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LOS ANGELES
LIBRARY
PRÉCIS
DES
EVENEMENS MILITAIRES.
TOME XIV.
^ /
PRÉCIS
DES
ÉVÉNEMENS MILITAIRES,
OU
ESSAIS HISTORIQUES
SUR LES CAMPAGNES DE 1799 à l8l4,
jàvec Cartes et Plans ;
Par m. le Comte MATHIEU DUMAS,
LIEUTENANT-GÉNÉRAL DES ARMÉES DU ROI.
CAMPAGNE DE i8o5.
TOME IV.
A PARIS,
Chez Treuttel et Wurtz, Libraires , rue de Bourbon, n" 1 7 ;
A Strasbourg, et à Londres, même Maison de Commerce.
1^ A HAMBOURG,
CJiez Perthès et Besser, Libraires.
1822.
R8457
PRECIS
DES
ÉVÉNEMENS MILITAIRES
CAMPAGNE DE l8o5.
Suite du CHAPITRE IX.
Mouvement -prématuré du -prince Murât sur
Vienne. — affaire de Diernstein. —
Retraite du général Kutusow sur la Mo-
ravie. — Dispositions de l'empereur Na-
poléon pour passer le Danube. — Nou-
velles propositions d'armistice. — Entrée
des Français à Vienne. — Surprise du
pont. — Qiiartier-général de la Grande-
Armée ^ à Sclioenbriinn.
Ee passage de l'armée russe à la rive gauche
du Danube par le pont de Krems^ changeait
14. ^*
^ PRECIS
d'une manière imprévue la situation des
affaires , et nécessitait de tout autres dispo-
sions que celles que Napoléon avait faites
pendant son séjour à Lintz. Il n'avait reçu^
en arrivant à l'abbaye de Moelckj, que des
renseignemens très- vagues ; il savait seule-
ment que l'ennemi occupait en force le vil-
lage de Stein^ au-dessus Aq Krems^ sur la
route de Lintz, et qu'il pouvait prend re l'une
des déterminations suivantes : i°. Rester en
position à Krems pour y attendre l'arrivée
de la seconde armée russe ; 2°. descendre par
le chemin de la rive gauche, jusqu'au pont
de Vienne, pour s'en emparer, et assurer la
jonction par la grande route de la Moravie -.
5°. marcher au-devant du maréchal Mortier,
pour le combattre et le forcer à se replier sur
Léintz; 4°. enfin quitter les bords du Da-
nube, et marcher par la Bohême et la Mo-
ravie, pour effectuer le plus tôt possible la
jonction des deux armées russes, et des
corps autrichiens qui pourraient s'y rallier
Quelque parti que voulut prendre le général
Kutusow, la position du maréchal Mortier
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. O
devenait Irès-critique; il était parti de Lintz
avec la division Gazan ; il avait Fordre de
se tenir à hauteur, et seulement un peu en
arrière de la tête des colonnes qui mar-
chaient sur la grande roule de Vienne par
la rive droite ; et comme cette route est plus
directe, mieux ouverte, et ne suit point,
comme celle de la rive gauche, les sinuo-
sités du fleuve, le maréchal avait dû presser
la marche de la division Gazan , sans atten-r
dre les deux autres, celles de Dupont et de
Dumonceau, qui étaient à une marche en
arrière; il avait jeté sur son flanc gauche,
pour fourrager et pour s'éclairer, la division
de cavalerie du général Klein , et marchait
ainsi en sécurité entre elle et le Danube,
n'ayant de communications avec la rive
droite que par les bateaux de la flottille de
Lostanges.
Napoléon , prévoyant un engagement
entre ce corps d'armée et les troupes du gé-
néral Kutusow, s'arrêta à Moelck y pour
suspendre ou du moins modérer le mouve-
ment général sur Vienne ^ jusqu'à ce qu'il
4 PRÉCIS
fût mieux informé de ce qui se passait de
l'autre côté du fleuve, et du parti que pren-
drait l'ennemi. Le prince Murât avait porté
ses avant -gardes jusques aux portes de
Vienne , quoiqu'il eût reçu l'ordre positif de
ne pas dépasser Burkersdorff^ dernière sta-
tion à trois lieues de la vilie , et de faire con-
naître au comte de Giulay qu'il attendrait
dans cette position jusques au lendemain
12 novembre, dix heures du matin. Cet
ordre daté de Moelch ^ le ri novembre à
sept heures du matin (voyez la Correspon-
dance), portait expressément : « Vous ne fe-
(( rez aucun mouvement sans en prévenir
(( sa majesté.... L'empereur voit avec peine
ce que vous n'ayez point rempli ses inten-
(( tions, puisque vous n'avez personne vis-
ce à-vis les Russes, et que la volonté de sa
(( majesté n'ëlait pas qu'on se précipitât sur
(( Vienne comme des enfans. Par cette né-
(c gligence à exécuter les ordres de l'empc-
(X reur, il s'ensuit que le maréchal Mortier
(c est exposé à porter tous les efforts des
« Russes, et à être écrasé. » En effet, non-
DP s ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 5
seulement la réserve de cavalerie et le corps
du maréchal Lannes, qui se composait des
grenadiers du général Oudinot et de la di-
vision du général Suchet, se trouvaient de-
vant Vienne y à trois marches en avant de
Moelck y et de la position de Farmée russe,
sur le flanc gauche de l'armée française;
mais encore le maréchal Soult, qui, depuis
le passage de l'Ens et l'affaire ai Amstetten ^
marchait au soutien du prince Murât, avait,
sur son invitation pressante, quitté la posi-
tion qu'il occupait sur laTrasen , et porté ses
trois divisions à Slgharts-Kirchen. Étonné
d^jn mouvement qui lui semblait préma-
turé, le maréchal, en l'exécutant, laissa
cependant ses deux régimens de cavalerie
légère sous les ordres du général Margaron,
à Mautern, pour observer l'ennemi posté
de l'autre côté du Danube, sur les hauteurs
de KremSj, et se rendit à Sigharts-Kirchen^ à
six lieues de Vienne,
Le même jour ii novembre, j)eiidant ce
mouvement qui attira au prince Murât une
sévère réprimande, Napoléon, de plus eu
6 PRÉCIS
plus inquiet, porta sou quartier-général de
MoelcJc à Saint-Poelten y et se hâta de rap-
peler le maréchal Soult, par un ordre ainsi
conçu : « L'empereur n'approuve pas le
« mouvement que vous faites : son intention
« n'est pas délaisser les Russes sur ses flancs;
a rendez-vous de votre personne à Mautern;
<c mettez -vous en correspondance avec le
c( maréchal Mortier, qui ce matin marchait
« sur Stein^ placez vos divisions en échelons
(( où elles se trouvent, de manière cjue s'il
« se confirmait que les Russes prennent for-
ce tement position à Stein^ et y attendent la
c( seconde armée, vous puissiez concentrer
<( vos forces le long du Danube , et vous ser-
c( vir des bateaux du maréchal Mortier, pour
ce passer sur la rive gauche L'empereur
c( reste à Saint-P oelten , exprés pour atlen-
c( dre, dans la nuit, l'issue de la reconnais-
« sance que vous allez faire. ))
En même temps, le maréchal Davoust qui
marchait sur Vienne par la roule de Lilien-
feld ^ eut ordre de s'arrêter à Moedeling y au
point où cette route s'embranche dans celle
DES ^VÉNEMENS MILITAIRES. 7
(le Ncustadtj, et de se mettre en comrnuni-
calion avec le général Marmont , qui, de
Léohen, remontait pour passer le Somme-
ring et déboucher à Neustadt.
Le maréchal Bernadotte, qui avec tout
son corps d^armée suivait la garde impé-
riale, reçut l'ordre de s'arrêter à Moelch ^
d'envoyer des détachemens de cavalerie et
quelques pièces d'artillerie le long du Da-
nube , de retenir la flottille devant l'abbaye,
et de se concerter avec le capitaine Lostanges
pour préparer tous les moyens de passage
qu'on pourrait se procurer.
Enfin, il fut ordonné à la division Saint-
Htlaire, du quatrième corps, de rétrograder
sur Sigharts-Kirchen ^ Qi d'aller rejoindre à
Mautern le maréchal Soûl t.
En faisant ces dispositions provisoires, à
Moelck et à Saint-Poelten, le 12 novembre,,
l'empereur ignorait encore l'événement qu'il
avait pressenti, et qu'il n'était plus en me-
sure de prévenir, l'engagement inévitable
du maréchal Mortier avec des forces très-
supérieures.
8 i' Il Ê c I s
L'armée russe avait passé le Danube le
9 novembre, laissant sur la rive droite,
entre Saint-P oelten et Furth , une arrière-
garde qui, poussée jusques à Mautern par
la cavalerie légère du prince Murât, passa le
pont de Krems. Ce pont de vingt-huit arches,
et le plus beau qu'il y eût sur le fleuve, fut
incendié dans la nuit du 9 au 10 , de manière
à ne pouvoir être rétabli; il ne resta pas une
ferme qui eût plus de cinq à six pieds hors
de l'eau. Le général Kutusow ainsi isolé,
ayant à faire deux marches par des chemins
difficiles , pour joindre la route de Moravie,
prit position pour donner le temps à ses
équipages et à son parc d'artillerie de passer
ces défilés avant que le corps du maréchal
Mortier, qu'il savait être déjà près de lui,
pût atteindre son arrière -garde. Il cou-
ronna les hauteurs de Krems, et poussa les
avant-postes de sa droite jusqu'au détour
du fleuve, entre Diernstein et T^^eissen-
Jcirch.
Le maréchal Mortier marchait avec la
seule division Gazan, composée du 4' légi-
DES EVENEMENS MILITAIRES. 9
ment d'infanterie légère, et des loo^ et io5^
de ligne : il avait avec lui deux escadrons
du 4^ régiment de dragons, commandé par
le colonel Waltier; les deux autres esca-
drons avaient été jetés en partisans sur la
gauche de la route.*^Pour ne point embar-
rasser et retarder la marche dans les che-
mins étroits et rocailleux, resserrés entre les
montagnes et le fleuve, le maréchal n'avait
permis au général Gazan d'emmener que
deux pièces du plus petit calibre.
La division Gazan bivouaqua Je 9 no-
vembre à Spitz ; celles de Dupont et de Du-
monceau étaient en arrière à une marche
de distance, et avaient bivouaqué à Mar-
bach. La flottille du capitaine Lostanges des-
cendait le Danube, se maintenant toujours
à la hauteur de la tête des colonnes.
Le 10 novembre, Tavant-garde delà divi-
sion Gazan , soutenue par le 4^ régiment de
dragons, rencontra les premiers postes russes,
entre Weissenkirch et Dïernstein, et les re-
poussa jusques à Stein, Le maréchal jugeant
par l'incendie du pont de Krems ^ la nuit
lO PRECIS
précédente, par les avis qu'il avait reçus , et
par la position de rcrinemi, qu'il marchait
vers la Moravie, et tenait fortement Stein
pour couvrir sa retraite, résolut de forcer
ce poste; il l'attaqua vivement le 1 1 à la
pointe du jour : le général Kutusow y porta
ses meilleures troupes; et cependant, mal-
gré l'avantage du terrain et la supériorité
de forces, l'infanterie russe ne put se sou-
tenir sur les hauteurs de Stein ^ contre les
charges réitérées que dirigeaient eux-mêmes
le maréchal Mortier et le général Gazan : on
se battait corps à corps avec acharnement ;
mais les renforts que l'ennemi recevait à
chaque instant, rendirent la lutte trop iné-
gale. Le maréchal Mortier s'apercevant que
l'armée russe était tout entière devant lui,
voulut, en cédant peu à peu le terrain qu'il
avait gagné, se replier sur Diernstein, pour
se rapprocher de ses deux autres divisions.
Pendant ce premier combat, le général
Smilh, l'un des plus distingués de l'armée
autrichienne, et qui remplissait près du gé-
néral Kutusow les fonctions de chef d'état-
DES l^VÉNEMENS MILITAIRES. I I
major, avait conduit lui-même une forte
colonne par le revers de la montagne qui
sépare le lit du Danube de la petite vallée
de la Krems.
Celte colonne d'environ quinze mille
hommes , en remontant la vallée , se partagea
en deux : la plus forte partie, à la tête de la-
quelle marchait le général Smith, tourna le
haut de la montagne, déboucha sur Diern-
stein, et s'empara de cette petite ville ; c'était
le point de retraite du maréchal Mortier,
qui , ayant déjà fait douze à quinze cents pri-
sonniers à l'attaque des hauteurs de Stein ^
les avait envoyés à Diernstein,
Le seul chemin de retraite fut ainsi coupé
auxFrançais. Le maréchal Mortier, dans cette
extrémité, placé entre deux feux, entouré
par des forces six fois plus nombreuses que
les siennes , et qu'animait le carnage et l'as-
surance du succès, rallia ceux de ses braves
soldais qui n'avaient pas succombé, et ré-
solut, en suivant le chemin de Diernstein^
de se faire jour à la baïonnette.
Tant de valeur et de constance méri-
12 PRÉCIS
talent bien de triompher du mauvais sort
des armes; et en effet, pendant que la divi-
sion Gazan combattait en tête et en queue,
et jonchait de morts et de blessés ce champ
de bataille resserré , dominé de toutes parts,
le général Dupont, après une longue et pé-
nible marche, avait, avec sa division et la
division batave du général Dumonceau , pris
position à Spitz , et poussé ses avant-postes
à TVeissenkirch. Comme il continuait son
mouvement le 1 1 novembre^ pour se joindre
à la division Gazan , ses hussards rencon-
trèrent l'ennemi maître de la route entre
Tf^eissenkirch et Diernstem ; c'était la se-
conde colonne russe qui, ayant tourné plus
au loin que la première le groupe de mon-
tagnes, débouchait par deux gorges, et se
précipitait sur la route.
Le général Dupont voyant alors dans quel
danger se trouvait le général en chef, avec
la division Gazan , redoubla d'ardeur et de
célérité pour aller à son secours; ses troupes,
électrisées par le désir de dégager leurs ca-
marades avant qu'ils ne fussent accablés,
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. l5
volèrent au combat. Le 9® régiment d'infan-
terie légère attaqua le premier, et fut vail-
lamment soutenu par le 32®, tandis que le 96®
occupa la gorge par laquelle une colonne
russe débouchait par le flanc gauche. La di-
vision balave fut placée en réserve pour cou-
vrir les derrières de ce nouveau champ de
bataille.
Les Russes firent de vains efforts pour se
maintenir dans la position de Diernstein ^
et au défilé près le vieux château où Richard-
Cœur-de-Lion fut retenu prisonnier; les
hauteurs furent prises et reprises; enfin,
après des charges réitérées, la division Du-
pont parvint à rejeter les Russes dans les
gorges sur le revers de la montagne, et la
roule fut libre de ce côté, c'est-à-dire entre
TVeissenkirch et le défilé de Diemstein dont
la première colonne russe occupait encore
la tête du côlé de Stein.
Cependant, les restes de la division Gazan
ne cessaient de combattre en avançant sur
Diemstein ; la mêlée était horrible, la nuit
profonde, on se massacrait aux lueurs du
14 PRÉCJi)
feu; le maréchal lui-même, que sa haute
stature faisait remarquer, se dégagea plu-
sieurs fois en sabrant et renversant à coups
de pied les grenadiers russes qui l'attei-
gnaient. Dans ce moment , on le prévint que
toute espérance était perdue, toutes les car-
touches épuisées; qu'il était inutile de laisser
tomber un tel îrophée, un maréchal de l'em-
pire, entre les mains de l'ennemi, et qu'un
bateau de la flottille était là tout prêt à le
transporter à la rive droite. ((Non, dit le
a maréchal, conservez celte ressource pour
(( nos blessés; quand on a l'honneur de
(( commander de si braves soldats , on est
(c trop heureux de partager leur sort, et de
(( périr glorieusement avec eux. Nous avons
« encore nos deux pièces et quelques boîtes
<( de mitraille, nous sommes près de Diern-
ce stein y rallions-nous, serrons-nous sur ce
(( plateau , et faisons un dernier effort. »
Le général Smith , poussé par Dupont sur
Diernstein, et se trouvant à son tour entre
deux feux , voulut aussi, par une charge dé-
cisive, rompre celte phalange française. Le
DES ]^V£N£MEiyS MILITAIRES. l5
maréchal fit placer unede ses pièces en avant,
et Taulre en arrière; un jeune officier d'ar-
tillerie (depuis, le colonel Fabvier) prit soin
de ne tirer qu'à bout portant, attendit à
trois pas, et renversa le brave Smith, et
avec lui la tête de sa colonne; à Tinstant on
ballit la charge, non avec des tambours,
car toutes les caisses étaient brisées par les
balles, mais sur des bidons; rien ne put ré-
sister à cet élan , la route fut balayée, et le
maréchal rentra dans Diernstein avec ses
intrépides compagnons. Le général Dupont
s'y présentait au même instant du côté op-
posé; les deux troupes, avant de se recon-
naître, crurent l'une et l'autre aborder en-
core une colonne ennemie ; au cri de France ,
France ! les premiers grenadiers de la divi-
sion Gazan se jetèrent dans les bras de ceux
de la division Dupont : Braues camarades ,
vous nous sauvez.
Là finit, vers neuf heures du soir, cette
sanglante et glorieuse affaire , dans laquelle
la division Gazan perdit près des deux tiers
de son eflectif ; plus de deux mille hommes
1 6 PRECIS
y furent tués , blessés ou faits prisonniers ;
parmi ces derniers se trouvait le colonel
Wattier , enlevé dans une charge, à côté du
maréchal. Les pertes des Russes ne furent
pas moindres; celle du général Smilh fut
la plus sensible aux deux armées alliées, h
cause de ses talens et de son audace.
On trouverait difficilement dans les an-
nales militaires un fait de guerre plus re-
marquable que la retraite du maréchal Mor-
tier sur Diernsteiny ni un autre exemple d'un
combat si long, pendant quatre heures de
nuit, entre des forces si inégales, soutenu
avec un tel acharnement. Un sergent du
loo^ régiment, Pierre Baudé. que ses ca-
marades sxxnxioxnmeveni Pien^e- le- Cruel ^ tua
neuf Russes de sa main. Un fait plus extraor-
dinaire, fut la reprise des quinze cents pri-
sonniers que le maréchal Mortier avait en-
voyés à Diernsteiny, et qu'il y retrouva,
quoique les Russes se fussent emparés de ce
poste, et l'eussent occupé pendant une par-
tie de la journée.
Le lendemain du combat ( 12 novembre )
DES EVENEMENS MILITAIRES. I7
Je maréchal Mortier n'ayant ni assez de for=
ces, ni Tartillerie et les munitions nécessaires
pour se maintenir en position devant l'ar-
mée russe j qui pouvait l'attaquer de front et
manœuvrer sur ses derrières, se servit de
la flottille du capitaine Lostanges pour trans-
porter toutes ses troupes sur la rive droite
du Danube, en face de Spitz : le général
Kutusow replia les siennes sur Krems, et
continua à faire défiler son armée vers la
Moravie.
Dès que Napoléon eut appris à Saint-
Poelten, par l'aide-de-camp que lui dépêcha
le maréchal Mortier , des détails de l'affaire
de Diernstein y il pressa le njouvement sur
Vienne divec autant d'instance ^ qu'il avait
mis de circonspection à le modérer. D'après
les ouvertures qui lui avaient été faites à
Lintz , par le comte de Giulay, et la dispo-
sition des esprits dans la population et dans
l'armée autiichienne, il était assuré de ter-
miner prouiptement la guerre, et de dicter
la paix, s'il pouvait empêcher la réunion
des deux armées russes, et de celle que
14. 2
l8 PRÉCIS
ramenaient à marches forcées, de l'Italie et
diiTyrol, rarchiduc Charles et l'archiduc
Jean. Quant à cette dernière, quoiqu'il fût
vraisemblable qu'elle ne pourrait se rallier
assez à temps pour faire une diversion efficace
en Autriche, et qu'il était naturel de penser
qu'elle rentrerait par la Hongrie^ il ordonna
cependant au général Marmont de rester
avec son corps à Briik et à Ijéoben\ et le fit
soutenir par la division du général Gudin,
que le maréchal Davoust eut ordre d'en-
voyer à Neustadt. Tout le reste de l'armée
fut destiné à passer le Danube pour agir
contre l'armée russe.
La position du général Kutusow, sur les
hauteurs de Krems^ était la plus favorable
pour cacher son dessein et masquer son
mouvement de retraite. Napoléon croyait,
ou plutôt espérait qu'il s'y cantonnerait pour
y attendre l'arrivée de l'empereur Alexandre
avec sa seconde armée, et il calculait qu'il
aurait le temps de le tourner et de le battre
avant la jonction ; il mandait à Murât, dans
ses instructions pour l'occupation de la capi-
DES ÉVÉJVEMENS MILITAIRES. IQ
laie : a II vous sera facile^ une fois à Vienne^
« d'avoir des nouvelles sur l'arrivée des
(c autres colonnes russes, ainsi que sur le
« projet des autres ( Kulusow ) en se canlon-
« nant à Krems.
« Vous aurez pour tourner les Russes et
« pour tomber sur leurs derrières, votre ca-
« Valérie, le corps du maréchal Lannes et
(( celui du maréchal Davoust. Quant aux
c( corps des maréchaux Bernadolle et Soult,
« ils ne peuvent être disponibles que lors-
« qu'on saura définitivement le parti qu'aii-
(( ront pris les Russes. ))
Comme le comte de Giulay avait annoncé
une prompte réponse de son souverain à
Vultimatum de Lintz , relativement à la
négociation d'un armistice, on disait au
prince Murât : ce Si M. le général comte de
c( Giulay se présente, ou toute autre per-
ce sonne, pour parler à l'empereur, envoyez-
« le en toute hâte ici ( à Saint- Poelten)
c( Passé dix heures ( 12 novembre ) vous
<( pouvez donc entrer dans Vienne. Tâchez
c( d'y surprendre le pont du Danube, et s'il
20 PRECIS
((est rompu, avisez à trouver les plus
(( prompts moyens de passage du fleuve.
(( Cest là la grande affaire. Si cependant
(( avant dix heures M. de Giulay se pré-
(( sentait pour apporter des propositions de
(( négociations , et qu'il vous engageât à sus-
(( })endre votre marche, vous suspendriez
(c votre mouvement sur Vienne , mais vous
(( ne vous en occuperiez pas moins de trou-
(( ver tous les moyens de passer le Danube à
(( Kloster-Neubourg , ou tout autre endroit
(( favorable. ))
L'empereur François ii, qui peu de jours
auparavant, à son retour de Lintz ^ espérait
encore que la jonction des armées russes
pourrait s'effectuer sur la rive droite du
Danube , avait fliit publier une procla-
mation énergique et pleine de dignité ;
((Je suis tranquille et ferme, disait-il, au
((milieu de vingl-cinq millions d'hommes,
(( qui sont chers à mon cœur et à ma mai-
((son.... La monarchie autrichienne s'est
(( relevée avec courage de toutes les tempêtes
<( qu'elle a essuyées dans le dernier siècle :
DES ivÉNEMEKS MILITAIRES. 21
<( sa force intérieure est toujours la même....
« J'attends avec une pleine confiance de
« l'amour de mes sujets pour la patrie, tout
« ce qu'il y a de juste et de grand , mais prin-
ce cipalement une union parfaite et une co-
(.( opération générale à tout ce qui leur sera
« ordonné, pour éloigner un ennemi témé-
« raire de nos frontières, jusqu'à ce que les
« grands et puissans secours de mon haut
(( allié Fempereur de Russie puissent avoir
<c leur effet, et que ceux des autres puissances
<( qui combattent pour la liberté de l'Europe
« et la sûreté des trônes et des peuples , ne
« nous laissent plus aucune inquiétude.»
Mais pendant que le gouvernement au I ri-
chien faisait de vains efforts pour exciter cet
élan national , la rapidité de l'invasion dé-
concertait tous ses projets; le sort de la ca-
pitale était décidé, et sa défense abandonnée.
L'empereur, qui était allé clore la diète de
Hongrie, et devait retournera Vienne ^ se
rendit à Brunn, où la cour le suivit. Le
grand chambellan comte de Wlirbiia, ho-
noré de la confiance et de l'amitié de son
1A PRÉCIS
souverain, fut chargé , sous le titre de coin-
inissaire de la cour, de disposer les habi-
tans de tienne à la résignation qu'exi-
geaient les circonstances , de maintenir le
bon ordre, et de prendre, de concert avec
les chefs de l'année française, dans l'intérêt
des deux partis, tons les moyens d'alléger le
poids des calamités de la guerre. Cette mis-
sion pénible et délicate ne pouvait être mise
en de plus sages mains : son succès fut aussi
récompensé par le prix le plus digne d'un
aussi noble caractère que celui du comte de
Wiirbna , l'estime et la reconnaissance des
deux nations. Il annonça, par la publication
du II novembre, la prochaine entrée des
troupes impériales françaises dans ces termes,
qui méritent d'être conservés comme un té-
moignagehistorique: «L'expérience a prouvé
w que ces troupes observent une discipline
« sévère, et qu'elles allégeront les horreurs
« de la guerre le plus qu'il sera possible ; par
« contre, l'on exige que le peuple se tienne
(( en repos, qu'il se tienne dans l'ordre, et
w qu'il se conduise décemment : je le recom-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 20
« mande à un chacun; et, bien loin que sa ma-
« jesté notre souverain trouvât agréable un
(( zèle déplacé, qui pourrait compromettre la
« vie et la propriété des citoyens, elle puni-
(( rait sévèrement le moindre désordre, vu
(( qu'elle n'a renoncé à la défense de sa rési-
« dence, que par une sollicitude gracieuse
u pour les habitans. »
Une députation du magistrat de la ville de
/^/^727z^^ conduite par le prince de Sinzendorf,
et agissant au nom de l'empereur, se rendit
au quartier-général de Napoléon , pour pro-
poser une capitulation. Celle qu'il accorda ne
fut de sa part que l'assurance que les pro-
priétés seraient respectées , sauf les droits de
conquête sur toute espèce d'approvisionne-
mens et d'effets militaires. La garde bour-
geoise , qui formait seule la garnison de
Vienne y conserva ses armes et son arsenal
particulier : il fut convenu qu'elle conti-
nuerait son service, et partagerait les postes
intérieurs avec les troupes françaises.
La population de Vienne était consternée,
presque toute la noblessse et un grand nombre
q4 PRECIS
de familles s'étaient retirées en Hongrie, et
dans les provinces que l'on croyait être les
plus éloignées du théâtre de la guerre. Cette
émigration de dix mille des plus riches ha-
bitans, paralysant l'industrie, le commerce
faisait éclater des murmures contre rim})ru-
dence du gouvernement, contre l'orgueil et
la présomption du })arli qui avait conseillé
la guerre : mais le respect et l'attai hement
à la personne du souverain n'en étaient
que plus remarquables. On se flatlait en-
core que sa bonté toute paternelle, au prix
des plus grands sacrifices, arrêterait le vain-
queur devant ces portes que les Hongrois
seuls avaient forcées vers la fin du treizième
siècle, mais qui jamais ne s'étaient ouvertes
à l'étranger : les passages fréquens du comte
de Giulay avaient accrédité les bruits de
paix. Ce négociateur, après avoir rendu
compte à son souverain et pris ses derniers
ordres,, retourna vers l'empereur Napoléon^
et le trouva encore à Saint-Poelten le \'i no-
vembre. C'était au moment où il arrêtait ses
dispositions pour le plus prompt passage du
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. ^5
Danube; la conférence ne produisit aucun
résullat satisfaisant; Naj^oléon ne voulut se
relâcher sur aucun des points qu'il avait fixés
comme préliminairesd'une convention d'am-
nistie , savoir : Que les troupes alliées rentre-
raient sur leur territoire; que V insurrection
hongroise serait immédiatement congédiée y
et que le duché de Venise et Je Tjrol seraient
évacués pour être remis provisoirement aux
armées françaises.
Après cette conférence, le fil fut rompu ;
car, d'une part, l'empereur d'Autriche qui se
trouvait à Brilnn entre les deux armées
russes, attendant l'empereur Alexandre,
qui apportait le traité de Berlin , ne pouvait
souscrire à de telles conditions; et, de son
côté, Napoléon n'aurait à aucun prix laissé
échapper de ses mains un si brillant trophée,
une si riche proie que l'arsenal de Vienne,
Il employa une partie de la nuit du 12 au
i3 novembre à donner de nouveaux ordres :
le général Bertrand, l'un de ses aides--de-
camp dans lesquels il avait le plus de con-
fiance, porta au prince Murât une instruc-
26 PRÉCIS
lion particulière relative à roccupalion cie
Vienne ^ et avant de quitter Saint- P oelten ^
il lui fit expédier Tordre suivant, que nous
transcrivons presque en entier, parce qu'il
explique en peu de mots le but du mouve-
ment, et la combinaison de Napoléon pour
atteindre l'armée de Kutusow au-delà d u Da-
nube, (c L'empereur vous donne l'ordre,
M prince , de tâcher de surprendre demain ,
«à la pointe du jour, le passage du pont ;
w ayez l'artillerie prête pour empêcher qu'où
« ne le brûle; entrez dans Vienne -y nommez
(c le général Hullin pour y ccmmander la
« place, et envoyez des partis de cavalerie
w sur la route de Brùnn et de fP'ajkersdorf.
a Les Russes étaient encore dans la journée
«d'aujourd'hui à Krems. Exécutez tout ce
« que l'empereur vous a prescrit par la lettre
« qu'il vous a envoyée par le général Ber-
(( trand.
« Les deux divisions du corps du maréchal
ce Soult, celle de Vandamme et de Legrand,
« suivront votre mouvement....
« Avec les deux divisions du maréchal
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. 27
f<Lannes, vous vous dirigerez du côté de
i< KremSy où sont les Russes; quant aux deux
« divisions du maréchal Soult qui arriveront
« plus tard , elles prendront position sur la
« grande route. Il paraît que l'ennemi a une
« grande quantité de canons sur la rive gau-
« che du Danube; emparez-vous de tout
« cela.... »
Le maréchal Soult , qui était resté à Mau-
tern avxc la division Saint-Hilaire et les hus-
sards du colonel Franceschi, pour observer
l'armée russe , eut ordre de se rendre à Vienne
de sa personne, et de tâcher de faire passer
à la rive gauche tout ce qu'il avait à Mau-
terny pour se mettre à la poursuite de l'en-
nemi aussitôt que son mouvement de re-
traite serait bien caractérisé. Dans le cas où
l'on ne pourrait se procurer des moyens de
passage (et c'est ce qui arriva), cette division
et le régiment de Franceschi devaient passer
par Vienne y et se rallier aux deux autres
divisions du maréchal Soult.
Le maréchal Bernadotte , qui s'était arrêté
à Moelk y se servit de la flottille du capitaine
28 PRÉCIS
de Lostanges pour passer avec tout son corps
à la rive gauche; il devait s'emparer de Stein
et de K rems y et suivre Tarmée russe pour
lui faire tout le mal possible et entamer son
arrière-garde, pendant que le prince Murât
chercherait à déborder l'ennemi pour gagner
sa tête ou l'attaquer par ses flancs , selon les
circonstances , et la direction de sa marche
vers la Bohème ou vers la Moravie.
Enfin, le maréchal Mortier ayant rallié
ses trois divisions , repassa le Danube pour
servir de réserve au premier corps d'armée,
faire construire à Mautern un pont de ba-
teaux, et se tenir à portée de couvrir ce point
de passage et celui du pont de Lintz, poste
non moins important que celui de Braunau,
et dont la conservation avait été confiée au
général Reille, l'un des aides-de-camp de
l'empereur.
Le i3 novembre^ tout étant ainsi disposé,
Napoléon reçut de Mautern l'avis certain que
les Russes avaient quitté leur position de
K rems y et qu'ils étaient en pleine marche
pour gagner la route de la Moravie 3 il partit
DES EVENEMENS MILITAIRES. 29
5ur-le-champ, et se rendit à Burhersdorf ,
dernière station de la route de Vienne, Le
comte de Giulay y était encore , et on Ty
retint sous de légers prétextes.
Les ordres que nous venons de faire con-
naître étaient déjà exécutés : dès la pointe
du jour, le général Sébastiani, à la tête de sa
brigade de dragons, était entré dans Vienne,
et avait occupé les principaux postes. Le
prince Marat, accompagné du maréchal
Lan nés et du général Bertrand , à la tête
d'une colonne de grenadiers, le suivit de
près. Ils traversèrent, sans s'arrêter, la ville
et le faubourg de Léopold, au-delà du pre-
mier bras du Danube, et marchèrent droit
au pont de Spitz, au-delà duquel Tarrière-
garde autrichienne, sous les ordres du géné-
ral prince d'Auersbourg, s'était retirée, ne
laissant qu'un poste avancé sur la rive droite.
Ce premier poste fut si étonné de voir la co-
lonne française , l'arme au bras , les généraux
en tête et à pied , s'approcher avec confiance,
en faisant des signes de bonne intelligence ^
et leur criant de ne pas tirer; que F armistice
5o PRÉCIS
était conclu; que l'officier autrichien se re-
plia sur le pont : la colonne s'y engagea , et
avança toujours avec les mêmes démonstra-
tions et la même sécurité. Le pont était chargé
d'artifices et de matières combustibles. Vers
le milieu se trouvait un poste avec une pièce
de canon destinée à donner le signal pour
incendier le pont : la mèche allumée était
tout auprès, un officier allait mettre le feu;
rintrépide Lannes marche droit à lui en
s'écriant : Que faites-vous ? Ne voyez-vous
pas.... L'officier hésite, il est atteint, en-
touré; on détourne la pièce; on se mêle, on
parlemente eu marchant ; le pont est passé
avant que le général autrichien ait pu rece-
voir un rapport confus ni faire aucune dis-
position ; le pont fut promptement désen-
combré ; la colonne serrée débouchée avec
rapidité; les Autrichiens se dispersèrent, et
le passage du Danube fut surpris, comme
Napoléon l'avait dit.
Le général Bertrand étant venu lui rendre
compte à Burkersdorf du succès de cette
audacieuse entreprise, il alla lui même en
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. 5l
secret, pendant la nuit du 1 3 au 1 4 novem-
bre, visiter le pont, reconnaître la position
des troupes, et féliciter le prince Murât et
ie maréchal Lannes. La division des grena-
diers d^Oudinot, celle de Suchet, avaient
déjà défilé; la cavalerie légère s'était portée
en avant sur les deux routes.
Napoléon , qui avait employé tout le reste
delà nuit à cette intéressante reconnaissance,
était au point du jour devant son feu de bi-
vouac, lorsqu'on lui amena le comte de Giu-
lay, qui retournait à Brùnuy et qui, l'ayant
quitté quelques heures auparavant à Bur-
kersdorfy ne pouvait exprimer son étonne-
ment.
Ainsi les habitans de Vienne virent pour
la première fois Bonaparte entrant dans leurs
murs par la porte du Danube : il ne s'y ar-
rêta que quelques instans, et se rendit au
château impérial de Schoenbrûnn y où son
quartier-général fut établi.
32 PRÉCIS
CHAPITRE X.
Mouvemens des Français au-delà du Da-
nube. — Manœuvre du général Kutusow,
— Combat cZ^Hollabiûnn. — Capitulation
rejetée par Napoléon. — Affaire de Schoen-
graben. — Briinn évacué. — Réunion des
empereurs d'Autriche et de Russie. —
Jonction des armées russes.
JLa surprise du pont de Vienne compromet-
tait le sort de l'armée du général Kutusow,
puisqu'elle offrait de nouveau à l'empereur
Napoléon l'occasion qui lui était échappée à
Saint'Poelten de lui livrer bataille avec des
forces très - supérieures , et d'empêcher la
jonction des deux armées russes. Celle de
l'archiduc Charles, dont nous parlerons plus
fard, poussée i)ar le maréchal Masséna jus-
qu'aux défilés de la Carinthie, était hors de
mesure; elle n'avait pu accourir à temps au
secuurs de la capitale, niseréunir aux Russes
déjà contraints de sortir de la vallée du Da-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 55
nube. Les alliés ne pouvaient rétablir leurs
afîaires que par la réunion de toutes les
forces russes avec les débris de l'armée au-
trichienne d'Allemagne. S'ils y parvenaient
et se concentraient ensuite dans de bonnes
positions; s'ils donnaient ainsi le temps à
l'archiduc Charles d'arriver sur le Danube,
et à l'armée prussienne de déboucher en
Bohême, ils pouvaient reprendre l'offensive,
et forcer, à leur tour, Napoléon d'évacuer
Vienne y et de concentrer ses forces déjà
trop disséminées.
On voit par là de quelle importance
étaient pour la cause des alliés les manœu-
vres du général Kutusow. Il avait été re-
tenu à Krems par la difficulté des chemins
et par la nécessité de repousser vivement
l'attaque du maréchal Mortier, et de le
refouler de manière à ce qu'il fût hors d'état
de harceler et d'arrêter son arrière -garde.
Ainsi, l'armée russe, partie de Krems du
12 au 10 novembre, avait à peine une
marche d'avance sur le corps d'avant-garde
du prince Murât, qui avait passé le pont
i4. 5
54 PRÉCIS
de Vienne le même jour i5 novembre. Le
point indiqué pour la jonction avec les
troupes autrichiennes était Brûnn. Celles-
ci , après avoir évacué Vienne ^ niarcliaient
sur la grande route de Moravie, par Vol-
kersdorf G\ Nikolsbourg. Kutusow, pour se
rendre à Brûnn ^ devait nécessairement pas-
ser par Znaim^ et couper la grande route
de Bohême.
Le mouvement de retraite des ennemis
étant ainsi clairement indiqué, Napoléon
ne perdit pas un instant pour les suivre,
et les atteindre sur ces deux directions, et
principalement les Russes sur celle deZnaim.
Le prince Murât et le maréchal Lannes eu-
rent ordre de s'y porter par Kornneuhourg
et Stokerau, pendant que le général Mil-
haud , avec sa brigade de chasseurs, pour-
suivait sur la chaussée de Moravie les Au-
trichiens détrompés trop tard sur le pré-
tendu armistice. Il joignit leur arrière-garde
à Volkersdorf, leur fit quatre à cinq cents
prisonniers , et s'empara d'un parc d'ar-
tillerie très-considérable évacué depuis peu
DES EVENE3IENS MILITAIRES. 55
de jours du grand arsenal de Vienne, Cent
quatre-vingt-onze pièces, avec leurs cais-
sons, tombèrent presque sans défense entre
les mains des Français. Les magasins de
toute espèce d'effets d'habillement et d'équi-
pement pris le même jour à Stokerau , fu-
rent encore une riche et facile proie, dont
la valeur n'était pas de moins de trois
millions.
Le corps du maréchal Soult passa le Da-
nube immédiatement après ceux du prince
Murât et du maréchal Lannes, et les suivit
à une demi-marche de distance, pour les
soutenir aussitôt qu'ils auraient rencontré
l'ennemi; de sorte que le prince Murât,
ayant sous ses ordres sa réserve de cava-
lerie, cinq divisions d'infanterie et toute
l'artillerie attachée à ces corps, environ cin-
quante mille hommes, devait, à marches for-
cées , sur une direction convergente par
rapport à celle de l'armée russe, ou la cou-
per de Znainiy ou l'attendre et la forcer de
combattre, pendant que les maréchaux
Mortier et Bernadotte, qui avaient passé le
56 PRÉCIS
Danube à Krems , marclieraient sur ses
derrières. Si cette combinaison réussissait,
i'entière destruction de Far niée de Kutusow
était inévitable.
Le maréchal Davo.ust, chargé de la dé-
fense extérieure de toutes les avenues de
Vienne y eut ordre de porter une de ses di-
■visions (celle du général CafTarellij qui en
avait pris le commandement après la bles-
sure du général Bisson à Lambach) sur la
route de Briïnn ; une autre (celle du géné-
ral Priant) sur la roule de Preshourg , à la
rive droite du Danube , et la troisième (celle
du général Gudin) à Neustadt^ pour com-
muniquer avec le corps du général Mar-
mont , et le soutenir s'il était forcé de se
replier. La division de cavalerie du général
Beaumont, et les grenadiers de la division
Priant, formèrent provisoirement la gar-
nison de Vienne.
Napoléon, pendant que ces mouvemens
s'exécutaient , resta fixe à Schoenhrûnn avec
sa réserve, la garde impériale, jusqu'à ce
qu'il eût reçu les premiers rapports de la
DUS tVEJN^EMENS IiriLITAIRES. O-J
rencontre de l'ennemi. Ce court séjour, clu
34 ^^ î6 novembre, fut employé à orga-
niser le gouvernement et radministralion
des deux provinces conquises, la Haute et
k Basse- Autriche. Le général Clarke fut
nommé gouverneur-général , et le conseiller-
d'état Da ru intendant-général : des comman-
dans et des intendanSj établis dans chacun
des cercles, devaient correspondre avec eux.
Tout fut réglé de manière à maintenir l'or-
dre et garantir la sécurité des habilans au-
tant que la bonne discipline de l'armée. Le
commandement de la place de Vienne fut
confié au général HuUin ; le service inté-
rieur fut laissé à la garde bourgeoise. Le
peuple, rassuré par ces mesures, et par les
soins du respectable comte de Wurbna,
accueillit les Français; aucune communi-
cation nécessaire pour l'approvisionnemeiit
ne fut interrompue : le vainqueur exigea
beaucoup, mais avec tous les égards qui
pouvaient alléger le poids d\me si grande
calamité. Cette paisible occupation de la ca-
pitale d'un grand état fut uoe expérience
ù3 pKÉcrs
funeste pour les nations européennes; elle
prouva que ce point central, où affluent
toiites les richesses , où Ja civilisation est
portée au plus haut degré, est aussi le point
le plus vulnérable. Offrît-il par la force de
position et l'abondance des ressources les
plus sûrs moyens de défense, on n'oserait
y renfermer l'armée déjà battue, et l'on ne
saurait y employer la masse de la popula-
tion avec l'ordre et la constance nécessaires.
Les intérêts privés luttent de concert avec
l'ennemi contre celui de la commune dé-
fense ; chaque individu fait d'avance sa capi-
tulation particulière, et se résigne, comme
dans une affaire de commerce , à la nécessité
de sacrifices partiels pour n'être pas troublé
dans ses jouissances ; et cependant la machine
des gouvernemens , à cause des institutions
fiscales, est tellement compliquée, l'adminis-
tration est tellement centralisée, que la ca-
pitale est presque l'état tout entier, et par
le fait, et par l'influence morale. Faut-il
l'abandonner, faut-il la défendre? Quoiqu'on
ne puisse résoudre celte question d'une
DES ÉVÉNEMEISS MILITAI K ES. 5c)
manière positive et applicable à la diversité
des circonstances et aux différentes localités,
il est au moins certain , il est également
vrai pour tous les états, de quelque nature
que soient leurs frontières, que leur sys-
tème général de défense doit être, comme
celui des communications, relatif et con-
vergent à leur capitale : c'est pour couvrir
le siège de la vie que l'armure légère aux
extrémités est plus forte auprès du cœur.
Il faut que l'ennemi, dans la guerre d'inva-
sion (il ne s'en fera presque plus d'autres),
trouve à mesure qu'il s'approche de la ca-
pitale , de plus grands obstacles que ceux
qu'il aurait déjà surmontés. Quant à la dé-
fense propre d'une très-grande ville, siège
du gouvernement , nous ne pensons pas
qu'elle doive être circonscrite et déterminée
comme celle d'une place de guerre, par une
combinaison de divers poinis de fortifica-
tions contigus. Uennemi sera bien plus sû-
rement arrêté par des forts détachés servant
de points d'appui à l'armée retirée sous leur
protection : il ne pourra les bloquer tous à
40 PRECIS
3a fois; et n'osant s'engager entre leurs feux,
il se consumera peut-être à les réduire suc-
cessivement , et perdra peut-être toute sa.
force d'impulsion avant d'atteindre son but.
Cette question intéressante, que nous
avons succinctement examinée dans une
des notes d'un Volume de cet ouvrage, mé-
riterait d'être approfondie et traitée dans ses
applications aux différentes capitales de
l'Europe, en considérant leur position par
rapport aux frontières respectives des états
limitrophes, et aux lignes d'opération que
suivraient le plus vraisemblablement les
armées. L'invasion rapide des provinces
d'Autriche, et la facile conquête de Vienne ,
ont rappelé, et d'autant plus à propos, nos
observations, que cette résidence était une
ancienne forteresse ; c'étaient les mêmes rem-
parts que les habitans de Vienne avaient,
sous la conduite de l'intrépide Stahremberg,
défendus contre la fureur de deux cent
mille Turcs. On avait relevé et soigneuse-
ment entretenu ces immenses bastions, sur
les ruines desquels le roi Jean Sobieski, la
1>ES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 4 '
teneur des Otlomans, fit son entrée triom-
phale, après les avoir mis en fuite et fait
lever le siège. Mais les Français n'inspi-
raient pas la même terreur que les Barbares;
Napoléon ne se serait pas arrêté devant des
murailles, il eût passé le fleuve au-dessus
de la ville, l'aurait bloquée, affamée; et
quand même un autre Stahremberg eût pu
faire, comme lui, incendier les faubourgs,
devenus depuis plus considérables que la ville
même, il n'eût pas moins été, dans peu
de jours, réduit à capituler; que si le gé-
néral Mack et le prince Ferdinand se fus-
sent à temps retirés sur Flnn, et que même
après y avoir été battus, ralliés avec l'armée
de Kutusow, ils eussent trouvé sur les hau-
teurs qui enceignent la plaine de Vienne
des points d'appui, une position fortement
retranchée, tous les défilés entravés, toutes
les ressources des arsenaux de Vienne pour
hérisser d'artillerie ces fortifications natu-
relles, et armer la population , on peut croire
qu'ils auraient pu sauver la capitale, gagner
du temps, et faire changer le sort des armes»
4^ PRÉCIS
Cette hypothèse est une des applications da
système de défense successive par rapport
aux capitales; mais comme les auteurs du
plan de campagne purement offensif n'a-
vaient rien prévu pour un cas dont ils
n'admettaient pas même la vraisemblance,
Vienne y la place d'armes, le principal dé-
pôt, le grand et seul arsenal de l'empire au-
trichien , tomba sans défense dans les mains
de Napoléon. Il y trouva d'immenses appro-
visionnemens de guerre, dont le transport
ni la destruction n'avaient été possibles.
Deux mille pièces d'artillerie, dont plus de
cinq cents de siège, six cent mille quintaux
de poudre , six cent mille boulets , cent
soixante mille bombes , une salle d'armes
de cent mille fasils, etc. Il se hâta, dès son
arrivée au palais de Schoenbriinn, de pu-
blier un ordre du jour , dans lequel , en
félicitant son armée, et témoignant sa sa-
tisfacûon aux corps qui, depuis XJlm , s'é-
taient le plus signalés dans cette seconde
période , il annonçait les trophées conquis
à Vienne y et ordonnait qu'on portât le plus
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 4^
grand respect aux propriétés. Toutes les
autorités civiles et administratives conti-
nuèrent leurs fonctions; le commerce et la
classe industrieuse se rassuraient et spécu-
laient d'après les nouvelles circonstances;
on ne parlait que de paix et de bon accord;
il semblait que l'orage dût se dissiper en
s'éloignant; tous les regards étaient tournés
vers le nouveau théâtre de la guerre, vers
la Moravie.
Le général Kutusov^, parti le 1 3 de Krems,
reçut le \ç,\\àQV[\?ivL\kEhershrunn, après avoir
fait une forte marche, l'avis que les Fran-
çais avaient passé le Danube, et s'avançaient
sur la route de Bohême pour couper sa re-
traite. Ses troupes étaient très-fatiguées, et
il avait encore une marche de dix à douze
lieues pour gagner à Elzendorf ou à Mer-
sendorf l'embranchement des routes par
lesquelles il pouvait être pris à dos par le
corps du maréchal Bernadotte, tandis que
le prince Murât marchait droit sur Znaim ,
et devait y arriver aussi tôt que la tête de
la première colonne russe. C'était là le danger
44 PRÉCIS
le plus pressant; Kutusow, pour le prévenir,
jeta sur cette route, à Hollabrûnn , une di-
vision de six mille hommes d'infanterie ,
sous les ordres du prince Bagration ; il le
fit renforcer par quelques escadrons de
cavalerie , un gros de Cosaques , douze
pièces d'artillerie légère, et ordonna au gé-
néral Bagration, s'il était attaqué, détenir
à tout prix, jusqu'à ce que le reste de l'ar-
mée, qui suivait la route de Schrattentahl
pour se porter sur Znaim, eut dépassé sa
hauteur.
Les bruits d'armistice et de paix, que le
passage réitéré du comte de Giulay avait
accrédités à Vienne , s'étaient promptement
répandus dans les armées. Loin de les dé-
mentir, chaque parti, soit de bonne foi,
soit par ruse de guerre , en tirait avantage
suivant sa position. Si les Français obtin-
rent celui du passage et de la conservation
du beau pont de Vienne y une colonne de
quatre mille hommes d'infanterie autri-
chienne et un régiment de cuirassiers dé-
tachés de l'armée de Kutusow, et coupant
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. /^5
la route de Bohême, avaient traversé les
postes français, qui les avaient laissé passer
sur le faux bruit d'une suspension d'armes.
Ce fut sur la même assurance que le gé-
néral autrichien de Noslitz , atteint le i5 no-
vembre entre Hollahrilnn et Schoengraben
par Favant-garde du prince Murât, n'opposa
aucune résistance, et fournit à la nombreuse
cavalerie française le moyen d'attaquer pres-
que à l'improviste le prince Bagration. Celui-
ci , presque enveloppé de toutes parts, et vive-
ment chargé par la cavalerie que suivait de
près le maréchal Lannes avec les grenadiers
d'Oudinot, fut contraint de céder le terrain,
et d'abandonner cent voitures d'équipages
attelées. Pendant qu'on se battait, le prince
Murât, dont l'objet principal était de de-
vancer le général Kutusow à Znaim ^ point
de jonction des deux routes, essaya d'user
du stratagème qui lui avait si bien réussi
au pont de Vienne; il envoya un trom-
pette au prince Bagration. Le général Kutu-
sow^, informé de cet incident, saisit avide-
ment le seul moyen qui lui restât de sauver
46 PRECIS
le corps de Bagration , et de prévenir, comine
il le dit lui-mêaie dans ses rapports, la dé-
faite totale de son armée. Il avait encore
deux marches à faire pour arriver à Znaim:
ses soldats étaient si fatigués par les mar-
ches forcées et les combats continuels, qu'ils
étaient hors d'état (ce sont ses propres ex-
pressions ) , et d'exécuter une prompte re-
traite y et de vaincre dans une bataille. Il
envoya donc sur-le-champ aii prince Murât
le baron de Wintzingerode, adjudant -gé-
néral de l'empereur Alexandre , avec l'ordre
d'entrer en négociation, et de conclure un
armistice.
Cet officier -général fut reçu aux avant-
postes français par le général Belliard , chef
d'état-major du prince Murât, et chargé de
ses pouvoirs. Le résultat de leur conférence
fut une convention d'armistice, sous le titre
de capitulation proposée par l'armée russe ,
et il est remarquable que le baron de Wint-
zingerode, en y déclinant ses titres, s'an-
nonçait comme traitant au nom de l'empe-
reur de R-ussie, et d'après son autorisation.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 4?
Les conditions stipulées étaient «que l'armée
« russe quitterait l'Allemagne, et se mettrait
« de suite en marche par la route qu'elle avait
« prise pour s'y rendre , et par journées d'é-
« tape; qu'alors le prince Murât suspendrait sa
« marche sur la Moravie; que ces conditions
« ne pourraient être exécutées qu'après la
«ratification de l'empereur Napoléon, et^
« qu'en attendant, l'armée russe et le corps
V d'armée du prince resteraient dans les
« mêmes positions qu'ils occupaient. Enfin,
« dans le cas de non acceptation, on devait
« se prévenir quatre heures avant de rompre
« l'armistice. »
Cette convention, signée à HoUabrûnn^
le 1 5 novembre au soir , fut envoyée à l'em-
pereur Napoléon, à Sclioenbrunn (distance
de dix-huit lieues). Quelque dihgence que
fît l'officier qui en était porteur, on ne pou-
vait avoir sa réponse que douze à quinze
heures après son départ; et en ajoutant les
quatre heures stipulées pour la reprise des
hostilités, il y avait au moins, depuis la
négociation entamée, vingt heures de sus-
48 PRÉCIS
pension cVarnies assurées à Tarmée russe-'
C'était tout ce qu'avait voulu Kulusow,
a J'avais, dit-il, en rendant compte à son
a souverain du nom duquel il avait abusé,
« j'avais uniquement en vue de gagner du
« temps, pour trouver le moyen de sauver
« l'armée, et de m'éloigner de l'ennemi. L'ad-
« judant- général Wintzingerode m'envoya
ft un duplicata de cet acte pour le même
« objet (sa ratification). Je retardai de vingt
« heures ma réponse, et sans accepter en
<f aucune manière cette convention, je con-
<f tinuai ma retraite avec l'arniée , et m'éloi-
« gnai de deux marches de l'armée française,
ic Quoique je visse le corps du prince Ba-
f< gration exposé à une perte certaine, je dus
« me trouver heureux de pouvoir sauver
« l'armée en sacrifiant ce corps. »
Murât s'était laissé séduire par les belles
paroles de Wintzingerode ; flatté de l'hon-
neur d'avoir terminé par une capitulation
si humiliante pour l'ennemi, une campagne
dans laquelle il avait , avec le titre de lieu-
tenant de l'empereur, joué le rôle le plus
T3TÎS ÉVÉIS'EMENS MILITATRES. l^g
brillant, il était tombé dans le piège qu^il
avait lui-même tendu à l'ennemi. Napoléon,
plus clairvoyant, rejeta avec dépit celte
fausse proposition , blâma sévèrement l'a-
veugle confiance et la légèreté de son lieu-
tenant, et lui ordonna d'attaquer sur-le-
champ l'arrière-garde russe, de la pousser
l'épée dans les reins, afin d'obliger le géné-
ral Kutusow à s'arrêter pour la soutenir.
Il ordonna au général Cafiarelii de porter sa
division sur la route de Znaim , et dirii^ea
sur Hollabrunn toute la garde impériale avec
son artillerie. Il partit lui-même de Schoen-
hrûnn quelques iieures après, espérant en-
core, non plus d'entourer, mais d'atteindre
et de battre cette armée avant qu'elle se fut
élevée à la hauteur de Br'dnn.
Dès que le prince Murât eut reçu, le 16
novembre vers midi, la réponse de l'empe-
reur, il fit prévenir le prince Bagration que
la convention n'était point ratifiée; et comme
il venait d'être informé que le gros de l'ar-
mée russe, au lieu de rester en position,
avait profité des dix- huit heures de sus-
i4. 4
SO V liÉCl s
pension d annes pour continuer sa marche,
il résolut d'attaquer sur-le-champ, ne dou-
tant pas que Bagration ne profitât aussi de
la nuit pour s'échapper et rejoindre son
armée.
Les Russes avaient pris position en arrière
du village de Schvengraben , au-delà dn dé-
fdé du hameau de Grund, qu'ils avaient re-
tianché cà la hâte, et dcnU les maisons étaient
garnies de leur innuiicrie. Une partie de leur
artillerie était sur la chaussée, en tête du
défilé, et le reste en avant de leur droite.
Le prince Mu rat avait avec lui à Hollahrunn^
outre sa réserve de cavalerie, le corps du
maréchal Lannes , composé de la division
de grenadiers d'Oudinot, et de celle du gé-
néral Suchet. Le maréchal Soult, avec deux
de ses divisions , celles des généraux Le-
grand et Vandamme, n'était qu'à une demi-
lieue de distance entre Gellerdorf ei Holla^
hrunn. Avec une telle supériorité de forces,
Murât, presque au déclin du jour, ne ba-
lança pas à engager l'aflaire , et fit ses disposi-
tions pour déborder et envelopper l'ennemi.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. Si
Après un échange de boulels et quelques
escarmouches de cavalerie légère et de li-
railleurs, pour faire replier les avant-postes,
le maréchal Lannes fit avancer en deux co-
lonnes la division de grenadiers d'Ondinot
pour attaquer de front, et par la gauche,
le centre et l'aile droite des Russes. Cette
double attaque était soutenue par la divi-
sion Suchet, marchant pour tourner l'aile
droite. Le maréchal Soult dirigea sur la
gauche de l'ennemi la division Legrand ,
formée sur deux colonnes; l'une, composée
d'infanterie légère, devait tourner le village
de Grund jusqu'à la chaussée, pour couper
toute retraite à Fennemi, tandis que l'autre
aborderait son aile gauche. La division Van-
damme fut placée en réserve pour soutenir
au besoin l'attaque des grenadiers et celle
du général Legrand.
Le général Oudinot, à la tête de la brigade
de ses grenadiers, que commandait sous ses
ordres le général Laplanche Mortière, fondit
sur les Russes qui, ayant l'avantage de po-
sition , soutinrent avec fermeté ce premier
52 PRÉCIS
choc. Leurs obus a3^ant mis le feu au village
de Schoengraben, où se trouvaient des gran-
ges remplies de paille, et le vent chassant
vers les Français des tourbillons de fumée,
en même temps que Fincendie éclairait leurs
mouvemens, cet accident favorisa au com-
mencement de l'action le prince Bagration ,
et le préserva d'être entièrement enveloppé;
mais pendant que sa ligne était débordée par
sa droite, et que ics grenadiers d'Oudinot
enfonçaient le centre et poussaient dans le
village de Grand tout ce qui était devant eux,
le général Legrand feiisait déployer ses deux
brigades, et attaquait vivement ceux qui
tenaient encore à la tcte du village. A me-
sure que ses troupes s'engageaient dans le
défilé, les Russes, refoulés de l'autre côté,
se portaient sur celles-ci. La mêlée devint
générale; on se battait corps à corps, et la
nuit plus obscure dans les intervalles des
feux, augmentait la confusion.
Pressés de tous côtés, les Russes, après
avoir fait la plus opiniâtre résistance, furent
entièrement défaits; les rues du village de
DES ÊVÉJN^EMENS MILITAIRES. 55
Grund, les cours, les jardins étaient jon-
chés de leurs cadavres et de leurs blessés.
Ils parvinrent cependant, à la faveur de
Tobscurilé de la nuit^ à rallier ceux qui
avaient échappé au massacre; ils mirent en
tête de cette colonne des officiers qui par-
laient français, et quelques prisonniers qu'ils
avaient faits. Marchant ainsi vers la colonne
qui leur coupait la pelraite, ils crièrent:
Que faites-'vous ? c'est sur vos gens que vous
tirez ; 720US sommes Français !. Plus de huit
cents hommes se sauvèrent par cette ruse.
Un autre corps russe usa du même moyen
au moment d'être chargé; au cri, C'est
nous y ne tirez pas, les Fra^nçais. s'arrêtè-
rent, et reçurent à bout touchant une dé-
charge m eu rh'i ère; indignés, ils s'élancèrent
avec fureur sur les Russes ^ et les taillèrent
en pièces*
Le combat dura jusqu^à onze heures du
soir. Le prince Mural resta maître du champ
de bataille, de dix-huit cents prisonniers,
et de douze pièces de canon. L'action fut
très -chaude sur tous les points; d'un et
54 PRÉCIS
daulre côlé les officiers de tons grades eu-
rent l'honneur de combattre comme les plus
braves grenadiers. On cita parmi les Fran-
çais le général Dupas, le général Legrand,
l'adjudant-commandant Ricard, le fourrier
d'Aigiois, qui arracha l'aigle du 3^ régiment
des mains des Russes, etc. Le général Oudi-
not, déjà couvert d'honorables cicatrices^
fut grièvement blessé, ainsi que ses deux
aides-de-camp ; le général d'artillerie Fouché,
et plusieurs officiers supérieurs, furent aussi
blessés. La cavalerie poursuivit Fennemi
jusqu'au-delà de Guntersdorf^ et ramena
trois cents prisonniers.
Cette affaire, dans laquelle les grenadiers
russes rivalisèrent d'intrépidité avec les
Français, fit beaucoup d'honneur au prince
Bagration ; il se dévoua pour le salut des
siens, garda sa position, soutint en plaine,
avec six à sept mille hommes, Feffi^rt d^une
armée de vingt-cinq mille hommes; et cé-
dant enfin un champ de bataille glorieuse-
ment défendu pendant six heures, il se
retira, et rejoignit l'armée avec le reste de
DES ÉVÉJ\EMENS MILITAIRES. 55
ses braves soldats. Trois mille étaient tom-
bés en combattant, ou avaient été fliits pri-
sonniers. L'enipereur Napoléon , arrivé à
Hollabrunn peu après la fin du combat , ne
s^y arrêta que quelques heures, et se rendit
le même jour ly novembre à Znaim, où le
prinee Murât venait d'entrer avec son avant-
garde.
Le général Kutusow ayant cette fois en-
core su éviter la bataille, rien ne s'opposait
plus à sa jonction avec la seconde armée
russe; il était vraisemblable qu'elle s'effec-
tuerait sous la place de Br'ùnn ^ où l'on sa-
vait que l'empereur Alexandre, venant de
Berlin y devait rencontrer l'empereur d'Au-
triche. Celte conjecture donna lieu à de nou-
velles dispositions. En s'avançant en Mora-
vie, sur une nouvelle ligne d'opération.
Napoléon était obligé de garder ses derrières,
de tenir une forte garnison à Vienne^ de
veiller sur la Hongrie, de fermer à l'archi-
duc Charles les débouchés de la Sîyrie , de
couvrir son flanc gauche, inquiété du côté
de la Bohême par les débris du corps de
56 PRÉCIS
Farciiiduc Ferdinand , et bientôt, peut-être^
par une année prussienne. Il n'avait plus,
par rapport à l'armée alliée qui se formait
devant lui, la supériorité du nombre; et
comme il fallait combattre et vaincre pour
assurer ses conquêtes, et pouvoir dicter la
paix, il dut, sans négliger aucun des points
que nous venons d'indiquer, concentrer et
tenir sous sa main ce qui lui restait dispo-
nible. Voici comment il pourvut à tout avec
autant de hardiesse que de prudence, avant
de quitter son quartier-général de Znairriy
autour duquel les troupes des divers corps
arrivés de nuit, après une double marche,
se trouvaient amoncelées et mêlées.
Le prince Murât reçut ordre de pousser
des partis de cavalerie jusqu'à Pohrlitz ,
pour éclairer la route de Brïmn, chassant
devant lui l'arrière -garde russe, et faisant
prisonniers une foule de traîneurs de cette
armée excédée de fatigue. Ce fut là que le
général Sébastiani , avec sa brigade de dra-
gons, ayant chargé en suivant la chaussée
et dépassé quelques corps russes, fît, dans
DES ÉVÉNEMEKS MILITAIRES. 5 7
]a journée du i8 novembre, quinze cents
prisonniers.
Le maréclial Lanncs fit prendre posilioii
à la division de grenadiers, dont îe maré-
chal Duroc eut le commandement pendant
l'absence du général Oudinot , ainsi qu'à la
division Suchet , à Prost ^ Meritz , deux
lieues en avant , et sur la gauche de Znaim»
Napoléon leur accorda la rare faveur d^un
jour de repos.
Le maréchal Soult, après avoir aussi fait
séjourner près de Znaim y sur la rive droite
de la Taya, ses deux divisions qui avaient
combattu à ScJwengrahen , les porta par Ja-
low'itz sur NiJwlsbourgy où la division Saint-
Hilaire vint le joindre. Ce corps d'armée se
trouva ainsi complètement rallié, et for-
mant, comme au commencement de la cam-
pagne, le centre dans l'ordre de bataille.
Le corps du maréchal Davoust, qui for-
mait l'aile droite, était disloqué; une seule
de ses divisions, celle du général Caffarelli,
se trouvait à Znaim ; celle du général Gudin
était à Neustadt^ sur la route de Carinthie»
58 PRÉCIS
et le maréchal qui était d'abord resté h
J^ienne avec la division Priant , avait mar-
ché iîwrPresbQurg avec la cavalerie légère du
général Yialanes. Le conite de Palfy, qui y
commandait , lui déclara, au nom de Tarclii-
duc palatin de Hongrie, que si les Français
ne commettaient aucun excès, il ne serait
fait à leur approche aucune résistance, qu'il
ne serait effectué aucune insurrection. L'em-
pereur Napoléon accepta cette espèce de neu-
tralité, et exigea seulement que la ville de
Preshourg fût occupée par ses troupes. Le
maréchal Davoust y entra , établit la bonne
harjiionie , et sut la maintenir.
La garnison de Vienne fut relevée quel-
ques jours après par les divisions Gazan et
Dupont, que le maréchal Mortier eut ordre
d'y envoyer, pour y être casernées , et faire
le service de la place , garder les ponts et
les établissemens publics. La division batave
fut employée à garder le pont de Krems :,
et se cantonna k Stein et à Mautern.
Le maréchal Bernadotte qui, se trouvant
à deux marches en arrière du général Kutu-
DES lévÉNEMEÎfS MILITAIRES. 69
sow, n'aurait pu le joindre que dans le cas
où la lête des colonnes russes aurait été dé-
passée, eut ordre de traverser Znaim^ d'y
laisser une division, et de porter tout le
reste de son corps d'armée à Budwitz , des-
tiné ainsi à former l'aile gauche de la grande
armée en Moravie.
Le général Baraguey d'Hilliers, après les
affaires àHJlm, avait passé à la rive gauche
du Danube avec sa division de dragons à
pied vers la frontière de Bohême. Il avait
force un corps de trois mille Autrichiens
à quitter la position de Walder-Munchen ,
où ils s'étaient retranchés; et après s'être
emparé de plusieurs magasins, il s'était
avancé jusqu'à Pilsen, et n'était qu'à vingt
lieues de Prague; il eut ordre de s'y main-
tenir, de continuer cette utile diversion,
et de se mettre en communication avec le
maréchal Bernadotte.
Pour ne pas compliquer cet exposé, nous
ne rappellerons point les ordres qui, à la
même époque, furent donnés au général
Marmont , ainsi qu'au maréchal Ney. Il n'y
6o PRÉCIS
eut presque rien de changé aux instructiorrs
qu'ils avaient reçues ; et comme ces deux
corps restèrent détachés jusqu'à la fin de la
campagne, leur position et l'objet de leurs
opérations trouveront mieux leur place,
lorsque nous ramènerons nos lecteurs sur
le théâtre de la guerre d'Italie.
Après avoir disposé toutes ses troupes de
manière à pouvoir les rassembler en vingt-
quatre heures, et s'être rendu maître de
toutes les communications, Napoléon porta
son quartier-général à Pohrlitz^ point d'in-
tersection des deux routes de Bohême et de
Moravie. Il y reçut le rapport du prince
Murât , de l'évacuation de la place de Brûnn
et du fort de Spielberg qui la commande.
L'empereur d'Autriche en était parti depuis
deux jours avec toute sa cour, pour se re-
tirer à Olinûtz. L'empereur Alexandre avait
été l'y joindre après avoir rencontré à son
passage à Brûnn le général Kutusow, et
s'être félicité avec lui du succès de sa retraite
comme d'une victoire, et de la réunion de
ses armées.
DES ^VÉNEMENS MILITAIRES. 6l
La tête des colonnes de Farniée du géné-
ral Buxowden était arrivée à Driwitz, près
de Wischau. L'armée combinée, dont Ku-
tusow prit le commandement général, se
trouva forte de cent qualre bataillons, dont
vingt autrichiens, et cent cinquante-neuf
escadrons, dont cinquante autrichiens et
quarante de cosaques. Les troupes autri-
chien n€s étaient sous les ordres du prince
Jean de Lichtensten; Tinfanterie se compo-
sait de sixièmes bataillons organisés depuis
la prise à^Ulmy et de ce qui restait des corps
des généraux Kienmayer et Meerfeld. L'ar-
chiduc Ferdinand avait réuni en Bohême
des troupes de nouvelle levée avec les débris
de la cavalerie qu'il avait ramenée de Souabe,
et couvrait avec ce corps la droite de l'ar-
mée combinée; la totalité était à peu près
de quatre-vingt-dix mille hommes. Les
Russes attendaient encore une division de
la garde impériale, qu'amenait le grand-duc
Constantin, frère de l'empereur, et un
autre corps sous les ordres du général Ben-
6a PRÉCIS
Ces forces , comme nous Favons fait ob-
server , étaient certainement supérieures à
celles que leur opposait l'empereur Napo-
léon , et l'on devait penser que les alliés
marcheraient au-devant de lui pour livrer
bataille, sans lui laisser le temps de s'éta-
blir; mais leurs troupes étaient si fatiguées,
surtout celles de Kutusow, et les Autri-
chiens , qui depuis deux mois n'avaient
cessé de marcher et de combattre, qu'ils
n'osèrent pas d'abord prendre l'offensive
contre un tel adversaire. Il fut décidé, dans
un conseil de guerre tenu à PJ^ischau, que
l'armée combinée se cantonnerait autour
âiOlmûtz pour laisser reposer les troupes,
et attendre les derniers renforts.
Napoléon, au contraire, continuant son
mouvement, s'approcha autant qu'il fut
possible de l'ennemi. Il ordonna au prince
Murât de rallier toute sa cavalerie, de faire
soutenir ses dragons par les cuirassiers , et
de pousser vivement au-delà de Brûnn , sur
la route ^Olmûtz, les arrière -gardes des
alliés , qui couvraient leur mouvement
DES JSVÉNEMENS MILITAIRES. 63
rétrograde vers cette place. Le corps du
maréchal Lannes occupa celle de Brûnn ^ et
se cantonna en s'étendant par sa gauche sur
la route de Zw'itau, Le quartier-impérial et
la garde sous les ordres du maréchal Bes-
sières furent établis à Brûnn ^ où les Autri-
chiens avaient abandonné des magasins con-
sidérables, des munitions de guerre, des
ressources de toute espèce.
Le corps d'armée du maréchal Soult,
composé de trois divisions, et dont le nom-
bre de combattans présens sous les armes
était d'environ vingt-trois mille hommes,
plus du tiers de forces que Napoléon pou-
vait dans ce moment présenter à l'ennemi,
fut tout entier dirigé de Nikolsbourg par
Grosnimtsçhitz sur Austerlitz ^ point im-
portant (et pour nous servir ici très à propos
de l'expression technique), point véritable-
ment stratégique ^ c'est celui où s'entrecou-
pent, presque à angle droit, les deux prin-
cipales communications dans cette partie
de la Moravie; celle de Nikolsbourg à O/-
mïctz^ et celle de Brûnn avec la Hongrie par
64 PRÉCIS
Goeding et Hollitsch ^ séjour favori de l'em-
pereur François ii. La position que prit le
maréchal couvrait parfaitement toute la
droite de celle de Br'ùnn ^ à trois et quatre
lieues de dislance : elle le rendait maître
de tous les débouchés par lesquels l'ennemi
pouvait se présenter; il soutenait par sa gau-
che l'avant-garde du prince Murât, et fai-
sait éclairer par ses troupes légères, en avant
de sa droite, tout le cours de la Mardi,
depuis Kradischy jusqu'au confluent de la
Taya. Le maréchal chargea surtout le co-
lonel Franceschi du 8^ régiment de hussards,
son ancien aide-de-camp, de cette mission
importante; il l'envoya en partisan à plus
de trois marches de l'armée , sur la frontière
de Hongrie ; excellent moyen de regarder
au loin, d'éventer les projets de l'ennemi , et
de recueillir des renseignemens plus surs
que les rapports souvent mensongers des
espions. Mais combien sont rares les officiers
doués à la fois d'autant de vigueur, de pru-
dence et de bon jugement militaire qu'en
avait le brave Franceschi !
«ES ÉV12NEMENS MILITAIRES. 65
Le choix cîe celte position , dont le maré-
chal Soult saisit au premier coup d'oeil fous
les avantages, fut une heureuse inspiration
de Napoléon. Il pressentit , avec raison , que
les alliés manœuvreraient par leur aile gau-
che pour tâcher de couper sa communica-
tion avec Vienne, et se porteraient d'abord
sur le plateau collineux à' Austerlilz, Ayant
élé lui-même, peu de jours après son arrivée
à Brûnny reconnaître celte partie du pays,
où les divisions du corps du maréchal Souk
étaient cantonnées, « Messieurs, dit -il aux
«généraux et aux olFiciers supérieurs cjui
(( le suivaient, regardez bien ceci; étudie^
(c ce terrain, car sous peu de jours ce sera
(c votre champ de bataille. ))
Telle était la position respective de l'ar-
mée française et de l'armée des alliés en
Moravie, à l'époque du 20 novembre j8o5,
jour de l'entrée de Napoléon dans la place
de Brïmn. Après le combat de cavalerie qui
eut lieu le lendemain, et dont nous ren-
drons compte en reprenant le iil de notre
narration^ il n'y eut, pendant huit à dix
14. 5
66 i»iiÉcis
jours, presque point d'autre hostilité; on
eût (lit qu'un égal besoin de repos avait ta-
citement fait conclure une trêve. Ce temps
fut de part et d'autre employé à se réparer,
à s'apprêter pour un choc décisif. Si l'armée
combinée recevait de nouveaux renforts,
les corps français se grossissaient aussi par
la rentrée d'une foule de traîneurs et d'hom-
mes légèrement blessés qui se hâtaient de
rejoindre leurs corps. Si la place à'Olmûtz
était un point d'appui , celle de BrûnUy
mise avec l'activité française en état de dé-
fense, ainsi que la citadelle du Spielberg^
offraient un obstacle respectable.
Profitant aussi de cette espèce de sus-
pension d'hostilités, nous nous permettons
de suspendre ici l'attention et l'intérêt de
nos lecteurs, pour les reporter vers le Tyrol
et l'Italie, afin que, lorsque nous revien-
drons à mettre sous leurs yeux le dernier
acte de cette immense campagne , ils connais-
sent tous les événemens qui le précédèrent
et en amenèrent le dénoùment.
DES ÉVÉNEMENT MILITAIRES. G 7
CHAPITRE XI.
Suite des opérations en Italie. — Passage
de risonzo. — Blocus de Venise. —
Retraite des Autrichiens dans la Carniole.
— Défaite et prise du corps du prince de
Rohan à Castel-Franco, par le lieutenant-
général Goui^ion Saint- Cjr. — Entière
évacuation du TjroL — Jonction des ar-
chiducs Charles et Jean. — Jonction des
armées françaises ^ d'Allemagne et d'Ita-
lie. — Violation de la neutralité de Naples.
— Débarquement des Russes et des An-
glais,
Apres le passage du Tagliamento , qui
s'acheva sans obstacle le i5 novembre, le
maréchal Masséna fit poursuivre l'arrière-
garde autrichienne sur la roule de Palma-
Nopa. Sa cavalerie légère ne put Tatteindre
que vers le soir; elle soutint à peine un
léger combat, et se retira précipitamment.
Le lendemain i4 novembre, le maréchal
6S PRÉCIS
se disposait à aller lui-même reconnaître
celteplace et en faire l'inveslissemcnt, lorsque
ses premières découvertes lui apprirent que
les ponts le vis étaient baissés, et que l'en-
nemi Favait évacuée. Palma-Nopa est une
forteresse de neuf fronts baslionnés, par-
faitement régulière tant au dehors qu'au
dedans, située au milieu d'une plaine unie;
ses fronts sont bien tracés et d'environ cent
quatre-vingts toises de côté extérieur, cou-
verts par des demi -lunes et par un bon
chemin couvert; les fossés pouvant être
inondés au moyen du canal d'Udine, dérivé
du torrent de la Torre, et les fortifications
ayant été réparées depuis peu de temps, la
place était susceptible d'une longue défense.
Son évacuation et celle d'Udine ne laissèrent
plus aucun doute sur la résolution de Far-
chiduc Charles d'abandonner l'Italie. N'ayant
pas défendu Palma-Nova, il n'était pas vrai-
semblable qu'il voulût s'arrêter sur FJsonzo.
Le maréchal continua sa poursuite; le gé-
néral Espagne, à la tête de l'avant-garde,
après avoir marché toute la nuit, traversa
DES ÉVÉNEMENS MILITA IKtS. Gî)
Gradisca deux heures avant le jour; et
suivant toujours la grande route qui re-
monte Ja rive droite de l'Isonzo, il prit poste
à LucenigOj k deux milles de Gorizzia, silué-^
sur la rive gauche. M. Tarchiduc y avait
laissé une forte arrière -garde, avait fait
brûler tous les ponts, et paraissait disposé à
défendre le passage, pour donner le temps
à son artillerie et à ses bagages, déjà engagés
dans les gorges, de passer la haute montagne
de Hazebergy que les neiges et les glaces
rendaient très-difficile. Ce prince occupait,
avec le gros de son armée, rexcellente po-
sition de Priewaldy espèce de contrefort qui
barre une étroite vallée à l'endroit où se
réunissent les routes de Trieste et de Fiume
à Lajbach. La route entre Gorizzia et Prie-
wald offrait à chaque pas des postes favo-
rables à la défense, et par conséquent une
entière sécurité pour la retraite de l'arrière-
garde laissée à Gorizzia,
Le maréchal Masséna ayant porté son
quartier-général à Gradisca, fît ses dispo-
sitions pour forcer le passage de Tlsonzo,
•yO PRECIS
et tenter d'enlever au moins une partie de
l'arrière-garde qui occupait Gorizzia. Celait
une entreprise difficile : Flsonzo prend sa
source dans les Alpes Juliennes, sur l'une
des crêtes qui forment la vallée delà Drave :
resserré dans son cours supérieur, il devient
un torrent très-rapide au sortir des mon-
tagnes. Il a quatre-vingts toises de large à
]a hauteur de Gorizzia, mais très-peu de
profondeur; les gués sont incertains et pé-
rilleux : on passe dans des bacs. Trois divi-
sions, celles des généraux Molitor, Gar-
danne et Partouneaux, et les cuirassiers par-
tant de Mariano-Fratte et San-Lorenzo, se
rendirent à Luc e ni go , où se trouvaient déjà
les chasseurs du général Espagne. Cette masse
de troupes reçut l'ordre d'effectuer de vive
force le passage de l'Jsonzo, au bac, près du
village, et vis-à-vis de Gorizzia, Pendant
que cette forte attaque de front occuperait
l'ennemi, les divisions des généraux Du-
hesme et Serras, suivies par la division de
dragons, ayant déjà passé l'Isonzo au bac de
Sagi^ado, au-dessous de Gradisca , reraon-
r t
DES EVENEMENS MILITAIRES. 7I
f aient la rive gauche pour s'emparer du pont
de Ruhia y près du confluent dans l'Isonzo
du torrent de Vipano, qui coule de l'est à
Touest. Au-delà de ce torrent, la division
Duliesme devait marcher par St.-Andrea
sur Gorizzia y et la division Serras, avec
les dragons, devaient se porter par Morna
sur Vertoïhay pour couper la retraite à Fen-
nemi.
Cette disposition, d'ailleurs bien combi-
née, n'eut pas tout le succès que s'en était
promis le maréchal • l'éloignement des points
de départ , et les reconnaissances des pas-
sages, retardèrent beaucoup le mouvement
de l'aile droite ; les trois divisions formant
l'aile gauche prirent position en face du bac.
Pendant que le capitaine du génie Beaufort
d'Hautpoul reconnaissait le gué sous le feu
de l'ennemi, les soldats impatiens se préci-
pitèrent dans risonzo, traversèrent le gué,
et se répandirent sur la rive gauche. Le
général Frimont, qui commandait le corps
autrichien laissé à Gorizzia , fit avancer de
l'artillerie sur le rideau qui borde le fleuve ;
72 PRECIS
]a canonnade s'eiiiza^ea vivement et avec
avantage du côté des Autrichiens, à cause
de la meilleure position de leurs batteries.
Le général Lacombe Saint-Michel , comman-
dant Tarlillerie française, plaça lui-même
quelques pièces sur un point plus favorable
et niasqué par des saules, et qui, prenant
la batterie des Autrichiens au rouage, dé-
monta phisieurs pièces, et les força de la
retirer. La division Duhesme avait déjà passé
risonzo au gué de Sagrado, et marchait vers
Ruhia. Le chef d'escadron Ordonneau , à la
tête des éclaireurs, s'empara du pont sur
le \ipano, et fit prisonnier un piquet de
liussards qui se préparaient à l'incendier.
Les troupes qui suivaient ce piquet arrivè-
rent trop tard ; elles furent repoussées, et la
division française déboucha dans la plaine
de St.- Andréa, Elle trouva en avant de ce
village une ligne d'infanterie et de cavalerie
en bon ordre, couverte sur son front par
d'anciennes redoutes élevées pendant la cam-
pagne de 1796, et qui étaient garnies de
canon. Ses voltigeurs les enlevèrent. Le
DES ÉVÉJNEMENS MILITAIRES. 7 5
général Duhcsme ayant trop d'avance sur la
division du général Serras pour en être sou-
tenu, et voyant que la nuit s'approchait,
se borna à tenir rennemî occupé par ses
tirailleurs, pendant que le général Serras
débouchait de Morna pour tournerla gauche.
Les troupes bivouaquèrent dans les posi-
tions qu'elles occupaient, et devaient, à la
pointe du jour , attaquer de tous côtés , afin
d'envelopper tout ce qui serait resté dans
Gorizzia: mais le général Frimont, qui avait
rempli son but et gagné la journée, n'atten-
dit pas le développement et le résultat in-
évitable de cette double attaque ; il profita de
la nuit pour évacuer Gorizzia^ et se retira
sur Schenpass et Czernizza.
Ainsi, à l'époque du 18 novembre, un
mois seulement après Touverlure de la cam-
pagne , le maréchal Masséna avait rejeté jus-
qu'au-delà des frontières de l'état vénitien ,
une armée plus forte que la sienne, et com-
mandée par le meilleur général qu'eussent
les alliés ; il l'avait poursuivie et l'avait forcée
de se diviser et de lui abandonner tout le
^4 PRÉCIS
plat pays. M. l'archiduc n'avait conservé
que Venise y où il avait jeté vingt -cinq
bataillons.
Cependant le maréchal n'avait encore
reçu aucune nouvelle certaine des opéra-
lions de la grande armée; l'ennemi occu-
pant toutes les routes intermédiaires, il igno-
rait non-seulement la ])rise de Vienne, mais
aussi la position des maréchaux Ney et Au-
gereau , qui , en pénétrant dans le Tyrol , de-
vaient appuyer et couvrir son flanc gauche.
Ne pouvant juger avec précision de leurs
progrès, il supposait, avec raison, que Far-
chiduc Jean , s'il était forcé d'évacuer le
Tyrol , se retirerait sur Fillach par le Pus-
terthal. L'armée d'Italie se trouvait à peu
près parvenue à cette hauteur; mais les pay-
sans tyroliens, levés en masse, et soutenus
par quelques détachemens, interceptaient
toutes les communications, et la poursuite
de l'armée du prince Charles n'avait pas
permis de jeter sur la gauche, dans les mon-
tagnes, des partis assez forts pour s'éclairer
au loin. Un des aides-de-carap du maréchal,
DES l^VÉNEMENS MILITAIRES. 'jB
le chef (le bataillon Pelet , qu'il chargea de
porter à l'empereur la nouvelle du passage
duTagliamento et de Toccupation de Palma-
Nopa^ dut passer par Milan ^ traverser la
Suisse, et aller jusqu'à Strasbourg prendre
la route tracée pour les estafettes.
D'un autre côté , les nouvelles de Venise
et de Trieste annonçaient l'arrivée prochaine
de renforts russes par la Dalmatie; et le
prince Charles, en semant ces bruits, pu-
bliait qu'il marchait au-devant de ces ren-
forts. Le général Verdier qui, depuis sa bles-
sure, commandait à Làvourne , venait de
mettre cette ville en état de siège , et annon-
çait l'apparition d'une escadre anglaise avec
un nombreux convoi. On savait aussi que
vingt-cinq mille Russes et Anglais réunis
en Sicile, étaient attendus dans le royaume
de Naples, dont l'occupation par le corps
d'armée du général Gouvion Saint-Cyr avait
été abandonnée sur la foi du traité de neu-
tralité.
Dans cet état de choses , Masséna ne vou-
lut point, avant d'avoir assuré ses derrières,
JO IMIECIS
porter le gros de son armée au-delà de
risonzo, et s'engager dans un pays de mon-
tagnes très-difficile, où Fennemi, à cause de
la rigueur de la saison et de l'afFection des
habilans, sur son propre territoire, aurait
tous les avantages de la guerre de postes.
Ces considérations très-judicieuses détermi-
nèrent le maréchal à arrêter au moins pour
quelque temps la marche de ses troupes;
il les concentra et les fit cantonner entre
Udine et Gorizzla : il se contenta de faire
suivre Tennemi par une avant-garde com-
mandée par le général Espagne, composée
de quatre régimens de chasseurs à cheval
douze compagnies de voltigeurs, un ba-
taillon de grenadiers et une compagnie d'ar-
tillerie légère. Il fit observer son flanc gau-
che jusqu'aux sources de l'isonzo et du Ta-
gliamento, et fit occuper les têtes des vallées
de la Save et de la Drave. Le général La-
cour, détaché avec une brigade de dragons,
eut ordre de se porter à la Chiusa cli PletZj
au haut de la vallée de l'isonzo, de s'as-
surer de ce passage, de descendre ensuite
DES lIVElKrEMENS MILITAIRES. 77
sur Villach pour reconnaître la vallée de
la Drave, et de s'étendre aussi loin qu'il le
pourrait sans se compromettre, pour avoir
des nouvelles de la grande armée. Nous ver-
rons dans peu quelle importance eut cette
mission, qui fut parfaitement remplie. Enfin,
le général Serras fut chargé, avec deux régi-
jnens, de s'emparer de la ville et du port
de Trieste j il y entra le 19 novembre, et fit
poursuivre sur la route de Laybach la gar-
iiison qui, à son approche, avait évacué le
château , et se retirait veiStPrivald pour re-
joindre le gros de l'armée de M. l'archiduc.
Pendant que ses troupes se reposaient,
réparaient leurs habillemens et leurs armes,
le maréchal Massëna s'occupait de bien éta-
blir sur risonzo sa nouvelle base d'opé-
rations, et de faire des apprêts, afin de se
porter rapidement en avant, lorsqu'il serait
convenable de le faire, soit par Lajbach,
soit par Villach et Klagenfûrth, La place
i]e Palma-Nopa fut armée et approvisionnée :
on travailla à mettre Gradisca et Osopo en
état de défense j les ponts furent reconstruits
78 PRÉCIS
et fortifiés ; le pays fut, dans toutes les direc-
tions, reconnu , exploré et levé par les ingé-
nieurs géographes.
AfiPermi dans cette position , le maréchal
y trouvait encore l'avantage de soutenir le
blocus de Venise y formé d'abord, comme
nous l'avons dit, par la division du général
Verdier, et renforcé depuis peu de jours
par les troupes que le général Gouvion Saint-
Cyr y avait amenées après avoir évacué le
royaume de Naples. Ce lieutenant -général
vint lui-même à Gradisca la veille du pas-
sage de l'Isonzo , prendre les ordres du ma-
réchal et le commandement de l'aile droite,,
entièrement employée au blocus. Ce corps
détaché fut composé de deux divisions et
d'une réserve : la première division sous les
ordres du général Reynier , formée des trou-
pes venues de Naples , était forte de six mille
hommes d'infanterie et de mille chevaux;
la seconde, sous les ordres du général Les-
chi , était de quatre mille hommes d'infan-
terie italienne et quatre cents chevaux. La
réserve était de trois mille hommes d'in-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 79
fanterie et de six cents chevaux; en tout
environ quinze mille combattans.
Le général Sainl-Cyr, parti de Barletta
le 9 octobre avec son corps d'armée fort de
dix-sept mille hommes, en avait laissé de
cinq à six mille dans les places de Pes^
cara et à\4ncône ^ menacées par l'expédi-
tion que préparaient les Russes dans les
ports des Sept- Iles ; il avait marché avec le
reste, et était arrivé à Padoue du 1 5 au 1 6
novembre. Dès qu'il eut reçu à Gradisca les
instructions du maréchal Masséna, déjà à
trente lieues de Venise , il se hâta de re-
tourner à son corps d'armée pour en fixer
l'organisation et l'emplacement. Pour ob-
server et couper les seuls débouchés par
lesquels l'ennemi pût, avec sa nombreuse
garnison , faire quelque entreprise sur la
terre ferme, en-deçà des lagunes, il établit
sa ligne obliquement par rapport à celle du
nouveau canal de la Brenta ( Taglio di
Brenta nouissimo)^ appuyant sa gauche à
Mestre et sa droite à Bopolenta ^ la ligne
passant de Mestre par les villages à^Orîago^
8o PRÉCIS
Mera ^ Dolo, Stra et Legnaro. Son quartier-
général était à Stra, à deux lieues de Padoue,
sur la rive droite de la Brenta. Quoique
cette ligne eût de six à se})t lieues d'étendue,
les troupes pouvaient être, en moins de
quatre heures, rassemblées sur le point où
Tennemi se serait présenté en force.
Le blocus était à peine ainsi formé depuis
trois ou quatre jours, lorsque le ^3 no-
vembre le lieutenant-général Saint-Cyr fut
informé par le général Schilt, commandant
à Padoue y qu'un employé arrivant de Bas-
sano annonçait que la veille une colonne
autrichienne, forte de sept cents chevaux
et trtjis cents hommes d'infanterie, était
entrée dans cette ville, et qu'elle devait être
suivie par un régiment avec de l'artillerie
et des bagages. Cet avis fut confirmé peu
d'instans après par un rapport des com-
mandans de place de Véronne et de Vicence y
qui annonçait qu'un corps de huit à dix
mille Autrichiens s'avançait par le Trentin
sur Bas sano.
Nous ne saurions mieux faire connaître
DES lÉVÉNEMENS MILITAIRES. 8l
la résolution que prit sur-le-chanrip le gé-
néral Saint-Cyr, qu'en transcrivant ici sa
courte dépêche au maréchal Masséna , datée
àe Stra y le 2 frimaire ( ^5 novembre).
(c Je reçois en ce moment le rapport que
ff je vous envoie. Je laissé la division Lecchi
<( en position, la droite à BopolentOy et la
« gauche à Saonara; son avant-garde à Piove
<( di Sacco, et la brigade du général Digonnet
« à Mestre, pour observer la garnison de
« Venise; et je marche avec le reste de mes
<c troupes pour aller à la rencontre de l'en-
u. nemi. Je compte me rendre aujourd'hui à
« CampO'Sari'Pietro y et demain je m'assu-
« rerai positivement quel est ce corps. »
En effet, une faute grave qu'avait fliite
le général Loison en n'exécutant qu'impar-
faitement les dispositions que lui avait pres-
crites le maréchal Ney, avait donné au prince
de Rohan, contre toute espérance, l'occa-
sion de forcer son passage à Bolzen^ et, con-
tinuant sa retraite, d'entrer par Lavis dans
le Val Suganay pour déboucher par la vallée
de la Brenta.
14. 6
02 PRÉCIS
Nous ne développerons pas ici la combi-
naison du maréckal Ney pour couper toute
retraite aux corps de troupes autrichiennes
qui se trouvaient encore dans' le Tyrol occi-
dental après la prise d'Inspruck^ et la retraite
de l'archiduc Jeaii sur le Brenner; nous
aurons occasion de le faire en achevant de
rendre compte de la conquête du Tyrol,
et de la jonction des armées des deux aichi-
ducs.
La détermination du prince de Rohan est
digne d'éloge; car s'il eût réussi, cette re-
traite serait citée entre les faits de guerre
les plus remarquables. Parvenu jusqu'à
Castel-Franco ^ il n'avait plus que sept à
huit heures de marche pour arriver sur les
derrières de la gauche de la ligne de blocus,
et sans doute que son attaque combinée
avec un eÔort de la garnison de Venise
aurait couronné cette audacieuse entreprise.
Voici comment la précision et la prestesse
des manœuvres du général Saint-Cyr la
firent échouer. Ayant sous les yeux le rap-
port fait au maréchal Masséna, par ce général
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. 85
duquel on peut dire avec vérité, eodein
animo scripsit quo dimicavit ., il a écrit
comnie il a combattu, nous nous garderons
d'altérer celte excellente relation.
Le lieutenant-général Sainl-Cyr écrivait
au maréchal Masséria de Castel- Franco, le
3 frimaire (24 novembre) :
(( Le corps autrichien dont je vous ai
« annoncé hier l'arrivée, vient de Farméc
<f d'Allemagne. Dans le Tyrol, il avait ete
« coupé deux fois par le corps du maréchal
« Ney, et s'était heureusement échappé.
(( Le prince de Ruhan qui le commandait,
i( croyait qu'en faisant encore un grand
a effort, il traverserait notre ligne, el arri-
t( verait aux lagunes de Venise pour se réu-
<( nir aux corps de troupes qui occupent
<( cette place, et qui, étant prévenus par lui,
« devaient le protéger dans ce dessein. Je
a ne leur ai pas laissé le temps de se bien
a entendre. Hier, le général Reynier, avec
i( sa division, moins la brigade Digonnet,
(( a couché à No v aie. Je me suis rendu à
« Campo-San-Pietro avec la brigade polo-
84 i» ji L c 1 i>
♦f naise commandée par le général Peyri.
« L'ennemi est arrivé le même soir à Castel-
K Franco. J'ai ordonné dans la nuit, au
i( général Reynier, d'attaquer à la pointe du
« jour l'ennemi à Castel-Franco^ tandis que,
« avec la brigade polonaise, je le tournerais
« par sa droite. L'ennenû nous a prévenus:
(( il a attaqué au point du jour le général
(c Reynier avec une vigueur désespérée.
K Plusieurs fois culbuté, il est revenu à la
« charge, jusqu'au moment où, avec la bri-
(( gade polonaise , je l'ai attaqué par-der-
(( rière et mis entre deux feux; alors i! s'est
u mis en déroute, et a fui jusqu'à Castel-
« Franco :, oii nous sommes arrivés aussitôt
c< que lui, par l'avantage que nous avions
(( d'être sur ses derrières. Ce qui n'a pas été
<( tué ou pris en bataille, a demandé à capi-
« tuier.
« Ce corps était d'environ sept mille liom-
(( mes d'infanterie et douze cents chevaux;
(( il était plus fort que le corps dont j'ai pu
« disposer pour le combattre. Mais les trou-
j pes ont montré une si grande valeur, que
»F^ ÉVÉNEMEFS MILITAIRES. 8f)
(( la victoire n'a pas été long -temps dou-
(( teuse; six mille hommes, mille chevaux,
(( le général prince de Rohan, commandant
«le corps, pîusietirs colonels, beaucoup
«d'officiers, sept drapeaux, douze pièces
« de canon, leurs caissons, et beaucoup de
(( bagages, sont restés en notre pouvoir.
«Une colonne de Croates doit, dit-on,
«^ déboucher des montagnes, et faisait partie
« de ce corps. Je laisse ici les Polonais pour
« les attendre, et je retourne avec la divi-
« sion Reynier devant Denise ^ présumant
t( que demain M. de Belîegarde pourrait faire
« une sortie, et ce, pour dégager le cQrps .
«du prince dé Rohan •^
4( Nous avons retrouvé ici Tes prisonnfers
a que les Autrichiens avaient faits sur nous
« à Bassanoy Castel-Franco ^ et sur la divi-
« sion du général Loison.
« Le général Reynier s'est conduit avec
« la bravoure et rintelîigence dont il a déjà
« donné tant de preuves. Sa division a fait
« deux mille cinq cents prisonniers; il donne
tf les plus grands éloges à la conduite des
86 p pt £ c I s
« chefs des lô^ et oG® de ligne, ainsi qu'au
(( chef de balaillon Clavel , commandant.
« le bataillon suisse. Le chef de brigade
(( Grabinski , et les chefs de bataillon Bia-
(( lowski et Clopski, méritent aussi les plus
(( grands éloges. »
Deux jours après cette brillante affaire,
les troupes du général Saint-Cyr reprirent
leurs positions sur la ligne de blocus. Les
Autrichiens n'avaient rien lenlé; mais pen-
dant toute la journée du 24, ils n'avaient;
cessé de faire des signaux sur toute la ligne^
jusqu'à Brondolo : ils n^ivaient pu entendre
le canon, à cause de la trop grande dis-
tance; et, persuadés que le prince n'était pas
encore assez près, ils n'avaient fait aucun
mouvement pour déboucher et marcher à
lui.
Sur le premier avis que reçut le maré-
chal Masséna de l'apparition de ce corps
autrichien dans la vallée de l'Adige, il dut
croire que l'archiduc Jean, poussé par le
maréchal Ney, et n'ayant pu se retirer par
la vallée de la Drave, aurait pris la réso-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 87
lution désespérée de descendre en Italie avec
toutes les troupes qui lui restaient par le
seul chemin qui lui fût ouvert ; il aurait eu ,
dans ce cas, le dessein de débloquer Venise
et de marcher sur les derrières de l'armée
française avec cinquante bataillons, pendant
que Tarchidnc Charles aurait repris l'offen-
sive. Cette conjecture, que divers rapports
et l'ignorance absolue de ce qui se passait
au-delà des montagnes rendaient assez vrai-
semblable, décida le maréchal à faire, sans
quitter sa position centrale sur Flsonzo, des
dispositions relatives à celles qu'aurait pu
faire l'ennemi. Pendant que l'avant -garde
s'avançait sur la route dç Layhacli , le ma-
réchal envoya le reste de la division Gar-
danne pour soutenir le général Lacour qui
était encore à Tarais y et le général Len-
chantin qui gardait les débouchés du Ta-
gliamento; il fit ensuite partir les grenadiers,
deux brigades des divisions Duhesme et
Serras, une brigade de dragons et les cui-
rassiers, pour se porter à marches forcées
sur la Piave; il s'y rendit lui-même, après
SS PRÉCIS
avoir laissé au général Duliesme le comman-
dement des troupes qui restaient sur Tlsonzo.
Ces sages précautions furent inutiles 5 le
combat de Castel- Franco dissipa tous les
nuages. Le prince Charles, depuis Vicence
jusqu'à Gorizzia j n'ayant qu'une marche
d'avance sur l'armée française , et traversant
un pays ouvert, avait dû précipiter sa re-
traite. Mieux informé que ne pouvait l'être
son adversaire 3 de ce qui se passait sur le
Danube et dans leTyrol, il devait craindre,
s'il faisait tête à l'ennemi et se laissait forcer
à combattre, que celui-ci ne gagnât ses
flancs et ne lui coupât le chemin des mon^
tagnes; mais aussi, dès que le gros de l'ar-
mée autrichienne, ayant passé l'Isonzo, fut
entré dans les défilés de la Carniole, l'ar-
chiduc ne se contenta plus, comme dans le
pays ouvert, d'arrêter l'impétuosité de la
poursuite des Français par des canonnades
et de légers combats : son arrière -garde
tint ferme dans chacune des positions suc-
cessives qu'offrait l'aspérité du terrain, et
les défendit pied à pied. La première attaque
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 89
du général Espagne sur les hauteurs de
Czernizza fut repoussée; ses voltigeurs l'em-
portèrent à la baïonnette. Le lendemain, 19
novembre, en continuant sa marche, il ren-
contra un obstacle plus sérieux ; le général
baron de Vincent occupait avec quatre mille
hommes d'infanterie, quinze cents chevaux
et du canon, la position de Goiazza. Après
quelques heures de combat , ce général
voyant sa droite débordée par une brigade
(le chasseurs que commandait le général
Merlin, se replia en bon ordre sur sa ré-
serve derrière le ruisseau à^ Hejdenchaff't ;
il combattit encore vivement dans cette po-
sition le reste de la journée, et ne la quitta
que pour prendre à une lieue plus loin celle
des hauteurs de Vipano qui ferme la vallée.
Ainsi, après s'être battu pendant deux jours,
le général Espagne n'avait pu gagner que
trois lieues de chemin, et trouvait, en s'a-
vançant vers le col de Rabetscheniza ^ ou
position de Paiçald^ike plus grands obstacles
à franchir.
Le maréchal Masséna, informé qu'une
go PRECIS
partie de l'infanterie aulricliienne s'était
jetée dans la vallée d'Jdria pour gagner jLo/-
bachy tandis que M. Farcliiduc, avec le reste
de son armée, son artillerie et ses ba^ai^es,
avait continué de suivre la grande route,
renforça son avant-garde, en y envoyant le
5*^ régiment d'infanterie; il ordonna au gé-
néral Espagne de s'arrêter, de prendre po-
sition en arrière ^ Heydenchafft , d'obser-
ver ses flancs, et de faire reconnaître le col
retranché de Rabetscheniza y en avant de
Paivald.
Ce col est élevé sur la sommité des Alpes
Juliennes qui lient le mont Hemus à la
grande chaîne Alpine ^ en séparant le bassin
de la Méditerranée et celui de la mer Noire.
Ses pentes sont très-rapides, et la route,
quoique praticable pour les voitures, est ex-
trêmement roide du côté de l'ouest, où elle
passe sur le contre-pont à droite du torrent.
Celle sur la pente opposée est fort belle.
Le prince Charles avait fait occuper ce
col par plusieurs redoutes fermées, très-bien
disposées pour se flanquer, découvrir les
DES ÉVE]NEMi:]N^S MILITAI H KS. Qï
pentes de la montagne, et enfiler la route
qui est presque le seul accès praticable. La
gauche de ces retranchemens était a«)p«yée
au torrent de Meschinick, dont les t)erges
sont très -escarpées, et la droite au Blm-
haumer , montagne couverte de bois. La
neige et les glaces augmentaient encore la
difficulté d'aborder ces retranchemens. Tou-
tefois, la force de cette position ne devait
s'estimer que d'après le temps nécessaire
pour manœuvrer sur ses flancs. Le prince y
laissa une forte arrière -garde après avoir
passé le col avec beaucoup de peine. Son
parc d'artillerie et ses équipages s'étaient mis
en désordre, et les rampes étant encom-
brées, il fut obligé de faire brûler ou jeter
dans les précipices un assez grand nombre
de voitures; il perdit aussi beaucoup de sol-
dats par l'abus des liqueurs fortes, toujours
mortel dans ces hautes régions.
L'archiduc Charles étant enfin arrivé avec
le gros de son armée à Lajhach ^ au point
de séparation des deux roules, et des grandes
communications des vallées de la Save à celle
92 PRECIS
rîelaDrave, rien ne pouvait plus arrêter
sa marche ni empêcher sa réunion avec l'ar-
chiduc Jean, qui, en même temps, arrivait
à Klagenfurth y et y ralliait les troupes qull
avait pu retirer du Tyrol.
En quittant le théâtre de la guerre d'Itahe,
ou, comme on le voit, la campagne était au
20 novembre à peu près terminée, nous
devons achever de dire à nos lecteurs com-
ment le maréchal Ney acheva la conquête
du T} roi , pendant que Napoléon, maître
de Vienne y poursuivait le6 alliés jusqu'aux
frontières de la Moravie. Dès le 6 novembre,
l'archiduc Jean , après avoir évacué 7/25-
pruck y avait pris position sur le Brenner;
il avait ordonné au général de Chateler de
se porter avec sa division sur Radstadt ^
dans la haute vallée de FEns. Pour s'assu-
rer de cette communication, il avait aussi
envoyé au général Jellachich et au prince
de Rohan Tordre d'évacuer le Vorarlberg,
de se retirer par Nauders, Glurens, Meraa
et Botzeny et de se réunir au général Hiller.
Dans l'attente de l'exécution de ces ordres
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. gS
tardifs, l'archicluc fit tenir jusqu'au i5 no-
vembre la position du Brenner par le corps
du général Saint-Julien.
Le maréchal Ney, pour prévenir celte
jonction , porta une de ses deux divisions
sur Sterzing, pendant que deux régimens
d'infanterie, les 5o^ et 69^ de ligne, et le 5^
régiment de hussards, remontant la vallée
de rinn , se dirigeaient par Nauders sur
Schlanders , pour tâcher de couper toute
retraite au prince de Rohan , qui fut sommé
de mettre bas les armes. Quant au corps de
Jellachich , on a vu qu'il avait élé forcé de
capituler, par le général Maurice Matthieu, le
i4 novembre. L'attaque du Brenner devait
avoir lieu le i5; mais dès la veille, après
une affaire d'avant-posles, l'archiduc Jean,
qui savait les progrès du maréchal Masséna,
jugea qu'il ne pouvait attendre plus long-
temps la réunion dont il s'était flatté, sans
risquer de voir coupée la seule communi-
cation qui lui restait 5 il se retira en éche-
lons par le Pusterthal ou vallée de la Drave,
Pour bien expliquer ce mouvement au
94 PRÉCIS
centre du Tyrol allemaiïcl, nous satisferons
sans fjonte pleinement nos lecteurs en rap-
portant ici cette partie du rapport du ma-
réchal Ney; car c'est fortune pour les his-
toriens contemporains, pour ceux-là même
qui ont été les témoins des événemens qu'ils
rapportent, que de pouvoir, en mettant en
scène les principaux acteiH\s, les faire parler
eux-mêmes d'après leurs actes authentiques,
(c Je fus informé que le général Saint-
ce Julien avait évacué le Brenner le sS bru-
ce maire ( i4 novembre), et qu'après s'être
ce réuni à Mïthlbach au corps de l'archiduc
ce Jean et du général Hiller, il se retirait
ce par Prunechen snr Kïagenfurth à marches
ce forcées, afin de ne pas être coupé. Les
ce nouveaux renseignemens que je reçus à
ce Mûhlbach le 24 (i5 novçmbre), me firent
ce juger que les divisions du Yorarlberg cher-
ce cheraient à prendre la même direction , et
(X qu'elles tomberaient en notre pouvoir, si
ce elles nous trouvaient en possession du
ce point important de Botzen , où se ré unis-
ce sent les trois grandes vallées et toutes les
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 9 5
(( communications de la Carinthie, de l'Italie
« et du Vorarlberg. J'ordonnai en consé-
(( quence au général Loison de s'y porter
« avec la brigade Rognet et la cavalerie lé-
« gère du colonel Colbert. Je fis marcher
(( sur-le-champ le général Vondeweit sur
(c Brixen avec les 20^ el 27^ régimens, et ne
(c tardai pas à diriger sur le même point le
(( général Mahleretle 69® régiment, qui reçut
(( ordre de redescendre la vallée de l'Inn.
((Par ces dispositions ^ je portais toutes
(( les troupes disponibles sur le point impor-
« tant, et je les soutenais successivement
« par tous les moyens que je pouvais réunir.
« Le 5o^ régiment fut détaché pour re-
(( monter la vallée de l'Inn, harceler l'en-
(( nemi, et compléter son investissement du
(( côté de Meran. Le colonel La Martinière
« entra le 24 à Landech , au moment où
<!t l'ennemi en sortait. Il prit six pièces de
(C canon et beaucoup de bagages. Son déta-
<f chement marcha successivement jusqu'à
(( SchlanderSj où il était déjà le 27 brumaire
(( ( 18 novembre).
g6 PRJtCIS
c( Ce mouvement du 5o^ devait être d'abord
« soutenu par le 5g^; mais je me décidai à
ce porter ce régiment sur Brixen.
« Au lieu (le suivre mes instructions, et de
c( porter six bataillons à Botzen, le général
c( Loison n'y conduisit le 26 brumaire ( 17
c( novembre) qu'un bataillon du 76* régi-
cc ment, les grenadiers de sa division , et un
ce détachement du 25^ Celte petite troupe
c( fut encore dispersée à Morizingy Saint-
<i Colmaiij Botzen , etc., quoique ce général
ce fut informé de l'avant-garde de l'ennemi
ce à Terlan, et des efforts qu'il faisait pour
ce déboucher. >
ce Le prince de Rohan ayant concentré
ce son mouvement avec les Tyroliens , fit
ce attaquer nos avant-postes le 27 (18 no-
ce vembre), à trois heures après midi, et les
ce repoussa jusqu'au pont de l'Adige ; V^n-
ce nemi se déployant alors à droite et à gau-
ce che , chercha à tourner les troupes qui le
e< défendaient. Malgré leur fermeté, ces trou-
ce pes assaillies par les habitans même de la
ce ville , et par des forces supérieures , furent
DES EVENEMEIVS MILITAIRES. C)n
a forcées d'abandoîiiier leur poste ; elles
«se retirèrent avec ordre, reçurent à !a
« buïon nette plusieurs charges de cavalerie,
« tuèrent beaucoup de monde et vinrent
« prendre position derrière Botzen. Au
c< même instant toute la vallée parut cou-
a verte de feux et de paysans armés; ce
a mouvement inattendu , opéré sur les der-
« rières de nos troupes , décida une marche
« rétrograde.
« Attaqués de toutes parts , nos soldats ont
a marché sur les Tyroliens avec audace, les
oc ont dispersés , et se s<:)nt retirés jusqu'à
« Coîman et Plausen.
a Le prince de Rohan a profité de ce mo-
« ment favorable pour filer sur Lawis, où il
ce a passé la nuit.
a J'arrivai le 28 ( ig novembre) à Brixen^
« et donnai de suite Tordre de se porter
« sur Botzen le lendemain à six heures du
<( matin; les paysans, au nombre de douze
ce cents, commençaient à tirailler avec la tête
ce de la colonne près de Colman ^ lorsqu'oa
« parvint à leur faire entendre le langage de
14. ^ 7
g8 PRÉCIS
<c la raison , et à les renvoyer dans leurs
a foyers ; nous arrivâmes le soir même à
« Botzen.
c( Le 5o ( 21 novembre ) au matin , je por-
(c lai sur Trente un détachement commandé
« par le colonel Colbert, avec ordre d'éclai-
<( rer les mouvemens du prince de Rohan ,
(( qui me paraissaient dirigés sur Fenise ; je
(( le chargeai d'infm mer de ces mouvemens
(( les troupes de l'armée d'Italie, afin de les
(c arrêter si cela était possible.... »
Nous avons dit pitis haut comment ce
corps autrichien, auquel Fîmprévoyance du
général Loison avait ouvert un passage, con-
tinua sa marche par la vallée de la Brenla
sur Bassano y et fut battu et pris par le
général Saint -Cyr; il nous suffit de le
rappeler à nos lecteurs , qui trouveront
en entier, aux Pièces justificatives, la dé-
pêche dont nous avons seulement donné ici
l'extrait.
Le maréchal Ney , avec tout le reste de ses
troupes, poursuivit dans le Pusterthal le
corps d'armée de l'archiduc Jean qui se reti-
DES ÉVÉJîfEMENS MILITAIRES. qg
raiten très bon ordre ; il était alors composé
du fond de quatre divisions que ce prince
avait pu rallier pendant qu'il tenait la posi-
tion du Brenner ; c'étaient, celle du général
Hiller, qui , aj^ant évacué le Tyrol italien,
était remontée par Botzen ^ avant le passage
du prince Rohan ; celle du général Chatcler
revenant i\e Radstadt ^ celles du général Mi-
Irowski et du général Saint-Julien. Ces divi-
sions furent disposées en échelons à distance
d'une marche, formant chacune deux têtes
qui devaient au besoin servir d'avant-garde
ou d'arrière-garde, dans le cas où quelques
troupesdeParmécdeMasséna parviendraient
à couper la route entre deux divisions. L'ar-
chiduc Jean établit successivement la divi-
sion du général Mitrowski à Cortina et Mena
sur les débouchés de la Piave; il détacha le
général Siegenthal avec douze bataillons pour
occuper la position de Tarais. Sa dernière
arrière garde fut poursuivie jusqu'à Lientz ,
d'où le général Chateler fut détaché vers
Mur au et Judenbourg , pour repousser les '
partis du corps d'armée du général Marmout
1 oo 1» n É c I s
qui se répandaient dans la haute vallée de la
Mur.
La retraite de l'archidnc Jean devant les
forces très-inférieures du maréchal Ney fut
si prompte, que la tête de ses échelons arriva
le 17 novembre à Fillach 'Après une marche
de cinquante lieues dans ces âpres mon-
tagnes: le 20, toute son armée fut réunie à
Klagenfurty et le Tyrol fut entièrement aban-
donné aux Français. Il est assez remarquable
que l'armée de l'archiduc Jean marchait, du
côté du nord, au revers de la même chaîne
de montagnes, au pied desquelles, du côté
du sud , marchait parallèlement l'armée du
maréchal Masséna, et que Fun et l'autre ob-
servant les débouchés , ignoraient également
leur position respective. Ainsi , le jour même
de l'attaque de l'arrière-garde de l'archiduc
Charles sur l'Isonzo, l'archiduc Jean se trou-
vait à Villach à peu près à quinze lieues de
distance nord et sud de Gorizzia.
La communication entre les deux archi-
ducs, de Klagenfurth à Laybach^ étant éta-
blie, ils combinèrent, sans obstacle, leur
DES EVENEMENS BIILITAIIÎES. lOI
maixlie ultérieure pour opérer la joTiclion
de leurs armées : le prince Charles par Tro-
jana$dorfy Cillj et TVindish-Feistritz, et
le prince Jean par Volkermarckl-ff^indish-
Graiz et PP'indish-Feistritz, La jonction
fut effectuée à quatre lieues de Marbourg
sur la Drave; rarchiduc Charles établit
d'abord son quartier-général à Kraniks-
feld à deux lieues de Marbourg ; il fit re-
pousser les coureurs du général Marmont
qui , élant entré à Gratz quelques jours
auparavant , avait envoyé des reconnais-
sances jusqu^à la Drave, et se préparait à
marcher sur Marbourg, L'armée autri-
chienne extrêmement fatiguée prit position,
la droite à Marbourg, la gauche à Gonowitz,
la réserve à Pettau, et son arrière-garde à
Cilly^ où Tarchiduc Charles retourna et fit
ses dispositions pour continuer sa retraite:
il était alors informé de la prise de Vienne ,
des premières opérations en Moravie, et de
la joïiction des armées russes; il devait [)enser
que les conseils des deux empereurs les en-
gageraient à temporiser, à manœuvrer par
loi PRÉCIS
leur gauche pour se rapprocher de la Hon-^
grie y a6n d'y réunir toutes les forces , toutes
.es ressources qui auraient mis les alliés en
mesure de reprendre un peu plus tard l'of-
fensive, avec l'avantage du nombre et celui
que leur offraient les localités.
Dans celte vuej'archiduc Charles, pendant
les trois Jours de repos qu'il accorda à son
armée, avant de lui faire prendre la roule de
Hongrie j, pourvut à la défense de la Cioatie :
il ordonna au comte de Bellegarde, qu'il avait
laissé à la position retranchée à^Prévald, de
se retirer d'abord sur Neustadt , et enfin sur
Harlstadt , avec les vingt-huit bataillons et
les douze escadrons qui étaient sous ses or-
dres : la plus grande partie de ces troupes
étaient depuis peu de jours sorties de Venise,
et avaient été transportées par mer à Aquila
et à Trieste ) un peu avant que le général
Serras se portât sur celle place 5 le comte de
Bellegarde avait évacué la ville de Venise, et
laissé seulement une forte garnison dans les
îles de Chioggia, et de San-Secondo ; il avait
immédiatement quitté Trieste, et avait re-
DES JÉVÉNEMENS MILITAIRES. Io5
joint rarmée de l'archiduc Charles au camp
de Prévald.
Aussitôt que le maréchal Masséna fut
informé que le col de Rabettcheniza élait
abandonné , et que l'ennemi s'était retiré par
les deux chemins ^'Iclria el de LayhacJi y le
général Espagne reçut l'ordre de se porter
en avant , cl de laisser seulement à Prévald
un poste assez fort pour observer les roules
de Trieste et del'Istrie, souvent inquiétées
par les hussards et les Croalcs. L'avantgarde
française arriva à hajhach le 29 novembre ,
et poussa devant elle pour la dernière fois
les arrière-gardes de l'ennemi qui se retirait
sur Cillj et sur Neustadt. Le maréchal , qui
n'avait eiicore aucune nouvelle de la Grande-
Armée, chargea un officier de son état ma-
jor, le chef d'escadron Janiin , de pénétrer
avec un petit détacliement de dragons dans
la vallée de la Drave, de tâcher de passer
entre les postes ennemis, et de pousser sa
reconnaissance vers la Mur aussi loin qu'il
le pourrait. Ce brave officier ( le mérne qui ,
depuis général et major des grenadiers à
I04 PRÉCIS
cheval de la garde, |)érit gloiieuseinent sur
le champ de bataille de Tf^aterloo) remplit
avec aulant de bonheur que d'intelligence
cetle périlleuse mission. Il rencontra un posle
autrichien près de Knittenfeldy le chargea,
eut deux de ses dragons tués et son cheval
blessé^ passa à travers, et poursuivit sa route»
Il arriva à Brugg , où il trouva les pre-
iiiiers postes du général Marmont, et })orla
lui-mcme à Tempereur Napoléoj] la nouvelle
de la prochaine jonction des deux armées
françaises d'Allemagne et d'Italie. t)ans le
même temps , le général Laco«r , avec sa bri-
gade de dragons, et le général Lanchanliu
qui le soutenait avec le loi^ régiment d'in-
fanterie , descendaient de la Chiusa di Pletz
et de Tarais à Villach dans la vallée de la
Drave. Ces postes étant déjà abandonnés,
ils arrivèrent sans rencontrer d'obstacles,
jusqu'à Klagenfuj^th.
Le maréchal Masséna se trouvait ainsi en
mesure de communiquer avec le corps du
général Marmont, et de combiner ses mou-
Yemens avec ceux de la Grande- Armée,
T)rs évjénemejVS militaires. io5
selon les ( irconstanccs et les ordres qu'il
recevrait de l'empereur. Le centre de son
armée et son quartier-général étaient à Laj-
bach; il n'étendit pas son aile gauche au-
delà de la Drave. Sa droite, en avant de
Triesie y était encore observée et inquiétée
par divers corps de troupes légères. Trois
bataillons de Croates attaquèrent vivement
î'avant-garde du général. Serras à Materia.
Ce général reçut ordre d'attaquer lui-même,
et de rejeter au-delà de Fiume un corps de
trois à quatre mille hommes avantageuse-
ment posté dans les défilés des hautes mon-
tagnes qui entourent le golfe de QuarTiero,
et à travers lesquelles ont été ouvertes à
grands frais, sous le règne de Joseph ii, \^s
belles routes de la Croatie.
Le général Serras faisant éclairer sa
gauche par la brigade du général Guillet,
se porta d'abord avec celle du général Gilly
sur Lippa , à l'embranchement de la route
de hayhach y pour s'assurer de cette com-
inunication par Adelsherg avec l'avant-
garde et le centre de l'armée. L'ennemi
T06 PRÉCIS
occupait le col de MarcelU et Saint-Mathia ^
sur la route du golfe, au-dessus de Flume.
Avant de gravir le col , le général Serras le
fit tourner, et lit attaquer Castua par son
infanterie légère, à laquelle il ordonna d'y
retenir l'ennemi par une vive fusillade,
sans chercher à le forcer. Lorsque l'affaire
y fut bien engagée, il attaqua lui-même à la
baïonnette le poste de MarcelU y qui se dé-
fendit bien, mais qui fut enlevé. Il pour-
suivit vivement les fuyards, et entra dans
Fiume avec eux : tout ce qui était à Castua
fut contraint de mettre bas les armes. La
division française réunie occupa Fiume et
Buccari sur la route de Croatie. Cette affaire
fut conduite avec beaucoup de vigueur et
d'intelligence; elle coûta peu d'hommes aux
Français. Les Autrichiens, au contraire, y
laissèrent beaucoup de morts, et douze cents
prisonniers.
Là se terminèrent les opérations de l'ar-
mée française dans l'Italie supérieure. Leur
objet principal était rempli; toutes les forces
que Napoléon avait mises en mouvement au
DES ÉVJÉNEMENS MILITAIRES. lO^
comiDencement du mois d'octobre, étaient à
la un de novembre, deux ri] ois après l'ou-
verture de ia campagne, parfaitement en
ligne; la droite aux rivages du golfe Adria-
liqoe, et la gauche aux frontières de la Mo-
ravie. Là seulement, les alliés ayant la supé-
riorité du nombre, pouvaient balancer la
fortune.
Nous devons nous hâter d'offrir à nos lec-
teurs le tableau du mémorable événement
qui couronna cette campagne; et cependant,
nous ne quitterons pas l'Ilalie sans avoir
parlé de la violation de la neutralité par la
cour de Naples, et de la diversion tardive faite
dans ce royaume par les Russes et les Anglais.
Les^deux puissances du second ordre, le
roi de Prusse et le roi des Deux-Siciles, qui
n'avaient point encore pris une part active
à la guerre de la coalition contre la France,
n'en avaient été détournées que par le danger
auquel ces deux souverains étaient plus pro-
chainement exposés, de supporter les pre-
miers tout le fardeau de la guerre, s'ils se
fussent ouvertement déclarés. Mais il était
108 PRÉCIS
facile de voit que le cabinet de Londres s'était
assuré de leurs intentions, et qu'il leur avait,
pour ainsi dire, permis de les cacher sous le
manteau de la neutralité, aussi long-temps
que cette dissimulation serait utile à la réus-
site du plan général conçu par M. Pitt. Deux
parties importantes tle ce plan étaient les
grandes diversions à opérer au.^ deux points
les plus éloignés du principal, théâtre des
opérations, an nord par les bouches de
l'Elbe, et au sud par le golfe de Naples.
L'Angleterre concourait par sa marine à ces
deux opérations : l'objet de la première était
de reconquérir le Hanovre; celui de la se-
conde, d'arrêter les progrès du maréchal
Masséna, en jetant une armée sur son flanc
et sur ses derrières. Nous ne parlerons ici
que de cette dernière expédition; celle du
nord trouvera sa place dans les dernières
négociations de la cour de Berlin.
Depuis que le lieutenant-général Gouvion-
Saint-Cyr avait évacué le roj^aume de Na-
ples, conformément au traité de neutralité,
la cour ne couvrait plus que d'un voile très-
DES ÉVÉJVEMEJNS MILITA [RES. lOQ
léger ses intelligences avec les ennemis de hi
France; ils étaient ouvertement accueillis
et protégés, surtout par la reine qui n'avait
jamais dissimulé son aversion contre les
Français, et qui, disciple fidèie du fameux
secrétaire de Florence , ne se crut jamais
liée par les traités que la force imposait à
la faiblesse. La Sicile était devenue la place
d'armes des Anglais; les réclamations du mi-
nistre français, M. Alquier, n'étant plus sou-
tenues par la présence d'un corps d'armée,
étaient à peine écoutées, et restaient sans
réponse. On connaissait les apprêts faits à
Corfou pour l'embarquement des nom-
breuses troupes russes i-assemblées dans
les îles Ioniennes; c'était pour donner le
change sur leur destination, que les géné-
raux autrichiens avaient fait répandre la
nouvelle de la prochaine arrivée à Venise
de ces auxiliaires. Une escadre anglaise es-
cortant un nombreux convoi, s'était mon-
trée dans les eaux de l'ile d'Elbe.
Enfin les alliés jetèrent le masque : celte
mêm€ escadre, renforcée de quelques vais-
IIO PRÉCIS
seaux russes , mouilla clans le golfe de Na-
ples; et le forl Saint-Ehne ayant répondu
aux signaux de reconnaissance , elle s^ap-
procha sans opposition avec quatre-vingt-dix
bâtiniens de transport chargés de troupes.
Le lendemain, treize mille six cents Russes,
parmi lesquels se trouvaient deux mille Alba-
nais , furent débarqués à Naples sous le com-
mandement du général Andress, etcinqmille
six cents Anglais débarquèrent à Castella-
mare. Tout était préparé sur ces deux points
pour les recevoir; le roi s'était engagé à Join-
dre à cette armée toutes les troupes napoli-
taines, environ quarante mille hommes,
dont la plus grande partie était déjà dans les
Abruzzes, ou en marche pour s'y rendre.
Toutes ces forces devaient être réunies
sous le commandement en chef du général
russe de Lascy, qui depuis six mois était
à Naples avec son chef d'état-major , le gé-
néral Hoppermann , et s'occupait secrète-
ment de la topographie miiitaire du pays et
des apprêls de l'expédition. L'artillerie napo-
litaine (organisée avant la révolution par
I^ES EVENEMENS MILITAIRES. III
d'excellcHS officiers fiançais, à l'inslar de
rariillerie française) avait été récemment
augmenlée; on recrutait avec activité dans
tout le royaume pour compléter les contin-
gens des milices.
Le projet du général Lascy était de dé-
boucher par les Abruzzcs, et de porter le
gros de son armée en Toscane, d'où, selon
les circonstances, il se serait jeté au-delà du
Pô sur les derrières du maréchal Masséna,
aurait coupé ses communications et secondé
les efforts des Autrichiens pour reprendre
l'offensive. Les mouvemens (]es escadres
anglaises sur les côtes de Toscane, d'autres
débarquemens sur les côtes de l'Adriatique,
entraient dans ce plan général du succès
duquel les alliés n'espéraient rien de moins
que le renversement de la domination dei
Napoléon en Italie.
La cour de Naples poussa la dissimulation
jusqu'à désavouer par un acte public , même
après le débarquement , la part qu'elle avait
prise à cette violation du traité de neutra-
lité. La légation de France ayant à l'insLaut
H2 PRECIS
même fait abaltie les armes et le pavillon,
et M. Alquier ayant demandé ses passeports,
le premier ministre Louis de Médici publia,
au nom du roi, une proclamation dans la-
quelle il s'exprimait ainsi : « L'arrivée de
<( Fescadre ai iglo- russe dans cette rade ayant
(( donné lieu , au grand déplaisir de sa ma-
li j esté sicilienne^ au bruit que la légation et
« le consulat français avaient relire les ar-
ec mes de leur souverain ». Un tel manque-
ment de foi, qui ne pouvait être coloré par
aucun prétexte, ne saurait êlre blâmé trop
sévèrement. On ne peut donner aux sou-
verains de plus funeste conseil que celui de
s'affranchir spontanément des engagemens
contractés en leur nom : le coup qu'ils por-
tent ainsi de leurs royales mains à la morale
publique, est à la fois un sacrilège; et c'est
aussi un suicide du pouvoir, car l'histoire
offre peu d'exemples de son impunité.
M. Alquier, en se retirant à Rome auprès
du cardinal Fesch , alors ambassadeur de
France près le Saint-Siège, se hâta d'informer
le vice-roi à Milan ^ et le général Verdier à
DES EVJENEMENS MILITAIRES. n3
Liivourney de ce qui se passait à Naples. Il
les prévenait que toutes les troupes débar-
quées alJaient se mettre en marche. Le dan-
ger était pressant; les moyens de défense
étaient faibles et disséminés, toutes les res-
sources ayant été réservées à Tannée du ma-
réchal Masséna qui se trouvait alors en Ca-
rinthie, poursuivant l'armée de l'archiduc
Charles, et hors de mesure de concourir à
la défense intérieure du royaume d'Italie.
Le prince vice -roi prit sur-le-champ,
avec autant <l'activité que de prudence, les
plus justes mesures et réunit des forces suf-
fisantes pour arrêter cette invasion inatten-
due des Anglo-Russes et des Napolitains; le
résultat de ces dispositions est très -claire-
ment développé dans la dépêche que ce
prince adressa au maréchal Masséna à ce
sujet, et que nous n'avons pas manqué de
comprendre dans les pièces justificatives ;
il ordonna d'abord au lieutenant - général
Saint-Cyr , qui venait de reprendre sa posi-
tion devant Venise ^ après avoir battu et
détruit le corps du prince de Rohan , de n'y
14. 8 '
1 1 4 IMl É C I s
laisser qu'an petit corps d'observation , et
de se rendre à Bologne le plus tôt possible ,
avec le plus grand nombre de troupes dont
il pourrait disposer : il dirigea aussi sur
Bologne les troupes françaises et italien nés
qu'il retira (\qs places dont elles formaient
les garnisons, et les fit remplacer par des
bataillons de gcirdes nationales. Indépen-
damment de cette réserve de dix-huit mille
hommes de troupes de ligne, en y conipre-
nant celles du général Saint-Cyr, le prince
Eugène rassemblait sur le même point viiigt-
cinq mille hommes de gardes nationales,
dont dix mille des milices des étals de
Parme. Eniin, les troupes que le général
Sainl-Cyr avait laissées à Ancône., sous les
ordres du général Grenier, et celles que le
général Verdier rassemblait à Livourney de-
vaient manœuvrer selon les mouvemens de
Fennetni.
Nous croyons avoir successivement exposé
toutes les parties du vaste plan de guerre
continentale, dirigé par le cabinet de Lon-
dres. On doit reconnaître que ce plan fut
DES KVÉNEMEISS MILITAIRES. Il5
tracé par une habile main, et combiné de
manière que si les armées des deux empe-
reurs étaient réunies avant de rien entre-
prendre, et que leur supériorité numé-
rique eût servi seulement à gagner du temps,
en balançant les succès, toutes les puis-
sances du second ordre eussent été forcées
de prendre une part active aux opérations.
C'est cette profonde combinaison que Na-
poléon pressentit, et qu'il déjoua par sa
marche sur Ulm; i^iarche vsi savante et si
rapide, qu'elle élait au-delà de tous les
calculs. Après la destruction d'une armée
de cent mille hommes (plus du tiers de
leurs forces), après la perle de la capitale
et des plus belles provinces de la monarchie
autrichienne, les alliés se flattaient encore
de réparer en un jour, et par une seule vic-
toire, leurs fautes et leurs disgrâces, et de
reprendre ensuite l'exécution du plan avorté.
Il6 PKÉCiS
CHAPITRE XII.
Suite des opérations en Moravie, — Position
respective des années entre Briinn et
Olmiitz. — Négociations simulées, — Les
alliés prennent l'offensive. — Le prijice
Bagration fait replier V avant- garde fran-
çaise, — Napoléon concentre ses forces,
— Dispositions des deux années en pré-
sence. — Bataille ^/^Àusterlilz. — Défaite
des alliés. — Retraite des Russes. —
Entrevue des empereurs Napoléon et
François ii. — Armistice ^ négociations
ouvertes à Presbourg. — Nouvelles dispo-
sitions de Napoléon. — Traité de paix
entre la France et P Autriche.
Le mouvement Uès-hardi qu'avait fait l'em-
pereur Napoléon en se portant sur Brûnn
avec sa réserve , et jetant vers Austerlitz le
corps entier du uiaréchal Soult sur le flanc
de l'ennemi , avait forcé les alliés à lui
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. II7
abandonner )a place de Brûnn. Elle eût été,
sans don le, nn appui très-ntile pour le rallie-
ment de Farniée combinée, si elle eût été
mise en état de défense. Ce fui une grande
faule que celle d'avoir négligé un point si
important entre Vienne et Olmïdz , puis-
qn'en s'éloignant du Danube, on transpor-
tait le théâtre de la guerre au cœur de la
Moravie. Napoléon, qui saisit au premier
aspect de celle position centrale tout ce
qu'elle lui offrait d avantages, se hâla de
l'étendre, et ordonna au prince Murât de
})ousser aussi loin qu'il le pourrait Tarrière-
garde du général Kutasow. Celte arrière-
garde, renfcjrcée par une partie de la cava-
lerie de la seconde armée russe du général
Bnxowden, qui s'était avancée en -deçà de
TFischau , présenta une ligne de cinq cà
six mille chevaux , et tint ferme sur unç.
position élevée près de la maison de poste
de Posorzitz. Les premières charges des
troupes légères françaises furent repoussées;
le colonel Durosnel (le même qui fut depuis
l'un des aides-de-eamp de Napoléon) attaqua
1 î 8 T> R É C i s
le premier, fut blessé et renversé de son
cheval. Murât lit alors avancer la division
de cuirassiers du général d'Hautpoul, qui
chargea vigoureusement les cuirassiers et les
dragons russes, et leur fit perdre du terrain.
Le maréchal Bessières, à la tête de quatre
escadrons de la gai de, acheva de les cul-
buter, et les rejeta au-delà de la jonction
des routes fYOImutz et à^j4usterlitz. Ce
combat fut très- vit', et tout à l'avantage de
la cavalerie française. Les Russes laissèrent
environ deux cents de leurs cuirassiers ou
dragons d'élite sur le champ de bataille, et
se retirèrent sur PP^lschau ^ qu'ils abandon-
nèrent le lendemain.
L'armée combinée, qui s'était d'abord,
comme nous l'avons dit, réunie à Wiscliau ,
en était partie le jour même de cet engage-
ment pour rétrograder et se concentrer sur
Olmûtz. Elle occupa le q5 novembre une
belle position en arrière à^OIlschau^ à une
lieue de la place; le centre coupait la grande
route; la droite s'étendait sur les hau-
teurs^ en arrière de Tobolau^ et la gauche
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. II9
s'appuyait à la Mardi. Le corps autrichien ,
sous les orcIrBS du prince Jean de Lichlen-
slein, formait la réserve, et bivouaquait sur
les hauteurs de Schahelin , pour assurer Je
passage et le point de retraile au-delà de la
March. On avait cousiruit plusieurs ponts
sur cette rivière, entre Nimlau et Olmïdz ^
pour faciliter ce mou vement en cas de revers.
Cette position défensive, soutenue par
la forteresse, oflVait de grands avantages.
Comme elle était élevée depuis les hauteurs
de iVrâ/az/ jusqu'à la droite, on pouvait, en
cas d'attaque, découvrir à une lieiie devant
soi la hgne de bataille et les manœuvres de
l'ennemi; la pente cependant était douce et
fiivorable aux feux rasans de l'artillerie sur
tout le front de la position. Derrière ces
hauteurs, de larges ravins, peu profonds,
et des ondulations de terrain, ofiraient des
abris, et les moyens de cacher de fortes
colonnes, et de manœuvrer hors de vue.
Quelques points dominans étaient propres à
l'emplacement de batteries, et se trouvaient
assez rapprochés pour se flanquer récipro-
I 2 O PRECIS
quetuenL Un marais couvrait la droite et
une partie du centre; une petite rivière (la
Biata) coulait au pied des hauteurs, et formait
un vetranchementnaturelpourles tirailleurs^
L'avant-garde, sous les ordres du prince
Bagration, était à Prosnitz , et celte des
Autrichiens, sous les ordres du général
Kienmayer, à Kralitz. Les alliés avaient
poussé de forts partis sur leur gauche, pour
couvrir leurs communications avec la Hon-
grie. Ces partis repoussèrent celui que le
maréchal Soult avait envoyé, sous les ordres
du colonel Franceschi , sur Goeding et Hra-
disk, pour éclairer les rives de la March,
et se rendirent maîtres du cours de la ri-
vière dans celte partie. Le général Kutusow
détacha aussi de sa droite quelques troupes
légères, qui marclièrent sur Zi\^ittau ^ pour
se mettre en communication avec celles de
Tarchiduc Ferdinand, qui était alors à
Czalau.
Après la jonction des deux armées de
Kutusow et de Buxowden , les alliés pou-
vaient et n'osèrent pas marcher sur Brunn
DES ÉVÉJYtMEKS MiLlTAlKES. 12 1
et sur Austerlitz avant que Napoléon eût
achevé son mouvement et se fût affermi
dans ces positions. C'eût été une résolution
audacieuse; celle qui prévalut dans le con-
seil tenu par les deux empereins à Tf^is-
chau était plus sage. L'arrivée prochaine
des dix bataillons et des dix-huil escadrons
de la garde russe, qu'amenait le grand-duc
Constantin , et qui furent rendus à Olm'ùtz
le 25 novembre, était d'une grande impor-
tance. On attendait aussi un renfort de dix
juille Russes, sous les ordres du général
Essen , et l'armée combinée devait sous peu
de jours se trouver forte de plus de quatre-
vingt-dix mille hommes. Au lieu de vouloir
assez inutilement reconquérir la partie de
la Moravie occupée par les Français, cette
armée, presque d'un tiers plus forte que
celle que Napoléon pouvait réunir, sûre de
n'être point attaquée dans son excellente
position devant Olmûtz ^ pouvait tempori-
ser , préparer son mouvement vers la Hon-
grie, en feignant de manœuvrer par sa
droite, et ne reprendre l'offensive qu'après
J22 PRÉCIS
sa ionclion avec l'archiduc Charles, que
rien ne pouvait pins empêcher. Une année
de cent soixante mille hommes, ayant der-
rière elle tontes les ressources de la Hongrie,
marchant sur Vienne, et manœuvrant suf
les deux rives du Danube, aurait certaine-
ment obligé les Français à évacuer la Mo-
ravie et l'Autriche inférieure. Ce plan de
guerre était le plus raisonnable; c'était aussi
celui que l'empereur Napoléon redoutait le
plus, parce que la Prusse n'aurait pas man-
qué d'y prendre part, et que ses armées,
soldées par l'Angleterre, et déjà en mouve-
ment, n'avaient que quelques marches à
faire pour se porter sur le haut du Danube,
couper la ligne d'opération de la Grande-
Armée française, et rendre, en cas de re-
vers, sa retraite très -difficile, sinon désas-
treuse.
Napoléon, ne se dissimulant pas ce danger
et la gravité des circonstances, désirait d'être
atlaqué et de combattre sur le terrain qu'il
occupait, et qu'il avait si bien étudié; il fit
tous ses efforts et mit beaucoup d'habileté
DLS EVENOJKKS MILITAIRES. 125
pour y. illiier l'ennemi; il feignit de craindre
ce qu'il souhaitait ardemment; il resserra
SCS cantonnemens , fit retrancher tous les
points qui en étaient susceptibles; il ne per
mit pas la moindre entreprise sur les avant-
postes des alliés , et se borna à faire bien
observer leur flanc gauche sur la March :
ceiMain de réunir à temps toutes ses forces
s{ir le champ de bataille qu'il avait reconnu
cl déterminé , il laissa le corps du maréchal
Lernadotte à Iglau, sur la route de Bohème ,
n'ayant que deux marches à fliire au premier
avis pour arriver à son poste, à la gauche
de la ligne de bataille. La division Caffarelli,
détachée du corps du maréchal Davoust ,
était à Pohrlitz, et le maréchal lui-même,
avec une de see divisions, ceJle du général
Priant, avait ordre de se rendre à l'abbaye
de Rajrgern, à deux lieues seulement de la
ligne dont il devait former la droite. La
5^ division de ce corps d'armée , celle du
général Gudin , occupait Presbourg, et se
trouvait ainsi à trois fortes rnaicliesdu point
de coiiceulralion. Tout fut prévu , même la
1^4 PKÊCIS
perte de la bataille : la ligne de retraite était,
dans ce ras, doublement indiqjiée, soit sur
le Danube par le pont de Krems soigneuse-
ment gardé ; soit vers la Bohême, par Jglaii.
Immobiles dans leurs positions respec-
tives, sous Olmiïtz et sous Br'ùnn à quinze
lieues l'une de l'autre , n'ayant qu'une mar-
che d'intervalle entre leurs avant-gai des , les
deux armées s'observaient et se mesuraient.
Celle des alliés , après l'arrivée de la réserve
du grand-duc Constantin , se trouva forte de
quatre-vingt-dix mille hommes ; l'armée
française n'en pouvait opposer que soixante-
cinq mille. Le matériel de l'artillerie était
dans une proportion fort inégale, et l'avan-
tage du nombre de pièces était au moins d'un
tiers de plus du côté des alliés.
Les choses en étant à ce point qu'une ba-
taille décisive était imminente, on dut s'éton-
ner de voir arriver à Brûnn deux plénipo-
tentiaires autrichiens, les comtes de Giuiay
et de Stadion , chargés de proposera F em-
pereur Napoléon cV ouvrir avec lui des né-
gociations pour la paix y aussitôt que les
' DF.8 ÉVENEMENS MILITAIBES. 125
mesures -pour y parvenir auraient été concer-
tées avec l'empereur Alexandre. (Nous nous
servons ici des propres expressions du comte
de Stahremberg , ambassadeur d'Autriche,
dans un mémoire communiqué à la cour de
Londres, et depuis iridiscrètement publié
par le ministère anglais. ) Napoléon ne put
croire à la sincérité de ces ouvertures , il les
considéra comme une ruse de guerre; il ré-
pondit que si les deux empereurs deman-
daient un armistice, il y pourrait consentir,
et qu'alors seulement, on pourrait poser les
bases d'une négociation ; qu'en attendant,
les plénipotentiaires devaient se rendre à
Vienne pour en conférer avec son ministre
des affaires étrangères le prince de Bénévent^
qui venait d'y arriver.
Ces négociateurs fuient suivis de près par
le ministre prussien iVHaugwitZy qui, re-
tenu à Iglau avec toutes sortes d'égards et
d'honneurs par le maréchal Bernadotte à qui
'l'ordre en avait été donné, feignait un vif
empressement de remplir sa mission que la
politique tortueuse du cabinet de Berlin
V
T26 PRÉCIS
avait à dessein retardée. Napoléon ne lui
laissa pas le temps de développer ses griefs «ur
la violation de la neutralité , bien moins
encore les motifs et les conditions du mena-
çant ultimatum arrêté à Postdam avec l'eni-
pereur Alexandre. Après une courte au-
dience, il le congédia et l'envoya à Vienne ^
s'en expliquer avec M. de Talleyrand.
Il était évident cpie l'arrivée des renforts
avait enflé le cœur des ennemis. L'impassi-
bilité, l'altitude défensive du conquérant^
avaient persuadé, surtout aux généraux
russes, que les affaires des Français étaient
embarrassées ; qu'ils étaient moins forts
qu'ils n'affectaient de le paraître; enfin, qu'il
suffirait de marcher contre eux avec des
forces supérieures, pour imposer la paix, ou
les forcer à la retraite. Telle était en effet
l'opinion , tels étaient les discours au quar-
tier-général des empereurs. Napoléon s'en
assura mieux par le rapport que lui en fife
son aide-de-camp, le général Savary, qu'il*
y envoya pour complimenter l'empereur
Alexandre. Il fut accueilli par ce monarque
DES ÉVENEMÉIVS MILITAIBE^. I27
et par le prince Conslanlin, et put juger de
la confiance présomptueuse de tous les chefs
de l'armée. Ils entraient, sans s'en aperce-
voir, dans les combinaisons de l'empereur
Napoléon; ils tombèrent même plus tôt qu'il
ne l'espérait, par une circonstance particu-
lière , dans le piège qu'il leur avait tendu.
Pendant que l'armée française, abondam-
ment pourvue de vivres, se restaurait dans
de bons cantonnemens, et qu'une discipline
sévère, secondant une administration bien
organisée, ménageait les ressources de cette
riche partie de la Moravie, l'armée alliée,
au contraire, manquait presque totalement
de vivres sous les remparts d'Olmutz, On
n'avait point formé de magasins, et les ré-
quisitions, moyen si violent dans son pro-
pre pays, avaient, en peu de jours, épuisé
les villages de la contrée. L'indiscipline et
les excès allaient croissant avec la rareté des
subsistances ; les ressources des provinces
éloignées ne pouvaient parvenir que très-
difficilement, les Russes ayant enlevé tous les
çlievaax sur leur passage, et effrayé la popu-
IS>8 PRÉCIS
lation. Les troupes murmuraient, les offi-
ciers, moins endurcis que leurs soldats, souf-
fraient davantage des privations, et deman-
daient qu'on les mer.àt à Tennemi. Le conseil
assemblé jugea qu'il était impossible de sou-
tenir plus long- temps Tarmée dans la posi-
tion à'OllschaUy et il fut décidé qu'on se
porterait en avant. Ce mouvement offensif
fut résolu le 2/j novembre, précisément le
jour et au moment même où les plénipoten-
tiaires portaient au quartier-général français
des paroles de paix; l'armée devait se mettre
en marche le lendemain ; mais le manque de
vivres força de différer encore de deux jours.
Quelques critiques ont prétendu que ce re-
tard avait été la première cause du désastre
de l'armée combinée , parce que le corps du
maréchal Bernadotte, qui n'arriva sur le
terrain que la veille de la bataille, n'aurait
pu s'y trouver, si les alliés eussent marché
deux jours plus toi. C'est une fausse conjec-
ture; les ordres étaient donnés d'avance;
les heures de marche étaient comptées; les
avis étaient donnés avec la plus grande
DES EVENEMEWS MILITAIRES. 329
célérité au moindre mouvement de ravanl-
garde russe; il ne pouvait donc y avoir de
isurprise, et la réunion aux points indiqués
était infaillible. Nos lecteurs se convaincront
de cette vérité, s'ils veulent parcourir les
extrailsdu livre d'ordres, et les dispositicns
générales dictées par Napoléon.
Le 2^ novembre Farmée combinée se mit
€n marche pour se rapprocher de son avant-
gard€. Le prince Bagration, qui la comnian-
dait, reçut l'ordre de ne faire ce jour-là
aucun mouvement, afin de dérober à l'en-
nemi celui du gros de l'armée, et de ne })as
troubler sa sécurité. L'armée combinée mar-
cha sur cinq colonnes, et par des roules à
peu près parallèles ; les deux premières, sous
les ordres des lieutenans généraux Wimpfen
et Langeron, formaient l'aile droite : elles
suivirent le pied des montagnes de moyenne
hauteur qui séparent la Schwartza de la
March. La troisième colonne, centre de l'ar-
mée, sous les ordres du lieutenant-général
Przybyszewsky , suivit la grande route de
Brûnn^ se maintenant un peu en arrière de
14. 9
l5o PRÉCIS
Taile droite. Les quatrième et cinquième
colonnes formant l'aile gauche, sous le com-
mandement du prince Jean de Lichtenstein ,
marchaient un peu plus en arrière en se
refusant pour laisser gagner du terrain à
l'aile droite. Le général Kutusow, qui se
tenait à la colonne du centre, ignorant,
ainsi qu'il l'avoua lui-même, la véritable
position de l'armée française, dirigeait la
marche de ses colonnes avec beaucoup de.
précaution, et de manière à déborder la
gauche de l'ennemi , s'il le rencontrait. Mais
bientôt, informé que l'avant -garde fran-
çaise n'avait fait aucun mouvement, et
n'avait même pas été renforcée, il ordonn^^
au prince Bagration de l'attaquer.
Le général Treilhard , qui occupait TJ>^is-
chau avec deux régimens de cavalerie lé-
gère, voyant qu'il allait être enveloppé par
trois divisions , se hâta de l'évacuer, con-
formément aux ordres qu'il avait reçus;
mais quelques bataillons d'infanterie légère
conduits par le prince d'Olgorouki pénétrè-
rent si vivement dans la ville, déjà tournée
DES EVÉNEMENS MILITAIRES. l3l
par la cavalerie autrichienne du général
Kienmaj^er, qu'une centaine de chevaux et
trois officiers tombèrent entre les mains des
Russes. Le prince Murât fit avancer une
partie de sa réserve pour protéger la rer
traite du général Treilhard sur Rausnitz,
Ce petit succès, et la prompte retraite de la
première avant-garde française, excita l'ar-
deur et la confiance des Russes ; le soir
même ils attaquèrent Rausnitz. Ce poste,
devant lequel le prince Bagration déploya
toutes ses troupes et son artillerie, lui fut
aussi abandonné après une vive résistance.
Le prince Murât se retira sur la hauteur en
arrière de la maison de poste de Posorzitz ^
toujours serré en bon ordre, cédant le ter-
rain , et attirant l'ennemi.
Le lendemain 28 novembre l'armée alliée
continuant sa marche dans le même ordre,
et suivant le chemin que lui avait frayé
son avant -garde, vint se former en -deçà
de PP^ischau ; sa droite à Lutsch et 'Nosa-^
lowitz y et sa gauche k Kutscherau ^ \e centre
et le quartier-général à TVischau; l'avantr
i52 rRÉcis
garde de Bagratioii kDragowitz^ sur la route,
et à deux lieues à^Austerlitz,
Ge fut là que les généraux alliés coinmi-
rent la faute que l'empereur Napoléon avait
-prévue, et qu'il leur avait, pour ainsi dire,
inspirée. Persuadés qu'il se retirait, et qu'il
ne hasarderait point une grande bataille en
avant de Brïmn, ils se déterminèrent tout
à coup à manœuvrer par leur gauche, qu'ils
avaient d'abord refusée. Leur dessein était
sans doute de marchef sur Nicolsbourg^ et
de couper les communications de l'armée
française avec Fienne, pour la rejeter en
Bohème. Mais il était trop tard , et ils étaient
déjà trop engagés pour hasarder un mouve-
ment de flanc à la vue d'un ennemi si vi-
gilant, dont ils ne connaissaient pas les dis-
positions : ils perdirent un temps précieux,
et bouleversèrent leur ordre de bataille.
Si (comme l'observe Napoléon lui-même
dans les notes très -instructives qu'il a dic-
tées, et qui furent publiées en 1806, sur la
relation dédiée à l'armée autrichienne , par
un militaire témoin de ce grand événement,
DES EVÉNÉMENS MILITAIRES.' l55
et qu'on attribua au feu général Stutter-
lieim); si, disons-nous, « en partant d'O/-
« mûtz les alliés avaient prononcé de suite
fc leur mouvement sur leur gauche, afin de
« donner, avec leur nombreuse cavalerie,
(( dans les cantonnemens d'infanterie du
(( maréchal Soult, pour les empêcher de se
« réunir sur le plateau ^^ Austerlitz , on , au
«moins, pour leur faire des prisonniers,
(c cette manœuvre, bonne par elle-même,
«mais qui fut mal combinée, aurait du
« moins empêché que leur défaite fût aussi
(^ complète. »
Le 29 novembre le maréchal Soult aban-
donna Austerlïtz à l'avant -gai de du gé-
néral Kienmayer, et le prince Bngration
porta la sienne à la poste de Posorsitz ;
Tarmée combinée bivouaqua sur les hau-
teurs àeKutscherau, Marchant toujours sur
sa gauche, elle fut placée le 3o, la droite
à Niemschau et Hodiegitz , où Kutusow
établit son quartier-général; le centre, où
se trouvaient les deux empereurs, à Kriza-
nowitz'^ la gauche, à Herspitz^ la cavalerie
loi PRECIS
et la réserve du grand -duc Constantin en
arrière dans Ja valJée de Marhofen.
Enfin, le i" décembre, veille de la ba-
taille, Tarniée combinée, continuant son
mouvement, se plaça de la manière sui-
vante :
Première colonne ( vingt -quatre ba-
taillons russes), sous les ordres du lieute-
nant-général Doctorow, sur deux lignes,
sur les hauteurs ai Austeriadech ^ ayant un
régiment dans le village dUAujezd.
Deuxième colonne (dix-huit bataillons
russes), commandés par le lieutenant-général
Langeron, sur les hauteurs de Prazen, sur
deux lignes, à la droite de la première co-
lonne.
Troisième colonne (dix -huit bataillons
russes), sous les ordres du lieutenant-géné-
ral Przybyszewski , sur les hauteurs, à la
droite de Prazen,
Quatrième colonne ( douze bataillons
russes), commandés par le lieutenant-gé-
néral Miloradowitch, et quinze bataillons au-
trichiens aux ordres du général Kollowrath.
DES ^V^NEMENS MILITAIRES. l55
commandant toute la colonne, sur deux
lignes, en arrière de la troisième colonne.
Cinquième colonne (quatre-vingt-deux
escadrons), commandés |>ar le lieutenant-
général prince de Lichtenstein , sur les hau-
teurs en arrière des troisième et quatrième
colonnes.
Le corps de réserve du grand-duc (dix
bataillons et dix -huit escadrons), sur les
hauteurs en avant à^ ylusterlitz ; la droite à
la route de Brïmn ^ la gauche vers Krzeno-
wHz.
L'avant-garde du prince Bagralîon (douze
bataillons et quarante escadrons), dont
quinze de cosaques, étendant sa gauche au-
delà à^ HoUubitz et de Blasowitz^ et sa droite
jusqu'au pied des montagnes, vers la vallée
tle Sjtmtz.
Jj'avant-garde du corps détaché de Kien-
mayer (cinq bataillons, vingt- deux esca-
drons autrichiens, et dix escadrons de co-
saques), en avant à'^Aujezd.
On voit, par cet ordre de bataille, que
l'armée alliée avait en ligne cent quatorze
ï36 JPR3ÉCIS
ba.laiIJons et cent soixante-douze escadrons ;
ce cjuVfi peut, en y comprenant Tartillerie^
évaluer à quatre-vingt-dix mille combattans,
dont quinze mille de cavalerie.
.,, Aussitôt, que Napoléon avait été informé
que,fes.aj liés. prenaient roffensive, et mar-
chiiient à lui, il avait successivement foit
replier ses avant-postes et son avant-garde
tout entière.
Le maréchal Soult reçut ordre de se retirer
A^ Aiisterlitz y et de venir prendre position^
avec ses trois divisions, en arrière du bois
de TiiraSy entre Sokolnitz et Schlapanitz.
Le maréchal Bernadotte eut celui de se
rendre à Brûnn avec ses divisions françaises^
et de laisser à/g/<3Z/le général de Wredeavec
ses Bavarois et les troupes de Wurtemberg^
pour faire tête au corps que Parchiduc Fer-
dinand avait réuni en Bohême, et qui, pré-
venu du mouvement de Farmée combmée ,
ne pouvait manquer d'attaquer.
Les troupes légères qui observaient la
Mardi furent repliées.
Les trois divisions du corps du maréchal
DES ivÉNEMENS MILITAI B ES. 1^7
I)<ivoi3st furent rappelées et dirigées sur la
position; celle dn général Gudin, qui venait
de s'établir à Presbourg -Avec la brigade de
cavalerie légère de Lasalle, ne put , malgré
]a rapidité de sa marche, arriver qu'à Ni-
colsbourg\e jour de la bataille; mais elle s'y
trouva Irès-utilement placée. Celle du gé-
néral Eriant, qui occupait le pays et garr
dait les communications entre Nicolsbourg,
Vienne et la Mardi ^ fut ralliée; et, comme
nous l'avons dit plus haut, portée à l'ab-
baye de i^jK^^r/z. La troisième, celle du
général Caffkrelli, qui était kPohrUtz, con-
tinua de faire partie du corps du maréclial
Lannes, et eut ordre de le joindre immé-
diatement.
Le maréchal Mortier, resté à Vienne avec
les divisions Dupont et Gazan , qui avaient
si vaillamment combattu sous ses ordres à
Diernstein,^\. s'étaient depuis bien rétablies,
se tint prêt à marcher au soutien du général
Mann ont, dans le cas où l'archiduc Charles
le repousserait en-deçà des montagnes, pour
se porter sur Vienne.
l58 PRÉCIS
Après avoir arrêté ces dispositions géné-
rales pour réunir en quelques heures et
avoir sous sa rnain jen une seule masse toutes
les troupes qui devaient combattre , Tempe-
reur Napoléon fit établir son bivouac sur
une hauteur, à droite de la grande route à
deux lieues et demie de Brïmn, un peu en
avant de BellowitZy entre les deux ruisseaux
qui se réunissent à Puntowitz,
De ce point 5 qui dominait toute la posi-
tion, on pouvait, malgré les ondulations du
terrain, apercevoir les mouvemens de l'en-
nemi, et juger de la direction de ses co-
lonnes; tandis que la ligne française bordant
la petite rivière qui coulait devant son front,
lui était entièrement cachée par les villages
très -rapprochés, les petits étangs, les bou-
quets de bois qui formaient une chaîne d'ob-
stacles, et comme un camp naturellement
retranché.
Napoléon se rendit le 29 novembre à ce
bivouac, qu'on appela la Butte de F empereur.
Il détermina d'abord sa ligne de bataille, cou-
pant perpendiculairement la grande roule
DES ÉVÉNEUtÉNS MILITA I R ES . 1 ^g
{\^OlmutZy la droite an kicde MenitZy la gau-
che aii-piêd de' la ma^se de montagnos qui
séparent le bassin de la: Scliwarlza de celui
(le la Mardi, ayant devant elle et pour appui
Je BosenitZ'Bergy montagne détachée et es-
carpée! que^ Napoléon fit retrancher etanner
d'une forte batterie. Cette montagne, qui lui
rappelait une position d'Egypte toute seili-
blable, et sur laquelle il avait aussi fdit
élever des retranchemens, s'appelait le San-
ton y à cause d'un tombeau que lès Turcs y
avaient autrefois construit.
Nous venons de dire qu'entre ces deux
])oiuts d'appui, le front du centre était cou-
vert en grande partie par des ruisseaux en-
caissés, et des terrait!^ marécageux qui fai-
saient de chaque village un défilé difficile.
Il n'y avait encore sur cette ligne , le 5o no-
vembre, que le corps du maréchal Lan ri es,
sous le3 ordres duquel avait passé la division
Caffarelli • le corps du prince Murât, la garde
impériale , et les trois divisions du corps du
maréchal Soult, formant, comme on le verra,
en partie le centre, en partie la droite de
l4<î> PRÉCIS
l'ordre de bataille. Le corps dn maréctial
Bernadotte n'arriva que le i^' décembre au
soir , et la division Friant, conduite par le
maréchal Davoust , , après avoir fait une
marcbe de trenle-six lieues en quarante
heures, arriva dans la nuit du i" au 2 , à
Ta b baye de Rajgern.
Ce même jour 5o décembre , Napoléon lit
une reconnaissance au-delà de ses avant-
postes. Comme il parcourait les hauteurs
de Vrazen y en comparant cette position
avantageuse , élevée , et bien découverte à
celle qu'il lui avait préférée, il dit aux gé-
néraux qui l'accompagnaient , ces paroles
remarquables, parce qu'elles renferment tout
son dessein et le secret de sa victoire : « Si
(( je voulais, dit-il, empêcher l'ennemi de
(c passer, c'est ici que je me placerais; mais
(( je n'aurais qu'une bataille ordinaire; si,
«au contraire, je refuse ma droite en la
c( retirant vers Brûnn ^ et que les Russes
c( abandonnent ces hauteurs , ils sont perdus
c< sans ressource. ))
Bien éloignés de croire à la possibilité d'un
DES ÉVÉNEMÊNS MILITAIRES. l^l
tel désastre, les généraux alliés ne voyaient
dans ce qu'ils pouvaient apercevoir des dis-
positions de l'einpereur Napoléon , qu'une
vaine démonstration défensive qui marquait
sa retraite ; ils ne songeaient qu'à le retenir
dans sa position par le déploiement de leurs
forces pour achever de l'envelopper. Une
reconnaissance que fit le prince Murât et sa
retraite précipitée après avoir échangé quel-
ques boulets , les affermit dans cette opi-
nion. Napoléon ne négligea rien pour ac-
croître leur sécurité ; il fit proposer une
entrevue à l'empereur de Russie qui lui en-
voya son a^^ljudant-général le prince Dolgo-
rouki , jouissant près de son maître de la plus
haute faveur. Contre son usage , il alla lui-
même le recevoir aux avant-postes : cet offi-
cier put remarquer que tout respirait, dans
la contenance de l'armée française, la réserve
et la timidité; le placement des grandes gardes
très - rapprochées , l'ardeur avec laquelle on
travaillait à se retrancher, lui persuadèrent
que les fiers conquérans à'Ulm et de Vienne
étaient à demi-battus. 11 s'enhardit à élever
l[\1 PRÉCIS
le ton , à donner des conseils , à déprimer ia
conduite des Autrichiens. Napoléon contint
son indignation qu'il exprima depuis, dans
la publication de ses bulletins, avec trop
d'amertume; et Dolgorouki, donnant à celte
apparente impassibilité un tout autve motif,
alla redire et propager parmi les siens les
fausses impressions qu'il avait reçues.
Voulant mettre nos lecteurs à portée de
se bien représenter les mouvemens prépa-
ratoires dans les deux armées, et comment
fut amené l'engagement général qu'on ne
pourrait bien entendre sans ces explications,
nous avons commencé par celle des manœu-
vres de l'armée alliée jusqu'à la journée du
I®' décembre, veille de la bataille, et que le
général Kutusow employa à couronner les
hauteurs en s'approchant le plus possible
de la ligne française, pour mieux couvrir
son mouvement à gauche. Il nous reste à
fixer, avec la même précision, l'emplacement
des ditférens corps de l'armée française à la
même époque, le i" décembre au soir. Ayant
inséré dans le xiii^ Volume de cet ouvrage
DES ^VÉlfEMENS MILITAIRES. l45
le tableau de la composition des corps d'ar-
mée et des divisions, nous indiquerons seu-
lement, comme nous l'avons fiiit pour l'armée
combinée, le nombre de bataillons et d'esca-
drons , et le total des combattans. Nous allons
suivre la ligne française de la gauche à la
droite; c'est-à-dire du pied des montagnes au
lac de Menitz.
Aile gauche (dix-huit bataillons et huit
escadrons ), sous les ordres du maréchal
Lannes.
La brigade de chasseurs du général
Milhaud, et celle de hussards du général
Treilhard, étaient à BosenitZy en avant du
Santon ou Bosenitz-Berg, observant la vallée
où l'ennemi avait jeté quelques escadrons
de cosaques.
Le 17® régiment d'infanterie légère, dé-
taché de la division Suchet, fut chargé de
défendre le poste retranché du Santon avec
une batterie de dix-huit pièces de fort ca-
libre. Le commandement de ce poste impor-
tant fut confié au général Claparède. Napo-
léon, en l'y plaçant lui-même, ordonpa à
l44 PRÉCIS
ce général de le défendre jusqu'au dernier
homme. Les quatre autres régimens de cette
division s'appuyaient au Santon, se prolon-
geaient à droite, traversaient la grande roule
A'Olm'ùtZy et se trouvaient en première ligne
masquées derrière un ravin.
La division Caftlirelli , en-deçà du ruis-
seau, à gauche de la roule.
Le 1" corps, commandé par le maréchal
Bernadotte (dix-huit bataillons et huit es-
cadrons), arrivant à^Iglau, fut, d'après
l'ordre de bataille, destiné à former une
réserve, et bivouaqua derrière la division
CafFarelli, à droite et à gauche de la route.
Les grenadiers du général Oudinot(qui,
malgré la blessure qu'il avait reçue au com-
bat ^ Hollahrûnn , vint reprendre le com-
mandement de ses braves, et le partagea avec
le grand-maréchal Duroc, qui l'avait mo-
mentanément remplacé), (dix bataillons),
à droite de la route, en avant du bivouac
de l'empereur, à la hauteur de la division
Caffarelli, destinés à la réserve.
La cavalerie de réserve (quarante-quatre
DES EVENEMENS MJLITAIltES. l/p
escadrons), sous les ordres du prince Murât,
à gauche et à droite de la route, derrière ia
.1^ ligne d^infanterie et des grenadiers.
La garde impériale, dernière réserve (dix
balaillons et neuf escadrons), sous les ordres
xlu maréchal Bessières , en arrière du bi-
vouac de l'empereur.
Centre, 4^ corps d'année (trente et un
bataillons et six escadron s), sou s les ordres du
maréchal Soult. Trois divisions; la division
Va M d ani m e , en a r riè r e d e Girsch iko untz ;
la division Saint-Hilaue, en arrière de Pon-
towitz ^ l'une et l'autre de ces divisions,
occupant le plateau en avant de Schlapanitz,
et couvrant les débouchés des villages; la
division Legrand, en posilion en arrière de
Kohelnitz ^ couvrant ce débouché, et occu-
pant les villages de Soholnitz et de Telnitz;
la cavalerie légère du général Margaron , en
reconnaissance sur les hauteurs de Prazehy
se repliant ensuite en arrière de Sokolnitz,
Aile droite, 5*= corps (dix bataillons et
douze escadrons), sous les ordres du maré-
chal Davoust; la division Friant arrivant à
14. 10
1 46 PRECIS
VahhdLye âe Kloster-Raygern j, ainsi que la
division de dragons du général Bourcier,
Pendant que Napoléon resserrait ainsi sa
ligne de bataille et ses réserves dans le moin-
dre espace possible pour mieux cacher son
dessein, les alliés, au contraire, manœu-
vraient à découvert, et comme s'ils eussent
craint que cette armée qui leur paraissait
faible, compromise, et presque entourée,
n'échappât à leur vigilajice : leur projet
était gigantesque , et la ruine de la Grande^
Armée leur paiaissait infaillible.
L'archiduc Ferdinand, à la léte de vingt
mille hommes, faisait une diversion sur
Iglau; il poussa même jusque vers Znaïm le
sîénéral Wrede qui commandait les Bava-
rois , et qui , quoique inférieur en nombre ,
rendit de très-beaux combats, et fit une re-
traite honorable. D'un autre côté, le gé-
néral Meerfeldt arrivait de Hongrie avec un
renfort de quatre mille hommes; le général
Essen , avec dix mille, n'était plus qu'à une
journée : enfin l'archiduc Charles arrivait à
marches forcées; et pour assurer le succès
DES ÉVÊNEMENS MILITAIRES. 14:7
de sa diversion sur Vienne , on se hâtait
d'entourer et d'écraser lès réserves qui res-
taient à Napoléon.
Dans cette funeste confiance, les alliés
exécutèrent en plein jour leur mouvement
de flanc, ou changement de front par leur
gauche. Napoléon en fut informé par les
reconnaissances du général Margaron sur les
hauteurs de Prazen : il aperçut bientôt du
haut de son bivouac, et sans doute, comme
il le dit lui-même, apec une indicible joie ,
i'armée russe à deux portées de canon de ses
avant-postes , défilant sur une ligne de quatre
ïieues, en prolongeant l'armée française, qui
paraissait ne pas oser sortir de sa position.
Ne doutant plus de l'avantage que lui don-
nait la téméraire confiance de l'ennemi il
dicta sur-le-champ la proclamation suivante,
qui, en peu d'instans , fut répandue dans les
rangs, et lue par tous les soldats : elle est
surtout remarquable, en ce qu'elle fait con-
naître , en peu de mots, le plan de la bataille ,
et qu'une telle communication, lorsqu'elle
n'est pas intempestive, est un des plus sûrs
X48 PRÉCIS
moyens de succès chez une nation aussi
intelligente que la nalion française.
Au bivouac, le lo frimaire an xiv
( 1" décembre i8o5).
c( Soldats ,
« L'armée russe se présente devant vous
c( pour ven^ier l'armée autrichienne d'Ulm.
c( Ce sont ces mêmes bataillons que vous
ce avez battus à Mollah runn , et que depuis,
« vous avez constamment suivis jusqu'ici.
(S Les positions que nous occupons sont
(( formidables, et pendant qu'ils marcheront
(( pour tourner ma droite, ils me prêteront
c( le flanc.
«Soldats, je dirigerai moi-même tous
(c vos bataillons; je me tiendrai loin du
(( feu , si avec votre bravoure accoutumée
« vous portez le désordre et la confusion
ce dans les rangs ennemis : mais si la vic-
cc toire était un moment incertaine, vous
« verriez votre enïpereur s'exposer aux piè-
ce miers coups; car la Yicloire ne saurait
ce hésiter dans cette journée, surtout où il
c( y va de l'honneur de l'infanterie française,
DES 3ÉVÉNEMENS MILITAIRES. l^g
« qui importe tant à l'honneur de toute la.
(c nation. »
On put juger de l'ardeur des soldats, et
jusqu'à quel point celle proclamation les
avait électrisés, lorsque Napoléon voulant
visiter, le soir, à pied, et sans se laisser
annoncer, tous les bivouacs de son armée,
fut reconnu dès les premiers pas. Comme
au cri d'alerte, avertis par les acclamations
de leurs camarades, les soldats se levèrent
joyeux autour de leurs feux; avides de le
voir, ils firent éclater leur enthousiasme.
Quelques-uns ayant allumé des torches de
paille, cet exemple fut promplemeiit imité
sur toute la ligne qui, en un instant, pré-
senta le spectacle d'une immense et magni-
fique illumination. C'était la veille de l'an-
niversaire du couronnement de Napoléon ;
quel augure pour la victoire ! quelle fête
préparée à grands frais fut jamais si brillante?
et que peut-on comparer à cette réjouissance
militaire sur le champ de bataille, que des
milliers de braves allaient, dans quelques
heures, arroser de leur sang? quel triomphe
î 30 PRECIS
touchant, et quels sou venirs ! Ah ! sans cloute,
on doit pardonner Fivresse de la gloire à
celui qui sut exciter dans l'âme du soldat
de si généreux transports, a Tu n'auras
« pas besoin de t'exposer, lui dit un des
c( plus vieux grenadiers, en s'approchant de
« lui; je te promets, au nom des grenadiers
«de l'armée, que tu n'auras à combattre
« que des yeux, et que nous t'amènerons
« demain les drapeaux et l'arlillcrie de l'ar-
« mée russe, pour célébrer l'anniversaire de
« ton couronnement. »
L'empereur Napoléon , de retour à son
bivouac, expédia ses derniers ordres : il fit
entrer en ligne la cavalerie du prince Murât,
qui appuya sa gauche à la division Caffarelli.
Le corps du maréchal Bernadolte ne fît au-
cun mouvement pendant la nuit; mais il
reçut ordre de marcher sur GirschihowUz ,
pour former le centre de la ligne, aussitôt
que les troupes du maréchal Soult se seraient
ébranlées. Celui-ci, avec ses trois divisions,
forma donc l'aile droite; le maréchal Da-
voust , détaché à son extrémité avec la seule
DES ÉVÉNEMENS BIILITAIRES. l5l
rnfanleiie de la division Frianl et les dra-
gons du général Bonrcier, devait fermer la
ligne au point d'appui sur les lacs, à Telnitz^
précisément au point où Fennemi,dans l'in-
tention de déborder l'aile droite dea||Ki'an-
çais, dirigeait ses prejjjierselTorls. Enfii^ l'em-
pereur fixa lui-même son poste de bataille et
celui de son étal-major à la lêle de la réserve,
qu^il composa des dix bataillons de sa garde,
et des dix bataillons des grenadiers d'Oiidi-
not. Cette réserve était rangée sur deux li-
gnes, en colonne par bataillon , à distance de
déploiement , ayant dans ses intervalles qua-
rante pièces de canon servies par les canon-
niers de la garde.
Dès l'entrée de la nuit, un détachement
des chevau - légers autrichiens d'Oreill}^
(première avant-garde du général Kien-
maj^er) s'était présenté devant Telnitz y et
avait repoussé les postes d'infanterie que le
général Legrand y avait jetés pour éclairer
sa droite. Ce générai ayant fait avancer uii
bataillon du 5® régiment, reprit le village,
et fit quelques prisonniers.
iJi PRl^CIS
Vers deux heures du malin, unecoîonnef
d'infaiilerie autrichieriDe, soutenue par un
jjombreux parti de cavalerie, parut devant
Telnitz ^ et attaqua immédiatement le vil-
}a^e^(tte trouvant défendu avec vigueur,
eeUe infanterie prit position , et fit avancer
son canon. Le général Legrand porla alors
les deux autres bataillons du 5* régiment an
soutien du premier. *
L'empereur Napoléon avait bien jugé que
le mouvement des ennemis sur leur gauche
avait pour but de débarder son aile droite;
et ne doutant pas qu'au point du jour ils
n'y portassent leur principale attaque, il
avait ordonné au maréchal Soult de porter,
pendant la nuit , ses divisions en avant des
défilés, et de les placer de manière qu'au
premier ordre elles pussent marcher à l'en"
îiemi. En conséquence, une brigade de la
division Legrand, composée du 5* régiment
de ligne et des tirailleurs du Pô, soutenue
pai' la cavalerie du général Margaron et six
pièces de canon, fut chargée de la défense
de Telnitz et de Sokolnitz, Le reste de la
DES ÉVEWEMENS MILITAIRES. 1 55
division se forma sur deux lignes en co-
lonne d'attaque, en avant du village de
Kohelnitz. La division Sainl-Hilaire , avec
i»ne compagnie d'artillerie légère, se forma
sur trois lignes en colonne d'attaque, en
avant du village de Puntowitz ; et la divi-
sion Vandamme fut formée dans le même
ordre, en avant et à droite du village de
G irschikowitz .
Les divisions des généraux Suchet et
Caffarelli , sous les ordres du maréchal
Lannes, étaient aussi prêtes à se porter en
avant : elles étaient, ainsi que les grenadiers
du général Oudinot, formées sur deux li-
gnes; l'une en bataille, l'autre en colonne
par bataillon : Fartillerie dans les intervalles.
Tels furent du côté des Français les éve-
il emens et les dispositions qui précédèrent
la bataille générale du 2 décembre. Napo-
léon, en la préparant avec une profonde
habileté, n'eut, quant à la conduite de l'ac-
tion, d'autre dessein arrêté que celui de
saisir l'occasion d'aborder avec des masses,
et d'enfoncer les colonnes ennemies qui,
1 54 p II É c I s
par Tobliquité de leur direction , en quit-
tant les hauteurs, se désunissaient , s'aflai-
blissaient en s'allongeant , et prêtaient le
flanc à ses attaques. Nous devons donc ,
avant d'eatrer dans le détail des manœu-
vres respectives et de l'issue des divers en-
gagemens pendant la bataille, faire con-
naître le plan des alliés , et leurs dispositions
pour Texécuter.
Il faut dire d'abord que les généraux
russes ne connurent jamais exactement la
véritable position de l'armée française ; l'ac-
tivité avec laquelle ils voyaient son aile gau-
che se retrancher et se serrer au Bosenitz-
jB^r^ ou iSa/z^OTz; le mou veinent qu'ils avaient
remarqué la veille dans cette partie de la
ligne, et qui était occasionné par l'arrivée
du corps du maréchal Bernadotte; la posi-
tion même du bivouac de l'empereur Na-
poléon , leur avait fait croire qu'il avait dé-
garni son centre pour renforcer sa gauche,
qu'ils avaient jusqu'alors menacée. Les fu-
mées qu'ils avaient remarquées plus au loin
du côté de Turas, leur avaient fait supposer
i55
que la droite était appuyée aux petits étangs
et marécages qui sont derrière SoTcolnitz et
Kobelnitz, et que les réserves ëlaient encore
plus en arrière; ils voulaient donc, en évi-
tant les défilés de Wellountz et de Schlapa-
nitz y qu'ils croyaient couvrir presque tout
le front de l'armée française, passer par
Kobelnitz^ Soholnitz et Telnitz^çX porter
leurs principales masses sur sa droite ; ils ne
doutaient pas qu'elle ne fût culbutée sur le
centre , qu'elle n'y portât le désordre, et que
ce centre ne fût aussi renversé sur l'aile
gauche, que l'avant-garde du prince Bagra-
tion et toute la cavalerie du prince de Lich-
tenstein , étaient chargées de contenir. L'ar-
mée française étant ainsi successivement
dépostée et battue , selon le principe de
Tordre oblique , toutes leurs masses se se-
raient réunies en avant de Latein ^ et la
cavalerie, passant les défilés, aurait achevé
la défaite.
Pour parvenir à ce but, les corps en co-
lonnes de l'armée austro-russe, dont nous
avons plus haut fait connaître la formation ,
356 PRECIS
reçurent le i" décembre, à minuit, les or-
dres et les directions ci-après :
La i^^ colonne ( vingt -quatre bataillons
russes), sous les ordres du lieutenant-géné-
ral Doctosow, marchait des hauteurs d^Hos-
teriadech par Telnitz sur les petits étangs.
La 2' colonne (dix-huit bataillons russes),
sous les ordres du lieutenant -général Lan-
geron , partait des hauteurs de Prazen, for-
çait la vallée entre Sokolnitz et Telnitz ^ et
devait s'aligner avec la i'' colonne.
La 5' colonne (dix-huit bataillons russes),
sous les ordres du lieutenant-général Przy-
byszenski , partait des hauteurs de la droite
de Prazen y et passant près du château de
Sokolnitz y se portait, avec les deux autres
colonnes, sur les mêmes étangs, en arrière
de Kobelnitz.
La 4' colonne (douze bataillons russes et
qilinze bataillons autrichiens), sous les or-
dres du lieutenant-général Kollowrath , sui-
vait le mouvement de la 3^ colonne, et de-
vait, au-delà des deux élangs de Kobelnitz ,
s'aligner à sa droite.
DES ÉvijyEMENS MILITAIRES. 167
Le corps du général Kienmayer (cinq ba-
taillons autrichiens et trente-deux escadrons)
protégeait les mouvemens de la i""^ colonne,
observait le point de Rajgern et le cours de
la Schwartza, et devait ensuite occuper le
bois de Turas,
Le corpsduprincedeLichlenstein (quatre-
vingt-deux escadrons) parlait du pied de la
hauteur, en arrière de la 3^ colonne; c'est-
à-dire de la droite des hauteurs de Prazen,
passait entre Blasowltz et Kruhe, pour pro-
téger la formation et la marche des colonnes
de la droite, et devait s'avancer ensuite des
deux côtés de la chaussée.
Le corps du prince Bagration (douze ba-
taillons et quarante escadrons) gagnait les
hauteurs de Bosenitz pour tourner Taile
gauche des Français, et placer avantageuse-
ment son artillerie de ])osition.
Le corps du grand -duc Constantin (dix
bataillons et dix-huit escadrons) partait des
hauteurs ^' Austerlitz , en arrière de Blaso-
ivitz, pour soutenir la cavalerie du prince de
Lichtenstein et le corps du prince Bagration;
l58 PRÉCIS
Le général en chef Kutusow était au centre
avec la 4^ colonne : le général d'infanterie
Buxhûwden commandait la gauche de l'ar-
mée, et marchait avec la première colonne.
Ils étaient si loin de penser que leur plan
d'attaque pût être dérangé, et que Napoléon
fût en mesure d'attaquer lui-même, qu'ils
négligèrent d'observer les défilés qui n'étaient
qu'à deux portées de canon des têtes de leurs
colonnes, et que les divisions du maréchal
Soult avaient déjà franchis.
Ce mouvement audacieux, comme on
peut l'observer, en jetant un coup d'œil gé-
néral sur la position des deux armées , por-
tait la plus forte masse de l'armée française,
au centre d'une demi -circonférence, sur
laquelle les troupes des alliés se trouvaient
disséminées , de manière que, bien qu'infé-
rieurs en nombre, les Français devaient se
trouver réellement plus forts à l'extrémité
de chaque rayon. Ce principe conduit à la
véritable solution du problème du meilleur
ordre de bataille; l'empereur Napoléon l'a
presque toujours appliqué avec succès.
OES ÉVÉ.VEMENS MILITAIRES. J 5^
Le 2 décembre, à sept heures du matin,
rarmée combinée quitta les hauteurs de Pra-
ze-Tz; chacune des quatre colonnes d'infanterie
s'avançant vers les points indiqués , leur
divergence mettait entre elles de grands in-
tervalles, à mesure qu'elles s'approchaient
de la vallée de Telnitz ^ Kohelnitz et Sokol-
nitz. Les Français ne pouvaient distinguer
leurs mouvemens vers la gauche, du côté
ài^Augezd^ parce qu'ils marchaient dans le
fond de la vallée de la Littawa. Mais au pre-
mier rayon du soleil brillant qui éclaira cette
mémorable journée , malgré le brouillard
encore épais dans les fonds, ils aperçurent
les hauteurs de Prazen, qui se dégarnis-
saient de troupes : le mouvement des alliés
était bien prononcé. Napoléon , avant de
donner au maréchal Soult l'ordre d'atta-
quer, lui dit : (( Combien vous faut -il de
c( temps pour couronner les hauteurs de Pra-
¥. zen? — Moins de vingt minutes, répondit
« le maréchal , car mes troupes sont placées
ce dans le fond de la vallée : couvertes par les
a brouillards et la fumée des bivouacs, l'en-
1 6o PRÉCIS
c( nemi ne peut les apercevoir.— En ce cas,
ce dil-il, attendons encore lai quart d'heure. »
Le canon tonnait déjà sur Telnitz; le corps
de Kienmayer , la r% la 2" colonne russe et
une partie de la 3^, s'éloignant du vrai champ
de bataille , s'avançaient par un long détour
pour envelopper l'année française dans une
position où elle n'était pas. A la pointe du
jour le général Kienmayer, qui avait ordre
de forcer le défilé de Telnitz pour frayer le
chemin à la i'^ colonne , fit attaquer d'abord
par deux bataillons du régiment de Szekler,
le 5° régiment d'infanterie française, posté
sur une hauteur, en avant du village, en
portant sa cavalerie sur les flancs pour con-
tenir celle, moins nombreuse, du général
Margaron , qui paraissait de l'autre côté.
Après avoir éprouvé une vigoureuse résis-
tance , et perdu beaucoup d'hommes, les
Autrichiens pénétrèrent dans le village. Le
général Legrand fit soutenir le S*" régiment
par le 2(? d'infanterie légère. Les Autrichiens
repoussés , se maintinrent sur la hauteur : la
fusillade devint très- vive; on se battait avec
DES ÉV£N£MEIVS MILITAIRES. j6i
foreur depuis une heure, lorsque le général
Buxhowden, âéhouchdnt d''^ujezd avec sa
i''^ colonne, fit renouveler Faltaque par trois
bataillons auUichiens soutenus d'une bri-
gade russe. A l'approche de forces si supé-
rieures, les deux réginiens français éva-
cuèrent le défilé, et se formèrent en balailJe
au-delà , sur le revers des coteaux.
Le général Buxhowden, au lieu de pro-
fiter de ce premier avantage, et de passer le
défilé, voulut attendre que sa 2^ colonne
parût entre le pied des hauteurs et le village
de Sokolnitz. Le général Margaron, avec sa
cavalerie et q uelques pièces d'artillerie légère,
contenait encore la tête de la colonne russe
dans le défilé; il fit prévenir le maréchal
Davoust qui , parti de Rajgern avec les trois
brigades de la division Friant, s'était d'abord
dirigé sur Turas^, et ensuite , d'après de nou-
veaux ordres, sur Svkolnitz, Le maréchal
changea sur-le-champ le point de direction,
et se porta sur Telnitz ; il détacha le i^' l'égi-
ment de dragons pour soutenir les troupes
de la division Legrand qui, après avoir fait
14. II
102 PRÉCIS
une belle défense, avaient été forcées de se
replier, et pressa la marche de son infan-
terie.
Dès que le général Hendeiet, qui corii-
mandait la première brigade, fut arrivé à la
liauleur de Telnitz , il s'y précipita. Le iS**
régiment d'infanterie légère et le jo8^ de
ligne combat tirerit corps à cor[)S pendant
plus d'une heure avec tant d'intrépidité, et
leurs attaques furent cotiduites avec tant
d'intelligence par le général Heudelet, sous
les yeux du général F riant et du maréchal
Davoust, que, malgré la supériorité du nom-
bre et la plus forle résistance, les troupes du
général Buxhowden furent contraintes de
céder et d'abandonner le village jonché de
morts. Les Russes y perdirent cinq pièces de
canon et deux drapeaux; ils allaient mettre
bas les armes, lorsque le 26*" régiment d'in-
fanterie de la division Legrand vint se placer
derrière le ruisseau, en avant duquel com-
battait le 108^ régiment; et ne distinguant
pas les couleurs, à cause du brouillard qui
couvrait encore ia vallée, il ïusilla vivement
{
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 1 65
la brigade Heudelet. Uennenii reprenant les
armes, profila de ce désordre; le général
autrichien INostiz chargea, avec les hussards
àe Hesse-Homhourgy Finfanterie française
déjà parvenue au-delà du village, sur la
hauteur où le combat avait commencé. Des
troupes fraîches arrivèrent promptement
pour soutenir cette nouvelle attaque, rega-
gnèrent le terrain deux fois perdu , et rentrè-
rent dans Telnitz. Les brigades de cavalerie
xlu prince Maurice de Lichtensteiu, et du gé-
néral Stutterheim, passèrent alors le défilé;
mais n'étant pas suivies par la première co-
lonne russe, qui attendait que sa communi-
cation fût établie avec la seconde, ces deux
brigades ne s'engagèrent pas plus avant. Le
général Heudelet rallia sa troupe, et garda
le débouche vers la plaine : le général Bour-
cier, avec sa division de cavalerie, empêchait
Tennemi, par des charges faites à propos
de se porter en avant du village, et tenait
ferme sous un feu très-vif de mousqueterie
et d'artillerie.
Pendant ce combat près de Telnitz ^ les
1 64 PRÉCIS
2^ et 5*" colonnes russes ayant quitlé les hau-
teurs de Prazeiiy s'étaient portées sur So-
Jcolnitz, Un seul régiment de la division Le-
grand les arrêta devant ce défilé. Après une
longue canonnade, qui abîma le village, elles
Y pénétrèrent, s'y croisèrent avec beaucoup
de confusion; et poursuivant le mouvement
prescrit par les dispositions générales, sans
s'inquiéter de ce qui pouvait se passer à la
4^ colonne sur leurs derrières, elles mar-
chèrent pour déborder la droite du général
Legrand.
Le maréchal Davoust, qui avait réuni ses
trois brigades, voyant que la ligne allait être
"coupée, ordonna an général Priant d'atta-
quer les Russes qui débouchaient de So-
Tcolnitz et se formaient sur les hauteurs. Le
généj al Lochet les aborda avec le ùfi^ régi-
ment que le général Priant fit appuyer par
la brigade du général Kister et par le iii^
régiment; les Russes furent culbulés, pour-
suivis, et le village de Sokolnitz fut repris :
six pièces de canon et deux drapeaux furent
enlevés par le 4^' régiment; mais les Russes
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. l65
renouYclant leurs attaques avec des troupes
/'raîches, toutes celles de la division Priant
furent successivement et plusieurs fois em-
ployées à arrêter ses efforts. Cependant,
l'ennemi s'élanl rendu maître du défilé, était
parvenu à déborder la droiie de cette divi-
sion , lorsque le général Priant fil un chan-
gement de front, et avec ses trois brigades
parfaitement ralliées, chargea la colonne
russe qui, celte fois, fut enfoncée, et laissa
la plaine couverte de ses morts.
On se battit toute la journée autour de
Telnitz et de Sokolnltz avec le me aie acliar-
nement. Quartorze bataillons français arrê-
tèrent sur ces deux points les trois premières
colonnes de l'armée combinée; le maréchal
Davoust y soutint avec une admirable con-
stance les attaques réitérées de forces plus
que doubles de celles qu'il leur pouvait
opposer.
L'affaire générale s'élanl d'abord engagée
entre l'aile gauche des alliés et la droite de
l'armée française, nous avons cru devoir
exposer sans interruption ce qui s'y fit de
1 66 PRÉCIS
plus remarquable , avant de parler îles atta-
ques et des manœuvres du maréchal Soult^
au centre, qui décidèrent la victoire^ et de
celles de Taile gauche, qui ne laissèrent pas
aux deux empereurs Fespoir de la voir ba-
lancer un seul instant. On verra, à la fin de
cette relation, de quelle importance furent^
pour le succès de la journée^ les combats de
Telnitz et de Sokolnitz.
La l\ colonne, qui formait le centre de
l'arniée combinée, et qui était conmiandée
par le lieutenant -général Kollowrath, se
mit en mouvement vers huit heures pour
donner aux colonnes de la gauche le temps
d'évacuer et de forcer les défilés de Telniiz
et de SohoLnitz; celles-ci en mouvement
depuis la pointe du jour, étaient déjà entiè-
ren)ent séparées de celte 4^ colonne, centre
de l'armée alliée. L'empereur de Russie et le
général Kutusow arrivèrent à la tête de la
colonne au moment où elle se portait en
avant après avoir rompu par peloton à gau-
che; elle était précédée à peu de distance
par une avant -garde de deux bataillons
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. ï6j
russes du corps du général Miloradowich,
qui marchait en lêfe, et qui fut dirigée sur
la hauteur de Prazen, que la 5^ rolonne
venait de quitter.
Le maréchal Soult ayant reçu à hiiit heu-
res l'ordre d'attaquer, ordonna au général
Saint-Hilaire, dont la division était formée
en avant du village de Puritowitz , de mar
cher sur trois lignes^ de passer \\n ravin qui
descend (\q Prazen sur Kohelnitz , et de
s'emparer du plateau en arrière et à gauche
de Prazen y où l'on avait reconnu que s'ap-
puyaient la gauche i\\\ centre et la droite de
la gauche de l'ennemi; il lui fut expressé-
ment recommaudé de ne diriger aucunes
troupes sur i^AYZ^ï?/z^ quoique ce village fût
fortement occupé par l'ennemi.
Le général Vandamme, dont la division
était en avant du village de GirschikowitZy
aussi formée sur trois ligries, eut ordre en
même temps de marcher à l'ennemi, d'atta-
quer son centre, en se rapprochant du vil-
lage {\g Prazejz , mais û'tn jester «à une
bonne portée poyr isoler, les troupes enner-
} 68 PRÉCIS
mies qui seraient en téie du village, et îe
mettre ainsi entre les deux divisions.
Comme le général Saint -Hilaire devait
avoir le plus de troupes à combattre, la bri-
gade du général Levasseur de la division
Legrand fut laissée en réserve en avant de
Kohelnitz pour le soutenir, empêcher que
l'ennemi ne se portât sur ses derrières, et
s'opposer au mouvement de troupes qu'il
eût pu faire de Sokolnitz sur Kohelnitz.
L'ordre de combat pour ces deux divi-
sions, fut de rester constamment sur deux
lignes d'infanterie de bataille, et une d'in-
fanlerie légère, et de conserver les bataillons
en colonne par division , à distance de pelo-
ton , afin de pouvoir promptement former
le carré contre la cavalerie, et opérer les
înciuvemens avec plus de rapidité.
Ce ne fut qu'en atteignant la hauteur de
Prazeriy que l'avant-garde de la l\^ colonne
russe aperçut dans le fond cette grande masse
d'infanterie française, et se hâta d'occuper îe
villase , où se trouvait encore la queue de la
3' colonne. Surpris de se voir attaquer au
DES EVÉNEMENS MILITAIRES. 169
milieu de ses combinaisons et de ses mouve-
mens, le général Kutusow sentit combien il
lui importait de soutenir les hauteurs de
Prazen; elles pouvaient seules couvrir les
derrières de sa 5^ colonne qui, suivant ses
premières dispositions, s'aventurait de plus
en plus; el en eflet, la position de ce plateau
devait décider de la journée : c'était la clef
de la grande position que l'armée alliée ve-
nait de quitter ; et la situation respective des
colonnes de l'aile gauche était telle que leur
sort dépendait de la conservation du pla-
teau.
La grande faute était commise; elle était
irréparable. Il ne restait plus au général Ku-
tusow d'autre ressource que celle de repren-
dre son propre terrain ; il lui fallait repous-
ser les attaques de cette même armée qu'il
avait cru trouver immobile dans sa position
défensive, et paralysée de terreur. S'il ne
remportait une première victoire, il ne pou-
vait plus reprendre un plan offensif, uni-
quement basé sur une fausse supposition.
Toutefois, si les généraux alliés avaient
170 PRÉCIS
manqué de prévoyance, ils montrèrent, du
moins, beaucoup de résolution. Le général
en chef, Kutusow, donna sur-le-champ ses
ordres pour occuper le plateau ôe Prazen^ et
faire face à l'ennemi. Il renforça l'avantgarde
qui occupait le village, fit former en bataille,
et déploya sur les hauteurs à droite et à
gauche sur deux lignes, l'infanterie du gé-
néral Miloradowich, et plaça une forle masse
en arrière du village; en même temps il fit
demander un renfort de cavalerie au prince
Jean de Lichtenstein , qui lui envoya quatre-
régimens russes.
Les deux divisions françaises marchèrent
à l'ennemi avec autant de calme et dans un
ordre aussi parfait que si elles eussent été
sur un terrain d'exercice; celle du général
Saint-Hilaire fut la première à engager le
combat; le to^ régiment d'infanterie légère
sous les ordres du général Moraud , passa le
ravin de Prazen^ et se porta rapidement sur
le plateau à gauche et en arrière du village.
Il culbuta la première ligne et s'empara de
la position. Le général Saint-Hilaire, qui
DES EVENEMENTS MILITAIRES. Ï7I
dirigeait particulièrement cette al laque, lit
soutenir le nionvement de son infanterie
léî^ère, par sa brigade de droite composée
des 14*^ et 56* régimens sons les ordres an
général Tliiébaat, tandis qu'il tenait en ré-
serve sa brigade de gauche commandée par
le général Varé ( /|5^ et 55^ régimens ) pour
observer Tavant- garde que Fennemi avait
jetée dans le village de Prazen , et empêcher
qu'elle ne prît en flanc l'infanlerie légère et
la brigade de droite. Celle bi'igade de réserve
ne devait s'engager que lorsque la division
du général Vandamme se serait mise en ligne.
Mais aussitôt que ces deux régimens a])erçu-
rent la déroute de la première ligne ennemie,
il fut impossible de contenir leur ardeur : ils
s'élancèrent sur la masse d'infanterie russe
placée en arrière , la prirent en flaric , la ren-
versèrent et enlevèrent ses canons.
La division Vandamme formée , ainsi
que celle de Sainl-Hilaire, sur trois lignes,
arriva dans ce moment à hauteur de cet le
brigade du général Varé, et attaqua immé-
diatement avec tant de détermination, d'en-
172 PRECIS
semble et de rapidité , que la première et la
seconde ligne russe furent successivement
enfoncées et perdirent leur artillerie ; la ca-
valerie qui les soutenait fut entraînée et ne
put arrêter cet élan. Six bataillons, dont
trois autrichiens , avantageusement placés
sur un mamelon qui domine tout le pla-
teau 5 y soutinrent bravement un véritable
assaut livré par le 4^ régiment de ligne
et le 24^ d'infanterie légère conduits par le
général Schinner : ces six bataillons furent
presque entièrement détruits.
L'empereur de Russie, qui pendant ce
combat meurtrier était resté avec son infan-
terie de la 4* colonne , faisait , avec le général
Kutusow, tous ses efforts pour remédier au
désordre; ils firent porter en avant les ba-
taillons russes qui se trouvaient en qua-
trième ligne, pour charger ceux de la divi-
sion Vandamme qui avaient pénétré le plus
avant, et les firent soutenir par deux mille
chevaux. Le général Kollowrath reçut ordre
de former uiie semblable attaque sur la
gauche , afin d'arrêter la droite de la division
DES ÏVENOÎENS MILITAIRIS. I7O
Saint-Hilaire , et de déloger ainsi les Français
des hauteurs dont ils s'élaient emparés.
Ces efForls furent infructueux; le maré-
chal Soult n'eut point à faire de nouvelles
dispositions pour les repousser; il suffit
à ses généraux de division d'exécuter celle
qu'il leur avait prescrite, de reste?- constam-
ment sur deux lignes de bataille. En effet ,
le général Vandamme, dont le front était
menacé, établit ainsi sa brigade de gauche :
deux bataillons en bataille, et deux autres
prêts à former le carré. Le 28^ régiment
fut gardé en réserve pour soutenir les deux
attaques. La division formant Féquejre résis-
tait par sa gauche à la droite de l'ennemi,
et par sa droite, elle achevait, de concert
avec la gauche de la division Saint-Hilaire,
d'enfoncer tout le centre des Austro-Russes,
et rejetait leurs bataillons dispersés au-delà
à^ Hostiéradeck et dans les prairies maréca-
geuses de Krenowitz et à^Aujezd.
De son côté, le général Saint-Hilaire, pressé
par les attaques réitérés de M. de Koliowiath
qu'une brigade détachée de la 5" colonne
J74 PRÉGJS
venait de renforcer , se maintenait sur le pla-
teau de Prazen toujours combattant dans le
même ordre avec une héroïque fermeté :
l^ennemi entreprit trois attaques successives
sur cette ligne vraiment formidable ; mais
sans l'attendre de pied ferme, les bataillons
français, gardant leur alignement et leurs
intervalles, marchaient à sa rencontre, le
renversaient et enlevaient chaque fois les
canons qu'il metlait en batterie. C'était la
brigade russe du général Kaminski, renforcée
par deux régimens de grenadiers tirés de la
seconde colonne , qui combattait de ce côté
avec une constance digne d'un meilleur sort.
Cependant, le maréchal Soult s'aperce-
vant que l'ennemi réunissait de nouvelles
forces sur les hauteurs ^ Aujezd ^ et qu'il
faisait filer une colonne par le revers de la
montagne j fit soutenir la droite de la divi-
sion Saint-Hilaire par une brigade de la di-
vision Legrand restée en réserve en avant du
village de KobelnitZy sous les ordres du géné-
ral Levasseur. Cette brigade eut ordre d'avan-
cer, d'attaquer la colonne ennemie qui se por-
DES EVÉNI-MJiNS MILITA IIIES. I7D
tait sur les derrières de la division Saint-
Hilaire , de faire ensuile un changement de
direction à droile, et de s'élablir à la droite
de la division. Ce mouvement s'exécuta avec
autant de célérité que d'intelligence; l'en-
nemi fut de nouveau repoussé. Le général
Saint-Hilaire , qui, quoique blessé, n'avait
pas quitté le champ de bataille, profita de ce
moment pour ordonnei* un changement de
front à droite, l'aile gauche marchant en
avant, en chargeant l'ennemi.
Pour assurer le succès de cette disposition
très-hardie , le maréchal Soplt fil soutenir la
gauche du général Saint-Hilaire par la divi-
sion de dragons du général Boyer que l'em-
pereur Napoléon venait de lui envoyer pour
soutenir ses attaques ; cette manœuvre déci-
sive réussit complètement; l'ennemi aban^
donnant les hauteurs, fut se reformer dans
les vignes au revers de la montagne ; la po-
sition fut enlevée , et le général Saint-Hilaire
l'occupa avec sa division.
Le général Vandamme qui s'était maintenu
sur la hauteur à la droite de F ra zen coniie
1-^6 PRECIS
les attaques du général Miloradowicli , reçut
ordre de se préparer à faire un changement
de direction adroite avec toutes ses troupes,
pour se porter sur les hauteurs et le village
CCAujezdy sur le flanc droit et les derrières
des premières colonnes qui avaient formé
Faile gatiche de l'armée combinée. 11 fut en
même temps prévenu qu'une division du
maréchal Bernadotte, commandée par le gé-
néral Drouet, que l'empereur Napoléon avait
déjà fait avancer, allait le remplacer dans
sa position.
Ainsi, après deux heures de combat, les
alliés perdirent les hauteurs de Prazen et
toute l'artillerie qu'ils y montrèrent. Dès ce
moment, ils n'eurent plus d'espoir de réta-
blir la bataille; mais avant de dire quelle
en fut pour eux la désastreuse issue, faisons
voir comment Napoléon acheva la défaite de
leur centre et de leurs réserves, en les sé-
parant de leur aile droite, battue à son tour,
mise en désordre, el de laquelle ils ne purent
tirer que d'inutiles secours.
Peud'instans après que le maréchal SouJt
Î)ES EVENEMEWS MILITAIRES. I^^
eut reçu l'ordre de démasquer son attaque ,
Napoléon ordonna au maréchal Bernadette
de déboucher de Girschikotvitz^ et de porter
ses deux divisions, celle du général Rivaud
sur sa gauche, celle du général Drouet sur
sa droiîe, en les dirigeant vers les haïUeurs
de Biasowiiz j il se porta lui-même, avec
son escorte, au-delà du ruisseau, et à droite
en avant du village.
La cavalerie du prince Murât se mit en
bataille sur plusieurs lignes , à la gauche du
corps du maréchal Bernadotte, et marcha
entre Girschikowitz et Kruh,
Le maréchal Lannes avait reçu Tordre de
porter ses deux divisions en avant sur sa
gauche, en s'appuyant au Santon dans la
direction âeBo.seyiitz^ pour démasquer la ca-
valerie du prince Murât. La division du gé-
néral Suchet , qui se trouvait ainsi au com-
mencement de Faction , en première ligne
de toute l'armée, céda sa droite à la division
du général Caffarelli. L'une et l'autre se con
formant à l'ordre général pour le combat,
s'avançaient sur deux lignes : la première en
i4' i^
I ^8 PRECIS
bataille, la seconde en colonnes d'attaque,
avec l'artillerie dans les intervalles; ce fat
sur-oLit à cetle excellente disposition, la
plus propre à résisler à une nombreuse ca-
valerie, que Taile gaucbe de l'armée fran-
çaise dut ses succès.
Là, comme sur toute la ligne, les manœu-
vres pour attaquer commencèrent à la pointe
du jour, et n'étonnèrent pas moins l'ennemi
que celles du maréchal Soult sur les hau-
teurs de Prazen. A sept heures du matin,
le général Kellermann s'avança pour couvrir
la division Suchet ; il s'établit sur son front
et sur celui de la division Cafîiirelli avec sa
division de cavalerie légère. Dès que le
lever du soleil permit de distinguer les
masses, une forte canonnade s'engagea sur
tous les points, depuis le pendant des hau-
teurs, entre Prazen et Blasowitz ^ jusqu'à
l'extrémité de l'aile droite des alliés. Cetle
canonnade fut très-meurtrière pour les deux
partis; les alliés avaient sur les Français
Tcivantage des positions élevées, mais ra-
santes. Ceux-ci liraient avec plus de justesse
DES EVENEMENS MILITAIRES. 1 79
et de vivacité. Plusieurs batteries russes
furent promptement démontées.
Le grand-duc Constantin, qui avait dû
former avec toute la garde impériale russe
la réserve de la droite des alliés, avait quitté
les hauteurs ^ Austerlitz pour se porter sur
celles de Blasowitz et de Kruh; il devait se
trouver en arrière de la cavalerie du prince
Jean de Lichtenstein qui, en arrivant sur la
ligne de bataille, devait se former à la gau-
che du corps du prince Bagrafion , pour se
rendre maître de la plaine devant Schlapa-
nitz. Mais cette masse de cavalerie qui, la
veille, avait été placée derrière la 5^ colonne,
ne pouvait marcher que par son flanc droit
pour arriver à son point d'attaque; elle fut
arrêtée dans sa marche par les colonnes d'in-
fanterie qui la croisèrent en se portant en
avant pour descendre des hauteurs. Il résulta
de cette confusion que le grand-duc, à peine
arrivé devant Blasowitz ;, se trouva en pre-
mière ligne, et bientôt engagé avec les tirail-
leursducorpsdumaréchalBernadotteetceux
de la cavalerie légère du général Kellermann.
1 8o PRÉCIS
Le prince de Lichtenstein , en arrivant
sur la gauche du grand-duc, voyant la garde
pressée vivement par la cavalerie de Keller-
mann , se hâta de mettre la sienne en ba-
taille. Comme il avait, pendant sa marche,
détaché le général Uwarow avec dix esca-
drons pour couvrir le flanc gauche du prince
Bagration , le régiment deUhlans du grand-
duc Constantin, Tun des plus beaux de
l'armée russe, se trouva en tête de la co-
lonne; il déploya et chargea le premier.
La cavcderie du général Kellermann fut ra-
menée jusqu'à la première ligne de l'infan-
terie française , et passa dans les intervalles
des bataillons pour se rallier en arrière; les
Uhlans s'abandonnant dans cette poursuite,
et traversant ces mêmes intervalles, furent
arrêtés, mis en déroute , et presque détruits
par les feux de file croisés des bataillons de
la première et de la seconde ligne. Plus de
quatre cents Uhlans restèrent sur la place.
Le général Essen, qui conduisait cette charge,
et qui, pour se trouver à la bataille, avait
devancé de quelques heures l'arrivée du
PES ÉVÉNEMFNS MILITAHIES. l8l
renfort qu'il amenait, fut blessé à mort.
Ceux qui purent se retirer de ce terrible
feu 5 allèrent se reformer derrière le corps
du })rince Bagration, qui s'était porté en
avant de la maison de poste de Posorzitz y
et avait fait occuper par son infanterie les
villages de Kruh et à^Hollubltz.
Le maréchal Lannes continuait à gagner
du terrain par sa gauche; la division du
général Suchet se dirigeant snr Kowoïowitz
pour déborder la droite de Fennemi , et
celle de CafFarelli suivant la chaussée.
Ces manœuvres et ces combats de l'aile
gauche de l'armée française ne sont pas
moins remarquables que ceux du centre et
de l'aile droite, où l'infanterie agit presque
seule avec une vigueur et une précision que
nous croyons n'avoir jamais été surpassées
dans aucune bataille rangée. Celle iVAuster-
litz offre aux militaires désireux de s'ins-
truire dans cet art difficile, les objets d'étude
les plus variés, et des exemples d'application
des meilleurs principes de tactique : c'est
pourquoi nous nous sonimcs attachés à dé-
ïSl PIlÉCIS
velopper et à raisonner les mouvemens des
deux partis.
On doit, sans doute, admirer le génie de
Napol-éon et la justesse de ses vues dans la
distribution des différentes armes, selon la
nature du terrain et les desseins de l'ennemi,
qu'il avait si bien pénétrés; mais il faut
laisser à ses illustres lieutenans tout l'hon-
neur de la conduite de l'aclion et du meilleur
emploi de leurs troupes, chacun pour la part
qui lui était dévolue ; celle du maréchal
Lannes, du maréchal Bernadotle etdu prince
Murât , entre Blasowitz et le pied des mon-
tagnes, fut aussi glorieuse, aussi brillante,
quoique moins promptement décisive, que
celle du maréchal Soult sur les hauteurs de
Prazen.
On doit surtout observer qu'à la gauche
du centre, entre Prazen et Blasowitz , et
depuis ce village jusqu'au grand ravin formé
par la petite rivière d'Oworoschna, le ter-
rain uni et découvert était fivorable aux
manœuvres de la cavalerie. Napoléon avait
bien prévu que le général Kutusow y jette-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. l83
rait la sienne pour éviter les déBlés, et pro-
fiter, en cas de succès, du débouché de la
grande route. Il porta donc aussi la plus forte
niasse de ses troupes à cheval dans celte j)ar-
tie du champ de bataille ; mais en l'opposant
à celle de Fennemi, il eut soin de la faire sou-
tenir par les quatre divisions d'infanterie des
corps du maréchal Lannes et du maréchal
Bernadotte, formées, comme nous l'avons
dit, sur deux lignes : la première en bataille,
et la seconde en colonne par bataillon ; la ca-
valerie légère en avant d u front , protégée par
l'artillerie; la grosse cavalerie formée sur
plusieurs lignes en arrière de l'infanterie.
Dans cet ordre, les deux armes se prêtant
un mutuel appui, défiaient tous les efforla
de la nombreuse cavalerie des alliés. Une
charge leur avait-elle réussi, leurs escadrons
à demi rompus venaient se briser contre cette
inébranlable infanterie, et mis en désordre,
comme le furent les Uhlans du grand-duc,
ils étaient chargés à leur tour, et rejetés au-
delà de leur ligne ; étaient-ils , au contraire ,
obligés de plier, ils ne pouvaient jîlus rega-
I 84 P 11 E C 1 s
gner le terrain perdu, parce que les lignes
d'infanterie s'avançaient en combaltanl. Celte
manœuvre , plusieurs fois exécutée sur diffé-
rens points, eut constamment la même issue,
le même succès pour les Français.
BlasowitZy attaqué par la droite du maré-
chal Lannes et par la gauche du maréchal
Bernadûlte, fut emporte. Ce fut là que le
brave colonel Castex fut tué. Les divisions
de cavalerie des généraux Kellermann et
Vallher, fournirent successivement })]u~
sieurs belles charges, et enlevèrent huit
pièces ue canon. Un corps de dragons russes
ayant débordé la droite de la division Caffa-
relli, perça jusqua la seconde ligne, entre
le 17' régiment et le 6r. Le général de Biîly
qui les commandait, ayant fait former les
carrés, cette troupe fut écrasée sous le feu
de mousqueterie; le général Nansouty saisit
ce moment pour charger avec ses cuirassiers,
et culbuta tout ce qui se trouva devant lui.
Les Russes perdirent ainsi les hauteurs
de Blasowitz et le plateau élevé qui est près
de Knih, Le prince de Lichtenstein , après
DES ÉVÉKOTENS MlLITArRES. î 85
avoir fait par sa gauche de vaines tentatives
pour couvrir le terrain entre Blasowitz et
Prazen^ porta une partie de sa cavalerie sur
sa gauche, pouf protéger la retraite de la
4« colonne. Le grand-duc regagna les hau-
teurs entre Prazen et Krzejiowitz.
Vers midi, les 17% 5o^ et 61" régimens
(division Caffitrelli) chargèrent à la baïon-
nette, et culbutèrent , après une vive résis-
tance, l'infanterie de la gauche du prince
Bagration, qui avait essayé de couvrir son
front par le ravin perpendiculaire à la route,
et qui descend vers Blasowitz ^ ils firent
quinze cents prisonniers, et prirent sur les
hauteurs de Kruh six pièces de canon qu'ils
tournèrent sut l'ennemi. Kruh et Holluhitz
furent abandonnés, et les troupes qui avaient
défendu ces deux villages contiiîus se reti-
rèrent au-delà du ruisseau de Tf^elzpitz,
Le maréchal Lannes s'apercevant qu'il n'y
avait plus d'ensemble ni d'accord dans les
mouvemens de l'ennemi, et que l'infanterie
du prince Bagration , qui, dès le commen-
cement de l'actiouj s'était emparée à.ç^ Bose^
1 86 PRÉCIS
nitz y était fort ébranlée, ordonna très à pro-
pos à la division Sucliet, et à une partie de
celle de Caffarelîi qni s'y était réunie, de
faire un changement de front, l'aile droite
en avant. Cette manœuvre fut exécutée avec
autant de célérité que de précision. Pendant
que les bataillons de la première ligne, serrés
en masse, rompaient la ligne ennemie, et
la jetaient sur la droite, en s'avançant entre
la gauche du prince Bagration et la cavalerie
du général Uwarow, la seconde ligne de la
division Suchet se déployait, reprenait 5c;-
senitz y et le maréchal Lannes faisait établir
une batterie de dix-huit pièces de canon sur
le plateau dominant entre Bosenitz elKowa-
lowitz,
La cavalerie du général Uwarow ayant
gagné par sa droite le plateau de Posorzitz,
le prince Murât rapprocha de la gauche les
divisions des généraux Walther et d'Haut-
poul; le combat s'engagea; les brigades des
généraux Sébastiani et Roger chargèrent la
cavalerie d'Uwarow, et la repoussèrent der-
rière son infanterie; celle-ci tint ferme, mais
DES JÉVKNEMENS MILITAIRES. 187
le général d'Hautpoul s'avança sur elle avec
sa division. de cuirassiers, fournit une charge
en muraille, l'enfonça, prit un drapeau,
onze pièces de canon , et fit douze à quinze
cents prisonniers.
Les débris de l'infanterie de l'aile droite
des alliés, déposlés de toutes les positions
avantageuses, s'étaient réunis en une seule
masse, que de nouvelles charges de cavalerie
ne purent réduire à mettre bas les armes.
Le général Suchet porta alors ses bataillons,
tous à la fois, au pas de charge, sur cette
masse qui ne put soutenir un si rude choc.
Ce ne fut plus qu'un champ de carnage;
l'artillerie fut enlevée, près de deux mille
Russes furent faits prisonniers; le reste fut
mis en fuite et se jeta dans la vallée de Ko-
walowitz. Le prince Bagration et le général
Uwarow, ne pouvant arrêter plus long-temps
les progrès rapides de l'aile gauche des Fran-
çais, cédèrent entièrement le champ de ba-
taille, et rallièrent leurs troupes sur les hau-
teurs de Rausnitz. Le maréchal Lannes et
le prince Murât reçurent de Napoléon l'ordre
i88 PRÉCIS
d'arrêter leurs divisions à la hauteur de
Posorzitz. Le prince Bagration se retira sur
Austerlitz , et laissa à découvert la route
à'Olmiitz y sar laquelle la plus grande partie
des équipages de Farinée russe ne tarda pas
à être enlevée.
On voit que les deux corps formant l'aile
gauche de l'armée française , livrèrent , pour
ainsi dire , une bataille séparée , et qu'au lieu
d'être rejelée sur le centre, et en-deçà de la
route (ÏOlmutz par un grand effort de l'aile
droite des alliés , ceux-ci n'ayant à leur gau-
che aucun point d'appui , se trouvèrent , à la
fin de l'action, avoir fait , en rétrogradant ,
une demi-conversion , de manière que les
troupes du maréchal Lannes et du prince
Murât, pour faire face à l'ennemi, s'il eût
tenu sur les hauteurs CC Austerlitz ^ se se-
raient formées sur le même terrain qu'il oc-
cupait au commencement de la bataille.
Pendant cinq heures de combat de pied
ferme ou la baïonnette croisée , une foule de
braves se signalèrent par des actions d'éclat;
l'histoire militaire n'en devrait laisser au-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 1 89
cane en oubli, et les vainqueurs et les vain-
cus ont droit à cette commémoration. Mais
pouvons-nous soutenir Fattenlion et l'intérêt
du lecteur sur Tensemble de la bataille, si
nous nous laissons entraîner à les en distraire
à chaque pas, par le récit de tant de glorieux
faits d'armes? Que du moins le petit nombre
de ceux que nous citons comme de mémo-
rables exemples de vertus guerrières , attes-
tent nos regrets de ne pouvoir les mention-
ner tous dans ce précis. Le général français
Yalhubert, mortellement blessé, rappela aux
grenadiers qui accoururent pour l'enlever,
Tordre de l'empereur de ne pas quitter le
champ de bataille pour secourir les blessés,
et les renvoya à leur poste; le soir, ayant été
transporté à Brïïnn y il écrivit à l'empereur :
<( Je voudrais avoir fait plus pour vous ; dans
<( une heure je ne serai plus ; je n'ai donc
<c pas besoin de vous recommander ma femme
c( et mes en fans. »
Le capitaiue Horry Duparc , du 64^ régi-
ment, appelé par le major pour remplacer
Je chef de bataillon qui venait d'être blessé,
igo PRÉCIS
avait auprès de lui son fils, officier d'une
grande espérance. Au même instant un bou-
let qui tua le cheval du major emporta ce
jeune homme, dont les deux frères étaient
déjà morts au champ d'honneur. « C'est le
(c dernier de mes fils, s'écria le malheureux
« père, mais ce n'est pas le moment de le
« pleurer ; je me dois tout entier à mon
(c pays. » Il prit le commandement du ba-
taillon , et se précipita dans les rangs de l'en-
nemi.
Ne pouvant décrire à la fois , et faire clai-
rement concevoir tout ce qui se passait aux
mêmes heures sur ce vaste champ de bataille,
nous avons narré sans nous interrompre les
manœuvres et les combats de l'aile gauche
des Français jusqu'à la fin de la journée , et
les pertes et la retraite précipitée des alliés;
il nous reste maintenant à faire connaître les
vigoureux , mais inutiles efforts qu'ils ten-
tèrent pour rétablir le combat au centre ,
en y sacrifiant leur réserve, et enfin com-
ment la défaite et la destruction de leur aile
gauche complétèrent la victoire de Napoléon.
DES EVÉNEMENS MILITAIRES. I9I ^
Lorsque le général Vandanime, après le suc-
cès de sa brillante allaque sur les hauteurs,
à la droite de Prazen ^ eut reçu du maréchal
Soult l'ordre de faire son changen\ent de
direction à droite , en rexéculant et cédant
sa position à la division du général Drouel,
que le maréchal Bernadotte y dirigeait, il
dut rappeler le i" bataillon du 4*' régiment
de ligne et le 2^ du 24^ d'infanterie légère
qui s'étaient emportés à la poursuite de l'en-
nemi. Ces deux bataillons furent tout à
coup arrêtés par une nouvelle ligne d'environ
deux mille chevaux, soutenus par une masse
d'infanterie et par beaucoup d'artillerie ;
c'était la réserve de la garde impériale russe
commandée par le grand-duc Constantin ,
dont l'avant-garde venait d'être repoussée
de Blasowitz ; ces deux bataillons furent
chargés sur leur flanc gauche par la cava-
lerie de la garde impériale russe, au moment
où ils se plaçaient en colonne pour former
le carré ; quoique mis en désordre , ils com-
battirent vaillamment, mais ils furent ren-
versés, percés de coups de lance et dispersés.
r 92 PRECIS
Deux sous-officiers qui portaient l'aigle du
IÇ régiment, furent tués, un troisième griè-
vement blessé : Faigle fut enlevée.
L'empereur Napoléon, qui était à peu de
distance sous Blaso-witz ^ en avant de sa ré-
serve, impatiente de combattre, fut bientôt
informé de cet événement. Il ordonna sur-
le-cbamp au général Rapp de se mettre à la
tête de ses Mamelucks, de deux escadrons
de chasseurs, et d'un escadron de grenadiers
de sa garde, et de se porter au-devant de
l'ennemi. ( Nous laissons parler ici le général
Rapp lui-même, d'après une note écrite de
sa main, d'un style aussi simple qu'énergi-
que, et qui renferme un récit fidèle de l'en-
gagement qui eut lieu entre les troupes des
deux gardes impériales ) :
« Je fis mon mouvement dans un clin
c( d'oeil; je partis au galop, et à deux portées
((de canon j'aperçus le désordre de nos
((troupes; quelques fuyards me confirmé-
(( rent ce qui s'était passé; c'est-à-dire que
(( la cavalerie russe était au milieu de nos
((carrés, sabrant nos soldats. Nous aper-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. I r)5
c( eûmes derrière ce champ de carnage la re-
c( serve ennemie, composée de fortes masses
«d'infanterie et de cavalerie, qui arrivait.
(( Je mis mes troupes en l/ataille à mi-portée
« de fusil de l'ennemi qui, de son côté, quitta
ce notre infanterie sabrée pour se ranger en
(( bataille. Quatre pièces d'artillerie arri-
(c vèrent au galop, et furent mises en baî-
(f terie devant moi; j'avais à ma gauche le
(( brave colonel Morlan et le brave général
ce Dailemagne, J'adressai ces propres paroles
c( à ma troupe : Vous voyez ce qui se passe
cela bas; il faut sauver nos camarades. Je
(c chargeai de suite l'artillerie russe , qui fut
(( enlevée. La cavalerie de la garde russe nous
« attendit de pied ferme : nous l'enfonçâmes;
«elle fut mise en déroute, et se sauva en
«désordre; repassa, ainsi que nous, sur le
«corps de nos carrés enfoncés. Tous ceux
«qui n'étaient pas blessés se relevèrent et
« se rallièrent. Un escadron de grenadiers à
« cheval vint me renforcer pendant que les
« réserves arrivaient au secours de la garde
« russe; je ralliai mes troupes au moment
14. i3
1 94 PRÉCIS
(f OÙ les Russes se formaient de nonvean en
(c bataille; J'exécutai une nouvelle charge,
(c et nous enfonçâmes tout ce qui se trouva
« sur notre passage. C'est là où la mêlée dura
ce cinq minutes : les Russes se battirent avec
«une valeur digne d'admiration, mais ne
(c purent résister au sang-froid et à l'intré-
« pidité de nos soldats. Nous nous battîmes
«constamment corps à corps, l'infanterie
(( russe n'osant tirer dans la mêlée. Tout à
(C coup , la garde russe plia, et alla chercher
« un refuge dans son infanterie, qui avait
(C déposé ses havre-sacs pour mieux se battre.
<c Nous enfonçâmes tout : le carnage devint
(( terrible; le brave colonel Morland fut tué;
« le général Dallemagne , les officiers et sol-
« dats se battirent avec une rare intrépidité;
« je reçus un coup de pointe de sabre dans
<c la tête, qui fit tomber mon chapeau sur
c( le champ de bataille : mon cheval reçut
c( cinq blessures. La défaite de la garde im-
« périale russe eut lieu en présence de l'em-
« pereur Alexandre et de l'empereur d'Au-
« triche, qui étaient sur une élévation à peu
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 1 gS
(c de distance du champ de carnage. Le prince
« Repnin , commandant les chevaliers-gar-
ce des, fut fait prisonnier.... »
Cette défaite fut entière; les drapeaux,
les canons tombèrent au pouvoir des Fran-
çais. Les bataillons et les escadrons de la
garde russe, rompus, se rallièrent en se re-
tirant , d'abord au-delà de la petite rivière
de Littawa , au-dessus de Krzenowich^ et en-
suite SUT Austerlitz. La division du général
Drouet , qui, pendant l'engagement des deux
gardes, avait pris position à la place de celle
du général Vandamme, protégea le mouve-
ment des deux bataillons qui avaient donné
lieu à ce rude combat; ils rejoignirent leur
division. Celui du 4^ régiment, qui avait
perdu son aigle , fut assez heureux pour s'en
venger dans la même journée, en enlevant
deux drapeaux à l'ennemi. Le général Van-
damme opéra son changement de direction,
et vint prendre position à la gauche de la
division du général Saint -Hilaire, sur les
hauteurs iï^ujezd.
Ainsi, l'aile droite et le centre de l'armée
KjG }> R É C I s
combinée étant battus, en fuite ou en re-
traite Iiors du champ de bataille ; son aile
gauche , et ce qui pouvait rester du centre,
se trouvèrent enfermés dans la plaine, entre
^ujezd et Sokolnitz ^ et dans les défilés de
TelnitZy ayant à dos les étangs de Satschariy
et pour toute retraite une digue assez étroite
entre les étangs, qui conduit des hauteurs
de Menitz à Satschan. La position de l'en-
nemi devenait de plus en plus critique; mais
il faisait bonne contenance. Une ligne de
six mille hommes d'infanterie, qui couvrait
une partie du parc d'artillerie, était restée
dans les vignes, au bas des montagnes à^Au-
jezd. Elle voulut engager une charge sur la
division Saint-Hilaire , et déjà elle gravissait
le coteau, lorsque la division du général
Vandamme arriva sur le plateau de la cha-
pelle Saint- Antoine. Une brigade de cette
division (les 4^^ et 67^ régimens), conduite
par le général Ferrey, et soutenue par la
division de dragons du général Beaumont,
marcha à la rencontre de cette infanterie;
c'était une partie de la ri^ colonne russe, que
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. I97
le général Buxhowclen amenait trop tard ,
par Aujezdy au secours du centre. Elle fut
chargée et mise en déroute; le village ^ Au-
jezd fut emporté; plus de trois mille prison-
niers, et toute l'artillerie 5 y furent pris.
Le général Buxliowden, avec quelques ba-
taillons, se retira snv Austerlitz ;\q reste de
cette infanterie ne trouvant plus d'autre
issue, se dispersa : une partie essayant de
passer sur les marais gelés, à la tête du lac,
s'y enfonça, parce que la glace se rompit;
l'autre se rejeta précipitamment sur Sokol-
nitz.
On a vu ci-dessus que les i^ et 3^ colonnes
des alliés, poursuivant leur marche sur les
points d'attaque fixés dans la disposition
générale, comme l'avait fait la r^ colonne
sur Telnitz , s'étaient croisées, et avaient
été refoulées et contenues dans le défilé de
Soholnitz par la vigoureuse défense du 4^^ ^
régiment, et les attaques réitérées de la divi-
sion du général Priant et d'une partie de la
division Legrand, dirigées par le maréchal
Davoust. Ces trois colonnes, fortes de cin-
I g8 PRÉCIS
quante-cinq bataillons, en n'y complant
point la brigade du général Kamensky, la-
quelle ne les avait pas suivies, n'avaient eu
en tête, depuis le commencement de la
journée, qu'environ huit mille hommes,
tout au plus le tiers de leur force. Mainte-
nant, vers deux heures, elles se trouvaient
entièrement séparées, ignorant le sort du
centre et de l'aile droite de leur armée. Il
nous reste à dire comment s'acheva leur
défaite, ou plutôt leur destruction.
Le maréchal Soult, en même temps qu'il
faisait attaquer par la division Vandamme,
sur Aujezdy la réserve du général Buxhow-
den, ordonna au général Saint-Hilaire qui,
malgré sa blessure, était resté à la tête de sa
division, de la porter, ainsi que la brigade
Levasseur de la division Legrand , sur le
plateau qui {S.qvl\\\\^ SoholnitZy d'entrer dans
ce village, d'y détruire tout ce qui ferait
résistance, et d'opérer sa jonction avec les
deux autres brigades de la division Legrand.
Cet ordre fut exécuté avec toute l'ardeur
qu'inspirent de premiers succès, et le désir
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. I99
de fixer la victoire. Le carnage fut épouvan-
table; huit mille hommes, une grande quan-
tité d'artillerie , de chevaux et de caissons
engagés dans le dé61é , furent pris ou dé-
truits; la 3^ colonne, sous les ordres du
général Przibischwsky , avait en partie déjà
débouché de Soholnitz, et cherchait à gagner
Kohelnitz ) en filant le long du ruisseau;
elle fut sur plusieurs points attaquée sur son
flanc gauche, et bientôt détruite. Le général
Legrand força un gros de douze à quinze
cents hommes qui avaient déjà atteint Ko-
helnitz , à se jeter dans les marais fangeux
de Sokolnitz , où ils périrent presque tous.
Trois mille Russes , qui avaient passé les
deux branches du ruisseau, entre Telnitz et
Sokolnitz y furent aperçus par la cavalerie
légère du maréchal Soult. Pendant que celle-
ci manœuvrait pour la prendre en flanc, le
colonel Franceschi, commandant le 8^ de
hussards, et qui, venant de Goeding, arri-
vait à l'instant même sur le champ de ba-
taille, avec le petit nombre de chevaux qui
avaient pu soutenir cette marche extraor-
200 PRECIS
dinaire, chargea de front celte masse avec
la plus intrépide décision , saisit de sa main
l'un des trois généraux qui la commandait,
et le somma de faire mettre bas les armes.
Les trois généraux, jugeant sans doute par
cette témérité, qu'ils étaient entourés, et
que leur position était désespérée, se rendi-
rent, eux et leur troupe, à cette poignée de
braves. Franceschi les fît sur-le-cliamp con-
duire à Brûnn.
Une autre masse, aussi d'environ trois
mille hommes, errait sans guide en remon-
tant le ruisseau ; elle rencontra auprès de
Schlapanitz une brigade des grenadiers du
général Oudinot , fut promptement enve-
loppée, et réduite à mettre bas les armes.
L'empereur Napoléon , suivi de toute l'ar-
tillerie et de la cavalerie de sa garde, après
avoir franchi la hauteur de Prazen y s'était
porté sur celle de la chapelle Saint-Antoine,
au-dessus {[''Aiijezd. Il y arriva avec cette
belle réserve, au moment où le maréchal
Soult retirait de sa droite les troupes qui ,
désormais, y étaient inutiles, pour les porter
DES EVENEMENS MILITAIRES. 201
à sa gauche par le pied de la montagne, au
soutien du général Yandamme , en avant
^Aujezd,
Cependant , ie général Doctorow avait
rallié dans les vignes et dans la plaine, en-
tre Telnitz et les lacs , environ douze mille
hommes, tant de la i'^ colonne et des débris
des deux autres, que du corps de Kien-
mayer : il avait une assez forte cavalerie, et
mit en batterie environ cinquante pièces. Il
fit contre la division du général Yandamme,
et la gauche de celle de Saint-Hilaire, un
feu prodigieux, auquel répondait l'artillerie
du maréchal Soult, soutenue par celle de
la garde. On ne peut, à la fin d'une bataille
perdue, et dans une position désespérée,
faire une plus belle contenance que celle du
général Doctorow; elle lui servit à assurer le
dernier point de retraite, en faisant passer
de l'autre côté de la digue le général Kien-
mayer , pour s'emparer des hauteurs entre
Satschan et Ottnitz. Pressé sur sa gauche,
il retira la cavalerie autrichienne qui s'était
portée au-delà de Telnitz, Ce fut cette cava-
202 PRÉCIS
lerie (les hussards de Szeckler^ sous le prince
Maurice de Lichtenstein , et les clievau-
légers d'Oreilly, avec deux régimens de Co-
saques sous le général Stutterheim) qui cou-
vrit le flanc de l'infanterie russe, en s'avan-
çant dans la plaine, en-deçà de Telnitz, Le
général Doctorow jeta un régiment d'infan-
terie dans ce dernier village qui, bordé de
fossés , était pour sa gauche le seul et dernier
appui.
Après avoir soutenu pendant près d'une
heure le terrible feu des batteries françaises
avantageusement placées, les troupes du gé-
néral Doctorow se voyant de plus en plus
resserrées, s'ébranlèrent; la pi us grande par lie
de l'artillerie qu'il avait ralliée, trente-huit
pièces de canon , beaucoup de caissons et de
canon niers , et deux ou trois mille hommes ,
ne pouvant se retirer par Aiijezd^ où le géné-
ral Vandamme était établi, voulurent suivre
une ancienne digue submergée qui conduit
à^Aujezd à Satschan. Les guides, persuadés
que la glace qui paraissait assez forte , pour-
rait supporter cet énorme poids , hasardé-
DES léVENEMENS MILITAIRES. 2o5
rent d'y conduire; mais elle se rompit avec
fracas ; hommes , chevaux , voitures tout fut
englouti. Napoléon vit de la hauteur de la
chapelle cet affreux spectacle qui lui rap-
pela celui de la bataille diAhoukir. Le reste
de l'infanterie russe, protégé parla cavalerie
autrichienne, et par ce qui lui restait d^ar-
tillerie , fila en désordre par sa gauche , et se
rallia sur un terrain un peu élevé et touchant
au lac entre Telnitz et Menitz.
Le maréchal Davoust fit alors attaquer
Telnitz y qui fut promptement évacué par
l'ennemi ; la division Saint-Hilaire et la di-
vision Legrand s'avancèrent dans la plaine
entre le cours des ruisseaux et le pied des
hauteurs ; la division Friant suivit leur
mouvement; celle de Vandamme, appuyée
par l'artillerie et la cavalerie de la garde ^ et
par la division de dragons du général Beau-
mont, se porta en longeant l'étang, au lac de
Satschan y sur la droite de l'ennemi; l'artil-
lerie légère de la garde se mit en batterie sur
le rivage , pour pouvoir tirer sur la digue ,
unique retraite qui restât aux débris de la
204 PRÉCIS
colonne cl u général Doctorow ; son infanterie ,
eu s'en approchant et quittant la position où
il l'avait ralliée, se mit dans le plus grand
désordre 5 ei se précipitant vers le lac,
souffrit beaucoup du feu très -vif de l'ar-
tillerie légère, qui, toujours soutenue par
la cavalerie de la garde, prit la tête de la
colonne.
Les hussards de Szeckler et les chevau-
légers d'Oreilly montrèrent beaucoup d'in-
trépidité; ils tinrent ferme sur la position
que l'infanterie russe venait de quitter, et
tentèrent même une dernière charge sur la
cavalerie française ; elle fut repoussée par les.
chasseurs de la garde , dont le général Gar-
danne , gouverneur des pages , avait pris le
commandement; il fit prisonnier le général
Wimpfen, et força enfin cette brave cavalerie
légère autrichienne à profiter du dernier
instant qui lui restait pour se sauver , en dé-
filant par la digue de Satschan sous le feu
meurtrier de l'artillerie.
Les dernières pièces de l'ennemi furent
enlevées à la baïonnette , et les deux balail-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 2o5
Ions qui les soutenaient furent détruits; le
reste de Finfanterie russe s^enfuit en déroute
sur les hauteurs de Menitz et ne put se ral-
lier. Poursuivis de tous côtés, et n'ayant plus
d'appui, ces malheureux soldais voulurent
aussi traverser, sur la glace, l'étang de Menitz;
ils s'y jetèrent en foule, la glace se rompit,
et la plupart y périrent. Ceux qui purent
passer, et échapper à ce second désastre, se
réunirent au-delà des élangs, à la cavalerie
autrichienne. Le général Junot, premier
aidede-camp de l'empereur Napoléon , prit
le commandement des chasseurs et des dra-
gons de la garde impériale, et reçut l'ordre
de passer la digue et de poursuivre l'ennemi.
Ainsi finit celte mémorable journée ; l'ar-
mée victorieuse couronna, par ses feux de
bivouac , les positions qu'avait occupées la
veille l'armée alliée. Le centre et Faile droite
de celle-ci , après des pertes énormes et dans
le dernier élat de délabrement , se retirèrent
en arrière à^Austerlitz dans la position de
Hodiegitz, et vers minuit, marchèrent sur
Czeitschy se dirigeant vers la Hongrie. Quant
2o6 PKÉCIS
à l'aile gauche , presque entièrement dé-
truite 5 prise ou dispersée , à peine quelques
bataillons ( moins de six mille hommes )
purent se rallier à la cavalerie autrichienne,
et au corps du général Kienmayer qui avait
pris poste à Niskowitz sur la route de Hon-
grie, à peu près à trois lieues du champ de
bataille. La pluie qui survint , et le dégel
subit achevèrent de mettre les débris de l'ar-
mée combinée dans la plus grande confusion.
Le général Kienmayer , qui seul avait pu
conserver son artillerie , fut obligé de l'aban-
don ner.
Comme le savent tous les militaires qui se
sont trouvés à de grandes batailles , il est
presque impossible de connaître exactement
les pertes des deux partis; mais il est certain
que dans cette courte et sanglante journée, les
pertes que firent les alliés comparées à celles
des Français , furent au - delà de tous les
calculs de probabilité, surtout si l'on con-
sidère que les Français étaient assaillans et
moins nombreux; les rapports de leurs états-
majors n'accusèrent que huit cents hommes
DES ÉVÉNEMENS MFLITAIRES. Q07
tues sur Je champ de bataille, et six mille
blessés; cent cinquante prisonniers furent
repris : il y eut beaucoup de chevaux lues ,
beaucoup de pièces démontées, mais aucune
ne tomba au pouvoir de l'ennemi. Une seule
aigle fut enlevée: la force de l'armée fran-
çaise était tout au plus de soixante -cinq
mille combaltans , et les réserves d'infanterie
de la garde ni la division de grenadiers ne
donnèrent.
L'armée combinée, dont toutes les troupes
furent engagées , était de quatre-vingt-deux
mille combattans , et le nombre de ceux mis
hors de combat fut évalué à plus de quarante
mille ; parce que l'on compta près de dix
mille morts sur le champ de bataille , que
dix-neuf mille Russes et six cents Autri-
chiens furent faits prisonniers , et que vrai-
semblablement plus de dix mille autres fu-
rent blessés, dispersés ou perdus. Quoique
le nombre des morts puisse paraître exagéré,
on conçoit que les charges réitérés à la baïon-
nette , le feu de l'artillerie sur des masses
resserrées dans les fonds , et les désastres des
2o8 PRÉCIS
lacs , durent le rendre très-considérable dans
le parti vaincu. Trois lieutenans-généraux, ,
six généraux-majors , vingt officiers supé-
rieurs , et plus de huit cents autres officiers,
se trouvèrent parmi les prisonniers ; les
pertes en matériel ne furent pas moindres,
quarante-cinq drapeaux, cent quatre-vingt-
six pièces de canon, quatre cents voitures
d'artillerie, tous les gros équipages, et une
quantité de chevaux furent les trophées et
le butin des vainqueurs à\Austerlitz,
Napoléon, après avoir vu sur les bords des
lacs les derniers rayons du jonr éclairer cet
affreux spectacle, parcourut le champ de
bataille pendant une partie de la nuit, visi-
tant chaque bivouac, hâtant les secours pour
les blessés, félicitant, remerciant ses braves
d'une victoire si complète et si prompiement
obtenue. Il s'arrêta après minuit à la maison
de poste de PosorzitZj, à la gauche du champ
de bataille, et à l'embranchement de la roule
à^Olmutz et de celle à'Austerlitz,
Vers quatre heures du matin, le prince
Jean de Lichtenstein , envoyé dès le soir par
BES EVENEMENS MILITAIRES. 209
l'empereur d'Autriche, arriva, conduit par
un aide-de-camp du maréchal Bernadotte,
aux avant-postes duquel il s'était présenté en
parlementaire; il avait passé presque toute
cette nuit obscure et pluvieuse à chercher
vainement le quartier-général français. Sa
mission était pressée; il venaitau nom de son
souverain quicommandail l'armée combinée,
demander un armistice, et proposer une en-
trevue , afin d'en régler plus promptement
les conditions, en attendant qu'on pùl négo-
cier une paix séparée. Napoléon accueillit le
prince de Lichlenstein ; il voyait avec plaisir
que l'empereur d'Autriche sentît la nécessité
de se séparer de la coalition, et que les pre-
mières paroles de paix lui fussent apportées
par un général que l'estime des deux armées ,
et la juste confiance de son souverain ren-
daient si digne d'une telle mission. Il ne
pouvait cependant arrêtera l'instant le mou-
vement de ses colonnes, et ne pas recueillir
les premiers fruits de sa victoire : il accepta
seulement pour le lendemain 4 décembre ^
l'entrevue avec l'empereur François ii, et
14. 14^
2 I O PRECIS
promit de se rendre sur la route ^ Austerlitz
à Goeding, au point où se trouveraient les
avant-postes de Tarmée française.
La résolution précipitée qui, avant que
les deux empereurs pussent connaître les
vrais résultats de la bataille, avait donné
lieu à la mission du prince Jean de Licliten-
stein, prouvait assez le désordre et l'embar-
ras des alliés. Napoléon se hâta d'en profiler,
et dès la pointe du jour, toute l'armée fran-
çaise fut mise en mouvement, à la pour-
suite de l'ennemi.
Le prince Murât qui, dès le soir, avait
poussé des détacliemens sur Rausnitz et
TFischau ^ eut ordre de suivre cette route
avec sa cavalerie jusqu'à Olmûtz, et de faire
insulter cette place ; il s'avança jusqu'à Pros-
nïtz ^ et dirigea de gros détacliemens sur
J^rcmsir,
La division de grenadiers du général Ou-
dinot pris position à Rausnitz.
Le maréchal Lannes, avec le reste de son
corps, suivit d'abord, sur la route ^Olmiltz,
le mouvement* de la cavalerie, et reçut
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 211
ensuite Tordre de se porler par Buchowitz
sur StaniiZy pour gagner le flanc droit des
alliés.
Le corps du maréchal Bernadotte, colonne
du centre, marcha directement par la route
de Hongrie, A'Austerlitz à Goeding,
Le maréchal Soult, qui avait fait bivoua-
quer ses trois divisions, la droite à Menitz,
et la gauche à Sokolnitz, et avait porlé à Sats-^
chan^ au-delà des étangs, cinq bataillons d'in-
fanterie légère, détacha le général Schinner
avec une forte avant-garde, et le dirif^easur
Gaja. II reçut Tordre de marcher avec tout
son corps d'armée sur Urchschutz ^ en pre-
nant le chemin de la montagne.
Le maréchal Davoust eut ordre de faire
partir sur-le-champ de Nikolsburg la divi-
sion du général Gudin qui , n'ayant pu arri-
ver jusqu'au champ de bataille, se trouvait
là très-heureusement placée, et de la porter
rapidement à Goeding, tandis qu'il y di-
rigerait lui-même la division du général
Friant, en passant par Auspitz , afin de
gagner le flanc gauche des alliés.
2T2 PRECIS
Cette disposition tendait à envelopper l'ar-
mée alliée, en resserrant ses flancs, et à couper
sa ligne de retraite, ou sur Goedlngy ou sur
Hradish, pour s'assurer du parti qu'aurait
pris l'ennemi. Le général Bertrand , avec le
2 1^ de chasseurs et le S'^de hussards, soute-
nus par deux escadrons de la garde, poussa
jusqu'à Buchowitz y à la rive droite de la
Marche, tout près de Ilradish.
Tous ces ordres de mouvement furent
expédiés de la poste de Posorsîlz ; et pen-
dant qu'ils s'exécutaient, l'empereur Napo-
léon, traversant le champ de hataille, se
rendit à Austerlitz ^ au château du }) rince
de Kaunitz , où il étahlit son quartier-
général.
Les alliés ayant quitté la position d'iïo-
dlégltz , marchèrent sur Czeiischy route de
Goediiig : ils y arrivèrent dans la matinée
du 3 décemhre.
Le reste de la colonne du général Docto-
row, suivant de son côlé la route de Hongrie,
rouva à Niskowitz le corps du général Kien-
mayer, qui forma l'arrière-garde de l'armée
DES ÉVÉNEMÈNS MILITAIRES. 2l5
combinée. Ce général, à l'approche deTavant-
garde française , se replia sur le prince Ba-
gration qui, pendant que l'armée alliée, sur
une seule colonne, filait rapidement sur
Goedingy tenait la position à^Urschutz pour
couvrir sa retraite : il y fat attaqué ce même
jour, lendemain de la bataille, par les recon-
naissances des Français, et se replia, à son
tour, sur le général Kienmayer qui se plaça
devant lui sur les hauteurs de Nasedlowitz.
Le lendemain 4 décembre , l'armée alliée
passa la March , et arriva à Hollitsch extrê-
mement affaiblie, ayant encore perdu ou
laissé en arrière un grand nombre de sol-
dats; l'empereur Alexandre logea au châ-
teau à'HoUitschy l'empereur d'Autriche resta
à Czeitsch pour se rendre à son entrevue
avec l'empereur Napoléon»
Il était convenu qu'il y aurait armistice
dès la pointe du jour; les postes du général
Kienmayer furent cependant attaqués sur
les hauteurs de Nasedlowitz ^ et le prince
Bagration se retira derrière Czeitsch, Le feu
cessa bientôt; on s'expliqua pour la suspen-
2l4 PRÉCIS
sion d'armes. Un espace d'une demi -lieue
fut laissé Jibre et neutre entre les avant-
posles des deux armées. Les Français avaient
pris position et formé plusieurs lignes en
a V an t d ' Ursch lïtz.
L'empereur Napoléon s'était rendu à ses
avant-j)ostes près de Sarutschitz , et avait
fait établir son Vâvouac auprès d'un moulin,
à côté de la grande route 5 il y attendit l'em-
pereur d'Aulriche, allaau-de>ant de lui dès
qu'il eut mis pied à terre, et l'invitant à s'ap-
procher de son feu de bivouac : (c Je vous
(c reçois, lui dit-il, dans le seul palais que
(( j'habite depuis deux mois. — Vous tirez
((si bon parti de cette habitation, qu'elle
ce doit vous plaire, » répondit en souriant
François ii.
Les officiers de leur suite s'étant éloignés,
les deux monarques s'entretinrent seuls pen-
dant près de deux heures. On rapporta, ou
publia peu de temps après divers traits de
leur conversation, de laquelle il n'a pu res-
ter aucun témoignage authentique. On dut
conjecturer que Napoléon avait saisi celle
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. Îil5
occasion (rimputer à l'Angleterre les nicil-
heurs de la guerre, et tout le sang qui venait
d'être versé; qu'il expliqua sa conduite po-
litique par l'intérêt général des états du
continent, et justifia les vues ambitieuses
qui lui étaient reprochées par le besoin
d'affermir avec sa couronne les nouvelles
destinées de la France. On doit croire aussi
qu'il ne fut pas moins flatté de traiter d'égal
à égal, et en personne, avec le souverain
encore alors le plus puissant , que d'avoir va
fuir devant ses jeunes aigles les vieilles aigles
des Césars. Sans doute, cette fois, ce lier con-
quérant se montra généreux et modéré en
accordant la paix, même à de dures condi-
tions; car il pouvait achever îa destruction
de l'armée combinée. Mais il n'est pas vrai-
semblable que l'empereur d'Allemagne, en
demandant la paix, ait témoigné son mépris
pour la conduite de l'Angleterre; bien moins
encore l'aurai t-il exprimé au nom de son
allié l'empereur de Russie. Il faut lire avec
méfiance les anecdotes de ce genre, insérées
dans les bulletins publiés par Napoléon, et
2l6 PRÉCIS
les considérer comme des ruses de guerre.
François ii supporta dignement la mau-
vaise for lu ne des armes , et n'abaissa pas son
caractère jusqu'à ce désaveu ; il se détermina
sans jiésiler aux sacrifices qui pouvaient le
plus proraplement limiter la conquête, faire
cesser l'occupation des provinces qu'il pou-
vait recouvrer, et surtout conserver son
armée. Napoléon promit d'arrêter la marche
de ses colonnes, et de ne pas poursuivre
l'armée russe , sous la condition qu'elle se re-
tirerait en Russie, et que l'empereur Alexan-
dre ferait évacuer immédiatement par ses
troupes, l'Allemagne, et la Pologne autri-
chienne et prussienne. L'empereur d'Autri-
che engagea sa parole, et invita l'empereur
Napoléon à s'assurer directement des inten-
tentions de son auguste allié, en lui dépê-
chant un de ses aides-de-camp.
Le général Savary fut chargé de cette
mission, et accompagna l'empereur Fran-
çois 11 à son retour. En arrivant à Hol-
litscli avec le général Stutlerlieim, il vit de
près le désordre affreux de l'armée russe
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. 217
qui, n'ayant presque plus d'arlillerie, ni de
munitions, ni de bagages, était à peu près
hors d'élat de combattre. Introduit près de
l'empereur Alexandre par le prince Czarto-
rinski, il lui fit connaître la stipulation con-
venue dans l'entrevue des deux empereurs,
et reçut sa parole qu'elle serai t fidèlement exé-
cutée. L'empereur Napoléon n'exigeant point
d'autre garantie de l'ancien ami du premier
consul, le général Savary porta sur-le-champ
au maréchal Davoust, à Josephdorffy l'ordre
d'arrêter ses divisions. Le maréchal avait
déjà repoussé de Goeding]es postes du gé-
néral Merl'eldt, et se préparait à passer la
March pour envelopper l'armée russe, cou-
pée de la route de Hradisch , et la tourner
entièrement, en la dépassant sur la route de
Hongrie.
Le lendemain 6 décembre, le maréchal
Berthier et le prince Jean de Lichtenstein
signèrent, à Austerlitz ^ l'armistice conclu
entre les deux empereurs de France et d'Au-
triche , voulant ( ce sont les termes d u préam-
bule) arriver à des négociations définitives ,
2 I 8 PRÉCIS
pour metlre fin h la guerre qui désolait les
deux étals. Cet armistice devait durer jus-
qu'à la conclusion de la paix, ou jusqu'à la
rupture des négociations. Les conditions
étaient renfermées dans trois articles ; le
premier, traçait la ligne des deux armées :
celte ligne laissait aux Français, en Moravie
et en Bohême , les cercles qu'ils occupaient,
tout le pays à la rive droite de la March ,
jusqu'à son emboucliure dans le Danube, et
comprenait cependant Pr^5Z>oz/r^. Toute la
Haute et Basse- Au triche , le Tyrol , l'état de
Venise , la Carinthie , la Slyrie , la Carniole ,
le comté de Gorilz et l'Istrie étaient en tota-
lité en-deçà des avant-postes français. Par
Fartirle deux, Tarmée russe était tenue d'éva-
cuer les états d'Autriche, ainsi que la Po-
logne autrichienne , savoir : la Moravie et la
Hongrie, dans l'espace de quinze jours, et
la Galhcie dans l'espace d'un mois. L'article
trois prohibait toute espèce de levée en masse
et d'insurrection en Bohême et en Hongrie,
comme aussi l'introduction de toute armée
élrangèVe sur le territoire de la maison d'Au-
T)ES EVENEMENS MILITAIRES. 219
triche. Celte dernière précaution relative
aux arméniens de Ja Prusse élail superflue
après la bataille gagnée, mais elle dégageait
îe cabinet de Berlin, et mettait à Taise la
diplomatie du comte d'Haugwitz. La viile
de Nicolsburg ïui indiquée pour la réunion
des négociateurs. Presburgî{x{ ensuile pré-
féré, sur la proposition qu'en fît M. de Tal-
leyrand.
L'empereur de Russie quitta Hollitsch le
7 décembre pour retourner en poste à Pé-
tersbourg. Napoléon renvoya, sans échange,
tous les prisonniers de la garde russe, et le
prince Repu in, colonel des chevaliers-gardes.
Ce qui restait des deux armées de Kutusow
et de Buxhowden , se mit en marche sur
trois colonnes : la T" prit le chemin de Cra-
covie et Therespol-, la :2^ celui de Kascliau^
LembergeiBroc/j^ et la 5^ celui de Cizrnau^
TJ^atrel et Hussiatin.
Les dernières hostilités eurent lieu en
Bohême le jour même de la première sus-
pension d'armes et de Teul revue des enipe-
reurs. L'archiduc Ferdinand, qui n'avait
320 PRECIS
pu en être informé, profita de sa supériorité
de forces et de ia position avantageuse qu'il
occupait sur les hauteurs de Stecken, pour
attaquer près à'Iglau les deux divisions ba-
varoises que le maréchal Bernadotle y avait
laissées sous les ordres du général de Wrede.
Le prince avait réuni à sa cavalerie échap-
2")ée aux désastres à^Ulm et à la poursuite de
Murât, les détachemens qu'il avait ralliés
en Bohême, Fartillerie tirée des places for-
tes , et les levées de milices qu'il avait pres-
sées avec activité. Le corps d'observation
bavarois , qui n'était que de neuf à dix mille
hommes, n'étant pas soutenu, fut forcé de
se replier; les Bavarois se battirent avec
beaucoup de courage et d'obstination ; le gé-
néral de Wrede , après une perte considé-
rable , évacua Iglau pendant la nuit. Le
maréchal Bernadotte ne reçut que le 7 dé-
cembre l'ordre de retourner, avec ses deux
divisions françaises, à Iglau. 11 écrivit à l'ar-
chiduc Ferdinand pour réclamer Jes cinq à
six cents prisonniers que ce prince avait faits.
ÎSous ne devons point passer sous silence
DES lîVENEMENS MILITAIRES. 221
la proclamation que Napoléon fit mettre à
l'ordre, et répandre dans son armée; nous
n'en rappellerons ici que ce peu de mots :
ce Soldats, je suis content de vous....; vous
« avez décoré vos aigles d'une gloire immor-
« telle.... Mon peuple vous re verra avec joie,
(( et il vous suffira de dire : J'étais à la ba-
c( taille à^ Austejlitz ^ pour que l'on vous ré-
(c ponde : Yoilà un brave.... »
Avant de quitter ^z/^/ér//^^, il fit partir
les dix-huit mille prisonniers russes, dont
la ville de Brûnn était encombrée. On en
forma plusieurs colonnes, qui furent con-
duites en France, escortées à raison d'un
soldat français pour dix Russes. Au lieu
de diriger ces colonnes de prisonniers par
la roule la plus courte, sur le pont de
KremSy on leur fit traverser avec beaucoup
d'appareil la ville et les foubourgs de Vienne,
Napoléon ne négligea jamais une occasion
de frapper l'imagination des peuples, et de
leur laisser de profonds souvenirs.
De retour à Brûnn le 7 décembre, l'empe-
reur s'occupa d'abord des cantonnemens de
\
222 PJÎECIS
son armée. Ses cl isposi lions ponr IWi place-
ment des divers corps d'armée, furent loutes
motivées dans la supposition de la rupture
des négociations qui allaient s'ouvrir, et de
la reprise des hostilités. Nous les rapportons
ici sommairement.
Le maréchal Lannes rejsta en Moravie,
prit le commandement des cercles àe Brunn,
de Znaïm y de la partie du cercle d^O/miitz,
comprise dans la ligne de démarcation et du
cercle de Hradisch jusc[u a la rive droite de
la March. Son corps d'armée y fut cantonné,
à l'exception de la division des grenadiers
du général Oudinot qui avait reçu Tordre
de se rendre à Vienne. Outre la cavalerie
légère attachée à son corps d'armée, la divi-
sion de dragons du général Wallher fut dé-
tachée de la l'éserve, et mise à la disposition
du maréchal. Ses avant-gardes furent pla-
cées 2iProsnitz , Kremsir eV Czeitscli ; on lui
recommanda de tcijir la citadelle de Brûnn
dans le meilleur état de défejise, et bien
approvisionnée.
Le prince Murât fit cantonner toute sa
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 11 ^
cavalerie légère le long de la rive droite de
la Mardi, depuis rembouchure de la Taya,
jusqu'au Danube ; les deux divisions de dra-
gons dans la Basse-Autriche, sur les deux
rives du fleuve, et les deux divisions de cui-
rassiers dans les environs de Vienne.
Le maréchal Bernadolte prit le comman-
dement du cercle à^Iglau en Moravie, et du
cercle de Thabor en Bohême ; il y réunit les
divisions françaises et bavaroises , et fut
chargé de garder de ce côté la ligne de dé-
marcation, en observant le corps de l'archi-
duc Ferdinand et les mouvemens des Prus-
siens, selon les circonstances.
Le maréchal Souît occupa Vienne et ses
environs, sur les deux rives, avec ses trois
divisions 5 celle du général Saint-Hilaire
dans la ville; celle du général Legrand dans
les villages de la rive droite, au-dessous de
Vienne, et celle du général. Vandamme, sur
la rive gauche, dans la plaine appelée le
Marchfeld; sa cavalerie légère borda la fron-
tière de Hongrie, à la rive droite du Danube.
Le maréchal Davoust eut ordre de réunir
224 PRÉCIS
son corps d'armée à Presbourg; il s'y rendit
avec les deux divisions des généraux Priant
et Gndin. Celle du général CafFarelii resta
sous les ordres àxi mai'écha] Lan nés, devant
rentrer à ce cor})s d'armée aussitôt que la
division de grenadiers irait la remplacer.
Le général Marmont, qui après la jonc-
tion de rarchiduc Jean et de Farcliiduc
Charles j et leur marche sur son flanc gau-
che, avait du se retirer de Gratz ^ reçut
ordre dV rentrer, conformément à la con-
vention d'armistice, et d'occuper jusqu'à la
paix définitive la Styrie, dont il prit le com-
mandement.
Le maréchal Ney, qui depuis l'entière
évacuation du Tyrol en avait remis la garde
aux troupes bavaroises, réunit les siennes
à Clagenfurth y occupa et commanda la Câ-
lin thie.
Le maréchal Augereau , resté en réserve
en Souabe avec deux divisions, reçut ordre
de les diriger par Hailbron et A' Armstadt
sur Marence , pour se porter au secours de
la Hollande, si les circonstances l'exigeaient.
DES ÉVÉlfEMElfS MIHTAIRFS. a25
Le maréchal Masséna cessa tîe conimander
en chef l'armée d'Italie, dont la dislocation
lui fut presciile de la manière suivante :
1°. former, pour le commander en personne,
le 8= corps de la Grande-Armée avec vingtl
quatre mille hommes d'infanterie en trois
divisions, douze régimens de cavalerie dont
quatre de chasseurs, quatre de dragons,
quatre de cuirassiers, quarante pièces d'ar-
tillerie, etc. Avec ce 8« corps ainsi composé,
se rendre à Lajbach, .prendre le comman-
dement de la Carniole, de l'Istrie et du comté
de Gorilz, et se mettre en correspondance
avec le maréchal Ney et le général Marmont.
2°. Former, pour le général Gouvion-Saint-
Cyr, un corps d'armée de trente mille
hommes dont plus de moitié de troupes
françaises, et le reste de Polonais, de Suisses
ou d'Italiens, en y comprenant tout ce qui
composait le corps que cegénéral avaitamené
de Naples, et lui donnant le plus d'artillerie
possible. 3». Après avoir formé le 8« corps
de la grande armée, et celui du général
Saint-Cyr, remettre au prince Eugène vice-
'4- ,5*
226 PRÉCIS
roi d'Italie, le commandement du j^iys Vé-
nitien 5 et toutes les Ironpes françaises non
employées dans l'organisation des deux corps
d'armée.
Le général Saint-Cyr fut nommé général
en chef commandant l'armée de Naples des-
tinée à marcher contre les Anglo- Russes ;
prévenu des ordres donnés au maréchal Mas-
séna pour la composition de cette armée, il
reçut directement celui d'y réunir les gar-
nisons de Liivourne et d^Ancône^ de ne laisser
qu'un bataillon italien dans le fort à^Ancône^
et de se mettre en marche sur-le-champ,
pour aller prendre position dans les états
du Saint-Père, sur la frontière du royaume
de Naples.
Le prince vice-roi prenant le commande-
ment militaire du royaume d'Italie, et de
tout le pays conquis par l'armée française,
ci]t ordre de réunir à Padoue un corps com-
posé d'une division française , d'une réserve
de gardes nationales italiennes, et de deux
régimens de cavalerie pour contenir la gar-
nison que le général Bellegardej en se reli-
nus EVENEMEJYS MILITAIRES. 22^
rant par mer, sur Trieste , avait laissée à
Venise,
Ces clisposilions générales, qui, comme on
le voit, embrassaient tout le théâtre de la
guerre , furent arrêlées et les ordres expédiés
par le major général le 8 décembre. Napo-
léon y fît joindre des instructions parlicu-
lièressurladiscipline des troupes cantonnées,
et sur la manière de les faire subsister , sans
désordre, aux dépens du pays. Il recom-
mandait qu'on se hâtât de faire rejoindre
Ions les hommes restés en arrière; il pressait
l'envoi des nouveaux conscrits, ordonnait
des remontes, rapprochait les dépôts. 11 ré-
pétait souvent dans ses ordres : « Qu'il ne
c( fallait pas se fier à l'armistice ; que la
«guerre n'était pas finie, et que chacun
c( devait se préparer à rentrer en campagne
c( dans le moindre' délai. »
11 ne fut pas moins prompt à cueillir les
premiers fruits de sa victoire, en assignant
sur les tributs des pays conquis les récom-
penses pécuniaires qu'il accorda à la Grande-
Armée. Le jour même de son arrivée à
2 28 PRÉCIS
Brunn, il clicla à son ministre secréiaire-
d'état , M. Maret , qui s'était rendu à Auster-
litz ^ le décret par lequel il frappait sur l'Au-
triche, la Moravie, et les autres'provinces de
la maison d'Autriche, une contribution de
cent millions de francs. Indépendamment de
cette somme, dont il se réserva de régler la
distribulicm, il ordonna que tous les maga-
sins de sel, de tabac, d'effets, d'armes, de
munitions, qui ne seraient pas nécessaires à
l'armée, fussent vendus, et que le produit en
fut employé à payer à chaque officier ou sol-
dat blessé trois mois de solde en gratification.
Il accorda de fortes pensions à toutes les
veuves de ceux qui avaient été tués â la ba-
taille (^ Austerlitz ; il adopta leurs enfans des
deux sexes , et décréta qu'ils ajouteraient son
nom à leur nom de baptême et de fcimilie . et
qu'ils seraient tous élevés à ses frais dans les
palais de Rambouillet et de Saint-Germain .
Ces actes faisaient éclater la puissance du
vainqueur; et faisant aussi sentir tout son
poids, ils ne pouvaient manquer de hâter
les négociations, et d'en aplanir les diffi-
DES lÊvÉNEMENS MILITAIRES. ^^g
cultes. M. de Talleyraiid se rendit à Briïnn;
il parcourut le champ de bataille, encore
couvert de morts , avec le maréchal Lannos
(( qui lui montra, disait-il, là où le carnage
« avait été le plus horrible, comment on
« avait taillé ses plumes à coups de sabre. )>
Le prince Jean de Lichtenstein , et le comte
de Giulay, chargés des pleins pouvoirs de
Fempereur François ii, se léumtewik Brûnn
à M. de Talleyrand, chargé seul de traiter
au nom de Fempereur Napoléon. Les dispo-
sitions flûtes à Nicoîsburgy pour Fouvcrlure
des conférences, devinrent inutiles; les plé-
nipotenliaires furent plus convenablement
placés à Freshurgy à une égale distance du
palais de Sclioenbrunn , où le quartier-géné-
ral français fut établi , et à' HoUitsch ^ rési-
dence où se fixa Fempereur d'Autriche.
Le ministre prussien , comte d'Haugwilz,
suivit de près , à Brunn, M. de Talleyrand ,
près duquel il avait été renvoyé peu de jours
avaiit la bataille, sans avoir pu remplir di-
reclement sa mission : cette fois, il fut bien
accueilli; au lieu de présenter \ ultimatum ,
200 PRÉCIS
il lie parla que de neutralilé et de bonne
liarmonie. Cependant Napoléon , bien in-
formé du progrès des Anglais à cette cour,
ne doutait point que le débarquement de
dix mille hommes de troupes hanovrienncs
et britanniques aux bouches de l'Elbe et du
Weser ; leur réunion avec le corps russe du
général Tolstoy, et l'occupation du Hanovre
qui s'en était suivie, n'eussent été concertées
avec le cabinet de Berlin. La proclamation
du général Dou , ses conférences avec le duc
de Brunswick, commandant l'armée prus-
sienne en Basse-Saxe, et la prompte évacua-
tion de l'électorat, en faisaient foi. Si les
Français eussent été battus à Austerlitz , le
fameux ultimatum aurait servi de manifeste.
Le roi de Suède, qui dès le i8 novembre était
arrivé à Lunehourg , pour y prendre le com-
mandement de l'armée russe et suédoise,
aurait suivi le mouvement de Farmée prus-
sienne, et Napoléon ayant à faire fice à l'ar-
mée combinée des deux empereurs, aurait
été attaqué sur ses derrières par des forces
presque aussi considérables. Son génie, une
DES ÉVÉNEMENS BIILITAIIIES. 25l
incomparable armée, et les fautes de ses
adversaires, l'ayant fait triompher au mo-
ment où le péril était le plus grand, tout le
plan des alliés fut renversé d'un seul coup.
L'accord entre les trois puissances fut rom-
pu, et la Prusse qui, en s'engageant la der-
nière, n'avait voulu iVapper qu'à coup sûr,
affecta de n elre intervenue que comme puis-
sance médiatrice. M. d'Haugwilz soutint ce
rôle près de l'empereur Napoléon, avec d'au-
ïant plus de succès, qu'il s'était constam-
ment opposé à Talliance avec l'Angleterre.
Il servit bien son gouvernement, en prépa-
rant le changement de système qu'exigeaient
les circonstances, et rentrant dans celui de
neutralité armée, que la Prusse aurait dû
ne jamais abandonner.
Fidèle au traité d'alliance offensive et dé-
fensive, gardant la foi jurée sur le tombeau
du grand Frédéric, l'empereur Alexandre,
avant son départ (ÏHoUitschy avait dépêché
à Berlin son aide-de-camp, le prince d'OÎ-
gorouki , pour mettre à la disposition d\i
joi tout ce qui lui restait de troupes en état
202 PRÉCIS
de tenir la campagne. Le grand-duc Cons-
tantin alla lui-même réitérer cette offre;
mais elle ne fut point acceptée. On avait
déjà reçu à Berlin tes premiers rapports du
comte d'Haugwiîz, et le général Pfiilil avait
été envoyé au quartier-général français pour
offrir à Napoléon la médiation du roi. Le
conquérant, qui distribuait des couronnes à
ses alliés, fit entendre au ministre prussien
que la cession de l'électorat de Hanovre
pourrait être, à la paix générale, le prix de
la conduite que tiendrait la Prusse à son
égard. Il publia dans le bulletin de l'armée :
c( Qu'il était satisfait des explications dou-
te nées par M. d'Haugwiîz; que toutes les in-
« trigues avaient échoué devant la volonté
(( du roi; que la Prusse ne pouvait avoir
(( un ami plus solide et plus désintéressé que
a la France. »
Le 1 2 décembre, dixième jour depuis la ba-
taille d'^^/^^é'r/ziz^tousles corps de la Grande-
Armée étant placés, comme nous l'avons
dit plus haut, l'empereur Napoléon rentra à
son quartier -générai au palais de Schoen-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. ii55
br'ùnn. Il y reçut le lendemain la députation
des niaires de Paris ; ils venaient le compli-
menter sur les succès obtenus à Fouverture
de la campagne, et le remercier du don qu'il
avait fait à la capitale des premiers drapeaux
et des canons enlevés à Fennerai au combat
de Fertlngen; et dans le peu de jours qu'ils
avaient employés à faire ce voyage, de plus
grandes victoires avaient succédé à celles
qu'ils venaient célébrer. Ils trouvèrent l'em-
pereur dans la magnifique résidence de
Marie -Thérèse, aux portes de la capitale
conquise, et dictant la paix après avoir dé-
truit deux armées.
Sans se laisser éblouir par ces triomphes,
Napoléon , qui ne voulait se relâcher d'au-
cune des conditions qu'il avait imposées,
se préparait sérieusement à reprendre les
hostilités; il ne se permit aucun repos pen-
dant son séjour à Schoenbr'ùnn, 11 passait de
fréquentes revues, soit des divisions du corps
du maréchal Soult , soit des troupes dont les
cantonnemens se trouvaient à portée. Dans
une de ces revues, il reprocha durement au
254 PRÉCIS
4® régiment d'avoir laissé enlever son aigle,
et ne consentit à lui en donner une au Ire
que lorsqu'il se fut assuré que les trois sous-
officiers qui l'avait successivement portée,
avaient été lues en la défendant, et que
presque tout le peloton était resté sur le
champ de bataille. Plus la négociation avan-
çait kPresbourgy et plus il mettait d'ardeur
et d'activité dans ses nouveaux apprêts. Il
mandait à Masséna : « Il ne faut pas s'endor-
« mir sur l'armistice : la guerre n'est pas
« finie. Faites reposer vos troupes; pourvoyez
w à tous leurs besoins; car d'un moment à Fau-
« tre , vous recevrez l'ordre de combattre. «
M. de Talleyrand, inflexible sur les ces-
sions de territoire, bases données pour le
traité, mit beaucoup d'habileté à écarter les
difficultés de détail , et tout ce qui pouvait
entraîner des délais. Il fut bien secondé par
lô vif désir que témoignait l'empereur d'Au-
triche, de délivrer ses peuples le plus tôt
possible des maux dont ils étaient accablés.
Quelque dures que fussent les conditions
«exigées , l'empereur François ii s'empressa
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. Îi55
d'y souscrire. La paix fut signée à Presbourg
le 26 décembre i8o5.
Cette paix fut accablante pour la maison
d'Autriche : réduite à se rendre, pour ainsi
dire, à discrétion, elle ne put repousser ni
modifier aucune des conditions. Le système
du traité fut de mettre l'empereur d'Alle-
magne hors d'état de prêter son appui aux
ligues formées contre la France, à quelque
prix que l'Angleterre les voulût acheter.
Napoléon considéra tout le territoire autri-
chien comme une place conquise qu'il fallait
démanteler; il ne se contenta pas de lui arra-
cher ses frontières naturelles dé l'est etdu sud,
le Tyrol et l'état Vénitien , mais il fit de ces
mêmes frontières une ligne formidable; il
constitua un état de choses évidemment hos-
tile; c'était un investissement des possessions
autrichiennes qui les resserrait dans le bassin
du Danube, coupait leurs communications
militaires ou commerciales, et rendait l'in-
vasion aussi facile qu'imminente. Rien ne fut
oublié par l'habile ministre français pour
atteindre ce but, et sans doute il ne se dis-
256 PRÉCIS
simula pas qu'un traité de paix qui rompait
tout équilibre , renfermait le germe de
guerres nouvelles.
Il fut convenu que la France continuerait
de posséder en toute souveraineté tous les
pays et territoires au-delà des Alpes, régis
par les lois et les administrations françaises ,
et dont la réunion et l'incorporation avaient
été la cause de la guerre.
Les états de la république de Venise qui ,
par les traiîés de Campo-Formio et de Luné-
ville ^ avaient servi de compensation pour
Ja perte de la Belgique, furent rétrocédés
et réunis à perpétuité au ro^^aume d'Italie.
Les droits de cette couronne , sa séparation
éventuelle de la France, sa succession, furent
confirmés.
Napoléon comprenant , dans le traité ,
les princes allemands ses alliés, fit reconnaître
le titre de roi aux électeurs de Bavière et de
Wurtemberg, et stipula les cessions de pro-
vinces et de territoires dont il lui convint
d'agrandir leurs états et ceux de l'électeur
de Bade.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. l'^']
Telles furent les bases du traite de Près-
hurgy qui fut rédigé avec autant de clarté
que de prévoyance ; des vingt-quatre articles
dont il se compose , les dix-huit premiers
j enferment les dures lois du vainqueur; les
six derniers sont relatifs à la restitution des
prisonniers, à l'évacuation par l'armée fran-
çaise du territoire conservé, et à la remise
A^^ provinces cédées à la France et à ses
alliés. Les ratifications des deux empereurs
furent échangées le lendemain de la signa-
ture du traité, 27 décembre, et le même
jour , l'empereur Napoléon eut une entrevue
avec M. l'archiduc Charles au château de
Stammerdorff, à trois lieues de Vienne. Cette
conférence fixa l'attention et l'intérêt des
deux armées; et c'était sans doute un heu-
reux augure pour les amis de la paix et de
l'humanité, que le rapprochement des géné-
ralissimes des deux nations. On prétendit
que Napoléon avait proposé à l'archiduc de
faire entrer la maison d'Autriche dans ses
projets de conquête vers l'Orient, et dans
des vues politiques opposées à celles de la
238 PRÉCIS
Russie, et que ce prince, se bornant à des
considérations militaires sur les événemens
de la campagne, n'avait répondu à ces ou-
vertures qu'avec une extrême réserve. Quoi
qu'il en soit de ces conjectures, les deux il-
lustres capitaines se donnèrent des preuves
mutuelles d'estime, et l'archiduc accepta !e
présent d'une épée que lui offrit son digne
adversaire.
Le 29 décembre , l'empereur Napoléon
annonça la paix à la Grande-Armée par une
proclamation dans laquelle, en recomman-
dant le maintien d'une sévère discipline, il
promettait à ses soldats qu'il les ferait tous
rentrer en France avant six mois , atin qu'ils
pussent partager l'allégresse publique ; il sem-
blait ne les devancer que pour leur préparer
des fêtes triomphales. Il adressa aussi une
proclamation aux habitans de Vienne, pour
les féliciter , les louer de leur sage cond uite ,
et des sentimens de fidélité qu'ils avaient con-
servés à leur souverain. Il laissa intact et
comme un gage de sa satisfaction , l'arsenal
de la bourgeoisie , propriété précieuse de la
DES ÉVÉJVEMENS MILITAIRES. aSo
ville de Vienne ^ où sont conservés les nom-
breux trophées enlevés aux Ottomans. Ayant
ainsi terminé cette glorieuse campagne, il
quitta le palais de Schoenbrûnn ^ et arriva à
Munich le 5o décembre i8o5.
PIECES JUSTIFICATIVES
DU QUATORZIÈME VOLUME.
Suite des Ordres et de la Correspondance du major-
général, avec les commandans en chef des corps
d'armée, dictés par l'empereur Napoléon,
A M. le maréchal prince Muuat.
A l'abbaye de Moeick , le 20 brumaire , à sept heures
du matin.
L'ordre positif de l'empereur, monsieur le maré-
chal, est que vous ne dépassiez pas aujourd'hui Bur-
Jcersdorf. Vous ferez connaître à M. le comte de Giu-
lai que vous attendrez dans celte position demain
jusqu'à dix heures du matin. ( Vous ne ferez cepen-
dant aucun mouvement sans en prévenir sa majesté.)
L'empereur voit avec peine que vous n'ayez pas
rempli ses intentions, puisque vous n'avez personne
vis-à-vis les Rus.ses, et que la volonté de sa majesté
n'était pas qu'on se précipitât sur F-ie?ine comme des
enfans. Par cette négligence à exécuter les ordres de
l'empereur, il s'ensuit que le maréchal Mortier est
exposé à porter tous les efforts des Russes, et à être
14. 16*
20a I' K K c ] s
écrasé. Vous voudrez donc bien faiie occuper •Stadlt-
ubn le long du Danube, et même pousser des partis
jusqu'à Klosterneiihoiu^g. L'empereur va donner des
ordres à M. le maréchal Davoust.
A M. le maréchal D^r oust.
A Tabbaye de Moelck, le 20 brumaire.
L'intention de l'empereur, monsieur le maréchal,
est que vous dirigiez votre marche sur T-^ienne; vos
premiers postes , cependant , s'arrêteront à Moedling.
Sa majesté vous recommande de faire respecte)- les
palais de Laxemhourg et de Schoenhrium , et d'y
faire mettre des sauve-gardes.
Le général Marmont partant de Léohen, il est
possible qu'on puisse couper quelque chose de Léohen
à Vienne , en marchant par Neustadt. Mettez -vous
en communication avec le général Marmont, et en-
voyez des troupes pour prendre tout ce qui serait
entre vous deux.
Eclairez Neustadt , et envoyez aussi une forte re-
connaissance sur le Danube, du coté de Schwladf.
A M. le maréc/ial Soûl t.
A i'abbaye de Moelck , le 20 bi'umaire an xiv, à neuf
heures du matin.
Il faut vous conduire dans la journée d'aujourd'hui
selon les circonstances. Si , comme il y a lieu de le
DES EVÉNEMENS MILITAIRES. 205
penser, les Russes ont dirigé leur retraite par la rive
gauche sur ïTienne , il faut vous porter sur f^ienne ,
en ayant toujours des postes sur le Danube, et ayant
toujours une colonne de cavalerie qui longe ladite
rivièie.
Si au contraire les Russes remontent le Danube
pour marcher au maréchal Mortier _, vous suivrez ce
même mouvement, afin de passer le plus tôt possi-
ble pour marcher au secours de ce maréchal; et enfin
si l'ennemi s'était jeté dans l'intérieur des terres pour
gagner, soit la Bohême , soit la Moravie, vous vous
dirigerez sur T^ienne; et comme le prince Murât a
ordre de ne pousser aujourd'hui ses postes que jusqu'à
Burhersdorf, il est nécessaire que vous vous arrangiez
pour pouvoir vivre, ne pas vous tenir trop serré , et
vous tenir toujours à même de passer le Daqube, si
cela devenait nécessaire.
A M. le maréchal Soult.
Saint-Poelten , le 20 brumaire au xiv, à quatre
heures après midi.
L'empereur, monsieur le maréchal, n'approuve
pas le mouvement que vous faites : son intention n'est
pas de laisser les Russes sut tes flancs. Rendez-vous
de votre personne à Mautern; mettez-vous en cor-
respondance avec le maréchal Mortier qui, ce matin,
marchait sur Stein; placez vos divisions en échelons
204 PRÉCIS \
où elles se trouvent^ de manière que s'il se confirmait
que les Russes prennent fortement posi'ion à Stein ,
et y attendent la deuxième armée^ vous puissiez con-
centrer vos forces le long du Danube, pour vous ser-
vir des bateaux du maréchal Mortier pour passer sur
la rive gauche.
L'empereur reste à Saint-Poelten, exprès pour
attendre dans la nuit l'issue de la reconnaissance
que vous allez faire.
Au maréchal Bernadotte.
Saint-Poelten , i\ brumaire , à trois heures
du matin.
L'empekeur, monsieur le maréchal, vient d'être
instruit qu'il y a eu une alTaire très-chaude hier à
Stein. Il parait que M. le maréchal Mortier, avec la
division Gazan seule, aurait attaqué l'armée russe,
et qu'il aurait éprouvé quelque échec, vu le nombre
des ennemis.
Vous avez peut-èti'e , à l'heure qu'il est, des nou-
velles précises de cette affaire. Faites j^asser un oih-
cier à la rive gauche , afin d'avoir des nouvelles posi-
tives de la division Gazan, de celle Dupont et de la
division batave. Vous devez avoir du pain et des
bateaux avec la flottille que commande l'officier de
marine de Lostanges. Jusqu'à ce qu'on ait des nou-
velles de ce qui se passe sur la rive gauche, et jus-
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 2o5
qu'à ce que l'empereur vous ait fait parvenir de nou-
veaux ordres, il est nécessaire que vous restiez à l'ab-
baye de Moelck, et que vous envoyiez des patrouilles
de cavalerie tout le long du Danube, avec quelques
pièces d'artillerie légère, si elles peuvent y passer. Il
serait nécessaire de faire la même chose en remontant
le Danube, et faire reconnaître le lieu le plus favo-
rable pour effectuer un passage. Enfin, voyez si le
capitaine de frégate de Lostanges a assez de barques
pour pouvoir jeter un pont. Enfin, monsieur le ma-
réchal, prenez toutes les mesures pour avoir des
nouvelles précises des troupes qui sont sur la rive
gauche.
Faites dire de ma part au capitaine de Lostanges ,
qu'il doit rester à Moelck avec sa flottille jusqu'à
nouvel ordre, et ne point descendre le fleuve.
A M. le maréchal Soult.
Sainî-PoeJten, le 21 brumaire an xiv, à quatre heures
du matin.
L'empereur, monsieur le maréchal, vient d'or-
donner à la division Saint-Hilaire de vous rejoindre à
Mautern. Les deux autres divisions de votre armée
resteront jusqu'à nouvel ordre dans la position qu'elles
occupent.
M. le maréchal Bernadette, avec son corps d'armée,
restera toute la journée d'aujourd'hui à Moelck. L'en^-
2o6 PR JÎCIS
pereur séiourne à Saint-Poelten , et sa majesté ne
peut, dans ce moment, vous donner aucun ordre,
parce qu'elle ne sait pas bien ce qui s'est passé sur la
rive gauche du Danube. Son intention est que vous
placiez quelques petits postes sur la rive droite poin-
arrêter les bateaux qni descendraient !e Danube, afin
qu'ils ne tombent pas dans les mains des Russes. M. le
maréchal Bernadotte a l'ordre d'envoyer des postes
de cavalerie le long du Danube du coté de Mautern,
lesquels doivent communiquer avec les vôtres.
Faites réunir, monsieur le maréciial , tous les
moyens de passage que l'on pourra se procurer, et
prenez tous les renseignemens possibles pour savoir
si les Russes bordent le fleuve jusqu'à F'ienne. En-
voyez-nous, en grand détail , ce que vous aurez appris
de ce qui s'est passé au corps du maréchal Mortier.
L'empereur ordonne que vous placiez trois relais de
cavalerie depuis Mautern jusqu'à Alsdorf, pour la
correspondance , etc.
Je dois répondre à votre lettre, monsieur le mare-
chai, que si l'empereur n'a pas approuvé le mouve-
ment que vous a ordonné le maréchal Murât, cela
ne veut pas dire qu'il ait désapprouvé que vous l'ayez
exécuté.
DES ÉVÉNEMtJNS MILITAIRES. 207
Au prince Murait.
Saint-Poelten , le 21 brumaire an xiv, à six heures
du matin.
L'empereur^ mon prince, me charge de vous dire
que les Russes sont toujours à Krems; qu'il y a eu
liier ww engagement très-chaud entre leur armée et la
division Gazan. Les détails ne sont pas connus, mais
il paraît que l'aïlaire a été à notre désavantage, quel-
que courage qu'aient déployé nos troupes, vu la
grande supériorité en nombre de l'ennemi. L'empe-
reur ne doute pas, mon prince, que vous n'ayez en-
voyé des posles à K losterneuhourg , pour lâcher de
vous emparer du bac qui s'y trouve.
Malheureusement le maréchal Soult avait reçu
votre ordre avant celui de l'empereur, et son corps
d'armée était déjà enfourné sur Vienne. Le maréchal
Sôult avait une division qui était cantonnée près de
Mautern, et qui eût été d'un grand secours dans la
journée d'hier.
L'empereur me charge de vous dire qu'il a peine à
concevoir comment, lorsque vous saviez qu'il était
à l'abbaye de Moelck , vous avez cru devoir envoyer
des ordres au maréchal Soult. Nous n'avons pas en-
core reçu de nouvelles du maréchal Davoust qui ne
partira qu'aujourd'hui, à la pointe du jour, de
208 PRECIS
Lilienfeldy et qui ne pourra donc arriver ce soir qu'à
mi-chemin de Modeling.
L'empereur trouve, monsieur le maréchal, que
vous ne lui rendez pas assez de compte ; que vous
auriez dû lui envoyer les députés de Vienne. Cette
mesure était sage, puisque sa majesté était à Mdelch ,
et elle se plaint en outre de ce que vous ne l'informez
pas de ce que ces députés ont dit.
Vous parlez de genres d'insurrection à J^ienne ,
sans expliquer de quel sens. Enfin vous renvoyez sa
majesté à ce que vous avez dit à son aide-de-camp,
qui n'était pas présent à la conférence.
Dans des circonstances aussi importantes et aussi
délicates, cette légèreté a étonné l'empereur. Mais
dans le moment actuel , mon prince , la grande affaire
est de passer le Danube , afin de déloger les Russes de
Krems , en se jetant sur leurs derrières. L'ennemi
coupera probablement le pont de Vienne. Si cepen-
dant il y avait possibilité de lavoir en entier, il faut
tacher de s'en emparer. Cette considération seule
peut forcer l'empereur à entrer dans Vienne; et dans
ce cas , vous y ferez entrer une partie de voire cava-
lerie, et les grenadiers seulement. 11 faut que vous
connaissiez la force des troupes bourgeoises qui sont
armées à Vienne. L'empereur imagine que vous avez
fait placer quelques pièces de canon pour intercepter
le passage sur le Danube ^ entre Krems et Vienne,
DES EVEIVEMENS MILITA [RES. loq
Il doit y avoir des partis de cavalerie sur la rive
droite du fleuve, et vous nen parlez pas à l'empe-
reur dans votre rapport. Sa majesté trouve néces-
saire de savoir à quoi s'en tenir, afin que s'il avait été
possible d'intercepter le Danube au-dessous de
Vienne, on eût pu le faire. lia division du générai
Sucbet restera avec une partie de votre cavalerie sur
la grande route de Vienne à Burkersdorf, à moins
que vous ne soyez maître du pont sur le Danube,
s'il n'a pas été brûlé; et dans ce cas, cette division
s'y i^orterait, afin de pouvoir passer le fleuve avec
votre cavalerie et vos grenadiers, et se mettre le plu.s
tôt possible en marche pour tomber sur les commu-
nications des Russes. Je pense que l'empereur restera
toute la journée à Saint- Poelten.
Sa majesté vous recommande, mon prince, de lui
rendre compte fréquemment.
Quand vous serez à Vienne, tâchez d'avoir les
meilleures cartes qui se trouvent des environs de
Vienne et de la Basse-Autriche.
Si M. le général comte de Giulay se présente, ou
toute autre personne, pour parler à l'empereur, en-
voyez-le en Toute hâte ici.
La garde bourgeoise qui fait le service à p^ienne
doit avoir tout au plus cinq cents fusils.
Il vous sera facile, une fois à Vieizne , d'avoir des
nouvelles sur l'arrivée des autres colonnes russes ,
210 PRECIS
ainsi que sur le projet des autres, en se cantonnant
à Krems.
Vous aurez , pour tourner les Russes , et pour tom-
ber sur leurs derrières, votre cavalerie, le corps du
maréchal liannes , et celui du maréchal Davoust.
Quant aux corps des maréchaux Bernadotte et Soult,
ils ne peuvent être disponibles que lorsqu'on saura
définitivement le parti qu'auront pris les Russes.
Passé dix heures du matin, vous pouvez donc en-
trer dans Vienne ; tâchez d'y surprendre le pont du
Danube, et s'il est rompu, avisez à trouver les plus
prompts moyens de passage du fleuve. C'est là la seule
grande afl'aire dans ce moment. Si cependant avant
dix heures M. de Giulay se présentait pour apporter
des propositions de négociations, et qu'il vous enga-
geât à suspendre votre marche, vous suspendriez
votre mouvement sur Vienne; mais vous ne vous
en occuperiez pas moins de trouver tous les moyens
de passer le Danube à Klosterhouvg, ou tout autre
endroit favorable.
L'empereur ordonne que, depuis Sigharts-K irchen
jusqu'à Vienne y vous placiez de deux en deux lieues
de France un poste de cavalerie de dix hommes,
dont les chevaux serviront à relayer les officiers que
vous enverrez pour rendre compte de ce qui se pas-
sera. Les hommes du même poste pourront porter
les dépêches de Sigharts-K irchen à Saint-Foelten.
D£S ÉVÉJ>ÎEMENS MILITAIRES. 211
4 Le maréchal Bessières fei-a placer des postes de la
garde de l'empereur.
A M. le Jiiaréchal Mortier.
Saint-Poelten , le 21 brumaire an xtv.
L'empereur , monsieur le maréclial , attend avec
impatience des nouvelles de l'engagement que vous
avez eu, et qui, d'après les bruits vagues qui nous
sont parvenus , paraît avoir été très-sérieux.
Comme l'ordre que vous avez reçttvous prescrivait
de vous éclairer à plusieurs lieues sur votre gauche,
et surtout très en avant de vous, afin que vous pus-
siez connaître la force de l'ennemi avant que de vous
engager, l'empereur devait croire que vous ne vous
seriez point compromis avec des forces supérieures,
et que vous l'auriez fréquemment prévenu des mou-
vemens de l'ennemi. Enfin noui attendons de vos
nouvelles. Dans tous les cas, vous devez réunir vos
divisions ; et si vous étiez forcé à vous reployer, vous
le feriez sur le territoire de Lintz , mais en nous don-
nant fréquemment des nouvelles. Ne sachant rien de
ce qui s'est passé, je ne puis rien vous dire de plus
positif.
Le maréchal Bernadette, avec son corps d'armée,
eslkMoeick, où l'empereur l'a fait rester depuis qu'il
a su que vous aviez eu un engagement.
Q.Ï2 P R i: C 1 S
Le maréchal Soult, de sa personne, est à Mautern
avec une division.
Je vous répète que l'empereur attend avec impa-
tience de vos nouvelles. L'empereur est à Saint-
Poelten.
A M. le maréchal Mortier.
Saint-Poelten , le 21 brumaire.
ORDRE.
Votre aide-de-camp , monsieur le maréchal, n'a
pu arriver ici qu'à trois heures après midi , et l'em-
pereur attendait avec bien de l'impatience le raj^port
de votre engagement.
Si les Russes restent dans la position où ils sont , ou
s'ils marchent sur l'Jnn , c'est une armée perdue.
Le prince Murât, qui est aujourd'hui à Vienne , a
l'ordre d'y passer le Danube pour se porter sur les
derrières de l'armée russe. Quant à vous, monsieur
le maréchal, vous formez le corps d'observation de la
rive gauche. Vous pouvez faire passer vos blessés et
tout ce qui peut vous embarrasser sur la rive droite.
Avec le reste de votre corps d'armée bien réuni,
vous devez toujours vous retirer devant l'ennemi
supérieur, jusqu'au pont de Lintz; vous préviendrez
le général Reille, qui commande à Lintz, de tous
vos mouvemens. Lorsque vous serez dans le cas de
vous apercevoir que l'ennemi est attaqué par le prince
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 2l5
Murât, alors vous marcheriez sur lui de votre coté.
Vous ne devez faire votre mouveraent de retraite
que devant des forces réelles , afin que l'ennemi ne
vous mette pas à trois ou quatre marches de lui, par
un corps d'observation peu nombreux.
L'empereur est extrêmement satisfait de la brave
conduite des troupes, ainsi que de la bonne conte-
nance que vous avez faite, monsieur le maréchal.
Prévenez fréquemment par la rive droite, de tous
vos mouvemens et de tout ce qui se passera dans la
journée de demain; j'ai établi une chaîne de postes
de chasseurs, de l'abbaye de Moelchh. J^ienne , avec
ordre de porter vos dépêches. Mettez-vous aussi en
communication avec les postes qui sont sur la rive
droite, afin d'avoir des nouvelles si l'ennemi éva-
cuait cette nuit ; dans ce cas, vous vous mettriez à sa
poursuite, mais vous ne le feriez qu'avec toute la
prudence nécessaire.
Vous ne devez pas perdre de vue que vous n'êtes
que corps d'observation.
Il est arriA^é sur un bateau à Moelch huit mille
rations de pain qui sont à votre disposition.
2 1 4 1» E K C I s
A monseigneur le prince Mu rat.
Saint-Poellen , le ti brumaire an xiv, à onze
heures du soir.
ORDRE.
L'empereur vous donne l'ordre, mon prince, de
tâcher de surprendre demain à la pointe du jour le
passage du pont : ayez l'artillerie prête pour empê-
cher qu'on ne le brûle : entrez dans Vienne ; nom-
mez le général HuUin pour y commander la place ,
et envoyez des partis de cavalerie sur la route de
JBrïtnnQidie JVeilzersdoi^f. Les Russes étaient encore
dans la journée d'aujourd'hui à Krems. Exécutez
tout ce que l'empereur vous a prescrit par la lettre
qu'il vous a envoyée par le général Bertrand.
Les divisions Vandamme et Legrand suivront
votre mouvement ; faites en sorte que tous leurs ba-
gages inutiles ne traversent pas la ville de Vienne ni
le pont.
Avec les deux divisions du maréchal Lannes , vous
vous dirigerez du côté de Krems , où sont les Russes ;
quant aux deux divisions du maréchal Soult, qui arri-
veront plus tard , elles prendront position sur la route
de Vienne; il paraît que l'ennemi a une grande
quantité de canons sur la rive gauche du Danube.
Emparez-vous de tout cela. Laissez toujours des pa-
trouilles de cavalerie pour pouvoir communiquer
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 2l5
avec l'empereur, qui attendra, avant de partir d'ici,
d'avoir des nouvelles des Russes de Krems.
Vous n'oublierez pas d'envoyer des patrouilles de
cavalerie sur la route de Preshourg.
Le général Marmontest arrivé à Léoben et à BruTc.
Envoyez fréquemment des nouvelles à l'empereur
par les postes de cavalerie, et même toutes les trois
heures; il suffit d'une lettre qui serait portée par les
petits postes de cavalerie.
Il paraît que le résultat de la conférence de M. de
Giulay n'a rien produit de satisfaisant.
^ M. le général Rjeille.
Saint-Poelten , le 21 brumaire, à minuit.
ORDRE.
Je vous préviens, général, que le corps d'armée
russe, qui se trouve couper la route de Vienne,
pourrait bien envoyer des partis sur Lintz. Vous
devez donc y porter une attention particulière.
L'adjudant-comraandant Le Camus, qui a le 21*
de dragons, pourra éclairer les diilerenles routes; le
général Klein , avec ses dragons, doit se replier sur
le pont de Lintz ; portez une grande surveillance
sur tous ces mouvemens, afin de pouvoir défendre le
pont, autant que vos moyens le permettront, et afin
de le couper, s'il y avait lieu.
Tout ceci n'est que de précaution, car il n'est pas
2 l G P R K C 1 s
probable qu'ils prennent ce parti ^ qui les conduirait
sûrement à leur perle.
Au général Marmont.
Saint-Poelten, le 21 brumaire, à minuit.
Je VOUS préviens, général, que nous sommes en-
trés dans F^ic7ine\ il est nécessaire que vous envoyiez
des espions, et que vous fassiez toutes les perquisi-
tions possibles pour connaître les mouvemens du
prince Charles : les uns disent qu'il doit passer par
Brixeji, Spital et Saltzhourg ; d'autres, qu'il doit
passer par Clagenfurt et Rastadt ; il est impossible
qu'à Léohen et à Iiidembourg , vous ne sachiez à
quoi vous en tenir sur cela ; au reste, instruisez-moi
de tout ce que vous apprendrez.
u4 M. le maréchal Soult.
ORDRE.
Saint-Poelten , le 21 brumaire an xiv, à onze
heures du soir.
Tout me porte à penser que les Russes commencent
leur mouvement cette nuit. A la pointe du jour le
prince Murât tachera de surprendre le pont de
p^ienne , et aussitôt il passera le Danube pour se
porter sur les Russes. Vos deux divisions Vandamme
et Legrand s'y porteront également. Ce que fera la
division Saint -Hilaire dépendra de ce qu'aura fait
l'ennemi à Krenis , et de ce qu'aura fait le maréclial
DES EVÉNKMENS MILITAIRES. 21 7
Mortier. Prenez vos mesures pour arriver à votre
corps d'armée avant qu'il n'entre à f^ienne. Restez
à la position où vous êtes, jusqu'à ce que le jour soit
bien fait et qu'on ait quelques nouvelles de la posi-
tion de l'ennemi. Laissez le colonel Franceschi avec
son régiment, ainsi que la division Saint-Hilaire.
Si elle pouvait se procurer des moyens de passage
pour se mettre à la poursuite de l'ennemi, du mo-
ment que son évacuation sera bien caraslérisée, ou
que le prince Murât sera à sa hauteur, cela lui évi-
terait de passer par Vienne, et cela donnerait la
journée de demain de repos à la division ; car je ne
pense pas que le prince Murât puisse être vis-à-vis
Krems avant après-demain. Enfin, ayez soin en en-
trant à Vienne, que tous ses bagages n'y entrent pas.
Il serait aussi nécessaire que vous établissiez au dé-
bouché du défilé un officier d'ordonnance pour ar-
rêter les traineurs de votre armée, pendant l'espace
d'une journée, et les faire ensuite rejoindre en masse.
Par le retour de mon aide-de-camp, faites-moi con-
naître tout ce qu'il y a de nouveau. Si le prince
Murât ne pouvait pas surprendre le pont de Vienne,
et qu'il fallût beaucoup de temps pour rétablir ce
pont, je l'ai laissé maître de passer sur tout autre
point. On dit qu'au point de Stadt-Tuln et de Klos-
terneiihourg , il y a des moyens de passage.
Signé Napoléon.
2 I O PRECIS
Instructions pour M. le maréchal Bern a dotte,
Saint-Poelten , le 22 brumaire aa xtv.
M. le maréchal Bernaclolte passera sur la rive
gauche du Danube, s'emparera de Stein et de Krems,
et suivra l'armée russe pour lui faire tout le mal qu'il
sera possible, entamer son arrière-garde.
Le prince Murât passe à V^ienne _, et va chercher
à déborder l'ennemi, pour gagner, s'il est possible, sa
tête ou l'attaquer par ses flancs, ce qui dépendra des
circonstances.
L'ennemi ne peut prendre que trois partis :
1". Se rendre en Bohême,
20. Ou en Moravie ;
5°. Se concentrer à Krems.
Ce dernier parti paraît si absurde, que l'on n'a
voulu en parler que pour présenter tout ce qui est
possible.
Il n'aurait pas de vivres, puisqu'il n'est pas maître
du Danube; il se trouverait cerné par toute l'armée
française , dont il connaît bien la force : mais toutes
les probabilités sont que l'ennemi est déjà en ce mo-
ment en pleine marche. Mais si des considérations
qui nous sont inconnues le portaient à attendre en-
core quelques jours dans la position de Stein ou de
Krems , il faudrait se contenter de prendre vis-à-vis
de lui, une bonne position sur la rive gauche du
T)ES ÉVENEMEIVS MILITAIRES. 2 10
coté de Speit, et faire passer sur la rive droite^ à
Mautern , du canon; avoir des postes de cavalerie
le long du Danube jusqu'à Vienne, et attendre que
le prince Miirat eût passé le Danube^ et se trouvât
à hauteur et à même de l'attaquer de son côté.
Si l'ennemi se rend en Moravie, il est probable
qu'il sera débordé , au moins attaqué en flanc par le
prince Murât. L'intention de l'empereur est, que
M. le maréchal Bernadette le poursuive, et lui fasse
le plus de mal possible. Aussitôt que M. le maréchal
Bernadotte aura coupé, c'est-à-dire traversé la pre-
mière grande route de Vienne , il se trouvera par
cette route en correspondance directe avec cette
capitale.
Si l'ennemi se rend en Bohême , M. le maréchal
Bernadotte le poursuivra; et aussitôt qu'il sera assez
élevé, et qu'il se trouvera à l'intersection des routes
de Vienne et de Lintz, il communiquera avec ces
deux villes ; il se fera alors joindre par le général
Klein et sa division , qui se trouvera dans ce moment
sur Freistadt et sur Lintz.
L'empereur, qui d'ailleurs sera à P^ienjie , enverra
à M. le maréchal Bernadotte , suivant les circon-
stances, de nouvelles instructions et des renforts.
Je préviens M. le maréchal Bernadotte, que je
donne l'ordre à M. le maréchal Mortier, de refor-
mer ses trois divisions , et de servir de réserve à son
:220 PRÉCIS
corps d'armée ; en conséquence , il occupera Kre?ns
et Stein , pendant le temps que M. le maréchal Ber-
nadette avec son armée poussera en avant : ainsi, si
l'ennemi menaçait de se porter sur Lintz , le maré-
chal Mortier y enverrait un renfort pour garder le pont.
Enfin, M. le maréchal Bernadotle aura soin de
placer de petits postes de cavalerie, depuis ilfbe/c^ jus-
qu'à la porte de Sigharts-Kirchen ; il donnera l'ordre
au général Kellermann de laisser de deux lieues en
deux lieues sur cette route un maréchal-de-logis et
huit hommes, dont les chevaux serviront à rela^-er
les officiers porteurs de dépêches; les hommes à che-
val pourront même porter les lettres.
A M. le maréchal Mortier.
ORDRE.
Saint-Poelten , le 22 brumaire an xir.
L'empereur, monsieur le maréchal, me charge
de donner l'ordre à M. le maréchal Bernadette de
passer le Danube et de poursuivre l'armée russe.
L'intention de sa majesté est que vous lui serviez
de réserve, et que, du moment où le maréchal Ber-
nadette se sera emparé de Stein el de Krems , vous
repassiez le Danube pour y prendre possession ,
quand le maréchal Bernadette se portera en avant
pour poursuivre l'ennemi; vous ferez aussitôt con-
struire un pont de bateaux à Mautern, et vous place-
DES ÉVJÉNEMENS MILITAIRES. 221
riez uiî_poste sur l'intersection des routes de K reins
et de Lintz; et si enfin quelque chose menaçait le
pont de Lintz , vous y enverriez des secours à temps.
Vous devez placer tous vos blessés et vos malades
dans l'abbaye de Moelch , où vous mettrez une garde
de police. Vous correspondrez fréquemment avec
moi par les postes que le maréchal Bernadotte a Toidre
de placer depuis Moelck jusqu'à Sigharts- Kirchen ;
là il y aura des .postes de la garde jusqu'à Vienne.
Occupez-vous , monsieur le marécbal, à bien ral-
lier vos trois divisions; envoyez-moi l'état des tués,
blessés _, corps par corps ^ ainsi que celui des prison-
niers français ; enfin un état de situation du présent
sous les armes de vos trois divisions.
Vous trouverez ci-joint un itinéraire de la grande
route, qui pourra vous être utile.
^ M. le maréchal Davoust.
Burkersdorf , le il brumaire an xiv, à sept heureg
du soir.
Il est ordonné à M. le maréchal Davoust ;, de con-
tinuer sa route demain avec son corps d'armée _, par-
lant de Moedling pour se rendre à Vienne. M. le
maréchal Davoust viendra de bonne heure au châ-
teau de SchoenbrUnn où sera le quartier- général, et
où on lui fera connaître la position que doit prendre
»on corps d'armée.
22-2 PRCCIî»
^ M. le maréchal Mortier.
Burkersdorf , le 22 brumaire an xiv, à sept heures
du soir.
Je m'empresse de vous prévenir que nous avons
surpris le pont de F'ienne , pris soixante pièces de
canon, et fait environ mille prisonniers ; tout le corps
d'armée du maréchal Lannes est passé. La cavalerie
du prince Murât occupe les grandes routes. Demain,
à la pointe du jour, on marchera sur les Russes.
Faites, de votre côté, ce que votre zèle et la prudence
vous suggéreront, pour leur faire le plus de mal
possible.
A M, le général Da vo us t.
Schoenbrunu, le 2j brumaire an xir.
L'empereur ordonne, monsieur le maréchal,
que vous placiez deux régimens de la cavalerie de
votre corps d'armée sur la route de Preshourg à
la rive droite du Danube, et un régiment à cheval
sur la rive gauche du Danube, également sur la
route de Preshourg.
Je vous préviens que le général Milhaud avec le
22*" et le 16^ de chasseurs est sur la roule de Briinn ,
el reçoit des ordres directs de l'état-major-général.
Le corps du maréchal Murât, celui du maréchal
Lannes et celui du maréchal Soult marchent sur les
DES EVÉNEMENS lUTLITAlKES. 22 5
deux routes qui conduisent à Zneim; ainsi, tous
les débouchés sur Vienne sont couverts.
Sa majesté ordonne que la division Cafarelli soit
placée trois lieues en avant de Vienne , sur la route
de Brilnn ; cette division aura un régiment à la rive
gauche du Danube sur la route de Preshourg.
La division Friant sera placée à trois lieues, sur
la rive djoite du Danube, sur la route de Preshourg;
tous les grenadiers de cette division feront le service
de la place de Vienne et y seront cantonnés ; ils
fourniront un poste à chaque porte de la ville, indé-
pendamment de ceux de la garde nationale; ils four-
niront aussi un corps-de-garde à chaque joont sur le
Danube.
La 3* division de votre corps d'armée se rendra à
Neustadt où elle restera jusqu'à nouvel ordre ; vous
enverrez avec cette division un régiment de cava-
lerie, qui tâchera de se mettre en communication
avec le général Marmont, qui doit être kLéohen.
Vous donnerez l'ordre aux généiaux de brigade
commandant votre cavalerie de faire un double
rapport au maréchal Bessières sur tout ce qu'il y au-
rait de nouveau; ce maréchal commandant toute
la police générale , toute la cavalerie aux environs de
Vienne j tant que l'empereur restera à Schoe/ihrunn.
2 20: PRECIS
^ 31. le maréchal Dat oust.
Schoenbrurm , le 23 brumaire an xiv.
L'empereur, monsieur le maréchal, ordonne
que, pendant son séjour à Schoenbrunn , vous sovez
chargé de toute la défense extérieure des portes de
toutes les avenues de Vienne , de quelque côté que
l'ennemi puisse se présenter. Vous êtes également
chargé de la défense des ponts du Danube. Sa ma-
jesté vous charge de faire évacuer toute l'artillerie
qui est en dehors de la ville sur la rive gauche du
Danube, et de la faire parquer dans le lieu désigné
par le général Songis.
Comme vous êtes chargé de la sûreté extérieure,
vous le serez également de la haute-police.
Quant à la ville de Vienne, l'empereur a nommé
M. le général Hullin commandant.
Le maréchal Bessières commande toute la cavalerie.
Je vous préviens que la divison Beaumont canton-
nera dans cette ville , mais quelle recevra des ordres
de l'état-major-général
A M. le général Dumas.
Schoenbrunn , le 23 brumaire an xtv.
Il est ordonné au général Dumas de marquer sur-
le-champ des cantonnemens dans la ville de Vienne,
pour la division de dragons du général Beaumont ;
DES EVENEMENS MILITAIRES. 22D
il les cantonnera de manière qu'une brigade fasse face
à la route de Preshourg ^ et l'autre brigade à la route
de Neustadt.
Ces brigades seront cantonnées de manière à ce
que les régimens soient le plus ensemble possible.
A M. le maréchal Soult.
SchoenbruTin ,1e 23 brumaire an xiv.
L'intention de l'empereur, monsieur le maré-
chal , est qu'avec votre cavalerie et les divisions Van-
damme et Legrand , vous alliez ce soir le plus près
possible de Stokerau. L'objet de ce mouvement est
de seconder le prince Murât et le maréchal Lannes
qui sont en avant de vous , et de tâcher d'enVelopper
l'armée russe. Quant à la division Sainl-Hilaire, elle
s'arrêtera à Schoenhrunn , où l'empereur lui donnera
des ordres suivant les circonstances.
Quant à la roule de Briinji, elle est gardée par
une brigade du général Milhaud , et par une division
du maréchal Davoust.
Continuez, monsieur le maréchal, à me donner de
*^'os nouvelles.
A S. A. le prince Murât,
Schoenbrunn , le 23 brumaire an xiv.
L'intention de l'empereur, mon prince, e^t
qu'avec le corps de cavalerie à vos ordres, avec le
i/l. i5
220 PRECIS
corps du maréchal Lannes avec sa cavalerie, avec
deux autres divisions du maréchal Soult et sa cava-
lerie^ vous vous mettiez à la poursuite de l'armée
russe qui a évacué hier Kre 772s. M. le maréchal Mor-
tier, ainsi que M. le maréchal Bernadotte, doivent
avoir passé le Danube à Stein, et suivi les Russes.
Vous aurez soin de manoeuvrer avec prudence, et
de donner souvent de vos nouvelles à l'empereur.
Le général Milhaud, avec une brigade et une divi-
sion du maréchal Davoust, sont sur la roule de
Briinn , où ils reçoivent des ordres de Tétat-major-
général.
Le général Klein, avec ses dragons, était hier sur la
route de Krems à Budwz'is.
Ordre du jour du iZ brumaire an xir.
L'£MPEREUR témoigne sa satisfaction, au h^ régi-
ment d'infanterie légère , au j 01^ de ligne , ati 9*^ d'in-
fanterie légère, au di^ de ligne, pour l'intrépidité
qu'ils ont montrée au combat de DierMeln, où' leur
fermeté à tenir la position qu'ils occupaient a obligé
l'ennemi à quitter celle qu'il avait sur 1^ Danube.
Sa majesté témoigne sa satisfaction au 17^ régiment
de ligne^ au Bo*" qui^ au combat de Lainhach , ont
tenu tête à l'arrière-garde russe ;, l'ont entamée , et
lui ont fait quatre cents prisonniers.
L'empereur témoigne également sa satisfaction aux
DIS EVENEMENS MILITAJRES. ^11
grenadiers d'Ouclinot qui, au combat ^Amstelten,
ont repoussé de «es belles et formidables positions lel
corps russes et aiitrichiens et ont fait quinze cents
prisonniers, dont six cents russes.
Sa majesté est sati.sfaite des i^' , 22% et 10*= régi-
ments de chasseurs, 9e et joe régimens d'hussards,
pour leur bonne conduite dans toutes les charges qui
ont eu lieu depuis l'Inn jusqu'aux portes de J^^ienne,
et pour \es huit cents prisonniers riisses faits à Steiii
Le prince Murât Je maréchal Lannes, la réserve
de cavalerie avec leurs corps d'armée sont entrés dans
Vienne le 22, et se sont emparés le même soir du
pont sur le Danube, ont empêché qu'il ne fiU briMé,
l'ont passé sur-le-champ, et se sont mis à la poursuite
de l'armée russe.
Nous avons trouvé dans J^ienne plus de deux
mille pièces de canon , une salle d'armes garnie de
cent mille fusils, des munitions de toute espèce;
enfin de quoi former l'équipage de campagne de trois
ou quatre armées.
Le peuple de Vienne a paru voir l'armée avec
amitié.
L'empereur ordonne qu'on porte le plus grand
respect aux propriétés, tous les égards possibles au
peuplie de cette grande ville, qui a vu avec peine la
guerre injuste qu'on nous a faite, et qui nous montre,
dans sa conduite, autant d'amitié qu'il montre dl
228 PRECIS
haine contre les Russes, peuple qui, par ses habi-
tudes et ses mœurs barbares, doit inspirer le même
sentiment aux peuples policés.
Sa majesté a aperçu, dans la tournée qu'elle a faite
à deux heures du matin aux avant postes, beaucoup
de négligence dans le service, et a remarqué qu'il
ne .se faisait pas avec cette exactitude rigoureuse
qu'exigent les ordonnances et les règlemens de la
guerre.
Avant la pointe du jour les généraux et les colonels
doivejit être à leur avant-poste, et la ligne sous les
armes jusqu'à la rentrée des reconnaissances ; on doit
toujours supposer que l'ennemi a manoeuvré pendant
la nuit pour attaquer à la pointe du jour ; Tempereur
rappelle donc aux soldats que cette confiance lui a
été souvent funeste, et a donné lieu à des surjDrises.
Plus on obtient de succès et plus, au lieu de s'en-
dormir dans une fausse sécurité, il faut au contraire
mettre régularité et exactitude à tous les détails du
service.
A M. le maréchal Ney.
Schoenbrunn , le 23 brumaire an xiv.
Du moment que vous vous serez emparé à'Tns-
pruch , monsieur le maréchal , et que vous aureis
ordonné de détruire de fond en comble les retran-
chemens et les forts qui coupent les communications
\
DES EVENEMENS MILITAIRES. 229
du Tyrol avec la Bavière, vous vous dirigerez avec
votre corps d'armée sur Saltzbourg ; vous laia.seiez
le conimandernent à'Inspruc}: et celui de tout le
Tyrol au général bavarois que vous trouverez à Saliz-
hourg ; l'intention de l'empereur étant de iaire occu-
per le Tyrol par tous les Bavarois.
Nous sommes maîtres de J^ienne, comme vous le
verrez dans l'ordre du jour.
Au général Deroy, commandant Varmée
bavaroise.
Schoenbrunn , le 23 brumaire an xiv.
L'intention de l'empereur , général , est que vous
donniez l'ordre à toutes les troupes bavaroises qui
sont à Ulm , kDonawert, à Rayn , de se rendre
dans le Tyrol, l'intention de l'empereur étant de
donner le commandement de ce pays à un général
bavarois, et de le faire entièrement garder par les
troupes bavaroises.
A M. le maréchal Davoust.
Schoenbrunn , le 23 brumaire an xiv.
La division Vandamme, monsieur le maréchal,
n'a pas pu partir aujourd'hui^ parce que la division
Caffarelli n'était pas encore ce soir à la tête du pont
du Danube. L'empereur ne doute pas que celte divi-
sion ne soit arrivée dans ce moment; faites-lui
20O PRECIS
prendre position, et qu'une bonne avant-garde parte
à trois heures du malin ponr soutenir le général
Milhaud qui est sur la route de Brlinn : mais cepen-
dant cette avant- garde ne doit par aller à cinq
lieues de K'ienne. Le général Caff'arelli mettra des
postes intermédiaires , et pourra même convenir de
quelques signaux pour que toute la division marche,
si cela était nécessaire.
La reconnaissance que vous deviez envoyer sur la
rive gauche et qui devait aller jusqu'à Preshourg ,
n'ira que jusqu'à IMarcheh.
L'empereur sait qu'on se relâche dans le service ;
il désire donc que demain à quatre heures du matin
vous soyez de votre personne au-delà du pont, et
que vous y restiez jusqu'à ce que le jour soit bien fait,
et que les reconnaissances soient rentrées, et par con-
séquent le pays reconnu.
Si les prisonniers autrichiens qu'a faits le général
Milhaud arrivent à temps , faites-leur passer le j)ont,
qu'ils ne traversent pas Vienne; faites-leur tourner
les faubourgs et qu'ils aillent à B ar}:ersdorf , où je
place un officier d'état-major, et où vous enverrez
une garnison de cinquante hommes pour les rece-
voir, ainsi que les autres qu'on pourra env^oyer.
Si le parc d'artillerie pris par le général Milhaud
vous arrive attelé, vous ferez prendre noie des che-
vaux, l'intention de l'empereur étant de les payer
/
»ES EVÉNEMEINS MILITAIIIKS. 25 I
aux régimens. Vous leur ferez également tourner la
ville pour les parquer en dehors; vous êtes autorisé
à prendre quelques pièces attelées pour votre division;
vous me préviendrez de ce que vous aurez conservé.
L'empereur a vu avec peine qu'on avait laissé des
Autrichiens aimés au milieu de nos postes ; rien n'est
si absurde que cette sécurité; portez donc une atten-
tion particulière pour faire arrêter tout individu
armé^ de quelque grade qu'il soit, qui se trouverait
dans nos postes.
Passé sept heures du soir , personne autre que des
Français ne pourra passer sur les ponts.
Pour la journée de demain, et pour celle d'après
demain, il est même nécessaire de ne rien laisser
passer de Païenne de l'autre côté des ponts, si ce n'est
ce qui appartient à Tarmée. Quant aux subsistances,
il faut en protéger l'arrivage par toutes les routes.
L'empereur vous ordonne de faire garder les por-
tes de la ville par des postes français, sans en ôter la
garde bourgeoise.
Faites-moi connaître de suite où étaient toutes vos
troupes à six heures du soir. L'intention de l'empe-
reur étant, avant de se coucher, de savoir si tout est
en position.
Les généraux de division et de brigade ne doivent
pas rester dans Vienne , et doivent être avec leurs
troupes, et se placer dans les maisons près des bi-
2D2 PRECIS
voiiacs ou des cantonnemens, et ne point venir dans
la ville.
Cet ordre de service rigoureux est nécessaire pour .
trois ou quatre jours. Faites renouveler les cartou-
clies; faite» donner du pain pour quatre jours, si vous
le pouvez, car d'un moment à l'autre l'empereur
peut donner l'ordre à votre corps d'aimée de mar-
cher contre les Rus.ses. Ayez des postes en montant
et en descendant le Danube; qu'aucune barque ne
monte ni ne descende sans avoir été interrogée.
Tout ce qui descend du côté de Krems pendant la
nuit doit être particulièrement surveillé. Ordonnez
quelques patrouilles de cavalerie en remontant le
Danube ; il est très-essentiel de ne laisser aucune pièce
de campagne attelée et prête à partir dans la ville de
J^ienne, parce qu'à la moindre émeute le peuple les
aurait ^olls la main Voyez à chercher demain avec
le général Songis un emplacement pour un parc d'ar-
tillerie à deux lieues de Vieiine sur la route de Lintz,
car c'est par cette roule qu'on fera passer l'équipage
de campagne.
L'empereur ordonne que vous me rendiez compte
demain, au jour, s'il y avait quelque chose de nou-
veau, et à huit heures seulement, s'il n'y a rien de
particulier. Vous continuerez à me rendre compte
deux fois par jour, et vous tiendrez constamment
près de moi un de vos officiers. Je dois encore vous
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 255
dire qu'il y a beaucoup d'AutricIiiens égarés sur
la rive gauche. Envoyez dès la pointe du jour des
patrouilles de cinquante hommes qui longeront les
rives du Danube; faites fouiller les villages par des
officiers sûrs, et s'il est possible, parlant allemand,
afin que l'on ne pille pas.
Enfin, monsieur le maréchal, l'empereur me
charge de vous dire qu'il compte sur votre zèle et
votre activité pour rétablir l'ordre dans toutes les
parties du service, et tenir tout le monde dans la
plus grande surveillance. Il ne faut pas se permettre
«ne seule minute de négligence.
Au général Marmont.
L'empereur vous a écrit directement par nn aide-
de-camp qui est parti à dix heures du matin. Cet
ordre est donc une espèce de duplicata, en cas qu'il
arrive malheur à ce premier ofîicier.
La 3^ division du corps du maréchal Davoust ,
commandée par le général Gudin, ainsi qu'un régi-
ment de troupes à cheval, doit être ce soir à Neus-
tadt, et ils se trouveront , par ce moyen , à une mar-
che des hauteurs qui séparent B r tic k des montagnes.
Vous ne devez appeler ce général à vous qu'en cas
d'événemens majeurs. Cependant, point d'inconvé-
niens à ce que le général Gudin place une avant-
garde sur les hauteurs; par ce moyen, votre com-
5(34 PRÉCIS
muiîicaliou sera toujours libre, et votre correspon-
dance avec le quartier impérial rapide.
N'engagez aucune affaire sérieuse à JLéoben ni à
BrlicJc; retardez seulement la marche de l'ennemi,
et ne vous battez que sur les hauteurs : alors la divi-
sion Gudin vous aura rejoint , et pour peu que l'em-
pereur soit averti à temps , sa majesté ne tardera pas
à vous envoyer deux autres divisions. D'ici à quatre
ou cinq jours l'empereur désire donc qu'jl nV ait au-
cune aifaire sérieuse de votre coté. Vous pouvez em-
ployer les moyens d'armiî>tice, sous le prétexte que
nous sommes en négociations, et par-là, donner le
temps aux corps de recevoir des nouvelles de leurs
princes. D'ici à ce temps, l'armée russe, qui est vi-
vement poursuivie, aura existé, ou se trouvera si
éloignée et si harrassée , que toutes les forces de l'em-
pereur se trouveront disponibles pour voiis soutenir.
Ecrivez au coramand mt de Saltzbourg d'envoyer
un corps d'avant- garde. sur vous; cela obligera l'en-
nemi à diviser ses forces. Enfin, votre aide-de-camp
vous dira de vive voix que nous sommes maîtres de
T-^ienne, et que nous y avons trouve les arsenaux
remplis de toutes choses.
Vous pouvez envoj'^er \\n parlementaire à l'ennemi
pour lui faire connaître ce qui se passe ; par-là, vous
saurez à qui vous avez à faire, et vous agirez en con-
séquence.
OES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. SiSS
A M. le maréchal Davqust.
Sclîoenbrunn , le i!\ brumaire an xiv.
L'empereur, monsieur le maréchal, ordonne que
vous fassiez partir sur-le-champ toute la division Caf-
farelli , pour se rendre k Stokeirtu , où elle prendra
les ordres de M. le maréchal prince Murât ; vous la
ferez remplacer par la division Priant. L'empereur
me charge de vous faire connaître^ monsieur le ma-
réchal , que ce mouvement doit se faire le plus rapi-
dement possible, pour que la division du général Caf-
farelli se trouve ce soir à StoJcerau; si elle est déjà en
marche sur la route de Brunn , et à quelques lieues
de Kienne , on imagine qu'elle trouvera un chemin
de traverse pour rejoindre la route de Stolcerau ^
sans être obligée de revenir sur ses pas. Si le 64^ ré-
giment est encore ici , faites-lui rejoindre le corps
du maréchal Lannes ; faites faire beaucoup de pa-
trouilles,, pour que les hommes isolés ou petits postes
oubliés , appartenant aux divisions Vandamme , Le-
grand, Oudinot et Suchel , rejoignent sur-le-champ
leurs corps. Donnez les ordres en conséquence au
général Hulin. Quand les divisions vont se battre,
il faut que tous \q& hommes soient aux drapeaux.
236 PRÉCIS
A M. le maréchal Bernadotte.
Schoenbrunn , le 24 brumaire an xtv.
L*EMPEREUR , monsieur le maréchal, est fâché que
dans ce moment où le prince Murât et les maré-
chaux Lannes et Soult se battent à deux journées de
T^ienne , vous n'ayez pas encore fait passer le Da-
nube à un seul homme. Vos soldats seront sans doute
fâchés de n'avoir point toute la part qu'ils devraient
avoir à la gloire de cette campagne. Par le retour de
l'olBcier de mon état-major, l'empereur espère que
vous me manderez que toute votre armée est passée ;
que vous êtes à la poursuite des Russes , et que vous
leur serrez la baïonnette dans les reins.
Hier au soir les avant-postes du maréchal Murât,
qui a couché à Tf^ayhersdorf^ avaient rencontré l'en-
nemi sur plusieurs points.
Il est vraisemblable que demain 25 les maréchaux
Soult, Lannes et le prince Murât, combattront l'en-
nemi. L'empereur y sera viaisemblablement de sa
personne ; il ne doute pas que vous n'y soyez aussi,
quand vous devriez marcher toute la nuit.
A M. le général Marmont.
Schoenbrunn , le 24 brumaire an xiv.
L'empererr, général, ne reçoit votre lettre du 22
que le 24 à midi. 11 n'y a jamais de malheur à la
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. iZ-]
guerre que ce qui ne peut pas se réparer. Auriez
vous perdu quatre mille hommes, vous ne devez
jamais écrire dans un style qui puisse ajouter à la
sensibilité de l'empereur sur la perte du moindre de
ses soldats. N'oubliez pas, général, que vous n'êtes
que corps d'observation. Soyez certain, en vous jetant
du côté de Gratz, que l'ennemi n'arrivera pas du côté
de Jeidenbourg. Vous ne devez pas compter sur le
corps de la division du général Gudin, ni sur aucun
autre comme corps d'observation. Votre obligation
présente par l'ordre général delà position de l'armée,
est de garder les hauteurs qui les séparent de Aew-
stadt Pour cette opération seulement, vous seriez
secouru par la division Gudin , et même par d'autres
forces. Dans ce cas, l'empereur sacrifierait d'autres
opérations au besoin de maintenir l'armée du prince
Charles au-delà des montagnes ; et du moment que
l'empereur sera sans inquiétude sur cette communi-
cation, il est possible qu'il retire d'un moment à
l'autre de Neustadt le général Gudin. Ce sont les
Russes qu'il faut détruire; leur armée a reçu quel-
ques renforts, et sur plusieurs points nous sommes
en présence d'eux. Agissez donc dans le sens de cette
lettre.
258 PRECIS
Instruction pour le général Clakke.
Je vous envoie, monsieur le général Ciarke, une
ampliation du décret de sa majesté, qui vous nomme
gouverneur de f'^ienne. L'empereur a voulu que je
vous fisse connaître plus particulièrement vos attri-
butions. Vous êtes chargé de la police du pays, et
sous ce point de vue vous aurez toutes les attribu-
tions du ministre de la police et l'administration ; la
direction de la gendarmerie , celle des gardes bour-
geoises de J^ittine , celle de toutes les villes , et enfin
de toute autre troupe qui existe dans l'arrondisse-
ment du gouvernement de J^ienne sont aussi dans
vos attributions; enfin vous avez la représentation
de toutes les affaires d'administration^ et en considé-
rant les autorités comme des états, vous avez le droit
de représenter et de parler au nom de l'empereui-.
Tous vos actes devront porter en titre : Napoléon,
empereur des Français , et roi cV Italie.
L'intendant-général , nommé par le même décret ,
a les fonctions de ministre des finances, de ministre
de l'intérieur et de ministre de l'administration de
la guerre ; mais dans tout ce qu'il peut avoir de
contact avec vous, il se rend chez vous et se con-
certe avec vous , parce que vous êtes la première
autorité du pays, sans que cependant vous puissiez
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. SiSg
lui donner des ordres, vu qu'il travaille directement
avec l'empereur.
L'intention de l'empereur, monsieur le gouver-
neur, est que vous portiez un soin particulier à la
surveillance des journaux, des livres, des théâtres,
et de tout ce qui concerne la religion et les cultes.
Vous êtes autorisé à vous former une garde jchoisie
parmi celle bourgeoise ; et toutes les fois que vous irez
en représentation, soit aux églises, soit en public,
vous vous ferez accompagner d'un nombreux déla-
cliement ; vous vous étudierez à connaître les chefs
de ces gardes bourgeoises, et à vous les concilier.
Vous soutiendrez votre rang, en suivant l'étiquette
qu'on observe à l'égard du gouverneur de Paris.
Vous devez commencer par faire la police exté-
rieure des mauvais sujets ou traînards français, avant
de faire celle des malveillans du pays.
L'intention de l'empereur est que dans chaque cer-
cle il y ait un officier de gendarmerie et cinq ou six
gendarmes français. Vous ferez organiser une espèce
de gendarmerie, suivant l'usage du pays, de ma-
nière qu'avec cinq ou six gendarmes français il y
ait cinq ou six gendarmes nationaux qui arrêteront
les traînards, les vagabonds français, s'ils se sont
rendus coupables de quelques délits.
Comment organiser cette gendarmerie du pays?
c'est le travail que vous devez soumettre à l'empe-
\
24o PRjéciS
reur, en vous rapprochant le plus possible de ce qui
existait ci -devant. Cette force publique aura aussi
l'utilité d'être employée pour les réquisitions , pour
l'approvisionnement de l'armée , et contre les bri-
gands autrichiens.
C'est par une proclamation du gouverneur de
J^ienne , approuvée par l'empereur, que l'on doit
connaître l'existence de cette force armée qui doit
imposer dans tout le pays.
A S. A. S. le prince Mur^t.
i4 brumaire an xiv.
L'empereur , mon prince , a reçu votre lettre
d'aujourd'hui à midi, et ce ne sera que quand vos
reconnaissances seront rentrées qu'il pourra con-
naître où se trouve l'ennemi. Comme il y a de très-
petits villages qui ne sont pas écrits sur la carte ,
il faut avoir soin de désigner ceux qui en sont le
plus à proximité, et dont les noms sont écrits. L'em-
pereur vous recommande de faire mettre exactement
le lieu d'où sont faits les rapports ; il ordonne que
vous mettiez un poste de cavalerie de six hommes
à chaque poste, pour la correspondance.
Aussitôt que l'empereur aura reçu votre rapport
delà nuit, il donnera l'ordre au général Fauconnet
de vous rejoindre.
Les maréchaux Bernadotle et Mortier doivent être
DES EVENEMENS MlLlTAIUliS. '2l\l
aux trousses des Russes^ et j'espère que dans deux
^ours vous aurez encore la gloire d'avoir détruit leur
armée.
^ M. le maréchal Davoust.
Sclioenbrùnn, le 25 brumaire an xîv
L'empereur ordonne, monsieur le maréchal, que
vous fassiez venir à V^iemie la division du général
Gudin , ainsi que celle du général Friant. Avec ce.s
deux divi.^ions, vous garderez ï^ienne, et vous ap-
puierez le général Milhaud , de manière à ce qu'il ait
ses avant-postes sur la grande x ow\^ di^ Br'ùnn , à dix
grandes lieues de P'ienne.Au surplus^ vous éclairerez
toutes les grandes routes, afin de vous tenir au fait
de ce qui se passera.
yl M. le maréchal Ney.
Schoenbiùnn, le 20 brumaire an xtv.
L'empereur me charge, monsieur le maréchal,
de vous témoigner toute sa satisfaction pour l'activité
€t le talent que vous avez mis dans l'occupation du
Tyrol. Son intention est, comme je vous l'ai fait
connaître par ma dernière dépêche, que vous re-
mettiez à un général bavarois le commandement de
toutes les troupes qui sont dans le Tyrol, et qui lui-
même aura le commandement de ce pays. Le générai
Dero)'^, qui est à Munich, a reçu ordre d'y envo3'er
ie plus de Bavarois qu'il pourra.
14. l^
242 PRÉCIS
Ordonuez qu'on fasse sauter tous les retranche-
mens et toutes les forteresses qui séparent la Bavière
du Tyrol.
Du moment qu'il y aura cinq mille Bavarois dans
le Tyrol, vous vous dirigerez sur Saltzbourg ; bien
entendu que toute l'artillerie et tous les magasins que
vous consignerez aux Bavarois appartiennent à
l'armée française. Arrivé à Saltzbourg , vous réu-
nirez à votre corps d'armée tous les Bav^arois inutiles
à la garde du Tyrol. L'empereur espère que vous
pourrez avoir environ de quatre à cinq mille hommes.
L'intention de sa majesté est qu'avec ce renfort, vous
vous portiez sur Léohen. Au reste, vous recevrez
des ordres à votre arrivée à Saltzbourg. L'intention
de l'empereur est que vous tâchiez de communiquer
avec le général Marmont qui a des postes à Léoben,
et qui a ordre de se porter sur Gratz, à la poursuite
du prince Charles.
Nous cernons l'armée russe qui a demandé à capi-
tuler , promettant d'évacuer l'Autriche et de .s'en
aller chez elle. L'empereur n'a pas approuvé cette
capitulation, et on suit les Russes l'épée dans les
reins. Nous avons trouvé tous les magasins de Vienne
pleins ; rien n'avait été évacué. Nous sommes à Pres-
bourg. La Hongrie demande à être neutre.
Envoyez quelqu'un au maréchal Augereau , pour
savoir s'il est vif ou mort. Donnez -lui toutes les
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 0.[\5
bonnes nouvelles de l'armée. De seize mille fusils
qui sont à Inspruch , vous en ferez remettre huit
mille à la disposition de l'électeur de Bavière.
Vous ne doutez pas, monsieur le maréchal, du
plaisir que j'éprouve à être l'organe de l'empereur,
pour vous témoigner comL'ien il est satisfait des ser-
vices importans que vous lui rendez.
A M. le maréchal Bernadotte.
Sclioenbriinn , le 25 brumaire an xiv.
Les Russes, par ruse de guerre, avaient proposé
une suspension d'armes ; mais l'empereur a ordonné
qu'on les pousse l'épée dans les reins : car nous n'au-
rons de repos en France que quand les Russes seront
bien battus.
A M. le maréchal Bernadotte.
Znaïm , le 27 brumaire an xiv.
L'empereur, monsieur le maréchal, ordonne que
vous vous mettiez en mouvement pour passer
Znaïm, et vous porter sur Budwitz (Moravie).
Comme les troupes qui sont en arrière feraient une
trop grande journée, il n'est pas indispensable que
vous y arriviez ce soir, et vous pourrez cantonner
entre Zndim ^\ Budwitz. Il faut que votre cavalerie
poursuivie vigoureusement un convoi de cinquante
pièces d'artillerie et un convoi de six cents prisonniers
244 PR£C1S
français, qui se sont portés hier sur celle route. Il
faut tâclier d'intercepter les courriers de Prague à
ObniitZy de vous faire rendre compte des lieux où
l'ennemi a des magasins et des maisons d'économie.
L'empereur m'donne que vous fassiez enlever
toutes les caisses j^our le compte de l'armée. Vous
ferez dresser le procès-verbal, et vous ferez verser
les fonds dans la caisse de M. Labouillerie, receveur-
général des contributions.
Comme il n'est pas jusqu'à ce moment à la con-
naissance de l'empereur qu'il y ait des forces con-
sidérables en Bohême, vous pouvez cantonner vos
troupes pour les faire reposer, en faisant exécuter
l'objet de votre mission par des détachemens ; mais
tout doit se faire en règle et sans désordre.
D'après les nouvelles et les renseignemens que
vous serez dans le cas de donner à Tempereur sur
Prague, vous recevrez des ordres ultérieurs.
Je vous prie de m'envoyer un officier de votre
état-major pour recevoir des ordres ce soir.
A M. le maréchal Mortier,
Znaïm , le 27 brumaire an xiv.
M. le maréchal Mortier donnera l'ordre à la divi-
sion Dupont et à celle du général Gazan de se rendre
à Vienne. L'une et l'autre de ces deux divisions se-
ront casernées , et uniquement destinées au .service
DES ÉvÉNETtfENS MILITAIRES. 245
de la place, à la garde des ponts et de tous les éta-
blissemens publics.
Vous ordonnerez à la division batave de se rendre
à Krejns, où elle se cantonnera entre Krems, Mau-
tern, Stein et Moelck. Elle y séjournera jusqu'à
nouvel ordre.
A M, le général Clarke.
Znaïm , le 27 brumaire an xiv.
L'empereur, général, pense qu'il est nécessaire
d'instruire la ville de Vienne des principaux évé-
nemens qui ont lieu. La première chose dont vous
devez vous occuper, c'est de faire faire la gazette de
Vienne. On dit que le même rédaclem- peut conti-
nuer à y être emplo\'é. Vous pouvez lui faire con-
naître que, s'il se trouvait compromis, il pourrait
suivre l'armée française; vous pouvez même lui pro-
mettre un sort en France, comme pension., ou au-
trement. Ce journaliste publierait des nouvelles de
Vienne, comme vous les lu-i feriez parvenir. Répan-
dez dans la ville la fuite des Rnsses, la capitulation
qu'ils voulaient faire pour gagner quelques jours et
couvrir leur retraite, ainsi que le détail du combat
de Guttersdorfy qui a eu lieu le 25 , et où deux mille
Russes ont été faits prisonniers, quinze cents tués,
douze pièces de canon enlevées, cent voilures de
bagage; que nous sommes arrivés hier à Znaïm ^
S/}^ PRÉCIS
poursuivant rarrière-garde de l'armée russe, faisant
à chaque instant des prisonniers, et que nous avons
trouvé des magasins d'avoine et de farine assez con-
sidérables.
Mettez-vous en contact avec tous les hommes in-
fluens du pays. Annoncez l'arrivée très-prochaine de
l'empereur Napoléon. Je vous ai écrit cette nuit pour
faire préparer le casernement des divisions Dupont
et Gazan.
A S. A. le prince Murât.
Ztiaïm, le 27 brumaire an xiv, à neuf heures
du soir.
Il est ordonné au maréchal prince Murât de se
porter demain sur Br'dnn avec le corps du maréchal
Lannes. Il partira à six heures du matin ; il fera mar-
cher toute la cavalerie en avant, même les cuiras-
siers , pour soutenir les dragons et ramasser le plus
de prisonniers possible, en profitant des plaines pour
tirer tout l'àx'antage qu'il pourra de ses troujoes à
cheval. Je le préviens que je donne l'ordre au gé-
néral Nansoûty et au général Margaron de se rendre
avec leur cavalerie à Briinn.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. ll\J
A M. le maréchal Soult.
Znaïm, le 27 bninriiiire an xiv, à neuf heures
et demie.
Il, ebt ordonné à M. le maréchal Soult de partir
demain à la pointe du jour, pour se diriger sur
Brlinn , ayant soin de ne pas passer par la route de
Lechwitz , Irritz et Pohrlifz ; mais M. le maréchal
Soult se trouvera de sa personne vers neuf heures
du matin à Pokrlitz, où il prendra les ordres de
l'empereur, suivant les nouvelles qu'on aura que
l'ennemi tient ou ne tient pas à Briinn,
A 3f. le maréchal Bern adotte.
Znaïm, le 28 bnvmairs au xtv, à huit heures du
matin.
L'intention de Terapereur, monsieur la maré-
chal , est que vous laissiez nuQ de vos divisions près
de Zjiciim, et les autres entre Znciim et Budivitz,
où sera votre avant-garde. Faites reconnaître s'il y a
une roule de Buclwitz à Brlcnn ; et dans le cas où
vous apprendriez que l'ennemi tient en forces à
Briinn , et que nous devrions y avoir une bataille,
votre avant -garde se porterait directement par le
chemin qui va de Budwitz à Briinn , et le reste de
votre infanterie, parle chemin de Znaïm à Briinn,
Si le chemin de Znaïm à Briinn est très-bon ,.
a /{S PRÉCIS
vous y ferez passer toat votre corps, à lexceptiois
de la division que vous tiendrez aux environs de
A S. A. le prince Mukat.
Pohrlitz , le 29 brumaire ati xir.
I>E maréchal Soult, comme je vous l'ai mandé,
mon prince, *se rend à Austeriitz. L'empeieur or-
donne que vous envoyiez à ce maréchal toute la ca-
valerie qui appartient à son corps d'armée.
Je vous préviens que l'infanterie ne passera pas
Pr'dnn ; mais avec votre cavalerie vous devez pour-
suivre l'ennemi, prendre ses bagages, et lui faire le
plus de mal possible.
A M. le maréchal Bernabotte.
29 brumaire an xiv.
L'empereur ordonne, monsieur le maréchal, que
vous fassiez occuper Iglau ; de là vous ferez pousser
des partis dans la Bohême.
Vous disposerez votre armée de manière à ce que
vous puissiez vous rendre à Briinn dans le moins de
temps possible. Il faut qu'une de vos divisions , par
une marche forcée, puisse s'y rendre dans un jour;
la deuxième en deux jours , et enfin la troisième en
trois jours, ainsi que tout le reste de votre corps
d'armée.
DES ÉVÈNEMENS MILITAIRES. fl^g
Je VOUS donne l'orcli e de faire mettre un marécliaï-
des-logis et six hommes à chaque poste aux chevaux,
depuis Biidwitz jusqu'à Brii/zn. Ils auront soin de
faire respecter les postes^ et de leur servir de sauve-
garde, et serviront à la correspondance.
Vous nourrirez votre armée par la Bohême et par
le cercle d'Iglau.
Faites fair^ une espèce de statistique du cercle
d'Iglau, afin de connaître les ressources de chaque
ville et bourg de ce pays.
Envoyez-moi ce soir à Brilnn un officier qui me
fasse connaître la position de tous les corps de troupes
à vos ordres.
Nous avons pris hier cent cinquante voitures qui,
d'Iglau, venaient à Briinn. Les paysans disent qu'il
y en a encore deux ou trois cents à prendre.
L'empereur ordonne , monsieur le maréchal , que
vous me fassiez connaître tous les jours quelle est
votre position, et les nouvelles que vous pouvez avoir.
^ M. le maréchal Soult,
Brùnn, le 29 brumaire an xïv.
Je vous préviens , monsieur le maréchal , que le
prince Murât a eu une affaire générale de cavalerie,
dans laquelle il a complètement battu la cavalerie
russe. La garde de l'empereur a donné, et a beau-
coup contribué au succès de la journée. Le prince
2 5o PRÉCIS
Murat est à Raunitz ; vos postes de cavalerie doivent
se réunir aux siens.
L'empereur vous recommande bien, monsieur le
maréchal, de faire prendre les armes à vos troupes à
la pointe du jour, jusqu'à ce que les reconnaissances
soient rentrées.
A M. le général Dvmonceau.
Brûnn , le i^"" frimaire an -siv.
Il est ordonné au général Duraonceau de rassem-
bler toute la division batave à ses ordres, et de partir
de la position qu'il occupe sur le Danube, kJlfoelcl-,
Kreins, pour se rendre à Neustadt , où aussitôt son
arrivée il se mettra en communication avec le gé-
néral Marmont, sous les ordres duquel il rentrera.
Le général Dumonceau est maitre de régler sa
marche; et par le retour de l'officier porteur de cet
ordre, il me fera connaître son itinéraire, et le nom
des lieux où il coucliera chaque soir, jusqu'à son arri-
vée à N'eustadt.
Vous aurez soin d'envoyer à l'avance votre itiné-
raire au général Marmont.
A M. général Baraguey-d Hilt^iers,
Briinn, le i^"" frimaire an xtv.
L'empereur, général, a lu avec beaucoup d'at-
tention, et avec le plus grand intérêt^ le détail de
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 2^1
VOS marches sur TValdmunchen. vSa majesté a été
très - satisfaite du parti que vous avez tiré de voti-e
corps.
Vous avez reçu l'ordie de faire venir tous les dra-
gons à pied à Vienne ; j'attends de vos nouvelles sur
la marche de ces dragons. Donnez les ordres les plus
précis aux généraux commandans les dépôts de dra-
gons à cheval, de faire partir sur-le-cliamp tons les
hommes montés qui sont en état de faire la guerre.
Ils formeront des petits détachemens qui se rendront
à Vienne à petites journées, en observant dans leur
marche la plus exacte discipline. Arrivé à Vienne^
chaque homme sera dirigé sur son régiment.
A M. le maréchal Massé na.
Briinn , le i^"^ frimaire an xtv.
Je vous ai fait connaître, monsieur le maréchal,
l'entrée de l'armée française à Vienne. Une colonne
russe, battue à Krems par le maréchal Mortier, s'est
retirée sur Briinn. L'empereur est parti de Vienne
pour la couper. Son arrière-garde a été atteinte par
le prince Murât et le maréchal Lannes, qui l'ont
combattue à Hollahrûnn. Les Russes, en ce combat
opiniâtre, ont perdu trois mille hommes. Le ma-
réchal Bernadotte a été détaché sur la route de Bo-
liême, et est à Jiudtvitz et Bottau sur la route de
Prague. Le reste de l'armée a poursuivi l'ennemi
^52 PRECIS
jusqu'à Briinn , où lennemi nous a abandonné la
place et le foit avec toute son artillerie , et des ma-
gasins considérables de vivres et de munitions. A
deux lieues au-delà de Briïnn , le prince Murât a
rencontré la cavalerie ennemie forte de quatre mille
hommes. Il s'est engagé un combat de cavalerie à
cavalerie : celle de l'ennemi a été culbutée et re-
poussée jusqu'à moitié chemin de Briinn à Olmiitz.
Le général Marmont est à Gratz , et le maréchal
Ney à Insprucïc. KufstQin et Scharnitz sont pris.
Le maréchal Augereau doit être parti de Kempten,
L'intention de l'empereur, monsieur le maréchal,
est que vous poursuiviez l'ennemi sans relâche. Lais-
sez un corps d'observation devant P^enise ; laissez-
en un autre devant Palma-Nova, et poursuivez
l'ennemi l'épée dans les reins, afin qu'il ne puisse
pas se jeter sur nous, étant au moment de nous
trouver en présence de toutes les forces de Tarmée
russe. L'empereur attend avec la plus grande impa-
tience l'arrivée de vos troupes à Laybach ou à Gratz,
parce que dans cette position vous contiendrez le
prince Charles, et l'empêcherez de venir par le Da-
nube à la hauteur de Vienne par la Hongrie. S'il
faisait cette manœuvre, vous auriez le temps d'at-
tendre des ordres, soit pour vous porter en Hongrie^
soit pour vous rapprocher de la grande armée.
Vous laisserez toutes les troupes italiennes, ainsi
DES ÉviNEMENS MILITAIRES. 255
que les Polonais, à la disposition du vice-roi; l'in-
tention de l'empereur étant de ne les laisser pénétrer
dans le Tyrol que quand il connaîtra leur état de
situation ; mais il donnera de nouveaux ordres à cet
égard.
A M. le général Ljery.
Briinn , le 2 frimaire an xiv.
L'empereur a ordonné, général, qu'il soit nommé
un général de brigade pour commander la place de
Briinn, ainsi qu'un chef de bataillon pour com-
mander le fort. L'intention de sa majesté est que
vous nommiez deux officiers du génie, dont le com-
mandant sera spécialement attaché au fort, et y
logera. Sa majesté ordonne que l'on s'occupe sur-
le-champ de mettre dans le meilleur état de dé-
fense le fort de Spilberg , qui doit être approvi-
sionné pour mille hommes pendant trois mois.
Quant à la ville , l'intention de l'empereur est de
ne la considérer que comme à l'abri d'un coup de
main. Il sera placé sur chaque bastion deux pièces
de canon. Vous ferez sur-le-champ travailler aux
portes de la ville, afin qu'elles puissent se fermer.
Il faut s'arranger de manière à culbuter facile-
ment environ dix pieds des ponts dormans, n'ayant
cependant d'autres prétentions, comme je l'ai dit
plus haut, que de mettre la ville hors d'un coup
2^4 PRÉCIS
de main pendant une bataille ; ou enfin, suivant les
circonstances, donner le temps à la garnison du fort
d'y faire monter l'artillerie qui serait dans la ville,
si on était dans le cas de l'évacuer.
Vous voudrez bien ordonner toutes les disposi-
tions nécessaires pour l'exécution du présent ordre.
Faites-moi connaître les noms des officiers que vous
aurez nommé.
A JVÏ. le général Son gis.
Brunn, le 2 frimaire an xiv.
L'empereur ordonne, général, que vous nom-
miez un officier d'artillerie pour commander l'ar-
tillerie, et résider au fort de Spilherg ; il comman-
dera également l'artillerie de la ville de Brunn.
L'intention de sa majesté est que l'on arme sur-
le-champ le fort de Spilherg , et qu'on le mette dans
le meilleur état possible de défense ; que vous fassiez
rentrer dans ses magasins toutes les munitions qui
sont éparses ; que vous vous empariez de toutes \qs
poudres qui sont dans différens magasins. Quant à la
ville de Brunn , l'empereur ne veut faire travailler
à son enceinte que pour la mettre à l'abri d'un coup
de main.
L'empereur ordonne que l'on mette sur chaque
bastion de la ville deux pièces de canon autrichiennes.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. ^55
Vous voudrez bien, général, donner les ordres né-
cessaires pour remplir les intentions de sa majesté.
A M. Pmtiet.
Brïinn , le i friuiaiie an xiy.
L'empereur ordonne, monsieur l'intendant-gé-
néral , que le fort de Spilherg à Brllnn soit armé , et
sur-le-champ approvisionné pour au moins mille
hommes, pendant trois mois. Il faut réunir dans les
magasins tous les approvisionnemens épars, en former
un pour les vivres, et pruicipalement un, le plus
considérable qu'il soit possible, pour les fourrages.
Il faut établir un hôpital , et s'emparer des magasins
d'habillement , de chemises , souliers , et il y en a une
grande quantité à Brlinn , sous la dénomination de
magasins d'économie, appartenant à l'armée autri-
chienne.
Les troupes seront logées dans les casernes , et re-
cevront des distributions journalières, de manière à
ménager les ressources du pays.
J'ai chargé M. Joinville de dé.signer provisoire-
ment le commissaire des guerres Jacqueminot, en
attendant que vous ayez fait votre choix et donné
tous vos ordres. Il faut que vous désigniez les agens
des différens services qui doivent être employés,
tant dans le fort de Spilberg que dans place de Brlinn,
256 PRÉCIS
y4 M. le jnaréchal Bernabotte.
Biiinn, le 2 frimaire an xiv.
L'empereur pense ^ monsieur le maréclial , que
vous devez avoir votre quartier -général kiglau;
que vous devez vous assurer qu'il n'y a rien à Tabor,
et qu'en même temps vous devez envoyer une forte
avant-garde de cavalerie à Colling ; qu'il est pro-
bable que par là vous vous emparerez d'une grande
partie de l'évacuation de Prague et de Budwitz sur
Koen igsgra Iz .
Quand vous serez assuré qu'il n'y a plus personne
à Tahor, et que vous m'en aurez instruit _, je don-
nerai l'ordre au général Reille, qui est à Lintz , d'en-
voyer trois cents hommes de troupes de Jf^urteui"
berg, et les dragons du 20e régiment à Budi^vitz.
Les rapports que l'empereur recevra^ d'après ceux
que vous aurait faits l'avant-garde que vous aurez
envoyée à Colling , serviront à décider sa majesté ;,
si elle doit vous donner l'ordre de vous rendre à
Prague. Faites relever , monsieur le maréchal , tous
les petits postes de cavalerie qui sont sur la roule de
Budu>itz à Brûnn , et faites-les placer sur la route
à'Iglau a Briinn. L'intention de l'empereur est que
vous fassiez agir le moins possible votre infanterie
française. Vous devez la concentrer à Iglau et Moi^
sons, et la laisser reposer. N'employez désormais
DES ÉVÉiVCMENS IVIlLJTAlRliS. 257
contre les Autrichiens que les Bavarois ; il faut gar-
der notre infanterie française pour l'opposer aux
Russes, qu'on assure devoir être considérablement
renforcés d'ici à un mois.
Mettez des officiers du génie à toutes vos colonnes
ou avant-gardes, afin qu'ils fassent des reconnaissances
des lieux, ce qui pourra servir suivant les circon-
stances.
Le général Jellachich , battu par le maréchal Au-
gereau , cerné dans le Tyrol par le maréchal Nev,
parait avoir pris le parti d'effectuer sa retraite dans
la Bohême. Ce corps est de quatre à cinq miîle hom-
mes, qui prendront vraisemblablement la route de
G?'atz. Du moment que l'empereur aura des rensel-
gneraens plus exacts sur ses jours de marche, ii vous
les fera connaître; car il faudra bien peu d'effort
pour faire rendre ce corps qui est dans le dernier
découragement.
Il est probable, d'après les événemens qui ont eu
lieu, que les Russes se réunissent à OlmiUz , et ne
s'amuseront pas à aller en Bohême.
En résumé, M. le maréchal, l'empereur vous or-
donne de vous porter avec votre corps français à
Jglau, pour le laisser reposer; mais il vous auto-
rise à employer le corps bavarois et votre cavalerie
comme vous le jugerez à propos, d'abord pour oc-
cuper Collin, et pour faire tout le mal possible à
'25S MIÉCIS
l'ennemi. Mais votre infanterie française doit se re-
poser pour être prête à se porter sur Brlinn ou sur
Olni'ùtz , si le cas l'exigeait. Sa majesté se réserve,
lorsqu'elle saura les reconnaissances sur Collin et
Tabor, de vous faire passer d'autres ordres. Faites
reconnaître la route à'Jglau à Zaitau.
Rapport du jnaréchal JSfuY à S. Exe. le ministre
de la guerre, major' général.
Jnspruck, le 9 frimaire an xiv.
Monsieur le maréchal, je dois rendre à votre
excellence un compte détaillé des opérations qui ont
eu lieu depuis la prise de Leutasch, Scharnitz et
InsprucTz.
Aussitôt que j'eus reçu des rapports un peu au-
thentiques sur la position de l'ennemi, je pris toutes
les mesures que la faiblesse de mes moyens pouvait
me permettre de prendre, pour envelopper successi-
vement les corps isolés qui couvraient les principales
communications du Vorarlberg et du Tyrol.
Pour mieux juger ces mesures , il faut reprendre
de plus haut l'ensemble des opérations.
Lorsque je reçus l'ordre de porter le corps d'armée
dans le Tyrol , je n'avais à ma disposition que les
69^ de ligne ] .
> de la 2^ division.
76^ idem, J
DES ÉVEf^EMENS MILITAIRES, 25g
25* légère
27^ de ligne ze ^- • •
> de la 3« division
.00^ idem,
59*" idem,
i5o chevaux du 5e de husi^ards et du lo^ de chas-
seurs ;
Quelque artillerie commafidée par le général
Seroux ;
Formant en tout environ huit mille hommes.
Les forces de l'ennemi étaient divisées en cinq
£;orjDs ; savoir :
Ceux des généraux archiduc Jean, Chasteler,
Saint-Julien, Jellachioh , V\^olfskell , Rohan et Ihler.
Les trois premiers étaient dans le Tyrol.
Les généraux Jellachich , Wolfskell et Rohan cou-
vraient le Vorarlberg , et appuyaient les postes im-
portans de Fuessen et de Reuti,
Le général Ihler remplissait le double but de cou-
vrir le Tyrol du côté de l'Italie, et de soutenir au
besoin les autres divisions.
La totalité de ces corps pouvait s'élever de vingt-
cinq à trente mille combaltans, sans compter les mi-
lices du Tyrol.
Les seuls points par lesquels on pouvait envahir
cette province , étaient le passage de Fuessen , celui
de Scharnitz , et la vallée de l'inn par Kufstein.
Le point de Fuessen était trop rapproché de \9,
a6o PRÉCIS
masse des forces ennemies ; il pouvait être plus
promplement soutenu.
Celui de Kufitebi, au contraire, trop éloigné,
aurait donné à l'ennemi le temps de se rassembler
dans la vallée de l'fnn , et de nous opposer des forces
trop supérieures-, il ne restait donc que le passage de
Scharnitz y au centre d'une ligne trop étendue et
trop disséminée.
Le i3 brumaire, le {qxX. ^q Scharnitz fut inquiété
par la 3^ division, tandis que la 2® tournait le fort
àe Leutasch y et se portait sur les derrières de celui
àe SchaT'nitz,àonl\e commandant fut ainsi forcé de se
rendre, après avoir bravement tenté de se faire jour.
J'ai déjà eu l'honneur de rendre compte à votre
excellence des détails de cette journée, ainsi que de
tous les mouvemens qui l'ont suivie jusqu'à la re-
traite de l'ennemi par le Zillerthal , et jusqu'à la
reddition de Kufstein.
Le 22 brumaire, les rapports annonçaient que
farchiduc Jean tenait leBrenner, et que les troupes
du Vorarlberg cherchaient à se réunir à lui ; je sentis
alors l'importance de prévenir cette jonction, et
j'ordonnai à la 1^ division de se porter sur Sterzing,
et d'attaquer le Brenner le 24 , si l'ennemi y restait.
Les 5o% 59* de ligne, 3^ de hussards et un ba-
taillon du 25« légère, remontèrent la vallée de l'Inn
pour se diriger par Nauders sur Schîanders, afin de
DES ÉVÉNEMENS M/LITAIRES. 26?
diercher à couper toute retraite au prince de Rohan ,
qui i'ut sommé de mettre bas les armes.
Je fus informé que le général Saint-Julien avait
évacué le Brennei*le 20, et qu'après s'être réuni à
Muhlhach aux corps de l'archiduc Jean et du géné-
ral Ihler, il se retirait par Prunecken sur Clagen^
furth, à marches forcées, afin de ne pas être coupée
Les nouveaux renseignemens que je reçus à Muhl^
hach le 24, me firent juger que les divisions du
Vorarlberg chercheraient à prendre la même direc-
tion, et qu'elles tomberaient en notre pouvoir, si
elles nous trouvaient en possession du point impor-
tant de Botzen , où se réunissent les trois grandes
vallées et toutes les communications de la Carinthie,
de l'Italie et du Vorarlberg. J'ordonnai en. consé-
quence au général Loison de s'y porter avec la bri-
gade Roguet et la cavalerie légère du colonel Colbert.
Je fis marcher sur-le-champ le général Vondervveid
sur Brixen avec le 26^ et le 27*, et ne tardai point
à diriger sur k même point le général Malher et
le 59^ régiment, qui reçut ordre de redescendre la
vallée de l'inn. Par ces dispositions , je portai toutes
les troupes disponibles sur le point important, et je
les soutenais successivement par tous les moyens que
je pouvais réunir. Le 5o^ régiment fut détaché pour
remonter la vallée de l'Inn, harceler l'ennemi, et
compléter son investissement du côté de Merau. Le
262 PRÉCIS
colonel Ijaniartinière entra le 24 à Landeclc, au ilïcr-
ment où l'ennemi en sortait; il prit quarante liom-
mes, six pièces de canon, et beaucoup cle bagages.
Son détachement marcha successivement jusqu'à
Sc/z/anders , où il était déjà le 27 brumaire.
Ce mouvement du Sd*' devait être d'abord soutenu
par le 69"; mais je me décidais à porter ce régiment
sur JJrixenj comme j'ai eu l'honneur de le mander
à votre excellence.
Au lieu de suivre mes instructions, et de porter
six bataillons à Botzen, le général Loison n'y con-
duisit, le 26, qu'un bataillon du 76*", les grenadiers
de sa division , et un détachement du s>5''. Cette
]ietite troupe fut encore dispersée à Morizing, Saint-
f'olman , Gries , Slgnumdseron , Botzen et Car-
daun, quoique ce général fût informé de l'arrivée
dé Tavant-garde ennemie à Terlan, et des efforts
qu'il faisait pour déboucher.
Le prince de Rohan ayant concerté son mou-
vement avec les Tyroliens , ht attaquer nos avant-
postes le 27, à trois heures après midi, et les re-
poussa jusqu'au pont de l'Adige. L'ennemi se dé-
ployant alors à droite et à gauche, chercha à tourner
le^ troupes qui le défendaient. Malgré leur fermeté,
ces troupes assaillies par les lia bi tans même de la
ville, et par des forces supérieures, furent forcées
d'abandonner leur poste; elles se retirèrent avec
DES ÉVJENEMENS MILITAIRES. 205
ordre , reçurent à la baïonnette plusieurs charges de
cavalerie, tuèrent beaucoup de monde, et vinrent
prendre position en arrière de ISotzen, An même
instant, toute la vallée jusqu'à Teiichs parut cou-
verte de feux et de paysans armés. Ce mouvement
inattendu, opéré sur les derrières de nos troupes,
décida un mouvement rétrograde.
Le bataillon du 76^, qui a déjà fait avec distinc-
tion la guerre des montagnes dans les Grisons, dé-
ploya une grande fermeté.
Attaqués de toutes parts, nos soldats ont marché
sur les Tyroliens avec audace, les ont dispersés, et
se sont retirés jusqna Colbnann et Clausen , sans
autre perte que celle d'un capitaine, dix-huit hommes
tués et cinquante blessés.
L'ennemi a laissé environ deux cents tués ou blessés
sur le champ de bataille.
Le prince de Rohan a profité de ce moment favo-
rable pour filer sur ImwIs , où il a passé la nuit.
J'arrivai le 28 à Brixen, et donnai de suite l'ordre
de se porter sur Botzen le lendemain , à six heures
du matin. Les paysans, au nombre de douze cents,
commençaient à tirailler arec la tête de la colonne
près de Colbnann , lorsqu'on parvint à leur faire en-
tendre le langage de la raison, et à les renvoyer dans
leurs foyers. Nous arrivâmes le soir même à Botzen.
Le 3o au matin, je portai sur Trente un détache"
2G4 V ni Cl s
ment commandé par le colonel Colbert , avec ordre
d éclairer les mouvemens du prince de Rohan , qui
me paraissaient dirigés sur Kenise. Je le chargeai
d'informer de ces mouvemens les troupes de l'armée
d'Italie^ afin de les arrêter, si cela était possible.
Ce détachement fut soutenu par un bataillon du 76*",
porté à Neumarck.
Le général Ihler avait évacué Trente avec tout le
corps qui couvrait le Tyrol du coté de l'Italie. Nous
avons pris dans cette ville un hôpital avec une cen-
taine de blessés.
Votre excellence pourra s'assurer, parle rapport
de ces événemens , que j'ai fait tout ce qu'on pou-
vait attendre de mon faible corps d'armée, et que
l'expédition du Tyrol, déjà glorieuse, aurait été
couronnée par la prise du prince de Rohan, si mes>
ordres avaient été suivis.
il suffit de jeter un coup d'oeil sur la carte pour
s'assurer que les dispositions faites pour l'exécution
de ces ordres étaient défectueuses. Les troupes étaient
trop dispersées , et toutes les positions que l'on pou-
vait prendre à Botzen même, n'auraient pas com-
plété l'investissement de l'ennemi aussi long -temps
qu'on lui laissait la faculté de marcher de Teran par
Tramin sur Neumarck.
J'avais ordonné de diriger les troupes sur Botzen ^
et de couper toute retraite au prince \ c'était donc k
DES ÉVÉNEMEINS MILITAIRES. 265
rembrancliement des deux routes qu'il fallait se placer
pour remplir ce but et pour ne pas être réduit à l'al-
ternative de se disséminer ou de laisser une de ces
routes ouvertes.
Quoi qu'il en soit , le résultat a été glorieux pour
les armes de sa majesté.
Depuis le 1 3 brumaire, nous avons sans cesse opéré
au milieu de trente mille ennemis, en nous diri-
geant alternativement sur toutes les grandes commu-
nications, soit à Kufstein, soit à Fuessen, Landechy
Brixen , Botzen et Trente.
Nous avons envahi une province importante, pris
vingt-quatre pièces de canon, trente mille fusils,
des approvisionnemens de poudre suffisans pour une
armée. Nous avons faits prisonniers ,
i58o hommes à Scharnitz et Leutach.
i8o, près de Kufstein,
36o, près de Fuessen et Landeck.
65o, près de Brixen , Botzen et Trente.
3770
Plus, 2o32 malades et blessés, pris à Insprucl- ,
IViltau, Hall, Brixen, Botzen et Trente; sans
compter tous les Tyroliens que j'ai renvoyés , et la
perte de l'ennemi en tués et blessés évacués.
Votre excellence sait que toutes ces choses ont été
exécutées par le petit nombre de braves dont j'ai
0^66 TRÉCIS
donné la note ci-dessus , et pour lesquels je crois de-
voir demander l'insertion honorable dans le Bulletin
de Tarmée. C'est dans le témoignage de satisfaction
de leur empereur , que ces braves trouvent le prix
de leurs travaux et de leurs fatigues. Sa majesté est
trop juste pour ne pas la leur accorder.
J'ai l'honneur de vous saluer. Ney.
Ordre du jour pour le 3 frimaire, à Br'ùnn.
Tout le T3'^rol est occupé par notre armée. L'em-
pereur témoigne sa satisfaction au corps de M. le
maréchal Ney. Scharnitz a été enlevé. Les troupes
de l'électeur de Bavière se sont emparées de Kuf-
stein. Une colonne ennemie se trouve coupée dans
le Vorarlberg : elle se trouve entre le corps du maré-
chal Ney et celui du maréchal Augereau. Notre jonc-
lion avec l'armée d'Italie est opérée ; nous sommes
maîtres du pays vénitien^ du Tyrol et de Saltzhourg.
Ainsi notre droite est appuyée à l'Adriatique, et notre
gauche à Brilnn , place forte , sans que dans l'inter-
valle, ni sur nos derrières, il y ail aucun poste, au-
cune place forte , aucun corps ennemi. Les maga-
sins, les arsenaux sont en notre pouvoir. Aux places
fortes du Tyrol, il faut joindre celles que nous avons
sur l'Inn et eu Moravie. Il n'est pas de jour qu'il
n'arrive des nouvelles que les débris de l'armée autri-
chienne tombent en notre pouvoir.
Î>ES -EVÉNEMÉNS MÎLITArRES. 267
L'intention de lempereur est de donner quelques
imomens de repos à Tarniée. Les chefs de corps doi-
vent en profiter pour faire réparer l'habillement, la
chaussure , nettoyer les armes ^ et rallier leur monde.
Ils auront soin de faire un état des traînards qui,
sans cause légitime, sont restés sur les derrières. Ils
recommanderont aux soldats de leur en faire honte;
car, dans une armée française, la plus forte punition
pour celui qui- reste en arrière, est la honte qui lui
en est faite par ses camarades. Enfin, s'il est des sol-
dats qui se trouvent dans ce cas , l'empereur ne doute
pas qu'ils seront empressés de se rallier, et de serrer
le drapeau aux premières actions.
Les chefs de corps écriront à leurs majors pour
avoir la situation des dépôts; et aussitôt qu'ils l'au-
ront reçue, ils la feront passer au major -général.
Les nouvelles de France annoncent que tous les
conscrits sont partis et arrivent de tous côtés. L'em-
pereur ordonne que tous les hommes aient leur baïon-
nette , qui fut toujours l'arme favorite du soldat
français.
u4 M. le général Songts.
Brùnn, le 1 frimaire an xiv.
L'intention de l'empereur, général, est que vous
pensiez sérieusement à évacuer l'arsenal de f^ienne ,
et il ne peut l'être que par le Danube. Sa majesté
208 PRÉCIS
voudrait faire embarquer sur un convoi de cent
barques tout ce qu'il y a de plus précieux, et le faire
diriger sur Pasaau avec une forte escorte. L'empe-
reur désire que vous lui présentiez un mémoire qui
lui fasse connaître ce que vous placerez sur les cent
barques; combien de jours il faudrait pour arriver à
Passau; quelle espèce de moyen il faut prendre pour
les hallages; combien d'hommes de corvée il faudrait
pour faire cet embarquement dans le moindre délai
possible, au plus sous huit jours. On désirerait que
les mesures soient prises pour que l'on embarque à la
fois sur les cent bateaux.
Les quatre cents milliers de poudre qui sont à
Brunn doivent être évacués le plus promptement
possible sur Krems ou sur Stokereau, et non sur
Païenne. Faites les mêmes dispositions pour les canons
et les affûts qui seraient inutiles pour l'armement de
la place de Brilnn.
A M. Petiet.
Briinn , 2 frimaire an xiv.
L'armée, monsieur l'intendant-général, éprouve
le plus grand besoin , particulièrement MM. les offi-
ciers, et surtout en argent pour leurs dépenses. L'in-
tention de l'empereur est que tout ce qui peut être
dû aux soldats jusqu'au 1" frimaire, soit payé dans le
délai de huit jours , et que MM. les officiers soient
nrs ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 269
payés de ce qui leur est dû, et de leur solde jusqu'au
1" nivôse. Tous les payeniens se feront en papier de la
banque de Vienne. A cet effet, M. l'intendant-général
Daru fera verser quatre millions dans la caisse du
pa3'eur- général de Tarinée dans la journée d'après
demain; et le surplus des sommes nécessaires pour
compléter ce qui sera dû, sera versé dans huit jours.
Le payeur-général de Tarmée fera passer sur-le-champ
au corps du maréchal Lannes , à celui du maréchal
Soult, à celui du prince Murât, qui sont en avant, et
successivement à tous les autres corps de l'armée, tous
les fonds nécessaires pour payer l'armée, officiers et
soldats, ainsi qu'il est dit ci-dessus. Il faut voir avec
M. Daru si on ne doit pas tenir compte aux officiers
et soldats de la perte du papier ; ce qui paraît de
toute justice.
Des quatre millions qui seront versés après de-
main dans la caisse du payeur, deux cent mille francs
seront mis à la disposition du général Songis, pour
les dépenses du parc, etc., cinq cent mille francs à votre
disposition, et trois cent mille à la disposition du raa-
jor-général, pour dépenses extraordinaires et secrètes.
Vous voudrez bien, monsieur, donner tous vas
ordres pour les dispositions ci -dessus.
270 PRECIS
A M. le maréchal Davoust.
Brùnn , le 3 frimaire an xiv.
Vu la réponse qui vous a été faite de Preshourg ,
monsieur le maréchal, sa majesté trouve qu'il est
convenable de faire occuper Presbourg par la divi-
sion Gudin et par une brigade de dragons de la divi-
sion Klein. L'empereur vous recommande particulière»
ment de veiller à ce que tout se passe en ordre; qu'on
prenne possession des magasins et des caisses ^ en rem-=
plissant toutes les formalités.
A M. le maréchal Bernadotte»
Briinn , le 3 frimaire an xiv.
J'ai soumis à l'empereur, monsieur le maréchal^
la lettre par laquelle vous m'annoncez l'arrivée pro-
chaine de Prusse de M. de Haugwitz. L'intention de
Tempereur est que vous le reteniez un jour auprès
de vous, en lui disant que le quartier- général va se
rendre à Iglau. Aussitôt son arrivée, vous expé-
dierez un courrier à l'empereur pour le prévenir, et
par le retour du courrier je vous informerai du lieu
où vous devez le diriger. Ainsi, par là, vous le re-
tiendrez facilement près de vous toute la journée
du 6.
DES EVENEMEWS MILITAIRES. 27 1
A MM. les maréchaux Soult et Bernadotte.
Bninn , le 5 frimaire an xiv-
L'empereur me charge de vous communiquer,
monsieur le maréchal, ses idées sur l'ordre de ba-
taille qu'il faut prendre vis-à-vis des Russes; cet
ordre de bataille devra, autant que faire se pourra,
être pris de la manière suivante :
Chaque brigade, son 1*' régiment en bataille; le
2*" régiment en colonne senée par division; le 1"
bataillon à la dr^oite et en arrière du i*' bataillon du
régiment.
Le deuxième bataillon à gauche et en arrière du
2^ bataillon.
L'artillerie dans l'intervalle des deux bataillons
qui sont en bataille, et quelques pièces à droite et à
gauche.
Si la division a un 5* régiment, il devra être en ré-
serve à cent pas en arrière ; un escadron ou au moins
une division de cavalerie derrière chaque brigade,
pour pouvoir passer par les intervalles, poursuivre
l'ennemi, s'il était rompu, et faire face aux Cosaques.
Dans cet ordre de bataille, vous vous trouverez
dans le cas d'opposer à lennemi le feu de la ligne et
des colonnes serrées toutes formées pour opposer aux
siennes.
272 PRÉCIS
A M. le général Mailmoisit.
Brûnn , le 5 frimaire an xiv, à cinq heures
du soir.
Le général Dumonceau a dû vous rejoindre, gé-
néral , c'est-à-dire se rendre à Neustadt, Les ordres
de Tempe reur se bornent à vous laisser le maître de
faire le plus de mal possible à l'ennemi, sans cepen-
dant vous compromettre; et sa majesté désire que
vous tâchiez de vous mettre en communication avec
le maréchal Masséna, qui, d'après les rapports que
nous avous, a dû passer l'Isonzo.
A M, le inaréclial Da ro us t.
Briinn, le 5 frimaire an xiv , à neuf heures
du soir.
L'empereur , monsieur le maréchal , ordonne que
vous vous empariez du pont que l'ennemi a sur la
March à Neudorf. Si la division du général Gudin
est partie pour se rendre à Presbourg , vous devez
vous y rendre vous-même pour y arranger vos
postes.
S'il y a un bois à proximité de cette place, sa ma-
jesté veut qu'on en profite pour y barraquer la divi-
sion Gudin, comme les troupes ont barraqué à Bou-^
logne, avec la seule différence que le camp formerait
un carré occupant le moins d'espace possible. Ce
DES EVENEMENS MILITAIRES. inO
camp devrait être placé cle manière à être dans une
position qui rende maître du Danube et de la March.
A cent toises, à l'extrémité du carré, on construi-
rait quatre redoutes ; la cavalerie serait aussi can-
tonnée, et aurait les avant-postes au-delà de Près-
hourg. Quoique le général Gudin fût maître de la
ville, il y laisserait faire la police comme à l'ordi-
naire; mais l'empereur défend que personne ne loge
dans la ville : tout le monde devra être au camp.
^ M. le maréchal Davoust.
Brunn , le 5 frimaiie an Xiv.
L'empereur, monsieur le maréchal, trouve que
vous avez disséminé trop votre cavalerie , et il est
indispensable de la réunir pour battre la campagne
jusqu'au bord de la March. Rappelez le régiment
que vous avez à JSeitstadt. Je donne l'ordre au gé-
néral Bourcier de se rapprocher de Vienne avec sa
division, pour y être à votre disposition jusqu'à l'ar-
rivée du général Klein.
L'empereur veut avoir tous les soirs l'état de Fera.
placement des troupes de votre corps d'armée. Je dois
vous recommander de vous bien garder de vous lais.ser
surprendre à Vienne. Cette grande quantité de cava-
lerie que l'ennemi a au-delà de la March, pourrait
faire supposer qu'il masque quelque mouvement.
M. de Lagrange, qui vous porte cette lettre, porte
14. 18
2 ^ 4 IMl £ C 1 S
l'ordre ao général Boiircier de se mettre en marche
pour 'PFalhersdorf. Envoyez -lui des ordres et des
instructions pour qu'il se dirige sur les points conve-
nables, pour attaquer et culbuter tout ce que l'en-
nemi aurait au-delà de la rivière. Vous devez éga-
lement vous emparer de tous les partis qui sont sur
la Mardi. Ne souftrez pas que Fennemi passe celte
rivière, ni approche d'un autre côté. Tous les jours,
vos troupes doivent être avant le jour sous les armes
dans leurs canlonnemens; car l'empereur ne suppose
pas qu'elles soient en ville , et vous et vos officiers
d'état-major devez être à cheval pour recevoir les
rapports. Sa majesté imagine que vous avez des postes
kPresbourg ^ et par là, que vous serez instruit de ce
qui se passe dans cette grande ville et ses environs.
Au moindre événement où vous pourriez soup-
çonner que l'ennemi se rassemble pour se porter sur
yiemie , vous êtes autorisé à donner l'ordre au gé-
néral Dumonceau, qui va à Neustadt, de se rappro«
cher de Vienne.
L'empereur demande que vous répondiez aux
questions ci-après :
i". Combien \ a-t-il de bastions à Vienne? sont-ils
en état de défense ?
2". Y a-l-il des portes et des ponts à ponts-levis?
3". Les manutentions sont- elles dans la ville oa
dans les faubourgs?
I>ES ÉVÉNEMENS MILITA rî\ ES. 1^5
4^. Combien faudrait-il de temps pour metli^e la
ville à l'abri d'un coup de main?
5". Toute l'artillerie de siège qui se trouve à
Païenne est -elle sous la dépendance de la place
ijuand elle est armée ^ ou pourrait-on prendre cette
artillerie pour la tourner confie la place ?
6\ Quelle serait la meilleure mesure à prendre
pour désarmer une partie de la garde nationale?
7°. Combien y a-t-il de garde nationale? Et s'il
n'y en avait pas plus de deux mille, on pourrait
casser l'ancienne et laisser les autres. Je n'ai pas
besoin de vous dire combien il faut mettre de pru-
dence sur toutes les diflerentes questions que je vous
fais.
Je vous ai déjà demandé un rapport sur un pont
que l'empereur voulait placer sur la gaucbe de
Vienne, en remontant le Danube. On le placerait
à une demi-lieue au-dessus de Vienne, pour que
rien ne passe par la ville. Envoyez-moi tous les jours
la position de vos escadrons et de vos bataillons.
A S. A, le vice-roi d' Italie.
Biunn, 7 frimaire an xrv.
L'empereur et roi me cbarge d'avoir l'honneur
de faire connaître à votre altesse que son intention
est que vous fassiez occuper Trente et Bolzano par
quatre bataillons de troupes italiennes^ par un ré-
276 PRECIS
gimeiit de cavalerie italienne, auxquels il faut join-
dre six pièces d'artillerie. Sa majesté désire que votre
altesse nomme un officier intelligent pour com-
mander à Trente , et y tenir dans le devoir les Ty-
roliens. Cet officier se mettra en communication
avec le gouverneur bavarois qui commande dans le
Tj^rol, et qui résidera à Inspruch; et il l'aiderait
suivant les circonstances.
Je préviens votre altesse que le général Andréossy
se rend dans le Tyrol pour organiser le service du
gouverneur bavarois et de Tofficier que vous aurez
nommé pour commander à Trente.
^ M. le maréchal N'jey.
Biiinn , le 7 frimaire an xiv , à quatre heures
du soir.
L'empereur, monsieur le maréchal, a lu votre
lettre du î^' de ce mois, et sa majesté approuve ce
que vous avez fait. Le général bavarois qui se trouve
à Saltzhourg avec une brigade, a ordre de se rendre
à Inspruch avec ses troupes, où se réuniront le ba-
taillon qui est à K ufstein , celui qui vient d't^/m,
et celui qui vient de Donavert ; ce qui fera huit
bataillons, force suffisante pour occuper le Tyrol.
J'envoie l'ordre au vice-roi d'Italie de nommer un
commandant à Trente et à Bolzano , ainsi qu'un
régiment de cavalerie , quatre bataillons et six pièces
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 2^7
d artillerie. Le général Andréossy se rend dans le
Tyrol pour y établir le gouvernement bavarois et
organiser le service, et établir ses rapports avec le
commandant de Trente.
Qiiant aux troupes bavaroises que vous deviez
joindre à votre corps , ces troupes avaient déjà passé
le Danube; mais l'empereur me charge de vous dire
qu'il complétera votre corps d'armée aussitôt qu'il
sera en mesure de combattre les Russes.
Sa majesté vous laisse le maître de vous rendre,
avec vos deux divisions françaises, h. Klagenfurtk.
Le général Marmonî marche sur N^euîwiirg k\at. ren-
contre du prince Jean. Les empereurs de Russie et
d^'Allemagne sont dans Obniitz. Notre aiuiée occupe
Budwitz , IglaUy Austerlitz , et notre avant-garde
est à TJ^ischau. Nous occupons Presdourg. Les ar-
mées sont en présence, et prennent quelques jours
de repos; je dis en présence, c'est-à-dire que les
Russes sont derrière la forteresse à'Olmutz.
Instructions au général Anbrjbossy.
Briinn , le n frimaire an xiv.
L*£MPEREUR^ monsieur le général, me charge de
vous donner l'ordre de vous rendre à Inspruclc. Vous
y installerez le gouverneur bavarois que l'électeur a
nommé, et l'officier italien commandant à Trente
et Bolzano, que le vice-roi a ordre d'y envoyer.
27B PRÉCIS
Le gouvernenr bavarois aura à ses ordres, à Ins-
pruck , les cinq bataillons bavarois qni sont en ce
moment à Saitzhourg, le bataillon qui est à Kufstein,
le bataillon qui est à Uhn , et celui qui est à Dona-
%vert, et qui ont tous l'ordre de se rendre à Inspruck.
Le vice-roi d'Italie a ordre d'envoyer à Trente et
Bolzano un régiment de cavalerie, quatre bataillons
italiens et six pièces d'artillerie.
L'intention de l'empereur est que vous restiez dans
le Tyrol avec le commandement supérieur, ainsi que
le commandement de Saitzhourg. M. le maréchal
Ney, avec ses troupes françaises, doit se rendre à
K lagenfurth.
En partant de BiiXnn ^ vous passerez par Zndinty
Krems, Moelck, Lhitz, Braunau et Munich. Vous
m'écrirez en détail de chacun de ces endroits. Avant
d'en partir, vous me ferez connaître l'état des routes,
celui des ponts, des manutentions et des hôpitaux.
Vous me ferez un rapport sur la police et sur les traî-
nards. Vous m'adresserez l'état exact des détachemens
de troupes qui se trouvent dans chaque endroit ; vous
donnerez partout des ordres pour faire rejoindre ce qui
appartient à l'armée ; vous ferez sentir aux comman-
dans d'armes, et à tous autres, que l'empereur regarde
comme un crime de retenir les hommes, soit de
l'infanterie, soit à cheval, destinés pour les corps de
l'armée. A Munich, vous vous présenterez à l'électeur
DES EVÉNEMENS MILITAIRES. 2jg
pour connaître le général qu'il a nommé gouverneur
du Tyrol. Vous présenterez a S. A. E. le désir de
l'empereur, pour qu'elle puisse lever encore un ba-
taillon ix)ur envoyer dans le Tyrol ^ où il faut avoir
le plus de forces possibles.
Arrivé à Braunau , vous aurez soin de faire par-
tir tous les dépôts de cavalerie, et en général tous
les détachemens. Dites au général Laurislon qu'il
serait coupable aux yeux de l'empereur, s'il rete-
nait ce qui appartient à l'armée.
En passant à Krems , assurez vous si le pont de
bateau est solide; faites -vous rendre compte si on
a enterré les morts des dernières affaires qui ont eu
lieu. Enfin, général, vous reviendrez aussitôt que
vous le pourrez au quartier impérial : alors vous
visiterez Augsbourg.
Aussitôt que vous apprendrez des nouvelles cer-
taines du maréchal Augereau, vous me les ferez con-
naître. Vous lui direz que l'empereur est fàclié de
ce qu'il n'envoie pas des officiers pour rendre compte
de sa position.
De Braunaii , vous m'écrirez par un de vos aides-
de-camp ; et arrivé à Inspriicl: , vous m'écrirez tous
les jours.
Vous connaissez assez , général, tous les ordres qui
ont été donnés, et, dans votre course, vous vérifierez
s'ils ont été exécutés.
uSo PRÉCIS
^ MM, les généraux Caffarelli, Boyer^
BouRciER, Klein , Fauconnet.
Briinn , le 7 frimaire an xiv , à huit heures
du soir.
ORDRE,
Ï'révenir les colonels qu'il y aura demain Ba-
taille ; de partir sur-le-champ avec tout son monde;
de se rendre à Brunn , et d'y arriver à sept heures :
il est à présumer qu^on se battra à huit ; n'emmener
aucun bagage; envoyer près du major-général, et à
l'avance, un aide-de-camp pour recevoir ses ordres
sur les dernières dispositions,
^ MM. les maréchaux Davgvst, Bernajdotte,
Mortier.
Briinn, le 7 frimaire an xrv, à huit heures
du soir.
Il paraît certain, monsieur le maréchal, que nous
aurons demain une grande bataille au-delà de Briinn.
Sa majesté ordonne que vous partiez sur-le-champ
avec vos troupes, pour vous porter à grandes mar-
ches sur Brunn. Vous aurez vos armes en bon état .
des cartouches, votre artillerie, et point d'embarras
de bagages.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 28x
A M. le général M^rmont.
Au bivouac , en avant de Briinn , le
8 frimaire.
Je VOUS préviens que dans deux jours nous devons
avoir une bataille sanglante^ et que dans cette }K)si-
tion de choses vous devez vous tenir très -éveillé;
que dans le cas de circonstances extraordinaires vous
puissiez prendre votre parti. Je vous préviens que
j'envoie l'ordre au général Dumonceau de quitter
Neustadt pour se rendre à Tienne , et qu'il est né-
cessaire que vous-même vous vous rapprochiez de
cette direction le plus possible.
A M, le maréchal Behnadotte.
Du 9, au bivouac.
Or^DRE au maréchal Bernadotte d'accélérer sa mar-
che; qu'il est certain que le lo ou le ii nous aurons
viïiQ grande bataille.
ORDRES.
Du 10 frimaire.
Au maréchal Davoust^ de réunir ses troupes à l'ab-
baye de Dregner.
Au maréchal Bernadotte, de prendre la position
du bivouac du général Caffareili.
282 PRÉCIS
Au général Caffarelli_, de prendre le bivouac de
la division de grenadiers.
Aux grenadiers^ de se porter en avant de la Batte
sur la droite de la route.
A la division Suchet et à la division Caffarelly, de
se placer en avant à droite de la route, à la hau-
teur du Santon.
Au \^^ d'infanterie légère _, de prendre position au
Santon.
Au quartier-général, de se transporter k la Batte.
Dispositions générales pour la journée du
// frimaire.
Au bivouac , le 10 frimaire , à huit heures
du soir.
M. le maréchal Soult donnera les ordres pour que
ses trois divisions soient placées au-delà du ravin
à sept heures du matin ^ de manière à être prêtes à
commencer la manoeuvre de la journée, qui doit
être une marche en avant par échelons , l'aile droite
en avant. M. le maréchal Soult sera de sa personne
à sept heures et demie du matin près de l'empereur
à son bivouac.
S. A. le prince Murât donnera des ordres à la ca-
valerie du général Kellermann, à celles des géné-
raux W^alther, Beaumonl, Nansoutyet d'Haupoult,
pour que les divisions soient placées à sept heures du
DES ÉVÉIVEMEJNS MILITAIRES. 285.
m?itln_, entre la gauche du maréchal Soult et la droile
du maréciial Lannes^ de manière à occuper le moins
d'espace possible, et pour qu'au moment où le ma-
réciial Soult se mettra en marche, toute cette cava-
lerie, aux ordres du maréchal prince Murât, passe
le ruisseau et se trouve placée au centre de l'armée.
il est ordonné au général Cafrarelli de se porter à
cinq heures du matin avec sa division, pour se placer à
la droite du général Suchet , après avoir passé le ruis-
seau. Comme la division Suchet se placera sur deux
lignes, la division Caffarelli se placera aussi sur deux
lignes, chaque brigade formant une ligne; et dès lors
remplacement qu'occupe en ce moment la division
Suchet, sera suffisant pour les d-^ux divisions.
Le maréchal Lannes observera que les divisions
Suchet et Caffarelli doivent toujours rester derrière
le coteau , de manière à n'être pas aperçues de l'en-
nemi.
Le maréchal Bernadotte, avec ses deux divisions
d'infanterie, se portera à sept heures du matin sur la
même position qu'occupe aujourd'hui lo la division
Caffarelli, hormis que sa gauche sera à hauteur
derrière le Santon, et y restera en colonne par
régiment.
Le maréchal Lannes ordonnera à la division de
grenadiers de se placer en !)atail]e en avant de sa
position actuelle, la gauche derrière la droile du
'2Si PRÉCIS
général CafFarelli. Le général Oudinot fera connaître
le débouché où il devra passer le ruisseau, lequel
débouché sera le même par où aura passé le maréchal
Soult.
Le maréchal Davoust, avec la division Friant et
la division de dragons du général Bourcier , partira
à cinq heures du malin de l'abbaye de Draighen,
pour gagner la droite du maréchal Soult. Le maré-
chal Davoust disposera de la division Gudin , lors-
qu elle arrivera.
A sept heures et demie, MM. les maréchaux se
trouveront près de l'empereur à son bivouac, pour,
selon les mouvemens qu'aura faits l'ennemi pendant
la nuit, recevoir de nouv^eaux ordres.
La cavalerie du maréchal Bernadette, en consé-
quence des dispositions ci- dessus, est mise aux or-
dres du prince Murât , qui lui fera indiquer l'heure
où elle devra partir pour être en position à sept
heures. M. le prince Murât disposera également de
la cavalerie légère de M. le maréchal Lannes.
Toutes les troupes resteront dans les positions in-
diquées ci-dessus jusqu'à nouvel ordre.
Comme la cavalerie du prince Murât doit, dans
sa première position, occuper le moins d'espace pos-
sible , il la mettra en colonne.
Le maréchal Davoust trouvera un escadron et demi
du 21^ de dragons à l'abbaye, qu'il enverra au bivouac.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 285
Chacun de MM. les maréchaux donnera les ordres
qui le concernent, en conséquences des présentes dis-
positions.
ORDRES.
Le 12 , à huit heures du matin.
Au prince Murât, de poursuivre l'ennemi.
A la division des grenadiers, de prendre position à
Rausnitz.
Au maréchal Lannes, de suivre le mouvement de
la cavalerie avec le reste de son corps.
Au maréchal Bernadotte, de poursuivre l'ennemi
sur la route à'Austerlitz à Godlng.
Au maréchal Soult et au maréchal Davoust, de
poursuivre l'ennemi.
Même ordre aux généraux Klein et Bourcier.
A M. le maréchal Soult.
Ausierlitz, le 12 frimaire, à dix heures
du soir.
Vos troupes, monsieur le maréchal, ont été à
f^ischau, de Vischau à Froznits^ et aucun parti
de l'ennemi ne s'est retiré par là; il paraît, au con-
traire, que l'ennemi s'est retiré à^Austerlitz par
Urschatz à six heures du soir. Le maréchal Ber-
nadette se fusillait avec lui. L'ennemi était en po-
sition, et présentait douze à quinze mille hommes.
286 PRÉCIS
Le maréchal Bernadotte annonce qu'en arrière de
Tennemi, et sur sa droite à lui , on se fusillait. L'em-
pereur suppose que c'est le général Schiner; mais
qu'il n'est j^as assez fort avec cinq bataillons. ï)Z/r-
schatz , l'ennemi peut prendre la route de Hrodisch
ou celle de Gocling. L'intention de sa majesté est
que vous vous mettiez en marche à la pointe du jour,
et que vous vous dirigiez avec une bonne colonne de
vos troupes^ les plus fraîches et les plus en état d'agir,
sur Urschatz et Goding , afin de tomber sur l'en-
nemi, telle roule qu'il prenne. L'empereur, de sa
per onne, va se mettre aux trousses de l'ennemi.
Son opinion, monsieur le maréchal ^ est qu'à la
guerre, il n'y a rien de fait tant qu'il reste encore
à faire : une victoire n'est pas complète toutes les
fois qu'on peut faire mieux.
Ecrivez à M. le maréchal Davoust qu'il fasse le
même mouvement que vous, et qu'il donne succes-
sivement des ordres aux généraux Bourcier et Klein
qui sont sur sa droite.
Laissez sur le cliamp de bataille d'hier le monde
nécessaire pour ramasser nos blessés, garder l'ar-
tillerie prise à l'ennemi, ramasser tous les prison-
niers épars dans les marais et dans les villages qu'il
faut faire fouiller.
Dans la situation où nous nous trouvons, il n'y a
qu'une disposition et qu'un ordre général : Faire le
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 287
jolus de mal possible à l'ennemi , et rendre la vic-
toire profitable.
A M. le maréchal Ney.
J'ai l'honneur de vous prévenir , monsieur le ma-
réchal, que d'après la nouvelle que j'ai reçue de la
descente à Naples et dans la Fouille de l'armée an-
glo-russe^ j'ai ordonné les mouveraens suivans aux
troupes françaises qui se trouvent en Italie :
1°. Le 67* régiment d'infanterie de ligne, un ba-
taillon suisse et la cavalerie hanovrienne^ qui étaient
dans la 27^ division militaire^ se rendent à Modène;
je les remplace par environ deux mille hommes^ en
un régiment de milices des états de Parme.
2°. Dans le cas où la légion corse serait à Mantoue,
je la dirige sur Bologne , et je la remplace par deux
bataillons de gardes nationales; je forme, de plus^ un
bataillon de canonniers du Mincio, qui se réunit à
Mantoue, d'après la demande du général Miollis.
3". J'augmente la garnison de Legnago et de Pes'
chiera d'un bataillon de gardes nationales , parce que
mon intention serait, au besoin, d'en tirer au moins
le tiers de troupes de ligne qui y sont en garnison.
4°. Les troupes qui sont en Toscane et à Ancône,
manœuvreront suivant la marche de l'armée en-
nemie.
5°. J'écris au général Saint-Cyr, qui a complète-
a88 PRÉCIS
ment battu et détruit le corps du prince de Roîian,
de laisser un petit corps d'observation sur J^enise,
et de se rendre à Bologne le plus tôt possible, et
avec le plus de trouj^es dont il pourra disposer.
J'ai rendu compte de ces dispositions à M. le ma-
réchal Masséna.
Le résultat de mes dispositions sera d'avoir à Bo-
logne et Modem nn camp de réserve composé d'en-
viron vingt à vingt-cinq mille hommes de garJes
nationales , dont dix mille hommes pris dans les
milices des états de Parme.
Je vous observée que d'après le premier avis des
mouvemens de l'armée anglo-russe, j'avais pris sur
moi d'inviter M. le conseiller-d'état Moreau Saint-
Mery, administrateur des états de Parme, de réunir
douze mille hommes de milices en quatre régimens,
dont un se rend dans la 27^ division militaire.
Il y aura de plus un camp de réserve, ou en fai-
sant partie, dix-sept à dix-huit mille hommes de
troupes de ligne françaises et italiennes, parce que
"je compte sur le renfort que le général Saint -Cyr
doit amener avec lui.
Je fais verser sur Modène deux cent mille rations
de biscuits qui étaient en réserve à Pizzighetonne.
Je tire de Mantoue,, pour être versées sur Bologne,
deux cent mille rations de biscuits, mais qui seront
remplacées de suite par l'équivalent en blé.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. ^89
Je fais prendre à Mantoue six mille fusils, et à
peu près le même nombre à Plaisance , nécessaires
l'un et l'autre pour armer les bataillons levés dans
les départemens et les milices des états de Parme.
J'espère avoir en ligne trente pièces d'artillerie,
dont douze seront servies par l'artillerie à cheval.
J'ai formé les magasins nécessaires à cette armée,
el je suis déjà certain de l'argent suffisant pour en-
viron un mois.
Enfin j'espère n'avoir rien oublié de ce qui aura
pu être utile au service de sa majesté, et je serai
Jbien flatté que ces mesures aient votre approbation.
Recevez , monsieur le maréchal, les assurances de
mes sentimens distingués.
Milau , le 37 novembre i8o5-
Le prince Eugène.
L£ttre de M. ^lquier , ambassadeur de France
à N^aples, au général P^ekdier.
Rome , le i3 frimaire aa xiv.
MoNsiEUE le général, j'ai l'honneur de vous écrire
de Rome, où je me suis retiré après un événement
dont il importe que vous soyez promptement informé.
Vous avez su, monsieur le général, qu'il existait
depuis le mois d'octobre dernier une convention de
neutralité entre la France et la cour de Naples. Cette
14. 19
290 PRECIS
puissance, après s'être permis plusieurs violations
manifestes de ce traité, a mis le comble à ses ou-
trages et à ses perfidies, en recevant mardi dernier,
28 brumaire (1 9 novembre), dans le port de la capi-
tale plusieurs vaisseaux de guerre anglais et russes,
et quatre-vingt-dix transports chargés de troupes.
Le 3o , les regimens anglais et russes ont été dé-
barqués; le même jour, j'ai demandé un passeport,
et je suis sorti de Naples , amenant avec moi la léga-
tion entière et tous les fonctionnaires publics fran-
çais. Je suis à Rome depuis une beure, et je ne
perds pas un moment pour vous donner les rensei-
gnemens que j'ai recueillis sur la force et les projets
de l'ennemi.
Le nombre effectif des Russes partis de Cor fou et
arrivés à Naples, est de treize mille six cents hommes.
Les détails qui peuvent faire connaître les divisions
partielles de ces forces se trouvent dans le tableau
que je joins à ma lettre.
Cinq mille six cents Anglais ont débarqué à Cas-
tellainare, à quinze milles de la ville, en même temps
que les Russes. Le roi s'est engagé à joindre qua-
rante mille hommes; toutes les troupes ont, depuis
quelques jours, l'ordre de se rendre dans les Abruzzes,
et plusieurs régimens sont déjà arrivés à cette desti-
nation. On recrute avec la plus grande activité dans
tout le royaume, pour compléter le contingent; les
DES EVENJîMENS MILITAIRES. SQL
masses composées de paysans sont en mouvement :
toute l'artillerie napolitaine^, qu'on a prodigieusement
augmentée depuis un an, se porte aussi dans les
Abruzzes.
On m'assure que Juiit mille hommes de cavalerie
autrichienne, venant de T ries te , avaient débarqué
h. Manfredonia.
Quelque extiaord inaire que me paraisse cette nou-
velle depuis les revers qu'ont éprouvés les armées de
l'empereur d'Autriche en Allemagne et en Italie, je
suis fondé à y ajouter foi, d'après l'exactitude tou-
jours constante des autres renseignemens que j'ai
dans différentes occasions puisés à la même source.
D'après la précipitation qu'il m'a fallu mettre dans
mon départ de Naples, je n'ai pu vériiier ce fait en
envoyant à Manfredonia ; mais j'ai l'honneur de
vous répéter que je le crois d'autant plus exact, que
le projet de celte opération m'était connu depuis plus
de trois mois.
J'ai su par la même voie, monsieur le général,
qu'un corps de dix mille hommes russes d'infanterie
avait débarqué à Tarente,
On m'a également informé que d'après le plan con-
certé entre les puissances alliées, l'amiral NeLon
devait débarquer très-prochainement dix-huit mille
hommes sur le point d'Italie (de la côte) qui paraîtra
le plus convenable , pour que ce corps puisse agir de
2Q2 PRECIS
concert avec ceux qui, ariivés à Naples^ vont se
rendre par terre à leur destination. Le résultat en-
core inconnu à Rome et à Naples du combat qui a
eu lieu entre les flottes combinées , française et espa-
gnole, et celle de l'amiral Nelson, fera très -bien
juger quelle importance il faudra donner à cette
partie du plan général de l'ennemi.
Il paraît certain (et je dois au moins le croire
d'après les informations que j'ai prises) que le projet
de l'ennemi est aujourd'hui de se rendre en Tos-
cane pour se porter sur les derrières de notre armée
dltalie.
Il est vraisemblable que l'armée combinée, russe,
anglaise et napolitaine, passera par les Abruzzes ;
les troupes débarquées à Naples ont dii se mettre en
marche aujourd'hui i5 frimaire (4 décembre).
Cette réunion de forces sera sous l'ordre du gé-
néral russe Lascy, qui est à Naples depuis plus de six
mois , et qui s'est constamment occupé avec le géné-
ral Hoppermann, son chef d'état-major, delà topo-
graphie militaire du pays. Le général Andress, qui
dans le tableau ci-joint est désigné comme comman-
dant en chef les troupes de Cor/ou, ne comman-
dera qu'en second, sous les ordres de M. Lascy.
Il m'a paru prouvé, au moment de mon départ,
que dix-huit cents Anglais resteraient en garnison
H Naples ; c'est un témoignage de satisfaction et de
DES EVÉNEMENS MILITAILIES. '2(JD
complaisance qu'on est convenu d'accorder à M. le
ministre d'Angleterre.
J'aurais expédié de Naples pour vous transmettre
les renseignemens que je viens d'avoir l'honneur de
vous donner, si je n'avais pas eu la certitude que
mon courrier serait intercepté avant d'être arrivé à
la frontière.
Recevez, etc. Alquier.
Tableau des forces russes einharquées sur l'expé-
dition qui a mise à la voile de Corfou , le 5iZ
octobre ^8o5.
Le général d'Andress, commandant en chef.
Bugutoff ,. secrétaire-général.
Banustieff, général-major, commandant trois ba-
taillons, dont un de grenadiers., li, i oo hommes.
Puchkin , idein 2, i oo
Maesiezz , idem 2, 1 00
Gedduc, idejn 2, 100
Le prince W'^ialmouesk, général
des chasseurs ] ,200
Slteter, idein 1,200
Deux colonels d'artillerie 800
Papando, général-major des Alba-
nais 2,000
Total i5,6oa
2g4 PRÉCIS
Au prince 3'Turat.
Aiisterlitz , le i3 frimaire an Xiv, à six beures^
du matin.
li'EivtPEREtJR observe, monsieur le maréchal, que
c'est à rous à garder tous les débouchés de l'armée ;
que c'est lui qui est arrivé le premier à AusterlUz^
et qu'il a fait reconnaître toutes les routes par les-
quelles l'ennemi s'est réellement retiré.
Vous devez envoyer de la cavalerie à Butchowitz,
au général Bertrand. Vous pouvez faire insulter, par
un parti, Obnûtz , afin d'y prendre ce qui se ren-
contrera.
Au général Dumas.
Ausferlitz, le i3 frimaire an xiv.
Le général Dumas réunira tous les hommes isolés
qui se trouvent à Austerlitz ; il les mettra sous les
ordres d'un officier d'état-major, lequel répondra des
prisonnier», jusqu'à ce qu'il les ait remis au général
Pannetier.
Instructions pour le général Andréossy.
Austerîitz, le i3 frimaire an xtv.
L'empereur, général, vous charge spécialement
des dispositions relatives au départ des prisonniers
russes de Briinn pour France,
DES ^VÉNEMENS MILITAIRES. «Q^
Dispositions générales d'après lesquelles vous
expédierez tous les ordres.
J'ai donné l'ordre aa général Caffarelli de faire
partir sur-le-champ un régiment commandé par un
colonel , lequel arrivera ce soir à Brlinn. Ce régi-
ment partira demain de Briinn ; le i" bataillon à
liuit heures du matin , et €scoTtera une première
colonne de prisonniers russes^ que vous formerez à
raison d'un Français pour dix Russes. Vous mettrez
un homme à cheval pour cent hommes ; vous mettrez
avec chaque colonne un nombre d'officiers russes qui ,
autant que possible , seront choisis parmi ceux qui
parlent français. Le chef de bataillon aura le con-
trôle des prisonniers de sa colonne, dont il répond
à l'empereur. Vous ferez prendre du pain k Briinn
pour deux jours, et vous écrirez à Vienne pour qu'on
en eiivoie à moitié cliemin, pour le nombre d'hom-
mes que A ous aurez dirigé.
Le 2'" bataillon du régiment partira après demain
matin avec une colonne formée de là même manière
que la première.
A une lieue en avant de Vienne , le i^' bataillon
du 4*" régiment d'infanterie légère relèvera l'escorte
du 1" bataillon du général Caffarelli.
Le Si*= bataillon du 4^ d'infanterie légère relèvera
de même le lendemarin le i^' du même régiment.
ûg6 PRÉCIS
Le régiment de la division du général Caflareïli
se reposera un jour à Vienne^ et retournera re-
joindre sa division. Les deux bataillons du 4^ d'in-
fanterie légère, avec le colonel, continueront d'es-
corter les deux colonnes de prisonniers russes jus-
qu'à Strasbourg , où ce régiment attendra de nou-
veaux ordres pour son retour à l'armée.
Le 16, le bataillon du 5^4*^ régiment, qui forn>e la
garnison de la citadelle ^'partira avec une 3^ colonne
de prisonniers dans le même ordre que les deux pre-
miers ; mais si le i5*= d'infanterie légère est arrivé,
on prendra de préférence son i*"' bataillon. Enfin ,
si le nombre de prisonniers russes permet d'en former
une 4^ colonne, elle partira le 17 avec le 2*" bataillon
du i5« d'infanterie légère.
Dans le cas que ces deux bataillons forment l'es-
corte des deux dernières colonnes , ils conduiront
les prisonniers jusqu'à Strashourg , où ils attendront
de nouveaux ordres pour leur retour à l'armée. Si
avec les mille prisonniers qui partent d'ici aujour-
d'ijui pour £?'d?în j le général And réossy ne compte
pas pouvoir former quatre colonnes, et qu'il n'en
forme que trois, il ferait marcher de préférence le
bataillon du 54% afin de conserver le 1 5^ d'infanterie
légère entier; mais j'observe au général Andréossy
qu'il ne doit point sortir de la proportion d'un Fran-
çais pour dix Russes, et d'un homme de cavalerie
DES EVENEMENS MILITAIRES. 'Ji^J
pour cent hommes, et que l'empereur ne voit avec
aucune peine que le l^'' et le i5^ d'infanterie légère
aillent jusqu'à Strashojirg.
Les colonels marcheront avec leurs deux bataillons,
et iront alternativement au i«' et au i'' , pour voir si
l'ordre est bien maintenu, et s'il n'y a point de
désertion. Le général Andréossy n'oubliera pas de
mettre un homme à cheval pour cent prisonniers.
Quant au surplus des officiers qu'il n'aura pas jugé
nécessaire de faire marcher avec les colonnes de sol-
dais, il leur fera former une colonne séparée, con-
duite par un officier d'état-major et une petite es-
corte de troupes achevai; ils donneront leur parole
de ne point quitter la colonne , et passeront par
Zndirn, Krems et Mautern. Quant aux officiers-
généraux , ils pourront partir dans des voitures ,
sur leur parole d'honneur , et voyager en poste ; mais
ils auront dans leur voiture un officier d'état-major
ou un officier de gendarmerie pour leur servir de
sauve-garde.
Les colonnes de prisonniers marchant à un jour
de distance, suivront la route de Vienne y traverse-
ront la ville : il faut observer que la dei'nière journée
de Vienne soit courte, afin qu'ils traversent la ville
de bonne heure, et aller à l'étape qui est au-delà.
Le général Andréossy écrira de ma pari, par urv
courrier, au maréchal Mortier, pour lui dire que
sgS PRÉCIS
l'intention de l'empereur est que le jour où les co-
lonnes de prisonniers arriveront à T^ienne , il envoie
deux bataillons en avant jusqu'à Nicolshourg à leur
rencontre^ et qu'il fasse bien éclairer les bois de la
Marc)].
Le jour où les colonnes de prisonniers traver-
seront Vienne, les troupes seront sous les armes,
et on en fera une espèce de fête, sans que, sous
aucun prétexte, les colonnes de prisonniers russes
puissent arrêter un seul instant dans les faubourgs
ni dans la ville de Vienne. Le général Andréossy
n'oubliera pas de prévenir le marécbal Mortier de
l'heure où les bataillon^i du 4*^ d'infanterie légère
devront se trouver à une lieue des faubourgs de
Vienne, du côté àc Briimi, pour prendre l'escorte
ôes deux premières colonnes.
L'objet important est de donner de bonnes in-
structions aux colonels qui répondent des prisonniers
à l'empereur, de bien assurer les subsistances, et
eniin, que les colonnes de prisonniers ne marchent
jamais de nuit. Au surplus, je ne puis que m'en
rapporter au général Andréossy pour prévoir tout
ce que j'aurai pu oublier dans la présente lettre.
L'empereur ne renverra aucun officier russe sur
parole j il faut qu'ils aillent tous en France.
Vous trouverez ici une proclamation de l'empe-
reur à l'armée; faites-ia imprimer sur-le-champ,
DES ÉVÉNf.ME^'S MILITAIRES. 299
sur beau papier, et de manière à ce qu'elle tienne
clans une seule page. Vous la ferez clislri!)ner à tous
les corps de l'armée en grand nombre d'exemplaires.
Je vous ferai connaître quand vous devez quitter
Brûnn. Nous somme» toujours à Austerliiz.
Au général Gudinot, et aux maréchaux T^annes
et BEBNAnOTTE.
Austtrlitz, le \f\ frimaire an :?iv.
Il est ordonné au général Oudinol de se rendre à
Lr'ùnn avec sa divit-ion, pour prendre les canton-
nemens dans cette place et dans les environs.
Il est ordonné au maréchal Lanue; de faire can-
tonner les divisions Siichet et Caffarelli; Tune à TVis-
chau, l'autre à Frosnitz. Ces divisions se garderont
militairement.
M. le marécbal Bernadotte conservera encore ses
cantonnemens, ayant une bonne avant- garde en
avant de lui.
Au prince Murât.
Austerlitz , le i5 frimaire en xiv, à deux heures
du matin.
L'intention de l'empereur, mon prince, est que
V(,;us commenciez aujourd'hui votre mouvement sur
liriinn. Vous ferez marcher la grosse cavalerie, sa
majesté ne voulant laisser qu'un régiment de cava-
ÔOO PTIÉGIS
ierie légère à Tf^ischau. Demain 1 6 , toute la cavalerie
se mettra en marche sur Vienne. Vous pourrez di-
j riger une division de cavalerie ^arAusterlitz, Menitz
et JVîcols bourg. En ti-aversant le champ de bataille,
elle visitera les villages, et ramassera les prisonniers
qu'elle y trouvera,
^ux généraux Oudinot, Dumas ; aux mare-
chaux SouLT, Lannes , Davoust.
Austerlitz, le i5 frimaire an xiv, à deux heures
du matin.
D'après les ordres de l'empereur, le général Ou-
dinot se mettra, dès ce matin, en marche sur Vienne
avec la division de grenadiers qu'il commande.
Le général Dumas donnera ordre au bataillon de
grenadiers restés à Austerlitz de partir ce matin
pour suivre le mouvement de la division qui reçoit
l'ordre de se mettre aujourd'hui en marche sur
Vienne.
Il est ordonné à M. le maréchal Soult de faire au-
jourd'hui une grande marche sur Vienne, où sa pré-
sence pourrait être nécessaire.
Il est ordonné à M. le maréchal Lannes de mettre
en marche aujourd'hui les divisions Suchet et CafFa-
relli, et de les diriger sur Briinn.
Il e.-;t ordonné à M. le maréchal Davoust de suivra
DES ÉVÉNJiMENS MILITAIRES. 3oi
parallèlement le mouvement de l'armée russe , afin
d'être toujours entre elle et Païenne. M. le maréchal
Davoust me fera connaître journellement la position
de son corps d'armée.
^u maréchal Lannes.
Austerlitz , le 16 frimaire an xiv.
L'intention de l'empereur, monsieur le maréchal,
est que vous placiez un régiment ou une brigade de
votre armée à Austerlitz, Vous occuperez Prosnitz.
Le maréchal Murât a l'ordre de vous rendre toute
la cavalerie légère de votre armée.
Aussitôt que vous aurez désigné les cantonnemens
de votre corps d'armée, prenez toutes les mesures
nécessaires pour que votre cavalerie s'arrange, réu-
nisse à ses dépôts ses traînards ; arrangez également
toute votre infanterie et votre artillerie, afin que
nous soyons prêts le plus tôt possible, dans le cas où
les hostilités devraient recommencer. Les troupes que
vous avez à Prosnitz ne peuvent pas passer la petite
rivière de Treze-Bosen, ligne de démarcation tracée
par l'armistice pour le cours de Moravie.
jiu maréchal Bernadotte.
Austerlitz, le 16 frimaire an xiv.
L'empereur vous autorise , monsieur le maréchal,
commencer votre mouvement pour vous porter
3o2 PRÉCIS
sur Iglau. Avant votre arrivée dans cet endroit ,
vous recevrez des instructions sur les cantonnemens
que vous devez occuper pendant l'armistice.
Au général Marmont.
Briinn , le i6 frimaire an xiv.
Vous avez du recevoir, général , l'armistice qui
a été conclu le 1 5 entre les deux empereurs de Fram:e
et d'Autriche. Par ce traité , vous devez occuper jus-
qu'à la paix définitive la Carinthie, la Styrie^ etc.
Ainsi, vous devez retourner à Qratz , et y cantonner
votre armée de la manière qui sera la plus avanta-
geuse pour vivre. Si vous n'aviez pas reçu des nou-
velles de la victoire avant d'arriver à NeustacH,
vous devez retourner à Gratz.
Au maréchal Davoust.
Briinn , le 16 frimaire an xiv.
J'ai reçu , monsieur le maréchal , la dépêche par
laquelle vous m'envoyez le duplicata de la relation
de votre combat. J'ai également reçu les quatre dra-
peaux russes que M. de Monthion a apportés.
Vous avez dû recevoir l'armistice que j'ai conclu
le 1 5 au nom de l'empereur. Vous y aurez vu que
nos troupes ne doivent point approcher au-delà d'un
rayon de cinq lieues de la rive droite de la March,
prenant Goding pour centre; et on ne doit per-
DES ÉVENEMEJYS MILITAIRES. 3o3
mettre à aucun Français d'aller dans ce demi-cercle,
soit pour fourrager ou autrement. Comme l'empereur
d'Allemagne doit résider pendant les négociations ù
Holitsct, qui est à la rive gauche de la March ,
près Goding, l'empereur a trouvé convenable qu'au-
cun Finançais ne pût approcher de cinq ou six lieues
de ce point sur la rive droite de la March. Si vous
avez des cantonnemens plus près^ vous devez les
reployer.
Au maréchal Lan nés.
Rt iuin , le 17 irimaiie an xiv.
D'après les dispositions ordonnées par sa majesté ;,
M. le maréchal Lannes aura le commandement des
cercles de Briinn, de Zndhn, et de la partie du cercle
àiOlinûtz , qui est dans la ligne de démarcation du
traité d'armistice jusqu'à la rivière de Trezbouska,
et du cercle à! Haradisch jusqu'à la rive droite de
la March _, ainsi que la partie du cercle de Pre-
rauerkreis , située entre la rive droite de la March
et la rivière de Trezbouska.
M. le maréchal Lannes tiendra un régiment à
Prosnitzi, un autre à Kremsir, un troisième à Ha-
radisch y et un quatrième à Czeitsch. Ces régimens
tiendront des postes tout le long de la ligne de dé-
marcation; celui de Czeitsch tiendra des postes tout
le long du ruisseau qui, de Czeitsch , passe kKoistel
3o4 PRÉCIS
jusqu'à la Taya_, et ensuite le long de la rive droite
de la Taya jusqu'à son embouchure dans la March.
M. le maréchal Lannes tiendra à HaradUch un
régiment d'infanterie , un autre à Prosnitz : tout le
reste de son corps d'armée sera cantonné à Briinn
et à Zjidim.
M. le maréchal Lannes portera le plus grand soin
à ce que la citadelle de Briinn soit toujours dans
le meilleur état de défense, et bien approvisionnée.
M. le maréchal Lannes est prévenu que l'empe-
reur d'Allemagne réside en sa terre à Holitsch , et
qu'aucun poste français ni aucun Français ne doit
approcher à plus de six lieues de cette résidence , à
la rive droite de la Taya.
u4u prince Murât.
Briion, le 17 frimaire an xiv.
L'empereur ordonne à S. A. le prince Murât de
cantonner toute sa cavalerie légère le long de la rive
droite de la March, depuis l'embouchure de la Taya
jusqu'au Danube.
M. le maréchal Murât cantonnera les divisions de
dragons ; savoir : celle du général Bourcier, à la rive
gauche du Danube ; celle du général Klein , à la rive
droite , dans la Basse-Autriche. Les deux divisions
de cuirassiers seront cantonnées non loin de Vienne,
DES EVÉNEMENS MILITA lllES. 5o5
dans les lieux que le prince jugera les plus conve-
nables.
M le prince Murât donnera Tordre qne tous les
<lragons à pied rejoignent leurs régimens, ain.si que
tous les grands et petits dépôts , soit des dragons, soit
^es cuirassiers, qui sont restés en arrière, afin que ,
dans le moindre délai, tous les régimens de troupes
à cbeval puissent être rétablis et en état de faire Ig,
guerre.
Au inaréchat Bernadotte.
Briinn , le 17 fiiinaire an xiv,
D'apjiÈs les ordres de l'empereur, M. le marécbal
BernadoUe aura le commandement du cercle à'Iglau
dans la Moravie, et du cercle de Tabor, dit Circulus
Bechinensis, dans la Bohême; il tiendra des postes
de cavalerie sur toute la ligue de démarcation, et il
désignera les cantonnemens qu'il jugera les plus con-
venables pour son infanterie ; il prendra toutes les
mesures nécessaires jDour que sa cavalerie soit mise,
dans le plus bref délai , en état de faire la guerre.
Les deux cercles désignés ci -dessus fourniront les
vivres, les fourrages, et tout ce qui est nécessaire à
l'entretien des trou^^s de M. le maréchal Bernadolte.
S'il a laissé des hommes de cavalerie en arrière, il
doit les réunir. M. le maréchal Bernadotte voudra
bien aa^^vfaijr^ connaître le plus, tôt possible le lieu
ï4- 20
3o6 P R É C J s
OLi il aura établi son quartier-général. Il est prévenu
que le cercle de Zndim et le cercle de Briinn sont
destinés au corps d'armée de M. le maréchal Lannes.
J'ordonne au prince Murât de vous rendre votre
cavalerie.
Au maréchal Soult.
1
D'après les ordres de l'empereur, monsieur le
maréchal, votive corps d'armée se rendra à Kienne,
c'est-â-dire une division sera cantonnée sur la y'ixç:
gauche du Danube, wn^i autre dans la province qui
est à la rive di'oite, et enfin une division dans f^ienne.
Toute votre cavalerie légère tiendra poste snr les
frontières de l'Autriche et de la Hongrie, à la rive
droite clu Danube. Vous ferez réunir tous les grands
et petits dépôts de vos régi mens de cavalerie légère
qui pourraient être restés en arrière , et vous vous
occuperez de faire mettre ces corps dans le meilleur
état possible pour faire la guerre.
Au maréchal Masséna.
Brûnn , le 17 frimaire an xtv.
Vous avez du recevoir, monsieur le maréchal , la
copie de l'armistice conclue entre les empereurs de
France et d'Autriche. L'empereur et roi ordonne que
"ES ÉYÉISEMENS MILITAFRES. Soy
Tarmée d'Italie prenne ses cantonnemens, pendant
l'armistice, dans la Carniole, Hstrie et le comté de
Goritz, provinces qu'elle doit entièrement occ(îper.
Je vous prie , monsieur le maréchal, de me faire
connaître le plus promptement possible le lieu où vous
aurez établi votre quaitier-général , et les canton-
nemens que vous aurez assignés aux difïérens corps
de votre armée.
Le corps du général Marmont occupe la Styrie,
^t le corps de M. le maréchal Ney occupe la Cal
Hnthie.
^u maréclial Bjernadotte.
Briinn, le 1 8 frimaire an xir.
L EMPEREUR, monsieur le maréchal, désire que
3^s troupes françaises à vos ordres ne s'éloignent pas
trop d'ici jusqu'à ce qu'on ait àe, idées claires et
précises sur le départ des Russes, dont cependant on
n'a aucun motif de douter.
En conséquence, vous pouvez faire filer toute
l'infanterie des troupes bavaroises jusqu'à 7^/.,« et
cantonner votre infanterie française à peu près dlns
la position où vous recevrez cet ordre.
3o8 piiEcis
Au maréchal Masséna.
Briinn, le 18 frimaire an xiv.
ORDRE.
L'empereur et roi, monsieur le maréchal, or-
donne que voiKs formiez un corps d'armée composé
ainbi qu'il suit :
Trois divisions d'infanterie formant au moins vingt-
quatre mille hommes ;
Quatre régimens de chasseurs à cheval;
Quatre régimens de dragons;
Quatre régimens de cuirassiers ;
Et trente à quarante pièces d'artillerie attelées et
bien approvisionnées.
Les officiers -généraux, l'état-major , les officiers
d'artillerie et du génie nécessaires.
Ce corps d'armée, qui sera commandé en personne
par vous, monsieur le maréchal , n'aura plus la dési-
gnation alarmée d'Italie, mais prendra celle du 8" corps
de la Grande- Armée. Vous voudrez bien en consé-
quence correspondre avec moi comme major-général.
L'empereur, monsieur le maréchal, ordonne
qu'avec le 8^ corps de la Grande-Armée, composé
ainsi qu'il est dit ci- dessus, vous vous rendiez à
I^ayhach, et que vous preniez le commandement de
la Carnioîe, de l'Istrie et du comté de Goritz. L'in-
tention de sa majesté eot que vous vous mettiez sur-
T)ES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 5o9
3e-champ en correspondance avec le général Mar-
mont qui commande la Styrie , et avec M. le maré-
chal Ney qui commande la Carintliie.
f /empereur ordonne au général Saint -Cyr de
prendre le commandement de tout ce qui composail
son armée de Naples ; et indépendamment des trois
régimens d'infanterie qu'il avait, vous ferez les dis-
positions et donnerez les ordres nécessaires pour
augmenter son corps d'armée d'une division entière
d'infanterie française _, d'un ou de deux légimens de
chasseurs; enfin vous lui composerez un corps d'ar-
mée qui passe trente mille hommes , dont plus de
moitié 5oit Français, et le reste de Polonais, Suisses
ou Italiens.
Vous composerez son artillerie, son état-major et
ses administrations dans la propoj tion de la force
d'un corps d'armée de trente mille hommes au moins.
Vous m'enverrez un état de la composition et de la
situation de ce corps d'armée, et vous en enverrez
un double au vice-roi.
Le général Saint- Cyr réunira les garnisons de
Livourne, où il ne laissera personne; les garnisons
à'Ancône, où il laissera seulement u\\ bataillon ita-
lien pour défendre le fort, et vous aurez attention
de donner au générai Saint-Cyr le plus d'artillerie
qu il vous sera possible.
Le général Saint-Cyr, aveo son corps d'armée
Sjo précis
ainsi composé^ se mettra sur-le-champ en marcIie-
pour la frontière de Naples, et garantir les états du;
Saint-Père. Son premier soin sera donu de prendre
position dans ces états, tant pour les garantir que
pour couvrir le royaume d'Italie.
Un autre corps sera composé d'une division d'in-
fanterie, d'une réserve de garde italienne, et au
besoin, du camp volant d'Alexandrie; enfin de la
petite réserve formée à Milan , et de deux régi mens
de cavalerie française. Ce corps sera directement aux
ordres du piince Eugène, qui le réunira à Pacloue
pour contenir la garnison de f^enise ; l'intention de
l'empereur étant que le vice-roi d'Italie ait exclu-
sivement le commandement de tout le pays vénitien
et de toutes les troupes qui sont dans le royaume
d'Italie, après que le 8*" coi*ps de la Grande -Armée
que vous commandez , et celui des trente mille hom-
mes du général Saint-Cyr, seront formés.
Comme général en chef de l'armée d'Italie, donnez
tous vos ordres pour l'exécution des dispositions ci-
dessus ; et après que vous les aurez fait exécuter ,
vous ne vous considérerez plus que comme comman-
dant le 8*^ corps de la Grande-Armée, et commandant
de la Carniole, de l'Istne et du comté de Goritz.
Envoyez-moi le plus tôt que vous pourrez la situation
militaire de toutes les troupes en Italie, d'après les
dispositions ci-dessus.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 5ll
Au général Sajnt-Cyr,
Brùnn, le 18 frimaire an xiv.
L'empereue , général, vous nomme général en
chef, et vous donne le commandement da corps
d'armée de Naples pour marcher contie les Anglo-
Russes. M. le maréchal Masséna a ordre de vous for-
mer, le plus promptement possible, un corps de
trente mille hommes. Ce corps sera composé de tout
ce qui était sous votre commandement à votre pre-
mière armée de Naples; et indépendamment des
trois régimens d'infanterie française que vous aviez
alors, M. le maréchal Masséna a l'ordre de vous for-
mer une bonne division d'infanterie française, et
de deux régitnens de chasseurs à cheval; enha, de
porter votre corps à au moins trente mille hommes,
dont plus de moitié seront Français , et le reste Po-
lonais, Suisses ou Italiens. M. le maréchal Masséna
vous dauneia le plus d'artillerie qu'il sera possible ,
et extraira de son armée les officiers d'état- major ,
les généraux et les administrations qui vous seront
nécessaires. L'intention de l'empereur est que vous
réunissiez les garnisons de Livourne , où vous ne
devez laisser personne; celles diAncône, où vous
laisserez seulement na bataillon italien ponr défen-
dre le fort. L'empeieur, monsieur le général Saint-
Cyr, ordonne qu'avec votre corps d'armée ainsi
5 II PI'. ECÎS
composé, vous \ous meltiez snr-le-cliamp en mar-
che pour la fronlière du royaume de Naples. Votre
premier soin sera donc de prendre position dans les
états du Saint-Père, tant pour les garantir que pour
couvrir le royaume d'Italie. Le débarquement des
Anglo-Russes vous fera assez sentir combien il est
pressant que vous commenciez voire mouvement.
Envoyez-moi le plus tôt possible lelat de la compo-
sition et de la situation de votre corps d'armée.
Je dois vous prévenir que M. le maréchal Masséna,
avec environ quarante mille hommes, forme le 8'^
corps de la Grande-.\rmée j qu'il aura son quartier-
général à Laybach.
Le piince Eugène commande exclusivement dans
le pays vénitien et le royaume d'Italie les troupes
françaises et italiennes qui ne font partie ni du corps
du maréchal Masséna, ni du vôtre.
La position de l'ennemi nécessite que vous corres-
pondiez fréquemment avec moi par Zr/j^acA^ Gratz
et T'içnne.
Au maréchal Al'GEREau.
Biunn, le 19 frimaire iin xiv.
L'empereur ordonne que le maréchal Augereau
parle sur-le-champ avec son corps d'armée pour
se diriger par Heydenheini , Aalen , Ilailhron et
JDarmstadt sur Mayence, où il est convenable qu'il
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 5l5
arrive le plus tôt possible, afin d'aller an secours de
la Hollande, si les circonstances l'exigeaient. Sa pré-
.sence n'étant plus nécessaire en Allemagne, il ne
saurait arriver trop tôt à Mayence : il vivra dans le
pays de Darnistadt^ en donnant des bons que l'on
payera dans la suite.
M. le maréclial Augereau me fera connaître le
jour de son départ, l'itinéraire de sa marche, et le
jour de son arrivée à Mayencë.
u4u prince Louis j, connétable de l'empire.
Briinn , le 19 frimaire an xir.
L'EMPEPa:uR et roi ordonne que S. A. 1. le prince
Louis fasse partir sur-le-champ è^ Anvers le général
Collaud avec ses deux divisionT, pour se rendre à
Amsterdam, où elles seront soldées et nourries aux
dépens de la république halave. S. A. donnera éga-
lement l'ordre au 10" de chasseurs qui est à Clèves
de se rendre à Amsterdam , où ce régiment fera
partie du corps du général Collaud. L'empereur fait
connaître à S. A. que le maréchal Augereau, qui est
à Uhn, a l'ordre de partir sur-le-champ avec tout
son coi'ps d'armée pour se rendre a graiîdes marcîics
à Mayence , et que, vu ce mouvement . il est inutile
que S. A. se serve des corps d'avant- garde, formés
des réserves des maréchaux Lefebvre et K.elleimann,
3 I 4 P R ii C î s
A s. Exe. M. SCHIMMEJLPENNINCK, grcUld-
pensionnaire d'état, à La Haye.
Briinn , le 19 frimaire an xiv.
J'ai l'Iionneur de prévenir votre excellence que ie
général Collaucl se rend à Amsterdcun avec un corps
d'environ vingt mille hommes, et que l'empereur
demande que ce corps de troupes soit nourri et soldé
par la république batave.
Je préviens également votre excellence que M. le
maréchal Augereau , avec son corps d'armée, se rend
à marches forcées à'Ulm à Mayence , avec l'ordre
de se porter en Hollande , si cela devient nécessaire ;
et dans le cas où les Anglais elTectueraient une des-
cente, votre excellence est autorisée à envoyer un
courrier au maréchal Augereau pour presser sa
marche.
Si, après le bruit de la nouvelle de la bataille
à'yéustei'litz, vous voyez que les dispositions de l'en-
nemi continuent, vous ferez préparer à Amsterdam-
un. palais pour l'empereur, qui ne tarderait pas d'y
arriver au moment où on l'y attendrait le moins.
A S. A. le prijice Eugène , vice-roi d'Italie.
Briinn , le 19 frimaire au xiv.
L'empereur prévient le prince Eugène que dans
ié cas où les Russes et les Napolitains marcheraient^,
DES ÉVÉWEMENS MIIJTAIRPS. 5 [5
sa majesté se porterait elle-même en Italie an mo-
ment où elle y serait le moins attendue. En consé-
quence, elle demande que votre altesse fasse préparer
son logement, des écuries et des chevaux , afin qu'elle
puisse s'en servir à son arrivée, s'il y avait lieu.
Au maréchal MassÉna.
Briiun , le a3 frimaire an xtv.
L'empereur reçoit, monsieur le maréchal, votre
lettre du 20. Votre aide-de-camp Solignac m'a éga-
lement remis celle dont vous Taviez chargé pour moi.
Vous devez avoir reçu en ce moment les ordres de
sa majesté, qui vous ont été portés par M. de Tulley-
rand Périgord , relativement à la formation du corps
de la Grande -Armée, à l'armée de Naples, et au
commandement militaire du prince Eugène. Comme
vous le savez, JVl. le maréchal Ne}'^ doit se rendre à
KlagenfurLh. L'intention de l'empereur est qu'en
prenant vos cantonnemens, vous appuyiez votre corps
d'armée plutôt du côté de Gratz que de tout autre
côté, afin de pouvoir vous porter dans le moindre
temps- possible sur f^ienne. , s'il y avait lieu.
C'est sur le Danube que la guerre est désormais
fixée^ monsieur le maréchal; carie prince Charles,
avec toute son armée, est de ce côté-ci ; et l'intention
de sa majesté est, au premier signal, de réunir votre
armée à elle.
5l6 PRECIS
Vos dépôts , trois compagnies d'artillerie , un bon
commandant, suffiront à Palma-Nova, qu'il faut
bien approvisionner, et cela sans perdre un seul
mometit. Il ne faut pas s'endormir sur l'armistice:
la guerre n'est pas finie ; mais reposez vos troupes ,
et pourvoyez à tous leurs besoins; car d'un moment
l'aulre, vous recevrez l'ordre pour combaltre.
Correspondez fréquemment avec moi, et adressez-
moi notamment les rapports de tous vos espions; car
il est bien important de connaître toutes les forces
qui se trouvent en Croatie , et tout ce qui se passe du
côté de l'ennemi. Mettez - vous en correspondance
avec le maréchal Ney et le général Marmont. Pres-
crivez au commandant de votre artillerie de se mettre
en correspondance avec le général Songis.
Au général Marmont.
Scliombriinii , le ^3 frimaire an xtv.
L'empereur , général , désire que votre orres-
pondance avec moi soit plus détadlée ; que voi- me
fassiez connaître le rapport d« tous vos espions car
il est de la dernière importance que je sache ce :^\
se passe dans le pays que vous occupez , ainsi que
tout ce qu'on peut connaître de la position et des
mouvemens de l'ennemi. Correspondez avec les ma-
réchaux Ney et Masséiia. Tout en laissant .reposer
DES ÉVENIMENS MILITAIRES. 3i'J
VOS troupes occupez -vous de les mettre promple-
ment en campagne; car, de vous à moi , il est pro-
bable que nous reprendrons incessamment les hos-
tilités.
u^u maréchal u4ucereau.
Schoenbrùnn , le i'^ frimaire an xiv.
L'empereur ordonne , monsieur le maréchal ,
dans le cas où vous ne seriez pas parti à'Ulm à la
réception de cet ordre, que vous regardiez comme
nul et non avenu celui que vous avez reçu^ de vous
rendre à Mayence. Si au contraire vous êtes en route,
vous arrêterez votre corps d'armée où il se trouvera^
au moment où vous recevrez cet ordre. Vous canton-
nerez vos troupes j en les faisant vivre principale-
ment chez le prince de Latour et Taxis, et chez tous
les princes autrichiens de Souabe , .en ménageant ,
autant que possible, les états de "Wurtemberg et de
Bavière, parce que là nous sommes obligés de rem-
bourser tout ce que nous consommons.
A S. A. le prince Louis.
SchoenbriÏDn , le 24 frimaire an xiv.
L'empereur fait connaître à son altesse qu'il est
mécontent qu'elle retienne pour l'armée du Nord des
hommes et des chevaux destinés à la Grande-Armée;
que la république batave doit lui fournir l'artillerie.
5 I 8 PRÉCIS
les chevaux^ et tout ce dont elle aura besoin. L'avis
de sa majesté est que le dange»' est loin d'être aussi
pressant que ne le croit son altesse^ et qu'enfin elle
ne doit rien détourner de ce qui est pour la Grande-
Armée.
^11 maréchal Brune.
SchoenbriinTi , je 2 j frimaire an xiy.
L'empereur , monsieur le maréchal, ordonne que
vous fassiez partir sur-le-champ de fort- détachemens
de conscrits des dix S"'" bataillons des rcgiraens de
la Grande-Armée^ qui sont sous vos ordres. Le bon
nombre de conscrits que vous nous renverrez sont
nécessaires pour réparer les pertes causées par la ba-
taille i)i Austerlitz. Ne vous laissez pas amuser par
les bruits de paix : tout n'est pas fini encore ; l'empereur
compte pour cet objet sur votre patriotisme, votre
zèle et sur votre dévoûment à sa personne.
Au général Makmont.
Sclioenbriinn, le 25 frimaire an xiv (i6 décembre i8o5).
L'empereur , général , me charge de vous deman-
der où est le dépôt des deux cents caissons que vous
lui avez écrit avoir dans votre commandement.
Sa majesté désire que vous rédigiez un mémoire
sur la citadelle de Gratz. Combien de canons fau-
drait-il pour l'armer? Y a-t-il de l'eau, des bàtimens?
DJZS ÉVÉNEMENS MILITAIRES. Sig
Combien d'hommes peut-elle contenir? Poiirrait-on
y loger les dépôts? y établir des fours, des maga-
sins de vivres, un arsenal pour les munitions? enfin
des emplacemens pour y déposer les bagages d'un
corps d'armée de trente à quarante mille hommes?
combien il faudrait d'hommes pour la défendre?
Si la citadelle de Gratz peut remplir l'objet dont
je viens de vous parler, vous devez la faire armer et
approvisionner de suite, et même y mettre un Iiôpi-
tal. L'opinion de l'empereur "est rpie dans le genre de
guerre cpie nous faisons, les hôpitaux de maladies
graves ne peuvent sans inconvénient être placés de
manière à les laisser prendre à l'ennemi.
Vous vous êtes déjà trouvé dans le cas, général,
où cette citadelle pouvait être utile; comme sagement
vous l'avez fait, en vous portant sur Païenne, en
manœuvrant de manière à ce que le prince Charles
ne put s'y trouver avant vous.
Faites connaître si la citadelle de Gratz, sous les
rapports dont il est question ci-dessus, peut, dans
dou^e ou quinze jours de travail, servir à garderies
magasins et les bagages d'un Xîorps d'armée de trente
à quarante mille hommes, j^endant huit à dix jours,
étant défendue par trois ou quatre cents hommes,
temjDs nécessaire pour que l'armée qui agirait pût'
venir prendre la position.
L'empereur désire encore que vous fassiez recon^
520 PRÉCIS
naître et prendre tous les renseignemens pour avoir
l'itinéraire bien exact de la route que devrait suivre
une armée de trente à quarante mille hommes, pour
se rendre de Gratz à Pest. Vous devez faire con-
naître l'étendue, la nature de la route, les défilés,
les ravins, enfin la position que pourrait prendre
l'armée.
^u maréchal Datoust.
Schoenbriinn , le 26 frimaire aa xiv (17 décembre).
L'intention de l'empereur, monsieur le maréchal;
est que vous vous occupiez de faire jeter un pont sur
le Danube , à la liauleur de Preshourg , et que vous
fassiez construire deux têtes de pont, un du côté de
la rive droite, l'autre du côté de la rive gauche pour
défendre le pont.
Au maréchal Bernadotte.
Schoenbriinn , le 26 frimaire an xiv (i3 décembre).
Li'empereuk me charge, monsieur le maréchal,
de vous faire connaître que vous devez voir, par
l'ordre du jour , qu'une trop grande sécurité serait
funeste ; que son intention est que vous teniez en pre-
mière ligne les Bavarois devant le prince Ferdinand,
et que vous vous placiez de manière à vous porter
rapidement à sa droite, et à cacher vos mouvemens
DES EVENEMENS MILITAIRES. ^21
à rennemi. Les princes Charles et Jean sont devant
nous ; le corps du générai Meerfeld, sur la gauclie de la
Mardi; le prince Jean^ depuis la rive droite du Da-
nube jusqu'aux positions vis-à-vis JS'eustadt; et enfin
le prince Charles, depuis la position vis-à-vis Neus^-
tadt jusqu'aux positions vis-à-vis Gratz. Sa majesté
pense que tout cela peut encore former une armée
de soixante -dix mille hommes. 11 lui paraît donc
convenable, comme elle en a déjà donné l'ordre,
que les troupes françaises do votre coips d'armée
soient dans le cercle à'Iglau, et à portée d'arriver
en quatre ou cinq jours sur païenne, et en deux
jours sur Briinn , selon les circonstances. Les Ba-
varois doivent être bientôt en force pour pouvoir,
dans un cas extraordinaire, tenir tête au prince Fer-
dinand, et lui disputer le terrain, donner le temps
nécessaire pour faire entièrement disparaître le prince
Charles.
y4u maréchal D a vous t.
Schoenbiûnn , le 27 frimaire an xiv (18 décembre).
D'après les dernières dispositions que vient d'ar-
rêter l'empereur, monsieur le maréchal, votre com-
mandement comprendra Presbourg, le pays compris
entre Preshourg et Marchech , tout le pays de la
Basse- Autriche sur la rive droite du Danube jusqu'à
14. ai
522 PFxÉClS
FticJtament , et le long du petit ruisseau qui v
passe jusqua Goczendorf, et jusqu'aux limites de la
Hongrie.
L'intention de l'empereur est que vous mettiez une
division d'infauterie à Presboiirg , et une autre à la
rive dioiîe du Danube, le long de la Layta, occu-
pant la partie de terrain désignée ci-dessus.
Votre cavalerie légère sera en grande partie le long
de la rivière de la Layta. Vous ferez construire un pont
de bateau à Frcshourg avec une tète de pont sur les
deux rives. Vous vous éludierez à bien connaître le
pays depuis Pré'^Z'ow/'^ jiis([u'au lac sur la jive droite
du Danube. Vous clîargerez des ingénieurs d'en lever
toutes les positions.
Arrangez tout cela, en le combinant autant que
vous le pourrez avec les conditions de l'armistice.
Quant à M. le maréchal Soult, il a ordre de tenir
.sa cavalerie légère depuis Goe'zendorf jusqu'à JS^eus-
ladt ; mais il ne mettra aucune troupe d'infanterie
dans le pays entre Frichcnnent , GoëzendorJ\ et la
frontière de Hongrie juscpi'à Preshourg, qui vous est
exclusivement destiné.
Je pense que votre quartier-général sera bientôt
à Hambourg. La division d'infanterie que vons met-
trez le long de la Layta doit être celle qui est la plus .
reposée de votre armée.
DES EVJiNEMEJNS MILITAIRES. ^25
^u maréchal Mortier.
Schoenbiiinn, Je 27 frimaire an xiv (18 décembre).
L'empereur, monsieur le maréchal, m'ordonne
de vous déiDécIier un officier de mon élat-major pour
vous faire connaître que vous devez vous rendre à
l'extrémité de votre M^p^Q à Prosjiitz pour vous in-
former vous-même de ce qu'il peut y avoir du côté
à'Olmutz; de m'en envoyer un rapport particulier,
ainsi qjie de toutce qui se passe à Zwittau; comme
aussi de me faire connaître ce que l'ennemi fait, et
où est sa cavalerie légère. Vous devez, monsieur le
maréchal, voir, par Tordre du jour, qu'une trop
grande sécurité pourrait devenir funeste, et que l'ar-
mée, tout en se reposant, doit se préparer à recom-
mencer les hostilités au premier ordre.
Au général Marmont.
Schoenbriinn, le 27 frimaire an xiv (,S décembre).
Je vous préviens, général, que je viens de donner
lordre au général Dumonceau de partir demain de
rienne avec sa division pour se rendre à Neustadt, et
rentrer dans le corps d'armée que vous commandez.
L'intention de l'empereur est que vous teniez une
division à Bruch, de manière à vous porter le plus
rapidement possible kJ^eustadt au secours du général
524 PRÉCIS
Dumonceao qui sy trouvera^ et dans le cas où il y
aurait lien.
Je donne l'ordre à M. le maréchal Masséna d'en-
voyer une division de dragons à Marhourg , et une
division de cuirassiers à ScilU. L'inteiuion de l'em-
pereur est que vous preniez les mesures nécessaires
pour leur nourriture ; vous en préviendrez le maré-
clial M asséna.
Au maréchal Soult.
Schoenbiunn , 27 frimaire an xiv (18 décembre^.
Je vous préviens, monsieur le maréchal, que
d'après l'ordre de l'empereur, M. le maréchal Da-
voust occupe Preshourg , le pays compris entre P/'es-
hoiirg et MarcJiech, tout le pays de la Basse-Autriche,
sur la rive droite du Danube jusqu'à Frichament , et
le long du petit ruisseau qui y passe jusqu'à Goézan-
dorf^ et jusqu'aux limites de la Hongrie.
Quant à vous, monsieur le maréchal, d'après les
dispositions que sa majesté a arrêtées ce matin, son
intention est que votre cavalerie légère occupe depuis
Goëzendorf ')i\-if\\xk jSeusfadt, sur la ligne d'armis-
tice, en avant toujours des vedettes sur l'extrême
frontière de cette ligne, qui est la frontière de la
Basse-Autriche et de la Bohème.
Le général Milhaud a l'ordre d'occuper la rive
droite de la March.
DES EVÉiVEMENS MILITAI 11 ES. 523
Au jnaréchal Nu y.
î Schoenbrûnn , le 27 frimaire an xiv (18 décembre).
L'empereur, monsieur le maréchal, me cliaige
de vous faire connaître qu'il serait possible que vous
devinssiez nécessaire sur la ligne d'opérations; qu'il
attend avec impatience votre arrivée à Klagenflirt.
Immédiatement après votre arrivée, vous pousserez
votre plus forte division avec artillerie et cavalerie
sur les limites de la Carinthie, le plus près possible
de Léoben. Les princes Charles et Jean ayant une
armée considérable à plusieurs lieues de ^"ienjie, il est
convenable de se tenir toujours en mesure. Je vous
recommande de me faire connaître le jour où yous
arriverez à Klagenflirt, et le jour où votre division
sera arrivée à Léoben.
L'armistice existe, il est vrai; mais on ne doit
jamais s'y fier quand on est dans la capitale de son
ennemi.
A S. A. I. le prince Louis, connétable,
Schoenbrûnn , 3o frimaire an xiv (21 décembre).
L EMPEREUR me charge de vous faire connaître que
vous ne devez pas avoir de gi-andes inquiétudes sur
le Nord.
026 r II É c I s
Sa majesté ordonne cjiie vous fassiez retourner h
Paris les clétachemens de sa garde que vous avez fait
partir pour la Hollande.
L'empereur peut arriver d'un moment à l'autre;
d'ailleurs son intention est que sa garde ne donne
jamais en détail.
Comme je l'ai mandé à votre altesse^ l'empereur
s'est arrangé avec la Prusse ; ce qui change beaucoup
les affaires du Nord.
Sa majesté ordonne que vous restiez en Hollande;
que vous y fassiez bien cantonner votre armée; que
vous la teniez toujours sur un pied respectable. La
Hollande , mon prince, doit fournir la solde et toutes
les dépenses de l'armée du Nord ; elle doit acheter et
fournir tous les chevaux d'artillerie et de charrois; et
sous ce rapport, votre altesse n'a rien à tirer de
France, l'armée du Nord ne devant rien coûter h
l'empereur.
Sa majesté ordonne que vous fassiez diriger sur
Augshourg tous les conscrits, les chevaux, les déla-
chemens qui sont destinés à la Grande-Armée. La
paix n'est pas faite.
Au maréchal Lefeevre.
Schoenbrunn , le 3o frimaii-e an xiv (21 décembre}.
J^Ài mis sous les yeux de l'empereur, monsieur le
maréchal, l'état du i5 frimaire que vous m'avez
DUS ÉVÉNEMENS MILITAI 11 IiS. 52 7
adressé. L'intentibn de sa niajeslé est que vous diri-
giez autant d'hommes qu'il vous sera possible, des-
tinés ou appailenans auxdifférens corps de la Grande-
Armée, habillés ou non habillé , armés ou non armés,
sur Augsbourg, ayant soin de bien organiser les en-
vois, désigner un oiîicier pour les hommes de chaque
corps , et former des colonnes de trois mille hommes.
Nous ne manquons ici ni de fusils ni d'habits. Quant
à l'avant-garde de votre réserve composée de neuf
bataillons, l'empereur approuve que vous la gardiez
encore quelque temps pour la défense de Mayence.
Quoique la meilleure intelligence règne entre nous et
la Prusse, on doit encore être sur ses gardes ; il n'y a
cependant pas de doute que les dispositions du côté
de la Suède ne s'évanouissent bientôt. L'empereur
me charge de vous renouveler l'ordre d'envoyer à la
Grande-Armée tout les détachemens d'hommes, de
chevaux, de conscrits qui lui appartiennent : on
négocie, à la vérité, en se préparant à la guerre, car
rien n'est fini. Sa majesté me charge de vous faire
connaître que^ du moment que vous aurez fait partir
le dernier homme et le dernier cheval de tout ce que
vous avez de la Grande - Armée , vous vous mettiez
vous-même en route pour J^ienne , où l'empereur
vous destine un commandement actif. L'intention de
sa majesté est cependant que vous ne partiez que
dans le cas où, comme on doit le supposer, on serait
528 > pp. ter s
tranquille sur la Hollande; et daus ce cas, lempe-
renr vous laisse le maître de laisser l'avant-garde de
votre réserve à Mayence , ou de la diriger sur Aiigs-
hourg. Dans le cas où vous partiriez pour tienne,
votre réserve restera sous le commandement de M. le
maréchal Kellerraann , et alors ces deux réserves
Vlqyï. feront plus qu'une.
Du moment que vous croirez devoir partir, mon-
sieur le maréchal, vous vous rendrez d'abord à
^ugsbourg pour y donner les ordres^ et y faire \es
dispositions nécessaires pour l'habillenient et l'arme-
ment des conscrits, en raison du nombre c|ue vous y
aurez dirigé. Vous attendrez là de nouveaux ordres
sur le commandement que l'empereur vous destine.
Vous écrirez au maréchal Kellermann pour Ini faire
connaître le jour de votre départ, et l'état de la ré-
serve que vous lui laisserez.
^li marécJùal 'Massîina.
Schoenbrùnn , le i^»' nlvose an xiv (22 décembre}.
L'intention de l'empereur, monsieur le maré-
chal, est que vous portiez votre quartier -général à
Marhoiirg ; que vous arrangiez vos cantonnemens
de manière à appuyer l'extrémité de votre droite à
Layhach, étendant des postes tout le long de la ligne
de démarcation, et que de votre personne, avec deux
dQ Tes divisions, vous puissiez^ au premier ordre.
1>ES ÉVÉNEMENS MILITAIRKS. 52g
TOUS porter de Marhourg sur Gratz. L'empereur vous
donne l'administration des cercles de Marbourg et de
Scilli. J'en préviens M. le général Marmont. Ces cer-
cles vous sont nécessaires pour y établir votre quar-
tier-général, et faire vivre les deux divisions que
vous devez y porter.
J'ai reçu, monsieur le maréchal, les états de for-
mation que vous m'avez envoyés de voti'e 8^ corps
d'armée, de l'armée de Naples, et de celle sous les
ordres de S. A. le prince Eugène : je les ai mis sous
les yeux de l'empereur. Je vous y répondrai par le
général Soîlignac.
Au prince Eugène.
Schoeubrijnn , le i<^'" nivôse, à minuit, (22 dtcembre^.
L'empereuPv suppose, mon prince, que vous avez
avec vous deux divisions de garde nationale italienne.
L'intention de l'empereur est que vous en conserviez
une pour garder f^eiiise, et que vous mettiez l'autre
aux ordres du général Saint-Cyr pour le suivre à
I^aples.
Votre division se trouve composée de quatre régi-
mens de ligne français. Vous devez faire parcourir les
dépôts de ces régimens qui doivent avoir reçu beau-
coup de conscrits. Activez leur armement et leur
équipement autant que cela sera possible.
L'empereur me charge de faire connaître à voire
ODO PRECJS
altesse qu'il regarde le général Parl*'^'*^'^ comme un
liomrae médiocre; mais que vous avez à JlJantoue
le général Miollis que vous devez appeler. Votre
altesse peut lui donner le commandement de ses
troupes : c'est un homme de soin et brave, sur lequel
on peut se reposer.
L'empereur a réuni à Munich toute la garde ro3^ale ;
et si les hostilités venaient à reprendre, sa majesté
la ferait passer sur-le-champ à Milan ; accoutumée
aux manoeuvres de la Grande- Armée, cette troupe
se battra bien.
Je donne l'ordre au général Menou d'envoyer le
5^ régiment d'infanterie légère pour être aux ordres
de votre altesse, et de lui fournir en général toutes
les troupes formant le camp d'Alexandrie, et qui
seraient disponibles.
Le maréchal Masséna reçoit également l'ordre d'en-
voyer le 25*' régiment de cliasseurs achevai à l'armée
de NapUs, aux ordres du général Saint-Cyr, et d'en-
voj^er H votre altesse le 5^ de chasseurs pour être à ses
ordres.
Au général Marmont.
Schoenbrûnn , le 2 nivôse an xiv.
J'ai soumis à l'empereur votre dernière lettre,
général ; sa majesté a été fâchée des observations que
vous faites, et me charge de vous dire que ses ordres
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 55 1
-doivent être ponctuellement exécutés; que tout ce
que vous dites serait bon, si préalablement vous aviez
envoyé une division à Bruch , parce que vous ne
connaissiez, ni les projets de l'empereur, ni l'état de
la question. Sa majesté ne confie ses plans à personne.
Cantonnez donc, général, nne division àe Btuc/i à
ÏVeustaclt, de manière que la tête arrive dans un jour^
la queue dans deux ou trois , et non par des marcbes
forcées; car lorsque l'on dit que des troupes doivent
être à plusieurs marcbes, en doit entendre des mar-
ches de quatre à cinq lieues, de manière qu'à la der-
nière journée les troupes puissent se battre et ma-
noeuA^rer.
Sa majesté ordonne que tous \e^ chevaux que vous
lèverez soient donnés aux dragons à pied. Vous avez
dû voir, général, que vous devez resserrer vos can-
tonnemens; que le maréchal Masséna a l'administra-
tion du cercle de Marhourg et de celui de ScilLl, et
le maréchal Ney celui ^ Heydenbourg .
L'empereur désire savoir combien de rations de
biscuits peuvent suivre votre armée, en cas d'opéra-
tion militaire.
A M. P ETiET, in tendant- gêné rai.
L'intention de l'empereur , monsieiu- l'inlendant-
général , est que vous voyiez les agens de Bavière, de
Wurtemberg et de Bade ; ils savent le pays qu'ils
ÙJI PRECIS
doivent avoir ; vous leur ferez connaître que sa ma-
jesté n'accordera Tévacuation de ces pays par les
troupes et leur prise de possession, que lorsque les
contributions seront payées ; que s'ils veulent se char-
ger de les payer, il est probable que l'empereur se
résoudra à leur faire remettre sur-le-champ les pays
qui doivent leur revenir. Vous pouvez faire en con-
séquence un traité, pour le payement des contribu-
tions en lettres de change siu' Faiis , payables en
trois mois.
^u J7iaréchal BrssiÈREs.
Schoenbruiin , le 6 uivose an xiv.
L'intention de l'empereur , monsieur le mai'é-
chal, est que l'artillerie de la garde, et les chasseurs
à pied de la garde , partent demain pour se rendre
en France.
Quant aux grenadiers à cheval et à pied de la garde,
ils ne partiront qu'après le départ de l'empereur.
^u maréchal Augereau.
Sclioenbriinn , le 6 nivôse an xiv.
Sa majesté me charge de vous annoncer que la
paix est signée entre lui et l'empereur d'Autriche.
L'empereur ordonne qu'aussitôt après la réception
de cet ordre , vous continuiez votre route pour vous
rendre dans le pays de Darinstadt , ce prince s'élant
DÈS Ï^VÉNEMENS MILîTAIKES. 555
toujours assez mal conduit à notre égard. Tout doit
cependant se faire dans le pltis grand ordre, et l'in-
tention de l'empereur est que vous donniez des bons
très en règle de ce que vous prendrez.
A'ote autographe envoyée à l'auteur par le feu gé-
néral R^pp, sur le fait d'arme par lequel il se
signala à la bataille <:/'Austerlitz , et qui a fait le
sujet de l'un des plus beaux tableaux de V École
française.
Vers une heure après midi, les Russes voyant la
bataille encore indécise firent un dernier effort sur
le centre où était placée toute la garde imjîériale à la
tête de laquelle était Napoléon. Toute la garde impé-
riale russe , infanterie , cavalerie et artillerie ^ se dé-
ploya, marcha sur le pont sans que Napoléon pût
apercevoir son mouvement^ étant placé de manière
à ne pouvoir bien observer. Il entendit un feu de
mousqueterie ; c'était l'avant-garde de la garde impé-
riale russe qui venait d'enfoncer la brigade française
du général Schiner , composée du ii^ léger et du i^ de
ligne; un officier d'état-major vint lui confirmer le
malheur arrivé à ces troupes. Il m'ordonna de me
mettre à la tête des Mameiucks, de deux escadrons
de chasseurs et d'un escadron de grenadiers de la
garde ^ pour me porter en avant. Je fis mon mouve-
ment dans un clin d'oeil ; je partis au galop et à
554 PRÉCIS
demi-portée de canon , j'aperçus le désordre de nos
troupes, quelques fuyards me confirmèrent ce qui
s'était passé , c'est-à-dire que la cavalerie russe était
au milieu de nos carres, sabrant nos soldats. Nous
aperçûmes derrière le champ de carnage , la réserve
ennemie composée de fortes masses d'infanterie, et de
ca^ alerie qui arrivait. Je mis mes troupes en bataille,
à mi-portée de fusil de l'ennemi, qui, de son côté,
quitta notre infanterie sabrée pour se ranger en ba-
taille. Quatre pièces d'artillerie , soutenues par les
troupes rangées en bataille, arrivèrent au galop et
furent mises en batterie devant moi. J'avais à ma
gauche le brave colonel Morlan , le brave générai
Dallemagrie. Jadre^iai ces propres paroles à mes
troupes : (c Vous voyez ce qui -e passe là-bas ( en mon-
(C trant notre infanterie enfoncée), il faut sauver nos
ce camarades ; ne comptons pas nos ennemis, d) Je
cliargeai de suite l'artillerie russe qui fut enlevée ; la
cavalerie de la garde russe nous attendit de pied
ferme ; nous l'enfonçâmes , elle fut mise en déroute
et elle se sauva en désordre, repassa, ainsi que nous,
sur le corps de nos carrés enfoncés. Tous ceux qui
n'étaient pas blessés se relevèrent et se rallièrent. Un
escadron de grenadiers à cheval vint me renforcer
pendant que les réserves ennemies arrivaient au se-
cours de la garde russe. Je ralliai de nouveau mes
U'oupes au moment où les Russes se formaient de
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 555
nouveau en bataille; j'exécutai une nouvelle diarge,
et nous enfonçâmes tout ce qui se trouvait sur noire
passage , infanterie et cavalerie ; c/est là où la mêlée
dura cinq minutes ; les Russes se battirent avec une
valeur cligne d'admiration, mais ne purent résister au
sang- froid et à l'intrépidité de nos soldats. Nous nous
battîmes constamment corps à corps, l'infanterie
russe n'osant tirer dans la mêlée. Tout à coup la garde
russe plia et alla chercber un refuge dans son infan-
terie qui avait déposé ses ha^TC-sacs pour mieux .se
battre. Nous enfonçâmes tout ; le carnage devint
terrible. Le brave colonel Morlan fut tué; il reçut
une boite entière de mitraille dans le ventre. Le gé-
néral Dallemagne, les officiers et soldats se battirent
avec une intrépidité rare ; je reçus un coup de pointe
de sabie dans la tête, qui fit tomber mon cbapeau
sur le cliamp de bataille ; mon cheval reçut cinq bles-
sures. La défaite de la garde impériale russe eut lieu
en présence de l'empereur Alexandre et de l'empe-
reur d'Autriche , qui étaient sur une élévation à peu
de distance du champ de carnage. Entr'autres pri-
sonniers y il y eut le prince Repnin , commandant les
chevaliers-gardes. Ce ne fut qu'après ce terrible com-
bat que nous apprîmes par les prisonniers , que nous
avions eu affaire à la garde russe. Les Mamelucks se
distinguèrent par leur manière de sabrer.
Je fus moi-même , après l'affaire, rendre compte
3o6 PRÉCIS
à Napoléon cle ce qui venait de se passer. Moi^ mon
cheval couverts cle sang , ma blessure à la tète et sans
chapeau , mon sabre moitié cassé et teint cle sang ,
enfin la satisfaction cju'éprouvait l'empereur d'une
affaire aussi brillante contre la garde impériale j'usse
avec si peu de monde, lui donna à cet instant même
l'heureuse idée d'ordonner le tableau de la bataille
à'Austerlitz , saisissant ma position et l'état dans les-
c[uels je venais lui annoncer la victoire.
La satisfaction cle l'empereur était d'autant plus
grande, c[u'un officier russe d'état-major, venu en
mission à son quartier général la veille de la bataille,
s'était vanté que la garde impériale russe suffirait
2x>ur détruire toute l'armée française.
ORDRE DE BATAILLE
De r armée française ^ a la bataille <^'Austerlitz
commandée par V empereur Napoléon.
Corps d'arm. Mare) baux.
Etat-major
général.. Berthier. . .
5^ aile gau-
che Laknes .
4^ centre. . Soult.
Généraux de divisian.
rAndréossi.
I Dumas.
(Songis, art.
Lery, génie.
/ Compans.
iSuchet.
ICaffarelli.
Saligny.
Laribossière.
I Yandamrue.
ISaint-Hilaire.
Legrand.
3« droite. . Davoust.
! Sorbier.
Friant.
Bourcier.
P. Berthier.
I Eblé , art.
i^e réserve. Bernadotte.. .<: Drouet.
I Bivaud.
[ Kellermann.
De grena-
diers Oudinot .
Généraux de brigade.
SansoD.
Panetier.
Pernetty.
Foucher, art.
Claparède.
Valhubert.
Deraont.
Debilly.
Treillard.
Milhaud.
Schinner.
Caudras.
Ferrey.
Waré.
ïhiébanlt.
Morand.
Merle.
Levassedr.
Marg.-.ron.
Daulîanne.
Heudelet.
Kister.
Locbet.
Werlé.
B»t. Esc.
Id , garde
impériale. BessiÈres ,
fEelliard.
Réserve de iWalther.
cavalerie. Prince Morat. < Beaumont.
I DUautponl.
(Nansouty.
i/,,
/Dupas.
* ' * I Laplanche, m.
{Dorsenne.
Morland.
Ordener.
Sébastiani.
Roget.
Boyer.
Defrance.
18 8
18 8
}■•
44
Total 97 ;8
aa
558 PRÉCIS
ORDRE DE BATAILLE
De r armée austro^russe^ a la bataille r/'Austerlitz,
commandée par les empereurs François et
Alexandre.
KuTUsow, commandant en chef l'infanterie.
Le prince de Lichtenstein , commandant en chef la
cavalerie.
Corps d'arm. Maréchaux, Généraux de division. Généraux de brigade. Bat. Esc.
( Warow. J ^
( Saken. Depraradowitztoro. j
iDoctorow. Meillerberg. I
/"Wimptea. Giliiski
"octorow. Meiller
inseron. Meiller-
rzebischewski. Selukow.
^ , _, 1 Lanseron. Meiller Zacomerloki. l -,> ,,
Gauche... Buxhofbe:,-...<^p^.^^j^.^^^^^^.^^._ g^j^j^^^^.^ ^ 5(> 44
J Przebischewski. Seluh.o\v. (
j Kollowratli. Strick. l
F Kienmayer. J
V. ' -n r^ fYintzingerode. j „
Reserves.. Pr.CoNSTi.iTTi:rJ r, • ^ ■ r" ^7 ^8
I Prince Repuiu. j '
Total 107 162
S>î:S EVENEMENS militaires. ^3()
TRAITÉ DE PAIX
Entre S, M. l'empereur des Français et S. M. l'em-
pereur d'Autriche,
Sa majesté l'empereur d'Allemagne et d'Autriche,
et sa majesté l'empereur des Français, roi d'Italie,
également animés du désir de mettre fin aux cala-
mités de la guerre, ont résolu de procéder, sans dé-
lai , à la conclusion d'un traité de paix définitif, et
ont, en conséquence, nommé pour plénipotentiaires,
savoir :
Sa majesté lempereur d'Allemagne et d'Autriche,
M. le prince Jean de Lichtenstein , prince du saint
empire romain, grand -croix de l'ordre militaire de
Marie-Thérèse, chambellan, lieutenant-général des
armées de sadite majesté l'empereur d'Allemagne et
d'Autriche, et propriétaire d'un régiment de hus-
sards; et M. le comte Ignaz de Giulai, commandeur
de l'ordre militaire de Marie - Thérèse , chambellan
de sadite majesté l'empereur d'Allemagne et d'Au-
triche, lieutenant-général de ses armées, et proprié-
taire d'un régiment d'infanterie ;
Et sa majesté l'empereur des Français, roi d'Italie,
M. Charles- Maurice Talleyrand-Périgord , grand-
chambellan, ministre des relations extérieures de
sadite majesté l'empereur des Français et roi d'Italie,
34o pr. £cis
grand - cordon de la Légion- d'Honneur . chevalier
des ordres de l'Aigle rouge et noir de Prusse ;
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pou-
voirs, sont convenus des articles suivans :
Art. I". Il y aura , à compter de ce jour, paix et
amitié entre sa majesté l'empereur d'Allemagne et
d'Autriche, et sa majesté l'empereur des Français,
roi d'Italie, leurs héritiers et successeurs, leurs états
et sujets respectifs, à perpétuité.
2. La France continuera de posséder, en toute
propriété et souveraineté, les duchés, principautés,
seigneuries et territoires au-delà des Alpes, qui
étaient, antérieurement au présent traité , réunis et
incorporés à l'empire français, ou régis par les lois
et les administrations françaises.
5. S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche,
pour lui, ses héritiers et successeurs, reconnaît les
dispositions faites par S. M. l'empereur des Français,
roi d'Italie, relativement aux principautés de Luc-
ques et de Piombino.
4. S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche
renonce, tant pour lui que pour ses héritiers et suc-
cesseurs, à la partie des états de la république de
Venise à lui cédée par les traités de Campo-Formio
et de Lunéville, laquelle sera réunie à perpétuité au
royaume d'Italie.
5. S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche
DES ÉVENEMENS MILITAIRES. 54 I
reconnaît S. M. l'empereur des Français comme roi
d'Italie. Mais il est convenu que , conformément à la
déclaration faite par S. M. l'empereur des Français ,
au moment où il a pris la couronne d'Italie, aussitôt
que les puissances nommées dans cette déclaration
auront rempli les conditions qui s'y trouvent expri-
mées, les couronnes de France et d'Italie seront sé-
parées à perpétuité, et ne pourront plus, dans aucun
cas, être réunies sur la même tête. S. M. l'empereur
d'Allemagne et d'Autriche s'engage à reconnaître ,
lors de la séparation, le successeur que S. M. l'empe-
reur des Français se sera donné comme roi d'Italie.
6. Le présent traité de paix est déclaré commun
à leurs altesses sérénissiraes les électeurs de Bavière,
de Wurtemberg et de Bade, et à la république ba-
tave, alliés de S. M. l'empereur des Français, roi
d'Italie, dans la présente guerre.
7. Les électeurs de Bavière et de Wurtemberg
ayant pris le titre de roi, sans néanmoins cesser
d'appartenir à la confédération germanique, S. M.
l'empereur d'Allemagne et d'Autriche les reconnaît
en cette qualité.
8. S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche,
tant pour lui, ses héritiers et successeurs, que pour
les princes de sa maison, leurs héritiers et successeurs
respectifs, renonce aux principautés, seigneuries,
domaines et territoires ci-après désignés :
54^ PRECIS
Cède et abandonne à S. M. le roi de Bavière le
margraviat de Burgavv et ses dépendances , la princi-
pauté d'Eichstadt, Ja partie du territoire de Passaii ,
appartenante à S. A. R. 1 électeur de Saîtzbonrg, et
située entre la Bohême, l'ALitriclie, le Danube et l'Inn:
le comté de Tyrol^ y compris les principautés de
Brixen et de Trente ; les sept seigneuries du Vorarl-
berg, avec leurs enclaves; le comté de Hohenems ^
le comté de Conigsegg Rotbenfels , les seigneuries de
Tetnang et Argen, et la ville et territoire de Linclau ;
A S. M. le roi de Wurtemberg, les cinq villes
dites du Danube, savoir : Ehingen , Munderkungen ,
Beidlingen, Mengen etSulgaAv, avec leurs dépen-
dances; le liant et bas comté de Hohenberg, le land-
graviat de Nellenboiirg, et la préfecture d'AltorlF,
avec leurs dépendances (la ville de Constance excep-
tée ) , la partie de Brisgaw faisant enclave dans les
possessions Avurtembourgeoises, et située à l'est d'une
ligne tirée du Schlegelberg jusqu'à la Molbach , et
les villes et territoires de Willingen et Brintengen.
A S. A. S. l'électeur de Bade, le Brisga-^v ( à l'ex-
ception de l'enclave et des portions séparées ci-dessus
désignées), l'Ortenavv et leurs dépendances, la ville
de Constance et la commanderie de Meinau.
Les principautés , seigneuries , domaines et terri-
toires susdits , seront possédés respectivement par
leurs majestés les rois de Bavière et de ^Vui temberg.
DES ÉVÉIN^EMENS MILITAIRES. 5/^5
et par S. A. S. l'électeur de Bade, soit en suzeraineté,
soit en toute propriété et souveraineté, de la même
manière, aux mêmes titres, droits et prérogatives
que les possédaient S. M. Tempereur d'Allemagne et
d'Autriche, ou les princes de sa maison et non au-
trement.
9. S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche
reconnaît les dettes contractées par la maison d'Au-
tricîie au profit des particuliers et des établissemens
publics du pays faisant actuellement partie inté-
grante de l'empire français ; et il est convenu que
sadite majesté restera libre de toute obligation par
rapport à toutes dettes quelconques que la maison
d'Autriche aurait contractées, à raison de la posses-
sion, et hypothéquées sur le sol des pays auxquels
elle renonce par le présent traité.
10. Les pays de Saltzbourg et de Berchtolsgaden,
appartenans à S. A. R. et E. l'archiduc Ferdinand ,
seront incorporés à l'empire d'Autriche, et S. M. l'em-
pereur d'Allemagne et d'Autriche les possédera en
toute propriété et souveraineté, mais à titre de duclié
seulement.
11. S. M. l'empereur des Français, roi d'Itah"e ,
s'engage à obtenir, en faveur de S. A. K. l'archiduc
Ferdinand, électeur de Saltzbourg, la cession par
S. M. le roi de Bavière, de la principauté de W^urlz-
bourg, telle qu'elle a été donnée à sadite majesté par
344 PRÉCIS
le recès de la députation de l'empire germanique du
2 5 février i8o5 (6 ventôse an xi).
Le titre électoral de S. A. R. sera transféré sur
cette principauté , que S. A. R.. possédera en toute
propriété et souveraineté, de la niême manière et
aux mêmes conditions qu'elle possédait l'électorat de
Saltzbourg.
Et quant aux dettes, il est convenu quefle nou-
veau possesseur n'aura à sa charge que les dettes ré-
sultantes d'emprunts formellement consentis par les
états du pays, ou des dépenses faites pour l'adminis-
tration effective dudit pays.
12. La dignité de grand-maître de l'ordre Teuto-
nique, les droits, domaines et revenus qui, anté-
rieurement à la présente guerre , dépendaient de
Mergentheim, clief-lieu de l'ordre; les autres droits,
domaines et revenus, qui se trouveront attachés à la
grande- maîtrise à l'époque de l'échange des ratifi-
cations du présent traité, ainsi que les domaines et
revenus dont, à celte même époque, ledit ordre se
trouvera en possession , deviendront héréditaires dans
la personne et la descendance directe et masculine ,
par ordre de primogéniture , de celui des princes de
la maison impériale qui sera désigné par S. M. l'em-
pereur d'Allemagne et d'Autriche.
S. M. l'empereuf Napoléon promet ses bons offices
pour faire obtenir, le plus tôt possible, à S, A, R. l'ar-
DES EVENEMENS MILITAIRES. 345
chiduc Ferdinand , une indemnité pleine et entière
en Allemagne.
i5. S. M. le roi de Bavière pourra occuper la ville
d'Augsbourg et son territoire, les réunir à ses états,
et les posséder en toute propriété et souveraineté.
Pourra également S. M. le roi de Wurtemberg, oc-
cuper, réunir à t-es états, et posséder en toute pro-
priété et souveraineté, le comté de Bondorff; et
S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche s'engage
à n'y mettre aucune opposition.
)4. Leurs majestés les rois de Bavière et de Wur-
temberg, et S. A. S. l'électeur de Bade, jouiront sur
les territoires à eux cédés , comme aussi sur leurs
anciens états, de la plénitude de la souveraineté et
de tous les droits qui en dérivent, et qui leur ont
été garantis par S. M. l'empereur des Français, roi
d'Italie , ainsi , et de la même manière qu'en jouissent
S. M. l'empereur d'Allemagne et d'AutricLe , S. M. le
roi de Prusse, sur les états allemands. S. M. l'empe-
reur d'Allemagne et d'Autriche, soit comme chef de
l'empire, soit comme co-état, s'engage à ne mettre
aucun obstacle à l'exécution des actes qu'ils auraient
faits ou pourraient faire en conséquence.
i5. S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche,
tant pour lui, ses héritiers et successeurs, que pour
les princes de sa maison, leurs héritiers et successeurs,
renonce à tous droits, soit de souveraineté, soit de
546 PRÉCIS
suzeraineté , à toates prétentions quelconques , ac-
tuelles ou éventuelles , sur tous les états , sans excep-
tion, de leurs majestés les rois de Bavière et de Wur-
temberg, et de S. A. S. l'électeur de Bade, et géné-
ralement sur tous les états, domaines et territoires
compris dans les cercles de Bavière, de Francoiiie et
de Souabe, ainsi qu'à tout autre pris desdits domaines
et territoires; et réciproquement toutes prétentions
actuelles ou éventuelles desdits états à la charge de la
maison d'Autriche ou de ses princes, sont et demeu-
reront éteintes à perpétuité; néanmoins les renon-
ciations contenues au présent article ne concernent
point les propriétés qui sont , par l'article 1 1 , ou
seront, en vertu de l'article 12 ci-dessus, concédées
à LL. Ax4. RR. les archiducs désignés dans lesdits
articles.
16. Les titres domaniaux et archives, \es plans et
cartes des différens pays, villes et forteresses cédés
par le présent traité, seront remis , dans l'espace de
trois mois, à dater de l'échange des ratifications, aux
puissances qui en auront acquis la propriété.
17. S. M. l'empereur Napoléon garantit l'intégrité
de l'empire d'Autriche dans l'état où il sera en consé-
quence du présent traité de paix , de même que l'in-
tégrité des possessions des princes de la maison d'Au-
triche , désignées dans les articles onzième et dou-
zième.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 347
ï8. Les hautes parties contractantes reconnaissent
l'indépendance de la république helvétique , régie
par l'acte de médiation, de même que l'indépen-
dance de la république batave.
19. Les prisonniers de guerre faits par la France
et ses alliés sur l'Autriche, et par l'Autriche sur la
France et ses alliés, et qui n'ont pas été restitués, le
seront dans quarante jours, à dater de l'échange des
ratifications du présent tiaité.
20. Toutes les communications et relations com-
merciales seront rétablies dans les deux pays comme
elles étaient avant la guerre.
21. S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche,
et S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, con-
serveront entre eux le même cérémonial, quant au
rang et aux autres étiquettes, que celui qui a été
observé avant la présente guerre.
22. Dans les cinq jours qui suivront l'échange des
ratifications du présent traité, la ville de Presbourg
et ses environs, à la distance de six lieues, seront
évacués.
Dix jours après ledit échange, les troupes fran-
çaises et alliées de la France auront évacué la Mo-
ravie , la Bohême, le Viertel-Unler-Vienner-Wald ,
le Viertel-Unter-Manhartsberg, la Hongrie et touts
la Styrie.
Dans les dix jours suivans, elles évacueront le
.^48 PRÉCIS
Viertel-Ober-Yieuner-Wald j et le Vierlel-Ober-
Manhartsberg.
Enfin j dans le délai de deux mois^ à compter de
l'échange des ratifications, les troupes françaises et
alliées de la France auront évacué la totalité des
états héréditaires de S. M. l'empereur d'Allemagne
et d'Autriche, à l'exception de la place de Braunau ,
laquelle restera, pendant un mois de plus, à la dis-
position de S. M. l'empereur des Français , roi d'Ita-
lie, comme lieu de dépôt pour les malades et pour
l'artillerie.
Il ne sera, pendant ledit mois, fait aux habilans
aucune réquisition de quelque nature que ce soit.
Mais il est convenu que, jusqu'à l'expiration dudit
mois, il ne pourra être stationné ni introduit aucun
corps quelconque de troupes autrichiennes dans un
arrondissement de six lieues autour de ladite place
de Braunau.
Il est pareillement convenu que chacun des lieux
qui devront être évacués successivement par les
troupes françaises dans les délais susmentionnés , ne
pourra être occupé par les troupes autrichiennes que
quarante-huit heures après l'évacuation.
Il est aussi convenu que les magasins laissés par
l'armée française dans les lieux qu'elle devra succes-
sivement évacuer, resteront à sa disposition, et qu'il
sera fait par les hautes parties contractantes un arran-
DES ÉVENEMENS MILJTAIRIS. S^g
gement relatif à toutes les contributions quelconques
de guerre précédemment imposées sur les divers états
héréditaires occupés par l'armée française ; arrange-
ment en conséquence duquel la levée desdites con-
tributions cessera entièrement, à compter du jour de
l'échange des ratifications.
Larmée française tirera son entretien et ses sub-
sistances dé ses propres magasins , établis sur les rou-
tes qu'elle doit suivre.
23. Immédiatement après l'échange des ratifica-
tions du présent traité, des commissaires seront nom-
més de part et d'autre, pour remettre et recevoir,
au nom des souverains respectifs, toutes les parties
du territoire vénitien non occupées par les troupes
de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie.
La ville de Venise, les lagunes et les possessions
de terre ferme seront remises dans le délai de quinze
jours ; ristrie et la Dalmatie vénitiennes , les Bouches
du Cattaro, les îles vénitiennes de l'Adriatique, et
toutes les places et forts qu'elles renferment, dans
le délai de six semaines, à compter de l'échange des
ratifications.
Les commissaires respectifs veilleront à ce que la
séparation de l'artillerie ayant appartenu à la répu-
blique de Venise, et de l'artillerie autrichienne, soit
exactement faite, la première devant rester en tota-
lité au royaume d'Italie. Ils détermineront, d'un
35o PRÉCIS
commun accord , l'espèce et la nature des objets qui,
appartenans à S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Au-
triche, devront en conséquence rester à sa disposition.
Ils conviendront, soit dé la vente au royaume d'Ita-
lie, de l'artillerie impériale et des objets sus men-
tionnés, soit de leur échange contre une quantité
équivalente d'artillerie ou d'objets de même ou d'au-
tre nature, qui seraient laissés par l'armée française
dans les états héréditaires.
Il sera donné toute facilité et toute assistance aux
troupes autrichiennes et aux administrations civiles
et militaires, pour retourner dans les états d'Au-
triche par les voies les plus convenables et les plus
sûres, ainsi que pour le transport de l'artillerie im-
périale, des magasins de terre et de mer, et autres
objets qui n'auraient pas été compris dans les stipu-
lations, soit de vente, soit d'échange, qui pourront
êtes faites.
24. Les ratifications du présent traité seront échan-
gées dans l'espace de huit jours, ou plus tôt si faire se
peut.
Fait et signé à Presbourg, le 26 décembre i8o5
( 5 nivôse an xiv).
Signé Jean , prince Signé Ch. Maur. Talletrand.
de Lichtenstein. ( L. S. )
(L. S.)
Signé Ignaz, comte de Giulai.
(L. S.)
D£S EVÉNEMENS MILITAIRES. 55 I
Avons approuvé et approuvons le traité ci-dessus ,
en tous et chacun des articles qui y sont contenus;
déclarons qu'il est accepté, ratifié et confh'mé;, et
promettons qu'il sera inviolablement observé.
En foi de quoi nous avons donné les présentes,
signées de notre main, contre-signées et scellées de
notre sceau impérial.
Au palais de Schoenbriinn, le 6 nivôse an xiv
(27 décembre i8o5.)
Signé Napoléon.
Le ministre des relations ej.té- Par l'empereur,
rieures signé Ch. Maur. Le ministre secrétaire-d'état,
Talleyrand. signé H. B. Maeet.
Certifié conforme.
Le jninistre secrétaire-d'état, signé H. B. Maret.
352 PRÉCIS
NOTES
NOTE PREMIERE.
Chapitre VII. — Page 3.
Quelles que puissent être dans l'a venir les destinées
de l'empire britanique , et la durée de sa puissance ,
nous pensons que depuis le milieu du i8^ siècle
jusqu'à l'époque présente ( 1822 ) l'Angleterre, s'éle-
vant par degrés, a pris un tel ascendant sur tous les
gouvernemensde l'Europe^ que ce n'est plus seulement
une prépondérance qui puisse être contestée^ mais
une véritable domination politique. Quel en est le
principe? par quels moyens s'est-elle établie? quelles
doivent en être les conséquences? Nous agitons ces
questions, parce qu'elles nous paraissent dignes de
la méditation des historiens qui les traiteront quel-
que jour moins prématurément et plus profondément
que ne peuvent le faire les contemporains. Nous en
aurons du moins , par nos simples réflexions , fait
sentir l'inportance. Nous aurons aussi marqué la place
où ces questions peuvent être le plus convenablement
traitées , puisqu'elles se rattachent natui'ellement au
DES KVÉNEMENS MlLlTAIRîS. SgS
développement des efforts de la nouvelle coalition
qui fut tramée par l'Angleterre contre là France_, pré-
cisément à l'époque où celle-ci, après avoir subi le
joug de l'anarchie, se dégageait des illusions républi-
caines , et rentrait dans le système monarchique.
Nous disons que le principe de la domination po-
litique de l'Angleterre est l'isolement ; que les moyens
par lesquels cette domination s'est établie sont le mo-
nopole du commerce, et que les conséquences et du
principe et des moyens, sont l'affaiblissement et la
ruine des autres états.
Expliquons d'abord ce qu'on doit entendre par
l'isolement de la politique anglaise. Les relations mo-
rales entre les peuples naissent de l'accord de leurs
intérêts -, et comme toutes les nations civilisées re-
connaissent un droit commun qui ne peut pas plus
être mis en question que leur propre existence, le
but d'une saine politique doit être d'établir pour le
maintien de ce droit une juste réciprocité de devoirs ;
la puissance qui s'en affranchit , parce qu'elle se
trouve fieule assez forte pour soutenir cette violation,
se met hors du système général ; elle s'isole de tous
les intérêts pour faire prédominer le sien , à l'exclu-
sion de tous les autres. C'est ce qu'a fait l'Angleterre :
elle s'est placée politiquement, par rapport aux na-
tions continentales, d'une manière toute semblable à
la position géographique de son territoire ; elle a du
i4. '^^
5gi PRÉCIS
puiser une grande force dans celle similitude d'exis-
tence et de position morale et physique ; et en admi-
rant cette large base de la prospérité de l'Angleterre,
on peut lui appliquer ce beau vers de Delille :
C^est un usurpateur
Qui se fait pardonner à force de grandeur.
Ce principe d'isolement a produit en Angleterre un
effet tout contraire à celui qu'on observe dans les
accroissemens démesurés des puissances continentales;
presque toujours celles-ci s'affaiblissent par leurs con-
quêtes, parce qu'elles n'en recueillent que des avan-
tages passagers , et qu'en étendant leur domination
sur une plus grande surface , elles excitent l'envie ,
les haines , les rivalités des états limitrophes. Une
grande puissance insulaire n'a point à craindre ce
relâchement des ressorts du gouvernement par l'ex-
tension du territoire, ni les terribles retours de la
fortune; tout ce qu'elle acquiert de richesse et de
svdjstance par son industrie et par ses armes, loin de
se dissiper au dehors , est toujours amené au centre,
et accroît de plus en plus la force intrinsèque, la vi-
talité du corps politique ; nulle autre société n'entre
en partage de ces bénéfices; nul intérêt étranger ne
peut se mêler à l'intérêt national : Tout par nous,
tout pour nous, fut toujours la devise des insulaires.
Dès l'époque où les barbai^s habitans des îles bri-
tanniques lurent réunis en corps de nation, d'abord
DES EVENEMENS MILITAIP.ES. 5q5
sons les rois saxons, et ensuite sous les Normands ,
ou les vit prétendre à la souveraineté des mers. Ceux
de ces rois dont la mémoire s'est le plus glorieuse-
ment conservée, tels qu'AIfred-le-Grand , Edgard,
Canute, s'illustrèrent surtout par leurs exploits sur
la mer ; ils furent les vrais fondateurs de la puissance
colossale qui nous étonne aujourd'hui. Ces anciens
seigneurs suzerains de l'Océan, ces rois des îles et
des détroits inspirèrent à leurs sujets l'esprit de domi-
nation, l'ardeur des découvertes et la soif du lucre •
leurs institutions navales furent si profondément tra-
cées et si bien adaptées à la position naturelle et aux
iiiœurs encore à demi sauvages des Bretons , que .
lorsque leurs successeurs, pour les avoir négligées !
furent surpris par le conquérant Guillaume, cekii-ci
aifermit et conserva sa conquête par ces mêmes
moyens, par les soins qu'il donna à la marine et par
l'extension delà navigation. L'orgueil national s'enfla
depuis par les succès , et, comme chez les Romains ,
se fortifia aussi par les revers. Mais, soit dans la
bonne, soit dans la mauvaise fortune, ce principe
d'isolement fut toujours le trait le plus saillant du
caractère anglais, et comme le type de leur gouver-
nement, de quelque manière qu'il ait été modifié.
Depuis environ deux siècles, ce système exclusif,
graduellement développé, est devenu l'unique base
de la politique extérieure et intérieure de l'Angle^
596 PRÉCIS
terre; elle a marché ouvertement vers son but;
son acte de navigation le révéla vainement à l'Europe;
les autres puissances maritimes ressentirent long-
temps les effets de cette audacieuse usurpation , avant
de s'apercevoir de la cause. Cet acte fameux assura
tout à la fois à la Grande-Bretagne le monopole du
commerce et la prépondérance maritime. L'augmen-
tation de ses forces navales suivit nécessairement les
progrès de sa navigation commerciale; le dévelojD-
pement prodigieux de celle-ci ne manqua pas de
fournir au matériel et au personnel de la marine
militaire tous les élémens nécessaires à leur perfec-
tionnement. L'équilibre entre les puissances mari-
times fut rompu , et dans le cours des deux derniers
siècles, chaque guerre, chaque traité ont successive-
ment accru celle de la Grande-Bretagne. La Hollande,
la France et l'Espagne n'ayant pas de pareilles res-
sources pour former, maintenir et régénérer leur
marine , n'ont pu soutenir leur ancienne rivalité ;
elles ont quelquefois fait balancer la fortune; elle.^
ont lutté long-temps , souvent avec gloire, rarement
avec l'accord que devait inspirer l'intérêt commun
contre un si formidable ennemi.
Si l'on reconnaît que bien avant la révolution fran-
çaise l'Angleterre se considérait comme possédant
l'empire des mers, et n'ayant plus à combattre que
pour y maintenir l'exercice du droit de conquête , ou
DES EVENEMENS MILITAIRES. O97
pourra "bien se plaindre ^ mais on ne doit pas s'étonner
qu'elle en agisse comme tous les conquérans ; que son
code maritime soit en opposition avec tous les prin-
cipes de justice, d'ordre, de réciprocité; qu'avant
aucune déclaration de guerre , et sous prétexte qu'on
est (comme l'écrit Blackstone , l'oracle de leur juris-
prudence ) dans un état incomplet cV hostilité , ses
corsaires soient autorisés à courir sur les bàlimens
présumés ennemis ; enfin , qu'elle ne reconnaisse
point de neutres, et qu'elle étende à son gré les
rigueurs du blocus sur des côtes d'une immense éten-
due, sahs même y faire paraître son pavillon.
Cette domination est devenue pour l'Angleterre
une condition de son existence , car elle seule tient
ouvertes les sources de ricliesses qui affluent de ses
établissemens coloniaux , de ses mille factoreries
dans la métropole du commerce du monde. Ce genre
de conquêtes ne ressemble en rien à celles par les-
quelles un état continental accroît son importance ;
on peut consolider celles-ci par la modération , par
la justice envers les peuples soumis, par la fusion
des intérêts; mais les conquérans des mers sont et
doivent rester en une sorte d'hostilité permanente
envers tous les peuples navigateurs. Ils ne peuvent,
sans danger, faire la moindre concession aux vaincus :
tout ce qui ne les sert pas doit leur nuire; ils ont
trop excité l'envie pour n'être pas jaloux et vigilms^
SgS PRÉCIS
aussi; son t-ild toujours tout prêts à déclarer la guerre,
ou plutôt à punir comme des rebelles ceux qui invo-
quent le droit des gens, s'arment pour leur propre
défense et pour l'usage le plus inoflensif de leur pro-
priété et de leur industrie. On en a vu , dans le court
espace d'un demi-siècle , deux mémorables exemples.
En 1780, lorsque l'impéiatrice de Russie, Cathe-
rine II, consigna dans sa déclaration les principes de
neutralité propres à assurer la liberté du commerce
et de la navigation, et que d'autres états an Nord
voulurent se coaliser avec elle pour les maintenir,
l'adhésion de la Hollande fut considérée comme une
liostilité contre l'Angleterre ; ses bàlimens furent
sapturés , ses matelots enlevés, ses villes bombar-
dées ; ce n'était plus le temps des Tromp et des
Ruyter : la neutralité armée fut dissoute.
Vingt ans après, le Danemarck fut encore plus
sévèrement châtié pour avoir osé ressentir les ou-
trages faits à son pavillon et s'être- réuni à la Russie,
à la Prusse et à la Suède par une convention, pour
revendiquer les droits imprescriptibles de la neutra-
lité. La résolution de l'empereur de Russie, Paul i^"",
alarma le gouvernement anglais, non -seulement à
cause de la violence du caractère de ce prince, mais
encore parce que de toutes les puissances maritimes
d'Europe, la Russie est celle à laquelle l'Angleterre
peut faire le moins de mal > et qui peut lui causer le
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. OQQ
plus de dommages. Ce fut donc sur le Danemarck
que tomba le coup de trident. Le miniatre anglais
déclara que a la convention de neutralité était une
(C entreprise hostile, tendant à détruire les principes
<c du droit maritime sur lesquels repose la puissance
<( navale de l'empire britannique », et Copenhague
fut traitée comme un repaire de corsaires barbares-
ques.La mort de Paul i", qui coïncida avec cette ex-
pédition , délivra l'Angleterre de cette dangereuse
diversion, et la laissa maîtresse absolue de la légis-
lation des mers.
Ces exemples, et beaucoup d'autres moins écla-
tans , prouvent que la première guerre de la révo-
lution française n'avait pas moins servi à étendre la
domination maritime de l'Angleterre, que la domi-
nation continentale de la France. Toutefois, la pre-
mière en avait retiré de plus solides avantages. Les
victoires des Français, en ruinant les finances de tous
les souverains, en paralysant l'industrie de leurs
sujets, avaient consolidé le système de monopole,
et par là même , établi la prépondérance de la poli-
tique anglaise dans toutes les cours de l'Europe. La
haine jurée aux principes de la révolution, soit
qu'elle fût ouvertement professée ou secrètement
nourrie, faisait considérer tout ce qu'entreprenait
l'Angleterre comme de généreux efforts j^our la cause
commune, et la dictature des coalitions contre la
4ao PRÉCIS
France lui fut dévolue : son trésor devint le grand
arsenal de guerre. Bien plus humiliées par ses sub-
sides qu'elles ne l'avaient été par la mauvaise for-
tune des armes, les puissances étaient dans la dépen-
dance de l'Angleterre, puisqu'elle soldait leurs ar-
mées et dirigeait leurs opérations.
Le traité ^ Amiens , sa rupture, et la nouvelle
coalition, montrèrent assez l'influence des maîtres de
la mer sur les destinées du continent. Quoi qu'on en
ait pu dire , leurs intérêts étaient seuls compromis ;
cette seconde guerre n'eut point d'autre motif que
d'arrêter l'essor que devaient prendre le commerce
et la marine de France sous la main du nouveau
chef du gouvernement, si l'état de paix eut duré
plus long-temps. Les Anglais avaient appris par leur
propre expérience , que c'est du sein des orages poli-
tiques et des dissensions, que naissent, avec les armes
fortement trempées, les mesures énergiques et les
plus grands développemens de l'industrie : leur fa-
meux acte de navigation n'eut pas d'autre origine.
M. Pitt pressentit que le tour de ta France était enfin
venu, et que s'il laissait Napoléon tranquille pos-
sesseur de tous les ports du continent et de toutes les
ressources de ses côtes, bientôt ses forces navales et
sa navigation marchande rivaliseraient avec celles
de la Grande-Bretagne, et affranchiraient de son
joug les peuples du Nord , toujours disposés à le
DÉS ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 4^^ I
secouer. La menace, et, comme nous croyons l'avoir
démontré, le danger imminent d'une descente des
Français en Angleterre, justifia les intrigues du
cabinet de Saint-James pour rallumer la guerre con-
tinentale ; les grandes puissances qui, en opérant
cette diversion, avaient attiré sur elles toutes les
forces de Napoléon, succombèrent l'une après l'au-
tre, et furent contraintes séparément de subir la loi
du vainqueur; et cependant l'Angleterre trouva
même dans leurs revers l'occasion et les moyens
d'accroître sa prépondérance et sa fortune. Pendant
que l'armée autrichienne mettait bas les armes à
Ulm, Nelson ayant rallié les escadres que ne rete-
nait plus l'observation des flottilles dans la Manche,
détruisait, à Trafalgar , les flottes combinées de
France et d'Espagne , que de fausses combinaisons
avaient inutilement exposées.
Cette victoire , où Tamiral Nelson termina sa
glorieuse carrière, porta l'Angleterre au plus haut
degré de puissance ; elle n'eut plus à craindre de
coalition maritime : la conquête des établisseraens
français, hollandais, espagnols dans les Deux-Indes ,
les retours de ses riches colonies, la force de son
crédit, soumirent à son influence tous les états
appauvris par les guerres qu'elle avait suscitées.
Rien n'eût pu la faire décheoir de cet apogée, que
le prodige de la restauration des marines de France
4o2 PRÉCIS
et d'Espagne. Mais ce prodige , malgré les efforts cie
celui qui ne reconnaissait aucune impossibilité, ne
pouvait s'opérer tant que durerait la guerre. L'his-
toire des événemens qui se sont passés depuis cette
époque, démontre que l'Angleterre est restée , par
rapport aux autres puissances^ dans la même posi-
tion, et c'est ce que nous osons appeler la monarchie
universelle. Charles-Quint, Louis xiv. Napoléon,
furent accusés dV prétendre; mais ni leur position,
ni leurs armes, ne purent, comme l'ont fait les mille
vaisseaux et l'or de l'Angleterre, réaliser ce rêve
ambitieux.
Que ceux de nos lecteurs qui jirendraient ces ex-
pressions pour U!ie vaiue figure , et ne verraient dans
nos assertions qu'un paradoxe, veuillent bien consi-
dérer que l'Angleterre, parvenue à faire détruire
par les puissances du Nord les forces ellectives qui,
dans l'ouest et le midi de l'Europe, pouvaient, en
s'unissantavec elles, contrebalancer les siennes, com-
mande aujourd'hui sans obstacle aux états soumis à
sa politique exclusive. Qu'importe qu'ils se disent
iudépendans et qu'ils se croient forts! le sont-ils contre
elle? Ces millions de soldats qu'ils entretiennent à
grands frais, leur serviraient -ils à reconquérir les
droits natmels dont elle les a dépouillés, à les faire
entrer en partage des véritables fruits de la conquête
et de la destraction de l'empire d'occident? Si pour
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 4^5
leur sécurité il a fallu le dissoudre, et s'il l'a été par
leurs armes, c'est au profit de l'Angleterre. Qiielques
débris, quelques sommes d'argeut, leur ont été distri-
bués comme un partage de butin ; l'Angleterre seule a
consolidé son système de domination. Sans doute on
ne lui prèle point foi et hommage ; on ne j^rend pas
ses couleurs; elle ne s'immisce point dans l'administra-
tion intérieure des divers états ; elle n'en exige point
d'autres tributs que ceux du monopole : mais elle n'en
gouverne pas moins en souveraine, puisqu'elle exerce
de fait le droit de paix et de guerre. Que l'on dise
quelle est la guerre qu'aucun état puisse entrepren-
dre sans son aveu, et soutenir sans ses subsides patens
ou cachés ; et quelle est la paix à laquelle son inter-
vention ne puisse contraindre, ou celle qu'elle ne
peut rompre?
Voilà par quels principes et par quels moyens
s'est aglomérée la masse de puissance la plus énorme
et la plus compacte qu'on ait encore vue chez aucune
nation. Si l'on veut en avoir une juste idée^ il faut lire
dans l'excellent ouvrage (le M. Charles Dupin, au
livre vi= , de la force navale et de la constitution de
la marine anglaise (cbap. r"", da pied de guerre), ce
que ce judicieux et savant observateur dit des pro-
grès de la force britannique, et des résultats qu'ils
ont produits dans le cours des cinq générations qui
se sont succédées depuis la révolution de 1688. Il dit,
4^4 PRECIS
et nous nous faisons honneur de partager son opinion :
« Qu'à dater de cette époque , un gouvernement qui
(c sut unir la vigueur militaire des institutions mo-
<c narcliiques à l'énergie politique des institutions li-
« bérales, s étant assis sur des bases durables et régu-
« îières , la marine britannique devint de plus en
« plus florissante, et que dans chacune des six grandes
t( guerres maritimes qu'elle a soutenues , elle a dé-
« ployé des forces plus imposantes et mieux orga-
« niséesque dans toutes les précédentes;.... que c'est
« depuis lors qu'elle a réalisé ses prétentions à l'em-
(c pire des mers, en occupant tous les points impor-
te tans qui en sont comme les clefs.... Elle avait en
« 1688 cent soixante -treize bâtimens de guerre de
« toutrang; elle en avait, en i8i2,mille vingt et un....
« Tous les continens des deux mondes ont été simul-
« tanément assiégés, les îles prises de vive force , le
« commerce de l'univers envahi. Enfin, après vingt
«ans de combats (depuis la révolution française ),
« cette puissance navale, qui avait commencé la lutte
ce avec trente millions de sujets , l'a terminée avec
« quatre-vingt millions de conquis et de conquérans.»
Il est trop tard ; le temps et les circonstances sont
passés , où ce torrent pouvait être contenu ; on ne
saurait prévoir jusqu'où il s'étendra, ni quelles se-
ront les destinées des peuples soumis au sceptre ou à
l'arbitrage de l'Angleterre. Nous pensons que rien n*
DES ÉVÉNlIMîilXS MILITAIRES. 4^*5
peut ébranler les fondemens de sa grandeur, tant
que durera son admiiable constitution, qui résistera
mieux que celle des Romains à la même corruption
dont elle est infectée ; que rien n'allégera le poids de
sa domination , tant que durera ce qu'on est convenu
d'appeler le système d'équilibre des puissances conti-
nentales que l'Angleterre a établi ^ et qu'elle main-
tient et modifie à son gré. Les guerres entre ces puis-
sances, leurs dissensions civiles qu'elle peut, à force
d'or, allumer et éteindre, l'augmentation ou la di-
minution aux dépens les unes des autres de leur
territoire et de leur population, ne sont plus pour
l'Angleterre que des intérêts secondaires, tant qu'elle
peut, en déplaçant les contre - poids , retenir ces
puissances par rapport à elle dans un état station-
naire, et dans les limites maritimes qu'elle ne leur
permet pas de franchir.
La seule rivalité que l'Angleterre puisse redouter
dans un avenir plus ou moins éloigné, c'est celle de
l'industrie qui grandit et se fortifie chez les peuples
civilisés des deux hémisphères, par le progrès des lu-
mières et la tendance des esprits vers la liberté et le
gouvernement monarchique , tempéré par la repré-
sentation nationale. Quand l'industrie des peuples du
continent européen égalera celle des Anglais, et affai-
blira par degrés le débit de leurs produits manufac-
turiers ; quand la navigation et les forces des deux
/jo6 PRECIS
Amériques surpasseront celles de la Grande-Bretagne ,
et feront jaillir de nouvelles sources de richesses >
alors seulement, cet empire s'affaiblissant par degrés,
subira, à son tour, le sort de toutes les choses hu-
maines.
NOTE DEUXIÈME.
Chapitre YIII. — Page 202.
Extrait des réflexions d'un ancien officier de la
marine royale de France, sur la bataille de Tra-
falgar.
Quand deux puissances maritimes luttent ensem-
ble, celle qui a le plus de vaisseaux, le plus de ma-
rins et le plus d'hommes habiles , doit toujours cher-
cher à attaquer la plus faible. Cette dernière, au
contraire, doit toujours éviter les engagemens sé-
rieux, parce qu'elle ne peut avoir même des avan-
tages, sans éprouver des pertes qui l'affaiblissent.
Ainsi, si la première a intérêt à engager le combat,
la seconde a toujours intérêt à l'éviter : elle ne doit
donc courir que les chances des actions nécessaires
à l'exécution de ses missions.
On ne peut pas toujours éviter le combat ; mais
on l'évite souvent quand on sait manoeuvrer : et si
quelquefois on est forcé à l'engager, ou peut se don-
ner, par l'habileté des manoeuvres, des chances fa-
vorables.
DES EVEIVE3IENS MILITAIRES. /^OH
Dans le combat de Cadix , tous ces principes ont
été méconnus ; on a accepté le combat sans objet, on
s'est laissé attaquer de la manière la plus désavanta-
geuse; et quoique la tempêie, à la suite du combat,
ait fait éprouver de grandes pertes aux Anglais, notre
marine est proportionnellement plus faible qu'elle
ne l'était avant ce combat, par rapport à la marine
anglaise.
Nous avions pins de vaisseaux que les Anglais;.
et tout devait faire croire à des résultats avantageux;
mais pour que cet espoir fût fondé, il fallait un gé-
néral habile et des capitaines très-expérimentés.
Il n'y a que les premiers mouvemens, les pre-
mières dispositions du combat qui dépendent du gé-
néral ; une fois l'affaire engagée, le sort de la bataille
dépend entièrement de l'intelligence des capitaines.
Il y a plus à parier pour l'armée commandée par un
général peu capable, et dont les capitaines seraient
très-babiles, que pour celle qui aurait un général
habile et des capitaines peu instruits.
Ceux qui ont propagé celte idée, que pour être un
bon officier de marine il fallait avoir les mains gou-
dronnées, ont beaucoup nui à la marine française.
L'officier de marine ne combat, pour ainsi dire, que
de la tête; la force de son bras est presque toujours
inutile.
Une chose digne de remarque, c'est que les An-
4o8 P K É C I s
glais, qui ont employé autrefois toutes les ressources
de la tactique contre nos armées navales , ne s'en ser-
vent presque plus depuis que nos savans tacticiens
ont disparu. Ils n'ont, pour ainsi dire, plus aucun
ordre de marche, aucun ordre de bataille régulier ; ils
attaquent nos vaisseaux comme on attaquait autre-
fois un convoi, parce qu'ils savent que nous ne som-
mes plus en état de profiler, par des manœuvres
d'ensemble, de l'espèce de désordre qui résulte na-
turellement de ce genre d'attaque ; parce qu'ils savent
qu'en portant leur attaque sur un point d'une ligne
très-prolongée , ce point est bientôt détruit.
Nelson a d'abord feint de vouloir attaquer la tête
et la queue de l'armée ; ensuite il a rassemblé ses
forces sur son centre , et a abandonné le sort de la
bataille à l'intelligence de ses capitaines. En effet,
deux vaisseaux français, V Algésiras et le Redoutable,
ont eu un moment d'avantage sur les premiers vais-
seaux qui les ont attaqués; mais à l'instant ils ont été
enveloppés par plusieurs vaisseaux ennemis , sous les
efforts desquels ils ont succombé. Cependant les An-
glais étaient en plus petit nombre ; plusieurs de leurs
vaisseaux en attaquaient un seul; il y avait donc des
vaisseaux français qui, n'ayant point d'ennemis à
combattre, pouvaient se porter sur les points les
plus fortement attaqués. On doit aimer à rejeter sur
leur position trop éloignée du centre, l'état d'inutilité
DES ]ÉVÉNEMENS MILITAIRES. l^og
dans lequel ils sont restés. Mais on doit aussi con-
clure, 1°. que notre système de longue ligne de ba-
taille ne vaut rien devant un ennemi qui attaque
avec des vaisseaux réunis en pelotons ^ et destinés à
combattre sur différens points de sa ligne un petit
nombre de vaisseaux ; 2°. que le seul système de
guerre à opposer à celui-là _, c'est au moins d'avoir sa
ligne de bataille doublée et des corps de réserves sur
ses ailes ^ disposés de manière a se porter facilement
sur les points trop vivement attaqués.
En effet, quand plusieurs vaisseaux veulent porter
leur attaque sur un seul_, qui est en ligne un peu
serrée j il est évident que n'y ayant de place que
pour un seul vaisseau par son travers, surtout quand
ils sont très-près l'un de l'autre , il faut que les au-
tres vaisseaux coupent la ligne en avant ou en arrière
du vaisseau attaqué ; et tandis que l'un d'eux va
prendre poste à l'autre bord , d'autres peuvent se
tenir sur ses hanches et le combattre avec un très-
grand avantage. Or, il est constant que si l'armée
était sur deux lignes^ le vaisseau qui couperait la
première se trouverait entre deux feux ; s'il éprou-
vait la moindre avarie, il n'aurait aucune espérance
d'être secouru, et presque la certitude d'être forcé
d'amener entre les deux lignes. Et on doit croire que
cette crainte empêchera toujours l'ennemi de tenter
une pareille attaque.
14. ^4
4lO PRÉCIS
Si Tune des deux lignes est attaquée en ligne , et
que l'ennemi ait de l'avantage sur elle , elle peut
aller se réparer sous le vent de la seconde ligne,
tandis que celle-ci opposerait aux ennemis des vais-
seaux qui n'auraient pas encore donné. Si au con-
traire c'est la ligne sous le vent qui combat, la ligne
du vent peut toujours , en passant entre les vaisseaux
qui ont combattu les premiers, présenter à l'ennemi
de nouveaux vaisseaux à combattre. Enfin , si on
suppose que les deux armées sont à nombre égal, ce
qui peut arriver de pire, c'est que la moitié de l'ar-
mée ennemie attaque la ligne du A^ent, et l'autre
moitié celle de dessous le vent, ce qui réduit le
combat, pour ainsi dire, de vaisseau à vaisseau.
Mais dans cette position, les vaisseaux auraient plus
de moyens de se secourir mutuellement que lors-
qu'ils sont rangés sur une ligne extrêmement longue.
Celui qui attaque sur deux lignes a cet avantage sur
celui qui est en bataille sur une seule ; que s'il atta-
que la tête ou la queue de l'armée, il la met sans
difficulté entre deux feux. S'il attaque le centre,
tandis que l'une des lignes combat par le travers ,
l'autre la coupe infailliblement, et tout le combat
6(8 porte sur une partie de la ligne qui est bientôt
détruite. L'amiral Suffren a donné dans Tlnde uii
exemple de ce premier genre d'attaque, et Nelson
vient d'en donner un terrible du second. Il n'y a
DES ÉVÉJJEMENS MILITAIRES. ^n
point d'exemple connu de la défense sur deux lignes ;
mais j'ose assurer que si l'amiral Villeneuve eût dou-
blé sa ligne au moment où il a vu Nelson vouloir
l'attaquer sur deux lignes, jamais cet amiral n'eût
eu l'imprudence de faire une pareille attaque.
NOTE TROISIÈME.
Chapitre XI. — JPage 262.
Sur la question de savoir si les souverains doivent
commander leurs armées en personne.
L'entrevue de l'empereur de Russie et du roi de
Prusse au mois d'octobre i8o5, fut un événement
d'une grande importance, non -seulement parce
que ce complément de la coalition des grandes puis-
sances pouvait arrêter les progrès de l'invasion, mais
encore par les graves conséquences de la réunion des
souverains. La résolution qu'ils prirent de traiter
eux-mêmes de leurs intérêts communs ou respectifs ,
de les faire discuter en leur présence, surtout de se
mettre à la tête de leur, armées, a, depuis cette
époque, puissamment influé sur les destinées des
peuples de l'Europe. Quelque diverse qu'ait été la
fortune des armes , les souverains ont persisté dans
cette résolution ; et l'on ne peut douter que l'his-
4 13 PRÉCIS
loire des effets qu'elle a produits, ne donne lieu h
l'examen de cette question politique ; Les souverains
doivent-ils coimnander leurs arinées en personne ?
C'est à ceux de nos lecteurs qui voudront s'exercer
à la résoudre, que nous offrons les réflexions sui-
vantes :
L'intérêt de la conservation des libertés publiques
a porté plusieurs publicistes à penser que le chef de
l'état ne doit se mettre à la tête de l'armée en cam-
pagne, que pour la défense propre du territoire, et
sur le territoire même , et jamais lorsque le théâtre
de la guerre se trouve hors des frontières. Celte opi-
nion fut exprimée dans l'assemblée constituante ; les
orateurs qui la soutinrent avec le plus de force, se
fondaient sur les dangers qu'entraînait, pour la sû-
reté des peuples, la présence du prince au milieu
des camps, ce Ils craignaient, disaient-ils, qu'accou-
tumé à exiger l'obéissance passive , sans laquelle il
n'y a pas de bonne armée, et fort de l'amour des
soldats, instrumens et compagnons sociétaires de sa
gloire, il ne lui devint trop facile de s'afî'ranchir
des lois, de se jouer des droits de la nation et des
principes conservateurs de son indépendance. ))
Le prince qui commande ses armées en personne,
oublie trop souvent qu'il est souverain et qu'il exerce
la suprême magistrature , pour se souvenir seulement
qu'il est généralissime. A-t-il le génie militaire;
DES EVÉNEMENS MILITAIRES. ^l^
obtient-il de grands succès par sa vaillance et son
habileté , l'ivresse de la victoire peut le conduire à
sa propre perte , et associer à son malheur toute la
nation qu'il gouverne; tandis qu'au contraire, s'il a
vaincu par ses généraux, il saura, il sentira mieux
à quel prix les lauriers ont été cueillis; il se hâtera
de profiter de ses succès pour conclure une paix ho-
norable et solide, au lieu de poursuivre une brillante
et trop séduisante carrière, et de courir à des succès
nouveaux. La vanité peut^ sans doute, inspirer dans
le cabinet le dangereux amour du jeu de la guerre,
mais ce n'est que dans les camps qu'on est entraîné
par la jiassion de la gloire^ et saisi de la soif des
conquêtes.
Dans les siècles encore barbares, où le droit du
plus fort était seul reconnu , les attaques de voisins
audacieux mettaient à la fois en péril l'existence et
la possession des souverains ; il fallait bien qu'ils
s'armassent eux-mêmes, car s'ils n'avaient conduit
leurs vassaux, et n'eussent pas combattu à leur tête,
ils n'auraient pas trouvé de défenseurs ; mais les pro-
grès de la civilisation ont rendu les guerres moins
fréquentes et moins décisives; il n'y en a presque
plus aucune dans laquelle l'un et l'autre parti ne
puisse , en supposant les plus grands revers , calculer
d'avance l'étendue des sacrifices au prix desquels il
lui faudrait acheter la paix. La réputation. de grand
4l4 PRÉCIS
capitaine n'est plus celle dont un souverain doive
se montrer le plus jaloux ; elle peut , à la vérité ,
dans le cas de défense du territoire , et du foyer
commun, être utile à la nation pour développer
toutes ses forces et son énergie : elle n'est jamais
nécessaire dans un état bien réglé; il est pour les
rois une gloire plus vraie et plus durable. Louis xiv
et Louis XV se montrèrent à leurs armées^ et leur
présence ajouta à l'enthousiasme des troupes ; mais
ils ne dirigeaient pas les opérations militaires : ils
ne rivalisaient point avec leurs généraux ; et comme
l'a très-bien dit un de nos écrivains, la couronne
royale ne faisait qu'emprunter une feuille de lau-
rier à la couronne de Turenne et à celle du ma-
réchal de Saxe.
C'était une opinion très - raisonnable , et depuis
long-temps établie en France : elle était fondée sur
l'expérience et sur les leçons de l'histoire; on y voit
que les plus grands succès des rois qui s'illustrèrent
par les armes, et conduisirent eux-mêmes leurs ar-
mées, furent obtenus en combattant sur le terri-
toire pour le défendre et le reconquérir, tandis que
leurs triomphes et leurs conquêtes extérieures ne ser-
virent , le plus souvent , qu'à ruiner les affaires de la
nation, et attirer sur la France de grandes calamités.
Lorsque Philippe-Auguste , aux plaines de Bovines,
De Tetat en danger répara les ruines , ( Volïatre. )
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 4^5
il acquit sans cloute une gloire plus solide que par
ses vains exploits au siège de Saint- Jean -d'Acre.
Cette victoire fut profitable à la nation qu'elle affran-
chit du joug de l'étranger; et l'autorité royale, qui
s'en accrut, devint un nouveau bienfait pour les
peuples, parce qu'elle abaissa la puissance des sei-
gneurs.
De quoi servirent les expéditions des croisades?
de quels sacrifices la France ne dut-elle pas payer lea
entreprises du vaillant François i^"^ et les fautes qu'il
commit dans ses guerres d'Italie, et comme politique^
et comme général ?
On a dit que les excès de la révolution française
et les provocations des anarchistes^ qui en corrom-
pirent les principes, avaient appelé les rois à leur
propre défense. Cependant on les vit raiement pa-
raître dans les camps pendant les premières campa-
gnes de la guerre ; mais lorsque le général Bona-
parte se fut emparé de l'autorité suprême, et qu'il
crut ne pouvoir se maintenir à ce haut rang que
par les moyens qui l'y avaient élevé, sa présence
continuelle, à la tête des armées françaises, fut une
sorte d'appel ironique aux souverains qui, occupés
des devoirs paternels du trône, n'avaient pas à fon-
der leur droit sur leur épée, et ne mettaient pas,
comme lui, leur existence au hasard des batailles.
Il leur porta souvent un injurieux défi, à la fin
4^^ PRÉCIS
accepté par tous, et causa sa ruine. On ne peut
douter que, sans cette réunion personnelle du roi
de Prusse et des deux empereurs, ces souverains
n'eussent pu maintenir l'harmonie nécessaire entre
leurs généraux, ni la mqme tendance dans la poli-
tique de leurs cabinets. Cette réunion des volontés
souvei-aines en un seul faisceau, a rendu leur coali-
tion contre la France presque indissoluble ; elle pou-
vait seule en assurer le succès. Toutefois, cette cir-
constance extraordinaire ne saurait justifier l'opinion
que nous combattons ici. Charles xii et Frédéric n
donnèrent aussi à l'Europe le spectacle brillant de
rois soldats et généraux , jouant dans les batailles le
sort de leur monarchie et celui de leur dynastie , et
dans des guerres que leur ambition avait provoquées.
Ils n'acquirent de gloire personnelle, celui-là par son
intrépidité, et celui-ci par son génie, qu'en compro-
mettant à chaque pas le sort de leur pays par d'aven-
tureuses témérités. Un souverain doit être l'àrae de
ses armées, mais il doit en laisser la conduite à ses
lieutenans; il doit leur laisser l'honneur des succès,
et la confiance des troupes qui en est le gage et le
prix.
Lorsque le chef d'un état guide lui-même ses ar-
mées à la guerre, tout disparaît devant lui, toutes ks
gloires se fondent dans la sienne, et les rayons partis
de mille points divers viennent former l'auréole dont
DES ÉVÉNEMENS MILITz\IRES. f^l'J
il est environné. En vain paraît -il vouloir quelque-
fois renvoyer une partie de cet éclat vers sa source,
le public ne multiplie pas ses idoles ; il n'en vent
qu'une , et met tout le reste à ses pieds. Si quelque
étonnant fait d'armes porte fadmiration vers le
compagnon d'un nouvel Alexandre , c'est honorer
assez ceParménion, que de le placer en première
ligne au-dessous de celui qui ne pouvait plus avoir
d'égal : Froxirnits hiiiCy longo sed proxiinus inter-
vallo. L'opinion rassemble en un seul personnage
toutes les destinées de l'état, et ne voit, après lui,
aucun bras assez fort pour soutenir le poids dont il est
chargé. Ce système, utile à la gloire passagère d'un
seul , est presque toujours fatal à l'intérêt de tous ;
il ne convient jDoint à l'intérêt commun que le salut
public dépende d'un seul homme. Cependant, mal-
gré la disposition populaire à ne répéter qu'un seul
nom, à ne voir dans tous les événemens heureux que
le génie du chef de l'état, si des caractères énergi-
ques se font connaître, si des lalens supérieurs forcent
l'estime générale, alors la rivalité, la jalousie des
succès personnels peuvent causer plus de maux que la
concentration du commandement dans la main du
souverain n'a produit d'avantages. Que de gloires
n'avons-nous pas vu s'éclipser ainsi dans les armées
françaises, soit par une blâmable adulation, soit par
une inconcevable bizarrerie! On se plaît trop .sou-
4 1 8 p II É c I s
vent à déprécier les réputations les plus justement
acquises; quelquefois aussi, conifne pour se venger
de la supériorité de quelques-uns de ses compatriotes,
on relève le mérite des étrangers. Us en agissent
tout autrement; les nations pour lesquelles nous
montrons tant de bienveillance, mettent leur or-
gueil à faire valoir leurs généraux et leurs hommes
d'état, et à les offrir au respect des autres peuples.
Sans prétendre établir de parallèle entre les héros
des nations rivales qui pendant les dernières guerres
ont plus particulièrement fixé les regards, nous ob-
serverons que la plupart de ceux dont s'honore la
France, n'ont pas eu, comme leurs émules dans les
armées des puissances coalisées, l'avantage de diriger
leurs opérations d'après leurs propres conceptions, et
avec l'entière indépendance sans laquelle le génie
militaire ne peut se développer qu'imparfaitement.
Si l'on excepte Masséna, qui dans sa campagne de
Zurich sauva la France d'une invasion imminente;
et Moreau, dans sa campagne à' Hohenlinden , pres-
que aucun autre ne se trouva , comme le général
Bonaparte, en Italie, en Egypte, maître d'arrêter ses
plans, d'agir selon ses inspirations pour l'exécution
de ses propres desseins. Puisqu'ils ont fait de si gran-
des choses dans la sphère où les retenaient la pré-
sence et le commandement immédiat du chef de
l'état, on ne peut douter que plusieurs des lieu te-
DES EVENEMENS MILITAIRES. ^19
naïîs de Napoléon ne se fussent élevés au faîte de la
gloire militaire, s'ils avaient eu pleine carrière.
Les partisans de l'opinion contraire à celle que nous
soutenons ici , font valoir avec raison le grand avan-
tage de la promptitude et de la fixité des résolutionn
à prendre dans les cas difficiles, lorsque le chef de
l'état est présent et commande en personne. Mais
est-il certain que les inconvéniens et les dangers de
ces décisions suprêmes, lorsqu'il y va du salut de
l'état, ne doivent, généralement parlant, l'emporter
sur ces avantages. Au-dessus de toute responsabilité
par les droits de la couronne , un ordre du souverain ,
un seul mot en affranchit tout ce qui lui a juré obéis-
sance; ses erreurs, ses fautes sont le plus souvent
sans remède ; et qu'on n'assimule pas sa position à
celle du général en clief auquel il aurait donné, avec
sa confiance, toute la latitude possible, et comme
on le disait autrefois, carte blanche. Celui-ci, res-
ponsable envers la nation autant qu'envers le prince ,
de l'honneur des armes et de la conservation de l'ar-
mée, se gardera également d'agir avec témérité, ou
d'encourir le reproche d'avoir man-'jué d'audace pour
saisir une occasion favorable de battre l'ennemi.
En admirant les marches , les opérations stratégi-
ques, les belles manoeuvres de Napoléon dans sa
campagne.de Moravie, on n'oseiait affirmer qu'au-
cun de ses lieulenans n'aurait livré et gagné la m-
420 PRÉCIS
taille è^ AusUrlitz ; mais quel est celui d'entre eux
qui eût osé conduire une armée jusqu'à JMosJùou ^ et
courir la cliance de son entière destruction?
Accordons aux souverains, à ceux , comme a dit le
poète ^ que le ciel a formés d'une race si pure , la
valeur, la vaillance; mais reconnaissons qu'ils parta-
gent avec tous les autres hommes, et dans la propor-
tion commune à tous^ les plus beaux dons de la na-
ture : le génie , les talens militaires ne s'acquièrent
pas , ne se transmettent pas avec les couronnes. Il est
bien plus vraisemblable que celui qui, des derniers
rangs , se sera élevé par son mérite personnel et son
expérience jusqu'au poste éminent de général en chef,
exercera avec plus de succès cet art difficile. 11 ne
faut pas croire non plus que les conseils dont s'entou-
rerait le souverain généralissime puissent suppléer
les rares qualités qu'exigent ses hautes fonctions; car
s'il est reconnu , s'il sent lui-même que ces conseils
lui sont nécessaires, le prestige est détruit; fût-il par
d'autres belles qualités l'idole de son armée, il n'en
est plus l'àme : tous les regards se portent vers le
véritable moteur de cette vaste machine ; et comme
dans ce cas la responsabilité morale d'un général qui
conseille et dirige les opérations, non pas au nom,
mais sous le nom du prince, est, de toutes, la plus
redoutable , celui-ci recevra rarement des avis sin-
cères. Dans les affaires d'une grande importance^
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. 42 1
ainsi que dans les moindres, on se met difficilement à
la place d'un autre ; on pense et l'on résout autre-
ment qu'on ne le ferait pour soi-même. Si le prince,
voulant s'éclairer^ rassemble plusieurs chefs et les
fait discuter devant lui ^ ce sera pis encore ; la diver-
gence des opinions ne fera qu'augmenter sa per-
plexité ; les flatteurs chercheront à pénétrer sa pen-
sée, les plus sages craindront de paraître timides, les
partis extrêmes prévaudront.
Chez les peuples gouvernés arbitrairement , et qui
n'ont point encore atteint le degré de civilisation qui
rend nécessaire l'établissement du pacte social, il
peut convenir au souverain d'être constamment le
général de son armée ; il doit courir personnelle-
ment les hasards de la guerre. L'exercice de la puis-
sance absolue est, en effet, une sorte de continuation
de l'état et du droit de conquête : la nation tout en-
tière est une milice; elle n'a point d'existence propre,
elle ne vit point de la vie des lois ; le sceptre du mo-
narque c'est son épée.
Mais dans une monarchie tempérée de la seule
manière dont elle puisse l'être, c'est-à-dire dans un
gouvernement représentatif, là où l'heureuse fiction
que le roi ne peut mal faire ( the king can not do
wrong), est la plus sûre garantie des droits légitimes
de la couronne, le roi ne doit point être exposé à
perdre en personne une bataille; il ne doit point^.
l\21 PRi:CIS
hors des foyers de la patrie , chercher une gloire
éphémère.
NOTE QUATRIÈME.
Chapitre XI. — Page 104.
Sur la conquête du Tyrol et sur la jonction des
deux armées françaises d' Allemagne et d' Italie.
Ce plan de campagne si hardi et si vaste avait été
conçu depuis long -temps; il fut proposé plusieurs
fois dans le cours des deux derniers siècles. L'auda-
cieux Villars, qui le considérait avec raison comme
le coup le plus funeste cpi'il fut possible de porter à
la puissance autrichienne, voulut le tenter : le ma-
réchal de Vauban partagea cette opinion; mais l'ac-
cord si difficile entre les opérations de deux armées
agissant en -deçà et au-delà de la triple chaîne des
Alpes, fit toujours considérer l'exécution de ce projet
comme une chimère; le conseil aulique n'en conçut
jamais d'alarme sérieuse.
Lorsque le général Bonaparte, après la l'éduction
de Mantoue et le passage du Tagliamento , força le
passage de la Pouteba et s'avança jusqu'au-delà de
Tarvis, pendant qu'une de ses divisions , sous les or-
dres du général Joubert, pénétrait dans la vallée de la
Drave, la capitale de l'Autriche se trouva découverte
DES ÉVÉNEMEWS MILITAIRES. 4^^
et diiectenient menacée. Toutefois , l'arinée française
d'Italie avait encore à franchir les défilés des mon-
tagnes de Styrie; et le prince Charles qui était accouru
des bords du Rhin avec une forte réserve^ se dispo-
sait à les défendre. Il organisait la landwehr, mul-
tipliait les obritacîe^, et faisait sans doute une assez
bonne contenance, puisqu'il traita de la paix à des
conditions qu'on peut dire égales; il obtint la posses-
sion des états vénitiens , en compensation de la ces-
sion de la Belgique. Le conquérant de l'Italie s'arrêta
cette fois en-deçà du Sommering, parce que n'ayant
conquis sur sa gauche que les vallées du Tyrol mé-
ridional , et ne pouvant combiner ses opérations avec
celles de l'armée du Rhin, que l'archiduc avait con-
trainte de repasser ce fleuve^ il ne pouvait guère
prolonger sa ligne d'opérations sans découvrir ses
flancs.
La même diiBficulté se présenta trois ans après dans
le sens opposé ; la victoire décisive à' Hohenlinden
ayant ouvert à l'armée du Rhin ^ commandée par le
général Moreau, la Haute et Basse - Autriche , et
l'accès de la capitale par la grande vallée du Danube,
ce général se trouva trop avancé pour combiner ses
opérations avec celles de l'armée d'Italie. Lorsque,
malgré sa supériorité sur l'ennemi il s'arrêta sur
l'Ens et conclut l'armistice de Steyer, le général
Brune passait à peine le Mincio ; le général Macdo-
4':»4 PRÉCIS
nald pénétrait dans le Trentin. Le Hant-Tyrol était
encore occupé par les troupes autricliiennes , et son
évacuation, sans laquelle les deux armées françaises
d'Allemagne et d'Italie ne pouvaient communiquer
entre elles, fut la principale condition de l'armistice
de Steyer. Cette fois, cependant, le péril était plus
pressant pour la ville de Vienne, et l'archiduc
Charles, qui fat toujours le bouclier de sa patrie, se
présenta encore pour recueillir et réorganiser à San-
Foelten les débris de l'armée : il conjura l'orage;
mais la jonction des deux armées françaises était en-
core loin de pouvoir s'eliectuer; l'armée autrichienne
d'Italie, commandée par le comte de Bellegarde,
n'avait pas éprouvé d'assez grandes pertes pour l'em»
pêcher de tenir la campagne.
Il fut donc réservé à l'empereur Napoléon d'exé-
cuter ce plan gigantesqîie. Nous avons dit comment
la jonction des deux armées se fit immédiatement
après que le maréchal Ney eut ache\ é la conquête
du Tyrol et contraint Tarcliiduc Jean à l'évacuer
enlièrement. Le général Lacour, détaché par Masséna
avec une brigade de dragons, suivit de si près l'ar-
rière-garde de ce prince, qu'il ne lui laissa pas le
temps d'enlever ses magasins de Carinthie et ses hô-
pitaux. Il fit seize cents prisonniers , et occupa Ju-
denbourg, Neumarch , Fiisach et Saint- TVeit avec
sa cavalerie, et Klagenfiirth avec ses grenadiers.
DES ÉVÉNEMENS MILITAIRES. /pS
La gauche de l'armée d'Italie atteignit ainsi jus-
qu'aux avant-postes du général Marmont dans la
Haute-Styrie.
Pour opérer cette espèce de prodige dans l'espace
de deux mois, il ne fallut pas moins que la prompte
destruction de l'armée autrichienne d'Allemagne à
Ulniy et la retraite de celle de l'archiduc Charles
après la bataille sanglante de Caldiéro. Les progrès
des Français sur le Danube, et l'affaiblissement de
l'armée de ce prince, ne lui laissèrent pas le temps
d'aller au secours de Vienne, ni la possibilité de
tenir la campagne, et d'arrêter l'ardente poursuite
du maréchal Masséna.
Ce double effort sur l'un et l'autre théâtre de
guerre dans le même temps, avec un égal succès, fut
l'événement le plus remarquable de la guerre. Il
éclaira le cabinet de Païenne sur la faiblesse des fron-
tières que les obstacles naturels avaient jusqu'alors
fait considérer comme des remparts inexpugnables.
Cette puissance a deux fois reconnu, i°. que la perte
du Tyrol laissait ses états héréditaires ouverts à l'in-
vasion, et qu'une bataille perdue, soit sur le Danube,
soit sur l'Adige , livrait l'entrée du Tyrol à l'ennemi;
^\ que la possession de l'état de Venise ne pouvait
suffire à sa sûreté, et que si elle ne recouvrait le
Milanez , elle ne pouvait couvrir le Tyrol.
Napoléon, en dictant la paix de Preshour§ , qui
14. 25
4^6 PRÉCIS
dépouillait l'Autriche de ses frontières naturelles à
l'ouest et au sud; en faisant du roi de Bavière, par
la cession du Tyrol , un redoutable voisin, crut avoir
mis cette puissance hors d'état de lui faire la guerre,
et d'oser entrer dans une nouvelle coalition contre
la France. Ayant, avec la rapidité de la foudre,
dispersé ses armées, détruit ses arsenaux, ruiné ses
finances, il pensait n'avoir fait qu'atteindre son but;
mais il l'avait dépassé j il avait abusé de la victoire
jusqu'au point où ses fruits sont plus nuisibles que
salutaires. La monarchie autrichienne ne pouvait
rester ainsi mutilée; et puisque le conquérant ne
voulait pas la détruire , et qu'il n'avait pas d'ailleurs
assez de forces pour achever une telle révolution,
il ne fallait pas qu'il lui arrachât ses plus anciennes
possessions, et la laissât en prise de toutes parts, ou-
verte et sans défense comme une place démantelée.
Faire à l'ennemi plus de mal en accordant la paix
qu'on n'en eût fait en poursuivant la guerre, n'est
pas d'une saine politique Les ressentimens , l'indi-
gnation de la honte, sont de terribles ennemis; il est
moins dangereux de laisser (derrière soi d'anciennes
limites , des armes et des forteresses. Nous ne saurions
nous empêcher d'observer ici que les alliés, à leur
seconde invasion de la France , ont commis la même
faute; non contens de l'avoir réduite à son ancien
territoire, dont l'étendue est hors de proportion avec
DES ÉVENEMENS MJJLITA 1RES. L^'in
leurs agrandisseniens respectifs, ils ont ruiné la fron-
tière de l'est; ils se sont établis, non pas seiilenient
en observation, mais dans une attitude hostile en
retenant à^s places, des positions et des débouchés
qui sont les véritables clefs de ce royaume. Ces spo-
liations humiliantes sont des semences de guerre ;
l'Autriche, malgré ses profondes blessures, ne s'est
pas montrée moins formidable lorsqu'elle a pu re-
prendre les armes, et, sans doute, il n'en serait jDas
autrement ailleurs.
On n'a peut-être pas encore assez remarqué la con-
duite de cette puissance dans ses longs et fréquens
revers; elle les a supportés avec une admirable con-
stance ; elle a cédé de grandes pjovinces ; elle a fait
tous les sacrifices exigés par le vainqueur, pour ache-
ter à tout prix la prompte évacuation de celles qu'elle
pouvait conserver; nais elle a toujours maintenu son
armée sur le même pied ; elle n'a rien changé à sa
forte organisation : c'est ce qui l'a mise en mesure de
profiter des circonstances pour reprendre sa place et
j-ecouvrer ses anciennes possessions.
Après une lonsie guerre, alors même qu'on peut
le plus compter sir la durée de l'état de paix, il im-
porte aux puissaices continentales de conserver l'or-
ganisation de l'amée telle qu'elle a été en campagne.
On doit redoutr les changemens qui n'ont pas été
éprouvés à la gierre; aucun perfectionnement, quel-
428 PRÉCIS DES ÉVENEMENS MILITAIRES,
que utile et raisonnable qu'il paraisse , ne vaut, pour
l'ensemble et l'unité, qui sont la force d'une armée,
l'idée de stabilité qui s'attache aux traditions des
officiers et des soldats qui les ont reçues eux - mêmes
de leurs devanciers sur le champ de bataille , dans
les mêmes divisions , dans les mêmes corps de diffé-
rentes armes.
On a vu l'armée prussienne , malgré les mutations
plus fréquentes que dans aucune autre armée, à cause
du mode de recrutement, garder pendant trente an-
nées la formation , les institutions, les ordonnances du
grand Frédéric. L'esprit de corps, ce ressort si puis-
sant , seule garantie de la fidélité et de l'obéissance ,
est brisé par les organisations successives et les dé-
placemens auxquels elles servent de prétexte. C'est
par la fixité de ses cadres , par la permanence des
garnisons ou quartiers, par l'imiautabilité de la hié-
rarchie des grades et des règles d'avancement , que
l'armée autrichienne a acquis cett» solidité qui l'a fait
résister aux vicissitudes de la fortme.
TABLE RAISONNEE
DES CHAPITRES ET DES MATIÈRES
DU TOME XIV, CAMPAGNE DE l8o5.
Suite du CHAPITRE IX.
Mouvement prématuré du prince Murât sur
Vienne. — affaire de Diernstein. — Retraite
du général Kutusow sur la Moravie. — Dispo-
sitions de l'empereur JS^apoléon pour passer le
Danube. — Nouvelles propositions d'armistice'
— Entrée des Français à Vienne. — Surprise du
pont. — Quarlier'général de la Grande- Armée à
Schoenbriinn.
Pages 1" à 17.
JVlouvEMENS de l'armée russe sur la rive gauche du
Danube. — Le prince Murât porte son avant- garde
trop loin. — Mécontentement et prévoyance de Na-
poléon. — Ordres aux maréchaux. — Situation cri-
tique du corps d'armée du maréchal Mortier. —
Attaque et prise de Stein. — Supériorité des Russes.
— Renforts successifs. — Manoeuvres de deux co-
lonnes de l'armée ennemie. — Danger imminent des
43o TABLE
Français. — Résolution du maréchal Mortier. —Arri-
vée de la division du général Dupont. — Beaux faits
d'armes. — Action sanglante. ■— Retraite des Russes.
Pages 17 à 52.
Combinaisons de Napoléon sur la réunion des
armées ennemies d'Allemagne et d'Italie. — Propo-
sition d'armistice. — Ulthnatiun de Napoléon. —
Refus de la cour d'Autriche. — Députation de la
ville de îTiemie. — Capitulation. — Entrée des Fran-
çais à Vienne. — Surprise du pont de Spitz. —
Retraite de l'arrière -garde autrichienne. — Napo-
léon établit son quartier-général au château impé-
rial de Scîioenbrunn.
CHAPITRE X.
Mouvejnens des Français au-delà du Danube. —
Manœuvre du général Kutusow. — Combat
c^'Hollabrùnn. — Capitulation rejetée par Kapo-
léon. — Affaire de Schoen-Graben. — Briinn
éuacué. — Réunion des empereurs d'Autriche et
de Russie. — Jonction des armées russes.
Pages 33 à 55.
Espoir des alliés dans les manœuvres du général
Kutusow. — Possibilité de reprendre l'offensive. —
Nouvelle direction des corps d'armée. — Prise d'un
parc d'artillerie. — Activité des mouvemens, —
BES MATIÈRES. 43ï
Organisation civile et militaire de la Haute et Basse-
Autriche. — Aperçu sur le système de défense des
capitales. — Faux bruits d'armistice — Succès des
Français à Hollahrunn. — Démarche inconsidérée
du prince Murât, — Kutusow en profile. — Posi-
tion du général Bagration. — Attaque des Français.
— Combat de nuit. — Vive résistance. — Défaite
des Russes. ■— Napoléon arrive à Zndim.
Pages 55 à 67.
Retraite du général Kutusow. — Dispositions de
Napoléon pour la prompte réunion de ses corps d'ar-
ïnée. — Neutralité de la Hongiie. — Occupation de
Freshourg par les Français. ~ Évacuation de la ville
et forteresse de Briinn par les Autrichiens. — En-
trevue des empereurs d'Autriche et de Russie à
Olmiitz. — Jonction des armées russes et autri-
chienne. — Supériorité des forces de l'ennemi. —
Causes d'inaction. - Situation de la Grande-Armée.
— Napoléon pressent quel est le but des manœuvree
des Russes. — Avantage de la position qu'il choisit.
— Les deux armées sont en présence.
CHAPITRE XI.
Suite des opérations en Italie. — Passage de
risonzo. — Blocus de Venise. — Retraite des
^autrichiens dans la Carniole. -^ Défaite et prise
4^2 TABLE
du corps du prince de Rohan à Casteï-Franco , par
le lieutenant- général Qo uv ion - Saint- Cyr. —
entière évacuation du Tyrol. — Jonction des
archiducs Charles et Jean, — Jonction des armées
françaises , d Allemagne et d'Italie. — Viola-
tion de la neutralité de JVaples. — Déharquement
des Russes et des Anglais.
Pages 67 à 73.
Continuation des opérations après le passage du
Tagliamento. — Poursuite des Autrichiens. — Éva-
cuation de Palma-Nova. — Importance de cette for-
teresse. — Retraite du prince Charles. — Obstacles
qu'il oppose au maréchal Masséna. — Passage de
risonzo. — Défense du général autricliien de Fri-
naont. — Intrépidité des voltigeurs français. — Mou-
vement simultané des divisions Serras et Duhesme.
— Entrée des Français à Gorizzia.
Pages 73 à 92.
Interruption des communications avec la grande
armée d'Allemagne. — Causes de la suspension de la
marche du maréchal Masséna. — Livourne mis en
état de siège. — L'avant-garde du général Espagne
poursuit l'ennemi. — Prise de Trieste. — Nouvelle
base d'opérations sur l'Isonzo. — Moyens rapides
d'attaque et de réunion, — Blocus de Venise. —
/
DES MATIÈRES. 4^^
Corps d'armée du lieutenant-général Saint-Cyr. —
Position de ses troupes. — Avis de l'apparition du
corps autrichien, commandé par le général prince
de Roban. — Le lieutenant-général Saint-Cyr mar-
che à lui. — Le bat à Cas tel- Franco. — Il fait tout
ce corps prisonnier. — Sa relation au maréchal Mas-
séna. — Jonction des troupes de l'archiduc Charles
et de l'archiduc Jean.
Pages 92 à 10g.
Mouvement de retraite des deux archiducs. —
Poursuite de leur armée. — Détails circonstanciés de
la conquête du Tyrol. — Rapport du maréchal Ney.
— Marche des Autrichiens vers la Hongrie. —
L'avant-garde française arrive à Layhach. — Com-
munication entre les armées françaises d'Allemagne
et d'Italie. — Attaque et prise de Fiume. — Toute
l'Italie supérieure au pouvoir des Français.
Pages 109 à 116.
Développement des projets des puissances coali-
sées au moment de l'ouverture de la campagne. —
Combinaisons d'attaque générale. — Participation de
la cour de Naples. — Motif de son traité de neutra-
lité avec la France. — Son intelligence avec les ca-
binets de Londres et de Pétershourg. — Débarque-
ment des Anglo- Russes dans le royaume de Naples
4^4 TV BLE
— Les forteresses confiées aux Anglais. — Troupes
napolitaines sous le commandement d'un général
russe. — Départ de l'ambassadeur français. — Me-
sures de défense du prince Eugène, vice- roi d'Italie.
— Le général Saint-Cyr se rend à Bologne. — Ré-
flexions sur le plan de guerre dirigé par M. Pitt.
CHAPITRE XIL
Suite des opérations en Moravie . — Position respec-
tive des armées entre Briinn et Olmiitz. — Négo--
dations simulées. — Les alliés pj^ennent V offen-
sive. — Le prince Bagration fait replier l'avant-
garde française. — Napoléon conce?itre ses forces.
— Dispositions des deux armées en présence. —
Bataille </'Austerlitz. — Défaite des alliés. —
Retraite des Russes. — Entrevue des empereurs
Napoléon et François. — - Armistice. — Négocia-
tions ouvertes à Presbourg. — Nouvelles disposi-
tions de Napoléon. — Traité de paix entre ht
France et V Autriche.
Pages 1 16 à 126.
Marche des corps de la Grande- Armée. — Occu-
pation de Brùnn. — Fortifications de la citadelle. —
Combat de cavalerie en-deçà de JVischau. — Cause
du mouvement rétrograde des alliés. — Avantage de
leur position. — Communication de l'armée du gé-
1>ES MATIÈRES. ^^S
néral Kutusow avec l'archiduc Ferdinand. — Légers
succès des Russes sur la frontière de Hongrie. —
Nouveau plan d'opérations des empereurs d'Autri-
che et de Russie pour envelopper l'armée française.
— Prévoyance de Napoléon. — Il concentre ses forces.
— Arrivée des plénipotentiaires autrichiens au quar-
tier-général français. — Objet de leur mission.
Pages 1 16 à 1 58.
Le général Kutusow prend l'offensive. — Compo-
sition des colonnes de l'armée combinée. — Décep-
tion des alliés sur les mouvemens de l'armée fran-
çaise. — Napoléon confirme cette erreur par ses dé-
monstrations. — Méprise du prince Dolgorouki , en-
voyé par l'empereur de Russie près l'empereur des
Français. — Opinion accréditée au camp des alliés ,
de la ruine imminente de la Grande Armée française.
■ — Satisfaction de Napoléon à la vue de leurs mou-
vemens de flanc. — Il adresse une proclamation à
son armée. — Visite les bivouacs. — Ses derniers
ordres aux maréchaux. — Marche des alliés. — Evé-
nemens partiels. — Combats de nuit. — Position res-
pective , au I" décembre, à minuit , des armées fran-
çaise et austro-russe.
Pages 1 58 à 181.
Confiance des alliés dans la supériorité de leurs
435 TABLE
forces. — Ils se disposent à quitter les hauteurs de
Prazen. — Les Français s'emparent de Telnitz et
Soholnitz. — Importance de ces postes , pris et
repris. — Attaque des hauteurs de Prazen par les
divisions Saint-Hilaire et Vandamrae. — Faute du_
général Kulusow. — Il tente vainement de reprendre
sa première position. — Charges meurtrières. —
Efforts des Austro-Russes. — Manoeuvres du grand-
duc Constantin. — Mort du général russe Essen. —
Détail des attaques dirigées par les maréchaux Da-
voust, Soult et Lannes.
Pages 18 1 à 190.
Du plan de bataille conçu par Napoléon. — Jus-
tesse de ses calculs. — Précision de ses ordres. —
Accord dans l'exécution. — Position du prince Mu-
rat. — Combat de Blasomtz. — Les Russes cul-
butés. — L'infanterie du prince Bagration chargée
à la baïonnette. — Désordre dans le rang des alliés.
— Manœuvres du général Suchet. — Attaque et dis-
persion d'une masse d'infanterie russe. — Rapidité
des succès de l'aile gauche des Français. — Retraite
et pertes des Austro-Russes.
Pages 1 90 à 208.
Continuation de la bataille au centre. — Combat
de deux bataillons français contre la réserve de la
DES MATIÈRES. 4^7
garde impériale russe. — Us sont chargés et dis-
jiersés. — Secours envoyé par Napoléon , conduit
par le général Rapp. — Vif engagement de ca-
valerie entre les réserves des deux gardes impé-
riales , française et russe. — Beau fait d'armes du
général Rapp. — Prise des drapeaux et des canons
de la garde russe. — Position critique de l'ennemi.
— Les Français s'emparent à^ Aujczd , de Sokolnitz
et de Telnitz. — Retraite du général Buxliowden.
— Carnage de ses troupes. — Colonne du général
Doctorow engloutie sous les glaces. — Napoléon
se porte avec ses réserves sur les lacs^ pour achever
la défaite de l'aile gauche de l'ennemi. — Ses der-
niers efforts. — Fin de la bataille. — Victoire com-
plète des Français.
Pages 208 à 239.
Proclamation de Napoléon à son armée. — Ordres
pour la poursuite de l'ennemi. — Suspension d'ar-
mes. — Entrevue des deux empereurs de France
et d'Autriche. — Convention d'armistice. — Départ
de l'empereur Alexandre. — Marche de son armée
pour retourner en Russie. — Départ des prisonniers.
— Dispositions pour l'emplacement des divers corps
de la Grande-Armée. — Désignation des comman-
demens des maréchaux. — Conférences de Pres-
èoMr^. — Traité de paix signé le a6 décembre, et
458 TABLE DES MATIERES,
ratifié le 27 par les deux empereurs. — Procla-
mation de Napoléon à son armée et au peuple de
f^ienne. — Son départ. — Son arrivée à Munich.
FIN DE LA TABLE DES MATIERES DU TOME XIV.
TABLE
DES PIÈCES JUSTIFICATIVES DU TOME XIV.
Suite des ordres et de la correspondance du major^
général , avec les commandans en chef des corps
d'armée, dictés par l'empereur Napoléon,
A M. le maréchal prince Mural Page 201
A M. le maréchal Davoust 202
A M. le maréchal Soult Ib.
A M. le maréchal Soult 2o3
Au maréchal Bernadotte 204
A M. le maréchal Soult 2o5
Au prince Mural 207
Au maréchal Mortier 211
Au maréchal Mortier 212
A S. A. le prince Murât 214
Ordre au général Reille 21 5
Au général Marmont , 216
A M. le maréchal Soult Jb.
Instructions pour M. le maréchal Bernadotte.. . 218
A M. le maréchal Mortier 220
A M. le maréchal Davoust 221
A M. le maréchal Mortier 222
A M. le maréchal Davoust Ih.
44o TABLE
A M. le maréchal Davoust Page 224
A M. le général Dumas Ib.
A M. le maréchal Soult 226
A S. A. le prmce Murât Ih.
Ordre du jour du 20 brumaire an xiv 226
A M. le maréchal Ney 228
Au général Deroi, commandant l'armée bava-
roise 229
A M. le maréchal Davoust Ih,
Au général Marraont 233
A M. le maréchal Davoust 235
A M. le maréchal Bernadotle 236
A M. le général Marmont Ih.
Instructions pour le général Clarke 258
A S. A. le prince Murât. 240
A M. le maréchal Davoust 24 1
A M. le maréchal Ney Ih.
Deux lettres à M. le maréchal BernadoUe 243
A M. le maréchal Mortier 244
A M. le général Clarke 245
A S. A. le prince Murât 246
A M. le maréchal Soult 247
A M. le maréchal Bernadotte Ih.
Au prince Murât 248
A M. le maréchal Bernadette Ib,
A M. le maréchal Soult 249
A M. le général Dumonceau 25o
DES PIÈCES JUSTIFICATIVES, 44 '
A M. le général Baraguey-d'Hilliers. . . . Page 260
A M. le maréchal Masséna 25 1
A M. le général Léry 255
A M. le général Songis 254
A M. Petiet, intendant-général 255
A M. le maréchal Bernadette 7 . . . 256
Rapport du maréchal Ney à S. E. le ministre de
la guerre , major-général i358
Ordre du jour pour le 3 brumaire, à Brûnn. . . 266
A M. le général Songis 267
A M. Petiet, intendant-général 268
A M. le maréchal Davoust. 270
A M. le maréchal Bernadotte Ih.
A MM. les maréchaux Soult et Bernadotte 271
A M. le général Marmont 272
A M. le maréchal Davoust Id.
A M. le maréchal Davoust 273
A S. A. le vice-roi d'Italie 275
A M- le maréchal Ney 276
Instructions au général Andréossy 277
A MM. les généraux Caffarelli , Boyer, Bourcier,
Klein , Fauconnet. — Ordre 280
A MM. les maréchaux Davoust, Bernadotte,
Mortier /5.
A M. le général Marmont 281
A M. le maréchal Bernadotte 16.
Ordres aux maréchaux et généraux lè.
i4- 26
4/j2 TABLE
Dispositions générales pour la journée du 1 1
frimaire P^g^ 28^
Ordres aux maréchaux Murât, Lannes, Berna-
dotte, Soult, Davoust, et aux généraux Klein
et Bourcier i285
A M. le maréchal Soult Jb.
Lettre du prince Eugène, vice -roi d'Italie, à
M. le maréchal Ney 287
Lettre de M. Alquier, ambassadeur de France à
Naples sur le débarquement de l'armée anglo-
russe 289
Au prince Murât 294
Au général Dumas Ib,
Instructions pour le général Andréossy, sur la
direction à donner aux prisonniers russes. . . . 296
Au général Oudiuot , et aux maréchaux Lannes
et Bernadotte 299
Au prince Murât Ib'
Aux généraux Oudinot , Dumas ; aux maréchaux
Soult , Lannes , Davoust 5oo
Au maréchal Lannes ^. . . . 001
Au maréchal Bernadotte Ib.
Au général Marmont 3o2
Au maréchal Davoust Ib,
Au maréchal Lannes 5o5
Au maréchal Murât 3o4
Au maréchal Bernadotte 3o5
DES PIÈCES JUSTIFICATIVES. 44^
Au maréchal Soiilt Page 3o6
Au maréchal Masséna Ib.
Au maréchal Bernadotte 807
Au maréchal Masséna 3ocJ
Au général Saint-Cyr 3 1 1
Au maréchal Augereau 3 1 2
Au prince Louis _, connétable de l'empire 5 1 3
A S. Ex. M. Schimmelpennick , grand-pension-
naire d'état, à La Haye 3 14
Au prince Eugène, vice-roi d'Italie Ib.
Au maréchal Masséna 3 1 5
Au général Marmont 5i 6
Au maréchal Augereau 317
A S. A. le prince Louis Ib,
Au maréchal Brune 3i8
Au général Marmont Ib,
Au maréchal Davoust 320
Au maréchal Bernadotte Ib.
Au maréchal Davoust 32 1
Au maréchal Mortier 323
Au général Marmont Ih.
Au maréchal Soult 324
Au maréchal Ney. 325
A S. A. le prince Louis ^ connétable Ib.
Au maréchal Lefebvre , . . . . 526
Au maréchal Masséna 328
Au prince Eugène 329
444 TABLE DES PIECES JUSTIFICATIVES.
Au général Marmont Page 53o
A M. Pelict,, intendant-général 35 r
Au maréchal Bessières 352
Au maréchal Augereau Ib.
Note autograplie envoyée à l'auteur par le feu
général Rapp , sur le fait d'armes par lequel
il se signala à la bataille àil A asterlitz , et qui
a fait le sujet de l'un des plus beaux tableaux
de l'école française 555
Ordre de bataille de l'armée française , à la ba-
taille à'Austerlitz, commandée par l'empe-
reur Napoléon 357
Ordre de bataille de l'armée austro- russe, à la
bataille à' A ustei'litz , commandée par les em-
pereurs François et Alexandre 558
Tmité de paix entre S. M. l'empereur des Fran-
çais et S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Au-
triche 359
FIN DE LA TABLE DES PIECES JUSTIFICATIVES»
TABLE RAISONNEE
DES MATIÈRES DES NOTES
RELATIVES AU TEXTE DES TOMES XIII ET XIV,
NOTE PREMIERE.
Sur la domination politique de V Angleterre,
Pages 392 à 406.
Jmportance de cette question. — Sa division natu-
lurelle. — Principe. — Moyens. — Conséquences. —
De l'état de l'Angleterre avant et après le règne de
Guillaume - le - Conquérant. — Recherches sur les
causes de l'augmentation graduelle de sa marine. —
Les guerres civiles servent au développement de sa
puissance. — Progrès successifs de sa domination. —
Son acte de navigation. — Son monopole du com-
merce. — Son affranchissement de toute réciprocité.
— Principes de sa législation sur les neutres. — ♦
Exercice du droit de blocus. — Faibles eiTorts de
l'Europe contre ses prétentions. — Projets de neutra-
lité armée. — Humiliation des cours du Nord. —
Bombardement des ports de la Hollande, de la Suède,
du Danemarck. — Domination sur les mers,'— Con-
44^ TABLE
joncture favorable au maintien de son système. —
Vues ambitieuses habilement dissimulées. — Résul-
tats de la guerre continentale pour l'accroissement de
ses trésors et de ses possessions. — Influences de ses
sub^iides. — Ressources intarissables. — Utilité de ses
conquêtes dans les deux Indes. — Causes de la rup-
ture du traité à! Amiens. — Avantages qu'elle retire
des coalitions. — Pourquoi elle est l'arbitre de la paix
et de la guerre. — Aperçu de ses acquisitions depuis
1668. — Quel doit être le résultat de son système
politique à l'égard des puissances continentales.
NOTE DEUXIÈME.
extrait des réflexions d'un ancien officier de la
marine royale de France , sur la bataille de Tra-
falgar.
Pages 406 à 4 » I .
Système d'attaque et de défense dans les guerres
maritimes. — Motifs d'engager ou d'éviter le combat.
— Importance de la tactique navale. — EJxempIes.
— Détails et discussions sur les diverses positions
pendant la bataille de Trafalgar. — De la formation
des lignes de bataille. — Examen de la manoeuvre
d'attaque de l'amiral Nelson.
DES MATIÈlirS DES NOTES. 44?
NOTE TROISIÈME.
Sur la question de savoir si les souverains doivent
commander leurs armées en personne.
Pages 4ii à 422.
Observations générales sur cette question. — Opi-
nion des pnblicistes. — Recherches sur cet usage avant
et depuis les progrès de la civilisation. — Changemens
nécessaires. — Effets de la présence des souverains
dans les camps. — De l'esprit de conquête. — De
l'obéissance passive. — Danger pour les libertés pu-
bliques. — Faits à l'appui. — Cas d'invasion. —
Guerres extérieures. — De la confiance dans les taJens
des généraux en chef. — De l'émulation. — Situation
particulière d'un prince conquérant. — Et de celle
d'un roi affermi sur le trône. — Objet de la guerre.
— Calcul sur ses résultats. — Pourquoi Napoléon a
dû commander ses armées. — Représailles des souve-
rains. — Exposé des opinions contradictoires. —
Sentiment de l'auteur.
NOTE QUATRIÈME.
Sur la conquête du Tyrol et sur la jonction des deux
armées françaises d' Allemagne et d' Autriche.
Pages 422 à 428.
Ancien plan de guerre d'invasion contre l'Autriche.
— Difficultés de la jonction des deux armées venant
44^ TABLE DES MATIERES DES WOTES.
de Touest et du sud. — Essais infructueux. — Seul
moyen de succès. — Importance de Toccupation du
Tyrol — Combinaisons de Napoléon pour celte jonc-
tion. — Concours de circonstances favorables. -^
Résultat des batailles d'Ulm et de Caldiéro. —
Constance de l'Autriche après ses revers. — Solidité
de sa constitution militaire. — Ses sacrifices pour la
conservation de son armée. — Réflexions sur le dan-
ger des innovations dans l'organisation des armées»
FIN DU XIV' VOLUME«
DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET.
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