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PRECIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
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DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS
DE ROUEN.
PENDANT L'ANNÉE 1847.
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PRECIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES . BELLES-LETTRES ET ARTS
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE Î847.
ROUEN,
IMPRIMÉ CHEZ ALFRED PÉRON,
RUE DE LA VICOMTE, 55.
1847.
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PRÉCIS ANALYTIQUE
DES TRAVAUX
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L'ACADÉMIE ROYALE
Des Sciences, Belles-Lettres et Arts
DE ROUEN,
PENDANT L'ANNÉE 1847.
Se
DISCOURS D'OUVERTURE
De La Séance publique du 9 Aoùt 1847,
Prononcé par M. l'Abbé PICARD, Président.
MESSIEURS ,
Lorsque de vieux et solides amis voient arriver le mo-
ment qui, ne fûüt-ce que pour un temps, doit les sépa-
rer les uns des autres, un sentiment impérieux s'empare
de leurs ames et semble en bannir toute autre pensée.
Ramassant, comme en un faisceau , tous les souvenirs qui
se rattachent à leur longue et cordiale intimité, en même
temps qu'ils en savourent les douceurs avec plus de délices
que jamais , il leur semble que tout cela va leur manquer
{
3 ACADÉMIE DE ROUEN.
à la fois, et le vide qui s'ouvre devant eux, ils ne l'envi-
sagent qu'avec une sorte d’effroi, une indéfinissable préoc-
cupation.
Aujourd'hui, Messieurs , j'éprouve quelque chose de
semblable au milieu de vous. Cette réunion plus solennelle
que toutes les autres, et que viennent honorer de leur
présence les hommes éminents de la cité, c’est aussi la
dernière des séances que nous aurons tenues cette année.
Pendant plusieurs mois , il ne sera plus donné aux mem-
bres de cette Académie de se réunir régulièrement à des
Jours marqués, de mettre en commun le fruit de leurs tra-
vaux et de leurs recherches, d'échanger entre eux ces
témoignages de confiance, d'affection , de cordialité qui
répandent un charme si puissant sur leurs réunions scienti-
fiques et littéraires. Plus que tout autre , Messieurs , je dois
ressentir cette privation, parce que personne plus que
moi n'avait à profiter de cet utile et agréable commerce.
Vous ne serez donc pas surpris que, tout entier à cette
pensée, dans le peu de mots que je dois vous adresser
aujourd'hui selon l'usage, je m'attache tout particulière-
ment à retracer les caractères, à faire ressortir les avanta-
ges de l'amitié littéraire et intellectuelle. J'ai dù, Messieurs,
ne pas entreprendre un sujet plus vaste et plus relevé. II
y aurait présomption de ma part à affecter le langage de
l'érudition et de la science. Il me convient tout au plus de
parler celui du cœur. Ses exigences sont moins sévères et
ce sera pour moi un moyen de plus de me concilier votre
indulgence.
De tout temps, on a cherché à pénétrer les mystères de
l'amitié. C'est un sentiment si doux pour chacun en parti
culer, si précieux pour la Société tout entière, que les
esprits profonds et méditatifs n’ont pu manquer d'en faire
l'objet de leurs réflexions et de leurs recherches. Tout le
DISCOURS D'OUVERTURE. 5
monde connait la haute idée qu'avait conçue de l'amitié le
divin Platon, ce génie supérieur qui sonda si profondé-
ment les secrets de l'ame et de la pensée , etiln'est, non
plus , personne d’entre vous , Messieurs, qui n'ait lu et
relu avec délices le traité composé sur cette matière par
l'homme à jamais illustre que Rome proclama tout à la fois
le prince de ses orateurs et de ses philosophes.
Mais, comme il arrive toujours dans ces sortes de re-
cherches, chacun a jugé de l'amitié selon le système de
philosophie qu'il avait précédemment adopté, et de là sont
venus les diflérenis aspects sous lesquels elle s'est pré-
sentée à ceux qui ont voulu l'étudier à fond, et se former
une juste idée de ses motifs et de ses principes.
La philosophie sensualiste n'a vu dans l'amitié qu'un
calcul d'intérêt personnel. Pour elle, ce qui lie les hom-
mes, c'est uniquement le besoin qu'ils ont les uns des au-
tres, et leur amitié s'accroît, elle prend plus d'intensité,
si Je puis m'exprimer de la sorte, à mesure qu'ils espèrent
mutuellement pouvoir se rendre de plus importants ser-
vices.
Plus pure et plus désintéressée , la philosophie idéaliste
a conçu aussi de l'amitié une idée plus noble et plus re-
levée. Elle en place le principe dans la sympathie qui se
manifeste invinciblement entre les esprits, lorsqu'ils se
trouvent avoir les mêmes vues, les mêmes affections, les
mêmes désirs. Plus cette conformité de vues et de pensées
est parfaite, plus aussi l'amitié qui les unit devient intime
et indissoluble.
Enfin, des ames plus grandes encore ont conçude l'amitié
une plus grande idée. Il leur semble que c'est trop re-
trécir ce noble sentiment que de le faire seulement consister
4 ACADÉMIE DE ROUEN.
dans ces jouissances intellectuelles, d’ailleurs si pures,
mais enfin qui se réduisent toujours à la satisfaction per-
sonnelle. Pour ces ames généreuses , il faut à la vraie
amitié un but plus vaste, plus désintéressé , plus universel.
Pour elles, l'amitié c’est l'union intime de plusieurs vo-
lontés qui se combinent ensemble pour opérer le bien.
Elles se savent gré mutuellement de leurs efforts communs,
elles se réjouissent réciproquement de leurs succès, et c'est
là que se trouve le lien de leur amitié, c'est là ce qui en
produit tous les charmes , toutes les délices.
Il n'entre pas dans mon dessein, Messieurs , de discuter
ici le mérite respectif de ces explications philosophiques.
S'il en est une qui doive être préférée, votre choix , j'en
suis sûr, est déjà arrêté d'avance. L'amitié qui vous
paraît surtout digne de vos hommages, c'est celle qui,
dans son principe et dans ses motifs, se montre la plus
généreuse , la plus dégagée des étroites préoccupations
de l'égoisme.
Mais , sans entrer dans ces discussions , sans rien pré—
juger sur ces théories, je crois pouvoir avancer que l'amitié
littéraire et intellectuelle réalise tout ce qu'il y a de grand
et de noble dans ces opinions diverses, et, après la cha-
rité chrétienne avec laquelle d’ailleurs elle se confond,
lorsque la religion vient l'ennoblir et la consacrer , je ne
vois pas de sentiment humain plus propre à en remplir
toutes les exigences.
D'abord, elle a pour mobile, si vous le voulez, l'intérêt
particulier, mais un intérêt bien plus pur, bien plus relevé
que celui qui forme les autres associations humaines. Ces
hommes de lettres , ces hommes de science qui se réunis-
sent, qui se recherchent les uns les autres, quel but
DISCOURS D'OUVERTURE. ù
croyez-vous qu'ils se proposent, lors mème qu'ils n'envi-
sageraient que leur intérêt personnel ? Ce qu'ils veulent se
procurer , est-ce l'argent ? est-ce la fortune ? est-ce seule-
ment le bien-être physique, l'unique ambition des ames
vulgaires? Non , Messieurs, une pensée plus digne domine
dans ces ames pour lesquelles l'esprit vaut infiniment mieux
que la matière. Ce qu'elles se proposent, c’est de s'éclairer,
de s’instruire de plus en plus , c'est d'ajouter à la somme des
connaissances qu'elles ont déjà acquises par elles-mêmes,
des connaissances plus abondantes encore, fruit du travail
des autres intelligences avec lesquelles il leur est donné
d'entretenir un commerce intime et familier. Voilà, Mes-
sieurs, une des sources principales de cette attraction mu-
tuelle des esprits qui cherchent ainsi à se compléter les uns
les autres ; et de même que dans la Société matérielle ,
tous ont besoin de tous, de même aussi, dans la Société
des intelligences, chacun sent que, pour la réalisation de
ses propres désirs , il ne suflit pas de ses seuls efforts, mais
qu'il lui faut encore le concours des autres.
C'est là , Messieurs , la base , la raison de ce qu'on à si
bien nommé le commerce des sciences et des lettres.
Et, chose bien remarquable, ce sont précisément les
esprits supérieurs qui ressentent plus vivement, qui
avouent avec plus de franchise ce besoin d'autrui. La mé-
diocrité ne voit d'ordinaire rien autre chose que ce qu’elle
croit posséder ; sur tout le reste, elle se montre trop sou-
vent jalouse, dédaigneuse ; le vrai mérite, jamais. Son ca-
ractère le plus marqué, c'est une indulgence toute bien-
veillante. II ne rougit pas de recevoir de celui qui a bien
moins que lui. I fait peu d'attention à ce que présentent
d'imparfait les productions de ceux qui sont loin de l'égaler
6 ACADÉMIE DE ROUEN.
en pénétration et en génie, et ne leur sait pas moins gré de
lui avoir suggéré quelquefois des pensées utiles. L'ignorant
foule aux pieds avec dédain le sable répandu sur les rives
de certains fleuves ; le savant l'examine, l'analyse avec at-
tention, et bientôt il en extrait des parcelles d’or, et, de
ces parcelles d'or, il compose des objets précieux où
le mérite de l'art le dispute avec succès à la valeur de la
matière.
Considérée sous ce premier point de vue, l'amitié intel-
lectuelle se montre déjà assez recommandable. Elle peut
déjà, à plus d'un titre, se poser en face des autres af-
fections humaines et leur disputer la prééminence. Cepen-
dant, nous n'avons considéré encore qu'en partie et ses
avantages et ses douceurs. En se liant avec ceux dont le
commerce peut leur être si utile, les hommes voués aux
lettres et aux sciences ne se proposent pas seulement de
tirer profit de leurs connaissances, mais encore ils y trou-
vent une occasion précieuse de satisfaire une noble passion
qui les anime , passion impérieuse, qui , si elle ne trouvait
enfin à se reposer sur son objet, ferait à jamais le tour-
ment de leur vie.
Il est, Messieurs, un sentiment commun à toutes les
ames qui ont su conserver leur propre dignité, et ne pas
déchoir de la haute position où Dieu les a placées. Ce senti-
ment, c'est l'amour du beau et du vrai, et, par cela même,
de l’utile, qui, bien entendu, n’est autre chose que le beau
et le vrai combinés ensemble.
Donnez-moi un homme vraiment homme, vraiment
philosophe, et vous verrez, qu’en lui, cette pensée domine
toutes les autres. Non seulement il aime le beau et le vrai
pour son propre compte , mais encore , ce même amour ,
il veut le trouver dans les autres , et tout ce qui ne le pos-
DISCOURS D'OUVERTURE. ri
sède pas, tout ce qui ne le réalise pas, a pour lui quelque
chose qui le heurte, qui le choque , de même qu'un ton faux
et discordant blesse l'oreille de l'habile musicien qui s’est
fait de l'harmonie comme une nécessité vitale. Au milieu des
préoccupations matérielles qui n’influent que trop souvent
sur notre civilisation moderne, et semblent labsorber
presque tout entière, l'homme de goût, l'homme de génie
a souvent à souffrir. Il voit la grande masse du genre
humain toute livrée aux choses de la matière ; 11 la voit
indifférente, souvent même dédaigneuse et méprisante
pour les pures et sublimes conceptions de la pensée, et,
lui cependant, c'est là seulement ce qu'il estime , ce qu'il
apprécie. C'est là seulement ce qu'il regarde comme digne
d'être le dernier but de l’activité humaine. A quel triste
isolement, à quel pénible silence ne se trouve-t-il donc pas
condamné ? Jugez-en par vous-mêmes, Messieurs , vous
que consume cette flamme presque divine du génie. Au
sein même de toutes les jouissances matérielles, seriez-
vous heureux si vous ne pouviez épancher au dehors les
nobles sentiments qui affluent dans vos ames; si vous ne
rencontriez personne pour vous écouter , pour vous COM—
prendre ; si vous n’aviez pas quelqu'un à qui vous puissiez
dire dans un moment d'enthousiasme : O que cela est beau!
O que cela est vrai ! et si vous ne l’entendiez pas répondre
à vos acclamations par des acclamations semblables?
Cet écho, cette délicieuse sympathie, on les trouve
surtout dans les sociétés intellectuelles où viennent se
réunir à l'envi les vrais amateurs des sciences et des lettres.
Sans doute, parmi les membres divers qui les composent,
chacun peut suivre une route différente dans le vaste do-
maine de l'intelligence. Les uns s'adonnent plus particu-
lièrement aux sciences , les autres aux arts, les autres aux
lettres ; mais tous, ils recherchent la même chose , le beau
8 ACADÉMIE DE ROUEN.
et le vrai, et lorsqu'ils sont parvenus au terme de leurs
efforts, ils ne peuvent contenir leur joie, il faut qu'ils la
fassent éclater autour d'eux ; il leur faut des amis qui sym-
pathisent avec les profondes convictions dont ils sont
pénétrés eux-mêmes. Aussi, lorsque, de temps en temps,
dans les sociétés savantes auxquelles ils appartiennent, ils
viennent faire part à leurs confrères du fruit de leurs tra
vaux et de leurs études, ce qu'ils recherchent , ce ne sont
pas de vains applaudissements, de stériles félicitations. Ils
croient d'autant moins les mériter qu'ils en sont plus
dignes. Mais les sentiments délicieux qu'ils ont éprouvés ,
ils veulent les faire goûter à ceux qui les entourent, et, de
leur part, ces communications sont, par dessus tout,
l'expression et l'aliment de la sincère amitié qui les lie.
Ai-je tout dit, Messieurs, pour bien retracer les carac-
tères de cette amitié qui déjà se montre à vous si belle et
si pure? Non, sans doute , et ici, plus d'une ame géné-
reuse, si je n’ajoutais pas quelques traits au tableau, me
reprocherait d'être resté bien au-dessous de la matière, Un
champ plus vaste encore s'ouvre devant ceux que pénètre
ce sentiment sublime.
On a dit autrefois, et avec raison, du vrai orateur, que
c'est, avant tout , un homme de bien, habile à communi-
quer aux autres, par la parole, les sentiments justes et
droits dont il est rempli lui-même. Cette définition, je
l’appliquerais aussi volontiers au vrai savant, au vrai litté-
rateur, lorsqu'en eux, rien ne vient altérer et obscurcir
les qualités qui leur donnent droit à ces titres.
Ce sont aussi des hommes de bien, des hommes qui
veulent le bien , et ils le veulent non seulement pour eux-
mêmes , et pour ceux avec qui ils ont déjà formé des liens
de confraternité, mais ils le veulent aussi pour tous. Les
DISCOURS D'OUVERTURE. 9
connaissances qu'ils ont acquises, ils n’ont rien plus à
cœur que de les répandre. Ils voudraient voir les masses
elles-mêmes y participer, du moins dans une certaine pro-
portion, et en recueillir les avantages pratiques, et la com-
munauté de leurs efforts pour atteindre ce but éminem-
ment désirable, n’est pas ce qui contribue le moins à rendre
plus étroite encore et plus intime l'amitié qui les attache
les uns aux autres.
C’est une sainte et noble passion, Messieurs, que celle
de faire le bien. C’est elle qui inspire les grands dévoue-
ments, les grands sacrifices. Elle ajoute un prix tout par-
ticulier aux avantages dont il nous est donné de jouir en
ce monde , ou plutôt, elle seule en fait tout le prix pour
les ames d'élite. Pour celui qu'anime ce sentiment , qui
touche de si près à la Charité chrétienne, que sont les
richesses matérielles, s'il ne peut s’en servir pour soulager
ses semblables? Que sont les trésors de l'intelligence , si
lui seul doit les posséder , ou s'ils ne sont réservés qu'à un
petit nombre de privilégiés? Plus il apprécie ces biens ,
plus il en désire la diffusion autour de lui; il n'a pas de
repos, pas de tranquillité d'esprit qu'il ne voie ceux qui
l'entourent participer, du moins en quelque chose, à son
abondance.
Mais quelque riche qu'il soit, que peut l’homme isolé
pour le bien matériel et intellectuel de ses semblables?
Il peut, tout au plus, faire tomber une goutte d'eau, là
où, pour remplir le vide qui existe, il faudrait un océan
immense, et cette goutte d’eau, si d'autres en grand nom-
bre ne viennent s’y joindre, on la verra bientôt s'évaporer,
se dessécher et disparaître. Que fera-t-il alors? Découragé
par son impuissance individuelle, se condamnera-t-il à
une stérile et désolante inaction ? Non, Messieurs, mais il
portera ses regards autour de lui. I se dira : je ne puis.
10 ACADÉMIE DE ROUEN.
ilest vrai, que bien peu par moi-même, mais il en est
beaucoup qui peuvent autant que moi, plus que moi. Réu-
nissons nos efforts, mettons en commun nos ressources ,
et alors une foule de difficultés s'aplaniront sous nos pas,
et nous ferons, tous ensemble, ce dont, isolés les uns des
autres, nous n’eussions jamais osé concevoir la pensée.
Les fruits de cette association d'efforts, souvent , Mes-
sieurs , vous les avez vus se réaliser sous vos yeux, lors-
qu'il s'agissait de soulager la misère matérielle des masses.
Par là, on a opéré de véritables prodiges, surtout à cette
époque même où nous nous trouvons, en cette année si
pénible et si désastreuse. D'abord chacun avait été frappé
comme de stupeur, en mesurant d'un premier coup d'œil
la profondeur de l’abime. On se disait : non, il ne sera
jamais possible de satisfaire à tant de besoins, de soulager
tant de misères ! Mais bientôt, on s’est réuni, on s’est con-
certé, on a confondu ensemble de mutuels efforts ; et qu’en
est-il résulté? C’est que, non seulement on a fait un grand
bien, mais encore une sympathie toute nouvelle s’est éta-
blie entre ceux qui venaient y coopérer, chacun pour leur
part, et bien des amitiés pures et généreuses , des amitiés
fondées sur la conscience d’avoir fait ensemble le bien,
sont nées de ce touchant concours de toutes les classes,
de toutes les opinions, pour venir au secours de ceux qui
souffrent.
Or, quelque chose de semblable se passe dans l'ordre
des intelligences. Celui qui s’est voué sincèrement à la
culture des sciences et des lettres, celui qui sait en appré-
cier les immenses avantages, ne veut pas que ces avan-
tages ne soient que pour lui et ses amis. Il gémit amère-
ment à la vue de l’apathie qu'il voit trop souvent régner
autour de lui par rapport à tout ce qui s'élève au dessus
DISCOURS D'OUVERTURE. {i
des sens et de la routine. Il sait que les peuples ne vivent
pas seulement d'un pain matériel, mais qu'il leur faut
encore l'aliment de l'ame. Il sait que, même à leur insu,
les multitudes les plus ignorantes profitent toujours des
lumières dont le foyer est religieusement entretenu dans
leur sein. C’est donc pour lui une œuvre bonne et pré-
cieuse par excellence, que de se consacrer à la conserva-
tion et à la diffusion des doctrines utiles à la société hu-
maine. C'est à ce but qu'il rapporte tous ses soins, tous
ses travaux, toutes ses veilles ; et lorsque , près de se
décourager peut-être en pensant au peu qu'il pourrait faire
par lui-même, il trouve des hommes en grand nombre,
consumés du même feu que lui, animés des mêmes inten-
tions bienveillantes, lorsqu'il est appelé par eux à venir
leur fournir sa part de coopération et de zèle, c’est alors
que son ame se dilate, qu'elle est enivrée de la joie la plus
délicieuse. Ce sont de nouveaux amis qu'il vient d'acqué-
rir. Il leur sait gré du bien qu'ils veulent opérer avec lui-
même, et le sentiment qui l’attache à eux participe tout
à la fois et des douceurs de l'amitié et de l’ardeur de la
reconnaissance.
Ceci, Messieurs, nous explique une sorte de phénomène
moral que nous ont présenté les siècles passés et dont
nous aimons encore à recueillir les précieux avantages.
Des hommes avaient quitté tout pour se donner à Dieu
seul; ils avaient dit un éternel adieu au monde; ils vou-
laient ne s'occuper que des pensées sérieuses de l'éternité.
Il semblait donc que, désormais , ils dussent rester tout à
fait étrangers au mouvement des sciences humaines, ou-
blier entièrement le monde qui passe, pour ne s'occuper
que de celui qui ne finit pas. Cependant on les a vus bien
tôt se livrer à des distractions qui, au premier aspect, pa-
raissaient peu en rapport avec la vie humble et silencieuse
12 ACADÉMIE DE ROUEN.
qu'ils avaient embrassée, Aux pratiques pieuses du cloitre,
ils ont joint l'étude approfondie des sciences humaines.
Philosophie, littérature, histoire, critique, beaux-arts,
sciences exactes et industrielles, rien ne leur a été étran-
ger, et grâce à l’inaltérable patience qui brillait au nombre
de leurs plus belles vertus, grâce à des travaux assidus
qui absorbaient la vie tout entière, non pas seulement
d'un seul homme, mais de plusieurs hommes, ils ont
amassé dans l’ordre intellectuel des trésors immenses, aux-
quels viennent puiser tous les jours après eux , ceux qui
ont hérité de leur ardent amour pour les sciences et les
lettres.
Des hommes éminents en savoir et en sainteté diri-
geaient ces illustres enfants du cloître. Ils avaient avant
tout pour but de leur faire conserver l’esprit de leur état ,
de les préserver des séductions et des préoccupations mon-
daines. Les ont-ils cependant détournés de ces études, de
ces recherches scientifiques et littéraires ? Bien loin de là,
Messieurs, ils les ont encouragés au contraire ; souvent ils
leur en ont fait une obligation consciencieuse. Pourquoi ?
Parce qu'ils savaient que c’était un moyen précieux de ren-
dre à la société d'immenses services , et, en échange des
biens temporels qu'ils en avaient reçus , de lui offrir des
biens d’un ordre tout à fait supérieur , les biens de l’intel-
ligence et de la pensée.
Et un autre avantage est venu, comme par surcroît , se
Joindre à ce premier résultat. En même temps qu'ils ont
fait le bien pour les autres, ils l'ont fait aussi pour eux-
mêmes. Par cette heureuse communauté d'efforts, de sa-
crifices et de dévouements pour se rendre utiles, ils ont
senti se resserrer encore davantage les liens de fraternité
qui déjà les unissaient devant Dieu et devant les hommes,
DISCOURS D'OUVERTURE. 13
et, on l'a remarqué dans tous les temps, les congrégations
religieuses qui ont le mieux conservé l'esprit de leur voca-
tion, c'est-à-dire l'esprit de paix, de charité, de bienveil-
lance, ce sont précisément celles qui se sont livrées avec
le plus d'ardeur à l'étude des sciences et des lettres.
Ce sentiment , Messieurs , ne s’est pas perdu au milieu
de nous. Il a survécu à la ruine de ces savantes congréga-
tions auxquelles maintenant , plus que jamais, on s'ac-
corde à rendre justice. Partout encore, il se trouve des
hommes de cœur et de génie qui se recherchent les uns
les autres, afin de se livrer ensemble aux travaux de l’intel-
ligence , et les rapports qui s'établissent entre eux, sont,
par la nature du but qu'ils se proposent , pleins de dou-
ceur , de cordialité et de confiance.
Voilà l'origine de ces associations intellectuelles, de
ces Académies qui se multiplient tous les jours sous nos
yeux ; voilà aussi ce qui en forme le lien principal, ce qui
les rend solides et durables. Elles sont donc un bien, un
véritable bien, non-seulement pour les membres qui les
composent, mais encore pour la société tout entière.
Puisse cet esprit s'étendre , se propager de plus en plus!
Ce sera une précieuse compensation à l'esprit d'intérêt et
d'égoisme qu'on reproche si souvent, peut-être même trop
souvent , à notre siècle.
Messieurs , il ne m'appartient pas de faire l'éloge du
corps savant que j'ai l'honneur de présider aujourd'hui
pour la dernière fois. Dans ma bouche, cependant, cet
éloge serait moins suspect que dans toute autre, puisque
je n'aurais rien à en revendiquer pour moi-même. Mais
qu'il me soit permis de le dire ici en finissant, cette
1 ACADÉMIE DE ROUEN.
amitié , cette confraternité littéraires que je viens de dé-
crire , bien imparfaitement sans doute , je les ai constam-
ment trouvées parmi mes confrères ; et si j'ai la confusion
de les représenter si mal au milieu de cette Assemblée , je
suis du moins heureux et fier de pouvoir leur rendre ce
publie et solennel témoignage.
SPORE ES QE ee
CLASSE DES SCIENCES.
apport
PAR M.J. GIRARDIN,
SECRETAIRE PERPETUEL DE LA CLASSE DES SCIENCES.
Messieurs ,
En prenant pour la première fois la parole comme or-
gane ofliciel de la classe des Sciences de l'Académie, je
reporterai tout d'abord vos souvenirs sur mon honorable
prédécesseur, dont le brusque départ a causé dans cette ville
de si justes et de si unanimes regrets. M. Levy a occupé
avec une grande distinction , et à deux reprises différentes,
les délicates fonctions de secrétaire perpétuel. Il m'est
agréable de vous rappeler avec quel talent il résumait les
questions les plus abstraites, avec quel art il exposait les
travaux si divers de ses confrères, avec quelle facilité il
savait faire parler aux sciences le langage de la raison.
SCIENCES
MATHÉMATIQUES
16 ACADÉMIE DE ROUEN.
En présence de l'obligation qui m'est imposée de pré-
senter, après lui, un tableau fidèle des occupations scien-
tifiques annuelles de l'Académie , je sens renaître toutes
les hésitations qui sont venues m'assiéger lorsque j'ai été
appelé à l'honneur de lui succéder. Ce qui m'enhardit
quelque peu, c’est de savoir qu'un auditoire est d'autant
plus porté à l'indulgence qu'il est plus éclairé et plus
intelligent.
Toutes les sciences, vous le savez, Messieurs , se prêtent
un mutuel appui , et les progrès de l’une ne sont pas sans
influence sur la marche et le développement des autres.
Toutes, d’ailleurs , viennent plus ou moins aboutir à des
applications qui rendent les conditions de la vie commune
plus faciles et plus douces , et qui servent , elles aussi , aux
progrès des sciences dont elles dérivent; car les applications
mettent les doctrines à l'épreuve, et l'erreur ne peut sub-
sister longtemps. Il est donc rationnel d'envisager toutes
les branches des connaissances humaines sous le double
point de vue de la théorie et de la pratique ; c’est ce que
comprend l'Académie, qui n'a jamais séparé l’art de la
science , qui a constamment cherché à faire servir les don-
nées les plus élevées de l'observation et de l'expérience à
l'amélioration matérielle et morale de la Société. Cette
année encore, vous allez en acquérir la preuve, notre
compagnie , fidèle à sa grande mission, a accueil avec le
même intérêt les spéculations de la théorie et les résultats
positifs de la pratique industrielle.
Je commencerai cette revue rétrospective , par ce qui a
trait aux mathématiques , qui viennent en aide à toutes les
sciences sans exception, et qui en sont , pour ainsi dire ,
l'instrument le plus précieux.
CLASSE DES SCIENCES. 17
Notre confrère, M. Amiot, aujourd'hui professeur sup
pléant en exercice au collége de France, a envoyé à l'Aca-
démie deux mémoires sur les surfaces du second degré,
qui ne sont , comme on sait, qu'une extension des sections
coniques. Ces surfaces se rattachent aux phénomènes de la
lumière et de la chaleur , et il est infiniment probable que
leur rôle s'étendra de plus en plus à mesure que leurs
propriétés et les phénomènes naturels seront mieux con-
nus. Leur étude est donc de la plus grande importance, et
déjà d'illustres géomètres s’y sont livrés d'une manière
soutenue. M. Amiot s’en est aussi occupé avec beaucoup de
talent et de succès , et il a démontré un grand nombre de
propriétés et de théorèmes nouveaux qui avaient échappé à
la sagacité de ses devanciers (a)*. L'Institut, sur la proposi-
tion de M. Cauchy, l'un des premiers, sinon le premier
mathématicien de l'Europe , a donné sa haute approbation
aux travaux de notre confrère. Ce qui fait le plus grand
honneur à M. Amiot, c'est que ses recherches ont servi à
M. Cauchy de point de départ pour exécuter lui-même des
travaux très remarquables sur un sujet analogue.
Une circonstance qui se rattache à la publication des mé-
moires de M. Amiot , peut mieux que toute autre chose en
faire sentir l'importance. M. Chasles, membre de l'Institut
et géomètre très distingué, éleva une question de priorité
sur une petite partie du travail de notre confrère. Cette ré-
clamation suscita dans le sein de l'Académie des sciences
une discussion à laquelle prirent part MM. Chasles, Pon-
celet et Amiot, et de laquelle ce dernier sortit vainqueur.
« De quelque face qu'on envisage les choses , a dit M. Pon-
celet , l'idée des nouvelles définitions et des nouveaux
théorèmes sur les foyers des lignes et des surfaces du
deuxième ordre appartient, sans aucune restriction, à
L'an] da. na pieds
* Voir les notes à la fin de l’article.
5)
PA
Mémoire
de M. Amiot
sur les surfaces
du 24 degré.
SCIENCES
PHYSIQUES
ET NATURELLES.
18 ACADÉMIE DE ROUEN.
M. Amiot, et 1l est certain que les théorèmes démontrés
analytiquement par ce savant, sont venus présenter la
théorie des foyers sous un aspect qui n'avait point attiré
l'attention des géomètres. »
Dans un autre écrit, qui a été couronné par l’Académie
royale de Bruxelles, M. Amiot a signalé de nouvelles pro-
priétés des surfaces, et dans un troisième mémoire , il a
complété et même rectifié les travaux de Monge , le célè-
bre auteur de la géométrie descriptive.
L'Académie de Rouen, sur la proposition de M. Bigour-
dan qui lui a fait connaître en détail les beaux mémoires
de M. Amiot, s’est empressée de joindre ses suffrages à
ceux des Académies des sciences de Paris et de Bruxelles.
Dans ie vaste domaine des sciences physiques et natu-
relles , quelques points seulement ont été abordés par l'A-
cadémie , car ce n’est qu'en circonscrivant le champ de
l'observation et de l'expérimentation qu'on peut espérer
des conquêtes fructueuses et sûres. Dans l’état actuel de
nos connaissances , les mystères abondent encore ; cette
multitude même atteste le peu de progrès que nous avons
faits, et l'immensité de la carrière qui reste à parcourir.
Des faits viennent d'être expliqués, c’est-à-dire compris
dans les lois générales déjà connues ; sur le champ, d’autres
faits les remplacent, comme pour entretenir l’activité des
recherches ; de nouvelles découvertes ébranlent les théo-
ries et la confiance ; le doute revient avec son cortége de
mystères. C’est ainsi que la physique , la chimie, l'histoire
naturelle ont changé plusieurs fois de face; que leurs doc-
trines fondamentales ont été renouvelées , et qu'aujourd'hui
même on se demande si elles sont dans la bonne voie. Au
reste, sans ces doutes, sans ces mystères , la marche des
sciences serait bientôt arrêtée , et l'esprit humain s’endor-
mirait dans une trompeuse et stérile admiration.
CLASSE DES SCIENCES. 19
Parmi tous ces phénomènes naturels qui révèlent à
l'homme une puissance éternelle et infinie , il n’en est au-
cun qui soit à la fois plus terrible et plus majestueux que
la foudre. Sans doute, grâce à Francklin et aux physiciens
des cinquante dernières années , nous savons l’origine et
les causes de ces effets grandioses qui agitent les vastes
plaines de l'air, et qui, trop souvent, produisent à la sur-
face de la terre de désastreuses perturbations. Mais qu'il
nous reste encore à apprendre sur tous ces mouvements
désordonnés des fluides électriques !
M. Boutan, professeur de physique au collége royal de
Rouen, a essayé d'éclairer quelques-uns des points encore
obscurs de l'électricité atmosphérique, en imaginant des
expériences nouvelles. En première ligne, il faut placer
comme non défini, le bruit qui suit l'apparition de l'éclair ,
et qu'on appelle vulgairement le tonnerre. On a donné de
ce bruit, si variable dans son mtensité et dans son timbre,
un grand nombre d'explications qui ne peuvent satisfaire
les esprits sérieux. M. Boutan les a examinées successive-
ment, a montré leur insuflisance , les a remplacées par
une autre qui lui est propre et qui sort du domaine de la
théorie , car il l'appuie et sur des observations au centre
des nuages orageux , et sur des expériences de laboratoire
fort concluantes. La voici en peu de mots:
Dans un nuage orageux, l'électricité tout entière forme
une couche à sa surface , et son intérieur est dans un état
detension supérieure à la pression atmosphérique ambiante;
il est par conséquent très dilaté. Qu'il perde brusquement
son fluide électrique , par une décharge sur un nuage voi-
sin ou sur le sol, la pression extérieure va devenir prépon-
dérante, puisque la force antagoniste a disparu, et dès lors
l'air ambiant va se précipiter dans le milieu raréfié repré-
Mémoire
de M. Boutan,
sur l'électricité
atmosphérique
Explication
du bruit
du tonnerre
Odeur
de la foudre.
20 ACADÉMIE DE ROUEN.
senté par le nuage orageux. De cette rentrée subite de
l'air doit résulter un choc violent tout à fait comparable au
bruit engendré dans l'expérience du crève-vessie, et ana-
logue aussi, pour l'intensité, au bruit du tonnerre.
Cette explication satisfait à toutes les exigences du
phénomène ; elle rend parfaitement compte de la persis-
tance du bruit, des effets de roulement, des variations de
volume, des changements rapides de forme que présen-
tent les nuages orageux, du grand refroidissement qui
survient au sein des nuées électriques et qui produit
la grêle; enfin de ces vents violents, de ces tourbillons, de
ces trombes même (b) qui apparaissent au moment des
orages et que toute autre théorie est impuissante à jus-—
tifier.
Une autre particularité, qui est encore à éclaircir, c'est
l'odeur forte et pénétrante qui signale la chute de la foudre,
et qu'on a comparée, bien mal à propos, à celle du soufre
en combustion. M. Boutan croit pouvoir la rapporter ,
avec MM. Schænbein, Fisher et Marignac, à l'Ozône, corps
particulier d'odeur nauséabonde dont la véritable nature
est encore un problème, mais que les chimistes allemands
considèrent comme un nouvel élément. Cette odeur se
manifeste aussitôt qu'on fait passer, au moyen de pointes
métalliques , un courant d’étincelles électriques dans du
gaz oxygène (c). Une expérience de M. Boutan semblerait
indiquer que, dans certaines circonstances , la sensation
des odeurs peut être déterminée à la manière des sons et
de la lumière, c'est-à-dire par les mouvements vibratoires
de l’éther. Il est certain que la seule transmission du fluide
électrique dans l'air, engendre une odeur très appréciable,
analogue à celle de la foudre, sans qu'il y ait aucun phé-
nomène chimique produit, ni volatilisation de matières
CLASSE DES SCIENCES. 21
quelconques. Malgré les recherches du professeur du
collége, cette importante question nécessite de nouveaux
travaux ; il lui appartient de les continuer.
Les observations météorologiques qu’on exécute mainte-
nant de tous côtés, en fournissant de précieux documents
sur tous ces grands phénomènes dont l'atmosphère est le
théâtre, aideront les physiciens à en découvrir l’origine,
à mieux en expliquer les eflets, à déterminer toutes les
conditions de leur manifestation. L'Académie est heureuse
de pouvoir apporter son contingent, sous ce rapport, grâce
à l’un de ses membres, M. Preisser, qui, depuis 1845,
tient note, jour par jour, de tout ce qui a trait à la physique
atmosphérique.
Le même membre, en mettant sous nos veux un modèle
de l'appareil électro-magnétique qui fonctionne sur le che-
min de fer de Paris à Rouen, a rappelé les principes sur
lesquels repose cette admirable application de la science à
l'un des besoins les plus impérieux de notre époque, la
rapidité de la propagation des idées et des communications
de la pensée. Il à indiqué quelques-uns des moyens mis
en usage pour tirer parti de la force motrice créée par lé-
lectricité, et pour transmettre son influence à de grandes
distances avec une incommensurable vitesse. A l'aide
d'expériences exécutées devant l'Académie, il à fait mieux
comprendre l'ingénieux mécanisme du télégraphe électri-
que le plus employé, c’est-à-dire de celui qui repose sur
l'importante découverte de M. Arago, l’aimantation du fer
doux à l’aide de la pile.
De la physique à la chimie la transition est toute natu-
relle, car un lien très intime unit ces deux belles branches
des sciences d'observation. Iei de nombreuses communi-
cations sont à enregistrer.
Observations
metéoro-
logiques
de M. Preisser.
Télégraphe
électrique.
Communica-
tion
de M. Preisser.
État du soufre
dans les eaux
sulfureuses.
MM. Boullay
et Henry.
29 ACADÉMIE DE ROUEN.
Deux de nos confrères de Paris, MM. Boullay et Henry ,
ont résolu un point important de l'histoire chimique des
eaux minérales sulfureuses, à savoir l’état sous lequel y
existe le soufre, cet agent thérapeutique si puissant lors-
que la nature a présidé elle-même à sa dissolution. Les
expériences de nos confrères ont terminé les débats que
cette question avait soulevés depuis longtemps entre les
chimistes, et il est bien constant aujourd’hui que, dans les
eaux sulfureuses de la chaîne des Pyrénées, c’est à un
sulfure de sodium hydraté (NaS, HO), associé acciden-
tellement à une proportion variable d'hydrogène sulfuré ,
qu'il faut rapporter tous les effets physiologiques et chi-
miques qu'elles exercent sur l'économie animale.
Le dégagement du gaz azote qu'on remarque, en plus
ou moins grande proportion, au bouillon de toutes les
sources sulfureuses des Pyrénées, a été expliqué diverse-
ment. Anglada semble avoir émis à ce sujet l'opinion la
plus admissible. Ce gaz provient, selon lui, de la décom-
position des courants d’air souterrains en présence du
principe sulfureux. De là une dégénérescence plus ou
moins grande des eaux, d’où résultent à la fois for-
mation de sulfate, puis dégagement d'acide sulfhydrique
et d'azote.
Admettant, avec Anglada, que les choses se passent
ainsi, MM. Boullay et Henry pensent, comme le chimiste
de Montpellier, que l'élément sulfureux des eaux des
Pyrénées est à l’état de monosulfure de sodium hydraté
(Na S, HO) dans la nappe originelle, et ils expliquent alors
l'odeur plus ou moins sensible d'œufs pourris au point
d'émergence, par la présence d’une certaine quantité de
gaz hydrogène sulfuré devenu libre sous l'influence de ces
courants d'air souterrains, Si ce genre d’altération, auquel
CLASSE DES SCIENCES. 23
il est sans doute diflicile de remédier , ne nuit pas à l'efli-
cacité des eaux, il ne justifie pas toutefois l'opinion de
M. Fontan, c'est-à-dire l'existence d'un sulfhydrate de
sulfure (NaS + HS +HO) dans les proportions qui
constituent ce genre de sels.
Dans les eaux, comme celles de Challes en Savoie, où
il y a complète absence d’odeur au sortir de la roche, on
n'aperçoit pas de dégagement gazeux à ce point, et alors
le sulfure doit être tout à fait neutre, jusqu'à ce que, dans
les bassins de réception , il se modifie plus tard.
Le travail de MM. Boullay et Henry est digne, à tous
égards, de l'attention des chimistes et des médecins , et
c'est à juste titre, à dit M. Girardin, rapporteur, qu'il a
obtenu les suffrages de l'Académie royale de médecine.
M. O0. Henry, chargé en 1845, par l'Académie royale de
médecine, de procéder à une nouvelle analyse des eaux
ferrugineuses de Forges, a rempli cette mission avec le
talent qui le caractérise, et a complété nos connaissances
sur ces eaux qui méritent toujours la célébrité dont elles
ont joui dès le xvu° siècle. Grâce aux procédés plus sûrs
de l'analyse minérale, notre confrère a rectifié ce qu'il v
avait de défectueux et d'incomplet dans le beau travail
chimique de feu Robert de Rouen sur ces mêmes eaux.
Il a constaté, entre autres choses, que le fer y est salifié ,
non par l'acide carbonique, comme on l'avait admis jus-
qu'alors, mais par cet acide organique que Berzélius a dési-
gné sous le nom d'acide crénique; que le crénate de fer
peroxydé par l'air et associé à plusieurs conferves, constitue
en totalité le dépôt jaune que forment les eaux dans les
conduits qu'elles parcourent, dans les bassins où elles
séjournent, dans les bouteilles qui les contiennent. Sous
Analyse
des eaux
ferrugineuses
de Forges,
par M. Henry.
Aualyse
de la gratiole,
M.
par
Marchand,
19
4 ACADÉMIE DE ROUEN.
ce rapport, elles sont analogues aux eaux naturelles de
Porla, de Saint-Allyre, et à toutes les autres eaux ferru—
gineuses de notre département (d).
C'est avec le crénate de fer impur, ramassé dans les
bassins , qu’on prépare les nouvelles pastilles ferrugineuses
de Forges, dont l'usage a été approuvé par l’Académie
royale de Médecine , par la raison que le dépôt ocracé des
bassins représente assez bien le produit naturel spécial
des eaux de Forges, et parce que sa composition
chimique étant connue , il devient facile au médecin d'en
préciser l'emploi.
Un autre correspondant de l'Académie , M. Marchand , de
Fécamp, a porté son attention sur l’une de nos plantes les
plus vulgaires, mais aussi les plus actives, la Gratiole,
dont notre célèbre Vauquelin avait déjà entrepris l'étude
en 1809. Les perfectionnements apportés, depuis cette
époque , à l'analyse immédiate des matières organiques,
ont permis à notre confrère d'ajouter des faits nouveaux et
importants aux recherches de son habile prédécesseur.
Ainsi, ce que Vauquelin avait considéré comme une ma-
tière résineuse amère, à laquelle il rapportait les propriétés
purgatives et toxiques de la gratiole, n’est qu'un mélange de
tannin et d'une substance neutre fort active que M. Mar-
chand propose de nommer Gratiolin. Mais avant d'ad-
mettre cette substance dans le catalogue de nos principes
immédiats définis , il faut en faire une étude plus com
plète , en déterminer la constitution élémentaire. C'est à
M. Marchand lui-même qu'il appartient de combler ces
lacunes; nous nous en rapportons sur ce point à son zèle
et à son talent.
CLASSE DES SCIENCES. 25
M. Lepage, de Gisors , nous a envoyé une note intéres-
sante sur un empoisonnement commis au moyen de la
céruse introduite dans de la farine, et sur l’efticacité du
persulfure de fer hydraté pour annihiler presque instanta-
nément les formidables effets des composés du plomb. Ce
fait confirme les assertions de MM. Sandras et Bouchardat
qui, les premiers, ont proposé de ranger le persulfure
de fer hydraté en tête des antidotes contre les poisons
métalliques
M. Morin nous a rendu compte des expériences chimico-
judiciaires qu'il a faites sur les estomacs de vaches dont
la mort était attribuée à l'ingestion de chlorure de chaux.
Il n’a trouvé dans les liquides des viscères que du chlo-
rure de calcium , sans traces de chlore libre, et, dans
les parois mêmes de ces viscères, que du chlorhydrate
d'ammoniaque.
Dans le cours de ses recherches, M. Morin a reconnu
que les toxicologistes ont commis une grave erreur en in-
diquant qu'on peut découvrir des traces d’eau de Javelle ,
ou d’autres composés décolorants du chlore à la couleur
brune que prend une lame d'argent qu'on plonge dans les
liqueurs suspectes , après qu’on les a additionnées d’acide
sulfurique. Notre confrère a obtenu les mêmes réactions,
alors que les liqueurs ne contiennent aucune trace de chlore
libre, mais seulement des chlorures alcalins.
Il en conclut que pour accuser la présence du chlore
libre dans un liquide alimentaire , on doit se borner à em-
ployer la lame d'argent sans le concours d'aucun acide
susceptible de décomposer les chlorures alcalins, qui
presque toujours s'y rencontrent, et que, d’ailleurs, ce
moyen méme est sans valeur, s'il n'est pas corroboré par
Empoisonne-
ment
par la céruse.
Efficacité
du persulfure
de fer hydraté.
Recherches
toxicologiques
de M. Morin.
Faits nouveaux
en toxicologie,
observés par
MM. Girardin
et Morin.
Aualyses d’ob-
jets antiques,
M
par
Girardin.
26 ACADÉMIE DE ROUEN
la coloration bleue que présente, au contact des produits de
la distillation des liquides de l'estomac , un papier recou-
vert tout à la fois d'iodure de potassium et d’amidon.
MM. Morin et Girardin ont fait connaître à l'Académie
la série d'expériences qu'ils ont exécutées, par ordre de la
justice , sur les cadavres d’un homme et d’une femme de
la petite commune de Saint-Lucien, canton d'Argueil ,
morts à un mois de distance, après de violents vomisse-
ments. La mort de ces individus était le résultat d'un
crime, puisque les experts trouvèrent dans tous les or-
ganes une quantité notable d’arsenic. Les aveux des cou-
pables avant leur exécution , confirmèrent complètement
les dires des chimistes. Ce que cette affaire médico-légale a
présenté de nouveau, c’est l'existence simultanée de deux
poisons , l'arsenic et l'antimoine. Ce dernier provenait de
l'administration par les empoisonneurs à leurs victimes du
vomi-purgatif de Leroy. Ce remède, malheureusement
trop populaire, n’est autre chose qu'une forte infusion de
séné dans du vin blanc, additionnée d’une forte dose
d'émétique. On l'avait donné pour faire disparaître les traces
de l’arsenic , par suite de cette absurde croyance répandue
dans la société , que tout poison devient inaccessible aux
recherches de la science , lorsqu'il n’est plus à l’état de
liberté dans l'estomac et les intestins. On ne saurait le dire
trop haut , une fois que le poison circule dans nos organes,
qu'il y soit libre ou caché dans la profondeur des tissus,
la moindre trace ne peut échapper aux investigations des
chimistes expérimentés.
Si la chimie vient ainsi en aide à l’histoire naturelle ni
la thérapeutique , à la médecine légale, elle n’est pas moins
nécessaire pour l'étude des monuments de l'antiquité.
Caylus est le premier qui s'en soit aidé sur une échelle
CLASSE DES SCIENCES. 27
un peu large ; malheureusement, les antiquaires qui l'ont
suivi, sont peu entrés dans cette voie; ils n'ont pas su
apprécier l'intérêt qui s'attache à ce genre de vérification.
Le mémoire que M. Girardin a lu à l’Institut , sous le titre
de : Analyse de plusieurs produits d'art d'une haute an-
tiquité, prouve de nouveau tout ce qu'il y a d’utile pour
l'archéologie dans ces sortes de travaux. Plus on étudie à
fond l'antiquité, a dit M. Deville, plus on se convaine que
les anciens sont nos maitres en tout. Il ressort, en effet,
des expériences de M. Girardin, que les Romains ont
connu et employé habilement de superbes couleurs miné-
rales, soit pour la peinture murale , soit pour la coloration
du verre ; qu'ils ont fabriqué du véritable cristal , fait usage
de la soudure autogène , pratiqué l’étamage, l'argenture
du cuivre et du bronze, et même le plaqué d'argent.
Une découverte, fort ordinaire pour les chimistes, mais
merveilleuse pour tous ceux quine sont pas initiés aux
admirables et si faciles métamorphoses dont sont suscep-
tibles les produits du règne organique , a vivement préoc-
cupé l'attention publique à la fin de l’année dernière. C'est
la conversion du coton, du linge , du papier, du bois, en
une matière excessivement combustible , par leur simple
immersion dans l’eau forte. Ce curieux résultat, déjà si-
gnalé en 1833, par M. Braconnot, de Nancy, mieux étudié
en 1838, par notre confrère , M. Pelouze, a donné l'idée
au professeur Schœænbein, de Bâle, dans les derniers mois
de 1846, de remplacer la poudre de guerre par le coton
fulminant, où fulmi-coton. La nouvelle poudre possède,
en effet, une force de projection cinq à six fois plus consi-
dérable , l'avantage de ne pas encrasser les armes , puis-
qu'elle ne laisse aucun résidu par la combustion, de pou-
voir être mouillée sans perdre de son inflammabilité, et
Communica-
tion
de M. Preisser,
sur le
fulmi-coton.
Consommation
de la bouille.
28 ACADÉMIE DE ROUEN.
transportée au loin sans danger ; car bien comprimée , elle
prend diflicilement feu. Quant aux inconvénients qu'elle
présente dans son emploi, ils disparaissent lorsqu'on l'ap-
plique seulement à l'explosion des rochers et des mines, à
la confection des feux d'artifices. L'expérience ultérieure
apprendra ce que l’on peut attendre des services réels de
ce produit qui a, tout d’abord, excité une trop vive admi-
ration, et fait naître de trop grandes espérances.
Au moment où, de tous côtés, chacun s'empressait d'é-
tudier et de fabriquer cette poudre à canon d'un nouveau
genre , M. Preisser en a fait le sujet d’une communication
à l’Académie , et a répété devant elle les jolies expériences
pyrotechniques dont le fulmi-coton est devenu l'occasion.
Des applications de la chimie et de la physique plus im-
portantes, plus directement profitables à l'industrie gé-
nérale, ont été pour nous la source d’intéressantes dis-
cussions. L'économie du combustible est un des points
qui attirent particulièrement l'attention des théoriciens et
des praticiens , et le moindre succès dans les moyens em-
ployés pour arriver à ce but, est un véritable progrès dans
un temps où la consommation de la houille s'accroît
chaque jour d’une manière si rapide. De renseignements
statistiques recueillis par M. Pimont, il résulte que les
11,298 appareils à vapeur fonctionnant en France en
1845, ont exigé, pour leur entretien, 20 millions d’'hec-
tolitres de houille (e) !
Cette consommation prodigieuse de combustible n'est-
elle pas faite pour inspirer des craintes sérieuses sur
notre avenir industriel, et pour nous porter à rechercher
les moyens de nous procurer la houille aux meilleures
conditions possibles , aussi bien que ceux qui peuvent en
CLASSE DES SCIENCES. 29
diminuer l'emploi ? C'est à ce double but que l'un de nous
a consacré tous ses soins depuis quelques années.
Faisant appel aux lumières de la science, M. Pimont
a essayé de tirer profit de cette immense quantité de cha-
leur perdue dans nos appareils calorifiques. Employer
d'une manière bien plus avantageuse qu'on ne l'avait fait
jusqu'alors la chaleur perdue , provenant soit de l'échap-
pement des machines à vapeur, soit de la vapeur et de l’eau
condensée des machines à parer, des machines à sécher
et des chauffages, soit enfin des bains de teinture, quand
ils sont jetés comme inutiles ; tels sont les résultats qu'il
a obtenus à l’aide d'appareils qui fonctionnent sans nul
embarras , sans le moindre inconvénient, et qui ont déjà
reçu la sanction toute favorable de l'expérience. M. Pimont
nous à présenté successivement la description de ses ap-
pareils caloridores et de toutes les modifications qu'ils
peuvent subir selon leur application à chaque spécialité
industrielle , et aussi dans la même industrie, suivant les
conditions dans lesquelles elle se trouve placée. Mais tout
en découvrant la manière de produire la vapeur avec le
plus d'économie possible, notre ingénieux confrère n'a
pas négligé les procédés capables de la conserver et de la
maintenir au degré de chaleur et à la tension qu'elle a
acquis , et de pouvoir la conduire dans cet état et sans
refroidissement à de grandes distances ; de là, l'invention
d'enveloppes imperméables , qu'il appelle calorifuges ,
dont il revêt les tuyaux , les conduits, les cylindres et
même les grands générateurs, soit dans les machines de
nos ateliers , soit dans celles qui sont appliquées à la na-
vigation ; ces enveloppes, tout en apportant une grande
économie de temps et de combustible, préservent les
chauffeurs de cette chaleur étouffante qui énerve leurs
forces et détruit leur santé.
Appareils
HOouveaux
de M. Pimont,
pour
économiser
lecombustible.
Recherche
de la houille
dans le
département.
30 ACADÉMIE DE ROUEN.
Les appareils de M. Pimont, placés à bord des divers
remorqueurs de la Basse-Seine , et notamment du Robert-
Guiscard , ont réalisé une économie de 20 p. ,° de com-
bustible sur l'ancien système.
Une commission de l'Académie est chargée de suivre
les effets et d'apprécier les avantages des inventions de
M. Pimont. Sans empiéter sur ses droits, il nous est
peut-être permis d'avancer que notre confrère à singu-
lièrement préparé la solution d'une partie du problème
que nous posions précédemment.
L'autre partie de ce problème , c’est à la géologie à la
résoudre. Pourquoi, puisque nos extractions de houille
ne sont pas en rapport avec nos besoins , de plus en plus
impérieux, ne chercherions-nous pas dans les profondeurs
de notre sol ce minéral que nous avons peut-être sous nos
pieds , et que nous allons demander à des nations voi-
sines , nos rivales en industrie ? Les progrès récents de
la géologie , les documents recueillis sur la constitution
du sol de notre département , les perfectionnements ap-
portés à l’art des sondages, tout ne tend-il pas à favoriser
le projet conçu , dès 1837, par M. Pimont, de se livrer
à la recherche de gites houillers dans la Seine-Inférieure ?
Un rapport circonstancié de M. Pouchet sur cette ques-
tion, soulevée cette année dans le sein de l’Académie ,
démontre que si, dans l’état actuel de la science , il n’est
pas permis de prononcer affirmativement sur l'existence
de dépôts de houille dans les parties inférieures de nos
formations secondaires , on a cependant des probabilités
bien encourageantes. M Pouchet tire surtout ses preuves
de l’analogie de constitution géologique existant entre les
formations de notre pays et celles de l'Angleterre et de
CLASSE DES SCIENCES. 31
la Belgique , de l'identité des débris d'animaux fossiles
dans les régions anthracifères de la Grande-Bretagne et
celles situées à l'embouchure de la Seine.
« Lorsque de semblables conditions existent, qui oserait
dire, s'écrie M. Pouchet, que notre département est
absolument dépourvu de charbon ? Qui oserait contester
qu'un jour à venir ce précieux combustible n'y sera point
découvert ? »
Que la recherche de la houille ait un insuceès complet ,
la sonde ne pourra-t-elle pas laisser , après son passage,
un puits artésien, ou rencontrer des dépôts de calcaires .
compactes , d’argiles plastiques, de lignites, de karstenite,
de sel gemme , etc. , toutes matières minérales suscep-
tibles de vivifier le pays ? Les sondages fussent-ils même
absolument stériles pour nos intérêts matériels , la science
géologique n’en recevra-t-elle pas de curieux et instructifs
renseignements ?
Ces diverses considérations ont engagé l'Académie à
s'associer à l’œuvre toute nationale du Comité formé à
Rouen par les soins de M. Pimont pour la recherche de
la houille dans le département. Elle à manifesté le désir
que le Comité fit collecter avec soin des échantillons
minéralogiques des couches traversées par la sonde, et en
opère le dépôt dans les archives de l’Académie, chez
l'ingénieur en chef des mines, et dans le Muséum d’his-
toire naturelle de la ville.
Les discussions intéressantes que le projet du Comité
des houilles a suscitées dans notre sein, ont amené natu-
rellement M. Bergasse à donner des renseignements
curieux sur l'état actuel des houillères de Littry, dans
le Calvados. En voici un résumé succinct :
Houillère
de Littry,
dans
le Calvados
32 ACADÉMIE DE ROUEN.
Les mines de Littry, situées à peu de distance de
Bayeux, avaient été originairement concédées par Louis XV
au marquis de Balleroy, en 1740. Le marquis s'empressa
de les exploiter et d'établir une usine pour la fonte du
minerai de fer que l'on trouvait en assez grande abon-
dance à la surface des couches de charbon. Il ne rechercha
que le charbon à maréchal , et négligea toutes les qualités
inférieures. Son exploitation , dirigée avec peu d'intelli-
gence, ne fut pas heureuse, et en 1745, il céda la con-
cession à une commission de treize personnes. Plusieurs
actions se trouvent encore dans les familles des premiers
. associés.
En 1745, on évaluait à 200,000 francs la valeur des
mines et du matériel. On a caleulé que , depuis , ce capital
arapporté plus de huit millions de produit net.
Les destinées de la compagnie n'ont pas toujours été
également prospères. Les couches de charbon ont peu de
puissance ; souvent elles n’ont qu'un mètre ; elles sont très
profondes, forment de distance en distance des espèces de
rognons, c'est-à-dire des accumulations un peu plus con-
sidérables de minerai, puis se redressent tout à coup et
cessent entièrement.
Les premiers exploitants n'avaient pas administré en bons
pères de famille. Ils avaient, pour ainsi dire , jardiné çà et
là, sans suivre aucun système. Lorsque tout le charbon de
première qualité s’est trouvé épuisé , il a fallu reprendre
en sous-œuvre et suivre des couches qui n'avaient été
qu'effleurées.
Depuis quelques années, le seul charbon que l'on trouve
à Littry est d’une qualité médiocre, mélangé de schiste, et
n'est employé que par les chaufourniers, qui sont d'autant
CLASSE DES SCIENCES. 33
plus nombreux dans cette partie du Calvados et dans la
Manche, que la chaux y est utilisée en grand comme amen-
dement, et n'y produit pas de moindres miracles que dans
le département de l'Ain. Même pour ce modeste emploi,
les charbons de Littry ont rencontré une concurrence re-
doutable dans les charbons belges et anglais. Aussi, par
suite de cette concurrence, les actionnaires de Littry n'ont
touché en 1845 presqu'aucun dividende. Cependant les
chaufourniers sont revenus peu à peu s’approvisionner à
Littry. Ils ont reconnu que les charbons qu'ils y achètent,
brûlant avec moins de rapidité que les charbons anglais,
sont plus propres que ces derniers à la cuisson de la chaux.
Malgré le rétablissement de ce débouché, les actionnaires
auront à peine 100 mille francs à se partager en 1847,
et cependant a compagnie n’emploie pas moins de 900
ouvriers. Toutes ses espérances d'avenir sont fondées sur
un puits de 200 mètres de profondeur, auquel on travaille
depuis un an, qui ne sera pas terminé avant 18 mois, et
qui lui coûtera 200,000 francs. Ce puits a pour objet
l'exploitation d'une couche de charbon de maréchal, de 2
mètres et demi d'épaisseur, dont des sondages multipliés
ont révélé l'existence.
Il y a loin, d'après cela, des mines de Littry à celles de
Newcastle, où le charbon est superficiel, et à celles de Fir-
my dansl'Aveyron, où les couches de houille ont, à ce qu'on
assure, 100 mètres d'épaisseur.
Nous devons encore à M. Bergasse la connaissance
de la reprise des travaux d'exploitation de plusieurs
gites métallifères en France, notamment des mines
de cuivre et de plomb argentifères de l'Aveyron, et de la
découverte dans les Hautes-Pyrénées d'une mine très
riche de plomb argentifère et de manganèse. Le manganèse
è
Nouveaux gites
métallifères
en France.
Tremblement
de terre
dans la Seine-
Inférieure.
3% ACADÉMIE DE ROUEN.
des Pyrénées est bien supérieur à celui de Bourgogne
et vaut celui d'Angleterre. Il en arrive déjà de grandes
quantités sur notre place, pour le service de nos belles
fabriques de chlorure de chaux.
Un phénomène géologique, presque toujours terrible et
désastreux dans sa brusque apparition, ce sont ces secous-
ses, ces trépidations, ces ondulations souterraines qui
soulèvent, disloquent, ou agitent le sol, et qu'on désigne
sous le nom général de tremblements de terre. Causés très
probablement par le retrait ou l’inégal refroidissement de
la croûte solide du globe , et liés d’une manière assez inti-
me avec les éruptions volcaniques, ces tremblements sont
beaucoup plus fréquens dans les terrains ignés que par-
tout ailleurs. Excessivement rares dans nos régions secon-
daires et tertiaires, leur manifestation est, par cela même,
la source de frayeurs presque toujours exagérées, car
ils ont ordinairement peu de puissance, d’étendue et
surtout de durée.
Il y a un mois à peine, le 10 juillet, entre 10 heures 1/2
et 11 heures du soir, deux très légères secousses de quel-
ques secondes de durée ont agité le sol, depuis Paluel, à
l'embouchure de la Durdent jusqu'au Havre, en suivant,
pour ainsi dire, les côtes sans descendre dans les vallées.
Elles ont été très sensibles à Fécamp, Montivilliers, Sanvic,
Ingouville , Graville, Orcher et le Havre. C’est dans cette
dernière ville qu'elles ont produit le moins d'effet. Le
bruit qui les accompagnait ressemblait au roulement d’une
voiture pesamment chargée. Les mouvements ont été
assez forts pour ouvrir et fermer des portes, faire écrouler
des toits et des tas de briques. Toutefois, aucun phéno-
mène atmosphérique visible n’a précédé , accompagné ou
suivi ce tremblement de terre, et, chose remarquable ,
ULASSE DES SCIENCES. 39
le baromètre et le thermomètre n'en ont pont été
influencés.
Ces faits ont été constatés et signalés à l'Académie par
notre confrère M. Marchand de Fécamp, et par M. Leudet,
pharmacien au Havre. M, Marchand , notamment , NOUS à
transmis des renseignements fort détaillés sur ce qui s’est
passé dans sa localité le 10 juillet , et nous a rappelé que
le 22 juin 1843, à 7 heures du matin, un tremblement se
fit sentir dans les environs de Fécamp. On.a gardé le sou-
venir de celui qui eut lieu en 1782 ou 1783.
Si la physique , la chimie , l'histoire naturelle ont oc-
cupé largement les instants de l'Académie, l’agriculture
n'a pas été négligée par elle, au moins dans ses généra—
lités. De nombreuses communications, d’intéressants rap-
ports ont été présentés à ce sujet par M. Bergasse, qui puise,
dans sa parfaite connaissance des pratiques agricoles de
presque toutes les régions de la France, des points très
instructifs de comparaison avec les habitudes norman—
des (f).
Dans une notice sur la pomme de terre, l'une des meil-
leures, sans contredit , qui aient été publiées depuis quel-
ques années sur ce précieux tubercule, notre confrère,
M. Philippar, démontre parfaitement l'inutilité de la plan-
tation automnale , recommandée naguère avec tant d'en-
thousiasme par Morren de Liége et certains agronomes
anglais.
C'est encore à M. Bergasse que nous avons dù l'analyse
critique des ouvrages de MM. du Breuil fils et Girardin, l’un
sur {a théorie et la pratique de l'arboriculture, l'autre sur
les fumiers considérés comme engrais. Le premier de ces
AGRICULTURE
Notice
de M.Philippar
sur la pomme
de terre.
Ouvrages
agricoles
de MM. Du
Breuil
el_ Girardin.
PHYSIOLOGIE
ANIMALE.
Inhalation
éthérée.
36 ACADÉMIE DE ROUEN.
ouvrages qui, d'après M. Bergasse, est le manuel le plus
complet , le plus satisfaisant qui ait été écrit sur la culture
des arbres , a valu à son auteur des témoignages non équi-
voques d'approbation, tant de la part de plusieurs Sociétés
horticoles du royaume, que du gouvernement Russe qui en
fait publier une traduction. Même faveur lui est accordée
en Angleterre.
La physiologie de l'homme est peut-être encore plus di-
gne que celle des plantes de fixer l'attention des observa-
teurs, car elle est plus compliquée et moins bien connue.
Cultivée avec plus d’ardeur que jamais, cette branche des
sciences médicales a fait, dans ces derniers temps, de
très remarquables progrès , mais il lui était réservé de nous
fournir cette année un nouveau sujet d'étonnement et
d'admiration, en découvrant le moyen de supprimer la
douleur dans les opérations chirurgicales. C’est l’éther
sulfurique, ce stimulant diffusible par excellence , qui, dans
les mains du docteur américain Jackson, devient l'agent
des effets stupéfiants les plus curieux et les plus intenses.
Inspirée avec l'air, pendant quelques minutes, la vapeur
éthérée plonge le cerveau dans un état d'inertie, d'engour-
dissement tel qu'il ne perçoit plus la douleur, et que les
mutilations les plus cruelles peuvent être exécutées sur
l’homme et les animaux vivants sans qu'ils en aient cons-
cience. On avait jusqu'ici vainement cherché dans l'ivresse
alcoolique, le narcotisme opiacé, le magnétisme, les
moyens d'épargner à l'humanité les tortures auxquelles
la soumettent les opérations chirurgicales. L'ivresse éthérée
produit cet admirable résultat , ainsi que le démontrent les
centaines d'expériences exécutées depuis 6 mois en Amé-
rique, en Angleterre, en France, en Allemagne. Sans
doute , l'emploi des inbalations éthérées n’est pas applica-
ble à tous les cas; il peut offrir des inconvénients , des dan-
CLASSE DES SCIENCES. 37
gers même quand il est mal administré, mais son utilité
est incontestable dans des conditions données.
Des discussions du plus haut intérêt ont été élevées au
sujet de cette découverte merveilleuse dans le sein de l'A-
cadémie , et les membres qui s'occupent particulièrement
des sciences médicales nous ont fait connaitre les résultats
des opérations qu'ils ont pratiquées avec succès en se ser-
vant de la vapeur éthérée. MM. Preisser, Pillore et Mélays
nous ont aussi rendu compte de leurs expériences sur les
animaux. Répétant les essais de M. Amussat, ils ont constaté,
comme cet habile chirurgien, que pendant l'inhalation éthé-
rée , le sang des artères devient noir, que cette transforma-
tion précède l'apparition de l’insensibilité, et que dès que
l'animal respire de l'air pur, le sang artériel reprend sa cou-
leur rouge avant le retour de la sensibilité. L'inspiration de
gaz autres que l'air a produit les mêmes effets. Il résulte
donc de là que l’insensibilité est le résultat de l'influence
qu'exerce sur les centres nerveux le sang qui n’a pas subi
l’hématose pulmonaire ; qu’en un mot, elle doit être attri-
buée à un commencement d’asphyxie qui, à un degré plus
avancé, amènerait la cessation des mouvements respira-
toires et la mort.
Quant à remplacer l'inspiration de l'éther par celle d'un
gaz, pour éviter l'influence fâcheuse sur les suites des opé-
rations chirurgicales de l'ivresse et de l'irritation pulmo-
naire qu'elle provoque , tout le monde n'a pas été d'accord
avec les auteurs du mémoire que nous analysons, et il a
été reconnu généralement que l’éther est encore, jusqu'à
présent, le moyen le plus commode et le moins dangereux
de provoquer l'insensibilité , lorsqu'on à soin de ne pas ar-
river jusqu'à la période de stupeur où d'asphyxie propre-
ment dite
Nouvelle
maladie
cutanée,
par M. Forget.
38 ACADÉMIE DE ROUEN.
L'observation clinique, qui ne cesse de progresser,
apprend aux praticiens à mieux distinguer, sinon à mieux
guérir, ces mille et une variétés de maux qui aflligent notre
pauvre humanité. Il nous serait doux de vous annoncer que,
grâce à ces progrès, une maladie vient de disparaître du
cadre nosologique. Malheureusement c'est le contraire que
nous avons à vous signaler, car notre habile correspon—
dant de Strasbourg, M. le professeur Forget, vient de dé-
couvrir une affection cutanée non encore décrite par
les auteurs. C’est un resserrement chronique des couches
profondes du derme , à la suite d’une phlegmasie chro-
nique de la peau ; et ce qu'il y a de plus fàcheux dans cette
triste acquisition, c'est qu’elle se montre très rebelle aux
remèdes les plus actifs et les mieux appropriés. Cette nou-
velle infirmité a reçu de M. Forget les noms par trop scien-
üifiques de Chorionitis, de Sclérostenose cutanée. A cette
occasion, M. Avenel, après un éloge mérité des qualités
éminentes d'observation de notre correspondant , fait une
critique des dénominations tant soit peu barbares imposées
à une maladie encore incornue dans son essence ou dans
ses rapports les plus essentiels. Cette manie des appellations
grecques aurait dû succomber sous le ridicule dont l’a cou-
verte le spirituel Gosse, qui prête à l’un de nos botanistes
classificateurs la bouffonne idée de substituer au nom si
vulgaire de la carotte la dénomination plus scientifique de :
Micromacroglucoxanthoerythroleucorhizos !
ce qui veut dire en bon français : racine petite, grosse ,
sucrée , jaune, rouge et blanche.
« Les hommes de science de la valeur de M. Forget, dit
M. Avenel, peuvent se passer de ce clinquant si commun
de nos jours, et laisser l'affectation à ceux qui ne possè-
dent point autre chose. »
CLASSE DES SCIENCES. 39
J'ai encore à vous parler, Messieurs, des communica-
tions qui nous ont été faites sur la statistique morale, dont
on peut tirer un excellent parti, lorsqu'on la consulte avec
cette réserve que commande l'abus qu'on en fait trop
souvent.
Si nous étudions, avec notre confrère M. Homberg , le
compte général de l'administration de la justice civile et
commerciale en France pendant l'année 184%, nous cons-
taterons avec regret que le nombre des procès va sans
cesse en augmentant. Il y en a aujourd’hui un sur 29% ha-
bitants, et, chose à noter, c’est qu'en Normandie, dont la
vieille renommée en fait de chicane est bien établie , il y
en à un pour 247 habitants. Toutefois, hâtons-nous de dé-
clarer que le Caivados, l'Eure et l'Orne se chargent
seuls de soutenir l'antique réputation des plaideurs nor-
mands , puisque le chiffre des procès dans la Manche et la
Seine-Inférieure ne s'élève pas à la moyenne de toute la
France.
Mais c’est toujours Rouen, d'un autre côté, qui, d’après
le compte-général , vient immédiatement après Paris dans
le nombre des faillites, comme dans celui des ventes judi-
ciaires et des séparations de corps. Notre département est
fécond en misères de beaucoup d'espèces; contributions ,
procès, faillites, séparations de corps. Mais ces misères-là,
comme le fait observer M. Homberg, attestent ses ri-
chesses. Les contributions se paient en raison des fortu-
nes; les procès, les ventes judiciaires, les faillites sont
l'inévitable conséquence d’un grand mouvement d’affaires ;
et quant aux séparations de corps, comme elles entraînent
séparations de biens, beaucoup de femmes qui se résigne-
raient à leur sort, ou se contenteraient d'une séparation de
STATISTIQUE.
Administration
de la Justice
civile
et commerciale
en France.
Résume
des opérations
du
Mont-de-Picte
de Rouen,
par M. Ballin.
Ouvrages
de Statistique
de M. Fayet.
#0 ACADÉMIE DE ROUEN.
fait, veulent la séparation judiciaire, pour rentrer en pos-
session de leur dot.
Toutes ces raisons atténuent la mauvaise opinion qu'on
pourrait prendre tout d'abord de nos populations , en ne
consultant que les chiffres bruts de la Statistique, sans en
scruter l’origine et la moralité.
Un autre genre de documents qui rappelle encore les
misères de notre état social, nous a été fourni par M. Ballin;
c'est le résumé des opérations faites par le Mont-de-Piété
de Rouen, de 1837 à 1846.
Il en ressort :
1° Que les engagements s'élèvent , année cominune, au
nombre de plus de 96,000 , qui donnent lieu à plus d'un
million de prêt ;
2° Que les renouvellements portent sur plus de 20,000
articles, dont les prêts se montent à plus de 300,000 fr. :
3° Enfin, que les ventes ne portent que sur 6,000 articles,
représentant plus de 64,000 fr. de prêt. Ainsi , les objets
abandonnés par les emprunteurs ne dépassent guère 6
p. ,/° des engagements , ce qui prouve que la plupart d'en-
l'eux attachent beaucoup d'intérêt à leur conservation.
Je saisirai cette occasion pour vous annoncer que
M. Ballin a reçu, pour sa Statistique du canton du Grand-
Couronne, la seule récompense que l'Institut ait décernée
cette année pour le concours de Statistique.
M. Fayet, professeur de mathématiques , à Colmar ,
nous à fait hommage de son Essai sur l'accroissement
de la population et sur les progrès de la criminalité en
CLASSE DES SCIENCES. #1
France, ainsi que de deux grands tableaux qui résument,
dans des colonnes bien entendues , la Statistique intellec-
tuelle et morale de plusieurs départements (Moselle, Bas
et Haut-Rhin, Allier, Puy-de-Dôme, Cantal, Haute-
Loire. )
« C'est une entreprise utile autant que curieuse, que
celle qu'a conçue M. Favyet, a dit M. Vingtrinier , rappor-
teur de ces ouvrages ; il cherche à rendre populaire pour
ainsidire , les faits , les constatations d’une époque ; il offre
à chaque département des moyens de se bien connaître ,
et tout le monde conçoit aujourd'hui qu'une bonne Sta-
tistique , donnant avec vérité l'étendue territoriale de
chaque commune , la valeur et la nature des productions
du sol , la population , les établissements de tous genres,
le mouvement des prisons, des hôpitaux , ete., sera une
œuvre extrêmement utile , si elle est vraie. »
Cette dernière condition peut être facilement remplie ,
grâce aux eflorts de l'administration supérieure , qui à
réuni depuis longtemps déjà une immense quantité de
documents ofliciels ; aussi, maintenant, y at-il des moyens
de recherches et de contrôles qui font que beaucoup de
travaux statistiques ont pris le cachet de la vérité. Toute-
fois , il est nécessaire , d’après M. Vingtrinier , dans les
études de cette nature, de ne jamais prendre pour assurés
les faits établis par un auteur comme étant la parole du
maître, et avant de partir d'une aflirmation faite par un
autre , il est toujours bon de repasser le calcul, comme
on fait en arithmétique.
e
Comme preuve de cette nécessité, notre confrère cite
ce qui lui est arrivé. Sur la foi des économistes et des
criminalistes , il a cru pendant longtemps qu'il existait,
12 ACADÉMIE DE ROUEN.
en France, une malheureuse tendance vers une augmen-
tauon dans la criminalité. Or, en étudiant par lui-même ,
en disséquant les chiffres avec scrupule , il est arrivé à
une conclusion tout opposée.
M. Fayet, lui, s'est rangé parmi les alarmistes , et il a
trouvé le moyen de se procurer des chiffres pour établir
que l'ascension annuelle des crimes en France est mar—
quée par le nombre 332. Ce résultat a paru si extraor-
dinaire à notre rapporteur, qu'il a voulu savoir l'opinion
de nos confrères MM. Moreau de Jonnès et Arondeau , juges
si compétents en pareille matière. Tous deux ont trouvé ,
comme M. Vingtrinier, la cause de l'erreur de M. Fayet,
dans l’association qu'il a faite des chiffres correctionnels
avec les chiffres criminels. Qui ne comprend que l'aug-
mentation du chiffre correctionnel , étant subordonnée à
l'état de la misère du peuple, il n’y a pas de conclusion
grave, alarmante à en tirer ! Ainsi, par exemple , en 1847,
les prisons correctionnelles sont encombrées d’un tiers en
plus que dans les années ordinaires. A Rouen , la maison
de correction montre , chaque année , en juin, un chiffre
de 500 ; aujourd’hui il est de 800. Mais, d’un autre côté,
la maison de justice criminelle n'a pas dépassé son chiffre
annuel ; c'est ce qui rassure. La mendicité est le délit de
ces 300 malheureux qui ont gonflé le chiffre ordinaire ;
conséquemment ce serait à tort que M. Fayet les ferait
servir à prouver le progrès de la criminalité en France.
Malgré toutes ses observations critiques à l'égard des
ouvrages de M. Fayet, M. Vingtrinier n'est pas moins
d'avis qu'il faut encourager de pareils travaux, et user de
bienveillance envers les hommes zélés qui, comme le pro-
fesseur de Colmar, veulent bien se livrer aux recherches
difficiles et peu agréables de la statistique, parce que ce
CLASSE DES SCIENCES. #3
nest Jamais que dans l'intérêt public que ces hommes
travaillent.
J'aurais voulu vous parler, Messieurs , des rapports
étendus et substantiels de MM. Bergasse, Vingtrinier , Gi-
rardin, Avenel, Preisser, sur un grand nombre d'ou-
vrages adressés à l'Académie ; de l'envoi, par notre cor-
respondant, M. le docteur Duchesne, des copies de deux
lettres autographes de Rouelle et Lecat, ces grandes
illustrations normandes du xvure siècle.
J'aurais voulu vous énumérer les diverses publications
scientifiques faites en dehors de l'Académie par plusieurs
de ses membres ; tels que MM. Moreau de Jonnès, Amiot ,
Pelouze , Bussy, Philippar , Payen , Boutigny , V. Pas-
quier, Michelin, Boucher de Perthes , Soyer-Willemet ,
Lesauvage, Lamare , Jules Reiset , Forget, Avenel, Du
Breuil, Girardin (g) ; mais le temps me presse, et je me hâte
de terminer ce trop long rapport, en vous signalant les
changements survenus dans le sein de la Compagnie
pendant l’année qui vient de s’écouler.
Nous avons eu la douleur de perdre le dernier des mem-
bres qui aient concouru à la nouvelle organisation de l'Aca-
démie, M. Le Tellier, qui a laissé de si honorables souve-
nirs dans cette ville, où il a été successivement excellent
professeur, industriel habile , inspecteur d'Université in-
tègre et consciencieux. Notre confrère M. Lévy a rédigé,
sur celui qui fut son maître, son protecteur et son ami,
une notice biographique que nous nous empresserons
d'insérer dans le Précis de nos travaux.
Nos regrets se sont accrus lorsque nous avons vu dis-
paraître de nos rangs, et presque coup sur coup, Virey,
Rapports,
publications
des Membres
de l’Académie.
NECROLOGIE
Nouveaux
Membres
de l’Académie
AA ACADÉMIE DE ROUEN.
cet auteur fécond et érudit qui a écrit avec un égal succès
sur la médecine, la pharmacie , l'histoire naturelle ; Du-
trochet, ce physiologiste profond , qui a doté la science
de vues si mgénieuses , de découvertes si capitales ; Cotte-
reau, ce médecin zélé et philanthrope , dont la vie a été si
active et malheureusement si courte (h).
Mais, comme il est dans la destinée des Académies de
se régénérer continuellement, nous avons, pour combler
ces vides regrettables , appelé dans notre sein des hommes
qui apporteront leur concours empressé à l'œuvre civili-
satrice que nous poursuivons. Ces nouveaux collabora-
teurs sont :
MM. Boutan, professeur de physique au Collége royal
de Rouen.
Lepage , pharmacien, professeur de physique et
de chimie au Collége de Gisors ;
Herberger, chimiste , directeur de la Société Pa-
latine des sciences chimiques, à Kaiserlautern
en Bavière ;
Boileau de Castelnau , médecin en chef de la maison
centrale de Nismes.
Les travaux antérieurs de ces estimables confrères sont ,
pour l'Académie, un gage assuré des services qu'elle
recevra de leur collaboration future.
J'ai sans doute bien incomplètement raconté les occu-
pations scientifiques de l'Académie pendant l'année; signalé
imparfaitement la tendance générale de ses efforts pour
l'accroissement des connaissances , pour l'entretien parmi
CLASSE DES SCIENCES. #5
nous de cette émulation, de ce feu sacré qui poussent in
cessamment les esprits à découvrir de nouvelles voies
dans les sentiers encore mal frayés de la science. Avec
un aussi beau sujet à traiter, j'aurais dû mieux faire ; mais
ce qui, je l'espère, rachètera ma faiblesse, c'est que
j'ai voulu, avant tout, être impartial et véridique autant
qu'on peut l'être quand on a grande envie d'être vrai , et
qu'on n'a pas besoin d'autre chose pour intéresser.
COMPLÉMENT.
16 ACADEMIE DE ROUEN.
COMPLÉMENT
DU
RAPPORT DU SECRÉTAIRE
DE LA CLASSE DES SCIENCES.
Je crois devoir donner ici quelques détails qui auraient
allongé, outre mesure, mon Rapport destiné à être lu en
séance publique. Ce sera satisfaire à la fois aux exigences
du public scientifique et aux justes égards qui sont dus à
d'honorables confrères dont le zèle a fourni à l'Académie
des occasions de travaux et de discussions.
(a) Voici l'exposé analytique du mémoire de M. Amiot sur les
surfaces du second degré, par M. Bigourdan, rapporteur.
» On sait que lorsqu'on cherche, dans un plan, le lieu de tous
les points, dont les distances à une droite donnée et à un point fixe,
situés dans le même plan, conservent un rapport constant, on
obtient l'équation la plus générale du 24 degré entre deux varia-
bles. Si l’on identifie cette équation avec celle d’une courbe quel-
conque du 21 degré, on obtient immédiatement non-seulement
les foyers et les directrices de cette courbe, mais encore ses élé-
ments en grandeur et en position.
» M. Amiot, dans un premier travail, s'est proposé une ques-
lon analogue par rapport aux surfaces du 24 degré, et il a trouvé,
CLASSE DES SCIENCES. 17
non un foyer unique, mais des courbes dont les différens points
jouissent de propriétés assez semblables à celles des foyers des
courbes du 21 ordre.
» Le procédé de M. Amiot est aussi élégant que fécond. Il s'est
proposé de trouver le lieu décrit dans l’espace par un point mo-
bile, dont la distance à un centre fixe offre un carré constamment
proportionnel au rectangle construit sur les distances du même
point à deux plans donnés. On obtient ainsi une équation qui re-
présente généralement une surface du 2e ordre. En étendant aux
surfaces du 2e ordre et en généralisant la définition des foyers et
des directrices des sections coniques, l’auteur est conduit à se
proposer cette question : étant donné une surface du 2e ordre
par son équation, cherchons si cette surface admet un ou plusieurs
foyers , ainsi qu’un ou plusieurs systèmes de plans directeurs.
» En poursuivant son analyse avec beancoup de sagacité,
M. Amiot trouve que les foyers ne forment pas des points isolés ,
mais des courbes continues qu'il appelle des focales , et il prouve
que toute focale est une des trois courbes du 2e ordre. Aux fo-
cales se trouvent intimement liées d'autres lignes qu'il nomme
synfocales.
» M. Amiot expose ensuite les propriétés des focales-synfo-
cales et plans directeurs, d’abord dans les surfaces douées d’un
centre et particulièrement dans l’ellipsoide , et ensuite dans les
surfaces dépourvues de centre. Enfin il applique sa théorie des
focales à la discussion d’une surface du 24 degré , donnée par
son équation.
» Dans son travail, M. Amiot a démontré un grand nombre
de propriétés et de théorèmes nouveaux, indépendamment de
quelques autres déjà connus.
» Dans un second mémoire, M. Amiot a donné une plus grande
extension à son premier travail. En démontrant des théorèmes
nouveaux très importants sur les surfaces du second degré , il a de
plus en plus étendu l’analogie qui existe entre les focales des
surfaces et les foyers des courbes. Enfin , à l’aide de sa savante et
féconde analyse , il a résolu par des moyens nouveaux des proble-
mes très importants sur les surfaces du 2 degré, »
18 ACADÉMIE DE ROUEN.
(b) Dans son rapport sur le mémoire de M. Boutan, M. Preis-
ser s'exprime ainsi à propos des trombes :
« Je ferai une observation critique à mon collègue, qui me sem-
ble avoir oublié, dans son explication de la trombe, un élément
essentiel et qui doit singulièrement contribuer à donner à ce mé-
téore son effroyable propriété de destruction. Il explique bien les
tourbillons électriques dans les hauteurs de l'atmosphère, et je
rends pleinement justice à la clarté de sa théorie, mais un nuage
orageux n’agit pas seulement en vertu de sa masse ; mais surtout
par sa distance au sol.
» La trombe est un immense entonnoir électrique qui rase,
pour ainsi dire, le sol en tourbillonnant. Dans ce gouffre, viennent
se précipiter tous les nuages orageux qui lancent de tous côtés la
foudre qu'ils recèlent. Pour que son action destruclive s'exerce
dans les dimensions gigantesques que nous avons observées dans
le météore qui est venu bouleverser la belle vallee de Malaunay
et de Monville, il faut que les distances entre la nuée et le sol
soient presque nulles. Alors rien ne limite plus sa force attractive.
Les arbres sont déracinés , les édifices les plus solides sont soule-
vés et anéantis.
» Mais pour que des nuages électriques puissent ainsi s’abais -
ser vers le sol, il faut qu'ilssoient surmontés par d’autres nuages
possédant un fluide de même nom. Dès lors il s'opère une puis-
sante répulsion et le nuage surbaissé, en se déchargeant d'une
grande partie de son fluide , éprouve le mouvement de rotation
que M. Boutan a décrit si clairement dans son mémoire. »
(ce) Relativement à cette odeur de la foudre, le rapporteur
s'exprime ainsi :
« Je regrette de ne pas avoir trouvé dans le mémoire de M.
Boutan une autre explication de ce phénomène ; quoiqu’elle soit
soumise à des objections, elle me semble cependant présenter
quelque chose de très plausible.
» L'air, comme on le sait , est formé des mêmes éléments que
l’eau forte, et nous pouvons , en faisant passer une série d'étin-
celles électriques à travers de l'air renfermé dans un ballon hu-
mide , opérer la formation d’une petite quantité de ce liquide.
-
sam
CLASSE DES SCIENCES. 19
Si avec nos faibles machines, nous arrivons à ce résultat, que ne
doivent pas faire ces immenses éclairs, ces nuages électrisés qui
viennent se décharger sur la terre? D'ailleurs, l'analyse chimique
démontre l’existence de l'acide nitrique dans presque toutes les
pluies d'orage. Il n’est donc pas déraisonnable d'admettre que
quand la foudre tombe sur un édifice, il se forme de l'acide ni-
trique dont les vapeurs désagréables peuvent , jusqu'à un certain
point, être comparées à celle du soufre qui brûle; d'autant plus
que cette expression, mauvaise odeur de soufre, est adoptée
par beaucoup de personnes pour désigner une odeur désagréable.
Probablement aussi cet acide, en réagissant sur les métaux,
donne naissance à un peu d'acide hyponitrique dont l'odeur est
plus nauséabonde encore. La production de ce corps nous expli-
querait cette formation de vapeurs blanches et rongeâtres que l’on
observe dans les lieux foudroyés, immédiatement après le pas
sage de la foudre. Les ouvriers de Monville, qui ont été enve-
loppés par la trombe , ont tous signalé l'existence d'une odeur
très désagréable et d'une vapeur épaisse qui les environnait. »
(d) Voici un extrait du rapport que M. Girardin a présenté à
l'Académie , sur le mémoire de M. Henry :
« Je vais extraire de ce mémoire , ainsi que d’une notice spé-
ciale , communiquée en 1843 par le docteur Cisseville à l’Associa-
tion Normande , séant à Neufchâtel , les faits qui me paraissent
nouveaux et dignes de fixer l’attention de l’Académie.
» Le monticule sur lequel est situé le bourg de Forges, se di-
rige de l’est à l’ouest. Il est composé, depuis l'argile bigarrée
qui apparaît à la surface du sol jusqu’au grès vert, de nombreu-
ses alternances d'argile plastique, de sables et de grès ferrugi-
neux , ayant une puissance de 50 à 55 mêtres, et desquelles sor-
tent, au nombre de trois, les sources minérales exploitées.
» Ces trois sources, appelées la Æeinette , la Royale et la
Cardinale, sont situées au couchant du bourg, dans un vallon do-
miné par quelques éminences. Elles sourdent à trois mètres en-
viron au-dessous du sol, dans une petite cour dallée en mica-
schiste, dans laquelle on descend par quelques marches. La Xei-
nette et la Cardinale coulent horizontalement : la Aeinette, de
h
50 ACADÉMIE DE ROUEN.
l'est à l’ouest ; la Cardinale , du nord au sud. La Æoyale sourd
perpendiculairement au milieu des deux autres, et coule ensuite
de l’est à l’ouest, comme la Aeinette.
» D’après un jaugeage fait avec soin par M. Cisseville :
La Aeinette donne 900 litres d’eau par heure, ou 21,600 litr.
par 24 beures.
La ‘Aoyale. . . . 450 . . .. . . . - . ..-,. 10,800
La Cardinale … : 180 .-..- .». RE PU,
Les trois sources réunies fournissent donc , dans les 24 heures,
36,720 litres d’eau.
» La densité de l’eau des trois sources est, à peu de chose
près, la même , 4,5 environ.
» La température est aussi à peu près la même dans les trois
sources , et dans le réservoir qui lesreçoit en sortant de leur canal.
Elle est de 7° cent. pour la Reinette et la Royale, de 6° pour
la Cardinale , de 6° 4/4 dans le réservoir commun.
» La saveur n'est pas la même dans l’eau des trois sources ;
elle est fraîche dans toutes; peu ferrugineuse dans la Aeinette ,
plus prononcée dans la Aoyale , et décidément atramentaire dans
la Cardinale.
» Toutes forment dans leurs bassins respectifs des dépôts
ocreux et floconneux. La Cardinale présente à sa surface une
pellicule irisée prononcée, que les buveurs recherchent avec
soin , et désignent sous le nom de Créme de la Source.
» Lorsqu'on vient à découvrir le bassin qui reçoit séparément
chacune des sources , on est frappé de l'aspect que présentent les
dépôts qui s’y trouvent. Ce n’est plus un amas rouge ocracé, mais
une réunion de flocons, d’aspect lanugineux, rouges ou rosés très
légers; quelques-uns même sont tout-à-fait blancs et comme
soyeux. Vient-on à recueillir ces flocons qui se divisent avec une
grande facilité ; on y aperçoit à l’aide du microscope une réunion
de conferves parfaitement organisées, au milieu d’une masse gri-
sâtre amorphe , et de parties ferrugineuses n'offrant également
aucune forme. Ces végétations se composent d'oscillaires et d'une
CLASSE DES SCIENCES. of
autre conferve particulière. On les retrouve dans les rigoles et les
conduits où circulent les eaux.
» Les trois sources renferment les mêmes principes minéralisa-
teurs, à savoir : des bicarbonates de chaux et de magnésie, des
chlorures de sodium et de magnesium , des sulfates de chaux, de
soude et de magnésie, de la silice et de l’alumine, un sel ammonia-
cal (sans doute du carbonate), du crénate de potasse, du crénate de
manganèse et du crénate de protoxyde de fer. La Xoyale a offert
de plus des traces de nitrate de magnésie. Il y a, en outre, dans
toutes , des gaz azote , oxygène , et surtout du gaz acide carbo-
nique en dissolution.
» Le résidu salin, laissé par l’évaporation , varie peu dans cha-
cune des trois sources ; ainsi:
La Aeinette fournit un résidu de 0 g. 250 p. 4,000 gr. d’eau.
HAN AOYUIE ES 0 C0) 0200
La Cardinale -… 2. . : : 0, 1245
» La proportion des principes dissous est, au contraire,
fort variable lorsqu'on fait entrer en ligne de compte l'acide
carbonique et les différentes substances qui sont altérées par
la chaleur.
» La quantité du sel ferrugineux (crénate de protoxyde), qui
communique aux eaux de Forges leurs propriétés spéciales, est
loin d'être la même dans les trois sources. D’après M. Henry, il v
a dans chaque litre d’eau :
De la Aeinette. . . ; 0, gr. 0220 de crénate, ce qui repré-
UT PRE CRETIOR ERP 0,0103 de fer métall.
De la Royale. . . . . 0, 0670 . 0,0402
De la Cardinale. . . 0, 0980 . C,0588
» Le sel ferrugineux est donc plus abondant dans la Cardinale,
en moindre quantité dans la Aoyale, et en proportion fort mi-
nime dans la Aeinette.
» Ce sel est en complète solution dans les eaux, au moment
de leur sortie de terre, mais il ne s’y maintient pas à l’état soluble
lorsqu'on les expédie ; car , on n’en trouve , pour ainsi dire, plus
ACADEMIE DE ROUEN.
alors dans la Aeinette et la Royale, et à peine même si la Cardi-
nale en retient sensiblement. Tout est séparé au fond des vases à
l'etat d’un produit rouge insoluble. De là, l'importance de boire
ces eaux à leur point d'émergence, et la nécessité pour le chi-
miste de les analyser aux sources mêmes.
» L'examen du dépôt floconneux qui se forme spontanément
dans les bassins de réception des eaux, était très important, par-
ce qu'il doit représenter le principe spécial ferrugineux des
eaux de Forges dans un état, on peut dire, plus concentré, et
qu'il devient alors plus facile , par l'analyse , d'en bien connaître
la nature. M. Henry a trouvé ce dépôt composé ainsi qu'il suit,
sur 100 parties :
Matière organique , c'est-à-dire acides crénique et apocré-
TIQUE ae CU ES ce HN EAU
Peroxyde de fer avec trace de manganèse. . . 81,1
Sable ou mica , carbonate de chaux et con- . .
LERVES s : s'aste io CD CE ECREUR-2- 4,2
100,0
» C’est donc à l’état de crénate de fer , et non à l’état de car-
bonate, comme le croyait M. Robert, que le fer existe dans les
eaux qui nous occupent, puisque ni dans les eaux, ni dans le
dépôt ocracé qu’elles forment , il n’y a de traces de carbonate de
fer. Tout prouve que dans les autres eaux ferrugineuses, dans
lesquelles le fer n’est pas à l’état de sulfate, c’est aux acides or-
ganiques, crénique et apocrénique, découverts par Berzélius ,
en 1854, qu'il est combiné. Cela est bien évident pour les eaux
de Porla, de Ste-Allyre, et pour toutes les eaux ferrugineuses
de notre département , ainsi que je m’en suis assuré tout derniè-
rement encore sur la source éminemment ferrugineuse de
Rolleville, auprès de Montivilliers. Cette dernière source m'a
offert, dans le bassin où l’eau séjourne, le même dépôt ocracé ,
les mêmes conferves et oscillatoires que ceux qu'on remarque
dans les bassins des sources de Forges. Je rappellerai que c'est
également à cet état de crénate et d'apocrénate de fer que nous
avons trouvé le fer, M. Preisser et moi, dans les eaux de St-Paul
CLASSE DES SCIENCES. 93
et de la Maréquerie, à Rouen, dans celles de Rançon , prés de
St-Wandrille.
» Quelle est l'influence sur le fer de cette matière organique
que les progrès seuls de la science ont permis de reconnaître dans
les eaux ferrugineuses? En quoi modifie-t-elle son action sur
l’économie animale ? Le docteur Cisseville est disposé à croire
qu’elle atténue d’une manière avantageuse les propriétés trop
styptiques ou trop astringentes du fer. Ce qu'il y a de certain,
d’après le même praticien, e’est qu'on ne remarque pas, chez les
personnes qui font usage des eaux de Forges , les accidents qui
accompagnent ordinairement l'emploi des ferrugineux artificiels
ou de certaines eaux ferrugineuses naturelles. »
» Sur l'avis exprimé par notre confrère, M. Chevallier, on a eu
l'idée d'utiliser le dépôt ocracé naturel des eaux de Forges comme
succédané de ces eaux elles-mêmes , dans le cas où les malades
voudraient en faire usage au loin, ou ne pourraient aller prendre
les eaux sur place. M Cisseville a donc fait préparer des pas-
tilles avec le dépôt des bassins, et l’établissement de Forges à
concédé aux deux pharmaciens de ce bourg, MM. Gillet et
Mallard, le droit de les fabriquer et de les vendre, sous le
nom de Pastilles ferrugineuses de Forges. »
(e) Voici quelques chiffres que j'emprunte au mémoire de M.
Pimont.
En dix ans, de 1835 à 1845, le nombre des appareils à vapeur,
existant en France, a plus que quadruple. I était ainsi qu'il suit,
dans la dernière année de cette période décennale :
1802 chaudières calorifères , réparties dans 4124 éta-
5022 chaudières motrices , blissements ;
3026 machines à vapeur à haute pression;
618 machines à moyenne et à basse pression;
416 locomotives ; T
382 machines pour la navi- ? 58 à haute pression.
gation , à savoir: 254 à moyenne et basse press.
Enfin 52 machines sur bateaux ? 27 à haute pression.
stationnaires , 5 à moyenne et basse press
En tout, 11,298 appareils à vapeur.
5% ACADÉMIE DE ROUEN.
Sur ce nombre , les 4,474 machines à basse , moyenne et haute
pression , représentent 75,260 chevaux-vapeur, ce qui correspond
à 219,780 chevaux de trait, ou à la force de 1,758,240 hommes de
peine.
Cette force énorme est obtenue au moyen de 45,121 hectolitres
de houille par jour.
La quantité totale de houille nécessaire à l'entretien de tous les
appareils travaillant en France pendant l'année 1843, a été de
19,617,900 hectolitres.
(f) M. Bergasse nous a appris que toutes les variétés de fro-
ment cultivées dans notre département , même celles qui y out
été introduites sous le nom de blés anglais, appartiennent à
l'espèce Touxelle du botaniste Seringe, c'est-à-dire au Zriticum
vulgare, qui réunit actuellement les 7riticum œstivum et
hybernum, mal à propos distingués par Linné. L'espèce dite
Patanielle, Triticum turgidum,. est cultivée sous le nom de
gros blé daus quelques cantons du Calvados, privilégiés par leur
fertilité.
On croit généralement, même à Rouen, que la farine de la
Durelle (Triticum durum) et de la Patanielle ( Triticum polo-
nicum) absorbe moins d'eau que celle de la ouxelle et de la
Patanielle. C’est là une erreur, d’après M. Bergasse. Ce qui a pu
y donner naissance , c'est que les blés durs anglais, qui sont
beaucoup plus riches en gluten que tous les autres , fournissent,
par une mouture imparfaite , une farine qui forme avec l’eau une
pâte sirupeuse ou glaireuse , et qui semble repousser l’eau au
lieu de vouloir l’absorber. Mais lorsque ces blés ont été lavés
préalablement, comme on le fait à Marseille, lorsqu'ils ont été
soumis à des meules taillées à grains fins, leur emploi présente
d'immenses avantages. Le Ministre de la guerre ne l'ignore pas,
lui qui exige que les agens comptables, lorsqu'il leur fournit des
blés durs , rendent à l'Etat poids pour poids et ne leur alloue
aucun déchet.
CLASSE DES SCIENCES. DD
(g) Parmi les nombreux ouvrages dus aux Membres de lAca-
démie , nous nous fesons un devoir de mentionner d’une manière
toute spéciale l'Annuaire , de chimie ou répertoire des décou-
vertes et des nouveaux travaux en chimie faits dans les di-
verses parties de l'Europe, publié par MM. Millon et Reiset.
Le deuxième volume de l'Annuaire qui renferme tous les tra-
vaux accomplis en 1845, donne l'analyse raisonnée de 218 mé-
moires de chimie minérale et de 215 mémoires de chimie orga-
nique. Le troisième volume , qui comprend les travaux de 1846,
présente l'examen critique de 219 mémoires de chimie minérale ,
et de 307 mémoires de chimie organique ; c'est presque un cin-
quième de plus qu’en 1845.
« Un ouvrage de ce genre, a dit M. Girardin , dans son rapport,
n'a d'autre mérite que l'exactitude et la clarté des résumés,
que l’impartialité des appréciations portées sur chaque travail en
particulier. Or , l'Annuaire de MM. Millon et Reiset réunit à un
haut degré ces conditions , et de tous les recueils analogues, car
il y a d’autres répertoires scientifiques publiés par MM. Berzélius,
Kopp et Gerhardt, c'est l'Annuaire dont notre confrère est un
des auteurs, qui me paraît le plus exact, le plus clair, le plus
impartial. Il y a encore un point sur lequel je trouve cet Annuaire
supérieur, ou au moins préférable aux autres compendium, c’est
l'absence de vues systématiques dans l'analyse ou la traduction
des ouvrages examinés. Les auteurs se bornent à faire connaître
aussi exactement que possible les recherches et les opinions des
savants dont ils signalent les écrits, sans les interpréter d’après
des vues théoriques qui leur soient propres, et sans forcer les
faits à entrer, bon gré malgré, dans un cadre factice, véritable
lit de Procuste, sur lequel trop souvent la vérité est sacrifiée.
» L'Annuaire, en condensant chaque année les nombreux
détails que la pratique des laboratoires met à jour, sera d'un
immense secours pour ceux qui construiront plus tard l'édifice
de la chimie philosophique. ,
» Sans doute un pareil livre n'est pas de nature à donner beau-
coup de gloire à son auteur , mais c'est à coup sûr une œuvre
méritoire qui lui assure la reconnaissance de ses confrères, et du
public lettré qui suit avec intérêt la marche d’une science si
grande par son but, si belle par ses conceptions, si utile par
ses résultats, si universelle par ses applications. »
56 ACADÉMIE DE ROUEN.
(h) Voici quelques détails biographiques sur ces trois membres
correspondants :
Julien-Joseph Virey , fils d'un notaire royal, naquit à Hortes
(Haute-Marne), le 22 décembre 1775. Après avoir fait ses huma-
nités au collége de Langres, il fut placé chez un parent, pharmacien
de cette ville, pour y commencer ses études en pharmacie , et,
quelques années après, les guerres de la Révolution survenant,
il fut appelé dans les hôpitaux et attaché comme pharmacien
sous-aide à l'hôpital militaire de Strasbourg.
Distingué par le célèbre Parmentier, qui ne laissa dans l'ombre
aucun des jeunes pharmaciens qui annonçaient du mérite , il fut
envoyé par lui à l’hôpital du Val-de-Grâce, de Paris, Dans cette
situation, les dispositions de Virey trouvèrent largement à se dé-
velopper. Non content de remplir exactement ses devoirs, Virey
se livra au travail, aux recherches scientifiques , avec une acti-
vité,une persévérance peu communes. Exact à tous les cours, il
passait à la bibliothèque du Panthéon les instants qui lui restaient
libres, et, outre l'étude de l’histoire générale, l'étude de la
botanique et de la matière médicale, celle de l'histoire du genre
humain, considérée moralement et physiquement, devint une de
ses occupations favorites. Aussi, la partie la plus considérable
peut-être des travaux qu'il a publiés, est relative à l'histoire de
l'homme. « C’est de cette manière, dit notre confrère, M. Sou-
beiran, auquel j'emprunte tous les détails de cette notice , qu'a-
près avoir contribué dans les hôpitaux à soigner et guérir les
affections du corps, il voulut, avec les philosophes, concourir au
but si noble et si élevé de faire faire un pas de plus aux travaux
de l'intelligence. »
Les travaux que Virey a publiés sont très nombreux et de divers
genres. Appelé à être l’un des rédacteurs du Journal de Phar-
macie et des Sciences accessoires , il a inséré dans ce journal
une multitude de notices relatives soit aux animaux, soit aux vé-
gétaux , soit aux minéraux qui entrent dans le domaine de la
matière médicale. Il avait acquis, sur ces matières, une expé-
rience profonde; aussi était-il souvent consulté par l’administra-
tion des Douanes, sur les substances étrangères introduites en
France comme médicaments.
CLASSE DES SCIENCES. 57
Collaborateur du nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle
appliquée aux arts, et l’un des principaux auteurs du grand
Dictionnaire des sciences médicales, il a traité dans ces deux
recueils, qui forment chacun une encyclopédie spéciale, les sujets
d'ensemble. Ainsi, on lui doit les articles Nature, Animal,
Règnes, et divers sujets généraux de physiologie, d’hygiène,
de philosophie et de l'histoire de la science. I à enrichi l'édition
de Buffon de Sonnini d'un assez grand nombre de notes.
Avec des matériaux aussi nombreux que ceux que Virey avait
rassemblés, il ne pouvait manquer de publier des ouvrages
originaux ; ils se succédèrent continuellement dans le cours de
sa vie. Telles furent trois éditions d'un 7raité de Pharmacie
théorique et pratique ; une traduction de la Chimie organique,
de L. Gmélin, augmentée de notes critiques et de résultats d’ex-
périences de laboratoire ; deux éditions de Histoire naturelle
du genre humain, en 3 volumes, et qui furent réimprimées
à l'étranger; deux éditions de l'Histoire de la Femme sous les
rapports physiologiques , moraux et littéraires, ouvrage qui
fut traduit en allemand; l'Histoire des mœurs et de l'instinct
des animaux avec des classifications naturelles, 2 volumes.
Telles furent encore, lorsqu'il se fit recevoir docteur médecin,
en 1814, sa thèse inaugurale intitulée : Æphémérides de la
vie humaine ; et un autre travail sous ce titre : Examen im-
partial de La médecine magnétique. On doit aussi à Virey une
Histoire naturelle des médicaments, des aliments et des poi-
sons ; un livre sur La puissance vitale dans les fonctions phy-
siologiques ; une Hygiène philosophique appliquée à la civili-
sation moderne, ouvrage traduit en italien ; et enfin son dernier
ouvrage , intitulé : De la Physiologie considérée dans ses rap-
ports avec la Philosophie, 1844.
La simple énumération des titres de ces livres suffit pour mon-
ter avec quelle ardeur Virey se livrait au travail. L'étude était
son occupation et sa distraction de tous les instants. Un seul
motif le guidait, et il respire dans toutes ses œuvres, l'amour de
ses semblables, le désir de concourir à leur bonheur et à leurs
progrès.
Tant de travaux ne restèrent pas sans récompenses. Virey avait
été pendant longtemps pharmacien en chef de l'hôpital d'instruc-
58 ACADÉMIE DE ROUEN.
tion du Val-de-Grâce. 11 était membre de l’Académie royale de
Médecine, du Comité historique des Sciences près le ministère
de l’Instruction publique, officier de la Légion d'honneur. Eu
1825, il fut appelé à la Chambre des Députés; la même année,
il fut présenté par l’École de Pharmacie et par l’Institut pour
une chaire d'histoire naturelle vacante dans cette école; la
Restauration le repoussa. Un grand nombre de Sociétés savantes
le comptaient au nombre de leurs membres correspondants ; il
fut reçu à l'Académie de Rouen, en 18928.
Une attaque d’apoplexie a enlevé Virey à ses nombreux amis 4
au commencement de mars 1846.
Réné-Joachim-Henri Durrocnet, né en 14776 au château de
Néon, dans le département de l’Indre , était, comme fils ainé
d’une famille noble et riche, destiné à posséder un jour une
fortune considérable; mais son père ayant émigré, tous les biens
qu’il pouvait attendre furent confisqués, et le jeune Dutrochet
se vit dans la nécessité de choisir une profession ; il embrassa la
carrière médicale, afin de ne pas renoncer aux goûts qu'il res-
sentait déjà pour l'observation de la nature , tout en s’assurant
une existence honorable et utile.
En 1806, Dutrochet prit le grade de docteur à la Faculté de
médecine de Paris, après avoir soutenu une thèse sur la théorie
de la voix, essai remarquable par l'originalité des vues qui y
sont exposées, et qui pouvait faire prévoir la direction qu'il a
invariablement suivie dans les travaux qui, depuis, lui ont valu
une si juste célébrité; quatre ans plus tard, il complétait ce
premier essai en publiant une nouvelle théorie de l'harmonie.
Depuis lors, Dutrochet s’est livré, avec un zèle infatigable , à
l'étude des phénomènes physiques , considérés dans leur relation
avec l'organisme des plantes et des animaux.
Pendant quelques années, il exerça la médecine , et, en 1808
et 1809, il servit comme médecin militaire dans l’armée qui
combattait en Espagne. Mais une vie aussi rude , qui soumet la
volonté, la pensée même, à une foule d’éventualités doulou-
reuses, ne pouvait convenir longtemps à un esprit méditatif,
qui avait besoin de toute son indépendance et de toute sa liberté.
Aussi renonça-t-il de bonne heure aux avantages que son grand
CLASSE DES SCIENCES. 59
savoir n'eût pas manqué de lui faire obtenir, et s’adonna-t:il,
dans la retraite la plus absolue, à des travaux qui absorbèrent
tous ses moments. C’est dans cette retraite de Château-Renault
qu'il fit d'ingénieuses observations sur l'accroissement des
végétaux, des recherches anatomiques et physiologiques sur l’or-
ganisation des plantes et des animaux, sur leur motilité; son
histoire de l'œuf avant la ponte.
Un des premiers, Dutrochet entrevit combien il restait à faire
pour asseoir la physiologie végétale sur une base inébranlable,
sur l'expérience et sur l’observation. Observateur patient, minu-
tieux même jusque dans les plus petits détails, il n’en procla-
mait pas moins toute la puissance des vues générales et com-
paratives. Dès ses premiers travaux, il annonce aux botanistes ,
aux zoologistes, aux médecins, que les phénomènes de la vie,
pour être compris, doivent être étudiés successivement dans le
végétal, dans l'animal, dans l’homme , dans toutes les classes
des êtres organisés. Dans toutes ses recherches, Dutrochet a été
inspiré par le véritable esprit biologique, l'esprit de comparaison
et d'analogie.
En 1819, l’Académie royale des Sciences le nommait un de
ses correspondants. Quelques années plus tard, elle couronnait
deux de ses Mémoires : en 1821 , ses Recherches sur l'&ccrois-
sement et lareproduction des Fégétaux; en 1822, ses recherches
sur le développement du Triton ou Salamandre aquatique dans
ses différents degrés, depuis l'œuf jusqu’à l'animal par fait.
Enfin , en 4851 , elle se l'associait en qualité de membre résidant,
et comme membre de la section d'économie rurale.
Une pensée juste et profonde, à savoir que si une force in-
connue préside au développement des êtres vivants et aux actes
qu'ils accomplissent, un grand nombre de ces phénomènes ne
peuvent être analysés et définis sans les secours puissants que la
physique et la chimie fournissent à l'observateur, a inspiré à
Dutrochet ses plus beaux travaux , et l’a conduit, en 4826, à une
découverte capitale dans la physiologie moderne, la théorie de
l’'endosmose. Cette théorie et la démonstration des faits qui lui
servent de base, ont placé Dutrochet au premier rang parmi
les hommes éminents qui se sont occupés de physiologie géne-
rale. Il en jaillit les plus vives lumières sur les phénomènes de
60 ACADÉMIE DE ROUEN.
l'absorption et de la circulation dans les végétaux; il en jaillit,
en même temps, l'explication simple et naturelle d'une foule de
phénomènes de la nutrition et de la secrétion.
Ne pouvant mentionner tous les écrits dus à la plume infa-
tigable de Dutrochet, nous citerons les principaux, et entre
autres :
Mémoire sur les parties végetantes des animaux vertébrés
(1821 );
Mémoire sur l'influence du mouvement sur les directions
spéciales qu'affectent les parties des Végétaux ( 1822 );
Mémoire sur la direction que prend une aiguille aimantée
placée à la circonference d'un cercle qui tourne sur son centre
(1822 );
Nouvelles expériences sur les Sensitives (1825) ;
Expériences sur la circulation des liquides dans les tubes
de verre verticaux (1829 ) ;
Recherches sur la température propre des Végétaux (1839);
Recherches sur la chaleur vitale des Animaux à basse tem-
pérature (1840 );
Recherches physiques sur la Force épipolique (184%2) ;
Observations relatives à l'action motrice exercée sur la sur-
face de plusieurs liquides , tant par l'influence de la vapeur
de certaines substances que par le contact immédiat de ces
mêmes substances (1842 );
Des mouvements révolutifs spontanes qui s’observent chez
les Végétaux (1845 );
De l'infleæion des Tiges végétales vers la lumière coloree
(4845 );
Recherches sur la volubilite des tiges de certains VFégetaux ,
et sur la cause de ce phénomène (1844), etc.
Membre de la Société royale et centrale d'agriculture , Dutro-
chet en suivit avec intérêt tous les travaux, et parmi les déli-
bérations auxquelles il prit une part active, on peut citer les
projets de perfectionnement de l'instruction agricole , les obser-
vations sur les procédés de décortications partielles destinés à
suspendre les ravages de certains insectes qui attaquent les ormes
CLASSE DES SCIENCES. ü1
des grandes plantations publiques. Par une série d'observations
microscopiques et d'essais chimiques, il parvint à constater, en
1843, l'origine antique de filaments de laine trouvés dans un
sarcophage égyptien; et par l'examen de lambeaux de tissus ap-
portés par M. Jomard, des hypogées de la ville de Thèbes, il
démontra d'une manière évidente que cette terre d'Egypte, si an-
ciennement dotée des avantages d'une civilisation avancée , pos-
sédait la race des moutons mérinos. Privée, depuis bien des
siècles, de cette antique civilisation et des avantages matériels
qui en résultaient, l'Egypte avait vu disparaître les mérinos
que l’Europe lui a rendus il y a une trentaine d'années, après
les avoir reçus de l'Espagne qui, elle-même , les avait reçus des
Maures d'Afrique. L'origine africaine de cette race précieuse de
moutons sert à confirmer l'opinion de Dutrochet , que cette race
existait réellement dans l'antique Egypte.
L'Académie de Rouen s'empressa, dés 1816, de recevoir
Dutrochet au nombre de ses correspondants. I] avait sollicité cet
honneur en lui envoyant son Mémoire sur les Rotiferes, et des
développements sur le mécanisme de la rotation chez les
Rotifères. Plus tard, il lui communiqua ses recherches sur les
enveloppes du fœtus.
Dutrochet a été enlevé aux sciences le 4 février 1847.
Pierre-Louis COTTEREAU , né à Vendôme, Le 4er décembre 1797,
d'une famille aisée manifesta de bonne heure les plus heureuses
dispositions pour les sciences naturelles. Reçu bachelier ès-lettres
à 14 ans, il commença aussitôt l'étude de la médecine à l'hôpital
civil et militaire de Vendôme, et en 1814, il se fit élève en
pharmacie. Reçu pharmacien vers la fin de 1820, il n'exerça cette
profession que fort peu de temps, et, entrainé par son goût
pour la pratique de l’art de guérir, il reprit ses premières études
médicales ; ses examens furent passés rapidement , et le 7 juillet
1825, il soutint avec un grand succès une thèse latine : De vene-
ficio a miasmatibus paludosis. Cette thèse lui valut le titre de
docteur de la faculté de Paris.
En 18927, il obtint par concours la place de professeur agrégé
à cette faculté, après avoir soutenu une thèse latine : £æx Fluidis
imponderabilibus quænam auæilia therapeutica? I se lança
62 ACADÉMIE DE ROUEN.
aussitôt dans la pratique médicale, en même temps qu'il ouvrit
des cours particuliers de thérapeutique , de matière médicale et
de pharmacie , qui, depuis, n’ont pas été interrompus. Pendant
cinq ans, à partir de 4851, il remplaça M. Deyeux, dans la chaire
de pharmacie’ de l’École de médecine, et fut l’un des professeurs
les plus suivis de la faculté. En 1859, la Cour royale l’admit au
nombre des experts chimistes assermentés. Il était depuis long-
temps médecin des bureaux de charité et des dispensaires , secré-
taire de la commission sanitaire du 5° arrondissement de Paris,
et membre d’un grand nombre de sociétés savantes avec lesquelles
il correspondait très activement. Il reçut la décoration de la
Légion d'honneur en 1839.
Travailleur infatigable et consciencieux, toujours poussé par
une insatiable avidité de savoir vers l’inconnu, riche d’immenses
connaissances , appliquant sans cesse à de nouvelles ramifications
de la science l’activité de son esprit, Cottereau était devenu le
médecin le plus instruit et en même temps le plus occupé de la
capitale. Mais à aucune époque de sa vie, les sciences ne purent
lui faire oublier le côté le plus agréable des travaux intellectuels.
Profond latiniste , helléniste distingué, parlant toutes les langues
vivantes, versé dans les langues orientales et asiatiques, il a par-
tagé les travaux de l’illustre Rémusat , et, au milieu de recherches
si variées, sans perdre de vue un seul instant son but principal,
il a conservé en lui le souvenir et le culte trop oublié des impé-
rissables modèles de l’antiquité.
Cottereau a succombé le 19 février 1847 , après cinq jours de
maladie , aux atteintes d’une pleuropneumonie.
Il laisse un grand nombre d'ouvrages inédits. Le nombre de
ceux qu’il a publiés est considérable. Nous citerons entre autres :
Un Dictionnaire de Posologie médicale , fait en collaboration
de MM. Chevallier et Bricheteau, ( 1829 );
Un Traité élémentaire de Pharmacologie , ( 4856 });
Treize mémoires d'histoire naturelle, communiqués à la Société
médicale de Tours, ( de 1817 à 1819 );
Seize mémoires sur la thérapeutique et la pathologie , commu-
niqués à diverses sociétés savantes ( de 1827 à 1829 ).
CLASSE DES SCIENCES. 6:
Cottereau était arrivé, par de nombreuses expériences sur
lui-même, à un emploi aussi heureux que nouveau du chlore
à l’état gazeux, dans les maladies de poitrine. Il a employé le
premier, et avec succès, l’iode et le brôme, dans les mêmes
affections. Pour l'administration de ces substances, il a construit
un appareil qui lui est propre et qui porte son nom. Avec
MM. Leblanc et Trousseau, il a encore étudié l'application du
chlore au traitement de la morve, regardée comme incurable
par tous les vétérinaires.
L'Académie de Rouen admit Cottereau, en 1829, au nombre
de ses correspondants. Elle avait reçu de lui, en juillet 1828,
un très intéressant Mémoire sur quelques effets singuliers
produits par l'usage interne et externe de certains médica-
ments.
RS SES ESESERS SES EEE =
CONCOURS POUR LE PRIX DES SCIENCES
DE 1847.
L'Académie avait proposé, pour le prix des sciences à
décerner cette année , le sujet suivant :
« Ÿ at-il accroissement du nombre des aliénés des deux
« sexes, dans le département de la Seine-[nférieure ?
« En cas d’affirmative , rechercher les causes de ces ac-
« croissements , et indiquer les moyens d’y remédier. »
Un seul mémoire est parvenu; mais comme son
auteur, en se bornant à quelques allégations vagues , n'a
cité aucun fait, rapporté aucune observation , établi aucune
hypothèse qui puisse amener à la solution de la question,
l'Académie a décidé qu'il n’y avait pas lieu de décerner
le prix, et a retiré le sujet du concours.
CLASSE DES SCIENCES.
Mémoires
DONT L'ACADÉMIE 4 DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER
DANS SES ACTES,
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NOTICE NÉCROLOGIQUE
M. LETELLIER ,
PAB M. LÉVY,
Membre vétéran.
Germain-François LereLLier naquit le 8 avril 1767 à
Villette (Eure), d'un cultivateur chargé d’une nombreuse
famille. Destiné, dès sa naissance à l’état ecclésiastique, ses
premiers succès dans les études le firent nommer grand
boursier au Collége d'Harcourt (aujourd'hui Saint-Louis. )
Ses progrès furent rapides. A vingt ans, il était maître-ès-
arts de l'Université de Paris, lorsque la révolution vint le
détourner de la carrière qu'il avait embrassée. 11 se voua
dès lors à l'étude des Sciences qui lui offraient un attrait
particulier. Admis à l'École normale , il suivit avec avidité
les leçons de Monge, Lagrange, Laplace et Fourcroy.
Ces maîtres habiles, charmés de l’ardeur et du savoir du
jeune homme , le firent rommer, le 1° février 1791 , pro-
fesseur de mathématiques et de physique au Collége de
Rouen; puis, en 1795, professeur de mathématiques à
l'École centrale de la même ville. En 1804, il devint pro-
fesseur de mathématiques transcendantes au Lycée de
Rouen. Il remplit ces fonctions jusqu'au 15 décembre 1809,
où il fut nommé inspecteur de l'Académie de Rouen. Il
68 ACADÉMIE DE ROUEN.
en exerca les fonctions jusqu'en 1834, époque à laquelle
il fut, sur sa demande , admis à la retraite.
Déjà, depuis plusieurs années , ils’était livré à des entre-
prises industrielles avec autant d'intelligence que de succès.
Membre de l'Académie depuis 1809 , il était demeuré
le seul membre parmi ceux qui avaient contribué à sa réor-
ganisation. Il mourut à Paris le 17 novembre 1846 , à l'âge
de 79 ans.
M. Letellier fut remarquable par sa haute intelligence ,
son activité et son attachement à ses devoirs. L'École cen-
trale compta en lui un professeur distingué ; l'Académie
universitaire , un inspecteur ferme , indulgent et éclairé ;
l'industrie , un homme qui comprenait le progrès dans ce
qu'il a de durable et d'utile. Il dut à cette sûreté de
jugement une position honorable et une réputation qu'au-
cun nuage n'est venu ternir.
Son aménité , sa douceur, la sûreté de ses relations,
la bonté de son cœur lui avaient créé de nombreux amis.
Il avait su se les préparer de longue main par l'intérêt qu'il
portait à la jeunesse, qu'il ne se bornait pas toujours à
aider de ses conseils et de ses applaudissements. Je n'en
citerai qu'un fait, qui ne blessera plus sa modestie , mais
qui, jusqu'à ce jour, était presqu'ignoré.
Le condisciple de l’un de nous , appartenant à des pa-
rents peu fortunés, lui dut son éducation tout entière , et
une position honorable qui le mit à même d'assurer une
existence paisible à l’auteur de ses jours.
Puisse, ce faible tribut payé à la mémoire d’un de nos
dignes confrères, sauver de l'oubli le nom d’un homme
de bien , qui nous fut cher à plus d’un titre.
D — ” c ee — D PE RQ =>
RES SSEREELEE=SEIESISI = —
NOTE
sur Les
TÉLÉGRAPHES
ELECTRIQUES,
PAR M. F. PREISSER,
Docteur és-Sciences physiques, Professeur de Physique
à l'Ecole muuicipale, etc.
Messreurs ,
Les sciences physiques fournissent de nos jours de si
nombreuses applications, que beaucoup d’entre elles passent
inaperçues, et que l’on ne porte son attention que sur celles
qui paraissent les plus importantes et qui excitent le plus
notre curiosité .
De toutes les branches de la physique , la plus intéres-
sante peut-être est l'électricité, qui comprend aujourd'hui
le galvanisme et le magnétisme.
Parmi les applications les plus surprenantes, vous avez
déjà nommé les télégraphes électriques, Tout le monde les
70 ACADÉMIE DE ROUEN.
connaît de nom , mais peu de personnes en conçoivent le
mécanisme.
Pensant que l'Académie accueillera favorablement une
lecture sur cet intéressant sujet, j'avais depuis longtemps
le projet d'en faire l'objet d’une communication, mais j'ai
toujours été arrêté par la crainte de n'être pas assez clair
dans des explications trop arides quand les yeux ne sont
pas frappés par le mécanisme fonctionnant.
Aujourd'hui je n’ai plus les mêmes motifs de garder le
silence, car je puis faire manœuvrer devant vous le télé-
graphe électrique que j'ai acheté pour la collection des
instruments de physique de l’école municipale.
Dans tout ce que je vais avoir l'honneur de vous lire,
Messieurs, je n’ai cherché qu'à être clair, et j'ai écarté
avec soin les détails théoriques et les expressions techni-
ques qui pourraient vous embarrasser. Mon intention est
surtout de parler à vos yeux.
Avant de vous donner la description des télégraphes
électriques, il est indispensable que je vous fasse connaître
les principaux phénomènes qui forment le point de départ
de cette application.
Rien n'est comparable à la rapidité avec laquelle le
fluide électrique se propage. [ ne lui faut qu'une seconde
pour parcourir 117 mille lieues, et, chose extraordinaire ,
le génie de l'homme est arrivé à mesurer cet espace, il a
démontré qu'il était supérieur à celui que parcourt la lu-
mière. C’est au physicien anglais Wheastone que l'on
doit cette détermination; c'est lui aussi qui a eu, un des
premiers, l’idée d'utiliser cette vitesse inouie pour la pro-
pagation des nouvelles,et de mettre en rapport,avec la rapi-
CLASSE DES SCIENCES. 71
dité de la pensée, les pays les plus éloignés du globe. En
un centième de seconde, les communications peuvent être
échangées d’un pôle à l’autre.
Les différents télégraphes électriques qui sont en activité
en Angleterre, en France, en Allemagne, en Amérique,
sont fondés sur l’action des courants électriques développés
par les piles constantes :
1° Sur l'aiguille aimantée ;
29 Sur le fer doux ;
3° Sur les appareils d'induction.
Examinons rapidement ces différentes actions.
Action des courants sur l'aiguille aimantée :
Toutes les personnes qui se sont occupées de sciences,
savent qu'Arsteo, de Copenhague, posa les premiers fon-
dements de l'Electro-Magnétisme , en découvrant qu'une
aiguille aimantée, placée au-dessus ou au-dessous d’un
courant électrique, se tourne toujours en croix avec ce
dernier, comme vous pourrez vous en assurer par l’expé-
rience suivante.
Maintenant vous pouvez déjà avoir une idée du sys-
tème de télégraphe le plus simple que lon ait imaginé.
Qu'on se figure, tendus entre deux points aussi éloignés
qu'on voudra, 25 fils de fer ou de cuivre parallèles et isolés
sur des supports en bois, et, qu'au point d'arrivée, ces fils
entourent par plusieurs circonvolutions autant d’aiguilles
et boussoles, puis reviennent au point de départ.
En ce point, sera établi une pile; les fils de retour seront
fixés par un bout à l'un des pôles, et les autres extrémités
72 ACADÉMIE DE ROUEN.
ne communiqueront à l'autre pôle que par la poussée d’au-
tant de touches, dont chacune fera buter contre le zinc le
bout des 25 fils, selon la poussée que lui imprimera le doigt
de l'opérateur. Chacune des touches portera inscrite une
des 25 lettres de l'alphabet, et, à l'extrémité bleue de cha-
cune des 25 aiguilles, sera fixé un petit cercle vertical de
papier qui portera la même lettre que la touche corres-
pondante.
Veut-on transmettre la lettre A? l'opérateur appuiera
sur la touche marquée A; le fil de cette touche butera
contre le zinc ; le couple voltaïque entrera en action, et il
se produira un courant qui fera tourner l'aiguille de ma-
nière à ce que, sortant de son cadre, elle vienne se placer
transversalement devant les yeux du receveur, en lui
montrant la lettre À , qu'il inscrira sur le papier. On peut
ainsi transmettre facilement de 12 à 20 lettres par
minute.
Ce système est le premier qui ait été imaginé, mais on
lui a bientôt préféré d’autres systèmes plus parfaits. Je ne
vous l’expose ici qu'à cause de sa grande simplicité théo-
rique, et il donne une idée très nette de la transmission
rapide de la parole à une distance quelconque par les pro-
cédés électriques.
Le second système est fondé sur l'emploi des électro-
aimans. C’est celui que j'ai l'honneur de vous présenter
et qui fonctionne sur la plupart des grandes lignes.
L'aimant attire le fer, tout le monde sait cela. Mais ce
qu'on sait moins communément, c'est que le fer doux peut,
au moyen de l'électricité, être changé en aimant d’une pro-
digieuse puissance.
Que l'on prenne une lame de fer doux ou un fer à
cheval , et qu'on l'entoure d'un fil de cuivre en hélice.
CLASSE DES SCIENCES. 73
Dès que l’on fait communiquer les deux extrémités du fil
avec les deux pôles d'une pile, aussitôt le fer doux devient
aimant, et, comme un aimant, il attire le fer. Interrompez
la communication entre la pile et l'hélice, et aussitôt le
fer doux perd la propriété d'attirer le fer; il cesse d'être
un aimant.
Supposons maintenant qu'il s'agisse d'établir un télé-
graphe électrique entre Paris et Rouen.
Plaçons une pile à Paris, disposons à Rouen les lames
de fer doux et les hélices qui, en donnant accès au fluide
électrique, transformeront ces lames en aimants; puis, éten-
dons de l’une à l’autre de ces deux villes les fils conduc-
teurs qui, partant de la pile, iront aboutir à l'hélice.
Mettons actuellement la pile en action. Aussitôt que le
fluide électrique se développe dans l'hélice, le fer doux est
aimanté et attiré par la pièce de fer stationnaire; 1lse porte
au devant d'elle.
Maintenant , interrompons le courant électrique; aussi-
tôt, l'électricité n’arrivant plus jusqu’à l'hélice, le fer doux
perd sa puissance magnétique; il n’attire plus, iln'est plus
attiré. Or, imaginons que pour se porter vers l'aimant, le
fer stationnaire ait à vaincre la résistance d’un petit ressort,
la force magnétique que lui prête le courant électrique lui
permettra de vaincre cet obstacle. Mais dès que par l'in-
terruption du courant, cette force magnétique cessera de
l'animer, aussitôt le petit ressort repoussera la lame de fer
doux jusqu'à la place qu'elle occupait avant l'arrivée du
courant.
De sorte que chaque fois que nous établirons et que
nous romprons ce courant, le fer doux sera porté en avant,
74 ACADÉMIE DE ROUEN.
puis repoussé en arrière. Cet effet mécanique , ce mouve-
ment de va et vient une fois produit , il ne nous reste plus
qu'à chercher un moyen de l'utiliser pour la transmission
des signes. Vingt moyens sont praticables.
Voulez-vous que l’action de l'électricité amène devant
vos yeux des lettres, et compose ainsi de toutes pièces des
mots et des phrases ? Rien de plus facile. Voici comment
on s’y prend :
Les fils que nous venons d'employer, conduisent bien
l'électricité, mais toutes les substances n'ont pas cette pro-
priété. Il en est qui opposent un insurmontable obstacle
au passage de l'électricité.
L'ivoire est au nombre de ces substances non conduc-
trices.
Ceci une fois posé, prenez une roue d’engrenage en
cuivre, portée sur un axe également en cuivre, puis rem-
plissez d'ivoire les intervalles qui séparent les dents de
cette roue. Vous aurez un cercle complet dont la circonfé-
rence sera composée alternativement de substances con-
ductrices et de substances non conductrices de l’électri-
cité. Admettons qu'il y ait 24 parties de chacune de ces
substances; maintenant, rompons près de la pile l’un des
deux fils qui vont de Paris à Rouen, faisons que l'extrémité
libre de la porte de fil restée adhérente à la pile, soit tou-
jours en contact avec la circonférence de la roue, et enfin
attachons à l'axe de la roue l'extrémité libre de l'autre
portion du fil brisé. Cette disposition étant prise, il arrivera
évidemment, quand nous ferons tourner cette roue , que
l'extrémité du fil qui touche le bord de la roue se trou-
vera alternativement en contact avec le cuivre et avec
l'ivoire. Quand il touchera le cuivre, le courant électrique
CLASSE DES SCIENCES. 75
passera de ce fil sur la roue, de la roue sur l'axe de celle-ci,
et de cet axe sur le fil qui lui est attaché et qui le conduira
à Rouen. Quand, au contraire, il touchera l'ivoire, celui-ci
s'opposera au passage de l'électricité, et le courant sera
interrompu, et comme la roue se compose de 2% parties
cuivre et de2# ivoire, le courant électrique sera 24 fois éta-
bli et 24 fois interrompu, et, par conséquent, la lame de
fer doux qui communique à Rouen avee les fils de la pile,
sera 2% fois rendue magnétique et retournera 2% fois à
l'état naturel.
Imaginez maintenant qu'en avant de cette pièce de fer
doux, soit placée une roue d’engrenage, et supposez que
cette roue soit empêchée de tourner par une petite pièce
de fer; quand la pile sera en mouvement, la lame aimantée
attirera à elle cette pièce de fer, et l'engrenage, au mouve-
ment duquel rien ne s’opposera plus, avancera d'une dent.
Lorsqu'au contraire le courant sera interrompu, le fer
abandonné par l’aimant sera reporté contre la roue qui,
dès lors, cessera de tourner.
Imaginons , pour plus de simplicité , que chacune des
parties de cuivre de la roue de cuivre et d'ivoire que nous
avons établie à Paris, porte l’une des lettres de l'alphabet;
imaginons encore que chacune des dents de l’engrenage
que nous avons monté à Rouen, porte également une
lettre ; convenons que la lettre qui fera partie de la dépê-
che sera celle qui occupera le sommet des deux roues ;
ayons soin qu'au début de chaque expérience , les mêmes
lettres occupent les mêmes places sur les deux roues de
Rouen et de Paris; supposons que c’est en ce moment
la lettre À qui occupe le sommet des deux roues ; pour
amener la lettre B, par exemple , àla place occupée par
la lettre A , il faut observer qu'il y a entre les deux lettres
une pièce d'ivoire, Done, quand cette pièce passera sous
716 ACADÉMIE DE ROUEN.
le fil adhérent à la pile, il n'y aura pas d'effet produit ,
mais aussitôt après la partie cuivre qui porte la lettre B
viendra occuper la place de cette pièce d'ivoire, et aussitôt
le fil qui la touche versera sur elle son électricité , l'élec-
tricité se communiquera de la roue à l'axe de celle-ci, de
l'axe au fil qui mène à Rouen. A Rouen, le fer renfermé
dans l'hélice entrera en action , il attirera à lui la pièce de
fer qui tenait l'engrenage en arrêt : une dent s’avancera ,
la lettre B viendra se placer au sommet de la roue , et l'ob-
servateur de Rouen sera prévenu que le premier mot de la
missive commence par B.
C’est ici le cas d'indiquer comment on sera prévenu à
Rouen que le correspondant de Paris a une dépêche à
transmettre. Rien de plus simple ; il suflira d’une son-
nette, placée dans la chambre du télégraphe à Rouen,
que l’on mettra en mouvement , de Paris, par l'électricité
pour faire savoir que l’on a un signal à transmettre.
Nous avons employé deux fils pour établir la communi-
cation entre nos deux stations , car pour que l'électricité,
dégagée par la pile , produise l'effet désiré , il faut qu’elle
se propage dans un circuit entièrement fermé. On rem-
plit aujourd'hui cette condition , en rompant le fil à l’une
des stations, lui laissant seulement la longueur néces-
saire pour qu'il puisse descendre dans un puits creusé près
de la pile et le terminant par une plaque qui plongera dans
l’eau de ce puits ; on disposera de même à l’autre station
la portion de fil qui sera en rapport avec l'hélice. Les
deux plaques seront séparées l'une de l’autre par une
étendue de terre égale à la distance de Paris à Rouen;
cette étendue de terre remplira l'office du fil retranché, et
malgré cette soustraction de plus de 30 lieues de fil, le
courant s’établira avec autant de régularité que jadis, les
CLASSE DES SCIENCES. 17
signaux seront transmis avec la même fidélité, avec la
même promptitude.
On peut encore, comme M. Bréguet l’a observé derniè-
rement , remplacer le fil supprimé par l'un des rails du
chemin de fer.
Si l'employé , chargé d'écrire la correspondance , est
absent , l'appareil écrit lui-même la dépêche, et voici com-
ment :
Plaçons au-dessous de l'électro-aimant une bande de
papier que nous mettrons en mouvement à l’aide d’un mé-
canisme quelconque: disposons de plus un pinceau ou un
crayon de telle sorte qu'un mouvement de bascule im-
primé au fer doux suflise pour pousser ce pinceau ou ce
crayon sur la bande de papier ; faisons enfin que ce mou-
vement de bascule soit imprimé au fer doux chaque fois
que le courant électrique viendra développer en lui la vertu
magnétique. Ces dispositions étant prises, il est clair que
chaque fois que le fer doux sera mis en mouvement, le
pinceau tracera un signe sur le papier. Le courant ne
dure-t-il qu'un instant? il n°y aura qu'un point marqué.
Dure-t-il plus longtemps ? il y aura une ligne ; plus long-
temps encore? une ligne plus longue sera produite , et si
nous avons à l'avance donné une signification précise à tou-
tesles combinaisons possibles de points de lignes de diver-
ses grandeurs, il est évident que nous pourrons faire , d’un
bout à l’autre de la ligne télégraphique, l'échange de nos
pensées.
Télégraphie par induction.
On a donné le nom de courants d'induction à des cou-
rants particuliers qui se développent dans les conducteurs
18 ACADÉMIE DE ROUEN.
au moment où ces corps conducteurs s'approchent ou s'é-
loignent, soit de courants voltaïques, soit de barreaux ai-
mantés. Si l’on enroule autour d'une bobine deux fils de
cuivre couverts de soie, à un très grand nombre de tours ;
que l’un soit attaché par les deux bouts aux pôles d'une
pile, l’autre appliqué par les siens à un multiplicateur ; à
l'instant où la pile entre en action, l'aiguille du multipli-
cateur est fortement déviée, mais revient aussitôt à sa posi-
tion première. Tant que la pile est en activité, l'aiguille
reste au zéro ; mais à l'instant où l’on interrompt l'action
de la pile, l'aiguille est encore chassée vivement, mais du
côté opposé, et elle revient aussitôt à son point de départ.
Il résulte de là, comme il n'y a pas communication, que
les courants et la pile produisent dans le fil voisin des cou-
rants instantanés quand commence ou cesse l’action de la
pile.
On peut obtenir le même effet sans pile en faisant péné-
trer brusquement dans la bobine précédente un aimant un
peu puissant , il y a développement de courant dans le fil
au moment de l'entrée et de la sortie du courant.
Les phénomènes d'induction fournissent un système de
télégraphie électrique auquel on a donné , le long de cer-
taines lignes, la préférence sur celui que nous avons in-
diqué.
Toutefois , il ne s’agit que du mode de production des
courants ; car le mécanisme du télégraphe est le même au
fond ; seulement on remplace la pile par un appareil d'in
duction purement magnétique.
On concoit aisément cette production de courantsavec une
large bobine creuse entourée du double fil conducteur, et
dans l’intérieur de laquelle on introduit brusquement un
CLASSE DES SCIENCES. 79
barreau magnétique suspendu, ce qui détermine un cou-
rant instantané ; on en obtient un autre par la brusque sor-
tie du barreau. Or, comme on n'a jamais besoin que de
courants instantanés , on conçoit qu'on puisse remplacer
avec cet appareil la pile pour la production de tous les cou-
rants qu'exige la transmission télégraphique.
Un appareil de ce genre est établi en Allemagne , mais
on préfère aujourd'hui la disposition imaginée par Wheal-
stone. C'est le système qui fonctionne au chemin de fer
de la ligne d'Orléans. Dans ce système , une roue horizon-
tale à 26 divisions engrène dans un-pignon vertical ; le
mouvement de cette roue qu'on tourne à la main , a pour
effet, par l'intermédiaire du pignon , de produire de brus-
ques entrées et sorties d’un petit barreau aimanté, par
rapport à une bobine , comme ci-dessus. Chaque passage
d'une dent de la roue produit donc, par mduction, un
courant instantané , et ces courants parfaitement gouvernés
par la main qui tourne la roue, sont aussi rapides, aussi
multipliés qu'on le veut. Ici, le passage d'une dent, dé-
terminé par un mouvement de la main, remplace la pres-
sion du doigt sur une touche dans l'appareil cité plus
haut, c'est-à-dire détermine un courant instantané qui
anime un électro-aimant, contre lequel vient battre le
petit levier régulateur du mouvement d'horlogerie. 1 n'y
a donc, au fond, d'autre différence que la substitution
de l'action inductive magnétique à l’action de la pile : ce
qui semble offrir quelques avantages.
Au lieu de faire mouvoir avec elles une aiguille indica-
trice, la roue d'horloge fait tourner un léger cadran de
carton qui porte des lettres correspondantes à celles de la
roue motrice. On amène une des lettres de celle-ci contre
un repère fixe, et le petit cadran de carton tourne d'autant
de divisions, de manière à amener la même lettre dans
80 ACADÉMIE DE ROUEN.
une position fixe et convenue. Les deux opérateurs ont
done sous les veux cette lettre, comme ils avaient l'aiguille
indicatrice dans l'appareil que celui-ci remplace.
Enfin, je terminerai ce rapide aperçu en mentionnant
les expériences de Matteucci. Ce physicien s'est assuré par
des expériences directes que le courant électrique ne se
perd pas dans l’eau. Il a creusé de chaque côté de l'Arno
des puits profonds dans lesquels il plonge les plaques ter-
minales d’un seul fil; ce fil repose sur le lit de l'Arno.
Pour que le courant s’établisse , il faudra donc que l’élec-
tricité passe dans le fil submergé et dans le sol au-dessous
même du fleuve. C’est ce que l'expérience a pleinement
démontré. M. Matteucci propose de joindre par ce procédé
les côtes de France à celles d'Angleterre. Un Américain va
plus loin , il veut lier, de la même façon, l'Europe à l'A-
mérique : la Nouvelle-Écosse à la côte d'Irlande.
Le même principe peut servir à régler et à faire cireu-
ler le temps dans les maisons et dans les villes exactement
comme on fait cireuler l’eau et le gaz dans les tuyaux. Une
seule horloge mettra en mouvement toutes les horloges,
réduites dès-lors à un cadran {et à des aiguilles qui, pour
la première fois, marqueront toutes rigoureusement la
même heure.
Et, comme on conduit le temps , on peut conduire aussi
la musique. Un habile constructeur , M. Froment , trans-
met à toute distance le jeu du pianiste.
RECHERCHES
SUR
L'ÉLECTRICITÉ
ATMOSPHÉRIQUE,
PAR M. BOUTAN,
Professeur de Physique au Collége royal de Kouen.
Un siècle tout entier s’est écoulé depuis la publication
du Mémoire où l'abbé Nollet signalait, pour la première
fois, d'une manière positive, l'identité qui existe entre
l'électricité et la cause qui produit les orages : cette con-
ception du physicien français fut bientôt confirmée par des
expériences nombreuses, indiquées d'abord par Francklin,
répétées ensuite par d’'Alibard, Romas, Beccaria, Ro-
nayre, Read, le duc de Baulno, et une foule d’autres
savants , séduits et enthousiasmés par cette idée hardie
d'aller puiser l'électricité au sein même des nuages ora-
geux. Cependant, malgré les observations multipliées et
consciencieuses qui ont été faites depuis cette époque ;
malgré les travaux si remarquables de Volta, Saussure ,
Schubler, Peltier, de MM. Becquerel et Pouillet ; malgré la
6
82 ACADÉMIE DE ROUEN.
multitude de faits authentiques qui ont été publiés, la
science de l'électricité atmosphérique est encore dans l’en-
fance, et parmi les phénomènes que nous observons
pendant les orages, il n’en est qu'un très petit nombre
dont on puisse donner aujourd’hui une explication satis—
faisante.
Quelle est la cause de la marche si lente de cette partie
de la météorologie? Elle réside évidemment dans la diffi-
culté même du sujet, dans les complications nombreuses
qui l'entourent , et surtout dans cette impossibilité où nous
sommes d’assimiler les expériences faites dans nos cabi-
nets de physique aux actions électriques qui se produisent
dans notre atmosphère. En effet, dans toutes les théories
d'électricité statique, nous ne nous occupons que des résul-
tats produits par des sources d'électricité très peu intenses ;
nos machines, nos batteries, ne nous fournissent que
des quantités d'électricité bien minimes , lorsque nous les
comparons à ces torrents de fluides libres qui résident
dans les immenses conducteurs aériens, désignés sous le
nom de nuages orageux. En outre, les conducteurs que
nous employons sont toujours des corps métalliques isolés
complètement du sol, tandis que dans les orages , les ré—
servoirs d'électricité, ce sont des masses gazeuses dans un
état de condensation qui nous est à peu près inconnu.
Enfin, iln’y a qu'un bien petit nombre de physiciens , qui,
accidentellement , ou par un dévouement à la science que
nous ne saurions trop exalter , aient pu observer , au sein
même des nuages orageux, les phénomènes successifs
qui s'y manifestent.
Nous ne pouvons donc posséder sur cette partie de la
physique météorologique, que des données bien incertaines;
nous ne pouvons , par suite, produire que des théories plus
CLASSE DES SCIENCES. 83
ou moins hasardées, ayant toujours pour points de départ
les lois que nous avons établies en électricité statique.
Il est pourtant une méthode qui me semble devoir, de
préférence à toute autre, amener d’heureuses consé-
quences. Elle consiste à nous rapprocher le plus possible ,
dans nos expériences de cabinet, de ce qui se passe dans la
nature , de chercher à nous placer dans les mêmes cir-
constances , afin que nos résultats soient assimilables , et
nos inductions plus légitimes.
C'est en partant de ce point de vue, que j'ai été conduit
à faire quelques recherches sur différents points de l’élec-
tricité atmosphérique , et à tenter des expériences qui me
paraissent fournir une explication satisfaisante de quelques-
uns des fait qu'elles nous présente. Ce sont ces re-
cherches que j'ai l'honneur de soumettre au jugement de
l'Académie.
1. DU TONNERRE.
Quelques instants après l'apparition de l'éclair qui a jailli
entre deux nuées, ou bien entre une nuée et le sol, on
entend habituellement un bruit éclatant, d'une grande
intensité ; tantôt sec et strident, et comparable alors,
selon l'ingénieuse expression de Lucrèce, à l'aigre cri
du papier qui se déchire . tantôt sourd , continu, variable
dans son intensité, et engendrant alors un véritable rou-
lement ; quelquefois , enfin , ce bruit est saccadé , il a des
interruptions nombreuses , il change de nature d'un instant
à l’autre. Ce bruit, si variable dans son intensité et dans
son timbre, c’est le tonnerre.
On a donné du tonnerre un grand nombre d'explica-
tions; quelques-unes sont spécieuses, il est vrai, mais
Si ACADÉMIE DE ROUEN.
elles ne sauraient cependant résister à un examen sérieux ;
je me bornerai à discuter les principales.
Celle qui est le plus généralement admise, et qu'on
expose dans la plupart destraités de physique, rend compte
du bruit qui accompagne l'éclair de la manière suivante :
« L'étincelle qui part entre deux sources abondantes
d'électricité, divise brusquement l'air qui est interposé
entr'elles ; cette expansion est, en effet, confirmée par
l'expérience du pistolet de Kinneroles, et par celle du
mortier électrique. Or, cette expansion brusque produit
un vide momentané dans toute la portion d'air sillonné
par l’étincelle. Alors donc, que celle-ci a disparu, l'air
ambiant doit se précipiter dans le vide formé, et de à,
un choc intense de l'air contre l'air, un bruit analogue à
celui que nous engendrons à l’aide du crève-vessie. Une
fois cette idée admise, on rend compte avec la plus grande
facilité de l'intervalle de temps qui sépare l'apparition de
l'éclair de l'audition du tonnerre , de la continuité du bruit
pendant quelques secondes, et même de ses roulements. »
Il est facile de montrer que cette théorie est tout-à-fait
insuffisante , et contraire , d’ailleurs, aux observations des
météorologistes. En effet, on y assimile le bruit du ton-
nerre au craquement de l’étincelle de nos machines ou de
nos batteries ; et, certes, il faut avouer, qu'entre les deux
bruits , il n'existe aucune analogie, et que des milliers de
craquements semblables , produits simultanément, ne sau-
raient donner un caractère de son pareil à celui du ton-
nerre. D'ailleurs, le bruit de l’étincelle ne devient un peu
intense qu'à la condition que l’étincelle sera suflisamment
longue ; or, nous le savons, pour expliquer les éclairs en
lames ou éclairs diffus, comme les nomme M. Arago,
on est obligé d'admettre l'existence de décomposition par
CLASSE DES SCIENCES. 85
influence primitive dans les lames d'air qui séparent les
deux nuages, et puis, de recomposition de couche à
couche. Dans ce cas , par conséquent , l’étincelle n'a qu'une
longueur très faible, plus petite à-coup-sûr que l'inter-
valle qui sépare les losanges d'étain dans les carreaux étin-
celants ; le bruit engendré par chacune de ces étincelles
doit donc être excessivement faible; et l'ensemble de ces
bruits ne saurait donner naissance au tonnerre.
Il faut ajouter, pour renverser complètement cette théo-
rie, qu'il est incontestable qu'il se produit quelquefois des
éclairs sans tonnerre ; les éclairs de chaleur (pour me
servir de l'expression vulgaire), en sont un exemple. En
outre, il se produit aussi du bruit sans éclairs ; des faits de
ce genre sont consignés dans la notice de M. Arago’. Déluc
a vu des éclairs très intenses, jaillir à une petite distance
de la place où il se trouvait , et il n'entendait aucun bruit.
Voilà donc une preuve bien évidente qu'il n'existe pas une
liaison nécessaire entre le tonnerre et l'étincelle électrique
qui le précède ordinairement.
Je terminerai cette discussion en citant un dernier fait
qui est encore très concluant. Il paraît prouvé, d’après les
observations des physiciens qui se sont trouvés dans le
voisinage de nuages orageux , que le foyer du bruit serait
au sein du nuage lui-même, et non pas dans la portion
des “couches d’air sillonnées par l'éclair ; que, par suite,
la continuité et la durée de ce bruit dépendraient unique-
ment de la longueur , de la forme et de la tension élec-
trique du nuage.
La seconde hypothèse dont je m'occuperai a été pro-
posée par M. Pouillet. Ce physicien attribue le bruit, à une
innuaire du Bureau des Longitudes, 183$.
86 ACADÈMIE DE ROUEN.
vibration moléculaire excitée dans la masse d’air am-
biante par le choc de l’étincelle, vibration qui irait en se
propageant par le fait de la communication du mouve-
ment, et en augmentant d'intensité, attendu que des
vibrations analogues se manifestent dans les lames d'air
qui transmettent le son.
Cette théorie est, comme on le voit, sujette aux mêmes
critiques que la précédente ; comme elle aussi, elle est
obligée d’avoir recours aux échos des vallées et des mon-
tagnes pour expliquer les renforcements du tonnerre et
ses roulements prolongés. Il est cependant bien certain,
que dans les pays de plaines , le tonnerre a aussi ses rou-
lements ;: mais alors, on se rejette sur la réflexion du son
par les nuages eux-mêmes.
Enfin, on a voulu expliquer les roulements du ton-
nerre, et cette idée est due à Kaemtz', par les interfé-
rences du son. Il admet plusieurs centres simultanés d’ex-
plosion , qui engendreraient des ondes sonores se pro-
pageant dans tous les sens , se croisant dans certains points
de leurs parcours , et déterminant aux points de croise-
ment, suivant que les vibrations seraient concordantes
ou discordantes, des renforcements ou des diminutions
d'intensité dans le son. Cette explication a le défaut de ne
pouvoir s'appliquer à la généralité des cas. Car, tout le
monde sait qu'il n’est pas nécessaire de voir apparaître
plusieurs éclairs en lames simultanés, ou un seul éclair
en zigzag, pour entendre plus tard les roulements du
tonnerre. En d’autres termes , ceux-ci n'exigent pas pour
se produire l'existence , au même instant, de plusieurs
centres sonores.
* Cours de Météorologie, traduit par Martins.
CLASSE DES SCIENCES. 37
Nous voilà donc arrivés à cette conséquence , que les
diverses théories proposées pour l'explication du ton-
nerre , sont insuflisantes et inadmissibles. On n’a pas tenu
compte , dans ces explications, d’un fait important qui doit,
à mon avis, jouer un rôle nécessaire dans la production du
phénomène qui nous occupe. Ce fait a été cependant signalé
à ma connaissance , d’abord dans les Archives de l'Électri-
cité, publiées par M. de la Rive, et, ensuite dans un Mémoire
de M. Peltier'. Mais on n’en a point tiré toutes les consé-
quences, et, surtout, on n'a point tenté d'expériences pour
vérifier l'explication qui s’en déduit. Ce fait, le voici:
On démontre par des expériences directes et aussi par
le calcul, que dans tous les corps conducteurs qui sont
électrisés , le fluide libre doit se porter tout entier à la sur-
face où il doit former une couche d’une certaine épaisseur.
On sait encore que cette couche doit varier d'épaisseur ,
ou, ce qui est la même chose, que l'électricité doit avoir
des tensions différentes dans les divers points, suivant la
forme de la surface. Ce sont là des lois générales qui dé-
pendent de la nature même du fluide électrique; elles
doivent donc être encore vraies lorsque l'électricité, au lieu
de résider dans un corps conducteur métallique, se trou-
vera à l’état libre dans les nuages orageux. Ceux-ci sont,
il faut l’avouer, des conducteurs bien moins parfaits que les
métaux ; mais enfin ils conduisent assez bien l'électricité
de tension, et celle-ci doit encore chez eux se porter en
grande partie à la surface, en vertu de la répulsion du
fluide sur lui-même.
On peut objecter que la surface d'un nuage n'est jamais
nettement définie comme celle d’un corps solide. Je vais
répondre par des faits d'observation.
tdanales de Physique et «de Chimie, 3° Série, tome IX.
88 ACADÉMIE DE ROUEN.
Dans un mémoire publié dans les Annales de physique
et de chimie (1841), M. C. Schafhaeutl raconte que,
se trouvant sur le Mont Brenner, muni de plusieurs
instruments de physique, un hygroscope et un électros-
cope, il fut assailli par un violent orage. Il était placé
à quelques mètres seulement d’un nuage orageux; et,
cependant, l'air était assez sec pour que l'hygroscope
ne fût pas influencé; l’électroscope ne l'était pas davan-
tage. Bientôt les deux appareils furent affectés simultané-
ment ; l'observateur était arrivé au sein même du nuage.
Il est done certain, d’après cette observation, que le nuage
électrisé avait une surface bien déterminée qui le séparait
de la masse gazeuse environnante. M. Schafhaeutl ajoute
qu'il ne peut douter que chaque nuage ne se constitue en
une masse substantielle , par les mêmes forces d'attraction
qui font que l’eau affecte la forme sphérique ; qu'il a sou
vent remarqué des nuages flottant l’un sur l’autre et se
poussant mutuellement sans se mêler en aucune façon.
Ce fait étant bien établi, continuons notre explication.
Si l'électricité forme une couche à la surface du nuage,
elle y est maintenue par la pression atmosphérique ; donc
le nuage ne subit plus, de la part du milieu environnant,
qu'une pression égale à la force élastique de l'atmosphère ,
diminuée de la tension de l'électricité qui se trouve à sa
surface. Mais, avant que le nuage fut électrisé, la masse
gazeuse qu'il renferme avait une force expansive égale à la
pression ambiante : l'équilibre existait, le nuage devait
conserver sa forme et son volume ; aussitôt qu'il devient
électrique, sa force élastique intérieure devient prépondé-
rante et doit faire dilater le nuage, jusqu'à ce que les deux
pressions soient égales.
° 3° série, tome II, p. 44.
CLASSE DES SCIENCES. 89
Notons bien que l'augmentation de volume du nuage
par le fait de son électrisation , doit se déterminer quelle
que soit d’ailleurs l'hypothèse que l'on admette pour la
constitution de ces masses semi-liquides. En effet, les nua-
ges sont-ils formés par une agglomération de vésicules
creuses, pleines d'air humide, etcomparables, moins le vo-
lume , aux bulles de savon dont la pellicule est si mince ?
Alors , la surface du nuage est formée par des portions de
surface de quelques-unes de ces sphères, et ce sera l'air
qui sépare ces vésieules et celui qui les remplit . qui se di-
latera. Admet-on comme MM. Fresnel et Saigey que ce
sont des globules d'eau très divisés qui constituent les
nuages? Dans ce cas, on est obligé de convenir que ces
globules d’eau ne peuvent se toucher, que, par suite, ils
sont séparés par de petites atmosphères d'air saturé , et,
dès lors , il est clair que ce seront ces atmosphères qui su-
biront la dilatation indiquée.
Supposons maintenant que, par l'influence attractive
de l'électricité de nom contraire, contenue dans un nuage
voisin ou dans le sol, le premier nuage se décharge de son
électricité ; à ce moment, la pression extérieure va l'em-
porter, et, dès lors, l'air ambiant va se précipiter dans le
milieu raréfié représenté par le nuage orageux. De cette
rentrée subite de l'air, doit résulter un choc violent, tout
à fait comparable au bruit engendré dans l'expérience
du crève-vessie, et analogue aussi, pour l'intensité , au
bruit du tonnerre. Malheureusement, il est si peu de phy-
siciens qui, se trouvant au milieu d'une nuée orageuse ,
aient pu constater ce qui s’y passe au moment de l'éclair,
qu'on pourra accuser l'explication précédente d'être une
simple théorie, sans preuves positives. Cependant, je
trouve dans la relation du docteur Schafhaeutl que je
citais tout À l'heure , une preuve à l'appui : ce physicien
90 ACADÉMIE DE ROUEN.
ajoute, que peu d'instants après son arrivée au sein même
du nuage , circonstance qui lui fut indiquée par la diver-
gence considérable des pailles de son électroscope, un éclair
jaillit, et en même temps une décharge considérable d’eau
se produisit. Aussitôt après cette décharge, (je cite ses
propres paroles ,) l'hygroscope revint à son point primitif,
et les feuilles d'or de l'électroscope se rapprochèrent
comme auparavant. Le vent soufflait alors vers le centre
du nuage.
J'ai cherché , d’un autre côté , s’il ne serait pas possible,
en plaçant, autant que faire se pouvait, une masse gazeuse
électrisée dans les mêmes conditions que le nuage ora-
geux, s’il ne serait pas possible, dis-je, de manifester
cette diminution que doit subir la force élastique du gaz
électrisé, pendant que l'électricité libre se trouve à la sur-
face. Voici une expérience très simple , qu’on peut facile-
ment répéter dans un cours, et qui me semble confirmer
pleinement cette opinion.
A l'extrémité d’un tube de verre, on prend de l'eau de
savon, et on en forme une bulle à parois minces et remplie
d'air humide; pour garantir la bulle des courants d'air
qui pourraient l’agiter et la faire crever , on la forme dans
un grand flacon muni d'une tubulure unique ; on ferme le
tube avec un peu de cire molle , afin que la bulle ne dimi-
nue pas de volume, et on attend un certain temps pour
que l’air intérieur de la bulle se mette en équilibre de tem-
pérature avec l'air extérieur. Maintenant, par un fil de cui-
vre, revêtu de soie et terminé en pointe, qu'on a eu le soin
d'introduire d'avance dans l’intérieur du tube jusqu'à l'o-
rigine de la sphère , on fait arriver de l'électricité qui s'é-
coule librement par la pointe du fil de cuivre et se répand
dans l'atmosphère humide de la bulle ; celle-ci s'électrise
done, et, à sa surface , il y a une certaine épaisseur de
CLASSE DES SCIENCES. 91
couche électrique. On voit, en effet, la bulle grossir; car
on constate l'apparition de couleurs brillantes sur ses pa-
rois, les anneaux colorés de Newton se forment, ce qui
est un signe certain de la diminution d'épaisseur de la pel-
licule liquide , et, par suite, de l'augmentation de volume
de la sphère électrisée ; puis , si on décharge brusquement
la machine de son électricité, la pression atmosphérique
réagit, et l’on voit la bulle crever instantanément.
Ainsi, soit par des inductions tirées des lois de l’élec-
tricité statique , soit par des observations faites dans les
nuages eux-mêmes, soit enfin par une expérience où les
circonstances sont analogues, on parvient toujours à légi-
timer cette explication. Ce n’est pas tout , je vais montrer
encore qu'elle rend compte des moindres particularités
que l’on peut signaler dans la production du tonnerre.
Pourquoi le bruit persiste-t-il pendant un certain temps ?
Pourquoi varie-t-il d'intensité? Comment le roulement
du tonnerre peut-il prendre naissance ? A toutes ces ques-
tions, la réponse est facile. Supposons un nuage élec-
trisé qui soit à 340 mètres de l'endroit où nous sommes
placés, et qui, lui-même, ait une longueur de 3,400
mètres ; le nuage se déchargeant , l'air va se précipiter dans
toute cette longueur, et le bruit se produira à la fois dans
tous les points ; mais, à cause de la vitesse du son dans
l'air, si différente de celle de la lumière, il est évident que
nous n'entendrons le commencement du bruit qu'une
seconde après avoir vu l'éclair , et que ce bruit durera dix
secondes ; voilà pour la continuité. Expliquons le roulement.
Le nuage électrisé est toujours soumis aux influences des
nuages voisins qui sont généralement à des distances iné-
gales des différents points de sa surface ; par suite, la ten-
sion électrique est elle-même variable d’un point de la
surface à un autre ; par suite, aussi, la raréfaction de l'air
92 ACADÉMIE DE ROUEN.
intérieur doit changer avec la portion du nuage que l'on
considère. Sans doute, cette variation empêche qu'iln'y ait
équilibre dans le nuage, et des courants nombreux doivent
s'établir dans son sein; courants, qui, au bout d’un cer-
tain temps, amèneraient un équilibre stable, si toutes les
circonstances extérieures restaient les mêmes. Mais, les
tensions électriques latérales changent à chaque instant,
et si l'étincelle part, l'air rentrant dans un milieu dont la
raréfaction est inégale, doit produire des chocs d'intensité
variable ; par conséquent , le bruit que nous entendrons,
pourra ressembler à un véritable roulement. Il ne s'en
suit pas que les échos des montagnes, que les nuages
eux-mêmes, en réfléchissant le son, n’influent pas sur ce
roulement ; j'ai voulu seulement montrer qu'on peut en
concevoir la production indépendamment de ces dernières
causes.
Si plusieurs nuages orageux sont à la suite l'un de l'au-
tre, séparés par de petites distances , et qu'ils se déchar-
gent à la fois de leur électricité, il doit en résulter des
interruptions dans le bruit, correspondantes aux intervalles
qui existent entre les nuages eux-mêmes. Ces moments
de silence se présentent, en eflet, assez fréquemment dans
certains roulements de tonnerre.
La variation de volume que doit éprouver un nuage au
moment de son électrisation , nous permet de concevoir
encore et d'expliquer les changements rapides de forme
que nous voyons éprouver aux nuages orageux, au moment
où ils arrivent au-dessus de nos têtes, et qui sont devenus,
pour nous, des signes certains de la présence de la foudre
dans leur intérieur.
Nous trouvons encore , dans cette dilatation des nuées,
l'une des causes de ce grand refroidissement qui doit sur-
CLASSE DES SCIENCES. 93
venir au sein des nuées électriques pour que la grêle puisse
s'y former; car, nous savons que toute matière gazeuse,
pour se dilater, est obligée de convertir une portion de
sa chaleur sensible en chaleur latente , lorsque celle-ci ne
lui est point fournie par une source étrangère.
Un autre fait constant d'observation, que toute autre
théorie est impuissante à justifier, le fait de l'existence
de vents violents, de tourbillons, quelquefois de trombes,
au moment des orages, trouve ici une explication très na-
turelle. Chaque nuage qui se décharge de son électricité ,
devient un centre, un foyer d'aspiration pour les masses
d’air environnantes ; et, de proche en proche, l'aspiration
doit se continuer dans les couches atmosphériques jusqu'à
de grandes distances. Le transport de ces couches sera
d'autant plus rapide, que la tension électrique primitive
était plus forte et le bruit du tonnerre plus intense. Or, si
l'on suppose qu’au même instant, ou à des intervalles très
rapprochés , plusieurs nuages, situés dans différents points
du ciel, lancent la foudre, chacun d'eux va imposer au
vent une direction particulière , de telle façon que nous
allons avoir des courants se croisant dans tous les sens, et
devant engendrer, au moment de leur croisement, un mou-
vement giratoire , ou un véritable tourbillon. En vertu de
la force centrifuge développée par le mouvement rotatoire
des molécules d’air du tourbillon, celles-ci doivent s'é-
loigner de l'axe même et engendrer un véritable vide,
tout-à-fait analogue à celui qui se produit dans le venti-
lateur à force centrifuge. Si ce tourbillon s'appuie sur le
sol, la pression atmosphérique latérale fera monter dans
le vide les corps terrestres ou des colonnes liquides, dans
le cas où cette base serait en contact avec l'eau. Si, en
même temps, la partie supérieure du tourbillon passe
à une petite distance d'un nuage, par la même raison
94 ACADÉMIE DE ROUEN.
celui-ci s'engouffrera dans le canal aspiratoire; et, s'il
est orageux , il lancera la foudre et les éclairs à droite
et à gauche, vers la surface du sol.
Enfin, il ne me reste plus, pour vérifier complètement la
théorie proposée , qu'à faire comprendre comment il peut
se faire qu'un même nuage donne successivement nais-
sance à plusieurs éclairs. Il semblerait, au premier abord,
que lorsqu'une fois le nuage s’est déchargé, il devrait ne
plus donner signe d'électricité. Pour résoudre cette difii-
culté, je ne saurais mieux faire que de rappeler l'idée que
M. Peltier s'était formée, à la suite d'observations multi-
pliées, de la constitution d’un nuage orageux ". «La demi-
« conductibilité des nuages, dit-il, leur donne des atmos-
« phères distinctes : une extérieure et un grand nombre
« d’autres intérieures ; toutes agissent à distance comme
« tension statique, mais à cause même de leur demi-
« conductibilité, toutes ces tensions ne peuvent se réunir à
« la fois dans un écoulement. Lorsque l'atmosphère élec-
« trique extérieure s’est écoulée par une décharge instan-
« tanée, toutes les petites masses ou flocons de vapeur qui
« ont leurs atmosphères propres ne peuvent rendre que
« peu à peu à la périphérie ce qu'elle a perdu; de même,
« l'atmosphère électrique des flocons étant diminuée , ne
« peut se reformer que peu à peu au moyen d’un nouvel
« écoulement provenant des particules isolées qui ont con-
« servé une partie de leur atmosphère électrique. » M. Pel-
tier confirme cette opinion à l’aide d'expériences faites avec
des électroscopes très sensibles avant et après les déchar-
ges électriques.
‘ Annales de Physique et de Chimie, 3° série, et Mémoire de
Peltier sur les trombes.
CLASSE DES SCIENCES. 95
Je crois donc pouvoir tirer, de la discussion précédente,
cette conséquence : que l’on n'a pas assez tenu compte ,
dans les études faites sur le tonnerre, de la constitution des
nuages orageux, et que l'introduction de l'idée que nous
avons développée conduit à une théorie plus naturelle et
plus complète que celle qui est généralement admise.
II. ODEUR DE LA FOUDRE.
Je passe à un autre ordre de phénomènes.
Tout le monde sait qu'au moment où ( pour me servir
du langage ordinaire ) la foudre tombe , on sent une odeur
forte et pénétrante, qui a été comparée tantôt à l'odeur
du soufre qui brûle, tantôt à celle du phosphore. Deux
explications ont été proposées au sujet de cette odeur.
Les uns admettent, d’après M. Fusinieri, que la foudre
entraîne avec elle dans sa marche des particules de diverses
matières , qui, portées à une haute température par l’étin-
celle électrique, brüleraient dans l'air , en produisant lo-
deur en question. M. Fusinieri prétend que le long des
fissures produites par le passage de la foudre, il a rencon-
tré du fer oxydé et du soufre. Quoiqu'il en soit de l'exac-
titude de ce dernier fait, il est certain que, chaque fois
que la foudre tombe , une odeur est engendrée, et qu'on
ne rencontre que très rarement, dans les fentes ou les
sillons qu'elle a produits , des traces de matière nouvelle.
Les arbres foudroyés de la vallée de Monville n'offraient
aucune substance étrangère au bois ; ils n'avaient été que
profondément déchirés, en même temps que desséchés
par le passage de l’étincelle électrique. D'ailleurs, com-
ment pourrait-t-on assigner l’origine de ces matières pul-
vérulentes que la foudre entraînerait ?
D'autres physiciens pensent qu'il faut attribuer l'odeur
de la foudre, à la vaporisation rapide des liquides contenus
96 ACADÉMIE DE ROUEN.
dans les bois qu'elle traverse, dans les pierres qu'elle
brise, dans le sol où elle disparaît. Mais alors, on ne con-
cevrait pas la nature de l'odeur produite ; car de la sève
de bois qui se volatilise , des pierres qui laissent échapper
des particules de matière pondérable, ne sauraient fournir
une odeur analogue à celle du soufre, du phosphore ou
du gaz nitreux. En outre, il arrive assez souvent que la
foudre n'a rien lacéré, ni bois, ni pierres, et cependant la
même odeur se manifeste.
Voici une expérience qu'il est très facile de répéter, et
qui prouve , à mon avis , que l’étincelle électrique seule ,
sans traverser aucun corps solide, par sa seule transmis-
sion dans l’air, engendre une odeur très appréciable et
tout à fait analogue à celle de la foudre. Je prends un long
tube de verre de deux centimètres environ de diamètre ;
dans les trois quarts de la longueur de ce tube, j'introduis
un fil de cuivre contourné en spirale, et dont l’une des ex-
trémités qui dépasse l’orifice du tube est mise en contact
avec le conducteur de la machine électrique. En insufflant
de la vapeur d’eau, à l’aide de la bouche, dans l’intérieur
du tube de verre par son autre extrémité, je forme une
chaîne conductrice interrompue , constituée par les gout-
telettes d'eau qui se sont déposées le long de la paroi in-
térieure du tube de verre. Si, maintenant, la machine
étant chargée, on approche le nez de l’orifice libre
du tube, on sent une odeur forte et désagréable qui
a bien, en effet, une certaine analogie avec celle du soufre
ou du phosphore. Dans ce cas, cependant , l’étincelle n’est
passée dans l’intérieur d'aucun corps solide, elle n’a pu tra-
verser que l'air atmosphérique etde l'eau pure. Si l'électri-
cité était produite par le frottement d'un corps contre le cui-
vre, On pourrait attribuer l'odeur à la volatilisation de ce mé-
tal; mais ici, c'est de l’électricité rendue libre par l'influence
CLASSE DES SCIENCES. 97
du plateau de verre qui réside sur le conducteur de la
machine; sa tension ne peut devenir bien forte ; un trans-
port de matière pondérable n'aura done pas lieu au mo-
ment de son écoulement. Nous arrivons, par conséquent, à
ce résultat : de l'électricité qui circule dans une atmosphère
d'air humide, donne naissance à une odeur bien caractérisée.
Mais, me dira-t-on, l'électricité qui est un fluide impon-
dérable, aurait done une odeur? Cependant dans le plus
grand nombre de cas, une odeur suppose toujours le
contact de molécules matérielles avec la membrane du nez ;
les essences, et, en général, toutes les substances volatiles
odorantes en sont un exemple. A cette objection, je répon-
drai que plusieurs faits semblent indiquer que, dans cer-
taines circonstances, la sensation des odeurs peut être
déterminée comme celle des sons ou de la lumière, c’est-
à-dire par la vibration d’un certain milieu. Je citerai comme
preuve, l'arsenic qui est complètement inodore tant qu'il
ne s’oxyde pas, et qui devient odorant au moment de l'oxy-
dation , quoique, cependant, le produit de cette oxydation,
l'acide arsénieux, soit lui-même inodore. C’est donc l'ac-
tion chimique qui développe l'odeur ; mais, une action
chimique, c’est un mouvement, un groupement molécu-
laire nouveau qui ne peut avoir d'autre effet que de com-
muniquer un mouvement vibratoire à l’éther.
Je pourrais citer beaucoup d’autres faits de ce genre ;
je me bornerai au précédent, car je n’attacherais à cette
opinion une importance réelle, qu'autant qu'on parvien-
drait à produire la réflexion des odeurs , ou quelqu'autre
phénomène semblable ; actuellement , je ne la donne que
comme une hypothèse qui n’a rien de contradictoire et
qui expliquerait parfaitement le phénomène que nous
étudions. Je dois rappeler , à cette occasion, un fait im-
portant que l'on a trop vite oublié, et qui signale l'influence
4
98 ACADÉMIE DE ROUEN.
que l'électricité exerce sur l'émanation des odeurs. Voici
l'exposé qu'en donne M. G. Libri. « Lorsqu'un courant
«continu d'électricité traverse un corps odoriférant, le
« camphre par exemple, l'odeur de ce corps devient de
« plus en plus faible , et, enfin , elle disparaît entièrement.
« Quand ceci est arrivé, qu'on soustraie le corps à toute
« influence électrique , qu'on le mette en communication
«avec le sol, et l'on remarquera qu'il reste sans odeur
« pendant quelques instants. Le camphre ne reprend ses
« anciennes propriétés que peu à peu et assez lentement.»
On trouvera peut-être une solution plus probable de
cette question, en se reportant à des expériences récentes
de MM. Schæœnbein, Fisher et de Marignac *, sur un ra-
dical nouveau qu'ils ont nommé Ozone. Ces chimistes ont
établi, qu'en faisant passer, au moyen de deux pointes de
platine, une série d’étincelles électriques dans l'oxygène,
celui-ci a aussitôt manifesté la propriété de l'Ozone; son
odeur est devenue forte et nauséabonde , l’'amidon mélangé
avec l’iodure de potassium a été bleui. On comprend que si,
au lieu de très petites étincelles, ce sont de larges éclairs qui
sillonnent une atmosphère oxygénée, la production de
l'Ozone sera abondante, et l'odeur pourra devenir très
forte. Au reste, pour décider quelle est la plus probable
de ces deux théories , il me reste à faire une série d’expé-
riences dont je puis d'avance indiquer le cadre. D'abord,
il faudra examiner si la nature du gaz , au sein duquel se
produit l'étincelle électrique , a une influence quelconque
sur l'odeur produite ; dans le cas où cette influence serait
nulle, rechercher si, en faisant écouler l'électricité dans
le vide, les réactifs ordinaires de l'ozone éprouveront une
‘ Annales de Physique et de Chimie, tome xxXXvVH.
? Annalen der Physik und Chemie, tomes LXVIX et LXVIH.
CLASSE DES SCIENCES. 99
modification sensible ; dans le cas où elle existerait, déter-
miner quels sont les gaz dont la présence est nécessaire
à la production du phénomène , et si les gaz eux-mêmes
n'éprouvent pas une altération dans leur nature intime.
Ces questions , si intéressantes au point de vue physique,
le sont peut-être davantage pour jeter quelque lumière sur
cette partie encore si obscure de la chimie moléculaire.
Si je suis assez heureux pour arriver à des résultats satis-
faisants, je me ferai un devoir de les communiquer suc-
cessivement à l’Académie.
ITT.
Je me suis encore occupé d’une troisième classe de faits
qui se rapportent à l'électricité atmosphérique : j'ai tâché
de déterminer l'influence que des sources d'électricité
exercent sur des masses d'air saturées de vapeur et isolées.
Le temps m'a manqué pour compléter mes recherches à
ce sujet; aussi, je ne signalerai qu'un seul des résultats
auxquels je suis arrivé.
Je prends un "grand flacon à trois tubulures, dont la
surface extérieure est recouverte jusqu'à une certaine hau-
teur d’une feuille d’étain, comme l’armature externe d’une
bouteille de Leyde. Dans la tubulure du milieu, est soli-
dement mastiquée, par l'intermédiaire d'un bouchon, une
tige de cuivre terminée en boule à l'extérieur, et en pointe
à l'intérieur. Dans l'une des tubulures latérales , est fixé
un tube de verre recourbé à angle droit, s’ouvrant dans
le flacon, et communiquant avec l'air ambiant à l'aide
d'un robinet. A la troisième tubulure, est adapté un ma-
nomètre à eau, ouvert à ses deux extrémités. D'avance ,
on à introduit un peu d'eau dans le flacon, de telle sorte
que , quand tout est fermé, l'air intérieur se sature de
100 ACADÉMIE DE ROUEN.
vapeur d'eau. On place le flacon sur un gâteau de résine
isolant, et on attend pendant un temps suflisant pour
que l'atmosphère saturée du flacon soit en équilibre par-
fait de température avec l'atmosphère extérieure. On re-
connaît que cette condition est remplie, lorsque, le robinet
étant fermé, l’eau se trouve à la même hauteur dans les
deux branches du manomètre. Cette précaution est tout-
à-fait indispensable, car, l'appareil, d’après sa construc-
tion même, joue le rôle d’un vaste thermomètre à air
d’une sensibilité extrême. A ce moment, on fait com-
muniquer la tige de cuivre de la tubulure du milieu
avec le conducteur électrisé de la machine ; le fluide libre
s'écoule par la pointe dans le flacon, et électrise positi-
vement l'air saturé de vapeur; cela fait, on établit une
communication métallique entre la machine et l'armature
extérieure du flacon, et, alors, on voit l'eau monter
dans le manomètre du côté du flacon; ce qui indique
qu'au moment où l'électricité positive d'une source réagit
sur l'électricité de même nom, contenue dans un gaz Sa
turé de vapeur, celle-ci se condense en partie, et, de là,
survient une diminution dans la force élastique du mé-
lange.
Je dois avouer que, pour que cette conséquence füt
mise hors de doute, il faudrait montrer qu'en opérant
de la même manière dans un flacon semblable rempli
d'air parfaitement sec, le liquide du manomètre reste
stationnaire. Il faudrait ensuite chercher quelle serait,
sur le mélange gazeux électrisé , l'influence d’une source
d'électricité contraire.
Ce sont là des problèmes dont je me propose de pour-
suivre la solution, car elle me paraît devoir jeter un jour
nouveau sur plusieurs points de l'électricité atmosphé-
rique.
CLASSE DES SCIENCES. 101
En résumé, je conclus :
1° Qu'en introduisant, dans l'explication du tonnerre, la
notion du transport de l'électricité à la surface des corps
conducteurs , on arrive à une théorie très rationnelle, qui
rend compte des moindres particularités du phénomène ;
2° Que les théories, généralement admises pour cette
explication, doivent être rejetées, attendu qu'elles sont en
contradiction avec les faits observés ;
3° Que la théorie nouvelle rend compte de l'abaissement
de température qui se produit dans les nuages orageux ;
4° Qu'elle fait connaitre la cause des vents violents et
des trombes qui accompagnent quelquefois les décharges
électriques ;
5° Que l'odeur qui se répand, au moment où la foudre
tombe, ne doit être attribuée, ni à un transport de ma-
tières , ni à une volatilisation de corps liquides ;
6° Qu'on doit plutôt l’attribuer à la formation d'ozone
dans l'air par le passage de l’étincelle électrique ;
7° Que l'influence réciproque de deux masses gazeuses
électrisées de même nom, pourrait être une des causes
de la condensation partielle de la vapeur d'eau qu'elles
contiennent.
—_St—
SISISISISISSIS SSI =
PIÈCES
TREMBLEMENT DE TERRE
Du Havre et de Fécamp.
&
Seance du 23 Juillet 1847.
L'Académie, ayant désiré recueillir des renseignements
sur les secousses de tremblement de terre qui se sont
manifestées dans quelques parties du département de la
Seine-Inférieure au commencement de juillet 1847, a
jugé utile de les consigner dans ses mémoires, et elle à,
en conséquence, ordonné l'impression des pièces suivantes:
1° Extrait du Journal de Rouen , du 13 juillet 1847.
« Un tremblement de terre vient de se faire sentir au
Havre et dans plusieurs localités environnantes où , s'il
n'a causé aucun dommage notable , il a du moins excité
dans la population une émotion très vive.
« Voici , au sujet de ce phénomène, ce que nous lisons
dans le Journal du Havre :
CLASSE DES SCIENCES. 103
« On ne s’entretient, depuis deux jours, en ville , que
d'un phénomène géologique fort rare en nos climats , et
qui nous est signalé par un grand nombre de personnes
dignes de foi. Samedi soir, entre dix heures et demie et
onze heures, une légère secousse de tremblement de terre
a été ressentie à Ingouville , Graville , sur la côte , et s'est
prolongée dans les environs du Havre jusqu'à Harfleur,
Montivilliers et Orcher. Le mouvement à duré quelques
secondes , dans la direction de l’ouest à l’est , avec accom-
pagnement d’un bruit sourd , semblable à un roulement
de voiture éloigné , qui a surtout été entendu dans la cam-
pagne.
« Diverses personnes qui étaient couchées , ont senti
leur lit trembler, d'autres ont été réveillées en sursaut
par le bruit de leur vaisselle et de leur argenterie s’entre-
choquant , ou d'une porte qui s’ouvrait avec fracas. Celles
qui étaient encore éveillées ont vu vaciller les lumières et
se sont aperçues que le sol tremblait au-dessous d'elles.
Plusieurs autres ont cru à la présence de malfaiteurs, et
se sont levées en toute hâte pour chercher d'où provenait
ce bruit extraordinaire.
« Au Havre, la secousse a été peu sensible, et n’a
duré qu'un instant; mais elle a été constatée de manière
à ne laisser aucun doute. Une personne, occupée à sa
fenêtre à suivre , dans le ciel , une observation de préci-
sion , a été surprise par le frémissement marqué imprimé
à ses instruments , et le dérangement général de ses points
de repère. Elle attribuait d’abord cet ébranlement au pas-
sage d'une lourde voiture ; mais , reconnaissance faite de
la solitude des lieux , elle a cherché maintes autres expli-
cations au phénomène , avant de s'arrêter à la véritable.
« Le Courrier du Havre contient , sur le même événe-
ment, les détails qui suivent :
104 ACADÉMIE DE ROUEN.
« Samedi soir 40 juillet, un phénomène , rare dans nos
contrées , a mis en émoi plusieurs localités de l'arrondis-
sement du Havre. A onze heures moins dix minutes du
soir , une violente secousse de tremblement de terre s’est
fait sentir à Fécamp, dans plusieurs communes environ—
nantes , à Graville, et même dans le quartier du Havre
voisin de l’église.
« À Graville et à Fécamp, surtout, les oscillations ont
été très vives, et la terreur est devenue générale ; mais ,
après plusieurs secondes environ , le mouvement, qui se
faisait sentir du nord au sud, s’est complètement calmé ,
et on en a été quitte pour la peur. Un témoin oculaire
nous rapporte que les oscillations ont été si fortes à Fé-
camp, qu'elles ont renversé et brisé, dans la boutique
d'un faïencier , toutes les poteries qui garnissaient les
étagères.
«Le même mouvement s’est fait ressentir à la même
heure à Gerville et à Goderville, et nul doute que les ren-
seignements qui nous parviendront bientôt des autres loca-
lités ne nous apprennent que ce phénomène s’est étendu
sur tout le rayon de notre arrondissement.
« La chaleur avait été très intense pendant toute la
journée , et le ciel paraissait orageux. On a remarqué à
Fécamp que le vent qui, pendant tout le jour, avait soufflé
du nord-ouest, a, lors de l'événement, subitement passé
au nord-est.
« Il y a soixante-cinq ans (en 1782), Fécamp fut aussi
visité par un tremblement de terre , qui ne causa que des
dommages insignifiants ; mais les secousses ne s'étaient
point alors fait ressentir sur une aussi vaste étendue que
celles de samedi soir. »
CLASSE DES SCIENCES. 105
2° Lettre adressée le 13 juillet, par M. J. Girardin,
Secrétaire perpétuel pour la classe des Sciences, à
Messieurs E. Leudet et Poulain, au Havre, et à
M. E. Marchand, à Fécamp.
« Monsieur,
« J'apprends , par le Journal de ce jour, que plusieurs
secousses de tremblement de terre ont été ressenties au
Havre et à Fécamp le samedi 10 courant. Désirant recueillir
pour l’Académie de Rouen des renseignements précis
et tout-à-fait scientifiques sur ce phénomène si rare dans
nos localités, je vous prie de vouloir bien réunir toutes les
données exactes sur le jour , l'heure, la durée, l'étendue
et les autres particularités de ce tremblement. Je commu-
niquerai ces intéressants documents à l'Académie en faisant
connaître que c'est à vous que je les devrai.
« Veuillez interroger le plus de personnes graves possi-
ble , afin de contrôler les renseignements les uns par les
autres , et arriver à connaître la vérité Vous concevez
que, dans une telle question, les observations et les faits
n'ont véritablement de valeur scientifique que par leur
certitude et leur clarté. Je m'en rapporte, sur ce point,
à votre intelligence éclairée.
« Je vous remercie à l'avance des soins que vous voudrez
bien donner à cette affaire, qui intéresse à un si haut
degré l'histoire physique du globe.
«@T, GiRARDIN. »
3° Réponse de M. E. Marchand, en date du 19 juillet.
« Monsieur ,
«J'ai différé jusqu'à ce jour pour vous transmettre les
renseignements que vous me faites l'honneur de me de-
106 ACADÉMIE DE ROUEN.
mander par votre lettre du 13 de ce mois, parce que
m'étant adressé à un assez grand nombre de personnes
de la campagne pour recueillir le plus possible de faits
bien authentiques , j'ai dû attendre jusqu’à hier pour voir
ces diverses personnes. Cependant, Monsieur, je dois
vous le dire de suite, je n'ai pu recueillir d’autres faits
que ceux que j'ai déjà eu l'honneur de faire connaître à
M. Arago , dans une lettre que je lui ai adressée le 11 de
ce mois , c’est-à-dire le lendemain du tremblement de terre.
Je vais dans un instant vous transcrire ici cette lettre , mais
auparavant, je dois vous dire que bien que je fusse éveillé
au moment où les secousses du tremblement de terre se
sont fait sentir à Fécamp ( j'étudiais dans mon lit), je n'en
ai eu aucune connaissance. C'est ce qui vous expliquera
le manque d'observations barométriques et thermomé-
triques au moment de la manifestation du phénomène. Si
j'avais ressenti quelques-unes des secousses, je n'aurais
pas manqué de faire ces observations , et je serais à même
aujourd’hui de compléter l'histoire de ce phénomène.
J'ajouterai encore qu'il n’est pas vrai, comme l'ont
avancé quelques journaux , qu'à Fécamp, toute la vaisselle
placée sur les étagères d'un marchand , ait été cassée.
A Fécamp, pas plus qu'ailleurs , aucun accident de ce
genre ne s’est manifesté; seulement , dans un très grand
nombre de maisons , les assiettes placées debout, comme
on le fait généralement à la campagne , ont vacillé en
faisant entendre un bruit résultant de leur choc les unes
contre les autres. M. Delaquerrière , membre de l'Aca-
démie , en ce moment à Mentheville, m'a assuré qu'une
partie du toit en tuiles de la maison occupée par M. Du-
saussey , à Mentheville , s'était écroulée
Un éboulement de terre a eu lieu dans l'une des
carrières qui existent sous notre ville, mais cet accident
Rs nc.
—…——_—
CLASSE DES SCIENCES. 107
ne doit pas , je le crois du moins, être considéré comme
dû aux effets du tremblement de terre, car dans la partie
surtout où cet éboulement s'est produit, plusieurs fois
déjà , à des époques plus ou moins rapprochées, des acci-
dents du même genre, mais souvent plus graves dans leurs
conséquences, se sont manifestés.
« Des bruits assez généralement accrédités annonçaient
une foule de faits curieux comme ayant accompagné le
tremblement de terre ou résulté"de ses effets. On parlait
de lueurs vues aux clochers de quelques églises ou sorties
du sein des eaux, d'un bolide aperçu en mer, etc. ; tous
ces faits ont disparu devant une investigation sérieuse, et,
pour moi, il en est résulté la certitude qu'aucun phéno-
mène atmosphérique, remarquable pour la multitude, n'a
précédé, accompagné ou suivi la manifestation du trem-
blement de terre.
« Vous remarquerez, Monsieur, que, dans ma lettre à
M. Arago, je dis que les tremblements de terre sont rares
à Fécamp; cela est vrai, mais je dois vous rappeler que
le samedi 22 juin 1833, à 7 heures du matin, un trem-
blement de terre s'est fait sentir à Angerville-Bayeul,
Gonfreville-Caillot, Limpiville, Saint-Maclou, etc., et que
les secousses, qui ne durèrent que quelques secondes,
furent assez fortes pour effrayer les habitants de nos cam-
pagnes.
« Maintenant , Monsieur, je transcris ici ma lettre à
M. Arago :
« Fécamp, 11 juillet 1847.
« Monsieur, je m'empresse de vous informer qu'hier
soir, vers 40 heures 50 minutes, deux secousses de trem-
blement de terre se sont fait sentir dans notre ville et dans
les campagnes environnantes.
108 ACADÉMIE DE ROUEN.
« Depuis quelques jours , le temps était orageux. Hier,
le vent était au nord-ouest ; aujourd'hui, il est à l’est, Le
thermomètre accusait hier soir à 8 heures, + 20° centigr.;
ce matin, à 8 heures, la température était encore au
même degré. Je n'ai point déterminé hier la hauteur du
baromètre ; aujourd’hui , il est à 0" 765. Le ciel est sans
nuages.
« La première secousse a été la plus forte ; elle était
accompagnée d’un bruit que l'on peut comparer à celui
occasionné par une voiture lourdement chargée, et cou-
rant avec rapidité sur le pavé. Chose remarquable, ce
bruit a semblé , à toutes les personnes qui l’ont entendu,
se faire entendre dans les parties supérieures des habita-
tions, de sorte que plusieurs d’entre elles se sont imagi-
nées que les toits de leurs maisons s’écroulaient.
« D'après tous les renseignements que j'ai pu recueillir,
il paraît assez positif que les oscillations se sont mani-
festées dans la direction du nord au sud, de telle sorte
qu’une personne couchée dans la direction ouest-est, après
avoir senti son corps s’incliner à droite, c'est-à-dire vers
le sud, a éprouvé une sorte d’exhaussement vertical ,
puis est retombé sur le côté gauche. La durée de ces
trois mouvements peut avoir été de 15 secondes environ.
Immédiatement après cette première secousse , l'atmo-
sphère était calme.
« La seconde secousse, qui s'est fait sentir 5 minutes
environ après celle-ci, a été beaucoup moins forte, et elle
n’a duré qu'une ou 2 secondes au plus.
« Ces deux secousses de tremblement de terre ont été
inégalement senties dans les diverses parties de notre ville ;
au centre , elles ont été moins fortes que dans les extré-
CLASSE DES SCIENCES. 109
mités. Cela tient probablement à ce que le centre de la
ville est construit sur de très anciennes carrières , êt que
peut-être les vides existant dans ces carrières ont amoindri
la force des secousses. Quoi qu'il en soit, il paraît que,
dans beaucoup de maisons, des phénomènes curieux se
sont manifestés : les vitres et les refends en planches fai-
saient un assez grand vacarme , et, dans une chambre où
se trouvait un malade , la garde de celui-ci fut fort effrayée
en voyant des vases danser ( c’est son expression ) sur une
table , et les portes d’une armoire s'ouvrir brusquement.
« Un autre fait assez remarquable est celui-ci : un très
grand nombre d'oiseaux , troublés dans leur sommeil , ont
abandonné les bois sur lesquels ils étaient juchés, et sont
tombés soit à terre, soit au fond de leurs cages.
« Les tremblements de terre sont rares à Fécamp. Il
paraît assez bien établi, d’après le souvenir des anciens ,
que, depuis 60 ans, il ne s’en était pas fait sentir dans
cette ville, mais que, vers 1782 ou 1783, une secousse
égale, pour l'intensité, à celle que nous avons ressentie
hier, y aurait produit des phénomènes analogues.
«Je n'ai pas encore appris qu'à Fécamp ni dans ses
environs l’on ait d'accidents à déplorer.
« Agréez, etc.
« Depuis que cette lettre a été envoyée à M. Arago, et
surtout, Monsieur, depuis que j'ai reçu la vôtre, j'ai pu
encore recueillir quelques détails que j'ajoute ici pour ter-
miner celle-ci.
« Le samedi toute la journée, le baromètre est resté
stationnaire à 758 millimètres 1/2 ; il a donc remonté, du
soir au lendemain, de G millimètres 12.
110 ACADÉMIE DE ROUEN.
« Le bruit qui a accompagné (peut-être même précédé )
le tremblement de terre, s’est aussi fait entendre en mer,
à une lieue environ des côtes. On a cru remarquer une
légère agitation à la surface de l’eau. Je n'ai pu apprendre
d'aucun marin si l'aiguille aimantée a éprouvé quelques
variations.
« Le tremblement de terre s'est fait sentir au moins
depuis Paluel (lieu d'embouchure de la Durdent ) jusqu'au
Havre. Je n’ai pas de renseignements précis sur son éten-
due dans l'intérieur des terres ; je ne pense pas, cepen—
dant, qu'il se soit fait sentir à plus de 12 ou 15 kilomètres
des côtes.
« Voici, Monsieur, tous les renseignements que je puis
vous transmettre ; je regrette bien vivement qu'ils ne soient
pas plus complets.
« Depuis longtemps, j'avais le désir de tenir note de
toutes les variations météorologiques qui se manifestent à
Fécamp ; le phénomène du 10 de ce mois me décide à
prendre des mesures pour être à même de faire des obser-
vations régulières trois fois par jour, à partir du 1% jan-
vier prochain. »
L° Réponse de M. E. Leudet , en date du 20 juiller.
« MONSIEUR ,
« Je me suis livré à une petite enquête relativement aux
secousses de tremblement de terre qui ont été éprouvées
dans notre localité ; malheureusement, ce que j'ai recueilli
n'est pas tout-à-fait satisfaisant.
« Le baromètre n'a point été examiné au moment des
secousses ; la dernière observation à été faite à 8 heures
CLASSE DES SCIENCES. 111
du soir ; il n'avait rien éprouvé à ce moment; il était au
même point à 6 heures du matin, le lendemain.
« Le thermomètre n'a pas été davantage affecté.
« D’après tous les rapports, deux secousses ont eu lieu
successivement, et la durée n’a été que de quelques se-
condes ; le mouvement se faisait de l’ouest vers l’est. Elles
ont été presque insensibles au Havre, plus sensibles à
Sanvie , Ingouville, Graville, et surtout Montivilliers. Une
remarque à faire, c'est que les vallées n’ont à peu près
rien ressenti, tandis que , sur les hauteurs, les secousses
ont été très sensibles. Cet effet a surtout été observé à
Montivilliers et environs, où, dans la vallée, on n'a éprouvé
qu'un très léger mouvement , tandis que , sur les hauteurs,
les mouvements ont été assez forts pour ouvrir et fermer
des portes, et faire écrouler un tas de briques. La même
remarque s'applique au Havre.
« Les deux secousses étaient accompagnées d'un bruit
souterrain, semblable au roulement d’une voiture lourde-
ment chargée. Il a commencé un peu avant les secousses,
et s’est continué un peu après ; mais, comme Je vous l'ai
déjà dit, le tout n'a duré que quelques secondes.
« Tels sont le peu de renseignements que j'ai pu me
procurer. »
EXPÉRIENCES
TENDANT A PROUVER QUE LA CESSATION
DE L'HÉMATOSE PULMONAIRE
Est la cause de l’insensibilité
qui suit les inspirations d’éther en vapeur,
Par MM. F. Preisser, Pillore et Mélays.
Mémoire lu à l'Académie royale des Sciences , Belles-Lettres
et Arts de Rouen, dans sa seance du 12 Mars 1847.
Lorsqu'on annonça que l'inspiration de l’éther en va-
peur éteignait si complètement la sensibilité que nulle
opération chirurgicale ne pouvait éveiller la douleur,
nous fümes du nombre de ceux qui accueillirent avec dé-
fiance les merveilles qu'on prônait; d’ailleurs, ce n'était
pas sans crainte que nous voyions remplacer par l’éther en
vapeur l'air atmosphérique, cette nourriture gazeuse,
indispensable à la v'e de notre sang. Il fallut, pour nous
rassurer , l'autorité des maîtres de l'art, qui proclamèrent
l'innocuité de ce genre d'inspiration et ses résultats mer-
veilleux.
Dès lors, nous acceptâmes, comme chose démontrée
expérimentalement, qu'au contact d’un mélange d'air at-
CLASSE DES SCIENCES. 113
mosphérique et d'éther en vapeur, le sang veineux se
transformait dans le poumon comme avec l'air seul, et
que C'était à l’éther absorbé qu'il fallait attribuer cette
modification si profonde de l'innervation qui rendait
l'homme insensible à la douleur.
Dans les premiers temps, les appareils à inhalation se
multiplièrent , et il fut généralement admis que le meil-
leur, pour provoquer l'insensibilité, était celui au moyen du
quel-on inspirait beaucoup d'éther et peu d'air atmosphé-
rique. Enfin, M. Amussat vint affirmer que l’expérience
lui avait démontré que l'inspiration de l’éther en vapeur
empêchait l'hématose pulmonaire. En effet, en mettant à
nu chez un animal l'artère et la veine de la cuisse, il avait
reconnu , disait-il, que le sang artériel devenait noir ; car,
l'artère, d'abord rose, avait pris pendant la durée de l'inha-
lation éthérée la couleur noire de la veine. Il ajoutait que
l'artère avait repris la couleur rose lorsqu'on avait rem-
placé l'éther par l'air atmosphérique.
A ce moment, la question de l'insensibilité après l’inspi-
ration de la vapeur d’éther se présenta à nous sous une face
nouvelle. La modification que subissait le système nerveux
était-elle due à la présence du sang imprégné d’éther ab-
sorbé, ou à la présence du sang non hématosé dans les
poumons ? L'insensibilité était-elle le résultat d’une sorte
d'ivresse ou de l'asphyxie? Telles furent les questions que
nous cherchâmes à résoudre par la voie expérimentale.
Nousrépétämes plusieurs fois l'expérience de M. Amussat
et toujours il fut démontré pour nous :
1° Que pendant l'inhalation éthérée . le sang dans l'ar-
tère devenait noir ;
2° Que cette transformation précédait l'apparition de
l'insensibilite ;
s
114 ACADÉMIE DE ROUEN.
3° Que , dès qu'on cessait l'inhalation éthérée , et que
l'animal respirait de l'air atmosphérique , constamment
le sang contenu dans l'artère reprenait sa couleur rouge
avant le retour de la sensibilité.
Dans une de nos expériences, malgré la durée de
l'inhalation éthérée, nous fûmes étonnés de ne pas voir
l'artère changer de couleur ; nous ouvrîimes une branche
collatérale , et nous reçumes dans une capsule un sang
noirâtre, tout-à-fait semblable au sang veineux. Ce sang,
malgré son contact avec l'air atmosphérique , ne prit pas
la teinte rouge , et fut remarquable par la promptitude de
sa coagulation. À quoi tenait cette persistance de la cou-
leur de l'artère? A son opacité. Le chien était de très
haute taille ; l'artère était en outre couverte d’un peu de
tissu cellulaire; elle paraissait jaunâtre, et n'avait pas
changé. Sur les chiens de petite taille, l'artère étant très
transparente , l'expérience donne des résultats incontes-
tables. Avant l’expérimentation, l'artère est rouge clair,
elle passe très vite au rouge foncé, et enfin présente la
couleur noirâtre de la veine à laquelle elle est accolée.
Après que ce premier ordre de phénomènes fut par nous
constaté irrévocablement par plusieurs expériences, il
fallut essayer si l'insensibilité résulterait de l'inspiration de
gaz qui, non toxiques , n'ont d'autre action que d'être im-
propres à l'hématose pulmonaire; et si, dans ce cas
comme dans l'inspiration éthérée, la coloration noire du
sang artériel précèderait l'insensibilité. Nous remplimes de
gaz azote une vessie terminée par un tube en caoutchouc,
fermé par un robinet; à ce tube, nous adaptâämes un
entonnoir. L'artère et la veine étant mises à nu préala-
blement , nous étendimes un chien sur une table, et nous
Jui introduisimes le museau dans l’entonnoir pour le forcer
à respirer le gaz contenu dans la vessie.
CLASSE DES SCIENCES. 115
Comme dans les expériences avec l'éther , le sang arté-
riel prit la teinte du sang veineux, et l'insensibilité survint
avant la cessation des mouvements respiratoires. Aussitôt
que l'insensibilité fut bien constatée en mettant une patte
de l'animal dans un brasier, on retira le museau de l’en-
tonnoir , on rendit l'air atmosphérique au chien qui res-
pirait encore, etbientôt le sang artériel reprit sa coloration,
et la sensibilité reparut.
Nous répétâmes la même expérience avec l'acide carbo-
nique , le gaz hydrogène , la protoxide d'azote, et toujours
les résultats furent les mêmes, sauf quelques diffé-
rences dans le temps écoulé avant la production de l’in-
sensibilité.
En résumé, les chiens soumis à l'inspiration de ces
quatre gaz ont tous présenté la coloration en noir du sang
rouge et! l'insensibilité avant la cessation des mouvements
inspiratoires. Arrivés à l'insensibilité, nous avons rendu
à tous la liberté de respirer l'air atmosphérique , et l'inspi-
ration de l'air a toujours rendu au sang artériel sa cou-
leur rouge, et aux animaux leur sensibilité. Il faut noter,
qu'à l'instant même, ils ont pu marcher sans vacillations :
ils différaient , sous ce rapport, des animaux qu'on avait
soumis à l'inhalation éthérée; ces derniers, au réveil ,
vacillaient, semblaient avoir de la difliculté à mouvoir les
membres postérieurs, et paraissaient être dans un état
d'ivresse qui exigeait un temps assez long pour se dis-
siper.
De ces expériences, nous concluons :
{° Que l'insensibilité a été le résultat de l'influence qu'a
exercée sur les centres nerveux le sang qui n'avait pas
subi l'hématose pulmonaire ; en un mot, qu’elle doit être
attribuée à un commencement d'asphyxie qui, à un de-
416 ACADÉMIE DE ROUEN.
gré plus avancé, eût amené la cessation des mouve-
ments respiratoires et la mort. (Chez un chien de forte
taille, après avoir obtenu en 15 minutes l’insensibilité,
nous avons continué l’inhalation éthérée; 25 minutes après,
le chien avait cessé de respirer , il était mort) ;
2° Que l'insensibilité a été provoquée par des gaz qui
ne déterminent pas l'ivresse ;
3° Qu'il est possible que l'ivresse et l'excitation pulmo-
naire que provoquent les inspirations éthérées , aient une
influence fâcheuse , indépendante de l’asphyxie ;
k° Puisqu'il résulte des expériences, que l’insensibilité
précède toujours la cessation des mouvements respiratoires,
et que l'inspiration d'air rend au sang artériel sa couleur
rouge et aux animaux leur sensibilité, nous pensons qu'il est
probable que cette asphyxie , provoquée sous les yeux du
médecin et limitée par lui, n’expose pas à de graves dan-
gers ;
5° S'il était démontré que l'ivresse et l'irritation pulmo-
naire que provoquent les inspirations éthérées, ont une
influence fâcheuse sur les suites des opérations , il serait
peut-être permis, dans certaines circonstances rares , de
provoquer l'insensibilité sans déterminer l'ivresse et sans
irriter les muqueuses ;
6° Nous croyons qu'il y aurait avantage à préférer un
gaz à une vapeur, parce qu'avec un gaz, il sera beaucoup
plus facile de déterminer très rigoureusement la quantité
absolue ou proportionnelle que le patient aura inspirée.
——2120)} 5 REEe—
ERRES CHIEKS SIPRKS DRRKO DANÈEO CRKO CAMES CRÉES SHYES
OBSERVATIONS
MÉTÉOROLOGIQUES
Saites à Rouen,
PENDANT L'ANNÉE 1846 ET PENDANT L'HIVER ET LE PRINTEMPS
DE L'ANNÉE 1847,
Présentées et lues à l’Académie à diverses époques,
PAR M, F. PREISSER,
Docteur es-Sciences, Professeur de Physique industrielle
à l'École muvicipale de Rouen.
Décembre 1845 à Mai 1846. ( Hiver et Printemps.)
Hiver. Température. — L'hiver de 1846 a été très doux.
La moyenne de la température a été de + 5°8. La moyenne
correspondante en 1845 a été de + 2° 2.
Le thermomètre n’est descendu que rarement au-dessous
de 0. Le plus fort abaissement a été remarqué le 11 février ;
l'instrument à marqué — 7° #. Le maximum de tempé-
rature a été de 17° 4, le 11 février.
Il n’y a eu que trois jours de neige.
La moyenne de la température à Paris, en hiver, est
de 3°3, d'après trente-trois années d'observations.
118 ACADÉMIE DE ROUEN.
Prinremes. — La moyenne du printemps a été, à
Rouen, en 1846, de 11°2. Celle de l'année dernière n’a
été que de 8° 1.
A Paris, pendant la même saison , la moyenne est de
10° 3: à Rouen, pendant ces trois mois, le thermomètre
n'est pas descendu une seule fois au-dessous de 0.
La température la plus basse a été de +- 0°,2le 13 mars,
et la plus élevée, de + 27° 8, le 25 mai.
L'oscillation thermométrique , pendant cette période de
six mois, peut donc être représentée par 34° 9.
Je n'ai pas à vous signaler de brusques variations dans
la température de ces deux saisons.
Le froid qui a commencé à se faire sentir les 10, 11 et
12 février, a disparu progressivement.
Des Vents. — Voici comment nous avons classé les
vents dominants qui ont régné en hiver :
N. ARE RC RE PET? 7
Nas 7, 2 0 ee ES RÉDPUSE À S.-0. 29
E. 5 Pan ER IPRRPNIE enr SU 27
SARA O LE dr À mn » éné N.-0, 9
Comme on le voit par ce tableau, ce sont les vents de
S.-0. et d'O. qui ont surtout soufflé sur notre ville. Ces vents
chauds et humides ont naturellement dù avoir une grande
influence sur la température ambiante.
Vents qui ont règné au printemps.
N LR Re LME ASE S. 19
NEA EAST TA Rae . S.-0. 18
E. DRE L'URSS Hi; 0. 12
S.-E. #4. N.-0. 6
. CLASSE DES SCIENCES. 119
Ici nous observons encore la prédominance des vents
chauds.
L'hiver a été signalé par des vents forts et des ouragans,
deux en décembre, quatre en janvier, et deux en février ;
quatre sont venus du S.-0. et deux de l'O.
Au printemps nous avons également noté cinq violentes
bourrasques , toutes engendrées par des vents de S.-0.
Pluie. — Si l'hiver a été d’une douceur remarquable ,
en revanche , il a été très pluvieux.
On y compte trente six jours de pluie, et la quantité
totale d’eau tombée dans ludomètre est de 25° 528.
Cette quantité est moindre que celle de l'hiver 1845
(27° 454), mais elle est notablement plus grande que celle
qur est tombée pendant la même période de temps à Paris.
Pendant la durée du printemps, il est tombé à Rouen,
20° 969, et en 1845, 27° 506.
Ï y a eu quarante-deux jours de pluie et exactement
quatorze jours chaque mois. En 1845, avec une plus
forte quantité d’eau , le nombre de jours pluvieux n'a été
que de trente-un pendant cette saison.
A Paris, il n'est tombé que 14° 107 de pluie.
En général, depuis que je me suis livré à Rouen aux
5 ue ]
observations météorologiques, J'ai constaté chaque mois
qu'il pleut plus souvent à Rouen, et que la quantité d’eau
tombée est plus grande.
La réputation de notre ville ne serait donc pas usurpée
sous 6 rapport.
120 ACADÉMIE DE ROUEN.
Pression atmosphérique. — Le tableau suivant va nous
donner la pression barométrique moyenne de chaque mois
de l'hiver et du printemps :
Décembre . 755,96 Mars.. . 755,60
Janvier. . . 759,31 Avril... ‘751,62
Février. . . 755,66 Mai. ."1756:09
de l'hiver = 756,96
Pression moyenne { x :
du printemps 754,44
Nous observons "encore cette élévation de la colonne
barométrique pendant les jours froids de l'année, les
oscillations barométriques et thermométriques sont en
sens inverse.
Nos tableaux confirment ce fait général qui a déjà été si
souvent signalé, que pendant les vents violents, les bour-
rasques et les coups de vents, le mercure du baromètre
descend, et souvent d'une manière fort brusque.
Enfin, l'inspection attentive de la onzième colonne de
nos feuilles et leur comparaison avec les pressions atmos-
phériques démontrent que les oscillations lentes et régulières
du baromètre, coïncident généralement avec un temps
constant, et les perturbations dans l'atmosphère sont
annoncées par des changements brusques de hauteur de
la colonne mercurielle.
Voir les Tableaux.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
bus a” Hbécembre 2845
Au 40 Rai 1846.
Observations météorologiques faites
7 H'° du matin. | 2 H': du soir. | 9 H': du soir.
JOURS.
Baromètre] Therm. |Baromètre| Therm. |Baromètre Therm.
à 0. extérieur. à 0. extérieur àa10. extérieur.
1 759,41 107 760,54 758 760,72 + 5,8
2 761,04 708 757,31 io | 753,82 + 9,1
3 749,10 33 749,89 2 7 749,69 + 5,4
4 755,93 + 2,4 749,99 81 749,21 + 8,6
5 750,11 + 2,9 752,59 + 9,4 751,25 + 6,4
ô 749,19 + 5,1 750,60 ns (Ye 750,04 + 5,1
7 752,61 + 4,0 753,37 + 8,9 761,04 9,1
8 763,11 25,1 766,47 7 760,41 + 3,4
9 764,94 + 6,7 765,57 + 9,6 767,31 + 4,2
10 765,06 + 2,1 766,14 GA 768,81 + 92,1
11 759,31 + 6,1 757,96 + 8,6 || 760,04 + 6,4
12 763,81 + 5,4 764,44 + 6,4 768,42 |
13 770,18 0,3 769,69 SE 7) 769,78 7
14 769,18 I 766,32 12167 764,04 + 5,4
15 758,38 120559 756,69 + 9,8 758,34 78
16 756,61 HN) 756,69 410,4 756,91 77
17 756,34 + 9,4 755,74 410,2 750,92 +i1,4
18 743,54 EEE 743,11 +-10,3 743,91 7
19 746,11 SNS 742,57 EE) 737,11 707
20 733,04 + 4,6 733,64 + 5,3 735,25 rs
21 749,94 En 747,21 + 3,8 750,21 C7
22 754,68 Sn 746,11 DE 7 736,84 + 9,1
23 738,83 2 Er 741,65 + 5,5 748,04 + 4,3
21 755,91 PONS 759,14 on 762,91 100
25 768,04 + 0,4 767,44 + 5,4 766,84 2
26 767,18 ni 766,10 + 8,1 || 765,04 A
27 767,82 + 6,4 766,35 + 7,9 || 763,90 + 6,4
28 756,01 + 9,4 754,24 10,1 || 751,53 + 7,4
29 753,90 3 Si 755,23 19 01075977 + 8,3
30 758,71 +10,1 758,40 +12,4 759,15 + 9,6
31 762,81 0001S 761,98 + 9,9 753,91 +10,4
|
RE lard
M S | 756,57 JE 72 | 756,23 720 755,08 + 5,4
|
|
où Rouen.
Thermomètre
l
maxima Dia minima.
|
_…
+ + » +
…
L2HNHNALNCRCXLESX EXC
Dem ep D Dm
HER ER EEE EEE
CEE
SHPLPONDED ADD =
- S S + +
© CO = Co TO I & © À C0 me
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…
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+ + + +
-
DE = = ND © NS NO me mé RQ me
D DT Se VUS ST. NT DV SULOT DUO SE ST PTT G TUE
N'®@ © — © O0 O0 4 ei © © mt mé OO ee ES met D OO DUR be DO OHN—
-
ÉTAT DU CIEL
A MIDI.
Nuageux.
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Variable.
Nuageux.
Nuageux.
Pluie.
Pluie.
Nuageux.
Pluie.
Pluie.
Pluie,
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Pluie et neige,
Pluie et grêle,
Pluie.
Pluic.
Couvert.
Nuageux.
Pluie
Pluie.
Pluie.
Pluie.
Decembre
S.-0.
S.-0. fort.
O.-N.-0. fort.
O. fort.
0.
| $.:s.-0.
S.-S.-0.
O. fort.
O. fort.
N.-E, tr. fort.
N.-0. tr, fort.
N.-N.-O. fort.
0.
O. fort.
9: très fort.
DOTE.
1845.
RÉCAPITULATION.
Moyenne du mois,
= 5,74
Moyenne vraie, —
73,
Moyenne baromét.,
= 755,96.
Pluie et neige, —
13,642.
24 Jours de pluie.
{ Jour dé neige.
1 Jour de grêle.
VE NTS.
13 Vents O.
5. 1d. S-0
{1 id. O.-N.-0
11 ide:S
314. S:-S.-0
2 id. N-E.
35114. IN-0:
3 id. N.-N.-0.
Observations météorologiques faites
1 ER TOME À
7 H°° du matin.| 2 H'* du soir. | 9 H'* du soir.
TT
JOURS. |
{Baromètrel Therm. |Baromètre} Therm. |Baromètre| Therm.
extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur .
à 0.
1 754,77 + 5,4 758,40 +10,1 760,31 + 7,1
2 763,19 + 4,2 765,45 + 8,4 767,11 + 7,3
3 771,84 + 2,0 770,71 + 3,1 768,92 + 1,7
4 763,36 + 0,3 758,34 + 1,1 759,11 — 2,4
5 760,34 0,0 759,84 + 3,1 760,34 + 1,4
6 762,61 + 3,2 761,39 + 1,0 759,11 + 2,4
7 763,19 + 1,4 762,10 + 4,1 766,24 + 3,0
8 772,27 + 1,7 761,84 + 6,4 773,44 + 5,2
9 773,11 — 3,0 775,11 + 3,2 773,50 + 2,4
10 770,25 — 1,1 770,01 — 1,0 770,31 — 0,8
11 770,34 — 1,4 768,07 ms | : 765,46 — 2,1
12 762,04 — 2,1 758,91 — 0,7 756,92 — 1,8
13 753,86 + 2,0 750,24 + 3,7 749,72 + 2,4
14 747,01 + 3,7 746,85 + 8,6 747,91 + 6,1
15 754,37 + 4,4 755,89 + 7,9 755,40 + 4,2
16 755,84 + 2,1 754,83 + 6,1 754,21 + 5,9
17 753,12 + 6,6 753,84 +10,1 752,55 + 5,1
18 753,04 + 1,2 753,95 +"5,1 751,47 + 4,1
19 746,21 + 6,4 741,39 + 8,8 742,61 + 9,9
20 749,20 + 7,0 748,40 + 9,8 751,25 + 5,4
21 748,80 + 7,7 747,21 +10,1 745,24 +10,6
22 746,27 +11,4 746,04 +12,8 743,03 +11,4
23 737,61 +10,4 742,36 +14,3 753,15 +10,0
24 744,70 + 8,1 748,10 +10,3 745,80 + 8,1 4
25 749,25 +10,0 747,21 +10,2 742,08 +10,1
26 743,37 + 9,8 749,81 +10,8 745,03 + 9,1
27 747,65 + 8,8 748,13 + 9,4 751,04 + 7,8
28 749,64 + 8,0 749,27 +11,4 754,34 + 8,1
29 743,37 7,2 755,72 +11,6 758,81 + 8,2
30 747,65 SL 0 758,21 410,2 758,34 + 8,4
31 749,64 + 9,1 761,21 +12,0 760,50 + 9,1
nd
Moyences. 755,22 + 6,5 || 755,55 + 5,4
|
!
| l
!
756,04 + 4,1 |
ù Houen. — danvier 1846.
|
ÉTAT DU CIEL VENT:S
Thermomètre
RÉCAPITULATION.
| " À MIDI. A MIDI.
LE
maxima, | minima.
+10,2 + 4,1 | Nuageux. S-0: Pression moyenne ,
+ 8,7 + 2,4 || Beau. S.-0. — 755,60.
+ 4,3 "1,1 Beau. N.-E.
+ 1,2 — 3,8 Couv!, neige. | N.-0O. Température moy.,
4 3,2 — 2,2 || Beau. N.-0. 45 "9
— 2,5 — 5,6 Couvert. N.-E.
+ 4,4 — 0,6 || Couv!, pluie. | N,-E. Maximum de temp'*,
+ 6,7 + 1,1 Nuageux. 0. — 15°,1 (23 du mois)
+ 4,1 + 2,0 Couvert. E°
— 1,0 12,0 Couvert. E, | Minimum de temp'*,
— 1,1 — 2,8 Couvert. E. — 5,6 (6 du mois).
— 0,4 — 3,1 Couvert. N.
+ 4,8 — 2,2 Beau. N. Pluie et neige en
+ 9,1 + 1,6 Nuageux. N. centim., — 8,310.
+ 8,1 + 3,2 Nuageux S.-0.
+ 6,2 + 1,3 || Couv!, pluie. | S.-O. 14 Jours de pluie.
+10,1 + 5,0 Couv!, pluie. | S. 1 id. de neige.
+ 5,6 — 0,4 Couw!, pluie. | S.-0.
+10,2 + 3,1 Couv!, pluie | S,-0. | —
+10, + 5,0 || Nuageux. S.-0.
+11,7 + 5,6 || Couv!, pluie. | O. | VE NTS.
+14,6 +-10,2 Couv!, pluie. | 0.-0.
+15, + 9,2 Couv!, pluie. | S.-O. tr. fort.| 2 Vents N.
+19, + 7,7 Couv!', pluie. | S.-0. 2 id. N.-0.
+-12,1 + 7,9 C!, pl., ourag. | S.-O. tr. fort.| 3 id. N.-E.
+10,9 + 6,2 Nuageux. S.-0. CODE (5: PU
+-10,7 + 5,8 | Nuageux. S -0. L'hYrd S:
+11,7 + 6,1 Couv!', pluie. | S.-0. Pas de vents S.-E.
+11,8 + 6,0 | Couv!, pluie. | S.-0. 3 Vents 0.
+-10,4 + 5,1 Couv'. pluie, | S.-0. tr. fort.| 16 id. S.-0.
+12,8 + 6,8 Couv!, pluie. | S, tr. fort.
|
|
+ 8,0 + 2,3
Observations météorologiques faites
7 H'°: du matin. || 2 H:° du soir. | 9 H': du soir.
JOURS.
Baromètre] Therm. ||Baromètre| Therm. ||Baromètrel Therm.
à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0, extérieur.
|
|
1 758,04 + 9,0 756,21 +-12,4 756,91 + 8,4
2 754,27 + 8,1 756,31 +11,3 757,44 + 7,1
3 759,31 + 7,3 759,24 + 8,9 759,67 + 8,0
4 759,40 + 8,1 759,12 + 9,1 759,92 + 7,1
5 757,38 + 7,6 757,31 + 9,6 758,14 + 8,0
6 756,65 + 4,1 757,91 + 8,4 759,20 + 4,1
7 762,03 —+ 8,1 760,82 + 9,1 759,82 + 7,3
8 759,81 = UE) 759,02 + 6,2 759,91 + 5,7
9 760,89 + 3,8 760, 24 + 3,4 761,84 0,0
10 765,34 — 1,4 765,82 di 766,21 + 1,2
il 763,11 — 7,2 761,54 + 2,0 760,31 + 2,4
12 762,12 + 9,1 762,44 + 6,8 763,21 + 1,0
13 762,14 + 2,0 761,16 + 5,1 763,72 + 3,4
14 762,17 + 4,1 761,82 + 5,7 763,54 + 44
15 766,15 + 4,0 764,75 + 6,5 765,42 + 5,2
16 764,31 + 3,7 763,17 + 7,1 765,34 4 732
17 762,84 + 8,9 761,69 +10,0 760,61 + 7,1
LL e78 758,31 + 5,1 756,57 + 6,4 757,48 + 6,0
19 760,42 + 1,6 760,30 + 5,7 761,84 + 9,1
20 762,04 + 1,0 762,03 + 8,4 762,40 + 6,7
21 763,81 + 4,7 755,48 + 9,9 764,64 + 6,1
22 762,11 + 4,0 762,04 +-12,4 760,31 + 6,3
23 758,12 + 8,3 758,00 +-12,7 757,12 + 9,9
24 754,39 + 8,1 754,65 +14,2 754,99 +-10,7
25 753,01 + 7,0 753,72 1158 754,75 +12,1
26 756,75 67 756,45 +13,4 756,80 +-10,2
27 739,99 +-10,0 || 752,08 +-16,4 753,84 +12,5
28 754,31 +-14,% 756,11 | +-16,1 758,64 412,4
|
|
Moyennes. || 759,77 + 5,3 758,07 | 85 760,11 + 6,2
|
an Üouen. — Sevrier 1846.
|
ÉTAT DU CIEL| VENTS
| RÉCAPITULATION.
A MIDI. A MIDI.
Thermomètre.
à à
maxima. | minima.
+12,4 + 8,0 Couv', pluie.| 0 Pression moyenne ,
EN + ei Cou, pluies Q- — 759,91.
,1 ouy', pluie.| ©.
+-10,2 + 7,0 Couv!, pluie.| O. Température moy.,
+-10,0 + 6,4 Conv', pluie.| O. — 6°5,.
+94 | +5,1 | Variable. N.-0. He
+ 9,5 + 4,0 Couv', pluie.| O. fort. Maximum de temp'*,
+ 8,2 + 3,7 Cou, pluie,| O. fort. — 17,9 (28 du mois).
+ 4,0 — 0,2 Couv', neige.| N.-E.
+ 1,7 — 2,7 Beau. "FN Minimum de temp'°,
+ 2,2 — 7,4 Couvert. N.-0. — 7,4 (11 du mois).
+ 7,0 — 3,6 Beau. N.
+ 6,1 0,0 C!, pl., brouill.| 0. 11 Jours de pluie.
+ 6,5 + 3,1 Très couvert,| 0. l id. de neige.
+ 7,0 + 4,1 || Nuageux. N.-0. 1 id. de brouill.
+ 8,0 + 2,2 Couvert. 0.
+-10,7 + 4,5 Nuageux. 0. —
+ 7,1 + 4,0 || Couvert 0. É
16,2 + 1,0 || Couvert. S.-0 FENTS.
+ 8,8 + 0,1 || Nuageux. S.
+10,1 + 1,4 || Nuageux. S. 15 Vents O.
nee % 3,9 cu AE A k f ss
13% ouv pluie, . » -.N.=E.
415,4 + 6,8 Cou! pluie. | ©. Pas de sos E.
+13,9 + 5,2 Couvert. 0. 2 Vents N.
415,7 + 5,8 Beau. Se 5 id us.
+16,8 + 8,2 Beau. S: 2 id. S.-0.
+-17,9 +10,1 Beau. S. Pas de vents S.-E.
Observations météorologiques faites
7 H': du matin, || 2 H': du soir. | 9 H'* du soir.
ef
,
JOURS.
|
Baromètre! Therm. |[Baromètre| Therm. |[Baromètre Therm.
à O0.
à 0. extérieur. extérieur. mé
Moyennes. || 755,86 | + 6,1 755,08 +11,3 || 856,86 | + 0,0
l 763,10 +-10,6 762,45 +15,9 761,04 + 9,9
2 761,39 + 7,1 760,70 +14,8 760,84 +10,2
3 760,21 + 9,1 758,81 +16,1 756,14 +-14,0
4 755,31 +-12,0 748,31 +13,2 749,11 +11,0
5 753,94 + 8,9 751,10 +11;1 753,02 +11,1
6 753,72 + 7,9 756,08 +10,2 761,04 + 3,1
7 754,74 + 3,9 752,07 +-14,8 751,91 + 7,8
8 760,01 + 5,0 761,18 + 9,4 764,34 + 5,1
9 761,79 + 3,9 762,43 +-10,1 765,38 + 3,8
10 768,41 + 3,9 769,37 +19,2 769,24 + 4,4
11 770,94 + 1,8 771,09 SR 771,81 + 3,4
12 773,31 + 3,8 779,14 + 8,1 772,25 + 1,2
12 771,79 + 0,6 770,67 +14,1 770,29 + 6,3
14 767,56 + 8,0 766,51 +12,8 764,92 + 8,9
15 762,56 +-10,2 762,01 +12,0 760,84 + 8,1
16 755,58 + 8,1 750,30 +16,8 749,03 + 8,0
17 745,31 + 8,0 745,54 +10,8 746,04 9,3
18 745,08 + 4,1 745,59 + 6,5 746,39 ==
19 749,99 + 1,9 749,06 + 8,9 749,75 + 4,1
20 748,45 + 2,0 751,04 + 7 750,31 + 2,9
21 743,65 + 3,1 746,82 +#10,4 746,75 + 5,6
21 749,11 + 7,0 749,31 +10,1 741,71 + 6,8
23 744,19 + 4,7 744,34 +-10,4 746,04 + 4,0
24 746,81 + 7,8 744,67 + 9,8 745,08 + 5,4
25 748,19 + 8,2 746,31 + 6,4 748,03 + 6,1
26 749,94 + 8,5 751,96 +10,2 754,48 + 4,0
27 755,92 + 6,1 753,62 +10,4 751,39 + 6,8
28 746,56 + 6,8 743,92 + 8,4 747,02 + 5,8
29 756,59 + 8,1 759,30 +-10,1 760,38 + 5,8
30 763,82 + 2,5 758,20 +14,8 756,25 + 5,1
31 752,25 + 7,4 751,55 15,7 754,21 + 6,8
|
ù Rouen. — Alars 1846.
Thermomètre
ÉTAT DU CIEL] VENTS
RÉCAPITULATION.
A MIDI. A MIDI,
maxima. | minima,
à
Couv', pluie.
CA gr. abond.
Cou! 0 pluie.
Couv!, pluie.
Nuageux.
Beau.
Beau.
Pas de vents N.-E.
Pas de vents E
1 Vent S.-E.
+ 9,1 Beau. S. Pression moyenne
+ 5,8 || Couv!, pluie. | O — 755,60. 1
FE Hs ne ie a Température moy.,
, ? > 2
+ 7,2 Couv!, pluie. | ©. er:
+ 2,8 Couvert. N. Maximum de temp'*,
+ 20 BE e 5 — 17,1 (16 du mois).
L: œ X . . *
de are Rp sen RO: Minimum de temp'*,|
+ 1,6 Nuageux. N.-0 mc 5 2(13 du mois}
+ 1,1 Beau. N. Pluie, = 6,327.
LE we Sners s£ 14 Jours de pluie.
+ HE Couvert. 0. 2 Le de neige.
+ 7,7 Couv!, pluie. | S.-0 2 Id. de grèle.
+ 7,9 Beau. 0.
+ 3,0 || Nuag., pl., gr.| S.-0. fort T
+ 1,5 Id., pl.,neige| S. F :
+ 0,8 Nuag. , pluie. S.-E. VENTS
+ 1,2 Id., pl., neige! S.-0. : s
+ 1,0 Cotes pluie. N.-O. À Yes à 0
+ 4,6 Couvert. S.-0. fort 6 id. ©.
+ 3,3 Nuag,., pluie, } S. 3 id N_
+ 4,0 Couv!, pluie. | S. ñ El N. 0
+ 4,6 S. ; ETES
+ 3,8 Se
+ 4,0 0
"20 S.
+ 4,8 0.
+ 2,0 S.
+ 4,8 (aE
+-12,4
Observations météorologiques faites
7 H:: du matin. | 2 H'“ du soir. | 9 H'* du soir.
+ 9,0 751,46 +-12,7 752,20 + 9,2
7 , = e —
JOURS.
Baromètre| Therm. [Baromètre Therm. |Baromètre| Therm.
à 0. |'extérieur . à 0. extérieur. à 0, extérieur.
1 752,80 + 8,4 751,72 +-15,4 750,11 +-12,0
2 749,71 +10,1 748,10 +14,3 749,10 +13,1
3 750,00 + 5,2 751,30 12,0 751,11 + 7,2
4 748, 11 + 6,3 746,73 +-10,1 746,02 +11,0
5 743,08 +11,1 742, 62 15,2 740,32 +10,8
6 738,21 +10,1 739,11 —+12,2 737,02 + 4,6
7 736, 16 + 7,0 735,30 + 8,2 736,82 + 6,1
8 737,97 + 7,1 736, 37 + 8,8 738,80 + 7,4
9 749,11 + 9,2 62,13 +11,0 753,34 + 9,1
10 755, 68 +10,1 753,79 +-13,6 754,21 +11,0
il 748, 771 + 9,4 743,60 +14,1 743, 03 +12,4
12 746,61 +12,8 747,53 +16,3 748,44 +-12,8
13 749,09 +12,2 750,33 16,1 750,47 +12,8
14 749. 13 13,0 750,04 +17,0 749,17 +-12,1
15 748,40 +-11,1 750,20 + 14,1 751,80 +-10,8
16 755,04 +13,4 757,70 +-14,4 758,99 +14,0
17 || 757,41 +-13,1 756,12 +16,2 756,82 +10,4
18 756,40 + 9,4 758,20 +-11,4 758,73 + 9,0
19 759,07 + 7,7 757,04 +10,1 756,24 + 9,1
20 754,11 + 7,1 755,34 + 8,7 756,60 + 7,0
21 756,32 + 7,0 756,98 +-10,7 757,41 + 7,2
22 755,11 + 9,0 754, 731 +12,2 702,17 + 9,2
23 751,50 LOGE 750,62 +-10,7 749,18 + 7,4
2% 753,91 +10,1 754, 64 +14,4 755,71 + 9,4
25 756,20 CIC 754,12 +16,6 753,14 +11,2
26 753, 707 + 9,6 753,34 +-13,1 753,21 + 8,8
27 756, 80 + 8,1 757,82 +11,1 758,47 + 3,3
28 || 757,04 + 5,4 757,11 +15, 1 760,02 + 4,8
29 761,00 + 5,1 763,51 + 9,1 766,11 + 5,1
30 768,32 + 5,0 768,71 +-10,4 769,04 + 5,1
| % |
|
|
a Rouen. — Avril 1846.
Thermomètre
à à
maxima. | minima.
+-16,2 + 7,3
414,4 + 8,7
+#13,0 + 5,0
+12,9 + 5,8
+-16,8 + 8,9
+-13,0 + 84,1
+ 9,1 + 4,8
+-10,4 + 5,7
+-11,8 re)
+14,9 +- 8,0
+-16,8 + 8,3
+-18,4 +10,1
+18,8 410,4
+17,8 + 9,4
+-15,4 + 8,6
415,6 +-10,8
+-16,8 + 8,4
+-14,0 + 7,7
410,8 + 7,
+10,7 + 6,2
+-10,8 + 5,0
+-13,4 + 4,1
+-11,4 + 4,0
ER + 4,3
+-19,1 + 5,6
+14, + 7,0
+11,4 170
+16,2 te
+-10,4 + 4,0
+14 + 4,2
+141 + 7,0
ÉTAT DU CIEL
A MIDI.
Beau.
Couv’, pluie.
Jouv, pluie.
Couv', pluie.
Nuag., pluie.
Nuag., pluie.
Couv!, pluie.
Couv!, pluie.
Couv!,
Couvert.
Beau.
Beau.
Nuag., pluie.
Nuag., pluie.
Couvert.
Couv!',
Beau.
Couv!, pluie.
Couvert.
Couv!', pluie.
Couvert.
Couvert.
Nuageux.
Nuag., pluie.
Beau.
Beau.
CSD,
Nuageux.
Beau.
Beau.
Beau.
pluie.
grêle.
VENTS
A
eu
066
Ü
,
m1
AU
EE
22222PPPPAOMRONLPROE2ZAROOO
2
MIDI.
5
RÉCAPITULATION.
Pression moyenne,
— 751,62.
Température moy.,
— 10,5.
Maximum de temp'",
—+-19,1 (25 du m°).
Minimum de temp*,|
—+4-1,8 (28 du mois)
— 9,371.
14 Jours de pluie.
Pluie, |
1 id. de grêle.
FŒENTS.
> Vents sS.
4 Mid S-0.
Sd T0:
Jde SE:
Side NN:
4 id. N.-E.
VAUINE:
2 1d-.N-0.
Observations météorologiques faites
7 H:: du matin,| 2 H': du soir. | 9 H'* du soir.
. CC ,
JOURS. |
Baromètre! Therm. |Baromètre! Therm. ||Baromètre
,
Therm.
à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur.
766,03
763,08
760,11
755,25
752,60
753,21
+11,7
+14,0
+14,4
+16,8
+13,3
410,0
756,31 +12,8
758,82 415,9
759,14 417,4
763,11 +16,1
755,01 414,6 753,27 +17,1
750,39 +14,1 751,30 +16,8
754,21 +11,4 754,03 +-17,1
757,81 +16,0 758,40 +-20,1
760,02 +15,2 658,31 +-21,4
758,11 415,1 760,44 +18,4
764,12 413,5 762,60 +16,4
759,42 415,2 754,25 +-24,4
750,32 413,5 748,19 +15,1
751,82 +11,0 755,04 +15,0
756,52 +11,1 755,30 417,3
761,17 +-14,2
753,72 | +15,2
747,00 | —+19,1
758,03 | “+ 8,1
754,71 + 8,2
CR
© © # CO DD = © CO © 1 © O7 de CD DO
768,91 + 8,3 766,11 +15,2
766,39 414,3 764,80 217,1
761,82 415,1 760,32 +18,7
756,24 415,1 754,04 +-25,0
| 755,96 +18,8
750,04 + 9,1 745,41 +-12,4 744,08 +-15,1
17 742,03 + 8,4 740,80 2,1 741,17 +10,1
18 740,94 + 8,9 738,54 —+-15,6 742,81 +11,5
19 751,20 +-14,6 753,54 +18,6 752,17 +-16,8
20 751,31 +-10,0 751,04 21,3 752,15 +17,1
21 753,21 —+-14,2 755,11 +16,7 758,35 +15,4
22 763,04 +-14,0 761,27 + 17,4 762,64 +14,5
23 765,91 +-15,6 766,31 +-24,1 767,34 +17,1
24 765,84 +16,7 765,91 +-24,3 766,13 +-18,2
25 766,11 +-17,1 764,08 —+-27,1 765,14 +19,1
26 763,04 —+-15,7 763,64 +24,3 763,86 +18,1
27 762,82 +-16,2 761,05 +-19,8 762,71 +-17,2
28 763,11 sr lit 763,30 +-18,1 764,14 +15,5
29 768,45 12,2 765,98 +15,0 764,55 +13,1
30 765,86 +15,0 763,75 +-18,9 764,12 16,0
31 761,30 +-16,1 760,91 +940 762,34 417,8
bete 2e |
| Moye DS. 756,42 +13,7 | +-14,6
1
|
— —.
ù Rouen. — lai 1846.
Thermomètre
ETAT DU CIEL VENTS
a —, ,
RECAPITULATION.
. 5: A MIDI. A MIDI.
maxima, | minima.
+16,8 + 7,8 Beau. N. Pression moyenne,
+18,9 + 8,0 | Beau. N. — 756,09.
+-20,3 + 9,1 Beau. N.-E.
+-26,0 92 Beau. S. Température moy.,
+-18,1 +10,4 Beau. S'- — 15,1.
+17,7 + 9,1 Couv!, pluie, | O.
+-18,6 +10,2 || Couvert. S.-0. Maximum detemp'*,
+-21,0 +-11,4 Nuageux, S.-0. —27,8 (25 du mois)
+-22,4 +13,0 Nuageux. S.-0.
+-20,3 +13,4 Beau. S. Minimum de temp'°,
+-18,8 +-12,1 Beau. S.-0. —5,0 (17 du mois).
+-25,1 +-12,3 Beau. S.
+16,7 +-10,0 Couv!, pluie. | N. Pluie, — 5,271.
+-15,8 + 7,0 Beau. N.
+18,1 + 6,4 | Beau. N. 7 jours de pluie.
+-14,8 + 5,1 Couv', pluie. | N.
+13,4 + 5,0 || Couv', pluie. | S.-0. fort. —
+16,1 + 7,4 || Couv', pluie, | S.-0. fort.
+-19,4 +10,8 Couv!', pluie. | S.-0. fort. VENTS.
+-22,5 + 9,1 Couv!', pluie. | S.-0
+-18,2 +10,2 || Nuageux. E. 6 vents N.
+18,8 +-11,4 Beau. E. 7 id. N.-E.
+-24,8 +11,7 Beau. E. Pas de vents N.-0.
+-24,9 +-10,7 Beau. N.-E. { vent O.
+-27,8 +13,1 Beau. S: 5 id. S.
+-25,2 +-13,0 Beau. N.-E. 8 id. S.-0.
+-20, 1 +12,2 Beau. N.-E. Pas de vents S.-E.
+-18,9 + 9,5 Beau. N.-E. # vents E.
+-16,4 + 8,4 || Nuageux. E.
+-20,5 + 9,0 Beau. N.-E.
+-25,6 + 9,2 Beau N.-E.
|
|
Il
+-20,4 + 9,8 | |
|
CLASSE DES SCIENCES. 121
Juin à Novembre 18,6. (Été et Automne.)
Érs. Pressionde l'atmosphère. —Lacolonne barométrique
s’est maintenue durant le cours de cet été à une hauteur
plus grande qu'à Paris, et que l'année dernière pendant
la même époque à Rouen. En effet, la hauteur moyenne
de la saison qui a été de 758,27 en 1846, est de 756,35
seulement en 1845.
En général, il n'y a pas eu de brusque variation dans
la colonne mercurielle ; la plus grande élévation a été de
767,82 (le 27 juillet), et le plus grand abaissement, de
748,90 (le 47 du même mois), de sorte que l’oscillation
barométrique de cette saison n'est que de 18,92, tandis
qu'en 1845 elle était de 24,77.
Température. —L'été de 1846 a été très chaud à Rouen,
et le thermomètre s'est élevé à une hauteur qu'elle atteint
rarement dans nos contrées. C’est ainsi que le 5 juillet,
l'appareil placé au nord et à l'ombre a marqué 36°,8.
La température la plus basse a été de 9,1 dans la nuit du
12 juillet.
On voit que la différence des températures extrêmes de
cette saison a été de 27°,7.
La température moyenne de l'été est représentée par
209,1, tandis que celle de l’année dernière n'a été que de
17,2, et que le thermomètre ne s'est pas élevé au-delà
de 30°,2.
Vents. — Ce sont les vents chauds du S.-0. et du S.
qui ont dominé pendant cette saison.
122 ACADÉMIE DE ROUEN.
Nous avons observé à cet effet :
29 vents dominants venant du S.-0.
15 — — du S.
13 — — d'E.
12 — — d'O.
10 — — de N.-E.
6 — — de N.
5 — — de N.-0.
2 — — de $.—E.
Pluie. — J'ai recueilli, dans l'udomètre, 16°%,654 de
pluie. Le nombre de jours de pluie a été de 19.
En 1845, la quantité d'eau tombée était de 21°,319, et
le nombre de jours de pluie de 22.
Cet été, comme l'été dernier, il est tombé à Rouen no-
tablement plus de pluie qu'à Paris.
Il y a eu 5 orages :
2 en juin.
2 en juillet.
4 en août.
Celui du 14 juillet a été très violent; la foudre est
tombée à plusieurs reprises sur notre ville.
L 1
Aurome. Température. — La température moyenne de
l'automne qui a régné à Rouen, a été de 11°,8. Elle est
exactement la même que celle que j'ai observée l’année
dernière , pendant la même saison, dans les mois de sep-
tembre et d'octobre ; le thermomètre n’est pas descendu
une seule fois au-dessous de zéro.
Le maximum de la température a été de 26°,8 ; il a été
observé le 11 septembre.
CLASSE DES SCIENCES. 123
Le minimum a été observé le 12 novembre ; il a été
de 2°,5.
L'oscillation thermométrique de cette saison a done été
de 29°,3.
Le froid qui a commencé à se faire sentir vers le milieu
de novembre , n’est arrivé que progressivement, et a dis-
paru de même à la fin du mois.
Vents.— Les vents dominants qui ont régné en automne
peuvent être classés ainsi :
N 7 5-0... 1m
N.-E..... 11 Le DHANOE 6
N.-0 (D S À ES
OLA. 3 DA CNE 6
On voit par ce tableau que, dans cette saison, les vents
chauds et humides de S.-0. et de S. ont souvent dominé.
La température ambiante a dû naturellement se ressentir
de leur influence
On n'a observé à Rouen, ni bourrasques violentes ni
ouragan.
Pluie. — Cette saison a été très pluvieuse; [es vents
de S.-0. nous ont amené une énorme quantité d’eau, plus
considérable même que celle tombée pendant l'automne
de 1845, qui pouvait cependant être considérée comme
une des saisons les plus pluvieuses que l’on ait observées
dans notre contrée.
Il est tombé pendant les trois mois de septembre, ac-
tobre et novembre , 26,396° d’eau.
Pendant le mois d'octobre seul , j'en ai recueilli 1#°710 ,
et il nous à fourni plusieurs exemples de ces pluies tor-
124 ACADÉMIE DE ROUEN.
rentielles qui versent sur la terre de 30 à 40 millimètres
d'eau.
En 1845, la quantité d'eau tombée pendant l'automne
a été de 21°643.
Le nombre de jours de pluie a été, en automne 1846,
de 40 , et, en 1845, de 41.
Pression atmosphérique. — La pression atmosphérique
a été de 756,42 pour le mois de septembre,
751,13 —_ d'octobre,
758,40 = de novembre.
La pression moyenne de la saison a été de 755,41. La
pression correspondante, en 1845, a été de 757,08.
On peut observer ici que, pendant le mois d'octobre,
si remarquable par ses fortes averses , le baromètre a été
constamment très bas. La moyenne (751,43) est en effet
de plusieurs millimètres moindres que toutes celles que
J'ai observées à Rouen. Le baromètre est descendu le 145
octobre, après une forte pluie, à 736,03. C’est la plus
grande dépression de la saison.
Le 9 novembre, le mercure s’est élevé à 770,64. C'est
la plus grande hauteur.
L'oscillation barométrique de la saison a donc été de
34®®,61 ; l'oscillation correspondante de l’année dernière
n'a été que de 26"",07.
Voir les Tableaux.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
Du 1° Juin 1846
Au 30 Novembre 1846.
l
JOURS.
Moyennes. |
Observations météorologiques
e
7 H:: du matin.
> 7
Baromètre| Therm.
à 0. extérieur.
762,11 +-18,2
761,31 +19,4
762,94 418,4
761,24 424,5
760,32 +24,8
760,62 +29,1
760,12 25,0
758,04 SU TE
756,32 7
761,74 +-14,3
765,61 417,4
767,04 +16,2
762,61 20,1
760,32 +18,2
760,14 +19,2
766,17 +18,8
767,24 +21,7
762,84 +29,4
760,86 425,2
761,64 429,6
758,37 +20, 1
757,81 +24,8
753,58 417,9
750,40 +19,
752,25 412,8
754,02 411,5
752,62 15,5
758,31 +14,2
757,05 415,1
760,80 +15,6
759,79 +-18,8
2 H': du soir.
on
Baromètre] Therm.
10; extérieur
761,91 426,4
762,04 426,3
762,46 428,1
760,11 +-29,4
760,02 +30, 1
759,20 | -+%6,4
758,48 430,7
757,30 | 20,4
756,02 419,3
760,81 +21,5
763,10 +20,4
764,52 +24,5
760,26 +28,4
759,24 431,4
761,34 +273
765,80 24,9
764,17 +26,4
761,39 431,4
758,12 129,8
760,00 +28,4
757,18 27,3
755,04 +-28,6
754,96 419,4
747,94 | 16,1
752,08 +13,0
753,21 421,4
754,92 419,7
758,14 +18,4
755,70 420,4
760,02 493,4
757,51 +-24,6
9 Hr:: du soir.
a
Baromètre} Therm.
à O. extérieur.
761,64 +-23,0
761,39 +-23,6
761,54 419,9
760,21 420,7
760,64 422,9
759,62 422,6
759,31 24,7
757,62 +18,8
758,40 414,2
762,86 418,1
762,17 1732
763,30 419,8
761,46 +24,4
760,38 426,9
762,11 +94,1
766,27 +4-29,0
763,30 +21,6
761,91 427,4
759,61 +-26,4
758,63 424,5
757,92 +21,7
753,31 +-20,6
752,34 +16,8
750,31 +14,2
752,63 11,5
752,71 415,3
756,34 +16,4
759,11 +14,7
758,14 417,2
761,38 +-20,0
758,55 +-20,7
faites à Rouen. — Juin 1846.
Thermomètre
ÉTAT DU CIEL VENTS |
RÉCAPITULATION.
à à
A MIDI. A MIDI.
maxima. | minima.
+28,8 +13,7 Très beau.
+-28,8 +13,4 Très beau.
+-30,2 +15,7 Très beau.
+-30,8 +15,9 Très beau.
+-27,4 +16,1 Nuageux,
+-30,9 +16,0 Nuag. pet. pl.
+-21,4 +14,4 || Couv!, pluie.
+-22,1 +-13,0 Couvert.
+-22,4 +13,4 Couvert.
+21,4 +14, Nuageux.
+-25,8 +15,2 Beau.
+29,8 | +181 || Beau.
|
La moyenne de la!
pression atmosphé-
rique, 758,61.
,
le)
1!
©
Moyenne de la tem-
pérature, 21°4.
+28, 1 +11,1 Très beau.
Moyenne des thermo-
mètres maxima et
minima. — 2095,
.
re
+31,6 +-17,7 || Beau.
+-28,8 +17,0 || Beau.
28,4 +16,4 || Beau.
+-27,8 +-16,7 Beau,
+-32,2 +19, || Beau.
+-30,3 +-20,4 || Beau.
+-30,0 +-18,7 Beau timètres , 4 c. 341.
+-30,0 +17,8 Quelq. nuages
+29, 1 +16,5 || Couv', orage. -E. =
22,3 +112 || C', pl, orage.| S.-O. fort.
Û
mir
6 jours de pluie.
2 orages.
‘
FE
Pluie tombée en cen-
2H222222H2000O0NR2RR EE
© ©
+18,4 +-10,8 Pluie contin. | S.-O. FIRINTIS:
417,1 +10,4 || Pluie. S.-0.
+-22,8 10,6 Nuageux. S. | 8 Vents E.
+-21,2 11,8 Couvert. S. 6 id. N.-E.
+-24,7 +11,7 Nuageux. S.-0. | 1 id. N.-0.
+-26,2 +-12,4 || Nuag., pluie. | N.-0. LS MEMO:
+-23,7 +11,2 || Nuageux. 0. FA SO.
200 À ICE
| Pas de vents S.-F.
3 Vents N.
|
+-26,4 +14,9 | |
|
(l
SHIDGRCE
| 7 H'° du matin.|| 2 H'° du soir.
JOURS.
Observations météorologiques faites
9 Hr:: du soir.
et |
{Baromètre Therm. |lBaromètre! Therm. [Baromètre] Therm.
AD: extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur .
415,7 761,30 | “<+22,7 763,92 418,7
417,5 763,18 +-26,3 764,36 421,4
415,5 761,60 | —<+28,4 761,82 19927
+16,4 756,41 +-34,7 758,21 425,4
17,4 754,20 +20,4 755,29 418,4
414,2 755,95 | —+21,2 758,14 + 14,4
417,5 756,82 +-25,2 755,86 417,8
7 753,60 18,4 753,91 415,4
+16,6 757,64 | —<+-22,1 758,80 +16,7
416,5 760,03 +-24,4 761,33 +17,3
416,9 761,27 +-24,4 762,71 +18,7
416,2 758,02 427,1 759,64 +21,1
182 755,62 +-24,1 757,35 410,4
Et 759,61 421,5 760,58 416,3
418,8 752,04 | —+24,3 750,21 415,4
416,4 748,98 419,2 749,32 +141
414,2 748,94 +-20,4 750,47 415,7
415,8 754,71 424,5 757,34 +18,1
416,9 762,04 421,8 764,25 414,7
417,0 759,30 | --20.7 758,92 TA
416,4 756,34 421,4 757,25 417,4
415,8 755,25 30,7 756,21 422,7
419,0 756,92 425,4 758,14 +-20,0
415,6 761,03 20,8 764,61 +18,
415,3 766,61 +91,4 766,86 +18,7
413,7 765,14 | 23,9 766,11 +20, 1
414,7 763,91 +26,7 764,61 +18,9
41858 760,18 | 30,4 759,82 424,5
420,1 756,63 34,8 757,36 +95,1
+-21,7 753,51 433,6 || 753,02 90,1
415,8 | 761,61 +-20,5 | 762,44 +-15,7
|
|
|
+16,8 757,10 | —+24,6 758,99 +18,7
à Uoucn.
Juillet
1846.
EE,
à
maxima, | minima. |
+-26, 1
Thermomètre
à
413,9
ÉTAT DU CIEL
À MIDI.
Nuag., pluie.
Nuageux.
Beau.
Beau.
Beau.
Nuageux.
Nuag., pluie.
Nuageux.
Beau.
Beau.
Couvert.
Beau.
Beau.
Couvert*.
Couvert.
Nuageux.
Couv!, pl., or.
Couv!', pluie.
Beau.
Nuageux.
Trèsnuageux.
Couvert.
Beau.
Beau.
Nuageux.
Nuageux.
Beau.
beau.
Beau.
Beau.
Nuageux.
* Orage très
lviolent, pluie,
A
L 1200) |
20C
PHARES OnOOS
OO
VENTS
MIDI.
0
©
: fort.
=
C
RÉCAPITULATION.
Pression atmosphér.
moyenne, 758,44.
Moyenne des ther-
momèêtres maxima
et minima.=— 20°,0.
Température la plus
élevée , 369,8 (le 5)
Température la plus
basse. — 9°,1 (le 12)
5 Jours de pluie.
2 orages.
Pluie tombée en cen-
timètres. — 2,642,
VFENTS.
7 Vents O.
GORE OO:
& "10.0 E:
11 ITS:
Pas de vents S.-E.,
N -E., N.-0. et N.
Observations météorologiques
7 He du matin.| 2 H:: du soir. | 9 H'*: du soir.
ne,
Baromètre! Therm. |[Baromètre| Therm. |Baromètre| Therm.
à 0. extérieur. à 0. extérieur. a 10: extérieur.
1 752,21 423,9 751,64 432,4 759,46 +26,4 |
2 753,62 +-20,2 752,46 +26,0 755,14 419,2
3 753,42 +19,6 756,21 227,1 757,18 +19,9
4 758,46 +17,5 757,61 +96,4 754,21 18,4
5 753,38 418,5 753,10 433,8 751,20 427,2
6 752,13 420,5 751,25 97,3 752,75 +20,4
7 751,83 +18,0 751,20 +24,4 752,21 418,4
8 754,75 ir 753,67 423,3 755,54 19,9
9 758,19 16,4 757,17 H,7 758,91 +-20,0
10 761,13 2 760,77 +23,4 761,72 419,4
11 760,71 +19,0 760,24 +-91,7 761,37 nel
12 758,17 +-21,0 760,30 25,8 761,55 20,1
13 757,38 419,7 756,27 24,9 757,18 419,1
14 754,29 +-20,0 756,14 +22, 4 755,50 NT
15 754,18 18,4 753,71 427,1 754,72 +-20,1
16 756,29 4173 754,12 495,4 756,82 +18,1
17 751,12 416,2 756,03 +-23,7 757,12 +417,8
18 752,92 418,4 752,64 +4-29,4 752,60 18,4
19 756,30 418,7 752,50 +-20,2 752,18 +151
20 751,14 +20, 1 755,03 99,7 754,80 +16,4
21 756,38 108 750,08 +21,0 751,29 | 16,6
92 757,28 416,7 754,62 +-20,1 755,34 +18,1
93 760,11 417,1 757,91 419,4 PA | ET
94 761,39 415,2 759,28 420,2 759,79 | —+18,1
95 760,10 417,9 760,64 419,9 762,79 it
26 754,18 415,8 757,01 + 24,1 755,13 +189
27 754,72 416,1 753,61 424,0 752,18 +184
28 752,60 417,4 752,21 424,1 752,27 71
29 761,94 415,7 752,34 +29,4 753,91 +18,2
30 761,74 117,1 760,12 +-29,1 761,79 419,1
31 763,12 415,1 762,18 +-23,0 763,56 419,0
Moyennes. || 756,29 +-18,0 755,55 +-24,0 757,75 +19,1
faites à Rouen, — Août 1846.
Thermomètre. |
ÉTAT DU CIEL] VENTS
À | RÉCAPITULATION.
é A MID. A MIDI.
maxima. | minima.
|
Beau , le s' or. Hauteur barométr.
+34,5 +17,6 violent et pl.| S.-0. moyenne.— 757,75.
+28,5 +-17,2 Nuag., pluie. | S.-0. : : : e
+284 +156 Nuageux. S. Le Le Cu moy.,
—+27,1 —+14,8 Couvert. S: "TRE
+34,9 +16,7 Nuageux. S.-0. Moyenne des ther-|
—+-28,0 +17,1 Couvert. S -0. momètres maxima
+-25,1 +15,4 Nuag., pluie, | O et minima 19°, 8.
+24,6 + 14,8 Nuageux. S.-0. Température la plus
+-22,4 +14,1 Nuageux. S.-0. éléféd Au mois TA 9
+-25,0 +#15,4 || Nuag., pluie. | S.-0. (Le 5 du mois.) à
+-22,9 +15,0 || Nuag., pluie. | S.-0. +
—+27,2 -+16,1 Beau. S,-0. Température la plus,
—+-25,1 -+-15,0 Beau. S.-0. basse. — 11°,7. (Le
+-23,7 +14,7 Beau. S.-E. 19 du mois. )
+-28,1 +15,6 || Nuageux. O. 8 Jours de pluie.
+-26,2 H12,2 || Beau. S.-E. 1 orage.
+-24,1 -+13,3 || Couvert. S.-0. ; l
+227 | +126 | Nuag. pluie. | S.-O. fort. | Pluie tombécen cen
+-21,2 +-11,7 || Nuag., pluie. | S.-0. OR Chou
+ 22,8 H14,7 Nuageux. N.-0. 1e
+21,1 +15,1 Pluie. N.-0. fort.
+-20,4 14,7 Nuageux. N. :
420,0 -13,3 Couvert. N.-E. PS:
+21,4 +-14,7 Beau. N.-E. ‘
+201 | +156 || Beau. N.-E. Fi RONSE
+25, 1 +13,0 Beau. E. 9 td S Ê
25,5 +15,0 Nuageux. N.-E. 1 td F
+24,3 +16,1 Couvert. N. 2 dd S_-E
23,7 +13,6 Nuageux N.-0. RUN O
+-23,0 +14,1 Beau. N. 3 id N. è
+-23,7 +-15,0 || Nuageux. N.-0. & à A4 NE.
Observations météorologiques faites
7 H': du matin, || 2 H': du soir. | 9 H': du soir.
a
Baromètre| Therm. [Baromètre Therm.
JOURS.
Baromètre| Therm.
à 0. extérieur.
extérieur. extérieur.
à O.
763,74 +18,4 763,08 —+-22,4 764,38 +19,1
764,27 +-18,1 763,82 +-21,6 763,32 +-20,0
763,31 +-20,4 761,92 +-24,8 762,30 +-20,1
760,81 +-19,7 759,71 +-23,3 760,39 +18,1
757,22 +-20,0 757,03 +-23,7 756,72 —+20,2
758,17 +-20,7 756,30 +-24,1 756,90 +18,4
758,10 +-19,7 757,67 +-24,2 759,41 +17,3
760,24 —+-21,7 759,71 +24,9 760,47 +-22,6
761,30 +-18,4 763,46 +-23,7 764,11 +-20,5
765,13 +-20,0 764,36 +-25,3 765,87 +18,7
766,34 +-17,4 765,09 +241 766,30 17,4
763,20 +-16,1 762,60 +-21,5 763,71 +-17,1
763,18 +-16,1 762,79 +-20,7 763,92 +16,7
764,02 +15,2 764,71 +21,4 763,73 +16,9
763,34 +-14,4 762,79 +-21,4 763,18 +-16,0
761,20 +15,1 758,09 +-29,1 757,11 417,1
753,08 +16,0 752,64 21,7 751,69 +#16,0
752,24 +14,6 756,26 +-20,1 748,60 +15,4
745,12 +-17,4 743,38 +-24,4 743,98 +-18,1
748,64 +16,2 748,02 +-21,0 748,39 +18,0
749,71 +-14,7 750,66 +-20, 1 749,12 +17,7
748,24 +15,1 747,08 +19,9 745,20 +16,4
748,79 +15,6 747,31 +-19,3 748,61 +16,
750,20 +16,1 750,73 +19,8 751,72 16,6
754,39 +-15,0 754,02 +19,0 754,88 +13,9
756,27 +15,2 755,11 +18,1 755,08 +13,6
749,25 +13,0 748,05 +14,5 747,34 +11,7
747,31 +10,7 746,31 15,1 || 748,04 11,2
749,04 +11,7 750,79 +-15,0 754,67 17,8
SON QE CD —=
Hs
762,71 +-18,8 762,09 +-21,9 763,30 +-20,7
756,55 +16,7 755,98 +91,4 || 756,75 +16,9
male =
a Rouen.
Thermomètre
2
à à
maxima. | minima,
+-22,0 +13,6
+-29,7 +13, 1
+-23,1 +-15,4
+25,4 +-14,7
+-24,7 15,1
+-21,8 —+17,9
+-25,8 —+-16,4
+-26, 1 16,1
+-26,0 +-17,0
+-24,6 —+-16,8
26,8 +17,4
+-25,7 +-16,2
+-22,9 +15,6
+-22,1 +-15,0
+-22,0 +-14,4
—+-22,7 +13, 1
+-23,1 +13,2
+-22,4 +-14,7
+21,9 +-14,0
—+-24,8 +-15,7
+-22,0 +15,0
+-21,1 —+14,0
+-20,2 +14,1
+-20,6 +-13,7
+-19,9 +-14,1
+19,2 +-12,7
+18,9 +-11,7
+-14,9 +11,2
+15,2 + 9,1
+-15,4 + 6,4
-1-22,2 414,3
ÉTAT DU CIEL
A MIDI.
Couvert,
Beau.
Beau,
Beau.
Pluie, couv*.
Beau.
Nuageux.
Nuageux.
Beau.
Beau.
Beau.
Beau.
Nuageux.
Beau.
‘Beau.
Nuageux.
Nuageux.
Nuageux.
Couvert.
Cou!, pluie.
Pluie, couv!.
Couvert.
Couv!, pluie.
Nuageux.
Couv!, pluie
Couv!, pluie.
Couvt} pluie.
Couv!, pluie.
Couv!, pluie.
Nuageux.
=
CS RG TR er Er ET)
mn EE
SS60
©
©
”
LA
ZIP PROPOVEPGAZLZLZRVU
609
Ü
—
— Septembre 1646.
RÉCAPITULATION.
Pression barométr.
moyenne.— 756,42.
Température moy.,
+18,3
Températ. moyenne
observée par les ma-
xima et minima,
18°,2.
Température la plus
élevée, — + 26°,8
(Le 11.)
Tempér la pl. basse,
+ 162,4. (Le 30.) |
Pression barométr.
la plus élevée, —
766,34. (Le 12. ) |
Pression la plus basse
du mois , — 743,38.
( Le 30.)
Pluie tombée en cen-
timètres, — 7,740.
FEN. TS:
1 Vent N.
4 id. N.-E.
21810 AN: 0:
Pas de vents O.
13 Vents S.-0.
JAP TS.
40 10. .6S;:
3 ed. FE:
Observations météorologiques faites
Therm.
7 H:: du matin. | 2 H': du soir.
=
Baromètre! Therm.
9 H:: du soir.
—_
Baromètre] Therm.
à 0 extérieur. à 0. poses | à 0. extérieur.
1 757,14 +12,1 756,28 +4-16,1 756,09 +153,8
2 756,29 13,8 751,68 +17, 1 751,86 +-14,8
3 751,30 —+16,1 749,10 +17,7 751,70 +-14,1
4 747,17 +14,9 746,74 +-18,0 748,19 +16,6
5 748,34 +13,4 748,07 —+18,4 747,48 +14,7
6 751,37 +14,8 750,28 417,3 750,86 415,3
7 756,04 +-12,1 755,23 415,6 754,47 +10,9
8 753,84 12,7 759,71 +-17,0 752,20 415,5
9 753,80 +13,1 754,21 +17,4 754,75 +15,6
10 752,70 15,6 751,27 +16,9 754,12 +13,7
il 748,30 +-10,4 749,70 +-15,7 750,28 +-14,2
12 750,28 411,5 759,64 +16, 1 752,27 +-14,0
13 749,12 410,0 750,57 +12,7 753,20 + 9,8
14 752,49 + 6,5 745,71 + 9,7 738,61 +- 7,8
15 736,95 +11,8 736,03 +13,5 ‘|| 738,42 +-11,9
16 739,40 +-10,9 739,18 —+15,4 742,12 —+12,8
17 745,32 + 9,8 743,61 +-13,6 744,61 +-10,7
18 746,82 +10,7 749,52 —+14,9 752,34 +-10;7
19 755,10 CÉNTI6 753,21 15,4 753,64 L 9,4
201 ‘1! 751,72 + 9,8 751,20 +-13,4 752,23 + 7,6
21 738,24 + 8,0 740,72 411,6 740,81 + 7,0
22 745,81 + 7,9 745,08 +10,0 747,29 + 6,5
23 752,24 + 6,4 755,86 + 9,1 754,82 207,0
24 751,81 + 6,5 749,27 +-10,1 746,20 + 7,8
25 749,20 + 8,1 751,82 +11,9 755,34 + 7,9
26 756,12 + 4,8 757,31 +11,8 760,04 + 8,1
27 763,14 + 4,4 761,60 +10,1 762,34 + 7,0
28 PAP 763,11 + 3,5 760,74 +10,4 760,30 + 7,3
[E %29 756,38 7 756,07 + 9,1 757,61 + 8,1
1 «30 2100758:82 + 7,7 760,01 +11,5 759,90 + 8,0
31 762,42 + 8,0 761,07 +10,4 762,34 + 8,1
{
| |
PRE AU RE nr
| |
| Moyennes. | 351,72 | 10,0 || 751,18 | +13,8 || 751,38 | +410,
Î
ü Üouen. — Ortobre 1846.
‘|
Thermomètre |
=. 2, |IÉTATODU CIEL, VENTS
x RÉCAPITULATION.
à A MipDi. A MIDI.
maxima. | minima,
+-16,8 + 7,4 Nuageux. N.-0. Pression barométr.
+17,7 + 9,1 Pluie. S.-0. moyenne,=— 751,43.
+-17,4 +-12,1 Pluie. S.-0. P :
+18,6 +12,4 Nuageux. S. Températ. One
418:7 | +12,7 || Couvert. S.-0. 119,5.
+18, +12,8 || Couv!, pluie. | S.-0. Températ. moyenne
+15,9 + 9,6 Nuageux. S.-0. observée par les ma-
+-17,6 +11,6 Pluie. S.-0. xima et les minima,
+18,4 LÉ Couvert. S.-0. OTCES
17,5 11,7 Couvert. S.-0.
Li163 410,0 || Couvert. de FER RR PIRE EE
416,7 +10, || Couvert. 20: vée, — 18°,7. (Le 5 )
+13,1 =.9;0 Nuageux. S. Température la plus
+-12,6 + 6,5 Pluie contin. | S.-0. basse, — + 2,4
+15, 1 + 9,1 Nuageux. S. ( Le 231)
+15,0 + 8,4 Eclaircies. S.-E. PAS st. 1:
414,6 | + 9,1 || Couv!', pluie. | S.-0. ression baromét. la
+15,1 + 6,4 || Nuageux. 0. plusélev.,— 763,14.
415,6 | + 9,2 || Nuag., pluie. | S.-0. (Le 27.)
+-14,0 + 7,1 || Nuag., pluie. | S.-O. Pression la pl. basse,
+13,5 + 6,7 Pluie contin. | S.-0. — 736,03. ( Le 15.)
+-10,8 + 6,8 Nuag. ., pluie. | S.-0. : 2-44
+ 9,8 + 2,4 Couv!, pluie. | S.-0. Pluie tombée en cen-
+10, ( + 6,1 Pluietr. forte.| O. timètres , — 14,710.
+-10,5 + 3,8 || Pluie. S.-0. =
419,1 + 4,2 || Nuag., pluie. | N.-O. ss
+11,5 + 3,5 | Noere N.-0. VENTS.
+11,8 + 3,1 || Nuageux. N.-E. Pas de vents N.
+11,4 + 4,0 Nuageux. N.-0. 3 Vents N.-E.
+-12,2 + 7,4 Couvert. N.-O. & id. N.-0O.
+11,0 + 7,2 Beau. N.-E. Id O0!
| 17 id. S.-0
{ id. S.-E
Sd tie Sas + CORRE
| Pas de vents E.
16,5 + 8,1 | |
Observations météorologiques faites
7 H:°: du matin, | 2 H': du soir. | 9 H'* du soir.
RE CE
Si —
a
Baromètre| Therm. DCE SU Therm. ||Baromètre! Therm.
l
à 0. extérieur. à O0. extérieur. à O0. extérieur.
|
|
1 758,40 | + 8,4 || 759,31 |:-+11,7 || 759,70 | + 9,4
2 760,61 + 8,7 | 759,08 +-12,1 760,71 +-10,1
3 761,92 + 6,8 || 762,14 +13,2 762,92 + 9,8
4 763,11 + 5,0 763,92 +-192,5 764,71 + 8,2
5 764,80 + 6,7 763,18 + 7,8 763,94 + 6,0 |
6 763,04 + 3,8 762,21 + 4,9 763,71 + 3,9
7 765,82 + 4,0 764,36 + 5,0 765,60 + 3,0
8 767,11 + 9,7 767,09 + 5,5 768,14 + 2,8
9 770,04 + 1,8 769,07 + 1,0 770,64 + 0,4
767,91 + 2,0 765,92 + 0,2 766,11 + 0,8
763,12 + 0,4 762,34 + 4,1 763,67 + 0,9
764,34 + 0,8 764,03 + 3,8 764,72 + 1,0
765,36 api 764,17 + 4,0 765,44 + 0,7
764,32 0,0 763,18 + 4,4 763,75 + 0,4
763,11 + 1,0 762,93 + 0,2 763,60 + 0,7
763,04 + 0,2 762,61 + 0,8 763,17 + 0,8
759,40 + 0,4 758,24 + 6,1 758,03 + 9,4
757,64 + 4,6 756,27 + 9,7 757,11 + 6,7
757,31 + 6,1 759,40 +-10,8 756,61 + 8,6
749,27 + 8,1 752,12 +-10,0 753,11 + 7,7
754,29 + 7,1 754,01 +-10,0 755,27 + 8,0
756,40 + 8,1 755,21 +11,2 754,21 + 9,8
752,61 + 8,9 752,12 +-10,8 753,61 + 9,0
752,04 + 8,1 751,17 +13,2 751,64 +-10,1
752,92 + 9,0 750,11 +40,1 749,20 + 9,0
745,08 + 8,0 744,10 +-12,4 742,74 + 8,7
743,75 il 749,11 + 9,1 742,04 + 6,1
743,84 + 5,0 742,10 + 7,1 742,09 + 5,1
751,71 + 4,0 750,29 + 5,1 750,60 + 3,2
754,20 + 0,5 754,62 + 3,4 754,71 + 1,5
| Moyenues
|
758,55 + 4,4 758,30 +7,3 758,36 24,6
n Rouen. — Uovembre 1646.
Thermomètre |
LACS ETAT DU CIEL VENTS |
: : RECAPITULATION.
A Mipi. A MIDI.
maxima. | minima.
|
+-13,4 + 4,0 Beau. S.-E Pression barométr.
+13,5 + 4,4 Beau, E. moyenne, —758,40.
+-14,8 + 5,2 Couvert. S: |
413,5 EEE Fear s Température moy,.
, re . . — | 4 n
+90 | 32 | Beau. SE. mA
+ 5,2 + 3,1 Couvert. N. Température moy.,
+ 5,2 + 1,2 Couvert. N. observée par les
+ 6,0 0150 Couvert. N. maxim. et minim.,
+ 2,8 + 0,9 || Couvert. N.-E. = 5°,5.
+ 4,5 + 0,8 Beau. N.-E.
He se 20 Beat. NE. Fenperitere la plus
HE 0 + 26 Heu N. ev.,—14°,8. (Le 3.)
+ 5,0 + 2,2 Beau. N.-E Température la plus
+ 4,5 + 2,0 Beau. N. basse,—2°,5(Le 12.)
l : 3
a 1. dE Le Labo Es Pression barométr. la
+ 73 HET vert. So. plusélev.—770°,64.
+10,5 + 4,0 Couvert. S=0: (Le 9.)
+11,7 + 6,0 Couvert. 0.-0. Pression la plus basse
+10,7 + 5,4 Pluie. S.-0. — 742,04. (Le27.)
10 ie. É Ê ;
Eire È ae ce FR à 0. PSS encen-
SET + 6,8 Pluie. $.-0. timètres, 3,946.
14,5 + 8,0 | Pluie. S.-0. E
+10,5 + 8,1 Pluie. SO. VENTS.
+13,1 + 7,8 Couvert. Se0: RATE
+ 9% | +60 | Pluie. S-O. ROSE
+708 | +50 | Pluie. S.-0. MORE CCE
+ 5,6 AREA Couv!, éclaire. 0. (oi 0. St
Mn LC Bent N. il id. S.-0.
2 id. S-E.
SR (1 CRC
| SD (6 en 1
Il
|
|
TE? à FASIS AE Di 2 A
CLASSE DES SCIENCES. 125
Décembre 1846 à Mai 1847. ( Hiver et Printemps.)
Hiver. Température.—L'hiver de l'année 1847 a présen-
té, à Rouen, de nombreuses alternatives d’abaissement et
d'élévation de température. J'ai observé un maximum de
+ 7 à + 12° pendant une semaine du mois de décembre,
pendant la moitié de janvier et de février. Mais il y a eu
aussi plusieurs périodes d’un froid assez vif pour faire des-
cendre la température moyenne de la saison au-dessous
de la moyenne ordinaire. En 1846, elle était de + 5°,8,
en 1845, de + 2,2; cette année, elle est de 4 1°,6.
Comme on le voit, il a fait à Rouen plus de deux fois plus
froid qu'à Paris, où la température moyenne de l'hiver
est de 3°,5. A la fin de décembre , la Seine a été très près
de se prendre en glace.
Pression atmosphérique. — Voici quelles ont été les in-
dications barométriques moyennes pendant les 3 mois de
l'hiver :
Décembre........... 75k,97.
EN CNUTE RAR SE 755,94.
Piper iii 757,68.
La pression moyenne de la saison a donc été de 755,96.
L'hiver a été signalé par de nombreuses et brusques
variations du baromètre qui ont presque toujours précédé
de violentes perturbations de l'atmosphère. Les récits
des journaux ont signalé de fréquents désastres sur mer
depuis quelques mois, et les nombreuses pertes de navires
éprouvées par les marines des différents pays.
126 ACADEMIE DE ROUEN.
Le 23 décembre , j'ai observé un remarquable abaisse-
ment de la colonne mercurielle ; le baromètre est des-
cendu à 723°,64. Jamais à Rouen je ne l'avais vu
tomber aussi bas. Les vents soufflaient du S.-0. Ce brusque
abaissement du mercure a été signalé le même jour sur
d’autres points de la France.
Outre plusieurs bourrasques violentes , nous devons en-
core signaler un orage, avec éclairs et tonnerre, qui a
éclaté dans la nuit du 26 au 27 janvier. Les extrêmes de la
variation barométrique ont été de 723",64 et de 774,11,
de sorte que l'amplitude de l'oscillation pendant la saison,
doit être représentée par 50,47.
Vents. — Les vents dominants qui ont régné cet hiver
peuvent être ainsi classés :
AN RS 0 N.-0 12
PR EE 3 NE. 16
; a Et P ME 20
RES ME SU 27-140
Pluie. — 11 y eu 25 jours de pluie et 12 jours de neige
pendant cette saison. J'ai recueilli dans l'udomètre 25,719
seulement. Le mois de janvier a été très pluvieux, mais,
en février, il est tombé plusieurs averses de 2 à 3 cen-
timètres d'eau.
La neige a été amenée par les vents de N. et N.-E.,
et la pluie, par ceux de S.-0.
Printemrs. Température. — La moyenne température
du printemps de l’année 1847, a été de 9°,3.
La moyenne correspondante de l’année dernière a été
de 1 1°,2.
La température la plus élevée a été de 29°,8, le 28 Mai,
et la plus basse de — 7, 8, le 11 Mars.
CLASSE DES SCIENCES. 127
L'oscillation thermométrique est donc représentée par
37°, 6.
Nous observerons que la température moyenne du mois
de Mars, 5°,6 et celle du mois d'avril 7°, a été plus
basse que celle des années précédentes. La dernière quin-
zaine du mois de Mai a, au contraire , présenté une nota-—
ble élévation de la colonne barométrique. La moyenne du
mois a été de 15°,2.
Pression barométrique. Le tableau suivant nous donne
la pression moyenne de chaque mois de la saison.
Mars :- 79990
AVUL 70-100 19:
Mat... 27100 48
La pression moyenne a donc été de 757,67.
Elle est plus forte que celle du printemps de l'année der-
nière (75%, 44), mais aussi la température en 1847 a-t-elle
été moins élevée.
La pression la plus élevée a été de 771,0#, et la plus
basse de 741, 0%, de sorte que l'amplitude de l'oscillation
de la colonne mercurielle est exactement représentée par
30 millimètres. Il n'y a pas eu pendant cette saison de
violentes perturbations de l'atmosphère. Le baromètre à,
en général, oscillé d’une façon assez régulière, et les dé-
pressions un peu brusques que l’on a observées ont eu lieu
en Mai avant les quatre orages notés pendant ce mois.
Vents, — Voici comment on peut classer les vents domi-
nants pendant cette saison :
ESP à > APS |
.N.-0. 12 S.-0. 29
di. 18 N.-E. 9
PER SE. 6
128 ACADÉMIE DE ROUEN.
Il ya eu en Mai deux orages par un vent de S., et deux
autres par un vent de S. O.
Le 9 du même mois j'ai observé , à Rouen , un fort Coup
de vent , une véritable bourrasque tourbillonnante venant
du S. O. D’après les journaux, elle se serait fait sentir sur
d’autres points du département. Elle a été immédiatement
suivie d’une forte averse.
Du reste, à part cette exception, il n’y a pas eu pendant
toute la saison de perturbations atmosphériques, ce qui
est dénoté par la marche régulière du baromètre.
Pluie. — I est tombé à Rouen 19 centimètres 979
de pluie, et, l’année dernière, pendant la même saison ,
20,969. Le nombre des jours de pluie a été un peu
moindre en 1847. Je n’en ai compté que 33, et 42 l'année
passée. Ces 33 jours de pluie sont repartis de la manière
suivante :
6 en Mars,
19 en Avril,
et 8 en Mai.
Nous devons aussi signaler trois jours de neige en Mars
et deux jours en avril. Pendant le mois de Mai il est tombé
2 fois de la grèle, et 6 fois en avril.
Pendant ce dernier mois, il est tombé plus de pluie que
pendant les deux autres réunis, et nous y avons observé :
19 jours de pluie
2 jours de neige
et 6 jours de grèle.
Voir les Tableaux.
2-50 Mod
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
Du 4”: Décembre 1846
Au 31 Mai 1847.
Observations météorologiques faites
7 H'° du matin. | 2 H'°* du soir. | 9 Hr:° du soir.
= >, || —
Baromètre| Therm. |Baromètre} Therm. ||Baromètre| Therm.
à 0.
extérieur. à 0. extérieur. A7 0: extérieur.
|
l
1 754,71 —onlarenes CNE | 747,21 | + 0,4
2 749,80 | — 3,4 || 740,71 | 0,4 || 741,67 | — 1,3
3 746,72 | —0,8 | 747,91 | —1,7 | 748,34 | — 2,7
4 352,64 | —1,8 | 756,61 | + 0,3 || 757,92 | — 1,0
5 759,86 | + 0,8 | 758,22 | 1,7 | 757,57 | + 0,7
6 152,64 | + 1,3 | 758,70 | + 4,7 || 754,79 | + 2,7
7 757,82 | + 2,6 | 756,39 | +44 | 758,60 | — 0,4
« 261,87 08 last ch is || Zeogn à 02
9 76134 | +07 | 760,68 | +26 | 760,17 | + 1,4
10 158,04 | + 2,7 || 756,186 | + 4,7 || 754,20 | + 0,8
11 749,30 | — 1,0 | 748,60 | — 2,9 || 749,12 | — 3,7
12 749,32 À — 1,5 || 748,84 | + o,2 || 749,41 | — 3,2
13 752,20 | —92,8 | 751,87 | — 40 | 751,660 | — 5,1
14 750,21 — 5,8 | 747,33 | — 3,1 | 746,66 | — 2,7
15 745,21 A 744,61 —90 | 74899 | — 3,1
16 750,64 — 3,4 || 749,21 + 09 | 750,12 | — 2,6
17 751,64 — 0,9 757,11 + 1,9 || 756,15 + 152
18 765,60 | — 3,0 | 765,04 | — 2,0 || 765,36 | — 7,0
19 758,66 | — 1,2 | 758,27 | + 3,0 | 759,40 | + 2,0
20 757,21 + 4,8 | 755,48 | + 7,4 || 750,14 | “+ 3,9
21 746,27 | + 7,1 745,08 | + 87 || 742,71 | —+ 6,9
22 736,20 | + 5,0 | 738,61 | + 5,0 | 735,41 | + 4,5
23 723,72 + 6,8 723,64 + 8,1 || 723,92 + 5,9
24 735,22 + 5,7 736,61 + 8,0 || 739,73 9,4
95 747,31 +192 | 750,2% | + to || 755,91 ET er
26 762,39 vol 7es ul aa rete he:0;2
97 766,84 | +924 | 767,64 | + 3,0 || 768,11 0,0
28 772,20 | — 09 | 772,04 | — 4,1 || 773,17 | — 6,1
29 772.80 le — 530) 77225 le 6al|09773800 107,0
30 | 776,11 — 80 | 773,34 | — 7,2 || 773,60 | — 8,1
31 772,35 | — 3,2 | 769,60 | —7,8 | 768,13 | — 6,6
| |
on | ——— — Fosses —— a —
ya | 754,43 0,4 || 754,02 | +o,9 || 754,36 | — 0,7
| |
Décembre
à
maxima.
0 0 se 0
JE mm DOME meOQQ = DO mb IOG Je OO Job
+ + »
sv. + + +
e_._…
-
DUREE AE ET T4
+ 2,0
AA ER ERA A ASSIS SRI EI AIO
Thermomètre
à
minima.
A RE TR SE A
5 © © © + © © @ Or © O0 D = Or = © © © = Où D D © D E = C0 O1
-
se Se + + 0 ©
DÉEDUD me OOGRUDOUSUINOGQUTDOO me © LÉ C0 Co
2,8
ÉTAT DU CIEL
A MIDI.
Beau.
Beau.
Couvert.
Beau.
Cou", pluie.
Couv!', pluie. !
Couvert.
Couvert
Couvert.
Couvert.
Neige abond.
Neige abond. |
Neige.
Nuag., neige. |
Nuag., neige.
Couvert.
Couvert.
Beau.
Neige, pluie.
Pluie.
Pluie.
Couv*, pluie.
Nuag., pluie.
Couvert.
Couvert.
Couvert.
Beau.
Beau.
Beau.
Beau.
Beau
2O22222LO222LD 2227
VENTS
A MIDI.
sé
2222222020
HE à
5
225
L
—
fort.
fort.
1646.
RÉCAPITULATION.
Hauteur barométr.
moyenne.— 754,27.
Température moy.,!
0
Moyenne d'après le
thermométrograp.,!
= — 0,2. |
Température la _blus
élevée du mois —
+-9,5 (21 du mois).
Température Ja plus
basse, — —9,2 ( 30!
du mois ).
7 jours de pluie.
ô id. de neige.
Pluie tombée, “éval.
en cent. — 7,475.
Pression barométr.
la plus forte, =
774,11 (30 du mois).
Pression minima, —
723,64 (23 du mois).
Cette pression mini-
ma est la plus basse
que l’on ait obser-
vée à Rouen,
FENNITS
9 Vents N.
70bidèe N'-0:
24140 0: |
Pas de vents E. |
1 Vents.
7 ï1d. S:-0.
5 id. N.-E.
Pas de vents S.-E.
Observations météorologiques faites
| "7 Hrs du matin.| 2 H': du soir. | 9 H': du soir.
ne 5, | + —2—
\\Baromètre| Therm. [Baromètre] Therm. |Baromètre] Therm.
|
|
| à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur .
1 767,37 ES 766,71 tot 765,14 CE
2 758,40 = if 756,61 — 190 754,76 — 3,4
3 750,35 — 0,8 748,50 + 1,0 750,79 2478
4 755,84 + 2,4 754,20 | + 4,2 756,11 + 4,0
5 757,04 + 5,0 756,92 | —+ 5,8 758,14 + 5,5
6 758,40 + 5,0 758,72 + 6,4 760,47 + 6,2
7 762,14 ET 759,60 + 5,0 758,19 + 4,0
8 761,34 US 761,04 + 9,4 762,60 US
9 766,25 + 2,0 765,29 UE 765,91 ES
10 764,78 EE 763,04 #0 763,80 290
11 762,71 US 760,42 + 0,8 760,92 Et)
12 758,79 a 707,30 0002 MOTS 755,20 MA
13 756,40 | + 1,5 757,31 EE 757,79 En
14 758,91 Me 758,04 | + 2,9 758,86 7
15 759,78 M0 758,40 | + 2,5 758,71 Pot
16 758,47 2190 757,39 + 5,1 757,92 + 4,1
17 760,05 M0 760,42 | + 4,5 759,14 + 1,0
18 759,82 + 0,2 759,08 0,0 760,89 — 0,4
19 762,45 of 762,09 | + 0,2 762,92 on
20 761,35 US 760,92 + 1,0 761,07 EvIS
21 758,34 EM 757,20 | + 1,0 757,89 + 0,4
22 756,91 2010 754,60 | —+ 4,1 754,92 + 0,6
93 759,95 + 9,0 753,14 + 5,0 753,61 + 4,0
24 747,20 Mer 746,39 + 6,1 747,30 + 4,5
25 747,71 + 5,1 749,22 + 8,9 750,37 + 7,0
26 748,13 + 6,0 749,21 + 8,7 749,71 + 6,6
27 747,31 + 8,0 745,71 +10,0 745,38 L10,1
28 743,17 CRT 743,04 | —+10,0 742,79 + 5,6
29 745,92 + 2,0 743,95 + 5,8 744,30 + 4,1
30 749,20 + 5,0 749,30 Er 750,01 + 4,0
31 748.21 1013 748,04 ar 749,61 + 2,0
Moyences. || 756,17 | LU | 755,61 on 756,06 + 9,4
Ù 1! |
ù diouen. —— Sanvier 627.
Thermomètre |
ÉTAT DU CIEL VENTS
; RÉCAPITULATION.
à à A MIDI. A MIDI.
maxima. | minima.
— 9,5 — 9,3 Beau. N. Hauteur barométr.
— 0,9 — 5,0 Beau. N.-E. moyenne, —755,94.
+ 1,9 — 0,9 Pluie. S.-0. Températ. moyenne,
+ 5,0 + 2,1 Pluie. S.-0. 1e
+ 5,8 + 5,0 Couv!, pluie. | S.-0. Moyenne d’après le
217,0 + 5,0 Couv', pluie. | S.-0. thermométrograp.,
+ 6,0 + 3,1 Couv!', pluie. | S.-U. =);
+ 2,9 + 1,8 Couvert S. Températ. la plus
+ 2,0 — 9,1 Beau. N. élevée du mois, —
— 9,0 — 3,2 Beau. N.-E. 10,5 (27 du mois }:
+ 0,9 — 4,9 Beau. E. Températ. la plus
+ 2,0 — 1,5 Couv', pl. fine.| N.-E. basse , — — 9,3
+ 4,3 — 1,2 Beau. E: (le 1°" du one
+ 3,0 — 3,1 Beau. E. Pression barométr
+ 3,2 — 0,8 Beau. E la plus forte, —
+ 5,5 + 1,0 Couvert. S.-0. 767,37 (le 1°" du m.).
+ 4,6 0,0 Couv', pluie. | S.-0. Pression minima, —
+ 0,8 — 2,8 |! Couv!', pl. fine| S.-0. 742,79 (28 du mois).
+ 1,0 — 0,8 Beau. N.-E. 13 Jours de pluie.
+ 1,0 — 3,0 Couv', neige.| N.-E. 1 id. de neige.
+ 1,4 2,8 Couvert. N. 1 Orage avec © écl.
+ 4,8 — 0,7 Beau. N.-0. et tonnerre.
+ 6,8 + 1,9 Nuageux. S.-0. Pluie tombée en cen-
+ 6,7 + 3,0 Couv!, pluie. S.-0. timètres. — 10,534.
+-10,0 + 5,0 Couv', pluie.| S.-0.
+ 9,4 1087 Pluie. S.-0. Æ É
+10,5 + 6,8 Couv!', pluie ,*| S.-0. fort. ETES
10,0 + 3,1 || Pluietr. forte.| S.-0. fort. VENTS.
+ 6,1 + 1,8 Couvert. S.-0.
7,0 + 2,2 || Nuageux. S! ; Fr ne 0
5 Couvert. .-O, Ia. N.-U.
"as HE RE Pas de vents O.
4 vents E.
————— 2Oid..S:
15 id. S.-0.
5 id. N.-E.
+ 4,2 + 0,2 * écl. et tonn. Pas de vents S.-E.
Baromètre! Therm. |Baromètre| Therm. [Baromètre
© © 1 O1 C0 D mt
Observations méteorologiques faites
et | »
7 H': du matin. 2 H:° du soir. | 9 Hr: du soir.
Therm.
à 0. extérieur. à 0. extérieur. à O. extérieur.
750,69 + 0,2 750,30 + 4,0 751,10 + 1,0
753,37 + 1,8 753,07 00 752,91 + 1,0
756,40 "10 757,92 01 759,07 TH
761,71 0,0 762,14 + 1,0 763,54 + 0,7
763,64 1-0 762,60 C9 761,91 + 2,4
756,71 Dr 752,34 NT 749,40 + 6,4
749,04 + 4,9 743,61 ES 740,31 ri
751,17 — 9,4 756,44 + 1,4 743,71 — 0,6
746,12 "159 745,87 06 745,94 269
745,20 0 746,34 2Ù {1 747,71 0
753,14 A 752,64 20919 753,15 AT
756,92 8 756,34 ,/) 756,91 31
758,34 5 759,13 1 760,71 + 0,5
755,30 + 2,4 754,25 + 4,7 754,10 + 6,0
749,86 716 749,21 + 9,1 748,54 194
756,14 + 7,1 756,34 + 9,0 756,10 Pr
762,67 + 9,4 762,07 +11,8 763,48 + 7,8
764,04 + 9,8 762,75 +-10,8 761,09 07e
761,04 ONE 764,65 +10,4 768,60 + 6,1
768,92 720 767,31 +10,0 768,69 + 6,0
768,81 + 4,7 769,72 —+-10,4 770,40 + 5,4
768,77 + 1,7 767,20 + 9% 767,29 22137
765,02 CD 7 764,31 + 7,2 764,09 + 4,1
763,39 107 762,17 + 5,0 761,91 1
762,47 = Si 760,49 1,5 760,91 EH
760,94 = ji 760,42 TE ii) 760,84 Er
759,18 1410 758,40 06 757,82 240
760,27 40 760,46 0,0 761,10 Lire
.
757,82 HS 757,34 + 4,5 757,89
Thermomètre.
ÉTAT DU CIEL| VENTS
à | |
b }
à à “ A MIDI. | A MIDI.
maxima. | minima. |
+ 3,8 0,0 Couvert. N.
+ 3,0 — 1,2 Gt, pl. neige.| N.
+ 2,9 — 0,9 Couvert. Ne
+ 1,8 0,0 Couv', neige.| N.-E
+ 8,0 + 0,7 Nuageux. N.
+ 8,5 + 2,2 Couv', pluie.| O.
+ 8,5 — 19,4 Couy!', pluie.| S.-0. fort.
+ 2,0 —19:5 Beau, neige.*| N.-0.
08 — ,2 Neige, abond.| N.
1,8 —14;1 Neige, abond.| N.
+ 3,0 — 7,8 Couvert. N.-0.
—1,5 — 4,9 Nuageux. N.
+ 3,1 — 2,0 Beau. 0.
219,0 + 2,4 Pluie. } S.-0.
+ 9,8 + 5,4 || C° pl. contin.| S.-0.
+11,8 + 7,0 || Couv' pluie. | S -0.
+-12,2 + 8,4 || Nuageux. O. fort.
+11,0 + 7,2 Nuageux. S.-0.
+-10,0 + 1,2 Nuageux. O. fort
+-10,8 + 1,0 Nuageux. S.-0.
+10,7 + 0,8 Beau. 0.
+ 9,4 + 1,4 Beau. N.-0.
+ 8,5 — 0,8 Beau N.-E.
+ 5,0 — 2,5 Beau. N.
+ 2,0 — 4,5 Beau. N.-E.
+ 1,2 — 5,1 Beau. N.-E.
+ 0,2 — 4,8 Beau. N.-E.
+ 0,8 — 4,1 Beau. N.-E.
-
ü Üouen.
Sévrier
— 0,5
* Ouragan
pend' la nuit.
RÉCAPITULATION.
Température moy.,
= + 2,6.
Moyenne de la temp.
d’après le thermo-|
métrogr. — + 2,0.
Temp. la plus élevée
du mois, — + 19,2
(le 17).
Temp. la plus basse
du mois , = — 7,8
(lenti10):
> Jours de pluie.
> Jours de neige.
Hauteur barométr
moyenune,— -
1 Ourag. les du m.
Pluie tombée éval.!
en cent.;, — 7,710.
Pression baromét. la
plus forte, —770,40
(le 21 ). |
Pression minima, —
743,71 (le8.), quelq.
heures avant l’ou-
ragan.
|
FE NTS.
8 Vents N.
3 id. N.-0.
CN Ti EM TT À
Pas de vents E.
Pas de vents S.
6 id. S-0O.
6 id. N.-E.
Pas de vents S.-E.
Observations météorologiques
7 He du matin, | 9 Hr: du soir. | 9 H'°* du soir.
oo —— |
JOURS.
Baromètre
| Therm. |Baromètre| Therm. ||Baromètre Therm.
à 0. extérieur. à O. extérieur. à 0. extérieur.
1 763,24 — 3,9 763,95 + 1,2 764,49 — 1,0
2 770,08 — 0,6 769,13 + 4,6 770,40 + 2,6
3 770,37 + 3,0 770,09 + 5,0 770,42 + 2,4 |@
4 769,88 + 2,4 769,18 + 4,8 766,83 + 2,5 fl
5 765,02 + 2,0 763,41 + 5,0 762,91 + 2,4
6 760,54 + 1,1 759,61 + 3,0 759,47 + 1,8
7 757,20 + 2,6 756,87 + 5,0 757,48 + 3,2
8 761,55 + 1,4 760,36 + 6,1 760,81 + 3,1
9 758,23 + 3,0 759,14 + 5,1 760,07 + 2,0
10 759,08 0,0 757,84 Er 0 756,92 11,0
11 766,92 — 5,6 767,39 — 3,1 768,07 — 4,1
12 763,84 — 5,0 764,52 + 1,6 764,65 + 0,8
13 769,02 + 0,9 768,45 + 7,1 767,10 + 3,1
14 770,56 + 3,8 769,31 + 7,5 768,14 + 4,1
15 766,22 + 4,6 765,04 +10,4 766,21 + 4,2
16 759,08 + 6,1 758,71 +12,3 758,90 + 6,0
17 758,30 + 4,9 756,75 +15,0 755,47 + 8,7
18 758,24 + 5,4 758,03 +14,2 758,75 + 6,2
19 755,60 + 4,8 749,81 +14,1 748,30 + 8,2
20 749,72 + 9,1 759,14 +13,8 752,60 + 8,1
21 750,31 + 9,9 750,67 +13,0 749,17 +.8,0
22 750,27 7410 |100759536 +14,0 753,61 + 7,7
23 757,21 + 6,5 755,90 +14,1 755,27 + 9,0
24 755,34 + 6,8 757,61 +11,5 757,11 +Æ.7,t
25 760,13 + 8,1 759,08 +14,3 || 760,64 +10,4
26 761,11 + 8,0 || 760,27 +15,1 || 760,92 +10,6
27 759,44 + 7,1 | 759,10 +16,4 || 756,87 12,5
28 749,30 + 8,4 || 748,69 +10,1 || 748,42 + 7,1
29 755,36 + 5,6 753,07 + 2,0 || 754,36 + 4,1
30 754,29 + 84,1 752,87 | + 7,8 || 750,61 + 4,7
31 745,87 + 4,5 744,44 + 7,2 745,11 + 4,2
Moyennes. || 759,52 | + 3,7 | 759,34 | + 8,4 || 759,93 | + 4,8
faites à Rouen. — fHars 1847
Thermomètre
_ k =. |ÉTATOUCIEL| VENTS
J ; RECAPITULATION. :
è - A MIDI. A MIDI.
maxima. | minima,
+ 2,5 — 4,0 Beau. N.-E Hauteur barométr.
+ 6,0 — 0,6 || Couv', p!. fine] N.-0 moyenne.— 759,36.
+ 5,8 + 1,0 Couvert, N. Tempér rature moy. ,
+ 4,8 — 1,5 Nuageux. N. — +-5,6.
+ 5,2 + 1,0 Couv!, pluie. | N.-E Moyenne de la tem
+ 4,0 + 1,3 Couvert. N.-0. pérature d’après lei
+ 5,0 + 1,2 Couvert. N.-O. thermométrograp., |
+ 5,2 + 1,5 Couvert, N.-0. = 5,5.
+ 5,5 —10;2 Couv!, pluie. N.-0. fort. Température la plus:
+ 2,2 — 7,0 || Couv!, neige. | S.-O. élevée du mois, —\
— 92,4 07,0 Beau. N. {17,4 (le 27): À
+ 2,9 m1) Neige. N.-0 Température la plus |
+ 7,9 LE) Couvert. S.-0 basse du mois, —
+ 8,4 — 2,6 Beau. S. —7,8 (le 11.) l
+-12,0 + 0,9 Beau. Se 6 Jours de pluie. |
+-13,8 + 3,0 Très beau. S.-E. 3 id. neige. f
+15,5 + 4,8 Très beau. S.-E. Pluie tombée éval. i
+-14,0 1221 Très beau. SE; en centimètres, —|
+14,2 + 4,3 Très beau. S. 2,710. i
+15, 1 + 9,0 Nuageux. S.-0. Pression barométr.
+13,8 457 Beau. S.-0. la plus forte, —;
+-14,9 + 6,0 Nuag., pluie. | S.-E. 770,56 ( le 14).
+14,0 + 5,2 || Nuageux. S.-0 Pression la pl. faible,
+11,0 + 3,4 || Nuageux. S.-0. — 744,44 ( le 31).
+15,3 + 6,2 || Beau. S.-0. 1$ |
+16,4 + 5,3 Beau. S.-0.
+-17,1 + 7,0 Beau. S: VENTS.
+16,1 + 6,3 || Nuageux. S.-0. DCE
+ 6,1 + 0,8 || Pluie etneige.| S -O. à Ex RE
+ 8,0 + 1,4 || Nuag., pluie. | O. o" AD à
+-10,0 — 0,8 Nuageux. 0. FT im
? D Pas de vents E.
4 VentssS.
hs 10 id, S.-0.
2 id. N.-E.
Ad SE:
19,3 HAVE
Observations metcorologiques
2 H': du soir. | 9 H':* du soir.
|
7 H:: du matin.
a , er — , ES
JOURS.
Baromètre! Therm. |Baromètre| Therm. |Baromètre| Therm.
à 0. extérieur. à O. extérieur. à O. extérieur.
1 745,30 + 0,2 745,50 + 9,6 746,32 9,1
2 744,20 + 1,4 743,71 +-10,0 741,04 + 2,1
3 742,75 C0 744,38 + 5,0 745,07 + 1,8
4 747,18 6 755,36 + 6,7 756,17 + 3,9
5 755,11 + 2,4 756,34 10,1 755,71 + 5,7
6 755,20 + 4,1 755,07 + 9,8 756,47 + 6,7
7 757,39 + 7,7 756,86 + 9,8 756,31 + 8,0
8 758,11 + 6,9 755,02 +-11,1 753,71 + 8,1
! Ent g) 752,62 84 756,73 +10,1 756,91 + 8,0
10 757,14 + 8,1 756,91 + 9,7 756,60 a A)
it 756,42 + 8,0 752,80 + 9,4 757,39 + 8,1
12 754,24 + 7,8 753,62 +-10,1 753,24 = y
13 753,25 184 754,61 + 9,4 753,73 + 7,4
14 754,44 | + 6,4 753,70 + 9,2 754,17 + 5,7
15 756,91 | + 2,1 754,75 + 6,2 754,31 + 3,7
16 750,93 | + 3,2 757,39 04,2 756,20 + 2,0
17 757,48 | + 3,0 || 753,69 + 6,0 754,12 + 4,4
18 756,30 | —+ 3,0 756,47 + 6,5 756,90 + 4,0
19 753,29 | + 5,4 754,38 + 7,5 755,60 + 5,1
20 755,17 2L 756,42 410,0 756,61 + 5,6
21 157,38 | + 7,0 758,80 +13,0 759,60 0746
22 75900! 27,3 759,39 +-14,1 760,33 + 4,8
23 759,55 | —+ 6,0 760,40 410,1 759,10 + 7,8
24 758,14 2e A 758,90 410,5 759,71 + 5,0
25 HSE IN, 760,17 +14,7 760,80 + 8,7
26 760,84 + 6,8 758,75 +14,2 758,12 + 5,8
27 16784 | D 1287 :9 757,24 414,0 759,04 + 9,0
28 757,30 + 8,4 755,17 +-13,4 755,02 728
29 752,60 + 9,1 752,21 +10,4 753,14 + 7,4
30 753,61 + 6,0 753,40 io 754,20 Hire
— UT 06 NP |L ER De | HE
| |
| Moyeunes. | 75502 |N4153 755,11 + 9,6 755,27 + 6,4
l | |
è 1
faites a Rouen. — Avril 1847.
+11,1
l
Thermomètre |
ET ÉTAT DU CIEL VENTS
| RÉCAPITULATION.
à à | A MIDI. A MIDI.
maxima. | minima, |
|
+-10,0 — 0,8 Couvert. SS Pression barométr.
+-10,0 — 1,4 Couvert. S.-0. moyenne, 755,13.
+ 5,0 + 0,8 (Et neige, pl.[ N.-0 Pression baromét. la
+ 8,0 al Nuag., pl., gr.| O. plusélev.,— 760,84.
+-10,8 ann Couv!, pluie. | S.-0. ( le 26.)
+10, 1 + 3,4 || C!', pl., grêle. | N.-0. Pression la pl. basse,
+ 11,1 + 7,5 Couv!, pluie. | S.-0. — 741,04. (le 2.)
+-11,6 + 6,8 Couv!, pluie. | S.-0. tr. fort.| Moyenne de la tem-
+11,1 + 7,6 Couvert. 0. fort. pérature, = 7,1.
+-11,4 10; 2 Couv', pluie. | 0. Moyenne donnée par
+11,3 + 7,2 || Couv', pluie. | S.-0. le thermométrogr.,
+11,0 + 7,8 Cou’, pluie. | O — 71; Î
+111 + 4,1 Couv!, pluie. | 0. Tempér. la plus éle-
+ 9,8 + 2,0 Nuageux. N.-E. vée, — 15,1. (le 26.)
+ 8,8 + 1,0 (BE pl. , D. gr.| N. fort Tempér ature la plus
+ 9,2 — 0,2 || Couv!', pl. gr.| N. basse, — — 1,4.
+ 8,1 + 0,2 Couvert. N. (le:20)
+ 7,4 + 2,8 Gouv”, pluie. | N. 19 Jours de pluie.
+12,0 + 2,5 || Couv!, pluie. | N.-O. 2 id. de neige.
+-12,1 + 3,0 || Couvert. N.-E. 6 id.de grêle. |
+-13,0 + 3,0 Beau. N.-E. Pluie tombée en cen-|
+13,0 + 3,8 Beau. N.-E. timètres , = 11,552.
+10; 1 + 1,2 || Nuageux. N.-E. . |
+-14,0 +450 Beau. N.-E
+15,0 + 2,9 Beau. N.-E VENTS.
+ 15,1 + 3,0 Couv', pluie. | 0. 2 Van
+-14,0 + 6,1 Couv', pluie. | S.-0. 3 ee Be
+-14,5 + 2,4 | Cou! © pluie, | S.-0. 6 TL 0. ;
+13,2 + 6,0 | CG ouv', pl.,gr.| S.-0. Pas de vents E
+-13,0 + 4,0 Nuag.! pl. gr. S.-0. RE ETS
9 id. S.-0.
AOGIO ONE
| VE A Pas de vents S.-E.
+ 3,2 ||
Observations météorologiques
7 H:° du matin, || 2 H'° du soir. | 9 H': du soir.
JOURS. |
Baromètre] Therm. |Baromètre, Therm. |[Baromètre! Therm.
il
à 0. extérieur. à 0. extérieur. à 0. extérieur.
1 756,60 729 755,86 +-14,2 754,02 18,4
2 755,89 + 8,4 750,31 +-10,0 751,08 + 8,0
3 752,84 + 8,3 756,92 +11,2 757,04 + 9,0
4 756,90 + 8,9 755,17 +11,0 756,18 + 8,4
5 755,24 + 6,7 753,04 +11,1 753,49 + 9,1
6 755,10 + 9,0 754,64 +-15,0 755,37 + 9,6
7 752,40 + 9,4 750,39 +16, 1 751,04 +10,0
8 746,66 +10,1 749,87 +12,0 753,11 + 9,0
9€ «1! 756,77 + 9,0 756,39 +19,0 755,07 +15,0
+-10,0 753,22 +18,0 753,07 +-15,4
2,0 752,28 +18,0 751,96 +-15,8
+11,2 754,22 +-13,1 754,47 +10,1
756,30 +18,1 757,84 +15,7
14 755,02 +11,2 758,17 +-17,6 758,77 +-15,3
15 759,27 +-13,1 759,80 420,4 259,17 +16,4
16 752,62 +16,3 754,72 +21,0 755,09 +-16,7
17 759,14 +13,4 761,36 417,4 761,90 +-15,4
18 762,62 +-14,0 758,14 +-20,0 758,98 +-18,0
19 759,03 +-15,7 758,64 +-21,4 759,67 +-17,0
20 759,72 +16,7 760,46 +-21,0 762,50 +12,2
21 763,04 +13,7 764,04 417,4 765,11 413,7
22 762,84 14,4 760,36 24,2 760,36 +-18,9
23 759,92 +-15,9 756,27 +-28,3 755,35 +-25,2
24 753,75 +-16,2 761,35 295,5 760,20 +19,3
25 764,10 11,3 769,40 +-15,5 768,83 +13,9
26 766,46 +-13,1 764,07 +-21,6 763,71 +16, 1
97 763,35 | 15,12 | 760,64 | 25,1 || 75946 | “17,1
28 761,10 19,7 759,10 +-29,2 758,60 +-24,4
759,15 +19,5 760,08 +-20,2 762,61 +-15,9
767,92 +13,3 771,04 +-24,6 770,05 +17,2
769,43 +14,2 769,81 +-25,4 770,02 +-17,4
758,50 412,2 758,25 18,8 758,70 +-14,6
CD ND = ©
_*_ rue. D SNS E 1-7 2e;
IIS
C1 Q1 Or ©”
SSSE
AG SR
© & © et
DR uRR
SAR
faites à Rouen. — lai 1847.
Thermomètre |
ETAT DU CIEL VENTS
— —, :
RECAPITULATION.
È = A MiDi. A MIDI.
maxima. | minima.
+14,0 | + 7,1 Nuageux. S. Pression barométr.
+-12,0 + 6,1 Couv!, pluie. | S.-0. moyenne, —758,48.
+-12,0 + 5,0 Nuageux. N.-0. Pression barométr. la
+12,0 + 5,1 Couv!, pluie. | N.-0. plusélev., — 771,04
+15,0 + 4,1 Nuageux. S.-0. (le 30).
+-16,9 + 7,1 Nuageux. S. Pression la plus basse
+-18,0 + 7,2 Nuageux. S. — 746,66 (le8).
+18,1 + 7,4 C!,pl.,gr.,or.| S. Moy. delatempérat.,
+-19,0 + 8,0 Beau , quelq.*| S. — 19,2%
+-20,0 + 9,4 Beau , pl., or.| S. Moyenne donnée par
+-18,6 + 8,6 Beau. S. le thermométrogr.,
+-16,5 + 6,8 C!, pl.,or.,gr.| S.-0. = 14,8.
+-18,9 +-10,0 Nuageux. S.-0. Température la plus
+19,0 + 9,4 Nuageux. S.-0. élevée du mois, —
+-20,8 +13,0 Nuageux. S. + 29,8 (le 28).
+-21,4 +-12,0 Nuageux. S: Température la plus
+-21,0 +10,5 Nuageux. S.-0. basse du mois , —
+-21,7 +13, Nuageux. 0. 4,1 (le5).
+-21,9 +13,5 Nuageux. S.-0. 2 Jours de pluie.
18,3 +11,7 Nuageux. S.-0. 2 id. de grêle.
+21,4 + 8,9 Beau. S 4 orages.
+25,9 +14,2 Beau. S.-E. Pluie tombée, éval,
+-28,4 +12,2 Beau. S.-E en cent. — 5,917.
+-25,9 +10,5 Couvert. N.-0. :
+17,1 + 6,2 || Couv', pluie. | O.
22,8 + 8,4 || Très beau. E. VENTS.
+-27,8 +11,0 || Très beau. E. Pas de vents N
—+29,8 +16,8 Très beau. S.-0. 3 vents N.-0.
+-22,4 +10,1 Nuag., pl., or.| S.-O. % id. O.
+25,0 + 8,2 Beau. E. & id. E.
+25,5 +11,2 Beau. E. 10 id. S.-O0.
10 id. S.
: | Pas de vents N.-E.
RUE 2 vents S-E.
* nuag., pl. et
+-20,3 + 9,3 BXL coup de v.
Il
1
leseseseseste eeetaMesenentesienek hesle teste steak state se se esse se sa See
CLASSE DES BELLES-LETTRES.
Rapport
M. LE SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
DE TA CLASSE DES BELLES LETTRES ET DES ARTS.
MESSIEURS ,
Si j'ai mille raisons pour me réjouir du choix que l'Aca-
démie à fait en me donnant un nouveau Collégue , j'en ai
une aussi pour m'en inquiéter ; c’est l'obligation où je me
trouve de prendre la parole après lui, dans cette solen—
nité. Je vous prie, Messieurs, de me tenir compte de la
position défavorable où me met le rapport que vous venez
d'entendre, et de me continuer l'indulgence dont vous
m'avez fait une douce habitude ; la comparaison à laquelle
je ne puis me soustraire, me la rend, aujourd'hui, plus
nécessaire que jamais.
Je vous ai parlé, dans un de mes précédents rapports,
du Mémoire de M. Homberg sur le Régime dotal. Notre
confrère en traçait alors l'histoire.
J
130 ACADÉMIE DE ROUEN.
Cette année, il a critiqué l'application actuelle, et signalé
les inconvénients et les dangers de ce régime, qu'il regarde
comme également nuisible à l'intérêt des époux, dont il
paralyse souvent la fortune, sans l'assurer toujours ; à l'in-
térêt des tiers, auxquels il tend des piéges qu'ils ne peu-
vent ni découvrir, ni éviter ; enfin , à l'intérêt général du
pays, par la gène qu’il apporte dans le mouvement des
propriétés et la facilité des transactions. Notre confrère a
fait preuve d’une courageuse conviction, en publiant cette
opinion dans une contrée que des habitudes enracinées
soumettent à l'empire presque exclusif du Régime dotal.
M. Homberg , à lui seul , a fait, dans nos travaux, une
assez belle part à la Jurisprudence.
Voici quelle est celle de l'Histoire et de l'Archéologte.
L'Académie des Sciences morales et politiques avait mis
au concours le Tableau de l'Administration monarchique,
en France, depuis Philippe-Auguste jusqu'à Louis XIV
inclusivement. Un de nos confrères a traité ce vaste sujet,
et il a obteuu un succès dont personne ici ne pourra s'é-
tonner. Le nom de M. Chéruel a été proclamé par l'Aca-
démie des Sciences morales, qui lui a décerné une médaille
d'or.
Notre confrère ne pouvant pas nous lire, à cause de son
étendue, l'ouvrage qui lui a valu cette nouvelle distinction ,
nous l'a fait connaître par un résumé.
M. Chéruel pose d’abord le problème qu'avait à résoudre
le pouvoir royal, de centraliser dans une seule main, et
de diriger, par une seule volonté, toutes les forces de la
nation.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 131
Ce système de la monarchie absolue, on en trouve la
première application dans les derniers temps de l'empire
Romain ; mais il est anéanti par les Barbares, et quelques-
uns des rois Francs, Charlemagne lui-même, s'efforcent
en vain de le rétablir. La Féodalité l'emporte.
Philippe-Auguste recommence la lutte , et crée les pre-
miers éléments de l'administration. Ses successeurs agran-
dissent leurs possessions et forment le royaume. Le pou-
voir se constitue ; le Parlement et la Cour des Comptes
centralisent la Justice et les Finances ; les fonctionnaires,
représentants de la Royauté, vont porter son action et son
influence dans toutes les parties de la France. Telle est la
part du x siècle.
Cependant, il faut deux siècles encore pour vaincre la
Féodalité et les Communes. Cette victoire est remportée
sous Louis XI, par l'établissement d'une armée et d’un
impôt permanants.
Alors commence l'organisation des Provinces, à l'image
du pouvoir royal ; elle s'accomplit dans la première moitié
du xvi° siècle.
Bientôt les guerres de religion deviennent une occasion
de résistance. Henri IV, Richelieu et Mazarin répriment
définitivement ces dernières tentatives d'indépendance, et
laissent enfin pour héritage, à Louis XIV, le problème
résolu de l'Unité monarchique.
L'étude des différentes phases que le pouvoir royal a
parcourues pour arriver à cette unité, bienfait impérissable
dont il a doté la France , prêtent à la royauté absolue un
caractère incontestable de grandeur. Mais ce n'était là
132 ACADÉMIE DE ROUEN.
qu'une grandeur factice ; et cette puissance artificielle de-
vait s'écrouler, parce qu'elle n'était pas appuyée sur les
principes de liberté et d'égalité devant la loi, qui sont la
seule base inébranlable de l’organisation des sociétés.
Vous regretterez, comme moi, Messieurs, qu'il ne m'ait
été permis de vous offrir que le plan abrégé d’un travail
qui comporte tant de considérations élevées et de si larges
développements. Mais vous jugerez facilement quel parti
M. Chéruel doit avoir tiré d’un aussi beau programme.
Nous devons encore à M. Chéruel une Notice sur Nicolas
Bretel, sieur de Grémonville, dont les biographes nor-
mands ont eu le tort de ne pas parler, et dont la Biogra-
phie Universelle a eu le tort de parler avec inexactitude.
Nicolas Bretel, né à Rouen en 1606, était fils d’un pré-
sident au Parlement, et petit-fils de Claude Groulard.
Sans être un de ces hommes éminents qui font rejaillir sur
leur patrie l'éclat d'une grande renommée , Grémonville,
par son intelligence distinguée et son noble caractère , a
mérité que sa ville natale conservât son souvenir. Ses
talents le conduisirent à de hautes fonctions ; sa vertu lui
attira une honorable disgrâce.
Nommé ambassadeur à Venise, en 1644, il fut chargé
d'abord d'une mission près d'Innocent X, relativement
aux différends qui s'élevaient entre la France et l'Espagne.
Mais Mazarin fit manquer la négociation en sacrifiant misé-
rablement les intérêts du royaume à ceux de sa famille :
il voulait, avant tout, obtenir pour son frère le chapeau
de cardinal. Puis, cherchant un prétexte pour déclarer
la guerre à Innocent X, il fit demander à Grémonville
un certificat de ses conférences avee le pape, dont il lui
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 133
envoya le modèle, et qui n'était qu'un tissu de men-
songes.
Grémonville refusa avec fermeté de souiller son nom
d'une pareille infamie, quoi qu'il sût bien que ce refus
entraînerait sa perte. En effet, il tomba dans la plus pro-
fonde disgrâce , et vit se fermer devant lui, alors qu'il
n'avait que trente-sept ans, la carrière qui lui promettait
un si bel avenir.
Ce trait seul méritait à Grémonville l'hommage que
M. Chéruel a rendu à sa mémoire.
M. l'abbé Picard nous a retracé Quelques cérémonies
allégoriques qui étaient autrefois en usage à la Cathédrale
de Rouen, et dont on lit la description dans un traité de
notre archevêque , Jean d’'Avranches.
C'était l'Office des Enfants, qui se célébrait le jour des
Saints Innocents, et dans lequel toutes les fonctions du
chœur étaient, en effet, remplies par des enfants, dont
l'un recevait les insignes de l'Épiscopat, et donnait, en
qualité d’évêque , la bénédiction aux fidèles.
C'était l'Office de l'Étoile, qui se disait le jour de l'Épi-
phanie, et où étaient représentés l'étoile miraculeuse et
l'adoration des Mages.
C'était, enfin, l'Office du Sépulcre, par lequel on faisait
l'ouverture de la Pâque , et où l'on reproduisait la scène
des trois Marie et de la Résurrection.
Mais ces cérémonies , instituées par une foi naïve, ne
tardèrent pas à être dénaturées par les abus, et à perdre
13% ACADÉMIE DE ROUEN.
leur innocence et leur simplicité primitives. I fallut bientôt
les supprimer.
M. l'abbé Picard, en indiquant les hymnes qui étaient
chantées dans ces trois solennités, a particulièrement in-
sisté sur les beautés du Victimæ Paschali laudes, dont il
nous a lu la traduction en vers.
L'Abbaye de Bellosane, a été, pour M. l'abbé Cochet,
le sujet d’une notice dans laquelle il a raconté sa fondation
au xir° siècle, sa ruine pendant les guerres religieuses du
xvi*, et sa reconstruction de 1680 à 1732. Dans la pre-
mière période de son existence, ce monastère a compté,
parmi ses 35 abbés, Vatable, Amyot et Ronsard. Notre
confrère a été surtout ébloui par le « reflet de gloire que
ces trois illustrations littéraires ont jeté sur l'Abbaye de
Bellosane » , ce sont ses expressions. Mais ne peut-on pas
aussi être quelque peu surpris de voir décoré du titre
d'abbés , Vatable , qui passait pour hérétique, et Ronsard,
dont les poésies licencieuses devaient être, pour les moines
de son abbaye, un objet de scandale et d'horreur.
L'Abbaye de Bellosane supprimée, ainsi que toutes les
autres, à la Révolution, fut vendue comme bien national,
et devint une propriété particulière. Peut-être ne parta-
gerez-vous pas entièrement les regrets bien naturels, d’ail-
leurs , que cause à notre confrère ce changement de des-
ünation , lorsque vous apprendrez que le personnel de ce
riche établissement était alors réduit à 7 religieux ! On peut
même douter que ces bons moines aient été désolés de
l'arrêt qui leur ouvrait les portes du cloître; du moins
est-il certain que leur désolation ne fut pas unanime , car
ce fut l'un d'eux qui se chargea de présider à la démolition
du couvent, pour être bien assuré, sans doute, qu'on ne
l'y ferait jamais rentrer.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 135
Plusieurs des objets d'art qui décoraient l'Abbaye de
Bellosane ont été recueillis dans les églises d’Argueil, de
Sainte-Marguerite et de Brémontier.
M. Pottier a communiqué à l'Académie, avant de le
livrer à l'impression, son article sur l'Origine de la Porce-
laine en Europe. Quoique je me fasse une loi de n’accorder
qu'une simple mention aux œuvres dont la publication a
prévenu l'analyse que je pourrais en faire, je ne puis
m'empêcher de rappeler que M. Pottier a donné un nou-
veau lustre à notre viüle, en prouvant, contre l'opinion
admise jusqu'ici, qu’elle a été le berceau d'une de nos plus
belles industries. Ce fait est ofliciellement constaté par les
lettres-patentes de Louis XIV, du 31 octobre 1673, qui
autorisent l'inventeur, Jean Poterat, à établir à Rouen
une fabrique de porcelaine, tandis que celle de Saint
Cloud, que l'on regardait comme la première, n'a été
créée que 22 ans plus tard, en 1695.
Le nom de Jean Poterat doit donc grossir désormais
la liste, déjà si remplie, des hommes remarquables de
notre ville.
M. Fallue nous a donné lecture d’un fragment sur
l'agrandissement de la Bibliothèque de la Cathédrale, dans
le second quart du xvrre siècle , époque à laquelle elle reçut
des dons considérables de plusieurs chanoines , et surtout
de l'archevêque François de Harlay.
Une circonstance qu'il importe de noter, c'est que ce
prélat imposa au Chapitre la condition que ses livres se-
raient mis à la disposition des travailleurs, et qu'il dota
ainsi la ville de Rouen de la première bibliothèque publique
qui ait été ouverte en France.
136 ACADÉMIE DE ROUEN.
A propos des Lettres sur l'Histoire monétaire de la
Normandie, par M. Lecointre-Dupont, M. Deville a ré-
pandu la lumière sur la question si obscure encore des
monnaies de nos ducs, sur les causes de leur excessive
rareté, et sur l’histoire monétaire de notre province , depuis
sa réunion à la France, sous Philippe-Auguste, jusqu'au
règne de Henri IV.
M. Deville a aussi entretenu l'Académie de la découverte
faite à Caudebec-lès-Elbeuf , le 27 mai 1847, de médailles
Romaines, au nombre de plus de 8,000. Un Claude le
Gothique qui en faisait partie, place l'enfouissement entre
les années 269 et 270. Dans cette énorme quantité de
médailles, M. Deville n’en a trouvé qu'une seule, à laquelle
sa rareté donne un grand prix, c'est une Cornelia supera ,
qu'il s’est empressé d'acquérir pour notre Musée d’Anti-
quités.
Enfin, notre laborieux confrère a rencontré, dans un
passage de Pline , une révélation qui intéresse au plus haut
degré l'histoire des Arts, et qui rend aux Romains l'hon-
neur d'avoir trouvé les premiers rudiments d’une décou-
verte qui a changé la face du monde.
Pline, dans son Histoire Naturelle, dit, en substance,
que Varron avait employé, pour reproduire les 700 por-
traits de son ouvrage sur les Hommes illustres, « un cer-
tain procédé, digne, par les avantages de son invention,
d'exciter l'envie des Dieux mêmes, et au moyen duquel il
pouvait répandre ces portraits dans tout l'univers. »
De plus , Aulugèle nous apprend que les portraits publiés
par Varron, étaient accompagnés d'épigrammes ou inscrip-
tions d'une certaine étendue.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 137
Quel était le procédé dont Pline parle avec tant d'admi-
ration , et qui multipliait ainsi le dessin et l'écriture ? C’est
ce qu'on n'avait pas approfondi jusqu'à présent.
M. Deville laissant un moment de côté les textes dont
l'interprétation admet toujours le doute, a présenté à
l'Académie une explication vivante , si je puis dire ainsi,
du moyen de reproduction employé par Varron. Ce sont
des épreuves tirées avec des cachets antiques, qui por-
tent les noms de ceux à qui ils ont appartenu , tracés au
burin , en relief, en caractères auxquels il ne manque que
la mobilité, et qui ne peuvent être reproduits que par
l'application d'une encre et au moyen d'une pression.
C'est l'imprimerie !
Mais ce procédé est-il bien celui dont Varron s’est
servi? Oui, positivement, car Lysimaque écrivant à son
père, auteur d’un livre sur les Hommes illustres , que ,
dans sa partialité filiale , il compare et préfère à celui de
Varron, dit, en parlant de l'œuvre paternelle, et en fai-
sant allusion à celle de Varron : « Vos épigrammes n'ont
pas besoin de demander au temps d'être gravées sur un
vrai métal, elles ont, si je ne me trompe, trouvé une
matière plus durable. »
Cette allusion , Messieurs , est claire et décisive. Il est
certain, désormais , que les Romains avaient trouvé, en
ciselant le métal, un moyen de multiplier le dessin et l’'é-
criture ; et n'est-ce pas là le premier pas de la gravure et
de l'imprimerie ? Ce fait considérable, acquis par M. De-
ville à l'histoire des Arts, est une des belles conquêtes de
l'Archéologie.
M. l'abbé Cochet, dans un mémoire intitulé De l'Ogive
el du Plein-Ceintre, à propos de deux églises de campagne,
138 ACADÉMIE DE ROUEN.
cherche à renverser tous les principes posés par l'expé-
rience des archéologues sur ces deux genres d’architec-
ture qui, sous les noms de style roman et de style go-
thique, marquent les deux époques les plus curieuses de
notre histoire monumentale. Il induit du rapprochement
des églises d'Osmoy et de Bures, dont la première est à
plein-ceintre et la seconde à ogives , et qui, toutes deux,
portent la date du xn° siècle , la preuve que le style ogival
a vu régner simultanément avec lui le rival qu'il devait
détrôner. Notre confrère pense qu'on ne saurait préciser
l'époque à laquelle l'ogive a paru pour la première fois
en Normandie; il étend cette incertitude jusqu'à la ca-
thédrale de Rouen elle-même, et avance qu'on ne
peut pas affirmer que cette basilique ne soit pas celle que
bâtit l'archevêque Maurile , en 1063; c’est-à-dire qu'il
fait remonter au x1° siècle, l'introduction de l'ogive en
Normandie.
M. Deville s'élève avec force contre cette opinion. Il re-
garde l'apparition de l'ogive dans la seconde moitié du
x siècle, comme un article de foi archéologique. Ii
repousse les conclusions que tire M. l'abbé Cochet du rap
prochement des églises d'Osmoy et de Bures, parce qu'un
examen attentif de cette dernière lui a fait apercevoir , au
milieu des ares ogivaux qui ont déterminé la conviction de
son adversaire , les traces évidentes des ares à plein-ceintre
qui les ont précédés et qui témoignent du style primitif de
l'église. Et ces vestiges d'architecture romane se re-
marquent particulièrement à l'endroit même où a été in
scrite la date sur laquelle repose toute l'argumentation de
M. l'abbé Cochet.
Quant à la cathédrale de Rouen, M. Deville ne veut op-
poser, aux doutes de son confrère, qu'un fait attesté par
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 139
des actes authentiques , c'est que notre église métropoli-
taine fut brûlée en 1200 , et que sa reconstruction est, par
conséquent, postérieure à cette date.
En résumé, M. Deville maintient que le style ogival n'a
remplacé, en Normandie , le style à plein-ceintre que dans
la dernière moitié du xu° siècle, de 1150 à 1200.
M. Barabé est l’auteur d'une Notice historique sur
l'Eglise Saint-Sauveur de Montivilliers.
Après quelques détails sur la fondation de l'abbaye de
cette ville, notre confrère raconte les luttes que l'Abbesse
eut à soutenir contre les Échevins. Il ne s'agissait de rien
moins que de savoir si les Te Deum devaient être chantés
à Saint-Sauveur, qui était en même temps église abbatiale
et paroisse principale de la ville, ou dans la chapelle du cou-
vent. Ces discussions, qui se prolongèrent dans toute leur
vivacité durant un demi siècle, furent entremêlées , comme
vous le pensez bien, de quelques curieux épisodes.
En 1678, par exemple , les Échevins, pour se venger
de la résistance de l'Abbesse, imaginèrent de faire sonner
la retraite tous les soirs à 10 heures, par la grosse cloche
de Saint-Sauveur, suspendue dans une tour qui touchait
au dortoir des nonnes; et, de peur que le mugissement
de l’airain ne troublàt pas suflisamment le sommeil de
leurs victimes, ils le renforcèrent du roulement des tam-
bours qui battaient en même temps à la porte du mo-
nastère. Les religieuses se plaignirent, avec raison, mais
sans succès , de ce que ce tapage nocturne pouvait exercer
sur leur salut une influence fâcheuse, car après ces
cruelles insomnies et ces nuits agitées, elles n'avaient plus
lv force de se lever pour matines,.
140 ACADÉMIE DE ROUEN.
Mais un siècle plus tard , les rôles étaient changés, et,
en 1763, les Échevins humiliés étaient réduits à porter le
dais sous lequel l’Abbesse triomphante parcourait proces-
sionnellement la ville, le jour de son installation.
Le résultat de ces conflits fut déplorable pour l’église
Saint-Sauveur. L'Abbesse prétendait que les réparations
devaient être faites aux frais de la ville, parce que Saint-
Sauveur était église paroissiale ; le corps des Échevins sou-
tenait, de son côté, que ces dépenses devaient être à la
charge de l’abbaye, parce que Saint-Sauveur était église
abbatiale ; et ils avaient tous deux raison. Mais la malheu-
reuse église eut le temps de dépérir et de se ruiner pen-
dant les querelles de ses propriétaires, car ils se disputèrent
jusqu’à la Révolution qui les mit enfin d'accord en les dé-
possédant tous les deux.
Ces relations de bon voisinage étaient à peu près les
mêmes , partout où il y avait en contact une abbaye et des
échevins.
J'aborderai maintenant, Messieurs, la Littérature et la
Poésie.
M. Guiard, dans une dissertation sur le Philoctète de
Sophocle, montre d’abord, par des dates, qu’il faut relé-
guer au rang des fables le procès impie que l’on accusait
les fils de ce grand tragique d’avoir intenté à leur père
pour le faire interdire. Il discute ensuite les opinions des
critiques allemands qui se sont attachés avec prédilection
à une tragédie qui avait pour eux tout l'attrait d'une étude
psycologique. M. Guiard ayant été amené, par son sujet,
à examiner quelques principes sur l'art dramatique émis
par Schiller, en a profité pour venger la scène française des
snjustes dédains du dramaturge allemand.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 141
M. Ballin a extrait d'une brochure qui lui a été apportée
de Rome, des détails sur une solennité célébrée au Capi-
tole, en l'honneur du Pape, le 1° janvier 1847. Au milieu
des magnificences de cette fête, une nombreuse réunion
de musiciens et de voix d'élite ont exécuté une cantate dont
les paroles sont de M. le comte Marchetti, de Bologne, et
la musique de Rossini. C'était un chant d’admiration ,
de gratitude et d'espérance , poétique et harmonieux écho
des sentiments qu'ont inspirés, aux populations des États
Romains, les actes de haute raison et de généreux libé-
ralisme, par lesquels Pie IX a si glorieusement marqué
son avènement au pontificat. Cet écho lointain, Messieurs,
quelque faible que soit la voix qui l’apporte dans cette en-
ceinte, doit retentir jusque dans vos cœurs, et y éveiller
de sincères et vives sympathies.
L'Académie sait gré à notre confrère de l'avoir associée ,
en quelque sorte, à l’un des hommages dont a été l'objet
ce souverain pontife qui poursuit si courageusement,
malgré les obstacles qui l'entourent et les dangers qui le
menacent, sa grande œuvre de régénération et de pro-
grès.
M. Ballin nous a lu ensuite une Notice sur M. le comte
Marchetti, dont il a été le collaborateur en 1812, dans
la Secrétairie d'Etat du royaume d'Italie.
Après bien des vicissitudes , M. le comte Marchetti obéit
enfin à sa vocation, et deux volumes de productions, pleines
à la fois d'élévation et d'originalité, l'ont placé au premier
rang des poètes de sa patrie. L'ode sur les Derniers mo-
ments du fils de Napoléon, que M. Ballin nous a traduite,
a complètement justifié, à nos veux, la brillante réputation
de son auteur.
112 ACADÉMIE DE ROUEN.
M. Dutuit, dans son discours de réception, a traité un
sujet pour lequel il est passé maître : Le Goût des Livres.
Notre nouveau confrère commence par décrire trois
variétés d'amateurs de livres : le Bibliophile, qui a, pour
guider ses choix, toutes les ressources du bon goût et de
l'érudition ; le Bibliomane , chez qui la fantaisie et la passion
l'emportent quelquefois sur les lumières ; et le Bouquiniste,
qui participe de tous les deux, et au quel, pour être l'un ou
l’autre , il ne manque que la fortune.
M. Dutuit combat le préjugé qui ne voit dans le goût des
livres qu'une futile et ridicule manie. Il fait ressortir la
haute position qu'occupent, dans l’ordre social, les Biblio-
philes, parmi lesquels on compte des princes, des rois
et même des saints. Il énumère les bienfaits que les ama-
teurs de livres ont répandu sur le monde , et cite, comme
leurs titres de gloire, le progrès de l'imprimerie et de
la reliure , la création des bibliothèques publiques et de la
science bibliographique, la perfection des éditions clas-
siques, la découverte des textes inconnus et des raretés
historiques et littéraires.
Que si on n'était pas convaincu, et que la réhabilitation
des Bibliophiles souffrit encore quelque difficulté, M. Dutuit
passe condamnation. Il consent, et c’est une concession bien
méritoire de sa part, il consent à ce que le goût des livres
ne soit qu'une manie. Mais, alors, il faut bien convenir que
c’est la plus charmante et la plus inoffensive des manies,
celle qui procure aux hommes qui en sont possédés, les
plus vives, les plus douces et les plus durables jouis-
sances.
M. le Président remercie le récipiendaire d’avoir pris la
défense des amateurs de livres, à la réhabilitation des
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 143
quels il est personnellement intéressé. Il attribue la plu-
part des railleries dont les Bouquinistes sont assaillis, à la
jalousie de certains faux frères, qui voudraient dégoûter
les autres du métier , afin qu'il devint meilleur pour eux-
mêmes. Tactique odieuse, à laquelle M. le Président, qui
revendique hautement ses droits incontestables au titre de
bouquiniste, promet bien de ne pas se laisser prendre.
Il insiste à son tour avec de nouveaux arguments, sur les
services que les collecteurs rendent aux sciences et aux
lettres, même lorsqu'ils entassent les livres sans discer-
nement. Les directions diverses et souvent bizarres dans
lesquelles les entraîne leur caprice, permettent à toutes
les branches des connaissances humaines de profiter de
leurs découvertes.
M. Ballin nous a raconté, en vers, deux historiettes :
Le Débiteur moraliste et Les Deux Proverbes. L'une et
l’autre sont le récit des ruses à l’aide des quels un débiteur
échappe à l'huissier qui le poursuit.
M. Deschamps, sous le titre de L'OEïil de Dieu, donne
à son fils des conseils que vous allez entendre.
M. Guiard va vous lire aussi une pièce intitulée Jeanne
et Marie.
Il faut ajouter à ces travaux, dont la série est épuisée,
les rapports qui nous ont été présentés sur des ouvrages
que l'Académie a reçus de leurs auteurs ou des Sociétés
qui correspondent avec elle, par MM. Bénard, Bergasse ,
De Caze, Deville, l'abbé Picard et Vingtrinier.
Je voudrais bien pouvoir terminer ici ce compte-rendu ,
qui a déjà mis trop longtemps à l'épreuve votre bienveil-
144 ACADÉMIE DE ROUEN.
lance et votre attention ; mais j'ai à vous parler encore,
et je le ferai le plus brièvement possible, de quelques
objets auxquels leur spécialité assignait une place à part.
L'image d'un homme de génie inspire toujours, à ceux
qui la contemplent, un sentiment de curiosité respectueuse
et d'irrésistible intérêt. Aussi la conservation des portraits
des grands hommes est-elle une partie essentielle du culte
qui leur est dû. Mais il faut, pour qu'elles aient toute leur
valeur, que ces représentations matérielles de l'intelligence
portent un cachet irrécusable d'authenticité.
Un portrait de Pierre Corneille qui remplirait cette con-
dition, serait d'un prix inestimable pour ses compatriotes,
qui, jusqu’à ce jour, indécis, égarés au milieu d'une foule
de types dissemblables, cherchent encore quel est celui
qui leur a conservé fidèlement les traits du grand Cor-
neille.
M. Hellis a entrepris de mettre un terme à ces incerti-
tudes; et vous apprendrez bientôt, par la lecture qu'il
va vous faire , l'heureux résultat de ses recherches.
Mais ce que M. Hellis ne vous dira peut-être pas, c'est
que, étant devenu momentanément possesseur du vrai
portrait de Pierre Corneille, il en fait faire, en ce moment,
une reproduction qu'il destine à l'Académie , et qui viendra
bientôt se réunir à une belle copie du portrait de Thomas
Corneille , d’après Jouvenet, dont la libéralité de M. Deville
vient d'enrichir notre galerie.
Une autre de nos grandes célébrités a trouvé un digne
interprète, dans un homme qui, lui aussi, parcourt avec
une égale supériorité, la double carrière des sciences et
des lettres. M. Flourens, secrétaire perpétuel de l'Aca-
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 125
démie des Sciences et membre de l’Académie Française ;
a consacré à Fontenelle un volume , dans lequel il étudie
surtout le continuateur de Descartes et l'historien de
Newton. Le premier soin de M. Flourens , après la publi-
cation de son livre, a été de l'envoyer à l'Académie.
M. Bénard, chargé de nous en rendre compte, termine
ainsi son rapport :
« Le livre de M. Flourens est du plus haut intérêt pour
«le philosophe et pour le savant. Il sera lu, avec plaisir,
«même par les hommes qui, étrangers aux sciences ,
« s'intéressent à leurs progrès. Il est impossible, en lisant
« cet éloge de Fontenelle , loué comme il a loué lui-même
« ses devanciers , c’est-à-dire par une appréciation histo-
« rique et philosophique de ses œuvres, de n'être pas
& frappé de la ressemblance du panégyriste avec son héros.
« Même élévation, même justesse de coup-d’œil ; même
clarté de plan et d'exposition ; même netteté, même
simplicité élégante de style ; même finesse d’aperçus.
A
À A
«La ville de Rouen doit être reconnaissante envers
«M. Flourens du monument qu'il vient d'élever à l'un
« des hommes illustres auxquels elle est glorieuse d’avoir
« donné le jour. L'Académie, en particulier, doit des
«remerciements empressés à l’auteur d’un livre qui l'in
«téresse si vivement, puisqu'il s'agit du grand homme
« qui à contribué à sa fondation, et qu'elle place , entre
« Corneille et Poussin , au rang de ceux dont elle invoque
« le patronage. »
=
L'Académie a été profondément touchée, en effet, de
l'hommage délicat que M. Flourens a bien voulu lui offrir ,
et elle à accueilli avec bonheur la demande qu'il lui
adressait, en même temps, du titre de membre corres-
d 10
146 ACADÉMIE DE ROUEN.
pondant. Nous sommes fiers, aujourd'hui, de compter
M. Flourens parmi nos confrères.
L'ouvrage de M. Flourens n’est pas le seul qu'ait inspiré
Fontenelle. Tandis que M. le secrétaire de l’Académie des
Sciences appréciait, comme philosophe et comme écrivain,
celui qu'il remplace et qu'il égale, notre confrère M Charma,
professeur de philosophie à la Faculté de Caen, se faisait
l'historien de sa vie. La Biographie de Fontenelle, par
M. Charma, est un tableau coloré, brillant et vrai, de
cette existence si calme, si laborieuse et si longue, ta-—
bleau dans lequel l’auteur a su, par l'étendue de ses re-
cherches, introduire beaucoup de faits nouveaux, en
même temps que, par le charme et l'animation de son
style , il a rendu aux faits déja connus tout le piquant de
la nouveauté.
Enfin, comme pour compléter ces hommages, un de
nos confrères a été assez heureux pour découvrir, chez un
brocanteur. un portrait de Fontenelle, exécuté par un
artiste habile. Ce portrait, sauvé de la destruction par
l'acquisition que nous en avons faite, figure , dans le lieu
de nos séances, parmi ceux des grands hommes du sou-
venir desquels nous tâchons de nous inspirer.
Vous n'avez pas oublié, Messieurs, que, dans notre
séance de l’année dernière, le prix de 800 fr., fondé par
l'abbé Gossier, a été décerné à M. de Fréville, auteur
d'une Histoire du Commerce maritime de Rouen. depuis
les temps les plus reculés jusqu'à la fin du xvi° siècle. Ce
sujet si intéressant pour notre ville industrieuse et conm-
merçante, et la manière vraiment distinguée dont il a été
traité, nous faisaient désirer que le travail de M. Fréville
eût les honneurs de l'impression. Malheureusement, la
ne
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 147
faiblesse de nos ressources ne nous permettait pas d'en
faire les frais. Mais nous avons trouvé dans les représen—
tants du département, de la ville et du commerce , un
appui bienveillant et un généreux concours. La Chambre
de Commerce, le Conseil général de la Seine-Inférieure ,
et le Conseil municipal de Rouen, nous ont accordé cha-
cun une somme de 500 fr., et nous pourrons bientôt faire
subir l'épreuve de la publicité à l'ouvrage que nous avons
couronné.
L'Académie témoigne ici sa gratitude aux hommes
éclairés qui ont partagé son dévouement et secondé ses
efforts, et elle remercie particulièrement M. J. Rondeaux,
M. le baron Dupont-Delporte et M. Henry Barbet, du se-
cours puissant qu'ils lui ont prêté, en prenant, auprès
des corps qu'ils présidaient , une pressante initiative.
L'Académie de Rouen, Messieurs, comprenant toute
l'étendue de sa mission, ne la circonscrit pas dans le cercle
de ses réunions intimes. Toutes les fois qu’elle trouve
l'occasion d'exercer son influence au dehors, dans l’in-
térêt des lettres, des sciences et des arts, elle la saisit
avec ardeur. Aussi, lorsqu'une mesure inattendue est
venue dernièrement porter un coup funeste à l'instruction
publique dans notre ville, elle a fait entendre sa voix une
des premières, parmi celles qui se sont élevées de toutes
parts, pour en conjurer les effets. Vous allez connaître ,
tout-à-lheure , les motifs qu'elle à fait valoir et qu'elle
croit de nature à éclairer ses concitoyens et le pouvoir sur
cette grave question. La lettre qu'une députation de trois
membres a été chargée de remettre à M. le Ministre de
l'instruction publique , fait partie des lectures qui doivent
remplir cette séance.
Je finis en proclamant les noms des nouveaux confrères
148 ACADÉMIE DE ROUEN.
que la classe des Lettres a reçus dans ses rangs qu'aucune
perte n’a éclaircis :
M. Clogenson, conseiller à la Cour royale de Rouen, a
été nommé membre résidant.
MM. Viguier, Inspecteur général des Études, et Flourens,
ont été admis au nombre des membres correspondants.
De pareils choix s'expliquent et se louent d'eux-mêmes.
Je suis vraiment désolé, Messieurs, de la longueur des
instants que l’accomplissement de mon devoir de secré-
taire m'a forcé de vous dérober. Jose espérer, pourtant,
que vous n'avez pas entendu, sans quelqu'intérêt , ce fidèle
résumé des travaux de mes confrères. S'il en est autre
ment, la faute doit en être imputée tout entière à celui que
l'Académie a choisi pour organe.
PROGRAMME DU PRIX PROPOSÉ
POUR 1848.
6 000e———
CLASSE DES LETTRES ET ARTS.
L'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de
Rouen, décernera , dans sa séance publique du mois d'août
1848, une médaille d'or de la valeur de 300 fr. , au meilleur
mémoire manuscrit et inédit, dont le sujet sera :
Recherches biographiques sur Thomas CorNeiLLe, ef revue
critique de ses ouvrages.
PROGRAMME DU PRIX GOSSIER, PROPOSE
Pour 1849.
L'Académie décernera un prix de 800 fr. à l'auteur du
meilleur Mémoire sur les Artistes normands, et les OEuvres
d'Art en Normandie au xvi° siècle.
Observations.
Chaque ouvrage devra porter en tête une devise qui sera
répétée sur un billet cacheté, contenant le nom et le domi-
cile de l'auteur. Dans le cas où le prix serait remporté,
l'ouverture du billet sera faite par M. le président, en séance
particulière, et M. le secrétaire des Lettres et Arts don-
150 ACADÉMIE DE ROUEN.
nera avis au lauréat de son succès, assez tôt pour qu'il
lui soit possible de venir en recevoir le prix à la séance
publique.
Les académiciens résidants sont seuls exclus du concours.
Les mémoires devront être adressés, francs de port,
pour le premier concours, AVANT LE 1% Juin 1848, et
pour le second, avant LE 1° gun 1849, TERME DE
RIGUEUR , à M. Richard, secrétaire perpétuel de l'Aca-
démie, pour la classe des Lettres et Arts.
CLASSE DES BELLES-LETTRES.
#Hemoires
DONT L'ACADËMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION EN ENTIER
DANS SES ACTES.
SOCOSCOCOOSCTOIESESE
MÉMOIRE
Présenté à M. le Ministre de l'instruction publique,
TOUCHANT LA CRÉATION
DE FACULTÉS DES LETTRES ET DES SCIENCES
À Rouen,
Par M. A. DEVILLE, rapporteur.
—étle Q mé —
Monsieur LE MINISTRE ,
L'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts
de Rouen, fidèle au but de son institution, n’a cessé de
suivre avec sollicitude les progrès et la marche de l'en-
seignement intellectuel à Rouen, et de tout ce qui se
rattache à l'instruction publique.
Elle signalait les premières années de son existence
dans cette ville , en créant, à ses frais, un jardin bota-
nique et en ouvrant un cours de botanique et d'histoire
naturelle. Un peu plus tard, elle prenait sous son patro-
nage immédiat , l'école de dessin et de peinture , où pro-
fessait Descamps, le cours public d'anatomie de Lecat,
les cours d'hydrographie de Dulague, qui ont servi de,
modèle aux cours fondés dans nos ports par Napoléon.
154 ACADÉMIE DE ROUEN.
Dès 1781, elle créait une bibliothèque qu'elle ouvrit au
public.
L'Académie n’avait pas été la dernière à applaudir à la
grande création de l'Université conçue par Napoléon, qui
relevait en France l'instruction publique, et dotait nos
grandes villes de colléges et de chaires professorales.
La ville de Rouen, en vertu des art. 13 et 15 du décret
impérial de 1808, base et loi encore vivante de l'ins-
truction publique en France, avait droit, comme chef-
lieu d’une Académie, à une Faculté des lettres et à une
Faculté des sciences.
Une Faculté des lettres y fut établie. Des professeurs
distingués , Jondot, Chenedollé, Etienne Quatremère , S'y
firent entendre et applaudir.
La Restauration porta la main sur l'institution de Napo-
léon.
Ce qu'un décret impérial, ayant force de loi, avait créé,
elle voulut le défaire. Fut-ce en vertu d’une loi? non.
Un simple arrêté d'une Commission de l'instruction pu-
blique, Commission qui n'existait qu'en vertu de ce décret,
supprima la Faculté des lettres dans dix-sept villes, chefs-
lieux d'Académie. Rouen était du nombre.
Une ordonnance royale, rendue le 18 janvier 1816,
consacra , par un effet rétroactif, sans lui apporter plus de
légalité, l'arrêté de la Commission de l'instruction pu-
blique , qui avait été rendu et mis à exécution, deux mois
et demi auparavant (le 31 octobre 1815).
Rouen, dépossédé de sa Faculté des lettres, fut moins
heureux que Bordeaux, Lyon, Montpellier, Poitiers et
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 155
Besançon , qui avaient été frappés comme lui, mais qui,
plus tard, sans avoir plus de droits à cette préférence ,
obtinrent la réintégration de leur Faculté.
Rouen a longtemps gémi de ce déni de justice. Il trou-
vait une compensation, quelque faible qu’elle fût pour
son collége royal, dans la création de la Commission
d'examen, dont l'ordonnance du 18 janvier 1816, par un
retour à un sentiment de justice , il faut le reconnaître,
avait du moins doté tous les chefs-lieux d’'Académie qu'elle
privait de Facultés.
Cet ordre de choses était en vigueur lorsque l'ordon-
nance royale, rendue sous votre ministère, le 1% janvier
1847 , vint rapporter l'ordonnance royale de 1816.
Cette ordonnance de 1816, derrière laquelle s’abritait
l'arrêté de la Commission de l'instruction publique du 34
octobre 1815, étant rapportée purement et simplement ,
que restait-1? Le décret impérial de 1808, constitutif
de l'Université, qui rendait nécessairement à Rouen sa
Faculté des lettres, et lui donnait droit à une Faculté des
sciences.
Une ordonnance ministérielle umiversitaire en a décidé
autrement. Cette ordonnance, du 2 janvier 1847, porte :
« Art. 1%. Les Facultés des lettres desserviront, pour la
« collation des grades, les Académies dépourvues de Fa-
« cultés, qui leur seront annexées en vertu d’un tableau de
« circonscription qui sera arrêté par le Grand-Maitre de
« l'Université, »
Jusques-à, Rouen, l'une des quatre grandes villes du
royaume , pouvait, devait espérer que son nom figurerait,
156 ACADÉMIE DE ROUEN.
et même un des premiers, sur la liste des villes favo-
risées.
L'arrêté du Conseil royal de l'Université réglant le ta-
bleau de circonscription des Facultés , inséré au Moniteur
du 11 avril 1847, est venu détruire cet espoir : Treize
Facultés son créées. Rouen, la quatrième ville du royaume
après Paris, n’y figure pas! Rouen, ville de cent mille
ames, est mis sous la dépendance de Caen, qui n’en
compte pas même la moitié!
L'Académie des sciences, belles-lettres et arts de
Rouen, justement émue, vient faire entendre sa voix,
sûre qu'un Ministre, animé d’un zèle si éclairé pour tout
ce qui touche au progrès des lettres et des sciences, et
qui en à donné de si nombreuses preuves, daignera pèser,
dans sa sagesse, les considérations qu'elle prend la liberté
de lui soumettre.
Si on s'arrête, pour apprécier les droits des villes à pos-
séder des Facultés, à leur importance relative et à leur
population, que voyons-nous? Sur le tableau des treize
villes dotées de Facultés, en mettant de côté Paris qui fait
exception, dix d’entre elles sont au-dessous de Rouen
pour la population ; une lui est à peine égale, Bordeaux ;
une seule, Lyon, lui est supérieure. Quelques-unes des
villes portées au tableau, comme Aix, Poitiers, Besançon,
Grenoble , Dijon , n’atteignent pas le tiers de la population
de Rouen.
Rouen, préfecture de 1" classe, n'est-il pas le siége
d'une cour royale, d’une division militaire, d’un arche-
vêché? N’a-t-il pas toujours compté parmi les villes de
France de premier ordre ?
Que si nous nous reportons à la population même des
colléges royaux, chefs-lieux d'Académies, qui figurent
Poe
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 157
au tableau des Facultés, et que nous mettions en re-
gard celle du collége royal de Rouen, nous arriverons
au même résultat. Paris toujours mis hors ligne, une
seule ville encore, Lyon, offre un chiffre plus élevé que
Rouen; les onze autres colléges royaux du tableau
restent au-dessous de celui de Rouen. Le collége royal de
cette ville ne compte pas moins de 6#% élèves, tandis
qu'il est tel collége de la liste des Facultés qui n’en a que
371 (Montpellier), tel autre, 305 (Dijon), tel autre, enfin,
( Grenoble ) que 277 *. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
Citerons-nous la ville de Caen, chef-lieu de la Faculté
dont Rouen est déclaré l'annexe ? Sous le double rapport
et de la population urbaine et de la population collé-
giale , il est inférieur à la ville qu'on rend sa vassale. Qui
osera, sous tous les autres rapports, comparer Caen à
Rouen? Rouen possède un archevêché ; Caen n'a pas même
d'évêque; Rouen est le siége d'une division militaire ;
Caen est placé dans son ressort. Ce que nous disons ici,
ce n'est point pour enlever à la ville de Caen les Facultés
dont elle est en possession, mais pour faire ressortir les
droits de la ville de Rouen à jouir au moins de la même
faveur.
Objectera-t-on qu'à l'époque où Rouen avait une Faculté
de lettres, les cours de cette Faculté n'étaient pas suivis
par un nombre très considérable d’auditeurs? mais n'en
était-il pas de même partout ? A la sortie de nos grandes
commotions révolutionnaires, alors qu'un long oubli avait
pesé sur les lettres, qu'elles avaient été, non-seulement
abandonnées, mais proscriptes, où trouver une popula-
tion préparée à suivre les leçons d'un haut enseignement ?
* Almanach de l'Université de France, 1847. Nous avons défal-
qué, dans cette appréciation, les élèves primaires, qui ne figurent
pas pour le colléve de Rouen.
158 ACADÉMIE DE ROUEN.
Les hommes de 20 à 25 ans, toujours avides d'instruction,
se fussent présentés ; ils étaient dans les camps : le sys-
tème militaire avait tout enlevé, tout absorbé.
Le même reproche avait été adressé à Lyon, à Bor-
deaux, qui présentaient une population égale et supérieure
à Rouen. Aussi, leur Faculté leur avait-elle été enlevée,
en 1815, comme à tant d’autres villes. Depuis, on la leur
a rendue , et c'était justice. Rouen n’a pas revu la sienne.
Plus tard, on lui a donné une Faculté de théologie,
c'était à bon droit; mais pourquoi pas une Faculté des
lettres, une Faculté des sciences? Dira-t-on que Rouen
est une ville essentiellement commerçante et industrielle ,
où le goût des lettres et des sciences a peu de racines et a
pris peu de développement ? Mais les deux villes que
nous venons de nommer, Lyon, Bordeaux, auxquelles on
avait restitué leur Faculté , et qui la conservent , ne sont-
elles pas absolument dans les mêmes conditions que
Rouen? Pourquoi donc déshériter cette dernière ville?
Il y a plus, en renonçant même à invoquer ces exemples,
nous ne craignons pas d'avancer qu'on se tromperait sin-
gulièrement si l'on croyait que la ville de Rouen est restée
étrangère au mouvement intellectuel qui, depuis un quart
de siècle, grâce au bienfait de la paix, s'est manifesté
en France ; loin d’être en arrière, elle est une des pre-
mières qui ait donné le signal. Qu'on passe en revue
les institutions, les établissements scientifiques, litté-
raires et d'art en tous genres, qu'on y a créés, déve-
loppés, dans ce court espace de temps; leur nomenclature
seule étonnera.
Sans parler de notre Académie, signalons la Société
libre d'Émulation, la Société d'Agriculture, la Société
d'Horticulture , les Sociétés de Médecine et des Pharma
ciens , la Société de Commerce et de l'Industrie , la Société
Du
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 159
Philharmonique , la Société des Amis des Arts , la Commis-
sion d’Antiquités, la Commission des Archives, l'École dé-
partementale d'Agriculture et d’Économie rurale ; les cours
municipaux de Chimie , de Physique , de Mathématiques ,
d'Histoire naturelle, de Dessin et de Peinture, de Musique,
qui sont fréquentés par un si grand nombre d'élèves ; ceux
qui ont été institués par la Société libre d'Émulation ;
le Musée de peinture , le Musée des Antiquités, le Jardin
botanique , les Expositions des tableaux, etc., etc. Quelle
ville a fait plus que Rouen, sous ce rapport? quelle
ville a plus fait pour le développement, l'encouragement
des lettres, des sciences et des arts? Que de publications,
dans ces diverses branches des connaissances humaines,
sorties de son sein, depuis trente années! Si notre Aca-
démie n'était pas ici aussi directement intéressée, nous
citerions, pour terminer ce tableau, les récompenses si
honorables qui sont venues chercher les auteurs de
quelques-uns de ces ouvrages. L'Institut a fait plus, il a
ouvert ses rangs à plusieurs d’entre eux.
Veut-on la preuve que des Facultés seraient accueillies
à Rouen avec une faveur marquée , que leurs cours
seraient suivis avec empressement? Des professeurs étran-
gers sont venus donner passagèrement, dans nos murs,
des leçons publiques de littérature et d'histoire. On s'y
portait en foule, et pourtant il fallait payer pour entendre
ces leçons.
Dira-t-on que Rouen est trop rapproché de Paris pour
avoir une Faculté? mais Dijon et Grenoble, qui en sont
dotés, sont bien plus rapprochés encore entre eux. Si
l'objection pouvait avoir quelque valeur, il faudrait done
enlever à Rouen sa cour royale, sa division militaire,
son archevêché ? Quelque voisin que Rouen soit de Paris,
160 ACADÉMIE DE ROUEN.
ce n’en est pas moins une ville de cent mille âmes,
dont il faut satisfaire les besoins intellectuels. Il ne peut
être ici question, puisque nous avons nommé Paris, de
centralisation ; le Gouvernement et le pays sont d'accord,
pour vouloir, non resserrer, mais étendre le bienfait de
l'instruction publique. En faire jouir directement, sur la
plus large échelle, tous les grands centres de population ,
c’est un devoir comme c’est un besoin.
D'autres voix, Monsieur le Ministre, se feront, sans au-
cun doute, entendre dans l'intérêt spécial du collége royal
de Rouen, des études et des familles, pour faire ressortir
les conséquences que la suppression de la Commission
d'examen et l'annexion de notre collége à la Faculté de
Caen auraient pour elles; pour vous montrer, dans un
avenir prochain, l'affaiblissement des études, l’éloigne-
ment des élèves, le découragement des professeurs, et,
par suite, ajoutera notre Académie, l'influence fâcheuse
qui pèserait sur la marche générale des établissements in-
tellectuels dans cette ville.
D'autres voix s’élèveront pour signaler les mêmes
symptômes, les mêmes effets sur notre école préparatoire
de Médecine, qui, privée du puissant auxiliaire d'une
Faculté des sciences, ne peut que s’affaiblir, et remplir
imparfaitement le but de son institution.
D'après toutes les considérations qu'elle vient de déve
lopper , l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de
Rouen , dans sa profonde conviction, croit de son devoir
de faire , Monsieur le Ministre , un appel à votre justice et
à votre protection éclairée, pour réclamer, en faveur de la
ville de Rouen, le rétablissement de sa Faculté des lettres
et la création d'une Faculté des sciences.
Des Jortraits
PEINTS ET GRAVÉS
PIERRE CORNEIÏLLE,
Par M. HELLIS.
MESSIEURS ,
On a dù parfois s'étonner que la ville de Rouen, ne
possédât pas une seule peinture qui pût donner une idée
exacte de ce qu'était Pierre Corneille (1).
L'Académie éprouvait ce regret lorsqu'il y a quinze
ans, elle s'adressa à M. Court, pour avoir un portrait
du poète. L'artiste, dans cette circonstance, nous traita
avec générosité, je puis dire avec magnificence ; notre
reconnaissance doit égaler le bienfait. Pour un portrait
en pied qui lui était demandé, il nous dota d’une riche
page retraçant un des plus glorieux épisodes de la vie
du grand homme (2); nous ne saurions cependant discon-
venir que le but tant souhaité n'a pas été atteint, Ce
11
162 ACADÉMIE DE ROUEN.
que nous désirions par-dessus tout, c'était l'image vivante
de Corneille ; c'était de pouvoir contempler chaque jour
les traits révérés de notre compatriote.
Si l'artiste, dans son tableau, ne nous a offert qu'une
figure à peu près de convention, c'est qu'il a manqué
d'un guide sûr pour diriger son pinceau, ses recher-
ches ayant été vaines pour trouver un portrait original
du grand homme.
Ils sont en effet des plus rares, car il demeure avéré
que Lebrun seul mérite confiance sous le rapport de
l'authenticité et de la vérité.
Les vicissitudes de l'image de Corneille formeraient
une curieuse histoire; elles ont donné naissance à une
foule de gravures et de portraits, qui, par leurs dissem-
blances, jettent les curieux dans de singulières perplexi-
tés. Je vais tenter de répandre quelque clarté sur ce point
obseur. Puissai-je livrer le fil qui conduira désormais
dans ce dédale encore inconnu.
Corneille, qui s’éleva si promptement au plus haut
degré de gloire, dont les chefs-d'œuvre, enfantés coup
sur coup, ne laissaient point à l'admiration le temps de
se refroidir, lui qui fut, à 36 ans, salué du titre de
grand homme que la postérité lui a conservé, Corneille
devait exciter la curiosité au plus haut degré; chacun à
l'envi dut souhaiter de connaître celui qui jetait un si
vif éclat sur la littérature, et qui répandait sur son pays
une telle illustration. On ne doit pas s'étonner des nom
breux eflorts que les artistes tentèrent pour nous trans-
mettre ses traits.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 163
Dans cette revue, je ne m'occuperai que des œuvres
vraiment remarquables; ma tâche serait trop pénible
et trop fastidieuse s'il me fallait tout mentionner. Je
signalerai ce qui fut fait aux diverses phases de la vie
de notre poète; j'examinerai ensuite l'authenticité des
modèles qui ont dirigé le pinceau et le burin.
Il n'existe point de gravure antérieure à celle de Michel
Lasne , sous la date de 1643 ; celui-ci originaire de Caen,
condisciple de Corneille, toujours lié d'amitié avec lui,
dut éprouver quelque joie à faire connaître un homme
qui était parvenu à une si haute célébrité, Son témoi-
gnage est du plus grand poids; aussi nous arrêterons
nos regards sur cette belle gravure, qui doit être notre
point de départ.
Corneille avait 37 ans; il est représenté la figure ovale,
un peu fatiguée par le travail: le front uni, haut, dé-
garni de cheveux, qui flottent abondans sur les épaules;
les sourcils bien arqués, un épi à celui de droite, les
yeux vifs; le nez droit un peu renflé à son extrémité ;
des moustaches et la mouche au menton; un pli règne
de l'aile du nez à l'angle de la bouche, un plus léger
sur la joue; la bouche est belle et pleine de distinction.
L'expression générale est douce et grave. Le costume
se compose d'une calotte sur la tête, d’un manteau long
avec large rabat. Cette gravure in-#° semble faite avec
prédilection ; un gracieux ornement entoure le buste, et
se termine en bas par les armoiries récemment accordées
à la famille. On hit au dessous: delineavit et excudit, ce
qui prouve qu'il grava d'après son propre dessin. Il
n'existait pas encore de portrait; plus bas on lit: Peter
Cornelius, Rothomagensis, anno domini 1643.
164 ACADÉMIE DE ROUEN.
Nous retrouvons là toute la sollicitude de l'amitié. Ce
mot Rothomagensis me paraît remarquable ; il sent bien
son normand, revendiquant pour sa ville l'honneur qui
lui devait revenir d’avoir donné le jour à un si grand
homme.
Michel Lasne a plus d’une fois répété cette gra-
vure pour les publications des œuvres du poète. Ainsi,
en 1644, il en fit paraître une in-12, d'une très fine
exécution, en tout conforme à la première, sauf l'orne-
ment; et, plus tard, une troisième in-8°, pour mettre en
tête de la traduction de l'Imitation; on sait que l'Imitation
avec gravures ne parut que de 1654 à 1656. On lit au
bas de cette gravure l'annotation suivante, qui me paraît
remarquable par son intention:
PIERRE CORNEILLE , NATIF DE ROUEN,
S'EST RENDU CÉLÈBRE PAR QUANTITÉ DE PIÈCES DE THÉATRE ET
PAR LA TRADUCTION EN VERS FRANÇAIS DU LIVRE
INCOMPARABLE DE L'IMITATION DE
JÉSUS-CHRIST.
C'est vers cette époque que Lebrun fit son portrait;
sa date est de 14647. Si nous y retrouvons les mêmes
traits et la même expression, nous ne pourrons douter
de la vérité de la ressemblance; ces deux témoignages
se prêteront un mutuel appui. Mais que devint ce por-
trait pendant un siècle? Il paraît qu'il fut bientôt oublié,
puisque nous verrons les artistes les plus célèbres puiser
à d'autres sources, et s’écarter tellement de la vérité que
tout rapprochement devient impossible ; mais n'antici-
pons pas sur l'avenir.
Les productions de Michel Lasne, et le portrait de
Lebrun, composent la première phase de la ressemblance
PIE IRIRIS CORN ET ILILIE.
d'aprés Paillet,
1663
CLASSE DES BELLES LETTRES. 165
que l'art a parcouru ; c'est aussi la plus vraie comme la
plus glorieuse.
Corneille, jeune encore, avait produit ses chefs-d'œuvre;
il était tel que la postérité l'eût toujours dù connaitre.
Mais il semble que son image devait suivre la décrois-
sance de son génie, jusqu'au moment où, rappelé à
la vie par l’admirable talent de Ficquet, il reparut à nos
yeux sous une forme toute nouvelle.
Voulez-vous conserver de pieux souvenirs? Ayez des
portraits des derniers ans. Voulez-vous transmettre un
grand homme à la postérité ? Saisissez ses traits dans la
force de l’âge et du talent, dans la crainte de ternir sa
brillante auréole.
En suivant l’ordre chronologique, se présente la gra-
vure de Vallet, d'après le dessin de Paillet, en 1663.
Il ne saurait y avoir de méprise, car Vallet indique qu'il
a exécuté sur le dessin fait d’après nature, ad vivum
delineavit ; cela ne souffre pas d’'équivoque. On y voit
déjà de nombreuses dissemblances avec les gravures de
Michel Lasne et le portrait de Lebrun, qui paraît tout-à-
fait oublié, et qui n'a point, jusqu'alors, été reproduit.
Ces dissemblances sont telles , que la réflexion seule peut
convaincre que l'artiste ne s’est point écarté de la vérité.
Il s'était écoulé près de 20 ans entre les deux ouvrages,
et le temps n'avait pas épargné ses outrages à la figure
d’un homme qui s'était livré à de si longs et si constants
travaux.
Corneille avait alors 57 ans; je ne parlera point du
costume, qui se rapproche de celui décrit précédemment ;
mais la figure parait plus courte, plus massive , la bouche
166 ACADÉMIE DE ROUEN.
plus large , les cheveux flottant plus abondants , et garnis
sur le front bien au-delà de la calotte, la barbe moins
apparente; une verrue est survenue à la joue droite, et
une plus petite à la joue gauche : tout cela demande expli-
cation.
Le front de Corneille, dégarni à 30 ans , ne pouvait être
touffu à 57, il y suppléait par de faux cheveux , ce qui
vieillit singulièrement ; la chute de quelques dents, en
élargissant la base de la face, diminue son ovale et rap-
proche le nez du menton, La barbe blanchit et s’éclaircit,
de là, sa moindre apparence ; des verrues sont survenues
aux deux joues, elles nous serviront bientôt utilement ;
de plus, une légère patte d’oiïe se montre sur les tempes
et quelques apparences de rides au front. Fascinés que
nous sommes par la gravure de Ficquet, d’après Lebrun,
nous avons quelque peine à nous rendre à la fidélité de
cette image. Un examen attentif ne permet pas d'en
douter ; d’ailleurs, Vallet nous répète : Ad vivum deli-
neavit , il l'a prise sur le vivant. Elle justifie du même
modèle à deux époques différentes de la vie; les progrès
de l’âge peuvent seuls rendre compte des altérations
qu'on y remarque. Cette gravure a été souvent repro-
duite, notamment par Desrochers en 1704; et, beaucoup
plus tard, Petit, Cars fils et Dewritz y ont consacré leur
burin; ce qui prouve qu'elle passait pour authentique (3).
Vallet et ses traducteurs composent la deuxième période
de la ressemblance : nous avons, pour la première , Michel
Lasne en 1643, et l'autorité du portrait de Lebrun. La
distance qui sépare ces deux sortes de productions, n’est
guère moins de 20 années, ce qui nous met à mème d'es-
ümer l’âge du Corneille reproduit par Ficquet.
ue
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 167
Nous ferons remarquer que, jusqu’à l'an 1663, pas une
gravure n'a été faite d’après un portrait. Celui de Lebrun
était si complètement ignoré des artistes, que Paillet fut
obligé de faire un dessin pour la gravure de Vallet. Ainsi,
jusque-là , il ne faut compter sur aucun portrait original
autre que celui dont je viens de parler.
Si, au premier coup-d'œil, nous avons quelque peine à
retrouver Corneille dans la première transformation, l'étude
de quelques parties fixes et immuables nous amène à le re-
connaître ; nous allons assister, dans la troisième période ,
à une métamorphose si étrange, si complète, si inexpli-
cable, qu'on ne sait qu’en penser. Si 15 ou 20 ans avaient
apporté un tel changement dans les traits, que l'analyse
seule pouvait démontrer l'identité, 20 ans de plus devaient
faire bien d’autres ravages ; car, chez l'homme, la déca-
dence est rapide, surtout au déclin de la vie ; alors les
années semblent compter deux fois. Il n'en est point ainsi,
c'est tout le contraire qui arrive : tâchons de découvrir la
vérité.
Il est en nous un sentiment qui nous porte à souhaiter
de laisser, aux yeux de nos semblables, une idée avanta-
geuse de notre personne.
Corneille vieillissant, négligé, oublié pour un rival qui avait
captivé les faveurs du public, n'était peut-être pas sans quel-
que désir de transmettre ses traits à la postérité. Cossin, cé-
lèbre graveur, demandait un modèle ; mais où le prendre?
Le portrait de Lebrun était bien loin ; on ne l'avait proba-
blement pas, puisqu'il ne figure nulle part; d’ailleurs ,
une si petite toile, cet air grave et froid , cette figure pâle,
cette calotte monacale, devaient produire bien peu d'effet
et lutter désavantageusement avec ce brillant Racine, alors
168 ACADÉMIE DE ROUEN.
l'idole de la Cour. Le dessin de Paillet était trop ressem-—
blant pour plaire , et le poids des ans eût rendu la vérité
plus triste encore. Il fallait un autre type ; on s’adressa à
Sicre, en lui recommandant de retrouver, sur cette figure
outragée par le temps , une ressemblance qui lui fit plus
d'honneur. L'artiste, ainsi autorisé, se mit à la besogne :
le génie ne connaît point d’obstacle ! Il affubla le père de
la Tragédie d’une énorme perruque (#), retrancha la barbe
qui n’était plus un ornement ; il allongea la figure, effaça
les rides, rendit vermeil ce visage que le travail avait pâli
à 30 ans ; il ne respecta pas même la couleur des yeux ;
il conserva le nez, la verrue à la joue et le menton
bifurqué; mais, pour ce qui est de la forme du crâne, de
l'ouverture des orbites, de la direction des sourcils, où
les prit-il? Je ne le saurais dire. Il fit un portrait de
fantaisie: puis, fidèle à son programme, il revêtit son
modèle d'une magnifique simarre , ayant un élégant rabat,
les bras ornés de somptueuses manchettes, les mains
magistralement croisées et supportées par un livre indi-
quant l’auteur et la nature de ses travaux; de plus, une
riche draperie faisait valoir le fond , et une colonne entre-
vue donnait au tout un aspect monumental, qui s’éloignait
passablement de la modeste habitation de la rue de la Pie.
Il traduisit Corneille en un lourd financier. La famille dut
sourire : les idées un peu nobiliaires de Thomas durent
être satisfaites (5); si la ressemblance était nulle, le portrait
n'avait pas de date, et l’on travaillait pour la postérité.
Le talent de Cossin répandit cette image : ce type fut si
généralement adopté, que plus d’un peintre de talent refit
des Corneille nouveaux, en variant, suivant son goût, la
pose et le costume. Des graveurs de renom reproduisirent
ces œuvres et leur donnèrent une sorte d'authenticité , ce
qui a séduit beaucoup d'amateurs.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 169
Je soumets aux curieux la réflexion suivante : Corneille
est mort en 168%; le portrait de Sicre, gravé en 1683,
n'était point connu avant cette époque; on accordera au
moins qu'il fut postérieur de quelques années à la gravure
de Vallet. Toutes les imitations qui ont suivi ne peuvent
être originales. On sait que le grand poète, arrivé à la
caducité , fut, pendant près de deux années, dans un état
d'infirmité qui causa la gène où il mourut. Ceci suffit pour
condamner tous les portraits originaux qui ont paru dans
le xvur* siècle et dans la dernière partie du xvrr°.
Il est à remarquer qu'en gravant ces productions men-
songères, pas un artiste ne cita de noms de peintres.
Ficquet grava d'après Lebrun, Michel Lasne d’après son
propre dessin, Vallet d'après cel de Paillet, Cossin
d'après Sicre; mais toutes les autres variantes que la
gravure fait connaître , n'indiquent point leur origine, ce
qui doit toujours tenir en réserve les collecteurs un peu
difliciles. Ainsi Lubin en 1696, Bernard Picard en 1716,
Dupin en 1740, etc., n'ont point indiqué quel était le
maître qui leur avait servi de guide. Pour satisfaire des
amateurs qui désiraient des portraits de Pierre Corneille,
des peintres d'un talent distingué ont, depuis 1683, produit
des œuvres remarquables, parfois bien dignes, sous le
rapport de l'exécution , de figurer dans les cabinets les plus
riches; mais, postérieures à la mort du grand homme,
elles ne peuvent prétendre à aucune ressemblance.
Ce qu'il y a de certain, c'est que le Corneille imaginé
par Sicre fut accrédité comme véritable pendant 80 ans ;
beaucoup de cabinets en fournissent la preuve. Les efforts
de Thomassin et de Ficquet n'ont point encore complète-
ment détruit cette illusion; j'en pourrais citer plus d'une
preuve , je me contenterai du fait suivant :
170 ACADÉMIE DE ROUEN.
En 1806, un arrière petit-fils du célèbre Lebrun , vou-
lant témoigner sa gratitude à la Société d'Émulation de
Rouen , qui l'avait admis dans son sein, copia lui-même le
portrait de Sicre , croyant reproduire l’œuvre de son aïeul.
Pour un commissaire du musée Napoléon, l'erreur était
lourde ; toujours est-il que je m'en félicite, puisque cela
me met à même de vous offrir un fidèle spécimen de cette
œuvre curieuse (6). Quel était ce Sicre? Qu'a-t-il fait ? Je
l'ignore. Son travail paraît n'être pas dépourvu d'art, et
devoir produire un assez bel effet ; n'eut-il peint que cela,
il peut prétendre à l'immortalité !
En expliquant cette métamorphose comme il précède,
nous nous trouvons à l'aise , et les faits suivants découlent
tout naturellement.
On s'est demandé comment Perrault, dans sa Vie des
hommes illustres, publiée 14 ans après la mort du poète,
avait donné, gravée par Lubin, une si étrange figure de
Pierre Corneille ; c'est qu'il était dans la confidence. Car
comment admettre que Perrault qui avait connu Corneille,
qui était lié avec Fontenelle, qui siégeait à l'Académie avec
Thomas, eût commis une pareille méprise ! Il n’y eut point
méprise, mais intention. Toutefois , cètte pieuse fraude ne
passa point sans réclamations. La gravure de Cossin, toute
belle qu'elle était, fit peu de sensation; c'était en 1683,
Corneille allait cesser d'être, ou plutôt il n'existait plus,
sa personne était complètement oubliée ; il n’en fut pas de
même lors de la publication de l'œuvre de Perrault.
L'Histoire des hommes illustres souleva plus d'une cri-
tique. Les contemporains, à même de juger sainement
la chose. s'étonnèrent d'une pareille dissemblance (7) ;
d'autres pensèrent que par erreur on avait pris le portrait
de Thomas pour celui de Pierre (8). Erreur impossible :
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 171
les suppositions faites à la légère, tombent au moindre
examen, En 1696, le portrait peint par Jouvenet n'existait
pas, et celui de Mignard n'avait pas encore été gravé, Ce
dernier, représentant Thomas à 30 ans, ne pouvait con-
venir, et l’on admettra diflicilement que l’auteur d'Ariane
ait posé pour le portrait de son frère. D'ailleurs quand
Perrault écrivait, Thomas vivait encore; il regrettait son
frère autant qu'il l'avait aimé. Je vous soumets toutes les
gravures d’après son portrait exécuté par Mignard (9) dans
sa jeunesse ; et l'original de celui de Jouvenet, qui est
sous vos yeux, doit complètement détruire cette suppo-
sition (10).
Il est à remarquer que, bien que le portrait de Lebrun
revint dans les mains de Fontenelle, peu après la publi-
cation de la Vie des hommes illustres, il ne fut gravé pour
la première fois par Thomassin que 27 ans après la mort
de Perrault, arrivée en 1705.
Si mes explications ne vous paraissent pas satisfaisantes,
j'attends que l’on m'en donne d'autres que j'adopterai de
grand cœur ; mais les miennes n'ont-elles pas pour elles
bien des probabilités ? Toujours est-il, Messieurs, que les
faits existent, vous en avez sous les yeux les preuves irré-
cusables.
Ainsi, nous trouvons dans la première période, Corneille
gravé par Michel Lasne et peint par Lebrun; dessiné dans
la seconde par Paillet; dans la troisième, travesti par
Sicre. L'erreur, souvent plus flatteuse que la vérité, obtient
de grands succès. Offrez au public le somptueux portrait
de Sicre et l'œuvre simple de Lebrun, l'effet ne sera pas
douteux sur la masse ; la vérité trop nue ne compte qu'un
petit nombre d'adorateurs.
172 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ne nous étonnons donc pas si le merveilleux portrait fut
porté aux nues, si on tàcha de l'accréditer. Aussi fut-il
constamment reproduit depuis l'an 1683 jusqu'en 1766,
et même au-delà. Pendant cette longue période, le
portrait de Lebrun sommeillait encore, attendant, pour
paraître au grand jour , un interprète digne de lui. En vain
Thomassin (11) le grava-t-il pour la première fois vers
1730; son burin exact, mais trop dépourvu de charmes,
ne fit aucun tort à Sicre, qui fut, malgré cela, reproduit
dans une de ses plus riches variantes par Dupin, en 1740,
après la mort de Thomassin. Il fallait une main plus ferme
pour détrôner l’usurpateur , et assurer le triomphe de la
légitimité.
Enfin Ficquet parut; le célèbre Cochin se chargea du
dessin d’après lequel il exécuta, en 1766, une vignette avec
de gracieux ornements’. Cette production se recommande
trop d'elle même, pour que j'en fasse ici l'éloge.
A peine Corneille fut-il ainsi réhabilité, que sa gloire
parut briller d’un nouveau lustre; si tout ce qui avait pré
cédé ne fut pas mis en oubli, le plus grand nombre des
artistes ne s’inspira plus que de ce nouveau modèle. Les
reproductions en sont si nombreuses, qu'un volume suffirait
à peine à les décrire (12). Pour opérer une pareille révolu-
tion, il fallait un chef-d'œuvre ; Ficquet en enfanta un. On
ne douta point de la fidélité d'une gravure que chacun
admirait; il fut donné à un si petit nombre de s’assurer de
la vérité, que, sans l’heureuse découverte du portrait, la
gloire de Ficquet serait restée entière chez la postérité.
TT
* La Bibliothèque historique mentionne une gravure in-4° du
même auteur. Les recherches infructueuses que j’ai faites pour
la trouver, me portent à croire qu'elle ne différait de la première
que par la marge.
2 =
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 173
Nous ne parlerons point des bustes et des statues élevés
à Corneille , pour y chercher un type primitif de sa ressem-
blance ; le marbre et le bronze ne furent point à son usage
pendant sa vie. Alors on se hâtait un peu moins de décer-
ner des apothéoses ; ce soin fut légué au siècle suivant. Ce
que j'en dirai, servira à démontrer que Lebrun, ou Ficquet
d'après lui, furent les guides qu'ont toujours suivi les
grands artistes ; ceux qui ont voulu marcher dans une
autre voie, n’ont rien produit de recommandable.
J'ignore s’il existe des bustes ou des statues antérieurs
à la moitié du siècle dernier; pour mon compte, je n'en
connais point (13). Depuis cette époque, le goût des arts et
le culte des souvenirs, singulièrement étendus , en ont fait
éclore une telle quantité, que je ne terminerais pas à les
énumérer ; je me bornerai à citer ceux qui décorent notre
ville; ce que j'en dirai peut s'appliquer aux autres.
L'Académie de Rouen réclamera toujours pour ses
membres l'honneur d’avoir été fidèle au œilte du grand
poète.
Dès l'an 1756, elle souhaita orner le lieu de ses réunions
des bustes des hommes célèbres que la ville avait vu naître.
Ce vœu fut bientôt rempli ; M. Pigalle, associé, donna les
bustes de Corneille et de Lémery ; M. Lemoine, ceux de
Fontenelle etde Jouvenet. Lorsque l'Académie périt en 1793
avec les autres institutions, elle fut par cela même dé-
pouillée des livres et des objets d'art qu'elle possédait.
Le buste donné par Pigalle fut religieusement recueilli par
M. Licquet, ancien conservateur de la Bibliothèque pu-
blique ; c’est à lui qu'on doit de le retrouver dans cet éta-
blissement.
On ne saurait douter que Pigalle ait pris Lebrun pour
guide ; ses relations avec Fontenelle ne lui permettaient
174 ACADÉMIE DE ROUEN.
pas de s'égarer. Son buste est conforme aux bonnes tradi-
tions ; sa tête moins étudiée dans les détails que celle de
Cafiéri, est d’une large exécution. Il a seulement modifié
le costume , en laissant le cou nu, et en attachant le man-
teau avec une cordelière dont les glands retombent sur la
poitrine, ce qui était d'usage au temps où Corneille écrivait.
Il était réservé à un membre de la Compagnie d'offrir
à notre compatriote un plus éclatant hommage.
Le nom trop oublié d'un artiste aussi recommandable que
malheureux doit trouver ici sa place. Parmi les élèves dis-
tingués que fit éclore l'École de peinture de Descamps",
1 L'École de peinture fondée par Descamps et dignement conti-
nuée par ses successeurs, MM. Descamps fils, Chaumont, Car-
pentier , Langlois et Morin, comptait, dès l’an 1765, 300 élèves.
Plus d’un artiste habile est sorti de ses rangs. Nous citerons :
Peintres , MM. Bellenger , La Vallée-Poussin, Le Barbier, Lemon-
nier, Thierce, Leguillon, Descamps fils.
Graveurs , MM. Le Mirefrères, Stange, Lefèvre, Leveau, Godefroy.
Sculpteurs , M. Jadoulle.
Architectes , MM. Couture frères , Malorty, Loyer , Lebrument,
le prince de Beaujour, Prêtrel, Barragay, Allais, Vauquelin,
Grout , de Sierville.
Ingénieurs, MM. Loyer , Bremontier, Bernardin de St-Pierre,
Broude, Godefroy, Devaux, Ribard,
« Vous avez raison, écrivait, en 1768, M. Cochin à M. Descamps,
vouset votre Académie, de vous applaudir d’avoir formé de pareils
élèves, et en aussi grand nombre, »
Qu'il me soit permis d'ajouter aux uoms déjà cités ceux de
MM. De Boisfremont , Court et Brevière. Ce dernier , si connu par
la perfection où il a porté la gravure sur bois, dont il a fait un art
tout nouveau, est le chef d’une école dont la plupart des élèves,
sortis de Rouen, comme lui, sont devenus des maitres. Qui n’a
admiré les productions dues au burin spirituel et délicat de
MM. Hans, Hébert et Dujardin ?
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 175
un jeune homme montra pour la sculpture des disposi-
tions remarquables ; Jadoulle (Marie-Nicolas), né à Rouen
en 1739, souvent couronné par l'Académie, était néces-
sairement appelé à entrer dans son sein.
Ce sculpteur dont les œuvres se faisaient remarquer
par la grâce et la pureté du style, eut la douleur de voir
anéantir pendant la Révolution la presque totalité de ses
ouvrages. On a cependant conservé le souvenir des
belles figures qu'il avait faites pour l’église de Saint-Yon,
de son bas-relief à l'église de Saint-Ouen, et de la statue
en pied d'Henri IV qui ornait la fontaine du Vieux-Palais.
En 1775, il soumit à l’Académie un buste de P. Corneille,
destiné au nouveau théâtre de cette ville, et, de plus, il exé-
euta, en 1776, trois bas-reliefs encore existants, placés
entre les croisées et l’entablement de la façade de cet
édifice.
Celui du milieu représente P. Corneille; la tête se dé-
tache presqu'en entier d’un grand médaillon que deux
génies attachent au Temple de Mémoire; une couronne,
un sceptre , des armures , des faisceaux et l'aigle romaine,
forment de gracieux ornements. On lit sur un bouclier :
Jadoulle 1776. Les deux caissons qui accompagnent le
premier, représentent la Tragédie et la Comédie sous la
forme de deux femmes assises, de grandeur plus que
nature, et reconnaissables à leurs attributs.
Cet ensemble d'une belle et facile exécution est anté-
rieure aux productions de Cafliéri sur le même sujet.
Jadoulle à puisé ses inspirations aux bonnes sources,
pour ce qui regarde la figure et le costume du poète.
176 ACADÉMIE DE ROUEN.
Les trois bas-reliefs qu'on voit à l’église de Sainte-
Madeleine! complètent ce qui nous reste de cet artiste.
Celui de La Charité, qui couronne la porte d'entrée, est
plein de charme et de sentiment. Jadoulle, dont le nom
mérite d'être conservé parmi nous, ne cessa d’être pour-
suivi par l'infortune. Le besoin le força à chercher un
asile à l'hôpital, où il mourut en 1805.
Vient ensuite J. J. Cafhiéri, petit-fils de celui qui, en
1660, fut appelé d'Italie par Mazarin, pour travailler en
France.
Il surpassa son père et son grand-père qui furent ses
maîtres. Il se fait remarquer par le goût, l'expression,
le fini de ses ouvrages. Le ciseau et le burin cédèrent
alors à la même inspiration; Cafliéri et Ficquet se plurent
à reproduire les hommes célèbres du grand siècle.
En 1785, l'artiste fit hommage à l'Académie des bus-
tes de Pierre et de Thomas Corneille, fac-simile de ceux
qu'il sculpta pour la Comédie-Française à Paris. Ces bustes
enlevés à la Compagnie pendant la Révolution, décorent
aujourd'hui le premier étage du péristyle de l'Hôtel de
Ville (14). Ce fut, pendant longtemps, les seules images des
deux frères que notre autorité municipale possédât ; aussi
sont-elles quelque peu endommagées à force d’ovations.
Bien étudié, bien modelé ,le buste de Corneille rappelle le
portrait de Lebrun plus que le médaillén de Ficquet. C’est
absolument la même attitude, ce sont les mêmes traits et
le même ajustement. Mieux qu'aucune statue de ce maître,
il approche de l'exactitude du modèle.
* L'église de Sainte-Madeleine n’est autre que la jolie chapelle
de l'hôpital, convertie en paroisse depuis 1802.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 177
La statue en terre cuite du même auteur, placée au
Musée, est d'un bel effet ; elle est pleine de vigueur et de
mouvement; c’est le premier jet de celle qui lui fut com-
mandée par le-roi Louis XVI(15). La pose est noble, les
draperies bien jetées; on y reconnaît la manière large
mais un peu négligée de l'époque. Jouvenet eût fait ainsi.
L'artiste ne visant qu'à l'ensemble, laisse à désirer dans
les détails. La figure est vieillie, la tête anguleuse laisse
voir des rides et des veines que la tradition ne consa-
cra pas; peut-être est-ce à dessein, mais il en résulte moins
d'exactitude que dans le buste du même auteur.
Un buste placé rue de la Pie par M. Lefoyer, propri-
étaire de la maison où naquit et vécut Corneille, signale
cette demeure aux Étrangers. Ce souvenir d’un bon citoyen
honore son auteur, mais ne peut compter parmi les pro-
ductions de l'art.
Si je parle de la statue en marbre de Cortot, qui dé-
core la grande salle de notre Hôtel-de-Ville, (présent du
Ministère en 1822), c'est pour regretter que l’auteur se soit
écarté des excellents modèles qui l'avaient précédé. Je
n'ai point à me préoccuper de l'ensemble, dont je ne m'é-
tablis point juge; mais ce que je puis affirmer, c’est que la
ressemblance s'éloigne beaucoup des productions de Fic-
quet et de Cafhiéri.
On se plait davantage auprès de la statue en bronze
placée sur le Pont-Neuf. L'œuvre de David n’est point au-
dessous de la réputation de ce grand artiste. La tête du
poète est belle, conforme aux traditions de Cafhéri , et suffi-
samment étudiée pour une statue qui ne doit être vue que
de loin et jugée dans son ensemble. Nous devons nous
féliciter que ce monument , le plus capital en ce genre ,
ait été confié à un homme d’un talent aussi distingué (16).
12
178 ACADÉMIE DE ROUEN.
On conserve au Musée d’Antiquités de la ville un médail-
lon en cuivre à l’efligie de Corneille, de forme ovale; bien
qu'il soit peu remarquable sous le rapport de l'exécution, il
n’en offre pas moins la véritable empreinte du poète. S'il n'a
point été fait d’après nature, ce que le séjour de Corneille
rendait très facile, comme tout porte à croire que le portrait
de Lebrun fut rapporté à Rouen vers 1647, il se pourrait
bien que cette efligie, qui le rappelle parfaitement, fût sa
première révélation. J'ignore dans quel but il fut exécuté,
mais ce n'est pas le seul en ce genre qui soit conservé en
Normandie.
Malgré toute l'habileté qu'a déployée Ficquet, on sait
combien il est peu sûr de peindre d’après un graveur,
celui-ci se permettant souvent des changements suivant
son goût, son but, sa manière de voir; ce qui donne par-
fois au sujet une face toute nouvelle. Ce sont autant de
traductions en langues différentes, qui s’éloignent plus ou
moins du texte.
Le burin peut-il toujours tenir compte du ton des
chairs, de la teinte de la barbe et des cheveux, et donner cet
aspect qui témoigne la vie en faisant circuler le sang? Cela
n'appartient qu'au pinceau. Il ne faut donc pas s'étonner
si toutes les ressemblances de Corneille diffèrent entre
elles et laissent tant à désirer. On retrouve bien quelques
traits, quelques parties saillantes, une construction uniforme
consacrée depuis l'œuvre de Ficquet ; mais de cette em-
preinte, que Lebrun seul a été appelé à saisir sur la nature,
il n°y faut point compter. Il en est à comme de ces légen-
des accréditées d'âge en âge, où les produits de l'imagina-
tion permettent à peine de saisir le fait incontesté qui
leur à donné naissance.
Vous serez peu surpris maintenant des variations qui
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 179
ont régné touchant les ressemblances de Corneille. Pen-
dant longtemps, on ne posséda que les gravures de Lasne
et le portrait de Lebrun; les premières ne pouvaient répon-
dre à tout, le portrait seul de Lebrun pouvait faire loi.
Nous tacherons d'expliquer pourquoi, pendant 80 ans, il
n'en fut pas question. Le dessin de Paillet, sous la date de
1663, vint jeter du trouble dans les ressemblances, et le
tableau de Sicre mit le comble à cette confusion.
En 1766, Ficquet vint nous révéler une œuvre trop long-
temps ignorée; néanmoins cela ne suffisait pas pour ren-
dre à la vérité tout son éclat. Je l'ai déjà dit: la gravure la
plus parfaite laisse toujours à désirer, ses éléments sont
trop simples. Si la toile peut se traduire par le burin,
celui-ci ne peut pas, avec le même succès, animer la toile.
La gravure est à la peinture ce que la sécheresse de la
pointe est à la souplesse du pinceau. C’est là ce qui rendait
si regrettable le précieux portrait de Lebrun.
Corneille, comme on sait, n'habitait point Paris, lorsqu'il
se fit peindre. 1l est à penser qu'il rapporta son image
à Rouen, lieu de son séjour. C'est là qu'il écrivait au
milieu des charmes de l'intimité d'une vie patriarcale.
Sa sœur Marthe, si remarquable par l'affection qu'elle lui
portait et par son jugement exquis, était pour lui l'objet
d'une prédilection particulière. D’ordinaire, quand on se
fait peindre, ce n'est pas pour soi, mais bien pour ceux
qui nous portent un véritable attachement.
Son fils aîné, capitaine de cavalerie, qui demeura le seul
héritier de son nom, dut tenir à conserver un souvenir
auquel il avait plus de droits que personne. Lorsqu'on à un
père qui à joui d'une grande célébrité, il est naturel qu'un
sentiment d'amour-propre vienne se joindre à l'amitié, et
180 ACADÉMIE DE ROUEN.
nous fasse souhaiter plus vivement de conserver les traits
de celui qui nous lègue un glorieux héritage.
Il est incontestable que Corneille ne possédait point son
portrait à Paris, lorsqu'il s’y fixa vers 1663 (17); j'en
prends pour témoin Paillet, qui fut, à cette époque, obligé
de faire un dessin d’après nature, pour fournir motif au
graveur. Corneille en avait fait don , et il n'y songeait plus.
S'il était dans les mains de son fils, comme tout porte à le
croire , quelques raisons s’opposaient à ce qu’il le réclamät.
On sait que ce fils se mit en défaveur par son mariage
secret avec la fille d’un marchand de Paris ; on s’étonnera
peu alors de la demande faite à Sicre en 1683, mais cela
sert de preuve irrécusable, que le portrait de Lebrun n’était
point alors à la disposition de Pierre ni de Thomas.
Il m'a fallu arriver jusqu'à l'an 1730, pour retrouver la
trace de ce portrait, dont aucun souvenir depuis 16#7 ne
m'a révélé l'existence. C'est vers cette époque que
Thomassin en fit la gravure, quoi qu'il soit à croire que
déjà il fut, depuis bien des années , revenu aux mains de
Thomas ou de Fontenelle; voici à cet égard ce qui me
paraît le plus probable.
Corneille mourut en 1684, et son fils en 1698; à cette
dernière date, l'ouvrage de Perrault avait vu le jour.
Corneille fils en mourant ne laissa qu'un enfant en bas-âge,
dont Thomas, son grand-oncle, fut le tuteur; c’est proba-
blement alors que le portrait revint aux mains de Thomas,
et plus tard dans celles de Fontenelle.
Celuiéi, admirateur passionné de son oncle, et collabo-
rateur de cet excellent Thomas, voulut sans doute réunir
sous ses veux l’image des deux frères, qui, pendant toute
CLASSE DES BELLES-LETTRES. « 181
leur vie , avaient offert le modèle d’une si constante amitié.
Le portrait de Thomas qui accompagne celui de Pierre , fut
peint par Jouvenet vers 1700.
Les liens d'amitié et de parenté qui existaient entre
Fontenelle et Thomas, ne permettent pas de savoir si les
portraits furent dans les mains de Fontenelle avant la mort
de son oncle, ou s'ils n'y revinrent qu'après ; cela, au
fond, importe peu , puisque, soit d’un côté soit de l’autre,
ils ne sortirent pas de la famille.
Quant à celui de Lebrun, il s'était écoulé plus d’un siècle
depuis son origine jusqu'à sa réhabilitation par Ficquet ;
pendant le siècle suivant, il est de nouveau tombé dans
l'oubli. Qu'était-il devenu depuis Fontenelle ? Avait-il péri
par l'effort du temps? Était-il passé à l'étranger avec tant
d’autres richesses ? Avait-il disparu au milieu de la tour-
mente qui, il y a 60 ans, bouleversa tant d’existences
et détruisit tant de nobles demeures? C'est ce qu’on avait
lieu de craindre; heureusementil n’en est rien. Ce por-
trait existe, Messieurs , ilest sous vos veux ; rien ne me sera
plus facile que d'établir sa filiation depuis Fontenelle
jusqu'à nous.
Ce dernier ne s'étant point marié, et ses deux frères
étant entrés dans les ordres, fit un testament par lequel
il divisa sa succession en quatre parts, entre madame de
Forgeville, cette amie dont il est si souvent question dans
ses ouvrages, les deux demoiselles de Marcilly, petites-
filles de Thomas, et madame de Montigny chez laquelle
il mourut, et qui lui prodigua jusqu'au dernier jour les
soins de la plus tendre amitié (18). C'est elle qui recueillit
les deux portraits qu'elle obtint de la libéralité de Fonte-
nelle, Cette dernière épousa à Portmort près Andely, en
182 ACADÉMIE DE ROUEN.
1743, Nicolas Jubert de Bouville, Maréchal-de-Camp. Cette
dame , née en 1723, vécut jusqu'en 1803. Après sa mort,
le château et la terre de Portmort furent vendus et les
objets mobiliers transportés au château du Plessis , près de
Pont-Audemer, chez madame d’Anneville, une des héri-
tières de madame de Bouville. En 1842, madame d’An-
neville mourut après avoir institué M. le comte d'Osmoy
son légataire universel.
Si ces preuves ne vous paraissent pas suflisantes, je
vous demanderai où l'on doit chercher des portraits de
famille si ce n’est dans la famille. Là, on ne se méprend
point sur la ressemblance. Sous le rapport de la fidélité,
ce témoignage est irrécusable. Quant à l’originalité, des
copies plus ou moins heureuses peuvent faire naître des
doutes et fortifier la confiance ou l'espoir des amateurs
qui les possèdent; mais, outre le mérite de l'exécution,
que la comparaison peut aisément faire apprécier, il faut
mettre en ligne de compte ce qui est le plus naturel et
dans l'usage de tous les temps.
Un portrait de famille ne sort point d'ordinaire des
mains de ses membres; quand on permet des copies,
on a soin de se réserver l'original.
Qui prouve, me direz-vous, que Fontenelle avait ce por-
trait? Ces choses-là ne sont point de celles dont on jus-
tifie par acte notarié et qu'on peut démontrer après un siècle.
Mais qui pouvait l'avoir? Du côté de Pierre, un enfant
en bas âge dont Thomas était le tuteur; de V'éntié, Fon-
tenelle , neveu et ami de Thomas et admirateur passionné
de son oncle; je l'ai dit, il le tenait ou de sa mère Marthe,
sœur des Corneille, ou plutôt de Thomas qui l'avait re-
trouvé dans l'héritage de son pupille.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 183
Suivant cette hypothèse, en quittant Paris en 1707, l'on-
cle aurait donné à son neveu les deux portraits comme
un précieux souvenir. S'ils eussent fait partie de la suc-
cession de Thomas, ils seraient demeurés aux mains d’une
de ses filles, soit de madame La Tour du Pin, soit de
madame de Marailly ; ils ne seraient pas échus à madame
de Montigny qui n'était point parente de Fontenelle , mais
qui méritait bien cette faveur par son culte pour le grand
homme, et pour le dévouement qu'elle porta au vieillard
centenaire dont elle fut la compagne assidue et l'ange tuté-
laire jusqu'au dernier jour.
N'oublions pas que Thomassin, 25 ans avant la mort
de Fontenelle , grava d’après le portrait de Lebrun, ce qui
éloigne l'idée qu'il aurait pu être par Thomas porté au
château de Portmort avant cette époque.
.
Quand on pourrait élever quelques doutes relativement
à Fontenelle, on n’a jamais contesté qu'après lui madame
de Bouville posséda les deux originaux ; ce qui va suivre
en fournira la preuve surabondamment.
M. Corneille, inspecteur de l'Académie de Rouen, que
vous connaissez tous (19), mu par un sentiment que chacun
appréciera, avait à cœur de retrouver ce portrait de Lebrun
qu'il pensait devoir exister; il apprend qu'on en con-
serve un à l'Institut provenant du Louvre , lorsque l'Aca-
démie Française y faisait sa demeure. Il se rend à Paris,
et trouve dans le cabinet de M. Raynouard, alors secré-
taire perpétuel de la Compagnie, ce portrait si désiré.
Il le contemple avec bonheur, et, quelques années plus
tard, M. Auger étant secrétaire , il y retourne de nouveau,
demande la permission de le décrocher pour le voir de
184 ACADÉMIE DE ROUEN.
plus près. En le retournant , il lit sur la traverse du chassis,
écrite à la main, l'inscription suivante:
PIERRE CORNEILLE.
CE PORTRAIT À ÉTÉ COPIÉ D'APRÈS L'ORIGINAL PEINT PAR CHARLES
LEBRUN, LEQUEL EST À LA COMTESSE DE BOUVILLE À QUI IL
APPARTIENT , ÉTANT EN SON CHATEAU DE PORTMORT , EN NOR-
MANDIE.
Désenchanté par cette découverte, M. Corneille se dirige
vers le château de Portmort, et demande à voir le pré-
cieux original ; vain espoir ; la propriété a changé de maître
depuis 20 ans, et la succession de madame de Bouville ,
divisée entre plusieurs collatéraux, laissait dans une grande
incertitude. Seulement, il apprit que beaucoup d'objets
mobiliers avaient été transportés au château du Plessis, près
de Pont-Audemer.
Madame d'Anneville vivait fort retirée dans cette char-
mante retraite, pleine de nobles et doux souvenirs ; là, elle
aimait à oublier les orages qui avaient agité sa vie. Bien
peu connaissaient la valeur des richesses qu'elle avait re-
cueillies du château de Portmort ; aussi, pendant longues
années , il ne fut plus question ni de Pierre ni de Thomas
Corneille.
Cette dame étant décédée en 1842, lorsque sa suc-
cession fut réglée, on trouva en 1844, dans le château
où ils séjournaient depuis #1 ans (20), deux portraits
désignés comme étant ceux de Pierre et de Thomas Cor-
neille. Une simple indication ne suflisait pas pour cons-
tater leur originalité ; aussi les avis furent loin d'être una-
nimes. De plus, les mutations nombreuses survenues
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 185
depuis #0 ans, jetaient un grand trouble dans la généa-
logie, madame de Bouville étant décédée fort âgée, après
avoir perdu son fils qui mourut sans laisser d'enfants.
Madame d’Anneville était une parente éloignée , qui , elle-
même, avait testé en faveur de M. le comte d'Osmoy, parent
de cette dame à un degré éloigné aussi. Ce fut alors que,
frappé du mérite de ces deux portraits, je recueillis en
silence les preuves de leur authenticité. Ce n’est pas sans
bien des démarches et sans de longues recherches, que
je suis arrivé à l'évidence et à la simplicité de faits que
je viens de présenter.
J'avouerai ici que, parvenu au terme de mes re-
cherches, j'aurais bien souhaité posséder un portrait
qui devenait précieux à tant de titres; mes offres ne
furent point acceptées, mais l'obligeance de son heu-
reux possesseur n'eut point de bornes, et me mit à
même de faire exécuter, par un artiste distingué, des
copies qui réunissent toute la perfection désirable (21).
M. le comte d'Osmoy est trop bon appréciateur des
belles choses, et trop jaloux de la gloire de son pays,
pour se dessaisir jamais de ce qu'il regarde presque
comme un titre de famille. Il pense que son château ne
tire pas moins d'honneur de l'image des deux frères, que
des visites qu'il reçut jadis du roi Jacques IF, pendant son
exil.
Corneille et son frère resteront confiés à sa garde, au
sein de cette Normandie qui s’énorgueillit de leur avoir
donné le jour, et qui fut pour eux la souree et l'objet de
leurs plus chères affections.
J'espère, Messieurs, que vous ne douterez plus de l'au-
thenticité des originaux qui sont sous vos veux, et que
186 ACADÉMIE DE ROUEN.
vous n'hésiterez point à classer parmi les copies ou les
invraisemblances , ce que vous rencontrerez ailleurs.
Le portrait de l'Institut se voit actuellement dans la
Salle des Académiciens, au musée de Versailles.
Si l'Académie se contentait d'une reproduction, per-
sonne ne pensera que le Théâtre-Français ait été plus
heureux ; il possède les deux bustes de Cafliéri, et des
copies des portraits de Pierre et Thomas Corneille (22).
Longtemps il voua son culte aux faux Dieux; Sicre et
compagnie y régnaient sans partage; mais le buste de
Pierre lui ayant dessillé les yeux , l’habile artiste qui s'était
inspiré des originaux appartenant à madame de Bouville,
fit présent de deux copies qui n'étaient point mensongères.
Heureux s’il se fut adressé à un peintre plus digne de la
tâche qui lui était confiée !
Marchands toujours si bien approvisionnés, amateurs
qui vous flattez tous de posséder dans vos collections des
portraits originaux de Pierre Corneille, ne jetez pas les
yeux sur cet écrit, si vous tenez à conserver les douces
illusions qui font votre bonheur !
Maintenant je demanderai si beaucoup d’entre vous se
fesaient une idée exacte de la figure de notre compatriote,
et si les artistes qui ont tenté de le reproduire, l'ont fait
avec fidélité.
Pourquoi, me direz-vous, attacher tant d'importance à
une forme qui ne devait durer qu’un jour? Le poète ne
revit-il pas dans ses œuvres, pur reflet de son ame? A
cela je répondrai : L'art qui reproduit, est aussi une œuvre
du génie. Renversez les statues, déchirez les toiles, les
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 187
Barbares en usaient ainsi. Pour nous , nous serons toujours
avides de contempler les traits des grands hommes, et
d’entourer d'hommages leur enveloppe passagère, parce
qu'elle fut comme une humble demeure , un jour favo-
risée d’une émanation de la Divinité.
Pensant que pour constater une aussi précieuse authen-
ticité, rien n'était à négliger, j'ai d’abord examiné le ta-
bleau dans sa forme et ses dimensions. Il a 0, 52, sur 0, 65 ;
il est peint sur une toile du temps qui a nécessité le ren-
toilage sur un chassis à clef. Cette opération date de l'é-
poque où Cafliéri exécuta les bustes.
Derrière la toile, on lit, sur une bande de papier , en
caractères d'imprimerie fortbien tracés à la plume, l'inserip-
tion suivante :
Pierre CORNEILLE , NÉ À ROUEN EN 1606, mort 4 Paris
EN 108%, PRINT PAR CHARLES LEBRUN.
Je sais généralement le peu de cas qu'on doit faire des
étiquettes ; il en est cependant qui peuvent fournir d’utiles
renseignements. Nous verrons que celle-ci est des plus
importantes. La teinte du papier , conforme à celle de la
toile , atteste que cette inscription remonte à l’époque du
rentoilage.
Cette admirable peinture est étonnante de pureté et de
conservation , rien ne prouve mieux qu'elle fut toujours
dans des mains qui lui vouèrent un culte assidu. Une sœur
ou un fils nous sont révélés par ce seul fait, comme les
premiers possesseurs. La figure est exempte de toute
altération. On n'y voit ni brisures ni retouches ; on croirait
qu'elle sort des mains du peintre, si deux siècles ne lui
188 ACADÉMIE DE ROUEN.
avaient donné cette teinte légèrement rembrunie qui est la
consécration du temps.
J'ai dû ensuite comparer la vignette de Ficquet avec le
tableau, et vérifier si c'était bien le même modèle. Il est
hors de doute que le graveur a copié d’après Lebrun ;
lui même il l’atteste. Je pense avoir démontré que le por-
trait dont je m'occupe est bien l'original (23); voyons s'ils
se ressemblent.
La pose , les traits, le regard , les plis des vêtements
sont fidèlement rendus ; les moindres détails sont étudiés
avec le plus grand soin. Ainsi, ce léger épi au sourcil droit,
signalé par Michel Lasne et par Thomassin , n’a point été
omis, mais l’ensemble diffère très notablement, soit par
l'infidélité du dessin , soit par les étroites proportions de la
vignette. Ainsi, dans la gravure, le front est plus fortement
modelé ; les plis du visage plus prononcés, le nez plus ré-
gulier, presque aquilin , la bouche plus large et plus sèche.
Il en résulte qu'indépendamment de la douceur et du
charme de l'original dont elle s'éloigne beaucoup, la vi-
gnette représente Corneille à soixante ans, quand le por-
trait n’en accuse pas plus de quarante. Qu'on me pardonne
cette expression qui ne diminue en rien mon admiration
pour le talent de Ficquet : depuis que j'ai sous les yeux
l'original de Lebrun , son Corneille gravé me fait l'effet
d’un tuteur de comédie, tant il s'éloigne de l'aménité et
de la juvénilité du modèle. Comme peinture, l'œuvre de
Lebrun se fait plutôt remarquer par la finesse des tons , que
par la vigueur de l'exécution ; ce n’est point le brillant de
Philippe-de-Champagne, le relief et le luxe de Claude
Lefèvre ou de Rigaud. Cela ne ressemble en rien au riche
portrait de Thomas , par Jouvenet. Je crois même que la
fougue et la verve de cet artiste eussent été moins appro-
priées au caractère grave et réfléchi du poète , que la mé-
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 189
thode sage , et, parfois, un peu froide de Lebrun. On a lieu
de s'étonner comment cet artiste, homme d'imagination,
qui ne se trouvait à l'aise que sur de grandes toiles, put
s’astreindre aussi minutieusement aux rigueurs du modèle.
On sent qu'il a mis là toutes ses complaisances. Si le por-
trait saisit peu au premier coup-d’œil, plus on l'examine,
plus on aime à le voir. Sa touche, large, simple et facile,
ne laisse aucun doute sur une peinture originale. L’expres-
sion en est douce et calme , les traits bien prononcés, le
teint pâle , la bouche belle, pleine de distinction, les yeux
pénétrants ; le nez droit, un peu renflé à son extrémité,
le front haut, dégarni de cheveux qui flottent abondants
sur les épaules. Une calotte sur la tête , la chevelure ainsi
que les sourcils, les moustaches et la mouche d’un chatain
clair ; ce sont bien les mêmes traits que dans la gravure,
mais ce n'est plus le même ensemble ; c'est au point que
voyant l'un et l’autre à distance , je doutai d’abord que ce
fut le même personnage.
Ce qui charme dans le portrait, c'est le calme, la dou-
ceur et l'intelligence traduits par de beaux traits sans
trop de vulgarité.
« Corneille , dit Fontenelle , était grand, assez plein, l'air
« fort commun, toujours négligé et peu curieux de son
«extérieur. Il avait un visage agréable, un grand nez,
« la bouche belle, les yeux pleins de feu , la physionomie
« vive , les traits fort marqués et propres à être transmis
« à la postérité dans une médaille ou dans un buste. »
On peut, d’après cet ensemble, reconnaitre cet homme qui
se trouvait mal à l'aise parmi les grands , où il rencontrait
si peu de héros à la hauteur de son ame; dont on disait :
qu'il n'avait point de monde, et n'était bon qu'à lire (2%).
On doit peu s'étonner qu'à la Cour, lorsqu'il cessa de
190 ACADÉMIE DE ROUEN.
vivre, on dit, pour toute oraison funèbre : le bon homme
Corneille est mort...…, Oui, ilest mort le bon homme,
mais pour aller à l'Immortalité !.….
La ville de Rouen, par son admiration, n’a jamais cessé
d'être digne d'avoir été le berceau du grand poète (25).
Nos places , nos rues, nos maisons , offrent son image à
chaque pas. Le bronze, la terre, le marbre et la toile
le reproduisent à l'envi. Sa fête et le jour de sa naissance
ont chaque année leur solennité. Les enfants savent son
nom. C’est le plus noble citoyen de la vieille Cité.
Sept villes de la Grèce se disputaient l'honneur d'avoir
donné naissance à Homère ; Corneille est pour nous ce
qu'Homère fut pour elles. Ne craignons point de trop mul-
tiplier nos hommages, car nous n’aurons jamais fait assez.
S'il est partout connu et admiré, nul part son culte n'a
été plus fervent que dans notre Académie. Il préside à
nos séances, il est l'ame de nos réunions, le lien de notre
confraternité; il nous protège de son égide et nous om-
brage des rayons de sa gloire. Nos plus beaux jours sont
ceux où l’on vient nous parler de ses OEuvres, ou nous
révéler quelques particularités de sa vie. La Compagnie, à
peine constituée , proposa son éloge quarante ans avant
l'Académie Française (26), et depuis, que n’avons-nous
pas fait pour pouvoir chaque jour contempler ses traits.
Félicitons-nous de trouver l’occasion de contenter nos
vœux ! Que l'Étranger ne nous reproche plus de douter de
la ressemblance d'un de nos plus grands hommes! Sa
fidèle image, trop longtemps méconnue , ornera le lieu de
nos séances, et nous pourrons, en la montrant avec orgueil,
dire à notre tour ;
Rien ne manque à sa gloire,
Il manquait à la nôtre.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 191
NOTES.
NCIS
Il n'existe, au Musée de Rouen, qu'un tableau de chevalet
relatif à Pierre Corneille ; il est de Desoria, et ne remonte pas à
plus de 60 ans. Le poète est représenté dans son cabmet d'étude,
per une soirée d'hiver. Lafontaine s'est endormi au coin du feu;
madame Corneille sort au moment où arrive le père Delarue,
grand ami de la maison. Cette peinture, dont les détails sont
agréables, ne se recommande point par la ressemblance de
Corneille, dont l’auteur s’est fort éloigné.
Le plafond de la salle du Théâtre des Arts, peint par Lemoine,
représente l'apothéose de Corneille. Cette vaste composition ne
manque ni de grâce ni d'effet; elle représente Corneille d'après
Ficquet. Je ne pense pas néanmoins que ces deux productions
puissent compter sous le rapport de l’art et de la ressemblance.
N° ©.
Le sujet choisi par M. Court, est Corneille accueilli sur la
scène par le grand Condé, après une représentation de Cinna.
Ce tableau, d'une grande dimension, est d’une fort belle exécu-
tion, et renferme une foule d'épisodes et d'accessoires remar-
quables. Le peintre a su y faire entrer les principaux personnages
de l’époque, et les faire valoir de tout le charme et la vigueur
de son pinceau. C'est une de ses plus belles productions.
192 ACADÉMIE DE ROUEN.
N° 3.
Cette gravure est précieuse par les lumiéres qu’elle nous
donne sur les altérations que les progrès de l’âge avaient amené
dans la figure du poète.
Nous retrouvons les mêmes plis du visage que dans le portrait
de Lebrun, mais plus prononcés; la barbe plus rare laisse voir
la forme du menton; la bouche offre aussi de notables change-
ments. La perruque qui supplée aux cheveux, ne permet plus de
saisir le développement du front, et contribue encore à donner
à l’ensemble un aspect tout particulier.
Le dessin cependant est loin d’être fidèle; tant il est vrai que
rien n'est plus difficile que d'obtenir, même des plus habiles
artistes, un trait de tout point exact.
Les parties immuables sont d'autant plus à conserver, que ce
sont elles qui justifient du type primitif; elles n’ont pas toutes
été respectées. Ainsi la projection du nez ne change point avec
les années. De droit, lenez ne peut devenir aquilin. Quand la barbe
s’éclaircit, quand les cheveux tombent, les sourcils ne peuvent
être plus épais. Tels sont les reproches que nous adressons à
Vallet, dont l’œuvre est d’ailleurs remarquable; j'ai mis tout mes
soins à reproduire ici dans toute sa pureté, le trait de sa gravure.
Cars donna, il y a 80 ans, une jolie vignette d’après Vallet,
mais voulant perfectionner son modèle , il s’éloigna tellement de
sa simplicité, qu'il fit à Corneille une figure aussi disgracieuse
qu'inintelligente ; il n'existe plus de rapprochement possible entre
lui et Ficquet. La vérité est une, mais l'erreur se multiplie à
l'infini.
Ce qu'il y a de plus étonnant , c’est que Cars devait connaître
les gravures de Michel Lasne et de Ficquet, qui l'avaient pré-
cédé ; c'est qu'il était lié avec Caffieri qui le réclamait souvent,
et le proclamait le plus habile graveur de son époque.
M. Baratte, dans sa charmante publication sur les poètes nor-
mands, a donné, gravée par Dewritz, une reproduction de l'œuvre
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 193
de Cars. Il est à regretter que cet ouvrage, qui date de 1846,
n'ait point paru un peu plus tard; l’auteur eût pu s'enrichir
d’une ressemblance exempte de reproche. Ficquet, ce me
semble , était à préférer, car Ficquet est vrai dans beaucoup de
points.
Existe-t-il des portraits peints d’après la gravure de Vallet ?
j'en serais peu surpris, tant on rencontre dans les cabinets d’é-
tranges et inconcevables figures sous le nom du grand homme.
On serait tenté de dire en les voyant : toute figure est celle de
Corneille, excepté celle donnée par Lebrun.
N° &.
Pierre Corneille , non plus que son frère , ne porta jamais la
grosse perruque ; le premier, peu curieux de son costume, se
contenta de ses cheveux et d'une calotte, tant qu'il vécut à
Rouen. En 1665, Vallet nous le représente ainsi ; il est peu cro-
yable qu’il ait changé ses habitudes pendant son séjour à Paris.
Il peut se faire qu'il l'ait mise quelquefois pour se présenter à la
Cour, mais on peut affirmer que jamais elle ne fit partie de son
Costume. A cette époque, il fallait être Jouvenet pour oser
peindre un homme célèbre sans la coiffure officielle,
Ce n'est qu’en voyant ce portrait, donné par Sicre, qu'on peut
se faire une juste idée de la lourde et insignifiante figure que le
peintre a donnée au père de la Tragédie ; on voit bien qu'il a cher-
ché à réparer les outrages du temps. La forme du nez, la verrue à
la joue, Le mentou bifurqué , et quelques plis au front signalés par
Vallet, attestent qu'il étudia la figure de Corneille ; ne pouvant
se conformer à la vérité, il a donné dans d'étranges écarts. C'est
sans doute en songeant à Thomas qu’il fit les yeux de couleur
jaune, car les yeux de Pierre étaient de la couleur de ses che-
veux. Je suis porté à croire que M. Sicre était un jeune artiste
qui n'avait pas été à même de connaitre Corncille bien des
années avant que d’être appelé à le peindre,
13
19% ACADÉMIE DE ROUEN.
N° 5.
Le père de Corneille fut anobli par Louis XIIT, en 1637.
Ses armes étaient d’azur à la fasce d’or, chargée de trois têtes de
Lion, de gueule, et accompagnées de trois étoiles d'argent, posées
deux en chef et une en pointe.
Les deux frères furent toujours fort sensibles à cette distine-
tion ; Pierre avait le titre d’écuyer , sieur de Danville, et Thomas
aimait à être appelé sieur de Lisle.
Combien cependant pälissait la noblesse en vertu d’une Charte
royale, auprès de celle conquise par le génie du poète! La pre-
miére a disparu, la seconde subsistera toujours; autre temps
autres mœurs. Alors cela pouvait avoir son mérite et son utilité.
Pierre Corneille avait fait recevoir son fils gentilhomme de la
Chambre ; sa mésalliance avec mademoiselle Cauchois , fille d’un
marchand de Paris, fut cause de la mésintelligence qui régna
entre le pére et le fils.
N° 6.
La copie dont il est ici question, porte derrière la toile : PIERRE
CORNEILLE , COPIÉ D'APRÈS CHARLES LEBRUN, MON BYSAÏEUL. J.-B.
LesruN , F. 4806, DU RÈGNE DE L'EMPEREUR NAPOLÉON LE GRAND.
Ce M. Lebrun passait pour un grand connaisseur en tableaux.
Il fut chargé par Napoléon de faire des acquisitions pour le
Musée. Je crois qu’il fut le mari de madame Lebrun, si connue
par ses beaux portraits.
Marchand de tableaux à Paris, le curieux portrait de Sicre
était dans ses mains en 1806. IL orne sans doute le cabinet de
quelque curieux, et certes il est à conserver.
M. Lebrun est auteur de la Galerie des Peintres Flamands,
Hollandais et Allemands, en 3 volumes in-folio, avec 201
planches. Il a publié aussi quelques opuscules sur la peinture.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 195
Ni:
Si l'on ne veut point admettre intention de la part de
Perrault, il est possible que Bégon, grand collecteur de portraits,
qui lui en a fourni un grand nombre, ait donné, par l'entremise
de Lubin, une variante du portrait de Sicre, fort accrédité à
cette époque. Alors on y regardait de beaucoup moins près que
de nos jours, et Bégon qui n’habitait point Paris, pouvait n’avoir
jamais vu Corneille, et être tout-à-fait dans la bonne foi, Sur des
faits de cette nature, chacun est libre d'adopter l'explication qui
lui convient; cela ne change rien à la chose.
N° 8.
Cette erreur a encore été admise par M. Taschereau , dans sa
vie de Corneille, publiée en 1829. Il s'exprime ainsi, p. 305.
« Par une singulière confusion, Charles Perrault, ou plutôt J.
« Lubin, a, dans sa Galerie des hommes illustres, donné le
« portrait de Thomas Corneille pour celui de Pierre. Cette erreur
« a été reproduite par beaucoup de graveurs. Ficquet n'y est
« point tombé pour son joli portrait de notre tragique. »
N°79;
Thomas Corneille fut, dans sa jeunesse, peint par Mignard.
Il ne m'a point été donné de voir ce portrait, qui sans doute est
conservé dans quelque collection. IL représente Thomas à 50
ans. Il est connu par la gravure de Thomassin , en 1700. Le même
le reproduisit encore en 1708 , en le vieillissant. Debois, Des-
rochers, Dupin, Delalave, Bernard Picard, Roger, Pourvoyeur ,
Bretonnier, Touquet , Delvaux, Landon , Ch. Dewrits, ont gravé
d’après Mignard; St-Aubin et Revel ont gravé le profil de son
buste. Dévéria l’a peint en pied, mais peu ressemblant. Toutes
ces œuvres ne sont pas également recommandables, elles offrent
de nombreuses variantes, comme on le peut croire
196 ACADÉMIE DE ROUEN.
Néanmoins le portrait de Mignard fut tellement effacé par
celui de Jouvenet, que ce dernier a prévalu, grâces à Caffiéri,
qui l’adopta pour l'exécution de son buste.
N° 10.
il n'existe point, pour le portrait de Thomas, les mêmes
incertitudes que pour celui de Pierre; quoiqu’on n'ait jamais
hésité sur sa ressemblance, on est surpris des portraits faux et
singuliers qu’on rencontre sous le nom de cet homme célèbre.
L'œuvre si remarquable de Jouvenet a fini par faire autorité, et
la plupart des copies ressemblent assez pour qu'on ne s’y
puisse méprendre , tant cette figure , dont les traits sont forte-
ment prononcés, prête à l'imitation. Je pense faire plaisir aux
amateurs en donnant la description de cette toile, comme je l'ai
fait pour celle de Lebrun; cela plus tard peut avoir son utilité.
Thomas Corneille est représenté à 75 ans environ. La toile a
0 65 sur 0 75, ayant été agrandie de quelques centimètres et
rentoilée sur un chassis à clef; sa conservation est parfaite. On
lit sur une bandelette de papier collée sur le chassis, en très
beaux caractères d'écriture batarde : 7'homas Corneille, né à
Rouen, en 1625, mort à Andely le 8 décembre 1709, dgé de
84 ans, peint par J. Jouvenet.
Presque vu de face, vêtu d'un riche manteau à ornements
couleur d’or sur un fond lilas, cravatte blanche retombant en
forme de jabot. La tête, d’un beau caractère, indique beaucoup
de bonhomie mélée d'intelligence. Le front est large, les sour-
cils épais, le teint légèrement fleuri, le nez aquilin, la bouche
légèrement entr’ouverte, le menton bifurqué, une verrue au
bas de la joue droite. Une magnifique chevelure blanche tombe
abondamment sur les épaules, sans frisure aucune. Les yeux,
de couleur fauve, ont les pupilles fort dilatées, ce qui fait présa-
ger la cécité, si déjà elle n'existait. On ne retrouve là aucune
ressemblance avec le portrait de Sicre , si ce n’est la couleur des
yeux. La touche ferme et hardie rend bien difficile toute espèce
d'imitation; c’est la manière de Ribera dans plusieurs de ses
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 197
œuvres. Aussi tous ceux qui ont tenté de saisir cette ressemblance,
renonçant à aborder cette manière heurtée , si propre à produire
des effets et à rendre avec tant de vérité les dégradations d'un
âge très avancé, ont pris le parti de peindre lisse et tout uni,
ce qui, en rajeunissant de beaucoup le modèle, ne donne au-
cune idée de l'original.
Ce remarquable portrait a été gravé par B. Picart, Duflos,
Dequevauvilliers, et par un autre dont je n'ai pu trouver le nom,
l'épreuve, que j'ai consultée, étant avant toute lettre. Je regrette
de ne pouvoir le citer, à cause de sa bonne exécution.
NRA
La gravure de Thomassin parut vers 1750. Alors le por-
trait était aux mains de Fontenelle; il fallait que l'erreur fut
encore bien complète, puisque 10 ans après, Dupin grava une
variante du portrait de Sicre. L'œuvre de Thomassin manque de
détails, et, sous ce rapport, laisse beaucoup à désirer ; mais
l'effet général est assez satisfaisant. Il est tombé dans un excès
opposé à Ficquet, en donnant à Corneille moins d’âge qu’il n’a
dans le portrait de Lebrun.
No:
Les reproductions d’après Ficquet et Thomassin sont extré-
mement nombreuses; elles se sont surtout multipliées depuis
30 ans, pour servir d'ornement aux nouvelles éditions des œuvres
de Pierre Corneille. Je citerai par ordre alphabétique les graveurs
suivants: Adam, Bretonnier, Burel, Bonneville, Chapnian, Couche
fils, Delvaux, Duflos , Dequevauvilliers, Dewrits, Droyer, Elvaury,
Ethiou, Ferdinand, Frilon, Gaucher, Goulu, Gouttière, Hardiviller,
Ingoulf, Jamont, Macret, Meurillon , Masne, Simonet , Schoflier,
Soliman, Taurel. Je citerai en dernier lieu, comme toute récente,
lajolie publication du Plutarque Français, qui, dans sa série de
portraits enluminés, et certainement fort agréables aux jeunes
demoiselles, n'a point omis Pierre Corneille. Ces imitations dont
198 ACADÉMIE DE ROUEN.
quelques-unes se recommandent par leur bonne exécution, s'e-
cartent souvent beaucoup aussi de Ficquet, qui déjà laissait à
désirer.
Chez plusieurs, les égarements dépassent toutes les limites ;
tous n’ont pas éte fidèles au costume, à la pose ainsi qu'aux or-
nements, parfois modifiés sans trop de désavantage.
Les Anglais ont aussi reproduit d’après le même modèle; je cite-
rai parmi eux, Birrel, Fonfell, S. Wedgwood, Hopwood, Valkep
et Seriven; plusieurs de ces ouvrages sont remarquables par la
finesse de leur exécution. Je citerai surtout celui de Scriven,
publié à Londres en 1824, qui, de tout ce qui a été fait en ce
genre, s'approche le plus du sentiment de Lebrun, bien plus que
Ficquet même. Ceci est d'autant plus remarquable, que l'artiste
ne peut avoir eu connaissance du portrait original alors oublié au
château du Plessis. Peut-être a-t il été à même de consulter une
bonne copie, celle de l’Institut probablement, car il indique
qu'il a gravé d’après un tableau de Lebrun, nous savons que
cette copie passa plus d'une fois pour être l'original.
Il existe aussi des gravures d’après des portraits en pied de
Pierre Corneille par des artistes modernes. Ainsi, Geille grava
d’après Rogier, L'Estudier d’après Meissonier, Trichon d’après
Valtier, Lévy d’après Gigoux; ces œuvres, dont l’idée est puisée
dans Ficquet ou Thomassin, s’éloignent de la vérité plus encore
que les vignettes. Je dois cependant mentionner à part la gra-
vure de Bouchot d'après Charon, où Corneille est représenté à
son bureau, composant Rodogune; cette production m'a paru
remarquable.
La lithographie a aussi, dans ces derniers temps, voulu payer
son tribut à la ressemblance de Corneille; il y en à sans doute un
grand nombre. Il ne m'a été donné de consulter que celles de
Sandré, Noël, Delpech, et Le profil par Marc-Aurèle.
Parmi les statues, ont été gravées celles de Caffieri ainsi que
ses bustes, et la statue en bronze de David.
Je ne devrais point mentionner ici les gravures d'après les
sculptures de Cortot et Laîtié, ces auteurs ne pouvant figurer
parmi ceux qui se sont inspirés du Corneille de Lebrun.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 199
La gravure de Ficquet, publiée il y a près d'un siècle, est
depuis longtemps épuisée ; malgré sa perfection comme art, nous
ayons dû signaler ses défauts comme ressemblance. D'ailleurs, un
aussi petit format ne convient plus aux goûts et aux besoins de
notre époque. Il est à souhaiter qu'un de nos habiles graveurs
s'empare de la découverte que nous avons faite, et nous donne
un portrait digne de ceux de Raphaël, de Michel-Ange, du
Titien et Wandick. C’est un vœu que forment les amis des arts
et de la littérature. Espérons qu'il se réalisera hientôt.
Lg La
Je ne sais si je dois compter au nombre des statues élevées
à Pierre Corneille, celle qui se voit dans le Parnasse Français, à
cause de sa petite dimension , et la réunion nombreuse d'hommes
célèbres qu'on y a rassemblés, Ce travail dû aux soins de M. Titon
du Tillet, fut exécuté par Garnier en 1718. J. Audran en a fait
une gravure, et M. du Tillet en a donné une description en un
volume in-folio, orné de figures.
Cette date de 1718 est remarquable; c’est, comme statuaire , la
première fois que Corneille est ainsi représenté , mais on y cher-
cherait en vain des traces de sa ressemblance. Vêtu d’une cotte
de mailles à la romaine , il tient une couronne d’une main, et,
de l’autre, un rouleau sur lequel on lit: Ze Cid et Cinna ; un man-
teau qui ceint les reins, se relève sur le bras droit. Il est sans
barbe , avec un nez grec et une flamme sur la tête, les cheveux
flottants sur les épaules ; on ne saurait vraiment où M. du Tillet
puisa ses inspirations , si l'ouvrage publié en 1760 ne renfer-
mait la gravure d’une médaille avec cette inscription : ROME N'esr
PLUS DANS ROME , ELLE EST TOUT OÙ JE SUIS.
On ignore peut-être que le Parnasse Français qui se voit à la
Bibliothèque royale à Paris, est un faible aperçu du monument
que M. Titon du Tillet avait à cœur d'élever aux gloires de la
France. Boileau qui vivait encore lorsqu'il conçut son projet,
l’approuva et l’aida de ses conseils. Apollon, sous les traits de
Louis XIV, devait couronner le monument; trois des plus illustres
dames françaises devaient y oceuper la place des Grâces, et neuf
200 ACADÉMIE DE ROUEN.
de nos poètes les plus distingués , celles des Muses. Dans un rang
inférieur , des médaillons eussent présenté des hommes célèbres
dans un genre moins élevé. Enfin, des Génies tenant des rouleaux
ouverts, eussent présenté à Apollon le titre des ouvrages moins
importants, mais dignes cependant de souvenir. Les figures
toutes de marbre, en pied , devaient avoir 40 à 12 pieds de haut,
les médaillons 3 pieds de diamètre , la montagne une hauteur
proportionnée. On estimait à deux millions la dépense de ce
monument. N'ayant pu obtenir les fonds nécessaires pour cela,
M. du Tillet exécuta à ses frais le Parnasse en bronze, et y plaça
Boileau qui avait terminé sa carrière. 1l était digne à tous égards
de figurer au milieu de cette illustre compagnie.
N° 14.
Les bustes de Caffieri que possède le Théâtre Français,
jouissent d’une juste célébrité ; c’est bien ce que l’on connait de
plus parfait en ce genre. Le sculpteur exécuta en 1777 celui de
Pierre ; avant cette époque , il ne connaissait point le portrait de
Lebrun; il crut pouvoir se servir des anciennes copies qui étaient
à la Comédie Française. Les ayant reconnues fausses, il s’adressa
à madame de Bouville, qui lui confia les originaux d'après lesquels
il exécuta les bustes. Il est à remarquer que la vignette de Ficquet
avait paru douze ans auparavant.
Si le buste de Pierre Corneille est beau d'exécution , on y sou-
haiterait plus d’aménité et de distinction. Le poëte parait plus
agé, et la bouche est tout-à-fait dépourvue de charmes.
Le Musée de Versailles offre aussi une copie du buste de
Caffieri, où les imperfections signalées sont plus sensibles encore.
Caffieri obtint pour sou travail ses entrées à perpétuité ; l'année
suivante , il offrit de faire le buste de Rotrou aux mêmes condi-
tions, en faveur d’un de ses amis qu'il désirait obliger. On pour-
rait croire qu'il comptait peu sur sa santé, puisqu'il offrit de faire
un acte par lequel, si la mort venait à le surprendre, le buste
serait terminé à ses frais par l'artiste le plus éminent de l’é-
poque; il donne aussi toute garantie sur sa solvabilité. La
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 201
réponse se fit un peu attendre; en 1782, il proposa les bustes de
Thomas Corneille et de La Chaussée, demandant les entrées
pour un ami et son épouse. Il y a lieu de croire que ses offres
furent acceptées, puisqu'en 4785, Thomas parut en terre cuite
à l'exposition, où il reparut de nouveau en marbre en 1785.
L’exécution de ce buste ne le cède en rien à celle de Pierre,
seulement le sculpteur a de beaucoup rajeuni son modèle.
Je ne puis, dans cette revue, passer sous silence la jolie sta-
tuette en bronze de M. Mélingue, qui orne la salle du comité.
N° 15
Le buste de Cafliéri qui réhabilitait si glorieusement l'image
de Corneille, produisit une telle sensation, que le Roi Louis XVI,
en 1778, fit demander à l’auteur une statue en pied du
figura en marbre à l'exposition suivante de 1779. Si des pièces
justificatives n’établissaient pas la vérité de ce fait, il passerait
pour incroyable. La statue de Corneille est peut être le chef-
d'œuvre de Caffieri, tant elle est noble et pure. On n’y remarque
point les imperfections que j'ai signalées dans le modéle en terre
cuite que possède la ville de Rouen. Accordée à l'Institut, elle se
voit dans le salon de l'Empereur. Cette pièce, située à l'extrémité
du vestibule qui conduit à la salle des séances publiques, ne
compte que cinq personnages. Mais quelle réunion! Napoléon ,
Corneille, Molière, Racine et Lafontaine.
Napoléon debout, comme prêt au combat, revêtu des orne-
ments de l'empire , le sceptre en main, semble tenir conseil au
milieu de ses ministres assis.
Je l'avouerai; en contemplant cette réunion, je n'ai pu que
rappeler ce mot du captif de Sainte-Hélène : si Corneille eut vecu
de mon temps, je l'aurais fait prince. Ce vœu semble réalisé.
On voit encore à l'Institut, dans la salle des séances ordinaires,
une statue de P, Corneille, de Laitié; elle est fort belle aussi,
mais dans une attitude dramatique qui ote au personnage toute
vérité, et, à sa figure , toute ressemblance. Baron l'acteur eut
202 ACADÉMIE DE ROUEN.
été parfait, représenté de la sorte. Je doute que Corneille ait
jamais posé ainsi, même au plus fort de ses inspirations.
L'Académie française n’a point été infidèle à la mémoire d’un
des plus beaux génies dont la France s'honore. La statue de
Corneille, élevée derrière le fauteuil du président, semble être
l’âme de la Compagnie. Vis-à-vis, se voit la statue de Molière,
d’une très belle facture. J'ai cherché en vain l'inscription ancienne
qui était si heureuse. On sait que , de son vivant , Molière n’eut
point l'honneur de faire partie de l’Académie. C'est sans doute
faute d’attention que je n’ai point apercu, dans la salle des
séances , les bustes de Fontenelle et de Thomas Corneille.
Outre une copie des bustes de CafBieri , le Musée de Versailles
possède une fidèle copie ou répétition du Corneille de Laitié.
N° 10.
La statue en bronze que possède la ville de Rouen, est due
aux soins de la société d'Émulation.
Une souscription fut ouverte, une noble ardeur s’empara des
grands et des petits. Chacun voulut contribuer à cette œuvre de
patriotisme, et bientôt on arriva à la somme suffisante. En 1834,
le monument fut élevé au milieu du Pont-Neuf, absolument dans
la même situation qu'Henri IV à Paris, sauf le point de vue que
Paris pourrait nous envier.
Ne,17-
Les registres de la paroisse Saint-Sauveur, conservés aux
archives de la préfecture de Rouen, justifient que Corneille sé-
journa à Rouen jusqu’en 1663; sa signature, régulièrement ap-
posée aux comptes de la paroisse dont il était marguiller, le
prouve surabondamment.
N° 18.
Fontenelle, dans les premières années de son séjour à Paris,
demeura chez son oncle Thomas, puis chez M. Le Haguais,
avocat-général de la Cour des Aides; de là, il fut au Palais Royal
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 203
où le régent lui avait accordé un logement; il fut ensuite 20 ans
chez M. Richer d'Aube , son neveu à la mode de Bretagne. Après
la mort de ce dernier, il vécut chez madame de Montigny,
depuis madame de Bouville, qui remplaça son frère près de
leur ami commun.
L'opinion que Fontenelle posséda le portrait de Pierre Cor-
neille, se trouve fortifiée de l’autorité de M. Guilbert qui dit
dans ses mémoires biographiques, Æouen 1812, page 244. « Un
des plus célèbres peintres de l’école Française, M. Lebrun, nous
a conservé les traits du père du théatre. Le portrait de ce grand
homme était passé, après la mort de Fontenelle, dans les mains
de madame la comtesse de Bouville, et c'est d’après ce portrait
original que Caffieri fit en terre cuite la statue en pied de Pierre
Corneille, qu'on voit au Musée des monuments antiques.»
N°19:
Le chef de la famille des descendants du grand homme,
est actuellement mademoiselle Corneille, qui fut élevée par M.
de Malsherhes. J'ai éprouvé d'autant plus de satisfaction à lui pré-
senter mes respectueux hommages dans sa modeste habitation rue
de Vaugirard, que l’âge n’a diminué en rien son urbanité, son
enjouement et la vivacité de son imagination.
M. Pierre Corneille, inspecteur de l’Académie universitaire à
Rouen, dont il est ici question, est un des nombreux descendants
du poète; il est l’ainé des arrières petits-fils de Claude Corneille
qui alla trouver Voltaire à Ferney ; ce Claude était lui-même ar-
rière petit-fils du grand homme. Pierre Corneille eut deux autres
fils, dont un fut tué au siége de Graves , l’autre entra dans les
ordres.
Il eut aussi une fille qui se maria, et eut pour petite-fille Char-
lotte Corday, dont le courage ne fut point infidèle à sa noble ori-
gine. On sait avec quelle fermeté elle affronta le Tribunal révolu-
tionnaire, Condamnée à mort, elle monta sur l’échafaud sans
palir; ses dernières paroles furent ce vers si connu du comte
d'Essex:
Le crime fait la honte et non pas l'échafaud
ACADÉMIE DE ROUEN.
19
=]
+
N° 20.
20. Avec les portraits de Pierre et de Thomas Corneille, on
retrouva celui de madame de la Mésengère, un très beau portrait
de Charles Ier. donné par Jacques IT, et le portrait de ce prince
par Lesly; plus, un grand nombre d’autres toiles bien précieuses,
soit par leur exécution , soit par les souvenirs auxquels elles se
rattachent. Le château du Plessis avait été acquis, il y a un siècle,
par Guillaume Scott , grand-père de madame d’Anneville; Ce M.
Scott , Irlandais resté fidèle au parti du roi détrôné, vint se fixer
en France ; ce qui explique l'origine des précieux souvenirs que
renferme ce château.
M. Scott avait aussi acheté la terre de la Mésengère, et son fils
porta le nom de président de la Mésengère.
N° 21.
Pour exécuter les copies, j'appelai près de moi M. Lebrun,
ancien pensionnaire de la ville de Rouen, à Paris. Il semble vrai-
ment que Corneille soit voué aux artistes de ce nom. M. Lebrun
de Rouen ne descend point du peintre des batailles d'Alexandre,
il n’a rien de commun avec l’auteur égaré de la copie de Sicre.
C'est un enfant de la ville, élève de M. Coignet, qui a bien cons-
ciencieusement reproduit son modéle, et qui est capable lui-
même de faire des portraits qu'on pourra copier un jour.
LL
N° 22.
Le portrait de Pierre porte, sur la traverse du chassis, la
même inscription que celle du musée de Versailles; cette in-
scription , comme celle de l'original , est en caractères d’impri-
merie , tracés très nettement à la main ; de plus, on lit en beaux
caractères d'écriture ronde , de la même main que l'inscription
placée derrière le portrait original de Thomas, par Jouvenet :
Donné par Caffiéri, en 4777. Derrière la copie d’après Jouve-
net, on trouve de la même écriture et de la même main que les
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 205
autres inscriptions : Z'homas Corneille, né à Rouen, en 1625,
mort à Andely, en 1709. Copié d'après J. Jouvenet. Et sur
la traverse du chassis : L'original appartient à madame la
comtesse de Bouville, donné à la Comédie-Française, par
J.-J. Caffiéri, sculpteur du Roi.
La copie du musée de Versailles a beaucoup souffert; elle est
d'une touche ferme, un peu sèche; mais, en somme, c’est la
meilleure de toutes celles que j'ai rencontrées. Elle ne paraît point
être de lamême main que celle du Théâtre-Français. On lit au bas
engros caractères , sur une bande dont le fond est différent du
tableau : Pierre Corneille peint en 1647. Cette date est précieuse,
et plusieurs fois a pu faire croire que c'était l’œuvre même de Le-
brun ; plus d'un artiste l’a pensé ainsi. Je ne citerai que l'œuvre
bien faible d’Alix , faite en 1795, qui est souscrite ainsi : D'après
le portrait original de Lebrun, appartenant à la ci-devant Aca-
démie-Française. Nous savons à quoi nous en tenir sur ce point ;
l'inscription que nous avons citée comme étant derrière la toile,
va nous faire connaître la date de cette copie; elle ne remonte
point au-delà de 1777 ; elle fut exécutée en même temps que
celles que Caffiéri donna au Théâtre-Français : cette identité
d'écriture et d'inscription prouve sans réplique que les copies de
Versailles et de la Comédie-Française datent de la même époque.
Madame de Bouville, qui, plus que personne, connaissait le prix
de ces originaux , mit à sa complaisance cette condition qui fut
fidèlement remplie. La copie du portrait de Thomas , placée dans
la salle des académiciens à Versailles, porte la date de 1783,
qui est bien celle de l'exécution du buste. On voit aussi à Ver-
sailles , deux autres portraits , sans date , de Thomas ; ces copies
sont toutes d’après Jouvenet , et d’une faiblesse bien grande ;
une surtout, qui semble plus moderne, s’écarte de la vérité
au-delà de toute mesure.
Les copies , d'après l'original, doivent être fort rares. Pendant
bien des années , la famille accrédita le portrait de Sicre. On
peut présumer, d'après les inscriptions que j'ai citées, que
madame de Bouville ne se dessaisissait pas facilement de ses
portraits. Il est douteux qu’ils aient fait plusieurs fois le voyage
de Portmort à Paris. Nous connaissons deux copies : celle du
206 ACADÉMIE DE ROUEN.
Théâtre-Français et celle de l'Institut. La correspondance de
Caffiéri en fait présumer une troisième , qne désirait un de ses
amis. Peut-être était-ce celle qui, plus tard, fit partie de la
collection de Talma, et qui fui détruite lors de l'incendie du
cabinet de M. le marquis de Biancourt. Les copies peuvent, je
le sais, avoir engendré des copies toujours moins fidèles , ainsi
que je l'ai signalé en parlant des reproductions de Thomas,
d’après Jouvenet.
N° 93.
Que l'on compare la description du portrait de Lebrun,
avec celle que j'ai donnée de la gravure de Michel Lasne, on
ne pourra douter de la parfaite ressemblance; ces deux témoi-
gnages ne laissent aucun doute sur le véritable type de la figure
de Corneille.
Le portrait peint par Sicre, exposé comme je l'ai fait à l’Aca-
démie et à l’Hôtel-de-Ville, ne permet pas plus de rapprochement
avec celui de Lebrun qu'avec celui de Jouvenet ; d’où j'ai été
conduit à admettre que c'était une œuvre de fantaisie exécutée
pour satisfaire la famille.
N° 24.
Voici le portrait que Labruyère trace de Pierre Corneille :
« Simple, timide, d'une ennuyeuse conversation ; il prend un
« mot pour un autre, il ne sait ni réciter, ni lire son écriture.
« Laissez-le s'élever par la composition, il n’est point au-dessous
« d’Auguste, de Pompée, de Nicomède, d'Héraclius. Il est roi
« et un grand roi; il est politique, il est philosophe. Il entre-
« prend de faire parler des héros, de les faire agir ; il peint les
« Romains, ils sont plus grands et plus Romains que dans leur
« histoire. »
2
N° 25.
C'est bien à tort que M. Taschereau reproche à la ville de
Rouen d’avoir eu peu de souci pour ce qui touche la gloire de
Pierre Corneille. On douterait qu'il soit jamais venu à Rouen, et
2 *
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 207
qu'il eût été au Théâtre, à l'Hôtel-de-Ville, au Musée, à l'Acadé-
mie, à la société d'Émulation. Cette dernière Société a placé le
jour de sa séance publique le 6 juin, anniversaire de la naissance
du grand homme, et, chaque année, le jour de la Saint-Pierre, des
acteurs de la Capitale viennent fidèlement représenter quelqu'un
de ses chefs-d'œuvre.
N° 26.
En 1768, l'Académie de Rouen couronna le discours de
M. Gaillard; ce fut le duc d'Harcourt, gouverneur de la province,
qui fit les fonds du prix. Le célèbre et infortuné Bailly obtint
l'accessit. L'Académie Française et les notabilitéslittéraires étaient
trop sous l'influence de Voltaire pour oser songer à Corneille.
EPILOGUE.
La bibliothèque historique, publiée en 1775 par Lelong et Fon-
tette, dit, à l'article Corneille, qu'il a été peint par Lebrun et par
Sicre. Quant à Thomas, elle cite les portraits de Mignard et de Jou-
venet. Je pense qu’elle était parfaitement renseignée. Il n'existe
pas d’autres portraits originaux de ces deux hommes célèbres.
Dans le cours des recherches auxquelles je me suis livré,
j'ai partout rencontré sympathie et bienveillance ; j'ai abondam-
ment profité des richesses que renferme la Bibliothèque de Rouen,
et je dois beaucoup au concours éclairé de mes excellents confrè-
res MM. Floquet et Ballin. Je dois cependant mentionner par-
ticulièrement l'accueil que j'ai reçu de Messieurs du Théatre-Fran-
çais, qui m'ont mis à même de consulter, avec la plus grande
liberté, et leurs archives et leur charmante collection. Je dois à
l'obligeance de M. Régnier, sociétaire, quelques lettres relatives
à l’objet qui m'occupe ; on ne sera peut-être pas fâché de les trou-
ver ici.
:
208 ACADÉMIE DE ROUEN.
M. Molé à M. Cafferi, 4777.
« La Comédie, après avoir admiré votre ouvrage du buste de
Pierre Corneille que vous avez placé dans notre foyer , n’a rien
de plus pressé que de vous témoigner ses sincères remercie-
ments du cadeau précieux que vous lui avez fait du portrait peint
du même grand homme. Elle est désespérée de ce que, dans
mille occasions, des raisons de prudence insurmontables l’em-
péchent de se livrer à tous les mouvements d'une reconnais-
sance fondée, telle que celle qu'elle devrait à un homme d’un
talent aussi distingué que le vôtre. Mais au moins elle vous prie
de compter et sur son admiration pour Île vôtre , et sur l’em-
pressement qu’elle mettra dans toutes les occasions à vous prou-
ver des sentiments d’attachement et d'estime. Je suis enchanté
pour mon compte de celle qui me procure la satisfaction de
vous assurer de tous les sentiments particuliers d'estime et de
reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être,
« Le Semainier. »
Dans une lettre du 2 novembre 1778, Caffiéri dit que M. le
comte d’Angeviller le chargea de l'exécution de la statue de
Pierre Corneille, en marbre, pour le roi. Il demande le buste
où il avait réussi, pour reproduire la tête.
Il demande aussi le portrait peint de Thomas, un particulier
désirant avoir son portrait pour faire pendant de Corneille. En
réponse à cette lettre, le semainier de la Comédie répondit :
« FE D Ne Elle voudrait pouvoir vous témoigner sa
gratitude, en vous communiquant le portrait de Thomas Corneille
dont vous avez besoin. Mais elle ne peut ni ne doit vous trom-
per, et vous exposer à des reproches en vous laissant transmettre
à la postérité un ouvrage qui serait précieux sans doute par son
travail, mais qui manquerait de ce qui intéresse le plus dans un
portrait, la vérité. Le portrait qu’elle possède de Thomas Corneille,
ainsi que celui de son frère, qu’elle vous a prêté et dont vous
n'avez pu faire usage, sont faux tous les deux : elle a été trompée
à cet égard. Ils lui ont coûté fort cher, mais on ne doit pas vous
en imposer. M. Bouret a dit à la dernière assemblée qu'il avait
eu l'honneur de vous informer de ces détails, et de vous assurer
E*
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 209
que vous étiez le maître de faire emporter le buste que vous
avez fait de Pierre Corneille, pour en faire une copie, la Comédie
n'ayant rien, Monsieur, à refuser à une personne comme vous,
dont elle estime la personne et les talents. »
Lettre de Caffiéri, 16 mars 1778.
« Messieurs et Mesdames,
« Lorsque je vous ai emprunté les portraits de Pierre et de
Thomas Corneille, j'étais persuadé qu'ils ne leur ressemblaient
nullement. Mon intention a toujours été de les remplacer par
deux autres plus vrais et plus fidèles. Je vous ai donné une
copie de Pierre Corneille, faite d’après Ch. Lebrun. Depuis, j'ai
profité de la bonne volonté de madame la comtesse de Bouville,
qui m'a confié le portrait original de Thomas Corneille, peint
par Jouvenet , pour en faire une copie. Je vous prie, Messieurs
et Dames , de vouloir bien l’accepter comme une preuve de mon
attachement et de l'intérêt que je prends à votre collection des
grands poètes.
« J'ai eu l'honneur de vous proposer d’exécuter en marbre
le portrait de J. de Rotrou, pour faire pendant à Pierre Corneille,
aux mêmes conditions auxquelles j'ai fait Pierre Corneille, pour
l'entrée d’un ami que je veux obliger. J'ose espérer que vous
voudrez bien acquiescer à ma demande.
« J'ai l'honneur etc. »
Une lettre du même, du 22 novembre 1779, porte que , le 42
juillet de la même année, il a offert le portrait peint de Thomas,
qui fut placé dans le foyer, et demande réponse à sa lettre pré-
cédente, dont les conditions n'étaient pas encore acceptées.
Lettre de Caffieri, 1782.
Messieurs et Mesdames,
« J'ai l'honneur de vous proposer de faire les portraits en
marbre de Thomas Corneille et de La Chaussée, pour un ami et
son épouse, que je désire obliger. J'ose espérer que mon offre
11
210 ACADÉMIE DE ROUEN.
vous sera agréable, et que vous voudrez bien m'accorder ma
demande.
« P.S. Je vous observerai, Messieurs , que j'ai acquis le
portrait de La Chaussée, peint par M. De Latour , qui est le seul
qui existe.
« Pour celui de Thomas Corneille, je le ferai d’après l’origine”
que possède madame la comtesse de Bouville , sa petite-fille. » ?
« CAFFIÉRI. 3 janvier 1785.»
M. Caffiéri a l'honneur de vous observer qu'il a fait présent à
la Comédie, en 1778, de deux fidèles copies qu'il a fait faire à ses
dépens, de Pierre Corneille, peint par Lebrun, et de Thomas
Corneille , peint par Jouvenet, d’après lesdits originaux que
possède madame la comtesse de Bouville.
Auimé du même zèle d'enrichir la Comédie des portraits de ses
illustres auteurs, il a donné , en 1779, à MM. les Comédiens du
roi, les deux bustes en terre cuite de Philippe Quinault et de
Jean Lafontaine.
M. Caffiéri rappèle qu'il vend ordinairement chacun de ses
bustes en terre cuite 23 louis. Il estimait ses bustes en marbre
à 5,000 fr., sur lesquels il avait à payer 560 fr. pour le marbre
et 600 fr. pour l’ouvrier.
? Caffiéri pouvait croire que madame de Bouville était petite-fille
de Thomas. Je dois ici rétablir la vérité. Elle était de la famille
Mathieu de Lamperière, père des deux femmes des Corneille. Son
frère, Jean-Louis de Lamperière, chevalier , seigneur de Montigny,
conseiller au parlement de Paris, épousa , en 1717, Marthe Richer
d’Aube, dont il prit le nom , sous lequel il est plus connu. Fonte-
nelle vécut 20 ans chez lui. Celui-ci étant mort, sa sœur, du nom
de Jeanne-Suzanne de Lamperière de Montigny, conserva pour l'ami
de son frère une tendresse filiale. C'est cette dame qui épousa,
en 1743, à Portimort, M. Nicolas-Jubert de Bouville, mort maré-
chal-de-camp.
DONNE NON LE OO OODON ONE ONONNN NO
À S. M. LA REINE.
JEANNE ET MARIE.
Génie au vol puissant, qui, bien loin de la terre
Balances ton essor dans les plaines des cieux ,
Suspends l'oreille d'une mère
A ce récit mystérieux !
?
Quand celle dont le nom vibre encor dans votre ame ;
Celle que vous priez, ô Reine , avec des pleurs,
De ses jours précieux voyait s’user la trame ,
Et de son beau printemps se ternir les couleurs :
Un soir que, faible hélas! sur sa couche étendue ,
Entre ses blanches mains tenant un crucifix ,
La mourante, en rêvant , laissait errer sa vue
Du portrait de son père au berceau de son fils :
212 ACADÉMIE DE ROUEN.
A cette heure douteuse où la nuit qui s'avance
Prépare son dictame aux cœurs lassés du jour,
Où de la terre au ciel monte une plainte immense ,
Un immense soupir de tristesse et d'amour ;
D'un souvenir touchant quand votre ange bercée,
Comme un écho lointain du concert des Élus,
Entendait vaguement, dans les airs balancée ,
La cloche aux sons pieux murmurer l’Angelus ;
À ce moment suprême où, seule et recueillie ,
Invoquant pour les siens les grâces de son Dieu,
Elle chargeait tout bas la brise d'Italie
De porter à la France un doux, un tendre adieu. . .
Soudain, à la lueur d’une lampe d’albâtre ,
Semblable aux êtres purs que créait Canova ,
Dans la pâle clarté d’un demi-jour bleuâtre ,
Une blanche figure à ses yeux se leva.
Des fastes des Hébreux était-ce une héroïne ?
Était-ce un lys éclos du sang des Confesseurs ?
Agnès ou Débora? Judith ou Catherine ?
Sœurs au maintien pareil comme il sied à des Sœurs.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 213
Par l'ineffable loi d'une exquise harmonie,
Dans son port chaste et fier, dans son œil doux et vif,
Brillait la passion à la candeur unie ,
L'enthousiasme ardent joint au bon sens naïf.
Elle était à debout. Sa brune chevelure
Se partageait sans art sur son front ingénu ,
Et sur son sein, couvert d’une brillante armure,
Ses virginales mains pressaient un glaive nu.
Alors, quand tout émue à ce spectacle étrange,
Votre fille admirait l'habitante des Cieux,
L'immortelle sourit du sourire d'un ange,
Et sa bouche exhala ces mots mélodieux :
18
« Ô vous que j'ai toujours chérie
« Entre les filles d'ici-bas,
« Vous suis-je étrangère, à Marie !
« Ne me reconnaissez-vous pas ?
« Avez-vous, jeune et noble femme ,
« Oublié les songes de flamme
« Qui vous portaient aux saints parvis ;
« Extase solennelle et grande,
« Où le ciel, qui vous redemande,
« S'ouvrait à vos regards ravis ?
ACADÉMIE DE ROUEN.
« Avez-vous oublié ces heures
« Pleines d'un charme austère et doux,
« Où, des éternelles demeures, |
« Mon esprit descendait sur vous ?
« Ne vous souvient-il plus, Marie,
« Que, de la céleste patrie,
« Je me penchais avec amour
« Vers cette patrie encor chère,
« Vers cette vieille et noble terre ,
« Vers la France où j'ai vu le jour ?
« Sur votre royale famille,
« Quand l'orage en courroux grondait ,
« Vous le savez, aimable fille,
« Mon cœur au vôtre répondait.
« Mes pleurs s’unissaient à vos larmes,
« Quand l’émeute accourait en armes
« Pour frapper la patrie au sein.
« Mes chants suivaient vos chants de fête ,
« Quand le ciel, d’une auguste tête,
« Détournait le fer assassin.
« Depuis, pour rendre témoignage
« D'un commerce mystérieux ,
« Vous imprimätes mon image
« Sur le marbre religieux.
« Votre ciseau pur et fidèle
« Des traits ingénus du modèle
CLASSE DES BELLES-LETTRES.
« Releva la naïveté :
« Et par l’art votre main guidée
« Tira , d’une pieuse idée ,
« Une noble réalité.
« Désormais , à fille royale,
« Cette France que nous aimons,
« Dans sa reconnaissance égale ,
« Ne séparera plus nos noms.
« Elle inscrira Marie et Jeanne,
« La princesse et la paysanne ,
« Dans son blason énorgueilli,
« Partageant un cuite de mère
« Entre l'artiste et la guerrière,
« Entre Vaucouleurs et Neuilly.
« Réjouis-toi donc , à Marie !
« La gloire survit au trépas.
« Ton nom est cher à la patrie,
« Et l'Éternel te tend les bras.
« Je sais . . . tes soupirs me le disent . ..
« Combien, sur tes jours qui s'épuisent,
« On pleure , hélas ! loin de ces lieux. .
« Viens ! le chœur des élus commence,
« Viens, pour les tiens et pour la France,
« Prier avec moi dans les cieux. »
16 ACADÉMIE DE ROUEN.
ILE.
Oui, la France bénit la guerrière et l'artiste.
Marie a, comme Jeanne , une auréole au front.
Des noms chers au pays son nom grossit la liste,
Et sur son œuvre en vain les siècles passeront.
Dans ce noble palais dont la gloire éclipsée
D'un lustre renaissant brille aux yeux éblouis,
Où d’un âge voisin l'histoire retracée
Joint ses fastes rivaux aux pompes de Louis;
Sous ces lambris altiers où Fabert et Turenne,
Où Desaix et Marceau paraissent dans leur jour,
Sur les traits inspirés de la bonne Lorraine ,
Le regard attendri s'attache avec amour.
Il est doux, lorsqu'on vient saluer nos batailles,
De rencontrer au seuil notre ange protecteur :
Jeanne est bien dans ce lieu ; sa place est à Versailles ;
Elle fut à la peine, elle a droit à l'honneur.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 217
Jeanne est bien dans ce lieu ! — Mais il est une terre
Qui doit à son martyre un éclat immortel.
Rouen donna jadis des pleurs à la guerrière ,
Et Rouen de la Sainte a négligé l'autel.
Que dis-je, plût à Dieu qu'à sa pure mémoire ,
Jamais , dans la cité des nobles monuments,
L'art n’eût tenté de rendre un honneur dérisoire ,
Un profane tribut qui pèse aux cœurs normands !
Rouen de la Pucelle offre une informe image ,
OEuvre sans dignité d'un ciseau sans vigueur :
Ah ! l’auteur indiscret d’un si vulgaire hommage ,
Jamais du feu divin n'eut l’étincelle au cœur.
Mais l'œuvre du faux goût tombera détrônée ;
0 Reine , c’est à vous que s'adressent nos vœux,
Votre ame maternelle est d'avance gagnée ,
Qui peut mieux nous comprendre etnous seconder mieux!
IV.
« Reine, accueillez notre prière !
« Que sur un noble monument ,
« Par vous l'artiste et la guerrière
« Joignent leur souvenir charmant.
ACADÉMIE DE ROUEN. *
« Tout une cité vous en prie . .
« Réunissez Jeanne et Marie
« Aux yeux d’un peuple transporté ;
« Et que Rouen qui les appelle,
« Par vous sente augmenter son zèle
« Pour la gloire et la liberté. »
CONSIDÉRATIONS
CRITIQUES
LE RÉGIME DOTAL,
PAR M HOMBERG.,
©
Nous avons fait l'histoire du régime dotal. Nous l'avons
montré naissant à Rome d’un concours de circonstances
bien complétement étrangères à notre époque , à notre
pays , à nos MŒurs.
Nous avons dit comment il s'était perpétué d'âge en
âge, jusqu'au temps où nous vivons malgré les change-
ments successifs apportés dans les institutions et dans les
lois. 11 nous reste à remplir une tache sans laquelle nos
premiers travaux seraient bien inféconds; il nous reste à
l’apprécier dans ses résultats pratiques.
Qu'importerait en effet la manière dont le régime dotal
s’est introduit dans notre législation , si son action s'y mon-
trait bienfaisante et utile.
220 ACADÉMIE DE ROUEN.
Quand un citoyen fait l'honneur et la gloire d'un peuple,
personne assurément ne songe à lui demander ses lettres
de naturalisation ; mais le régime dotal est à nos yeux un
fléau véritable.
Il diminue les richesses du pays , il paralyse l'essor du
commerce et de l'industrie, il outrage la morale , viole
l'équité, et porte des semences de discorde et de chagrin
jusqu'au sein des familles les mieux unies.
Voilà pourquoi nous nous sommes cru en droit de nous
enquérir d’où venait cet intru , et de discuter les titres que
son grand âge semblait lui donner à notre considération.
Maintenant que nous avons découvert les pieds d'argile
du colosse , nous nous sentons plus fort pour le combattre.
Nous l’envisagerons d'abord au point de vue de l'intérêt
des époux qui l’adoptent pour base de leur union , et nous
montrerons d'une part combien sont vaines et dérisoires
les garanties qu'il parait offrir à la conservation de leur for-
tune ; puis, d’une autre , par combien de troubles et d’em-
barras il fait payer cette fausse protection ?
Nous l’envisagerons ensuite au point de vue de l'intérêt
des tiers qui contractent avec les femmes dotales , et nous
ferons voir combien les précautions dictées par la prudence
la plus craintive sont souvent impuissantes à prévenir pour
eux de cruelles déceptions.
Enfin nous considèrerons le régime dotal dans ses rap-
ports avec l'intérêt général du pays et nous signalerons sa
fatale influence sur la propriété foncière qu'il déprécie, sur
l'industrie qu'il paralyse , sur la morale publique qu'il per-
vertit.
Zu
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 221
Ce plan nous parait embrasser tous les aspects de la
question.
Nous sentons bien qu'il faudrait, pour le remplir conve-
nablement, une plume plus exercée que la nôtre; mais
quand on a agi dans la mesure de ses forces pour le triom-
phe d’une idée qu'on croit salutaire, on a pour soi la
conscience d’avoir satisfait à toutes les exigences du
devoir.
$ Ier.
Du régime dotal considéré dans ses rapports avec l'in-
térêt des époux.
Les plus ardents défenseurs du régime dotal ne le
considèrent pas comme entièrement exempt d’inconvé-
nients, tant à cause des facilités qu'il donne à la fraude,
qu'à cause de la dépréciation dont il frappe une masse
énorme de biens-fonds; mais, s’il y a [à danger pour les tiers
et diminution évidente de la richesse territoriale du pays,
il ya, suivant eux, de tels avantages pour les femmes
mariées dans la stipulation d'un régime qui leur assure la
conservation de leur dot, que cette considération doit pré-
valoir sur toutes les autres.
Ce sont ces avantages que je veux tout d’abord discuter;
car là est le cœur de la question, et c'est toujours au cœur
qu'il faut viser quand on veut abattre un ennemi.
Une femme est mariée sous le régime dotal, son mari
est un dissipateur ou bien un spéculateur malheureux.
Il se ruine, tombe en déconfiture ou en faillite; tout,
autour de lui, est misère et désespoir, tous ses fournis
222 ACADÉMIE DE ROUEN.
seurs, ses domestiques, ses amis les plus intimes, tous
ceux qui ont eu confiance en lui, qui, trompés par les ap—
parences de fortune dont ils le voyaient entouré, ont dé-
posé leur argent dans ses mains , sont entraînés dans son
désastre ; mais la fortune de sa femme , qui n’a pu s’obliger
avec lui, n’a reçu aucune atteinte. Alors fuyant les cla-
meurs de ses créanciers , il se réfugie dans l'intérieur de
son ménage où règne encore l’aisance.
Une séparation de biens intervient entre les époux.
Ce qui reste de l'avoir du mari, si quelque chose en
reste , est jeté en pâture aux créanciers; puis, les biens de
la femme, qui peuvent être considérables, donnent aux
époux les moyens de mener encore une vie somptueuse.
Voilà le triomphe du régime dotal. C’est devant de pa-
reils résultats que s’inclinent ses partisans. Combien n'’est-
il pas heureux, disent-ils , que ce mari n'ait pu compro-
mettre la fortune de sa femme et l'avenir de ses enfants !
Au moins les époux auront toujours de quoi vivre! et les
enfans pourront être dotés par leur mère.
Oh! sans doute il sera‘ heureux ce banqueroutier, si,
étouffant tout sentiment de pudeur, il peut , à travers les
glaces de l'élégante voiture dans laquelle sa femme le
promène , contempler d'un œil paisible le malheureux ou
vrier qui lui avait confié ses épargnes, et qui maintenant
balaie les rues où décrotte les souliers pour pouvoir
nourrir sa famille ! Elle sera heureuse l'épouse qui, après
avoir ruiné son mari par ses prodigalités, pourra narguer
la misère de la pauvre veuve dont le petit pécule aura
servi à satisfaire quelques unes de ses luxueuses fantaisies,
et les enfants seront heureux aussi, car, richement dotés,
ils pourront un jour se faire servir par les fils des créan-
ciers de leur père.
_
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 223
Est-ce donc là l'espèce de bonheur que rèvent les pa-
rents qui veulent marier leur fille sous le régime dotal?
Un mari va enlever leur enfant loin d’eux, il va devenir
maître à peu près absolu de sa personne, il pourra la
faire expirer de douleur sous les coups répétés de ce
petit poignard domestique qu'on appelle «incompatibilité
d'humeur, » et qui atteint le cœur sans laisser de trace
à l’épiderme. Il pourra, chose bien plus grave encore, per=
vertir son esprit et corrompre son âme. Ce sont là des
nécessités du lien conjugal auxquelles se résigne l'amour
paternel, et même assez facilement, si l’on en juge par le
peu de précautions que l'on prend le plus souvent pour
s'assurer du bon caractère et de la moralité de celui que
l'on accepte pour gendre. Mais ce qu'on veut sauvegarder
avant tout, c’est la fortune, et quand on a mis la dot à
l'abri des spéculations malheureuses du mari, on s’endort
avec la confiance d'avoir fait tout ce que l’on pouvait faire
pour le bonheur de sa fille.
C’est que malheureusement il se mêle toujours un peu
d'égoisme aux sentiments humains , et beaucoup de pa-
rents aiment à se dire : «quoiqu'il arrive maintenant, notre
« tâche est remplie. Notre fille conservera la fortune que
« nous lui donnons , notre considération n'aura jamais à
« souffrir de sa position dans le monde, et, sur les biens
« que nous nous réservons, nous n’aurons pas de nouveaux
« sacrifices à nous imposer pour venir au secours de sa
« misère. »
Il n'est pas bien étonnant que, par le temps qui court,
ce raisonnement assure le succès du régime dotal, et, en
écrivant ces pages , notre espoir n'est pas , il faut le dire,
de dissuader le plus grand nombre des parents de cher-
cher en lui des garanties qui suflisent à leur sécurité.
294 ACADÉMIE DE ROUEN.
Nous écrivons pour des hommes désintéressés dans la
question , et qui, voyant les choses de plus haut, ne peuvent
sympathiser avec les odieux calculs que nous venons de
dire. Nous écrivons aussi et surtout, pour un petit nombre
de parents, véritablement désireux du bonheur de leurs
enfants , et c'est avec ceux-ci que nous voulons descendre
dans l’intérieur du ménage soumis au régime dotal, pour
l'examiner , ce régime, non pas d’une manière purement
théorique , non pas non plus au point de vue de quelques
monstrueuses excentricités, mais tel qu'il est habituelle-
ment, bourgeoisement, honnêtement, tel que nous le fait
connaître notre pratique de tousles jours, tel, enfin, quenous
le voyons fonctionner, soit dans notre cabinet par nos
relations d’affaires, soit dans le monde par nos relations
de société ou de famille.
Le mari est le chef de l'association conjugale, il en ad-
ministre les biens, touche les revenus, règle les dé-
penses. Mais ce n’est pas dans son intérêt seul qu'il agit
ainsi, c'est dans l'intérêt de l'association, de l'être col-
lectif qui constitue le ménage, la famille, et qui se com-
pose tout à la fois du mari, de la femme et des enfants.
C'est là une différence radicale , et jamais assez observée
en cette matière, entre la société moderne et la société
ancienne. Cette différence n’est pas dans les lois seule-
ment, elle est, d'abord et surtout, dans les mœurs. Le
Pater familias autrefois à Rome , était un tyran , un mo-
narque absolu qui pouvait dire : « La famille c’est moi »,
car lui seul avait une existence propre , une individualité ;
les autres vivaient pour lui, et en quelque sorte par lui.
De nos jours le mari n’est plus qu’un roi constitutionnel
ayant mandat de gouverner dans un intérêt commun , et
ne pouvant plus dire moi, mais devant dire nous.
Sans doute, ce gouvernement constitutionnel du mari
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 225
reçoit bien des modifications du caractère respectif des
époux , de leur éducation, de leur manière de vivre , de
leur position socialé , de la profession qu'ils exercent.
L'influence de la femme dans certains ménages sera
à peu près nulle ; dans d’autres , elle asservira entièrement
le mari, et ne lui laissera aucune liberté d'action : mais :
mettant de côté les exceptions pour nous en tenir à ce
qu'il y a de plus normal dans la constitution actuelle du
ménage et de la famille, nous croyons pouvoir dire sans
crainte d’être démenti par personne , que l'association entre
le mari et la femme est si intime, que tous leurs intérêts
sont tellement confondus que, ce qui est jouissance ou
privation pour l'un , est aussi jouissance ou privation pour
l'autre , et, enfin, que la femme est aussi intéressée que
le mari à la prospérité et à la considération du ménage.
Il est même vrai de dire que, tant que durera l’asso—
ciation , la distinction entre les biens du mari et ceux de
la femme préoccupent peu les époux. S'il ont des enfants,
les uns comme les autres devront se réunir un jour dans
les mains de ceux-ci ; s'ils n’en ont pas, les uns comme
les autres devront concourir à leur procurer pendant leur
vie commune la plus grande source de jouissances pos-
sible, et il est bien rare que la pensée des collatéraux qui
devront recueillir ces biens après leur mort, change quel-
chose à ce problème.
Ce qui est donc avant tout désirable dans l'intérêt des
époux, j'entends dans leur intérêt sainement et honnête-
ment entendu, c’est que le mari tire le meilleur parti pos-
sible des biens confiés à son administration. De là, cette
conséquence, que toutes les entraves que le mari rencon-
trera dans cette administration , pèseront également sur
les deux époux.
15
226 ACADÉMIE DE ROUEN.
Aussi, combien de fois n'avons-nous pas vu des femmes,
mariées sous le régime dotal, déplorer , dès les premières
années de leur union, les rigueurs de ce régime , et cher-
cher , d'accord avec leur mari, les moyens de se soustraire
à ses entraves.
Nous pourrions citer bien des cas où la raison la mieux
éclairée , la prudence la plus craintive n'aurait pu désa-
vouer les motifs de ces plaintes et de ces efforts.
Nous avons connu, par exemple, des parents qui, en
mariant leur fille, lui avaient constitué en dot une belle
propriété d'agrément.
Au moment du mariage , la fortune des époux, leur
position dans le monde comportait la possession de cette
propriété, et l'orgueil un peu aristocratique des parents
était flatté de la pensée que le noble manoir, illustré par
les ancètres , resterait à toujours dans la famille, pour y
conserver l'éclat du nom qu'ils avaient porté.
C'était fort bien alors ; mais les évènements se plaisent
à confondre les prévisions de la prudence humaine.
Une révolution politique a fait perdre au mari une
position lucrative et brillante; des capitaux, placés avec des
sûretés apparentes , ont été perdus, et, tandis que les re-
venus des époux diminuaient ainsi, leur famille s’aug-
mentait, leurs charges s’aggravaient. Il leur faut aujour-
d'hui pourvoir à l'éducation de nombreux enfants ; forcés
de passer à la ville une grande partie de l'année, ils ont
cessé d'habiter le manoir féodal, dont les splendeurs ne
conviennent plus à l'état de leur fortune , au genre de vie
qu'ils mènent.
Ce château, n'étant plus habité, se détériore, et pour
le conserver en bon état, comme la loi lui en impose le
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 227
devoir , le mari est obligé d'y dépenser chaque année des
sommes qui seraient bien plus utilement employées à
instruire et à doter ses enfants.
Vienne le jour de la dissolution du mariage , les époux
auront vécu dans la gène, les enfants auront été pauvre-
ment élevés , peut-être pauvrement mariés. On s'empres-
sera de liciter le vieux château, qui ne pourrait trouver
place dans le lot d'aucun d'eux, dont aucun d'eux , d’ail-
leurs, ne voudrait se charger, et le prix que ceux-ci en
tireront , sera bien inférieur à celui que leurs parents en
auraient pu tirer trente années auparavant , sans compter
que, pendant ces trente années, il aurait pu être triplé
par les intérêts cumulés.
Nous savons bien qu'autrefois on ne calculait pas ainsi.
Les fortunes étaient plus stables, et, lorsqu'un mariage
avait apporté dans une famille noble un nouvel apa-
nage , cet apanage y restait pendant bien des généra-
tions, se transmettant de mâle en mâle par ordre de pri-
mogéniture.
Les exigences de l'éducation des enfants ne nécessi-
taient pas comme aujourd'hui le coûteux séjour des villes.
Les parents, sans peut-être pour cela aimer moins leurs
enfants, craignaient moins de se séparer d'eux , et, pen-
dant que les filles étaient au couvent, et que les garçons
faisaient leurs études chez les oratoriens ou chez les Jé-
suites, les gentilshommes qui ne remplissaient pas de
fonctions politiques, n'avaient d'autre soin que de cultiver
et d'habiter leur domaine. Quant à ceux qui étaient dans
les emplois, leurs regards restaient toujours attachés sur
le manoir des champs qui devait les recevoir au jour de
la disgrâce ou de la retraite.
D'un autre côté, les spéculations de l'industrie n'ap-
228 ACADÉMIE DE ROUEN.
pelaient point les capitaux , de sorte qu'il y avait, dans les
fortunes comme dans les existences, une stabilité qui n’est
plus connue aujourd'hui. R
Que faut-il de nos jours pour qu'une famille quitte
son berceau, et aille vivre loin des lieux où sont situées ses
propriétés ?
Combien de personnes, appelées dans une province
éloignée de la leur, soit par des fonctions publiques, soit
par des raisons de santé , n’ont-elle pas fini par y prendre
racine et s’y fixer.
Nous examinerons plus tard , au point de vue de l'intérêt
public, les conséquences de ces émigrations. Bornons-
nous, quant à présent, à constater en fait, qu'elles sont
très fréquentes, et souvent déterminées par des motifs
que la raison la plus sévère ne saurait désavouer.
Des parents ont marié leur fille près d'eux. En frappant
de dotalité les biens qu'ils lui donnent , ils espèrent atta-
cher le ménage qui se forme au sol sur lequel ils ont
l'intention de continuer à vivre. Mais , c’est pour toute la
durée de ce ménage qu'ils stipulent, et l’effet de leurs
dispositions pourra bien survivre aux considérations qui
les ont inspirées. Viendront peut-être des circonstances
qu'ils n'avaient pu prévoir : Une position avantageuse of-
ferte au mari à l’autre extrémité du royaume , ou bien la
santé de la femme elle-même exigeant un climat plus
doux.
Supposons que, dans l'intérêt de celle-ci, pour prolonger
des jours qui lui sont chers , son mari quitte les brouillards
de la Flandre ou de la Normandie pour aller habiter le midi
de la France.#Combien n'est-il pas regrettable alors de
laisser derrière soi des biens qu’on ne peut plus administrer,
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 229
surveiller soi-même. Combien les parents de la femme, s'ils
vivaient encore, ne déploreraient-ils pas eux-mêmes les
entraves que, dans l’égoisme de leur affection, ils ont voulu
imposer à leurs enfants, et, que ne feraient-ils pas au-
jourd’hui pour les en dégager ! Mais les regrets sont su-
perflus ! Jamais, dans leur nouvelle résidence , les époux
ne jouiront des avantages que donne la propriété, tandis
que loin d’eux , privés de la surveillance du maître , leurs
biens dépériront.
Est-il mème besoin de supposer un éloignement et un
changement de résidence, pour admettre un légitime désir
de vendre une propriété foncière. L'article 1558 du Code
civil permet d’aliéner la dot pour faire de grosses répa-
rations indispensables à la conservation de l'immeuble
dotal, c'est-à-dire que si la femme possède deux im-
meubles dotaux, elle en pourra aliéner un pour se pro-
curer les moyens de réparer l’autre. Mais si elle n’en
possède qu'un, comment fera-t-elle ? Il lui faudra conser-
ver une ruine dont elle ne pourra tirer aucun parti. Sup-
posons , sur un terrain avantageusement situé , des cons-
tructions trop mauvaises pour pouvoir être réparées.
Supposons des usines consiruites d’après un système vieilli
et abandonné ; voilà encore des propriétés stériles. Il fau
dra attendre la dissolution du mariage pour abattre et
reconstruire. De tous côtés on ouvre des canaux, on
perce des routes , on établit des chemins de fer. De colos-
sales entreprises, que l’on n'aurait jamais soupçonnées au-
trefois, bouleversent le sol, et exigent dans un intérêt
d'utilité publique le sacrifice de la propriété privée.
Combien n’avons-nous pas vu de domaines subir , à la
suite de ces travaux, de profondes altérations, et sortir en-
tièrement de leurs conditions premières.
Une route nouvelle s'ouvre à travers des terrains qui
230 ACADÉMIE DE ROUEN.
n'avaient jamais été destinés qu'à la culture. Par le seul
effet du percement de cette route, ces terrains, devenus
propres à être bâtis, acquièrent une grande valeur ; mais
si leur propriétaire n’est pas assez riche pour bâtir lui-
même, il n'en pourra tirer convenablement parti qu'en
les vendant par portions à des entrepreneurs. Malheur à
lui si la dotalité les frappe. Il verra ses voisins s'enrichir,
et lui, continuera à louer , pour une ingrate culture, de
mauvaises terres qui, tout près de lui, se vendront pour
bâtir.
Qu'’au lieu d’une route , ce soit un chemin de fer qui
vienne tracer, à travers un domaine , son infranchissable
sillon, coupant par la moitié un château , une ferme, un
jardin d'agrément, laissant, comme nous en avons vu
tant d'exemples, la maison d’un côté, le jardin de l’autre,
les bâtiments d'exploitation à droite, les terres à exploiter
à gauche, mettant une lieue de distance entre le pâturage
et l’étable, le commencement et la fin des avenues, l’allée
dans laquelle on se promène, et le banc de gazon sur lequel
on se repose. Assurément, si les auteurs du contrat de
mariage avaient vu ces propriétés dans l’état où elles sont
aujourd'hui, ils se seraient bien gardés de les rendre
dotales ; ils seraient les premiers à conseiller de les
vendre. Mais, stipuler dans un contrat de mariage, c’est
graver sur le bronze, et jusqu'à la dissolution du ma-
riage , le régime dotal vivra avec toutes ses rigueurs.
Les circonstances ne sont plus les mêmes : fortune,
position, gouvernement , tout a changé autour des con-
joints, et, combien de révolutions ne peuvent-elles pas
s'accomplir pendant la durée d’une association conjugale !
mais le pacte matrimonial reste immuable, et tant que
les époux vivront , son joug pèsera sur eux.
Voilà ce à quoi ne réfléchissent jamais assez ceux qui
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 231
tracent ce cercle dé Popilius, qu'on appelle un contrat de
mariage.
Is obéissent aux idées du moment , se laissent influencer
par de mesquines considérations, et ne songent pas que les
liens qu'ils forgent peuvent durer plus d’un demi-siècle ,
et que nous vivons dans un temps où il n’est pas donné à
la prudence humaine de voir si loin dans l'avenir.
Il est vrai de dire que, dans la province que nous ha-
bitons , les inconvénients que je viens de signaler sont
un peu atténués par la longue habitude , généralement
prise , d'insérer dans le contrat de mariage une clause qui
permet l’aliénation des immeubles dotaux moyennant rem-
ploi.
C'est déjà quelque chose de gagné sur les déplorables
rigueurs du régime dotal, que cette faculté donnée aux
époux de remplacer des biens qui leur sont devenus oné-
reux, par d’autres qui peuvent leur être profitables.
Mais remarquons bien que si cette faculté est accordée
avec quelque étendue , la dotalité n’est plus qu'un vain
mot, et toutes ses prétendues garanties deviennent illu-
soires. Si, par exemple, le remploi peut se faire en biens
d’une nature différentes de celle des biens vendus ; si des
immeubles peuvent être remplacés par des actions in-
dustrielles ou autres valeurs mobilières susceptibles de
s’aliéner ou de se perdre sans être elles-mêmes rempla-
cées, le régime dotal n’a plus de sens , car la conserva-
tion de la dot n’est plus assûrée.
Il faut donc, pour ne pas sortir des conditions de ce
régime , que le remploi des immeubles vendus ne puisse
s'effectuer qu'en immeubles de même nature, devenant
dotaux comme ceux qu'ils remplacent , et ne pouvant plus
1Ù
232 ACADÉMIE DE ROUEN.
être vendus eux-mêmes sans un nouveau remplacement.
Les intérêts de la femme sont alors à couvert, car l'acqué-
reur du bien dotal est obligé de surveiller le remplacement,
et si ce remplacement n'était pas jugé suflisant , il serait
responsable de l'insuffisance.
Nous examinerons plus tard, au point de vue de l’inté-
rêt des tiers, les conséquences de cette responsabilité ;
disons seulement, dès à présent, qu’elle a pour les époux
ce déplorable effet, que l'acquéreur, voulant trouver une
compensation à la responsabilité qu'il encourt , ne se décide
que par la vileté du prix qui lui est demandé, et que cette
vileté doit naturellement être d'autant plus grande que les
difficultés de la surveillance du remploi sont plus consi-
dérables.
Acheter une pièce de terre en remplacement d’une autre
qu'on a vendue , ne paraît pas chose bien difficile; mais la
question ne se réduit pas toujours à des termes si simples.
Souvent , en remplacement de biens vendus en Norman-
die, ce sera en Provence qu’on en voudra acquérir ; ou
bien, on aura vendu une terre et on aurait besoin d’une
maison, une maison et on voudrait une usine. Ou bien
encore, au moment où l'on aura trouvé à vendre on ne
trouvera point à acheter, il faudra laisser ses fonds entre
les mains de l'acquéreur qui les consignera et fera ainsi
perdre des intérêts.
Souvent il arrive que , par suite d’un partage de succes-
sion ou d’une expropriation pour cause d'utilité publique ,
une faible somme revient à une femme dotale, et ne peut
être touchée que moyennant un remplacement en im-
meubles.
Pense-t-on qu'il soit bien facile d'employer 100 fr. ou
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 233
200 fr., quelquefois une somme plus modique encore, à
l'acquisition d'un fonds de terre où d'une propriété bâtie ?
La dificulté équivaut, dans bien des cas, à une impossi-
bilite véritable, et les deuiers versés à la caisse des consi-
gnations y attendent éternellement un emploi que les
époux ne se trouvent jamais en mesure de réaliser.
Remarquons en outre que ce ne sont pas seulement les
immeubles de la femme dont la disposition se trouve para-
lysée par les effets du régime dotal ; les arrêts ont étendu
la prohibition d'aliéner à la dot mobilière, et encore que
cette jurisprudence ait été, lorsqu'elle s’est établie, vive-
ment attaquée comme contraire à tous les textes du code
civil et du droit romain , elle n’en a pas moins acquis l’au-
torité d’un point de doctrine que l'on n'ose plus contester
devant les tribunaux.
La plus grave conséquence de cette inaliénabilité, c’est
que la femme ne peut renoncer à l'hypothèque légale que
la loi lui donne sur les biens de son mari pour la conser-
vation de ses droits.
Or, comme les apports de la femme ne sont pas toujours
complètement énoncés dans le pacte matrimonial ; comme,
après le mariage, ces apports peuvent être augmentés par
des successions ou des donations dont des inventaires régu-
liers ne constatent pas toujours l'importance , il en résulte
que les tiers ne peuvent jamais connaître avec exactitude
le montant des reprises conservées par cette hypothèque
légale de la femme , qui doit cependant primer toute autre
hypothèque consentie pendant le mariage sur les immeu-
bles qui en sont frappés.
On conçoit aisément , d'après cela, que ces immeubles
ne soient pas facilement acceptés comme garantie hypo-
thécaire des obligations que le mari veut souscrire.
234 ACADÉMIE DE ROUEN.
Surtout si l’on fait attention qu'outre les reprises actuelles
de la femme et ses droits déjà acquis, le prêteur a encore
à considérer l'éventualité d’une séparation de biens entre
les époux , d’une expropriation, d'un état d'ordre dont les
frais viendraient accroître le montant de la créance que
l'immeuble aurait à payer avant la sienne. (1)
Maintenant, est-il besoin d’insister sur la gravité des
inconvénients que peuvent entraîner, pour la femme elle-
même, ces entraves dans lesquelles le mari se trouve placé
pour l'administration de sa fortune.
Sans doute, il existe des maris dissipateurs qui se ruinent
en folles dépenses, et, pour ceux-là , la loi ne saura jamais
(1) Dans son excellent ouvrageintitulé: Du Régime dotal et de la
nécessité d'une réforme dans cette partie de notre législation, M.
Marcel a traité ces questions en homme consommé dans la pratique
des affaires, et, par des chiffres, il démontre fort bien combien est
sérieuse l’objection du prêteur qui rencontre l'hypothèque légale
d’une femme dotale sur les biens qu’on lui offre en garantie hypo-
thécaire.
Ainsi, par exemple, il suppose un cultivateur, un petit marchand,
un simple ouvrier, propriétaire de quelques immeubles évalués à
4,000 fr.; cet homme éprouve un incendie, une inondation, une
maladie, un de ces mille accidents qui peuvent faire naître des
besoins pressants; il voudrait emprunter 1,000 fr. sur ses immeubles
qui en valent 4,000.
Admettons que sa femme ne lui ait apporté en mariage qu'un
simple trousseau estimé 1,000 fr.; le prêteur fera tout naturelle-
ment ce calcul:
Valeur du trousseau, 1,000 fr.
Frais de séparation de biens, 500
Frais d’expropriation et d’état d'ordre, 2,000
Total. 3,500
Les biens valussent-ils 5,000 fr. au lieu de 4,000, on pourrait
encore trouver imprudent celui qui donnerait 1,000 fr. sur un
pareil gage.
2
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 235
assez multiplier ses entraves ; mais ce sont, Dieu merci,
des exceptions pour lesquelles il ne faut pas mettre en
interdit les gens sages et honnêtes qui, dévoués aux inté-
rêts de leur ménage, ne cherchent à augmenter leur for-
tune que pour augmenter le bien-être de leur femme et de
leurs enfants.
Or, dans combien de circonstances, non-seulement une
sage spéculation à faire dans la vue d’un accroissement de
fortune , mais une utile mesure de conservation à employer
pour une fortune déjà acquise, ne nécessiteront-elles pas
un emprunt hypothécaire ?
Puis, quelle entrave au crédit du commerçant que ce
déplorable régime dans lequel l'homme, le plus riche en
apparence, peut n'offrir aucune prise à ses créanciers !
Nous dirons plus tard , quand nous nous occuperons de
l'intérêt des tiers, à quelles fraudes peut donner lieu contre
eux cette étrange anomalie entre les dehors de la fortune
et l'insolvabilité. Notons seulement, dès à présent, les
justes défiances qu’elle inspire et les entraves que ces dé-
fiances apportent naturellement à l'essor de l’industrie et
du commerce.
Que sera-ce maintenant si nous établissons que les ga-
ranties achetées au prix de tous ces inconvénients, sont le
plus souvent illusoires, et que le régime dotal, inflexible
pour l'homme de bien qui respecte trop la justice pour la
vouloir tromper, offre encore au dissipateur plus d'un
moyen d'arriver à l’aliénation et à la perte de la dot.
Le législateur, effrayé lui-même des conséquences de
l'aliénation dotale, a cru devoir y faire quelques exceptions,
et ila prévu plusieurs circonstances devant l'impérieuse
nécessité desquelles la rigueur de ce principe devait fléchir.
236 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ainsi, lorsqu'il s'agit d'établir les enfants , ou de tirer
de prison le mari ou la femme, ou de fournir des aliments
à la famille, ou de payer les anciennes dettes , soit de la
femme , soit de ceux qui ont constitué la dot, ou de faire
de grosses réparations à l'immeuble dotal, le fonds dotal
peut être aliéné. '
Ces dispositions sont assurément fort sages et leur néces-
sité n’a pas besoin d’être démontrée.
Mais, ce qu'il peut être intéressant de remarquer, c'est
l'abus qu'il est possible d’en faire, et les différentes manières
dont le mari dissipateur, pour lequel elles n’ont pas été
écrites, peut arriver à s’en faire faire l'application.
ILest, par exemple , un tour que nous avons vu souvent
jouer à la justice , et qui, à notre connaissance , a été tou-
jours , ou presque toujours, couronné d’un plein succès.
Un mari, à bout de ressources, ayant épuisé tout son
avoir personnel, ou bien, désireux de tenter la fortune
par une spéculation hasardeuse , veut faire argent du bien
dotal de sa femme ; voici comment il s’y prend :
Il souscrit une lettre de change au profit d’un compère
qui , à l'échéance , obtient contre lui une condamnation au
tribunal de commerce et le fait mettre en prison.
Aussitôt sa femme présente une requête au tribunal , et,
pour tirer son mari de prison, la justice l’autorise à aliéner
sa dot.
L'immeuble est vendu , l'acquéreur verse son prix aux
mains du créancier apparent qui , tout de suite , le remet à
son compère.
Le titre est détruit ou il est fait une contre-lettre, et le
tour est joué.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 237
Nous savons bien qu'un emprisonnement cause toujours,
en province surtout, une sorte d’esclande qui répugne à
beaucoup de gens ; mais la cupidité triomphe de bien des
répugnances , et puis les gens bien avisés savent s'y pren-
dre de telle façon, que le secret couvre leurs manœuvres.
Ainsi, une affaire supposée appelle le mari dans la
capitale ; c'est à que l'ami complaisant le fait incarcérer.
La femme éplorée révèle à la justice le secret de l'ab-
sence prolongée de son mari, mais, dans le monde, cette
prolongation d'absence se colore des mille et une raisons
qui peuvent retenir un homme pendant quelques semaines
hors de ses foyers.
Nous avons connu des hommes fort considérables qui
ont employé ce moyen. Jamais, dans le monde, on ne s’en
est douté.
Si nous choisissons cet exemple des fraudes qui peuvent
être faites à la loi, ce n’est pas que celle-là soit la plus
facile ni la plus fréquente Il est même assez rare que les
maris dissipateurs soient obligés d'y recourir, et ne trouvent
pas de moyens plus simples pour obtenir de la justice l’au-
torisation qui leur est nécessaire à l'effet d’aliéner la dot de
leur femme.
Tantôt, c’est un établissement qu'ils veulent procurer à
leurs enfants, et ceux-ci sont d'accord avec eux pour leur
payer le prix de cet établissement. Tantôt, ce sont des ali-
ments qu'ils veulent fournir à leur famille, et l'on parvient
à dissimuler à la justice les ressources qui pourraient être
employées à cet usage et qu'on livre aux chances de la
spéculation. Il y a dans les rangs inférieurs de la société
une certaine classe de praticiens, s'intitulant hommes de loi
ou hommes d’affaires, qui ont l'esprit singulièrement
238 ACADÉMIE DE ROUEN.
ouvert pour toutes ces sortes de manœuvres, et savent {rou-
ver, pour les positions difliciles, des ressources que les
plus habiles jurisconsultes n'inventeraient jamais.
Il ne peut entrer dans le plan de notre ouvrage d'énu-
mérer ici tous les moyens par lesquels il peut être fait, en
cette matière , violence à la loi et surprise à la conscience
des juges, mais nous avons bien la conviction que nous
ne serons démentis par aucun homme versé dans la prati-
que des affaires, quand nous dirons qu'il est peu d'exemples
de maris voulant arriver, per fas et nefas, à l'aliénation du
bien dotal de leur femme et ne pouvant y parvenir.
Que l’on cesse donc de tant vanter les garanties protec—
trices du régime dotal, puisque son action s’amoindrit et
s’efface dans les cas précisément où elle serait le plus néces-
saire, tandis que , là où elles sont inutiles, elles entravent
de la manière la plus déplorable l'administration des for-
tunes.
$ IE.
Du régime dotal, considéré dans ses rapports avec
d l'intérêt des tiers.
Si dans les pages qui précèdent, nous sommes par-—
venus à convaincre que, pour les époux eux-mêmes qui
le prennent pour base de leur union , le régime dotal pré-
sente plus d’inconvénients que d'avantages , la cause de ce
régime est perdue , car il ne se trouvera personne qui,
l’envisageant au point de vue de l'intérêt des tiers, ose con-
tester qu’il ouvre une large porte à la fraude, et soit, pour
tout ceux qui se trouvent en contact avec les femmes
dotales, une source féconde de troubles , de déceptions et
de ruine.
PTS
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 239
Et, en effet, comment en serait-il autrement, si l’on
considère que, sous ce régime , les biens constitués en
dot sont d’une inaliénabilité tellement absolue que, quel-
ques soient les engagements pris sur ces biens par les
époux, ils n'ont jamais, pour s'en dégager, d’autres efforts
à faire que de produire leur contrat de mariage , et de
citer l'art. 1560 du Code civil, véritable épée d'Alexandre,
qui tranche sans difliculté les liens les plus solides, les
nœuds les plus indissolubles.
Cet art. 1560, qui doit être un légitime épouvantail pour
tous ceux qui se trouvent en rapport avec des femmes
mariées sous le régime dotal, ne saurait être trop connu ;
qu'on nous permette d'en rappeler le texte :
« Si, hors les cas d'exception qui viennent d'être ex-
« pliqués , la femme ou le mari, ou tous les deux con-
» jointement, aliènent le fonds dotal, la femme ou ses
«héritiers pourront faire révoquer l’aliénation après la
« dissolution du mariage , sans qu'on puisse leur opposer
« aucune prescription pendant sa durée : La femme aura
« le même droit après la séparation de biens.
«Le mari, lui-même, pourra faire révoquer l’aliénation
« pendant le mariage, en demeurant néanmoins sujet aux
« dommages-intérêts de l'acheteur, s'il n’a pas déclaré
« dans le contrat que le bien vendu était dotal. »
Ainsi, quand une femme a vendu , avec ou sans l’as-
sistance de son mari, un immeuble faisant partie de sa dot,
quelque soient les termes du contrat, les engagements
pris , les assurances données , les garanties promises pour
surprendre et tromper la bonne foi de l'acquéreur , il ne
sera même pas besoin d'attendre la dissolution du mariage;
le lendemain du jour où les époux auront reçu le prix de
240 ACADÉMIE DE ROUEN.
l'immeuble vendu , ils pourront reprendre cet immeuble,
et laisser, pour toute ressource, à l'acquéreur spolié une
action en dommages-intérêts à intenter contre le mari, si
le mari n’a pas déclaré dans le contrat la dotalité de l'im-
meuble (1).
Voilà l’article 1560 !
Peut-on maintenant réfléchir sans effroi aux consé-
quences que peut entraîner l'ignorance de cet article.
Un immeuble est à votre convenance ; vous l’achetez,
vous le payez, vous vous en croyez propriétaire. Un demi-
siècle s'écoule; l'immeuble a changé de nature ; sur un
terrain nu , vous avez bâti des maisons, d’une ferme vous
avez fait un château, d’une maison une usine ; vous vous
croyez riche, et vous avez marié vos enfants en consé-
quence ; vous avez contracté des engagements sur la foi
de la fortune que vous pensiez avoir, vous avez pris des
habitudes de vivre en rapport avec cette fortune ; enfin,
vous êtes bien installé dans votre propriété, vous espérez
y finir vos jours et y mourir en paix....; mais vous avez
compté sans l'article 1560 !!!
Depuis moins de dix ans, votre venderesse a cessé de
(1) Remarquez encore, que, si la vente n’a pas été faite par le
mari lui-même, mais par la femme autorisée de son mari , encore
que le contrat n’indique pas la dotalité de l’immeuble, l’action en
dommages-intérêts contre le mari échappe à l’acquéreur. C’est ce
qu'a jugé la cour royale de Paris, par un arrêt du 14 mai 1829.
La cour de Toulouse a jugé, par arrêt du 22 décembre 1834, que
la peine du Stellionat ne peut être appliquée au mari qui a vendu
le bien de sa femme sans en déclarer la dotalité, Ainsi l'acquéreur
n'aura pas même la ressource de la contrainte par corps pour se
faire payer les dommages-intérêts qui lui seront dûs.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 21
vivre (1) ; un de ses héritiers découvre dans son contrat de
mariage le vice de l’aliénation qui vous à été faite, il en
demande la résolution , vous expulse et vous ruine !
Demanderez-vous des dommages-intérêts au mari qui ne
vous a pas déclaré la dotalité de l'immeuble ? Appellerez-
vous en garantie le notaire qui aura trompé votre con-
fiance ? Tous deux peut-être seront morts insolvables.
Mais, diront les défenseurs du régime dotal, personne
n'est censé ignorer la loi. Le Code civil est ouvert à tout
le monde, et tout le monde peut y lire l’article 1560.
Tant pis pour ceux qui s'y laissent prendre.
Nous dirons alors, tant pis pour bien des gens ; car bien
des gens y sont pris.
Et comment, dans le fait, en serait-il autrement ?
La loi n'est-elle pas définie par les auteurs de droit
naturel : « L'expression de ce qui est juste dans des cas
« donnés? » Montesquieu ne l’appelle-t-il pas : La raison
« du père de famille?.. Et, enfin, n’est-on pas tellement
habitué à la trouver d'accord avec la raison et avec l'équité,
que partout où l'équité et la raison se font clairement
apercevoir , nul ne songe à consulter la loi ?
Comment donc imaginerait-on facilement qu'une
femme, parce qu'elle est mariée sous le régime dotal,
peut impunément se Jouer de ses engagements, violer ses
promesses, et reprendre son bien après l'avoir vendu et
en avoir touché le prix.
ns
(1) Suivant quelques auteurs, la prescription n’est même que
trentenaire. Voir notamment M. Benoit, Traité de la dot, tom. r,
page 562.
16
282 ACADÉMIE DE ROUEN.
Nous savons bien qu'en Normandie, et généralement
dans tous les pays où le régime dotal est en usage , les
acquéreurs ont l'esprit ouvert sur les conséquences de ce
régime, et que, là, avant d'acquérir un bien de femme , la
première chose que l’on exige c’est la représentation du
contrat de mariage de la venderesse. Mais il ne faut pas
juger de toute la France par les habitudes du pays que nous
habitons. Dans la plus grande partie du royaume, le régime
dotal est si peu usité qu'on le connaît à peine, les chances
d'inaliénabilité dotale sont si rares qu’on ne s'en préoc-
cupe pas, et, quand, par hasard, il se trouve par-là une
femme dotale, la fraude lui est d'autant plus facile qu'on
est moins attentif à la prévenir.
Remarquez, d’ailleurs, que cette fraude dont nous par-
lons, se trouvera environnée de circonstances telles qu’elle
pourra être pratiquée contre un acquéreur fort soucieux
de ses intérêts, qui, pour connaître la condition de ses
vendeurs , aura fait tout ce qui lui était humainement pos-
sible de faire.
Ce n’est pas, en effet, chose toujours bien facile que de
savoir sous quel régime des époux sont mariés.
On sait qu'après de longues discussions sur la préémi-
pence du régime dotal ou du régime de la communauté de
biens , les auteurs du Code civil ont fini par les adopter
tous deux , laissant les époux libres de prendre l'un ou
l’autre pour base de leurs pactions matrimoniales , et les
laissant libres aussi de ne prendre ni l’un ni l’autre, et de
se faire, suivant leur fantaisie , un régime mixte, amal-
gamé de dispositions puisées tout à la fois au chapitre du
régime dotal et au chapitre de la communauté de biens.
Comme, toutefois, les préférences du législateur étaient
pour ce dernier régime, il en a fait le droit commun de
ue.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 243
la France , et y a soumis à l'avance tous ceux qui se ma-
rieraient sans contrat.
De là suit que, pour connaître les droits d’une femme
mariée, deux questions sont à résoudre :
Existe-t-il un contrat de mariage ? S'il existe, quel est-
il? Il est certain que s’il n'existe pas de contrat , le mariage
est régi nécessairement par les règles relatives à la commu-
nauté de biens ; mais, en supposant qu'il en existe , il reste
à savoir si, des stipulations souvent fort ambigues de ce
contrat, il résulte soumission des époux au régime dotal et
constitution en dot de tels ou tels biens.
Déjà, la première de ces deux questions est, dans beau-
coup de cas, insoluble.
Comment, en effet, l'acquéreur à qui on déclare que la
venderesse s’est mariée sans contrat de mariage, qu'elle
est , en conséquence , commune en biens et capable d’alié-
ner, peut-il vérifier la sincérité de cette déclaration ?
Lors de la discussion du code civil, une mesure fort
sage était proposée ; un des articles du projet voulait que
toute clause de soumission au régime dotal fut affichée
dans la principale salle de chacun des tribunaux de pre-
mière instance, dans le ressort desquels se trouvaient et le
domicile des époux et les immeubles dotaux. (1)
C'eût été quelque chose pour la garantie des tiers que
cette publicité donnée à un contrat qui allait placer deux
citoyens dans une position toute exceptionnelle, toute
exhorbitante du droit commun ; mais l’article fut rejeté
(1) Art, 191 du projet rectifié, présenté dans la séance du 4 bru-
maire an XI.
244 ACADÉMIE DE ROUEN.
sur les observations d'un membre de l'assemblée législative
qui le soutintinutile, en se fondant sur cet axiôme du droit:
Nemo debet esse ignarus conditionis illius cum quo con-
trahit : peut-on présumer, ajoutait-il, que celui qui achète
un bien, ne se fasse pas représenter les titres qui en ren
dent le vendeur propriétaire. (1)
Ni ce député, ni l'assemblée qui s'empressa de faire
droit à sa proposition, ne songèrent, sans doute, que l'ac-
quéreur qui ne trouverait pas le contrat de mariage de son
vendeur au nombre de ses titres, serait bien forcé de se
payer de cette raison. «Nous voulions nous marier en COM-
» munauté de biens, nous nous en sommes tenus aux
» dispositions de la loret n'avons pas fait de contrat. (2)»
Tout ce que l'acquéreur peut exiger quand une pareille
déclaration lui est faite, c’est un acte de notoriété dressé
par un notaire devant lequel plusieurs témoins sont appelés
et viennent dire que, quoiqu'ils connaissent les époux , #/
n'est pas à leur connaissance qu'ils aient fait un contrat de
mariage.
On comprend bien, sans que nous ayons besoin d’in-
sister, toute l'insuffisance d’une pareille preuve. Les démar-
ches que pourra faire l'acquéreur dans les études de notai-
res, n’amèneront pas pour lui un résultat plus satisfaisant ;
car, la loi n'exigeant pas que le contrat de mariage soit
passé devant tel notaire plutôt que devant tel autre, ce sera
mr
(1) Fenet, t. 13, p. 600.
2) L'art 1393 du Code civil est ainsi COnÇu : « A défaut de stipula-
« tions spéciales qui dérogent au régime de la communauté ou le
« modifient, les règles établies dans la {re partie du chapitre 2?
farmeront le droit commun de la France.»
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 245
souvent un notaire fort éloigné de la résidence des époux
qui aura été le rédacteur de leur contrat. Remarquez ,
d’ailleurs, que les vendeurs ou les auteurs des vendeurs
peuvent avoir été mariés bien loin du lieu où ils con-
tractent et à une époque bien reculée.
L'acquéreur qui se laisse tromper par les fausses décla-
rations d’une femme dotale, se disant mariée sans contrat,
, Par conséquent, commune en biens, ne mérite done
pas qu'on lui applique la maxime un peu brutale du droit
romain : Vigilantibus non dormientibus jura subvenrunt.
C'est bien éveillé sur ses intérêts qu'il a contracté. Il a
fait appeler à une enquête de nombreux témoins: il a fouillé
beaucoup d’études de notaires, et l'existence de ce mal
heureux contrat n’a pu lui être révélée. Sa ruine n’en est
pas moins consommée. La femme qui a concouru au contrat,
qui à participé à la fraude, qui, peut-être , l'a inventée et
conseillée , se cache derrière son mari que la loi considère
comme en étant le seul auteur, et, en fait, seul responsable.
Elle a dissipé avec lui le prix de l'immeuble, elle va main-
tenant demander sa séparation de biens, et, quand l’'acqué-
reur aura épuisé toutes ses ressources à poursuivre un
insolvable , cet insolvable viendra partager avec elle les re-
venus de l'immeuble augmenté de toutes les améliorations,
de toute la plus value que l'acquéreur, qui s’en était cru
irrévocablement propriétaire, lui aura fait acquérir (1).
—————
(1) La Cour royale de Rouen a jugé, par un arrêt du 30 novembre
1840, que l’acquéreur d’un immeuble dotal ne pouvait, après l'an-
nullation de la vente , retenir la possession de l'immeuble jusqu'à
ce que la femme ou ses héritiers lui aient tenu compte de Ja plus
value résultant des ainéliorations par lui faites, De Villeneuve
6%, Tt. XL, p. 71.
246 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ce sont là de véritables spoliations que nous voyons la
justice consacrer tous les jours. (1)
Maintenant, allous plus loin, et plaçons-nous dans la
seconde des deux hypothèses que nous avons posées plus
haut.
Le contrat de mariage existe ; pas de difficulté sur ce
point. Il est produit à l'acquéreur, et c’est à lui à démêler,
à travers les ambiguités souvent calculées de sa rédaction ,
l'étendue des droits de sa venderesse.
Qu'il y prenne garde , car la question sur laquelle il a à
se prononcer aujourd'hui, sera soumise un jour à la déci-
sion d’un tribunal, et si la majorité des juges composant
ee tribunal allait ne pas la décider comme lui, sa ruine
serait consommée.
Or, pour faire bien comprendre jusqu'à quel point peut
être épineuse et ardue la question de savoir si le bien qu'on
veut lui vendre est ou n’est pas aliénable , si en l'acquérant
il courra ou ne courra pas les dangers d’une éviction ,
nous avons besoin d'entrer dans quelques détails.
Pour que des biens soient frappés de l’inaliénabilité do-
tale, d’après les principes du Code civil, deux circons-
tances sont nécessaires :
——————
(1) De nombreux arrêts ont même décidé que lorsque la femme
avait des biens paraphernaux, c'est-à-dire non soumis à la dotalité,
elle ne pouvaitêtre contrainte, sur ces biens-là, à indemniser l’acqué-
reur de son bien dotal, qu’elle avait, dans le contrat de vente, déclaré
expressément garanti de tonte éviction. Voir notamment ceux des
Cours royales, de Rouen du 5 décembre 1840, de Toulouse du 19
août 1843, de Limoges du 10 février 1844, de Riom du 13 août
même année,
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 247
1° La soumission des époux au régime dotal, et 2° la
constitution en dot des biens dont il s’agit.
Sans la réunion de ces deux circonstances les biens res-
tent libres.
« La constitution de certains biens en dot, porte l'art.
» 1392, ne suflit pas pour soumettre ces biens au régime
» dotal, s'il n’y a dans le contrat une déclaration expresse
» à cet égard. » Et, d’un autre côté, il résulte des art. 1574
et 1576, qu'alors qu'il y a dans le contrat de mariage une
déclaration expresse de soumission au régime dotal, les
biens de la femme non constitués en dot sont parapher-
naux , c’est-à-dire que la femme en conserve la libre dispo-
sition et peut les aliéner valablement avec l'autorisation de
son mari.
Maintenant, quand y a-t-il, dans un contrat de mariage ,
soumission au régime dotal ? Quand y a-t-il constitution de
dot?
Ici naissent des difficultés sans nombre. A la disposition
de la loi qui veut que la soumission au régime dotal soit
expresse, la doctrine et la jurisprudence se sont empres-
sées d'ajouter qu'elle n'avait pas besoin d’être sacramen-
telle, c'est-à-dire que ces mots : nous nous soumettons au
régime dotal, pouvaient être remplacés par des équivalentsz
C'était tout de suite ouvrir le champ aux interprétations,
et c’est un déplorable champ que celui-là. Jamais on ne
peut y marcher avec sécurité ; les entraves s’y rencontrent
à chaque pas, et les limites reculent toujours à mesure
qu'on avance.
Deux exemples choisis parmi beaucoup d’autres vont nous
faire bien comprendre :
248 ACADÉMIE DE ROUEN.
Des époux déclarent se marier en communauté de
biens, ce qui est une exclusion formelle du régime dotal ;
mais, par une disposition ultérieure de leur contrat, ils
stipulent que les immeubles de la femme seront soumis à
la disposition prohibitoire de l’art. 1554 du Code civil.
L'art. 1554 est situé au chapitre du régime dotal. Il
porte que les immeubles constitués en dot ne peuvent être
aliénés ni hypothéqués pendant le mariage.
Un créancier des époux imagine que s’il ne peut faire
vendre les immeubles, il peut, au moins, faire saisir les
revenus qui sont saisissables sous le régime de la commu-
nauté, auquel les époux lui paraissaient n'avoir voulu appor-
ter de restriction qu'en ce qui concerne les immeubles
seulement.
Ce créancier gagne sa cause devant la Cour royale de
Paris, mais il la perd devant la Cour de cassation qui,
interprétant autrement les stipulations du contrat de ma-
riage, décide qu'il a été dans l'intention des époux de
soumettre leurs revenus aux conséquences de la dota-
lité. (1)
Autre exemple:
Des époux se marient sans déclarer sous quel régime ils
entendent se marier; puis ils stipulent «que les biens
» donnés à la future par ses parents lui seront censés de
» nature dotale pour en conserver les privilèges et préro-
» gatives accordées par la loi. »
Un créancier qui ne croit pas voir dans cette clause obs-
EEE
(1) Arrêt du 24 août 1836, rapporté par M. Dalloz. Vol. de 1837,
°° partic, pag 141.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 249
cure et ambiguë une soumission expresse au régime dotal,
fait saisir les immeubles; il triomphe devant le tribunal de
Jonsac, mais la Cour de Poitiers juge que les stipulations
du contrat expriment suffisamment l'intention de sou-
mettre les biens de l'époux au régime dotal, et équivalent à
une déclaration expresse à cet égard. (1)
Nous pourrions multiplier beaucoup ces exemples sans
nous donner, pour cela, d'autre peine que de feuilleter les
recueils de jurisprudence , tristes monuments de l’imper-
fection des jugements humains, et qui montrent combien
sont sujets à des appréciations différentes les termes dans
lesquels sont rédigés les contrats.
Quant à ce qui concerne la constitution de dot, la loi
n'exige même pas qu'elle soit expresse. Elle peut être
implicite, elle peut être tacite. Il suflit que l'on juge que
des époux mariés sous le régime dotal, ont eu l'intention
de se constituer certains immeubles en dot, pour que ces
immeubles-là jouissent du privilége exhorbitant de l'inalié-
nabilité.
Citons seulement pour exemples deux arrêts de la Cour
de Rouen :
Dans l'espèce de l’un de ces arrêts, la femme avait dit
tout simplement, à l'égard de ses immeubles, qu'elle les
apportait en mariage.
La Cour a jugé qu'apporter en mariage ou constituer en
dot, c'était la même chose. (2)
(1) Arrêt du 17 juillet 1838, rapporté par M. Dalloz. — 1839, 2°
partie, page 3.
(2) Arrêt du 26 mai 1842, jurisprudence de la Cour royale de
Rouen. Vol de 1842, p. 297
250 ACADÉMIE DE ROUEN.
Dans l’autre espèce, la femme n'avait même pas dit
qu'elle apportait ses immeubles en mariage ; seulement le
contrat contenait certaines expressions et certaines clauses
d’après lesquelles la Cour a pensé que les époux avaient
considéré leurs immeubles comme dotaux. (1)
Ce qu'il y avait de déplorable dans les deux espèces que
nous citons, comme, du reste, dans toutes celles analogues
que nous pourrions citer, c’est que, pour surprendre la
confiance de l'acquéreur ou du prêteur, les époux n'avaient
(1) Arrêt du 3 février 1845.
Souvent, dans les contrats de mariage, surtout dans ceux faits à
une époque peu éloignée de la promulgation du Code civil, on ren-
contre des formules empruntées aux usages de l’ancienne coutume
de la province où ces contrats sont passés. Ces formules sont une
cause à peu près inévitable de surprise et d'erreur pour les acqué-
reurs étrangers qui en ignorent la signification.
Ainsi, on a vu dans des contrats de mariage cette déclaration faite
par des époux qu’ils se prenaient en tous leurs biens et droits*, ou
bien qu’ils s’associaient avec tous et chacun de leurs biens et droits
et contractaient une société usagère**, ou bien encore, que la femme
instituait son mari son procureur irrévocable pour le régime et
administration de ses biens présents et à venir ***.
On a jugé qu’en employant ces expressions , autrefois usitées
dans les pays de droit écrit , les époux avaient suffisamment mani-
festé leur intention de soumettre leurs biens à la dotalité, et les
malheureux acquéreurs qui, dans ces expressions étrangères pour
eux, n'avaient pas vu une constitution de dot, ont été ruinés. Ces
décisions étaient très rationnelles et très conséquentes avec ce prin-
cipe consacré par la jurisprudence: que les contrats de mariage doi-
vent, comme tous les autres contrats, s’interprêter par la volonté
présumée des parties contractantes.
* Voir un arrêt de la Cour royale de Poitiers, du 8 décembre 1824.
** Voir un arrêt de la méme Cour, du 24 mars 1826,
#** Arrêt de la Cour de Grenoble, du 28 mai 1425.
—_—..
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 251
négligé aucun moyen. Rendant même de très honorables
jurisconsultes involontairement complices de leur fraude ,
ils avaient demandé des consultations, et, grâce à cette
diversité d'appréciations dont nous parlions tout à l'heure
et qui est le triste apanage de l'intelligence humaine, ils
avaient pu s'appuyer sur des autorités respectables pour
persuader aux tiers qui contractaient avec eux que leurs
biens i'étaient pas constitués en dot, et pouvaient, dès lors,
être aliénés ou servir de gage à leurs engagements ; puis,
une fois le contrat signé et l'argent reçu, ils avaient tout
de suite changé de langage et plaidé le contre après avoir
plaidé le pour.
Nous ne connaissons, pour notre part, rien de plus
immoral que ce double jeu, et notre ame se révolte quand
nous le voyons triompher devant la justice.
Allons plus loin encore, et pour montrer tous les dan-
gers que courent les tiers qui contractent avec les femmes
dotales, supposons un contrat de mariage rédigé dans les
termes les plus clairs, contenant expressément soumission
au régime dotal et constitution de dot, mais en même
temps contenant cette clause si généralement usitée dans
la province que nous habitons, à savoir : que les biens do-
taux de la future sont aliénables moyennant remploi.
Pour bien apprécier la portée d'une pareille clause , il
faut se rendre compte qu'elle laisse subsister, en principe,
linaliénabilité dotale avec toutes les conséquences qu'elle
entraine ; qu'elle n'autorise l'aliénation que sous les con-
ditions expresses, indispensables , d'un remploi, c'est-à-
dire, de l'existence, dans les mains de la femme, d’un
autre bien qui remplace pour elle celui qu'elle a vendu,
qui lui devienne dotal, et dans la valeur duquel elle puisse
retrouver la valeur de celui-ci.
252 ACADÉMIE DE ROUEN.
De à, cette conséquence, qui doit causer l'effroi des
acquéreurs, que , si la condition n’est pas rigoureusement
remplie, l'exception cessant, le principe reprend toute son
énergie, et l’aliénation est invalidée.
Maintenant, dépend-t-il toujours de l'acquéreur de faire
que cette condition, si essentielle à sa sécurité, soit accom-
plie? C’est là ce qu'il faut examiner.
Pour que le remploi soit valable , il faut qu'il soit ac
cepté par la femme ; il faut en outre qu'il soit légalement
constaté par les contrats et par les quittances que le prix
de l’acquisition a été payé avec les deniers provenant de la
vente du fonds dotal. (Art. 1434 et 1435 du Code civil).
Cela suppose que le fonds dotal doit être d'abord aliéné,
et que c’est postérieurement qu'un autre fonds est acquis
pour le remplacer.
Entre l’aliénation et le remploi, l'acquéreur se trouve
dans cette position que la condition indispensable à la va-
lidité de son acquisition n'étant pas remplie , il peut se voir
évincé de l’immeuble qu'il vient d'acquérir.
En vue de cette éventualité , il dépose ordinairement son
prix à la caisse des consignations , afin qu'il ne soit versé
dans les mains du vendeur qu'au moment où celui-ci,
en fournissant un remploi à la femme, effacera le caractère
dotal de l'immeuble, et consolidera la propriété dans les
mains de l'acquéreur.
Mais qu'arrive-t-l souvent? c'est que le remploi qui
aura été annoncé, ne se réalisera pas.
La femme, mieux conseillée, refusera de l'accepter , ou
le vendeur voudra conserver son bien.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 253
L'acquéreur du fonds dotal demandera alors la réalisa
üon de son contrat ; il voudra reprendre son prix et resti-
tuer aux époux un immeuble dont ils pourraient le dé-
pouiller quand ils voudraient. On lui répondra avec la
doctrine et la jurisprudence, que la nullité résultant de
l'art. 1560 du Code civil, n’est que relative; qu'elle peut
bien être invoquée contre lui, mais non par lui; que tout
ce qu'il a droit de faire, c’est de contraindre ses vendeurs
à faire un remploi, mais pour le remploi, il faut trouver un
immeuble qui convienne, et cela peut bien ne pas se ren-
contrer de suite. Pour peu que les époux y mettent de la
mauvaise volonté, quelques mois se passeront, et si, pen—
dant ce temps, l’un d'eux vient à mourir, le remplacement
sera devenu impossible, et le malheureux acquéreur se
verra dépouillé par suite de circonstances qu'il n'était pas
en son pouvoir de conjurer.
Une fois le remploi réalisé, c'est-à-dire accepté par la
femme , et fait en son nom avec les deniers provenant de
la vente de son fonds dotal , l'acquéreur de ce fonds pour-
ra-t-il au moins s'en regarder comme irrévocablement
propriétaire ?
Hélas ! non; car si un jour les époux viennent à subir
léviction du fonds acquis par eux en remploi, pour des
causes antérieures à ce remploi, ils auront droit de recou-
rir sur lui et de se faire renvoyer en possession de l'im-
meuble qu'ils lui auront vendu.
Or, on sait combien, dans l'état actuel de notre législa-
tion hypothécaire, sont fréquentes les évictions résultant
de causes qui n’ont point été prévues par les acquéreurs :
une vente antérieure n'a pas été transcrite et est demeurée
inconnue; un ancien vendeur n’a pas été payé et a conservé
son droit de résolution ; une hypothèque légale n'a pas été
254 ACADÉMIE DE ROUEN.
purgée; tous ces cas, et beaucoup d’autres, peuvent donner
lieu à des évictions qui, en frappant l'immeuble acquis en
remploi, atteignent par un fatal ricochet l'immeuble dotal
remplacé. De façon que les chances périlleuses qui accom-
pagnent inévitablement toute acquisition immobilière, sont
nécessairement doublées pour l'acquéreur d’un bien dotal,
aliénable moyennant remploi.
Mais, sans qu’il y ait eu précisément éviction de l’im-
meuble acquis en remploi, combien de fois n'est-il pas
arrivé que cet immeuble a été jugé insuflisant pour mettre
l'acquéreur du fonds dotal à l'abri des recherches de ses
vendeurs.
Il est certain que si la femme ne trouve pas dans l’im-
meuble acquis la valeur de l'immeuble vendu, le remploi
n’est pas complet. Il y a perte réelle pour la femme, alté-
ration de sa dot, et, comme il est dans les principes du
régime dotal que la dot ne peut jamais être perdue ou
altérée , la femme est, ce cas échéant , parfaitement rece-
vable à soutenir que les conditions sous lesquelles l’aliénation
de son bien dotal avait été permise dans son contrat de
mariage, n'ont pas été remplies; que cette aliénation, illé-
galement faite, doit être considérée comme nulle, et qu’elle
est en droit de reprendre son immeuble en quelques mains
qu'il se trouve, et quelque soit le prix pour lequel il lui a
déjà été payé.
Veuillez bien considérer maintenant quelles seront pour
l'acquéreur les conséquences de cette réclamation, qui
pourra fort bien ne se produire qu'un demi-siècle après
son acquisition. La contestation qui lui sera faite pourra
également porter, soit sur le prix de l'immeuble dotal que
l'on soutiendra avoir été payé au-dessous de sa valeur ,
soit sur celui de l'immeuble acquis en remploi que l'on
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 255
dira vendu trop cher. Or, depuis 50 ans, les circonstances
auront changé Les conditions dans lesquelles se trou-
vaient l'un ou l’autre de ces immeubles, ne seront plus les
mêmes ; la valeur de lun aura pu augmenter beaucoup,
et la valeur de l'autre aura pu diminuer. Cependant des
experts seront nommés, et leur appréciation deviendra la
règle des juges ; or on sait ce que sont les appréciations
d'experts, même lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur
actuelle des biens soumis à leur examen.
Quelles ne devront pas être les légitimes anxiétés d’un
acquéreur qui sera peut-être fort éloigné des lieux où le
procès lui sera intenté, qui aura peut-être depuis long-
temps revendu lui-même l'immeuble en litige et en aura
employé le prix, et qui se verra appelé en garantie par
plusieurs acquéreurs successifs de ce même immeuble,
pour répondre à une action en éviction, fondée sur ce que
des gens, qui lui seront devenus tout-à-fait étrangers, auront
fait jadis une mauvaise spéculation en lui vendant ou en
vendant à ses auteurs un immeuble et en le remplaçant
par un autre.
La seule éventualité d'un pareil procès doit faire frémir
tout homme soucieux de son repos, et personne au monde
ne voudrait , à quelque prix que ce fût, acquérir un im-—
meuble dotal, s’il arrêtait sa pensée sur tous les troubles
qui peuvent suivre une pareille acquisition.
Et que ‘sera-ce maintenant si le contrat de mariage
contient, comme la plupart en contiennent, des res-
trictions à°la faculté d’aliéner moyennant remploi , expri-
mées dans des termes sujets à interprétation. S'il est dit ,
par exemple, comme cela est dit le plus souvent , que le
remplacement devra se faire en immeubles de même
nature ?
256 ACADÉMIE DE ROUEN.
1D
Combien de procès sont nés et naîtront encore , si Dieu
prète vie au régime dotal, sur le sens de ces trois mots,
de même nature !
La femme dotale possédait une ferme, elle achète un
château ; ou bien une pièce de terre en labour, et elle
achète une prairie; ou bien une maison, et elle achète une
usine ; ou bien une auberge , et elle achète un théâtre; ce
sont également des immeubles, également des biens
ruraux ou des biens de ville ; mais le produit n’est pas le
même ; les chances d'amélioration ou de dépréciation ne
sont pas les mêmes non plus. Sont-ce là des biens de
même nature suivant le sens que les rédacteurs du contrat
de mariage ont voulu donner à ces mots ? Sur cinquante
bons esprits à qui la question sera soumise, vingt-cinq
résoudront par l’affirmative , et vingt-cinq par la négative.
Eh bien! un jour viendra où, quand vous aurez payé
votre immeuble, quand vous l'aurez embelli et amélioré ,
quand vous l'aurez disposé suivant vos convenances et
vous serez fait une habitude de sa possession, ou bien
quand vous l'aurez transmis à vos héritiers , l'idée viendra
à votre venderesse , ou à son mari, ou à ses héritiers de
soumettre à un tribunal cette question si controversable,
et, s’il arrive que la majorité des membres composant ce
tribunal soit d'avis que l'immeuble qui vous a été vendu
n'était pas de même nature que l'immeuble acquis en
remploi, vous aurez à subir toutes les conséquences d’une
éviction.
Plaçons-nous maintenant dans une autre hypothèse , et
supposons qu'au lieu d’un remplacement en immeubles,
le contrat, comme cela arrive encore si souvent, autorise
un remploi en garanties hypothécaires.
Voilà l'acquéreur obligé de répondre de la validité et de
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 257
la suflisance de l'hypothèque qui sera donnée à la femme.
Le voilà assumant sur lui toutes les chances périlleuses qui
accompagnent toujours dans notre législation les place-
ments hypothécaires.
Que l’affectation ne soit pas consentie par le véritable
propriétaire des immeubles hypothéqués; qu'elle soit don-
née par un incapable ou sur des biens placés sous le coup
d'une action résolutoire ou en revendication; que l'ins-
cription ne soit pas régulièrement prise ; la femme voyant
son remplacement lui échapper, rentrera dans tous ses
droits contre l'acquéreur de son bien dotal, et, armée du
terrible article 1560 , elle viendra l'expulser de l'immeuble
qu'elle lui avait vendu.
Ilen sera de même si les immeubles hypothéqués sont
jugés insuffisants pour répondre de l'hypothèque ; or cette
insuflisance peut résulter non-seulement de la valeur in-
trinsèque de ces immeubles, mais encore de l'importance
des autres hypothèques dont ils étaient grevés antérieure-
ment au remploi, et parmi lesquelles peuvent se trouver ces
hypothèques légales, qui, étant dispensées de publicité,
sont une source si fréquente de mécomptes pour les em-
prunteurs.
Nous pourrions multiplier jusqu'à l'infini ces hypothèses
dans lesquelles la rédaction plus ou moins ambiguë des
contrats de mariage, peut devenir, pour les acquéreurs de
biens dotaux , une cause de déception et de ruine.
Nous aimons mieux les résumer toutes par cette double
considération qui suflira pour faire apprécier, à quiconque
y voudra bien réfléchir, toute l'étendue du mal. D'une part,
que la plus grande latitude est donnée par la loi aux ré-
dacteurs des contrats de mariage ; qu'ils y peuvent faire
entrer toutes les clauses qui leur sont inspirées par le ca-
17
258 ACADÉMIE DE ROUEN.
price de leur fantaisie, sous la seule réserve du respect dû
aux bonnes mœurs , à la puissance paternelle ou maritale,
et à l'ordre légal des shccessions (1), et, d’une autre part,
que les contrats de mariage s'interprètent , comme tous
les autres contrats, par la volonté présumée des parties
contractantes ; d’où sort cette conséquence désolante pour
les tiers qui ont contracté sous la foi d’un contrat de
mariage , que leur sort sera réglé par les dispositions d’un
acte auquel ils n’ont point été partie , et dont les obscurités
s'interpréteront par la présomption d'une volonté qui leur
à été étrangère.
Maintenant, si l'on considère combien les lois rédigées
par les hommes les plus éminents du royaume, dans un in-
térêt général et avec la plus grande clarté possible, don-
nent encore lieu, tous les jours , à des difficultés d’inter-
prétation qui divisent les plus habiles jurisconsultes ; et
cela encore, lorsque de nombreux monuments de la vo-
lonté qui a présidé à la rédaction de ces lois demeurent
dans les discussions des Chambres législatives, pourra-t-on
trouver supportable la position d’un acquéreur, dont la sé-
curité dépend de l'interprétation qui pourra être donnée un
jour à une clause dont l’ambiguité a peut-être été calcu-
lée à dessein pour le tromper !
Les cas sont donc bien rares où l'acquéreur d’un bien
dotal pourra se considérer comme propriétaire incommu-
table de l'objet de son acquisition.
Le danger à cet égard est si réel et si généralement
senti, que la plupart des acquéreurs , dans les cas où le
contrat de mariage autorise l’aliénation du bien dotal sous
condition de remploi, refusent de payer leur prix et se
(1) Art, 1387, 1388 et 1389 du Code civil.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 259
laissent assigner ; un procès s’en suit, et ce n'est que lors-
qu'un jugement, passé en force de chose jugée, les a con-
damnés , qu'ils consentent à se libérer.
a ,q
Mais alors de deux choses l'une : ou le procès n’est pas
sérieux, c'est-à-dire est concerté à l'avance entre le ven-
deur et l'acquéreur, comme moyen de donner à ce dernier
une sécurité de plus, et, à l'aliénation, une garantie de fixité
qui lui manquerait sans cela, et, alors, si un jour la collision
est découverte, la femme ou ses héritiers, invoquant la
fraude qui fait exception à toutes les règles, feront annuler
le jugement et révoquer l’aliénation : quoties'in fraudem
legis fit alienatio, non valet quod actum est ;
Ou bien ce sera après une contestation sérieuse que l’ac-
quéreur sera condamné à payer son prix, et alors, il aura
à subir toutes les conséquences d’un procès perdu ; c'est-
à-dire que pendant tout le temps où le procès aura duré,
et l’on sait ce que les procès durent, il aura été privé, tout
à la fois, et des avantages de son immeuble dont il n'aura
osé prendre possession, et des intérêts de son prix qu'il lui
aura fallu consigner ; puis, qu'après la décision qui l'aura
condamné, il aura à payer, outre les frais de justice qui
pourront être considérables , les dommages-intérêts que le
vendeur ne manquera pas de réclamer.
En vérité, quand on considère bien tous ces inconvé-
nients et tous ces dangers, on se demande comment les
biens dotaux trouvent des acquéreurs. Ils en trouvent ce-
pendant, mais c’est aux dépens de leur valeur On les paie
moins cher en considération des risques auxquels on s’ex-
pose en les acquérant, et cette moins-value est une perte,
non-seulement pour les vendeurs , mais aussi pour l'Étai
qui voit diminuer ainsi les richesses du pays.
260 ACADÉMIE DE ROUEN.
Si encore les rigueurs du régime dotal n'atteignaient
que les époux qui s’y sont soumis et les tiers qui con-
tractent avec eux, nous l’absoudrions avec la maxime : va-
lentibus non fit injuria ; mais , il n’en est pas ainsi, Déjà
nous avons cité bien des piéges tendus à la bonne foi des
acquéreurs, et auxquels les plus vigilants devaient se
laisser prendre. Ajoutons qu'il est une foule de positions
dans lesquelles on se trouve involontairement en contact
avec la dotalité , et exposé à souffrir de ses exhorbitantes
immunités.
Ainsi, vous êtes créancier, votre débiteur meurt, et sa
succession est acceptée par sa fille, mariée sous le régime
dotal. Celle-ci ne fait pas d'inventaire, et dilapide la suc-
cession ; il se trouvera des juges qui décideront que vous
ne pouvez poursuivre sur ses biens dotaux le recouvre-
ment de votre créance (1).
Vous êtes débiteur, etil plait à votre créancier de
donner pour dot à sa fille sa créance sur vous, en stipu-
lant dans le contrat de mariage l'emploi des deniers do-
taux. Si cetemploi n’est pas fait dans les termes du contrat,
vous pouvez être condamné à payer deux fois (2).
Une femme dotale vous intente un procès; vous vou-
driez en sortir par un arbitrage , la dotalité s’y oppose (3).
Le procès qui vous est fait est d’une révoltante injustice,
vous gagnez votre cause en première instance, en appel,
(1) Citons pour preuve et pour exemple un arrêt de la Cour
d'Agen du 26 janvier 1833, et un arrêt de la Cour de cassation du
3 janvier 1825.
(2) Art. 1553.
(3) Art. 83 et 1004 du Code de procédure civile. Arrêt de la Cour
royale de Montpellier du 15 novembre 1830.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 261
en cassation; mais les dépens sont considérables, vous
ne pouvez les faire payer à votre adversaire , et vous
êtes ruiné (1).
Enfin , il y a plus. Une femme sous le régime dotal se
rend coupable envers vous d'un délit ou d’un crime. Elle
vole votre bourse , incendie votre maison , vous ne pouvez
vous venger sur ses biens dotaux (2).
On voit que personne ne peut se flatter d'être à l'abri
des atteintes du régime dotal, puisqu'alors même qu’on
n'est ni créancier, ni débiteur, ni propriétaire , on ne peut
être à l'abri d’un mauvais procès intenté par une femme
dotale , d'un quasi délit, d’un délit ou d’un crime commis
par elle.
Nous terminerons d'ailleurs par une considération qui
sera comprise par tout le monde :
C'est que, dans le courant habituel des affaires , il est
une foule de petites transactions , de petits contrats , de
petits engagements pour lesquels il n’est véritablement
(1) Arrêt de la Cour d’Agen du 26 janvier 1833 et de Cassation du
26 février 1834.
Il y a, toutefois, des arrêts contraires, et la question est contro-
versée.
(2) Cette doctrine a trouvé, il est vrai, des contradicteurs dont
l'esprit d'équité s’est révolté contre la rigueur du texte ; mais elle
a aussi des défenseurs. V. notamment Terisier, Traité de la dot,
n° 78, note 675. V. aussi un arrêt de la Cour de cassation du 28
janvier 1834 et un arrêt tout récent de la Cour de Montpellier du 4
février 1842.
Tout ce qu’on peut dire dans l’état actuel de la jurisprudence,
c'est que, sur ce point comme sur le précédent, la question est
controversée, ce qui est peu rassurant pour les tiers.
262 ACADÉMIE DE ROUEN.
pas possible de prendre toutes les précautions que , dans
les grandes affaires, la prudence conseille.
Par cela seul que des époux occupent dans le monde
un rang distingué, qu'ils font de grandes dépenses, étalent
un grand luxe, chacun les croit riches ; qu'il leur plaise
d'acheter à crédit ou d'emprunter une petite somme , se
fera-t-on représenter leur contrat de mariage , s'inquié-
tera-t-on de savoir si la fortune vient du mari ou vient
de la femme , si les biens de l’un sont plus que suflisants
pour solder les reprises de l'autre, et si dans le cas d’une
séparation de biens, entre les époux, après la liquidation
des droits de la femme , il resterait au mari de quoi payer
les dettes du ménage... ?
La pensée n'en viendra même pas.
Il y a plus, c’est que, même après la séparation pro-
noncée en Justicej, même après l'insolvabilité du mari
constatée par la ruine de nombreux créanciers, les ap
parences de fortune que, grâce à la dot de sa femme,
celui-ci conserve, sont pour les tiers une cause inces—
sante de tromperie.
Nul ne peut imaginer que ce brillant équipage dans le-
quel il se promène, cet hôtel somptueux qu'il habite, les
domestiques nombreux qui le servent, rien de tout cela
n’est à lui. On lui vend et on lui prête sur la foi des biens
qu'il étale et de la fortune qu'on lui suppose; puis , quand
on vient saisir, la femme se montre , et dit : « Tout est à
«moi, à moi l'équipage, à moi l'hôtel, à moi les beaux
« meubles ; mon mari n’a rien, c’est moi qui le nourrit, qui
le vêlit, qui le loge, qui le promène en voiture. Je fais
tout cela parce que je le veux bien, parce que, d’ailleurs,
la loi m'oblige à vivre avec lui et à pourvoir à son entre-
=
=
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 263
«tien; mais la loi ne m'oblige pas de payer ses dettes,
« je ne veux pas les payer et ne les paierai pas. »
En vérité , il serait peut-être d'une bonne police d'o-
bliger tous les époux mariés sous le régime dotal à se
munir de crecelles , comme autrefois les lépreux, pour
écarter les passants, et tenir les gens en garde contre les
dangers qui peuvent résulter de leur contact.
$ Hi.
Du régune dotal considéré dans ses rapports avec
l'intérêt général du pays.
Après avoir examiné le régime dotal au respect de l'in-
térêt des époux et de l'intérêt des tiers, il nous reste à
l'envisager au point de vue de l'intérêt général du pays.
Ce troisième aspect de la question est tout à la fois le
complément et la conséquence des deux autres.
L'intérêt public se compose de la réunion des intérêts
privés , et il est bien impossible que , lorsqu’au sein d’une
société tant de froissements particuliers se font sentir,
la société toute entière ne s'en trouve pas, Jusqu'à un
certain point , ébranlée.
Ainsi, déjà , quant à la morale publique, combien n'a-
t-elle pas à souffrir du scandale de toutes ces fraudes dont
nous avons parlé, et qui se réalisent au grand jour, sous
les yeux, et, en quelque sorte, avec la protection de la
justice qui en consacre , par ses décisions, les résultats
spoliateurs.
Lorsque , dans le sanctuaire des lois, il est permis à
une femme d'élever la voix, et de dire :
26* ACADÉMIE DE ROUEN.
« Pour obtenir de vous le paiement de mon immeuble,
« je vous ai caché mon contrat de mariage , et vous ai dit
« qu'il n'existait pas. Ou bien : j'ai abusé de votre igno-
«rance et de votre confiance en moi, pour vous faire
« croire qu'il me donnait le droit de recevoir votre argent,
« mais tout cela de ma part était fraude et mensonge,
« payez-moi une deuxième fois, ou rendez-moi mon bien. »
Lorsqu'un pareil langage, loin d'être couvert par les
huées de l'auditoire et flétri par l'indignation des ma-
gistrats, est au contraire couronné de succès et suivi de
la spoliation de l'acquéreur trompé, ne sort-il pas de Rà,
pour les masses, une impression mauvaise qui tend à
pervertir chez elles le sentiment du juste et du vrai, et à
ébranler dans le peuple la confiance et le respect qui sont
dus aux dispensateurs de la justice!
Mais ce n’est pas seulement la morale publique qui est
blessée par de pareils exemples.
Les intérêts généraux de la propriété en souffrent éga-
lement.
Pour être utile et féconde , la propriété a surtout besoin
d'une grande stabilité , et le propriétaire qui voit son voisin
dépouillé par des causes qu'il n'avait pu prévoir, croit
sentir aussi le sol trembler sous ses pas.
S'il possède avec crainte , il hésitera à faire des amé-
liorations dont il ne se croira pas sûr de recueillir les fruits,
et ce sera autant de perdu pour les richesses du pays.
Mais, ce qui est une cause de perte bien plus grande
encore pour le pays, c'est, d’une part, l'immutabilité de
tous les biens-fonds frappés de l'inaliénabilité dotale, et, de
7
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 265
l'autre, la moins-value de tous ceux qui, quoique dotaux,
sont aliénables sous certaines conditions.
Nous n'avons pas besoin de nous arrêter à de longues
considérations d'économie politique pour démontrer ces
deux propositions fort évidentes par elles-mêmes.
Des biens qui ne circulent pas, sont, à certains égards ,
pour la fortune publique, comme s'ils n’existaient pas, et
des biens qui exposent à des dangers d'éviction ceux qui
les acquièrent, voient nécessairement leur valeur dimi-
nuer en raison de la gravité et de l'imminence de ces
dangers.
Avant la loi du 27 avril 1825, qui, en accordant une
indemnité aux émigrés victimes des confiscations révolu-
tionnaires, a donné à ces confiscations l'irrévocabilité
d'une juste et équitable consécration, il est certain que la
vague inquiétude qui agitait les possesseurs de leurs biens,
malgré tout ce qui avait été dit et fait pour les rassurer,
suflisait pour faire subir à ces biens une notable dépré-
ciation.
Une dépréciation bien plus grande , parce que les dan-
gers sont bien plus réels, frappe aujourd'hui les biens
dotaux.
Celui qui ne peut acquérir qu'à la condition de fournir
un remploi à son vendeur, de demeurer garant de la va-
lidité de ce remploi , de ne pouvoir se libérer avec sécu-
rité qu'après avoir soutenu et perdu un procès ; enfin,
à la charge de tous les périls que nous avons signalés
dans le paragraphe qui précède, celui-là , bien certaine-
ment, s'il consent à se soumettre à ces embarras et à
courir ces périls, en voudra trouver le dédommagement
daus la vileté du prix de son acquisition.
266 ACADÉMIE DE ROUEN.
Aussi, voyons-nous en Normandie , par exemple, où les
biens dotaux aliénables, moyennant remploi, couvrent
une grande partie du sol, que la première question que
fait un acquéreur tend à savoir si le bien qu'on lui offre
n’est pas un bien dotal, comme on demandait autrefois
si les biens à vendre n'étaient pas des biens d'Église ou
des biens d’émigrés , confisquées révolutionnairement.
Mais, au contraire de la dépréciation des biens d'émigré
qui allait toujours diminuant, parce que les craintes de
dépossession s’amoindrissaient à mesure que s'éloignait
le fait unique qui aurait pu y donner lieu , la dépréciation
des biens dotaux augmente tous les jours, parce que tous
les jours de nouveaux exemples de dépossession viennent
effrayer les acquéreurs ; parce que , dans un temps où les
capitaux sont sollicités de toute part par les avantages
que présentent les spéculations hasardeuses de l'industrie
et du commerce, ce n’est que la considération d’une
grande solidité qui peut poïter les capitalistes à se con-
tenter des faibles intérêts que donne la propriété foncière ;
parce que , enfin, la soif du gain domine de plus en plus,
et qu'elle inspire aux vendeurs des tromperies qui en-
gendrent, à leur tour, de justes méfiances chez les ac-
quéreurs.
La dotalité porte donc une double atteinte à la richesse
du pays qu'elle diminue dans la double proportion des
mutations de propriété qu'elle empêche , et de la moins-
value qu'elle fait subir aux immeubles aliénables moyen-
nant remploi.
Nous ne pensons pas que cette fächeuse conséquence
du régime dotal , ait jamais été contestée , ni qu'elle puisse
l'être par qui que ce soit, mais souvent nous avons en—
tendu les partisans de ce régime s’applaudir des entraves
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 267
5
qu'il apporte à la transmission des propriétés foncières
dans l'intérêt de l'agriculture, qu'ils voient menacée dans
son avenir par le morcellement toujours croissant des
héritages.
Sans vouloir contester les ressources que les grandes
exploitations présentent à certaines branches de notre agri-
culture, et tout en comprenant les légitimes préoccupations
de nos économistes en présence des dangers que fait pres-
sentir le morcellement dont ils se plaignent, nous nous
croyons fondés à dire que, non seulement le régime
dotal n’oppose pas de véritables entraves au morcelle-
ment des propriétés , mais qu'il met obstacle au seul re-
mède utile qui puisse être apporté à ce fléau agricole,
en rendant plus diflicile la réunion des propriétés con-
tigues.
Cela demande quelques développements.
Deux causes, suivant nous, concourent au morcellement
des propriétés :
Les partages entre héritiers et les ventes en détail.
Ce n'est pas à dire, toutefois, que ces deux causes doi-
vent être placées sur la même ligne.
Il en est une dont l’action est plus lente que celle de
l'autre, mais en même temps bien plus puissante, bien
plus générale, bien plus sérieusement inquiétante.
&
Les ventes en détail n'affectent ordinairement que cer-
tains terrains , situés dans des positions exceptionnelles, ou
bien des héritages qui ne peuvent gagner à être divisés
que parce qu'ils seront mieux cultivés par parcelles qu'ils
ne l’étaient dans leur ensemble , et, dans ce dernier cas,
l'agriculture regagne d'un côté ce qu'elle perd de l'autre.
268 ACADÉMIE DE ROUEN.
Mais les partages de succession font sentir leur influence
dissolvante sur toute la surface du territoire. Toutes les
exploitations agricoles vont s'amoindrissant en passant du
père aux enfants, de l'oncle aux neveux. Ce sont des ar-
bres qui se divisent, d’abord en grosses branches, puis en
petits rameaux , et cela, tant que la matière est divisible,
c'est-à-dire jusqu'à l'infini.
Sous l’ancien régime, chacune des deux causes que
nous venons d'indiquer, avait son retenail, s'il nous est
permis d'emprunter à Bossuet cette expression énergique.
Les substitutions empêchaient les ventes en détail, et
le droit d’aînesse conservait l'héritage entre les mains de
l'aîné de la famille.
Le droit d’ainesse a disparu de nos lois sans y laisser
aucune trace de sa longue existence, et le partage égal des
successions suflirait bien à lui seul, et en peu de temps,
pour amener entre tous les héritages ce morcellement
justement redouté, si, à côté de son action destructive, ne
se trouvait une autre force constituante et créatrice , dont
tout à l'heure nous allons parler.
Quant aux substitutions , c'est évidemment en mémoire
d’elles que les sectateurs de la dotalité ont vanté les avan-
tages conservateurs de l'inaliénabilité dotale ; mais 1l nous
paraît évident qu'ils ont été frappés d’une fausse analogie.
Les biens substitués étaient à toujours inaliénables. Les
biens dotaux, au contraire, ne sont inaliénables que pendant
la durée du mariage pour lequel ils ont été constitués en
dot.
Cette inaliénabilité temporaire peut bien retarder l’exé-
cution des projets du spéculateur, mais elle n'y fait pas re-
noncer,; et, si une propriété se trouve telle par sa situation,
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 269
qu'il y ait avantage à la diviser, ce ne sera pas aujourd'hui,
mais ce sera demain que la spéculation la divisera.
L'avenir n'y aura rien gagné, et, en matière de législa-
tion et d'économie politique, c’est sur l'avenir qu'il faut
avoir toujours les yeux fixés.
Il est donc certain qu’en l'absence du droit d’aînesse et
des substitutions, et par la double action des ventes en
détail et des partages successoraux, les biens ruraux ten-
dront toujours à se diviser et à s'amoindrir, jusqu'à ce que,
cédant à des forces d'une nature différente, leurs parties
divisées se réunissent, s’agglomèrent, et forment de nou-
velles grandes exploitations sur les débris de celles qui
disparaissent.
Ces forces dont nous parlons et dont le facile développe-
ment doit exciter maintenant toute la sollicitude des éco-
nomistes , ne manqueront jamais au pays.
A côté des fortunes qui s'écroulent, il en est d'autres
qui se créent. Les spéculations qui ruinent les uns, enri-
chissent les autres. Tel a toujours été et sera toujours
l’inévitable effet des vicissitudes humaines.
Dans tous les temps, nous verrons les capitaux s'amon-
celer dans certaines mains privilégiées, et, quelque soit la
source de ces richesses, qu'elles soient dues au commerce
ou à l'industrie, à l'exercice des professions libérales, aux
efforts du génie ou au hasard de l’agiotage, leurs heureux
possesseurs chercheront toujours à les consolider dans
leurs mains au moyen des garanties de fixité que peut seule
offrir la propriété foncière.
Nous aurons donc dans l'avenir, comme nous avions
dans le passé, de grands propriétaires fonciers.
270 ACADÉMIE DE ROUEN.
Le sol ne sera plus comme autrefois à l'aristocratie no-
biliaire ; mais il appartiendra toujours à l'aristocratie d'ar-
gent, et, pour ce qui concerne les intérêts de l’agriculture,
peu importerait si, dans les mains de ces possesseurs nou-
veaux , les héritages pouvaient comme autrefois se consti-
tuer en grands domaines , en grandes exploitations.
Malheureusement il n’en est pas ainsi.
Ceux qui, de nos jours , possèdent de grandes fortunes
territoriales , ont leurs biens éparpillés sur beaucoup de
points différents. Tel qui pourrait posséder un vaste do-
maine et y déployer avec avantage toutes les ressources de
l'agriculture appliquée en grand, en est réduit à ne posséder
que de petites fermes , isolées les unes des autres, et sou-
mises aux conditions défavorables de la petite culture.
Assurément ce n’est pas dans le caprice des propriétaires
qu'il faut chercher la raison de ce fâcheux état des choses.
L'intérêt est un guide dont les avis sont rarement négligés,
et ici, il parle assez haut pour croire qu'on l’écouterait, si
l'on pouvait librement suivre ses inspirations ; mais, dans le
temps où nous vivons, acquérir suivant ses convenances
n'est pas toujours chose aisée.
D'abord les convenances sont entrées dans le commerce,
il faut les payer et souvent les payer fort cher. Puis, outre
cette triste conséquence de l'esprit de cupidité et d'égoïsme
qui a envahi nos mœurs, la législation apporte aussi ses
entraves, au nombre desquelles celles résultant du régime
dotal doivent être comptées en première ligne.
Malheur en effet au propriétaire dont l'héritage se trouve
borné par un bien dotal. Cette limite sera pour lui infran-
chissable, et jamais il ne pourra, de ce côté, agrandir son
domaine.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 271
Abolissez le régime dotal, diminuez les droits de mu-
tation, corrigez les vices de notre système hypothécaire ,
en un mot, rendez plus faciles et plus sûres les échanges
et les transmissions d'immeubles, bientôt vous verrez de
tous côtés de petites propriétés contiguës se réunir et se
confondre, pour former, dans les mains d’un propriétaire
commun, une exploitation unique, importante par son éten-
due, et, par cela même, avantageuse dans son exploitation.
L'agriculture y gagnera , l'industrie y trouvera aussi ses
avantages.
La loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique
donne à l'État et aux compagnies concessionnairés de tra-
vaux publics, subrogées dans ses droits, des moyens pour
franchir les entraves de la dotalité. Les biens dotaux de-
viennent aliénables dès qu'ils sont nécessaires pour l'exé-
cution des travaux légalement reconnus pour être d'utilité
publique.
Le tribunal ordonne alors les mesures de remploi qu'il
Juge nécessaires, et l'embarras n'existe plus que pour les
propriétaires obligés de se conformer à ces mesures.
Mais, quand c'est un particulier qui , pour une opération
industrielle, a besoin de réunir plusieurs propriétés privées,
les mêmes facilités ne lui sont point octroyées par la loi.
Si, au nombre de ces propriétés dont la réunion est
utile, il se trouve un bien dotal, toute la spéculation est
entravée.
Il faudra renoncer à créer une de ces grandes usines qui
répandent le travail, l’activité, l'aisance dans tout un pays,
à ouvrir un de ces beaux passages qui, tout en faisant la
fortune de ceux qui les exploitent, offrent au publie des
272 ACADÉMIE DE ROUEN.
moyens si commodes et si agréables de communication ;
à former un de ces vastes établissements de santé ou d'é-
ducation qui permettent de respirer au sein des villes l'air
salubre de la campagne.
Encore que l'utilité publique de pareilles entreprises ne
reçoive pas la sanction d'une décision administrative , elle
n’en est pas moins incontestable; car tout se tient en éco-
nomie politique , et l'intérêt public n'est autre chose que
cette espèce de solidarité qui existe entre tous les intérêts
privés.
Pour qu'une spéculation fasse la fortune de ceux qui
l'entreprennent , il faut qu’elle réponde à des besoins,
qu'elle donne satisfaction à des intérêts généralement sen-
tis. Il faut, en d’autres termes, qu’elle soit avantageuse
au public. D'où suit, qu’entraver la spéculation de l'intérêt
privé, c’est nuire à l'intérêt public.
Tels sont nos griefs contre le régime dotal.
Nous les avons exposés avec bonne foi et sincérité, nous
les livrons maintenant aux méditations de nos lecteurs, avec
la confiance que peut inspirer une conviction profonde et
le sentiment d'un devoir accompli.
Déjà nous savons avoir pour nous les sympathies des ju-
risconsultes, des praticiens, des économistes les plus éclai-
rés de cette province dans laquelle le régime dotal a pour-
tant de si profondes racines.
Contre nous, nous aurons nécessairement le grand nom-
bre qui ne voit dans le régime dotal que la planche de salut
qu'il tend, après le naufrage de leur fortune, à des familles
intéressantes , victimes de spéculations, de prodigalités
auxquelles leur chef seal a pris part.
CLASSE DES BELLES LETTRES. 273
Sans contester les avantages de cette planche de salut ,
nous croyons qu'elle est payée de trop de gènes, de trop
de sacrifices, de trop de douleurs par ceux même à
qui elle peut devenir un jour utile; puis, à côté de ces fa-
milles intéressantes auxquelles elle conserve l'aisance, nous
voyons les familles des créanciers souvent bien intéressantes
aussi, et s’il faut que les unes ou les autres soient ruinées ,
il nous paraît préférable que ce ne soit pas celles au sein
desquelles il n°y a eu ni prodigalité, ni dissipation.
18
D on NON D SONO S D UNS D DNS D NS SN NS
L'OEIL DE DIEU,
ŒCanserie paternelle d'une Soirée d'Octobre.
PAR M. F. DESCHAMPS.
Mon enfant , la nuit est venue;
Enfoncé dans mon grand fauteuil ,
Le front couvert du garde-vue,
J'ai l'air grave comme un aïeul.
Toi, près de mon feu qui flamboie ,
Assis bien bas, presqu'à mes piés,
Vers moi tu lèves avec joie !
Tes veux encor tout éveillés.
A travers ton malin sourire
Et tes petits airs agaçants,
J'ai compris ce que tu désire :
Tu demandes des jeux bruyants.
CLASSE DES BELLES LETTRES. 275
A tes vœux si je veux répondre,
Il faut, dépeuplant mon lambris ,
Te laisser entasser, confondre,
Chaises , fauteuils, tables, tapis.
Puis il faut t'aider à construire ,
Avec mes meubles renversés ,
Quelque port ou quelque navire,
Quelque donjon aux grands fossés.
Non — tiens, regarde à la fenêtre,
Quel triste ciel ! quel sombre soir !
Octobre siffle ! il pleut peut-être !
La lune a pris son voile noir,
L'arbre gémit, la vitre tremble,
Le temps est triste et soucieux ,
Au soleil nous joûrons ensemble ;
Mais ce soir soyons sérieux.
Mon fils, au-dessus du tonnerre,
Bien haut, bien haut , au fond des cieux,
Il est un grand œil sans paupière ,
Qui voit tout, qui plonge en tous lieux ;
1
ACADÉMIE DE ROUEN.
De la terre il voit les entrailles,
Perce la voûte des forêts,
Et les plus épaisses murailles
Où l'homme cache ses secrets.
Cet œil qui jamais ne se ferme,
Profond , immense et plein d’un feu
Sans commencement et sans terme ,
Cet œil, mon fils, c'est l'œil de Dieu !
Dieu ! mot qui confond la science,
Mot que nul ne sait définir,
Et que ta frèêle intelligence
Ne peut concevoir ni sentir.
De ce mystère de l'espace
Tu ne peux voir la profondeur,
Je t'en veux montrer la surface ;
Ne m'écoute qu'avec ton cœur.
On t'a dit que dans sa puissance
Dieu créa tout ce que tu vois :
Les cieux avec leur voûte immense,
La mer, les montagnes, les bois ;
=
CLASSE DES BELLES-LETTRES.
Tout ce qui marche , vole ou nage ,
Peuple le sol, les eaux, les airs,
L'homme, enfin, son plus grand ouvrage,
Auquel il donna l'univers.
Or, comme l'ouvrier habile
Veille à l'œuvre qu'il a construit,
Rend sa marche sure et facile,
Répare, entretient, affermit :
Dans sa sublime prévoyance ,
Dieu veille aussi. Ce soin jaloux ,
Mon enfant, c'est la Providence ,
C'est le grand œil ouvert sur nous ;
Ïl nous suit partout où nous sommes,
Nous voit , les petits et les grands,
Regarde les travaux des hommes
Et les jeux des petits enfants.
Près de lui, sous le doigt d’un ange,
S'ouvre le grand livre d’airain
Où se lit le rare mélange
Du bien avec le mal humain.
1D
-{
Si
ACADÉMIE DE ROUEN.
Quand Dieu rencontre sur la terre
Le bien dans son divin essor,
Le bien, ce fils de la lumière,
Dieu l’inscrit sur les feuillets d’or.
Mais son regard perce les ombres,
Et, quand il aperçoit le mal,
Il l'inscrit sur des feuillets sombres
Trempés dans le plus noir métal.
Ce que tu fais, ce que tu pense,
Ce que ta bouche ou ton cœur dit,
Par Dieu , qui le connait d'avance,
Aux cieux chaque jour est écrit.
Car il ne néglige aucun être ;
Dans cette immense égalité
Qu'il nous convie à reconnaitre ,
Sur tous il étend sa bonté.
Les grands efforts de la science ,
Les grands desseins du conquérant,
Ne sont pas, devant sa puissance ,
Plus que les rêves de l'enfant.
a
CLASSE DES BELLES-LETTRES.
Bien plus , sa sagesse profonde
Préfère accorder son appui
A ceux qu'a moins touchés le monde ,
Qui sont encor plus près de lui.
Pour lui', c'est une douce chose :
Souvent , fatigué des méchants ,
Il se détourne et se repose
Sur le front des petits enfants.
Mais, s’il faut aussi qu'il les nomme
Injustes , jaloux ou menteurs ,
S'il trouve les vices de l’homme
Implantés dans ces jeunes cœurs :
Alors il prend un front sévère ,
Il étend son bras, il maudit ,
Et, dans sa divine colère :
Sur les feuillets noirs il écrit.
S'il voit l'enfant, l’ame attendrie
Puiser dans son petit trésor
Pour donner au vieux qui mendie ,
Dieu l'écrit sur les pages d'or.
[Da
1
9
280
ACADÉMIE DE ROUEN.
S'il voit l'enfant près de son père
Soumis , docile , affectueux ,
Cherchant avant tout à lui plaire,
Lisant ses désirs dans ses yeux ;
Si pour le travail, loi suprême
Que Dieu dicte à l'humanité,
Il sait quitter le jeu qu'il aime
Sans trop pleurer sa liberté ;
S'il entoure de gratitude
Celui qui, par un lent effort,
L'appelle aux secrets de l'étude,
Dieu l'écrit sur les pages d'or.
Mais si Dieu voit l'enfant colère ,
Cruel, envieux , querelleur,
S'il est sans amour pour son père,
Sans respect pour son précepteur ;
Ces devoirs que le maître donne ,
S'il les repousse et les maudit ,
S'il résiste quand on ordonne,
Dieu sur les feuillets noirs écrit.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 281
Si, pour le pauvre prolétaire
Que le sort fit son serviteur ,
[n'a qu'une parole altière
Pleine de morgue et de hauteur ;
S'il passe avec indifférence
Auprès du pauvre qui gémit,
Sourd à la voix de la souffrance ,
Dieu sur les feuillets noirs écrit.
Mais sur le livre ouvert par l'ange,
Si trop souvent s'inscrit le mal :
Dieu lassé punit et se venge,
Et son courroux devient fatal.
À l'enfant que gonfle et soulève
L'envie et l’orgueil, maux cuisants À
Ou bien qui, sans repos ni trêve ,
Veut au jeu vouer tout son temps ;
À celui qu'irrite , exaspère
L'avis des amis bienveillants ,
Qui par le feu de la colère
Excite, brûle, aigrit ses sens ,
ACADÉMIE DE ROUEN.
Dieu, pour le châtier, envoie
La maladie et ses douleurs ,
Messagère tuant la joie,
Arrachant les cris et les pleurs.
Elle a pour compagne fidèle
La fièvre, aux membres amaigris ,
Qui vient saisir l'enfant rebelle
Et dompter l'élève insoumis.
Alors , pour le petit malade,
Plus de fête, plus de plaisir,
Plus de bois pour la promenade ,
Plus de prés unis pour courir.
Alors le jouet inutile
Excite des vœux superflus ;
Et sur sa bascule immobile
Le grand cheval ne danse plus.
Le buis tournant que le fouet chasse,
En ronflant ne peut plus rêver,
Et le cerf-volant , dans l’espace ,
Tout fier, ne peut plus s'élever.
CLASSE DES BELLES-LETTRES.
La voiture reste arrêtée ,
Et le joli petit bateau
Ne suit plus la pointe aimantée
Qu'il cherchait en glissant sur l’eau.
Ainsi, tu le vois, sur la terre ,
Où tout n'est pas juste pourtant ,
Le bien a déjà son salaire ,
Le mal déjà son châtiment.
En m'écoutant , l'âme étonnée ,
Et tourmenté par le regret,
L'auditeur, la tête inclinée ,
Songeait au mal qu'il avait fait à
Et sa petite voix tremblante,
Eclatant en sanglots confus s
Disait, plaintive et suppliante :
«Père , je ne le ferai plus. »
283
D10000000000000000000020000000000000000000LNOOONONQNONENNENTONNOEDEO M
BIOGRAPHIE NORMANDE.
NICOLAS BRETEL.
Ambassadeur de France à Home et à Venise.
1644—1648.
La Normandie est peut-être la province qui a donné à
la France le plus de négociateurs. L'esprit de Sapience,
la finesse , la ruse poussée jusqu'à la duplicité, la pru-
dence qui devine et déjoue les plans des adversaires, la
persévérance à poursuivre le même but en variant les
moyens, tous ces traits caractéristiques du génie Nor-
mand conviennent merveilleusement aux luttes diploma-
tiques. Aussi, trouve-t-on un grand nombre de Rouennais
employés dans les ambassades. A l'époque surtout où Ri-
chelieu abaissait l'aristocratie féodale et élevait le Tiers-
État , les familles parlementaires de Normandie lui four-
nirent des agents habiles ; ainsi, les Gremonwville ( Nicolas
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 285
et Jacques), les Groulart, les d'Amontot (1), pour ne citer
que quelques noms, servirent la glorieuse politique de
Richelieu et de Mazarin , en Italie, en Autriche et en Hol-
lande, et prirent une part active à des négociations du
plus haut intérêt. Et, cependant , leurs noms sont restés
obseurs. Il faut surtout l’attribuer à la nature de leurs
services, qui, enveloppés des mystères de la diplomatie ,
ne pouvaient avoir l'éclat des succès obtenus dans les
lettres ou sur les champs de bataille. Leur correspon-
dance, qui aurait pu seule révéler l'importance de leur
rôle, était presque toujours condamnée à l'oubli par des
considérations politiques. De nos jours, ces motifs n'im-
posent plus silence à l'histoire, et une publication récente
a fait ressortir le mérite d'un de ces diplomates rouennais,
le chevalier de Grémonville (2). Ses dépêches montrent une
audace, une souplesse d'esprit et une fécondité de génie
qui le placent à un rang élevé parmi les ambassadeurs.
Mais son frère ainé, qui remplit aussi des fonctions diplo-
matiques, a été moins heureux. La Biographie Univer-
selle , dans l’article de quelques lignes qu’elle lui a con-
sacré (3), a entassé erreurs sur erreurs. Elle le confond
avec son père, Raoul Bretel de Grémonville , président
au Parlement de Normandie, et avec son jeune frère,
Jacques Bretel, ambassadeur à Vienne. Elle le fait vivre
(1) Ce personnage, aujourd’hui profondément oubiié, eut une
grande réputation au xvn'siècle. Il se nommait Raoul Le Seigneur,
sieur d’Amontot, et fut successivement négociateur en Hollande,
à Cologne , à Bruxelles, et ambassadeur à Gênes.
(2) Négociations relatives à la succession d'Espagne , publiées
par M. Mignet, dans la collection des documents inédits de l'His-
toire de France. a paru quatre volumes in-4 de cet ouvrage.
(3) Biographie Universelle , art. BRETEL ( Nicolas ).
286 ACADÉMIE DE ROUEN.
en 1671, plus de vingt ans après sa mort. J'ai cru utile, pour
la biographie de la Normandie et même pour l'histoire
de la diplomatie française de rectifier de pareilles er-
reurs. Sans avoir la ridicule prétention de découvrir des
grands hommes inconnus, il est du devoir de ceux qui
ont à cœur la gloire de la Normandie et la justice due à
ses enfants, de rendre hommage à leur mérite, et de
sauver leur mémoire d’un injuste oubli. Tel est le motif
qui m'a porté à tracer cette esquisse biographique ; elle
aura, du moins, l'avantage de s'appuyer sur des docu-
ments d’une authenticité incontestable (1).
Nicolas Bretel, naquit à Rouen en 1606. Il était fils
aîné de Raoul Bretel, sieur de Grémonville, président au
Parlement de Normandie , et d’'Isabeau Groulart, fille du
premier président Claude Groulart. Nicolas Bretel fut
baptisé au mois de juillet 1606, dans l’église de Saint-
Cande-le-Jeune (2). Ilfit ses premières études au collége des
Jésuites de Rouen, suivit plus tard un cours de droit dans
la maison paternelle sous la direction d’un jurisconsulte
appelé par le président de Grémonville , et alla enfin com-
pléter son instruction à l'Université d'Orléans , qui s’oc-
cupait principalement de l’enseignement du droit. Nicolas
Bretel fréquenta les cours de l'Université d'Orléans pendant
(1) J'ai eu à ma disposition tous les papiers de Nicolas Bretel,
qu'a bien voulu me confier M. Bezuel, propriétaire des archives
de la famille de Grémonville. L'ambassadeur avait déposé un double
de sa correspondance diplomatique dans la bibliothèque de Saint-
Germain-des-Prés. Ce manuscrit fait maintenant partie de la Bi-
bliothèque royale. M. Daru s'en est servi dans son histoire de
Venise.
(2) Gette église était située rue aux Ours; elle sert maintenant
de magasin.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 287
deux ans, puis se rendit à Paris, et s’y forma à la pratique en
suivant le barreau sous la direction d’un docteur en droit,
maître Colombel. En 1631 , il acheta une charge de con-
seiller au Grand Conseil, et fut reçu l’année suivante en
qualité de membre de ce tribunal suprême (1).
En 1632 , il épousa Anne-Françoise de Loménie , d’une
ancienne famille de secrétaires d'État, et ne tarda pas à
entrer dans les fonctions administratives. Richelieu venait
de créer un des plus puissants ressorts du gouvernement
monarchique , les Intendants de province. Ces magistrats ,
nommés par le Ministre, placés sous sa main, changeant
souvent de résidence, agents dévoués de sa politique,
étaient choisis d'ordinaire parmi les jeunes conseillers
d'État, dont Richelieu avait distingué le zèle et la capacité.
Grémonville fut désigné pour remplir ces fonctions. Le
18 avril 1639, Richelieu le nomma Intendant de Justice
à l'armée que commandait en Picardie le maréchal de
Châtillon. Grémonville assista, en cette qualité , au siége
d'Arras (1640), et contribua, par son activité et sa pré-
voyance , à la prise de cette ville, et à la conquête de toute
la province d'Artois. Richelieu récompensa ses services
en le nommant aux fonctions d'Intendant de justice , fi-
nances et police en Champagne (23 septembre 1640). Le
titre seul de la charge indique quelle vaste puissance exer-
çaient ces délégués du Ministre. Grémonville prit part à
toutes les opérations de l'armée de Champagne qui cou-
vrait notre frontière septentrionale menacée par les Espa-
gnols. Il assista à la bataille de la Marfée , près de Sédan
(1641), et les éditeurs des Mémoires de Montrésor ont
ES
(1) Tous ces détails sont tirés du procès-verbal d'information
de vie et mœurs de Nicolas Bretel, qui fut dressé , suivant l'usage ,
avant son entré au Grand Conseil.
288 ACADÉMIE DE ROUEN.
emprunté à sa correspondance quelques détails sur cette
journée (1). Appelé le 12 août 1642 à l’Intendance de Lan-
guedoc, Grémonville contribua à organiser l’armée qui
envahit la Catalogne, et, l’année suivante, fut envoyé avec
la même charge en Piémont, où commandait le maréchal
d'Harcourt, illustré par les victoires de Casal et de Turin.
Il y resta un an de 1643 à 1644.
La capacité dont Grémonville avait fait preuve dans
tous ces emplois , où il fallait unir l’activité du soldat à
l'habileté du diplomate , le désignait pour de plus hautes
fonctions. Il fut nommé ambassadeur à Venise, vers la fin
de l’année 164%, et chargé, avant de s’y rendre , d’une
mission près du Saint-Siége. Innocent X (Pamphilio)
venait d’être élu pape , malgré la France , et par l'influence
de l'Espagne. Mazarin , qui avait remplacé Richelieu dans
la direction de la politique française, punit l'ambassadeur,
Saint-Chamont, de sa négligence ou de son malheur; il
le rappela, et chargea Grémonville de passer par Rome, et
d'entamer une négociation avec le nouveau pape pour
l'enlever, s’il était possible, à l'influence exclusive des
ennemis de la France. C'était l'époque d’une lutte acharnée
entre les deux principales puissances de l’Europe, la France
et l'Espagne. Celle-ci, qui voyait le Portugal, la Catalogne
et le Piémont lui échapper, espérait se relever par le crédit
d'Innocent X. Grâce à lui, elle troublait les églises de Por-
tugal et de Catalogne qui restaient sans pasteurs depuis
leur révolte contre Philippe IV ; et elle soutenait son in-
fluence en Italie, malgré les attaques du parti français.
La négociation de Grémonville, destinée à déjouer ces in-
trigues de l'Espagne , avait donc une haute importance,
(1) Voy. les Mém. de Montrésor , édit. de Cologne, 1723 , T. IT,
, 1773 15 1EEMISE
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 289
et pouvait faire pencher la balance en faveur de la France.
Malheureusement, aux questions nationales se mêlait une
intrigue domestique que Mazarin avait surtout à cœur. Il
voulait relever à Rome la considération de sa famille , et
demandait le chapeau de cardinal pour son frère , Michel
Mazarin , moine dominicain, maître du sacré palais.
Grémonville ne se dissimulait pas les difficultés de cette
affaire de famille. À Gênes, il vit le cardinal de Lyon,
qui revenait de Rome , et qui lui parla « de l'humeur de ce
& bon religieux (Michel Mazarin), » «de sorte, écrivait l’am-
« bassadeur (1), que je le crains plus que tous les écueils
« de la mer, et ce n'est pas sans raison, prévoyant quasi
« le naufrage inévitable. » Et encore ; « ce bon religieux
« faict de son ambition les intérêts de l'Estat, et il croit
«que tout doit estre sacrifié à ses prétentions, au succès
« desquelles il fait consister la réputation de la France. »
Grémonville ne tarda pas à reconnaître que le cardinal
de Lyon n'avait rien exagéré. Dès les premiers jours de
son arrivée à Rome (février 1645) , il vit quels embarras
lui causerait le frère de Mazarin : « L’ambition, écrivait-il
«à Brienne (2), a tellement desmonté l'esprit du bon père,
« qu’il veut que son intérest marche devant celui de l'Estat,
« et que je parle de son affaire dès ma première audience
« à l'exclusion de toutes celles du roy... Jamais démon
«ne fust plus importun et plus pressant et n’entendist
« moins la raison que celui-là. »
L'impatience et l'indiscrétion de Michel Mazarin com
promettaient le succès de la négociation , à laquelle il at-
(1) Lettre à M. de Brienne , datée de Gênes , 22 janvier 1649.
(2) Lettre à M. de Brienne , en date du 6 février 1649.
19
290 ACADÉMIE DE ROUEN.
tachait tant d'importance. Il avait répandu le bruit que
Grémonville apportait au cardinal Pamphilio, neveu du
pape, le brevet d’une riche abbaye , et, dès sa seconde
audience, l'ambassadeur fut si vivement pressé par In-
nocent X , qu'il se laissa arracher la promesse de l'abbaye
de Corbie, qui valait 25,000 liv. de rente. Voici com-
ment Grémonville raconte cette scène, qui fut le prétexte
de la plupart des accusations dirigées contre lui(1) : « Sans
« me donner le loisir d'achever, (le pape) me demanda
«si S. M. désiroit donner quelque abbaye à son neveu.
« Après cela, je ne crus pas devoir différer d'offrir une
« chose qui estoit demandée avec tant d’avidité. Aïnsy,
« luy expliquois-je la pensée de S. M. en faveur du car-
« dinal Pamphilio, exagérant, le plus que je pus, la gran-
« deur du bienfaict et la grâce dont on l'accompagnoit ,
« le donnant de si bonne façon. Alors le visage du S. P.
« se rassérena et sembla rajeunir de dix ans, et son élo-
« quence redoubla pour mieux faire ses remerciements
« en disant : vous avez esté les premiers à nous gratiflier. »
Mais Innocent X , après avoir accepté ou plutôt arraché
l'abbaye de Corbie pour son neveu, ne se soucia plus de
la France. Il prétendit que deux frères ne pouvaient être
li
(1) Fontenay-Mareuil accuse M. de Grémonville de trop de
confiance : « Le cardinal Mazarin fist donner au cardinal Pam-
« phile, neveu du pape , l'abbaye de Corbie, qui est de très grand
« revenu , et M. de Grémonville, qui allait à Venise comme am-
« bassadeur, eust ordre de passer par Rome pour Jui en porter
« le brevet et arrester par mesme moyen la promotion du père
« Mazarin. Mais, ayant, par trop de confiance aux bonnes chères
« qu'on luy faisoit, donné le brevet sans estre assuré de rien,
« le pape, qui n’avait voulu ceste abbaye que pour tirer un acte
« de reconnaissance de la France , etc. Mém. de Fontenay-Mareuil,
coll. Petitot, T. Il, p. 317. :
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 291
en même temps cardinaux, et éluda les autres demandes
relatives au Portugal, à la Catalogne et à l'archevêque de
Trèves, dont la France prenait la défense contre la maison
d'Autriche. En un mot, il joua l'ambassadeur français ,
qui, dans son irritation, rejetait la faute sur Michel Maza-
rin. Il l’accusait d’avoir tout perdu par son indiscrétion.
«C'est ce qui nous a obligez, écrivait-il à Brienne (1), à
« bailler si promptement l'abbaye pour n'en pas perdre la
« grâce, et mériter davantage par cette manière de procé-
« der.» L'ambition de Michel Mazarjn faisait échouer toutes
les autres négociations. «Sans cette maudite prétention,
«ajoutait Grémonville (2), il n'y a rien que l’on ne fit
« faire au pape par amour ou par force... Mais ce bon
« moine prend la chose d’une telle hauteur, qu'il a passé
« jusques à me dire que son affaire estoit la principale
« affaire de la France en cette cour, et que les autres n’es-
» toient que des accessoires (3). »
Grémonville, en loyal serviteur de la France, ne céda
pas à cette ridicule prétention du frère de Mazarin , et ne
sacrifia pas les intérêts nationaux à une intrigue de fa-
mille. Il pressa vivement le pape d'intervenir en faveur de
l'archevêque de Trèves, de reconnaitre le roi de Portugal,
et de pourvoir aux évêchés de Catalogne. Innocent X
traîna d’abord les négociations en longueur , et finit par
braver ouvertement la France, en nommant huit cardi-
naux tous dévoués à l'Espagne. La position de Grémonville
n'était plus tenable ; il saisit la première occasion d'en sor-
tir avec éclat.
© 07
(1) Lettres dn 15 février 1645, à M. de Brienne.
(2) Ibidem
3) Lettre du 6 mars 1645, à M. de Brienne.
292 ACADÉMIE DE ROUEN.
Il y avait alors à Rome un député du clergé de Portugal,
vicillard respectable , qui s'était placé sous la protection de
la France. « Comme il revenoit dimanche dernier de la Ma-
« dona del popolo, écrivait M. de Grémonville vers la fin de
« mars 1645 (1), parmi tout le peuple de Rome qui venoit
« de voir passer une cavalcade des ambassadeurs extraordi-
« naires de Lucques, il fut attaqué par cinquante bandits
« napolitains ou domestiques de l'ambassadeur d'Espagne,
« lesquels, à coups d'arquebuses et d'épée se ruèrent sur
« son carrosse, tuèrent un gentilhomme qui estoit avec
« lui, blessèrent grièvement son cocher, et ayant tiré sur
« lui trois coups dont ils pensoient l'avoir tué, le laissèrent
« sur la place, sans que néantmoins il ayt esté blessé. En-
« suite , ces assassins se retirèrent cffrontément à la barbe
« des sbires dans le palais de l'ambassadeur d'Espagne. »
Grémonville , décidé à obtenir satisfaction ou à rompre
avec le pape, lui demanda audience sur-le-champ , et fit
entendre les plaintes les plus énergiques : « Dès le lende-
«main, lui dit-il, on sçauroit s'il seroit pape ou non,
« c'est-à-dire s’il vouloit régner avec autorité ou se rendre
« honteusement le capelan des Espagnols (2).» Grémon-
ville exigeait une réparation immédiate. Il fallait que dans
les vingt-quatre heures l'ambassadeur d’Espagne livrât les
assassins ou sortit des États pontificaux. En casde refus, il
menaçait de quitter lui-même Rome avec tous les Français.
RES
(1) La lettre de M. de Grémonville est de la fin de mars ou du
commencement d'avril. La date manque dans le manuscrit, maïs
ilest facile de la retrouver, en la comparant aux lettres qui pré-
eèdent et qui suivent, la première du 27 mars, et la seconde du
4 avril 1645.
2) Même lettre de M. de Grémonville,
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 293
Innocent X tergiversa, et Grémonville se prépara à exé-
cuter sa menace. Avant son départ, il offrit, de la part du
gouvernement français, l'archevêché d'Aix à Michel Ma-
zarin (4), qui se hâta de quitter Rome. Grémonville partit
lui-même pour Venise dans les derniers jours d'avril 1645.
Ainsi, sa mission de paix avait complétement échoué, Ma-
zarin exaspéré contre le pape, eut recours à la violence. H
fallut une guerre pour arracher à Innocent X ce chapeau
de cardinal vainement sollicité par un ambassadeur. Les
mémoires du temps, si prolixes sur les intrigues de cour,
ne disent rien de cette négociation qui mit l'Italie en feu:
ils racontent la guerre, mais ils en suppriment la cause.
Une flotte française, sous les ordres de l'amiral de Brézé ,
cingla vers la Toscane (mai 1646), et, lorsque cet amiral
eut succombé, une nouvelle expédition fut dirigée par le
maréchal de la Meilleraye, s’empara de Piombino et de
Porto-Longone , (octobre 1646), et jeta la terreur dans
Rome. Fontenay-Mareuil, que Mazarin chargea alors d'ou-
vrir une nouvelle négociation avec le pape, sut habilement
profiter de l'effroi d’Innocent X, et obtint enfin pour Mi-
chel Mazarin la dignité de cardinal (2).
Je ne m'arrêterai pas aux réflexions que suggère la con-
duite du ministre; chacun peut apprécier la vanité qui
sacrifie tout à une intrigue domestique et allume la guerre
pour une question d’amour-propre. J'aime mieux vous
montrer Grémonville, relégué à Venise, expiant dans une
sorte d'exil les torts de la fortune ou plutôt de Michel Ma-
Zarin (3), et supportant noblement sa disgrâce. Une autre
nn
(1) Lettre du 17 avril 1645.
(2) Mémoire de Fontenay-Mareuil, t. Il, p. 317 et suiv., dans la
collect. Petitot.
(3) Sa correspondance avec Brienne reproduit plus d'une fois
ses griefs contre Michel Mazarin.
29% ACADÉMIE DE ROUEN.
cause, honorable pour l'ambassadeur, vint porter le der-
nier coup à son crédit.
Pendant son séjour à Rome, il avait été chargé de récla-
mer l’extradition d'un Français, nommé Beaupui, qu'on
accusait de tentative d’assassinat contre Mazarin (1). Le
pape avait promis de le faire arrêter et juger, mais sans
prendre l'engagement de le livrer à la France. Lorsque
plus tard, irrité contre Innocent X , Mazarin voulut lui dé-
clarer la guerre , il fit demander à Grémonville un certifi-
cat des négociations qu'il avait suivies pour cette affaire,
et lui envoya un modèle qui n'était pas conforme à l’exacte
vérité. Grémonville refusa de le signer, et rédigea Un acte
certifié, où il rendait un compte détaillé et sincère de ses
démarches et des réponses du pape (2). La cour ne par-
donna pas à l'ambassadeur cette honorable résistance.
Lui-même comprit qu'il était perdu, mais il n’hésita pas
entre sa conscience et l'intérêt,
« Fai été mauvais courtisan, écrivait-il à Henri Grou-
« lart, son beau-frère et son ami (3), mais un homme qui
« veuten tous rencontres suivre les debvoirs de l'honneur,
« ne pouvoit, en celui-là, se dispenser de l'austérité à la-
« quelle je me suis attaché... Je ne suis pas marri d’avoir
« faict l'action d’un homme de vertu, mais je dois me tenir
« malheureux que l'occasion S'en soit présentée ; il m'est
« arrivé, en cela, comme aux gens de guerre qui sont es—
(1) « Nobilis Beaupuy Romà hüe captus mitlitur navibus longis
suspectus fuisse inter præcipuos consiliorum quæ contrà cardina-
lem Mazarinum suscepta fuere.» Grotii epist. 25 mars 1645 ; p. 746,
2e colonne, édit. de Blaeu. Amsterdam, 1687.
(2) Lettre du 9 septembre 1645.
(3) Lcttre du 16 décembre 165.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 295
« galement obligez de hazarder leur vie devant une bico-
« que aussi bien que devant une bonne place. La qualité
« et l'importance des occasions auxquelles l'on a à s'expo-
« ser, faict souvent une bonne partie du mérite des actions,
« ou, pour le moins, les signale et les relève. J'ay hazardé
«et peut-estre perdu ma fortune en une occasion obscure,
« et laquelle ne contribuera pas à mon honneur. Mais pour
« cela, j'aurois cru le perdre, si je n'avois pas faict ce que
« j'ay faict. »
Arrêté au milieu d'une carrière brillante et dans la force
de l’âge, Grémonville aimait à se consoler par le témoi-
gnage de sa conscience. «Je n’ay que 37 ans, écrivait-il
« le 6 janvier 1646 (1), et j'ay passé desjà sans aucune fa-
« veur par plusieurs beaux et honorables emplois, où je
« me suis bien assuré d’avoir acquis de l'honneur et de
« la réputation ; c'est ce que l'on ne me scaurait oster, et,
« quoiqu'il me peust arriver maintenant de pire, tousjours
« aurois-je cette satisfaction de n'estre privé des fonctions
« publiques que pour avoir faict une action qui m'en doit
« rendre plus digne, et pour avoir voulu constamment et
« hautement persévérer dansla profession d'homme d'hon-
« neur et véritable :
«,...Phalaris licet imperet ut sis
Falsus, et admoto dictet perjuria tauro,
Summum crede nefas animam præferre pudon,
Et propter vitam vivendi perdere causas. »
« Voilà jusques où l’austérité de nostre règle, à nous
« autres qui faisons profession d'estre gens de bien, nous
« oblige ; l'honneur veut avoir ses martyrs aussi bien que
(f) Lettre à Henri Groulart, Grémonville avait 40 ans, étant né
en 1606,
296 ACADÉMIE DE ROUEN.
« la religion ; je ne crois pas que l’on soit obligé d'en re-
« chercher les occasions, mais quand elles se présentent
« il faut les embrasser. »
Je ne sais si je m'abuse, mais il me semble retrouver
dans ces paroles l'écho des grandes pensées dont le poète
rouennais faisait, à cette époque même, retentir la scène.
Cette hauteur de sentiments n'était pas de mise avec Ma
zarin , et Grémonville avait raison de se croire perdu dans
l'esprit d’un ministre, qui exigeait avant tout, de ses
agents , le bonheur (1) et l'obéissance passive. Mazarin le
laissa languir quelque temps dans un poste sans impor
tance , et où on ne lui payait même pas ses appointements
d’ambassadeur. Grémonville finit par demander un congé
vers le milieu de l’année 1647; il revint à Paris, et y
mourut l’année suivante , le 26 novembre 16#8. Il est per-
mis de supposer que le chagrin abrégea sa vie ; il écrivait
après avoir vu ses espérances trompées (2) : «Les emplois
« publics se font désirer et ont de la douceur, mais sou-
« vent elle se convertit en poison bien amer, qui tue la
« fortune des hommes, pour laquelle on les souhaite.
« Contre ce péril, il n’y a qu'une seule précaution , qui est
« de l'honneur et de la probité. » Grémonville avait #2 ans
au moment de sa mort (3); ilme semble de ceux qu'on peut
plaindre , suivant l'expression du cardinal de Retz, de n'a-
voir pas rempli tout leur mérite. Mais, dans ses infortunes
mêmes , il s’est montré loyal et courageux ; il a figuré un
instant sur un théâtre élevé où se débattaient les questions
(1) « Est-il houroux? » Telle était la première question de Maza-
rin sur les hommes qu'on lui présentait.
(2) Lettre à Henri Groulart, en date du 8 janvier 1646.
(3) IL fut enterré aux Carmélites de la rue St-Jacques, à Paris.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 297
européennes, et il n’a jamais voulu sacrifier sa conscience
et les intérêts de l'État à des intrigues de cour et aux
conseils de l'ambition.
Pendant son ambassade , Grémonville entretenait une
vaste correspondance avec les principaux personnages de
l’époque. On trouve, dans ses papiers, des lettres de Ga-
briel Naudé, de Jacques Dupuy, de M®° de Motteville, de
Saint-Amand, de Turenne, et d’autres personnages célèbres.
Je me bornerai à transcrire deux lettres autographes de
Turenne ; eHes prouvent à quel point ce grand homme
avait souci de l'histoire.
Un annaliste italien, Vittorio Siri, avait accusé le
maréchal de trahison envers son frère, le duc de Bouil-
lon. Turenne s'était eflorcé, selon cet historien, de lui
enlever la ville de Sedan, pour la livrer au cardinal de
Richelieu (1). Turenne écrivit à M. de Grémonville les
deux lettres suivantes, pour obtenir la rectification de
cette erreur (2).
«Monsieur,
J'ai veu dans un livre imprimé en Italie , par un nomme
Vittorio Siri, que lon dit estre à ceste heure à Venise,
qu'il parle très mal de moi dans laffaire de Sedan , et dit
que quand jallai lever en Liegeois, que jestois gagné de feu
M. le cardinal pour me saisir d'une porte ; je vous supplie
très humblement de vouloir lui parler afin que dans un se-
(1) Vittorio Siri, ë{ Mercurio, t. 1. p. 351, édit. de Casel, 1646.
(2) Les autographes font partie @e la collection de M. Bezuel.
J'ai conservé l'orthographe et la ponctuation des originaux.
298 = ACADÉMIE DE ROUEN.
cond volume qu'il met au cours , il tesmoigne comme il à
esté mal informé sur cette affaire. Je vous demande comme
une grace très particuliaire de vouloir voir le meilleur
moien qu'il y aura de faire que cet historien en desabuse
tout le monde; jay cela extrêmement à cœur, et ne scau-
rois pas vous estre obligé plus estroictement de chose du
monde. Je vous demande cependant la continuation de
l'honneur de vos bonnes graces, et que vous me croiés
très veritablement
Monsieur
Votre tres humble et
tres affectionné serviteur
TURENNE.
A Paris, ce 28 mars (1646).
Deux mois après, Turenne insistait :
«Je me donnai lhonneur de vous escrire de Paris sur
une chose que j'appris au voiage que j'ai fait; c’est qu'un
historien nommé Vittorio Siri, a mis dans son livre que
quand jallai faire des levées au pais de Liege, on m'avoit
gagné pour surprendre Sedan, et que mon frère laiant
sceu , si jetta pour lempescher; je croi navoir pas besoin
de manifeste la dessus , et cela nest pas seulement appa-
rent ; car mon frère ne bougeoit de Sedan en ce temps la.
Ceux qui me cognoistront bien ne maccuseront pas davoir
souhaité cette conqueste la au roi.
« Cette affaire ne me toucheroit point si ce n'est que cela
est imprimé ; jai suplié a Paris M. de Lione d'en escrire.
On croit quele meillieur est qu'il dise dans son second livre
quil fait imprimer comme il a eu de mauvais mémoires sur
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 299
cela. Je vous demande, monsieur, cette grace di chercher
le meillieur expédient quil se pourra, afin que lon voie cette
fausseté. Vous ne men scauriez faire une plus particuliaire
et dont je me sentis plus vostre obligé. Je vous suplie de
vouloir envoier vostre responce par Francfurt et l’adresser
à M. Cursius qui vous fait tenir celle ci et me croire véri-
tablement
- Monsieur
Vostre tres humble et
tres aflectionné serviteur
TURENNE.
se dieste Sade HAosteitode teste + destot, 4 $ ke de + st: deste + ht tedtacts #s % + + BE s fs se
EXAMEN
. D'UN
PASSAGE DE PLINE
RELATIF À UNE INVENTION DE VARRON,
PAR M. A. DEVILLE,
NE
Pline l'Ancien est un des auteurs qui nous ait laissé les
documents les plus précieux sur l’état des arts dans l'An-
tiquité. Son grand ouvrage sur l'Histoire naturelle est une
mine où l'on a puisé à larges mains , mais qui n'est point
épuisée, soit que des faits épars dans ce long ouvrage,
soient restés inaperçus, soit que quelques-uns de ceux
qui ont fixé l'attention des savants n'aient pas été présentés
sous leur vrai jour, et n'aient point, jusqu'à présent, reçu
une solution satisfaisante.
Au nombre de ces derniers , nous placerons ce que Pline
raconte d’une invention qu’il attribue à Varron , et qui cons-
titue , selon nous , un fait tellement important, tellement
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301
extraordinaire, que nous n'avons cessé de nous étonner
que le passage où elle se trouve rapportée n'ait point été
soumis à une controverse plus approfondie, n'ait point
soulevé une discussion solennelle pour prendre rang dans
l'histoire des arts.
On ne trouvera pas que je me serve d'expressions
trop fortes, quand on saura qu'il résulte de ce passage,
ainsi que je crois pouvoir le démontrer, que l'invention
dont parle Pline s'applique à la gravure et touche à celle
de l'imprimerie.
Voici le passage de Pline ; il est extrait du livre xxxv, au
chapitre 11, qui traite des portraits et qui a pour titre
Honos imaginum :
«Imaginum amorem flagrasse quondam testes sunt et
» Atticus ille Ciceronis, ædito de his volumine, et M.
» Varro benignissimo invento insertis voluminum suorum
» fæcunditati, non nominibus tantum septingentorum illus-
» trium, sed et aliquo modo imaginibus, non passus interci-
» dere figuras , aut vetustatem ævi contra homines valere,
» inventione muneris etiam diis invidiosus , quando immor-
» talitatem non solùm dedit, verum etiam in omnes terras
» misit, ut præsentes esse ubique et claudi possent. »
Je traduis aussi littéralement que possible :
«L'amour des portraits a été très en vogue jadis, ainsi
» que le témoignent et Atticus, l'ami de Cicéron, qui a
» publié sur ce sujet un volume, et M. Varron qui, par
» une très heureuse invention, a pu joindre à la fécondité
» de ses volumes, non seulement les noms de sept cents
» hommes illustres, mais, par un certain moyen, leurs
» portraits, ne voulant pas que leur image fût perdue ou
» que la rouille de l'âge eût prise sur eux ; digne, par le
302 ACADÉMIE DE ROUEN.
« bienfait de cette invention, d'exciter l'envie des dieux
« eux-mêmes ; car, non seulement il a donné l'immorta-
« lité à ces personnages , mais encore il les a répandus par
« toute la terre, pour qu'ils fussent présents et conservés
«en tous lieux. »
Les traducteurs et les commentateurs ont expliqué ce
passage comme nous l'avons fait, et ont tous entendu, de
cette invention de Varron, un procédé de reproduetion ,
mais sans aller au-delà, sans se rendre un compte exact de
ce qu’il pouvait être.
Plusieurs archéologues distingués, parmi lesquels je
citerai Visconti, Quatremère, Muller, Becker, ont, à leur
tour, plus ou moins examiné la question, et se sont pro-
noncés, la plupart, sans s’accorder toutefois entr'eux ,
pour un système de reproduction mécanique.
Avant d'aborder nous-même cette question, et pour
nous aider à la mettre à nu, il est nécessaire que nous
fassions précéder l'examen du passage de Pline de quel-
ques détails sur l'ouvrage de Varron, auquel il est fait
allusion.
Varron, d'après le témoignage de toute l'Antiquité,
passait pour le plus savant des Romains ; on aurait pu ajou-
ter pour le plus fécond. En effet, Ausone nous apprend
qu'il avait composé six cents volumes :
Condix sexcentis Varro voluminibus. (1)
L'âge n'avait pas ralenti sa fécondité, car Aulugelle rap-
porte, d'après Varron lui-même, qu'à 84 ans, il avait
1) Professores, XX, au rhéteur Staphilius.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 303
écrit #90 volumes. Ainsi, il en aurait encore écrit plus de
cent, à partir de cet âge. Bien que Varron ait prolongé sa
carrière au-delà de 90 ans, cette fécondité n’en reste pas
moins un des faits les plus extraordinaires qu’on ait signalé
dans l'histoire des lettres.
Bien peu de chose est parvenu jusqu’à nous de ce nom-
bre prodigieux de compositions. C’est à peine si on pour-
rait arriver à faire un volume avec ce que nous en possé-
dons : un petit traité sur l'agriculture , quelques livres du
grand ouvrage sur la langue latine, des lettres, quelques
fragments disséminés ça et là dans les grammairiens,
voilà tout ce qui nous reste du plus fécond des auteurs,
du polygraphe par excellence, ainsi que l'appelaient ses
contemporains.
Un des ouvrages de Varron, que le temps a emporté,
était consacré aux hommes célèbres. Il avait pour titre :
Des Portraits, de Imaginibus; on le désignait aussi sous
le nom de Semaines, Hebdomades. N était divisé en plu
sieurs livres. (1)
C'est à cet ouvrage que Pline:fait allusion dans le passage
qui nous occupe. Nul doute qu'il ne dût son nom aux por-
traits que Varron y avait introduits, et qui devaient être au
nombre de sept cents, si on admet, comme l'indique le
sens de la phrase de Pline et le titre même de l'ouvrage,
que chaque homme célèbre avait le sien (2).
Ces portraits ne pouvaient pas être tout simplement
(1) Libri qui inscribuntur Zebdomades vel de Imaginibus.
In primo (libro) de Imaginibus. Aulugelle, 1. I, c. XI.
(2) Insertis non nominibus tantüm septingentorum illustrium.
sed et aliquo modo imaginibus.
30% ACADÈMIE DE ROUEN. «77
_
des portraits dessinés ou peints à la main, et répétés,
copiés également à la main, à chaque reproduction, à
chaque copie du manuscrit original; car, de tout temps,
on avait peint des portraits, tous les jours, à Rome, on
en traçait sur marbre, sur bois , sur ivoire , sur toutes ma-
tières , et il n'y aurait pas eu là pour Varron une inven-
tion qui füt de nature à inspirer à Pline cette exclamation
de digne d’exciter l'envie des dieux, qui lui échappe :
Inventione muneris etiam diis invidiosus. Pour employer
une expression aussi forte, aussi pompeuse , il fallait que
Varron eût trouvé, eût réellement inventé quelque chose
de nouveau, de particulier, d'extraordinaire. Pline , bien
qu'il n'entre dans aucun détail, et à raison même de l’es-
pèce d’obseurité dont il enveloppe le mot qu'il emploie ,
aliquo modo, par un certain moyen, le donne, ce nous
semble , suffisamment à entendre.
C'est dans ce certain moyen, que Pline ne décrit pas ,
que devait résider l'invention qui a appelé sous sa plume
un éloge si emphatique, que les chef-d'œuvres des arts,
les sublimes productions des Apelle, des Phidias, des
Praxitèle, sur lesquelles il s'étend avec complaisance,
n'ont pu lui arracher.
Ce moyen, ce procédé, évidemment, devait avoir
quelque chose d’analogue à la gravure moderne , dans une
de ses nombreuses applications. Si Pline, qui ne descend
à aucun détail technique , ne prononce pas le mot de repro-
duction, d'impression, qui eût aidé à trancher la difficulté,
on peut inférer, du sens général de ses paroles , du fait en
lui-même, de quelque manière qu'on veuille le commen-
ter, qu'il s'agit bien d’un procédé qui permettait de multi-
plier, de propager l’objet qui y était soumis. Qu'on se
rappelle, en effet, ce que Pline ajoute en termimant son
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 305
article : que l'invention de Varron lui avait permis de
répandre par toute la terre ses portraits , èn omnes terras
misit, ut præsentes esse ubique possent. Un moderne, je
le demande, s’exprimerait-il autrement en parlant de Part
de la gravure ?
La difficulté de faire dessiner ou peindre sept cents por-
traits, parfaitement identiques et ressemblants, à chaque
nouvelle copie de l'ouvrage , sans parler de la dépense d’un
pareil travail , fut, sans doute, le motif qui conduisit Varron
à chercher et qui lui fit découvrir un procédé, en même
temps expéditif et sûr, inconnu jusqu'à lui, qui lui donnait
la facilité de remplacer la main des artistes et de multiplier
à volonté les images auxquelles son ouvrage était consacré.
C'était là, en effet, une heureuse, une belle invention
et digne de justifier l'expression de Pline.
On sait par Aulugelle, dans ses Nuits attiques, que
Varron, dans le premier livre de ses portraits, qui com-
prenait les poètes (1), avait donné le portrait d'Homère, et
qu'au bas était placée une inscription, comme il le dit,
une épigramme, nom que portaient en effet chez les
Anciens ces inscriptions laudatives, souvent en vers, dont
les modernes ont si singulièrement métamorphosé le sens
et le but. Voici comment s'explique Aulugelle :
(1) D’après Ausone , le X° livre était consacré aux architectes :
Forsan et insignes hominumque operumque labores
Hic babuit decimo celebrata volumine Marci
Hebdomas..…. Edyllia, Mosella.
1 semblerait résulter de ce passage que chaque livre de l'ouvrage
formait un volume.
20
306 ACADEMIE DE ROUEN.
M. Varro, in libro de imaginibus primo, Homeri ima-
gini hoc epigramma apposuit :
Capella Homeri candida hæe tumulum indicat ,
Quoi ara letæ mortuo faciunt sacra.
ET1à réneis d'iepituss mrepi pitay Ouhpou
Epbpve, Podos, Konovwv, Sænauiy, los, Apyos, Abñvar.
«M. Varron , dans le premier livre des Portraits, a mis
« au bas de l'image d'Homère l'épigramme smvante :
« Cette chapelle, en marbre blanc , indique le tombeau
« d'Homère. Les Gétes, sur cet autel, font des sacrifices
«à ses mânes.
« Sept villes se disputent l'honneur d’avoir donné le jour
«à Homère: Smyrne, Rhodes, Colophone, Salamine ,
« los, Argos, Athènes(1). »
Sous le portrait de Plaute, c'est encore Aulugelle qui
nous l’apprend, Varron avait inscrit ces trois vers, qu'on
attribue à Plaute lui-même :
Postquam morte datu' st Plautus ; comædia luget ;
Scena est deserta : dein Risus, Ludu”, Iocusque ,
Et Numeri, Innumeri simul omnes collacrumarunt.
« Après que Plaute eut été livré à la mort, là comédie
« pleure , la scène est déserte ; puis, le rire, les jeux, la
« gaieté, les vers et la prose ont tous versé des larmes. »
(1) Iest à remarquer que Varron ne mel pas au nombre de ces
villes Chio.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 307
Ainsi, au bas de chaque portrait, était placée son épi-
gramme, son inscription. C’est ce que confirme Symma-
que, lorsqu'il dit, en parlant de l'ouvrage de Varron :
Quorum imaginibus præscripta videmus epigrammata.
La nécessité de tracer, au bas de chaque portrait , une
inscription de trois ou quatre lignes de caractères qui en
faisaient comme partie intégrante, ainsi que cela se voit
sur bon nombre de nos estampes modernes, apportait une
difficulté de plus à l'invention de Varron; aussi, suis-je
moins étonné qu'elle ait encouragé le doute qui s’est élevé
dans quelques esprits sur la nature, si ce n’est sur la réa-
lité de l'invention. En effet, nous touchons, iei, à l’art de
l'imprimerie : la gravure et l'imprimerie , ainsi que je l'ai
dit au début de cette dissertation, sont ici en jeu.
- Je ne me suis point caché ce que cette nouvelle question
présente de grave, ce qu’elle ajoute à la difficulté princi-
pale ; mais en l’examinant , en l'étudiant, en cherchant à
m'éclairer, j'ai puisé, dans cette circonstance même, un
nouveau motif de conviction ; je dirai plus , elle m'a con-
duit sur la voie du procédé employé par Varron, qui ne
n'apparaissait encore que dans un lointain vague et incer-
tain.
Les Anciens, je ne suis pas le seul qui l'ait répété, ont
connu avant nous une foule de procédés dont nous nous
glorifions d'être les inventeurs. Plus on étudie, plus on
creuse l'Antiquité, plus on arrive à cette conclusion , qui,
au fond, n'a rien de blessant pour les Modernes, mais
bien faite pour honorer le génie des Anciens.
IL n'est pas jusqu'à ces découvertes, qui font la gloire
des temps modernes, parmi lesquelles je range celle de
308 ACADÉMIE DE ROUEN.
l'imprimerie, qui n'aient été entrevues par eux, qu'ils
n'aient pressenties , qu'ils n'aient été sur le point de saisir.
Quelque neuve, quelque hardie que soit l'application que
je fais ici des connaissances des Anciens à l’art de l'impri-
merie, je crois pouvoir, dans une certaine mesure , la jus-
üifier : je ne sors pas du sujet que je me suis proposé de
traiter.
lei, ce ne sont plus des textes, plus ou moins
obscurs , plus ou moins embarrassés, dont l'interpréta-
tion laisse par conséquent, presque toujours, une porte
ouverte au doute, que j'invoquerai. Je m'appuierai sur
des monuments, sur des objets saisissables aux yeux,
palpables , que tout le monde est à même d'apprécier.
1l existe dans plusieurs cabinets (et notre Musée des
Antiquités est très riche en ce genre de monuments, puis—
qu'il en possède une cinquantaine )|, il existe, dis-je, des
sceaux ou cachets, en bronze, plus ou moins grands, sur
lesquels sont gravés en relief, au burin, des caractères,
des noms propres, des qualifications. Il est tel de ces ca-
chets qui a jusqu'à 6 et 7 centimètres de longueur et qui
porte deux et trois lignes de caractères. Les lettres ont été
gravées, de droite à gauche, à rebours, de manière à
reparaître, à l'impression, dans leur vrai sens. J'emploie
à dessein le mot impression, car on ne pouvait se servir
de ces cachets qu’en déposant, sur le relief des lettres,
une encre, une couleur quelconque, ainsi que nous le
pratiquons pour nos caractères d'imprimerie , afin d'obte-
nir leur reproduction , au moyen d'une pression, soit ma
nuelle , soit mécanique. (1)
————@——@—Z—
(1) La majeure partie de ces cachets étant armée d’un anneau
lixe pour recevoir le doigt , on doit admettre qu’on les employait
le plus généralement à la main.
R:SVLPI
PRIME"
se
CARS
RES
PRIME"
LES 88 fn
LAN
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 309
N'avais-je pas raison de dire que nous touchions à l'im-
primerie? Il n'y avait plus qu'un pas à franchir ; que ces
caractères, de fixes qu'ils étaient, par une illumination
soudaine, eussent été rendus mobiles, et l'imprimerie
était trouvée !
En faisant fonctionner quelques-uns de ces cachets, en
voyant sous mes yeux l'empreinte de leurs caractères, à
volonté produite et répétée , je me suis demandé si le voile
qui couvre l'invention de Varron n'était pas, en partie,
soulevé, si je n'étais pas autorisé à voir dans ces caractères
gravés en relief et se multipliant par impression, le type,
le modèle de ces quelques lignes placées par Varron au-
dessous de ses portraits , le mode adopté pour leur repro-
duction. ( Voir le dessin ci-joint. )
Des inscriptions passant aux portraits, ne semblerait-il
pas naturel d'admettre que le procédé employé pour les
unes était commun aux autres ; que portrait et inscription
étant réunis, joints l’un à l'autre, l'un ne pouvait se repro-
duire sans l'autre, ni par un procédé, par un moyen dif-
férents.
Je pense donc que les portraits de Varron, dont parle
Pline, étaient, ainsi que les inscriptions qui y étaient
jointes , gravés, d’après un même mode, en relief, sur la
même planche de métal ou autre matière, dans le système
de notre gravure sur bois, dont les traits et le dessin sont
réservés en relief, Les graveurs de médailles qui existaient
à Rome à l’époque où écrivait Varron, et qui ont produit de
si beaux types de monnaies que nous admirons encore ,
étaient touttrouvés sous sa main pour réaliser son invention.
Ces portraits étaient figurés au simple trait; c'est le
moins qu'on puisse admettre. Vouloir aller au-delà, vou-
310 ACADÉMIE DE ROUEN.
loir retrouver daus le procédé antique notre gravure mo-
derne perfectionnée . avec ses tailles et contretailles, ses
ombres, ses demi-teintes, ou bien encore, notre système
de lithochromie ou nos gravures coloriées à la planche, ce
serait s'aventurer dans des conjectures qu'aucun texte,
aucun monument ne viendraient justifier. Nous ne devons
donc admettre, pour ces portraits, qu'une gravure au sim-
ple trait.
Comment ce trait, une fois gravé, était-il reproduit ?
Etait-ce par une pression, par un foulage exercé mécani-
quement où à la main ? Il ne nous serait pas possible de le
dire , à moins qu'on ne voulût s’autoriser de l'exemple du
monnayage qui s’opérait , au temps de Varron, par la per-
eussion au marteau mu à la main, pour l'appliquer ici.
Cette supposition acquierrerait un certain degré de vrai-
semblance, si on admettait, ainsi que nous l'avons insinué,
que Varron s'était servi, pour la réalisation de son inven—
tion , des graveurs monétaires, auxquels ce dernier procédé
était familier.
Quelle était lamatière employée? A raisonner par analogie
avec nos cachets antiques , ce devait être du bronze. On
sait, d’ailleurs, que les Anciens avaient une prédilection
marquée pour cette composition qu'ils travaillaient admi-
rablement. Ils s'en servaient pour presque tous leurs ms-—
truments et ustensiles et jusque pour leurs armes , même
défensives, telles que javelots et épées. La résistance et la
durée de cette matière se prêtaient parfaitement à un sys-
tème d'impression répétée.
Quant à la matière colorante servant à l'impression,
nous inclinerions à croire qu'elle n'était autre que leminium,
tant cette couleur était affectionnée des Anciens, Ce goût
_.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 311
était si prononcé, si général, qu'il s'est perpétué jusque
dans le Moyen-Age, où il a donné naissance au nom de
miniature, appliqué aux initiales et aux dessins des manus-
crits. Il est à remarquer, à ce sujet, que ces dessins et
initiales étaient, très souvent, réservés et leur place laissée
en blanc sur les manuscrits par les copistes, pour être
livrés plus tard à une main plus habile et plus exercée ;
ce qui n'était peut-être qu'une réminiscence de ce qui
devait s'être pratiqué pour l'invention de Varron.
I me reste à justifier ce que j'ai dit de l'emploi d'une
planche de métal gravée, pour son application ; question
qui domine et entraine toutes les autres. Une phrase de
Symmaque va compléter la démonstration. Cette phrase,
incomprise jusqu'à ce jour, mais qui s'explique, dans l'hy-
pothèse que je viens d'établir, donne un nouveau poids,
me sera-t-il permis de le dire, un nouveau degré de cer-
titude à l'opinion que j'ai émise.
Le père de Symmaque (1) s'était exercé dans le genre
épigranmmatique (je prends le mot dans son acception anti-
que). Il avait entrepris l'éloge en vers des hommes illustres
de son temps, ou du moins qu'il réputait tels. Son ils ,
l’auteur dont il nous est resté dix livres de lettres, aveugle
par l'amour filial, lui écrit pour lui adresser des comph-
ments sur son travail, qu'il compare à celui de Varron ,
mais qu'il met beaucoup au-dessus, ajoutant que les épi-
grammes paternelles n'avaient pas eu besoin d'être gravées
sur métal pour être assurées de vivre :
« Vous imitez , ilest vrai, dit Symmaque à son père, le
» travail de Varron, mais vous avez su le surpasser. Je
(1) Lucius Avianus Symmachus, Il avait été préfet de Rome en
364%, sous Valentinien 1°”.
312 ACADÉMIE DE ROUEN.
« pense que les épigrammes que vous venez de composer
« sur nos hommes illustres, l'emportent sur les éloges des
« Semaines. (Un se souvient que l'ouvrage de Varron, sur
« les Portraits, avait aussi le nom de Semaines.) En effet,
«elles sont courtes et dans une juste proportion, mais,
« pour cela , elles ne sont point caduques. Celles-là n'ont
« pas eu besoin de demander au temps (à Saturne) d’être
« gravées sur un vrai métal, bono metallo cusa, et, si je ne
« m'abuse, elles ont trouvé une matière plus durable. » (1)
Suit une comparaison entre Varron et le père de Sym-
maque.
Il est impossible de ne pas voir, dans cette dernière
phrase , une allusion au procédé employé par Varron pour
la reproduction de ses épigrammes au bas de ses portraits,
et par suite , à plus forte raison, des portraits eux-mêmes.
Elle tranche , ce nous semble, la question.
C'est ainsi que quelques mots restés inaperçus dans une
lettre assez obscure d’un auteur peu connu lui-même,
viennent jeter une nouvelle lumière sur une question jus-
qu'alors non résolue, et achèvent, en confirmant nos con-
jectures , de donner au texte de Pline sa véritable signifi-
cation.
(1) « Studium quidem Menippei Varronis imitaris, sed vincis
«ingenium. Nam quæ in nostrates viros nunc nuper condis epigram-
« mata, puto hebdomadon elogiis præmicare, quod hæc æquè so-
« bria nec tamen casca sunt. Illa bono metallo cusa a Saturno exigi
« niescierunt, et duriorem materiem , nisi fallor, admittére. »
Actuarium Simmachianum , \. W.
apport
FAIT A L'ACADÉMIE DE ROUEN
PAR M. BÉNARD,
SUR LE LIVRE DE M. FLOURENS,
.
INTITULÉ :
RONRENBRRLE,
ou de la Philosophie moderne
RELATIVEMENT AUX SCIENCES PHYSIQUES.
Telest le titre d'un petit ouvrage, dont M. Flourens à
fait hommage à l'Académie, et sur lequel je suis chargé de
vous faire un rapport au nom d’une Commission composée
de MM. Chéruel, Girardin et moi. Je regrette que mes
occupations ne m'aient pas permis de consacrer à ce livre
le temps nécessaire pour vous en faire sentir toute l’im-
portance et le mérite Je tâcherai, néanmoins, de montrer
par une analyse exacte et par l'appréciation des points
les plus essentiels, avec quel intérêt je l'ai lu. Je suis per-
suadé qu'il ne vous intéressera pas moins, puisqu'il s'agit
d'une des gloires de la ville de Rouen, et, en même temps,
de l'homme qui a comme personnifié en lui l'esprit et la
destination des Académies
314 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ce petit livre est d'autant plus digne de fixer votre at-
tention , que Fontenelle y est considéré sous cet unique
point de vue. L'auteur fait abstraction des divers genres
dans lesquels ce génie , si facile et si varié, s'est essayé avec
un succès inégal,
Il s'attache à démontrer la vérité de cette phrase de la
correspondance littéraire de Grim : «L'esprit philosophi-
« que , aujourd'hui si généralement répandu , doit ses pre-
« miers progrès à Fontenelle. » H laisse, dit-il, de côté le
bel esprit ; c’est le grand esprit qu'il étudie, et il est tout
entier dans l'Histoire de l’Académie des Sciences et les
Éloges des Académiciens. « Mon Fontenelle est le conti
nuateur de Descartes et l'historien de Newton. »
Avant de parler de Fontenelle sous ce double rapport,
l'auteur place, comme introduction, quelques mots sur la
philosophie moderne, représentée par Descartes, Bacon,
Galilée et Newton.
Il fait remarquer l'excellence des règles posées par Des-
cartes, et de sa méthode entière; mais en physique,
dit-il, Descartes oublie bientôt sa méthode. Cette méthode,
c’est l'analyse, et il emploie partout l'hypothèse.
Il y a plus, il le fait sciemment, à dessein. Au lieu d’ex-
pliquer les choses qui sont dans le vrai monde, il se plait à
en imaginer un autre Il appelle son Traité du monde : la
Fable de son monde.
Une seconde cause des erreurs de Descartes en physi-
que, cest de vouloir démontrer les effets par les causes ,
au lieu de déterminer les causes par leurs effets ; de com-
mencer par la recherche des principes pour en déduire à
priori les conséquences, méthode purement hypothétique;
ES
CLASSE DES BELLES LETTRES. 315
de sorte que la physique de Descartes est presque par-
tout hypothétique, c'est-à-dire fausse, tandis que sa mé-
taphysique est presque partout vraie; et cela, parce que
dans la métaphysique seule, on procède de la cause à l'effet,
non de l'effet à la cause; l'âme , la seule cause que nous
connaissions immédiatement, étant connue par le sens in-—
time.
Ce qui fait que Descartes est sans égal en métaphysique,
c'est qu'il va droit à l'âme, et qu'il en tire tout; mais il
aurait dû appliquer une autre méthode aux sciences phy-
siques , la méthode expérimentale. Du reste, Descartes,
dont le bon sens égalait le génie, a vu lui-même que la
théorie sans l'expérience n'était rien, et qu'il fallait que
les conséquences déduites par le raisonnement s'accor-
dassent avec l'observation. «Car les choses ayant pu être
« ordonnées de Dieu en une infinité de diverses façons ,
« c'est par la seule expérience et non par la force du rai-
« sonnement qu'on peut savoir laquelle de toutes ces fa-
« çons il a choisie,» — «La philosophie moderne, dit M.
« Flourens, est la philosophie expérimentale. »
Ce jugement, sur la méthode et la philosophie de Des-
cartes, quoique vrai dans sa généralité, nous semble ce-
pendant trop sévère.
Sans doute, Descartes, métaphysicien et géomètre , a
beaucoup trop accordé à la méthode à priori et au raison-
nement , surtout dans sa physique ; mais si la physique de
Descartes est presque partout hypothétique , on ne doit pas
oublier que les erreurs de Descartes ont préparé la grande
vérité du système du Monde de Newton. Les hypothèses
d’un homme de génie, même lorsqu'elles paraissent les
plus éloignées de la vérité, par l'impulsion féconde qu’elles
impriment aux esprits, font plus, pour la découverte des
316 ACADÉMIE DE ROUEN.
vérités capitales dans la science , que des faits de détail et
des expériences sans portée dans les travaux des observa-
teurs médiocres. Et nous rappellerons ici les mots de Fon-
tenelle, cités ailleurs par M. Flourens. « Telles sont les
erreurs de Descartes , qu’assez souvent elles éclairent les
autres philosophes ; soit parce que dans les endroits où il
s’est trompé, il ne s’est pas fort éloigné du but , ou que
la méprise est aisée à rectifier ; soit parce qu'il donne quel-
quefois des vues et fournit des idées ingénieuses, même
quand il se trompe le plus.
Nous ne pouvons non plus laisser passer cette autre
proposition :
«La métaphysique de Descartes, dit M. Flourens, est
presque partout vraie, parce qu'il y suit la méthode oppo-
sée à celle qui préside à sa physique.» L'illustre secrétaire
de l'Académie des sciences nous paraît confondre la mé-
taphysique et la psychologie. Or, dans la psychologie, la
méthode n’est pas exclusivement à priori, on ne va pas de
la cause aux effets, c'est-à-dire de l'âme à ses attributs
et à ses actes, mais des actes, des phénomènes aux facul-
tés, et de celles-ci à la nature de l'âme elle-même.
Si Descartes avait constamment suivi dans l'étude de
l'âme la méthode à priori, il ne serait pas le fondateur de
la philosophie moderne. Et, s’il avait mieux pratiqué la
méthode expérimentale, il ne serait pas tombé dans des
erreurs qui, chez ses successeurs, ont révélé leurs dange-
reuses conséquences.
Malgré ces réserves, que nous n'avons pu nous empê-
cher de faire dans l'intérêt de la gloire de Descartes,
comme métaphysicien et comme physicien, nous nous
plaisons à reconnaître , d'ailleurs, la justesse des obser-
vations de M. Flourens.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 317
La méthode expérimentale.est représentée , dit-il, prin-
cipalement par trois hommes, Bacon, Galilée et Newton.
Bacon en a donné la théorie; Galilée a montré comment
il fallait l'appliquer, il a appris le grand art des expériences.
Newton à révélé l’art plus grand encore de remonter des
faits aux causes générales, aux grandes lois, de poser,
suivant son expression, des forces expérimentales.
Après cette introduction, M. Flourens arrive à Fonte-
nelle, dont il doit déterminer la place et le rôle dans la
philosophie moderne, relativement aux sciences physiques.
Cette place, elle est déjà indiquée par celle qu'il occupe
dans l'Académie des sciences de Paris; ce qui fournit à
l’auteur l’occasion de retracer en peu de mots l'origine de
l'Académie des sciences, et de marquer sa destination.
On lira ce chapitre avec un vif intérêt. — La destination
principale des Académies, ainsi que Bacon l'avait indiquée,
est de rendre possible l'application, en grand, de la mé-
thode expérimentale , en réunissant les efforts, jusqu'alors
isolés, des savants, en leur permettant de faire des expé-
riences qui demandent à la fois de longues et difficiles
recherches, de grandes collections d'instruments, des
dépenses au-dessus de la fortune des particuliers. Les Aca-
démies représentent l'époque moderne, l'époque de la
division du travail, suivant l'expression de Cuvier. L'Aca-
démie des sciences de Paris, qui a commencé comme la
vôtre, Messieurs, par être une réunion libre de savants,
et qui a eu pour fondateur Colbert, fut la cinquième de
celles qui furent établies en Europe. Elle le fut en 1666.
Lorsque Fontenelle fut nommé , en 1697, secrétaire per-
pétuel de l'Académie des sciences, il était membre de
l’Académie française depuis six ans, et, quatre ans après ,
318 ACADÉMIE DE ROUEN.
il le fut de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Il
apportait donc, à l'Académie, un génie tout formé, des
idées faites; il avait sa philosophie, son style, sa ma-
nière.
« Fontenelle, dit Georges Cuvier, par la manière lucide
« dont il exposait les travaux de l'Académie, concourut à
« répandre le goùt.des sciences, plus, peut-être, qu'aucun
« de ceux qui en traitèrent de son temps. » Cela est vrai,
dit M. Flourens, mais cela n’est pas assez. Fontenelle ne
s'est pas borné à répandre le goût des sciences, nul n’a
mieux secondé Descartes, destructeur de la philosophie
scolastique. Nul n'a mieux compris la philosophie mo-
derne , les grands hommes qui l'ont fondée, les Descartes,
les Bacon , les Galilée, les Leibnitz, les Newton. Il est un
des premiers qui aient vu la métaphysique des sciences ,
et le premier qui leur ait fait parler la langue commune.
L'auteur s'attache à démontrer chacune de ces proposi-
tions.
Fontenelle combattit la scholastique, qu'il définit la
philosophie des mots, en opposition avec la philosophie
moderne , qui doit être la philosophie des choses. Il se
moque partout des formes substantielles et des qualités
occultes.
En tout cela, il suit Descartes, dont il est le disciple
zélé, dont il adopte les opinions sans s'y asservir.
« Cet esprit fin et singulièrement juste, sait, quand
il le faut, arrêter Descartes lui-même. » Il est pourtant un
point, et un point capital, sur lequel il ne peut jamais l'a-
bandonner, le vide et l'attraction. I soutient l'hypothèse
du plein, et traite l'attraction de qualité occulte dans le
système de Newton.
Nul n’a mieux compris la philosophie moderne et l'esprit
= Poue
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 319
de sa méthode, il l'appelle la philosophie expérimentale.
Ici, ce partisan déclaré de Descartes devient l'admirateur
le plus judicieux du grand Galilée. L'expérience , dit Fon-
tenelle, est la maîtresse souveraine de toutes nos sciences
physiques. Il décrit, avec la délicatesse et l'heureuse saga-
cité qui le distinguent, les conditions du talent, du génie
expérimental et du grand art des expériences.
Fontenelle est un des premiers qui aient vu la métaphy-
sique des sciences; M. Flourens nous paraît avoir moins
bien démontré cette proposition que les deux précédentes.
Dans les passages qu'il cite, Fontenelle confond les mé-
thodes géométriques et l'esprit géométrique , avec l'esprit
et le procédé métaphysique; confusion qu'il ne faut pas
trop lui reprocher du reste, car elle appartient à toute la
grande école de métaphysiciens et de géomètres , dont il
était un des disciples. Descartes, le premier, l'avait faite ,
elle se continue dans Mallebranche et Leibnitz ; elle révèle
ses inconvénients et ses dangers dans l'Éthique de Spinoza,
où la géométrie prête son appareilrigoureux au panthéisme.
Quoiqu'il en soit, Fontenelle à parfaitement vu et exprimé,
avec sa clarté ordinaire, la nécessité d’une métaphysique
des sciences. [la très bien vu qu'au-dessus de la science
physique et de toutes les sciences particulières , il y a une
science générale des principes que lon à appelée méta-
physique , où elles retrouvent leur unité, qui leur donne
une force générale , et leur communique, selon sa belle
expression , un esprit universel.
Fontenelle , et c’est là sa plus grande originalité, ce qui
marque sa véritable place dans l'histoire de la science et de
l'esprit moderne, a su appliquer la langue commune aux
sciences les plus abstraites, les rendre accessibles à tous
les esprits. Ce grand mérite d'avoir fait parler aux sciences
320 ACADÉMIE DE ROUEN.
la langue commune, est de Fontenelle le mérite le plus
conau , et M. Flourens se borne à le rappeler.
Il montre, dans l'Histoire de l'Académie et dans les
Éloges des Académiciens , les rares qualités de cet esprit, la
manière dont il sait tout discuter, raisonner et résumer
dans un style d'une clarté admirable , qui rappelle au lec—
teur d'aujourd'hui ce vers de Voltaire
« L'ignorant l’entendit, le savant ladmira. »
Fontenelle, dit encore M. Flourens , par rapport aux sa-
vants dont il écrit l'histoire, a deux mérites : celui d’éclair-
cir ce qu'ils peuvent avoir d’obscur, de généraliser ce qu ‘ils
ont de technique, et celui de louer toujours chacun d'eux
par ce qu'il nous a laissé de plus important et de plus du-
rable. Il loue par des faits qui caractérisent.—L'auteur nous
parait lui-même caractériser ici parfaitement le mérite de
Fontenelle. Il cite, comme exemple de la manière dont
Fontenelle peint les esprits supérieurs, une revue des sa-
vants qui ont illustré la première moitié du xvu° siècle.
C'est, en quelques lignes, un tableau des progrès de ce
siècle. Rien n’est omis ; chaque trait, chaque mot signifie.
Sous ce rapport, la préface de l'Histoire de l'Académie , de
1699, et qui n’a qu'un petit nombre de pages, a mérité,
dit Garet. dans son Éloge de Fontenelle, d’être mise au
rang des ouvrages du siècle; c’est le coup-d'œil le plus
ferme et le plus vaste qu'on ait jeté sur les connaissances
humaines, depuis Bacon et avant la préface de l'Encyclope-
die. M. Flourens réclame en faveur de la préface de 1670,
qui Ii paraît tout aussi belle, si elle ne l’est plus, et qu'il
a pris soin de faire imprimer à la fin de son volume.
\ures l'Histoire de l'Académie, viennent les Eloges des
académiciens. Fontenelle fait remarquer que ce titre n'est
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 321
pas juste, il faudrait dire les vies des Académiciens. Ses
Éloges, dit-il, ne sont qu'historiques , c'est-à-dire vrais.
Ce sont les Éloges de Fontenelle, qui, pour la première
fois, en France, ont mis les savants en lumière et les
sciences à la mode. Tout y est vrai, et, pour cela même,
tout y est neuf. Chaque éloge a son caractère, son ton, une
originalité qu'il tire de l'originalité même du personnage.
L'auteur cite, comme exemple, plusieurs passages de l’é-
loge de Colbert, dont il sut si bien retracer la sollicitude
assidue , active, immense pour les sciences. Il cite égale-
ment un passage de l'éloge du czar Pierre-le-Grand , qui
n'eut pas moins à cœur que le ministre de Louis XIV l’a-
vancement des sciences et des arts, et qui fut hautement
flatté de l'honneur que lui fit l'Académie des sciences de
Paris , de l’accueillir dans son sein. Il ya, ajoute M. Flou-
rens, dans la composition de chaque éloge de Fontenelle,
un art infini, l’art surtout de peindre par les faits, qui en
fait une histoire en même temps qu'un portrait vivant. Cet
art varie et se diversifie selon les portraits et les caractères
de chaque académicien. La délicatesse et la simplicité fine
font le mérite principal de ces portraits, qui, malgré leur
individualité et la physionomie propre du personnage , ne
laissent pas que de se rattacher à une pensée générale. Der-
rière le savant , Fontenelle sait placer la science elle-même,
et en louant l'un, il fait remonter l'éloge jusqu'à l’autre.
Cette pensée générale, partout présente, établit un lien
entre ces tableaux; cette galerie de savants devient ainsi
l'histoire de la science elle-même.
« Fontenelle avait dans l'esprit, (je eite) toute la hardiesse
que permet, ou, plutôt, que demande une raison supé-
rieure. Nul n'a mieux vu la puissance de l'esprit humain,
et ne l’a vue de plus près que le continuateur de Descartes ,
et l'historien de Leibnitz et de Newton. Mais il l'a vue sans
21
322 ACADÉMIE DE ROUEN.
en être ébloui, et ilen a vu les bornes. » Il m'en coûte
de passer sur les citations habilement choisies par les-
quelles M. Flourens appuie et justifie ses assertions dans
tout le cours de son livre. Je ne puis cependant résister
au plaisir de reproduire ici une des plus belles images de
Fontenelle : « Un premier voile, dit-il, qui couvrait l'Isis
« des Egyptiens , a été enlevé depuis un temps ; un second,
« si l’on veut, l’est aussi de nos jours, un troisième ne le
« sera pas, s’il est le dernier. » Peut-on mieux exprimer
cette pensée, que la raison humaine a l'infini devant elle,
et que la nature a des mystères qu’elle ne saura jamais
complètement pénétrer?
Ce livre se termine par un chapitre intitulé : De Fonte-
nelle, par rapport à Descartes et à Newton. Déjà , ce sujet
a été touché dès le commencement. L'auteur y revient , 1l
insiste sur ce rapport de Fontenelle avec ces deux grands
hommes qui représentent la physique moderne. Fontenelle
est le disciple de Descartes, il adopte sa philosophie tout
entière , sa physique comme sa métaphysique, ses er-
reurs avec ses vérités. Après avoir repoussé les qualités
occultes et les formes substantielles de la scholastique , il
admet les tourbillons et le plein contre l'attraction et le
vide. Dans son livre sur la pluralité des Mondes, le plus
bel ouvrage de sa jeunesse , il avait accueilli les tourbillons.
Il était homme, et ilest difficile que le même homme
puisse également embrasser et comprendre deux grandes
révolutions. Il n’eut pas la force d'abandonner le système
de Descartes pour celui de Newton qui l'avait renversé.
Il resta disciple de Descartes , et défendit les tourbillons
jusque dans sa vieillesse. Toutefois, Fontenellen’en sut pas
moins bien apprécier la différence fondamentale qui sépare
Descarteset Newton. Jamais personne ne l’a mieux exposée.
L'auteur cite le passage de l'éloge de Newton où est tracé ce
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 323
parallèle : « L'histoire des Sciences , dit-il, n’a pas de plus
beau monument. Newton y est jugé par le partisan le plus
spirituel et le plus constant de Descartes, et presque par
Descartes lui-même. Aussi, tout y a-t-il un caractère parti-
culier de grandeur et de délicate réserve. » Le disciple de
Descartes saisit, d’ailleurs, avec une extrême finesse, le point
où Newton peut lui-même paraître se rapprocher de
l'hypothèse scholastique. Selon lui, peu s'en faut que
Newton ne considère l'attraction à son tour, sinon comme
une forme substantielle et une entité réelle, au moins
comme une cause ou une force connue , et qu'il n'arrive
à la personnifier. « L'usage perpétuel , dit-il, du mot at-
traction , soutenu d’une grande autorité, et peut-être
aussi de l’inclination que l'on croit sentir à M. Newton
pour la chosemèême, familiarise, au moins, ses lecteurs avec
une idée proscrite par les Cartésiens. Il faut être en garde
pour ne pas lui imaginer quelque réalité. On est exposé
au péril de croire qu'on l'entend. »
M. Flourens suppose un Newtonien répondant à Fonte-
« nelle: « Laissons un moment l'attraction considérée comme
propriété, comme force essentielle ; n’y voyons qu'un fait.
L'attraction est un de ces faits primitifs et élémentaires
qui , ainsi que les causes , semblent nous avoir été cachés
par la nature. La philosophie n’a qu'un but, d'arriver à
la vue directe des choses, et, par conséquent , de suppri-
mer tout vain intermédiaire , tout faux milieu. Descartes
avait supprimé les faux milieux de la scholastique , et
Newton a supprimé les faux milieux de Descartes. En un
mot, l'attraction est une propriété primitive de la matière.
La philosophie de Newton tend partout aux forces, mais
aux forces réelles, ou aux forces données par les faits,
aux forces expérimentales. »
32% ACADÉMIE DE ROUEN.
S'il nous était permis d'intervenir dans cette haute dis-
eussion , et de donner à notre tour la parole à un disciple
de Leibnitz, celui-ci demanderait au disciple de Newton
d'où il tire cette notion de force , et si elle n'est pour lui
qu'un vain mot; il demanderait si e’est à l'expérience et
aux sens qu'il la doit, et pourquoi il se croit obligé de la
transporter dans la métaphysique des sciences. Il deman-
derait si cette notion de force, introduite dans les sciences
physiques, ne doit pas ouvrir une nouvelle perspective ,
faire considérer la nature sous un point de vue tout nou-
veau ; sile monde, dès-lors, ne serait pas autre chose
qu'une collection de phénomènes ou de faits rattachés
à d’autres phénomènes ou d’autres faits généraux, et
qualifiés de faits primitifs. Nous n'irons pas plus loin ;
il nous suffit d’avoir montré qu'il est peut-être possible
d'aller aude-là de Newton dans la carrière ouverte par
Leibnitz, qui, prenant au sérieux la notion de force,
et la développant dans la physique comme dans la théo-
dicée et la psychologie, fait faire à la métaphysique un
pas au-delà du point où l'avaient conduite Descartes et
Newton.
D'Alembert, dans la célèbre préface de l'Encyclopédie,
loue particulièrement Fontenelle d’avoir appris aux sa-
vants à secouer le joug du pédantisme. «Et, il a raison,
dit en terminant M. Flourens : car ce n’est pas là un mé-
diocre service. Les subtilités , les obseurités , les puérilités
de l’école auraient peut-être détourné pour toujours les
bons esprits des vraies et solides études. Le pédantisme
était le dragon qui gardait cet autre jardin des Hespérides.
Fontenelle apprit au monde que le bonnet, la robe, les
enrouements gagnés sur les bancs des écoles n'étaient
pas la science, et il apprit aux Savants qu'ils pouvaient
très bien rester hommes d'esprit en devenant savants...
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 325
Son bonheur même fut de venir dans le temps même où
de grands génies fondaient cette philosophie moderne
qui a renouvelé les sciences. Il fut le premier interprète
de ces grands génies ; il apprit d'eux à penser , et, dans ce
genre, la plupart des autres hommes ont appris de lui. »
J'espère, Messieurs, que cette analyse, tout imparfaite
qu'elle est, a sufli pour vous donner une idée du livre de
M. Flourens. Ce livre est du plus haut intérêt pour le phi-
losophe et pour le savant ; il sera lu aussi avec plaisir par
les hommes étrangers aux sciences , et qui s'intéressent
à leurs progrès. Il est éminemment propre à en inspirer
et à en fortifier le goût , par les vues élevées, les aperçus
ingénieux , les citations habilement choisies dont il est
semé, par la clarté du plan et de l'exposition , la netteté
et la simplicité du style. Le secrétaire actuel de l'Aca-
démie des sciences , le digne appréciateur des travaux
de Georges Cuvier et de son frère , le successeur de Fon-
tenelle, se montre aussi son vrai disciple. Il est impos-
sible, en effet, en lisant cet éloge de Fontenelle, loué
comme il a loué lui-même ses devanciers, c'est-à-dire
par une appréciation historique et philosophique de ses
œuvres, de n'être pas frappé de la ressemblance du pa-
négyriste avec son héros. M. Flourens n'a pas besoin de
nos éloges; mais si nous voulions relever les mérites de
son livre, nous ne pourrions mieux faire que de lui
emprunter les expressions avec lesquelles il énumère les
qualités de Fontenelle, et apprécie ses deux principaux
ouvrages. Même élévation et même justesse‘de coup-d’œil ;
mème habileté à faire ressortir sa pensée ; même netteté et
ne possède mieux que l'admirateur de Fontenelle son
talent de résumer , de tirer au net une idée, de la mettre
326 ACADÉMIE DE ROUEN.
en lumière et de la fixer dans l'esprit du lecteur, de faire
parcourir à celui-ci, sans efforts et avec agrément, une
série d’aperçus élevés et de résultats généraux; de les
vivifier et justifier par des exemples ou des citations bien
choisis et naturellement fondus dans l’ensemble. En un
mot, son livre se lit comme une préface et un éloge de
Fontenelle.
En terminant, nous dirons que la ville de Rouen doit
être reconnaissante envers M. Flourens, pour le mo-
nument qu'il vient d'élever à l’un des hommes illustres
auxquels elle est glorieuse d’avoir donné le jour. Quant à
l'Académie , je ne crois pas sortir de mes attributions de
rapporteur, en ajoutant qu'elle doit des remerciements
empressés à l’auteur d’un livre qui intéresse toutes les
Académies, et celle de Rouen plus que toutes les autres ,
puisqu'il s’agit d'un homme qui a puissamment con-
tribué à sa fondation , et qu’elle place dans ses armoiries
à côté de Corneille et de Poussin. Elle ne peut qu'être
singulièrement flattée de l'hommage délicat qui lui en a
été fait, et de la demande du titre de correspondant qui
lui est adressée à cette occasion par le Secrétaire perpétuel
de l’Académie des Sciences de Paris, membre à la fois
de l'Académie Française, et qui occupe une position si
éminente dans la science et la littérature. Le nom de
M. Flourens doit jeter un nouvel éclat sur la liste de vos
associés , où se remarque déjà plus d’un nom célèbre dans
les Sciences et dans les Lettres. Cette demande prouve ,
d’ailleurs , la haute estime dont jouit votre Société dans le
monde savant. Elle doit stimuler son zèle pour la conserver,
et l'encourager à poursuivre avec la même ardeur ses hono-
rables et utiles travaux.
ee 90 —
ra nn 65 eat?
VORIES MISUDRIDUR
SUR L'ANCIENNE
ABBAYE DE BELLOSANE,
Par M. l'Abbé COCHET.
Hugues V, dernier des sires de Gournay, était un pieux
et vaillant chevalier. L'Orient avait connu la gloire de ses
armes et la collégiale de Saint-Hildevert l'avait souvent vu
agenouillé au pied de ses autels. Non content d'enrichir
de reliques et de trésors l’église de ses pères , il voulut
lui-même laisser un monument de sa piété et de sa for-
tune. Entre l'étang de Bray et l'étang du Mont-Louvet
qui ne couvraient pas moins de 1,400 arpents de terre ,
il fonda, dans un rendez-vous de chasse, l’abbaye de
Bellosane. L'Isle-Dieu florissait alors sous la conduite du
bienheureux Hugues de Saint-Jovinien, et sous la protec-
tion de Regnault de Pavilly et de Gilbert de Vascœuil.
Depuis dix ans, les bords de l'Andelle ne retentissaient
plus que de saints cantiques , les marais se desséchaient ,
les bois s'essartaient ; chaque jour le pays se fertilisait ,
et déjà on semblait entrevoir sur ces rives demi-sauvages
toute la richesse qu'elles étalent aujourd'hui.
328 ACADÉMIE DE ROUEN.
L'ordre de Saint-Benoît, déjà puissant, commençait à
jouir de ses biens ; les Prémontrés, encore pauvres, se
livraient tous lesjours à la prière et au travail des mains (1).
Ce fut à eux que Hugues de Gournay, à l'exemple de
Regnault de Pavilly, confia sa maison naissante, et avec
elle le dessèchement de la vallée et l'assainissement du pays.
C'est ainsi que Bellosane devint la fille aînée de l’Isle-
Dieu.
En 1198, le jour de la consécration de l'église et de
l'introduction des Religieux dans le monastère , le vertueux
chevalier déposa sur l'autel sa charte de fondation (2),
en présence de Gautier de Coutances, archevêque de
Rouen, et des abbés de l'Isle-Dieu, du Bec-Hellouin, de
Beaubec et d'Ardenne. Il déclara solennellement, devant
Dieu et devant les hommes , que c'était pour le repos de
son ame, pour celles de son père et de sa mère, de ses
ancêtres et de ses descendants, qu’il fondait cette abbaye
en l'honneur de Notre-Dame, et qu'il la dotait largement,
afin que les Religieux pussent faire abondamment l’aumône à
tousles pauvres qui viendraient la leur demander. C’est pour
cela qu'il lui donnait les dîmes et le patronage des églises
d'Elbeuf-en-Bray, du Thil, de Saint-Lucien , de Brémon-
tier, de Merval et de Sainte-Marguerite (3), donations
qui furent confirmées l'année suivante par l'archevêque de
Rouen.
(1) Relation géographique et historique de l'établissement de
l’abbaye de l'Isle Dieu, dressée en 1760 par P. De la Rue, abbé de
l'Isle-Dieu. Chez M. Édouard Quesnel , a Auzouville.
2) Carta fundationis, apud Gallia christ, t. XI, p. 29, instrum.
(3) Litteræ arch. roth. pro monast. Bellosanæ, apud Gall. christ.
t. XI, instrumenta, p. 31
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 329
Cette abbaye a subsisté près de six siècles, pendant
lesquels elle a compté trente-cinq abbés. Trois d'entr'eux
ont brillé dans les Lettres et dans les Sciences. Cette tri
nité glorieuse apparut à la fin du xvi siècle, comme pour
consoler l'abbaye de la funeste institution des Commandes.
Ces trois abbés furent Vatable, Amyot et Ronsard,
hommes de génie qui ont donné tous trois l'impulsion
à leur siècle et à la littérature. Vatable, professeur
d'hébreu à l'Université de Paris, ressuscita parmi nous
l'étude des langues sacrées. Amyot, traducteur de
Plutarque , rendit populaire la vie des grands hommes de
l'antiquité, et embellit par ses grâces naïves le prince
des biographes. Ronsard, tant de fois couronné pendant
sa vie, fut un des pères de la poésie française , et l’un des
créateurs de notre langue. Ces hommes ont jeté sur Bel-
losane un reflet de gloire qui brille encore , et que chaque
âge semble rendre plus éclatant.
Mais, au xvur siècle, l'abbaye ravagée par les guerres
de la Ligue, privée de ses protecteurs, abandonnée même
de ses enfants , n’était plus qu'un monceau de ruines abri-
tant à peine deux ou trois Religieux, errants comme des
fantômes au milieu des tombeaux. Les choses étaient ainsi,
en 1680 , lorsque parut un homme de cœur et de tête.
Henri Blavette, devenu prieur du monastère, en administra
les revenus avec tant de sagesse et d'économie, qu'il
releva le cloître et tous les bâtiments de l’abbaye, embellit
l'église de tableaux, rendit à la sacristie ses ornements,
à l'autel ses vases sacrés, au chartrier ses titres, et à la bi-
bliothèque ses livres et ses manuscrits. Ce monastère devint
en peu de temps un des plus brillants de la province (1).
En 1732, un homme de haute intelligence seconda beau-
1) Gallia christ, t. XI. — Duplessis.
330 ACADÉMIE DE ROUEN.
coup le prieur dans l’accomplissement de ses plans de
restauration et de réforme : Urbain Robinet, vicaire-
général de Rouen et abbé de Bellosane, apporta dans le
gouvernement de l’abbaye le même esprit d'ordre et de
méthode qu'il avait déployé dans l'administration du dio-
cèse. Homme de progrès et savant théologien, il avait
donné une preuve de son savoir-faire dans la composition
du bréviaire , et dans la réforme de la liturgie diocésaine.
Le choix des hommes dont il s'entoura pour cette grande
entreprise , lui fait autant d'honneur que ses travaux
eux-mêmes (1).
Mais pourquoi faut-il que de cette abbaye relevée avec
tant de peine, il ne reste plus aujourd’hui que le souvenir.
La révolution a été ici plus cruelle qu'ailleurs ; Jumiéges,
Valmont, Saint-Wandrille, montrent encore des ruines
vénérées par tous les voyageurs; à Bellosane, il ne reste
pas pierre sur pierre. Quoique cachée au fond d’un désert,
comme dans une Thébaide nouvelle , quoique placée au
milieu d’un pays qu'elle avait émergé des eaux, et dont
elle n'avait cessé d’être la perpétuelle bienfaitrice, la
proseription générale l'a frappée encore plus impitoyable-
ment que les autres. Les sept Religieux qui formaient en
1791 toute la communauté, se dispersèrent dans le monde.
M. Dufour, dernier prieur, a eu seul le bonheur de mourir
à l'ombre du cloître qui avait protégé ses premiers ans.
Il repose derrière l’église de Sainte-Marguerite. Ses osse-
ments touchent à ceux des saints ; car, en 1791, aux ap-
proches de la tourmente révolutionnaire , un moine cacha
i) Nous citerons, entre autres, Étienne Geffray, curé de Hautot-
le-Vatois, et M. De la Chapelle, curé de Mentheville cet doyen des
Loges.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 331
dans le cimetière les saintes reliques qu'il craignait ds
voir profanées. L'abbaye alors fut mise au pillage, le:
vases sacrés furent volés, l'orgue vendu et dilapidé, les
cloches enlevées pour faire des canons , les tableaux , les
bas-reliefs dispersés dans les églises et dans les maisons
du voisinage. Chacun en prit tant qu'il voulut.
L'église fut vendue comme propriété nationale. Achetée
vers la fin du sièele par M. Certain , depuis comte de Bel-
losane , elle fut démolie par ses ordres, sous la direction
du dernier des moines !! Les pierres de l'édifice furent
employées à paver les chemins, à réparer les fermes ou
à faire de la chaux. En 1827, lorsqu'on creusa les fonde-
ments du château actuel, bâti sur l'emplacement même
de l’abbaye, on trouva un certain nombre de pierres tom-
bales. On rencontra aussi des caveaux , dans lesquels
étaient des sépultures de moines. Les Religieux avaient
encore leurs croix et leurs chapelets placés près d'eux,
comme ces abbés de Jumiéges que l’on retrouve encore
avec leur bâton de bois et leur crosse de cuivre.
L'ancienne abbaye était entourée d’eau , les fossés ont
été comblés ; le seul débris qui survive, c’est la mare du
fermier. Au bord de cette mare est un vieux saule , pa-
triarche de la contrée, qui, dit-on , a vu la reine Blanche
(d'Evreux), suzeraine de ces lieux au xiv° siècle. C'était sous
son feuillage que cette vertueuse veuve venait s'embarquer
quand elle voulait aller en barquette, soit à Forges , soit à
Gournay. Une suite non interrompue de lacs, se continuant
sur toute la vallée de Bray, lui permettait cette charmante
navigation. Le vieux saule , dernier témoin de ces scènes
historiques, est mort depuis quelques années , mais son
tronc vermoulu a été respecté à légal d'une relique Tous
les jours il tombe en pourriture, et ce n’est qu'en réunis-
sant ses morceaux que nous avons pu le mesurer , peut-
332 ACADÉMIE DE ROUEN.
être pour la dernière fois. Il nous a donné de diamètre
1 mètre 50 centimètres, et # mètres 50 centimètres de
circonférence. Nous laissons aux naturalistes le soin d’ap-
précier l’âge de ce doyen de la forêt de Bray.
Faisons maintenant connaître les objets d'art échappés
au pillage, et qui ont trouvé un asile dans nos églises,
comme les sciences en trouvèrent un au moyen-âge. Ces
précieux débris nous apprendront à regretter la perte des
autres. Trois églises se sont enrichies des dépouilles de
Bellosane : Argueil, Sainte-Marguerite et Brémontier.
Argueil , chef-lieu de doyenné , est une église pauvre ,
bâtie en briques, et qui ne compte pas cent ans d'existence.
Ses seuls trésors sont une jolie résurrection sur cuivre,
et deux bas-reliefs dans la nef, sculptés par les Religieux
de Bellosane. L'un présente un pape, dont un ange sou-
tient la tiare ; l’autre un saint solitaire, accompagné du
lion qui creuse la fosse de saint Paul , ermite , ou un saint
Marc , avec son attribut évangélique.
La petite église de Sainte-Marguerite de Bellosane est
plus riche. Bâtie au xvrre siècle, par les Religieux, elle
fut décorée par eux avec beaucoup de goût et de recher-
ches. La chaire, sortie des ateliers de la maison , montre
en relief les quatre évangélistes. Le lutrin, qui est un
Moïse , le rayon sur le front, provient de l’église abba-
tiale. Trois bas-reliefs sur bois , et du meilleur goût,
tapissent l’abside ; c’est le martyre de sainte Marguerite,
l'adoration des Bergers et l’adoration des Mages.
Cette église , anciennement paroisse , est aujourd'hui la
chapelle du château. Sous le chœur est un caveau sépul-
cral creusé en 1838 pour être le lieu de sépulture de la
famille de Bellosane. Deuxmembres y sont déjà descendus,
et, sur une pierre de marbre, on lit ces inscriptions :
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 333
« Ici repose le corps de M. Charles Certain, comte de
Bellosane , ancien conseiller à la Cour des Aiïdes , fonda-
teur et bienfaiteur de cette chapelle, né à Paris , le 3 juin
1763 et décédé à Paris le 29 juillet 1838.» — « Ici
repose le corps de M. Charles Certain, comte de Bellosane,
né à Sceaux , le 10 janvier 1795, officier de la légion d'hon-
neur, chevalier de Saint-Ferdinand d'Espagne, lieute-
nant-colonel d'État-major, membre du Conseil général
de la Seine-[nférieure , ancien maire de Brémontier , mort
à Paris le 18 mai 1840. »
Mais c’est dans l’église de Brémontier-Merval que l’on
a entassé, comme dans un Musée, toutes les richesses
artistiques de l’ancien monastère. Le lieu n’était pas mal
choisi, car, selon la tradition, cette église a été une an-
cienne abbaye , et Duplessis prétend que c’est là qu'il faut
chercher le tombeau de saint Guitmard et l’origine de la
collégiale de Gournay. Le curé assure que , dans les her-
bages environnants , on aperçoit des débris de murs pro-
venant de l’ancienne maison conventuelle. L'édifice actuel
n'a aucun intérêt. Le chœur date de 1733 ,et la nef du
xvi° siècle. Le berceau est orné de fleurons , de médaillons
et d'armoiries de ce temps. Le baptistère seul date du
xu° où du xm° siècle. C'est une cuve ronde supportée
par une colonne cylindrique flanquée de quatre colonnettes
à chapiteaux de cornes, et couronnée d’une corniche de
feuillages. Tout ceci est loin d'annoncer la magnificence
de la décoration mobilière.
Parmi les principaux objets qui remplissent le chœur, on
remarque les stalles en chêne, trop grandes pour une si
petite église, la chaire décorée des attributs évangéli-
ques, l'aigle servant de lutrin, l'autel construit à la
romaine, dont une des faces, malheureusement , est
334 ACADÉMIE DE ROUEN.
cachée ; celle qui est visible présente Jésus-Christ mis dans
le tombeau. Autour de l'autel sont sculptés, en relief, les
instruments de la Passion. Ces boiseries surmontaient autre-
fois les ogives de la chapelle de la Sainte Vierge. I y a dix
personnages dont l'un tient l'échelle , l'autre la lance et
l'éponge , celui-ci les verges , celui-là les clous; viennent
ensuite le marteau et les tenailles, le vase au fiel et au
vinaigre, et le mouchoir de Sainte Véronique. Les sujets de
la Passion paraissent avoir été reproduits au xvn* siècle
avec une prédilection toute particulière. Nous les avons
trouvés sur les bossets et les poutres des chœurs de Grèges
et de Bracquemont , sur les vitraux de Biville-la-Baignarde
et jusque sur le pied d’un calice en argent, donné en 1682
à la chapelle du château de Bellengreville.
Le chœur de Brémontier est encore tapissé de quatre
magnifiques bas-reliefs, en bois, de grande proportion :
le premier c’est Jésus monté en Croix, le second c’est
Jésus descendu de la Croix, le troisième c'est Jésus mis
dans le tombeau, et le quatrième , enfin, c'est Jésus res-
suscité.
Dans la nef, c'est plus beau encore. Deux autels sont
placés à droite et à gauche de l’arcade du Crucifix ; des
bas-reliefs en forment les contretables. Sur l’un, c’est un
saint évêque, sur l’autre, c'est une assomption. Le bas
d’autel de ce dernier montre un Christ fort joli.
Mais les morceaux de sculpture les plus parlants, ce sont
quatre groupes d’une belle expression. Le premier, c'est
le squelette de la mort, une faulx à la main, frappant une
tête couronnée, abattue à ses pieds. Elle marche également
sur un sac d’or renversé, sur un glaive, un casque, une
tiare et un livre, tous emblèmes qui semblent dire que
nulle puissance ne peut résister à la mort, que, la cruelle
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 335
qu'elle est, n’épargne ni la science , ni le génie , ni le sa-
cerdoce, ni l'empire, ni la puissance de l'or, ni la puis-
sance du glaive.
Le deuxième groupe est une résurrection. L'ange du
jugement sonne de la trompette et semble faire entendre
ces lugubres paroles : Levez-vous, morts, et paraissez au
jugement. À sa voix, un homme et une femme sortent de
la tombe pour être jugés ; aussi, les deux groupes suivants
sont: la récompense et le châtiment.
Sur l’un est la Justice, la tiare sur la tête, tenant d'une
main le miroir de la vérité et de l’autre le glaive de la ven-
geance. Elle foule aux pieds une prostituée dont les seins
nus sont allongés démesurément par la luxure. Autour
d'elle sont des masques seéniques. Ne croit-on pas voir la
Justice châtiant la grande Babylone de ce siècle de corrup-
tion et d’hypocrisie ?
Enfin, sur le dernier, est la récompense de l'homme
juste. Le Père Eternel ouvre les bras pour recevoir l'âme
chrétienne ; l'ange des saintes espérances vole au-devant
d'elle, tenant dans ses mains la couronne de l'immor-
talité.
Toutes ces sculptures proviennent de l'abbaye de Bello-
sane et ont été exécutées par les Religieux de la maison,
Un ancien moine , qui fut longtemps curé dans les environs,
avait connu le frère artiste, et avait souvent cité son nom
aux gens du pays qui l'ont oublié. Ainsi, ces Religieux, que
l'on savait occupés à écrire et à copier des livres, faisaient
encore autre chose; plusieurs maniaient le ciseau avec
bonheur; les sculptures de Bellosane en font foi. Nos églises,
elles-mêmes, ne disent-elles pas bien haut que ces mains
religieuses savaient aussi travailler la pierre. La peinture,
336 ACADÉMIE DE ROUEN.
non plus, ne leur était pas étrangère ; les manuscrits colo-
riés du moyen-âge , les livres d'heures qui font l'ornement
de nos bibliothèques ne sont-ils pas autant de chefs-d'œu-
vre de patience monastique ? Après l’Antiphonaire et le
Graduel de Daniel d’Aubonne (1), après les Evangeliers et
les Epistoliers de Fécamp (2), qui oserait dire que le secret
du dessin et du coloris s’est jamais perdu chez les moines
de l’ordre de Saint-Benoit ?
Pauvre abbaye de Bellosane ! tu n'existes plus depuis un
demi-siècle ! Eglise, sacristie, cloître, chartrier, biblio-
thèque , tout a disparu ; mais les sciences et les arts con-—
serveront ta mémoire. Toujours, tes bas-reliefs feront
l'admiration des artistes et des chrétiens; toujours, les
noms de Vatable, d'Amyot et de Ronsard résonneront aux
oreilles des amis de la science : leur souvenir peuplera tes
ruines , comme l'ombre des guerriers peuple encore les
champs de bataille longtemps après leur mort !
(1) Daniel d’Aubonne , moine de Saint-Ouen , mort en 1715, mit
30 ans à composer le merveilleux Graduel que l’on voit maintenant
à la Bibliothèque publique de Rouen, ainsi que l’Antiphonaire
qui se trouve à la Bibliothèque du Séminaire.
(2) Chez M. Robin, médecin, à Goderville, qui les a reçus de
Dom Letellier, ancien moine de l’abbaye de Fécamp.
DN000NONONONDNNNONN PNNONNONNNNNNNONLOLNNINNNNNNMNNNNNN NU
EXAMEN
DES
LETTREN NUR L'HINTOIRE MONÉTAIRE
DE LA NORMANDIE,
De AM. fecointre-Dupont,
PAR M. A. DEVILLE.
M. Lecointre-Dupont a fait paraître, dans le recueil de
la Revue numismatique, de 1842 à 1845, une suite de
lettres sur les monnaies normandes , qu'il vient de réunir
en un corps de volume, auquel il a donné le titre de Let-
tres sur l'histoire monétaire de la Normandie. Ce vo-
lume, il vous en a fait hommage , et l'Académie, par l’or-
gane de son président , l'a renvoyé à mon examen.
L'auteur a d'autant plus de mérite d’avoir abordé ce
sujet, qu'il marchait à-peu-près sans guide ; 1l y a porté la
lumière. Le suceès le plus complet aurait couronné ses ef-
forts, si l'on devait en juger par les éloges qui lui ont été
adressés de toutes parts et par des hommes compétents.
Je ne serais pas éloigné de m’y associer, si l’on veut me
permettre un enthousiasme plus réfléchi, quelques obser-
vations , je dirai plus, quelques critiques.
22
335 ACADÉMIE DE ROUEN.
Une chose qui n’a pas cessé d’étonner les personnes qui
s'occupent de notre numismatique nationale, c’est la rareté
excessive , prodigieuse des monnaies ducales normandes.
Pour vous en donner une idée, je vous dirai, Messieurs,
qu'il n'existe, dans toutes les collections publiques et
particulières de l'Europe , que quelques pièces au nom des
Richard, petit-fils et arrière petit-fils de Rollon, et au
nom de Guillaume. On ne connaît pas une pièce de mon-
naie frappée en Normandie, des Robert, le père et le fils de
Guillaume le -Conquérant, de Guillaume-le-Roux, de
Henri 1, de Geoffroy-Plantagenet, de Henri Il, de Ri-
chard Cœur-de-Lion , de Jean-sans-Terre ; et, cependant,
lon sait qu'il y a eu de tout temps un atelier monétaire à
Rouen, et que sous Guillaume-le-Conquérant , spéciale-
ment , il y en avait un second à Bayeux.
Frappé de cette pénurie, M. Lecointre-Dupont s'est
appliqué à en rechercher la cause. Il prétend que les ducs
de Normandie cessèrent de frapper monnaie dès le milieu
du x1° siècle; qu'il n'est donc pas possible de trouver, à
partir de cette époque, des espèces portant le nom des
princes que je viens de passer en revue, ni celui de nosate-
liers monétaires normands. A défaut d'autre preuve que
celle de l'absence de ces monnaies, (preuve toute né-
gative dans la question), l'auteur en donne la raison
suivante :
Guiliaume-le-Batard, dit-il, voyant que ses monnaies ,
qui étaient d’un titre plus élevé que celles des princes ses
voisins , étaient exportées et fondues , et ne voulant pas ,
ne pouvant pas , à leurexemple, en affaiblir le titre, (car,
d'après l’auteur, il en avait pris l'engagement envers ses
sujets, qui avaient consenti, à cet effet, à lui payer un
droit de monnéage, dit autrement de fouage) renonça à
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 339
frapper monnaie, pour éviter des frais de fabrication et
la perte que l'exportation du numéraire lui faisait éprouver.
Cette supposition me paraît, pour expliquer franchement
ma pensée, plus ingénieuse que vraie.
Il faudrait d’abord nous dire comment, dans ce système,
Guillaume-le-Conquérant et ses successeurs immédiats
s’y prirent pour satisfaire aux besoins du commerce, des
transactions de toute espèce et du gouvernement lui-même;
Caron ne pouvait se passer d'un signe représentatif. L'au-
teur ne s'arrête point à cette difliculté.
Pour revenir à son système et l'examiner pris en lui-
même, l’auteur aurait dù prouver, d’abord, que le titre
des pièces de Guillaume était plus élevé que celui des
monnaies des princes ses voisins, ce qui n’est établi nulle
part et ce que l’auteur avance sans preuve à l'appui. Il
faudrait ensuite montrer que le droit de fouage ou monnéage,
l’un des points de départ de son argumentation, existait
sous nos premiers ducs, ce qui est moins que présumable.
On ne connait pas, en effet, l’origine de cet impôt redhibi-
toire , si tant est qu'on doive lui reconnaitre ce caractère ;
M. Lecointre-Dupont convient lui-même qu'on ne sait à
quelle époque il remonte. Il faudrait prouver enfin, en
troisième lieu, que les dues de Normandie , à commencer
par Guillaume lui-même , ont résisté à l'exemple général
et ont renoncé à altérer leurs monnaies. L'auteur n’en
fournit aucune preuve. I n’a pas fait essaver une seule
pièce ; il ne nous donne, du moins, le titre d'aucune.
Ce qu'il nous raconte du duc Guillaume, n'expliquerait
pas d’ailleurs l'absence des pièces sous son père Robert,
dont on ne connaît pas une seule monnaie.
En renonçant à faire valoir ces objections, qui sont,
340 ACADÉMIE DE ROUEN.
certes, d'un grand poids dans la question , il serait facile
de détruire , par un seul fait, l'argumentation sur laquelle
repose l’assertion de l'auteur , et de lui prouver que, loin
d'être fermé sous Guillaume-le-Conquérant, et à tout
jamais , l'atelier monétaire de Rouen, spécialement, fonc-
tionnait encore sous le dernier des fils de ce prince En
effet, Henri I", dans une de ses chartes délivrée pour
l'abbaye de Fontevrault, en 1137, concède des droits
attachés au monnoyage de son atelier de Rouen, preuve
que cet atelier était resté en vigueur : quoque anno C libras
Rothomagi , in moneta mea de Rothomagi, de censu ejus-
dem monetæ (1).
Au surplus, l’auteur semble se charger lui-même d'af-
faiblir son assertion, car, oubliant ce qu'il a avancé, il
parle de pièces rouennaises sous Henri II et sous Jean-
sans-Terre.
Je ne sais si je m'abuse, mais je crois qu'on pourrait
expliquer, plus naturellement que ne l'a fait l'auteur, l'ex-
trême rareté de nos pièces normandes.
Les dues de Normandie percevaient un droit assez con—
sidérable sur l'émission des espèces monnoyées , qu'ils s'é-
taient exclusivement réservée. Pour augmenter ce revenu,
à leur avènement au trône ducal, ils décriaient toutes les
pièces émises par leur prédécesseur ; elles étaient immé-
diatement retirées de la circulation On était tenu, sous
des peines sévères, de les porter aux ateliers monétaires
du duc , où l'on recevait en échange des pièces nouvelles
à son nom, en payant le droit de monnoyage ; véritable
impôt, très lucratif, qui faisait rentrer immédiatement
ETS
i) Archives de Maine-et-Loire.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 31
une somme considérable dans les coffres du nouveau duc.
La même opération se répétant d'un règne à l’autre, on
conçoit que les espèces des règnes successifs ont dû s'é-
teindre ainsi à la suite les unes des autres et disparaitre
presque complètement.
Quelque soit, au surplus, la valeur de cette explication
pour rendre compte de l'extrême rareté de nos pièces du-
cales, elle à du moins le mérite de reposer sur un fait
positif et d'embrasser la succession des règnes d’une ma-
nière uniforme , en même temps qu'elle n'a rien que de
simple et de très naturel.
J'ai dit qu'on ne connaissait de nos dues que quelques
pièces au nom de Richard et à celui de Guillaume : ce sont
des deniers d'argent, d'un métal plus ou moins pur, qui
pèsent généralement de 18 à 2% grains.
Tout le monde est d'accord pour reconnaître que les de-
niers au nom de Richard, d'après leurs types et les ca-
ractères de leurs légendes, ne peuvent s'appliquer à Ri-
chard Cœur-de-Lion ; mais qu'ils doivent être attribués à
l'un des Richard , I, Iet IN, qui se sont succédés immé-
diatement après Guillaume-Longue-Épée, de l'an 943 à l'an
1026, si même ils ne doivent leur être partagés, car rien
sur ces pièces n'indique au quel de ces Richard on peut les
donner de préférence.
Quand aux deniers au nom de Guillaume, dont le Cabinet
des Médailles à Paris possède un très bel exemplaire, sur
lequel on lit Willelmus et au revers Rotomacus, un des an-
ciens conservateurs de cet établissement, M. de Longpérier,
le donne à Guillaume-Longue-EÉpée, fils de Rollon. Il
serait trop long d'énumérer ici les raisons qui m'ont tou-
342 ACADÉMIE DE ROUEN.
jours fait penser que cette pièce est plus jeune d'un siècle
et qu'elle a du être frappée par Guillaume-le-Bâtard. M. Le-
cointre-Dupont, dont le nom fait autorité dans la matière ,
partage notre opinion.
M. Lecointre , dont l'ouvrage est accompagné de plan-
ches gravées, a donné le dessin de dix des pièces dont nous
venons de parler. Le Musée des Antiquités de Rouen , au-
quel il a fait un emprunt, aurait pu lui en fournir deux
ou trois antres non moins intéressantes.
A part cette lacune , il est à regretter qu'il n'ait point in-
diqué le poids des pièces qu'il a fait dessiner. Nous avons
dit plus haut que le titre n'en avait pas été constaté.
Un oubli moins pardonnable est celui que l’auteur à com-
mis, de ne point nous faire connaître le système monétaire
de nos dues, dont il avait entrepris , d’après le titre de son
livre, d'écrire l'histoire.
Il lui eût été facile cependant , à l’aide des chartes, des
documents historiques, d'expliquer que la monnaie de
compte en Normandie était la livre, le sou, le denier,
l'obole ; qu'on ne frappait ni livre , ni sou ; que le denier,
toujours en argent, auquel il faut peut-être joindre
l'obole , qui en était la moitié, était la monnaie unique et
courante. On disait une livre de deniers , un ou plusieurs
sous de deniers, et l'on payait en deniers. La monnaie de
cuivre ou de billon était inconnue. Quant à l'or, on n’en
frappait pas ; il circulait, dansle commerce, sous son poids,
en barre ou par morceaux ; on se contentait de le peser.
On trouve souvent, dans les chartes, la mention d'une livre,
d'une once d'or, jamais l'expression d'une pièce mon-
dé ml
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 343
noyée (1). Cet usage avait-il été introduit en Normandie par
les hommes du Nord, sous Rollon et son fils? Ce qui peut
le faire penser, c'est que, dans la patrie de Rollon, il était
général et s’appliquait même à l'argent. On a trouvé, il y
a quelques années , dans une des îles du Nord, un vase
dans lequel étaient de petites barres d'argent et des an-
neaux de même métal, qui avaient été entaillés et coupés
par morceaux , pour servir de monnaie.
Je me suis étendu sur ce qui concerne l’époque nor-
mande proprement dite, celle qui s'applique au règne de
nos dues et qui finit en 120% avec l'occupation française
sous Philippe-Auguste , comme étant, pour notre histoire
monétaire, la plus importante de beaucoup, en même
temps qu'elle est la plus obscure et la plus difficile à étu-
dier.
M. Lecointre-Dupont ne s'arrête pas là ; il suit la numis-
matique de notre province sous les princes français et la
conduit jusqu'à Henri IV inclusivement.
L'auteur , soit faute de documents, soit qu'il n'ait point
assez multiplié ses recherches, laisse quelque chose à
désirer dans cette seconde partie de son travail. C'est ainsi
qu'il ne nous indique aucunes des monnaies qui ont dû être
frappées dans l'atelier de Rouen, sous Philippe-Auguste,
Louis VITE, Saint-Louis et ses successeurs jusqu'à Charles V.
(1) Quelquefois on parle de besants, bisancü. Cette monnaie
orientale avait pu être importée en Normandie, par la voie des
pélerinages, des croisades ou même du commerce. L'absence d'or
monnoyé dans cette province avait dû favoriser la circulation
de ces besants ct les faire rechercher.
3h44 ACADÉMIE DE ROUEN.
Il a pu recueillir cependant quelques documents écrits ,
qui offrent certes de l'intérêt, mais qui ne suffisent pas
pour combler cette lacune. Ces documents sont particu-
lièrement relatifs à l’altération des monnaies, véritable
plaie du moyen-âge.
Ce n’est que dans le xiv® siècle que l’auteur retrouve et
nous montre des pièces frappées en Normandie ; ce sont
celles qui portent le nom et l’effigie de Charles-le-Mauvais ,
roi de Navarre.
Il franchit encore un siècle, pour arriver à l'invasion de
1419. Là, dans cette période de trente années que dura
l'occupation anglaise , les espèces à l’efligie et au nom de
Henri V, de Henri VI, sorties de nos ateliers, or, argent,
billon , abondent. [1 semblait que la Normandie en fût
inondée.
L'atelier de Rouen ne suflisait pas à cette émission ;
Saint-Lô lui fut associé pour la Basse-Normandie.
En dehors de ces deux maisons monétaires, il en existait
une troisième, mais qui ne reconnaissait pas l'autorité an—
glaise , et qui ne fut que temporaire. Cet atelier était établi
au Mont-Saint-Michel, qui n'avait pas ouvert ses portes
aux Anglais. On n’a pu encore, malheureusement, signa-
ler aucune de ces curieuses pièces obsidionales.
Charles VIT, rentré en possession de la Normandie,
maintint l'atelier de Saint-Lô. Pour distinguer les espèces
de cet atelier d'avec celles de l'atelier de Rouen, il leur
donna une marque ou différent, qui consistait, pour Rouen,
dans un point sous la quinzième lettre de la légende, pour
Saint-Lô sous la dix-huitième. On ignore le différent des
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 345
pièces normandes antérieures (1). Toutle monde sait que,
plus tard, chaque hôtel de monnaies de France reçut une
lettre de l'alphabet. Rouen eut le B, Saint-Lô le C (2).
Du xv° siècle, nous passons avec l’auteur au xvi°. Arré-
tons-nous, avec lui, à l'invasion des Protestants et au pil-
lage de Rouen en 1562.
On sait par le témoignage des historiographes normands
que lesReligionnaires pillèrent les trésors de nos églises, en-
levèrent l'or et l'argent des vases sacrés et desreliquaires, et
qu'ilsles convertirent en espèces monnoyées. M, Lecointre-
Dupont aflirme que les Protestants supprimèrent, sur ces
pièces, le nom et l'effigie du prince régnant, de Charles IX.
C’est une erreur; les Religionnaires n'allèrent pas jusque là.
Seulement, en plaçant la tête du jeune prince sur les mon-
naies frappées à Rouen, ils la tournèrent, dit-on, à gauche
par mépris, et appelèrent par dérision ces pièces, des
Morveux , par allusion à l’âge de Charles IX. Ce prince
n'avait que douze ans à cette époque.
De Charles IX l'auteur saute à Henri IV, et se contente
de donner, en terminant, quelques pièces à l’efligie de ce
prince ffappées à Saint-Lô, qui font honneur à cet atelier
monétaire. Je pense qu'il aurait pu y joindre , comme frap-
pées en Normandie, quelques-unes des premières pièces
qui parurent au nom du compétiteur de Henri IV, du car-
dinal de Bourbon, archevêque de Rouen, abbé de Jumiéges,
dont les prétentions à la couronne furent accueillies avec
tant de faveur par le clergé normand.
(1) Disons cependant que les princes anglais firent mettre un
point sous la deuxième lettre des gros de Saint-Lô.
(2) Ordonnance de Soissons, de 1539, sous François [°°
346 ACADÉMIE DE ROUEN.
Je rendrais un compte incomplet de l'ouvrage de M. Le-
cointre-Dupont, si je ne mentionnais les nombreuses pièces
justificatives, dont il l’a accompagné, et qui n’en sont point
la partie la moins curieuse et la moins importante. Félici-
tons l’auteur de les avoir données in extenso et non d’une
manière tronquée.
Les critiques légères que je me suis permises ainsi que
les lacunes que j'ai signalées , n'infirment pas les éloges
auxquels je me suis associé au début de ce rapport.
Il appartient à M. Lecointre-Dupont de revoir, de com-
pléter son travail. Personne, plus que lui, n’est à même de
l'amener au degré de perfection relatif que comportent la
matière et les monuments qui nous restent. Espérons qu'il
répondra à cet appel.
tt @0———
API RPI AI RIT AENTIOEE
NOTICE
sur
M. LE COMTE MARCHETTI,
DE BOLOGNE,
PAR M. A.-G. BALLIN.
Messieurs,
Lorsqu'en 1812, j'étais archiviste de la secrétairerie
d'État du royaume d'Italie, j'avais pour collaborateur un
jeune italien qui, par ses brillantes études et sa position
sociale, pouvait aspirer aux emplois les plus importants ;
il était marié à une femme charmante , fille adoptive du
ministre Aldini; nous passions ensemble, dans un bien
petit cercle, d’agréables soirées , où se trouvait quelque-
fois un certain Carmanini, bouffe au Théâtre-Italien, plus
plaisant encore dans l'intimité que sur la scène. Mon col-
lègue se livrait alors sans réserve à la plus franche gaîté,;
cependant il avait des dispositions à la mélancolie et je le
voyais souvent, avec quelque impatience, se promener à
grands pas dans notre vaste bureau de l'Hôtel de Breteuil ,
où, pour dire la vérité, nous n'étions pas surchargés de
besogne. Que faites-vous, lui disais-je? — Je pense. —
318 ACADÉMIE DE ROUEN.
Pourquoi n'écrivez-vous pas? — Îl n'en est pas encore
temps, me répondait-il.
Les grands événements qui ont détruit tant d'espérances,
nous ont séparés ; rentré à Bologne, sa patrie, il a été as-
sailli par des vicissitudes diverses qui ont dû suspendre et
modifier le cours de ses méditations ; enfin , après bien des
années, le calme a succédé à l'orage. Mon jeune homme
était parvenu à la maturité de l’âge et du talent, le temps
d'écrire était enfin arrivé, mais forcé de renoncer à devenir
homme d'État, son génie le fit poète, et, cédant aux ins-
tances de quelques amis, il consentit à publier deux petits
volumes que l'Italie accueillit avec une telle faveur, qu'elle
l'éleva dès-lors au rang de ses poètes vivants les plus re-
marquables. C’est ce qui lui valut l'honneur d’être choisi ,
entre tant d'hommes distingués, pour composer la cantate
dont je vous ai entretenus à l’une de vos précédentes séan-
ces. J'ai pensé, Messieurs, que vous ne seriez pas fâchés
que je vous fisse faire plus ample connaissance avec l’au-
teur, M. le comte Marchetti, de Bologne. C’est aujourd’hui
un homme de 57 à58 ans, d’une taille assez élevée, mais
d'une complexion délicate ; son aspect est noble et gra-
cieux , son front large annonce une haute intelligence et
de solides pensées; il sait allier la dignité aux formes les
plus agréables. Pur de toute ambition, étranger à l'envie ,
ami sincère et dévoué, il est bienveillant pour tous, et ses
paroles graves et sérieuses sont toujours exemptes de fiel.
Les deux volumes dont je viens de vous parler, se com-
posent d'une cinquantaine d’odes, tant originales que tra-
duites ou imitées d'Anacréon et d'Horace ; d’une trentaine
de sonnets et de quelques autres poésies, outre deux dis-
cours en prose ; l’un sur l’état de la littérature italienne en
1824, l'autre sur la principale allégorie du poème de Dante,
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 349
où il paraît avoir enfin dévoilé la véritable signification de
la fameuse Forêt obscure et sauvage, et des trois bêtes fé-
roces, la panthère, le lion et la louve, qui, depuis cinq
siècles, ont fait le tourment des commentateurs. Il en
donne une explication toute nouvelle, fondée sur une étude
approfondie des trois parties de la Divine Comédie. Peut-
être essaierai-je de vous la faire connaître plus tard.
Si la mission du poète, comme celle de l'orateur, est
d'inspirer au cœur de l'homme la vertu , l'amour de la pa-
inie, la piété, la bienveillance ; de le porter aux grandes
entreprises ; de le pénétrer de respect pour le malheur, de
mépris pour le vice dans la prospérité; enfin de révéler
courageusement les vérités utiles à l'humanité, M. Mar-
chetti à rempli cette noble mission , autant que le compor-
taient les sujets qu'il a traités.
Au dire de ses compatriotes, il a hérité de lalyre de Pé-
trarque, et ses odes ont ce caractère d'originalité qui donne
une vie durable aux œuvres de l'esprit, et distingue le poète
de l'écrivain , l'artiste de l’artisan.
Vous savez, Messieurs, combien ces sortes de composi-
tions perdent en passant d'une langue à une autre, et sur-
tout de la poésie à la prose ; vous devez donc vous attendre
qu'en cherchant à vous faire connaître l’une des pièces de
mon auteur, je ne vous en offrirai qu'une pâle imitation.
J'ai choisi celle qui se rattache en quelque sorte à notre his-
toire par les souvenirs qu’elle réveille ; elle a pour sujet le
fils de Napoléon , au moment où , bien jeune encore , il va
rejoindre son père au tombeau.
ACADÉMIE DE ROUEN.
©2
Qt
=]
PER
NAPOLEONE FRANCESCO
VICINO À MORTE.
E se re, dopo lui (1), fosse rimaso
Lo giovinetto che retro a lui siede,
Beme andava il valor di vaso in vaso.
Dante , Purg. ce. vu.
19
D'una luce vestito
Cui pari in terra non reggiô, Fortuna
Entro gemmata cuna
Un fanciullin ripose,
Alto dicendo : Etu sarai secondo.
Al suo molle vagito
Con immenso rispose
Grido di speme e di letizia il mondo.
2
Ze
Lui salutô da cento
Rocche Gradivo di festevol tuono ;
D'inni votivo suono
Ogni aër santo empiea ;
Benedicean lingue diverse a quella,
Che in si dolce momento
Di mezzo il ciel ridea ,
Più lucente del Sol paterna stella.
(1) Suivant Biagioli, il est question ici de Pierrelif, roi d'Arragon,
en 1276, et du dernier de ses fils, qui avait hérité de ses vertus,
mais qui n’a pas régné.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 301
ODE
SUR LES DERNIERS MOMENTS
DU FILS DE NAPOLÉON.
S1 cet adolescent , près de son siége assis ,
Eût, en lui succédant, pu ceindre la couronne,
La gloire et la vertu passaient de trône en trône.
Dans un riche berceau , la Fortune déposait un enfant
entouré d’une brillante auréole, dont l'éclat n'avait rien
d'égal sur la terre. Tu seras, s'écriait-elle , le second Na-
poléon, et, à son faible vagissement, le monde répondait
par une immense acclamation d'espérance et de joie.
2;
Du haut de ses citadelles, Mars, en signe d'allé-
gresse, le saluait de son tonnerre cent fois répété; dans
tous les temples, des hymnes portaient au ciel des vœux
pour lui, etdifférents langages célébraient, en un moment
si doux, l'étoile paternelle qui, radieuse au firmament,
paraissait plus brillante que le soleil.
302
(1) Amphrise, fleuve de Thessalie, sur le rivage duquel Apollon,
ACADÉMIE DE ROUEN.
.
L'aquila trionfale,
Con glauco ramo infra gli ancor vermigli
Mal provocati artigli,
Mosse dal Franco Seggio,
Fendendo a lieto vol l'aura superna ;
E delle nobil ale
Fe’ col lento remeggio
Parer l’orgoglio del sentirsi eterna.
He.
Sciogliea del Dio d’Anfriso (1)
L'immaginosa figlia alte parole :
« Salve, cantava , 0 Prole
In leggiadro sembiante
D'un miglior Numa e d’un più forte Scipio :
Caro del ciel sorriso ;
De la maggior fra quante
Splendon vite d'Eroi novo principio.
>.
« Apprenderai dal Padre
Come rabbia civil, come di fuore
Congiurato furore
Pur si sommette al piede ;
Come la patria a’ vinti si ridona,
Stanza all’Arti leggiadre,
Templi all'avita fede,
E alla raminga Astrea scettro e corona.
banni des Cieux, garda les troupeaux d’Admète.
DE
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 393
3.
L'aigle triomphale, tenant un vert rameau dans ses serres
encore rouges du sang des ennemis qui l'avaient si im-
prudemment provoquée , planait au-dessus du trône de
France, et, d'un joyeux essor, s’élevant jusqu'aux régions
éthérées, semblait, par le mouvement majestueux de ses
ailes , se glorifier de son éternité.
k.
L'ingénieuse poésie, fille du dieudes vers, chantait d’une
voix éclatante : «Salut, noble rejeton d’un héros plus sage
que Numa, plus vaillant que Scipion ; doux présent du ciel,
ta gloire naissante doit surpasser celle de tous les grands
hommes dont nous conservons la mémoire.
D.
«Tu apprendras de ton illustre père comment on écrase
sous ses pieds, et le démon de la guerre civile, et celui de
la guerre étrangère; comment on redonne la patrie aux
vainçus, un palais aux beaux-arts, des temples à l'antique
foi des ancêtres, et comment on rend le sceptre et la cou-
ronne à Thémis exilée.
23
35% ACADÉMIE DE ROUEN.
6.
« Quando al fren de la terra
Un di porrai le venerande mani,
Fian dietro a te lontani,
Con ogni lor mendace
Idolo, i tempi del servil pensiero :
Vana gli error fan guerra ;
Ei trionfa , e si piace
Di nuova gente apparecchiarti impero.
y Æ
« Quanto fu speme appena,
Fia per tuo senno e per tua man compiuto.
lo da lunge saluto
Del buon seme che abbonda
Le altere piante e i generosi frutti.
Tal di sublima vena
Il Nilpiove , e feconda
Largamente passando i campi asciutti. »
8.
Mentre la Dea si dice ,
Ecco improvisa aquilonar procella,
Oscurata la bella
Luce del mondo, spenti
Tutti d’onore i chiari germi, 6 grave
Di secolo felice |
Spigner feroci venti
Per l'Atlantico mar perfida nave.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 399
6.
« Quand tes nobles mains saisiront les rênes du monde,
les temps des pensées serviles et leurs fallacieuses idoles
seront déjà loin ; l'erreur combat en vain, il triomphe et se
complaît à te préparer l'empire d'une nation régénérée.
re
« Tout ce qui fut à peine une espérance, s'accomplira par
ton génie et ta main puissante ; je salue dans l’avenir les
fruits généreux d'une semence si féconde. Tel le Nil étend
ses eaux bienfaisantes, et porte la fertilité sur les campagnes
desséchées. »
8.
Mais, poussée par l'aquilon, voici qu'une tempête impré-
vue vient interrompre ces chants, obseurcir la lumière du
monde, étouffer tous les germes de gloire, et des vents
cruels chassent devant eux le perfide navire qui emporte
le bonheur du siècle.
356
ACADÉMIE DE ROUEN.
9.
Ahi! qual trovà ricetto
Quell’ augusto Fanciullo, o qual destino .
Ei per breve cammino
Corse a non degna morte :
Vedete là come si strugge e langue,
Sovra straniero letto ,
Vedete a quelle smorte
Giovani membra avviticchiato un angue!
10.
Tempo ora è ben di duolo,
Chè l'ultimo sereno astro a crudeli
Stelle abandona i cieli.
Fremono i nembi intorno,
Da che fatto è ‘1 valor steril memoria :
Pace potea dar solo
(Forse era presso il giorno })
Chi nacque in eima del cammin di gloria.
ar
Spesso di mezzo a’ lenti
Salici dolorosi, onde coverto,
Ë il tumulo deserto,
Spinta dal primo affetto,
L'Ombra del Magno ne la notte uscia ;
E per l’aure silenti
Al giovine intelletto
Ignote cose a ragionar venia.
|
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 357
9
Hélas ! quel asile et quel destin trouva l’auguste enfant !
Par un chemin bien court il marche à une mort sans gloire!
Voyez comme il se consume et languit sur un lit étranger!
Voyez le serpent attaché à ses membres affaiblis !
10.
Le temps du deuil est arrivé, le ciel abandonne le der-
nier astre de salut qui brillait encore à l'horizon. Les orages
grondent de tous côtés depuis que la vaillance n'est plus
qu'un vain souvenir. Né au sommet du sentier de la gloire,
il pouvait seul nous donner la paix, et peut-être le jour
n’en était-il pas éloigné !
A1.
Souvent, ranimée par sa tendresse , l'ombre du grand
homme s'échappait du milieu des tristes saules qui couvrent
son tombeau désert, et venait, dans le silence de la nuit,
dévoiler d'importants mystères à cette jeune intelligence.
. 358
ACADÉMIE DE ROUEN.
12.
Quanto nel tuo secreto
Dell immagin paterna animo armato
Pur contrastavi al fato!
Non vinto dal costume
Tu sospiravi all immortal retaggio.
Abhi di lassù decreto !
Parte d’eterno lume
Non spanderai ne’ di futuri un raggio.
13.
0 giovinetti, speme
Del secol novo, o tenere donzelle,
Appressatevi a quelle
Soglie dov’ Ei si muore;
E a Lui, che il ciel vi promettea, di mirto
Date ghirlande estreme,
E un flebile d’amore
Canto saluti il fuggitivo spirto.
(
Di soave armonia
Inebbriate quell infermo seno,
Si che ne vengan meno
Dolcemente suoi sensi,
Pria ch’Atropo recida 1 pochi stami :
Deh per pietà non sia
Ch'or suo natal ripensi !
Deh che la madre nel morir non chiami !
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 359
12.
Combien de fois en secret ton ame échauffée par le génie
paternel, essaya-t-elle de résister au destin! Impatiente
du joug, combien de fois rêva-t-elle l’immortel héritage !
Hélas ! tu ne peux te soustraire à l'arrêt du sort! Émana-
tion d'une lumière éternelle, tu n'en répandras pas un
rayon dans l'avenir!
13.
0 jeunes gens, espoir du siècle qui commence ! O tendres
jeunes filles! Approchez-vous de ce palais où il attend la
mort au lieu de la brillante destinée que son aurore sem-
blait promettre ; venez lui offrir une dernière couronne
de myrte , et que vos chants d'amour saluent son ame
fugitive !
14.
D'une suave harmonie inondez son sein défaillant, et
qu'il s’'endorme paisiblement , avant qu'Atropos ait fermé
ses fatals ciseaux ! Ah! fasse le ciel, par pitié, qu'en ce
moment suprême, il ne pense point à sa naissance et n'ap-
pelle pas sa mère !
DA UMUOLTNONONONNNNCNNNNNNO DOTUONOUTUONOLONONONONOEN DOULOUTTUNN
NOTE
SUR UNE DÉCOUVERTE
LL
MÉDAILLES ROMAINES,
PAB M, A. DEVILLE.
Caudebec-lès-Elbeuf est une localité féconde en anti-
quités romaines. Une des plus intéressantes découvertes
qu'on y ait faites, est celle que nous allons signaler.
Le 27 novembre dernier, (1846), des ouvriers maçons,
en creusant des fondations, mirent à nu , à 60 centimètres
du sol, un vase de terre grise ardoisée, dont l'ouverture
était recouverte d’une tuile fort épaisse.
Dans ce vase, était accumulée une masse de médailles
romaines , en billon, petit module, dont le poids ne s’éle-
vait pas à moins de 30 kilogrammes. On a vérifié que 270
de ces pièces pesaient un kilogramme ; ce qui porte leur
nombre à 8,100.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 361
Les 11/12 de ces pièces sont à l’efligie de Postume, qui
gouverna la Gaule de l'an 258 de notre ère à l'an 267 ; ces
médailles sont communes. Sur le 12° restant, la moitié est
au nom de Gallien et de Salonine , sa femme ; l’autre moitié
se distribue entre Gordien If, Philippe, père et fils, Ota-
cille, Trajan Dèce, Étruscille , Trébonien, Volusien, Valé-
rien père, Salonin et Valérien jeune, et Victorin.
La médaille la plus récente est un Claude-le-Gothique.
C'est donc au règne de cet empereur, qui n’embrasse que
les années 269-270, qu'on doit fixer l’enfouissement de ce
trésor.
Sur les 6,800 médailles de Postume, qui en composaient
la majeure partie, on compte une 60" de revers différents,
dont quelques-uns sont peu communs. Il est à-propos de
remarquer que parmi ces 6,800 médailles au nom de
Postume, il ne s’en trouve pas une seule qui puisse être
attribuée , d’une manière certaine, à Postume le fils, fait
de nature à corroborer l'opinion de ceux qui disputent à
ce jeune prince l'existence de ses médailles.
Aucune médaille d'or, d'argent pur, ou même de
bronze, n'a été rencontrée au milieu de cette masse de
monnaies, toutes en billon.
Parmi les raretés qui s’y sont rencontrées, en très petit
nombre il est vrai, on cite :
2 Émilien,
‘1 Quietus,
1 Lœlien,
6 Marius,
2 Mariniana.
362 ACADÉMIE DE ROUEN.
Mais la seule pièce véritablement rare, et qu'on peut dire
rarissime, qu'on y ait trouvée, est une Cornelia Supera.
Cette pièce porte, du côté de la face, la tête de cette
impératrice, qu'on croit avoir été femme de l'empereur
Émilien , avec la légende :
CORNEL SVPERA AVG (Augusta),
et, aurevers, la figure debout de Vesta, accompagnée du
nom de cette déesse, VESTA.
On estime la valeur de cette pièce, qui est parfaitement
conservée, à 900 fr.
Nous sommes heureux de pouvoir annoncer que cette
précieuse médaille ne sera pas perdue pour le pays, et
qu’elle est entrée dans le médailler de notre Musée des
Antiquités.
DE L'ADMINISTRATION
MONARCHIQUE
EN FRANCE,
Par A. A. Cheruel.
LS
Messieurs ,
La France est, de tous les pays de l'Europe, celui où
l'unité administrative a été poussée le plus loin. En étudier
l'origine etles développements successifs , rechercher com-
ment elle a vaincu l'esprit d'isolement soutenu par la féo—
dalité et les communes, c'est pénétrer au cœur mème de
l'histoire de France, c’est en toucher la question la plus
vitale. Telle est la tâche que j'ai entreprise, dans un meé-
moire mentionné par l'Institut. Ce travail est beaucoup
trop étendu pour que j'en donne lecture à l'Académie ;
chaque partie est trop intimement liée à l'ensemble pour
qu'on puisse l'en détacher. Je me bornerai done à vous
en soumettre une esquisse rapide.
L'Institut demandait un tableau de l'administration mo-
parchique en France, depuis Philippe-Auguste jusqu'à
364 ACADÉMIE DE ROUEN.
Louis XIV inclusivement. Mais que faut-il entendre par
administration monarchique ? À quelles conditions peut-
elle exister ? L'administration est l’action du pouvoir cen-
tral sur toutes les parties du royaume; elle lui donne
l'ordre, elle en reçoit la force. Elle ne peut exister qu'aux
conditions suivantes : un pouvoir central fortement orga-
nisé, des agents qui transmettent sa volonté dans les pro-
vinces , enfin l'adhésion du peuple qui livre son sang et sa
sueur en échange de la sécurité et de la puissance.
On trouve la première ébauche de cette centralisation
administrative dans les derniers siècles de l'Empire romain.
Elle date de Dioclétien et de Constantin. Ils établirent une
hiérarchie de fonctionnaires relevant de l'empereur, et
uniquement occupés à faire passer l'argent et les forces des
provinces entre les mains du pouvoir central. Ce gouver-
nement oppressif n'obtint pas l’adhésion des peuples. A la
fois, faible et wyrannique, il ne leur donnait ni ordre, ni
liberté ; il faisait lourdement peser le poids de son ombre ;
c’est l'expression d'un poète contemporain, Sidonius Apol-
linaris :
ISÉRAE SE Portavimus umbram
Imperii.
Les invasions des Barbares ruinèrent la centralisation
romaine. Mais les chefs Germains les plus éminents furent
vivement frappés de l'unité administrative établie par les
Césars. Ils trouvaient partout ces voies romaines qui por-
taient jusqu'aux extrémités du monde les ordres et les
légions de l'empereur. Les Théodoric, les Clovis, les
Charlemagne s’efforcèrent d'imiter la centralisation de
l'Empire romain. Mais l'esprit germanique leur opposa un
obstacle insurmontable. Point d'impôts, point de magis-
trats arbitres de leur sort , la vie libre et presque nomade
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 365
des forêts, ou, du moins, l'isolement du Leude au milieu
de ses hommes d'armes et de ses colons, tel était, pour
les Germains , l'idéal de la société; tel fut le principe du
système féodal. Peu-à-peu , chaque grand propriétaire se
rendit indépendant ; il devint juge suprême, chef militaire,
en un mot souverain dans ses domaines. [l inscrivit en tête
de ses chartes : «Sous le règne du Christ, en attendant un
roi. » Quand il daignait reconnaître la suzeraineté royale,
sa subordination était purement nominale , et, au x° siècle,
à l'avènement des Capétiens , toute centralisation avait dis-
paru. «La France s'administrait alors comme un grand
fief», dit Mezeray. Voilà le point de départ de la royauté
pour constituer l'unité française. Au xr siècle, elle est
encore impuissante ; l'unité vient à cette époque de la reli-
gion. L'Europe se lève à la voix des pontifes pour se pré-
cipiter sur l'Asie. Mais, au xrr° siècle , la découverte des
pandectes à Amalfi , l'étude du droit romain dans les écoles
italiennes, réveillent cette pensée d'unité politique qui a
sommeillé pendant plusieurs siècles. Suger écrit comme
les jurisconsultes italiens «que le Roi est la loi vivante. »
En même temps, il s'opère dans chaque province un tra-
vail d'organisation qui subordonne les petits fiefs à la puis-
sance ducale, et la France entière , à l’avènement de Phi-
lippe-Auguste (1180), se partage en huit grands fiefs : au
centre, le duché de France; au sud, l’Aquitaine et le
comté de Toulouse, illustrés par leurs troubadours ; au
nord , la Flandre , enrichie par le commerce , la Champa-
gne , berceau des premiers trouvères , la Bourgogne , qui
a donné des rois à la Castille et au Portugal, la Bretagne ,
où vivent les souvenirs celtiques, la Normandie, enfin, qui
a imposé sa domination à l'Angleterre et aux Deux-Siciles.
C'est du miheu de cette fédération de principautés que
s'élève la royauté. Elle travaille pendant six siècles à faire
366 ACADÉMIE DE ROUEN.
un royaume avec un duché, à renverser les barrières qui
séparaient les provinces , à leur donner un gouvernement
uniforme, et à obtenir l'adhésion des peuples en se présen-
tant comme un gage d'ordre et de puissance. A chaque
siècle son œuvre. Le x forme un royaume et ébauche
l'administration; Philippe-Auguste ajoute au duché de
France le Vermandois ou Picardie, l’Artois , la Normandie,
le Maine , l'Anjou, la Touraine, le Poitou. Louis VIT,
Saint-Louis, Philippe-le-Hardi s'emparent de l'Aunis et
de la Saintonge, des comtés de Blois, de Chartres et du
Languedoc. Enfin, Philippe-le-Bel réunit aux domaines
royaux la Champagne , la Navarre, une grande partie de
l'Aquitaine , plusieurs villes de la Flandre et le Lyonnais.
Le royaume existe ; il faut l’administrer. Le pouvoir cen-
tral se constitue; il a son parlement qui centralise la
justice, et sa Cour des comptes qui centralise les finances.
Il couvre la France de ses représentants, sénéchaux, baillis,
vicomtes, prévôts ; cette armée de fonctionnaires , instituée
par Philippe-Auguste, Saint-Louis et Philippe-le-Bel, émane
du Roi, est sous sa main et combat la hiérarchie féodale ,
inhérente au sol et indépendante de la royauté. L’inter-
diction des guerres privées, l'établissement d'une monnaie
royale, la publication de quelques coutumes, les ordon-
nances pour l'administration de la justice , la protection du
commerce, la conservation et l'exploitation des forêts,
signalent ce premier âge de la royauté.
Mais pour entretenir une hiérarchie administrative , il
fallait des impôts permanents, comme ceux que Rome
avait jadis levés sur les provinces. La plupart des villes
avaient acheté l’exemption des tailles et des aides; elles
résistaient à l'impôt et opposaient aux magistrats royaux
leurs franchises communales. Il fallut deux siècles de
luttes, le xiv° et le xv°, pour que la royauté sortit victo-
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 367
rieuse de cette nouvelle épreuve. Charles V, Charles VI,
Louis XI triomphèrent des révoltes incessantes des com-
munes et de la féodalité, établirent un impôt permanent ,
s'en servirent pour solder une armée permanente , et enle-
vèrent à tous les Seigneurs les droits régaliens. Il n'y eut
plus en France qu'un seul souverain , le Roi.
Alors commença l'organisation des provinces à l'image
du pouvoir central. Ce fut l'œuvre de Charles VIF, de
Louis XIT, de François [* et de Henri I; elle remplit la
première moitié du xvr° siècle. La France fut partagée en
. douze provinces avec des gouverneurs nommés par le Roi.
Huit Parlements, à Paris, Toulouse, Grenoble, Bordeaux,
Dijon , Rouen , Aix et Rennes, administrèrent la justice.
Des tribunaux inférieurs, appelés Présidiaux , formèrent
un premier degré dejuridiction. Les Coutumes des diverses
localités se publièrent. Les ordonnances célèbres de Cré-
mieu et de Villers-Coterets substituèrent, dans les tribu-
naux, l'usage du français à un latin barbare, et établirent
les registres de l'État-civil. Chaque province eut sa Cour
des Comptes et des Aides. Les arts et les lettres, le com-
merce, la marine, prirent un rapide essor. Le règne
brillant de François [°° marque l'apogée de cette période.
Mais les charges étaient accablantes ; la nation payait le
luxe de la Cour et des grands. I existait, d’ailleurs , au
fond des provinces un vif sentiment d'indépendance , l'at-
tachement aux franchises locales , la haine de la centrali-
sation. Dans la seconde moitié du xvr° siècle , la résistance
éclata. Elle se couvrit du prétexte de la religion. Protes-
tants et Ligueurs, tous voulaient l'indépendance locale ; les
gouverneurs de provinces s'érigeaient en souverains, et les
agents de la royauté se tournaient contre elle. Il fallut
qu'Henri IV vainquit les gouverneurs , que Richelieu rasât
368 ACADÉMIE DE ROUEN.
les forteresses de l'intérieur, et que Mazarin désarmât
les parlements. Ces deux ministres établirent alors dans
les provinces les Intendants , instruments dociles du pou-
voir central, et chargés , comme les préfets de nos jours,
de veiller sur toutes les parties de l'administration.
Louis XIV reçut la France ainsi façonnée à l'unité mo-
narchique , et n'eut qu'à profiter de cet héritage de gloire
et de puissance. Il le fit dignement. Colbert développa les
sources de richesses que renferme la France. Des canaux
unirent les fleuves et les mers, des ports furent creusés à
Toulon, à Rochefort, à Brest, à Dunkerque ; des colonies,
plus vastes que la France elle-même, ouvrirent des dé-
bouchés à son industrie. Est-il nécessaire de rappeler les
merveilles des Lettres et des Arts? Les Académies des Ins-
criptions et Belles-Lettres, des Sciences, de Peinture et
de Sculpture datent de Colbert. Son rival Louvois orga-
nisait l’armée , élevait les Invalides, et triomphait de l'Eu-
rope coalisée. En un mot, la royauté toute puissante
obtenait l'adhésion des peuples en leur donnant , à la place
des ridicules et funestes agitations de la Fronde , l'ordre,
la richesse, et le premier rang en Europe.
Telle est, Messieurs , la pensée générale de ce tableau
de l'administration monarchique. Fondée au xmr° siècle,
elle s'affermit aux xive et xv° siècles par l'établisse-
ment d’un impôt et d’une armée permanents; elle orga-
nise les provinces au xvi® siècle, triomphe au xvn° des
dernières résistances, et parvient sous Louis XIV à un
degré de puissance qui explique le mot célèbre : «L° État,
« c'est moi. » La royauté réunit alors les trois conditions
que nous avons indiquées en commençant, comme essen-
tielles à l'administration monarchique : un pouvoir central
fortement organisé, une hiérarchie de fonctionnaires sou-
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 369
mis au souverain, enfin l'adhésion des peuples à l'autorité
qui les gouverne,
Si l’on s’arrêtait à ce tableau du progrès de l'unité
monarchique, on serait tenté de croire que le gouverne-
ment de Louis XIV à réalisé l'idéal de la royauté. Mais il
faut écarter les voiles brillants dont il s’enveloppe, et
pénétrer dans l'intérieur de cette administration pour en
signaler les défauts. La royauté n'avait détruit que la sou-
veraineté féodale , elle avait laissé subsister tous les abus
féodaux qui pesaient sur le peuple , et donnaient à l’an-
cienne France un aspect si triste et si bizarre. Droit d'ai-
nesse dans quelques provinces, droits de chasse, de
colombier, de garenne, dimes, corvées , variété de poids
et de mesure, diversité de coutumes, douanes de province
à province qui rompaient les artères de la France, pro-
hibition de la circulation des grains, jurandes, corpora-
tions qui entravaient le droit le plus sacré, le droit de
travailler, exemption d'impôts pour les classes les plus
riches, voilà quelques unes des traces que la féodalité avait
imprimées sur là France. Si de la base nous remontons au
sommet, nous trouvons un pouvoir absolu, qui étouffe toute
liberté. Est-il nécessaire de rappeler les lettres de cachet,
les tortures , les supplices atroces, les impôts arbitraires ,
la vénalité des charges de finances , de judicature et même
des dignités militaires ? En un mot , l'ancienne constitution
de la France, mélange de féodalité et de dispotisme ,
renfermait des principes hétérogènes qui en préparaient la
ruine. Elle devait faire place à une unité plus complète ,
et à l'égalité de tous devant la loi. Malgré ces défauts que
l'histoire doit signaler, on ne saurait trop admirer les
efforts que fit pendant six siècles la royauté pour donner
à la France l'unité, sa force et sa gloire : «Elle a composé
370 ACADÉMIE DE ROUEN.
« pièce à pièce un royaume et une nation : Un royaume
« avec le comté de Paris, une nation de plus de trente
« millions d’ames avec les vassaux de l'Ile de France, et,
« après ce long et laborieux enfantement , elle l’a rendue
« à la liberté, riche, puissante et éclairée. (1) »
re
(1) Rapport de M. Améd. Thierry, sur les Etats-Généraux, dans
les mémoires de l’Institut, académie des sciences morales et poli-
tiques.
OC EEE En A A CR ACC CS
QUELQUES
CÉRÉMONIES
ALLÉGORIQUES,
anciennement en US3q€
DANS L'ÉGLISE CATHÉDRALE DE ROUEN,
PAR M. L'ABBÉ PICARD.
MESSIEURS ,
L'année dernière, j'eus l'honneur d'appeler pendant
quelques instants votre attention sur un mystère composé
en l'honneur de saint Nicolas , et représenté au xur' siècle
dans un monastère de Bénédictins. Vous avez bien voulu
faire à cette communication un accueil qu'elle était loin
de mériter. Encouragé par votre indulgence, je viens
encore aujourd'hui traiter un sujet analogue devant vous.
Cette fois, c’est dans les offices même de l'Eglise que
J'irai chercher des exemples, et j'aborde d'autant plus
volontiers cette matière qu’elle me fournit l'occasion de
citer avec honneur un des plus illustres archevêques qui
aient occupé le siége métropolitain de Rouen.
372 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ce prélat est Jean IT, surnommé d'Avranches , qui gou-
verna l'Eglise de Rouen de 1069 à 1079. Permettez-
moi d’abord quelques mots sur les principales circonstan-
ces de sa vie.
Après la mort du bienheureux Maurille , arrivée en 1059,
l'Eglise de Rouen choisit, pour lui succéder , le célèbre
Lanfranc, alors abbé de Caen , et depuis archevêque de
Cantorbéry. Le pieux et savant abbé n'osa prendre sur lui
la responsabilité que lui imposait cette charge , et ne né-
gligea rien pour faire nommer à sa place Jean, alors
évêque d’Avranches , dont il connaissait le mérite éminent,
et avec lequel il entretenait des relations intimes.
Guillaume , roi d'Angleterre, appuya de tout son crédit
auprès du pape Alexandre, la demande de l'Eglise de
Rouen. Les instances du royal protecteur ne demeurèrent
pas sans succès. Nous avons encore une lettre du pape
Alexandre dans laquelle ce‘souverain Pontife use destermes
les plus pressants pour déterminer Jean d’Avranches à
accepter le siége de Rouen.
Aux éminentes vertus qui sont surtout à désirer dans
l’évêque, Jean d’Avranches joignait les titres de recom-
mandation que procurent la naissance et le savoir. Tous
les auteurs du temps, Orderic Vital, Guillaume de Poitiers,
Guillaume de Jumiéges en parlent dans les termes les plus
honorables. Ils nous disent tous que ce prélat , d'une très
haute naissance (il était fils de Rodolphe, comte de Bayeux,
et neveu de Richard [°", duc de Normandie ), se distingua
aussi par sa science et ses lumières , et que son épiscopat
fut on ne peut plus glorieux pour son Eglise.
Il nous reste de lui un traité latin , intitulé : De Eccle-
siasticis officiis. Ce traité est une veine précieuse pour
|
|
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 373
les amateurs de la science liturgique, et aussi pour tout
chrétien qui, non content de la lettre sèche, veut péné-
trer plus avant , et connaître le sens mystérieux des céré-
monies catholiques.
En 1679 , Jean Leprévost , chanoine de Rouen , en pu-
blia une édition. Au texte de Jean d’Avranches, il joignit
de longues et savantes annotations, dans lesquelles, d’après
de nombreux manuscrits qu'il avait consultés , il reproduit
d'anciennes cérémonies tombées en désuétude de son
temps, mais qui, précédemment, avaient été en usage dans
l'église cathédrale de Rouen.
C'est de ces antiques cérémonies que je viens vous parler
aujourd'hui, Messieurs ; je ne serai presque que traduc-
teur , et j'abrégerai plutôt que je n'étendrai la matière.
J'en compte trois surtout qui méritent de fixer votre
attention : l'oflice des Enfants, l'office de l'Etoile, l'office
du Sépulcre.
Orrice DES ENFANTS.
Le jour des Saints-Innocents, une fête des £Enfants
se célébrait dans l’église cathédrale de Rouen, et c'était à
eux qu'en étaient réservés tous les honneurs.
La veille , immédiatement après l'oflice de saint Jean
l'Evangéliste, deux enfants revêtus d’aubes et de tuniques,
la tête couverte de l’amict , et tenant en leur main chacun
un cierge ardent, se dirigeaient du vestiaire au chœur.
Venaient ensuite les autres enfants attachés à l’église , pa-
reillement en aubes et en chappes , et aussi le cierge à la
374 ACADÉMIE DE ROUEN.
main ; puis, enfin, celui d'entre eux qui avait été désigné
pour porter ce jour-là le titre d'Evêque et en recevoir les
honneurs. Il marchait, solennellement paré des vêtements
pontificaux , la mitre en tête , et, à la main , la crosse ou
bâton pastoral.
Le cortége enfantin se dirigeait ainsi à travers le chœur,
vers l'autel des Saints-Innocents; pendant la marche , le
chœur exécutait des hymnes et des répons adaptés à la cir-
constance. A l'autel des Saints-Innocents se faisait une
station solennelle , présidée par l'Enfant-Evêque , auquel
la rubrique donnait le titre de Dominus episcopus. A la
fin de la station, le peuple était invité à s’humilier et à
se recueillir pour recevoir la bénédiction du jeune prélat.
Humiliate vos ad benedictionem. I la donnait à haute voix
et avec toutes les solennités d'usage : Dominus omnipo-
tens benedicat vos , etc.
Le jour de la fête, les enfants étaient environnés des
mêmes distinctions. A l'exception de la messe qui était
célébrée en leur présence par un chanoine, ils remplis-
saient, en grande pompe, toutes les fonctions du chœur.
Cet office, d'après les rubriques générales, devait être sim-
plement du rite double, mais les enfants avaient le droit
d'ordonner qu'il fût triple , et leurs prescriptions étaient
observées. ( Pueri voluntate faciunt illud triple.) Le
Seigneur-Evéque commençait l'invitatoire ; il chantait la
9e leçon , la plus solennelle de Matines Il retournait en
suite au vestiaire pour y reprendre les ornements ponti-
ficaux , en revenait processionnellement comme la veille ,
précédé du même cortége, et entonnait lui-même le Te
Deum.
Laudes et Prime se chantaient pareillement sous la
présidence de l'Enfant-Evêque. A la messe , il appartenait
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 379
aux enfants de diriger le chœur. ( Pueriregant chorum. )
Eux seuls portaient les chappes et exécutaient les diverses
cérémonies. L'Evêque ( toujours l'Enfant) commençait
la Prose, l'offertoire , etc. ; et ceux des enfants auxquels
aucune fonction spéciale n'avait été assignée, occupaient les
premières places dans le chœur. ( In superiori parte. )
Aux Vôêpres, mêmes honneurs au Seigneur-Evêque ;
mais, hélas! bientôt arrivait le terme de sa gloire ; au
Magnificat, pendant que le chœur chantait ces paroles :
Deposuit potentes de sede , le bâton pastoral lui était ôté
des mains; il était mis en réserve pour celui qui devait lui
succéder l’année suivante.
Le chapitre alors rentrait dans tous ses droits, et le
semainier terminait l'office.
On ne peut nier que cette fête ne fût belle et touchante.
Plus d'un cœur maternel devait battre vivement à la vue
du jeune et innocent cortége. Quelle joie surtout pour la
mère du Dominus Episcopus ? C'était aussi une pensée
toute chrétienne que d'honorer de la sorte, au milieu du
peuple fidèle, l'enfance que l'évangile propose pour mo-
dèle à tous, et dont le Sauveur a dit : Sinite parvulos
venire ad me.
fr:
Orrice pE L'ErTolzx.
A la fête de l'Epiphanie , une autre cérémonie allégo-
rique représentait sensiblement au peuple chrétien le mys-
tère du jour.
Après Tierce, les trois premiers chanoines du chœur
paraissaient revêtus des ornements royaux , le sceptre en
376 ACADÉMIE DE ROUEN.
main, le diadème sur la tête. Ils partaient de l'Orient ,
l'un du milieu , les deux autres de chaque côté de l'autel.
A leur suite marchaient des ministres inférieurs , revêtus
de tuniques, portant les uns l'or, les autres l'encens , les
autres la myrrhe. Le premier des Mages (on comprend
que c’est eux que représentaient les trois chanoines) celui
qui était parti du milieu de l'autel montrait, avec son
sceptre , une étoile suspendue dans le chœur , et il chantait
à haute voix ces paroles :
Stella fulgore nimioirutilat.
Le second, celui de droite, répondait :
Quæ regem regum natum demonstrat.
Et le troisième, celui de gauche :
Quem venturum olim prophetiæ signaverant.
Alors les trois Mages , après avoir descendu les degrés
du sanctuaire, se rencontraient au pied de l'autel. Ils se
donnaient mutuellement le baiser de paix, et chantaient
ensemble :
Eamus ergo et inquiramus eum ,
Offerentes ei munera, aurum , thus et myrrham.
Et aussitôt commençait la procession solennelle.
L'étoile disparaissait pour un temps.
Au retour de la procession, dans la partie supérieure
de la nef, vis-à-vis l'autel de la croix, on avait disposé
d'avance une riche tente en forme de tabernacle, fermée
par des rideaux brochés d'or.
L'étoile reparaissait de nouveau dans la partie supérieure
de la nef, Les Mages, comme l'avait fait déja le premier
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 377
d’entre eux, la montraient de leurs sceptres. Ils chan-
taient :
Ecce stella in Oriente prævisa
Iterum præcedit nos lucida.
Hæc , inquam , stella natum demonstrat
Se quo Balaam cecinerat.
Deux autres chanoines se présentaient à la rencontre des
Mages. Ils les interrogeaient sur la cause de leur venue :
Qui sunt hi qui, stellà duce, nos adeuntes inaudita
ferunt ?
Réponse des Mages :
Nos sumus , quos cernitis .
Reges Tharsis et Arabum et Saba,
Dona ferentes Domino Christo
Regi nato Domino
Quem, stellà ducente ,
Adorare venimus.
Les deux prêtres ouvraient alors les rideaux du taber-
nacle , et montraient l'image de l'enfant Jésus couché dans
une crèche,
Ecce puer quem quæritis.
Jam properate adorare
Quia ipse est redemptio mundi.
Les Mages se prosternaient devant l’image du divin
Enfant. Ils le saluaient comme le prince des siècles.
Salve , princeps sæculorum,
Ils déposaient à ses pieds leurs présents.
378 ACADÉMIE DE ROUEN.
1 Mace.
Suscipe, Rex, aurum.
2e Mace.
Tolle, thus , tu verè Deus.
3° Macs.
Myrrham , signum sepulturæ.
Pendant les oblations des fidèles , les Mages restaient
prosternés. Ils semblaient plongés dans un profond som-
meil. Tout-à-coup apparaissait un jeune enfant vêtu de
blanc. Il figurait l'ange dont il est parlé dans l’évangile ,
et chantait au pupitre les versets suivants :
Impleta sunt omnia quæ propheticè dicta sunt.
Ite obviam, remeantes aliam (viam), etc.
Alors , se réveillant de leur sommeil, les Mages par-
taient par l'aile droite de l’église, et après avoir fait à
l'extérieur le tour du chœur, y rentraient par la porte
du côté gauche.
HE.
OFFICE DU SÉPULCRE.
Maintenant encore , les offices de la semaine sainte pré-
sentent beaucoup de symboles sensibles, et c’est ce qui les
rend si attrayants pour les fidèles. Qui de nous n'a pas
été profondément ému en assistant à ces oflices où tout
parle à l'ame et la pénètre d'inexprimables sentiments ?
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 379
Les solennités des Rameaux et du Jeudi-Saint , l'appareil
funèbre du vendredi , anniversaire de la mort du Sauveur,
le dépouillement des autels , le chant des lamentations et
de la Passion, la chapelle ardente , tout nous transporte
aux temps évangéliques , et semble faire revivre sous nos
yeux les événements que nous racontent les livres sacrés.
Autrefois, ces cérémonies étaient plus allégoriques en-
core :
L'oflice du Sépulere se célébrait à l'ouverture de la Pâ-
que . el voici quelles en étaient les principales cérémonies :
Trois diacres couverts de dalmatiques , Famict sur la
tête, et représentant les saintes Femmes . traversaient le
chœur , portant dans leurs mains des vases de parfums.
Ils se dirigeaient vers le sépulcre d’une marche précipitée
et les yeux baissés , et chantaient ensemble ce verset :
Quis revolvet nobis lapidem ab ostio monumenti ?
Arrivés au sépulcre , ils voyaient apparaître devant eux
un Ange représenté par un enfant. Il tenait en sa main
une palme , et leur adressait cette question :
Quid quæritis in sepulchro , 6 christicolæ ?
Réponse des trois diacres, que désormais la rubrique
appelle les saintes Femmes ou les Maries :
Jesum Nazarenum crucifixum , Ô cœlicola.
L'ANGE , ouvrant le tombeau.
Non est hic.
Surrexit enim , sicut dixit.
Et il disparaissait à l'instant.
380 ACADÉMIE DE ROUEN. |
Les saintes Femmes entraient dans le sépulere. Elles
y trouvaient deux prêtres revêtus de tuniques.
Les peux PRÊTRES.
Mulier , quid ploras ?
La PREMIÈRE DES TROIS Maries.
Quia sustulerunt Dominum meum ,
Et nescio ubi posuerunt eum.
Les peux PRÊTRES.
Quem quæritis viventem cum mortuis ,
Non est hic, sed surrexit , etc.
Les trois Maries baisaient avec respect le lieu de la sé
pulture du Sauveur. Elles sortaient alors du sépulcre ;
mais au même instant, un prêtre se présentait à elles.
Ce devait être un chanoïne, un des premiers dignitaires
du chœur, Revêtu d’aube et d'’étole, et une croix à la
main , il représentait J.-C. lui-même.
Le PRÊTRE.
— De
Mulier , quid ploras ? Quem quæris ?
La PREMIÈRE Marie ( MADELEINE. )
Domine, si tu sustulisti eum, dic mihi, et ego eum
tollam.
Le Prèrre, lui montrant la croix.
Maria !
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 381
Marie-MADELEINE , tombant à genoux.
Rabboni !
Le Prêtre , la repoussant de la main.
Noli me tangere, nondum enim ascendi ad Patrem
meum , vade autem ad fratres, etc.
Les saintes femmes se mettaient en marche, J.-C.,
représenté par le Prêtre, leur apparaissait de nouveau, du
côté droit de l'autel :
Avete, nolite timere
Ite , nuntiate fratribus meis
Ut eant in Galilæam , ibi, me videbunt.
Il disparaissait de nouveau, et les Maries , pleines de
joie , entonnaient le verset :
Alleluia ,
Resurrexit Dominus
Surrexit leo fortis,
Christus , filius Dei.
Cette cérémonie se terminait par le chant solennel du
Te Deum , et nul doute que l'assemblée pieuse , électrisée
par ce spectacle , ne s'y unît d’une commune voix et avec
un saint enthousiasme.
Telles étaient, Messieurs , les anciennes cérémonies qui
faisaient la consolation et les délices de nos pères. L'es-
prit le plus sévère ne peut , certes , y trouver à redire , et
si, depuis, l'Eglise a jugé à propos de les supprimer , de
les prohiber même sous des peines rigoureuses, c'est
moins à cause de ce qu'elles renfermaient en elles-mêmes,
382 ACADÉMIE DE ROUEN.
que par suite des additions imprudentes et arbitraires qui
vinrent en altérer la pieuse et naïve simplicité. Ne nous
applaudissons pas trop de ce que notre esprit sceptique et
raisonneur les a rendues impossibles parmi nous. Plai-
gnons-nous , au contraire , de ce que l'Eglise ne pourrait
plus, sans danger, nous présenter ces innocents Spec—
tacles.
Je terminerai ce travail en vous exposant une simple
conjecture que je soumets à vos appréciations Vous juge-
rez, Messieurs, jusqu'à quel point, elle peut paraître
plausible.
Tout le monde connaît la prose qui, dans l'Église latine,
se chante au jour de Pâque, et qui commence par ces
mots : Victimæ paschali laudes.
Cette prose remonte à une très haute antiquité. On la
trouve dans les plus anciens livres composés pour les
offices de l'Église, et tout porte à croire qu'elle date des
commencements même de la liturgie romaine.
Au premier aspect, elle parait peu remarquable sous
le rapport littéraire. On la confondrait volontiers avec
tant d’autres compositions du même genre, appartenant
à des siècles postérieurs, et qui, si elles respirent le
parfum d'une douce piété, n’ont cependant aucun droit à
être proposées comme des modèles de goût et d'élégance.
Mais en l'examinant de plus près, on y découvre, dans
les expressions, une énergie, dans la marche du poème ,
(si l'on peut appeller ainsi une simple prose) , un mouve-
ment, un enthousiasme qui supposent certainement du
génie dans celui qui en fut l'auteur.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 383
Cette idée éminemment dramatique d'un combat solen-
nel entre la vie et la mort personnifiées :
Mors et vita, duello
Conflixêre mirando
ferait envie à plus d’un poète de notre époque , et l'on
ne peut refuser de reconnaître une admirable précision
dans ces paroles qui résument si bien le dogme chrétien :
Dux vitæ mortuus
Regnat vivus.
J'oserai même aller plus loin , et je ne serais pas éloigné
de croire que, dans l’origine, cette prose a pu être
comme le texte d'un de ces anciens mystères dont je viens
d’avoir l'honneur de vous entretenir.
Pour peu , en effet , qu'on donne carrière à son imagi-
nation , il est facile de décomposer cette prose de telle
sorte que les strophes qui la partagent se trouvent mises
dans la bouche de différents personnages, qui exerceraient
alors une action vraiment dramatique.
Voici, sur ce point , mes conjectures :
Je suppose les fidèles assemblés sous la présidence du
Pontife dans une des vénérables basiliques des temps an
ciens. On célèbre la fête de Pâques.
Le Pontife annonce aux fidèles l'objet de la fête. Il de-
mande qu'un sacrifice de louanges soit offert, par le peuple
chrétien , à la victime paschale :
Victimæ Paschal , laudes
Immolent christiani.
384 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ensuite , soit par lui-même, soit par l'organe de ses
prêtres, il expose le grand mystère du jour :
Agnus redemit oves.
Christus innocens, Patri
Reconciliavit peccatores.
Plusieurs chœurs de psalmodie donnent comme le ré-
cttatif de la mort et de la résurrection du Sauveur :
Mors et vita, duello
Conflixêre mirando
Dux vitæ, mortuus
Regnat vivus.
Alors apparaissent trois personnages. Ce sont les saintes
Femmes qui reviennent du sépulcre. Leurs traits -annon-
cent les sentiments de surprise, de joie et d'espérance
dont elles sont pénétrées. Le Pontife s'adresse à Marie-
Madeleine , la première d’entre elles :
Dic nobis, Maria,
Quid vidisti in vi ?
Chacune rend témoignage de ce qu’elle a vu, de ce
qu'elle a éprouvé , et ces témoignages concordent parfai-
tement avec les récits de l’évangile :
Sepulchrum Christi viventis
Et gloriam vidi resurgentis.
Angelicos testes ,
Sudarium et vestes.
Surrexit Christus spes mea,
Præcedet vos in Galilæà.
em
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 385
La foi de la pieuse assemblée, confirmée par ces té-
moignages , devient de plus en plus vive et expressive.
Tous, d’une commune voix, proclament la certitude de
la résurrection du Sauveur , et implorent sa miséricor-
dieuse protection :
Scimus Christum surrexisse ,
À mortuis verè.
Tu nobis , victor Rex, miserere.
Le Chant même de cette prose, qui, probablement ,
est aussi ancien que les paroles, vient, ce me semble,
à l'appui de mes conjectures. Il est facile d'y reconnaître
un véritable dialogue. A défaut de ce chant, que je ne
puis reproduire ici, je hasarderai une sorte de cantate,
quelques stances timides dans lesquelles je me suis efforcé
de rendre de mon mieux les pensées du texte original.
Ce n'est qu'un bien faible essai, bien peu digne de vous
être présenté ; mais s'il pouvait inspirer un plus habile
que moi , et il n'en manque pas ici, je serais trop heu-
reux, et je ne croirais pas avoir perdu ma peine.
La Prose de Pâques.
Victimæ Paschali laudes.
LE Ponrtire.
Enfants du Christ , la victime pascale
En ce jour solennel vient inspirer vos chants.
Chantez, chantez sa gloire triomphale ,
Vers Jésus de vos vœux faites monter l'encens
25
386 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ux PReTRE.
Agneau sans tache , sans souillure ,
Pour ses brebis, ils'offrit à l'autel,
Pour leur rachat, sans plainte, sans murmure,
I ÿ subit le coup mortel.
Ux aurTRe PRêTRe.
C'est le Sauveur, l’innocente victime !
De son père irrité conjurant les fureurs,
Lui qui, jamais, n'avait connu le crime ,
Voulut du châtiment éprouver les horreurs.
Cuogur DE FInèLes.
Enfants du Christ , la victime pascale
En ce jour solennel vient inspirer nos chants.
Chantons, chantons sa gloire triomphale ,
Vers Jésus, de nos vœux faisons monter l'encens.
CHoeurSs DE PSALMODIE.
Duel ineffable ,
Combat glorieux !
Spectacle admirable
Même pour les Cieux !
L'auteur de la vie,
O funeste sort !
Cède à la furie
Des coups de la mort.
Mais, dans sa victoire,
La mort se détruit.
Jésus, plein de gloire ,
Se relève.... Il vit.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 387
Cnogur pe FipëLes.
Enfants du Christ, etc.
Le Poxrirr.
Femmes , d'où venez-vous? de cruelles alarmes ,
Hier encor , troublaient votre esprit éperdu ;
Qui done, sitôt, a pu tarir vos larmes ?
Marie , 6 vous , parlez , dites , qu’avez-vous vu ?
PREMIÈRE SAINTE FEMME.
Je n'ai vu qu'un sépulcre vide ,
Et j'en ai visité les sombres régions.
Déjouant les projets d'une rage perfide ,
[ ne l'habite plus celui que nous pleurions.
Deuxième saINTE FEMME.
Un Ange, éclatant de lumière ,
Nous à dit : Il n'est plus ici ;
Témoins ces linges, ce suaire ,
Ces vêtements épars et ces parfums aussi.
Troisième saiNTe Femme.
Il est ressuscité, Jésus, notre espérance ,
Le Fils de l'Eternel... . Il est ressuscité.
Allez , volez aux lieux de sa naissance :
Le plus prompt d'entre vous, il l'aura précédé.
388
ACADÉMIE DE ROUEN.
PREMIER CHOEUR DE PSALMODIE.
Gloire à Jésus ! sa victoire est certaine.
Il a dompté la mort, il a rivé sa chaîne.
Deuxième CHOEUR.
Gloire à Jésus ! nous le bénissons tous.
Jésus, à Roi vainqueur ! ayez pitié de nous.
Tous ENSEMBLE.
Enfants du Christ , la victime pascale
En ce jour solennel vient inspirer nos chants.
Chantons, chantons sa gloire triomphale ,
Vers Jésus de nos vœux faisons monter l'encens.
À Demérdia Lab.
D'après le dessin de M. BKUNET- DEBAINES , Architecte de l'Arrond' dn Hävre.
l'açade occidentale de l'Église de Montivilliers.
ÉGLISE SAINT-SAUVEUR
DE MONTIVILLIERS.
DÉTAILS ANECDOTIQUES,
PAR M. BARABÉ.
Comme l’église de Saint-Sauveur , considérée dans son
ensemble, était à la fois conventuelle et paroissiale, son
histoire se lie à celle du monastère. C’est pourquoi nous
trouvons utile de parler au moins sommairement de ce
dernier , afin de mieux nous rattacher aux époques de la
construction, de la restauration ou de la reconstruction
totale ou partielle de cette église.
Ce monastère, qui a donné son nom à la ville , avait été
fondé vers l'an 682 par Saint-Filibert, abbé de Jumiéges,
sur une terre que Waraton, maire du Palais, avait donnée à
cet abbé, pour y établir une communauté de Religieuses (1).
Cette maison, richement dotée , éprouva, comme celles
de Jumiéges, de Saint-Wandrille et bien d’autres, la
fureur des peuples du Nord qui, dans le cours du 1x° siècle,
exercèrent leurs ravages jusqu'à Rouen.
(1) Duplessis, p. 106.
390 ACADÉMIE DE ROUEN.
Ce fut pour réparer ces désastres que Robert duc
de Normandie, surnommé le Magnifique, sur les ins-
tances de Béatrix, sa tante, et de tous les fidèles , accorda
en 1035 à l'abbaye de Montivilliers, où Béatrix avait pris le
voile quelques années auparavant, divers priviléges (1), tels
que ceux de Coutume ( totum suburbium cum teloneo et
aliis consuetudinibus suis), et d'Exemption ( Ecclesiam
sanctæ Mariæ ab omni episcopali consuetudine absolu-
tam), auxquels participèrent les autres églises de la ville,
Sainte-Croix et Saint-Germain. :
On voit qu'à cette époque, l'église de Saint-Sauveur
n'existait pas en titre. C'est qu'en effet ce ne fut guère
avant 1200 que la nef abbatiale fut affectée au service du
culte paroissial.
La charte de donation ci-dessus accordée par Robert
(père de Guillaume - le-Conquérant}), sur le point de
partir pour la Terre-Sainte, d’où il ne revint pas, étant
mort à Nicée la même année, retrace les vicissitudes
malheureuses éprouvées par ce monastère, et l'origine de
sa fondation, tout en confirmant les droits et libéralités
que Richard IL son père lui avait concédés. Elle ajoute :
« Quod quidem non nostræ potestatis violentià agitur , sed
» donatione, voluntate, et concessione domini Roberti
« Rothomagensis Archiepiscopi Patrui mei constituitur et
« confirmatur. »
A Béatrix qui avait restauré le monastère, succéda Eli-
sabeth, qui rebâtit, à ce qu'on prétend, presqu'à neuf,
l'église abbatiale, et l'on ne peut nier du moins , dit Du-
plessis , que le portail et la tour ne soient au plus tard du
x1° siècle (2).
0 do nd
1) Archives départementales.
2) Description historique de la Normandie, t.1, p. 108, n° 114.
CLASSE DES BELLES LETTRES. 391
Les auteurs du Gallia Christiana reportent la mort de
cette seconde abbesse à l’année 1116 ou 1117; puis,
ajoutent : «Creditur Basilicam monasterii sui, quæ adhuc
« superest, a fundamentis excitasse. » D’après cette au-
torité, cette construction a pu aussi se terminer dans
cette première période du xr° siècle.
Dans la suite, cette église a encore eu besoin de plusieurs
réparations considérables. «On y employa , en 1370 , la
somme de 700 florins, à laquelle les habitants de la ville
avaient été condamnés pour avoir causé plusieurs dom-
mages aux Religieuses (1). »
Lors des troubles quidésolèrent la France, et surtout à
l'époque de l'occupation anglaise, les Religieuses eurent
à regretter la perte de beaucoup de titres. Telle était en
effet leur triste position que. par le fait de la guerre,
étant privées de leurs biens, et réduites même au faible
revenu de deux moulins que les habitants voulaient encore
assujétir à la taille, elles présentèrent requête à Charles VIT,
en 1439 (2), pour en être affranchies , comme n'étant pas
tenues aux charges du guet et de la garde des portes de
la ville : « Qu’autrement elles ne pourroient soutenir , ne
« maintenir leur Esglise ne leurs maisons qui sont en voie
« de descheoir en grant ruyne et diminution, ne aussv
«ne pourroient faire ne continuer le service divin ne
« avoir leur vie, estat et substantation. »
Le Roi, étant à Orléans, fit droit à leur requête le 21
octobre de la même année, en considération de leur
position, et en vertu d’ailleurs des priviléges qui leur
avaient été accordés par ses prédécesseurs Rois de France
1) Dom Duplessis, ibidem.
(2) Archives du département.
392 ACADÉMIE DE ROUEN.
En 1513, l'archevêque de Thessalonique, Toussaint
Varin, fit la dédicace de l’église le 16 octobre, sous le nom
de Notre-Dame qu'elle avait toujours porté (1).
Et, en 1518, l'abbesse Jehanne Mustel en fit encore
réparer les voûtes et les vitraux, et fit faire les chaires
du chœur (2).
Saint-Sauveur était la grande et principale paroisse de
la ville. Les Religieuses y venaient dans des auditoires
qu'elles avaient fait faire exprès ; mais elle était sous le
même toit que celle de l'abbaye, en sorte qu’on ne pouvait
entrer dans cette dernière sans passer par l’église de la
paroisse ; toutes deux avaient leur chœur et: leur autel
particulier (3).
La première se gouvernait comme toutes les autres
églises paroissiales, dont les marguilliers sont les seuls
administrateurs, sous la réserve des droits honorifiques
prétendus par l'abbaye comme seigneur patron.
A ce titre, l'Abbesse soutenait que c'était par l'autorité
de son oflicial que le lieu pour chanter le Te Deum devait
être indiqué , et que le chœur de l'église de l'abbaye devait
être choisi.
De à, grand tumulte et prétentions contraires de la
part des Échevins et des officiers de justice, qui préten-
daient que c'était à Saint-Sauveur; ce qui eut lieu à l'oc-
casion du Te Deum chanté dans cette paroisse sur l’ordre
de M. le duc de Saint-Aignan , gouverneur du Havre, pour
célébrer la prise d’Ypres par Louis XIV, en 1678.
(1) Duplessis, ibid.
2) Idem.
3) Mémoire de l’Archevëque. — Procès-verbal de prise de pos-
session. Abb. de Montivilliers, — Archives du département.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 393
Du reste, un semblable conflit avait déjà eu lieu en
165%, cette fois à l'occasion d'un Te Deum chanté dans
le chœur de l'abbaye. Et telle fut l'importance donnée à
la première affaire, qu'il fut sursis à statuer par le Roi
jusques à plus ample informé.
Quant à nous, qui n'avons à nous préoccuper ici que
des faits historiques qui se rattachent à l’église comme
souvenirs, Voici ce que nous trouvons :
Quelquefois le Te Deum commençait autour d'un feu
allumé devant la Maison de Ville, et s'achevait dans l'é-
glise (1).
En 1613, un Te Deum y fut chanté en action de grâces
à l'entrée du vice-roi des Indes.
En 1615, pour l'entrée de M. de Montbazon.
En 1628 , pour la prise de La Rochelle.
En 1635, pour une victoire remportée sur les Espagnols.
En 1638, pour la naissance de Louis XIV.
Enfin, en 165%, sans doute à cause du sacre du même Roi.
La Cérémonie ne se fit pas dans le chœur de l'église
paroissiale, à cause de l'absence du clergé, provoquée
par l'opposition de l'official de l'abbaye , mais bien dans
le chœur de l'église abbatiale, nonobstant les ordres for-
mels de Madame la duchesse d'Aiguillon, gouverneur du
Havre, donnés en conséquence de ceux du Roï. Aussi,
les Échevins et officiers de justice se retirèrent-ils de-
vant l'Hôtel-de-Ville, pour allumer le bûcher qui y avait
été dresse.
{) Enquête en 1678. Archives de Montivilliers.
39% ACADÉMIE DE ROUEN.
Mais si, en 1678, le conflit se renouvela entre les Eche-
vins et l'abbaye, ce ne fut pas cette fois sans tambours
ni trompettes, car ceux-ci, s'autorisant d'une ordonnance
de M. de Saint-Aignan , portant que la retraite serait sonnée
et battue à dix heures du soir dans les villes du Havre , de
Montivilliers , d'Harfleur et de Fécamp, avec défense de
laisser passer personne sans l'ordre, aux lieux où il y avait
corps-de-garde , firent sonner la retraite avec la grosse
cloche de Saint Sauveur tirée par six hommes, pendant
une demi-heure. Nos pauvres Religieuses eurent beau ob-
jecter qu'à elles seules appartenait le droit de régler la
sonnerie, par suite de la concession qu'elles avaient primiti-
vement faite d’une portion de leur église pour la com-
modité des habitants, à la réserve de tous les droits hono-
rifiques , et que, d’ailleurs, leur dortoir étant contigu au
clocher, il leur était impossible de se reposer pour se
relever à deux heures pour chanter matines ; il fut passé
outre Elles eurent beau ajouter : que la retraite était
sans objet dans une ville située dans un fond, éloignée
de la mer de deux grandes lieues, sans fortifications,
sans portes, et dont les murailles étaient démolies en
plusieurs endroits , et où il n'y avait ni guet ni garde;
les Échevins n’en firent pas moins accompagner la son-
nerie du bruit de deux tambours qui battaient devant la
porte de l'abbaye, sous les fenêtres même des Religieuses ,
jusqu'à onze heures du soir.
C'était, comme onle voit, une aggravation à leurs plaintes.
Et cependant, ces fiers Échevins oubliaient qu'au mois
d'août 1677 , le sieur Bauney, trésorier de Saint-Sauveur ,
pour avoir fait sonner les cloches la veille de la fête de la
paroisse et maltraité les domestiques de l'abbaye, avait
élé condamné par les maréchaux de France, connaissant
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 395
de l'affaire après M. le duc de Saint-Aignan , à demander
pardon aux Religieuses.
Cependant, il faut le dire ; il s'agissait de savoir si l'ab-
besse était bien dame et patronne de Montivilliers, et quelle
était, en définitive, l'étendue de ses droits d'exemption
et de juridiction ecclésiastiques , d’ailleurs contestés par
l'archevêque.
Dans cette occurrence, nous dirons que, pour couper
court à ces débats, M. Le Blanc, conseiller du Roi et In-
tendant de justice et de police en la généralité de Rouen,
fut d'avis qu'il plût à sa Majesté d'ordonner que, à l'avenir,
l'église où serait chanté le Te Deum, fût désignée par ce
prélat, tous droits réservés, et que la retraite fût sonnée
en l’église de la paroisse Saint-Germain , lorsque le gou-
verneur le jugerait nécessaire, C'était, comme on le voit,
tourner habilement la difficulté dans l'intérêt de la paix.
Ce fut l’abbesse Éléonore-Caroline de Gigault de Belle-
fonds, dont la sœur avait fondé un monastère à Rouen .
qui soutint cette lutte ; etce n'était pas sans raison, car
les victoires de Louis XIV ne laissaient pas plus de repos au
couvent qu'aux poètes ; ce qui faisait dire à Boileau :
Grand Roi, cesse de vaincre ou je cesse d'écrire.
Plus tard, une autre abbesse, Madeleine-Éléonore , de la
même famille, eut une autre lutte à soutenir : mais cette
fois, c'était contre l'archevêque de Saulx de Tavannes, pour
le règlement et l'exercice du spirituel. Elle fut forcée de
se soumettre nonobstant sa résistance , à laquelle ce prélat
n'opposa que la force de son droit et une modération
exemplaire. Nous signalons à cette occasion le savant
Mémoire manuscrit qui fut dressé, en 1748, pour l'arche
396 ACADÉMIE DE ROUEN.
vêque de Rouen, aux fins de repousser l'exemption de la
juridiction épiscopale que voulaient s’attribuer les Reli-
gieuses en vertu des termes ab omni consuetudine quietæ
de la Charte de 1035, dont l'appréciation ne paraissait
relative qu'à l’affranchissement des droits temporels de
l'archevêché (1).
A cette abbesse, qui décéda en 1763 , succéda la dame
de Conty Hargicourt, qui fut installée avec pompe dans
ses fonctions.
Le procès-verbal notarié qui constate sa prise de pos-
session, fait preuve cette fois de l'humilité des Echevins
de Montivilliers.
On en peut juger par cet extrait : &« Après le Te Deum,
« ladite dame étant restée à la tête de tout le clergé pré-
« cédé de la bannière et de la croix de l’abbaye , fut en-
«suite haranguée sur le pont attenant à la porte Châtel,
« par M° Dauberville, avocat au Parlement , premier Éche-
«vin de la ville, accompagné des autres Échevins, et
« conduite incontinent après, et pendant toute la céré-
« monie, sous le dais porté par les mêmes Echevins; les
« deux compagnies de milice bourgeoise étant rangées en
« haye sous les armes dans les rues par où elle passait
« au bruit des tambours et de la mousquetterie. »
Nous la voyons ensuite conduite hors du monastère, à la
porte de l’église paroissiale de Saint-Sauveur, où elle
reçoit les clefs des mains du curé, avec les compliments de
son clergé, l'eau bénite et l’encens , puis agite la corde
des cloches , etc.
{ Archives du département.
CLASSE DES BELLES-LETTRES. 997
A cette même époque , nous trouvons que cette église
jouissait d'environ 1#00# de revenu annuel, le triple de
celui de la ville, et dont la moitié était affectée à l’acquit
des fondations, par le clergé, et l'autre moitié à l'achat des
livres, ornements , et autres objets nécessaires au culte.
Mais pour les fortes réparations à faire à l’église, l'ab-
baye soutenait que ce n'était pas à elle à y pourvoir,
puisque la partie consacrée au culte paroissial avait été
de sa part l'objet d’une concession ; que, à la vérité, par
l'effet d'une transaction passée avec les habitants de Saint-
Sauveur , en 1398, homologuée par l'Échiquier la même
année , elle s'était réservé plusieurs droits; mais qu’en
aucune occasion, depuis cette transaction, l'abbaye n'avait
été assujettie à contribuer en rien aux besoins de l’église
Saint-Sauveur.
Il était même ajouté par l'abbaye que, tout au plus,
une réclamation pourrait lui être adressée à ce sujet dans
le cas d'une entière, ou presque entière réédification de
l'église , auquel cas l'abbaye contribuerait avec les autres
propriétaires, mais à proportion des biens-fonds qu'elle
possédait dans l'enceinte de la paroisse de Saint-Sauveur.
Ce triste conflit nous explique aujourd'hui pourquoi
ce monument si remarquable est resté pendant si long-
temps dans un état de dégradation si regrettable.
Il appartenait à notre époque adonnée au culte des sou-
venirs, et surtout au Gouvernement d'un roi protecteur
éclairé des arts, de conserver à la postérité ce jalon des
siècles passés, autour duquel viennent se grouper et l'his-
toire des arts et celle du pays : « Car tous ces souvenirs,
tous ces débris vivants des temps qui ne sont plus, font
partie du patrimoine national et du trésor intellectuel de la
398 ACADÉMIE DE ROUEN.
France (1). » Aussi, plus tard, à l'aspect imposant de ce
monument , la postérité reconnaissante ne séparera-t-elle
pas le nom du fondateur de celui du monarque qui l'aura
préservée de la ruine.
Espérons donc de le voir classé parmi les monuments
historiques, et mis sous le patronage de l'État. C'est
d'ailleurs le vœu qu'a exprimé avant nous l’autorité mu-
nicipale de Montivilliers.
(1) Circulaire de M. le Ministre de l’intérieur , en 1837.
TABLEAU
DE L'ACADÉMIE ROYALE
DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS
DE ROUEN,
POUR L'ANNÉE 1847 — 1848.
SIGNES POUR LES DÉCORATIONS.
% Ordre royal de la Légion-d'Honneur.
0. signifie Offcrer.
G — Commandeur.
G O. — Grand-Officier.
G C — Grand'Croix.
TABLEAU
DE I'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN,
POUR L'ANNÉE 1847—1848.
OFFICIERS EN EXERCICE.
M. Caéruez K, Président.
M. HomeerG, Vice-Président.
M. J. GinarnN #, Secrétaire perpétuel pour la Classe des S'crences.
M. RicnArp, Secrétaire perpétuel pour la Classe des Belles-Lettres
et des Arts.
M. BrGxow, Secrétaire perpétuel honoraïre pour la même classe.
M. Avenez, D.-M , Trésorier.
M. Bazuin, Pbliothécaire-Archiviste.
nat et: d'admis-
céeep ACADEMICIENS VÉTÉRANS , MM. sion à le
ce.
1808. LEZURIER DE LA MARTEL (le baron Louis-Géne- 1823
viève) O #, ancien Maire de Rouen, Maire
d'Hautot-sur-Seine.
1819. RIBARD (Prosper) K, ancien Maire de Rouen, 1828
ancien Député, etc., rue de la Vicomté, 34.
1805. MEaume (Jean-Jacques-Germain)#, Docteur ès-sciences, 1830
etc., Inspecteur émérite de l'Université, à Nancy
(Meurthe), rue S'aint-Dizier, x.
1834. VERDIÈRE ( Louis - Taurin) %#, Conseiller hono- 1840
raire en la Cour royale, à Louviers (Eure ).
1804. BrGnox (Nicolas), Docteur ès-lettres, secrétaire per- 1842
pétuel honoraire de l’Académie pour la classe des Belles-
Lettres et des Arts ,au Val-de-la-Haye , près Rouen.
26
402
1809.
1822.
1837.
1847.
1818.
1820.
MEMBRES
DupureL (Pierre), re S'ainte-Croïr-des-Pelletiers , 20. 1843
Lévy (Marc), professeur de mathématiques et de mé-
canique, ancien secrétaire de la classe des sciences,
à Paris, 8, rue neuve Saint-Gilles ( Marais). 1846
DE GLANviLLE (Boistard), r. des Murs-S aint-Ouen 11. id.
Desrienx ( Pierre-Daniel), Directeur des Abattoirs à l’éta-
blissement, /zubourg S'aint-S ever.
ACADÉMICIENS HONORAIRES , MM.
. Mgr Branquarr De Baizzeuz C X , archevêque de Rouen,
au Palais archiépiscopal.
. FRANCK-CARRÉ C 3, Pair de France, Premier Président de
la Cour Royale, r1e Damiette, 30.
. CASTELLANE G. O. 2 (le comte de ), Lieutenant-Général,
commandant la 14e division militaire, Pair de France,
à Rouen, rve du Moulinet.
Duroxr-Derrorte (le baron Henri-Jean-Pierre-Antoine),
G. 0. %, déc. de Léopold de Belgique, Pair de France, Préfet
de la Seine-Inférieure, à l'hôtel de la Préfecture.
ACADÉMICIENS RÉSIDANTS, MM.
BLANCHE (Antoine -Emmanuel-Pascal) #K, D.-M., Médecin
en chef de l'Hospice général, rze Bourgerue, 2.
HezziS ( Eugène-Clément ), D.-M., Médecin en chef de
l'Hôtel-Dieu, Professeur de l'École de Médecine, etc.,
place de la Madeleine.
. De 14 QuÉRIÈRE ( Eustache), Négociant, rue Herbière, 12.
. Du BreuIr (Guillaume), Conservateur des promenades pu-
bliques, au Jardin des Plantes, rue d'Elbeuf.
BacziN ( Amand-Gabriel) , Directeur du Mont-de-Piété;
elc., rue de la Madeleine , 6.
1827.
1828,
1829.
1830
1831.
1833.
1834.
RÉSIDANTS. :03
Morin ( Bon-Etienne ) #, ancien Pharmacien, Professeur à
l'Ecole de médecine de Rouen, etc., rve de la Glacière, 2.
Devizce ( Achille) #, Receveur des contributions directes.
Directeur du Musée départemental d’antiquités, Corresp. de
l’Institut, etc., etc., vai de la Bourse, hôtel Quévremont,
VINGTRINIER (Arthus- Barthélemy), D.-M., Chirurgien en chef
des Prisons, rue des Maïllots, 15.
Prmowr (Pierre-Prosper), Manufacturier, place des Carmes,
31, chez M. Noury -Vallée.
FLOQUET (Pierre-Amable) fils # , ancien Greffieren chef dela
Cour royale de Rouen, correspondant de l’Institut, etc.,
etc., rue Beffroi, 32.
GIRARDIN (Jean -Pierre-Louis) #, Professeur de chimie in-
dustrielle à l’École municipale de Rouen, et de chimie agricole
à l'École départem. d'agriculture ; correspondant de l’Institut,
de l’Académie royale de Médecine, etc., re du Duc-de-
Chartres, 12.
Poucaer (Félix-Archimède) %, D.-M., prof. d'Histoire na-
turelle et conservaleur du Cabinet, rze Beauvoïsine, 100.
Paumier (L.-D.)%, Pasteur, Président du Consistoire de
Rouen, rampe Bouvreuil, 16 bis.
De Caze ( Augustin-François-Joseph), ancien Négociant, re
de Crosne, 15.
GRÉGOIRE (Heuri-Charles-Martin) #%, Architecte des bâtiments
civils, rxe des Charrettes, 128.
BenGasse ( Alphonse) #, Avocat, ancien Procureur général;
rue Beffroi, 26.
Martin DE Viccens (Henri-Louis) #, président de la So-
ciété philharmonique de Rouen, ancien député, etc., rue
de la Seille, 7.
CHéruEL ( Pierre - Adolphe) #, Professeur d'histoire au
Collége royal de Rouen, /£oulevard Beauvorsine, 59.
40%
1833.
1838.
1839.
MEMBRES
BARTRÉLEMY ( Eugène), Architecte, re de la Chaine ; 16.
AvENEL ( Pierre-Auguste), D.-M., secrétaire du Conseil de
salubrité, place des Carmes, 30.
Mauourr (Victor) #, secrétaire général de la Mairie de
Rouen, à l’'Hôtel-de-Ville.
Lévesque X , Conseiller à la Cuur royale, r. de l'Écureuil, 11.
HomeerG ( Théodore), Avocat, ze de l'École, 34.
Des Micnezs X , Docteur-ès-sciences, Recteur de l’Académie
Universitaire de Rouen, r. des Carmélites, 16.
PREISSER (Frédéric-Joseph), Professeur de Physique à l'École
municipale , re Loyale, en face Sainte-Marie.
. Mortx ( Gustave ), Directeur de l'Ecole de dessin et de
peinture, 7e Poussin.
Leroy (N.) , Conseiller à la Cour royale , r. des Carmélites, 16.
VERRIER, Médecin vétérinaire, rve Saint-Laurent , 9.
. Du Breuiz ( Alphonse), Professeur à l'École départementale
d'agriculture et à l'École Normale, professeur d’horticulture
à l'École municipale de Rouen, rve d'Elbeuf, 63 D.
Picarp (l'abbé), Archi-Prêtre, Curé de la Métropole de
Ronen, rue S't-Romaïn, cour des Libraïres.
Tuixon (Arsène-Marcel-Irénée), Avocat, ancien Bätonnier
de l’ordre des Avocats, rue de Socrate, 16.
Descaamps (Frédéric), Avocat, ancien bâtonnier de l’ordre
rue de la Poterne, 17.
RicnArD (Charles-Victor-Louis), Conservateur des Archives
municipales, rze Saint-Jean, 24.
GiFFrarD, Professeur au Collége royal de Rouen, r. Porcherie, 3.
CHassax 2#, Avocat général près la Cour royale, 7e du
Contrat-Social, 24.
Cocner (l'abbé), Aumônier du Collége royal de Rouen,
membre de la Société des antiquaires de Normandie, etc.
CORRESPONDANTS. #05
3. BénarD (Charles), Docteur ès-Lettres, prof. de philoso-
phie au Collége royal, rve Hoyale Saint-Ouen, 31.
Porrier (André), Conservateur de la Bibliothèque publique
de la ville, à l'Hôtel-de-ville.
BARABÉ, Archiviste du département, pour la partie histo-
rique , rze Maladrerie, 15.
Fazrue (Léon) #, commis principal des Douanes, 4ou-
levard Canchoïse, 85.
RONDEAUX ( Jean) O *#, ancien Négociant, Député, rue de
Fontenelle, 32.
FRÈRE, ancien libraire, archiviste de la Chambre de Commerce
de Rouen, au Consuls, rue des Charrettes.
>. NEveu (l'abbé), vicaire de St-Godard , rue du Coguet, 8.
Duruir (Eugène ), avocat, membre du Conseil municipal de
Rouen, guaï du Havre, 21 À.
ACADÉMICIENS CORRESPONDANTS, MM.
1803.
1804.
1806.
1806.
1808.
Gugrsenr X, Professeur agrégé à la Faculté de médecine,
à Paris, rue Gaïllon, 11.
DeGcanp (J.-V.), D -M, Professeur de botanique, membre
de plusieurs Académies, à Rennes (Ille-et-Villaine ).
DeLagouisse-RochEroRtT (J-P.-Jacq.- Aug. ), Homme de
lettres, à Castelnaudary ( Aude.)
Boïezpreu ( Marie-Jacques-Amand), ancien Avocat à la
Cour royale de Paris, à Paris.
S£RAIN , ancien Officier de santé, à Canon, près Croissan-
ville ( Calvados ).
Lair ># (Pierre-Aimé), Doyen du Conseil de Préfecture du
Calvados, Secrétaire de la Société royale d’agriculture, ete.,
à Caen, Pont-S'aint-Jacques.
D£LANCY x, Administrateur de la Bibliothèque de Sainte-
Géneviève, à Paris, rue Neuve-du-Luxembourg, 33.
406 MEMBRES
1809. FRANCŒUR O %, professeur à la Faculté des sciences,
membre de l’Institut, des Sociétés royales et centrales d’Agri-
culture, d'Encourag., etc., Paris, r. de l'Université, 10.
Duguisson ( J.-B.-Remy-Jacquelin), D.-M., membre de
plusieurs Académies et Sociétés médicales, à Paris, re
Hauteville, 10, faubourg Poïssonnière.
Dugois-MaïisonNEuvE, Homme de lettres , à Paris, rue des
Postes | 14. |
DecaruE ( Louis-Henri),ancien Pharmacien, secrétaire hono-
raire de la Société libre d'agriculture de l'Eure, Juge de
Paix à Breteuil-sur-Iton ( Eure ).
Bazme, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes , à
Lyon, rue de l'Enfant-qui-pisse, 8.
1811. Leprior (l’abbéConstantin-Julien), Prêtre, Recteur émérite de
l'Académie universitaire de Rouen, à Hennebon (Morbihan).
LE SAUVAGE Xe, D.-M., membre de plusieurs Sociétés savantes,
chirurgien en chef des Hospices civils et militaires, à Caen.
Larisse (Alexandre-Gilbert-Clémence), D.-M., à Paris,
rue Laffite, 43.
Bouray ( Pierre-François-Guillaume ) , O % ; Docteur ès-
sciences, Membre de l’Académie royale de médecine, à Paris,
rue de Provence, 11.
1814. Pêcaeux (B.), Peintre , à Paris, rve du Faub.-S1.-Honoré, ;
PERCELAT X, ancien Recteur de l’Académie universitaire de
Rouen, Inspecteur de l'Académie de Metz ( Moselle ).
FaBre ( Jean-Antoine) , correspondant de l’Institut, et In-
génieur en chef des ponts-et-chaussées , à Brignoles (Var).
18:16. Lorsezeur DEsconccaamps (Jean-Louis-Auguste) #, D.-M.,
Membre honoraire de l’Académie royale de médecine, etc.,
à Paris, rue de Jouy, 8.
1815. Pari (Henri-Joseph-Guillaume ) # , Maitre des conférences
à l'École normale, bibliothécaire du Roi, etc., à Paris,
rue de T'ournonz 7.
1818.
1821.
1823.
CORRESPONDANTS. #07
Ménat (François-Victor )#, D.-M.-P., membre de l’Aca-
démic royale de médecine et de plusieurs Sociétés savantes,
etc., à Paris, rve des Saints-Pères, 15 bis.
MorEAU DE JonnËs (Alexandre) O # , Chef d’escadron
d'État-Major, membre de l’Institut, du Conseil supérieur
desanté, etc., à Paris, rve de Grenelle-S1-Germaïn, 89.
DE Gournay, Avocat et Docteur-ès-lettres, Professeur
suppléant de littérature latine à la faculté des lettres de
Caen (Calvados), rze aux Lisses, 15.
DE KErGarrou (le comte) O 2, ancien Pair de France,
à Paris, rue du Petit-V'augirard, 5.
De Monraurr (le marquis) 2#, à Paris, rve de Lille, 84-
(A Rouen, 7ze d'Ecosse, 10.)
De MavizcE (le Mis Eunes) #, ancien Maréchal-de-Camp,
à Fillières, commune de Gommerville, près St-Romain.
Depauris (Alexis-Joseph) #, Graveur de médailles, à Paris,
rue de Furstenberg, 8 ter.
BEerRTHIER (P.) #, Inspecteur général des mines, memb
de l’Institut, etc., à Paris, 7. Crébillon, à.
Vène K chevalier de Saint-Louis et de l’ordre d'Espagne de
Charles 111, Chef de bataillon du génie, en retraite, membre
de la Société d'Encouragement , à Paris, ve Jacob, 20.
LABOUDERIE (l'abbé Jean), Vicaire général d'Avignon, à
Paris, cloitre Notre-Dame , 20.
Lemoxnier ( André—Hippolyte), membre de l'Académie ro-
maine du Tibre , rue d'Antin, 25, aux Batignolles.
DE Moréon ( Jean-Gabriel-Victor }) a, Directeur de la
Société Polytechnique et de ses publications, ete., à
Paris, rue Caumartin, 26.
TarésauT DE BERNEAUD (Arsène), Secrétaire perpétuel de la
Société linnéenne, l’un des Conservateurs de la Bibliothèque
Mazarine, à Paris, rue Cassette, 8.
408
1824.
1825.
1820.
MEMBRES
Beucxor (le vicomte Arthur) #, Pair de France, membre de
l'Institut, à Paris, rue Ville-l'Évéque ; 16.
Sozircorrre ( Louis-Henri-Joseph) O #, Administrateur
des Douanes, membre du Conseil supérieur de santé,
à Paris, rue S'aint-Lazare, 58.
EsTANCELIN %# , correspondant du Ministère de l'instruction
publique , à Eu.
FonTaANIER { Pierre), Homme de lettres, Officier de l'Uni-
versité, etc., à Moissac, près Murat (Cantal).
Mazet (Charles-François) O #, Inspecteur général hono-
raire des ponts-et-chaussées, à Paris, rve de Verneuil, 34.
JourpAn (Antoine-Jacques-Louis) # , D.-M.-P., membre de
l'Acad. royale de médecine, à Paris, ve de Bourgogne, 4.
Moxrazcon X, D.-M., à Lyon, rve de la Liberté, 5.
DE LA QUESNERIE , Juge de Paix de Clères, membre de plu-
sieurs Sociétés savantes, à St-André-sur-Cailly.
Sazcues, D.-M.-P., médecin du Grand-Hôpital, membre
du Conseil central sanitaire du dép!, à Dijon (Côte-d'Or).
BouzLenGEr ( le baron ) O %#, ancien Procureur général
à la Cour royale de Rouen, membre du Conseil général,
à S'aint-Denis-le-Thiboult (Seine-nférieure)
D'Axccemont ( Edouard), à Paris, 26, r. de Ponthieu.
Crvraze (Jean) #, D.-M., Membre de l’Institut, à Paris,
r. Neuve-St-Augustin, 23.
Fergr aîné, Antiquaire, conserv. de la Bibliothèque de Dieppe,
Correspondant du Ministère de lInstruction publique.
Payen (Anselme)#, Manufacturier, Professeur de chimie
au Conservatoire des Arts-et- Métiers, membre de l'Institut,
etc., à Paris, av Conservatoire, rue St-Martin.
Moreau (César) K, Fondateur de la Société française de
statistique universelle et de l’Académie de l'industrie, ete.,
a Paris, rue de Rivoli, 3o bis.
1827.
1827.
1828.
CORRESPONDANTS. #09
Monrémonr (Albert), membre de plusieurs Sociétés savantes,
à Paris, rue Croix-des-Petits-Champs, 27.
LADEvVÈZE, D.-M., à Bordeaux ( Gironde).
Savin (L.), D.-M.-P., à Montmorillon ( Vienne).
Hvco (Victor) O % , Pair de France, membre de l’Académie
française, à Paris, place Royale, 6.
Brossevcce (le vicomte Ernest de), à Paris, 4, rue de
Louvors.
DESMAzIÈRES ( Jean-Baptiste-Henri-Joseph), Naturaliste, à
Lambersart , près Lille; chez Mad. veuve Maquet, proprié-
taire, rue de Paris, 44, à Lille ( Nord ).
Maro ( Charles) :#, Fondateur-rédacteur en chef de la
France littéraire, membre de plusieurs Sociétés savantes,
à Paris, rue de l'Éperon, 6.
Vanssay (le baron Charles-Achille de) C #, ancien Préfet
de la Seine-Inférieure, à la Barre, près St-Calais ( Sarthe.)
CourT %, Peintre, à Paris, rue de l'Ancienne-Comédie, 14,
ancien atelier de Gros
Maizcer-Lacosre (Pierre-Laurent), Professeur à la Faculté
des lettres de Caen (Calvados).
LaurTarD (le chevalier J.-B.), D.-M., sécrétaire perpetuel
de l'Académie de Marseille, correspondant de l’Institut,
membre de plusieurs Sociétés savantes, à Marseille ( Bouches-
du-Rhône. )
Morreuwanr-Boisse (le baron de) #, Membre de la Société
royale et centrale d'agriculture , etc., à Paris. 7. Jean-
Goujor, 9.
Mori (Pierre-Etienne), Ingénieur en chef des ponts-
et-chaussées, en retraite, à Rouen, rze de la Cigogne.
Fée (Autoine-Laurent-Apollinaire) #, Professeur de bo-
tanique à la Faculté de médecine, Directeur du Jardin de
botanique, ete., à Strasbourg ( Bas-Rhin ).
1830.
MEMBRES
Partez , D.-M., rue de la Préfecture, 13, à Évreux (Eure).
GurTINGUER ( Ulric) #, Homme de lettres , à Paris, rue de
Courcelles , 36.
Cazauis % , inspecteur de l’Académie universitaire de Paris,
10, rue T'aranne.
SCHWILGUÉ %, Ingénieur en chef des ponts et chaussées,
à Strasbourg ( Bas-Rhin).
BÉGrx (Emile-Auguste), D.-M., membre de la Société royale
des Antiquaires de France, etc., à Metz ( Moselle).
BerGer DE XivREy (Jules), membre de l’Acad. royale des
Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut, à Paris, r. S/-
Germain-des-Prés, 15.
CHapoxnteR, D.-M., accoucheur, démonstrateur d'anatomie
et prof. particulier de physiologie, à Paris, 57, r Æaufeville.
Passy ( Antoine) O %, député de l'Eure, Membre de l’In-
stitut , sous-secrétaire d'État au Ministère de l'Intérieur , à
Paris, rue Caumartin, 5.
Soyer-VWVizLemeT ( Hubert-Félix), Bibliothécaire et Conser-
vateur du Cabinet d'histoire naturelle de Nancy ( Meurthe).
LecoQ (H.), Professeur d'histoire naturelle de la ville de
Clermont-Ferrand ( Puy-de-Dôme).
RrrauD, Naturaliste, membre de plusieurs Sociétés savantes ,
à Paris, rze Basse-du-Rempart, 46.
Houez (Charles-Juste), membre de plusieurs Sociétés savantes,
ancien président du Tribunal civil de Louviers ( Eure), l’un
des censeurs de la Suciété de l’histoire de France, à Paris,
28, rue S'aint-Florentin.
Murar (le comte de) C # , Pair de France, ancien Préfet de
la Seine-Inférieure, à Paris, re de Rivoli, 38.
Le Fuzeuz nes GuerroTs, cheve de l’Eperon d’or de Rome,
correspondant de l’Institut historique, à Rouen, 2, ue
Bourg-Labbe.
CORRESPONDANTS. #11
1831. LE TeLuter (Jean-Joseph) #, Inspecteur général honoraire des
ponts-et-chaussées, à Paris, rve de Beaune, 1.
BoucHER DE PERTHES (Jacques) #, Directeur des douanes ,
etc., à Abbeville (Somme ).
1832. SINNER ( Louis de), helléniste, Docteur en philosophie , sous-
bibliothécaire de la Sorbonne, à Paris, r. des S'aints-Pères, 27.
Tancaou #, D.-Médecin, à Paris, rve du Helder, 11.
ForTiN (François), D.-M.-P. à Evreux ( Eure ).
Dusevez (Hyacinthe), avoué à la Cour royale d'Amiens,
Inspecteur des monuments historiques, membre du Comité
des chartes et de plusieurs Sociétés savantes, ete., à Amiens
( Somme.)
BRIERRE DE Borsmonr (A ) #, D.-M., chevalier de l’ordre du
Mérite militaire de Pologne, Membre de plusieurs Sociétés
savantes, à Paris, Directeur de la maison de santé, rue
Neuve-Sainte-Géneviève , 21.
Le FLaGuats (Alphonse), membre de l’Académie royale de
Caen, Conservateur de la Bibliothèque de la ville, rue des
Jacobins, 10 (Calvados ).
LEJEUNE (Auguste), Architecte, à Paris, r. de Greffulhe, 3
Tac #, Conseiller à la Cour de cassation et Député, à
Paris, rue de Vaugirard, 50.
LAURENS (Jean+Anatole), membre de plusieurs Sociétés
savantes, Chef de div. à la Préfecture de Besançon ( Doubs)
BouriGxY ( Pierre-Hippolyte) #, correspondant de l’Académie
royale de médecine, etc., ancien pharmacien, à Paris,
rue de Chabrol, 40
RiGozLor ( J.) fils, Médecin de l'Hôtel-Dieu d'Amiens,
membre de plusieurs Sociétés savantes, à Amiens (Somme).
LADOUCETTE (le baron Jean-Charles-François de) æ , ancien
Préfet, secrétaire perpétuel de la Société philotechnique
de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris,
rue St-Lazare, 5.
412
1832.
1833.
MEMBRES
Marre (P.-N.-Fr.), Docteur en chirurgie, etc., membre de
plusieurs Sociétés savantes, à Strasbourg ( Bas-Rhin).
Gervice (de), Antiquaire, à Valognes ( Manche).
BouGron ( L.-V.), Statuaire, à Paris, rue du faubourg St-
Denis, 154.
Ducuesxe (Édouard-Adolphe) #, D.-M.-P., à Paris, rue
d’'Assas, 1, faub. St-Germaïn.
JuLLIEN (Marc-Antoine) #, Homme de lettres, fondateur
de la Revue Encyclopédique , à Paris, rve du Rocher, 23.
Carey (Thomas), Docteur en droit, à Dijon (Côte-d'Or),
hôtel Berbisey.
BREvIÈRE (L.-H.), Graveur de l’Imprimerie royale, surbois et
en taille-douce, à Belleville, banlieue de Paris, . des Lilas, 12.
. Mauzer-Durourray, Architecte, à Paris, rze d’Anjou-
S'aint- Honoré, 58.
. Le Prevosr (Auguste) Xt, Membre de la Chambre des Dé-
putés, de l’Institut, ete., à Paris, rve et hôtel Jacob, faubourg
Saint-Germain.
Fôvizze %, D.-M, méd. en chef de l’hospice de Charenton,
à Paris, r.de Lille, 101.
BELLANGÉ ( Joseph-Louis-Hippolyte) #, Peintre, conser-
vateur du Musée de Rouen, 7. du Champ-des-Orseaux, 55 ter.
LAMBERT (Charles-Edouard), Conservateur de la Bibliothèque
de Bayeux ( Calvados ).
Murer (Théodore), avocat, à Paris, rue de Ponfhieu, 27.
Pescne ( Julien-Réné), membre de plusieurs Sociétés savantes,
Correspondant des Comités historiques du Ministère de l’In-
struction publique, etc., juge de paix, à Morteau ( Doubs.)
Barp ( Joseph) 4, Inspecteur, au ministère de l'Intérieur,
des monuments historiques des départements du Rhône et
de l'Isère, etc., membre de plusieurs Sociétés savantes, à
Chorey, près de Beaune ( Côte-d'Or).
1836.
183-
[l
1838
1838.
CORRESPONDANTS. 413
Cuesxon (Charles-Georges), Inspecteur des Écoles primaires
du département de l'Eure, à Évreux.
HexneqQuix ( Victor-Antoine) , Avocat à la Cour royale,
à Paris, rue de Lille, 17.
LeGcay, D.-M., Archiviste, à Lille (Nord ).
Le CaDre, D.-M., au Havre, ve du Chillon, 9.
GUYÉTANT a, D.-Ch.-P., membre de l’Acad. ray. de Méd. et
de plusieurs autres Soc. sav., à Paris, 12, passage S'ainte-
Marie, rue du Bac.
SouretrAN (Eugène) 4, directeur de la Pharm. centrale des
Hôpitaux de Paris, Professeur de Physique à l'École spéciale
de pharmacie à Paris, guar de la Tournelle, 51.
Rey (Jean) #, ex-membre du Conseil général des manufactures,
membre de la Société royale des Antiquaires de France,
etc., etc., à Paris, rve N.-D.-de-Lorette, 31.
Du Bors ( Louis) A, ancien Sous-Préfet, membre de plu-
sieurs Académies, au Mesnil-Durand, près Livarot (Calvad.)
Garnier-DuBourGNEUr (Jacq .-Alex.) #, maître des requêtes,
direct. des affaires civiles et du Sceau , au ministère de la
justice, à Paris, ze des Trois-Frères, 3.
DanTaAx jeune, Statuaire, à Paris, rue Saint-Lazare, cité
d'Orléans.
Brzcret-RENaAL (Antony-Clodius), à Lyon, guar Monsieur, 121.
GarnEray ( Ambroise-Louis), Peintre de marine, à Paris,
passage S'aulnier, 19.
Prevosr (Nicolas-Joseph), président du Cercle pratique
d'Horticulture et de Botanique de la Seine-Inférieure ,
Horticulteur au Bois-Guillaume,
VacseroT, docteur-és-lettres, directeur des études à l'École
normale , à Paris, rue de Grenelle St-Germain, 116.
SaLaDiN , Professeur de Chimie, à Moulins ( Allier ).
hit
1839.
1840.
MEMBRES
BouLcée ( Aimé-Auguste ) , ancien Magistrat, à Lyon, re
St-Joseph, 8.
Muxarer , D.-M. à Thurins, près Lyon (Rhône).
LescecuiÈRE-LAFOssE (François-Gustave), D.-M., Professeur
agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier , p/ace de la
Préfecture.
GrRALDÈS ( Joachim-Albin), D.-M., professeur agrégé à la
Faculté de médecine, à Paris, ve des Beaux-Arts, 11.
Grarezour ( J.-P.-Sylvestre de ), D.-M.-P., Président de
la Société Linnéenne, etc., à Bordeaux, re Grande-Taupe,\8.
Bourron-CxarLanD (Antoine- François) 4, membre de l'A-
cadémie royale de médecine, et du Conseil général de la
Seine, à Paris, #oulevard Bonre-Nouvelle, 2.
Cap ( Paul-Antoine )#, Pharmacien, membre de l'Académie
royale de médecine, etc., à Paris, rve des Trois-Frères, 9.
Tupor (Edmond), Peintre, directeur de l'École de Dessin,
à Moulins ( Allier ).
Gauner, D.-M., à Paris, rve Neuve-du- Luxembourg, 32.
Porrrer fils (Octave), Avocat à Paris.
ParcArT (Aubin-Pierre) O #, Docteur en droit, Procureur
général à Nancy (Meurthe).
MaLcer (Charles-Augustin), D.-ès-lettres, Prof. de philoso-
phie au Collége royal de St-Lounis, à Paris, 19, r. Faufefeuille.
BorGnET (Amand-Louis-Joseph), Licencié-ès-sciences, agrégé
de l'Université, Proviseur du Collége royal de Tours (Indre-
et- Loire ).
PeLouze 24, Chimiste , Membre de l’Institut, Professeur à
l'École polytechnique, à Paris, Æd/e/ des Monnaies.
Caevazuter 2%, Chimiste, Membre de l’Académie royale de
Médecine, Professeur à l'École spéciale de Pharmacie de
Paris, etc., place Saint-Michel, 25.
CORRESPONDANTS. k15
.… SCHLUMBERGER (Henri), Chimiste, Mermb. de la Soc. industrielle
de Mulhouse, maison Dolfus, Miegg et Cie(Haut-Rhin ).
Purcippar, Professeur de culture à l'Institut royal agronomique
de Grignon , et à l'Ecole normale de Versailles, Membre de
la Société royale et centrale d'Agriculture, Directeur
du Jardin des plantes, à Versailles (Seine-et-Oise.)
CAFFE, ancien chef de clinique de l'Hôtel-Dieu de Paris,
Président de la Société médicale d'Émulation de la même
ville, etc, rze de La Ferme-des-Mathurins > 45.
LACABANE, premier employé au Cabinet des manuscrits de la
Bibliothèque royale, à Paris, Président de la Société de
l’école des Chartes.
Fayer ( M5) O x, évèque d'Orléans.
Gursourr %, Professeur d'histoire naturelle à l'École spéciale
de Pharmacie de Paris, membre de l’Académie royale de
médecine , etc., rze Feydeau.
ROCHEFOUCAULD-LrancourT (le marquis de la), Député du
Cher, Président de la Société de la Morale chrétienne, à
Paris, re St-Lazare, 56.
GLEIZES ( Vénuste ) 4 » Commissaire de la marine, Chef du
service des Chiourmes ; à Brest ( Finistère. )
Bussy %#, Professeur de chimie et Directeur de l'Ecole de
Pharmacie de Paris, à l'Ecole, rve de l'Arbalète.
Du Pasquier, Professeur de chimie à l'Ecole Lamartinière ,
à Lyon ( Rhône.)
La Burte (Auguste), avocat, à Honfleur ( Calvados.)
De Caisne, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle
de Paris, Membre de l’Institut, ax Muséum.
Gasparix (le comte de) C tt, Pair de France, membre de
l'Institut, rue de Lille, 9.
Henri (Ossian) #4, Profess. agrégé à l'Ecole spéciale de phar-
macie de Paris, memb. de l'Acad. royale de médecine, etc.
1843.
MEMBRES
Mazcer O #, Ingénieur divisionnaire des Punts-et-Chaussées,
à Paris, 46, rue Lafitte.
AmioT, Licencié ès-sciences, Professeur de Mathématiques,
à Paris, rue de Sorbonne, 3.
Busser ( François-Charles) #, géomètre en chef du cadastre,
à Dijon (Côte-d'Or ).
Mancez (Georges), Conservateur de la bibliothèque de Caen.
DE FRÉviLLE , Archiviste paléographe , à Paris, 15, rve de
Vendôme, au maraïs.
Caarma ( Antoine), Professeur de philosophie à la Faculté
des lettres de Caen.
ALAUZET (Isidore), avocat, sous-chef du cabinet du Ministre
de la Justice, à Paris.
MarcHAnD (Eugène), Pharmacien à l'hôpital civil, à Fécamp.
Ducxesne-Duparc, D.-M.,à Paris, rve de Louvors, 10.
Gors (Laurent), Inspecteur de l’Académie de Rennes.
. FAURÉ, Pharmacien, à Bordeaux.
DecamARE, D.-M., à Paris, 14, rve S'arnt-Florentin.
GauLTrer O %, Conseiller à la Cour de Cassation, à Paris, 5,
rue Neuve-des-Mathurins.
Person XX , Professeur à la Faculté des Sciences de Besançon
(Doubs).
Macnier , Professeur de Littérature ancienne, à la Faculté
des Lettres de Poitiers (Vienne).
Rotsix ( le baron Ferdinand de ), Docteur en droit et en
philosophie, correspondant du ministère de l'instruction
publique de France et de plusieurs sociétés savantes, à Lille
(Nord), rue Françoise, 38.
Reiser (Jules), Chimiste, à Paris, re de la Bienfaïsance, 3.
FormeviLe (de), Conseiller à la Cour Royale de Caen.
Bonn, Directeur de la Sociéte des antiquaires de Norman-
die, à Caen.
CORRESPONDANTS. 417
GARNIER, Conservateur de la bibliothèque de la ville d'A—
miens.
Harpours-Micueziw, Conseiller référendaire à la Cour des
Comptes, Membre de la Société géologique de France et de
plusieurs Académies, à Paris.
BourniN, Docteur-Médecin de la Faculté de Paris , à Choi-
sy-le-Roi, place de la Madelaine , près Paris.
CarPenTIER-MÉRICOURT , Docteur-Médecin à Paris, rze des
Orties-S'aint-Honoré, 7.
Travers (Julien), Professeur de littérature latine à la Fa-
culté de Caen.
ForGer , D.-M., à Strasbourg.
Bernomme, D.-M., à Paris, rze de Charonne, 161.
ARONDEAU, Directeur des travaux relatifs à la statistique cri-
minelle et correctionnelle au Ministère de la Justice.
BLANCHEMAIN ( Jean-Baptiste-Prosper), avocat à Paris, 7,
rue de L'Est.
ViGuier, Inspecteur-Général des études, à Paris”
FLouRENSs , Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences,
Memb. de l’Acad.-Française , au Jardin des Plantes, à Paris.
LepAGE, Pharmacien , Professeur de Physique et de Chimie
au Collége de Gisors (Eure ).
HergerGer, Chimiste, Rédact. en chef du Journal allemand
de Chimie et de Pharmacie , à Xaiserslantern ( Bavière ).
BorceAu DE CAsTELNAU, Médecin en chef de la Maison cen-
trale de Nimes ( Gard ).
BicourpAN, prof. de mathématiques spéciales, à Paris.
Gurarp , Professeur au Collége Charlemagne , à Paris.
418 MEMBRES CORRESPONDANTS.
CORRESPONDANTS ÉTRANGERS, MM,
1803. Demorx, Directeur de la Chambre des finances, et correspon-
dant du Conseil des mines de Paris, à Salzbourg (Autriche).
GErFroy , Professeur d'anatomie à l'Université de Glascow
(Ecosse ).
1803. EnGeLsrorr, Docteur en philosophie, Conseiller de confé-
rence, Commandeur de l’ordre de Dombrog, etc., à Copen-
hague (Danemarck).
1809. Lamoureux (Justin), à Bruxelles ( Belgique ).
1812. Vocez, Professeur de chimie à l’Académie de Munich (Bavière).
1816. Campsecz, Professeur de poésie à l'Institution royale de
Londres ( Angleterre).
1817. KiRCKHOFF vAN DER VARENT (le vicomte Joseph-Romain-Louis
de KERCKHOVE , dit de) ,ancien Médecin en chef des hôpitaux
militaires, etc., membre de la plupart des Sociélés savantes
de l’Europe et de l'Amérique, à Anvers ( Belgique ).
1818. Dawson TurNER, Botaniste, à Londres ( Angleterre ).
1823. CHAUMETTE DES Fossés, Consul général de France, à Lima
(Amérique méridionale ).
1827. De Luc (Jean- André), membre de la Société de Physique et
d'histoire naturelle de Genève (Suisse), etc.
1828. Bruner X, Ingénieur, correspondant de l’Institut, Membre
de la Société royale de Londres, à Londres ( Angleterre ).
1830, RaArx (le chevalier Carl-Christian), Professeur, secrétaire
de la Société royale d'Écritures antiques du Nord, et de
plusieurs autres Sociétés savantes, à Copenhague(Danemarck),
rue du Prince-Boyal, bo.
SrassarT (le baron Goswin-Joseph-Augustin de), Président
du Sénat belge, Gouverneur de la province de Namur, à
Courioule, près Namur ( Belgique ).
1830. Casio (Antonio Feliciano de), Bacharel Formado en
droit, membre de l'Académie des Sciences de Lisbonne, etc.
a Lisbonne ( Portugal), ca/cada do Dugue, 58.
1835.
1836.
1839.
1842.
1844.
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. 419
Fruipris (Pierre de), Médecin à Naples.
KERKHOVE D'EXAERDE (le comte François de ), chevalier de
l’ordre de Malte, membre de plusieurs Sociétés savantes, à
Exacrde, près de Gand ( Belgique ).
REIFENBERG (le baron de), À Louvain. — A Paris, chez
M. Michaud , rue de Richelieu, 6.
Ws1D (James), Géographe, à Londres.
De SanrTAREM (le vicomte), anc. Minist. de Portugal, memb.
de l’Inst. de France et de plusieurs Académies fran. et étrang.,
à Paris, rve Blanche, Lo.
+ Narpo (Jean-Dominique), Médecin de l'Institut central des
Enfants trouvés de Venise, Membre de plusieurs Sociétés
savantes, à Venise.
Morren , Docteur ès-sciences et en Médecine, Professeur de
Botanique à l'Université de Liége.
ZanrenescHi, Professeur de physique , etc., à Venise.
GuasraLLa ( Auguste), D -M., Membre de plusieurs Sociétés
savantes de France, d'Italie et d'Allemagne, à Trieste.
Pasquier (Victor), Pharmacien de première classe, à Liége.
De Le BrparrT DE THUMAIDE, Procureur du Roi, à Liége.
Van Hasserr, Secrétaire de l'Académie d'Anvers
Bocarrrs (Félix), à Anvers.
Harrewerz, à Cambridge
1846. Tama, D.-M, à Bruxelles ( Belgique.)
SOCIÈTES CORRESPONDANTES,
Classées selon l'ordre alphabétique du nom des Villes où
elles sont établies.
Abbeville. Société royale d'Émulation (Somme ).
Aix. Société académique ( Bouches-du-Rhône ).
Amiens. Académie des Sciences (Somme ).
— Société des Antiquaires de Picardie.
420 SOCIÉTÉS
Angers. Société industrielle (Maine-et-Loire).
—— Société d'Agriculture.
Angoulême, Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département
de la Charente.
Beauvars. Athénée du Beauvaisis.
Besançon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Doubs).
— Société d'Agriculture et des Arts du département du Doubs.
Bordeaux. Acad. royale des Scienc., Belles-Lettres et Arts (Gironde).
— Société royale de médecine.
Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , du Commerce et des Arts.
(Pas-de-Calais)
Bourg. Société d'Emulation et d'Agriculture du départemt de l'Ain
Caen. Acad. royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Calvados).
— Association Normande.
— Société royale d'Agriculture et de Commerce.
—— Société des Antiquaires de la Normandie.
— Société Linnéenne.
— Société Philharmonique.
— Société vétérinaire du Calvados et de la Manche.
Calais. Société d'Agriculture, de Commerce, des Sciences et des Arts
(Pas-de-Calais).
Cambrar. Société d'Emulation (Nord).
Chälons-sur-Marne. Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et
Arts du département de la Marne.
Chälons-sur-S aône. Société d'Histoire et d'Archéologie (Saône et
Loire.
Chäteauroux. Société d'Agriculture du département de l'Indre.
Cherbourg. Société d'Agriculture , Sciences et Arts (Manche ).
Clermont-Ferrand. Académie des Sciences, Belles-Lettres ct Arts
( Puy-de-Dôme).
Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Côte-d'Or).
—— Société de Médecine.
+
CORRESPONDANTES. 421
Douaï. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du
département du Nord.
Draguignan. Société d’Agricult. et de Commerce du départ. du Var.
Ævreux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du
département de l'Eure.
Falaise. Société d'agriculture ( Calvados).
Havre. Société havraise d'Études diverses.
Lille. Société royale et centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du
département du Nord.
— Commission historique du département du Nord.
Limoges. Société royale d'Agriculture , des Sciences et des Arts
(Haute-Vienne).
Lons-le-S aulnier. Société d'Émulation du Jura.
Lyon. Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Rhâne).
— Société royale d'Agriculture , Histoire naturelle et Arts utiles.
— Société de Médecine.
Mäcon. Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres (Saône-et-Loire).
Mans (Le). Société royale d'Agriculture, Sciences et Arts (Sarthe).
Marseille. Acad. royale des Sciences, Lettres et Arts (Bouches-du-
Rhône)
Melun. Société d'Agriculture de Seine-et-Marne.
Metz. Académie royale des Lettres, Sciences et Arts et d'Agricul-
ture ( Moselle ).
Montauban. Société des Sciences, Agriculture et Belles-Lettres du
département de Tarn-et-Garonne.
Morlaix. Société vétérinaire du département du Finistère.
Moulins. Société d'Émulation du département de l'Allier.
Mulhausen. Société industrielle (Haut-Rhin).
Nancy. Société royale des Sciences, Lettres et Arts (Meurthe ).
— Société centrale d'Agriculture,
Nantes, Société royale académique des Sciences et des Arts du
département de la Loire-Inférieure
492 SOCIÉTÉS
Nimes. Académie royale du Gard.
Niort. Athénée:; Société libre des Sciences et des Arts du dépar-
tement des Deux-Sèvres.
Orléans. Société royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Loiret).
Paris, Athénée royal, rze de Valois, 2.
—- Athénée des Arts, à /’Hôtel-de-Ville.
— InsrrTuT DE FRANCE, au Palais des Quatre-Nations.
—— Académie royale des Sciences.
— Académie française
— — historique de France, rue S'aint-Guillaume, Q.
— Société Anatomique.
— Société centrale des Amis des arts et _ lettres, r. S'arnfonge, 19.
— Société d'Economie domestique et indust., r. Taranne, 12,
— Société de Géographie, rue de l’Université, 23.
— Société de la Morale chrétienne, rue Taramne, 12.
— Société de l'Histoire de France. (M. Jules Desnoyers, secré-
taire, à la Bibliothèque du Jardin du Roi.)
— Société d'Encouragement pour le commerce national , 7ze
S'aint-Marc, 6.
— Société d'Encouragement pour lIndustrie nationale, 74e
du Bac, #2.
— Société de Pharmacie, rze de l’Arbalète, 13.
_— Société des Méthodes d'Enseignement, rve Taranne, 12.
_— Société des Sciences physiques, chimiques et Arts agricoles
et industriels de France , à /’Hôtel-de-Viülle.
— Société géologique de France, ze du Vieux-Colombier, 26.
_— Société internationale des Naufrages, r. Neuve-des-Matbu-
TES, 17
— Société libre des Beaux-Arts, à l'Hôtel-de-Ville.
— Société Linnéenne, rze de Verneuil, n° 51, faubourg Saint-
Germain.
— Société médicale d'Emulation, à /4 Facullé de Médecine.
—— Société Philomatique, rve d'Anjou-Daupline , 6.
— Société Philotechnique, rze de la Paix, 11.
— Société Phrénologique , rze Jacob, 54.
SOCIÉTÉS ÉTRANGÉRES. 123
x
— Société royale et centrale d'Agriculture, à /'Hotel-de-Ville.
— Société royale d'Horticulture, rue T'aranne, 12.
Perpignan. Société royale d'Agriculture, Arts et Commerce des
Pyrénées-Orientales.
Poitiers. Société académique d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences
et Arts ( Vienne ).
— Société des Antiquaires de l'Ouest.
Puy (Le).Société d’Agr., Sciences , Arts et Commerce (Haute-Loire)
Beims. Académie (Marne).
Æouen. Société cent. d'Agriculture du dép. de la Seine-Inférieure.
— Société d'Horticulture.
— Société libre d'Emulation pour le progrès des Sciences,
Lettres et Arts.
—— Société libre pour concourir au progrès du Commerce et de
l'Industrie.
—— Société de Médecine.
—— Société des Pharmaciens.
Saint-Étienne. Société d'Agr., Sciences, Arts et Commerce (Loire)
— Société industrielle .
Saint-Quentin. Société des Sciences , Arts, Belles-Lettres et
Agriculture ( Aisne ).
— Société Industrielle et Commerciale.
S'rasbourg. Société des Sciences, Agriculture et Arts du départe-
ment du Bas-Rhin.
Toulouse. Académie des Jeux floraux (Haute-Garonne ).
— Académie royale des Sciences , Inscriptions et Belles-Lettres.
Tours. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du
département d’Indre-et-Loire.
Troyes. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de
l'Aube.
Valence. Société de Statistique, des Arts utiles et des Sciences
naturelles du département de la Drôme.
42% SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES
Versailles. Société centrale d'Agriculture et des Arts du départe-
ment de Seine-et-Oise.
— Société des Sciences morales, Lettres et Arts.
SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES.
Anvers. Société des Sciences, Lettres et Arts.
Copenhague. Société royale d’Ecritures antiques du Nord.
Liége. Société libre d’Emul. et d'Encour. pour les Sciences et les Arts.
Londres. Société des Antiquaires de Londres.
Munich. Académie royale des Sciences, etc. de Bavière.
Nota. Vingt-un exemplaires du Précis seront en outre distri-
bués, ainsi qu’il suit : A M. Deracue, Libraire à Paris, et aux
DEUX PRINCIPAUX Journaux qui se publient à Rouen. ( Déc. du 18
nov. 1831, R. des L., p. 2.;et déc. du 23 déc. 1836. R. desD. p.177.)
— A la Revue pe Rouex et à M. H. Canxor, Directeur de la Revue en-
cyclopédique, à Paris. (Déc. du ro fév. 1832. R. des L., p. 28.)
— Aux Braztoruèques de la Préfecture et des Villes de Rouen
Elbeuf, Dieppe, le Havre, Bolbec, Neufchâtel, Gournay et
Yvetot, { Déc. du 15 nov. 1832. Reg. des Délib., p. 153; et Déc.
du 5 déc. 1834. R. des L., p. 226.) — A M. Eugène Arnourr, proprié-
taire-rédacteur Cu jourral intitulé l’Institut , rue de Las-Cases , 18,
à Paris. — À la PrerioTnèque de Dijon. (Déc. des 5 et 12 déc. 1834.
R. des L., p. 226.)—A la Bisnioruëque du Muséum d’histoire natu-
relle de Paris (M. J. Besnoyers, bibliothécaire). A la BIBL10TNÈQUE
de Pont-Audemer, Eure, (M. Canel, bibliothécaire.) (Déc. du 18
décembre 1835. R. des Délib. p. 173.) — A M. Tamser, sous-chef
au ministère des finances ( par continuation de la collection de feu
M. Goïs fils, son beau-père), pavillon de l'Ouest, à l'Institut, à Paris.
(Déc. du 26 janvier 1858). — A M. le ministre de PInstruction
publique. (R. des lettres, 22 Fév. 183q, p. 20q),—et à la Biblio-
thèque du Collége royal de Reuen.
NoTA. Le Programme des Prix doit être envoyé, chaque année,
aux principaux journaux de Paris et des départements, notamment
à la Gazette spéciale de l’Instruction publique, ruedes Mathurins-
Saint-Jacques , à Paris.
TABLE DES OUVRAGES
Reçus pendant l’année académique 1846-1847, et classés
par ordre alphabétique , soit du nom de l’auteur > ou du
litre des ouvrages anonymes , soit du nom de la ville où
sont publiés les ouvrages périodiques , et ceux des Sociétés
savantes.
Dressée conformément à l'art, 13 du règlement.
Aix. Académie. Bulletin des travaux. 2° sem. 18/6.
Amiens. Suc. des Antiquaires de Picardie. Bulletin 1846 ,
n®2,et 3. — 1847.n° 1. — Tome 2, 1844-45-46. —
Mémoires , tome 8. — 1846.
Amiot. Mémoire sur les points singuliers des surfaces.
Association Normande, V. Caen.
Avenel ( A.). Le Collége des Médecins de Rouen ou Docu-
ments pour servir à l'histoire des institutions médicales en
Normandie | 1847.
Aymar-Bression. Notice biographique sur M. Le baron Lezu-
rier de la Martel.
Ballin (A.-G). Inauguration du buste de Vittoria Coroxna
dans le palais du Capitole à Rome. — Note sur les mono-
hthes de Russie. (Extrait du Précis de 1846). — Tableuu
décennal des opérations du Mont-de-Piété de Rouen ,
1837 à 1846.
Barthélemy et Golefroy, Eglise de Notre-Dame de Bonse-
cours près Rouen, 1847.
Barthélemy-Lapommeraye. Carabe d'agassis (offert par
M. Michelin ).
426 TABLE
Beauvais. Athénee du Beauvaisis. Bulletin 1 et 2° sem.,
1846. — re sem. 1847.
Belhomme. Observation d’ectugénie assymctrique, 1847.
Bénard ( Ch.) Schelling. Ecrits philosophiques et morceaux
propres à donner une idée générale de son système, 1847.
Besancon. Société d'Agriculture du Doubs. Mémoires, 1845.
Béziers (Hérault). Société archéologique. Séance publique
du 13 mai 18/7.
Bichat. PV. Larrey.
Boileau de Castelnau. Economie médicale, 1844. — Du
système pénitentiaire. — Plan d'un systéme rationnel de
prévention du crime et d'amendement du coupable, 1845.
— Procès-verbal des séances tenues à Nimes , par les me-
decins du Gard, à l'effet d’adhérer au Congrès médical
ouvert à Paris, le 1°* novembre 1845. — De l’emplui de
l'appareil de Scoit dans le traitement des tumeurs blanches,
18/6.
Bonafous. V. Matthieu.
Bonnin, Regestrum wvisitationum archiepiscopt Rothoma-
gensis.
Bonsecours. V. Barthelemy.
Bordeaux. Académie royale. Actes , 8° année, 1° el 5° tri-
mestres , 1846.
Boucher de Perthes. Du patronage ou de l'influence par la
charité, 1846.
Boullay et O. Henry. Nouvelles observations sur l'état du
soufre dans les eaux sulfureuses des Pyrénées.
Boulogne-sur-Mer. Société d'Agriculture , de Commerce, elc.
Séances publiques des 17 janvier et 29 octobre 1846.
Bourg. Société d'Emulation de l'Ain. — Journal d'Agricul-
ture,n®%8,g,t1et12,1846. — N° 1,2, 5et6, 1847.
Boutigny ( P.-H.) ( d'Evreux). Nouvelle branche de physique
ou Etudes sur les corps à l’état spheroïdal , 1847.
Brossard-Vidal (l'abbé). Notice sur l’ébullioscope alcoome-
DES PUBLICATIONS. Cr
trique ou alcoomètre-V'idal, 1846. — Quelques observations
sur la fraude des vins, 1846.
Caen. Association normande. Annuaire , 3847.
Caen. Société des Antiquaires de Normandie. Mémoires,
2 série, 4° vol., ae et 3° liv., 1845, — Registres-mémo-
riaux de la Chambre des Comptes de Normandie , feuilles
8 à 16.
Caen. Sociéle française pour la conservation des monuments
historiques. ( À Metz et à Trèves). — Coup d'œil sur le
Congrès archéologique.
Caen, Societe royale d'Agriculture. Extrait des séances, 1846.
Caen. Socielé vétérinaire du Calvados et de lu Manche.
Procès-verbal de la séance du 26 août 18/6.
Calais. Société d'Agriculture. — Almanach de la ville et du
canton ; pour 1847.
Cambray. Société d'Ermnulation. Mémoires , tom. ru"
partie, Séance publique du 18 avril 1843—1844.
Catalogue des livres d'histoire naturelle , etc., de feu M. Fré-
déric Cuvier , 1846.
Cellier-Dufayel (N.-H.). L'improvisateur, Journal des ma-
tinées littéraires, 3° année, 1846, n° 12. — 4° année,
TN DS LE RC (RE DR T
Chambre de Commerce. W. Rouen.
Charma (A.). Essai sur le langage.
Chassan. Discours de rentrée à la Cour royale, le 3 novembre
1846
Châteauroux. Societe d'Agriculture de l'Indre. Ephémérides ,
1e partie de 1846
Cherbourg. Societe d'Hortieulture. Bulletin, 1846.
Cherbourg. Societé royale académique. Mémoires , 1847.
Chérot. Lettre manuscrite à M. Girardin.
Clermont-Ferrand, Ænnales de l Auvergne. Mai, juin,
septembre , octobre, novembre et déctmbre 184,6. Janvier
el février , mars et avril 1847.
428 TABLE
Cochet (l'abbé). Notice historique et descriptive sur l'eglise
de Moulineaux, 1845. — Culture de la vigne en Norman-
die, 1844. — Sépultures anciennes trouvées à Saint- Pierre-
d’Epinay , 1847.
Comte (Achille). Atlas méthodique des cañiers d'Histoire
naturelle , ou Introduction à toutes les zoologies , 1838.
Congrès scientifiques de France, 15° Session , 1847.
Corréard (Alex.). Journal du génie civil, des Sciences et
des Arts, etc., div. 4o, 42, 43, 44, 45°.
Dégenétais (V°). Sur l’organisation de l'Agriculture, de la
Navigation , de l'Industrie, du Commerce et des Travaux
publics. — Examen des questions connexes sur le port, les
fortifications et la rade du Havre , ainsi que sur les travaux
à exécuter dans la Seine maritime , 1846.
De Lamare. Du traitement curatif de la phtlusie pulmonaire ,
par le mucilage animal à haute dose, etc., 1847.
Dijon. Académie des Sciences. Mémoires, 1845 —1846.
Séance publique du 31 juillet 1841. Id. du 21 août 1843.
Dijon. Société médicale. Journal de médecine, chirurgie ,
pharmacie et médecine vétérinaire de la Côte-d'Or , 1846,
n#7àät2, 1847, no° 1 et 2.
Douai. Société royale et centrale d'Agriculture. Mémoires ,
1845—18/46.
Du Breuil fils. Instructions pour le peuple , 4° li. Syloicul-
ture, arboricullure. 21 div. Jardin fruitier , jardin potager.
Duchesne-Duparc. Examen complet des doctrines médicales
qui ont dominé jusqu'ici l'étude des maladies de la peau ,
1846. — De la cautérisation dans le traitement externe
des maladies de la peau , 1845.
Dusevel (H.) Monuments historiques. Rapport à M. le
Préfet de la Somme , 1846.
Eglise de N.-D. de Bonsecours. V. Barthélemy.
Evreux. Soc. libre d'Agriculture , Scienres, Arts et Belles-
Lettres de l'Eure. Statistique du département de l'Eure.
DES PUBLICATIONS. 429
Botanique , 1846. — Recueil des travaux. — T, 4 , 1843.
— Jullet, 1846.
Falaise. Suc. Acad, Agric., Industrielle , etc. Bulletin » 1846,
2°, 3° et L° trimestres. 3847, 1° frimentre.
Fallue. 7, Richard.
Fayet (P.) Essai sur la Statistique intellectueile et morale
de la France. — N°1. Départements de la Moselle, du
Bas-Rhin et du Haut-Rhin. — No 17. Départements de
l'Allier, du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Haute-
Loire. ( Tubleaux.) — Essai sur l'accroissement de la po-
pulation et sur les progrès de la criminalité en France :
1845.
Flourens (P.) Fontenelle , ou de la Philosophie moderne ,
relativement aux Sciences physiques. Paris, 1847.
Fodéré, V. Matthieu.
Forget (C.) Clinique médicale de la Faculté de Strasbourg.
Du 1° juillet 1842 au 1% juulet 1844. — Des écueils de
l'observation , 1846. — De la stabilité des principes the-
rapeuliques.
Fréville (De). Rouen et son commerce maritime. ( Extrait
de la Bibliothèque de l'Ecole de Chartres.)
Gautier de Rumilly. Rapport au Congrès agricole des sept
départements du Nord , 1846.
Girardin (J.) Des fumiers considérés comme engrais. 5° édit.,
1847. — Analyse de plusieurs produits d'art d'une haute
antiquité, 1846. — Notices sur diverses questions de
chimie industrielle , médicale et agricole , 1847. — Chimie
générale. Sol, amendements, engrais. ( Inst pour le
peuple , 6°, 7°, 29°, 37 et 38° ivr..)
Godefroy. 7. Barthélemy.
Godron. F* Soyer-Willemet.
Guttinguer {Ulric). Les Deux- Ages du Poëte, 2° et complète
edit. , 1845.
:30 TABLE
Hardouin-Michelin. Iconographie zoophytologique. 18° à
23° dio., 1845. F. Barthélemy.
Havre. Société havraise d'études diverses. Résume analytique,
11° 6/12 année.
Henry ( O.) V. Boullay.
Herberger (J.-E.) Jahrbuch für praktische pharmacie und
verwandte fâcher. (52 cahiers, livres & à 13 , 1841 à 185.)
Institut de France. W. Puris. — Historique , id.
Instructions pour le peuple. 100 Traités. V. Girardin et
Du Breuil. ,
Jobard (5.-B.-A-M.) Bulletins du Musée de l'industrie,
1842, à Ho. , 1845, 4 or.
Journal des Savants , PV. Paris.
Laroque (l'abbé). Compte-rendu de la retraite donnée au
bagne de Brest , 1847.
Larrey (B®). Richat.
Lecoq (H.) F. Clermont-Ferrand.
Le Flaguais (Alph.) Aux Antiquaires , après le manifeste de
T Académie des Beaux- Arts , au sujet du style ogival.
Le Jolis (Auguste). Observations sur quelques plantes rare:
découvertes aux environs de Cherbourg , 1847.
Lepage ( Ph.) Mémoires et observations de chimie, 1846.—
Recherches sur les moyens de distinguer les alcalis végétaux
par le chlore et par le sulfocyanure de potassium, 1840.
Le Sauvage. Mémoire sur les tumeurs'albumino-gélatineuses,
1845.
Lézurier de la Martel. . Aymar-Bression.
Lille, Société royale des Sciences. Mémoires , 1844 et 1845.
Limoges. Societé royale d’Agriculture. Bulletin, 1.24, no 2.
Lons-le-Saulnier. Société d'Emulution du Jura. Travaux,
1844 et 1845.
Lyon. Académæ royale, Mémoires, t. 2, 1"° lio , 1846.
Lyon. Socièté royale d’Agricult. Annales des Sciences, etc.
T.8, 1845.
DES PUBLICATIONS. h31
Mans (le). Société d'agriculture de la Sarthe. Bulletin 1e Ê
2° trim. 1847.
Matthieu Bonafous. Discours prononcé à l'inauguration de
la statue de Francois-Emmanuel Fopëré , 1846.
Maurin. Rapport sur le concours ouvert par l’Académie royale
du Gard sur cette question : De l'influence que l'applica-
tion des circonstances aiténuantes au grand criminel a
exercée sur la bonne administration de la justice.
Metz. Académie royale. Mémoires , 27° année, 1845-1846.
Metz. Societé d'Histoire naturelle de la Moselle. — Bulletin ,
4* Cahier, 1846.
Michelin. /”..Hardouin.
Montémont (Albert), De l’Orégon et de la Culifornie , 1846.
— Quelques mots prononcés sur la tombe de M. Bertrand
du Ban-de-Sapt , près Saint-Dié ( Vosges.)
Moreau de Jonnès Éléments de statistique, 1847.
Moulins. Société d'Emulation de l'Allier. —Journul » 3° série,
t. 6, n°6, décembre 1846.
Nantes. Sociélé royale académique. Annales. 12 Cahiers,
1845 et 1846.
Nimes. Académie royale du Gard. Compte-rendu le 30 août ,
1845. — Mémoires, 1845-1846.
Normandie {un coin de la ).
Paris. Athénée des Arts. — Procès-verbaux des 120,, 121*,
122eet 123° séances publiques , et compte-rendu des travaux
de la session de 1845-1846.
Paris. Institut historique.— L’Investigateur , 1482 à 155° Hv.
Paris. Institut royal de France. Prix de vertu , 1846.
Paris. Journal des Savants , août 1846 à juillet 1843.
Paris. Société de gens de Lettres et de musiciens. — Le
Tournoi, Journal des concours, scientifique , littéraire et
musical. Janvier, mars 1847.
Paris. Societe de Géographie. Bulletin , 1846.=T, 5,n% 28,
29 , 30.— T,6 , not 31 à 41.
432 TABLE
Paris. Societé de la morale chrétienne. Journal. — T.6,
n“1,2,3e5.—T.7,n“1,2,3e5. —T.8,n1.
— 26e Séance générale annuelle du 26 avril 1847.
Paris. Societé de l'Histoire de France. — Bulletin, n° 11,
— 12,1846.— N° 1, 3-6, 1847.
Paris, Societé française de Statistique universelle. — Journal
des travaux . 1846—1847 , n°° 1 à 12.
Paris. Société libre des Beaux-Arts. Annales, t. 12, 13 et
14, 1842 à 1844, et cahier complémentaire , 1845.
Paris. Société philomatique. Extraits des procès-verbaux des
séances , 1846.
Paris. Snciélé philotechnique. Annuaire.—Séances de l'année
1846. — T, 8, 1847.
Paris. Société royale d'Horticulture. Voyage à Pæstum.
Paris. Société royale et centrale d'Agriculture. Bulletin , t. 5,
no 5, 1845. — Mémoires , 1844.
Pasquier (V*). De la préparation et de la vente des médicu-
ments destinés aux animaux domestiques.
Payen. Enquête sur la maladie des pommes de terre en France,
1847.
Pesche (J.-R.) De la culture du pommier à cidre dans le
département du Doubs , 1846.— De la sainteté du serment,
1846.
Picard ( l'abbé.) Chants sacrés à l'usage de la métropole de
Rouen , pour le mois de Marie, 1847.
Philippar. Note sur les pommes de terre.
Poitiers. Société des Antiquaires de l'Ouest. Bulletin, 2e et
3etrimestres , 1846. Mémoires , 1845.
Pommes de terre. V. Payen et Vilmorin.
Pontaumont ( de) Raoul de Rayneval , ou la Normandie au
16° siècle, 1836.
Prix de vertu , 1846.
Puy (le). Société d'Agriculture. Sciences, etc. — Bulletin.
— T.4, 2tet3 io. — T. 5, are Jo, — Bulletin du 5
mars 184 7e
DES PUBLICATIONS. #35
Reims. Académie. Séances et travaux. 3° vol. , Mai 1845.
Janvier 1846, — 4e vol. , février à mai 1847.
Reiset (J.) Annuaire de chimie, 1847.
Rey (Ch.) Œuvres dramatiques, 1847.
Richard. Réponse à l'Essai sur 1 ‘époque de construction des
diverses enceintes militaires de Rouen de M. L. Fallue.
Rigollot. Mémoires sur de nouvelles découvertes de monnaies
picardes , et sur une petite statue de Midas , 1846.
Ripault (H.) Tableau indicatif des maladies qui peuvent
motiver l’ablation en totalité de l'os maxillaire supérieur, ec.
Paris , 1847.
Roché (J.-P.) Histoire topographique, medicale et statistique
de la ville de Breteuil et de ses environs.
Rouen. Chambre de commerce. Statistique du commerce ma-
rüime du port de Rouen, pendant l'année 1845 , et com-
paraison avec l’année 1844, 1847.
Rouen. Société centrale d'Agriculture de la Seine-Inférieure.
— Extraits des travaux, n° 96 à 104. — Janvier 1845
à Avril 1846.
Rouen. Soc. centrale d'Horticulture. Bulletin , t. 3, 1847.
Rouen, Soc. libre d’Emulation. Bulletin, 1846.
Rouen. Soc. libre du Commerce et de l'Industrie de Rouen. —
Mémoires sur l'impôt du sel employé dans l'industrie.
Roux-Ferrand (H.) Histoire des progrès de lu civilisation en
Europe depuis l'ère chrétienne jusqu'au 19° siècle.
Saint-Etienne. Soc. industrielle et agricole. Bulletin , 3° serie.
—T.1®, 2°,3°, 5°, Ge er qe Lo. 1845.
Saint-Quentin. Soc royale acad. — Annales scientifiques ,
agricoles et industr. du département de l'Aisne , 2° série. —
5°. 2842:
Sens. Soc. urchéologique de Sens. Bulletin , 18406.
Soyer-Willemet et Godron. Revue des trèfles de la section
chronosemium ; 847.
28
434 TABLE
Toulon. Soc. des Sciences , etc. , du Var. Bulletin, n° 1 à4
1847.
Toulouse. Acad. des Jeux floraux. — Recueil, 1846, —
Id., 1847.
Toulouse. Acad. royale des Sciences, etc. — Mémorres, t.3,
1847. 1 à 6, ro.
Tours. Soc. d'Agr. d’Indre-et-Loire. — Annales, t. 26.
Juillet à décembre 1846.
Tournoi (le). W. Paris. — Soc. de gens de Lettres , etc.
Troyes. Soc. d’Agr. de l'Aube. — Mémoires , n°° 98, 99 et
100. 2°, 3° et 4° ér. de 1846. —T. ver, 2° série, n° 1 et 2,
1, et 2etrimestre 1847.
Valenciennes. Soc. d'Agriculture. — Mémoires. — Topogra-
phie historique et medicale de Valenciennes. — T.6,
1846.
Vattemare (Alex.) Ouvrages offcrts par lui à l’Académie de
Rouen , au nom des États de l'Union. — Rapports du Comité
spécial sur les chemins et autres communications intérieures.
Quebec, 1829. — Rapport du Comité choisi, sur le Gouver-
nement civil du Canadu. Québec, 1829. — Report of the
special committee to the organization of the militia. Québec,
1829. — Rapport du Comité spécial sur les honoraires
alloués aux protonotaires et greffiers de la justice de paix
pour le district de Quebec, 1830. — An act to organize
and regulate the militia of the state of Indiana. Indiano-
polis, 1831. — Maria Monk and the nunnery of the Hôtel-
Dieu to the convents of Montreal, 1836. — Mémoires sur
le Canada, depuis 1749 jusqu'à 1760. (Québec, 1538.
— Laws relating to common schools. Albany , 1843. —
Instructions from the regents of the University. Albany ,
1845. — Third Bulletin of the proceedings vf the national
institute promotion of science. Washington, 1845. —
Annual reports of 1o/l: trade and tonnage of the New-York
DES PUBLICATIONS. 435
canal, 1845. — Opinions on various subjects , dedicated
to the indoustrious producrcers, by William Maclare. —
European agriculture and rural economy from personal
observation by Henry Colman. T. 1 ett.2, part y1. Boston,
1846.— Third annual report of the managers of the lunatic
asylum. Albany , 1846.
Versailles, Soc. des Sciences morales, etc. Mémoires , 1847.
— Procès-verbal de la séunce du 9 avril 1847.
Viguier. Anecdotes littéraires sur Pierre CORNEILLE.
Vilmorin. Rapport sur les moyens de suppléer au déficit des
produits de la pomme de terre.
TABLE MÉTHODIQUE
DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME.
OS Æ
Discours d'ouverture de la Séance publique du 9 août
4847, par A1. l'abbé Picard, président, sur l’'Ami-
tié,
CLASSE DES SCIENCES.
. page À
Rapport fait par M. Girardin, Secrétaire perpétuel
de la classe des Sciences.
ANALYSE DU RAPPORT DE M. GIRARDIN.
$ 1er SciENCES MATHÉMATIQUES.
Mémoire de M. Amiot sur les surfaces du deuxième
degré ,
$ 11. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES.
Mémoire de M. Boutan sur l'électricité atmosphé-
rique ,
Observations météorologiques de M. Preisser,
eh nn. ; Communication de
ser,
M. Preis-
E Pen de MM. FT et Henri, Din ne
ner l'état du soufre dans les eaux Sulfut euses,
Analyse des eaux TUNER de Forges, par A.
Henry , si
Analyse de la Gratole, Dur W.
Marchand ,
12
15
TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES.
Empoisonnement par la céruse. pi du persul-
[ure de fer hydraté ,. ;
Recherches toæicologiques de M. Mon :
Faits nouveaux en toæicologie observés par MM. Gi.
rardin et Morin, ee LEA
Analyse d'objets antiques , par M. Girardin ,
Communication de M. Preisser sur le fulmi-coton,
Consommation de la houille, VERT
Appareils nouveaux de M. Pimont, pour économiser
le combustible, :
Recherches de la houille dans le nantes
Houillère de Littry, dans Le Calvados ,
Nouveaux gîtes metalliferes en France, . :
Tremblement de terre dans la Seine-Inférieure,
Û lil. AGRICULTURE.
Notice de M. Philippar sur la pomme de terre ,
Ouvrages agricoles de MM. Du Breuil et Girardin,
{ 1V. PHYSIOLOGIE ANIMALE.
Inhalation étherée , c :
Nouvelle maladie cutanee, par M. Forget,
$ vV. STATISTIQUE.
1dministration de la justice civile et commerciale en
France , à -
fésumé 1e opérations + Mont - de Pièté de Ebene
el Stalistique du canton du Grand-Couronne, par
M. Ballin,
Ouvrages de Statistique de M Fayet,
Bapports et publications des membres der. demie,
ÿ vi. NÉCROLOGIE.
Mort de MM. Letellier, lirey, Dutrochet et Cotte-
reau ,
Note te 1 r 1e Admis.
437
28,
59
4
40
. 45, 55
45, 56
LI
se
438 TABLE MÉTHODIQUE.
Complément du rapport du Secrétaire de la classe des
Sciences, :
Concours pour le ie 7 1847,
MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION
EN ENTIER DANS SES ACTES.
Notice nécrologique sur M. Letellier, par M. Lévy, .
Note sur les télégraphes électriques, par M. F.
Preisser, RO :, POUR SNE DE EAN.
Recherches sur l'électricité HDoRRRerIuE , par
M. Boutan,
Pièces sur le tremblement d tes mi Aavre et de ra
camp , ,
Expériences PES er Due un, cessions de
l’hématose pulmonaire est la cause de l’insensibilité
qui suit les inspirations d’éther en vapeur, par
MM. Preisser, Pillore et Mélays,
Observations météorologiques faits a Aouen, pendant
l’année 1846, et pendant l'hiver et le printemps de
l’année 1847, par M. Preisser,
CLASSE DES BELLES-LETTRES.
Bapport fait par M. Richard, secrétaire perpétuel
de la classe des Belles-Lettres et des A1rts,.
ANALYSE DU RAPPORT DE M. RICHARD
Suite de l’histoire du régime dotal, par M. Homberg,
Tableau de l'administration monarchique en France,
depuis Philippe-4uguste gi Louis XIV inclu-
sivement, par M. Chéruel,. :
Notice sur Vicolas Bretel, sieur de Chenhber. , par
M. Cheruel,
Quelques cérémonies noue qui tuent Pure
fois en usage à la cathédrale de Rouen , par M.
l'abbé Picard, ENTER MINT
Notice sur l'abbaye de Belloiane par M. l'abbé
Cochet, À
Origine de la por PAU en EUTopE, pat M. Poltier,
46
64
67
69
81
102
112
129
129
130
132
154
133
DES MATIÈRES.
Agrandissement de la bibliothèque de la cathédrale
dans lesecondquart du XVII siècle ; première biblio-
thèque publique de France, par M. Fallue,
Réflexions sur l’histoire monétaire de notre province ,
par M. Deville,
Sur la découverte de médailles romaines à | Caudebec-
lès-Elbeuf , par M. Deville, PC UNE
Examen d'un passage de Pline, par M. Deville,
De l’ogive et du plein-ceintre, par M. l'abbé Cochet,
Notice historique sur l’église Saint-Sauveur de Monti-
villiers, par M. Barabé . : ;
Dissertation sur le Philoctète de Sophocte, AE M.
Guiard , :
Solennité ir au aile en + TRE Fe ane
Pie IX, le premier janvier 4847 , et notice sur M. le
comte Marchetti , par M. Ballin,
Le goùût des livres, par M. Dutuit, us
Le Débiteur Moraliste et les Deux Proverbes, histo-
riettes en vers, par M. Ballin,
L'Oeil de Dieu, pièce de vers par M. Deschamps,
Jeanne et Marie, pièce de vers, par M. Guiard,
Rapports faits par plusieurs membres,
Portrait de Pierre Corneille, retrouvé par M. Hellis
Éloge de Fontenelle, par M. Flourens,
Biographie de Fontenelle, par M. Charma, .
Portrait de Fontenelle, NES
Histoire du commerce maritime de Rouen, depuis les
temps les plus reculés jusqu’à la dt du XVT siecle,
par M de Fréville, ART
Demande de l'institution . d on de Facultés des
Lettres et des Sciences, . D OSEO, D fe
Nouveaux membres, : ;
Programme des prix proposes pour 1848 et 1849 =
MÉMOIRES DONT L'ACADÉMIE A DÉLIBÉRÉ L'IMPRESSION
EN ENTIER DANS SES ACTES.
Mémoires touchant la création de facultés des Lettres
et des Sciences à Rouen, par M. Deville, rappor-
teur,
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153
148
149
155
440 TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES.
Des portraits peints et be de Pierre Corneille , par
M. Hellis,
Jeanne et märié, pièce de vers, par M. Buts
Considérations critiques sur le régime dotal, par
M. Homberg, . :
L'OEil de Dieu, causerie Datethelté dèhe soirée ed'oë-
tobre , pièce de vers, par M. F. Deschamps,
Nicolas Bretel, seigneur de Grémonville, ambassa-
deur de France à Rome et à Venise, 1644-1648,
par M. Chéruel,
Examen d'un passage de Pline, rélanf a une bar
de Varron, par M. A. Deville,
Rapport fait à l’Académie, par M. Benard, sur ts Hivre
de M. Flourens, intitulé : FONTENELLE, ou de
la Philosophie moderne relativement aux Sciences
physiques,
Notice historique sur Pa ancienne abbaye F3 Bblisate,
par M. l’abbe Cochet,
Examen des Lettres sur l'Histoire Mhonélaire x la
Normandie, de M. Lecointre-Dupont, par M. Deville.
Notice sur M. le comte Marchetti de FA A par
M. PBallin, ù
Note sur une découverte xt Méalber romaines à Cau-
debec-lès-Elbeuf, we
De l'Administration el en D. par
M. Chéruel, k
Quelques cérémonies Dents FR en
usage dans l’église cathédrale de Rouen, par
M. l'abbé Picard, :
Église Saint-Sauveur de Montivilliers. Détails histo-
riques par M. Barabe. ‘
Tableau des membres de l Académie.
Tableau des ouvrages recus pendant l'année DURE
mique 1346-47.
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