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Full text of "Précis des événemens militaires, ou Essais historiques sur les campagnes de 1799 à 1814, avec cartes et plans;"

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LOS  ANGELES 
LIBRARY 


PRÉCIS 

DES 

EVENEMENS  MILITAIRES. 

TOME  XIV. 


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PRÉCIS 


DES 

ÉVÉNEMENS  MILITAIRES, 

OU 

ESSAIS  HISTORIQUES 

SUR  LES  CAMPAGNES  DE  1799  à  l8l4, 

jàvec  Cartes  et  Plans  ; 
Par  m.  le  Comte  MATHIEU  DUMAS, 

LIEUTENANT-GÉNÉRAL    DES    ARMÉES    DU    ROI. 


CAMPAGNE  DE  i8o5. 


TOME    IV. 


A    PARIS, 

Chez  Treuttel  et  Wurtz,  Libraires ,  rue  de  Bourbon,  n"  1 7  ; 
A  Strasbourg,  et  à  Londres,  même  Maison  de  Commerce. 

1^  A  HAMBOURG, 

CJiez  Perthès  et  Besser,  Libraires. 

1822. 

R8457 


PRECIS 

DES 

ÉVÉNEMENS  MILITAIRES 


CAMPAGNE  DE    l8o5. 


Suite  du  CHAPITRE  IX. 

Mouvement  -prématuré  du  -prince  Murât  sur 
Vienne.  —  affaire  de  Diernstein.  — 
Retraite  du  général  Kutusow  sur  la  Mo- 
ravie. —  Dispositions  de  l'empereur  Na- 
poléon pour  passer  le  Danube.  —  Nou- 
velles propositions  d'armistice.  —  Entrée 
des  Français  à  Vienne.  —  Surprise  du 
pont.  —  Qiiartier-général  de  la  Grande- 
Armée  ^  à  Sclioenbriinn. 

Ee  passage  de  l'armée  russe  à  la  rive  gauche 
du  Danube  par  le  pont  de  Krems^  changeait 
14.  ^* 


^  PRECIS 

d'une  manière  imprévue  la  situation  des 
affaires ,  et  nécessitait  de  tout  autres  dispo- 
sions que  celles  que  Napoléon  avait  faites 
pendant  son  séjour  à  Lintz.  Il  n'avait  reçu^ 
en  arrivant  à  l'abbaye  de  Moelckj,  que  des 
renseignemens  très- vagues  ;  il  savait  seule- 
ment que  l'ennemi  occupait  en  force  le  vil- 
lage de  Stein^  au-dessus  Aq  Krems^  sur  la 
route  de  Lintz,  et  qu'il  pouvait  prend  re  l'une 
des  déterminations  suivantes  :  i°.  Rester  en 
position  à  Krems  pour  y  attendre  l'arrivée 
de  la  seconde  armée  russe  ;  2°.  descendre  par 
le  chemin  de  la  rive  gauche,  jusqu'au  pont 
de  Vienne,  pour  s'en  emparer,  et  assurer  la 
jonction  par  la  grande  route  de  la  Moravie  -. 
5°.  marcher  au-devant  du  maréchal  Mortier, 
pour  le  combattre  et  le  forcer  à  se  replier  sur 
Léintz;  4°.  enfin  quitter  les  bords  du  Da- 
nube, et  marcher  par  la  Bohême  et  la  Mo- 
ravie, pour  effectuer  le  plus  tôt  possible  la 
jonction  des  deux  armées  russes,  et  des 
corps  autrichiens  qui  pourraient  s'y  rallier 
Quelque  parti  que  voulut  prendre  le  général 
Kutusow,  la  position  du  maréchal  Mortier 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  O 

devenait  Irès-critique;  il  était  parti  de  Lintz 
avec  la  division  Gazan  ;  il  avait  Fordre  de 
se  tenir  à  hauteur,  et  seulement  un  peu  en 
arrière  de  la  tête  des  colonnes  qui  mar- 
chaient sur  la  grande  roule  de  Vienne  par 
la  rive  droite  ;  et  comme  cette  route  est  plus 
directe,  mieux  ouverte,  et  ne  suit  point, 
comme  celle  de  la  rive  gauche,  les  sinuo- 
sités du  fleuve,  le  maréchal  avait  dû  presser 
la  marche  de  la  division  Gazan  ,  sans  atten-r 
dre  les  deux  autres,  celles  de  Dupont  et  de 
Dumonceau,  qui  étaient  à  une  marche  en 
arrière;  il  avait  jeté  sur  son  flanc  gauche, 
pour  fourrager  et  pour  s'éclairer,  la  division 
de  cavalerie  du  général  Klein ,  et  marchait 
ainsi  en  sécurité  entre  elle  et  le  Danube, 
n'ayant  de  communications  avec  la  rive 
droite  que  par  les  bateaux  de  la  flottille  de 
Lostanges. 

Napoléon ,  prévoyant  un  engagement 
entre  ce  corps  d'armée  et  les  troupes  du  gé- 
néral Kutusow,  s'arrêta  à  Moelck y  pour 
suspendre  ou  du  moins  modérer  le  mouve- 
ment général  sur  Vienne ^  jusqu'à  ce  qu'il 


4  PRÉCIS 

fût  mieux  informé  de  ce  qui  se  passait  de 
l'autre  côté  du  fleuve,  et  du  parti  que  pren- 
drait l'ennemi.  Le  prince  Murât  avait  porté 
ses  avant -gardes  jusques  aux  portes  de 
Vienne ,  quoiqu'il  eût  reçu  l'ordre  positif  de 
ne  pas  dépasser  Burkersdorff^  dernière  sta- 
tion à  trois  lieues  de  la  vilie  ,  et  de  faire  con- 
naître au  comte  de  Giulay  qu'il  attendrait 
dans  cette  position  jusques  au  lendemain 
12  novembre,  dix  heures  du  matin.  Cet 
ordre  daté  de  Moelch ^  le  ri  novembre  à 
sept  heures  du  matin  (voyez  la  Correspon- 
dance), portait  expressément  :  «  Vous  ne  fe- 
((  rez  aucun  mouvement  sans  en  prévenir 
((  sa  majesté....  L'empereur  voit  avec  peine 
ce  que  vous  n'ayez  point  rempli  ses  inten- 
((  tions,  puisque  vous  n'avez  personne  vis- 
ce  à-vis  les  Russes,  et  que  la  volonté  de  sa 
((  majesté  n'ëlait  pas  qu'on  se  précipitât  sur 
((  Vienne  comme  des  enfans.  Par  cette  né- 
(c  gligence  à  exécuter  les  ordres  de  l'empc- 
(X  reur,  il  s'ensuit  que  le  maréchal  Mortier 
(c  est  exposé  à  porter  tous  les  efforts  des 
«  Russes,  et  à  être  écrasé.  »  En  effet,  non- 


DP  s    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  5 

seulement  la  réserve  de  cavalerie  et  le  corps 
du  maréchal  Lannes,  qui  se  composait  des 
grenadiers  du  général  Oudinot  et  de  la  di- 
vision du  général  Suchet,  se  trouvaient  de- 
vant Vienne  y  à  trois  marches  en  avant  de 
Moelck y  et  de  la  position  de  Farmée  russe, 
sur  le  flanc  gauche  de  l'armée  française; 
mais  encore  le  maréchal  Soult,  qui,  depuis 
le  passage  de  l'Ens  et  l'affaire  ai  Amstetten ^ 
marchait  au  soutien  du  prince  Murât,  avait, 
sur  son  invitation  pressante,  quitté  la  posi- 
tion qu'il  occupait  sur  laTrasen ,  et  porté  ses 
trois  divisions  à  Slgharts-Kirchen.  Étonné 
d^jn  mouvement  qui  lui  semblait  préma- 
turé, le  maréchal,  en  l'exécutant,  laissa 
cependant  ses  deux  régimens  de  cavalerie 
légère  sous  les  ordres  du  général  Margaron, 
à  Mautern,  pour  observer  l'ennemi  posté 
de  l'autre  côté  du  Danube,  sur  les  hauteurs 
de  KremSj,  et  se  rendit  à  Sigharts-Kirchen^  à 
six  lieues  de  Vienne, 

Le  même  jour  ii  novembre,  j)eiidant  ce 
mouvement  qui  attira  au  prince  Murât  une 
sévère  réprimande,  Napoléon,  de  plus  eu 


6  PRÉCIS 

plus  inquiet,  porta  sou  quartier-général  de 
MoelcJc  à  Saint-Poelten  y  et  se  hâta  de  rap- 
peler le  maréchal  Soult,  par  un  ordre  ainsi 
conçu  :  «  L'empereur  n'approuve  pas  le 
«  mouvement  que  vous  faites  :  son  intention 
«  n'est  pas  délaisser  les  Russes  sur  ses  flancs; 
a  rendez-vous  de  votre  personne  à  Mautern; 
<c  mettez -vous  en  correspondance  avec  le 
c(  maréchal  Mortier,  qui  ce  matin  marchait 
«  sur  Stein^  placez  vos  divisions  en  échelons 
((  où  elles  se  trouvent,  de  manière  cjue  s'il 
«  se  confirmait  que  les  Russes  prennent  for- 
ce tement  position  à  Stein^  et  y  attendent  la 
c(  seconde  armée,  vous  puissiez  concentrer 
<(  vos  forces  le  long  du  Danube ,  et  vous  ser- 
c(  vir  des  bateaux  du  maréchal  Mortier,  pour 

ce  passer  sur  la  rive  gauche L'empereur 

c(  reste  à  Saint-P oelten ,  exprés  pour  atlen- 
c(  dre,  dans  la  nuit,  l'issue  de  la  reconnais- 
«  sance  que  vous  allez  faire.  )) 

En  même  temps,  le  maréchal  Davoust  qui 
marchait  sur  Vienne  par  la  roule  de  Lilien- 
feld  ^  eut  ordre  de  s'arrêter  à  Moedeling y  au 
point  où  cette  route  s'embranche  dans  celle 


DES    ^VÉNEMENS    MILITAIRES.  7 

(le  Ncustadtj,  et  de  se  mettre  en  comrnuni- 
calion  avec  le  général  Marmont ,  qui,  de 
Léohen,  remontait  pour  passer  le  Somme- 
ring  et  déboucher  à  Neustadt. 

Le  maréchal  Bernadotte,  qui  avec  tout 
son  corps  d^armée  suivait  la  garde  impé- 
riale, reçut  l'ordre  de  s'arrêter  à  Moelch ^ 
d'envoyer  des  détachemens  de  cavalerie  et 
quelques  pièces  d'artillerie  le  long  du  Da- 
nube ,  de  retenir  la  flottille  devant  l'abbaye, 
et  de  se  concerter  avec  le  capitaine  Lostanges 
pour  préparer  tous  les  moyens  de  passage 
qu'on  pourrait  se  procurer. 

Enfin,  il  fut  ordonné  à  la  division  Saint- 
Htlaire,  du  quatrième  corps,  de  rétrograder 
sur  Sigharts-Kirchen ^  Qi  d'aller  rejoindre  à 
Mautern  le  maréchal  Soûl  t. 

En  faisant  ces  dispositions  provisoires,  à 
Moelck  et  à  Saint-Poelten,  le  12  novembre,, 
l'empereur  ignorait  encore  l'événement  qu'il 
avait  pressenti,  et  qu'il  n'était  plus  en  me- 
sure de  prévenir,  l'engagement  inévitable 
du  maréchal  Mortier  avec  des  forces  très- 
supérieures. 


8  i'  Il  Ê  c  I  s 

L'armée  russe  avait  passé  le  Danube  le 

9  novembre,    laissant  sur  la   rive   droite, 
entre  Saint-P oelten  et  Furth ,  une  arrière- 
garde  qui,  poussée  jusques  à  Mautern  par 
la  cavalerie  légère  du  prince  Murât,  passa  le 
pont  de  Krems.  Ce  pont  de  vingt-huit  arches, 
et  le  plus  beau  qu'il  y  eût  sur  le  fleuve,  fut 
incendié  dans  la  nuit  du  9  au  10 ,  de  manière 
à  ne  pouvoir  être  rétabli;  il  ne  resta  pas  une 
ferme  qui  eût  plus  de  cinq  à  six  pieds  hors 
de  l'eau.  Le   général  Kutusow   ainsi  isolé, 
ayant  à  faire  deux  marches  par  des  chemins 
difficiles  ,  pour  joindre  la  route  de  Moravie, 
prit  position  pour  donner  le  temps  à  ses 
équipages  et  à  son  parc  d'artillerie  de  passer 
ces  défilés  avant  que  le  corps  du  maréchal 
Mortier,  qu'il  savait  être  déjà  près  de  lui, 
pût   atteindre  son   arrière -garde.    Il   cou- 
ronna les  hauteurs  de  Krems,  et  poussa  les 
avant-postes  de  sa  droite  jusqu'au  détour 
du  fleuve,   entre  Diernstein   et   T^^eissen- 
Jcirch. 

Le  maréchal    Mortier  marchait    avec  la 
seule  division  Gazan,  composée  du  4'  légi- 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  9 

ment  d'infanterie  légère,  et  des  loo^  et  io5^ 
de  ligne  :  il  avait  avec  lui  deux  escadrons 
du  4^  régiment  de  dragons,  commandé  par 
le  colonel  Waltier;  les  deux  autres  esca- 
drons avaient  été  jetés  en  partisans  sur  la 
gauche  de  la  route.*^Pour  ne  point  embar- 
rasser et  retarder  la  marche  dans  les  che- 
mins étroits  et  rocailleux,  resserrés  entre  les 
montagnes  et  le  fleuve,  le  maréchal  n'avait 
permis  au  général  Gazan  d'emmener  que 
deux  pièces  du  plus  petit  calibre. 

La  division  Gazan  bivouaqua  Je  9  no- 
vembre à  Spitz  ;  celles  de  Dupont  et  de  Du- 
monceau  étaient  en  arrière  à  une  marche 
de  distance,  et  avaient  bivouaqué  à  Mar- 
bach.  La  flottille  du  capitaine  Lostanges  des- 
cendait le  Danube,  se  maintenant  toujours 
à  la  hauteur  de  la  tête  des  colonnes. 

Le  10  novembre,  Tavant-garde  delà  divi- 
sion Gazan ,  soutenue  par  le  4^  régiment  de 
dragons,  rencontra  les  premiers  postes  russes, 
entre  Weissenkirch  et  Dïernstein,  et  les  re- 
poussa jusques  à  Stein,  Le  maréchal  jugeant 
par  l'incendie  du  pont  de  Krems ^   la  nuit 


lO  PRECIS 

précédente,  par  les  avis  qu'il  avait  reçus ,  et 
par  la  position  de  rcrinemi,  qu'il  marchait 
vers  la  Moravie,  et  tenait  fortement  Stein 
pour  couvrir  sa  retraite,  résolut  de  forcer 
ce  poste;  il  l'attaqua  vivement  le  1 1  à  la 
pointe  du  jour  :  le  général  Kutusow  y  porta 
ses  meilleures  troupes;  et  cependant,  mal- 
gré l'avantage  du  terrain  et  la  supériorité 
de  forces,  l'infanterie  russe  ne  put  se  sou- 
tenir sur  les  hauteurs  de  Stein ^  contre  les 
charges  réitérées  que  dirigeaient  eux-mêmes 
le  maréchal  Mortier  et  le  général  Gazan  :  on 
se  battait  corps  à  corps  avec  acharnement  ; 
mais  les  renforts  que  l'ennemi  recevait  à 
chaque  instant,  rendirent  la  lutte  trop  iné- 
gale. Le  maréchal  Mortier  s'apercevant  que 
l'armée  russe  était  tout  entière  devant  lui, 
voulut,  en  cédant  peu  à  peu  le  terrain  qu'il 
avait  gagné,  se  replier  sur  Diernstein,  pour 
se  rapprocher  de  ses  deux  autres  divisions. 
Pendant  ce  premier  combat,  le  général 
Smilh,  l'un  des  plus  distingués  de  l'armée 
autrichienne,  et  qui  remplissait  près  du  gé- 
néral Kutusow  les  fonctions  de  chef  d'état- 


DES    l^VÉNEMENS    MILITAIRES.  I  I 

major,  avait  conduit  lui-même  une  forte 
colonne  par  le  revers  de  la  montagne  qui 
sépare  le  lit  du  Danube  de  la  petite  vallée 
de  la  Krems. 

Celte  colonne  d'environ  quinze  mille 
hommes ,  en  remontant  la  vallée  ,  se  partagea 
en  deux  :  la  plus  forte  partie,  à  la  tête  de  la- 
quelle marchait  le  général  Smith,  tourna  le 
haut  de  la  montagne,  déboucha  sur  Diern- 
stein,  et  s'empara  de  cette  petite  ville  ;  c'était 
le  point  de  retraite  du  maréchal  Mortier, 
qui ,  ayant  déjà  fait  douze  à  quinze  cents  pri- 
sonniers à  l'attaque  des  hauteurs  de  Stein  ^ 
les  avait  envoyés  à  Diernstein, 

Le  seul  chemin  de  retraite  fut  ainsi  coupé 
auxFrançais.  Le  maréchal  Mortier,  dans  cette 
extrémité,  placé  entre  deux  feux,  entouré 
par  des  forces  six  fois  plus  nombreuses  que 
les  siennes ,  et  qu'animait  le  carnage  et  l'as- 
surance du  succès,  rallia  ceux  de  ses  braves 
soldais  qui  n'avaient  pas  succombé,  et  ré- 
solut, en  suivant  le  chemin  de  Diernstein^ 
de  se  faire  jour  à  la  baïonnette. 

Tant  de  valeur  et  de  constance    méri- 


12  PRÉCIS 

talent  bien  de  triompher  du  mauvais  sort 
des  armes;  et  en  effet,  pendant  que  la  divi- 
sion Gazan  combattait  en  tête  et  en  queue, 
et  jonchait  de  morts  et  de  blessés  ce  champ 
de  bataille  resserré  ,  dominé  de  toutes  parts, 
le  général  Dupont,  après  une  longue  et  pé- 
nible marche,  avait,  avec  sa  division  et  la 
division  batave  du  général  Dumonceau  ,  pris 
position  à  Spitz ,  et  poussé  ses  avant-postes 
à  TVeissenkirch.  Comme  il  continuait  son 
mouvement  le  1 1  novembre^  pour  se  joindre 
à  la  division  Gazan ,  ses  hussards  rencon- 
trèrent l'ennemi  maître  de  la  route  entre 
Tf^eissenkirch  et  Diernstem  ;  c'était  la  se- 
conde colonne  russe  qui,  ayant  tourné  plus 
au  loin  que  la  première  le  groupe  de  mon- 
tagnes, débouchait  par  deux  gorges,  et  se 
précipitait  sur  la  route. 

Le  général  Dupont  voyant  alors  dans  quel 
danger  se  trouvait  le  général  en  chef,  avec 
la  division  Gazan ,  redoubla  d'ardeur  et  de 
célérité  pour  aller  à  son  secours;  ses  troupes, 
électrisées  par  le  désir  de  dégager  leurs  ca- 
marades avant  qu'ils  ne  fussent  accablés, 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  l5 

volèrent  au  combat.  Le  9®  régiment  d'infan- 
terie légère  attaqua  le  premier,  et  fut  vail- 
lamment soutenu  par  le  32®,  tandis  que  le  96® 
occupa  la  gorge  par  laquelle  une  colonne 
russe  débouchait  par  le  flanc  gauche.  La  di- 
vision balave  fut  placée  en  réserve  pour  cou- 
vrir les  derrières  de  ce  nouveau  champ  de 
bataille. 

Les  Russes  firent  de  vains  efforts  pour  se 
maintenir  dans  la  position  de  Diernstein ^ 
et  au  défilé  près  le  vieux  château  où  Richard- 
Cœur-de-Lion  fut  retenu  prisonnier;  les 
hauteurs  furent  prises  et  reprises;  enfin, 
après  des  charges  réitérées,  la  division  Du- 
pont parvint  à  rejeter  les  Russes  dans  les 
gorges  sur  le  revers  de  la  montagne,  et  la 
roule  fut  libre  de  ce  côté,  c'est-à-dire  entre 
TVeissenkirch  et  le  défilé  de  Diemstein  dont 
la  première  colonne  russe  occupait  encore 
la  tête  du  côlé  de  Stein. 

Cependant,  les  restes  de  la  division  Gazan 
ne  cessaient  de  combattre  en  avançant  sur 
Diemstein  ;  la  mêlée  était  horrible,  la  nuit 
profonde,  on  se  massacrait  aux  lueurs  du 


14  PRÉCJi) 

feu;  le  maréchal  lui-même,  que  sa  haute 
stature  faisait  remarquer,  se  dégagea  plu- 
sieurs fois  en  sabrant  et  renversant  à  coups 
de  pied  les  grenadiers  russes  qui  l'attei- 
gnaient. Dans  ce  moment ,  on  le  prévint  que 
toute  espérance  était  perdue,  toutes  les  car- 
touches épuisées;  qu'il  était  inutile  de  laisser 
tomber  un  tel  îrophée,  un  maréchal  de  l'em- 
pire, entre  les  mains  de  l'ennemi,  et  qu'un 
bateau  de  la  flottille  était  là  tout  prêt  à  le 
transporter  à  la  rive  droite.  ((Non,  dit  le 
a  maréchal,  conservez  celte  ressource  pour 
((  nos  blessés;  quand  on  a  l'honneur  de 
((  commander  de  si  braves  soldats ,  on  est 
(c  trop  heureux  de  partager  leur  sort,  et  de 
((  périr  glorieusement  avec  eux.  Nous  avons 
«  encore  nos  deux  pièces  et  quelques  boîtes 
<(  de  mitraille,  nous  sommes  près  de  Diern- 
ce  stein y  rallions-nous,  serrons-nous  sur  ce 
((  plateau  ,  et  faisons  un  dernier  effort.  » 

Le  général  Smith ,  poussé  par  Dupont  sur 
Diernstein,  et  se  trouvant  à  son  tour  entre 
deux  feux  ,  voulut  aussi,  par  une  charge  dé- 
cisive, rompre  celte  phalange  française.  Le 


DES  ]^V£N£MEiyS    MILITAIRES.  l5 

maréchal  fit  placer  unede  ses  pièces  en  avant, 
et  Taulre  en  arrière;  un  jeune  officier  d'ar- 
tillerie (depuis,  le  colonel  Fabvier)  prit  soin 
de  ne  tirer  qu'à   bout  portant,    attendit  à 
trois  pas,  et  renversa  le  brave  Smith,  et 
avec  lui  la  tête  de  sa  colonne;  à  Tinstant  on 
ballit  la  charge,    non   avec  des  tambours, 
car  toutes  les  caisses  étaient  brisées  par  les 
balles,  mais  sur  des  bidons;  rien  ne  put  ré- 
sister à  cet  élan ,  la  route  fut  balayée,  et  le 
maréchal    rentra  dans  Diernstein  avec   ses 
intrépides  compagnons.  Le  général  Dupont 
s'y  présentait  au  même  instant  du  côté  op- 
posé; les  deux  troupes,  avant  de  se  recon- 
naître, crurent  l'une  et  l'autre  aborder  en- 
core une  colonne  ennemie  ;  au  cri  de  France , 
France  !  les  premiers  grenadiers  de  la  divi- 
sion Gazan  se  jetèrent  dans  les  bras  de  ceux 
de  la  division  Dupont  :  Braues  camarades , 
vous  nous  sauvez. 

Là  finit,  vers  neuf  heures  du  soir,  cette 
sanglante  et  glorieuse  affaire ,  dans  laquelle 
la  division  Gazan  perdit  près  des  deux  tiers 
de  son  eflectif  ;  plus  de  deux  mille  hommes 


1 6  PRECIS 

y  furent  tués  ,  blessés  ou  faits  prisonniers  ; 
parmi  ces  derniers  se  trouvait  le  colonel 
Wattier  ,  enlevé  dans  une  charge,  à  côté  du 
maréchal.  Les  pertes  des  Russes  ne  furent 
pas  moindres;  celle  du  général  Smilh  fut 
la  plus  sensible  aux  deux  armées  alliées,  h 
cause  de  ses  talens  et  de  son  audace. 

On  trouverait  difficilement  dans  les  an- 
nales militaires  un  fait  de  guerre  plus  re- 
marquable que  la  retraite  du  maréchal  Mor- 
tier sur  Diernsteiny  ni  un  autre  exemple  d'un 
combat  si  long,  pendant  quatre  heures  de 
nuit,  entre  des  forces  si  inégales,  soutenu 
avec  un  tel  acharnement.  Un  sergent  du 
loo^  régiment,  Pierre  Baudé.  que  ses  ca- 
marades sxxnxioxnmeveni  Pien^e- le- Cruel  ^  tua 
neuf  Russes  de  sa  main.  Un  fait  plus  extraor- 
dinaire, fut  la  reprise  des  quinze  cents  pri- 
sonniers que  le  maréchal  Mortier  avait  en- 
voyés à  Diernsteiny,  et  qu'il  y  retrouva, 
quoique  les  Russes  se  fussent  emparés  de  ce 
poste,  et  l'eussent  occupé  pendant  une  par- 
tie de  la  journée. 

Le  lendemain  du  combat  (  12  novembre  ) 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  I7 

Je  maréchal  Mortier  n'ayant  ni  assez  de  for= 
ces,  ni  Tartillerie  et  les  munitions  nécessaires 
pour  se  maintenir  en  position  devant  l'ar- 
mée russe  j  qui  pouvait  l'attaquer  de  front  et 
manœuvrer  sur  ses  derrières,  se  servit  de 
la  flottille  du  capitaine  Lostanges  pour  trans- 
porter toutes  ses  troupes  sur  la  rive  droite 
du  Danube,  en  face  de  Spitz  :  le  général 
Kutusow  replia  les  siennes  sur  Krems,  et 
continua  à  faire  défiler  son  armée  vers  la 
Moravie. 

Dès  que  Napoléon  eut  appris  à  Saint- 
Poelten,  par  l'aide-de-camp  que  lui  dépêcha 
le  maréchal  Mortier ,  des  détails  de  l'affaire 
de  Diernstein y  il  pressa  le  njouvement  sur 
Vienne  divec  autant  d'instance ^  qu'il  avait 
mis  de  circonspection  à  le  modérer.  D'après 
les  ouvertures  qui  lui  avaient  été  faites  à 
Lintz ,  par  le  comte  de  Giulay,  et  la  dispo- 
sition des  esprits  dans  la  population  et  dans 
l'armée  autiichienne,  il  était  assuré  de  ter- 
miner prouiptement  la  guerre,  et  de  dicter 
la  paix,  s'il  pouvait  empêcher  la  réunion 
des  deux  armées  russes,  et  de  celle  que 
14.  2 


l8  PRÉCIS 

ramenaient  à  marches  forcées,  de  l'Italie  et 
diiTyrol,  rarchiduc  Charles  et  l'archiduc 
Jean.  Quant  à  cette  dernière,  quoiqu'il  fût 
vraisemblable  qu'elle  ne  pourrait  se  rallier 
assez  à  temps  pour  faire  une  diversion  efficace 
en  Autriche,  et  qu'il  était  naturel  de  penser 
qu'elle  rentrerait  par  la  Hongrie^  il  ordonna 
cependant  au  général  Marmont  de  rester 
avec  son  corps  à  Briik  et  à  Ijéoben\  et  le  fit 
soutenir  par  la  division  du  général  Gudin, 
que  le  maréchal  Davoust  eut  ordre  d'en- 
voyer à  Neustadt.  Tout  le  reste  de  l'armée 
fut  destiné  à  passer  le  Danube  pour  agir 
contre  l'armée  russe. 

La  position  du  général  Kutusow,  sur  les 
hauteurs  de  Krems^  était  la  plus  favorable 
pour  cacher  son  dessein  et  masquer  son 
mouvement  de  retraite.  Napoléon  croyait, 
ou  plutôt  espérait  qu'il  s'y  cantonnerait  pour 
y  attendre  l'arrivée  de  l'empereur  Alexandre 
avec  sa  seconde  armée,  et  il  calculait  qu'il 
aurait  le  temps  de  le  tourner  et  de  le  battre 
avant  la  jonction  ;  il  mandait  à  Murât,  dans 
ses  instructions  pour  l'occupation  de  la  capi- 


DES    ÉVÉJVEMENS  MILITAIRES.  IQ 

laie  :  a  II  vous  sera  facile^  une  fois  à  Vienne^ 
«  d'avoir  des  nouvelles  sur  l'arrivée  des 
(c  autres  colonnes  russes,  ainsi  que  sur  le 
«  projet  des  autres  (  Kulusow  )  en  se  canlon- 
«  nant  à  Krems. 

«  Vous  aurez  pour  tourner  les  Russes  et 
«  pour  tomber  sur  leurs  derrières,  votre  ca- 
«  Valérie,  le  corps  du  maréchal  Lannes  et 
((  celui  du  maréchal  Davoust.  Quant  aux 
c(  corps  des  maréchaux  Bernadolle  et  Soult, 
«  ils  ne  peuvent  être  disponibles  que  lors- 
«  qu'on  saura  définitivement  le  parti  qu'aii- 
((  ront  pris  les  Russes.  )) 

Comme  le  comte  de  Giulay  avait  annoncé 
une  prompte  réponse  de  son  souverain  à 
Vultimatum  de  Lintz ,  relativement  à  la 
négociation  d'un  armistice,  on  disait  au 
prince  Murât  :  ce  Si  M.  le  général  comte  de 
c(  Giulay  se  présente,  ou  toute  autre  per- 
ce sonne,  pour  parler  à  l'empereur,  envoyez- 

«  le  en  toute  hâte  ici  (  à  Saint- Poelten) 

c(  Passé  dix  heures  (  12  novembre  )  vous 
<(  pouvez  donc  entrer  dans  Vienne.  Tâchez 
c(  d'y  surprendre  le  pont  du  Danube,  et  s'il 


20  PRECIS 

((est  rompu,  avisez  à  trouver  les  plus 
((  prompts  moyens  de  passage  du  fleuve. 
((  Cest  là  la  grande  affaire.  Si  cependant 
((  avant  dix  heures  M.  de  Giulay  se  pré- 
((  sentait  pour  apporter  des  propositions  de 
((  négociations ,  et  qu'il  vous  engageât  à  sus- 
((  })endre  votre  marche,  vous  suspendriez 
(c  votre  mouvement  sur  Vienne ,  mais  vous 
((  ne  vous  en  occuperiez  pas  moins  de  trou- 
((  ver  tous  les  moyens  de  passer  le  Danube  à 
((  Kloster-Neubourg ,  ou  tout  autre  endroit 
((  favorable.  )) 

L'empereur  François  ii,  qui  peu  de  jours 
auparavant,  à  son  retour  de  Lintz ^  espérait 
encore  que  la  jonction  des  armées  russes 
pourrait  s'effectuer  sur  la  rive  droite  du 
Danube ,  avait  fliit  publier  une  procla- 
mation énergique  et  pleine  de  dignité  ; 
((Je  suis  tranquille  et  ferme,  disait-il,  au 
((milieu  de  vingl-cinq  millions  d'hommes, 
((  qui  sont  chers  à  mon  cœur  et  à  ma  mai- 
((son....  La  monarchie  autrichienne  s'est 
((  relevée  avec  courage  de  toutes  les  tempêtes 
<(  qu'elle  a  essuyées  dans  le  dernier  siècle  : 


DES    ivÉNEMEKS    MILITAIRES.  21 

<(  sa  force  intérieure  est  toujours  la  même.... 
«  J'attends  avec  une  pleine  confiance  de 
«  l'amour  de  mes  sujets  pour  la  patrie,  tout 
«  ce  qu'il  y  a  de  juste  et  de  grand ,  mais  prin- 
ce cipalement  une  union  parfaite  et  une  co- 
(.(  opération  générale  à  tout  ce  qui  leur  sera 
«  ordonné,  pour  éloigner  un  ennemi  témé- 
«  raire  de  nos  frontières,  jusqu'à  ce  que  les 
«  grands  et  puissans  secours  de  mon  haut 
((  allié  Fempereur  de  Russie  puissent  avoir 
<c  leur  effet,  et  que  ceux  des  autres  puissances 
<(  qui  combattent  pour  la  liberté  de  l'Europe 
«  et  la  sûreté  des  trônes  et  des  peuples ,  ne 
«  nous  laissent  plus  aucune  inquiétude.» 

Mais  pendant  que  le  gouvernement  au I ri- 
chien  faisait  de  vains  efforts  pour  exciter  cet 
élan  national ,  la  rapidité  de  l'invasion  dé- 
concertait tous  ses  projets;  le  sort  de  la  ca- 
pitale était  décidé,  et  sa  défense  abandonnée. 
L'empereur,  qui  était  allé  clore  la  diète  de 
Hongrie,  et  devait  retournera  Vienne ^  se 
rendit  à  Brunn,  où  la  cour  le  suivit.  Le 
grand  chambellan  comte  de  Wlirbiia,  ho- 
noré de  la  confiance  et  de  l'amitié  de  son 


1A  PRÉCIS 

souverain,  fut  chargé  ,  sous  le  titre  de  coin- 
inissaire  de  la  cour,  de  disposer  les  habi- 
tans  de  tienne  à  la  résignation  qu'exi- 
geaient les  circonstances  ,  de  maintenir  le 
bon  ordre,  et  de  prendre,  de  concert  avec 
les  chefs  de  l'année  française,  dans  l'intérêt 
des  deux  partis,  tons  les  moyens  d'alléger  le 
poids  des  calamités  de  la  guerre.  Cette  mis- 
sion pénible  et  délicate  ne  pouvait  être  mise 
en  de  plus  sages  mains  :  son  succès  fut  aussi 
récompensé  par  le  prix  le  plus  digne  d'un 
aussi  noble  caractère  que  celui  du  comte  de 
Wiirbna ,  l'estime  et  la  reconnaissance  des 
deux  nations.  Il  annonça,  par  la  publication 
du  II  novembre,  la  prochaine  entrée  des 
troupes  impériales  françaises  dans  ces  termes, 
qui  méritent  d'être  conservés  comme  un  té- 
moignagehistorique:  «L'expérience  a  prouvé 
w  que  ces  troupes  observent  une  discipline 
«  sévère,  et  qu'elles  allégeront  les  horreurs 
«  de  la  guerre  le  plus  qu'il  sera  possible  ;  par 
«  contre,  l'on  exige  que  le  peuple  se  tienne 
((  en  repos,  qu'il  se  tienne  dans  l'ordre,  et 
w  qu'il  se  conduise  décemment  :  je  le  recom- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  20 

«  mande  à  un  chacun;  et,  bien  loin  que  sa  ma- 
«  jesté  notre  souverain  trouvât  agréable  un 
((  zèle  déplacé,  qui  pourrait  compromettre  la 
«  vie  et  la  propriété  des  citoyens,  elle  puni- 
((  rait  sévèrement  le  moindre  désordre,  vu 
((  qu'elle  n'a  renoncé  à  la  défense  de  sa  rési- 
«  dence,  que  par  une  sollicitude  gracieuse 
u  pour  les  habitans.  » 

Une  députation  du  magistrat  de  la  ville  de 
/^/^727z^^  conduite  par  le  prince  de  Sinzendorf, 
et  agissant  au  nom  de  l'empereur,  se  rendit 
au  quartier-général  de  Napoléon ,  pour  pro- 
poser une  capitulation.  Celle  qu'il  accorda  ne 
fut  de  sa  part  que  l'assurance  que  les  pro- 
priétés seraient  respectées  ,  sauf  les  droits  de 
conquête  sur  toute  espèce  d'approvisionne- 
mens  et  d'effets  militaires.  La  garde  bour- 
geoise ,  qui  formait  seule  la  garnison  de 
Vienne  y  conserva  ses  armes  et  son  arsenal 
particulier  :  il  fut  convenu  qu'elle  conti- 
nuerait son  service,  et  partagerait  les  postes 
intérieurs  avec  les  troupes  françaises. 

La  population  de  Vienne  était  consternée, 
presque  toute  la noblessse  et  un  grand  nombre 


q4  PRECIS 

de  familles  s'étaient  retirées  en  Hongrie,  et 
dans  les  provinces  que  l'on  croyait  être  les 
plus  éloignées  du  théâtre  de  la  guerre.  Cette 
émigration  de  dix  mille  des  plus  riches  ha- 
bitans,  paralysant  l'industrie,  le  commerce 
faisait  éclater  des  murmures  contre  rim})ru- 
dence  du  gouvernement,  contre  l'orgueil  et 
la  présomption  du  })arli  qui  avait  conseillé 
la  guerre  :  mais  le  respect  et  l'attai  hement 
à  la  personne  du  souverain  n'en  étaient 
que  plus  remarquables.  On  se  flatlait  en- 
core que  sa  bonté  toute  paternelle,  au  prix 
des  plus  grands  sacrifices,  arrêterait  le  vain- 
queur devant  ces  portes  que  les  Hongrois 
seuls  avaient  forcées  vers  la  fin  du  treizième 
siècle,  mais  qui  jamais  ne  s'étaient  ouvertes 
à  l'étranger  :  les  passages  fréquens  du  comte 
de  Giulay  avaient  accrédité  les  bruits  de 
paix.  Ce  négociateur,  après  avoir  rendu 
compte  à  son  souverain  et  pris  ses  derniers 
ordres,,  retourna  vers  l'empereur  Napoléon^ 
et  le  trouva  encore  à  Saint-Poelten  le  \'i  no- 
vembre. C'était  au  moment  où  il  arrêtait  ses 
dispositions  pour  le  plus  prompt  passage  du 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  ^5 

Danube;  la  conférence  ne  produisit  aucun 
résullat  satisfaisant;  Naj^oléon  ne  voulut  se 
relâcher  sur  aucun  des  points  qu'il  avait  fixés 
comme  préliminairesd'une convention  d'am- 
nistie ,  savoir  :  Que  les  troupes  alliées  rentre- 
raient sur  leur  territoire;  que  V insurrection 
hongroise  serait  immédiatement  congédiée  y 
et  que  le  duché  de  Venise  et  Je  Tjrol  seraient 
évacués  pour  être  remis  provisoirement  aux 
armées  françaises. 

Après  cette  conférence,  le  fil  fut  rompu  ; 
car,  d'une  part,  l'empereur  d'Autriche  qui  se 
trouvait  à  Brilnn  entre  les  deux  armées 
russes,  attendant  l'empereur  Alexandre, 
qui  apportait  le  traité  de  Berlin ,  ne  pouvait 
souscrire  à  de  telles  conditions;  et,  de  son 
côté,  Napoléon  n'aurait  à  aucun  prix  laissé 
échapper  de  ses  mains  un  si  brillant  trophée, 
une  si  riche  proie  que  l'arsenal  de  Vienne, 
Il  employa  une  partie  de  la  nuit  du  12  au 
i3  novembre  à  donner  de  nouveaux  ordres  : 
le  général  Bertrand,  l'un  de  ses  aides--de- 
camp  dans  lesquels  il  avait  le  plus  de  con- 
fiance, porta  au  prince  Murât  une  instruc- 


26  PRÉCIS 

lion  particulière  relative  à  roccupalion  cie 
Vienne ^  et  avant  de  quitter  Saint- P oelten ^ 
il  lui  fit  expédier  Tordre  suivant,  que  nous 
transcrivons  presque  en  entier,  parce  qu'il 
explique  en  peu  de  mots  le  but  du  mouve- 
ment, et  la  combinaison  de  Napoléon  pour 
atteindre  l'armée  de  Kutusow  au-delà  d  u  Da- 
nube, (c  L'empereur  vous  donne  l'ordre, 
M  prince ,  de  tâcher  de  surprendre  demain  , 
«à  la  pointe  du  jour,  le  passage  du  pont  ; 
w  ayez  l'artillerie  prête  pour  empêcher  qu'où 
«  ne  le  brûle;  entrez  dans  Vienne -y  nommez 
(c  le  général  Hullin  pour  y  ccmmander  la 
«  place,  et  envoyez  des  partis  de  cavalerie 
w  sur  la  route  de  Brùnn  et  de  fP'ajkersdorf. 
a  Les  Russes  étaient  encore  dans  la  journée 
«d'aujourd'hui  à  Krems.  Exécutez  tout  ce 
«  que  l'empereur  vous  a  prescrit  par  la  lettre 
«  qu'il  vous  a  envoyée  par  le  général  Ber- 
((  trand. 

«  Les  deux  divisions  du  corps  du  maréchal 
ce  Soult,  celle  de  Vandamme  et  de  Legrand, 
«  suivront  votre  mouvement.... 

«  Avec  les  deux  divisions  du  maréchal 


DES   ÉVENEMENS    MILITAIRES.  27 

f<Lannes,  vous  vous  dirigerez  du  côté  de 
i<  KremSy  où  sont  les  Russes;  quant  aux  deux 
«  divisions  du  maréchal  Soult  qui  arriveront 
«  plus  tard ,  elles  prendront  position  sur  la 
«  grande  route.  Il  paraît  que  l'ennemi  a  une 
«  grande  quantité  de  canons  sur  la  rive  gau- 
«  che  du  Danube;  emparez-vous  de  tout 
«  cela....  » 

Le  maréchal  Soult ,  qui  était  resté  à  Mau- 
tern  avxc  la  division  Saint-Hilaire  et  les  hus- 
sards du  colonel  Franceschi,  pour  observer 
l'armée  russe ,  eut  ordre  de  se  rendre  à  Vienne 
de  sa  personne,  et  de  tâcher  de  faire  passer 
à  la  rive  gauche  tout  ce  qu'il  avait  à  Mau- 
terny  pour  se  mettre  à  la  poursuite  de  l'en- 
nemi aussitôt  que  son  mouvement  de  re- 
traite serait  bien  caractérisé.  Dans  le  cas  où 
l'on  ne  pourrait  se  procurer  des  moyens  de 
passage  (et  c'est  ce  qui  arriva),  cette  division 
et  le  régiment  de  Franceschi  devaient  passer 
par  Vienne  y  et  se  rallier  aux  deux  autres 
divisions  du  maréchal  Soult. 

Le  maréchal  Bernadotte ,  qui  s'était  arrêté 
à  Moelk y  se  servit  de  la  flottille  du  capitaine 


28  PRÉCIS 

de  Lostanges  pour  passer  avec  tout  son  corps 
à  la  rive  gauche;  il  devait  s'emparer  de  Stein 
et  de  K rems  y  et  suivre  Tarmée  russe  pour 
lui  faire  tout  le  mal  possible  et  entamer  son 
arrière-garde,  pendant  que  le  prince  Murât 
chercherait  à  déborder  l'ennemi  pour  gagner 
sa  tête  ou  l'attaquer  par  ses  flancs ,  selon  les 
circonstances ,  et  la  direction  de  sa  marche 
vers  la  Bohème  ou  vers  la  Moravie. 

Enfin,  le  maréchal  Mortier  ayant  rallié 
ses  trois  divisions ,  repassa  le  Danube  pour 
servir  de  réserve  au  premier  corps  d'armée, 
faire  construire  à  Mautern  un  pont  de  ba- 
teaux, et  se  tenir  à  portée  de  couvrir  ce  point 
de  passage  et  celui  du  pont  de  Lintz,  poste 
non  moins  important  que  celui  de  Braunau, 
et  dont  la  conservation  avait  été  confiée  au 
général  Reille,  l'un  des  aides-de-camp  de 
l'empereur. 

Le  i3  novembre^  tout  étant  ainsi  disposé, 
Napoléon  reçut  de  Mautern  l'avis  certain  que 
les  Russes  avaient  quitté  leur  position  de 
K rems  y  et  qu'ils  étaient  en  pleine  marche 
pour  gagner  la  route  de  la  Moravie  3  il  partit 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  29 

5ur-le-champ,  et  se  rendit  à  Burhersdorf , 
dernière  station  de  la  route  de  Vienne,  Le 
comte  de  Giulay  y  était  encore ,  et  on  Ty 
retint  sous  de  légers  prétextes. 

Les  ordres  que  nous  venons  de  faire  con- 
naître étaient  déjà  exécutés  :  dès  la  pointe 
du  jour,  le  général  Sébastiani,  à  la  tête  de  sa 
brigade  de  dragons,  était  entré  dans  Vienne, 
et  avait  occupé  les  principaux  postes.  Le 
prince  Marat,  accompagné  du  maréchal 
Lan  nés  et  du  général  Bertrand  ,  à  la  tête 
d'une  colonne  de  grenadiers,  le  suivit  de 
près.  Ils  traversèrent,  sans  s'arrêter,  la  ville 
et  le  faubourg  de  Léopold,  au-delà  du  pre- 
mier bras  du  Danube,  et  marchèrent  droit 
au  pont  de  Spitz,  au-delà  duquel  Tarrière- 
garde  autrichienne,  sous  les  ordres  du  géné- 
ral prince  d'Auersbourg,  s'était  retirée,  ne 
laissant  qu'un  poste  avancé  sur  la  rive  droite. 
Ce  premier  poste  fut  si  étonné  de  voir  la  co- 
lonne française ,  l'arme  au  bras ,  les  généraux 
en  tête  et  à  pied ,  s'approcher  avec  confiance, 
en  faisant  des  signes  de  bonne  intelligence  ^ 
et  leur  criant  de  ne  pas  tirer;  que  F  armistice 


5o  PRÉCIS 

était  conclu;  que  l'officier  autrichien  se  re- 
plia sur  le  pont  :  la  colonne  s'y  engagea ,  et 
avança  toujours  avec  les  mêmes  démonstra- 
tions et  la  même  sécurité.  Le  pont  était  chargé 
d'artifices  et  de  matières  combustibles.  Vers 
le  milieu  se  trouvait  un  poste  avec  une  pièce 
de  canon  destinée  à  donner  le  signal  pour 
incendier  le  pont  :  la  mèche  allumée  était 
tout  auprès,  un  officier  allait  mettre  le  feu; 
rintrépide  Lannes  marche  droit  à  lui  en 
s'écriant  :  Que  faites-vous  ?  Ne  voyez-vous 
pas....  L'officier  hésite,  il  est  atteint,  en- 
touré; on  détourne  la  pièce;  on  se  mêle,  on 
parlemente  eu  marchant  ;  le  pont  est  passé 
avant  que  le  général  autrichien  ait  pu  rece- 
voir un  rapport  confus  ni  faire  aucune  dis- 
position ;  le  pont  fut  promptement  désen- 
combré ;  la  colonne  serrée  débouchée  avec 
rapidité;  les  Autrichiens  se  dispersèrent,  et 
le  passage  du  Danube  fut  surpris,  comme 
Napoléon  l'avait  dit. 

Le  général  Bertrand  étant  venu  lui  rendre 
compte  à  Burkersdorf  du  succès  de  cette 
audacieuse  entreprise,  il  alla  lui  même  en 


DES    ÉVENEMENS    MILITAIRES.  5l 

secret,  pendant  la  nuit  du  1 3  au  1 4  novem- 
bre, visiter  le  pont,  reconnaître  la  position 
des  troupes,  et  féliciter  le  prince  Murât  et 
ie  maréchal  Lannes.  La  division  des  grena- 
diers d^Oudinot,  celle  de  Suchet,  avaient 
déjà  défilé;  la  cavalerie  légère  s'était  portée 
en  avant  sur  les  deux  routes. 

Napoléon  ,  qui  avait  employé  tout  le  reste 
delà  nuit  à  cette  intéressante  reconnaissance, 
était  au  point  du  jour  devant  son  feu  de  bi- 
vouac, lorsqu'on  lui  amena  le  comte  de  Giu- 
lay,  qui  retournait  à  Brùnuy  et  qui,  l'ayant 
quitté  quelques  heures  auparavant  à  Bur- 
kersdorfy  ne  pouvait  exprimer  son  étonne- 
ment. 

Ainsi  les  habitans  de  Vienne  virent  pour 
la  première  fois  Bonaparte  entrant  dans  leurs 
murs  par  la  porte  du  Danube  :  il  ne  s'y  ar- 
rêta que  quelques  instans,  et  se  rendit  au 
château  impérial  de  Schoenbrûnn  y  où  son 
quartier-général  fut  établi. 


32  PRÉCIS 


CHAPITRE  X. 

Mouvemens  des  Français  au-delà  du  Da- 
nube. —  Manœuvre  du  général  Kutusow, 
—  Combat  cZ^Hollabiûnn.  —  Capitulation 
rejetée  par  Napoléon.  —  Affaire  de  Schoen- 
graben.  —  Briinn  évacué.  — Réunion  des 
empereurs  d'Autriche  et  de  Russie.  — 
Jonction  des  armées  russes. 

JLa  surprise  du  pont  de  Vienne  compromet- 
tait le  sort  de  l'armée  du  général  Kutusow, 
puisqu'elle  offrait  de  nouveau  à  l'empereur 
Napoléon  l'occasion  qui  lui  était  échappée  à 
Saint'Poelten  de  lui  livrer  bataille  avec  des 
forces  très  -  supérieures  ,  et  d'empêcher  la 
jonction  des  deux  armées  russes.  Celle  de 
l'archiduc  Charles,  dont  nous  parlerons  plus 
fard,  poussée  i)ar  le  maréchal  Masséna  jus- 
qu'aux défilés  de  la  Carinthie,  était  hors  de 
mesure;  elle  n'avait  pu  accourir  à  temps  au 
secuurs  de  la  capitale,  niseréunir  aux  Russes 
déjà  contraints  de  sortir  de  la  vallée  du  Da- 


DES   ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  55 

nube.  Les  alliés  ne  pouvaient  rétablir  leurs 
afîaires  que  par  la  réunion  de  toutes  les 
forces  russes  avec  les  débris  de  l'armée  au- 
trichienne d'Allemagne.  S'ils  y  parvenaient 
et  se  concentraient  ensuite  dans  de  bonnes 
positions;  s'ils  donnaient  ainsi  le  temps  à 
l'archiduc  Charles  d'arriver  sur  le  Danube, 
et  à  l'armée  prussienne  de  déboucher  en 
Bohême,  ils  pouvaient  reprendre  l'offensive, 
et  forcer,  à  leur  tour,  Napoléon  d'évacuer 
Vienne  y  et  de  concentrer  ses  forces  déjà 
trop  disséminées. 

On  voit  par  là  de  quelle  importance 
étaient  pour  la  cause  des  alliés  les  manœu- 
vres du  général  Kutusow.  Il  avait  été  re- 
tenu à  Krems  par  la  difficulté  des  chemins 
et  par  la  nécessité  de  repousser  vivement 
l'attaque  du  maréchal  Mortier,  et  de  le 
refouler  de  manière  à  ce  qu'il  fût  hors  d'état 
de  harceler  et  d'arrêter  son  arrière -garde. 
Ainsi,  l'armée  russe,  partie  de  Krems  du 
12  au  10  novembre,  avait  à  peine  une 
marche  d'avance  sur  le  corps  d'avant-garde 
du  prince  Murât,  qui  avait  passé  le  pont 
i4.  5 


54  PRÉCIS 

de  Vienne  le  même  jour  i5  novembre.  Le 
point  indiqué  pour  la  jonction  avec  les 
troupes  autrichiennes  était  Brûnn.  Celles- 
ci  ,  après  avoir  évacué  Vienne ^  niarcliaient 
sur  la  grande  route  de  Moravie,  par  Vol- 
kersdorf  G\  Nikolsbourg.  Kutusow,  pour  se 
rendre  à  Brûnn ^  devait  nécessairement  pas- 
ser par  Znaim^  et  couper  la  grande  route 
de  Bohême. 

Le  mouvement  de  retraite  des  ennemis 
étant  ainsi  clairement  indiqué,  Napoléon 
ne  perdit  pas  un  instant  pour  les  suivre, 
et  les  atteindre  sur  ces  deux  directions,  et 
principalement  les  Russes  sur  celle  deZnaim. 
Le  prince  Murât  et  le  maréchal  Lannes  eu- 
rent ordre  de  s'y  porter  par  Kornneuhourg 
et  Stokerau,  pendant  que  le  général  Mil- 
haud ,  avec  sa  brigade  de  chasseurs,  pour- 
suivait sur  la  chaussée  de  Moravie  les  Au- 
trichiens détrompés  trop  tard  sur  le  pré- 
tendu armistice.  Il  joignit  leur  arrière-garde 
à  Volkersdorf,  leur  fit  quatre  à  cinq  cents 
prisonniers ,  et  s'empara  d'un  parc  d'ar- 
tillerie très-considérable  évacué  depuis  peu 


DES    EVENE3IENS    MILITAIRES.  55 

de  jours  du  grand  arsenal  de  Vienne,  Cent 
quatre-vingt-onze  pièces,  avec  leurs  cais- 
sons, tombèrent  presque  sans  défense  entre 
les  mains  des  Français.  Les  magasins  de 
toute  espèce  d'effets  d'habillement  et  d'équi- 
pement pris  le  même  jour  à  Stokerau ,  fu- 
rent encore  une  riche  et  facile  proie,  dont 
la  valeur  n'était  pas  de  moins  de  trois 
millions. 

Le  corps  du  maréchal  Soult  passa  le  Da- 
nube immédiatement  après  ceux  du  prince 
Murât  et  du  maréchal  Lannes,  et  les  suivit 
à  une  demi-marche  de  distance,  pour  les 
soutenir  aussitôt  qu'ils  auraient  rencontré 
l'ennemi;  de  sorte  que  le  prince  Murât, 
ayant  sous  ses  ordres  sa  réserve  de  cava- 
lerie, cinq  divisions  d'infanterie  et  toute 
l'artillerie  attachée  à  ces  corps,  environ  cin- 
quante mille  hommes,  devait,  à  marches  for- 
cées ,  sur  une  direction  convergente  par 
rapport  à  celle  de  l'armée  russe,  ou  la  cou- 
per de  Znainiy  ou  l'attendre  et  la  forcer  de 
combattre,  pendant  que  les  maréchaux 
Mortier  et  Bernadotte,  qui  avaient  passé  le 


56  PRÉCIS 

Danube  à  Krems ,  marclieraient  sur  ses 
derrières.  Si  cette  combinaison  réussissait, 
i'entière  destruction  de  Far  niée  de  Kutusow 
était  inévitable. 

Le  maréchal  Davo.ust,  chargé  de  la  dé- 
fense extérieure  de  toutes  les  avenues  de 
Vienne  y  eut  ordre  de  porter  une  de  ses  di- 
■visions  (celle  du  général  CafTarellij  qui  en 
avait  pris  le  commandement  après  la  bles- 
sure du  général  Bisson  à  Lambach)  sur  la 
route  de  Briïnn ;  une  autre  (celle  du  géné- 
ral Priant)  sur  la  roule  de  Preshourg ,  à  la 
rive  droite  du  Danube ,  et  la  troisième  (celle 
du  général  Gudin)  à  Neustadt^  pour  com- 
muniquer avec  le  corps  du  général  Mar- 
mont ,  et  le  soutenir  s'il  était  forcé  de  se 
replier.  La  division  de  cavalerie  du  général 
Beaumont,  et  les  grenadiers  de  la  division 
Priant,  formèrent  provisoirement  la  gar- 
nison de  Vienne. 

Napoléon,  pendant  que  ces  mouvemens 
s'exécutaient ,  resta  fixe  à  Schoenhrûnn  avec 
sa  réserve,  la  garde  impériale,  jusqu'à  ce 
qu'il  eût  reçu  les  premiers  rapports  de  la 


DUS    tVEJN^EMENS    IiriLITAIRES.  O-J 

rencontre  de  l'ennemi.  Ce  court  séjour,  clu 
34  ^^  î6  novembre,  fut  employé  à  orga- 
niser le  gouvernement  et  radministralion 
des  deux  provinces  conquises,  la  Haute  et 
k  Basse- Autriche.  Le  général  Clarke  fut 
nommé  gouverneur-général ,  et  le  conseiller- 
d'état  Da ru  intendant-général  :  des  comman- 
dans  et  des  intendanSj  établis  dans  chacun 
des  cercles,  devaient  correspondre  avec  eux. 
Tout  fut  réglé  de  manière  à  maintenir  l'or- 
dre et  garantir  la  sécurité  des  habilans  au- 
tant que  la  bonne  discipline  de  l'armée.  Le 
commandement  de  la  place  de  Vienne  fut 
confié  au  général  HuUin  ;  le  service  inté- 
rieur fut  laissé  à  la  garde  bourgeoise.  Le 
peuple,  rassuré  par  ces  mesures,  et  par  les 
soins  du  respectable  comte  de  Wurbna, 
accueillit  les  Français;  aucune  communi- 
cation nécessaire  pour  l'approvisionnemeiit 
ne  fut  interrompue  :  le  vainqueur  exigea 
beaucoup,  mais  avec  tous  les  égards  qui 
pouvaient  alléger  le  poids  d\me  si  grande 
calamité.  Cette  paisible  occupation  de  la  ca- 
pitale d'un  grand  état  fut  uoe  expérience 


ù3  pKÉcrs 

funeste  pour  les  nations  européennes;  elle 
prouva  que  ce   point  central,   où  affluent 
toiites  les  richesses ,  où  Ja  civilisation  est 
portée  au  plus  haut  degré,  est  aussi  le  point 
le  plus  vulnérable.  Offrît-il  par  la  force  de 
position  et  l'abondance   des   ressources   les 
plus  sûrs  moyens  de  défense,  on  n'oserait 
y  renfermer  l'armée  déjà  battue,  et  l'on  ne 
saurait  y  employer  la  masse  de  la  popula- 
tion  avec  l'ordre  et  la  constance  nécessaires. 
Les  intérêts  privés  luttent  de  concert  avec 
l'ennemi  contre  celui  de  la  commune  dé- 
fense ;  chaque  individu  fait  d'avance  sa  capi- 
tulation particulière,  et  se  résigne,  comme 
dans  une  affaire  de  commerce ,  à  la  nécessité 
de  sacrifices  partiels  pour  n'être  pas  troublé 
dans  ses  jouissances  ;  et  cependant  la  machine 
des  gouvernemens ,  à  cause  des  institutions 
fiscales,  est  tellement  compliquée,  l'adminis- 
tration est  tellement  centralisée,  que  la  ca- 
pitale est  presque  l'état  tout  entier,  et  par 
le  fait,  et  par  l'influence  morale.  Faut-il 
l'abandonner,  faut-il  la  défendre?  Quoiqu'on 
ne  puisse    résoudre    celte    question   d'une 


DES    ÉVÉNEMEISS    MILITAI K ES.  5c) 

manière  positive  et  applicable  à  la  diversité 
des  circonstances  et  aux  différentes  localités, 
il   est  au  moins  certain  ,    il  est  également 
vrai  pour  tous  les  états,  de  quelque  nature 
que  soient  leurs  frontières,  que  leur  sys- 
tème général  de  défense  doit  être,  comme 
celui  des  communications,  relatif  et  con- 
vergent à  leur  capitale  :  c'est  pour  couvrir 
le  siège  de  la  vie  que  l'armure  légère  aux 
extrémités  est  plus  forte  auprès  du  cœur. 
Il  faut  que  l'ennemi,  dans  la  guerre  d'inva- 
sion (il  ne  s'en  fera  presque  plus  d'autres), 
trouve  à  mesure  qu'il  s'approche  de  la  ca- 
pitale ,  de  plus  grands  obstacles  que  ceux 
qu'il  aurait  déjà  surmontés.  Quant  à  la  dé- 
fense propre  d'une  très-grande  ville,  siège 
du   gouvernement ,    nous   ne  pensons    pas 
qu'elle  doive  être  circonscrite  et  déterminée 
comme  celle  d'une  place  de  guerre,  par  une 
combinaison  de  divers  poinis  de  fortifica- 
tions contigus.  Uennemi  sera  bien  plus  sû- 
rement arrêté  par  des  forts  détachés  servant 
de  points  d'appui  à  l'armée  retirée  sous  leur 
protection  :  il  ne  pourra  les  bloquer  tous  à 


40  PRECIS 

3a  fois;  et  n'osant  s'engager  entre  leurs  feux, 
il  se  consumera  peut-être  à  les  réduire  suc- 
cessivement ,  et  perdra  peut-être  toute  sa. 
force  d'impulsion  avant  d'atteindre  son  but. 
Cette  question  intéressante,  que  nous 
avons  succinctement  examinée  dans  une 
des  notes  d'un  Volume  de  cet  ouvrage,  mé- 
riterait d'être  approfondie  et  traitée  dans  ses 
applications  aux  différentes  capitales  de 
l'Europe,  en  considérant  leur  position  par 
rapport  aux  frontières  respectives  des  états 
limitrophes,  et  aux  lignes  d'opération  que 
suivraient  le  plus  vraisemblablement  les 
armées.  L'invasion  rapide  des  provinces 
d'Autriche,  et  la  facile  conquête  de  Vienne , 
ont  rappelé,  et  d'autant  plus  à  propos,  nos 
observations,  que  cette  résidence  était  une 
ancienne  forteresse  ;  c'étaient  les  mêmes  rem- 
parts que  les  habitans  de  Vienne  avaient, 
sous  la  conduite  de  l'intrépide  Stahremberg, 
défendus  contre  la  fureur  de  deux  cent 
mille  Turcs.  On  avait  relevé  et  soigneuse- 
ment entretenu  ces  immenses  bastions,  sur 
les  ruines  desquels  le  roi  Jean  Sobieski,  la 


1>ES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  4  ' 

teneur  des  Otlomans,  fit  son  entrée  triom- 
phale, après  les  avoir  mis  en  fuite  et  fait 
lever  le  siège.  Mais  les  Français  n'inspi- 
raient pas  la  même  terreur  que  les  Barbares; 
Napoléon  ne  se  serait  pas  arrêté  devant  des 
murailles,  il  eût  passé  le  fleuve  au-dessus 
de  la  ville,  l'aurait  bloquée,  affamée;  et 
quand  même  un  autre  Stahremberg  eût  pu 
faire,  comme  lui,  incendier  les  faubourgs, 
devenus  depuis  plus  considérables  que  la  ville 
même,  il  n'eût  pas  moins  été,  dans  peu 
de  jours,  réduit  à  capituler;  que  si  le  gé- 
néral Mack  et  le  prince  Ferdinand  se  fus- 
sent à  temps  retirés  sur  Flnn,  et  que  même 
après  y  avoir  été  battus,  ralliés  avec  l'armée 
de  Kutusow,  ils  eussent  trouvé  sur  les  hau- 
teurs qui  enceignent  la  plaine  de  Vienne 
des  points  d'appui,  une  position  fortement 
retranchée,  tous  les  défilés  entravés,  toutes 
les  ressources  des  arsenaux  de  Vienne  pour 
hérisser  d'artillerie  ces  fortifications  natu- 
relles, et  armer  la  population ,  on  peut  croire 
qu'ils  auraient  pu  sauver  la  capitale,  gagner 
du  temps,  et  faire  changer  le  sort  des  armes» 


4^  PRÉCIS 

Cette  hypothèse  est  une  des  applications  da 
système  de  défense  successive  par  rapport 
aux  capitales;  mais  comme  les  auteurs  du 
plan  de  campagne  purement  offensif  n'a- 
vaient rien  prévu  pour  un  cas  dont  ils 
n'admettaient  pas  même  la  vraisemblance, 
Vienne  y  la  place  d'armes,  le  principal  dé- 
pôt, le  grand  et  seul  arsenal  de  l'empire  au- 
trichien ,  tomba  sans  défense  dans  les  mains 
de  Napoléon.  Il  y  trouva  d'immenses  appro- 
visionnemens  de  guerre,  dont  le  transport 
ni  la  destruction  n'avaient  été  possibles. 
Deux  mille  pièces  d'artillerie,  dont  plus  de 
cinq  cents  de  siège,  six  cent  mille  quintaux 
de  poudre ,  six  cent  mille  boulets ,  cent 
soixante  mille  bombes ,  une  salle  d'armes 
de  cent  mille  fasils,  etc.  Il  se  hâta,  dès  son 
arrivée  au  palais  de  Schoenbriinn,  de  pu- 
blier un  ordre  du  jour ,  dans  lequel ,  en 
félicitant  son  armée,  et  témoignant  sa  sa- 
tisfacûon  aux  corps  qui,  depuis  XJlm ,  s'é- 
taient le  plus  signalés  dans  cette  seconde 
période ,  il  annonçait  les  trophées  conquis 
à  Vienne  y  et  ordonnait  qu'on  portât  le  plus 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  4^ 

grand  respect  aux  propriétés.  Toutes  les 
autorités  civiles  et  administratives  conti- 
nuèrent leurs  fonctions;  le  commerce  et  la 
classe  industrieuse  se  rassuraient  et  spécu- 
laient d'après  les  nouvelles  circonstances; 
on  ne  parlait  que  de  paix  et  de  bon  accord; 
il  semblait  que  l'orage  dût  se  dissiper  en 
s'éloignant;  tous  les  regards  étaient  tournés 
vers  le  nouveau  théâtre  de  la  guerre,  vers 
la  Moravie. 

Le  général  Kutusov^,  parti  le  1 3  de  Krems, 
reçut  le  \ç,\\àQV[\?ivL\kEhershrunn,  après  avoir 
fait  une  forte  marche,  l'avis  que  les  Fran- 
çais avaient  passé  le  Danube,  et  s'avançaient 
sur  la  route  de  Bohême  pour  couper  sa  re- 
traite. Ses  troupes  étaient  très-fatiguées,  et 
il  avait  encore  une  marche  de  dix  à  douze 
lieues  pour  gagner  à  Elzendorf  ou  à  Mer- 
sendorf  l'embranchement  des  routes  par 
lesquelles  il  pouvait  être  pris  à  dos  par  le 
corps  du  maréchal  Bernadotte,  tandis  que 
le  prince  Murât  marchait  droit  sur  Znaim , 
et  devait  y  arriver  aussi  tôt  que  la  tête  de 
la  première  colonne  russe.  C'était  là  le  danger 


44  PRÉCIS 

le  plus  pressant;  Kutusow,  pour  le  prévenir, 
jeta  sur  cette  route,  à  Hollabrûnn ,  une  di- 
vision de  six  mille  hommes  d'infanterie , 
sous  les  ordres  du  prince  Bagration  ;  il  le 
fit  renforcer  par  quelques  escadrons  de 
cavalerie ,  un  gros  de  Cosaques  ,  douze 
pièces  d'artillerie  légère,  et  ordonna  au  gé- 
néral Bagration,  s'il  était  attaqué,  détenir 
à  tout  prix,  jusqu'à  ce  que  le  reste  de  l'ar- 
mée, qui  suivait  la  route  de  Schrattentahl 
pour  se  porter  sur  Znaim,  eut  dépassé  sa 
hauteur. 

Les  bruits  d'armistice  et  de  paix,  que  le 
passage  réitéré  du  comte  de  Giulay  avait 
accrédités  à  Vienne ,  s'étaient  promptement 
répandus  dans  les  armées.  Loin  de  les  dé- 
mentir, chaque  parti,  soit  de  bonne  foi, 
soit  par  ruse  de  guerre ,  en  tirait  avantage 
suivant  sa  position.  Si  les  Français  obtin- 
rent celui  du  passage  et  de  la  conservation 
du  beau  pont  de  Vienne  y  une  colonne  de 
quatre  mille  hommes  d'infanterie  autri- 
chienne et  un  régiment  de  cuirassiers  dé- 
tachés de  l'armée  de  Kutusow,  et  coupant 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  /^5 

la  route  de  Bohême,  avaient  traversé  les 
postes  français,  qui  les  avaient  laissé  passer 
sur  le  faux  bruit  d'une  suspension  d'armes. 
Ce  fut  sur  la  même  assurance  que  le  gé- 
néral autrichien  de  Noslitz ,  atteint  le  i5  no- 
vembre entre  Hollahrilnn  et  Schoengraben 
par  Favant-garde  du  prince  Murât,  n'opposa 
aucune  résistance,  et  fournit  à  la  nombreuse 
cavalerie  française  le  moyen  d'attaquer  pres- 
que à  l'improviste  le  prince  Bagration.  Celui- 
ci  ,  presque  enveloppé  de  toutes  parts,  et  vive- 
ment chargé  par  la  cavalerie  que  suivait  de 
près  le  maréchal  Lannes  avec  les  grenadiers 
d'Oudinot,  fut  contraint  de  céder  le  terrain, 
et  d'abandonner  cent  voitures  d'équipages 
attelées.  Pendant  qu'on  se  battait,  le  prince 
Murât,  dont  l'objet  principal  était  de  de- 
vancer le  général  Kutusow  à  Znaim ^  point 
de  jonction  des  deux  routes,  essaya  d'user 
du  stratagème  qui  lui  avait  si  bien  réussi 
au  pont  de  Vienne;  il  envoya  un  trom- 
pette au  prince  Bagration.  Le  général  Kutu- 
sow^,  informé  de  cet  incident,  saisit  avide- 
ment le  seul  moyen  qui  lui  restât  de  sauver 


46  PRECIS 

le  corps  de  Bagration ,  et  de  prévenir,  comine 
il  le  dit  lui-mêaie  dans  ses  rapports,  la  dé- 
faite totale  de  son  armée.  Il  avait  encore 
deux  marches  à  faire  pour  arriver  à  Znaim: 
ses  soldats  étaient  si  fatigués  par  les  mar- 
ches forcées  et  les  combats  continuels,  qu'ils 
étaient  hors  d'état  (ce  sont  ses  propres  ex- 
pressions ) ,  et  d'exécuter  une  prompte  re- 
traite y  et  de  vaincre  dans  une  bataille.  Il 
envoya  donc  sur-le-champ  aii  prince  Murât 
le  baron  de  Wintzingerode,  adjudant -gé- 
néral de  l'empereur  Alexandre ,  avec  l'ordre 
d'entrer  en  négociation,  et  de  conclure  un 
armistice. 

Cet  officier -général  fut  reçu  aux  avant- 
postes  français  par  le  général  Belliard  ,  chef 
d'état-major  du  prince  Murât,  et  chargé  de 
ses  pouvoirs.  Le  résultat  de  leur  conférence 
fut  une  convention  d'armistice,  sous  le  titre 
de  capitulation  proposée  par  l'armée  russe , 
et  il  est  remarquable  que  le  baron  de  Wint- 
zingerode,  en  y  déclinant  ses  titres,  s'an- 
nonçait comme  traitant  au  nom  de  l'empe- 
reur de  R-ussie,  et  d'après  son  autorisation. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  4? 

Les  conditions  stipulées  étaient  «que  l'armée 
«  russe  quitterait  l'Allemagne,  et  se  mettrait 
«  de  suite  en  marche  par  la  route  qu'elle  avait 
«  prise  pour  s'y  rendre  ,  et  par  journées  d'é- 
«  tape;  qu'alors  le  prince  Murât  suspendrait  sa 
«  marche  sur  la  Moravie;  que  ces  conditions 
«  ne  pourraient  être  exécutées  qu'après  la 
«ratification  de  l'empereur  Napoléon,  et^ 
«  qu'en  attendant,  l'armée  russe  et  le  corps 
V  d'armée    du    prince   resteraient    dans   les 
«  mêmes  positions  qu'ils  occupaient.  Enfin, 
«  dans  le  cas  de  non  acceptation,  on  devait 
«  se  prévenir  quatre  heures  avant  de  rompre 
«  l'armistice.  » 

Cette  convention,  signée  à  HoUabrûnn^ 
le  1 5  novembre  au  soir ,  fut  envoyée  à  l'em- 
pereur Napoléon,  à  Sclioenbrunn  (distance 
de  dix-huit  lieues).  Quelque  dihgence  que 
fît  l'officier  qui  en  était  porteur,  on  ne  pou- 
vait avoir  sa  réponse  que  douze  à  quinze 
heures  après  son  départ;  et  en  ajoutant  les 
quatre  heures  stipulées  pour  la  reprise  des 
hostilités,  il  y  avait  au  moins,  depuis  la 
négociation  entamée,  vingt  heures  de  sus- 


48  PRÉCIS 

pension  cVarnies  assurées  à  Tarmée  russe-' 
C'était  tout  ce  qu'avait  voulu  Kulusow, 
a  J'avais,  dit-il,  en  rendant  compte  à  son 
a  souverain  du  nom  duquel  il  avait  abusé, 
«  j'avais  uniquement  en  vue  de  gagner  du 
«  temps,  pour  trouver  le  moyen  de  sauver 
«  l'armée,  et  de  m'éloigner  de  l'ennemi.  L'ad- 
«  judant- général  Wintzingerode  m'envoya 
ft  un  duplicata  de  cet  acte  pour  le  même 
«  objet  (sa  ratification).  Je  retardai  de  vingt 
«  heures  ma  réponse,  et  sans  accepter  en 
<f  aucune  manière  cette  convention,  je  con- 
<f  tinuai  ma  retraite  avec  l'arniée ,  et  m'éloi- 
«  gnai  de  deux  marches  de  l'armée  française, 
ic  Quoique  je  visse  le  corps  du  prince  Ba- 
f<  gration  exposé  à  une  perte  certaine,  je  dus 
«  me  trouver  heureux  de  pouvoir  sauver 
«  l'armée  en  sacrifiant  ce  corps.  » 

Murât  s'était  laissé  séduire  par  les  belles 
paroles  de  Wintzingerode  ;  flatté  de  l'hon- 
neur d'avoir  terminé  par  une  capitulation 
si  humiliante  pour  l'ennemi,  une  campagne 
dans  laquelle  il  avait ,  avec  le  titre  de  lieu- 
tenant de  l'empereur,  joué  le  rôle  le  plus 


T3TÎS    ÉVÉIS'EMENS    MILITATRES.  l^g 

brillant,  il  était  tombé  dans  le  piège  qu^il 
avait  lui-même  tendu  à  l'ennemi.  Napoléon, 
plus  clairvoyant,  rejeta  avec  dépit  celte 
fausse  proposition  ,  blâma  sévèrement  l'a- 
veugle confiance  et  la  légèreté  de  son  lieu- 
tenant, et  lui  ordonna  d'attaquer  sur-le- 
champ  l'arrière-garde  russe,  de  la  pousser 
l'épée  dans  les  reins,  afin  d'obliger  le  géné- 
ral Kutusow  à  s'arrêter  pour  la  soutenir. 
Il  ordonna  au  général  Cafiarelii  de  porter  sa 
division  sur  la  route  de  Znaim ,  et  dirii^ea 
sur Hollabrunn  toute  la  garde  impériale  avec 
son  artillerie.  Il  partit  lui-même  de  Schoen- 
hrûnn  quelques  iieures  après,  espérant  en- 
core, non  plus  d'entourer,  mais  d'atteindre 
et  de  battre  cette  armée  avant  qu'elle  se  fut 
élevée  à  la  hauteur  de  Br'dnn. 

Dès  que  le  prince  Murât  eut  reçu,  le  16 
novembre  vers  midi,  la  réponse  de  l'empe- 
reur, il  fit  prévenir  le  prince  Bagration  que 
la  convention  n'était  point  ratifiée;  et  comme 
il  venait  d'être  informé  que  le  gros  de  l'ar- 
mée russe,  au  lieu  de  rester  en  position, 
avait  profité  des  dix- huit  heures  de  sus- 
i4.  4 


SO  V  liÉCl  s 

pension  d  annes  pour  continuer  sa  marche, 
il  résolut  d'attaquer  sur-le-champ,  ne  dou- 
tant pas  que  Bagration  ne  profitât  aussi  de 
la  nuit  pour  s'échapper  et  rejoindre  son 
armée. 

Les  Russes  avaient  pris  position  en  arrière 
du  village  de  Schvengraben ,  au-delà  dn  dé- 
fdé  du  hameau  de  Grund,  qu'ils  avaient  re- 
tianché  cà  la  hâte,  et  dcnU  les  maisons  étaient 
garnies  de  leur  innuiicrie.  Une  partie  de  leur 
artillerie  était  sur  la  chaussée,  en  tête  du 
défilé,  et  le  reste  en  avant  de  leur  droite. 
Le  prince  Mu  rat  avait  avec  lui  à  Hollahrunn^ 
outre  sa  réserve  de  cavalerie,  le  corps  du 
maréchal  Lannes  ,  composé  de  la  division 
de  grenadiers  d'Oudinot,  et  de  celle  du  gé- 
néral Suchet.  Le  maréchal  Soult,  avec  deux 
de  ses  divisions ,  celles  des  généraux  Le- 
grand  et  Vandamme,  n'était  qu'à  une  demi- 
lieue  de  distance  entre  Gellerdorf  ei  Holla^ 
hrunn.  Avec  une  telle  supériorité  de  forces, 
Murât,  presque  au  déclin  du  jour,  ne  ba- 
lança pas  à  engager  l'aflaire ,  et  fit  ses  disposi- 
tions pour  déborder  et  envelopper  l'ennemi. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  Si 

Après  un  échange  de  boulels  et  quelques 
escarmouches  de  cavalerie  légère  et  de  li- 
railleurs,  pour  faire  replier  les  avant-postes, 
le  maréchal  Lannes  fit  avancer  en  deux  co- 
lonnes la  division  de  grenadiers  d'Ondinot 
pour  attaquer  de  front,  et  par  la  gauche, 
le  centre  et  l'aile  droite  des  Russes.  Cette 
double  attaque  était  soutenue  par  la  divi- 
sion Suchet,  marchant  pour  tourner  l'aile 
droite.  Le  maréchal  Soult  dirigea  sur  la 
gauche  de  l'ennemi  la  division  Legrand  , 
formée  sur  deux  colonnes;  l'une,  composée 
d'infanterie  légère,  devait  tourner  le  village 
de  Grund  jusqu'à  la  chaussée,  pour  couper 
toute  retraite  à  Fennemi,  tandis  que  l'autre 
aborderait  son  aile  gauche.  La  division  Van- 
damme  fut  placée  en  réserve  pour  soutenir 
au  besoin  l'attaque  des  grenadiers  et  celle 
du  général  Legrand. 

Le  général  Oudinot,  à  la  tête  de  la  brigade 
de  ses  grenadiers,  que  commandait  sous  ses 
ordres  le  général  Laplanche  Mortière,  fondit 
sur  les  Russes  qui,  ayant  l'avantage  de  po- 
sition ,  soutinrent  avec  fermeté  ce  premier 


52  PRÉCIS 

choc.  Leurs  obus  a3^ant  mis  le  feu  au  village 
de  Schoengraben,  où  se  trouvaient  des  gran- 
ges remplies  de  paille,  et  le  vent  chassant 
vers  les  Français  des  tourbillons  de  fumée, 
en  même  temps  que  Fincendie  éclairait  leurs 
mouvemens,  cet  accident  favorisa  au  com- 
mencement de  l'action  le  prince  Bagration , 
et  le  préserva  d'être  entièrement  enveloppé; 
mais  pendant  que  sa  ligne  était  débordée  par 
sa  droite,  et  que  ics  grenadiers  d'Oudinot 
enfonçaient  le  centre  et  poussaient  dans  le 
village  de  Grand  tout  ce  qui  était  devant  eux, 
le  général  Legrand  feiisait  déployer  ses  deux 
brigades,  et  attaquait  vivement  ceux  qui 
tenaient  encore  à  la  tcte  du  village.  A  me- 
sure que  ses  troupes  s'engageaient  dans  le 
défilé,  les  Russes,  refoulés  de  l'autre  côté, 
se  portaient  sur  celles-ci.  La  mêlée  devint 
générale;  on  se  battait  corps  à  corps,  et  la 
nuit  plus  obscure  dans  les  intervalles  des 
feux,  augmentait  la  confusion. 

Pressés  de  tous  côtés,  les  Russes,  après 
avoir  fait  la  plus  opiniâtre  résistance,  furent 
entièrement  défaits;  les  rues  du  village  de 


DES    ÊVÉJN^EMENS    MILITAIRES.  55 

Grund,  les  cours,  les  jardins  étaient  jon- 
chés de  leurs  cadavres  et  de  leurs  blessés. 
Ils  parvinrent  cependant,  à  la  faveur  de 
Tobscurilé  de  la  nuit^  à  rallier  ceux  qui 
avaient  échappé  au  massacre;  ils  mirent  en 
tête  de  cette  colonne  des  officiers  qui  par- 
laient français,  et  quelques  prisonniers  qu'ils 
avaient  faits.  Marchant  ainsi  vers  la  colonne 
qui  leur  coupait  la  pelraite,  ils  crièrent: 
Que  faites-'vous  ?  c'est  sur  vos  gens  que  vous 
tirez  ;  720US  sommes  Français  !.  Plus  de  huit 
cents  hommes  se  sauvèrent  par  cette  ruse. 
Un  autre  corps  russe  usa  du  même  moyen 
au  moment  d'être  chargé;  au  cri,  C'est 
nous  y  ne  tirez  pas,  les  Fra^nçais.  s'arrêtè- 
rent, et  reçurent  à  bout  touchant  une  dé- 
charge m  eu  rh'i  ère;  indignés,  ils  s'élancèrent 
avec  fureur  sur  les  Russes  ^  et  les  taillèrent 
en  pièces* 

Le  combat  dura  jusqu^à  onze  heures  du 
soir.  Le  prince  Mural  resta  maître  du  champ 
de  bataille,  de  dix-huit  cents  prisonniers, 
et  de  douze  pièces  de  canon.  L'action  fut 
très -chaude  sur  tous  les  points;  d'un  et 


54  PRÉCIS 

daulre  côlé  les  officiers  de  tons  grades  eu- 
rent l'honneur  de  combattre  comme  les  plus 
braves  grenadiers.  On  cita  parmi  les  Fran- 
çais le  général  Dupas,  le  général  Legrand, 
l'adjudant-commandant  Ricard,  le  fourrier 
d'Aigiois,  qui  arracha  l'aigle  du  3^  régiment 
des  mains  des  Russes,  etc.  Le  général  Oudi- 
not,  déjà  couvert  d'honorables  cicatrices^ 
fut  grièvement  blessé,  ainsi  que  ses  deux 
aides-de-camp  ;  le  général  d'artillerie  Fouché, 
et  plusieurs  officiers  supérieurs,  furent  aussi 
blessés.  La  cavalerie  poursuivit  Fennemi 
jusqu'au-delà  de  Guntersdorf^  et  ramena 
trois  cents  prisonniers. 

Cette  affaire,  dans  laquelle  les  grenadiers 
russes  rivalisèrent  d'intrépidité  avec  les 
Français,  fit  beaucoup  d'honneur  au  prince 
Bagration  ;  il  se  dévoua  pour  le  salut  des 
siens,  garda  sa  position,  soutint  en  plaine, 
avec  six  à  sept  mille  hommes,  Feffi^rt  d^une 
armée  de  vingt-cinq  mille  hommes;  et  cé- 
dant enfin  un  champ  de  bataille  glorieuse- 
ment défendu  pendant  six  heures,  il  se 
retira,  et  rejoignit  l'armée  avec  le  reste  de 


DES    ÉVÉJ\EMENS    MILITAIRES.  55 

ses  braves  soldats.  Trois  mille  étaient  tom- 
bés en  combattant,  ou  avaient  été  fliits  pri- 
sonniers. L'enipereur  Napoléon  ,  arrivé  à 
Hollabrunn  peu  après  la  fin  du  combat ,  ne 
s^y  arrêta  que  quelques  heures,  et  se  rendit 
le  même  jour  ly  novembre  à  Znaim,  où  le 
prinee  Murât  venait  d'entrer  avec  son  avant- 
garde. 

Le  général  Kutusow  ayant  cette  fois  en- 
core su  éviter  la  bataille,  rien  ne  s'opposait 
plus  à  sa  jonction  avec  la  seconde  armée 
russe;  il  était  vraisemblable  qu'elle  s'effec- 
tuerait sous  la  place  de  Br'ùnn  ^  où  l'on  sa- 
vait que  l'empereur  Alexandre,  venant  de 
Berlin  y  devait  rencontrer  l'empereur  d'Au- 
triche. Celte  conjecture  donna  lieu  à  de  nou- 
velles dispositions.  En  s'avançant  en  Mora- 
vie, sur  une  nouvelle  ligne  d'opération. 
Napoléon  était  obligé  de  garder  ses  derrières, 
de  tenir  une  forte  garnison  à  Vienne^  de 
veiller  sur  la  Hongrie,  de  fermer  à  l'archi- 
duc Charles  les  débouchés  de  la  Sîyrie ,  de 
couvrir  son  flanc  gauche,  inquiété  du  côté 
de  la  Bohême  par  les  débris  du  corps  de 


56  PRÉCIS 

Farciiiduc  Ferdinand  ,  et  bientôt,  peut-être^ 
par  une  année  prussienne.  Il  n'avait  plus, 
par  rapport  à  l'armée  alliée  qui  se  formait 
devant  lui,  la  supériorité  du  nombre;  et 
comme  il  fallait  combattre  et  vaincre  pour 
assurer  ses  conquêtes,  et  pouvoir  dicter  la 
paix,  il  dut,  sans  négliger  aucun  des  points 
que  nous  venons  d'indiquer,  concentrer  et 
tenir  sous  sa  main  ce  qui  lui  restait  dispo- 
nible. Voici  comment  il  pourvut  à  tout  avec 
autant  de  hardiesse  que  de  prudence,  avant 
de  quitter  son  quartier-général  de  Znairriy 
autour  duquel  les  troupes  des  divers  corps 
arrivés  de  nuit,  après  une  double  marche, 
se  trouvaient  amoncelées  et  mêlées. 

Le  prince  Murât  reçut  ordre  de  pousser 
des  partis  de  cavalerie  jusqu'à  Pohrlitz , 
pour  éclairer  la  route  de  Brïmn,  chassant 
devant  lui  l'arrière -garde  russe,  et  faisant 
prisonniers  une  foule  de  traîneurs  de  cette 
armée  excédée  de  fatigue.  Ce  fut  là  que  le 
général  Sébastiani ,  avec  sa  brigade  de  dra- 
gons, ayant  chargé  en  suivant  la  chaussée 
et  dépassé  quelques  corps  russes,  fît,  dans 


DES    ÉVÉNEMEKS    MILITAIRES.  5 7 

]a  journée  du  i8  novembre,  quinze  cents 
prisonniers. 

Le  maréclial  Lanncs  fit  prendre  posilioii 
à  la  division  de  grenadiers,  dont  îe  maré- 
chal Duroc  eut  le  commandement  pendant 
l'absence  du  général  Oudinot ,  ainsi  qu'à  la 
division  Suchet  ,  à  Prost  ^ Meritz ,  deux 
lieues  en  avant ,  et  sur  la  gauche  de  Znaim» 
Napoléon  leur  accorda  la  rare  faveur  d^un 
jour  de  repos. 

Le  maréchal  Soult,  après  avoir  aussi  fait 
séjourner  près  de  Znaim  y  sur  la  rive  droite 
de  la  Taya,  ses  deux  divisions  qui  avaient 
combattu  à  ScJwengrahen ,  les  porta  par  Ja- 
low'itz  sur  NiJwlsbourgy  où  la  division  Saint- 
Hilaire  vint  le  joindre.  Ce  corps  d'armée  se 
trouva  ainsi  complètement  rallié,  et  for- 
mant, comme  au  commencement  de  la  cam- 
pagne, le  centre  dans  l'ordre  de  bataille. 

Le  corps  du  maréchal  Davoust,  qui  for- 
mait l'aile  droite,  était  disloqué;  une  seule 
de  ses  divisions,  celle  du  général  Caffarelli, 
se  trouvait  à  Znaim  ;  celle  du  général  Gudin 
était  à  Neustadt^  sur  la  route  de  Carinthie» 


58  PRÉCIS 

et  le  maréchal  qui  était  d'abord  resté  h 
J^ienne  avec  la  division  Priant ,  avait  mar- 
ché iîwrPresbQurg  avec  la  cavalerie  légère  du 
général  Yialanes.  Le  conite  de  Palfy,  qui  y 
commandait ,  lui  déclara,  au  nom  de  Tarclii- 
duc  palatin  de  Hongrie,  que  si  les  Français 
ne  commettaient  aucun  excès,  il  ne  serait 
fait  à  leur  approche  aucune  résistance,  qu'il 
ne  serait  effectué  aucune  insurrection.  L'em- 
pereur Napoléon  accepta  cette  espèce  de  neu- 
tralité, et  exigea  seulement  que  la  ville  de 
Preshourg  fût  occupée  par  ses  troupes.  Le 
maréchal  Davoust  y  entra ,  établit  la  bonne 
harjiionie ,  et  sut  la  maintenir. 

La  garnison  de  Vienne  fut  relevée  quel- 
ques jours  après  par  les  divisions  Gazan  et 
Dupont,  que  le  maréchal  Mortier  eut  ordre 
d'y  envoyer,  pour  y  être  casernées ,  et  faire 
le  service  de  la  place  ,  garder  les  ponts  et 
les  établissemens  publics.  La  division  batave 
fut  employée  à  garder  le  pont  de  Krems :, 
et  se  cantonna  k  Stein  et  à  Mautern. 

Le  maréchal  Bernadotte  qui,  se  trouvant 
à  deux  marches  en  arrière  du  général  Kutu- 


DES    lévÉNEMEÎfS    MILITAIRES.  69 

sow,  n'aurait  pu  le  joindre  que  dans  le  cas 
où  la  lête  des  colonnes  russes  aurait  été  dé- 
passée, eut  ordre  de  traverser  Znaim^  d'y 
laisser  une  division,  et  de  porter  tout  le 
reste  de  son  corps  d'armée  à  Budwitz ,  des- 
tiné ainsi  à  former  l'aile  gauche  de  la  grande 
armée  en  Moravie. 

Le  général  Baraguey  d'Hilliers,  après  les 
affaires  àHJlm,  avait  passé  à  la  rive  gauche 
du  Danube  avec  sa  division  de  dragons  à 
pied  vers  la  frontière  de  Bohême.  Il  avait 
force  un  corps  de  trois  mille  Autrichiens 
à  quitter  la  position  de  Walder-Munchen , 
où  ils  s'étaient  retranchés;  et  après  s'être 
emparé  de  plusieurs  magasins,  il  s'était 
avancé  jusqu'à  Pilsen,  et  n'était  qu'à  vingt 
lieues  de  Prague;  il  eut  ordre  de  s'y  main- 
tenir, de  continuer  cette  utile  diversion, 
et  de  se  mettre  en  communication  avec  le 
maréchal  Bernadotte. 

Pour  ne  pas  compliquer  cet  exposé,  nous 
ne  rappellerons  point  les  ordres  qui,  à  la 
même  époque,  furent  donnés  au  général 
Marmont ,  ainsi  qu'au  maréchal  Ney.  Il  n'y 


6o  PRÉCIS 

eut  presque  rien  de  changé  aux  instructiorrs 
qu'ils  avaient  reçues  ;  et  comme  ces  deux 
corps  restèrent  détachés  jusqu'à  la  fin  de  la 
campagne,  leur  position  et  l'objet  de  leurs 
opérations  trouveront  mieux  leur  place, 
lorsque  nous  ramènerons  nos  lecteurs  sur 
le  théâtre  de  la  guerre  d'Italie. 

Après  avoir  disposé  toutes  ses  troupes  de 
manière  à  pouvoir  les  rassembler  en  vingt- 
quatre  heures,  et  s'être  rendu  maître  de 
toutes  les  communications,  Napoléon  porta 
son  quartier-général  à  Pohrlitz^  point  d'in- 
tersection des  deux  routes  de  Bohême  et  de 
Moravie.  Il  y  reçut  le  rapport  du  prince 
Murât ,  de  l'évacuation  de  la  place  de  Brûnn 
et  du  fort  de  Spielberg  qui  la  commande. 
L'empereur  d'Autriche  en  était  parti  depuis 
deux  jours  avec  toute  sa  cour,  pour  se  re- 
tirer à  Olinûtz.  L'empereur  Alexandre  avait 
été  l'y  joindre  après  avoir  rencontré  à  son 
passage  à  Brûnn  le  général  Kutusow,  et 
s'être  félicité  avec  lui  du  succès  de  sa  retraite 
comme  d'une  victoire,  et  de  la  réunion  de 
ses  armées. 


DES    ^VÉNEMENS    MILITAIRES.  6l 

La  tête  des  colonnes  de  Farniée  du  géné- 
ral Buxowden  était  arrivée  à  Driwitz,  près 
de  Wischau.  L'armée  combinée,  dont  Ku- 
tusow  prit  le  commandement  général,  se 
trouva  forte  de  cent  qualre  bataillons,  dont 
vingt  autrichiens,  et  cent  cinquante-neuf 
escadrons,  dont  cinquante  autrichiens  et 
quarante  de  cosaques.  Les  troupes  autri- 
chien n€s  étaient  sous  les  ordres  du  prince 
Jean  de  Lichtensten;  Tinfanterie  se  compo- 
sait de  sixièmes  bataillons  organisés  depuis 
la  prise  à^Ulmy  et  de  ce  qui  restait  des  corps 
des  généraux  Kienmayer  et  Meerfeld.  L'ar- 
chiduc Ferdinand  avait  réuni  en  Bohême 
des  troupes  de  nouvelle  levée  avec  les  débris 
de  la  cavalerie  qu'il  avait  ramenée  de  Souabe, 
et  couvrait  avec  ce  corps  la  droite  de  l'ar- 
mée combinée;  la  totalité  était  à  peu  près 
de  quatre-vingt-dix  mille  hommes.  Les 
Russes  attendaient  encore  une  division  de 
la  garde  impériale,  qu'amenait  le  grand-duc 
Constantin,  frère  de  l'empereur,  et  un 
autre  corps  sous  les  ordres  du  général  Ben- 


6a  PRÉCIS 

Ces  forces ,  comme  nous  Favons  fait  ob- 
server ,  étaient  certainement  supérieures  à 
celles  que  leur  opposait  l'empereur  Napo- 
léon ,  et  l'on  devait  penser  que  les  alliés 
marcheraient  au-devant  de  lui  pour  livrer 
bataille,  sans  lui  laisser  le  temps  de  s'éta- 
blir; mais  leurs  troupes  étaient  si  fatiguées, 
surtout  celles  de  Kutusow,  et  les  Autri- 
chiens ,  qui  depuis  deux  mois  n'avaient 
cessé  de  marcher  et  de  combattre,  qu'ils 
n'osèrent  pas  d'abord  prendre  l'offensive 
contre  un  tel  adversaire.  Il  fut  décidé,  dans 
un  conseil  de  guerre  tenu  à  PJ^ischau,  que 
l'armée  combinée  se  cantonnerait  autour 
âiOlmûtz  pour  laisser  reposer  les  troupes, 
et  attendre  les  derniers  renforts. 

Napoléon,  au  contraire,  continuant  son 
mouvement,  s'approcha  autant  qu'il  fut 
possible  de  l'ennemi.  Il  ordonna  au  prince 
Murât  de  rallier  toute  sa  cavalerie,  de  faire 
soutenir  ses  dragons  par  les  cuirassiers ,  et 
de  pousser  vivement  au-delà  de  Brûnn ,  sur 
la  route  ^Olmûtz,  les  arrière -gardes  des 
alliés  ,    qui    couvraient   leur    mouvement 


DES    JSVÉNEMENS    MILITAIRES.  63 

rétrograde  vers  cette  place.  Le  corps  du 
maréchal  Lannes  occupa  celle  de  Brûnn ^  et 
se  cantonna  en  s'étendant  par  sa  gauche  sur 
la  route  de  Zw'itau,  Le  quartier-impérial  et 
la  garde  sous  les  ordres  du  maréchal  Bes- 
sières  furent  établis  à  Brûnn ^  où  les  Autri- 
chiens avaient  abandonné  des  magasins  con- 
sidérables, des  munitions  de  guerre,  des 
ressources  de  toute  espèce. 

Le  corps  d'armée  du  maréchal  Soult, 
composé  de  trois  divisions,  et  dont  le  nom- 
bre de  combattans  présens  sous  les  armes 
était  d'environ  vingt-trois  mille  hommes, 
plus  du  tiers  de  forces  que  Napoléon  pou- 
vait dans  ce  moment  présenter  à  l'ennemi, 
fut  tout  entier  dirigé  de  Nikolsbourg  par 
Grosnimtsçhitz  sur  Austerlitz  ^  point  im- 
portant (et  pour  nous  servir  ici  très  à  propos 
de  l'expression  technique),  point  véritable- 
ment stratégique ^  c'est  celui  où  s'entrecou- 
pent, presque  à  angle  droit,  les  deux  prin- 
cipales communications  dans  cette  partie 
de  la  Moravie;  celle  de  Nikolsbourg  à  O/- 
mïctz^  et  celle  de  Brûnn  avec  la  Hongrie  par 


64  PRÉCIS 

Goeding  et  Hollitsch ^  séjour  favori  de  l'em- 
pereur François  ii.  La  position  que  prit  le 
maréchal  couvrait  parfaitement  toute  la 
droite  de  celle  de  Br'ùnn ^  à  trois  et  quatre 
lieues  de  dislance  :  elle  le  rendait  maître 
de  tous  les  débouchés  par  lesquels  l'ennemi 
pouvait  se  présenter;  il  soutenait  par  sa  gau- 
che l'avant-garde  du  prince  Murât,  et  fai- 
sait éclairer  par  ses  troupes  légères,  en  avant 
de  sa  droite,  tout  le  cours  de  la  Mardi, 
depuis  Kradischy  jusqu'au  confluent  de  la 
Taya.  Le  maréchal  chargea  surtout  le  co- 
lonel Franceschi  du  8^  régiment  de  hussards, 
son  ancien  aide-de-camp,  de  cette  mission 
importante;  il  l'envoya  en  partisan  à  plus 
de  trois  marches  de  l'armée  ,  sur  la  frontière 
de  Hongrie  ;  excellent  moyen  de  regarder 
au  loin,  d'éventer  les  projets  de  l'ennemi ,  et 
de  recueillir  des  renseignemens  plus  surs 
que  les  rapports  souvent  mensongers  des 
espions.  Mais  combien  sont  rares  les  officiers 
doués  à  la  fois  d'autant  de  vigueur,  de  pru- 
dence et  de  bon  jugement  militaire  qu'en 
avait  le  brave  Franceschi  ! 


«ES    ÉV12NEMENS    MILITAIRES.  65 

Le  choix  cîe  celte  position ,  dont  le  maré- 
chal Soult  saisit  au  premier  coup  d'oeil  fous 
les  avantages,  fut  une  heureuse  inspiration 
de  Napoléon.  Il  pressentit ,  avec  raison ,  que 
les  alliés  manœuvreraient  par  leur  aile  gau- 
che pour  tâcher  de  couper  sa  communica- 
tion avec  Vienne,  et  se  porteraient  d'abord 
sur  le  plateau  collineux  à' Austerlilz,  Ayant 
élé  lui-même,  peu  de  jours  après  son  arrivée 
à  Brûnny  reconnaître  celte  partie  du  pays, 
où  les  divisions  du  corps  du  maréchal  Souk 
étaient  cantonnées,  «  Messieurs,  dit -il  aux 
«généraux  et  aux  olFiciers  supérieurs  cjui 
((  le  suivaient,  regardez  bien  ceci;  étudie^ 
(c  ce  terrain,  car  sous  peu  de  jours  ce  sera 
(c  votre  champ  de  bataille.  )) 

Telle  était  la  position  respective  de  l'ar- 
mée française  et  de  l'armée  des  alliés  en 
Moravie,  à  l'époque  du  20  novembre  j8o5, 
jour  de  l'entrée  de  Napoléon  dans  la  place 
de  Brïmn.  Après  le  combat  de  cavalerie  qui 
eut  lieu  le  lendemain,  et  dont  nous  ren- 
drons compte  en  reprenant  le  iil  de  notre 
narration^  il  n'y  eut,  pendant  huit  à  dix 
14.  5 


66  i»iiÉcis 

jours,  presque  point  d'autre  hostilité;  on 
eût  (lit  qu'un  égal  besoin  de  repos  avait  ta- 
citement fait  conclure  une  trêve.  Ce  temps 
fut  de  part  et  d'autre  employé  à  se  réparer, 
à  s'apprêter  pour  un  choc  décisif.  Si  l'armée 
combinée  recevait  de  nouveaux  renforts, 
les  corps  français  se  grossissaient  aussi  par 
la  rentrée  d'une  foule  de  traîneurs  et  d'hom- 
mes légèrement  blessés  qui  se  hâtaient  de 
rejoindre  leurs  corps.  Si  la  place  à'Olmûtz 
était  un  point  d'appui ,  celle  de  BrûnUy 
mise  avec  l'activité  française  en  état  de  dé- 
fense, ainsi  que  la  citadelle  du  Spielberg^ 
offraient  un  obstacle  respectable. 

Profitant  aussi  de  cette  espèce  de  sus- 
pension d'hostilités,  nous  nous  permettons 
de  suspendre  ici  l'attention  et  l'intérêt  de 
nos  lecteurs,  pour  les  reporter  vers  le  Tyrol 
et  l'Italie,  afin  que,  lorsque  nous  revien- 
drons à  mettre  sous  leurs  yeux  le  dernier 
acte  de  cette  immense  campagne ,  ils  connais- 
sent tous  les  événemens  qui  le  précédèrent 
et  en  amenèrent  le  dénoùment. 


DES    ÉVÉNEMENT    MILITAIRES.  G 7 


CHAPITRE  XI. 

Suite  des  opérations  en  Italie.  —  Passage 
de  risonzo.  —  Blocus  de  Venise.  — 
Retraite  des  Autrichiens  dans  la  Carniole. 

—  Défaite  et  prise  du  corps  du  prince  de 
Rohan  à  Castel-Franco,  par  le  lieutenant- 
général  Goui^ion  Saint- Cjr.  —  Entière 
évacuation  du  TjroL  —  Jonction  des  ar- 
chiducs Charles  et  Jean.  —  Jonction  des 
armées  françaises ^  d'Allemagne  et  d'Ita- 
lie. —  Violation  de  la  neutralité  de  Naples. 

—  Débarquement  des  Russes  et  des  An- 
glais, 

Apres  le  passage  du  Tagliamento ,  qui 
s'acheva  sans  obstacle  le  i5  novembre,  le 
maréchal  Masséna  fit  poursuivre  l'arrière- 
garde  autrichienne  sur  la  roule  de  Palma- 
Nopa.  Sa  cavalerie  légère  ne  put  Tatteindre 
que  vers  le  soir;  elle  soutint  à  peine  un 
léger  combat,  et  se  retira  précipitamment. 
Le    lendemain  i4  novembre,  le  maréchal 


6S  PRÉCIS 

se  disposait  à  aller  lui-même  reconnaître 
celteplace  et  en  faire l'inveslissemcnt, lorsque 
ses  premières  découvertes  lui  apprirent  que 
les  ponts  le  vis  étaient  baissés,  et  que  l'en- 
nemi Favait  évacuée.  Palma-Nopa  est  une 
forteresse  de  neuf  fronts  baslionnés,  par- 
faitement régulière  tant  au  dehors  qu'au 
dedans,  située  au  milieu  d'une  plaine  unie; 
ses  fronts  sont  bien  tracés  et  d'environ  cent 
quatre-vingts  toises  de  côté  extérieur,  cou- 
verts par  des  demi -lunes  et  par  un  bon 
chemin  couvert;  les  fossés  pouvant  être 
inondés  au  moyen  du  canal  d'Udine,  dérivé 
du  torrent  de  la  Torre,  et  les  fortifications 
ayant  été  réparées  depuis  peu  de  temps,  la 
place  était  susceptible  d'une  longue  défense. 
Son  évacuation  et  celle  d'Udine  ne  laissèrent 
plus  aucun  doute  sur  la  résolution  de  Far- 
chiduc  Charles  d'abandonner  l'Italie.  N'ayant 
pas  défendu  Palma-Nova,  il  n'était  pas  vrai- 
semblable qu'il  voulût  s'arrêter  sur  FJsonzo. 
Le  maréchal  continua  sa  poursuite;  le  gé- 
néral Espagne,  à  la  tête  de  l'avant-garde, 
après  avoir  marché  toute  la  nuit,  traversa 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITA IKtS.  Gî) 

Gradisca  deux  heures  avant  le    jour;    et 
suivant  toujours   la  grande  route   qui  re- 
monte Ja  rive  droite  de  l'Isonzo,  il  prit  poste 
à  LucenigOj  k deux  milles  de  Gorizzia,  silué-^ 
sur  la  rive  gauche.  M.  Tarchiduc  y  avait 
laissé  une  forte  arrière -garde,    avait    fait 
brûler  tous  les  ponts,  et  paraissait  disposé  à 
défendre  le  passage,  pour  donner  le  temps 
à  son  artillerie  et  à  ses  bagages,  déjà  engagés 
dans  les  gorges,  de  passer  la  haute  montagne 
de  Hazebergy  que  les  neiges  et  les  glaces 
rendaient  très-difficile.  Ce  prince  occupait, 
avec  le  gros  de  son  armée,  rexcellente  po- 
sition de  Priewaldy  espèce  de  contrefort  qui 
barre  une  étroite  vallée  à  l'endroit   où  se 
réunissent  les  routes  de  Trieste  et  de  Fiume 
à  Lajbach.  La  route  entre  Gorizzia  et  Prie- 
wald  offrait  à  chaque  pas  des  postes  favo- 
rables à  la  défense,  et  par  conséquent  une 
entière  sécurité  pour  la  retraite  de  l'arrière- 
garde  laissée  à  Gorizzia, 

Le  maréchal  Masséna  ayant  porté  son 
quartier-général  à  Gradisca,  fît  ses  dispo- 
sitions pour  forcer  le  passage  de  Tlsonzo, 


•yO  PRECIS 

et  tenter  d'enlever  au  moins  une  partie  de 
l'arrière-garde  qui  occupait  Gorizzia.  Celait 
une  entreprise  difficile  :  Flsonzo  prend   sa 
source  dans  les  Alpes  Juliennes,  sur  l'une 
des  crêtes  qui  forment  la  vallée  delà  Drave  : 
resserré  dans  son  cours  supérieur,  il  devient 
un   torrent  très-rapide  au  sortir  des  mon- 
tagnes. Il  a  quatre-vingts  toises  de  large  à 
]a  hauteur  de  Gorizzia,   mais  très-peu  de 
profondeur;  les  gués  sont  incertains  et  pé- 
rilleux :  on  passe  dans  des  bacs.  Trois  divi- 
sions,   celles   des   généraux  Molitor,   Gar- 
danne  et  Partouneaux,  et  les  cuirassiers  par- 
tant de  Mariano-Fratte  et  San-Lorenzo,  se 
rendirent  à  Luc  e  ni  go  ,  où  se  trouvaient  déjà 
les  chasseurs  du  général  Espagne.  Cette  masse 
de  troupes  reçut  l'ordre  d'effectuer  de  vive 
force  le  passage  de  l'Jsonzo,  au  bac,  près  du 
village,  et  vis-à-vis  de  Gorizzia,   Pendant 
que  cette  forte  attaque  de  front  occuperait 
l'ennemi,  les  divisions  des  généraux  Du- 
hesme  et  Serras,  suivies  par  la  division  de 
dragons,  ayant  déjà  passé  l'Isonzo  au  bac  de 
Sagi^ado,  au-dessous  de  Gradisca ,  reraon- 


r        t 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  7I 

f aient  la  rive  gauche  pour  s'emparer  du  pont 
de  Ruhia y  près  du  confluent  dans  l'Isonzo 
du  torrent  de  Vipano,  qui  coule  de  l'est  à 
Touest.  Au-delà  de  ce  torrent,  la  division 
Duliesme  devait  marcher  par  St.-Andrea 
sur  Gorizzia y  et  la  division  Serras,  avec 
les  dragons,  devaient  se  porter  par  Morna 
sur  Vertoïhay  pour  couper  la  retraite  à  Fen- 
nemi. 

Cette  disposition,  d'ailleurs  bien  combi- 
née, n'eut  pas  tout  le  succès  que  s'en  était 
promis  le  maréchal  •  l'éloignement  des  points 
de  départ ,  et  les  reconnaissances  des  pas- 
sages, retardèrent  beaucoup  le  mouvement 
de  l'aile  droite  ;  les  trois  divisions  formant 
l'aile  gauche  prirent  position  en  face  du  bac. 
Pendant  que  le  capitaine  du  génie  Beaufort 
d'Hautpoul  reconnaissait  le  gué  sous  le  feu 
de  l'ennemi,  les  soldats  impatiens  se  préci- 
pitèrent dans  risonzo,  traversèrent  le  gué, 
et  se  répandirent  sur  la  rive  gauche.  Le 
général  Frimont,  qui  commandait  le  corps 
autrichien  laissé  à  Gorizzia  ,  fit  avancer  de 
l'artillerie  sur  le  rideau  qui  borde  le  fleuve  ; 


72  PRECIS 

]a  canonnade   s'eiiiza^ea   vivement   et   avec 
avantage  du  côté  des  Autrichiens,  à  cause 
de  la  meilleure  position  de  leurs  batteries. 
Le  général  Lacombe  Saint-Michel ,  comman- 
dant Tarlillerie  française,   plaça  lui-même 
quelques  pièces  sur  un  point  plus  favorable 
et  niasqué  par  des  saules,  et  qui,  prenant 
la  batterie  des  Autrichiens  au  rouage,  dé- 
monta phisieurs  pièces,  et  les  força   de  la 
retirer.  La  division  Duhesme  avait  déjà  passé 
risonzo  au  gué  de  Sagrado,  et  marchait  vers 
Ruhia.  Le  chef  d'escadron  Ordonneau  ,  à  la 
tête  des  éclaireurs,  s'empara  du  pont  sur 
le  \ipano,  et  fit  prisonnier  un    piquet  de 
liussards  qui  se  préparaient  à  l'incendier. 
Les  troupes  qui  suivaient  ce  piquet  arrivè- 
rent trop  tard  ;  elles  furent  repoussées,  et  la 
division  française  déboucha  dans  la  plaine 
de  St.- Andréa,  Elle  trouva  en  avant  de  ce 
village  une  ligne  d'infanterie  et  de  cavalerie 
en  bon  ordre,  couverte  sur  son  front  par 
d'anciennes  redoutes  élevées  pendant  la  cam- 
pagne de  1796,    et  qui  étaient  garnies  de 
canon.    Ses   voltigeurs    les   enlevèrent.    Le 


DES    ÉVÉJNEMENS    MILITAIRES.  7 5 

général  Duhcsme  ayant  trop  d'avance  sur  la 
division  du  général  Serras  pour  en  être  sou- 
tenu, et  voyant  que  la  nuit  s'approchait, 
se  borna  à  tenir  rennemî  occupé  par  ses 
tirailleurs,  pendant  que  le  général  Serras 
débouchait  de  Morna  pour  tournerla  gauche. 
Les  troupes  bivouaquèrent  dans  les  posi- 
tions qu'elles  occupaient,  et  devaient,  à  la 
pointe  du  jour ,  attaquer  de  tous  côtés ,  afin 
d'envelopper  tout  ce  qui  serait  resté  dans 
Gorizzia:  mais  le  général  Frimont,  qui  avait 
rempli  son  but  et  gagné  la  journée,  n'atten- 
dit pas  le  développement  et  le  résultat  in- 
évitable de  cette  double  attaque  ;  il  profita  de 
la  nuit  pour  évacuer  Gorizzia^  et  se  retira 
sur  Schenpass  et  Czernizza. 

Ainsi,  à  l'époque  du  18  novembre,  un 
mois  seulement  après  Touverlure  de  la  cam- 
pagne ,  le  maréchal  Masséna  avait  rejeté  jus- 
qu'au-delà des  frontières  de  l'état  vénitien , 
une  armée  plus  forte  que  la  sienne,  et  com- 
mandée par  le  meilleur  général  qu'eussent 
les  alliés  ;  il  l'avait  poursuivie  et  l'avait  forcée 
de  se  diviser  et  de  lui  abandonner  tout  le 


^4  PRÉCIS 

plat  pays.  M.  l'archiduc  n'avait  conservé 
que  Venise  y  où  il  avait  jeté  vingt -cinq 
bataillons. 

Cependant  le  maréchal  n'avait  encore 
reçu  aucune  nouvelle  certaine  des  opéra- 
lions  de  la  grande  armée;  l'ennemi  occu- 
pant toutes  les  routes  intermédiaires,  il  igno- 
rait non-seulement  la  ])rise  de  Vienne,  mais 
aussi  la  position  des  maréchaux  Ney  et  Au- 
gereau  ,  qui ,  en  pénétrant  dans  le  Tyrol ,  de- 
vaient appuyer  et  couvrir  son  flanc  gauche. 
Ne  pouvant  juger  avec  précision  de  leurs 
progrès,  il  supposait,  avec  raison,  que  Far- 
chiduc  Jean  ,  s'il  était  forcé  d'évacuer  le 
Tyrol ,  se  retirerait  sur  Fillach  par  le  Pus- 
terthal.  L'armée  d'Italie  se  trouvait  à  peu 
près  parvenue  à  cette  hauteur;  mais  les  pay- 
sans tyroliens,  levés  en  masse,  et  soutenus 
par  quelques  détachemens,  interceptaient 
toutes  les  communications,  et  la  poursuite 
de  l'armée  du  prince  Charles  n'avait  pas 
permis  de  jeter  sur  la  gauche,  dans  les  mon- 
tagnes, des  partis  assez  forts  pour  s'éclairer 
au  loin.  Un  des  aides-de-carap  du  maréchal, 


DES  l^VÉNEMENS    MILITAIRES.  'jB 

le  chef  (le  bataillon  Pelet ,  qu'il  chargea  de 
porter  à  l'empereur  la  nouvelle  du  passage 
duTagliamento  et  de  Toccupation  de  Palma- 
Nopa^  dut  passer  par  Milan ^  traverser  la 
Suisse,  et  aller  jusqu'à  Strasbourg  prendre 
la  route  tracée  pour  les  estafettes. 

D'un  autre  côté ,  les  nouvelles  de  Venise 
et  de  Trieste  annonçaient  l'arrivée  prochaine 
de  renforts  russes  par  la  Dalmatie;  et  le 
prince  Charles,  en  semant  ces  bruits,  pu- 
bliait qu'il  marchait  au-devant  de  ces  ren- 
forts. Le  général  Verdier  qui,  depuis  sa  bles- 
sure, commandait  à  Làvourne ,  venait  de 
mettre  cette  ville  en  état  de  siège  ,  et  annon- 
çait l'apparition  d'une  escadre  anglaise  avec 
un  nombreux  convoi.  On  savait  aussi  que 
vingt-cinq  mille  Russes  et  Anglais  réunis 
en  Sicile,  étaient  attendus  dans  le  royaume 
de  Naples,  dont  l'occupation  par  le  corps 
d'armée  du  général  Gouvion  Saint-Cyr  avait 
été  abandonnée  sur  la  foi  du  traité  de  neu- 
tralité. 

Dans  cet  état  de  choses ,  Masséna  ne  vou- 
lut point,  avant  d'avoir  assuré  ses  derrières, 


JO  IMIECIS 

porter  le  gros  de  son  armée  au-delà  de 
risonzo,  et  s'engager  dans  un  pays  de  mon- 
tagnes très-difficile,  où  Fennemi,  à  cause  de 
la  rigueur  de  la  saison  et  de  l'afFection  des 
habilans,  sur  son  propre  territoire,  aurait 
tous  les  avantages  de  la  guerre  de  postes. 
Ces  considérations  très-judicieuses  détermi- 
nèrent le  maréchal  à  arrêter  au  moins  pour 
quelque  temps  la  marche  de  ses  troupes; 
il  les  concentra  et  les  fit  cantonner  entre 
Udine  et  Gorizzla  :  il  se  contenta  de  faire 
suivre  Tennemi  par  une  avant-garde  com- 
mandée par  le  général  Espagne,  composée 
de  quatre  régimens  de  chasseurs  à  cheval 
douze  compagnies  de  voltigeurs,  un  ba- 
taillon de  grenadiers  et  une  compagnie  d'ar- 
tillerie légère.  Il  fit  observer  son  flanc  gau- 
che jusqu'aux  sources  de  l'isonzo  et  du  Ta- 
gliamento,  et  fit  occuper  les  têtes  des  vallées 
de  la  Save  et  de  la  Drave.  Le  général  La- 
cour,  détaché  avec  une  brigade  de  dragons, 
eut  ordre  de  se  porter  à  la  Chiusa  cli  PletZj 
au  haut  de  la  vallée  de  l'isonzo,  de  s'as- 
surer de  ce  passage,  de  descendre  ensuite 


DES    lIVElKrEMENS    MILITAIRES.  77 

sur  Villach  pour  reconnaître  la  vallée  de 
la  Drave,  et  de  s'étendre  aussi  loin  qu'il  le 
pourrait  sans  se  compromettre,  pour  avoir 
des  nouvelles  de  la  grande  armée.  Nous  ver- 
rons dans  peu  quelle  importance  eut  cette 
mission,  qui  fut  parfaitement  remplie.  Enfin, 
le  général  Serras  fut  chargé,  avec  deux  régi- 
jnens,  de  s'emparer  de  la  ville  et  du  port 
de  Trieste  j  il  y  entra  le  19  novembre,  et  fit 
poursuivre  sur  la  route  de  Laybach  la  gar- 
iiison  qui,  à  son  approche,  avait  évacué  le 
château  ,  et  se  retirait  veiStPrivald  pour  re- 
joindre le  gros  de  l'armée  de  M.  l'archiduc. 
Pendant  que  ses  troupes  se  reposaient, 
réparaient  leurs  habillemens  et  leurs  armes, 
le  maréchal  Massëna  s'occupait  de  bien  éta- 
blir sur  risonzo  sa  nouvelle  base  d'opé- 
rations, et  de  faire  des  apprêts,  afin  de  se 
porter  rapidement  en  avant,  lorsqu'il  serait 
convenable  de  le  faire,  soit  par  Lajbach, 
soit  par  Villach  et  Klagenfûrth,  La  place 
i]e  Palma-Nopa  fut  armée  et  approvisionnée  : 
on  travailla  à  mettre  Gradisca  et  Osopo  en 
état  de  défense  j  les  ponts  furent  reconstruits 


78  PRÉCIS 

et  fortifiés  ;  le  pays  fut,  dans  toutes  les  direc- 
tions, reconnu  ,  exploré  et  levé  par  les  ingé- 
nieurs géographes. 

AfiPermi  dans  cette  position ,  le  maréchal 
y  trouvait  encore  l'avantage  de  soutenir  le 
blocus  de  Venise  y  formé  d'abord,  comme 
nous  l'avons  dit,  par  la  division  du  général 
Verdier,  et  renforcé  depuis  peu  de  jours 
par  les  troupes  que  le  général  Gouvion  Saint- 
Cyr  y  avait  amenées  après  avoir  évacué  le 
royaume  de  Naples.  Ce  lieutenant -général 
vint  lui-même  à  Gradisca  la  veille  du  pas- 
sage de  l'Isonzo ,  prendre  les  ordres  du  ma- 
réchal et  le  commandement  de  l'aile  droite,, 
entièrement  employée  au  blocus.  Ce  corps 
détaché  fut  composé  de  deux  divisions  et 
d'une  réserve  :  la  première  division  sous  les 
ordres  du  général  Reynier  ,  formée  des  trou- 
pes venues  de  Naples ,  était  forte  de  six  mille 
hommes  d'infanterie  et  de  mille  chevaux; 
la  seconde,  sous  les  ordres  du  général  Les- 
chi ,  était  de  quatre  mille  hommes  d'infan- 
terie italienne  et  quatre  cents  chevaux.  La 
réserve  était  de  trois  mille  hommes  d'in- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  79 

fanterie  et  de  six  cents  chevaux;  en  tout 
environ  quinze  mille  combattans. 

Le  général  Sainl-Cyr,  parti  de  Barletta 
le  9  octobre  avec  son  corps  d'armée  fort  de 
dix-sept  mille  hommes,  en  avait  laissé  de 
cinq  à  six  mille  dans  les  places  de  Pes^ 
cara  et  à\4ncône ^  menacées  par  l'expédi- 
tion que  préparaient  les  Russes  dans  les 
ports  des  Sept- Iles  ;  il  avait  marché  avec  le 
reste,  et  était  arrivé  à  Padoue  du  1 5  au  1 6 
novembre.  Dès  qu'il  eut  reçu  à  Gradisca  les 
instructions  du  maréchal  Masséna,  déjà  à 
trente  lieues  de  Venise ,  il  se  hâta  de  re- 
tourner à  son  corps  d'armée  pour  en  fixer 
l'organisation  et  l'emplacement.  Pour  ob- 
server et  couper  les  seuls  débouchés  par 
lesquels  l'ennemi  pût,  avec  sa  nombreuse 
garnison ,  faire  quelque  entreprise  sur  la 
terre  ferme,  en-deçà  des  lagunes,  il  établit 
sa  ligne  obliquement  par  rapport  à  celle  du 
nouveau  canal  de  la  Brenta  (  Taglio  di 
Brenta  nouissimo)^  appuyant  sa  gauche  à 
Mestre  et  sa  droite  à  Bopolenta ^  la  ligne 
passant  de  Mestre  par  les  villages  à^Orîago^ 


8o  PRÉCIS 

Mera ^  Dolo,  Stra  et  Legnaro.  Son  quartier- 
général  était  à  Stra,  à  deux  lieues  de  Padoue, 
sur  la  rive  droite  de  la  Brenta.  Quoique 
cette  ligne  eût  de  six  à  se})t  lieues  d'étendue, 
les  troupes  pouvaient  être,  en  moins  de 
quatre  heures,  rassemblées  sur  le  point  où 
Tennemi  se  serait  présenté  en  force. 

Le  blocus  était  à  peine  ainsi  formé  depuis 
trois  ou  quatre  jours,  lorsque  le  ^3  no- 
vembre le  lieutenant-général  Saint-Cyr  fut 
informé  par  le  général  Schilt,  commandant 
à  Padoue  y  qu'un  employé  arrivant  de  Bas- 
sano  annonçait  que  la  veille  une  colonne 
autrichienne,  forte  de  sept  cents  chevaux 
et  trtjis  cents  hommes  d'infanterie,  était 
entrée  dans  cette  ville,  et  qu'elle  devait  être 
suivie  par  un  régiment  avec  de  l'artillerie 
et  des  bagages.  Cet  avis  fut  confirmé  peu 
d'instans  après  par  un  rapport  des  com- 
mandans  de  place  de  Véronne  et  de  Vicence y 
qui  annonçait  qu'un  corps  de  huit  à  dix 
mille  Autrichiens  s'avançait  par  le  Trentin 
sur  Bas  sano. 

Nous  ne  saurions  mieux  faire  connaître 


DES    lÉVÉNEMENS  MILITAIRES.  8l 

la  résolution  que  prit  sur-le-chanrip  le  gé- 
néral Saint-Cyr,  qu'en  transcrivant  ici  sa 
courte  dépêche  au  maréchal  Masséna ,  datée 
àe  Stra y  le  2  frimaire  (  ^5  novembre). 

(c  Je  reçois  en  ce  moment  le  rapport  que 
ff  je  vous  envoie.  Je  laissé  la  division  Lecchi 
<(  en  position,  la  droite  à  BopolentOy  et  la 
«  gauche  à  Saonara;  son  avant-garde  à  Piove 
<(  di  Sacco,  et  la  brigade  du  général  Digonnet 
«  à  Mestre,  pour  observer  la  garnison  de 
«  Venise;  et  je  marche  avec  le  reste  de  mes 
<c  troupes  pour  aller  à  la  rencontre  de  l'en- 
u.  nemi.  Je  compte  me  rendre  aujourd'hui  à 
«  CampO'Sari'Pietro y  et  demain  je  m'assu- 
«  rerai  positivement  quel  est  ce  corps.  » 

En  effet,  une  faute  grave  qu'avait  fliite 
le  général  Loison  en  n'exécutant  qu'impar- 
faitement les  dispositions  que  lui  avait  pres- 
crites le  maréchal  Ney,  avait  donné  au  prince 
de  Rohan,  contre  toute  espérance,  l'occa- 
sion de  forcer  son  passage  à  Bolzen^  et,  con- 
tinuant sa  retraite,  d'entrer  par  Lavis  dans 
le  Val  Suganay  pour  déboucher  par  la  vallée 
de  la  Brenta. 

14.  6 


02  PRÉCIS 

Nous  ne  développerons  pas  ici  la  combi- 
naison du  maréckal  Ney  pour  couper  toute 
retraite  aux  corps  de  troupes  autrichiennes 
qui  se  trouvaient  encore  dans' le  Tyrol  occi- 
dental après  la  prise  d'Inspruck^  et  la  retraite 
de  l'archiduc  Jeaii  sur  le  Brenner;  nous 
aurons  occasion  de  le  faire  en  achevant  de 
rendre  compte  de  la  conquête  du  Tyrol, 
et  de  la  jonction  des  armées  des  deux  aichi- 
ducs. 

La  détermination  du  prince  de  Rohan  est 
digne  d'éloge;  car  s'il  eût  réussi,  cette  re- 
traite serait  citée  entre  les  faits  de  guerre 
les  plus  remarquables.  Parvenu  jusqu'à 
Castel-Franco ^  il  n'avait  plus  que  sept  à 
huit  heures  de  marche  pour  arriver  sur  les 
derrières  de  la  gauche  de  la  ligne  de  blocus, 
et  sans  doute  que  son  attaque  combinée 
avec  un  eÔort  de  la  garnison  de  Venise 
aurait  couronné  cette  audacieuse  entreprise. 
Voici  comment  la  précision  et  la  prestesse 
des  manœuvres  du  général  Saint-Cyr  la 
firent  échouer.  Ayant  sous  les  yeux  le  rap- 
port fait  au  maréchal  Masséna,  par  ce  général 


DES    ÉVENEMENS    MILITAIRES.  85 

duquel  on  peut  dire  avec  vérité,  eodein 
animo  scripsit  quo  dimicavit .,  il  a  écrit 
comnie  il  a  combattu,  nous  nous  garderons 
d'altérer  celte  excellente  relation. 

Le  lieutenant-général  Sainl-Cyr  écrivait 
au  maréchal  Masséria  de  Castel- Franco,  le 
3  frimaire  (24  novembre)  : 

((  Le  corps  autrichien  dont  je  vous  ai 
«  annoncé  hier  l'arrivée,  vient  de  Farméc 
<f  d'Allemagne.  Dans  le  Tyrol,  il  avait  ete 
«  coupé  deux  fois  par  le  corps  du  maréchal 
«  Ney,  et  s'était  heureusement  échappé. 

((  Le  prince  de  Ruhan  qui  le  commandait, 
i(  croyait  qu'en  faisant  encore  un  grand 
a  effort,  il  traverserait  notre  ligne,  el  arri- 
t(  verait  aux  lagunes  de  Venise  pour  se  réu- 
<(  nir  aux  corps  de  troupes  qui  occupent 
<(  cette  place,  et  qui,  étant  prévenus  par  lui, 
«  devaient  le  protéger  dans  ce  dessein.  Je 
a  ne  leur  ai  pas  laissé  le  temps  de  se  bien 
a  entendre.  Hier,  le  général  Reynier,  avec 
i(  sa  division,  moins  la  brigade  Digonnet, 
((  a  couché  à  No v aie.  Je  me  suis  rendu  à 
«  Campo-San-Pietro  avec  la  brigade   polo- 


84  i»  ji  L  c  1  i> 

♦f  naise  commandée  par  le  général  Peyri. 
«  L'ennemi  est  arrivé  le  même  soir  à  Castel- 
K  Franco.  J'ai  ordonné  dans  la  nuit,  au 
i(  général  Reynier,  d'attaquer  à  la  pointe  du 
«  jour  l'ennemi  à  Castel-Franco^  tandis  que, 
«  avec  la  brigade  polonaise,  je  le  tournerais 
«  par  sa  droite.  L'ennenû  nous  a  prévenus: 
((  il  a  attaqué  au  point  du  jour  le  général 
(c  Reynier  avec  une  vigueur  désespérée. 
K  Plusieurs  fois  culbuté,  il  est  revenu  à  la 
«  charge,  jusqu'au  moment  où,  avec  la  bri- 
((  gade  polonaise  ,  je  l'ai  attaqué  par-der- 
((  rière  et  mis  entre  deux  feux;  alors  i!  s'est 
u  mis  en  déroute,  et  a  fui  jusqu'à  Castel- 
«  Franco :,  oii  nous  sommes  arrivés  aussitôt 
c<  que  lui,  par  l'avantage  que  nous  avions 
((  d'être  sur  ses  derrières.  Ce  qui  n'a  pas  été 
<(  tué  ou  pris  en  bataille,  a  demandé  à  capi- 
«  tuier. 

«  Ce  corps  était  d'environ  sept  mille  liom- 
((  mes  d'infanterie  et  douze  cents  chevaux; 
((  il  était  plus  fort  que  le  corps  dont  j'ai  pu 
«  disposer  pour  le  combattre.  Mais  les  trou- 
j  pes  ont  montré  une  si  grande  valeur,  que 


»F^    ÉVÉNEMEFS    MILITAIRES.  8f) 

((  la  victoire  n'a  pas  été  long -temps  dou- 
((  teuse;  six  mille  hommes,  mille  chevaux, 
((  le  général  prince  de  Rohan,  commandant 
«le  corps,  pîusietirs  colonels,  beaucoup 
«d'officiers,  sept  drapeaux,  douze  pièces 
«  de  canon,  leurs  caissons,  et  beaucoup  de 
((  bagages,  sont  restés  en  notre  pouvoir. 

«Une  colonne  de  Croates  doit,  dit-on, 
«^  déboucher  des  montagnes,  et  faisait  partie 
«  de  ce  corps.  Je  laisse  ici  les  Polonais  pour 
«  les  attendre,  et  je  retourne  avec  la  divi- 
«  sion  Reynier  devant  Denise ^  présumant 
t(  que  demain  M.  de  Belîegarde  pourrait  faire 
«  une  sortie,  et  ce,  pour  dégager  le  cQrps  . 
«du  prince  dé  Rohan  •^ 

4(  Nous  avons  retrouvé  ici  Tes  prisonnfers 
a  que  les  Autrichiens  avaient  faits  sur  nous 
«  à  Bassanoy  Castel-Franco ^  et  sur  la  divi- 
«  sion  du  général  Loison. 

«  Le  général  Reynier  s'est  conduit  avec 
«  la  bravoure  et  rintelîigence  dont  il  a  déjà 
«  donné  tant  de  preuves.  Sa  division  a  fait 
«  deux  mille  cinq  cents  prisonniers;  il  donne 
tf  les  plus  grands  éloges  à  la  conduite  des 


86  p  pt  £  c  I  s 

«  chefs  des  lô^  et  oG®  de  ligne,  ainsi  qu'au 
((  chef  de  balaillon  Clavel ,  commandant. 
«  le  bataillon  suisse.  Le  chef  de  brigade 
((  Grabinski ,  et  les  chefs  de  bataillon  Bia- 
((  lowski  et  Clopski,  méritent  aussi  les  plus 
((  grands  éloges.  » 

Deux  jours  après  cette  brillante  affaire, 
les  troupes  du  général  Saint-Cyr  reprirent 
leurs  positions  sur  la  ligne  de  blocus.  Les 
Autrichiens  n'avaient  rien  lenlé;  mais  pen- 
dant toute  la  journée  du  24,  ils  n'avaient; 
cessé  de  faire  des  signaux  sur  toute  la  ligne^ 
jusqu'à  Brondolo  :  ils  n^ivaient  pu  entendre 
le  canon,  à  cause  de  la  trop  grande  dis- 
tance; et,  persuadés  que  le  prince  n'était  pas 
encore  assez  près,  ils  n'avaient  fait  aucun 
mouvement  pour  déboucher  et  marcher  à 
lui. 

Sur  le  premier  avis  que  reçut  le  maré- 
chal Masséna  de  l'apparition  de  ce  corps 
autrichien  dans  la  vallée  de  l'Adige,  il  dut 
croire  que  l'archiduc  Jean,  poussé  par  le 
maréchal  Ney,  et  n'ayant  pu  se  retirer  par 
la  vallée  de  la  Drave,  aurait  pris  la  réso- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  87 

lution  désespérée  de  descendre  en  Italie  avec 
toutes  les  troupes  qui  lui  restaient  par  le 
seul  chemin  qui  lui  fût  ouvert  ;  il  aurait  eu , 
dans  ce  cas,  le  dessein  de  débloquer  Venise 
et  de  marcher  sur  les  derrières  de  l'armée 
française  avec  cinquante  bataillons,  pendant 
que  Tarchidnc  Charles  aurait  repris  l'offen- 
sive. Cette  conjecture,  que  divers  rapports 
et  l'ignorance  absolue  de  ce  qui  se  passait 
au-delà  des  montagnes  rendaient  assez  vrai- 
semblable, décida  le  maréchal  à  faire,  sans 
quitter  sa  position  centrale  sur  Flsonzo,  des 
dispositions  relatives  à  celles  qu'aurait  pu 
faire  l'ennemi.  Pendant  que  l'avant -garde 
s'avançait  sur  la  route  dç  Layhacli ,  le  ma- 
réchal envoya  le  reste  de  la  division  Gar- 
danne  pour  soutenir  le  général  Lacour  qui 
était  encore  à  Tarais  y  et  le  général  Len- 
chantin  qui  gardait  les  débouchés  du  Ta- 
gliamento;  il  fit  ensuite  partir  les  grenadiers, 
deux  brigades  des  divisions  Duhesme  et 
Serras,  une  brigade  de  dragons  et  les  cui- 
rassiers, pour  se  porter  à  marches  forcées 
sur  la  Piave;  il  s'y  rendit  lui-même,  après 


SS  PRÉCIS 

avoir  laissé  au  général  Duliesme  le  comman- 
dement des  troupes  qui  restaient  sur  Tlsonzo. 
Ces   sages   précautions   furent  inutiles  5    le 
combat  de  Castel- Franco  dissipa  tous  les 
nuages.  Le  prince  Charles,  depuis  Vicence 
jusqu'à  Gorizzia j  n'ayant  qu'une  marche 
d'avance  sur  l'armée  française ,  et  traversant 
un  pays  ouvert,  avait  dû  précipiter  sa  re- 
traite. Mieux  informé  que  ne  pouvait  l'être 
son  adversaire  3  de  ce  qui  se  passait  sur  le 
Danube  et  dans  leTyrol,  il  devait  craindre, 
s'il  faisait  tête  à  l'ennemi  et  se  laissait  forcer 
à  combattre,  que   celui-ci    ne  gagnât  ses 
flancs  et  ne  lui  coupât  le  chemin  des  mon^ 
tagnes;  mais  aussi,  dès  que  le  gros  de  l'ar- 
mée autrichienne,  ayant  passé  l'Isonzo,  fut 
entré  dans  les  défilés  de  la  Carniole,  l'ar- 
chiduc ne  se  contenta  plus,  comme  dans  le 
pays  ouvert,  d'arrêter  l'impétuosité  de  la 
poursuite  des  Français  par  des  canonnades 
et  de    légers   combats  :  son  arrière -garde 
tint  ferme  dans  chacune  des  positions  suc- 
cessives qu'offrait  l'aspérité  du  terrain,  et 
les  défendit  pied  à  pied.  La  première  attaque 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  89 

du  général   Espagne   sur   les   hauteurs    de 
Czernizza  fut  repoussée;  ses  voltigeurs  l'em- 
portèrent à  la  baïonnette.  Le  lendemain,  19 
novembre,  en  continuant  sa  marche,  il  ren- 
contra un  obstacle  plus  sérieux  ;  le  général 
baron  de  Vincent  occupait  avec  quatre  mille 
hommes  d'infanterie,  quinze  cents  chevaux 
et  du  canon,  la  position  de  Goiazza.  Après 
quelques    heures   de   combat ,    ce    général 
voyant  sa  droite  débordée  par  une  brigade 
(le  chasseurs  que   commandait   le   général 
Merlin,  se  replia  en  bon  ordre  sur  sa  ré- 
serve derrière  le  ruisseau  à^ Hejdenchaff't ; 
il  combattit  encore  vivement  dans  cette  po- 
sition le  reste  de  la  journée,  et  ne  la  quitta 
que  pour  prendre  à  une  lieue  plus  loin  celle 
des  hauteurs  de  Vipano  qui  ferme  la  vallée. 
Ainsi,  après  s'être  battu  pendant  deux  jours, 
le  général  Espagne  n'avait  pu  gagner  que 
trois  lieues  de  chemin,  et  trouvait,  en  s'a- 
vançant  vers  le  col  de  Rabetscheniza  ^  ou 
position  de  Paiçald^ike  plus  grands  obstacles 
à  franchir. 

Le  maréchal  Masséna,  informé  qu'une 


go  PRECIS 

partie  de  l'infanterie  aulricliienne  s'était 
jetée  dans  la  vallée  d'Jdria  pour  gagner  jLo/- 
bachy  tandis  que  M.  Farcliiduc,  avec  le  reste 
de  son  armée,  son  artillerie  et  ses  ba^ai^es, 
avait  continué  de  suivre  la  grande  route, 
renforça  son  avant-garde,  en  y  envoyant  le 
5*^  régiment  d'infanterie;  il  ordonna  au  gé- 
néral Espagne  de  s'arrêter,  de  prendre  po- 
sition en  arrière  ^ Heydenchafft ,  d'obser- 
ver ses  flancs,  et  de  faire  reconnaître  le  col 
retranché  de  Rabetscheniza  y  en  avant  de 
Paivald. 

Ce  col  est  élevé  sur  la  sommité  des  Alpes 
Juliennes  qui  lient  le  mont  Hemus  à  la 
grande  chaîne  Alpine ^  en  séparant  le  bassin 
de  la  Méditerranée  et  celui  de  la  mer  Noire. 
Ses  pentes  sont  très-rapides,  et  la  route, 
quoique  praticable  pour  les  voitures,  est  ex- 
trêmement roide  du  côté  de  l'ouest,  où  elle 
passe  sur  le  contre-pont  à  droite  du  torrent. 
Celle  sur  la  pente  opposée  est  fort  belle. 

Le  prince  Charles  avait  fait  occuper  ce 
col  par  plusieurs  redoutes  fermées,  très-bien 
disposées  pour  se  flanquer,  découvrir  les 


DES    ÉVE]NEMi:]N^S    MILITAI  H KS.  Qï 

pentes  de  la  montagne,  et  enfiler  la  route 
qui  est  presque  le  seul  accès  praticable.  La 
gauche  de  ces  retranchemens  était  a«)p«yée 
au  torrent  de  Meschinick,  dont  les  t)erges 
sont  très -escarpées,  et  la  droite  au  Blm- 
haumer ,  montagne  couverte  de  bois.  La 
neige  et  les  glaces  augmentaient  encore  la 
difficulté  d'aborder  ces  retranchemens.  Tou- 
tefois, la  force  de  cette  position  ne  devait 
s'estimer  que  d'après  le  temps  nécessaire 
pour  manœuvrer  sur  ses  flancs.  Le  prince  y 
laissa  une  forte  arrière -garde  après  avoir 
passé  le  col  avec  beaucoup  de  peine.  Son 
parc  d'artillerie  et  ses  équipages  s'étaient  mis 
en  désordre,  et  les  rampes  étant  encom- 
brées, il  fut  obligé  de  faire  brûler  ou  jeter 
dans  les  précipices  un  assez  grand  nombre 
de  voitures;  il  perdit  aussi  beaucoup  de  sol- 
dats par  l'abus  des  liqueurs  fortes,  toujours 
mortel  dans  ces  hautes  régions. 

L'archiduc  Charles  étant  enfin  arrivé  avec 
le  gros  de  son  armée  à  Lajhach ^  au  point 
de  séparation  des  deux  roules,  et  des  grandes 
communications  des  vallées  de  la  Save  à  celle 


92  PRECIS 

rîelaDrave,  rien  ne  pouvait  plus  arrêter 
sa  marche  ni  empêcher  sa  réunion  avec  l'ar- 
chiduc Jean,  qui,  en  même  temps,  arrivait 
à  Klagenfurth y  et  y  ralliait  les  troupes  qull 
avait  pu  retirer  du  Tyrol. 

En  quittant  le  théâtre  de  la  guerre  d'Itahe, 
ou,  comme  on  le  voit,  la  campagne  était  au 
20  novembre  à  peu  près  terminée,  nous 
devons  achever  de  dire  à  nos  lecteurs  com- 
ment le  maréchal  Ney  acheva  la  conquête 
du  T}  roi ,  pendant  que  Napoléon,  maître 
de  Vienne  y  poursuivait  le6  alliés  jusqu'aux 
frontières  de  la  Moravie.  Dès  le  6  novembre, 
l'archiduc  Jean  ,  après  avoir  évacué  7/25- 
pruck y  avait  pris  position  sur  le  Brenner; 
il  avait  ordonné  au  général  de  Chateler  de 
se  porter  avec  sa  division  sur  Radstadt ^ 
dans  la  haute  vallée  de  FEns.  Pour  s'assu- 
rer de  cette  communication,  il  avait  aussi 
envoyé  au  général  Jellachich  et  au  prince 
de  Rohan  Tordre  d'évacuer  le  Vorarlberg, 
de  se  retirer  par  Nauders,  Glurens,  Meraa 
et  Botzeny  et  de  se  réunir  au  général  Hiller. 
Dans  l'attente  de  l'exécution  de  ces  ordres 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  gS 

tardifs,  l'archicluc  fit  tenir  jusqu'au  i5  no- 
vembre la  position  du  Brenner  par  le  corps 
du  général  Saint-Julien. 

Le  maréchal  Ney,  pour  prévenir  celte 
jonction  ,  porta  une  de  ses  deux  divisions 
sur  Sterzing,  pendant  que  deux  régimens 
d'infanterie,  les  5o^  et  69^  de  ligne,  et  le  5^ 
régiment  de  hussards,  remontant  la  vallée 
de  rinn ,  se  dirigeaient  par  Nauders  sur 
Schlanders ,  pour  tâcher  de  couper  toute 
retraite  au  prince  de  Rohan  ,  qui  fut  sommé 
de  mettre  bas  les  armes.  Quant  au  corps  de 
Jellachich ,  on  a  vu  qu'il  avait  élé  forcé  de 
capituler,  par  le  général  Maurice  Matthieu,  le 
i4  novembre.  L'attaque  du  Brenner  devait 
avoir  lieu  le  i5;  mais  dès  la  veille,  après 
une  affaire  d'avant-posles,  l'archiduc  Jean, 
qui  savait  les  progrès  du  maréchal  Masséna, 
jugea  qu'il  ne  pouvait  attendre  plus  long- 
temps la  réunion  dont  il  s'était  flatté,  sans 
risquer  de  voir  coupée  la  seule  communi- 
cation qui  lui  restait  5  il  se  retira  en  éche- 
lons par  le  Pusterthal  ou  vallée  de  la  Drave, 

Pour  bien  expliquer  ce  mouvement  au 


94  PRÉCIS 

centre  du  Tyrol  allemaiïcl,  nous  satisferons 
sans  fjonte  pleinement  nos  lecteurs  en  rap- 
portant ici  cette  partie  du  rapport  du  ma- 
réchal Ney;  car  c'est  fortune  pour  les  his- 
toriens contemporains,  pour  ceux-là  même 
qui  ont  été  les  témoins  des  événemens  qu'ils 
rapportent,  que  de  pouvoir,  en  mettant  en 
scène  les  principaux  acteiH\s,  les  faire  parler 
eux-mêmes  d'après  leurs  actes  authentiques, 
(c  Je   fus   informé  que   le  général    Saint- 
ce  Julien  avait  évacué  le  Brenner  le  sS  bru- 
ce  maire  (  i4  novembre),  et  qu'après  s'être 
ce  réuni  à  Mïthlbach  au  corps  de  l'archiduc 
ce  Jean   et   du  général  Hiller,  il   se  retirait 
ce  par  Prunechen  snr  Kïagenfurth  à  marches 
ce  forcées,  afin  de  ne  pas  être   coupé.   Les 
ce  nouveaux  renseignemens  que  je  reçus  à 
ce  Mûhlbach  le  24  (i5  novçmbre),  me  firent 
ce  juger  que  les  divisions  du  Yorarlberg  cher- 
ce  cheraient  à  prendre  la  même  direction ,  et 
(X  qu'elles  tomberaient  en  notre  pouvoir,  si 
ce  elles   nous    trouvaient    en    possession   du 
ce  point  important  de  Botzen ,  où  se  ré  unis- 
ce  sent  les  trois  grandes  vallées  et  toutes  les 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  9 5 

((  communications  de  la  Carinthie,  de  l'Italie 
«  et  du  Vorarlberg.  J'ordonnai  en  consé- 
((  quence  au  général  Loison  de  s'y  porter 
«  avec  la  brigade  Rognet  et  la  cavalerie  lé- 
«  gère  du  colonel  Colbert.  Je  fis  marcher 
((  sur-le-champ  le  général  Vondeweit  sur 
(c  Brixen  avec  les  20^  el  27^  régimens,  et  ne 
(c  tardai  pas  à  diriger  sur  le  même  point  le 
((  général  Mahleretle  69®  régiment,  qui  reçut 
((  ordre  de  redescendre  la  vallée  de  l'Inn. 

((Par  ces  dispositions ^  je  portais  toutes 
((  les  troupes  disponibles  sur  le  point  impor- 
«  tant,  et  je  les  soutenais  successivement 
«  par  tous  les  moyens  que  je  pouvais  réunir. 

«  Le  5o^  régiment  fut  détaché  pour  re- 
((  monter  la  vallée  de  l'Inn,  harceler  l'en- 
((  nemi,  et  compléter  son  investissement  du 
((  côté  de  Meran.  Le  colonel  La  Martinière 
«  entra  le  24  à  Landech ,  au  moment  où 
<!t  l'ennemi  en  sortait.  Il  prit  six  pièces  de 
(C  canon  et  beaucoup  de  bagages.  Son  déta- 
<f  chement  marcha  successivement  jusqu'à 
((  SchlanderSj  où  il  était  déjà  le  27  brumaire 
((  (  18  novembre). 


g6  PRJtCIS 

c(  Ce  mouvement  du  5o^  devait  être  d'abord 
«  soutenu  par  le  5g^;  mais  je  me  décidai  à 
ce  porter  ce  régiment  sur  Brixen. 

«  Au  lieu  (le  suivre  mes  instructions,  et  de 
c(  porter  six  bataillons  à  Botzen,  le  général 
c(  Loison  n'y  conduisit  le  26  brumaire  (  17 
c(  novembre)  qu'un  bataillon  du  76*  régi- 
cc  ment,  les  grenadiers  de  sa  division  ,  et  un 
ce  détachement  du  25^  Celte  petite  troupe 
c(  fut  encore  dispersée  à  Morizingy  Saint- 
<i  Colmaiij  Botzen ,  etc.,  quoique  ce  général 
ce  fut  informé  de  l'avant-garde  de  l'ennemi 
ce  à  Terlan,  et  des  efforts  qu'il  faisait  pour 
ce  déboucher.  > 

ce  Le  prince  de  Rohan  ayant  concentré 
ce  son  mouvement  avec  les  Tyroliens ,  fit 
ce  attaquer  nos  avant-postes  le  27  (18  no- 
ce vembre),  à  trois  heures  après  midi,  et  les 
ce  repoussa  jusqu'au  pont  de  l'Adige  ;  V^n- 
ce  nemi  se  déployant  alors  à  droite  et  à  gau- 
ce  che ,  chercha  à  tourner  les  troupes  qui  le 
e<  défendaient.  Malgré  leur  fermeté,  ces  trou- 
ce  pes  assaillies  par  les  habitans  même  de  la 
ce  ville ,  et  par  des  forces  supérieures ,  furent 


DES    EVENEMEIVS    MILITAIRES.  C)n 

a  forcées  d'abandoîiiier  leur  poste  ;  elles 
«se  retirèrent  avec  ordre,  reçurent  à  !a 
«  buïon nette  plusieurs  charges  de  cavalerie, 
«  tuèrent  beaucoup  de  monde  et  vinrent 
«  prendre  position  derrière  Botzen.  Au 
c<  même  instant  toute  la  vallée  parut  cou- 
a  verte  de  feux  et  de  paysans  armés;  ce 
a  mouvement  inattendu  ,  opéré  sur  les  der- 
«  rières  de  nos  troupes  ,  décida  une  marche 
«  rétrograde. 

«  Attaqués  de  toutes  parts ,  nos  soldats  ont 
a  marché  sur  les  Tyroliens  avec  audace,  les 
oc  ont  dispersés  ,  et  se  s<:)nt  retirés  jusqu'à 
«  Coîman  et  Plausen. 

a  Le  prince  de  Rohan  a  profité  de  ce  mo- 
«  ment  favorable  pour  filer  sur  Lawis,  où  il 
ce  a  passé  la  nuit. 

a  J'arrivai  le  28  (  ig  novembre)  à  Brixen^ 
«  et  donnai  de  suite  Tordre  de  se  porter 
«  sur  Botzen  le  lendemain  à  six  heures  du 
<(  matin;  les  paysans,  au  nombre  de  douze 
ce  cents,  commençaient  à  tirailler  avec  la  tête 
ce  de  la  colonne  près  de  Colman ^  lorsqu'oa 
«  parvint  à  leur  faire  entendre  le  langage  de 
14.  ^  7 


g8  PRÉCIS 

<c  la  raison  ,  et  à  les  renvoyer  dans  leurs 
a  foyers  ;  nous  arrivâmes  le  soir  même  à 
«  Botzen. 

c(  Le  5o  (  21  novembre  )  au  matin  ,  je  por- 
(c  lai  sur  Trente  un  détachement  commandé 
«  par  le  colonel  Colbert,  avec  ordre  d'éclai- 
<(  rer  les  mouvemens  du  prince  de  Rohan , 
((  qui  me  paraissaient  dirigés  sur  Fenise  ;  je 
((  le  chargeai  d'infm mer  de  ces  mouvemens 
((  les  troupes  de  l'armée  d'Italie,  afin  de  les 
(c  arrêter  si  cela  était  possible....  » 

Nous  avons  dit  pitis  haut  comment  ce 
corps  autrichien,  auquel  Fîmprévoyance  du 
général  Loison  avait  ouvert  un  passage,  con- 
tinua sa  marche  par  la  vallée  de  la  Brenla 
sur  Bassano y  et  fut  battu  et  pris  par  le 
général  Saint -Cyr;  il  nous  suffit  de  le 
rappeler  à  nos  lecteurs  ,  qui  trouveront 
en  entier,  aux  Pièces  justificatives,  la  dé- 
pêche dont  nous  avons  seulement  donné  ici 
l'extrait. 

Le  maréchal  Ney ,  avec  tout  le  reste  de  ses 
troupes,  poursuivit  dans  le  Pusterthal  le 
corps  d'armée  de  l'archiduc  Jean  qui  se  reti- 


DES    ÉVÉJîfEMENS    MILITAIRES.  qg 

raiten  très  bon  ordre  ;  il  était  alors  composé 
du  fond  de  quatre  divisions  que  ce  prince 
avait  pu  rallier  pendant  qu'il  tenait  la  posi- 
tion du  Brenner ;  c'étaient,  celle  du  général 
Hiller,  qui  ,  aj^ant  évacué  le  Tyrol  italien, 
était  remontée  par  Botzen  ^  avant  le  passage 
du  prince  Rohan  ;  celle  du  général  Chatcler 
revenant  i\e  Radstadt ^  celles  du  général  Mi- 
Irowski  et  du  général  Saint-Julien.  Ces  divi- 
sions furent  disposées  en  échelons  à  distance 
d'une  marche,  formant  chacune  deux  têtes 
qui  devaient  au  besoin  servir  d'avant-garde 
ou  d'arrière-garde,  dans  le  cas  où  quelques 
troupesdeParmécdeMasséna  parviendraient 
à  couper  la  route  entre  deux  divisions.  L'ar- 
chiduc Jean  établit  successivement  la  divi- 
sion du  général  Mitrowski  à  Cortina  et  Mena 
sur  les  débouchés  de  la  Piave;  il  détacha  le 
général  Siegenthal  avec  douze  bataillons  pour 
occuper  la  position  de  Tarais.  Sa  dernière 
arrière  garde  fut  poursuivie  jusqu'à  Lientz , 
d'où  le  général  Chateler  fut  détaché  vers 
Mur  au  et  Judenbourg ,  pour  repousser  les  ' 
partis  du  corps  d'armée  du  général  Marmout 


1  oo  1»  n  É  c  I  s 

qui  se  répandaient  dans  la  haute  vallée  de  la 

Mur. 

La  retraite  de  l'archidnc  Jean  devant  les 
forces  très-inférieures  du  maréchal  Ney  fut 
si  prompte,  que  la  tête  de  ses  échelons  arriva 
le  17  novembre  à  Fillach  'Après  une  marche 
de  cinquante  lieues  dans  ces  âpres  mon- 
tagnes: le  20,  toute  son  armée  fut  réunie  à 
Klagenfurty  et  le  Tyrol  fut  entièrement  aban- 
donné aux  Français.  Il  est  assez  remarquable 
que  l'armée  de  l'archiduc  Jean  marchait,  du 
côté  du  nord,  au  revers  de  la  même  chaîne 
de  montagnes,  au  pied  desquelles,  du  côté 
du  sud  ,  marchait  parallèlement  l'armée  du 
maréchal  Masséna,  et  que  Fun  et  l'autre  ob- 
servant les  débouchés  ,  ignoraient  également 
leur  position  respective.  Ainsi ,  le  jour  même 
de  l'attaque  de  l'arrière-garde  de  l'archiduc 
Charles  sur  l'Isonzo,  l'archiduc  Jean  se  trou- 
vait à  Villach  à  peu  près  à  quinze  lieues  de 
distance  nord  et  sud  de  Gorizzia. 

La  communication  entre  les  deux  archi- 
ducs, de  Klagenfurth  à  Laybach^  étant  éta- 
blie, ils  combinèrent,  sans  obstacle,  leur 


DES  EVENEMENS  BIILITAIIÎES.  lOI 

maixlie  ultérieure  pour  opérer  la  joTiclion 
de  leurs  armées  :  le  prince  Charles  par  Tro- 
jana$dorfy  Cillj  et  TVindish-Feistritz,  et 
le  prince  Jean  par  Volkermarckl-ff^indish- 
Graiz  et  PP'indish-Feistritz,  La  jonction 
fut  effectuée  à  quatre  lieues  de  Marbourg 
sur  la  Drave;  rarchiduc  Charles  établit 
d'abord  son  quartier-général  à  Kraniks- 
feld  à  deux  lieues  de  Marbourg  ;  il  fit  re- 
pousser les  coureurs  du  général  Marmont 
qui  ,  élant  entré  à  Gratz  quelques  jours 
auparavant  ,  avait  envoyé  des  reconnais- 
sances jusqu^à  la  Drave,  et  se  préparait  à 
marcher  sur  Marbourg,  L'armée  autri- 
chienne extrêmement  fatiguée  prit  position, 
la  droite  à  Marbourg,  la  gauche  à  Gonowitz, 
la  réserve  à  Pettau,  et  son  arrière-garde  à 
Cilly^  où  Tarchiduc  Charles  retourna  et  fit 
ses  dispositions  pour  continuer  sa  retraite: 
il  était  alors  informé  de  la  prise  de  Vienne , 
des  premières  opérations  en  Moravie,  et  de 
la  joïiction  des  armées  russes;  il  devait  [)enser 
que  les  conseils  des  deux  empereurs  les  en- 
gageraient à  temporiser,  à  manœuvrer  par 


loi  PRÉCIS 

leur  gauche  pour  se  rapprocher  de  la  Hon-^ 
grie y  a6n  d'y  réunir  toutes  les  forces  ,  toutes 
.es  ressources  qui  auraient  mis  les  alliés  en 
mesure  de  reprendre  un  peu  plus  tard  l'of- 
fensive,  avec  l'avantage  du  nombre  et  celui 
que  leur  offraient  les  localités. 

Dans  celte  vuej'archiduc  Charles,  pendant 
les  trois  Jours  de  repos  qu'il  accorda  à  son 
armée,  avant  de  lui  faire  prendre  la  roule  de 
Hongrie j,  pourvut  à  la  défense  de  la  Cioatie  : 
il  ordonna  au  comte  de  Bellegarde,  qu'il  avait 
laissé  à  la  position  retranchée  à^Prévald,  de 
se  retirer  d'abord  sur  Neustadt ,  et  enfin  sur 
Harlstadt ,  avec  les  vingt-huit  bataillons  et 
les  douze  escadrons  qui  étaient  sous  ses  or- 
dres :  la  plus  grande  partie  de  ces  troupes 
étaient  depuis  peu  de  jours  sorties  de  Venise, 
et  avaient  été  transportées  par  mer  à  Aquila 
et  à  Trieste )  un  peu  avant  que  le  général 
Serras  se  portât  sur  celle  place  5  le  comte  de 
Bellegarde  avait  évacué  la  ville  de  Venise,  et 
laissé  seulement  une  forte  garnison  dans  les 
îles  de  Chioggia,  et  de  San-Secondo ;  il  avait 
immédiatement  quitté  Trieste,  et  avait  re- 


DES    JÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  Io5 

joint  rarmée  de  l'archiduc  Charles  au  camp 
de  Prévald. 

Aussitôt  que  le  maréchal  Masséna  fut 
informé  que  le  col  de  Rabettcheniza  élait 
abandonné ,  et  que  l'ennemi  s'était  retiré  par 
les  deux  chemins  ^'Iclria  el  de  LayhacJi  y  le 
général  Espagne  reçut  l'ordre  de  se  porter 
en  avant ,  cl  de  laisser  seulement  à  Prévald 
un  poste  assez  fort  pour  observer  les  roules 
de  Trieste  et  del'Istrie,  souvent  inquiétées 
par  les  hussards  et  les  Croalcs.  L'avantgarde 
française  arriva  à  hajhach  le  29  novembre , 
et  poussa  devant  elle  pour  la  dernière  fois 
les  arrière-gardes  de  l'ennemi  qui  se  retirait 
sur  Cillj  et  sur  Neustadt.  Le  maréchal ,  qui 
n'avait  eiicore  aucune  nouvelle  de  la  Grande- 
Armée,  chargea  un  officier  de  son  état  ma- 
jor, le  chef  d'escadron  Janiin  ,  de  pénétrer 
avec  un  petit  détacliement  de  dragons  dans 
la  vallée  de  la  Drave,  de  tâcher  de  passer 
entre  les  postes  ennemis,  et  de  pousser  sa 
reconnaissance  vers  la  Mur  aussi  loin  qu'il 
le  pourrait.  Ce  brave  officier  (  le  mérne  qui , 
depuis  général   et  major  des  grenadiers  à 


I04  PRÉCIS 


cheval  de  la  garde,  |)érit  gloiieuseinent  sur 
le  champ  de  bataille  de  Tf^aterloo)  remplit 
avec  aulant  de  bonheur  que  d'intelligence 
cetle  périlleuse  mission.  Il  rencontra  un  posle 
autrichien  près  de  Knittenfeldy  le  chargea, 
eut  deux  de  ses  dragons  tués  et  son  cheval 
blessé^ passa  à  travers,  et  poursuivit  sa  route» 
Il  arriva  à  Brugg ,  où  il  trouva  les  pre- 
iiiiers  postes  du  général  Marmont,  et  })orla 
lui-mcme  à  Tempereur  Napoléoj]  la  nouvelle 
de  la  prochaine  jonction  des  deux  armées 
françaises  d'Allemagne  et  d'Italie.  t)ans  le 
même  temps  ,  le  général  Laco«r ,  avec  sa  bri- 
gade de  dragons,  et  le  général  Lanchanliu 
qui  le  soutenait  avec  le  loi^  régiment  d'in- 
fanterie ,  descendaient  de  la  Chiusa  di  Pletz 
et  de  Tarais  à  Villach  dans  la  vallée  de  la 
Drave.  Ces  postes  étant  déjà  abandonnés, 
ils  arrivèrent  sans  rencontrer  d'obstacles, 
jusqu'à  Klagenfuj^th. 

Le  maréchal  Masséna  se  trouvait  ainsi  en 
mesure  de  communiquer  avec  le  corps  du 
général  Marmont,  et  de  combiner  ses  mou- 
Yemens  avec  ceux  de  la  Grande- Armée, 


T)rs  évjénemejVS  militaires.  io5 

selon  les  (  irconstanccs  et  les  ordres  qu'il 
recevrait  de  l'empereur.  Le  centre  de  son 
armée  et  son  quartier-général  étaient  à  Laj- 
bach;  il  n'étendit  pas  son  aile  gauche  au- 
delà  de  la  Drave.  Sa  droite,  en  avant  de 
Triesie y  était  encore  observée  et  inquiétée 
par  divers  corps  de  troupes  légères.  Trois 
bataillons  de  Croates  attaquèrent  vivement 
î'avant-garde  du  général.  Serras  à  Materia. 
Ce  général  reçut  ordre  d'attaquer  lui-même, 
et  de  rejeter  au-delà  de  Fiume  un  corps  de 
trois  à  quatre  mille  hommes  avantageuse- 
ment posté  dans  les  défilés  des  hautes  mon- 
tagnes qui  entourent  le  golfe  de  QuarTiero, 
et  à  travers  lesquelles  ont  été  ouvertes  à 
grands  frais,  sous  le  règne  de  Joseph  ii,  \^s 
belles  routes  de  la  Croatie. 

Le  général  Serras  faisant  éclairer  sa 
gauche  par  la  brigade  du  général  Guillet, 
se  porta  d'abord  avec  celle  du  général  Gilly 
sur  Lippa ,  à  l'embranchement  de  la  route 
de  hayhach y  pour  s'assurer  de  cette  com- 
inunication  par  Adelsherg  avec  l'avant- 
garde    et   le   centre   de   l'armée.    L'ennemi 


T06  PRÉCIS 

occupait  le  col  de  MarcelU  et  Saint-Mathia  ^ 
sur  la  route  du  golfe,  au-dessus  de  Flume. 
Avant  de  gravir  le  col ,  le  général  Serras  le 
fit  tourner,  et  lit  attaquer  Castua  par  son 
infanterie  légère,  à  laquelle  il  ordonna  d'y 
retenir  l'ennemi  par  une  vive  fusillade, 
sans  chercher  à  le  forcer.  Lorsque  l'affaire 
y  fut  bien  engagée,  il  attaqua  lui-même  à  la 
baïonnette  le  poste  de  MarcelU  y  qui  se  dé- 
fendit bien,  mais  qui  fut  enlevé.  Il  pour- 
suivit vivement  les  fuyards,  et  entra  dans 
Fiume  avec  eux  :  tout  ce  qui  était  à  Castua 
fut  contraint  de  mettre  bas  les  armes.  La 
division  française  réunie  occupa  Fiume  et 
Buccari  sur  la  route  de  Croatie.  Cette  affaire 
fut  conduite  avec  beaucoup  de  vigueur  et 
d'intelligence;  elle  coûta  peu  d'hommes  aux 
Français.  Les  Autrichiens,  au  contraire,  y 
laissèrent  beaucoup  de  morts,  et  douze  cents 
prisonniers. 

Là  se  terminèrent  les  opérations  de  l'ar- 
mée française  dans  l'Italie  supérieure.  Leur 
objet  principal  était  rempli;  toutes  les  forces 
que  Napoléon  avait  mises  en  mouvement  au 


DES    ÉVJÉNEMENS    MILITAIRES.  lO^ 

comiDencement  du  mois  d'octobre,  étaient  à 
la  un  de  novembre,  deux  ri] ois  après  l'ou- 
verture de  ia  campagne,  parfaitement  en 
ligne;  la  droite  aux  rivages  du  golfe  Adria- 
liqoe,  et  la  gauche  aux  frontières  de  la  Mo- 
ravie. Là  seulement,  les  alliés  ayant  la  supé- 
riorité du  nombre,  pouvaient  balancer  la 
fortune. 

Nous  devons  nous  hâter  d'offrir  à  nos  lec- 
teurs le  tableau  du  mémorable  événement 
qui  couronna  cette  campagne;  et  cependant, 
nous  ne  quitterons  pas  l'Ilalie  sans  avoir 
parlé  de  la  violation  de  la  neutralité  par  la 
cour  de  Naples,  et  de  la  diversion  tardive  faite 
dans  ce  royaume  par  les  Russes  et  les  Anglais. 

Les^deux  puissances  du  second  ordre,  le 
roi  de  Prusse  et  le  roi  des  Deux-Siciles,  qui 
n'avaient  point  encore  pris  une  part  active 
à  la  guerre  de  la  coalition  contre  la  France, 
n'en  avaient  été  détournées  que  par  le  danger 
auquel  ces  deux  souverains  étaient  plus  pro- 
chainement exposés,  de  supporter  les  pre- 
miers tout  le  fardeau  de  la  guerre,  s'ils  se 
fussent  ouvertement  déclarés.  Mais  il  était 


108  PRÉCIS 

facile  de  voit  que  le  cabinet  de  Londres  s'était 
assuré  de  leurs  intentions,  et  qu'il  leur  avait, 
pour  ainsi  dire,  permis  de  les  cacher  sous  le 
manteau  de  la  neutralité,  aussi  long-temps 
que  cette  dissimulation  serait  utile  à  la  réus- 
site du  plan  général  conçu  par  M.  Pitt.  Deux 
parties  importantes  tle  ce  plan  étaient  les 
grandes  diversions  à  opérer  au.^  deux  points 
les  plus  éloignés  du  principal,  théâtre  des 
opérations,  an  nord  par  les  bouches  de 
l'Elbe,  et  au  sud  par  le  golfe  de  Naples. 
L'Angleterre  concourait  par  sa  marine  à  ces 
deux  opérations  :  l'objet  de  la  première  était 
de  reconquérir  le  Hanovre;  celui  de  la  se- 
conde, d'arrêter  les  progrès  du  maréchal 
Masséna,  en  jetant  une  armée  sur  son  flanc 
et  sur  ses  derrières.  Nous  ne  parlerons  ici 
que  de  cette  dernière  expédition;  celle  du 
nord  trouvera  sa  place  dans  les  dernières 
négociations  de  la  cour  de  Berlin. 

Depuis  que  le  lieutenant-général  Gouvion- 
Saint-Cyr  avait  évacué  le  roj^aume  de  Na- 
ples, conformément  au  traité  de  neutralité, 
la  cour  ne  couvrait  plus  que  d'un  voile  très- 


DES    ÉVÉJVEMEJNS    MILITA [RES.  lOQ 

léger  ses  intelligences  avec  les  ennemis  de  hi 
France;  ils  étaient  ouvertement  accueillis 
et  protégés,  surtout  par  la  reine  qui  n'avait 
jamais  dissimulé  son  aversion  contre  les 
Français,  et  qui,  disciple  fidèie  du  fameux 
secrétaire  de  Florence ,  ne  se  crut  jamais 
liée  par  les  traités  que  la  force  imposait  à 
la  faiblesse.  La  Sicile  était  devenue  la  place 
d'armes  des  Anglais;  les  réclamations  du  mi- 
nistre français,  M.  Alquier,  n'étant  plus  sou- 
tenues par  la  présence  d'un  corps  d'armée, 
étaient  à  peine  écoutées,  et  restaient  sans 
réponse.  On  connaissait  les  apprêts  faits  à 
Corfou  pour  l'embarquement  des  nom- 
breuses troupes  russes  i-assemblées  dans 
les  îles  Ioniennes;  c'était  pour  donner  le 
change  sur  leur  destination,  que  les  géné- 
raux autrichiens  avaient  fait  répandre  la 
nouvelle  de  la  prochaine  arrivée  à  Venise 
de  ces  auxiliaires.  Une  escadre  anglaise  es- 
cortant un  nombreux  convoi,  s'était  mon- 
trée dans  les  eaux  de  l'ile  d'Elbe. 

Enfin  les  alliés  jetèrent  le  masque  :  celte 
mêm€  escadre,  renforcée  de  quelques  vais- 


IIO  PRÉCIS 

seaux  russes ,  mouilla  clans  le  golfe  de  Na- 
ples;  et  le  forl  Saint-Ehne  ayant  répondu 
aux  signaux  de  reconnaissance ,  elle  s^ap- 
procha  sans  opposition  avec  quatre-vingt-dix 
bâtiniens  de  transport  chargés  de  troupes. 
Le  lendemain,  treize  mille  six  cents  Russes, 
parmi  lesquels  se  trouvaient  deux  mille  Alba- 
nais ,  furent  débarqués  à  Naples  sous  le  com- 
mandement du  général  Andress,  etcinqmille 
six  cents  Anglais  débarquèrent  à  Castella- 
mare.  Tout  était  préparé  sur  ces  deux  points 
pour  les  recevoir;  le  roi  s'était  engagé  à  Join- 
dre à  cette  armée  toutes  les  troupes  napoli- 
taines,  environ  quarante  mille  hommes, 
dont  la  plus  grande  partie  était  déjà  dans  les 
Abruzzes,  ou  en  marche  pour  s'y  rendre. 

Toutes  ces  forces  devaient  être  réunies 
sous  le  commandement  en  chef  du  général 
russe  de  Lascy,  qui  depuis  six  mois  était 
à  Naples  avec  son  chef  d'état-major ,  le  gé- 
néral Hoppermann ,  et  s'occupait  secrète- 
ment de  la  topographie  miiitaire  du  pays  et 
des  apprêls  de  l'expédition.  L'artillerie  napo- 
litaine (organisée  avant  la  révolution  par 


I^ES    EVENEMENS    MILITAIRES.  III 

d'excellcHS  officiers  fiançais,  à  l'inslar  de 
rariillerie  française)  avait  été  récemment 
augmenlée;  on  recrutait  avec  activité  dans 
tout  le  royaume  pour  compléter  les  contin- 
gens  des  milices. 

Le  projet  du  général  Lascy  était  de  dé- 
boucher par  les  Abruzzcs,  et  de  porter  le 
gros  de  son  armée  en  Toscane,  d'où,  selon 
les  circonstances,  il  se  serait  jeté  au-delà  du 
Pô  sur  les  derrières  du  maréchal  Masséna, 
aurait  coupé  ses  communications  et  secondé 
les  efforts  des  Autrichiens  pour  reprendre 
l'offensive.  Les  mouvemens  (]es  escadres 
anglaises  sur  les  côtes  de  Toscane,  d'autres 
débarquemens  sur  les  côtes  de  l'Adriatique, 
entraient  dans  ce  plan  général  du  succès 
duquel  les  alliés  n'espéraient  rien  de  moins 
que  le  renversement  de  la  domination  dei 
Napoléon  en  Italie. 

La  cour  de  Naples  poussa  la  dissimulation 
jusqu'à  désavouer  par  un  acte  public ,  même 
après  le  débarquement ,  la  part  qu'elle  avait 
prise  à  cette  violation  du  traité  de  neutra- 
lité. La  légation  de  France  ayant  à  l'insLaut 


H2  PRECIS 

même  fait  abaltie  les  armes  et  le  pavillon, 
et  M.  Alquier  ayant  demandé  ses  passeports, 
le  premier  ministre  Louis  de  Médici  publia, 
au  nom  du  roi,  une  proclamation  dans  la- 
quelle il  s'exprimait  ainsi  :  «  L'arrivée  de 
<(  Fescadre  ai iglo- russe  dans  cette  rade  ayant 
((  donné  lieu ,  au  grand  déplaisir  de  sa  ma- 
li  j esté  sicilienne^  au  bruit  que  la  légation  et 
«  le  consulat  français  avaient  relire  les  ar- 
ec mes  de  leur  souverain  ».  Un  tel  manque- 
ment de  foi,  qui  ne  pouvait  être  coloré  par 
aucun  prétexte,  ne  saurait  êlre  blâmé  trop 
sévèrement.  On  ne  peut  donner  aux  sou- 
verains de  plus  funeste  conseil  que  celui  de 
s'affranchir  spontanément  des  engagemens 
contractés  en  leur  nom  :  le  coup  qu'ils  por- 
tent ainsi  de  leurs  royales  mains  à  la  morale 
publique,  est  à  la  fois  un  sacrilège;  et  c'est 
aussi  un  suicide  du  pouvoir,  car  l'histoire 
offre  peu  d'exemples  de  son  impunité. 

M.  Alquier,  en  se  retirant  à  Rome  auprès 
du  cardinal  Fesch  ,  alors  ambassadeur  de 
France  près  le  Saint-Siège,  se  hâta  d'informer 
le  vice-roi  à  Milan  ^  et  le  général  Verdier  à 


DES    EVJENEMENS    MILITAIRES.  n3 

Liivourney  de  ce  qui  se  passait  à  Naples.  Il 
les  prévenait  que  toutes  les  troupes  débar- 
quées alJaient  se  mettre  en  marche.  Le  dan- 
ger était  pressant;  les  moyens  de  défense 
étaient  faibles  et  disséminés,  toutes  les  res- 
sources ayant  été  réservées  à  Tannée  du  ma- 
réchal Masséna  qui  se  trouvait  alors  en  Ca- 
rinthie,  poursuivant  l'armée  de  l'archiduc 
Charles,  et  hors  de  mesure  de  concourir  à 
la  défense  intérieure  du  royaume  d'Italie. 

Le  prince  vice -roi  prit  sur-le-champ, 
avec  autant  <l'activité  que  de  prudence,  les 
plus  justes  mesures  et  réunit  des  forces  suf- 
fisantes pour  arrêter  cette  invasion  inatten- 
due des  Anglo-Russes  et  des  Napolitains;  le 
résultat  de  ces  dispositions  est  très -claire- 
ment développé  dans  la  dépêche  que  ce 
prince  adressa  au  maréchal  Masséna  à  ce 
sujet,  et  que  nous  n'avons  pas  manqué  de 
comprendre  dans  les  pièces  justificatives  ; 
il  ordonna  d'abord  au  lieutenant  -  général 
Saint-Cyr ,  qui  venait  de  reprendre  sa  posi- 
tion devant  Venise ^  après  avoir  battu  et 
détruit  le  corps  du  prince  de  Rohan  ,  de  n'y 
14.  8  ' 


1  1  4  IMl  É  C  I  s 

laisser  qu'an  petit  corps  d'observation  ,  et 
de  se  rendre  à  Bologne  le  plus  tôt  possible  , 
avec  le  plus  grand  nombre  de  troupes  dont 
il  pourrait  disposer  :  il  dirigea  aussi  sur 
Bologne  les  troupes  françaises  et  italien  nés 
qu'il  retira  (\qs  places  dont  elles  formaient 
les  garnisons,  et  les  fit  remplacer  par  des 
bataillons  de  gcirdes  nationales.  Indépen- 
damment de  cette  réserve  de  dix-huit  mille 
hommes  de  troupes  de  ligne,  en  y  conipre- 
nant  celles  du  général  Saint-Cyr,  le  prince 
Eugène  rassemblait  sur  le  même  point  viiigt- 
cinq  mille  hommes  de  gardes  nationales, 
dont  dix  mille  des  milices  des  étals  de 
Parme.  Eniin,  les  troupes  que  le  général 
Sainl-Cyr  avait  laissées  à  Ancône.,  sous  les 
ordres  du  général  Grenier,  et  celles  que  le 
général  Verdier  rassemblait  à  Livourney  de- 
vaient manœuvrer  selon  les  mouvemens  de 
Fennetni. 

Nous  croyons  avoir  successivement  exposé 
toutes  les  parties  du  vaste  plan  de  guerre 
continentale,  dirigé  par  le  cabinet  de  Lon- 
dres. On  doit  reconnaître  que  ce  plan  fut 


DES    KVÉNEMEISS    MILITAIRES.  Il5 

tracé  par  une  habile  main,  et  combiné  de 
manière  que  si  les  armées  des  deux  empe- 
reurs étaient  réunies  avant  de  rien  entre- 
prendre, et  que  leur  supériorité  numé- 
rique eût  servi  seulement  à  gagner  du  temps, 
en  balançant  les  succès,  toutes  les  puis- 
sances du  second  ordre  eussent  été  forcées 
de  prendre  une  part  active  aux  opérations. 
C'est  cette  profonde  combinaison  que  Na- 
poléon pressentit,  et  qu'il  déjoua  par  sa 
marche  sur  Ulm;  i^iarche  vsi  savante  et  si 
rapide,  qu'elle  élait  au-delà  de  tous  les 
calculs.  Après  la  destruction  d'une  armée 
de  cent  mille  hommes  (plus  du  tiers  de 
leurs  forces),  après  la  perle  de  la  capitale 
et  des  plus  belles  provinces  de  la  monarchie 
autrichienne,  les  alliés  se  flattaient  encore 
de  réparer  en  un  jour,  et  par  une  seule  vic- 
toire, leurs  fautes  et  leurs  disgrâces,  et  de 
reprendre  ensuite  l'exécution  du  plan  avorté. 


Il6  PKÉCiS 


CHAPITRE  XII. 


Suite  des  opérations  en  Moravie,  —  Position 
respective  des  années  entre  Briinn  et 
Olmiitz.  —  Négociations  simulées,  —  Les 
alliés  prennent  l'offensive.  —  Le  prijice 
Bagration  fait  replier  V avant- garde  fran- 
çaise, —  Napoléon  concentre  ses  forces, 
—  Dispositions  des  deux  années  en  pré- 
sence. —  Bataille  ^/^Àusterlilz.  —  Défaite 
des  alliés.  —  Retraite  des  Russes.  — 
Entrevue  des  empereurs  Napoléon  et 
François  ii.  —  Armistice  ^  négociations 
ouvertes  à  Presbourg.  —  Nouvelles  dispo- 
sitions de  Napoléon.  —  Traité  de  paix 
entre  la  France  et  P Autriche. 

Le  mouvement  Uès-hardi  qu'avait  fait  l'em- 
pereur Napoléon  en  se  portant  sur  Brûnn 
avec  sa  réserve ,  et  jetant  vers  Austerlitz  le 
corps  entier  du  uiaréchal  Soult  sur  le  flanc 
de   l'ennemi ,   avait   forcé   les  alliés    à   lui 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  II7 

abandonner  )a  place  de  Brûnn.  Elle  eût  été, 
sans  don  le,  nn  appui  très-ntile  pour  le  rallie- 
ment de  Farniée  combinée,  si  elle  eût  été 
mise  en  état  de  défense.  Ce  fui  une  grande 
faule  que  celle  d'avoir  négligé  un  point  si 
important  entre  Vienne  et  Olmïdz ,  puis- 
qn'en  s'éloignant  du  Danube,  on  transpor- 
tait le  théâtre  de  la  guerre  au  cœur  de  la 
Moravie.  Napoléon,  qui  saisit  au  premier 
aspect  de  celle  position  centrale  tout  ce 
qu'elle  lui  offrait  d  avantages,  se  hâla  de 
l'étendre,  et  ordonna  au  prince  Murât  de 
})ousser  aussi  loin  qu'il  le  pourrait  Tarrière- 
garde  du  général  Kutasow.  Celte  arrière- 
garde,  renfcjrcée  par  une  partie  de  la  cava- 
lerie de  la  seconde  armée  russe  du  général 
Bnxowden,  qui  s'était  avancée  en -deçà  de 
TFischau ,  présenta  une  ligne  de  cinq  cà 
six  mille  chevaux ,  et  tint  ferme  sur  unç. 
position  élevée  près  de  la  maison  de  poste 
de  Posorzitz.  Les  premières  charges  des 
troupes  légères  françaises  furent  repoussées; 
le  colonel  Durosnel  (le  même  qui  fut  depuis 
l'un  des  aides-de-eamp  de  Napoléon)  attaqua 


1  î  8  T>  R  É  C  i  s 

le  premier,  fut  blessé  et  renversé  de  son 
cheval.  Murât  lit  alors  avancer  la  division 
de  cuirassiers  du  général  d'Hautpoul,  qui 
chargea  vigoureusement  les  cuirassiers  et  les 
dragons  russes,  et  leur  fit  perdre  du  terrain. 
Le  maréchal  Bessières,  à  la  tête  de  quatre 
escadrons  de  la  gai  de,  acheva  de  les  cul- 
buter, et  les  rejeta  au-delà  de  la  jonction 
des  routes  fYOImutz  et  à^j4usterlitz.  Ce 
combat  fut  très- vit',  et  tout  à  l'avantage  de 
la  cavalerie  française.  Les  Russes  laissèrent 
environ  deux  cents  de  leurs  cuirassiers  ou 
dragons  d'élite  sur  le  champ  de  bataille,  et 
se  retirèrent  sur  PP^lschau ^  qu'ils  abandon- 
nèrent le  lendemain. 

L'armée  combinée,  qui  s'était  d'abord, 
comme  nous  l'avons  dit,  réunie  à  Wiscliau , 
en  était  partie  le  jour  même  de  cet  engage- 
ment pour  rétrograder  et  se  concentrer  sur 
Olmûtz.  Elle  occupa  le  q5  novembre  une 
belle  position  en  arrière  à^OIlschau^  à  une 
lieue  de  la  place;  le  centre  coupait  la  grande 
route;  la  droite  s'étendait  sur  les  hau- 
teurs^ en  arrière  de  Tobolau^  et  la  gauche 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  II9 

s'appuyait  à  la  Mardi.  Le  corps  autrichien  , 
sous  les  orcIrBS  du  prince  Jean  de  Lichlen- 
slein,  formait  la  réserve,  et  bivouaquait  sur 
les  hauteurs  de  Schahelin ,  pour  assurer  Je 
passage  et  le  point  de  retraile  au-delà  de  la 
March.  On  avait  cousiruit  plusieurs  ponts 
sur  cette  rivière,  entre  Nimlau  et  Olmïdz ^ 
pour  faciliter  ce  mou  vement  en  cas  de  revers. 
Cette   position  défensive,   soutenue   par 
la  forteresse,  oflVait  de  grands  avantages. 
Comme  elle  était  élevée  depuis  les  hauteurs 
de iVrâ/az/ jusqu'à  la  droite,  on  pouvait,  en 
cas  d'attaque,  découvrir  à  une  lieiie  devant 
soi  la  hgne  de  bataille  et  les  manœuvres  de 
l'ennemi;  la  pente  cependant  était  douce  et 
fiivorable  aux  feux  rasans  de  l'artillerie  sur 
tout  le  front  de  la  position.  Derrière  ces 
hauteurs,  de  larges  ravins,  peu  profonds, 
et  des  ondulations  de  terrain,  ofiraient  des 
abris,   et  les   moyens  de  cacher  de  fortes 
colonnes,  et  de  manœuvrer  hors  de  vue. 
Quelques  points  dominans  étaient  propres  à 
l'emplacement  de  batteries,  et  se  trouvaient 
assez  rapprochés  pour  se  flanquer  récipro- 


I  2  O  PRECIS 

quetuenL  Un  marais  couvrait  la  droite  et 
une  partie  du  centre;  une  petite  rivière  (la 
Biata)  coulait  au  pied  des  hauteurs,  et  formait 
un  vetranchementnaturelpourles  tirailleurs^ 
L'avant-garde,  sous  les  ordres  du  prince 
Bagration,  était  à  Prosnitz ,  et  celte  des 
Autrichiens,  sous  les  ordres  du  général 
Kienmayer,  à  Kralitz.  Les  alliés  avaient 
poussé  de  forts  partis  sur  leur  gauche,  pour 
couvrir  leurs  communications  avec  la  Hon- 
grie. Ces  partis  repoussèrent  celui  que  le 
maréchal  Soult  avait  envoyé,  sous  les  ordres 
du  colonel  Franceschi ,  sur  Goeding  et  Hra- 
disk,  pour  éclairer  les  rives  de  la  March, 
et  se  rendirent  maîtres  du  cours  de  la  ri- 
vière dans  celte  partie.  Le  général  Kutusow 
détacha  aussi  de  sa  droite  quelques  troupes 
légères,  qui  marclièrent  sur  Zi\^ittau ^  pour 
se  mettre  en  communication  avec  celles  de 
Tarchiduc  Ferdinand,  qui  était  alors  à 
Czalau. 

Après  la  jonction  des  deux  armées  de 
Kutusow  et  de  Buxowden  ,  les  alliés  pou- 
vaient et  n'osèrent  pas  marcher  sur  Brunn 


DES    ÉVÉJYtMEKS    MiLlTAlKES.  12  1 

et  sur  Austerlitz  avant  que  Napoléon  eût 
achevé  son  mouvement  et  se  fût  affermi 
dans  ces  positions.  C'eût  été  une  résolution 
audacieuse;  celle  qui  prévalut  dans  le  con- 
seil tenu  par  les  deux  empereins  à  Tf^is- 
chau  était  plus  sage.  L'arrivée  prochaine 
des  dix  bataillons  et  des  dix-huil  escadrons 
de  la  garde  russe,  qu'amenait  le  grand-duc 
Constantin  ,  et  qui  furent  rendus  à  Olm'ùtz 
le  25  novembre,  était  d'une  grande  impor- 
tance. On  attendait  aussi  un  renfort  de  dix 
juille  Russes,  sous  les  ordres  du  général 
Essen ,  et  l'armée  combinée  devait  sous  peu 
de  jours  se  trouver  forte  de  plus  de  quatre- 
vingt-dix  mille  hommes.  Au  lieu  de  vouloir 
assez  inutilement  reconquérir  la  partie  de 
la  Moravie  occupée  par  les  Français,  cette 
armée,  presque  d'un  tiers  plus  forte  que 
celle  que  Napoléon  pouvait  réunir,  sûre  de 
n'être  point  attaquée  dans  son  excellente 
position  devant  Olmûtz ^  pouvait  tempori- 
ser ,  préparer  son  mouvement  vers  la  Hon- 
grie,  en  feignant  de  manœuvrer  par  sa 
droite,  et  ne  reprendre  l'offensive  qu'après 


J22  PRÉCIS 

sa  ionclion  avec  l'archiduc  Charles,  que 
rien  ne  pouvait  pins  empêcher.  Une  année 
de  cent  soixante  mille  hommes,  ayant  der- 
rière elle  tontes  les  ressources  de  la  Hongrie, 
marchant  sur  Vienne,  et  manœuvrant  suf 
les  deux  rives  du  Danube,  aurait  certaine- 
ment obligé  les  Français  à  évacuer  la  Mo- 
ravie et  l'Autriche  inférieure.  Ce  plan  de 
guerre  était  le  plus  raisonnable;  c'était  aussi 
celui  que  l'empereur  Napoléon  redoutait  le 
plus,  parce  que  la  Prusse  n'aurait  pas  man- 
qué d'y  prendre  part,  et  que  ses  armées, 
soldées  par  l'Angleterre,  et  déjà  en  mouve- 
ment, n'avaient  que  quelques  marches  à 
faire  pour  se  porter  sur  le  haut  du  Danube, 
couper  la  ligne  d'opération  de  la  Grande- 
Armée  française,  et  rendre,  en  cas  de  re- 
vers, sa  retraite  très -difficile,  sinon  désas- 
treuse. 

Napoléon,  ne  se  dissimulant  pas  ce  danger 
et  la  gravité  des  circonstances,  désirait  d'être 
atlaqué  et  de  combattre  sur  le  terrain  qu'il 
occupait,  et  qu'il  avait  si  bien  étudié;  il  fit 
tous  ses  efforts  et  mit  beaucoup  d'habileté 


DLS    EVENOJKKS    MILITAIRES.  125 

pour  y. illiier  l'ennemi;  il  feignit  de  craindre 
ce  qu'il  souhaitait  ardemment;  il  resserra 
SCS  cantonnemens  ,  fit  retrancher  tous  les 
points  qui  en  étaient  susceptibles;  il  ne  per 
mit  pas  la  moindre  entreprise  sur  les  avant- 
postes  des  alliés  ,  et  se  borna  à  faire  bien 
observer  leur  flanc  gauche  sur  la  March  : 
ceiMain  de  réunir  à  temps  toutes  ses  forces 
s{ir  le  champ  de  bataille  qu'il  avait  reconnu 
cl  déterminé  ,  il  laissa  le  corps  du  maréchal 
Lernadotte  à  Iglau,  sur  la  route  de  Bohème , 
n'ayant  que  deux  marches  à  fliire  au  premier 
avis  pour  arriver  à  son  poste,  à  la  gauche 
de  la  ligne  de  bataille.  La  division  Caffarelli, 
détachée  du  corps  du  maréchal  Davoust , 
était  à  Pohrlitz,  et  le  maréchal  lui-même, 
avec  une  de  see  divisions,  ceJle  du  général 
Priant,  avait  ordre  de  se  rendre  à  l'abbaye 
de  Rajrgern,  à  deux  lieues  seulement  de  la 
ligne  dont  il  devait  former  la  droite.  La 
5^  division  de  ce  corps  d'armée  ,  celle  du 
général  Gudin ,  occupait  Presbourg,  et  se 
trouvait  ainsi  à  trois  fortes  rnaicliesdu  point 
de  coiiceulralion.  Tout  fut  prévu ,  même  la 


1^4  PKÊCIS 

perte  de  la  bataille  :  la  ligne  de  retraite  était, 
dans  ce  ras,  doublement  indiqjiée,  soit  sur 
le  Danube  par  le  pont  de  Krems  soigneuse- 
ment gardé  ;  soit  vers  la  Bohême,  par  Jglaii. 

Immobiles  dans  leurs  positions  respec- 
tives, sous  Olmiïtz  et  sous  Br'ùnn  à  quinze 
lieues  l'une  de  l'autre  ,  n'ayant  qu'une  mar- 
che d'intervalle  entre  leurs  avant-gai  des  ,  les 
deux  armées  s'observaient  et  se  mesuraient. 
Celle  des  alliés  ,  après  l'arrivée  de  la  réserve 
du  grand-duc  Constantin  ,  se  trouva  forte  de 
quatre-vingt-dix  mille  hommes  ;  l'armée 
française  n'en  pouvait  opposer  que  soixante- 
cinq  mille.  Le  matériel  de  l'artillerie  était 
dans  une  proportion  fort  inégale,  et  l'avan- 
tage du  nombre  de  pièces  était  au  moins  d'un 
tiers  de  plus  du  côté  des  alliés. 

Les  choses  en  étant  à  ce  point  qu'une  ba- 
taille décisive  était  imminente,  on  dut  s'éton- 
ner de  voir  arriver  à  Brûnn  deux  plénipo- 
tentiaires autrichiens,  les  comtes  de  Giuiay 
et  de  Stadion  ,  chargés  de  proposera  F  em- 
pereur Napoléon  cV ouvrir  avec  lui  des  né- 
gociations   pour  la  paix  y  aussitôt  que  les 


'    DF.8    ÉVENEMENS    MILITAIBES.  125 

mesures  -pour y  parvenir  auraient  été  concer- 
tées avec  l'empereur  Alexandre.  (Nous  nous 
servons  ici  des  propres  expressions  du  comte 
de  Stahremberg ,  ambassadeur  d'Autriche, 
dans  un  mémoire  communiqué  à  la  cour  de 
Londres,  et  depuis  iridiscrètement  publié 
par  le  ministère  anglais.  )  Napoléon  ne  put 
croire  à  la  sincérité  de  ces  ouvertures  ,  il  les 
considéra  comme  une  ruse  de  guerre;  il  ré- 
pondit que  si  les  deux  empereurs  deman- 
daient un  armistice,  il  y  pourrait  consentir, 
et  qu'alors  seulement,  on  pourrait  poser  les 
bases  d'une  négociation  ;  qu'en  attendant, 
les  plénipotentiaires  devaient  se  rendre  à 
Vienne  pour  en  conférer  avec  son  ministre 
des  affaires  étrangères  le  prince  de  Bénévent^ 
qui  venait  d'y  arriver. 

Ces  négociateurs  fuient  suivis  de  près  par 
le  ministre  prussien  iVHaugwitZy  qui,  re- 
tenu à  Iglau  avec  toutes  sortes  d'égards  et 
d'honneurs  par  le  maréchal  Bernadotte  à  qui 
'l'ordre  en  avait  été  donné,  feignait  un  vif 
empressement  de  remplir  sa  mission  que  la 
politique  tortueuse   du   cabinet  de   Berlin 

V 


T26  PRÉCIS 

avait  à  dessein  retardée.  Napoléon  ne  lui 
laissa  pas  le  temps  de  développer  ses  griefs  «ur 
la  violation  de  la  neutralité  ,  bien  moins 
encore  les  motifs  et  les  conditions  du  mena- 
çant ultimatum  arrêté  à  Postdam  avec  l'eni- 
pereur  Alexandre.  Après  une  courte  au- 
dience, il  le  congédia  et  l'envoya  à  Vienne ^ 
s'en  expliquer  avec  M.  de  Talleyrand. 

Il  était  évident  cpie  l'arrivée  des  renforts 
avait  enflé  le  cœur  des  ennemis.  L'impassi- 
bilité, l'altitude  défensive  du  conquérant^ 
avaient  persuadé,  surtout  aux  généraux 
russes,  que  les  affaires  des  Français  étaient 
embarrassées  ;  qu'ils  étaient  moins  forts 
qu'ils  n'affectaient  de  le  paraître;  enfin,  qu'il 
suffirait  de  marcher  contre  eux  avec  des 
forces  supérieures,  pour  imposer  la  paix,  ou 
les  forcer  à  la  retraite.  Telle  était  en  effet 
l'opinion  ,  tels  étaient  les  discours  au  quar- 
tier-général des  empereurs.  Napoléon  s'en 
assura  mieux  par  le  rapport  que  lui  en  fife 
son  aide-de-camp,  le  général  Savary,  qu'il* 
y  envoya  pour  complimenter  l'empereur 
Alexandre.  Il  fut  accueilli  par  ce  monarque 


DES    ÉVENEMÉIVS    MILITAIBE^.  I27 

et  par  le  prince  Conslanlin,  et  put  juger  de 
la  confiance  présomptueuse  de  tous  les  chefs 
de  l'armée.  Ils  entraient,  sans  s'en  aperce- 
voir, dans  les  combinaisons  de  l'empereur 
Napoléon;  ils  tombèrent  même  plus  tôt  qu'il 
ne  l'espérait,  par  une  circonstance  particu- 
lière ,  dans  le  piège  qu'il  leur  avait  tendu. 

Pendant  que  l'armée  française,  abondam- 
ment pourvue  de  vivres,  se  restaurait  dans 
de  bons  cantonnemens,  et  qu'une  discipline 
sévère,  secondant  une  administration  bien 
organisée,  ménageait  les  ressources  de  cette 
riche  partie  de  la  Moravie,  l'armée  alliée, 
au  contraire,  manquait  presque  totalement 
de  vivres  sous  les  remparts  d'Olmutz,  On 
n'avait  point  formé  de  magasins,  et  les  ré- 
quisitions, moyen  si  violent  dans  son  pro- 
pre pays,  avaient,  en  peu  de  jours,  épuisé 
les  villages  de  la  contrée.  L'indiscipline  et 
les  excès  allaient  croissant  avec  la  rareté  des 
subsistances  ;  les  ressources  des  provinces 
éloignées  ne  pouvaient  parvenir  que  très- 
difficilement,  les  Russes  ayant  enlevé  tous  les 
çlievaax  sur  leur  passage,  et  effrayé  la  popu- 


IS>8  PRÉCIS 

lation.  Les  troupes  murmuraient,  les  offi- 
ciers, moins  endurcis  que  leurs  soldats,  souf- 
fraient davantage  des  privations,  et  deman- 
daient qu'on  les  mer.àt  à  Tennemi.  Le  conseil 
assemblé  jugea  qu'il  était  impossible  de  sou- 
tenir plus  long- temps  Tarmée  dans  la  posi- 
tion à'OllschaUy  et  il  fut  décidé  qu'on  se 
porterait  en  avant.  Ce  mouvement  offensif 
fut  résolu  le  2/j  novembre,  précisément  le 
jour  et  au  moment  même  où  les  plénipoten- 
tiaires portaient  au  quartier-général  français 
des  paroles  de  paix;  l'armée  devait  se  mettre 
en  marche  le  lendemain  ;  mais  le  manque  de 
vivres  força  de  différer  encore  de  deux  jours. 
Quelques  critiques  ont  prétendu  que  ce  re- 
tard avait  été  la  première  cause  du  désastre 
de  l'armée  combinée ,  parce  que  le  corps  du 
maréchal  Bernadotte,  qui  n'arriva  sur  le 
terrain  que  la  veille  de  la  bataille,  n'aurait 
pu  s'y  trouver,  si  les  alliés  eussent  marché 
deux  jours  plus  toi.  C'est  une  fausse  conjec- 
ture;  les  ordres  étaient  donnés  d'avance; 
les  heures  de  marche  étaient  comptées;  les 
avis    étaient  donnés   avec   la  plus  grande 


DES    EVENEMEWS    MILITAIRES.  329 

célérité  au  moindre  mouvement  de  ravanl- 
garde  russe;  il  ne  pouvait  donc  y  avoir  de 
isurprise,  et  la  réunion  aux  points  indiqués 
était  infaillible.  Nos  lecteurs  se  convaincront 
de  cette  vérité,  s'ils  veulent  parcourir  les 
extrailsdu  livre  d'ordres,  et  les  dispositicns 
générales  dictées  par  Napoléon. 

Le  2^  novembre  Farmée  combinée  se  mit 
€n  marche  pour  se  rapprocher  de  son  avant- 
gard€.  Le  prince  Bagration,  qui  la  comnian- 
dait,  reçut  l'ordre  de  ne  faire  ce  jour-là 
aucun  mouvement,  afin  de  dérober  à  l'en- 
nemi celui  du  gros  de  l'armée,  et  de  ne  })as 
troubler  sa  sécurité.  L'armée  combinée  mar- 
cha sur  cinq  colonnes,  et  par  des  roules  à 
peu  près  parallèles  ;  les  deux  premières,  sous 
les  ordres  des  lieutenans  généraux  Wimpfen 
et  Langeron,  formaient  l'aile  droite  :  elles 
suivirent  le  pied  des  montagnes  de  moyenne 
hauteur  qui  séparent  la  Schwartza  de  la 
March.  La  troisième  colonne,  centre  de  l'ar- 
mée, sous  les  ordres  du  lieutenant-général 
Przybyszewsky ,  suivit  la  grande  route  de 
Brûnn^  se  maintenant  un  peu  en  arrière  de 
14.  9 


l5o  PRÉCIS 

Taile  droite.  Les  quatrième  et  cinquième 
colonnes  formant  l'aile  gauche,  sous  le  com- 
mandement du  prince  Jean  de  Lichtenstein  , 
marchaient  un  peu  plus  en  arrière  en  se 
refusant  pour  laisser  gagner  du  terrain  à 
l'aile  droite.  Le  général  Kutusow,  qui  se 
tenait  à  la  colonne  du  centre,  ignorant, 
ainsi  qu'il  l'avoua  lui-même,  la  véritable 
position  de  l'armée  française,  dirigeait  la 
marche  de  ses  colonnes  avec  beaucoup  de. 
précaution,  et  de  manière  à  déborder  la 
gauche  de  l'ennemi ,  s'il  le  rencontrait.  Mais 
bientôt,  informé  que  l'avant -garde  fran- 
çaise n'avait  fait  aucun  mouvement,  et 
n'avait  même  pas  été  renforcée,  il  ordonn^^ 
au  prince  Bagration  de  l'attaquer. 

Le  général  Treilhard  ,  qui  occupait  TJ>^is- 
chau  avec  deux  régimens  de  cavalerie  lé- 
gère, voyant  qu'il  allait  être  enveloppé  par 
trois  divisions ,  se  hâta  de  l'évacuer,  con- 
formément aux  ordres  qu'il  avait  reçus; 
mais  quelques  bataillons  d'infanterie  légère 
conduits  par  le  prince  d'Olgorouki  pénétrè- 
rent si  vivement  dans  la  ville,  déjà  tournée 


DES    EVÉNEMENS    MILITAIRES.  l3l 

par  la  cavalerie  autrichienne  du  général 
Kienmaj^er,  qu'une  centaine  de  chevaux  et 
trois  officiers  tombèrent  entre  les  mains  des 
Russes.  Le  prince  Murât  fit  avancer  une 
partie  de  sa  réserve  pour  protéger  la  rer 
traite  du  général  Treilhard  sur  Rausnitz, 
Ce  petit  succès,  et  la  prompte  retraite  de  la 
première  avant-garde  française,  excita  l'ar- 
deur et  la  confiance  des  Russes  ;  le  soir 
même  ils  attaquèrent  Rausnitz.  Ce  poste, 
devant  lequel  le  prince  Bagration  déploya 
toutes  ses  troupes  et  son  artillerie,  lui  fut 
aussi  abandonné  après  une  vive  résistance. 
Le  prince  Murât  se  retira  sur  la  hauteur  en 
arrière  de  la  maison  de  poste  de  Posorzitz  ^ 
toujours  serré  en  bon  ordre,  cédant  le  ter- 
rain ,  et  attirant  l'ennemi. 

Le  lendemain  28  novembre  l'armée  alliée 
continuant  sa  marche  dans  le  même  ordre, 
et  suivant  le  chemin  que  lui  avait  frayé 
son  avant -garde,  vint  se  former  en -deçà 
de  PP^ischau  ;  sa  droite  à  Lutsch  et  'Nosa-^ 
lowitz  y  et  sa  gauche  k  Kutscherau ^  \e  centre 
et  le  quartier-général  à  TVischau;  l'avantr 


i52  rRÉcis 

garde  de  Bagratioii  kDragowitz^  sur  la  route, 

et  à  deux  lieues  à^Austerlitz, 

Ge  fut  là  que  les  généraux  alliés  coinmi- 
rent  la  faute  que  l'empereur  Napoléon  avait 
-prévue,  et  qu'il  leur  avait,  pour  ainsi  dire, 
inspirée.  Persuadés  qu'il  se  retirait,  et  qu'il 
ne  hasarderait  point  une  grande  bataille  en 
avant  de  Brïmn,  ils  se  déterminèrent  tout 
à  coup  à  manœuvrer  par  leur  gauche,  qu'ils 
avaient  d'abord  refusée.  Leur  dessein  était 
sans  doute  de  marchef  sur  Nicolsbourg^  et 
de  couper  les  communications  de  l'armée 
française  avec  Fienne,  pour  la  rejeter  en 
Bohème.  Mais  il  était  trop  tard  ,  et  ils  étaient 
déjà  trop  engagés  pour  hasarder  un  mouve- 
ment de  flanc  à  la  vue  d'un  ennemi  si  vi- 
gilant, dont  ils  ne  connaissaient  pas  les  dis- 
positions :  ils  perdirent  un  temps  précieux, 
et  bouleversèrent  leur  ordre  de  bataille. 
Si  (comme  l'observe  Napoléon  lui-même 
dans  les  notes  très -instructives  qu'il  a  dic- 
tées, et  qui  furent  publiées  en  1806,  sur  la 
relation  dédiée  à  l'armée  autrichienne ,  par 
un  militaire  témoin  de  ce  grand  événement, 


DES    EVÉNÉMENS    MILITAIRES.'  l55 

et  qu'on  attribua  au  feu  général  Stutter- 
lieim);  si,  disons-nous,  «  en  partant  d'O/- 
«  mûtz  les  alliés  avaient  prononcé  de  suite 
fc  leur  mouvement  sur  leur  gauche,  afin  de 
«  donner,  avec  leur  nombreuse  cavalerie, 
((  dans  les  cantonnemens  d'infanterie  du 
((  maréchal  Soult,  pour  les  empêcher  de  se 
«  réunir  sur  le  plateau  ^^ Austerlitz  ,  on  ,  au 
«moins,  pour  leur  faire  des  prisonniers, 
(c  cette  manœuvre,  bonne  par  elle-même, 
«mais  qui  fut  mal  combinée,  aurait  du 
«  moins  empêché  que  leur  défaite  fût  aussi 
(^  complète.  » 

Le  29 novembre  le  maréchal  Soult  aban- 
donna Austerlïtz  à  l'avant -gai  de  du  gé- 
néral Kienmayer,  et  le  prince  Bngration 
porta  la  sienne  à  la  poste  de  Posorsitz  ; 
Tarmée  combinée  bivouaqua  sur  les  hau- 
teurs àeKutscherau,  Marchant  toujours  sur 
sa  gauche,  elle  fut  placée  le  3o,  la  droite 
à  Niemschau  et  Hodiegitz ,  où  Kutusow 
établit  son  quartier-général;  le  centre,  où 
se  trouvaient  les  deux  empereurs,  à  Kriza- 
nowitz'^  la  gauche,  à  Herspitz^  la  cavalerie 


loi  PRECIS 

et  la  réserve  du  grand -duc  Constantin  en 
arrière  dans  Ja  valJée  de  Marhofen. 

Enfin,  le  i"  décembre,  veille  de  la  ba- 
taille, Tarniée  combinée,  continuant  son 
mouvement,  se  plaça  de  la  manière  sui- 
vante : 

Première  colonne  (  vingt -quatre  ba- 
taillons russes),  sous  les  ordres  du  lieute- 
nant-général Doctorow,  sur  deux  lignes, 
sur  les  hauteurs  ai  Austeriadech ^  ayant  un 
régiment  dans  le  village  dUAujezd. 

Deuxième  colonne  (dix-huit  bataillons 
russes),  commandés  par  le  lieutenant-général 
Langeron,  sur  les  hauteurs  de  Prazen,  sur 
deux  lignes,  à  la  droite  de  la  première  co- 
lonne. 

Troisième  colonne  (dix -huit  bataillons 
russes),  sous  les  ordres  du  lieutenant-géné- 
ral Przybyszewski ,  sur  les  hauteurs,  à  la 
droite  de  Prazen, 

Quatrième  colonne  (  douze  bataillons 
russes),  commandés  par  le  lieutenant-gé- 
néral Miloradowitch,  et  quinze  bataillons  au- 
trichiens aux  ordres  du  général  Kollowrath. 


DES   ^V^NEMENS  MILITAIRES.  l55 

commandant  toute  la  colonne,  sur  deux 
lignes,  en  arrière  de  la  troisième  colonne. 

Cinquième  colonne  (quatre-vingt-deux 
escadrons),  commandés  |>ar  le  lieutenant- 
général  prince  de  Lichtenstein  ,  sur  les  hau- 
teurs en  arrière  des  troisième  et  quatrième 
colonnes. 

Le  corps  de  réserve  du  grand-duc  (dix 
bataillons  et  dix -huit  escadrons),  sur  les 
hauteurs  en  avant  à^ ylusterlitz ;  la  droite  à 
la  route  de  Brïmn ^  la  gauche  vers  Krzeno- 
wHz. 

L'avant-garde  du  prince  Bagralîon  (douze 
bataillons  et  quarante  escadrons),  dont 
quinze  de  cosaques,  étendant  sa  gauche  au- 
delà  à^ HoUubitz  et  de  Blasowitz^  et  sa  droite 
jusqu'au  pied  des  montagnes,  vers  la  vallée 
tle  Sjtmtz. 

Jj'avant-garde  du  corps  détaché  de  Kien- 
mayer  (cinq  bataillons,  vingt- deux  esca- 
drons autrichiens,  et  dix  escadrons  de  co- 
saques), en  avant  à'^Aujezd. 

On  voit,  par  cet  ordre  de  bataille,  que 
l'armée  alliée  avait  en  ligne  cent  quatorze 


ï36  JPR3ÉCIS 

ba.laiIJons  et  cent  soixante-douze  escadrons  ; 
ce  cjuVfi  peut,  en  y  comprenant  Tartillerie^ 
évaluer  à  quatre-vingt-dix  mille  combattans, 
dont  quinze  mille  de  cavalerie. 
.,,  Aussitôt,  que  Napoléon  avait  été  informé 
que,fes.aj liés. prenaient  roffensive,  et  mar- 
chiiient  à  lui,  il  avait  successivement  foit 
replier  ses  avant-postes  et  son  avant-garde 
tout  entière. 

Le  maréchal  Soult  reçut  ordre  de  se  retirer 
A^ Aiisterlitz y  et  de  venir  prendre  position^ 
avec  ses  trois  divisions,  en  arrière  du  bois 
de  TiiraSy  entre  Sokolnitz  et  Schlapanitz. 

Le  maréchal  Bernadotte  eut  celui  de  se 
rendre  à  Brûnn  avec  ses  divisions  françaises^ 
et  de  laisser  à/g/<3Z/le  général  de  Wredeavec 
ses  Bavarois  et  les  troupes  de  Wurtemberg^ 
pour  faire  tête  au  corps  que  Parchiduc  Fer- 
dinand avait  réuni  en  Bohême,  et  qui,  pré- 
venu du  mouvement  de  Farmée  combmée , 
ne  pouvait  manquer  d'attaquer. 

Les  troupes  légères  qui  observaient  la 
Mardi  furent  repliées. 

Les  trois  divisions  du  corps  du  maréchal 


DES    ivÉNEMENS    MILITAI B ES.  1^7 

I)<ivoi3st  furent  rappelées  et  dirigées  sur  la 
position;  celle  dn  général  Gudin,  qui  venait 
de  s'établir  à  Presbourg  -Avec  la  brigade  de 
cavalerie  légère  de  Lasalle,  ne  put ,  malgré 
]a  rapidité  de  sa  marche,  arriver  qu'à  Ni- 
colsbourg\e  jour  de  la  bataille;  mais  elle  s'y 
trouva  Irès-utilement  placée.  Celle  du  gé- 
néral Eriant,  qui  occupait  le  pays  et  garr 
dait  les  communications  entre  Nicolsbourg, 
Vienne  et  la  Mardi ^  fut  ralliée;  et,  comme 
nous  l'avons  dit  plus  haut,  portée  à  l'ab- 
baye de  i^jK^^r/z.  La  troisième,  celle  du 
général  Caffkrelli,  qui  était  kPohrUtz,  con- 
tinua de  faire  partie  du  corps  du  maréclial 
Lannes,  et  eut  ordre  de  le  joindre  immé- 
diatement. 

Le  maréchal  Mortier,  resté  à  Vienne  avec 
les  divisions  Dupont  et  Gazan ,  qui  avaient 
si  vaillamment  combattu  sous  ses  ordres  à 
Diernstein,^\.  s'étaient  depuis  bien  rétablies, 
se  tint  prêt  à  marcher  au  soutien  du  général 
Mann  ont,  dans  le  cas  où  l'archiduc  Charles 
le  repousserait  en-deçà  des  montagnes,  pour 
se  porter  sur  Vienne. 


l58  PRÉCIS 

Après  avoir  arrêté  ces  dispositions  géné- 
rales pour  réunir  en  quelques  heures  et 
avoir  sous  sa  rnain  jen  une  seule  masse  toutes 
les  troupes  qui  devaient  combattre  ,  Tempe- 
reur  Napoléon  fit  établir  son  bivouac  sur 
une  hauteur,  à  droite  de  la  grande  route  à 
deux  lieues  et  demie  de  Brïmn,  un  peu  en 
avant  de  BellowitZy  entre  les  deux  ruisseaux 
qui  se  réunissent  à  Puntowitz, 

De  ce  point 5  qui  dominait  toute  la  posi- 
tion, on  pouvait,  malgré  les  ondulations  du 
terrain,  apercevoir  les  mouvemens  de  l'en- 
nemi, et  juger  de  la  direction  de  ses  co- 
lonnes; tandis  que  la  ligne  française  bordant 
la  petite  rivière  qui  coulait  devant  son  front, 
lui  était  entièrement  cachée  par  les  villages 
très -rapprochés,  les  petits  étangs,  les  bou- 
quets de  bois  qui  formaient  une  chaîne  d'ob- 
stacles, et  comme  un  camp  naturellement 
retranché. 

Napoléon  se  rendit  le  29  novembre  à  ce 
bivouac,  qu'on  appela  la  Butte  de  F  empereur. 
Il  détermina  d'abord  sa  ligne  de  bataille,  cou- 
pant perpendiculairement  la  grande  roule 


DES    ÉVÉNEUtÉNS    MILITA I R ES .  1  ^g 

{\^OlmutZy  la  droite  an  kicde  MenitZy  la  gau- 
che aii-piêd  de' la  ma^se  de  montagnos  qui 
séparent  le  bassin  de  la:  Scliwarlza  de  celui 
(le  la  Mardi,  ayant  devant  elle  et  pour  appui 
Je  BosenitZ'Bergy  montagne  détachée  et  es- 
carpée! que^  Napoléon  fit  retrancher  etanner 
d'une  forte  batterie.  Cette  montagne,  qui  lui 
rappelait  une  position  d'Egypte  toute  seili- 
blable,  et  sur  laquelle  il  avait  aussi  fdit 
élever  des  retranchemens,  s'appelait  le  San- 
ton y  à  cause  d'un  tombeau  que  lès  Turcs  y 
avaient  autrefois  construit. 

Nous  venons  de  dire  qu'entre  ces  deux 
])oiuts  d'appui,  le  front  du  centre  était  cou- 
vert en  grande  partie  par  des  ruisseaux  en- 
caissés, et  des  terrait!^  marécageux  qui  fai- 
saient de  chaque  village  un  défilé  difficile. 

Il  n'y  avait  encore  sur  cette  ligne ,  le  5o  no- 
vembre, que  le  corps  du  maréchal  Lan  ri  es, 
sous  le3  ordres  duquel  avait  passé  la  division 
Caffarelli  •  le  corps  du  prince  Murât,  la  garde 
impériale  ,  et  les  trois  divisions  du  corps  du 
maréchal  Soult,  formant,  comme  on  le  verra, 
en  partie  le  centre,   en  partie  la  droite  de 


l4<î>  PRÉCIS 

l'ordre  de  bataille.  Le  corps  dn  maréctial 
Bernadotte  n'arriva  que  le  i^'  décembre  au 
soir  ,  et  la  division  Friant,  conduite  par  le 
maréchal  Davoust , ,  après  avoir  fait  une 
marcbe  de  trenle-six  lieues  en  quarante 
heures,  arriva  dans  la  nuit  du  i"  au  2 ,  à 
Ta b baye  de  Rajgern. 

Ce  même  jour  5o  décembre  ,  Napoléon  lit 
une  reconnaissance  au-delà  de  ses  avant- 
postes.  Comme  il  parcourait  les  hauteurs 
de  Vrazen  y  en  comparant  cette  position 
avantageuse ,  élevée ,  et  bien  découverte  à 
celle  qu'il  lui  avait  préférée,  il  dit  aux  gé- 
néraux qui  l'accompagnaient ,  ces  paroles 
remarquables,  parce  qu'elles  renferment  tout 
son  dessein  et  le  secret  de  sa  victoire  :  «  Si 
((  je  voulais,  dit-il,  empêcher  l'ennemi  de 
(c  passer,  c'est  ici  que  je  me  placerais;  mais 
((  je  n'aurais  qu'une  bataille  ordinaire;  si, 
«au  contraire,  je  refuse  ma  droite  en  la 
c(  retirant  vers  Brûnn  ^  et  que  les  Russes 
c(  abandonnent  ces  hauteurs ,  ils  sont  perdus 
c<  sans  ressource.  )) 

Bien  éloignés  de  croire  à  la  possibilité  d'un 


DES    ÉVÉNEMÊNS    MILITAIRES.  l^l 

tel  désastre,  les  généraux  alliés  ne  voyaient 
dans  ce  qu'ils  pouvaient  apercevoir  des  dis- 
positions de  l'einpereur  Napoléon  ,  qu'une 
vaine  démonstration  défensive  qui  marquait 
sa  retraite  ;  ils  ne  songeaient  qu'à  le  retenir 
dans  sa  position  par  le  déploiement  de  leurs 
forces  pour  achever  de  l'envelopper.   Une 
reconnaissance  que  fit  le  prince  Murât  et  sa 
retraite  précipitée  après  avoir  échangé  quel- 
ques boulets  ,   les  affermit  dans  cette  opi- 
nion. Napoléon  ne  négligea  rien   pour  ac- 
croître leur  sécurité  ;  il   fit   proposer   une 
entrevue  à  l'empereur  de  Russie  qui  lui  en- 
voya son  a^^ljudant-général  le  prince  Dolgo- 
rouki ,  jouissant  près  de  son  maître  de  la  plus 
haute  faveur.  Contre  son  usage ,  il  alla  lui- 
même  le  recevoir  aux  avant-postes  :  cet  offi- 
cier put  remarquer  que  tout  respirait,  dans 
la  contenance  de  l'armée  française,  la  réserve 
et  la  timidité;  le  placement  des  grandes  gardes 
très  -  rapprochées  ,  l'ardeur  avec  laquelle  on 
travaillait  à  se  retrancher,  lui  persuadèrent 
que  les  fiers  conquérans  à'Ulm  et  de  Vienne 
étaient  à  demi-battus.  11  s'enhardit  à  élever 


l[\1  PRÉCIS 

le  ton ,  à  donner  des  conseils ,  à  déprimer  ia 
conduite  des  Autrichiens.  Napoléon  contint 
son  indignation  qu'il  exprima  depuis,  dans 
la  publication  de  ses  bulletins,  avec  trop 
d'amertume;  et  Dolgorouki,  donnant  à  celte 
apparente  impassibilité  un  tout  autve  motif, 
alla  redire  et  propager  parmi  les  siens  les 
fausses  impressions  qu'il  avait  reçues. 

Voulant  mettre  nos  lecteurs  à  portée  de 
se  bien  représenter  les  mouvemens  prépa- 
ratoires dans  les  deux  armées,  et  comment 
fut  amené  l'engagement  général  qu'on  ne 
pourrait  bien  entendre  sans  ces  explications, 
nous  avons  commencé  par  celle  des  manœu- 
vres de  l'armée  alliée  jusqu'à  la  journée  du 
I®' décembre,  veille  de  la  bataille,  et  que  le 
général  Kutusow  employa  à  couronner  les 
hauteurs  en  s'approchant  le  plus  possible 
de  la  ligne  française,  pour  mieux  couvrir 
son  mouvement  à  gauche.  Il  nous  reste  à 
fixer,  avec  la  même  précision,  l'emplacement 
des  ditférens  corps  de  l'armée  française  à  la 
même  époque,  le  i" décembre  au  soir.  Ayant 
inséré  dans  le  xiii^  Volume  de  cet  ouvrage 


DES    ^VÉlfEMENS    MILITAIRES.  l45 

le  tableau  de  la  composition  des  corps  d'ar- 
mée et  des  divisions,  nous  indiquerons  seu- 
lement, comme  nous  l'avons  fiiit  pour  l'armée 
combinée,  le  nombre  de  bataillons  et  d'esca- 
drons ,  et  le  total  des  combattans.  Nous  allons 
suivre  la  ligne  française  de  la  gauche  à  la 
droite;  c'est-à-dire  du  pied  des  montagnes  au 
lac  de  Menitz. 

Aile  gauche  (dix-huit  bataillons  et  huit 
escadrons  ),  sous  les  ordres  du  maréchal 
Lannes. 

La  brigade  de  chasseurs  du  général 
Milhaud,  et  celle  de  hussards  du  général 
Treilhard,  étaient  à  BosenitZy  en  avant  du 
Santon  ou  Bosenitz-Berg,  observant  la  vallée 
où  l'ennemi  avait  jeté  quelques  escadrons 
de  cosaques. 

Le  17®  régiment  d'infanterie  légère,  dé- 
taché de  la  division  Suchet,  fut  chargé  de 
défendre  le  poste  retranché  du  Santon  avec 
une  batterie  de  dix-huit  pièces  de  fort  ca- 
libre. Le  commandement  de  ce  poste  impor- 
tant fut  confié  au  général  Claparède.  Napo- 
léon,  en  l'y  plaçant  lui-même,  ordonpa  à 


l44  PRÉCIS 

ce  général  de  le  défendre  jusqu'au  dernier 
homme.  Les  quatre  autres  régimens  de  cette 
division  s'appuyaient  au  Santon,  se  prolon- 
geaient à  droite,  traversaient  la  grande  roule 
A'Olm'ùtZy  et  se  trouvaient  en  première  ligne 
masquées  derrière  un  ravin. 

La  division  Caftlirelli ,  en-deçà  du  ruis- 
seau,  à  gauche  de  la  roule. 

Le  1"  corps,  commandé  par  le  maréchal 
Bernadotte  (dix-huit  bataillons  et  huit  es- 
cadrons), arrivant  à^Iglau,  fut,  d'après 
l'ordre  de  bataille,  destiné  à  former  une 
réserve,  et  bivouaqua  derrière  la  division 
CafFarelli,  à  droite  et  à  gauche  de  la  route. 

Les  grenadiers  du  général  Oudinot(qui, 
malgré  la  blessure  qu'il  avait  reçue  au  com- 
bat ^ Hollahrûnn ,  vint  reprendre  le  com- 
mandement de  ses  braves,  et  le  partagea  avec 
le  grand-maréchal  Duroc,  qui  l'avait  mo- 
mentanément remplacé),  (dix  bataillons), 
à  droite  de  la  route,  en  avant  du  bivouac 
de  l'empereur,  à  la  hauteur  de  la  division 
Caffarelli,  destinés  à  la  réserve. 

La  cavalerie  de  réserve  (quarante-quatre 


DES    EVENEMENS    MJLITAIltES.  l/p 

escadrons),  sous  les  ordres  du  prince  Murât, 
à  gauche  et  à  droite  de  la  route,  derrière  ia 
.1^  ligne  d^infanterie  et  des  grenadiers. 

La  garde  impériale,  dernière  réserve  (dix 
balaillons  et  neuf  escadrons),  sous  les  ordres 
xlu  maréchal  Bessières ,  en  arrière  du  bi- 
vouac de  l'empereur. 

Centre,  4^  corps  d'année  (trente  et  un 
bataillons  et  six  escadron  s),  sou  s  les  ordres  du 
maréchal  Soult.  Trois  divisions;  la  division 
Va  M  d  ani  m  e  ,  en  a  r riè r e  d  e  Girsch iko untz  ; 
la  division  Saint-Hilaue,  en  arrière  de  Pon- 
towitz ^  l'une  et  l'autre  de  ces  divisions, 
occupant  le  plateau  en  avant  de  Schlapanitz, 
et  couvrant  les  débouchés  des  villages;  la 
division  Legrand,  en  posilion  en  arrière  de 
Kohelnitz ^  couvrant  ce  débouché,  et  occu- 
pant les  villages  de  Soholnitz  et  de  Telnitz; 
la  cavalerie  légère  du  général  Margaron  ,  en 
reconnaissance  sur  les  hauteurs  de  Prazehy 
se  repliant  ensuite  en  arrière  de  Sokolnitz, 

Aile  droite,  5*=  corps  (dix  bataillons  et 
douze  escadrons),  sous  les  ordres  du  maré- 
chal Davoust;  la  division  Friant  arrivant  à 
14.  10 


1 46  PRECIS 

VahhdLye  âe  Kloster-Raygern  j,  ainsi  que  la 
division  de  dragons  du  général  Bourcier, 

Pendant  que  Napoléon  resserrait  ainsi  sa 
ligne  de  bataille  et  ses  réserves  dans  le  moin- 
dre espace  possible  pour  mieux  cacher  son 
dessein,  les  alliés,  au  contraire,  manœu- 
vraient à  découvert,  et  comme  s'ils  eussent 
craint  que  cette  armée  qui  leur  paraissait 
faible,  compromise,  et  presque  entourée, 
n'échappât  à  leur  vigilajice  :  leur  projet 
était  gigantesque ,  et  la  ruine  de  la  Grande^ 
Armée  leur  paiaissait  infaillible. 

L'archiduc  Ferdinand,  à  la  léte  de  vingt 
mille  hommes,  faisait  une  diversion  sur 
Iglau;  il  poussa  même  jusque  vers  Znaïm  le 
sîénéral  Wrede  qui  commandait  les  Bava- 
rois  ,  et  qui ,  quoique  inférieur  en  nombre , 
rendit  de  très-beaux  combats,  et  fit  une  re- 
traite honorable.  D'un  autre  côté,  le  gé- 
néral Meerfeldt  arrivait  de  Hongrie  avec  un 
renfort  de  quatre  mille  hommes;  le  général 
Essen  ,  avec  dix  mille,  n'était  plus  qu'à  une 
journée  :  enfin  l'archiduc  Charles  arrivait  à 
marches  forcées;  et  pour  assurer  le  succès 


DES    ÉVÊNEMENS    MILITAIRES.  14:7 

de  sa  diversion  sur  Vienne ,  on  se  hâtait 
d'entourer  et  d'écraser  lès  réserves  qui  res- 
taient à  Napoléon. 

Dans  cette  funeste  confiance,  les  alliés 
exécutèrent  en  plein  jour  leur  mouvement 
de  flanc,  ou  changement  de  front  par  leur 
gauche.  Napoléon  en  fut  informé  par  les 
reconnaissances  du  général  Margaron  sur  les 
hauteurs  de  Prazen  :  il  aperçut  bientôt  du 
haut  de  son  bivouac,  et  sans  doute,  comme 
il  le  dit  lui-même,  apec  une  indicible  joie , 
i'armée  russe  à  deux  portées  de  canon  de  ses 
avant-postes ,  défilant  sur  une  ligne  de  quatre 
ïieues,  en  prolongeant  l'armée  française,  qui 
paraissait  ne  pas  oser  sortir  de  sa  position. 
Ne  doutant  plus  de  l'avantage  que  lui  don- 
nait la  téméraire  confiance  de  l'ennemi  il 
dicta  sur-le-champ  la  proclamation  suivante, 
qui,  en  peu  d'instans ,  fut  répandue  dans  les 
rangs,  et  lue  par  tous  les  soldats  :  elle  est 
surtout  remarquable,  en  ce  qu'elle  fait  con- 
naître ,  en  peu  de  mots,  le  plan  de  la  bataille , 
et  qu'une  telle  communication,  lorsqu'elle 
n'est  pas  intempestive,  est  un  des  plus  sûrs 


X48  PRÉCIS 

moyens  de   succès   chez  une  nation  aussi 
intelligente  que  la  nalion  française. 

Au  bivouac,  le  lo  frimaire  an  xiv 
(  1"  décembre  i8o5). 
c(  Soldats  , 

«  L'armée  russe  se  présente  devant  vous 
c(  pour  ven^ier  l'armée  autrichienne  d'Ulm. 
c(  Ce  sont  ces  mêmes  bataillons  que  vous 
ce  avez  battus  à  Mollah runn ,  et  que  depuis, 
«  vous  avez  constamment  suivis  jusqu'ici. 

(S  Les  positions  que  nous  occupons  sont 
((  formidables,  et  pendant  qu'ils  marcheront 
((  pour  tourner  ma  droite,  ils  me  prêteront 
c(  le  flanc. 

«Soldats,  je  dirigerai  moi-même  tous 
(c  vos  bataillons;  je  me  tiendrai  loin  du 
((  feu  ,  si  avec  votre  bravoure  accoutumée 
«  vous  portez  le  désordre  et  la  confusion 
ce  dans  les  rangs  ennemis  :  mais  si  la  vic- 
cc  toire  était  un  moment  incertaine,  vous 
«  verriez  votre  enïpereur  s'exposer  aux  piè- 
ce miers  coups;  car  la  Yicloire  ne  saurait 
ce  hésiter  dans  cette  journée,  surtout  où  il 
c(  y  va  de  l'honneur  de  l'infanterie  française, 


DES    3ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  l^g 

«  qui  importe  tant  à  l'honneur  de  toute  la. 
(c  nation.  » 

On  put  juger  de  l'ardeur  des  soldats,  et 
jusqu'à  quel  point  celle  proclamation  les 
avait  électrisés,  lorsque  Napoléon  voulant 
visiter,  le  soir,  à  pied,  et  sans  se  laisser 
annoncer,  tous  les  bivouacs  de  son  armée, 
fut  reconnu  dès  les  premiers  pas.  Comme 
au  cri  d'alerte,  avertis  par  les  acclamations 
de  leurs  camarades,  les  soldats  se  levèrent 
joyeux  autour  de  leurs  feux;  avides  de  le 
voir,  ils  firent  éclater  leur  enthousiasme. 
Quelques-uns  ayant  allumé  des  torches  de 
paille,  cet  exemple  fut  promplemeiit  imité 
sur  toute  la  ligne  qui,  en  un  instant,  pré- 
senta le  spectacle  d'une  immense  et  magni- 
fique illumination.  C'était  la  veille  de  l'an- 
niversaire du  couronnement  de  Napoléon  ; 
quel  augure  pour  la  victoire  !  quelle  fête 
préparée  à  grands  frais  fut  jamais  si  brillante? 
et  que  peut-on  comparer  à  cette  réjouissance 
militaire  sur  le  champ  de  bataille,  que  des 
milliers  de  braves  allaient,  dans  quelques 
heures,  arroser  de  leur  sang? quel  triomphe 


î  30  PRECIS 

touchant,  et  quels  sou  venirs  !  Ah  !  sans  cloute, 
on  doit  pardonner  Fivresse  de  la  gloire  à 
celui  qui  sut  exciter  dans  l'âme  du  soldat 
de  si  généreux  transports,  a  Tu  n'auras 
«  pas  besoin  de  t'exposer,  lui  dit  un  des 
c(  plus  vieux  grenadiers,  en  s'approchant  de 
«  lui;  je  te  promets,  au  nom  des  grenadiers 
«de  l'armée,  que  tu  n'auras  à  combattre 
«  que  des  yeux,  et  que  nous  t'amènerons 
«  demain  les  drapeaux  et  l'arlillcrie  de  l'ar- 
«  mée  russe,  pour  célébrer  l'anniversaire  de 
«  ton  couronnement.  » 

L'empereur  Napoléon  ,  de  retour  à  son 
bivouac,  expédia  ses  derniers  ordres  :  il  fit 
entrer  en  ligne  la  cavalerie  du  prince  Murât, 
qui  appuya  sa  gauche  à  la  division  Caffarelli. 
Le  corps  du  maréchal  Bernadolte  ne  fît  au- 
cun mouvement  pendant  la  nuit;  mais  il 
reçut  ordre  de  marcher  sur  GirschihowUz , 
pour  former  le  centre  de  la  ligne,  aussitôt 
que  les  troupes  du  maréchal  Soult  se  seraient 
ébranlées.  Celui-ci,  avec  ses  trois  divisions, 
forma  donc  l'aile  droite;  le  maréchal  Da- 
voust ,  détaché  à  son  extrémité  avec  la  seule 


DES    ÉVÉNEMENS    BIILITAIRES.  l5l 

rnfanleiie  de  la  division  Frianl  et  les  dra- 
gons du  général  Bonrcier,  devait  fermer  la 
ligne  au  point  d'appui  sur  les  lacs,  à  Telnitz^ 
précisément  au  point  où  Fennemi,dans  l'in- 
tention de  déborder  l'aile  droite  dea||Ki'an- 
çais, dirigeait  ses  prejjjierselTorls.  Enfii^  l'em- 
pereur fixa  lui-même  son  poste  de  bataille  et 
celui  de  son  étal-major  à  la  lêle  de  la  réserve, 
qu^il  composa  des  dix  bataillons  de  sa  garde, 
et  des  dix  bataillons  des  grenadiers  d'Oiidi- 
not.  Cette  réserve  était  rangée  sur  deux  li- 
gnes, en  colonne  par  bataillon  ,  à  distance  de 
déploiement ,  ayant  dans  ses  intervalles  qua- 
rante pièces  de  canon  servies  par  les  canon- 
niers  de  la  garde. 

Dès  l'entrée  de  la  nuit,  un  détachement 
des  chevau  -  légers  autrichiens  d'Oreill}^ 
(première  avant-garde  du  général  Kien- 
maj^er)  s'était  présenté  devant  Telnitz y  et 
avait  repoussé  les  postes  d'infanterie  que  le 
général  Legrand  y  avait  jetés  pour  éclairer 
sa  droite.  Ce  générai  ayant  fait  avancer  uii 
bataillon  du  5®  régiment,  reprit  le  village, 
et  fit  quelques  prisonniers. 


iJi  PRl^CIS 

Vers  deux  heures  du  malin,  unecoîonnef 
d'infaiilerie  autrichieriDe,  soutenue  par  un 
jjombreux  parti  de  cavalerie,  parut  devant 
Telnitz  ^  et  attaqua  immédiatement  le  vil- 
}a^e^(tte  trouvant  défendu  avec  vigueur, 
eeUe  infanterie  prit  position  ,  et  fit  avancer 
son  canon.  Le  général  Legrand  porla  alors 
les  deux  autres  bataillons  du  5*  régiment  an 
soutien  du  premier.  * 

L'empereur  Napoléon  avait  bien  jugé  que 
le  mouvement  des  ennemis  sur  leur  gauche 
avait  pour  but  de  débarder  son  aile  droite; 
et  ne  doutant  pas  qu'au   point  du  jour  ils 
n'y  portassent  leur  principale   attaque,   il 
avait  ordonné  au  maréchal  Soult  de  porter, 
pendant  la  nuit ,  ses  divisions  en  avant  des 
défilés,  et  de  les  placer  de  manière  qu'au 
premier  ordre  elles  pussent  marcher  à  l'en" 
îiemi.  En  conséquence,  une  brigade  de  la 
division  Legrand,  composée  du  5*  régiment 
de  ligne  et  des  tirailleurs  du  Pô,  soutenue 
pai'  la  cavalerie  du  général  Margaron  et  six 
pièces  de  canon,  fut  chargée  de  la  défense 
de  Telnitz  et  de  Sokolnitz,  Le  reste  de  la 


DES    ÉVEWEMENS    MILITAIRES.  1 55 

division  se  forma  sur  deux  lignes  en  co- 
lonne d'attaque,  en  avant  du  village  de 
Kohelnitz.  La  division  Sainl-Hilaire  ,  avec 
i»ne  compagnie  d'artillerie  légère,  se  forma 
sur  trois  lignes  en  colonne  d'attaque,  en 
avant  du  village  de  Puntowitz ;  et  la  divi- 
sion Vandamme  fut  formée  dans  le  même 
ordre,  en  avant  et  à  droite  du  village  de 
G  irschikowitz . 

Les  divisions  des  généraux  Suchet  et 
Caffarelli ,  sous  les  ordres  du  maréchal 
Lannes,  étaient  aussi  prêtes  à  se  porter  en 
avant  :  elles  étaient,  ainsi  que  les  grenadiers 
du  général  Oudinot,  formées  sur  deux  li- 
gnes; l'une  en  bataille,  l'autre  en  colonne 
par  bataillon  :  Fartillerie  dans  les  intervalles. 

Tels  furent  du  côté  des  Français  les  éve- 
il emens  et  les  dispositions  qui  précédèrent 
la  bataille  générale  du  2  décembre.  Napo- 
léon, en  la  préparant  avec  une  profonde 
habileté,  n'eut,  quant  à  la  conduite  de  l'ac- 
tion, d'autre  dessein  arrêté  que  celui  de 
saisir  l'occasion  d'aborder  avec  des  masses, 
et  d'enfoncer  les  colonnes  ennemies  qui, 


1 54  p  II  É  c  I  s 

par  Tobliquité  de  leur  direction  ,  en  quit- 
tant les  hauteurs,  se  désunissaient ,  s'aflai- 
blissaient  en  s'allongeant ,  et  prêtaient  le 
flanc  à  ses  attaques.  Nous  devons  donc  , 
avant  d'eatrer  dans  le  détail  des  manœu- 
vres respectives  et  de  l'issue  des  divers  en- 
gagemens  pendant  la  bataille,  faire  con- 
naître le  plan  des  alliés ,  et  leurs  dispositions 
pour  Texécuter. 

Il  faut  dire  d'abord  que  les  généraux 
russes  ne  connurent  jamais  exactement  la 
véritable  position  de  l'armée  française  ;  l'ac- 
tivité avec  laquelle  ils  voyaient  son  aile  gau- 
che se  retrancher  et  se  serrer  au  Bosenitz- 
jB^r^  ou  iSa/z^OTz;  le  mou  veinent  qu'ils  avaient 
remarqué  la  veille  dans  cette  partie  de  la 
ligne,  et  qui  était  occasionné  par  l'arrivée 
du  corps  du  maréchal  Bernadotte;  la  posi- 
tion même  du  bivouac  de  l'empereur  Na- 
poléon ,  leur  avait  fait  croire  qu'il  avait  dé- 
garni son  centre  pour  renforcer  sa  gauche, 
qu'ils  avaient  jusqu'alors  menacée.  Les  fu- 
mées qu'ils  avaient  remarquées  plus  au  loin 
du  côté  de  Turas,  leur  avaient  fait  supposer 


i55 

que  la  droite  était  appuyée  aux  petits  étangs 
et  marécages  qui  sont  derrière  SoTcolnitz  et 
Kobelnitz,  et  que  les  réserves  ëlaient  encore 
plus  en  arrière;  ils  voulaient  donc,  en  évi- 
tant les  défilés  de  Wellountz  et  de  Schlapa- 
nitz y  qu'ils  croyaient  couvrir  presque  tout 
le  front  de  l'armée  française,  passer  par 
Kobelnitz^  Soholnitz  et  Telnitz^çX  porter 
leurs  principales  masses  sur  sa  droite  ;  ils  ne 
doutaient  pas  qu'elle  ne  fût  culbutée  sur  le 
centre ,  qu'elle  n'y  portât  le  désordre,  et  que 
ce  centre  ne  fût  aussi  renversé  sur  l'aile 
gauche,  que  l'avant-garde  du  prince  Bagra- 
tion  et  toute  la  cavalerie  du  prince  de  Lich- 
tenstein  ,  étaient  chargées  de  contenir.  L'ar- 
mée française  étant  ainsi  successivement 
dépostée  et  battue ,  selon  le  principe  de 
Tordre  oblique ,  toutes  leurs  masses  se  se- 
raient réunies  en  avant  de  Latein ^  et  la 
cavalerie,  passant  les  défilés,  aurait  achevé 
la  défaite. 

Pour  parvenir  à  ce  but,  les  corps  en  co- 
lonnes de  l'armée  austro-russe,  dont  nous 
avons  plus  haut  fait  connaître  la  formation , 


356  PRECIS 

reçurent  le  i" décembre,  à  minuit,  les  or- 
dres et  les  directions  ci-après  : 

La  i^^  colonne  (  vingt -quatre  bataillons 
russes),  sous  les  ordres  du  lieutenant-géné- 
ral Doctosow,  marchait  des  hauteurs  d^Hos- 
teriadech  par  Telnitz  sur  les  petits  étangs. 

La  2'  colonne  (dix-huit  bataillons  russes), 
sous  les  ordres  du  lieutenant -général  Lan- 
geron  ,  partait  des  hauteurs  de  Prazen,  for- 
çait la  vallée  entre  Sokolnitz  et  Telnitz ^  et 
devait  s'aligner  avec  la  i''  colonne. 

La  5'  colonne  (dix-huit  bataillons  russes), 
sous  les  ordres  du  lieutenant-général  Przy- 
byszenski ,  partait  des  hauteurs  de  la  droite 
de  Prazen y  et  passant  près  du  château  de 
Sokolnitz  y  se  portait,  avec  les  deux  autres 
colonnes,  sur  les  mêmes  étangs,  en  arrière 
de  Kobelnitz. 

La  4' colonne  (douze  bataillons  russes  et 
qilinze  bataillons  autrichiens),  sous  les  or- 
dres du  lieutenant-général  Kollowrath  ,  sui- 
vait le  mouvement  de  la  3^  colonne,  et  de- 
vait, au-delà  des  deux  élangs  de  Kobelnitz , 
s'aligner  à  sa  droite. 


DES    ÉvijyEMENS    MILITAIRES.  167 

Le  corps  du  général  Kienmayer  (cinq  ba- 
taillons autrichiens  et  trente-deux  escadrons) 
protégeait  les  mouvemens  de  la  i""^  colonne, 
observait  le  point  de  Rajgern  et  le  cours  de 
la  Schwartza,  et  devait  ensuite  occuper  le 
bois  de  Turas, 

Le  corpsduprincedeLichlenstein  (quatre- 
vingt-deux  escadrons)  parlait  du  pied  de  la 
hauteur,  en  arrière  de  la  3^  colonne;  c'est- 
à-dire  de  la  droite  des  hauteurs  de  Prazen, 
passait  entre  Blasowltz  et  Kruhe,  pour  pro- 
téger la  formation  et  la  marche  des  colonnes 
de  la  droite,  et  devait  s'avancer  ensuite  des 
deux  côtés  de  la  chaussée. 

Le  corps  du  prince  Bagration  (douze  ba- 
taillons et  quarante  escadrons)  gagnait  les 
hauteurs  de  Bosenitz  pour  tourner  Taile 
gauche  des  Français,  et  placer  avantageuse- 
ment son  artillerie  de  ])osition. 

Le  corps  du  grand -duc  Constantin  (dix 
bataillons  et  dix-huit  escadrons)  partait  des 
hauteurs  ^' Austerlitz ,  en  arrière  de  Blaso- 
ivitz,  pour  soutenir  la  cavalerie  du  prince  de 
Lichtenstein  et  le  corps  du  prince  Bagration; 


l58  PRÉCIS 

Le  général  en  chef  Kutusow  était  au  centre 
avec  la  4^  colonne  :  le  général  d'infanterie 
Buxhûwden  commandait  la  gauche  de  l'ar- 
mée, et  marchait  avec  la  première  colonne. 
Ils  étaient  si  loin  de  penser  que  leur  plan 
d'attaque  pût  être  dérangé,  et  que  Napoléon 
fût  en  mesure  d'attaquer  lui-même,  qu'ils 
négligèrent  d'observer  les  défilés  qui  n'étaient 
qu'à  deux  portées  de  canon  des  têtes  de  leurs 
colonnes,  et  que  les  divisions  du  maréchal 
Soult  avaient  déjà  franchis. 

Ce  mouvement  audacieux,  comme  on 
peut  l'observer,  en  jetant  un  coup  d'œil  gé- 
néral sur  la  position  des  deux  armées  ,  por- 
tait la  plus  forte  masse  de  l'armée  française, 
au  centre  d'une  demi -circonférence,  sur 
laquelle  les  troupes  des  alliés  se  trouvaient 
disséminées  ,  de  manière  que,  bien  qu'infé- 
rieurs en  nombre,  les  Français  devaient  se 
trouver  réellement  plus  forts  à  l'extrémité 
de  chaque  rayon.  Ce  principe  conduit  à  la 
véritable  solution  du  problème  du  meilleur 
ordre  de  bataille;  l'empereur  Napoléon  l'a 
presque  toujours  appliqué  avec  succès. 


OES    ÉVÉ.VEMENS    MILITAIRES.  J  5^ 

Le  2  décembre,  à  sept  heures  du  matin, 
rarmée  combinée  quitta  les  hauteurs  de  Pra- 
ze-Tz;  chacune  des  quatre  colonnes  d'infanterie 
s'avançant  vers  les  points  indiqués ,  leur 
divergence  mettait  entre  elles  de  grands  in- 
tervalles, à  mesure  qu'elles  s'approchaient 
de  la  vallée  de  Telnitz ^  Kohelnitz  et  Sokol- 
nitz.  Les  Français  ne  pouvaient  distinguer 
leurs  mouvemens  vers  la  gauche,  du  côté 
ài^Augezd^  parce  qu'ils  marchaient  dans  le 
fond  de  la  vallée  de  la  Littawa.  Mais  au  pre- 
mier rayon  du  soleil  brillant  qui  éclaira  cette 
mémorable  journée  ,  malgré  le  brouillard 
encore  épais  dans  les  fonds,  ils  aperçurent 
les  hauteurs  de  Prazen,  qui  se  dégarnis- 
saient de  troupes  :  le  mouvement  des  alliés 
était  bien  prononcé.  Napoléon  ,  avant  de 
donner  au  maréchal  Soult  l'ordre  d'atta- 
quer, lui  dit  :  ((  Combien  vous  faut -il  de 
c(  temps  pour  couronner  les  hauteurs  de  Pra- 
¥.  zen? — Moins  de  vingt  minutes,  répondit 
«  le  maréchal ,  car  mes  troupes  sont  placées 
ce  dans  le  fond  de  la  vallée  :  couvertes  par  les 
a  brouillards  et  la  fumée  des  bivouacs,  l'en- 


1 6o  PRÉCIS 

c(  nemi  ne  peut  les  apercevoir.— En  ce  cas, 
ce  dil-il,  attendons  encore  lai  quart  d'heure.  » 
Le  canon  tonnait  déjà  sur  Telnitz;  le  corps 
de  Kienmayer  ,  la  r%  la  2"  colonne  russe  et 
une  partie  de  la  3^,  s'éloignant  du  vrai  champ 
de  bataille  ,  s'avançaient  par  un  long  détour 
pour  envelopper  l'année  française  dans  une 
position  où  elle  n'était  pas.  A  la  pointe  du 
jour  le  général  Kienmayer,  qui  avait  ordre 
de  forcer  le  défilé  de  Telnitz  pour  frayer  le 
chemin  à  la  i'^  colonne  ,  fit  attaquer  d'abord 
par  deux  bataillons  du  régiment  de  Szekler, 
le  5°  régiment  d'infanterie  française,  posté 
sur  une  hauteur,  en  avant  du  village,  en 
portant  sa  cavalerie  sur  les  flancs  pour  con- 
tenir celle,  moins  nombreuse,  du  général 
Margaron ,  qui  paraissait  de  l'autre  côté. 
Après  avoir  éprouvé  une  vigoureuse  résis- 
tance ,  et  perdu  beaucoup  d'hommes,  les 
Autrichiens  pénétrèrent  dans  le  village.  Le 
général  Legrand  fit  soutenir  le  S*"  régiment 
par  le  2(? d'infanterie  légère.  Les  Autrichiens 
repoussés ,  se  maintinrent  sur  la  hauteur  :  la 
fusillade  devint  très- vive;  on  se  battait  avec 


DES    ÉV£N£MEIVS    MILITAIRES.  j6i 

foreur  depuis  une  heure,  lorsque  le  général 
Buxhowden,  âéhouchdnt  d''^ujezd  avec  sa 
i''^ colonne,  fit  renouveler  Faltaque  par  trois 
bataillons  auUichiens  soutenus  d'une  bri- 
gade russe.  A  l'approche  de  forces  si  supé- 
rieures,  les  deux  réginiens  français  éva- 
cuèrent le  défilé,  et  se  formèrent  en  balailJe 
au-delà  ,  sur  le  revers  des  coteaux. 

Le  général  Buxhowden,  au  lieu  de  pro- 
fiter de  ce  premier  avantage,  et  de  passer  le 
défilé,  voulut  attendre  que  sa  2^  colonne 
parût  entre  le  pied  des  hauteurs  et  le  village 
de  Sokolnitz.  Le  général  Margaron,  avec  sa 
cavalerie  et  q  uelques  pièces  d'artillerie  légère, 
contenait  encore  la  tête  de  la  colonne  russe 
dans  le  défilé;  il  fit  prévenir  le  maréchal 
Davoust  qui ,  parti  de  Rajgern  avec  les  trois 
brigades  de  la  division  Friant,  s'était  d'abord 
dirigé  sur  Turas^,  et  ensuite ,  d'après  de  nou- 
veaux ordres,  sur  Svkolnitz,  Le  maréchal 
changea  sur-le-champ  le  point  de  direction, 
et  se  porta  sur  Telnitz  ;  il  détacha  le  i^'  l'égi- 
ment  de  dragons  pour  soutenir  les  troupes 
de  la  division  Legrand  qui,  après  avoir  fait 
14.  II 


102  PRÉCIS 

une  belle  défense,  avaient  été  forcées  de  se 
replier,  et  pressa  la  marche  de  son  infan- 
terie. 

Dès  que  le  général  Hendeiet,  qui  corii- 
mandait  la  première  brigade,  fut  arrivé  à  la 
liauleur  de  Telnitz ,  il  s'y  précipita.  Le  iS** 
régiment  d'infanterie  légère  et  le  jo8^  de 
ligne  combat tirerit  corps  à  cor[)S  pendant 
plus  d'une  heure  avec  tant  d'intrépidité,  et 
leurs  attaques  furent  cotiduites  avec  tant 
d'intelligence  par  le  général  Heudelet,  sous 
les  yeux  du  général  F  riant  et  du  maréchal 
Davoust,  que,  malgré  la  supériorité  du  nom- 
bre et  la  plus  forle  résistance,  les  troupes  du 
général  Buxhowden  furent  contraintes  de 
céder  et  d'abandonner  le  village  jonché  de 
morts.  Les  Russes  y  perdirent  cinq  pièces  de 
canon  et  deux  drapeaux;  ils  allaient  mettre 
bas  les  armes,  lorsque  le  26*"  régiment  d'in- 
fanterie de  la  division  Legrand  vint  se  placer 
derrière  le  ruisseau,  en  avant  duquel  com- 
battait le  108^  régiment;  et  ne  distinguant 
pas  les  couleurs,  à  cause  du  brouillard  qui 
couvrait  encore  ia  vallée,  il  ïusilla  vivement 


{ 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  1 65 

la  brigade  Heudelet.  Uennenii  reprenant  les 
armes,  profila  de  ce  désordre;  le  général 
autrichien  INostiz  chargea,  avec  les  hussards 
àe  Hesse-Homhourgy  Finfanterie  française 
déjà  parvenue  au-delà  du  village,  sur  la 
hauteur  où  le  combat  avait  commencé.  Des 
troupes  fraîches  arrivèrent  promptement 
pour  soutenir  cette  nouvelle  attaque,  rega- 
gnèrent le  terrain  deux  fois  perdu ,  et  rentrè- 
rent dans  Telnitz.  Les  brigades  de  cavalerie 
xlu  prince  Maurice  de  Lichtensteiu,  et  du  gé- 
néral Stutterheim,  passèrent  alors  le  défilé; 
mais  n'étant  pas  suivies  par  la  première  co- 
lonne russe,  qui  attendait  que  sa  communi- 
cation fût  établie  avec  la  seconde,  ces  deux 
brigades  ne  s'engagèrent  pas  plus  avant.  Le 
général  Heudelet  rallia  sa  troupe,  et  garda 
le  débouche  vers  la  plaine  :  le  général  Bour- 
cier,  avec  sa  division  de  cavalerie,  empêchait 
Tennemi,  par  des  charges  faites  à  propos 
de  se  porter  en  avant  du  village,  et  tenait 
ferme  sous  un  feu  très-vif  de  mousqueterie 
et  d'artillerie. 

Pendant  ce  combat  près  de  Telnitz ^  les 


1 64  PRÉCIS 

2^  et  5*"  colonnes  russes  ayant  quitlé  les  hau- 
teurs de  Prazeiiy  s'étaient  portées  sur  So- 
Jcolnitz,  Un  seul  régiment  de  la  division  Le- 
grand  les  arrêta  devant  ce  défilé.  Après  une 
longue  canonnade,  qui  abîma  le  village,  elles 
Y  pénétrèrent,  s'y  croisèrent  avec  beaucoup 
de  confusion;  et  poursuivant  le  mouvement 
prescrit  par  les  dispositions  générales,  sans 
s'inquiéter  de  ce  qui  pouvait  se  passer  à  la 
4^  colonne  sur  leurs  derrières,  elles  mar- 
chèrent pour  déborder  la  droite  du  général 
Legrand. 

Le  maréchal  Davoust,  qui  avait  réuni  ses 
trois  brigades,  voyant  que  la  ligne  allait  être 
"coupée,  ordonna  an  général  Priant  d'atta- 
quer les  Russes  qui  débouchaient  de  So- 
Tcolnitz  et  se  formaient  sur  les  hauteurs.  Le 
généj  al  Lochet  les  aborda  avec  le  ùfi^  régi- 
ment que  le  général  Priant  fit  appuyer  par 
la  brigade  du  général  Kister  et  par  le  iii^ 
régiment;  les  Russes  furent  culbulés,  pour- 
suivis, et  le  village  de  Sokolnitz  fut  repris  : 
six  pièces  de  canon  et  deux  drapeaux  furent 
enlevés  par  le  4^'  régiment;  mais  les  Russes 


DES    ÉVENEMENS    MILITAIRES.  l65 

renouYclant  leurs  attaques  avec  des  troupes 
/'raîches,  toutes  celles  de  la  division  Priant 
furent  successivement  et  plusieurs  fois  em- 
ployées à  arrêter  ses  efforts.  Cependant, 
l'ennemi  s'élanl  rendu  maître  du  défilé,  était 
parvenu  à  déborder  la  droiie  de  cette  divi- 
sion ,  lorsque  le  général  Priant  fil  un  chan- 
gement de  front,  et  avec  ses  trois  brigades 
parfaitement  ralliées,  chargea  la  colonne 
russe  qui,  celte  fois,  fut  enfoncée,  et  laissa 
la  plaine  couverte  de  ses  morts. 

On  se  battit  toute  la  journée  autour  de 
Telnitz  et  de  Sokolnltz  avec  le  me  aie  acliar- 
nement.  Quartorze  bataillons  français  arrê- 
tèrent sur  ces  deux  points  les  trois  premières 
colonnes  de  l'armée  combinée;  le  maréchal 
Davoust  y  soutint  avec  une  admirable  con- 
stance les  attaques  réitérées  de  forces  plus 
que  doubles  de  celles  qu'il  leur  pouvait 
opposer. 

L'affaire  générale  s'élanl  d'abord  engagée 
entre  l'aile  gauche  des  alliés  et  la  droite  de 
l'armée  française,  nous  avons  cru  devoir 
exposer  sans  interruption  ce  qui  s'y  fit  de 


1 66  PRÉCIS 

plus  remarquable  ,  avant  de  parler  îles  atta- 
ques et  des  manœuvres  du  maréchal  Soult^ 
au  centre,  qui  décidèrent  la  victoire^  et  de 
celles  de  Taile  gauche,  qui  ne  laissèrent  pas 
aux  deux  empereurs  Fespoir  de  la  voir  ba- 
lancer un  seul  instant.  On  verra,  à  la  fin  de 
cette  relation,  de  quelle  importance  furent^ 
pour  le  succès  de  la  journée^  les  combats  de 
Telnitz  et  de  Sokolnitz. 

La  l\  colonne,  qui  formait  le  centre  de 
l'arniée  combinée,  et  qui  était  conmiandée 
par  le  lieutenant -général  Kollowrath,  se 
mit  en  mouvement  vers  huit  heures  pour 
donner  aux  colonnes  de  la  gauche  le  temps 
d'évacuer  et  de  forcer  les  défilés  de  Telniiz 
et  de  SohoLnitz;  celles-ci  en  mouvement 
depuis  la  pointe  du  jour,  étaient  déjà  entiè- 
ren)ent  séparées  de  celte  4^  colonne,  centre 
de  l'armée  alliée.  L'empereur  de  Russie  et  le 
général  Kutusow  arrivèrent  à  la  tête  de  la 
colonne  au  moment  où  elle  se  portait  en 
avant  après  avoir  rompu  par  peloton  à  gau- 
che; elle  était  précédée  à  peu  de  distance 
par   une  avant -garde  de  deux  bataillons 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  ï6j 

russes  du  corps  du  général  Miloradowich, 
qui  marchait  en  lêfe,  et  qui  fut  dirigée  sur 
la  hauteur  de  Prazen,  que  la  5^  rolonne 
venait  de  quitter. 

Le  maréchal  Soult  ayant  reçu  à  hiiit  heu- 
res l'ordre  d'attaquer,  ordonna  au  général 
Saint-Hilaire,  dont  la  division  était  formée 
en  avant  du  village  de  Puritowitz ,  de  mar 
cher  sur  trois  lignes^  de  passer  \\n  ravin  qui 
descend  (\q  Prazen  sur  Kohelnitz ,  et  de 
s'emparer  du  plateau  en  arrière  et  à  gauche 
de  Prazen y  où  l'on  avait  reconnu  que  s'ap- 
puyaient la  gauche  i\\\  centre  et  la  droite  de 
la  gauche  de  l'ennemi;  il  lui  fut  expressé- 
ment recommaudé  de  ne  diriger  aucunes 
troupes  sur  i^AYZ^ï?/z^  quoique  ce  village  fût 
fortement  occupé  par  l'ennemi. 

Le  général  Vandamme,  dont  la  division 
était  en  avant  du  village  de  GirschikowitZy 
aussi  formée  sur  trois  ligries,  eut  ordre  en 
même  temps  de  marcher  à  l'ennemi,  d'atta- 
quer son  centre,  en  se  rapprochant  du  vil- 
lage {\g  Prazejz ,  mais  û'tn  jester  «à  une 
bonne  portée  poyr  isoler,  les  troupes  enner- 


}  68  PRÉCIS 

mies  qui  seraient  en  téie  du  village,  et  îe 
mettre  ainsi  entre  les  deux  divisions. 

Comme  le  général  Saint -Hilaire  devait 
avoir  le  plus  de  troupes  à  combattre,  la  bri- 
gade du  général  Levasseur  de  la  division 
Legrand  fut  laissée  en  réserve  en  avant  de 
Kohelnitz  pour  le  soutenir,  empêcher  que 
l'ennemi  ne  se  portât  sur  ses  derrières,  et 
s'opposer  au  mouvement  de  troupes  qu'il 
eût  pu  faire  de  Sokolnitz  sur  Kohelnitz. 

L'ordre  de  combat  pour  ces  deux  divi- 
sions, fut  de  rester  constamment  sur  deux 
lignes  d'infanterie  de  bataille,  et  une  d'in- 
fanlerie  légère,  et  de  conserver  les  bataillons 
en  colonne  par  division  ,  à  distance  de  pelo- 
ton ,  afin  de  pouvoir  promptement  former 
le  carré  contre  la  cavalerie,  et  opérer  les 
înciuvemens  avec  plus  de  rapidité. 

Ce  ne  fut  qu'en  atteignant  la  hauteur  de 
Prazeriy  que  l'avant-garde  de  la  l\^  colonne 
russe  aperçut  dans  le  fond  cette  grande  masse 
d'infanterie  française,  et  se  hâta  d'occuper  îe 
villase  ,  où  se  trouvait  encore  la  queue  de  la 
3'  colonne.  Surpris  de  se  voir  attaquer  au 


DES    EVÉNEMENS    MILITAIRES.  169 

milieu  de  ses  combinaisons  et  de  ses  mouve- 
mens,  le  général  Kutusow  sentit  combien  il 
lui  importait  de  soutenir  les  hauteurs  de 
Prazen;  elles  pouvaient  seules  couvrir  les 
derrières  de  sa  5^  colonne  qui,  suivant  ses 
premières  dispositions,  s'aventurait  de  plus 
en  plus;  el  en  eflet,  la  position  de  ce  plateau 
devait  décider  de  la  journée  :  c'était  la  clef 
de  la  grande  position  que  l'armée  alliée  ve- 
nait de  quitter  ;  et  la  situation  respective  des 
colonnes  de  l'aile  gauche  était  telle  que  leur 
sort  dépendait  de  la  conservation  du  pla- 
teau. 

La  grande  faute  était  commise;  elle  était 
irréparable.  Il  ne  restait  plus  au  général  Ku- 
tusow  d'autre  ressource  que  celle  de  repren- 
dre son  propre  terrain  ;  il  lui  fallait  repous- 
ser les  attaques  de  cette  même  armée  qu'il 
avait  cru  trouver  immobile  dans  sa  position 
défensive,  et  paralysée  de  terreur.  S'il  ne 
remportait  une  première  victoire,  il  ne  pou- 
vait plus  reprendre  un  plan  offensif,  uni- 
quement basé  sur  une  fausse  supposition. 
Toutefois,   si    les   généraux  alliés    avaient 


170  PRÉCIS 

manqué  de  prévoyance,  ils  montrèrent,  du 
moins,  beaucoup  de  résolution.  Le  général 
en  chef,  Kutusow,  donna  sur-le-champ  ses 
ordres  pour  occuper  le  plateau  ôe  Prazen^  et 
faire  face  à  l'ennemi.  Il  renforça  l'avantgarde 
qui  occupait  le  village,  fit  former  en  bataille, 
et  déploya  sur  les  hauteurs  à  droite  et  à 
gauche  sur  deux  lignes,  l'infanterie  du  gé- 
néral Miloradowich,  et  plaça  une  forle  masse 
en  arrière  du  village;  en  même  temps  il  fit 
demander  un  renfort  de  cavalerie  au  prince 
Jean  de  Lichtenstein ,  qui  lui  envoya  quatre- 
régimens  russes. 

Les  deux  divisions  françaises  marchèrent 
à  l'ennemi  avec  autant  de  calme  et  dans  un 
ordre  aussi  parfait  que  si  elles  eussent  été 
sur  un  terrain  d'exercice;  celle  du  général 
Saint-Hilaire  fut  la  première  à  engager  le 
combat;  le  to^  régiment  d'infanterie  légère 
sous  les  ordres  du  général  Moraud  ,  passa  le 
ravin  de  Prazen^  et  se  porta  rapidement  sur 
le  plateau  à  gauche  et  en  arrière  du  village. 
Il  culbuta  la  première  ligne  et  s'empara  de 
la  position.  Le  général  Saint-Hilaire,  qui 


DES    EVENEMENTS    MILITAIRES.  Ï7I 

dirigeait  particulièrement  cette  al  laque,  lit 
soutenir  le  nionvement  de  son  infanterie 
léî^ère,  par  sa  brigade  de  droite  composée 
des  14*^  et  56*  régimens  sons  les  ordres  an 
général  Tliiébaat,  tandis  qu'il  tenait  en  ré- 
serve sa  brigade  de  gauche  commandée  par 
le  général  Varé  (  /|5^  et  55^  régimens  )  pour 
observer  Tavant- garde  que  Fennemi  avait 
jetée  dans  le  village  de  Prazen ,  et  empêcher 
qu'elle  ne  prît  en  flanc  l'infanlerie  légère  et 
la  brigade  de  droite.  Celle  bi'igade  de  réserve 
ne  devait  s'engager  que  lorsque  la  division 
du  général  Vandamme  se  serait  mise  en  ligne. 
Mais  aussitôt  que  ces  deux  régimens  a])erçu- 
rent  la  déroute  de  la  première  ligne  ennemie, 
il  fut  impossible  de  contenir  leur  ardeur  :  ils 
s'élancèrent  sur  la  masse  d'infanterie  russe 
placée  en  arrière  ,  la  prirent  en  flaric ,  la  ren- 
versèrent et  enlevèrent  ses  canons. 

La  division  Vandamme  formée ,  ainsi 
que  celle  de  Sainl-Hilaire,  sur  trois  lignes, 
arriva  dans  ce  moment  à  hauteur  de  cet  le 
brigade  du  général  Varé,  et  attaqua  immé- 
diatement avec  tant  de  détermination,  d'en- 


172  PRECIS 

semble  et  de  rapidité  ,  que  la  première  et  la 
seconde  ligne  russe  furent  successivement 
enfoncées  et  perdirent  leur  artillerie  ;  la  ca- 
valerie qui  les  soutenait  fut  entraînée  et  ne 
put  arrêter  cet  élan.  Six  bataillons,  dont 
trois  autrichiens  ,  avantageusement  placés 
sur  un  mamelon  qui  domine  tout  le  pla- 
teau 5  y  soutinrent  bravement  un  véritable 
assaut  livré  par  le  4^  régiment  de  ligne 
et  le  24^  d'infanterie  légère  conduits  par  le 
général  Schinner  :  ces  six  bataillons  furent 
presque  entièrement  détruits. 

L'empereur  de  Russie,  qui  pendant  ce 
combat  meurtrier  était  resté  avec  son  infan- 
terie de  la  4*  colonne ,  faisait ,  avec  le  général 
Kutusow,  tous  ses  efforts  pour  remédier  au 
désordre;  ils  firent  porter  en  avant  les  ba- 
taillons russes  qui  se  trouvaient  en  qua- 
trième ligne,  pour  charger  ceux  de  la  divi- 
sion Vandamme  qui  avaient  pénétré  le  plus 
avant,  et  les  firent  soutenir  par  deux  mille 
chevaux.  Le  général  Kollowrath  reçut  ordre 
de  former  uiie  semblable  attaque  sur  la 
gauche ,  afin  d'arrêter  la  droite  de  la  division 


DES    ÏVENOÎENS    MILITAIRIS.  I7O 

Saint-Hilaire ,  et  de  déloger  ainsi  les  Français 
des  hauteurs  dont  ils  s'élaient  emparés. 

Ces  efForls  furent  infructueux;  le  maré- 
chal Soult  n'eut  point  à  faire  de  nouvelles 
dispositions  pour  les  repousser;  il  suffit 
à  ses  généraux  de  division  d'exécuter  celle 
qu'il  leur  avait  prescrite,  de  reste?-  constam- 
ment sur  deux  lignes  de  bataille.  En  effet , 
le  général  Vandamme,  dont  le  front  était 
menacé,  établit  ainsi  sa  brigade  de  gauche  : 
deux  bataillons  en  bataille,  et  deux  autres 
prêts  à  former  le  carré.  Le  28^  régiment 
fut  gardé  en  réserve  pour  soutenir  les  deux 
attaques.  La  division  formant  Féquejre  résis- 
tait par  sa  gauche  à  la  droite  de  l'ennemi, 
et  par  sa  droite,  elle  achevait,  de  concert 
avec  la  gauche  de  la  division  Saint-Hilaire, 
d'enfoncer  tout  le  centre  des  Austro-Russes, 
et  rejetait  leurs  bataillons  dispersés  au-delà 
à^ Hostiéradeck  et  dans  les  prairies  maréca- 
geuses de  Krenowitz  et  à^Aujezd. 

De  son  côté,  le  général  Saint-Hilaire,  pressé 
par  les  attaques  réitérés  de  M.  de  Koliowiath 
qu'une  brigade  détachée  de  la  5"  colonne 


J74  PRÉGJS 

venait  de  renforcer ,  se  maintenait  sur  le  pla- 
teau de  Prazen  toujours  combattant  dans  le 
même  ordre  avec  une  héroïque  fermeté  : 
l^ennemi  entreprit  trois  attaques  successives 
sur  cette  ligne  vraiment  formidable  ;  mais 
sans  l'attendre  de  pied  ferme,  les  bataillons 
français,  gardant  leur  alignement  et  leurs 
intervalles,  marchaient  à  sa  rencontre,  le 
renversaient  et  enlevaient  chaque  fois  les 
canons  qu'il  metlait  en  batterie.  C'était  la 
brigade  russe  du  général  Kaminski,  renforcée 
par  deux  régimens  de  grenadiers  tirés  de  la 
seconde  colonne ,  qui  combattait  de  ce  côté 
avec  une  constance  digne  d'un  meilleur  sort. 
Cependant,  le  maréchal  Soult  s'aperce- 
vant  que  l'ennemi  réunissait  de  nouvelles 
forces  sur  les  hauteurs  ^ Aujezd ^  et  qu'il 
faisait  filer  une  colonne  par  le  revers  de  la 
montagne  j  fit  soutenir  la  droite  de  la  divi- 
sion Saint-Hilaire  par  une  brigade  de  la  di- 
vision Legrand  restée  en  réserve  en  avant  du 
village  de  KobelnitZy  sous  les  ordres  du  géné- 
ral Levasseur.  Cette  brigade  eut  ordre  d'avan- 
cer, d'attaquer  la  colonne  ennemie  qui  se  por- 


DES    EVÉNI-MJiNS    MILITA  IIIES.  I7D 

tait  sur  les  derrières  de  la  division  Saint- 
Hilaire ,  de  faire  ensuile  un  changement  de 
direction  à  droile,  et  de  s'élablir  à  la  droite 
de  la  division.  Ce  mouvement  s'exécuta  avec 
autant  de  célérité  que  d'intelligence;  l'en- 
nemi fut  de  nouveau  repoussé.  Le  général 
Saint-Hilaire ,  qui,  quoique  blessé,  n'avait 
pas  quitté  le  champ  de  bataille,  profita  de  ce 
moment  pour  ordonnei*  un  changement  de 
front  à  droite,  l'aile  gauche  marchant  en 
avant,  en  chargeant  l'ennemi. 

Pour  assurer  le  succès  de  cette  disposition 
très-hardie ,  le  maréchal  Soplt  fil  soutenir  la 
gauche  du  général  Saint-Hilaire  par  la  divi- 
sion de  dragons  du  général  Boyer  que  l'em- 
pereur Napoléon  venait  de  lui  envoyer  pour 
soutenir  ses  attaques  ;  cette  manœuvre  déci- 
sive réussit  complètement;  l'ennemi  aban^ 
donnant  les  hauteurs,  fut  se  reformer  dans 
les  vignes  au  revers  de  la  montagne  ;  la  po- 
sition fut  enlevée  ,  et  le  général  Saint-Hilaire 
l'occupa  avec  sa  division. 

Le  général  Vandamme  qui  s'était  maintenu 
sur  la  hauteur  à  la  droite  de  F ra zen  coniie 


1-^6  PRECIS 

les  attaques  du  général  Miloradowicli ,  reçut 
ordre  de  se  préparer  à  faire  un  changement 
de  direction  adroite  avec  toutes  ses  troupes, 
pour  se  porter  sur  les  hauteurs  et  le  village 
CCAujezdy  sur  le  flanc  droit  et  les  derrières 
des  premières  colonnes  qui  avaient  formé 
Faile  gatiche  de  l'armée  combinée.  11  fut  en 
même  temps  prévenu  qu'une  division  du 
maréchal  Bernadotte,  commandée  par  le  gé- 
néral Drouet,  que  l'empereur  Napoléon  avait 
déjà  fait  avancer,  allait  le  remplacer  dans 
sa  position. 

Ainsi,  après  deux  heures  de  combat,  les 
alliés  perdirent  les  hauteurs  de  Prazen  et 
toute  l'artillerie  qu'ils  y  montrèrent.  Dès  ce 
moment,  ils  n'eurent  plus  d'espoir  de  réta- 
blir la  bataille;  mais  avant  de  dire  quelle 
en  fut  pour  eux  la  désastreuse  issue,  faisons 
voir  comment  Napoléon  acheva  la  défaite  de 
leur  centre  et  de  leurs  réserves,  en  les  sé- 
parant de  leur  aile  droite,  battue  à  son  tour, 
mise  en  désordre,  el  de  laquelle  ils  ne  purent 
tirer  que  d'inutiles  secours. 

Peud'instans  après  que  le  maréchal  SouJt 


Î)ES    EVENEMEWS    MILITAIRES.  I^^ 

eut  reçu  l'ordre  de  démasquer  son  attaque , 
Napoléon  ordonna  au  maréchal  Bernadette 
de  déboucher  de  Girschikotvitz^  et  de  porter 
ses  deux  divisions,  celle  du  général  Rivaud 
sur  sa  gauche,  celle  du  général  Drouet  sur 
sa  droiîe,  en  les  dirigeant  vers  les  haïUeurs 
de  Biasowiiz  j  il  se  porta  lui-même,  avec 
son  escorte,  au-delà  du  ruisseau,  et  à  droite 
en  avant  du  village. 

La  cavalerie  du  prince  Murât  se  mit  en 
bataille  sur  plusieurs  lignes ,  à  la  gauche  du 
corps  du  maréchal  Bernadotte,  et  marcha 
entre  Girschikowitz  et  Kruh, 

Le  maréchal  Lannes  avait  reçu  Tordre  de 
porter  ses  deux  divisions  en  avant  sur  sa 
gauche,  en  s'appuyant  au  Santon  dans  la 
direction  âeBo.seyiitz^  pour  démasquer  la  ca- 
valerie du  prince  Murât.  La  division  du  gé- 
néral Suchet ,  qui  se  trouvait  ainsi  au  com- 
mencement de  Faction ,  en  première  ligne 
de  toute  l'armée,  céda  sa  droite  à  la  division 
du  général  Caffarelli.  L'une  et  l'autre  se  con 
formant  à  l'ordre  général  pour  le  combat, 
s'avançaient  sur  deux  lignes  :  la  première  en 

i4'  i^ 


I ^8  PRECIS 

bataille,  la  seconde  en  colonnes  d'attaque, 
avec  l'artillerie  dans  les  intervalles;  ce  fat 
sur-oLit  à  cetle  excellente  disposition,  la 
plus  propre  à  résisler  à  une  nombreuse  ca- 
valerie, que  Taile  gaucbe  de  l'armée  fran- 
çaise dut  ses  succès. 

Là,  comme  sur  toute  la  ligne,  les  manœu- 
vres pour  attaquer  commencèrent  à  la  pointe 
du  jour,  et  n'étonnèrent  pas  moins  l'ennemi 
que  celles  du  maréchal  Soult  sur  les  hau- 
teurs de  Prazen.  A  sept  heures  du  matin, 
le  général  Kellermann  s'avança  pour  couvrir 
la  division  Suchet  ;  il  s'établit  sur  son  front 
et  sur  celui  de  la  division  Cafîiirelli  avec  sa 
division  de  cavalerie  légère.  Dès  que  le 
lever  du  soleil  permit  de  distinguer  les 
masses,  une  forte  canonnade  s'engagea  sur 
tous  les  points,  depuis  le  pendant  des  hau- 
teurs, entre  Prazen  et  Blasowitz ^  jusqu'à 
l'extrémité  de  l'aile  droite  des  alliés.  Cetle 
canonnade  fut  très-meurtrière  pour  les  deux 
partis;  les  alliés  avaient  sur  les  Français 
Tcivantage  des  positions  élevées,  mais  ra- 
santes. Ceux-ci  liraient  avec  plus  de  justesse 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  1 79 

et   de  vivacité.   Plusieurs    batteries   russes 
furent  promptement  démontées. 

Le  grand-duc  Constantin,  qui  avait  dû 
former  avec  toute  la  garde  impériale  russe 
la  réserve  de  la  droite  des  alliés,  avait  quitté 
les  hauteurs  ^ Austerlitz  pour  se  porter  sur 
celles  de  Blasowitz  et  de  Kruh;  il  devait  se 
trouver  en  arrière  de  la  cavalerie  du  prince 
Jean  de  Lichtenstein  qui,  en  arrivant  sur  la 
ligne  de  bataille,  devait  se  former  à  la  gau- 
che du  corps  du  prince  Bagrafion ,  pour  se 
rendre  maître  de  la  plaine  devant  Schlapa- 
nitz.  Mais  cette  masse  de  cavalerie  qui,  la 
veille,  avait  été  placée  derrière  la  5^ colonne, 
ne  pouvait  marcher  que  par  son  flanc  droit 
pour  arriver  à  son  point  d'attaque;  elle  fut 
arrêtée  dans  sa  marche  par  les  colonnes  d'in- 
fanterie qui  la  croisèrent  en  se  portant  en 
avant  pour  descendre  des  hauteurs.  Il  résulta 
de  cette  confusion  que  le  grand-duc,  à  peine 
arrivé  devant  Blasowitz ;,  se  trouva  en  pre- 
mière ligne,  et  bientôt  engagé  avec  les  tirail- 
leursducorpsdumaréchalBernadotteetceux 
de  la  cavalerie  légère  du  général  Kellermann. 


1 8o  PRÉCIS 

Le  prince  de  Lichtenstein ,  en  arrivant 
sur  la  gauche  du  grand-duc,  voyant  la  garde 
pressée  vivement  par  la  cavalerie  de  Keller- 
mann  ,  se  hâta  de  mettre  la  sienne  en  ba- 
taille. Comme  il  avait,  pendant  sa  marche, 
détaché  le  général  Uwarow  avec  dix  esca- 
drons pour  couvrir  le  flanc  gauche  du  prince 
Bagration  ,  le  régiment  deUhlans  du  grand- 
duc  Constantin,  Tun  des  plus  beaux  de 
l'armée  russe,  se  trouva  en  tête  de  la  co- 
lonne; il  déploya  et  chargea  le  premier. 
La  cavcderie  du  général  Kellermann  fut  ra- 
menée jusqu'à  la  première  ligne  de  l'infan- 
terie française ,  et  passa  dans  les  intervalles 
des  bataillons  pour  se  rallier  en  arrière;  les 
Uhlans  s'abandonnant  dans  cette  poursuite, 
et  traversant  ces  mêmes  intervalles,  furent 
arrêtés,  mis  en  déroute  ,  et  presque  détruits 
par  les  feux  de  file  croisés  des  bataillons  de 
la  première  et  de  la  seconde  ligne.  Plus  de 
quatre  cents  Uhlans  restèrent  sur  la  place. 
Le  général  Essen,  qui  conduisait  cette  charge, 
et  qui,  pour  se  trouver  à  la  bataille,  avait 
devancé   de  quelques  heures   l'arrivée  du 


PES    ÉVÉNEMFNS    MILITAHIES.  l8l 

renfort  qu'il  amenait,  fut  blessé  à  mort. 
Ceux  qui  purent  se  retirer  de  ce  terrible 
feu  5  allèrent  se  reformer  derrière  le  corps 
du  })rince  Bagration,  qui  s'était  porté  en 
avant  de  la  maison  de  poste  de  Posorzitz y 
et  avait  fait  occuper  par  son  infanterie  les 
villages  de  Kruh  et  à^Hollubltz. 

Le  maréchal  Lannes  continuait  à  gagner 
du  terrain  par  sa  gauche;  la  division  du 
général  Suchet  se  dirigeant  snr  Kowoïowitz 
pour  déborder  la  droite  de  Fennemi ,  et 
celle  de  CafFarelli  suivant  la  chaussée. 

Ces  manœuvres  et  ces  combats  de  l'aile 
gauche  de  l'armée  française  ne  sont  pas 
moins  remarquables  que  ceux  du  centre  et 
de  l'aile  droite,  où  l'infanterie  agit  presque 
seule  avec  une  vigueur  et  une  précision  que 
nous  croyons  n'avoir  jamais  été  surpassées 
dans  aucune  bataille  rangée.  Celle  iVAuster- 
litz  offre  aux  militaires  désireux  de  s'ins- 
truire dans  cet  art  difficile,  les  objets  d'étude 
les  plus  variés,  et  des  exemples  d'application 
des  meilleurs  principes  de  tactique  :  c'est 
pourquoi  nous  nous  sonimcs  attachés  à  dé- 


ïSl  PIlÉCIS 

velopper  et  à  raisonner  les  mouvemens  des 
deux  partis. 

On  doit,  sans  doute,  admirer  le  génie  de 
Napol-éon  et  la  justesse  de  ses  vues  dans  la 
distribution  des  différentes  armes,  selon  la 
nature  du  terrain  et  les  desseins  de  l'ennemi, 
qu'il  avait  si  bien  pénétrés;  mais  il  faut 
laisser  à  ses  illustres  lieutenans  tout  l'hon- 
neur de  la  conduite  de  l'aclion  et  du  meilleur 
emploi  de  leurs  troupes, chacun  pour  la  part 
qui  lui  était  dévolue  ;  celle  du  maréchal 
Lannes, du  maréchal  Bernadotle  etdu  prince 
Murât ,  entre  Blasowitz  et  le  pied  des  mon- 
tagnes, fut  aussi  glorieuse,  aussi  brillante, 
quoique  moins  promptement  décisive,  que 
celle  du  maréchal  Soult  sur  les  hauteurs  de 
Prazen. 

On  doit  surtout  observer  qu'à  la  gauche 
du  centre,  entre  Prazen  et  Blasowitz ,  et 
depuis  ce  village  jusqu'au  grand  ravin  formé 
par  la  petite  rivière  d'Oworoschna,  le  ter- 
rain uni  et  découvert  était  fivorable  aux 
manœuvres  de  la  cavalerie.  Napoléon  avait 
bien  prévu  que  le  général  Kutusow  y  jette- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  l83 

rait  la  sienne  pour  éviter  les  déBlés,  et  pro- 
fiter, en  cas  de  succès,  du  débouché  de  la 
grande  route.  Il  porta  donc  aussi  la  plus  forte 
niasse  de  ses  troupes  à  cheval  dans  celte  j)ar- 
tie  du  champ  de  bataille  ;  mais  en  l'opposant 
à  celle  de  Fennemi,  il  eut  soin  de  la  faire  sou- 
tenir par  les  quatre  divisions  d'infanterie  des 
corps  du  maréchal  Lannes  et  du  maréchal 
Bernadotte,  formées,  comme  nous  l'avons 
dit,  sur  deux  lignes  :  la  première  en  bataille, 
et  la  seconde  en  colonne  par  bataillon  ;  la  ca- 
valerie légère  en  avant  d  u  front ,  protégée  par 
l'artillerie;  la  grosse  cavalerie  formée  sur 
plusieurs  lignes  en  arrière  de  l'infanterie. 
Dans  cet  ordre,  les  deux  armes  se  prêtant 
un  mutuel  appui,  défiaient  tous  les  efforla 
de  la  nombreuse  cavalerie  des  alliés.  Une 
charge  leur  avait-elle  réussi,  leurs  escadrons 
à  demi  rompus  venaient  se  briser  contre  cette 
inébranlable  infanterie,  et  mis  en  désordre, 
comme  le  furent  les  Uhlans  du  grand-duc, 
ils  étaient  chargés  à  leur  tour,  et  rejetés  au- 
delà  de  leur  ligne  ;  étaient-ils ,  au  contraire , 
obligés  de  plier,  ils  ne  pouvaient  jîlus  rega- 


I  84  P  11  E  C  1  s 

gner  le  terrain  perdu,  parce  que  les  lignes 
d'infanterie  s'avançaient  en  combaltanl.  Celte 
manœuvre ,  plusieurs  fois  exécutée  sur  diffé- 
rens  points,  eut  constamment  la  même  issue, 
le  même  succès  pour  les  Français. 

BlasowitZy  attaqué  par  la  droite  du  maré- 
chal Lannes  et  par  la  gauche  du  maréchal 
Bernadûlte,  fut  emporte.  Ce  fut  là  que  le 
brave  colonel  Castex  fut  tué.  Les  divisions 
de  cavalerie  des  généraux  Kellermann  et 
Vallher,  fournirent  successivement  })]u~ 
sieurs  belles  charges,  et  enlevèrent  huit 
pièces  ue  canon.  Un  corps  de  dragons  russes 
ayant  débordé  la  droite  de  la  division  Caffa- 
relli,  perça  jusqua  la  seconde  ligne,  entre 
le  17'  régiment  et  le  6r.  Le  général  de  Biîly 
qui  les  commandait,  ayant  fait  former  les 
carrés,  cette  troupe  fut  écrasée  sous  le  feu 
de  mousqueterie;  le  général  Nansouty  saisit 
ce  moment  pour  charger  avec  ses  cuirassiers, 
et  culbuta  tout  ce  qui  se  trouva  devant  lui. 

Les  Russes  perdirent  ainsi  les  hauteurs 
de  Blasowitz  et  le  plateau  élevé  qui  est  près 
de  Knih,  Le  prince  de  Lichtenstein ,  après 


DES    ÉVÉKOTENS    MlLITArRES.  î  85 

avoir  fait  par  sa  gauche  de  vaines  tentatives 
pour  couvrir  le  terrain  entre  Blasowitz  et 
Prazen^  porta  une  partie  de  sa  cavalerie  sur 
sa  gauche,  pouf  protéger  la  retraite  de  la 
4«  colonne.  Le  grand-duc  regagna  les  hau- 
teurs entre  Prazen  et  Krzejiowitz. 

Vers  midi,  les  17%  5o^  et  61"  régimens 
(division  Caffitrelli)  chargèrent  à  la  baïon- 
nette, et  culbutèrent ,  après  une  vive  résis- 
tance, l'infanterie  de  la  gauche  du  prince 
Bagration,  qui  avait  essayé  de  couvrir  son 
front  par  le  ravin  perpendiculaire  à  la  route, 
et  qui  descend  vers  Blasowitz  ^  ils  firent 
quinze  cents  prisonniers,  et  prirent  sur  les 
hauteurs  de  Kruh  six  pièces  de  canon  qu'ils 
tournèrent  sut  l'ennemi.  Kruh  et  Holluhitz 
furent  abandonnés,  et  les  troupes  qui  avaient 
défendu  ces  deux  villages  contiiîus  se  reti- 
rèrent au-delà  du  ruisseau  de  Tf^elzpitz, 

Le  maréchal  Lannes  s'apercevant  qu'il  n'y 
avait  plus  d'ensemble  ni  d'accord  dans  les 
mouvemens  de  l'ennemi,  et  que  l'infanterie 
du  prince  Bagration  ,  qui,  dès  le  commen- 
cement de  l'actiouj  s'était  emparée  à.ç^  Bose^ 


1 86  PRÉCIS 

nitz y  était  fort  ébranlée,  ordonna  très  à  pro- 
pos à  la  division  Sucliet,  et  à  une  partie  de 
celle  de  Caffarelîi  qni  s'y  était  réunie,  de 
faire  un  changement  de  front,  l'aile  droite 
en  avant.  Cette  manœuvre  fut  exécutée  avec 
autant  de  célérité  que  de  précision.  Pendant 
que  les  bataillons  de  la  première  ligne,  serrés 
en  masse,  rompaient  la  ligne  ennemie,  et 
la  jetaient  sur  la  droite,  en  s'avançant  entre 
la  gauche  du  prince  Bagration  et  la  cavalerie 
du  général  Uwarow,  la  seconde  ligne  de  la 
division  Suchet  se  déployait,  reprenait  5c;- 
senitz  y  et  le  maréchal  Lannes  faisait  établir 
une  batterie  de  dix-huit  pièces  de  canon  sur 
le  plateau  dominant  entre  Bosenitz  elKowa- 
lowitz, 

La  cavalerie  du  général  Uwarow  ayant 
gagné  par  sa  droite  le  plateau  de  Posorzitz, 
le  prince  Murât  rapprocha  de  la  gauche  les 
divisions  des  généraux  Walther  et  d'Haut- 
poul;  le  combat  s'engagea;  les  brigades  des 
généraux  Sébastiani  et  Roger  chargèrent  la 
cavalerie  d'Uwarow,  et  la  repoussèrent  der- 
rière son  infanterie;  celle-ci  tint  ferme,  mais 


DES    JÉVKNEMENS    MILITAIRES.  187 

le  général  d'Hautpoul  s'avança  sur  elle  avec 
sa  division. de  cuirassiers,  fournit  une  charge 
en  muraille,  l'enfonça,  prit  un  drapeau, 
onze  pièces  de  canon ,  et  fit  douze  à  quinze 
cents  prisonniers. 

Les  débris  de  l'infanterie  de  l'aile  droite 
des  alliés,  déposlés  de  toutes  les  positions 
avantageuses,  s'étaient  réunis  en  une  seule 
masse,  que  de  nouvelles  charges  de  cavalerie 
ne  purent  réduire  à  mettre  bas  les  armes. 
Le  général  Suchet  porta  alors  ses  bataillons, 
tous  à  la  fois,  au  pas  de  charge,  sur  cette 
masse  qui  ne  put  soutenir  un  si  rude  choc. 
Ce  ne  fut  plus  qu'un  champ  de  carnage; 
l'artillerie  fut  enlevée,  près  de  deux  mille 
Russes  furent  faits  prisonniers;  le  reste  fut 
mis  en  fuite  et  se  jeta  dans  la  vallée  de  Ko- 
walowitz.  Le  prince  Bagration  et  le  général 
Uwarow,  ne  pouvant  arrêter  plus  long-temps 
les  progrès  rapides  de  l'aile  gauche  des  Fran- 
çais, cédèrent  entièrement  le  champ  de  ba- 
taille, et  rallièrent  leurs  troupes  sur  les  hau- 
teurs de  Rausnitz.  Le  maréchal  Lannes  et 
le  prince  Murât  reçurent  de  Napoléon  l'ordre 


i88  PRÉCIS 

d'arrêter  leurs  divisions  à  la  hauteur  de 
Posorzitz.  Le  prince  Bagration  se  retira  sur 
Austerlitz ,  et  laissa  à  découvert  la  route 
à'Olmiitz y  sar  laquelle  la  plus  grande  partie 
des  équipages  de  Farinée  russe  ne  tarda  pas 
à  être  enlevée. 

On  voit  que  les  deux  corps  formant  l'aile 
gauche  de  l'armée  française  ,  livrèrent ,  pour 
ainsi  dire ,  une  bataille  séparée ,  et  qu'au  lieu 
d'être  rejelée  sur  le  centre,  et  en-deçà  de  la 
route  (ÏOlmutz  par  un  grand  effort  de  l'aile 
droite  des  alliés  ,  ceux-ci  n'ayant  à  leur  gau- 
che aucun  point  d'appui ,  se  trouvèrent ,  à  la 
fin  de  l'action,  avoir  fait ,  en  rétrogradant , 
une  demi-conversion ,  de  manière  que  les 
troupes  du  maréchal  Lannes  et  du  prince 
Murât,  pour  faire  face  à  l'ennemi,  s'il  eût 
tenu  sur  les  hauteurs  CC Austerlitz  ^  se  se- 
raient formées  sur  le  même  terrain  qu'il  oc- 
cupait au  commencement  de  la  bataille. 

Pendant  cinq  heures  de  combat  de  pied 
ferme  ou  la  baïonnette  croisée  ,  une  foule  de 
braves  se  signalèrent  par  des  actions  d'éclat; 
l'histoire  militaire  n'en  devrait  laisser  au- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  1 89 

cane  en  oubli,  et  les  vainqueurs  et  les  vain- 
cus ont  droit  à  cette  commémoration.  Mais 
pouvons-nous  soutenir  Fattenlion  et  l'intérêt 
du  lecteur  sur  Tensemble  de  la  bataille,  si 
nous  nous  laissons  entraîner  à  les  en  distraire 
à  chaque  pas,  par  le  récit  de  tant  de  glorieux 
faits  d'armes?  Que  du  moins  le  petit  nombre 
de  ceux  que  nous  citons  comme  de  mémo- 
rables exemples  de  vertus  guerrières  ,  attes- 
tent nos  regrets  de  ne  pouvoir  les  mention- 
ner tous  dans  ce  précis.  Le  général  français 
Yalhubert,  mortellement  blessé,  rappela  aux 
grenadiers  qui  accoururent  pour  l'enlever, 
Tordre  de  l'empereur  de  ne  pas  quitter  le 
champ  de  bataille  pour  secourir  les  blessés, 
et  les  renvoya  à  leur  poste;  le  soir,  ayant  été 
transporté  à  Brïïnn y  il  écrivit  à  l'empereur  : 
<(  Je  voudrais  avoir  fait  plus  pour  vous  ;  dans 
<(  une  heure  je  ne  serai  plus  ;  je  n'ai  donc 
<c  pas  besoin  de  vous  recommander  ma  femme 
c(  et  mes  en  fans.  » 

Le  capitaiue  Horry  Duparc ,  du  64^  régi- 
ment, appelé  par  le  major  pour  remplacer 
Je  chef  de  bataillon  qui  venait  d'être  blessé, 


igo  PRÉCIS 

avait  auprès  de  lui  son  fils,  officier  d'une 
grande  espérance.  Au  même  instant  un  bou- 
let qui  tua  le  cheval  du  major  emporta  ce 
jeune  homme,  dont  les  deux  frères  étaient 
déjà  morts  au  champ  d'honneur.  «  C'est  le 
(c  dernier  de  mes  fils,  s'écria  le  malheureux 
«  père,  mais  ce  n'est  pas  le  moment  de  le 
«  pleurer  ;  je  me  dois  tout  entier  à  mon 
(c  pays.  »  Il  prit  le  commandement  du  ba- 
taillon ,  et  se  précipita  dans  les  rangs  de  l'en- 
nemi. 

Ne  pouvant  décrire  à  la  fois  ,  et  faire  clai- 
rement concevoir  tout  ce  qui  se  passait  aux 
mêmes  heures  sur  ce  vaste  champ  de  bataille, 
nous  avons  narré  sans  nous  interrompre  les 
manœuvres  et  les  combats  de  l'aile  gauche 
des  Français  jusqu'à  la  fin  de  la  journée ,  et 
les  pertes  et  la  retraite  précipitée  des  alliés; 
il  nous  reste  maintenant  à  faire  connaître  les 
vigoureux ,  mais  inutiles  efforts  qu'ils  ten- 
tèrent pour  rétablir  le  combat  au  centre  , 
en  y  sacrifiant  leur  réserve,  et  enfin  com- 
ment la  défaite  et  la  destruction  de  leur  aile 
gauche  complétèrent  la  victoire  de  Napoléon. 


DES    EVÉNEMENS    MILITAIRES.  I9I    ^ 

Lorsque  le  général  Vandanime,  après  le  suc- 
cès de  sa  brillante  allaque  sur  les  hauteurs, 
à  la  droite  de  Prazen ^  eut  reçu  du  maréchal 
Soult  l'ordre  de  faire  son  changen\ent  de 
direction  à  droite ,  en  rexéculant  et  cédant 
sa  position  à  la  division  du  général  Drouel, 
que  le  maréchal  Bernadotte  y  dirigeait,  il 
dut  rappeler  le  i"  bataillon  du  4*'  régiment 
de  ligne  et  le  2^  du  24^  d'infanterie  légère 
qui  s'étaient  emportés  à  la  poursuite  de  l'en- 
nemi. Ces  deux  bataillons  furent  tout  à 
coup  arrêtés  par  une  nouvelle  ligne  d'environ 
deux  mille  chevaux,  soutenus  par  une  masse 
d'infanterie  et  par  beaucoup  d'artillerie  ; 
c'était  la  réserve  de  la  garde  impériale  russe 
commandée  par  le  grand-duc  Constantin , 
dont  l'avant-garde  venait  d'être  repoussée 
de  Blasowitz ;  ces  deux  bataillons  furent 
chargés  sur  leur  flanc  gauche  par  la  cava- 
lerie de  la  garde  impériale  russe,  au  moment 
où  ils  se  plaçaient  en  colonne  pour  former 
le  carré  ;  quoique  mis  en  désordre  ,  ils  com- 
battirent vaillamment,  mais  ils  furent  ren- 
versés, percés  de  coups  de  lance  et  dispersés. 


r  92  PRECIS 

Deux  sous-officiers  qui  portaient  l'aigle  du 
IÇ  régiment,  furent  tués,  un  troisième  griè- 
vement blessé  :  Faigle  fut  enlevée. 

L'empereur  Napoléon,  qui  était  à  peu  de 
distance  sous  Blaso-witz  ^  en  avant  de  sa  ré- 
serve, impatiente  de  combattre,  fut  bientôt 
informé  de  cet  événement.  Il  ordonna  sur- 
le-cbamp  au  général  Rapp  de  se  mettre  à  la 
tête  de  ses  Mamelucks,  de  deux  escadrons 
de  chasseurs,  et  d'un  escadron  de  grenadiers 
de  sa  garde,  et  de  se  porter  au-devant  de 
l'ennemi.  (  Nous  laissons  parler  ici  le  général 
Rapp  lui-même,  d'après  une  note  écrite  de 
sa  main,  d'un  style  aussi  simple  qu'énergi- 
que, et  qui  renferme  un  récit  fidèle  de  l'en- 
gagement qui  eut  lieu  entre  les  troupes  des 
deux  gardes  impériales  )  : 

«  Je  fis  mon  mouvement  dans  un  clin 
c(  d'oeil;  je  partis  au  galop,  et  à  deux  portées 
((de  canon  j'aperçus  le  désordre  de  nos 
((troupes;  quelques  fuyards  me  confirmé- 
((  rent  ce  qui  s'était  passé;  c'est-à-dire  que 
((  la  cavalerie  russe  était  au  milieu  de  nos 
((carrés,   sabrant   nos  soldats.  Nous  aper- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  I  r)5 

c(  eûmes  derrière  ce  champ  de  carnage  la  re- 
c(  serve  ennemie,  composée  de  fortes  masses 
«d'infanterie  et  de  cavalerie,  qui  arrivait. 
((  Je  mis  mes  troupes  en  l/ataille  à  mi-portée 
«  de  fusil  de  l'ennemi  qui,  de  son  côté,  quitta 
ce  notre  infanterie  sabrée  pour  se  ranger  en 
((  bataille.    Quatre  pièces    d'artillerie    arri- 
(c  vèrent  au  galop,  et  furent  mises  en   baî- 
(f  terie  devant  moi;  j'avais  à  ma  gauche  le 
((  brave  colonel  Morlan  et  le  brave  général 
ce  Dailemagne,  J'adressai  ces  propres  paroles 
c(  à  ma  troupe  :  Vous  voyez  ce  qui  se  passe 
cela  bas;  il  faut  sauver  nos  camarades.  Je 
(c  chargeai  de  suite  l'artillerie  russe ,  qui  fut 
((  enlevée.  La  cavalerie  de  la  garde  russe  nous 
«  attendit  de  pied  ferme  :  nous  l'enfonçâmes; 
«elle  fut  mise  en  déroute,  et  se  sauva  en 
«désordre;  repassa,  ainsi  que  nous,  sur  le 
«corps  de  nos  carrés  enfoncés.  Tous  ceux 
«qui  n'étaient  pas  blessés  se  relevèrent  et 
«  se  rallièrent.  Un  escadron  de  grenadiers  à 
«  cheval  vint  me  renforcer  pendant  que  les 
«  réserves  arrivaient  au  secours  de  la  garde 
«  russe;  je  ralliai  mes  troupes  au  moment 
14.  i3 


1 94  PRÉCIS 

(f  OÙ  les  Russes  se  formaient  de  nonvean  en 
(c  bataille;  J'exécutai  une  nouvelle  charge, 
(c  et  nous  enfonçâmes  tout  ce  qui  se  trouva 
«  sur  notre  passage.  C'est  là  où  la  mêlée  dura 
ce  cinq  minutes  :  les  Russes  se  battirent  avec 
«une  valeur  digne  d'admiration,  mais  ne 
(c  purent  résister  au  sang-froid  et  à  l'intré- 
«  pidité  de  nos  soldats.  Nous  nous  battîmes 
«constamment  corps  à  corps,  l'infanterie 
((  russe  n'osant  tirer  dans  la  mêlée.  Tout  à 
(C  coup  ,  la  garde  russe  plia,  et  alla  chercher 
«  un  refuge  dans  son  infanterie,  qui  avait 
(C  déposé  ses  havre-sacs  pour  mieux  se  battre. 
<c  Nous  enfonçâmes  tout  :  le  carnage  devint 
((  terrible;  le  brave  colonel  Morland  fut  tué; 
«  le  général  Dallemagne  ,  les  officiers  et  sol- 
«  dats  se  battirent  avec  une  rare  intrépidité; 
«  je  reçus  un  coup  de  pointe  de  sabre  dans 
<c  la  tête,  qui  fit  tomber  mon  chapeau  sur 
c(  le  champ  de  bataille  :  mon  cheval  reçut 
c(  cinq  blessures.  La  défaite  de  la  garde  im- 
«  périale  russe  eut  lieu  en  présence  de  l'em- 
«  pereur  Alexandre  et  de  l'empereur  d'Au- 
«  triche,  qui  étaient  sur  une  élévation  à  peu 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  1  gS 

(c  de  distance  du  champ  de  carnage.  Le  prince 
«  Repnin  ,  commandant  les  chevaliers-gar- 
ce des,  fut  fait  prisonnier....  » 

Cette  défaite  fut  entière;  les  drapeaux, 
les  canons  tombèrent  au  pouvoir  des  Fran- 
çais. Les  bataillons  et  les  escadrons  de  la 
garde  russe,  rompus,  se  rallièrent  en  se  re- 
tirant ,  d'abord  au-delà  de  la  petite  rivière 
de  Littawa ,  au-dessus  de  Krzenowich^  et  en- 
suite SUT  Austerlitz.  La  division  du  général 
Drouet ,  qui,  pendant  l'engagement  des  deux 
gardes,  avait  pris  position  à  la  place  de  celle 
du  général  Vandamme,  protégea  le  mouve- 
ment des  deux  bataillons  qui  avaient  donné 
lieu  à  ce  rude  combat;  ils  rejoignirent  leur 
division.  Celui  du  4^  régiment,  qui  avait 
perdu  son  aigle ,  fut  assez  heureux  pour  s'en 
venger  dans  la  même  journée,  en  enlevant 
deux  drapeaux  à  l'ennemi.  Le  général  Van- 
damme  opéra  son  changement  de  direction, 
et  vint  prendre  position  à  la  gauche  de  la 
division  du  général  Saint -Hilaire,  sur  les 
hauteurs  iï^ujezd. 

Ainsi,  l'aile  droite  et  le  centre  de  l'armée 


KjG  }>  R  É  C  I  s 

combinée  étant  battus,  en  fuite  ou  en  re- 
traite Iiors  du  champ  de  bataille  ;  son  aile 
gauche ,  et  ce  qui  pouvait  rester  du  centre, 
se  trouvèrent  enfermés  dans  la  plaine,  entre 
^ujezd  et  Sokolnitz ^  et  dans  les  défilés  de 
TelnitZy  ayant  à  dos  les  étangs  de  Satschariy 
et  pour  toute  retraite  une  digue  assez  étroite 
entre  les  étangs,  qui  conduit  des  hauteurs 
de  Menitz  à  Satschan.  La  position  de  l'en- 
nemi devenait  de  plus  en  plus  critique;  mais 
il  faisait  bonne  contenance.   Une  ligne  de 
six  mille  hommes  d'infanterie,  qui  couvrait 
une  partie  du  parc  d'artillerie,  était  restée 
dans  les  vignes,  au  bas  des  montagnes  à^Au- 
jezd.  Elle  voulut  engager  une  charge  sur  la 
division  Saint-Hilaire ,  et  déjà  elle  gravissait 
le   coteau,   lorsque  la  division  du  général 
Vandamme  arriva  sur  le  plateau  de  la  cha- 
pelle Saint- Antoine.    Une  brigade  de  cette 
division  (les  4^^  et  67^  régimens),  conduite 
par  le  général  Ferrey,  et  soutenue  par  la 
division  de  dragons  du  général  Beaumont, 
marcha  à  la  rencontre  de  cette  infanterie; 
c'était  une  partie  de  la  ri^  colonne  russe,  que 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  I97 

le  général  Buxhowclen  amenait  trop  tard , 
par  Aujezdy  au  secours  du  centre.  Elle  fut 
chargée  et  mise  en  déroute;  le  village  ^ Au- 
jezd  fut  emporté;  plus  de  trois  mille  prison- 
niers, et  toute  l'artillerie  5  y  furent  pris. 
Le  général  Buxliowden,  avec  quelques  ba- 
taillons, se  retira  snv  Austerlitz  ;\q  reste  de 
cette  infanterie  ne  trouvant  plus  d'autre 
issue,  se  dispersa  :  une  partie  essayant  de 
passer  sur  les  marais  gelés,  à  la  tête  du  lac, 
s'y  enfonça,  parce  que  la  glace  se  rompit; 
l'autre  se  rejeta  précipitamment  sur  Sokol- 
nitz. 

On  a  vu  ci-dessus  que  les  i^  et  3^  colonnes 
des  alliés,  poursuivant  leur  marche  sur  les 
points  d'attaque  fixés  dans  la  disposition 
générale,  comme  l'avait  fait  la  r^  colonne 
sur  Telnitz ,  s'étaient  croisées,  et  avaient 
été  refoulées  et  contenues  dans  le  défilé  de 
Soholnitz  par  la  vigoureuse  défense  du  4^^  ^ 
régiment,  et  les  attaques  réitérées  de  la  divi- 
sion du  général  Priant  et  d'une  partie  de  la 
division  Legrand,  dirigées  par  le  maréchal 
Davoust.  Ces  trois  colonnes,  fortes  de  cin- 


I  g8  PRÉCIS 

quante-cinq  bataillons,  en  n'y  complant 
point  la  brigade  du  général  Kamensky,  la- 
quelle ne  les  avait  pas  suivies,  n'avaient  eu 
en  tête,  depuis  le  commencement  de  la 
journée,  qu'environ  huit  mille  hommes, 
tout  au  plus  le  tiers  de  leur  force.  Mainte- 
nant, vers  deux  heures,  elles  se  trouvaient 
entièrement  séparées,  ignorant  le  sort  du 
centre  et  de  l'aile  droite  de  leur  armée.  Il 
nous  reste  à  dire  comment  s'acheva  leur 
défaite,  ou  plutôt  leur  destruction. 

Le  maréchal  Soult,  en  même  temps  qu'il 
faisait  attaquer  par  la  division  Vandamme, 
sur  Aujezdy  la  réserve  du  général  Buxhow- 
den,  ordonna  au  général  Saint-Hilaire  qui, 
malgré  sa  blessure,  était  resté  à  la  tête  de  sa 
division,  de  la  porter,  ainsi  que  la  brigade 
Levasseur  de  la  division  Legrand ,  sur  le 
plateau  qui  {S.qvl\\\\^  SoholnitZy  d'entrer  dans 
ce  village,  d'y  détruire  tout  ce  qui  ferait 
résistance,  et  d'opérer  sa  jonction  avec  les 
deux  autres  brigades  de  la  division  Legrand. 

Cet  ordre  fut  exécuté  avec  toute  l'ardeur 
qu'inspirent  de  premiers  succès,  et  le  désir 


DES   ÉVÉNEMENS   MILITAIRES.  I99 

de  fixer  la  victoire.  Le  carnage  fut  épouvan- 
table; huit  mille  hommes,  une  grande  quan- 
tité d'artillerie ,  de  chevaux  et  de  caissons 
engagés  dans  le  dé61é ,  furent  pris  ou  dé- 
truits; la  3^  colonne,  sous  les  ordres  du 
général  Przibischwsky ,  avait  en  partie  déjà 
débouché  de  Soholnitz,  et  cherchait  à  gagner 
Kohelnitz )  en  filant  le  long  du  ruisseau; 
elle  fut  sur  plusieurs  points  attaquée  sur  son 
flanc  gauche,  et  bientôt  détruite.  Le  général 
Legrand  força  un  gros  de  douze  à  quinze 
cents  hommes  qui  avaient  déjà  atteint  Ko- 
helnitz ,  à  se  jeter  dans  les  marais  fangeux 
de  Sokolnitz ,  où  ils  périrent  presque  tous. 

Trois  mille  Russes ,  qui  avaient  passé  les 
deux  branches  du  ruisseau,  entre  Telnitz  et 
Sokolnitz y  furent  aperçus  par  la  cavalerie 
légère  du  maréchal  Soult.  Pendant  que  celle- 
ci  manœuvrait  pour  la  prendre  en  flanc,  le 
colonel  Franceschi,  commandant  le  8^  de 
hussards,  et  qui,  venant  de  Goeding,  arri- 
vait à  l'instant  même  sur  le  champ  de  ba- 
taille, avec  le  petit  nombre  de  chevaux  qui 
avaient  pu  soutenir  cette  marche  extraor- 


200  PRECIS 

dinaire,  chargea  de  front  celte  masse  avec 
la  plus  intrépide  décision  ,  saisit  de  sa  main 
l'un  des  trois  généraux  qui  la  commandait, 
et  le  somma  de  faire  mettre  bas  les  armes. 
Les  trois  généraux,  jugeant  sans  doute  par 
cette  témérité,  qu'ils  étaient  entourés,  et 
que  leur  position  était  désespérée,  se  rendi- 
rent, eux  et  leur  troupe,  à  cette  poignée  de 
braves.  Franceschi  les  fît  sur-le-cliamp  con- 
duire à  Brûnn. 

Une  autre  masse,  aussi  d'environ  trois 
mille  hommes,  errait  sans  guide  en  remon- 
tant le  ruisseau  ;  elle  rencontra  auprès  de 
Schlapanitz  une  brigade  des  grenadiers  du 
général  Oudinot ,  fut  promptement  enve- 
loppée, et  réduite  à  mettre  bas  les  armes. 

L'empereur  Napoléon ,  suivi  de  toute  l'ar- 
tillerie et  de  la  cavalerie  de  sa  garde,  après 
avoir  franchi  la  hauteur  de  Prazen y  s'était 
porté  sur  celle  de  la  chapelle  Saint-Antoine, 
au-dessus  {[''Aiijezd.  Il  y  arriva  avec  cette 
belle  réserve,  au  moment  où  le  maréchal 
Soult  retirait  de  sa  droite  les  troupes  qui , 
désormais,  y  étaient  inutiles,  pour  les  porter 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  201 

à  sa  gauche  par  le  pied  de  la  montagne,  au 
soutien  du  général  Yandamme ,  en  avant 
^Aujezd, 

Cependant ,  ie  général  Doctorow  avait 
rallié  dans  les  vignes  et  dans  la  plaine,  en- 
tre Telnitz  et  les  lacs ,  environ  douze  mille 
hommes,  tant  de  la  i'^  colonne  et  des  débris 
des  deux  autres,  que  du  corps  de  Kien- 
mayer  :  il  avait  une  assez  forte  cavalerie,  et 
mit  en  batterie  environ  cinquante  pièces.  Il 
fit  contre  la  division  du  général  Yandamme, 
et  la  gauche  de  celle  de  Saint-Hilaire,  un 
feu  prodigieux,  auquel  répondait  l'artillerie 
du  maréchal  Soult,  soutenue  par  celle  de 
la  garde.  On  ne  peut,  à  la  fin  d'une  bataille 
perdue,  et  dans  une  position  désespérée, 
faire  une  plus  belle  contenance  que  celle  du 
général  Doctorow;  elle  lui  servit  à  assurer  le 
dernier  point  de  retraite,  en  faisant  passer 
de  l'autre  côté  de  la  digue  le  général  Kien- 
mayer ,  pour  s'emparer  des  hauteurs  entre 
Satschan  et  Ottnitz.  Pressé  sur  sa  gauche, 
il  retira  la  cavalerie  autrichienne  qui  s'était 
portée  au-delà  de  Telnitz,  Ce  fut  cette  cava- 


202  PRÉCIS 

lerie  (les  hussards  de  Szeckler^  sous  le  prince 
Maurice  de  Lichtenstein ,  et  les  clievau- 
légers  d'Oreilly,  avec  deux  régimens  de  Co- 
saques sous  le  général  Stutterheim)  qui  cou- 
vrit le  flanc  de  l'infanterie  russe,  en  s'avan- 
çant  dans  la  plaine,  en-deçà  de  Telnitz,  Le 
général  Doctorow  jeta  un  régiment  d'infan- 
terie dans  ce  dernier  village  qui,  bordé  de 
fossés ,  était  pour  sa  gauche  le  seul  et  dernier 
appui. 

Après  avoir  soutenu  pendant  près  d'une 
heure  le  terrible  feu  des  batteries  françaises 
avantageusement  placées,  les  troupes  du  gé- 
néral Doctorow  se  voyant  de  plus  en  plus 
resserrées,  s'ébranlèrent;  la  pi  us  grande  par  lie 
de  l'artillerie  qu'il  avait  ralliée,  trente-huit 
pièces  de  canon  ,  beaucoup  de  caissons  et  de 
canon niers ,  et  deux  ou  trois  mille  hommes , 
ne  pouvant  se  retirer  par  Aiijezd^  où  le  géné- 
ral Vandamme  était  établi,  voulurent  suivre 
une  ancienne  digue  submergée  qui  conduit 
à^Aujezd  à  Satschan.  Les  guides,  persuadés 
que  la  glace  qui  paraissait  assez  forte  ,  pour- 
rait supporter  cet  énorme  poids ,  hasardé- 


DES    léVENEMENS    MILITAIRES.  2o5 

rent  d'y  conduire;  mais  elle  se  rompit  avec 
fracas  ;  hommes ,  chevaux ,  voitures  tout  fut 
englouti.  Napoléon  vit  de  la  hauteur  de  la 
chapelle  cet  affreux  spectacle  qui  lui  rap- 
pela celui  de  la  bataille  diAhoukir.  Le  reste 
de  l'infanterie  russe,  protégé  parla  cavalerie 
autrichienne,  et  par  ce  qui  lui  restait  d^ar- 
tillerie ,  fila  en  désordre  par  sa  gauche  ,  et  se 
rallia  sur  un  terrain  un  peu  élevé  et  touchant 
au  lac  entre  Telnitz  et  Menitz. 

Le  maréchal  Davoust  fit  alors  attaquer 
Telnitz  y  qui  fut  promptement  évacué  par 
l'ennemi  ;  la  division  Saint-Hilaire  et  la  di- 
vision Legrand  s'avancèrent  dans  la  plaine 
entre  le  cours  des  ruisseaux  et  le  pied  des 
hauteurs  ;  la  division  Friant  suivit  leur 
mouvement;  celle  de  Vandamme,  appuyée 
par  l'artillerie  et  la  cavalerie  de  la  garde ^  et 
par  la  division  de  dragons  du  général  Beau- 
mont,  se  porta  en  longeant  l'étang,  au  lac  de 
Satschan y  sur  la  droite  de  l'ennemi;  l'artil- 
lerie légère  de  la  garde  se  mit  en  batterie  sur 
le  rivage  ,  pour  pouvoir  tirer  sur  la  digue  , 
unique  retraite  qui  restât  aux  débris  de  la 


204  PRÉCIS 

colonne  cl  u  général  Doctorow  ;  son  infanterie , 
eu  s'en  approchant  et  quittant  la  position  où 
il  l'avait  ralliée,  se  mit  dans  le  plus  grand 
désordre  5  ei  se  précipitant  vers  le  lac, 
souffrit  beaucoup  du  feu  très -vif  de  l'ar- 
tillerie légère,  qui,  toujours  soutenue  par 
la  cavalerie  de  la  garde,  prit  la  tête  de  la 
colonne. 

Les  hussards  de  Szeckler  et  les  chevau- 
légers  d'Oreilly  montrèrent  beaucoup  d'in- 
trépidité; ils  tinrent  ferme  sur  la  position 
que  l'infanterie  russe  venait  de  quitter,  et 
tentèrent  même  une  dernière  charge  sur  la 
cavalerie  française  ;  elle  fut  repoussée  par  les. 
chasseurs  de  la  garde ,  dont  le  général  Gar- 
danne ,  gouverneur  des  pages  ,  avait  pris  le 
commandement;  il  fit  prisonnier  le  général 
Wimpfen,  et  força  enfin  cette  brave  cavalerie 
légère  autrichienne  à  profiter  du  dernier 
instant  qui  lui  restait  pour  se  sauver  ,  en  dé- 
filant par  la  digue  de  Satschan  sous  le  feu 
meurtrier  de  l'artillerie. 

Les  dernières  pièces  de  l'ennemi  furent 
enlevées  à  la  baïonnette ,  et  les  deux  balail- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  2o5 

Ions  qui  les  soutenaient  furent  détruits;  le 
reste  de  Finfanterie  russe  s^enfuit  en  déroute 
sur  les  hauteurs  de  Menitz  et  ne  put  se  ral- 
lier. Poursuivis  de  tous  côtés,  et  n'ayant  plus 
d'appui,  ces  malheureux  soldais  voulurent 
aussi  traverser,  sur  la  glace,  l'étang  de  Menitz; 
ils  s'y  jetèrent  en  foule,  la  glace  se  rompit, 
et  la  plupart  y  périrent.  Ceux  qui  purent 
passer,  et  échapper  à  ce  second  désastre,  se 
réunirent  au-delà  des  élangs,  à  la  cavalerie 
autrichienne.  Le  général  Junot,  premier 
aidede-camp  de  l'empereur  Napoléon  ,  prit 
le  commandement  des  chasseurs  et  des  dra- 
gons de  la  garde  impériale,  et  reçut  l'ordre 
de  passer  la  digue  et  de  poursuivre  l'ennemi. 
Ainsi  finit  celte  mémorable  journée  ;  l'ar- 
mée victorieuse  couronna,  par  ses  feux  de 
bivouac ,  les  positions  qu'avait  occupées  la 
veille  l'armée  alliée.  Le  centre  et  Faile  droite 
de  celle-ci ,  après  des  pertes  énormes  et  dans 
le  dernier  élat  de  délabrement ,  se  retirèrent 
en  arrière  à^Austerlitz  dans  la  position  de 
Hodiegitz,  et  vers  minuit,  marchèrent  sur 
Czeitschy  se  dirigeant  vers  la  Hongrie.  Quant 


2o6  PKÉCIS 

à  l'aile  gauche  ,  presque  entièrement  dé- 
truite 5  prise  ou  dispersée ,  à  peine  quelques 
bataillons  (  moins  de  six  mille  hommes  ) 
purent  se  rallier  à  la  cavalerie  autrichienne, 
et  au  corps  du  général  Kienmayer  qui  avait 
pris  poste  à  Niskowitz  sur  la  route  de  Hon- 
grie, à  peu  près  à  trois  lieues  du  champ  de 
bataille.  La  pluie  qui  survint ,  et  le  dégel 
subit  achevèrent  de  mettre  les  débris  de  l'ar- 
mée combinée  dans  la  plus  grande  confusion. 
Le  général  Kienmayer  ,  qui  seul  avait  pu 
conserver  son  artillerie  ,  fut  obligé  de  l'aban- 
don ner. 

Comme  le  savent  tous  les  militaires  qui  se 
sont  trouvés  à  de  grandes  batailles ,  il  est 
presque  impossible  de  connaître  exactement 
les  pertes  des  deux  partis;  mais  il  est  certain 
que  dans  cette  courte  et  sanglante  journée,  les 
pertes  que  firent  les  alliés  comparées  à  celles 
des  Français  ,  furent  au  -  delà  de  tous  les 
calculs  de  probabilité,  surtout  si  l'on  con- 
sidère que  les  Français  étaient  assaillans  et 
moins  nombreux;  les  rapports  de  leurs  états- 
majors  n'accusèrent  que  huit  cents  hommes 


DES    ÉVÉNEMENS    MFLITAIRES.  Q07 

tues  sur  Je  champ  de  bataille,  et  six  mille 
blessés;  cent  cinquante  prisonniers  furent 
repris  :  il  y  eut  beaucoup  de  chevaux  lues  , 
beaucoup  de  pièces  démontées,  mais  aucune 
ne  tomba  au  pouvoir  de  l'ennemi.  Une  seule 
aigle  fut  enlevée:  la  force  de  l'armée  fran- 
çaise était  tout  au  plus  de  soixante -cinq 
mille  combaltans ,  et  les  réserves  d'infanterie 
de  la  garde  ni  la  division  de  grenadiers  ne 
donnèrent. 

L'armée  combinée,  dont  toutes  les  troupes 
furent  engagées  ,  était  de  quatre-vingt-deux 
mille  combattans ,  et  le  nombre  de  ceux  mis 
hors  de  combat  fut  évalué  à  plus  de  quarante 
mille  ;  parce  que  l'on  compta  près  de  dix 
mille  morts  sur  le  champ  de  bataille ,  que 
dix-neuf  mille  Russes  et  six  cents  Autri- 
chiens furent  faits  prisonniers ,  et  que  vrai- 
semblablement plus  de  dix  mille  autres  fu- 
rent blessés,  dispersés  ou  perdus.  Quoique 
le  nombre  des  morts  puisse  paraître  exagéré, 
on  conçoit  que  les  charges  réitérés  à  la  baïon- 
nette ,  le  feu  de  l'artillerie  sur  des  masses 
resserrées  dans  les  fonds ,  et  les  désastres  des 


2o8  PRÉCIS 

lacs  ,  durent  le  rendre  très-considérable  dans 
le  parti  vaincu.  Trois  lieutenans-généraux,  , 
six  généraux-majors  ,  vingt  officiers  supé- 
rieurs ,  et  plus  de  huit  cents  autres  officiers, 
se  trouvèrent  parmi  les  prisonniers  ;  les 
pertes  en  matériel  ne  furent  pas  moindres, 
quarante-cinq  drapeaux,  cent  quatre-vingt- 
six  pièces  de  canon,  quatre  cents  voitures 
d'artillerie,  tous  les  gros  équipages,  et  une 
quantité  de  chevaux  furent  les  trophées  et 
le  butin  des  vainqueurs  à\Austerlitz, 

Napoléon,  après  avoir  vu  sur  les  bords  des 
lacs  les  derniers  rayons  du  jonr  éclairer  cet 
affreux  spectacle,  parcourut  le  champ  de 
bataille  pendant  une  partie  de  la  nuit,  visi- 
tant chaque  bivouac,  hâtant  les  secours  pour 
les  blessés,  félicitant,  remerciant  ses  braves 
d'une  victoire  si  complète  et  si  prompiement 
obtenue.  Il  s'arrêta  après  minuit  à  la  maison 
de  poste  de  PosorzitZj,  à  la  gauche  du  champ 
de  bataille,  et  à  l'embranchement  de  la  roule 
à^Olmutz  et  de  celle  à'Austerlitz, 

Vers  quatre  heures  du  matin,  le  prince 
Jean  de  Lichtenstein ,  envoyé  dès  le  soir  par 


BES    EVENEMENS    MILITAIRES.  209 

l'empereur  d'Autriche,  arriva,  conduit  par 
un  aide-de-camp  du  maréchal  Bernadotte, 
aux  avant-postes  duquel  il  s'était  présenté  en 
parlementaire;  il  avait  passé  presque  toute 
cette  nuit  obscure  et  pluvieuse  à  chercher 
vainement  le  quartier-général  français.  Sa 
mission  était  pressée;  il  venaitau  nom  de  son 
souverain  quicommandail  l'armée  combinée, 
demander  un  armistice,  et  proposer  une  en- 
trevue ,  afin  d'en  régler  plus  promptement 
les  conditions,  en  attendant  qu'on  pùl  négo- 
cier une  paix  séparée.  Napoléon  accueillit  le 
prince  de  Lichlenstein  ;  il  voyait  avec  plaisir 
que  l'empereur  d'Autriche  sentît  la  nécessité 
de  se  séparer  de  la  coalition,  et  que  les  pre- 
mières paroles  de  paix  lui  fussent  apportées 
par  un  général  que  l'estime  des  deux  armées , 
et  la  juste  confiance  de  son  souverain  ren- 
daient si  digne  d'une  telle  mission.  Il  ne 
pouvait  cependant  arrêtera  l'instant  le  mou- 
vement de  ses  colonnes,  et  ne  pas  recueillir 
les  premiers  fruits  de  sa  victoire  :  il  accepta 
seulement  pour  le  lendemain  4  décembre ^ 
l'entrevue  avec  l'empereur  François  ii,  et 
14.  14^ 


2  I O  PRECIS 

promit  de  se  rendre  sur  la  route  ^  Austerlitz 
à  Goeding,  au  point  où  se  trouveraient  les 
avant-postes  de  Tarmée  française. 

La  résolution  précipitée  qui,  avant  que 
les  deux  empereurs  pussent  connaître  les 
vrais  résultats  de  la  bataille,  avait  donné 
lieu  à  la  mission  du  prince  Jean  de  Licliten- 
stein,  prouvait  assez  le  désordre  et  l'embar- 
ras des  alliés.  Napoléon  se  hâta  d'en  profiler, 
et  dès  la  pointe  du  jour,  toute  l'armée  fran- 
çaise fut  mise  en  mouvement,  à  la  pour- 
suite de  l'ennemi. 

Le  prince  Murât  qui,  dès  le  soir,  avait 
poussé  des  détacliemens  sur  Rausnitz  et 
TFischau ^  eut  ordre  de  suivre  cette  route 
avec  sa  cavalerie  jusqu'à  Olmûtz,  et  de  faire 
insulter  cette  place  ;  il  s'avança  jusqu'à  Pros- 
nïtz  ^  et  dirigea  de  gros  détacliemens  sur 
J^rcmsir, 

La  division  de  grenadiers  du  général  Ou- 
dinot  pris  position  à  Rausnitz. 

Le  maréchal  Lannes,  avec  le  reste  de  son 
corps,  suivit  d'abord,  sur  la  route  ^Olmiltz, 
le   mouvement*  de   la  cavalerie,   et   reçut 


DES    ÉVÉNEMENS   MILITAIRES.  211 

ensuite  Tordre  de  se  porler  par  Buchowitz 
sur  StaniiZy  pour  gagner  le  flanc  droit  des 
alliés. 

Le  corps  du  maréchal  Bernadotte,  colonne 
du  centre,  marcha  directement  par  la  route 
de  Hongrie,  A'Austerlitz  à  Goeding, 

Le  maréchal  Soult,  qui  avait  fait  bivoua- 
quer ses  trois  divisions,  la  droite  à  Menitz, 
et  la  gauche  à  Sokolnitz,  et  avait  porlé  à  Sats-^ 
chan^  au-delà  des  étangs,  cinq  bataillons  d'in- 
fanterie légère,  détacha  le  général  Schinner 
avec  une  forte  avant-garde,  et  le  dirif^easur 
Gaja.  II  reçut  Tordre  de  marcher  avec  tout 
son  corps  d'armée  sur  Urchschutz ^  en  pre- 
nant le  chemin  de  la  montagne. 

Le  maréchal  Davoust  eut  ordre  de  faire 
partir  sur-le-champ  de  Nikolsburg  la  divi- 
sion du  général  Gudin  qui ,  n'ayant  pu  arri- 
ver jusqu'au  champ  de  bataille,  se  trouvait 
là  très-heureusement  placée,  et  de  la  porter 
rapidement  à  Goeding,  tandis  qu'il  y  di- 
rigerait lui-même  la  division  du  général 
Friant,  en  passant  par  Auspitz ,  afin  de 
gagner  le  flanc  gauche  des  alliés. 


2T2  PRECIS 

Cette  disposition  tendait  à  envelopper  l'ar- 
mée alliée,  en  resserrant  ses  flancs,  et  à  couper 
sa  ligne  de  retraite,  ou  sur  Goedlngy  ou  sur 
Hradish,  pour  s'assurer  du  parti  qu'aurait 
pris  l'ennemi.  Le  général  Bertrand ,  avec  le 
2  1^  de  chasseurs  et  le  S'^de  hussards,  soute- 
nus par  deux  escadrons  de  la  garde,  poussa 
jusqu'à  Buchowitz y  à  la  rive  droite  de  la 
Marche,  tout  près  de  Ilradish. 

Tous  ces  ordres  de  mouvement  furent 
expédiés  de  la  poste  de  Posorsîlz  ;  et  pen- 
dant qu'ils  s'exécutaient,  l'empereur  Napo- 
léon, traversant  le  champ  de  hataille,  se 
rendit  à  Austerlitz ^  au  château  du  }) rince 
de  Kaunitz ,  où  il  étahlit  son  quartier- 
général. 

Les  alliés  ayant  quitté  la  position  d'iïo- 
dlégltz ,  marchèrent  sur  Czeiischy  route  de 
Goediiig  :  ils  y  arrivèrent  dans  la  matinée 
du  3  décemhre. 

Le  reste  de  la  colonne  du  général  Docto- 

row,  suivant  de  son  côlé  la  route  de  Hongrie, 

rouva  à  Niskowitz  le  corps  du  général  Kien- 

mayer,  qui  forma  l'arrière-garde  de  l'armée 


DES    ÉVÉNEMÈNS   MILITAIRES.  2l5 

combinée.  Ce  général,  à  l'approche  deTavant- 
garde  française ,  se  replia  sur  le  prince  Ba- 
gration  qui,  pendant  que  l'armée  alliée,  sur 
une  seule  colonne,  filait  rapidement  sur 
Goedingy  tenait  la  position  à^Urschutz  pour 
couvrir  sa  retraite  :  il  y  fat  attaqué  ce  même 
jour,  lendemain  de  la  bataille,  par  les  recon- 
naissances des  Français,  et  se  replia,  à  son 
tour,  sur  le  général  Kienmayer  qui  se  plaça 
devant  lui  sur  les  hauteurs  de  Nasedlowitz. 

Le  lendemain  4  décembre  ,  l'armée  alliée 
passa  la  March ,  et  arriva  à  Hollitsch  extrê- 
mement affaiblie,  ayant  encore  perdu  ou 
laissé  en  arrière  un  grand  nombre  de  sol- 
dats; l'empereur  Alexandre  logea  au  châ- 
teau à'HoUitschy  l'empereur  d'Autriche  resta 
à  Czeitsch  pour  se  rendre  à  son  entrevue 
avec  l'empereur  Napoléon» 

Il  était  convenu  qu'il  y  aurait  armistice 
dès  la  pointe  du  jour;  les  postes  du  général 
Kienmayer  furent  cependant  attaqués  sur 
les  hauteurs  de  Nasedlowitz  ^  et  le  prince 
Bagration  se  retira  derrière  Czeitsch,  Le  feu 
cessa  bientôt;  on  s'expliqua  pour  la  suspen- 


2l4  PRÉCIS 

sion  d'armes.  Un  espace  d'une  demi -lieue 
fut  laissé  Jibre  et  neutre  entre  les  avant- 
posles  des  deux  armées.  Les  Français  avaient 
pris  position  et  formé  plusieurs  lignes  en 
a V an  t  d '  Ursch lïtz. 

L'empereur  Napoléon  s'était  rendu  à  ses 
avant-j)ostes  près  de  Sarutschitz ,  et  avait 
fait  établir  son  Vâvouac  auprès  d'un  moulin, 
à  côté  de  la  grande  route  5  il  y  attendit  l'em- 
pereur d'Aulriche,  allaau-de>ant  de  lui  dès 
qu'il  eut  mis  pied  à  terre,  et  l'invitant  à  s'ap- 
procher de  son  feu  de  bivouac  :  (c  Je  vous 
(c  reçois,  lui  dit-il,  dans  le  seul  palais  que 
((  j'habite  depuis  deux  mois.  —  Vous  tirez 
((si  bon  parti  de  cette  habitation,  qu'elle 
ce  doit  vous  plaire,  »  répondit  en  souriant 
François  ii. 

Les  officiers  de  leur  suite  s'étant  éloignés, 
les  deux  monarques  s'entretinrent  seuls  pen- 
dant près  de  deux  heures.  On  rapporta,  ou 
publia  peu  de  temps  après  divers  traits  de 
leur  conversation,  de  laquelle  il  n'a  pu  res- 
ter aucun  témoignage  authentique.  On  dut 
conjecturer  que  Napoléon  avait  saisi  celle 


DES    ÉVÉNEMENS   MILITAIRES.  Îil5 

occasion  (rimputer  à  l'Angleterre  les  nicil- 
heurs  de  la  guerre,  et  tout  le  sang  qui  venait 
d'être  versé;  qu'il  expliqua  sa  conduite  po- 
litique par  l'intérêt  général  des  états  du 
continent,  et  justifia  les  vues  ambitieuses 
qui  lui  étaient  reprochées  par  le  besoin 
d'affermir  avec  sa  couronne  les  nouvelles 
destinées  de  la  France.  On  doit  croire  aussi 
qu'il  ne  fut  pas  moins  flatté  de  traiter  d'égal 
à  égal,  et  en  personne,  avec  le  souverain 
encore  alors  le  plus  puissant ,  que  d'avoir  va 
fuir  devant  ses  jeunes  aigles  les  vieilles  aigles 
des  Césars.  Sans  doute,  cette  fois,  ce  lier  con- 
quérant se  montra  généreux  et  modéré  en 
accordant  la  paix,  même  à  de  dures  condi- 
tions; car  il  pouvait  achever  îa  destruction 
de  l'armée  combinée.  Mais  il  n'est  pas  vrai- 
semblable que  l'empereur  d'Allemagne,  en 
demandant  la  paix,  ait  témoigné  son  mépris 
pour  la  conduite  de  l'Angleterre;  bien  moins 
encore  l'aurai t-il  exprimé  au  nom  de  son 
allié  l'empereur  de  Russie.  Il  faut  lire  avec 
méfiance  les  anecdotes  de  ce  genre,  insérées 
dans  les  bulletins  publiés  par  Napoléon,  et 


2l6  PRÉCIS 

les  considérer  comme  des  ruses  de  guerre. 

François  ii  supporta  dignement  la  mau- 
vaise for  lu  ne  des  armes ,  et  n'abaissa  pas  son 
caractère  jusqu'à  ce  désaveu  ;  il  se  détermina 
sans  jiésiler  aux  sacrifices  qui  pouvaient  le 
plus  proraplement  limiter  la  conquête,  faire 
cesser  l'occupation  des  provinces  qu'il  pou- 
vait recouvrer,  et  surtout  conserver  son 
armée.  Napoléon  promit  d'arrêter  la  marche 
de  ses  colonnes,  et  de  ne  pas  poursuivre 
l'armée  russe ,  sous  la  condition  qu'elle  se  re- 
tirerait en  Russie,  et  que  l'empereur  Alexan- 
dre ferait  évacuer  immédiatement  par  ses 
troupes,  l'Allemagne,  et  la  Pologne  autri- 
chienne et  prussienne.  L'empereur  d'Autri- 
che engagea  sa  parole,  et  invita  l'empereur 
Napoléon  à  s'assurer  directement  des  inten- 
tentions  de  son  auguste  allié,  en  lui  dépê- 
chant un  de  ses  aides-de-camp. 

Le  général  Savary  fut  chargé  de  cette 
mission,  et  accompagna  l'empereur  Fran- 
çois 11  à  son  retour.  En  arrivant  à  Hol- 
litscli  avec  le  général  Stutlerlieim,  il  vit  de 
près  le  désordre  affreux  de  l'armée  russe 


DES    ÉVENEMENS    MILITAIRES.  217 

qui,  n'ayant  presque  plus  d'arlillerie,  ni  de 
munitions,  ni  de  bagages,  était  à  peu  près 
hors  d'élat  de  combattre.  Introduit  près  de 
l'empereur  Alexandre  par  le  prince  Czarto- 
rinski,  il  lui  fit  connaître  la  stipulation  con- 
venue dans  l'entrevue  des  deux  empereurs, 
et  reçut  sa  parole  qu'elle  serai  t  fidèlement  exé- 
cutée. L'empereur  Napoléon  n'exigeant  point 
d'autre  garantie  de  l'ancien  ami  du  premier 
consul,  le  général  Savary  porta  sur-le-champ 
au  maréchal  Davoust,  à  Josephdorffy  l'ordre 
d'arrêter  ses  divisions.  Le  maréchal  avait 
déjà  repoussé  de  Goeding]es  postes  du  gé- 
néral Merl'eldt,  et  se  préparait  à  passer  la 
March  pour  envelopper  l'armée  russe,  cou- 
pée de  la  route  de  Hradisch ,  et  la  tourner 
entièrement,  en  la  dépassant  sur  la  route  de 
Hongrie. 

Le  lendemain  6  décembre,  le  maréchal 
Berthier  et  le  prince  Jean  de  Lichtenstein 
signèrent,  à  Austerlitz ^  l'armistice  conclu 
entre  les  deux  empereurs  de  France  et  d'Au- 
triche ,  voulant  (  ce  sont  les  termes  d  u  préam- 
bule) arriver  à  des  négociations  définitives  , 


2  I  8  PRÉCIS 

pour  metlre  fin  h  la  guerre  qui  désolait  les 
deux  étals.  Cet  armistice  devait  durer  jus- 
qu'à la  conclusion  de  la  paix,  ou  jusqu'à  la 
rupture  des  négociations.  Les  conditions 
étaient  renfermées  dans  trois  articles  ;  le 
premier,  traçait  la  ligne  des  deux  armées  : 
celte  ligne  laissait  aux  Français,  en  Moravie 
et  en  Bohême  ,  les  cercles  qu'ils  occupaient, 
tout  le  pays  à  la  rive  droite  de  la  March , 
jusqu'à  son  emboucliure  dans  le  Danube,  et 
comprenait  cependant  Pr^5Z>oz/r^.  Toute  la 
Haute  et  Basse- Au  triche  ,  le  Tyrol ,  l'état  de 
Venise ,  la  Carinthie ,  la  Slyrie ,  la  Carniole , 
le  comté  de  Gorilz  et  l'Istrie  étaient  en  tota- 
lité en-deçà  des  avant-postes  français.  Par 
Fartirle  deux,  Tarmée  russe  était  tenue  d'éva- 
cuer les  états  d'Autriche,  ainsi  que  la  Po- 
logne autrichienne  ,  savoir  :  la  Moravie  et  la 
Hongrie,  dans  l'espace  de  quinze  jours,  et 
la  Galhcie  dans  l'espace  d'un  mois.  L'article 
trois  prohibait  toute  espèce  de  levée  en  masse 
et  d'insurrection  en  Bohême  et  en  Hongrie, 
comme  aussi  l'introduction  de  toute  armée 
élrangèVe  sur  le  territoire  de  la  maison  d'Au- 


T)ES  EVENEMENS  MILITAIRES.  219 

triche.  Celte  dernière  précaution  relative 
aux  arméniens  de  Ja  Prusse  élail  superflue 
après  la  bataille  gagnée,  mais  elle  dégageait 
îe  cabinet  de  Berlin,  et  mettait  à  Taise  la 
diplomatie  du  comte  d'Haugwitz.  La  viile 
de  Nicolsburg  ïui  indiquée  pour  la  réunion 
des  négociateurs.  Presburgî{x{  ensuile  pré- 
féré, sur  la  proposition  qu'en  fît  M.  de  Tal- 
leyrand. 

L'empereur  de  Russie  quitta  Hollitsch  le 
7  décembre  pour  retourner  en  poste  à  Pé- 
tersbourg.  Napoléon  renvoya,  sans  échange, 
tous  les  prisonniers  de  la  garde  russe,  et  le 
prince  Repu  in,  colonel  des  chevaliers-gardes. 
Ce  qui  restait  des  deux  armées  de  Kutusow 
et  de  Buxhowden ,  se  mit  en  marche  sur 
trois  colonnes  :  la  T"  prit  le  chemin  de  Cra- 
covie  et  Therespol-,  la  :2^  celui  de  Kascliau^ 
LembergeiBroc/j^  et  la  5^  celui  de  Cizrnau^ 
TJ^atrel  et  Hussiatin. 

Les  dernières  hostilités  eurent  lieu  en 
Bohême  le  jour  même  de  la  première  sus- 
pension d'armes  et  de  Teul revue  des  enipe- 
reurs.  L'archiduc  Ferdinand,  qui  n'avait 


320  PRECIS 

pu  en  être  informé,  profita  de  sa  supériorité 
de  forces  et  de  ia  position  avantageuse  qu'il 
occupait  sur  les  hauteurs  de  Stecken,  pour 
attaquer  près  à'Iglau  les  deux  divisions  ba- 
varoises que  le  maréchal  Bernadotle  y  avait 
laissées  sous  les  ordres  du  général  de  Wrede. 
Le  prince  avait  réuni  à  sa  cavalerie  échap- 
2")ée  aux  désastres  à^Ulm  et  à  la  poursuite  de 
Murât,  les  détachemens  qu'il  avait  ralliés 
en  Bohême,  Fartillerie  tirée  des  places  for- 
tes ,  et  les  levées  de  milices  qu'il  avait  pres- 
sées avec  activité.  Le  corps  d'observation 
bavarois ,  qui  n'était  que  de  neuf  à  dix  mille 
hommes,  n'étant  pas  soutenu,  fut  forcé  de 
se  replier;  les  Bavarois  se  battirent  avec 
beaucoup  de  courage  et  d'obstination  ;  le  gé- 
néral de  Wrede  ,  après  une  perte  considé- 
rable ,  évacua  Iglau  pendant  la  nuit.  Le 
maréchal  Bernadotte  ne  reçut  que  le  7  dé- 
cembre l'ordre  de  retourner,  avec  ses  deux 
divisions  françaises,  à  Iglau.  11  écrivit  à  l'ar- 
chiduc Ferdinand  pour  réclamer  Jes  cinq  à 
six  cents  prisonniers  que  ce  prince  avait  faits. 
ÎSous  ne  devons  point  passer  sous  silence 


DES    lîVENEMENS    MILITAIRES.  221 

la  proclamation  que  Napoléon  fit  mettre  à 
l'ordre,  et  répandre  dans  son  armée;  nous 
n'en  rappellerons  ici  que  ce  peu  de  mots  : 
ce  Soldats,  je  suis  content  de  vous....;  vous 
«  avez  décoré  vos  aigles  d'une  gloire  immor- 
«  telle....  Mon  peuple  vous  re verra  avec  joie, 
((  et  il  vous  suffira  de  dire  :  J'étais  à  la  ba- 
c(  taille  à^ Austejlitz ^  pour  que  l'on  vous  ré- 
(c  ponde  :  Yoilà  un  brave....  » 

Avant  de  quitter  ^z/^/ér//^^,  il  fit  partir 
les  dix-huit  mille  prisonniers  russes,  dont 
la  ville  de  Brûnn  était  encombrée.  On  en 
forma  plusieurs  colonnes,  qui  furent  con- 
duites en  France,  escortées  à  raison  d'un 
soldat  français  pour  dix  Russes.  Au  lieu 
de  diriger  ces  colonnes  de  prisonniers  par 
la  roule  la  plus  courte,  sur  le  pont  de 
KremSy  on  leur  fit  traverser  avec  beaucoup 
d'appareil  la  ville  et  les  foubourgs  de  Vienne, 
Napoléon  ne  négligea  jamais  une  occasion 
de  frapper  l'imagination  des  peuples,  et  de 
leur  laisser  de  profonds  souvenirs. 

De  retour  à  Brûnn  le  7  décembre,  l'empe- 
reur s'occupa  d'abord  des  cantonnemens  de 
\ 


222  PJÎECIS 

son  armée.  Ses  cl isposi lions  ponr  IWi place- 
ment des  divers  corps  d'armée,  furent  loutes 
motivées  dans  la  supposition  de  la  rupture 
des  négociations  qui  allaient  s'ouvrir,  et  de 
la  reprise  des  hostilités.  Nous  les  rapportons 
ici  sommairement. 

Le  maréchal  Lannes  rejsta  en  Moravie, 
prit  le  commandement  des  cercles  àe  Brunn, 
de  Znaïm y  de  la  partie  du  cercle  d^O/miitz, 
comprise  dans  la  ligne  de  démarcation  et  du 
cercle  de  Hradisch  jusc[u  a  la  rive  droite  de 
la  March.  Son  corps  d'armée  y  fut  cantonné, 
à  l'exception  de  la  division  des  grenadiers 
du  général  Oudinot  qui  avait  reçu  Tordre 
de  se  rendre  à  Vienne.  Outre  la  cavalerie 
légère  attachée  à  son  corps  d'armée,  la  divi- 
sion de  dragons  du  général  Wallher  fut  dé- 
tachée de  la  l'éserve,  et  mise  à  la  disposition 
du  maréchal.  Ses  avant-gardes  furent  pla- 
cées 2iProsnitz ,  Kremsir  eV  Czeitscli ;  on  lui 
recommanda  de  tcijir  la  citadelle  de  Brûnn 
dans  le  meilleur  état  de  défejise,  et  bien 
approvisionnée. 

Le  prince  Murât  fit  cantonner  toute  sa 


DES   ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  11  ^ 

cavalerie  légère  le  long  de  la  rive  droite  de 
la  Mardi,  depuis  rembouchure  de  la  Taya, 
jusqu'au  Danube  ;  les  deux  divisions  de  dra- 
gons dans  la  Basse-Autriche,  sur  les  deux 
rives  du  fleuve,  et  les  deux  divisions  de  cui- 
rassiers dans  les  environs  de  Vienne. 

Le  maréchal  Bernadolte  prit  le  comman- 
dement du  cercle  à^Iglau  en  Moravie,  et  du 
cercle  de  Thabor  en  Bohême  ;  il  y  réunit  les 
divisions  françaises  et  bavaroises  ,  et  fut 
chargé  de  garder  de  ce  côté  la  ligne  de  dé- 
marcation, en  observant  le  corps  de  l'archi- 
duc Ferdinand  et  les  mouvemens  des  Prus- 
siens, selon  les  circonstances. 

Le  maréchal  Souît  occupa  Vienne  et  ses 
environs,  sur  les  deux  rives,  avec  ses  trois 
divisions  5  celle  du  général  Saint-Hilaire 
dans  la  ville;  celle  du  général  Legrand  dans 
les  villages  de  la  rive  droite,  au-dessous  de 
Vienne,  et  celle  du  général.  Vandamme,  sur 
la  rive  gauche,  dans  la  plaine  appelée  le 
Marchfeld;  sa  cavalerie  légère  borda  la  fron- 
tière de  Hongrie,  à  la  rive  droite  du  Danube. 

Le  maréchal  Davoust  eut  ordre  de  réunir 


224  PRÉCIS 

son  corps  d'armée  à  Presbourg;  il  s'y  rendit 
avec  les  deux  divisions  des  généraux  Priant 
et  Gndin.  Celle  du  général  CafFarelii  resta 
sous  les  ordres  àxi  mai'écha]  Lan  nés,  devant 
rentrer  à  ce  cor})s  d'armée  aussitôt  que  la 
division  de  grenadiers  irait  la  remplacer. 

Le  général  Marmont,  qui  après  la  jonc- 
tion de  rarchiduc  Jean  et  de  Farcliiduc 
Charles  j  et  leur  marche  sur  son  flanc  gau- 
che, avait  du  se  retirer  de  Gratz ^  reçut 
ordre  dV  rentrer,  conformément  à  la  con- 
vention d'armistice,  et  d'occuper  jusqu'à  la 
paix  définitive  la  Styrie,  dont  il  prit  le  com- 
mandement. 

Le  maréchal  Ney,  qui  depuis  l'entière 
évacuation  du  Tyrol  en  avait  remis  la  garde 
aux  troupes  bavaroises,  réunit  les  siennes 
à  Clagenfurth y  occupa  et  commanda  la  Câ- 
lin thie. 

Le  maréchal  Augereau ,  resté  en  réserve 
en  Souabe  avec  deux  divisions,  reçut  ordre 
de  les  diriger  par  Hailbron  et  A' Armstadt 
sur  Marence ,  pour  se  porter  au  secours  de 
la  Hollande,  si  les  circonstances  l'exigeaient. 


DES    ÉVÉlfEMElfS    MIHTAIRFS.  a25 

Le  maréchal  Masséna  cessa  tîe  conimander 
en  chef  l'armée  d'Italie,  dont  la  dislocation 
lui  fut  presciile  de  la   manière  suivante  : 
1°.  former,  pour  le  commander  en  personne, 
le  8=  corps  de  la  Grande-Armée  avec  vingtl 
quatre  mille  hommes  d'infanterie  en  trois 
divisions,  douze  régimens  de  cavalerie  dont 
quatre  de  chasseurs,   quatre  de  dragons, 
quatre  de  cuirassiers,  quarante  pièces  d'ar- 
tillerie, etc.  Avec  ce  8«  corps  ainsi  composé, 
se  rendre  à  Lajbach,  .prendre  le  comman- 
dement de  la  Carniole,  de  l'Istrie  et  du  comté 
de  Gorilz,  et  se  mettre  en  correspondance 
avec  le  maréchal  Ney  et  le  général  Marmont. 
2°.  Former,  pour  le  général  Gouvion-Saint- 
Cyr,  un    corps   d'armée    de   trente  mille 
hommes  dont   plus  de   moitié  de   troupes 
françaises,  et  le  reste  de  Polonais,  de  Suisses 
ou  d'Italiens,  en  y  comprenant  tout  ce  qui 
composait  le  corps  que  cegénéral  avaitamené 
de  Naples,  et  lui  donnant  le  plus  d'artillerie 
possible.  3».  Après  avoir  formé  le  8«  corps 
de  la  grande   armée,  et  celui  du  général 
Saint-Cyr,  remettre  au  prince  Eugène   vice- 
'4-  ,5* 


226  PRÉCIS 

roi  d'Italie,  le  commandement  du  j^iys  Vé- 
nitien 5  et  toutes  les  Ironpes  françaises  non 
employées  dans  l'organisation  des  deux  corps 
d'armée. 

Le  général  Saint-Cyr  fut  nommé  général 
en  chef  commandant  l'armée  de  Naples  des- 
tinée à  marcher  contre  les  Anglo- Russes  ; 
prévenu  des  ordres  donnés  au  maréchal  Mas- 
séna  pour  la  composition  de  cette  armée,  il 
reçut  directement  celui  d'y  réunir  les  gar- 
nisons de  Liivourne  et  d^Ancône^  de  ne  laisser 
qu'un  bataillon  italien  dans  le  fort  à^Ancône^ 
et  de  se  mettre  en  marche  sur-le-champ, 
pour  aller  prendre  position  dans  les  états 
du  Saint-Père,  sur  la  frontière  du  royaume 
de  Naples. 

Le  prince  vice-roi  prenant  le  commande- 
ment militaire  du  royaume  d'Italie,  et  de 
tout  le  pays  conquis  par  l'armée  française, 
ci]t  ordre  de  réunir  à  Padoue  un  corps  com- 
posé d'une  division  française ,  d'une  réserve 
de  gardes  nationales  italiennes,  et  de  deux 
régimens  de  cavalerie  pour  contenir  la  gar- 
nison que  le  général  Bellegardej  en  se  reli- 


nus    EVENEMEJYS    MILITAIRES.  22^ 

rant  par  mer,  sur  Trieste ,  avait  laissée  à 
Venise, 

Ces  clisposilions générales,  qui,  comme  on 
le  voit,  embrassaient  tout  le  théâtre  de  la 
guerre ,  furent  arrêlées  et  les  ordres  expédiés 
par  le  major  général  le  8  décembre.  Napo- 
léon y  fît  joindre  des  instructions  parlicu- 
lièressurladiscipline  des  troupes  cantonnées, 
et  sur  la  manière  de  les  faire  subsister ,  sans 
désordre,   aux  dépens  du  pays.  Il  recom- 
mandait qu'on  se  hâtât  de  faire  rejoindre 
Ions  les  hommes  restés  en  arrière;  il  pressait 
l'envoi  des  nouveaux  conscrits,  ordonnait 
des  remontes,  rapprochait  les  dépôts.  11  ré- 
pétait souvent  dans  ses  ordres  :  «  Qu'il  ne 
c(  fallait  pas   se   fier   à  l'armistice  ;   que   la 
«guerre  n'était  pas   finie,  et  que  chacun 
c(  devait  se  préparer  à  rentrer  en  campagne 
c(  dans  le  moindre'  délai.  » 

11  ne  fut  pas  moins  prompt  à  cueillir  les 
premiers  fruits  de  sa  victoire,  en  assignant 
sur  les  tributs  des  pays  conquis  les  récom- 
penses pécuniaires  qu'il  accorda  à  la  Grande- 
Armée.   Le   jour  même  de  son  arrivée  à 


2  28  PRÉCIS 

Brunn,  il  clicla  à  son  ministre  secréiaire- 
d'état ,  M.  Maret ,  qui  s'était  rendu  à  Auster- 
litz ^  le  décret  par  lequel  il  frappait  sur  l'Au- 
triche, la  Moravie,  et  les  autres'provinces  de 
la  maison  d'Autriche,  une  contribution  de 
cent  millions  de  francs.  Indépendamment  de 
cette  somme,  dont  il  se  réserva  de  régler  la 
distribulicm,  il  ordonna  que  tous  les  maga- 
sins de  sel,  de  tabac,  d'effets,  d'armes,  de 
munitions,  qui  ne  seraient  pas  nécessaires  à 
l'armée,  fussent  vendus,  et  que  le  produit  en 
fut  employé  à  payer  à  chaque  officier  ou  sol- 
dat blessé  trois  mois  de  solde  en  gratification. 
Il  accorda  de  fortes  pensions  à  toutes  les 
veuves  de  ceux  qui  avaient  été  tués  â  la  ba- 
taille (^ Austerlitz ;  il  adopta  leurs  enfans  des 
deux  sexes ,  et  décréta  qu'ils  ajouteraient  son 
nom  à  leur  nom  de  baptême  et  de  fcimilie  .  et 
qu'ils  seraient  tous  élevés  à  ses  frais  dans  les 
palais  de  Rambouillet  et  de  Saint-Germain . 
Ces  actes  faisaient  éclater  la  puissance  du 
vainqueur;  et  faisant  aussi  sentir  tout  son 
poids,  ils  ne  pouvaient  manquer  de  hâter 
les  négociations,  et  d'en  aplanir  les  diffi- 


DES   lÊvÉNEMENS   MILITAIRES.  ^^g 

cultes.  M.  de  Talleyraiid  se  rendit  à  Briïnn; 
il  parcourut  le  champ  de  bataille,  encore 
couvert  de  morts ,  avec  le  maréchal  Lannos 
((  qui  lui  montra,  disait-il,  là  où  le  carnage 
«  avait  été  le  plus  horrible,  comment  on 
«  avait  taillé  ses  plumes  à  coups  de  sabre.  )> 
Le  prince  Jean  de  Lichtenstein  ,  et  le  comte 
de  Giulay,  chargés  des  pleins  pouvoirs  de 
Fempereur  François  ii,  se  léumtewik Brûnn 
à  M.  de  Talleyrand,  chargé  seul  de  traiter 
au  nom  de  Fempereur  Napoléon.  Les  dispo- 
sitions flûtes  à  Nicoîsburgy  pour  Fouvcrlure 
des  conférences,  devinrent  inutiles;  les  plé- 
nipotenliaires  furent  plus  convenablement 
placés  à  Freshurgy  à  une  égale  distance  du 
palais  de  Sclioenbrunn ,  où  le  quartier-géné- 
ral français  fut  établi ,  et  à' HoUitsch ^  rési- 
dence où  se  fixa  Fempereur  d'Autriche. 

Le  ministre  prussien  ,  comte  d'Haugwilz, 
suivit  de  près ,  à  Brunn,  M.  de  Talleyrand  , 
près  duquel  il  avait  été  renvoyé  peu  de  jours 
avaiit  la  bataille,  sans  avoir  pu  remplir  di- 
reclement  sa  mission  :  cette  fois,  il  fut  bien 
accueilli;  au  lieu  de  présenter  \ ultimatum , 


200  PRÉCIS 

il  lie  parla  que  de  neutralilé  et  de  bonne 
liarmonie.  Cependant  Napoléon  ,  bien  in- 
formé du  progrès  des  Anglais  à  cette  cour, 
ne  doutait  point  que  le  débarquement  de 
dix  mille  hommes  de  troupes  hanovrienncs 
et  britanniques  aux  bouches  de  l'Elbe  et  du 
Weser  ;  leur  réunion  avec  le  corps  russe  du 
général  Tolstoy,  et  l'occupation  du  Hanovre 
qui  s'en  était  suivie,  n'eussent  été  concertées 
avec  le  cabinet  de  Berlin.  La  proclamation 
du  général  Dou  ,  ses  conférences  avec  le  duc 
de  Brunswick,  commandant  l'armée  prus- 
sienne en  Basse-Saxe,  et  la  prompte  évacua- 
tion de  l'électorat,  en  faisaient  foi.  Si  les 
Français  eussent  été  battus  à  Austerlitz ,  le 
fameux  ultimatum  aurait  servi  de  manifeste. 
Le  roi  de  Suède,  qui  dès  le  i8  novembre  était 
arrivé  à  Lunehourg ,  pour  y  prendre  le  com- 
mandement de  l'armée  russe  et  suédoise, 
aurait  suivi  le  mouvement  de  Farmée  prus- 
sienne, et  Napoléon  ayant  à  faire  fice  à  l'ar- 
mée combinée  des  deux  empereurs,  aurait 
été  attaqué  sur  ses  derrières  par  des  forces 
presque  aussi  considérables.  Son  génie,  une 


DES    ÉVÉNEMENS    BIILITAIIIES.  25l 

incomparable  armée,  et  les  fautes  de  ses 
adversaires,  l'ayant  fait  triompher  au  mo- 
ment où  le  péril  était  le  plus  grand,  tout  le 
plan  des  alliés  fut  renversé  d'un  seul  coup. 
L'accord  entre  les  trois  puissances  fut  rom- 
pu, et  la  Prusse  qui,  en  s'engageant  la  der- 
nière, n'avait  voulu  iVapper  qu'à  coup  sûr, 
affecta  de  n  elre  intervenue  que  comme  puis- 
sance médiatrice.  M.  d'Haugwilz  soutint  ce 
rôle  près  de  l'empereur  Napoléon,  avec  d'au- 
ïant  plus  de  succès,  qu'il  s'était  constam- 
ment opposé  à  Talliance  avec  l'Angleterre. 
Il  servit  bien  son  gouvernement,  en  prépa- 
rant le  changement  de  système  qu'exigeaient 
les  circonstances,  et  rentrant  dans  celui  de 
neutralité  armée,  que  la  Prusse  aurait  dû 
ne  jamais  abandonner. 

Fidèle  au  traité  d'alliance  offensive  et  dé- 
fensive, gardant  la  foi  jurée  sur  le  tombeau 
du  grand  Frédéric,  l'empereur  Alexandre, 
avant  son  départ  (ÏHoUitschy  avait  dépêché 
à  Berlin  son  aide-de-camp,  le  prince  d'OÎ- 
gorouki ,  pour  mettre  à  la  disposition  d\i 
joi  tout  ce  qui  lui  restait  de  troupes  en  état 


202  PRÉCIS 

de  tenir  la  campagne.  Le  grand-duc  Cons- 
tantin alla  lui-même  réitérer  cette  offre; 
mais  elle  ne  fut  point  acceptée.  On  avait 
déjà  reçu  à  Berlin  tes  premiers  rapports  du 
comte  d'Haugwiîz,  et  le  général  Pfiilil  avait 
été  envoyé  au  quartier-général  français  pour 
offrir  à  Napoléon  la  médiation  du  roi.  Le 
conquérant,  qui  distribuait  des  couronnes  à 
ses  alliés,  fit  entendre  au  ministre  prussien 
que  la  cession  de  l'électorat  de  Hanovre 
pourrait  être,  à  la  paix  générale,  le  prix  de 
la  conduite  que  tiendrait  la  Prusse  à  son 
égard.  Il  publia  dans  le  bulletin  de  l'armée  : 
c(  Qu'il  était  satisfait  des  explications  dou- 
te nées  par  M.  d'Haugwiîz;  que  toutes  les  in- 
«  trigues  avaient  échoué  devant  la  volonté 
((  du  roi;  que  la  Prusse  ne  pouvait  avoir 
((  un  ami  plus  solide  et  plus  désintéressé  que 
a  la  France.  » 

Le  1 2  décembre,  dixième  jour  depuis  la  ba- 
taille d'^^/^^é'r/ziz^tousles  corps  de  la  Grande- 
Armée  étant  placés,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  l'empereur  Napoléon  rentra  à 
son  quartier -générai  au  palais  de  Schoen- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  ii55 

br'ùnn.  Il  y  reçut  le  lendemain  la  députation 
des  niaires  de  Paris  ;  ils  venaient  le  compli- 
menter sur  les  succès  obtenus  à  Fouverture 
de  la  campagne,  et  le  remercier  du  don  qu'il 
avait  fait  à  la  capitale  des  premiers  drapeaux 
et  des  canons  enlevés  à  Fennerai  au  combat 
de  Fertlngen;  et  dans  le  peu  de  jours  qu'ils 
avaient  employés  à  faire  ce  voyage,  de  plus 
grandes  victoires  avaient  succédé  à  celles 
qu'ils  venaient  célébrer.  Ils  trouvèrent  l'em- 
pereur dans  la  magnifique  résidence  de 
Marie -Thérèse,  aux  portes  de  la  capitale 
conquise,  et  dictant  la  paix  après  avoir  dé- 
truit deux  armées. 

Sans  se  laisser  éblouir  par  ces  triomphes, 
Napoléon ,  qui  ne  voulait  se  relâcher  d'au- 
cune des  conditions  qu'il  avait  imposées, 
se  préparait  sérieusement  à  reprendre  les 
hostilités;  il  ne  se  permit  aucun  repos  pen- 
dant son  séjour  à  Schoenbr'ùnn,  11  passait  de 
fréquentes  revues, soit  des  divisions  du  corps 
du  maréchal  Soult ,  soit  des  troupes  dont  les 
cantonnemens  se  trouvaient  à  portée.  Dans 
une  de  ces  revues,  il  reprocha  durement  au 


254  PRÉCIS 

4®  régiment  d'avoir  laissé  enlever  son  aigle, 
et  ne  consentit  à  lui  en  donner  une  au  Ire 
que  lorsqu'il  se  fut  assuré  que  les  trois  sous- 
officiers  qui  l'avait  successivement  portée, 
avaient  été   lues    en  la  défendant,  et  que 
presque  tout  le  peloton  était    resté   sur  le 
champ  de  bataille.  Plus  la  négociation  avan- 
çait kPresbourgy  et  plus  il  mettait  d'ardeur 
et  d'activité  dans  ses  nouveaux  apprêts.  Il 
mandait  à  Masséna  :  «  Il  ne  faut  pas  s'endor- 
«  mir  sur  l'armistice  :  la  guerre   n'est  pas 
«  finie.  Faites  reposer  vos  troupes;  pourvoyez 
w  à  tous  leurs  besoins;  car  d'un  moment  à  Fau- 
«  tre  ,  vous  recevrez  l'ordre  de  combattre.  « 
M.  de  Talleyrand,  inflexible  sur  les  ces- 
sions de  territoire,  bases  données  pour  le 
traité,  mit  beaucoup  d'habileté  à  écarter  les 
difficultés  de  détail  ,  et  tout  ce  qui  pouvait 
entraîner  des  délais.  Il  fut  bien  secondé  par 
lô  vif  désir  que  témoignait  l'empereur  d'Au- 
triche, de  délivrer  ses  peuples  le  plus  tôt 
possible  des  maux  dont  ils  étaient  accablés. 
Quelque  dures   que  fussent  les  conditions 
«exigées ,  l'empereur  François  ii  s'empressa 


DES    ÉVENEMENS  MILITAIRES.  Îi55 

d'y  souscrire.  La  paix  fut  signée  à  Presbourg 
le  26  décembre  i8o5. 

Cette  paix  fut  accablante  pour  la  maison 
d'Autriche  :  réduite  à  se  rendre,  pour  ainsi 
dire,  à  discrétion,  elle  ne  put  repousser  ni 
modifier  aucune  des  conditions.  Le  système 
du  traité  fut  de  mettre  l'empereur  d'Alle- 
magne hors  d'état  de  prêter  son  appui  aux 
ligues  formées  contre  la  France,  à  quelque 
prix  que  l'Angleterre  les  voulût  acheter. 
Napoléon  considéra  tout  le  territoire  autri- 
chien comme  une  place  conquise  qu'il  fallait 
démanteler;  il  ne  se  contenta  pas  de  lui  arra- 
cher ses  frontières  naturelles  dé  l'est  etdu  sud, 
le  Tyrol  et  l'état  Vénitien ,  mais  il  fit  de  ces 
mêmes  frontières  une  ligne  formidable;  il 
constitua  un  état  de  choses  évidemment  hos- 
tile; c'était  un  investissement  des  possessions 
autrichiennes  qui  les  resserrait  dans  le  bassin 
du  Danube,  coupait  leurs  communications 
militaires  ou  commerciales,  et  rendait  l'in- 
vasion aussi  facile  qu'imminente.  Rien  ne  fut 
oublié  par  l'habile  ministre  français  pour 
atteindre  ce  but,  et  sans  doute  il  ne  se  dis- 


256  PRÉCIS 

simula  pas  qu'un  traité  de  paix  qui  rompait 
tout  équilibre ,  renfermait  le  germe  de 
guerres  nouvelles. 

Il  fut  convenu  que  la  France  continuerait 
de  posséder  en  toute  souveraineté  tous  les 
pays  et  territoires  au-delà  des  Alpes,  régis 
par  les  lois  et  les  administrations  françaises , 
et  dont  la  réunion  et  l'incorporation  avaient 
été  la  cause  de  la  guerre. 

Les  états  de  la  république  de  Venise  qui , 
par  les  traiîés  de  Campo-Formio  et  de  Luné- 
ville  ^  avaient  servi  de  compensation  pour 
Ja  perte  de  la  Belgique,  furent  rétrocédés 
et  réunis  à  perpétuité  au  ro^^aume  d'Italie. 
Les  droits  de  cette  couronne ,  sa  séparation 
éventuelle  de  la  France,  sa  succession,  furent 
confirmés. 

Napoléon  comprenant ,  dans  le  traité , 
les  princes  allemands  ses  alliés,  fit  reconnaître 
le  titre  de  roi  aux  électeurs  de  Bavière  et  de 
Wurtemberg,  et  stipula  les  cessions  de  pro- 
vinces et  de  territoires  dont  il  lui  convint 
d'agrandir  leurs  états  et  ceux  de  l'électeur 
de  Bade. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  l'^'] 

Telles  furent  les  bases  du  traite  de  Près- 
hurgy  qui  fut  rédigé  avec  autant  de  clarté 
que  de  prévoyance  ;  des  vingt-quatre  articles 
dont  il  se  compose  ,  les  dix-huit  premiers 
j  enferment  les  dures  lois  du  vainqueur;  les 
six  derniers  sont  relatifs  à  la  restitution  des 
prisonniers,  à  l'évacuation  par  l'armée  fran- 
çaise du  territoire  conservé,  et  à  la  remise 
A^^  provinces  cédées  à  la  France  et  à  ses 
alliés.  Les  ratifications  des  deux  empereurs 
furent  échangées  le  lendemain  de  la  signa- 
ture du  traité,  27  décembre,  et  le  même 
jour ,  l'empereur  Napoléon  eut  une  entrevue 
avec  M.  l'archiduc  Charles  au  château  de 
Stammerdorff,  à  trois  lieues  de  Vienne.  Cette 
conférence   fixa  l'attention  et  l'intérêt  des 
deux  armées;  et  c'était  sans  doute  un  heu- 
reux augure  pour  les  amis  de  la  paix  et  de 
l'humanité,  que  le  rapprochement  des  géné- 
ralissimes des  deux  nations.  On  prétendit 
que  Napoléon  avait  proposé  à  l'archiduc  de 
faire  entrer  la  maison  d'Autriche  dans  ses 
projets  de  conquête  vers  l'Orient,  et  dans 
des  vues  politiques  opposées  à  celles  de  la 


238  PRÉCIS 

Russie,  et  que  ce  prince,  se  bornant  à  des 
considérations  militaires  sur  les  événemens 
de  la  campagne,  n'avait  répondu  à  ces  ou- 
vertures qu'avec  une  extrême  réserve.  Quoi 
qu'il  en  soit  de  ces  conjectures,  les  deux  il- 
lustres capitaines  se  donnèrent  des  preuves 
mutuelles  d'estime,  et  l'archiduc  accepta  !e 
présent  d'une  épée  que  lui  offrit  son  digne 
adversaire. 

Le  29  décembre ,  l'empereur  Napoléon 
annonça  la  paix  à  la  Grande-Armée  par  une 
proclamation  dans  laquelle,  en  recomman- 
dant le  maintien  d'une  sévère  discipline,  il 
promettait  à  ses  soldats  qu'il  les  ferait  tous 
rentrer  en  France  avant  six  mois  ,  atin  qu'ils 
pussent  partager  l'allégresse  publique  ;  il  sem- 
blait ne  les  devancer  que  pour  leur  préparer 
des  fêtes  triomphales.  Il  adressa  aussi  une 
proclamation  aux  habitans  de  Vienne,  pour 
les  féliciter  ,  les  louer  de  leur  sage  cond  uite , 
et  des  sentimens  de  fidélité  qu'ils  avaient  con- 
servés à  leur  souverain.  Il  laissa  intact  et 
comme  un  gage  de  sa  satisfaction  ,  l'arsenal 
de  la  bourgeoisie ,  propriété  précieuse  de  la 


DES    ÉVÉJVEMENS    MILITAIRES.  aSo 

ville  de  Vienne  ^  où  sont  conservés  les  nom- 
breux trophées  enlevés  aux  Ottomans.  Ayant 
ainsi  terminé  cette  glorieuse  campagne,  il 
quitta  le  palais  de  Schoenbrûnn  ^  et  arriva  à 
Munich  le  5o  décembre  i8o5. 


PIECES  JUSTIFICATIVES 

DU  QUATORZIÈME   VOLUME. 


Suite  des  Ordres  et  de  la  Correspondance  du  major- 
général,  avec  les  commandans  en  chef  des  corps 
d'armée,  dictés  par  l'empereur  Napoléon, 

A  M.  le  maréchal  prince  Muuat. 

A  l'abbaye  de  Moeick ,  le  20  brumaire ,  à  sept  heures 
du  matin. 

L'ordre  positif  de  l'empereur,  monsieur  le  maré- 
chal, est  que  vous  ne  dépassiez  pas  aujourd'hui  Bur- 
Jcersdorf.  Vous  ferez  connaître  à  M.  le  comte  de  Giu- 
lai  que  vous  attendrez  dans  celte  position  demain 
jusqu'à  dix  heures  du  matin.  (  Vous  ne  ferez  cepen- 
dant aucun  mouvement  sans  en  prévenir  sa  majesté.) 
L'empereur  voit  avec  peine  que  vous  n'ayez  pas 
rempli  ses  intentions,  puisque  vous  n'avez  personne 
vis-à-vis  les  Rus.ses,  et  que  la  volonté  de  sa  majesté 
n'était  pas  qu'on  se  précipitât  sur  F-ie?ine  comme  des 
enfans.  Par  cette  négligence  à  exécuter  les  ordres  de 
l'empereur,  il  s'ensuit  que  le  maréchal  Mortier  est 
exposé  à  porter  tous  les  efforts  des  Russes,  et  à  être 
14.  16* 


20a  I'  K  K  c  ]  s 

écrasé.  Vous  voudrez  donc  bien  faiie  occuper  •Stadlt- 
ubn  le  long  du  Danube,  et  même  pousser  des  partis 
jusqu'à  Klosterneiihoiu^g.  L'empereur  va  donner  des 
ordres  à  M.  le  maréchal  Davoust. 

A  M.  le  maréchal  D^r  oust. 

A  Tabbaye  de  Moelck,  le  20  brumaire. 

L'intention  de  l'empereur,  monsieur  le  maréchal, 
est  que  vous  dirigiez  votre  marche  sur  T-^ienne;  vos 
premiers  postes ,  cependant ,  s'arrêteront  à  Moedling. 
Sa  majesté  vous  recommande  de  faire  respecte)-  les 
palais  de  Laxemhourg  et  de  Schoenhrium ,  et  d'y 
faire  mettre  des  sauve-gardes. 

Le  général  Marmont  partant  de  Léohen,  il  est 
possible  qu'on  puisse  couper  quelque  chose  de  Léohen 
à  Vienne ,  en  marchant  par  Neustadt.  Mettez -vous 
en  communication  avec  le  général  Marmont,  et  en- 
voyez des  troupes  pour  prendre  tout  ce  qui  serait 
entre  vous  deux. 

Eclairez  Neustadt ,  et  envoyez  aussi  une  forte  re- 
connaissance sur  le  Danube,  du  coté  de  Schwladf. 

A  M.  le  maréc/ial  Soûl  t. 

A  i'abbaye  de  Moelck  ,  le  20  bi'umaire  an  xiv,  à  neuf 
heures  du  matin. 

Il  faut  vous  conduire  dans  la  journée  d'aujourd'hui 
selon  les  circonstances.  Si ,  comme  il  y  a  lieu  de  le 


DES    EVÉNEMENS    MILITAIRES.  205 

penser,  les  Russes  ont  dirigé  leur  retraite  par  la  rive 
gauche  sur  ïTienne ,  il  faut  vous  porter  sur  f^ienne , 
en  ayant  toujours  des  postes  sur  le  Danube,  et  ayant 
toujours  une  colonne  de  cavalerie  qui  longe  ladite 
rivièie. 

Si  au  contraire  les  Russes  remontent  le  Danube 
pour  marcher  au  maréchal  Mortier _,  vous  suivrez  ce 
même  mouvement,  afin  de  passer  le  plus  tôt  possi- 
ble pour  marcher  au  secours  de  ce  maréchal;  et  enfin 
si  l'ennemi  s'était  jeté  dans  l'intérieur  des  terres  pour 
gagner,  soit  la  Bohême  ,  soit  la  Moravie,  vous  vous 
dirigerez  sur  T^ienne;  et  comme  le  prince  Murât  a 
ordre  de  ne  pousser  aujourd'hui  ses  postes  que  jusqu'à 
Burhersdorf,  il  est  nécessaire  que  vous  vous  arrangiez 
pour  pouvoir  vivre,  ne  pas  vous  tenir  trop  serré  ,  et 
vous  tenir  toujours  à  même  de  passer  le  Daqube,  si 
cela  devenait  nécessaire. 

A  M.  le  maréchal  Soult. 

Saint-Poelten  ,  le  20  brumaire  au  xiv,  à  quatre 
heures  après  midi. 

L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  n'approuve 
pas  le  mouvement  que  vous  faites  :  son  intention  n'est 
pas  de  laisser  les  Russes  sut  tes  flancs.  Rendez-vous 
de  votre  personne  à  Mautern;  mettez-vous  en  cor- 
respondance avec  le  maréchal  Mortier  qui,  ce  matin, 
marchait  sur  Stein;  placez  vos  divisions  en  échelons 


204  PRÉCIS  \ 

où  elles  se  trouvent^  de  manière  que  s'il  se  confirmait 
que  les  Russes  prennent  fortement  posi'ion  à  Stein , 
et  y  attendent  la  deuxième  armée^  vous  puissiez  con- 
centrer vos  forces  le  long  du  Danube,  pour  vous  ser- 
vir des  bateaux  du  maréchal  Mortier  pour  passer  sur 
la  rive  gauche. 

L'empereur  reste  à  Saint-Poelten,  exprès  pour 
attendre  dans  la  nuit  l'issue  de  la  reconnaissance 
que  vous  allez  faire. 

Au  maréchal  Bernadotte. 

Saint-Poelten ,  i\  brumaire  ,  à  trois  heures 
du  matin. 

L'empekeur,  monsieur  le  maréchal,  vient  d'être 
instruit  qu'il  y  a  eu  une  alTaire  très-chaude  hier  à 
Stein.  Il  parait  que  M.  le  maréchal  Mortier,  avec  la 
division  Gazan  seule,  aurait  attaqué  l'armée  russe, 
et  qu'il  aurait  éprouvé  quelque  échec,  vu  le  nombre 
des  ennemis. 

Vous  avez  peut-èti'e ,  à  l'heure  qu'il  est,  des  nou- 
velles précises  de  cette  affaire.  Faites  j^asser  un  oih- 
cier  à  la  rive  gauche ,  afin  d'avoir  des  nouvelles  posi- 
tives de  la  division  Gazan,  de  celle  Dupont  et  de  la 
division  batave.  Vous  devez  avoir  du  pain  et  des 
bateaux  avec  la  flottille  que  commande  l'officier  de 
marine  de  Lostanges.  Jusqu'à  ce  qu'on  ait  des  nou- 
velles de  ce  qui  se  passe  sur  la  rive  gauche,  et  jus- 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  2o5 

qu'à  ce  que  l'empereur  vous  ait  fait  parvenir  de  nou- 
veaux ordres,  il  est  nécessaire  que  vous  restiez  à  l'ab- 
baye de  Moelck,  et  que  vous  envoyiez  des  patrouilles 
de  cavalerie  tout  le  long  du  Danube,  avec  quelques 
pièces  d'artillerie  légère,  si  elles  peuvent  y  passer.  Il 
serait  nécessaire  de  faire  la  même  chose  en  remontant 
le  Danube,  et  faire  reconnaître  le  lieu  le  plus  favo- 
rable pour  effectuer  un  passage.  Enfin,  voyez  si  le 
capitaine  de  frégate  de  Lostanges  a  assez  de  barques 
pour  pouvoir  jeter  un  pont.  Enfin,  monsieur  le  ma- 
réchal, prenez  toutes  les  mesures  pour  avoir  des 
nouvelles  précises  des  troupes  qui  sont  sur  la  rive 
gauche. 

Faites  dire  de  ma  part  au  capitaine  de  Lostanges , 
qu'il  doit  rester  à  Moelck  avec  sa  flottille  jusqu'à 
nouvel  ordre,  et  ne  point  descendre  le  fleuve. 

A  M.  le  maréchal  Soult. 

Sainî-PoeJten,  le  21  brumaire  an  xiv,  à  quatre  heures 
du  matin. 

L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  vient  d'or- 
donner à  la  division  Saint-Hilaire  de  vous  rejoindre  à 
Mautern.  Les  deux  autres  divisions  de  votre  armée 
resteront  jusqu'à  nouvel  ordre  dans  la  position  qu'elles 
occupent. 

M.  le  maréchal  Bernadette,  avec  son  corps  d'armée, 
restera  toute  la  journée  d'aujourd'hui  à  Moelck.  L'en^- 


2o6  PR  JÎCIS 

pereur  séiourne  à  Saint-Poelten ,  et  sa  majesté  ne 
peut,  dans  ce  moment,  vous  donner  aucun  ordre, 
parce  qu'elle  ne  sait  pas  bien  ce  qui  s'est  passé  sur  la 
rive  gauche  du  Danube.  Son  intention  est  que  vous 
placiez  quelques  petits  postes  sur  la  rive  droite  poin- 
arrêter  les  bateaux  qni  descendraient  !e  Danube,  afin 
qu'ils  ne  tombent  pas  dans  les  mains  des  Russes.  M.  le 
maréchal  Bernadotte  a  l'ordre  d'envoyer  des  postes 
de  cavalerie  le  long  du  Danube  du  coté  de  Mautern, 
lesquels  doivent  communiquer  avec  les  vôtres. 

Faites  réunir,  monsieur  le  maréciial  ,  tous  les 
moyens  de  passage  que  l'on  pourra  se  procurer,  et 
prenez  tous  les  renseignemens  possibles  pour  savoir 
si  les  Russes  bordent  le  fleuve  jusqu'à  F'ienne.  En- 
voyez-nous, en  grand  détail ,  ce  que  vous  aurez  appris 
de  ce  qui  s'est  passé  au  corps  du  maréchal  Mortier. 
L'empereur  ordonne  que  vous  placiez  trois  relais  de 
cavalerie  depuis  Mautern  jusqu'à  Alsdorf,  pour  la 
correspondance  ,  etc. 

Je  dois  répondre  à  votre  lettre,  monsieur  le  mare- 
chai,  que  si  l'empereur  n'a  pas  approuvé  le  mouve- 
ment que  vous  a  ordonné  le  maréchal  Murât,  cela 
ne  veut  pas  dire  qu'il  ait  désapprouvé  que  vous  l'ayez 
exécuté. 


DES    ÉVÉNEMtJNS    MILITAIRES.  207 

Au  prince  Murait. 

Saint-Poelten  ,  le  21  brumaire  an  xiv,  à  six  heures 
du  matin. 

L'empereur^  mon  prince,  me  charge  de  vous  dire 
que  les  Russes  sont  toujours  à  Krems;  qu'il  y  a  eu 
liier  ww  engagement  très-chaud  entre  leur  armée  et  la 
division  Gazan.  Les  détails  ne  sont  pas  connus,  mais 
il  paraît  que  l'aïlaire  a  été  à  notre  désavantage,  quel- 
que courage  qu'aient  déployé  nos  troupes,  vu  la 
grande  supériorité  en  nombre  de  l'ennemi.  L'empe- 
reur ne  doute  pas,  mon  prince,  que  vous  n'ayez  en- 
voyé des  posles  à  K losterneuhourg ,  pour  lâcher  de 
vous  emparer  du  bac  qui  s'y  trouve. 

Malheureusement  le  maréchal  Soult  avait  reçu 
votre  ordre  avant  celui  de  l'empereur,  et  son  corps 
d'armée  était  déjà  enfourné  sur  Vienne.  Le  maréchal 
Sôult  avait  une  division  qui  était  cantonnée  près  de 
Mautern,  et  qui  eût  été  d'un  grand  secours  dans  la 
journée  d'hier. 

L'empereur  me  charge  de  vous  dire  qu'il  a  peine  à 
concevoir  comment,  lorsque  vous  saviez  qu'il  était 
à  l'abbaye  de  Moelck ,  vous  avez  cru  devoir  envoyer 
des  ordres  au  maréchal  Soult.  Nous  n'avons  pas  en- 
core reçu  de  nouvelles  du  maréchal  Davoust  qui  ne 
partira   qu'aujourd'hui,    à   la   pointe   du    jour,    de 


208  PRECIS 

Lilienfeldy  et  qui  ne  pourra  donc  arriver  ce  soir  qu'à 

mi-chemin  de  Modeling. 

L'empereur  trouve,  monsieur  le  maréchal,  que 
vous  ne  lui  rendez  pas  assez  de  compte  ;  que  vous 
auriez  dû  lui  envoyer  les  députés  de  Vienne.  Cette 
mesure  était  sage,  puisque  sa  majesté  était  à  Mdelch , 
et  elle  se  plaint  en  outre  de  ce  que  vous  ne  l'informez 
pas  de  ce  que  ces  députés  ont  dit. 

Vous  parlez  de  genres  d'insurrection  à  J^ienne , 
sans  expliquer  de  quel  sens.  Enfin  vous  renvoyez  sa 
majesté  à  ce  que  vous  avez  dit  à  son  aide-de-camp, 
qui  n'était  pas  présent  à  la  conférence. 

Dans  des  circonstances  aussi  importantes  et  aussi 
délicates,  cette  légèreté  a  étonné  l'empereur.  Mais 
dans  le  moment  actuel ,  mon  prince ,  la  grande  affaire 
est  de  passer  le  Danube ,  afin  de  déloger  les  Russes  de 
Krems ,  en  se  jetant  sur  leurs  derrières.  L'ennemi 
coupera  probablement  le  pont  de  Vienne.  Si  cepen- 
dant il  y  avait  possibilité  de  lavoir  en  entier,  il  faut 
tacher  de  s'en  emparer.  Cette  considération  seule 
peut  forcer  l'empereur  à  entrer  dans  Vienne;  et  dans 
ce  cas  ,  vous  y  ferez  entrer  une  partie  de  voire  cava- 
lerie, et  les  grenadiers  seulement.  11  faut  que  vous 
connaissiez  la  force  des  troupes  bourgeoises  qui  sont 
armées  à  Vienne.  L'empereur  imagine  que  vous  avez 
fait  placer  quelques  pièces  de  canon  pour  intercepter 
le  passage  sur  le  Danube  ^  entre  Krems  et  Vienne, 


DES    EVEIVEMENS    MILITA  [RES.  loq 

Il  doit  y  avoir  des  partis  de  cavalerie  sur  la  rive 
droite  du  fleuve,  et  vous  nen  parlez  pas  à  l'empe- 
reur dans  votre  rapport.  Sa  majesté  trouve  néces- 
saire de  savoir  à  quoi  s'en  tenir,  afin  que  s'il  avait  été 
possible  d'intercepter  le  Danube  au-dessous  de 
Vienne,  on  eût  pu  le  faire.  lia  division  du  générai 
Sucbet  restera  avec  une  partie  de  votre  cavalerie  sur 
la  grande  route  de  Vienne  à  Burkersdorf,  à  moins 
que  vous  ne  soyez  maître  du  pont  sur  le  Danube, 
s'il  n'a  pas  été  brûlé;  et  dans  ce  cas,  cette  division 
s'y  i^orterait,  afin  de  pouvoir  passer  le  fleuve  avec 
votre  cavalerie  et  vos  grenadiers,  et  se  mettre  le  plu.s 
tôt  possible  en  marche  pour  tomber  sur  les  commu- 
nications des  Russes.  Je  pense  que  l'empereur  restera 
toute  la  journée  à  Saint- Poelten. 

Sa  majesté  vous  recommande,  mon  prince,  de  lui 
rendre  compte  fréquemment. 

Quand  vous  serez  à  Vienne,  tâchez  d'avoir  les 
meilleures  cartes  qui  se  trouvent  des  environs  de 
Vienne  et  de  la  Basse-Autriche. 

Si  M.  le  général  comte  de  Giulay  se  présente,  ou 
toute  autre  personne,  pour  parler  à  l'empereur,  en- 
voyez-le en  Toute  hâte  ici. 

La  garde  bourgeoise  qui  fait  le  service  à  p^ienne 
doit  avoir  tout  au  plus  cinq  cents  fusils. 

Il  vous  sera  facile,  une  fois  à  Vieizne ,  d'avoir  des 
nouvelles  sur  l'arrivée  des  autres  colonnes  russes , 


210  PRECIS 

ainsi  que  sur  le  projet  des  autres,  en  se  cantonnant 

à  Krems. 

Vous  aurez  ,  pour  tourner  les  Russes ,  et  pour  tom- 
ber sur  leurs  derrières,  votre  cavalerie,  le  corps  du 
maréchal  liannes ,  et  celui  du  maréchal  Davoust. 
Quant  aux  corps  des  maréchaux  Bernadotte  et  Soult, 
ils  ne  peuvent  être  disponibles  que  lorsqu'on  saura 
définitivement  le  parti  qu'auront  pris  les  Russes. 

Passé  dix  heures  du  matin,  vous  pouvez  donc  en- 
trer dans  Vienne  ;  tâchez  d'y  surprendre  le  pont  du 
Danube,  et  s'il  est  rompu,  avisez  à  trouver  les  plus 
prompts  moyens  de  passage  du  fleuve.  C'est  là  la  seule 
grande  afl'aire  dans  ce  moment.  Si  cependant  avant 
dix  heures  M.  de  Giulay  se  présentait  pour  apporter 
des  propositions  de  négociations,  et  qu'il  vous  enga- 
geât à  suspendre  votre  marche,  vous  suspendriez 
votre  mouvement  sur  Vienne;  mais  vous  ne  vous 
en  occuperiez  pas  moins  de  trouver  tous  les  moyens 
de  passer  le  Danube  à  Klosterhouvg,  ou  tout  autre 
endroit  favorable. 

L'empereur  ordonne  que,  depuis  Sigharts-K  irchen 
jusqu'à  Vienne  y  vous  placiez  de  deux  en  deux  lieues 
de  France  un  poste  de  cavalerie  de  dix  hommes, 
dont  les  chevaux  serviront  à  relayer  les  officiers  que 
vous  enverrez  pour  rendre  compte  de  ce  qui  se  pas- 
sera. Les  hommes  du  même  poste  pourront  porter 
les  dépêches  de  Sigharts-K irchen  à  Saint-Foelten. 


D£S    ÉVÉJ>ÎEMENS    MILITAIRES.  211 

4    Le  maréchal  Bessières  fei-a  placer  des  postes  de  la 
garde  de  l'empereur. 

A  M.  le  Jiiaréchal  Mortier. 

Saint-Poelten  ,  le  21  brumaire  an  xtv. 

L'empereur  ,  monsieur  le  maréclial ,  attend  avec 
impatience  des  nouvelles  de  l'engagement  que  vous 
avez  eu,  et  qui,  d'après  les  bruits  vagues  qui  nous 
sont  parvenus ,  paraît  avoir  été  très-sérieux. 

Comme  l'ordre  que  vous  avez  reçttvous  prescrivait 
de  vous  éclairer  à  plusieurs  lieues  sur  votre  gauche, 
et  surtout  très  en  avant  de  vous,  afin  que  vous  pus- 
siez connaître  la  force  de  l'ennemi  avant  que  de  vous 
engager,  l'empereur  devait  croire  que  vous  ne  vous 
seriez  point  compromis  avec  des  forces  supérieures, 
et  que  vous  l'auriez  fréquemment  prévenu  des  mou- 
vemens  de  l'ennemi.  Enfin  noui  attendons  de  vos 
nouvelles.  Dans  tous  les  cas,  vous  devez  réunir  vos 
divisions  ;  et  si  vous  étiez  forcé  à  vous  reployer,  vous 
le  feriez  sur  le  territoire  de  Lintz ,  mais  en  nous  don- 
nant fréquemment  des  nouvelles.  Ne  sachant  rien  de 
ce  qui  s'est  passé,  je  ne  puis  rien  vous  dire  de  plus 
positif. 

Le  maréchal  Bernadette,  avec  son  corps  d'armée, 
eslkMoeick,  où  l'empereur  l'a  fait  rester  depuis  qu'il 
a  su  que  vous  aviez  eu  un  engagement. 


Q.Ï2  P  R  i:  C  1  S 

Le  maréchal  Soult,  de  sa  personne,  est  à  Mautern 
avec  une  division. 

Je  vous  répète  que  l'empereur  attend  avec  impa- 
tience de  vos  nouvelles.  L'empereur  est  à  Saint- 
Poelten. 

A  M.  le  maréchal  Mortier. 

Saint-Poelten  ,  le  21  brumaire. 

ORDRE. 

Votre  aide-de-camp ,  monsieur  le  maréchal,  n'a 
pu  arriver  ici  qu'à  trois  heures  après  midi ,  et  l'em- 
pereur attendait  avec  bien  de  l'impatience  le  raj^port 
de  votre  engagement. 

Si  les  Russes  restent  dans  la  position  où  ils  sont ,  ou 
s'ils  marchent  sur  l'Jnn ,  c'est  une  armée  perdue. 
Le  prince  Murât,  qui  est  aujourd'hui  à  Vienne ,  a 
l'ordre  d'y  passer  le  Danube  pour  se  porter  sur  les 
derrières  de  l'armée  russe.  Quant  à  vous,  monsieur 
le  maréchal,  vous  formez  le  corps  d'observation  de  la 
rive  gauche.  Vous  pouvez  faire  passer  vos  blessés  et 
tout  ce  qui  peut  vous  embarrasser  sur  la  rive  droite. 

Avec  le  reste  de  votre  corps  d'armée  bien  réuni, 
vous  devez  toujours  vous  retirer  devant  l'ennemi 
supérieur,  jusqu'au  pont  de  Lintz;  vous  préviendrez 
le  général  Reille,  qui  commande  à  Lintz,  de  tous 
vos  mouvemens.  Lorsque  vous  serez  dans  le  cas  de 
vous  apercevoir  que  l'ennemi  est  attaqué  par  le  prince 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  2l5 

Murât,  alors  vous  marcheriez  sur  lui  de  votre  coté. 
Vous  ne  devez  faire  votre  mouveraent  de  retraite 
que  devant  des  forces  réelles ,  afin  que  l'ennemi  ne 
vous  mette  pas  à  trois  ou  quatre  marches  de  lui,  par 
un  corps  d'observation  peu  nombreux. 

L'empereur  est  extrêmement  satisfait  de  la  brave 
conduite  des  troupes,  ainsi  que  de  la  bonne  conte- 
nance que  vous  avez  faite,  monsieur  le  maréchal. 

Prévenez  fréquemment  par  la  rive  droite,  de  tous 
vos  mouvemens  et  de  tout  ce  qui  se  passera  dans  la 
journée  de  demain;  j'ai  établi  une  chaîne  de  postes 
de  chasseurs,  de  l'abbaye  de  Moelchh.  J^ienne ,  avec 
ordre  de  porter  vos  dépêches.  Mettez-vous  aussi  en 
communication  avec  les  postes  qui  sont  sur  la  rive 
droite,  afin  d'avoir  des  nouvelles  si  l'ennemi  éva- 
cuait cette  nuit  ;  dans  ce  cas,  vous  vous  mettriez  à  sa 
poursuite,  mais  vous  ne  le  feriez  qu'avec  toute  la 
prudence  nécessaire. 

Vous  ne  devez  pas  perdre  de  vue  que  vous  n'êtes 
que  corps  d'observation. 

Il  est  arriA^é  sur  un  bateau  à  Moelch  huit  mille 
rations  de  pain  qui  sont  à  votre  disposition. 


2  1  4  1»  E  K  C  I  s 

A  monseigneur  le  prince  Mu  rat. 

Saint-Poellen  ,  le  ti  brumaire  an  xiv,  à  onze 
heures  du  soir. 

ORDRE. 

L'empereur  vous  donne  l'ordre,  mon  prince,  de 
tâcher  de  surprendre  demain  à  la  pointe  du  jour  le 
passage  du  pont  :  ayez  l'artillerie  prête  pour  empê- 
cher qu'on  ne  le  brûle  :  entrez  dans  Vienne  ;  nom- 
mez le  général  HuUin  pour  y  commander  la  place  , 
et  envoyez  des  partis  de  cavalerie  sur  la  route  de 
JBrïtnnQidie  JVeilzersdoi^f.  Les  Russes  étaient  encore 
dans  la  journée  d'aujourd'hui  à  Krems.  Exécutez 
tout  ce  que  l'empereur  vous  a  prescrit  par  la  lettre 
qu'il  vous  a  envoyée  par  le  général  Bertrand. 

Les  divisions  Vandamme  et  Legrand  suivront 
votre  mouvement  ;  faites  en  sorte  que  tous  leurs  ba- 
gages inutiles  ne  traversent  pas  la  ville  de  Vienne  ni 
le  pont. 

Avec  les  deux  divisions  du  maréchal  Lannes  ,  vous 
vous  dirigerez  du  côté  de  Krems ,  où  sont  les  Russes  ; 
quant  aux  deux  divisions  du  maréchal  Soult,  qui  arri- 
veront plus  tard ,  elles  prendront  position  sur  la  route 
de  Vienne;  il  paraît  que  l'ennemi  a  une  grande 
quantité  de  canons  sur  la  rive  gauche  du  Danube. 
Emparez-vous  de  tout  cela.  Laissez  toujours  des  pa- 
trouilles de  cavalerie  pour  pouvoir  communiquer 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  2l5 

avec  l'empereur,  qui  attendra,  avant  de  partir  d'ici, 
d'avoir  des  nouvelles  des  Russes  de  Krems. 

Vous  n'oublierez  pas  d'envoyer  des  patrouilles  de 
cavalerie  sur  la  route  de  Preshourg. 

Le  général  Marmontest  arrivé  à  Léoben  et  à  BruTc. 

Envoyez  fréquemment  des  nouvelles  à  l'empereur 
par  les  postes  de  cavalerie,  et  même  toutes  les  trois 
heures;  il  suffit  d'une  lettre  qui  serait  portée  par  les 
petits  postes  de  cavalerie. 

Il  paraît  que  le  résultat  de  la  conférence  de  M.  de 
Giulay  n'a  rien  produit  de  satisfaisant. 

^  M.  le  général  Rjeille. 

Saint-Poelten ,  le  21  brumaire,  à  minuit. 
ORDRE. 

Je  vous  préviens,  général,  que  le  corps  d'armée 
russe,  qui  se  trouve  couper  la  route  de  Vienne, 
pourrait  bien  envoyer  des  partis  sur  Lintz.  Vous 
devez  donc  y  porter  une  attention  particulière. 

L'adjudant-comraandant  Le  Camus,  qui  a  le  21* 
de  dragons,  pourra  éclairer  les  diilerenles  routes;  le 
général  Klein  ,  avec  ses  dragons,  doit  se  replier  sur 
le  pont  de  Lintz  ;  portez  une  grande  surveillance 
sur  tous  ces  mouvemens,  afin  de  pouvoir  défendre  le 
pont,  autant  que  vos  moyens  le  permettront,  et  afin 
de  le  couper,  s'il  y  avait  lieu. 

Tout  ceci  n'est  que  de  précaution,  car  il  n'est  pas 


2  l  G  P  R  K  C  1  s 

probable  qu'ils  prennent  ce  parti  ^  qui  les  conduirait 
sûrement  à  leur  perle. 

Au  général  Marmont. 

Saint-Poelten,  le  21  brumaire,  à  minuit. 
Je  VOUS  préviens,  général,  que  nous  sommes  en- 
trés dans  F^ic7ine\  il  est  nécessaire  que  vous  envoyiez 
des  espions,  et  que  vous  fassiez  toutes  les  perquisi- 
tions possibles  pour  connaître  les  mouvemens  du 
prince  Charles  :  les  uns  disent  qu'il  doit  passer  par 
Brixeji,  Spital  et  Saltzhourg ;  d'autres,  qu'il  doit 
passer  par  Clagenfurt  et  Rastadt  ;  il  est  impossible 
qu'à  Léohen  et  à  Iiidembourg ,  vous  ne  sachiez  à 
quoi  vous  en  tenir  sur  cela  ;  au  reste,  instruisez-moi 
de  tout  ce  que  vous  apprendrez. 

u4  M.  le  maréchal  Soult. 
ORDRE. 

Saint-Poelten  ,  le  21  brumaire  an  xiv,  à  onze 
heures  du  soir. 
Tout  me  porte  à  penser  que  les  Russes  commencent 
leur  mouvement  cette  nuit.  A  la  pointe  du  jour  le 
prince  Murât  tachera  de  surprendre  le  pont  de 
p^ienne ,  et  aussitôt  il  passera  le  Danube  pour  se 
porter  sur  les  Russes.  Vos  deux  divisions  Vandamme 
et  Legrand  s'y  porteront  également.  Ce  que  fera  la 
division  Saint -Hilaire  dépendra  de  ce  qu'aura  fait 
l'ennemi  à  Krenis  ,  et  de  ce  qu'aura  fait  le  maréclial 


DES    EVÉNKMENS    MILITAIRES.  21  7 

Mortier.  Prenez  vos  mesures  pour  arriver  à  votre 
corps  d'armée  avant  qu'il  n'entre  à  f^ienne.  Restez 
à  la  position  où  vous  êtes,  jusqu'à  ce  que  le  jour  soit 
bien  fait  et  qu'on  ait  quelques  nouvelles  de  la  posi- 
tion de  l'ennemi.  Laissez  le  colonel  Franceschi  avec 
son  régiment,  ainsi  que  la  division  Saint-Hilaire. 
Si  elle  pouvait  se  procurer  des  moyens  de  passage 
pour  se  mettre  à  la  poursuite  de  l'ennemi,  du  mo- 
ment que  son  évacuation  sera  bien  caraslérisée,  ou 
que  le  prince  Murât  sera  à  sa  hauteur,  cela  lui  évi- 
terait de  passer  par  Vienne,  et  cela  donnerait  la 
journée  de  demain  de  repos  à  la  division  ;  car  je  ne 
pense  pas  que  le  prince  Murât  puisse  être  vis-à-vis 
Krems  avant  après-demain.  Enfin,  ayez  soin  en  en- 
trant à  Vienne,  que  tous  ses  bagages  n'y  entrent  pas. 
Il  serait  aussi  nécessaire  que  vous  établissiez  au  dé- 
bouché du  défilé  un  officier  d'ordonnance  pour  ar- 
rêter les  traineurs  de  votre  armée,  pendant  l'espace 
d'une  journée,  et  les  faire  ensuite  rejoindre  en  masse. 
Par  le  retour  de  mon  aide-de-camp,  faites-moi  con- 
naître tout  ce  qu'il  y  a  de  nouveau.  Si  le  prince 
Murât  ne  pouvait  pas  surprendre  le  pont  de  Vienne, 
et  qu'il  fallût  beaucoup  de  temps  pour  rétablir  ce 
pont,  je  l'ai  laissé  maître  de  passer  sur  tout  autre 
point.  On  dit  qu'au  point  de  Stadt-Tuln  et  de  Klos- 
terneiihourg ,  il  y  a  des  moyens  de  passage. 

Signé  Napoléon. 


2  I  O  PRECIS 

Instructions  pour  M.  le  maréchal  Bern  a dotte, 

Saint-Poelten  ,  le  22  brumaire  aa  xtv. 

M.  le  maréchal  Bernaclolte  passera  sur  la  rive 
gauche  du  Danube,  s'emparera  de  Stein  et  de  Krems, 
et  suivra  l'armée  russe  pour  lui  faire  tout  le  mal  qu'il 
sera  possible,  entamer  son  arrière-garde. 

Le  prince  Murât  passe  à  V^ienne  _,  et  va  chercher 
à  déborder  l'ennemi,  pour  gagner,  s'il  est  possible,  sa 
tête  ou  l'attaquer  par  ses  flancs,  ce  qui  dépendra  des 
circonstances. 

L'ennemi  ne  peut  prendre  que  trois  partis  : 

1".  Se  rendre  en  Bohême, 

20.  Ou  en  Moravie  ; 

5°.  Se  concentrer  à  Krems. 

Ce  dernier  parti  paraît  si  absurde,  que  l'on  n'a 
voulu  en  parler  que  pour  présenter  tout  ce  qui  est 
possible. 

Il  n'aurait  pas  de  vivres,  puisqu'il  n'est  pas  maître 
du  Danube;  il  se  trouverait  cerné  par  toute  l'armée 
française ,  dont  il  connaît  bien  la  force  :  mais  toutes 
les  probabilités  sont  que  l'ennemi  est  déjà  en  ce  mo- 
ment en  pleine  marche.  Mais  si  des  considérations 
qui  nous  sont  inconnues  le  portaient  à  attendre  en- 
core quelques  jours  dans  la  position  de  Stein  ou  de 
Krems  ,  il  faudrait  se  contenter  de  prendre  vis-à-vis 
de   lui,  une  bonne  position  sur  la  rive  gauche  du 


T)ES    ÉVENEMEIVS    MILITAIRES.  2  10 

coté  de  Speit,  et  faire  passer  sur  la  rive  droite^  à 
Mautern ,  du  canon;  avoir  des  postes  de  cavalerie 
le  long  du  Danube  jusqu'à  Vienne,  et  attendre  que 
le  prince  Miirat  eût  passé  le  Danube^  et  se  trouvât 
à  hauteur  et  à  même  de  l'attaquer  de  son  côté. 

Si  l'ennemi  se  rend  en  Moravie,  il  est  probable 
qu'il  sera  débordé ,  au  moins  attaqué  en  flanc  par  le 
prince  Murât.  L'intention  de  l'empereur  est,  que 
M.  le  maréchal  Bernadette  le  poursuive,  et  lui  fasse 
le  plus  de  mal  possible.  Aussitôt  que  M.  le  maréchal 
Bernadotte  aura  coupé,  c'est-à-dire  traversé  la  pre- 
mière grande  route  de  Vienne ,  il  se  trouvera  par 
cette  route  en  correspondance  directe  avec  cette 
capitale. 

Si  l'ennemi  se  rend  en  Bohême  ,  M.  le  maréchal 
Bernadotte  le  poursuivra;  et  aussitôt  qu'il  sera  assez 
élevé,  et  qu'il  se  trouvera  à  l'intersection  des  routes 
de  Vienne  et  de  Lintz,  il  communiquera  avec  ces 
deux  villes  ;  il  se  fera  alors  joindre  par  le  général 
Klein  et  sa  division  ,  qui  se  trouvera  dans  ce  moment 
sur  Freistadt  et  sur  Lintz. 

L'empereur,  qui  d'ailleurs  sera  à  P^ienjie ,  enverra 
à  M.  le  maréchal  Bernadotte ,  suivant  les  circon- 
stances, de  nouvelles  instructions  et  des  renforts. 

Je  préviens  M.  le  maréchal  Bernadotte,  que  je 
donne  l'ordre  à  M.  le  maréchal  Mortier,  de  refor- 
mer ses  trois  divisions ,  et  de  servir  de  réserve  à  son 


:220  PRÉCIS 

corps  d'armée  ;  en  conséquence  ,  il  occupera  Kre?ns 
et  Stein  ,  pendant  le  temps  que  M.  le  maréchal  Ber- 
nadette avec  son  armée  poussera  en  avant  :  ainsi,  si 
l'ennemi  menaçait  de  se  porter  sur  Lintz ,  le  maré- 
chal Mortier  y  enverrait  un  renfort  pour  garder  le  pont. 
Enfin,  M.  le  maréchal  Bernadotle  aura  soin  de 
placer  de  petits  postes  de  cavalerie,  depuis  ilfbe/c^  jus- 
qu'à la  porte  de  Sigharts-Kirchen  ;  il  donnera  l'ordre 
au  général  Kellermann  de  laisser  de  deux  lieues  en 
deux  lieues  sur  cette  route  un  maréchal-de-logis  et 
huit  hommes,  dont  les  chevaux  serviront  à  rela^-er 
les  officiers  porteurs  de  dépêches;  les  hommes  à  che- 
val pourront  même  porter  les  lettres. 

A  M.  le  maréchal  Mortier. 

ORDRE. 

Saint-Poelten  ,  le  22  brumaire  an  xir. 
L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  me  charge 
de  donner  l'ordre  à  M.  le  maréchal  Bernadette  de 
passer  le  Danube  et  de  poursuivre  l'armée  russe. 
L'intention  de  sa  majesté  est  que  vous  lui  serviez 
de  réserve,  et  que,  du  moment  où  le  maréchal  Ber- 
nadette se  sera  emparé  de  Stein  el  de  Krems ,  vous 
repassiez  le  Danube  pour  y  prendre  possession , 
quand  le  maréchal  Bernadette  se  portera  en  avant 
pour  poursuivre  l'ennemi;  vous  ferez  aussitôt  con- 
struire un  pont  de  bateaux  à  Mautern,  et  vous  place- 


DES    ÉVJÉNEMENS    MILITAIRES.  221 

riez  uiî_poste  sur  l'intersection  des  routes  de  K reins 
et  de  Lintz;  et  si  enfin  quelque  chose  menaçait  le 
pont  de  Lintz ,  vous  y  enverriez  des  secours  à  temps. 
Vous  devez  placer  tous  vos  blessés  et  vos  malades 
dans  l'abbaye  de  Moelch ,  où  vous  mettrez  une  garde 
de  police.  Vous  correspondrez  fréquemment  avec 
moi  par  les  postes  que  le  maréchal  Bernadotte  a  Toidre 
de  placer  depuis  Moelck  jusqu'à  Sigharts- Kirchen ; 
là  il  y  aura  des  .postes  de  la  garde  jusqu'à  Vienne. 

Occupez-vous  ,  monsieur  le  marécbal,  à  bien  ral- 
lier vos  trois  divisions;  envoyez-moi  l'état  des  tués, 
blessés _,  corps  par  corps  ^  ainsi  que  celui  des  prison- 
niers français  ;  enfin  un  état  de  situation  du  présent 
sous  les  armes  de  vos  trois  divisions. 

Vous  trouverez  ci-joint  un  itinéraire  de  la  grande 
route,  qui  pourra  vous  être  utile. 

^  M.  le  maréchal  Davoust. 

Burkersdorf ,  le  il  brumaire  an  xiv,  à  sept  heureg 
du  soir. 
Il  est  ordonné  à  M.  le  maréchal  Davoust ;,  de  con- 
tinuer sa  route  demain  avec  son  corps  d'armée  _,  par- 
lant de  Moedling  pour  se  rendre  à  Vienne.  M.  le 
maréchal  Davoust  viendra  de  bonne  heure  au  châ- 
teau de  SchoenbrUnn  où  sera  le  quartier- général,  et 
où  on  lui  fera  connaître  la  position  que  doit  prendre 
»on  corps  d'armée. 


22-2  PRCCIî» 

^  M.  le  maréchal  Mortier. 

Burkersdorf ,  le  22  brumaire  an  xiv,  à  sept  heures 
du  soir. 

Je  m'empresse  de  vous  prévenir  que  nous  avons 
surpris  le  pont  de  F'ienne ,  pris  soixante  pièces  de 
canon,  et  fait  environ  mille  prisonniers  ;  tout  le  corps 
d'armée  du  maréchal  Lannes  est  passé.  La  cavalerie 
du  prince  Murât  occupe  les  grandes  routes.  Demain, 
à  la  pointe  du  jour,  on  marchera  sur  les  Russes. 
Faites,  de  votre  côté,  ce  que  votre  zèle  et  la  prudence 
vous  suggéreront,  pour  leur  faire  le  plus  de  mal 
possible. 

A  M,  le  général  Da  vo  us  t. 

Schoenbrunu,  le  2j  brumaire  an  xir. 

L'empereur  ordonne,  monsieur  le  maréchal, 
que  vous  placiez  deux  régimens  de  la  cavalerie  de 
votre  corps  d'armée  sur  la  route  de  Preshourg  à 
la  rive  droite  du  Danube,  et  un  régiment  à  cheval 
sur  la  rive  gauche  du  Danube,  également  sur  la 
route  de  Preshourg. 

Je  vous  préviens  que  le  général  Milhaud  avec  le 
22*"  et  le  16^  de  chasseurs  est  sur  la  roule  de  Briinn , 
el  reçoit  des  ordres  directs  de  l'état-major-général. 

Le  corps  du  maréchal  Murât,  celui  du  maréchal 
Lannes  et  celui  du  maréchal  Soult  marchent  sur  les 


DES    EVÉNEMENS    lUTLITAlKES.  22  5 

deux  routes  qui  conduisent  à  Zneim;  ainsi,  tous 
les  débouchés  sur  Vienne  sont  couverts. 

Sa  majesté  ordonne  que  la  division  Cafarelli  soit 
placée  trois  lieues  en  avant  de  Vienne ,  sur  la  route 
de  Brilnn  ;  cette  division  aura  un  régiment  à  la  rive 
gauche  du  Danube  sur  la  route  de  Preshourg. 

La  division  Friant  sera  placée  à  trois  lieues,  sur 
la  rive  djoite  du  Danube,  sur  la  route  de  Preshourg; 
tous  les  grenadiers  de  cette  division  feront  le  service 
de  la  place  de  Vienne  et  y  seront  cantonnés  ;  ils 
fourniront  un  poste  à  chaque  porte  de  la  ville,  indé- 
pendamment de  ceux  de  la  garde  nationale;  ils  four- 
niront aussi  un  corps-de-garde  à  chaque  joont  sur  le 
Danube. 

La  3*  division  de  votre  corps  d'armée  se  rendra  à 
Neustadt  où  elle  restera  jusqu'à  nouvel  ordre  ;  vous 
enverrez  avec  cette  division  un  régiment  de  cava- 
lerie, qui  tâchera  de  se  mettre  en  communication 
avec  le  général  Marmont,  qui  doit  être  kLéohen. 

Vous  donnerez  l'ordre  aux  généiaux  de  brigade 
commandant  votre  cavalerie  de  faire  un  double 
rapport  au  maréchal  Bessières  sur  tout  ce  qu'il  y  au- 
rait de  nouveau;  ce  maréchal  commandant  toute 
la  police  générale ,  toute  la  cavalerie  aux  environs  de 
Vienne  j  tant  que  l'empereur  restera  à  Schoe/ihrunn. 


2  20:  PRECIS 

^  31.   le  maréchal  Dat  oust. 

Schoenbrurm  ,  le  23  brumaire  an  xiv. 

L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  ordonne 
que,  pendant  son  séjour  à  Schoenbrunn  ,  vous  sovez 
chargé  de  toute  la  défense  extérieure  des  portes  de 
toutes  les  avenues  de  Vienne ,  de  quelque  côté  que 
l'ennemi  puisse  se  présenter.  Vous  êtes  également 
chargé  de  la  défense  des  ponts  du  Danube.  Sa  ma- 
jesté vous  charge  de  faire  évacuer  toute  l'artillerie 
qui  est  en  dehors  de  la  ville  sur  la  rive  gauche  du 
Danube,  et  de  la  faire  parquer  dans  le  lieu  désigné 
par  le  général  Songis. 

Comme  vous  êtes  chargé  de  la  sûreté  extérieure, 
vous  le  serez  également  de  la  haute-police. 

Quant  à  la  ville  de  Vienne,  l'empereur  a  nommé 
M.  le  général  Hullin  commandant. 

Le  maréchal  Bessières  commande  toute  la  cavalerie. 
Je  vous  préviens  que  la  divison  Beaumont  canton- 
nera dans  cette  ville ,  mais  quelle  recevra  des  ordres 
de  l'état-major-général 

A  M.  le  général  Dumas. 

Schoenbrunn  ,  le  23  brumaire  an  xtv. 

Il  est  ordonné  au  général  Dumas  de  marquer  sur- 
le-champ  des  cantonnemens  dans  la  ville  de  Vienne, 
pour  la  division  de  dragons  du  général  Beaumont  ; 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  22D 

il  les  cantonnera  de  manière  qu'une  brigade  fasse  face 
à  la  route  de  Preshourg ^  et  l'autre  brigade  à  la  route 
de  Neustadt. 

Ces  brigades  seront  cantonnées  de  manière  à  ce 
que  les  régimens  soient  le  plus  ensemble  possible. 

A  M.  le  maréchal  Soult. 

SchoenbruTin  ,1e  23  brumaire  an  xiv. 

L'intention  de  l'empereur,  monsieur  le  maré- 
chal ,  est  qu'avec  votre  cavalerie  et  les  divisions  Van- 
damme  et  Legrand ,  vous  alliez  ce  soir  le  plus  près 
possible  de  Stokerau.  L'objet  de  ce  mouvement  est 
de  seconder  le  prince  Murât  et  le  maréchal  Lannes 
qui  sont  en  avant  de  vous ,  et  de  tâcher  d'enVelopper 
l'armée  russe.  Quant  à  la  division  Sainl-Hilaire,  elle 
s'arrêtera  à  Schoenhrunn ,  où  l'empereur  lui  donnera 
des  ordres  suivant  les  circonstances. 

Quant  à  la  roule  de  Briinji,  elle  est  gardée  par 
une  brigade  du  général  Milhaud  ,  et  par  une  division 
du  maréchal  Davoust. 

Continuez,  monsieur  le  maréchal,  à  me  donner  de 
*^'os  nouvelles. 

A  S.  A.  le  prince  Murât, 

Schoenbrunn  ,  le  23  brumaire  an  xiv. 
L'intention    de  l'empereur,    mon    prince,    e^t 
qu'avec  le  corps  de  cavalerie  à  vos  ordres,  avec  le 
i/l.  i5 


220  PRECIS 

corps  du  maréchal  Lannes  avec  sa  cavalerie,  avec 
deux  autres  divisions  du  maréchal  Soult  et  sa  cava- 
lerie^ vous  vous  mettiez  à  la  poursuite  de  l'armée 
russe  qui  a  évacué  hier  Kre 772s.  M.  le  maréchal  Mor- 
tier, ainsi  que  M.  le  maréchal  Bernadotte,  doivent 
avoir  passé  le  Danube  à  Stein,  et  suivi  les  Russes. 
Vous  aurez  soin  de  manoeuvrer  avec  prudence,  et 
de  donner  souvent  de  vos  nouvelles  à  l'empereur. 

Le  général  Milhaud,  avec  une  brigade  et  une  divi- 
sion du  maréchal  Davoust,  sont  sur  la  roule  de 
Briinn ,  où  ils  reçoivent  des  ordres  de  Tétat-major- 
général. 

Le  général  Klein,  avec  ses  dragons,  était  hier  sur  la 
route  de  Krems  à  Budwz'is. 

Ordre  du  jour  du  iZ   brumaire  an  xir. 

L'£MPEREUR  témoigne  sa  satisfaction,  au  h^  régi- 
ment d'infanterie  légère  ,  au  j  01^  de  ligne  ,  ati  9*^  d'in- 
fanterie légère,  au  di^  de  ligne,  pour  l'intrépidité 
qu'ils  ont  montrée  au  combat  de  DierMeln,  où'  leur 
fermeté  à  tenir  la  position  qu'ils  occupaient  a  obligé 
l'ennemi  à  quitter  celle  qu'il  avait  sur  1^  Danube. 

Sa  majesté  témoigne  sa  satisfaction  au  17^  régiment 
de  ligne^  au  Bo*"  qui^  au  combat  de  Lainhach ,  ont 
tenu  tête  à  l'arrière-garde  russe  ;,  l'ont  entamée ,  et 
lui  ont  fait  quatre  cents  prisonniers. 

L'empereur  témoigne  également  sa  satisfaction  aux 


DIS    EVENEMENS    MILITAJRES.  ^11 

grenadiers  d'Ouclinot  qui,  au  combat  ^Amstelten, 
ont  repoussé  de  «es  belles  et  formidables  positions  lel 
corps  russes  et  aiitrichiens  et  ont  fait  quinze  cents 
prisonniers,  dont  six  cents  russes. 

Sa  majesté  est  sati.sfaite  des  i^' ,  22%  et  10*=  régi- 
ments de  chasseurs,  9e  et  joe  régimens  d'hussards, 
pour  leur  bonne  conduite  dans  toutes  les  charges  qui 
ont  eu  lieu  depuis  l'Inn  jusqu'aux  portes  de  J^^ienne, 
et  pour  \es  huit  cents  prisonniers  riisses  faits  à  Steiii 
Le  prince  Murât  Je  maréchal  Lannes,  la  réserve 
de  cavalerie  avec  leurs  corps  d'armée  sont  entrés  dans 
Vienne  le  22,   et  se  sont  emparés  le  même  soir  du 

pont  sur  le  Danube,  ont  empêché  qu'il  ne  fiU  briMé, 

l'ont  passé  sur-le-champ,  et  se  sont  mis  à  la  poursuite 

de  l'armée  russe. 

Nous  avons  trouvé  dans    J^ienne  plus  de  deux 

mille  pièces  de  canon  ,  une  salle  d'armes  garnie  de 

cent  mille  fusils,   des   munitions   de  toute  espèce; 

enfin  de  quoi  former  l'équipage  de  campagne  de  trois 

ou  quatre  armées. 

Le  peuple  de  Vienne  a  paru  voir  l'armée  avec 
amitié. 

L'empereur  ordonne  qu'on  porte  le  plus  grand 
respect  aux  propriétés,  tous  les  égards  possibles  au 
peuplie  de  cette  grande  ville,  qui  a  vu  avec  peine  la 
guerre  injuste  qu'on  nous  a  faite,  et  qui  nous  montre, 
dans  sa  conduite,   autant  d'amitié  qu'il  montre  dl 


228  PRECIS 

haine  contre  les  Russes,  peuple  qui,  par  ses  habi- 
tudes et  ses  mœurs  barbares,  doit  inspirer  le  même 
sentiment  aux  peuples  policés. 

Sa  majesté  a  aperçu,  dans  la  tournée  qu'elle  a  faite 
à  deux  heures  du  matin  aux  avant  postes,  beaucoup 
de  négligence  dans  le  service,  et  a  remarqué  qu'il 
ne  .se  faisait  pas  avec  cette  exactitude  rigoureuse 
qu'exigent  les  ordonnances  et  les  règlemens  de  la 
guerre. 

Avant  la  pointe  du  jour  les  généraux  et  les  colonels 
doivejit  être  à  leur  avant-poste,  et  la  ligne  sous  les 
armes  jusqu'à  la  rentrée  des  reconnaissances  ;  on  doit 
toujours  supposer  que  l'ennemi  a  manoeuvré  pendant 
la  nuit  pour  attaquer  à  la  pointe  du  jour  ;  Tempereur 
rappelle  donc  aux  soldats  que  cette  confiance  lui  a 
été  souvent  funeste,  et  a  donné  lieu  à  des  surjDrises. 

Plus  on  obtient  de  succès  et  plus,  au  lieu  de  s'en- 
dormir dans  une  fausse  sécurité,  il  faut  au  contraire 
mettre  régularité  et  exactitude  à  tous  les  détails  du 
service. 

A  M.  le  maréchal  Ney. 

Schoenbrunn ,  le  23  brumaire  an  xiv. 

Du  moment  que  vous  vous  serez  emparé  à'Tns- 
pruch ,  monsieur  le  maréchal ,  et  que  vous  aureis 
ordonné  de  détruire  de  fond  en  comble  les  retran- 
chemens  et  les  forts  qui  coupent  les  communications 


\ 


DES  EVENEMENS  MILITAIRES.  229 

du  Tyrol  avec  la  Bavière,  vous  vous  dirigerez  avec 
votre  corps  d'armée  sur  Saltzbourg ;  vous  laia.seiez 
le  conimandernent  à'Inspruc}:  et  celui  de  tout  le 
Tyrol  au  général  bavarois  que  vous  trouverez  à  Saliz- 
hourg  ;  l'intention  de  l'empereur  étant  de  iaire  occu- 
per le  Tyrol  par  tous  les  Bavarois. 

Nous  sommes  maîtres  de  J^ienne,  comme  vous  le 
verrez  dans  l'ordre  du  jour. 

Au  général  Deroy,  commandant  Varmée 
bavaroise. 

Schoenbrunn ,  le  23  brumaire  an  xiv. 
L'intention  de  l'empereur ,  général ,  est  que  vous 
donniez  l'ordre  à  toutes  les  troupes  bavaroises  qui 
sont  à  Ulm ,  kDonawert,  à  Rayn ,  de  se  rendre 
dans  le  Tyrol,  l'intention  de  l'empereur  étant  de 
donner  le  commandement  de  ce  pays  à  un  général 
bavarois,  et  de  le  faire  entièrement  garder  par  les 
troupes  bavaroises. 

A  M.  le  maréchal  Davoust. 

Schoenbrunn ,  le  23  brumaire  an  xiv. 
La  division  Vandamme,  monsieur  le  maréchal, 
n'a  pas  pu  partir  aujourd'hui^  parce  que  la  division 
Caffarelli  n'était  pas  encore  ce  soir  à  la  tête  du  pont 
du  Danube.  L'empereur  ne  doute  pas  que  celte  divi- 
sion  ne  soit   arrivée   dans  ce   moment;    faites-lui 


20O  PRECIS 

prendre  position,  et  qu'une  bonne  avant-garde  parte 
à  trois  heures  du  malin  ponr  soutenir  le  général 
Milhaud  qui  est  sur  la  route  de  Brlinn  :  mais  cepen- 
dant cette  avant- garde  ne  doit  par  aller  à  cinq 
lieues  de  K'ienne.  Le  général  Caff'arelli  mettra  des 
postes  intermédiaires ,  et  pourra  même  convenir  de 
quelques  signaux  pour  que  toute  la  division  marche, 
si  cela  était  nécessaire. 

La  reconnaissance  que  vous  deviez  envoyer  sur  la 
rive  gauche  et  qui  devait  aller  jusqu'à  Preshourg , 
n'ira  que  jusqu'à  IMarcheh. 

L'empereur  sait  qu'on  se  relâche  dans  le  service  ; 
il  désire  donc  que  demain  à  quatre  heures  du  matin 
vous  soyez  de  votre  personne  au-delà  du  pont,  et 
que  vous  y  restiez  jusqu'à  ce  que  le  jour  soit  bien  fait, 
et  que  les  reconnaissances  soient  rentrées,  et  par  con- 
séquent le  pays  reconnu. 

Si  les  prisonniers  autrichiens  qu'a  faits  le  général 
Milhaud  arrivent  à  temps  ,  faites-leur  passer  le  j)ont, 
qu'ils  ne  traversent  pas  Vienne;  faites-leur  tourner 
les  faubourgs  et  qu'ils  aillent  à  B ar}:ersdorf ,  où  je 
place  un  officier  d'état-major,  et  où  vous  enverrez 
une  garnison  de  cinquante  hommes  pour  les  rece- 
voir, ainsi  que  les  autres  qu'on  pourra  env^oyer. 

Si  le  parc  d'artillerie  pris  par  le  général  Milhaud 
vous  arrive  attelé,  vous  ferez  prendre  noie  des  che- 
vaux, l'intention  de  l'empereur  étant  de  les  payer 


/ 


»ES    EVÉNEMEINS    MILITAIIIKS.  25  I 

aux  régimens.  Vous  leur  ferez  également  tourner  la 
ville  pour  les  parquer  en  dehors;  vous  êtes  autorisé 
à  prendre  quelques  pièces  attelées  pour  votre  division; 
vous  me  préviendrez  de  ce  que  vous  aurez  conservé. 
L'empereur  a  vu  avec  peine  qu'on  avait  laissé  des 
Autrichiens  aimés  au  milieu  de  nos  postes  ;  rien  n'est 
si  absurde  que  cette  sécurité;  portez  donc  une  atten- 
tion particulière  pour  faire  arrêter  tout  individu 
armé^  de  quelque  grade  qu'il  soit,  qui  se  trouverait 
dans  nos  postes. 

Passé  sept  heures  du  soir ,  personne  autre  que  des 
Français  ne  pourra  passer  sur  les  ponts. 

Pour  la  journée  de  demain,  et  pour  celle  d'après 
demain,  il  est  même  nécessaire  de  ne  rien  laisser 
passer  de  Païenne  de  l'autre  côté  des  ponts,  si  ce  n'est 
ce  qui  appartient  à  Tarmée.  Quant  aux  subsistances, 
il  faut  en  protéger  l'arrivage  par  toutes  les  routes. 

L'empereur  vous  ordonne  de  faire  garder  les  por- 
tes de  la  ville  par  des  postes  français,  sans  en  ôter  la 
garde  bourgeoise. 

Faites-moi  connaître  de  suite  où  étaient  toutes  vos 
troupes  à  six  heures  du  soir.  L'intention  de  l'empe- 
reur étant,  avant  de  se  coucher,  de  savoir  si  tout  est 
en  position. 

Les  généraux  de  division  et  de  brigade  ne  doivent 
pas  rester  dans  Vienne ,  et  doivent  être  avec  leurs 
troupes,  et  se  placer  dans  les  maisons  près  des  bi- 


2D2  PRECIS 

voiiacs  ou  des  cantonnemens,  et  ne  point  venir  dans 

la  ville. 

Cet  ordre  de  service  rigoureux  est  nécessaire  pour  . 
trois  ou  quatre  jours.  Faites  renouveler  les  cartou- 
clies;  faite»  donner  du  pain  pour  quatre  jours,  si  vous 
le  pouvez,  car  d'un  moment  à  l'autre  l'empereur 
peut  donner  l'ordre  à  votre  corps  d'aimée  de  mar- 
cher contre  les  Rus.ses.  Ayez  des  postes  en  montant 
et  en  descendant  le  Danube;  qu'aucune  barque  ne 
monte  ni  ne  descende  sans  avoir  été  interrogée. 
Tout  ce  qui  descend  du  côté  de  Krems  pendant  la 
nuit  doit  être  particulièrement  surveillé.  Ordonnez 
quelques  patrouilles  de  cavalerie  en  remontant  le 
Danube  ;  il  est  très-essentiel  de  ne  laisser  aucune  pièce 
de  campagne  attelée  et  prête  à  partir  dans  la  ville  de 
J^ienne,  parce  qu'à  la  moindre  émeute  le  peuple  les 
aurait  ^olls  la  main  Voyez  à  chercher  demain  avec 
le  général  Songis  un  emplacement  pour  un  parc  d'ar- 
tillerie à  deux  lieues  de  Vieiine  sur  la  route  de  Lintz, 
car  c'est  par  cette  roule  qu'on  fera  passer  l'équipage 
de  campagne. 

L'empereur  ordonne  que  vous  me  rendiez  compte 
demain,  au  jour,  s'il  y  avait  quelque  chose  de  nou- 
veau, et  à  huit  heures  seulement,  s'il  n'y  a  rien  de 
particulier.  Vous  continuerez  à  me  rendre  compte 
deux  fois  par  jour,  et  vous  tiendrez  constamment 
près  de  moi  un  de  vos  officiers.  Je  dois  encore  vous 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  255 

dire  qu'il  y  a  beaucoup  d'AutricIiiens  égarés  sur 
la  rive  gauche.  Envoyez  dès  la  pointe  du  jour  des 
patrouilles  de  cinquante  hommes  qui  longeront  les 
rives  du  Danube;  faites  fouiller  les  villages  par  des 
officiers  sûrs,  et  s'il  est  possible,  parlant  allemand, 
afin  que  l'on  ne  pille  pas. 

Enfin,  monsieur  le  maréchal,  l'empereur  me 
charge  de  vous  dire  qu'il  compte  sur  votre  zèle  et 
votre  activité  pour  rétablir  l'ordre  dans  toutes  les 
parties  du  service,  et  tenir  tout  le  monde  dans  la 
plus  grande  surveillance.  Il  ne  faut  pas  se  permettre 
«ne  seule  minute  de  négligence. 

Au  général  Marmont. 

L'empereur  vous  a  écrit  directement  par  nn  aide- 
de-camp  qui  est  parti  à  dix  heures  du  matin.  Cet 
ordre  est  donc  une  espèce  de  duplicata,  en  cas  qu'il 
arrive  malheur  à  ce  premier  ofîicier. 

La  3^  division  du  corps  du  maréchal  Davoust , 
commandée  par  le  général  Gudin,  ainsi  qu'un  régi- 
ment de  troupes  à  cheval,  doit  être  ce  soir  à  Neus- 
tadt,  et  ils  se  trouveront ,  par  ce  moyen ,  à  une  mar- 
che des  hauteurs  qui  séparent  B r tic k  des  montagnes. 

Vous  ne  devez  appeler  ce  général  à  vous  qu'en  cas 
d'événemens  majeurs.  Cependant,  point  d'inconvé- 
niens  à  ce  que  le  général  Gudin  place  une  avant- 
garde  sur  les  hauteurs;  par  ce  moyen,  votre  com- 


5(34  PRÉCIS 

muiîicaliou  sera  toujours  libre,  et  votre  correspon- 
dance avec  le  quartier  impérial  rapide. 

N'engagez  aucune  affaire  sérieuse  à  JLéoben  ni  à 
BrlicJc;  retardez  seulement  la  marche  de  l'ennemi, 
et  ne  vous  battez  que  sur  les  hauteurs  :  alors  la  divi- 
sion Gudin  vous  aura  rejoint ,  et  pour  peu  que  l'em- 
pereur soit  averti  à  temps ,  sa  majesté  ne  tardera  pas 
à  vous  envoyer  deux  autres  divisions.  D'ici  à  quatre 
ou  cinq  jours  l'empereur  désire  donc  qu'jl  nV  ait  au- 
cune aifaire  sérieuse  de  votre  coté.  Vous  pouvez  em- 
ployer les  moyens  d'armiî>tice,  sous  le  prétexte  que 
nous  sommes  en  négociations,  et  par-là,  donner  le 
temps  aux  corps  de  recevoir  des  nouvelles  de  leurs 
princes.  D'ici  à  ce  temps,  l'armée  russe,  qui  est  vi- 
vement poursuivie,  aura  existé,  ou  se  trouvera  si 
éloignée  et  si  harrassée ,  que  toutes  les  forces  de  l'em- 
pereur se  trouveront  disponibles  pour  voiis  soutenir. 

Ecrivez  au  coramand  mt  de  Saltzbourg  d'envoyer 
un  corps  d'avant- garde. sur  vous;  cela  obligera  l'en- 
nemi à  diviser  ses  forces.  Enfin,  votre  aide-de-camp 
vous  dira  de  vive  voix  que  nous  sommes  maîtres  de 
T-^ienne,  et  que  nous  y  avons  trouve  les  arsenaux 
remplis  de  toutes  choses. 

Vous  pouvez  envoj'^er  \\n  parlementaire  à  l'ennemi 
pour  lui  faire  connaître  ce  qui  se  passe  ;  par-là,  vous 
saurez  à  qui  vous  avez  à  faire,  et  vous  agirez  en  con- 
séquence. 


OES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  SiSS 

A  M.  le  maréchal  Davqust. 

Sclîoenbrunn  ,  le  i!\  brumaire  an  xiv. 

L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  ordonne  que 
vous  fassiez  partir  sur-le-champ  toute  la  division  Caf- 
farelli  ,  pour  se  rendre  k  Stokeirtu ,  où  elle  prendra 
les  ordres  de  M.  le  maréchal  prince  Murât  ;  vous  la 
ferez  remplacer  par  la  division  Priant.  L'empereur 
me  charge  de  vous  faire  connaître^  monsieur  le  ma- 
réchal ,  que  ce  mouvement  doit  se  faire  le  plus  rapi- 
dement possible,  pour  que  la  division  du  général  Caf- 
farelli  se  trouve  ce  soir  à  StoJcerau;  si  elle  est  déjà  en 
marche  sur  la  route  de  Brunn ,  et  à  quelques  lieues 
de  Kienne ,  on  imagine  qu'elle  trouvera  un  chemin 
de  traverse  pour  rejoindre  la  route  de  Stolcerau ^ 
sans  être  obligée  de  revenir  sur  ses  pas.  Si  le  64^  ré- 
giment est  encore  ici ,  faites-lui  rejoindre  le  corps 
du  maréchal  Lannes  ;  faites  faire  beaucoup  de  pa- 
trouilles,, pour  que  les  hommes  isolés  ou  petits  postes 
oubliés ,  appartenant  aux  divisions  Vandamme  ,  Le- 
grand,  Oudinot  et  Suchel  ,  rejoignent  sur-le-champ 
leurs  corps.  Donnez  les  ordres  en  conséquence  au 
général  Hulin.  Quand  les  divisions  vont  se  battre, 
il  faut  que  tous  \q&  hommes  soient  aux  drapeaux. 


236  PRÉCIS 

A  M.  le  maréchal  Bernadotte. 

Schoenbrunn  ,  le  24  brumaire  an  xtv. 

L*EMPEREUR ,  monsieur  le  maréchal,  est  fâché  que 
dans  ce  moment  où  le  prince  Murât  et  les  maré- 
chaux Lannes  et  Soult  se  battent  à  deux  journées  de 
T^ienne ,  vous  n'ayez  pas  encore  fait  passer  le  Da- 
nube à  un  seul  homme.  Vos  soldats  seront  sans  doute 
fâchés  de  n'avoir  point  toute  la  part  qu'ils  devraient 
avoir  à  la  gloire  de  cette  campagne.  Par  le  retour  de 
l'olBcier  de  mon  état-major,  l'empereur  espère  que 
vous  me  manderez  que  toute  votre  armée  est  passée  ; 
que  vous  êtes  à  la  poursuite  des  Russes ,  et  que  vous 
leur  serrez  la  baïonnette  dans  les  reins. 

Hier  au  soir  les  avant-postes  du  maréchal  Murât, 
qui  a  couché  à  Tf^ayhersdorf^  avaient  rencontré  l'en- 
nemi sur  plusieurs  points. 

Il  est  vraisemblable  que  demain  25  les  maréchaux 
Soult,  Lannes  et  le  prince  Murât,  combattront  l'en- 
nemi. L'empereur  y  sera  viaisemblablement  de  sa 
personne  ;  il  ne  doute  pas  que  vous  n'y  soyez  aussi, 
quand  vous  devriez  marcher  toute  la  nuit. 

A  M.  le  général  Marmont. 

Schoenbrunn  ,  le  24  brumaire  an  xiv. 
L'empererr,  général,  ne  reçoit  votre  lettre  du  22 
que  le  24  à  midi.  11  n'y  a  jamais  de  malheur  à  la 


DES    ÉVENEMENS    MILITAIRES.  iZ-] 

guerre  que  ce  qui  ne  peut  pas  se  réparer.  Auriez 
vous  perdu  quatre  mille  hommes,  vous  ne  devez 
jamais  écrire  dans  un  style  qui  puisse  ajouter  à  la 
sensibilité  de  l'empereur  sur  la  perte  du  moindre  de 
ses  soldats.  N'oubliez  pas,  général,  que  vous  n'êtes 
que  corps  d'observation.  Soyez  certain,  en  vous  jetant 
du  côté  de  Gratz,  que  l'ennemi  n'arrivera  pas  du  côté 
de  Jeidenbourg.  Vous  ne  devez  pas  compter  sur  le 
corps  de  la  division  du  général  Gudin,  ni  sur  aucun 
autre  comme   corps  d'observation.  Votre  obligation 
présente  par  l'ordre  général  delà  position  de  l'armée, 
est  de  garder  les  hauteurs  qui  les  séparent  de  Aew- 
stadt  Pour  cette  opération   seulement,  vous  seriez 
secouru  par  la  division  Gudin ,  et  même  par  d'autres 
forces.  Dans  ce  cas,  l'empereur  sacrifierait  d'autres 
opérations  au  besoin  de  maintenir  l'armée  du  prince 
Charles  au-delà  des  montagnes  ;  et  du  moment  que 
l'empereur  sera  sans  inquiétude  sur  cette  communi- 
cation, il  est  possible  qu'il  retire  d'un   moment  à 
l'autre  de  Neustadt  le  général  Gudin.  Ce  sont  les 
Russes  qu'il  faut  détruire;  leur  armée  a  reçu  quel- 
ques renforts,  et  sur  plusieurs  points  nous  sommes 
en  présence  d'eux.  Agissez  donc  dans  le  sens  de  cette 
lettre. 


258  PRECIS 

Instruction  pour  le  général  Clakke. 

Je  vous  envoie,  monsieur  le  général  Ciarke,  une 
ampliation  du  décret  de  sa  majesté,  qui  vous  nomme 
gouverneur  de  f'^ienne.  L'empereur  a  voulu  que  je 
vous  fisse  connaître  plus  particulièrement  vos  attri- 
butions. Vous  êtes  chargé  de  la  police  du  pays,  et 
sous  ce  point  de  vue  vous  aurez  toutes  les  attribu- 
tions du  ministre  de  la  police  et  l'administration  ;  la 
direction  de  la  gendarmerie  ,  celle  des  gardes  bour- 
geoises de  J^ittine ,  celle  de  toutes  les  villes  ,  et  enfin 
de  toute  autre  troupe  qui  existe  dans  l'arrondisse- 
ment du  gouvernement  de  J^ienne  sont  aussi  dans 
vos  attributions;  enfin  vous  avez  la  représentation 
de  toutes  les  affaires  d'administration^  et  en  considé- 
rant les  autorités  comme  des  états,  vous  avez  le  droit 
de  représenter  et  de  parler  au  nom  de  l'empereui-. 
Tous  vos  actes  devront  porter  en  titre  :  Napoléon, 
empereur  des  Français ,  et  roi  cV Italie. 

L'intendant-général ,  nommé  par  le  même  décret , 
a  les  fonctions  de  ministre  des  finances,  de  ministre 
de  l'intérieur  et  de  ministre  de  l'administration  de 
la  guerre  ;  mais  dans  tout  ce  qu'il  peut  avoir  de 
contact  avec  vous,  il  se  rend  chez  vous  et  se  con- 
certe avec  vous ,  parce  que  vous  êtes  la  première 
autorité  du  pays,  sans  que  cependant  vous  puissiez 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  SiSg 

lui  donner  des  ordres,  vu  qu'il  travaille  directement 
avec  l'empereur. 

L'intention  de  l'empereur,  monsieur  le  gouver- 
neur, est  que  vous  portiez  un  soin  particulier  à  la 
surveillance  des  journaux,  des  livres,  des  théâtres, 
et  de  tout  ce  qui  concerne  la  religion  et  les  cultes. 
Vous  êtes  autorisé  à  vous  former  une  garde  jchoisie 
parmi  celle  bourgeoise  ;  et  toutes  les  fois  que  vous  irez 
en  représentation,  soit  aux  églises,  soit  en  public, 
vous  vous  ferez  accompagner  d'un  nombreux  déla- 
cliement  ;  vous  vous  étudierez  à  connaître  les  chefs 
de  ces  gardes  bourgeoises,  et  à  vous  les  concilier. 

Vous  soutiendrez  votre  rang,  en  suivant  l'étiquette 
qu'on  observe  à  l'égard  du  gouverneur  de  Paris. 

Vous  devez  commencer  par  faire  la  police  exté- 
rieure des  mauvais  sujets  ou  traînards  français,  avant 
de  faire  celle  des  malveillans  du  pays. 

L'intention  de  l'empereur  est  que  dans  chaque  cer- 
cle il  y  ait  un  officier  de  gendarmerie  et  cinq  ou  six 
gendarmes  français.  Vous  ferez  organiser  une  espèce 
de  gendarmerie,  suivant  l'usage  du  pays,  de  ma- 
nière qu'avec  cinq  ou  six  gendarmes  français  il  y 
ait  cinq  ou  six  gendarmes  nationaux  qui  arrêteront 
les  traînards,  les  vagabonds  français,  s'ils  se  sont 
rendus  coupables  de  quelques  délits. 

Comment  organiser  cette  gendarmerie  du  pays? 
c'est  le  travail  que  vous  devez  soumettre  à  l'empe- 

\ 


24o  PRjéciS 

reur,  en  vous  rapprochant  le  plus  possible  de  ce  qui 
existait  ci -devant.  Cette  force  publique  aura  aussi 
l'utilité  d'être  employée  pour  les  réquisitions ,  pour 
l'approvisionnement  de  l'armée  ,  et  contre  les  bri- 
gands autrichiens. 

C'est  par  une  proclamation  du  gouverneur  de 
J^ienne ,  approuvée  par  l'empereur,  que  l'on  doit 
connaître  l'existence  de  cette  force  armée  qui  doit 
imposer  dans  tout  le  pays. 

A  S.  A.  S.  le  prince  Mur^t. 

i4  brumaire  an  xiv. 

L'empereur  ,  mon  prince ,  a  reçu  votre  lettre 
d'aujourd'hui  à  midi,  et  ce  ne  sera  que  quand  vos 
reconnaissances  seront  rentrées  qu'il  pourra  con- 
naître où  se  trouve  l'ennemi.  Comme  il  y  a  de  très- 
petits  villages  qui  ne  sont  pas  écrits  sur  la  carte , 
il  faut  avoir  soin  de  désigner  ceux  qui  en  sont  le 
plus  à  proximité,  et  dont  les  noms  sont  écrits.  L'em- 
pereur vous  recommande  de  faire  mettre  exactement 
le  lieu  d'où  sont  faits  les  rapports  ;  il  ordonne  que 
vous  mettiez  un  poste  de  cavalerie  de  six  hommes 
à  chaque  poste,  pour  la  correspondance. 

Aussitôt  que  l'empereur  aura  reçu  votre  rapport 
delà  nuit,  il  donnera  l'ordre  au  général  Fauconnet 
de  vous  rejoindre. 

Les  maréchaux  Bernadotle  et  Mortier  doivent  être 


DES    EVENEMENS    MlLlTAIUliS.  '2l\l 

aux  trousses  des  Russes^  et  j'espère  que  dans  deux 
^ours  vous  aurez  encore  la  gloire  d'avoir  détruit  leur 
armée. 

^  M.  le  maréchal  Davoust. 

Sclioenbrùnn,  le  25  brumaire  an  xîv 
L'empereur  ordonne,  monsieur  le  maréchal,  que 
vous  fassiez  venir  à  V^iemie  la  division  du  général 
Gudin  ,  ainsi  que  celle  du  général  Friant.  Avec  ce.s 
deux  divi.^ions,  vous  garderez  ï^ienne,  et  vous  ap- 
puierez le  général  Milhaud  ,  de  manière  à  ce  qu'il  ait 
ses  avant-postes  sur  la  grande  x ow\^  di^  Br'ùnn ,  à  dix 
grandes  lieues  de  P'ienne.Au  surplus^  vous  éclairerez 
toutes  les  grandes  routes,  afin  de  vous  tenir  au  fait 
de  ce  qui  se  passera. 

yl  M.  le  maréchal  Ney. 

Schoenbiùnn,  le  20  brumaire  an  xtv. 
L'empereur  me  charge,  monsieur  le  maréchal, 
de  vous  témoigner  toute  sa  satisfaction  pour  l'activité 
€t  le  talent  que  vous  avez  mis  dans  l'occupation  du 
Tyrol.   Son  intention  est,  comme   je  vous  l'ai  fait 
connaître  par  ma  dernière  dépêche,  que  vous  re- 
mettiez à  un  général  bavarois  le  commandement  de 
toutes  les  troupes  qui  sont  dans  le  Tyrol,  et  qui  lui- 
même  aura  le  commandement  de  ce  pays.  Le  générai 
Dero)'^,  qui  est  à  Munich,  a  reçu  ordre  d'y  envo3'er 
ie  plus  de  Bavarois  qu'il  pourra. 

14.  l^ 


242  PRÉCIS 

Ordonuez  qu'on  fasse  sauter  tous  les  retranche- 
mens  et  toutes  les  forteresses  qui  séparent  la  Bavière 
du  Tyrol. 

Du  moment  qu'il  y  aura  cinq  mille  Bavarois  dans 
le  Tyrol,  vous  vous  dirigerez  sur  Saltzbourg ;  bien 
entendu  que  toute  l'artillerie  et  tous  les  magasins  que 
vous  consignerez  aux  Bavarois  appartiennent  à 
l'armée  française.  Arrivé  à  Saltzbourg ,  vous  réu- 
nirez à  votre  corps  d'armée  tous  les  Bav^arois  inutiles 
à  la  garde  du  Tyrol.  L'empereur  espère  que  vous 
pourrez  avoir  environ  de  quatre  à  cinq  mille  hommes. 
L'intention  de  sa  majesté  est  qu'avec  ce  renfort,  vous 
vous  portiez  sur  Léohen.  Au  reste,  vous  recevrez 
des  ordres  à  votre  arrivée  à  Saltzbourg.  L'intention 
de  l'empereur  est  que  vous  tâchiez  de  communiquer 
avec  le  général  Marmont  qui  a  des  postes  à  Léoben, 
et  qui  a  ordre  de  se  porter  sur  Gratz,  à  la  poursuite 
du  prince  Charles. 

Nous  cernons  l'armée  russe  qui  a  demandé  à  capi- 
tuler ,  promettant  d'évacuer  l'Autriche  et  de  .s'en 
aller  chez  elle.  L'empereur  n'a  pas  approuvé  cette 
capitulation,  et  on  suit  les  Russes  l'épée  dans  les 
reins.  Nous  avons  trouvé  tous  les  magasins  de  Vienne 
pleins  ;  rien  n'avait  été  évacué.  Nous  sommes  à  Pres- 
bourg.  La  Hongrie  demande  à  être  neutre. 

Envoyez  quelqu'un  au  maréchal  Augereau ,  pour 
savoir  s'il  est  vif  ou   mort.  Donnez -lui  toutes  les 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  0.[\5 

bonnes  nouvelles  de  l'armée.  De  seize  mille  fusils 
qui  sont  à  Inspruch ,  vous  en  ferez  remettre  huit 
mille  à  la  disposition  de  l'électeur  de  Bavière. 

Vous  ne  doutez  pas,  monsieur  le  maréchal,  du 
plaisir  que  j'éprouve  à  être  l'organe  de  l'empereur, 
pour  vous  témoigner  comL'ien  il  est  satisfait  des  ser- 
vices importans  que  vous  lui  rendez. 

A  M.  le  maréchal  Bernadotte. 

Sclioenbriinn  ,  le  25  brumaire  an  xiv. 
Les  Russes,  par  ruse  de  guerre,  avaient  proposé 
une  suspension  d'armes  ;  mais  l'empereur  a  ordonné 
qu'on  les  pousse  l'épée  dans  les  reins  :  car  nous  n'au- 
rons de  repos  en  France  que  quand  les  Russes  seront 
bien  battus. 

A  M.  le  maréchal  Bernadotte. 

Znaïm  ,  le  27  brumaire  an  xiv. 
L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  ordonne  que 
vous  vous  mettiez  en  mouvement  pour  passer 
Znaïm,  et  vous  porter  sur  Budwitz  (Moravie). 
Comme  les  troupes  qui  sont  en  arrière  feraient  une 
trop  grande  journée,  il  n'est  pas  indispensable  que 
vous  y  arriviez  ce  soir,  et  vous  pourrez  cantonner 
entre  Zndim  ^\  Budwitz.  Il  faut  que  votre  cavalerie 
poursuivie  vigoureusement  un  convoi  de  cinquante 
pièces  d'artillerie  et  un  convoi  de  six  cents  prisonniers 


244  PR£C1S 

français,  qui  se  sont  portés  hier  sur  celle  route.  Il 
faut  tâclier  d'intercepter  les  courriers  de  Prague  à 
ObniitZy  de  vous  faire  rendre  compte  des  lieux  où 
l'ennemi  a  des  magasins  et  des  maisons  d'économie. 

L'empereur  m'donne  que  vous  fassiez  enlever 
toutes  les  caisses  j^our  le  compte  de  l'armée.  Vous 
ferez  dresser  le  procès-verbal,  et  vous  ferez  verser 
les  fonds  dans  la  caisse  de  M.  Labouillerie,  receveur- 
général  des  contributions. 

Comme  il  n'est  pas  jusqu'à  ce  moment  à  la  con- 
naissance de  l'empereur  qu'il  y  ait  des  forces  con- 
sidérables en  Bohême,  vous  pouvez  cantonner  vos 
troupes  pour  les  faire  reposer,  en  faisant  exécuter 
l'objet  de  votre  mission  par  des  détachemens  ;  mais 
tout  doit  se  faire  en  règle  et  sans  désordre. 

D'après  les  nouvelles  et  les  renseignemens  que 
vous  serez  dans  le  cas  de  donner  à  Tempereur  sur 
Prague,  vous  recevrez  des  ordres  ultérieurs. 

Je  vous  prie  de  m'envoyer  un  officier  de  votre 
état-major  pour  recevoir  des  ordres  ce  soir. 

A  M.  le  maréchal  Mortier, 

Znaïm  ,  le  27  brumaire  an  xiv. 
M.  le  maréchal  Mortier  donnera  l'ordre  à  la  divi- 
sion Dupont  et  à  celle  du  général  Gazan  de  se  rendre 
à  Vienne.  L'une  et  l'autre  de  ces  deux  divisions  se- 
ront casernées ,  et  uniquement  destinées  au  .service 


DES    ÉvÉNETtfENS    MILITAIRES.  245 

de  la  place,  à  la  garde  des  ponts  et  de  tous  les  éta- 
blissemens  publics. 

Vous  ordonnerez  à  la  division  batave  de  se  rendre 
à  Krejns,  où  elle  se  cantonnera  entre  Krems,  Mau- 
tern,  Stein  et  Moelck.  Elle  y  séjournera  jusqu'à 
nouvel  ordre. 

A  M,  le  général  Clarke. 

Znaïm  ,  le  27  brumaire  an  xiv. 
L'empereur,  général,  pense  qu'il  est  nécessaire 
d'instruire  la  ville  de  Vienne  des  principaux  évé- 
nemens  qui  ont  lieu.  La  première  chose  dont  vous 
devez  vous  occuper,  c'est  de  faire  faire  la  gazette  de 
Vienne.  On  dit  que  le  même  rédaclem-  peut  conti- 
nuer à  y  être  emplo\'é.  Vous  pouvez  lui  faire  con- 
naître que,  s'il  se  trouvait  compromis,  il  pourrait 
suivre  l'armée  française;  vous  pouvez  même  lui  pro- 
mettre un  sort  en  France,  comme  pension.,  ou  au- 
trement. Ce  journaliste  publierait  des  nouvelles  de 
Vienne,  comme  vous  les  lu-i  feriez  parvenir.  Répan- 
dez dans  la  ville  la  fuite  des  Rnsses,  la  capitulation 
qu'ils  voulaient  faire  pour  gagner  quelques  jours  et 
couvrir  leur  retraite,  ainsi  que  le  détail  du  combat 
de  Guttersdorfy  qui  a  eu  lieu  le  25  ,  et  où  deux  mille 
Russes  ont  été  faits  prisonniers,  quinze  cents  tués, 
douze  pièces  de  canon  enlevées,  cent  voilures  de 
bagage;  que  nous  sommes  arrivés  hier  à  Znaïm  ^ 


S/}^  PRÉCIS 

poursuivant  rarrière-garde  de  l'armée  russe,  faisant 
à  chaque  instant  des  prisonniers,  et  que  nous  avons 
trouvé  des  magasins  d'avoine  et  de  farine  assez  con- 
sidérables. 

Mettez-vous  en  contact  avec  tous  les  hommes  in- 
fluens  du  pays.  Annoncez  l'arrivée  très-prochaine  de 
l'empereur  Napoléon.  Je  vous  ai  écrit  cette  nuit  pour 
faire  préparer  le  casernement  des  divisions  Dupont 
et  Gazan. 

A  S.  A.  le  prince  Murât. 

Ztiaïm,  le  27  brumaire  an  xiv,  à  neuf  heures 
du  soir. 

Il  est  ordonné  au  maréchal  prince  Murât  de  se 
porter  demain  sur  Br'dnn  avec  le  corps  du  maréchal 
Lannes.  Il  partira  à  six  heures  du  matin  ;  il  fera  mar- 
cher toute  la  cavalerie  en  avant,  même  les  cuiras- 
siers ,  pour  soutenir  les  dragons  et  ramasser  le  plus 
de  prisonniers  possible,  en  profitant  des  plaines  pour 
tirer  tout  l'àx'antage  qu'il  pourra  de  ses  troujoes  à 
cheval.  Je  le  préviens  que  je  donne  l'ordre  au  gé- 
néral Nansoûty  et  au  général  Margaron  de  se  rendre 
avec  leur  cavalerie  à  Briinn. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  ll\J 

A  M.  le  maréchal  Soult. 

Znaïm,  le  27  bninriiiire  an  xiv,  à  neuf  heures 
et  demie. 

Il,  ebt  ordonné  à  M.  le  maréchal  Soult  de  partir 
demain  à  la  pointe  du  jour,  pour  se  diriger  sur 
Brlinn ,  ayant  soin  de  ne  pas  passer  par  la  route  de 
Lechwitz ,  Irritz  et  Pohrlifz ;  mais  M.  le  maréchal 
Soult  se  trouvera  de  sa  personne  vers  neuf  heures 
du  matin  à  Pokrlitz,  où  il  prendra  les  ordres  de 
l'empereur,  suivant  les  nouvelles  qu'on  aura  que 
l'ennemi  tient  ou  ne  tient  pas  à  Briinn, 

A  3f.  le  maréchal  Bern adotte. 

Znaïm,  le  28  bnvmairs  au  xtv,  à  huit  heures  du 
matin. 

L'intention  de  Terapereur,  monsieur  la  maré- 
chal ,  est  que  vous  laissiez  nuQ  de  vos  divisions  près 
de  Zjiciim,  et  les  autres  entre  Znciim  et  Budivitz, 
où  sera  votre  avant-garde.  Faites  reconnaître  s'il  y  a 
une  roule  de  Buclwitz  à  Brlcnn  ;  et  dans  le  cas  où 
vous  apprendriez  que  l'ennemi  tient  en  forces  à 
Briinn ,  et  que  nous  devrions  y  avoir  une  bataille, 
votre  avant -garde  se  porterait  directement  par  le 
chemin  qui  va  de  Budwitz  à  Briinn ,  et  le  reste  de 
votre  infanterie,  parle  chemin  de  Znaïm  à  Briinn, 

Si  le  chemin  de  Znaïm  à  Briinn  est  très-bon ,. 


a /{S  PRÉCIS 

vous  y  ferez  passer  toat  votre  corps,  à  lexceptiois 

de   la  division  que  vous  tiendrez  aux  environs  de 

A  S.  A.  le  prince  Mukat. 

Pohrlitz  ,  le  29  brumaire  ati  xir. 

I>E  maréchal  Soult,  comme  je  vous  l'ai  mandé, 
mon  prince,  *se  rend  à  Austeriitz.  L'empeieur  or- 
donne que  vous  envoyiez  à  ce  maréchal  toute  la  ca- 
valerie qui  appartient  à  son  corps  d'armée. 

Je  vous  préviens  que  l'infanterie  ne  passera  pas 
Pr'dnn ;  mais  avec  votre  cavalerie  vous  devez  pour- 
suivre l'ennemi,  prendre  ses  bagages,  et  lui  faire  le 
plus  de  mal  possible. 

A  M.  le  maréchal  Bernabotte. 

29  brumaire  an  xiv. 

L'empereur  ordonne,  monsieur  le  maréchal,  que 
vous  fassiez  occuper  Iglau  ;  de  là  vous  ferez  pousser 
des  partis  dans  la  Bohême. 

Vous  disposerez  votre  armée  de  manière  à  ce  que 
vous  puissiez  vous  rendre  à  Briinn  dans  le  moins  de 
temps  possible.  Il  faut  qu'une  de  vos  divisions ,  par 
une  marche  forcée,  puisse  s'y  rendre  dans  un  jour; 
la  deuxième  en  deux  jours ,  et  enfin  la  troisième  en 
trois  jours,  ainsi  que  tout  le  reste  de  votre  corps 
d'armée. 


DES  ÉVÈNEMENS  MILITAIRES.  fl^g 

Je  VOUS  donne  l'orcli  e  de  faire  mettre  un  marécliaï- 
des-logis  et  six  hommes  à  chaque  poste  aux  chevaux, 
depuis  Biidwitz  jusqu'à  Brii/zn.  Ils  auront  soin  de 
faire  respecter  les  postes^  et  de  leur  servir  de  sauve- 
garde, et  serviront  à  la  correspondance. 

Vous  nourrirez  votre  armée  par  la  Bohême  et  par 
le  cercle  d'Iglau. 

Faites  fair^  une  espèce  de  statistique  du  cercle 
d'Iglau,  afin  de  connaître  les  ressources  de  chaque 
ville  et  bourg  de  ce  pays. 

Envoyez-moi  ce  soir  à  Brilnn  un  officier  qui  me 
fasse  connaître  la  position  de  tous  les  corps  de  troupes 
à  vos  ordres. 

Nous  avons  pris  hier  cent  cinquante  voitures  qui, 
d'Iglau,  venaient  à  Briinn.  Les  paysans  disent  qu'il 
y  en  a  encore  deux  ou  trois  cents  à  prendre. 

L'empereur  ordonne ,  monsieur  le  maréchal ,  que 
vous  me  fassiez  connaître  tous  les  jours  quelle  est 
votre  position,  et  les  nouvelles  que  vous  pouvez  avoir. 

^  M.  le  maréchal  Soult, 

Brùnn,  le  29  brumaire  an  xïv. 
Je  vous  préviens ,  monsieur  le  maréchal ,  que  le 
prince  Murât  a  eu  une  affaire  générale  de  cavalerie, 
dans  laquelle  il  a  complètement  battu  la  cavalerie 
russe.  La  garde  de  l'empereur  a  donné,  et  a  beau- 
coup contribué  au  succès  de  la  journée.  Le  prince 


2  5o  PRÉCIS 

Murat  est  à  Raunitz  ;  vos  postes  de  cavalerie  doivent 
se  réunir  aux  siens. 

L'empereur  vous  recommande  bien,  monsieur  le 
maréchal,  de  faire  prendre  les  armes  à  vos  troupes  à 
la  pointe  du  jour,  jusqu'à  ce  que  les  reconnaissances 
soient  rentrées. 

A  M.   le  général  Dvmonceau. 

Brûnn  ,  le  i^""  frimaire  an  -siv. 

Il  est  ordonné  au  général  Duraonceau  de  rassem- 
bler toute  la  division  batave  à  ses  ordres,  et  de  partir 
de  la  position  qu'il  occupe  sur  le  Danube,  kJlfoelcl-, 
Kreins,  pour  se  rendre  à  Neustadt ,  où  aussitôt  son 
arrivée  il  se  mettra  en  communication  avec  le  gé- 
néral Marmont,  sous  les  ordres  duquel  il  rentrera. 

Le  général  Dumonceau  est  maitre  de  régler  sa 
marche;  et  par  le  retour  de  l'officier  porteur  de  cet 
ordre,  il  me  fera  connaître  son  itinéraire,  et  le  nom 
des  lieux  où  il  coucliera  chaque  soir,  jusqu'à  son  arri- 
vée à  N'eustadt. 

Vous  aurez  soin  d'envoyer  à  l'avance  votre  itiné- 
raire au  général  Marmont. 

A  M.  général  Baraguey-d  Hilt^iers, 

Briinn,  le  i^""  frimaire  an  xtv. 
L'empereur,  général,  a  lu  avec  beaucoup  d'at- 
tention, et  avec  le  plus  grand  intérêt^  le  détail  de 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  2^1 

VOS  marches  sur  TValdmunchen.  vSa  majesté  a  été 
très  -  satisfaite  du  parti  que  vous  avez  tiré  de  voti-e 
corps. 

Vous  avez  reçu  l'ordie  de  faire  venir  tous  les  dra- 
gons à  pied  à  Vienne  ;  j'attends  de  vos  nouvelles  sur 
la  marche  de  ces  dragons.  Donnez  les  ordres  les  plus 
précis  aux  généraux  commandans  les  dépôts  de  dra- 
gons à  cheval,  de  faire  partir  sur-le-cliamp  tons  les 
hommes  montés  qui  sont  en  état  de  faire  la  guerre. 
Ils  formeront  des  petits  détachemens  qui  se  rendront 
à  Vienne  à  petites  journées,  en  observant  dans  leur 
marche  la  plus  exacte  discipline.  Arrivé  à  Vienne^ 
chaque  homme  sera  dirigé  sur  son  régiment. 

A  M.   le  maréchal  Massé na. 

Briinn  ,  le  i^"^  frimaire  an  xtv. 
Je  vous  ai  fait  connaître,  monsieur  le  maréchal, 
l'entrée  de  l'armée  française  à  Vienne.  Une  colonne 
russe,  battue  à  Krems  par  le  maréchal  Mortier,  s'est 
retirée  sur  Briinn.  L'empereur  est  parti  de  Vienne 
pour  la  couper.  Son  arrière-garde  a  été  atteinte  par 
le  prince  Murât  et  le  maréchal  Lannes,  qui  l'ont 
combattue  à  Hollahrûnn.  Les  Russes,  en  ce  combat 
opiniâtre,  ont  perdu  trois  mille  hommes.  Le  ma- 
réchal Bernadotte  a  été  détaché  sur  la  route  de  Bo- 
liême,  et  est  à  Jiudtvitz  et  Bottau  sur  la  route  de 
Prague.  Le  reste  de  l'armée  a  poursuivi  l'ennemi 


^52  PRECIS 

jusqu'à  Briinn ,  où  lennemi  nous  a  abandonné  la 
place  et  le  foit  avec  toute  son  artillerie ,  et  des  ma- 
gasins considérables  de  vivres  et  de  munitions.  A 
deux  lieues  au-delà  de  Briïnn ,  le  prince  Murât  a 
rencontré  la  cavalerie  ennemie  forte  de  quatre  mille 
hommes.  Il  s'est  engagé  un  combat  de  cavalerie  à 
cavalerie  :  celle  de  l'ennemi  a  été  culbutée  et  re- 
poussée jusqu'à  moitié  chemin  de  Briinn  à  Olmiitz. 
Le  général  Marmont  est  à  Gratz ,  et  le  maréchal 
Ney  à  Insprucïc.  KufstQin  et  Scharnitz  sont  pris. 
Le  maréchal  Augereau  doit  être  parti  de  Kempten, 
L'intention  de  l'empereur,  monsieur  le  maréchal, 
est  que  vous  poursuiviez  l'ennemi  sans  relâche.  Lais- 
sez un  corps  d'observation  devant  P^enise  ;  laissez- 
en  un  autre  devant  Palma-Nova,  et  poursuivez 
l'ennemi  l'épée  dans  les  reins,  afin  qu'il  ne  puisse 
pas  se  jeter  sur  nous,  étant  au  moment  de  nous 
trouver  en  présence  de  toutes  les  forces  de  Tarmée 
russe.  L'empereur  attend  avec  la  plus  grande  impa- 
tience l'arrivée  de  vos  troupes  à  Laybach  ou  à  Gratz, 
parce  que  dans  cette  position  vous  contiendrez  le 
prince  Charles,  et  l'empêcherez  de  venir  par  le  Da- 
nube à  la  hauteur  de  Vienne  par  la  Hongrie.  S'il 
faisait  cette  manœuvre,  vous  auriez  le  temps  d'at- 
tendre des  ordres,  soit  pour  vous  porter  en  Hongrie^ 
soit  pour  vous  rapprocher  de  la  grande  armée. 
Vous  laisserez  toutes  les  troupes  italiennes,  ainsi 


DES    ÉviNEMENS    MILITAIRES.  255 

que  les  Polonais,  à  la  disposition  du  vice-roi;  l'in- 
tention de  l'empereur  étant  de  ne  les  laisser  pénétrer 
dans  le  Tyrol  que  quand  il  connaîtra  leur  état  de 
situation  ;  mais  il  donnera  de  nouveaux  ordres  à  cet 
égard. 

A  M.  le  général  Ljery. 

Briinn  ,  le  2  frimaire  an  xiv. 
L'empereur  a  ordonné,  général,  qu'il  soit  nommé 
un  général  de  brigade  pour  commander  la  place  de 
Briinn,  ainsi  qu'un  chef  de  bataillon  pour  com- 
mander le  fort.  L'intention  de  sa  majesté  est  que 
vous  nommiez  deux  officiers  du  génie,  dont  le  com- 
mandant sera  spécialement  attaché  au  fort,  et  y 
logera.  Sa  majesté  ordonne  que  l'on  s'occupe  sur- 
le-champ  de  mettre  dans  le  meilleur  état  de  dé- 
fense le  fort  de  Spilberg ,  qui  doit  être  approvi- 
sionné pour  mille  hommes  pendant  trois  mois. 

Quant  à  la  ville ,  l'intention  de  l'empereur  est  de 
ne  la  considérer  que  comme  à  l'abri  d'un  coup  de 
main.  Il  sera  placé  sur  chaque  bastion  deux  pièces 
de  canon.  Vous  ferez  sur-le-champ  travailler  aux 
portes  de  la  ville,  afin  qu'elles  puissent  se  fermer. 

Il  faut  s'arranger  de  manière  à  culbuter  facile- 
ment environ  dix  pieds  des  ponts  dormans,  n'ayant 
cependant  d'autres  prétentions,  comme  je  l'ai  dit 
plus  haut,  que  de  mettre  la  ville  hors   d'un  coup 


2^4  PRÉCIS 

de  main  pendant  une  bataille  ;  ou  enfin,  suivant  les 
circonstances,  donner  le  temps  à  la  garnison  du  fort 
d'y  faire  monter  l'artillerie  qui  serait  dans  la  ville, 
si  on  était  dans  le  cas  de  l'évacuer. 

Vous  voudrez  bien  ordonner  toutes  les  disposi- 
tions nécessaires  pour  l'exécution  du  présent  ordre. 
Faites-moi  connaître  les  noms  des  officiers  que  vous 
aurez  nommé. 

A  JVÏ.  le  général  Son  gis. 

Brunn,  le  2  frimaire  an  xiv. 

L'empereur  ordonne,  général,  que  vous  nom- 
miez un  officier  d'artillerie  pour  commander  l'ar- 
tillerie, et  résider  au  fort  de  Spilherg ;  il  comman- 
dera également  l'artillerie  de  la  ville  de  Brunn. 

L'intention  de  sa  majesté  est  que  l'on  arme  sur- 
le-champ  le  fort  de  Spilherg ,  et  qu'on  le  mette  dans 
le  meilleur  état  possible  de  défense  ;  que  vous  fassiez 
rentrer  dans  ses  magasins  toutes  les  munitions  qui 
sont  éparses  ;  que  vous  vous  empariez  de  toutes  \qs 
poudres  qui  sont  dans  différens  magasins.  Quant  à  la 
ville  de  Brunn ,  l'empereur  ne  veut  faire  travailler 
à  son  enceinte  que  pour  la  mettre  à  l'abri  d'un  coup 
de  main. 

L'empereur  ordonne  que  l'on  mette  sur  chaque 
bastion  de  la  ville  deux  pièces  de  canon  autrichiennes. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  ^55 

Vous  voudrez  bien,  général,  donner  les  ordres  né- 
cessaires pour  remplir  les  intentions  de  sa  majesté. 

A  M.  Pmtiet. 

Brïinn  ,  le  i  friuiaiie  an  xiy. 

L'empereur  ordonne,  monsieur  l'intendant-gé- 
néral ,  que  le  fort  de  Spilherg  à  Brllnn  soit  armé ,  et 
sur-le-champ  approvisionné  pour  au  moins  mille 
hommes,  pendant  trois  mois.  Il  faut  réunir  dans  les 
magasins  tous  les  approvisionnemens  épars,  en  former 
un  pour  les  vivres,  et  pruicipalement  un,  le  plus 
considérable  qu'il  soit  possible,  pour  les  fourrages. 
Il  faut  établir  un  hôpital ,  et  s'emparer  des  magasins 
d'habillement ,  de  chemises  ,  souliers ,  et  il  y  en  a  une 
grande  quantité  à  Brlinn ,  sous  la  dénomination  de 
magasins  d'économie,  appartenant  à  l'armée  autri- 
chienne. 

Les  troupes  seront  logées  dans  les  casernes ,  et  re- 
cevront des  distributions  journalières,  de  manière  à 
ménager  les  ressources  du  pays. 

J'ai  chargé  M.  Joinville  de  dé.signer  provisoire- 
ment le  commissaire  des  guerres  Jacqueminot,  en 
attendant  que  vous  ayez  fait  votre  choix  et  donné 
tous  vos  ordres.  Il  faut  que  vous  désigniez  les  agens 
des  différens  services  qui  doivent  être  employés, 
tant  dans  le  fort  de  Spilberg  que  dans  place  de  Brlinn, 


256  PRÉCIS 

y4  M.  le  jnaréchal  Bernabotte. 

Biiinn,  le  2  frimaire  an  xiv. 

L'empereur  pense  ^  monsieur  le  maréclial ,  que 
vous  devez  avoir  votre  quartier -général  kiglau; 
que  vous  devez  vous  assurer  qu'il  n'y  a  rien  à  Tabor, 
et  qu'en  même  temps  vous  devez  envoyer  une  forte 
avant-garde  de  cavalerie  à  Colling ;  qu'il  est  pro- 
bable que  par  là  vous  vous  emparerez  d'une  grande 
partie  de  l'évacuation  de  Prague  et  de  Budwitz  sur 
Koen  igsgra  Iz . 

Quand  vous  serez  assuré  qu'il  n'y  a  plus  personne 
à  Tahor,  et  que  vous  m'en  aurez  instruit _,  je  don- 
nerai l'ordre  au  général  Reille,  qui  est  à  Lintz ,  d'en- 
voyer trois  cents  hommes  de  troupes  de  Jf^urteui" 
berg,  et  les  dragons  du  20e  régiment  à  Budi^vitz. 

Les  rapports  que  l'empereur  recevra^  d'après  ceux 
que  vous  aurait  faits  l'avant-garde  que  vous  aurez 
envoyée  à  Colling ,  serviront  à  décider  sa  majesté ;, 
si  elle  doit  vous  donner  l'ordre  de  vous  rendre  à 
Prague.  Faites  relever ,  monsieur  le  maréchal ,  tous 
les  petits  postes  de  cavalerie  qui  sont  sur  la  roule  de 
Budu>itz  à  Brûnn ,  et  faites-les  placer  sur  la  route 
à'Iglau  a  Briinn.  L'intention  de  l'empereur  est  que 
vous  fassiez  agir  le  moins  possible  votre  infanterie 
française.  Vous  devez  la  concentrer  à  Iglau  et  Moi^ 
sons,   et  la  laisser   reposer.  N'employez  désormais 


DES    ÉVÉiVCMENS    IVIlLJTAlRliS.  257 

contre  les  Autrichiens  que  les  Bavarois  ;  il  faut  gar- 
der notre  infanterie  française  pour  l'opposer  aux 
Russes,  qu'on  assure  devoir  être  considérablement 
renforcés  d'ici  à  un  mois. 

Mettez  des  officiers  du  génie  à  toutes  vos  colonnes 
ou  avant-gardes,  afin  qu'ils  fassent  des  reconnaissances 
des  lieux,  ce  qui  pourra  servir  suivant  les  circon- 
stances. 

Le  général  Jellachich ,  battu  par  le  maréchal  Au- 
gereau  ,  cerné  dans  le  Tyrol  par  le  maréchal  Nev, 
parait  avoir  pris  le  parti  d'effectuer  sa  retraite  dans 
la  Bohême.  Ce  corps  est  de  quatre  à  cinq  miîle  hom- 
mes, qui  prendront  vraisemblablement  la  route  de 
G?'atz.  Du  moment  que  l'empereur  aura  des  rensel- 
gneraens  plus  exacts  sur  ses  jours  de  marche,  ii  vous 
les  fera  connaître;  car  il  faudra  bien  peu  d'effort 
pour  faire  rendre  ce  corps  qui  est  dans  le  dernier 
découragement. 

Il  est  probable,  d'après  les  événemens  qui  ont  eu 
lieu,  que  les  Russes  se  réunissent  à  OlmiUz ,  et  ne 
s'amuseront  pas  à  aller  en  Bohême. 

En  résumé,  M.  le  maréchal,  l'empereur  vous  or- 
donne de  vous  porter  avec  votre  corps  français  à 
Jglau,  pour  le  laisser  reposer;  mais  il  vous  auto- 
rise à  employer  le  corps  bavarois  et  votre  cavalerie 
comme  vous  le  jugerez  à  propos,  d'abord  pour  oc- 
cuper Collin,  et   pour  faire  tout  le  mal  possible  à 


'25S  MIÉCIS 

l'ennemi.  Mais  votre  infanterie  française  doit  se  re- 
poser pour  être  prête  à  se  porter  sur  Brlinn  ou  sur 
Olni'ùtz  ,  si  le  cas  l'exigeait.  Sa  majesté  se  réserve, 
lorsqu'elle  saura  les  reconnaissances  sur  Collin  et 
Tabor,  de  vous  faire  passer  d'autres  ordres.  Faites 
reconnaître  la  route  à'Jglau  à  Zaitau. 

Rapport  du  jnaréchal  JSfuY  à  S.  Exe.  le  ministre 
de  la  guerre,  major' général. 

Jnspruck,  le  9  frimaire  an  xiv. 

Monsieur  le  maréchal,  je  dois  rendre  à  votre 
excellence  un  compte  détaillé  des  opérations  qui  ont 
eu  lieu  depuis  la  prise  de  Leutasch,  Scharnitz  et 
InsprucTz. 

Aussitôt  que  j'eus  reçu  des  rapports  un  peu  au- 
thentiques sur  la  position  de  l'ennemi,  je  pris  toutes 
les  mesures  que  la  faiblesse  de  mes  moyens  pouvait 
me  permettre  de  prendre,  pour  envelopper  successi- 
vement les  corps  isolés  qui  couvraient  les  principales 
communications  du  Vorarlberg  et  du  Tyrol. 

Pour  mieux  juger  ces  mesures ,  il  faut  reprendre 
de  plus  haut  l'ensemble  des  opérations. 

Lorsque  je  reçus  l'ordre  de  porter  le  corps  d'armée 

dans  le  Tyrol ,  je  n'avais  à  ma  disposition  que  les 

69^  de  ligne  ]  . 

>  de  la  2^  division. 
76^  idem,     J 


DES    ÉVEf^EMENS    MILITAIRES,  25g 

25*  légère 

27^  de  ligne  ze  ^-   •  • 

>  de  la  3«  division 
.00^  idem, 

59*"  idem, 

i5o  chevaux  du  5e  de  husi^ards  et  du  lo^  de  chas- 
seurs ; 
Quelque  artillerie  commafidée   par  le  général 
Seroux  ; 

Formant  en  tout  environ  huit  mille  hommes. 
Les  forces  de  l'ennemi  étaient  divisées   en  cinq 
£;orjDs  ;  savoir  : 

Ceux   des  généraux   archiduc   Jean,    Chasteler, 
Saint-Julien,  Jellachioh  ,  V\^olfskell ,  Rohan  et  Ihler. 
Les  trois  premiers  étaient  dans  le  Tyrol. 
Les  généraux  Jellachich ,  Wolfskell  et  Rohan  cou- 
vraient le  Vorarlberg ,  et  appuyaient  les  postes  im- 
portans  de  Fuessen  et  de  Reuti, 

Le  général  Ihler  remplissait  le  double  but  de  cou- 
vrir le  Tyrol  du  côté  de  l'Italie,  et  de  soutenir  au 
besoin  les  autres  divisions. 

La  totalité  de  ces  corps  pouvait  s'élever  de  vingt- 
cinq  à  trente  mille  combaltans,  sans  compter  les  mi- 
lices du  Tyrol. 

Les  seuls  points  par  lesquels  on  pouvait  envahir 
cette  province ,  étaient  le  passage  de  Fuessen ,  celui 
de  Scharnitz ,  et  la  vallée  de  l'inn  par  Kufstein. 
Le  point  de  Fuessen  était  trop  rapproché  de  \9, 


a6o  PRÉCIS 

masse    des   forces   ennemies  ;    il   pouvait  être   plus 

promplement  soutenu. 

Celui  de  Kufitebi,  au  contraire,  trop  éloigné, 
aurait  donné  à  l'ennemi  le  temps  de  se  rassembler 
dans  la  vallée  de  l'fnn ,  et  de  nous  opposer  des  forces 
trop  supérieures-,  il  ne  restait  donc  que  le  passage  de 
Scharnitz  y  au  centre  d'une  ligne  trop  étendue  et 
trop  disséminée. 

Le  i3  brumaire,  le  {qxX.  ^q  Scharnitz  fut  inquiété 
par  la  3^  division,  tandis  que  la  2®  tournait  le  fort 
àe  Leutasch y  et  se  portait  sur  les  derrières  de  celui 
àe  SchaT'nitz,àonl\e  commandant  fut  ainsi  forcé  de  se 
rendre,  après  avoir  bravement  tenté  de  se  faire  jour. 

J'ai  déjà  eu  l'honneur  de  rendre  compte  à  votre 
excellence  des  détails  de  cette  journée,  ainsi  que  de 
tous  les  mouvemens  qui  l'ont  suivie  jusqu'à  la  re- 
traite de  l'ennemi  par  le  Zillerthal ,  et  jusqu'à  la 
reddition  de  Kufstein. 

Le  22  brumaire,  les  rapports  annonçaient  que 
farchiduc  Jean  tenait  leBrenner,  et  que  les  troupes 
du  Vorarlberg  cherchaient  à  se  réunir  à  lui  ;  je  sentis 
alors  l'importance  de  prévenir  cette  jonction,  et 
j'ordonnai  à  la  1^  division  de  se  porter  sur  Sterzing, 
et  d'attaquer  le  Brenner  le  24 ,  si  l'ennemi  y  restait. 

Les  5o%  59*  de  ligne,  3^  de  hussards  et  un  ba- 
taillon du  25«  légère,  remontèrent  la  vallée  de  l'Inn 
pour  se  diriger  par  Nauders  sur  Schîanders,  afin  de 


DES    ÉVÉNEMENS    M/LITAIRES.  26? 

diercher  à  couper  toute  retraite  au  prince  de  Rohan , 
qui  i'ut  sommé  de  mettre  bas  les  armes. 

Je  fus  informé  que  le  général  Saint-Julien  avait 
évacué  le  Brennei*le  20,  et  qu'après  s'être  réuni  à 
Muhlhach  aux  corps  de  l'archiduc  Jean  et  du  géné- 
ral Ihler,  il  se  retirait  par  Prunecken  sur  Clagen^ 
furth,  à  marches  forcées,  afin  de  ne  pas  être  coupée 
Les  nouveaux  renseignemens  que  je  reçus  à  Muhl^ 
hach  le  24,  me  firent  juger  que  les  divisions  du 
Vorarlberg  chercheraient  à  prendre  la  même  direc- 
tion, et  qu'elles  tomberaient  en  notre  pouvoir,  si 
elles  nous  trouvaient  en  possession  du  point  impor- 
tant de  Botzen ,  où  se  réunissent  les  trois  grandes 
vallées  et  toutes  les  communications  de  la  Carinthie, 
de  l'Italie  et  du  Vorarlberg.  J'ordonnai  en.  consé- 
quence au  général  Loison  de  s'y  porter  avec  la  bri- 
gade Roguet  et  la  cavalerie  légère  du  colonel  Colbert. 
Je  fis  marcher  sur-le-champ  le  général  Vondervveid 
sur  Brixen  avec  le  26^  et  le  27*,  et  ne  tardai  point 
à  diriger  sur  k  même  point  le  général  Malher  et 
le  59^  régiment,  qui  reçut  ordre  de  redescendre  la 
vallée  de  l'inn.  Par  ces  dispositions ,  je  portai  toutes 
les  troupes  disponibles  sur  le  point  important,  et  je 
les  soutenais  successivement  par  tous  les  moyens  que 
je  pouvais  réunir.  Le  5o^  régiment  fut  détaché  pour 
remonter  la  vallée  de  l'Inn,  harceler  l'ennemi,  et 
compléter  son  investissement  du  côté  de  Merau.  Le 


262  PRÉCIS 

colonel  Ijaniartinière  entra  le  24  à  Landeclc,  au  ilïcr- 
ment  où  l'ennemi  en  sortait;  il  prit  quarante  liom- 
mes,  six  pièces  de  canon,  et  beaucoup  cle  bagages. 
Son  détachement  marcha  successivement  jusqu'à 
Sc/z/anders ,  où  il  était  déjà  le  27  brumaire. 

Ce  mouvement  du  Sd*'  devait  être  d'abord  soutenu 
par  le  69";  mais  je  me  décidais  à  porter  ce  régiment 
sur  JJrixenj  comme  j'ai  eu  l'honneur  de  le  mander 
à  votre  excellence. 

Au  lieu  de  suivre  mes  instructions,  et  de  porter 
six  bataillons  à  Botzen,  le  général  Loison  n'y  con- 
duisit, le  26,  qu'un  bataillon  du  76*",  les  grenadiers 
de  sa  division ,  et  un  détachement  du  s>5''.  Cette 
]ietite  troupe  fut  encore  dispersée  à  Morizing,  Saint- 
f'olman ,  Gries ,  Slgnumdseron ,  Botzen  et  Car- 
daun,  quoique  ce  général  fût  informé  de  l'arrivée 
dé  Tavant-garde  ennemie  à  Terlan,  et  des  efforts 
qu'il  faisait  pour  déboucher. 

Le  prince  de  Rohan  ayant  concerté  son  mou- 
vement avec  les  Tyroliens ,  ht  attaquer  nos  avant- 
postes  le  27,  à  trois  heures  après  midi,  et  les  re- 
poussa jusqu'au  pont  de  l'Adige.  L'ennemi  se  dé- 
ployant alors  à  droite  et  à  gauche,  chercha  à  tourner 
le^  troupes  qui  le  défendaient.  Malgré  leur  fermeté, 
ces  troupes  assaillies  par  les  lia bi tans  même  de  la 
ville,  et  par  des  forces  supérieures,  furent  forcées 
d'abandonner  leur  poste;   elles  se   retirèrent  avec 


DES    ÉVJENEMENS    MILITAIRES.  205 

ordre ,  reçurent  à  la  baïonnette  plusieurs  charges  de 
cavalerie,  tuèrent  beaucoup  de  monde,  et  vinrent 
prendre  position  en  arrière  de  ISotzen,  An  même 
instant,  toute  la  vallée  jusqu'à  Teiichs  parut  cou- 
verte de  feux  et  de  paysans  armés.  Ce  mouvement 
inattendu,  opéré  sur  les  derrières  de  nos  troupes, 
décida  un  mouvement  rétrograde. 

Le  bataillon  du  76^,  qui  a  déjà  fait  avec  distinc- 
tion la  guerre  des  montagnes  dans  les  Grisons,  dé- 
ploya une  grande  fermeté. 

Attaqués  de  toutes  parts,  nos  soldats  ont  marché 
sur  les  Tyroliens  avec  audace,  les  ont  dispersés,  et 
se  sont  retirés  jusqna  Colbnann  et  Clausen ,  sans 
autre  perte  que  celle  d'un  capitaine,  dix-huit  hommes 
tués  et  cinquante  blessés. 

L'ennemi  a  laissé  environ  deux  cents  tués  ou  blessés 
sur  le  champ  de  bataille. 

Le  prince  de  Rohan  a  profité  de  ce  moment  favo- 
rable pour  filer  sur  ImwIs  ,  où  il  a  passé  la  nuit. 

J'arrivai  le  28  à  Brixen,  et  donnai  de  suite  l'ordre 
de  se  porter  sur  Botzen  le  lendemain  ,  à  six  heures 
du  matin.  Les  paysans,  au  nombre  de  douze  cents, 
commençaient  à  tirailler  arec  la  tête  de  la  colonne 
près  de  Colbnann ,  lorsqu'on  parvint  à  leur  faire  en- 
tendre le  langage  de  la  raison,  et  à  les  renvoyer  dans 
leurs  foyers.  Nous  arrivâmes  le  soir  même  à  Botzen. 

Le  3o  au  matin,  je  portai  sur  Trente  un  détache" 


2G4  V  ni  Cl  s 

ment  commandé  par  le  colonel  Colbert ,  avec  ordre 
d  éclairer  les  mouvemens  du  prince  de  Rohan  ,  qui 
me  paraissaient  dirigés  sur  Kenise.  Je  le  chargeai 
d'informer  de  ces  mouvemens  les  troupes  de  l'armée 
d'Italie^  afin  de  les  arrêter,  si  cela  était  possible. 
Ce  détachement  fut  soutenu  par  un  bataillon  du  76*", 
porté  à  Neumarck. 

Le  général  Ihler  avait  évacué  Trente  avec  tout  le 
corps  qui  couvrait  le  Tyrol  du  coté  de  l'Italie.  Nous 
avons  pris  dans  cette  ville  un  hôpital  avec  une  cen- 
taine de  blessés. 

Votre  excellence  pourra  s'assurer,  parle  rapport 
de  ces  événemens ,  que  j'ai  fait  tout  ce  qu'on  pou- 
vait attendre  de  mon  faible  corps  d'armée,  et  que 
l'expédition  du  Tyrol,  déjà  glorieuse,  aurait  été 
couronnée  par  la  prise  du  prince  de  Rohan,  si  mes> 
ordres  avaient  été  suivis. 

il  suffit  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  la  carte  pour 
s'assurer  que  les  dispositions  faites  pour  l'exécution 
de  ces  ordres  étaient  défectueuses.  Les  troupes  étaient 
trop  dispersées ,  et  toutes  les  positions  que  l'on  pou- 
vait prendre  à  Botzen  même,  n'auraient  pas  com- 
plété l'investissement  de  l'ennemi  aussi  long -temps 
qu'on  lui  laissait  la  faculté  de  marcher  de  Teran  par 
Tramin  sur  Neumarck. 

J'avais  ordonné  de  diriger  les  troupes  sur  Botzen ^ 
et  de  couper  toute  retraite  au  prince  \  c'était  donc  k 


DES    ÉVÉNEMEINS    MILITAIRES.  265 

rembrancliement  des  deux  routes  qu'il  fallait  se  placer 
pour  remplir  ce  but  et  pour  ne  pas  être  réduit  à  l'al- 
ternative de  se  disséminer  ou  de  laisser  une  de  ces 
routes  ouvertes. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  le  résultat  a  été  glorieux  pour 
les  armes  de  sa  majesté. 

Depuis  le  1 3  brumaire,  nous  avons  sans  cesse  opéré 
au  milieu  de  trente  mille  ennemis,  en  nous  diri- 
geant alternativement  sur  toutes  les  grandes  commu- 
nications, soit  à  Kufstein,  soit  à  Fuessen,  Landechy 
Brixen ,  Botzen  et  Trente. 

Nous  avons  envahi  une  province  importante,  pris 
vingt-quatre  pièces  de  canon,  trente  mille  fusils, 
des  approvisionnemens  de  poudre  suffisans  pour  une 
armée.  Nous  avons  faits  prisonniers , 

i58o  hommes  à  Scharnitz  et  Leutach. 
i8o,  près  de  Kufstein, 
36o,  près  de  Fuessen  et  Landeck. 
65o,  près  de  Brixen ,  Botzen  et  Trente. 


3770 

Plus,  2o32  malades  et  blessés,  pris  à  Insprucl- , 
IViltau,  Hall,  Brixen,  Botzen  et  Trente;  sans 
compter  tous  les  Tyroliens  que  j'ai  renvoyés ,  et  la 
perte  de  l'ennemi  en  tués  et  blessés  évacués. 

Votre  excellence  sait  que  toutes  ces  choses  ont  été 
exécutées  par  le  petit  nombre  de  braves  dont  j'ai 


0^66  TRÉCIS 

donné  la  note  ci-dessus ,  et  pour  lesquels  je  crois  de- 
voir demander  l'insertion  honorable  dans  le  Bulletin 
de  Tarmée.  C'est  dans  le  témoignage  de  satisfaction 
de  leur  empereur ,  que  ces  braves  trouvent  le  prix 
de  leurs  travaux  et  de  leurs  fatigues.  Sa  majesté  est 
trop  juste  pour  ne  pas  la  leur  accorder. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer.  Ney. 

Ordre  du  jour  pour  le  3  frimaire,  à  Br'ùnn. 

Tout  le  T3'^rol  est  occupé  par  notre  armée.  L'em- 
pereur témoigne  sa  satisfaction  au  corps  de  M.  le 
maréchal  Ney.  Scharnitz  a  été  enlevé.  Les  troupes 
de  l'électeur  de  Bavière  se  sont  emparées  de  Kuf- 
stein.  Une  colonne  ennemie  se  trouve  coupée  dans 
le  Vorarlberg  :  elle  se  trouve  entre  le  corps  du  maré- 
chal Ney  et  celui  du  maréchal  Augereau.  Notre  jonc- 
lion  avec  l'armée  d'Italie  est  opérée  ;  nous  sommes 
maîtres  du  pays  vénitien^  du  Tyrol  et  de  Saltzhourg. 
Ainsi  notre  droite  est  appuyée  à  l'Adriatique,  et  notre 
gauche  à  Brilnn ,  place  forte ,  sans  que  dans  l'inter- 
valle, ni  sur  nos  derrières,  il  y  ail  aucun  poste,  au- 
cune place  forte ,  aucun  corps  ennemi.  Les  maga- 
sins, les  arsenaux  sont  en  notre  pouvoir.  Aux  places 
fortes  du  Tyrol,  il  faut  joindre  celles  que  nous  avons 
sur  l'Inn  et  eu  Moravie.  Il  n'est  pas  de  jour  qu'il 
n'arrive  des  nouvelles  que  les  débris  de  l'armée  autri- 
chienne tombent  en  notre  pouvoir. 


Î>ES  -EVÉNEMÉNS    MÎLITArRES.  267 

L'intention  de  lempereur  est  de  donner  quelques 
imomens  de  repos  à  Tarniée.  Les  chefs  de  corps  doi- 
vent en  profiter  pour  faire  réparer  l'habillement,  la 
chaussure ,  nettoyer  les  armes  ^  et  rallier  leur  monde. 
Ils  auront  soin  de  faire  un  état  des  traînards  qui, 
sans  cause  légitime,  sont  restés  sur  les  derrières.  Ils 
recommanderont  aux  soldats  de  leur  en  faire  honte; 
car,  dans  une  armée  française,  la  plus  forte  punition 
pour  celui  qui- reste  en  arrière,  est  la  honte  qui  lui 
en  est  faite  par  ses  camarades.  Enfin,  s'il  est  des  sol- 
dats qui  se  trouvent  dans  ce  cas ,  l'empereur  ne  doute 
pas  qu'ils  seront  empressés  de  se  rallier,  et  de  serrer 
le  drapeau  aux  premières  actions. 

Les  chefs  de  corps  écriront  à  leurs  majors  pour 
avoir  la  situation  des  dépôts;  et  aussitôt  qu'ils  l'au- 
ront reçue,  ils  la  feront  passer  au  major -général. 
Les  nouvelles  de  France  annoncent  que  tous  les 
conscrits  sont  partis  et  arrivent  de  tous  côtés.  L'em- 
pereur ordonne  que  tous  les  hommes  aient  leur  baïon- 
nette ,  qui  fut  toujours  l'arme  favorite  du  soldat 
français. 

u4  M.  le  général  Songts. 

Brùnn,  le  1  frimaire  an  xiv. 
L'intention  de  l'empereur,  général,  est  que  vous 
pensiez  sérieusement  à  évacuer  l'arsenal  de  f^ienne , 
et  il  ne  peut  l'être  que  par  le  Danube.  Sa  majesté 


208  PRÉCIS 

voudrait  faire  embarquer  sur  un  convoi  de  cent 
barques  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  précieux,  et  le  faire 
diriger  sur  Pasaau  avec  une  forte  escorte.  L'empe- 
reur désire  que  vous  lui  présentiez  un  mémoire  qui 
lui  fasse  connaître  ce  que  vous  placerez  sur  les  cent 
barques;  combien  de  jours  il  faudrait  pour  arriver  à 
Passau;  quelle  espèce  de  moyen  il  faut  prendre  pour 
les  hallages;  combien  d'hommes  de  corvée  il  faudrait 
pour  faire  cet  embarquement  dans  le  moindre  délai 
possible,  au  plus  sous  huit  jours.  On  désirerait  que 
les  mesures  soient  prises  pour  que  l'on  embarque  à  la 
fois  sur  les  cent  bateaux. 

Les  quatre  cents  milliers  de  poudre  qui  sont  à 
Brunn  doivent  être  évacués  le  plus  promptement 
possible  sur  Krems  ou  sur  Stokereau,  et  non  sur 
Païenne.  Faites  les  mêmes  dispositions  pour  les  canons 
et  les  affûts  qui  seraient  inutiles  pour  l'armement  de 
la  place  de  Brilnn. 

A  M.  Petiet. 

Briinn  ,  2  frimaire  an  xiv. 

L'armée,  monsieur  l'intendant-général,  éprouve 
le  plus  grand  besoin ,  particulièrement  MM.  les  offi- 
ciers, et  surtout  en  argent  pour  leurs  dépenses.  L'in- 
tention de  l'empereur  est  que  tout  ce  qui  peut  être 
dû  aux  soldats  jusqu'au  1"  frimaire,  soit  payé  dans  le 
délai  de  huit  jours ,  et  que  MM.  les  officiers  soient 


nrs    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  269 

payés  de  ce  qui  leur  est  dû,  et  de  leur  solde  jusqu'au 
1"  nivôse.  Tous  les  payeniens  se  feront  en  papier  de  la 
banque  de  Vienne.  A  cet  effet,  M.  l'intendant-général 
Daru  fera  verser  quatre  millions  dans  la  caisse  du 
pa3'eur- général  de  Tarinée  dans  la  journée  d'après 
demain;  et  le  surplus  des  sommes  nécessaires  pour 
compléter  ce  qui  sera  dû,  sera  versé  dans  huit  jours. 
Le  payeur-général  de  Tarmée  fera  passer  sur-le-champ 
au  corps  du  maréchal  Lannes ,  à  celui  du  maréchal 
Soult,  à  celui  du  prince  Murât,  qui  sont  en  avant,  et 
successivement  à  tous  les  autres  corps  de  l'armée,  tous 
les  fonds  nécessaires  pour  payer  l'armée,  officiers  et 
soldats,  ainsi  qu'il  est  dit  ci-dessus.  Il  faut  voir  avec 
M.  Daru  si  on  ne  doit  pas  tenir  compte  aux  officiers 
et  soldats  de  la  perte  du  papier  ;  ce  qui  paraît  de 
toute  justice. 

Des  quatre  millions  qui  seront  versés  après  de- 
main dans  la  caisse  du  payeur,  deux  cent  mille  francs 
seront  mis  à  la  disposition  du  général  Songis,  pour 
les  dépenses  du  parc,  etc.,  cinq  cent  mille  francs  à  votre 
disposition,  et  trois  cent  mille  à  la  disposition  du  raa- 
jor-général,  pour  dépenses  extraordinaires  et  secrètes. 
Vous  voudrez  bien,  monsieur,  donner  tous  vas 
ordres  pour  les  dispositions  ci -dessus. 


270  PRECIS 

A  M.  le  maréchal  Davoust. 

Brùnn  ,  le  3  frimaire  an  xiv. 
Vu  la  réponse  qui  vous  a  été  faite  de  Preshourg , 
monsieur  le  maréchal,  sa  majesté  trouve  qu'il  est 
convenable  de  faire  occuper  Presbourg  par  la  divi- 
sion Gudin  et  par  une  brigade  de  dragons  de  la  divi- 
sion Klein.  L'empereur  vous  recommande  particulière» 
ment  de  veiller  à  ce  que  tout  se  passe  en  ordre;  qu'on 
prenne  possession  des  magasins  et  des  caisses  ^  en  rem-= 
plissant  toutes  les  formalités. 

A  M.  le  maréchal  Bernadotte» 

Briinn  ,  le  3  frimaire  an  xiv. 
J'ai  soumis  à  l'empereur,  monsieur  le  maréchal^ 
la  lettre  par  laquelle  vous  m'annoncez  l'arrivée  pro- 
chaine de  Prusse  de  M.  de  Haugwitz.  L'intention  de 
Tempereur  est  que  vous  le  reteniez  un  jour  auprès 
de  vous,  en  lui  disant  que  le  quartier- général  va  se 
rendre  à  Iglau.  Aussitôt  son  arrivée,  vous  expé- 
dierez un  courrier  à  l'empereur  pour  le  prévenir,  et 
par  le  retour  du  courrier  je  vous  informerai  du  lieu 
où  vous  devez  le  diriger.  Ainsi,  par  là,  vous  le  re- 
tiendrez facilement  près  de  vous  toute  la  journée 
du  6. 


DES    EVENEMEWS    MILITAIRES.  27 1 

A  MM.  les  maréchaux  Soult  et  Bernadotte. 

Bninn  ,  le  5  frimaire  an  xiv- 

L'empereur  me  charge  de  vous  communiquer, 
monsieur  le  maréchal,  ses  idées  sur  l'ordre  de  ba- 
taille qu'il  faut  prendre  vis-à-vis  des  Russes;  cet 
ordre  de  bataille  devra,  autant  que  faire  se  pourra, 
être  pris  de  la  manière  suivante  : 

Chaque  brigade,  son  1*'  régiment  en  bataille;  le 
2*"  régiment  en  colonne  senée  par  division;  le  1" 
bataillon  à  la  dr^oite  et  en  arrière  du  i*'  bataillon  du 
régiment. 

Le  deuxième  bataillon  à  gauche  et  en  arrière  du 
2^  bataillon. 

L'artillerie  dans  l'intervalle  des  deux  bataillons 
qui  sont  en  bataille,  et  quelques  pièces  à  droite  et  à 
gauche. 

Si  la  division  a  un  5*  régiment,  il  devra  être  en  ré- 
serve à  cent  pas  en  arrière  ;  un  escadron  ou  au  moins 
une  division  de  cavalerie  derrière  chaque  brigade, 
pour  pouvoir  passer  par  les  intervalles,  poursuivre 
l'ennemi,  s'il  était  rompu,  et  faire  face  aux  Cosaques. 

Dans  cet  ordre  de  bataille,  vous  vous  trouverez 
dans  le  cas  d'opposer  à  lennemi  le  feu  de  la  ligne  et 
des  colonnes  serrées  toutes  formées  pour  opposer  aux 
siennes. 


272  PRÉCIS 

A  M.  le  général  Mailmoisit. 

Brûnn  ,  le  5  frimaire  an  xiv,  à  cinq  heures 
du  soir. 

Le  général  Dumonceau  a  dû  vous  rejoindre,  gé- 
néral ,  c'est-à-dire  se  rendre  à  Neustadt,  Les  ordres 
de  Tempe reur  se  bornent  à  vous  laisser  le  maître  de 
faire  le  plus  de  mal  possible  à  l'ennemi,  sans  cepen- 
dant vous  compromettre;  et  sa  majesté  désire  que 
vous  tâchiez  de  vous  mettre  en  communication  avec 
le  maréchal  Masséna,  qui,  d'après  les  rapports  que 
nous  avous,  a  dû  passer  l'Isonzo. 

A  M,  le  inaréclial  Da  ro  us  t. 

Briinn,  le  5  frimaire  an  xiv  ,  à  neuf  heures 
du  soir. 

L'empereur  ,  monsieur  le  maréchal ,  ordonne  que 
vous  vous  empariez  du  pont  que  l'ennemi  a  sur  la 
March  à  Neudorf.  Si  la  division  du  général  Gudin 
est  partie  pour  se  rendre  à  Presbourg ,  vous  devez 
vous  y  rendre  vous-même  pour  y  arranger  vos 
postes. 

S'il  y  a  un  bois  à  proximité  de  cette  place,  sa  ma- 
jesté veut  qu'on  en  profite  pour  y  barraquer  la  divi- 
sion Gudin,  comme  les  troupes  ont  barraqué  à  Bou-^ 
logne,  avec  la  seule  différence  que  le  camp  formerait 
un  carré  occupant   le  moins   d'espace   possible.   Ce 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  inO 

camp  devrait  être  placé  cle  manière  à  être  dans  une 
position  qui  rende  maître  du  Danube  et  de  la  March. 
A  cent  toises,  à  l'extrémité  du  carré,  on  construi- 
rait quatre  redoutes  ;  la  cavalerie  serait  aussi  can- 
tonnée, et  aurait  les  avant-postes  au-delà  de  Près- 
hourg.  Quoique  le  général  Gudin  fût  maître  de  la 
ville,  il  y  laisserait  faire  la  police  comme  à  l'ordi- 
naire; mais  l'empereur  défend  que  personne  ne  loge 
dans  la  ville  :  tout  le  monde  devra  être  au  camp. 

^  M.  le  maréchal  Davoust. 

Brunn  ,  le  5  frimaiie  an  Xiv. 

L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  trouve  que 
vous  avez  disséminé  trop  votre  cavalerie ,  et  il  est 
indispensable  de  la  réunir  pour  battre  la  campagne 
jusqu'au  bord  de  la  March.  Rappelez  le  régiment 
que  vous  avez  à  JSeitstadt.  Je  donne  l'ordre  au  gé- 
néral Bourcier  de  se  rapprocher  de  Vienne  avec  sa 
division,  pour  y  être  à  votre  disposition  jusqu'à  l'ar- 
rivée du  général  Klein. 

L'empereur  veut  avoir  tous  les  soirs  l'état  de  Fera. 
placement  des  troupes  de  votre  corps  d'armée.  Je  dois 
vous  recommander  de  vous  bien  garder  de  vous  lais.ser 
surprendre  à  Vienne.  Cette  grande  quantité  de  cava- 
lerie que  l'ennemi  a  au-delà  de  la  March,  pourrait 
faire  supposer  qu'il  masque  quelque  mouvement. 

M.  de  Lagrange,  qui  vous  porte  cette  lettre,  porte 
14.  18 


2  ^  4  IMl  £  C  1  S 

l'ordre  ao  général  Boiircier  de  se  mettre  en  marche 
pour  'PFalhersdorf.  Envoyez -lui  des  ordres  et  des 
instructions  pour  qu'il  se  dirige  sur  les  points  conve- 
nables, pour  attaquer  et  culbuter  tout  ce  que  l'en- 
nemi aurait  au-delà  de  la  rivière.  Vous  devez  éga- 
lement vous  emparer  de  tous  les  partis  qui  sont  sur 
la  Mardi.  Ne  souftrez  pas  que  Fennemi  passe  celte 
rivière,  ni  approche  d'un  autre  côté.  Tous  les  jours, 
vos  troupes  doivent  être  avant  le  jour  sous  les  armes 
dans  leurs  canlonnemens;  car  l'empereur  ne  suppose 
pas  qu'elles  soient  en  ville ,  et  vous  et  vos  officiers 
d'état-major  devez  être  à  cheval  pour  recevoir  les 
rapports.  Sa  majesté  imagine  que  vous  avez  des  postes 
kPresbourg ^  et  par  là,  que  vous  serez  instruit  de  ce 
qui  se  passe  dans  cette  grande  ville  et  ses  environs. 

Au  moindre  événement  où  vous  pourriez  soup- 
çonner que  l'ennemi  se  rassemble  pour  se  porter  sur 
yiemie ,  vous  êtes  autorisé  à  donner  l'ordre  au  gé- 
néral Dumonceau,  qui  va  à  Neustadt,  de  se  rappro« 
cher  de  Vienne. 

L'empereur  demande  que  vous  répondiez  aux 
questions  ci-après  : 

i".  Combien  \  a-t-il  de  bastions  à  Vienne?  sont-ils 
en  état  de  défense  ? 

2".  Y  a-l-il  des  portes  et  des  ponts  à  ponts-levis? 

3".  Les  manutentions  sont- elles  dans  la  ville  oa 
dans  les  faubourgs? 


I>ES    ÉVÉNEMENS    MILITA  rî\ ES.  1^5 

4^.  Combien  faudrait-il  de  temps  pour  metli^e  la 
ville  à  l'abri  d'un  coup  de  main? 

5".  Toute  l'artillerie  de  siège  qui  se  trouve  à 
Païenne  est -elle  sous  la  dépendance  de  la  place 
ijuand  elle  est  armée  ^  ou  pourrait-on  prendre  cette 
artillerie  pour  la  tourner  confie  la  place  ? 

6\  Quelle  serait  la  meilleure  mesure  à  prendre 
pour  désarmer  une  partie  de  la  garde  nationale? 

7°.  Combien  y  a-t-il  de  garde  nationale?  Et  s'il 
n'y  en  avait  pas  plus  de  deux  mille,  on  pourrait 
casser  l'ancienne  et  laisser  les  autres.  Je  n'ai  pas 
besoin  de  vous  dire  combien  il  faut  mettre  de  pru- 
dence sur  toutes  les  diflerentes  questions  que  je  vous 
fais. 

Je  vous  ai  déjà  demandé  un  rapport  sur  un  pont 
que  l'empereur  voulait  placer  sur  la  gaucbe  de 
Vienne,  en  remontant  le  Danube.  On  le  placerait 
à  une  demi-lieue  au-dessus  de  Vienne,  pour  que 
rien  ne  passe  par  la  ville.  Envoyez-moi  tous  les  jours 
la  position  de  vos  escadrons  et  de  vos  bataillons. 

A  S.  A,  le  vice-roi  d' Italie. 

Biunn,  7  frimaire  an  xrv. 

L'empereur  et  roi  me  cbarge  d'avoir  l'honneur 

de  faire  connaître  à  votre  altesse  que  son  intention 

est  que  vous  fassiez  occuper  Trente  et  Bolzano  par 

quatre  bataillons  de  troupes  italiennes^  par  un  ré- 


276  PRECIS 

gimeiit  de  cavalerie  italienne,  auxquels  il  faut  join- 
dre six  pièces  d'artillerie.  Sa  majesté  désire  que  votre 
altesse  nomme  un  officier  intelligent  pour  com- 
mander à  Trente ,  et  y  tenir  dans  le  devoir  les  Ty- 
roliens. Cet  officier  se  mettra  en  communication 
avec  le  gouverneur  bavarois  qui  commande  dans  le 
Tj^rol,  et  qui  résidera  à  Inspruch;  et  il  l'aiderait 
suivant  les  circonstances. 

Je  préviens  votre  altesse  que  le  général  Andréossy 
se  rend  dans  le  Tyrol  pour  organiser  le  service  du 
gouverneur  bavarois  et  de  Tofficier  que  vous  aurez 
nommé  pour  commander  à  Trente. 

^  M.  le  maréchal  N'jey. 

Biiinn ,  le  7  frimaire  an  xiv  ,  à  quatre  heures 
du  soir. 

L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  a  lu  votre 
lettre  du  î^'  de  ce  mois,  et  sa  majesté  approuve  ce 
que  vous  avez  fait.  Le  général  bavarois  qui  se  trouve 
à  Saltzhourg  avec  une  brigade,  a  ordre  de  se  rendre 
à  Inspruch  avec  ses  troupes,  où  se  réuniront  le  ba- 
taillon qui  est  à  K ufstein ,  celui  qui  vient  d't^/m, 
et  celui  qui  vient  de  Donavert ;  ce  qui  fera  huit 
bataillons,  force  suffisante  pour  occuper  le  Tyrol. 
J'envoie  l'ordre  au  vice-roi  d'Italie  de  nommer  un 
commandant  à  Trente  et  à  Bolzano ,  ainsi  qu'un 
régiment  de  cavalerie  ,  quatre  bataillons  et  six  pièces 


DES   ÉVÉNEMENS   MILITAIRES.  2^7 

d  artillerie.  Le  général  Andréossy  se  rend  dans  le 
Tyrol  pour  y  établir  le  gouvernement  bavarois  et 
organiser  le  service,  et  établir  ses  rapports  avec  le 
commandant  de  Trente. 

Qiiant  aux  troupes  bavaroises  que  vous  deviez 
joindre  à  votre  corps ,  ces  troupes  avaient  déjà  passé 
le  Danube;  mais  l'empereur  me  charge  de  vous  dire 
qu'il  complétera  votre  corps  d'armée  aussitôt  qu'il 
sera  en  mesure  de  combattre  les  Russes. 

Sa  majesté  vous  laisse  le  maître  de  vous  rendre, 
avec  vos  deux  divisions  françaises,  h.  Klagenfurtk. 
Le  général  Marmonî  marche  sur  N^euîwiirg  k\at.  ren- 
contre du  prince  Jean.  Les  empereurs  de  Russie  et 
d^'Allemagne  sont  dans  Obniitz.  Notre  aiuiée  occupe 
Budwitz ,  IglaUy  Austerlitz ,  et  notre  avant-garde 
est  à  TJ^ischau.  Nous  occupons  Presdourg.  Les  ar- 
mées sont  en  présence,  et  prennent  quelques  jours 
de  repos;  je  dis  en  présence,  c'est-à-dire  que  les 
Russes  sont  derrière  la  forteresse  à'Olmutz. 

Instructions  au  général  Anbrjbossy. 

Briinn ,  le  n  frimaire  an  xiv. 

L*£MPEREUR^  monsieur  le  général,  me  charge  de 
vous  donner  l'ordre  de  vous  rendre  à  Inspruclc.  Vous 
y  installerez  le  gouverneur  bavarois  que  l'électeur  a 
nommé,  et  l'officier  italien  commandant  à  Trente 
et  Bolzano,  que  le  vice-roi  a  ordre  d'y  envoyer. 


27B  PRÉCIS 

Le  gouvernenr  bavarois  aura  à  ses  ordres,  à  Ins- 
pruck ,  les  cinq  bataillons  bavarois  qni  sont  en  ce 
moment  à  Saitzhourg,  le  bataillon  qui  est  à  Kufstein, 
le  bataillon  qui  est  à  Uhn ,  et  celui  qui  est  à  Dona- 
%vert,  et  qui  ont  tous  l'ordre  de  se  rendre  à  Inspruck. 
Le  vice-roi  d'Italie  a  ordre  d'envoyer  à  Trente  et 
Bolzano  un  régiment  de  cavalerie,  quatre  bataillons 
italiens  et  six  pièces  d'artillerie. 

L'intention  de  l'empereur  est  que  vous  restiez  dans 
le  Tyrol  avec  le  commandement  supérieur,  ainsi  que 
le  commandement  de  Saitzhourg.  M.  le  maréchal 
Ney,  avec  ses  troupes  françaises,  doit  se  rendre  à 
K  lagenfurth. 

En  partant  de  BiiXnn  ^  vous  passerez  par  Zndinty 
Krems,  Moelck,  Lhitz,  Braunau  et  Munich.  Vous 
m'écrirez  en  détail  de  chacun  de  ces  endroits.  Avant 
d'en  partir,  vous  me  ferez  connaître  l'état  des  routes, 
celui  des  ponts,  des  manutentions  et  des  hôpitaux. 
Vous  me  ferez  un  rapport  sur  la  police  et  sur  les  traî- 
nards. Vous  m'adresserez  l'état  exact  des  détachemens 
de  troupes  qui  se  trouvent  dans  chaque  endroit  ;  vous 
donnerez  partout  des  ordres  pour  faire  rejoindre  ce  qui 
appartient  à  l'armée  ;  vous  ferez  sentir  aux  comman- 
dans  d'armes,  et  à  tous  autres,  que  l'empereur  regarde 
comme  un  crime  de  retenir  les  hommes,  soit  de 
l'infanterie,  soit  à  cheval,  destinés  pour  les  corps  de 
l'armée.  A  Munich,  vous  vous  présenterez  à  l'électeur 


DES    EVÉNEMENS    MILITAIRES.  2jg 

pour  connaître  le  général  qu'il  a  nommé  gouverneur 
du  Tyrol.  Vous  présenterez  a  S.  A.  E.  le  désir  de 
l'empereur,  pour  qu'elle  puisse  lever  encore  un  ba- 
taillon ix)ur  envoyer  dans  le  Tyrol ^  où  il  faut  avoir 
le  plus  de  forces  possibles. 

Arrivé  à  Braunau ,  vous  aurez  soin  de  faire  par- 
tir tous  les  dépôts  de  cavalerie,  et  en  général  tous 
les  détachemens.  Dites  au  général  Laurislon  qu'il 
serait  coupable  aux  yeux  de  l'empereur,  s'il  rete- 
nait ce  qui  appartient  à  l'armée. 

En  passant  à  Krems ,  assurez  vous  si  le  pont  de 
bateau  est  solide;  faites -vous  rendre  compte  si  on 
a  enterré  les  morts  des  dernières  affaires  qui  ont  eu 
lieu.  Enfin,  général,  vous  reviendrez  aussitôt  que 
vous  le  pourrez  au  quartier  impérial  :  alors  vous 
visiterez  Augsbourg. 

Aussitôt  que  vous  apprendrez  des  nouvelles  cer- 
taines du  maréchal  Augereau,  vous  me  les  ferez  con- 
naître. Vous  lui  direz  que  l'empereur  est  fàclié  de 
ce  qu'il  n'envoie  pas  des  officiers  pour  rendre  compte 
de  sa  position. 

De  Braunaii ,  vous  m'écrirez  par  un  de  vos  aides- 
de-camp  ;  et  arrivé  à  Inspriicl: ,  vous  m'écrirez  tous 
les  jours. 

Vous  connaissez  assez  ,  général,  tous  les  ordres  qui 
ont  été  donnés,  et,  dans  votre  course,  vous  vérifierez 
s'ils  ont  été  exécutés. 


uSo  PRÉCIS 

^   MM,  les  généraux   Caffarelli,  Boyer^ 
BouRciER,  Klein  ,  Fauconnet. 

Briinn ,  le  7  frimaire  an  xiv ,  à  huit  heures 
du  soir. 

ORDRE, 

Ï'révenir  les  colonels  qu'il  y  aura  demain  Ba- 
taille ;  de  partir  sur-le-champ  avec  tout  son  monde; 
de  se  rendre  à  Brunn ,  et  d'y  arriver  à  sept  heures  : 
il  est  à  présumer  qu^on  se  battra  à  huit  ;  n'emmener 
aucun  bagage;  envoyer  près  du  major-général,  et  à 
l'avance,  un  aide-de-camp  pour  recevoir  ses  ordres 
sur  les  dernières  dispositions, 

^  MM.  les  maréchaux  Davgvst,  Bernajdotte, 
Mortier. 

Briinn,  le  7  frimaire  an  xrv,  à  huit  heures 
du  soir. 

Il  paraît  certain,  monsieur  le  maréchal,  que  nous 
aurons  demain  une  grande  bataille  au-delà  de  Briinn. 
Sa  majesté  ordonne  que  vous  partiez  sur-le-champ 
avec  vos  troupes,  pour  vous  porter  à  grandes  mar- 
ches sur  Brunn.  Vous  aurez  vos  armes  en  bon  état . 
des  cartouches,  votre  artillerie,  et  point  d'embarras 
de  bagages. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  28x 

A  M.  le  général  M^rmont. 

Au  bivouac  ,  en  avant  de  Briinn  ,  le 
8  frimaire. 

Je  VOUS  préviens  que  dans  deux  jours  nous  devons 
avoir  une  bataille  sanglante^  et  que  dans  cette  }K)si- 
tion  de  choses  vous  devez  vous  tenir  très -éveillé; 
que  dans  le  cas  de  circonstances  extraordinaires  vous 
puissiez  prendre  votre  parti.  Je  vous  préviens  que 
j'envoie  l'ordre  au  général  Dumonceau  de  quitter 
Neustadt  pour  se  rendre  à  Tienne ,  et  qu'il  est  né- 
cessaire que  vous-même  vous  vous  rapprochiez  de 
cette  direction  le  plus  possible. 

A  M,  le  maréchal  Behnadotte. 

Du  9,  au  bivouac. 

Or^DRE  au  maréchal  Bernadotte  d'accélérer  sa  mar- 
che; qu'il  est  certain  que  le  lo  ou  le  ii  nous  aurons 
viïiQ  grande  bataille. 

ORDRES. 

Du  10  frimaire. 

Au  maréchal  Davoust^  de  réunir  ses  troupes  à  l'ab- 
baye de  Dregner. 

Au  maréchal  Bernadotte,  de  prendre  la  position 
du  bivouac  du  général  Caffareili. 


282  PRÉCIS 

Au  général  Caffarelli_,  de  prendre  le  bivouac  de 
la  division  de  grenadiers. 

Aux  grenadiers^  de  se  porter  en  avant  de  la  Batte 
sur  la  droite  de  la  route. 

A  la  division  Suchet  et  à  la  division  Caffarelly,  de 
se  placer  en  avant  à  droite  de  la  route,  à  la  hau- 
teur du  Santon. 

Au  \^^  d'infanterie  légère _,  de  prendre  position  au 
Santon. 

Au  quartier-général,  de  se  transporter  k  la  Batte. 

Dispositions  générales  pour  la  journée  du 
//  frimaire. 

Au  bivouac  ,  le  10  frimaire  ,  à  huit  heures 
du  soir. 

M.  le  maréchal  Soult  donnera  les  ordres  pour  que 
ses  trois  divisions  soient  placées  au-delà  du  ravin 
à  sept  heures  du  matin  ^  de  manière  à  être  prêtes  à 
commencer  la  manoeuvre  de  la  journée,  qui  doit 
être  une  marche  en  avant  par  échelons ,  l'aile  droite 
en  avant.  M.  le  maréchal  Soult  sera  de  sa  personne 
à  sept  heures  et  demie  du  matin  près  de  l'empereur 
à  son  bivouac. 

S.  A.  le  prince  Murât  donnera  des  ordres  à  la  ca- 
valerie du  général  Kellermann,  à  celles  des  géné- 
raux W^alther,  Beaumonl,  Nansoutyet  d'Haupoult, 
pour  que  les  divisions  soient  placées  à  sept  heures  du 


DES    ÉVÉIVEMEJNS    MILITAIRES.  285. 

m?itln_,  entre  la  gauche  du  maréchal  Soult  et  la  droile 
du  maréciial  Lannes^  de  manière  à  occuper  le  moins 
d'espace  possible,  et  pour  qu'au  moment  où  le  ma- 
réciial Soult  se  mettra  en  marche,  toute  cette  cava- 
lerie, aux  ordres  du  maréchal  prince  Murât,  passe 
le  ruisseau  et  se  trouve  placée  au  centre  de  l'armée. 

il  est  ordonné  au  général  Cafrarelli  de  se  porter  à 
cinq  heures  du  matin  avec  sa  division,  pour  se  placer  à 
la  droite  du  général  Suchet ,  après  avoir  passé  le  ruis- 
seau. Comme  la  division  Suchet  se  placera  sur  deux 
lignes,  la  division  Caffarelli  se  placera  aussi  sur  deux 
lignes,  chaque  brigade  formant  une  ligne;  et  dès  lors 
remplacement  qu'occupe  en  ce  moment  la  division 
Suchet,  sera  suffisant  pour  les  d-^ux  divisions. 

Le  maréchal  Lannes  observera  que  les  divisions 
Suchet  et  Caffarelli  doivent  toujours  rester  derrière 
le  coteau  ,  de  manière  à  n'être  pas  aperçues  de  l'en- 
nemi. 

Le  maréchal  Bernadotte,  avec  ses  deux  divisions 
d'infanterie,  se  portera  à  sept  heures  du  matin  sur  la 
même  position  qu'occupe  aujourd'hui  lo  la  division 
Caffarelli,  hormis  que  sa  gauche  sera  à  hauteur 
derrière  le  Santon,  et  y  restera  en  colonne  par 
régiment. 

Le  maréchal  Lannes  ordonnera  à  la  division  de 
grenadiers  de  se  placer  en  !)atail]e  en  avant  de  sa 
position  actuelle,    la  gauche  derrière  la   droile  du 


'2Si  PRÉCIS 

général  CafFarelli.  Le  général  Oudinot  fera  connaître 

le  débouché  où  il  devra  passer  le  ruisseau,  lequel 

débouché  sera  le  même  par  où  aura  passé  le  maréchal 

Soult. 

Le  maréchal  Davoust,  avec  la  division  Friant  et 
la  division  de  dragons  du  général  Bourcier ,  partira 
à  cinq  heures  du  malin  de  l'abbaye  de  Draighen, 
pour  gagner  la  droite  du  maréchal  Soult.  Le  maré- 
chal Davoust  disposera  de  la  division  Gudin ,  lors- 
qu  elle  arrivera. 

A  sept  heures  et  demie,  MM.  les  maréchaux  se 
trouveront  près  de  l'empereur  à  son  bivouac,  pour, 
selon  les  mouvemens  qu'aura  faits  l'ennemi  pendant 
la  nuit,  recevoir  de  nouv^eaux  ordres. 

La  cavalerie  du  maréchal  Bernadette,  en  consé- 
quence des  dispositions  ci- dessus,  est  mise  aux  or- 
dres du  prince  Murât ,  qui  lui  fera  indiquer  l'heure 
où  elle  devra  partir  pour  être  en  position  à  sept 
heures.  M.  le  prince  Murât  disposera  également  de 
la  cavalerie  légère  de  M.  le  maréchal  Lannes. 

Toutes  les  troupes  resteront  dans  les  positions  in- 
diquées ci-dessus  jusqu'à  nouvel  ordre. 

Comme  la  cavalerie  du  prince  Murât  doit,  dans 
sa  première  position,  occuper  le  moins  d'espace  pos- 
sible ,  il  la  mettra  en  colonne. 

Le  maréchal  Davoust  trouvera  un  escadron  et  demi 
du  21^  de  dragons  à  l'abbaye,  qu'il  enverra  au  bivouac. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  285 

Chacun  de  MM.  les  maréchaux  donnera  les  ordres 
qui  le  concernent,  en  conséquences  des  présentes  dis- 
positions. 

ORDRES. 

Le  12  ,  à  huit  heures  du  matin. 

Au  prince  Murât,  de  poursuivre  l'ennemi. 

A  la  division  des  grenadiers,  de  prendre  position  à 
Rausnitz. 

Au  maréchal  Lannes,  de  suivre  le  mouvement  de 
la  cavalerie  avec  le  reste  de  son  corps. 

Au  maréchal  Bernadotte,  de  poursuivre  l'ennemi 
sur  la  route  à'Austerlitz  à  Godlng. 

Au  maréchal  Soult  et  au  maréchal  Davoust,  de 
poursuivre  l'ennemi. 

Même  ordre  aux  généraux  Klein  et  Bourcier. 

A  M.  le  maréchal  Soult. 

Ausierlitz,  le  12  frimaire,  à  dix  heures 
du  soir. 

Vos  troupes,  monsieur  le  maréchal,  ont  été  à 
f^ischau,  de  Vischau  à  Froznits^  et  aucun  parti 
de  l'ennemi  ne  s'est  retiré  par  là;  il  paraît,  au  con- 
traire, que  l'ennemi  s'est  retiré  à^Austerlitz  par 
Urschatz  à  six  heures  du  soir.  Le  maréchal  Ber- 
nadette se  fusillait  avec  lui.  L'ennemi  était  en  po- 
sition, et  présentait  douze  à  quinze  mille  hommes. 


286  PRÉCIS 

Le  maréchal  Bernadotte  annonce  qu'en  arrière  de 
Tennemi,  et  sur  sa  droite  à  lui ,  on  se  fusillait.  L'em- 
pereur suppose  que  c'est  le  général  Schiner;  mais 
qu'il  n'est  j^as  assez  fort  avec  cinq  bataillons.  ï)Z/r- 
schatz ,  l'ennemi  peut  prendre  la  route  de  Hrodisch 
ou  celle  de  Gocling.  L'intention  de  sa  majesté  est 
que  vous  vous  mettiez  en  marche  à  la  pointe  du  jour, 
et  que  vous  vous  dirigiez  avec  une  bonne  colonne  de 
vos  troupes^  les  plus  fraîches  et  les  plus  en  état  d'agir, 
sur  Urschatz  et  Goding ,  afin  de  tomber  sur  l'en- 
nemi,  telle  roule  qu'il  prenne.  L'empereur,  de  sa 
per  onne,  va  se  mettre  aux  trousses  de  l'ennemi. 
Son  opinion,  monsieur  le  maréchal ^  est  qu'à  la 
guerre,  il  n'y  a  rien  de  fait  tant  qu'il  reste  encore 
à  faire  :  une  victoire  n'est  pas  complète  toutes  les 
fois  qu'on  peut  faire  mieux. 

Ecrivez  à  M.  le  maréchal  Davoust  qu'il  fasse  le 
même  mouvement  que  vous,  et  qu'il  donne  succes- 
sivement des  ordres  aux  généraux  Bourcier  et  Klein 
qui  sont  sur  sa  droite. 

Laissez  sur  le  cliamp  de  bataille  d'hier  le  monde 
nécessaire  pour  ramasser  nos  blessés,  garder  l'ar- 
tillerie prise  à  l'ennemi,  ramasser  tous  les  prison- 
niers épars  dans  les  marais  et  dans  les  villages  qu'il 
faut  faire  fouiller. 

Dans  la  situation  où  nous  nous  trouvons,  il  n'y  a 
qu'une  disposition  et  qu'un  ordre  général  :  Faire  le 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  287 

jolus  de  mal  possible  à  l'ennemi ,  et  rendre  la  vic- 
toire profitable. 

A  M.  le  maréchal  Ney. 

J'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  ,  monsieur  le  ma- 
réchal, que  d'après  la  nouvelle  que  j'ai  reçue  de  la 
descente  à  Naples  et  dans  la  Fouille  de  l'armée  an- 
glo-russe^ j'ai  ordonné  les  mouveraens  suivans  aux 
troupes  françaises  qui  se  trouvent  en  Italie  : 

1°.  Le  67*  régiment  d'infanterie  de  ligne,  un  ba- 
taillon suisse  et  la  cavalerie  hanovrienne^  qui  étaient 
dans  la  27^  division  militaire^  se  rendent  à  Modène; 
je  les  remplace  par  environ  deux  mille  hommes^  en 
un  régiment  de  milices  des  états  de  Parme. 

2°.  Dans  le  cas  où  la  légion  corse  serait  à  Mantoue, 
je  la  dirige  sur  Bologne ,  et  je  la  remplace  par  deux 
bataillons  de  gardes  nationales;  je  forme,  de  plus^  un 
bataillon  de  canonniers  du  Mincio,  qui  se  réunit  à 
Mantoue,  d'après  la  demande  du  général  Miollis. 

3".  J'augmente  la  garnison  de  Legnago  et  de  Pes' 
chiera  d'un  bataillon  de  gardes  nationales ,  parce  que 
mon  intention  serait,  au  besoin,  d'en  tirer  au  moins 
le  tiers  de  troupes  de  ligne  qui  y  sont  en  garnison. 

4°.  Les  troupes  qui  sont  en  Toscane  et  à  Ancône, 
manœuvreront  suivant  la  marche  de  l'armée  en- 
nemie. 

5°.  J'écris  au  général  Saint-Cyr,  qui  a  complète- 


a88  PRÉCIS 

ment  battu  et  détruit  le  corps  du  prince  de  Roîian, 
de  laisser  un  petit  corps  d'observation  sur  J^enise, 
et  de  se  rendre  à  Bologne  le  plus  tôt  possible,  et 
avec  le  plus  de  trouj^es  dont  il  pourra  disposer. 

J'ai  rendu  compte  de  ces  dispositions  à  M.  le  ma- 
réchal Masséna. 

Le  résultat  de  mes  dispositions  sera  d'avoir  à  Bo- 
logne et  Modem  nn  camp  de  réserve  composé  d'en- 
viron vingt  à  vingt-cinq  mille  hommes  de  garJes 
nationales ,  dont  dix  mille  hommes  pris  dans  les 
milices  des  états  de  Parme. 

Je  vous  observée  que  d'après  le  premier  avis  des 
mouvemens  de  l'armée  anglo-russe,  j'avais  pris  sur 
moi  d'inviter  M.  le  conseiller-d'état  Moreau  Saint- 
Mery,  administrateur  des  états  de  Parme,  de  réunir 
douze  mille  hommes  de  milices  en  quatre  régimens, 
dont  un  se  rend  dans  la  27^  division  militaire. 

Il  y  aura  de  plus  un  camp  de  réserve,  ou  en  fai- 
sant partie,  dix-sept  à  dix-huit  mille  hommes  de 
troupes  de  ligne  françaises  et  italiennes,  parce  que 
"je  compte  sur  le  renfort  que  le  général  Saint -Cyr 
doit  amener  avec  lui. 

Je  fais  verser  sur  Modène  deux  cent  mille  rations 
de  biscuits  qui  étaient  en  réserve  à  Pizzighetonne. 

Je  tire  de  Mantoue,,  pour  être  versées  sur  Bologne, 
deux  cent  mille  rations  de  biscuits,  mais  qui  seront 
remplacées  de  suite  par  l'équivalent  en  blé. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  ^89 

Je  fais  prendre  à  Mantoue  six  mille  fusils,  et  à 
peu  près  le  même  nombre  à  Plaisance ,  nécessaires 
l'un  et  l'autre  pour  armer  les  bataillons  levés  dans 
les  départemens  et  les  milices  des  états  de  Parme. 

J'espère  avoir  en  ligne  trente  pièces  d'artillerie, 
dont  douze  seront  servies  par  l'artillerie  à  cheval. 

J'ai  formé  les  magasins  nécessaires  à  cette  armée, 
el  je  suis  déjà  certain  de  l'argent  suffisant  pour  en- 
viron un  mois. 

Enfin  j'espère  n'avoir  rien  oublié  de  ce  qui  aura 
pu  être  utile  au  service  de  sa  majesté,  et  je  serai 
Jbien  flatté  que  ces  mesures  aient  votre  approbation. 

Recevez  ,  monsieur  le  maréchal,  les  assurances  de 
mes  sentimens  distingués. 

Milau  ,  le  37  novembre  i8o5- 

Le  prince  Eugène. 

L£ttre  de  M.  ^lquier  ,  ambassadeur  de  France 
à  N^aples,  au  général  P^ekdier. 

Rome  ,  le  i3  frimaire  aa  xiv. 

MoNsiEUE  le  général,  j'ai  l'honneur  de  vous  écrire 
de  Rome,  où  je  me  suis  retiré  après  un  événement 
dont  il  importe  que  vous  soyez  promptement  informé. 

Vous  avez  su,  monsieur  le  général,  qu'il  existait 
depuis  le  mois  d'octobre  dernier  une  convention  de 
neutralité  entre  la  France  et  la  cour  de  Naples.  Cette 
14.  19 


290  PRECIS 

puissance,  après  s'être  permis  plusieurs  violations 
manifestes  de  ce  traité,  a  mis  le  comble  à  ses  ou- 
trages et  à  ses  perfidies,  en  recevant  mardi  dernier, 
28  brumaire  (1  9  novembre),  dans  le  port  de  la  capi- 
tale plusieurs  vaisseaux  de  guerre  anglais  et  russes, 
et  quatre-vingt-dix  transports  chargés  de  troupes. 

Le  3o  ,  les  regimens  anglais  et  russes  ont  été  dé- 
barqués; le  même  jour,  j'ai  demandé  un  passeport, 
et  je  suis  sorti  de  Naples  ,  amenant  avec  moi  la  léga- 
tion entière  et  tous  les  fonctionnaires  publics  fran- 
çais. Je  suis  à  Rome  depuis  une  beure,  et  je  ne 
perds  pas  un  moment  pour  vous  donner  les  rensei- 
gnemens  que  j'ai  recueillis  sur  la  force  et  les  projets 
de  l'ennemi. 

Le  nombre  effectif  des  Russes  partis  de  Cor  fou  et 
arrivés  à  Naples,  est  de  treize  mille  six  cents  hommes. 
Les  détails  qui  peuvent  faire  connaître  les  divisions 
partielles  de  ces  forces  se  trouvent  dans  le  tableau 
que  je  joins  à  ma  lettre. 

Cinq  mille  six  cents  Anglais  ont  débarqué  à  Cas- 
tellainare,  à  quinze  milles  de  la  ville,  en  même  temps 
que  les  Russes.  Le  roi  s'est  engagé  à  joindre  qua- 
rante mille  hommes;  toutes  les  troupes  ont,  depuis 
quelques  jours,  l'ordre  de  se  rendre  dans  les  Abruzzes, 
et  plusieurs  régimens  sont  déjà  arrivés  à  cette  desti- 
nation. On  recrute  avec  la  plus  grande  activité  dans 
tout  le  royaume,  pour  compléter  le  contingent;  les 


DES    EVENJîMENS    MILITAIRES.  SQL 

masses  composées  de  paysans  sont  en  mouvement  : 
toute  l'artillerie  napolitaine^,  qu'on  a  prodigieusement 
augmentée  depuis  un  an,  se  porte  aussi  dans  les 
Abruzzes. 

On  m'assure  que  Juiit  mille  hommes  de  cavalerie 
autrichienne,  venant  de  T ries  te ,  avaient  débarqué 
h.  Manfredonia. 

Quelque  extiaord inaire  que  me  paraisse  cette  nou- 
velle depuis  les  revers  qu'ont  éprouvés  les  armées  de 
l'empereur  d'Autriche  en  Allemagne  et  en  Italie,  je 
suis  fondé  à  y  ajouter  foi,  d'après  l'exactitude  tou- 
jours constante  des  autres  renseignemens  que  j'ai 
dans  différentes  occasions  puisés  à  la  même  source. 
D'après  la  précipitation  qu'il  m'a  fallu  mettre  dans 
mon  départ  de  Naples,  je  n'ai  pu  vériiier  ce  fait  en 
envoyant  à  Manfredonia  ;  mais  j'ai  l'honneur  de 
vous  répéter  que  je  le  crois  d'autant  plus  exact,  que 
le  projet  de  celte  opération  m'était  connu  depuis  plus 
de  trois  mois. 

J'ai  su  par  la  même  voie,  monsieur  le  général, 
qu'un  corps  de  dix  mille  hommes  russes  d'infanterie 
avait  débarqué  à  Tarente, 

On  m'a  également  informé  que  d'après  le  plan  con- 
certé entre  les  puissances  alliées,  l'amiral  NeLon 
devait  débarquer  très-prochainement  dix-huit  mille 
hommes  sur  le  point  d'Italie  (de  la  côte)  qui  paraîtra 
le  plus  convenable ,  pour  que  ce  corps  puisse  agir  de 


2Q2  PRECIS 

concert  avec  ceux  qui,  ariivés  à  Naples^  vont  se 
rendre  par  terre  à  leur  destination.  Le  résultat  en- 
core inconnu  à  Rome  et  à  Naples  du  combat  qui  a 
eu  lieu  entre  les  flottes  combinées ,  française  et  espa- 
gnole, et  celle  de  l'amiral  Nelson,  fera  très -bien 
juger  quelle  importance  il  faudra  donner  à  cette 
partie  du  plan  général  de  l'ennemi. 

Il  paraît  certain  (et  je  dois  au  moins  le  croire 
d'après  les  informations  que  j'ai  prises)  que  le  projet 
de  l'ennemi  est  aujourd'hui  de  se  rendre  en  Tos- 
cane pour  se  porter  sur  les  derrières  de  notre  armée 
dltalie. 

Il  est  vraisemblable  que  l'armée  combinée,  russe, 
anglaise  et  napolitaine,  passera  par  les  Abruzzes  ; 
les  troupes  débarquées  à  Naples  ont  dii  se  mettre  en 
marche  aujourd'hui  i5  frimaire  (4  décembre). 

Cette  réunion  de  forces  sera  sous  l'ordre  du  gé- 
néral russe  Lascy,  qui  est  à  Naples  depuis  plus  de  six 
mois  ,  et  qui  s'est  constamment  occupé  avec  le  géné- 
ral Hoppermann,  son  chef  d'état-major,  delà  topo- 
graphie militaire  du  pays.  Le  général  Andress,  qui 
dans  le  tableau  ci-joint  est  désigné  comme  comman- 
dant en  chef  les  troupes  de  Cor/ou,  ne  comman- 
dera qu'en  second,  sous  les  ordres  de  M.  Lascy. 

Il  m'a  paru  prouvé,  au  moment  de  mon  départ, 
que  dix-huit  cents  Anglais  resteraient  en  garnison 
H  Naples  ;  c'est  un  témoignage  de  satisfaction  et  de 


DES    EVÉNEMENS    MILITAILIES.  '2(JD 

complaisance  qu'on  est  convenu  d'accorder  à  M.  le 


ministre  d'Angleterre. 


J'aurais  expédié  de  Naples  pour  vous  transmettre 
les  renseignemens  que  je  viens  d'avoir  l'honneur  de 
vous  donner,  si  je  n'avais  pas  eu  la  certitude  que 
mon  courrier  serait  intercepté  avant  d'être  arrivé  à 
la  frontière. 

Recevez,  etc.  Alquier. 

Tableau  des  forces  russes  einharquées  sur  l'expé- 
dition qui  a  mise  à  la  voile  de  Corfou ,  le  5iZ 
octobre  ^8o5. 

Le  général  d'Andress,  commandant  en  chef. 

Bugutoff ,.  secrétaire-général. 

Banustieff,  général-major,  commandant  trois  ba- 
taillons, dont  un  de  grenadiers.,  li,  i  oo  hommes. 

Puchkin  ,  idein 2,  i  oo 

Maesiezz ,  idem 2, 1 00 

Gedduc,  idejn 2, 100 

Le  prince  W'^ialmouesk,  général 

des  chasseurs ]  ,200 

Slteter,  idein 1,200 

Deux  colonels  d'artillerie 800 

Papando,  général-major  des  Alba- 
nais    2,000 

Total i5,6oa 


2g4  PRÉCIS 

Au  prince  3'Turat. 

Aiisterlitz ,  le  i3  frimaire  an  Xiv,  à  six  beures^ 
du  matin. 

li'EivtPEREtJR  observe,  monsieur  le  maréchal,  que 
c'est  à  rous  à  garder  tous  les  débouchés  de  l'armée  ; 
que  c'est  lui  qui  est  arrivé  le  premier  à  AusterlUz^ 
et  qu'il  a  fait  reconnaître  toutes  les  routes  par  les- 
quelles l'ennemi  s'est  réellement  retiré. 

Vous  devez  envoyer  de  la  cavalerie  à  Butchowitz, 
au  général  Bertrand.  Vous  pouvez  faire  insulter,  par 
un  parti,  Obnûtz ,  afin  d'y  prendre  ce  qui  se  ren- 
contrera. 

Au  général  Dumas. 

Ausferlitz,  le  i3  frimaire  an  xiv. 

Le  général  Dumas  réunira  tous  les  hommes  isolés 
qui  se  trouvent  à  Austerlitz  ;  il  les  mettra  sous  les 
ordres  d'un  officier  d'état-major,  lequel  répondra  des 
prisonnier»,  jusqu'à  ce  qu'il  les  ait  remis  au  général 
Pannetier. 

Instructions  pour  le  général  Andréossy. 

Austerîitz,  le  i3  frimaire  an  xtv. 

L'empereur,  général,  vous  charge  spécialement 
des  dispositions  relatives  au  départ  des  prisonniers 
russes  de  Briinn  pour  France, 


DES    ^VÉNEMENS    MILITAIRES.  «Q^ 

Dispositions  générales  d'après  lesquelles  vous 
expédierez  tous  les  ordres. 

J'ai  donné  l'ordre  aa  général  Caffarelli  de  faire 
partir  sur-le-champ  un  régiment  commandé  par  un 
colonel ,  lequel  arrivera  ce  soir  à  Brlinn.  Ce  régi- 
ment partira  demain  de  Briinn  ;  le  i"  bataillon  à 
liuit  heures  du  matin  ,  et  €scoTtera  une  première 
colonne  de  prisonniers  russes^  que  vous  formerez  à 
raison  d'un  Français  pour  dix  Russes.  Vous  mettrez 
un  homme  à  cheval  pour  cent  hommes  ;  vous  mettrez 
avec  chaque  colonne  un  nombre  d'officiers  russes  qui , 
autant  que  possible ,  seront  choisis  parmi  ceux  qui 
parlent  français.  Le  chef  de  bataillon  aura  le  con- 
trôle des  prisonniers  de  sa  colonne,  dont  il  répond 
à  l'empereur.  Vous  ferez  prendre  du  pain  k  Briinn 
pour  deux  jours,  et  vous  écrirez  à  Vienne  pour  qu'on 
en  eiivoie  à  moitié  cliemin,  pour  le  nombre  d'hom- 
mes que  A  ous  aurez  dirigé. 

Le  2'"  bataillon  du  régiment  partira  après  demain 
matin  avec  une  colonne  formée  de  là  même  manière 
que  la  première. 

A  une  lieue  en  avant  de  Vienne ,  le  i^'  bataillon 
du  4*"  régiment  d'infanterie  légère  relèvera  l'escorte 
du  1"  bataillon  du  général  Caffarelli. 

Le  Si*=  bataillon  du  4^  d'infanterie  légère  relèvera 
de  même  le  lendemarin  le    i^'  du  même  régiment. 


ûg6  PRÉCIS 

Le  régiment  de  la  division  du  général  Caflareïli 
se  reposera  un  jour  à  Vienne^  et  retournera  re- 
joindre sa  division.  Les  deux  bataillons  du  4^  d'in- 
fanterie légère,  avec  le  colonel,  continueront  d'es- 
corter les  deux  colonnes  de  prisonniers  russes  jus- 
qu'à Strasbourg ,  où  ce  régiment  attendra  de  nou- 
veaux ordres  pour  son  retour  à  l'armée. 

Le  16,  le  bataillon  du  5^4*^  régiment,  qui  forn>e  la 
garnison  de  la  citadelle  ^'partira  avec  une  3^  colonne 
de  prisonniers  dans  le  même  ordre  que  les  deux  pre- 
miers ;  mais  si  le  i5*=  d'infanterie  légère  est  arrivé, 
on  prendra  de  préférence  son  i*"' bataillon.  Enfin , 
si  le  nombre  de  prisonniers  russes  permet  d'en  former 
une  4^  colonne,  elle  partira  le  17  avec  le  2*"  bataillon 
du  i5«  d'infanterie  légère. 

Dans  le  cas  que  ces  deux  bataillons  forment  l'es- 
corte des  deux  dernières  colonnes ,  ils  conduiront 
les  prisonniers  jusqu'à  Strashourg ,  où  ils  attendront 
de  nouveaux  ordres  pour  leur  retour  à  l'armée.  Si 
avec  les  mille  prisonniers  qui  partent  d'ici  aujour- 
d'ijui  pour  £?'d?în  j  le  général  And réossy  ne  compte 
pas  pouvoir  former  quatre  colonnes,  et  qu'il  n'en 
forme  que  trois,  il  ferait  marcher  de  préférence  le 
bataillon  du  54%  afin  de  conserver  le  1  5^  d'infanterie 
légère  entier;  mais  j'observe  au  général  Andréossy 
qu'il  ne  doit  point  sortir  de  la  proportion  d'un  Fran- 
çais pour  dix  Russes,  et  d'un  homme  de  cavalerie 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  'Ji^J 

pour  cent  hommes,  et  que  l'empereur  ne  voit  avec 
aucune  peine  que  le  l^''  et  le  i5^  d'infanterie  légère 
aillent  jusqu'à  Strashojirg. 

Les  colonels  marcheront  avec  leurs  deux  bataillons, 
et  iront  alternativement  au  i«'  et  au  i'' ,  pour  voir  si 
l'ordre  est  bien  maintenu,  et  s'il  n'y  a  point  de 
désertion.  Le  général  Andréossy  n'oubliera  pas  de 
mettre  un  homme  à  cheval  pour  cent  prisonniers. 
Quant  au  surplus  des  officiers  qu'il  n'aura  pas  jugé 
nécessaire  de  faire  marcher  avec  les  colonnes  de  sol- 
dais, il  leur  fera  former  une  colonne  séparée,  con- 
duite par  un  officier  d'état-major  et  une  petite  es- 
corte de  troupes  achevai;  ils  donneront  leur  parole 
de  ne  point  quitter  la  colonne  ,  et  passeront  par 
Zndirn,  Krems  et  Mautern.  Quant  aux  officiers- 
généraux  ,  ils  pourront  partir  dans  des  voitures , 
sur  leur  parole  d'honneur ,  et  voyager  en  poste  ;  mais 
ils  auront  dans  leur  voiture  un  officier  d'état-major 
ou  un  officier  de  gendarmerie  pour  leur  servir  de 
sauve-garde. 

Les  colonnes  de  prisonniers  marchant  à  un  jour 
de  distance,  suivront  la  route  de  Vienne  y  traverse- 
ront la  ville  :  il  faut  observer  que  la  dei'nière  journée 
de  Vienne  soit  courte,  afin  qu'ils  traversent  la  ville 
de  bonne  heure,  et  aller  à  l'étape  qui  est  au-delà. 

Le  général  Andréossy  écrira  de  ma  pari,  par  urv 
courrier,  au  maréchal  Mortier,  pour  lui  dire  que 


sgS  PRÉCIS 

l'intention  de  l'empereur  est  que  le  jour  où  les  co- 
lonnes de  prisonniers  arriveront  à  T^ienne ,  il  envoie 
deux  bataillons  en  avant  jusqu'à  Nicolshourg  à  leur 
rencontre^  et  qu'il  fasse  bien  éclairer  les  bois  de  la 
Marc)]. 

Le  jour  où  les  colonnes  de  prisonniers  traver- 
seront Vienne,  les  troupes  seront  sous  les  armes, 
et  on  en  fera  une  espèce  de  fête,  sans  que,  sous 
aucun  prétexte,  les  colonnes  de  prisonniers  russes 
puissent  arrêter  un  seul  instant  dans  les  faubourgs 
ni  dans  la  ville  de  Vienne.  Le  général  Andréossy 
n'oubliera  pas  de  prévenir  le  marécbal  Mortier  de 
l'heure  où  les  bataillon^i  du  4*^  d'infanterie  légère 
devront  se  trouver  à  une  lieue  des  faubourgs  de 
Vienne,  du  côté  àc  Briimi,  pour  prendre  l'escorte 
ôes  deux  premières  colonnes. 

L'objet  important  est  de  donner  de  bonnes  in- 
structions aux  colonels  qui  répondent  des  prisonniers 
à  l'empereur,  de  bien  assurer  les  subsistances,  et 
eniin,  que  les  colonnes  de  prisonniers  ne  marchent 
jamais  de  nuit.  Au  surplus,  je  ne  puis  que  m'en 
rapporter  au  général  Andréossy  pour  prévoir  tout 
ce  que  j'aurai  pu  oublier  dans  la  présente  lettre. 
L'empereur  ne  renverra  aucun  officier  russe  sur 
parole  j  il  faut  qu'ils  aillent  tous  en  France. 

Vous  trouverez  ici  une  proclamation  de  l'empe- 
reur à  l'armée;  faites-ia   imprimer  sur-le-champ, 


DES  ÉVÉNf.ME^'S    MILITAIRES.  299 

sur  beau  papier,  et  de  manière  à  ce  qu'elle  tienne 
clans  une  seule  page.  Vous  la  ferez  clislri!)ner  à  tous 
les  corps  de  l'armée  en  grand  nombre  d'exemplaires. 
Je  vous  ferai  connaître  quand  vous  devez  quitter 
Brûnn.  Nous  somme»  toujours  à  Austerliiz. 

Au  général  Gudinot,  et  aux  maréchaux  T^annes 

et  BEBNAnOTTE. 

Austtrlitz,  le  \f\  frimaire  an  :?iv. 

Il  est  ordonné  au  général  Oudinol  de  se  rendre  à 
Lr'ùnn  avec  sa  divit-ion,  pour  prendre  les  canton- 
nemens  dans  cette  place  et  dans  les  environs. 

Il  est  ordonné  au  maréchal  Lanue;  de  faire  can- 
tonner les  divisions  Siichet  et  Caffarelli;  Tune  à  TVis- 
chau,  l'autre  à  Frosnitz.  Ces  divisions  se  garderont 
militairement. 

M.  le  marécbal  Bernadotte  conservera  encore  ses 
cantonnemens,  ayant  une  bonne  avant- garde  en 
avant  de  lui. 

Au  prince  Murât. 

Austerlitz ,  le  i5  frimaire  en  xiv,  à  deux  heures 
du  matin. 

L'intention  de  l'empereur,  mon  prince,  est  que 
V(,;us  commenciez  aujourd'hui  votre  mouvement  sur 
liriinn.  Vous  ferez  marcher  la  grosse  cavalerie,  sa 
majesté  ne  voulant  laisser  qu'un  régiment  de  cava- 


ÔOO  PTIÉGIS 

ierie  légère  à  Tf^ischau.  Demain  1 6 ,  toute  la  cavalerie 
se  mettra  en  marche  sur  Vienne.  Vous  pourrez  di- 
j  riger  une  division  de  cavalerie  ^arAusterlitz,  Menitz 
et  JVîcols bourg.  En  ti-aversant  le  champ  de  bataille, 
elle  visitera  les  villages,  et  ramassera  les  prisonniers 
qu'elle  y  trouvera, 

^ux  généraux  Oudinot,  Dumas  ;  aux  mare- 
chaux  SouLT,  Lannes  ,  Davoust. 

Austerlitz,  le  i5  frimaire  an  xiv,  à  deux  heures 
du  matin. 

D'après  les  ordres  de  l'empereur,  le  général  Ou- 
dinot  se  mettra,  dès  ce  matin,  en  marche  sur  Vienne 
avec  la  division  de  grenadiers  qu'il  commande. 

Le  général  Dumas  donnera  ordre  au  bataillon  de 
grenadiers  restés  à  Austerlitz  de  partir  ce  matin 
pour  suivre  le  mouvement  de  la  division  qui  reçoit 
l'ordre  de  se  mettre  aujourd'hui  en  marche  sur 
Vienne. 

Il  est  ordonné  à  M.  le  maréchal  Soult  de  faire  au- 
jourd'hui une  grande  marche  sur  Vienne,  où  sa  pré- 
sence pourrait  être  nécessaire. 

Il  est  ordonné  à  M.  le  maréchal  Lannes  de  mettre 
en  marche  aujourd'hui  les  divisions  Suchet  et  CafFa- 
relli,  et  de  les  diriger  sur  Briinn. 

Il  e.-;t  ordonné  à  M.  le  maréchal  Davoust  de  suivra 


DES    ÉVÉNJiMENS    MILITAIRES.  3oi 

parallèlement  le  mouvement  de  l'armée  russe ,  afin 
d'être  toujours  entre  elle  et  Païenne.  M.  le  maréchal 
Davoust  me  fera  connaître  journellement  la  position 
de  son  corps  d'armée. 

^u  maréchal  Lannes. 

Austerlitz  ,  le  16  frimaire  an  xiv. 

L'intention  de  l'empereur,  monsieur  le  maréchal, 
est  que  vous  placiez  un  régiment  ou  une  brigade  de 
votre  armée  à  Austerlitz,  Vous  occuperez  Prosnitz. 
Le  maréchal  Murât  a  l'ordre  de  vous  rendre  toute 
la  cavalerie  légère  de  votre  armée. 

Aussitôt  que  vous  aurez  désigné  les  cantonnemens 
de  votre  corps  d'armée,  prenez  toutes  les  mesures 
nécessaires  pour  que  votre  cavalerie  s'arrange,  réu- 
nisse à  ses  dépôts  ses  traînards  ;  arrangez  également 
toute  votre  infanterie  et  votre  artillerie,  afin  que 
nous  soyons  prêts  le  plus  tôt  possible,  dans  le  cas  où 
les  hostilités  devraient  recommencer.  Les  troupes  que 
vous  avez  à  Prosnitz  ne  peuvent  pas  passer  la  petite 
rivière  de  Treze-Bosen,  ligne  de  démarcation  tracée 
par  l'armistice  pour  le  cours  de  Moravie. 

jiu  maréchal  Bernadotte. 

Austerlitz,  le  16  frimaire  an  xiv. 
L'empereur  vous  autorise ,  monsieur  le  maréchal, 
commencer  votre  mouvement  pour  vous  porter 


3o2  PRÉCIS 

sur  Iglau.  Avant  votre  arrivée  dans  cet  endroit , 
vous  recevrez  des  instructions  sur  les  cantonnemens 
que  vous  devez  occuper  pendant  l'armistice. 

Au  général  Marmont. 

Briinn  ,  le  i6  frimaire  an  xiv. 
Vous  avez  du  recevoir,  général ,  l'armistice  qui 
a  été  conclu  le  1 5  entre  les  deux  empereurs  de  Fram:e 
et  d'Autriche.  Par  ce  traité ,  vous  devez  occuper  jus- 
qu'à la  paix  définitive  la  Carinthie,  la  Styrie^  etc. 
Ainsi,  vous  devez  retourner  à  Qratz ,  et  y  cantonner 
votre  armée  de  la  manière  qui  sera  la  plus  avanta- 
geuse pour  vivre.  Si  vous  n'aviez  pas  reçu  des  nou- 
velles de  la  victoire  avant  d'arriver  à  NeustacH, 
vous  devez  retourner  à  Gratz. 

Au  maréchal  Davoust. 

Briinn  ,  le  16  frimaire  an  xiv. 

J'ai  reçu ,  monsieur  le  maréchal ,  la  dépêche  par 
laquelle  vous  m'envoyez  le  duplicata  de  la  relation 
de  votre  combat.  J'ai  également  reçu  les  quatre  dra- 
peaux russes  que  M.  de  Monthion  a  apportés. 

Vous  avez  dû  recevoir  l'armistice  que  j'ai  conclu 
le  1 5  au  nom  de  l'empereur.  Vous  y  aurez  vu  que 
nos  troupes  ne  doivent  point  approcher  au-delà  d'un 
rayon  de  cinq  lieues  de  la  rive  droite  de  la  March, 
prenant   Goding  pour  centre;  et  on  ne  doit  per- 


DES    ÉVENEMEJYS    MILITAIRES.  3o3 

mettre  à  aucun  Français  d'aller  dans  ce  demi-cercle, 
soit  pour  fourrager  ou  autrement.  Comme  l'empereur 
d'Allemagne  doit  résider  pendant  les  négociations  ù 
Holitsct,  qui  est  à  la  rive  gauche  de  la  March , 
près  Goding,  l'empereur  a  trouvé  convenable  qu'au- 
cun Finançais  ne  pût  approcher  de  cinq  ou  six  lieues 
de  ce  point  sur  la  rive  droite  de  la  March.  Si  vous 
avez  des  cantonnemens  plus  près^  vous  devez  les 
reployer. 

Au  maréchal  Lan  nés. 

Rt  iuin  ,  le  17  irimaiie  an  xiv. 

D'après  les  dispositions  ordonnées  par  sa  majesté  ;, 
M.  le  maréchal  Lannes  aura  le  commandement  des 
cercles  de  Briinn,  de  Zndhn,  et  de  la  partie  du  cercle 
àiOlinûtz ,  qui  est  dans  la  ligne  de  démarcation  du 
traité  d'armistice  jusqu'à  la  rivière  de  Trezbouska, 
et  du  cercle  à! Haradisch  jusqu'à  la  rive  droite  de 
la  March  _,  ainsi  que  la  partie  du  cercle  de  Pre- 
rauerkreis ,  située  entre  la  rive  droite  de  la  March 
et  la  rivière  de  Trezbouska. 

M.  le  maréchal  Lannes  tiendra  un  régiment  à 
Prosnitzi,  un  autre  à  Kremsir,  un  troisième  à  Ha- 
radisch  y  et  un  quatrième  à  Czeitsch.  Ces  régimens 
tiendront  des  postes  tout  le  long  de  la  ligne  de  dé- 
marcation; celui  de  Czeitsch  tiendra  des  postes  tout 
le  long  du  ruisseau  qui,  de  Czeitsch ,  passe  kKoistel 


3o4  PRÉCIS 

jusqu'à  la  Taya_,  et  ensuite  le  long  de  la  rive  droite 
de  la  Taya  jusqu'à  son  embouchure  dans  la  March. 

M.  le  maréchal  Lannes  tiendra  à  HaradUch  un 
régiment  d'infanterie ,  un  autre  à  Prosnitz  :  tout  le 
reste  de  son  corps  d'armée  sera  cantonné  à  Briinn 
et  à  Zjidim. 

M.  le  maréchal  Lannes  portera  le  plus  grand  soin 
à  ce  que  la  citadelle  de  Briinn  soit  toujours  dans 
le  meilleur  état  de  défense,  et  bien  approvisionnée. 

M.  le  maréchal  Lannes  est  prévenu  que  l'empe- 
reur d'Allemagne  réside  en  sa  terre  à  Holitsch ,  et 
qu'aucun  poste  français  ni  aucun  Français  ne  doit 
approcher  à  plus  de  six  lieues  de  cette  résidence ,  à 
la  rive  droite  de  la  Taya. 

u4u  prince  Murât. 

Briion,  le  17  frimaire  an  xiv. 

L'empereur  ordonne  à  S.  A.  le  prince  Murât  de 
cantonner  toute  sa  cavalerie  légère  le  long  de  la  rive 
droite  de  la  March,  depuis  l'embouchure  de  la  Taya 
jusqu'au  Danube. 

M.  le  maréchal  Murât  cantonnera  les  divisions  de 
dragons  ;  savoir  :  celle  du  général  Bourcier,  à  la  rive 
gauche  du  Danube  ;  celle  du  général  Klein ,  à  la  rive 
droite ,  dans  la  Basse-Autriche.  Les  deux  divisions 
de  cuirassiers  seront  cantonnées  non  loin  de  Vienne, 


DES    EVÉNEMENS    MILITA lllES.  5o5 

dans  les  lieux  que  le  prince  jugera  les  plus  conve- 
nables. 

M  le  prince  Murât  donnera  Tordre  qne  tous  les 
<lragons  à  pied  rejoignent  leurs  régimens,  ain.si  que 
tous  les  grands  et  petits  dépôts ,  soit  des  dragons,  soit 
^es  cuirassiers,  qui  sont  restés  en  arrière,  afin  que  , 
dans  le  moindre  délai,  tous  les  régimens  de  troupes 
à  cbeval  puissent  être  rétablis  et  en  état  de  faire  Ig, 
guerre. 

Au  inaréchat  Bernadotte. 

Briinn  ,  le  17  fiiinaire  an  xiv, 
D'apjiÈs  les  ordres  de  l'empereur,  M.  le  marécbal 
BernadoUe  aura  le  commandement  du  cercle  à'Iglau 
dans  la  Moravie,  et  du  cercle  de  Tabor,  dit  Circulus 
Bechinensis,  dans  la  Bohême;  il  tiendra  des  postes 
de  cavalerie  sur  toute  la  ligue  de  démarcation,  et  il 
désignera  les  cantonnemens  qu'il  jugera  les  plus  con- 
venables pour  son  infanterie  ;  il  prendra  toutes  les 
mesures  nécessaires  jDour  que  sa  cavalerie  soit  mise, 
dans  le  plus  bref  délai ,  en  état  de  faire  la  guerre. 
Les  deux  cercles  désignés  ci -dessus  fourniront  les 
vivres,  les  fourrages,  et  tout  ce  qui  est  nécessaire  à 
l'entretien  des  trou^^s  de  M.  le  maréchal  Bernadolte. 
S'il  a  laissé  des  hommes  de  cavalerie  en  arrière,  il 
doit  les  réunir.  M.  le  maréchal  Bernadotte  voudra 
bien  aa^^vfaijr^  connaître  le  plus,  tôt  possible  le  lieu 

ï4-  20 


3o6  P  R  É  C  J  s 

OLi  il  aura  établi  son  quartier-général.  Il  est  prévenu 

que  le  cercle  de  Zndim  et  le  cercle  de  Briinn  sont 

destinés  au  corps  d'armée  de  M.  le  maréchal  Lannes. 

J'ordonne  au  prince  Murât  de   vous  rendre   votre 

cavalerie. 

Au  maréchal  Soult. 

1 

D'après  les  ordres  de  l'empereur,  monsieur  le 
maréchal,  votive  corps  d'armée  se  rendra  à  Kienne, 
c'est-â-dire  une  division  sera  cantonnée  sur  la  y'ixç: 
gauche  du  Danube,  wn^i  autre  dans  la  province  qui 
est  à  la  rive  di'oite,  et  enfin  une  division  dans  f^ienne. 
Toute  votre  cavalerie  légère  tiendra  poste  snr  les 
frontières  de  l'Autriche  et  de  la  Hongrie,  à  la  rive 
droite  clu  Danube.  Vous  ferez  réunir  tous  les  grands 
et  petits  dépôts  de  vos  régi  mens  de  cavalerie  légère 
qui  pourraient  être  restés  en  arrière ,  et  vous  vous 
occuperez  de  faire  mettre  ces  corps  dans  le  meilleur 
état  possible  pour  faire  la  guerre. 

Au  maréchal  Masséna. 

Brûnn  ,  le  17  frimaire  an  xtv. 
Vous  avez  du  recevoir,  monsieur  le  maréchal ,  la 
copie  de  l'armistice  conclue  entre  les  empereurs  de 
France  et  d'Autriche.  L'empereur  et  roi  ordonne  que 


"ES    ÉYÉISEMENS    MILITAFRES.  Soy 

Tarmée  d'Italie  prenne  ses  cantonnemens,  pendant 
l'armistice,  dans  la  Carniole,  Hstrie  et  le  comté  de 
Goritz,  provinces  qu'elle  doit  entièrement  occ(îper. 
Je  vous  prie  ,  monsieur  le  maréchal,  de  me  faire 
connaître  le  plus  promptement  possible  le  lieu  où  vous 
aurez  établi  votre  quaitier-général ,  et  les  canton- 
nemens  que  vous  aurez  assignés  aux  difïérens  corps 
de  votre  armée. 

Le  corps  du  général  Marmont  occupe  la  Styrie, 
^t  le  corps  de  M.  le  maréchal  Ney  occupe  la  Cal 
Hnthie. 

^u  maréclial  Bjernadotte. 

Briinn,  le  1 8  frimaire  an  xir. 

L EMPEREUR,  monsieur  le  maréchal,  désire  que 
3^s  troupes  françaises  à  vos  ordres  ne  s'éloignent  pas 
trop  d'ici  jusqu'à  ce  qu'on  ait  àe,  idées  claires  et 
précises  sur  le  départ  des  Russes,  dont  cependant  on 
n'a  aucun  motif  de  douter. 

En  conséquence,  vous  pouvez  faire  filer  toute 
l'infanterie  des  troupes  bavaroises  jusqu'à  7^/.,«  et 
cantonner  votre  infanterie  française  à  peu  près  dlns 
la  position  où  vous  recevrez  cet  ordre. 


3o8  piiEcis 

Au  maréchal  Masséna. 

Briinn,  le  18  frimaire  an  xiv. 
ORDRE. 

L'empereur  et  roi,  monsieur  le  maréchal,  or- 
donne que  voiKs  formiez  un  corps  d'armée  composé 
ainbi  qu'il  suit  : 

Trois  divisions  d'infanterie  formant  au  moins  vingt- 
quatre  mille  hommes  ; 

Quatre  régimens  de  chasseurs  à  cheval; 

Quatre  régimens  de  dragons; 

Quatre  régimens  de  cuirassiers  ; 

Et  trente  à  quarante  pièces  d'artillerie  attelées  et 
bien  approvisionnées. 

Les  officiers -généraux,  l'état-major ,  les  officiers 
d'artillerie  et  du  génie  nécessaires. 

Ce  corps  d'armée,  qui  sera  commandé  en  personne 
par  vous,  monsieur  le  maréchal ,  n'aura  plus  la  dési- 
gnation alarmée  d'Italie,  mais  prendra  celle  du  8"  corps 
de  la  Grande- Armée.  Vous  voudrez  bien  en  consé- 
quence correspondre  avec  moi  comme  major-général. 
L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  ordonne 
qu'avec  le  8^  corps  de  la  Grande-Armée,  composé 
ainsi  qu'il  est  dit  ci- dessus,  vous  vous  rendiez  à 
I^ayhach,  et  que  vous  preniez  le  commandement  de 
la  Carnioîe,  de  l'Istrie  et  du  comté  de  Goritz.  L'in- 
tention de  sa  majesté  eot  que  vous  vous  mettiez  sur- 


T)ES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  5o9 

3e-champ  en  correspondance  avec  le  général  Mar- 
mont  qui  commande  la  Styrie ,  et  avec  M.  le  maré- 
chal Ney  qui  commande  la  Carintliie. 

f /empereur  ordonne  au  général  Saint -Cyr  de 
prendre  le  commandement  de  tout  ce  qui  composail 
son  armée  de  Naples  ;  et  indépendamment  des  trois 
régimens  d'infanterie  qu'il  avait,  vous  ferez  les  dis- 
positions et  donnerez  les  ordres  nécessaires  pour 
augmenter  son  corps  d'armée  d'une  division  entière 
d'infanterie  française _,  d'un  ou  de  deux  légimens  de 
chasseurs;  enfin  vous  lui  composerez  un  corps  d'ar- 
mée qui  passe  trente  mille  hommes  ,  dont  plus  de 
moitié  5oit  Français,  et  le  reste  de  Polonais,  Suisses 
ou  Italiens. 

Vous  composerez  son  artillerie,  son  état-major  et 
ses  administrations  dans  la  propoj  tion  de  la  force 
d'un  corps  d'armée  de  trente  mille  hommes  au  moins. 
Vous  m'enverrez  un  état  de  la  composition  et  de  la 
situation  de  ce  corps  d'armée,  et  vous  en  enverrez 
un  double  au  vice-roi. 

Le  général  Saint- Cyr  réunira  les  garnisons  de 
Livourne,  où  il  ne  laissera  personne;  les  garnisons 
à'Ancône,  où  il  laissera  seulement  u\\  bataillon  ita- 
lien pour  défendre  le  fort,  et  vous  aurez  attention 
de  donner  au  générai  Saint-Cyr  le  plus  d'artillerie 
qu  il  vous  sera  possible. 

Le   général  Saint-Cyr,  aveo  son  corps  d'armée 


Sjo  précis 

ainsi  composé^  se  mettra  sur-le-champ  en  marcIie- 
pour  la  frontière  de  Naples,  et  garantir  les  états  du; 
Saint-Père.  Son  premier  soin  sera  donu  de  prendre 
position  dans  ces  états,  tant  pour  les  garantir  que 
pour  couvrir  le  royaume  d'Italie. 

Un  autre  corps  sera  composé  d'une  division  d'in- 
fanterie, d'une  réserve  de  garde  italienne,  et  au 
besoin,  du  camp  volant  d'Alexandrie;  enfin  de  la 
petite  réserve  formée  à  Milan  ,  et  de  deux  régi  mens 
de  cavalerie  française.  Ce  corps  sera  directement  aux 
ordres  du  piince  Eugène,  qui  le  réunira  à  Pacloue 
pour  contenir  la  garnison  de  f^enise  ;  l'intention  de 
l'empereur  étant  que  le  vice-roi  d'Italie  ait  exclu- 
sivement le  commandement  de  tout  le  pays  vénitien 
et  de  toutes  les  troupes  qui  sont  dans  le  royaume 
d'Italie,  après  que  le  8*"  coi*ps  de  la  Grande -Armée 
que  vous  commandez  ,  et  celui  des  trente  mille  hom- 
mes du  général  Saint-Cyr,  seront  formés. 

Comme  général  en  chef  de  l'armée  d'Italie,  donnez 
tous  vos  ordres  pour  l'exécution  des  dispositions  ci- 
dessus  ;  et  après  que  vous  les  aurez  fait  exécuter , 
vous  ne  vous  considérerez  plus  que  comme  comman- 
dant le  8*^  corps  de  la  Grande-Armée,  et  commandant 
de  la  Carniole,  de  l'Istne  et  du  comté  de  Goritz. 
Envoyez-moi  le  plus  tôt  que  vous  pourrez  la  situation 
militaire  de  toutes  les  troupes  en  Italie,  d'après  les 
dispositions  ci-dessus. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  5ll 

Au  général  Sajnt-Cyr, 

Brùnn,  le  18  frimaire  an  xiv. 

L'empereue  ,  général,  vous  nomme  général  en 
chef,  et  vous  donne  le  commandement  da  corps 
d'armée  de  Naples  pour  marcher  contie  les  Anglo- 
Russes.  M.  le  maréchal  Masséna  a  ordre  de  vous  for- 
mer, le  plus  promptement  possible,  un  corps  de 
trente  mille  hommes.  Ce  corps  sera  composé  de  tout 
ce  qui  était  sous  votre  commandement  à  votre  pre- 
mière armée  de  Naples;  et  indépendamment  des 
trois  régimens  d'infanterie  française  que  vous  aviez 
alors,  M.  le  maréchal  Masséna  a  l'ordre  de  vous  for- 
mer une  bonne  division  d'infanterie  française,  et 
de  deux  régitnens  de  chasseurs  à  cheval;  enha,  de 
porter  votre  corps  à  au  moins  trente  mille  hommes, 
dont  plus  de  moitié  seront  Français  ,  et  le  reste  Po- 
lonais,  Suisses  ou  Italiens.  M.  le  maréchal  Masséna 
vous  dauneia  le  plus  d'artillerie  qu'il  sera  possible , 
et  extraira  de  son  armée  les  officiers  d'état- major , 
les  généraux  et  les  administrations  qui  vous  seront 
nécessaires.  L'intention  de  l'empereur  est  que  vous 
réunissiez  les  garnisons  de  Livourne ,  où  vous  ne 
devez  laisser  personne;  celles  diAncône,  où  vous 
laisserez  seulement  na  bataillon  italien  ponr  défen- 
dre le  fort.  L'empeieur,  monsieur  le  général  Saint- 
Cyr,    ordonne  qu'avec   votre    corps   d'armée   ainsi 


5  II  PI'.  ECÎS 

composé,  vous  \ous  meltiez  snr-le-cliamp  en  mar- 
che pour  la  fronlière  du  royaume  de  Naples.  Votre 
premier  soin  sera  donc  de  prendre  position  dans  les 
états  du  Saint-Père,  tant  pour  les  garantir  que  pour 
couvrir  le  royaume  d'Italie.  Le  débarquement  des 
Anglo-Russes  vous  fera  assez  sentir  combien  il  est 
pressant  que  vous  commenciez  voire  mouvement. 
Envoyez-moi  le  plus  tôt  possible  lelat  de  la  compo- 
sition et  de  la  situation  de  votre  corps  d'armée. 

Je  dois  vous  prévenir  que  M.  le  maréchal  Masséna, 
avec  environ  quarante  mille  hommes,  forme  le  8'^ 
corps  de  la  Grande-.\rmée j  qu'il  aura  son  quartier- 
général  à  Laybach. 

Le  piince  Eugène  commande  exclusivement  dans 
le  pays  vénitien  et  le  royaume  d'Italie  les  troupes 
françaises  et  italiennes  qui  ne  font  partie  ni  du  corps 
du  maréchal  Masséna,  ni  du  vôtre. 

La  position  de  l'ennemi  nécessite  que  vous  corres- 
pondiez fréquemment  avec  moi  par  Zr/j^acA^  Gratz 
et  T'içnne. 

Au  maréchal  Al'GEREau. 

Biunn,  le  19  frimaire  iin  xiv. 

L'empereur  ordonne  que  le  maréchal  Augereau 

parle  sur-le-champ  avec  son  corps  d'armée  pour 

se  diriger  par  Heydenheini ,  Aalen ,   Ilailhron  et 

JDarmstadt  sur  Mayence,  où  il  est  convenable  qu'il 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  5l5 

arrive  le  plus  tôt  possible,  afin  d'aller  an  secours  de 
la  Hollande,  si  les  circonstances  l'exigeaient.  Sa  pré- 
.sence  n'étant  plus  nécessaire  en  Allemagne,  il  ne 
saurait  arriver  trop  tôt  à  Mayence  :  il  vivra  dans  le 
pays  de  Darnistadt^  en  donnant  des  bons  que  l'on 
payera  dans  la  suite. 

M.  le  maréclial  Augereau  me  fera  connaître  le 
jour  de  son  départ,  l'itinéraire  de  sa  marche,  et  le 
jour  de  son  arrivée  à  Mayencë. 

u4u  prince  Louis j,  connétable  de  l'empire. 

Briinn  ,  le  19  frimaire  an  xir. 

L'EMPEPa:uR  et  roi  ordonne  que  S.  A.  1.  le  prince 
Louis  fasse  partir  sur-le-champ  è^ Anvers  le  général 
Collaud  avec  ses  deux  divisionT,  pour  se  rendre  à 
Amsterdam,  où  elles  seront  soldées  et  nourries  aux 
dépens  de  la  république  halave.  S.  A.  donnera  éga- 
lement l'ordre  au  10"  de  chasseurs  qui  est  à  Clèves 
de  se  rendre  à  Amsterdam ,  où  ce  régiment  fera 
partie  du  corps  du  général  Collaud.  L'empereur  fait 
connaître  à  S.  A.  que  le  maréchal  Augereau,  qui  est 
à  Uhn,  a  l'ordre  de  partir  sur-le-champ  avec  tout 
son  coi'ps  d'armée  pour  se  rendre  a  graiîdes  marcîics 
à  Mayence ,  et  que,  vu  ce  mouvement .  il  est  inutile 
que  S.  A.  se  serve  des  corps  d'avant- garde,  formés 
des  réserves  des  maréchaux  Lefebvre  et  K.elleimann, 


3  I  4  P  R  ii  C  î  s 

A    s.    Exe.    M.    SCHIMMEJLPENNINCK,    grcUld- 

pensionnaire  d'état,  à  La  Haye. 

Briinn  ,  le  19  frimaire  an  xiv. 

J'ai  l'Iionneur  de  prévenir  votre  excellence  que  ie 
général  Collaucl  se  rend  à  Amsterdcun  avec  un  corps 
d'environ  vingt  mille  hommes,  et  que  l'empereur 
demande  que  ce  corps  de  troupes  soit  nourri  et  soldé 
par  la  république  batave. 

Je  préviens  également  votre  excellence  que  M.  le 
maréchal  Augereau  ,  avec  son  corps  d'armée,  se  rend 
à  marches  forcées  à'Ulm  à  Mayence ,  avec  l'ordre 
de  se  porter  en  Hollande ,  si  cela  devient  nécessaire  ; 
et  dans  le  cas  où  les  Anglais  elTectueraient  une  des- 
cente, votre  excellence  est  autorisée  à  envoyer  un 
courrier  au  maréchal  Augereau  pour  presser  sa 
marche. 

Si,  après  le  bruit  de  la  nouvelle  de  la  bataille 
à'yéustei'litz,  vous  voyez  que  les  dispositions  de  l'en- 
nemi continuent,  vous  ferez  préparer  à  Amsterdam- 
un.  palais  pour  l'empereur,  qui  ne  tarderait  pas  d'y 
arriver  au  moment  où  on  l'y  attendrait  le  moins. 

A  S.  A.  le  prijice  Eugène  ,  vice-roi  d'Italie. 

Briinn  ,  le  19  frimaire  au  xiv. 
L'empereur  prévient  le  prince  Eugène  que  dans 
ié  cas  où  les  Russes  et  les  Napolitains  marcheraient^, 


DES    ÉVÉWEMENS    MIIJTAIRPS.  5  [5 

sa  majesté  se  porterait  elle-même  en  Italie  an  mo- 
ment où  elle  y  serait  le  moins  attendue.  En  consé- 
quence, elle  demande  que  votre  altesse  fasse  préparer 
son  logement,  des  écuries  et  des  chevaux  ,  afin  qu'elle 
puisse  s'en  servir  à  son  arrivée,  s'il  y  avait  lieu. 

Au  maréchal  MassÉna. 

Briiun  ,  le  a3  frimaire  an  xtv. 

L'empereur  reçoit,  monsieur  le  maréchal,  votre 
lettre  du  20.  Votre  aide-de-camp  Solignac  m'a  éga- 
lement remis  celle  dont  vous  Taviez  chargé  pour  moi. 
Vous  devez  avoir  reçu  en  ce  moment  les  ordres  de 
sa  majesté,  qui  vous  ont  été  portés  par  M.  de  Tulley- 
rand  Périgord ,  relativement  à  la  formation  du  corps 
de  la  Grande -Armée,  à  l'armée  de  Naples,  et  au 
commandement  militaire  du  prince  Eugène.  Comme 
vous  le  savez,  JVl.  le  maréchal  Ne}'^  doit  se  rendre  à 
KlagenfurLh.  L'intention  de  l'empereur  est  qu'en 
prenant  vos  cantonnemens,  vous  appuyiez  votre  corps 
d'armée  plutôt  du  côté  de  Gratz  que  de  tout  autre 
côté,  afin  de  pouvoir  vous  porter  dans  le  moindre 
temps- possible  sur  f^ienne. ,  s'il  y  avait  lieu. 

C'est  sur  le  Danube  que  la  guerre  est  désormais 
fixée^  monsieur  le  maréchal;  carie  prince  Charles, 
avec  toute  son  armée,  est  de  ce  côté-ci  ;  et  l'intention 
de  sa  majesté  est,  au  premier  signal,  de  réunir  votre 
armée  à  elle. 


5l6  PRECIS 

Vos  dépôts ,  trois  compagnies  d'artillerie ,  un  bon 
commandant,  suffiront  à  Palma-Nova,  qu'il  faut 
bien  approvisionner,  et  cela  sans  perdre  un  seul 
mometit.  Il  ne  faut  pas  s'endormir  sur  l'armistice: 
la  guerre  n'est  pas  finie  ;  mais  reposez  vos  troupes , 
et  pourvoyez  à  tous  leurs  besoins;  car  d'un  moment 

l'aulre,  vous  recevrez  l'ordre  pour  combaltre. 
Correspondez  fréquemment  avec  moi,  et  adressez- 
moi  notamment  les  rapports  de  tous  vos  espions;  car 
il  est  bien  important  de  connaître  toutes  les  forces 
qui  se  trouvent  en  Croatie ,  et  tout  ce  qui  se  passe  du 
côté  de  l'ennemi.  Mettez  -  vous  en  correspondance 
avec  le  maréchal  Ney  et  le  général  Marmont.  Pres- 
crivez au  commandant  de  votre  artillerie  de  se  mettre 
en  correspondance  avec  le  général  Songis. 

Au  général  Marmont. 

Scliombriinii  ,  le  ^3  frimaire  an  xtv. 

L'empereur  ,  général ,  désire  que  votre  orres- 
pondance  avec  moi  soit  plus  détadlée  ;  que  voi-  me 
fassiez  connaître  le  rapport  d«  tous  vos  espions  car 
il  est  de  la  dernière  importance  que  je  sache  ce  :^\ 
se  passe  dans  le  pays  que  vous  occupez  ,  ainsi  que 
tout  ce  qu'on  peut  connaître  de  la  position  et  des 
mouvemens  de  l'ennemi.  Correspondez  avec  les  ma- 
réchaux Ney  et  Masséiia.  Tout  en  laissant  .reposer 


DES    ÉVENIMENS    MILITAIRES.  3i'J 

VOS  troupes  occupez -vous  de  les  mettre  promple- 
ment  en  campagne;  car,  de  vous  à  moi ,  il  est  pro- 
bable que  nous  reprendrons  incessamment  les  hos- 
tilités. 

u^u  maréchal  u4ucereau. 

Schoenbrùnn  ,  le  i'^  frimaire  an  xiv. 
L'empereur  ordonne ,  monsieur  le  maréchal , 
dans  le  cas  où  vous  ne  seriez  pas  parti  à'Ulm  à  la 
réception  de  cet  ordre,  que  vous  regardiez  comme 
nul  et  non  avenu  celui  que  vous  avez  reçu^  de  vous 
rendre  à  Mayence.  Si  au  contraire  vous  êtes  en  route, 
vous  arrêterez  votre  corps  d'armée  où  il  se  trouvera^ 
au  moment  où  vous  recevrez  cet  ordre.  Vous  canton- 
nerez vos  troupes  j  en  les  faisant  vivre  principale- 
ment chez  le  prince  de  Latour  et  Taxis,  et  chez  tous 
les  princes  autrichiens  de  Souabe ,  .en  ménageant , 
autant  que  possible,  les  états  de  "Wurtemberg  et  de 
Bavière,  parce  que  là  nous  sommes  obligés  de  rem- 
bourser tout  ce  que  nous  consommons. 

A  S.  A.  le  prince  Louis. 

SchoenbriÏDn  ,  le  24  frimaire  an  xiv. 

L'empereur  fait  connaître  à  son  altesse  qu'il  est 

mécontent  qu'elle  retienne  pour  l'armée  du  Nord  des 

hommes  et  des  chevaux  destinés  à  la  Grande-Armée; 

que  la  république  batave  doit  lui  fournir  l'artillerie. 


5 I 8  PRÉCIS 

les  chevaux^  et  tout  ce  dont  elle  aura  besoin.  L'avis 
de  sa  majesté  est  que  le  dange»'  est  loin  d'être  aussi 
pressant  que  ne  le  croit  son  altesse^  et  qu'enfin  elle 
ne  doit  rien  détourner  de  ce  qui  est  pour  la  Grande- 
Armée. 

^11  maréchal  Brune. 

SchoenbriinTi  ,  je  2  j  frimaire  an  xiy. 
L'empereur  ,  monsieur  le  maréchal,  ordonne  que 
vous  fassiez  partir  sur-le-champ  de  fort-  détachemens 
de  conscrits  des  dix  S"'"  bataillons  des  rcgiraens  de 
la  Grande-Armée^  qui  sont  sous  vos  ordres.  Le  bon 
nombre  de  conscrits  que  vous  nous  renverrez  sont 
nécessaires  pour  réparer  les  pertes  causées  par  la  ba- 
taille i)i  Austerlitz.  Ne  vous  laissez  pas  amuser  par 
les  bruits  de  paix  :  tout  n'est  pas  fini  encore  ;  l'empereur 
compte  pour  cet  objet  sur  votre  patriotisme,  votre 
zèle  et  sur  votre  dévoûment  à  sa  personne. 

Au  général  Makmont. 

Sclioenbriinn,  le  25  frimaire  an  xiv  (i6  décembre  i8o5). 

L'empereur  ,  général ,  me  charge  de  vous  deman- 
der où  est  le  dépôt  des  deux  cents  caissons  que  vous 
lui  avez  écrit  avoir  dans  votre  commandement. 

Sa  majesté  désire  que  vous  rédigiez  un  mémoire 
sur  la  citadelle  de  Gratz.  Combien  de  canons  fau- 
drait-il pour  l'armer?  Y  a-t-il  de  l'eau,  des  bàtimens? 


DJZS    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  Sig 

Combien  d'hommes  peut-elle  contenir?  Poiirrait-on 
y  loger  les  dépôts?  y  établir  des  fours,  des  maga- 
sins de  vivres,  un  arsenal  pour  les  munitions?  enfin 
des  emplacemens  pour  y  déposer  les  bagages  d'un 
corps  d'armée  de  trente  à  quarante  mille  hommes? 
combien  il  faudrait  d'hommes  pour  la  défendre? 

Si  la  citadelle  de  Gratz  peut  remplir  l'objet  dont 
je  viens  de  vous  parler,  vous  devez  la  faire  armer  et 
approvisionner  de  suite,  et  même  y  mettre  un  Iiôpi- 
tal.  L'opinion  de  l'empereur  "est  rpie  dans  le  genre  de 
guerre  cpie  nous  faisons,  les  hôpitaux  de  maladies 
graves  ne  peuvent  sans  inconvénient  être  placés  de 
manière  à  les  laisser  prendre  à  l'ennemi. 

Vous  vous  êtes  déjà  trouvé  dans  le  cas,  général, 
où  cette  citadelle  pouvait  être  utile;  comme  sagement 
vous  l'avez  fait,  en  vous  portant  sur  Païenne,  en 
manœuvrant  de  manière  à  ce  que  le  prince  Charles 
ne  put  s'y  trouver  avant  vous. 

Faites  connaître  si  la  citadelle  de  Gratz,  sous  les 
rapports  dont  il  est  question  ci-dessus,  peut,  dans 
dou^e  ou  quinze  jours  de  travail,  servir  à  garderies 
magasins  et  les  bagages  d'un  Xîorps  d'armée  de  trente 
à  quarante  mille  hommes,  j^endant  huit  à  dix  jours, 
étant  défendue  par  trois  ou  quatre  cents  hommes, 
temjDs  nécessaire  pour  que  l'armée  qui  agirait  pût' 
venir  prendre  la  position. 

L'empereur  désire  encore  que  vous  fassiez  recon^ 


520  PRÉCIS 

naître  et  prendre  tous  les  renseignemens  pour  avoir 
l'itinéraire  bien  exact  de  la  route  que  devrait  suivre 
une  armée  de  trente  à  quarante  mille  hommes,  pour 
se  rendre  de  Gratz  à  Pest.  Vous  devez  faire  con- 
naître l'étendue,  la  nature  de  la  route,  les  défilés, 
les  ravins,  enfin  la  position  que  pourrait  prendre 
l'armée. 

^u  maréchal  Datoust. 

Schoenbriinn  ,  le  26  frimaire  aa  xiv  (17  décembre). 
L'intention  de  l'empereur,  monsieur  le  maréchal; 
est  que  vous  vous  occupiez  de  faire  jeter  un  pont  sur 
le  Danube  ,  à  la  liauleur  de  Preshourg ,  et  que  vous 
fassiez  construire  deux  têtes  de  pont,  un  du  côté  de 
la  rive  droite,  l'autre  du  côté  de  la  rive  gauche  pour 
défendre  le  pont. 

Au  maréchal  Bernadotte. 

Schoenbriinn  ,  le  26  frimaire  an  xiv  (i3  décembre). 

Li'empereuk  me  charge,  monsieur  le  maréchal, 
de  vous  faire  connaître  que  vous  devez  voir,  par 
l'ordre  du  jour  ,  qu'une  trop  grande  sécurité  serait 
funeste  ;  que  son  intention  est  que  vous  teniez  en  pre- 
mière ligne  les  Bavarois  devant  le  prince  Ferdinand, 
et  que  vous  vous  placiez  de  manière  à  vous  porter 
rapidement  à  sa  droite,  et  à  cacher  vos  mouvemens 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  ^21 

à  rennemi.  Les  princes  Charles  et  Jean  sont  devant 
nous  ;  le  corps  du  générai  Meerfeld,  sur  la  gauclie  de  la 
Mardi;  le  prince  Jean^  depuis  la  rive  droite  du  Da- 
nube jusqu'aux  positions  vis-à-vis  JS'eustadt;  et  enfin 
le  prince  Charles,  depuis  la  position  vis-à-vis  Neus^- 
tadt  jusqu'aux  positions  vis-à-vis  Gratz.  Sa  majesté 
pense  que  tout  cela  peut  encore  former  une  armée 
de  soixante -dix  mille  hommes.  11  lui  paraît  donc 
convenable,  comme  elle  en  a  déjà  donné  l'ordre, 
que  les  troupes  françaises  do  votre  coips  d'armée 
soient  dans  le  cercle  à'Iglau,  et  à  portée  d'arriver 
en  quatre  ou  cinq  jours  sur  païenne,  et  en  deux 
jours  sur  Briinn ,  selon  les  circonstances.  Les  Ba- 
varois doivent  être  bientôt  en  force  pour  pouvoir, 
dans  un  cas  extraordinaire,  tenir  tête  au  prince  Fer- 
dinand, et  lui  disputer  le  terrain,  donner  le  temps 
nécessaire  pour  faire  entièrement  disparaître  le  prince 
Charles. 

y4u  maréchal  D  a  vous  t. 

Schoenbiûnn  ,  le  27  frimaire  an  xiv  (18  décembre). 

D'après  les  dernières  dispositions  que  vient  d'ar- 
rêter l'empereur,  monsieur  le  maréchal,  votre  com- 
mandement comprendra  Presbourg,  le  pays  compris 
entre  Preshourg  et  Marchech ,  tout  le  pays  de  la 
Basse- Autriche  sur  la  rive  droite  du  Danube  jusqu'à 
14.  ai 


522  PFxÉClS 

FticJtament ,  et  le  long  du  petit  ruisseau  qui  v 
passe  jusqua  Goczendorf,  et  jusqu'aux  limites  de  la 
Hongrie. 

L'intention  de  l'empereur  est  que  vous  mettiez  une 
division  d'infauterie  à  Presboiirg ,  et  une  autre  à  la 
rive  dioiîe  du  Danube,  le  long  de  la  Layta,  occu- 
pant la  partie  de  terrain  désignée  ci-dessus. 

Votre  cavalerie  légère  sera  en  grande  partie  le  long 
de  la  rivière  de  la  Layta.  Vous  ferez  construire  un  pont 
de  bateau  à  Frcshourg  avec  une  tète  de  pont  sur  les 
deux  rives.  Vous  vous  éludierez  à  bien  connaître  le 
pays  depuis  Pré'^Z'ow/'^  jiis([u'au  lac  sur  la  jive  droite 
du  Danube.  Vous  clîargerez  des  ingénieurs  d'en  lever 
toutes  les  positions. 

Arrangez  tout  cela,  en  le  combinant  autant  que 
vous  le  pourrez  avec  les  conditions  de  l'armistice. 

Quant  à  M.  le  maréchal  Soult,  il  a  ordre  de  tenir 
.sa  cavalerie  légère  depuis  Goe'zendorf  jusqu'à  JS^eus- 
ladt ;  mais  il  ne  mettra  aucune  troupe  d'infanterie 
dans  le  pays  entre  Frichcnnent ,  GoëzendorJ\  et  la 
frontière  de  Hongrie  juscpi'à  Preshourg,  qui  vous  est 
exclusivement  destiné. 

Je  pense  que  votre  quartier-général   sera  bientôt 
à  Hambourg.  La  division  d'infanterie  que  vons  met- 
trez le  long  de  la  Layta  doit  être  celle  qui  est  la  plus  . 
reposée  de  votre  armée. 


DES    EVJiNEMEJNS    MILITAIRES.  ^25 

^u  maréchal  Mortier. 

Schoenbiiinn,  Je  27  frimaire  an  xiv  (18  décembre). 
L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  m'ordonne 
de  vous  déiDécIier  un  officier  de  mon  élat-major  pour 
vous  faire  connaître  que  vous  devez  vous  rendre  à 
l'extrémité  de  votre  M^p^Q  à  Prosjiitz  pour  vous  in- 
former vous-même  de  ce  qu'il  peut  y  avoir  du  côté 
à'Olmutz;  de  m'en  envoyer  un  rapport  particulier, 
ainsi  qjie  de  toutce  qui  se  passe  à  Zwittau;  comme 
aussi  de  me  faire  connaître  ce  que  l'ennemi  fait,  et 
où  est  sa  cavalerie  légère.  Vous  devez,  monsieur  le 
maréchal,  voir,  par  Tordre  du  jour,  qu'une  trop 
grande  sécurité  pourrait  devenir  funeste,  et  que  l'ar- 
mée, tout  en  se  reposant,  doit  se  préparer  à  recom- 
mencer les  hostilités  au  premier  ordre. 

Au  général  Marmont. 

Schoenbriinn,  le  27  frimaire  an  xiv  (,S  décembre). 

Je  vous  préviens,  général,  que  je  viens  de  donner 
lordre  au  général  Dumonceau  de  partir  demain  de 
rienne  avec  sa  division  pour  se  rendre  à  Neustadt,  et 
rentrer  dans  le  corps  d'armée  que  vous  commandez. 

L'intention  de  l'empereur  est  que  vous  teniez  une 
division  à  Bruch,  de  manière  à  vous  porter  le  plus 
rapidement  possible  kJ^eustadt  au  secours  du  général 


524  PRÉCIS 

Dumonceao  qui  sy  trouvera^  et  dans  le  cas  où  il  y 
aurait  lien. 

Je  donne  l'ordre  à  M.  le  maréchal  Masséna  d'en- 
voyer une  division  de  dragons  à  Marhourg ,  et  une 
division  de  cuirassiers  à  ScilU.  L'inteiuion  de  l'em- 
pereur est  que  vous  preniez  les  mesures  nécessaires 
pour  leur  nourriture  ;  vous  en  préviendrez  le  maré- 
clial  M  asséna. 

Au  maréchal  Soult. 

Schoenbiunn ,  27  frimaire  an  xiv  (18  décembre^. 
Je  vous  préviens,  monsieur  le  maréchal,  que 
d'après  l'ordre  de  l'empereur,  M.  le  maréchal  Da- 
voust  occupe  Preshourg ,  le  pays  compris  entre  P/'es- 
hoiirg  et  MarcJiech,  tout  le  pays  de  la  Basse-Autriche, 
sur  la  rive  droite  du  Danube  jusqu'à  Frichament ,  et 
le  long  du  petit  ruisseau  qui  y  passe  jusqu'à  Goézan- 
dorf^  et  jusqu'aux  limites  de  la  Hongrie. 

Quant  à  vous,  monsieur  le  maréchal,  d'après  les 
dispositions  que  sa  majesté  a  arrêtées  ce  matin,  son 
intention  est  que  votre  cavalerie  légère  occupe  depuis 
Goëzendorf  ')i\-if\\xk  jSeusfadt,  sur  la  ligne  d'armis- 
tice, en  avant  toujours  des  vedettes  sur  l'extrême 
frontière  de  cette  ligne,  qui  est  la  frontière  de  la 
Basse-Autriche  et  de  la  Bohème. 

Le  général  Milhaud  a  l'ordre  d'occuper  la  rive 
droite  de  la  March. 


DES    EVÉiVEMENS    MILITAI  11  ES.  523 

Au  jnaréchal  Nu  y. 


î  Schoenbrûnn  ,  le  27  frimaire  an  xiv  (18  décembre). 

L'empereur,  monsieur  le  maréchal,  me  cliaige 
de  vous  faire  connaître  qu'il  serait  possible  que  vous 
devinssiez  nécessaire  sur  la  ligne  d'opérations;  qu'il 
attend  avec  impatience  votre  arrivée  à  Klagenflirt. 
Immédiatement  après  votre  arrivée,  vous  pousserez 
votre  plus  forte  division  avec  artillerie  et  cavalerie 
sur  les  limites  de  la  Carinthie,  le  plus  près  possible 
de  Léoben.  Les  princes  Charles  et  Jean  ayant  une 
armée  considérable  à  plusieurs  lieues  de  ^"ienjie,  il  est 
convenable  de  se  tenir  toujours  en  mesure.  Je  vous 
recommande  de  me  faire  connaître  le  jour  où  yous 
arriverez  à  Klagenflirt,  et  le  jour  où  votre  division 
sera  arrivée  à  Léoben. 

L'armistice  existe,  il  est  vrai;  mais  on  ne  doit 
jamais  s'y  fier  quand  on  est  dans  la  capitale  de  son 
ennemi. 


A  S.  A.  I.  le  prince  Louis,  connétable, 

Schoenbrûnn  ,  3o  frimaire  an  xiv  (21  décembre). 
L  EMPEREUR  me  charge  de  vous  faire  connaître  que 
vous  ne  devez  pas  avoir  de  gi-andes  inquiétudes  sur 
le  Nord. 


026  r  II  É  c  I  s 

Sa  majesté  ordonne  cjiie  vous  fassiez  retourner  h 
Paris  les  clétachemens  de  sa  garde  que  vous  avez  fait 
partir  pour  la  Hollande. 

L'empereur  peut  arriver  d'un  moment  à  l'autre; 
d'ailleurs  son  intention  est  que  sa  garde  ne  donne 
jamais  en  détail. 

Comme  je  l'ai  mandé  à  votre  altesse^  l'empereur 
s'est  arrangé  avec  la  Prusse  ;  ce  qui  change  beaucoup 
les  affaires  du  Nord. 

Sa  majesté  ordonne  que  vous  restiez  en  Hollande; 
que  vous  y  fassiez  bien  cantonner  votre  armée;  que 
vous  la  teniez  toujours  sur  un  pied  respectable.  La 
Hollande ,  mon  prince,  doit  fournir  la  solde  et  toutes 
les  dépenses  de  l'armée  du  Nord  ;  elle  doit  acheter  et 
fournir  tous  les  chevaux  d'artillerie  et  de  charrois;  et 
sous  ce  rapport,  votre  altesse  n'a  rien  à  tirer  de 
France,  l'armée  du  Nord  ne  devant  rien  coûter  h 
l'empereur. 

Sa  majesté  ordonne  que  vous  fassiez  diriger  sur 
Augshourg  tous  les  conscrits,  les  chevaux,  les  déla- 
chemens  qui  sont  destinés  à  la  Grande-Armée.  La 
paix  n'est  pas  faite. 

Au  maréchal  Lefeevre. 

Schoenbrunn  ,  le  3o  frimaii-e  an  xiv  (21  décembre}. 
J^Ài  mis  sous  les  yeux  de  l'empereur,  monsieur  le 
maréchal,   l'état  du   i5   frimaire  que  vous  m'avez 


DUS    ÉVÉNEMENS    MILITAI  11  IiS.  52  7 

adressé.  L'intentibn  de  sa  niajeslé  est  que  vous  diri- 
giez autant  d'hommes  qu'il  vous  sera  possible,  des- 
tinés ou  appailenans  auxdifférens  corps  de  la  Grande- 
Armée,  habillés  ou  non  habillé  ,  armés  ou  non  armés, 
sur  Augsbourg,  ayant  soin  de  bien  organiser  les  en- 
vois, désigner  un  oiîicier  pour  les  hommes  de  chaque 
corps ,  et  former  des  colonnes  de  trois  mille  hommes. 
Nous  ne  manquons  ici  ni  de  fusils  ni  d'habits.  Quant 
à  l'avant-garde  de  votre  réserve  composée  de  neuf 
bataillons,  l'empereur  approuve  que  vous  la  gardiez 
encore  quelque  temps  pour  la  défense  de  Mayence. 
Quoique  la  meilleure  intelligence  règne  entre  nous  et 
la  Prusse,  on  doit  encore  être  sur  ses  gardes  ;  il  n'y  a 
cependant  pas  de  doute  que  les  dispositions  du  côté 
de  la  Suède  ne  s'évanouissent  bientôt.  L'empereur 
me  charge  de  vous  renouveler  l'ordre  d'envoyer  à  la 
Grande-Armée  tout  les  détachemens  d'hommes,  de 
chevaux,  de  conscrits  qui  lui  appartiennent  :  on 
négocie,  à  la  vérité,  en  se  préparant  à  la  guerre,  car 
rien  n'est  fini.  Sa  majesté  me  charge  de  vous  faire 
connaître  que^  du  moment  que  vous  aurez  fait  partir 
le  dernier  homme  et  le  dernier  cheval  de  tout  ce  que 
vous  avez  de  la  Grande  -  Armée ,  vous  vous  mettiez 
vous-même  en  route  pour  J^ienne ,  où  l'empereur 
vous  destine  un  commandement  actif.  L'intention  de 
sa  majesté  est  cependant  que  vous  ne  partiez  que 
dans  le  cas  où,  comme  on  doit  le  supposer,  on  serait 


528  >       pp.  ter  s 

tranquille  sur  la  Hollande;  et  daus  ce  cas,  lempe- 
renr  vous  laisse  le  maître  de  laisser  l'avant-garde  de 
votre  réserve  à  Mayence ,  ou  de  la  diriger  sur  Aiigs- 
hourg.  Dans  le  cas  où  vous  partiriez  pour  tienne, 
votre  réserve  restera  sous  le  commandement  de  M.  le 
maréchal  Kellerraann ,  et  alors  ces  deux  réserves 
Vlqyï.  feront  plus  qu'une. 

Du  moment  que  vous  croirez  devoir  partir,  mon- 
sieur le  maréchal,  vous  vous  rendrez  d'abord  à 
^ugsbourg  pour  y  donner  les  ordres^  et  y  faire  \es 
dispositions  nécessaires  pour  l'habillenient  et  l'arme- 
ment des  conscrits,  en  raison  du  nombre  c|ue  vous  y 
aurez  dirigé.  Vous  attendrez  là  de  nouveaux  ordres 
sur  le  commandement  que  l'empereur  vous  destine. 
Vous  écrirez  au  maréchal  Kellermann  pour  Ini  faire 
connaître  le  jour  de  votre  départ,  et  l'état  de  la  ré- 
serve que  vous  lui  laisserez. 

^li  marécJùal   'Massîina. 
Schoenbrùnn  ,  le  i^»'  nlvose  an  xiv  (22  décembre}. 

L'intention  de  l'empereur,  monsieur  le  maré- 
chal, est  que  vous  portiez  votre  quartier -général  à 
Marhoiirg  ;  que  vous  arrangiez  vos  cantonnemens 
de  manière  à  appuyer  l'extrémité  de  votre  droite  à 
Layhach,  étendant  des  postes  tout  le  long  de  la  ligne 
de  démarcation,  et  que  de  votre  personne,  avec  deux 
dQ  Tes  divisions,  vous  puissiez^  au  premier  ordre. 


1>ES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRKS.  52g 

TOUS  porter  de  Marhourg  sur  Gratz.  L'empereur  vous 
donne  l'administration  des  cercles  de  Marbourg  et  de 
Scilli.  J'en  préviens  M.  le  général  Marmont.  Ces  cer- 
cles vous  sont  nécessaires  pour  y  établir  votre  quar- 
tier-général, et  faire  vivre  les  deux  divisions  que 
vous  devez  y  porter. 

J'ai  reçu,  monsieur  le  maréchal,  les  états  de  for- 
mation que  vous  m'avez  envoyés  de  voti'e  8^  corps 
d'armée,  de  l'armée  de  Naples,  et  de  celle  sous  les 
ordres  de  S.  A.  le  prince  Eugène  :  je  les  ai  mis  sous 
les  yeux  de  l'empereur.  Je  vous  y  répondrai  par  le 
général  Soîlignac. 

Au  prince  Eugène. 

Schoeubrijnn ,  le  i<^'"  nivôse,  à  minuit,  (22  dtcembre^. 

L'empereuPv  suppose,  mon  prince,  que  vous  avez 
avec  vous  deux  divisions  de  garde  nationale  italienne. 
L'intention  de  l'empereur  est  que  vous  en  conserviez 
une  pour  garder  f^eiiise,  et  que  vous  mettiez  l'autre 
aux  ordres  du  général  Saint-Cyr  pour  le  suivre  à 
I^aples. 

Votre  division  se  trouve  composée  de  quatre  régi- 
mens  de  ligne  français.  Vous  devez  faire  parcourir  les 
dépôts  de  ces  régimens  qui  doivent  avoir  reçu  beau- 
coup de  conscrits.  Activez  leur  armement  et  leur 
équipement  autant  que  cela  sera  possible. 

L'empereur  me  charge  de  faire  connaître  à  voire 


ODO  PRECJS 

altesse  qu'il  regarde  le  général  Parl*'^'*^'^  comme  un 
liomrae  médiocre;  mais  que  vous  avez  à  JlJantoue 
le  général  Miollis  que  vous  devez  appeler.  Votre 
altesse  peut  lui  donner  le  commandement  de  ses 
troupes  :  c'est  un  homme  de  soin  et  brave,  sur  lequel 
on  peut  se  reposer. 

L'empereur  a  réuni  à  Munich  toute  la  garde  ro3^ale  ; 
et  si  les  hostilités  venaient  à  reprendre,  sa  majesté 
la  ferait  passer  sur-le-champ  à  Milan  ;  accoutumée 
aux  manoeuvres  de  la  Grande- Armée,  cette  troupe 
se  battra  bien. 

Je  donne  l'ordre  au  général  Menou  d'envoyer  le 
5^  régiment  d'infanterie  légère  pour  être  aux  ordres 
de  votre  altesse,  et  de  lui  fournir  en  général  toutes 
les  troupes  formant  le  camp  d'Alexandrie,  et  qui 
seraient  disponibles. 

Le  maréchal  Masséna  reçoit  également  l'ordre  d'en- 
voyer le  25*'  régiment  de  cliasseurs  achevai  à  l'armée 
de  NapUs,  aux  ordres  du  général  Saint-Cyr,  et  d'en- 
voj^er  H  votre  altesse  le  5^  de  chasseurs  pour  être  à  ses 
ordres. 

Au  général  Marmont. 

Schoenbrûnn  ,  le  2  nivôse  an  xiv. 
J'ai  soumis  à  l'empereur  votre  dernière  lettre, 
général  ;  sa  majesté  a  été  fâchée  des  observations  que 
vous  faites,  et  me  charge  de  vous  dire  que  ses  ordres 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  55 1 

-doivent  être  ponctuellement  exécutés;  que  tout  ce 
que  vous  dites  serait  bon,  si  préalablement  vous  aviez 
envoyé  une  division  à  Bruch ,  parce  que  vous  ne 
connaissiez,  ni  les  projets  de  l'empereur,  ni  l'état  de 
la  question.  Sa  majesté  ne  confie  ses  plans  à  personne. 
Cantonnez  donc,  général,  nne  division  àe  Btuc/i  à 
ÏVeustaclt,  de  manière  que  la  tête  arrive  dans  un  jour^ 
la  queue  dans  deux  ou  trois ,  et  non  par  des  marcbes 
forcées;  car  lorsque  l'on  dit  que  des  troupes  doivent 
être  à  plusieurs  marcbes,  en  doit  entendre  des  mar- 
ches de  quatre  à  cinq  lieues,  de  manière  qu'à  la  der- 
nière journée  les  troupes  puissent  se  battre  et  ma- 
noeuA^rer. 

Sa  majesté  ordonne  que  tous  \e^  chevaux  que  vous 
lèverez  soient  donnés  aux  dragons  à  pied.  Vous  avez 
dû  voir,  général,  que  vous  devez  resserrer  vos  can- 
tonnemens;  que  le  maréchal  Masséna  a  l'administra- 
tion du  cercle  de  Marhourg  et  de  celui  de  ScilLl,  et 
le  maréchal  Ney  celui  ^ Heydenbourg . 

L'empereur  désire  savoir  combien  de  rations  de 
biscuits  peuvent  suivre  votre  armée,  en  cas  d'opéra- 
tion militaire. 

A  M.  P  ETiET,  in  tendant- gêné  rai. 

L'intention  de  l'empereur ,  monsieiu-  l'inlendant- 
général ,  est  que  vous  voyiez  les  agens  de  Bavière,  de 
Wurtemberg  et  de  Bade  ;  ils  savent  le  pays  qu'ils 


ÙJI  PRECIS 

doivent  avoir  ;  vous  leur  ferez  connaître  que  sa  ma- 
jesté n'accordera  Tévacuation  de  ces  pays  par  les 
troupes  et  leur  prise  de  possession,  que  lorsque  les 
contributions  seront  payées  ;  que  s'ils  veulent  se  char- 
ger de  les  payer,  il  est  probable  que  l'empereur  se 
résoudra  à  leur  faire  remettre  sur-le-champ  les  pays 
qui  doivent  leur  revenir.  Vous  pouvez  faire  en  con- 
séquence un  traité,  pour  le  payement  des  contribu- 
tions en  lettres  de  change  siu'  Faiis ,  payables  en 
trois  mois. 

^u  J7iaréchal  BrssiÈREs. 

Schoenbruiin  ,  le  6  uivose  an  xiv. 

L'intention  de  l'empereur  ,  monsieur  le  mai'é- 
chal,  est  que  l'artillerie  de  la  garde,  et  les  chasseurs 
à  pied  de  la  garde  ,  partent  demain  pour  se  rendre 
en  France. 

Quant  aux  grenadiers  à  cheval  et  à  pied  de  la  garde, 
ils  ne  partiront  qu'après  le  départ  de  l'empereur. 

^u  maréchal  Augereau. 

Sclioenbriinn  ,  le  6  nivôse  an  xiv. 

Sa  majesté  me  charge  de  vous  annoncer  que  la 
paix  est  signée  entre  lui  et  l'empereur  d'Autriche. 

L'empereur  ordonne  qu'aussitôt  après  la  réception 
de  cet  ordre ,  vous  continuiez  votre  route  pour  vous 
rendre  dans  le  pays  de  Darinstadt ,  ce  prince  s'élant 


DÈS    Ï^VÉNEMENS    MILîTAIKES.  555 

toujours  assez  mal  conduit  à  notre  égard.  Tout  doit 
cependant  se  faire  dans  le  pltis  grand  ordre,  et  l'in- 
tention de  l'empereur  est  que  vous  donniez  des  bons 
très  en  règle  de  ce  que  vous  prendrez. 

A'ote  autographe  envoyée  à  l'auteur  par  le  feu  gé- 
néral  R^pp,  sur  le  fait  d'arme  par  lequel  il  se 
signala  à  la  bataille  <:/'Austerlitz  ,  et  qui  a  fait  le 
sujet  de  l'un  des  plus  beaux  tableaux  de  V École 
française. 

Vers  une  heure  après  midi,  les  Russes  voyant  la 
bataille  encore  indécise  firent  un  dernier  effort  sur 
le  centre  où  était  placée  toute  la  garde  imjîériale  à  la 
tête  de  laquelle  était  Napoléon.  Toute  la  garde  impé- 
riale russe  ,  infanterie ,  cavalerie  et  artillerie  ^  se  dé- 
ploya, marcha  sur  le  pont  sans  que  Napoléon  pût 
apercevoir  son  mouvement^  étant  placé  de  manière 
à  ne  pouvoir  bien  observer.  Il  entendit  un  feu  de 
mousqueterie  ;  c'était  l'avant-garde  de  la  garde  impé- 
riale russe  qui  venait  d'enfoncer  la  brigade  française 
du  général  Schiner  ,  composée  du  ii^  léger  et  du  i^  de 
ligne;  un  officier  d'état-major  vint  lui  confirmer  le 
malheur  arrivé  à  ces  troupes.  Il  m'ordonna  de  me 
mettre  à  la  tête  des  Mameiucks,  de  deux  escadrons 
de  chasseurs  et  d'un  escadron  de  grenadiers  de  la 
garde  ^  pour  me  porter  en  avant.  Je  fis  mon  mouve- 
ment dans  un  clin  d'oeil  ;  je  partis  au  galop  et  à 


554  PRÉCIS 

demi-portée  de  canon ,  j'aperçus  le  désordre  de  nos 
troupes,  quelques  fuyards  me  confirmèrent  ce  qui 
s'était  passé ,  c'est-à-dire  que  la  cavalerie  russe  était 
au  milieu  de  nos  carres,  sabrant  nos  soldats.  Nous 
aperçûmes  derrière  le  champ  de  carnage  ,  la  réserve 
ennemie  composée  de  fortes  masses  d'infanterie,  et  de 
ca^  alerie  qui  arrivait.  Je  mis  mes  troupes  en  bataille, 
à  mi-portée  de  fusil  de  l'ennemi,  qui,  de  son  côté, 
quitta  notre  infanterie  sabrée  pour  se  ranger  en  ba- 
taille. Quatre  pièces  d'artillerie ,  soutenues  par  les 
troupes  rangées  en  bataille,  arrivèrent  au  galop  et 
furent  mises  en  batterie  devant  moi.  J'avais  à  ma 
gauche  le  brave  colonel  Morlan  ,  le  brave  générai 
Dallemagrie.  Jadre^iai  ces  propres  paroles  à  mes 
troupes  :  (c  Vous  voyez  ce  qui  -e  passe  là-bas  (  en  mon- 
(C  trant  notre  infanterie  enfoncée),  il  faut  sauver  nos 
ce  camarades  ;  ne  comptons  pas  nos  ennemis,  d)  Je 
cliargeai  de  suite  l'artillerie  russe  qui  fut  enlevée  ;  la 
cavalerie  de  la  garde  russe  nous  attendit  de  pied 
ferme  ;  nous  l'enfonçâmes ,  elle  fut  mise  en  déroute 
et  elle  se  sauva  en  désordre,  repassa,  ainsi  que  nous, 
sur  le  corps  de  nos  carrés  enfoncés.  Tous  ceux  qui 
n'étaient  pas  blessés  se  relevèrent  et  se  rallièrent.  Un 
escadron  de  grenadiers  à  cheval  vint  me  renforcer 
pendant  que  les  réserves  ennemies  arrivaient  au  se- 
cours de  la  garde  russe.  Je  ralliai  de  nouveau  mes 
U'oupes  au  moment  où  les  Russes  se  formaient  de 


DES   ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  555 

nouveau  en  bataille;  j'exécutai  une  nouvelle  diarge, 
et  nous  enfonçâmes  tout  ce  qui  se  trouvait  sur  noire 
passage ,  infanterie  et  cavalerie  ;  c/est  là  où  la  mêlée 
dura  cinq  minutes  ;  les  Russes  se  battirent  avec  une 
valeur  cligne  d'admiration,  mais  ne  purent  résister  au 
sang- froid  et  à  l'intrépidité  de  nos  soldats.  Nous  nous 
battîmes  constamment  corps  à  corps,  l'infanterie 
russe  n'osant  tirer  dans  la  mêlée.  Tout  à  coup  la  garde 
russe  plia  et  alla  chercber  un  refuge  dans  son  infan- 
terie qui  avait  déposé  ses  ha^TC-sacs  pour  mieux  .se 
battre.  Nous  enfonçâmes  tout  ;  le  carnage  devint 
terrible.  Le  brave  colonel  Morlan  fut  tué;  il  reçut 
une  boite  entière  de  mitraille  dans  le  ventre.  Le  gé- 
néral Dallemagne,  les  officiers  et  soldats  se  battirent 
avec  une  intrépidité  rare  ;  je  reçus  un  coup  de  pointe 
de  sabie  dans  la  tête,  qui  fit  tomber  mon  cbapeau 
sur  le  cliamp  de  bataille  ;  mon  cheval  reçut  cinq  bles- 
sures. La  défaite  de  la  garde  impériale  russe  eut  lieu 
en  présence  de  l'empereur  Alexandre  et  de  l'empe- 
reur d'Autriche ,  qui  étaient  sur  une  élévation  à  peu 
de  distance  du  champ  de  carnage.  Entr'autres  pri- 
sonniers y  il  y  eut  le  prince  Repnin ,  commandant  les 
chevaliers-gardes.  Ce  ne  fut  qu'après  ce  terrible  com- 
bat que  nous  apprîmes  par  les  prisonniers  ,  que  nous 
avions  eu  affaire  à  la  garde  russe.  Les  Mamelucks  se 
distinguèrent  par  leur  manière  de  sabrer. 

Je  fus  moi-même  ,  après  l'affaire,  rendre  compte 


3o6  PRÉCIS 

à  Napoléon  cle  ce  qui  venait  de  se  passer.  Moi^  mon 
cheval  couverts  cle  sang  ,  ma  blessure  à  la  tète  et  sans 
chapeau  ,  mon  sabre  moitié  cassé  et  teint  cle  sang , 
enfin  la  satisfaction  cju'éprouvait  l'empereur  d'une 
affaire  aussi  brillante  contre  la  garde  impériale  j'usse 
avec  si  peu  de  monde,  lui  donna  à  cet  instant  même 
l'heureuse  idée  d'ordonner  le  tableau  de  la  bataille 
à'Austerlitz ,  saisissant  ma  position  et  l'état  dans  les- 
c[uels  je  venais  lui  annoncer  la  victoire. 

La  satisfaction  cle  l'empereur  était  d'autant  plus 
grande,  c[u'un  officier  russe  d'état-major,  venu  en 
mission  à  son  quartier  général  la  veille  de  la  bataille, 
s'était  vanté  que  la  garde  impériale  russe  suffirait 
2x>ur  détruire  toute  l'armée  française. 


ORDRE  DE  BATAILLE 

De  r armée  française ^  a  la  bataille  <^'Austerlitz 
commandée  par  V empereur  Napoléon. 


Corps  d'arm.  Mare)  baux. 

Etat-major 
général..   Berthier.  .  . 


5^  aile  gau- 
che   Laknes  . 


4^  centre. .   Soult. 


Généraux  de  divisian. 

rAndréossi. 
I  Dumas. 

(Songis,  art. 
Lery,  génie. 

/  Compans. 

iSuchet. 

ICaffarelli. 


Saligny. 

Laribossière. 
I  Yandamrue. 
ISaint-Hilaire. 

Legrand. 


3«  droite. .  Davoust. 


!  Sorbier. 
Friant. 
Bourcier. 


P.  Berthier. 
I  Eblé  ,  art. 
i^e  réserve.  Bernadotte..  .<:  Drouet. 
I  Bivaud. 
[  Kellermann. 

De  grena- 
diers       Oudinot . 


Généraux  de  brigade. 

SansoD. 

Panetier. 

Pernetty. 

Foucher,  art. 

Claparède. 

Valhubert. 

Deraont. 

Debilly. 

Treillard. 

Milhaud. 

Schinner. 

Caudras. 

Ferrey. 

Waré. 

ïhiébanlt. 

Morand. 

Merle. 

Levassedr. 

Marg.-.ron. 

Daulîanne. 
Heudelet. 
Kister. 
Locbet. 

Werlé. 


B»t.   Esc. 


Id ,   garde 
impériale.  BessiÈres  , 


fEelliard. 
Réserve  de  iWalther. 

cavalerie.  Prince  Morat. <  Beaumont. 
I  DUautponl. 
(Nansouty. 


i/,, 


/Dupas. 
*  '  *  I  Laplanche,  m. 

{Dorsenne. 
Morland. 
Ordener. 

Sébastiani. 
Roget. 
Boyer. 
Defrance. 


18       8 


18       8 


}■• 


44 


Total 97     ;8 


aa 


558  PRÉCIS 

ORDRE  DE  BATAILLE 

De  r armée  austro^russe^  a  la  bataille  r/'Austerlitz, 
commandée  par  les  empereurs  François  et 
Alexandre. 


KuTUsow,  commandant  en  chef  l'infanterie. 

Le  prince  de  Lichtenstein  ,  commandant  en  chef  la 

cavalerie. 

Corps  d'arm.  Maréchaux,  Généraux  de  division.       Généraux  de  brigade.  Bat.    Esc. 

(  Warow.  J      ^ 
(  Saken.                    Depraradowitztoro.   j 


iDoctorow.  Meillerberg.  I 


/"Wimptea.  Giliiski 

"octorow.  Meiller 

inseron.  Meiller- 

rzebischewski.  Selukow. 


^       ,  _,  1  Lanseron.  Meiller  Zacomerloki.  l     -,>      ,, 

Gauche...  Buxhofbe:,-...<^p^.^^j^.^^^^^^.^^._  g^j^j^^^^.^  ^  5(>     44 


J  Przebischewski.  Seluh.o\v.  ( 

j  Kollowratli.  Strick.  l 

F  Kienmayer.  J 

V.  '  -n    r^  fYintzingerode.  j  „ 

Reserves..  Pr.CoNSTi.iTTi:rJ  r,  •        ^        ■  r"    ^7     ^8 

I  Prince  Repuiu.  j       ' 


Total 107   162 


S>î:S    EVENEMENS    militaires.  ^3() 

TRAITÉ   DE   PAIX 

Entre  S,  M.  l'empereur  des  Français  et  S.  M.  l'em- 
pereur d'Autriche, 

Sa  majesté  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche, 
et  sa  majesté  l'empereur  des  Français,  roi  d'Italie, 
également  animés  du  désir  de  mettre  fin  aux  cala- 
mités de  la  guerre,  ont  résolu  de  procéder,  sans  dé- 
lai ,  à  la  conclusion  d'un  traité  de  paix  définitif,  et 
ont,  en  conséquence,  nommé  pour  plénipotentiaires, 
savoir  : 

Sa  majesté  lempereur  d'Allemagne  et  d'Autriche, 
M.  le  prince  Jean  de  Lichtenstein ,  prince  du  saint 
empire  romain,  grand -croix  de  l'ordre  militaire  de 
Marie-Thérèse,  chambellan,  lieutenant-général  des 
armées  de  sadite  majesté  l'empereur  d'Allemagne  et 
d'Autriche,  et  propriétaire  d'un  régiment  de  hus- 
sards; et  M.  le  comte  Ignaz  de  Giulai,  commandeur 
de  l'ordre  militaire  de  Marie  -  Thérèse ,  chambellan 
de  sadite  majesté  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Au- 
triche, lieutenant-général  de  ses  armées,  et  proprié- 
taire d'un  régiment  d'infanterie  ; 

Et  sa  majesté  l'empereur  des  Français,  roi  d'Italie, 
M.  Charles- Maurice  Talleyrand-Périgord ,  grand- 
chambellan,  ministre  des  relations  extérieures  de 
sadite  majesté  l'empereur  des  Français  et  roi  d'Italie, 


34o  pr.  £cis 

grand  -  cordon  de  la  Légion- d'Honneur .  chevalier 

des  ordres  de  l'Aigle  rouge  et  noir  de  Prusse  ; 

Lesquels,  après  avoir  échangé  leurs  pleins  pou- 
voirs, sont  convenus  des  articles  suivans  : 

Art.  I".  Il  y  aura ,  à  compter  de  ce  jour,  paix  et 
amitié  entre  sa  majesté  l'empereur  d'Allemagne  et 
d'Autriche,  et  sa  majesté  l'empereur  des  Français, 
roi  d'Italie,  leurs  héritiers  et  successeurs,  leurs  états 
et  sujets  respectifs,  à  perpétuité. 

2.  La  France  continuera  de  posséder,  en  toute 
propriété  et  souveraineté,  les  duchés,  principautés, 
seigneuries  et  territoires  au-delà  des  Alpes,  qui 
étaient,  antérieurement  au  présent  traité ,  réunis  et 
incorporés  à  l'empire  français,  ou  régis  par  les  lois 
et  les  administrations  françaises. 

5.  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche, 
pour  lui,  ses  héritiers  et  successeurs,  reconnaît  les 
dispositions  faites  par  S.  M.  l'empereur  des  Français, 
roi  d'Italie,  relativement  aux  principautés  de  Luc- 
ques  et  de  Piombino. 

4.  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche 
renonce,  tant  pour  lui  que  pour  ses  héritiers  et  suc- 
cesseurs, à  la  partie  des  états  de  la  république  de 
Venise  à  lui  cédée  par  les  traités  de  Campo-Formio 
et  de  Lunéville,  laquelle  sera  réunie  à  perpétuité  au 
royaume  d'Italie. 

5.  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche 


DES    ÉVENEMENS    MILITAIRES.  54  I 

reconnaît  S.  M.  l'empereur  des  Français  comme  roi 
d'Italie.  Mais  il  est  convenu  que ,  conformément  à  la 
déclaration  faite  par  S.  M.  l'empereur  des  Français , 
au  moment  où  il  a  pris  la  couronne  d'Italie,  aussitôt 
que  les  puissances  nommées  dans  cette  déclaration 
auront  rempli  les  conditions  qui  s'y  trouvent  expri- 
mées, les  couronnes  de  France  et  d'Italie  seront  sé- 
parées à  perpétuité,  et  ne  pourront  plus,  dans  aucun 
cas,  être  réunies  sur  la  même  tête.  S.  M.  l'empereur 
d'Allemagne  et  d'Autriche  s'engage  à  reconnaître , 
lors  de  la  séparation,  le  successeur  que  S.  M.  l'empe- 
reur des  Français  se  sera  donné  comme  roi  d'Italie. 

6.  Le  présent  traité  de  paix  est  déclaré  commun 
à  leurs  altesses  sérénissiraes  les  électeurs  de  Bavière, 
de  Wurtemberg  et  de  Bade,  et  à  la  république  ba- 
tave,  alliés  de  S.  M.  l'empereur  des  Français,  roi 
d'Italie,  dans  la  présente  guerre. 

7.  Les  électeurs  de  Bavière  et  de  Wurtemberg 
ayant  pris  le  titre  de  roi,  sans  néanmoins  cesser 
d'appartenir  à  la  confédération  germanique,  S.  M. 
l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche  les  reconnaît 
en  cette  qualité. 

8.  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche, 
tant  pour  lui,  ses  héritiers  et  successeurs,  que  pour 
les  princes  de  sa  maison,  leurs  héritiers  et  successeurs 
respectifs,  renonce  aux  principautés,  seigneuries, 
domaines  et  territoires  ci-après  désignés  : 


54^  PRECIS 

Cède  et  abandonne  à  S.  M.  le  roi  de  Bavière  le 
margraviat  de  Burgavv  et  ses  dépendances ,  la  princi- 
pauté d'Eichstadt,  Ja  partie  du  territoire  de  Passaii , 
appartenante  à  S.  A.  R.  1  électeur  de  Saîtzbonrg,  et 
située  entre  la  Bohême,  l'ALitriclie,  le  Danube  et  l'Inn: 
le  comté  de  Tyrol^  y  compris  les  principautés  de 
Brixen  et  de  Trente  ;  les  sept  seigneuries  du  Vorarl- 
berg,  avec  leurs  enclaves;  le  comté  de  Hohenems  ^ 
le  comté  de  Conigsegg  Rotbenfels  ,  les  seigneuries  de 
Tetnang  et  Argen,  et  la  ville  et  territoire  de  Linclau  ; 

A  S.  M.  le  roi  de  Wurtemberg,  les  cinq  villes 
dites  du  Danube,  savoir  :  Ehingen ,  Munderkungen  , 
Beidlingen,  Mengen  etSulgaAv,  avec  leurs  dépen- 
dances; le  liant  et  bas  comté  de  Hohenberg,  le  land- 
graviat  de  Nellenboiirg,  et  la  préfecture  d'AltorlF, 
avec  leurs  dépendances  (la  ville  de  Constance  excep- 
tée ) ,  la  partie  de  Brisgaw  faisant  enclave  dans  les 
possessions  Avurtembourgeoises,  et  située  à  l'est  d'une 
ligne  tirée  du  Schlegelberg  jusqu'à  la  Molbach ,  et 
les  villes  et  territoires  de  Willingen  et  Brintengen. 

A  S.  A.  S.  l'électeur  de  Bade,  le  Brisga-^v  (  à  l'ex- 
ception de  l'enclave  et  des  portions  séparées  ci-dessus 
désignées),  l'Ortenavv  et  leurs  dépendances,  la  ville 
de  Constance  et  la  commanderie  de  Meinau. 

Les  principautés ,  seigneuries ,  domaines  et  terri- 
toires susdits  ,  seront  possédés  respectivement  par 
leurs  majestés  les  rois  de  Bavière  et  de  ^Vui  temberg. 


DES    ÉVÉIN^EMENS    MILITAIRES.  5/^5 

et  par  S.  A.  S.  l'électeur  de  Bade,  soit  en  suzeraineté, 
soit  en  toute  propriété  et  souveraineté,  de  la  même 
manière,  aux  mêmes  titres,  droits  et  prérogatives 
que  les  possédaient  S.  M.  Tempereur  d'Allemagne  et 
d'Autriche,  ou  les  princes  de  sa  maison  et  non  au- 
trement. 

9.  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche 
reconnaît  les  dettes  contractées  par  la  maison  d'Au- 
tricîie  au  profit  des  particuliers  et  des  établissemens 
publics  du  pays  faisant  actuellement  partie  inté- 
grante de  l'empire  français  ;  et  il  est  convenu  que 
sadite  majesté  restera  libre  de  toute  obligation  par 
rapport  à  toutes  dettes  quelconques  que  la  maison 
d'Autriche  aurait  contractées,  à  raison  de  la  posses- 
sion, et  hypothéquées  sur  le  sol  des  pays  auxquels 
elle  renonce  par  le  présent  traité. 

10.  Les  pays  de  Saltzbourg  et  de  Berchtolsgaden, 
appartenans  à  S.  A.  R.  et  E.  l'archiduc  Ferdinand  , 
seront  incorporés  à  l'empire  d'Autriche,  et  S.  M.  l'em- 
pereur d'Allemagne  et  d'Autriche  les  possédera  en 
toute  propriété  et  souveraineté,  mais  à  titre  de  duclié 
seulement. 

11.  S.  M.  l'empereur  des  Français,  roi  d'Itah"e  , 
s'engage  à  obtenir,  en  faveur  de  S.  A.  K.  l'archiduc 
Ferdinand,  électeur  de  Saltzbourg,  la  cession  par 
S.  M.  le  roi  de  Bavière,  de  la  principauté  de  W^urlz- 
bourg,  telle  qu'elle  a  été  donnée  à  sadite  majesté  par 


344  PRÉCIS 

le  recès  de  la  députation  de  l'empire  germanique  du 
2  5  février  i8o5  (6  ventôse  an  xi). 

Le  titre  électoral  de  S.  A.  R.  sera  transféré  sur 
cette  principauté ,  que  S.  A.  R..  possédera  en  toute 
propriété  et  souveraineté,  de  la  niême  manière  et 
aux  mêmes  conditions  qu'elle  possédait  l'électorat  de 
Saltzbourg. 

Et  quant  aux  dettes,  il  est  convenu  quefle  nou- 
veau possesseur  n'aura  à  sa  charge  que  les  dettes  ré- 
sultantes d'emprunts  formellement  consentis  par  les 
états  du  pays,  ou  des  dépenses  faites  pour  l'adminis- 
tration effective  dudit  pays. 

12.  La  dignité  de  grand-maître  de  l'ordre  Teuto- 
nique,  les  droits,  domaines  et  revenus  qui,  anté- 
rieurement à  la  présente  guerre ,  dépendaient  de 
Mergentheim,  clief-lieu  de  l'ordre;  les  autres  droits, 
domaines  et  revenus,  qui  se  trouveront  attachés  à  la 
grande- maîtrise  à  l'époque  de  l'échange  des  ratifi- 
cations du  présent  traité,  ainsi  que  les  domaines  et 
revenus  dont,  à  celte  même  époque,  ledit  ordre  se 
trouvera  en  possession ,  deviendront  héréditaires  dans 
la  personne  et  la  descendance  directe  et  masculine , 
par  ordre  de  primogéniture ,  de  celui  des  princes  de 
la  maison  impériale  qui  sera  désigné  par  S.  M.  l'em- 
pereur d'Allemagne  et  d'Autriche. 

S.  M.  l'empereuf  Napoléon  promet  ses  bons  offices 
pour  faire  obtenir,  le  plus  tôt  possible,  à  S,  A,  R. l'ar- 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  345 

chiduc  Ferdinand ,  une  indemnité  pleine  et  entière 
en  Allemagne. 

i5.  S.  M.  le  roi  de  Bavière  pourra  occuper  la  ville 
d'Augsbourg  et  son  territoire,  les  réunir  à  ses  états, 
et  les  posséder  en  toute  propriété  et  souveraineté. 
Pourra  également  S.  M.  le  roi  de  Wurtemberg,  oc- 
cuper, réunir  à  t-es  états,  et  posséder  en  toute  pro- 
priété et  souveraineté,  le  comté  de  Bondorff;  et 
S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche  s'engage 
à  n'y  mettre  aucune  opposition. 

)4.  Leurs  majestés  les  rois  de  Bavière  et  de  Wur- 
temberg, et  S.  A.  S.  l'électeur  de  Bade,  jouiront  sur 
les  territoires  à  eux  cédés ,  comme  aussi  sur  leurs 
anciens  états,  de  la  plénitude  de  la  souveraineté  et 
de  tous  les  droits  qui  en  dérivent,  et  qui  leur  ont 
été  garantis  par  S.  M.  l'empereur  des  Français,  roi 
d'Italie ,  ainsi ,  et  de  la  même  manière  qu'en  jouissent 
S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'AutricLe  ,  S.  M.  le 
roi  de  Prusse,  sur  les  états  allemands.  S.  M.  l'empe- 
reur d'Allemagne  et  d'Autriche,  soit  comme  chef  de 
l'empire,  soit  comme  co-état,  s'engage  à  ne  mettre 
aucun  obstacle  à  l'exécution  des  actes  qu'ils  auraient 
faits  ou  pourraient  faire  en  conséquence. 

i5.  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche, 
tant  pour  lui,  ses  héritiers  et  successeurs,  que  pour 
les  princes  de  sa  maison,  leurs  héritiers  et  successeurs, 
renonce  à  tous  droits,  soit  de  souveraineté,  soit  de 


546  PRÉCIS 

suzeraineté ,  à  toates  prétentions  quelconques ,  ac- 
tuelles ou  éventuelles  ,  sur  tous  les  états ,  sans  excep- 
tion, de  leurs  majestés  les  rois  de  Bavière  et  de  Wur- 
temberg, et  de  S.  A.  S.  l'électeur  de  Bade,  et  géné- 
ralement sur  tous  les  états,  domaines  et  territoires 
compris  dans  les  cercles  de  Bavière,  de  Francoiiie  et 
de  Souabe,  ainsi  qu'à  tout  autre  pris  desdits  domaines 
et  territoires;  et  réciproquement  toutes  prétentions 
actuelles  ou  éventuelles  desdits  états  à  la  charge  de  la 
maison  d'Autriche  ou  de  ses  princes,  sont  et  demeu- 
reront éteintes  à  perpétuité;  néanmoins  les  renon- 
ciations contenues  au  présent  article  ne  concernent 
point  les  propriétés  qui  sont ,  par  l'article  1 1  ,  ou 
seront,  en  vertu  de  l'article  12  ci-dessus,  concédées 
à  LL.  Ax4.  RR.  les  archiducs  désignés  dans  lesdits 
articles. 

16.  Les  titres  domaniaux  et  archives,  \es  plans  et 
cartes  des  différens  pays,  villes  et  forteresses  cédés 
par  le  présent  traité,  seront  remis  ,  dans  l'espace  de 
trois  mois,  à  dater  de  l'échange  des  ratifications,  aux 
puissances  qui  en  auront  acquis  la  propriété. 

17.  S.  M.  l'empereur  Napoléon  garantit  l'intégrité 
de  l'empire  d'Autriche  dans  l'état  où  il  sera  en  consé- 
quence du  présent  traité  de  paix ,  de  même  que  l'in- 
tégrité des  possessions  des  princes  de  la  maison  d'Au- 
triche ,  désignées  dans  les  articles  onzième  et  dou- 
zième. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  347 

ï8.  Les  hautes  parties  contractantes  reconnaissent 
l'indépendance  de  la  république  helvétique  ,  régie 
par  l'acte  de  médiation,  de  même  que  l'indépen- 
dance de  la  république  batave. 

19.  Les  prisonniers  de  guerre  faits  par  la  France 
et  ses  alliés  sur  l'Autriche,  et  par  l'Autriche  sur  la 
France  et  ses  alliés,  et  qui  n'ont  pas  été  restitués,  le 
seront  dans  quarante  jours,  à  dater  de  l'échange  des 
ratifications  du  présent  tiaité. 

20.  Toutes  les  communications  et  relations  com- 
merciales seront  rétablies  dans  les  deux  pays  comme 
elles  étaient  avant  la  guerre. 

21.  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Autriche, 
et  S.  M.  l'empereur  des  Français,  roi  d'Italie,  con- 
serveront entre  eux  le  même  cérémonial,  quant  au 
rang  et  aux  autres  étiquettes,  que  celui  qui  a  été 
observé  avant  la  présente  guerre. 

22.  Dans  les  cinq  jours  qui  suivront  l'échange  des 
ratifications  du  présent  traité,  la  ville  de  Presbourg 
et  ses  environs,  à  la  distance  de  six  lieues,  seront 
évacués. 

Dix  jours  après  ledit  échange,  les  troupes  fran- 
çaises et  alliées  de  la  France  auront  évacué  la  Mo- 
ravie ,  la  Bohême,  le  Viertel-Unler-Vienner-Wald  , 
le  Viertel-Unter-Manhartsberg,  la  Hongrie  et  touts 
la  Styrie. 

Dans  les  dix  jours  suivans,  elles  évacueront  le 


.^48  PRÉCIS 

Viertel-Ober-Yieuner-Wald  j  et  le  Vierlel-Ober- 
Manhartsberg. 

Enfin  j  dans  le  délai  de  deux  mois^  à  compter  de 
l'échange  des  ratifications,  les  troupes  françaises  et 
alliées  de  la  France  auront  évacué  la  totalité  des 
états  héréditaires  de  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne 
et  d'Autriche,  à  l'exception  de  la  place  de  Braunau  , 
laquelle  restera,  pendant  un  mois  de  plus,  à  la  dis- 
position de  S.  M.  l'empereur  des  Français  ,  roi  d'Ita- 
lie, comme  lieu  de  dépôt  pour  les  malades  et  pour 
l'artillerie. 

Il  ne  sera,  pendant  ledit  mois,  fait  aux  habilans 
aucune  réquisition  de  quelque  nature  que  ce  soit. 

Mais  il  est  convenu  que,  jusqu'à  l'expiration  dudit 
mois,  il  ne  pourra  être  stationné  ni  introduit  aucun 
corps  quelconque  de  troupes  autrichiennes  dans  un 
arrondissement  de  six  lieues  autour  de  ladite  place 
de  Braunau. 

Il  est  pareillement  convenu  que  chacun  des  lieux 
qui  devront  être  évacués  successivement  par  les 
troupes  françaises  dans  les  délais  susmentionnés  ,  ne 
pourra  être  occupé  par  les  troupes  autrichiennes  que 
quarante-huit  heures  après  l'évacuation. 

Il  est  aussi  convenu  que  les  magasins  laissés  par 
l'armée  française  dans  les  lieux  qu'elle  devra  succes- 
sivement évacuer,  resteront  à  sa  disposition,  et  qu'il 
sera  fait  par  les  hautes  parties  contractantes  un  arran- 


DES    ÉVENEMENS    MILJTAIRIS.  S^g 

gement  relatif  à  toutes  les  contributions  quelconques 
de  guerre  précédemment  imposées  sur  les  divers  états 
héréditaires  occupés  par  l'armée  française  ;  arrange- 
ment en  conséquence  duquel  la  levée  desdites  con- 
tributions cessera  entièrement,  à  compter  du  jour  de 
l'échange  des  ratifications. 

Larmée  française  tirera  son  entretien  et  ses  sub- 
sistances dé  ses  propres  magasins ,  établis  sur  les  rou- 
tes qu'elle  doit  suivre. 

23.  Immédiatement  après  l'échange  des  ratifica- 
tions du  présent  traité,  des  commissaires  seront  nom- 
més de  part  et  d'autre,  pour  remettre  et  recevoir, 
au  nom  des  souverains  respectifs,  toutes  les  parties 
du  territoire  vénitien  non  occupées  par  les  troupes 
de  S.  M.  l'empereur  des  Français,  roi  d'Italie. 

La  ville  de  Venise,  les  lagunes  et  les  possessions 
de  terre  ferme  seront  remises  dans  le  délai  de  quinze 
jours  ;  ristrie  et  la  Dalmatie  vénitiennes  ,  les  Bouches 
du  Cattaro,  les  îles  vénitiennes  de  l'Adriatique,  et 
toutes  les  places  et  forts  qu'elles  renferment,  dans 
le  délai  de  six  semaines,  à  compter  de  l'échange  des 
ratifications. 

Les  commissaires  respectifs  veilleront  à  ce  que  la 
séparation  de  l'artillerie  ayant  appartenu  à  la  répu- 
blique de  Venise,  et  de  l'artillerie  autrichienne,  soit 
exactement  faite,  la  première  devant  rester  en  tota- 
lité au  royaume  d'Italie.   Ils   détermineront,  d'un 


35o  PRÉCIS 

commun  accord  ,  l'espèce  et  la  nature  des  objets  qui, 
appartenans  à  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Au- 
triche, devront  en  conséquence  rester  à  sa  disposition. 
Ils  conviendront,  soit  dé  la  vente  au  royaume  d'Ita- 
lie, de  l'artillerie  impériale  et  des  objets  sus  men- 
tionnés, soit  de  leur  échange  contre  une  quantité 
équivalente  d'artillerie  ou  d'objets  de  même  ou  d'au- 
tre nature,  qui  seraient  laissés  par  l'armée  française 
dans  les  états  héréditaires. 

Il  sera  donné  toute  facilité  et  toute  assistance  aux 
troupes  autrichiennes  et  aux  administrations  civiles 
et  militaires,  pour  retourner  dans  les  états  d'Au- 
triche par  les  voies  les  plus  convenables  et  les  plus 
sûres,  ainsi  que  pour  le  transport  de  l'artillerie  im- 
périale, des  magasins  de  terre  et  de  mer,  et  autres 
objets  qui  n'auraient  pas  été  compris  dans  les  stipu- 
lations, soit  de  vente,  soit  d'échange,  qui  pourront 
êtes  faites. 

24.  Les  ratifications  du  présent  traité  seront  échan- 
gées dans  l'espace  de  huit  jours,  ou  plus  tôt  si  faire  se 
peut. 

Fait  et  signé  à  Presbourg,  le  26  décembre  i8o5 
(  5  nivôse  an  xiv). 

Signé  Jean  ,   prince  Signé  Ch.  Maur.  Talletrand. 

de  Lichtenstein.  (  L.  S.  ) 

(L.  S.) 
Signé  Ignaz,  comte  de  Giulai. 
(L.  S.) 


D£S    EVÉNEMENS    MILITAIRES.  55  I 

Avons  approuvé  et  approuvons  le  traité  ci-dessus , 
en  tous  et  chacun  des  articles  qui  y  sont  contenus; 
déclarons  qu'il  est  accepté,  ratifié  et  confh'mé;,  et 
promettons  qu'il  sera  inviolablement  observé. 

En  foi  de  quoi  nous  avons  donné  les  présentes, 
signées  de  notre  main,  contre-signées  et  scellées  de 
notre  sceau  impérial. 

Au  palais  de  Schoenbriinn,  le  6  nivôse  an  xiv 
(27  décembre  i8o5.) 

Signé  Napoléon. 
Le  ministre  des  relations  ej.té-  Par  l'empereur, 

rieures   signé  Ch.    Maur.        Le  ministre  secrétaire-d'état, 
Talleyrand.  signé  H.  B.  Maeet. 

Certifié  conforme. 

Le  jninistre  secrétaire-d'état,  signé  H.  B.  Maret. 


352  PRÉCIS 


NOTES 


NOTE   PREMIERE. 

Chapitre    VII.  —  Page   3. 

Quelles  que  puissent  être  dans  l'a  venir  les  destinées 
de  l'empire  britanique ,  et  la  durée  de  sa  puissance , 
nous  pensons  que  depuis  le  milieu  du  i8^  siècle 
jusqu'à  l'époque  présente  (  1822  )  l'Angleterre,  s'éle- 
vant  par  degrés,  a  pris  un  tel  ascendant  sur  tous  les 
gouvernemensde  l'Europe^  que  ce  n'est  plus  seulement 
une  prépondérance  qui  puisse  être  contestée^  mais 
une  véritable  domination  politique.  Quel  en  est  le 
principe?  par  quels  moyens  s'est-elle  établie?  quelles 
doivent  en  être  les  conséquences?  Nous  agitons  ces 
questions,  parce  qu'elles  nous  paraissent  dignes  de 
la  méditation  des  historiens  qui  les  traiteront  quel- 
que jour  moins  prématurément  et  plus  profondément 
que  ne  peuvent  le  faire  les  contemporains.  Nous  en 
aurons  du  moins ,  par  nos  simples  réflexions ,  fait 
sentir  l'inportance.  Nous  aurons  aussi  marqué  la  place 
où  ces  questions  peuvent  être  le  plus  convenablement 
traitées ,  puisqu'elles  se  rattachent  natui'ellement  au 


DES    KVÉNEMENS    MlLlTAIRîS.  SgS 

développement  des  efforts  de  la  nouvelle  coalition 
qui  fut  tramée  par  l'Angleterre  contre  là  France_,  pré- 
cisément à  l'époque  où  celle-ci,  après  avoir  subi  le 
joug  de  l'anarchie,  se  dégageait  des  illusions  républi- 
caines ,  et  rentrait  dans  le  système  monarchique. 

Nous  disons  que  le  principe  de  la  domination  po- 
litique de  l'Angleterre  est  l'isolement  ;  que  les  moyens 
par  lesquels  cette  domination  s'est  établie  sont  le  mo- 
nopole du  commerce,  et  que  les  conséquences  et  du 
principe  et  des  moyens,  sont  l'affaiblissement  et  la 
ruine  des  autres  états. 

Expliquons  d'abord  ce  qu'on  doit  entendre  par 
l'isolement  de  la  politique  anglaise.  Les  relations  mo- 
rales entre  les  peuples  naissent  de  l'accord  de  leurs 
intérêts  -,  et  comme  toutes  les  nations  civilisées  re- 
connaissent un  droit  commun  qui  ne  peut  pas  plus 
être  mis  en  question  que  leur  propre  existence,  le 
but  d'une  saine  politique  doit  être  d'établir  pour  le 
maintien  de  ce  droit  une  juste  réciprocité  de  devoirs  ; 
la  puissance  qui  s'en  affranchit ,  parce  qu'elle  se 
trouve  fieule  assez  forte  pour  soutenir  cette  violation, 
se  met  hors  du  système  général  ;  elle  s'isole  de  tous 
les  intérêts  pour  faire  prédominer  le  sien ,  à  l'exclu- 
sion de  tous  les  autres.  C'est  ce  qu'a  fait  l'Angleterre  : 
elle  s'est  placée  politiquement,  par  rapport  aux  na- 
tions continentales,  d'une  manière  toute  semblable  à 
la  position  géographique  de  son  territoire  ;  elle  a  du 

i4.  '^^ 


5gi  PRÉCIS 

puiser  une  grande  force  dans  celle  similitude  d'exis- 
tence et  de  position  morale  et  physique  ;  et  en  admi- 
rant cette  large  base  de  la  prospérité  de  l'Angleterre, 
on  peut  lui  appliquer  ce  beau  vers  de  Delille  : 

C^est  un  usurpateur 

Qui  se  fait  pardonner  à  force  de  grandeur. 

Ce  principe  d'isolement  a  produit  en  Angleterre  un 
effet  tout  contraire  à  celui  qu'on  observe  dans  les 
accroissemens  démesurés  des  puissances  continentales; 
presque  toujours  celles-ci  s'affaiblissent  par  leurs  con- 
quêtes, parce  qu'elles  n'en  recueillent  que  des  avan- 
tages passagers ,  et  qu'en  étendant  leur  domination 
sur  une  plus  grande  surface ,  elles  excitent  l'envie , 
les  haines ,  les  rivalités  des  états  limitrophes.  Une 
grande  puissance  insulaire  n'a  point  à  craindre  ce 
relâchement  des  ressorts  du  gouvernement  par  l'ex- 
tension du  territoire,  ni  les  terribles  retours  de  la 
fortune;  tout  ce  qu'elle  acquiert  de  richesse  et  de 
svdjstance  par  son  industrie  et  par  ses  armes,  loin  de 
se  dissiper  au  dehors  ,  est  toujours  amené  au  centre, 
et  accroît  de  plus  en  plus  la  force  intrinsèque,  la  vi- 
talité du  corps  politique  ;  nulle  autre  société  n'entre 
en  partage  de  ces  bénéfices;  nul  intérêt  étranger  ne 
peut  se  mêler  à  l'intérêt  national  :  Tout  par  nous, 
tout  pour  nous,  fut  toujours  la  devise  des  insulaires. 
Dès  l'époque  où  les  barbai^s  habitans  des  îles  bri- 
tanniques lurent  réunis  en  corps  de  nation,  d'abord 


DES    EVENEMENS    MILITAIP.ES.  5q5 

sons  les  rois  saxons,  et  ensuite  sous  les  Normands , 
ou  les  vit  prétendre  à  la  souveraineté  des  mers.  Ceux 
de  ces  rois  dont  la  mémoire  s'est  le  plus  glorieuse- 
ment conservée,  tels  qu'AIfred-le-Grand ,  Edgard, 
Canute,  s'illustrèrent  surtout  par  leurs  exploits  sur 
la  mer  ;  ils  furent  les  vrais  fondateurs  de  la  puissance 
colossale  qui  nous  étonne  aujourd'hui.  Ces  anciens 
seigneurs  suzerains  de  l'Océan,   ces  rois  des  îles  et 
des  détroits  inspirèrent  à  leurs  sujets  l'esprit  de  domi- 
nation,  l'ardeur  des  découvertes  et  la  soif  du  lucre  • 
leurs  institutions  navales  furent  si  profondément  tra- 
cées et  si  bien  adaptées  à  la  position  naturelle  et  aux 
iiiœurs  encore  à  demi  sauvages  des  Bretons  ,  que  . 
lorsque  leurs  successeurs,  pour  les  avoir  négligées  ! 
furent  surpris  par  le  conquérant  Guillaume,  cekii-ci 
aifermit   et    conserva    sa    conquête   par   ces   mêmes 
moyens,  par  les  soins  qu'il  donna  à  la  marine  et  par 
l'extension  delà  navigation.  L'orgueil  national  s'enfla 
depuis  par  les  succès ,  et,  comme  chez  les  Romains , 
se  fortifia   aussi  par  les  revers.  Mais,  soit  dans  la 
bonne,  soit  dans  la  mauvaise  fortune,  ce  principe 
d'isolement  fut  toujours  le  trait  le  plus  saillant  du 
caractère  anglais,  et  comme  le  type  de  leur  gouver- 
nement, de  quelque  manière  qu'il  ait  été  modifié. 

Depuis  environ  deux  siècles,  ce  système  exclusif, 
graduellement  développé,  est  devenu  l'unique  base 
de  la  politique  extérieure  et  intérieure  de  l'Angle^ 


596  PRÉCIS 

terre;  elle  a  marché  ouvertement  vers  son  but; 
son  acte  de  navigation  le  révéla  vainement  à  l'Europe; 
les  autres  puissances  maritimes  ressentirent  long- 
temps les  effets  de  cette  audacieuse  usurpation ,  avant 
de  s'apercevoir  de  la  cause.  Cet  acte  fameux  assura 
tout  à  la  fois  à  la  Grande-Bretagne  le  monopole  du 
commerce  et  la  prépondérance  maritime.  L'augmen- 
tation de  ses  forces  navales  suivit  nécessairement  les 
progrès  de  sa  navigation  commerciale;  le  dévelojD- 
pement  prodigieux  de  celle-ci  ne  manqua  pas  de 
fournir  au  matériel  et  au  personnel  de  la  marine 
militaire  tous  les  élémens  nécessaires  à  leur  perfec- 
tionnement. L'équilibre  entre  les  puissances  mari- 
times fut  rompu  ,  et  dans  le  cours  des  deux  derniers 
siècles,  chaque  guerre,  chaque  traité  ont  successive- 
ment accru  celle  de  la  Grande-Bretagne.  La  Hollande, 
la  France  et  l'Espagne  n'ayant  pas  de  pareilles  res- 
sources pour  former,  maintenir  et  régénérer  leur 
marine ,  n'ont  pu  soutenir  leur  ancienne  rivalité  ; 
elles  ont  quelquefois  fait  balancer  la  fortune;  elle.^ 
ont  lutté  long-temps ,  souvent  avec  gloire,  rarement 
avec  l'accord  que  devait  inspirer  l'intérêt  commun 
contre  un  si  formidable  ennemi. 

Si  l'on  reconnaît  que  bien  avant  la  révolution  fran- 
çaise l'Angleterre  se  considérait  comme  possédant 
l'empire  des  mers,  et  n'ayant  plus  à  combattre  que 
pour  y  maintenir  l'exercice  du  droit  de  conquête ,  ou 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  O97 

pourra  "bien  se  plaindre  ^  mais  on  ne  doit  pas  s'étonner 
qu'elle  en  agisse  comme  tous  les  conquérans  ;  que  son 
code  maritime  soit  en  opposition  avec  tous  les  prin- 
cipes de  justice,  d'ordre,  de  réciprocité;  qu'avant 
aucune  déclaration  de  guerre ,  et  sous  prétexte  qu'on 
est  (comme  l'écrit  Blackstone ,  l'oracle  de  leur  juris- 
prudence )  dans  un  état  incomplet  cV hostilité ,  ses 
corsaires  soient  autorisés  à  courir  sur  les  bàlimens 
présumés  ennemis  ;  enfin ,  qu'elle  ne  reconnaisse 
point  de  neutres,  et  qu'elle  étende  à  son  gré  les 
rigueurs  du  blocus  sur  des  côtes  d'une  immense  éten- 
due, sahs  même  y  faire  paraître  son  pavillon. 

Cette  domination  est  devenue  pour  l'Angleterre 
une  condition  de  son  existence ,  car  elle  seule  tient 
ouvertes  les  sources  de  ricliesses  qui  affluent  de  ses 
établissemens  coloniaux ,  de  ses  mille  factoreries 
dans  la  métropole  du  commerce  du  monde.  Ce  genre 
de  conquêtes  ne  ressemble  en  rien  à  celles  par  les- 
quelles un  état  continental  accroît  son  importance  ; 
on  peut  consolider  celles-ci  par  la  modération ,  par 
la  justice  envers  les  peuples  soumis,  par  la  fusion 
des  intérêts;  mais  les  conquérans  des  mers  sont  et 
doivent  rester  en  une  sorte  d'hostilité  permanente 
envers  tous  les  peuples  navigateurs.  Ils  ne  peuvent, 
sans  danger,  faire  la  moindre  concession  aux  vaincus  : 
tout  ce  qui  ne  les  sert  pas  doit  leur  nuire;  ils  ont 
trop  excité  l'envie  pour  n'être  pas  jaloux  et  vigilms^ 


SgS  PRÉCIS 

aussi; son t-ild  toujours  tout  prêts  à  déclarer  la  guerre, 
ou  plutôt  à  punir  comme  des  rebelles  ceux  qui  invo- 
quent le  droit  des  gens,  s'arment  pour  leur  propre 
défense  et  pour  l'usage  le  plus  inoflensif  de  leur  pro- 
priété et  de  leur  industrie.  On  en  a  vu  ,  dans  le  court 
espace  d'un  demi-siècle  ,  deux  mémorables  exemples. 
En  1780,  lorsque  l'impéiatrice  de  Russie,  Cathe- 
rine II,  consigna  dans  sa  déclaration  les  principes  de 
neutralité  propres  à  assurer  la  liberté  du  commerce 
et  de  la  navigation,  et  que  d'autres  états  an  Nord 
voulurent  se  coaliser  avec  elle  pour  les  maintenir, 
l'adhésion  de  la  Hollande  fut  considérée  comme  une 
liostilité   contre   l'Angleterre  ;    ses   bàlimens   furent 
sapturés ,  ses   matelots  enlevés,  ses  villes  bombar- 
dées ;   ce    n'était  plus   le   temps   des  Tromp  et  des 
Ruyter  :  la  neutralité  armée  fut  dissoute. 

Vingt  ans  après,  le  Danemarck  fut  encore  plus 
sévèrement  châtié  pour  avoir  osé  ressentir  les  ou- 
trages faits  à  son  pavillon  et  s'être- réuni  à  la  Russie, 
à  la  Prusse  et  à  la  Suède  par  une  convention,  pour 
revendiquer  les  droits  imprescriptibles  de  la  neutra- 
lité. La  résolution  de  l'empereur  de  Russie,  Paul  i^"", 
alarma  le  gouvernement  anglais,  non -seulement  à 
cause  de  la  violence  du  caractère  de  ce  prince,  mais 
encore  parce  que  de  toutes  les  puissances  maritimes 
d'Europe,  la  Russie  est  celle  à  laquelle  l'Angleterre 
peut  faire  le  moins  de  mal  >  et  qui  peut  lui  causer  le 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  OQQ 

plus  de  dommages.  Ce  fut  donc  sur  le  Danemarck 
que  tomba  le  coup  de  trident.  Le  miniatre  anglais 
déclara  que  a  la  convention  de  neutralité  était  une 
(C  entreprise  hostile,  tendant  à  détruire  les  principes 
<c  du  droit  maritime  sur  lesquels  repose  la  puissance 
<(  navale  de  l'empire  britannique  »,  et  Copenhague 
fut  traitée  comme  un  repaire  de  corsaires  barbares- 
ques.La  mort  de  Paul  i",  qui  coïncida  avec  cette  ex- 
pédition ,  délivra  l'Angleterre  de  cette  dangereuse 
diversion,  et  la  laissa  maîtresse  absolue  de  la  légis- 
lation des  mers. 

Ces  exemples,  et  beaucoup  d'autres  moins  écla- 
tans  ,  prouvent  que  la  première  guerre  de  la  révo- 
lution française  n'avait  pas  moins  servi  à  étendre  la 
domination  maritime  de  l'Angleterre,  que  la  domi- 
nation continentale  de  la  France.  Toutefois,  la  pre- 
mière en  avait  retiré  de  plus  solides  avantages.  Les 
victoires  des  Français,  en  ruinant  les  finances  de  tous 
les  souverains,  en  paralysant  l'industrie  de  leurs 
sujets,  avaient  consolidé  le  système  de  monopole, 
et  par  là  même ,  établi  la  prépondérance  de  la  poli- 
tique anglaise  dans  toutes  les  cours  de  l'Europe.  La 
haine  jurée  aux  principes  de  la  révolution,  soit 
qu'elle  fût  ouvertement  professée  ou  secrètement 
nourrie,  faisait  considérer  tout  ce  qu'entreprenait 
l'Angleterre  comme  de  généreux  efforts  j^our  la  cause 
commune,  et  la  dictature  des  coalitions  contre  la 


4ao  PRÉCIS 

France  lui  fut  dévolue  :  son  trésor  devint  le  grand 
arsenal  de  guerre.  Bien  plus  humiliées  par  ses  sub- 
sides qu'elles  ne  l'avaient  été  par  la  mauvaise  for- 
tune des  armes,  les  puissances  étaient  dans  la  dépen- 
dance de  l'Angleterre,  puisqu'elle  soldait  leurs  ar- 
mées et  dirigeait  leurs  opérations. 

Le  traité  ^ Amiens ,  sa  rupture,  et  la  nouvelle 
coalition,  montrèrent  assez  l'influence  des  maîtres  de 
la  mer  sur  les  destinées  du  continent.  Quoi  qu'on  en 
ait  pu  dire ,  leurs  intérêts  étaient  seuls  compromis  ; 
cette  seconde  guerre  n'eut  point  d'autre  motif  que 
d'arrêter  l'essor  que  devaient  prendre  le  commerce 
et  la  marine  de  France  sous  la  main  du  nouveau 
chef  du  gouvernement,  si  l'état  de  paix  eut  duré 
plus  long-temps.  Les  Anglais  avaient  appris  par  leur 
propre  expérience ,  que  c'est  du  sein  des  orages  poli- 
tiques et  des  dissensions,  que  naissent,  avec  les  armes 
fortement  trempées,  les  mesures  énergiques  et  les 
plus  grands  développemens  de  l'industrie  :  leur  fa- 
meux acte  de  navigation  n'eut  pas  d'autre  origine. 
M.  Pitt  pressentit  que  le  tour  de  ta  France  était  enfin 
venu,  et  que  s'il  laissait  Napoléon  tranquille  pos- 
sesseur de  tous  les  ports  du  continent  et  de  toutes  les 
ressources  de  ses  côtes,  bientôt  ses  forces  navales  et 
sa  navigation  marchande  rivaliseraient  avec  celles 
de  la  Grande-Bretagne,  et  affranchiraient  de  son 
joug  les   peuples  du  Nord ,  toujours   disposés   à  le 


DÉS    ÉVÉNEMENS   MILITAIRES.  4^^  I 

secouer.  La  menace,  et,  comme  nous  croyons  l'avoir 
démontré,  le  danger  imminent  d'une  descente  des 
Français  en  Angleterre,  justifia  les  intrigues  du 
cabinet  de  Saint-James  pour  rallumer  la  guerre  con- 
tinentale ;  les  grandes  puissances  qui,  en  opérant 
cette  diversion,  avaient  attiré  sur  elles  toutes  les 
forces  de  Napoléon,  succombèrent  l'une  après  l'au- 
tre, et  furent  contraintes  séparément  de  subir  la  loi 
du  vainqueur;  et  cependant  l'Angleterre  trouva 
même  dans  leurs  revers  l'occasion  et  les  moyens 
d'accroître  sa  prépondérance  et  sa  fortune.  Pendant 
que  l'armée  autrichienne  mettait  bas  les  armes  à 
Ulm,  Nelson  ayant  rallié  les  escadres  que  ne  rete- 
nait plus  l'observation  des  flottilles  dans  la  Manche, 
détruisait,  à  Trafalgar ,  les  flottes  combinées  de 
France  et  d'Espagne ,  que  de  fausses  combinaisons 
avaient  inutilement  exposées. 

Cette  victoire ,  où  Tamiral  Nelson  termina  sa 
glorieuse  carrière,  porta  l'Angleterre  au  plus  haut 
degré  de  puissance  ;  elle  n'eut  plus  à  craindre  de 
coalition  maritime  :  la  conquête  des  établisseraens 
français,  hollandais,  espagnols  dans  les  Deux-Indes  , 
les  retours  de  ses  riches  colonies,  la  force  de  son 
crédit,  soumirent  à  son  influence  tous  les  états 
appauvris  par  les  guerres  qu'elle  avait  suscitées. 
Rien  n'eût  pu  la  faire  décheoir  de  cet  apogée,  que 
le  prodige  de  la  restauration  des  marines  de  France 


4o2  PRÉCIS 

et  d'Espagne.  Mais  ce  prodige ,  malgré  les  efforts  cie 
celui  qui  ne  reconnaissait  aucune  impossibilité,  ne 
pouvait  s'opérer  tant  que  durerait  la  guerre.  L'his- 
toire des  événemens  qui  se  sont  passés  depuis  cette 
époque,  démontre  que  l'Angleterre  est  restée ,  par 
rapport  aux  autres  puissances^  dans  la  même  posi- 
tion, et  c'est  ce  que  nous  osons  appeler  la  monarchie 
universelle.  Charles-Quint,  Louis  xiv.  Napoléon, 
furent  accusés  dV  prétendre;  mais  ni  leur  position, 
ni  leurs  armes,  ne  purent,  comme  l'ont  fait  les  mille 
vaisseaux  et  l'or  de  l'Angleterre,  réaliser  ce  rêve 
ambitieux. 

Que  ceux  de  nos  lecteurs  qui  jirendraient  ces  ex- 
pressions pour  U!ie  vaiue  figure  ,  et  ne  verraient  dans 
nos  assertions  qu'un  paradoxe,  veuillent  bien  consi- 
dérer que  l'Angleterre,  parvenue  à  faire  détruire 
par  les  puissances  du  Nord  les  forces  ellectives  qui, 
dans  l'ouest  et  le  midi  de  l'Europe,  pouvaient,  en 
s'unissantavec  elles,  contrebalancer  les  siennes,  com- 
mande aujourd'hui  sans  obstacle  aux  états  soumis  à 
sa  politique  exclusive.  Qu'importe  qu'ils  se  disent 
iudépendans  et  qu'ils  se  croient  forts!  le  sont-ils  contre 
elle?  Ces  millions  de  soldats  qu'ils  entretiennent  à 
grands  frais,  leur  serviraient -ils  à  reconquérir  les 
droits  natmels  dont  elle  les  a  dépouillés,  à  les  faire 
entrer  en  partage  des  véritables  fruits  de  la  conquête 
et  de  la  destraction  de  l'empire  d'occident?  Si  pour 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  4^5 

leur  sécurité  il  a  fallu  le  dissoudre,  et  s'il  l'a  été  par 
leurs  armes,  c'est  au  profit  de  l'Angleterre.  Qiielques 
débris,  quelques  sommes  d'argeut,  leur  ont  été  distri- 
bués comme  un  partage  de  butin  ;  l'Angleterre  seule  a 
consolidé  son  système  de  domination.  Sans  doute  on 
ne  lui  prèle  point  foi  et  hommage  ;  on  ne  j^rend  pas 
ses  couleurs;  elle  ne  s'immisce  point  dans  l'administra- 
tion intérieure  des  divers  états  ;  elle  n'en  exige  point 
d'autres  tributs  que  ceux  du  monopole  :  mais  elle  n'en 
gouverne  pas  moins  en  souveraine,  puisqu'elle  exerce 
de  fait  le  droit  de  paix  et  de  guerre.  Que  l'on  dise 
quelle  est  la  guerre  qu'aucun  état  puisse  entrepren- 
dre sans  son  aveu,  et  soutenir  sans  ses  subsides  patens 
ou  cachés  ;  et  quelle  est  la  paix  à  laquelle  son  inter- 
vention ne  puisse  contraindre,  ou  celle  qu'elle  ne 
peut  rompre? 

Voilà  par  quels  principes  et  par  quels  moyens 
s'est  aglomérée  la  masse  de  puissance  la  plus  énorme 
et  la  plus  compacte  qu'on  ait  encore  vue  chez  aucune 
nation.  Si  l'on  veut  en  avoir  une  juste  idée^  il  faut  lire 
dans  l'excellent  ouvrage  (le  M.  Charles  Dupin,  au 
livre  vi= ,  de  la  force  navale  et  de  la  constitution  de 
la  marine  anglaise  (cbap.  r"",  da  pied  de  guerre),  ce 
que  ce  judicieux  et  savant  observateur  dit  des  pro- 
grès de  la  force  britannique,  et  des  résultats  qu'ils 
ont  produits  dans  le  cours  des  cinq  générations  qui 
se  sont  succédées  depuis  la  révolution  de  1688.  Il  dit, 


4^4  PRECIS 

et  nous  nous  faisons  honneur  de  partager  son  opinion  : 
«  Qu'à  dater  de  cette  époque ,  un  gouvernement  qui 
(c  sut  unir  la  vigueur  militaire  des  institutions  mo- 
<c  narcliiques  à  l'énergie  politique  des  institutions  li- 
«  bérales,  s  étant  assis  sur  des  bases  durables  et  régu- 
«  îières ,  la  marine  britannique  devint  de  plus  en 
«  plus  florissante,  et  que  dans  chacune  des  six  grandes 
t(  guerres  maritimes  qu'elle  a  soutenues  ,  elle  a  dé- 
«  ployé  des  forces  plus  imposantes  et  mieux  orga- 
«  niséesque  dans  toutes  les  précédentes;....  que  c'est 
«  depuis  lors  qu'elle  a  réalisé  ses  prétentions  à  l'em- 
(c  pire  des  mers,  en  occupant  tous  les  points  impor- 
te tans  qui  en  sont  comme  les  clefs....  Elle  avait  en 
«  1688  cent  soixante -treize  bâtimens  de  guerre  de 
«  toutrang;  elle  en  avait,  en  i8i2,mille  vingt  et  un.... 
«  Tous  les  continens  des  deux  mondes  ont  été  simul- 
«  tanément  assiégés,  les  îles  prises  de  vive  force ,  le 
«  commerce  de  l'univers  envahi.  Enfin,  après  vingt 
«ans  de  combats  (depuis  la  révolution  française  ), 
«  cette  puissance  navale,  qui  avait  commencé  la  lutte 
ce  avec  trente  millions  de  sujets ,  l'a  terminée  avec 
«  quatre-vingt  millions  de  conquis  et  de  conquérans.» 
Il  est  trop  tard  ;  le  temps  et  les  circonstances  sont 
passés ,  où  ce  torrent  pouvait  être  contenu  ;  on  ne 
saurait  prévoir  jusqu'où  il  s'étendra,  ni  quelles  se- 
ront les  destinées  des  peuples  soumis  au  sceptre  ou  à 
l'arbitrage  de  l'Angleterre.  Nous  pensons  que  rien  n* 


DES    ÉVÉNlIMîilXS    MILITAIRES.  4^*5 

peut  ébranler  les  fondemens  de  sa  grandeur,  tant 
que  durera  son  admiiable  constitution,  qui  résistera 
mieux  que  celle  des  Romains  à  la  même  corruption 
dont  elle  est  infectée  ;  que  rien  n'allégera  le  poids  de 
sa  domination  ,  tant  que  durera  ce  qu'on  est  convenu 
d'appeler  le  système  d'équilibre  des  puissances  conti- 
nentales que  l'Angleterre  a  établi  ^  et  qu'elle  main- 
tient et  modifie  à  son  gré.  Les  guerres  entre  ces  puis- 
sances, leurs  dissensions  civiles  qu'elle  peut,  à  force 
d'or,  allumer  et  éteindre,  l'augmentation  ou  la  di- 
minution aux  dépens  les  unes  des  autres  de  leur 
territoire  et  de  leur  population,  ne  sont  plus  pour 
l'Angleterre  que  des  intérêts  secondaires,  tant  qu'elle 
peut,  en  déplaçant  les  contre  -  poids  ,  retenir  ces 
puissances  par  rapport  à  elle  dans  un  état  station- 
naire,  et  dans  les  limites  maritimes  qu'elle  ne  leur 
permet  pas  de  franchir. 

La  seule  rivalité  que  l'Angleterre  puisse  redouter 
dans  un  avenir  plus  ou  moins  éloigné,  c'est  celle  de 
l'industrie  qui  grandit  et  se  fortifie  chez  les  peuples 
civilisés  des  deux  hémisphères,  par  le  progrès  des  lu- 
mières et  la  tendance  des  esprits  vers  la  liberté  et  le 
gouvernement  monarchique ,  tempéré  par  la  repré- 
sentation nationale.  Quand  l'industrie  des  peuples  du 
continent  européen  égalera  celle  des  Anglais,  et  affai- 
blira par  degrés  le  débit  de  leurs  produits  manufac- 
turiers ;  quand  la  navigation  et  les  forces  des  deux 


/jo6  PRECIS 

Amériques  surpasseront  celles  de  la  Grande-Bretagne , 
et  feront  jaillir  de  nouvelles  sources  de  richesses  > 
alors  seulement,  cet  empire  s'affaiblissant  par  degrés, 
subira,  à  son  tour,  le  sort  de  toutes  les  choses  hu- 
maines. 

NOTE  DEUXIÈME. 

Chapitre  YIII.  —  Page  202. 

Extrait  des  réflexions   d'un  ancien   officier  de  la 

marine  royale  de  France,  sur  la  bataille  de  Tra- 

falgar. 

Quand  deux  puissances  maritimes  luttent  ensem- 
ble, celle  qui  a  le  plus  de  vaisseaux,  le  plus  de  ma- 
rins et  le  plus  d'hommes  habiles  ,  doit  toujours  cher- 
cher à  attaquer  la  plus  faible.  Cette  dernière,  au 
contraire,  doit  toujours  éviter  les  engagemens  sé- 
rieux, parce  qu'elle  ne  peut  avoir  même  des  avan- 
tages, sans  éprouver  des  pertes  qui  l'affaiblissent. 
Ainsi,  si  la  première  a  intérêt  à  engager  le  combat, 
la  seconde  a  toujours  intérêt  à  l'éviter  :  elle  ne  doit 
donc  courir  que  les  chances  des  actions  nécessaires 
à  l'exécution  de  ses  missions. 

On  ne  peut  pas  toujours  éviter  le  combat  ;  mais 
on  l'évite  souvent  quand  on  sait  manoeuvrer  :  et  si 
quelquefois  on  est  forcé  à  l'engager,  ou  peut  se  don- 
ner, par  l'habileté  des  manoeuvres,  des  chances  fa- 
vorables. 


DES    EVEIVE3IENS    MILITAIRES.  /^OH 

Dans  le  combat  de  Cadix ,  tous  ces  principes  ont 
été  méconnus  ;  on  a  accepté  le  combat  sans  objet,  on 
s'est  laissé  attaquer  de  la  manière  la  plus  désavanta- 
geuse; et  quoique  la  tempêie,  à  la  suite  du  combat, 
ait  fait  éprouver  de  grandes  pertes  aux  Anglais,  notre 
marine  est  proportionnellement  plus  faible  qu'elle 
ne  l'était  avant  ce  combat,  par  rapport  à  la  marine 
anglaise. 

Nous  avions  pins  de  vaisseaux  que  les  Anglais;. 
et  tout  devait  faire  croire  à  des  résultats  avantageux; 
mais  pour  que  cet  espoir  fût  fondé,  il  fallait  un  gé- 
néral habile  et  des  capitaines  très-expérimentés. 

Il  n'y  a  que  les  premiers  mouvemens,  les  pre- 
mières dispositions  du  combat  qui  dépendent  du  gé- 
néral ;  une  fois  l'affaire  engagée,  le  sort  de  la  bataille 
dépend  entièrement  de  l'intelligence  des  capitaines. 
Il  y  a  plus  à  parier  pour  l'armée  commandée  par  un 
général  peu  capable,  et  dont  les  capitaines  seraient 
très-babiles,  que  pour  celle  qui  aurait  un  général 
habile  et  des  capitaines  peu  instruits. 

Ceux  qui  ont  propagé  celte  idée,  que  pour  être  un 
bon  officier  de  marine  il  fallait  avoir  les  mains  gou- 
dronnées, ont  beaucoup  nui  à  la  marine  française. 
L'officier  de  marine  ne  combat,  pour  ainsi  dire,  que 
de  la  tête;  la  force  de  son  bras  est  presque  toujours 
inutile. 

Une  chose  digne  de  remarque,  c'est  que  les  An- 


4o8  P  K  É  C  I  s 

glais,  qui  ont  employé  autrefois  toutes  les  ressources 
de  la  tactique  contre  nos  armées  navales ,  ne  s'en  ser- 
vent presque  plus  depuis  que  nos  savans  tacticiens 
ont  disparu.  Ils  n'ont,  pour  ainsi  dire,  plus  aucun 
ordre  de  marche,  aucun  ordre  de  bataille  régulier  ;  ils 
attaquent  nos  vaisseaux  comme  on  attaquait  autre- 
fois un  convoi,  parce  qu'ils  savent  que  nous  ne  som- 
mes plus  en  état  de  profiler,  par  des  manœuvres 
d'ensemble,  de  l'espèce  de  désordre  qui  résulte  na- 
turellement de  ce  genre  d'attaque  ;  parce  qu'ils  savent 
qu'en  portant  leur  attaque  sur  un  point  d'une  ligne 
très-prolongée ,  ce  point  est  bientôt  détruit. 

Nelson  a  d'abord  feint  de  vouloir  attaquer  la  tête 
et  la  queue  de  l'armée  ;  ensuite  il  a  rassemblé  ses 
forces  sur  son  centre ,  et  a  abandonné  le  sort  de  la 
bataille  à  l'intelligence  de  ses  capitaines.  En  effet, 
deux  vaisseaux  français,  V  Algésiras  et  le  Redoutable, 
ont  eu  un  moment  d'avantage  sur  les  premiers  vais- 
seaux qui  les  ont  attaqués;  mais  à  l'instant  ils  ont  été 
enveloppés  par  plusieurs  vaisseaux  ennemis ,  sous  les 
efforts  desquels  ils  ont  succombé.  Cependant  les  An- 
glais étaient  en  plus  petit  nombre  ;  plusieurs  de  leurs 
vaisseaux  en  attaquaient  un  seul;  il  y  avait  donc  des 
vaisseaux  français  qui,  n'ayant  point  d'ennemis  à 
combattre,  pouvaient  se  porter  sur  les  points  les 
plus  fortement  attaqués.  On  doit  aimer  à  rejeter  sur 
leur  position  trop  éloignée  du  centre,  l'état  d'inutilité 


DES    ]ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  l^og 

dans  lequel  ils  sont  restés.  Mais  on  doit  aussi  con- 
clure, 1°.  que  notre  système  de  longue  ligne  de  ba- 
taille ne  vaut  rien  devant  un  ennemi  qui  attaque 
avec  des  vaisseaux  réunis  en  pelotons ^  et  destinés  à 
combattre  sur  différens  points  de  sa  ligne  un  petit 
nombre  de  vaisseaux  ;  2°.  que  le  seul  système  de 
guerre  à  opposer  à  celui-là  _,  c'est  au  moins  d'avoir  sa 
ligne  de  bataille  doublée  et  des  corps  de  réserves  sur 
ses  ailes ^  disposés  de  manière  a  se  porter  facilement 
sur  les  points  trop  vivement  attaqués. 

En  effet,  quand  plusieurs  vaisseaux  veulent  porter 
leur  attaque  sur  un  seul_,  qui  est  en  ligne  un  peu 
serrée  j  il  est  évident  que  n'y  ayant  de  place  que 
pour  un  seul  vaisseau  par  son  travers,  surtout  quand 
ils  sont  très-près  l'un  de  l'autre ,  il  faut  que  les  au- 
tres vaisseaux  coupent  la  ligne  en  avant  ou  en  arrière 
du  vaisseau  attaqué  ;  et  tandis  que  l'un  d'eux  va 
prendre  poste  à  l'autre  bord ,  d'autres  peuvent  se 
tenir  sur  ses  hanches  et  le  combattre  avec  un  très- 
grand  avantage.  Or,  il  est  constant  que  si  l'armée 
était  sur  deux  lignes^  le  vaisseau  qui  couperait  la 
première  se  trouverait  entre  deux  feux  ;  s'il  éprou- 
vait la  moindre  avarie,  il  n'aurait  aucune  espérance 
d'être  secouru,  et  presque  la  certitude  d'être  forcé 
d'amener  entre  les  deux  lignes.  Et  on  doit  croire  que 
cette  crainte  empêchera  toujours  l'ennemi  de  tenter 
une  pareille  attaque. 

14.  ^4 


4lO  PRÉCIS 

Si  Tune  des  deux  lignes  est  attaquée  en  ligne ,  et 
que  l'ennemi  ait  de  l'avantage  sur  elle ,  elle  peut 
aller  se  réparer  sous  le  vent  de  la  seconde  ligne, 
tandis  que  celle-ci  opposerait  aux  ennemis  des  vais- 
seaux qui  n'auraient  pas  encore  donné.  Si  au  con- 
traire c'est  la  ligne  sous  le  vent  qui  combat,  la  ligne 
du  vent  peut  toujours ,  en  passant  entre  les  vaisseaux 
qui  ont  combattu  les  premiers,  présenter  à  l'ennemi 
de  nouveaux  vaisseaux  à  combattre.  Enfin ,  si  on 
suppose  que  les  deux  armées  sont  à  nombre  égal,  ce 
qui  peut  arriver  de  pire,  c'est  que  la  moitié  de  l'ar- 
mée ennemie  attaque  la  ligne  du  A^ent,   et  l'autre 
moitié   celle   de  dessous  le  vent,  ce  qui  réduit  le 
combat,   pour  ainsi   dire,  de  vaisseau  à  vaisseau. 
Mais  dans  cette  position,  les  vaisseaux  auraient  plus 
de  moyens  de  se  secourir  mutuellement  que  lors- 
qu'ils sont  rangés  sur  une  ligne  extrêmement  longue. 
Celui  qui  attaque  sur  deux  lignes  a  cet  avantage  sur 
celui  qui  est  en  bataille  sur  une  seule  ;  que  s'il  atta- 
que la  tête  ou  la  queue  de  l'armée,  il  la  met  sans 
difficulté  entre  deux  feux.  S'il  attaque   le   centre, 
tandis  que  l'une  des  lignes  combat  par  le  travers , 
l'autre  la  coupe  infailliblement,  et  tout  le  combat 
6(8   porte  sur  une  partie  de  la  ligne  qui  est  bientôt 
détruite.  L'amiral  Suffren  a  donné  dans  Tlnde  uii 
exemple  de  ce  premier  genre  d'attaque,  et  Nelson 
vient  d'en  donner  un  terrible  du  second.  Il  n'y  a 


DES    ÉVÉJJEMENS    MILITAIRES.  ^n 

point  d'exemple  connu  de  la  défense  sur  deux  lignes  ; 
mais  j'ose  assurer  que  si  l'amiral  Villeneuve  eût  dou- 
blé sa  ligne  au  moment  où  il  a  vu  Nelson  vouloir 
l'attaquer  sur  deux  lignes,  jamais  cet  amiral  n'eût 
eu  l'imprudence  de  faire  une  pareille  attaque. 

NOTE  TROISIÈME. 

Chapitre  XI. — JPage  262. 

Sur  la  question  de  savoir  si  les  souverains  doivent 
commander  leurs  armées  en  personne. 

L'entrevue  de  l'empereur  de  Russie  et  du  roi  de 
Prusse  au  mois  d'octobre  i8o5,  fut  un  événement 
d'une  grande  importance,  non -seulement  parce 
que  ce  complément  de  la  coalition  des  grandes  puis- 
sances pouvait  arrêter  les  progrès  de  l'invasion,  mais 
encore  par  les  graves  conséquences  de  la  réunion  des 
souverains.  La  résolution  qu'ils  prirent  de  traiter 
eux-mêmes  de  leurs  intérêts  communs  ou  respectifs , 
de  les  faire  discuter  en  leur  présence,  surtout  de  se 
mettre  à  la  tête  de  leur,  armées,  a,  depuis  cette 
époque,  puissamment  influé  sur  les  destinées  des 
peuples  de  l'Europe.  Quelque  diverse  qu'ait  été  la 
fortune  des  armes ,  les  souverains  ont  persisté  dans 
cette  résolution  ;  et  l'on  ne  peut  douter  que  l'his- 


4 13  PRÉCIS 

loire  des  effets  qu'elle  a  produits,  ne  donne  lieu  h 
l'examen  de  cette  question  politique  ;  Les  souverains 
doivent-ils  coimnander  leurs  arinées  en  personne  ? 
C'est  à  ceux  de  nos  lecteurs  qui  voudront  s'exercer 
à  la  résoudre,  que  nous  offrons  les  réflexions  sui- 
vantes : 

L'intérêt  de  la  conservation  des  libertés  publiques 
a  porté  plusieurs  publicistes  à  penser  que  le  chef  de 
l'état  ne  doit  se  mettre  à  la  tête  de  l'armée  en  cam- 
pagne, que  pour  la  défense  propre  du  territoire,  et 
sur  le  territoire  même ,  et  jamais  lorsque  le  théâtre 
de  la  guerre  se  trouve  hors  des  frontières.  Celte  opi- 
nion fut  exprimée  dans  l'assemblée  constituante  ;  les 
orateurs  qui  la  soutinrent  avec  le  plus  de  force,  se 
fondaient  sur  les  dangers  qu'entraînait,  pour  la  sû- 
reté des  peuples,  la  présence  du  prince  au  milieu 
des  camps,  ce  Ils  craignaient,  disaient-ils,  qu'accou- 
tumé à  exiger  l'obéissance  passive ,  sans  laquelle  il 
n'y  a  pas  de  bonne  armée,  et  fort  de  l'amour  des 
soldats,  instrumens  et  compagnons  sociétaires  de  sa 
gloire,  il  ne  lui  devint  trop  facile  de  s'afî'ranchir 
des  lois,  de  se  jouer  des  droits  de  la  nation  et  des 
principes  conservateurs  de  son  indépendance.  )) 

Le  prince  qui  commande  ses  armées  en  personne, 
oublie  trop  souvent  qu'il  est  souverain  et  qu'il  exerce 
la  suprême  magistrature ,  pour  se  souvenir  seulement 
qu'il  est  généralissime.  A-t-il  le  génie  militaire; 


DES    EVÉNEMENS    MILITAIRES.  ^l^ 

obtient-il  de  grands  succès  par  sa  vaillance  et  son 
habileté  ,  l'ivresse  de  la  victoire  peut  le  conduire  à 
sa  propre  perte ,  et  associer  à  son  malheur  toute  la 
nation  qu'il  gouverne;  tandis  qu'au  contraire,  s'il  a 
vaincu  par  ses  généraux,  il  saura,  il  sentira  mieux 
à  quel  prix  les  lauriers  ont  été  cueillis;  il  se  hâtera 
de  profiter  de  ses  succès  pour  conclure  une  paix  ho- 
norable et  solide,  au  lieu  de  poursuivre  une  brillante 
et  trop  séduisante  carrière,  et  de  courir  à  des  succès 
nouveaux.  La  vanité  peut^  sans  doute,  inspirer  dans 
le  cabinet  le  dangereux  amour  du  jeu  de  la  guerre, 
mais  ce  n'est  que  dans  les  camps  qu'on  est  entraîné 
par  la  jiassion  de  la  gloire^  et  saisi  de  la  soif  des 
conquêtes. 

Dans  les  siècles  encore  barbares,  où  le  droit  du 
plus  fort  était  seul  reconnu ,  les  attaques  de  voisins 
audacieux  mettaient  à  la  fois  en  péril  l'existence  et 
la  possession  des  souverains  ;  il  fallait  bien  qu'ils 
s'armassent  eux-mêmes,  car  s'ils  n'avaient  conduit 
leurs  vassaux,  et  n'eussent  pas  combattu  à  leur  tête, 
ils  n'auraient  pas  trouvé  de  défenseurs  ;  mais  les  pro- 
grès de  la  civilisation  ont  rendu  les  guerres  moins 
fréquentes  et  moins  décisives;  il  n'y  en  a  presque 
plus  aucune  dans  laquelle  l'un  et  l'autre  parti  ne 
puisse ,  en  supposant  les  plus  grands  revers ,  calculer 
d'avance  l'étendue  des  sacrifices  au  prix  desquels  il 
lui  faudrait  acheter  la  paix.  La  réputation. de  grand 


4l4  PRÉCIS 

capitaine  n'est  plus  celle  dont  un  souverain  doive 
se  montrer  le  plus  jaloux  ;  elle  peut ,  à  la  vérité  , 
dans  le  cas  de  défense   du  territoire  ,   et  du  foyer 
commun,   être  utile  à  la  nation  pour  développer 
toutes  ses  forces  et  son  énergie   :  elle  n'est  jamais 
nécessaire   dans  un  état  bien  réglé;  il  est  pour  les 
rois  une  gloire  plus  vraie  et  plus  durable.  Louis  xiv 
et  Louis  XV  se  montrèrent  à  leurs  armées^  et  leur 
présence  ajouta  à  l'enthousiasme  des  troupes  ;  mais 
ils  ne  dirigeaient  pas  les  opérations  militaires  :   ils 
ne  rivalisaient  point  avec  leurs  généraux  ;  et  comme 
l'a  très-bien  dit  un  de  nos  écrivains,  la  couronne 
royale  ne  faisait  qu'emprunter  une  feuille  de  lau- 
rier à  la  couronne  de  Turenne  et  à  celle  du  ma- 
réchal de  Saxe. 

C'était  une  opinion  très  -  raisonnable  ,  et  depuis 
long-temps  établie  en  France  :  elle  était  fondée  sur 
l'expérience  et  sur  les  leçons  de  l'histoire;  on  y  voit 
que  les  plus  grands  succès  des  rois  qui  s'illustrèrent 
par  les  armes,  et  conduisirent  eux-mêmes  leurs  ar- 
mées, furent  obtenus  en  combattant  sur  le  terri- 
toire pour  le  défendre  et  le  reconquérir,  tandis  que 
leurs  triomphes  et  leurs  conquêtes  extérieures  ne  ser- 
virent ,  le  plus  souvent ,  qu'à  ruiner  les  affaires  de  la 
nation,  et  attirer  sur  la  France  de  grandes  calamités. 

Lorsque  Philippe-Auguste  ,  aux  plaines  de  Bovines, 
De  Tetat  en  danger  répara  les  ruines ,      (  Volïatre.  ) 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  4^5 

il  acquit  sans  cloute  une  gloire  plus  solide  que  par 
ses  vains  exploits  au  siège  de  Saint- Jean -d'Acre. 
Cette  victoire  fut  profitable  à  la  nation  qu'elle  affran- 
chit du  joug  de  l'étranger;  et  l'autorité  royale,  qui 
s'en  accrut,  devint  un  nouveau  bienfait  pour  les 
peuples,  parce  qu'elle  abaissa  la  puissance  des  sei- 
gneurs. 

De  quoi  servirent  les  expéditions  des  croisades? 
de  quels  sacrifices  la  France  ne  dut-elle  pas  payer  lea 
entreprises  du  vaillant  François  i^"^  et  les  fautes  qu'il 
commit  dans  ses  guerres  d'Italie,  et  comme  politique^ 
et  comme  général  ? 

On  a  dit  que  les  excès  de  la  révolution  française 
et  les  provocations  des  anarchistes^  qui  en  corrom- 
pirent les  principes,  avaient  appelé  les  rois  à  leur 
propre  défense.  Cependant  on  les  vit  raiement  pa- 
raître dans  les  camps  pendant  les  premières  campa- 
gnes de  la  guerre  ;  mais  lorsque  le  général  Bona- 
parte se  fut  emparé  de  l'autorité  suprême,  et  qu'il 
crut  ne  pouvoir  se  maintenir  à  ce  haut  rang  que 
par  les  moyens  qui  l'y  avaient  élevé,  sa  présence 
continuelle,  à  la  tête  des  armées  françaises,  fut  une 
sorte  d'appel  ironique  aux  souverains  qui,  occupés 
des  devoirs  paternels  du  trône,  n'avaient  pas  à  fon- 
der leur  droit  sur  leur  épée,  et  ne  mettaient  pas, 
comme  lui,  leur  existence  au  hasard  des  batailles. 
Il   leur  porta  souvent  un  injurieux  défi,  à  la  fin 


4^^  PRÉCIS 

accepté  par  tous,  et  causa  sa  ruine.  On  ne  peut 
douter  que,  sans  cette  réunion  personnelle  du  roi 
de  Prusse  et  des  deux  empereurs,  ces  souverains 
n'eussent  pu  maintenir  l'harmonie  nécessaire  entre 
leurs  généraux,  ni  la  mqme  tendance  dans  la  poli- 
tique de  leurs  cabinets.  Cette  réunion  des  volontés 
souvei-aines  en  un  seul  faisceau,  a  rendu  leur  coali- 
tion contre  la  France  presque  indissoluble  ;  elle  pou- 
vait seule  en  assurer  le  succès.  Toutefois,  cette  cir- 
constance extraordinaire  ne  saurait  justifier  l'opinion 
que  nous  combattons  ici.  Charles  xii  et  Frédéric  n 
donnèrent  aussi  à  l'Europe  le  spectacle  brillant  de 
rois  soldats  et  généraux ,  jouant  dans  les  batailles  le 
sort  de  leur  monarchie  et  celui  de  leur  dynastie ,  et 
dans  des  guerres  que  leur  ambition  avait  provoquées. 
Ils  n'acquirent  de  gloire  personnelle,  celui-là  par  son 
intrépidité,  et  celui-ci  par  son  génie,  qu'en  compro- 
mettant à  chaque  pas  le  sort  de  leur  pays  par  d'aven- 
tureuses témérités.  Un  souverain  doit  être  l'àrae  de 
ses  armées,  mais  il  doit  en  laisser  la  conduite  à  ses 
lieutenans;  il  doit  leur  laisser  l'honneur  des  succès, 
et  la  confiance  des  troupes  qui  en  est  le  gage  et  le 
prix. 

Lorsque  le  chef  d'un  état  guide  lui-même  ses  ar- 
mées à  la  guerre,  tout  disparaît  devant  lui,  toutes  ks 
gloires  se  fondent  dans  la  sienne,  et  les  rayons  partis 
de  mille  points  divers  viennent  former  l'auréole  dont 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITz\IRES.  f^l'J 

il  est  environné.  En  vain  paraît -il  vouloir  quelque- 
fois renvoyer  une  partie  de  cet  éclat  vers  sa  source, 
le  public  ne  multiplie  pas  ses  idoles  ;  il  n'en  vent 
qu'une ,  et  met  tout  le  reste  à  ses  pieds.  Si  quelque 
étonnant  fait  d'armes  porte  fadmiration  vers  le 
compagnon  d'un  nouvel  Alexandre ,  c'est  honorer 
assez  ceParménion,  que  de  le  placer  en  première 
ligne  au-dessous  de  celui  qui  ne  pouvait  plus  avoir 
d'égal  :  Froxirnits  hiiiCy  longo  sed  proxiinus  inter- 
vallo.  L'opinion  rassemble  en  un  seul  personnage 
toutes  les  destinées  de  l'état,  et  ne  voit,  après  lui, 
aucun  bras  assez  fort  pour  soutenir  le  poids  dont  il  est 
chargé.  Ce  système,  utile  à  la  gloire  passagère  d'un 
seul ,  est  presque  toujours  fatal  à  l'intérêt  de  tous  ; 
il  ne  convient  jDoint  à  l'intérêt  commun  que  le  salut 
public  dépende  d'un  seul  homme.  Cependant,  mal- 
gré la  disposition  populaire  à  ne  répéter  qu'un  seul 
nom,  à  ne  voir  dans  tous  les  événemens  heureux  que 
le  génie  du  chef  de  l'état,  si  des  caractères  énergi- 
ques se  font  connaître,  si  des  lalens  supérieurs  forcent 
l'estime  générale,  alors  la  rivalité,  la  jalousie  des 
succès  personnels  peuvent  causer  plus  de  maux  que  la 
concentration  du  commandement  dans  la  main  du 
souverain  n'a  produit  d'avantages.  Que  de  gloires 
n'avons-nous  pas  vu  s'éclipser  ainsi  dans  les  armées 
françaises,  soit  par  une  blâmable  adulation,  soit  par 
une  inconcevable  bizarrerie!  On  se  plaît  trop  .sou- 


4 1 8  p  II  É  c  I  s 

vent  à  déprécier  les  réputations  les  plus  justement 
acquises;  quelquefois  aussi,  conifne  pour  se  venger 
de  la  supériorité  de  quelques-uns  de  ses  compatriotes, 
on  relève  le  mérite  des  étrangers.  Us  en  agissent 
tout  autrement;  les  nations  pour  lesquelles  nous 
montrons  tant  de  bienveillance,  mettent  leur  or- 
gueil à  faire  valoir  leurs  généraux  et  leurs  hommes 
d'état,  et  à  les  offrir  au  respect  des  autres  peuples. 

Sans  prétendre  établir  de  parallèle  entre  les  héros 
des  nations  rivales  qui  pendant  les  dernières  guerres 
ont  plus  particulièrement  fixé  les  regards,  nous  ob- 
serverons que  la  plupart  de  ceux  dont  s'honore  la 
France,  n'ont  pas  eu,  comme  leurs  émules  dans  les 
armées  des  puissances  coalisées,  l'avantage  de  diriger 
leurs  opérations  d'après  leurs  propres  conceptions,  et 
avec  l'entière  indépendance  sans  laquelle  le  génie 
militaire  ne  peut  se  développer  qu'imparfaitement. 
Si  l'on  excepte  Masséna,  qui  dans  sa  campagne  de 
Zurich  sauva  la  France  d'une  invasion  imminente; 
et  Moreau,  dans  sa  campagne  à' Hohenlinden ,  pres- 
que aucun  autre  ne  se  trouva ,  comme  le  général 
Bonaparte,  en  Italie,  en  Egypte,  maître  d'arrêter  ses 
plans,  d'agir  selon  ses  inspirations  pour  l'exécution 
de  ses  propres  desseins.  Puisqu'ils  ont  fait  de  si  gran- 
des choses  dans  la  sphère  où  les  retenaient  la  pré- 
sence et  le  commandement  immédiat  du  chef  de 
l'état,  on  ne  peut  douter  que  plusieurs  des  lieu  te- 


DES    EVENEMENS    MILITAIRES.  ^19 

naïîs  de  Napoléon  ne  se  fussent  élevés  au  faîte  de  la 
gloire  militaire,  s'ils  avaient  eu  pleine  carrière. 

Les  partisans  de  l'opinion  contraire  à  celle  que  nous 
soutenons  ici ,  font  valoir  avec  raison  le  grand  avan- 
tage de  la  promptitude  et  de  la  fixité  des  résolutionn 
à  prendre  dans  les  cas  difficiles,  lorsque  le  chef  de 
l'état  est  présent  et  commande  en  personne.  Mais 
est-il  certain  que  les  inconvéniens  et  les  dangers  de 
ces  décisions  suprêmes,  lorsqu'il  y  va  du   salut  de 
l'état,  ne  doivent,  généralement  parlant,  l'emporter 
sur  ces  avantages.  Au-dessus  de  toute  responsabilité 
par  les  droits  de  la  couronne ,  un  ordre  du  souverain , 
un  seul  mot  en  affranchit  tout  ce  qui  lui  a  juré  obéis- 
sance; ses  erreurs,  ses   fautes  sont  le  plus  souvent 
sans  remède  ;  et  qu'on  n'assimule  pas  sa  position  à 
celle  du  général  en  clief  auquel  il  aurait  donné,  avec 
sa  confiance,  toute  la  latitude  possible,  et  comme 
on  le  disait  autrefois,  carte  blanche.  Celui-ci,  res- 
ponsable envers  la  nation  autant  qu'envers  le  prince , 
de  l'honneur  des  armes  et  de  la  conservation  de  l'ar- 
mée, se  gardera  également  d'agir  avec  témérité,  ou 
d'encourir  le  reproche  d'avoir  man-'jué  d'audace  pour 
saisir  une  occasion  favorable  de  battre  l'ennemi. 

En  admirant  les  marches ,  les  opérations  stratégi- 
ques, les  belles  manoeuvres  de  Napoléon  dans  sa 
campagne.de  Moravie,  on  n'oseiait  affirmer  qu'au- 
cun de  ses  lieulenans  n'aurait  livré  et  gagné  la  m- 


420  PRÉCIS 

taille  è^ AusUrlitz  ;  mais  quel  est  celui  d'entre  eux 
qui  eût  osé  conduire  une  armée  jusqu'à  JMosJùou ^  et 
courir  la  cliance  de  son  entière  destruction? 

Accordons  aux  souverains,  à  ceux ,  comme  a  dit  le 
poète  ^  que  le  ciel  a  formés  d'une  race  si  pure ,  la 
valeur,  la  vaillance;  mais  reconnaissons  qu'ils  parta- 
gent avec  tous  les  autres  hommes,  et  dans  la  propor- 
tion commune  à  tous^  les  plus  beaux  dons  de  la  na- 
ture :  le  génie ,  les  talens  militaires  ne  s'acquièrent 
pas ,  ne  se  transmettent  pas  avec  les  couronnes.  Il  est 
bien  plus  vraisemblable  que  celui  qui,  des  derniers 
rangs ,  se  sera  élevé  par  son  mérite  personnel  et  son 
expérience  jusqu'au  poste  éminent  de  général  en  chef, 
exercera  avec  plus  de  succès  cet  art  difficile.  11  ne 
faut  pas  croire  non  plus  que  les  conseils  dont  s'entou- 
rerait le  souverain  généralissime  puissent  suppléer 
les  rares  qualités  qu'exigent  ses  hautes  fonctions;  car 
s'il  est  reconnu ,  s'il  sent  lui-même  que  ces  conseils 
lui  sont  nécessaires,  le  prestige  est  détruit;  fût-il  par 
d'autres  belles  qualités  l'idole  de  son  armée,  il  n'en 
est  plus  l'àme  :  tous  les  regards  se  portent  vers  le 
véritable  moteur  de  cette  vaste  machine  ;  et  comme 
dans  ce  cas  la  responsabilité  morale  d'un  général  qui 
conseille  et  dirige  les  opérations,  non  pas  au  nom, 
mais  sous  le  nom  du  prince,  est,  de  toutes,  la  plus 
redoutable ,  celui-ci  recevra  rarement  des  avis  sin- 
cères.  Dans  les  affaires  d'une  grande  importance^ 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  42  1 

ainsi  que  dans  les  moindres,  on  se  met  difficilement  à 
la  place  d'un  autre  ;  on  pense  et  l'on  résout  autre- 
ment qu'on  ne  le  ferait  pour  soi-même.  Si  le  prince, 
voulant  s'éclairer^  rassemble  plusieurs  chefs  et  les 
fait  discuter  devant  lui  ^  ce  sera  pis  encore  ;  la  diver- 
gence des  opinions  ne  fera  qu'augmenter  sa  per- 
plexité ;  les  flatteurs  chercheront  à  pénétrer  sa  pen- 
sée, les  plus  sages  craindront  de  paraître  timides,  les 
partis  extrêmes  prévaudront. 

Chez  les  peuples  gouvernés  arbitrairement ,  et  qui 
n'ont  point  encore  atteint  le  degré  de  civilisation  qui 
rend  nécessaire  l'établissement  du  pacte  social,  il 
peut  convenir  au  souverain  d'être  constamment  le 
général  de  son  armée  ;  il  doit  courir  personnelle- 
ment les  hasards  de  la  guerre.  L'exercice  de  la  puis- 
sance absolue  est,  en  effet,  une  sorte  de  continuation 
de  l'état  et  du  droit  de  conquête  :  la  nation  tout  en- 
tière est  une  milice;  elle  n'a  point  d'existence  propre, 
elle  ne  vit  point  de  la  vie  des  lois  ;  le  sceptre  du  mo- 
narque c'est  son  épée. 

Mais  dans  une  monarchie  tempérée  de  la  seule 
manière  dont  elle  puisse  l'être,  c'est-à-dire  dans  un 
gouvernement  représentatif,  là  où  l'heureuse  fiction 
que  le  roi  ne  peut  mal  faire  (  the  king  can  not  do 
wrong),  est  la  plus  sûre  garantie  des  droits  légitimes 
de  la  couronne,  le  roi  ne  doit  point  être  exposé  à 
perdre  en  personne  une  bataille;  il  ne  doit  point^. 


l\21  PRi:CIS 

hors  des   foyers   de  la  patrie ,  chercher  une  gloire 

éphémère. 

NOTE  QUATRIÈME. 

Chapitre   XI.  —  Page  104. 

Sur  la  conquête  du  Tyrol  et  sur  la  jonction  des 
deux  armées  françaises  d' Allemagne  et  d' Italie. 

Ce  plan  de  campagne  si  hardi  et  si  vaste  avait  été 
conçu  depuis  long -temps;  il  fut  proposé  plusieurs 
fois  dans  le  cours  des  deux  derniers  siècles.  L'auda- 
cieux Villars,  qui  le  considérait  avec  raison  comme 
le  coup  le  plus  funeste  cpi'il  fut  possible  de  porter  à 
la  puissance  autrichienne,  voulut  le  tenter  :  le  ma- 
réchal de  Vauban  partagea  cette  opinion;  mais  l'ac- 
cord si  difficile  entre  les  opérations  de  deux  armées 
agissant  en -deçà  et  au-delà  de  la  triple  chaîne  des 
Alpes,  fit  toujours  considérer  l'exécution  de  ce  projet 
comme  une  chimère;  le  conseil  aulique  n'en  conçut 
jamais  d'alarme  sérieuse. 

Lorsque  le  général  Bonaparte,  après  la  l'éduction 
de  Mantoue  et  le  passage  du  Tagliamento ,  força  le 
passage  de  la  Pouteba  et  s'avança  jusqu'au-delà  de 
Tarvis,  pendant  qu'une  de  ses  divisions ,  sous  les  or- 
dres du  général  Joubert,  pénétrait  dans  la  vallée  de  la 
Drave,  la  capitale  de  l'Autriche  se  trouva  découverte 


DES    ÉVÉNEMEWS    MILITAIRES.  4^^ 

et  diiectenient  menacée.  Toutefois  ,  l'arinée  française 
d'Italie  avait  encore  à  franchir  les  défilés  des  mon- 
tagnes de  Styrie;  et  le  prince  Charles  qui  était  accouru 
des  bords  du  Rhin  avec  une  forte  réserve^  se  dispo- 
sait à  les  défendre.  Il  organisait  la  landwehr,  mul- 
tipliait les  obritacîe^,  et  faisait  sans  doute  une  assez 
bonne  contenance,  puisqu'il  traita  de  la  paix  à  des 
conditions  qu'on  peut  dire  égales;  il  obtint  la  posses- 
sion des  états  vénitiens  ,  en  compensation  de  la  ces- 
sion de  la  Belgique.  Le  conquérant  de  l'Italie  s'arrêta 
cette  fois  en-deçà  du  Sommering,  parce  que  n'ayant 
conquis  sur  sa  gauche  que  les  vallées  du  Tyrol  mé- 
ridional ,  et  ne  pouvant  combiner  ses  opérations  avec 
celles  de  l'armée  du  Rhin,  que  l'archiduc  avait  con- 
trainte de  repasser  ce  fleuve^  il  ne  pouvait  guère 
prolonger   sa  ligne  d'opérations  sans  découvrir  ses 
flancs. 

La  même  diiBficulté  se  présenta  trois  ans  après  dans 
le  sens  opposé  ;  la  victoire  décisive  à' Hohenlinden 
ayant  ouvert  à  l'armée  du  Rhin  ^  commandée  par  le 
général  Moreau,  la  Haute  et  Basse  -  Autriche ,  et 
l'accès  de  la  capitale  par  la  grande  vallée  du  Danube, 
ce  général  se  trouva  trop  avancé  pour  combiner  ses 
opérations  avec  celles  de  l'armée  d'Italie.  Lorsque, 
malgré  sa  supériorité  sur  l'ennemi  il  s'arrêta  sur 
l'Ens  et  conclut  l'armistice  de  Steyer,  le  général 
Brune  passait  à  peine  le  Mincio  ;  le  général  Macdo- 


4':»4  PRÉCIS 

nald  pénétrait  dans  le  Trentin.  Le  Hant-Tyrol  était 
encore  occupé  par  les  troupes  autricliiennes  ,  et  son 
évacuation,  sans  laquelle  les  deux  armées  françaises 
d'Allemagne  et  d'Italie  ne  pouvaient  communiquer 
entre  elles,  fut  la  principale  condition  de  l'armistice 
de  Steyer.  Cette  fois,  cependant,  le  péril  était  plus 
pressant  pour  la  ville  de  Vienne,  et  l'archiduc 
Charles,  qui  fat  toujours  le  bouclier  de  sa  patrie,  se 
présenta  encore  pour  recueillir  et  réorganiser  à  San- 
Foelten  les  débris  de  l'armée  :  il  conjura  l'orage; 
mais  la  jonction  des  deux  armées  françaises  était  en- 
core loin  de  pouvoir  s'eliectuer;  l'armée  autrichienne 
d'Italie,  commandée  par  le  comte  de  Bellegarde, 
n'avait  pas  éprouvé  d'assez  grandes  pertes  pour  l'em» 
pêcher  de  tenir  la  campagne. 

Il  fut  donc  réservé  à  l'empereur  Napoléon  d'exé- 
cuter ce  plan  gigantesqîie.  Nous  avons  dit  comment 
la  jonction  des  deux  armées  se  fit  immédiatement 
après  que  le  maréchal  Ney  eut  ache\  é  la  conquête 
du  Tyrol  et  contraint  Tarcliiduc  Jean  à  l'évacuer 
enlièrement.  Le  général  Lacour,  détaché  par  Masséna 
avec  une  brigade  de  dragons,  suivit  de  si  près  l'ar- 
rière-garde  de  ce  prince,  qu'il  ne  lui  laissa  pas  le 
temps  d'enlever  ses  magasins  de  Carinthie  et  ses  hô- 
pitaux. Il  fit  seize  cents  prisonniers ,  et  occupa  Ju- 
denbourg,  Neumarch ,  Fiisach  et  Saint- TVeit  avec 
sa  cavalerie,  et  Klagenfiirth  avec  ses  grenadiers. 


DES    ÉVÉNEMENS    MILITAIRES.  /pS 

La  gauche  de  l'armée  d'Italie  atteignit  ainsi  jus- 
qu'aux avant-postes  du  général  Marmont  dans  la 
Haute-Styrie. 

Pour  opérer  cette  espèce  de  prodige  dans  l'espace 
de  deux  mois,  il  ne  fallut  pas  moins  que  la  prompte 
destruction  de  l'armée  autrichienne  d'Allemagne  à 
Ulniy  et  la  retraite  de  celle  de  l'archiduc  Charles 
après  la  bataille  sanglante  de  Caldiéro.  Les  progrès 
des  Français  sur  le  Danube,  et  l'affaiblissement  de 
l'armée  de  ce  prince,  ne  lui  laissèrent  pas  le  temps 
d'aller  au  secours  de  Vienne,  ni  la  possibilité  de 
tenir  la  campagne,  et  d'arrêter  l'ardente  poursuite 
du  maréchal  Masséna. 

Ce  double  effort  sur  l'un  et  l'autre  théâtre  de 
guerre  dans  le  même  temps,  avec  un  égal  succès,  fut 
l'événement  le  plus  remarquable  de  la  guerre.  Il 
éclaira  le  cabinet  de  Païenne  sur  la  faiblesse  des  fron- 
tières que  les  obstacles  naturels  avaient  jusqu'alors 
fait  considérer  comme  des  remparts  inexpugnables. 
Cette  puissance  a  deux  fois  reconnu,  i°.  que  la  perte 
du  Tyrol  laissait  ses  états  héréditaires  ouverts  à  l'in- 
vasion, et  qu'une  bataille  perdue,  soit  sur  le  Danube, 
soit  sur  l'Adige ,  livrait  l'entrée  du  Tyrol  à  l'ennemi; 
^\  que  la  possession  de  l'état  de  Venise  ne  pouvait 
suffire  à  sa  sûreté,  et  que  si  elle  ne  recouvrait  le 
Milanez ,  elle  ne  pouvait  couvrir  le  Tyrol. 

Napoléon,  en  dictant  la  paix  de  Preshour§ ,  qui 
14.  25 


4^6  PRÉCIS 

dépouillait  l'Autriche  de  ses  frontières  naturelles  à 
l'ouest  et  au  sud;  en  faisant  du  roi  de  Bavière,  par 
la  cession  du  Tyrol ,  un  redoutable  voisin,  crut  avoir 
mis  cette  puissance  hors  d'état  de  lui  faire  la  guerre, 
et  d'oser  entrer  dans  une  nouvelle  coalition  contre 
la  France.  Ayant,  avec  la  rapidité  de  la  foudre, 
dispersé  ses  armées,  détruit  ses  arsenaux,  ruiné  ses 
finances,  il  pensait  n'avoir  fait  qu'atteindre  son  but; 
mais  il  l'avait  dépassé  j  il  avait  abusé  de  la  victoire 
jusqu'au  point  où  ses  fruits  sont  plus  nuisibles  que 
salutaires.  La  monarchie  autrichienne  ne  pouvait 
rester  ainsi  mutilée;  et  puisque  le  conquérant  ne 
voulait  pas  la  détruire ,  et  qu'il  n'avait  pas  d'ailleurs 
assez  de  forces  pour  achever  une  telle  révolution, 
il  ne  fallait  pas  qu'il  lui  arrachât  ses  plus  anciennes 
possessions,  et  la  laissât  en  prise  de  toutes  parts,  ou- 
verte et  sans  défense  comme  une  place  démantelée. 
Faire  à  l'ennemi  plus  de  mal  en  accordant  la  paix 
qu'on  n'en  eût  fait  en  poursuivant  la  guerre,  n'est 
pas  d'une  saine  politique  Les  ressentimens ,  l'indi- 
gnation de  la  honte,  sont  de  terribles  ennemis;  il  est 
moins  dangereux  de  laisser  (derrière  soi  d'anciennes 
limites ,  des  armes  et  des  forteresses.  Nous  ne  saurions 
nous  empêcher  d'observer  ici  que  les  alliés,  à  leur 
seconde  invasion  de  la  France ,  ont  commis  la  même 
faute;  non  contens  de  l'avoir  réduite  à  son  ancien 
territoire,  dont  l'étendue  est  hors  de  proportion  avec 


DES    ÉVENEMENS    MJJLITA  1RES.  L^'in 

leurs  agrandisseniens  respectifs,  ils  ont  ruiné  la  fron- 
tière de  l'est;  ils  se  sont  établis,  non  pas  seiilenient 
en  observation,  mais  dans  une  attitude  hostile  en 
retenant  à^s  places,  des  positions  et  des  débouchés 
qui  sont  les  véritables  clefs  de  ce  royaume.  Ces  spo- 
liations humiliantes  sont  des  semences  de  guerre  ; 
l'Autriche,  malgré  ses  profondes  blessures,  ne  s'est 
pas  montrée  moins  formidable  lorsqu'elle  a  pu  re- 
prendre les  armes,  et,  sans  doute,  il  n'en  serait  jDas 
autrement  ailleurs. 

On  n'a  peut-être  pas  encore  assez  remarqué  la  con- 
duite de  cette  puissance  dans  ses  longs  et  fréquens 
revers;  elle  les  a  supportés  avec  une  admirable  con- 
stance ;  elle  a  cédé  de  grandes  pjovinces ;  elle  a  fait 
tous  les  sacrifices  exigés  par  le  vainqueur,  pour  ache- 
ter à  tout  prix  la  prompte  évacuation  de  celles  qu'elle 
pouvait  conserver;  nais  elle  a  toujours  maintenu  son 
armée  sur  le  même  pied  ;  elle  n'a  rien  changé  à  sa 
forte  organisation  :  c'est  ce  qui  l'a  mise  en  mesure  de 
profiter  des  circonstances  pour  reprendre  sa  place  et 
j-ecouvrer  ses  anciennes  possessions. 

Après  une  lonsie  guerre,  alors  même  qu'on  peut 
le  plus  compter  sir  la  durée  de  l'état  de  paix,  il  im- 
porte aux  puissaices  continentales  de  conserver  l'or- 
ganisation de  l'amée  telle  qu'elle  a  été  en  campagne. 
On  doit  redoutr  les  changemens  qui  n'ont  pas  été 
éprouvés  à  la  gierre;  aucun  perfectionnement,  quel- 


428  PRÉCIS  DES  ÉVENEMENS  MILITAIRES, 
que  utile  et  raisonnable  qu'il  paraisse ,  ne  vaut,  pour 
l'ensemble  et  l'unité,  qui  sont  la  force  d'une  armée, 
l'idée  de  stabilité  qui  s'attache  aux  traditions  des 
officiers  et  des  soldats  qui  les  ont  reçues  eux  -  mêmes 
de  leurs  devanciers  sur  le  champ  de  bataille ,  dans 
les  mêmes  divisions ,  dans  les  mêmes  corps  de  diffé- 
rentes armes. 

On  a  vu  l'armée  prussienne ,  malgré  les  mutations 
plus  fréquentes  que  dans  aucune  autre  armée,  à  cause 
du  mode  de  recrutement,  garder  pendant  trente  an- 
nées la  formation ,  les  institutions,  les  ordonnances  du 
grand  Frédéric.  L'esprit  de  corps,  ce  ressort  si  puis- 
sant ,  seule  garantie  de  la  fidélité  et  de  l'obéissance , 
est  brisé  par  les  organisations  successives  et  les  dé- 
placemens  auxquels  elles  servent  de  prétexte.  C'est 
par  la  fixité  de  ses  cadres ,  par  la  permanence  des 
garnisons  ou  quartiers,  par  l'imiautabilité  de  la  hié- 
rarchie des  grades  et  des  règles  d'avancement ,  que 
l'armée  autrichienne  a  acquis  cett»  solidité  qui  l'a  fait 
résister  aux  vicissitudes  de  la  fortme. 


TABLE  RAISONNEE 

DES    CHAPITRES   ET   DES    MATIÈRES 

DU    TOME    XIV,    CAMPAGNE    DE    l8o5. 


Suite  du  CHAPITRE   IX. 

Mouvement  prématuré  du  prince  Murât  sur 
Vienne.  —  affaire  de  Diernstein.  —  Retraite 
du  général  Kutusow  sur  la  Moravie.  —  Dispo- 
sitions de  l'empereur  JS^apoléon  pour  passer  le 
Danube.  —  Nouvelles  propositions  d'armistice' 
—  Entrée  des  Français  à  Vienne.  —  Surprise  du 
pont.  —  Quarlier'général  de  la  Grande- Armée  à 
Schoenbriinn. 

Pages  1"  à  17. 

JVlouvEMENS  de  l'armée  russe  sur  la  rive  gauche  du 
Danube.  —  Le  prince  Murât  porte  son  avant- garde 
trop  loin.  —  Mécontentement  et  prévoyance  de  Na- 
poléon. —  Ordres  aux  maréchaux.  —  Situation  cri- 
tique du  corps  d'armée  du  maréchal  Mortier.  — 
Attaque  et  prise  de  Stein.  —  Supériorité  des  Russes. 
—  Renforts  successifs.  —  Manoeuvres  de  deux  co- 
lonnes de  l'armée  ennemie.  —  Danger  imminent  des 


43o  TABLE 

Français.  —  Résolution  du  maréchal  Mortier.  —Arri- 
vée de  la  division  du  général  Dupont.  — Beaux  faits 
d'armes.  —  Action  sanglante.  ■—  Retraite  des  Russes. 

Pages  17  à  52. 

Combinaisons  de  Napoléon  sur  la  réunion  des 
armées  ennemies  d'Allemagne  et  d'Italie.  —  Propo- 
sition d'armistice.  —  Ulthnatiun  de  Napoléon.  — 
Refus  de  la  cour  d'Autriche.  —  Députation  de  la 
ville  de  îTiemie.  —  Capitulation.  —  Entrée  des  Fran- 
çais à  Vienne.  —  Surprise  du  pont  de  Spitz.  — 
Retraite  de  l'arrière -garde  autrichienne.  —  Napo- 
léon établit  son  quartier-général  au  château  impé- 
rial de  Scîioenbrunn. 

CHAPITRE   X. 

Mouvejnens  des  Français  au-delà  du  Danube.  — 
Manœuvre  du  général  Kutusow.  —  Combat 
c^'Hollabrùnn.  —  Capitulation  rejetée  par  Kapo- 
léon.  —  Affaire  de  Schoen-Graben.  —  Briinn 
éuacué.  —  Réunion  des  empereurs  d'Autriche  et 
de  Russie.  —  Jonction  des  armées  russes. 

Pages  33  à  55. 

Espoir  des  alliés  dans  les  manœuvres  du  général 
Kutusow.  —  Possibilité  de  reprendre  l'offensive. — 
Nouvelle  direction  des  corps  d'armée.  —  Prise  d'un 
parc    d'artillerie.   —   Activité   des   mouvemens,  — 


BES    MATIÈRES.  43ï 

Organisation  civile  et  militaire  de  la  Haute  et  Basse- 
Autriche.  —  Aperçu  sur  le  système  de  défense  des 
capitales.  —  Faux  bruits  d'armistice  —  Succès  des 
Français  à  Hollahrunn.  —  Démarche  inconsidérée 
du  prince  Murât,  —  Kutusow  en  profile.  —  Posi- 
tion du  général  Bagration.  —  Attaque  des  Français. 
—  Combat  de  nuit.  —  Vive  résistance.  —  Défaite 
des  Russes.  ■—  Napoléon  arrive  à  Zndim. 

Pages  55  à  67. 

Retraite  du  général  Kutusow.  —  Dispositions  de 
Napoléon  pour  la  prompte  réunion  de  ses  corps  d'ar- 
ïnée.  —  Neutralité  de  la  Hongiie.  —  Occupation  de 
Freshourg  par  les  Français.  ~  Évacuation  de  la  ville 
et  forteresse  de  Briinn  par  les  Autrichiens.  —  En- 
trevue des  empereurs  d'Autriche  et  de  Russie  à 
Olmiitz.  —  Jonction  des  armées  russes  et  autri- 
chienne. —  Supériorité  des  forces  de  l'ennemi.  — 
Causes  d'inaction.  -  Situation  de  la  Grande-Armée. 

—  Napoléon  pressent  quel  est  le  but  des  manœuvree 
des  Russes.  — Avantage  de  la  position  qu'il  choisit. 

—  Les  deux  armées  sont  en  présence. 

CHAPITRE   XI. 

Suite  des  opérations  en  Italie.  —  Passage  de 
risonzo.  —  Blocus  de  Venise.  —  Retraite  des 
^autrichiens  dans  la  Carniole. -^  Défaite  et  prise 


4^2  TABLE 

du  corps  du  prince  de  Rohan  à  Casteï-Franco ,  par 
le  lieutenant- général  Qo  uv  ion  -  Saint- Cyr. — 
entière  évacuation  du  Tyrol.  —  Jonction  des 
archiducs  Charles  et  Jean,  —  Jonction  des  armées 
françaises ,  d Allemagne  et  d'Italie.  —  Viola- 
tion de  la  neutralité  de  JVaples.  —  Déharquement 
des  Russes  et  des  Anglais. 

Pages  67  à  73. 

Continuation  des  opérations  après  le  passage  du 
Tagliamento.  —  Poursuite  des  Autrichiens.  —  Éva- 
cuation de  Palma-Nova.  —  Importance  de  cette  for- 
teresse. —  Retraite  du  prince  Charles.  —  Obstacles 
qu'il  oppose  au  maréchal  Masséna.  —  Passage  de 
risonzo.  —  Défense  du  général  autricliien  de  Fri- 
naont.  —  Intrépidité  des  voltigeurs  français.  —  Mou- 
vement simultané  des  divisions  Serras  et  Duhesme. 
—  Entrée  des  Français  à  Gorizzia. 

Pages  73  à  92. 

Interruption  des  communications  avec  la  grande 
armée  d'Allemagne.  —  Causes  de  la  suspension  de  la 
marche  du  maréchal  Masséna.  —  Livourne  mis  en 
état  de  siège.  —  L'avant-garde  du  général  Espagne 
poursuit  l'ennemi.  —  Prise  de  Trieste.  —  Nouvelle 
base  d'opérations  sur  l'Isonzo.  —  Moyens  rapides 
d'attaque  et  de   réunion,  —  Blocus  de  Venise.   — 


/ 

DES    MATIÈRES.  4^^ 

Corps  d'armée  du  lieutenant-général  Saint-Cyr.  — 
Position  de  ses  troupes.  —  Avis  de  l'apparition  du 
corps  autrichien,  commandé  par  le  général  prince 
de  Roban.  —  Le  lieutenant-général  Saint-Cyr  mar- 
che à  lui.  —  Le  bat  à  Cas  tel- Franco.  —  Il  fait  tout 
ce  corps  prisonnier.  —  Sa  relation  au  maréchal  Mas- 
séna.  —  Jonction  des  troupes  de  l'archiduc  Charles 
et  de  l'archiduc  Jean. 

Pages  92  à  10g. 

Mouvement  de  retraite  des  deux  archiducs.  — 
Poursuite  de  leur  armée.  —  Détails  circonstanciés  de 
la  conquête  du  Tyrol.  —  Rapport  du  maréchal  Ney. 
—  Marche  des  Autrichiens  vers  la  Hongrie.  — 
L'avant-garde  française  arrive  à  Layhach.  —  Com- 
munication entre  les  armées  françaises  d'Allemagne 
et  d'Italie.  —  Attaque  et  prise  de  Fiume.  —  Toute 
l'Italie  supérieure  au  pouvoir  des  Français. 

Pages  109  à  116. 

Développement  des  projets  des  puissances  coali- 
sées au  moment  de  l'ouverture  de  la  campagne.  — 
Combinaisons  d'attaque  générale.  —  Participation  de 
la  cour  de  Naples.  —  Motif  de  son  traité  de  neutra- 
lité avec  la  France.  —  Son  intelligence  avec  les  ca- 
binets de  Londres  et  de  Pétershourg.  —  Débarque- 
ment des  Anglo- Russes  dans  le  royaume  de  Naples 


4^4  TV BLE 

—  Les  forteresses  confiées  aux  Anglais.  —  Troupes 
napolitaines  sous  le  commandement  d'un  général 
russe.  —  Départ  de  l'ambassadeur  français.  —  Me- 
sures de  défense  du  prince  Eugène,  vice-  roi  d'Italie. 

—  Le  général  Saint-Cyr  se  rend  à  Bologne.  —  Ré- 
flexions sur  le  plan  de  guerre  dirigé  par  M.  Pitt. 

CHAPITRE   XIL 

Suite  des  opérations  en  Moravie  . —  Position  respec- 
tive des  armées  entre  Briinn  et  Olmiitz.  —  Négo-- 
dations  simulées.  —  Les  alliés  pj^ennent  V offen- 
sive. —  Le  prince  Bagration  fait  replier  l'avant- 
garde  française.  —  Napoléon  conce?itre  ses  forces. 
—  Dispositions  des  deux  armées  en  présence.  — 
Bataille  </'Austerlitz.  —  Défaite  des  alliés.  — 
Retraite  des  Russes.  —  Entrevue  des  empereurs 
Napoléon  et  François.  — -  Armistice.  —  Négocia- 
tions  ouvertes  à  Presbourg.  —  Nouvelles  disposi- 
tions de  Napoléon.  —  Traité  de  paix  entre  ht 
France  et  V Autriche. 

Pages  1 16  à  126. 

Marche  des  corps  de  la  Grande-  Armée.  —  Occu- 
pation de  Brùnn.  —  Fortifications  de  la  citadelle.  — 
Combat  de  cavalerie  en-deçà  de  JVischau.  —  Cause 
du  mouvement  rétrograde  des  alliés.  —  Avantage  de 
leur  position.  —  Communication  de  l'armée  du  gé- 


1>ES    MATIÈRES.  ^^S 

néral  Kutusow  avec  l'archiduc  Ferdinand.  —  Légers 
succès  des  Russes  sur  la  frontière  de  Hongrie.  — 
Nouveau  plan  d'opérations  des  empereurs  d'Autri- 
che et  de  Russie  pour  envelopper  l'armée  française. 

—  Prévoyance  de  Napoléon.  —  Il  concentre  ses  forces. 

—  Arrivée  des  plénipotentiaires  autrichiens  au  quar- 
tier-général français.  —  Objet  de  leur  mission. 

Pages  1 16  à  1 58. 

Le  général  Kutusow  prend  l'offensive.  —  Compo- 
sition des  colonnes  de  l'armée  combinée.  —  Décep- 
tion des  alliés  sur  les  mouvemens  de  l'armée  fran- 
çaise. —  Napoléon  confirme  cette  erreur  par  ses  dé- 
monstrations. —  Méprise  du  prince  Dolgorouki ,  en- 
voyé par  l'empereur  de  Russie  près  l'empereur  des 
Français.  —  Opinion  accréditée  au  camp  des  alliés  , 
de  la  ruine  imminente  de  la  Grande  Armée  française. 
■ —  Satisfaction  de  Napoléon  à  la  vue  de  leurs  mou- 
vemens de  flanc.  —  Il  adresse  une  proclamation  à 
son  armée.  —  Visite  les  bivouacs.  —  Ses  derniers 
ordres  aux  maréchaux.  —  Marche  des  alliés.  —  Evé- 
nemens  partiels.  —  Combats  de  nuit.  —  Position  res- 
pective ,  au  I"  décembre,  à  minuit ,  des  armées  fran- 
çaise et  austro-russe. 

Pages  1 58  à  181. 

Confiance  des  alliés  dans  la  supériorité  de  leurs 


435  TABLE 

forces.  —  Ils  se  disposent  à  quitter  les  hauteurs  de 
Prazen.  —  Les  Français  s'emparent  de  Telnitz  et 
Soholnitz.  —  Importance  de  ces  postes ,  pris  et 
repris.  —  Attaque  des  hauteurs  de  Prazen  par  les 
divisions  Saint-Hilaire  et  Vandamrae.  —  Faute  du_ 
général  Kulusow.  —  Il  tente  vainement  de  reprendre 
sa  première  position.  —  Charges  meurtrières.  — 
Efforts  des  Austro-Russes.  —  Manoeuvres  du  grand- 
duc  Constantin.  —  Mort  du  général  russe  Essen.  — 
Détail  des  attaques  dirigées  par  les  maréchaux  Da- 
voust,  Soult  et  Lannes. 

Pages  18 1  à  190. 

Du  plan  de  bataille  conçu  par  Napoléon.  —  Jus- 
tesse de  ses  calculs.  —  Précision  de  ses  ordres.  — 
Accord  dans  l'exécution.  —  Position  du  prince  Mu- 
rat.  —  Combat  de  Blasomtz.  —  Les  Russes  cul- 
butés. —  L'infanterie  du  prince  Bagration  chargée 
à  la  baïonnette.  —  Désordre  dans  le  rang  des  alliés. 
—  Manœuvres  du  général  Suchet.  —  Attaque  et  dis- 
persion d'une  masse  d'infanterie  russe.  —  Rapidité 
des  succès  de  l'aile  gauche  des  Français.  —  Retraite 
et  pertes  des  Austro-Russes. 

Pages  1 90  à  208. 

Continuation  de  la  bataille  au  centre.  —  Combat 
de  deux  bataillons  français  contre  la  réserve  de  la 


DES    MATIÈRES.  4^7 

garde  impériale  russe.  —  Us  sont  chargés  et  dis- 
jiersés.  —  Secours  envoyé  par  Napoléon  ,  conduit 
par  le  général  Rapp.  —  Vif  engagement  de  ca- 
valerie entre  les  réserves  des  deux  gardes  impé- 
riales ,  française  et  russe.  —  Beau  fait  d'armes  du 
général  Rapp.  —  Prise  des  drapeaux  et  des  canons 
de  la  garde  russe.  —  Position  critique  de  l'ennemi. 

—  Les  Français  s'emparent  à^ Aujczd ,  de  Sokolnitz 
et  de  Telnitz.  —  Retraite  du  général  Buxliowden. 

—  Carnage  de  ses  troupes.  —  Colonne  du  général 
Doctorow  engloutie  sous  les  glaces.  —  Napoléon 
se  porte  avec  ses  réserves  sur  les  lacs^  pour  achever 
la  défaite  de  l'aile  gauche  de  l'ennemi.  —  Ses  der- 
niers efforts.  —  Fin  de  la  bataille.  —  Victoire  com- 
plète des  Français. 

Pages  208  à  239. 

Proclamation  de  Napoléon  à  son  armée.  —  Ordres 
pour  la  poursuite  de  l'ennemi.  —  Suspension  d'ar- 
mes. —  Entrevue  des  deux  empereurs  de  France 
et  d'Autriche.  —  Convention  d'armistice.  —  Départ 
de  l'empereur  Alexandre.  —  Marche  de  son  armée 
pour  retourner  en  Russie.  —  Départ  des  prisonniers. 

—  Dispositions  pour  l'emplacement  des  divers  corps 
de  la  Grande-Armée.  —  Désignation  des  comman- 
demens  des  maréchaux.  —  Conférences  de  Pres- 
èoMr^.  —  Traité  de  paix  signé  le  a6  décembre,  et 


458  TABLE    DES    MATIERES, 

ratifié  le  27  par  les  deux  empereurs.  —  Procla- 
mation de  Napoléon  à  son  armée  et  au  peuple  de 
f^ienne.  —  Son  départ.  —  Son  arrivée  à  Munich. 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIERES  DU  TOME  XIV. 


TABLE 

DES  PIÈCES  JUSTIFICATIVES  DU  TOME  XIV. 


Suite  des  ordres  et  de  la  correspondance  du  major^ 
général ,  avec  les  commandans  en  chef  des  corps 
d'armée,  dictés  par  l'empereur  Napoléon, 

A  M.  le  maréchal  prince  Mural Page  201 

A  M.  le  maréchal  Davoust 202 

A  M.  le  maréchal  Soult Ib. 

A  M.  le  maréchal  Soult 2o3 

Au  maréchal  Bernadotte 204 

A  M.  le  maréchal  Soult 2o5 

Au  prince  Mural 207 

Au  maréchal  Mortier 211 

Au  maréchal  Mortier 212 

A  S.  A.  le  prince  Murât 214 

Ordre  au  général  Reille 21 5 

Au  général  Marmont , 216 

A  M.  le  maréchal  Soult Jb. 

Instructions  pour  M.  le  maréchal  Bernadotte.. .  218 

A  M.  le  maréchal  Mortier 220 

A  M.  le  maréchal  Davoust 221 

A  M.  le  maréchal  Mortier 222 

A  M.  le  maréchal  Davoust Ih. 


44o  TABLE 

A  M.  le  maréchal  Davoust Page  224 

A  M.  le  général  Dumas Ib. 

A  M.  le  maréchal  Soult 226 

A  S.  A.  le  prmce  Murât Ih. 

Ordre  du  jour  du  20  brumaire  an  xiv 226 

A  M.  le  maréchal  Ney 228 

Au  général  Deroi,  commandant  l'armée  bava- 
roise    229 

A  M.  le  maréchal  Davoust Ih, 

Au  général  Marraont 233 

A  M.  le  maréchal  Davoust 235 

A  M.  le  maréchal  Bernadotle 236 

A  M.  le  général  Marmont Ih. 

Instructions  pour  le  général  Clarke 258 

A  S.  A.  le  prince  Murât. 240 

A  M.  le  maréchal  Davoust 24 1 

A  M.  le  maréchal  Ney Ih. 

Deux  lettres  à  M.  le  maréchal  BernadoUe 243 

A  M.  le  maréchal  Mortier 244 

A  M.  le  général  Clarke 245 

A  S.  A.  le  prince  Murât 246 

A  M.  le  maréchal  Soult 247 

A  M.  le  maréchal  Bernadotte Ih. 

Au  prince  Murât 248 

A  M.  le  maréchal  Bernadette Ib, 

A  M.  le  maréchal  Soult 249 

A  M.  le  général  Dumonceau 25o 


DES    PIÈCES    JUSTIFICATIVES,  44 ' 

A  M.  le  général  Baraguey-d'Hilliers. .  . .   Page  260 

A  M.  le  maréchal  Masséna 25 1 

A  M.  le  général  Léry 255 

A  M.  le  général  Songis 254 

A  M.  Petiet,  intendant-général 255 

A  M.  le  maréchal  Bernadette 7 .  . .    256 

Rapport  du  maréchal  Ney  à  S.  E.  le  ministre  de 

la  guerre ,  major-général i358 

Ordre  du  jour  pour  le  3  brumaire,  à  Brûnn. . .    266 

A  M.  le  général  Songis 267 

A  M.  Petiet,  intendant-général 268 

A  M.  le  maréchal  Davoust. 270 

A  M.  le  maréchal  Bernadotte Ih. 

A  MM.  les  maréchaux  Soult  et  Bernadotte 271 

A  M.  le  général  Marmont 272 

A  M.  le  maréchal  Davoust Id. 

A  M.  le  maréchal  Davoust 273 

A  S.  A.  le  vice-roi  d'Italie 275 

A  M-  le  maréchal  Ney 276 

Instructions  au  général  Andréossy 277 

A  MM.  les  généraux  Caffarelli ,  Boyer,  Bourcier, 

Klein ,  Fauconnet.  —  Ordre 280 

A   MM.  les  maréchaux  Davoust,  Bernadotte, 

Mortier /5. 

A  M.  le  général  Marmont 281 

A  M.  le  maréchal  Bernadotte 16. 

Ordres  aux  maréchaux  et  généraux lè. 

i4-  26 


4/j2  TABLE 

Dispositions  générales  pour  la  journée   du   1 1 

frimaire P^g^  28^ 

Ordres  aux  maréchaux  Murât,  Lannes,  Berna- 
dotte,  Soult,  Davoust,  et  aux  généraux  Klein 

et  Bourcier i285 

A  M.  le  maréchal  Soult Jb. 

Lettre  du  prince  Eugène,  vice -roi  d'Italie,  à 

M.  le  maréchal  Ney 287 

Lettre  de  M.  Alquier,  ambassadeur  de  France  à 
Naples  sur  le  débarquement  de  l'armée  anglo- 
russe  289 

Au  prince  Murât 294 

Au  général  Dumas Ib, 

Instructions  pour  le  général  Andréossy,  sur  la 

direction  à  donner  aux  prisonniers  russes.  . . .    296 
Au  général  Oudiuot ,  et  aux  maréchaux  Lannes 

et  Bernadotte 299 

Au  prince  Murât Ib' 

Aux  généraux  Oudinot ,  Dumas  ;  aux  maréchaux 

Soult ,  Lannes ,  Davoust 5oo 

Au  maréchal  Lannes ^. .  .  .    001 

Au  maréchal  Bernadotte Ib. 

Au  général  Marmont 3o2 

Au  maréchal  Davoust Ib, 

Au  maréchal  Lannes 5o5 

Au  maréchal  Murât 3o4 

Au  maréchal  Bernadotte 3o5 


DES    PIÈCES    JUSTIFICATIVES.  44^ 

Au  maréchal  Soiilt Page  3o6 

Au  maréchal  Masséna Ib. 

Au  maréchal  Bernadotte 807 

Au  maréchal  Masséna 3ocJ 

Au  général  Saint-Cyr 3 1 1 

Au  maréchal  Augereau 3 1 2 

Au  prince  Louis _,  connétable  de  l'empire 5 1 3 

A  S.  Ex.  M.  Schimmelpennick  ,  grand-pension- 
naire d'état,  à  La  Haye 3 14 

Au  prince  Eugène,  vice-roi  d'Italie Ib. 

Au  maréchal  Masséna 3 1 5 

Au  général  Marmont 5i 6 

Au  maréchal  Augereau 317 

A  S.  A.  le  prince  Louis Ib, 

Au  maréchal  Brune 3i8 

Au  général  Marmont Ib, 

Au  maréchal  Davoust 320 

Au  maréchal  Bernadotte Ib. 

Au  maréchal  Davoust 32 1 

Au  maréchal  Mortier 323 

Au  général  Marmont Ih. 

Au  maréchal  Soult 324 

Au  maréchal  Ney. 325 

A  S.  A.  le  prince  Louis  ^  connétable Ib. 

Au  maréchal  Lefebvre , . . .  .    526 

Au  maréchal  Masséna 328 

Au  prince  Eugène 329 


444       TABLE    DES    PIECES    JUSTIFICATIVES. 

Au  général  Marmont Page    53o 

A  M.  Pelict,,  intendant-général 35 r 

Au  maréchal  Bessières 352 

Au  maréchal  Augereau Ib. 

Note  autograplie  envoyée  à  l'auteur  par  le  feu 
général  Rapp ,  sur  le  fait  d'armes  par  lequel 
il  se  signala  à  la  bataille  àil A asterlitz ,  et  qui 
a  fait  le  sujet  de  l'un  des  plus  beaux  tableaux 

de  l'école  française 555 

Ordre  de  bataille  de  l'armée  française  ,  à  la  ba- 
taille à'Austerlitz,  commandée  par  l'empe- 
reur Napoléon 357 

Ordre  de  bataille  de  l'armée  austro- russe,  à  la 
bataille  à' A ustei'litz ,  commandée  par  les  em- 
pereurs François  et  Alexandre 558 

Tmité  de  paix  entre  S.  M.  l'empereur  des  Fran- 
çais et  S.  M.  l'empereur  d'Allemagne  et  d'Au- 
triche    359 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  PIECES  JUSTIFICATIVES» 


TABLE  RAISONNEE 

DES    MATIÈRES    DES    NOTES 

RELATIVES  AU  TEXTE  DES  TOMES  XIII  ET  XIV, 


NOTE    PREMIERE. 

Sur  la  domination  politique  de  V Angleterre, 
Pages  392  à  406. 

Jmportance  de  cette  question.  —  Sa  division  natu- 
lurelle.  —  Principe.  —  Moyens.  —  Conséquences.  — 
De  l'état  de  l'Angleterre  avant  et  après  le  règne  de 
Guillaume  -  le  -  Conquérant.  —  Recherches  sur  les 
causes  de  l'augmentation  graduelle  de  sa  marine.  — 
Les  guerres  civiles  servent  au  développement  de  sa 
puissance.  —  Progrès  successifs  de  sa  domination.  — 
Son  acte  de  navigation.  —  Son  monopole  du  com- 
merce. —  Son  affranchissement  de  toute  réciprocité. 
—  Principes  de  sa  législation  sur  les  neutres.  — ♦ 
Exercice  du  droit  de  blocus.  —  Faibles  eiTorts  de 
l'Europe  contre  ses  prétentions.  —  Projets  de  neutra- 
lité armée.  —  Humiliation  des  cours  du  Nord.  — 
Bombardement  des  ports  de  la  Hollande,  de  la  Suède, 
du  Danemarck.  —  Domination  sur  les  mers,'—  Con- 


44^  TABLE 

joncture  favorable  au  maintien  de  son  système.  — 
Vues  ambitieuses  habilement  dissimulées.  — Résul- 
tats de  la  guerre  continentale  pour  l'accroissement  de 
ses  trésors  et  de  ses  possessions.  —  Influences  de  ses 
sub^iides.  —  Ressources  intarissables.  —  Utilité  de  ses 
conquêtes  dans  les  deux  Indes.  —  Causes  de  la  rup- 
ture du  traité  à! Amiens.  —  Avantages  qu'elle  retire 
des  coalitions.  —  Pourquoi  elle  est  l'arbitre  de  la  paix 
et  de  la  guerre.  —  Aperçu  de  ses  acquisitions  depuis 
1668. — Quel  doit  être  le  résultat  de  son  système 
politique  à  l'égard  des  puissances  continentales. 

NOTE    DEUXIÈME. 

extrait  des  réflexions  d'un  ancien  officier  de  la 
marine  royale  de  France ,  sur  la  bataille  de  Tra- 
falgar. 

Pages  406  à  4  »  I . 

Système  d'attaque  et  de  défense  dans  les  guerres 
maritimes.  —  Motifs  d'engager  ou  d'éviter  le  combat. 

—  Importance  de  la  tactique  navale.  —  EJxempIes. 

—  Détails  et  discussions  sur  les  diverses  positions 
pendant  la  bataille  de  Trafalgar.  —  De  la  formation 
des  lignes  de  bataille.  —  Examen  de  la  manoeuvre 
d'attaque  de  l'amiral  Nelson. 


DES    MATIÈlirS    DES    NOTES.  44? 

NOTE    TROISIÈME. 

Sur  la  question  de  savoir  si  les  souverains  doivent 
commander  leurs  armées  en  personne. 

Pages  4ii  à  422. 

Observations  générales  sur  cette  question. —  Opi- 
nion des  pnblicistes.  —  Recherches  sur  cet  usage  avant 
et  depuis  les  progrès  de  la  civilisation.  —  Changemens 
nécessaires.  —  Effets  de  la  présence  des  souverains 
dans  les  camps.  —  De  l'esprit  de  conquête.  —  De 
l'obéissance  passive.  —  Danger  pour  les  libertés  pu- 
bliques. —  Faits  à  l'appui.  —  Cas  d'invasion.  — 
Guerres  extérieures.  —  De  la  confiance  dans  les  taJens 
des  généraux  en  chef.  —  De  l'émulation.  —  Situation 
particulière  d'un  prince  conquérant.  —  Et  de  celle 
d'un  roi  affermi  sur  le  trône.  —  Objet  de  la  guerre. 

—  Calcul  sur  ses  résultats.  —  Pourquoi  Napoléon  a 
dû  commander  ses  armées.  —  Représailles  des  souve- 
rains. —  Exposé  des  opinions  contradictoires.  — 
Sentiment  de  l'auteur. 

NOTE     QUATRIÈME. 

Sur  la  conquête  du  Tyrol  et  sur  la  jonction  des  deux 
armées  françaises  d' Allemagne  et  d' Autriche. 

Pages  422  à  428. 

Ancien  plan  de  guerre  d'invasion  contre  l'Autriche. 

—  Difficultés  de  la  jonction  des  deux  armées  venant 


44^  TABLE    DES    MATIERES    DES    WOTES. 

de  Touest  et  du  sud.  —  Essais  infructueux.  —  Seul 
moyen  de  succès.  —  Importance  de  Toccupation  du 
Tyrol  —  Combinaisons  de  Napoléon  pour  celte  jonc- 
tion. —  Concours  de  circonstances  favorables.  -^ 
Résultat  des  batailles  d'Ulm  et  de  Caldiéro.  — 
Constance  de  l'Autriche  après  ses  revers.  —  Solidité 
de  sa  constitution  militaire.  —  Ses  sacrifices  pour  la 
conservation  de  son  armée.  —  Réflexions  sur  le  dan- 
ger des  innovations  dans  l'organisation  des  armées» 


FIN  DU  XIV'  VOLUME« 


DE  L'IMPRIMERIE  DE  CRAPELET. 


,nGELES 
"  UBRARY 


LMVERSITY  OF  CALIFORMA  LIBRARV 

Los  Angeles 
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Form  L'J-Series  444 


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