


2 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 235 


assez multiplier ses entraves ; mais ce sont, Dieu merci, 
des exceptions pour lesquelles il ne faut pas mettre en 
interdit les gens sages et honnêtes qui, dévoués aux inté- 
rêts de leur ménage, ne cherchent à augmenter leur for- 
tune que pour augmenter le bien-être de leur femme et de 
leurs enfants. 


Or, dans combien de circonstances, non-seulement une 
sage spéculation à faire dans la vue d’un accroissement de 
fortune , mais une utile mesure de conservation à employer 
pour une fortune déjà acquise, ne nécessiteront-elles pas 
un emprunt hypothécaire ? 


Puis, quelle entrave au crédit du commerçant que ce 
déplorable régime dans lequel l'homme, le plus riche en 
apparence, peut n'offrir aucune prise à ses créanciers ! 


Nous dirons plus tard , quand nous nous occuperons de 
l'intérêt des tiers, à quelles fraudes peut donner lieu contre 
eux cette étrange anomalie entre les dehors de la fortune 
et l'insolvabilité. Notons seulement, dès à présent, les 
justes défiances qu’elle inspire et les entraves que ces dé- 
fiances apportent naturellement à l'essor de l’industrie et 
du commerce. 


Que sera-ce maintenant si nous établissons que les ga- 
ranties achetées au prix de tous ces inconvénients, sont le 
plus souvent illusoires, et que le régime dotal, inflexible 
pour l'homme de bien qui respecte trop la justice pour la 
vouloir tromper, offre encore au dissipateur plus d'un 
moyen d'arriver à l’aliénation et à la perte de la dot. 


Le législateur, effrayé lui-même des conséquences de 
l'aliénation dotale, a cru devoir y faire quelques exceptions, 
et ila prévu plusieurs circonstances devant l'impérieuse 
nécessité desquelles la rigueur de ce principe devait fléchir. 


236 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ainsi, lorsqu'il s'agit d'établir les enfants , ou de tirer 
de prison le mari ou la femme, ou de fournir des aliments 
à la famille, ou de payer les anciennes dettes , soit de la 
femme , soit de ceux qui ont constitué la dot, ou de faire 
de grosses réparations à l'immeuble dotal, le fonds dotal 
peut être aliéné. ' 


Ces dispositions sont assurément fort sages et leur néces- 
sité n’a pas besoin d’être démontrée. 


Mais, ce qu'il peut être intéressant de remarquer, c'est 
l'abus qu'il est possible d’en faire, et les différentes manières 
dont le mari dissipateur, pour lequel elles n’ont pas été 
écrites, peut arriver à s’en faire faire l'application. 


ILest, par exemple , un tour que nous avons vu souvent 
jouer à la justice , et qui, à notre connaissance , a été tou- 
jours , ou presque toujours, couronné d’un plein succès. 


Un mari, à bout de ressources, ayant épuisé tout son 
avoir personnel, ou bien, désireux de tenter la fortune 
par une spéculation hasardeuse , veut faire argent du bien 
dotal de sa femme ; voici comment il s’y prend : 


Il souscrit une lettre de change au profit d’un compère 
qui , à l'échéance , obtient contre lui une condamnation au 
tribunal de commerce et le fait mettre en prison. 


Aussitôt sa femme présente une requête au tribunal , et, 
pour tirer son mari de prison, la justice l’autorise à aliéner 
sa dot. 


L'immeuble est vendu , l'acquéreur verse son prix aux 
mains du créancier apparent qui , tout de suite , le remet à 
son compère. 


Le titre est détruit ou il est fait une contre-lettre, et le 
tour est joué. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 237 


Nous savons bien qu'un emprisonnement cause toujours, 
en province surtout, une sorte d’esclande qui répugne à 
beaucoup de gens ; mais la cupidité triomphe de bien des 
répugnances , et puis les gens bien avisés savent s'y pren- 
dre de telle façon, que le secret couvre leurs manœuvres. 


Ainsi, une affaire supposée appelle le mari dans la 
capitale ; c'est à que l'ami complaisant le fait incarcérer. 
La femme éplorée révèle à la justice le secret de l'ab- 
sence prolongée de son mari, mais, dans le monde, cette 
prolongation d'absence se colore des mille et une raisons 
qui peuvent retenir un homme pendant quelques semaines 
hors de ses foyers. 


Nous avons connu des hommes fort considérables qui 
ont employé ce moyen. Jamais, dans le monde, on ne s’en 
est douté. 


Si nous choisissons cet exemple des fraudes qui peuvent 
être faites à la loi, ce n’est pas que celle-là soit la plus 
facile ni la plus fréquente Il est même assez rare que les 
maris dissipateurs soient obligés d'y recourir, et ne trouvent 
pas de moyens plus simples pour obtenir de la justice l’au- 
torisation qui leur est nécessaire à l'effet d’aliéner la dot de 
leur femme. 


Tantôt, c’est un établissement qu'ils veulent procurer à 
leurs enfants, et ceux-ci sont d'accord avec eux pour leur 
payer le prix de cet établissement. Tantôt, ce sont des ali- 
ments qu'ils veulent fournir à leur famille, et l'on parvient 
à dissimuler à la justice les ressources qui pourraient être 
employées à cet usage et qu'on livre aux chances de la 
spéculation. Il y a dans les rangs inférieurs de la société 
une certaine classe de praticiens, s'intitulant hommes de loi 
ou hommes d’affaires, qui ont l'esprit singulièrement 


238 ACADÉMIE DE ROUEN. 


ouvert pour toutes ces sortes de manœuvres, et savent {rou- 
ver, pour les positions difliciles, des ressources que les 
plus habiles jurisconsultes n'inventeraient jamais. 


Il ne peut entrer dans le plan de notre ouvrage d'énu- 
mérer ici tous les moyens par lesquels il peut être fait, en 
cette matière , violence à la loi et surprise à la conscience 
des juges, mais nous avons bien la conviction que nous 
ne serons démentis par aucun homme versé dans la prati- 
que des affaires, quand nous dirons qu'il est peu d'exemples 
de maris voulant arriver, per fas et nefas, à l'aliénation du 
bien dotal de leur femme et ne pouvant y parvenir. 


Que l’on cesse donc de tant vanter les garanties protec— 
trices du régime dotal, puisque son action s’amoindrit et 
s’efface dans les cas précisément où elle serait le plus néces- 
saire, tandis que , là où elles sont inutiles, elles entravent 
de la manière la plus déplorable l'administration des for- 
tunes. 


$ IE. 
Du régime dotal, considéré dans ses rapports avec 
d l'intérêt des tiers. 


Si dans les pages qui précèdent, nous sommes par-— 
venus à convaincre que, pour les époux eux-mêmes qui 
le prennent pour base de leur union , le régime dotal pré- 
sente plus d’inconvénients que d'avantages , la cause de ce 
régime est perdue , car il ne se trouvera personne qui, 
l’envisageant au point de vue de l'intérêt des tiers, ose con- 
tester qu’il ouvre une large porte à la fraude, et soit, pour 
tout ceux qui se trouvent en contact avec les femmes 
dotales, une source féconde de troubles , de déceptions et 
de ruine. 


PTS 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 239 


Et, en effet, comment en serait-il autrement, si l’on 
considère que, sous ce régime , les biens constitués en 
dot sont d’une inaliénabilité tellement absolue que, quel- 
ques soient les engagements pris sur ces biens par les 
époux, ils n'ont jamais, pour s'en dégager, d’autres efforts 
à faire que de produire leur contrat de mariage , et de 
citer l'art. 1560 du Code civil, véritable épée d'Alexandre, 
qui tranche sans difliculté les liens les plus solides, les 
nœuds les plus indissolubles. 


Cet art. 1560, qui doit être un légitime épouvantail pour 
tous ceux qui se trouvent en rapport avec des femmes 
mariées sous le régime dotal, ne saurait être trop connu ; 
qu'on nous permette d'en rappeler le texte : 


« Si, hors les cas d'exception qui viennent d'être ex- 
« pliqués , la femme ou le mari, ou tous les deux con- 
» jointement, aliènent le fonds dotal, la femme ou ses 
«héritiers pourront faire révoquer l’aliénation après la 
« dissolution du mariage , sans qu'on puisse leur opposer 
« aucune prescription pendant sa durée : La femme aura 
« le même droit après la séparation de biens. 


«Le mari, lui-même, pourra faire révoquer l’aliénation 
« pendant le mariage, en demeurant néanmoins sujet aux 
« dommages-intérêts de l'acheteur, s'il n’a pas déclaré 
« dans le contrat que le bien vendu était dotal. » 


Ainsi, quand une femme a vendu , avec ou sans l’as- 
sistance de son mari, un immeuble faisant partie de sa dot, 
quelque soient les termes du contrat, les engagements 
pris , les assurances données , les garanties promises pour 
surprendre et tromper la bonne foi de l'acquéreur , il ne 
sera même pas besoin d'attendre la dissolution du mariage; 
le lendemain du jour où les époux auront reçu le prix de 


240 ACADÉMIE DE ROUEN. 


l'immeuble vendu , ils pourront reprendre cet immeuble, 
et laisser, pour toute ressource, à l'acquéreur spolié une 
action en dommages-intérêts à intenter contre le mari, si 
le mari n’a pas déclaré dans le contrat la dotalité de l'im- 
meuble (1). 


Voilà l’article 1560 ! 


Peut-on maintenant réfléchir sans effroi aux consé- 
quences que peut entraîner l'ignorance de cet article. 


Un immeuble est à votre convenance ; vous l’achetez, 
vous le payez, vous vous en croyez propriétaire. Un demi- 
siècle s'écoule; l'immeuble a changé de nature ; sur un 
terrain nu , vous avez bâti des maisons, d’une ferme vous 
avez fait un château, d’une maison une usine ; vous vous 
croyez riche, et vous avez marié vos enfants en consé- 
quence ; vous avez contracté des engagements sur la foi 
de la fortune que vous pensiez avoir, vous avez pris des 
habitudes de vivre en rapport avec cette fortune ; enfin, 
vous êtes bien installé dans votre propriété, vous espérez 
y finir vos jours et y mourir en paix....; mais vous avez 
compté sans l'article 1560 !!! 


Depuis moins de dix ans, votre venderesse a cessé de 


(1) Remarquez encore, que, si la vente n’a pas été faite par le 
mari lui-même, mais par la femme autorisée de son mari , encore 
que le contrat n’indique pas la dotalité de l’immeuble, l’action en 
dommages-intérêts contre le mari échappe à l’acquéreur. C’est ce 
qu'a jugé la cour royale de Paris, par un arrêt du 14 mai 1829. 


La cour de Toulouse a jugé, par arrêt du 22 décembre 1834, que 
la peine du Stellionat ne peut être appliquée au mari qui a vendu 
le bien de sa femme sans en déclarer la dotalité, Ainsi l'acquéreur 
n'aura pas même la ressource de la contrainte par corps pour se 
faire payer les dommages-intérêts qui lui seront dûs. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 21 


vivre (1) ; un de ses héritiers découvre dans son contrat de 
mariage le vice de l’aliénation qui vous à été faite, il en 
demande la résolution , vous expulse et vous ruine ! 


Demanderez-vous des dommages-intérêts au mari qui ne 
vous a pas déclaré la dotalité de l'immeuble ? Appellerez- 
vous en garantie le notaire qui aura trompé votre con- 
fiance ? Tous deux peut-être seront morts insolvables. 


Mais, diront les défenseurs du régime dotal, personne 
n'est censé ignorer la loi. Le Code civil est ouvert à tout 
le monde, et tout le monde peut y lire l’article 1560. 
Tant pis pour ceux qui s'y laissent prendre. 


Nous dirons alors, tant pis pour bien des gens ; car bien 
des gens y sont pris. 


Et comment, dans le fait, en serait-il autrement ? 


La loi n'est-elle pas définie par les auteurs de droit 
naturel : « L'expression de ce qui est juste dans des cas 
« donnés? » Montesquieu ne l’appelle-t-il pas : La raison 
« du père de famille?.. Et, enfin, n’est-on pas tellement 
habitué à la trouver d'accord avec la raison et avec l'équité, 
que partout où l'équité et la raison se font clairement 
apercevoir , nul ne songe à consulter la loi ? 


Comment donc imaginerait-on facilement qu'une 
femme, parce qu'elle est mariée sous le régime dotal, 
peut impunément se Jouer de ses engagements, violer ses 
promesses, et reprendre son bien après l'avoir vendu et 
en avoir touché le prix. 


ns 


(1) Suivant quelques auteurs, la prescription n’est même que 
trentenaire. Voir notamment M. Benoit, Traité de la dot, tom. r, 
page 562. 


16 


282 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Nous savons bien qu'en Normandie, et généralement 
dans tous les pays où le régime dotal est en usage , les 
acquéreurs ont l'esprit ouvert sur les conséquences de ce 
régime, et que, là, avant d'acquérir un bien de femme , la 
première chose que l’on exige c’est la représentation du 
contrat de mariage de la venderesse. Mais il ne faut pas 
juger de toute la France par les habitudes du pays que nous 
habitons. Dans la plus grande partie du royaume, le régime 
dotal est si peu usité qu'on le connaît à peine, les chances 
d'inaliénabilité dotale sont si rares qu’on ne s'en préoc- 
cupe pas, et, quand, par hasard, il se trouve par-là une 
femme dotale, la fraude lui est d'autant plus facile qu'on 
est moins attentif à la prévenir. 


Remarquez, d’ailleurs, que cette fraude dont nous par- 
lons, se trouvera environnée de circonstances telles qu’elle 
pourra être pratiquée contre un acquéreur fort soucieux 
de ses intérêts, qui, pour connaître la condition de ses 
vendeurs , aura fait tout ce qui lui était humainement pos- 
sible de faire. 


Ce n’est pas, en effet, chose toujours bien facile que de 
savoir sous quel régime des époux sont mariés. 


On sait qu'après de longues discussions sur la préémi- 
pence du régime dotal ou du régime de la communauté de 
biens , les auteurs du Code civil ont fini par les adopter 
tous deux , laissant les époux libres de prendre l'un ou 
l’autre pour base de leurs pactions matrimoniales , et les 
laissant libres aussi de ne prendre ni l’un ni l’autre, et de 
se faire, suivant leur fantaisie , un régime mixte, amal- 
gamé de dispositions puisées tout à la fois au chapitre du 
régime dotal et au chapitre de la communauté de biens. 


Comme, toutefois, les préférences du législateur étaient 
pour ce dernier régime, il en a fait le droit commun de 


ue. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 243 


la France , et y a soumis à l'avance tous ceux qui se ma- 
rieraient sans contrat. 


De là suit que, pour connaître les droits d’une femme 
mariée, deux questions sont à résoudre : 


Existe-t-il un contrat de mariage ? S'il existe, quel est- 
il? Il est certain que s’il n'existe pas de contrat , le mariage 
est régi nécessairement par les règles relatives à la commu- 
nauté de biens ; mais, en supposant qu'il en existe , il reste 
à savoir si, des stipulations souvent fort ambigues de ce 
contrat, il résulte soumission des époux au régime dotal et 
constitution en dot de tels ou tels biens. 


Déjà, la première de ces deux questions est, dans beau- 
coup de cas, insoluble. 


Comment, en effet, l'acquéreur à qui on déclare que la 
venderesse s’est mariée sans contrat de mariage, qu'elle 
est , en conséquence , commune en biens et capable d’alié- 
ner, peut-il vérifier la sincérité de cette déclaration ? 


Lors de la discussion du code civil, une mesure fort 
sage était proposée ; un des articles du projet voulait que 
toute clause de soumission au régime dotal fut affichée 
dans la principale salle de chacun des tribunaux de pre- 
mière instance, dans le ressort desquels se trouvaient et le 
domicile des époux et les immeubles dotaux. (1) 


C'eût été quelque chose pour la garantie des tiers que 
cette publicité donnée à un contrat qui allait placer deux 
citoyens dans une position toute exceptionnelle, toute 
exhorbitante du droit commun ; mais l’article fut rejeté 


(1) Art, 191 du projet rectifié, présenté dans la séance du 4 bru- 
maire an XI. 


244 ACADÉMIE DE ROUEN. 


sur les observations d'un membre de l'assemblée législative 
qui le soutintinutile, en se fondant sur cet axiôme du droit: 
Nemo debet esse ignarus conditionis illius cum quo con- 
trahit : peut-on présumer, ajoutait-il, que celui qui achète 
un bien, ne se fasse pas représenter les titres qui en ren 
dent le vendeur propriétaire. (1) 


Ni ce député, ni l'assemblée qui s'empressa de faire 
droit à sa proposition, ne songèrent, sans doute, que l'ac- 
quéreur qui ne trouverait pas le contrat de mariage de son 
vendeur au nombre de ses titres, serait bien forcé de se 
payer de cette raison. «Nous voulions nous marier en COM- 
» munauté de biens, nous nous en sommes tenus aux 
» dispositions de la loret n'avons pas fait de contrat. (2)» 


Tout ce que l'acquéreur peut exiger quand une pareille 
déclaration lui est faite, c’est un acte de notoriété dressé 
par un notaire devant lequel plusieurs témoins sont appelés 
et viennent dire que, quoiqu'ils connaissent les époux , #/ 
n'est pas à leur connaissance qu'ils aient fait un contrat de 
mariage. 


On comprend bien, sans que nous ayons besoin d’in- 
sister, toute l'insuffisance d’une pareille preuve. Les démar- 
ches que pourra faire l'acquéreur dans les études de notai- 
res, n’amèneront pas pour lui un résultat plus satisfaisant ; 
car, la loi n'exigeant pas que le contrat de mariage soit 
passé devant tel notaire plutôt que devant tel autre, ce sera 


mr 


(1) Fenet, t. 13, p. 600. 

2) L'art 1393 du Code civil est ainsi COnÇu : « A défaut de stipula- 
« tions spéciales qui dérogent au régime de la communauté ou le 
« modifient, les règles établies dans la {re partie du chapitre 2? 

farmeront le droit commun de la France.» 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 245 


souvent un notaire fort éloigné de la résidence des époux 
qui aura été le rédacteur de leur contrat. Remarquez , 
d’ailleurs, que les vendeurs ou les auteurs des vendeurs 
peuvent avoir été mariés bien loin du lieu où ils con- 
tractent et à une époque bien reculée. 


L'acquéreur qui se laisse tromper par les fausses décla- 
rations d’une femme dotale, se disant mariée sans contrat, 
, Par conséquent, commune en biens, ne mérite done 
pas qu'on lui applique la maxime un peu brutale du droit 
romain : Vigilantibus non dormientibus jura subvenrunt. 


C'est bien éveillé sur ses intérêts qu'il a contracté. Il a 
fait appeler à une enquête de nombreux témoins: il a fouillé 
beaucoup d’études de notaires, et l'existence de ce mal 
heureux contrat n’a pu lui être révélée. Sa ruine n’en est 
pas moins consommée. La femme qui a concouru au contrat, 
qui à participé à la fraude, qui, peut-être , l'a inventée et 
conseillée , se cache derrière son mari que la loi considère 
comme en étant le seul auteur, et, en fait, seul responsable. 
Elle a dissipé avec lui le prix de l'immeuble, elle va main- 
tenant demander sa séparation de biens, et, quand l’'acqué- 
reur aura épuisé toutes ses ressources à poursuivre un 
insolvable , cet insolvable viendra partager avec elle les re- 
venus de l'immeuble augmenté de toutes les améliorations, 
de toute la plus value que l'acquéreur, qui s’en était cru 
irrévocablement propriétaire, lui aura fait acquérir (1). 


————— 


(1) La Cour royale de Rouen a jugé, par un arrêt du 30 novembre 
1840, que l’acquéreur d’un immeuble dotal ne pouvait, après l'an- 
nullation de la vente , retenir la possession de l'immeuble jusqu'à 
ce que la femme ou ses héritiers lui aient tenu compte de Ja plus 
value résultant des ainéliorations par lui faites, De Villeneuve 
6%, Tt. XL, p. 71. 


246 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ce sont là de véritables spoliations que nous voyons la 
justice consacrer tous les jours. (1) 


Maintenant, allous plus loin, et plaçons-nous dans la 
seconde des deux hypothèses que nous avons posées plus 
haut. 


Le contrat de mariage existe ; pas de difficulté sur ce 
point. Il est produit à l'acquéreur, et c’est à lui à démêler, 
à travers les ambiguités souvent calculées de sa rédaction , 
l'étendue des droits de sa venderesse. 


Qu'il y prenne garde , car la question sur laquelle il a à 
se prononcer aujourd'hui, sera soumise un jour à la déci- 
sion d’un tribunal, et si la majorité des juges composant 
ee tribunal allait ne pas la décider comme lui, sa ruine 
serait consommée. 


Or, pour faire bien comprendre jusqu'à quel point peut 
être épineuse et ardue la question de savoir si le bien qu'on 
veut lui vendre est ou n’est pas aliénable , si en l'acquérant 
il courra ou ne courra pas les dangers d’une éviction , 
nous avons besoin d'entrer dans quelques détails. 


Pour que des biens soient frappés de l’inaliénabilité do- 
tale, d’après les principes du Code civil, deux circons- 
tances sont nécessaires : 


—————— 


(1) De nombreux arrêts ont même décidé que lorsque la femme 
avait des biens paraphernaux, c'est-à-dire non soumis à la dotalité, 
elle ne pouvaitêtre contrainte, sur ces biens-là, à indemniser l’acqué- 
reur de son bien dotal, qu’elle avait, dans le contrat de vente, déclaré 
expressément garanti de tonte éviction. Voir notamment ceux des 
Cours royales, de Rouen du 5 décembre 1840, de Toulouse du 19 


août 1843, de Limoges du 10 février 1844, de Riom du 13 août 
même année, 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 247 


1° La soumission des époux au régime dotal, et 2° la 
constitution en dot des biens dont il s’agit. 


Sans la réunion de ces deux circonstances les biens res- 
tent libres. 


« La constitution de certains biens en dot, porte l'art. 
» 1392, ne suflit pas pour soumettre ces biens au régime 
» dotal, s'il n’y a dans le contrat une déclaration expresse 
» à cet égard. » Et, d’un autre côté, il résulte des art. 1574 
et 1576, qu'alors qu'il y a dans le contrat de mariage une 
déclaration expresse de soumission au régime dotal, les 
biens de la femme non constitués en dot sont parapher- 
naux , c’est-à-dire que la femme en conserve la libre dispo- 
sition et peut les aliéner valablement avec l'autorisation de 
son mari. 


Maintenant, quand y a-t-il, dans un contrat de mariage , 
soumission au régime dotal ? Quand y a-t-il constitution de 
dot? 


Ici naissent des difficultés sans nombre. A la disposition 
de la loi qui veut que la soumission au régime dotal soit 
expresse, la doctrine et la jurisprudence se sont empres- 
sées d'ajouter qu'elle n'avait pas besoin d’être sacramen- 
telle, c'est-à-dire que ces mots : nous nous soumettons au 
régime dotal, pouvaient être remplacés par des équivalentsz 


C'était tout de suite ouvrir le champ aux interprétations, 
et c’est un déplorable champ que celui-là. Jamais on ne 
peut y marcher avec sécurité ; les entraves s’y rencontrent 
à chaque pas, et les limites reculent toujours à mesure 
qu'on avance. 


Deux exemples choisis parmi beaucoup d’autres vont nous 
faire bien comprendre : 


248 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Des époux déclarent se marier en communauté de 
biens, ce qui est une exclusion formelle du régime dotal ; 
mais, par une disposition ultérieure de leur contrat, ils 
stipulent que les immeubles de la femme seront soumis à 
la disposition prohibitoire de l’art. 1554 du Code civil. 


L'art. 1554 est situé au chapitre du régime dotal. Il 
porte que les immeubles constitués en dot ne peuvent être 
aliénés ni hypothéqués pendant le mariage. 


Un créancier des époux imagine que s’il ne peut faire 
vendre les immeubles, il peut, au moins, faire saisir les 
revenus qui sont saisissables sous le régime de la commu- 
nauté, auquel les époux lui paraissaient n'avoir voulu appor- 
ter de restriction qu'en ce qui concerne les immeubles 
seulement. 


Ce créancier gagne sa cause devant la Cour royale de 
Paris, mais il la perd devant la Cour de cassation qui, 
interprétant autrement les stipulations du contrat de ma- 
riage, décide qu'il a été dans l'intention des époux de 
soumettre leurs revenus aux conséquences de la dota- 
lité. (1) 


Autre exemple: 


Des époux se marient sans déclarer sous quel régime ils 
entendent se marier; puis ils stipulent «que les biens 
» donnés à la future par ses parents lui seront censés de 
» nature dotale pour en conserver les privilèges et préro- 
» gatives accordées par la loi. » 


Un créancier qui ne croit pas voir dans cette clause obs- 


EEE 


(1) Arrêt du 24 août 1836, rapporté par M. Dalloz. Vol. de 1837, 
°° partic, pag 141. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 249 


cure et ambiguë une soumission expresse au régime dotal, 
fait saisir les immeubles; il triomphe devant le tribunal de 
Jonsac, mais la Cour de Poitiers juge que les stipulations 
du contrat expriment suffisamment l'intention de sou- 
mettre les biens de l'époux au régime dotal, et équivalent à 
une déclaration expresse à cet égard. (1) 


Nous pourrions multiplier beaucoup ces exemples sans 
nous donner, pour cela, d'autre peine que de feuilleter les 
recueils de jurisprudence , tristes monuments de l’imper- 
fection des jugements humains, et qui montrent combien 
sont sujets à des appréciations différentes les termes dans 
lesquels sont rédigés les contrats. 


Quant à ce qui concerne la constitution de dot, la loi 
n'exige même pas qu'elle soit expresse. Elle peut être 
implicite, elle peut être tacite. Il suflit que l'on juge que 
des époux mariés sous le régime dotal, ont eu l'intention 
de se constituer certains immeubles en dot, pour que ces 
immeubles-là jouissent du privilége exhorbitant de l'inalié- 
nabilité. 

Citons seulement pour exemples deux arrêts de la Cour 
de Rouen : 


Dans l'espèce de l’un de ces arrêts, la femme avait dit 
tout simplement, à l'égard de ses immeubles, qu'elle les 
apportait en mariage. 


La Cour a jugé qu'apporter en mariage ou constituer en 
dot, c'était la même chose. (2) 


(1) Arrêt du 17 juillet 1838, rapporté par M. Dalloz. — 1839, 2° 
partie, page 3. 

(2) Arrêt du 26 mai 1842, jurisprudence de la Cour royale de 
Rouen. Vol de 1842, p. 297 


250 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Dans l’autre espèce, la femme n'avait même pas dit 
qu'elle apportait ses immeubles en mariage ; seulement le 
contrat contenait certaines expressions et certaines clauses 
d’après lesquelles la Cour a pensé que les époux avaient 
considéré leurs immeubles comme dotaux. (1) 


Ce qu'il y avait de déplorable dans les deux espèces que 
nous citons, comme, du reste, dans toutes celles analogues 
que nous pourrions citer, c’est que, pour surprendre la 
confiance de l'acquéreur ou du prêteur, les époux n'avaient 


(1) Arrêt du 3 février 1845. 

Souvent, dans les contrats de mariage, surtout dans ceux faits à 
une époque peu éloignée de la promulgation du Code civil, on ren- 
contre des formules empruntées aux usages de l’ancienne coutume 
de la province où ces contrats sont passés. Ces formules sont une 
cause à peu près inévitable de surprise et d'erreur pour les acqué- 
reurs étrangers qui en ignorent la signification. 


Ainsi, on a vu dans des contrats de mariage cette déclaration faite 
par des époux qu’ils se prenaient en tous leurs biens et droits*, ou 
bien qu’ils s’associaient avec tous et chacun de leurs biens et droits 
et contractaient une société usagère**, ou bien encore, que la femme 
instituait son mari son procureur irrévocable pour le régime et 
administration de ses biens présents et à venir ***. 


On a jugé qu’en employant ces expressions , autrefois usitées 
dans les pays de droit écrit , les époux avaient suffisamment mani- 
festé leur intention de soumettre leurs biens à la dotalité, et les 
malheureux acquéreurs qui, dans ces expressions étrangères pour 
eux, n'avaient pas vu une constitution de dot, ont été ruinés. Ces 
décisions étaient très rationnelles et très conséquentes avec ce prin- 
cipe consacré par la jurisprudence: que les contrats de mariage doi- 
vent, comme tous les autres contrats, s’interprêter par la volonté 
présumée des parties contractantes. 


* Voir un arrêt de la Cour royale de Poitiers, du 8 décembre 1824. 
** Voir un arrêt de la méme Cour, du 24 mars 1826, 


#** Arrêt de la Cour de Grenoble, du 28 mai 1425. 


—_—.. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 251 


négligé aucun moyen. Rendant même de très honorables 
jurisconsultes involontairement complices de leur fraude , 
ils avaient demandé des consultations, et, grâce à cette 
diversité d'appréciations dont nous parlions tout à l'heure 
et qui est le triste apanage de l'intelligence humaine, ils 
avaient pu s'appuyer sur des autorités respectables pour 
persuader aux tiers qui contractaient avec eux que leurs 
biens i'étaient pas constitués en dot, et pouvaient, dès lors, 
être aliénés ou servir de gage à leurs engagements ; puis, 
une fois le contrat signé et l'argent reçu, ils avaient tout 
de suite changé de langage et plaidé le contre après avoir 
plaidé le pour. 


Nous ne connaissons, pour notre part, rien de plus 
immoral que ce double jeu, et notre ame se révolte quand 
nous le voyons triompher devant la justice. 


Allons plus loin encore, et pour montrer tous les dan- 
gers que courent les tiers qui contractent avec les femmes 
dotales, supposons un contrat de mariage rédigé dans les 
termes les plus clairs, contenant expressément soumission 
au régime dotal et constitution de dot, mais en même 
temps contenant cette clause si généralement usitée dans 
la province que nous habitons, à savoir : que les biens do- 
taux de la future sont aliénables moyennant remploi. 


Pour bien apprécier la portée d'une pareille clause , il 
faut se rendre compte qu'elle laisse subsister, en principe, 
linaliénabilité dotale avec toutes les conséquences qu'elle 
entraine ; qu'elle n'autorise l'aliénation que sous les con- 
ditions expresses, indispensables , d'un remploi, c'est-à- 
dire, de l'existence, dans les mains de la femme, d’un 
autre bien qui remplace pour elle celui qu'elle a vendu, 
qui lui devienne dotal, et dans la valeur duquel elle puisse 
retrouver la valeur de celui-ci. 


252 ACADÉMIE DE ROUEN. 


De à, cette conséquence, qui doit causer l'effroi des 
acquéreurs, que , si la condition n’est pas rigoureusement 
remplie, l'exception cessant, le principe reprend toute son 
énergie, et l’aliénation est invalidée. 


Maintenant, dépend-t-il toujours de l'acquéreur de faire 
que cette condition, si essentielle à sa sécurité, soit accom- 
plie? C’est là ce qu'il faut examiner. 


Pour que le remploi soit valable , il faut qu'il soit ac 
cepté par la femme ; il faut en outre qu'il soit légalement 
constaté par les contrats et par les quittances que le prix 
de l’acquisition a été payé avec les deniers provenant de la 
vente du fonds dotal. (Art. 1434 et 1435 du Code civil). 


Cela suppose que le fonds dotal doit être d'abord aliéné, 
et que c’est postérieurement qu'un autre fonds est acquis 
pour le remplacer. 


Entre l’aliénation et le remploi, l'acquéreur se trouve 
dans cette position que la condition indispensable à la va- 
lidité de son acquisition n'étant pas remplie , il peut se voir 
évincé de l’immeuble qu'il vient d'acquérir. 


En vue de cette éventualité , il dépose ordinairement son 
prix à la caisse des consignations , afin qu'il ne soit versé 
dans les mains du vendeur qu'au moment où celui-ci, 
en fournissant un remploi à la femme, effacera le caractère 
dotal de l'immeuble, et consolidera la propriété dans les 
mains de l'acquéreur. 


Mais qu'arrive-t-l souvent? c'est que le remploi qui 
aura été annoncé, ne se réalisera pas. 


La femme, mieux conseillée, refusera de l'accepter , ou 
le vendeur voudra conserver son bien. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 253 


L'acquéreur du fonds dotal demandera alors la réalisa 
üon de son contrat ; il voudra reprendre son prix et resti- 
tuer aux époux un immeuble dont ils pourraient le dé- 
pouiller quand ils voudraient. On lui répondra avec la 
doctrine et la jurisprudence, que la nullité résultant de 
l'art. 1560 du Code civil, n’est que relative; qu'elle peut 
bien être invoquée contre lui, mais non par lui; que tout 
ce qu'il a droit de faire, c’est de contraindre ses vendeurs 
à faire un remploi, mais pour le remploi, il faut trouver un 
immeuble qui convienne, et cela peut bien ne pas se ren- 
contrer de suite. Pour peu que les époux y mettent de la 
mauvaise volonté, quelques mois se passeront, et si, pen— 
dant ce temps, l’un d'eux vient à mourir, le remplacement 
sera devenu impossible, et le malheureux acquéreur se 
verra dépouillé par suite de circonstances qu'il n'était pas 
en son pouvoir de conjurer. 


Une fois le remploi réalisé, c'est-à-dire accepté par la 
femme , et fait en son nom avec les deniers provenant de 
la vente de son fonds dotal , l'acquéreur de ce fonds pour- 
ra-t-il au moins s'en regarder comme irrévocablement 
propriétaire ? 


Hélas ! non; car si un jour les époux viennent à subir 
léviction du fonds acquis par eux en remploi, pour des 
causes antérieures à ce remploi, ils auront droit de recou- 
rir sur lui et de se faire renvoyer en possession de l'im- 
meuble qu'ils lui auront vendu. 


Or, on sait combien, dans l'état actuel de notre législa- 
tion hypothécaire, sont fréquentes les évictions résultant 
de causes qui n’ont point été prévues par les acquéreurs : 
une vente antérieure n'a pas été transcrite et est demeurée 
inconnue; un ancien vendeur n’a pas été payé et a conservé 
son droit de résolution ; une hypothèque légale n'a pas été 


254 ACADÉMIE DE ROUEN. 


purgée; tous ces cas, et beaucoup d’autres, peuvent donner 
lieu à des évictions qui, en frappant l'immeuble acquis en 
remploi, atteignent par un fatal ricochet l'immeuble dotal 
remplacé. De façon que les chances périlleuses qui accom- 
pagnent inévitablement toute acquisition immobilière, sont 
nécessairement doublées pour l'acquéreur d’un bien dotal, 
aliénable moyennant remploi. 


Mais, sans qu’il y ait eu précisément éviction de l’im- 
meuble acquis en remploi, combien de fois n'est-il pas 
arrivé que cet immeuble a été jugé insuflisant pour mettre 
l'acquéreur du fonds dotal à l'abri des recherches de ses 
vendeurs. 


Il est certain que si la femme ne trouve pas dans l’im- 
meuble acquis la valeur de l'immeuble vendu, le remploi 
n’est pas complet. Il y a perte réelle pour la femme, alté- 
ration de sa dot, et, comme il est dans les principes du 
régime dotal que la dot ne peut jamais être perdue ou 
altérée , la femme est, ce cas échéant , parfaitement rece- 
vable à soutenir que les conditions sous lesquelles l’aliénation 
de son bien dotal avait été permise dans son contrat de 
mariage, n'ont pas été remplies; que cette aliénation, illé- 
galement faite, doit être considérée comme nulle, et qu’elle 
est en droit de reprendre son immeuble en quelques mains 
qu'il se trouve, et quelque soit le prix pour lequel il lui a 
déjà été payé. 


Veuillez bien considérer maintenant quelles seront pour 
l'acquéreur les conséquences de cette réclamation, qui 
pourra fort bien ne se produire qu'un demi-siècle après 
son acquisition. La contestation qui lui sera faite pourra 
également porter, soit sur le prix de l'immeuble dotal que 
l'on soutiendra avoir été payé au-dessous de sa valeur , 
soit sur celui de l'immeuble acquis en remploi que l'on 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 255 


dira vendu trop cher. Or, depuis 50 ans, les circonstances 
auront changé Les conditions dans lesquelles se trou- 
vaient l'un ou l’autre de ces immeubles, ne seront plus les 
mêmes ; la valeur de lun aura pu augmenter beaucoup, 
et la valeur de l'autre aura pu diminuer. Cependant des 
experts seront nommés, et leur appréciation deviendra la 
règle des juges ; or on sait ce que sont les appréciations 
d'experts, même lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur 
actuelle des biens soumis à leur examen. 


Quelles ne devront pas être les légitimes anxiétés d’un 
acquéreur qui sera peut-être fort éloigné des lieux où le 
procès lui sera intenté, qui aura peut-être depuis long- 
temps revendu lui-même l'immeuble en litige et en aura 
employé le prix, et qui se verra appelé en garantie par 
plusieurs acquéreurs successifs de ce même immeuble, 
pour répondre à une action en éviction, fondée sur ce que 
des gens, qui lui seront devenus tout-à-fait étrangers, auront 
fait jadis une mauvaise spéculation en lui vendant ou en 
vendant à ses auteurs un immeuble et en le remplaçant 
par un autre. 


La seule éventualité d'un pareil procès doit faire frémir 
tout homme soucieux de son repos, et personne au monde 
ne voudrait , à quelque prix que ce fût, acquérir un im-— 
meuble dotal, s’il arrêtait sa pensée sur tous les troubles 
qui peuvent suivre une pareille acquisition. 


Et que ‘sera-ce maintenant si le contrat de mariage 
contient, comme la plupart en contiennent, des res- 
trictions à°la faculté d’aliéner moyennant remploi , expri- 
mées dans des termes sujets à interprétation. S'il est dit , 
par exemple, comme cela est dit le plus souvent , que le 
remplacement devra se faire en immeubles de même 
nature ? 


256 ACADÉMIE DE ROUEN. 


1D 


Combien de procès sont nés et naîtront encore , si Dieu 
prète vie au régime dotal, sur le sens de ces trois mots, 
de même nature ! 


La femme dotale possédait une ferme, elle achète un 
château ; ou bien une pièce de terre en labour, et elle 
achète une prairie; ou bien une maison, et elle achète une 
usine ; ou bien une auberge , et elle achète un théâtre; ce 
sont également des immeubles, également des biens 
ruraux ou des biens de ville ; mais le produit n’est pas le 
même ; les chances d'amélioration ou de dépréciation ne 
sont pas les mêmes non plus. Sont-ce là des biens de 
même nature suivant le sens que les rédacteurs du contrat 
de mariage ont voulu donner à ces mots ? Sur cinquante 
bons esprits à qui la question sera soumise, vingt-cinq 
résoudront par l’affirmative , et vingt-cinq par la négative. 


Eh bien! un jour viendra où, quand vous aurez payé 
votre immeuble, quand vous l'aurez embelli et amélioré , 
quand vous l'aurez disposé suivant vos convenances et 
vous serez fait une habitude de sa possession, ou bien 
quand vous l'aurez transmis à vos héritiers , l'idée viendra 
à votre venderesse , ou à son mari, ou à ses héritiers de 
soumettre à un tribunal cette question si controversable, 
et, s’il arrive que la majorité des membres composant ce 
tribunal soit d'avis que l'immeuble qui vous a été vendu 
n'était pas de même nature que l'immeuble acquis en 
remploi, vous aurez à subir toutes les conséquences d’une 
éviction. 


Plaçons-nous maintenant dans une autre hypothèse , et 
supposons qu'au lieu d’un remplacement en immeubles, 
le contrat, comme cela arrive encore si souvent, autorise 
un remploi en garanties hypothécaires. 


Voilà l'acquéreur obligé de répondre de la validité et de 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 257 


la suflisance de l'hypothèque qui sera donnée à la femme. 
Le voilà assumant sur lui toutes les chances périlleuses qui 
accompagnent toujours dans notre législation les place- 
ments hypothécaires. 


Que l’affectation ne soit pas consentie par le véritable 
propriétaire des immeubles hypothéqués; qu'elle soit don- 
née par un incapable ou sur des biens placés sous le coup 
d'une action résolutoire ou en revendication; que l'ins- 
cription ne soit pas régulièrement prise ; la femme voyant 
son remplacement lui échapper, rentrera dans tous ses 
droits contre l'acquéreur de son bien dotal, et, armée du 
terrible article 1560 , elle viendra l'expulser de l'immeuble 
qu'elle lui avait vendu. 


Ilen sera de même si les immeubles hypothéqués sont 
jugés insuffisants pour répondre de l'hypothèque ; or cette 
insuflisance peut résulter non-seulement de la valeur in- 
trinsèque de ces immeubles, mais encore de l'importance 
des autres hypothèques dont ils étaient grevés antérieure- 
ment au remploi, et parmi lesquelles peuvent se trouver ces 
hypothèques légales, qui, étant dispensées de publicité, 
sont une source si fréquente de mécomptes pour les em- 
prunteurs. 


Nous pourrions multiplier jusqu'à l'infini ces hypothèses 
dans lesquelles la rédaction plus ou moins ambiguë des 
contrats de mariage, peut devenir, pour les acquéreurs de 
biens dotaux , une cause de déception et de ruine. 


Nous aimons mieux les résumer toutes par cette double 
considération qui suflira pour faire apprécier, à quiconque 
y voudra bien réfléchir, toute l'étendue du mal. D'une part, 
que la plus grande latitude est donnée par la loi aux ré- 
dacteurs des contrats de mariage ; qu'ils y peuvent faire 
entrer toutes les clauses qui leur sont inspirées par le ca- 


17 


258 ACADÉMIE DE ROUEN. 


price de leur fantaisie, sous la seule réserve du respect dû 
aux bonnes mœurs , à la puissance paternelle ou maritale, 
et à l'ordre légal des shccessions (1), et, d’une autre part, 
que les contrats de mariage s'interprètent , comme tous 
les autres contrats, par la volonté présumée des parties 
contractantes ; d’où sort cette conséquence désolante pour 
les tiers qui ont contracté sous la foi d’un contrat de 
mariage , que leur sort sera réglé par les dispositions d’un 
acte auquel ils n’ont point été partie , et dont les obscurités 
s'interpréteront par la présomption d'une volonté qui leur 
à été étrangère. 


Maintenant, si l'on considère combien les lois rédigées 
par les hommes les plus éminents du royaume, dans un in- 
térêt général et avec la plus grande clarté possible, don- 
nent encore lieu, tous les jours , à des difficultés d’inter- 
prétation qui divisent les plus habiles jurisconsultes ; et 
cela encore, lorsque de nombreux monuments de la vo- 
lonté qui a présidé à la rédaction de ces lois demeurent 
dans les discussions des Chambres législatives, pourra-t-on 
trouver supportable la position d’un acquéreur, dont la sé- 
curité dépend de l'interprétation qui pourra être donnée un 
jour à une clause dont l’ambiguité a peut-être été calcu- 
lée à dessein pour le tromper ! 


Les cas sont donc bien rares où l'acquéreur d’un bien 
dotal pourra se considérer comme propriétaire incommu- 
table de l'objet de son acquisition. 


Le danger à cet égard est si réel et si généralement 
senti, que la plupart des acquéreurs , dans les cas où le 
contrat de mariage autorise l’aliénation du bien dotal sous 
condition de remploi, refusent de payer leur prix et se 


(1) Art, 1387, 1388 et 1389 du Code civil. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 259 


laissent assigner ; un procès s’en suit, et ce n'est que lors- 
qu'un jugement, passé en force de chose jugée, les a con- 
damnés , qu'ils consentent à se libérer. 

a ,q 


Mais alors de deux choses l'une : ou le procès n’est pas 
sérieux, c'est-à-dire est concerté à l'avance entre le ven- 
deur et l'acquéreur, comme moyen de donner à ce dernier 
une sécurité de plus, et, à l'aliénation, une garantie de fixité 
qui lui manquerait sans cela, et, alors, si un jour la collision 
est découverte, la femme ou ses héritiers, invoquant la 
fraude qui fait exception à toutes les règles, feront annuler 
le jugement et révoquer l’aliénation : quoties'in fraudem 
legis fit alienatio, non valet quod actum est ; 


Ou bien ce sera après une contestation sérieuse que l’ac- 
quéreur sera condamné à payer son prix, et alors, il aura 
à subir toutes les conséquences d’un procès perdu ; c'est- 
à-dire que pendant tout le temps où le procès aura duré, 
et l’on sait ce que les procès durent, il aura été privé, tout 
à la fois, et des avantages de son immeuble dont il n'aura 
osé prendre possession, et des intérêts de son prix qu'il lui 
aura fallu consigner ; puis, qu'après la décision qui l'aura 
condamné, il aura à payer, outre les frais de justice qui 
pourront être considérables , les dommages-intérêts que le 
vendeur ne manquera pas de réclamer. 


En vérité, quand on considère bien tous ces inconvé- 
nients et tous ces dangers, on se demande comment les 
biens dotaux trouvent des acquéreurs. Ils en trouvent ce- 
pendant, mais c’est aux dépens de leur valeur On les paie 
moins cher en considération des risques auxquels on s’ex- 
pose en les acquérant, et cette moins-value est une perte, 
non-seulement pour les vendeurs , mais aussi pour l'Étai 
qui voit diminuer ainsi les richesses du pays. 


260 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Si encore les rigueurs du régime dotal n'atteignaient 
que les époux qui s’y sont soumis et les tiers qui con- 
tractent avec eux, nous l’absoudrions avec la maxime : va- 
lentibus non fit injuria ; mais , il n’en est pas ainsi, Déjà 
nous avons cité bien des piéges tendus à la bonne foi des 
acquéreurs, et auxquels les plus vigilants devaient se 
laisser prendre. Ajoutons qu'il est une foule de positions 
dans lesquelles on se trouve involontairement en contact 
avec la dotalité , et exposé à souffrir de ses exhorbitantes 
immunités. 


Ainsi, vous êtes créancier, votre débiteur meurt, et sa 
succession est acceptée par sa fille, mariée sous le régime 
dotal. Celle-ci ne fait pas d'inventaire, et dilapide la suc- 
cession ; il se trouvera des juges qui décideront que vous 
ne pouvez poursuivre sur ses biens dotaux le recouvre- 
ment de votre créance (1). 


Vous êtes débiteur, etil plait à votre créancier de 
donner pour dot à sa fille sa créance sur vous, en stipu- 
lant dans le contrat de mariage l'emploi des deniers do- 
taux. Si cetemploi n’est pas fait dans les termes du contrat, 
vous pouvez être condamné à payer deux fois (2). 

Une femme dotale vous intente un procès; vous vou- 
driez en sortir par un arbitrage , la dotalité s’y oppose (3). 
Le procès qui vous est fait est d’une révoltante injustice, 
vous gagnez votre cause en première instance, en appel, 


(1) Citons pour preuve et pour exemple un arrêt de la Cour 
d'Agen du 26 janvier 1833, et un arrêt de la Cour de cassation du 
3 janvier 1825. 

(2) Art. 1553. 

(3) Art. 83 et 1004 du Code de procédure civile. Arrêt de la Cour 
royale de Montpellier du 15 novembre 1830. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 261 


en cassation; mais les dépens sont considérables, vous 
ne pouvez les faire payer à votre adversaire , et vous 
êtes ruiné (1). 


Enfin , il y a plus. Une femme sous le régime dotal se 
rend coupable envers vous d'un délit ou d’un crime. Elle 
vole votre bourse , incendie votre maison , vous ne pouvez 
vous venger sur ses biens dotaux (2). 


On voit que personne ne peut se flatter d'être à l'abri 
des atteintes du régime dotal, puisqu'alors même qu’on 
n'est ni créancier, ni débiteur, ni propriétaire , on ne peut 
être à l'abri d’un mauvais procès intenté par une femme 
dotale , d'un quasi délit, d’un délit ou d’un crime commis 
par elle. 


Nous terminerons d'ailleurs par une considération qui 
sera comprise par tout le monde : 


C'est que, dans le courant habituel des affaires , il est 
une foule de petites transactions , de petits contrats , de 
petits engagements pour lesquels il n’est véritablement 


(1) Arrêt de la Cour d’Agen du 26 janvier 1833 et de Cassation du 
26 février 1834. 


Il y a, toutefois, des arrêts contraires, et la question est contro- 
versée. 


(2) Cette doctrine a trouvé, il est vrai, des contradicteurs dont 
l'esprit d'équité s’est révolté contre la rigueur du texte ; mais elle 
a aussi des défenseurs. V. notamment Terisier, Traité de la dot, 
n° 78, note 675. V. aussi un arrêt de la Cour de cassation du 28 
janvier 1834 et un arrêt tout récent de la Cour de Montpellier du 4 
février 1842. 

Tout ce qu’on peut dire dans l’état actuel de la jurisprudence, 
c'est que, sur ce point comme sur le précédent, la question est 
controversée, ce qui est peu rassurant pour les tiers. 


262 ACADÉMIE DE ROUEN. 


pas possible de prendre toutes les précautions que , dans 
les grandes affaires, la prudence conseille. 


Par cela seul que des époux occupent dans le monde 
un rang distingué, qu'ils font de grandes dépenses, étalent 
un grand luxe, chacun les croit riches ; qu'il leur plaise 
d'acheter à crédit ou d'emprunter une petite somme , se 
fera-t-on représenter leur contrat de mariage , s'inquié- 
tera-t-on de savoir si la fortune vient du mari ou vient 
de la femme , si les biens de l’un sont plus que suflisants 
pour solder les reprises de l'autre, et si dans le cas d’une 
séparation de biens, entre les époux, après la liquidation 
des droits de la femme , il resterait au mari de quoi payer 
les dettes du ménage... ? 


La pensée n'en viendra même pas. 


Il y a plus, c’est que, même après la séparation pro- 
noncée en Justicej, même après l'insolvabilité du mari 
constatée par la ruine de nombreux créanciers, les ap 
parences de fortune que, grâce à la dot de sa femme, 
celui-ci conserve, sont pour les tiers une cause inces— 
sante de tromperie. 


Nul ne peut imaginer que ce brillant équipage dans le- 
quel il se promène, cet hôtel somptueux qu'il habite, les 
domestiques nombreux qui le servent, rien de tout cela 
n’est à lui. On lui vend et on lui prête sur la foi des biens 
qu'il étale et de la fortune qu'on lui suppose; puis , quand 
on vient saisir, la femme se montre , et dit : « Tout est à 
«moi, à moi l'équipage, à moi l'hôtel, à moi les beaux 
« meubles ; mon mari n’a rien, c’est moi qui le nourrit, qui 
le vêlit, qui le loge, qui le promène en voiture. Je fais 
tout cela parce que je le veux bien, parce que, d’ailleurs, 
la loi m'oblige à vivre avec lui et à pourvoir à son entre- 


= 


= 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 263 


«tien; mais la loi ne m'oblige pas de payer ses dettes, 
« je ne veux pas les payer et ne les paierai pas. » 


En vérité , il serait peut-être d'une bonne police d'o- 
bliger tous les époux mariés sous le régime dotal à se 
munir de crecelles , comme autrefois les lépreux, pour 
écarter les passants, et tenir les gens en garde contre les 
dangers qui peuvent résulter de leur contact. 


$ Hi. 


Du régune dotal considéré dans ses rapports avec 
l'intérêt général du pays. 


Après avoir examiné le régime dotal au respect de l'in- 
térêt des époux et de l'intérêt des tiers, il nous reste à 
l'envisager au point de vue de l'intérêt général du pays. 


Ce troisième aspect de la question est tout à la fois le 
complément et la conséquence des deux autres. 


L'intérêt public se compose de la réunion des intérêts 
privés , et il est bien impossible que , lorsqu’au sein d’une 
société tant de froissements particuliers se font sentir, 
la société toute entière ne s'en trouve pas, Jusqu'à un 
certain point , ébranlée. 


Ainsi, déjà , quant à la morale publique, combien n'a- 
t-elle pas à souffrir du scandale de toutes ces fraudes dont 
nous avons parlé, et qui se réalisent au grand jour, sous 
les yeux, et, en quelque sorte, avec la protection de la 
justice qui en consacre , par ses décisions, les résultats 
spoliateurs. 


Lorsque , dans le sanctuaire des lois, il est permis à 
une femme d'élever la voix, et de dire : 


26* ACADÉMIE DE ROUEN. 


« Pour obtenir de vous le paiement de mon immeuble, 
« je vous ai caché mon contrat de mariage , et vous ai dit 
« qu'il n'existait pas. Ou bien : j'ai abusé de votre igno- 
«rance et de votre confiance en moi, pour vous faire 
« croire qu'il me donnait le droit de recevoir votre argent, 
« mais tout cela de ma part était fraude et mensonge, 
« payez-moi une deuxième fois, ou rendez-moi mon bien. » 


Lorsqu'un pareil langage, loin d'être couvert par les 
huées de l'auditoire et flétri par l'indignation des ma- 
gistrats, est au contraire couronné de succès et suivi de 
la spoliation de l'acquéreur trompé, ne sort-il pas de Rà, 
pour les masses, une impression mauvaise qui tend à 
pervertir chez elles le sentiment du juste et du vrai, et à 
ébranler dans le peuple la confiance et le respect qui sont 
dus aux dispensateurs de la justice! 


Mais ce n’est pas seulement la morale publique qui est 
blessée par de pareils exemples. 


Les intérêts généraux de la propriété en souffrent éga- 
lement. 


Pour être utile et féconde , la propriété a surtout besoin 
d'une grande stabilité , et le propriétaire qui voit son voisin 
dépouillé par des causes qu'il n'avait pu prévoir, croit 
sentir aussi le sol trembler sous ses pas. 


S'il possède avec crainte , il hésitera à faire des amé- 
liorations dont il ne se croira pas sûr de recueillir les fruits, 
et ce sera autant de perdu pour les richesses du pays. 


Mais, ce qui est une cause de perte bien plus grande 
encore pour le pays, c'est, d’une part, l'immutabilité de 
tous les biens-fonds frappés de l'inaliénabilité dotale, et, de 


7 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 265 


l'autre, la moins-value de tous ceux qui, quoique dotaux, 
sont aliénables sous certaines conditions. 


Nous n'avons pas besoin de nous arrêter à de longues 
considérations d'économie politique pour démontrer ces 
deux propositions fort évidentes par elles-mêmes. 


Des biens qui ne circulent pas, sont, à certains égards , 
pour la fortune publique, comme s'ils n’existaient pas, et 
des biens qui exposent à des dangers d'éviction ceux qui 
les acquièrent, voient nécessairement leur valeur dimi- 
nuer en raison de la gravité et de l'imminence de ces 
dangers. 


Avant la loi du 27 avril 1825, qui, en accordant une 
indemnité aux émigrés victimes des confiscations révolu- 
tionnaires, a donné à ces confiscations l'irrévocabilité 
d'une juste et équitable consécration, il est certain que la 
vague inquiétude qui agitait les possesseurs de leurs biens, 
malgré tout ce qui avait été dit et fait pour les rassurer, 
suflisait pour faire subir à ces biens une notable dépré- 
ciation. 


Une dépréciation bien plus grande , parce que les dan- 
gers sont bien plus réels, frappe aujourd'hui les biens 
dotaux. 


Celui qui ne peut acquérir qu'à la condition de fournir 
un remploi à son vendeur, de demeurer garant de la va- 
lidité de ce remploi , de ne pouvoir se libérer avec sécu- 
rité qu'après avoir soutenu et perdu un procès ; enfin, 
à la charge de tous les périls que nous avons signalés 
dans le paragraphe qui précède, celui-là , bien certaine- 
ment, s'il consent à se soumettre à ces embarras et à 
courir ces périls, en voudra trouver le dédommagement 
daus la vileté du prix de son acquisition. 


266 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Aussi, voyons-nous en Normandie , par exemple, où les 
biens dotaux aliénables, moyennant remploi, couvrent 
une grande partie du sol, que la première question que 
fait un acquéreur tend à savoir si le bien qu'on lui offre 
n’est pas un bien dotal, comme on demandait autrefois 
si les biens à vendre n'étaient pas des biens d'Église ou 
des biens d’émigrés , confisquées révolutionnairement. 


Mais, au contraire de la dépréciation des biens d'émigré 
qui allait toujours diminuant, parce que les craintes de 
dépossession s’amoindrissaient à mesure que s'éloignait 
le fait unique qui aurait pu y donner lieu , la dépréciation 
des biens dotaux augmente tous les jours, parce que tous 
les jours de nouveaux exemples de dépossession viennent 
effrayer les acquéreurs ; parce que , dans un temps où les 
capitaux sont sollicités de toute part par les avantages 
que présentent les spéculations hasardeuses de l'industrie 
et du commerce, ce n’est que la considération d’une 
grande solidité qui peut poïter les capitalistes à se con- 
tenter des faibles intérêts que donne la propriété foncière ; 
parce que , enfin, la soif du gain domine de plus en plus, 
et qu'elle inspire aux vendeurs des tromperies qui en- 
gendrent, à leur tour, de justes méfiances chez les ac- 
quéreurs. 


La dotalité porte donc une double atteinte à la richesse 
du pays qu'elle diminue dans la double proportion des 
mutations de propriété qu'elle empêche , et de la moins- 
value qu'elle fait subir aux immeubles aliénables moyen- 
nant remploi. 


Nous ne pensons pas que cette fächeuse conséquence 
du régime dotal , ait jamais été contestée , ni qu'elle puisse 
l'être par qui que ce soit, mais souvent nous avons en— 
tendu les partisans de ce régime s’applaudir des entraves 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 267 


5 


qu'il apporte à la transmission des propriétés foncières 
dans l'intérêt de l'agriculture, qu'ils voient menacée dans 
son avenir par le morcellement toujours croissant des 
héritages. 


Sans vouloir contester les ressources que les grandes 
exploitations présentent à certaines branches de notre agri- 
culture, et tout en comprenant les légitimes préoccupations 
de nos économistes en présence des dangers que fait pres- 
sentir le morcellement dont ils se plaignent, nous nous 
croyons fondés à dire que, non seulement le régime 
dotal n’oppose pas de véritables entraves au morcelle- 
ment des propriétés , mais qu'il met obstacle au seul re- 
mède utile qui puisse être apporté à ce fléau agricole, 
en rendant plus diflicile la réunion des propriétés con- 
tigues. 


Cela demande quelques développements. 


Deux causes, suivant nous, concourent au morcellement 
des propriétés : 


Les partages entre héritiers et les ventes en détail. 


Ce n'est pas à dire, toutefois, que ces deux causes doi- 
vent être placées sur la même ligne. 


Il en est une dont l’action est plus lente que celle de 
l'autre, mais en même temps bien plus puissante, bien 
plus générale, bien plus sérieusement inquiétante. 

& 

Les ventes en détail n'affectent ordinairement que cer- 
tains terrains , situés dans des positions exceptionnelles, ou 
bien des héritages qui ne peuvent gagner à être divisés 
que parce qu'ils seront mieux cultivés par parcelles qu'ils 
ne l’étaient dans leur ensemble , et, dans ce dernier cas, 
l'agriculture regagne d'un côté ce qu'elle perd de l'autre. 


268 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Mais les partages de succession font sentir leur influence 
dissolvante sur toute la surface du territoire. Toutes les 
exploitations agricoles vont s'amoindrissant en passant du 
père aux enfants, de l'oncle aux neveux. Ce sont des ar- 
bres qui se divisent, d’abord en grosses branches, puis en 
petits rameaux , et cela, tant que la matière est divisible, 
c'est-à-dire jusqu'à l'infini. 


Sous l’ancien régime, chacune des deux causes que 
nous venons d'indiquer, avait son retenail, s'il nous est 
permis d'emprunter à Bossuet cette expression énergique. 


Les substitutions empêchaient les ventes en détail, et 
le droit d’aînesse conservait l'héritage entre les mains de 
l'aîné de la famille. 


Le droit d’ainesse a disparu de nos lois sans y laisser 
aucune trace de sa longue existence, et le partage égal des 
successions suflirait bien à lui seul, et en peu de temps, 
pour amener entre tous les héritages ce morcellement 
justement redouté, si, à côté de son action destructive, ne 
se trouvait une autre force constituante et créatrice , dont 
tout à l'heure nous allons parler. 


Quant aux substitutions , c'est évidemment en mémoire 
d’elles que les sectateurs de la dotalité ont vanté les avan- 
tages conservateurs de l'inaliénabilité dotale ; mais 1l nous 
paraît évident qu'ils ont été frappés d’une fausse analogie. 


Les biens substitués étaient à toujours inaliénables. Les 
biens dotaux, au contraire, ne sont inaliénables que pendant 
la durée du mariage pour lequel ils ont été constitués en 
dot. 


Cette inaliénabilité temporaire peut bien retarder l’exé- 
cution des projets du spéculateur, mais elle n'y fait pas re- 
noncer,; et, si une propriété se trouve telle par sa situation, 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 269 


qu'il y ait avantage à la diviser, ce ne sera pas aujourd'hui, 
mais ce sera demain que la spéculation la divisera. 


L'avenir n'y aura rien gagné, et, en matière de législa- 
tion et d'économie politique, c’est sur l'avenir qu'il faut 
avoir toujours les yeux fixés. 


Il est donc certain qu’en l'absence du droit d’aînesse et 
des substitutions, et par la double action des ventes en 
détail et des partages successoraux, les biens ruraux ten- 
dront toujours à se diviser et à s'amoindrir, jusqu'à ce que, 
cédant à des forces d'une nature différente, leurs parties 
divisées se réunissent, s’agglomèrent, et forment de nou- 
velles grandes exploitations sur les débris de celles qui 
disparaissent. 


Ces forces dont nous parlons et dont le facile développe- 
ment doit exciter maintenant toute la sollicitude des éco- 
nomistes , ne manqueront jamais au pays. 


A côté des fortunes qui s'écroulent, il en est d'autres 
qui se créent. Les spéculations qui ruinent les uns, enri- 
chissent les autres. Tel a toujours été et sera toujours 
l’inévitable effet des vicissitudes humaines. 


Dans tous les temps, nous verrons les capitaux s'amon- 
celer dans certaines mains privilégiées, et, quelque soit la 
source de ces richesses, qu'elles soient dues au commerce 
ou à l'industrie, à l'exercice des professions libérales, aux 
efforts du génie ou au hasard de l’agiotage, leurs heureux 
possesseurs chercheront toujours à les consolider dans 
leurs mains au moyen des garanties de fixité que peut seule 
offrir la propriété foncière. 


Nous aurons donc dans l'avenir, comme nous avions 
dans le passé, de grands propriétaires fonciers. 


270 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Le sol ne sera plus comme autrefois à l'aristocratie no- 
biliaire ; mais il appartiendra toujours à l'aristocratie d'ar- 
gent, et, pour ce qui concerne les intérêts de l’agriculture, 
peu importerait si, dans les mains de ces possesseurs nou- 
veaux , les héritages pouvaient comme autrefois se consti- 
tuer en grands domaines , en grandes exploitations. 


Malheureusement il n’en est pas ainsi. 


Ceux qui, de nos jours , possèdent de grandes fortunes 
territoriales , ont leurs biens éparpillés sur beaucoup de 
points différents. Tel qui pourrait posséder un vaste do- 
maine et y déployer avec avantage toutes les ressources de 
l'agriculture appliquée en grand, en est réduit à ne posséder 
que de petites fermes , isolées les unes des autres, et sou- 
mises aux conditions défavorables de la petite culture. 


Assurément ce n’est pas dans le caprice des propriétaires 
qu'il faut chercher la raison de ce fâcheux état des choses. 
L'intérêt est un guide dont les avis sont rarement négligés, 
et ici, il parle assez haut pour croire qu'on l’écouterait, si 
l'on pouvait librement suivre ses inspirations ; mais, dans le 
temps où nous vivons, acquérir suivant ses convenances 
n'est pas toujours chose aisée. 


D'abord les convenances sont entrées dans le commerce, 
il faut les payer et souvent les payer fort cher. Puis, outre 
cette triste conséquence de l'esprit de cupidité et d'égoïsme 
qui a envahi nos mœurs, la législation apporte aussi ses 
entraves, au nombre desquelles celles résultant du régime 
dotal doivent être comptées en première ligne. 


Malheur en effet au propriétaire dont l'héritage se trouve 
borné par un bien dotal. Cette limite sera pour lui infran- 
chissable, et jamais il ne pourra, de ce côté, agrandir son 
domaine. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 271 


Abolissez le régime dotal, diminuez les droits de mu- 
tation, corrigez les vices de notre système hypothécaire , 
en un mot, rendez plus faciles et plus sûres les échanges 
et les transmissions d'immeubles, bientôt vous verrez de 
tous côtés de petites propriétés contiguës se réunir et se 
confondre, pour former, dans les mains d’un propriétaire 
commun, une exploitation unique, importante par son éten- 
due, et, par cela même, avantageuse dans son exploitation. 


L'agriculture y gagnera , l'industrie y trouvera aussi ses 
avantages. 


La loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique 
donne à l'État et aux compagnies concessionnairés de tra- 
vaux publics, subrogées dans ses droits, des moyens pour 
franchir les entraves de la dotalité. Les biens dotaux de- 
viennent aliénables dès qu'ils sont nécessaires pour l'exé- 
cution des travaux légalement reconnus pour être d'utilité 
publique. 


Le tribunal ordonne alors les mesures de remploi qu'il 
Juge nécessaires, et l'embarras n'existe plus que pour les 
propriétaires obligés de se conformer à ces mesures. 


Mais, quand c'est un particulier qui , pour une opération 
industrielle, a besoin de réunir plusieurs propriétés privées, 
les mêmes facilités ne lui sont point octroyées par la loi. 


Si, au nombre de ces propriétés dont la réunion est 
utile, il se trouve un bien dotal, toute la spéculation est 
entravée. 


Il faudra renoncer à créer une de ces grandes usines qui 
répandent le travail, l’activité, l'aisance dans tout un pays, 
à ouvrir un de ces beaux passages qui, tout en faisant la 
fortune de ceux qui les exploitent, offrent au publie des 


272 ACADÉMIE DE ROUEN. 


moyens si commodes et si agréables de communication ; 
à former un de ces vastes établissements de santé ou d'é- 
ducation qui permettent de respirer au sein des villes l'air 
salubre de la campagne. 


Encore que l'utilité publique de pareilles entreprises ne 
reçoive pas la sanction d'une décision administrative , elle 
n’en est pas moins incontestable; car tout se tient en éco- 
nomie politique , et l'intérêt public n'est autre chose que 
cette espèce de solidarité qui existe entre tous les intérêts 
privés. 


Pour qu'une spéculation fasse la fortune de ceux qui 
l'entreprennent , il faut qu’elle réponde à des besoins, 
qu'elle donne satisfaction à des intérêts généralement sen- 
tis. Il faut, en d’autres termes, qu’elle soit avantageuse 
au public. D'où suit, qu’entraver la spéculation de l'intérêt 
privé, c’est nuire à l'intérêt public. 


Tels sont nos griefs contre le régime dotal. 


Nous les avons exposés avec bonne foi et sincérité, nous 
les livrons maintenant aux méditations de nos lecteurs, avec 
la confiance que peut inspirer une conviction profonde et 
le sentiment d'un devoir accompli. 


Déjà nous savons avoir pour nous les sympathies des ju- 
risconsultes, des praticiens, des économistes les plus éclai- 
rés de cette province dans laquelle le régime dotal a pour- 
tant de si profondes racines. 


Contre nous, nous aurons nécessairement le grand nom- 
bre qui ne voit dans le régime dotal que la planche de salut 
qu'il tend, après le naufrage de leur fortune, à des familles 
intéressantes , victimes de spéculations, de prodigalités 
auxquelles leur chef seal a pris part. 


CLASSE DES BELLES LETTRES. 273 


Sans contester les avantages de cette planche de salut , 
nous croyons qu'elle est payée de trop de gènes, de trop 
de sacrifices, de trop de douleurs par ceux même à 
qui elle peut devenir un jour utile; puis, à côté de ces fa- 
milles intéressantes auxquelles elle conserve l'aisance, nous 
voyons les familles des créanciers souvent bien intéressantes 
aussi, et s’il faut que les unes ou les autres soient ruinées , 
il nous paraît préférable que ce ne soit pas celles au sein 
desquelles il n°y a eu ni prodigalité, ni dissipation. 


18 


D on NON D SONO S D UNS D DNS D NS SN NS 


L'OEIL DE DIEU, 


ŒCanserie paternelle d'une Soirée d'Octobre. 


PAR M. F. DESCHAMPS. 


Mon enfant , la nuit est venue; 
Enfoncé dans mon grand fauteuil , 
Le front couvert du garde-vue, 
J'ai l'air grave comme un aïeul. 


Toi, près de mon feu qui flamboie , 
Assis bien bas, presqu'à mes piés, 
Vers moi tu lèves avec joie ! 
Tes veux encor tout éveillés. 


A travers ton malin sourire 

Et tes petits airs agaçants, 

J'ai compris ce que tu désire : 
Tu demandes des jeux bruyants. 


CLASSE DES BELLES LETTRES. 275 


A tes vœux si je veux répondre, 
Il faut, dépeuplant mon lambris , 
Te laisser entasser, confondre, 

Chaises , fauteuils, tables, tapis. 


Puis il faut t'aider à construire , 
Avec mes meubles renversés , 
Quelque port ou quelque navire, 
Quelque donjon aux grands fossés. 


Non — tiens, regarde à la fenêtre, 
Quel triste ciel ! quel sombre soir ! 
Octobre siffle ! il pleut peut-être ! 
La lune a pris son voile noir, 


L'arbre gémit, la vitre tremble, 
Le temps est triste et soucieux , 
Au soleil nous joûrons ensemble ; 
Mais ce soir soyons sérieux. 


Mon fils, au-dessus du tonnerre, 

Bien haut, bien haut , au fond des cieux, 
Il est un grand œil sans paupière , 

Qui voit tout, qui plonge en tous lieux ; 


1 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


De la terre il voit les entrailles, 
Perce la voûte des forêts, 

Et les plus épaisses murailles 
Où l'homme cache ses secrets. 


Cet œil qui jamais ne se ferme, 
Profond , immense et plein d’un feu 
Sans commencement et sans terme , 
Cet œil, mon fils, c'est l'œil de Dieu ! 


Dieu ! mot qui confond la science, 
Mot que nul ne sait définir, 

Et que ta frèêle intelligence 

Ne peut concevoir ni sentir. 


De ce mystère de l'espace 

Tu ne peux voir la profondeur, 
Je t'en veux montrer la surface ; 
Ne m'écoute qu'avec ton cœur. 


On t'a dit que dans sa puissance 
Dieu créa tout ce que tu vois : 

Les cieux avec leur voûte immense, 
La mer, les montagnes, les bois ; 


= 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 


Tout ce qui marche , vole ou nage , 
Peuple le sol, les eaux, les airs, 
L'homme, enfin, son plus grand ouvrage, 
Auquel il donna l'univers. 


Or, comme l'ouvrier habile 
Veille à l'œuvre qu'il a construit, 
Rend sa marche sure et facile, 
Répare, entretient, affermit : 


Dans sa sublime prévoyance , 

Dieu veille aussi. Ce soin jaloux , 
Mon enfant, c'est la Providence , 
C'est le grand œil ouvert sur nous ; 


Ïl nous suit partout où nous sommes, 
Nous voit , les petits et les grands, 
Regarde les travaux des hommes 

Et les jeux des petits enfants. 


Près de lui, sous le doigt d’un ange, 
S'ouvre le grand livre d’airain 

Où se lit le rare mélange 

Du bien avec le mal humain. 


1D 
-{ 
Si 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


Quand Dieu rencontre sur la terre 
Le bien dans son divin essor, 

Le bien, ce fils de la lumière, 
Dieu l’inscrit sur les feuillets d’or. 


Mais son regard perce les ombres, 
Et, quand il aperçoit le mal, 

Il l'inscrit sur des feuillets sombres 
Trempés dans le plus noir métal. 


Ce que tu fais, ce que tu pense, 
Ce que ta bouche ou ton cœur dit, 
Par Dieu , qui le connait d'avance, 
Aux cieux chaque jour est écrit. 


Car il ne néglige aucun être ; 
Dans cette immense égalité 
Qu'il nous convie à reconnaitre , 
Sur tous il étend sa bonté. 


Les grands efforts de la science , 
Les grands desseins du conquérant, 
Ne sont pas, devant sa puissance , 
Plus que les rêves de l'enfant. 


a 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 


Bien plus , sa sagesse profonde 
Préfère accorder son appui 

A ceux qu'a moins touchés le monde , 
Qui sont encor plus près de lui. 


Pour lui', c'est une douce chose : 
Souvent , fatigué des méchants , 
Il se détourne et se repose 

Sur le front des petits enfants. 


Mais, s’il faut aussi qu'il les nomme 
Injustes , jaloux ou menteurs , 

S'il trouve les vices de l’homme 
Implantés dans ces jeunes cœurs : 


Alors il prend un front sévère , 
Il étend son bras, il maudit , 
Et, dans sa divine colère : 

Sur les feuillets noirs il écrit. 


S'il voit l'enfant, l’ame attendrie 
Puiser dans son petit trésor 

Pour donner au vieux qui mendie , 
Dieu l'écrit sur les pages d'or. 


[Da 


1 


9 


280 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


S'il voit l'enfant près de son père 
Soumis , docile , affectueux , 

Cherchant avant tout à lui plaire, 
Lisant ses désirs dans ses yeux ; 


Si pour le travail, loi suprême 
Que Dieu dicte à l'humanité, 
Il sait quitter le jeu qu'il aime 
Sans trop pleurer sa liberté ; 


S'il entoure de gratitude 

Celui qui, par un lent effort, 
L'appelle aux secrets de l'étude, 
Dieu l'écrit sur les pages d'or. 


Mais si Dieu voit l'enfant colère , 
Cruel, envieux , querelleur, 

S'il est sans amour pour son père, 
Sans respect pour son précepteur ; 


Ces devoirs que le maître donne , 
S'il les repousse et les maudit , 
S'il résiste quand on ordonne, 
Dieu sur les feuillets noirs écrit. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 281 


Si, pour le pauvre prolétaire 
Que le sort fit son serviteur , 
[n'a qu'une parole altière 
Pleine de morgue et de hauteur ; 


S'il passe avec indifférence 
Auprès du pauvre qui gémit, 
Sourd à la voix de la souffrance , 
Dieu sur les feuillets noirs écrit. 


Mais sur le livre ouvert par l'ange, 
Si trop souvent s'inscrit le mal : 
Dieu lassé punit et se venge, 

Et son courroux devient fatal. 


À l'enfant que gonfle et soulève 
L'envie et l’orgueil, maux cuisants À 
Ou bien qui, sans repos ni trêve , 
Veut au jeu vouer tout son temps ; 


À celui qu'irrite , exaspère 
L'avis des amis bienveillants , 
Qui par le feu de la colère 
Excite, brûle, aigrit ses sens , 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


Dieu, pour le châtier, envoie 
La maladie et ses douleurs , 
Messagère tuant la joie, 
Arrachant les cris et les pleurs. 


Elle a pour compagne fidèle 

La fièvre, aux membres amaigris , 
Qui vient saisir l'enfant rebelle 

Et dompter l'élève insoumis. 


Alors , pour le petit malade, 
Plus de fête, plus de plaisir, 
Plus de bois pour la promenade , 
Plus de prés unis pour courir. 


Alors le jouet inutile 

Excite des vœux superflus ; 

Et sur sa bascule immobile 

Le grand cheval ne danse plus. 


Le buis tournant que le fouet chasse, 
En ronflant ne peut plus rêver, 

Et le cerf-volant , dans l’espace , 
Tout fier, ne peut plus s'élever. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 


La voiture reste arrêtée , 

Et le joli petit bateau 

Ne suit plus la pointe aimantée 

Qu'il cherchait en glissant sur l’eau. 


Ainsi, tu le vois, sur la terre , 
Où tout n'est pas juste pourtant , 
Le bien a déjà son salaire , 

Le mal déjà son châtiment. 


En m'écoutant , l'âme étonnée , 
Et tourmenté par le regret, 
L'auditeur, la tête inclinée , 
Songeait au mal qu'il avait fait à 


Et sa petite voix tremblante, 
Eclatant en sanglots confus s 
Disait, plaintive et suppliante : 
«Père , je ne le ferai plus. » 


283 


D10000000000000000000020000000000000000000LNOOONONQNONENNENTONNOEDEO M 


BIOGRAPHIE NORMANDE. 


NICOLAS BRETEL. 


Ambassadeur de France à Home et à Venise. 


1644—1648. 


La Normandie est peut-être la province qui a donné à 
la France le plus de négociateurs. L'esprit de Sapience, 
la finesse , la ruse poussée jusqu'à la duplicité, la pru- 
dence qui devine et déjoue les plans des adversaires, la 
persévérance à poursuivre le même but en variant les 
moyens, tous ces traits caractéristiques du génie Nor- 
mand conviennent merveilleusement aux luttes diploma- 
tiques. Aussi, trouve-t-on un grand nombre de Rouennais 
employés dans les ambassades. A l'époque surtout où Ri- 
chelieu abaissait l'aristocratie féodale et élevait le Tiers- 
État , les familles parlementaires de Normandie lui four- 
nirent des agents habiles ; ainsi, les Gremonwville ( Nicolas 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 285 


et Jacques), les Groulart, les d'Amontot (1), pour ne citer 
que quelques noms, servirent la glorieuse politique de 
Richelieu et de Mazarin , en Italie, en Autriche et en Hol- 
lande, et prirent une part active à des négociations du 
plus haut intérêt. Et, cependant , leurs noms sont restés 
obseurs. Il faut surtout l’attribuer à la nature de leurs 
services, qui, enveloppés des mystères de la diplomatie , 
ne pouvaient avoir l'éclat des succès obtenus dans les 
lettres ou sur les champs de bataille. Leur correspon- 
dance, qui aurait pu seule révéler l'importance de leur 
rôle, était presque toujours condamnée à l'oubli par des 
considérations politiques. De nos jours, ces motifs n'im- 
posent plus silence à l'histoire, et une publication récente 
a fait ressortir le mérite d'un de ces diplomates rouennais, 
le chevalier de Grémonville (2). Ses dépêches montrent une 
audace, une souplesse d'esprit et une fécondité de génie 
qui le placent à un rang élevé parmi les ambassadeurs. 
Mais son frère ainé, qui remplit aussi des fonctions diplo- 
matiques, a été moins heureux. La Biographie Univer- 
selle , dans l’article de quelques lignes qu’elle lui a con- 
sacré (3), a entassé erreurs sur erreurs. Elle le confond 
avec son père, Raoul Bretel de Grémonville , président 
au Parlement de Normandie, et avec son jeune frère, 
Jacques Bretel, ambassadeur à Vienne. Elle le fait vivre 


(1) Ce personnage, aujourd’hui profondément oubiié, eut une 
grande réputation au xvn'siècle. Il se nommait Raoul Le Seigneur, 
sieur d’Amontot, et fut successivement négociateur en Hollande, 
à Cologne , à Bruxelles, et ambassadeur à Gênes. 


(2) Négociations relatives à la succession d'Espagne , publiées 
par M. Mignet, dans la collection des documents inédits de l'His- 
toire de France. a paru quatre volumes in-4 de cet ouvrage. 


(3) Biographie Universelle , art. BRETEL ( Nicolas ). 


286 ACADÉMIE DE ROUEN. 


en 1671, plus de vingt ans après sa mort. J'ai cru utile, pour 
la biographie de la Normandie et même pour l'histoire 
de la diplomatie française de rectifier de pareilles er- 
reurs. Sans avoir la ridicule prétention de découvrir des 
grands hommes inconnus, il est du devoir de ceux qui 
ont à cœur la gloire de la Normandie et la justice due à 
ses enfants, de rendre hommage à leur mérite, et de 
sauver leur mémoire d’un injuste oubli. Tel est le motif 
qui m'a porté à tracer cette esquisse biographique ; elle 
aura, du moins, l'avantage de s'appuyer sur des docu- 
ments d’une authenticité incontestable (1). 


Nicolas Bretel, naquit à Rouen en 1606. Il était fils 
aîné de Raoul Bretel, sieur de Grémonville, président au 
Parlement de Normandie , et d’'Isabeau Groulart, fille du 
premier président Claude Groulart. Nicolas Bretel fut 
baptisé au mois de juillet 1606, dans l’église de Saint- 
Cande-le-Jeune (2). Ilfit ses premières études au collége des 
Jésuites de Rouen, suivit plus tard un cours de droit dans 
la maison paternelle sous la direction d’un jurisconsulte 
appelé par le président de Grémonville , et alla enfin com- 
pléter son instruction à l'Université d'Orléans , qui s’oc- 
cupait principalement de l’enseignement du droit. Nicolas 
Bretel fréquenta les cours de l'Université d'Orléans pendant 


(1) J'ai eu à ma disposition tous les papiers de Nicolas Bretel, 
qu'a bien voulu me confier M. Bezuel, propriétaire des archives 
de la famille de Grémonville. L'ambassadeur avait déposé un double 
de sa correspondance diplomatique dans la bibliothèque de Saint- 
Germain-des-Prés. Ce manuscrit fait maintenant partie de la Bi- 
bliothèque royale. M. Daru s'en est servi dans son histoire de 
Venise. 


(2) Gette église était située rue aux Ours; elle sert maintenant 
de magasin. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 287 


deux ans, puis se rendit à Paris, et s’y forma à la pratique en 
suivant le barreau sous la direction d’un docteur en droit, 
maître Colombel. En 1631 , il acheta une charge de con- 
seiller au Grand Conseil, et fut reçu l’année suivante en 
qualité de membre de ce tribunal suprême (1). 


En 1632 , il épousa Anne-Françoise de Loménie , d’une 
ancienne famille de secrétaires d'État, et ne tarda pas à 
entrer dans les fonctions administratives. Richelieu venait 
de créer un des plus puissants ressorts du gouvernement 
monarchique , les Intendants de province. Ces magistrats , 
nommés par le Ministre, placés sous sa main, changeant 
souvent de résidence, agents dévoués de sa politique, 
étaient choisis d'ordinaire parmi les jeunes conseillers 
d'État, dont Richelieu avait distingué le zèle et la capacité. 
Grémonville fut désigné pour remplir ces fonctions. Le 
18 avril 1639, Richelieu le nomma Intendant de Justice 
à l'armée que commandait en Picardie le maréchal de 
Châtillon. Grémonville assista, en cette qualité , au siége 
d'Arras (1640), et contribua, par son activité et sa pré- 
voyance , à la prise de cette ville, et à la conquête de toute 
la province d'Artois. Richelieu récompensa ses services 
en le nommant aux fonctions d'Intendant de justice , fi- 
nances et police en Champagne (23 septembre 1640). Le 
titre seul de la charge indique quelle vaste puissance exer- 
çaient ces délégués du Ministre. Grémonville prit part à 
toutes les opérations de l'armée de Champagne qui cou- 
vrait notre frontière septentrionale menacée par les Espa- 
gnols. Il assista à la bataille de la Marfée , près de Sédan 
(1641), et les éditeurs des Mémoires de Montrésor ont 


ES 


(1) Tous ces détails sont tirés du procès-verbal d'information 
de vie et mœurs de Nicolas Bretel, qui fut dressé , suivant l'usage , 
avant son entré au Grand Conseil. 


288 ACADÉMIE DE ROUEN. 


emprunté à sa correspondance quelques détails sur cette 
journée (1). Appelé le 12 août 1642 à l’Intendance de Lan- 
guedoc, Grémonville contribua à organiser l’armée qui 
envahit la Catalogne, et, l’année suivante, fut envoyé avec 
la même charge en Piémont, où commandait le maréchal 
d'Harcourt, illustré par les victoires de Casal et de Turin. 
Il y resta un an de 1643 à 1644. 


La capacité dont Grémonville avait fait preuve dans 
tous ces emplois , où il fallait unir l’activité du soldat à 
l'habileté du diplomate , le désignait pour de plus hautes 
fonctions. Il fut nommé ambassadeur à Venise, vers la fin 
de l’année 164%, et chargé, avant de s’y rendre , d’une 
mission près du Saint-Siége. Innocent X (Pamphilio) 
venait d’être élu pape , malgré la France , et par l'influence 
de l'Espagne. Mazarin , qui avait remplacé Richelieu dans 
la direction de la politique française, punit l'ambassadeur, 
Saint-Chamont, de sa négligence ou de son malheur; il 
le rappela, et chargea Grémonville de passer par Rome, et 
d'entamer une négociation avec le nouveau pape pour 
l'enlever, s’il était possible, à l'influence exclusive des 
ennemis de la France. C'était l'époque d’une lutte acharnée 
entre les deux principales puissances de l’Europe, la France 
et l'Espagne. Celle-ci, qui voyait le Portugal, la Catalogne 
et le Piémont lui échapper, espérait se relever par le crédit 
d'Innocent X. Grâce à lui, elle troublait les églises de Por- 
tugal et de Catalogne qui restaient sans pasteurs depuis 
leur révolte contre Philippe IV ; et elle soutenait son in- 
fluence en Italie, malgré les attaques du parti français. 
La négociation de Grémonville, destinée à déjouer ces in- 
trigues de l'Espagne , avait donc une haute importance, 


(1) Voy. les Mém. de Montrésor , édit. de Cologne, 1723 , T. IT, 


, 1773 15 1EEMISE 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 289 


et pouvait faire pencher la balance en faveur de la France. 
Malheureusement, aux questions nationales se mêlait une 
intrigue domestique que Mazarin avait surtout à cœur. Il 
voulait relever à Rome la considération de sa famille , et 
demandait le chapeau de cardinal pour son frère , Michel 
Mazarin , moine dominicain, maître du sacré palais. 


Grémonville ne se dissimulait pas les difficultés de cette 
affaire de famille. À Gênes, il vit le cardinal de Lyon, 
qui revenait de Rome , et qui lui parla « de l'humeur de ce 
& bon religieux (Michel Mazarin), » «de sorte, écrivait l’am- 
« bassadeur (1), que je le crains plus que tous les écueils 
« de la mer, et ce n'est pas sans raison, prévoyant quasi 
« le naufrage inévitable. » Et encore ; « ce bon religieux 
« faict de son ambition les intérêts de l'Estat, et il croit 
«que tout doit estre sacrifié à ses prétentions, au succès 
« desquelles il fait consister la réputation de la France. » 


Grémonville ne tarda pas à reconnaître que le cardinal 
de Lyon n'avait rien exagéré. Dès les premiers jours de 
son arrivée à Rome (février 1645) , il vit quels embarras 
lui causerait le frère de Mazarin : « L’ambition, écrivait-il 
«à Brienne (2), a tellement desmonté l'esprit du bon père, 
« qu’il veut que son intérest marche devant celui de l'Estat, 
« et que je parle de son affaire dès ma première audience 
« à l'exclusion de toutes celles du roy... Jamais démon 
«ne fust plus importun et plus pressant et n’entendist 
« moins la raison que celui-là. » 


L'impatience et l'indiscrétion de Michel Mazarin com 
promettaient le succès de la négociation , à laquelle il at- 


(1) Lettre à M. de Brienne , datée de Gênes , 22 janvier 1649. 
(2) Lettre à M. de Brienne , en date du 6 février 1649. 


19 


290 ACADÉMIE DE ROUEN. 


tachait tant d'importance. Il avait répandu le bruit que 
Grémonville apportait au cardinal Pamphilio, neveu du 
pape, le brevet d’une riche abbaye , et, dès sa seconde 
audience, l'ambassadeur fut si vivement pressé par In- 
nocent X , qu'il se laissa arracher la promesse de l'abbaye 
de Corbie, qui valait 25,000 liv. de rente. Voici com- 
ment Grémonville raconte cette scène, qui fut le prétexte 
de la plupart des accusations dirigées contre lui(1) : « Sans 
« me donner le loisir d'achever, (le pape) me demanda 
«si S. M. désiroit donner quelque abbaye à son neveu. 
« Après cela, je ne crus pas devoir différer d'offrir une 
« chose qui estoit demandée avec tant d’avidité. Aïnsy, 
« luy expliquois-je la pensée de S. M. en faveur du car- 
« dinal Pamphilio, exagérant, le plus que je pus, la gran- 
« deur du bienfaict et la grâce dont on l'accompagnoit , 
« le donnant de si bonne façon. Alors le visage du S. P. 
« se rassérena et sembla rajeunir de dix ans, et son élo- 
« quence redoubla pour mieux faire ses remerciements 
« en disant : vous avez esté les premiers à nous gratiflier. » 


Mais Innocent X , après avoir accepté ou plutôt arraché 
l'abbaye de Corbie pour son neveu, ne se soucia plus de 
la France. Il prétendit que deux frères ne pouvaient être 


li 


(1) Fontenay-Mareuil accuse M. de Grémonville de trop de 
confiance : « Le cardinal Mazarin fist donner au cardinal Pam- 
« phile, neveu du pape , l'abbaye de Corbie, qui est de très grand 
« revenu , et M. de Grémonville, qui allait à Venise comme am- 
« bassadeur, eust ordre de passer par Rome pour Jui en porter 
« le brevet et arrester par mesme moyen la promotion du père 
« Mazarin. Mais, ayant, par trop de confiance aux bonnes chères 
« qu'on luy faisoit, donné le brevet sans estre assuré de rien, 
« le pape, qui n’avait voulu ceste abbaye que pour tirer un acte 
« de reconnaissance de la France , etc. Mém. de Fontenay-Mareuil, 
coll. Petitot, T. Il, p. 317. : 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 291 


en même temps cardinaux, et éluda les autres demandes 
relatives au Portugal, à la Catalogne et à l'archevêque de 
Trèves, dont la France prenait la défense contre la maison 
d'Autriche. En un mot, il joua l'ambassadeur français , 
qui, dans son irritation, rejetait la faute sur Michel Maza- 
rin. Il l’accusait d’avoir tout perdu par son indiscrétion. 
«C'est ce qui nous a obligez, écrivait-il à Brienne (1), à 
« bailler si promptement l'abbaye pour n'en pas perdre la 
« grâce, et mériter davantage par cette manière de procé- 
« der.» L'ambition de Michel Mazarjn faisait échouer toutes 
les autres négociations. «Sans cette maudite prétention, 
«ajoutait Grémonville (2), il n'y a rien que l’on ne fit 
« faire au pape par amour ou par force... Mais ce bon 
« moine prend la chose d’une telle hauteur, qu'il a passé 
« jusques à me dire que son affaire estoit la principale 
« affaire de la France en cette cour, et que les autres n’es- 
» toient que des accessoires (3). » 


Grémonville, en loyal serviteur de la France, ne céda 
pas à cette ridicule prétention du frère de Mazarin , et ne 
sacrifia pas les intérêts nationaux à une intrigue de fa- 
mille. Il pressa vivement le pape d'intervenir en faveur de 
l'archevêque de Trèves, de reconnaitre le roi de Portugal, 
et de pourvoir aux évêchés de Catalogne. Innocent X 
traîna d’abord les négociations en longueur , et finit par 
braver ouvertement la France, en nommant huit cardi- 
naux tous dévoués à l'Espagne. La position de Grémonville 
n'était plus tenable ; il saisit la première occasion d'en sor- 
tir avec éclat. 


© 07 


(1) Lettres dn 15 février 1645, à M. de Brienne. 
(2) Ibidem 


3) Lettre du 6 mars 1645, à M. de Brienne. 


292 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Il y avait alors à Rome un député du clergé de Portugal, 
vicillard respectable , qui s'était placé sous la protection de 
la France. « Comme il revenoit dimanche dernier de la Ma- 
« dona del popolo, écrivait M. de Grémonville vers la fin de 
« mars 1645 (1), parmi tout le peuple de Rome qui venoit 
« de voir passer une cavalcade des ambassadeurs extraordi- 
« naires de Lucques, il fut attaqué par cinquante bandits 
« napolitains ou domestiques de l'ambassadeur d'Espagne, 
« lesquels, à coups d'arquebuses et d'épée se ruèrent sur 
« son carrosse, tuèrent un gentilhomme qui estoit avec 
« lui, blessèrent grièvement son cocher, et ayant tiré sur 
« lui trois coups dont ils pensoient l'avoir tué, le laissèrent 
« sur la place, sans que néantmoins il ayt esté blessé. En- 
« suite , ces assassins se retirèrent cffrontément à la barbe 
« des sbires dans le palais de l'ambassadeur d'Espagne. » 


Grémonville , décidé à obtenir satisfaction ou à rompre 
avec le pape, lui demanda audience sur-le-champ , et fit 
entendre les plaintes les plus énergiques : « Dès le lende- 
«main, lui dit-il, on sçauroit s'il seroit pape ou non, 
« c'est-à-dire s’il vouloit régner avec autorité ou se rendre 
« honteusement le capelan des Espagnols (2).» Grémon- 
ville exigeait une réparation immédiate. Il fallait que dans 
les vingt-quatre heures l'ambassadeur d’Espagne livrât les 
assassins ou sortit des États pontificaux. En casde refus, il 
menaçait de quitter lui-même Rome avec tous les Français. 


RES 


(1) La lettre de M. de Grémonville est de la fin de mars ou du 
commencement d'avril. La date manque dans le manuscrit, maïs 
ilest facile de la retrouver, en la comparant aux lettres qui pré- 
eèdent et qui suivent, la première du 27 mars, et la seconde du 
4 avril 1645. 


2) Même lettre de M. de Grémonville, 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 293 


Innocent X tergiversa, et Grémonville se prépara à exé- 
cuter sa menace. Avant son départ, il offrit, de la part du 
gouvernement français, l'archevêché d'Aix à Michel Ma- 
zarin (4), qui se hâta de quitter Rome. Grémonville partit 
lui-même pour Venise dans les derniers jours d'avril 1645. 
Ainsi, sa mission de paix avait complétement échoué, Ma- 
zarin exaspéré contre le pape, eut recours à la violence. H 
fallut une guerre pour arracher à Innocent X ce chapeau 
de cardinal vainement sollicité par un ambassadeur. Les 
mémoires du temps, si prolixes sur les intrigues de cour, 
ne disent rien de cette négociation qui mit l'Italie en feu: 
ils racontent la guerre, mais ils en suppriment la cause. 
Une flotte française, sous les ordres de l'amiral de Brézé , 
cingla vers la Toscane (mai 1646), et, lorsque cet amiral 
eut succombé, une nouvelle expédition fut dirigée par le 
maréchal de la Meilleraye, s’empara de Piombino et de 
Porto-Longone , (octobre 1646), et jeta la terreur dans 
Rome. Fontenay-Mareuil, que Mazarin chargea alors d'ou- 
vrir une nouvelle négociation avec le pape, sut habilement 
profiter de l'effroi d’Innocent X, et obtint enfin pour Mi- 
chel Mazarin la dignité de cardinal (2). 


Je ne m'arrêterai pas aux réflexions que suggère la con- 
duite du ministre; chacun peut apprécier la vanité qui 
sacrifie tout à une intrigue domestique et allume la guerre 
pour une question d’amour-propre. J'aime mieux vous 
montrer Grémonville, relégué à Venise, expiant dans une 
sorte d'exil les torts de la fortune ou plutôt de Michel Ma- 
Zarin (3), et supportant noblement sa disgrâce. Une autre 


nn 


(1) Lettre du 17 avril 1645. 

(2) Mémoire de Fontenay-Mareuil, t. Il, p. 317 et suiv., dans la 
collect. Petitot. 

(3) Sa correspondance avec Brienne reproduit plus d'une fois 
ses griefs contre Michel Mazarin. 


29% ACADÉMIE DE ROUEN. 


cause, honorable pour l'ambassadeur, vint porter le der- 
nier coup à son crédit. 


Pendant son séjour à Rome, il avait été chargé de récla- 
mer l’extradition d'un Français, nommé Beaupui, qu'on 
accusait de tentative d’assassinat contre Mazarin (1). Le 
pape avait promis de le faire arrêter et juger, mais sans 
prendre l'engagement de le livrer à la France. Lorsque 
plus tard, irrité contre Innocent X , Mazarin voulut lui dé- 
clarer la guerre , il fit demander à Grémonville un certifi- 
cat des négociations qu'il avait suivies pour cette affaire, 
et lui envoya un modèle qui n'était pas conforme à l’exacte 
vérité. Grémonville refusa de le signer, et rédigea Un acte 
certifié, où il rendait un compte détaillé et sincère de ses 
démarches et des réponses du pape (2). La cour ne par- 
donna pas à l'ambassadeur cette honorable résistance. 
Lui-même comprit qu'il était perdu, mais il n’hésita pas 
entre sa conscience et l'intérêt, 


« Fai été mauvais courtisan, écrivait-il à Henri Grou- 
« lart, son beau-frère et son ami (3), mais un homme qui 
« veuten tous rencontres suivre les debvoirs de l'honneur, 
« ne pouvoit, en celui-là, se dispenser de l'austérité à la- 
« quelle je me suis attaché... Je ne suis pas marri d’avoir 
« faict l'action d’un homme de vertu, mais je dois me tenir 
« malheureux que l'occasion S'en soit présentée ; il m'est 
« arrivé, en cela, comme aux gens de guerre qui sont es— 


(1) « Nobilis Beaupuy Romà hüe captus mitlitur navibus longis 
suspectus fuisse inter præcipuos consiliorum quæ contrà cardina- 
lem Mazarinum suscepta fuere.» Grotii epist. 25 mars 1645 ; p. 746, 
2e colonne, édit. de Blaeu. Amsterdam, 1687. 

(2) Lettre du 9 septembre 1645. 


(3) Lcttre du 16 décembre 165. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 295 


« galement obligez de hazarder leur vie devant une bico- 
« que aussi bien que devant une bonne place. La qualité 
« et l'importance des occasions auxquelles l'on a à s'expo- 
« ser, faict souvent une bonne partie du mérite des actions, 
« ou, pour le moins, les signale et les relève. J'ay hazardé 
«et peut-estre perdu ma fortune en une occasion obscure, 
« et laquelle ne contribuera pas à mon honneur. Mais pour 
« cela, j'aurois cru le perdre, si je n'avois pas faict ce que 
« j'ay faict. » 


Arrêté au milieu d'une carrière brillante et dans la force 
de l’âge, Grémonville aimait à se consoler par le témoi- 
gnage de sa conscience. «Je n’ay que 37 ans, écrivait-il 
« le 6 janvier 1646 (1), et j'ay passé desjà sans aucune fa- 
« veur par plusieurs beaux et honorables emplois, où je 
« me suis bien assuré d’avoir acquis de l'honneur et de 
« la réputation ; c'est ce que l'on ne me scaurait oster, et, 
« quoiqu'il me peust arriver maintenant de pire, tousjours 
« aurois-je cette satisfaction de n'estre privé des fonctions 
« publiques que pour avoir faict une action qui m'en doit 
« rendre plus digne, et pour avoir voulu constamment et 
« hautement persévérer dansla profession d'homme d'hon- 
« neur et véritable : 


«,...Phalaris licet imperet ut sis 
Falsus, et admoto dictet perjuria tauro, 
Summum crede nefas animam præferre pudon, 
Et propter vitam vivendi perdere causas. » 


« Voilà jusques où l’austérité de nostre règle, à nous 
« autres qui faisons profession d'estre gens de bien, nous 
« oblige ; l'honneur veut avoir ses martyrs aussi bien que 


(f) Lettre à Henri Groulart, Grémonville avait 40 ans, étant né 
en 1606, 


296 ACADÉMIE DE ROUEN. 


« la religion ; je ne crois pas que l’on soit obligé d'en re- 
« chercher les occasions, mais quand elles se présentent 
« il faut les embrasser. » 


Je ne sais si je m'abuse, mais il me semble retrouver 
dans ces paroles l'écho des grandes pensées dont le poète 
rouennais faisait, à cette époque même, retentir la scène. 
Cette hauteur de sentiments n'était pas de mise avec Ma 
zarin , et Grémonville avait raison de se croire perdu dans 
l'esprit d’un ministre, qui exigeait avant tout, de ses 
agents , le bonheur (1) et l'obéissance passive. Mazarin le 
laissa languir quelque temps dans un poste sans impor 
tance , et où on ne lui payait même pas ses appointements 
d’ambassadeur. Grémonville finit par demander un congé 
vers le milieu de l’année 1647; il revint à Paris, et y 
mourut l’année suivante , le 26 novembre 16#8. Il est per- 
mis de supposer que le chagrin abrégea sa vie ; il écrivait 
après avoir vu ses espérances trompées (2) : «Les emplois 
« publics se font désirer et ont de la douceur, mais sou- 
« vent elle se convertit en poison bien amer, qui tue la 
« fortune des hommes, pour laquelle on les souhaite. 
« Contre ce péril, il n’y a qu'une seule précaution , qui est 
« de l'honneur et de la probité. » Grémonville avait #2 ans 
au moment de sa mort (3); ilme semble de ceux qu'on peut 
plaindre , suivant l'expression du cardinal de Retz, de n'a- 
voir pas rempli tout leur mérite. Mais, dans ses infortunes 
mêmes , il s’est montré loyal et courageux ; il a figuré un 
instant sur un théâtre élevé où se débattaient les questions 


(1) « Est-il houroux? » Telle était la première question de Maza- 
rin sur les hommes qu'on lui présentait. 


(2) Lettre à Henri Groulart, en date du 8 janvier 1646. 


(3) IL fut enterré aux Carmélites de la rue St-Jacques, à Paris. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 297 


européennes, et il n’a jamais voulu sacrifier sa conscience 
et les intérêts de l'État à des intrigues de cour et aux 
conseils de l'ambition. 


Pendant son ambassade , Grémonville entretenait une 
vaste correspondance avec les principaux personnages de 
l’époque. On trouve, dans ses papiers, des lettres de Ga- 
briel Naudé, de Jacques Dupuy, de M®° de Motteville, de 
Saint-Amand, de Turenne, et d’autres personnages célèbres. 


Je me bornerai à transcrire deux lettres autographes de 
Turenne ; eHes prouvent à quel point ce grand homme 
avait souci de l'histoire. 


Un annaliste italien, Vittorio Siri, avait accusé le 
maréchal de trahison envers son frère, le duc de Bouil- 
lon. Turenne s'était eflorcé, selon cet historien, de lui 
enlever la ville de Sedan, pour la livrer au cardinal de 
Richelieu (1). Turenne écrivit à M. de Grémonville les 
deux lettres suivantes, pour obtenir la rectification de 
cette erreur (2). 


«Monsieur, 


J'ai veu dans un livre imprimé en Italie , par un nomme 
Vittorio Siri, que lon dit estre à ceste heure à Venise, 
qu'il parle très mal de moi dans laffaire de Sedan , et dit 
que quand jallai lever en Liegeois, que jestois gagné de feu 
M. le cardinal pour me saisir d'une porte ; je vous supplie 
très humblement de vouloir lui parler afin que dans un se- 


(1) Vittorio Siri, ë{ Mercurio, t. 1. p. 351, édit. de Casel, 1646. 
(2) Les autographes font partie @e la collection de M. Bezuel. 
J'ai conservé l'orthographe et la ponctuation des originaux. 


298 = ACADÉMIE DE ROUEN. 


cond volume qu'il met au cours , il tesmoigne comme il à 
esté mal informé sur cette affaire. Je vous demande comme 
une grace très particuliaire de vouloir voir le meilleur 
moien qu'il y aura de faire que cet historien en desabuse 
tout le monde; jay cela extrêmement à cœur, et ne scau- 
rois pas vous estre obligé plus estroictement de chose du 
monde. Je vous demande cependant la continuation de 
l'honneur de vos bonnes graces, et que vous me croiés 
très veritablement 


Monsieur 


Votre tres humble et 
tres affectionné serviteur 


TURENNE. 


A Paris, ce 28 mars (1646). 


Deux mois après, Turenne insistait : 


«Je me donnai lhonneur de vous escrire de Paris sur 
une chose que j'appris au voiage que j'ai fait; c’est qu'un 
historien nommé Vittorio Siri, a mis dans son livre que 
quand jallai faire des levées au pais de Liege, on m'avoit 
gagné pour surprendre Sedan, et que mon frère laiant 
sceu , si jetta pour lempescher; je croi navoir pas besoin 
de manifeste la dessus , et cela nest pas seulement appa- 
rent ; car mon frère ne bougeoit de Sedan en ce temps la. 
Ceux qui me cognoistront bien ne maccuseront pas davoir 
souhaité cette conqueste la au roi. 


« Cette affaire ne me toucheroit point si ce n'est que cela 
est imprimé ; jai suplié a Paris M. de Lione d'en escrire. 
On croit quele meillieur est qu'il dise dans son second livre 
quil fait imprimer comme il a eu de mauvais mémoires sur 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 299 


cela. Je vous demande, monsieur, cette grace di chercher 
le meillieur expédient quil se pourra, afin que lon voie cette 
fausseté. Vous ne men scauriez faire une plus particuliaire 
et dont je me sentis plus vostre obligé. Je vous suplie de 
vouloir envoier vostre responce par Francfurt et l’adresser 
à M. Cursius qui vous fait tenir celle ci et me croire véri- 
tablement 


- Monsieur 


Vostre tres humble et 
tres aflectionné serviteur 


TURENNE. 


se dieste Sade HAosteitode teste + destot, 4 $ ke de + st: deste + ht tedtacts #s % + + BE s fs se 


EXAMEN 


. D'UN 


PASSAGE DE PLINE 
RELATIF À UNE INVENTION DE VARRON, 


PAR M. A. DEVILLE, 


NE 


Pline l'Ancien est un des auteurs qui nous ait laissé les 
documents les plus précieux sur l’état des arts dans l'An- 
tiquité. Son grand ouvrage sur l'Histoire naturelle est une 
mine où l'on a puisé à larges mains , mais qui n'est point 
épuisée, soit que des faits épars dans ce long ouvrage, 
soient restés inaperçus, soit que quelques-uns de ceux 
qui ont fixé l'attention des savants n'aient pas été présentés 
sous leur vrai jour, et n'aient point, jusqu'à présent, reçu 
une solution satisfaisante. 


Au nombre de ces derniers , nous placerons ce que Pline 
raconte d’une invention qu’il attribue à Varron , et qui cons- 
titue , selon nous , un fait tellement important, tellement 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301 


extraordinaire, que nous n'avons cessé de nous étonner 
que le passage où elle se trouve rapportée n'ait point été 
soumis à une controverse plus approfondie, n'ait point 
soulevé une discussion solennelle pour prendre rang dans 
l'histoire des arts. 


On ne trouvera pas que je me serve d'expressions 
trop fortes, quand on saura qu'il résulte de ce passage, 
ainsi que je crois pouvoir le démontrer, que l'invention 
dont parle Pline s'applique à la gravure et touche à celle 
de l'imprimerie. 


Voici le passage de Pline ; il est extrait du livre xxxv, au 
chapitre 11, qui traite des portraits et qui a pour titre 
Honos imaginum : 


«Imaginum amorem flagrasse quondam testes sunt et 
» Atticus ille Ciceronis, ædito de his volumine, et M. 
» Varro benignissimo invento insertis voluminum suorum 
» fæcunditati, non nominibus tantum septingentorum illus- 
» trium, sed et aliquo modo imaginibus, non passus interci- 
» dere figuras , aut vetustatem ævi contra homines valere, 
» inventione muneris etiam diis invidiosus , quando immor- 
» talitatem non solùm dedit, verum etiam in omnes terras 
» misit, ut præsentes esse ubique et claudi possent. » 


Je traduis aussi littéralement que possible : 


«L'amour des portraits a été très en vogue jadis, ainsi 
» que le témoignent et Atticus, l'ami de Cicéron, qui a 
» publié sur ce sujet un volume, et M. Varron qui, par 
» une très heureuse invention, a pu joindre à la fécondité 
» de ses volumes, non seulement les noms de sept cents 
» hommes illustres, mais, par un certain moyen, leurs 
» portraits, ne voulant pas que leur image fût perdue ou 
» que la rouille de l'âge eût prise sur eux ; digne, par le 


302 ACADÉMIE DE ROUEN. 


« bienfait de cette invention, d'exciter l'envie des dieux 
« eux-mêmes ; car, non seulement il a donné l'immorta- 
« lité à ces personnages , mais encore il les a répandus par 
« toute la terre, pour qu'ils fussent présents et conservés 
«en tous lieux. » 


Les traducteurs et les commentateurs ont expliqué ce 
passage comme nous l'avons fait, et ont tous entendu, de 
cette invention de Varron, un procédé de reproduetion , 
mais sans aller au-delà, sans se rendre un compte exact de 
ce qu’il pouvait être. 


Plusieurs archéologues distingués, parmi lesquels je 
citerai Visconti, Quatremère, Muller, Becker, ont, à leur 
tour, plus ou moins examiné la question, et se sont pro- 
noncés, la plupart, sans s’accorder toutefois entr'eux , 
pour un système de reproduction mécanique. 


Avant d'aborder nous-même cette question, et pour 
nous aider à la mettre à nu, il est nécessaire que nous 
fassions précéder l'examen du passage de Pline de quel- 
ques détails sur l'ouvrage de Varron, auquel il est fait 
allusion. 


Varron, d'après le témoignage de toute l'Antiquité, 
passait pour le plus savant des Romains ; on aurait pu ajou- 
ter pour le plus fécond. En effet, Ausone nous apprend 
qu'il avait composé six cents volumes : 


Condix sexcentis Varro voluminibus. (1) 


L'âge n'avait pas ralenti sa fécondité, car Aulugelle rap- 
porte, d'après Varron lui-même, qu'à 84 ans, il avait 


1) Professores, XX, au rhéteur Staphilius. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 303 


écrit #90 volumes. Ainsi, il en aurait encore écrit plus de 
cent, à partir de cet âge. Bien que Varron ait prolongé sa 
carrière au-delà de 90 ans, cette fécondité n’en reste pas 
moins un des faits les plus extraordinaires qu’on ait signalé 
dans l'histoire des lettres. 


Bien peu de chose est parvenu jusqu’à nous de ce nom- 
bre prodigieux de compositions. C’est à peine si on pour- 
rait arriver à faire un volume avec ce que nous en possé- 
dons : un petit traité sur l'agriculture , quelques livres du 
grand ouvrage sur la langue latine, des lettres, quelques 
fragments disséminés ça et là dans les grammairiens, 
voilà tout ce qui nous reste du plus fécond des auteurs, 
du polygraphe par excellence, ainsi que l'appelaient ses 
contemporains. 


Un des ouvrages de Varron, que le temps a emporté, 
était consacré aux hommes célèbres. Il avait pour titre : 
Des Portraits, de Imaginibus; on le désignait aussi sous 
le nom de Semaines, Hebdomades. N était divisé en plu 
sieurs livres. (1) 


C'est à cet ouvrage que Pline:fait allusion dans le passage 
qui nous occupe. Nul doute qu'il ne dût son nom aux por- 
traits que Varron y avait introduits, et qui devaient être au 
nombre de sept cents, si on admet, comme l'indique le 
sens de la phrase de Pline et le titre même de l'ouvrage, 
que chaque homme célèbre avait le sien (2). 


Ces portraits ne pouvaient pas être tout simplement 


(1) Libri qui inscribuntur Zebdomades vel de Imaginibus. 
In primo (libro) de Imaginibus. Aulugelle, 1. I, c. XI. 


(2) Insertis non nominibus tantüm septingentorum illustrium. 
sed et aliquo modo imaginibus. 


30% ACADÈMIE DE ROUEN. «77 


_ 


des portraits dessinés ou peints à la main, et répétés, 
copiés également à la main, à chaque reproduction, à 
chaque copie du manuscrit original; car, de tout temps, 
on avait peint des portraits, tous les jours, à Rome, on 
en traçait sur marbre, sur bois , sur ivoire , sur toutes ma- 
tières , et il n'y aurait pas eu là pour Varron une inven- 
tion qui füt de nature à inspirer à Pline cette exclamation 
de digne d’exciter l'envie des dieux, qui lui échappe : 
Inventione muneris etiam diis invidiosus. Pour employer 
une expression aussi forte, aussi pompeuse , il fallait que 
Varron eût trouvé, eût réellement inventé quelque chose 
de nouveau, de particulier, d'extraordinaire. Pline , bien 
qu'il n'entre dans aucun détail, et à raison même de l’es- 
pèce d’obseurité dont il enveloppe le mot qu'il emploie , 
aliquo modo, par un certain moyen, le donne, ce nous 
semble , suffisamment à entendre. 


C'est dans ce certain moyen, que Pline ne décrit pas , 
que devait résider l'invention qui a appelé sous sa plume 
un éloge si emphatique, que les chef-d'œuvres des arts, 
les sublimes productions des Apelle, des Phidias, des 
Praxitèle, sur lesquelles il s'étend avec complaisance, 
n'ont pu lui arracher. 


Ce moyen, ce procédé, évidemment, devait avoir 
quelque chose d’analogue à la gravure moderne , dans une 
de ses nombreuses applications. Si Pline, qui ne descend 
à aucun détail technique , ne prononce pas le mot de repro- 
duction, d'impression, qui eût aidé à trancher la difficulté, 
on peut inférer, du sens général de ses paroles , du fait en 
lui-même, de quelque manière qu'on veuille le commen- 
ter, qu'il s'agit bien d’un procédé qui permettait de multi- 
plier, de propager l’objet qui y était soumis. Qu'on se 
rappelle, en effet, ce que Pline ajoute en termimant son 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 305 


article : que l'invention de Varron lui avait permis de 
répandre par toute la terre ses portraits , èn omnes terras 
misit, ut præsentes esse ubique possent. Un moderne, je 
le demande, s’exprimerait-il autrement en parlant de Part 
de la gravure ? 


La difficulté de faire dessiner ou peindre sept cents por- 
traits, parfaitement identiques et ressemblants, à chaque 
nouvelle copie de l'ouvrage , sans parler de la dépense d’un 
pareil travail , fut, sans doute, le motif qui conduisit Varron 
à chercher et qui lui fit découvrir un procédé, en même 
temps expéditif et sûr, inconnu jusqu'à lui, qui lui donnait 
la facilité de remplacer la main des artistes et de multiplier 
à volonté les images auxquelles son ouvrage était consacré. 


C'était là, en effet, une heureuse, une belle invention 
et digne de justifier l'expression de Pline. 


On sait par Aulugelle, dans ses Nuits attiques, que 
Varron, dans le premier livre de ses portraits, qui com- 
prenait les poètes (1), avait donné le portrait d'Homère, et 
qu'au bas était placée une inscription, comme il le dit, 
une épigramme, nom que portaient en effet chez les 
Anciens ces inscriptions laudatives, souvent en vers, dont 
les modernes ont si singulièrement métamorphosé le sens 
et le but. Voici comment s'explique Aulugelle : 


(1) D’après Ausone , le X° livre était consacré aux architectes : 


Forsan et insignes hominumque operumque labores 
Hic babuit decimo celebrata volumine Marci 
Hebdomas..…. Edyllia, Mosella. 


1 semblerait résulter de ce passage que chaque livre de l'ouvrage 
formait un volume. 


20 


306 ACADEMIE DE ROUEN. 


M. Varro, in libro de imaginibus primo, Homeri ima- 
gini hoc epigramma apposuit : 


Capella Homeri candida hæe tumulum indicat , 
Quoi ara letæ mortuo faciunt sacra. 


ET1à réneis d'iepituss mrepi pitay Ouhpou 
Epbpve, Podos, Konovwv, Sænauiy, los, Apyos, Abñvar. 


«M. Varron , dans le premier livre des Portraits, a mis 
« au bas de l'image d'Homère l'épigramme smvante : 


« Cette chapelle, en marbre blanc , indique le tombeau 
« d'Homère. Les Gétes, sur cet autel, font des sacrifices 
«à ses mânes. 


« Sept villes se disputent l'honneur d’avoir donné le jour 
«à Homère: Smyrne, Rhodes, Colophone, Salamine , 
« los, Argos, Athènes(1). » 


Sous le portrait de Plaute, c'est encore Aulugelle qui 
nous l’apprend, Varron avait inscrit ces trois vers, qu'on 
attribue à Plaute lui-même : 


Postquam morte datu' st Plautus ; comædia luget ; 
Scena est deserta : dein Risus, Ludu”, Iocusque , 
Et Numeri, Innumeri simul omnes collacrumarunt. 


« Après que Plaute eut été livré à la mort, là comédie 
« pleure , la scène est déserte ; puis, le rire, les jeux, la 
« gaieté, les vers et la prose ont tous versé des larmes. » 


(1) Iest à remarquer que Varron ne mel pas au nombre de ces 
villes Chio. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 307 


Ainsi, au bas de chaque portrait, était placée son épi- 
gramme, son inscription. C’est ce que confirme Symma- 
que, lorsqu'il dit, en parlant de l'ouvrage de Varron : 
Quorum imaginibus præscripta videmus epigrammata. 


La nécessité de tracer, au bas de chaque portrait , une 
inscription de trois ou quatre lignes de caractères qui en 
faisaient comme partie intégrante, ainsi que cela se voit 
sur bon nombre de nos estampes modernes, apportait une 
difficulté de plus à l'invention de Varron; aussi, suis-je 
moins étonné qu'elle ait encouragé le doute qui s’est élevé 
dans quelques esprits sur la nature, si ce n’est sur la réa- 
lité de l'invention. En effet, nous touchons, iei, à l’art de 
l'imprimerie : la gravure et l'imprimerie , ainsi que je l'ai 
dit au début de cette dissertation, sont ici en jeu. 


- Je ne me suis point caché ce que cette nouvelle question 
présente de grave, ce qu’elle ajoute à la difficulté princi- 
pale ; mais en l’examinant , en l'étudiant, en cherchant à 
m'éclairer, j'ai puisé, dans cette circonstance même, un 
nouveau motif de conviction ; je dirai plus , elle m'a con- 
duit sur la voie du procédé employé par Varron, qui ne 
n'apparaissait encore que dans un lointain vague et incer- 
tain. 


Les Anciens, je ne suis pas le seul qui l'ait répété, ont 
connu avant nous une foule de procédés dont nous nous 
glorifions d'être les inventeurs. Plus on étudie, plus on 
creuse l'Antiquité, plus on arrive à cette conclusion , qui, 
au fond, n'a rien de blessant pour les Modernes, mais 
bien faite pour honorer le génie des Anciens. 


IL n'est pas jusqu'à ces découvertes, qui font la gloire 
des temps modernes, parmi lesquelles je range celle de 


308 ACADÉMIE DE ROUEN. 


l'imprimerie, qui n'aient été entrevues par eux, qu'ils 
n'aient pressenties , qu'ils n'aient été sur le point de saisir. 


Quelque neuve, quelque hardie que soit l'application que 
je fais ici des connaissances des Anciens à l’art de l'impri- 
merie, je crois pouvoir, dans une certaine mesure , la jus- 
üifier : je ne sors pas du sujet que je me suis proposé de 
traiter. 


lei, ce ne sont plus des textes, plus ou moins 
obscurs , plus ou moins embarrassés, dont l'interpréta- 
tion laisse par conséquent, presque toujours, une porte 
ouverte au doute, que j'invoquerai. Je m'appuierai sur 
des monuments, sur des objets saisissables aux yeux, 
palpables , que tout le monde est à même d'apprécier. 


1l existe dans plusieurs cabinets (et notre Musée des 
Antiquités est très riche en ce genre de monuments, puis— 
qu'il en possède une cinquantaine )|, il existe, dis-je, des 
sceaux ou cachets, en bronze, plus ou moins grands, sur 
lesquels sont gravés en relief, au burin, des caractères, 
des noms propres, des qualifications. Il est tel de ces ca- 
chets qui a jusqu'à 6 et 7 centimètres de longueur et qui 
porte deux et trois lignes de caractères. Les lettres ont été 
gravées, de droite à gauche, à rebours, de manière à 
reparaître, à l'impression, dans leur vrai sens. J'emploie 
à dessein le mot impression, car on ne pouvait se servir 
de ces cachets qu’en déposant, sur le relief des lettres, 
une encre, une couleur quelconque, ainsi que nous le 
pratiquons pour nos caractères d'imprimerie , afin d'obte- 
nir leur reproduction , au moyen d'une pression, soit ma 


nuelle , soit mécanique. (1) 


————@——@—Z— 

(1) La majeure partie de ces cachets étant armée d’un anneau 
lixe pour recevoir le doigt , on doit admettre qu’on les employait 
le plus généralement à la main. 


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CLASSE DES BELLES-LETTRES. 309 


N'avais-je pas raison de dire que nous touchions à l'im- 
primerie? Il n'y avait plus qu'un pas à franchir ; que ces 
caractères, de fixes qu'ils étaient, par une illumination 
soudaine, eussent été rendus mobiles, et l'imprimerie 
était trouvée ! 


En faisant fonctionner quelques-uns de ces cachets, en 
voyant sous mes yeux l'empreinte de leurs caractères, à 
volonté produite et répétée , je me suis demandé si le voile 
qui couvre l'invention de Varron n'était pas, en partie, 
soulevé, si je n'étais pas autorisé à voir dans ces caractères 
gravés en relief et se multipliant par impression, le type, 
le modèle de ces quelques lignes placées par Varron au- 
dessous de ses portraits , le mode adopté pour leur repro- 
duction. ( Voir le dessin ci-joint. ) 


Des inscriptions passant aux portraits, ne semblerait-il 
pas naturel d'admettre que le procédé employé pour les 
unes était commun aux autres ; que portrait et inscription 
étant réunis, joints l’un à l'autre, l'un ne pouvait se repro- 
duire sans l'autre, ni par un procédé, par un moyen dif- 
férents. 


Je pense donc que les portraits de Varron, dont parle 
Pline, étaient, ainsi que les inscriptions qui y étaient 
jointes , gravés, d’après un même mode, en relief, sur la 
même planche de métal ou autre matière, dans le système 
de notre gravure sur bois, dont les traits et le dessin sont 
réservés en relief, Les graveurs de médailles qui existaient 
à Rome à l’époque où écrivait Varron, et qui ont produit de 
si beaux types de monnaies que nous admirons encore , 
étaient touttrouvés sous sa main pour réaliser son invention. 


Ces portraits étaient figurés au simple trait; c'est le 
moins qu'on puisse admettre. Vouloir aller au-delà, vou- 


310 ACADÉMIE DE ROUEN. 


loir retrouver daus le procédé antique notre gravure mo- 
derne perfectionnée . avec ses tailles et contretailles, ses 
ombres, ses demi-teintes, ou bien encore, notre système 
de lithochromie ou nos gravures coloriées à la planche, ce 
serait s'aventurer dans des conjectures qu'aucun texte, 
aucun monument ne viendraient justifier. Nous ne devons 
donc admettre, pour ces portraits, qu'une gravure au sim- 
ple trait. 


Comment ce trait, une fois gravé, était-il reproduit ? 
Etait-ce par une pression, par un foulage exercé mécani- 
quement où à la main ? Il ne nous serait pas possible de le 
dire , à moins qu'on ne voulût s’autoriser de l'exemple du 
monnayage qui s’opérait , au temps de Varron, par la per- 
eussion au marteau mu à la main, pour l'appliquer ici. 


Cette supposition acquierrerait un certain degré de vrai- 
semblance, si on admettait, ainsi que nous l'avons insinué, 
que Varron s'était servi, pour la réalisation de son inven— 
tion , des graveurs monétaires, auxquels ce dernier procédé 
était familier. 


Quelle était lamatière employée? A raisonner par analogie 
avec nos cachets antiques , ce devait être du bronze. On 
sait, d’ailleurs, que les Anciens avaient une prédilection 
marquée pour cette composition qu'ils travaillaient admi- 
rablement. Ils s'en servaient pour presque tous leurs ms-— 
truments et ustensiles et jusque pour leurs armes , même 
défensives, telles que javelots et épées. La résistance et la 
durée de cette matière se prêtaient parfaitement à un sys- 
tème d'impression répétée. 


Quant à la matière colorante servant à l'impression, 
nous inclinerions à croire qu'elle n'était autre que leminium, 
tant cette couleur était affectionnée des Anciens, Ce goût 


_. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 311 


était si prononcé, si général, qu'il s'est perpétué jusque 
dans le Moyen-Age, où il a donné naissance au nom de 
miniature, appliqué aux initiales et aux dessins des manus- 
crits. Il est à remarquer, à ce sujet, que ces dessins et 
initiales étaient, très souvent, réservés et leur place laissée 
en blanc sur les manuscrits par les copistes, pour être 
livrés plus tard à une main plus habile et plus exercée ; 
ce qui n'était peut-être qu'une réminiscence de ce qui 
devait s'être pratiqué pour l'invention de Varron. 


I me reste à justifier ce que j'ai dit de l'emploi d'une 
planche de métal gravée, pour son application ; question 
qui domine et entraine toutes les autres. Une phrase de 
Symmaque va compléter la démonstration. Cette phrase, 
incomprise jusqu'à ce jour, mais qui s'explique, dans l'hy- 
pothèse que je viens d'établir, donne un nouveau poids, 
me sera-t-il permis de le dire, un nouveau degré de cer- 
titude à l'opinion que j'ai émise. 


Le père de Symmaque (1) s'était exercé dans le genre 
épigranmmatique (je prends le mot dans son acception anti- 
que). Il avait entrepris l'éloge en vers des hommes illustres 
de son temps, ou du moins qu'il réputait tels. Son ils , 
l’auteur dont il nous est resté dix livres de lettres, aveugle 
par l'amour filial, lui écrit pour lui adresser des comph- 
ments sur son travail, qu'il compare à celui de Varron , 
mais qu'il met beaucoup au-dessus, ajoutant que les épi- 
grammes paternelles n'avaient pas eu besoin d'être gravées 
sur métal pour être assurées de vivre : 

« Vous imitez , ilest vrai, dit Symmaque à son père, le 
» travail de Varron, mais vous avez su le surpasser. Je 


(1) Lucius Avianus Symmachus, Il avait été préfet de Rome en 
364%, sous Valentinien 1°”. 


312 ACADÉMIE DE ROUEN. 


« pense que les épigrammes que vous venez de composer 
« sur nos hommes illustres, l'emportent sur les éloges des 
« Semaines. (Un se souvient que l'ouvrage de Varron, sur 
« les Portraits, avait aussi le nom de Semaines.) En effet, 
«elles sont courtes et dans une juste proportion, mais, 
« pour cela , elles ne sont point caduques. Celles-là n'ont 
« pas eu besoin de demander au temps (à Saturne) d’être 
« gravées sur un vrai métal, bono metallo cusa, et, si je ne 
« m'abuse, elles ont trouvé une matière plus durable. » (1) 
Suit une comparaison entre Varron et le père de Sym- 
maque. 


Il est impossible de ne pas voir, dans cette dernière 
phrase , une allusion au procédé employé par Varron pour 
la reproduction de ses épigrammes au bas de ses portraits, 
et par suite , à plus forte raison, des portraits eux-mêmes. 
Elle tranche , ce nous semble, la question. 


C'est ainsi que quelques mots restés inaperçus dans une 
lettre assez obscure d’un auteur peu connu lui-même, 
viennent jeter une nouvelle lumière sur une question jus- 
qu'alors non résolue, et achèvent, en confirmant nos con- 
jectures , de donner au texte de Pline sa véritable signifi- 
cation. 


(1) « Studium quidem Menippei Varronis imitaris, sed vincis 
«ingenium. Nam quæ in nostrates viros nunc nuper condis epigram- 
« mata, puto hebdomadon elogiis præmicare, quod hæc æquè so- 
« bria nec tamen casca sunt. Illa bono metallo cusa a Saturno exigi 
« niescierunt, et duriorem materiem , nisi fallor, admittére. » 


Actuarium Simmachianum , \. W. 


apport 


FAIT A L'ACADÉMIE DE ROUEN 


PAR M. BÉNARD, 


SUR LE LIVRE DE M. FLOURENS, 


. 


INTITULÉ : 


RONRENBRRLE, 


ou de la Philosophie moderne 


RELATIVEMENT AUX SCIENCES PHYSIQUES. 


Telest le titre d'un petit ouvrage, dont M. Flourens à 
fait hommage à l'Académie, et sur lequel je suis chargé de 
vous faire un rapport au nom d’une Commission composée 
de MM. Chéruel, Girardin et moi. Je regrette que mes 
occupations ne m'aient pas permis de consacrer à ce livre 
le temps nécessaire pour vous en faire sentir toute l’im- 
portance et le mérite Je tâcherai, néanmoins, de montrer 
par une analyse exacte et par l'appréciation des points 
les plus essentiels, avec quel intérêt je l'ai lu. Je suis per- 
suadé qu'il ne vous intéressera pas moins, puisqu'il s'agit 
d'une des gloires de la ville de Rouen, et, en même temps, 
de l'homme qui a comme personnifié en lui l'esprit et la 
destination des Académies 


314 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ce petit livre est d'autant plus digne de fixer votre at- 
tention , que Fontenelle y est considéré sous cet unique 
point de vue. L'auteur fait abstraction des divers genres 
dans lesquels ce génie , si facile et si varié, s'est essayé avec 
un succès inégal, 


Il s'attache à démontrer la vérité de cette phrase de la 
correspondance littéraire de Grim : «L'esprit philosophi- 
« que , aujourd'hui si généralement répandu , doit ses pre- 
« miers progrès à Fontenelle. » H laisse, dit-il, de côté le 
bel esprit ; c’est le grand esprit qu'il étudie, et il est tout 
entier dans l'Histoire de l’Académie des Sciences et les 
Éloges des Académiciens. « Mon Fontenelle est le conti 
nuateur de Descartes et l'historien de Newton. » 


Avant de parler de Fontenelle sous ce double rapport, 
l'auteur place, comme introduction, quelques mots sur la 
philosophie moderne, représentée par Descartes, Bacon, 
Galilée et Newton. 


Il fait remarquer l'excellence des règles posées par Des- 
cartes, et de sa méthode entière; mais en physique, 
dit-il, Descartes oublie bientôt sa méthode. Cette méthode, 
c’est l'analyse, et il emploie partout l'hypothèse. 


Il y a plus, il le fait sciemment, à dessein. Au lieu d’ex- 
pliquer les choses qui sont dans le vrai monde, il se plait à 
en imaginer un autre Il appelle son Traité du monde : la 
Fable de son monde. 


Une seconde cause des erreurs de Descartes en physi- 
que, cest de vouloir démontrer les effets par les causes , 
au lieu de déterminer les causes par leurs effets ; de com- 
mencer par la recherche des principes pour en déduire à 
priori les conséquences, méthode purement hypothétique; 


ES 


CLASSE DES BELLES LETTRES. 315 


de sorte que la physique de Descartes est presque par- 
tout hypothétique, c'est-à-dire fausse, tandis que sa mé- 
taphysique est presque partout vraie; et cela, parce que 
dans la métaphysique seule, on procède de la cause à l'effet, 
non de l'effet à la cause; l'âme , la seule cause que nous 
connaissions immédiatement, étant connue par le sens in-— 
time. 


Ce qui fait que Descartes est sans égal en métaphysique, 
c'est qu'il va droit à l'âme, et qu'il en tire tout; mais il 
aurait dû appliquer une autre méthode aux sciences phy- 
siques , la méthode expérimentale. Du reste, Descartes, 
dont le bon sens égalait le génie, a vu lui-même que la 
théorie sans l'expérience n'était rien, et qu'il fallait que 
les conséquences déduites par le raisonnement s'accor- 
dassent avec l'observation. «Car les choses ayant pu être 
« ordonnées de Dieu en une infinité de diverses façons , 
« c'est par la seule expérience et non par la force du rai- 
« sonnement qu'on peut savoir laquelle de toutes ces fa- 
« çons il a choisie,» — «La philosophie moderne, dit M. 
« Flourens, est la philosophie expérimentale. » 


Ce jugement, sur la méthode et la philosophie de Des- 
cartes, quoique vrai dans sa généralité, nous semble ce- 
pendant trop sévère. 


Sans doute, Descartes, métaphysicien et géomètre , a 
beaucoup trop accordé à la méthode à priori et au raison- 
nement , surtout dans sa physique ; mais si la physique de 
Descartes est presque partout hypothétique , on ne doit pas 
oublier que les erreurs de Descartes ont préparé la grande 
vérité du système du Monde de Newton. Les hypothèses 
d’un homme de génie, même lorsqu'elles paraissent les 
plus éloignées de la vérité, par l'impulsion féconde qu’elles 
impriment aux esprits, font plus, pour la découverte des 


316 ACADÉMIE DE ROUEN. 


vérités capitales dans la science , que des faits de détail et 
des expériences sans portée dans les travaux des observa- 
teurs médiocres. Et nous rappellerons ici les mots de Fon- 
tenelle, cités ailleurs par M. Flourens. « Telles sont les 
erreurs de Descartes , qu’assez souvent elles éclairent les 
autres philosophes ; soit parce que dans les endroits où il 
s’est trompé, il ne s’est pas fort éloigné du but , ou que 
la méprise est aisée à rectifier ; soit parce qu'il donne quel- 
quefois des vues et fournit des idées ingénieuses, même 
quand il se trompe le plus. 


Nous ne pouvons non plus laisser passer cette autre 
proposition : 


«La métaphysique de Descartes, dit M. Flourens, est 
presque partout vraie, parce qu'il y suit la méthode oppo- 
sée à celle qui préside à sa physique.» L'illustre secrétaire 
de l'Académie des sciences nous paraît confondre la mé- 
taphysique et la psychologie. Or, dans la psychologie, la 
méthode n’est pas exclusivement à priori, on ne va pas de 
la cause aux effets, c'est-à-dire de l'âme à ses attributs 
et à ses actes, mais des actes, des phénomènes aux facul- 
tés, et de celles-ci à la nature de l'âme elle-même. 


Si Descartes avait constamment suivi dans l'étude de 
l'âme la méthode à priori, il ne serait pas le fondateur de 
la philosophie moderne. Et, s’il avait mieux pratiqué la 
méthode expérimentale, il ne serait pas tombé dans des 
erreurs qui, chez ses successeurs, ont révélé leurs dange- 
reuses conséquences. 


Malgré ces réserves, que nous n'avons pu nous empê- 
cher de faire dans l'intérêt de la gloire de Descartes, 
comme métaphysicien et comme physicien, nous nous 
plaisons à reconnaître , d'ailleurs, la justesse des obser- 
vations de M. Flourens. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 317 


La méthode expérimentale.est représentée , dit-il, prin- 
cipalement par trois hommes, Bacon, Galilée et Newton. 
Bacon en a donné la théorie; Galilée a montré comment 
il fallait l'appliquer, il a appris le grand art des expériences. 
Newton à révélé l’art plus grand encore de remonter des 
faits aux causes générales, aux grandes lois, de poser, 
suivant son expression, des forces expérimentales. 


Après cette introduction, M. Flourens arrive à Fonte- 
nelle, dont il doit déterminer la place et le rôle dans la 
philosophie moderne, relativement aux sciences physiques. 
Cette place, elle est déjà indiquée par celle qu'il occupe 
dans l'Académie des sciences de Paris; ce qui fournit à 
l’auteur l’occasion de retracer en peu de mots l'origine de 
l'Académie des sciences, et de marquer sa destination. 


On lira ce chapitre avec un vif intérêt. — La destination 
principale des Académies, ainsi que Bacon l'avait indiquée, 
est de rendre possible l'application, en grand, de la mé- 
thode expérimentale , en réunissant les efforts, jusqu'alors 
isolés, des savants, en leur permettant de faire des expé- 
riences qui demandent à la fois de longues et difficiles 
recherches, de grandes collections d'instruments, des 
dépenses au-dessus de la fortune des particuliers. Les Aca- 
démies représentent l'époque moderne, l'époque de la 
division du travail, suivant l'expression de Cuvier. L'Aca- 
démie des sciences de Paris, qui a commencé comme la 
vôtre, Messieurs, par être une réunion libre de savants, 
et qui a eu pour fondateur Colbert, fut la cinquième de 
celles qui furent établies en Europe. Elle le fut en 1666. 


Lorsque Fontenelle fut nommé , en 1697, secrétaire per- 
pétuel de l'Académie des sciences, il était membre de 
l’Académie française depuis six ans, et, quatre ans après , 


318 ACADÉMIE DE ROUEN. 


il le fut de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Il 
apportait donc, à l'Académie, un génie tout formé, des 
idées faites; il avait sa philosophie, son style, sa ma- 
nière. 


« Fontenelle, dit Georges Cuvier, par la manière lucide 
« dont il exposait les travaux de l'Académie, concourut à 
« répandre le goùt.des sciences, plus, peut-être, qu'aucun 
« de ceux qui en traitèrent de son temps. » Cela est vrai, 
dit M. Flourens, mais cela n’est pas assez. Fontenelle ne 
s'est pas borné à répandre le goût des sciences, nul n’a 
mieux secondé Descartes, destructeur de la philosophie 
scolastique. Nul n'a mieux compris la philosophie mo- 
derne , les grands hommes qui l'ont fondée, les Descartes, 
les Bacon , les Galilée, les Leibnitz, les Newton. Il est un 
des premiers qui aient vu la métaphysique des sciences , 
et le premier qui leur ait fait parler la langue commune. 


L'auteur s'attache à démontrer chacune de ces proposi- 
tions. 


Fontenelle combattit la scholastique, qu'il définit la 
philosophie des mots, en opposition avec la philosophie 
moderne , qui doit être la philosophie des choses. Il se 
moque partout des formes substantielles et des qualités 
occultes. 


En tout cela, il suit Descartes, dont il est le disciple 
zélé, dont il adopte les opinions sans s'y asservir. 
« Cet esprit fin et singulièrement juste, sait, quand 
il le faut, arrêter Descartes lui-même. » Il est pourtant un 
point, et un point capital, sur lequel il ne peut jamais l'a- 
bandonner, le vide et l'attraction. I soutient l'hypothèse 
du plein, et traite l'attraction de qualité occulte dans le 
système de Newton. 


Nul n’a mieux compris la philosophie moderne et l'esprit 


= Poue 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 319 


de sa méthode, il l'appelle la philosophie expérimentale. 
Ici, ce partisan déclaré de Descartes devient l'admirateur 
le plus judicieux du grand Galilée. L'expérience , dit Fon- 
tenelle, est la maîtresse souveraine de toutes nos sciences 
physiques. Il décrit, avec la délicatesse et l'heureuse saga- 
cité qui le distinguent, les conditions du talent, du génie 
expérimental et du grand art des expériences. 


Fontenelle est un des premiers qui aient vu la métaphy- 
sique des sciences; M. Flourens nous paraît avoir moins 
bien démontré cette proposition que les deux précédentes. 
Dans les passages qu'il cite, Fontenelle confond les mé- 
thodes géométriques et l'esprit géométrique , avec l'esprit 
et le procédé métaphysique; confusion qu'il ne faut pas 
trop lui reprocher du reste, car elle appartient à toute la 
grande école de métaphysiciens et de géomètres , dont il 
était un des disciples. Descartes, le premier, l'avait faite , 
elle se continue dans Mallebranche et Leibnitz ; elle révèle 
ses inconvénients et ses dangers dans l'Éthique de Spinoza, 
où la géométrie prête son appareilrigoureux au panthéisme. 
Quoiqu'il en soit, Fontenelle à parfaitement vu et exprimé, 
avec sa clarté ordinaire, la nécessité d’une métaphysique 
des sciences. [la très bien vu qu'au-dessus de la science 
physique et de toutes les sciences particulières , il y a une 
science générale des principes que lon à appelée méta- 
physique , où elles retrouvent leur unité, qui leur donne 
une force générale , et leur communique, selon sa belle 
expression , un esprit universel. 


Fontenelle , et c’est là sa plus grande originalité, ce qui 
marque sa véritable place dans l'histoire de la science et de 
l'esprit moderne, a su appliquer la langue commune aux 
sciences les plus abstraites, les rendre accessibles à tous 
les esprits. Ce grand mérite d'avoir fait parler aux sciences 


320 ACADÉMIE DE ROUEN. 


la langue commune, est de Fontenelle le mérite le plus 
conau , et M. Flourens se borne à le rappeler. 


Il montre, dans l'Histoire de l'Académie et dans les 
Éloges des Académiciens , les rares qualités de cet esprit, la 
manière dont il sait tout discuter, raisonner et résumer 
dans un style d'une clarté admirable , qui rappelle au lec— 
teur d'aujourd'hui ce vers de Voltaire 


« L'ignorant l’entendit, le savant ladmira. » 


Fontenelle, dit encore M. Flourens , par rapport aux sa- 
vants dont il écrit l'histoire, a deux mérites : celui d’éclair- 
cir ce qu'ils peuvent avoir d’obscur, de généraliser ce qu ‘ils 
ont de technique, et celui de louer toujours chacun d'eux 
par ce qu'il nous a laissé de plus important et de plus du- 
rable. Il loue par des faits qui caractérisent.—L'auteur nous 
parait lui-même caractériser ici parfaitement le mérite de 
Fontenelle. Il cite, comme exemple de la manière dont 
Fontenelle peint les esprits supérieurs, une revue des sa- 
vants qui ont illustré la première moitié du xvu° siècle. 
C'est, en quelques lignes, un tableau des progrès de ce 
siècle. Rien n’est omis ; chaque trait, chaque mot signifie. 
Sous ce rapport, la préface de l'Histoire de l'Académie , de 
1699, et qui n’a qu'un petit nombre de pages, a mérité, 
dit Garet. dans son Éloge de Fontenelle, d’être mise au 
rang des ouvrages du siècle; c’est le coup-d'œil le plus 
ferme et le plus vaste qu'on ait jeté sur les connaissances 
humaines, depuis Bacon et avant la préface de l'Encyclope- 
die. M. Flourens réclame en faveur de la préface de 1670, 
qui Ii paraît tout aussi belle, si elle ne l’est plus, et qu'il 
a pris soin de faire imprimer à la fin de son volume. 


\ures l'Histoire de l'Académie, viennent les Eloges des 
académiciens. Fontenelle fait remarquer que ce titre n'est 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 321 


pas juste, il faudrait dire les vies des Académiciens. Ses 
Éloges, dit-il, ne sont qu'historiques , c'est-à-dire vrais. 
Ce sont les Éloges de Fontenelle, qui, pour la première 
fois, en France, ont mis les savants en lumière et les 
sciences à la mode. Tout y est vrai, et, pour cela même, 
tout y est neuf. Chaque éloge a son caractère, son ton, une 
originalité qu'il tire de l'originalité même du personnage. 
L'auteur cite, comme exemple, plusieurs passages de l’é- 
loge de Colbert, dont il sut si bien retracer la sollicitude 
assidue , active, immense pour les sciences. Il cite égale- 
ment un passage de l'éloge du czar Pierre-le-Grand , qui 
n'eut pas moins à cœur que le ministre de Louis XIV l’a- 
vancement des sciences et des arts, et qui fut hautement 
flatté de l'honneur que lui fit l'Académie des sciences de 
Paris , de l’accueillir dans son sein. Il ya, ajoute M. Flou- 
rens, dans la composition de chaque éloge de Fontenelle, 
un art infini, l’art surtout de peindre par les faits, qui en 
fait une histoire en même temps qu'un portrait vivant. Cet 
art varie et se diversifie selon les portraits et les caractères 
de chaque académicien. La délicatesse et la simplicité fine 
font le mérite principal de ces portraits, qui, malgré leur 
individualité et la physionomie propre du personnage , ne 
laissent pas que de se rattacher à une pensée générale. Der- 
rière le savant , Fontenelle sait placer la science elle-même, 
et en louant l'un, il fait remonter l'éloge jusqu'à l’autre. 
Cette pensée générale, partout présente, établit un lien 
entre ces tableaux; cette galerie de savants devient ainsi 
l'histoire de la science elle-même. 


« Fontenelle avait dans l'esprit, (je eite) toute la hardiesse 
que permet, ou, plutôt, que demande une raison supé- 
rieure. Nul n'a mieux vu la puissance de l'esprit humain, 
et ne l’a vue de plus près que le continuateur de Descartes , 
et l'historien de Leibnitz et de Newton. Mais il l'a vue sans 

21 


322 ACADÉMIE DE ROUEN. 


en être ébloui, et ilen a vu les bornes. » Il m'en coûte 
de passer sur les citations habilement choisies par les- 
quelles M. Flourens appuie et justifie ses assertions dans 
tout le cours de son livre. Je ne puis cependant résister 
au plaisir de reproduire ici une des plus belles images de 
Fontenelle : « Un premier voile, dit-il, qui couvrait l'Isis 
« des Egyptiens , a été enlevé depuis un temps ; un second, 
« si l’on veut, l’est aussi de nos jours, un troisième ne le 
« sera pas, s’il est le dernier. » Peut-on mieux exprimer 
cette pensée, que la raison humaine a l'infini devant elle, 
et que la nature a des mystères qu’elle ne saura jamais 
complètement pénétrer? 


Ce livre se termine par un chapitre intitulé : De Fonte- 
nelle, par rapport à Descartes et à Newton. Déjà , ce sujet 
a été touché dès le commencement. L'auteur y revient , 1l 
insiste sur ce rapport de Fontenelle avec ces deux grands 
hommes qui représentent la physique moderne. Fontenelle 
est le disciple de Descartes, il adopte sa philosophie tout 
entière , sa physique comme sa métaphysique, ses er- 
reurs avec ses vérités. Après avoir repoussé les qualités 
occultes et les formes substantielles de la scholastique , il 
admet les tourbillons et le plein contre l'attraction et le 
vide. Dans son livre sur la pluralité des Mondes, le plus 
bel ouvrage de sa jeunesse , il avait accueilli les tourbillons. 
Il était homme, et ilest difficile que le même homme 
puisse également embrasser et comprendre deux grandes 
révolutions. Il n’eut pas la force d'abandonner le système 
de Descartes pour celui de Newton qui l'avait renversé. 
Il resta disciple de Descartes , et défendit les tourbillons 
jusque dans sa vieillesse. Toutefois, Fontenellen’en sut pas 
moins bien apprécier la différence fondamentale qui sépare 
Descarteset Newton. Jamais personne ne l’a mieux exposée. 
L'auteur cite le passage de l'éloge de Newton où est tracé ce 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 323 


parallèle : « L'histoire des Sciences , dit-il, n’a pas de plus 
beau monument. Newton y est jugé par le partisan le plus 
spirituel et le plus constant de Descartes, et presque par 
Descartes lui-même. Aussi, tout y a-t-il un caractère parti- 
culier de grandeur et de délicate réserve. » Le disciple de 
Descartes saisit, d’ailleurs, avec une extrême finesse, le point 
où Newton peut lui-même paraître se rapprocher de 
l'hypothèse scholastique. Selon lui, peu s'en faut que 
Newton ne considère l'attraction à son tour, sinon comme 
une forme substantielle et une entité réelle, au moins 
comme une cause ou une force connue , et qu'il n'arrive 
à la personnifier. « L'usage perpétuel , dit-il, du mot at- 
traction , soutenu d’une grande autorité, et peut-être 
aussi de l’inclination que l'on croit sentir à M. Newton 
pour la chosemèême, familiarise, au moins, ses lecteurs avec 
une idée proscrite par les Cartésiens. Il faut être en garde 
pour ne pas lui imaginer quelque réalité. On est exposé 
au péril de croire qu'on l'entend. » 


M. Flourens suppose un Newtonien répondant à Fonte- 
« nelle: « Laissons un moment l'attraction considérée comme 
propriété, comme force essentielle ; n’y voyons qu'un fait. 
L'attraction est un de ces faits primitifs et élémentaires 
qui , ainsi que les causes , semblent nous avoir été cachés 
par la nature. La philosophie n’a qu'un but, d'arriver à 
la vue directe des choses, et, par conséquent , de suppri- 
mer tout vain intermédiaire , tout faux milieu. Descartes 
avait supprimé les faux milieux de la scholastique , et 
Newton a supprimé les faux milieux de Descartes. En un 
mot, l'attraction est une propriété primitive de la matière. 
La philosophie de Newton tend partout aux forces, mais 
aux forces réelles, ou aux forces données par les faits, 
aux forces expérimentales. » 


32% ACADÉMIE DE ROUEN. 


S'il nous était permis d'intervenir dans cette haute dis- 
eussion , et de donner à notre tour la parole à un disciple 
de Leibnitz, celui-ci demanderait au disciple de Newton 
d'où il tire cette notion de force , et si elle n'est pour lui 
qu'un vain mot; il demanderait si e’est à l'expérience et 
aux sens qu'il la doit, et pourquoi il se croit obligé de la 
transporter dans la métaphysique des sciences. Il deman- 
derait si cette notion de force, introduite dans les sciences 
physiques, ne doit pas ouvrir une nouvelle perspective , 
faire considérer la nature sous un point de vue tout nou- 
veau ; sile monde, dès-lors, ne serait pas autre chose 
qu'une collection de phénomènes ou de faits rattachés 
à d’autres phénomènes ou d’autres faits généraux, et 
qualifiés de faits primitifs. Nous n'irons pas plus loin ; 
il nous suffit d’avoir montré qu'il est peut-être possible 
d'aller aude-là de Newton dans la carrière ouverte par 
Leibnitz, qui, prenant au sérieux la notion de force, 
et la développant dans la physique comme dans la théo- 
dicée et la psychologie, fait faire à la métaphysique un 
pas au-delà du point où l'avaient conduite Descartes et 
Newton. 


D'Alembert, dans la célèbre préface de l'Encyclopédie, 
loue particulièrement Fontenelle d’avoir appris aux sa- 
vants à secouer le joug du pédantisme. «Et, il a raison, 
dit en terminant M. Flourens : car ce n’est pas là un mé- 
diocre service. Les subtilités , les obseurités , les puérilités 
de l’école auraient peut-être détourné pour toujours les 
bons esprits des vraies et solides études. Le pédantisme 
était le dragon qui gardait cet autre jardin des Hespérides. 
Fontenelle apprit au monde que le bonnet, la robe, les 
enrouements gagnés sur les bancs des écoles n'étaient 
pas la science, et il apprit aux Savants qu'ils pouvaient 
très bien rester hommes d'esprit en devenant savants... 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 325 


Son bonheur même fut de venir dans le temps même où 
de grands génies fondaient cette philosophie moderne 
qui a renouvelé les sciences. Il fut le premier interprète 
de ces grands génies ; il apprit d'eux à penser , et, dans ce 
genre, la plupart des autres hommes ont appris de lui. » 


J'espère, Messieurs, que cette analyse, tout imparfaite 
qu'elle est, a sufli pour vous donner une idée du livre de 
M. Flourens. Ce livre est du plus haut intérêt pour le phi- 
losophe et pour le savant ; il sera lu aussi avec plaisir par 
les hommes étrangers aux sciences , et qui s'intéressent 
à leurs progrès. Il est éminemment propre à en inspirer 
et à en fortifier le goût , par les vues élevées, les aperçus 
ingénieux , les citations habilement choisies dont il est 
semé, par la clarté du plan et de l'exposition , la netteté 
et la simplicité du style. Le secrétaire actuel de l'Aca- 
démie des sciences , le digne appréciateur des travaux 
de Georges Cuvier et de son frère , le successeur de Fon- 
tenelle, se montre aussi son vrai disciple. Il est impos- 
sible, en effet, en lisant cet éloge de Fontenelle, loué 
comme il a loué lui-même ses devanciers, c'est-à-dire 
par une appréciation historique et philosophique de ses 
œuvres, de n'être pas frappé de la ressemblance du pa- 
négyriste avec son héros. M. Flourens n'a pas besoin de 
nos éloges; mais si nous voulions relever les mérites de 
son livre, nous ne pourrions mieux faire que de lui 
emprunter les expressions avec lesquelles il énumère les 
qualités de Fontenelle, et apprécie ses deux principaux 
ouvrages. Même élévation et même justesse‘de coup-d’œil ; 
mème habileté à faire ressortir sa pensée ; même netteté et 
ne possède mieux que l'admirateur de Fontenelle son 
talent de résumer , de tirer au net une idée, de la mettre 


326 ACADÉMIE DE ROUEN. 


en lumière et de la fixer dans l'esprit du lecteur, de faire 
parcourir à celui-ci, sans efforts et avec agrément, une 
série d’aperçus élevés et de résultats généraux; de les 
vivifier et justifier par des exemples ou des citations bien 
choisis et naturellement fondus dans l’ensemble. En un 


mot, son livre se lit comme une préface et un éloge de 
Fontenelle. 


En terminant, nous dirons que la ville de Rouen doit 
être reconnaissante envers M. Flourens, pour le mo- 
nument qu'il vient d'élever à l’un des hommes illustres 
auxquels elle est glorieuse d’avoir donné le jour. Quant à 
l'Académie , je ne crois pas sortir de mes attributions de 
rapporteur, en ajoutant qu'elle doit des remerciements 
empressés à l’auteur d’un livre qui intéresse toutes les 
Académies, et celle de Rouen plus que toutes les autres , 
puisqu'il s’agit d'un homme qui a puissamment con- 
tribué à sa fondation , et qu’elle place dans ses armoiries 
à côté de Corneille et de Poussin. Elle ne peut qu'être 
singulièrement flattée de l'hommage délicat qui lui en a 
été fait, et de la demande du titre de correspondant qui 
lui est adressée à cette occasion par le Secrétaire perpétuel 
de l’Académie des Sciences de Paris, membre à la fois 
de l'Académie Française, et qui occupe une position si 
éminente dans la science et la littérature. Le nom de 
M. Flourens doit jeter un nouvel éclat sur la liste de vos 
associés , où se remarque déjà plus d’un nom célèbre dans 
les Sciences et dans les Lettres. Cette demande prouve , 
d’ailleurs , la haute estime dont jouit votre Société dans le 
monde savant. Elle doit stimuler son zèle pour la conserver, 
et l'encourager à poursuivre avec la même ardeur ses hono- 
rables et utiles travaux. 


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VORIES MISUDRIDUR 


SUR L'ANCIENNE 


ABBAYE DE BELLOSANE, 


Par M. l'Abbé COCHET. 


Hugues V, dernier des sires de Gournay, était un pieux 
et vaillant chevalier. L'Orient avait connu la gloire de ses 
armes et la collégiale de Saint-Hildevert l'avait souvent vu 
agenouillé au pied de ses autels. Non content d'enrichir 
de reliques et de trésors l’église de ses pères , il voulut 
lui-même laisser un monument de sa piété et de sa for- 
tune. Entre l'étang de Bray et l'étang du Mont-Louvet 
qui ne couvraient pas moins de 1,400 arpents de terre , 
il fonda, dans un rendez-vous de chasse, l’abbaye de 
Bellosane. L'Isle-Dieu florissait alors sous la conduite du 
bienheureux Hugues de Saint-Jovinien, et sous la protec- 
tion de Regnault de Pavilly et de Gilbert de Vascœuil. 
Depuis dix ans, les bords de l'Andelle ne retentissaient 
plus que de saints cantiques , les marais se desséchaient , 
les bois s'essartaient ; chaque jour le pays se fertilisait , 
et déjà on semblait entrevoir sur ces rives demi-sauvages 
toute la richesse qu'elles étalent aujourd'hui. 


328 ACADÉMIE DE ROUEN. 


L'ordre de Saint-Benoît, déjà puissant, commençait à 
jouir de ses biens ; les Prémontrés, encore pauvres, se 
livraient tous lesjours à la prière et au travail des mains (1). 
Ce fut à eux que Hugues de Gournay, à l'exemple de 
Regnault de Pavilly, confia sa maison naissante, et avec 
elle le dessèchement de la vallée et l'assainissement du pays. 
C'est ainsi que Bellosane devint la fille aînée de l’Isle- 
Dieu. 


En 1198, le jour de la consécration de l'église et de 
l'introduction des Religieux dans le monastère , le vertueux 
chevalier déposa sur l'autel sa charte de fondation (2), 
en présence de Gautier de Coutances, archevêque de 
Rouen, et des abbés de l'Isle-Dieu, du Bec-Hellouin, de 
Beaubec et d'Ardenne. Il déclara solennellement, devant 
Dieu et devant les hommes , que c'était pour le repos de 
son ame, pour celles de son père et de sa mère, de ses 
ancêtres et de ses descendants, qu’il fondait cette abbaye 
en l'honneur de Notre-Dame, et qu'il la dotait largement, 
afin que les Religieux pussent faire abondamment l’aumône à 
tousles pauvres qui viendraient la leur demander. C’est pour 
cela qu'il lui donnait les dîmes et le patronage des églises 
d'Elbeuf-en-Bray, du Thil, de Saint-Lucien , de Brémon- 
tier, de Merval et de Sainte-Marguerite (3), donations 
qui furent confirmées l'année suivante par l'archevêque de 
Rouen. 


(1) Relation géographique et historique de l'établissement de 
l’abbaye de l'Isle Dieu, dressée en 1760 par P. De la Rue, abbé de 
l'Isle-Dieu. Chez M. Édouard Quesnel , a Auzouville. 


2) Carta fundationis, apud Gallia christ, t. XI, p. 29, instrum. 


(3) Litteræ arch. roth. pro monast. Bellosanæ, apud Gall. christ. 
t. XI, instrumenta, p. 31 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 329 


Cette abbaye a subsisté près de six siècles, pendant 
lesquels elle a compté trente-cinq abbés. Trois d'entr'eux 
ont brillé dans les Lettres et dans les Sciences. Cette tri 
nité glorieuse apparut à la fin du xvi siècle, comme pour 
consoler l'abbaye de la funeste institution des Commandes. 
Ces trois abbés furent Vatable, Amyot et Ronsard, 
hommes de génie qui ont donné tous trois l'impulsion 
à leur siècle et à la littérature. Vatable, professeur 
d'hébreu à l'Université de Paris, ressuscita parmi nous 
l'étude des langues sacrées. Amyot, traducteur de 
Plutarque , rendit populaire la vie des grands hommes de 
l'antiquité, et embellit par ses grâces naïves le prince 
des biographes. Ronsard, tant de fois couronné pendant 
sa vie, fut un des pères de la poésie française , et l’un des 
créateurs de notre langue. Ces hommes ont jeté sur Bel- 
losane un reflet de gloire qui brille encore , et que chaque 
âge semble rendre plus éclatant. 


Mais, au xvur siècle, l'abbaye ravagée par les guerres 
de la Ligue, privée de ses protecteurs, abandonnée même 
de ses enfants , n’était plus qu'un monceau de ruines abri- 
tant à peine deux ou trois Religieux, errants comme des 
fantômes au milieu des tombeaux. Les choses étaient ainsi, 
en 1680 , lorsque parut un homme de cœur et de tête. 
Henri Blavette, devenu prieur du monastère, en administra 
les revenus avec tant de sagesse et d'économie, qu'il 
releva le cloître et tous les bâtiments de l’abbaye, embellit 
l'église de tableaux, rendit à la sacristie ses ornements, 
à l'autel ses vases sacrés, au chartrier ses titres, et à la bi- 
bliothèque ses livres et ses manuscrits. Ce monastère devint 
en peu de temps un des plus brillants de la province (1). 
En 1732, un homme de haute intelligence seconda beau- 


1) Gallia christ, t. XI. — Duplessis. 


330 ACADÉMIE DE ROUEN. 


coup le prieur dans l’accomplissement de ses plans de 
restauration et de réforme : Urbain Robinet, vicaire- 
général de Rouen et abbé de Bellosane, apporta dans le 
gouvernement de l’abbaye le même esprit d'ordre et de 
méthode qu'il avait déployé dans l'administration du dio- 
cèse. Homme de progrès et savant théologien, il avait 
donné une preuve de son savoir-faire dans la composition 
du bréviaire , et dans la réforme de la liturgie diocésaine. 
Le choix des hommes dont il s'entoura pour cette grande 
entreprise , lui fait autant d'honneur que ses travaux 
eux-mêmes (1). 


Mais pourquoi faut-il que de cette abbaye relevée avec 
tant de peine, il ne reste plus aujourd’hui que le souvenir. 
La révolution a été ici plus cruelle qu'ailleurs ; Jumiéges, 
Valmont, Saint-Wandrille, montrent encore des ruines 
vénérées par tous les voyageurs; à Bellosane, il ne reste 
pas pierre sur pierre. Quoique cachée au fond d’un désert, 
comme dans une Thébaide nouvelle , quoique placée au 
milieu d’un pays qu'elle avait émergé des eaux, et dont 
elle n'avait cessé d’être la perpétuelle bienfaitrice, la 
proseription générale l'a frappée encore plus impitoyable- 
ment que les autres. Les sept Religieux qui formaient en 
1791 toute la communauté, se dispersèrent dans le monde. 
M. Dufour, dernier prieur, a eu seul le bonheur de mourir 
à l'ombre du cloître qui avait protégé ses premiers ans. 
Il repose derrière l’église de Sainte-Marguerite. Ses osse- 
ments touchent à ceux des saints ; car, en 1791, aux ap- 
proches de la tourmente révolutionnaire , un moine cacha 


i) Nous citerons, entre autres, Étienne Geffray, curé de Hautot- 
le-Vatois, et M. De la Chapelle, curé de Mentheville cet doyen des 


Loges. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 331 


dans le cimetière les saintes reliques qu'il craignait ds 
voir profanées. L'abbaye alors fut mise au pillage, le: 
vases sacrés furent volés, l'orgue vendu et dilapidé, les 
cloches enlevées pour faire des canons , les tableaux , les 
bas-reliefs dispersés dans les églises et dans les maisons 
du voisinage. Chacun en prit tant qu'il voulut. 


L'église fut vendue comme propriété nationale. Achetée 
vers la fin du sièele par M. Certain , depuis comte de Bel- 
losane , elle fut démolie par ses ordres, sous la direction 
du dernier des moines !! Les pierres de l'édifice furent 
employées à paver les chemins, à réparer les fermes ou 
à faire de la chaux. En 1827, lorsqu'on creusa les fonde- 
ments du château actuel, bâti sur l'emplacement même 
de l’abbaye, on trouva un certain nombre de pierres tom- 
bales. On rencontra aussi des caveaux , dans lesquels 
étaient des sépultures de moines. Les Religieux avaient 
encore leurs croix et leurs chapelets placés près d'eux, 
comme ces abbés de Jumiéges que l’on retrouve encore 
avec leur bâton de bois et leur crosse de cuivre. 


L'ancienne abbaye était entourée d’eau , les fossés ont 
été comblés ; le seul débris qui survive, c’est la mare du 
fermier. Au bord de cette mare est un vieux saule , pa- 
triarche de la contrée, qui, dit-on , a vu la reine Blanche 
(d'Evreux), suzeraine de ces lieux au xiv° siècle. C'était sous 
son feuillage que cette vertueuse veuve venait s'embarquer 
quand elle voulait aller en barquette, soit à Forges , soit à 
Gournay. Une suite non interrompue de lacs, se continuant 
sur toute la vallée de Bray, lui permettait cette charmante 
navigation. Le vieux saule , dernier témoin de ces scènes 
historiques, est mort depuis quelques années , mais son 
tronc vermoulu a été respecté à légal d'une relique Tous 
les jours il tombe en pourriture, et ce n’est qu'en réunis- 
sant ses morceaux que nous avons pu le mesurer , peut- 


332 ACADÉMIE DE ROUEN. 


être pour la dernière fois. Il nous a donné de diamètre 
1 mètre 50 centimètres, et # mètres 50 centimètres de 
circonférence. Nous laissons aux naturalistes le soin d’ap- 
précier l’âge de ce doyen de la forêt de Bray. 


Faisons maintenant connaître les objets d'art échappés 
au pillage, et qui ont trouvé un asile dans nos églises, 
comme les sciences en trouvèrent un au moyen-âge. Ces 
précieux débris nous apprendront à regretter la perte des 
autres. Trois églises se sont enrichies des dépouilles de 
Bellosane : Argueil, Sainte-Marguerite et Brémontier. 


Argueil , chef-lieu de doyenné , est une église pauvre , 
bâtie en briques, et qui ne compte pas cent ans d'existence. 
Ses seuls trésors sont une jolie résurrection sur cuivre, 
et deux bas-reliefs dans la nef, sculptés par les Religieux 
de Bellosane. L'un présente un pape, dont un ange sou- 
tient la tiare ; l’autre un saint solitaire, accompagné du 
lion qui creuse la fosse de saint Paul , ermite , ou un saint 
Marc , avec son attribut évangélique. 


La petite église de Sainte-Marguerite de Bellosane est 
plus riche. Bâtie au xvrre siècle, par les Religieux, elle 
fut décorée par eux avec beaucoup de goût et de recher- 
ches. La chaire, sortie des ateliers de la maison , montre 
en relief les quatre évangélistes. Le lutrin, qui est un 
Moïse , le rayon sur le front, provient de l’église abba- 
tiale. Trois bas-reliefs sur bois , et du meilleur goût, 
tapissent l’abside ; c’est le martyre de sainte Marguerite, 
l'adoration des Bergers et l’adoration des Mages. 


Cette église , anciennement paroisse , est aujourd'hui la 
chapelle du château. Sous le chœur est un caveau sépul- 
cral creusé en 1838 pour être le lieu de sépulture de la 
famille de Bellosane. Deuxmembres y sont déjà descendus, 
et, sur une pierre de marbre, on lit ces inscriptions : 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 333 


« Ici repose le corps de M. Charles Certain, comte de 
Bellosane , ancien conseiller à la Cour des Aiïdes , fonda- 
teur et bienfaiteur de cette chapelle, né à Paris , le 3 juin 
1763 et décédé à Paris le 29 juillet 1838.» — « Ici 
repose le corps de M. Charles Certain, comte de Bellosane, 
né à Sceaux , le 10 janvier 1795, officier de la légion d'hon- 
neur, chevalier de Saint-Ferdinand d'Espagne, lieute- 
nant-colonel d'État-major, membre du Conseil général 
de la Seine-[nférieure , ancien maire de Brémontier , mort 
à Paris le 18 mai 1840. » 


Mais c’est dans l’église de Brémontier-Merval que l’on 
a entassé, comme dans un Musée, toutes les richesses 
artistiques de l’ancien monastère. Le lieu n’était pas mal 
choisi, car, selon la tradition, cette église a été une an- 
cienne abbaye , et Duplessis prétend que c’est là qu'il faut 
chercher le tombeau de saint Guitmard et l’origine de la 
collégiale de Gournay. Le curé assure que , dans les her- 
bages environnants , on aperçoit des débris de murs pro- 
venant de l’ancienne maison conventuelle. L'édifice actuel 
n'a aucun intérêt. Le chœur date de 1733 ,et la nef du 
xvi° siècle. Le berceau est orné de fleurons , de médaillons 
et d'armoiries de ce temps. Le baptistère seul date du 
xu° où du xm° siècle. C'est une cuve ronde supportée 
par une colonne cylindrique flanquée de quatre colonnettes 
à chapiteaux de cornes, et couronnée d’une corniche de 
feuillages. Tout ceci est loin d'annoncer la magnificence 
de la décoration mobilière. 


Parmi les principaux objets qui remplissent le chœur, on 
remarque les stalles en chêne, trop grandes pour une si 
petite église, la chaire décorée des attributs évangéli- 
ques, l'aigle servant de lutrin, l'autel construit à la 
romaine, dont une des faces, malheureusement , est 


334 ACADÉMIE DE ROUEN. 


cachée ; celle qui est visible présente Jésus-Christ mis dans 
le tombeau. Autour de l'autel sont sculptés, en relief, les 
instruments de la Passion. Ces boiseries surmontaient autre- 
fois les ogives de la chapelle de la Sainte Vierge. I y a dix 
personnages dont l'un tient l'échelle , l'autre la lance et 
l'éponge , celui-ci les verges , celui-là les clous; viennent 
ensuite le marteau et les tenailles, le vase au fiel et au 
vinaigre, et le mouchoir de Sainte Véronique. Les sujets de 
la Passion paraissent avoir été reproduits au xvn* siècle 
avec une prédilection toute particulière. Nous les avons 
trouvés sur les bossets et les poutres des chœurs de Grèges 
et de Bracquemont , sur les vitraux de Biville-la-Baignarde 
et jusque sur le pied d’un calice en argent, donné en 1682 
à la chapelle du château de Bellengreville. 


Le chœur de Brémontier est encore tapissé de quatre 
magnifiques bas-reliefs, en bois, de grande proportion : 
le premier c’est Jésus monté en Croix, le second c’est 
Jésus descendu de la Croix, le troisième c'est Jésus mis 
dans le tombeau, et le quatrième , enfin, c'est Jésus res- 
suscité. 


Dans la nef, c'est plus beau encore. Deux autels sont 
placés à droite et à gauche de l’arcade du Crucifix ; des 
bas-reliefs en forment les contretables. Sur l’un, c’est un 
saint évêque, sur l’autre, c'est une assomption. Le bas 
d’autel de ce dernier montre un Christ fort joli. 


Mais les morceaux de sculpture les plus parlants, ce sont 
quatre groupes d’une belle expression. Le premier, c'est 
le squelette de la mort, une faulx à la main, frappant une 
tête couronnée, abattue à ses pieds. Elle marche également 
sur un sac d’or renversé, sur un glaive, un casque, une 
tiare et un livre, tous emblèmes qui semblent dire que 
nulle puissance ne peut résister à la mort, que, la cruelle 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 335 


qu'elle est, n’épargne ni la science , ni le génie , ni le sa- 
cerdoce, ni l'empire, ni la puissance de l'or, ni la puis- 
sance du glaive. 


Le deuxième groupe est une résurrection. L'ange du 
jugement sonne de la trompette et semble faire entendre 
ces lugubres paroles : Levez-vous, morts, et paraissez au 
jugement. À sa voix, un homme et une femme sortent de 
la tombe pour être jugés ; aussi, les deux groupes suivants 
sont: la récompense et le châtiment. 


Sur l’un est la Justice, la tiare sur la tête, tenant d'une 
main le miroir de la vérité et de l’autre le glaive de la ven- 
geance. Elle foule aux pieds une prostituée dont les seins 
nus sont allongés démesurément par la luxure. Autour 
d'elle sont des masques seéniques. Ne croit-on pas voir la 
Justice châtiant la grande Babylone de ce siècle de corrup- 
tion et d’hypocrisie ? 


Enfin, sur le dernier, est la récompense de l'homme 
juste. Le Père Eternel ouvre les bras pour recevoir l'âme 
chrétienne ; l'ange des saintes espérances vole au-devant 
d'elle, tenant dans ses mains la couronne de l'immor- 
talité. 


Toutes ces sculptures proviennent de l'abbaye de Bello- 
sane et ont été exécutées par les Religieux de la maison, 
Un ancien moine , qui fut longtemps curé dans les environs, 
avait connu le frère artiste, et avait souvent cité son nom 
aux gens du pays qui l'ont oublié. Ainsi, ces Religieux, que 
l'on savait occupés à écrire et à copier des livres, faisaient 
encore autre chose; plusieurs maniaient le ciseau avec 
bonheur; les sculptures de Bellosane en font foi. Nos églises, 
elles-mêmes, ne disent-elles pas bien haut que ces mains 
religieuses savaient aussi travailler la pierre. La peinture, 


336 ACADÉMIE DE ROUEN. 


non plus, ne leur était pas étrangère ; les manuscrits colo- 
riés du moyen-âge , les livres d'heures qui font l'ornement 
de nos bibliothèques ne sont-ils pas autant de chefs-d'œu- 
vre de patience monastique ? Après l’Antiphonaire et le 
Graduel de Daniel d’Aubonne (1), après les Evangeliers et 
les Epistoliers de Fécamp (2), qui oserait dire que le secret 
du dessin et du coloris s’est jamais perdu chez les moines 
de l’ordre de Saint-Benoit ? 


Pauvre abbaye de Bellosane ! tu n'existes plus depuis un 
demi-siècle ! Eglise, sacristie, cloître, chartrier, biblio- 
thèque , tout a disparu ; mais les sciences et les arts con-— 
serveront ta mémoire. Toujours, tes bas-reliefs feront 
l'admiration des artistes et des chrétiens; toujours, les 
noms de Vatable, d'Amyot et de Ronsard résonneront aux 
oreilles des amis de la science : leur souvenir peuplera tes 
ruines , comme l'ombre des guerriers peuple encore les 
champs de bataille longtemps après leur mort ! 


(1) Daniel d’Aubonne , moine de Saint-Ouen , mort en 1715, mit 
30 ans à composer le merveilleux Graduel que l’on voit maintenant 
à la Bibliothèque publique de Rouen, ainsi que l’Antiphonaire 
qui se trouve à la Bibliothèque du Séminaire. 


(2) Chez M. Robin, médecin, à Goderville, qui les a reçus de 
Dom Letellier, ancien moine de l’abbaye de Fécamp. 


DN000NONONONDNNNONN PNNONNONNNNNNNONLOLNNINNNNNNMNNNNNN NU 


EXAMEN 


DES 


LETTREN NUR L'HINTOIRE MONÉTAIRE 


DE LA NORMANDIE, 


De AM. fecointre-Dupont, 


PAR M. A. DEVILLE. 


M. Lecointre-Dupont a fait paraître, dans le recueil de 
la Revue numismatique, de 1842 à 1845, une suite de 
lettres sur les monnaies normandes , qu'il vient de réunir 
en un corps de volume, auquel il a donné le titre de Let- 
tres sur l'histoire monétaire de la Normandie. Ce vo- 
lume, il vous en a fait hommage , et l'Académie, par l’or- 
gane de son président , l'a renvoyé à mon examen. 


L'auteur a d'autant plus de mérite d’avoir abordé ce 
sujet, qu'il marchait à-peu-près sans guide ; 1l y a porté la 
lumière. Le suceès le plus complet aurait couronné ses ef- 
forts, si l'on devait en juger par les éloges qui lui ont été 
adressés de toutes parts et par des hommes compétents. 
Je ne serais pas éloigné de m’y associer, si l’on veut me 
permettre un enthousiasme plus réfléchi, quelques obser- 
vations , je dirai plus, quelques critiques. 

22 


335 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Une chose qui n’a pas cessé d’étonner les personnes qui 
s'occupent de notre numismatique nationale, c’est la rareté 
excessive , prodigieuse des monnaies ducales normandes. 
Pour vous en donner une idée, je vous dirai, Messieurs, 
qu'il n'existe, dans toutes les collections publiques et 
particulières de l'Europe , que quelques pièces au nom des 
Richard, petit-fils et arrière petit-fils de Rollon, et au 
nom de Guillaume. On ne connaît pas une pièce de mon- 
naie frappée en Normandie, des Robert, le père et le fils de 
Guillaume le -Conquérant, de Guillaume-le-Roux, de 
Henri 1, de Geoffroy-Plantagenet, de Henri Il, de Ri- 
chard Cœur-de-Lion , de Jean-sans-Terre ; et, cependant, 
lon sait qu'il y a eu de tout temps un atelier monétaire à 
Rouen, et que sous Guillaume-le-Conquérant , spéciale- 
ment , il y en avait un second à Bayeux. 


Frappé de cette pénurie, M. Lecointre-Dupont s'est 
appliqué à en rechercher la cause. Il prétend que les ducs 
de Normandie cessèrent de frapper monnaie dès le milieu 
du x1° siècle; qu'il n'est donc pas possible de trouver, à 
partir de cette époque, des espèces portant le nom des 
princes que je viens de passer en revue, ni celui de nosate- 
liers monétaires normands. A défaut d'autre preuve que 
celle de l'absence de ces monnaies, (preuve toute né- 
gative dans la question), l'auteur en donne la raison 
suivante : 


Guiliaume-le-Batard, dit-il, voyant que ses monnaies , 
qui étaient d’un titre plus élevé que celles des princes ses 
voisins , étaient exportées et fondues , et ne voulant pas , 
ne pouvant pas , à leurexemple, en affaiblir le titre, (car, 
d'après l’auteur, il en avait pris l'engagement envers ses 
sujets, qui avaient consenti, à cet effet, à lui payer un 
droit de monnéage, dit autrement de fouage) renonça à 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 339 


frapper monnaie, pour éviter des frais de fabrication et 
la perte que l'exportation du numéraire lui faisait éprouver. 


Cette supposition me paraît, pour expliquer franchement 
ma pensée, plus ingénieuse que vraie. 


Il faudrait d’abord nous dire comment, dans ce système, 
Guillaume-le-Conquérant et ses successeurs immédiats 
s’y prirent pour satisfaire aux besoins du commerce, des 
transactions de toute espèce et du gouvernement lui-même; 
Caron ne pouvait se passer d'un signe représentatif. L'au- 
teur ne s'arrête point à cette difliculté. 


Pour revenir à son système et l'examiner pris en lui- 
même, l’auteur aurait dù prouver, d’abord, que le titre 
des pièces de Guillaume était plus élevé que celui des 
monnaies des princes ses voisins, ce qui n’est établi nulle 
part et ce que l’auteur avance sans preuve à l'appui. Il 
faudrait ensuite montrer que le droit de fouage ou monnéage, 
l’un des points de départ de son argumentation, existait 
sous nos premiers ducs, ce qui est moins que présumable. 
On ne connait pas, en effet, l’origine de cet impôt redhibi- 
toire , si tant est qu'on doive lui reconnaitre ce caractère ; 
M. Lecointre-Dupont convient lui-même qu'on ne sait à 
quelle époque il remonte. Il faudrait prouver enfin, en 
troisième lieu, que les dues de Normandie , à commencer 
par Guillaume lui-même , ont résisté à l'exemple général 
et ont renoncé à altérer leurs monnaies. L'auteur n’en 
fournit aucune preuve. I n’a pas fait essaver une seule 
pièce ; il ne nous donne, du moins, le titre d'aucune. 


Ce qu'il nous raconte du duc Guillaume, n'expliquerait 
pas d’ailleurs l'absence des pièces sous son père Robert, 
dont on ne connaît pas une seule monnaie. 


En renonçant à faire valoir ces objections, qui sont, 


340 ACADÉMIE DE ROUEN. 


certes, d'un grand poids dans la question , il serait facile 
de détruire , par un seul fait, l'argumentation sur laquelle 
repose l’assertion de l'auteur , et de lui prouver que, loin 
d'être fermé sous Guillaume-le-Conquérant, et à tout 
jamais , l'atelier monétaire de Rouen, spécialement, fonc- 
tionnait encore sous le dernier des fils de ce prince En 
effet, Henri I", dans une de ses chartes délivrée pour 
l'abbaye de Fontevrault, en 1137, concède des droits 
attachés au monnoyage de son atelier de Rouen, preuve 
que cet atelier était resté en vigueur : quoque anno C libras 
Rothomagi , in moneta mea de Rothomagi, de censu ejus- 
dem monetæ (1). 


Au surplus, l’auteur semble se charger lui-même d'af- 
faiblir son assertion, car, oubliant ce qu'il a avancé, il 
parle de pièces rouennaises sous Henri II et sous Jean- 
sans-Terre. 


Je ne sais si je m'abuse, mais je crois qu'on pourrait 
expliquer, plus naturellement que ne l'a fait l'auteur, l'ex- 
trême rareté de nos pièces normandes. 


Les dues de Normandie percevaient un droit assez con— 
sidérable sur l'émission des espèces monnoyées , qu'ils s'é- 
taient exclusivement réservée. Pour augmenter ce revenu, 
à leur avènement au trône ducal, ils décriaient toutes les 
pièces émises par leur prédécesseur ; elles étaient immé- 
diatement retirées de la circulation On était tenu, sous 
des peines sévères, de les porter aux ateliers monétaires 
du duc , où l'on recevait en échange des pièces nouvelles 
à son nom, en payant le droit de monnoyage ; véritable 
impôt, très lucratif, qui faisait rentrer immédiatement 


ETS 


i) Archives de Maine-et-Loire. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 31 


une somme considérable dans les coffres du nouveau duc. 
La même opération se répétant d'un règne à l’autre, on 
conçoit que les espèces des règnes successifs ont dû s'é- 
teindre ainsi à la suite les unes des autres et disparaitre 
presque complètement. 


Quelque soit, au surplus, la valeur de cette explication 
pour rendre compte de l'extrême rareté de nos pièces du- 
cales, elle à du moins le mérite de reposer sur un fait 
positif et d'embrasser la succession des règnes d’une ma- 
nière uniforme , en même temps qu'elle n'a rien que de 
simple et de très naturel. 


J'ai dit qu'on ne connaissait de nos dues que quelques 
pièces au nom de Richard et à celui de Guillaume : ce sont 
des deniers d'argent, d'un métal plus ou moins pur, qui 
pèsent généralement de 18 à 2% grains. 


Tout le monde est d'accord pour reconnaître que les de- 
niers au nom de Richard, d'après leurs types et les ca- 
ractères de leurs légendes, ne peuvent s'appliquer à Ri- 
chard Cœur-de-Lion ; mais qu'ils doivent être attribués à 
l'un des Richard , I, Iet IN, qui se sont succédés immé- 
diatement après Guillaume-Longue-Épée, de l'an 943 à l'an 
1026, si même ils ne doivent leur être partagés, car rien 
sur ces pièces n'indique au quel de ces Richard on peut les 
donner de préférence. 


Quand aux deniers au nom de Guillaume, dont le Cabinet 
des Médailles à Paris possède un très bel exemplaire, sur 
lequel on lit Willelmus et au revers Rotomacus, un des an- 
ciens conservateurs de cet établissement, M. de Longpérier, 
le donne à Guillaume-Longue-EÉpée, fils de Rollon. Il 
serait trop long d'énumérer ici les raisons qui m'ont tou- 


342 ACADÉMIE DE ROUEN. 


jours fait penser que cette pièce est plus jeune d'un siècle 
et qu'elle a du être frappée par Guillaume-le-Bâtard. M. Le- 
cointre-Dupont, dont le nom fait autorité dans la matière , 
partage notre opinion. 


M. Lecointre , dont l'ouvrage est accompagné de plan- 
ches gravées, a donné le dessin de dix des pièces dont nous 
venons de parler. Le Musée des Antiquités de Rouen , au- 
quel il a fait un emprunt, aurait pu lui en fournir deux 
ou trois antres non moins intéressantes. 


A part cette lacune , il est à regretter qu'il n'ait point in- 
diqué le poids des pièces qu'il a fait dessiner. Nous avons 
dit plus haut que le titre n'en avait pas été constaté. 


Un oubli moins pardonnable est celui que l’auteur à com- 
mis, de ne point nous faire connaître le système monétaire 
de nos dues, dont il avait entrepris , d’après le titre de son 
livre, d'écrire l'histoire. 


Il lui eût été facile cependant , à l’aide des chartes, des 
documents historiques, d'expliquer que la monnaie de 
compte en Normandie était la livre, le sou, le denier, 
l'obole ; qu'on ne frappait ni livre , ni sou ; que le denier, 
toujours en argent, auquel il faut peut-être joindre 
l'obole , qui en était la moitié, était la monnaie unique et 
courante. On disait une livre de deniers , un ou plusieurs 
sous de deniers, et l'on payait en deniers. La monnaie de 
cuivre ou de billon était inconnue. Quant à l'or, on n’en 
frappait pas ; il circulait, dansle commerce, sous son poids, 
en barre ou par morceaux ; on se contentait de le peser. 
On trouve souvent, dans les chartes, la mention d'une livre, 
d'une once d'or, jamais l'expression d'une pièce mon- 


dé ml 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 343 


noyée (1). Cet usage avait-il été introduit en Normandie par 
les hommes du Nord, sous Rollon et son fils? Ce qui peut 
le faire penser, c'est que, dans la patrie de Rollon, il était 
général et s’appliquait même à l'argent. On a trouvé, il y 
a quelques années , dans une des îles du Nord, un vase 
dans lequel étaient de petites barres d'argent et des an- 
neaux de même métal, qui avaient été entaillés et coupés 
par morceaux , pour servir de monnaie. 


Je me suis étendu sur ce qui concerne l’époque nor- 
mande proprement dite, celle qui s'applique au règne de 
nos dues et qui finit en 120% avec l'occupation française 
sous Philippe-Auguste , comme étant, pour notre histoire 
monétaire, la plus importante de beaucoup, en même 
temps qu'elle est la plus obscure et la plus difficile à étu- 
dier. 


M. Lecointre-Dupont ne s'arrête pas là ; il suit la numis- 
matique de notre province sous les princes français et la 
conduit jusqu'à Henri IV inclusivement. 


L'auteur , soit faute de documents, soit qu'il n'ait point 
assez multiplié ses recherches, laisse quelque chose à 
désirer dans cette seconde partie de son travail. C'est ainsi 
qu'il ne nous indique aucunes des monnaies qui ont dû être 
frappées dans l'atelier de Rouen, sous Philippe-Auguste, 
Louis VITE, Saint-Louis et ses successeurs jusqu'à Charles V. 


(1) Quelquefois on parle de besants, bisancü. Cette monnaie 
orientale avait pu être importée en Normandie, par la voie des 
pélerinages, des croisades ou même du commerce. L'absence d'or 
monnoyé dans cette province avait dû favoriser la circulation 
de ces besants ct les faire rechercher. 


3h44 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Il a pu recueillir cependant quelques documents écrits , 
qui offrent certes de l'intérêt, mais qui ne suffisent pas 
pour combler cette lacune. Ces documents sont particu- 
lièrement relatifs à l’altération des monnaies, véritable 
plaie du moyen-âge. 


Ce n’est que dans le xiv® siècle que l’auteur retrouve et 
nous montre des pièces frappées en Normandie ; ce sont 
celles qui portent le nom et l’effigie de Charles-le-Mauvais , 
roi de Navarre. 


Il franchit encore un siècle, pour arriver à l'invasion de 
1419. Là, dans cette période de trente années que dura 
l'occupation anglaise , les espèces à l’efligie et au nom de 
Henri V, de Henri VI, sorties de nos ateliers, or, argent, 
billon , abondent. [1 semblait que la Normandie en fût 
inondée. 


L'atelier de Rouen ne suflisait pas à cette émission ; 
Saint-Lô lui fut associé pour la Basse-Normandie. 


En dehors de ces deux maisons monétaires, il en existait 
une troisième, mais qui ne reconnaissait pas l'autorité an— 
glaise , et qui ne fut que temporaire. Cet atelier était établi 
au Mont-Saint-Michel, qui n'avait pas ouvert ses portes 
aux Anglais. On n’a pu encore, malheureusement, signa- 
ler aucune de ces curieuses pièces obsidionales. 


Charles VIT, rentré en possession de la Normandie, 
maintint l'atelier de Saint-Lô. Pour distinguer les espèces 
de cet atelier d'avec celles de l'atelier de Rouen, il leur 
donna une marque ou différent, qui consistait, pour Rouen, 
dans un point sous la quinzième lettre de la légende, pour 
Saint-Lô sous la dix-huitième. On ignore le différent des 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 345 


pièces normandes antérieures (1). Toutle monde sait que, 
plus tard, chaque hôtel de monnaies de France reçut une 
lettre de l'alphabet. Rouen eut le B, Saint-Lô le C (2). 


Du xv° siècle, nous passons avec l’auteur au xvi°. Arré- 
tons-nous, avec lui, à l'invasion des Protestants et au pil- 
lage de Rouen en 1562. 


On sait par le témoignage des historiographes normands 
que lesReligionnaires pillèrent les trésors de nos églises, en- 
levèrent l'or et l'argent des vases sacrés et desreliquaires, et 
qu'ilsles convertirent en espèces monnoyées. M, Lecointre- 
Dupont aflirme que les Protestants supprimèrent, sur ces 
pièces, le nom et l'effigie du prince régnant, de Charles IX. 
C’est une erreur; les Religionnaires n'allèrent pas jusque là. 
Seulement, en plaçant la tête du jeune prince sur les mon- 
naies frappées à Rouen, ils la tournèrent, dit-on, à gauche 
par mépris, et appelèrent par dérision ces pièces, des 
Morveux , par allusion à l’âge de Charles IX. Ce prince 
n'avait que douze ans à cette époque. 


De Charles IX l'auteur saute à Henri IV, et se contente 
de donner, en terminant, quelques pièces à l’efligie de ce 
prince ffappées à Saint-Lô, qui font honneur à cet atelier 
monétaire. Je pense qu'il aurait pu y joindre , comme frap- 
pées en Normandie, quelques-unes des premières pièces 
qui parurent au nom du compétiteur de Henri IV, du car- 
dinal de Bourbon, archevêque de Rouen, abbé de Jumiéges, 
dont les prétentions à la couronne furent accueillies avec 
tant de faveur par le clergé normand. 


(1) Disons cependant que les princes anglais firent mettre un 
point sous la deuxième lettre des gros de Saint-Lô. 


(2) Ordonnance de Soissons, de 1539, sous François [°° 


346 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Je rendrais un compte incomplet de l'ouvrage de M. Le- 
cointre-Dupont, si je ne mentionnais les nombreuses pièces 
justificatives, dont il l’a accompagné, et qui n’en sont point 
la partie la moins curieuse et la moins importante. Félici- 
tons l’auteur de les avoir données in extenso et non d’une 
manière tronquée. 


Les critiques légères que je me suis permises ainsi que 
les lacunes que j'ai signalées , n'infirment pas les éloges 
auxquels je me suis associé au début de ce rapport. 


Il appartient à M. Lecointre-Dupont de revoir, de com- 
pléter son travail. Personne, plus que lui, n’est à même de 
l'amener au degré de perfection relatif que comportent la 
matière et les monuments qui nous restent. Espérons qu'il 
répondra à cet appel. 


tt @0——— 


API RPI AI RIT AENTIOEE 


NOTICE 


sur 


M. LE COMTE MARCHETTI, 


DE BOLOGNE, 


PAR M. A.-G. BALLIN. 


Messieurs, 


Lorsqu'en 1812, j'étais archiviste de la secrétairerie 
d'État du royaume d'Italie, j'avais pour collaborateur un 
jeune italien qui, par ses brillantes études et sa position 
sociale, pouvait aspirer aux emplois les plus importants ; 
il était marié à une femme charmante , fille adoptive du 
ministre Aldini; nous passions ensemble, dans un bien 
petit cercle, d’agréables soirées , où se trouvait quelque- 
fois un certain Carmanini, bouffe au Théâtre-Italien, plus 
plaisant encore dans l'intimité que sur la scène. Mon col- 
lègue se livrait alors sans réserve à la plus franche gaîté,; 
cependant il avait des dispositions à la mélancolie et je le 
voyais souvent, avec quelque impatience, se promener à 
grands pas dans notre vaste bureau de l'Hôtel de Breteuil , 
où, pour dire la vérité, nous n'étions pas surchargés de 
besogne. Que faites-vous, lui disais-je? — Je pense. — 


318 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Pourquoi n'écrivez-vous pas? — Îl n'en est pas encore 
temps, me répondait-il. 


Les grands événements qui ont détruit tant d'espérances, 
nous ont séparés ; rentré à Bologne, sa patrie, il a été as- 
sailli par des vicissitudes diverses qui ont dû suspendre et 
modifier le cours de ses méditations ; enfin , après bien des 
années, le calme a succédé à l'orage. Mon jeune homme 
était parvenu à la maturité de l’âge et du talent, le temps 
d'écrire était enfin arrivé, mais forcé de renoncer à devenir 
homme d'État, son génie le fit poète, et, cédant aux ins- 
tances de quelques amis, il consentit à publier deux petits 
volumes que l'Italie accueillit avec une telle faveur, qu'elle 
l'éleva dès-lors au rang de ses poètes vivants les plus re- 
marquables. C’est ce qui lui valut l'honneur d’être choisi , 
entre tant d'hommes distingués, pour composer la cantate 
dont je vous ai entretenus à l’une de vos précédentes séan- 
ces. J'ai pensé, Messieurs, que vous ne seriez pas fâchés 
que je vous fisse faire plus ample connaissance avec l’au- 
teur, M. le comte Marchetti, de Bologne. C’est aujourd’hui 
un homme de 57 à58 ans, d’une taille assez élevée, mais 
d'une complexion délicate ; son aspect est noble et gra- 
cieux , son front large annonce une haute intelligence et 
de solides pensées; il sait allier la dignité aux formes les 
plus agréables. Pur de toute ambition, étranger à l'envie , 
ami sincère et dévoué, il est bienveillant pour tous, et ses 
paroles graves et sérieuses sont toujours exemptes de fiel. 


Les deux volumes dont je viens de vous parler, se com- 
posent d'une cinquantaine d’odes, tant originales que tra- 
duites ou imitées d'Anacréon et d'Horace ; d’une trentaine 
de sonnets et de quelques autres poésies, outre deux dis- 
cours en prose ; l’un sur l’état de la littérature italienne en 
1824, l'autre sur la principale allégorie du poème de Dante, 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 349 


où il paraît avoir enfin dévoilé la véritable signification de 
la fameuse Forêt obscure et sauvage, et des trois bêtes fé- 
roces, la panthère, le lion et la louve, qui, depuis cinq 
siècles, ont fait le tourment des commentateurs. Il en 
donne une explication toute nouvelle, fondée sur une étude 
approfondie des trois parties de la Divine Comédie. Peut- 
être essaierai-je de vous la faire connaître plus tard. 


Si la mission du poète, comme celle de l'orateur, est 
d'inspirer au cœur de l'homme la vertu , l'amour de la pa- 
inie, la piété, la bienveillance ; de le porter aux grandes 
entreprises ; de le pénétrer de respect pour le malheur, de 
mépris pour le vice dans la prospérité; enfin de révéler 
courageusement les vérités utiles à l'humanité, M. Mar- 
chetti à rempli cette noble mission , autant que le compor- 
taient les sujets qu'il a traités. 


Au dire de ses compatriotes, il a hérité de lalyre de Pé- 
trarque, et ses odes ont ce caractère d'originalité qui donne 
une vie durable aux œuvres de l'esprit, et distingue le poète 
de l'écrivain , l'artiste de l’artisan. 


Vous savez, Messieurs, combien ces sortes de composi- 
tions perdent en passant d'une langue à une autre, et sur- 
tout de la poésie à la prose ; vous devez donc vous attendre 
qu'en cherchant à vous faire connaître l’une des pièces de 
mon auteur, je ne vous en offrirai qu'une pâle imitation. 
J'ai choisi celle qui se rattache en quelque sorte à notre his- 
toire par les souvenirs qu’elle réveille ; elle a pour sujet le 
fils de Napoléon , au moment où , bien jeune encore , il va 
rejoindre son père au tombeau. 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


©2 
Qt 
=] 


PER 
NAPOLEONE FRANCESCO 


VICINO À MORTE. 


E se re, dopo lui (1), fosse rimaso 
Lo giovinetto che retro a lui siede, 
Beme andava il valor di vaso in vaso. 


Dante , Purg. ce. vu. 


19 


D'una luce vestito 
Cui pari in terra non reggiô, Fortuna 
Entro gemmata cuna 
Un fanciullin ripose, 
Alto dicendo : Etu sarai secondo. 
Al suo molle vagito 
Con immenso rispose 
Grido di speme e di letizia il mondo. 
2 


Ze 


Lui salutô da cento 
Rocche Gradivo di festevol tuono ; 
D'inni votivo suono 
Ogni aër santo empiea ; 
Benedicean lingue diverse a quella, 
Che in si dolce momento 
Di mezzo il ciel ridea , 
Più lucente del Sol paterna stella. 


(1) Suivant Biagioli, il est question ici de Pierrelif, roi d'Arragon, 
en 1276, et du dernier de ses fils, qui avait hérité de ses vertus, 
mais qui n’a pas régné. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301 


ODE 


SUR LES DERNIERS MOMENTS 


DU FILS DE NAPOLÉON. 


S1 cet adolescent , près de son siége assis , 
Eût, en lui succédant, pu ceindre la couronne, 
La gloire et la vertu passaient de trône en trône. 


Dans un riche berceau , la Fortune déposait un enfant 
entouré d’une brillante auréole, dont l'éclat n'avait rien 
d'égal sur la terre. Tu seras, s'écriait-elle , le second Na- 
poléon, et, à son faible vagissement, le monde répondait 
par une immense acclamation d'espérance et de joie. 


2; 

Du haut de ses citadelles, Mars, en signe d'allé- 
gresse, le saluait de son tonnerre cent fois répété; dans 
tous les temples, des hymnes portaient au ciel des vœux 
pour lui, etdifférents langages célébraient, en un moment 
si doux, l'étoile paternelle qui, radieuse au firmament, 
paraissait plus brillante que le soleil. 


302 


(1) Amphrise, fleuve de Thessalie, sur le rivage duquel Apollon, 


ACADÉMIE DE ROUEN. 
. 


L'aquila trionfale, 
Con glauco ramo infra gli ancor vermigli 
Mal provocati artigli, 
Mosse dal Franco Seggio, 
Fendendo a lieto vol l'aura superna ; 
E delle nobil ale 
Fe’ col lento remeggio 
Parer l’orgoglio del sentirsi eterna. 


He. 


Sciogliea del Dio d’Anfriso (1) 
L'immaginosa figlia alte parole : 
« Salve, cantava , 0 Prole 
In leggiadro sembiante 


D'un miglior Numa e d’un più forte Scipio : 


Caro del ciel sorriso ; 
De la maggior fra quante 
Splendon vite d'Eroi novo principio. 


>. 


« Apprenderai dal Padre 
Come rabbia civil, come di fuore 
Congiurato furore 
Pur si sommette al piede ; 
Come la patria a’ vinti si ridona, 
Stanza all’Arti leggiadre, 
Templi all'avita fede, 
E alla raminga Astrea scettro e corona. 


banni des Cieux, garda les troupeaux d’Admète. 


DE 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 393 


3. 


L'aigle triomphale, tenant un vert rameau dans ses serres 
encore rouges du sang des ennemis qui l'avaient si im- 
prudemment provoquée , planait au-dessus du trône de 
France, et, d'un joyeux essor, s’élevant jusqu'aux régions 
éthérées, semblait, par le mouvement majestueux de ses 
ailes , se glorifier de son éternité. 


k. 


L'ingénieuse poésie, fille du dieudes vers, chantait d’une 
voix éclatante : «Salut, noble rejeton d’un héros plus sage 
que Numa, plus vaillant que Scipion ; doux présent du ciel, 
ta gloire naissante doit surpasser celle de tous les grands 
hommes dont nous conservons la mémoire. 


D. 


«Tu apprendras de ton illustre père comment on écrase 
sous ses pieds, et le démon de la guerre civile, et celui de 
la guerre étrangère; comment on redonne la patrie aux 
vainçus, un palais aux beaux-arts, des temples à l'antique 
foi des ancêtres, et comment on rend le sceptre et la cou- 
ronne à Thémis exilée. 


23 


35% ACADÉMIE DE ROUEN. 


6. 


« Quando al fren de la terra 
Un di porrai le venerande mani, 
Fian dietro a te lontani, 
Con ogni lor mendace 
Idolo, i tempi del servil pensiero : 
Vana gli error fan guerra ; 
Ei trionfa , e si piace 
Di nuova gente apparecchiarti impero. 


y Æ 


« Quanto fu speme appena, 
Fia per tuo senno e per tua man compiuto. 
lo da lunge saluto 
Del buon seme che abbonda 
Le altere piante e i generosi frutti. 
Tal di sublima vena 
Il Nilpiove , e feconda 
Largamente passando i campi asciutti. » 


8. 


Mentre la Dea si dice , 
Ecco improvisa aquilonar procella, 
Oscurata la bella 
Luce del mondo, spenti 
Tutti d’onore i chiari germi, 6 grave 
Di secolo felice | 
Spigner feroci venti 
Per l'Atlantico mar perfida nave. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 399 


6. 


« Quand tes nobles mains saisiront les rênes du monde, 
les temps des pensées serviles et leurs fallacieuses idoles 
seront déjà loin ; l'erreur combat en vain, il triomphe et se 
complaît à te préparer l'empire d'une nation régénérée. 


re 


« Tout ce qui fut à peine une espérance, s'accomplira par 
ton génie et ta main puissante ; je salue dans l’avenir les 
fruits généreux d'une semence si féconde. Tel le Nil étend 
ses eaux bienfaisantes, et porte la fertilité sur les campagnes 
desséchées. » 


8. 


Mais, poussée par l'aquilon, voici qu'une tempête impré- 
vue vient interrompre ces chants, obseurcir la lumière du 
monde, étouffer tous les germes de gloire, et des vents 
cruels chassent devant eux le perfide navire qui emporte 
le bonheur du siècle. 


356 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


9. 


Ahi! qual trovà ricetto 
Quell’ augusto Fanciullo, o qual destino . 
Ei per breve cammino 
Corse a non degna morte : 
Vedete là come si strugge e langue, 
Sovra straniero letto , 
Vedete a quelle smorte 
Giovani membra avviticchiato un angue! 


10. 


Tempo ora è ben di duolo, 
Chè l'ultimo sereno astro a crudeli 
Stelle abandona i cieli. 
Fremono i nembi intorno, 
Da che fatto è ‘1 valor steril memoria : 
Pace potea dar solo 
(Forse era presso il giorno }) 


Chi nacque in eima del cammin di gloria. 


ar 


Spesso di mezzo a’ lenti 
Salici dolorosi, onde coverto, 
Ë il tumulo deserto, 
Spinta dal primo affetto, 
L'Ombra del Magno ne la notte uscia ; 
E per l’aure silenti 
Al giovine intelletto 
Ignote cose a ragionar venia. 


| 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 357 


9 


Hélas ! quel asile et quel destin trouva l’auguste enfant ! 
Par un chemin bien court il marche à une mort sans gloire! 
Voyez comme il se consume et languit sur un lit étranger! 
Voyez le serpent attaché à ses membres affaiblis ! 


10. 


Le temps du deuil est arrivé, le ciel abandonne le der- 
nier astre de salut qui brillait encore à l'horizon. Les orages 
grondent de tous côtés depuis que la vaillance n'est plus 
qu'un vain souvenir. Né au sommet du sentier de la gloire, 
il pouvait seul nous donner la paix, et peut-être le jour 
n’en était-il pas éloigné ! 


A1. 


Souvent, ranimée par sa tendresse , l'ombre du grand 
homme s'échappait du milieu des tristes saules qui couvrent 
son tombeau désert, et venait, dans le silence de la nuit, 
dévoiler d'importants mystères à cette jeune intelligence. 


. 358 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


12. 


Quanto nel tuo secreto 
Dell immagin paterna animo armato 
Pur contrastavi al fato! 
Non vinto dal costume 
Tu sospiravi all immortal retaggio. 
Abhi di lassù decreto ! 
Parte d’eterno lume 
Non spanderai ne’ di futuri un raggio. 


13. 


0 giovinetti, speme 
Del secol novo, o tenere donzelle, 
Appressatevi a quelle 
Soglie dov’ Ei si muore; 
E a Lui, che il ciel vi promettea, di mirto 
Date ghirlande estreme, 
E un flebile d’amore 
Canto saluti il fuggitivo spirto. 


( 

Di soave armonia 
Inebbriate quell infermo seno, 
Si che ne vengan meno 
Dolcemente suoi sensi, 
Pria ch’Atropo recida 1 pochi stami : 
Deh per pietà non sia 
Ch'or suo natal ripensi ! 
Deh che la madre nel morir non chiami ! 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 359 


12. 


Combien de fois en secret ton ame échauffée par le génie 
paternel, essaya-t-elle de résister au destin! Impatiente 
du joug, combien de fois rêva-t-elle l’immortel héritage ! 
Hélas ! tu ne peux te soustraire à l'arrêt du sort! Émana- 
tion d'une lumière éternelle, tu n'en répandras pas un 
rayon dans l'avenir! 


13. 


0 jeunes gens, espoir du siècle qui commence ! O tendres 
jeunes filles! Approchez-vous de ce palais où il attend la 
mort au lieu de la brillante destinée que son aurore sem- 
blait promettre ; venez lui offrir une dernière couronne 
de myrte , et que vos chants d'amour saluent son ame 
fugitive ! 


14. 


D'une suave harmonie inondez son sein défaillant, et 
qu'il s’'endorme paisiblement , avant qu'Atropos ait fermé 
ses fatals ciseaux ! Ah! fasse le ciel, par pitié, qu'en ce 
moment suprême, il ne pense point à sa naissance et n'ap- 
pelle pas sa mère ! 


DA UMUOLTNONONONNNNCNNNNNNO DOTUONOUTUONOLONONONONOEN DOULOUTTUNN 


NOTE 


SUR UNE DÉCOUVERTE 


LL 


MÉDAILLES ROMAINES, 


PAB M, A. DEVILLE. 


Caudebec-lès-Elbeuf est une localité féconde en anti- 
quités romaines. Une des plus intéressantes découvertes 
qu'on y ait faites, est celle que nous allons signaler. 


Le 27 novembre dernier, (1846), des ouvriers maçons, 
en creusant des fondations, mirent à nu , à 60 centimètres 
du sol, un vase de terre grise ardoisée, dont l'ouverture 
était recouverte d’une tuile fort épaisse. 


Dans ce vase, était accumulée une masse de médailles 
romaines , en billon, petit module, dont le poids ne s’éle- 
vait pas à moins de 30 kilogrammes. On a vérifié que 270 


de ces pièces pesaient un kilogramme ; ce qui porte leur 
nombre à 8,100. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 361 


Les 11/12 de ces pièces sont à l’efligie de Postume, qui 
gouverna la Gaule de l'an 258 de notre ère à l'an 267 ; ces 
médailles sont communes. Sur le 12° restant, la moitié est 
au nom de Gallien et de Salonine , sa femme ; l’autre moitié 
se distribue entre Gordien If, Philippe, père et fils, Ota- 
cille, Trajan Dèce, Étruscille , Trébonien, Volusien, Valé- 
rien père, Salonin et Valérien jeune, et Victorin. 


La médaille la plus récente est un Claude-le-Gothique. 
C'est donc au règne de cet empereur, qui n’embrasse que 
les années 269-270, qu'on doit fixer l’enfouissement de ce 
trésor. 


Sur les 6,800 médailles de Postume, qui en composaient 
la majeure partie, on compte une 60" de revers différents, 
dont quelques-uns sont peu communs. Il est à-propos de 
remarquer que parmi ces 6,800 médailles au nom de 
Postume, il ne s’en trouve pas une seule qui puisse être 
attribuée , d’une manière certaine, à Postume le fils, fait 
de nature à corroborer l'opinion de ceux qui disputent à 
ce jeune prince l'existence de ses médailles. 


Aucune médaille d'or, d'argent pur, ou même de 
bronze, n'a été rencontrée au milieu de cette masse de 
monnaies, toutes en billon. 


Parmi les raretés qui s’y sont rencontrées, en très petit 
nombre il est vrai, on cite : 


2 Émilien, 
‘1 Quietus, 
1 Lœlien, 
6 Marius, 
2 Mariniana. 


362 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Mais la seule pièce véritablement rare, et qu'on peut dire 
rarissime, qu'on y ait trouvée, est une Cornelia Supera. 


Cette pièce porte, du côté de la face, la tête de cette 
impératrice, qu'on croit avoir été femme de l'empereur 
Émilien , avec la légende : 


CORNEL SVPERA AVG (Augusta), 


et, aurevers, la figure debout de Vesta, accompagnée du 
nom de cette déesse, VESTA. 


On estime la valeur de cette pièce, qui est parfaitement 
conservée, à 900 fr. 


Nous sommes heureux de pouvoir annoncer que cette 
précieuse médaille ne sera pas perdue pour le pays, et 
qu’elle est entrée dans le médailler de notre Musée des 
Antiquités. 


DE L'ADMINISTRATION 


MONARCHIQUE 


EN FRANCE, 


Par A. A. Cheruel. 


LS 


Messieurs , 


La France est, de tous les pays de l'Europe, celui où 
l'unité administrative a été poussée le plus loin. En étudier 
l'origine etles développements successifs , rechercher com- 
ment elle a vaincu l'esprit d'isolement soutenu par la féo— 
dalité et les communes, c'est pénétrer au cœur mème de 
l'histoire de France, c’est en toucher la question la plus 
vitale. Telle est la tâche que j'ai entreprise, dans un meé- 
moire mentionné par l'Institut. Ce travail est beaucoup 
trop étendu pour que j'en donne lecture à l'Académie ; 
chaque partie est trop intimement liée à l'ensemble pour 
qu'on puisse l'en détacher. Je me bornerai done à vous 
en soumettre une esquisse rapide. 


L'Institut demandait un tableau de l'administration mo- 
parchique en France, depuis Philippe-Auguste jusqu'à 


364 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Louis XIV inclusivement. Mais que faut-il entendre par 
administration monarchique ? À quelles conditions peut- 
elle exister ? L'administration est l’action du pouvoir cen- 
tral sur toutes les parties du royaume; elle lui donne 
l'ordre, elle en reçoit la force. Elle ne peut exister qu'aux 
conditions suivantes : un pouvoir central fortement orga- 
nisé, des agents qui transmettent sa volonté dans les pro- 
vinces , enfin l'adhésion du peuple qui livre son sang et sa 
sueur en échange de la sécurité et de la puissance. 


On trouve la première ébauche de cette centralisation 
administrative dans les derniers siècles de l'Empire romain. 
Elle date de Dioclétien et de Constantin. Ils établirent une 
hiérarchie de fonctionnaires relevant de l'empereur, et 
uniquement occupés à faire passer l'argent et les forces des 
provinces entre les mains du pouvoir central. Ce gouver- 
nement oppressif n'obtint pas l’adhésion des peuples. A la 
fois, faible et wyrannique, il ne leur donnait ni ordre, ni 
liberté ; il faisait lourdement peser le poids de son ombre ; 
c’est l'expression d'un poète contemporain, Sidonius Apol- 
linaris : 

ISÉRAE SE Portavimus umbram 
Imperii. 


Les invasions des Barbares ruinèrent la centralisation 
romaine. Mais les chefs Germains les plus éminents furent 
vivement frappés de l'unité administrative établie par les 
Césars. Ils trouvaient partout ces voies romaines qui por- 
taient jusqu'aux extrémités du monde les ordres et les 
légions de l'empereur. Les Théodoric, les Clovis, les 
Charlemagne s’efforcèrent d'imiter la centralisation de 
l'Empire romain. Mais l'esprit germanique leur opposa un 
obstacle insurmontable. Point d'impôts, point de magis- 
trats arbitres de leur sort , la vie libre et presque nomade 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 365 


des forêts, ou, du moins, l'isolement du Leude au milieu 
de ses hommes d'armes et de ses colons, tel était, pour 
les Germains , l'idéal de la société; tel fut le principe du 
système féodal. Peu-à-peu , chaque grand propriétaire se 
rendit indépendant ; il devint juge suprême, chef militaire, 
en un mot souverain dans ses domaines. [l inscrivit en tête 
de ses chartes : «Sous le règne du Christ, en attendant un 
roi. » Quand il daignait reconnaître la suzeraineté royale, 
sa subordination était purement nominale , et, au x° siècle, 
à l'avènement des Capétiens , toute centralisation avait dis- 
paru. «La France s'administrait alors comme un grand 
fief», dit Mezeray. Voilà le point de départ de la royauté 
pour constituer l'unité française. Au xr siècle, elle est 
encore impuissante ; l'unité vient à cette époque de la reli- 
gion. L'Europe se lève à la voix des pontifes pour se pré- 
cipiter sur l'Asie. Mais, au xrr° siècle , la découverte des 
pandectes à Amalfi , l'étude du droit romain dans les écoles 
italiennes, réveillent cette pensée d'unité politique qui a 
sommeillé pendant plusieurs siècles. Suger écrit comme 
les jurisconsultes italiens «que le Roi est la loi vivante. » 
En même temps, il s'opère dans chaque province un tra- 
vail d'organisation qui subordonne les petits fiefs à la puis- 
sance ducale, et la France entière , à l’avènement de Phi- 
lippe-Auguste (1180), se partage en huit grands fiefs : au 
centre, le duché de France; au sud, l’Aquitaine et le 
comté de Toulouse, illustrés par leurs troubadours ; au 
nord , la Flandre , enrichie par le commerce , la Champa- 
gne , berceau des premiers trouvères , la Bourgogne , qui 
a donné des rois à la Castille et au Portugal, la Bretagne , 
où vivent les souvenirs celtiques, la Normandie, enfin, qui 
a imposé sa domination à l'Angleterre et aux Deux-Siciles. 


C'est du miheu de cette fédération de principautés que 
s'élève la royauté. Elle travaille pendant six siècles à faire 


366 ACADÉMIE DE ROUEN. 


un royaume avec un duché, à renverser les barrières qui 
séparaient les provinces , à leur donner un gouvernement 
uniforme, et à obtenir l'adhésion des peuples en se présen- 
tant comme un gage d'ordre et de puissance. A chaque 
siècle son œuvre. Le x forme un royaume et ébauche 
l'administration; Philippe-Auguste ajoute au duché de 
France le Vermandois ou Picardie, l’Artois , la Normandie, 
le Maine , l'Anjou, la Touraine, le Poitou. Louis VIT, 
Saint-Louis, Philippe-le-Hardi s'emparent de l'Aunis et 
de la Saintonge, des comtés de Blois, de Chartres et du 
Languedoc. Enfin, Philippe-le-Bel réunit aux domaines 
royaux la Champagne , la Navarre, une grande partie de 
l'Aquitaine , plusieurs villes de la Flandre et le Lyonnais. 
Le royaume existe ; il faut l’administrer. Le pouvoir cen- 
tral se constitue; il a son parlement qui centralise la 
justice, et sa Cour des comptes qui centralise les finances. 
Il couvre la France de ses représentants, sénéchaux, baillis, 
vicomtes, prévôts ; cette armée de fonctionnaires , instituée 
par Philippe-Auguste, Saint-Louis et Philippe-le-Bel, émane 
du Roi, est sous sa main et combat la hiérarchie féodale , 
inhérente au sol et indépendante de la royauté. L’inter- 
diction des guerres privées, l'établissement d'une monnaie 
royale, la publication de quelques coutumes, les ordon- 
nances pour l'administration de la justice , la protection du 
commerce, la conservation et l'exploitation des forêts, 
signalent ce premier âge de la royauté. 


Mais pour entretenir une hiérarchie administrative , il 
fallait des impôts permanents, comme ceux que Rome 
avait jadis levés sur les provinces. La plupart des villes 
avaient acheté l’exemption des tailles et des aides; elles 
résistaient à l'impôt et opposaient aux magistrats royaux 
leurs franchises communales. Il fallut deux siècles de 
luttes, le xiv° et le xv°, pour que la royauté sortit victo- 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 367 


rieuse de cette nouvelle épreuve. Charles V, Charles VI, 
Louis XI triomphèrent des révoltes incessantes des com- 
munes et de la féodalité, établirent un impôt permanent , 
s'en servirent pour solder une armée permanente , et enle- 
vèrent à tous les Seigneurs les droits régaliens. Il n'y eut 
plus en France qu'un seul souverain , le Roi. 


Alors commença l'organisation des provinces à l'image 
du pouvoir central. Ce fut l'œuvre de Charles VIF, de 
Louis XIT, de François [* et de Henri I; elle remplit la 
première moitié du xvr° siècle. La France fut partagée en 
. douze provinces avec des gouverneurs nommés par le Roi. 
Huit Parlements, à Paris, Toulouse, Grenoble, Bordeaux, 
Dijon , Rouen , Aix et Rennes, administrèrent la justice. 
Des tribunaux inférieurs, appelés Présidiaux , formèrent 
un premier degré dejuridiction. Les Coutumes des diverses 
localités se publièrent. Les ordonnances célèbres de Cré- 
mieu et de Villers-Coterets substituèrent, dans les tribu- 
naux, l'usage du français à un latin barbare, et établirent 
les registres de l'État-civil. Chaque province eut sa Cour 
des Comptes et des Aides. Les arts et les lettres, le com- 
merce, la marine, prirent un rapide essor. Le règne 
brillant de François [°° marque l'apogée de cette période. 


Mais les charges étaient accablantes ; la nation payait le 
luxe de la Cour et des grands. I existait, d’ailleurs , au 
fond des provinces un vif sentiment d'indépendance , l'at- 
tachement aux franchises locales , la haine de la centrali- 
sation. Dans la seconde moitié du xvr° siècle , la résistance 
éclata. Elle se couvrit du prétexte de la religion. Protes- 
tants et Ligueurs, tous voulaient l'indépendance locale ; les 
gouverneurs de provinces s'érigeaient en souverains, et les 
agents de la royauté se tournaient contre elle. Il fallut 
qu'Henri IV vainquit les gouverneurs , que Richelieu rasât 


368 ACADÉMIE DE ROUEN. 


les forteresses de l'intérieur, et que Mazarin désarmât 
les parlements. Ces deux ministres établirent alors dans 
les provinces les Intendants , instruments dociles du pou- 
voir central, et chargés , comme les préfets de nos jours, 
de veiller sur toutes les parties de l'administration. 


Louis XIV reçut la France ainsi façonnée à l'unité mo- 
narchique , et n'eut qu'à profiter de cet héritage de gloire 
et de puissance. Il le fit dignement. Colbert développa les 
sources de richesses que renferme la France. Des canaux 
unirent les fleuves et les mers, des ports furent creusés à 
Toulon, à Rochefort, à Brest, à Dunkerque ; des colonies, 
plus vastes que la France elle-même, ouvrirent des dé- 
bouchés à son industrie. Est-il nécessaire de rappeler les 
merveilles des Lettres et des Arts? Les Académies des Ins- 
criptions et Belles-Lettres, des Sciences, de Peinture et 
de Sculpture datent de Colbert. Son rival Louvois orga- 
nisait l’armée , élevait les Invalides, et triomphait de l'Eu- 
rope coalisée. En un mot, la royauté toute puissante 
obtenait l'adhésion des peuples en leur donnant , à la place 
des ridicules et funestes agitations de la Fronde , l'ordre, 
la richesse, et le premier rang en Europe. 


Telle est, Messieurs , la pensée générale de ce tableau 
de l'administration monarchique. Fondée au xmr° siècle, 
elle s'affermit aux xive et xv° siècles par l'établisse- 
ment d’un impôt et d’une armée permanents; elle orga- 
nise les provinces au xvi® siècle, triomphe au xvn° des 
dernières résistances, et parvient sous Louis XIV à un 
degré de puissance qui explique le mot célèbre : «L° État, 
« c'est moi. » La royauté réunit alors les trois conditions 
que nous avons indiquées en commençant, comme essen- 
tielles à l'administration monarchique : un pouvoir central 
fortement organisé, une hiérarchie de fonctionnaires sou- 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 369 


mis au souverain, enfin l'adhésion des peuples à l'autorité 
qui les gouverne, 


Si l’on s’arrêtait à ce tableau du progrès de l'unité 
monarchique, on serait tenté de croire que le gouverne- 
ment de Louis XIV à réalisé l'idéal de la royauté. Mais il 
faut écarter les voiles brillants dont il s’enveloppe, et 
pénétrer dans l'intérieur de cette administration pour en 
signaler les défauts. La royauté n'avait détruit que la sou- 
veraineté féodale , elle avait laissé subsister tous les abus 
féodaux qui pesaient sur le peuple , et donnaient à l’an- 
cienne France un aspect si triste et si bizarre. Droit d'ai- 
nesse dans quelques provinces, droits de chasse, de 
colombier, de garenne, dimes, corvées , variété de poids 
et de mesure, diversité de coutumes, douanes de province 
à province qui rompaient les artères de la France, pro- 
hibition de la circulation des grains, jurandes, corpora- 
tions qui entravaient le droit le plus sacré, le droit de 
travailler, exemption d'impôts pour les classes les plus 
riches, voilà quelques unes des traces que la féodalité avait 
imprimées sur là France. Si de la base nous remontons au 
sommet, nous trouvons un pouvoir absolu, qui étouffe toute 
liberté. Est-il nécessaire de rappeler les lettres de cachet, 
les tortures , les supplices atroces, les impôts arbitraires , 
la vénalité des charges de finances , de judicature et même 
des dignités militaires ? En un mot , l'ancienne constitution 
de la France, mélange de féodalité et de dispotisme , 
renfermait des principes hétérogènes qui en préparaient la 
ruine. Elle devait faire place à une unité plus complète , 
et à l'égalité de tous devant la loi. Malgré ces défauts que 
l'histoire doit signaler, on ne saurait trop admirer les 
efforts que fit pendant six siècles la royauté pour donner 
à la France l'unité, sa force et sa gloire : «Elle a composé 


370 ACADÉMIE DE ROUEN. 


« pièce à pièce un royaume et une nation : Un royaume 
« avec le comté de Paris, une nation de plus de trente 
« millions d’ames avec les vassaux de l'Ile de France, et, 
« après ce long et laborieux enfantement , elle l’a rendue 
« à la liberté, riche, puissante et éclairée. (1) » 


re 


(1) Rapport de M. Améd. Thierry, sur les Etats-Généraux, dans 
les mémoires de l’Institut, académie des sciences morales et poli- 
tiques. 


OC EEE En A A CR ACC CS 


QUELQUES 


CÉRÉMONIES 


ALLÉGORIQUES, 
anciennement en US3q€ 


DANS L'ÉGLISE CATHÉDRALE DE ROUEN, 


PAR M. L'ABBÉ PICARD. 


MESSIEURS , 


L'année dernière, j'eus l'honneur d'appeler pendant 
quelques instants votre attention sur un mystère composé 
en l'honneur de saint Nicolas , et représenté au xur' siècle 
dans un monastère de Bénédictins. Vous avez bien voulu 
faire à cette communication un accueil qu'elle était loin 
de mériter. Encouragé par votre indulgence, je viens 
encore aujourd'hui traiter un sujet analogue devant vous. 


Cette fois, c’est dans les offices même de l'Eglise que 
J'irai chercher des exemples, et j'aborde d'autant plus 
volontiers cette matière qu’elle me fournit l'occasion de 
citer avec honneur un des plus illustres archevêques qui 
aient occupé le siége métropolitain de Rouen. 


372 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ce prélat est Jean IT, surnommé d'Avranches , qui gou- 
verna l'Eglise de Rouen de 1069 à 1079. Permettez- 
moi d’abord quelques mots sur les principales circonstan- 
ces de sa vie. 


Après la mort du bienheureux Maurille , arrivée en 1059, 
l'Eglise de Rouen choisit, pour lui succéder , le célèbre 
Lanfranc, alors abbé de Caen , et depuis archevêque de 
Cantorbéry. Le pieux et savant abbé n'osa prendre sur lui 
la responsabilité que lui imposait cette charge , et ne né- 
gligea rien pour faire nommer à sa place Jean, alors 
évêque d’Avranches , dont il connaissait le mérite éminent, 
et avec lequel il entretenait des relations intimes. 


Guillaume , roi d'Angleterre, appuya de tout son crédit 
auprès du pape Alexandre, la demande de l'Eglise de 
Rouen. Les instances du royal protecteur ne demeurèrent 
pas sans succès. Nous avons encore une lettre du pape 
Alexandre dans laquelle ce‘souverain Pontife use destermes 
les plus pressants pour déterminer Jean d’Avranches à 
accepter le siége de Rouen. 


Aux éminentes vertus qui sont surtout à désirer dans 
l’évêque, Jean d’Avranches joignait les titres de recom- 
mandation que procurent la naissance et le savoir. Tous 
les auteurs du temps, Orderic Vital, Guillaume de Poitiers, 
Guillaume de Jumiéges en parlent dans les termes les plus 
honorables. Ils nous disent tous que ce prélat , d'une très 
haute naissance (il était fils de Rodolphe, comte de Bayeux, 
et neveu de Richard [°", duc de Normandie ), se distingua 
aussi par sa science et ses lumières , et que son épiscopat 
fut on ne peut plus glorieux pour son Eglise. 


Il nous reste de lui un traité latin , intitulé : De Eccle- 
siasticis officiis. Ce traité est une veine précieuse pour 


| 
| 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 373 


les amateurs de la science liturgique, et aussi pour tout 
chrétien qui, non content de la lettre sèche, veut péné- 
trer plus avant , et connaître le sens mystérieux des céré- 
monies catholiques. 


En 1679 , Jean Leprévost , chanoine de Rouen , en pu- 
blia une édition. Au texte de Jean d’Avranches, il joignit 
de longues et savantes annotations, dans lesquelles, d’après 
de nombreux manuscrits qu'il avait consultés , il reproduit 
d'anciennes cérémonies tombées en désuétude de son 
temps, mais qui, précédemment, avaient été en usage dans 
l'église cathédrale de Rouen. 


C'est de ces antiques cérémonies que je viens vous parler 
aujourd'hui, Messieurs ; je ne serai presque que traduc- 
teur , et j'abrégerai plutôt que je n'étendrai la matière. 


J'en compte trois surtout qui méritent de fixer votre 
attention : l'oflice des Enfants, l'office de l'Etoile, l'office 
du Sépulcre. 


Orrice DES ENFANTS. 


Le jour des Saints-Innocents, une fête des £Enfants 
se célébrait dans l’église cathédrale de Rouen, et c'était à 
eux qu'en étaient réservés tous les honneurs. 


La veille , immédiatement après l'oflice de saint Jean 
l'Evangéliste, deux enfants revêtus d’aubes et de tuniques, 
la tête couverte de l’amict , et tenant en leur main chacun 
un cierge ardent, se dirigeaient du vestiaire au chœur. 
Venaient ensuite les autres enfants attachés à l’église , pa- 
reillement en aubes et en chappes , et aussi le cierge à la 


374 ACADÉMIE DE ROUEN. 


main ; puis, enfin, celui d'entre eux qui avait été désigné 
pour porter ce jour-là le titre d'Evêque et en recevoir les 
honneurs. Il marchait, solennellement paré des vêtements 
pontificaux , la mitre en tête , et, à la main , la crosse ou 
bâton pastoral. 


Le cortége enfantin se dirigeait ainsi à travers le chœur, 
vers l'autel des Saints-Innocents; pendant la marche , le 
chœur exécutait des hymnes et des répons adaptés à la cir- 
constance. A l'autel des Saints-Innocents se faisait une 
station solennelle , présidée par l'Enfant-Evêque , auquel 
la rubrique donnait le titre de Dominus episcopus. A la 
fin de la station, le peuple était invité à s’humilier et à 
se recueillir pour recevoir la bénédiction du jeune prélat. 
Humiliate vos ad benedictionem. I la donnait à haute voix 
et avec toutes les solennités d'usage : Dominus omnipo- 
tens benedicat vos , etc. 


Le jour de la fête, les enfants étaient environnés des 
mêmes distinctions. A l'exception de la messe qui était 
célébrée en leur présence par un chanoine, ils remplis- 
saient, en grande pompe, toutes les fonctions du chœur. 
Cet office, d'après les rubriques générales, devait être sim- 
plement du rite double, mais les enfants avaient le droit 
d'ordonner qu'il fût triple , et leurs prescriptions étaient 
observées. ( Pueri voluntate faciunt illud triple.) Le 
Seigneur-Evéque commençait l'invitatoire ; il chantait la 
9e leçon , la plus solennelle de Matines Il retournait en 
suite au vestiaire pour y reprendre les ornements ponti- 
ficaux , en revenait processionnellement comme la veille , 
précédé du même cortége, et entonnait lui-même le Te 
Deum. 


Laudes et Prime se chantaient pareillement sous la 
présidence de l'Enfant-Evêque. A la messe , il appartenait 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 379 


aux enfants de diriger le chœur. ( Pueriregant chorum. ) 
Eux seuls portaient les chappes et exécutaient les diverses 
cérémonies. L'Evêque ( toujours l'Enfant) commençait 
la Prose, l'offertoire , etc. ; et ceux des enfants auxquels 
aucune fonction spéciale n'avait été assignée, occupaient les 
premières places dans le chœur. ( In superiori parte. ) 


Aux Vôêpres, mêmes honneurs au Seigneur-Evêque ; 
mais, hélas! bientôt arrivait le terme de sa gloire ; au 
Magnificat, pendant que le chœur chantait ces paroles : 
Deposuit potentes de sede , le bâton pastoral lui était ôté 
des mains; il était mis en réserve pour celui qui devait lui 
succéder l’année suivante. 


Le chapitre alors rentrait dans tous ses droits, et le 
semainier terminait l'office. 


On ne peut nier que cette fête ne fût belle et touchante. 
Plus d'un cœur maternel devait battre vivement à la vue 
du jeune et innocent cortége. Quelle joie surtout pour la 
mère du Dominus Episcopus ? C'était aussi une pensée 
toute chrétienne que d'honorer de la sorte, au milieu du 
peuple fidèle, l'enfance que l'évangile propose pour mo- 
dèle à tous, et dont le Sauveur a dit : Sinite parvulos 
venire ad me. 


fr: 


Orrice pE L'ErTolzx. 


A la fête de l'Epiphanie , une autre cérémonie allégo- 
rique représentait sensiblement au peuple chrétien le mys- 
tère du jour. 


Après Tierce, les trois premiers chanoines du chœur 
paraissaient revêtus des ornements royaux , le sceptre en 


376 ACADÉMIE DE ROUEN. 


main, le diadème sur la tête. Ils partaient de l'Orient , 
l'un du milieu , les deux autres de chaque côté de l'autel. 
A leur suite marchaient des ministres inférieurs , revêtus 
de tuniques, portant les uns l'or, les autres l'encens , les 
autres la myrrhe. Le premier des Mages (on comprend 
que c’est eux que représentaient les trois chanoines) celui 
qui était parti du milieu de l'autel montrait, avec son 
sceptre , une étoile suspendue dans le chœur , et il chantait 
à haute voix ces paroles : 


Stella fulgore nimioirutilat. 


Le second, celui de droite, répondait : 


Quæ regem regum natum demonstrat. 


Et le troisième, celui de gauche : 


Quem venturum olim prophetiæ signaverant. 


Alors les trois Mages , après avoir descendu les degrés 
du sanctuaire, se rencontraient au pied de l'autel. Ils se 
donnaient mutuellement le baiser de paix, et chantaient 
ensemble : 


Eamus ergo et inquiramus eum , 
Offerentes ei munera, aurum , thus et myrrham. 


Et aussitôt commençait la procession solennelle. 

L'étoile disparaissait pour un temps. 

Au retour de la procession, dans la partie supérieure 
de la nef, vis-à-vis l'autel de la croix, on avait disposé 


d'avance une riche tente en forme de tabernacle, fermée 
par des rideaux brochés d'or. 


L'étoile reparaissait de nouveau dans la partie supérieure 
de la nef, Les Mages, comme l'avait fait déja le premier 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 377 


d’entre eux, la montraient de leurs sceptres. Ils chan- 
taient : 


Ecce stella in Oriente prævisa 
Iterum præcedit nos lucida. 


Hæc , inquam , stella natum demonstrat 
Se quo Balaam cecinerat. 


Deux autres chanoines se présentaient à la rencontre des 
Mages. Ils les interrogeaient sur la cause de leur venue : 


Qui sunt hi qui, stellà duce, nos adeuntes inaudita 
ferunt ? 


Réponse des Mages : 


Nos sumus , quos cernitis . 
Reges Tharsis et Arabum et Saba, 
Dona ferentes Domino Christo 

Regi nato Domino 
Quem, stellà ducente , 
Adorare venimus. 


Les deux prêtres ouvraient alors les rideaux du taber- 
nacle , et montraient l'image de l'enfant Jésus couché dans 
une crèche, 


Ecce puer quem quæritis. 
Jam properate adorare 


Quia ipse est redemptio mundi. 


Les Mages se prosternaient devant l’image du divin 
Enfant. Ils le saluaient comme le prince des siècles. 


Salve , princeps sæculorum, 


Ils déposaient à ses pieds leurs présents. 


378 ACADÉMIE DE ROUEN. 


1 Mace. 
Suscipe, Rex, aurum. 
2e Mace. 
Tolle, thus , tu verè Deus. 


3° Macs. 
Myrrham , signum sepulturæ. 


Pendant les oblations des fidèles , les Mages restaient 
prosternés. Ils semblaient plongés dans un profond som- 
meil. Tout-à-coup apparaissait un jeune enfant vêtu de 
blanc. Il figurait l'ange dont il est parlé dans l’évangile , 
et chantait au pupitre les versets suivants : 


Impleta sunt omnia quæ propheticè dicta sunt. 
Ite obviam, remeantes aliam (viam), etc. 


Alors , se réveillant de leur sommeil, les Mages par- 
taient par l'aile droite de l’église, et après avoir fait à 
l'extérieur le tour du chœur, y rentraient par la porte 
du côté gauche. 


HE. 


OFFICE DU SÉPULCRE. 


Maintenant encore , les offices de la semaine sainte pré- 
sentent beaucoup de symboles sensibles, et c’est ce qui les 
rend si attrayants pour les fidèles. Qui de nous n'a pas 
été profondément ému en assistant à ces oflices où tout 
parle à l'ame et la pénètre d'inexprimables sentiments ? 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 379 


Les solennités des Rameaux et du Jeudi-Saint , l'appareil 
funèbre du vendredi , anniversaire de la mort du Sauveur, 
le dépouillement des autels , le chant des lamentations et 
de la Passion, la chapelle ardente , tout nous transporte 
aux temps évangéliques , et semble faire revivre sous nos 
yeux les événements que nous racontent les livres sacrés. 


Autrefois, ces cérémonies étaient plus allégoriques en- 
core : 


L'oflice du Sépulere se célébrait à l'ouverture de la Pâ- 
que . el voici quelles en étaient les principales cérémonies : 


Trois diacres couverts de dalmatiques , Famict sur la 
tête, et représentant les saintes Femmes . traversaient le 
chœur , portant dans leurs mains des vases de parfums. 
Ils se dirigeaient vers le sépulcre d’une marche précipitée 
et les yeux baissés , et chantaient ensemble ce verset : 


Quis revolvet nobis lapidem ab ostio monumenti ? 


Arrivés au sépulcre , ils voyaient apparaître devant eux 
un Ange représenté par un enfant. Il tenait en sa main 
une palme , et leur adressait cette question : 


Quid quæritis in sepulchro , 6 christicolæ ? 


Réponse des trois diacres, que désormais la rubrique 
appelle les saintes Femmes ou les Maries : 


Jesum Nazarenum crucifixum , Ô cœlicola. 


L'ANGE , ouvrant le tombeau. 


Non est hic. 
Surrexit enim , sicut dixit. 


Et il disparaissait à l'instant. 


380 ACADÉMIE DE ROUEN. | 


Les saintes Femmes entraient dans le sépulere. Elles 
y trouvaient deux prêtres revêtus de tuniques. 


Les peux PRÊTRES. 
Mulier , quid ploras ? 
La PREMIÈRE DES TROIS Maries. 


Quia sustulerunt Dominum meum , 
Et nescio ubi posuerunt eum. 


Les peux PRÊTRES. 


Quem quæritis viventem cum mortuis , 
Non est hic, sed surrexit , etc. 


Les trois Maries baisaient avec respect le lieu de la sé 
pulture du Sauveur. Elles sortaient alors du sépulcre ; 
mais au même instant, un prêtre se présentait à elles. 
Ce devait être un chanoïne, un des premiers dignitaires 
du chœur, Revêtu d’aube et d'’étole, et une croix à la 
main , il représentait J.-C. lui-même. 


Le PRÊTRE. 


— De 


Mulier , quid ploras ? Quem quæris ? 


La PREMIÈRE Marie ( MADELEINE. ) 


Domine, si tu sustulisti eum, dic mihi, et ego eum 
tollam. 


Le Prèrre, lui montrant la croix. 


Maria ! 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 381 
Marie-MADELEINE , tombant à genoux. 


Rabboni ! 
Le Prêtre , la repoussant de la main. 


Noli me tangere, nondum enim ascendi ad Patrem 
meum , vade autem ad fratres, etc. 


Les saintes femmes se mettaient en marche, J.-C., 
représenté par le Prêtre, leur apparaissait de nouveau, du 
côté droit de l'autel : 


Avete, nolite timere 
Ite , nuntiate fratribus meis 
Ut eant in Galilæam , ibi, me videbunt. 


Il disparaissait de nouveau, et les Maries , pleines de 
joie , entonnaient le verset : 


Alleluia , 
Resurrexit Dominus 
Surrexit leo fortis, 
Christus , filius Dei. 


Cette cérémonie se terminait par le chant solennel du 
Te Deum , et nul doute que l'assemblée pieuse , électrisée 
par ce spectacle , ne s'y unît d’une commune voix et avec 
un saint enthousiasme. 


Telles étaient, Messieurs , les anciennes cérémonies qui 
faisaient la consolation et les délices de nos pères. L'es- 
prit le plus sévère ne peut , certes , y trouver à redire , et 
si, depuis, l'Eglise a jugé à propos de les supprimer , de 
les prohiber même sous des peines rigoureuses, c'est 
moins à cause de ce qu'elles renfermaient en elles-mêmes, 


382 ACADÉMIE DE ROUEN. 


que par suite des additions imprudentes et arbitraires qui 
vinrent en altérer la pieuse et naïve simplicité. Ne nous 
applaudissons pas trop de ce que notre esprit sceptique et 
raisonneur les a rendues impossibles parmi nous. Plai- 
gnons-nous , au contraire , de ce que l'Eglise ne pourrait 
plus, sans danger, nous présenter ces innocents Spec— 
tacles. 


Je terminerai ce travail en vous exposant une simple 
conjecture que je soumets à vos appréciations Vous juge- 
rez, Messieurs, jusqu'à quel point, elle peut paraître 
plausible. 


Tout le monde connaît la prose qui, dans l'Église latine, 
se chante au jour de Pâque, et qui commence par ces 
mots : Victimæ paschali laudes. 


Cette prose remonte à une très haute antiquité. On la 
trouve dans les plus anciens livres composés pour les 
offices de l'Église, et tout porte à croire qu'elle date des 
commencements même de la liturgie romaine. 


Au premier aspect, elle parait peu remarquable sous 
le rapport littéraire. On la confondrait volontiers avec 
tant d’autres compositions du même genre, appartenant 
à des siècles postérieurs, et qui, si elles respirent le 
parfum d'une douce piété, n’ont cependant aucun droit à 
être proposées comme des modèles de goût et d'élégance. 


Mais en l'examinant de plus près, on y découvre, dans 
les expressions, une énergie, dans la marche du poème , 
(si l'on peut appeller ainsi une simple prose) , un mouve- 
ment, un enthousiasme qui supposent certainement du 
génie dans celui qui en fut l'auteur. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 383 


Cette idée éminemment dramatique d'un combat solen- 
nel entre la vie et la mort personnifiées : 


Mors et vita, duello 
Conflixêre mirando 


ferait envie à plus d’un poète de notre époque , et l'on 
ne peut refuser de reconnaître une admirable précision 
dans ces paroles qui résument si bien le dogme chrétien : 


Dux vitæ mortuus 
Regnat vivus. 


J'oserai même aller plus loin , et je ne serais pas éloigné 
de croire que, dans l’origine, cette prose a pu être 
comme le texte d'un de ces anciens mystères dont je viens 
d’avoir l'honneur de vous entretenir. 


Pour peu , en effet , qu'on donne carrière à son imagi- 
nation , il est facile de décomposer cette prose de telle 
sorte que les strophes qui la partagent se trouvent mises 
dans la bouche de différents personnages, qui exerceraient 
alors une action vraiment dramatique. 


Voici, sur ce point , mes conjectures : 


Je suppose les fidèles assemblés sous la présidence du 
Pontife dans une des vénérables basiliques des temps an 
ciens. On célèbre la fête de Pâques. 


Le Pontife annonce aux fidèles l'objet de la fête. Il de- 
mande qu'un sacrifice de louanges soit offert, par le peuple 
chrétien , à la victime paschale : 


Victimæ Paschal , laudes 
Immolent christiani. 


384 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ensuite , soit par lui-même, soit par l'organe de ses 
prêtres, il expose le grand mystère du jour : 


Agnus redemit oves. 


Christus innocens, Patri 
Reconciliavit peccatores. 


Plusieurs chœurs de psalmodie donnent comme le ré- 
cttatif de la mort et de la résurrection du Sauveur : 


Mors et vita, duello 
Conflixêre mirando 


Dux vitæ, mortuus 
Regnat vivus. 


Alors apparaissent trois personnages. Ce sont les saintes 
Femmes qui reviennent du sépulcre. Leurs traits -annon- 
cent les sentiments de surprise, de joie et d'espérance 
dont elles sont pénétrées. Le Pontife s'adresse à Marie- 
Madeleine , la première d’entre elles : 


Dic nobis, Maria, 
Quid vidisti in vi ? 
Chacune rend témoignage de ce qu’elle a vu, de ce 


qu'elle a éprouvé , et ces témoignages concordent parfai- 
tement avec les récits de l’évangile : 


Sepulchrum Christi viventis 
Et gloriam vidi resurgentis. 


Angelicos testes , 
Sudarium et vestes. 


Surrexit Christus spes mea, 
Præcedet vos in Galilæà. 


em 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 385 


La foi de la pieuse assemblée, confirmée par ces té- 
moignages , devient de plus en plus vive et expressive. 
Tous, d’une commune voix, proclament la certitude de 
la résurrection du Sauveur , et implorent sa miséricor- 
dieuse protection : 


Scimus Christum surrexisse , 
À mortuis verè. 


Tu nobis , victor Rex, miserere. 


Le Chant même de cette prose, qui, probablement , 
est aussi ancien que les paroles, vient, ce me semble, 
à l'appui de mes conjectures. Il est facile d'y reconnaître 
un véritable dialogue. A défaut de ce chant, que je ne 
puis reproduire ici, je hasarderai une sorte de cantate, 
quelques stances timides dans lesquelles je me suis efforcé 
de rendre de mon mieux les pensées du texte original. 
Ce n'est qu'un bien faible essai, bien peu digne de vous 
être présenté ; mais s'il pouvait inspirer un plus habile 
que moi , et il n'en manque pas ici, je serais trop heu- 
reux, et je ne croirais pas avoir perdu ma peine. 


La Prose de Pâques. 


Victimæ Paschali laudes. 


LE Ponrtire. 


Enfants du Christ , la victime pascale 
En ce jour solennel vient inspirer vos chants. 
Chantez, chantez sa gloire triomphale , 
Vers Jésus de vos vœux faites monter l'encens 
25 


386 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ux PReTRE. 


Agneau sans tache , sans souillure , 
Pour ses brebis, ils'offrit à l'autel, 
Pour leur rachat, sans plainte, sans murmure, 
I ÿ subit le coup mortel. 


Ux aurTRe PRêTRe. 


C'est le Sauveur, l’innocente victime ! 
De son père irrité conjurant les fureurs, 

Lui qui, jamais, n'avait connu le crime , 
Voulut du châtiment éprouver les horreurs. 


Cuogur DE FInèLes. 


Enfants du Christ , la victime pascale 
En ce jour solennel vient inspirer nos chants. 
Chantons, chantons sa gloire triomphale , 
Vers Jésus, de nos vœux faisons monter l'encens. 


CHoeurSs DE PSALMODIE. 


Duel ineffable , 
Combat glorieux ! 
Spectacle admirable 
Même pour les Cieux ! 


L'auteur de la vie, 

O funeste sort ! 
Cède à la furie 

Des coups de la mort. 


Mais, dans sa victoire, 
La mort se détruit. 
Jésus, plein de gloire , 
Se relève.... Il vit. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 387 


Cnogur pe FipëLes. 


Enfants du Christ, etc. 


Le Poxrirr. 


Femmes , d'où venez-vous? de cruelles alarmes , 

Hier encor , troublaient votre esprit éperdu ; 
Qui done, sitôt, a pu tarir vos larmes ? 

Marie , 6 vous , parlez , dites , qu’avez-vous vu ? 


PREMIÈRE SAINTE FEMME. 


Je n'ai vu qu'un sépulcre vide , 
Et j'en ai visité les sombres régions. 
Déjouant les projets d'une rage perfide , 
[ ne l'habite plus celui que nous pleurions. 


Deuxième saINTE FEMME. 


Un Ange, éclatant de lumière , 

Nous à dit : Il n'est plus ici ; 

Témoins ces linges, ce suaire , 
Ces vêtements épars et ces parfums aussi. 


Troisième saiNTe Femme. 


Il est ressuscité, Jésus, notre espérance , 

Le Fils de l'Eternel... . Il est ressuscité. 
Allez , volez aux lieux de sa naissance : 

Le plus prompt d'entre vous, il l'aura précédé. 


388 


ACADÉMIE DE ROUEN. 


PREMIER CHOEUR DE PSALMODIE. 


Gloire à Jésus ! sa victoire est certaine. 
Il a dompté la mort, il a rivé sa chaîne. 


Deuxième CHOEUR. 


Gloire à Jésus ! nous le bénissons tous. 
Jésus, à Roi vainqueur ! ayez pitié de nous. 


Tous ENSEMBLE. 


Enfants du Christ , la victime pascale 
En ce jour solennel vient inspirer nos chants. 
Chantons, chantons sa gloire triomphale , 
Vers Jésus de nos vœux faisons monter l'encens. 


À Demérdia Lab. 


D'après le dessin de M. BKUNET- DEBAINES , Architecte de l'Arrond' dn Hävre. 


l'açade occidentale de l'Église de Montivilliers. 


ÉGLISE SAINT-SAUVEUR 


DE MONTIVILLIERS. 
DÉTAILS ANECDOTIQUES, 


PAR M. BARABÉ. 


Comme l’église de Saint-Sauveur , considérée dans son 
ensemble, était à la fois conventuelle et paroissiale, son 
histoire se lie à celle du monastère. C’est pourquoi nous 
trouvons utile de parler au moins sommairement de ce 
dernier , afin de mieux nous rattacher aux époques de la 
construction, de la restauration ou de la reconstruction 
totale ou partielle de cette église. 


Ce monastère, qui a donné son nom à la ville , avait été 
fondé vers l'an 682 par Saint-Filibert, abbé de Jumiéges, 
sur une terre que Waraton, maire du Palais, avait donnée à 
cet abbé, pour y établir une communauté de Religieuses (1). 


Cette maison, richement dotée , éprouva, comme celles 
de Jumiéges, de Saint-Wandrille et bien d’autres, la 
fureur des peuples du Nord qui, dans le cours du 1x° siècle, 
exercèrent leurs ravages jusqu'à Rouen. 


(1) Duplessis, p. 106. 


390 ACADÉMIE DE ROUEN. 


Ce fut pour réparer ces désastres que Robert duc 
de Normandie, surnommé le Magnifique, sur les ins- 
tances de Béatrix, sa tante, et de tous les fidèles , accorda 
en 1035 à l'abbaye de Montivilliers, où Béatrix avait pris le 
voile quelques années auparavant, divers priviléges (1), tels 
que ceux de Coutume ( totum suburbium cum teloneo et 
aliis consuetudinibus suis), et d'Exemption ( Ecclesiam 
sanctæ Mariæ ab omni episcopali consuetudine absolu- 
tam), auxquels participèrent les autres églises de la ville, 
Sainte-Croix et Saint-Germain. : 


On voit qu'à cette époque, l'église de Saint-Sauveur 
n'existait pas en titre. C'est qu'en effet ce ne fut guère 
avant 1200 que la nef abbatiale fut affectée au service du 
culte paroissial. 


La charte de donation ci-dessus accordée par Robert 
(père de Guillaume - le-Conquérant}), sur le point de 
partir pour la Terre-Sainte, d’où il ne revint pas, étant 
mort à Nicée la même année, retrace les vicissitudes 
malheureuses éprouvées par ce monastère, et l'origine de 
sa fondation, tout en confirmant les droits et libéralités 
que Richard IL son père lui avait concédés. Elle ajoute : 
« Quod quidem non nostræ potestatis violentià agitur , sed 
» donatione, voluntate, et concessione domini Roberti 
« Rothomagensis Archiepiscopi Patrui mei constituitur et 
« confirmatur. » 


A Béatrix qui avait restauré le monastère, succéda Eli- 
sabeth, qui rebâtit, à ce qu'on prétend, presqu'à neuf, 
l'église abbatiale, et l'on ne peut nier du moins , dit Du- 
plessis , que le portail et la tour ne soient au plus tard du 
x1° siècle (2). 

0 do nd 

1) Archives départementales. 

2) Description historique de la Normandie, t.1, p. 108, n° 114. 


CLASSE DES BELLES LETTRES. 391 


Les auteurs du Gallia Christiana reportent la mort de 
cette seconde abbesse à l’année 1116 ou 1117; puis, 
ajoutent : «Creditur Basilicam monasterii sui, quæ adhuc 
« superest, a fundamentis excitasse. » D’après cette au- 
torité, cette construction a pu aussi se terminer dans 
cette première période du xr° siècle. 


Dans la suite, cette église a encore eu besoin de plusieurs 
réparations considérables. «On y employa , en 1370 , la 
somme de 700 florins, à laquelle les habitants de la ville 
avaient été condamnés pour avoir causé plusieurs dom- 
mages aux Religieuses (1). » 


Lors des troubles quidésolèrent la France, et surtout à 
l'époque de l'occupation anglaise, les Religieuses eurent 
à regretter la perte de beaucoup de titres. Telle était en 
effet leur triste position que. par le fait de la guerre, 
étant privées de leurs biens, et réduites même au faible 
revenu de deux moulins que les habitants voulaient encore 
assujétir à la taille, elles présentèrent requête à Charles VIT, 
en 1439 (2), pour en être affranchies , comme n'étant pas 
tenues aux charges du guet et de la garde des portes de 
la ville : « Qu’autrement elles ne pourroient soutenir , ne 
« maintenir leur Esglise ne leurs maisons qui sont en voie 
« de descheoir en grant ruyne et diminution, ne aussv 
«ne pourroient faire ne continuer le service divin ne 
« avoir leur vie, estat et substantation. » 


Le Roi, étant à Orléans, fit droit à leur requête le 21 
octobre de la même année, en considération de leur 
position, et en vertu d’ailleurs des priviléges qui leur 
avaient été accordés par ses prédécesseurs Rois de France 


1) Dom Duplessis, ibidem. 
(2) Archives du département. 


392 ACADÉMIE DE ROUEN. 


En 1513, l'archevêque de Thessalonique, Toussaint 
Varin, fit la dédicace de l’église le 16 octobre, sous le nom 
de Notre-Dame qu'elle avait toujours porté (1). 


Et, en 1518, l'abbesse Jehanne Mustel en fit encore 
réparer les voûtes et les vitraux, et fit faire les chaires 
du chœur (2). 


Saint-Sauveur était la grande et principale paroisse de 
la ville. Les Religieuses y venaient dans des auditoires 
qu'elles avaient fait faire exprès ; mais elle était sous le 
même toit que celle de l'abbaye, en sorte qu’on ne pouvait 
entrer dans cette dernière sans passer par l’église de la 
paroisse ; toutes deux avaient leur chœur et: leur autel 
particulier (3). 


La première se gouvernait comme toutes les autres 
églises paroissiales, dont les marguilliers sont les seuls 
administrateurs, sous la réserve des droits honorifiques 
prétendus par l'abbaye comme seigneur patron. 


A ce titre, l'Abbesse soutenait que c'était par l'autorité 
de son oflicial que le lieu pour chanter le Te Deum devait 
être indiqué , et que le chœur de l'église de l'abbaye devait 
être choisi. 


De à, grand tumulte et prétentions contraires de la 
part des Échevins et des officiers de justice, qui préten- 
daient que c'était à Saint-Sauveur; ce qui eut lieu à l'oc- 
casion du Te Deum chanté dans cette paroisse sur l’ordre 
de M. le duc de Saint-Aignan , gouverneur du Havre, pour 
célébrer la prise d’Ypres par Louis XIV, en 1678. 


(1) Duplessis, ibid. 

2) Idem. 

3) Mémoire de l’Archevëque. — Procès-verbal de prise de pos- 
session. Abb. de Montivilliers, — Archives du département. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 393 


Du reste, un semblable conflit avait déjà eu lieu en 
165%, cette fois à l'occasion d'un Te Deum chanté dans 
le chœur de l'abbaye. Et telle fut l'importance donnée à 
la première affaire, qu'il fut sursis à statuer par le Roi 
jusques à plus ample informé. 


Quant à nous, qui n'avons à nous préoccuper ici que 
des faits historiques qui se rattachent à l’église comme 
souvenirs, Voici ce que nous trouvons : 


Quelquefois le Te Deum commençait autour d'un feu 
allumé devant la Maison de Ville, et s'achevait dans l'é- 
glise (1). 


En 1613, un Te Deum y fut chanté en action de grâces 
à l'entrée du vice-roi des Indes. 


En 1615, pour l'entrée de M. de Montbazon. 

En 1628 , pour la prise de La Rochelle. 

En 1635, pour une victoire remportée sur les Espagnols. 
En 1638, pour la naissance de Louis XIV. 

Enfin, en 165%, sans doute à cause du sacre du même Roi. 


La Cérémonie ne se fit pas dans le chœur de l'église 
paroissiale, à cause de l'absence du clergé, provoquée 
par l'opposition de l'official de l'abbaye , mais bien dans 
le chœur de l'église abbatiale, nonobstant les ordres for- 
mels de Madame la duchesse d'Aiguillon, gouverneur du 
Havre, donnés en conséquence de ceux du Roï. Aussi, 
les Échevins et officiers de justice se retirèrent-ils de- 
vant l'Hôtel-de-Ville, pour allumer le bûcher qui y avait 
été dresse. 


{) Enquête en 1678. Archives de Montivilliers. 


39% ACADÉMIE DE ROUEN. 


Mais si, en 1678, le conflit se renouvela entre les Eche- 
vins et l'abbaye, ce ne fut pas cette fois sans tambours 
ni trompettes, car ceux-ci, s'autorisant d'une ordonnance 
de M. de Saint-Aignan , portant que la retraite serait sonnée 
et battue à dix heures du soir dans les villes du Havre , de 
Montivilliers , d'Harfleur et de Fécamp, avec défense de 
laisser passer personne sans l'ordre, aux lieux où il y avait 
corps-de-garde , firent sonner la retraite avec la grosse 
cloche de Saint Sauveur tirée par six hommes, pendant 
une demi-heure. Nos pauvres Religieuses eurent beau ob- 
jecter qu'à elles seules appartenait le droit de régler la 
sonnerie, par suite de la concession qu'elles avaient primiti- 
vement faite d’une portion de leur église pour la com- 
modité des habitants, à la réserve de tous les droits hono- 
rifiques , et que, d’ailleurs, leur dortoir étant contigu au 
clocher, il leur était impossible de se reposer pour se 
relever à deux heures pour chanter matines ; il fut passé 
outre Elles eurent beau ajouter : que la retraite était 
sans objet dans une ville située dans un fond, éloignée 
de la mer de deux grandes lieues, sans fortifications, 
sans portes, et dont les murailles étaient démolies en 
plusieurs endroits , et où il n'y avait ni guet ni garde; 
les Échevins n’en firent pas moins accompagner la son- 
nerie du bruit de deux tambours qui battaient devant la 
porte de l'abbaye, sous les fenêtres même des Religieuses , 
jusqu'à onze heures du soir. 


C'était, comme onle voit, une aggravation à leurs plaintes. 


Et cependant, ces fiers Échevins oubliaient qu'au mois 
d'août 1677 , le sieur Bauney, trésorier de Saint-Sauveur , 
pour avoir fait sonner les cloches la veille de la fête de la 
paroisse et maltraité les domestiques de l'abbaye, avait 
élé condamné par les maréchaux de France, connaissant 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 395 


de l'affaire après M. le duc de Saint-Aignan , à demander 
pardon aux Religieuses. 


Cependant, il faut le dire ; il s'agissait de savoir si l'ab- 
besse était bien dame et patronne de Montivilliers, et quelle 
était, en définitive, l'étendue de ses droits d'exemption 
et de juridiction ecclésiastiques , d’ailleurs contestés par 
l'archevêque. 


Dans cette occurrence, nous dirons que, pour couper 
court à ces débats, M. Le Blanc, conseiller du Roi et In- 
tendant de justice et de police en la généralité de Rouen, 
fut d'avis qu'il plût à sa Majesté d'ordonner que, à l'avenir, 
l'église où serait chanté le Te Deum, fût désignée par ce 
prélat, tous droits réservés, et que la retraite fût sonnée 
en l’église de la paroisse Saint-Germain , lorsque le gou- 
verneur le jugerait nécessaire, C'était, comme on le voit, 
tourner habilement la difficulté dans l'intérêt de la paix. 


Ce fut l’abbesse Éléonore-Caroline de Gigault de Belle- 
fonds, dont la sœur avait fondé un monastère à Rouen . 
qui soutint cette lutte ; etce n'était pas sans raison, car 
les victoires de Louis XIV ne laissaient pas plus de repos au 
couvent qu'aux poètes ; ce qui faisait dire à Boileau : 


Grand Roi, cesse de vaincre ou je cesse d'écrire. 


Plus tard, une autre abbesse, Madeleine-Éléonore , de la 
même famille, eut une autre lutte à soutenir : mais cette 
fois, c'était contre l'archevêque de Saulx de Tavannes, pour 
le règlement et l'exercice du spirituel. Elle fut forcée de 
se soumettre nonobstant sa résistance , à laquelle ce prélat 
n'opposa que la force de son droit et une modération 
exemplaire. Nous signalons à cette occasion le savant 
Mémoire manuscrit qui fut dressé, en 1748, pour l'arche 


396 ACADÉMIE DE ROUEN. 


vêque de Rouen, aux fins de repousser l'exemption de la 
juridiction épiscopale que voulaient s’attribuer les Reli- 
gieuses en vertu des termes ab omni consuetudine quietæ 
de la Charte de 1035, dont l'appréciation ne paraissait 
relative qu'à l’affranchissement des droits temporels de 
l'archevêché (1). 


A cette abbesse, qui décéda en 1763 , succéda la dame 
de Conty Hargicourt, qui fut installée avec pompe dans 
ses fonctions. 


Le procès-verbal notarié qui constate sa prise de pos- 
session, fait preuve cette fois de l'humilité des Echevins 
de Montivilliers. 


On en peut juger par cet extrait : &« Après le Te Deum, 
« ladite dame étant restée à la tête de tout le clergé pré- 
« cédé de la bannière et de la croix de l’abbaye , fut en- 
«suite haranguée sur le pont attenant à la porte Châtel, 
« par M° Dauberville, avocat au Parlement , premier Éche- 
«vin de la ville, accompagné des autres Échevins, et 
« conduite incontinent après, et pendant toute la céré- 
« monie, sous le dais porté par les mêmes Echevins; les 
« deux compagnies de milice bourgeoise étant rangées en 
« haye sous les armes dans les rues par où elle passait 
« au bruit des tambours et de la mousquetterie. » 


Nous la voyons ensuite conduite hors du monastère, à la 
porte de l’église paroissiale de Saint-Sauveur, où elle 
reçoit les clefs des mains du curé, avec les compliments de 
son clergé, l'eau bénite et l’encens , puis agite la corde 
des cloches , etc. 


{ Archives du département. 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 997 


A cette même époque , nous trouvons que cette église 
jouissait d'environ 1#00# de revenu annuel, le triple de 
celui de la ville, et dont la moitié était affectée à l’acquit 
des fondations, par le clergé, et l'autre moitié à l'achat des 
livres, ornements , et autres objets nécessaires au culte. 


Mais pour les fortes réparations à faire à l’église, l'ab- 
baye soutenait que ce n'était pas à elle à y pourvoir, 
puisque la partie consacrée au culte paroissial avait été 
de sa part l'objet d’une concession ; que, à la vérité, par 
l'effet d'une transaction passée avec les habitants de Saint- 
Sauveur , en 1398, homologuée par l'Échiquier la même 
année , elle s'était réservé plusieurs droits; mais qu’en 
aucune occasion, depuis cette transaction, l'abbaye n'avait 
été assujettie à contribuer en rien aux besoins de l’église 
Saint-Sauveur. 


Il était même ajouté par l'abbaye que, tout au plus, 
une réclamation pourrait lui être adressée à ce sujet dans 
le cas d'une entière, ou presque entière réédification de 
l'église , auquel cas l'abbaye contribuerait avec les autres 
propriétaires, mais à proportion des biens-fonds qu'elle 
possédait dans l'enceinte de la paroisse de Saint-Sauveur. 


Ce triste conflit nous explique aujourd'hui pourquoi 
ce monument si remarquable est resté pendant si long- 
temps dans un état de dégradation si regrettable. 


Il appartenait à notre époque adonnée au culte des sou- 
venirs, et surtout au Gouvernement d'un roi protecteur 
éclairé des arts, de conserver à la postérité ce jalon des 
siècles passés, autour duquel viennent se grouper et l'his- 
toire des arts et celle du pays : « Car tous ces souvenirs, 
tous ces débris vivants des temps qui ne sont plus, font 
partie du patrimoine national et du trésor intellectuel de la 


398 ACADÉMIE DE ROUEN. 


France (1). » Aussi, plus tard, à l'aspect imposant de ce 
monument , la postérité reconnaissante ne séparera-t-elle 
pas le nom du fondateur de celui du monarque qui l'aura 
préservée de la ruine. 


Espérons donc de le voir classé parmi les monuments 
historiques, et mis sous le patronage de l'État. C'est 
d'ailleurs le vœu qu'a exprimé avant nous l’autorité mu- 
nicipale de Montivilliers. 


(1) Circulaire de M. le Ministre de l’intérieur , en 1837. 


TABLEAU 
DE L'ACADÉMIE ROYALE 


DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS 


DE ROUEN, 


POUR L'ANNÉE 1847 — 1848. 


SIGNES POUR LES DÉCORATIONS. 


% Ordre royal de la Légion-d'Honneur. 
0. signifie Offcrer. 

G — Commandeur. 

G O. — Grand-Officier. 

G C — Grand'Croix. 


TABLEAU 
DE I'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 
BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN, 


POUR L'ANNÉE 1847—1848. 


OFFICIERS EN EXERCICE. 


M. Caéruez K, Président. 

M. HomeerG, Vice-Président. 

M. J. GinarnN #, Secrétaire perpétuel pour la Classe des S'crences. 

M. RicnArp, Secrétaire perpétuel pour la Classe des Belles-Lettres 
et des Arts. 

M. BrGxow, Secrétaire perpétuel honoraïre pour la même classe. 

M. Avenez, D.-M , Trésorier. 

M. Bazuin, Pbliothécaire-Archiviste. 


nat et: d'admis- 
céeep ACADEMICIENS VÉTÉRANS , MM. sion à le 


ce. 

1808. LEZURIER DE LA MARTEL (le baron Louis-Géne- 1823 
viève) O #, ancien Maire de Rouen, Maire 
d'Hautot-sur-Seine. 

1819. RIBARD (Prosper) K, ancien Maire de Rouen, 1828 
ancien Député, etc., rue de la Vicomté, 34. 

1805. MEaume (Jean-Jacques-Germain)#, Docteur ès-sciences, 1830 
etc., Inspecteur émérite de l'Université, à Nancy 
(Meurthe), rue S'aint-Dizier, x. 

1834. VERDIÈRE ( Louis - Taurin) %#, Conseiller hono- 1840 
raire en la Cour royale, à Louviers (Eure ). 

1804. BrGnox (Nicolas), Docteur ès-lettres, secrétaire per- 1842 
pétuel honoraire de l’Académie pour la classe des Belles- 
Lettres et des Arts ,au Val-de-la-Haye , près Rouen. 


26 


402 


1809. 


1822. 


1837. 


1847. 


1818. 


1820. 


MEMBRES 


DupureL (Pierre), re S'ainte-Croïr-des-Pelletiers , 20. 1843 


Lévy (Marc), professeur de mathématiques et de mé- 
canique, ancien secrétaire de la classe des sciences, 
à Paris, 8, rue neuve Saint-Gilles ( Marais). 1846 
DE GLANviLLE (Boistard), r. des Murs-S aint-Ouen 11. id. 


Desrienx ( Pierre-Daniel), Directeur des Abattoirs à l’éta- 
blissement, /zubourg S'aint-S ever. 


ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM. 


. Mgr Branquarr De Baizzeuz C X , archevêque de Rouen, 


au Palais archiépiscopal. 


. FRANCK-CARRÉ C 3, Pair de France, Premier Président de 


la Cour Royale, r1e Damiette, 30. 


. CASTELLANE G. O. 2 (le comte de ), Lieutenant-Général, 


commandant la 14e division militaire, Pair de France, 
à Rouen, rve du Moulinet. 

Duroxr-Derrorte (le baron Henri-Jean-Pierre-Antoine), 
G. 0. %, déc. de Léopold de Belgique, Pair de France, Préfet 
de la Seine-Inférieure, à l'hôtel de la Préfecture. 


ACADÉMICIENS RÉSIDANTS, MM. 


BLANCHE (Antoine -Emmanuel-Pascal) #K, D.-M., Médecin 
en chef de l'Hospice général, rze Bourgerue, 2. 

HezziS ( Eugène-Clément ), D.-M., Médecin en chef de 
l'Hôtel-Dieu, Professeur de l'École de Médecine, etc., 
place de la Madeleine. 


. De 14 QuÉRIÈRE ( Eustache), Négociant, rue Herbière, 12. 


. Du BreuIr (Guillaume), Conservateur des promenades pu- 


bliques, au Jardin des Plantes, rue d'Elbeuf. 


BacziN ( Amand-Gabriel) , Directeur du Mont-de-Piété; 
elc., rue de la Madeleine , 6. 


1827. 


1828, 


1829. 


1830 


1831. 


1833. 


1834. 


RÉSIDANTS. :03 


Morin ( Bon-Etienne ) #, ancien Pharmacien, Professeur à 
l'Ecole de médecine de Rouen, etc., rve de la Glacière, 2. 

Devizce ( Achille) #, Receveur des contributions directes. 
Directeur du Musée départemental d’antiquités, Corresp. de 
l’Institut, etc., etc., vai de la Bourse, hôtel Quévremont, 

VINGTRINIER (Arthus- Barthélemy), D.-M., Chirurgien en chef 
des Prisons, rue des Maïllots, 15. 

Prmowr (Pierre-Prosper), Manufacturier, place des Carmes, 
31, chez M. Noury -Vallée. 

FLOQUET (Pierre-Amable) fils # , ancien Greffieren chef dela 
Cour royale de Rouen, correspondant de l’Institut, etc., 
etc., rue Beffroi, 32. 

GIRARDIN (Jean -Pierre-Louis) #, Professeur de chimie in- 
dustrielle à l’École municipale de Rouen, et de chimie agricole 
à l'École départem. d'agriculture ; correspondant de l’Institut, 
de l’Académie royale de Médecine, etc., re du Duc-de- 
Chartres, 12. 

Poucaer (Félix-Archimède) %, D.-M., prof. d'Histoire na- 
turelle et conservaleur du Cabinet, rze Beauvoïsine, 100. 
Paumier (L.-D.)%, Pasteur, Président du Consistoire de 

Rouen, rampe Bouvreuil, 16 bis. 

De Caze ( Augustin-François-Joseph), ancien Négociant, re 
de Crosne, 15. 

GRÉGOIRE (Heuri-Charles-Martin) #%, Architecte des bâtiments 
civils, rxe des Charrettes, 128. 

BenGasse ( Alphonse) #, Avocat, ancien Procureur général; 
rue Beffroi, 26. 

Martin DE Viccens (Henri-Louis) #, président de la So- 
ciété philharmonique de Rouen, ancien député, etc., rue 
de la Seille, 7. 

CHéruEL ( Pierre - Adolphe) #, Professeur d'histoire au 
Collége royal de Rouen, /£oulevard Beauvorsine, 59. 


40% 


1833. 
1838. 


1839. 


MEMBRES 


BARTRÉLEMY ( Eugène), Architecte, re de la Chaine ; 16. 


AvENEL ( Pierre-Auguste), D.-M., secrétaire du Conseil de 
salubrité, place des Carmes, 30. 


Mauourr (Victor) #, secrétaire général de la Mairie de 
Rouen, à l’'Hôtel-de-Ville. 


Lévesque X , Conseiller à la Cuur royale, r. de l'Écureuil, 11. 
HomeerG ( Théodore), Avocat, ze de l'École, 34. 


Des Micnezs X , Docteur-ès-sciences, Recteur de l’Académie 
Universitaire de Rouen, r. des Carmélites, 16. 


PREISSER (Frédéric-Joseph), Professeur de Physique à l'École 
municipale , re Loyale, en face Sainte-Marie. 


. Mortx ( Gustave ), Directeur de l'Ecole de dessin et de 


peinture, 7e Poussin. 
Leroy (N.) , Conseiller à la Cour royale , r. des Carmélites, 16. 


VERRIER, Médecin vétérinaire, rve Saint-Laurent , 9. 


. Du Breuiz ( Alphonse), Professeur à l'École départementale 


d'agriculture et à l'École Normale, professeur d’horticulture 
à l'École municipale de Rouen, rve d'Elbeuf, 63 D. 


Picarp (l'abbé), Archi-Prêtre, Curé de la Métropole de 
Ronen, rue S't-Romaïn, cour des Libraïres. 

Tuixon (Arsène-Marcel-Irénée), Avocat, ancien Bätonnier 
de l’ordre des Avocats, rue de Socrate, 16. 

Descaamps (Frédéric), Avocat, ancien bâtonnier de l’ordre 
rue de la Poterne, 17. 

RicnArD (Charles-Victor-Louis), Conservateur des Archives 
municipales, rze Saint-Jean, 24. 


GiFFrarD, Professeur au Collége royal de Rouen, r. Porcherie, 3. 


CHassax 2#, Avocat général près la Cour royale, 7e du 
Contrat-Social, 24. 
Cocner (l'abbé), Aumônier du Collége royal de Rouen, 


membre de la Société des antiquaires de Normandie, etc. 


CORRESPONDANTS. #05 


3. BénarD (Charles), Docteur ès-Lettres, prof. de philoso- 


phie au Collége royal, rve Hoyale Saint-Ouen, 31. 
Porrier (André), Conservateur de la Bibliothèque publique 
de la ville, à l'Hôtel-de-ville. 
BARABÉ, Archiviste du département, pour la partie histo- 


rique , rze Maladrerie, 15. 


Fazrue (Léon) #, commis principal des Douanes, 4ou- 
levard Canchoïse, 85. 

RONDEAUX ( Jean) O *#, ancien Négociant, Député, rue de 
Fontenelle, 32. 

FRÈRE, ancien libraire, archiviste de la Chambre de Commerce 
de Rouen, au Consuls, rue des Charrettes. 


>. NEveu (l'abbé), vicaire de St-Godard , rue du Coguet, 8. 


Duruir (Eugène ), avocat, membre du Conseil municipal de 


Rouen, guaï du Havre, 21 À. 


ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS, MM. 


1803. 


1804. 


1806. 


1806. 


1808. 


Gugrsenr X, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, 
à Paris, rue Gaïllon, 11. 

DeGcanp (J.-V.), D -M, Professeur de botanique, membre 
de plusieurs Académies, à Rennes (Ille-et-Villaine ). 

DeLagouisse-RochEroRtT (J-P.-Jacq.- Aug. ), Homme de 
lettres, à Castelnaudary ( Aude.) 

Boïezpreu ( Marie-Jacques-Amand), ancien Avocat à la 
Cour royale de Paris, à Paris. 

S£RAIN , ancien Officier de santé, à Canon, près Croissan- 
ville ( Calvados ). 

Lair ># (Pierre-Aimé), Doyen du Conseil de Préfecture du 
Calvados, Secrétaire de la Société royale d’agriculture, ete., 
à Caen, Pont-S'aint-Jacques. 

D£LANCY x, Administrateur de la Bibliothèque de Sainte- 


Géneviève, à Paris, rue Neuve-du-Luxembourg, 33. 


406 MEMBRES 


1809. FRANCŒUR O %, professeur à la Faculté des sciences, 
membre de l’Institut, des Sociétés royales et centrales d’Agri- 
culture, d'Encourag., etc., Paris, r. de l'Université, 10. 
Duguisson ( J.-B.-Remy-Jacquelin), D.-M., membre de 
plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, re 
Hauteville, 10, faubourg Poïssonnière. 
Dugois-MaïisonNEuvE, Homme de lettres , à Paris, rue des 
Postes | 14. | 
DecaruE ( Louis-Henri),ancien Pharmacien, secrétaire hono- 
raire de la Société libre d'agriculture de l'Eure, Juge de 
Paix à Breteuil-sur-Iton ( Eure ). 
Bazme, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes , à 
Lyon, rue de l'Enfant-qui-pisse, 8. 
1811. Leprior (l’abbéConstantin-Julien), Prêtre, Recteur émérite de 
l'Académie universitaire de Rouen, à Hennebon (Morbihan). 
LE SAUVAGE Xe, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes, 
chirurgien en chef des Hospices civils et militaires, à Caen. 
Larisse (Alexandre-Gilbert-Clémence), D.-M., à Paris, 
rue Laffite, 43. 
Bouray ( Pierre-François-Guillaume ) , O % ; Docteur ès- 
sciences, Membre de l’Académie royale de médecine, à Paris, 
rue de Provence, 11. 
1814. Pêcaeux (B.), Peintre , à Paris, rve du Faub.-S1.-Honoré, ; 


PERCELAT X, ancien Recteur de l’Académie universitaire de 
Rouen, Inspecteur de l'Académie de Metz ( Moselle ). 


FaBre ( Jean-Antoine) , correspondant de l’Institut, et In- 


génieur en chef des ponts-et-chaussées , à Brignoles (Var). 


18:16. Lorsezeur DEsconccaamps (Jean-Louis-Auguste) #, D.-M., 
Membre honoraire de l’Académie royale de médecine, etc., 
à Paris, rue de Jouy, 8. 

1815. Pari (Henri-Joseph-Guillaume ) # , Maitre des conférences 
à l'École normale, bibliothécaire du Roi, etc., à Paris, 


rue de T'ournonz 7. 


1818. 


1821. 


1823. 


CORRESPONDANTS. #07 


Ménat (François-Victor )#, D.-M.-P., membre de l’Aca- 
démic royale de médecine et de plusieurs Sociétés savantes, 
etc., à Paris, rve des Saints-Pères, 15 bis. 

MorEAU DE JonnËs (Alexandre) O # , Chef d’escadron 
d'État-Major, membre de l’Institut, du Conseil supérieur 
desanté, etc., à Paris, rve de Grenelle-S1-Germaïn, 89. 

DE Gournay, Avocat et Docteur-ès-lettres, Professeur 
suppléant de littérature latine à la faculté des lettres de 
Caen (Calvados), rze aux Lisses, 15. 

DE KErGarrou (le comte) O 2, ancien Pair de France, 
à Paris, rue du Petit-V'augirard, 5. 

De Monraurr (le marquis) 2#, à Paris, rve de Lille, 84- 
(A Rouen, 7ze d'Ecosse, 10.) 

De MavizcE (le Mis Eunes) #, ancien Maréchal-de-Camp, 
à Fillières, commune de Gommerville, près St-Romain. 

Depauris (Alexis-Joseph) #, Graveur de médailles, à Paris, 
rue de Furstenberg, 8 ter. 

BEerRTHIER (P.) #, Inspecteur général des mines, memb 
de l’Institut, etc., à Paris, 7. Crébillon, à. 

Vène K chevalier de Saint-Louis et de l’ordre d'Espagne de 
Charles 111, Chef de bataillon du génie, en retraite, membre 
de la Société d'Encouragement , à Paris, ve Jacob, 20. 

LABOUDERIE (l'abbé Jean), Vicaire général d'Avignon, à 
Paris, cloitre Notre-Dame , 20. 

Lemoxnier ( André—Hippolyte), membre de l'Académie ro- 
maine du Tibre , rue d'Antin, 25, aux Batignolles. 

DE Moréon ( Jean-Gabriel-Victor }) a, Directeur de la 
Société Polytechnique et de ses publications, ete., à 
Paris, rue Caumartin, 26. 

TarésauT DE BERNEAUD (Arsène), Secrétaire perpétuel de la 
Société linnéenne, l’un des Conservateurs de la Bibliothèque 
Mazarine, à Paris, rue Cassette, 8. 


408 


1824. 


1825. 


1820. 


MEMBRES 


Beucxor (le vicomte Arthur) #, Pair de France, membre de 
l'Institut, à Paris, rue Ville-l'Évéque ; 16. 

Sozircorrre ( Louis-Henri-Joseph) O #, Administrateur 
des Douanes, membre du Conseil supérieur de santé, 
à Paris, rue S'aint-Lazare, 58. 

EsTANCELIN %# , correspondant du Ministère de l'instruction 
publique , à Eu. 

FonTaANIER { Pierre), Homme de lettres, Officier de l'Uni- 
versité, etc., à Moissac, près Murat (Cantal). 

Mazet (Charles-François) O #, Inspecteur général hono- 
raire des ponts-et-chaussées, à Paris, rve de Verneuil, 34. 

JourpAn (Antoine-Jacques-Louis) # , D.-M.-P., membre de 
l'Acad. royale de médecine, à Paris, ve de Bourgogne, 4. 

Moxrazcon X, D.-M., à Lyon, rve de la Liberté, 5. 

DE LA QUESNERIE , Juge de Paix de Clères, membre de plu- 
sieurs Sociétés savantes, à St-André-sur-Cailly. 

Sazcues, D.-M.-P., médecin du Grand-Hôpital, membre 
du Conseil central sanitaire du dép!, à Dijon (Côte-d'Or). 

BouzLenGEr ( le baron ) O %#, ancien Procureur général 
à la Cour royale de Rouen, membre du Conseil général, 
à S'aint-Denis-le-Thiboult (Seine-nférieure) 

D'Axccemont ( Edouard), à Paris, 26, r. de Ponthieu. 

Crvraze (Jean) #, D.-M., Membre de l’Institut, à Paris, 
r. Neuve-St-Augustin, 23. 

Fergr aîné, Antiquaire, conserv. de la Bibliothèque de Dieppe, 
Correspondant du Ministère de lInstruction publique. 

Payen (Anselme)#, Manufacturier, Professeur de chimie 
au Conservatoire des Arts-et- Métiers, membre de l'Institut, 
etc., à Paris, av Conservatoire, rue St-Martin. 

Moreau (César) K, Fondateur de la Société française de 
statistique universelle et de l’Académie de l'industrie, ete., 


a Paris, rue de Rivoli, 3o bis. 


1827. 


1827. 


1828. 


CORRESPONDANTS. #09 


Monrémonr (Albert), membre de plusieurs Sociétés savantes, 


à Paris, rue Croix-des-Petits-Champs, 27. 
LADEvVÈZE, D.-M., à Bordeaux ( Gironde). 
Savin (L.), D.-M.-P., à Montmorillon ( Vienne). 


Hvco (Victor) O % , Pair de France, membre de l’Académie 
française, à Paris, place Royale, 6. 

Brossevcce (le vicomte Ernest de), à Paris, 4, rue de 
Louvors. 

DESMAzIÈRES ( Jean-Baptiste-Henri-Joseph), Naturaliste, à 
Lambersart , près Lille; chez Mad. veuve Maquet, proprié- 
taire, rue de Paris, 44, à Lille ( Nord ). 


Maro ( Charles) :#, Fondateur-rédacteur en chef de la 
France littéraire, membre de plusieurs Sociétés savantes, 
à Paris, rue de l'Éperon, 6. 

Vanssay (le baron Charles-Achille de) C #, ancien Préfet 
de la Seine-Inférieure, à la Barre, près St-Calais ( Sarthe.) 

CourT %, Peintre, à Paris, rue de l'Ancienne-Comédie, 14, 
ancien atelier de Gros 

Maizcer-Lacosre (Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté 
des lettres de Caen (Calvados). 


LaurTarD (le chevalier J.-B.), D.-M., sécrétaire perpetuel 
de l'Académie de Marseille, correspondant de l’Institut, 
membre de plusieurs Sociétés savantes, à Marseille ( Bouches- 
du-Rhône. ) 

Morreuwanr-Boisse (le baron de) #, Membre de la Société 
royale et centrale d'agriculture , etc., à Paris. 7. Jean- 
Goujor, 9. 

Mori (Pierre-Etienne), Ingénieur en chef des ponts- 
et-chaussées, en retraite, à Rouen, rze de la Cigogne. 

Fée (Autoine-Laurent-Apollinaire) #, Professeur de bo- 
tanique à la Faculté de médecine, Directeur du Jardin de 


botanique, ete., à Strasbourg ( Bas-Rhin ). 


1830. 


MEMBRES 


Partez , D.-M., rue de la Préfecture, 13, à Évreux (Eure). 


GurTINGUER ( Ulric) #, Homme de lettres , à Paris, rue de 
Courcelles , 36. 


Cazauis % , inspecteur de l’Académie universitaire de Paris, 
10, rue T'aranne. 

SCHWILGUÉ %, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, 
à Strasbourg ( Bas-Rhin). 

BÉGrx (Emile-Auguste), D.-M., membre de la Société royale 
des Antiquaires de France, etc., à Metz ( Moselle). 

BerGer DE XivREy (Jules), membre de l’Acad. royale des 


Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut, à Paris, r. S/- 
Germain-des-Prés, 15. 


CHapoxnteR, D.-M., accoucheur, démonstrateur d'anatomie 
et prof. particulier de physiologie, à Paris, 57, r Æaufeville. 

Passy ( Antoine) O %, député de l'Eure, Membre de l’In- 
stitut , sous-secrétaire d'État au Ministère de l'Intérieur , à 
Paris, rue Caumartin, 5. 

Soyer-VWVizLemeT ( Hubert-Félix), Bibliothécaire et Conser- 
vateur du Cabinet d'histoire naturelle de Nancy ( Meurthe). 

LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville de 
Clermont-Ferrand ( Puy-de-Dôme). 

RrrauD, Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes , 
à Paris, rze Basse-du-Rempart, 46. 

Houez (Charles-Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes, 
ancien président du Tribunal civil de Louviers ( Eure), l’un 


des censeurs de la Suciété de l’histoire de France, à Paris, 
28, rue S'aint-Florentin. 


Murar (le comte de) C # , Pair de France, ancien Préfet de 
la Seine-Inférieure, à Paris, re de Rivoli, 38. 
Le Fuzeuz nes GuerroTs, cheve de l’Eperon d’or de Rome, 


correspondant de l’Institut historique, à Rouen, 2, ue 
Bourg-Labbe. 


CORRESPONDANTS. #11 


1831. LE TeLuter (Jean-Joseph) #, Inspecteur général honoraire des 
ponts-et-chaussées, à Paris, rve de Beaune, 1. 
BoucHER DE PERTHES (Jacques) #, Directeur des douanes , 
etc., à Abbeville (Somme ). 
1832. SINNER ( Louis de), helléniste, Docteur en philosophie , sous- 
bibliothécaire de la Sorbonne, à Paris, r. des S'aints-Pères, 27. 


Tancaou #, D.-Médecin, à Paris, rve du Helder, 11. 
ForTiN (François), D.-M.-P. à Evreux ( Eure ). 


Dusevez (Hyacinthe), avoué à la Cour royale d'Amiens, 
Inspecteur des monuments historiques, membre du Comité 
des chartes et de plusieurs Sociétés savantes, ete., à Amiens 
( Somme.) 


BRIERRE DE Borsmonr (A ) #, D.-M., chevalier de l’ordre du 
Mérite militaire de Pologne, Membre de plusieurs Sociétés 
savantes, à Paris, Directeur de la maison de santé, rue 


Neuve-Sainte-Géneviève , 21. 


Le FLaGuats (Alphonse), membre de l’Académie royale de 
Caen, Conservateur de la Bibliothèque de la ville, rue des 
Jacobins, 10 (Calvados ). 

LEJEUNE (Auguste), Architecte, à Paris, r. de Greffulhe, 3 

Tac #, Conseiller à la Cour de cassation et Député, à 
Paris, rue de Vaugirard, 50. 

LAURENS (Jean+Anatole), membre de plusieurs Sociétés 
savantes, Chef de div. à la Préfecture de Besançon ( Doubs) 

BouriGxY ( Pierre-Hippolyte) #, correspondant de l’Académie 
royale de médecine, etc., ancien pharmacien, à Paris, 
rue de Chabrol, 40 

RiGozLor ( J.) fils, Médecin de l'Hôtel-Dieu d'Amiens, 
membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amiens (Somme). 

LADOUCETTE (le baron Jean-Charles-François de) æ , ancien 
Préfet, secrétaire perpétuel de la Société philotechnique 
de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris, 


rue St-Lazare, 5. 


412 


1832. 


1833. 


MEMBRES 


Marre (P.-N.-Fr.), Docteur en chirurgie, etc., membre de 
plusieurs Sociétés savantes, à Strasbourg ( Bas-Rhin). 
Gervice (de), Antiquaire, à Valognes ( Manche). 
BouGron ( L.-V.), Statuaire, à Paris, rue du faubourg St- 
Denis, 154. 
Ducuesxe (Édouard-Adolphe) #, D.-M.-P., à Paris, rue 
d’'Assas, 1, faub. St-Germaïn. 

JuLLIEN (Marc-Antoine) #, Homme de lettres, fondateur 
de la Revue Encyclopédique , à Paris, rve du Rocher, 23. 
Carey (Thomas), Docteur en droit, à Dijon (Côte-d'Or), 

hôtel Berbisey. 
BREvIÈRE (L.-H.), Graveur de l’Imprimerie royale, surbois et 
en taille-douce, à Belleville, banlieue de Paris, . des Lilas, 12. 


. Mauzer-Durourray, Architecte, à Paris, rze d’Anjou- 


S'aint- Honoré, 58. 


. Le Prevosr (Auguste) Xt, Membre de la Chambre des Dé- 


putés, de l’Institut, ete., à Paris, rve et hôtel Jacob, faubourg 
Saint-Germain. 

Fôvizze %, D.-M, méd. en chef de l’hospice de Charenton, 
à Paris, r.de Lille, 101. 

BELLANGÉ ( Joseph-Louis-Hippolyte) #, Peintre, conser- 
vateur du Musée de Rouen, 7. du Champ-des-Orseaux, 55 ter. 

LAMBERT (Charles-Edouard), Conservateur de la Bibliothèque 
de Bayeux ( Calvados ). 

Murer (Théodore), avocat, à Paris, rue de Ponfhieu, 27. 

Pescne ( Julien-Réné), membre de plusieurs Sociétés savantes, 


Correspondant des Comités historiques du Ministère de l’In- 
struction publique, etc., juge de paix, à Morteau ( Doubs.) 


Barp ( Joseph) 4, Inspecteur, au ministère de l'Intérieur, 
des monuments historiques des départements du Rhône et 
de l'Isère, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à 


Chorey, près de Beaune ( Côte-d'Or). 


1836. 


183- 


[l 


1838 


1838. 


CORRESPONDANTS. 413 


Cuesxon (Charles-Georges), Inspecteur des Écoles primaires 
du département de l'Eure, à Évreux. 


HexneqQuix ( Victor-Antoine) , Avocat à la Cour royale, 
à Paris, rue de Lille, 17. 

LeGcay, D.-M., Archiviste, à Lille (Nord ). 

Le CaDre, D.-M., au Havre, ve du Chillon, 9. 

GUYÉTANT a, D.-Ch.-P., membre de l’Acad. ray. de Méd. et 
de plusieurs autres Soc. sav., à Paris, 12, passage S'ainte- 
Marie, rue du Bac. 

SouretrAN (Eugène) 4, directeur de la Pharm. centrale des 
Hôpitaux de Paris, Professeur de Physique à l'École spéciale 
de pharmacie à Paris, guar de la Tournelle, 51. 

Rey (Jean) #, ex-membre du Conseil général des manufactures, 
membre de la Société royale des Antiquaires de France, 
etc., etc., à Paris, rve N.-D.-de-Lorette, 31. 

Du Bors ( Louis) A, ancien Sous-Préfet, membre de plu- 
sieurs Académies, au Mesnil-Durand, près Livarot (Calvad.) 


Garnier-DuBourGNEUr (Jacq .-Alex.) #, maître des requêtes, 
direct. des affaires civiles et du Sceau , au ministère de la 
justice, à Paris, ze des Trois-Frères, 3. 

DanTaAx jeune, Statuaire, à Paris, rue Saint-Lazare, cité 
d'Orléans. 

Brzcret-RENaAL (Antony-Clodius), à Lyon, guar Monsieur, 121. 

GarnEray ( Ambroise-Louis), Peintre de marine, à Paris, 
passage S'aulnier, 19. 


Prevosr (Nicolas-Joseph), président du Cercle pratique 
d'Horticulture et de Botanique de la Seine-Inférieure , 


Horticulteur au Bois-Guillaume, 


VacseroT, docteur-és-lettres, directeur des études à l'École 


normale , à Paris, rue de Grenelle St-Germain, 116. 


SaLaDiN , Professeur de Chimie, à Moulins ( Allier ). 


hit 


1839. 


1840. 


MEMBRES 


BouLcée ( Aimé-Auguste ) , ancien Magistrat, à Lyon, re 
St-Joseph, 8. 


Muxarer , D.-M. à Thurins, près Lyon (Rhône). 


LescecuiÈRE-LAFOssE (François-Gustave), D.-M., Professeur 
agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier , p/ace de la 
Préfecture. 

GrRALDÈS ( Joachim-Albin), D.-M., professeur agrégé à la 
Faculté de médecine, à Paris, ve des Beaux-Arts, 11. 

Grarezour ( J.-P.-Sylvestre de ), D.-M.-P., Président de 
la Société Linnéenne, etc., à Bordeaux, re Grande-Taupe,\8. 

Bourron-CxarLanD (Antoine- François) 4, membre de l'A- 
cadémie royale de médecine, et du Conseil général de la 
Seine, à Paris, #oulevard Bonre-Nouvelle, 2. 

Cap ( Paul-Antoine )#, Pharmacien, membre de l'Académie 
royale de médecine, etc., à Paris, rve des Trois-Frères, 9. 

Tupor (Edmond), Peintre, directeur de l'École de Dessin, 
à Moulins ( Allier ). 

Gauner, D.-M., à Paris, rve Neuve-du- Luxembourg, 32. 

Porrrer fils (Octave), Avocat à Paris. 

ParcArT (Aubin-Pierre) O #, Docteur en droit, Procureur 
général à Nancy (Meurthe). 

MaLcer (Charles-Augustin), D.-ès-lettres, Prof. de philoso- 
phie au Collége royal de St-Lounis, à Paris, 19, r. Faufefeuille. 

BorGnET (Amand-Louis-Joseph), Licencié-ès-sciences, agrégé 
de l'Université, Proviseur du Collége royal de Tours (Indre- 
et- Loire ). 

PeLouze 24, Chimiste , Membre de l’Institut, Professeur à 
l'École polytechnique, à Paris, Æd/e/ des Monnaies. 


Caevazuter 2%, Chimiste, Membre de l’Académie royale de 
Médecine, Professeur à l'École spéciale de Pharmacie de 
Paris, etc., place Saint-Michel, 25. 


CORRESPONDANTS. k15 


.… SCHLUMBERGER (Henri), Chimiste, Mermb. de la Soc. industrielle 


de Mulhouse, maison Dolfus, Miegg et Cie(Haut-Rhin ). 


Purcippar, Professeur de culture à l'Institut royal agronomique 
de Grignon , et à l'Ecole normale de Versailles, Membre de 
la Société royale et centrale d'Agriculture, Directeur 
du Jardin des plantes, à Versailles (Seine-et-Oise.) 


CAFFE, ancien chef de clinique de l'Hôtel-Dieu de Paris, 
Président de la Société médicale d'Émulation de la même 
ville, etc, rze de La Ferme-des-Mathurins > 45. 


LACABANE, premier employé au Cabinet des manuscrits de la 
Bibliothèque royale, à Paris, Président de la Société de 
l’école des Chartes. 


Fayer ( M5) O x, évèque d'Orléans. 


Gursourr %, Professeur d'histoire naturelle à l'École spéciale 
de Pharmacie de Paris, membre de l’Académie royale de 
médecine , etc., rze Feydeau. 


ROCHEFOUCAULD-LrancourT (le marquis de la), Député du 
Cher, Président de la Société de la Morale chrétienne, à 
Paris, re St-Lazare, 56. 

GLEIZES ( Vénuste ) 4 » Commissaire de la marine, Chef du 
service des Chiourmes ; à Brest ( Finistère. ) 

Bussy %#, Professeur de chimie et Directeur de l'Ecole de 
Pharmacie de Paris, à l'Ecole, rve de l'Arbalète. 

Du Pasquier, Professeur de chimie à l'Ecole Lamartinière , 
à Lyon ( Rhône.) 

La Burte (Auguste), avocat, à Honfleur ( Calvados.) 


De Caisne, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle 
de Paris, Membre de l’Institut, ax Muséum. 

Gasparix (le comte de) C tt, Pair de France, membre de 
l'Institut, rue de Lille, 9. 

Henri (Ossian) #4, Profess. agrégé à l'Ecole spéciale de phar- 
macie de Paris, memb. de l'Acad. royale de médecine, etc. 


1843. 


MEMBRES 


Mazcer O #, Ingénieur divisionnaire des Punts-et-Chaussées, 
à Paris, 46, rue Lafitte. 


AmioT, Licencié ès-sciences, Professeur de Mathématiques, 
à Paris, rue de Sorbonne, 3. 


Busser ( François-Charles) #, géomètre en chef du cadastre, 
à Dijon (Côte-d'Or ). 


Mancez (Georges), Conservateur de la bibliothèque de Caen. 


DE FRÉviLLE , Archiviste paléographe , à Paris, 15, rve de 
Vendôme, au maraïs. 


Caarma ( Antoine), Professeur de philosophie à la Faculté 
des lettres de Caen. 


ALAUZET (Isidore), avocat, sous-chef du cabinet du Ministre 
de la Justice, à Paris. 


MarcHAnD (Eugène), Pharmacien à l'hôpital civil, à Fécamp. 


Ducxesne-Duparc, D.-M.,à Paris, rve de Louvors, 10. 
Gors (Laurent), Inspecteur de l’Académie de Rennes. 


. FAURÉ, Pharmacien, à Bordeaux. 


DecamARE, D.-M., à Paris, 14, rve S'arnt-Florentin. 

GauLTrer O %, Conseiller à la Cour de Cassation, à Paris, 5, 

rue Neuve-des-Mathurins. 

Person XX , Professeur à la Faculté des Sciences de Besançon 
(Doubs). 

Macnier , Professeur de Littérature ancienne, à la Faculté 
des Lettres de Poitiers (Vienne). 

Rotsix ( le baron Ferdinand de ), Docteur en droit et en 
philosophie, correspondant du ministère de l'instruction 
publique de France et de plusieurs sociétés savantes, à Lille 
(Nord), rue Françoise, 38. 

Reiser (Jules), Chimiste, à Paris, re de la Bienfaïsance, 3. 


FormeviLe (de), Conseiller à la Cour Royale de Caen. 


Bonn, Directeur de la Sociéte des antiquaires de Norman- 
die, à Caen. 


CORRESPONDANTS. 417 


GARNIER, Conservateur de la bibliothèque de la ville d'A— 
miens. 


Harpours-Micueziw, Conseiller référendaire à la Cour des 
Comptes, Membre de la Société géologique de France et de 
plusieurs Académies, à Paris. 


BourniN, Docteur-Médecin de la Faculté de Paris , à Choi- 
sy-le-Roi, place de la Madelaine , près Paris. 


CarPenTIER-MÉRICOURT , Docteur-Médecin à Paris, rze des 
Orties-S'aint-Honoré, 7. 


Travers (Julien), Professeur de littérature latine à la Fa- 
culté de Caen. 


ForGer , D.-M., à Strasbourg. 
Bernomme, D.-M., à Paris, rze de Charonne, 161. 


ARONDEAU, Directeur des travaux relatifs à la statistique cri- 


minelle et correctionnelle au Ministère de la Justice. 


BLANCHEMAIN ( Jean-Baptiste-Prosper), avocat à Paris, 7, 
rue de L'Est. 


ViGuier, Inspecteur-Général des études, à Paris” 


FLouRENSs , Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, 
Memb. de l’Acad.-Française , au Jardin des Plantes, à Paris. 


LepAGE, Pharmacien , Professeur de Physique et de Chimie 
au Collége de Gisors (Eure ). 


HergerGer, Chimiste, Rédact. en chef du Journal allemand 
de Chimie et de Pharmacie , à Xaiserslantern ( Bavière ). 


BorceAu DE CAsTELNAU, Médecin en chef de la Maison cen- 
trale de Nimes ( Gard ). 


BicourpAN, prof. de mathématiques spéciales, à Paris. 


Gurarp , Professeur au Collége Charlemagne , à Paris. 


418 MEMBRES CORRESPONDANTS. 
CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM, 


1803. Demorx, Directeur de la Chambre des finances, et correspon- 

dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche). 

GErFroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow 
(Ecosse ). 

1803. EnGeLsrorr, Docteur en philosophie, Conseiller de confé- 
rence, Commandeur de l’ordre de Dombrog, etc., à Copen- 
hague (Danemarck). 

1809. Lamoureux (Justin), à Bruxelles ( Belgique ). 

1812. Vocez, Professeur de chimie à l’Académie de Munich (Bavière). 

1816. Campsecz, Professeur de poésie à l'Institution royale de 
Londres ( Angleterre). 

1817. KiRCKHOFF vAN DER VARENT (le vicomte Joseph-Romain-Louis 
de KERCKHOVE , dit de) ,ancien Médecin en chef des hôpitaux 
militaires, etc., membre de la plupart des Sociélés savantes 
de l’Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique ). 

1818. Dawson TurNER, Botaniste, à Londres ( Angleterre ). 

1823. CHAUMETTE DES Fossés, Consul général de France, à Lima 
(Amérique méridionale ). 

1827. De Luc (Jean- André), membre de la Société de Physique et 
d'histoire naturelle de Genève (Suisse), etc. 

1828. Bruner X, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre 
de la Société royale de Londres, à Londres ( Angleterre ). 

1830, RaArx (le chevalier Carl-Christian), Professeur, secrétaire 
de la Société royale d'Écritures antiques du Nord, et de 
plusieurs autres Sociétés savantes, à Copenhague(Danemarck), 
rue du Prince-Boyal, bo. 

SrassarT (le baron Goswin-Joseph-Augustin de), Président 
du Sénat belge, Gouverneur de la province de Namur, à 
Courioule, près Namur ( Belgique ). 

1830. Casio (Antonio Feliciano de), Bacharel Formado en 

droit, membre de l'Académie des Sciences de Lisbonne, etc. 


a Lisbonne ( Portugal), ca/cada do Dugue, 58. 


1835. 
1836. 


1839. 


1842. 


1844. 


SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. 419 


Fruipris (Pierre de), Médecin à Naples. 


KERKHOVE D'EXAERDE (le comte François de ), chevalier de 
l’ordre de Malte, membre de plusieurs Sociétés savantes, à 
Exacrde, près de Gand ( Belgique ). 

REIFENBERG (le baron de), À Louvain. — A Paris, chez 
M. Michaud , rue de Richelieu, 6. 

Ws1D (James), Géographe, à Londres. 

De SanrTAREM (le vicomte), anc. Minist. de Portugal, memb. 
de l’Inst. de France et de plusieurs Académies fran. et étrang., 
à Paris, rve Blanche, Lo. 


+ Narpo (Jean-Dominique), Médecin de l'Institut central des 


Enfants trouvés de Venise, Membre de plusieurs Sociétés 
savantes, à Venise. 


Morren , Docteur ès-sciences et en Médecine, Professeur de 
Botanique à l'Université de Liége. 


ZanrenescHi, Professeur de physique , etc., à Venise. 
GuasraLLa ( Auguste), D -M., Membre de plusieurs Sociétés 
savantes de France, d'Italie et d'Allemagne, à Trieste. 


Pasquier (Victor), Pharmacien de première classe, à Liége. 
De Le BrparrT DE THUMAIDE, Procureur du Roi, à Liége. 
Van Hasserr, Secrétaire de l'Académie d'Anvers 


Bocarrrs (Félix), à Anvers. 
Harrewerz, à Cambridge 


1846. Tama, D.-M, à Bruxelles ( Belgique.) 


SOCIÈTES CORRESPONDANTES, 


Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où 


elles sont établies. 


Abbeville. Société royale d'Émulation (Somme ). 


Aix. Société académique ( Bouches-du-Rhône ). 


Amiens. Académie des Sciences (Somme ). 


— Société des Antiquaires de Picardie. 


420 SOCIÉTÉS 


Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire). 
—— Société d'Agriculture. 

Angoulême, Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département 
de la Charente. 

Beauvars. Athénée du Beauvaisis. 

Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Doubs). 
— Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs. 

Bordeaux. Acad. royale des Scienc., Belles-Lettres et Arts (Gironde). 
— Société royale de médecine. 

Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , du Commerce et des Arts. 
(Pas-de-Calais) 

Bourg. Société d'Emulation et d'Agriculture du départemt de l'Ain 

Caen. Acad. royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados). 
— Association Normande. 
— Société royale d'Agriculture et de Commerce. 
—— Société des Antiquaires de la Normandie. 
— Société Linnéenne. 
— Société Philharmonique. 
— Société vétérinaire du Calvados et de la Manche. 

Calais. Société d'Agriculture, de Commerce, des Sciences et des Arts 
(Pas-de-Calais). 

Cambrar. Société d'Emulation (Nord). 

Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et 

Arts du département de la Marne. 

Chälons-sur-S aône. Société d'Histoire et d'Archéologie (Saône et 
Loire. 

Chäteauroux. Société d'Agriculture du département de l'Indre. 

Cherbourg. Société d'Agriculture , Sciences et Arts (Manche ). 

Clermont-Ferrand. Académie des Sciences, Belles-Lettres ct Arts 
( Puy-de-Dôme). 

Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or). 


—— Société de Médecine. 


+ 


CORRESPONDANTES. 421 


Douaï. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du 
département du Nord. 


Draguignan. Société d’Agricult. et de Commerce du départ. du Var. 


Ævreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du 
département de l'Eure. 


Falaise. Société d'agriculture ( Calvados). 

Havre. Société havraise d'Études diverses. 

Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du 
département du Nord. 

— Commission historique du département du Nord. 

Limoges. Société royale d'Agriculture , des Sciences et des Arts 
(Haute-Vienne). 

Lons-le-S aulnier. Société d'Émulation du Jura. 

Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhâne). 
— Société royale d'Agriculture , Histoire naturelle et Arts utiles. 
— Société de Médecine. 

Mäcon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire). 

Mans (Le). Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts (Sarthe). 

Marseille. Acad. royale des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du- 
Rhône) 

Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne. 


Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d'Agricul- 
ture ( Moselle ). 

Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du 
département de Tarn-et-Garonne. 

Morlaix. Société vétérinaire du département du Finistère. 

Moulins. Société d'Émulation du département de l'Allier. 

Mulhausen. Société industrielle (Haut-Rhin). 

Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ). 
— Société centrale d'Agriculture, 

Nantes, Société royale académique des Sciences et des Arts du 
département de la Loire-Inférieure 


492 SOCIÉTÉS 


Nimes. Académie royale du Gard. 
Niort. Athénée:; Société libre des Sciences et des Arts du dépar- 
tement des Deux-Sèvres. 


Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret). 
Paris, Athénée royal, rze de Valois, 2. 

—- Athénée des Arts, à /’Hôtel-de-Ville. 

— InsrrTuT DE FRANCE, au Palais des Quatre-Nations. 
—— Académie royale des Sciences. 
— Académie française 

— — historique de France, rue S'aint-Guillaume, Q. 

— Société Anatomique. 

— Société centrale des Amis des arts et _ lettres, r. S'arnfonge, 19. 

— Société d'Economie domestique et indust., r. Taranne, 12, 

— Société de Géographie, rue de l’Université, 23. 

— Société de la Morale chrétienne, rue Taramne, 12. 

— Société de l'Histoire de France. (M. Jules Desnoyers, secré- 
taire, à la Bibliothèque du Jardin du Roi.) 

— Société d'Encouragement pour le commerce national , 7ze 
S'aint-Marc, 6. 

— Société d'Encouragement pour lIndustrie nationale, 74e 
du Bac, #2. 

— Société de Pharmacie, rze de l’Arbalète, 13. 

_— Société des Méthodes d'Enseignement, rve Taranne, 12. 

_— Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles 
et industriels de France , à /’Hôtel-de-Viülle. 

— Société géologique de France, ze du Vieux-Colombier, 26. 

_— Société internationale des Naufrages, r. Neuve-des-Matbu- 
TES, 17 

— Société libre des Beaux-Arts, à l'Hôtel-de-Ville. 

— Société Linnéenne, rze de Verneuil, n° 51, faubourg Saint- 
Germain. 

— Société médicale d'Emulation, à /4 Facullé de Médecine. 

—— Société Philomatique, rve d'Anjou-Daupline , 6. 

— Société Philotechnique, rze de la Paix, 11. 


— Société Phrénologique , rze Jacob, 54. 


SOCIÉTÉS ÉTRANGÉRES. 123 


x 


— Société royale et centrale d'Agriculture, à /'Hotel-de-Ville. 
— Société royale d'Horticulture, rue T'aranne, 12. 

Perpignan. Société royale d'Agriculture, Arts et Commerce des 
Pyrénées-Orientales. 


Poitiers. Société académique d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences 
et Arts ( Vienne ). 


— Société des Antiquaires de l'Ouest. 
Puy (Le).Société d’Agr., Sciences , Arts et Commerce (Haute-Loire) 
Beims. Académie (Marne). 
Æouen. Société cent. d'Agriculture du dép. de la Seine-Inférieure. 
— Société d'Horticulture. 
— Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences, 
Lettres et Arts. 
—— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de 
l'Industrie. 
—— Société de Médecine. 
—— Société des Pharmaciens. 
Saint-Étienne. Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire) 
— Société industrielle . 
Saint-Quentin. Société des Sciences , Arts, Belles-Lettres et 
Agriculture ( Aisne ). 
— Société Industrielle et Commerciale. 
S'rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe- 
ment du Bas-Rhin. 
Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ). 
— Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres. 
Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du 
département d’Indre-et-Loire. 
Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de 
l'Aube. 
Valence. Société de Statistique, des Arts utiles et des Sciences 
naturelles du département de la Drôme. 


42% SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES 


Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe- 
ment de Seine-et-Oise. 
— Société des Sciences morales, Lettres et Arts. 


SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES. 


Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts. 

Copenhague. Société royale d’Ecritures antiques du Nord. 

Liége. Société libre d’Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts. 
Londres. Société des Antiquaires de Londres. 


Munich. Académie royale des Sciences, etc. de Bavière. 


Nota. Vingt-un exemplaires du Précis seront en outre distri- 
bués, ainsi qu’il suit : A M. Deracue, Libraire à Paris, et aux 
DEUX PRINCIPAUX Journaux qui se publient à Rouen. ( Déc. du 18 
nov. 1831, R. des L., p. 2.;et déc. du 23 déc. 1836. R. desD. p.177.) 
— A la Revue pe Rouex et à M. H. Canxor, Directeur de la Revue en- 
cyclopédique, à Paris. (Déc. du ro fév. 1832. R. des L., p. 28.) 
— Aux Braztoruèques de la Préfecture et des Villes de Rouen 
Elbeuf, Dieppe, le Havre, Bolbec, Neufchâtel, Gournay et 
Yvetot, { Déc. du 15 nov. 1832. Reg. des Délib., p. 153; et Déc. 
du 5 déc. 1834. R. des L., p. 226.) — A M. Eugène Arnourr, proprié- 
taire-rédacteur Cu jourral intitulé l’Institut , rue de Las-Cases , 18, 
à Paris. — À la PrerioTnèque de Dijon. (Déc. des 5 et 12 déc. 1834. 
R. des L., p. 226.)—A la Bisnioruëque du Muséum d’histoire natu- 
relle de Paris (M. J. Besnoyers, bibliothécaire). A la BIBL10TNÈQUE 
de Pont-Audemer, Eure, (M. Canel, bibliothécaire.) (Déc. du 18 
décembre 1835. R. des Délib. p. 173.) — A M. Tamser, sous-chef 
au ministère des finances ( par continuation de la collection de feu 
M. Goïs fils, son beau-père), pavillon de l'Ouest, à l'Institut, à Paris. 
(Déc. du 26 janvier 1858). — A M. le ministre de PInstruction 
publique. (R. des lettres, 22 Fév. 183q, p. 20q),—et à la Biblio- 
thèque du Collége royal de Reuen. 


NoTA. Le Programme des Prix doit être envoyé, chaque année, 
aux principaux journaux de Paris et des départements, notamment 
à la Gazette spéciale de l’Instruction publique, ruedes Mathurins- 
Saint-Jacques , à Paris. 


TABLE DES OUVRAGES 


Reçus pendant l’année académique 1846-1847, et classés 
par ordre alphabétique , soit du nom de l’auteur > ou du 
litre des ouvrages anonymes , soit du nom de la ville où 
sont publiés les ouvrages périodiques , et ceux des Sociétés 
savantes. 


Dressée conformément à l'art, 13 du règlement. 


Aix. Académie. Bulletin des travaux. 2° sem. 18/6. 

Amiens. Suc. des Antiquaires de Picardie. Bulletin 1846 , 
n®2,et 3. — 1847.n° 1. — Tome 2, 1844-45-46. — 
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Avenel ( A.). Le Collége des Médecins de Rouen ou Docu- 
ments pour servir à l'histoire des institutions médicales en 
Normandie | 1847. 

Aymar-Bression. Notice biographique sur M. Le baron Lezu- 
rier de la Martel. 

Ballin (A.-G). Inauguration du buste de Vittoria Coroxna 
dans le palais du Capitole à Rome. — Note sur les mono- 
hthes de Russie. (Extrait du Précis de 1846). — Tableuu 
décennal des opérations du Mont-de-Piété de Rouen , 
1837 à 1846. 

Barthélemy et Golefroy, Eglise de Notre-Dame de Bonse- 
cours près Rouen, 1847. 

Barthélemy-Lapommeraye.  Carabe d'agassis (offert par 


M. Michelin ). 


426 TABLE 


Beauvais. Athénee du Beauvaisis. Bulletin 1 et 2° sem., 
1846. — re sem. 1847. 

Belhomme. Observation d’ectugénie assymctrique, 1847. 

Bénard ( Ch.) Schelling. Ecrits philosophiques et morceaux 
propres à donner une idée générale de son système, 1847. 

Besancon. Société d'Agriculture du Doubs. Mémoires, 1845. 

Béziers (Hérault). Société archéologique. Séance publique 
du 13 mai 18/7. 

Bichat. PV. Larrey. 

Boileau de Castelnau. Economie médicale, 1844. — Du 
système pénitentiaire. — Plan d'un systéme rationnel de 
prévention du crime et d'amendement du coupable, 1845. 
— Procès-verbal des séances tenues à Nimes , par les me- 
decins du Gard, à l'effet d’adhérer au Congrès médical 
ouvert à Paris, le 1°* novembre 1845. — De l’emplui de 
l'appareil de Scoit dans le traitement des tumeurs blanches, 
18/6. 

Bonafous. V. Matthieu. 

Bonnin, Regestrum  wvisitationum  archiepiscopt Rothoma- 
gensis. 

Bonsecours. V. Barthelemy. 

Bordeaux. Académie royale. Actes , 8° année, 1° el 5° tri- 
mestres , 1846. 

Boucher de Perthes. Du patronage ou de l'influence par la 
charité, 1846. 

Boullay et O. Henry. Nouvelles observations sur l'état du 
soufre dans les eaux sulfureuses des Pyrénées. 

Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , de Commerce, elc. 
Séances publiques des 17 janvier et 29 octobre 1846. 

Bourg. Société d'Emulation de l'Ain. — Journal d'Agricul- 
ture,n®%8,g,t1et12,1846. — N° 1,2, 5et6, 1847. 

Boutigny ( P.-H.) ( d'Evreux). Nouvelle branche de physique 
ou Etudes sur les corps à l’état spheroïdal , 1847. 

Brossard-Vidal (l'abbé). Notice sur l’ébullioscope alcoome- 


DES PUBLICATIONS. Cr 


trique ou alcoomètre-V'idal, 1846. — Quelques observations 
sur la fraude des vins, 1846. 

Caen. Association normande. Annuaire , 3847. 

Caen. Société des Antiquaires de Normandie. Mémoires, 
2 série, 4° vol., ae et 3° liv., 1845, — Registres-mémo- 
riaux de la Chambre des Comptes de Normandie , feuilles 
8 à 16. 

Caen. Sociéle française pour la conservation des monuments 
historiques. ( À Metz et à Trèves). — Coup d'œil sur le 
Congrès archéologique. 

Caen, Societe royale d'Agriculture. Extrait des séances, 1846. 

Caen. Socielé vétérinaire du Calvados et de lu Manche. 
Procès-verbal de la séance du 26 août 18/6. 

Calais. Société d'Agriculture. — Almanach de la ville et du 
canton ; pour 1847. 

Cambray. Société d'Ermnulation. Mémoires , tom. ru" 
partie, Séance publique du 18 avril 1843—1844. 

Catalogue des livres d'histoire naturelle , etc., de feu M. Fré- 
déric Cuvier , 1846. 

Cellier-Dufayel (N.-H.). L'improvisateur, Journal des ma- 
tinées littéraires, 3° année, 1846, n° 12. — 4° année, 
TN DS LE RC (RE DR T 

Chambre de Commerce. W. Rouen. 

Charma (A.). Essai sur le langage. 

Chassan. Discours de rentrée à la Cour royale, le 3 novembre 
1846 

Châteauroux. Societe d'Agriculture de l'Indre. Ephémérides , 
1e partie de 1846 

Cherbourg. Societe d'Hortieulture. Bulletin, 1846. 

Cherbourg. Societé royale académique. Mémoires , 1847. 

Chérot. Lettre manuscrite à M. Girardin. 

Clermont-Ferrand, Ænnales de l Auvergne. Mai, juin, 
septembre , octobre, novembre et déctmbre 184,6. Janvier 


el février , mars et avril 1847. 


428 TABLE 


Cochet (l'abbé). Notice historique et descriptive sur l'eglise 
de Moulineaux, 1845. — Culture de la vigne en Norman- 
die, 1844. — Sépultures anciennes trouvées à Saint- Pierre- 
d’Epinay , 1847. 

Comte (Achille). Atlas méthodique des cañiers d'Histoire 
naturelle , ou Introduction à toutes les zoologies , 1838. 

Congrès scientifiques de France, 15° Session , 1847. 

Corréard (Alex.). Journal du génie civil, des Sciences et 
des Arts, etc., div. 4o, 42, 43, 44, 45°. 

Dégenétais (V°). Sur l’organisation de l'Agriculture, de la 
Navigation , de l'Industrie, du Commerce et des Travaux 
publics. — Examen des questions connexes sur le port, les 
fortifications et la rade du Havre , ainsi que sur les travaux 
à exécuter dans la Seine maritime , 1846. 

De Lamare. Du traitement curatif de la phtlusie pulmonaire , 
par le mucilage animal à haute dose, etc., 1847. 

Dijon. Académie des Sciences. Mémoires, 1845 —1846. 
Séance publique du 31 juillet 1841. Id. du 21 août 1843. 

Dijon. Société médicale. Journal de médecine, chirurgie , 
pharmacie et médecine vétérinaire de la Côte-d'Or , 1846, 
n#7àät2, 1847, no° 1 et 2. 

Douai. Société royale et centrale d'Agriculture. Mémoires , 
1845—18/46. 

Du Breuil fils. Instructions pour le peuple , 4° li. Syloicul- 
ture, arboricullure. 21 div. Jardin fruitier , jardin potager. 

Duchesne-Duparc. Examen complet des doctrines médicales 
qui ont dominé jusqu'ici l'étude des maladies de la peau , 
1846. — De la cautérisation dans le traitement externe 
des maladies de la peau , 1845. 

Dusevel (H.) Monuments historiques. Rapport à M. le 
Préfet de la Somme , 1846. 

Eglise de N.-D. de Bonsecours. V. Barthélemy. 

Evreux. Soc. libre d'Agriculture , Scienres, Arts et Belles- 
Lettres de l'Eure. Statistique du département de l'Eure. 


DES PUBLICATIONS. 429 


Botanique , 1846. — Recueil des travaux. — T, 4 , 1843. 
— Jullet, 1846. 

Falaise. Suc. Acad, Agric., Industrielle , etc. Bulletin » 1846, 
2°, 3° et L° trimestres. 3847, 1° frimentre. 

Fallue. 7, Richard. 

Fayet (P.) Essai sur la Statistique intellectueile et morale 
de la France. — N°1. Départements de la Moselle, du 
Bas-Rhin et du Haut-Rhin. — No 17. Départements de 
l'Allier, du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Haute- 
Loire. ( Tubleaux.) — Essai sur l'accroissement de la po- 
pulation et sur les progrès de la criminalité en France : 
1845. 

Flourens (P.) Fontenelle , ou de la Philosophie moderne , 
relativement aux Sciences physiques. Paris, 1847. 

Fodéré, V. Matthieu. 

Forget (C.) Clinique médicale de la Faculté de Strasbourg. 
Du 1° juillet 1842 au 1% juulet 1844. — Des écueils de 
l'observation , 1846. — De la stabilité des principes the- 
rapeuliques. 

Fréville (De). Rouen et son commerce maritime. ( Extrait 
de la Bibliothèque de l'Ecole de Chartres.) 

Gautier de Rumilly. Rapport au Congrès agricole des sept 
départements du Nord , 1846. 

Girardin (J.) Des fumiers considérés comme engrais. 5° édit., 
1847. — Analyse de plusieurs produits d'art d'une haute 
antiquité, 1846. — Notices sur diverses questions de 
chimie industrielle , médicale et agricole , 1847. — Chimie 
générale. Sol, amendements, engrais. ( Inst pour le 
peuple , 6°, 7°, 29°, 37 et 38° ivr..) 

Godefroy. 7. Barthélemy. 

Godron. F* Soyer-Willemet. 

Guttinguer {Ulric). Les Deux- Ages du Poëte, 2° et complète 
edit. , 1845. 


:30 TABLE 


Hardouin-Michelin. Iconographie zoophytologique. 18° à 
23° dio., 1845. F. Barthélemy. 

Havre. Société havraise d'études diverses. Résume analytique, 
11° 6/12 année. 

Henry ( O.) V. Boullay. 

Herberger (J.-E.) Jahrbuch für praktische pharmacie und 
verwandte fâcher. (52 cahiers, livres & à 13 , 1841 à 185.) 

Institut de France. W. Puris. — Historique , id. 

Instructions pour le peuple. 100 Traités. V. Girardin et 
Du Breuil. , 

Jobard (5.-B.-A-M.) Bulletins du Musée de l'industrie, 
1842, à Ho. , 1845, 4 or. 

Journal des Savants , PV. Paris. 

Laroque (l'abbé). Compte-rendu de la retraite donnée au 
bagne de Brest , 1847. 

Larrey (B®). Richat. 

Lecoq (H.) F. Clermont-Ferrand. 

Le Flaguais (Alph.) Aux Antiquaires , après le manifeste de 
T Académie des Beaux- Arts , au sujet du style ogival. 

Le Jolis (Auguste). Observations sur quelques plantes rare: 
découvertes aux environs de Cherbourg , 1847. 

Lepage ( Ph.) Mémoires et observations de chimie, 1846.— 
Recherches sur les moyens de distinguer les alcalis végétaux 
par le chlore et par le sulfocyanure de potassium, 1840. 

Le Sauvage. Mémoire sur les tumeurs'albumino-gélatineuses, 
1845. 

Lézurier de la Martel. . Aymar-Bression. 

Lille, Société royale des Sciences. Mémoires , 1844 et 1845. 

Limoges. Societé royale d’Agriculture. Bulletin, 1.24, no 2. 

Lons-le-Saulnier. Société d'Emulution du Jura. Travaux, 
1844 et 1845. 

Lyon. Académæ royale, Mémoires, t. 2, 1"° lio , 1846. 

Lyon. Socièté royale d’Agricult. Annales des Sciences, etc. 


T.8, 1845. 


DES PUBLICATIONS. h31 


Mans (le). Société d'agriculture de la Sarthe. Bulletin 1e Ê 
2° trim. 1847. 

Matthieu Bonafous. Discours prononcé à l'inauguration de 
la statue de Francois-Emmanuel Fopëré , 1846. 

Maurin. Rapport sur le concours ouvert par l’Académie royale 
du Gard sur cette question : De l'influence que l'applica- 
tion des circonstances aiténuantes au grand criminel a 
exercée sur la bonne administration de la justice. 

Metz. Académie royale. Mémoires , 27° année, 1845-1846. 

Metz. Societé d'Histoire naturelle de la Moselle. — Bulletin , 
4* Cahier, 1846. 

Michelin. /”..Hardouin. 

Montémont (Albert), De l’Orégon et de la Culifornie , 1846. 
— Quelques mots prononcés sur la tombe de M. Bertrand 
du Ban-de-Sapt , près Saint-Dié ( Vosges.) 

Moreau de Jonnès Éléments de statistique, 1847. 

Moulins. Société d'Emulation de l'Allier. —Journul » 3° série, 
t. 6, n°6, décembre 1846. 

Nantes. Sociélé royale académique. Annales. 12 Cahiers, 
1845 et 1846. 

Nimes. Académie royale du Gard. Compte-rendu le 30 août , 
1845. — Mémoires, 1845-1846. 

Normandie {un coin de la ). 

Paris. Athénée des Arts. — Procès-verbaux des 120,, 121*, 
122eet 123° séances publiques , et compte-rendu des travaux 
de la session de 1845-1846. 

Paris. Institut historique.— L’Investigateur , 1482 à 155° Hv. 

Paris. Institut royal de France. Prix de vertu , 1846. 

Paris. Journal des Savants , août 1846 à juillet 1843. 

Paris. Société de gens de Lettres et de musiciens. — Le 
Tournoi, Journal des concours, scientifique , littéraire et 
musical. Janvier, mars 1847. 

Paris. Societe de Géographie. Bulletin , 1846.=T, 5,n% 28, 
29 , 30.— T,6 , not 31 à 41. 


432 TABLE 


Paris. Societé de la morale chrétienne. Journal. — T.6, 
n“1,2,3e5.—T.7,n“1,2,3e5. —T.8,n1. 
— 26e Séance générale annuelle du 26 avril 1847. 

Paris. Societé de l'Histoire de France. — Bulletin, n° 11, 
— 12,1846.— N° 1, 3-6, 1847. 

Paris, Societé française de Statistique universelle. — Journal 
des travaux . 1846—1847 , n°° 1 à 12. 

Paris. Société libre des Beaux-Arts. Annales, t. 12, 13 et 
14, 1842 à 1844, et cahier complémentaire , 1845. 

Paris. Société philomatique. Extraits des procès-verbaux des 
séances , 1846. 

Paris. Snciélé philotechnique. Annuaire.—Séances de l'année 
1846. — T, 8, 1847. 

Paris. Société royale d'Horticulture. Voyage à Pæstum. 

Paris. Société royale et centrale d'Agriculture. Bulletin , t. 5, 
no 5, 1845. — Mémoires , 1844. 

Pasquier (V*). De la préparation et de la vente des médicu- 
ments destinés aux animaux domestiques. 

Payen. Enquête sur la maladie des pommes de terre en France, 


1847. 
Pesche (J.-R.) De la culture du pommier à cidre dans le 
département du Doubs , 1846.— De la sainteté du serment, 


1846. 

Picard ( l'abbé.) Chants sacrés à l'usage de la métropole de 
Rouen , pour le mois de Marie, 1847. 

Philippar. Note sur les pommes de terre. 

Poitiers. Société des Antiquaires de l'Ouest. Bulletin, 2e et 
3etrimestres , 1846. Mémoires , 1845. 

Pommes de terre. V. Payen et Vilmorin. 

Pontaumont ( de) Raoul de Rayneval , ou la Normandie au 
16° siècle, 1836. 

Prix de vertu , 1846. 

Puy (le). Société d'Agriculture. Sciences, etc. — Bulletin. 
— T.4, 2tet3 io. — T. 5, are Jo, — Bulletin du 5 


mars 184 7e 


DES PUBLICATIONS. #35 


Reims. Académie. Séances et travaux. 3° vol. , Mai 1845. 
Janvier 1846, — 4e vol. , février à mai 1847. 

Reiset (J.) Annuaire de chimie, 1847. 

Rey (Ch.) Œuvres dramatiques, 1847. 

Richard. Réponse à l'Essai sur 1 ‘époque de construction des 
diverses enceintes militaires de Rouen de M. L. Fallue. 
Rigollot. Mémoires sur de nouvelles découvertes de monnaies 

picardes , et sur une petite statue de Midas , 1846. 

Ripault (H.) Tableau indicatif des maladies qui peuvent 
motiver l’ablation en totalité de l'os maxillaire supérieur, ec. 
Paris , 1847. 

Roché (J.-P.) Histoire topographique, medicale et statistique 
de la ville de Breteuil et de ses environs. 

Rouen. Chambre de commerce. Statistique du commerce ma- 
rüime du port de Rouen, pendant l'année 1845 , et com- 
paraison avec l’année 1844, 1847. 

Rouen. Société centrale d'Agriculture de la Seine-Inférieure. 
— Extraits des travaux, n° 96 à 104. — Janvier 1845 
à Avril 1846. 

Rouen. Soc. centrale d'Horticulture. Bulletin , t. 3, 1847. 

Rouen, Soc. libre d’Emulation. Bulletin, 1846. 

Rouen. Soc. libre du Commerce et de l'Industrie de Rouen. — 
Mémoires sur l'impôt du sel employé dans l'industrie. 

Roux-Ferrand (H.) Histoire des progrès de lu civilisation en 
Europe depuis l'ère chrétienne jusqu'au 19° siècle. 

Saint-Etienne. Soc. industrielle et agricole. Bulletin , 3° serie. 
—T.1®, 2°,3°, 5°, Ge er qe Lo. 1845. 

Saint-Quentin. Soc royale acad. — Annales scientifiques , 
agricoles et industr. du département de l'Aisne , 2° série. — 
5°. 2842: 

Sens. Soc. urchéologique de Sens. Bulletin , 18406. 

Soyer-Willemet et Godron. Revue des trèfles de la section 
chronosemium ; 847. 


28 


434 TABLE 


Toulon. Soc. des Sciences , etc. , du Var. Bulletin, n° 1 à4 


1847. 

Toulouse. Acad. des Jeux floraux. — Recueil, 1846, — 
Id., 1847. 

Toulouse. Acad. royale des Sciences, etc. — Mémorres, t.3, 


1847. 1 à 6, ro. 

Tours. Soc. d'Agr. d’Indre-et-Loire. — Annales, t. 26. 
Juillet à décembre 1846. 

Tournoi (le). W. Paris. — Soc. de gens de Lettres , etc. 

Troyes. Soc. d’Agr. de l'Aube. — Mémoires , n°° 98, 99 et 
100. 2°, 3° et 4° ér. de 1846. —T. ver, 2° série, n° 1 et 2, 
1, et 2etrimestre 1847. 

Valenciennes. Soc. d'Agriculture. — Mémoires. — Topogra- 
phie historique et medicale de Valenciennes. — T.6, 
1846. 

Vattemare (Alex.) Ouvrages offcrts par lui à l’Académie de 
Rouen , au nom des États de l'Union. — Rapports du Comité 
spécial sur les chemins et autres communications intérieures. 
Quebec, 1829. — Rapport du Comité choisi, sur le Gouver- 
nement civil du Canadu. Québec, 1829. — Report of the 
special committee to the organization of the militia. Québec, 
1829. — Rapport du Comité spécial sur les honoraires 
alloués aux protonotaires et greffiers de la justice de paix 
pour le district de Quebec, 1830. — An act to organize 
and regulate the militia of the state of Indiana. Indiano- 
polis, 1831. — Maria Monk and the nunnery of the Hôtel- 
Dieu to the convents of Montreal, 1836. — Mémoires sur 
le Canada, depuis 1749 jusqu'à 1760. (Québec, 1538. 
— Laws relating to common schools. Albany , 1843. — 
Instructions from the regents of the University. Albany , 
1845. — Third Bulletin of the proceedings vf the national 
institute promotion of science. Washington, 1845. — 
Annual reports of 1o/l: trade and tonnage of the New-York 


DES PUBLICATIONS. 435 


canal, 1845. — Opinions on various subjects , dedicated 
to the indoustrious producrcers, by William Maclare. — 
European agriculture and rural economy from personal 
observation by Henry Colman. T. 1 ett.2, part y1. Boston, 
1846.— Third annual report of the managers of the lunatic 
asylum. Albany , 1846. 

Versailles, Soc. des Sciences morales, etc. Mémoires , 1847. 
— Procès-verbal de la séunce du 9 avril 1847. 

Viguier. Anecdotes littéraires sur Pierre CORNEILLE. 

Vilmorin. Rapport sur les moyens de suppléer au déficit des 
produits de la pomme de terre. 


TABLE MÉTHODIQUE 


DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. 


OS Æ 


Discours d'ouverture de la Séance publique du 9 août 
4847, par A1. l'abbé Picard, président, sur l’'Ami- 


tié, 


CLASSE DES SCIENCES. 


. page À 


Rapport fait par M. Girardin, Secrétaire perpétuel 


de la classe des Sciences. 


ANALYSE DU RAPPORT DE M. GIRARDIN. 


$ 1er SciENCES MATHÉMATIQUES. 


Mémoire de M. Amiot sur les surfaces du deuxième 


degré , 


$ 11. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. 


Mémoire de M. Boutan sur l'électricité atmosphé- 


rique , 


Observations météorologiques de M. Preisser, 
eh nn. ; Communication de 


ser, 


M. Preis- 


E Pen de MM. FT et Henri, Din ne 
ner l'état du soufre dans les eaux Sulfut euses, 
Analyse des eaux TUNER de Forges, par A. 


Henry , si 
Analyse de la Gratole, Dur W. 


Marchand , 


12 


15 


TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. 


Empoisonnement par la céruse. pi du persul- 
[ure de fer hydraté ,. ; 
Recherches toæicologiques de M. Mon : 
Faits nouveaux en toæicologie observés par MM. Gi. 
rardin et Morin, ee LEA 
Analyse d'objets antiques , par M. Girardin , 
Communication de M. Preisser sur le fulmi-coton, 
Consommation de la houille, VERT 
Appareils nouveaux de M. Pimont, pour économiser 
le combustible, : 
Recherches de la houille dans le nantes 
Houillère de Littry, dans Le Calvados , 
Nouveaux gîtes metalliferes en France, . : 
Tremblement de terre dans la Seine-Inférieure, 


Û lil. AGRICULTURE. 


Notice de M. Philippar sur la pomme de terre , 
Ouvrages agricoles de MM. Du Breuil et Girardin, 


{ 1V. PHYSIOLOGIE ANIMALE. 


Inhalation étherée , c : 
Nouvelle maladie cutanee, par M. Forget, 


$ vV. STATISTIQUE. 


1dministration de la justice civile et commerciale en 
France , à - 

fésumé 1e opérations + Mont - de Pièté de Ebene 
el Stalistique du canton du Grand-Couronne, par 
M. Ballin, 


Ouvrages de Statistique de M Fayet, 
Bapports et publications des membres der. demie, 


ÿ vi. NÉCROLOGIE. 


Mort de MM. Letellier, lirey, Dutrochet et Cotte- 
reau , 
Note te 1 r 1e Admis. 


437 


28, 


59 


4 
40 


. 45, 55 


45, 56 


LI 
se 


438 TABLE MÉTHODIQUE. 


Complément du rapport du Secrétaire de la classe des 
Sciences, : 
Concours pour le ie 7 1847, 


MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION 
EN ENTIER DANS SES ACTES. 


Notice nécrologique sur M. Letellier, par M. Lévy, . 

Note sur les télégraphes électriques, par M. F. 
Preisser, RO :, POUR SNE DE EAN. 

Recherches sur l'électricité HDoRRRerIuE , par 
M. Boutan, 

Pièces sur le tremblement d tes mi Aavre et de ra 
camp , , 

Expériences PES er Due un, cessions de 
l’hématose pulmonaire est la cause de l’insensibilité 
qui suit les inspirations d’éther en vapeur, par 
MM. Preisser, Pillore et Mélays, 

Observations météorologiques faits a Aouen, pendant 
l’année 1846, et pendant l'hiver et le printemps de 
l’année 1847, par M. Preisser, 


CLASSE DES BELLES-LETTRES. 


Bapport fait par M. Richard, secrétaire perpétuel 
de la classe des Belles-Lettres et des A1rts,. 


ANALYSE DU RAPPORT DE M. RICHARD 


Suite de l’histoire du régime dotal, par M. Homberg, 

Tableau de l'administration monarchique en France, 
depuis Philippe-4uguste gi Louis XIV inclu- 
sivement, par M. Chéruel,. : 

Notice sur Vicolas Bretel, sieur de Chenhber. , par 
M. Cheruel, 

Quelques cérémonies noue qui tuent Pure 
fois en usage à la cathédrale de Rouen , par M. 
l'abbé Picard, ENTER MINT 

Notice sur l'abbaye de Belloiane par M. l'abbé 
Cochet, À 

Origine de la por PAU en EUTopE, pat M. Poltier, 


46 
64 


67 


69 


81 


102 


112 


129 


129 


130 


132 


154 
133 


DES MATIÈRES. 


Agrandissement de la bibliothèque de la cathédrale 
dans lesecondquart du XVII siècle ; première biblio- 
thèque publique de France, par M. Fallue, 

Réflexions sur l’histoire monétaire de notre province , 
par M. Deville, 

Sur la découverte de médailles romaines à | Caudebec- 
lès-Elbeuf , par M. Deville, PC UNE 

Examen d'un passage de Pline, par M. Deville, 

De l’ogive et du plein-ceintre, par M. l'abbé Cochet, 

Notice historique sur l’église Saint-Sauveur de Monti- 
villiers, par M. Barabé . : ; 

Dissertation sur le Philoctète de Sophocte, AE M. 
Guiard , : 

Solennité ir au aile en + TRE Fe ane 
Pie IX, le premier janvier 4847 , et notice sur M. le 
comte Marchetti , par M. Ballin, 

Le goùût des livres, par M. Dutuit, us 

Le Débiteur Moraliste et les Deux Proverbes, histo- 
riettes en vers, par M. Ballin, 

L'Oeil de Dieu, pièce de vers par M. Deschamps, 

Jeanne et Marie, pièce de vers, par M. Guiard, 

Rapports faits par plusieurs membres, 

Portrait de Pierre Corneille, retrouvé par M. Hellis 

Éloge de Fontenelle, par M. Flourens, 

Biographie de Fontenelle, par M. Charma, . 

Portrait de Fontenelle, NES 

Histoire du commerce maritime de Rouen, depuis les 
temps les plus reculés jusqu’à la dt du XVT siecle, 
par M de Fréville, ART 

Demande de l'institution . d on de Facultés des 


Lettres et des Sciences, . D OSEO, D fe 


Nouveaux membres, : ; 
Programme des prix proposes pour 1848 et 1849 = 


MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION 
EN ENTIER DANS SES ACTES. 


Mémoires touchant la création de facultés des Lettres 
et des Sciences à Rouen, par M. Deville, rappor- 
teur, 


146 
153 


148 
149 


155 


440 TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES. 


Des portraits peints et be de Pierre Corneille , par 
M. Hellis, 

Jeanne et märié, pièce de vers, par M. Buts 

Considérations critiques sur le régime dotal, par 
M. Homberg, . : 

L'OEil de Dieu, causerie Datethelté dèhe soirée ed'oë- 
tobre , pièce de vers, par M. F. Deschamps, 

Nicolas Bretel, seigneur de Grémonville, ambassa- 
deur de France à Rome et à Venise, 1644-1648, 
par M. Chéruel, 

Examen d'un passage de Pline, rélanf a une bar 
de Varron, par M. A. Deville, 

Rapport fait à l’Académie, par M. Benard, sur ts Hivre 
de M. Flourens, intitulé : FONTENELLE, ou de 
la Philosophie moderne relativement aux Sciences 
physiques, 

Notice historique sur Pa ancienne abbaye F3 Bblisate, 
par M. l’abbe Cochet, 

Examen des Lettres sur l'Histoire Mhonélaire x la 
Normandie, de M. Lecointre-Dupont, par M. Deville. 

Notice sur M. le comte Marchetti de FA A par 
M. PBallin, ù 

Note sur une découverte xt Méalber romaines à Cau- 
debec-lès-Elbeuf, we 

De l'Administration el en D. par 
M. Chéruel, k 

Quelques cérémonies Dents FR en 

usage dans l’église cathédrale de Rouen, par 
M. l'abbé Picard, : 

Église Saint-Sauveur de Montivilliers. Détails histo- 
riques par M. Barabe. ‘ 

Tableau des membres de l Académie. 

Tableau des ouvrages recus pendant l'année DURE 
mique 1346-47. 


284 


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