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NEIlL TRANSFEH
HN ^Û3A K
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Gooslç
n
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PROGRÈS
DES
ALLEMANDS,
Bans les Sciences i ks Belles 'Lettres ^
les Arts-i particulièrement dans
la Foè'fiey r Eloquence ^ le
Théâtre. -:"~'
PAR
• M. LE BARON DE BIELFELD^-
Sua nomina cuîque.
Manil.
TroiReme Edition reK)ue f^ confid^rabkment augmentée^
TOME PREMIER,
4;^
A L E I D E,
. Chps SAMUEL ET JEAN LUCHTMANS,
M D c e L X V 1 r.
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a
\<^éc.:n(i\)~ -^
, HARVARD
UNIVERSITY
"^LipPARY '
MA!l1tl959
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III
VACADEMIE ROYALE
DE-S
SCIENCES
ET DES
B E L LES- L ETT R ES
D E B E n L I M
Messieurs,
[e fuis infiniment flatté âe Tboneur.
- ^e vous vCa%^sfait de nf admet-
tre parmi vous , d^s la renaîs-
/««re rf^ r Académie. Marêcon-
mîjjance s'éioit renfermée jusqul-
ci dans les bornes d'une admiration muette,
ye Jbubaitois de pouvoir vous iémoi^er publi-
quement , combien m^étoit chère la prfrogati--
-ve d'ap4rfenir à votre Illuflre corps , ^ épiel
était k zèle qui m^anîmoit pour fa gloire. Si
fat différé jusqu'à prefent , de^vous enfairt'
un aveu formel , c'eft que les maximes é? ^^^
-:, . * 2 ufa'
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jT D E D ï C A C E.
ufages de P Académie , fÇ admettent gueres d'au*
trci difcaurs, ^ue ceux qm wt pew êbitt tm
t^ilé meaifiéH 5 de qttel^ paftk dès ackncef
ou des Belles - Lettres. Le fentiment de mon
infujjîfance t m'a fait ^uffter la plume r, aufji
fouvent que je F amis prije. J'ai conçu qu'il
'était impff/fièff di H;oiiL rkit dtmîà- , àais qull
falloit prendre cbés vous , tout ce qui pou-
voit être digne df fatvitrT'm public ; & je
crains bien de n'avoir pas puifé ajfés long;-
mn* Enfin legr.mfl^mnifnC\d{\mk Mlé'i
font emporté fur toutes les confîderations
qui devaient me ntentt , ^ Çjp /4^ itiiour-
à'buf joumettrè a vos lumières tquelqucs rc-
ttexions fur les Progrèà dis Lettres & des
Arts en Allemagne. ^ • • • : ' ;_
Je me croirais trop, heureux , Meflieurs,
fi ce prrmkr efaà pemoit avofi^ le iwsbeur M
vous phùre: mai f je ne puis Pe/ptrer, fi vm
ne-Àaknéi t^s rekcpir à€ cHtk firUpultufé
jévéïué y que chacun de vàts porté Jur fif^
jmprei ouvr^cir, fou/fs lei/ois que vous ve-
nés accumuler pur, vos, écrits c* tt'éfttr 'dfM.
rudition en tout genre de littfrattftt * do^,
rÀ-aâémie qfl dépo fit aire.- S^metiés^vemf f
Melïiewfs , que fhn vms étei nuffif^f dé-
part , plus } al droit ^attendt'e dt nfékt dà-.
tindut^i^neÉf^dePmcom'éi^mghtt-.
]. ■ ' L AVER-
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• ■ -■--■• \
y
I
%é 0% ^% #1; %^ i
^ ^% -m %^ w^ ê% i
: AVERTISSEMENT :
- s R CET T^
TROISIEME EDITION,
. * * *
^^1^^' Accueil avorabls dont îe Piibliff
^^^^ a daigne honorer ce petft Ou*.
^ 1^^^ vraee , & le dc:bit rapide dei
ggTj^5^^ deuïc premières Lditions, m en-
gage k en donner une troifîè-'
me. ]\lon de/Tein ccoit d^abord de faire'
un choix des plus cèlebreg Portes & Ora-;
teurs Allemands , de traduire leurs meil-
leures Pièces & d'en former une colîec-*
ttOQ compjctte Ibus le titre 'de ParmjJ?
^tlîemanà. Ceut été le plus riche •mpnu-^
ment que paurois pu ériger â 'ma Patrie,"^
fi mes faibles Tradiidions avoient pu ré-;
pondre a la beauté des Origîri^uîc. Mais
n'of^nt m'en flatter^ & me trouvant oççu-'
p'é d'ailleurs, diris ma retraite champêtre,
3 divers Ouvra'ges de jongoe haleine, qui;
exigent toute mon apîfcatïon ; je me fuis'
^3 con-
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,^i AVERTISSEMENT.
contenté de parfemer tout le corps de ce
Traité de cprreélioas & d'augmentations
utiles , que les i^eraarcjues de plulîeurs amis
& de quelques Journaliftes judicieux ont
tendues néceffaires. Je puis dfire à cet égard
avec M. Ronffcau ; ,, Rien ne me conte
55 Baoins que l'aveu de mes fautes, perfua-
35 dé que k9 plus habites fe font inftruits
5, par les learsj ^ qu'un Homme fage, ni
35 un bon Écrivain, n'ont jamais été l'ou-
M vrâgp d'en joltf, M^^r ^dietnus ht-
y^Jlernus error.
. 11 s'en faut i^eanmoins de beaucoup que
j'aye corrigé 'tout ce que Ton a trouvé dô
^éfedueux dans .ce petit Traité. Le meilw
leur Livre fonc^roit .a l'ardeur de la Criti^
que, fi Ton vouloit en retrancher tout ce
que les Ardûvairea du ParnafTe, croyent y
remarquer de rcpcébenOble ; mais par bon-
fceur leur jugement n'eil pas fans apel. E^
tant obligés d'être univerfels par état, ila
ont rai^ment aulîi bien étudié chaque ma-
tière en particulier, que l'Auteur qui la trai*
te, & celui-ci doit être aufli éloigné d'une
timide facilité à fuivre tous les av>s qu'on
Uii donn«, que d'un orgueilleuK eateote-
lîient pour fes iàtt$.
J'y ai ajauté encore quelques Pièces choisi
(les 'de notre fameux Pocîte Gunther, plu-
fleurs lip.igrammes de Wçxoicke^ les Poë*
fre3
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AVERTISSEMENT, vtt
fies de Madame Karfchin, deux Tragédies 5
le Codrua de M. le Baron de Kronegk &
Mifs Sara Sampfon de M. Lelîing^ & deiii
Comédies ) les Sœurs amies de M Gdlerc
& le Triomphe des bonnes femmes de AîL
£lie Scblœgel. Je ne fais li le dîoix que
fen ai fait fera: aprouvé par tous mes Corn*
patriotes. Il y en a peut • être de plus bellet
&; de plus nouvelles fur notre théâtre qist je
ne connois point. Les goûts font differens à
cet égard comme à bien d'autres, f ai {wis
celles que j'avois fous ma main , & je les ai
cru propres à remplir mon but.
Comme je n^aimc point à m^attribuer ua
Iiooear qui ne m'eft pat dû, je dois avertir
Mies Leélears, que le Triomphe des bon-
nes femmes a été traduit par un homme du
monde akiablâ & fpirituel > & les Sœiu^
amies p» une jeune Demoifelle de Ham*
bourg, qui eft allée à Paris fournir la meil-
leure preuve de la Thèfe générale -que j\îfe
avancer dara det ouvrage.
Jofe iûvker les Amateurs des beaux Art$
& des Lettres ^ qui poffedent les deux lan«
gués à pottrfttivre & à remplir mon idée*
La difficulté n^en fera j^s lî grande qiiW-
le le parait, ai» premier abord. 11 ne faut
que de Taplication. Notre Allemagïw
nourrit dans fph fein un grand nombre d«
Fiftdçoîs^. dent ips ay^ &. font reciréd^ de
♦ ;^ leur
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vifi /AVERTÏSSËAÎÊNr.
lenr Patrie, pour canfe de Religion fous le'
règae du Roi Louis XIV. Ils tranfportè-
rent alors learsf foyers^ leurs pénates, leur^
temples^ leur langage, leurs niœursr & leur
iidimrie diés nous. Leurs Defcendans nés
3in centre de la Germanie, apfcnent au-
jourd'hui de leurs Pares & de leurs Pafteura
3aL#angue Françoire, & PAllenâfande de leurs
Concitoyens- L'accueil que ces réfugiés ont
rencontré en Allemagne, femble les enga-
^r à quelque reconrioiiïance', & ce fer*
^'acquitter honorablenïent d'une efpècè dô
dette, s'ils veolenc bien faire connoitre au*
l^ations étrangères le Génie , qu'ils ont ren^
contré dans leur nouvelle Patrie. Notre
\ Langue^ comme la plupart des autres dé
i'Europe, n'eft génér-alefnent faite qiie pour
j> «ne feule' Nation; Haller- n*e(l prësque lu
que par des Allemands, comme Milton'^ le
TafFc & le Camoëns ne font \x\% que par
des Anglois'y des Italiens^ & des Portugais.»
La dépenfe d'efprit, fi j'ofc m'dxprtnter ain-
iiV eft trop grande pour le fruit qa'elle ra-
porte ; au Ireu que le Françoist étant deve-^
nu presque univcrfcî , un bon Otïvrage é-^
ckir ou traduit en cette Langue y WdUve dei
LedeiTT.*? chès totites les Natiom^, & la gk)i-i
re de fAuteur s^étend jiilqu'aux extremV
tes dri moïide: 7: : ' \ "• ■ '
* 'j îe^;fifl^; fùrc/ éloigné de <rî)iré ^ue j'aye^
>';x \ '- épuF
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À Vt k 1 1 S^ fe M E N If. i3f
èJSiïïfè la matière que je traite dans ce pe-
tit Effaî. Je n^ai donné que de fimples Frag^
itiens de quelques-uns de nos! meilleurs Pocf^
tes; Ceux qui voudront travailler après
itioi pourront les traduire en entiei^, & y
ajouter les PoëfîeS de Befler, Pietfch^ Ri-
chey, Ralmmler^ Zachafie, la belle Collec-
tion (ks Poètes de la Baffe -Saxe de Weich-
marin, les meilleurs Poëtés Suiffe^, Ie§ Fa-^
Mes cuarmantes de Lichtwehr^ dont j'aurois
donné quelques échantillons fi je les avoîs
connues plutôt, le beau Panégyrique dé Mau«*
rice de Saxe par Weifs, & quantité dTautres'
Oifvnigés éxcteiléns. 11^ rendront, je penfe,
fin ièrvicfe fighalé à la République de Lettres,
& leur noftî psfera à Timmortalité de paiY
avec celui die leurs Auteurs.
Au rertQ en élevant ce pedt monument au
f!;énie des Germains 5 mori intention n'eft
iîQlIément de déprimer' celui des autres Na«
tions. Mori efprit n'eft atteint d'aucune pré-'
Vention riafionale:' c'eft au contraire celle
des autrèsf qii'e je voudroîs gùerir. La Repu-
bliqùe des Lettres ( comme je le remarque
dîîns le dorps de TOuvragë & d)mmè je ne'
jbuis affés le répeter) eft rep^anduefur la furfa-
ce de toute la terre ; aucun peuple nVn eftex-^
ékij & je rie cherche qu'à faire afligrier aux
Aîfëmarids la phce qu'ils ont droit d'y occu-
jJer.' Mais je 4ois les avef tir ea inême mns^i
^ 5? que
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%: AVERTISSEMENT,
.que cçtte Rt;publi<ïiie iiniv^rfelie a foo tempk
& ion fanduaire , daas kquei oa n'cft introt
çluit quç par te bon goût. S* mes Compatrio*
tes fe détournent du chemin qiii kur eft tra*
ce par les grands homiBes» qwa je kur pro*
pofc ici pour g-uides', je crains qu^ils ne s'c*
cartent oe la vraye route , 5; il elt bon de les
avertir de quelques écuàls dont Us s^apro^
ciîent de trop pr^.
Le premier de ces écueils eft la grande ma-»
nie des Trédaâkms. Il ne paroit aujourd'hui
dans k monde 3 & fur-tout en f rance, nul
ouvrage, bon, médiocre ou mauvais , donc
il ne paroifte au bout de qiielques mois una
Vorfion AUenfHinde. On n'attend paâ cfto le .
fort d'un livre fok fixé par l'aprobation ou la
critique des Conrwifleurs, Tavidité fouvent
imprudente des Libraires ^ te defœnvremenC
de quantité d'efprits^ médiocres , la commo-^
dite enfin de fe rendre Auteur à la faveur des
pcnieesd'autrui, tout cela engendre d'abord
des Tradudeurs, D'un autre côté, trop de
plumes qui pourroient faire beaucoup mieux,
font occupée k traduire* il en refaite encore
ua très grand inconvaiient pour notre Lan*
g^ie qui s'abâtardit par là. Pluiîeurs de ces*
Trucliemans fuivent trop fèrvikment le lan-
gage de kurs Originaux, & parlent François
avec des mots Aikmand& Tous leurs tours,
tottleft koJts pliffa&Si toQt refprit dullile^ touc^
ce-'
DigitUed
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AVERTfSSEMBN f. xi
ceh ell François, il n'y a dans leurs Traduc-
tions qae lea noms & les verbes détaché» qui
ibîeac Allemands, & îi cela cûfitisuie^ notre
Ibdie Langue mène va dégénereir incdTeiB*
ment çn jargon*
Le iqcona écueil eft le choix des loatièrâs
qu'on entreprend lof squ^on veut écrire ttn U*
vire original 11 y a quelques Nations^ qui
%vçc he^^mp d'efprit^ ne font pas trop
hQureuks à cet égard. Toute! let foi» qim
jelifi un Journal étranger ^^ & que je viens,
par exemples à Tartkie d'Ëfpagne, je hm
fens r^jVQlté de n'y trouver d'aooncc ^iie hi
vie de quelque Saintî^ ou de quelque i^int^
l^Hiftoire d'un Or-drc içligieite , d'un fiiuplô
Mônafiçre, le Paftegyrique de tel ou tci
BienbeuFCux, de* Homélies, de* Livre» dô
çontroverfej & cent mijfere» pareitte?* Il eft
déploraWe qu^une Nation qui poufroit ftire
iï bien,, s^occype dô iemiptlaUe» objets. Vût*
ticle d^AUemagne n'dft pa9 zKm plud cc^jcruct
aiiflv m^^^t qm je k dcCr<Jroigl 11 y re*
p?vè à mon gri fouvewt ,^iitore trop de pé^
dwitisme;» ({uoiq^ je belpiÉ pat aulH enne*
nii du pédajitisme raifonable . que de ja frivo-
lité 5 comme ou le verra dans le corps de
cet Ouvrage.
Le troifième écueil enfin que je veux indi-
quer, ne regarde que les jeunes Poifces Alle-
mands. Il s'efl introduit depuis peu chés
.' "^ nous
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jKïi ÂVÊRTISSËMEMt.
nous un goût bien bi?:arre pour les Ver^
hexamètres non rimes. On fe fert d'un ftw
lecmpoulé, obfcur, énigmatkjue, pour kS:
reftdre fuportables. L'art du grand Ecrivain,
foit en Poëjie , foit en profe, fut tbufoprç
d'exfJrimer de' belles penféesdans un langage
clair & intelligible. La facilité que trouvent"
beaucoup de Génies du fccond ordre à ïâbFÎ.
quer ces fortes de Vers hexamètres en fait*
regorger nos Librairies*
, Cependant comme Je ne m'aperçoiâ point,
que nos-Pocîtes de réputation en faflent un
trop fréquent ufage, que le premier qui le^
a mis' en vogue èft im homme de mérite 3
dont j'eftime d'ailleurs les talens , & que*
cet ouvrage- ci eft plutôt] deftiné à faire
PEIoge que la Cenfure des Allemands, je mé-
contente d^effleurer fîmplement cette matiè-'
re; mais Tintérêt que je (prends à la gloire'
litéraire de mes Compatriotes 5 m'en.çagera;
picut-être k donner nn jour un petit Traité,'
dans lequel je l'examinerai plus k fond fur les*
règles de la faine Critique Puiflent mes ef*
forts contribuer à former le. goût de notrç'
JeunelTeftudieufe!
TA,
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TA B L E
D ES
C H A P I TRES.
DEDICACE à T Académie Royale àes Sciences
^ àts MJsf iàttns. J>ag« iii^
AVERTISSEMENT /«»• tmt mifièm^ ^di»
tion. y
QHAPITRE I. i)mfiitimt ginéralet, a") Dit
TraduHions. 3) 0( la. I^ugu^ . .
Mlemande. 4) Ùes /Icademies
Jlka<iindef, S}DvPéMMUmç.
6) Du Goût. P^ç t
II. i) Des Auteurs 4UfPiMds pour
les Sciences fuperieures. 2} Des
B^Htm. 3) IW Critiques.
4) Des Artijies. 47
III. Des Inventions & des Décm-
Vfrtes dis 4lîemands. 43
IV. Des Anciens Portes qui ont pré-
tedéÇ^Usi. 67
CHAP. V. Opîtz. 87
CHAP. VL Le Baron de Canitz. 125
qiAP. yil Guntbtr, i^g
CHAP.
,.CH4P.
CHAP.
CHAP.
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CHAP. VIII. M. de Hallet. 180
CHAP. IX. M ëe Bttguéérn. 210
CHAP. X. M. Gelleri. 221
CrtAP. JiiM:&eim ' / > ' i-ii
CHAP. XII. M. de Derfebau & M. JFer-
nîcke. â.34^
GHAP. XIII. Madame Karfcbiri. 249
CHAP. XIV. Da Tbmn Memani en ghé- ;
raL 277
CHAP. XV. m/s Sara Simpfài ... 343.'
CHAP. XVL Co</fax. .^34
CHAP. Xmi. Les Saurs Amies, 533
CHAP. XVIII. Le Triomphe des bonnet Fem*^,
ines. ■• ■ ècZ'
CHAP. XIX. De é Eloquence des Allemands . 8ao
tHAP. XX. Coricluftori.' ZsS
AVIS Âù RELIEUR.
Xa Planche doit être placée Vagé i
Le Titre du Tome II: ^77 '
J .1/ pRÔ^:^
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^:yta>'^&fi3> CSjKD CS!l!2? f$AS? tsi^^y^ii
p R o G R È s
DES
ALLEMANDS,
Dans les Sciences^ les Belles
Lettres £j? /(fi Arts.
CHAPITRE PREMIER.
I. Réflexions Générales. W.ÙesTraâudmi.
\\\. De la Langue Allemande. IV. Des
Académies Allemandes. V. Du Pé-^
dantisme. VI. Du Goût.
•'Etat des Lettres en Allemagne eft: uncî
matière fl peu connue dans d'autres
Païd, qu'elle m'a paru mériter d*être
traitée dans une Académie, fondée au
centre de l'Alleniigne par la main & fous la puiA
fante prote£lion d'un Monarque que la poflerit^
A «-
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a PROGRES
citera toujours, lorsqu'elle voudra exalter la g]oîre
de la Nation Germanique ; & nos Neveux diVont ,
Frédéric le Grand, Roi de PrufTe, fut un Prince
Memand! aufllî, après ce grand exemple , je me
difpenferois de couc autre argument, fî mon des-
fein croit de faire le panégyrique de ma Nation ;
maïs ce n ed point là mon but. Mes réflexions
n*ont pas pour objet de mettre faftueufement cette
Nation du deffus des autres Peuples: ce n*eft pas
un efprit de prééminence ou même de rivalité na-
tionale qui m'anime, j'en fuis rrès-éloxgné, accoutu-
mé à envifager le Monde literaire comme une feu-
h République, dont chaque Peuple fait une Fa-
mille & chaque Sçavant un Citoyen , îe crois que
tous les Païs policés ont payé une efpece de tribut
à cette République commune; & je ne me propo-
fe autre chofe, que de faire voir de quelle maniè-
re les allemands fe font acquités de leur contin-
gent. J'eflayerai feulement de les juftifier contre
Jes acctîfations & les cris de quelques Ecrivains é-
trangers, qui n*ayant aucune teinture de notre lan-
gue, condamnent nos Auteurs fans les entendre,
Ceft ainfi, par exemple, que Monfieur l'Abbé de
B«*# de TAcademie Françoife dit dans fon Epitre
aux grâces,
Dans T abîme tmmenfe du tems^
Tombent ces recueils importans}
D^HiJioriens^ de Politiques^
D'Interprètes & de Critiques^
Qui tous au mépris du bon fens^ *
Avec les Livres Germaniqftes ^
Se perdent dans la nuit des ans^
H
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ijEs Allemands. ^
îî eft à croire, que cet Abteur fi jufte & fî aima-
ble dans fcs ouVrages n'auroit pas hafardé un pa^
reil jugement, s*il eut été bien au fait de là Litte-
tature Allemande, & qu'il n'eut pas eu befôin d'u-
fie rime en iqiijts. En général lofsque la Poêfie em*
brafle certaines matières, défions nous toujours, de
fc$ charmes fedufteurs. Il femble que la jufteflè
ou des idées oU des expfefiions ait peine à fe capci*
ver dans les entraves des vers. Ne pourroit-oil
pas de même demander à Monfîeur de B*** où il
a trouvé que les bons Hiftoriens, quoique volu*
fnineu^ , tombent dans l'oubli? où il a connu de
grands Traités de politique qui fe foîent perdui
dans la nuit des ans, tandis qu'il y en a fî peu d'é-
crits» & peut -être point du tout? Les mauvais
Livres en tout genre & dans toutes les langues
tombent généralement dans le mépris, furtout les
mauvaifes Pol'fles; mais les bonnes lliftoirês,. 1^^
bons Ouvrages de politique, les bonnes critiques
pai?tent glorieufeTnent à la poilerité, de même que
pluficors exce liens Livres Germaniques.
il /eroit à fouhaîterponr les Allemands, qu*il n'y
eut que des Auteurs médiocres qui EÎnflènt un pa*
reil langage; mais malheureufement la plupart des
Gens de Lettres des Nations étrangères penfent de
même. Les meilleurs Ecrivains d'entre eux com*
me les moindres récrivent tout^ haut. J'ai été é-
lonné de trouver d:jns les charmantes réflexions crt^
tiques fur la Po^fte ^ fur la Peinture de Monfieuf
lAbbé dit Bqs y le raironemerit fuivant:
s, La Peinture & la Pocfie, dit* il, lïe fe font
3, point aprochées du pôle plus prés que fahaii*
,» teur de h Hollande, on n'a guéres vu même
ji dans cette Province, qu'tuie Peinture morfon-
A a „ duc/'
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4 P R O G R r S
„ due.** Voîlà donc lei Peintures de Rabens, de
Rembrandt, deMieris, de Van der WerflF dégra-
dées j nous voilà tout à fait exclus nous autres Al-
lemands du rang des Poètes & des Peintres.
Tout le monde fait avec quelle malignité le Père
Bouhours a parlé du génie Allemand. Mais quoi,
que la façon indécence dont il s'exprime ait été
defaprouvée même en France , on voit cependant
que de pareilles cenfures percent à la faveur des
traits piquans qui les parent, & parce qu'elles for*
mène d'ailleurs par contre-coup un Eloge tacite du
Païs de leur Auteur : ce qui chatouille & flatte a-
greablement certains le£leurs.
IL Tout ce que Ton peut dire avec une efpéce
de raifon , c'ed que la plupart de nos Livres fe
perdent dans l'oubli pour les Nations Etrangères »
furtout pour les François. Ils ne parvienept pas
même à leur connoiUance, faute de tradu£lions.
Mais je crois qu'il en faudroit attribuer la caufe plu-
tôt à la difficulté qu'il y a de les'traduire, qu'à leur
démérite. La langue Allemande , hériflee de mi j«
le difficultés pour Tes nationaux: même , n'a encor
jamais été fuë d'aucun Etranger; & rarement un
Allemand poflede- 1 • il aflTés bien le François, pour
qu'il foit en état de rendre en cette langue toute la
force & toutes les beautés de nos ouvrages Alle-
mands. C'efl: ce qui empêche le commerce litté-
raire entre ces deux nations. Il n'en e(t* pas de
même,, par exemple, des François & des Anglois;
il y a des liaifons plus intimes entre eux. Nous
avons vu quantité de fçavans François voyager en
Angleterre , & en raporter l'intelligence zffès par-
faite de cette langue > & parmi le uergé François ,
éta>
Digitized by
Googk
DÉS À LLl MPA-ND S. a
établi en Angleterre depuis le réfôge des.Prqeelr
rans , il /è trouve un grand nombre de Gen$ de
Lettre* qui {e fontapliqué* avpc fuccès aux çleu»
langues , & qui par de fort bonnes verfîons ooc
fait pafler aux François la connoiflance des princi-
paux auteurs Anglois. Mais malgré ces avantages f
le nombre dçs livres Angiois traduits en Ia.ngu(;
Françoife n*e(l pas fort confiderable; & dira*t-ori
pour cela , que ceux qui n'ont pas encor été tra-.
duits n'en valoient pas la peine , ou qu'ils tûmbent
dans rabîtne^ immenfe du tems ? il fcmble qu'il y'
ait uneefpece de préfomption à croire, que toutcp
qui n'eft pas encore connu en France ait perdu fes-
perance de pafltr à Ti m mortalité.
D'ailleurs , qu'il me foit permis de faire ici un^
remarque générale. On peut traduire des livre$
qui traitent des arts , des fciences , des opinions &
des fyftémes de phibrophie, &c. Mais des Oui
vrages qui n>nt purerfieïH cnfans de l'imagination ^
icU 4ue laPoëfie, ne ïh iraduifent jamais biem Jl
efl comme impoiîîblc d^ faire pafler les beautés &
ks grnccs de détail naturc-tles à une langue, dan^
une autre , quoiL|tje les idées en gros puilTent Cq
rendre- Prest|tîe tous tes l-'oëtes anciens ont été
traduits , & traduits fou imparfaitement ; malgré
cela ces Clufs d'oeuvres de l'antiquité ne font pat
tombés dans Toubli & dans le néant.
Pour en donner nn feul exemple, je ne cirerai qoe
la quatrième Ode dl lorace traduite par Monfieqr
DacJer , par le Père Sîinadon,& par le PereTar-
rt^ron. Monfieur l'Abbé Des • Fontaines dans fon
difcours fur la traduction des Poëces, qu'il a mis à
la têre de fon Virgile, raporte en entier ces trois
ifaduélicns, & convient qu'elles ne font pas bon^;
A3 nés/
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• P R e ;R' E* S
Ml. II y joind une quatrième verGon de fa façoir»
qu'il a cru meilleure. Ce(l ce que je laiflè à de»
dder à ceux qui coqnoilTem toute la delicaceile dei
deux langues.
- Ceft aparemment ce qui fait dire à Monfieur de
.Voltaire dans fes réflexions fur la Tragédie. „ J'ai
„ hafardé de traduire quelques morceaux des meil-
>, leurs Poètes Anglois ; en voici un de Shakfpeat.
,, Faites grâce à la copie en faveur de l'original , Sç
9, fouvenés-vous toujours quand vous voyés une
,^ traduftlon ^ que vous ne voyés qu'une foiblç
,, eftarape d'un beau tableau. "
* Si donc il eft comme impoflible de bien traduira
les Poètes anciens , qui ont écrie dans des langues
jçavànces que tous les Gens de Lettres pofledent ;
cft-il furprenant que les Ouvrages d'cfprit qui ont
paru en Allemagne nefoicnt point traduits en Fran-
çois, cette nation étant (i peu au fait de notre lan^r
gue ? Et pourra- 1* on conclure de là que tous les
Ouvrages Allemands foient. mauvais ?
Peut - être peut • on dire à la gloire des Nations
Etrangères , qu'elles ont chés elles dans tous les
genres de littérature tant d'Ouvrages excellens-,
qu'il leur a paru fuperflu au milieu de cette abon-
dance , d'avoir recours aux produ6lions de leurs
voi.fins. Car quel efl l'homme d'efprit qui n'adi-
mirera pas les écrits dont les François , les An-
glois & les Italiens ont. enrichi la République des
Lettres ? Leurs Livres ne font -ils pas devenus la
Iburce du bon goût? Quel befoin ont- ils de s'ocu-
ptt à des traduftions de nos Ouvrages , eux qui
poifcdent tant d'excellens originaux ?
J'allègue cette raifon comme une efpèce de fu-
plément à toutes les autres , pqut répondre à ce
re-
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DE» ALL E M A N D,S. »
reproche ofé & populaire que j*entent faire, tous
les jours qux Allemands , mais vas Ihres ne font'
point traduits! peut-être troiXVera-t-on que la*
réflejcion fui vante efl: plus concluante,
III. Depuis le moien.age , la plupart pour ne
pas dire tous les Sçavans All(nnands , ont écrit en
Latin ; & étant devenus pour aînfi dire étrangers.
à leur patrie, le vulgaire en Allemagne ne les a
presque connus que par des traduâions. Or à plus
forte raifon leurs écrits ont • ils de la peine à per-
cer jusqu'aux autres nations, où les gens du mon-
de & même beaucoup de gens de lettres lifent ra-
rement des livres grecs ou latins, ( * )
Cet ancien ufage , cette mode gênante de n'é-
crire que dans des langues fçavantes a fait beau-
coup de tort à la nôtre , & aux progrès des belles-
lettres en >\Ilemagne, car tandis que chés pludeurs
de nos voifins la plupart des gens de lettres le
bornent à bien comprendre le latin , mais ne s'en
fervent que rarement dans Tufage ordinaire, &peu»
vent par conféquent porter toute leur aplication à
Cultiver leur propre langue , nos Sçavans au con-
traire font réduits à la dure neceflité de facrifîer les
plus précieufes années de leur jeunefTc à fétude du
Grec &du Latin , quelquefois même des langues o-
rientales ; 6? outre cela , pour peu qu'ils ambitm-
nent à paroitre avec éclat dans le monde 9 à a-
preu-
(♦) Mr. de Leibnîtz , par exemple , a compofé un Poëme
Latin fur la mort du Duc Jean -Frédéric de Bronswic, qui le
fait comparer p«r un dts plds beaux Efprits de France aux
bons Poètes de l'Antiquité.
A4
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8 P R O G R F S
prendre le François» Htalien, TAn^loîs, &c. (•)'
oue de tems perdu ! que de momçns donnés à une
étude qui nVxerce que la mémoire , & que Toa
pourroit emploicr ou à perfcélioner la langue ma-
lamelle, ou à fe mettre de bonne -heure au fait de
quelque partie des fciences î
11 eft certain que fi les Allemands n*avoîent que
Ipur langue à cultiver , elle auroic acquis depuis
longtems ce degré de perfefilion, cette certitude ,
cette politeffe, cette ddqceqr, cette aménité, que
plu-
(*) Nous trouvons^ même dans la Bulîc d'or un pafTage fin*
gulicr, qui a du raport à ce que je viens d'avancer. Le XXX;
Chapitre de cefte Loi fondamenttle du Se Empire jr^itr de
Jnjlitutione Eli&oralium baredum in linguis, de l'Inflruâîoa
des Princes Eledtoraux dans les Langues^ & l'Empereur Char-
les IV. y ordonne J. a.
Quêproptir flatuimus ^ ut illufttium Frmcipum^ tutà Hfg^
Xobimiœ, Comitii Palatini Rbenin Ducis Saxmiœ n (^ Maicbia'
fjïx Brandenburgenjts ^ Elcêf&rum fiiii t V^l baredes ^fuccejjores ^
€um verifimiliter Teutoniçutn Woma Jibi tmur aliter inditumjcire
prafumantuf (^ êb infantia didieijje, incipUndo à Jêptimo at«ti^
Jkut anno , in Grammatiea , halica , 6f Slavica linguis inflruan-
tur; ita quêd infra 14. iftatis annum ixijtanf, in tf^libus juxt(k
4atam fibi à Deo gra$iam eruditi (fc^
„ Nousordonons donc, que les fils k fucceffeurs desPrîn-
„ ces illuftret, favoir. du Roi de Bohême, du Comte Pa»
,» latin du Rhin, du Duc de Sase, & du Markgrave de firan*
^ debourg , tous Elefleurs du St. Empire , (comme il e(l à
,, croire que TAHemand leur eft naturel , & qu'ils le favent
„ dès leur tendre enfoncé) feront inilruits depuis Tage de fept
„ ans dans les langues Latine, Italiene & Efclavônne, de
,, manière qu*i l'aî^e de quatorze ans ils puiOVnt pofledcr ces
^y langues, ftlon la grâce & les facultés que Dieu leur acçor-
,, dera/* Si les Princes doivent favoir tant de Langues,
^ue doit •on exiger des Savans^ furtout fî on y ajoute l'in-
telligence de la Langue FraRçoife fie Angloife, qui font de-
venues fi néceffaires depuis i année 135(5. que Charles iV. fit
^^e S^iie d*Qr.
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DES À L L E M A N D s. ^"
plufieuTs focietés littéraires tâchent de lui donner
a\ijourd'huî. •
Ce n'eil: pas que la langue Allemande n'ait été'
aflervie depuis très longtems à des règles folides
de la Grammaire. La tfâduîljon de^a- Bible, fai-
te par Martin Luther ^tn efl: une preuve, l'édition'
de Wittemberg furtoiit, qui a paru en l'année I54r,
& que Luther a voit foigneufement revue & per-
feftionée, efl: écrite d'un ftile fort pur & fortcor-
re€l ; & comme nous avons plufieurs verbes qui'
régiflent tantôt le datif <& tantôt l'accufatif , on*
peut dans tous les cas douteux s'en raporter hardi-'
ment à la Bible Allemande de Luther , qui ne s'eflr
jamais trompé dans ces fortes de conftruftionS non
plus que pour les autres difficultés & les douces de'
notre langue* 'J'out ce que l'on peut reprocher à
cette \ erfioo aînfi qu*au (lile en général de ce fié*
çle-là, c*ell qu'il efl: dur (Je fec quoique correft.
Depuis le tems de Luther , plufieurs Sçavans
ont iravaillé à épurer & à perfeflioner la langue-
Allemande ; mais comme co n'etoit pas alors \t
régne à\x bon goftc , ils la gâtèrent abfolument à
force de vouloir îui faire faire des progrés. On
vit des romans infolio écrits dans le goût des Ama-
dis , mais d'un iîile ridiculement empoulé , plein
^e Phœbtis Se de pompeux Galimathias. Tels font
entre autres le roman d'Hercule & d'Herculifca ,
VOâavie Romaine , VArminius de Lohenjlein , la
PrînceJJe Banije d'/Ifie, & plufieurs autres. Cette
dernière commtriiCj aiafi:
,, Que la foudre , le tonnere & la grêle , ces
,, infiirumens vangeurs du ciel irrité , écrafent la
,, pompe de tts orgueilleufes tours toutes cou ver-
,, tes d'or, & aneantiffènt jusqu*au fou venir de la
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10 P, R .OyG R m S
,, fupcrbc xrîté de Kgû ! c'çft ainfi que s'ëcria le
„ Prince Cahdor, lorsque TAurore avec fes doigts
„ de rofe eut à peine ouvert les portes de TO.
„ rient, & doré la cime dés tours de la ville, &c
. On peut juger par ce ftile, de celui de tous les
ancres.
^Presque tous les ouvrages , les harangues , les
difcours publics, les poëfîes, & les morceaux d'é- *
loquencede ce fiécle-là, fe ref&ment de ce ftilc
cmpoule. Mais ce qui a droit de nous furprendre,
ceft quils font écrits fort corrcftement & fans
mélange même d'un fèul mot d'aucune langue é-
urangcre. °
, Car il eft bon de remarquer, que presque en
même tems l'abus de fc fervir a tout moment d'ex-
preffionsFrançoifes ou Latines s'étoit introduit dans
notre langue; & pour avoir le bon ton , il falloit
dire les chofes les plus communes avec un mot é-
trahger. Cette affc6lâtion donnoit aux Allemands
je ne fjai quel air d'çrudits, qui plaifoit beaucoup
alprs.
^ ' On ne s'eft aperçu qu'aflTés tard , que cette in-
troduôion de mots étrangers dans • riocre langue
n'étoit d'aucune ^uilîcé , vu fa richefle naturelle :
car, fij'en excepte les termes de rArchltefture mC
litaîre & de quelques autres arts , nous avons une
fi grande abondance de mots pour rendre toutes
nos idées, & tant d'expreflîons purement Synoni*
mes, que le choix nous embaraffe fouvent. D'ail-
leurs , cette adoption bien loin de donner de h
force à notre langue, comme elle le fait par exem-
ple à rAngloife,raffaibliQbit au contraire & en fai-
foit un jargon barbare. La langue Françoife peut
pat^ralifer des mots latins en leur donnant une ter-
mi-
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PEs AL:LE:MANDS. xi
TOÎnaîfon Françoife» & rAqgloifc.fç fendu même
privilège en prenant de toucesi les autres langues ;
au lieu que les fonsde l'idiome Allemand , ainfi que
les caraéleres font fi differens & fî éloignés des au^
très. langues, que ce mélange ne pouyoit que bles-
ièr des oreilles même médiocrement déli(îates^
, IV. Cette corruption fut enfin aperçue dç quel-
ques Sçavans Allemands ,qui s'efforcèrent de réta-
blit la langue dans fon ancien ludre & de lui don-^
ner des grâces nouvelles. Monfieur Gottfched ^
PjQfefTeur à Leipzig , fut un des premiers qui tr^/
vaillèrent avec fuccès à cet ouvrage ;& fans entrqff
dans l'examen des matières qu'il a traitées , je fuis)
charmé de pouvoir lui rendre la jiiflicc ,^ que 4a lan-^
gue Allemande lui doit beaucoup. Ses effoirts ont
été au moins l'Aurore d'un plus bjeau jour , quan-^
tité de Gens de Lettres ont été animés par fon «-.
emple; des Sociétés ou plutôt^cs Académies A1-*
lemandes fe font formées , témoii?s^ celles de Leip-*
zîg» de Jena, de Gottingue , de Greifswalde , dq
Konjgsberg en Pruflè , &c. toutes ont pour objet
la perfeftion de la lingue , & toutes jouifTént de
la fatisfaftion de voir les fruits de leurs travaux.
L'art de bien parler en.Allemand fait des progrés
de tous côtés: on s'en pique même dans des païs
voifins ; Se nous voions tous les jours en SuiiT^
ainfi qu'en PrufTe paroîire des ouvrages , qui font
honneur également à ces païs ^ à. rAllemagne,
Enfin notre langue fe polit de plus en plus. Le
fl:ile pur & naturel efl: celui dont on fait ufage ; &*
les élocutions bizarres , les longues périodes & pa-
renchefes, les mots étrangers, & les cxpreflîons
tenebreufes font xcleguées dans la plupart de nos
chan-
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ït
P R O G k Ê* s
chancelleries^ qui y trouvent en cor je ne fçaî qud
d'expreffif & de nerveux.
Je fouhaite feulement que les Académiciens Al-
lemands Vaillent pas au -de -là du but dans leurs
travaux , qu'ils n'énervent pas It langue à force de
la polir , oc qu'ils ne veuillent pas bannir pîufieuri
mots excellens qu'un long ufage a rendu naturels»
pour en fubftituer d'autres qui font moins juftès ,
moins connus, moins nobles & moins expreflîfs*
Il feroit àfbuhaiter encore , que ces Sçavantes
Sociétés voulufTent réunir leurs efforts pour enri^
chir la langue d'une Grammaire & d'un Diélionai'*
re qui nous manquent, & qui euflènt affés d'auto-
rité pour fixer la langue & pour faire refpefler
leurs decifions dans les différentes Provinces d'Al-
lemagne ; au lieu de fe borner , comme elles ont
fait jufqu'ici , à nous fournir des exemples & à
nous donner d'cxcellens modèles dans les differens.
genres d'écrire. Ce n eft pas que nous n'ayons
quelques bons ou^^ages en ce genre\ comme la.
Grammaire de M. Gottfched , les Diélionaires de
Frisch , de Bôdicker &c. Mais il femble que pour
donner à une langue fon dernier degré de per-
feftion , il faille l'autorité & la réunion d'une fo*
cieté de Gens de Lettres , & que ce ne foit pas
l'ouvrage d'un feul. Ce n'eft pas un petit incon*
venient pour ceux qui s'apliquent à l'étude de h
langue Françoife quand ils trouvent que Mrs. Vau-
gelas, Desmarets, la Touche, Grimaret, Reftauc
^ plufieurs autres Grammairiens de cette naîîon
ne font pas toujours d'accord entre eux, fur des
points effentiels^ ]'aimerois à voir une Grammaire
Allemande qui pût pour ainfi dire juger en dernier
rçflbrt, & autant que poffible, fans apel. Je vou-
drois
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DES ALLEMANDS. ïj
dtoîs que nous euffions un Di£lionaire pareil à
celui de la Crusca pour la langue Italienne , au
Diftionaire de TAcademie, ou à celui deTrevou.^
pouf le François. C'eft fur un fi grand objet que
porte ma renexion , & je ne la fais point pour dé-
primer les ouvrages fort eftimables que nous avons
déjà en ce même genre.
V. Voijà ce que j*aî cru pouvoir remarquer fur
les tradu6lions & fur la langue Allemande. Qu'il
me foit permis de répondre encor à un reproche»
que j'ai entendu faire affés fouvent aux Sçavans
de notre nation par des perfones dont je refpefte
d'ailleurs infiniment les fentimens , on les accuie
de pidanîisme & d'écrire fans goût , il fcroit à fou-
haiter que cette imputation fût entièrement deftî-
tuée de fondement. Cependant , fi Ton confidcre
que les meilleurs auteurs des nations étrangères
font communément des perfones , ou chargées
d'emplois diftingués , ou répandues dans le grand
monde & fouvent atachées à des Cours, tandis que
Ja plupart des auteurs Allemands font des Profes*
/eurs qui occupent des chaires dans les Univerfi*
tés^ qui par la nature de leur charge font obligés
d'enfeigner les fciences à la jeunefle, àcontraftenc
naturellement cette façon de traiter méthodique*
ment & fechement les matières qu'il expliquent ;
on fera moins étonné de ne point trouver dans
leur écrits cette légèreté qui efl: fi fort du goût de
ce fiècle. Mais qu'un homme du monde en AU
lemagne fe mette fur le rang des auteurs , il évite*
ra de tomber dans le pédantisme.
Il me paroit d'ailleurs qu'on abufè qn peu de ce
oom odieux , & qu'on apelle fouvent pédant un'
hom*
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14 P R O G R E^ g '
homme qui fait à fond les chofès dont il pnrl<^
& qui ne fe contente pas de les effleurer, dans ce
;fens-là, il feroit à fouhaiter que tous ceux qui
veulent éclairer les autres fuflènt pédans, j'ofe mê-
me aflurer, qu'il e(l impoflîble de part^enir au vrai
fçavoir, à une inceliîgence folîde de quelque Icieri-
ce , de quelque art , & de quelque métier que ce
puilTe être, fi ce n'eft par la pédanterie , on ne
verroît pas dans le monde tant de gens fuperfici-
els , s*il y ayoit plus de cette forte de pédans.
VI. Quand au mauvais goût ^ qui règne (dît-on)
dans les livres Allemands , & qui eft comme une
fuite naturelle de ce prétendu pédantisme , je croî
que Ton peut répondre de plus d'une manière à ce
reproche, car en général le mot de goût e(l une
expreflîon fort vague, fort équivoque, & qui pour
être dans la bouche de tout le monde n'excite pas
pour cela des idées plus diftinfles ni plus précifes
dans tous les efprits: oui , le goût fi facile à con*
noître par le fentiment,efl: très difBcile à faire con*
joitre aux autres par une définition. S'il m'étoit
permis, de me fervir d'une expreflîon des livres fa^
crés je dirois , que c'eft ce càîllou blanc , cette pferri
de touche que nul ne connoît , que celui qui Va reçue ^
mais fi néanmoins on demande qu'elle efl: l'idée que
par Us çonnollfanceSf^ ^ qui nous fait trou^ver pres^
que dti premier coup d'œil des raportsjujfes^ des pro-
portions' sxaEteSy 'des ornemens convenables à chaque
Met ainfi quàjes ufages. '
Or cette heurcufe fyrhpathîé qui fe trouve entre
la
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DES ALLEMANDS. is
la droite raifon & les chofès raifonables , demanda
naturellement qu'un ouvrage , de quelque genre
qu il puifle être, porte avec foi le caraélére & la
phyfionomie de Tufage auquel il eft deftîné; & ce
/eroit pêcher grièvement contre le bon goût , fi
Ton vouloit décorer un arfenal des mêmes orne-
mens qui peuvent embellir une fale de feftins , oa
imiter ce petit curieux repréfenté dans le temple
du gpût, qui
Lorgnette en main difoit ; tournis Us yeux.
Foies ceci , c*eji pour votre chapelle.
Sur ma parole achetés ce tableau :
Ceji Dieu le;P.ereenfa, gloire éternelle ^
Peint galamment dans le goût du Fat eau.
Maïs n*e{l- ce pas aplîquer en quelque manière le
goût du Vateau à la grave philofophie& aux fcien-
ces abftraites , que de les écrire , de les expliquer
avec les ornemens , avec les pompons du Itilc
fleuri & recherché de quelques auteurs modernes?
car, outre que Je véritable bon goûc , ce me fem-
bîe, n'accorde à ces fortes d'ouvrages qu'une fim*
plicité mâle qui annonce le ferieux de la chofe
qu on traite, il n'efl guéres pofïïble de démêler le-
xa£le vérité à travers cette foule de comparaifons^
de faillies , de jeux d'efpric , dont ce genre d'écrire
eft tout parfemé, Jl ne fe peut que toutes lès fi-
gures , toutes les comparai fons quoique belles ,
quoique brillantes en elles -mêmes, foient toujours
parfaitement juftes & exaftes dans tous leurs ra-
porcs avec l'objet qu'on veut éclaircir ; & la plus
légère , la plus imperceptible nuance d mexaÔii
tude à cet égard jttte refpric dans des écarts , & lu»
fm UDc illufion étonaûtc fur la vérité de la chofe. '
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%6 P R O G R E* S
La philofophîe efl un vrai dédale, latérite efi
riiïue qu'on cherche; & je ne connoîs pas demeif-
Jcur fil d'Ariadne pour nous y guider que la mé-
thode de raifoncr des mathématiciens , qui a éré
fi heureufementeraplojéc par notre célèbre Wolffl
On eft trop heureux de fortir de Ce labyrinthe en
y marchant à pas lents & mefurés; on s'égare en
y courant.
Pour quitter la comparaifon , )e dirai qu*il mê
femble qu'un livre dont l'unique objet eft la rcf-
chcrche difficile de la vérité, ne fauroit être écrit
trop férieufemenj & trop naturellement: ceft-là la
vraie place de la fécherefle & de la méthode ; le
faux eft toujours fi proche du vrai, qu'il n'y a
que ce feul moyen pour dircerner l'un d'avec l'au-
tre. Ceux qui- s'ennuient à la leélure d'un ouvrage
de Philofophie, dont le ftile eft fec mais métho-
dique, devroient être condamnés à ne lire que des
Romans. Cependant à Dieu ne plaifc que ces corx-
fiderations généiales portent fur ces ouvrages ex-
cellens , écrits en France & en Italie par les plus
beaux Génies du fiécle fur des matières philofophi-
que, & d'une manière qui met ces Sciences ab-
itraites à la portée même d*un fexe , qu'une pré^
fomptîon pedantesque voudroit en exclure. Il eft
permis aux grands Maîtres de s'éltver quelquefois
au deflus des régies générales de fart. Il y a d^ail» ^
leurs une très grande diflFérence entre trouver de
nouvelles vérités philofophiques , & entreprendre
claires & fenlîbres ces vérités qui ont déjà été dé-
couvertes. J'avoue donc , que je fuis un des plus
fincéres admirateurs de ces hommes illuftres , donc
b main délicate a trouvé moyen d'embellir une
Science OtUtniite , par 4c$ grâces lûfinies > & parqua
cnjoae<
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byGoogk
hïs ÀLLEik ÀNl5s. îf
ènjoùemeht attrayant. Ces Livres immortels fobc
tirés capables d'enrôler ÏToùs les ^teridàrts de la Phi-
iofophie, ceux qui y ont hatutellemeiit le plus dé
répugnance ; Se dés le pf-etnler pas on fe feht en^
traiifé danS cette carrière, quoiqu'on eti troutrë
fouvent lès fèntiers herifîes de ronces âc d'épinesi
On commence par être Philôfojpîhe galant^ bn finie
jpar être profdtiq^
CHAPITRE lU .
I; Des Juteurs Allemands pour les Scient
tes fupérieures. IL Des Hi/loriensi
111. Des CHti^Uei. IV. Des
Artijles.
Jape//e îcî Sciences fupmeures toutes les partiel
de la Pliîfofophie, la Théologie , la Jurisprii*
dence, & ia Médecine,
Nous arons en Allemagne trente - quatre tJrtî*
terfiiéSj & peut-être le double d'Académies &.dé
Collèges iDurtres. Tout cela efl: fondé pour l'in-
%-*n6tiofi de ta Jeunefle. On en feigne dans \ti
Collèges les langues «STles humanités; on eipliqué
danâ les Univerfitës les Sciences fupéneures, Û
feroit en eiFct honteux pour la Nation Allemaodei
Cavcctantde féconds, avec d'auffi e^cellcns éta-
bijfiTcmens , elle n*££voit produit que des SavarisT
médiocres ou peu dignes de confideration. Mai*
1* toute d'Auteurs rcfpeftables , qui fe préfente'
Digitized
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ti P R jO G R L^ ë
dans- ce moment à mon imagination , me difpefffe
dt chercher loin un autre argument que leurs
noms. Cependant il n*en a pas toujours été de
même en Allemagne : elle s*efl: reffentie pendant
longtems comme ks voifins de la décadence uni-
verfelle des Lettres; & peut-être s'en eft-elle res-
fentie plus que les autres païs. UEglife y triom-
phoit, ou plutôt elle y exerçoit un empire tyran-
nique fur les confciences & fur les efprits. Là li-
berté de penfer & de penfer tout haut, fi néccffai-
n aux progrès de la Philofbphie & fi dangereufe
pour le Defpotisme Ecclefîaflîque, étqit oprimée
par des Prêtres, k qui tout devenoit fufpedl, &
qui fe trouvoient les maîtres abfolus de refprit des
Princes comme du peuple. Tout le favoir, ou
pour mieux dire Tombre qui en reftoit encore, é-
toit renfermée dans Içs Couvens; & Ton peut ju^
ger de l'état des Lettres, lorsqu'elles font unique-
ment entre les mains de Moines ignorans. Nous
avons à Luther l'inexprimable obligation d^avoir
arraché le bandçau de la fuperflition aux peuples
Allemands, rompu les chaînes que portoient les
Sciences, délivré les Gens de Lettres de leur fa-
tale obéiiTance à la Hiérarchie de TEglifè Romai-
ne, & étendu la fphére des connoifFances de l'es-
prit humain. Car la plupart des Univerfîcés ont
été ou fondées ou réformées depuis lui ; & c'eft
une remarque bien curieufe à faire, quand on ob-
ferve encore aujourd'hui que fort rarement il fort
un Livre raifonable d'aucune des Univerfités
Catholiques qui font établies en diverfes contrées
de l'Allemagne , dans quelque genre de Littératu-
re que ce puiflè être ; tandis que fous les Princes
Froteftans où fait tous les jours de fi beaux pro-
grès.
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byGoogîe
bEs ÀLtEMANliS. i^
èrês , tant eft funefte le joug qui s^apcfantît fur
rcfprit!
Une féconde câufe qui a arrête pendant lôngtemé
les progrès des lettres, c eft que dans phiûeurs Pro-
vinces de l'Allemagne les peuples étoient ferfs, âc
jque les efclaves ne ibns guères propres à donner dd
iuftre aux fciences.
Enfin les guerres contindelles qui ont agité TEm*
pire Germanique, ont arrêté Tavanceniènt des let-
tres : le bruit des armes y a fait taire les Mufès ju^
îQu'en l'année 1495. Les guerries particulières , que
1 on nommoit diffidatienes, étoient permifès & ail-
torifées en Allemagne^. La moindre petite ville ^
le plus pauvre Gentilhomme avoit droit dedéda-
ter la Guerre àfon voifim 11 arnioit fes bourgeois
ou fesfujcts, venoit fondrfr fur fon ennemi, pilloic
iês terres ; & quelquefois ces étincelles de Guerrd
allumoieot un grand feu. Au milieu de tant dé
défordres & de taiit de brigandages dans lesquels
tout le peuple étoit envelopé , peu de ^s furent
à même de fe vouer aux études ; & quoique l'Em*
pereur Maximilien premier coupât la racine à ce
iiiaJ horrible par la loi qu'il fit en 1595 & qui abc-
Ht cet abus ^ l'Allemagne ne jouit pas longcems
d'une parfaite tranquilicé. Quel théâtre perpétuel
de troubles & de Guerres n'a- 1- elle pas formé de«»
puis ? Et fî l'on confidére que ces Guerres ne îà
font pas allumées fur fès frontières, mais qu'elles
ont été ptortées dans fonfein, ne fera- 1- on pas
furpris dV vohr les lettres dans l^état où elles s'îf:
trouvent?
Car malgré tout ce que je viens d'dbferver , il lié
£aut pas croire que dans ce teins de défordre & dé
confuiion^les.fcicnces aient été absolument mortel
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M P R O G R H? g
& anéanties en Allemagne^ Au contraire il rtouê
rede encor de ces fiécles plufîeurs beaux monu^
mens dans divers genres, dont je pourrois citer ici
hs Auteurs ) ff leurs noms & leurs ouvrages n*2-
voient pas déjà été publiés par des critiques fça-
vans de nos joursje m'aperçois d'ailleurs que cetou«
vrage grofllt fous ma plume plus que je nevoudrois^
que je fuis forcé de pafTer les bornes que je m'é*
tois prefcrites^ & qu'une digreffion fur les anciens
auteurs Allemands me jetteroit dans un travail im-
menfe & qui m'écarteroit de mon fujet. Mais j«
ne puis néanmoins m'empecher de remarquer ici
en paflant, que dans ces tems reculés on avoit en
France une idée bien différente du génie & de la
capacité des Allemands , que n'en ont eu depuis
le P. Boubours & quelques autres Auteurs Fran*
fois aufli peu polis que lui; & qu'il y a eu une é^
poque où l'on a mis en queftion le problême opo-
fé au fien. Je n'en aporterai d'autre preuve que
}es propres paroles de M. d^Aubtgni. Cet Auteur
célèbre dit dans la préface de fon Hiftoire Univer-<
iëlle, en parlant de M. le PréQdent de Thou, ces
paroles remarquables. „ La France n'a jamais
„ produit un efprit puiflant comme celui-là, pour
„ l'oppofer aux éniïïgtxs ^&.fïkxto\it aux Allemands^
3, nous reprochans qu'il fort bien des François
^ quelque chofe fubtile & délicate , mais jamais
„ d'œuvre où il paroifle force pour fuporter on
9, labeur 9 équanimit^ pour être pareil à fbi-mê^
„ me, ni un puiflant & folide jugement , &c.
Auffi le retabliflement des lettres en gênerai dana
toute l'Europe , n'efl: pas fî ancien qn'on le diroic
bien. Avant les IVIedicis en Italie, avant Léon X.
^ai parvint au ikint-fiè^e en ijis.» avant Frao'^
soi»
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DEi ALLEMANrrS. 2t
çoîs I. en France qui commença à régner Tan 1515.
avant Henri Vill. en Angleterre qui fut courohé '
en 1509. les lettres écoientdans un pitoiable étac
par tout. Il fembloitque les grands Princes s'étoienc
donnés rendes - vous dans le monde , pour y devenir ^
% la fois les reftaurateurs des lettres. L'Allemagne
nerefta point en arrière: Luther deflilia les yeux, -
délivra les Sçavans de leurs entraves ; & Tfcmpe-
reur Charles - Quint , qui parvint à l.Empire d^Al-
lemagneen 1519 & qui réuniflbit toutes fortes de-
gloire 9 participa aulfi à celle des autres Monar-
ques à l'égard des Lettres*
, Mais tandis que. les autres nations avançoient il
heureufement dans cette carrière , il faut en con-
venir , les' Allemands ne les fuivoient que de loin*
Ils ont peut-être atteint le but plus tard que les
autres , mais je croi qu'Us Tont atteint. Ceft de
quoi nous peuvent convaincre les écrits des Auteurs
Dluftres, dont je vais irîter les noms.
Mon deflèin n'efl: pas cependant de donner ici
une lifle doutons les Sçavans d'Allemagne qui fe font
dillingués dans chaque branche de la littérature ,
j'excederois de beaucoup les limites de cette difler-
tation. Quelle eft la nation qui a plus fait gémir
la prefle que la nôtre! mais comme ce n'eft pas du
nombre des auteurs qu'une peuple peut tirer gloire,
mais uniquement de l'excellént-e de leurs ouvrages,
je ne citerai que trois ou quatre grands hommes-
dans chaque fcience, & que j'ofè mettre en paraU
Jèle avecfceux des autres nations.
Ce nombre fera , je penfe , fuffifartt pour con-
vaincre tout homme qui n'eft pas dominé par des
préjugés aveugles en faveur de fa nation favorite,
que l'érudition des Allemands n'eft point à méprît
^3 fer.
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s^ P R O C5 R E^ s
fer. Car fi Ton cotilidère , que de tous les auteort
4e tanc de ûédes de rantiquîte , il n'en eft pafTé qu*ua
petit nombre jusqu'à nous; fî l'on tourne (es yeux
far ks peuples modernes , & qu'on voit fî peu de
Jeurs ouvrages goûtés miême de leurs fiecres , il
jpe femble que les Allemands feront afl^s difculpés ^^
quand même ils ne pourroient produire que quel-
ques Savans illudres, dont les Ecrits ne fe per«
dront probablement jamais dans Tabîme immenfç
^s tems.
. Et pour ce qui regarde la Phibfophie^ j'ofe ra-»
!)e]ier ici la mémoire de J'illuflre Leibnitz, à qui
'Académie Royale de Berlin a presque les mêmes,
obligations que l'Académie Françoife peut avoir au
Cardinal de Richelieu, pour lequel elle éternife fa^
xeconnoifTance d'une manière auffi glorieufç à elle-
même qu'à Ton Bienfaiteur. M. de Leibnitz in-,
fpira au Roi Fiederic L le généreux deflein de
ibrmer à ^rlin une Société de Gens de Lettres ,
dont ce Monarque le nomma Préddent perpétueK
31 avpjt nourfeulement la gloire d'être te premier
I^romoteur de ce cet admirable établiflèment par
ion crédit , mais il obtint auflî la flatteufe Satisfac-
tion de devenir utile à cette Compagnie par Tes.
lumières extraordinaires. Et en effet qui méritoit
inieu^ que lui de devenir, (i j'ofe m'exprimer ainfi .^
ïame de cet illuftre corps, lui ^ dont le vafte génie
çmbraflbit toutes les Sciences ^ & qui pouvoit pré-
fider fi utilement à chacune de ks claffes ? Lui , qui
^toit à la fois Hiftorienjjurisconfulte, Théologien^
Poëte, Orateur, & fur-tout Philofophe & Mathé-
maticien, & qui nous a laifle de fi beaux monumens
dans tous les genres? Le célèbre M. de Fontenelle
^'exprime à fpn fujet de la manière fuivante :
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PS s A L Ll: i^Ansrt) s. »)
;, Cette leSurè uni verfèlle & très aflîdae, joîn-
„ te à un grand génie naturel, le fie devenir tout
,, ce qu'il avoit lu ; pareil en quelque forte aux
„ Anciens, qui avoient Tadrefle de mener jufqu'à
„ huit Chevaux attelés dejfrom; il roçn^ dç fj:ont
„ toutes les Sciences.
Je ne faurois mieux faire, que de irenvoyer tout
ceux qui voudront connottre M. de Leibnit?
& fes principaux Ouvrages à la leélure de l'Eloge
admirable que M. de Fontenelle en a fait; & il ne
m'eft pas permis de louer après lui.
Notre Académie qui doit à M. de Leîbnît?
ion premier être, auroit Ibuhaité de pouvoir dé*
ranger le cours de la nature & donner à fa perfone
cette immortalité que fa Mémoire & fus Ecrits
ont obtenue. Elle rcgretteroit encore aujourd'hui
fa perte, fi elle ne voyoic la place qu'il a occu-
pée, fi dignement remplie* Il femble qu'après la
ïnort de Leibnitz , le génie tutelaire de cette Com-
pagnie ^it faifi le flambeau de la vérité & de l'évi-
dence, ^ue ce grand homme portoit dans toutefi^les
Sciences, pour le mettre en France comme daûs
un dépôt facré. C'eft là où M. dé Mauper-
luis Ta repris. JI en a éclairé fa Nation & les au-
tres, il Ta porté jufqu-au pôlej& enfin il efl: venu
nous le rendre. Si M. de Leibnitz 4 été l'Au-
teur de quelque Syftème ingénieux , fon digne
fuccefleur Tefl: d'iine Démonfiration fur la vraye fi-
gure de la Terre, qui ne transmettra pas moins foo
nom & fa gloire à la pofterité. La place qu'il oc-
cupe nous rend en quelque manière participans de
cette même gloire: nou^ en Tentons tout le prix,
àc nous adoron^avec reconnoiOance la mainRoya-^
Iç qui a donné ce Préfident à l'Académie,
8 4 Ldb*
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f^ f n Q fi n V ^
Leibnitz mourut en i7i($. Dou^e aqs après , P^K
Jemagne ût la perce de Thpmafiqs^ un des pluf
beaux Génies du fiecle^ fes Ouvrages doqt le nom-
bre eft prodigieux , font écrits avec autant de pr<>
fondeur que de légèreté. VEfprk y étincelle par
tout. On trouve entre autres le Catalogue de les
Ouvrages dans la Bibliothèque Germanique , tome
!• pag- 138. &ruiv9nte$. Tbomafîus auroiç imr
înortalifé fa ipémoîre, quand il n'siuroit fait pour \ç
bien de l'humanité autre cho(è quç de faper jusr
qu'aux fondemens la crédulité populaire pour Içs
iforcières & Icforiilçge, ^a magie, les fpeftresjes
revenans, ^ pour mille autres puérilités femblar
blés. Ses Ecrits far cette matière ouvrirent les
yeux à la plupart des Priqces d'Allemagne > qui i;-
irenc abolir les Procès , & les cruautés horribles
exercées contre ces efprits malades qui fecroyoienc
^ux " mêmes Çorciers , pu que la méchanceté
ik l's^veuglement des autres en accufoient (^).
Aufli depuis ce tems les contes des forcières ioni-
ils abandonnés au peuple ou à ceuic qui penfeqc
populairement.
Je puis à jufte tître ranger encore au nombre
^es excellens Philorophes Allemands le fameux B^-
ton de Puffenâpff ^ qui vivoit au milieu du fiècle
paflTé, & dont les ouvrages ont été traduits en tou-
tes les. langues. Son traité d(s Devoirs de r Homme
& du Citoien^ ms^is fur tout fon grand Ourrage ^u.
Droit de la. Nature 6f des Gens efl: regardé encpr
aujourd'hui cp.mmç un Chef-d'cçuvre ^eMoraljb,
de
(♦) Avant Thomalîuf une vieille femme n'ofolt avoir \c^
yeux rouges , fans courir risque d'être accuféc du criifte da
(ortilége & de périr fur le bpçhcr. . ^
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BES ALLEMANDS. 2^
^e DroU & de Politique. Pauraî oçcafion de Iç
yepréfenter bientçt çompiç yn Hiftorien des plus
diftingués.
Enfin je reviens au Célèbre Baron de H^^'olff^
dont Je feul nom fait le plus bel éloge. Ce génie
créateur, fubtif& profond eft devenu, pour ainlî
dire , rAnsjtomifle de tpute la Nature prife dans
le feus le plu$ univerfeL Nous lui devons la feule
méthode presquç infaillible pour découvrir la vé-
rité.
De combien d'autres découverte» , de conibîen
de nouvelles vérités ne lui efl-on pas redevable !
les fuffrages fe réuniflent en fa faveur. Toutes les
Académies Çl les Compagnies Sçavantes de l'Eu-r
Tope Toni: mis au r^ng de leurs membres ; & noqs
avons la fatisfaftibn de leftimer comme confrère.
Ce font -là les quatre colonnes fur lesquelles je
m'apuiepour judifier la nation Allemande à Tégarcl
de la Philofophie. Quant à la Théologie , il ne Tera
pas auffi facile de citer des noms qui frapenc éga-
lement tout le monde, & des Auteurs dont les ou-
vrages foient aiiffi univerfèllement admirés. La
raifon en eft toute fimple. L^Europe Chrétienne
pft divifée en tant de S^&ts^ dont les dogmes &
les opinions font fî dififerens, & qui ont fî peu de
charité Tune pour l'autre , qu'un Théologien ne
igauroit obtenir une aprobaiion générale chés-
tputes. Pour peu que nous faflioqs un examen fe-
yère fur nous mêmes , nous trouverons qu'il nous
en coûte d*admirer un Théologien d'une commua
oion qui n'eft pas 1^ nôtre; (*) & telle çft la for-
ce
.(*) Dès qu'il s'agît de matières de religion , le raiTone^
ment des meilleurs auteurs devient fouvsmt fufpeffe. ÂJorçri J
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96 P R O G R E' 3'
ce des préjugés de ]*enfiince (furtout pour ce qui
lient à la religion) qu'on voit des hommes fou-
vent à peine chrétiens, mais fort zelés<^athoIiques
ou Proteftans, Cependant fi Ton veut écarter ce$
Duages dont Tefprit de parti ou l'attachement pour
quelque Sefte offusque le difcernement , & faire
^hftraftion des dogmes ou des opinions que cha-
que Théologien efl: obHgé de foûtenir pour la dé-
fenfe de fon p^tî y on conviendra que 3^ean Ec-
hus y Adam Tanner , Daniel Fapebrocb Originaire
d'Hambourg , Cbrîflofte Broker , dans l'Eglife Ca-
tholique ; Luther , Philippe Melanchton ( un des
, plus beaux génies & des plus Sçavans hommes qui
ayent jamais exîfté) Martin Chemnitius^ Sebajîien
Çchmidf, Abraham Cciloyius ^ Je(in Gerhard^ Ceor-
êP
jiiî exemple, ou fet continuateuri en fourniffent un exemple
^906 plaifaot dans leAimeu^ dlétionaire. On y dit à l'aiticle
lutberf
y, On ne peut nier qu*il n'dt eu un grand feu d^efprit, &
quelque érudition &c.
Mais à Tarticle de Calvin , où 11 s'agit de faite connoitre
un homme dont la do6lrine efl encore plus condamnée de
rÊgiife Romaine que n'ell celle de Luther ; voici comme TAu*
teur s'exprime.
„ Luther étoît Dofkeur en Théologie & babile DoQeur j
,, mais Calvin ne fut jamais Théologien » il Tut fêuiemeût le
3, Droit Civil & les Langues,
Peut • on fe couper & te contredire fi manifeftement? Peut-
on foutenlr tantôt que Luther n'avoit que quelque érudUhn
^ tantôt qu*il étoit un DaUeur babile^ Peut on avancer qu'un
homme, tel que Calvin, ne fut jamais Théologien , lui qui
Récrit un livre admiré même de fcs advcrfaires , qui eft /7a-
fiitution Cbrétiene^ & qui outre cela nous a laifTé V Harmonie
^ç's'tfQls premiers Evangiles, les Càmmentaires fur Saint- Jean ^
fur les ^pitres de Saint -.Paul , fur quelques Vro;>bétes , & di-
vers autres ^fraités qu'on a recueillis en nci^f volumes i^fi^
m
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BE« ALLEMANDS. 2f
ge CalixtuSf ff^olffde Hambourg, Rambacb ^ Carp*
zov de-Lubeck, Jrnoldty Spener , Mosheim j Rbein^
beck , chésiles Luthériens } & Coccejus, , Lampe ^
Jken , Hafeus ^ yablonsky , Mell, Sacky chés les
Reformés , font des Théologiens du premier ordre,
dont les ouvrages ont répandu un grand jour fuç
tliverfes parties de la Théologie, & qui ont été re-
çus du public avec des aplaudiffcniiens presque u-
piverfels. . ^
A l'égard de la Jurisprudence , Je croî qu'on
peut avancer hardiment qu'il n'y a pas de Païs en
Europe , où cette Science foit traitée avec plus
d'ardeur <& cultivée avec plus de fuccçs qu'en AK
leniagne. C'eft une vérité qui eft confirmée par
le témoignage de plufieurs Sçavans de toutes les
nations. Et en effet , il nous avons à nous plain-
dre, c'eft de la trop grande abondance d'Auteurs
en matière de Droit. Cette foule immenfe de corn-;
xnentaires fur les Loix Romaines & Germaniques,^
mais furtout la grande diverfi té d'opinions de tant
dç Jurisconfultes qui fôuvent expliquent le textç
d^une manière (totalement opofée , tout cela n'4
fervi qu'4 obfcurcir Se q^k embrouiller la Juris-
prudence , bien loin de. l'éclaircir & de fixer l'in*
terprétation dufensdes Loix. Un Avocat, quelt
le que puifTe être la cdufe dont il entreprend la dén
fenfe , quelle que paradoxe que puifle paroître| I^
queftion qu'il a a foutenir , trouvera toujours de$
Auteurs qu'il pourra alléguer en faveur de fon ïcur
timcnt î & Ton a vu plus d'une fois que de pareil-
les autorités ont furpris les juges, qui fe font lais-
sés éblouir pair des fubtilités Sophiftiques jusqu'^
méconnoître la vérité & la juftice , rien ne me pa-.
^o^t donc ^lus admirable ^ue 1a fage ordonnance
4n
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29 PROGRES
(d^ Roi 9 qui défend (bus des peines rigourenfcs i
tout homme de loi , de faire le moindre commen-
taire fur le CodeFreieric que fa Majefté vient de pu-
blier » on reconnoit dans chaque partie du gouver-
nement la grandeur du génie & la judeflè des vues
4e notre MoQarque.
Mais cette quantité de Jurisconfultes ne pouvoic
que produire un certain nombre d'Auteurs Illuftres»
qui fe font acquis une célébrité univerfclle, c'eft
une forêt épailFe & touffue que la foule des per*
fpnes de Loix en Allemagne , où quelques chênes
^lèvent leurs têtes par dejQus les autres arbres »d'en^
tre ces Jurisconfultes du premier ordre ^ je me
contenterai de citer les Çarp^ov , les Cocceji , les
Stryck, les Heineccîus, les Boehmer (*). Tous
ces grands hommes ont joint à leur profonde éru-
dition , à leur fagacité merveilleufe , une affiduité»
ijne fécondité fi grande , qu'il faudroit écrire un
volume conddérable pour donner le Catalogue de
)eurs ouvrages , leurs noms feuls me difpenfent de
)çs faire connoître, i)s ne f4ur9ient ^tre inconnus
à
(♦) Il cft remarquable que M. le Chancelier Boehmer
aiant fait paroitre en l'année 1747. Ton Droit Canon fous le
titre de , Corp\xs Jutis Canmci , cum Codicibus Feteribus Ma-
nufcriptis aliisque Editionibus collatum , & yariantibus U&mi^
ius , Notis atque Jndicibus inJlruQum , frmmijja Prœfationf du*
piici^ Hala 1747 Qu'il dédia, dis- je, cet important ouvrage
au Pape fienoit XIV. qui occupe aujourd'hui le Saint • Siège ,
ce Sçavant Poniife a reçu avec une bonté finguliére & com-.
me un préfent agréable le livre de M. Bpbmer. On al-
iégue même dans quelques Pais Ca»holiques cet Ouvrage , 6ç
FAuteur a acquis une fî grande réputation en Italie , qu'on
cnyoioit alTé» fréquemment des Procès Difficiles & comphV
qués à la décifion de la Faculté de Droit i Halle, dont Mt
^()bmer'éLpit le doied: j'en ai ^té téipoiq oç^I^ire^
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DEà A L L E M A N g. «p
k totis ceux qui pratiquent le Droit; & il eft peu
iftiportant à d autres que je les inftruife de leurs tra-
vaux.
La coDftîtution compliquée de l'Empire a fait
naître parmi nous une autre fcience , qui efl celle
du Droit Public de l'Allemagne , & qui comprend
la connoiffance générale des droits de l'Empereur g-
des Princes, de l'Eglife & des Peuples, encore à
cet égard avons nous de fort habiles Auteurs j tels
font Gundling , Mascow , Pfeffinger , Ludwig ,
Scbmaus,& un grand nombre d'au^^^* & coitîme
ces droits fe fondent en partie fur les Loiz & en
partie fur des faits ou des coutumes , la Science
s'en puift auffi en partie dans la Jurisprudence Ci-
vile & en partie dans rbifloirei ce qui demancfe
une double aplication.
J'en viens à la Médecine. Chaque Nation crok
ordinairement ïts Médecins les meilleurs. Presque
en venant au monde nous avons befoin de leurs
fecouTs ; & avec l'ufage des alimens fK)us <K)mmeQ-
çons celui des remèdes. La même habitude qui
nousidonne une certaine prédileâion pour la nour*
riture que nous afvons prife dans notre jeuneflè &
dans notre patrie, nous fait auffi préférer nos Mé-
decins compatriotes & leur méthode. Enfin nous
naiflbns à côté d'eux, nous fommes accoutumés k
leur façon de guérir. Je croi mênre que ces nflé-
thodes doivent varier félon les difféfens climats à
le tempérament dominant dans chaque peuple. 11
feroit donfi inutile de rechercher quel eft le Païs
qui a produit les plus grands Médecins ; & ce fe*
roit d'ailleurs agir contre Tefprit de cette Diflerta-
tipQ« Je nre contenterai de remarquer que l'Aile*
snagne n'a rien à envier à cet égard aux autres-
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36 1? k O G K É é
Pais, ert rapellant fimplement les noms de Staht j
de Hoffmann , de Haller , de Juncker , de Ellcrt^
de Lieberkuhn, de Hugo, de Werigoff, & dô
tant d'autres que je pourrois nommer , fi je né
Craignois de blefler ici leur modeftie.
Pourquoi ne puis -je pas aufli citer Filludre
Boerhave? Pourquoi ce grand IiomTne rt'eft-il néj
pourainfi dire» que fur nos frontières? Mais ce
père de la Médecine moderne, apartient presqaé
à tous les païs; & il n'y a guères aujourd'hui d ed-
droit, où les plus habiles Médecins ne foienc fes
élevés ou les (éclateurs de fes principes (*).
IL S'il y a une partie des lettres où la plupart
des modernes foient notablement inférieurs aul
Anciens , je croi que c'eft pour VHiJlêire. Il fem-
ble que nous ayons perdu cette mefure des propor-
tions, cette juftefTe, cette iàge économie, qu'a-
voient les Hiftorien; Grecs & Romains pour ne
pas donner ni trop ni trop pea d^étendue à leurs
récits. Prefque toutes les Hiftoires medemes mé
paroiflènt, ou des efpèces de Chronologies déchar-
nées où l'on raconte trop fècbement les évenemens
qui font arrivés , ou bien des ouvrages exceflive-
menc
(*) M. de FoDtetielIe dan$ reloge qu'il a fait de M.
fiocrhaave, ne me paroit pas dire de cet homme rare tout le
bien qu'il devoit. Il le loue, j'en conviens ; mais ilavoit
fon éloee & faire j pouvoîc-il le blâmer? Il le loue froide-
ment ; & c*e(l ce qui me furprend. Lui qui bit tirer fi ht^
bilement la quinteffence des Académiciens défunts , pour les
préfenier dans le plus beau jour dont ils font fufceptibles. Ce
3u*il dit de M. Boerhaave retient à peu près au difcourt
e ce jeune Courtifan , qui trottvoit que le Maiecbal de Ta-
2«ane étoit un joli gardon»
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ijÈs A L L E M A ]Nf D^. 3r
feent volumineux dans lefquels on s'étend fur de*
détails qui laflentrefprit, épuirent la mémoire, &
font communéiTient afics inutiles. Perfone n'ad-
mire plus que moi THiftoire univerfelle de Tilludre
M. de Thou^ mais elle commence par l'an*
née 1543. finit en 1610. & comprend ainfil^efpa-
ce de/oixante-fept ans. Il y a dix volumes in
quarto] fans les preuves* Or fupofons Texiftence
du monde depuis la création , à cinq - mille ans ; qû
verra qu'il faudroit lire près de fept- cent -cin-
quante volumes in quarto ^ fi l'Hiftoire de tous let
Siècles étoit écrite de même. Quelle vie & qud-
Je mémoire pourroient fuffire à cette feule étude 1
Une féconde prérogative des hiftoires ancienes
fur les modernes , c eft que nous n'y rencontrons
pas cet efprit de parti , ce zélé caché, cette par-
tialité pour quelque fefle particulière , que la dif-
férence des religions a introduit dans les Hiftoires
Modernes , qui les infefile toutes , ôç qui altère
fouvent ï vue d'œil mais presque toujours imper-
ceptiblement Texaéie vérité. Je nombre des Hifto-
riens eft immenfe , il y en a beaucoup de fameux*
L'excellent qui paflè à Ja pofterité , eft fort rare
dans tous les genres. Le Père le Long ( * ) a don-
né les titres & Tanalifc de dix -huit -mille ouvra-
ges, qui ont été écrits fur la feule Hiftoire de Fr.an*
ae. Il eft certain que le monde qe connoitroit guêt-
res ni ces Livres ni leurs Auteurs , fi cet écrivain
ne les eut tirés de leur profoQdç obfcurité dans
cet*
(♦) Son livre porjtp pour titre Hbîtotheque Htjtofiqùi dà
ia France y contenant ie Catalogue de tous les Ouvrages tant /«p*
primés 4jue Manujcripts , qui ^aitèm de VHifioite 3c ce Roiaû»
w^j P^^ Jmu€s JLe JUne^ à Paris X7i9» -foi»
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§1 • t k o t; R É* s
Cette încroîable multitude d'ouvrages Hiftorîqufeâ
d'un feul Roiàume, on ne trouve. que deux hillcfi-
tes de cette nation qu'on puifle lire aujourd'hui )
celle de Me^ray & du Père Daniel.
Nous n'avons pas à cet égard Un rtcillcur fort
en Allemagne , elle fourrtiille d'Ouvrages Hiftori-
ques , mais il y eil a peu qui portent le ctrafitèfé
de l'Immortalité. Cependant nous pouvons opofer
aux plus excellens Hiftoriens Modernes , un Slel-
dan un Baron dé Puffendorf, un Mascovi , un Hahh ,
un Comte dt Bunau , Seigneur auflî refpeélable pa^
fes rares talens que par fa naiflance & par ks ver-
tus j & quantité] d'autres dont les noms font fdtc
avantageufement connus dans la République des
Lettres.
Quant à YHiJlotre Sacrée , îl faudra je croîs, dé^
ftfpérer d'en avoir jamais une fidèle. On dit com-
munément , que pour compofer une bonne hiftoire'
prophane ou politique, il faudroît que l'Auteur n'eue
point de patrie ; on pourroit exiger à plus forcé
taifon pour l'Hiftoire Sacrée que l'Auteur ne fat
lié dans aucune Religioiï. L'humanité eft trop foi-
ble pour pouvoir fe dépouiller de toiit àtachement
èi un parti & des principes qtie l'on a fucés , poiïr
ainû dire , avec le lait. S'il y a dans le monde dé
fidèles annales des révolutions arrivées dans la re*
lîgion i il me fenible qu'on pourroit leur comparer
l'Hiftoire de l'Eglife & des Herefies du Célèbre A^
noidt, ainfi que celle de l'IIluflre Mosheim.
III. (Quelle eft la nation qui foit plus riche que
)e^ Allemands eïi Littérateur ic en Critiqués ?
^C'eft ici que M. de Leibnitz trouve encore
witt place diltiaguéa Je pourroîs aulfi remonter à
è9(9
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DBS À b LE M A NO & si
ijes tems anciens & rapeller ici les noms de Th.
Reinejius , de Casp. Barth , de Conring , de Morhojf
& de quantité d'autres ; niais pour ne pas violer
la loi que. je me fuis ifaite de ne citer dans chaque
jtience qu'un petit nombre de perfonages llluftres ^
Je me contenterai de nommer d'entre nos Critiqués
Modernes Ludivig , Fabriçius , Gesner & Bauni-
garten , tous Auteur^ CÎélêbres , dont jes travaux
répandent un grand jour fur là plus tenebreufe znr
liquité.
Sjoîque j'aie déjà parlé des Philofophes eh gé-
, on me permettra d'ajouter encore quelques
tnots à l^égard des Mathématiciens, je croi que
topcrnick né dans la PrulTe Roiale, Kepler, Leib*
bits, Tschirnhaus^ Èuler, &c. font des lioms que
l'on refpeftera toujours dans cette fcience fublimé.
J'aurai occaûon dans le chapitre fuivant , de faire
connoitre les découvertes dont on leur eft redeva^
bJe. ,
La Phyjique n'eft pas non plus en terre étrangère
ien Allemagne. Déjà Othon de Guericke , qui vi-
voit à Magdebourg vers Tannée 1675, y faifoiè
des progrés étonans, dans un tems où elle n'étoic
gueres encore perfeflionée dans le refte de l'Eti-
rope;& l^on regardoit comme des miracles» toutes
les découvertes qui fortoient de fon cabinet. De-
puis fa mort, cette fcience n*a point été négli-
gée, Mrs. Winckler, Liet)erckun, Waitz, Pott^
Marggraâr, & quantité d'autres Scrutateurs de la
iiature , ont pouffé leurs obfervatiôns & leurs ex-
périences pour le moins auffi loin que les plus ha-
biles Phyficiens des nations étrangères.
La Phyfique ne fe contente pas de connoître ce
i^ue l'on fait déjà : elle veut des découvertes ; <Ss
G heu^
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34 P R O G R E] S
heureufeinent les gralnds Génies qui marchent dans
ht route qu^elle trace , trouvent toujours des pro^
«liges nouveaux fous leurs pas.
Nous ne manquons pas non plus de fameux
voyageurs. Les voyages de Keyjler en Europe,
ceux de Kampfer au Japon, d'Olearius, celui fur*
tout de Kûlbe au Cap de Bonne - Efperance , & plu*
fleurs autres font connus & eftimés de tout le
inonde.
Enfin nous avons encore en Allemagne quelques
Auteurs originaux , foit pour des fciences utiles,
foît pour des ouvrages d'efprit que je n'ai pu ran-
ger dans les claflès que je viens de parcourir. Par
exemple les Tables généalogiques de Hubner^ de
la Géographie complette du même Auteur, font
des ouvrages avec lefquels on trouvera difEcile-
ment quelque chofè à comparer chés les autrei
Nations; audi font -ils traduits en différentes lan-
gues. Le recueil des Satyres enjouées & ferieufes
de M. Ltfcov) eft un livre original , qui ne trouve
de parallèle que les œuvres du fameux Dofteuf
Swift d'Angleterre. Tout comme le célèbre M.
Rabner , fi connu chés les Etrangers par les Tra-
ductions & les Extraits , qu'on a fait dans les meil-
leures Journaux de ks Satires , peut fans ombre de
flatterie être comparé à Lucien.
Au refte les excellens ouvrages anciens & mo-
dernes des autres Nations font auflî affés communs
dans notre langue. Parmi le grand nombre de
Traduflions, nous avons en vtrs Allemands TE-
néide, la Jerufalem du Tafle, le Paradis perdu de
Milton, & quantité d'autres poèmes célèbres.
Je ne parle point de l'Hiftoire univerfelie com-
pofée en Angleterre par une focieté de Gens de
Lee-
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SES ALLEMANDS. 35
Liettres , dont M. Baumgarten vient de donneif
une belle tradu£lion , enrichie de noces très fa-
van tes ; ni de celle de l'Hiftoire générale des voya*
ges ; ni de l'Hiftoire de l'Empire d'Allemagne dtt
P. Barre; ni de celle d'Italie de Muratori, ni de
pIuHeurs zuttes.
Ce feroit ici le lieu de parler des Pcëtes^dts Orê*
teurs & db Théâtre Allemand. Mais comme cette
partie des lettres caraftérife particulièrement l'es-
prit & le génie d'une Nation , je la traiterai dans
h fuite plus amplement que je ne pourrois le faire
ici ; car il ne fuffic pas de rexamiher, il efl néces-
faire d'y joindre des exemples, ce qui demande un
{)Ius long détail.
IV. Maïs je ne poîi pafler fous (îlencJe les taleni
des Artifles de notre Nation. Si les Allemands é-
levoient leur ambition jufqu'à croire, qu'ils égalent
ritalie ou même la Frahoe dans la perfedlion des
beaux Arts , il faudroit qu'ils enflent plus de pré-
fomption & moins de dîfcernement qu'ils n'en ont
en dFet. Cependant l'Allemagne n'a pas toujouri
été deftituée d*habiles Peintres, & la peinture a
plus d'obligation aux 'Allemands qu'on ne croit,
!)uisque c'eft à eux qu'eft due l'invention des cou*
eurs à l^huile. Jufques verj le milieu du xv. fie-
cle tous les Peintres du monde n*avoient peint qu'a*
vec des couleurs à l'eau qu'ils détrempoient avec
du blanc d'œuf , avec de la gomme ou avec de la
colle* Antoine ou Anîonelh de Meflîne fut le pre-
mier (au raport de tous les meilleurs Auteurs que
j'ai confulté) qui fe fervit des couleurs à l'huile,
& voici comme il y parvint* Se trouvant à Na-
ples, il y vio un tableau qui venoit d'être envoyé
C a de
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3tf P R O G R r S
de Flandres aa Roi Alphonfe. Il y trouva ane vU
vacité de coloris fingulière , mais il fut bien plus
furpris encore , lorfqu'il remarqua que l'eau n'y fai-
foit aucun dommage. Il défira fort d en connoîcre
l'auteur, & cet auteur étoit Jean van Eik de Ma-
ieick dans le païs de Liège , le premier inventeur
de la peinture à l'huile , & duquel on a encore
quelques tableaux bien confervés & fort eftimés.
Ant jnello k rendit à Bruges , où étoit alors van
Eick & contraria avec lui une amitié fi grande, que
ce dernier lui communiqua (on fècret. Après la
mort de notre van Ëick , Antonello retourna à
Venife où il e(l mort> comme il paroît par Ton
Epitaphe, que l'on voit encore dans cette ville.
Parmi Tes difciples il fè trouve un Dominicain (|ui
hérita de lui la compofition des couleurs à l'huile
& qui fut apellé dans la fuite à Florence. Là il
fe lia d'amitié avec Jndri do Caftagnano^ qui par
fa malice & fes flatterias lui arracha fon fecret &
l'aflaflina peu de tems après , pour en être le (eul
dépofitaîre. Ceft ce qu'André confefla à l'article
de fa mort ; & c'eft le même qui efl: connu fous le
nom degli Impiccati^ pour avoir peint à Florence
au Palais de la Pùdefla^ par ordre de la Républi-
que, le fameux tableau du fuplice des Conjurés
contre les Medicis. Il n'eft pas befoin de remar-
quer ici de quelle importance cette invention efl »
oc fera à jamais, pour la peinture; vu, qu'à parler
franchement, un tableau qui n'eft pas peint à l'hui*
le 9 ne fauroit guère avoir cette vivacité, cette
ame, cette vérité. Se furtout cette durée , qui
rend nos bonnes pièces fi précieufès.
Au refte on connoît par tout les noms & les ta*
bleaux à' Albert Durer donc Raphaël lui-même étu-
dia
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j>ES ALLEMANDS. 37
dia le defleîni de Jean Holbein^àc Lucas Kranacb^
de Kloekner^ qui a écé ennobli en Suéde , & qui a
reçu Je nom de Ebrtnjlrabl , de Denner , de fFer-
nerf du Chevalier Gotfried Kneller (auquel TAr-
gleterre a érigé une ftatue dans l'Abbaye de Weft-
minftér à coté du tombeau de Tes Rois) & de plu*
fleurs autres Peintres habiles que je pourrois citer,
fi je ne m'étois fait une loi de me borner à un pe*
tic nombre de noms fameux dans chaque arc &
dans chaque fcience.
Je ne fàurois cependant m'empêcher de dire en*
core quelques mots de deux habiles Maîtres en
peinture que notre Allemagne a produit & dont le
premier s'apelloic fVillmanns. Il écoit natif de Si-
lefie, où Ton trouve encore beaucoup de k% ta-
bleaux. Il a écé employé à peindre les Couvens
de Lebus& de Grifchau, où il a fait des chefs
d'œuvres dignes de la plus grande admiration. On
voit entre autre dans TEglife de ce dernier Monas-
tère les portraits des Ancêtres du Sauveur, depuis
Pavid jufqu'à lui , repréfèncés dans une efpéce
d*arbre généalogique. Cette pièce eft d'un prix
ineflitnable pour les vrais connoifleurs ; aufC a-c-
elle écé gravée plus d'une fois. Si l'on confidère
en général la belle compofîtion , la correflion du
defTcin, l'élégance & les grâces des airs de tête»
mais furtout la vivacité du coloris dans les tableaux
de Wilraanns, je crois qu'on pourra fans préven-
tion lui donner une place diflinguée parmi les plus
eélèbres Peintres , quoiqu'il ne foie pas fi fore con-
nu hors de l'Allemagne.
Le fécond habile homme dont je veux parler eft
M. Dieterichs de Dresde. Je ne connois guère de
Peintre quipoiTéde^ fi je puis m'exprimer ainfi,
C 3 une
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3> P R O G A I? S .
une àaffi grande volubilité de pinceaa. La rapidî*
té avec laquelle il peint eft furprcnante. Chaque
trait , chaque coup de pinceau qu*il donne efl: à
Eropos, néceflaire, afTuré. Il corapofe avec cha*
îur, deflîne corrcftemenc , & imite tous les colo-
ris. Ce qu'il y a d'extraordinaire en effet, c*eft
qu'il n'a point de ton ou de raanière à lui particu-
lière, mais il peint dans tous les goûts qu*il veut;
tantôt gracieux comme le Guide , tantôt galant
comme W'atteau , tantôt fort comme Rembrandj il
ne feroit prefquepas poflîble de reconnoîcre ks ta-
bleaux , fi on ne les diftinguoit (par une certaine
bardieiTe Sç une certaine façon d'^nipster les cou-
leurs , qui lui efl particulière.
Mais il s*en faut de beaucoup , que je puîffe cif
ter tant de noms fameux pour la Sculpture , quoi
que certainement nous ayons eu quelques maîtres
en cet art auxquels il ne manquoit qu'une Renom-
mée pour publier leur mérite dans les païs étran-
gers. LeCifeau àt Schluter ^ par exemple, peut
être mis en paralelle avec tout ce qu'il y a d'ha»
bile parmi les modernes. On voit à Vienne plu-
fieurs Chefs d'œuvres du Savant RauchmUller , qui
étoit Statuaire de la Cour impériale, & qui a fait
entre autres le tombeau du Comte de Sponeck au
J(ukusbad admiré de tous les connoifleurs. On
trouve auflS en divers endroits de l'Allemagne des
morceaux de Sculpture charmans de IVettel ^ de
Raphaël Donner , de Balthazar , de Kracker , de
Termofer natif du païs de Saltsbourg , du Baron
Strudell , & de quelques autres Statuaires & Sculp-
teurs fort célèbres.
Mais pour ce qui regarde les tems reculés , il efl:
certain que le goût Gotiiique > qui a dominé Q
long-
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DEf A L l. Ç M A N D S. 3p
kmgtems <tens ces contrées , ne fauffroît gaeret
les embelliflèmcns que ^demande la noble Archi^
tefilttre de TAntiquité & cte l'Italie moderne. Une
belle ftacue auroit été fore déplacée dans un édifi-
ce travaillé comme à jour & orné de mille petits
colifichets. Mais la principale raifon pourquoi la
peinture n'a p^s fait de plus grands progrés en Al-
lemagne, & que la Sculpture s'y eft encore moins
perfetlionée > c'efl: je croi le peu d'encourage-
ment que Ton a donné jusqu'ici à ces beaux arts.
Dès que l'Italie a produit des Princes amateurs <Ss
proteêleurs des Arts » elle leur a auffî donné des
peintres excellens; aujourd'hui qu'il n'y a plus de
Medicis , on ne voit plus en Italie des Raphaël,
des<îuide, des Michel -Ange, des Carache. Si
nous avions en Allemagne une lèule bonne Acadé-
mie de peinturp^ je fuis perfuadé qu'on en ycrroic
fortir d'habiles Maîtres. Quant à la Sculpture ,
rien n'efl: plus commun que de dire , pour voir des
Chefs d' œuvre en ce genre il faut aller en Italie ;
& ce langage eil très vrai. Mais croit -on que
toutes ces antiques parfaites qu'on y admire , aient
été travaillées en Italie? Nullement: ce font pour
la plupart des ouvrages de la Grèce % qui ie trou-
vent comme en dépôt à Florence , à Rome & dan$
d'autres villes de ces contrées. Si les anciens Ger-
mains avoient auifi bien porté leurs armes dans la
Grèce que les Romains , & qu'ils euflènt eu les
mêmes facilités pour le transport, l'Allemagne fe-
roit peut-être aujourd'hui la depofitaire de ces
trcfors. Avec d'auffi excellens modèles & avec
beaucoup d'encouragement , il falloit presque ne-
ceflairement que l'Italie devint le Siège & l'école
commune des beaux arts i & (je crois que ces rai-
C 4 fons«
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4Q F R O 6 R F S
fons- là y ont plut contribaé que le dimdt, IHd^
& les alimens. Ceft une efpece de fuperftidon 4
laquelle je n*ai pu me foumectre jusqu'à prelent. 1\
s'enfuivrpit qu'un Arcille qqi travailleroic dans la
canicule, & qui aurojc un cuifinier Italien , feroic
des ouvrages plus parfaits qu'un autre. La HollanT
de, fous leplqs mauvais climat du monde, n'a-Cr
elle point produit des Peintres & des Sculpteurs
èxcellens? D'ailleurs il ne faut pas croire que les;
grands Sculpteurs j( tels que les Michel -Ange, les
Bernini, foient fort communs même en Italie. £c
après tout, voudroît-on deprifer une nation, parce
qu'elle n^a pas precifement chés elle la perfedtion
d'un art qu; dans le fonds n'eft que pour l*amufe-!
ment? La nation Angloife , par exemple, fefa-t-
elle moins eftimable pour n'ayoir jamais produit un
Peintre ou un Sculpteur excellent , & s'être con-
tentée en s'apliquant aux arts utiles , aux lettres &
au commerce , de fc procurer toutes les reflburces
qui .peuvent la metrre en état d'épuifer les autres
pais des plus beaux morceaux qu'ils pofTedent dans
ce genre ? Heureux au contraire le peuple qui peut
faire ièrvir les autres à (es plaiHrs \
Le goût Çothique dont je viens de parler , a
furtout arrêté les progrés des Allemands pour i'Jfr-
çhiteêlure ; cependant il ne faut pas croire que cet
art foit entièrement inconnu parmi nous. On. en
ifera convaincu , fi l'on confldére les principales
yilles d'Allemagne & furtout Berlin. Cette der-
nière peut être comparée dans fa totalité aux plus
belles villes de l'Europe en deçà des Alpes. L'ar-
fenal , la maifon d'Opéra , & quelques autres bâr
^imens publics font des morceaux auxquels tous les
çonnoifleucs donnent une aprobation unanime {
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BIS ALLEMANDS. ^t
(k le Roi embellît tous les jours fa fuperbe capitale
par des édifices fompiueux. Nous ne manquonf
pas non pîas de grands noms parmi les Architeftes
Allemands (*). Goldmann , Sturm , Schlutcr,
Bott , & quelques autres Maîtres de l'Art fe font
acquis une réputation que Ton n'obtient jamais fans
un mérite réel.
U architecture Militaire a été cultivée également
par quelques grands hommes ; & il n'y a guéres
d'Officiers Ingénieurs qui ne connoiflcnt les noms&
les ouvrages de Sturm , de George Rîmpler , de
Jean Bernhard Scheiter , & dont les autres Nations
ont même beaucoup emprunté.
Enfin h Mujique eft cultivée avec beaucoup de
fuccès en Allemagne. Lorsqu'un païs produit des
liendel , des Haife , des Graun » des Telemann ,
ii n'a rien à envier à fes voifins. La Mufique In-
flrumentale eft fort; bien exécutée par les Allemands.
Les
(*) Les connolttèars convfcnent que jusqu'à préfent per
{one n'a traité plus amplement que Goldmann la Doélrine det
cinq ordres. Ses prppofîtions font préférables, dit- on, 4
celles de SpamozzI ; Tes ordres ont plus de beauté & d'ele«
gance que ceux de Palladio, & plus de conformité avec le
goût antique que ceqx de Vignole*
Leonhard Chriftofle StMrm a doqné , outre plufieurs ouvr^.
pes, ie Cours Complet d-Architcdkure Civile, in folio y Jugf*
bourgs i6 volumes. On peut dire ^u'il a fait le Cours d^Ar*
cbiteéture le plus beau & le plus complet qui ait paru jus^
qu^i prefent , je ne dirai pas feulement en Allemagne, mais
IDÔme ailleurs.
André Schluter , Prufïîen de naiflance , excelloit dans la
peinture, dans la Sculpture, & dans rArchiceélure Civile j
auflTi les Etrangers qui otit vu de fes Ouvrages l'ont apel-
lé le Michel - /inge eu Nord. Voies Ouvrages divers fur U^
Belles Lettres, LArchiteùure Civile £? MUiêatre Mécl/anitié^
f^ la Geogrqpbie, 1747.
• " ■ " • " ■ Ç5
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4«. PROGRES
Les voîx font prifes en Italie. Nos Princes eflî-
menc trop leurs fujecs pour priver un feul d*emre
eux du plus bel apanage de rhumanité , unique-
ment pour facisfaire à leurs plaifîrs.
Ce font là quelques reflexions générales , que j'ai
ofé hazarder fur Tétat des lettres & des arts en AU
lemagne & fur ceux qui y ont acquis le plus de
célébrité. Les bornes d'une fimple Diflertation
( que je ne fuis que trop obligé d'excéder ) ne
m'ont point permis de m'etendre d'avantage.
Ceux qui voudront connoître plus particulièrement
nos Auteurs & leurs Ouvrages , pourront s'en in-
flruire dans les Alia Eruditorum de Leipzig , qui
ibnt fans conteflation un des plus Célèbres & des
plus excellens Journaux que l'on ait vu paroître
dans la République des Lettres.
Je croi cependant qu'à envifager les objets dans
U Généralité , on fe perfuadera par ce que je viens
de remarquer , que les Sciences ne font nullement
négligées en Allemagne ; que ceux qui s'y apli-
quent ne travaillent pas fans fuccès ; que nous
fommes en droit de faire des parallèles avec d'au-
Cres Nations ; que presque dans tous les genres
nous poiTedons des ouvrages dignes de l'attention
du public; &que s'il nous manque peut-être quel*
que chofe ^ ce font des romans.
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CHA-
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© E s A L L E M A N D s. 45 .
CHAPITRE m
J)e5 Inventions 8? àes Lécouvertes des
Aliemands.
T es réflexions que nous avons faites jurqu'ici
\ j prouvent bien que les Allemands font en pos-
ièffion de cette forte d'efprit, qui eft abfolumenc
Héceflaire pour aprofondir les matières & pour
perfeftioner les fciences ; mais elles ne conftatenc
point que cette Nation ait le génii de Vinvention ,
qui caraflérifç il avantageufement les peuples »
pomnje c'efl: là un point fur lequel roulent pres-
que toutes les cenfures que nous effuyons, j'ai
cru qu'on ne pouvoit pas mieux en faper les fon*
démens , qu'en rapellant ici les principales inven-
tions dont l'Europe eft redevable aux Allemands.
C'eft ce que je tâcherai d'çxécuter brièvement
dans ce Cbapicre.
Je ne conçois point qu'on jjuifle contefter Fes-
prit créateur à une Nation qui a produit les plus
grandes découvertes ; & pour faire connoître que
ce n'eft pas aux Allemands qu'on peut reprocher
de n^ avoir pas inventé la poudre^ je commencerai
par cette invention même. Je n'ignore pas qu'on
prétend que les Maures qui étoient alîiegés en l'an-?
née 1343. par Alphonfe XL Roi deCaftille, li-
roîent certains mortiers de fer, dont le bruit étoic
femblable au tonnerre; & Don Pedre, Evêque de .
Léon, dans la Chronique du Roi Alphonfe qui con- *
quit
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44 PROGRES
Juit Tolède , die qu'en une Bataille navale qui fat
onnée encre le Roi de Tunis & le Roi Maure de
Seville, il y a plus de 400. ans (ce qui feroit au
moins vers Tannée 1340O ceux de Tunis avoienc
certains tonneaux de fer , avec quoi ils tiroient for-
ce tonnerres de feu (•). Du Cange dit auffi, qu'on
voit dans les regiftres de la Chambre des compte»,
que Tuiage en étoit en France dès Tannée 1338.
Quant à ces Hifloriens Efpagnols , je ne fai fi leur
témoignage eft d'un affés grand poids pour contre-
balancer celui de tous les autres , & fi même les
feux & les tonnerres dont ils parlent ont été Tef*
fet precifément de notre poudre à canon ; car
leurs expreilions font aplicables à toutes fortes de
matières combuflibles. Le raport de Du Cange
mérite plus de réflexion , puisqu'il n'y a guères do
dates plus certaines que celles qui font tirées des
regiftres de la Chambre des comptes. Cependant
il eft comme indubitable que cet auteur s'eft trom-
pé , & que la dépenfe qu il a pris pour de la pou-
dre à canon» fe raporte k quelque autre article des
matériaux pour la guerre , doùt on fè (ervoit alors.
Car tous les bons auteurs convienent unanimement»
Îu'il en faut attribuer la première invention en
lurope à Bertbold Scbwartz (ou le Noir) Çordelier
Allemand. Le feul André Thévet prétend , que
ce fut un Moine de Fribourg nommé Conftantin
^nçklttzen (f) qui en fut l'inventeur. Mais cec
Au-
(•) Diflîon. de Trévoux, paç. 166^. le t. Can. rom. i.
(t) L^ Diclionaire de Moreri confor.d les noms de Con-
ijamin Anckliizen ^ de Benhold Schwart2,& croit que c'el^
]a même perfoaçi il ne feroic pas diâicile de prouver ^u*il (q
pompe.
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DES ALLEMANDS. 4^
Auteur cfl: fort fufpeft; & quoiqu'il ait voyagé
dix-huit ans dans les païs étrangers pour s'informer
des chofes qu'il a raportécs, le Père Je Long le
traite d'infîgne menteur & d'Ecrivain fort igno-
rant. Schwanz donna ou vendit fon fecret aujt
Vénitiens, qui s'en fervirent la première fois con-
tre les Génois, & principalement au fiege de Chi-
02za en l'année i}8o; & depuis ce tcms l'ufage
en devint plus commun par toute l'Europe. Eft-
i\ croyable que fî la nation Françoifè avoit ccjnu
l'invention de la poudre à canon avant Berrold
Schwartz , elle ne s'en feroit jamais glorifiée?
Peut- on fe perfuader que tous les Hiftoriens fe fe-
roient tus fur une découverte auffi confiderable ât
oui a du néceflairement changer tout- à -coup tout
1 art de la guerre, de l'attaque & de la défenfe des
places, &c. dans un tems où l'on écrivoit jus-
qu'aux moindres bagatelles? Il y a plus: Schwartz
dit lui-même dans un Traité qui fe trouve parmi
les ouvrages d'Albert le Grand, que ce fut en.pri-
fon qu'il inventa la poudre. Auroic-il ofé avan-;
cer hardiment une pareille impofture aux yeux de
tout l'Univers, fi l'on avbit eu en France des
pvQQves auffi claires pour Je confondre ? Enfin
l'on aflure que les Chinois ont connu la poudre à
canon longtems avant les Européens. Je le veux
croire, plutôt que d'en examiner les preuves
Mais quand même la chofe feroit conftatée, cela
n'oteroit point à Schwartz le mérite de l'invention
parmi nous; vu qu'au commencement du xiv fîe-
de l'Europe n'avoit point encore de liaifons avec
}a Chme, & que ce Cordelier n'a pas pu obtenir
par cette voye dej notions fur fa poudre à canon
La
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4« PRÔGRÈ*â
La Chine étok pour le xiv. fiecle à peu près ceqtfd
les terres audrales (ont pour nous.
En général je ne croi pas qu*on puiflè disputer
Kux Allemands Tinvention ni de la poudre ni de la
Pyrotechnie , qui enfdgne Tufage du feu , fon aplica-
tion & ménagement en différentes opérations. La
Pyrotechnie Militaire furtout doit fts plus beaux
progrès à Allemagne- M, Weiler, Général d'ar-
tillerie au fervice de Brandebourg , eft l'Inven*
teur des Boulets rouges que le Général Wrangel
înit en ufage au fiège de Brème ; & M. de Geis-
ier j Commandant de l'artillerie à Dresde, à inven-
té les CarcaJJes. Il en fit en 1675. à Paris l'épreu-
ve en prefence du Roi Louis XIV.
C'eft à rhiftoîre à prouver fi depuis Invention
de la Poudre à Canon , les Batailles ont été plus ou
moins meurtrières qu'auparavant , & fi cette dé*
couverte a été utile ou pernicieufe au genre hu-
inain. Il y a des Philofophes qui prétendent qu'il
ne faut maintenant dans les combats que de la
bravoure & du fang froid , au lieu qull y fafoic
autrefois de la force , de Tadreflè & de la valeur}
car, difent-ils, fi la vraie valeur n'eft que le fen-
timent de fès forces , à quoi fert ce fentiment vi>-
à-vis de cent bouches d'airain ? J*abandonne ce rai-
fonement pour ce qu'il peut valoir , & je me hâ-
te de parler d'une invention beaucoup moins due
au hazard, plus ingénieufe, plus fage & plus utile
que celle de la poudre & des inftrumens meur-
triers ; c'eft rimprimerie. 11 efl: certain que rien
n'a plus contribué à polir l'Europe que cet art,
qui met les productions des plus beaux génies de
chaque fiècle entre les mains de tous les particu-
liers, La Sphère des connoifFances humaines s'efî
éten-
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DES A L L E M A NDS. 47
étendue depuis ce cems , les mœurs fe font adou-
cies , le goût pour les Sciences s'eft augmenté , le
commerce encre les peuples les plus éloignés a ob«
tenu de grandes facilités, quelle obligation le gen«
re humain n'a- 1- il point aux inventeurs d'un pareil
arc ? II feroir inutile de prouver par de longs ar-
gumens , qu'il a été trouvé en Allemagne. C eft
une vérité généralement reconnue, & qui ne fem-
ble être concertée de quelques uns que par la gloire
qui y ert attachée. Car il importe peu que ce foie
Jean Mêntzel Bourgeois de Strasbourg, ou Jean
Guttemberg Citoien de Majence , ou bien Jean
Fauftus & Ton gendre Schaefïer , qui aient inventé
l'Imprimerie vers le milieu du XV fiécle ; ce fera
toujours à un Allemand qu'il faudra attribuer cet
honneur. Il eft certain que tous les premiers li-
vres qui ont été imprimés, font tous de leur im-
preffion ; & ce qui n'eft pas moins conftaté , c'eft
que dans toute TEurope les premiers Imprimeurs
que chaque grande ville fit venir à beaucoup de
fraix pour établir chés elJe une Imprimerie , furent
cfes -^Ilemands. A Paris Martin Cran tz , Ulric Gfr-
ring , *^ Michel Friburger , qui avoient été maûr
dés d' Allemagne par Jean de la Pierre Prieur de
Sorbon/tie, imprimèrent dans une falede la maifoa
de Sc^onne en 1470 les Epitres de Pergaofênfîs in
quarfo , & plufieurs autres livres. Au rçfte Tlm*
priiherî# des Chinois , dont on vante fi fort Pancie^
tktié , n'a rien de commua avec la nôtre. Lgm
Chinois n'ont pas même encore aujourd'hui des
caraftères mobiles ; & d'ailleurs cette Impreflîon
Chinoife , quelle qu'elle puiffe être , nV été con-
nue en Europe que longcems après l'établifleraenc
d'une infinité de preffes dans toutes les villes con-
fide^
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4§ P a G R É S
fiderablcs, de manière qu*oo n'a qu'à envifager H
chofe de quelque côté qu'on voudra , la première:
Invention en fera toujours due à TAllemagne.
La Gravure < cet Art admirable qui confacre i
]a poflerité l'image des Hommes lliuftres & qui les
muluplie eux & leurs pi.^, belles aflions dans tous
les câbineu des perfones de goût , doit à l'Aile-
magne peut-être plus qu'on ne penfe. On prétend
communément que la première Invention en a été
trouvée dans le XV fiècle pat Mafo Finiguerra or-
fèvre de Florence (*). Les Diftionairci & les
Auteurs des vies des Peintres , qtti fè copient
les uns les autres , le difent unanimement. Ce-
pendant fi Ton étoit à même de leur montrer de»
eftampes originales , qui ont été gravées en Aile*
magne manifeftement avant le tem$ de Finiguerra ,-
il faudroit je croi céder à levidence. Je paffe d'au*
tant plus légèrement fur cette matière ^ que je fçai
qu'un de mes dignes confrères Académiciens tra-
vaille à l'Hiftoire de la Gravure, & que ks obfer-
Vations répondront un grand jour fur tous ces
objets. Mais quoiqu'il en puifle être , tout Icjtioït-
de (kit qu*Albert Durer j & quelques âutr^ Pein^
très Allemands forent des premiers qui perfcûio-
nerent le Burin , étant fo ivis de près par^A/arc^
Antoine , qui fut aidé dés fecours du grap Ra-<
phaè'l. (t) \
La fameufe machine du vuide ou la PùmfièPk^u^
matiquâ fut inventée vers le milieu du XVII Hécle
par
(♦) en H6ù. — .
^ ( t ) Voîés Fellbîen , Èntreiiinsjur les Fiis Êf les Ouvrag^i
ies Peintres t toœ.U. entrer^ 3.
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i) El AL LEMAN D S. 49
jpar Ôthon de Guericke , Bourguémaître de H vîlfe
de Magdebourg & depuis Envoie à la Diète de
l'Empire. A quelle foule.de découvertes en Phy-
sique cette invention finguliére n'a- 1 -elle pas
donné lieu ? Les corps aiant été enfermés dans
cette machine comme ^ns un autre monde , on
en a découvert d^s propriétés inconnues jusqu'a-
lors; & fi les Anciens qui excelloient presque en
tout, nous paroiflent fi ignorans lorsqu'ils raifo-
pent fur les fecrets de la nature ; fi depuis un Cè-
de la Phyfiquc femble avoir changé totalement da
face , il eft certain que nous en avons Tobligâtioa
en partie à la pompe Pneumatique, & en partie à
îa pcrfedion de l'Optique.
Or à l'égard de cette dernière fcience j l'Aile*
magne ne le cède point ày d'autres ï^aïs.. je ne
raporterai point ici tous les progrés que f Optique
a faits parmi nous. Elle eroir connue des Anciens ;
& tous les Peuples Modernes ont apris d'eux les
éléments de cette fcience. Les Allemands eiï ont
profité également; ils fe font apropriés de plus les
jiécou vertes à^s autres Nations, & y ont ajouta les
leurs. Déjà le Père Kircher (*) au coramence-
jnent du fiécle palTé , en a dévoile tous les fecrets;
& depuis ce tems on la cultivée avec le plus grand
fuccés. La partie furtout de la Dioptrique ou de
la refraftîon , dont les Anciens n'avoient point d'i-
dée , a été fort heureufèment recherchée & roi/è
en œuvre chés nous. On trouve dans les Mémoi-
res de notre Académie , de l'année 1745, la de-
fcrip-»
(♦) I! fut apcflé en Italie, où le Vnpe Innocent X, Ve(\U
ma beaucoup. C'tit lui qui a reievè le fameux Obci sque de
Caracalia.
D
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50 FRQGRE^S
icription d'an Microscope Anatomiqae de Vkt^
vèotioD de M. Lieberkuhn fervanc à faire voir
la circulation do fang des animaux vivans , qui a
mérité des aplaudiiTemens univerfèla ; & les mU
croscopes à réflexion de ce même habile homme,
qui éclairent l'objet en même tems qu'ils le gros-
fiHent , ont été envifagés par la Nation Angloife,
juge compétente de cette matière, comme une in-
vention auffi belle que neuve.
Que de progrès, que de découvertes les Alle-
mands n'ont ils pas faits dans la Chimie! avec quelle
avidité les ouvrages de nos Chimides font ils reçu des
étrangers I avec quelle fubtilité ils décompofenç
les corps & en font TAnalyfe ! que de Phénomène»
finguïiers , que de prodiges n'ont -ils pas rencon-
trés fous leurs pas , à mefure qu'ils ont poufTé plut
loin leurs recherches ? Enefiet, il eft indubitable
que depuis les teitis d'Ifaac Holland , de BaHle Va-
ïenm & de Theophrafte Paracelfe ( lequel étoic
natifd'un petit Bourg nommé Ëindfiedlen, dans tè
Canton de Schwitz & qui mourut .en Al&ce l'année
1541) la Chimie a été cultivée avec le plus d'apli-
cation & le plus de fuccès en Allemagne. On peut
gVn convaincre par la feule infpeftion des Ouvra-
ges de L/^^v/tf^ deRolfinckf dt ZwSlfer^ de Tac-
lien , de Bobn^ de Barner & de beaucoup d'autres^
qui font devenus, pour ainfi dire, le bréviaire des
Chimiftes. Il eft à croire que c'eft pour cette
raifon , que déjà le fameux Boyle apelloit la langue
Allemande, Linguam Hermeticam , l'Idiome de là
Chimie, parce que dans cette fcience les plus im-
portantes découvertes ont été faites par des Alle-
ipands & tranfcrites en leur langue. Parmi les mo-
dernes on trouve l'aplication folide de la Chimie
&
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tiB ALLEMANDS. gi
èc (à gtaûde onlitë «dmirtbiement bien dévdopées
dans les écrite dt Beecker^^de Kunekely de Hoffmann
& Aircattt dzts ceux de riltuftre Stabi Ce gram)
faomine a laifle ccms Tes Prëdeccilèurs fort en arriè^
Jt , fait par le grand nombre d'expérience» égale*
ntent folides & fubciJes quil a faites , foit par le yu
gemeht profond & la fagacicé fingulière qu'il pos4
fedort à expliquer les motifs & les caufes de tous
les Phénomènes qu'il rencontroit dans Çt% opérations*
Là Chimie Raifonée , fi connue de nos jours , lut
doit fa forme & fon luftre ; car , c'edde lui que nous
tenons les découvertes les plus importantes & les
plus aflurëes dans la manière de traiter les lëis de
dans la fcknce de la fermentation. ( Halotecbnie
& Zyptâiecbnie. ) Se^ principes ont été fuivis Sç
perfeélionés de plus en plus par Henckely Jungkefi
iiéumçmn^ Pott^ Marggraff^ &c. & les ouvrages
qu'ils ont publiés fur ces nf^atières font recherchés a*
vee avklité par les étrangers curieux. On les a
même traduits en phifieurs langues.
il en eA dé même de cette partie de la Chimie
^1 traite de la Métallurgie ou de la folution des
métaux. On eonfioic dans ce genre les ouvrages des
ahciens Auteurs Allemands « comme dé Grégoire
Agficola^ d'Ërcker, de Lôhneîs^&c. qui tous ont
leur mérite j mais cette fcienee a été traitée depuis
pius folidetifent par nos modernes « & d'une maniée
ro plus profonde & plus fatisfaifantedans les Écrits
de Sêahl^ de Henckel, de Cramer , de Scbluter &c.
Perfone n'ignore , combien les Mmrt/rj Allemands
font recherches das^ toiftes les quatre parties du
monde. V Jeter fe fait principalement en Alle-
magne & avec le plus grand fuccès. Le Liton ,
la cùuleur bleue de Saxe nommée Émet eu Ciment &
D 2 ^*
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51 P R O G R r 9
en Allemand Smalte^ la feparatton feche de POr (f
de r Argent , le pourpre S Or y Se quantité de pro^
durions pareilles font dues au Génie Inventeur des
Allemands. Geux qui cpnnoifTent le verd de Saxe^
trouvé il n'y a pas longtems à Groflenhayn, ad-.
mirèrent la fingularité & peut-être la beauté de
cette coufeur. Il y en a cependant une autre ^
bien univerfellement goûtée & d'un bien plus grand
ufage tant pour la Teinture que pour la Peinture ^
c'eft le bleu de Pruffe ou de Berlin , dont les Pein-
tres Italiens mêmes font beaucoup de cas. Cette
admirable Couleur fût trouvée à Berlin par un cer.
tain Dieshach , Originaire de SuilTe & pour lors
Disciple du fameux Dippel. En cherchant de
nouvelles couleurs pour le Vernis» il découvrit ce
bleu de PrufTe , que fon Maître, & le Dofteur Rô-
fer aidèrent à perfcélioner- Il s'afTocia enfuite pour
la Fabrique & te débit de cette Couleur avec le
Kefteur Frisch, auquel il enfcigna ion lecrêt& qui
acheva d'y porter la dernière main.
C'eft auffi à la Chimie qu'eft due la Porcelaine de
Saxe^ dont l'invention fait tant d'honneur- à l'Al-
lemagne (*). Un connoifleur impartial n'a qu'à
promener fes regards dans la manufaélure de Meis-*
fen , pour convenir qu'elle efface tout ce que la
Chine & le Japon ont jamais produit de plus par^
fait en ce genre, furtout pour ce qui regarde le
goût & l'invention. Le plus habile Peintre Chi-
nois ne feroit pas admis comme aprcntif à cette
fabrique.
En parlant de ces opérations chimiques , elJesi
me
(*) M. de Tfcblmhaus & le Baron Bôtger^en font les prin-
ci^juux Auteurs. " • »
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DES ALLEMANDS. 53
TDe condai/ènt naturellement à rînveritîon de Phos*
^j)hore. On efl: itirpris d'abord de voir cette décou-
Terre attribuée tantôt aux Bolonois, tantôt à Kunc*
iel^ Chimifte de l'iileéleur de Saxe, tantôt à Da*
niel Krafft y tantôt kBrandty tantôt à Benjamin
Moûrler ^ (&tzntot à d'autres encore: mais il e(l bon
de favoir que ie Pnofphore de Bologne n'ell qu'une
efpèce de pierre calcinée, qui ne fe trouve coin-
munemene que dans les environs de la diie ville ,
quoique Mrs. Pott & MarggrafF âyent fait connoi-
tre qu^elle n'eft pas même fort rare dans le Brande-
bourg. Le dernier en a auflî découvert une corn-
position artificielle. Les autres Phosphores au
contraire font tous tirés dé l'Urine , & il efl indu-
bitable que Brandt en efl: l'Inventeur. II commu-
niqua fa découverte à Krafft , Médecin de Dres-
de , & le même qui Taporta en France, KrafFt
en donna une idée, mais fort imparfaite, à Kunc-
kel, qui y travailla depuis avec beaucoup de fuc*
ces. Après lui un certain Godefroi Hanckwicz ,
natif du Païs d'Anhalt, mais qui vivoit à Londres,
s'aphqua beaucoup aux Phosphores, Ôc enfin M.'
MarggrafFa porté cette invention Cijrieufè au plus
haut degré de perfe6lion dont elle ait été fuscepti-
ble jusqu'ici.
Otton de Guericke.h même qui fut l'auteur de lisi
Machine pneumatique , peut pafler à bien des é-
gards pour le premier qui ait trouvé V Eleltricifé.
Il femble que cette propriété fingullère des corps
n'ait pu échaper à un fcrutateur auffi infatigable de
la nature: du moins nous en a-t-il ouvert, dans
fon Livre intitulé Expérimenta Magdaburglca (*) ,
le«*
{*) Edk. de Panhée 1671. 1. 4* c- 15.
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1^ PROGRE^S
les rpotes , qui depuis ont condait les habiles Phy**
dcic^ns de cç fièclc à toutes les expériences auflî
ingénieufes que fubtiies, qu'ils ont faites & qu'ils
féitçr^nt tous les jours fur cette matière. M- dç
yontenelle , en parlant de Guéricke , dit , quil é^
fgU forli de Jes mains des merveilles qui fétoieni
$utant pour les Phikfopbes que pour le peuple , ^ qui
Jes expériences furent apellées par quelques Savans
les miraclef de Mc^debourg. Mais s'il eft vrai que
lV|. Guéricke ait {e premier dérobé à la nature Iq
iècret de fqn fea célede doac elle anime tous fe^
opvrages, les Fbyficiçns rnodernes chés toutes le9
jjajLions de TÇurope ont fi fort renchéri fur ce*
pfçmiercs lufnieres , qu'il femble presque que \%
découverte eii apa.rtiene au xvui. fiècle. Les Allçt
^}ands y oiv- conçoaru également; & les e^pé*
riences faitçs par Mrs. de Kleift de Cuftrin, £/•
Urt^ tVaitZi fVmckler ^ Ludoîff ^ Marggraff, &
pqt d'f^utres ont été fqivies de la découverte dçf
piiisfînguliers phénomènes.
Mfiï parlant 4q c^ifeu répandu dans toute la n^*
tgre , ma mémoire me rapellç Tinveation d'un feu
grtitlciçl I qi^i fut trouvé àc mis en ufage à Berlin
en 16681 e'efl: kfeu bleu à Tufage des artificiers,
qui eft G fort admiré par tous ceux qui connoiflcn^
I9 théorie <S; I4 pratique des feux d'artifice.
Je ne fauroi? palier fpus filence une anecdote
fort remarquable au fpjet de la décQui>erte de rAmé-
piqHS» Plufieqrs Auteurs dignes de foi raportent^
qu un certain Martin Beh^m , né d'une famille
Roble de Nuremberg, s'étant apliqué % la CosmOf
graphie & sj la Navig^tîoî|, obtint vers l'an 14605
^ la Duchefle Ifabclie uq Navire pour aller à la
^çjouverte de r4niérique» 4^nt \l t^mt mçu la
frer
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DES ALLEMANDS. S5
première idée. Ildécogvrît Tlfle Fajal, le Brezil,
le Détroit qui a dans la fuite porté le nom de Ma-
gellan 9 &c. Tan 1485. le Roi Jeaa If. créa Bé-
haim Chevalier. Il mourut à Lisbonne en 1506.
M. Doppelmayer dans fa Relation hiftoriquè
des Mathématiciens & des Artides de Nuremberg,
raporte „ que Martin liéhaim étoit né d'un faoïilie
\y QUI fubGde. encore. 11 s'apliqua beaucoup à la
^y Cosmographie & à la Navigation; &Ies gran-
^, des connoiiTances qu'il acquit dans ces deux
9, fciences lui firent penfer, qu'outre la terre con«
^ nue il pouvoir & devoît y avoir du coté de Toc-
9, cidem plufieurs autres paï$. Plein de ces con«
^, jeâures , il ie rendit dans les Faïs-bas auprès de
^y la Duchefle Ifabelle, & demanda qu'cm voulut
,i lui équiper un Navire pour aller à cette décou-
^, verte; ce qu'il obtint environ l'an 1460. Après
^ 4"elque tems de navigation dans la Mer occi-
,, dentale , il découvrit une Ifle que les Portugais
^ nommèrent depuis l'Ifle Fayal, nom qu'ils ont
j^ dérivé du bois de Fau, dont les Forêts font gar-
^ nies. Cette Ifle ayant été peuplée > Bébaim re-
,> çut ordre en 1466. de s'y établir; il le fit, à
„ y a palTé une grande partie de fa vie (*).
9» W&[% l'an li^iC. Bébaim continua à chercher
9, d'ân-
es) On trouve dins les archives de ta fsmilfe de Bébaim
un écrit en vieux Allemand fur du parchemin , donc voici te
commencement! SjOt SWlattitt ffle^mm/ Stiffct / ^emt aJl<MN
tilt î^mmé &Ant t>m bet &3mv«wt iéo^tm t ^aimi^
term S^tctn ^f^wnti / Un anbein St&m% in f ajouta/ m
imt 3nfél S^tlt f fù (t 0eftm5«tl ^ty Infula deFaya gttt
mnu/ mt^ mtb U9 Un ^nf^Un Açoies gu^tn/ tu htm
ÙUi^taliiticn Uceau, &c.
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S6 P R O G R r S
j^ d'autres pa'û. Il trouva- une partie de TAmérî*
5, que, favoir le Brezil , le Détroit qui dan$ fa
,, luite a porté • le nom de Magellan &c. L*aa
„ 1519. Magdlan étant entré dans le Cabinet du
'„ Roi de Portugal, il y trouva une Carte deflînée
,, de la m lin de notre Bihaim^ il y vie diftinéle-
,, ment b Détroit , il entreprit d'y aller, il le
„ trouva & lui donna fon nom. Depuis Colomb
„ découvrit d'autres Provinces; mais à proprement
i, parler, ceft à Béhaim qu'on doit les premières
„ découvertes de l'Amérique.
„ L'an 1485, le Roi Jean XL créa Behaim Chc*
„ valier;&en 1492 il vint faire un tour à Nurera-
,, berg fa Patrie , pour y voir fes Parens, Ceft
„ dans ce tems qu'il y fit ce Globe de vingt pou-
,, ces de diamètre , lur lequel il deflîna toute la
„ terre fuivant le Syftème de Ptolomée , en y a-
„ joutant fes nouvelles découvertes. La famille de
,, Behaim conferve encore précieufement ce Glo-
,5 be*, que M. Doppelmayer a réduit en Mappe-
„ monde & fait graver à la fin de ce livre. De*
„ puis ce lems Behaim fit encore d'auirès voiages.
j, Il mourut à Lisbonne au Mois de Juillet 1506 ,
,, trois mois avant Colomb,
*' . Ce fait ptroît auffî être fore connu des Hifto-
rîens,' puisque le Morerimémeeh parie dans des
termes fort précis, & qui méritent que je les ra-
porte en entier, voici ce qu'il dit ; „ Behaim d^
j, Schwartzbach , anciene famille Noble d*A)le-
„ roagjje. Elle tire fon origine de Bohême ; & il
'„ en eftfprti plufieurs lUurtres Perfonages, &en-
^^ tre autres Martin^m mérite bien d'avoir ici une
%, place. Ifàbelle Duchefle & Régente de Bour-
,, gogne , Epoufe du Duc Phîiippë IL furriômmé
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DES ALLEMA ND S. 57
^, le Pîeux , lui aiant confié un vaifTeau , il s'en
5, fervîc pour parcourir TOcean. Dans fes cour-'
^y fes il découvrit rifle de Fayar & les Ifles Açorcs
„ qui en font voifines. Enfuite il fit la découver-
„ le des ifles de TAmérique & du détroit pour al-
„ 1er par l'Occident aux Indes Orientales , félon
„ que le raporte Wangenfeil qui Ta tiré des archi-
„ ves de Nuremberg. Jean Baptifte Riccioli as-
„ lurcque Chriftofle Colomb s*efl fervi dans Tffle
5, de Madère des Carres Marines de Martin Be-
„ haira. L'on dit de plus , qu'elles ont fervi à
„ Magellan pour la découverte du détroit qui por-
„ te fon nom. // ejl le premier , qui a trouvé fuja^
„ ge de la boujfole dans la Navigation. Le 18 Fé-*
,; vrier de l'Année 1485 le Roi de Portugal le fit
„ Chevalier. Il mourur à Lisbonne le 29 Juillet^
99 1506, laiflant un fils de même nom que lui , qu'il
„ avoit eu de Jeanne de Macedo , fille de l'Ami-
„ rai de Portugal , grand Dift. CJniverf. Holh
„ Wangenfeil in Paneg. Bohem. Riccioli in Geogr.
„ Reforfn. 1. 3. Frehcr in Tbeatro.
Voilà bien des particularités , bien des anecdo-
tes , bien des noms qui paroiflcnt fi précis qu'on
ne fçauroit presque douter de la vérité d'un fait ,
qui, -s'il efl: bien conflaté , donneroit lieu à beau-
coup de réflexions. Il feroit en effet plaifant que
la ville de Gènes par Chrifl:oflc Colomb , Florence
par Ameiic Vefpuce , le Portugal par Vclafco de
Gama s'atribuaflènt la gloire d'avoir produit Jet
grands hommes qui ont fait de fi confidérables dé-
couvertes , tandis que la première idée en a été
conçue dans une tête Allemande. 11 feroit fingu-
lier que leurs noms, que l'hiftoire fait voler par
tout le monde & que Ton a célébrés par de magni*
D ^. fiquçs
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5S PROGRES
fiques Poèmes y paflaflènc à la poflerité lapias re-
culée y tandis que Je nom de Behaim ieroic à peine
cooDu: on pourroic tout- au -plus les comparer à
é^ perfones de médiocre taille , qui étant montées
fur tes épaules d*aa Géant » voient un peu plus
loin que lui.
Ce qu'il y a de certain, c'efl: que toutes les da-
tes fe raportent parfaitement à ce qui vient d*étre
dit en faveur de M. de Behaim , & que s'il a en*
trepris la Navigation en 1460 , il e(l très naturel
ose (es cartes maritimes, le journal de fbn. voiage
& tous les mémoires de fès découvertes , aient été
confervés en Ëfpagne ou en Portugal dans les ar-
chives de la marine ; & qu'aind ceux qui ont ten-
té après lui les mêmes entreprifes , aient beau-
coup profité de (es lumières.
Mais quand il n'auroit fait^ commt Moreri Se
plufieurs Auteurs le prétendent, qu'aptiquer le pre-
xnier Tinvéntion de la Bayjpole au grand ufage de la
navigation, fon nom mer iteroit d'être jmn^rteli,
-&r*feroit infipiment d'honneur à rAllemagne»
Le fankîiix Obfervatoire de Paris notis offre en-
cc^re une preuve bien fenfible du génie invenftîf des
Allemands: c'eft le miroir ardent d^ M. de Tfcbirn*
^usy qu'on Y voit,' & qui excke KadmiratiOD des
Savans. VoK:i la defeciption que M. de Fonte-
oelle en fait.
„ Ce mkoir eft convexe des deox cotés, & eft
n^ portioD de deux fphéres , donc chacune a doo-^
^ Zt pies àî rayon. Il a trois pies Rbirdandi-
^ quesde diamètre,, & pèfe 160. livres; ce q^i
^ eH une grandeur énorme par raport aux plus»
^ grands veFres convexes qiù aient jamais été
^ Mits* JUs bords w fi>m auiS parféieiBent tra^
>f vaiK
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Pf.9 ALLEMANDS. 5^
^ vailles quç le milieu ; & ce qui le marque bien^
5, c*cfl: que foh foyer eft exaâemenc rond. Ge
,, verre eft une énigme pour les habiles gens. A-
^, t'il été travaillé dans des balSns, comme le$
^ verres ordinaires des lunettes? A t-il été jette
,, çn moule? On peut fe partager fur cette quei-
^^ tion. Les deux manières ont de grandes diffi*
,, cuites ; & rien ne fait mieux Téloge de la mé-
,, cbanique dont M. de Tfchirnbaus doit s'étrt
„ fervi, &c.
£n parlant de cetbabile Mathématicien qui étoîc
né à Kislingswald , terre qui lui apartenoit dans la
^aute - Luuce , il ne fera pas hors de propos de
remarquer, qu'il eft l'auteur des fameufês caufti*
ques qui ont retenu fon nom ; car on dit commu-
nément les Caujliques de A/, de Tfchirnbaus , <:om«
lîie on dit la Spirale d'Ai-cbiméde, la Conchoïde
de Niçoméde , &c. Quiconque voudra favoir ce
que c'eft que ces cauftiques, qui rendront le nom
de leur inventeur célèbre à la pofïerité, peuvent
en trouver une defcripnon abrégée dans THiftoire
de rAcademie Royale des Sciences , année 1709. (•)•
J'ai cru devoir fimplement rapeller ici leur nom,
pour faire connoîtrc que c'eft- là encore uae dé-
couverte que les Mathématiciens doivent aux Al-
lemands & à un homme d'une naillance illuftre,
qui a facrifîé une fortune confidërable & les plus
beaux jours de fa vie à fon amour pour les Scien-
ces.
L'Allemagne n'a Jamais manqué de bons Ma-
thématiciens , ni d'habiles Aftronomes j elle a mê-
me donné naiiTance à des hommes, qua ont éclairé
k
{♦) Pag. 143, EdWQn de HolUnde,
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66 P R O G R ir S
le monde par des lumières toutes nouvelles. t.e
célèbre Nicolas Copernic , Auteur du vrai Syjîèrne
qui établit FlmmobiHté du Soleil ^ le Mouvement de
la Terre ^ étoit né dans la Prufle Roiale. Kepler,
qui devclopa les Loix des Mouvewens Cékjles^ étoit
Suabe. Voilà donc les principes & ies fondemens
les plus eflentiels de TArtronomie encore dus à
deux /vllemands. Il eft furprenant combien le»
limites de cette fciencé ont été étendues depuis en-
viron trois fiècles par les foins & les. veilles de nos
Compatriotes. Purhach & fon digne Elevé ^ean
Nlûller, natif dé Kônigsbcrg en Franconie , furent
les premiers qui travaillèrent à débrouiller les fcien-
ces préparatoires de TAdronomie. Ce Muller ,
apcllé fouvent Regiomontan ^ du nom de fa Patrie,
pcrfeéliona le premier la Doftrine des Triangles ,
ReSliUgnes ^ Spheriques. Il calcula par un travail
ëtonanc des Tables pour les Sinus des Minutes dans
les Quarts de Cercle. Erasme Reinhold de Saalfeldt,
qui eft (î fameux par les Tables Pruffiennes ( Ta-
bulas Prutenicas ) y ajouta les Tables des Tangen-
tes , & George Joacbim Rhetîcus , celles des Se-
vantes. Batbolomée Pitiscus , un Silefien , a en-
richi le monde de ce tréfor , par Touvrage qu'il
a publié foi]S le tîcre de Canon Sinuum ad Radium
I. ooooo. 00000. ooooo. & Benjamin £œr ^ dit
Urjinus , calcula leurs Logarithmes. L'illuftre
CaJJendi dans fa vie de Tycbo Brahe rend à notre
Regiomontan la juflice qui lui eft due , & le re-
conoît pour un génie du premier ordre. Le fa-
meux Pierre Ramus ou la Ramée poufle cet éloge
beaucoup plus loin, & prétend que la ville de Ta-
rente peut tirer moins de gloire d avoir produit un
Jrchytas , Syracufe un Arcbiméde , Byzance un
Prù^
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ALLEMANDS. ^t
Proclus , Alexandrie un Ctefibius , que Kônîgsberg
d'avoir vu naître dans fes murs le célèbre MulUr.
Le nom de cet habile Aftronome avoit paiîë mê-
me de fon vivant jusques dans les païs les pfus e'-
loignés. Je n'en fçauroîs donner de preuve plus
convainquante qu'en rapellant ce qui arriva à Re-
ine lorsqu'on y étoit occupé à la reforme du Ca-
lendrier Julien. On fut obligé d'y apeller notre
Mûller avec un autre Mathématicien Allemand ,
nommé Clavius , n^tif de Bamberg , pour venir
à bout de cette entreprife,
Regiomontan a montré le premier de quelle
manière on peut trouver la grandeur d'une Comè-
te, fa diftance de la Terre, fa vraïe place au Ciel,
& fon mouvement. Après lui George Samuel jDô'r-
/ff/, Ecclefiaftique Proteftant à Plauen dans le
Voigtiand , hazarda de foutenir à Toccafion de la
grande Comète qui parût en 1680. que toutes les
ComeLes parcourent des Paraboles, & que le Soleil
e(l placé dans leur foyer. Ce Dôrfel , qui paroîc
donc être l'Auteur du vrai Syfîéme des Comètes
(attribué communément au fameux Whifton An-
glois, en a donné la Théorie dans fon Traitée?
Cornet a; & efl mort en i^8S.
^ean Lipperheim de W^rf^l £Û£ la gloire d'inven-
ter des Lunettes, par le moyen desquelles Chrifloffle
Scheiner de Mindelsheim obferva le premier des
tâches. au Soleil ; & ce fut par le fecours de ces
niêities Inftrumens que Simon Marius , Aftronome
du Marckgrave de Brandebourg , découvrit. les Sa-
tellites de Jupiter, qu'il apella en honneur de foa
Souverain la Conftellation ou les J/tres de Brande-
bourg. Kepler ^ Fabrkhts firent la découverte des
étoiles variables. On pourroit encore citer un
grand
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éi ^ R O O li E^ g
Eand nombre d'Aftronomes Illuilres ^ tels qu'an
mdgrave de HeJJe , le Bourguemaître Hevel de
Danczich , fValther de Nurenberg, 5ré/c*i2ri, Baj*
er , fi connu par fon Uranametrie ^ Kirch & une
infinité d'autres ; il feroit également facile de faire
voir les progrès confiderables qu'ils ont faits dans
leur fcience y mais les bornes de cet ouvrage s'y
opofent.
Si l^on v'ouloit faire des recherches eiafiles^ peut*
être fe trouveroit-il que le grand Newton a puifH
fon fameux Syftème & fon Calcul des fuîtes infi-»
uies dans les ouvrages de Nicolas Mercator , qui
avoit publié en 1668 fa Logarithmotechnie , où il
dotinoit par une fuite ou férié infinie la Quadratu*'
re de l'Hyperbole. Je ne fçai pas prédlement û
M. Newton avoit en eflfet trouvé avant Mercatot
(quiétoit -Allemand & né dans le Holftein) ctitt
Théorie fi féconde & fi générale. On prétend que
(a jeuneflTe l'avoit empêché de donner plutôt far
découverte au public; mais il eu certain que M.
Newton lui-même en laifie la gloire à notre AFIe^
mand; & dans une lettre du Coinmercium Epijlôli'^
cum il dit , qu'il avoit cru quefonfenet était entier
remtnt trouvé par Mercator, ou le feroit par d'autres
4vant qu'ilfut,d*un âge ajjis mur pour compofer.
N'eu il donc pas bien reiparquable , que tant
de grandes découvertes , tant de belles Inviçmîonf
tienent plus ou moins , mais toujours par quef^
que endroit» à l'Allemagne?
La Cosmographie eft encore redevable à PAN
lemagpe de beaucoup de progrès. Homan ',
^ Zurner , Seuter , & quantité d'autres s'y font a-
pliqués avec autant de zèle que de fuccès ; & je
doute fort que dans toute TEurope on foit cù état
dc^
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DES ALLEMANDS. tfj
âe montrer une Carte mieux faîte, avec plus de
foin, & où toutes les fituations foient mieux mar-
quées , que la grande Carte de Bohême faite par
Muller. L'Allemagne en général n'a pas été un
des derniers pais de TEurope, qui ait cultivé 1^
Géographie. Tout le monde fait qu'Orona Pi^»
Profefleur Royal en Mathématiques à Paris, eft
un des premiers en France qui ait donné des Car-
tes au public. M. de Thou nous le préfente com-
me un Savant qui reveilla d^ns ce Royaume les
Sciences qui y étoient ou inconnues ou éteintes^r
Or il vivoit fous François L ceft-à-dire, versf
Tannée 15 15; & ce Monarque né Protefteur des
Lettres, fe plaifoit à lui faire fouvent viiite, pour
le voir travailler à fes Cartes, Les Grands da
Royaume, & les Ambafladeurs étrangers , cu-
rieux par état, imitèrent le Prince. Fine fe glorî-
fioit d'être le premier François qui avoit fait la
Carte de la France* Maïs il ne difoît point qu'il
TavoîL empruntée des Allemands; & que cette
Carte fameufe, ainfi que la plupart de fes autres,
ëtoieni copiées après celles de Sebaflien Mun^n.
Au refte il faudroit écrire un volume immenfe,
fi Ton vouloît raporter toutes les inventions des
Allemands en fait de méchanique. lis excellent fur-
tout dans les machines qu'on employé àsm les car-
rières & dans les mines.
Et pour parler d'un Ouvrage de méchanîquc
plus curieux encore qu'utile, tout le monde con-
jioit les fameux Âummtes que Faucanfon & France
ont fait admirer à Paris ainfi que dans divers autres
païs de l'Europe , & dont ils ont prétendu fe faire
tant d'honneur. Je fuis fâché pour eux, de faire
peut-être difparûUre un peu de cette gloire, en
dé.
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(Î4 P R O G R t à
découvrant qae l'invention de ces mêmes aotom'a-''
tes fut trouvée dans le fiècle paffé, par un Profes-
leur de Jena nommé Weigell, qui a préfènté au
public écs machines bien plus furprenantes que le
fameux Fluteur ou que le Canard qui digère. Je né
taporterai aucune autre preuve de ce fait, que cel-
le que tout lefteur François peut vérifier dans le
Journal des Savans, édition d'Amfterdam, mois
de Janvier & de Décembre de Tannée 1677.
„ Le* Sieur Weigelius, (difent les Journaliftes)
,, eft Tauteur dé la furprenante machine de Thom-
„ me artificiel , dans laquelle on voit circuler une
„ liqueur qu'on y met par la bouche , de la ma-
„ niére que le fang circule dans le corps humain.
5, Ce qu'il y a de plus grofîier dans la liqueur qui
\^ circule dans cette machine , fe féparanc du refte
„ dans le cours de cette circulation , fort par le
„ derrière de la machine comme des excrémens,
.,, & ce qu*il y a de moins groffier fort par devanc
„ comme de f urine.
,, On remarque dans cette machine le raouve-
^, ment naturel des poulmons, Tattraftion & ex-
j,* pwlfion de l'air, en un mot tous les mouvemens
,, du pouFs, & tous les autres qui font naturels à
^, Thomme.
L'on voit bien que M. Vaucanfon , pour faire
Ton Auteur, n*a fait qu'ajouter à cette invention lé
méchanisme de quelques tuyaux, & d'un foufflet
tel qu'on en voit dans toutes les petites orgues por*
tatives de Nuremberg.
Le mêrtie Journal, au mois. de Janvier i58o;
parle encore d'une autre machine plus curieufe que
la première. Voici les propres paroles : „ Le mê-
„ me Auteur a fait un cheval d'airain, dans le-
„ quel
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DÉS ALLEMANDS. 6s
i^ qoel il a mis un reflbrt fi admirable, qu'il donne
^, à ce cheval, qu'il revêt d'une peau de véritable
5, cheval , un mouvement affés fort & affés con-
„ tinuel, pour lui faire faire dans un jour d'Au-
„ tomne quatre milles d'Allemagne, c'eft-à-dire
„ huit lieues de France > pourvu que ce foit en
„ platte campagne»
Jean Hautfch à Nurenberg fabrîquoit des Cha-
riots, qui rouloient par reflbrtsj ils avançoienc
deux - mille pas en une heure.
Enfin je ne doute point qu'on ne veuille mettre
au nombre des inventions aulïî curieufes qu'utiles,
celle des montres de poche. Or il efl: certain, que
nous devons cette invention à un Allemand, nom-
mé Peter Hele , qui fabriqua les premières à Nu-
remberg, en l'année 1500. Ces premières montres
avoient la forme d'un œuf. Mais il faut convenir
que les Anglois & les François ont beaucoup per-
feéJ'ioné cette invention, & qu'ils nous furpaflènt
aujourd'hui dans l'horlogerie. Je ne parle ici ab«
folument que des oremières inventions.
Ce font là quelques unes à^s plus confidérables
inventions & des grandes découvertes, que l'Euro»
pe doit aux Allemands. Peut - on croire qu'il ait
falu du génie pour le trouver ? Le Dofteur Swift
Anglois foutient que non (*). Il dit en propres
termes,, que l'ufage de la Bouffole , de la poudre à
canon ^ de F imprimerie fcf^r. a été tiré des ténèbres de
Vignorance par la Nation la plus Jlupide , les Aile*
mands. On perd fes peines à répondre par des ar-
gumens folides à un ouvrage, qui nefl: qu'un per-
fiffla-
(♦) Voyés fon Conte du Tonneau, tora, 2. pag. 135-
E
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66 c P R O G R F S
fifflage continuel: aînfi je n*ai garde de vouloir
prouver méthodiquement, que M. Swift avoit ou-
blié fa Logique dans le moment qu'il traitoit de
ftupide une Nation, à laquelle il attribuoit lui-mê-
me la gloire des plus belles inventions. Mais , pour
répliquer à ce critique, fi les livres & les inven-
tions ne prouvant pas qu'une Nation ait du génie ,
quels font donc les caraftères qui peuvent le prou-
ver? Croir^-t-on la Nation Angloifc plus, fpiri-
tuelle qu'une autre , parce qu'elle fait faire le com-
merce, qu'elle excelle dans des manufaftures qui
dépendent d'un pur méchanisme, & que le peuple
Anglois paflè fa vie à prendre dans des Gazettes
la matière de Tes fpéculations politiques?» Qu'une
Nation ait produit un ou deux Poètes, & qu'en re-
vanche elle n'ait jamais eu ni Peintre, ni Sculp-
teur, niMufîcîen, dont le nom ait pafTé la mer,
eft-ce une preuve que cette nation -là l'emporte
pour le génie fur tous ces autres peuples dont elle
tire ces mêmes Artiftes, ainfi que les inventions
les plus utiles? Au refte le Contç du Tonneau eft
un de ces livres badins , où l'on cherche moins à
parler férieufement qu'à montrer de l'efprit. Je
n'en fuis pas moins l'admirateur du beau génie de
M. le Dofteur Swift, quoique je ne puifle prendre
pour un bon mot une réflexion faufle en elle-mê-
me & dite avec fi peu de politefFe.
J'efpère enfin que les inventions que je viens de
raporrer, fuffiront pour prouver ma thèfe. Je
n'ignore pas, que presque dans toutes les Sciences,
les Allemands ont fait encore d'autres découver-
tes dont je n'ai point fait mention, foit parce que
je les ai ignorées, foit parce qu'elles ne fe font
point préfentées à ma mémoire, foit parce que
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fiEs ALLEMANDS. €f
je ne lès aï pas jugé affés importantes , foît enfin
parce que j'ai cru qu'un Auteur ne doit jamais
tout dire«
CHAPITRE IV.
Des Anciens Poëtes qui ont précédé Opitz.
La première connoiflance que nous aîons des AI-
lemands, nous la devons aux Auteurs Latins,
Je n'ai garde de vouloir examiner , fi les Anciens
Peuples de la Germanie avoient des Carafteres &
favoient écrire ayant les Guerres qu'ils eurent avec
les Romains qui les rendirent fameux ; mais il y a
grande aparence que non ,vu qu'il n'eft jamais par-
venu à la pofterité un feul monument qui puifTe le
faire conjeClurer. Au contraire , Tacite , qui eft
le premier qoî en ait fait une rebfion ample & de-
taillL^e, nous dken termes formels ; (*) „ ils cé-
,j lèbrenc par des Hymnes Antiques ( ce qui efl:
„ chcs eux la ieule façon de conferver la méraoi-
,, re des chof<is remarquables & \^ feul Genre d*An-
,, nales) le Dieu TuisL-on forti de la Terre, St fon
\ Fi] Mann, qui ont été la Tige & les Fondateurs
„ de leur Nation."
Lui & les autres Ilillonens Latins qui ont par-
lé
(♦) Célébrant Carmînîbus Jntiquis (quodunUm apud illosMè'
moriit g* /annales Genus eji) Tuisconem Deum Terra editum^ è?
Elium Mannwn , Originem Gentis conditoresque,
E a
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a P R O G R F s
lé des Allemands nous difenc aufll, qu^ils chantoient
les aSions de leurs Princes 6? de leurs Héros , pgur
en transmettre la Mémoire à leurs knfans.
On peut conclure de-là que Tufage des Lettres
a é^é inconnu aux Anciens Germains ,. mais que la
Poè'lle étoît déjà fort anciene ché$ eux du terris
de lacite, puisqu'il apelle leurs Hymnes, Cjrmina
Antiqua. Il efl: remarquable auffî , que du même
moment que nous connoiflbns les Allemands , nous
les connoifibns auffi comme Poètes. S'il eft vrai
es que dit un Auteur Ingénieux , que toute la
que/lion de la Prééminence entre les Anciens Éf les
Modernes bien entendue fe réduit à fçavoir^ fi les ar'^
ires qui ètoient autrefois dans nos campagnes étoient
plus grands que ceux d'aujourd'hui: fî, dis -je,
. ce raifonement eft vrai , nous pouvons foup-
çoner qu'il y avoit peut-être du bon dans ces
anciens vers des Germains. Le fond de TEPprit
Humain a , je croi , été le même dans tous les
iîêcles; mais comme cet efprit s'étend infiniment,
à mefure que les connoîflances fe multiplient , &
que la Poëfie furtout a befoin d'une infinité de Figu»
res , de Métaphores & de Comparaifbns , qui ne
fçauroient être que groflîeres fi elles ne font prifes
dans les mœurs d'une Nation Policée, il eft à croi-
re que CQS Hymnes fe font fort reflèntis de la pro-
fonde ignorance où vivoient les Germains avant
qu'ils euflent commerce avec d'autres peuples.
Cependant il ne faut pas croire que les Germains
fufTent les feuls qui chantaflent de mémoire les
aflions de leurs Fondateurs & de leurs Héros , &
qui n'euflTent que ce Genre d'Hiftoire. Il nefe-
roit pas difficile de prouver q|.ie tous les Peuples
ont été dans ce cas. Lqs plus anciens Hiftoriens
des
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DES ALLEMANS. (5p
des Grecs font les Poètes ; & ckés les Romains
nous n'avons pas un feul ouvrage écrit en Profe
avant/ le ttmsd^Appius Cacus. Tous les Auteurs
difent h même chofc dçs Chinois ; & Tnca Car»
cillajffb de la f^ega , dans fon Hiftoire du Pérou ,
nous l'aQure même des Américains. En effet lors
qu'on fe repréfènie un Peuple qui n'a nulle notion
de l'Ecriture, il femble qu'il ne lui refte aucun au-
tre moien , aucun parti à prendre pour conferver
la mémoire des Faits, que la Poëfie, c'eft la natu-
re même qui y conduit, c'efl Phœbus qui infpire
les vers,
JeanAventîn, qui vî voit au commencement du
XVI fiècle & qui eft fort vcrfé dans les Antiquités
d'Allemagne, aflure que ,, le Roi Tuidon pour
„ exciter la poïleriié aux grandes vertus , aiant
„ commandé à fes peuples d'honorer les belles
^ aÇlions des Hommes llluftres par des Hymnes,
„ le Roi Laber à fon exemple ordonna de com-
„ pofer des Chanfons fur ceux qiii feroient des
5^ a6lions mauvaifes, pour les couvrir de honte Se
„ •les engager à fe corriger ; que ces efpéces
„ de Satires avoïenc eic chantées publiquement
,^ devant les maifons, mais pas avant qu'on eue
„ allumé la chandelle, d'où elles avoient pris le
„ nom de Chanjùns Acâurnss , ou Hymnes à la
^ Chandelle. {')
On remarque ici quelques traces des ufages des
Egyptiens, & pcut< être une méthode plus Cmple,
plus
(♦) Oa Hymnes à la Lumière , la Chandelle de ces teins II
<^tolt vraîrcmbiabkment du Bois Gras , ou quelque chofe de
pareil.
Es
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70 PROGRES
plus naturelle pour dégoûter les hommes du vice
& les encourager à la vertu.
Le même Auteur, qui avoît fouillé la plupart
des Bibliothèques d'Allemagne , parle encore en
plufieurs endroits des Anciens vers Allemands qu'il
a trouvés par -ci, par -là; & il dit entre autres
„ avoir vu dans le Couvent de Saint Emeran à
„ Ratisbonné de vieux Vers Latins fort bons , qui
„ contenoient une defcription des faits Héroïques
„ de quelques anciens Rois; que ces Fers avoiènf
,, été compofés originellement en Allemand ; & que
„ l'Empereur Charlemagne les avoit fait traduire
„ en Latin par les plus habiles Poètes.
Albert Crantz natif de Ham.bourg , qui vîvoît
vers la fin du XV fiècle , & qui outre plufieurs
autres ouvrages, a écrit une Hiftoire des Saxons
en XIII. Livres & une des Vandales en XIV. Li-
vres , nous avoue ingénument , que les anciens
Vers Allemands lui ont été d'un grand fecours
pour la Compofition de ces Hilloires.
Le Savant Tritheme , Abbé dô Spanheîm , qui
écrivoit également vers la fin du XV fiècle , dît
en termes formels (*)
„ Cétoit une coutume parmi nos ancêtres, tant
„ François que Germains , de faire écrire en Vers
„ par les Prêtres les aflions ou les paroles mé-
„ morables des Héros & de Icurs^ Aieux pour les>
„ faire aprendre & chanter par la Jeunefle , afin
de
(*) Mos erat mffjoribus noftris Francis 6? Germants , ut He^
TQum faBa vel diEta memorntu di^nay per Sacerdotes Templorum
Patriis commendarentur carminibus , in quitus difcendis , mémo-
tandis Ê? decantandis, J-iVenum excitarentur Ingénia, quiç cçtn-
juetî^dQ multis durayit annis^ neç ^odie defecip.
Digitiz/dby Google
DES ALLEMANDS. 71
„ de l'exciter par-là à la Vertu ; coutume qui a
„ duré fort longtems , & qui n'efl: pas encore tout
5, à fait abolie de nos jours. " Je pourrois allé-
ger quantité d'autres Auteurs qui afîurent tous la
même chofe . fi mon deflein étoit de groffir cet
Ouvrage par des citations, & fi je ne croiois que
Tautenticité des anciens Vers Allemands eft hors
de toute OMMeftarion. Nos plus Savans Critiques
prétendent, que Ton trouve encore dans les Bibli-
othèques de plufieurs anciens Couvens de TAlle-
magne quelques morceaux de cette Poëfie anti-
que ; & quelques uns aïïurent même en. avoir vu
qui étoient écrits fur du vélin. Si cela eft, on ne
fçauroit trop blâmer ceux qui par parefle, par igno-
rance, ou par envie cachent de pareils tréfors à la
République des Lettres ; quoiqu'au fond je fois
perfuadé , que THiftoire n'y perd pas plus que la
Poëfie.
II eft toujours certain , qu'il nous refte très peu
de Notions de Tanciene Poëfie des Germains a-
vant Charlemagne. Ce Prince, en retabliflant
l'Empire d'Occident, voulut en même tems y ré-
tablir les Lettres. Je m'éloignerois trop de mon
fujet , fi je voulois raporterlici tout ce que l'Euro-
pe, mais furtout TAllemagne & la France lui doi-
vent à cet égard. Sous fon glorieux règne, l'ufa-
ge des Caraftères devint commun , les Loix &
THiftoire furent écrites. Ha, dit- on , commen-
cé à écrire une Gramaire Allemande ; & ce qui
eft plus certain, c'eft qu'il a compofé des Vers
Latins & Allemands. Le Chronicon Mindenfe le
dit en propres termes (*) ; & je le trouve confir-
mé
(*) Pag. ICI.
E4
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7» P R O G R E^ S
iné par plufieurs Auteurs , fortouc par M. Borel
dans les Recherches fur les Antiquités Gauloifes (^
Franfoifes.
Louis le Debonaire , Fils de l'Empereur Char-
lemagne, s'eft donné beaucoup de peine pour faire
traduire TEcriture Sainte en Vers Allemands; &
c'eft-là je penfe la plus anciene verfion , dont on
trouve les traces dans Thiftoire. Ce fait eft ra-
porté avec beaucoup de précifion par André da
Chêne, (f)
Du tems de l'Empereur Lothaire I. vîvoit Ode-
froi, Moine du Couvent de Wciflembourg , qui
.fous le régne de Louis IL fon fucccfleur , publia
une iraduélionen Vers Allemands des quatre Evan-
geliftcs. Di^ns une des trois Préfaces qui font à la
tête de cet ouvrage, l'Auteur dit qu'il s'y eft en-
gagé par les follicniions de l'impératrice Judith,
qui téraoignoit beaucoup d'averfion pour les poë-
jfies mondaines & liceutieufes; ce qui prouve ailés
{comme l'a fort bien remarqué M. Morhcff dans
(es inftruÊlions pour la Poëfie) que les Allemands
jFaifoicnt dès lors des Vers, qui n'avoient pas tou-
jours pour objet les chofcs facrées. Mais foit qu'il
y ait eu peu de ces poëfies, foit qu'elles n'aient
pas
• (]) Tnm. IT. Pni». j^26. Cum Dizain orum \ Librorum folumma"
do Uttcrati atque Eruàiti prius Notitiam habtrent , ejus StuiliQ
atque h.perii tempore , Jed Dei Omnipottntia atque Imboautia
mirohiliiét aBum eft mtper , ut cunBus Nf^uluT fua ditieni J'ubdi-
tus V betidisca l*oquens Lingua , ejusdem Divina LeSionis nibih-
p9if:us voîitiam aaeperit, fr^cepit namque cuidant uni de Gente
^axonum , qui apud fuos non ignobilis vates bobebatur » ut Fétus
• ûc A'ûvum Jeftarnsfitum in Gennanicam Linguam Poitice trnnS'
ferre Jîuderet: quatenus non folum Litteratis ^ verum, etiam UU'
peratis 6(^ra Diiinnum Fraceptorum Lc5lio paji^çi etur^
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DES ALLEMANDS. 73
pas mérité d être confervées, foit auflj que les ma-
nufcrks aient été perdus dans les troubles presque
continuels de l'Allemagne; il efl certain que nous
ne connoiflbns qu'un très petit nombre de ces an-
cienes pièces de vers , & que nous fommes obli-
gés de defcendre presque tout d'un coup jufqu'au
règne de Frédéric Barberouflc , pour pouvoir citer
quelque Poète de nom. On parle bien de quelques
Verfificateurs qui vivoient fous les Othons , d'ua
Willeramus, qui fleuriflbit fous les Empereurs
Henri lil. & Henri IV. mais ou il nous manque
leurs ouvrages , ou on ne fauroit les ranger fous
les Poètes Allemands , n'étant connus que par
des poè'fîes latines.
Mais quoique je me fois fait une loi de ne par-
ler que des Poètes qui ont écrit en langue Alleman-
de , je ne fâurois cependant pafler fous filence la
fameufe Rôswide,qui eft fi connue dans les ouvra-
ges des Savans, tantôt fous ce nom, & tantôt fous
celui de Hrosviîa^ de Hurosvith ou ànRosvite. El-
le a compfé fix Comédies dans le goût de celles de
lerence, un Poëme fur l'Empereur Othon le
Grand, & plufieurs autres pièces de vers(*). Cet-
te ingénicufè fille étoit Religieufe du Monaftère
de Gandersheim. Les Auteurs ne font pas d'ac-
cord fur le fiècje dans lequel elle a vécu , & la plu-
part fe trompent à cet égard. 11 eft cependant fort
probable qu'elle écrivoit vers l'année 970. parce
qu'el-
(♦) Taubtnann dit: halui ego in Bibliotbeca lUuJlris Puellm
Germana , eut nomen Rbojvka , Comœdias Jex in amulatimem
(uti prafcripjît;, Terentii fii&as item Panegyricum Hexamètre (^
Elegiaco Carminé OttoniMagno diâum, annis ahbinc Jeptingentis
Êf ampliui. '
E5
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74 PROGRES
qu'elle compofa Ton Poème fur Ochon I. à la prié*
re de Tlirapereur Othon If. qui régnoit alors.
Tous les Critiques donnent de grands éloges à les
poêdes.
Au refte , quoique ces premiers tems de T Alle-
magne foient peu féconds en Poètes, dont les
noms & les ouvrages foient parvenus jufqu'à nous,
il ne faut pas s'imaginer que les autres peuples mo-
dernes foient plus riches que nous en ancienes
poëûes. En Italie Le Dante , Pétrarque & Bocace,
qui font les plus vieux Poètes de cette nation,
n'ont vécu que vers Tan 1300. En France les pre-
miers Poètes dont on ait connoiflance, font le»
Poètes Provençaux; & le plus ancien d'entre eux
a écrit, félon le raport de Claude Fauchet (*), en
Tannée 1155. ce qui tombe precifement fous le
icgne de BarberoufTe (f).
Or fous cet Empereur la poèTie étoit dans fon
plus beau luftre en Allemagne. Le Monarque lui-
même , les Princes & les premiers Seigneurs de la
Nation
(♦) Le Livre de M. Fauchet porte pour tître , Recueil de
V Origine de la Langue £? Poëjte Franpife , Ryme 6P Romans ,
Bi. Antoine du Verdier , Sei;;neur de Vauprivas a raporté
la iftême chofe dans fa Bibliothèque des Jutbeurs François, Le
premter Pocte François, ou plutôt Provençal qu'ils allèguent,
cil Maître Euftace, qui vivoit en Tannée 1 155. Jean Noftra*
damus , qui a donné la Vie des principaux Poètes Proven-
çaux, eft encore du même fentiment. Enfin M. de Fontes
irelle, dans fon Hiftoire du Théâtre François, ne date laPoë-
iîe en France que du tems des Trouveires , Troubadours ou
Poètes Provençîïux. Us demeuroienC dans l'Aquîtaîne , &
s'.iflembloient i Touloufe. Le Moreri pag. ao6. lettr. E. dit
également: Maître Eulîacbe , que les /anciens apellent Huiftate
êû îViftate , fut le premier Poète François. Il a écrit un Roman
irOitulé Brut. Il vivoit vers Ion 1145.
(t) Volés Morhoff, pag. 293.
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DES ALLE MA N D S. 75
Nation s'occupoient à faire des vers ; on dîfputoîc
à la Cour de l'Empereur pour le prix de cet art;
on établit des jeux, dans lesquels {des courones de
laurier furent données par les Dames les plus qua-^
îifiées à ceux qui Tavoient remporté. L'Hiftoire
dit, qu'une certaine Dame de Winsbeck fit à une,
pareille Fête la fonftion de décerner cette courone.
Elle étoit Poëtc elle-même; & nous liions encore
avec plaifir les belles exhortations en vers, qu'elle
a adreffées à fa fille. Son époux avoit le même ta-
lent; & il nous a laiflTé une inftruftion pour fon
fils, qui e(l excellente ainfi que tous fes autres ou-
vrages. Cétoit un homme de grande confidéra-
tîon, qui accompagna l'Empereur dans fon expé-
dition pour la Terre - Sainte.
M. MorhofFdans fon Hiftoîrede la Poëfie(*)
nous donne les noms de cinquante -huit des plus
jHuftres perfonages , qui vécurent vers ce tems &
peu après en Allemagne , & qui tous s'apliquèrent
a la verfificaiion. Nous y trouvons l'Empereur
Henry VL le Roi Wenceflas de Bohème^ le Marck-
grave Henry de Misnie , Je Marckgrave Othon de
Brandebourg ^& quantité d'autres Seigneurs des plus
diftingués.
Les ouvrages même de ces illuftres Poètes n'é-
toient guéres connus il y a quelques années. M.
Morhoff avoit tiré leurs noms des remarques du
Célèbre Melchior Goldaft, Critique judicieux & in-
fatigable , auquel nous avons feul l'obligation de
connoîtré quoiqu'im parfaitement l'anciene Alle-
magne. Ce Sçavant Antiquaire nous aflure avoir
vu éf lu tous ces ouvrages dans la Bibliothèque de
(♦) Pag. 2p9.
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76 PROGRirS
Scbùbtnger , Taubmann , da ns ia Préface de fba
Commentaire in Culicem rirgiln^ en porte le fin-
guller jugement fuivant : bac prdfeSto talia funt ,
pra quitus genuinus aliquis Germanus Gracos Laîi^
nosque Poêlas fajiidiat. C eft , je croi , vouloir
trop prouver.
Mais nous avons à M. Bothmer. de Zurich l'obli-
gation de connoître depuis quelques années les
principaux Poètes d'un âge auflî reculé , plus par-
ticulièrement que nous n'ofions refperer jamais.
Cet habile homme , Literateur Sçavant , Critique
Judicieux & fort bon Poëte lui-même a publié il
n'y a pas long tems un ouvrage très curieux fous
le titre à' Ecbantillons de VAnciene Poëfie des Sua*
bes du XlIIme Siècle^ tirés de la CoîleStien de Ma*
nejje. Ce Livre, imprimé en grand in 8vo. , efl:
de 269 pages , outre l'Avant • Propos & un petit
. Gloflaire à la fin- 11 contient un nombre confide-
rable de Poëfics Suabes que l'Editeur a copiées
mot pour mot fur un Manufcrit infiniment ra-
re, qui fe trouve à Verfailles dans la Bibliothè-
que du Roi, C'efl: par les bontés de M. l'Abbé de
jSalier, qui en efl: Bibliothécaire, que M. Bothmer
a obtenu rinfpefilion de ce MSC. qui lui a été en-
voyé en original fous l'adrefle de M. de Courteille
Envoyé extraordinaire de S. M. T. C. aux Treize
Cantons. Vpici en raccourci l'idée que M. Both-
mer nous donne de la beauté de ce précieux mo-
nument. C'efl: un grand in Folio écrit de deux
mains difi^erentes & en deux colomnes qui parta-
gent les feuilles en longueur par le milieu. Les
lignes font efpacées au compas. Elles ne finiflenC
pas avec le Vers , comme dans les Editions des
Poëfies Modernes j mais les Vers ne font pas fe-
parés
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DES ALLEMANDS.
77
parés les uns des autres que fimplement par un
point. Le texte eft écrit fore lifiblemcnt & avec
beaucoup de foin. Ce Livre contient les Produfti-
.ons de cent quarante Poètes, parmi lesquelles il yen
a quelques unes qui vont jusqu'à trois cents Stro-
phes, de manière que l'ouvrage entier contient en-
viron fix mille de ces Strophes. Les Mignatures
fuperbes dont ce Livre eft orné & dont il y en a
une à la tête de chaque Poëte, augmentent le prix
de ce fuperbe MSC. Les deflèins n'en font pa^
fort correfts ni fort élégants, félon le goût du fiè-
cle d'alors , mais Je Coloris eft d'une vivacité ad-
mirable. Devant chacun de ces petits tableaux
eft un rideau de Taffetas ; . ce qui fans doute a
beaucoup contribué à leur confervation. Ils ont
rarement du raport avec la Pièce de Poè'fie dont
ils ornent le frontispice , mais ils font allufion aux
inclinations favorites du Poëte : tantôt c'eft une
dialfe, tantôt un Combat, tantôt un Tournoi, &c.
La plupart de ces Peintures font encore ornées
d'un Casque , d'un Bouclier ou d'un Ecû dans les-
quels les règles du Blazon fe trouvent très exaéle-
ment obfcrvées, de manière qu'elles pourroient en-
core fèrvir à répandre des lumières fur cette Scien-
ce & à la perfeftioner. Elles aprenent auffi à
connoître les Habillemens , les Armes , les oreîns
de Guerre , & diverfes particularités femblafales de
ce fiècle reculé , & peuvent donner des connois-
fances utiles aux Hiftoriens, aux Poè'tes & aux
Critiques fur tous ces Objets.
Au refte M. Bothmer croît avec beaucoup de
vraifemblance que ce MSC. a été recuilli & fait à
Zurich même, par les foins d'un certain Ruedger
Manejfe, qui ctoit Sénateur de cette Ville en l'aq-
née
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78 P R O G R E' S
liée 1280. & qui s'efl procuré une ample Colleaîotr
des meilleurs pièces de PoëGes Allemandes de fon
Siècle*
L'ancien langage Allemand n'a que très pea
d'affinité avec notre langue moderne. Le Caràélè-
re> qu'il eft nommé quelquefois, Câraélère de
Moines , les noms , les verbes , les phrafes , la
con(lru6lion,tout eft différent, & il faut une étude
particulière pour comprendre l'ancien Germaim
Je ne m'y fuis jamais apliqué , & c'eft qui me met
dans l'impoffibilité de juger fainement de toutes les
beautés que d'autres trouvent dans ces vers , &
encore moins d'en traduire quelques morceaux
pour les enchaffer ici. Mais autant que je puis m'y
connoîtr^, voici quel en eft mon fentiment. Tou-
tes les Poè'fies contenues dans ce fameux MSC-
font ou des Ode» , ou des Vaudevilles. Toutes ,
fins exception , ne rcfpirent que l'amour. C^ft
pour cette raifon que leurs Auteurs prirent le nom
de Minne-Zingers qui fignifie en vieux Allemand
Poëtes ou Chantres de r Amour. L'ufage de cette
cxpreflîon s'eft encore confervé jusqu'à ce jour
dans l'Idiome Hollandois. On voit par les obfer-
vations Gramaticales & par le Gloflaire de M.
Bothmer que le Langage de ces tendres Lyriques
n'a rien de barbare, mais que leur ftile eft pur &
affervi aux plus exaftes règles de la Gramaire.
Leurs Odes n'ont pas une grande élévation, Tob-
jet de leur chant n'en paroît guère fufceptible. Ce
font plutôt des efpèces de Quatrains ou de Stances.
Leurs Vaudevilles ou Chanfons fouffroient encore
moins de brillant ou de fublime* On y trouve
donc beaucoup de naïveté, des Images affés no-
bles & fort narurelles, par ci par là des traits de
Mora-
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DES ALLEMANDS. 7^
Morale qui marquent du génie & qui tendent à în-
fpirer la Vertu plutôt que la Galanterie. Il eft à
croire qu'un Siècle qui a produit tant de Verfifica-
teurs pour chanter l'amour , n'aura pas été deftî-
tué de Poètes capables d'embraflèr des objets plus
graves ,& c'efl dommage qu'il nefefoit pas trouvé
alors en Allemagne plus d'un Manefle pour en for-
mer des Colleâions propres à inflruire & à anmfèr
]a pofterité.
Toutes ces poëGes nous conduifent à ces tems
déplorables, où l'Empereur Frédéric II. ayant été
la vifl:ime de l'orgueil & de l'ambitîon des Papes,
l'Aliemagne tomba dans les* funefles défordres du
grand Interrègne, qui commença en l'année 1250.
& dura jufqu'en 1273, 9"^ Rodolphe, Comte de
Habsbourg, fut élu Empereur. Ces vingt -trois an«
ne forment qu'un enchaînement continuel de trou-
bles, de guerres & de déflations, que caufa la
rivalité de cinq compétiteurs à l'Empire, apuyés
chacun par un puiflant parti. On fent bien que
des tems auflî orageux ne pouvoient qu'interrom-
prc les progrès des Lettres, & furtout de la poe-
fie*, qui ne fleurit que dans des jours tranquiles &
fereins.
Presque les (êuls verfificateurs que l'on connut
& qu'on eftimâc alors, étoient les foi-difans Mai^
très Chanteurs (*)• C'étoient des Poètes de pro-
feflîon qui formoient une Société, un. corps *à part
dans l'Empire , qui obtinrent le monopole exclufif
de débiter des vers & de célébrer le* faits & geflei
des preux Chevaliers & des valeureux Champions
dans les tournois. Déjà rÈropcreur Othon II. leur
avoit.
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8o PROGRES
avoit accordé plufieurs grandes prérogatives, qtrî
furent confirmées & augmentées dans la fuite par
Maximilien I. dans la fameufe Conftitation qu'il fie
de honore ^ privilegiis Poëtarum. Les Empereurs
Charles V. & Rodolphe If. y ajoutèrent encore de
nouveaux privilèges; & dans leurs Ordonnances
de Police des années 1548. & 1577. ^n trouve
que ces Maîtres Chanteurs font diflingués fort a-
vantageufcîment des mauvais Rimailleurs, dont
r Allemagne étoit inondée, & que Ton y profcrit.
11$ obferv<^ienc plufieurs cérémonies allés bizarres
à la réception d'un nouveau membre de leur
corps, le couronoient de laufier, & lui donnoienc
la permiflion de porter l'épée, M. Morhoff nous
donne un échantillon de leurs poêfies (*). Ceft
une efpèce d'Ode 00 plutôt de Chanfon pour être
récitée avant une bataille. Cette pièce, quoique
d'un (lile afles aprochant de celui d'à-préfcnt, me
paroît fort mauvaife. 11 y a un refrain qui dok imi-
ter le fon du tambour par ces mots:
Pidi , pom , pom , pom.
Dr art drom^ drom, drom,
Kyrie Eletfon.
Malheur aux Poètes, qui du plus beau talent de
refpri^ humain, d'un art infiniment noble font obli-
gés de faire un vil métier !
Cependant il ne faut pas confondre avec ces
Maîtres Chanteurs une autre efpèce de Rimeurs,
qui infcftèrent pendant quelque tems l'AJIemagne,
& que Ton nommoit des Maîtres de jp>rw/^ (f) , c'é-
toienc
(♦) Pfip «ÎK. , ;
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bEs Allé M A r}i3 5. gï
tdîeht de mauvais plaîfans dont on fe fervoït danà
les Proceiiions publiques i mais furtouc dahs leé
enercices des CheValîers de TArquebiKè. Lorsque
ceux-ci tiroient ad blanc bu à 1 oifeau, ils faifoienè
des imprûmcus fur chaque coup. Leurs bouflPone-
ries, fouvetîC mêlées d'ôbfcénités, font très pro-
pres à amtifer la populace.
Pour revenir plus immédiatertiént à notre fujer j
nous remarquerons que, félon le raport d'une an-
ciene Chronique dé Limbourg,Ies Allemands chan-
gèrent vers Tannée 1350. (ce gui tonjbet îbus lé
régne de Charles IV. ) non fèulehient leurs habits ,
mais auflî leur poëOe & leur mufique. Il paroiè
cependant que cette réforme n'eut pas encore tout
le iuccès qu'on en auroit (buhaité; & les tfaorceaux
de Poëfie qui notfs reftent dé ce tems-là, fe res-
fentent de f imperfeftion qui accompagne ordinai-
rement les premiers pas n[ouveaux daàs chaque
»t^ ^ .
Environ dans ce temslà ott du ihoins peu a-
H^ant, vivoit Hugues de Trîmberg, qui a écrit un
affés gros livre en Vers, qu'il nomme le Coureur (*)
& qiii contient une Satire aîTées ingénieuse des a-
bus qui régnoient alors dans tous les états, maié
principalement parmi le clergé •
Il avoît pour contemporâirt uh certain FVey-
danck , qui compofa un ouvrage qu'il intitula iâ
Bible des Laïquesi , c'écoit un réirit en Vers deû
principales Hilloires du Vièujc & dU Nouveaii
Teftament , mêlé de Réflexions Morales & d'ex^
ccllens préceptes;
: Vers la fin du quinzième iiécle fleuriflbit eH
F
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t^ B !t O G R :I? 5 :
Allemagne te Célèbre Ççnr^d Ccku Protuctnéii
natif de Schweinfurtl^ fur le Mam* L'Emptireutl
Frédéric IV. honora, cet habile hoqmi^ d'une cfti-*^
me particq|ière ; & ce fat des^ maina de ce Mo*>
narque qu'il rej^ut le Laurier Fo&ique. QuclqueÉ)
auteurs, prétendent qu'il fut le premier Poète AUcmï
mand qui obiîbt'ctt honneur. Cek^ 9'étoit acqi}»[
également la protefUon de Frédéric duc de Saxe
& de pi ufieursâljttres, Princes de- TBmiMre, Notw
avons une Edition de les- Poêflies à Nurismber^
en' 1502.
En Tannée i4{M(* Sebaftîen Br^ncft, facMox Ju^i
risçonfulie & ConfeiJler de l'EmperesJr Frederie
VSt. publia iin Livre qui apour. tître^, leNQwmaUk
Fàiffeau de Narfagmiç^ (*) Ceft une Satire dert
inœurs du fiécle; il y repriéfentet quantité de fbioD
dledifferénte» efpécesn fm^vcAi^ dans un- vaiffeani
^uî yogue au |f é d^ yentfi ;
}e ne fçaurojs i>a{rer fous filence le ï^oëme qurs
pouc tStre » ks^ Fdtsy ^ Gefin ahfi que les- dMgert
du.pTÂUx » du leuabli & du bhn retêûînmi- Héros &"
Çhioalhr Tewd%nck^ cgmpoft.par MelcfaiorPeiDD»*
2ÛPg> Chapelain àc Saj^t-Albati près, de Mafe^ci)
4c rrévôc de S^içt- SeboWe à Jifuremberg. L'au*!
leur dedïé fon Ouvra^à Charlet» (^int^ qui jifé^{
tpîtajor^' encoije^ qwe Roi d'JSfpagoe^ Archiduc
d'Autriche, pue de l^ourgogne âfic^ aofli'cePoëmë)
paput^il en, 1517 ,. ç'qft- à- dire ^ dctiK. aosNavant
réiév;igpn de Ci|i^rle«i; à l'Empirei, LeJ ftilè dôf c^
I^ivre.eft dur âfc rude „ Ir Verfificarion lâche & peit'
corre£te. Au refte il auroit paru digne d^emitiii)
- ^tt
(^y Le mot Allemand Naft veut dire Fol ,% N$%r^gad$y
Fais de la Folie. «
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DEf ALIË^MANERS. B5:
m Peile le Boffij , ^a} â i>réfôfid(t'^tabfîf pôur règte
Ïu'iiA Pdêfe épK|ûe dok choifif' fbn Sujet àvatit fer
^ierfône*,' & difpofer toutes 'iesaftions qui fe pa$^
fènc dans- le Poëme avant que d^ fçavoir à qur il»
veue les attffbwè. Car ici c'cift» l*Envie, l* Audace,
la Préfomdon , l'Amour, & d'auAôs paflîoiîs^, qtûi
fènt'perfbniSéés'^ que rAutïeiit- kitrodult fous des
nomi^ Allégotiquei^ , qui veulent feduire le CheVa^.
îier^TeWrdamrfc, qui lui tendent fans celle dès pié.,
gcs ; mais^ ce Herosf s'en tiré toujours avw bon»
neur', & cMtietnûh tous" cen eiinemis fecrets^de
Ion- tef)bi Sous' cette Allëg^rie conrinuellfe TAu* '
ttctr trouve* ïhbîen^derapdrteï' les ptincîpau» traiijj
de la vfe dfe l-Ertipereui» MàxifDiRen' I. & dé Ic'pré?
ienter cwnmt uriP modèle de Veftui'
€eqtjFgâie^ce Pbënte, ce (bttt tes rétô» lotigm
& enpuieuxde toutes les aftidn» merveilteu^ quet
& Héiot enrtreprènd pour plaire à la^ PrincdFe
E^temeich, Fille du Roi Romreich, qui règnokr
tifims mr Pâ& fnuévefrs le couchant du Soltil: te*
Comb^s^ en - Chatnp-Clos , ïes^ Mbuftces Terras-J
f^, lei'Eiobs PbiU'fendu^s , & toutes ]erGentiJi>
îëfîés defattcietie Chevalerie nyfofltpomc épvrg*^
nées , il y a. à la Bibliotheqiie^du K<A mi exemi-:^
plaire- de ce Éivre îifeghifibuem^t împriméi
A^pfrès avdif parfë d'un Pbëctte épiitîue , oftftaîl^^
je ne pas intth^rottvpife l'ordre de» cem» , de<^«dw
cQùt d'un côu^ ju^^à un oui^râge qui'fiwis^ Uirt^mr
Bâi^-eomique &^fou8 une forme très fimpte&i
mïVe, nouti^préfentë un tâtMëatf î^arÊiie des mmm^
éû fietlfr&l!ïcririquela^pH»-iflgénfeufe'dès^fi^
hûmainesr? G'effi /{^y«i> h^RMa¥ê: Ce Livî^- eft:
dtt^buë à î^ièdlk^^tB^umant^, qui' après avoir eiSKité
bien des malheurs parvint à êci^6eerMiîi«^4(iDiiii
Fn Magnus
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»4 P R -O O R E?^
MagDUS de Mecklenbourg, & qui le publia en Tan^'
née 1522. Ge n'eft pas ui> petit préjugé en faveur'
de cec ouvrage , qii'i! a été traduit en toutes le»
Langues, & nommément ea François , comme il
paroît par la Bibliothèque de Du Verdier , qui le
citG fous le tîcre fuivam*
„ Reynier It Renard , Hiftoire tkè$ Joîeufe &
,, Récréative, contenant 70 chapitres, imprimée
^ en deux Langages, François & Bas- Allemand^
,1 Anvers 8vo. par Chriftofle Plaatin 1566."
L'original Allemand a 75 Chapitres , dont le
Tradu6leur François a retranché ceux qui traitent
uop librement des abus qui s'étoient glifles parmi
le clergé. Comme TAoteur vivoit dans la Éaflîe-
Saxe , il a écrit dans le Patois de fon Pa&. Il y
a bien des gens qui le comparent à tout ce qpo
nous avons de meilleur en ce genre.
Je ne cite peint le livre de rEfpiegle, qui n'étant
point écrit en Vers ne fçauroit trouver place ici,
M me paroît d'ailleurs fort au deflbus de Reynier
Le Renard, quoiqu'on ne fçauroit lui difputer le
Carafilère d'Original en fon efpèce. On voit en-
core aujourd'hui le tombeau du fameux EJpUglc
dans la Ville de MpUn^
Presque dans le même tems vivoit Jean Sachser
qui d'abord fut un fîmple Artifan 9 parvint enfuite
au porte de Maître d'école à Nuremberg , & s'ap-
pliqua fortement à la Poëde , depuis l'année 1514.
jusqu'à 1567, Il a canpofé & publié 6048. piè-
ces de Vers dans lesquels il y a du génie, mai»
comme on peut croire, peu de fça voir, & qai fe
re^nteût du mauvais goût univerfel de ce fiède,*
ain& que de la rudeflè delà I.angue & de la ftéril»
abondfance du Foete^r
a
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B£s ALLEMANDS. «5
Ce fut vers ces tems-cî que Luther entreprît ù,
réformatîon. Le Zélé & peut-être TEnthoufi-
asme pour f% nouvelle doârine s'étoit emparé de
tous les efprits , & paroîc avoir a;bforbé le goût de
la Poëfie, les '1 roubles & les Guerres cruelles que
h Reformation fit naître achevèrent d'étouffer là
voix deg Mufcs ; perfone ne penfa à faire de^
Vers. II n'y eut que les Maîtres Chanteurs , qui
continuèrent leur métier^ & qui rimaillèrent pour
gagner leur vie,
A mefure que TAIlemagne le calma , le génie
Poétique de U Nation fortit de (k Léthargie. M.
Morhoff raporte en entier un Poëme fur la Ligue
jlnféatique^ qui jfut compofé en Tannée 1618 par
Jean Domann Syndic de Villes Anféatiques. 11 y
\ de fort jolies chofes dans cette pièce , (& la veri-
fîfication en efl: plus régulière que de tous ceux qui
l'ont précédé i mais le ftile n'cft ni afles correft ni
^fTés poli.
Cependant Jean Domann <& on certain Vierre
DenaiftuSj fameux Jurisconfiilte & Aflèflèur de la
Chambre de Spire qui verfifia au commencement
du XVII fiècle, furent les avant- coureurs du grand
homme qui étoit ïur le point de paroître , & qui
devoir donner un nouveau luilre à fa Patrie par
les Vers immortels.
Car je ferois fâché de me faire illufion au point
(î'envifager les Poçces dont j'ai parlé jusqu'ici corn-
me excellens. Non certes; leurs ouvrages ne fon$
que médiocres, & fe reflentetit de l'écat de langueur
où les beaux arts Si les lettres étoient tombés gc*
çéralement après la décadeHce de l'Empire des Ro-
mains. Tout ce qui me paroît, c'efl: qu'on peut
Ow? préfomtioa comparer ces ancienes Poëfies
F 3 Alltt
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Z6 > 4? A O G R .1? S
Allemandes àcell^ des Ronfards^ desDuBanas^
S: de tout ce que la France a produit avan. Mal-
herbe. II Jî'en eTl pas de même pour T^talie*
pâme, Pétrarque, FAriofte , Bo'ccace, le Tris-
ïîn, le Taflè, ces hommes incomparables avoiienc
déjà vécu. lorsque M. Opîtz p^ruc.
On. aura remarqué, que je ri'ai.cit^ d autres Poè-
tes que ceux qui ont écrit précifement en Laïque
'Allemande, fi j*avois voulu raporter les feuls noms
de ceux qui fe font rendus célèbres en Allemagne
par des Vers Latins, j'aurois été obligé d'excéder
tes bornes d'une Diflcrtation. Je fiiis d'ailleurs près-
fé de venir à ce tems heureojt , à ce.fîèck, guî
produifit Opitz.
Ceft ici une vraie époque pour la Poëfie en
Allçmaçne. j'eflaieraî de faire connoître Opitz ,
fon génie ^ fes ouvrages dans le chapitre fiiivanr^
Apres lui cet art eft encore perfe6lioné peu à jpeu
parmi les Allemands ; & la fôulè des Gens de Let-
tres qui s'y font apliqués, n*a éi;ç que trop, grande.
Dans -la fuite de cet ouvrage je tacherai de feire
choix des Poètes les plus célèbres qui ont écrit de-
puis Opitz, & de donner une traduSlîon de quel-
ques unes de leurs pièces. Ce n'efl: pas que je croi^
pouvoir les préfemer dans tout leur éclat. Une
foible VerQon en Profe n'éfl: guère capable d'ex-
primer des beautés Poétiques* Lç Stile , les Ri-
tnes, l'Harmonie, la Cadence, tout coticourt daas
les Vers à charmer l'Oreille & à ravir l'Ame, L^
Profe dénuée de tous ces avantages , ne peut tout
au plus qu« rendre à l'eforit les idées engros, Se
fairi: connoître le plan général d'un Poème* Qu'eft-
çe encore lorsque cette profe n'efl: qu'une tradu6lion
4*un homme ^ui n'écrit pas dans fa langue!
Les
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^«s 4A Ié L€ M A N15 s. ^
réflexions fur le ïbéati^àAllemarti & far le^^^Xt-
^ars de CJecÉe Natiom • Trop heufecix fi leUexèm-
pJesdom je ferai choix, paroifent à itfei Jugèé^
claires dQ^ preave^ de ma 'ITiéfe, Si qne Jfe ifoîé fbn-
de i dire: Jluta ii^.mojira ftumina tygnosk -
<: H A PITRE y.
d'Ùpi/z.
Dès le moment que Martin Opîtz deBoberfeW
&t paroîtrefes.premiers Vers, il.édipft tous
Jes Poètes dont la réputation aroic brillé -peudjint
Jes ténèbres qui couvroîèqt les Arts & les Sciences
gn Allemagne.
Il naquit le 23 Décembre 1597 dans la Vflle dé
Butitzlau en Siiéfiey de paretis cf une. fortune Mé-
diocre. Aptès^voiv'kQwcQVip voia^é Ôc pafle par
diiFerens étais de la vie , ,il parvint au pofte de
coiifeiiler .du Princeide Lignite, & fiit enfifi His-
toriographe du Roi de Polognei U mottrut de. là
PeTle aDamzic I^e'20 d'Août 1(^93, fans avoir xéîë
marié. i /
* Les voîages lui avtôîent ptpciurë la conftôîflailce
des^ phls llluftrèé Sçat^âns de'fon tems ; & il en-
Mçtenqît jm ÇoiRîîaprQe de Lettres:reglé avec |le fa-
ineux Grotius , Saumaife , Heinfius & beaucoup
d*autres. il profita de leurs' lumières, &.indépen-
âamnient de fon talent pour la Poè'fie , il devînt
lui- même grand Littérateur. S'il y a un défaut
F 4 que
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la F K Q O. R E 8
qut Von poiSc reproçhçr à ie$ poëfles » c*eft qu'eV
Ififom trop chargées d'érudition.
L'éc^idop que j'ai de fes œuvrer efl: de Tanoée
1644, ^n trojs Volumes in Oâavo d'mi caraÂèrç
jfort mçnu, & qpi pouroîeat faire fix volumes d'un
çaradlèrç Taifon^blç. J'ai marqué eu TOie les lîtres
<ies pièces que ces œuvres contienent. (*) On ne
(♦) Volume L
T, L'Epître dédlca^tcire qut fe#t en oiémc tem j. de P/éface •
^tée de Brèflau le î8. Décembre 1628.'
2. Epîtrê à Uladiflas IV, Roi de Pologne & de Suède.
3. Epitre au Prince UJric de Hoillein.
4. Le Mont Véfuvc, Poème.
5. Défçxiption de la Seigoe;urie de f^lguet en Silêfîe , apa»
tenante au Duc Henri Wenceflts de Muniierbergi
6* Dapbné , Poôme Lytiquç pour C^tre mi» en Mufiquç,
7. Eloge du Dieu Mars , fo§me.
8» De la tranquiliité de Pâme.
9. Ek)ge de fa Vie champêtre.
Ta L'Antigone de Sophocle « traduite du Grçc , & mife ea
Ver» AlIenaandjS ay^ec des notes fort fdvanitfs. '
11, Les Troyenes de Sén^Jquc, uaduites du Latin eq Ver|
Allemands avec df s notes.
12. Les Sentences de Caton , traduites en Vas Allemands.
13.. La vanité du Monde, traduit du François.
14. Les Quatrains de Pibrac, traduits du Fiançoif en Vct$
Allemands.
" 15. Hfmneà la gloire àe Bacchus, traduit duHollandois
<elicinfi4is. ^'^
Volume IL
t. Les Forêts poftîoues: lîyre Fumier • nul contient dés
Odes, des Epitrts & des Poë/Jes diverfcs fur toutes fortes de
fiijets. " ' ^
2. Les Forêts po&lques: livre IL contenant des Epîthala-
fjes.
3. Les Forêts poétiques: livre III. cçntenant des Elédei,
4 Les Forêts poênques : livre IV. contenant des Poëfies
tendres, des Paltorales, des .Eglogues, des Sonets, des E-
5« Les
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9 E s ALLEMANDS. 99
peut que «'étoner de voir un homitfe qui n'a
pouffé fa carrière qu'à environ 42 ans, poffedep
une Erudition auffi profonde , une Leélure auffi
vafle, voyager presque continuellement, àc trou*
ver le loiOr, au milieu des agitations de la guerre
de trente ans, d'écrire un fi prodigieux nombre»
d'excellens Vers. 11 n'apar tient qu'à de certains
génies fupérieurs, de remplir (i merveilleufcmenc
le cpurt efpace que la nature mec entre Tindant de
1^ naiflance & celui de la mort.
11 eue le bonheur de jouir pendant fa vie d'une
réputation qii'il méritoit. On difoû de lui , non
potefi
5. Lei Amours de la Nymphe Herçtnîc, Paftortlç.
Volume III.
pQëJies Sacrées.
1. Le Cantique des Cantiques, rois en Vers Allemands ei^
forme d'Ëgiogue. Il oomienc VII. Chants, qui forment un
I^laio^ue entre Salpmon & U Saiamite, les filles dç Jéiufa.-
iém chantent le Chœur.
2. Les Lamentations de Téremie en Vers Allemands.
S. Le Prophète Jonas , Poème.
4. Judith, Ouvrage drammatique.
5. Cantiques Sacrés, tirés des Epîtres çje Saint Paul Çç 4et
autres Apôfres,ppur être chantés les Dimanches & lesFôies.
C. Odes Sacrées tirées des Pfeaumes de David.
7. Hymne fur la naiflance du Sauveur.
è. Pcnfées à roccafîon de la nouvelle année 162T.
9. Soupirs pouffes pr^^ de la Croix de Jéfus-Çhi-ft.
io. Le Pêctieurrepentint. ^
i I. Hymne à la gloire de Jêfus . Chrid.
i%, Réfltxions fur le Martyre du Sauveuir, en profe.
13. Confolations Chréticnes & Philofophiqucs contre ks
çialheurs &les revers de la guerre, divi fées en quatre cha^s.
Il a traduit outre cela en Vers Allemands TArgemj de
Sarclay; mais elle ne fe trouve pas dans le Recueil de fe^
uvrages. Je ne reporterai pas non plus ici les titres de dif-
(îrens Ouvrages fore favans, qu'il a compofôs en profe.
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jl9 PROGJirS.
ptteji afieiAreaJfm mu/sTpatria; & jecrms 'gaTov
Be â*eft pas trompé cfe beaucoup. M. Morhôff
bi compare & femble même lui préftirer le Poë*.
tcFUmming^ qui écrivit après lui ; maâ.il n'apar-
tient pas àjiouc le moode de ieniir toutes les beau^
Il efl: remarquabk que ce Poece t étë comempo*
rain de JVIistlherbe , & que ces deux grands bùm^
SD6S foBbJûient s*£tte donné Je mot pour iaire C(Di>-
noîcre le véritable bon goût des Vers, 1^ ûû Al*
Icmagne & Tautre en France.
Voici la.traduâion la plus fidèle qu'il m'a été
poiBble de faire d'un poème d'Opitz^ fur Tembra-
femcnt du Mont Véfuve. Ceft une de fes premiè-
res produftions. Si ron vouloît faire le parallèle
de ce poème avec qaer^ue autre écrit dans une
langue différente, l'équité exigerait de.oe.pas opo-
ftr un original en veis à une traduction en proie;
an moins faudroît -il , ce me femble , ] renvtcfer les
vers & retrancher les rimes de la pièce qu'on croit
rivale, la réduire en langage ordinaire, & puis
confronter.
Cette remarque générale doit s'^plîqueç k toutes
]ès pièces 3^i font contemies dans ia fuite >iGfe cet
ouvrage.
LE MONT VESUVZ.
Pofme 4e M. Opitz.
: Nature dont la vertu fit éclorc lesilémens. Toi
qoi es le premier ouvrage & le chef-d'œuvre du
Tout-Puiflant, Sœur de tous les tems & Mère
des Etres d'ici- bas j DéefTe permets à mon elprit
cte
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4ç pénétrer. (lans ton empire; qu'il ofe raconter t^
inervèïïtes',dont avantirioi nul Germain n^a parlé en
^augage des pieux. Guidé par la y éri té, je ^vai
çlëveloper la caufe qui faic lancer des pierres aa
Véruy^e,, d*où naît fon^émbra/èment^ queJJe mar
tière nourrie fes flammes.
. Viens Apollon, viens i.mojn recoprs Tuivi de I^
troupe Tacrée des Mufes.' Que leur main rae^guidc
dans cette carrière nouvelle. Je marcherai d'iia
pas (Tir, PU 'leur eiprit me conduira.
^ ,Et toi héros , cligne riejet.ton des iljuftres Piaftes,
înnage de rapciejî neros , J.amiére de x:e fiècie^
Prince par ta haute najflanœ, mais plus eincore par
ta valeur, toi qui es doué de tous 1^ talcns *& d'u-
ne ame inébranlabje, délices de la patrie, & qui
fais îa plus douce confqlation de.tes pe]ifp](?s, par-
donne par un effet de ta clémence aux tranfporjs
ae mon cœur, qui ofe te^confaçrer dcsV^rs fi
peu dignes de tes regards.
Pour offrir des préfens à un grand Prince^ je
fens qu'i l faut pofTéder des tréfors qtfi n^e wanqueqt,
Suplée à ce défaut^ jette fur moi quelques .wypqs
de cette grâce, de cette proteajon qi^.tu;w:cordes
toujours aux Sciences. Daigne recevoir mon ou-
vrageavec pldfir; & pui/Te ce léger plaiOr ê^re
bi;;nLut fuividela douce fatisfa^ion de voîi: finir Iç^
horreSTS de cette guerre cruelle ! Oui JPrmce, tu
polèras par la bénédiaion du Ciel qui te chérit
les fondeinens d'une nouvclje félicité : ton bras for'
rnidablç frapera ceux qui pourroient fpimer Je des-
fein de mettre notre patrie, de nouveau en feu &
énfang: les villes & les habitans delà oampamefe
réjouiront de ton bonheur^ & tu fçr*s icTfe té-
moin
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ft PROCREAS
moin de la liberté de tes fujets & de la gloire d^
jtes enfans !
L'homme fage fe fait une habitude d'employer
i mille travaux le tems » ce court efpace de la
▼ie; &fon efprit s'aplique aux plus beaut arcs.
Maïs il ne trouve rien qui foit plus propre à proui^
ver fa fupérioritë fur les autres £cres qui habitent
ce monde qui les nourrit , que lorsque employé
les facultés de Ton ame à contempler ce vafte édi-
fice depuis le faite jufqu'aux fondemens ; lorsqu'il
occupe les yeux de Ton efprit; qu'il promène (es
regards fur les ouvrages de fon Créateur, dans les-
quels la fageflè & la bonté éclatent par tout; ô^
quand il examinç & relTence & les mœurs de la
nature, d'abord. il remonte vers les lieux d*où ij
cftdefcendU| il s'élève jufqu'au Ciel, d'où il tient
cette partie de la divinité qui eft en lui. Il obfer-
ve que tout eft uniforme dans cette voûte immen-
fe , fi fimple en fa Uruflure. Il n'y trouve ni
grandeur ni mefure de compas, relative à aucanç
autre. Tout y eft fans mélange, entier» parfait
& immuable. Tout ce que les cieux renferment
eft orbiculaire & lumineux, aflèrvi au mouvei»
ment, rapide par fa nature, riche & puîflanc par
fes effets. Il Y voit ces fphères où les étoiles, ces
ornemens de la nuit, font leur courfe cternelle|
tu deflus desquelles brille le trône dq Très- Haut.
Après avoir examiné ces corps céleftes , il en-?
vîfage les Etres qui font fous eux. .L*air, le feu,
l'eau & la terre devienent les objets de fon atten-
tion. H voit ce qu'ils font & ce qu'ils dçvienent,
lorsque le froid, le chaud, l'humide & le fec les
unifient enfèmble. Il connoit par quel mélange
ac|-
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fiE9 ALL E M A N 6S- ci
àdmkable les couleurs fe peignent à nos yeux;
quelles font les caufes- du goûc^ dés Tons, de Yo^
deur^ du fentimenc: Il dillingue lés créatures qui
font: douées d^une amé & de la vie, parmi ces ê-
ires difFerens Thomme lie fautoit riém trouver dd
plus noble q«è Thomnie mêrtie. Il fent la préfé-
rence nauireile qu'il a fur tout Ce qui habite la ter-^
re, fur tout ce que nourrit Tair, ou que la mer en*
ferme dans fon fein.
Oui, le grîand livre du monde, qui nous parle k
chaque pas de celui qui créa l'Univers & qui ver-
fe |encorc fi abondaiîiment fur lui ks divines in-
fluences, contient la plui belle étude t Eh! fany
ces connoi/Tances à quoi nous ferviroit notre exis-
tence? Sommes -nous fur la terre pour chercher
avidement Tor & l^argent , les honneurs & la pom-*
pe; pour paflèr les jours & les nuits dans lés fes<^
tins, ou ppuï" fatisfaire a taùt d'autres befoitis hon<'
teux? 4 ' ,
Non , rhQtnme n eft véritablement homme que
quand la noble ardeur de corinoitre rélève au des-
lus de lui-même; quand il pénètre dans Je fein de
la nature. Tantôt porté jufqu'au firmament, il y
rit des pnlais que nous élevons, de Tor que noui'
tirons des entrailles dé li terre, & de toute la ter-»
tt Diéme. Lorsque d en - haut il contemple ce pe-
tit globe que la mer couvre en partie & qui eh par-*
tie efl déJert , inhabité, tantôt fable aride, tantôt
vafte folitude , & millepart tout à fait cultivé ^ '
cfouvert ici de neiges éternelles, ôc là cmbrafé d'urt
Soleil dévorant; ah! Çdit- il eft foi -même) eft-'
ce là Ce point où ne règne jamais le repos , fi Je
fer & le fea n'en font le partage? Où Ton ne rçfpf»
ft ^ue la guerre? Hofcofés ^ue nous fommcs ! Voicf
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94 T R O G R F Sf
jusqp'où vont les Limites des Germains ; n^altoQi
pas plus avant ufurper fur l'Empire dei FrançoiSé
Ceft ici qu e(t tracée la frontière de rHefpérie. Le
iàge regarde d*un œil fefein & tranqUife tout ce
qu on prend aujourd'hui pour le rendre demain.
Il efl content , lorsque les fciences qui lé Conduî-
fent à connoître la caufe de toutes choies , le font
en même tems triompher de la mort & de Ten-
vie.
Qu*efl:- ce donc qui peut m^empecher pluslongf
tems de remonter à mon fujet ? déjà mon efprit
6*eleve dans les airs , & fon vol rapide m'ein-
porte,
^ais comment puis-je , ô deUcieufe Campaftîè ,
te contempler jde tout côté? Chaque Bourg, cha-
que Hameau a fes charmes , fi la fertile Italie eft^
le Jardin du Monde, tu es le Jardin de Titalie- Le;
Ciel te rit fans cefle. Les Zëphirs qui foufflent*
chés toi , font, toujours falutaires. Bacchus &:
Ceres s'y difputent le prix. Celle-ci vante ks Epis
Dorés, celui-là fon Jus Divin. Flore y fait naître'
un double printems , & ïes fleurs y couVrent deux:
fois les Champs, Nulle Mer n*a fur fes bordi^
d'auflî beaux Edifices. Nullepart on n*a vu de*
port auffi fupcrbe que Cajette près du tap de Mi\
fene , ou le Fils d'Anchiie, conduit par l'a Sybilte;
à travers les ténèbres, trouva le cHèmîrt des En»
fers ;. où le Peuple R omaid ,. profitaht des Bains;
Salubrcs, paÛa ks plus beaux jours dans les Brâs
de la Mollelle ,/où la Volupté ,. plujs quç la tî'ùeN
i;^, fit perdre à Annîbâl itiétne fa puiflahcé. Icf
les Montagnes couvertçs de buiflbns, (ont ridieS.
€» gibier; là^*J'ceil découvrîmes viçnobîes^rtilesV
todelicieufe falerne^ l^Sibond^niQ Serrent a-, l'cGautr
que
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» E j A L L E M A ^ D s. ^^
^è ï^aticonnoît mieux que tous les autre» coteaux
où jadis Ja tendre Néréide ft promena dans te
calme de la nuit, où dans une feuille 4e vigne elle
recueillit les larmes que lui fit verfer l'amour : ck
près du Lac de Lucrin Galathée par fou adreffe é-
cnapa aux Satires effrontés.
L'on convient cependant que le VéfuTe l'em-
porte fur tous les autres Monts : Véfiive l'obiet
de mes chailts ! il Voit devant lui la Mer de Tvr-
riiene, qui en baigne le pié. Ceft dans cet«
Mer que selervent les Mes de Procbyta & de Pvr
îJef«/^ ».* ^'^f« fameufe par fon air fouvent in-
nm; amfi que la célèbre Caprée qui fervit de rer
•raite au farouche Tibère , lorsque ce Maître de
fa: Terre , rongé par les remords , n'y vivoit que
dians les cruelles inquiétudes gui accompagnent le-
erime, exemple terrible pour ios Tyrans, qui com.
mençant par profcrire les Gens de bien , finiflènc
par feprofcrire eux-mêmes; qui devienenb l'hor-
reur du Genre Humam, Se qui après une cruauté
de courte durée font obligés de defcendre tout faiw
glans ehés le gendre de Ceres i
Plus- près du Véfuveeft fituéè h béh Napkr,
afcMs Fàrthenope àix lombeau de fa Nymphe!
ceft.la que coule le Sebetbt, t^ui arrofe cccte char-
Boante contrée quePellion choifit autrefois pour»
Mtir fa maifon de plaifance nommée Pau/tlippl.
Virgile, le divin Virgile choiat même le pie^de
cette Montagne pour y faire fon tombeauf Do
fertiles prairies , de vaftes plaines abondances en
fruits (S en troupeaux , environent Je Mont- H
Jçço.1 de fes vignobles de l'ombre & des piaifirs.
S v"5'"S''^ /°"i r^""' '" réputation de prodi.ira
le NeSar le plus délicieux de la terre. Ainfi que
le
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p6 .^ R O G R E^ S
lé Pamafle, ce riant Séjour des Mufes, il préÂ^mé
une double colline donc la cime s'eleve dans ks
nues.
Hélas! pourquoi faut -il que les dons les plus
^ares de la généreufe nature (oient accompagnés
de tant d'imperFeâions « de tant de défauts ; <&
qu'ils portent avec eux leurs propres poifons? Les
plus beaux pl^ifirs de la terre s'envolent ; le mai-
heur e(l éveillé avant niê.me que le bonheur foie
endormi; 1^ Abeille qui ^iflille Je JVliel , malgré fa
douceur etl armée dé l'aiguillon ; & là où l'on trou-
ve la rb(e, Tépine iefl: à craindre.
La favabté antiquité ne déterminé point le tems
t>ii cette montagne ût la première fois k$ ravage^ ^
ni quand fon embralèmént commença d'éclater. J^
ne veux point rapeller ici Thorrible incendie qui
arriva fous le fortuhé règne de Titus ^ îorsqu'Eole
en porta les cendres jusqu'en Afrique & en ÏEgyptei
L'hiftoîte a itiarqué combien de fois, & avec quel-
le fureur ce totrent embrafé eft forti de fon gou-
frc: je defcens à une époque plus récente. Ôà
h'a vu qu'onze fois décroître là lune pâle ajou-
rante, depuis que l'antre enflâmé ouvrit de nou-
veau fa bouche terrible pour vomir des feux de'-
vorans.
La moitié du monde étoît enfevelîe dans un doux
Se tranquille fommeil , quand tout à coup la con-
trée qui énvirone le Véfuve s'éleva avec tout ce
qu'elle porte ; & bientôt après , cédant à fon é-
torme poids , s'abaifla en treriiblant. Le peuplé
effaré pâlit, les voûtes des maifons s'ébranlent, la
Mer eft agitée. Aurore paroîc , mais plus pâle
que jamaisi Elle trouve toute la montagne envi-
tonnée d'un épais nuage , que Téclat de fes raïons
bril-
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iits ALLEMAND S. ,^f
Wîlkns ne fjauroîf percer; elle fe voit incapable
de donner des couleurs à la trifte & fombre cani-
ÎSagne ; ellclaiile Tes courfiers blattes en arrière »
Is la fuiyent de loin.
Jam.ai;; les prairies ne parurent (i noirei, quan^
au* milieu de, la nuit les étoiles perdent leur écjac
dans un épais brouillard qui vient Vsi cacher.. La
fumée monte droit conime un énorme pin deflus
ia racine; & s' étant élevée jusqu'au Ciel , elle ft
partage de tout côté & forme de longs rameaujr.
Le prodigieux amas de cendres qui accon^pagnoit
cette vapeur ^ ^ crevé & fe répapd dans les airs;
Bientôt un épouvantable fracas fe fait entendre :
on croit que Jupiter fait gronder jTon tonerre^
qu'il lance fes Foudres fur les ouvrages des hora-
ines pervers, & que les fondeniens de la terre eri
/ont ébranlés. Tel un Héros intrépide , qui com-
bat pour la liberté, & qni juftifie tous tes exploit^
>ar la bonté de fa çaufe , fait pleuvoir autour dé
ui-des grenàdçs enflâmées , foudroie par ces glo^
^es d'airain qui portent dans leurs flancs le feu &
a mort , une ville obîlinée qui doute de lajuftîce
de iès armes , & méconnoit ce qui jui eit; falu*
tai;e. . ,
L'embrafement josqu*alors renfermé , fe fait des
iroutes nouvelles pour jetter au dehors fes flamme^
dévorantes ; il vpmit les entrailles de la terre fouà
des formes hideufes; il pouffe vers le ciel avec urt
bruit aflFreux des monceaux d'une fange infeftée &*
d'un fable noir tout rempli de foufre & de bitume i^
contre lesquels il n'eft point d'abri affuré.
De ce goufre fatal on voit fortîr en mêine terni
i^îi fleuve brûlant, à qui toutefl; contraint de cê-
^ Uer; il Xe partage en fept rivières ardentes qui mu-^
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>3 PROGRES
eifTeat & précipitent leurs cours rtr$ le rivage ou
leurs flots embrafés confument & les plaines & les
côteaui. A Tindant k» campagnes font défolées,
& les troupeaux dévorés par les flamnies. L'her-
be fe féche tout- à- coup. Les arbres tout en, feu
font emrainés avec leurs racines. Les forêts & les
^plaines de PW^gr^ font couvertes de flammes. Ici
Tancienne Héraclét , là l'agréable Château nonamé
OStftrftf» , là mille Bourgs , mille Villages , raille
Himeaux remplis des fruits de la terre (bnt embra-
fés. Les eaux épouvantées fuient le rivage.
Une partie du peuple , triftes relies de ceux qm
font étouffés par les cendres & la fumée ou- em«
portés par Jes flots ardens, court,, s'éloigne, re-
vient fans haleine & fans forées, nud, ÙeflTé,
meurtri, à demi mort, & rempliflant de fes cris,
de (fs plaintes , le Ciel gui en efl; attendra & qui
lèmble gémir avec lui.
Tel qu'on foldat dans l'ardeur de la bttiHlle ,
lorsque l'ennemi & la mort fe trouvent vfe-à- vis
de lui & que la famée Si la pouffière l'ont aveuglé,
kncè le feu, combat, & croiant fe £sdre un paua-
ge au travers du danger , s'y précipite de pKis en
plus ; tel ce peuple effraie & cnvclopé dans les'
cendres qui volent, court a travers les rochers &
fè jette dans les précipices.
L'un dit adieu à Çtt murailles fumantes ; TiEiatre
tend les bras à fon trille Père , qui courbé fous le
'poids de la vieillefle & de l'infirmité, fuit î peine
ceï'ilsqui s'efforce àTentrainer. Le péril cependant
femble hâter fes pas , & lui faire oublier lebâtonr
qui lui fert d'apui. Un autre ne fçauroit fè re-
foudre à abaijdomier une époufe malade, & de
foibles en&ns. ChacuQ s'empreiTtt à fe &ifir dcr
ce
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ï>ïs A L L È Ri A ïîï) s, *j^
«ce tjri^l a de pitrt précieux; .& cependant tout ce
«cju^on emporte tfefl: pasfauvé. L'avarice en jette
plufietrfs dans le danger: plus dTun périt avec (bti
argent. Mais que vois-je ? les flammes (ont cori-
traintcs de céder à cehii qui efl aimé de Dieu ? le
Ciel donne des Vignes presque ^nfibles de fon amaor
pour lapiéèé. CVftainfi qu'on vit autrefois déut
iréres vertuetix préfervés des fureurs de l'Eina, qtà
tântHs que leurs compagnons fauvoient leur or &
leàt argent, fe chargèrent d'un plus doux fardeau:
îb emportèrent ceux qui leur avoient donné le jour.
Cétoic pônr eux la plus grande rfchefle^ ils rem^
piiâbient leur devoir. <^l tréfor pour ces gêné*
teui Fîls , que les cheveux blanc* d'un Père A
<l'urie Merel Aifffi Tardeur de cet amour fidèle \ct
garantit • elîô des flammes menaçantes , qtii s*écat^-
tenft à leûT aprbche, leur laiflfent un libre paflage^
& fémbleîît les rerpefter. O que la piété eft un
i)uilfent troudier contre les infortunes 1
Mais tandis que les champs font tout fumans dé
foufre & de birimic, que les arbres & les baifTonl
fe confymeTit , & me la Mer étonée rapetle fe»
flots, que les affres fonc obfcurcis durant la nuit
& Je foleil pendant le jour , le peuple palpitant»
interdit , immobile > ne fait que! eft le fort qui Tat-
tend. Les uns croient que le grand jour eft renu,
où le Souverain Maître du monde jugÈfta leshu*
mainî; d'autres pcnfent que c*cft le même feti qtiû
le Ciel rrrité fit pleuvoir autrefois pour ccnfu mer
des villes criminelfes » dans les contrées où in cor*
ruption <fu Lac Arphahite fe fait fcncir encore jeaut
ïn-^udîtes qi>e les bète^ & les orfeauï fuient, qtfzn^
cïra sir ne puïifîe , qt« ne notirrif^t point de pots^
G 2 Smip
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jM>o P R O G -Rr I? S
fons, qui n'en faruecrt que le bitume, dont lesbor^
ne portent aucun fruit , & qui fervent de preuve
éclatante à quel point de ^évériié rEterncI punit det
.vices abominables f
Tout infpire la crainte à l'inquiétude à ce peu-*
pie iiifortimé. Il voit ce qui n'efl pas. Le repos
& le iommeil font bannis des villes de Stabie^ de
Salerne & de Noie. Captme tremble. Pafthenopt
h Reine de la Mer, la gloire & lornement de la
Sicile, apreliende de fe voir abimée par le toner*
K & les éclairs. Les animaux s'épouvantent, les
hommes frémiiTent , celui-ci gémit âe Ton malheur
particulier , celui-là de la calamité générale. Plu*
fieurs dans leurs craintes morteUes iouhaitenc Id
mort. Le plus grand nombre court plein d'^iardeur
vers les temples, pleure Tes crimes. Quelques* uns
invoquent le fecours d^un objet impuiflant , qui é*
tant lui • même expofé aux flammes , ne fçauroic
les aider. D'au res fa vent mieux élever leur cœur
vers celui qui feul peut les fecourir. Telle eft li
foiblclTe des humains , lorsque les fléaux vicjnent
fondre fur eux : ils ont recours à Dieu. Mais dans
les lieux où la joie & la profperité habitent , ra-
rement on voit 1 encens fumer fur les autels^
. Mufe t ne tarde plus à developcr la catifè qui
produit l'embrafement du Véfuve , foa tonerre &
fes feux fouterrains. . N'en croions point les ima-
ginations des Poètes ; ne nous figurons pas que
Vulçain ait établît -là fcs forges , qui voroiflent les
éclairs & les flammes Jorsque ckns le calme de la
auit , ce Dieu , aidé de Bronte , de Stérope & de
Pyracmôn , fabrique les armes de Jupiter & fait
i?etencir l'air du bruit des métaux &,de renclume»
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«eC A^Lt- E)Mryv 5? I>S. K>i
«e nbas pcrfuâdons point que ce foît là que gémis-,
lent ces Géans , qui lérant animai d'un vaip cojir*,
toux comre-les bajbiiains ie l'Olympe , furent enfia.
Biais difficikniçnt lerrafljés. JIs prétendent .que,,
qaand Typhon renfermé d^ns ce profond cachot,
s'agite, &.qu'il ramafle fes forces pour lever fa tête
altière fiar laqueljô rjepofe Ténorme poids du Véfu-;
vc , alors toute la . contrée d'alentour tremble , Sç,
de fa bouche affreufè il vomit le5 pierres, le bjta^
me & le feu. Accordons cette liberté; auy Poètes,
peu inftruits des fecrets de la nature; il leur ed
permis de rendre Ic5 pierfp^ vivîjntçs, & les dkaji^
mortels.
. Pour moi je tâcherai de nç raporter que ce que
Févidcnce rend indubitable. Cependant je ne veux
point ici réfuter l'opinion de cetix qui accoutumés
H attribuer w Ci^l l'origine & l4,caufe de tout ce;
qui fe meut Se s'agite fur la terre. , prétendent que
ce phénomène dérive des aftres , & furtout d^
Mars, de Saturne & de Jupiter. Mais il y a ua
fyftème qui aproche plus de ja vérité.
Soit que la terre dans toute fa vafte enceinte
foit creufe & remplie de vuides immenfes, corn*,
pofôe comme elle Ved de diverfes matières donc
ks éiémens ne fe relfemblenc point, qui reftcnç
fens mélange, & ne fe confondent jamais , elle en-
fante ou détruit à chaque inftant quelque partie de
foh être & change la matière en différentes for-
mes; foit auflî comme l'ont cru quelques uns qui
en avoiçnt fgndé toutes les profondeurs, que la
t-erre vive elle-même, &.que l'ame du monde qui
d^nneen partie l'exiftence, la remplifîe & la pé-
pètrç, de facop que cet énorme animal re/bire fl:
G 3 ftie
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lût
p n o G n r »
hit circQler fèn fMg^ékm fes veines {^. TiBB^tmë
cft-il certain qu'elfe n^efl nuUepart mCR i^teulè»
que dans les endroits où ta mer baigne le rrvi^>
èc bactfès fondemens avec autant de bruit ifott
d'impétuofîté. * EHe creufe & s'ouvre un pafiager
partout où le terrein cft foible & léger. IHam
3uefque Heu qu'elle slmroduife,^ &ij^ciqae partie
e la terre que fes fcis puiffent ronger, elfe y p«*
te avec foi le vent qui l'accompagne coQjoura.
Quand donc tous les creux en font entiérett^at
remplis , & que Vm refufe de céder à l'air , eUo
ufe de violence ëc poufle fes efforts vers le cielj
Mais comme l'eau tient bouchés les mêmes paf£i^
ges par lesquels elle s%oît d'abord ouvert rentrée »
en la voit recourir aux plus violens moyens pooe
trou vef d'autres îflbes, Ceft alors qu'elle s'agite^
qu'elle fait tremWet la terre , fend, rompt k drovte
à gauche, enti'oiivre les montagnes, crévalfe le»
Valons auflî loin que fes vents engoufrés peuvent
aller. Tout cède à la force de ces vents, & le
inonde n^a rien de fcmWable à leur violence. San«
Je vent nulle force ne fauroit avoir de mouvement..
Ceft lui qui attife \é feu^ qui donne Taâi vite, à
Thétîs & la vie à Nérée. Il fait enfler les vchIibsî
le Vaiffeau eflr en péril lorsqu'£ote le lâche de fou
antre pour foulevér les ondes » & qu'il loi pennefl
d'agiter le liquide élément.
Les pa3rs les plus voifins de la mer étant plus fiSh
jets zuz tremblemens que les contrées élorgnées do
rivage , prouvent ailés que ces mouvemens font
eau-
(*) Or\M tfv. XV. <îe frs MétamoTïvhoQ?! dit y mm fif^^
*- - * ttHus y ^ vivit bêbetqu9 j^iramntê £f c. -
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AL LE M A N I>S. te|
Ciofésfair les vtuds^&ks «ras qui péaêtrem dmc
k ibin <le la terre. C*t(l ainfi q«e Psiphos & In|[i.
c<:ipoiis tiot éeë plus d'une fois renve^fêa LÛÎ^
€]e Cbyi^re. a feoci Je» inêiaiès fècool&6«r Tyr &
Sydon, Jé^ Reifies xks Villes ^ ont écc ébranlées
Jufques dans lêufs fondetnen». ComAie l'on vole
rhomtnc fain, frais & tranquille «lèffi tongjtetm que
Tair & te fang confervent un cgors égal ^ans les
difiîérens camux ck Ton corps j. S^ qa'aucomraire
àès que le moindre dérafigeme^it les prefle & ks
tient rèïrferinw, riangoifli \t tcMèrraente & la toujc
éclate : de même ici ^ lors^e les flots & les ventis
Jie feuToient s'ouvrir tes pàffagies qui leur font <iejgk
tâ^ésptr h nature, jls s'éléveot î^vec viole^TCe &
brifent les obCllKries avec fufear» Mais aiA lieu que
dans le corps humain» le trembl^tHem: fe fait fentir
depuis kl tête jufiqu'aux pies » ies trembleniens de
la terre ne s'étende»fi pas plus loin qu'à ces endroits
creax où l'air cft cnfeifmé. Aitifi lorsque Cbalcis
fut preftiue chtièremem reaverfôe, Thébes rcfta
immobile fur fts fondômer>s; qiimd Egée éprou^
va àet tremblémàw, f atriis fa proche vtùifine n'en
re/Iemit rien ; Hélice & Buria prés de la mer de
Cofimhc tombèrent en ^uiiacsj tandis que le rede
de l'Achaye fut épargnée.
MaSs, dira -t- dît ♦ le tremblement dont nous
pni^m s'eftfaii iendr fort au loin , un grand nom-
bre de villes e» oht été ébranJées. La raifort en
efl:^ qœ dans ces contrées la- teri^ efl: comme p%f-
feméc de totrs côtés de ces pr6fonde8 C0ncavic4f.
Le vent y pénétre < le foufrfe s'y engendre ^ il s'en-
flame, le feu éclate, ne le voyons -nous pas à
Bayes, ainfi qu'au noir Averm , par où l'on dit qfife
ta ames foot fe laui voyage de» enfers^ de même
G 4 qu'à
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|ô4 P R O G R EV S
gu'à Putiûles donc les eaax rendent la iànté petdoiLi^^
où rOrateur Romain (e délaiToic des foins qu'il à-^
yoic donnés à la République; à cette fource falat
taire qui guérit les maladies des jreux; à la caver*
ne de Vulcain qui nourrit dans Tes entrailles uq feu
fi violent , que les flots indomptables en (brtent tout
bouillans, s'élancent en l'air ,& répandent de tout
côté ^ette fumée que fon bitume refîneux produit?
Le fleuve de Leucogéi dont les» eaux provoquent
l'apétit & font de fi merveilleufes cures, ne prou-
ve- 1- il pas la même chofe? Pa(Rrai-je auflî fous
(îlence l'antre de Cbaron , dont les vapeurs étouffent
foudain les hommes & les animaux ? Si l'on veut
porter plus loin tts regards , ne découvre - 1 - on
pas Enaria bâtie entièrement fur des flammes ao
milieu dé la mer? N'y voit -on point V Epopées ^
Volcan tout aufli terriblç que ce Véfuve? Venés
«n Sicile: là s**lève VEt^na qui fouvent fait pleu-
voir les cendres fur toute la contrée , q.ui lance
des pierres, vomit des flammes de bitumé, imite
ie tonerre & fait Ibrtir de fes flamcs une mer em-
brafée. Non loin de - là etl fituée T . fle de Uparg,
avec fix de fes fœurs , qui toutes font ardentes <S|
^ont les feux & font quelquefois une route au tra-
vers des Çots.
Or fi dans cette vafte étendue de païs le feîa
de la terre eft comme empremt de foufre , fe peut-
il faire autrement qu'il ne produite des effets qui
lui font naturels? Ainfi tout s'enflame, tout s'em-
brafe dans les endroits où Tafr preffé s'agite &
pouffe avec violence les pierres contre- les pierres,
qui font partout enyirpnées de matières fulfiireufes
çc çômbuftibics.
Itlsdaiisksfombres Forêts^ lorsque les venis
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© ï s A L L E M A N D s. jojf
tn furie excitent rooragm, on voit les arbres
pouflfés les uns contre les autres , /e choquer ,
frotter tête contre tête, branche contre branche,
avec tant de force que ce mouvement continuel^
joint à l'ardeur du foleil, caufe un fubit embrafe-
ment, qui ne cefTe fes ravages qu'après avoir mis
en cendres les plus hauts chênes & les plus épais
builTuns qui ornent la campagne, & avoir confu-
méju (qu'au tendre gazon des prés d'alentour. S'il
cft donc poffible qu'une Forêt d'arbres verts puifle
s-allumer en plein air, qu*eft-ce que le vent no
fera point dans les lieux où il eft enfermé & où il
feot fa captivité ? Car ce n'efl: pas la fuperficie de
la* terre, mais (es profondeurs qui fervent à l'air
de prifon; de même que l'haleine que nous refpi-
Tons ne prend point fa fource dans la fuperficie dé
]a peau , mais dans le fond de nos entrailles. Cet*
tè vérité eft claire; & nous en voyons la preuve
en ce que cette force peut élever le lit de la mer <&
l'en faire fonir, engloutir des villes, contraindre
des peuples entiers à abandonner le (iége de leui^
habitation , créer des campagnes dans des contrées
où les ûots s'agitoient auparavant , & placer la
mer au même endroit où jufqu'alors on voyoit la
terre ferme.
Ceft ainfi que ma Mufe a tâché d'expliquer en
partie comment le Mont $%illume, & pourquoi les
contrées d'alentour font fujettes à trembler aufli
longtems que dure fon embrafement. Mais com-
ment e!l-jl poffible qu'une flamme toute terreftre
foit fi durable, & qu'elle ne fe diffipe qu'après a-
yoir confumé tout ce qu'elle a pu envahir? Je
conviens que depuis longtems ce feu farcit éteint,
fi par les loix de fa propre nature, il n'enfantpit lui^
' ' G s roêniq,
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io6 PROGKPS
s>ême au mitiez de (es rai^agés , les aHfneds éom
il k nourris. L'humidité & l'air leotrecienehc en
l'occopanc fmu cdlè, de la terre & de la fatigâ
5[ue la chaleur fait fuer, il oaic de l'alUn , du ic^
re & un blcume qui lui eft iemblabJe, brunâtre,
buileux, combuftibie, qui brule dans les âota &
iè nourrit de l'eau même. Auffi rembra(èmem ne
dure - 1 -il que jufqu'à ce que le feu aie ëpuifé ceae
matière on£tueu(è, qui fouYenc s'élance du fond
de l'antre comme un f}euvet& enduit d'une ei|>èce
de poix les Champs & les Forêts. Mais tandis que
ce Volcan brule » il efl ans cefle arrofé par les
eaux; Si lors même que le foufre, le bitudie &
Falun font confumés» leur germe Cependant ne
l'efl jamais; il trouve toujours une nouvelle nour«#
îiture. Se peut -il donc que le feu s'éteigne à un
point qu'il ne reparoillè de tenls à autre avec unô
nouvelle ardeur , fdrrtout quaûd le vent Tattife &
ki donne l'ame*
Mais avant que la flamme perce au debors:, ce
même vent fait génir les profondeurs de la terre
& fes flancs. Tel qu'à Taproche d'une horrible
tempête de tout coté on entend au loin un brah
fourd qui engage le prudent Pilote à caler de bon*
ne heure les voiles, pour ne pas fuccomber à Tim-
pétuûfité des yénts, quand la mer courroucée at-
taque le fragile vaifleau, & que fa fureur poulie
fcs vagues jufquaux nues.
Il nous rcfte encore à developer la caufe d'un
autre phénomène» & à aprofondir lorigine de ces
pierres ponces & de ces cailloux ferrugineux que
la montagne vomit fans cefle. £fk- ce là, dit*O0,
iîmplement le foufre, le bijcume & l'abn? non:
vms quauKl i'enxbrafcment caufé par les vents , e(l
obli-
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DES ALLRMAJWDS. fP7
cèé^ de s'ittîaer & de fe ^Dourm ità-nèayt part
des. afinoens cwvenabtes à la n^ure cfai ieu , il i^
lui fuftt |ia$ tl'auac^aer )e& pkis foibles parties d^
la tfirfe^ il en déciiiire tes veipe^ mécalliques, ii
psrce jes votâtes de$ aiHres ks^plusinrofeiKls; Se
$'é)aD$aQt enfuite da ceM?e mêiae 4e. I^ .(erre i il
fotnpt tout ce qui eft «h df iTus de lui &. vocoit df^
ià boi]ct>e eoâamée »vçc w na^ia^iâèaieat ^i rem^
p¥tt les airs , de» morceaii^ de r^^chers Iboduç; ^
couwe h contrée d'^n(our de ces ESttQéfMx à d^m
mi formés, i8c il la CtiaQge ea un crifte défiftx.
Veut* on fçavoir pqtjrq«oi ctiie rnowHc & cie^ o»
de la montagne , ces jwerres i& <^9 métaux n 09f
pas ëté cpnfbméf ^c^i loqg temj , le» oamp^goea
•n aiant été û fou vent ibondéei? Cck vieot dfcbi
rature même de la terre ^ qtti j^mMî» ne pettt être
épuifée à tel point, qp eUe ne vé^ue de nouveau
&, ne repruduife toujours ce qtte rjb^Mt d'aupora*
vant parot^Sbk dét«uire«
Le monde en eO; encote étoné, & Te peuple
qui famafô n'apn^oodit h nutwe & les propriété
des cbofes dont il e(i environé , qyi & feec p{uf
des yeux du corps qw des' ftcuJtés ds fi)ô ^pritj
Je peuple prend pour toiraclc tout ce qu'il qc voîi
pas arriver journellefneBi,qttpique la force & IV-
tifice de la nattire fe manîfeiîçnt fi bien dan$ mjifo
ouvrages qui Cmt autour de noua & fur nos té*
tc;s.
Celui qui vent d'un œil d'iodîff^rence & fana
que fon cœur foit ému , Cocnnent Phflri)us par fea
raions briltans fait peindre cbaqiie jotic tout ce
globe du monde , Ce grand livre qui nous monert
^ fagtfiff du Tout Puifiamj commcitt aprèi lui ^
Cym-
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io8 F R O O R K 8
Cynthia de Ton croîOanc d'or éclaire la voûte àzù^
rée, quand Hefperus a déploie Ton voile fur Ta ter*
re ; comment Perfée brille & court , candis que
Cafliope demeure ailifè, & que Bootes marahe d'ua
pas lent; comment pendant Thiver la neige, cette
èau réduite en une pouflière volatile & écumeofe,
fert de couverture aux champs qui fe reposent ;
comment le printems raffraichit , anime » vivifiei
la campagne engourdie; comment cette terre qui
nous porte aujourd'hui , & nous couvre après la
niort, produit le bled & l'herbe, nourrit les ani-
maux & le peuple des airs; comment ce monde,
cette créature admirable, ce grand éir fuperbe Pa?
lais e(t fî parfait dans (on ordonance, dans f^ftruélu-
re & (es ornemens ; celui, dis- je, qui ne fent pas
que tous ces objets (ont autant de merveilles, çom?
Bient le Véfu ve pourroit • il Tétoner ?
Si ce n*en eft pas encore a(rés , que Ton efprit
s'exerce à découvrir la cau(èqui fait qu^un fleuve,
tel que TEraflous ou le Lycus , eft englouti par la
terre qui le dégorge à une diftance fort éloignée)
que diri*t* il en voiant une (burce riche en eaux,
couler tantôt avec abondance , & tantôt tarir & fe
deflTecher ? En volant les cheveux des ondes chi-
res de Crathîs, pour parler le langage des Poëies,
refTembler à l'or le plus pur? en vojant le Lyncerte
enivrer & faire chanceler celui qui boit de (es eaux?
Un autre abreuvé du Clitor, quiter pour jamais le
jus de Bacchus? La chair corrompue d un Taureau
reproduire des Abeilles? Le noir Efcarbot renaître
dans les entrailles d'un Cheval more, dans ri^créi
vifTe le Scorpion, & dans la Fange les Grenouil-
Içs? Le i^hœnix confumé par le feu fortir vivant de
fçi
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i) Bs A L L E M A .N D S. 109
fes cendres ? & le Corail , rornemçnt des belles .
n^êire qu'une plante aquatique avanc que l'air Tait
endurci?
Tout cela n'eft xjue pute nature. Maïs îl /èm-
ble que les Humains foient fî aveuglés , fi endur»
cis, qu'ils méconnoiflënc la puiflance Ja fa^eflè du
Créateur dans tous (es ouvrstges , à moins que quef«
que nouveauté , peu digne même d'atten Jon , né
viene fraper leurs yeux & les éblouir. Que le
Soleil a d'éclat Se de majeftc! cependant nous ne
levons que rarement les yeux vers lui. Mais lors-
qu'un autre corps fè range devant lui & obfcurcït
fa lumière, le peuple accourt ^ admire & tremble.
f*oibIes efprits que nous fommes! ce qui eil rare
ou étranger nous frape plus que ce qui eft vérita-
blement grand. Tclutes les fois que nous voîons
quelque ebofe fe détruire dans la tiature nous pâlis*
fons, comme fl tout ce qui eft fous le Ciel, n'étoit
pas aflervi à la même loi !
Avouons néanmoins qu'il n'efï guères de (pefta-
cle plus terrible que le Véfuve brûlant , les riviè-
fes embrafées qu'if répand , & les tremblemens de
terre qui fe font fentir aux environs. Mufe, c'efl: à
toi de confbler les cœurs abatus par des motifs plus
grands & plus puifFans que jamais. £h( quel mor-
tel peut faire avec afllirance, avec tranquilité, un
feul pas où la nature même ne fçauroit conferver
fa propriété orditiaire , la ftabilité ? Lorsque foui
un toit qui tombe en ruine on entend le moindre
fracas, aufli-tôt on en déferté, on fuit, on laiffe
après foi jusqu'à fes plus précieux effets ; mais ou
trouver un Âzile lorsque ce vade édifice fur lequel
nous fondons des villes , qui foutienc & qui porte
tout , eft lui-même fur le point d'écrouler? (^uet
éfpoir^
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ïTO PROGRES
efpoîr, qtid confdl peoc- on donner quand la fui*-
Te n'offre nullepait une retraite affarée ? lorsqu'uft
ennemi furieux m'attaque > mon bras me défend.
Je lui opofe des remparts ; pour être à l\ibri du
lonerte , je vai chercher les antres profonds. Si
l'orage fe formé, le fagë Pilote gagne promptemem
le port, quoiqu'il ne Ibit qu'étranger fur la Terre.
Quand un incendie éclate on peut fauver ce qu'oti
a de plus précieux ; ni \et ploies douces qui font ta
fécondité des champs, ni celles qui înondenles va;-
Ions, ne percent les toits ; & lorque la pefte
fait des ravages « on peut s'en garantir par la fuî*
te. Mais le Véfuve emhrafé eft d^aatattt plus ter-
rible qu'il envelope tout ce qui eft à fa portée,
que fes feux s'allument fous pos pas , qu'ils nous
Ibrprenent avec une véhémence qui fait tout
trembler, qu'ils renverfent des païs entier^; & que
loin d'être évités par la fuite , tel qui cherche à
fauver fa vie par ce nK)ien,eÛ fou Vent lé premîet
englouti.
Mais qut m'importe, fi je fuis inhtrrtté par tJi
homme ou pat la nature ? Si mon corps eft cnfé-
veli fbus" un peu de terre, ou fous une Rramfc
mafle qui le couvre? Croyés- vous que la (Snipa-
lîie feule fort un lieu de défolation? Non: aull
lom que votre œil porte , la mort y habite. Li
partout eft le Véfuve. Ce char de vdtté arhe , ctei^
te prifon que vous êtes obligés de tïatott, Vôt«
corps n'eft nullepart en fureté. Oui, l'hoolme ce
balon de la fortune, ce jouet du caprice dès'tenïs\;
tfa pas à attendre pour périr qué l'Etna votniâè
des flammes , que récIalrparoiïTe, qtifc le tonef-
re gronde, que Tes villes s'abiment. Hélas!' notrt
oaignonir la meo tandis qatindèulè gotrt^ d'éatf
détour-
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ï)fts ALLEMANDS. itt
■ fkf tournée dans le gofier peut nôas étouiFcr. Pour-
quoi apréfaendons nous la terre? Nous y rentre-
rons indttbiiablemenc, quelques forcuoés que nous
foyons fur fa furface. Dois -^ je m'embarafler (i
ceft elle- même que s'entaflè fur moi^ ou fi c'eft
un autre qui m'en œuvre? O qu'heureux e(l celui
qui reçoit touc ce qui lui arrire comme venanc de
la main du Très- Haut, avec confiance & ferme-
té ; & qui candi» que le coeur du vulgaire eft acca-
blé par la douleur 9 imptote le fecours de la raifont,
qui lui mec devant les yeus la vraye caufè à^
touses les cho(è9 qui font fuj^tes aux ioa do mon.
à&[ Heureux qui reconnoic que tout ici bas com-
mence & péric, périt & recommence l
On dit <jue TÊte^nel noua envoyé quelquefois
les comètes » les débordemens , le lonerre y les
éclairs, les tren^blemens de terre, comme de«
Prophètes & des Mefiagers pour nous avertir que
fa vengeance eft pête d'éclater. Les interprètes
des fonges afihroîenc jadis, qu'un- pareil tremble-
ment préià^oit aux hoHunes quelque grande révo^
lunon, des Rois morts ou détrônés, les guerres
allumées pat des peuplés barbares og- écran^rs^
àe9 fléMx & des malheurs pvochaiosw^ Mais faut*
îi' que leTout-Pdii&Ht, pour faire entendre fa pa«
raie ou nous anojicer là- colâre , forme des ruis«
féaux de bitume pareils à celui-ci? Potar pvédiri»
que le pays va être cttsrngé eD» d^rt ^ £»iit-iL qoa^
fe fea&e pleuve & qoe^Ia Qamme devepe- tout a»
q^'il cofHieat? D^atures enco(^ont obftrvé qu9ja*«
mais ce Volcan ne s^eA emèrafé en^n , & c^
fes ravages ont tooJKiUFs été* fums ^ 1^» pttâe, d}s>
la guérie ou de [a^ fiHiHne;
L9î£uK-l^ toutes^ ce^optmoQfi je tifmehdr^t
cherai
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112 P R O U R F S
therai pas les preuves dans les Annales. Je ùé
citc;rai point les événemens pafTés : mais demandc-
t-on quels font les malheurs que nous anonce qe
nouvel embrafemenc, la réponfe ne fera p4s diffi-
cile à trouver.
Les tems de raccompliflement font déjà arrive'^.
L'Allemagne e(l preique cuniumée par la guerre
civile. Le Rhin, le fuperbe Rhin ne porte plus
à la mer qu'une onde captive. L'orgueilleux Da-
nube cfl entrainé fous un nouveau joug. L'Elbb
ed teinte du Tang répandu fur fts bords*. Quel
cœur ne pleureroit pas le tride fort de la fameufe
Cité qui efl: alTifë fur fa riveV L'Océan même a été
menacé. L'anciene Liberté efl dans les fers ; cet*
te Liberté qui peut à peine d'utiè voix mourante
apeller à fon fecours. L'Orient, l'Occident, lé
Septentrion fe font armés pour & contre nous , ils
nous ont fait la guerre, ils fe la fonrà eux-mê-
mes. Les Dieux tutélaires font remontés dans les
Nues. La Jufticc s'efl perdue. La Fidélité au frone
chenu , e(l morte de vieillefTe. L'Union s'enfuit^
La Paix furtout s'efl cachée dans un lieu ou il efl
impoffible de la trouver. Où efl ce tems, ce vieux. '
Siècle d'or, où perfbne n'étoit chafFé de l'héricage
de fès Pères, où l'on ignoroït jufqu'aux mots de
mien & de (ien^ où tout étoit en fureté? Mainte-
nant nous nous retranchons, nous élevons autour,
de nous des remparts & des murailles ; & quand
ils /ont élevés, la rufe ennemie les mine & nous,
livre des aflauts fouterrains. Jupiter ne lança ja-
mais des? foudres fî terrible^. Jamais le Véfuvè
en fureur ne fait un fracas fl épouvantable, Ipr^.
que ks ondes enflamées commencent à bouilloner ).
jamais il nt vomit fts entrailles, avec des coups jde
toncV-
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Ses allemands. ît|
Vdnerfe auffi affreux, que font ceux de cent bou-
ches d'airain donc les farouches humains font re-
tentir la voûte des Cieux , ni jamais ils ne font
précédés d'éclairs auffi terribles que ceux dont là
cruelle induflrie de^ mortels effraye la teire & U
mer. H eft à croire qne ce fut Aleclon , qui dit
fond des enfers fouffla la première le brafiér par le-
quel la méchanceté des hommes a changé le métal
en un liquide ardent j & fondu cette Artillerie
meurtrière, qui rend inutile le plus noble courage
& fait tomber lé pfus grand Héros avant que fort
bras ait pu montrer ce qu'il auroit ofé pour la Re*
ligion ou pour la Patrie.
Dans les tems où l'homme combattoît corps â
corps, la vertu feule donnant tout l'avantage , le
grand cœur & la noble audace obtenoient la cou-
tone de la vidloire ; mais aujourd'hui le plus vil
des mortels , que le terrein favorifc , immole le pluà
intrépide Héros^ Un Achille dont le nom feul ter*
raffe l'ennemi , fera mis à mort par la main d'un
Therfite: indignes humains ! qui reduifés la mé-
chanceté en fyftéme & le meurtre en art. Vous nô
penfés nuit & jour qu'à inventer de nouvelles ar*
mes ; vous vous couvres le èorps de cuiraffes &
la tête de casques ; vous défolés le monde , Voua
y faites des folitudes nouvelles par les incendies,
le meurtre & le pillage; vous le rempliffés de cri-
mes & de forfaits jusqu'alors inconnus ; vous faî-
tes taire les l»oix & la Juflice; Vous épuiféS le*
iréfbrs publics ; vous n'épargnés ni l'âge tendre dé
l'enfance , ni les cheveux blancs d*un felpedlablô
vieillard; vous déterrés les morts, vous troublél
leur repos ; & vous faites voir qu'avec le nom dd
Chrétiens vous avés des âmes de Barbare?!
H Ahl
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;h ^ ^ q G( r jf.: $
& yon^Jt dffs^ fl^iiwnçs de fon if in ; l'%|r mf^tfi i»
Ëf»«^o^ = Ja. mw, ^m^m mh mt. wJ» m
_ iraçs. i|mb,3Wç* ^ux rocher? ,' q^ ç'élèYew (Js«(
la Mer , & qui font affermis qçflue 1«^ weiKt & lâi
•?%?i "er^s , m^s. ConçKoi^w ! fi, ^^ormaift no»
4^ypn£ eo^pve aipujièr \q glaive » r^opifftyii fo^
i?9s çfpi'îi» cour riwérêc c<?mpiiii|, N'aioej poo»
WP?î qW- l?t ^i''^^'^^- Embraflbns Ift çaqfede lî)!^*
Ççartp.^s, çoi^ç intérêt ps/nculier. 9J, vohi^ «tei
Wsce^UbJes. dç cç/ïjp^lgoo , feiîps, J», ^Ufer- eut
^W «fev;?; qPi?; Içs^bje^f fpfli. livrés à i{o|r« difcra-
li99f f o^^^ qu^, Jç bttt <j|e la g+i^rrç f ft. j^ pa,>,
&qVg. l^findeAPoroba^qf^ I3, rççqnçiii^Wjon. Vm
¥- §Mp';''-^ PF 4W ^■Ç qf'ç l'^-lajç dçkpajjç ; ceiui
n^î^j (Je i égjnt^ <&,çiu tepfls , il, ne mérite pfliat
m}9^¥m^\fcofagiif;as. Çopt^mpl^sçeg vS^
ÎW^. 'MP#fs.». ÇJJ^ fow ruinées- Voi^s çç» twif
» f § »f?P^W. çonfaprés a^ijc prières., ite fow m
^.m^ 9« ivpfaivîs. Mtés Jes. y/ïwx fwr ces. li»
\^r^ <m]Te^ïpfppp^ des trçfçrj de ftgçaè., OM
>fPW:^^^?Mf ne pwîduj;-a, j^iqajfc Ces li.vr«s f»
ff>?&,». ?'?:\!« }?« réduiras, çn pQudre & en cendK»
^^ïes It9yî.^;tN«Pîi * %ï(iù,9ucMar« fait 6
cl«<
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fclàtér Te brait dc^ armes, Thértfeâ'eft poittt* ëcdct^.
lée ; h rd^îcnt iBcuftîw fes cbafrtps 5 ^1 aaroim
befohi da foc de la ch^rifue, ite ce fer qû^on n'àtOr
plme qtCk h ét9tr\:t€tion da Geftre Humaint
htocatkn à Jefut- Chîfi^
b toi Homme - Dîeiï , Chrifl ^ Dieu èe paix I
tgfni n*es ctefcerKfti far la terre que pour nobs faîré^
ietitrer dans TalHatiee écemeHe , arme ton bras*, ar-
rache le giaive fànglant des mains d'un peaple qoi^
ire fak que rfenverfer fci juftkre & tes loix. Con^
fèrve mjus dans' te» lieux où- nous femmes , & cou-
d'aïs' nous oô nous devons aner*. Fais abonder kt
fruitB dansr nos^ champs. Fais Èentii? les vertus ômé^
nos codurs. Ehroie nous cette Fille du ciel, ccftcé^
pabL fr dëfirée; Pvéftrve tml' Patrie des dmimese
de la Guerre & des Fléafux qui k fuiverttr Faî*
que de toute part on nous annonce le retour de la
liberté ! m^s^furcout , ô^ Eternel , répand fiir le
Héros I, fur le fage à qui j'ai confacré ces vers^
ainfr que ftr toiice fa MaHoWj un Pfcpos Cônftanc
& les fources intarilTables de ces bénédiélions !
St l'on ftilt attention « fiêcte o* OpîfK ëâî-
voit, om fera furpris cfe tiroevef tant de goôt d«l^
iè'pîartde^ fort Pbftne, tant de pe>Kteflc & tf^rftéû
nivê dans rexprelSbm Dtns» les endrohfi^ oô» \à
Ptïjûqùt fcmDkr votrbîf y dëv^ïoper tous- les Çs^
<frcts de la mtmre, foitffilè eft fîmpte dk apfOpriâ
$ Tinflfû^ion ? mais on^ dîroit que fe géttîe dti>
Poëre n*a pu ^'artâcer dus cfe témrà' cc^ imtîèl^*
Sbftraites, qii'îl e» ftfbît' pfécîfëment pour- éxphî'
ftierfbn^fjrftème: Sà^Muï&eftpreiRie dèfqttlnëè
Jî a ce
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1x6 . P R O G R E? S
ce terretn ingrat & (lérile ; on la voie tout d*iiii
coup 9 élever à des comparaifons brillantes , à des
peintures hardies « à des maxin^es de morale fubli-
mes. Tout ce qu*il a écrit dans le Genre de TE-
popée eft du même goût ; mais ce n'eft pas le feul
où il ait brillQ. Sa belle imagination & fcs vade»
connoiflances éclatent en tout genre de Poêfie.
hes matières les plus (eches âeuriuent fous fa pki-
me. Voies , par exemple, comme il manie ua,
ftijet ftérile & rebattu ; je parle d*un Epitalame ,
il n*y a guères d'Artifan en Allemagne qui au jour
de ïes ijoces n'en reçoive quelques uns, comme
un tribut que des Poètes miierables rendent k (è»
rares vertus: aufTi pour l'ordinaire , ces vers res-
lèmblene-ils au Héros qu'on y célèbre. M. Opitz
obligé de fe conformer à la mode de (on Païs , ea
a fait un grand nombre que l'on trouve dans Tes fo-
xêts poétiques ; en voici un fèul échantillon.
LA PUISSANCE DE L'AMOUR.
à reecûfion du Mariage (fun Poè'ie defes Jmif.
Lyre dorée, mon ornement & ma joye! Phoef-
b^ te fit parvenir de main en main jufqu'à moi ^
afin que par tes accords je puifTe égaler ma Patrie,
aux autres Nations, dont les beaux Vers ont ren-
du le langage & le noipi célèbres par toute la ter-
re. Ceu de vous que je parle ^ vous brillanto
Italie, & vous France fi polie. Thèbe dans fon
efifor vous atteint à peine ; & peu s'en faut que
vous ne difputiés le prix aux plus grand» Poè'te»
de l'anciene Rome. Mais Apollon m'a impofé ua
fccond devoir, c'cft de porter à la Poftérité les
noms
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DES ALLEMANDS. 117
jnoms illuftres de ceux de mes Conteraporaîhs qui
marchent dans la carrière de rhoneur & dç te
gloire.
Aimable Lyre, il nons faut raflembler aujourl
^<f hui tous les a^rémens y employer tous les Sons
Tiarmonieux quelesftuls Poëces connoifTent. ' Chè-
re coniblation de ma vie, il efl Jufte que nous
faflîons plus d efForts que jamais pour chanter a-
A-èc grâce. Le meilleur de tes arnis ^ l'honeur
ijts Mu(ès va commencer en ce jour une, vie nou*
velle. Ses vœux font accomplis ^ une beauté ia-
i:rpmparâble facisfait tous Tes delîrs. Ses Chants
gracieux, fès Concerts ravilTins & toujours noi^-
veaux, qui Font élevé au deffus du vulgaire, re-
çoivent enfin la plus riche réçpmpipnfç.
Tel efl le jufte prix qu'obtient un génie fublî-
me, qui d'un vol audacieux fe porte jufqu'au Ciel j
& qui dans fes travaux n'a pour objet que la gloi-
re, foit que le Soleil forte de J'onde, foit que Iç
jour cède aux ombres de la nuit, Ob, que le non^
'efl brillant, que donne Péclat des beaux Arts ! Il
eft cependant moins eftimé que la recompenfe
d'un amour vercueux, par ceux qui cherchent (Sç
qui connoiiRènt le vrai bonheur.
C'efi l'Amour, qui a porte' l'Etre Suprême à
créer l'Univers ; c'eft l'Amour, qui çn empêcha
la diflblution, C'eft lui qui fait que les Aftres prê-
tent leur lumière à la nature, que le feu agite l'Air
par fa chaleur, que le Zéphir anime & carelTc
les ondes, que lefec fe marie avec le liquide, <5f:
quç la terre à fon tour fuce & boit les eaux , que
^ ' Il i fair
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^;3 ? R O Cr R I? S
)*ajr concentre les vapeurs & forme les Auages^ d^
aae le feu fe diflipe dans la froide région des airs*
Si les Montagnes & les Vallons font embellis Se
c>inbragés par ks arbres épais; fi les plus belles
jiantes fortent du fein de la terre j fî Ton voit les
\ ^rés , les Bois ^ les Champs ornés de tendres
; leurs ^ les &me;nces produire de nouvelles mois-
:bns , les Forêts fe repeupler fans ceffe de gibier;
û à faproche du Printems qui rajeunit la nature^
chaque oîfeau fait éclater fa jove par fpn ramage ,
iî tant de Poiflbns nagent dans les eaux; fi THom-
me même Aibfifte encore,^ que la fureur de h
guerre n'ait pu nou# détruire « tous Ces miracles
îont dus à TAmoun
Ecoutés donc fa voix, vous qui êtes dans Tage
d'aimer ^ & d'aimer fans crime. Ce n'en eft pas un
^e former un tendre engagement, fi vous n'êtes
point féduits par les fau)c attraits de la volupté, de
cette enchanterefiè qui par fes feu^ follets, parfes
trompeufes amorces attire & les jeunes gens & les
vieillards, les mène dans les fentiers des iitufions,
& les fait tomber dans le repentir. Si vous ne fuî-
vés point les feules impulfions de la volupté qui
ote la ralfon , même au Sage, je vous permets d"a^-
ïner.
Aimable ami, à qui la troupe des neuf Soeurs a
çtîfpenfé depuis longtems les dons les plus rares ;
Vénus même devient aujourd'hui votre Bienfaitri-
ce en vous donnant un objet charmant, donc les
faveurs (ont au defTus des délices de l'efprit, des
ans & des fciencçs. Lçs grâces réfideot dans fes
'" ■' yeti.^',
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jmi i ht fjUtërétïM ^àstm fâ ^mf^f h f^màshk
fon maintien , la roodeflie dans fa démarche.- Ia
Nature par fa puiflance fecrèce Ta douée de la
vertu, du génie & àèi Urtel» qol t'^^^ht près*,
que au deilus de foa feîe j & en font^k chef-
d œuvre.
Powroiâ-jerouftaîcer ^uf «ittl-inêM ttfï l*^
phjsacç<ï«pti? Votre rtiaki él»aiwè^ iriser pt»^
«re fi cohriUe daffà te twoivdé ft^atlt j f)c>§fta fl^fifut
tnlcer défornwiié Jêb plâifirs cjae ieWi* âttë» ^û^
ner. Vous^ pcfff&àété^ cd(i§ les bfeîhs cj^^ \êi dftdeS
cferée» du Paéldfë \eaem f\if ^^tkhes b^râfe, tbi*
«e qtm te noir Afficaiff; fàus ûk Ciéf» tWÉ|^P$^ Ki-uJ
Jatît V a de plus j^récièûx , tmi^ fes^ Cféfor* (|Uè Tlb^i^
île fa vit au HOCive&d iHondà Deux cteuh fii^i
font fcieirits du foocî d'tfncsiffèr Ym & léfe ffcteffièsv
Leurâ dpérancâs & Murs f<m9 teikl@£ri à aimer âê
à être aio^^
pwt>ttftf te flanfbèaer c^^éUè §i\[jtkë pê^ê^nè Jt Sl'if^
pouf rtouis faire' fôuvsiw iJ^.^fe p^fc mmàèr pim
li^ngr^tfB vbs j^frfîfîrj; È.tftftfft? èteffeiarticd, la cdw^
que de vos chartes cmbraflcmens il naîtra bîewôt
ir-n wfw« dû^ Muftsj TbiK èi ^"'û dira tfâA^ fon
tetnigalgir enfaffttm lonS(î»'it nt fetif erîcdfé cfde h&i
gpier^ t^ds >H^m*9 (|(Â^ fié petite iénéfl a^icak*^
chîïiw cfaTTJ fôs Pd«il3éy Jfec^ée» ,• (J*'?!' et! ^îrnîîW*
ll;p)d Içs Ver* |;ra«isu*, pfpf<>ad â| #ïév^ tiaft* H
H 4 Gça*
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jto P R O G R ï? s
Genre Epique » j'ai cru dçvoir en donner ici cm
eflai.
Soupirs répandus au pli d$ la croix du
Sauveur^
Foibles mortels , toutes les fois que vous avést
contemplé la brillante clarté du Soleil, que les
vencs impétueux ont foufflé autour de vous , quo
vous avés vu la Lune iè levçr & les Aftres dans
]a nuit vous éclairer du haut des Cieux « vous ell-
il jamais arrivé de réfléchir qu'il y a un Dieu au
cleiTus de vous, qui entretient le Ciel, la Terre &
la Mer dans leur a£liviié , & qui portant dans Çc%
mains un Sceptre éternel , règne fur tout le vafte
Ejoipire de l'Univers? Ceft lui, qui s*ofFre ici à
vos regards ; venés contempler vôtre Créateur,
le Dieu de toute éternité , le Roi de la nature ,
voies ces flancs percés, fa tête meurtrie , fes çhtx
veux fanglans , fon corps , fes pies & fes mains
qui autreh>is çommandoient aux Mers, attachés à
la Croix. Accoures ici ; verfés des torrens de lar-^
mes , comme il en répandit pour vous , lorsqu'une
fueur de fang inonda fon front facré , lor^îqu'avec
le monde entier il portoit Ténorme fardeau de nos
crimes.
O honte , ô cruauté , ô forfait inoui } que vois-^
je ? la voûte célefte s'ébranle , les nues cèdent ;
Tair, la terre , le feu, la mer femblent fouflfirir &
vouloir rentrer dans le cahos. Le Soleil fe cache
pour n'être pas témoin de la défolation univerfèlle.
Nation farouche, génération infernale! 6 Israël,
ç'eft donc ainfî que tu recompenfes celui qui ce
eoadailît ho/^ 4'£§ypte k trvrcrs ^çs défcrts
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DES ALLEMAND «i^
que nul mortel n*avoît encore franchis , celui qui
dans tes befoins fit couler pour toi Icau du rocher,
celui qui te nourrit du pain célefte, & dont tu ne
pus contempler la f?ïce fur le Mont Oreb , devant
qui les Chérubin^ ofent à peine lever les yeux? Tu
veux aujourd'hui le couvrir d'ignominie? Ce même
Jehova , dont un faint refpeft le défend de pro-
noncer le nom , ce Lion de Juda , cet Eternel qui
eft la Vérité & la Lumière, tu veuit le détruire;
C'efl lui que tu infultes > que tu outrages , & que
tu attaches à une croix.
Peuple ingrat ! tu veux donc meconnoître ce
Dieu qui opère tant de miracles à tes yeux , qui
convertit l'eau en vin , qui fait enfler le pain dans
la bouche de ceux qui s'en noiirrillènt , qui hii-
même jeûna pendant quarante jours , qui marche
fur les ondes , qui rend la vue aux aveugles , qui
délivre les pofledés, qui refluscite les morts, &
dont tous les ouvrages font û fort au delTus de la^
puiflance humaine ?
Déjà , pour égorger l'Agneau Çafcal , Ton voit.
ce peuple nombreux accourir en foule <|fe Tyr, de,
Sydon, de Tldumée, de la fertile Syrie, des bords
de ia Mer Mortç où jadis Sodome fut réduite en
cendres pour des crimes moins affreux , où le
Mont Liban s'élève & offusque la vue du Soleil.
On les voit accourir afin que ce ne foit pas toi
feule, dSolyme, qui exerce Je plus horrible des
forfaits.
Aujourd'hui tout le monde abandonne le Sau-»
veor; fes bienfaits font partout oubliés. Autrefois
il nourriflbit la multitude, & maintenant il fe plaine
^nva'n de la foif. Les muets allèrent lui dematu
der Tufage de la paroi j , & s'en retournèrent par-
II J Uasi
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If» P R O G R F s
Uns ; fte les ^tendés^voas pas ^ qui étérefR lanr
voix contm iai & qui demabdcnc fa mort. It fit
marcher Its Paralytiques, qui fuient à pvékat Joiii
de kù II refrufciui let morts ^ & atijourd'hoi oti
loi ôce }a vk*
Cstie tfite facrée » éette oheveiare ()ui am rô6^
ëcoîc offiée nôtl de fin ôr^ mai^ dt la ciDuréitê ùi
firmament , & envirônée des faions du Soleil 5 ra
Gor^ Divin qu'une Vierge porta dafts fes Âafttty
^vieâtnc maintenant des obyetb dis mépris. Ostté^
poitrine, que la fable oferoic comparer il reil^ d*AU
çide I n'eft à l'heure ^u'il eft que plaies & qu'Ul-
cères; & nous ne fommes pits encore touchéi à ce
fpeâacle ! fi noi cœurs lîe font pas émus (en roiant
tant de foufitances , quel eft notre endurcHfemertt?
Un Tigre cft-il auffi féroce? Oue feroic-^ce de
nous, hélas! (iThomme Dieu n'eui fubi pour ûow
toutes ces peines? Mais telle étoit la force de fmt
aitioUrpôur ces mêmes tioûimes^ qui niaim^ifKne
font tout de glaçç, & ont étouffé tout Teminlèni
pour Uau r.^ .
Sortes dfnc de votre léthargie , «juitt^s It à§m
g6reu& fommeil de là fèc^ïiiè, Ct^iTds de VWf6
dans une pareffe hontetlfe. Le Seigneur ne dt^môrt^'
di4p^int de nôUs des h^^locauft^s tàichëfyi hutt^aW
nës & péf îfTables ^ n'éger^és j^oirit d^igM^u^x ^ M
tiiés point de genidès^r II n'âxigô po\m d'êncei^
ni de cierges behits. L'cett àô Dieu ptfQé dans les
plus épaiiles ténèbres. Il ne veut que le cœUf^ i\
vous démandé une arfte pérnitmG 4 qui plëUfë Tes
péchés. Il veut être invoqué. Ce fèm là h^
dons & lôs offrandes, ié^ feilles n^arqiiés à^titie vraie
^délitéi qui foiont agréables à fès yeax^
Yoîé» «reç ^lle boâiéil ps^cïi^ vers Tiànt fi
^ . i^te
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ïîEs ALLEMANDS. i2|
tête mourance, il vous montre ce cài4 que k lan-
ce a outrert, il éule ces mains que les clous ont
percées ; écoutés le cri qui fort de Ta boivche au
itioment qu'il expire, tel qu'un Père parle ^ ks
Enfans lorsqu'il fent le fil de les jours prec à être
îranché , & que ks yeux mourans fe troublent;
tegardés comme il étend Tes bras vers Tes Fils..
Ses compajjîons pour nous ne fauroient • clle3
jlonc cefler dans les momens même ou perfone
n*a compaflion de lui? Prêt à quitter la vie , il ne
îtiet point de bornes à fa miféricorde & à fon ar
îtiour pour le genre humain. Mais notre endur-
çiflement va fi loin , que nous avons des oreilles;
pour ne point ouir , & des yeux pour ne point
voir. Nous ne fongcons jamais à ce qui doit nout
arriver en ce jour, où ce Monarque de TUnivers
exigera de nous le tribut de la vie qu'il nous a con-
fiée , & nous demandera compie de nos avions.
Hélas I quand ce monde périra par les flammes ||
nul de ceux qu'il aura reprouvés ne fera capable
de fôutenir le feul ^fpeél du feu qui l'attend ? Ec
cependant tous feront contraints de dépendre aux
Enfers. C^efl: alors que le repentir , le défefpoîr
S'emparera, mais trop tard, de votre ame: le tems;
ne reculera plus pour vous. Vous demanderez
que les rochers tombent fur vous, & que les tnon-
tagnes vous couvrent : mais vos cris feront inuti-
les. * -
Ainfl tandis que vous vives, Se que vous en *•
vés le pouvoir, faites tous vos eiforts pour corri-
ger votre cœur , & pour changer votre efprîr,
Penfés à la demeure célefte qu'habitent ceux qu^
jouiflent de Tamour de Dieu , & qui éloignés des.
fenffrs paient dans !a f Icnicude qes plaîCrs. A-
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124 PROGRES
lors Jefus - Chrift vous traitera en Frèrçs , comme
il a fait dès le commencement des tems. Il habi*
tera lui - même au dedans de vous ; & après bieo
des peines & des travaux, il vous ornera de la
courone incorruptible de 1 éternité , & vous fers^
marcher dans les Plaines Céleftes où le Firmament
fera fous vos piés^
]'efpère que ces morceaux, quoique pris presque
au hazard & fans doute fort imparfaits dans la tra^
duâion , feront cependant capables de faire con*
jioître, & goûter les Poè'fies de M. Opitz. . Son
exemple donna une émulation fi grande à ks cora-
1>atriotes, qu*on vit naître bientôt après une fou*«
e de Poètes Allemands qui tous afpiroient à h
jgloire , mais peu l'obtinrent. Flemming fut celui
de tous qui marcha de plus près fur fes traces ;
cependant quoique j'eflinie fes ouvrages , j'ai cru
pouvoir me difpenfer d en produire des effais aprè$
ceux d'Opitz. Le goût de la Poêfie s*emparâ tel-
lement de noire Nation , que non feulement les
Gens de Lettres en général fe croioient obligés
par état de faire des Vers , mais même qu'on en
taifoit faire aux enfans dans les écoles, & aux jeu^
nés ^ens dans les clalTes. Cet art , qui demande
un amas prodigieux dç connoilîances & un efprit
fort mur, fort accoutumé à la réflexion , étoit en*-
vifagé comme une partie eflèntielle de l'éducation.
Bientôt tout le monde rimailla, & TAHemagne fup
inondé^ de mauvais Vers. Mais parmi ce nom-
bre prodigieux de Poê'tes, nous en diftinguons plu-
iîeurs qui ont excellé dans leur Art. Je continue*
rai à faire connoître les principaux d'entre eux « en
praduifant quelques unes de leurs pièces. Mais fob-
ftrve-
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B E s ALLEMANDS. 125
fcrv^rai déformais moins l'ordre du tems où ils onc
vécu, que les difFérens genres de poëfie qu'ils ont
embrafles ; ce qui pourra faire connoître, que nous
ne manquons pas a habiles gens dans tous ks gen*
res de poè'fie.
îj§^^m^f
CHAPITRE VJ.
Le Baron de Canif z.
Après la mort d'Opîtz & de Flemmîng , le Vé-
ritable bon goût de Ja Poëfie fe perdit de.
nouveau parmi les Allemands ; & ce qni efl: extra-
ordinaire, c'efl: qu'en même tems leur Langue fe
perfeftiona. II y avoit en Allemagne des Gens de
Lettres, capables de s'apercevoir de la barbarie de
Quelques expreflîons, de les retrancher, d'en lub-
Itîtuer d'autres à la place, de fcntir la rudefle du
langage & de le polir, mais il ne fe trouva point
de Génies capables de remplacer Opîtz. Hoff-
mannswaldau & Lohenftein furent admirés aflés
îongtems , fans être fort admirables. Le premier
avoit le talent d'alambiquer fès penfées & de fai-
re des jeux de mots. Ses ouvrages font fi fort fe«
mes de concetti & de pointes, qu'on ne fauroit le^
lire fans dégoût, Lohenfteip^u contraire cher-
choit le fublime dans l'emphafe de l'expreffion.
Son flile eft fi empoulé, fi guindé/ fi pompeux/
qu'il tombe fouvent dans un pur galimathîas. On
dpic cependant lui fa voir gré d'avoir banni de la
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Î2é P R O G R E^ s
Langue Allemande tous les mots étrangers. Sori
Roman héroïque du généreux ^Capitaine Jrmîniui
feft éccic avec beaucoup de correftion & de pure-
té, mais comme ^t^ autres ouvrages dans un ftifé
trop relevé, Ofl y reconnoit la main d'un pédanÉ
fpirituel.
vVeF$ hi firr du fiéde dinricr ^ \&s AlktnaAdfr
femblèrent tendre à la perfeflion de la Foefie; <K
Canitz marchant fur la route qaOpûz avoit frayée,
fut le premier qtii en aprocha. Ce nîeft pas ce*
pendant lé Poète le plus chaud que nous ayons,*
mais certainemem le p4as poU & le plus corre6l;
On ne voit pas dans fes ouvrages de grands traits^
de3 idee& hardie» ^ enfans d'iuie imagination Vive
&; féconde ^ mais fou ftik eft charmant- Il tra-
iraiiloit fës PoëGe» avec beaucoup de foin. At)i&
eft- ce principalement le fUie,, qui a le plus contri-
bué a^iî grands fuccès q^u'ont eus les Poëfies de M:
<k Canitz. C^r il f^t le premier de nos Poètes ^ qaS
écrivit avec élégance. & pureté. Or ç'éfl: là fe co-
loris du tableau.;, mais malhéureufément ceco^onY
ne fauroit fe rehdre.dans une traduflion. qiii n'en e(l:
que Teftampe. Noxts. voyons , & par Thiftoire dé
fa \jie daat nous, fomme* redevablc^t à feu M. Kcé-
nig^ Maître des Céténaonies à Dresde , & par la,
correljpiondaiice littéraire q,a'il eiatretenoit a^vcc*
M, de Beiftj: & avec plufieturs autres Savahs., dont
iji riou^ eft reûé plufieurs Fragnacns^ qp M; dèr
Çimitz étm ratômem content de fis vers ,, quTî
les. càangsoit pUis.d'uoe fois , <& (^^U a beaucoup^
Inédité a.v^nft que d'écrii^e, &. encore pJios corrip^d
iW2giX. qjLte; d'ayair cxa ia pièce digpe du puWic.
l^aisxe qu'il \% àt plus, aidn^irable da«Ds Tes Pbâ-
fin^^ c'eft la douceur des fentimens qui y font ré^
pan-
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fi E ^ A L L E M A N 13 s. Ui
f>andus & les gfaceç qui règnçnt cj^ns le tçur ^
dans les expreffions. Jç décide q^uç je fuis ipç^
pable de faire connoitre ces beauté^ dans la iraduç-
lioa , quelque peinç que je ipe fow^ donnjée^OUjP îpi
i-efldre en François^
L'ufâge d^ la Cour & du grand Moncîe qp^ ]\X.
de Çflwilâ (* ) a eu pendant toute Ja. vie,,fes vqyjf
ges. p^efq^u^ par toute l'Europe , I4 fleu,r des, belles
chofes q»'U avoit eueiljie daus f^s études ^ Jç conv
HveFoe Littéraire qu'il a toujours entretenu ayeç Içs
Savanfrlesplusdiftingués de fon^fiécle, t*influei3çç
iju-'iL a eue- lui-même daqs.les affaires publiques,
^2iïi éïé employé à des Négociations iroportan-
tes, toufrces avantages fbutenu^ cj'un beau çéqiç,
ne pottvoieHt qUe produire up Pogte excellant,
' Ce n'^eft point p.aF la quantité de fôs Vers quij
«*eft acquis une gr^ande cëfêbriié, car nous n*ayoni8
qu'tm feul volume de 226. page^- in, oSavo cJg 1^
BoëTiQ*; mais pnpeut dixe apljl qu'il nfa riei^ don-
né/ de naédioere , & que tout y eO achevé.
L^Edkeuf , M. Kpeni^,, les a pjirtagées en cinq
ol^s, dont k premi^rç coniijçnt les; pQgJics Sa-
€f4es^ qui font-en partie de ft propre, invention^
&- en' partie des tfadtiâions éi^^antes dp^ quelques
jpfeaumes^ de David. 0a peut , je croîs ,. les Gom-
paff€«^(kn& être prévenu aus; Odes.Ssv;réesd[çÇ,ou^-
ifeasu
(♦) Sa naîflance lui en procura les moyens, lî naquit I
^llttjle.aj. l^iwjçifttoiç de l'innée 1654. fbus te règne dtt
grani EI«ftÇ"ri Son of jgTi^ t^ 4u. f^\^ <Je- fo% Fèï«î (^
4f fa Mère» étpîç Illulti-e , & U^i • çiô^ fi^t n/ç^i, 4|^^ Çhf^^
valier. (Je rOfdre de Saint Jean , qù Ton ajdmet q.i|eide9:^(^
V^jQiPlblCJld(i prouver leurs frâe^Ktîer»^ il pajrviot jus*
i^u pofle de Mioiftte d'Ëtac
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128 P R O G R F â
feao. La féconde claflc renferme fes Pocftes mé»
tées. Elles roulent fur divers fujets; On y voie des
Êpicres adrelFées à k% Amis ^ des Lettres de félicH
tation , des Réflexions morales , & entr*autres une
Defcriptipn en Vers de tous les Empereurs Ko*
makis depuis Jules Céfar jufqu'à Auguftule. La
troiOème clalTe contient douze Satires ^àoni la pre«^
mière a pour tîfre, la mort d'une avare fordide ; la
féconde, de la liberté; la trolGéme, de la Poè'fie;
la quatrième , de la vie de la Cour^ de la Fille ^
dé la Campagne; la cinquième, de la grarcdeur d'A^
me dans Tune ^ Vautre fortune; la fixième, des
prérogatives de la vie Champêtre ; la feptième, U
fuite du même fujet dans uneréponfeà M.deBrandt;
la huitième, (/^ ht Cour; la neuvième ell une efpè-
ce de Fable qui (èrt à prouver , que le monde veut
toujours critiquer; la dixième ed une tradu6lion de
la cinquième Satire de Buileau fur la NobleJJe à M*
le Marquis de Dangeau; la onzième eft une Ver-
fîon libre de la aVII. Epitrc du premier Livre
d'Horace, fur la bonne conduite; la douzième en-
fin, eft une traduéliort de la dixième Satire de Ju-
vénal, fur Vinconflance de la fortune à la Cour. La
quatrième clafle renferme des Elégies ^ dans les-
quelles l'Auteur a furtout excellé. La cinquiènrt
& dernière clalîe enfin eft un mélange dcPlaifan-
teries G* de Fo'éjies galantes , qui le reflentent de
ià politeflè & du langage de la Cour qui lui étoit
naturel.
Nous avons encore en Allemagne un certairt
genre particulier de Vers qu'on nomme Knittelhar^
dis^ mais dont on ne fe fert qu'en ftile fimple &
Xiaïf. On peut à plufteurs égards les coniparer à
çeê
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èBs allemand! 19^
ÊfiS Vers François écrirs eh ftile Marotique, ou fi
i*on veut au genre comique deScaroh. M. de
Cajnitz y excelloît; & nous trouvons à la fin de
Tes Ouvrages deux Lettres écrites dans ce gofit , Ôt
àdreflees à un de Tes Amis dé Dcflaù , qui font des
thefs • d'œuvre. Je Voudfoîs en pouvoir donner
Ja"tradu6liori , s^il étoit poflOiblc de les traduire; mais .
comme toute la gcntillefle, toute la naïveté, &
tout le plaifarit de ce genre de Poëfie gît principa-
jemenc dans rext>reffion & dans le tour, ce qui dé-
pend (eul de la Langue, on fent bien que ces Ger-
manismes continuels ne faùroient fe rendre dans
une autre Langue, & qu'en voulant traduire une
iPiéce qui eft charmante & pleine de bonnes Plai-
fanterics en Allemand, je rie pré(ènterois qu'une
Verfiori froide ^ platte & infupof tablé aux LeCleurs
Francis.
Je m*en tiendrai doîic à donner pout échàntilloii
de là Poëfie de M. de Canitz.
La Satire iroifième fur ta Pùejîé.
Ça mon efpi'ît ,fiè diffère plds de bazarder tinebon-^
ne œuvre, & renonce à jamais à toute Poëfie J
ferme l'oreille à la voix delà Syrene, & va cher-
èher urie occupatiori plus utile. Quoi, dis- tu ^
dois -je déjà abjurer un amufement qui jufqu'icî
m'a fervi à (ihaffcr l'ennui , la mélancolie ^ les
foucis importuns; & à accotircir agtéablemenÉ
ôUelques heures trop longues? Quand tant d'autres
a force de chercher le plaifir fe jettent dans uii
grand chagrin , lorsque pour un point de plus ot(
Se moins fur la carte ou le dé, ils fe vôyent enûii
éipUlféJ dô la terre de leurs Ayeux. Mais foit^
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I30 ÎP U O G R r S,
je fuis déjà accoutumé à me Faire violence & à me
taire fort difcrètement fur les fotilès que je vois
tègner dans le monde. Il n*y â qu'un article que
je me réfer ve , c'eft le droit d'ofer chaque foîr par
quelques rimes me confier à moi-même tout et
que j'ai obrcrvé fort patiemment le long du jour.
Je ne demande pas ce privilège pour nuire au pro-
chain , mais uniquement pour décharger mon cœur
du fardeau qui Taccable. CtH alors que dans ma
Tolitude je ne paflb rien à perfone , je ne refpefte
aucun lieu & n'épargne ni la chaumière du Berger
ti le trône des Rois. Vn Suifle rébarbatif, qui
THalebardeen main & Vcell plein de fierté ^ placé
Comme un Chérubin à la porte pour défendre l'en-
trée à gens de ma forte, je l'oblige à quitter fbn
pofte & à fuir comme une Biche timide devant
mes traits I quand mon jufte courroux commence à
> a*enflamer , qu'il perce jufques dans le fein de l'a-
veugle fortune, & qu'il arrache le mafque au vice
hideux. Mallieur furtout à un fol qui veut pafièr
pour un fage ! car pour peu que fon nom puiffe en-
trer dans mes Vers^ auilitôt je le place à côté de
Cette manie m'a prïs de bonne heare^ quand é-
lève des Mufes j'étois àflîs encore fur lés bancs
poudreux des claflës. Falloit-il rêver à ces pàâa«
ges qu'on nous fait aprendre par force dans la jeu-
nèfle , & qui s'efi^acent de la mémoire peu de tetoi
après qu'un fils , eftimé fpirituel , les a;récités d'après
fon Précepteur ^n vrai perroquet, mais à la gran*
de confolation de fes parens extafiés? Hélas ! c*eft
alors que les vers& les rimes venoîent înterrom*-
pre toute mon aplication. Sans art & fans étude
je peignois naîvemefit tout ce que le Maître & &•
difei-
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bks ÀlLË il A NDS. ijr
^îfdp1e$ m*offf oient de ridicule. Mais 1« tettis le-
va peu -à- peu ia toile, & roc découvrit le théâtre
du monde, fl m'aprît à cbnnoître tout ce que la
Cour , ri^Ùfe , là Ville & la Campagne ont de
plus merVeiHeuit. Il tti^aprit à fentir mes propres
^fauts, & à diiïinguer ce qui eft digne dt louan-
ge & de blâme. J'en ai fak mon projfit ; & grâ-
ces au Ciel , plujB je vi« , pla« je filis confirroé dans
la perfuafion qu*un efprit qui a vaincu la tyraniè
des pré}i>gés , & qui fait faire tijiàge de fa liberté ^
^(i untréfor bien plus eflitnable quetbutes les a-
^rbeffes du monde.
Voilà les réflexions que ma plume trace quel-
quefois en Vers. Or faut - il qu^un amuièment ià-
iioçetîc , qu'une occupation à laquelle la natul-ç
ineme .... Mais nott, arrête efpi'it féduit ! Il
je te blâmé aujourd'hui , c'eft pi-éciferoedt parce
t|ue je crains que cette manie qui eft encore facile
4 détruire , ne fe change infenfiblertient cbés toi
^n feconde nature : en quel endroit du code trou-
ves -tu que juftinien aie permis de faire la guerre aux
4bts ? Le fage ne çonfidêre-t-il pas comme un
grand bonheur , qu'on n'ait pas encore mis d'im-
pôts fur les penfées ? Aiûfi le meilleur confeil eff
de tout voir , & de garder le Çlence ? Permettons
à chacun d^extravaguer tant qu'il veut; & n'eft-ii
pas tout auffi difficile dé ramener lé monde infenfô
à la raifon, que d'arracher au clergé le tribut que
lui donnent fes dévotes ouailles?
Un miroir qui retrace fidèlement la laideur, éti
tft fou vent par cette raifon même abhorré, ai
te flattes, îleilvrai, que jamais tes écrits ne vcr-
tônt le; jonr. Mais ne te flattes -tu point d'uii
éfpoir trcmipeur ? J*ai déjà décoaverc^ ce me iètti-
' 1 a bléi
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132 PROGRES
ble, plas d'une feuille de ton grifFonage clandeftîrf^
qui vole par les cabarets. Te voilà donc convain-
cu d*être Poëcè , tu auras beau t'en défendre ; &
qui fait (i bientôt on ne te verra pas faire gémir la
prefle? Peut-êire même qu*un jour la race future
recherchera tes vers f ces fruits de ton oifiveté j
& qu'on lés trouvera dans un même paquet avec
ceux de Juvenal , mais pour leur fervir d'enve-
lope.
Si ton meilleur ami t'écrit & te demande un
confeii , tu ne réponds pas ; on diroit que tu ne
l'en juges pas digne. Quelqu'un vient -il te faire
un raport qui ait pour objet ton honeur y tes in-
térêts, ta profperitéy tu le fais attendre à ta porte.
Te trouves -tu dans une compagnie , oii la gaieté
anime le difcours & difllpe le chagrin de ceux mê'
me qui font les plus affligés , c'eft alors que ton
front fe couvre de mille plis , & que tu fembles re-
préfenter Timage de Catoq. Chacun alors vou*
droit fçavoir quel eft le mal qui te tourmente, mais
tu l'ignores toi-même; & fans fatisfaire à leur cu-
riofué , tu t'cchapes doucement pour gagner ton
Jogis. Là tu fais barrer ta maifon; chaque ferru-
re eft ferme à double tour , ainfi que fait un ma-
gicien qui veut conjurer les efpritsv Tandis que
la moitié du monde fe délaiîè de Ces travaux , ton
voifin effraie par l'éclat du feu de ta cheminée &
par la lumière de ta lampe nofturne , s'éveille &
eft furpris de te voir encore à la fenêtre , comme
un vrai fomnambule qui fe prépare à grimper aux
toits & aux clochers. Pourquoi ? Qu'as- tu ? Qu'efl-
ce qui t'inquiète ? Un mot. Eh , quel mot ? Un mot
dont la rime puiife terminer ton vers.
Maudite Poëûe! ah mon eiprit > écoute la voix
de
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©ES ALLEMANDS. 133
de la rairoD, & ne m'oblige point à emploîer les
fecours de la pharmacie pour te guérir. Commen-
ce par attaquer tes propres défau(s , avant de cri-
tiquer les aftions d'autrui. Car fi je voulois me
donner la peine de l'examiner à fond, dis -moi/
n'aurions nous pas honte Tun de l'autre? Enfin ce-
Jui qui veut fe charger de TofBcede Juge , doit ex-
aminer avant tout fi fà propre conduite efl: con-
forme à Tes préceptes. Un M*** enflamé ne rougit-
il pas , lorsque déclamant du haut de fa chaire, il
cenfure, (es ouailles galantes , & leur parle de la
vengeance célefte & du fcu du Ciel en préfencc de
C/oris , qui l'autre nuit encore repofoit dans les'
bras amoureux de l'hypocrite pafteur?
Eft-il poflible que r.irt de rimer ait encore des
charmes pour toi ? Ecoute feulement nos chants,
je t'en conjure ; regarde ces miferables vers que
' l'Allemagne voit éclore partout jusqu'à (es derniers
confins. Les ruifleaux abondans à'Opitz font ta-
ris , nous y paflbns à pies fecs. Où trouve- 1- on
la fontaine à' Hoffmann 7 Où voit- on couler les
fleuves de Lohenjlein? Et fi j'en excepte ReJJer ^ y
a- t-il quelqu'un parmi nous , qui connoiffe /a four-
ce véritable de l'Hypocréne? Le premier rimailleur
qui boit avec Pegalè à l'abreuvoir fangeux , entre
fûudain dans l'ordre des Poètes; & c'efl ainfi que
noire Helicon cfl cbarigé en Blocksbers (* ) Mon-
tagne
(♦) Le Blocksherg ou la Montagne de Brocken efl la plus
haute de celles du Hartz. Selon la tradition p<»pulnire, elle
fcrt de rendes -vous aux forciérts ; ^ l'on débite mille im.
pertinences riiiiculcs â ce fujct. Ce qu'il y a de certain, c'eit
que cette montagae eit fauvagc & (^fcrtc , èi que le cliniuC
y eft fprt âpre.
13
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134 P R O G R Ë* S
^agne fi diffamée, où Toii n'entefnd que les erh fk\^
vages du Dieu Pan, qui rccompenfe la Cohoe ë»
Tes Chantres par des courones de Sautes &deQre*
lots.
L'antiquité ne chanta jamais de Héros, qui ne
0ut fa gloire à fon mérite & à fes vertus ; & )$
Langage des Dieux ne fut point profané par la bou-
che des Efclaves. Où eft maintenant le Po&e qui
ménage cet art divin ! aperçoit- il quelque favor^
fie Taveugle fortune , qui foit d'humeur à paier In
façon des vers, auflîtôc le rimeuraitèle fon Pega-
ie , qui porte un encens acheté à beaux deniert
çomptans jusqu'au trône de la vérité, qu'on Irrite
à chaque inflant par de pareils meiTages.
Si noMS voions la plupart dçs hommes fe perdre
dans le fein de l'oiOveté & dçs plaifirs; s'il y en a[
û peu qui s'évertuent dans la carrière de la vraie
gloire, la faute en eft aux Poëces, trop prodigues
de leur encens. Combien de fois ne les voit - or^
pas pour un vil intérêt donner leur corps & leur
ame en caution pour aOurer l'immortalité à la du«
pe qui les p^ie , qui comme un champignon eft ^
peine forti de la terre & que rien ne diftingue du
peuple, fi ce n'eft qu'un Prince foible le fixiffre à
les côcés, ou qu'il peut mettre dans la balance à lai
place de chaque grain de vertus qui lui manquent
\e centuple de vaiqe foncine ou d'un or méprifà*
ble.
On ne penfe plus en écrivant à ce qui convient .
au fujet; nulle penfée n'çft exprimée félon les ré-
gies du bon (cns; on a rempli la feuille avant d'a^^
voir confulté la raifon. On fait d'un Pigmée ua
Atlas, & cfun Atlas nn Pigmfe; quoique la véri-
té des p/oportions fa0e dans les tableaux le char-
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DES A L L E M A N D & j^^
me de rœil , & que le. portrait d*un Nain perd &
grâce s'il eft repréfenté fous les traits d*un Géaot.
Pourquoi lifons* nous avec tsjfit de plaiOr la mei:*
veilleufe hiftoire d'Enée? Ceft que u ce Héros eft
attaqué par quelque Mondre furieux, Virgile le
peine avec des couleurs fî vrayes , <i fi heureufe-
ment^ que nous nous feocons faifis d'une fècrèce
horreur; & quand je t'entens» ôDidon, parler
d*amour & te plaindre d'ingratitude , je fuis prêt à
vanger fur les Troycns faffront que tu as fouffert.
Aujourd'hui nul Poëte ne fauroit attraper fi adroi-
lemem la nature; il la noéprife trop , il cherche de
nouvelles routes; il répand des Jarmes qui font ri-
re, & quand il veut rire,fon lefteur eft prêtàpleu-
rer. Pour comprendre fon Alletnand, il faut qu'un
Allemand même foit Savant : aucun mot n'ell pro-
féré qui ne foit monté fur des échafifes* Arrive^i-il
dans ces tems de guerre le moindre événement^
il me femble auflitôt entendre foner le 1 ocfin qui
anonce un orage. Un nuage épais qui renferme dans
Jes ftançs les flammes çileftes , obfçurçit F Horizon }
tielair^ portant en croupe les foudres venger cjje s ^
perce de toute part; V épouvantable tonerre grande^
iSfan voler de tout cité les fléckes qu'il enfante. Le
pauvre kéleur s'afflige ;& puisqu'il fent bien qu'un
orage fi furieux doit être fuivi d'une ondée terri*
bte, il fe dépêche pour gagner un abri : & fermant
le livre» il laifie pour 1^ punition du genre humain
rimer le pauvre Benêt, qui reilèmble à un poiFedé
écumant dans fes accès de fureur.
Arrive t-il par hazard la mort de quelque Ré-
gent d'Ecole dans un Bourg. Grand Dieu 1 qud
tintamare les Poëees ne font - ils pas autour de fon
tombeau? On chance pouille à la mort, qui n'a
1 4 pas
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%Z6 P R O G R I? 3
pas voulu étendre au de là de quatre -vingt ans te
ferme d'une vie fi précieufe. On remue la terre,
on fait tapage dans le Ciel ; Phœbus avec tout fon
cortège, & Minerve qui rit dans le fond de fon
cœnr, font obligés de s*enveloper triftement dans
(de lugubres habits de deuil , & ne fauroient trou-
ver de confolatjon contre h perte du Régent d'E»
<:ole. L(i l'oè'fe dans fa doéle Eicgie met fouvenc
plus de Dieux en j.eu , qu'on ne voit de Bourgeois
fuivre gravement le Convoi funèbre. •
Tel autre, qui fe trouve atteint par les flèches
du Dieu d'amour, exprime fon martyre par mille
boufFoneries. On diroit à le voir, qu'il eft piqué
de la tarentule. 1 out ce qu'il a dès fa tendre jeu-
nefle copié dans les Livres, il le contraint d'entrer
dans fes Vers II croît que fes foupirs, fi remplis
d'érudition & de leSure , amoliflent les rochers,
Les flammes de l'Etna font l'image de fon ameur;
($ les glaçons éternels qui couvrent lefommet des AU.
pes^ font moins froids que le cœur de fa belle. En
attendant la pauvre enfant eft étourdie par ce mag-.
nifique langage, & peu s'en faut qu'elle ne tombe
en fincopc. Oui, quand fon Coridon, à ks pié?
profterné, n'exhale que l'ambre & la civette pour
?idoucir l'amertume de fts plaintes, fi elle ne
prend alors quelques grains d'antidote, certaine?
ment Tempoifoneur n'a qu'à employer ce qui lu^
^erte de fa perfide Poè'fie , pour faire l'Epitaphe de
fa MaitrelFe.
C'efl aînfi que penfoit M. de Canitz dans fes Sa-
tires; mai'? je ne cefTe point de répéter, qu'il m*^
pié impoffiSIc d'exprimer toute la force & la déli-
çact'Ûe des Lui^rs ^u'jI empipye en Allemand. Suû
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^Es ALLEMANDS. 13?
VOBS le maintenant jurques fur le tombeau d'unç
Ppoufe qu'il idolatroit , & écoutons les foupir? i^ue
fa mo« lui arrache-
D O R I S.
Slegîe de M. de Canitz fur la mort de fa ]
première Epouje.
Dprîs me fera- 1- elle rayîe? La mort melVt-^
elle arrachée ? Ou n'efl: - ce qu'une illufion qui eau»
fe ma frayeur ? Vit-elle encore? Non, je l'ai per-
due. Le tombeau couvre ma chère Doris. Ah,
fort rigoureux ! Viens trancher le fil de mes jours.
Puis je furvîvre à toi que j'aîmoîs plus que ma
vie? A toi que j'avois empreinte dans mon cœur,
toi qui rendis mon bonheur fi parfait, que ni Ic^
inonde, ni fes Courones & fes Empires ne pou-
voient me donner de défîrs, parce qu'il n'étoient
pas d'un prix égal à toi.
- Dorîs peux -tu m'afflîger? Qu'efl devenue It
fidélité, qui partageoit toujours <k ma joye & ma
douleur ? Tu voles vers la demeure célefte , & tu
quittes pour la première fois ton Epoux. Tu
romps les nœuds facrés, qui t'attachoient à lui.
Ta félicita n'adoucit point mes tourmens.
Quel flux & reflux de penfées accablantes! ô
perte inexprimable , que tu déchires mon cœar!
mais pourquoi, tandis que je me défole, une joye
feerète s'empare- 1- elle de mes fens, chaque fois
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138 P R O G R t^ S
3ue je peofe à celle c|ui &ie le fajet de moo a&
iâion.
Hélas, puiflaî -je réuffirà former des accens dig-
nes de Doris ! Mais ma voix efV interrompue par
mes foupirs, la main me tombe, mes paroles fe
cbangeoc en fanglots , & je fuis dev^emi à moi«
même le feul & le crîile témoin de ma profon^
de douleur.
Vous qui par vos Ecrits & vos Vers , fa véi
triompher du trépas, chantés le chagrin qui me
dévore & le mérite de Doris, afin que la poflérîté
la regrette» & me plaigne. Mais non, vous pou«
vés vous en épargner la peine. Car il n'y a que
moi qui les connoiilè*
Il eft vrai que les perfeûions de fon ame n'é*
toient pas enfevelies. Non, elles étoient admirées
de tous nos Citoyens ; mais perfone ne les connois^
foit comme moi. Bien des femmes obtienent tout
lesfufFrages, qui ne poIFèdent pas tant de vertus»
que la modeftie en fit cacher à ûoris*
L'înftant qui détache les liens de fa vie , prouve
afles qu^elle jouiiToit de la faveur de fon Dieu*
Voyés comme la mort la menace! mais la mor(
commence elle-même à frémir quand Doris lui fait
çonnoître en fouriant, que celle qui peut détruire
)a nature, eft à peine capable de troubler fon fom-
meil
jamais dans levain tumulte da monde» la vnuh
titude
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p^f A I^ L 5 M A N I> s. J39
fàinde féduite de put fëduÎFe Dorîs. Jama • elle
ne bue 1(^ poiTon dès vices , cachée fo s le rium de
neâar ; tant ellie pofTedoit nacurellçmem la pierre
de louche de la vercu^
9laî$ dans fes discours comme dans fes afllons
jdie obfervoic une receoue^ qui ne cenfuroic jamais
Ja conduite d'auirui pour autorifer la fieonc: quel-
les leçons de fagefle ne donnoitelle pas par fa bou-
che » & que de tréfors ipeftfmables a'offroU poinç
1 exemple de fa vie 1
Faire à tout le monde uo aeciieil gracieux ^ té*
moigner une amitié fincère , répandre des bîeu«
faits 9 c'étaient là ks innocens artifices. Ni la fa^
veur, ni la confiance intinoe des grands de la ter^*
Tc {*) nepurem jamis lui donner le moindre or-
gueil. Hélas , dimit elle ^ nous tombons dans I^
poudlère avec tout ce qui fait le foi^demen; de nos
plus belles efpéraaces.
Elle ne cherchoît point à plaire par une conduu
te affeélée. Cctoit- là un jeu trop indigne d'elle^
Et quel befoin pouvoît-elle en avoir ? Son frone
fur lequel on voioit briller la candeur , faifoic au«i
tant rougir Teavie , que fon afpcfil lui gagnoit de
cœurs.
Déjà depuis Ipngtems je m'etois fenti touché de
la douceur de fes mœurs» mais nocre Himen aug-,
inenta infiniment l'ardeur de mon amour, J*avois
fai{
(♦) Elle fat extrêmement (fiftfnguée de Frédéric prenierj
Roi de Fr^Œc & de Ja ï^dne fQ^ ipçuk. ^
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140^ PRO GHr»
fait choîxd*un cœur, qui dans radvcrfié coirne
dans la fortune confervoic le même caime & la
mêmç féréoicé.
A la mort de nos chers enfaos (f ) elîe ne don-
na point de marques d'un coupable défefpoir. Mai-
fon & biens ($) périrent par les flammes , mais
fbn courage Héroique n'en fut point ébranlé. Vain-
cre fa douleur, régler fes vœux, foumettre fa rai-
ion aux arrêts du Sage Créateur , & porter la con-
iblation dans mon ame, voilà ce qu elle fit.
De quel retour de tendrefle ne païoit - elle pas
mon amour ! elle ne vivoit que pour moi , & n'é-
toit attentive qu'à deviner mes défirs. Hélas! j'ai
perdu tous CCS avantages. Quel défefpoir me fai-
lît? Mon étoile infortunée m'a- 1- elle donc con^
damné à vivre dans les douleurs d'une mort cou^
Cinuelle?
L'innocence du feul gage qui m'efl: reflé de
notre amour , me caufe même une douleur nou-
velle. La fincerité de fon cœur , fa vivacité , fon
cfprit enjoué me retracent trop vivement l'image
de fa Mère,
Ce qui fit autrefois mes plus chères délices a
pris maintenant pour moi l'amertume de Tabfyn-
ihe; & foible rofeau dénué de tout fupurt, je me
fens. plier au moindre vent. Le théâtre brillant
des
(t) De fept enfans elle ne garda qu'un fils.
(J) Sa belle terre de Blumberg fui presque eDliéfeD*Ç3t
réduite en cendre^ en rann^ei^PS*
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fi E s. A L L E M A N D s. i+f
.clés Cours ne iri'infpire que du dégoût; & ma mai-
fon me paroit un défère , depuis que j'y cherche
en vain ma Doris.
Mon efprit errant parcourt les terres & ks meri.
Ni les vallées ni les coteaux ne m'offrent un Azile
contre la violence de mes chagrins. Les monts
& les plaines, les mers & les terres ne font pas
capables d'adoucir mes ennuis j je n'y trouve
point Doris,
O vous ! inftans écoulés, que ma négfigence tria
fit pafler trop fouvent fans ma Doris, que ne pnîs-
je vous racheter de mon fang ! Soleil , rens moi
ces jours précieux , retourne fur tes pas ! revenés
,tems pafltrs , mais ramenés moi Doris !
Mais non , ne revenés point fans foulager mes
peines , vous ne feriez que retarder la mort que je
défire depuis fi longtems. Mais , fi vous pouvés
me ramener Doris , hâtés vous. Non, non, ar-
rêtes î . . . Vous poDvés revenir ou ne revenir
pas . r . tous mes vœux font incertains.
Chère moitié de ma vie languîflante , Dorîs !
gémirais-je donc envain pour toi? Peux -tu enten-
dre les foupirs d'un époux fidèle y dans le repos
dont tu jouis ? Es - tu touché de la rigueur de mon
fort? Helas, permets-moi d'interrompre ton fom-
meil , & tourne fur moi un feul de tes regards I
Montre- toi fous ces traits gracieux, qui oni
calmé fi fouvent mes déplaifirs , lorsque tu étoîs
encore far la terre ; ou fi le Ciel ordonne que tu
doi*
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14^ î> R Ô G R È? S
doive te fëparer à jamais dé moi, pour dernier adieti
fai? moi connoitrc , feulement par quelque figne,
que liion dérefpoit ne t*eft pas inconnu.
Permets -moi de te contempler telle que ta pa-
tois maintenant dans ks céleftes plaines, où eu es
cnvironé d'une clarté plus briHante que le foleil.
Ou fî la foibleflè de nos fens ne Içauroit percer le
it^oile qui nous cache la fplendear des Anges , prens
la forme que tu voudras j rens-toi Vifible à tnes
yeux , viens foulager la douleur qui m'accable.
Hélas! que ne m*efl:-il permiîs de t'etnbraffet
encore en Tétat où je te vis , lorsqu'au dcrnîcr iû^
liant de la vie, & prête à expirer, tés yeux char-
tnans fe troublèrent, <& qu'une fueur morteHé
inondoit tes joues? Je croirois au moins mes déflrs
en quelque manière fatisfaics.
Oui, quoiqu'on Vain fonge fôît trompeuf, je'
ferois content fi dans un inftancde fommeH tu vou*
Jois te préfenter à mes yeux : mais fi cet efpoîr
confolanc m'eft encore interdit, il me refte h fer-
me efpérance , aue le noir (entier de la mort me
conduira infailliblement juiqu^à toi.
C'eft alors qu'après tant de tetigueur, je té ver-
taî dans la Cité de Sion : jour heureux , jour fi dé-
firé , puilles - tu bientôt arriver f Une tnême tombe
renfermera mes cendres & les tienes ; & là vifto*
rieux de la corruption , nous y attendrons lejour , oi!<
Aos âmes feront réunies à nos corps reiTufcités.
Qui yois-je! puis -je en croire mes fens épei^
du*?"
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bts ALLEMANDS. 143
lîasf Ô frayeur agnéablel N'eft-ce pas Doris qoe
J'entends, dont la voix charmante m^adreffe ces
paroles? // ne m'eji permis ^ue de proférer treis
mots: je connois ï excès de ta douleur; Juis- moi ^ow
blie ten cbûgrin^ Doris ne fmbRera jûmais (•).
Autant qu'on aura trouvé M* de Canitz atten-i
drîflant dans Texpreffion de fa douleur ^ autant eft^
il gai » poli , aimable dans Tes poèTies galantes.
Des fumets affés ftériles par eux-mêmes , des riens
prenent des grâces & de Tame (bus fa pJume. J'en
raporterai un (èul exemple. C cfl: un reoierciment
enjoué qu'il adrefTe à deux Demoifêlles de Schwe-
fîn, qui avoient travaillé à lui préparer une garnî*
lure, dont il vouloit faire préfent à fa Promife.
Nymphes charmatttes , permettes - moi ;de baîfef
ces belles mains, que vousavés hjier occupées pour
moi depuis le matin jusqu'au foir ; foufFrés que je
Confacre ces premières heures du jour à vous té-
moigner refpechieufèment la vivereconoiflâncedont
je ferai toujours rempli pour votrs.
Si fannabte Dorilis (f) ne m'a pas tout à faÎÉ
©ubKé , fen fuis redevable à voï travaux. Mon î-
ma-
(») Cette pîéce a été fi unîverfellement goûtée parmi nous,
4011 11*7 t.^ércsiil'Atieinand8 qui Q*en kd^ent ^uel^e Aro.
phe par <œw. £t c'eû i quoi M. Kœofg a £siU alluiîon, lors.
Su'en publiant ces îoêfie» , fl a fait graver 4ine Orne répuî-
[îrale fous I*fi1égfe àe Maàrme <:anît2. Oettc 0rnc , au pfé
de Ittquéfle eft uae t^te<le non qtt^n ferpent s^efhtoe en
ynlin de rooger. porte pour <oute Imcr^ÊîOB^^Ottdhr:paffO-
jes: Majus ab exequiis nomen in ora onilk
^t) Non qu'il donne i fa Promffe*
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i+4 P R Ô G R P s
Jnagination me reprefeme encore ces doits legeri
& délicats !e promener de tout côté, pour omet
de nœuds & d^acours celle que mot] cœur adore.
Tant que ma bouche pourra parler, elle fera re-
tentir vos louanges , & changera tous les points
que votre aiguille à tracés en faveur dq plus indi-
gent de vo^ ferviceurs. Il n'a qu'un cœur à vous
oflFrir, il eft prêt à vous en faire don pour prix de
ce bel ouvrage y û vous trouvés qu'il puifie en
paier la façon.
Couple charmant j on eût dît que vous combat-
tiés à Tenvi à qui donneroit le plus de grâce & de
lîmétrie aux fleurs, aux rubans que vous avés ar-
rangés , vous avés la gloire de m'avoir choîfi que(-
Î|ue chofè de parfait , mais vos peines & vos foins
ont encore plus précieux^
Tout ce que je regrette , c*efl; qu'une de vous
deux aîant combattu fans dé, fon pouce ait écé at-
teint d'une bleffure. Helas ! j'ai vu le plus beau
fang du monde teindre une main qui eiFaçoit la'
blancheur des lis ; mais ma douleur a égalé du
moins la vôtre, car je penfe que la voix d'un fang
fi pur s'élève jusqu'au Ciel pour lui demander une
jufte vengeance-
I^erfîde aiguille , quelle eft ton audace? Puifle
ta pointe s'emonfTer & ne jamais plus produire
un point raifonable ! Au refte pour ne pas vous
arrêter plus longtems, je finis en bornant mes vœux
à pouvoir bientôt par un baifcr rcfpeftueux guériif
teipauvre pouce bkiïé.
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bns ALLEMANDS. 14^
Il tne paroît que la fimplîcîté & la poHtéfle qui
Hgnenc dans cette pièces en forment la beauté;
•^^-'-.f
CHAPITRÉ VIL
GuntbeTi
Jean Chrîftlan Guotheri qui mérite ùné placd
diftirtguée au Parnafle Allemand, naqliit ert
Silefie vçrs la fin du fiécle pafle, avec des ta-
iens décidés pour la Poè'fie. Tous fes vers fonc
}>lein de feu & d'images; mais le (lile^en beaucoup
d'endroits, n'en eft pas trop curreft. Il fut em-
porté à la fleur de fon âge, & cette mort pré*-
xnaturée l'a fans doute empêché de donner les
derniers coups de lime à toutes les poëfles qui
nous font rcftées de lui , que l'on a foigneufèmenÉ
recueillies après fa mort, & dont le public a vu
beaucoup d'éditions.
Celle que je poflede eft divîfée en trois paftle<4
La première contient des Odes^ dont 64. Jont l'a-
érées & III. mondaines ou prophanes. On y a
ajouté 12. belles Cantates du même Auteur. Là
féconde partie renferme 37; Satires & 50. tant M^^
drigaux que Sonnets y Ëpigrammes , Infcriptions
&. autres pièces de poëfies. Dans la troifième par"-
tie l'on trouve 112. Lettres en vers , quelques Poë-
fies Ladnes, 59. pièces de poëfiesj que rAurcur'
nomme fes Ëflais de jeuneiTe , &, un Suplemem
4'œuvrcs mêlées.
K lott*
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i4<f f R O G R EV S
Toutes CCS pièces étant fort longées , & les tto-
mens de mon loifir fort courts^ je n'en traduirai
que les endroits qui me paroiffent les plus propret
à faire connoicre le beau génie de ce Poëce.
Pen/ies pour dernier Adieu ^ à Toccafion Sune ma"
ladie dangereufe dont t Auteur fut attaqué.
A rafpeft des aproches de h mort, je n'ai pas
la foibleiTe de trembler. Je (ai que mon joug fera
brifé dans le tombeau. Que d'autres fuccombent,
4§ue d'autres nagent dans leur àngoifie , que la ti-
piidité feule retiene leurs gemiflcmens. Po«r moi,
je vois avec plaifir paroitre mon dernier crépus-
cule.
Ame apcablée! cefle tes plaintes: tes coihbals
& ta courfe feront bientôt terminés. Le fentiment
de tous les maux difparoit dans la dernière nuit,
où je ceflè d'être en butte aux traits d'un perfccu-
teur, où je ne goûterai plus l'amertume quifeœê^
le dans tout ce que nous faifons ici bas.
Crois -moi, à ta prière, Tombre au cadran ne
retournera point en arrière. L'édifice fragile dfc
,ce corps ne fauroit refifter encore loi^ems. Le
feu , le courage & les forces s'épuifent infehfible*-
ment, & au moment que je fuis devenu pJùs firge
•pour faire un jufte emploi du tems & de la jeunes*
iè, l'un & l'autre font pafles comme une ombre.
Quoi, tu tardes encore? Romps tes Jieiis aveè
magnanimité. Ce paffage fauroit- il t'intimider?
U ell vrai» le changement eft grand; mais de cetm
vw
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DE f A L L B M A N © s. i;^^
Vie à ritnmortalicé il n'y a qu'an pas, & tu peux
le faire d'autant plus courageuieineaty que la Sa«
geflè l'accompagne.
Cett. elle qui t'enfèigna autrefois l'art de .mourir
tranguillemenc. Tu goûtas fes leçons ; fais en ^u^
jourd'hui une Utile aplication ! Montre, comme
tu le lis autrefois àzBs le malbeut» ^ue ton coura«
ge tediflingue du peuple^ qui fe défefpère dani
les derniers momens;
- Fuis donc mon amel ibais non, arrêté pn jn^
Hanc. j^quires- toi d^un devoir effentiel de ]^ vie.
Qu^avant de prendre congé du monde , quelques vers
manifeftent encore ta dernière volonté. Celles 4
Calomniateurs, ceiTés de rire, fi l'indigence e(t
tout ce que je poflede. Gunther peut tefler enco«
re ) car il e£t Chrétien.
Heprens, Créateur ^taùn ame & ma vie, re^*
jprens le talent de l'erprit que tu me confias. Son**
Çe à ton Alliance! Quoique mes efforts né tendent
pas au grand , je croirai cependant mon zèle bien
employé, pourvu que mon exemple affermifle ua
ieul homme dans la vérité.
Vôtis j Êgaremens de ma jeunejji , faiis lefquels il
eft pretijuc ithpoffible qu'un mortel pùifle acquérir
en ce monde del'efprit & de la vertu; vous cpm*
pagnodfi du printeihs de mes jours, je vous donné
à 1 oubli r puiife^ t^il vous emporter dani l'abimedU
^âtïU H$la&! gue ce tems me caufe de regrets 1
Et vous I Ennemis, qiii êtes. accoutnQ\jés/à:c^il^
K a ^ teni-
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148 PROGRES
tèropler mes maux d*un œil tranquille & moqueur <
je vous laifle mon ^oeur qui fuc toujours ouvert à
ia réconciliation, pour toute vengeance de vos cris,
Jmis, qui n'en portés que le nom , & qui nourris-
fés des fentimens de Joab » gardés mes malheurs &
mes ckagrins, jufqu'à ce ^ue vous vous corrigtés.
Mon cœur & mes veines font prêtes à fe déchi-
rer , je fuccombe prefque fous mon défespoir ^
quand je penfe que ni mes prières ni mes larmes,
ne fauroient te fléchir , â mon Père ! Toi dont Ta-
mour paternel efl devenu, par les artifices de la
fuperftitîon , le tyran du cœur le plus fincère & le
plus droit qui fut jamais.
3*obferveraî cependant un refpeftueux fflence^
& remplirai mes devoirs. Si ta coléfe ne me laiilè
pas repofer tranquillement dans le tombeau, j'at-
tendrai dans l'éternité le retour de ta tendrefle, &
je fouhaite que ta mort puifle être exemt« d^in-
quiétudes & de remords.
Toi qui fis mon malheur fur la terre-, Probité
trop chérie / Toi que j'envifageois toujoufs avec
plaifir, au milieu de tous mes maux, comme mon^
plus précieux tréfor. Sors de ton féjour de tour-
mens, fors de mon fein, où, pour comble de
chagrin 9 tu as toujours été nuifible à toi-mê-
me.
Vas, cherche un meilleur fort , une habitation
plus digne de toi. Vois ce que j'aperçois, vois
le Coeur de Beuchelt qui s'ouvre déjà ; viens y loger,
viens^ y porter la béoediâion & raÎTurance que
Gua-
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DES ALLEMANDS. 149
Gtintlier efpèré par raport à toi , d'être digne de
ion amitié.
Fidèle Mentor , qui vis fous un Ciel éloigné , toi
gui m'apris autrefois la fcience des aftres, & ce
^ai efl neceflTaire au repos de Tame , puisque le
fort me métaux portes, du trépas dans le tems qu*à
peine j'ai atteint mon fixième'luftre, mon cœur te
voue & te fouhaite le reftc des années qui manque
encore à ma vieillefle.
Maïs hébsi quels tendres pleurs vîenent tirer
mon -ame de fa léthargie ? Les pierres poufTent-
elles des foupirs , ou eft-ce un fonge qui feduit
mon oreille? Cefl: Philis qui occupe mes penfées,
]a tendre & trop chère Philis. Dans cet inftanc
mon courage commence à chanceler, Hefas! moa
plus bel efpoir s'evanouic.
Vbilis qui m*aîmeroit dans mes plus grands mal-
heurs, & quand même la chaumière la plus ché-
tive nous ferviroit d'habitation , Philis qui unit à la
delicatefle du Corps, la force de refprit, & qui par
un retour de fidehté fe fent dcja atteinte de ma-
ladie.
O tendre amour , fois béni ! vole au lit de Phî-
Jîs, confoles-la, dis lui quand les larmes Baignent
fon vifage , qu'elle doit modérer fa douleur. Dis
lui que la plus grande partie de mon Etre eft en
dépôt dans fon cœur , & lorsqu'un jour on la des-
cendra au tombeau, je mourrai avec elle pour la
Seconde fois.
K 3 Et
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.,jo P R O G R B? S -
Et toi. Lyre cberie, à qui puis-je te léguer? fl
y eD a beaucoup qui voudroient te condamner aa
feu , car tu rens des Tons trop aigus. Mais pour-
rois- je te voir confumer par les fiâmes? Non, teç
accens « que tu ne me refufas jamais, & qui oqc
fouvent ranimé mon cœur abattq , méritent uqe
xneilleure reçompenfe.
T'ofFrirai-je au Dieu du jour? Non, tu n'es; pas
un ornement digne de lui. A force d'avoir- été
touchée , tu ne rens pas encore des fons afles moel-
leux pour pouvoir être fuspendue à THelicon. 0-
{ùtz te feroit honte , Flemming s'y opoferoit. Que
a l^eriîi te prene , & qu'elle aille courir le monde
îivec toi.
Quelques Strophes attachées d'une Ode que F Auteur
compofa à loccafian de la Paix conclue entre
r Empereur ^ la Porte Ottomane en i-^ii.
Eugène eft parti. Mufes fuivçs ! Il s^arrête, il
refout , il combat de nouveau. Dans les plaines
où il ell accoutumé de ceuiliir les Lauriers, on le
voie déployer les rangs & étendre les Frontières.
Son Epée , qui frape & remporte toujours la
Viftoire, infpire à Tennerai une nouvelle terreur^
tout comme elle ajg^ermit le courage & la puiflao*
ce des Peuples Combattans, qui fous les aufpicef
de l'aigle voleqt pour arracher le croiflant Otto-
^lan.
Déjà Ton voit le Courfier du vainqueur qui plein
d'ardeur s*ébroue, écume & fent le combat de loin,
]aà foriwie fe gliffe dans l'armée pot^r aprendre
c^'fi^•
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» B s A L L JE M A N D s. x^^
4'Eagçne à être conftante. L'air rttcmit , la m»
tremble , le Cavalier brûle d'impatience , le Fan-,
taflin s'élance pour attaquer la multitude farouche »
&J'ondiroit en voianC avancer qes Guerriers , ne
voir qu'un feul cœur qui vok a 1 -enneou.
Jette un regard en avant» illuftçe Race d*Arr
minius , vers les lieux où le caprice du teps, ^
démoli le pont de Trajan ; remartquc ce <}|i'on y
voit fè mouvoir & briller, Ceft un bruit confus
d'armes & de cuiraiTes , ce font des Légions ^'om-
bres Romaines , cê font les âme$ cjês anciens Hér
ros. Elles vifenent pour être tctpQÎns de ta valeur^
elles vont anoncer d'avance à Ja pofterité , ce que
tu fis par ton a)uragè.
L'Auteur adrefle enfuite la parole aux Ottomans
& dit:
Modérés votre fureur, marchés pas à pas ! Vous
menés à votre fuite les chars , les chevaux & les
chameaux. Vous nops fournilTéi vous mêmes Je»
înftFumens pour emporter le ttutin. Mais éver-
tués -vous. Le danger aproçbe, pirouettes en
bôittant autour de l'autel de Mahomed , implorés-
îe en bailTint.vos armés; élevés votre voix* criés;
il dort peut-^être, il conipofe, .ou bien il eft occu-
•pé ailleurs. '
Après avoir employé quelques Strophes à décri-
re la fureur des .l' urcs ^ Tinjuftice de leurs procé-
dés ; .& le peu de fuccès qu'ils eurent dans cette
Guerre , il leur donne le confdl d'implorer la
K4 clé-
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J5e ^ P R O G R E? S
clémencede l'Empereur, & d'embrafler fes genoux,^
nprés quoi il continue.
Mais, arrêtés, Crayons! ne foyés pas aflesté^
meraires pour vouloir retracer les Pcrfeftions de
Charles. Nous risquerions de nous voir contrains
à chercher le même Azyle. La vérité d'ailleurs
n'a pas befoin de vos peintures. Votre art ne faur
roit faire de lui un portrait reiTembiant. Gardons
un nience refpeâueux. Entrons dans le Sanfluai-
re où font placées les images des Ayeuz Augudes
de Habsbourg, & difbns, Charks les comprend tous^
c*el1: ainfi que nous pourrons montrçr (à grandeur.
Mqfès, retournés danslçs champs de Mars. Vous
y verres des branches d'Olivier fortir des piques
ijui y font plantées. Irène y drefîe une tente ma-
gique , fuivés là jusques fur les remparts & dans
les tranchées. Les glaives s'arrondilTcnt & font
changés en faucilles; h fortune refond les bou-
lets ^ Se en forme les (latues des Héros ; la poudre
eft employée aux feux de joie , le canon ne vOf
mit plus la mort , fon bruit n'infpirç plus U ter«
reur, mais il fait éclater rallegrelFe^
Si Ovide repofe encore à l'endroit, où la renom-
mée a placé fon tombeau , je fouhaiterois par un
mot toutpuiflant de pouvoir ranimer ces cendre?.
Jl ne Hingeroit plus à fa Patrie, amoureux de Char-
les, fa lire ne célébreroit plus que fa gloire, Eugène
feroic Tobjet de feS Chants, & il s'ecriroit , Céfar
reçois mes remercimçns , que tu m'as beureujemets
fîojcrit /
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PE$ A L L E M A N D S. 153
La joîe fufpend les facultés de mon ame, & mo
rend incapablede peindre la félicité de laGermanie,
Dans toutes les contrées foûmifes àl'Aigle Impérial,
cette année doit former un jubilé. Le Héraut de la
Paix vole de tout coté, il eiuone fa trompette , les C^
toyensde tout âge lequeftionent , le vieillard à la tête
chenue ranime fcs forcer, & laifle tomber fon haton,
la jeuneffe folâtre, l'enfance joue & rit, le plus ten-
dre nourriflbn au fein de fa Merc , femble vouloir
mêler fon gazouillement à rallegreflè commune,
Cefl: ainfi qu'éclata la joîe univerfelle des Habî^
tans de TAnciene Grèce , lors qu'après dix ans de
hége & de travaux , la Maifon de Dardanus , donc
Tincôntinence avoit attiré la malédiftion des Dieux,
fut Gonluiiîée par les flanles. Corinthe, Argos,
Athènes , quiterent TArene , le Cirque & les Eçor
les, tout le Peuple courut au devant des Vaifleaux,
hommes , femmes & enfans fe preffèrent vers le
port ; mille cris confus s'élèvent dans les airs,
chacun s'impatiente, fe rejouit, ou queftionc.
Mais, quel voile fe levé à mes yeux ! Je vois le
théâtre des tems les plus reculés. Là je découvre
un Scanderberg, là je vois combattre un Godefroi*
Les palmes fleuriflent à lentour de fa tête. On gé-
mit, on jette des cris d'allegrêfle, on com|)at, 01^
pille, jamais croifade ne fit un bruit plus grand.
La troîfièmc & la plus grande partie du monde dé-
truit l'efpoir des Sarrarms,& étrangle le tiran avep
les chaines qu'il forgea.
Le Nil s'effraie , Damas eH: en feu , les flamç^
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^54 PROGRES
s'élèvent fur les montagnes d'Ascalon. Le tumul-
te , la famine , la pefte , & le maflàcre défolent
tout rOrîent. Le Jourdain s'arrête comme un mur.
On diroit que c'eft un fécond Jofué qui fufpend
fon cours. Oui, il vient,. defcendant de Germains.
Quel efl (on nom? Mais, la Providence apeiie, &
ravit à mes yeux le Héros, fon nom , fon état, le
théâtre du monde & ma privoyance.
Mais où s*égare mon efprit! Que devient mon
héros? Priveroit-il la terre de fa préfence! Ou
bien fa tente efl -elle découverte, pour ne pas être
prophanée? Oui, je vois Téternité; elle ourdit,
elle brode fa robe triomphale , elle entoure fon
image d'étoiles , pour en orner fon Apothéofè.
Ceft par fon hifloire que nos neveux apcendronc
h gloire & la félicité de notre (iècle.
L'ame ne connoit point de repos ; chaque pen*
fiée en enfante une autre. Héros incomparable ,
tu en agis de même dans le cours de toq illuflrQ
vie. Ton ardeur ufe de modération. L'cflence de
ta valeur ne confifle qu'en vifloires fondéçs fur la
AigefFe. TajeunefTe & ta vieiDeffe paroifTent éga-
lement comme l'âge viril. O grand homme,
quelle fiâion la Poêfie pourroic-elle imaginer
pour célébrer ta gloire!
Vous qu'une heureufe ardeur anime k marcher fur
Jes traces du fiiblime Virgile, pourquoi refiés- vous
dans rina£lion? Vous n*avés pas chpifî un afles
beau fujet. Vous médités, vous chantés pénible-
ment. Vous, rimes des fables, & vous perifTés corn-
Pie elles. Vepés! vpulés vous pafTer glorieufemenc
k
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pts A L^ Lf E M A N D s. 15^
k la pqftenté ! Venés , preixés en main vos
crayons dorés, & écrives ce que Dieu fie par les
ïpains dç Ct^arlcs, L'Aigle vous élèvera avec luL
L'Héritage de Joreph vit eh paly, & jouïc de h
profperité du frère (*). Le berger rit, ks trou*
peaux augmentent , fes agneaux font gras & fains,
L'EIyfie (f), cette terre piomife, cultive fon
commerce, bonîBe fês champs &; bâtit non feulc*^
ment dçs greiiicrs, mais auffi des édifices oùlon
çnfeignela Sageflè. L'Italie prépare de nouvelles vic^
toires. C'eft ainfique la paix & la guerre nous mon-?
treqtlç n^ième Charles > le plus grand des Càîtrs.
Seigneur! le n)oi|Klr^ de tes fujets, dkit-il res-
ter çnfçveli dans la pouffière, te fuivra de loia
dans u carrière gloricufe, Oui, j'y fuporterai tou-
tes les fatigues, Qu^nd mômip tu me relégûeroia
jufqu'aux frimats de l'ourfe, j'y volerai avec joye^
.j'y trouverai une mer où je pourrai graver ton éla-
vge dans dçs glaces éternelles. Car, tant que jb
réfpirerai, Charles, Eugène, & la Vertu refteroni
î'objet d^s travaux de nja JMufe
Eloge des aâions héroïques de S. M. le Roi de
Fohgne Fredem ^ugujie , 1 7 1 s^
Le refpeft me juftifie, ô mon Roi & mon Hé-
ros, fi roa Mufe bronche à chaque fyilabe, & Q,
n^
(♦) Chf^rUs flviJt hérité les Etats d'Autriche de la Succeffm
4^ fon frère Jofeph. '*i ^
{\) #îw î«tf t^^^ii autrefois la Silejte.
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156 PROGRES
ma bouche timide eil prête à fè taire en voyant
ton augufte vifage , dont l'éclat divin m'éblouit.
On fait, ii eft vrai, depuis longtems que ton
cœur magnanime , & ton efprit généreux k plai-
dent à la naïve fimplicité, que les douces qualités
de ton ame te couronérent beaucoup plutôt que
ton front ne fut ceint du Diadème. Mais quoique
cette clémence me fbit connue, ainfi qu'à l'Uni,
vers, cependant l'autre jour ces ra^rons de la ma-
jefté frapèrent mon efprit à tel point, que mon
Pégafe en fut épouvanté» & demeura immobile &
rétif.
SIfgneur, fi un (èul de tes regards lancé de
près , a une vertu fi puiflante quand perfone ne
doit craindre tes foudres & ta vengeance, que ne
doit«^il pas faire dans les lieux où la crainte (cuie fait
fuir tes ennemis , & où ta colère dit: Les voilà
étendus par tnilliers! Le palFé ed paiFé. Mon Roi
iàit pardonner (*).
Allés , Poëces, allés invoquer par vos cris neuf Mu-
fes a la fois. Il n'y a point de fecours à efpérer de la
Fable. Ma plume prend la clémence d'Augufte
pour la Déefle de fbn art , mon efprit fent déjà la
vertu de les influences. Je m'adrefle, Seigneur, di-
reôement à toi, comme on implore la Divinité ,
dont tu fuis l'exemple en gouvernant ton empire.
Le véritable héroïsme eft modefte. On fait,
ô mon Roi, que tu abhorres l'impudence de ces
âmes vénales qui écorchant l'oreille de leurs fons
faux & aigus, te racontent par intérêt tout ce que
ta
(*) n ûvoft été apelîé pourfqirc des ImpnmSus devant le RH, &
fis put jamais dire un met.
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tiEf ALLEMANDS. 1^7
tu es, & tout ce que tu fais, font monter les pa«
rôles fur des échafTes, ineccenc leur vanité à écrire
obfcurement^ & envelopenc la clarté brillante de cet
àâions des plus fombres nuages.
Jl eft difficile d«;fe garantir de foî-roêrne; ce-
pendant, Seigneur, je fuis {incapable d'une pa-
reille foibleffir; mes vers coulent naturellement^
je reconnois ma foibleffe, & je ne m en aperçois
jamais fi bien qu'en voulant peindre ta grandeur ,
qui eft ce qu'elle paroit. Auflî me tairois-je vo-
lontiers, mais la vérité s'y opofe, là vérité qui
feule gouverne mon cœur,& qui aujourd'hui m'en-
traine avec violence ju(qu'aux pies de ton trône.
Combien de fois ne me fuis- je pas élevé contre
notre Cècle,.qui ne refpefte ni ne craint plus le ju-
gement de la pofterité, & qui ne fauroit refllilci-
ter ni un Virgile ni produire un Beffer, pour chan-
ter dignement tes louanges ? Nous ne manquons
pas de froids Verfifîcateurs. Le Nord n'eft pas (i
fertile en flocons de neige , on ne voit pas tant d'a-
vides moineaux ie jetter en Automne fur les dons
deCerés, les jeunes Elèves d'Efculape n'envoyenc
pas tant d'ames au ténébreux féjour, que de Poè-
tes de cette efpèce. vienenc (è préfenter à tes yeux*
L'un farcit de fentencès & de chiffres un Madri-
gal, dans lequel il prédit à quel nombre d'annéei
la porteras ta vie ; aveuglement ridicule f comme
fi par rinfpcûion des Aùrcs la Providence mettoit
la clef de lès Décrets dans la cervelle des fots f Là
vous voyés une montagne en travail , qu'enfante*
t-elle ! une fouris. C'eft un autre qui ronge ki
ongles, tranfpofe, efface, ajoute, &fetourmen«
^ pour eftropier les noms & les titres des hommes»
illuftres , & les rendre perclus âc boiteux dans fe»
plai>
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158
* tt O G R E^ S
plattes anagrames. Un troifième veut s'ékVëf
dans les nues, il commence par ce magnifique de^
fiut. Héros magnanime^ héros de tous les héros!
& refte court au même inftant. Le quatrième eft
poflefleur d*un livre rempli d'isinblêmes , de prd-
duâions rates de la nature, de perlés, dé plantes ,
d'armoiries & de curiofités étrangères; c'eft làfoii
tréfof & fa confolation. Sa verve y puifc les ma-
tériaux pour forger, en dépit de Phœbus , des Ri-
mes pleines d*art & d'ornemcns, & ceft cette
marchandife précieufe qu'il vient d'offrir au nouvel
an , à fon Prince qui le paye.
Tu vois, Seigneur, combien peti je mehage le^
fots , j'ofe même les attaquer à tes yeux; lion pas
parce qu'ils s'efforcent de te plaire , mais parce
que je voudrois qu'ils s'exprimaflent naturellement.
La vraye grandeur n'a pas befoin d'un éclat emi-
prunté, & tout fard eft fufpeft. Quel eft le pluâ
bel ornement d'un tableau ? Ce n'eft pas la quanti-
té & la bîgarure des couleurs ; non , c'eft la vérité
& la reflemblance qui font l'ame & le prix du por-
trait, comme la fîmplîcicé Teft de la nature.
Que de Lauriers, ô Héros, n*as-tii pas plantés,
là ou la Viftule fait couler fes ondes en tournant?
Quel efprit, gael courage j que de vertus ne fit
pas éclater déjà l'aurore de tes jours ? Si chés la
pofterité l'art des Poètes demeure en eftime, les
Îjeuples des rems les plus éloignés , dont les ayeux
ont encore à naître, fe profterneront avec admi-
ration , lorsqu'ils entendront prononcer ton nom ;
& comme la délîcatefle des fiècles modernes envi-
fage fouvent les évenemens du vieux tems comme
moitié fabuleux , ils te prendront Toi & Herculd
pour des detni'* dieux ^ de xitiême que beaucuup
d'Aû-
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DES ALLEMANDS. iS9
é- Aftdëtis regardèrent Nae ^ Ofirîs^ Un pareH
Laurier cepehdant efl: afles ordinaire. Vn héros
doit toujours être hérors fans qu'il foit fanguinaire.
Les Annales les plus flériles, les Contrées les plus
petites & les plus defertes , ont fourni i'tout au
au moins un Heftor. Un Prince au contraire qui
réunit la gloire à une ame pacifique» mérite de
fïlus grands éloges, & fe trouve bien plus rare-
ment. Rome étoit déjà vieille, & plus d'un chaf
de triomphe y avoit porté plus d'un Scipion au Ca*
pitole, avant qu'on vit paroitre un Titus, qui
bannit ia guerre, fufpendit le glaive, fut nommé
les délices du genre humain & le .père de la Patrie^
'& qui mourut plus glorieufement , que s'il eut ren-
du Partie k\i lit d'honeur, environé de meurtre &
de carnage.
C'eft encore à cet égard, qu'Augufte occupe le
jîreriîier rang parmi les héros de nos jours. O mon
Roi ! lorsque je te Contemple fous cet afpefl: glo-
rieux , je vois du premier coup d'œil , combien ta
Véleves dans la Paix fur les autres Rois.
L'amour pour ton peuple l'emporte fur tous tcB
autres foins. Ton œil, qui veille fans ceflè, eft
nôtre rempart âc notre fureté. Tu connois ton
^J>ay$, comme toi-même, tu es le plus précieux
tien qu'il poflède, & fi tu épaifflies ra vie, tu ne
répargnes que ponr notre profperité. Les hom-
mes, aux mains desouels tu confies le gouvernail
de TEtat^ font remplis de prudence, Ton choix
îfte conlblte que letnr tnérhe, leur regard s'étend
liir le paflë comme fur l'avenir, leurs confeîls font
exemi^s de âatteries; ni ta ondnie, ai Tintcs'êt
«e les fauroient porter à te déguifèr la vérité.
Ceux aufli que fe courage 6c r^araeur confacrene
aux
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t6o P R O G R E^ ^
aux travaux de Mars , ne forment point un ajJiti
reil oifif d'une valeur imitée, qui réjouit fimple*
ment la vue , & ne fait que jouer avec les armeS;
La campagne a vu couler leur noble fueur, l'en-
nemi a fenti la force de leurs bras ; les fatigues onc
endurci leurs corps* Quel ell: le foldat, qui plein
d'ambition, ne volât à travers des flots ou des
flammes, au premier fignal que tu donnes? Si un
Empire doit lubfirter, la juftice & ?la clémence
doivent y tenir un équilibre égal. Cefl: ainfi q\ie
chéstoi, Seigneur, les peines & les recompenfes
partagent le gouvernement fbuverain* Quel cft le
mortel qui forte mécontent de ta préfènce? Quel
efirindigent, Ô Prince charitable, qui ne béniffe
ton règne? Quelle eft la veuve dont tu laifles ë-
touffer les foupirsdans fes larmes? Quel eft le fu-
jet qui ne te fouhaite les années de.Neftor? Ta
n'entenspas, il eft vrai, combien de vœux, s'élè-
vent vers le Ciel pour ta perfone, mais je jure par
cette main« qui pofa la Courone fur ta tête, que
mille & mille âmes fous leurs ruftiques toits, im-
!)Iorent tous les jours ^ en toutes fortes de langues^
*Etre fupréme pour ta confervation (*).
Si jamais un Romain pou voit fortirde fon tom-
beau , s'il pouvoit porter fes pas fur les remparts
de tes formidables Cités, en voyant ces portes |
ces foffes, ces baftions, ces murailles & ces ca-
nons , fon anciene valeur fe ranimeroit , il friffo-
neroit , il admireroit dans un refpeàueux filence.
Et s'il cntroît dans la ville, qu'il y vit les aprêts
d'une
(*) Il y a ici une lacune me je tCai point traduite pour ne pafî
fendre la piêc^ trop longue^ ff parce que les penjées riê rouknt ^tti
Jur les embellijjemns qy^dugujtejh à Dresde.
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fi B s ALLEMANDS. i6t
ii^une Fête brillante , tant d*arcs de triomphe lui
feroient croire qu'Adonis ou Venus font prêts à f
feaire leur entrée. Oui, s'il te vôyoit, ô Héros,
à la première aube du jour, dans les pilaines de
VOefier^ comme Général & comme foldat , voler
autour de tous lés ratigs, & tantôt par un flgne &
tantôt par ta voix faire agir les hommes, les che-
vaux & les armes , il accourerdît à Tinftant , fe mê-
leroit avec tes guerriers, & fe croiroit dans lé camp
dç Céfar. Dut - il même, remarquer qu'une belle iN
îufîon l'eut Teduit, ce n'eft pas ton èfpfit, mais
reulemént /es propres fèns qui Tauroient trompé.
O Saxe! ne crains point là décadence des tems
heureux. Le bi^as d'Augùfte fonde aujourd'hui ton
Çmpire par la guerre & lés combats. Il fait ce que
fit David, & lorsqu'un }our (que Dieu veuille re-
culer} il ira rejoindre Tes pères , on verra fdn Prin-
ce magnanime , cûmihe un fécond Salomon , re-
cueillir ion héritage & occuper foft trône, 'tels
font les arrêts de la Providence. On verra fenai-
îre le-fiècle d'of, le pouvoir des vices fera dompté
jâ jamais, les loups & les brebis paieront enfémble,
le glaive ennemi n*arf êtera point les travaux de la
faucille; ton Cercle Eleftoral deviendra un Paradis
terreflre & le grenier des contrées voifines^ Le
fang de Wittekind y régnera en paix. O Rbî, que
la gloire environe! jufqli'oîi me perds- je? Plus je
brule d'ëcriro, plus je te contemple, & plus les
rayons de ta gloife m'éblouiilènt. Ceux qui te
louent le mieux, en difent beaucoup trop peu. Fais
ce que tu veu^, donibâts, badine, donne ^ com-^
inande, cache la majefté foiis un mafque plaî-
/arit, exerce -toi dads un tournoi, habille •'toi
^ôur la chafle, viens voguer fur les ondes ^ Tora-
L {9
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i62 P R O G R E' s
ge reconnoit refprît de Céfar', tu ne (àurbîs te de-
guifer, le Roi paroic partout (*).
Monarque incomparable! tandis que tes veilles
& tes travaux guerriers donnent le repos à tes peii-
pies & de réclat à tes annaks, que les grands &
les petits refpirent ]a joye fous ton fceptre, que la
bénédidlion, la magnificence, les plaiùrs, la fure-
té, & la liberté régnent dans tes Etats, tandis que
des Artiftes des contrées les plus célèbres font ho-
norés à ta Cour, que la MuGque & la Peinturer
font tes délices, pourquoi, Seigneur, la Poëfie
indigente doit -elle feule fe plaindre? Elle vient,
fe proîlerne& embrafle tes genoux paternels; el-
le te carefle en pleurant, elle efpère de trouver un
azile dans tes bras. Elle eft jufqu*îci orpheline,
errante , fans àpuî , & devient fous le Ciel d'Alle-
magne le jouet des capices du fort; on Toprime
dans les villes , on s'en rit à la Cour, & on ne la
nomme plus qu'une foubrette congédiée. Un pareil
affront blefle fa noblefle, qui fut cependant hono-
rée de Rome, d'Athènes & du grand Louis' Fran-
çois* Viens à fon fecours, augmente tes titres
gjorieux; un Roi héros, a plus d'un moyen pour
aider. Le Ciel a réfervé peut être pour toi l'hon-
neur d'être fon protecteur , afin que la grandeur du
Monarque éclatât par la grandeur de Tobjet.
Nous bagayons encore , nous autres Germains ,
& fi par fois on a vu éclore quelques Cygnes, leurs
chants n'ont presque été que de fimples effais;
d'où vient ? C'efl; qu'il n'y a point d'Augufte qui
comble leurs vœux.
Je n'ignore pas ce que l'envie dit de nos Vers.
Om
' (^) A y s ici encore uni lacune*
jby Google
DES. A L L £ M À/N 6 S. ifi^
On prétend que la pareflè domine nos Poètes , que
leur verve s'exhale purement en rimes licentieu-
fes, & que; femblàbles à ces arbres qui fleurifleac
fans porter dô fruit, l'Etat ne fetîre aucun avanta-
ge de leurs travaui^. Maïs ce reproche n'attaque
que ceux qu'-Apollori traite de Maîtres -Chantres^
Hiais nullement ces beaux Génies que la nature , \6
feu divin , & la vérité enflament, & qui peuvent
prefcrire des loix à l'envie & au tems. Les vic-
toires & les exploits des pères excitent Te courage
des devêUx, Ce qu'Alexandre fit dans fa jeunefle:^
Céfar le voit gravé fur faîraîn , il pleure , il fe
preiîe de partager avec lui les dangers, les con-
quêtes & la gloire. Mais le bronze & le marbre^
les m etaux & les pierres ne font pas à l^abri du dér
peijflèmenti La rigueur des. faifons efface tout cé
que nous f gravions. Mais nous traçons fur le
papier des monumens bien plus durables, qui bra^
Vent le tems & la mort. Le Lauriet dotmé par les
mains des Mufes, donferve , comme le beaumci
les grands hommes dans tout leur éclat, il reiTufci^
te;ies morts & les tire du tombeau, il nous repré.-
fente l'image de l'anneau de l'éternité , cortime il
en poflede la vertu.
Que de Héros , malgré leuf courage, leurs fati*-
gués, leurs triomphes, & leurmagnij5cence, ne font
pas enfevelis avec leur gloire depuis plufieufs milierS
d'années dans l'oubli , & dans la nuit du néant!
Car n'ayant point trouvé d^Homeréqùi les ait por-
tés à l'immortalité, leuf' nom a fuivi le fort de leut
corps , l'un & l'autte font péris. Mais qu'Achille
paroifle encore enflamé de colère à nos yeux,<jue
la volage Renomée connoiflè encore aujourd'hui lafc
rufe & la fineife d'UlyUe , & que nous admirions
L 2 k
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i64 P R O G R E^ S-
h valeur précoce & les regrets cuifani du jeunr
Marcelle, à qui le doit -on? à un vieillard aveu*
gie; ou bien au divin Virgile?
Ne crois pas , ô mon Roi , que nva plume z\>
dacieufè, qui offre à ta grandeur un humble facrl^
£ce , ait la vanité téméraire de vouloir déifier toi^
nom, & porter ton éloge jusqu'au Ciel. Tu es
grand par toi-même, tandis que je croupis dans la
bafleffe & dans la mifëre. L'Yflbpe fçauroicil don-
ner de Tornement à une courone? Mais, fi ja-
mais lu daignois par un feul de tes regards , cban-
ger mon rigoureux tlefiin , je crois qu'en- peu de
lems j'eleverois ma voix à un ton plus fublime. Je
demande & je risque beaucoup ^ mais tu es Au*
guste , tu te plais naturellement aux bienfaits , &
tu crois comme cet autre Prince débonnaire , le
jour perdu auquel par hazajd-, tu n'as pas fait
quelque aâion genereufe. Les Mufès, il e(l vrai,
me font afles favorables, elles me nomment leur
enfant , mais mon patrimoine ne confifte qu'ea
quelques talens,^ qui doivent me tenir lieu de biens.
Âuili mes vœux & mes defirs ne font - ils pas fort
grands : je fais peu de cas des veaux d'or de la ri-
chefle , & ne demande point un emploi lucratif.
Cefui que fanaiflance condamne à ramper, ne fçau*
rôit guère chercher à s'élever plus haut que le
lierre, quand il embraflèjes branches les plus baflès
du cèdre.
Mon Roi & mon Héros 1 Ta gloire occupera
ma veine dans mon repos literaire , & ta généreu-
fe clenience fera ma divinité tutelaire* Permets
que rempli d'amour & de refpeû pour toi , ma
lire s'exerce à célébrer tes exploits. Que d'autres,
qui ont fait ligue avec la fortune , aillent courir
aux
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Dî $ ALLEMANDS. x^
àox dangers, pour teindre de nouveau fang les ti-,
très d'une antique nobleilè » ou pour amafler en
faveur. d'une grande Maifon^ de plus grandes ri-
cheilès j quanc à moi je les honore & les loue ,
mais facisfâii: de mon état, je ferai montent û la
jnaio bienfaifance d'Ai^uile donne un doux azile
aux Mufes , fi je puis dans une retraite tranquile
remplir des annales éternelles de ton nom & de ta
gloire » & fi jamais je me trouve en état de dire :
jMuJis y recevés mes adieux ^ fuspendés ma lire , lais*
fis repo/er mes crayons ; j'ai achevé un ouvrage qui
me donnera l'Immortalité Je puis maintenant fans re-
grets renoncer au rejie de ma viC;, ainji quà Vart de
M Poëfic.
JE P I T %^S^
Un Père irrité ; dont FAuteur cherche à flé-
chir la colère en quittant fa patrie.
Quîdftci ^ -quid commerui aut peccavi Pater?
Jusqu'à quand , ô mon Pere\ mon'efpoîr fera-t-
il trompé ? J^isqu'à quand ferai -je de vains ejBTorts
pour te parkr ? Si ma douleur ne fçauroit émou-
voir ton fang , puiflès-tu être touché par ces vers ,
qui expriment aujourd'hui la dernière force des
fentimens d'un Fils ! Cinq fois j'elFayai , de paroi-
tre de^^ant tes yeux , cinq fois tu m'as dédaigné.
O font -ce là des entrailles de Père! Songe donc»
<}uel cuifant chagrin doit resftntir un enfant qui fe
trouve plongé par l'Auteur de fes jours dans des
L 3 craîn-
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l66 P R O G R E! S
craintes & des allarmes continuelles! N'ai -je {mi
toujours donné de juftes louanges à tes vertus & 4
tes fentîmens? Ai- je opofé jamais un cœur indoci-
le & rébelle à te^ leçons? N'ai -je point étudié
avec plaifir, dans refperance d'exciter la joîe dan^
ton anle, & que les fruits de mon éducation pus-
ftnt te confolcr dans tes chagrins? Ai- je un au-
tre but que celui de mener une vie fage & tran-
quile fur la terre? Ne fuis -je pas prêt à donner
mon fang pour la profperité de mon prochain ?
Mon cœur nourrit «► il la moindre mah'ce, la ven^
geance occupe- 1- elle mon ame ? Ou bien mes
railleries audacîeufcs font- elles connoitre que le
malheur de nies ennemis me rejouifle?
O mon Père, ma confcience eft tranquîle; fî c'eft
THypocrifie qui féduit aujourd'hui mon efprit à
implorer le retour de tes bontés par un motif d'in-
térêt , je confens que les tourmens de Job vîenenc
fondre fur moi , & que je fois condamné 4 errer ,
comme Caïn, d'un pié fugitif & toujours faili de
crainte , par toute la terre ! Je ne fais pas çxemt
du péché originel d'Adam ; nos défauts font nés
avec nous « Se je me fuis égaré mille fois fans ma
faute. Si l'Eternel lançoit chaque fois ks foudres
vengereïïes fur des fautes pareilles , 6 combien
peu verroit-on de vieillards à la tête chenue? ou
en ferions nous, toi & moi ! Tu m'as donné l'être,
tu m'as élevé, nourri, în(lruît& guidé, je lefçai,
& ma gratitude voudroit t'en faire un laurier qui
pût orner ta tête , même dans le cercueil. Je le
reconnois en lîlence, quoi qu'avec angoifle & dou-
leur , parce que ni le tems , ni la fortune ne me
donnent les moicns dé t'en offrif une autre recon^*
penfe, . . ,
(^uand
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DES ALLEMANDS. x6j
Quand les premiers rayons de 1 aurore venoîent
dorer le Giel azuré , quand la culture matinale du
jardin raviflbit ton œil & ton cœur , tu préparoîs
en badinant &, plumes & papier pour mes études,
& ton exemple aélif me rendoit les crayons & les
Jivres agréables. Combien de fois Tétoile du foir
jie m*a-t-e!le pas vue attentif à ces leçons? J'a-
pris alors, comme enfant encore, à honorer Ro-
me & la Grèce, & mon oreille collée à tes lèvres
portoit avec ardeur & gaieté l'énergie des deux
langues dans ma mémojre. Tu m'enfeignas par
degrés & presque en jouant tout ce qui fait Tobjec
de dégoûts des jeunes gens; parcequ'ordinairemenc,
quelque pédant la férule en main, abat chés eux
tout courage & toute inclination , ou les mec à la
queftion par un fatras de règles infenfées. Ne don-
ne donc point à Tenvie tant de prife fur toi (Sç fur
moi ; que fa bouche ne ce fafle pas perdre le
fruit de tant de peines! Mets plus de confiance en
•ton propre fang , fuis indulgent , & prête moi
l'oreille. Si je fuis accufé avec raifon , pourquoi
ne me permet -on pas de comparoitre devant le
tribunal où je puis me juftifiei-?
Si quelquefois j'ai commis des fautes , c'ed la
fougue de ma jeuneffe qui m'y fit tomber: quel eit
l'homme qui vieillit fans broncher fouvenc ? Oh
pourquoi punir par une fi longue rigueur la foi-
bleffe de l'humanité! Quel Juge eft anés cruel pour
ne pas permettre qu'oo implore fa clémence? En
regrettant mes erreurs ; en changeant de condui-
te, & en portant déformais la plus ferieufe aplica-
tion à bien faire , je puis effacer beaucoup de ta-
ches, qui me rendent fufpeft chés les gens de bien ,
im$ être fondées. Ne donne^ t- on pas aux arbres
L 4 gan-
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i6Ç P R O 6 R E? S
gangrenés quelque tems pour fe refaire ? Et qoeli
font enfin ces péchés fi grands & fî griefs qui mé-
ritent fi peu d indulgence & un pardon fi lent I
Beauconp de calomnies, beaucoup de foupçons,
quelques jegar^mens de jjeunefle, & en un mot des
jnoujches dont ofi fait des Eléphants, Me blâme- 1-
pn peutrêtrc de ce que mop ame naturellement en?
jouée , s'eft confiée quelquefois à d'autres corn-
me à foi - même , & s eft montrée trop à décou-
vert? Voyés Amis, la chofe eft faite! Si ç'cft ua
vice, vous ne m'y verres plus tomber. Ces prud-
hommes fi fages , qui ont toujours le mot d'expe-
. rience à la bouche , s'efforcent mal à propos de
fléchir mon efprit par la violence & par le fracas.
Ui) tranchant trop aigu eft fujet à s'ebrechcr , &
jes pafllons qui fe mêlent aux foins qu'on prend
pour former la jeunefle, ne font qu'irritçr les gé-
nies pleins de feu.
Mon unique but en ce monde, eft la recherche
de la Vérité ,& de me conduire comme un membre
utile de la Société. Ceft pourquoi mon efprit \io^
nore ces Dofteùrs, qui fe font rendus célèbres de
pos jours, & qui tirent à la fin des ténèbres la lu-
, mière de la vraie Sagefle. Si le Peuplp me blarae ,
fi la haine dit que je m'enfonce dans des rêverie^
qui ne font que remplir la bourfe & la tête de dofteç
fumées j, je pardonne à fa fimplicité , qui croupît
^arjs la fMperftjtion & méprife les fciences, parc-e
qu'elle ne fçauroit goûter tout ce qu'elles renferr
ment d'exquis. Si les calomniateurs (race méchan-
te ) attaquent mon Cfiriftianisme, j'en apelle à l'E-
ternel qui connpit tout, qu'il en juge, mais toujours
avec fa miféricorde accoutumée! Je me fens for-
tifié au milieu des orages par l'efpoir certain que
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pis A L L E M A N s. 469
f amour de mon Sauveur tne rend un tout autre
lemaignage. J'avoue il efl: vrai, que je fais peu de
cas de ce verbiage entortillé & fanatique par le-»
quel certaines gens extra vaguent (buvent en matiè-
re de foi , & que je lenvifage comme d^s pau-
vretés. J'avoue auffi que rien ne me choque plus
que d'entendre crier & tonner Alazon^ quand dans
le cours d'une année, fes véhémentes prédication^
ont fait plus d'hérétiques que de pécheurs pénitens.
Je n'en dirois pas ici le mot , fi je n'en avois été
inoi • même la viélime j mais comme fon zélé in-
difcret me damne , j'ai droit de me juftifien De
mes vers funèbres, où je chante l'amour de TEtrç
fupréme, il en tire un venin qui doit prouver que
je fuis atteint de Quiétismeyôc que fais -je moi , de
quelles autres erreurs? Et poiirquoi ! Ecoutons la
force & l'exaftitude de fon raifonement. Pour a-
voir foutenu que rien n'adoucit plus l'amertume
de la mort que l'amour du Sauveur , qui diminue
les derniers frayeurs , il prétend que j'ai nié cette
hypotfaefe , la foi feule nous jujiifie. Dites moi,
où git la confequence? Si je difois parfhazard,
notre voijîn bâtit une mai/on^ eft-ce que j'exclud*
de ce travail i'architefte & fès compagnons?
Il refte encore une accufacion dont je dois me
difculper. Bien des gens prétendent que je ne m'a-
plique pas ailés au métier qui donne la paix » & te
perfuadent , ô^mon Père , que je témoigne pour
toi du mépris , parce que je ne fuis pas afles dé-
voué à Meditrine. Tu m'elevas de bonne heure
à cet art fi noble , ce n'eft pas fans fruit que je
goûtai tes leçons , je le, connois par toi , & j'en
îçai tout le prix. Crois-moi donc que mon cœur
lui donne la palme préférablemenc à tous les au-
L 5 tref
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170 PROGRES
très Arts, Je reconnoîs auflî q«e pour y 'aqaerîr
VUQ profonde & folide fcience , il faut aller par
degrés , fans faire des fauts ou des écarts. Per-
mets donc que je trace ici en peu de mots les de*
voîrs du Médecin , car Tétendue de fon . art efl;
plus vafte qu'on ne croit. Parcourir à peine pen-
dant deux ans avec fon Profeflèur les Ecrits de
Sennert ^ (♦) étrangler des chiens, tifonner dans
le feu, arrondir despillules, arracher des herba*
ger, prefcrire au hazard des ordonances, mépri*
fer ks collègues , & fe bouiSr dans une vafte pe-
ruque à coté du lit d'un mourant , eft une metho*
de également ridicule & commune: on n'opère pas
de grands miracles par elle. Livres, creufet, ver-
res & aneau ne font qu'un vain fatras , fi Ton ne
s'eft imprimé de bonne heure les régies de la fanté,
& fi l'on ne fçait Inexpérience utile par une fage
aplication. Ne veut -on pas à l'exemple des char-
latans, échouer à chaque écueil, il faut commen-
cer par éclairer les fcns & le jugement , étudier
les loix éternelles, que l'Arcbitette de l'Univers a
établies entre l'Ame & le Corps. C'efl là un bien
plus digne ouvrage que de tailler dans de la vieille
coïne, ou de jouer avec des os, des pierres , des
plantes , & du liquide métal. Quiconque ignore
Ja Science des grandeurs & des forces , ne fçau»
roit connoitre le corps humain, qui a le mouve-
ment d'une pendule hydraulique. Que de pruden*
ce, que de foins ne fupofent pas ces principes ? Que
de peines pour découvrir la nature de chaque corps
jndispofé, pour trouver le fiége & là caufe de cha-
que maladie. Le dégoût, la quantité, l'inftam mal
• (t) AvXmT AUmand ^ui « trai^i df la Médecim. .
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DES ALI^EMANDS. 171
à propos , font capables de convertir le Mîtridate
jçn poifon. Ccfl: aux tems futurs à rendre témoig-
nage combien je m'aplique à remplir ce précepte.
Pourvu que je fois perfuadé dans le fonds de mon
cœur, que j'ai pris la raifon pour guide , j écou-
terai avec une réfignation humble & tranquile, le$
prgueilleufes clameurs de mes ennemis,
A regard de la Poëfie, j'avoue ingénument que
foible enfant encore, je fentis déjà fes attraits oc-
cuper tout mon cœur; & comme un aveugle pen-
chant me conduifit vers clic, je lui confacre au^
jourd'bui, que la raîfbn m'éclaire, mon amour le
plus pur. A confidérer la chofe fous' le point de
vue ordinaire, fe Parnafle , il eft vrai, ne fàuroic
être çnvifagé que comme une pépinière de reve^
ries. , Nos Epithalames , nos Élégies, nos Quoli-
bets bigarrés, fies froids foupirsde nos amans pas-
fent pour des Poè'Ges galantes & bien tournées,
piais dételles rimailles, que la titre feul décore,
^ que Tart de nos plus infipides VerfiGcaceurs ef-
face? , ne prouvent pas de place plus convenabîç
que dans les Cabarets , ou bien à la friperie des
Mufes, où la lire de Therandre eft Aafpendue
pour enfèigae. Les Poètes, s'jIs méritent ce nom,
çîoivent être doués de talens , d'un génie tout de
feu, d'efprit, de difcernement , de fa voir, de ver*-
tus & d'expérience. Leur art confifte à conduire
les hommes qui fuyent des yeux la vérité trop dé-
couverte, par la fageffe des fmages & par le plai-
fir, vçrs le Bien. Ce qu'Hqmere & Virgile chan-
tèrent, ce que Fenelon écrivit, , devient des mo-
dèle^ de ces ouvrages qui font faits pour aller à l'im-
morcaiité. C'eft là ce qu'ignore un Rimailleur defa-f
. VQué dePhœbus, qui neronge qu'à Técorce, & qui
ravit
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kyz PROGRES
«vit à la beaaté, Tame & la force par fes ennuyai-
fes explications. Mais, fuffit pour le préfent. Ceft
à toi , ô moQ Père, à juger u ma Mufè eft repré*
henfible , & quels font fes défautsi (*)
Je ne fuis pas rebelle aux remontrances, je les
accepte même avec plaifîr, pourvu qu'elles foienc
polies j fîncères & difcrètes. Mais je ne faurois
fouffrir ce peuple, qui fur chaque mine ou cba^
eue gefle nous fait un ièrmon tout farci de morale »
& qui n*a jamais moins de vertu dans le canir, que
^uand il a le pftus de pieté itir les lèvres. De pa«
reils bommes favent exciter contre noâs 4es fou-
dres,' & les enfers; ris effrayent, ils inchnidenc
par des coups de mailue une brebis égarée; ils fer-
ment fans vocation & fans pitié la porte du Ciel à
une jeune fille « pour un coup d'œil , pour un re-
ffLtd qui ne leur paroitra pas innocent; ce font
eux qui feuls s'eftiment jufles & qui fe croyent des
Saints , qui regardent leur prochain avec mépris»
)|ui joignent à tout moment leurs mains impures ,
gui s^attirent les yeux de totrt Je monde» qui trafi*
iqueQt av4ec leurs prières, & qui n'évitent que Ta-
parence, mais non pas le péché. Dieuî Tu les
çonnois, tu les marques ; tu aprofondis leurs cœurs
& leurs œuvres. Un taciturne orgueil, l'avarice,
Fenvie , voilà les refforts puiflàns de teur dévo-
tion. S'agit -il de Tamour du prochain, d'oublier
& de pardonner des offenies, de fuporter les foi-
blefles d'autrui, toujours le Chrétien eft abfent(t).
Vois, mon Père» ce qui m'accable. Ta tolè-
re détruit tous mes travaux. A qui mon cœur
peus-,
(♦) n y • ici une lacune, ^
Q) Il y a ici une petite lacune.
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bRs A L L E M A N D S. 17^
jgeut-il fe fier déformais en ce monde? Si je fuis
l'horreur de mes parens, helasl eft-il furprena^c
que des étrangers m'évitent & me fuyent? Ec
quand il me feroit mille fois permis de choifir uti
Père à mon gré , jamais je ne choiOrois que toi.
Si même tu m'ëtois préfenté par les mains de là
Providence fous un fimple farreau,j'e ne voudroig
<levoir qu'à toi mon exiftence. Figure -toi donc
quel doit être mon defefpoir , quand je me retrace
ton efpric inflexible 9. & le chagrin qui dévore au-
jourd'hui ton cœur pour Tamour de moi , parce
qu'on t'a peiiK mon portrait avec des couleurs
fauiles & trompeufes^pour le rendre hideux à teg
yeux. Je veux bien m'àvouer coupable, fi c'eft
là ce que tu demandes,, je confe^rai plus que je
ne fçaiy pour te faire plaiOn Jmis, daigne jeti-
ter un regard en arrière» rapelle t^ le tems où ta
me regardois comme un enfant, qui promet beau*
coup , où je fis tes délices & ceux de tes amis;.
Pendant vingt années tu as été fatisfait de ma do^
cilité. Si quelquefois j'ai péché , c'étoît de ces
fautes dont perfone n'eft exemt. La crainte, la
compagnie, l'exemple, le manque de réflexion,
l'ardeur de lajeuneflë, font capables de conduire
dans bien des égaremens. N'en fuis -je pas allës
puni , puisque la colère célcfte a fait tomber la
fleur de^ ma jeunefl^b fous tant de maux ? {puisque
tant de foucis & tant de veilles ont accourci la
trame de mes ans ? Et puisque l'écume amère de
la medifance aflaifone chaque morceau de paio
que Je mange? . , .
Venoit-il par hazard quelque fortune s'ofirir à
mes vœux , j'etoîs incapable de m'en faifir , car
inon trille état tourmentoit nuit & jour moq a-
raej
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î74
f R O G R È? g
inë; mon indigence d'ailleurs qui éclatoît au de-
hors , & qu'un mauvais vêtement ne manifeftoié
que trop, dans le tems que la mode veut qu'on fe
donne des airs ^ me faifoit fuir tout couvert de
confufion. Tout ce que j'ai efluié ^ tout ce que
j'ai foufFert depuis fix ans, n'ell: connu que de l'Etrd
fupreme, dont la main paternelle m'a quelquefois
envoyé de petites bénédiftions fort inopinément.
C'efl lui feul qui fait combien de fois j'ai luté con-
tre les neiges & les glaces i contre les vents , les
chaleurs & la faim. ( * )
Si ma Mufe par quelque trait de fatire a blefle
quelcun fans raifon , je lui en demande très fince-
rement, & à la face du public, un généreux pardon.
Le Crayon trop hardi eft fouvent emporté par 1 ex-^
femple, par le feu de l'imagination , par le defir
de plaire ou par l'envie de badiner , & feduit à
prendre trop de libertés poétiques^ D'autres qui
me ccnfurent fur un ouï-diref, feront fagement d'ex*
laminer mieux , fi je fuis coupable. Ils ne condamne*
Tont plus alors un homme qui ne refufera jamais i
autrui cette compaffion, cette indulgence, cet a-
mour charitable qu'il demande pour lui-même.
Vous au contraire qui vous fouillés de vices /ècrets^
qui cherchés votre gloire dahs l'ignominie du pro-
chain, qui favés mettre l'injuflice au creufèt & U
convertir en argent, qui favés masquer fi adroite-
ment la méchanceté, l'avarice & la haine , & qui
couvres toujours de fleurs les pièges de votre ma-
Jîce, vous avés beau farder les vices de votre cœur,
vous avés beau m'oprimer adroitement , afin que
je ne retire pas votre honte des recoins obfcurs,oà
(^*) Jl y a encêre ici une lacum.
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ïjEs ALLEMANDS. 175
je fçaî que vous k cachés , & que je ne rexpofe
au grand jour, fî par fiazard je parvepois à m'ele-
ver; continués, mais fâchés qu'une jufte vengean-
ce, à laquelle tous n echaperés point, prépare de*
ja iès inftrumens pour lever le masque qui vous
couvre, pour déchirer votre vifage par les coups,
& rexpofer ainfi à la rifée publique. Vous nie
bravés aujourd'hui , parce que je fuisf dans le mal-
heur; mais vous n'êtes point encore au bout, bien
qu'en aparence la fortune vous favorife plus que
ce Tyran de Samos, qui ne put jamais perdre fbn
anneau. Quoique le tems & la prudence me fas-
fent encore garder le fîlence , foyés aflurés que
vous n'echaperés point à mes coups.
Toi, mon Père, que le Ciel a doué d'un cœur
modefte & humble, fais toi violence pour écou-
ter l'éloge de tes vertus que la vérité feule m'arra-
che (*). Si par de fîniftres artifices tu avois cher-
ché d'envahir le bien de ton voilin, il t'auroit été
facile, comme à bien d'autres, d'ufurper la vigne
de Naboth. Ton art fait tranquillement & avec
peu d'aparat de plus belles Cures que n'en fait avec
tout fbn fracas un Dofteur faflueux , qui remplie
tous les jours fa bourfe & fcs caveaux, à l'aide de
fes précieufes eflences, de les poudres d'or, & de
fes pillules de Polychrejle ; & qui ichés le peuple
crédule efl: en plus grand crédit que Paracelfeu
Mais que ten revient -il de cette candeur , de cet<-
te probité dans les guérifons? On ne te donne ja**
inais comme à d'autres des Colliers de perles pour
en faire des breuvages. Tes goûtes noires, quel-
que efficaces qu'elles foient^ |te raport^t- elles de
bonj
(*) Lacum.
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tfé P k O G R È^ s
bons ducats trébuchans? Non; & pourquoi noirf
' Cefl que tu ne fais pas le Rodomonc. Sois donc
un peu plus Charlatan i prône tes renièdes, jures-
en, efcroques les malades tant que la fièvre dure^
careflè les Sages - femmes , dis quelles ont rai/bn,
donnes de lefpérance quand la mort efl: fur tes lè-
vres, didile des fucs étrangers, fais des potîonis
rares, dut -il en coûter la vie au patient, d.quantf
il auroit déjà le rale^ viens l'accabler dé jfuleps.-
Lambine , pouiP ne pas faire cefler trop tôt le
danger, ou s'il n'y en a point, bon, ne le fais -tu
pas Faire naitre. Donne le Bezoar^ fait de coques
d'œufs, comme une poudre merveilleufe, qui ne fe
vend qu'à grand prix. Promets à la jeune £poui^
en peu un meilleur màri^ C'eft li une méthode
toute d'or, qui procure aux plus grands ignorans
des maifons , & entretient leurs caroflès. Ceft cet
art qui fait que gens de tout âge recherchent ce
grand Efc'ulape, qui voit nager dans l'urine le foie
&les poumons du malade, & qui fait tirer avec fon
Bracatabra des vers du fond des reins.
• Non , là droiture dé ton cœur ne fauroit foufFrîf
une politique a«(ïî artificieufe. Tu ne demandes à
}a Providence que d'avoir tous les jours ton paia
ordinaire & d'être exemt de dettes. Combien de
fois n'as- tu pas fourni des alimens aux pauvres^
que tes foins gueriflbient fans falaire , & cette nou*
rîture ne leur étoit pas donnée avec des mains de
Pharifîens. Une ame pacifique^ beaucoup d'hu-
milité , une fobrieté fcrupuleufe font les dons que
tu reçus en naiflant. Quand les excès de bouche
& de vjii tienent encore beaucoup d'autres enfetre-
jis dans les plumes ^ on te voit déjà auprès de tes
, «:brQ«>
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» Eï A L L E M A N D s. 177
arbres; gai & dispos, jusqu*à ce que l'heure arri*
ve où tu dois rendre à ces malades une Viikd
matinale^ Là ton efprit étourdi ne perd pas la cre*
iDontane , & tu ne t'aflbupis pas à coté du lit. Je
fçai que Calidor auroic encor de la pratique jus-
qu'à ce jour, fî dans ion ivreflè fa tnain n'eut pris
le. menton pour le poulx ,& qu'il n'eut feduit l'in-
nocence de l'Apoticaire par une ordonnance difiléô
dans le vin. Ton efprit , ta pieté , la candeur de
ta confcience font capables, il efl vrai, dç te con-
foler fans moi dans toutes tes affli£lions , mais
dans une angoiflè foudaine , & dans le tumulte des
padions, le ^ge ne penfe pas à tour. La pureté de
ta foi, la probité de tes avions (embloienc te met*
tre à l'abri de la colère célefte ; & l'audacieufè eu-
riofité des hommes ne fçauroit pénétrer les raifons
qui ont irrité l'Etre fuprème contre toi. Tant de
veilles ne t'avoient procuré qu'une fortune médio-
cre. Cependant la Providence la trouva trop gran*
de ; un cruel incendie confuma en peu d'heures le
fruit modique de trente années de travaux & de
peines. Quoi qu'aucun injufte denier n'ait aidé à
cimenter la maifbn que tu habicois , les âames de*-
vorantes la detruiiirent cependant jusqu'aux fonde*-
mens.
Elevé ta tête abatue , reprens un vifage fc-
rein , & ne t'enfonce point dans les décrets ca«>
chés, qui émanent du Confeil de Dieu. Sois fou»
mis, & content, car fon amour peut éclater jusques
dans les chatimens. Le deftin n'efl autre choie
que la volonté de l'Etre fuprérae, qui réaliie tous
Jes evenemens , que fa préviiîon éternelle avoic
connus, & quefafagelTe avoic aprouvés,lorsqu'ii ré-
folut en général, de créer ce vafte univers. Certai-
M nemcQC
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178 P É O G R r S
nement Dieu prévit aufli tous les péchés , toirs Idi
maux 9 toutes les peines, tous les tourinens , tour
les voeux & tous les defirs, qui s'introduiroieot dans
k monde; mais il trouva que ces défauts des par-
ties 9 écoient nécefiaires à laperfeâion du total. Cefi;
ainfi qu'il a aufli prévu » & permis tes malheurs en
vertu de fa bonté fouverainement fage, que peu de
mortels favent concevoir. Par ces rudes épreuves
qu'il n*accorde qu'aux hommes vertueux, il allume
en eux cette flame , qui les fait brûler pour le Ciel
avec d'autant plus d'ardeur. Que les railfeurs proi>
phanes fc rient de ta pieté , qu'ils fe divertiffent
dans Sodome: (*) tu peox te rejouir d'avance de
cette gloire immortelle qui rend aux âmes des^ £h)s
leur innocence & leur éclat , après que leur patieih
ce a été fuiSfament éprouvée dans ces vallées de
mifère, & après que de cette habitation de fiabel,
où ils font en efclavage, ils auront élevé, dans la ,
ferveur de leurs prières , leurs regards vers Saktfu
Ccft pour ce célefte ftjour, è mon Père , que moiî
cœur qui eft exemt de toute faufleté, ré(êrve la
jufte rétribution qui t'eft due pour cette tendreffe,
cette bonté , ces exhortations , ces confeils , cei
chatimens , cette patience que tu as eu non feule-^
ment pour moi , mais aufli pour tant de nuits pé-
nibles que j'ai fait pafler dans ma jeuneflè, àla plus
tendre des Mères, Avec combien d'amour & de
refpeft , avec combien de defir & de joie vous re-
cevrai -je l'un & l'autre aux pies du trône de TA^
neau? Avec quelle allegreflè ne glorifierai -je pas
l'Eternel , au milieu de la multitude de ceux qui
font vêtus de vetemens blancs, pour m'avoir fah
le prenûer né de votre amour.
Ne
{^y Lacimt.
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fi fe s ALLEMANDE; iy^
Ne t'inquiète donc pld$ déformais, quand la
haine & l'envie veulent me noircir. Mon efprit
Cônfèrve toute fa force âc mon çtEur tout fon re-
pos ; car je préfère les Sciences aux richeflts &
à la nai/Iànce, & je n'aime que Dieii, la Vérité &
le Salât du prochain. Hélas, tttôri Père, veux-tii
donc me côndaitiner dans ta Vieillefle ftns aucune
tniféricorde? Mon Père fais y réflexion ! Que dira
Ja charité ? Que dira l'humanité 1 Mon Père, hé-
las, ta tendrefle me prive - 1- elle de tout efpoir dé
retour ? Je te fuplie & pour toi & pouf inoi, né
iious rends pas la mort difficile à tous deux ! Per«
mets moi d'embraffer tes genoux , & qu'un bailer
i'ëfpeâueux puiile ramener la reconciliation. Je
fçai qu'alors toutes mes entreprifès fuccederoht à
mes voeui. Je te promets cette jbie pure , qui adou-
cit l'affliâion des pareils, quand dans la réufliië
d'un Enfant bien hé , ils voient connrie dans utl
miroir la renommée qui les fuit après la mort.
J'eftime tes prières & tes bénédI6lions plus que
tous les tréibrs. Cette aprobadon, ces louangei
que les gens de bien donnent à tes vertus, à ta can*^
deur, te devienent non feulement fort glorieufes^
mais ce font auflî dés prérogatives dévolues par
droit de facceflîdn fur moi, qui fuis ton fils. Ja-
mais je n'eus la foiblôffe d^afpirer à dé trop gtindtà
Chofes i ni de fatiguer U bonté célefle par dei
Vœux indifcrêts; Elle connoit mieux que noué
tous les befoins de notre indigence. Mais ft bien^
tôt Elle me rend ton ccëur ^ tous mes fôufaalts fèroné
accomplis^
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i8ô P R O G R Ef S
C H A P I T RE VIIL
U de Uaïler.
Parmi les Poëfies Allemandes, il n'y en a gué-
res , je penfe ^ qui méricent plus d'être con-
nues des étrangers que celles de Haller. Cet babi*
îe homme, né SuîfTe, jouit de la gloire flatteufe
ôi n peu commune de devoir fon élévation à Ton
rare génie & à Tes talens Hnguliers; & Sa Majedé
Imp. a fait à Tefprit humain l'houeur d'enooblip.
M. de Haller.
LaPhydque, TAnatomie, la Médecine ont de
grandes obligations à cet homme ingénieux & pro-
fond , mais fa Poè'He n'a pas peu contribué à faire
connoitre Tes autres talens.
La force & Ténergie forment le caraflère domi-
nant de Tes Vers ; les tours en font également
beaux. Le flile fe reflènt en quelques endroits du
terroir où ils ont été produits , & l'on y rencontre
par- ci par -là, des expreflions qui pour être d'ufa*
ge en SuifTe, n'apartienent pas à la Langue Alle-
mande , quand on l'écrit purement.
Quiconque néanmoins voudroit toucher à ces
mêmes expreflions, courroit grand rifqiie d'éner-.
ver les penfées de cet Auteur, & de fubftituer u-
ne correâe,mais languiflante féchereiTe, à une né*
gli.
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S) E s A L L E M A N D s. i9i
f lîgence fouvent heureufe par le feu de Timagina-.
lion qui Ta produite (*).
On voyoit avec regret que Ja première édition
des œuvres de M. de Haller ne fe trouvât p]u$
qu entre les mains d*un petit nombre de curieux;
la crainte de pafTer dans le monde pour un efpric
trop libre, Vavoit engage depuis à retrancher dans
)es éditions fuivantespluDeurs traits admirables mais
hardis; il s'en excufoit lui-même en difant, qu*il
ûimoit mhux facrifier quelques vers à fa réputation^
^ue de facrifierja réputation à quelques vers.
Cependant il vient de paroitre une nouvelle éàU
tion de les Poëfies , où il n'a pu refulèr à Tempres-
fement du public, de reftiiuer tous les endroits qu'il
avoit retranche's.
Comme je ne fauroîs mieux faire connoître M*
de Haller que par fes Poëfies mêmes , je me hâte
d'en préfenter ici quelques échantillons; & quoi-
qu'on ait déjà une traduélion Françoife des Pièces
choifies de JMI* de Haller^ qui a été publiée
Tannée dernière à Gôtcingue , je n'y renverrai
cependant point le Lcéteur, tant pour fuivre le
plan que je me fuis fait de traduire moi r même
dans cet Ouvrage des morceaux de nos meilleurs
Auteurs, q«ie parce que je n'ai eu connoilTance de
cette traduftion, qu'après avoir achevé celle des
Eirais que je vais en donner,
ODE
(♦) M. de Haller depqîs pl'ufîeurs années qu'il réfitle àGor
tingue a fort épuré Ton ftile. 11 Ta prouvé depuis peu p.ir
une nouvelle édition qu'il vient de donner de les Poëlies , &
qui ert très belle. Cependant il y a piuficur^ corrcdions qui
quoique fiches par TAutçur même, ne detruifenc pastoui ifaU
piQP fcntioient.
M 3
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|8^ P R O G R F a
Q D E
A la Gloire.
Vaine gloire! fantôme trop chéri! rAntîquité
t-a élevé des Autels, & tu es encore aujourd'hui
ridole de l'Univers; chimère enchanterefle, déh'-
çes des oreilles, fille du préjugé, unique objet de
l'infeuré! qu'as -tu donc de fi féduifant à nos yeux?
Tu apris aui; hommes de Tage d'or, à dereniç
les arcifans de leurs propres maux; tu. as établi
]*inégalité des conditions ; c'efl: toi qui des abîmes
de la terre, as tiré le premier glaive meurtrier |de»
yenu depuis un vain & ridicule ornement.
Tu donnes à TePprit ébloui des humains la foif
^es grandeurs, que le repos n'accompagne jamais :
il nous chargeons nos foibles épaules de l'énorme
fardeau des dignités , c'ed parce qu'on te voit près
^u trône*
Tu mènes des guerriers armés à un trépas pres-r
que inévitable , à travers mille dangers qu'ils afr
froment avec joye : c'eft pour avoir part à tes far
veurs après la mort, qu'un homme affbibli par
Tage , abrège la trame d'uâe vie fi préciçufè à \^
vieillcfle.
Ton feq embrafe les génies les plus fublimes;
;u enfcignç les arts., tu fais les maîtres, tu es l'a-
})ui de la vertu : le Savant même te fuit de loin j
on œil fixé fur les aftres, y étudie moins les mirîi-
çles de leur courfe, qu'il ne t'y cherche.
M!
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D E s A L^ LE M A N D S. igj
Ah ! û les humains étoienc capables de pénétrer
toneflence, que tu paroitrois néant à leurs yelix?
Météore aufli éblouiflanc qu'enchanteur, on cher-
che en toi le bien ruprême,& l'on n^ trouve qu'un
faux & frivole éclat»
Jeune téméraire, s*écrîoît un Sage ^pourquoi
. dans ta courfe héroïque veus- tu pénétrer jufques
dans la couche de l'aurore? Tu t'élances à travers
le tranchant de mille épées, uniquement pour que
}e peuple oiûf de la Grèce puifle s'entretenir à table
de ces exploits.
Foîbles humains , telle eft votre manie ! Nul
n'ed en valeur un Alexandre , mais beaucoup le
forpaflent en frénéfie. Vous facrifiés vos plus
beaux jours, afin que TEurope aprene qu'il e(l
dans le monde un homme de votre nom.
O le digne falaira de mes travaux , que celui de
me voir nommé dans la Gazette à côté d'un Fa-
quin! ô le bel emploi du fang d'un Héros, que /es
prouefles fervent un jour à remplir des Almanacs!
Trop heureux encore celui , donc la renommée
célèbre les bleflures ! Il obtient au moins cette fu^
perbe chimère : mais combien en eft il d'autres qui
ont facrifié leur vie avec le même courage, donc
les noms fe trouvent à peine dans la lifte des
morts ?
r
Lorsque blelTé dangereurement, le fils de Phi-
lîpe vit couler fon fang divin, la renommée en pe*-
fa toutes les gouttes; mais les inftrumens de fes
M 4 viûoi'
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i84 P R O G R P S
vidlolresy les compagnons de les combats ont em-
porté avec eux leur gloire ^ans Je tombeau.
Maïs hélas ! qu'ont -ils perdu? Vivre dans la
mémoire des hommes nous touche peu quand nous
pe fommes plus : Jcbille dont la vertu audacieufe
fert encore aujourd'hui d'exemple à la Jeuneflè
guerrière, n'eft-il pas mort çoihme le moindre
des humains ?
Faftueur maîtres des bords du Nil, élevés des
Piramides à jamais durables, & cimentées} du fang
des peuples , mais fâchés que deftinés à devenir un
jour la pâture des vers , vous ne repoferés pas
mieux fous ces monumens précieux que fous le
iimple gazon.
Dans le cours même de la vîe , quelle fatisfailî-
on pouvons -nous attendre de la renommée? U
gloire n'habite point avec le repos, elle ne fait fon
féjour que dans de magnifiques palais, elle a pour
convives les Rois même , mais elle les nourrit de
fumée.
Dites moi ! le plus grand des Empereurs , fous
les lauriers qui lui ceignent le front, ne poffede-t-il
pas tout ce que vous pourries fouhaiter ? mais fer-
viles admirateurs que vous êtes d'un vain éclat ,
pénétrés jusques dans l'intérieur de fon cabinet, &
dites fi vous enviés fon bonheur!
II faut convenir que l'oreille eft magnifiquement
frapée au nom de maître de la terre , & de maî-
tre plus grand encore par fa dignité que par fa
nais*
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DES ALLEMANDS. 185
wîflance: mais la fplendeur de dix courones, & la
Majefté d*autant de trônes, ne font que Thabu de
cérémonie de rinquiécude.
Eloigner de Tes états les armes dont l'Europe
ibulevée les menace, châtier fes ennemis , fe voir
plaeé au gouvernail du monde , protéger ici une
multitude de fujets oprimés» & là travailler à pa*
cifier les nations , ce n'elt qu'une partie de ïès oc*
cupations.
Mais gouverner Ton propre Empire , maintenir
les divers ordres de l'Etat, faire tout ce que la gloi-
re & Tintérêt demandent, ajguifer k$ armes pen*
dant la paix , & jetter les fondemens du bonheur
de la poftérité, ce font là des travaux qui Toccu-
pent nuit & jour.
Il gémît fous le poids de fa dignité , vous en
voies la pompe, & il en fènt le fardeau, vous dor-
mes tranquillement, &il veille: trop heureux fi le
deflin détachoit de fes mains les chaînes d or, qui
le retienent dans lefclavagc î
Mais quand les revers & les infortunes vîenent
fe joindre aux foucis ordinaires d'un Prince, quand
k malice & la puiifance forment autour de lui des
orages qui ébranlent fon trône , c eft alors qu'un
Monarque fent le poids du fceptre.
Malheur au Prince que flatte un vain orgueil !
le maître des Rois qui lui met la courone fur la tê-
te , lui fait fentir que c'eft de lui qu'il la tient ; les
lauriers ne le garantilFent point de la foudre, le to-
M S ^^^^^
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iftf PROGRES
nerre frape le faite des cours, & les cataftropbei'
font le paruge des tyrans.
Combien de fois n*a-t-on pas va un puiflant
Monarque «paré le matin dn diadème , à qui le fait
on a refufé les honeurs de la fépulture? combien
de Héros, dont la Guerre a mille fois refpeâé les
jours , ont péri par un poifon re^u des mains d*UQ
ami?
Tel facrifie au falut de fa courone le fang d'un
fils dénaturé, qui travailloit à verfer le fien;(*) tel
autre voit tout à coup expirer fous fes yeux le der-'
nier héritier de fon Empire ( t) & 1^^ le fceptre
à fon ennemi.
Le modèle de toutes les vertus des Rois ($) a
pour compagne un monflre digne des chatimens
les plus ignominieux; ^ugufte le vainqueur de BfU'^
tus voit périr honteufement fa maifon par les vices
de fes enfans.
Accours Annthal de la montagne brûlante deCal-
pé , franchis les Alpes & l'Apennin inacceflîbles aux
mortels, viens chercher la gloire dans le fang des
Romains ! Rome craint de combattre contre toi ,
mais après toutes tes vi6loîres,il ne te reftera d'au-!-
tre reflburce que le poifon.
Je veux que la fortune toujours propice accom-
pagne
(♦) Philippe IL Roî d'Efpagne.
{\S Humberc Dauphin.
(S 3 Marc Aurele Antonin le Pbihf§pbe & Fauflioe.
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^%s /ALLEMANDS. i8f
pagne les deflêins d'un Roi , je veux qu'elle com-
ble tous Tes dédrs, en fera -t- il plus exemt de fou-
pis ? Tambicion e(l un feu éternel, que ni le tems»
ni la gloire même pe fpurolenc éteindre.
L'objet le plus ardemment defiré efl: oublié, dés
qu'on Ta pofTedé un feul jour ; chaque Touhait efl:
d'abord fuivi d'un autre; la renommée efl: l'aiguil-
Jon qui anime fans cefle potre courage à de p]u4
grandes allions , & nous fait çnvifager comme une
ponte des honeurs paiTés.
Lorsqu'à Tembouchure lointaine du Gange, le
Fils de Philippe trouva les bornes de Tes travaux 9
fon ambition ne fut point encore affouvic ; le monr
de finit au terme de ks riftoîres , mais il pleure
(de ce que le Ciel n'a point confl:ruit des ponts aux
confins de la terre, pour )e conduire à de nouvelles
conquêtes.
O vous Mînifl:res de I4 Vertu , dont la doftrîne
facrée conduit à la gloire la plus pure , quel efl; le
î)ut de votre ambition ? Que vous fert • il d'afpircjr
au rang des Dieux, fi les ibmbrcs détours de l\m-
pofture mènent à l'Apothéofe?
Les belles aftions ne font pas les feules qui pas-
fent à la pofterité ; la renommée dans fcs Annales
écrit de la même main , les lâchetés & les exploits
Héroïques , les vices & les vertus ; elle ne péfç
point le prix des faits ; pour peu de fuccés qu'ait
eu une trahifon éclatante ^ le nom de fon Auteur
nç périt jamais.
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i88 P R O G R E; S
Qui a donné ao Roi Habis (♦) les éloges qu'il
méntoit, tandis que les vies criminelles des Céfàrs
ont été tracées en cara6lères ineffaçables dans tnille
ouvrages ? Ne donne-t-on pas le furnom de Grand
k Alexandre ^ dans le teros qviUnge Se Ajcan (f)
font enfevelis dans le fein du néant?
Dites nous Héros les plus Illuftres ! Oue pourra
marquer de vous la poflerité dans Tes faues, fî ce
n'eft votre heureufè fureur ? qu'on vous ôte la
gloire d'avoir devafté le monde, pillé, tué, bru-
lé, détruit; que relient- il de vos faits qui foit
digne d'être connu?
Mais fupofons que la gloire foit lé chemin qui
conduire au bien fuprême , en vaut -elle plus les
peines qu elle coûte? Elle veut qu'on lui facrifie la
fleur des plus beaux jours & la plus grande aâivi*
té de Tame , cependant on ne l'obtient qu'après ta
mort.
Ce n'eft que par des (entiers difficiles qu'on mon*
te avec peine jusqu'au faite de la vraie gloire; cha-
que pas eft paie par le fang ; dans la vieilleflè on
s'aproche du fommet , on croit enfin s'en mettre
en pofTellion , la mort arrive , & nous replonge
dans l'abîme.
Lorsqu'entouré d'une fpule de Tes Héros alarmés
le
(♦) Roi d'Erpagne quî régna longfems & fort fagemertt
il fut le premier qui cnfcigna â fes fujcts l'Agriculture ft
plufîeurs Arts utiles. Voies Juftxn,
(t) Les Fondateurs de l'Empire des Germains.
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» Ê s ALLEMANDS. ig^
le vainqueur de Babilone aprend de (es. Médecins
qii^aucun fecours ne peut le foullraire à la more,
à quoi lui fervent toutes les courones ^ & que des
débris de tant de trônes renverfés, il fe foit élevé
pendant fa vie des autels ?
Que ta vîéloîre d'Arbéle te foulage maintenant !
efluie avec les lauriers qui te parent , la fueur gla-
cée du trépas ! tu ne triomphas que pour mourir a-»
Vec plus de peine , tu envahis fe monde pour des
héritiers étrangers, tu avoîs tout, & tu deviens
néant.
Et toi Ce/ar vkris , vois, trîotnphe; alTujettis la
terre , le théâtre de tes exploits, mais fâche auffi
qu'il efl des poignards forgés de tout tems pour te
percer le fein , & que rien n'efl capable de t'ea
garantir.
O trop heureux, celui qu'un defliii favorable
préferve d*une trop grande fortune, & d'une gloire
trop éclatante , qui méprifè tout ce que le monde
adore , & qui libre de frivoles travaux , fait faire
des forces de fon corps & de fon efprit , d'utiles
inftrumens de la vertu !
Si la PoêGe n'étoît autre chofe que Tart de toï-
ier des mots & d'enfermer quelques penfées trivia-
les dans dès rimes , ce feroit en effet un art bien
frivole, ou pour mieux dire un jeu d'enfant, &
Von n'aqroit pas tort de comparer le talent de faire
des vers , à Tadrefle de jetter un grain de millet à
travers le trou d'une aiguille : mais fi l'on çonfidè^
re la Foè'fie fous un autre point de vue, & telle
^u'oa
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ipb t> Il Ô ë fe F §
qu'on doit la confidérer, îl nie paroît que c*efl: a'-
Vec raifon que tous les peuples anciens & moder-
nes font apellée un arc divin; fa baze ed: la plus
profonde Phildfophîe, & la connoiflance de l'His-^
toire, de la Fable, dé la Phyfiqùe, des inœurs &
des ufages de toutes les Nations ; eh un mot , tou-
tes les connoiflances humaines fervent à Tembellir :
le vrai Poète fait une efpèce de provilîon de toutes
ces Sciences , & dans cet amas fa belle imagination
trouve dequoj puiler le fond & les orùemens de fës
Vers : la mefure des pics ^ les longues & lèà brè-
ves ^ la fcanfion dans lesPoedes ancienes, la cal-
dence des fyllabes & les rimes chés les modernes»
ont été inventées, moins pour flatter fimplemedc
l'oreille , que pour donner de la précilîon & de l'é-
nergie à l'expreffion , & pour venir au iêcours dé
la mémoire, car il n'y a gu ères d'hommes qui
n'aient expérimenté que les vers fe retienent beau-
coup plus facilement que la profe ; & cofnbien
d'apophtegmes, combien de préceptes de morale ^
combien de fentences admirables, ne feroienc pas
teflés enfévelis à jamais dans les livres, fl la Poe-
Ce n'avoit employé ces moyens pour les graver
dans la mémoire des hommes? Enfin , lorsqu'on lie
un Poète, je crois que ce n*efl pas pour y cher-
ëher des mots artillemenc arrangés, mais des pen*
iécs ingénieufes & des traits philofophiques , qui
|>uifrenc ou étendre nos connoifFances » ou nous
tendre meilleurs.
Si Ton elt curieux dé voir un Poème où ces qua-
lités fe trouvent réunies , qui renferme un grand
fond de Philolbphie, embelli par des traits brillans
&de vives images, prifes dans l'Hifloire ainfi que
dans plufleurs autres Sciences ^ on pourra jetter les
ycûfx
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ati ALLEMANDE tjfi
jreux fur la pièce fuivante , qai me parole une àts
ineilleures de rilludre Haller.
La faujfeti des vertus humaines,
à M. le frofejjeuf Stahelin.
Veftus qu'un fard trompeur erobeUît , Vôtre é-
clat ne m'éblouira plus: plaifés déformais au peu-
ple, & brigués Tencens de la folie; quoique le
mafque du gefte & du maintien couvre votre
néant, je ne vous en dévoilerai pas moins: je vais
devenir un SiHift , un Hobbùs , un ennemi des
hommes; &je marcherai d'un pas audacieux jus-
/ques dans le fan£luaire qui renferme ces Idoles i
que l'illufion & la frivole manie gardent nuit &
jour.
O foibles mortels! peu s^en faut que vous ne
templifliés le Ciel de Héros; mais que la vérité rai^
conte leurs exploits, le faux éclat difparoitra bien«
tôt devant fa lumière, & vous ne verres qu'un
efclave, où vous trouviés un Héros*
Sitôt que les peuples ont choifi quelque homme
pour leur Idole, il n'eft dominé d'aucun vice, if
ne lui manque pas une feule vertu, la poftérité le
peint fous les traits de la divinité , & grave fur le
porphyre les plus frivoles badinages; c'eden vain
que l'Hiftoire de fa propre vie dépofèra contre lui^
les défauts feront embellis, & la vertu éclatera jus«
ques dans fes foiblelTes.
(^u'étoît Socrate? Vn Sage voluptueux, d'uni
cfpnt impofant & d'une vertu équivoque; une
faine morale découlôit de fes lèvres , mais fon cœur
ne fuivoit pas les oracles de fa bouche; ion ame
étoit ouverte i toutes le voluptés, fa tête repofoit
mol-
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ijî P R O G R E* s
mollement fur le fein de (es élèves, il danfoic ave^
fon PtiG^on 9 il eofeignoic la pudeur , taudis qu^il
bruloit d'une flamme inspure; & c^eft à ce foible
qu'un Dieu décerna le trépié !
Pluûeurs (il efl: vrai) ont mis un frein à leurs
defirs , & fembloient rougir d*êcre hommes : un
Jûeuz Simion (*) plus folitaire qu'un Hibou vieillie
ur une Colonne , d'où il regarde avec dédain le
monde fous fes pies; plus d'un caloyer (f) renonce
au plus bel apanage de Thumanicé , fe prive de Tu*
fage de la langue, & devient muet par dévotion;
l'Ange d'Affife ($) éteint dans la neige & dans la
glace le feu qui le dévore ; l'ardeur de (on zèle lui
fait
(*) Smeon fumômmé StyUite,^ célèbre Anachorète d*Atf-
tioche , naquit dans le quatrième fiède , fur les confÎDS de
la Cilicie &de la Syrie; fon Père, qui étoit Berger, roblî-
gea de ptfler fa jeunefle dans le même emploi , mais le Fifs
aiant atteint l*age de 13 ans , entra dans un monadére , oii
raudérité de fa vie )ui attira de (1 puifTans ennemis, qu'il fut
obligé d*en fortir iu bout de deux ans; il alla enfuîte fc ca-
cher dans une Cabane près du Bourg de TélaniOTe , & y reda
trois ans, d*où il fortit pour s'établir fur le haut d'une mon-
tagne de Syrie , & demeura fur une Colonne élevée de trente
fix coudées, dans des exercices d'une continuelle pénitence;
il difoit entr'autres grand nombre de génuflexions ; on dit
que quelqu'un aiant entrepris de les compter , & étant venu
jusqu'à deux mille , fe lafla & ne paOTa pas outre ; il vécue
plus de 69 ans , & l'Empereur Léwi fit. bâtir une magnifique
églife en fon honeur. Moreti.
(f ) Religieux Grecs de Tordre de Saint Bafile , qui habi-
tent particulièrement le Mont Âthos, trouvent font vœu d'un
filence; perpétuel.
( { ) François d*4ffife dit le Sérapbique , Fondateur de l'Or*
dre des Frères Mineurs; toute fa vie n'ed qu'un tiQu des plus
hautes extravagances, qui foient jamais tombées dans l'eipric
d'un homme; il paitiilToit des figures de Neige pour les en-
braOer.
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. l)Bs ALLEMANDE. iç§
fait déraciner la caufè du péché jufques dans le
ifiége de la volupté : & combien d'autres aftions
jnerveilleufes Surius { * ) d'à- 1 • il pas marquées dd
/ rouge dans toutes les pages de fon livre?
Mais à quoi fèrt-il de s^éxiler du monde ? c'eft
envain qu'on fe fait fon propre tyran, (1 les vi-
ces qu'on hait font remplacés par des vices plus
grands, & fi Ton voit naître fivraie à lendroic
où Ton a détruit le chardon : fouvent nous nous
croions libres quand nous ne faifons que changer
de mai très ; nous déclamons contre Tavarice , & nous
devenons prodigues: l'homme ne s'échape point à
lui-même; vainement il s'élève , le propre poids
de fon corps Tattire intérieurement ; ainfi la vertu
éladique dans ces Aflres , que le Soleil éclaire, les
contraint à s*éloîgner de leur centre, tandis qu'une
invincible & éternelle attradtion les rapelle de leut' -
fuite , arrête leur vol audacieux, & les fait roulée
dans une étroite orbite.
Allés humains, taillés vous-mêmes vos Idoles;
que la faveur & le préjugé les forment à votre gré;
racontés ce qu*ils ont fait & ce qu'ils n'ont pas
fait; tenés-leur compte de tout ce qui peut tendrd
à leur gloire; le vice fè fait conooitre fous les cou-
leurs de la vertu, & les plaies quoique guéries, lais-^
fent des cicatricesi
Où eft- il ? montrés - le nous ce Héros , rhoneut'
du genre humain, que la nature ne connoit point
&que votre imagination a forgé ! dites nous quet
îl doit être ; parfait , exemt de tout défaut , fem-*
blable à Dieu en vertu & aux anges en efprit , le
bonheur d'autrui fait Tobjet de tous fes vœux , &
(♦) Laurent^ Surius Chartfcax à écrit la Vie des Saints^ erf
ê. Volumes.
N
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,94 P R O G R Ê^ S
tes bienfaits ceux de (a vangeancej fa plus grancîe
volupté efl: d'étouffer fes defirs, fon langage ordi-
naire eft Toraifon ; Timage de la divinité fe mani-
fcfte en lui par des miracles, à fa voix le Soleil eft
forcé de s'arrêter, & le Démon de lui céder; il en-
vifage le monde comme fon paflage , & la roorc
comme la porte qui le conduit à une nouvelle vie;
pénétré de la vérité, il la fcelle de fon fang, brave
ks bourreaux , monte avec allegrefle fur le bûcher,
& fe croit régénéré;, pourvu que fon fang tout f u*
mant fertilife les champs de TEglife : où voiés-
vous ces Saints d^une vie fans tache, que Dieu don-
na pourmodéle aux humains? Les Anges de iFEglf-
fè font encore fujets à beaucoup de foiblefles , que
la fuperftition couvre, mais qui répugnent à la rai-
fon î ne vous fiés point à ces regards finement é-
' tudtés, à cette hypocrite humilité; le ferviteor des
ferviteurs n'en veut pas moins être le maître de
toute la terfe : le prêtre n'a-t«il pas été de tout
tems l'image de Topiniatreté ? S'il dit un mot
c'eft un oracle, s'il s'abaifle aux prières, ce font des
commandemens : ne vit -on pas TEglife fe déchi-
rer pour un Almanach ? Le Saint de l'Occident
lance l'Anathéme -contre ceux de TOfient , fait
marcher au combat des Martyrs contre des Mar-
tyrs , & opofe dans les batailles la croflè à la
crofTe.
Les foudres du Midi font repoulTés par les fou-
dres du Nord (*) î & l'Egjife, le fiége du Très-
Haut,
(♦) Le Pape FiBvr avoît des démêlés avec rRglffe d'Afie
au fujet de la Fête de Pâques , il lança contre elle des Ana-
thèmes qui caufercoi beaucoup de fcaodale : Famé Itenit^ de
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bki À L LE MA N D S. i^j
haut , eft fou vent devenue Je fanglarit théâtre des
Guerres & des Combats , où là perfidie & là vio-
lence perfecutèretit Dieu & la raifon^ & où l'ar-
têc du Scjiifme fut écrie avec le fang du plus foi*
ble.
Et toi Tyraii crUél , Zélé abominable , Monftré
animé contre THéréfie ! ce n*eft point l'Enfer qui
t'a produit, tu n'as point été formé de l'écume em-
peftée de. Cerbère } non§ ce furent des Sainis qui
t'engendrèrent ; tes venins fermentent dans le fang
desrrêtres; ils ne prêchent que la charité, & ne
refpirent que la fureur.
Qui eft* ce qui hoia les débris de Tôuloufe dafis
lé fang de fès Cicoiens égorgés j & qui élêvà aux
Prêtres un trône de Cadavres entaffés ? Dominique
par fes prières' attira la foudre fur le Prince des Al-
bigeois, & ce fut lui, qui du pié de Montfort,écra-
fa la tête des Hérétiques, (f ) ,
Qui fait cependant fi je ne blâme pas à tort ôt
{)ar envie de blâmer ? La Nature Humaine n'elî
pas
lioiî ioî i-eprocha vivement ft côhcjuîw dahs une lettre <]u'î(
lui écrivit â ce Sujet j & lui enjoignit d'agir ft l'avenir avec
plus de modération.
(t) Petfone n'ignore, je penfe, le» perfecutîdns & les cm-
aùtés exercées contre les' Albigçois ^ ni comment Rairriona
Comte de Tôuloufe fut dépofledé illégitimement de fes Ètatsj
on ttouve un abrégé de cette Hifïoire dans le Diélionaire de
Moreri à rAriicle^iw/^:^^/ ; cet Auteur cependant ne ricôn».
te pas tout ce qu*)l auroit du raporter ; il fe contente d^ àU
te f ieUé Guerte fut extfémement fanglante , comme le font iou*
tes celles qu*on fait pour la Religion: la bonne Foi anroît exi-
gé de ne pas taire toutes les iiotreurs qui acccHnpagn^renl^
eettc Guerre i dont Saint Dominique dé Guzman , Fandàteur
de l'Ordre des Prêcheurs & ioqutiltQur en Lan^tiedoCi- étoff
famé & le tifon^
Né .
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iptf PROGRES
pas fusceptîble de perfeftîon ; il. fuffit que les dé-
fauts foienc comoenfés par de plus grandes venus ;
le Soleil qui efl; la fource de la lumière, n*ell pa»
lui-tnêmeexemt de taches: mais que dira-t-on,
fi le beau coté même du Héros, cette partie qui
fait fa gloire, ne brille que d'un faux éclat? Si les
louanges de fes vains admirateurs ne portent que
fur des foiblefles , & fi Ton trouve l'homme par-
tout où l'on de vroit trouver le Héros? Ah! quand
même des fuffrages univerlèls étaîeroîent les tenv-
ples qu'on leur drefle, la vérité ruine enfin Tédifi-
ce, qu'un foible préjugé à foutenu quelque tems.
Jamais le Peuple ne connoîtra la vraie vertu , nî
les barrières imperceptibles qui féparent le bien du
mal : le Sage aperçoit à peine les bornes qui difiin-
guent les deux Empires; leurs limites font comme
des flots qui fe confondent : tel qu'on voit fur un
taflFetas changeant l'ombre & la lumière s'allier au
moindre mouvement , & produire d'autres couleurs ;
l'œil fe contredit, & fe défiant de lui-même, tan-
tôt il prend le bleu pour le rouge, & tantôt
le rouge pour le bleu: de même nous fommes
fouvent fujets à nous tromper dans nos jugemens:
où trouve -t -on ce Sage qui n'ait jamais haï Ja
vertu, ni jamais encenfé le vice? C'eft l'enchaine-
ment des chofes , les circonftances , le but & le
motif qui déterminent le prix des aftions, qui en
font conoîcre la nature : la vanité feule peut tenir
l'éclat des plus belles viftoires: l'inconftaBCe des
tems change nos devoirs ; ce qui eft digne de lou-
ange aujourd'hui , peut être demain honteux ; un
fbt rend ridicule ce que l'on admirok dans la bou-
che de Caton : c'eft- là ce que le Peuple ignore &
ce qu'il n'aprendra jamais ; il s'attache àfécorce»
& ne pénètre pasjusqu'au fond; il ne connoit M
mou*
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DES ALLEMANDS. 197
mande que ce qui s'y meut extérieurement ; les
refforts fecrets qui caufent ce mouvement lui font
cachés; il fonde Ton jugement fur Topinion , & le
change à toute heure; il voit par^un œil étranger,
& ne parle que par la bouche d'autrui ; ainfi que
les Raions du Soleil, qui paflènt par un verre colo-
ré , font iliufaon à nos .yeux & nous peignent tous
les objets fous un coloris trompeur ; de même le
préjugé nous fait envifager toutes chofes , non
comme elles font en eflFet , mais telles qui! les rend;
ii communique à nos idées fa propre nature, fait
nommer l'Hypocrifie piété , & ja dévotion bigo-
terie; les erreurs même du Père ne meurent point
avec lui, il laiflè k ks héritiers (es préjugés avec
fcs biens; Icrefpeél, la haine, Tamour, fe fucent
avec le lait; la folie du petit -fils étoit celle de Ta-
îeul: c'eft ainG que juge le monde, c'efl: ainfi que
fcs hommes difpenfcnt la gloire & l'ignominie : i -
vec de pareils principes . peut-on Sage Ami régler
là conduite fur leur opinion?
Xavier (*) étend fa cobrfemîraculeufè par tout
l'orient étonné, il renverfe les Idoles de Java pour
élever les fiennes, jusqu'à ce qu'enfin les Bonzes
audacieux pour conferver des facrifices à Âmida^
tranchent la tête du Saint Miffionaire ; il meurt ^
mais fa Religion vit , elle mine par les émeutes &
la trahifon Tétat qui la tolère & qui la nourrit gé-
nereufement; le Prince à lafinfe reveille, & fa
colère tardive fait condatnner aux fources bouil-
lantes les Ennemis de fon Empire (t); la plupart
lé.
(♦") François Xavier^ il a été canonifé & apeîlé l'Apôtre des
Jti-les.
(t) Le plus cruel fuplicc que Ton fît endurer aux Chré-
N 3 titn$ ,
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^98 p R O G R F S
renoncent à leur Keu pour conlênrer leur or, teot
TJe & leur repos: entre mille un feul Athlète meurç
(en fjgnalant Ton courage, fe précipite dans les dan^
gers, méprife les chaînes, fortifie fa confiance &
expire enfin au milieu des priérei. Le nom de ce
Martyr vivra encore longtems après que tes cen-i
dres difperfées, feront devenues je jouet de» vent^
& des tourbillons. L'Europe orne fon image fut
ides autels éclatans , & le place dans le nombre de
peux qui compofentles armées céleftes du Très- Haut.
Mais lorsque fur les bords du lac d*Ërrie (S) ua
Huron égaré dans les neiges profondes devient la
proie de fes Ennemis ; quand le Bûcher qui Pattenc)
jpft allumé, & que, lafle de vivre avec lui, la Fem-
me d'un feul mot a prononcé l'arrêt de fa mort (f),
quelle ed la contenance du Barbare? De quel œ\\
pnvifage* t-il fon fuplice? Il chante au fort dç fea
tourmens, il rit quand on le menace, fon ame in^
(Sbranlable ne fuccombe point aux douleurs; lafiam*:
me qui le confume femble, n'être qu'un jeu pouc
lui, âc lui fervir de triomphe, lequel de ces deux
hommes meurt ici le plus glorieufement? le même
pourage Héroïque accompagne le .trépas de l'un à
)de Tautre^ & les anime tous dçux^ cependant un
V tem-
tiens, fut une fource bouUlaqte . où Ton defcendoit lesMsfr
trrs, jusqu'à ce qu*il$ mourufTeiH , ou qu'ils reniaOTcnt leui
Foi ék leur Religion.
(5) Lac de Conii prés duquel habitent les Iroquois, en*
j^tmis mortels des Huron$.
(t) Cts Peuples donnent au PrîfonnierlaFemmcdequelr
qu'un qui aura été tué dans les combats, fi elle vent le {gar-
der , fi vie e(i fauvée, & il efl môme reçu parmi laNatîoa
iriftorieufe* mais (î elle le condamne â la mort, c*en efl fait
de lui, & cette Femme alors cft la première qui fe rafa^
de fei membres découpés. •• ...
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DES ALLEMANDS. içp
temple & un autd paient les fouffrances do Maf«
tyr , tandis que le Héros nud de Québec meure
comme le pitis vil des animaux. Tant il importe
à celui que Ton mène aq fuplice de proférer des
paroles confacrées aui:queJIes il ne comprend rien/
Mais non , le Huron fait plus que le Béat ; la cau-
fe de la mort en fixe la vraie valeur : le Martyr re-
çoit le châtiment de (on crime ; celui qui fowle d'up
pié audacieux les Loix du Pais , trouble le repos
de l'Etat , profane le Culte , lance contre TEmp^?-
reur d'infolentes imprécations , féme de tout côté
le germe de la rébellion, celui là meurt parce qu'il
eft digne de mort; & peut -on regarder comme un
Héros, celui qui brave au gibet le fuplice qu'il a
mérité ? L'Américain au contraire, qui attaché à un
poteau par les farouches Onontagues (*) expire
courageufèment au milieu de mille tourmens, périt
parce que fon ennemi l'immole, mais non pas par-
ce qu'il eft coupable ; & ce n'eft que dans l'inno-
cence que j'admire la fermeté.
Lorsqu'un pénitent contrit dans de faîntes dou-
leurs , châtie fon corps des péchés qu'il a faits, &
de ceux qu'il va commettre encore; quanâ il dé-
chire fa peaq , qu'il teint de fon fang rinrtrumenc
de fa pénitence, & qu'il montre avec oflentation
à tout un peuple les cruelles empreintes de fès
coups, on crie au miracle; & la poflérité racon-
tera les plaifirs qu'il s'eft refufés, & les tourmens
qu'il a foufFerts, Mais lorsqu*en Orient le Brach-
mane, d'ailleurs ami de la propreté, aflaifone (es
m(^is d'ordures, qu'il jeûne des Semaines entières;
quand
(*) Un des cinq Peuples des Mohoques ou Iroquaii.
N4 ■
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>oo PROGRES
quand des flots de fang coulent des larges bleiTureai
qu'il fe fait par un efprit de repencance , & quand
fouvent la mort expie les fautes que Rome abfoud
à prix d'argent; quand nud & immobile il endure
pendant plufieurs années les rayons d'un Soleil brû-
lant, & qu'il laifle engourdir Tes bras nuds & éten-
<dus avec contrainte, quel nom donnonsrnous à ceç
homme fingulier? Celui d'impofteur ou de fou.
Lorsque dans l'Ibérie un vœu éternel lie une jeu-
ne perfone, & que des chaînes de diamant rat-
tachent; quand l'Epoufe femblable à un Cygne
mourant a entoné l'Hymne fatale àe$ Vierges, &
que la Cellule dont on lui a tant vanté les charmes
vient d'engloutir enfin fa proye , quelle n'eft pas
l'allegrefle du peuple ? Le bruit des acclamations fc
fait entendre , tous s'écrient , la mortelle cejje , r Ju-
ge commence (*). Oui, entonés la Trompette
triomphale, l'objet en eft digne, couvres les mu-
railles du Temple de fuperbes tapis, vous venés
d'obtenir un bonheur qui n'eut jamais fon pareiU
Le monde renaît déjà , le fiècle d'or aproche. Je
veux que la Jeunefle fleurifle dans elle fans fe faire
fentir, & que le feu feul de la dévotion échauffe
le fang qui pétille dans fes veines; que jamais el!e
ne jette un regard dérobé, mais hélas! trop tardif,
fur ce monde qu'elle vient de quitter, ni qu'aucun
defir d'y rentrer ne s'élève dans fon ame; que tou-
jours la raifon calme l'ardeur de fcs fens , & que
fon fein fi pur ne foit jamais touché par une autre
main que la Hene ; fupofés ce qui n'arriva jamais,
que la vertu puifle naître de la contrainte; pour-
quoi voit - on un v^in peuple répandre des cri^
P Ce fo^jt lés propres paiolçs de St. JétCftae.
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DES ALLEMANDS. 201
tfallegrefle , & de qui chante- 1 • il les Eloges? Se-
roit-ce de la malice & de la cupidité qui s'opofcnc
au but du Créateur, & forcent' au veuvage ce qu'il
créa pour Tamour; qui étouflFant en elle la noble
lignée que le Ciel lui dcftina, & qui maintenant ne
fauroit éclore, devienent peut-être les affaffins de
plus d'un héros ; feroit ^ ce enfin parce qu'un enfant
féduit fera déformais dans Tordre qu'elle profefle ,
inutile à d'autres, & le fardeau de foi -même? O
vous que la nature enfeijgne & conduit à de meil-
leures routes, qu'efl-ce donc que le Ciel nous
commande» s'il ne commande d'aimer? Une loi
peut- elle être jufte, quand la nature la condamne;
& quand c'eft elle même qui nous enflame, le feu
dont nous brûlons pourroit^il être impur? A quoi
fert ce corps délicat & l'élégance de fes membres?
Tout n'eil-il pas fait pour nous, & nous pour
lui? Rien ne fauroit réfifter aux apas qui triom-
phent même du Sagej & qui eft-ce qui donna à
îa beauté le droit écernel de plaire ? La première
loi de l'Etre fuprême fanflifia le chafte amour, &
Ja marque de fa colère étoit la flérilicé ; les vertus
font -elles donc opofées aux vertus? Les malejdic^
rions de l'anciene Alliance f^ changent- elles en bé-
nédiélions dans la nouvelle ?
Allons, la trompette fonne, l'ennemi couvre la
campagne, U viftoîre marche fur mes pas, fuivés
moi compagnons ! C'eft ainfl que s'écrie un héros
intrépide,, lorsque les foudres fortant d'un métal
homicide font trembler une vafte plaine, & abat-r
tent des rangs entiers; inébranlable quand un ri-
goureux dellin combat contre lui , fon corps tom^
te percé de coups, mais le héros ne tombe pas,
i\ regarde le f^^u qui porte le trépas comme un feu
.^S dQ
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201 PROGRES
de joye, & fon <ml voit couler avec une égale
tranquillité ion propre rang,& celui des autres, l^
mort fufpend déjà les fonétions de fon cœur , mais
fon courage ne fuccombe pas encore ; il meurt con«
tent pourvu qu'il triomphe en mourant. O héros!
ta valeur e(l infîgne, la podéricé la plus reculée li*
ra gravé fur le durable porphyre , tout ce que lu fus
autrefois. Mais lorsque dans les forêts d'Mercynie,
un Sanglier irrité par les longues pourfuites du Chas-
feur ardent préfère enfin la mort, ou'il hérifle fon
poil, qu'il aiguife fes armes meurtrières, qu'il pas.
fe dans fa rage fur une meute de Chiens éventrés ;
quand fouvent il déchire encore ce même ennemi
qui vient de lui plonger Tépieu dans le cœur , &
qu'il ne tombe qu'après avoir aflbuvi fa vengean-
ce, ne voit -on pas là un courage héroïque? Ce-
pendant qui efl- ce qui drefle un trophée à ce vail-
lant animal ? Les ChafFeurs vont en faire le parta»
ge avec leurs Chiens.
Quel eft l'homme fage qu'on voit au fond de
cette vafte folitude enfoncé dans (ks proprés pen-
fées, qui baifle vers la terre fes regards timides &
égarés? Les lambeaux d'un drap ufé couvrent à
peine une partie de fon corps , tout ce qu'il défire
c'eftun morceau de pain mendié, & de l'eau pure
qu'il boit dans le creux de fa main, l'indigence
fait fon bonheur. Il n'eft point de ce monde, &
tout le monde n'efl: rien pour lui; jamais un métal
brillant ne déroba un feul de fes regards. Jamais
un coup d'infortune ne dérangea Téquilibre de foa
ame toujours égale, jamais la vue d'un bel objet
ne dérida fon front, la malignité même de l'envie
ne fauroit avoir prife fur fes aftions; fon efprit
(put rempli de la divinité ne peut s'abaiiTer ver$ t<i
ter-
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D Ef ALLEMANDS. 203
terre; il connoic fon propre néant, quelle eftime
peut -il faire du néant des autres? Les devoirs les
plus auftèresde la vertu font fes amufemens, déjà
fon arae efl: au Ciel , il n'y a que fon corps qui tie-
ne à la terre. O faint homme , quoique ta répu-
tation t'élève jufqu'aux nues, fuis Diogène, évite
& crains fa lanterne ! Ah, il le monde pouvoic
çonnoitre le copur comme les lèvres, on verroîc
peu d'aftîons refiçcobler aux motifs qui les ont pro-
duites! Ceften vain que tu détournes le vifage,
cet honeuF que tu évites n'en eft pas moins le Diea
pour lequel tu foufFres tour. Tu cherches la gloi-
re en la fuyant, comme autrefois Suréni (*) trou-
va la vifèoire dans fa fuite; tu n'évites un moin-
dre vice que pour tomber dans un plus grand, &
celui qui sert propofe de devenir un jouf demi-
dieu, ne bâtit que pour Tavenir, il n'a plus rien
dans ce monde, la renommée le peint des cou-
Jeurs de la vertu ; & que peut demander le Ciel
même, dont un Hypocrite ne foit pas capable?
Enfoncé dans les recherches & les méditations
pomme dï^ns un rêve profond , un efprit fublime
s'élève au deflus de la fphére de Thumanité: voyé^
fon regard effaré; toujours abfent, il mefure peut-
être en ce moment fefpace de quelque autre mon-
de , fon efprit fans cefle tendu confume la fleur de
fes années; le fommeil, le repos & la volupté
fuyent fon ame toute célefte; il connoic déjà la
fuite infinie des nombres fecrets, par lefquels cha-
que courbe irrégulière peut être mefurée exadte-
ment^ il fait poiirquoi les aftres ne fortént point de
l'or-
(*) Général dfs Parthrs ; lorsquec-s Peuples défirent l'Ar-
;née Romaine ji cotne^andét: par risforcuné CralTus.
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204 P R O G II E^ s
Forbitequî leur eft aflîgnée, comment les rayon5
brifés font naître la diaprure des couleurs » quelle
e(l la force & la vertu interne qui fait mouvoir les
mondes dans leurs tourbillons, & quelle preflion
fait gonfler la mer à des heures réglées, il n'igno-
re aucun de ces objets; fource intariflable de vé-
rités jufqu'alors inconnues, il remplit le monde d'u-
ne nouvelle lumière, mais hélas! Taftivité de Ion
génie & Tardeur de Tes travaux; attifent avec vio-
lence la mèche trop courte de fa vie, elle s'éteint,
il meurt rafldfié de fcience , & les Scrutateurs de la
Nature aprendronx un jour dans les Aftres le nom
du Philofophe. O Génie fublirael montre toi , &
fi dans l'empire du néant, l'idée du monde , & le
défir des connoiffances te relient encore, fais en-
tendre à mon oreille avide d'inflruélions , les der-
nières preuves de ton favoir admiré de cent peu-
ples divers !. Comment diftingues-tu la vérité de
Tillufion! de quelle manière le folide eft -il féparé
de l'efpace dans la Nature? Qui eft- ce qui donne
à la macfére informe des corps, des figures qui font
toujours variées & qui ne fe confondent jamais?
La tendance vers le centre qui porte toutfen bas,
la vertu élaftique qui étend tout, l'attraftion de
Taimant qui attire le fer, la propagation rapide de
la lumière I le nœud éternel des particules, le prin-
cipe & la fucceflîon perpétuelle du mouvement;
ce font là des objets, ô rare efprit, que tu dois en-
feîgner à ces foibles mortels, dont aucun ne te res-
fcmble , & qui tous te regrettent. Mais c'eft en
vain qu'au flambeau de la Géométrie, tu cherches
les traces obfcures de la vérité fur une Carte parfc-
tnée de figures repréfentées avec art, jamais un
efprit créé ne pénétrera jufqu'au fein de k Nature»
trop
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DES ALLEMANDS. 205^
trop heureux encore fi elle lui découvre Técorce
qui Tenvelope: ce n'cfl: qu'après mille peines &
après bien des années confumées dans les veilles,
que tu as appris toi- même combien il manque à ho«
connoiflànces bornées, & que tu as été convaincu
de ton ignorance.
Le monde qui obéit à Céfar n^efl plus digne de moî^
s'écrie Catqn , & à l'inftant il fe perce le fein, ni
l'autorité des plus illuftres Citoyens, ni l'éclat d'ua
métal précieux, ni les poignards des Allaffins mer-
cenaires, n'ont jamais pu ébranler fa fermeté, n^i
détourner du bon parti & du fàlut de Ton païs , cet
efprît attaché conflàmment à la vertu; Rome vi-
voit en lui, il étoit la patrie: fon cœur fut inacces^
fible à la volupté, & fon ame à la crainte, fa vie
étoit fans crime, & fa renommée fans tache; on
voyoit renaître en lui cet ancien héroïfme qui fait
tout pour l'Etat, & rien pour foi- même; toutes les
fois que la Juflice étoit aux mains avec la fortune,
il n'étoit point émbàrafle du parti qu'il devoît pren-
dre; les Dieux protégèrent le vainqueur, & Caton
les vaincus (*): mais le masque de la vertu tom-
bera peut-être encore ici: fa grandeur d'ame n'e(l
qu'un orgueilleux caprice , qui ne plie point fous
un joug étranger , qui brave le deftin même , & qui
fe brife plutôt que de céder , un efprit à qui rien
ne plaît, qu'aucune douceur n'efl: capable de cal-
mer, qui trouvant tout en lui-même n'efl: fufcep-
tible d'aucun fentiment.
Éh quoi, la timide vôrtu bannie du cœur des
hommes a- 1- elle donc pris fon vol vers la voûte
étoilée? L'œil du Ciel ne veille- 1- il plus fur les
cou-
(♦; Vi3rix caufa Ùiis placuitffed vi3a Catoni. Lucain.
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110(5 P R O G R Ê^ S
coupables mortels? Entre tant de milliers ne s*ert
trouve- 1- il pas un fcul qui foit à lepreute? Nori
non, le Ciel ne fçaurok haïr ce qu*il a créé , ni a-
bandonner à fa colère TouYrage de fa bonté: ce que
tant de fages fouhaitent, le but de tant de travaux,
]g vertu habite au dedans de nous, & peffone ne la
connoit ; cette aimable Fille du Ciel, cette vertu
toujours égale e(l embellie des attraits de la plus a-
gréable jeunefle: aucun fombre regard ne couvre
de nuages la lumière éclatante de îhs jkuXy & ce*
lui qui haït la vertu , ne la connoit pas , ce n'e(l
point une loi arbitraire que nous enfeigneût les Phi-'
fofophes , c^eft la voix du Ciel qui fie parle qu'à
nos cœurs; foh fentiment intérieur juge toutes nos
a£lions , avertit , exhorte, aprouve, condamne,
efl: le confeil de l'ame ; celui qui marche à fa
voix, ne s'égarera jamais dans fon choix , il ne man-
quera jamais la vertu, & le vrai bonheur ne lut
manquera point ; les orages des pallions ne dérange-
ront jamais l'équilibre de fon ame, le ver rongeur
attaché aux vices qu'on déplore, ne dichirera point
ion cœur, il n'achètera point un bonheur éloigné
par une mifére réelle , ni ne fe précipitera point dans
de longs malheurs , pour des plaiflrs de courte du-^
rée; il regarde de l'or, les honeurs & les plaifirs
comme ce neélar & ces fruits. dont un fobre ufage
eft falutaire , mais l'abus nuifible; les dernières frai-
eurs de la vie ne font pas (Capables de le faire chan-
ger de Couleur : il auroit volontiers vécu plus long-
tems , mais il meurt fans répugnance.
O favori du deftin, fage Èpicure? Tu trouvas le
premier les traces de la vraie vertu, non de ce fan-
tome imaginaire, que Zenon fe forgea, qui nemar-»
che ^^e fur les épines, &fe condamne à Ja mifére^
qui
I
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DES ALLEMANDS. 207
qui fait du monde un cachot, (e donne mille pei-
nes pour choifir fes tourmens, & devient lui-mê-
me beaucoup plus infuporcable que tous les maux:
non non , la vraie vertu badine avec toi dans tes
paifibles jardins, te donne la joie , & le repos pour
compagnes inféparables , diftribue à chaque état
fon propre bonheur , dans la fanté lesplaîfirs, &
le calme dans les douleurs ; tel que TAbeille fait
difliler un fuc plein, de douceur de rAbfynihe le
plus amer , tu fus faire fervir à ta joie ce qui faïc
gémir les autres , tu reçus du même œil tous les
dous de la nature , les maux avec patience & la
volupté avec un plaîfir tranquille ; jouiiFanc conti-
nuellement, & fans jamais faire un feul vœu pour
J avenir, tu vis paifiblement écouler tes jours fans
les compter. O vous qui haïffés ce Sage parce
qu'il vaut mieux que vous , envain jettes -vous fur
fa gloire le noir venin de l'envie, la vertu qu'il
enfeigne plaît à la plus impétueufe jeunefFe , Ôi
fa volupté eft plus chafte que votre vertu.
Toutes les poëfies de M. de Haller font de cette
force, encore ne fuis -je pas fur d'avoir choifi les
plus belles pièces. Son beau Poëme des Alpes au-
rait pu trouver place ici ; paais outre qu'il eft fi
long- qu'a m!auroit fait excéder les bornes de mon
ouvrage, il fe trouve dans le recueil de fes pièces
choilîes qui ont été traduites en François: cepen-
dant je croi que le Lefteur ne me fçaura pas mau-
vais gré de lui faire connoîttrd, comment ce génie
plus qu'Anglois, profond, folide, philofbphe, ex*
prime fe& idées lorsque Toînour di6le fts vers ; il
fcmble que fa Mufe change de Nation , & deviens
Fran^oife^ dès qu'elle veut être galante & gracieu*
fe.
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fto8 P R O G R E* S
k. En voîcî an EfTaî que je tire d'une Ode v
dreflee à Doris :
Strophe I.
La lumière du jour s^eft obfcurcîe, le pourpre
qui brille au couchant commence à fe changer en
une fombre pâleur , la Lune montre fès cornesd'ar-
gent, la nuit féme (es paTots au frais & abreuve de
rofée la nature altérée*
Strophe IV.
Dis moi Doris! ne fèns-tu pas dans ton cœur
les mouvemens délicats d'une aimable douleur, plus
douce que le plaiOr même? ne t'en coûte- t^il pas
de jetter fur moi un tendre regard? Ton fang ne
coule- 1- il pas avec plus de vivacité ? Ne &ns- tu
point palpiter ton fein innocent ?
Strophe V.
Je vois que ton cœur s'interroge, une idée dit à
l'autre , que m'arrive-t il ? Que fens-je donc?
Mon Enfant tu ne le démêles pomt , mais je te Tex-^
pliquerai fans peine; je fens bien plus pour toi^r
Strophe VIL
Mon Enfimt adoucis tes regards » foumets • toi à
ton deflin,rien ne lui manquoit que l'amour: ponr^
quoi t'envier ton bonheur? Tu n'en échapera pas,
qui doute a déjà choifi.
Str0
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s E è Allemands, ib^
Strophe I X;
Éh quoi, Tamour Teroît- il capable de t'effraiera
îl n'y. à que le vice qui doive fe couvrir de hontes
inais Tamour n'eut jamais d'alliance avec lui: jetcé
un regard fur tes compagnes folâtres ; tu ne fens
que ce qu'elles refFentent, la flamme 6(1 celle de là
taature.
Strophe XVt
D'ailleurs qu^as-tu à craindre? Qde d'autres
con/ervent un cœur qui efl: trop tôt abandonné
par celui qui le pofféde : tu reftes toujours Mat-
trefle des Ames, la beauté enchaîne les efprits ^
ta Vertu les retient dans les fers.
Strophe XVlIÎ;
Tel vantera fes aïeux, tel brillera d'un éclat
(emprunté 5 tel enfin faura te jieindre avet art l'ar-
deur de fa flamme ; chacun fe fera valoir par quel-
que endroit : pour moi je n'ai à t'offrir qu'un cœui'
que le Ciel m'a donné;
Slrophe XlX.
Ne te fie pas, Doris, au premier Amant, il porté
fur (es lèvres un double feu 9 mais il n'a que 1;!
itioitié d'un cœur dans fon fein: l'un efl touché de
l'éclat qui t*environe,'un autre t'aime parce que tcî
es aimée de tout le monde, & an autre ne cherche
en toi que fon plaifir.
6 Str»^
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sio P R O (j R F s
Strophe XX.
Maïs tnoî f'aîmc comme on aîmoît avant que faf
bouche étudiât les foupirs, & que jurer une fidélî-
lé éternelle devint un art ; mes yeux ne font fixe>
que fur toi , & de tout ce qu^eri toi Ton admire, \&
fie demande que ta faveur.
Strophe XXL
Ma flamme ne brule pas miîquement dans mes
Vers, je ne cherche point à te déifier. L'huma-
Dite te Hed irop bien } un autre poutra foupirer a*
vec plus d*éloquence; ma bouche fait moins dire,
mais mon cœur fenc beaucoup plus.
CHAPITRE IX
M. àe Hagedorn.
La République de Hambourg ne fournît pas feu-
lement à l'Allemagne les richeflês de la Mer,
elle lui a donné aufli de tout tems des tréfbrs de
Littérature ; au milieu du tumulte d'un vafle com*
xnerce maritime, elîe a produit des Sçavans diftii^
gués: & du fcin de l'opulence que ce même eom^
mcrce y porte , on a vu fortir des génies qui om
Hluftré leur Patrie.
M» de Hagedorn cfl: de ce nombre} né à ÎFïara-
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fiEi AL LE MANIAS. irê
bourg dans le tems que feu fon Père y réfidoît
de ia parc du Roi de Daftemarck , il apartient dé
droit à cette Ville, où il a fixé depuis fon féjourî
c'eft ]à que jouiifaDt d'une aifancè & d'une liberté
(i néceflàire atix produftions de l'efprit, il donne
J'elFor à fa Mufe i & met en oeuvre avec le plui
grand fuccês, fes talen$ podr la PoëGe.
L'efprit & les grâces qui régnent dans fès Veri
iront très capables de détruire les préjugés de Ceux
qui attribuent à certains climats les influences par-
ticulières d*ApQlIon, pour certains genres de poë-*
ùes. ,
La: tdndre amitié qui m'a lié depuis longtems à
cet aimai^eCompatriote , ne me ifait point illuiion fuif
ifes ouvrages ; }q ne les loue que par la perfuafioii
intime de leur mérite.
Il excelle ftirtout dans les Poëfies Morales, dani
les Fables &, dans les Contes ; ces derniers fonc,
toujouifs affaifonnés de quelques Epigrammes in-
génieufes » d'exemples & de préceptes , mais qu'il
lait placer fobremerit & à propos.
Comme il eft Sçavant ^ qu'il polTéde une vafte
ifeSure, fe$ Poëfie» font paj:femées de quantité dé,
traits d'érudition ; on diroit qu'il a Cho4ri plutôt M.
âf là MotU({aQM. dû la Fontaine pour modèle dan^
fes FabJes*
On en poiirra juger par la pièce fqîvante. M;
dé la ioiiuine a traité le même fujet, le Poëte
Françoii me paroît l'emporter par la naïveté , qui
fefl: le fublime du genre fimple ; l'Allemand au Con*
trake alloua par quelque chofe de plus brillant
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212 P R O CJ R E' S
PbïUmQfi iS Baucis.
Conte.
Les Poètes favent mille choies que la partîcr
groflîère du inonde ne conçoit pas , dont l'ignoran-
ce & le préjugé ne fotK que plaifanter, & que la
limplicité croit impoflTibles: noas chantons, & Bo-
rée eft contraint de fe taire, les forêts tremblent,
la Mer écoute j quand nous donnons carrière à
notre génie , nous faifons defcendrc la Lune du
Ciel ...
Quef eft le morteî audacîeinc qui oferoK nous
bUmer? ignore- 1- il le châtiment de Mîdas ? Qur
eft -ce qui changea des vaiflèaux en Nymphes, les
cheveux de Daphné en lauriers , les pleurs de By-
blis en fontaine , Jupiter en Taiireau d'Europe ?
Qui conduifit Orphée dans les Enfers ? Qui a faic
tous ces miracles, fi ce n'eft nous?
L'antique PhrygFe éprouva autrefois y que les
Dieux vienfiic rendre vrfite aux humains , no^
bons vieux Pères Taflurent par ferment , mais cet-
te vérité n eft bien coniîue qu'aux Poètes : à quel
point les Immortels ont chéri le monde dans le fié-
cle d'or de Phiîémon , c'eft ce que nous aprend
Ovide, ce Poète fi.digne de foi , & depuis lui l'H-
hiftre Swift, Thoneur du Clergé.
Comme de ce bas monde jusqu'à h vouCe ëtoi-
lée les Meflagers font rarement fidèles, deux Dieux
fort fages conçurent le deflfein de faire eux -même»
la revue de la terre, & pour garder d'autant mieux
ï incognito, ils fe iraveibrent eiÎTOÎageurs; en un
mot par pur amour pour le genre humain» le Dieu
de»
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ȣS ALLEMANDS. 213:
des Filouxfe joignît au Dieu du Tonere & le voia-
ge fut entrepris.
Le rufé Jupiter e'vita par cette faite la fureur
jaloufede la vieille Junon , qui rerfoit ramertume.
}usques dans Ion Neélar, & lui reprochoit chaque
jour ce qu'autrefois il fit tantôt comme Cygne ^
tantôt comme Taureau , & toutes les autres in-
cartades de fa jeuneflTe; Mercure fui vit fon Père a-
vec joie 9 mais il n'avoit ni fon caducée ni fon pé-
tafe.
Ils eurent bientôt parcouru ce petit morceau de
Jimon peuplé de fous, qu'on apelle le monde j ils
virent des endroits où, cher Lefteur, ni toi , ni
moi, nous n'irons peut • être jamais , & arrivèrent
enfin jusqu'aux rives lointaines du Méandre : le
jour étant fur fon déclin, ils aperçurent à leur gau-
che un vafte palais , où le luxe & la fomptuoficé
avoieat établi le fiége de l'infolence; c'eft là qû'ha-
bitoit au milieu de la molleife & de la cupidité ua
fuperbe Satrape, riche fardeau de la pauvre con-
trée, faveri d'un Maître auquel des fujets trop fou-
vent taxés obéiflbient., réduits à l'indigence fans
en être moins fidèles,
C'eft là que ks Dieux cherchèrent du repos; &
feignant comme voiageurs d'être accablés de fati-
gue & exténués de befoin , ils demi^ndèrent avec
beaucoup d'inftance de la nourriture, & un peu de
paille pour fe coucher; ils fupliérent mais envain ,
on les renvoia avec mépris, & Mercure s'étant
glifle jusques dans le chêteau% plus il pria & plus
il éprouva que rien au monde n'cft fi arrogant , (î
fier, fi infolent, que le très petit domeftique d'uu
petit Seigneur, auflî longtems que l'honète hom-
me a befoin de lui,
O 3 De
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8CI4 P R Q Q Jl E^ S^
. De làik fe hâcénti'entcer dans plnfieurs «Ws^
palais habités par Topulence , mats ils en fortes
encore plus vite qu'ils xxj font entrés ; enfin ils
font une dernière tentative , ils defcendent dans I4
n^allée* & frapent à la porte d'une chaumière pauc
y obtenir un azile.
Sous ce ruftique toit vivoient ians enfant & ùm^
chagrins domeftiques deux Epoux « qui d'iin pa3
égal étoient parvenus à la.vieillefTe, & qqe la ver*
tu balfaroique du tems^avoit guéri des accès delà
jaloufie ; par Une faveur toute particulière du Deflin
ce couple fupoitoic patiêmmem Je joug d'qn long
liyrocn.
Le vieillard Philemon les invite d'entrer , les
conduit au foier , les excite à la joie , apelle Ta
compagne chérie, & fiaucis l}âte le pas k Taide dé
fes béquilles ; elle falue ks. hôces & leur ferre h
înaîn, honêteté que Jupiter, qui favoic vi vre^lui rêva»
Jut par un baifer, un baifer fur la joue s'entend, &
non pas apuié avec la même ardeur qui l'atucha (^
fouvenc à la bouche de Leda ; mais néanmoins le
froid baifer fait couler dai^s fon ame un feu ^ nn^
plaifir qui lui rapelle fa jeunefli.
Ses forces fe raniment , elle agence avec plus d'à*
drefle divers lits de chaume & de copeaux; fur u^
«mas de fapin lèc , mais reûneux y efl pofé un faifceau
de branchages ; & après qu'elle a reveillé la biaife
^ifoupie dans les cendres % moitié foufflant moiti^
iouffaot, elle allume fon feu: bientôt après Ton ferc
dans des vafes d'argile du laitage, des légumes &
des fruits : mais cette frugalité «efl: accompagné^
de beaucoup plus de joie qu'on n'en trouw à ces,
fables fomptueufes, où la abordante Satire, aft^ifor
^e les mets précieux , où la malédiâiQiLiieipêle ^
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Bes ALLE M AN D S. <ii^
vec le vin , - où l'œil ;de i'fnmi$fenfkraç,,.&'oi)L
Ton entend (iffler les Serpens de la nfiéchançeiié.
Pour mieux encore rejouïr fe«jconvLrês^ l'Mte
joieux ombrage fa table de br^cnebes 'jcfe boUfeaui
déploie tout fon Jéfpric, égaie. fon dijfcours àilçi fef
çon des campagnards, par des jeux de^inots &.dè
grands éclats de rire; il paclé d'Àgrîcùliute,<dçBé»
lail, de Troupeaux , de Champs -eofenii^acés , &
raconte que le bled diiiToiGn lève cette iionée k
fouhait. Mère Baucis explique les propriétés du
tems, la nature des maladies, la vertadçspJan»
tes: ce toit de chaume, die -^îlle, & ce foier en-
fumé font Touvragc de notre indttftrie , <S^ jusqu'ici
lamajédiâion qui (bit un ferment téméraire n'eftpas
encore tombée fur notre maifon* Les Bonnes .Geai
font une longue énumération de tout ce ^ju'ils pbs^
fédent & de tout ce.qni leur mamjue; ik compteut
les années qui fe font écoulées dans leur mariagei
enfin elle ajoute qu'ils ont hérité depuis peu, d'un
meuble précieux-: eh quoi? d'une coupe. antique
faite de hêtre, cifelée.aiîec .beaucoup .d'art. & ^ort
bien confervée , on y voit Silène apuié fur uji
prelFoir & s'enLvrarit ivéc fés 'Satires, furlexôu-
vercle efl l'image dé i'hilemon; elle "demande c«
vafe, Philemon l'aporte rempli d'un vin nouveau^
pour finir agréablement le foupen .
La fraîche liqueur efl bue à longs traits: mais^
ô Ciel! la coupe fe remplit d'elle-même: le
vieillard s'en aperçoit, il en eft frapé, lui qui ja»
mais en buvant ne tricha ni ami ni ennemi ; il por^
te une nouvelle famé à les hôtes, & les regarde
l'un & l'autre avec plus d'attention; enfin Jupiter
fe fait connoitre.
Ecoutés, leur die -il, je ne vous eo împoferai
4 point f
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fi6 P R O G R P S
Eoint; Doas fommes des Dieax» dier hôte « chère
ôtefle 9 voas pouvés nous en croire: je fuis Jopi*
ter & voilà Mercure : vous en doutés? Comment I
]es Dieux fauroient - ils mentir? Saches que je disr
pofè à mon gré de la foudre , & que lui volç à
mes ordref.
PhiLmon jette fur lui un coup d*œil timide; un
rayon de lumière qui le pénètre anime foa regard i
il croit & ne raifone point ; une fainte horreur {ai«
fit Baucis , & pafle foudain dans tous Tes membres
glacés par Tage ; ils reconnoiflènt dans leur convi-
ve un Dieu & ils Tadorent: Seigneur, s'écrie le
Vieillard, avec bonté acceptés r vous ce que l'in-
digence peut vous offrir de bon cceur i Aucun mor-
tel ne jouic d*un bonheur égal au notre: que n'a-t-)t
ité en notre pouvoir de vous régaler comme vous
le mérités! Mais les nvets les plus exquis ièrvis
dans les Palais des riches, ne font pas même enco^
re dignes de la table des Dieux; quand de pareils,
convives daignent manger chés un monel , la ter-r
re , la mer & Tair n'ont rien d'afles délicat ni d'as*
fés rare pour eux.
Le jour paroit,& le fils de Maïa conduit le cou-
ple étonné fur le fommet de la montagne voifine:
là le Dieu du tonerre dit : pour arrêter le cours de
la méchanceté , que le. Méandre fubmerge les in?
folens ! Il parle & le fleuve obéit: foudain la con-
trée & le château , d'où jamais un regard compa*
tifTant ne tomba fur le malheur d'autrui , font as»
faillis par les vents & les flots , & péril£nt avec
horreur: la feule cabane de Philéraon refle ifolée
fur une Tfle, mais bien différente de ce qu'elle é*
toit ; tout ce qui écoic jonc ou argile fc convertie
çn marbre & en or; la table eA changée en autel,
^ 1«
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PE» ALLEMANDS. 5^17
les poteaux en colonnes, & la coupe en un va(^
de facriSce.
Et pQur plus de commodités dans ce Templç
îîouveau , le lit devient un banc d'Eglifc, qui con-?
ftrve encore l'^nçiene vertu de faire bailler les au-?
diteurs, &dc procurer un dou^ fommeil.
Cet infigne miracle remplie le couple fidèle de
trouble & d'admiration ; le refpeél fe mêle au plai-
fir , rétonçment à la rçconnoiflançe ; ils prenenc
une confiancç nouvelle , mais leur joye les rend
puets; enfin le Phrygien rompt le filence ôc dit 5
ah ! puifle Jupiter me trouver digne d'allumer dans
ce Temple le feu dçs facrifiçes , & de lui confar
çrer dans les honeurs du Sacerdoce les derniers
redes de ma vie ! Heureux fi ma main pouvoit lui
pfFrir le premier encens !
Le Dieu l'exauce , & lui permet aînfi qu'à fa fem*
me de faire un fécond vœu : hélas ! s'écrie Philé-
mon, l'amour qui nous unit fi longtems infpire ^
mon cœur un autre defir ; je hafardc encore cette
prière; puifle- 1 -elle, ô Jupiter, n'être pas défa-
gréable à tes yeux ! Fais que la mort nous enlçvc
Çaucis <^ moi dans un même jour, & qu'aucun de
nous deux n'ait la doulçur de pleurer fur le tom-
beau de l'autre { Les Dieux aprouvent ce vœu.
difté par la tçndrefle, & fi différent des voçuiç
ordinaires que THymen fait éclore : la promeflc
leur en efl: donnée ; un éclair fend la nue , le to-
perre gronde, Jupiter difpîtroit,& fe trouve en uq
^nfl:ant dans la fixième fphère.
Le bruit de ce prodige fe répand bientôt de tout
çôié; chacun vient vifiter le nouveau San6luaire»
fuit potjr interroger Philémon fur toutes les circon-.
('
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jiig P R O G R I? s
fiances j fait pour lui offrir, par un pietix ofage,
des dons que le Vieillard déjà rempli de (on heureu-
fe vocation refufe quelquefois, m^is que d^une
main facerdotale , il accepte plus fouveoc.
Un certain jour de Fête, entrant au parvis, iha^
conte aux voyageurs aifemblés l'origine de l'Edifi-
ce; fa tête fe transforme, fts cheveux fe changent
en feuilles , fon corps fe couvre d'écorce & de
moufTe; Baucis s'en aperçoit, & veut lui tendre la
main, mais fts efforts font inutiles; elle cft méiai-
morphoféeen tilleul, & fon Epou? en chenet Tac*»
complillement de leur défir recompenfe leur fidéli-
té: les pères montrent à leurs enfans ces arbres;
leurs rameaux font couverts du plus beau feuillage,
& prêtent aux amans une ombre favorable: bien-
tôt la renommée leur attribue une vertu magique ;
on dit que fherbe & la verdure de ce lieu enchan-
lé excite à la douce volupté; que là, les Bergères'
les plus farouches commencent à aimer la flatterie
& finiflent par aimer le flaiieur; que plufieurs dont
la fierté rcfifta longtems à leurs Bergers, y fenti-
rent pour la première fois , leurs cœurs s'ouvrirait
tendrefle; que là, un baifer de Philis rendit Lycas
heureux , & que ce Berger lui apric enfuite tout ce
qui charme & ravit bien plus encore; la faifon
fuivante trahit les faveurs qu'il avoit reçues; l'ar-r
bre, le pauvre arbre ,'& tion pas Philis fut trouvé
coupable ; peu s'en falut que la mère ne coupât impi-
toyablement Philémon & fa femme j» C Jupiter nç
les eut protégés.
Frère
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çps a L:L;jE M A N t s. ^tf
Frère Ambnyi.
Çontç.
Frère Ambroife étoit un excçllent Maine, grand
çdnemi de macin^^ & qui ep faic.de i^elTe, Je
difputoit même à.fpa 4'^cnévêqufi; fowveac ii dot-
moit au chœar, fpuvcnt il tîivQJc «u lit, il dor-
moit fur fon via & ;buvoi^a|)rfîs fon fomineîL- Je
^pauvre h^mtïie^, hélajilifuc attoiaçiau plusifortxle
YEiè d'une fièvre maligne, qui vint le rlouer a
Ion grabat; aullitot on voit accourir tous les Frè-
res dodus, chd.cari le viûïe ,^&icbaciin confole le
pauvre Frère moribond; comme perfone nefavoic
faire raîfon le verre en Wai6 auflî merveilleufcment
que lui , TAbbé du Couvent ne pouvoit fe pafTer
de cegralnd hoftirbe; ftps Iqi il trobvoit jufqu'àTon
. vin favoripkit, &infipide : T Abbé^douc faiiapclJer le
plus fameux Médecin, lui expofe le .cas périlleux,
implore fon fecours & donne deux fois fa béné-
diâion : voyés , dit • il , ce coffre, fort ^ il eft itm-
pli, choîfilles un préfent, mais calmçs $;'il fe peut
les fouffrance du cher Ambroife ^ déjà je prie Dieu
pour Iqi, & j'irai jufqv'att jeûne., i?bofe que je ne
f;:roîs pas pour un Cardinal : le Doéleur Patelin fe
rengorge & fe rend à la Cellule >du malade ; c'eft
là qu'avec une gravité muette il examine furine ,
îl tâtonne lô poolx , pèfe toas les' lyroptomes ,' ré-
fléchit aux accidens ou qui .^xident déjà , ou qui
font encore « craindre; enfin il^ rompt le filence &
dit : par la ^vertu de fart que je poffédeL icomnie
podleur , j obferve ici la foit une très facbeufe
circonftance; je trouve /e^rwii la chateur àifoa
plus haut degré, ^ç-çft^ye qui dépcchefouVenrMs
^' r - fidè.
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»2o P R O G R F S
fidèles pour Tantre monde : or pour ne pas noas
écarter des leçons d'Hippocrace, nulle innovation
ne doit profaner Tare de la Médecine ; il nous or-
donne de commencer par guérir la foif , & de finir
par la fièvre; par conféquent la foif fera ici mon
premier ob^t, d'autant plus ... ah! s'écria Ffére
Ambroife, délivrés moi feulement de la fièvre; (î
Hippocrate oe peut me guérir, ce lèra Thypocras:
i]uant à la cure de la foif, je m'en charge; très
révérend Abbé, faites moi donner, s'il vous plait,
fe grand verre.
La Marte y U Renard & le Lêup.
Fable,
Une Marte étrangla un Coq de bois, le Renard
dévora la Marte, & devint à fon tour la proye du
Loup afFamé#
Cher Ledleur , tous les trois nous enfeîgnent, que
toujours les grands dévorent les petits.
La Brebis (^ U Buijfon,
Fable.
Une pauvre Brebis expofée à la playe & aux
vents, fe refugîedansun épais Buiflbn,& y cherche
un abri: l'Animal y cft à couvert, mais fa toifon
demeure attachée aux ronces ôc aux épines.
Heureux celui à qui cette Brebis peut fervir de
le^onl Plaideur^ infepfés écoutés mesconfeils, ne
con-
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«Eî ALLEMANDS. 2U
confiés Jamais la laiae à l'Avocat efcroc ; ce que
vous gagnés par un Procès ne vaut pas fouvent la
moitié des frais.
Les Procès^
Fable.
Un Prélat attaqué en Juftice confuke un fagis
Vieillard & lui dit; vous favés les Loix, un mal-
heureux Chicaneur me provoque , voici les papiers,?
de grâce, inftrùifés moi; comment dois-je mé
conduire dans cette affaire?
Le Vieillard lui répond : & quand vous auriés
cent fois plus de paperailès , le meilleur confèil que
je puifle vous donner, le voici; (ï votre caufe eft
bonne ^ accomodés la; efl: elle mauvaiiè? plai-
des.
CHAPITRE X-
M. Geîkrt.
J'ai remarqué dans le Chapitre précèdent, qûer
M. de Hagedorn femble s*être propofé M. de la
Motte pouF modèle ; & je vais maintenant par«
1er d'un Poète, qui a mis dans lès Fables toutes les
grâces naïves de riUuflre La Fentaim: c'efl: M.
Cellert de Leipzig.
Je pourrois à la vérité me dilpenier de£ure con-.
noîtr]^
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222
t> R b G R E^ S
nbître ce c h ar m ^rit Autear , pHÎs^ùe la prèdi'éré
partie de fès Fàbles^ vient d^être traduite en Vers
François ^ imprimée à Strasbourg: j*av«uer^i mê-
me que j'ai été fort cdntent de cette traduftion j
^pour ce qui regarde h fiddité, mais le ftile Fran-
çois (s'il m*eft permis d'en juger) m'a paru dur , cS:
I^^ verfiflcation peu cotreûe; il y a même plui
d'une ligne qui ne forme pas Un vers , & l'on re-
marque paMotlt, que le Tradufteur Artôriyme a du
^énie, mais qiie l'art lui manque : it féroit à fou*
haiter qu'il voulut retoucher fon ouvrage, adoucir
ion ftile , s'aflèrvir aux règles de la verfificacion ,
Rejoindre la yerfion de la féconde partie k la pre-
mière.
Ce îi'ert pas que je prefiiflie de pouvoir mieui
que hiî rendre les beautés de l'Original de M. XJel-
lert; mais j'ai cru que mon petit l'raité ferpit in-
complet i fi je ne difois quelques mots d'un Poëte^
qui a parmi nous une fi grande & fi jude réputa-
tation. : je me contenterai de donner de lui deux
Fables , dont Kuneeflr tirée de la^ première paurie,^
6c par conféquent déjà traduite; l'autre efl de lat
ieconde p^tie , & n'a point encore pacu que je
fâche en François;
LAbeîlk^laPmki
Fable.
ta ^e inÀilente dît à l'Àbeilie, certes il eri
faut convenh-, depuis que je te connois , je t'ai vue
tdujcmrs dëtetftrée; tu ne penfts qu'à tes plàifîrs j
tpltiçer fur les Q&uii d'un parterre & en tirer lé
ftiç, n'eft pas jepenfô on fort pénible ouvrage;
' rciïe
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fins Allemand s. a^
fefte fttr cet œillet ou vole enfuîte fur la rofe, k
ta place j'en ferois bien autant: qu'as- tu befoin de
te rendre utile à autrui ? Suffît que cous les matins
nous fourniflions d'oeufs la maîfon.
Oh! dît fAbeilIe, cefle tés railleries , tû croîs v
parce qu'en faifant mon devoir jô ne crie pas vingt
fois à pleine gorgé comme toi ^lorsque tù ponds or
œuf, que pour cela je pafTe ma vie fans rien faire:
ma ruche pourra fervir de preuve qui des deux en-
tend mieux l'art & le travail , ou de moi ou de la
poule indolente; car ft nous nous pofons fur les
fleurs, ce n'eft pas pour en profiter nous-mêmes,
c'efl: pour y recueillir un fiicqui changé en miel ,
flatte ie palais â^s autres: fi dos travaux ne font pas
bruians , fi nous ne nous enrouons pas commfe tôt
dans le nid, loriqu'en Eté nous portons ce fucdans
nos cellules, facile (^ue nousfommes ennemies dé
.toute vaine oftentation , & que quiconque veut
nous côanokre, doit examiner le dedans de notre
jfuehé, pour y découvrir notre diligence, notre ar^
& le bon ordre.
La nature d^aîlleufs nous a douées de PAiguH-
Ion , pour en punir tous ceux qui condamnent &
j^épriiënt ce qu'ils n'entendent pas , ainû ma pa^
"vre poule retire stoi.
Mauvais plaîfant qui plein d'amont -propre &
^'ignorance, t'avifeide condamner la Poëfie d'uiï
sûr de fbffifarice, que ce portrait t'inftruife! YÂ'
beille tranquile eft la Poé^e ; fi tu veux tenir leiàlF
gage de h Poule, ma Fable eft faîte pow toi'- ttf
demandes à quoi fert la Poéfie , eHequi n*inttruî-
fit jamais? Mais comitient peux -tu faire une te^
le queftion? Ton prtçre .exemple tè montre U
quoi
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ia^ P R Ô G R E^ S
quoi elle fert : c eft de pouvoir dire i gens qui n^dnt
pas plus dyfpric que toi, uue vériié trop crue fous
radouciilement d'une figure.
Voici encore un petit conte de M. Gelltrt qui
efl: de la féconde partie de fes ouvrages , & que je
ne croi pas avoir encore été traduit.
Le jeum Batteur en Granges
tJn Batteur en Grange affis fur la molle fougère
Vis -à- vis (on pot de lait & fon pain bis , ne trou*
Va aucun goût à fon déjeuner } tridc & rêveur il
s'enfonça dans l'herbe y & d'un efprit chagrin il
rumina fur fon fort ; en étendant trois fois fesmem*
bres harafTés^ il dit : ^, miférable que je fuis ! je
^, n'ai point de foier; je me tourmente tous les
,, jours le fléau à la main; j'aimerois à cajoler ma
^, mignone, mais je fuis ailés fot pour relier dans
„ la Grange ; & après quinze longs jours de tra-
„ vail , à peine puis -je une fois aller au cabaret
,, boire un coup & y voirMaturine; je fuis jeune
„ encore, je lis joliment, je fai écrire; pourquoi
„ ferois-je toujours Batteur en Grange? la Fiilede
„ notre juge me veut du bien , elle eft riche & fa-
„ ge;eh bien prenons la, tel que me voici , je puis
3, tort bien un jour devenir Juge moi-même; c'efl:
„' alors que je pourrai manger quelque bon mof»
„ ceau en repos , & boire à ma foif ; je marche-
„ rai d'abord après notre Curé; je . . . ah,, que
„ ne fuis-je déjà Juge!"
Tandis que Colin parloit ainfi , il vît paroître Ik
belle qui feignit de venir par hazard y mais qui ve^
noie exprés pour lui parler, pour le guérir de iâ
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nti AL LEMAN S. 425
tîitiîdité, pour marchander quelque carefle avec
lui j & fe laiflcr peut-être ravir un bairer; car Je»
jfilles dcL village font en pareil cas, touc comme ks
filles de la ville.
Colin tire doucement la belle enfant far l'her-^
bette j admire fon corfet neuf, jette de coté maint?
coup d'œil fur fa gorgerette; vous leuffiés pris
pour un jeune Seigneur, fi non qu'il étoit plu^
modede; bref, il lui donne un baifer, lui deman^
de fon cœur 9 & l'obtient dans l'infiant; enfin il de*^
vint, coiîime tout le village s'en fou vient encore^ *
le gendre fortuné du riche Juge.
A peine fut- il marié qu'une prompte mort en-
levé au monde & au village le vieux Beau -Père:
qui faluëra- t'on déformais comme Juge ? oh fure-^
ment fon gendre !
Il coorx au Bailliage j il en revîefit bientôt , &
K)ut tranfporté de joie, il fc jette fur fon banc , corn-
me^éjuge du Village.
1 el qu'un jeune Etudiant 4 qtti aprèî avoir z^
chevé jusqu'au bout fa dofte carrière , & fubi hcn-
reufemcnt J'examen rigoureux , efl: enivré de lui-
même y & ne fe fent pas de joie, quand la fuivantë
de fa Maîtrefle vient lui faire un compliment def
fa part,& TapelJe pour la première fois refpeftueii-
fement M. leDoûeùr; tel auflTi Colin ne fe fentic
pas d'aife, & ne fut que faire de fes mains ni defet
pies i lorsque Nicole fervante du Marguillier, lé
nomma pour la première fois M. le Juge.
Qu'il fe trouvoit henréux dans ce pofle honora-
ble ! il mangeoit fon bon bouilli, & faifoit fouvcn&
raifon à fes conviés ; mais infcnfiblement il lai fur-»
vint bien des c* désagréables , car quel efl: l'emploi
Attien foit éxcmt? Colin n'avoit encore Cpgé.quer
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fttf P R O G R E^ s
éepms pea de tenis , lom^'an joiir prameiisrtt frf
ehagrma ^ il vint; fe jecter prictféinrat far la snême
place ctà le mariage toi avoic procuré £i foi tone^
& où fou vent il avoit formé des voeux pour<tei;fe^
BIT M. le Juge î hétasî dit*il en lui-roêtne, j'ai
maifon , champ & honeor , mais je n'en feis pas
moins un hônmie mifërable;^ fôntôc je dois rendre
compte au Baillif de la vie que ménem les Paiiàns
le BaiHif alors me gourmande, & parfois me traite
de fot ; tantôt ce font les mmdks &>ldacs qm ic»
tourmentent» & qui par leurs juremens me font dres*
fer les cheveux k la tête ; fouvent je fuis embs^
r^ quand il s'agit d'exécuter une ordonaoce, &
Je ne fçai à quel ^int me vouer quand ieCotteâew
vient ramaf^r les qnartiers ; les PaSfans mcnrnMK
rent lorsque je le mets à l'amande, &âje netea
y mets pas , ils fe moquent de moi : jadb perfone ne
venoit troubler mon tranquile fommeil ; aqjourd'bw
le premier fou .vient heurter à ma porte , & m'o^
blige de me lever ; & quand perfone ne me tour^
mente, c'ed alors ma fetnsie qui mè chame Pooîl^
le: ah 1 fi h honte ne me retenoit, fe retcNNrneroîs<
bien vite à mon premier Etat» & je moorfois Bsn^
tefir en Grange.
Qui fait G plus d^un grand Seîgneut nt dkp»
en lui. rafîme ce que dit ici le Juge ? (^i f»t com-
bien il y e« a^ qui marchaient auo'ofois à pîé d'u«
efprit tranquile, & quj maintenant roulent dtins e^^
pompeux caroffe dévorés d'inqoiétudet <^i fait (î
le cœur de bien des grands ne jouiflbk pas <fm caK
me pkis heureiKX avant qu'ils portaflfent la faveur
du Prince attachée à un cordon? hommes^ inquiets
& méomitm de votre médiocri^é^'^ apreoéis que- cet
ft'ell
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tï^t^ point le rsQg qui donne la joie & là fàtîs*^
ikClion j apreilés que fouVent ceux là font les rooini
heureux^ qiû foire les plus heureux en aparence.
Le jtuHê Princéi
Goote,
Un jeuîié Prince vint faluer ton àtich ^ qtiî fel
fie un prélènt de deux- mille plftolesi S: lui recom-
manda de les bien emploief.
Quelque tems aptes il fé préfeAtà de iioutead
^vanc 1^ même Oncle i qui touroanc adroitement
le difcpurs fur la matière du préftnt^ lui demanda
guel ufage îl avoît fait de fbn argent : voici ^ ré-*
pondit je jeune Prince d'un air fatisfait ^ voici en*'
core la bourfê toute entière , il ne manque pas une
piftole aux deux -"mule que j'ai legues de vos bien-"
wits. . ^ . ^
t^Qltcle fe faiut à rinftarit de la bôtfrfe & la jet^
ta dans la rue: mon Àeveu ^ lui dit -il, aprené^
i feîre un meilleur erhploi de Votre argent; ceir'cfÉ
qpe ppur pouvoir aider beaucoup de monde qu'ua
jPrinçe a beaucoup de riçhçflës.
:Il n'y â c?tf taînement pals tme pièce éeM.Gelîerft
^ttî n'aitTes beautés,^ ^ui ne mérite d'être tradui-
tei indépendamment de Texcellente Morale qrn y
eft r^pandue.f on ne peut s^empécher d*admiref fcr
Me naturel,, coulant, naîf^ pur, qui règne dirt»
fea Fabtes.; îuaisc'eftuûe, beauté que malheuretïfe^
ment ton ne ^aucoît faire f^ntir dans une inâaS^àtti
p dois à,Cjet aimable Poète la jtfftîce , que }e «t'ai
pas.Iu de Vers AQe»ai«fe ^pî«s aîfés & plu3 pro-
piésmiir IdJTi^le.
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^28 P R O C R © ^
CHAPITRE XL
' M. Gleim.
La morale efl l*ame des Vers, les charmes de fgt
Poëfie ne fervent qu'à faire goûter & xctcnir
fes préceptes; telle efl la Thèfe générafe, & nous
avons vujufqu'ici desi Poètes Allemands^ qui pa-
roiflenc avoir rempli ce but : mais les Anciens nous
ont encore laiffé des monumens d'un autre g^nre
de Vers, qui ne femblent être faits, que pour infpï-
rer Tamour de la pfus délicate volupté, la morale
y efl préfèntée fous des peintures naïves & pleines
de grâces ; il n efl pas permis à tout le monde » ni
même à tous les Gens d'^efprît de fentir Tes beautés
de cette efpèce de Vers , car c'efl moins à Tefpric
qu'au cœur qu'ils parlent : les Odes Anacréontiques
font en ce genre ce que nous avons de plus parfait
chés les Anciens: perfone n'a chanté, ce me fem-
ble, comme Anacréon Tamour & le vin: parinî
les François le Marquis de Coujange, TAbbé dé
Chaulîeu, le Marquis de la Fare, Saint- Aulaire &
quelques autres ont été {es heureux émules.
Pour peu que Ton y fafTe attention , on fentîra
iEacitemtnt que ces efpéces de Vers font très diffi-
ciles à faire, & ceux qui font imbus d^s préjugés
vulgaires contre notre Nation , s'^étoneront qu'un
efprit Allemand ait rifqué de s'avanturer dans une
telle carrière: cependant il s'en efl trouvé un afTés
téméraire pour ofer marcher fur les traces d'Ana-
créon; c'efl M. G&fm^, employé au fervice du Roî
à Halberfladt, qui nous a enrichi d'un petit volu-
me d'Odes & de Chaofons: le Leâeur jugera du
fuC"-
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D £ s A L L E M A N D s. 229
fuccès de cette entreprîfe, & des beautés de fa Poë-
fie par les pièces fui vantes: mais encore un coup,
je le prie de ne point s'attendre à de grands traits,
ni à des penfées brillantes; ie fublime confifte ici'
dans la vérité des peintures & dans la naïveté de
Texpreffion: il fera néceflaire encore, fi Ton veut
comparer les Ouvrages de M. Gleim avec ceux
d*Anacréon de faire une Jufte différence entre leg
fiècles de ces deux Poëtes : toujs les deux \ ç ^n nt
la volupté, mais la^xcpréfentation varie félon les
mœurs des tems & des peuples.
j1 fa Mufe.
O toi! par qui fai tant de fois chafle ]qs foucis
importuns , continue à féconder mes chants ; viens
avec moi badiner, rire & chanter, tandis qu'Orgon
Ibupire , gronde & fait du bruit.
Il s'imagine que je lui "porte envie; mais com-
ment le ferois-je? Eft-il heureux? Non,fès cof-
fres font remplis, mais fon cerveau eft vuide^ la
flupidité& la noire malice fe peignent dans ks fom-
bres regards, ainû que dans les plis de fon front.
l^andis que je ris au milieu des rofes , & que Je
lâche de rendre mes jours gais & fereins, il mur-
mure fouvent comme un Ours irrité , il s'emporte
& croit que je hais Ja vertu, pa.rce que j'abandon-
ne au Ciel le foin dé ma fortune, que je chante, (Se
que je ne fuis pas tel que lui,
OMufe! àmîe de l'aimable jeunellè, je t'aîme
autant que j'aime la vertu; elle plaifante, rit &
badine ainfi que toi : quand l'autre jour je raillois
ce feu au point d'émouvoir fa bile, n'étoit-ce pas
elle qui nie donnpic lefprit de le faire?
Pi V4^
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030 p R o a & Éî »
VAfnêurââns le Jar^n.
Le Soleil baifloit vers TCkcIdent, & formoie es;
giflant le dernier crépufcule , lorf^u'un doux zé-
phîre m'invita à ibrtir de ma retraite; je le fuivis
4aos la campagne, à travers une forêt de rofes^
nouvelles qu*il carefibit en badinant: les petits
phantres des bocages m^amulbient dans la Miyadc^
$L jd lentis mes paupières apefanties par un douiç
Ibmmeil} je dormois, je vis T Amour, je vis Do-^
rinde & mille autres belles , jp vis U charmante
Vénus ;affis fur les genoux , je lui portai un tendre
baifer , je prononçai le nom de Dorinde , la Déefle
vat ferra dans fes bras & me dit: oui , elle t'aime-
ra: foudain je m'éveillai, je tournai 1^ tête, je
prêtai l'oreille du milieu d'un tas de rôles, fous les-
quelles je me trouvons epfeveli ; je ne fis qu'ua
faut pour nie lever, & pour chercher le petit ma-
Jin , qui m'avoit joué ce tour ^ mais tout à coup
je me fèntîs blelTé; un enfant ailé, qui m'étoît in*
connu , fe cachoît derrière un buîiîon » je l'aper-
çus, il me dit avec un ris malin, voilà ce quepeuc
mon arc, de fon ;lrc il me montroit Dorinde kmt
fin berceau de verdure ; je ne fais quelle étoît ma
bleffùre, elle me faifoit mal, elle me faifoit plai-
iir: je courus au berceau, je vis Doriqde, me^
douleurs cefFèrent, il ne refU plus que le plaifir^i
çlle étoit trop aimable.
Le Sf avant.
Apreiidfaî-je mon nom aux Gazetîers ? Décou-
frirai-je des {pondes nouveaux dans la voûte é-
loîlée ? aiderai -je WoliF ou Knutzen à refoudre
dM Problème^? Pillerai -je des matériaux pour les
journaliftes? Apreûdrai-je d'un Critique à fronder
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Il BS A L L 1 Bl A N B s. %$t
itm à G^ des mjufes? Chercherai* Je ànlos IliKlaîm
iée« eitMïpfes de VmUafit I»(ëc]fés ? Ini^rrûgerai-je
mon Efprit fur ce qu'il eft, &fur le Jieu qu'il habi-
te! Serai -je Hypocrite & brûlerai -je des Héréti-
ques ? Envcrrai-je mon ^ave portrait au Graveur?
<Coûvertîrai-je le Plomb en Or? Enfeignefâi - îe
aux Côûfeillers à confèiller? Me gendaritier'ai-|e
contre le Diable de Milton? Inventerai -je des Mi-
racles, ou bien les expliquefai-je ? Non , Ceft Ce
que fera M. mon Parent, lui le Prince des Foux
fameux , lui le plus profond de tous les Doreurs,
lai le Juge des argumens , oui il fè creufera lé cer-
veau jusqu'à la mort; lui Ténnemî juré de ma joîê,
pâlira, fe deflecherafur les livres; il fe rendra mi-
îerable à force d'étude: mais je veux lui demander
alors, penfés'vous que ma Maitreile me rende aufli
miférable?
La Création de la Femme.
Au qommenceeient du monde, Jupiter jetta on
regard fur le premier homme » & vit qu'il étcic
ftul, trifte , férieux , rêvant fans cefle à l'origine
de tout ce qui eiside , pliant fouvent méditer dans
un coin, & parlant toujours entre fes dents.
Il dit a la troupe des Dieux afièmblés autour de
lui; l'homme va fe perdre dans fes fpéculations , (i
nous ne lui donnons quelques diftraftions : Créons
la Femme , un joli jouet pour Tamufement de l'hom-
me, qui puiflfe rire & jazer avec lui; je le veux,
qu'elle foit!
Soudain la Femme fut ; elle parut fous les traits
de l'Homme mais plus délicate , parée des attraits
de la jeunefle, aux yeux vifs & touchans qui tom-
bèrent bientôt fur cet Etre penfif ; elle faute vers
P 4 1^
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itia PROGRES
lui, elle lui donne w baîfcr & lui dit , petit FolH-^
ichon, regarde moi , je fijii faite ppur jpuer avec
foi.
VJmoureux.
Maïs voies donc ce Jeune Homme ! il devient
pout rêveur , il fe glifTe dans un coin , il parle toqc
^as, il ed grille & mélancolique, fes joues pe^-
)dent leur coloris; il n'y a plus de vivacité dans fofi
)>adinage ^ il eft fourd à la voi^ de iès Amis , il ne
3*enivre plus avec eux , il n'a des yeux que pour
cette Fille: mais voies donc ce Jeune Hommç !
fna foi il eft amoureux*
La Foifine^
I. Le Voifîi^.
Ma Voifîne (je Ta voue) eft une femme çh^fr
liiante , fa* vivacité m*amu(è^& jamais je ne m'en-
nuie auprès d'elle ; tout ce qui me déplaît, c'efl:
que fon Mari fait toujours fentinelle : mais quoi !
n'ai -je pas du Vin? Neftar délicieux. Ami de
l'Amour tu viens à mon aide! je lui porte un ver-
re plein , & en buvant il s'endort.
IL Le Mari.
Mon voifin m'envoie tous les jours de fon bon
yin : Ami pourquoi le fais- tu? Mon voifin je vois
ta fineflc! mais je fuis encore plus fin que toi , je
te fais boire de ton propre v\n , & je me moque de
toi ; avant que tu fois parvenu à ce que tu veux
faire, je te promets que tu auras bu chés moi tout
ton pairiraome.
IIL La Femme.
^gn Enfanç, ne irompp p^j ^infi potrç bon Vçî-
fii^:
Digitizéd by VjOOSI-^
^ts ALLEMANDS. ^33
lia : Toli vin eft délicieux , il flâte ton goût,& tu
en bois pour le moins autant que lui ; pcnfes-y,
c'eft un péché que de prendre fans rendre : paye
lui donc fon bçn Tin, & mets ta confcîénce en re-
jposj fi tu ne veux pas payer, dis moi, Iç fer4i je?
Ma fuite hors du C(^mp devant Prague.
Tandis que fur le Mont de Ziska TArmée enne^
inie ramaflbit toutes fes forces , tandis que les bom-
bes &' les boulets faifoient mille ravages dans 1q
camp voifin , lorsque je maudiflbis encore le coup
qui m'avoit enlevé mon Prince , Taipour d'une ai-
le légère vint tout à coup voler dans ma tçnte; té-r
inéraire, me dit le Dieu d'amour, peux- tu t*arré-
ter plus longtems? Ici où des hommes pleins d'au-
dace tuent & fe font tuer ; ici où les Dieux irrités
raviflent le jour aux plus grands Hérps. Ton Prin-
ce n'eft- il pas déjà du nombre des morts? Traîtrç
vas ! ton Amante pleure ; vas t'en avant que les
balles t'atteignent ! que fais- tu parrpi les Héros?
Eloigne roi, je ne fçaurojs voir plus longtems pleu-
rer ton Amante je répondis,amour, mon cher amour
yiens-tu maintenant de chés mon Amante? Jl nç
répliqua rien, mais il faifit le pivot de la tentç, &
foudain la perche devint blanche comme l'argent,
k toile commença à tomber, & la perche en main
il me mit hors de la tente & du camp. Si j'a-
yois.eu des Guerriers pourSpeftateurs, lorsque la-
mour me chafla ainfi , ah qu'ils auroîent ri ! mais
)e Dieu d'Amour cft toujours invifible pour les
Çijerrieç.
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â94 F R O G R £" 8
CHAPITRE XIL
M. à€ Derfcbau, ^ M. JFemkh.
Je m-écojs propofê de traduire encore quetqaei
morceaux , de Pictfcb ^ de Ricbey , da Bêron
de Kreytz^ de Broêcks^ de Botbmer^ de Drollinger,
de Neukircb^ de Triller^ & de quelques autres de
nos meilleurs Poëces Allemands , perfuadë que leur^
ouvrages même dans ta verdon auroienc fait ho-
neur à notre patrie & plaifir aux étrangers; mais
des occupations d'une nature toute différente » m'o«
bligent à fufpendre ce deflein, & à faire paroître
ces premiers eflkis même fans y avoir pu mettre
la dernière main ; peut «être que quelques interval-
les de loiflr me permettront de reprendre cet ou«
vrage, & d*y ajouter de nouvelles tradu6lions, qui
le rendront plus complet , & en formeront une efpé-
ce de Parnaue Allemand. Te ne fçaurois cependant
i)river mes Lecteurs de la latisfaâion de connoître
'Ode qui fut compofée par M. de Diffcbau à Toc*
cafion de la viftoire remportée par fa Majefté le
Roi de Fruflè dans les plaines de Friedberg : quel
fujet mérita jamais mieux d*étre célébré par ua
grand Poète !
Exprefljon de la Joie à Toccafion de la Vifloiro
de Friedberg remportée par fa Majefté le
Roi de Pruffe le tf Juin 1745,
Hic diis verè mibi feftus^ atrês
Eximet curas: ego nec tumultumf
j^ec meri fer vim mêtuam^ tenente
Cœfare terras.
Horat«Carm. Lib.III. Od.i4.
MoQ
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ȣf ALLBMANDS. t^g
Mon Roi triomphe foodstiaeniffic » Frédéric Id
grsnd triomphe encore ! ô Sitéfîe fortunée élè?e
ta tête akfére \ îts ahnrmes tombent avec tes en*
nemîs: maK<ïuel eft ce penchant invincible , qoî
xn'entraîne malgré moî,pardesfentîers encore taat
inondés de fang, jusqu'au champ de la viftoîre?
Quel fen célcfte vient animer mes fens glacés?
Quelle divine influence excite aujourd'hui n^s
cEants?
Cefl: le jour où mon He'ros défait une armée
de formidables ennemis ; le jour qui offre à l'uni-
vers éconé un troHîéme prodige; qu'il foit con&s
cré i l'éternité! il apuîe la fureté de l'état fin- d^
fondemens inébranlables » il anéantit les deflèins
des ennemis , <& tout ce qu'avec nos cramtes en*
fantèrent l'orgueil & la cruauté.
Les ténèbres couvroîent encore la campagne du
plus fombre voile ^ quand déjà les deux armées s'é*
toient préparée^ au combat; le fer alloit fraper de
l'un & de l'autre côté: malgré la lumière incertai-
ne de l'Aube 9 les guerriers animés s'avancent d'un
pas audacieux & vont à l'attaque ; la nuit paifible
femble vouloir partager l'honcur de cette viûoire
;ivec le jour qui commence à peine k naître.
L'aurore fuît , & voit avec frayeur les plaines
de Friedberg fe teindre de fon pourpre ; elle cou-
vre le Ciel de fon manteau , & peint au monde u-
ne image fanglante ; Phœbus abrège la durée de
la nuit, il devance dans toute fa pompe & dans
fon plus grand éclat , la viftoire qu'il éclaire ; à
peine monte- 1- il fur le trône des nuè's, qu'il voit
ç(^Ja mon Héros occupé à préparer fon triomphe.
Deux.
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ts6 P R O G R E^ S
Deaz peuples autrefois ennemis font réanis*en
ce jour par unejalouQe commune; la multitude im^
inenfe que la plaine ne pouvoit contenir , dégorge
des montagnes , preilee , & telle qu'un énorme far*
deau 9 roule jufques dans les Vallons, avec an fra-
cas iemblable à celui de la mer orageufe , lors*
qu'en fureur elle rompt les barrières qui rarrêtent»
que tes flots lutent contre les rochers qu'ils arra-
chent » & qu'ils pénètrent dans les campagnes ef«
frayées, en ébranlant les forêu & k$ côieaux.
Mais tandis que les deux Armées excitées par
l'efpérance de la viâoire, font rangées en ordre
de bataille , le magnanime Frédéric jette encore
un regard fur les troupes qu'il aime; le trépas des
vainqueurs touche fa pitié , il pèfe le prix des
heures , dont la vie de tant d'hommes va être ac*
courcie; non moins père de la Patrie que Héros »
il n'eft point féduit par la gloire qui éblouit le vul-
gaire, il foupire , & donne le fignal du combat.
Qu'entends -je! l'antre d'Averne a -t- il ouvert
ies bouches enflamées? L'Etna déchainé lance- 1 -il
du fond de fon gouffre fcs feux , d'autant plus ef-
froyables qu'ils font captivés ? ni un tremblement
qui agite la terre , ni les foudres qui fendent k^
nues , ne fauroient fervir d'image à cette horreur ;
]a colère des Dieux n'éclate point d'une manière
fi terrible, quand dans les plaines de Theflalie, ellç
foudroyé faudace des Titans.
Là des rangées de foudres d'un métal creufé Se
rempli de foufFre', s'allument, ronflent, lanceat
Ci vomiflent de (out côté les dangers & la mort;
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j> ES. A L L È M A N t) s. 257
leur bouche jette au loin un fer homicide qui moîs^
fone tout ce qu'il rencontre ; l'air d'alentour s'ob*
fcùrcit ; Tindrument meurtrier écrafe le Cheval , & le
Guerrier qui le monte, & après s'être vuidé ,il rou*
le en arrière comme étoné de foi -même.
' O Héros , que tu dois fentir de fttîsfa£ljon en
ce moment! vois comme ton Arttiée r-ecompenfe
les peines que tu pris, quand dans le calme de la
paix tu lui enfeignois Tare de vaincre: on entend
les coups de feu fe fuccéder rapidement , mais avec
égalité : nulle force humaine ne fauroic rompre ni
ébranler les rangs qui fe ferrent : h mort même ar^
inée de fer& de feu, diminue le nombre des files,
mais elle n'y porte point la confufîon.
Que d'aélîons héroïques , qui furent dans ce grand
jour le fruit de la valeur, ont été dérobées aux yeu5tf
de rUnivers ! Chaque combattant devient un Hé*
ros, auquel il ne manque qu'une renommée: la
préfence du Roi enflame par un coup d'œil ma-
Jeftueux la fidélité du fujet : quel Guerrier craint
ici le feu & le danger? Ceft la troupe des Bren-
bons , & leur Héros eft à la téce.
Tel qu'un Lion îfrîté conduit fes' Lionceaux au
carnage, avant même que leur poitrine foie cou-^
verte du crin formidable, avant que leurs grifi
fes foient aiguifées , & leur bouche armée de fès
dents carnacières, & lorsque le feul courage les
porte au combat; tels l'on voit ici les Princes du
Sang Royal, animés par une valeur héroïque, mar*
cher & combattre à côté du grand Frédéric»
Toa
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iss f n o 6 a t È
Ton intrépide Coorficr te porte an traders deà
foodres & dès torreos de fumée dans les endroits
où la mort fait lès plus grands ravages: tu es ièul
Tame de ton armée: tantôt par ton ordre les Lé^
gions fè foutienent mutuellement, tantôt elles font
des évolutions, & tantôt tout Je corps de. bataille
iùr un coup d*œil fàvaot que tu jettes for lui^
préfente foudain un nouveau front par les règle»
9u inventa le Dieu Mars.
Cet efprit folide & ferme qoî nous préfente tou^
jours un Roi fous Tarmure comme fous la pour^
pre, n'eft ni ébranlé par la crainte, ni ému par Ig
colère, ni féduîtpar lajoye: c'eft ce Sage que 1%
magination des Poètes dans leur divin enthouûas^
me nous peint, fans avoir pu jufqu'ici le réaliler ,
ce Sage« dis -je, que frapent les ruines du monde
écrou^ uns que fon ame en foit émue (*)«
Trois fois l'aile ennemie pénétre dans iios rangs;
& trois fois on les force à reculer; l'air eflt rempli
d'un cri frémiflant, j& la terre eA jonchée de nu)u«*
xans & de moru:c'eft là que tu tomba», jgénéreox
Trouebfes , mais ta mort à mes yeux eft diene d!en^
vie; ce n'eft pas en payant le tribut à la nature
^ue tu rends ta vie gtecieufe» c'eft en la iacrifiane
au bien de TËtat, que tu méritas I'lu)near (ie ilDOe-
moctalité.
LfllFue était encore donteufe , le defUn tenofe
d'une main cachée ious un épais nuage la balancer
indécilè de la guerre: la fupésii;»rilé du nombrede»
eue»*
(♦) SifraSus Ulnhêttif tfrWx, impavidmf criera ruirm. Hoial.
ftiioL Lib. ni. Od. 3.
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i> c t ALLEMANDS. t^
«enemh ne f^aurok la faire pancber» oi lai iaire per-
dre Ton équilibre : mû$ ce qfÀ Tentraioe en&a^ c'e(t
notre droit, & Tépée de Frédéric.
Dé/a J'Ënnemi ron^^t fcs rangs , déjà la bonne
€Mk trioiuphe : tel qu'on voit dam l'automne tom-
ber par mîUiers les femltes deflecbëes » Quand ki
grêle frape & agite les t»ranches ; ou tel qw le
MoiflbnDeur 9 la faucille en nxain , coupe pa& à pa»
les 4pis dorés» les senveife à fes côtés , & en joik^
che le guérct :
Tel on vaît le champ de bataille jonché 4e tonc
ce queues armes .peuvent atteindre ; les uns font
contraints d'ûnplorer k clémence du vainqueur
pour p^erfous fan joug^ ils demandcsne euir-mê^
mes des chaînes ; le refte de k trompe éponn^anté
chercibe fon &lut dais la retraite ; toute ardeur de
combattre efl; éteinte en eux^dirperfés, ik courent
à l'avanture ; les forêts & les montagnes leiiF fer-
vent d'afîle , ils laiffent en arrière Armes , Dra-
peaux , Temes & Qmons » comnoe autant di'ob-
ftacles à leur fuite.
Cefi ainfi ô mon Roi , q«e déjà la troifième
Viflmre courone la force de ton k^s; c'ed aiûa&
qu'une fbrtime esemte de viciffîtude fuit les tra-
vatu^ de la valeuir & de la prudence: ce n'c^lKÛni
iciTou^r^gQ des caprices du. iibit;; tu ne irictmpbe-.
ras pas inutilement:, comme Aiiinît^ ou PjBsbu^X*):
non
(*) &n dk du (ptftimef : nmmnh iidem Bivikiefmt .
vincert/cis jinnib^ly wâ^witii fiç/ox^Liv. lib.xxtiuc^jt:5i^
& Plut;irque À\i de Pyrrhus dans fa vie : coalpafât tum An^
ttj^ûms Jîcmni y fui ^mulff» (^ fi^nnk^ jaeH^ fidud^mfèit
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«40 P Ë. G R £• S
non tu as déjà quitté le champ de bataille, déjà tes
aigles audacieux volent à une gloire nouvelle.
Grand Roi » nos vœux t'accompagnent dans ta
carrière héroïque ; permets nous de te pré/enter
humblement l'expreffion de notre joie : ton image
gravée fur le bronze & fur le porphyre, fera con*
facrée à la poftérité comme un monument de tes
faits magnanimes, & ton fiècle t*éléve des autels
dans. tous les ctieurs que la reconnoiflance enfiame
pour toi ô génie tutéliire de tes £tatsî
Maïs que vois -Je? la renommée compagne é-
ternelle des héros, paroît toute environée de la clai<-
té la plus pure , pou^ anoncer au fnonde & à la
podericé les* prodiges que mon Roi vient de faire
éclater : d*une main elle porte une courone de
laurier toute brillante de Téclat des étoiles dont el-
elle ed entrelacée ; fa trompette pend à foo cêté,-
& ne lui fert que d'ornement.
De lai main gauche elfe tient fur fori fein le plan
de la bataille , la vérité Ta tracé, la bordure elF
l'ouvrage des Mufes ; une admiration refpe6lueu-
fe eft peinte fur le front de la Déefle ; elle plane
dans les airs, & ne donne qu'un mouvement doui^
à (es aîles pouf atteindre le temple de la gloire»
qu'elle va orner de ce tableau , en l'y plaçant fé-
lon le décret de tous les Dieux , à côté des plus cé-^
lèbres exploits de Céfar & d'Alexandre,
Enrevoiant cet Ouvrage,j'ai remarqué que paN
mi les differens genres de Poëfies dont je viens die'
lipnnei- des Echantillons i il me manquoit l'Epi^
grai»- .
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D«s ALLEMANDS. 24 1
gramme. Quoi que nous ayons plufieors Auteurs
qui ont fait des Êpigramtiies ingénieufes , je me
fuis cependant déterminé pour célks dû fFernicke^
qui fans avoir le clinquant de beaucoup d'autres ,
m'ont paru préférables pour le bon fens, la naï-
veté de l'expreffion, & la brièveté ;qui y règne. Le
Lefteur en jugera par les eflais fuivans. Ce Poëte
étoit né Pr4iflien^ comme il paroit par un endroic
de fa Préface , & fon Livre cft imprimé à Ham-
bourg au commencement de ce Siècle. Le tiom
même de l'Auteur y eft fuprimé, & je n'ai pu re-
cueillir d'autres particularités de fa vki
h Propriété de tEpigramme.
G'efl alors que TEpigramme plait atout Leélcul,
quand l'efprit en fait l'ame, & la trieveié le corps^
quaml fon aiguillon ne perce point jusqu'au vif, &
ne laifTe après foi que fidée d'une plaie , quand el-»
le ne fait pleurer qu'à force de faire rire, ik Qu'el-
le faigne en chatouillant celui qui a befoin d*êtie
faigné.
I L Palemon.
Paiemon poflede le cœur & l'oreille du Roi, Je
le fuis à travers des Sales jusqu'à la porte du Palais^
Je touffe, il tourne la tête. Je tne baiflè , il rk.
Hier encore^ me dit -il, je penfois à vous. Je Je
crois, & j'éprouve en effet, qu'il s'eft fouvenu de
moi pour m'oublien
I I i. Severuî.
Il n'efi pas furprenant que Severe ait pri^ um
Q, de
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14* > R O G H E^ S
de fierté , qu'il touche à peine à Ton chapeau quaiuf
pn le falue poliment , depuis que Ton Prince fur Tes
jndances réitérées le plaça comme Copiflie en (on
iConfeil. )1 fait paroîcre de la modeftie dans fou
prgueil!, & nou3 aprend par fà fa^on d'agir, qu'il efli-
pe plus fop emploi que fa propre perfone,
I V. La Vanité de cette Fie^
Quel plus grand avantage Methufalem retire t-il
de cent ans , qu'un Enfant d'une année de vie?
Celui-ci; naquit comme lui; il mourût toutcomr
me TEnfant. L'un & l'autre ne firent pas grand
^rhofe. Tantôt ils ont ri & tantôt ils ont pleuré
pour rien. Hélas, quittés les foins pour votre vie.
Une année eft l'esquifFe d'un fiécle.
V. 4 Crinitus, Mintftre Tout • Puiffant.
Tu es auffi aveugle que la fortune qui t- éleva j
car comme elle, tu n élevés que ceux qui font defti-
fués de mérite,
VI. La reconnoijjance pour un rien.
Lorsqu'un Courtifan te promet beaucoup, ne luj
fais jamais paroîcre le moindre fcrupule. Profterr
fie > toi i chaque menfonge. Prens chaque mot
jcpmme un don, & pour lui éviter la peine, aide-
le à te tromper toi-même. Tu verras à la fin qu'ei^
çfet ^elui jà te fert^qui i^e te nuit poÎQt.
V I L Corine.
Q9^M P^^ & enlumine d'un £u:d trompeur
* f?»
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aie A t L É M A N D S. ^ 24§
ton vîfage hideux: qu'y gagne- 1; die? Elle met
dans le clair ce gui aupàravani écoit daiïs l'ombre;
VIII. U Sàbtieié.
La Sobriété èft la Mère dés Vertus ; elfe nbusf
fait plus de bien à mefure que nous nous en fai*
tons moins; elle tioûs donne des recompenfes tar-
dives , mais folides. Les alimens pris avec mo-
dération' dans la jeuneffiî, nous ragoutcm le plut
dans ooï fieu;t jours,
i X. Ù Ridé Ê? le Pauvre.
À coriGdérer le train de la vîe, ônr diïoit fou-
yent que le Pauvre a beauconp trop de bien , Se
h riche beaucoup trop peu.
X. Le Pofmi iptqué B tEpigramme.
Le Poemé Héroïque doit imiter le feu continuel
qni fort avec impétuofité ds flancs de TÊtna ; TE-
pigramme au contraire doit reflembler aux étin-
celles qui éclatent de tout coté , quand l'acier eftfu^
Fenclume.
X L Là Conduite à ïà Cour.
, Lés Grands a la Ctfur ont fouvetit Vtt^it (î
ton de travers , que la plupart du tems on s'e«
gare auprès d'eux par trop de précautions. Un a**
mi nous aura frayé le chemin de la fortunef, notdf
n'aurons pas dit un feu! mot qui De fut à fa place/
feon*, mais on n'éprouve que trop qu'on 3'eft con-
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ft44 P R O G It E^ S
duit avec trop dit prudence » & qa'oi) ^ m^nqu^
de fairç pp faux pas néceflaire,
XII. à Âmarillis.
Qd xc loUe fans âaterie» commf onVaime fan$
efppir. ,
5Ç I l ïf -^ ^» Pmtre Famiux.
Tu as raifon de mefeftîraer l'art des pemtrç$i
ordinaires, qui croyent en fçavoir afTés, quand ils.
attrapent (implement la reflfemblance. Tu pofkr
des le talent d'y ajouter l'éclat, & de faire naître
la beauté là, où tu ne la trauvçs pas. Ton, pinceau
€tenc| le vafte ennpire de l'amour. Tu embellie
chaque objet en le faifant reffémbler. D'autres ne
font que rendre à la beauté le tribut, qui lui e(l du :
Ils fuivçnt la nature, mais, tu lui montres le che;i
min , tu la corriges.
XIV. Xf^ Mariage du wu% Chlorut^
]L,e vieux Cblorus prît femme jeune & gentille^
& qui plus eft, douée d'une grande fécondité, maj^
par hazard elle ne mit aucun enfant au monde , qui
renemblât au Pçre putatif. I^a chofc lui parut
lufpefle, il en die un mot i l'oreille à fon ami.
Son ami , qui remarquoit que Cliiorus en tenoit ,
& qu'il étoit tpmbé en çnf^nce , le confoia forte-
ment par cts mots ; Arpi , dit- il, fois joyeux âc
content , ta caufe eO: bonne. Efl:- tu fi curieux
de reiTemblancc ? Voici le Hiit , f% Us Bnfans ne t€
icJTçmbîeni pas ^ tu leur rrJTmblc^.
XV.
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PO ALLERfANUS. 24^^
XV. Le Chanowi.
Cratînus. ne chante que quand il eft grîs, & ne
fait fa prière qu'en voulant fe mettre à table ; ce-
pendant Cratinus pafTe fa vie, comme vrai lionmiç
4'£glife , à chanter & k prier Dieu.
XVI. Sur la Fortune.
; Souvent une groile bûche de bois fert à faire nu
Mercure; tandis que maint homme de mérite, ne*
gligé des Courtifans n'a d'autre mefure que fon om-
bre pour fe mefurer. La fortune en élève beau-
coap, mais elle en retient aufli beaucoup dans U
médiocrité; & quiconque connoit le monde, con-
viendra que la Fortune a plus de Débiteurs ^u'^liç
O'a deCrwnpiçr?,
XVIII, Tacite.
Nous expliquons chaque mot, chaque phralede
Tacite avec mille peines & mille réflexions, l^ei
Lefteurç le font plus fjavant , qu'il ne les rend,
X I X. Cefar fi? Ciceron.
' Giceron étoîtla bouche, & Cefar le bras de VE^^
^fic. Celui-ci oprimoîc Rome, & celui-là, la
defendoit. On trouva cependant que cette deferv-
fe étoic d'un faible fecours pour la liberté, parce
que l'un ne s'attaehoit qu*à contredire, & l'autre
qu'à contre -balancer. L'un montroit à cette Ré-
jpblique prgueiUftUfç l'art de bien parler, & {'4^-
9.3 U9
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d4é # R O G R F s
tre Tait de bien fçavoir k taire. UEloqaence & ï^
l^rvicode de Rome datent presque do même jotur,
X IL JrtemUfr U Biher^n.
Maint Giimifle carieox railbne fbavent fur I^
Transmutation des métaux , & veille nuit & jour
d*un œil foigneuxpour entretenir Ion feu dans une
égalité parfaite. Arceinidor prend la chofè autre*
ment. En buvant nuit & jour, il trouve le moyen"
de coiivertir Toi de (à^bourfe en couperoie fur fou*
vifage.
XXI. Rebuffie le Jôuiur fur de fon fgH.
Rebuffîe ed de bonne humeur « il (çait un (&/
ihoyen, vrai coup de Maîire, pour fc vanger de
fon malheur. La fortune le trompe , car ÏÏ perd^
beaucoup d'argent , il trompe la fortune ^ car iV
ne fçauroit payer l'argent qu'il perd
X X I /. rnianut.
Une toiiche bien fendbt & vermeille , à que'
chacun voudroit baifer des yeux; un] œil charmant,
où loge Tamour qui en fait partir Tes traits les plus'
rapides, ne fçauroient toucher Villanus. Il croie
que l'amour & la volupté ne refident que fiir de'
gros tétons. îl edîme la beaUté paf le poids âf^
là mefure.
XXIII. ta fureur Poè'tiqué.
Qn'heureux efl: l'homme qui fait fe nourrir der
venr
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?'
l^ss ALLEMANDS. 2^f,
^vent & de fumée ; qui peut tondre la neîge com-
me on tond un mouton ; qui a l'art de convertir
^n Ducats Jes rayons du Soleil , & qui fçait im-
primer le portrait de la PoèTie dans une toile d'a-
raignéej qui trouve fur le fein ou dan§ le bras d'I-
ris une carrière, dont il tire le.marbre & Talbatre;
ui bâtit un Louvre pour y loger la gloire ; qoj
ait fortir de fà plume des étoiles , & dés pierres
précieufes ; dont la Mufe p'e^^bale <)ue TAmbre &
Te Mufc; qui trouve l'Onix dansées yeux, & loi
Perles dans des pleurs ; qui file de chardoiis Tetof*
fe pour la Robe du plaifirf qMÎ forge de fumée 1^
casque I Ja^iCuiralTe & le hOucliec pour, riUuOon,
.& qui comme un enfant né le Ujmancbe , , voit
ibuvcnt un rien en perfone , O qu'heureux eft
rbomme qui oublie t^ous fes mau3C, qui t^.fenc ni
la faim , ni la foif ^ tandis qu'il efl: dans fa poët;-
jgue fureur! , . . ^
X X ï V. Thrax t Hypocrite.
Je furprends Thrax k l'impreva , il e(l k côtç
jà'une bclje Thaïs. 11 me dij:. que ç'eft je devoir
.de fa charge qui l'a conduit ici, que fa confcience
l'oblige de détourner par fes leçons fidèles Thaïs
<de fes péchés , & de (es deréglemens. 11 fe chaufixî
au Soleil , <& prétend fimplement en pbferver les
jtaçbes.
X X V. è Fipfanîus.
Tu vantes ta naiflance, & tu pretens de là qu'en
Menant femme , il te feroit honieux de choifir un
pbjet qui fut d'une quahcé inférieure à la tiene*
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5148 P R O (5 R F 9 ^
Ta préfères Oeoniene Ticieofe en tout feus k l^
Vertu. Dis-moi , TEfclave fï'eft-il pas inrenfé, qui
feiC graver fes armes fur les cbaines qu'il porte?
X X y I- t^^ Voyages ridicules des
Allemands.
Quand Craton avant de partii* vînt pj'endre con*
èé dé moi, il était de beaucoup trop jeune enco-
re pour un voyage auffi éloigné. Auflî qu'en arrK
va- t-fl? Il ne raporta des Païs lointains que leurs-
folies. Ce jeune écervelé ûe portoit chés rétran-
ger que la honte de fa patrie » & dais h patrie la
honte des pals étrangers^
X X V 1 L Sut une EfHafhe effacée par U temsé
Ce monument effacé par le tems, nous aprit au-*
trefois que dans ce monde -ci, tout ed fujet à la
viciffitudcrf II le prouve bien plus clairement en-
core depuis qu'il n'eft plus liCble. On n'en fjau-^
toit avoir de preuve plus certaine, TEpicaphe elle
même elt ici enterrée.
W ^J^ ^
CHA-
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rOriL S A L LE M A N D S. 149
/ic(>§â<><>Çâ<> <^â<> «OÇS<> <»§ê«>
CHAPITRE :XIIL
Madame Karfcbîn.
I^Tous voyons briller depms peu d'années furie
1^ Parnaffé Allemand une dixième Mufe, qui
• Jem We y être tombée du Ciel , & en avoir raporcé
le feu divin. Ceft Mad. Anne Louïfe Karfchin,
La Grèce a eu fa Sappho, & la France fa Des-
houllières. Tous les Païs policés ont produit des
Dames qui fe font illuftrées par leurs talens pour la
Poëfie ; &. l'Allemagne n'a pas été moins favoriféë
à cet égard que les Contrées méridionales. Parmi
plufîears de ces Elèves des Mufes nous comptons
Mad. de Ziegler,tiée Romanus, Mad. Unzer , &
rfea Mad. Gottfched,îiée Kulmus- Quand ce fese^
fait pour plaire en tout, s'occupe des Beaux Arts^
il ihanque rarement de fuccès. Il femble que les
Grâces fe plaifent, à conduire la main de leurs
Amies. 11 règne dans les Vers de Mad. Des*
hoûlières & de Mad. de Gottfched ai/tant d'amé-
nité & de douceur, que dans les tabicauîc dt^ U
Rofàlva. Mais cette aménité efl: prefque toujours
due à la nature de l'éJucation des Dames^ & à
leur grand ufagc du monde. On voit en général
dans ïes deux Sexes fortir quelquefois un gunie heu-
reux » du fein de la pauvreté & de la bafleJTe, fit
çs'é\ever jufqu'au fublime ; mais la délicateffe, &
;r^xpreflion: de la lendreflfe ne s'acquièrent, que
'^5 ^aqs
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tSo. P ft O G R F $
dans la Société la plus polie & la plus fpirîtuelff*
Encore un coup, la fimple nature peut donner le
fubliroe ou le naïf, mais la bonne compagnie feoie
Je délicat. On doit donc envifager Mad. Karfchin,
comme un des plus grands Phénomènes: que la
Naiure ait produit parmi ïes liumaîns. Née dans
un fimplfc Hameau de la Bafle Silefie, deParcns
villageois , élevée par un Oncle fous fon toit rus-
tique en Pologne , retournée enfuite chés fa iVIère
& occupée à garder lès troupeaux: mariée lapre»
mière fois à un Ouvrier indigent, auquel elle fut
obligée de préparer toute la laine qu'il employoit,
& la féconde tois à un fimple Soldat ; eOuyant dans
cet état , tout ce que la mifére a de plus affreux, et*
le fentit, au milieu decfette Ctuatîpn cruelle , naître
âc s*affermir dans fon ame un penchant invincible
à la Poëfîe. Elle commença par aprendre par cœac
une centaine de Cantiques Luthériens, & employa
enfuite les heures du Dimanche à en compofer el-
le-même. Ces Cantiques furent connus, goûtés
de quelques connôîiTeurs , & tet aplaudifkmeht
encouragea La Karfchin à de nouveaux travaiix.
E[!e trouva moyen d'obtenir quelques livres, dont
elle dévora la lefture. Quelque tems après elle
fuivit le fort de fon mari, & alla d'abord à Frau-
Ihdt en Pologne, & enfuite, en Tannée 1755. à
Glogau en Silefie. Dans cette dernière ville elle
rencontra plus de facilités à fatisfaire ion penchant
pour la lecture. Des Libraires & des Amis lui fpur-
nirent des livres. Elle lut beaucpup & fît des Vers.
Ce n'étoîent cependant encore que des étincelles
du feu que les Mufes a voient allumé dans fon ame.
Les grandes adlions de Frédéric frapèrenc fon es-
prit. La viflolre de LoMrofiu f«c la première
qa'el-
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DES ALLEMANDS. sji
Qu'elle chanta. Attirée enfùîte par les bienfaits d'im
Protefteur généreux à Berlin, elle y trouva tout
èe qui pou voit convenir à fon génie, & remplir ks
Vues ; des Bibliothèques , des Amis , des Poëres ,
des Savans , de l'encouragement & de la protec»
ihn à la Cour , auflî bien que dans la Ville. C'eft
dans cette fuperbe Capitale qu'elle a compofé la
plupart de fes Ouvrages poétiques , dont le pre-
mier Volume vient de paroîire. 11 contient quatre
Livres d'Odes, & un mélange de quelques Vers
fur difFerens objets. Les échantillons fuivans pour-
ront en quelque manière faire juger de leur mérite.
G'efl au Lefteur k Taprécier. La traduction efl:
toujours une foible copie de l'Original. Jl efl fur-
prenant devoir avec quelle fécondité les Vers dé-
coulent de fa plume. J'en ai fouvent été témoin
avec étonement , lorsqtie je lui ai donné ou des
fujets à traiter, ou des bouts rimer à remplir. Elle
prend foudain la i)lume, héfite d'abord un inftanc
pour choifir le genre des Vers qu'elle veut em-
ployer, & compofè enfuite avec une rapidité, qui
égale le torrent le plus impétueux. La plume ne
feuroit fuîvre le génie, & tTacer afTés vite fes pen«*
fées. Je fuis dépofitaire d'un gros Volume manu»
fcrit de beaux morceaux de Vers & de Profe ,
qu'elle m'a adreffé en fix mois de tems, & qui tous
méritent de voir le jour.
L'Auteur habile & aimable , qui nous a donné
dans la Préface des Poëfies de Mad. Karfchin , un
abrégé de l'iliftoire de fa vie, énonce à cette oc-
cafion une opinion au fujct de l'enihouHasme poé-
tique, que j'ai cependant bien de la peine à adop-
ter. Platon,, dans le Dialogue intitulé ^Oj croi^
„4ue
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syi F R O G R E 3
,^ que le vrai caraflère du Poète conCfteen cé^'
,, que Tes Vers font produits par iDfpiration , fans
,y qu'il facbe lui-même ce qu'il chante; Selon
„ lui, rharmoBÎe, la marche des Vers mettent Ie>
,, Poète dans un enthouOasme qui lui oSfre des
^ penfées & des images, qu'il auroit cherdiées en.
„ vaia de fens raflîs.
L'Auteur de la Préface, eit voyant la rapidité
avec laquelle Mad. Karfchin compote , conclut de
là , „ que fa Mufe lui infpire fes Vers , & que fem*
5^ blable à une montre qui vadèè que le reilbrt elE-
,, monté, elle chante fans (èntir, comment les pen-
„ fées & les images fe forment dans fon elprît,
3, auflitot que fon aine ed mife en aélivitépar la'
„ première iropreffion ; & que fon exemple prou-
„ ve auffi.Ia réflexion plus délicate de Platon, que.
^ l'harmonie & la marche des Vers entretienenc-
^ l'infpiration.
Ceux qui ont décompofé les reflorts de notre
ame, qui enconnoiflènt, pour ainfi dire, le mé-
cbam'sme, auront de la peine, je penfe, à fuivre
ce feniiment. Ils croiront que chaque penfée qui^
lïait en nous, prend fa fource dans celle qui Ta
immédiatement précédée. Que notre iraagînatiott*
peut bien nous ofirir des images, tirées ou des ob-
jets qui frapent nos fenr, ou de ceux dont le ma-
gazîn de notre mémoire étoit rejnpii, mais que ces
images font toujours préfentées par l'imagination
au tribunal de notre efprit, qui décide fi elles font
jûftes, & fi nous devons les employer ou nom
Sans quoi le hazard ou l'infpiration pourroit pro-
duire autant de mauvaifes & de faufTes penfées, que
de bonnes & de Caftes. La chance feroit au moins-
toa»
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i^ts A tht M> A N D S. ^5^3(5
tbujours éffàe. Il eft vrai qu'un Orateur ou un
Poëté, qui èft rempli de fa matière, & dont Tame
iefl: , pour aind dire , toute concentrée dans fou ob-^
jjet , penfc avec une vivacité étanante. Les ima-
ges fe préfèntcnt à fon efpric, xS: il les trie , les ac-
cepte ou les rejette , plus vice que réclair ; ]e de^
gré de vitelTe avec laquelle cette opération /e fait»
eu: un effet dii plus ou moins de génie. On peut
en ce (èns Tapeller enthouGasme i mais je ne penïb
pas ^ue jamais bons Vers , ni penfées fages & ja*
dicieufes aient été écrits, fans avoir pafle par le
tribunal , & même par Texamen de la raifon , &
les Vers les plus brillans m'ont toujours paru lot
plus raifonés. .
On me pardonnera ^ j'efpère, cette petite digres-
Son. Si j'ai tort Je ne puismieui^ le réparer^ qu'en
offrant promptement à mes Lefleurs quelque cho-
fe , qui vaut mieux que mes raifonemens, ce font
tes Tradu£);ions de quelques morce^;s mêmes des*
Oeuvres de Mad. Karfchin.
O^ D E
C$mpo/iâ en s*éveillant la nuit au chip
de la Lune.
A DieUé
En m'e veillant je penfeà-Toi! ; >
ï)ieu ! qui feparas la nuit d'avec le jour
Et qui as revêtu de la lumière du Sokit
Ësi^Lune au milieu des ténèbres. .
Ellr
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î54 PROGRES-
Elle brille d'un éclat royal aa deflus de noaS|
Dans un éloîgneroenc fans mefure ,
Et les Etoiles Tenvironent,
Innombrables ainfi que les fables de la mer.
Quelle magnificence voit -on ie répandre fur tout
rborizon!
L'obfcurité parée de la lumière
Defcend fur nous f^ regards ,
Et fon vifage brillant de clarté^ nous rapelle Toa
nom.
O Créateur des Soleils! que Tu es grand
Dans le plus petit des Aftres!
Quel nom pourroit-ou Te donner
Tour déOgner Ta grandeur inexprimable?
Les Etoiles du matin Te célèbrent
Réunies en Chœur, ainfi qu'au moment
Où un mot touc-puiffant de Ta bouche
Fit fonir du Chaos profond
Ces mondes rangés tout à Tentonr
Du vâfte Firmament.
Tu parlas, la roue de tous les Etres fe mit en mou-
vement,
Et elle court toujours fans interruption.
Ces Aftres brillent encore de Téclat de la jeuneflcj
Malgré laqt de fièdes écoulés!
Le changement des tems ne ravit point
ILeur lumière refplendifrante de leurs joyes.
Mais
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DÈS ALLEMANDS. isS
Mais ici bas fous Icars regards
Tout périt, vieillit, s'évanouit.
JLa pompe des Trônes » |e bpnbcui: des Couronei
Sont menacés tôt ou tard par la chute.
L*Homme defleche ainfî que l'herbe tendre ,
Tout Ton luftre devient la proye du tems.
Le Sage qui n'a gueres lîfoit dans les Aftres,
£(1 déjà étendu dans la pondère.
Créateur Tout- Puîflant! Je lis ta grandeur
La nuit dans des livres ouverts par Ta main ,^
Enfeigne - moi , ô mon Dieu !
A rechei*cher Ta lumiéfe. '
Sois Toi-même la clarté dé mon amé.
Toi qui gouvernes les Aftres qui cxiftcnt.
Lance un de Tes rayons dans mon cœur ,
Afin qu'il aprene-à Te connoitre.
O t> É
. Au Prince de Prufle,
Aujouf qu'il fit fa Cofif^JJîon de Foi, à Mag<
debourg k tZ.Janow lyôz.
Prince, environé de la gloire de la Religion !
Les Anges chantent des Hymnes à ton honeur
Tu te profternes aux pies du trôoe ^evé
Pu Roi des Rois î . : >
Ttt
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t56 PROGRES
Ta es Chrétien avec une donce allegreflê
Et profondément incliné, tu prêtes homage
Au Monarque fouverain, donc la main Tout^*
Puiflame
Peut précipiter les Rois d|x faite de leur grandeur:!
f -
Celui dont le régne tf étoît pas de ce monde $
î>efcendît du Ciel fur la tene.
Il s'aiOTocia aux humains.
Pour reconcilier THomme avec Dieu.
Après avoir rempli ce grand ouvrage.
Il rejoignit fes Anges & remonta au Ciel.,
C'étoit un Héros triomphant,
11 abattit dif mille moulures de TEnfer.
11 nous taifla un Feflin en mémoire de lui.
Pour gage de fon amour jufqu à la fin des Gé^cles^
^t tranfmic des millér^s facrés
Dans les m^ips de fçs Serviteurs.
Prince 1 Tu n*as pas honte de lui. .
Kul Sage n'a jamais donné de plus belles leçom
aux humains,
Aimer Dieu eft le pf cmier devoir
£c le fécond d'hosocer les Rds après Dieu*
Aimerr le' prochain comnte foi • n^me ,
£t pratiquiez toutes ks vertus des. Anges ,
Ne pas être, ce qu^ jTont envers Frédéric
^ ennemis , qui le font de la paix.
. ^ Cefi
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i)E8 A LLE M A NDS. s^f
C'eft là ce qu*enfeîgne la Religion,
Qui nomme Jéfus- Chrift Ton Auteur,
Salut foit au Monarque fur la trône.
Qui de cœur & de bouche en fait profefConi
O Prince! Tu marches à la tête du Peuple
Tu le ranimes : il élève vers Toi
Ses regards affoiblis par les angoifles de la guerre;
Il te bénit, il fe félicite foi ^ même»
Avec le courage d*un vràî Chrétien
Tu recevras les armes guerrières Je la maîc v'eFre*
deric
Non point pour répandre le fang humain ^
Mais pour faire rendre jufli^e à la Patrie.
Tu t'aprêtes déjà à ttiarchef
Aux champs de la viftoire, Prince > Thoneur drt
Succefleurs au trône !
Les vœux du Peuple & mes Chants
Fraperont ton oreille dans ta carrier
Sur une Clocha
Qui fut refondue à Magdehûurgé
Métal inanimé ,
Je Convoquai pendant vingt luftres
Par mes fons , dont Tâîr fut partagé ,
Tantôt au fervice divin ôc tantôt aux convois fu-
nèbres*
li L'y-i
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«5* F R O Q R B 8 ^
L'Ufage affoiblk mes fo» , '
Mon creux mewl fiu re&nda ^
Lorsque déjà depuU cioq ans
La gueito âvoit invtftî k fborkâ
Trois Momr^a^ m letoin: ds cfaafque Frioceiœ,
Envoyèrent des armées iiifK>mbe^les ^
FQ«f t>ptrcr la chute de mon Roi & de fa msiibtiy
Si Dieu n'étoit pas au CieL
Il efl: un Dieu ! Il courre de fon boociier
Lartéte du Rx)i, kirsqu'ii dk eBrironë
D*£nneinis, auxquels il ne fut jatnais permis
De franchir les remparu de ceae Cké*
Que ne puis -je, ô Magdebourg,
Te dire avec la langue des Anges ces patoles :
DieA lit! Il opère encore les mêmes merveiltea
Qu'il fit aux jours de David»
Vous, qui dans an fiècle d'tf,
Montrés jufques vers moi, pour lire ces mots,
Reconoifles Je Dieu de toute glairç.
Qui fut le Proteéleur de Frédéric.
Et vous, qui m'entendrés élever mes fons
Au Dieu du Ciel & de la Terre,
Portés lui votre cœur, poqr qu'il daigne rinftrnîrr^
Et qu'il foit faintement refondu.
Lt
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i) È $ A L t E M A N D S. ^s^
Le Trajet de la Fiancée du Rft 4e h Grande M^e*
ODE.
Le Soleil majeftueùfement placé
Sur la vout.ç ^zuréç rega.rdojt en b.a^'^
Lgrsque la Reinç (fÂibipn <r,un cpîi dp.ujc & çrjj^
cieux ,
Sàluoit le rivage de l*Ëlbe ctiatgé de mille yjîSTçauxw
Les Zephîrs tadînoîeht avec le daîs de pourpre.
Qui couvroit fon Navirç, ô(, les^^ur^.
Pénétrés de fon tegard plein de charmes
Qui reflembipît au regard 4'une DéciTe^ parta-'
geoient fa joiew
Cleopatfe fur fon vaift^au d^pr.
Allant à la conquête d.e Marc-Antpîne^
A voit moins d'éclaj que îa'Prin$;eflè;,,qpî,îyçp.lejK
attraits de la bonté <& de la jeune0e ^
Etoit toute nature & toute huii^apltél
Ampiiîtrîte la a-ecût d*nn air p1eio ^e refpejSt^
Affigna autour oelle un cortège de tiimpb^s
La Fille d'Agenor traverfa fur Xç 4qs dç Jujpîwr*
transformé.
Avec moins d'admiration U lôer*
Les Dauphins folatrôie.Qt devant taj^pcte.
Et Neptune étpné «""écria d'une Voi» fprjwid^bte i
Elle a fœil de Junon & rafpe€l de Minerve^
Qjiçl Dieu va la pofléder ? ' -
& 2 tei
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t6o P R O G R E' S
Les Tritons fonnoient comme aux jours de fête
de leur Conques;
Les flots mêmes formoient un Chant,
Ils félicitoient le Peuple qui l'attire dans fon feîn.
Peuple pour lequel fon amour affronte les dangeif
des flots.
Et Jupiter eiïchaîna les vents & les tempêtes ,
L'air & la mer étoîent tranquiles comme (on Ame,:
Les vœux de Londres fculs voltigeoient à fa roa*
contre ,
Que fon trajet foit promt fur les ailes des vents»
L'Image MtracuUufe^
Conte.
Au tems où Luther & Calvîiv
Munis de Dieu, s'evertuoîent
De retirer les pauvres humains
De l'aveugle fuperdition qui les tenoit captifs^
II y eût une miraculeufe image ,
Parée mieux qu'une Impératrice.
Les boiteux la prioient de guérir leur pié perclus,.
Les fourds imprimoienc plus d'un baifer fiic le Sol
d'alentour.
Pour recouvrer Touïe.
La femme flerile quittojt fon Mari furanné^
Et y faifbit plus d*un péferinage ,
Accompagnée de jeunes Blondins très dévots „
Qui fur les confeils de leurs Mères ,
Demandoient à l'Image des Epoufès bonnes & fa*
ges,
Qu'oiï
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J)^z A L L E M AN D S. z€i
Qu'on obtient fi difficilement par des prières.
A certain jour de fête, tout un peuple à genoux ,
Envîronoit l'Autel.
On emona des Hymnes , on chanta des Cantiques,
Et cçux qui étoient les plus dévots.
Se frapoient & fe meurtriffbient la poitrine.
Un pauvre & vieux Soldat Barbu
Refta le plus long tems aux pies de cette Sainte.
Peut • être itnplora - 1 - il d'un ton de pénitence.
Son interceffion pour les péchés de fa jeunefle. ,
Lui feul reftoit encore étendu fur la terre,
Lorsque déjà le Prêtre avoit diftribué
Toutes les bénédictions & les abfolutîons.
Et puis s'etoit hâté vers fon diner coflu , & fon vin
déleftable.
Le jour fe p^fla gaiement.
Le lendemain matin un Prêtre officieux
Alla pour faire changer d'habit la Sainte,
Car elle avoit au moins plus de cinquante robes.
Le Prêtre tout frapé d'effroi
S'écria: "„ que Dieu confonde le voleur audacieux ! .
,/ Il manque ici un beau Collier de Perles!
C'efl ainfi qu'il parla, & fon cœur fut navré de dou-
leur.
On fit des perquîfitions ; enfin l'on découvrît.
Que longtems après les heures dé Dévotion ,
Ua foldat étoit refté à genoux devant elle.
On le cherche , on l'amène lié ;
Et lorsqu'il voit les Juges , il dit d'un ton plein
d'aflurance,
„ Oui , je ne nie point le fait , je tiens le précieux
Collier de Perles.
„ Mais fes mains me donnèrent elles mêmes ce
trefor. ^ ^
R 3 « Je
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f(H PROGRES
.^ Je fuii m Guerrier iadigmt,
,, Chargé ^t Femme ôc dXDfœs fans poavoir k$
nourrir,
$i raprk^ue cette Image faifeit tant de miracle»j
„ Je me profternai Idngtems devant elle enoraifo^
„ Je lui dà{6î9 , Madame, s'il eft vrai
99 Que vous foyés douée d'une pcûflance fi (tivine
far la terre
„ Pour Dieu , iffiftés iWôî î
,y Nul bon Chrétien Catholique Romaifti ne ¥çq|
m'aiden
„ Si vous ne veûés à mon fecoors,
„ La miferc me forcera ce même joui
^ A n^e faire Calviniile.
99 Je répétai fouvent la fuplicatîon ^
„ Et l'entrecoupai de profonds foupirs^ .
,, En lui détaillant toute mon indigence.
jy II arriva pour lors ce c|U€ nul mauvais héreii?
que ne croira
3, Un infigne miracle^ La Sainte détacha
y. Ce beau Collier dt Perles, dont (on col étû||
orné^
Il Mé le donna de fa belle main»
„ Et me dit. Vas-t*en, vas -t** en, achète
,, Du pain pour ta feitime & tté Ënfans l
y, M^is ne deviens jamais une brebis égarée ^
„ Ne fors jamais du bercail de TÈglife l
„ C efl: ce qu'Elle me dit; & J'en ai pour temoîni
14 Tous 1^ Saints du Faradii^
Les Juges entendant fon discours ^ furent forcés
de fe taire 4
Et les urètres s'écrièrent : O qUe grande efl 1^
Suime !
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Dts ALLEMAN-DS. tg^
Aux Mânes lâefm Onck qui îui ûprît à lin
S à écrire^
ODE.
Sortes de votre tombe,
Sacres Offeftiens iqtii repôfëf
Dans la terre où je paflai ma jetmefle!
Vieillard véîiérabte j ranime tes cètîdfe».
Et ptiiflblnt ces lèpres patler eWcore tm* foîs ,
Qui jadis me donnèrent le miel des infkuftîons!
Oubfen , Ombre cheriè i jette du haut de TO-
limpe
Un regard , & vok dans ^uèl fentîeî je tnarche !
Ce n eft plus derrière les troupeaux dans les prés.
Contemple ces humaini & délicats fi parfaits (*)
Tous (répètent tes châftts de ta Nièce ♦
Ecoute leurs discours ^ ce Ibùt tes éloges i
Qu'à jamais ce tilleul ombragé verdifle
Sous lequel , comme «û Ënfaac cb^ri du meillenr
Père j
Je pendois tendrement à ton col.
Quand fatigué de la longueur du jour,
Am(i que les Moifloneors de leurs pénibles travaux
Un ^axoû fervit à te delafler.
Sous
C*) Elle fait Alîuîîon à la Cotnpaçnîe de Gens de Lettres",
oii die fc vouvoie en compofant ceue Ode. ^
t
R4
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»64 P R O G Jl F S
Sous ce toit d*un tendre & verd «feuillage
Te te rçpecois fans les comprendre
Vingt paflages du Dieu des Dieux.
Du livre re^efté des Chrétiens,
Je te citois les endroits obiciirs ;
vieillard pieux I £t tu me k$ interpretoîs.
Ainfi que ces hommes en longs habits de Deuil ,
Qui nous enleignent dans les chaires ,
Le vrai chemin qui conduit à la vie éternelle,
Quand tu parlois de la chute ^ de TAlhance do
grâce.
Chaque parole de ta bouche
Fui reçue avec une avidité mêlée de cendrefle.
Habitant d*une Sphère Célefte!
Vois : une larme fecretie de joie
I^ouille fouvent mon vifage*
Si tii peux parler, Ombre chérie! dis -moi,
Ton cœur efperoit • il alors Que mes jours
3eroicnt tiflus de bonheur & de gloire \
Quand mon œil attaché aux feuilles
A voit fouvent devant foi les livres les plus /àges^
Ou quand je cueillois dans les prés de fleurs
Que mes petites mains délicates les aportoient,
Que j'en faifois Tomement de tes cheveux,
pt que je m'étendois en fouriant fur un lit de rofes
aces cotés?
Sois revêtu de la célèfte lumière,
§ois nourri des rçgards de Dieu,
Txoh
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DE$ ALLEMANDS. 265
Trois fois plus que le font les autres Ames qui t'en j
vironent !
Pour chaque goûte que je boirai
Dans la coupe de joie ici bas fur la terre,
Fuiflès-tu être abreuvé par une mer de délices dans
reternitc !
Jux Joueurs.
STANCES.
Mettes toujours vos. cartes, joués d'un air penfif.
Et fentes pleins d'efpérance ,
Toute la joye que peut donner le gain.
Mon efpnt trop fec & trop Stoïque
Ne fut jamais féduit par les attraits dû jeu.
Ni par le plaiûr de là danfe.
Trop -engourdie pour plier mes pies en cadencb,
Trop auftére pour penfer en jouant.
Je n'acquis jamais l'un ou l'autre talent ;
Je ne connois pas le nom de ces feuilles.
J'ignore quels font les Valets ou les Dames,
Ni quelle carte a triomphé. ^
Jamais je n'aimai que les Livres ,
Je les ai lus , je les ai aprofondis.
J'en ai fait un, vaille que vaille.
Ni jeu, ni bal ne purent m'amufer,
J'apris par quels moyens les Héros obtienent le lau^
rier.
Je rêvais de dangers & de batailles.
R5 Je
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i66 ? R O G R ff S
Je marchois fur des remparts que j'avois faits moi-
même ,
Je rangeois mes troupes en bataille »
£t j'agis ainQ que fait un GénéraL ^
J*élevois des Forts» je lançois des bombes, ^
Je ne faifois jamais aucun pas en arrière.
Èc je parlois tout haut en ordonnant Taflaut^
Quand une Fortercfle étoit prîfe ,
Je faifois aprocher mon armée,
£c je pénécrois plus avant dans le pais ennemi.
le fis habilement des marches , foit à droite foit à
gauche.
Je fabrois des milliers d'ennemis
Que je trouvois épars dans les brouflkilles*
Là tous ces petits morts & bleflës 9
Toqibés fous mes coups redoutables.
Par milliers étoietit étendus.
Fière de mes eaploits , je me croyoîs vainqueur,
J*étois enfant, hélas! & tels que les enfants,
N'agiiFons - nous pas trop fouvent dans Tage le plus
mur?
O, que mon imagination efl vive !
Elle agiflbic déjà ^lors.
Sue je paiflbis encore mes troupeaux,
aintenant elle voit de tout autres combats »
Elle fe retrace ceux qui acquirent l'immortalité paf
leur valeur,
Kc celui qui robcint par fes écrits.
SapH
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ȣt ALLEMANDS. %6^
Saphù à TAmfm^
ODE.
Fils de Cythére ^ enfant qui domptes fUnivers !
De quelle doi^Ieur ton petit doit i^è fut ^ il pas at^
teîtït,
Par la piqueure de la dangereufe Abeille !
Puifles-tu la fentir encore auflî forte quQ la mojf-
fured'un $erpeDt,
2t te repréfenter alors ce que Je dois ibiiffrir»
Moi qui ibis bleffée 4^ te& traits {
Ce n'eftnî dans les doigts, ni dans les joues tendres,
^i dans le col que roi^t la gerbe des mufcles;
Kon, mais dans le cçd^i Que je (êns ta pîaye.
Hélas S tu çmpoifonas tanêche,
Je fens mille traits à la fois dans tnesbleiîuresf
Qui me font fbupîrer & gémir !
Prends pîtîé! prends ton carquois»
L'office de vengeurs efl: Toffice des Dieux,, '
Et ton arc efl: affés fort pour la vengeance!
Hâte toi, Amour, & venge -moi!
Ta flèche n'g pas^ effleuré mon cœur.
Mais un feu ardent coqfume tout mon fang.
Ce jeune Phaon , aux yeux noirs <& étîncellans.
Dont le regard efl mortel pour moi ,
Et à la bouche tendre & vermeille comme la rofei
Met fa volupté dans l'art de donner des tourmens.
Je compte douze jours bien triftes »
Chacun me parût aulU long qu'un jour dans la
moifîbn. O»
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î(î8 P R o <î R I^' S
O, tu connoîs les vallons où il porte (es pas.
Dans le bocage de Palmiers , où Ton voit
La ftatue de ta mère , c cfl: là qu'il fe promène. ^
Va le chercher fous l'ombre de ces chênes , .
Ecs'il veut s'enfuir dans les buiiFons de rofeSp ^
Voltige autour de lui comme un oifeau léger.
Il eft agile ainlî que la biche légère!
Mais s'il s'arrête au courant des eaux,
Dont la molle & tendre fougère verdit les bords , i
Rapdle - toi a^ors tout ce que je fouffris ,
Bande ton arc, ajufte ton coup.
Attrape la place qui mérite le trait!
Amour, c'ell à fon cœur, plus froid que les glaçons
Qui bravent les rayons du Soleil ;
Cefl à fon cœur. Amour , que tu dois vifer. i
C'ell alors qu'il fendra la douleur de la profonde I
playe.
Je le verrai accourir avec' un cœur à moitié amolli^ -
£c plein de repentir fe jetter dans mes bras.
V Amour en pleurs.
STANCES.
{En voyant une fiatue d'un Amour pleurant dans
le Jardin de Charlottenbourg.)
Eh! qu'a donc cet Enfant divin, d'ailleurs fi puîs-
fant, ^
Qui femble menacer le monde entier,
Le fils de Cypris? Quelle faute a-t-il donc commifc ?
Il fut puni, il plcuie?
La
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DES ALLEMANDS. %6f^
La larme coule fur fa tendre joue,
En langage muet elle exprime la douleur l
Son carquois, vuide de flèches.
Pend négligemment fur fon dosr
L'imperieufe Venus lui fit goûter
La coupe amère de fa colère maternelle.
Elle prit fes traits. Son orgueil fut blefTe'.
On le voit, couvert de honte, cacher ks yeux dt
fa main gauche, j
D'un œil courroucé elle le regarde d'en haut.
Sans être touchée par fes pleurs & (es plaintes.
Helas, elle ne rendra plus fes traits* au pauvre A*
mour confus.
Son front fera marqué de honte !
11 lui raconte les plus grands exptoks de fon arc
formidable ,
Lui nomme mille héros qu'il fubjugua.
Et qu'il força à lui facrifier & à implorer fon fe*
cours.
Dès qu'il furent atteints par fes flèches.
Taî- toi,fîls inutile, lui répond Venus en courroux>
Eh ! que me fert Hercule ou bien Achille,
Si je ne vois à mes pies abattu ,
Ce Héros qui ne veut fentir rien?
Il n'afpîre qu'au laurier des Héros,.]
Il ne fuie que Mars & Apolloa
Qui réunifient leurs mains pour lui préparer une
çourone ,
Dont l'éclat brillerai perpétuité.
Un
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aTo PROGRE*5
Un mortel fe rirait- il de ma puiflancef
Tandis qoc fat ▼aînco le Keu du tonêrc.
Et que je le forçai de fc transformer.
Soie en Cigoe » foie eo Taureau » foit en Noager
d'Or.
Vas- 1- en, feible Zvlhntj foin de mes yeux^ tas-^
t-en!
Fredcflic e(l- il donc plus fort qde Jupiter?
Oui — dît TAmour en fanglottant — Ma Mère
donnés - moi mes flêcheg -^
Oui --i> n efl plus <jfx*mi Dieu/
•
- Le Cbâ9tf0 ^Italie auprès de fin froufeM^
Contée
tteM le plis rà le divin Horace
Fit retentir fcsacceos à Tentour,
Où fous des Toutes de verdure éternelle te tendre^
AdolefeeQtf
Promène dans chacjue faifon Ton erperance»
Quand il eft d'accord avec fa Bergère.
£n Italie enfin » il y eut un garçon Berger^
Qai jamais De lut , ni jamais n écrivit.
Mais qui depuis fà phis tendre en&nce^
Faiflbit k$ tranquiles Brebis ;
Sans fè douter des talens cachés au fond âe fbil É-
me ingénue.
Un jour il étoit apuïé fur la chetîve houlette-,
LorsQu'un Fermier vint Taborder, fe pla^ prés de
* lui, .
Et lut à haute voix le TaiTe.
Le Berger immobile fat tout oreîlk
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DEt A LL Ê MA 1» DS. 171
Et l'Héroïque Chaat pénétra tome fon Ame.
Le lendemain il commença par chant»
Un poëmc nouveau aux pâtres de la conir^.
l}'véiébn h beauté de la Nature,
Lts forées d'orangers & les figuiers féconds ^
La vigne & les vtllons en fîeurs.
Il toifa des fyllabes , & il trouva des rîmei? ,
Sans qu'aucun Maître loi aprit le choîs
Des nobles & àcs belles expreffions.
Le tendre Amour fut fouvent fon fei>l Maître.
It inventa des fbnges & fut les enchaffer
Dans les chants , dont il regala les bergers ,
Ik étoient fi toucfaans qu'il les excita à î'Amour.
Chaque jour oiFroit quelques nouveaux couplets
Au peuple berger. Il exaltoit fouvent dans fcs
vers
La felîdté d'Etrurie. .
Car precifement dans ce tems,
La plus profondé paix règnoit loet à Tentoun
La renommée de ce Chantre vola
Jusqu'à la Cotir du Doc, A ce Rrinceétoné
Ordonna promptemcnt d'amener
L'^irîdie faificmil dam fon Pajak I>îcaf.
11 vint en habit de Berger; &ron aflîire
Qv'on deux £m% trente jours , il lui chanta phs de
de deux cent chanfons.
Mais le Pâtre ne put ibutemr plus longtems
La^ flatterie des Coarâfàm, & h fàufïèté
Cocrverfie de h, pompe de magnifiquement mas^
quée ,
Ainiî qoeie venin ibos la dkprare da lèrpent*
Le Berger plein de candeur fe préfenta devant fbn
' ftiaoe,
Le fupliant en langage des Dieux, .
p D«
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£7»
PROGRES
De permettre qu'il put retourner
Vers ks tranquiles pâturages.
Seigneur, dit- il, donnés-moi
Affés de pain pour pouvoir vivre avec ma Laure^
Je trouve en elle le monde entier & fon bonheur*
Le Duc étoit un Augufte Romain,
A fon Berger il afligna une métairie.
Celui-ci, (entant tout fon bonheur ,
Chanta encore trente années entières ♦
Et mourut apuîé fur le fein de fa Laure.
Sa tête chenue étoit ceinte de Mirtbes fraicbemene
cueillis.
Trop heureufe fi quelque jour couronée de lau-
riers ,
Et entonant ma lyre
Je fors des bras de mes amis.
Pour prendre mon dernier vol vers FOIympc î
à Madmoifille IV. £•**.
Beauté, qui (brtis des mains de la Nature,
Pour former fa gloire & (on ornemrent S
L'AlIouè'ctc ne chante plus dans les guèrrets apatt»
vris.
Le Roflignol de ta Sœur oublie même fes tons eo«
chanteurs.
Elle fe tait , & d'un aîr penfif ,
Se promène, dans fa mélancolique demeure - — ^^
C'efl ainfi que fouvenc le Sage & TAmi des Hu-
mains ,
Confidère avec une douleur tranquile le malheur
d'autrui ;
Quand les maux accablans accompagnent les nou-
veaux jours.
Quand
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DES ALL4ÎMANDS. 273
Quand les plaintes & les gemilTemeils recenciflènc à
haute voix
Paf toute fa Patrie.
On le voit alors dans un morne lîlence ,
La douleur dans le cœur regarder autour de foi.
Et chercher de fes yeux des jours plus (ereins *
Fille efaaraiante , qui reçus l'Etre deparens vertueux.
Dans la Capitale de Frédéric !
Tu vois d'uii œil de pitié , que la pompe des arbre»
leur eft ravie ,
Ainfi qu'aux fleurs leurs attraits.
Le meurier — -— Il eft dépouillé de fcs feuilles j
Les boucles qui jadis ornoient fa tête
Sont éparpillées fur la terre qui couvre Ton pié^
Livides , ainfi que des corps morts !
Déjà les Aquilons , qui forment leurs fens funèbres,
Hurloient à l'entour d'eux !
Quoi ! la treille eft privée de toute fa parure !
Noti, rien ne verdit plus dans ces aimçibles lieux, '
Où n'agueres tu promenois tes pas ,
Où les fleurs s'indinoient devant les bords de tetf
habits blancs ,
Lorsqu'elles aperçurent Tccht de ton afpeft.
C'eft ainfi , bel Enfant , que le tems t'enlcvcra un jour
Les plus beaux dons de la Nature !
Ton automne & ton hy ver arriveront avec la maia
de RavifTeurs.
Ceft alors ^ que femblable à la campagne,
Les attraits disparoitront de deflus ce viiage.
Ils ne te laifTeront que la beauté du c(Bur,
Que l'efprit alors mûri ; que les traits d'une Ame
Ornée de Vertus ^ & qui prouve
Qu'elle ne fçauroit â(re enlaidie,
Ni par le tems, ni par les revers;
S Uéi
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27+ P R Q G R F 3 :
I^Iais qu'elle e(l animée {Kfr un$ étincelle de k Di^»
vinité!
Après vingt moîfTons ^ fi les n^aladies oe font pat
cbés tpi leurè ravages ,
Ton viTage confervera encore cette beauté > •
Qui met en défaut toute l'habileté du peintre*
lyiais lorsque tu auras fqtvecu cinquante hyvers.
Le tems effacera de fon haleine terrible ,
Les rofes & les lis de tes jouë's.
Le tems qui detrulfit les jardins délicieux»
Jadis fuspendus dans les airs.
La . flruâure extérieure de ton corps quoi quW-
tiftemcnt fermée.
Et malgré ladelicatefle dont tes nerfs furent couverts ,
Eil fragile & périflable j tels que les fleurs des ar«
. bres.au printem$.
Lorsque la gelée de la npit ravage les boutons »
Et qulnd le Soleil bienfaifant veut les rapeller à la vie.
On. les voit encore fanées & fans apas coUer aux
branches - -
Mais les' anriées augmenteront encore tes attraits ,
Ton efprit (la valeur intrinfeque de Thomme)
Dans un âge plus aVanCé fera le bonheur ,
De celui qui t'eft deftiné, & qui fera jugé digne de toi.
Ce fera pour lui une plus grande beauté»
Alors que voua aurés pafle enfemble des heures fi*
lécs d'Or & de Soye.
Ce jeune i& fortuné mortel nous eft encore încpnu.
Tu ouvres Toreille» tu écoi,ites» tu rougis, ta
veux le favoir !
Le Ciel le connoît déjà, il ne permettra point,
Que l'objet de tes tendres careflTesfoit indigne de toi*
Mon, fage& fidèle, vertueux, plein d'clprit &
de tendreilè.
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DES ALLEMANDS. 475
Sera €elui qui te montrera encore d'autres vertus.
ODE
à la Plume d'or.
{^Afonjour de Naijfance^ un Amî généreux lui
fit préfent d'une Plume S or maffif ^qui lui
fut aportée dans le Labirinthe du parc
de Berlin par un autre Ami tra*
vefii en Homère.)
Toî, qui me fus donnée par la main de Tamitie'^
Pour une plus longue durée ,
Entre mes doigts laborieux ,
Ne trace jamais des Vers réprouvés par la fageiîèl
L'Artifan qui forge les ornemens.
Te créa d'un^ métal brillant.
Tupiter ne m'envoya pas ce don,
Tiré d'un Oifeau qui plane fous le Ciel»
Ni l'Autruche, ni les Coqs de bois,
Qiii s'accouplent au Printems fur la cime des itionts^
Hyociniens ,
Ni le Paon, qui forme la fuperbe roue, chrf-
d'œuvre de la Nature,
Ne t'ont point portes.
Dans de riches vdncs , avant ta naîflance.
Une montagpe te porta dans fes flancs.
Déchirés par des boyaux.
Que l'avarice humaine tient à f%s gages.
Peut-être fus tu portée fur l'onde courroncée;
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%7(S f R O C/ R E? S
Dans uti Château flottant,
Du rivage barbare,
Ou des Canibales chantent leufs afFreufes chanfomr»
Quand attachés à une broche de pin,
lis femblenc braver encore la mort au milieu des
flames ,
Et (è vantant, pour toute confolation,
D'avoir aujji rôti jadis Us frères de leurs ennemis.
O plume qui me fera toujours précîeufe !
Tu fus peut-être recueillie dans un rui0èau qui
charrie le fable d'or ,
Par une jeune bergère.
Et qui difoit en foupirantr
„ O poufljère méprifable !
^ Où refte donc l'Amant qui m^'aime 1
„ Son cœur brille dans fes yeux d'un éclat plus pur ^
„ £c eft mille fois plus précieux que toi !
C'ed ainfi que la jeune Nimphe
Te parloit , peut-être lorsque tu n'étoîs encore'
qu'informe métal.
Mais tu fus façoné depuis pour moi.
Et defliné au plus noble ufagç.
Ne me fers donc déformais, /_
Qu'à célébrer les Héros & les Dieux,
£c à chanter , aux Jours de leur naiifance^
Des Amis qui penlenc divinement.
Fin du Tomi premier^
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