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PUBLlâ SOUS LA DIRECTION
SECTION EISIOBIQOE DE l'ÉTAT-MAJOB DE L'AMJÉE
1793-1805
PROJETS ET TENTATIVES
DE
BÉBARQUEMENT
AUX ILES BRITANNIQUES
Edouard DESBBIËBE
TOME QUATRIÈME
m- Partie
PARIS
LIBRAIRIE MILITAIRE R. CHAPELOT El C
30, Rne et Paeaage Banplilne, 30
1902
1793-1806
PROJETS ET TENTA'
DÉBARQUEMENT
AUX ILES BRITANNIQU
1
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PAKU.
— IMPRtIfIRiR R. CBAPBI.OT BT C*, 2, RUB CBRItTINB.
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PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
SECTION HISTORIQUE DE L'ÉTAT-HAJOR DE L'ABIÉE
1793-1805
PROJETS ET TENTATIVES
DE
DÉBARQUEMENT
AUX ILES BRITANNIQUES
PAR
Edouard DESBBIÊRE
OW b'hOIOROHI m ClTALtUB BBIVtTi k L'iTl.T-l<ltIOB DB L'UlCts
TOME QUATHIÈME
III- Partie
PABIS
LIBRAIRIE MILITAIRE R. CHAPELOT bt C-
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la Bnnaa
TROISIÈME PARTIE
LA PÉRIODE DÉCISIVE
<5
CHAPITRE PREMIER
LE PLAN DU 27 FÉVRIER-2 MARS
En même temps que Napoléon recevait de TAutriche des
assurances assez pacifiques, pour qu'il ait cru pouvoir sus-
pendre ses préparatifs militaires en Italie, Beurnon ville,
ambassadeur à Madrid, envoyait, sur l'activité déployée par
les Espagnols, des assurances de nature à modifier Tidée
qu'on s'était longtemps faite du peu de valeur de leur coopé-
ration militaire et navale.
Ces nouvelles assez inattendues, contraires aux renseigne-
ments que Beurnonville avait lui-même envoyés au début de
la guerre (1), devaient être en partie justifiées par les faits,
puisque l'Espagne parvint à fournir à Falliance 31 vaisseaux
N de guerre, chiffre énorme, dans l'état de délabrement où était
^ tombée sa marine, des équipages peu exercés, mais braves,
enfin des officiers tels que Gravina, dont le courage, l'intelli-
gence, le noble caractère et le dévouement méritent de ne pas
^ être oubliés en France.
Madrid, le 15 plaviftse an xni (4 février 1805).
Monseigneur,
M. ramiral Gratina est arrivé il y a quatre jours à Madrid (2) ; avant-hier il
est allé prendre les ordres du roi à Aranjuez ; hier nous avons ou une confé-
rence chez le Prince de la Paix, et aujourd'hui l'amiral se met en route pour
Cadix.
0} Voir d-dessns.
(2) Archives des affaires étrangères, Espagne.
3S8 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE PREMIER.
Les renseignements que l'amiral Gratina a obtenus dans les bureaux de la
marine sont plus satisfaisants qu'il ne s'y était attendu : le redoublement
d'actÎTité que sa présence va faire naître dans les ports lui fait espérer qu'au
lieu de 20 vaisseaux, il est possible d'en armer 3f , sayoir : 10 à Cadix, 9 au
Ferrol, et 6 à Carthagène.
Personne ne se flatte pourtant que de telles forces soient véritablement prêtes
pour le mois de mars, et si l'on peut mettre en armement une flotte aussi con-
sidérable, il n'est pas moins vrai non plus que les hommes et les yivres seront
insuffisants pour compléter les équipages et pour assurer leur subsistance dont
M. l'amiral Gravina porte à. 8,000,000 de rations la quantité indispensable.
Le général Beurnonville.
Madrid, le 6 reniftie an xiii (25 février 1805) (1).
Monseigneur,
Le seul but vers lequel se dirigent aujourd'hui et les efforts du gouverne-
ment espagnol, et l'attention générale, est l'armement rapide des escadres. Cet
objet parait toujours se suivre avec une activité sans relâche, et, de jour en
jour, les rapports que je reçois à ce sujet deviennent plus satisfaisants.
Du Ferrol y M. Ailhaud me marque que 2 vaisseaux et 2 frégates sont en
rade, et il termine son tableau de la situation du port par assurer que, très
incessamment, l'escadre de Sa Majesté Catholique y sera de 8 vaisseaux et de
4 frégates.
De Cadix f M. Le Rby confirme tout ce que M. l'amiral Gravina me donne
lui-même d'espoir, relativement au nombre de vaisseaux qui peuvent être prêts
à l'époque convenue. Ce nombre est de 12 à Carthagène. Toutes les relations
particulières s'accordent sur ce que 6 vaisseaux sont presque entièrement
armés, et le Prince de la Paix m'a constamment donné des assurances con-
formes à ce qu'on écrit de ce port.
Mais un point sur lequel les avis sont malheureusement unanimes, et qui
me parait donner une inquiétude égale à l'amiral Gravina et à nos commis-
saires, c'est la formation des équipages, et l'approvisionnement en vivres. On
presse de toutes parts, et le nombre des matelots augmente peu à peu. On
convertit en biscuits tout ce qu'on a de farines disponibles, mais il n'y a encore
ni assez de matelots, ni suffisamment de biscuit, et, pour s'en procurer, il faut
des blés étrangers, beaucoup d'argent, et l'emploi des mesures extraordinaires
que prescrivent les conjonctures importantes où nous sommes.
Les régimonts d'infanterie et d'artillerie, destinés à être embarqués sur les
escadres, sont rendus en partie à leur destination; c'est le maréchal de camp
Don Jiian de Kindelan qui commandera les troupes d'expédition au Ferrol. Il
est arrivé à son poste.
Le général Beurnonville.
(1) Archives des affaires étrangères, Espagne.
LE PLAN DU 27 FÉyRIER-2 MARS. 359
Les rapports de Gourdon (1) confirmèrent d'ailleurs ces
nouvelles satisfaisantes en ce qui concerne le Ferrol.
Dans ces conditions, le concours de TEspagne prenait une
valeur, dont Imfluence sur les projets de Napoléon allait
bientôt se faire sentir.
La première trace d'un plan de coopération entre les
escadres françaises et espagnoles se remarque dans la lettre,
écrite le 19 février, nar l'Empereur au Prince de la Paix, en lui
annonçant la visite du colonel-général Junot, envoyé en Portu-
gal. Le gouvernement de Madrid était mis en demeure de faire
connaître exactement l'état des forces qu'il pourrait fournir à
l'alliance contre l'Angleterre. Dans les instructions données à
Junot, il était dit (2) : ?< C^ que j'attends du Prince de la PaLx,
c'est une seule chose : que les flottes espagnoles soient prêtes
pour les grandes expéditions que je médite. . . . J'exige qu'il
prenne des mesures efficaces pour qu'il y ait, du 20 au 30 mars,
6 vaisseaux de ligne, 2 ou 3 frégates à Cadix, sous les ordres
de l'amiral Gravina, 6 vaisseaux et 2 ou 3 frégates, au Ferrol,
sous les ordres d'un amiral sûr ; que ces escadres soient
approvisionnées pour sept mois et aient leurs équipages com-
plets, plus 150 soldats par vaisseau, c'est-à-dire un millier
d'hommes de débarquement sur chaque escadre, tous infan-
terie, c'est-à-dire de troupes de débarquement ; que les escadres
françaises se présenteront devant ces ports et les débloqueront,
et qu'au moment où V Aigle joindra, l'escadre française, l'ami-
ral Gravina, sans perdre une heure, s'y joigne de même ; et
qu'au moment où mon. escadre du Ferrol joindra l'escadre qui
débloquera le Ferjol, Tescadre espagnole la joigne aussi, mais
sans une heure de retard .... ; les vaisseaux doivent avoir
leurs quatre mois d'eau, et être approvisionnés de 6 mois de
vivres. . . ; mon intention n'est pas que mes escadres entrent à
Cadix, ni au Ferrol ; la jonction devra se faire étant à la
voile .... » *
Le lendemain. Napoléon écrit (3) : « Voilà la saison des
grandes opérations .... de grandes opérations se méditent
(1) Archives de la Marine, BB^r, t29.
(2) Correspondance de Napoléon, 8350, 23 février.
(3) Correspondance de Napoléon, 8360, à Lacépède, 24 février.
360 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE PREMIER.
ici » Le 27, il demande au maréchal Soult « un mémoire
très détaillé sur Tétat du fort en bois, du bassin et des ports
de Boulogne, de Wimereux et d'Ambleteuse et la situation
des différentes divisions de la flottille (1) « Mettez-moi à
même de connaître la situation de l'armée, car le temps n'est
pas éloigné où nous commencero?is enfin nos opérations ».
Le même jour, Decrès expédie les nouveaux ordres. Le pre-
mier de tous a pour but de remédier au fâcheux avis, expédié
le 27 janvier, et qui a compromis d'une façon grave la coo-
pération de l'escadre de Missiessy. Expédié trop tardivement,
malgré la précaution prise d'en faire trois envois distincts (2),
Tordre ci-dessous ne parviendra pas à destination et, quoi
qu'on doive tenter par la suite, la division de Rochefort sera
irrémédiablement perdue pour les opérations d'ensemble.
Le Ministre de la marine au général Miasieaay, k la Martinique {%
Paris, lo 27 férrier 1806.
(it'néral.
Je vous préyiens que V intention de V Empereur est que votre escadre reste aux
Antilles jusqu à la fin de juin, si c'est nécessaire, pour y attendre de nouvelles
dispositions dont vous serez informé d'ici à cette époque (sic). Vous devex tous
tenir prôt à vous rallier aux forces de Sa Majesté, qui pourront se rendre aux
Antilles pendant le séjour que vous y ferex.
Si, à la./în(?), aucune force ne vous avait rallié, vous ferez votre retour en
France, comme il est prescrit par vos instructions.
Je vous réitère rassura nce de mon -sincère attachement.
•
Sign^ : Dkcrks.
Mme Missiessy jouit d'une bonne santé, elle désire savoir où vous êtes, et
dans peu de jours je l'en informerai.
11 importe que vous ayez au moins deux mois de vivres en juin.
Le même jour et le lendemain il était expédié au contre-
amiral Gourdon, commandant la division du Ferrol, des
instructions complètes sur son rôle éventuel.
(!) Correspondance de Napoléon, 8369. C'est en réponse à cçt ordre qu'est établi le
rapport du 8 mars cité ci-dessus.
(2) Voir ci-dessat.
(3) Archives deja Marine, BBiv, 217.
LE PLAN DU 27 FÉYRIER-S MARS. 361
Ptrit, le 8 YêtkiAêê an xm (27 féTrier 1805) (1).
Monsieur,
Tai rendu compèe à l'Empereur de la situation de la division que tous
commandai, Sa Majesté a reconnu que quatre des vaisseaux sont en rade ou
prêts à y être, que les deux frégates et V Observateur sont aussi prêts à appa-
reiller, ainsi que la goélette le Téméraire,
Considérant cette escadre sous le rapport des vivres, il résulte de l'état que
TOUS m'aTÎei adressé, le 30 niTÔse, que le Héros a 6 mois de TiTres, ainsi que
la Rnanche et la Guerrière, ce qui tous fait un total de 249,480 rations.
Comme l'intention de Sa Majesté n'est pas que tous attendiei le Redoutable,
TOUS répartirez sans délai 188,^80 rations entre les 4 Taisseaux prêts à mettre
à la Toile, qui sont V Argonaute, le Héros, le Fougueux et le Duguay-Trouin,
ce qui fera pour chacun 47,070 rations, c'est-à-dire, 66 jours de TiTres chacun,
chaque équipage étant de 706 hommes, non compris les approvisionnements,
L'Ordonnateur, dont je n'ai pas parlé, est porté sur votre état comme ayant
six mois de vivres ; vous lui en laisserez quatre mois et les deux autres mois
seront partagés aux 4 vaisseaux.
Vous vous empresserez de faire quatre mois d'eau pour toute l'escadre ; vos
équipages seront répartis sur tous les vaisseaux et frégates, de manière que
leur force respective soit à peu près égale.
Le Redoutable sera laissé au Ferrol, sous le commandement de son capitaine ;
il achèvera les réparations qu'il seta chargé d'accélérer de tous ses moyens. La
goélette le Téméraire saisira la première occasion, après votre départ, pour se
rendre dans un port de France ; il s'agit d'imprimer à tous ces remplacements
la plus grande activité possible, attendu que l'ordre d'appareiller va vous arri-
ver au moment le plus imprévu.
Et, pour ne pas vous laisser d'incertitude à cet égard, je vous préviens
qu'une escadre française est prête à partir pour vous débloquer ; cette escadre
ne mouillera point, elle vous expédiera une frégate qui, après s'être présentée
avec les signaux de reconnaissance du jour des bâtiments de guerre de Sa
Majesté entre eux, et après que tous y aurez répondu, vous fera le signal
d'appareiller par le pavillon rouge à croix blanche, appuyé dun ou plusieurs
coups de canon; ceci n'est confié qu'à vous et sous la garantie de la fidélité que
vous devez à V Empereur,
Je suppose que ce signal ne pourrait être aperçu par vous, qu'autant que tous
seriez mouillé, soit à la Corogne, soit dans Vavant-baie du Ferrol, ou dans
toute autre partie de la baie, dont l'appareillage est facile ; il serait très avan-
tageux que vous puissiez occuper un de ces mouillages, doù vous seriez mieux en
partance, et je vous recommande de le faire, si, comme il parait par la carte,
TOUS pouTez y être à l'abri d'une attaque de forces supérieures.
Il me semble que le mouillage entre le cap Priori no et le château Saint-
Charles présente peu d'incouTénients, si les deux pointes de l'entrée de la haie
sont fortifiées, puisque des Tents forcés de l'ouest et du sud-ouest tous permet-
tront de rentrer dans le port. Votre dernière dépêche m'annonce que le pas-
(1) Archives de la Marine, BB>v, tt9.
362 TROISlàME PARTIE. — CHAPITRE PREMIER.
sage de la Corogne est libre ; si cette rade tous présente des sûretés suffi-
santes contre l*ennemi et plus de facilités pour l'appareillage, vous prendrez ce
mouillage.
L'essentiel est que, sans perdre un instant, vous tous* mettiez en état de
suivre, sans retard, Tescadre destinée à vous débloquer ; après votre réunion,
vous suivrez Tofficier général que vous aurez rallié et vous serez sous son com-
mandement pour votre destination ultérieure.
Je vous salue avec attachement,
Drcrks.
Le Af/nittra de la, marine et dee ooloniee au oo/itre-am/ra/ Gourdon,
commandant la d/Wtion navale de Sa Majesté, au Ferrol (i).
Paris, le 0 ventAse an xra (28 février 1805).
Monsieur le Contre- Amiral,
Si une escadre française parait devant le Ferrol pour vous débloquer, je
présume que les vaisseaux de Sa Majesté Cat'holique, qui seront en état d'appa-
reiller, auront reçu Tordre de la rallier. Vous notifierez donc avec toutes les
formes convenables, au moment même où cette escadre paraîtra, au comman-
dant des bâtiments de guerre espagnols, que vous mettez à la voile ; et il est
probable qu'ils vous suivront. S'ils y sont déterminés, vous remettrez à ce
commandant le paquet ci-joint,, lequel indique le rendez-vous de l'escadre;
vous lui remettrez aussi autant de paquets de rendez-vous qu'il y aura de
bâtiments espagnols qui appareilleront avec lui ; il en remettra un à chacun
des capitaines qui mettront sous voiles, lequel ne pourra être décacheté qu'en
cas de séparation ; les autres paquets, si le nombre en est supérieur à celui des
bâtiments espagnols qui appareilleront, seront gardés et cachetés par vous ;
mais, s'il n'appareille qu'un vaisseau espagnol, vous ne lui remettrez que le
seul paquet portant pour inscription : au commandant des vaisseaux espagnols,
réunis à ceux de Sa Majesté l'Empereur.
S'il ne doit point appareiller, vous ne remettrez aucun paquet; si l'escadre
qui doit vous débloquer parait devant le Ferrol, et qu'elle ne puisse vous
attendre, vous vous rendrez chez le commandant de la marine espagnole, et
vous lui notifierez qu'ayant des paquets à ouvrir en mer qui vous appren-
dront la destination de cette escadre, vous allez appareiller pour la rallier, et
que vous avez à lui remettre, pour chacun des commandants de vaisseaux
espagnols qui vous suivront, des paquets indiquant le rendez- vous de l'es-
cadre ; ces paquets lui seront remis par vous en tel nombre qu'il y aura de
vaisseaux prêts à appareiller pour se joindre à elle.
Le commandant pourra seul ouvrir les siens dès qu'il aura mis sous voiles;
les autres capitaines ne pourront ouvrir le leur qu'en cas de séparation. Si
aucun vaisseau espagnol n'appareille avec vous, vous ne remettrez aucun
(1) Archives de la Marine, BB^^, ttO.
LE PLAN DU 27 FÉVRIER-2 MARS. 863
paquet, mais tous mettrei seul sous voiles, et tous luiTrei la destination indi-
quée par les instructions comprises dans votre paquet.
U est important que, dès ce moment, vous ayei des signaux communiquant
avec Tescadre espagnole.
Dans la route, en cas de rencontre avec Tennemi, Tofficier du grade le plus
élevé, ou le plus ancien dans son grade, aura le commandement ; mais vous
savez que, dans un combat, la détermination des commandants doit pourvoir à
tout ce que n'ordonnent pas les signaux.
Pour TexécutioÉ des présentes, vous vous concerterez, en tant que besoin,
avec M. Le Roy, commissaire général des relations commerciales à Cadix.
L'exemple de la plus brillante conduite doit toigours être donné par la
marine de France.
DBCRiES (i).
Les ordres suivants, rédigés par l'Empereur, bien que por-
tant la date du 2 mars, furent sûrement établis avant ceux du
Ministre (2), au moins dans leurs grandes lignes. Ils forment
un ensemble d'importance capitale.
Au vioe^Amiral QMieaume, commandant resoadra de Brest (3).
Paris, le 11 ventÔM an xm (t mars 1805).
Monsieur F Amiral,
Vous appareillerez dans le plus court délai possible avec notre escadre de
Bresty forte de 21 vaisseaux, 6 frégates et 2 flûtes. Vous ferez, au préalable,
embarquer sur chaque vaisseau 150 hommes, et sur chaque frégate 80 hommes.
Vous aurez soin, en outre, que vos équipages soient complets et que vos garni-
sons soient composées d*hommes bien portants et en bon état.
Vous veillerez à ce que vos vaisseaui^ portent le plus de vivres possible et à
ce que votre eau soit entièrement faite.
Vous ferez embarquer à bord de votre escadre Tartillerie dont Tétat est
ci-joint.
(1) Dès ce moment se révèle la préoeeupation de faire sortir à Tavanee les vaisseaux du
port da Ferrol, où Tappareillage, très difficile, ne peut se faire que par vent d'est, tandis
qnil fant le vent d'ouest pour sortir de la Corogne.
La non-ezéention de cet ordre eut plus tard de graves conséquences. On verra d'ailleurs
quelles ndsons eut Oourdon pour ne pas se conformer à ses instructions, relativement à ce
point essentiel.
Cette question de la facilité d'appareillage, condition essentielle de la Jonction d'an<)
escadre bloquée avec les forces venant de la haute mer, pesa d'un poids extrême sur les
opérations, et il est essentiel d'en tenir grand compte pour l'appréciation des chances de
succès qu'eurent les divers projets.
(2) Le registre de la eoirespondanoe du Ministre (BB>v, 207), porte pour les ordres de
l'Empereur la mention : 8 att 11 primaire, soit du 29 février au 2 mars.
(3) Correspondamce de Napoléon, 8370.
364 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE PREMIER.
Vous vous dirigerez d'abord sur le Ferrol, Vous lâcherez d'attaquer et de
prendre les 7 ou 8 vaisseaux de la croisière anglaise. Vous ferei au contre-
amiral Gourdon, commandant notre escadre au Ferrol, composée de 4 vais-
seaux et de 2 frégates, et à Tescadre espagnole, le signal de vous joindre.
Ayant ainsi rallié ces escadres^ vous vous rendrez, par le plus court chemin ^
dans notre Ue de ta Martinique. Vous y trouverez notre escadre de Toulon et
de Boche for ty qui a ordre de se ranger sous votre pavillon.
Avec Vaide de Dieu, nous espérons que vous vous trouverez avoir sous votre
commandement une escadre de plus de 40 vaisseaux de ligne.
Vous débarquerez iiOO hommes à celle de nos Iles Sous le Vent qui vous
paraîtra en avoir le plus besoin ; et les 2,i00 hommes qui sont à bord de votre
escadre, en sus des équipages et garnisons, se trouveront sous les ordres du
général Lauriston, qui, du bord du vice-amiral Villeneuve, passera à bord de
votre escadre au moment de votre jonction.
Sans perdre un instant , vom opérerez votre, retour en Europe, vous éloignant
le plus possible de la route ordinaire, et ne reconnaissant aucune terre. Vous
arriverez sur Ouessant; vous attaquerez les vaisseaux anglais qui pourraient
vous y attendre, et vous vous dirigerez en ligne droite sur Boulogne, où nous
serons de notre personne, et où nous vous ferons connaître notre intention
sur votre destination ultérieure.
Nous désirons que le temps et toutes les circonstances vous permettent d'ar-
river devant Boulogne dans le mois compris, du iO juin au Ai) juillet.
Si, par des circonstances quelconques, Tescadre de Toulon que commande
le vice-amiral Villeneuve n'avait pu vous joindre, comme vous serez en force
moyennant votre jonction avec notre escadre de Rochefort, notre escadre du
Ferrol et Tescadre espagnole, et que vous aurez plus de 25 vaisseaux de ligne,
notre intention est que vous vous dirigiez également sur Ouessant pour arriver
de la même manière devant Boulogne.
Mais si vous réunissez sous votre commandement moins de 25 vaisseaux de
ligne, notre intention est que vous vous dirigiez sur le Ferrol, o\i nous aurons
soin de réunir tous les vaisseaux français et espagnols qu'il nous sera possible,
et que, sans entrer dans le port, vous rangiez toutes ces forces sous votre
pavillon et vous vous portiez sur Boulogne. Cependant si, avec moins de
25 vaisseaux, par les renseignements que vous recevrez sur le mouvement des
Anglais, et par le temps favorable que vous auriez, vous pensiez pouvoir vous
présenter dans la Manche avec quelque succès, vous vous dirigeriez droit sur
Boulogne, en reconnaissant Cherbourg, où nous aurons soin qu'il se trouve un
officier de confiance pour vous donner les renseignements que vous pourriez
désirer sur la situation des croisières ennemies devant Boulogne.
Enfin, si l'escadre de Toulon n'était pas à la Martinique lors de votre
arrivée, vous l'attendrez autant de temps que vous le croirez nécessaire, ce (jui
nous paraît devoir être au moins l'espace de 30 jours.
Les deux flûtes que vous amènerez de Brest seront chargées du plus de
vivres qu'il sera possible pour fournir à l'approvisionnement de l'escadre du
Ferrol ; et, s'il n'y avait pas à Brest une assez grande quantité de biscuits tout
confectionnés pour le chargement de ces flûtes, vous y feriez suppléer par des
farines, qui, à tout événement, seraient utiles à la Martinique.
En vous confiant le commandement d'une armée aussi importante et dont
LE PLAN DU il FÂVRIER-2 MARS. 365
les opérations auront tant d'influence sur les destinées du monde, nous comp-
tons sur ▼otre déTouement, sur tos talents et sur ▼otre attachement à notre
personne.
Napoléon.
Au vice^amiràl Ganteaume (I).
Paris, le 11 vemôse tn xiii (t mars 1805).
Monsieuj* rAniinil,
*
Je donne ordre au Ministre de la gueii*e de mettre k votre disposition
4,400 hommes, dont 7U0 nécessaires pour compléter vos équipages, et 3,60(1
pour être disposés de la manière suivante : 2,400 hommes pour revenir avec
TOUS en Europe et se trouver sous les ordres du général de division Lauriston ;
1200 hommes pour être déposés ;\ celle des lies du Vent qui en aura le plus
besoin.
Voici les troupes que vous déku-querez aux colonies : les deux bataillons
du 37* avec Tétat-major, formant 1500 hommes.
Vous aurez soin que, dans aucun cf\s, aucun détachement du 7' d*infantene
légère, du 24* de ligne, ne soit disséminé.
Ces régiments, avec le 16* de ligne, qui est à bord de l'escadre du vice-
amiral Villeneuve, doivent faire le fond de la division du général Lauriston et
faire partie de la grande expédition.
Ainsi donc, au moment de votre départ, vous aurez à bord :
En eoDtéqiMiiM de
Aelnallemaoi Mibarqaéf. cm BOOTalles disposition».
Du 15* de ligne 1,470 hommes et 300 hommes.
Du 24* de ligne ^,416. — 1,400 —
Du 37* de Ugne 986 — 500 —
Du 65* de ligne 199 —
Du 70* de ligne 190 —
Du 47* de ligne 107 —
Du 7« d'infanterie légère. » 2,000 —
Artillene » 200 —
Totaux 4,368 hommes. 4,400 hommes.
Ainsi, total des hommes de l'armée de terre, comme garnison, comme sup-
plément d'équipages, destinés à être débarqués aux lies et à être ramenés sur
l'escadre : 8,768 hommes.
Vous remettrez au général de division Bonnet, et aux autres officiers, les
paquets cachetés que vous remettra le Ministre de la marine; vous ferez em-
barquer le général Bonnet à bord d'un de vos contre-amiraux, afin de vous
tenir le plus libre possible à bord du vaisseau amiral.
Je donne ordre au Ministre de la guerre de vous donner des ordres de mou-
(1) Correspondance de Napoléon, 8380.
»
366 TROISIÂME PARTIE. — CHAPITRE PREMIER.
vement, que tous transmettrei aux officiers de rarmée de Btesi au moment
où il en sera besoin. S'il était possible, il faudrait que le supplément de troupes
que j'ordonne ne fût embarqué que trente-six ou quarante-huit heures après
Totre départ.
Napoléon.
Au Woe-am/ra/ Villeneuyù (1).
Paris, le 11 Yeniftse an xm (2 mars 1805).
Monsieur le Vice-Amiral,
Ayant résolu de réunir la plus grande partie de nos forces navales à notre
île de la Martinique, notre intention est que vous voxts rendiez dans le plus
court délai, avec notre escadre de Toulon et les vaisseaux que nous avons dans
la rade de Cadix, au Fort-de- France de la Martinique, Si vous y trouvez Ves-
cadre du contre-amiral Missiessy, vous la rangerez sous votre pavillon.
Nous avons donné Tordre à Vamiral Ganteaume, commandant notre escadre
de Brest, forte de 22 vaisseaux de guerre et de plusieurs frégates, de mettre à
la Toile dans le plus court délai, pour se rendre dans notre île de la Martinique,
y opérer sa jonction avec vous, et prendre le commandement général de nos
forces navales, qui, nous Fespérons, avec Faide de Dieu, se monteront à plus
de 40 vaisseaux de ligne.
S'il arrivait que cet amiral se trouvât avant vous à la Martinique, vous vous
rangeriex sous son pavillon à votre arrivée, lui ayant fait connaître la desti-
nation que nous donnons à cette armée navale. Si vous abordez à la Martinique
avant lui, vous vous tiendrez prêt à répondre aux signaux de ralliement qu'il
vous fera, car il est probable qu'il ne mouillera point et que sa jonction faite
avec vous il suivra, sans s'arrêter, sa destination.
Vous Vattendrez Vespace de quatante jours depuis le premier jour de votre
arrivée à la Martinique; et, ce terme écoulé, toute probabilité de réunion étant
à peu près évanouie, vous reviendrez en Europe, en passant vis-à-vis de Santo-
Domingo et faisant tout le mal possible à Vennemi. Dans ce cas nous vous
laissons, en vous concertant avec le général Lauriston, le maître de débarquer
à nos lies du Vent et à Santo-Domingo les troupes embarquées à votre bord.
Dans l'une et l'autre de ces colonies, vous débarquerez toutes vos troupes de
passage. Mais, dans le cas que votre jonction se fit avec l'amiral Ganteaume,
vous ne débarquerez à la Martinique, à la Dominique, à Sainte-Lucie, à la
Guadeloupe, selon la destination que vous leur donnerez de concert avec le
général Lauriston, que i300 hommes, et vous garderez un corps de troupes
de 1800 hommes embarqués sur vos vaisseaux, qui devront suivre la destina-
tion des escadres réunies.
Dans la supposition que votre jonction ne pût s'opérer avec Vamiral Gan-
teaume, vous vous dirigerez de Santo-Domingo sur les Canaries, où vous recon-
naîtrez la baie de Santiago, et vous établirez une croisière dans ces parages
pour intercepter tous les convois allant et venant des Indes en Angleterre,
(1) Correspondance de Napoléon, 8381.
LE PLAN DU 27 FBVRIER-â IfARS. 367
Comme il serait possible axun que notre escadre de Brest n'ayant pUy pour des
raisons quelconques, se réunir à vous et à la Martinique, vous joignit cependant
dans la baie de Santiago, vous vous tiendra au moins vingt jours dans ces
parages, et tous tous arrangerei de manière que l*amiral Ganteaume, se diri-
geant sur cette baie, puisse toujours tous y trouTer. Vous opérerez de là votre
retour à Cadix, oà tous trouTerei des ordres pour Totre destination ultérieure.
Vous TOUS ferex nourrir à la Martinique par les magasins de la colonie,
pour ménager tos TÎTres, afin qu*à Totre arrÎTée à Cadix tous en ajes au
moins un mois, et que tous puissiei tous porter à Toulon ou à Rochefort,
selon les circonstances.
Votre croisière à Santiago est spécialement fondée sur Tespérance où nous
sommes que tous aTez des TiTres en suffisance.
Les destinées de Varmée navale auront une grande influence sur les destinées
du mande, et nous comptons entièrement sur Totre zèle, tos talents, Totre
braTOure et Totre attachement à notre personne dans des circonstances aussi
décisiTes.
Napoléon.
Au fénértil Lauriaton (i).
Paris, tell ventAM an xui (t mars 1805).
Monsieur le Général,
J^expédie à Tamiral VilleneuTe ses ordres de départ. Pressez-le le plus pos-
sible et soyez en mer aTant le 45 mars. L'opération dont votis êtes chargé est
beaucoup plus importante que celle pour laquelle je vous avais d'abord destiné.
Vous ferez embarquer 200 hommes par Taisseau en sus des garnisons et
iOO hommes par frégate. Vous en embarquerez 200 pour être Tcrsés sur
V Aigle, que tous rejoindrez à Cadix. Veillez à ce que les équipages soient bien
complets.
Votre corps de troupes sera composé de la manière suÎTante :
homnet.
Une compagnie d'artillerie de ligne, complétée i\ 120
Une compagnie de 50 ouTriers, ci 50
Deux bataillons du 46* régiment de ligne, que tous compléterez à
1800 hommes, officiers et sous-officiers non compris, au moment de
rembarquement i ,800
Nota. — Le colonel et tout Tétat-major du régiment s'embarqueront .
Le deuxième bataillon du 61^, composé de neuf compagnies de
430 hommes chaque, officiers et sous-officiers compris 4 , 170
Total 3,440
La garnison et les compléments d'équipages seront fournis par le 2* de
ligne.
(1) Correspondance de Napoléon, 838S.
368 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE PBBUIEB.
Vous ferei débfirquer tous les caisaons et autres objets qui pourraient eucom-
brer l'escadre, hormis les pièces (te 18 et les mortiers de 1S et de 8 pouces,
que TOUS conserterez.
Vous Terei diïbarquer la moitié Je l'nrtilleiie et des approvisionnements
d'artillei'jp, que vous metti'ez sur la Mutron, que l'amiral a ordre de ne pas
promener, non plus que ï'Aniiib<il, pour masquer le mouvement, nitits comme
Étant dans le fait inutiles et nuisant à la légèreté de l'escadre. Vous garderex
cependant les 5,000 fusils. Vous vous nin-nngerez nvtc le vice-amiral Vllle-
nenve pour que cette diminution d'hommes k embarquer soit tenue secrète.
L'embarquement des hommes destinés à l'cxpi^dition se fera comme premier
embarquement. Vous n'emniènerei avec vous qu'un seul génénU de brigade
et un ai^judant commandant.
Vous diffiinuerei de moitié les officiers d'artillerie et du génie, mais de
manière que ces offlciers ne se doutent point qu'ils ne doivent pas s'embarquer
et ne l'apprennent que longtemps après votre départ, par les ordres que leur
enverra le Hinisti-e. Vous aurei soin qu'il ne reste k bord rien du 23* de ligne.
Tous les hommes embarqués sur les fi'égates VHorlenit et Vlncorruf/tibU
compteront comme présents.
Lorsque tous aurei dépassé Cadix et que vous serez hors de vue de terre,
vous ouvrirez le paquet ci-joint, qui contient des instructions sur votre desti-
nation ultérieure, que vous tiendrez secrète, sans en rien dire à qui que c«
soit. Activez le départ de l'escadre.
En laissant l'Annibal, je ne le fais que parce que l'on m'assure qu'il est hors
d'état de suivre l'escadre; s'il en était autrement, il faudrait l'emmener. Hais
surtout soyei A. la voile avant la mî-mars.
Napoléon.
Au généni iMiHaton (1).
Paris, U 1 1 ventAie ko ini (t mars ISOSJ.
Monsieur le Général,
A l'heure où cette lettre sera dérachetéi;, tous les obstacles qui auraient pu
s'opposer à la soi'tle de mon escadre seront levés, puisque vous serez au delik
de la Méditemnée et que tous aurei perdu l'Europe de vue. Vous allei à la
Martinique. A peine arrivé, vous j débarquerez l'artillerie, les outils de pion-
niers et les munitions de guerre qui sont k votre bord {hormis une division de
pièces de canon), 900,000 cartouches et toutes les munitions que vous aurez
en sus de 300 coups k tirer par pièce ; vous laisserez le resta des munitions sur
l'escadre. Vous débarquerez également le bataillon du 67', la compagnie d'ar-
tillerie et la compagnie d'ouvriers.
Vous débarquerez les munitions et les troupes dans celle des lies de la Mar-
tinique, de la Guadeloupe, de la Dominique ou de Sainte-Lucie qui en aurait
le pluB besoin.
Vous garderez à bord les deux bataillons du IB^'de ligne. 40 vaisseaux de
(I) Correipondance deNapoUon. 8333.
LE PLAN DU 27 FÉVRIER-i MARS. 369
guerre doÎTent se réunir à la Martinique. Du moment que l'amiral Ganteaume
sera arrivé, lui ayant confié le commandement de cette armée navale, vous
passerez à son bord. Vous prendrez le commandement des troupes de débar-
quement, qui se monteront à 4,000 hommes environ, savoir : les 1800 restant
sur Tescadre de Toulon et les 2,Î00 restant sur l'escadre de Brest.
L'amiral Ganteaume a ordre d'arriver en juin avec mes escadres réunies et
ces 4,000 hommes, devant Boulogne. Vous êtes destiné à faire partie de la
grande armée. Cependant, s'il arrivait que mes opérations fussent déconcer-
tées, et que l'escadre de R^st ne pût se joindre à la Martinique avec celle de
Toulon, vous débarqueriez toutes vos troupes à Santo-Domingo et aux lies du
Vent, vous laissant le maître de faire la répartition, tant des troupes que des
munitions de guerre, selon les renseignements que vous auriez (1).
Napoléon.
Au maréchal Berthier (2).
Paris, le 1^ ventftse an zm (3 mars 1805).
Vous trouverez ci-joint l'état des hommes embarqués sur l'escadre de Brest,
soit comme garnison, soit comme supplément d'équipage. La marine a encore
besoin de 714 hommes. Je désire en outre embarquer sur cette escadre
3,600 hommes. Vous devez donc fournir à la marine 4,400 hommes, qui
seront composés de la manière suivante :
hommes.
Le reste des trois bataillons du 24* de ligne 1 ,400
Deux bataillons du 7* d'infanterie légère complétés à 1000 hommes. 2,000
Ce qui reste du 37« de ligne, des deux bataillons de guerre, de
manière que ce corps ait sur l'escadre 1500 hommes embarqués, soit
comme supplément d'équipages, soit comme passagers 500
300 hommes qui seront pris parmi ce qui reste à Brest du 15' de
ligne 300
Deux compagnies d'artillerie complètes 200
Total 4,400
Les colonels, a(]yudants-majors et tous les ofûciers des deux bataillons du
(1) Correspondance de Napoléon, 8385. — Annexe aux pièces n« Ç380 et 8384 :
État de Vartillerie à embarquer sur tescadre de Brest.
500,000 cartouches, 5,000 fusils, 4 pièce^de 12, 4 pièces de 8, 8 pièces de 4, 4 obusiers
de 6 pouces : en tout 20 bouches à feu, ce qui fait une pièce par vaisseau.
300 cartouches à balles et à boulets à tirer par pièce, contenues dans de petites caisses.
Nota. — On n'embarquera ni caissons, ni charrettes, ni fourgons ; 2,000 outils do pion-
niers.
Nota. — La moitié de cette artillerie sera débarquée à la Martinique ou à la Guade*
loupe, selon la destination que lui donnera le général Lauriston ; l'autre moitié reviendra
avec l'escadre, ainsi que la moitié des munitions.
Napoléon.
(2) Correspondance de Napoléon^ 8384.
IV. 24
370 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE PREMIER.
7* d'infanterie légère, des trois bataillons du 24^ de ligne, des deux bataillons
du 37*, s'embarqueront sur Tescadre, a6n que ces corps au moment de leur
débarquement se trouvent commandés et munis de tout ce qui leur est néces-
saire pour faire la guerre.
Vous donnerez le commandement de ces troupes au général de diyision
Bonnet. Il emmènera avec lui un adjudant-commandant ; un cbef de bataillon,
un capitaine et un lieutenant du génie ; un chef de bataillon d'artillerie et
deux officiers en résidence ; un matériel d'artillerie dont l'état est ci-joint. Ils
reccTront leurs paquets pour leur destination des mains de l'amiral Ganteaume,
lorsqu'il en sera temps. Vous ferea faire ces embarquements h petit bruit et
comme embarquement provisoire devant être suivi du reste de l'armée.
Faites passer, le plus tôt possible, les ordres décachetés relatifs à ces mou-
vements à Tamiral Ganteaume, qui les remettra lui-même au moment opportun.
Napoléon.
Au général Junot, ambassadeur en Portugal (I).
Paris, le 12 ventôse an xiii (3 mars 1805).
Je vous expédie ce courrier en partie pour vous développer davantage ce que
j'attends en ce moment de la marine espagnole. Les escadres françaises peu-
vent, d'un moment à l'autre se présenter devant Cadix ou devant le Ferrol,
pour prendre les vaisseaux espagnols qui sont dans ces ports. II faut que
le Prince de la Paix donne des ordres pour que ces vaisseaux, n'y en eût-il
que trois dans chaque port, suivent au premier signal le mouvement de nos
vaisseaux. Tout a été prévu, tous les paquets cachetés sont remis. Ces ordres
doivent être donnés secrètement et sans délai, si l'on veut arriver à des résul-
tats avantageux.
J'espère toujours qu'il y aura cinq vaisseaux dans chacun de ces ports au
moment où mes escadres se présenteront ; mais n'y en eût-il que deux ou
trois dans chaque port, qu'ils suivent sans perdre une heure le vaisseau V Aigle
à Cadix, et au Ferrol le contre-amiral Gourdon. Prenez des renseignements
à Madrid, sur la situation actuelle des vaisseaux qui sont en rade du Ferrol
et de Cadix.
Dites au Prince de la Paix que j'ai médité un grand plan ; qu'il me seconde,
et que les résultats en seront avantageux et tendront à confondre nos ennne-
mis communs.
Napoléon.
En résumé, Ganteaume doit sortir de Brest et débloquer
tout d'abord le Ferrol ; Villeneuve sortir de Toulon et déblo-
quer s'il y a lieu Cadix. Tous deux doivent se joindre à la
(1) Cort'espondance de Napoléon, 8388.
LB PLAN DU 27 FÉVRIER-S MARS. 371
Martinique, éventuellement avec Missiessy, et, revenant ensem-
ble, balayer la Manche et assurer le passage de la flottille.
Deux sorties de ports bloqués éhacun par un ennemi supé-
rieur, deux croisières ennemies chassées de Cadix et du Ferrol,
une jonction à la Martinique déjà signalée aux Anglais par
l'envoi de Missiessy, une entrée dans la Manche avec 45 vais-
seaux, tel serait le programme si on s'en tenait à la lettre de
ces instructions. Il a eu beau être admiré par les historiens,
un tel plan ne serait digne, ni de Napoléon, ni de son génie,
si l'on ne cherchait à y deviner quelque chose de plus.
Tout d'abord, il est prévu que le projet ne peut avoir de
résultat au point de vue de la descente en Angleterre avant le
10 juin. C'est un extrême minimum, mais il laisse trois mois,
pendant lesquels la situation politique sur le continent ne
peut manquer de s'être éclaircie. En tous cas, ce sont trois
mois, pendant lesquels l'armée et la flottille ne feront sûre-
ment rien.
Puis Napoléon n'a pas l'habitude, dans ses plans de cam-
pagne, de faire ainsi abstraction de son adversaire, et, s'il ne
parle pas des Anglais, on ne peut admettre qu'il ne tienne
pas compte de ce qu'ils font ou feront. 11 y a, dans le projet
du 2 mars, une idée primordiale, c'est d'opérer une grande
concentration de forces quelque part. Ce résultat a des chances
sérieuses d'être atteint malgré les difficultés qu'on est sûr de
rencontrer. Mais si Ganteaiune réunit aux Antilles une énorme
escadre de 48 vaisseaux, une grande bataille navale est fatale.
Qu'elle se livre en Amérique ou sur un point quelconque "des
côtes d'Europe, avec des adversaires comme les Anglais, on
ne l'évitera pas et Napoléon le sait mieux que personne. La
preuve, c'est que lui-même, plus tard, ordonnera de rechercher
le combat. Mais alors, la défaite de Ganteaume, c'est la fin de
l'expédition contre l'Angleterre, manquée, non par Napoléon,
mais par un autre qui portera toute la responsabilité de
l'échec. Nullement amoindri dans son prestige, nullement
déconsidéré devant ses soldats, l'Empereur, comme il Ta dit,
se retourne contre l'Autriche et lui fait payer l'échec de ses
marins. Par contre, une grande victoire sur mer, c'est la ruine
de l'Angleterre, et cela, sans même que la descente soit exé-
cutée. Si la politique européenne permet de l'entreprendre,
une fois maître de la mer^ et définitivement, comme seule la
372 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE PREMIER.
force peut le faire, Napoléon pouvant utiliser sa supériorité
de génie militaire et de moyens matériels, est sûr du succès.
En résumé, le plan du 2 mars parait être le type de ce que
Menneval, secrétaire de Napoléon, et qui a vu de près comment
il opère, appelle des « thèmes à deux fins ». Le pis qui puisse
en résulter est la défaite dans des mers lointaines d'escadres
médiocres, défaite que feront vite oublier de grandes victoires
sur terre. Enfin, le plan ne résoud aucument le problème tel
qu'il est posé et tel que Bonaparte Ta nettement défini « faire
la descente sans être maître de la mer ». Il recule au contraire
la solution et Tajourne jusqu'après le moment où, la domina-
tion maritime étant conquise par la force, la question même
de la descente, telle qu'on Ta agitée et retournée en tous sens,
depuis 1793, ne se posera plus.
CHAPITRE 11
LES PORTS DE RÉDNION — FIN
La manière dont furent menés les travaux des ports, à partir
du printemps 1804, ne forme pas l'épisode le moins curieux
des vicissitudes subies à cette époque.
On a vu que Thiver 1803-1804 avait été marqué par une
période d'activité considérable qui avait produit des résultats
réels. Mais rien n'était terminé et tant s'en fallait, comme il a
été dit plus haut. Pendant l'été, les travaux furent continués,
mais avec une lenteur dont on trouvera plus loin la preuve, et
subitement, à l'entrée de l'hiver, sans que rien soit conforme
aux projets primitifs, alors surtout que l'essentielle construc-
tion du barrage à Boulogne est à peine ébauchée, tout est
brusquement interrompu pour plusieurs mois. On va voir les
graves inconvénients qui résultèrent de cette mesure.
La raison, apparente au moins, fut le chiffre excessif auquel
les dépenses s'étaient élevées. Le total des crédits demandés,
le 3 août, par Sganzin, pour avoir terminé au 23 octobre les
travaux du seul port de Boulogne, montent à 359,766 francs (1).
Mais, en outre, il faut compter 50,000 francs par trimestre,
rien que pour l'entretien du chenal. Pour l'écluse seule, et
on va voir ce qui a été édifié à ce prix, on a dépensé 649,000
francs depuis le 22 juin jusqu'au 21 novembre (2). On a
dépensé, à Ambleteuse, 113,285 francs, en l'an xi, et
(1) Lettre do 3 ao6t. (Archives des ponts et chaussées.)
(t) Lettre du 21 novembre. {Archives des ponts et chaussées.)
374 TROISIBMK PARTIE. — CHAPITRE II.
3,242,185 francs en l'an xii. Pendant les deux premiers mois
de Tan xiii (23 septembre au 22 novembre) (1), les frais
deviennent excessifs.
Sganzin à Grande/as (2).
22 fHmaire an xm (13 décembre 1805).
Le Ministre a été effrayé, et moi-même j'ai partagé son sentiment, en lisant
un article de dépense sommaire qui lui a été adressé par le Préfet maritime,
et qui porte notre dépense pour travaux maritimes pendant les deux premiers
mois de cette année à 635,000 francs pour Boulogne, Ambleteuse et Etaples, . .
Ceci m'a conduit à une proposition que je peux regarder comme acceptée et
que les circonstances ont rendue absolument nécessaire, c'est la suspension
absolue des travaux maritimes pendant Vhiver, L'achèvement de la charpente
de l'écluse, celle très prochaine, si ce n'est chose faite, du coffre en charpente
d'Ambleteuse, permettent cette proposition avantageuse sous une foule de
rapports. Cette proposition sera mise sous les yeux de l'Empereur, et je ne doute
pas qu'il ne l'approuve.
En attendant, je suis autorisé à vous inviter à ralentir les travaux dans les
trois ports, et à vous borner, surtout pour les bâtiments civils de Boulogne, au
plus strict nécessaire. Laissez dans l'état où elle se trouve, toute la partie du
barrage qui pourra attendre la belle saison. Renoncez absolument au prolon-
gement du quai de l'arrière- garde.
L'ingénieur Grandelas, qui dirige les travaux en l'absence
de Sganzin, a beau protester, on lui répond que ses états ne
prouvent rien et que les dépenses sont réelles, puisque Tadmi-
nistration des finances a payé. Effectivement, à la liquidation
du premier trimestre, on se trouve avoir épuisé presque tout
le crédit de Tannée.
14 nivôse an xni (4 janvier 1805).
Les états de dépenses des mois de vendémiaire et brumaire s'élèvent à la
somme de 310^530 fr. 35 pour les trois ports
La dépense pendant le 1" trimestre s'élève à 968,102 firancs
Cela me trouble.... Les trois ports ne sont portés au budget que pour
i million. Voilà déjà la presque totalité des fonds dépensés (3).
«
■
L'hiver va donc se passer dans une inaction complète, qui
compromettra gravement les résultats obtenus. Tout à coup,
(1) Lettre du 21 novembre. {Archives des ponts et cliaussées.)
(2) Archives des ponts et chaussées.
(3) Archives des ponts et chaussées.
LES PORTS DE RÉUNION. — FIN. 375
l'Empereur reprend la question, et comme toujours, avec une
impatience fébrile.
A Mon$ieur Crétôl.
4 TentAte an xm (23 fémer 1805).
Mon intention est d avoir beaucoup de travaux sur les côtes pour donner de
^occupation de toute espèce. J'ai ordonnancé un nouveau fonds de 1,700,000 fr.,
qui, joint aux 3 millions accordés par le budget de cette année, formera, pour
la défense des côtes et ports, 4 millions. Mon intention est de faire fournir
2 millions par le Ministère de la Marine sur les fonds des invalides, pour être
affectés aux mêmes travaux.
Mon intention est que 500,000 francs soient employés aux travaux mari-
times de Brest, joint aux 900,000 francs, accordés par le budget.
J'ai demandé un compte accordé depuis Tan xni pour travaux extraordi-
naires pour ce chapitre et ce que vous avez fait. Moi, j'ai voulu vous écrire
directement ceci ; pour que vous vous concertiez avec les ingénieurs de la
marine. L'objet est de venir au secours des habitants des côtes, qui souffrent tant
de la guerre ( f).
Notô pour le Ministre de l'Intérieur (1).
La Malmaison, 23 ventôse an xm (14 mars 1805).
La répartition des fonds des ponts et chaussées, pour Tan xui, n'est pas con-
forme aux intentions de Sa Majesté.
Les 6,550,000 francs accordés pour les routes, sur les fonds du Trésor
public, sont insuffisants. Le temps viendra où Sa Majesté pourra accorder
annuellement 20 millions d'extraordinaire.
Le sacrifice de 6,550,000 francs, fait cette année, n'est pas destiné à des
réparations à faire à toutes les communications ; mais à rendre meilleures celles
des routes qu'on peut considérer comme les grandes artères de l'Empire.
Dans la situation présente, les trois routes qui intéressent par-dessus tout
l'Empereur, sont :
i« Celle de Brest à Paris ;
2* CeUe de Paris à Cherbourg, par le Havre et Honfleur;
3® Celle de Paris à Boulogne.
U convient de dépenser à ces trois routes tout l'argent nécessaire pour
qu'elles ne laissent rien à désirer.
Les routes d'un intérêt de second ordre, où Sa Majesté désire qu'on emploie
également une partie des fonds accordés, sont :
!• Celle de Paris à Plaisance, par Lyon, Turin et Alexandrie ;
2*> Celle d'Avignon à Toulon, par Aix, et celle de Toulon à Marseille ;
3® Celle de Paris en Espagne, par Bordeaux.
(1) Correspondance de Napoléon, 8430.
376 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.
Les routes qui intéressent Sa Majesté, en troisième ordre, et où il convient
aussi d'employer une portion des fonds, sont :
i® Celle Paris à Cologne, par Bruxelles, Liège et Aix-la-Chapelle ;
2<» Celle de Paris à Strasbourg.
L'Empereur désire qu'on lui présente une répartition des 6,550,000 francs,
telle que les 5/6" de cette somme se trouvent employés à ces diverses routes, à
moins qu'on ne juge que ces fonds ne soient pas nécessaires. Quant aux com-
munications de l'armée d'Angleterre, l'Empereur désire savoir ce que l'on se
propose de dépenser pour celles qu'il considère comme les plus importantes, et
qui sont :
i** Celle de Boulogne à Dunkerque, par Calais;
2^ Celle de Boulogne à Étaples, par la ligne la plus courte ;
3<* Celle de Boulogne à Saint-Omer ;
4<* Celle de Wimereux à la grande route ;
5® Celle d'Ambleteuse à la grande route.
Son intention est que, sur le fonds de 6,550,000 francs, on n'omploie au
département du Golo que 20,000 francs, et à celui du Siamone que 80,000.
11 ne faut pas faire, dans ces deux départements, de grands ponts, mais seu-
lement des ponts de bois.
L'argent qu'on emploierait h des ouvrages d'art, au milieu des montagnes
et dans un pays pauvre, serait de l'argent perdu.
L'Empereur désire que la route du Simplon soit terminée cette année, et
qu'on ajoute, en conséquence, 200,000 francs au million proposé, en compre-
nant dans les travaux la route de Meillerie et celle du Valais.
Le Ministre de l'Intérieur est invité à présenter un nouveau tableau, dans
lequel ces modifications auront été faites.
Il est convenable que, dans la colonne du service extraordinaire, on distingue
les différents articles du budget qui composent la somme de 2,250,000 francs*
Par ordre de l'Empereur.
Au vioe'àmiral Decrès (i).
La Malmaison, 30 ventôse an xiu (21 mars 1805).
Monsieur,
Il n'y a plus un moment à perdre pour faire travailler au nettoyage des ports
de Boulogne et d'Ambleteuse ; employez, s'il le faut, un fonds de 400,000 francs
pour cet objet. On m'assure qu'il faudra 30 ou 40 jours de travail pour réta-
blir ces ports dans l'état où il étaient. Qu'on y travaille avec activité dès le
15 germinal (^ avril), de manière qu'au i5 floréal (5 mai), ces ports soient
aussi bien qu'ils l'ont jamais été, et mieux s'il est possible. Je vois avec peine
qu'on ait mis 130 bMiments de transport à la disposition des commissaires pour
des ambulances et autres services, ce qui annule leur activité. Les installations
des bâtiments ont été détruites. Donnez ordre que l'ingénieur Guarrigues, qui
(1) Correspondance de Napoléon, 8461,
LES PORTS DE RÉUNION. — PIN. 377
dirigeait ces iostallations, soit chargé de les rétablir. Un grand nombre de
barils sont cerclés en bois ; les eaux se perdent ; il y en a 400 à cercler en fer.
Il manque une certaine quantité de barils pour compléter Teau des transports
et des bâtiments de guerre. Cet objet est extrêmement sérieux ; pourroyez-y
sans délai. II y a des bâtiments qui n'ont point de lisses de garde-corps ; il
faut en établir partout.
Napoléon.
Sganzin a Tordre de partir pour Boulogne « pour mettre la
plus grande activité dans les ports de Boulogne et d'Âmble-
teuse ».
Au lieu de 400,000 francs, TEmpereur a accordé 280,000
francs de fonds (1). Ainsi qu'on va le vciir, le temps man-
quera pour que les travaux, repris trop tard, soient réelle-
ment achevés au moment où Texpédition aurait pu partir.
Les travaux du bassin demi-circulaire de Boulogne avaient
été menés de telle sorte que, faute de revêtir les talus, les
éboulements comblaient les excavations à mesure qu'on les
avait terminés. Promis successivement pour le 6 janvier 1804,
puis pour le printemps, Tachèvement n'était pas encore
obtenu au mois d'août. A cette époque Sganzin écrivait (2; :
tt Le bassin a une profondeur telle qu'il y monte 7 pieds
« (Teau sur les plus faibles mortes-eaux. Pour le débarrasser
« des alluvions et lui donner partout une profondeur égale, il
« faudra 20,250 francs et un mois; avec les revêtements des
« talus, le total demandé est de 61,451 francs ».
La profondeur obtenue, déjà faible, se réduisait très rapi-
dement vers les bords. Les canonnières, qui n'étaient à flot
que pendant moins de quatre heures en vive eau, au point le
plus profond (3), étaient donc presque constamment à sec dans
la plus grande partie du bassin.
Ce fut encore bien pis à l'entrée de Thiver, les pluies eau-
(1) A Grandelas,
4 germinal an xiu (t5 mars 1805).
On n'a pas eneore repris les traTaox et Ton n'a pins d'argent à dépenser. La dépense
exacte s'est trouvée être de 919,795 francs. Je suis chargé de vous donner les ordres
nécessaires pour qu'on s'occupe de la réparation de l'avarie du quai en prolongement de U
jetée sud. d'Ambleteuse et de l'enlàyement des bancs de l'entrée du bassin,
(S) Lettre du 3 août. {Archives des ponts et chaufsées,"!
(3) Voir ei«d68SQ9.
378 TROISIÈBIE PARTIE. — CHAPITRE H.
sèrent de nombreux aJBFouillemeiits (1), les travaux devinrent
plus pénibles; il fallut d'urgence consacrer 27,000 francs au
déblai des « dépôts qui se sont formés dans le bassin, et
24,000 francs à la réparation du quai des paquebots (2) ».
Cette somme est engloutie en un clin d'œil, et l'effet pro-
duit est nul, car les travaux vont être suspendus pendant tout
rhiver et le résultat de cette mesure sera lamentable pour le
port de Boulogne.
Les travaux du port de Boulogne ont aussi été suspendus pendant Vhiver.
Cette interruption a produit des accidents également graves. Le banc dit de la
Cassonade, à Ventrée du port, et deux autres bancs dans V intérieur, se sont
renouvelés; tous les jours ils font des progrès sensibles et, dans plusieurs par-
ties, ils on/ 20 à 24 pouces d'élévation. Le bassin a aussi éprouvé des rapports;
le cours de la Liane qui était à droite s'est porté à gauche et a fait changer
remplacement des bancs. Il résulte de cet encombrement, que les bâtiments d'un
grand tirant d*eau sont retenus dans le port pendant une partie des mortes-
eaux (3).
A la reprise des travaux, l'activité porte surtout sur le
chenal, les quais et l'écluse : en juin 1805, les déblais du
bassin ne sont même pas terminés.
« he déblai du bassin demi-circulaire doit être fini le 30
« (19 juin). On enlève une dernière tranche de 3 pieds autour
« DE LA circonférence. Le milieu et la passe sont déjà plus
« profonds que le port lui-même ; il y a un pied d'eau à mer
« ba^se (4). »
C'est à peine si en août le bassin pourra recevoir les bâti-
ments jusque-là réfugiés dans la partie supérieure de la
Liane, c'est-à-dire dans une région d'où il leur est impos-
sible d'atteindre la sortie du port en une marée.
Le barrage, décidé seulement en avril 1804, ne fut mis en
adjudication que le 22 juin. Au début, l'activité fut considé-
rable. En quelques jours 495 pieux furent battus sur un total
(1) Lettre de Sganzin du 17 octobre. (Archives des ponts et chaussées,)
(t) Lettre du Ministre, 29 octobre. {Archives des ponts et chaussées,)
(3) Rapport d'ensemble de Soolt, 8 mars. (Archives de la Guerre,)
(4) Lettre de Sgansin du 7 jnin. (Archives des ponts et chaussées.)
LES PORTS DE RÉUNION. — FIN. 379
de 550, les ventrières basses furent posées (1). « On espère,
ajoute Sganzîn, que la charpente des avant* radiers sera ter-
miné pour le 1*' fructidor (19 août) ».
« Les travaux de Técluse, du barrage et du prolongement
« des quais seront terminés le !«' brumaire (23 octobre). La
a dépense sera de 200,000 francs (2) ».
Or, au 4 octobre, les ingénieurs signalent les grosses diffi-
cultés qu'ils rencontrent pour les fondations de f écluse (3). »
Le 17, ce sont les pluies et le débordement de la Liane qui
retardent le travail. « La partie inférieure du radier seule est
fondée. » Quand on interrompt la construction, à la fin du
mois, « il manque encore plusieurs pilots du barrage, les cha-
» peaux et les glaises ne sont posés qu'en deux endroits,
« les fondements du radier et du faux radier sont seuls
« établis (4) »•
A la reprise du travail, en avril 1805, une nouvelle diffi-
culté se présente : l'insuffisance du bassin demi-circulaire a
obligé à faire remonter de nombreux bâtiments au-dessus du
barrage, dans la partie supérieure de la Liane. C'est là qu'on
fait les nombreuses réparations nécessitées par les innom-
brables avaries qui signalent chaque mise en rade. Sganzin
écrit donc « qu'il ne peut achever le barrage et Técluse, tant
que la crique servira au carénage (5) ». Le 7 juin seulement,
ordre est donné de profiter de la première marée de vive eau
pour faire descendre tous les bâtiments qui sont au-dessus du
barrage et d'achever ce dernier. Ce sera le 14 juin. Mais ce
jour-là on ne peut dégager complètement Tarrière-port. Il
faut donc laisser une brèche dans le barrage, de sorte qu'il se
produit « un affouillement de 15 à 18 pieds de profondeur. »
(1) Lettre de Sgiiunii da 3 août.
(2) Lettre de Sgtnzin da 4 octobre.
(3) Rapport de Sonlt, 8 mars. (Archives de la Guerre.)
(4) Lettre de Sganzin.
(5) D'après Sganzin même, pour l'édase, an 30 brumaire an xm (21 novembre 1804),
on a déjà dépensé depuis le mois de floréal (avril) :
franet.
447,000 pour les onvriers ;
90,522 de solde aux travailleurs militaires ;
112,479 de matériaux.
Total : 650,001.
380 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE H.
Le 19 juillet seulement, on pose les portes et Sganzîn promet
que le lendemain les 144 bâtiments qui sont enfermés au-dessus
et immobilisés pourront sortir.
Or, c'est le 25 juillet seulement que commence ce mouve-
ment. Le passage n'est praticable que pendant deux heures
trente seulement, et rien qu'en vive eau, de sorte que le pre-
mier jour 23 bâtiments seulement peuvent passer. Le 7 août
seulement les 144 sont passés dans le port.
Ce jour-là, on procède à une expérience.
Boulogne, le 20 thermidor an xui (8 août 1805).
Les portes de Técluse ont été fermées le 19 à la mer haute du matin, par
ordre de Sa Majesté, et elles ont soutenu, ainsi que le barrage, toute la hau-
teur de Teau qui était entrée dans la Tallée ; l'échelle placée en amont mar-
quait, au moment de la fermeture des poctes, 6p»<»<**6 pouces.
La Liane n*a produit en douze heures qu'un pouce d'élévation.
Mais on ne peut encore se servir de l'écluse pour produire
des chasses, la brèche existe toujours. En outre, « les pieux
qui soutiennent le barrage viennent de s'écarter, il y a eu des
affouillements pendant que le barrage était ouvert. 11 faut
construire une risbeme extérieure de chaque côté du barrage^
au moyen de pieux réunis par des planches et verser des
blocs dans les affouillements ».
« La dépense sera d'environ 25,000 francs. Pendant la
« construction, on achèvera le remplissage, en gros blocs, du
« faux radier, afin de pouvoir donner des chasses quand Sa
(( Majesté l'ordonnera (1) ».
Or, à ce moment, oli n'a plus ni argent, ni travailleurs,
« L'armée de terre m'a absolument refusé, ainsi qu'au préfet
maritime, les 150 travailleurs dont nous avons besoin pour le
remblai de la brèche (2) ».
Enfin le 26 août, la grande marée crève la jetée qui com-
plète le barrage, change de place le chenal, et retarde indéfi-
niment le moment où les chasses pourront approfondir ce
chenal, dont la sortie restera jusqu'au bout aussi absolument
insuffisante que par le passé.
(1) Lettre de Sgansin du 8 ao&t.
(2) Lettre de Sgansin du 7 août.
LB8 PORTS DE RÉUNION. — FIN. 381
Rapport de Sganzin sur l'avarie du 8 fructidor an XIII,
26 août 1805.
La coupure de la jett^e en fascinage qui conduit à Cap<5cure et le nouveau
chenal que la mer s'est pratiqué au delà du barrage par la crique du chantier
des canots sont essentiellement dus au défaut du remblai de cette crique.
En effet, on réparait et carénait les bateaux et Ton avait besoin d'un pas-
sage, la mer attaquait donc la digue des deux c^tés. II y a eu une marée
extraordinaire le 8 fructidor des affouillements énormes, i8 pieds au
milieu de la brèche sur un sol qui, avant, était à 3 pieds au-dessus du niveau
des basses mers.
Quant aux travaux de fortification, le fort Napoléon récla-
mait encore, le 3 août 1804, 20 jours et 6,775 francs pour
être terminé (1). Il le fut à la fin d'août. Le fort en charpente
fut achevé à la même époque, fortement armé et approvi-
sionné avant l'hiver. Il put résister aux grosses mers de la
mauvaise saison.
Le fort en bois est dans le meilleur état possible et entièrement terminé, son
armement se compose de 8 pièces de 24 et 2 obusiers de 6 pouces à longue
portée ; il est toujours approvisionné en biscuit, eau potable, eau-de-vie et fro-
mage, pour 6 jours, à raison de 50 hommes ; on désirait qu'une banquette de
1 pied ou 18 pouces d'élévation eût été adossée au parapet pour faciliter le
service des pièces, et donner la Tue jusqu'au pied du fort, mais ce travail a été
ajourné. L'enceinte de pieux pour couvrir le fort et en empêcher les approches,
qui avait également été demandée, a aussi été ajournée (2).
Les forts de l'Heurt et de la Crèche, presque démolis par
le coup de vent du 30 mai 1804, furent l'objet de travaux très
actifs dès le début du mois de juin, mais, même en cette
saison, on fut parfois très gêné par le mauvais temps.
Le Sous-Oirecteur des fortiHoations k Monsieur le Maréchal,
commandant en chef.
Boulogne, le 20 prairial an xu (9 juin 1804).
Quoique le coup de Tent ait été très violent et la mer aussi rude qu'elle a pu
Tétre pendant Thiver, il n'y a pas eu d'avaries considérables aux deux forts.
(1) Lettre de Sganzin, 3 août. (Archives des ponts et chaussées,)
(S) Rapport de Soult, 8 mars.
382 TROISIÂME PARTIE. — CHAPITRE U.
Les assises supérieures ont été entamées sur la partie antérieure des forts, les
pierres culbutées en ayant et tout le moellon fait en approTisionnement dans
l'intérieur rejeté en bas de la gorge.
 la fin du mois, on était à peine arrivé à une hauteur
que la mer ne recouvrit pas à chaque marée.
Rapport du général Bertrand sur les travaux du 15 au 30 prairial.
Forts de V Heurt et de la Crèche, — Malgré les coups de vent presque con-
tinuels pendant ce mois, on est arrivé au fort de THeurt au niveau des vives
eaux du solstice. Comme le fort n'a pas couvert depuis plusieurs jours, les
maçonneries ont séché et Ton doit espérer qu'il souffrira peu d'un coup de
vent, s'il a lieu sous quelques jours.
Le fort de la Crèche est généralement plus bas de fleux ou trois pieds,
quoique également élevé au-dessus du rocher, qui est plus bas et souvent cou-
vert par la mer.
Le fort de THeurt est presque approvisionné pour la campagne. On s'occu-
pera ce mois-ci de celui de la Crèche.
A partir de ce moment, on peut aller plus vite et même
commencer l'armement avant d'avoir fini la construction.
Le SouB'ùirecteur des fortiUcationa à Monsieur le Maréchal Soult,
commandant en chef,
Boulogne, le 26 messidor an xn (15 Juillet 1804).
Les noyaux des deux forts sont actuellement terminés. Deux pièces de 36
sont déjà montées à la Crèche, et le seront ce soir à l'Heurt. Demain matin,
les parapets seront à peu près terminés.
Salut et respect.
DODE.
Le SouS'Directeur des fortifications à Monsieur le Maréchal Soult,
commandant en chef,
Boulogne, le 27 messidor an xq (16 juillet 1804).
Les canons et obusiers sont actuellement en batterie sur les plates-formes
provisoires des deux forts, et dès hier, à 3 heures après midi, une de celles de
la Crèche a tiré sur une frégate anglaise qui s'est approchée avec deux bricks
de la droite de la flottille. On s'occupe d'établir promptement des abris pour
la Garde et les canonniers qui doivent servir ces batteries.
Salut et respect. j*.
DODB.
• ^'
LES PORTS DE RÉUNION. — PIN. 383
Le général dô division Maoors, inspecteur général d'artilleriey comman-
dant celle du camp de Saint^Omer, à Monsieur le Maréchal Soult,
colonel-général de la Garde de S. M, l'Empereur, commandant en
chef le camp de Saint-Omer,
Boulogne» le 28 meuddor an xn de la République française,
une et Indirisible (17 juillet 1804).
MoDsieur le Maréchal,
J'ai rhonneur de tous préTenir que la batterie du bas Alpreck est construite,
qu'elle est armée et prête à tirer si Tennemi se présentait.
A compter d'hier au soir, le fort de l'Heurt a eu une garnison de 30 hommes
et les canonniers nécessaires pour le service des six bouches à feu.
Je suis ayec respect, etc.
Macors.
Cependant on n'était pas encore à l'abri des grosses lames
et parfois encore on eut des dég&ts.
Le Sous-Directeur des fortifications à Monsieur le maréchal Soult,
commandant en chef.
Boulogne, le 3 thermidor an xn (22 Juillet 1804).
Le mauvais temps de la journée d'hier a dérangé quelques pierres de taille
et du moellonnage à l'épaule droite du fort de l'Heurt. Il n'y a rien eu à la
Crèche. L'artillerie change les affûts des pièces de 36 aux deux forts. Les ava-
ries de la flottille ont occupé la plupart des manœuvres et voitures du fort de
l'Heurt à la marée d'hier.
Salut et respect.
DODE.
On continua donc à élever le niveau des deux forts. On posa
chaque jour 40 à 45 grosses pierres de taille à chacun des
deux forts, parfois un peu plus (1), mais une seule journée de
mauvais temps anéantissait le travail de toute une semaine.
Le SouS'Di recteur des fortificaticns à Monsieur le Maréchal Soult,
Commandant en chef.
Boulogne, le 23 thermidor an xii (11 août 1804).
La mer a causé encore quelques avaries aux deux forts dans la journée
(1) Rapports journaliers de Dode.
384 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.
d'hier. A la Crèche, il y a eu 60 pierres déplacées, dont 10 seulement jetées à
la mer; le moellon des Tides entre les contreforts a été boulerersé, ce quj
retarde le dispositif provisoire des pièces sur cette partie du fort pendant qu'on
travaillera au noyau. La rampe de gauche a encore tenu bon, mais elle a eu
25 madriers d'emportés, et la pile de celle de droite qu'on commençait à réta-
blir a été de nouveau endommagée. Les passants ont aussi beaucoup souffert.
Un soldat du 57* a été trouvé mort au pied du fort. Il y a eu aussi quelques
pierres déplacées à l'Heurt et du moellonnage d'enlevé. Les passants qui res-
taient ont aussi un peu souffert et une grande chèvre en permanence pour la
construction de la pile de la rampe de gauche et fortement amarrée a été
emportée.
Au Wimereux, 800 ouvriers.
Salut et respect.
DODE.
*
L'armement complet des deux forts devait compter 22 pièces
de 36. L'ordre d'armement donné le 20 août (1), ne fut exécuté
que d'une façon incomplète, car en septembre on n'était
encore arrivé qu'à élever le noyau de chaque fort à la hauteur
de la prejnière batterie (2). L'hiver approchant, on se borna à
faire les parapets et on s'en tint là.
Les forts de V Heurt et*de la Crèche sont élevés à hauteur de la 1" batterie
(41 pieds au-dessus du rocher) et armées rfe i6 bouches à feu, dont 12 pièces
de 30 et 4 obusiers à longue portée à celui de l' Heurt; 6 pièces de 36, 6 de 24,
et 4 obusiers aussi à longue portée pom- celui de la Crèche, suivant la disposi-
tion que le plan ci-joint présente. Aux deux forts, les casemates de la gorge sont
terminées, on pose les lits de camp, portes et fenêtres. Le cordon est établi, le
parapet est élevé de 3 pieds, et il y a déjà 48 pieds de pavé de fait sur le pour-
tour des plates-formes. Dans un mois, les marches de l'escalier seront placées,
et les petits travaux auxquels on s'occupe dans l'intérieur, terminés; mais la
tablette du parapet et le restant du pavé sur toute la surface de la plate-forme,
sera encore à faire; on devra aussi rejointer en ciment le pavé déjà exécuté, et
même élever un bâtiment au-dessus de la casemate, pour servir de corps de
garde, pour empêcher l'infiltration des eaux, diminuer l'humidité et assécher
les maçonneries. Ce surcroit de travail, pour lequel le génie demande Tautori-
sation et les fonds nécessaires, parait indispensable, car, à la moindre pluie,
la troupe qui loge à la casemate ne peut y tenir, et les poutres sont presque
toujours avariées, quelques précautions que Ton prenne.
On a remarqué que, depuis que ces forts sont armés, l'ennemi était beau-
coup plus circonspect, et passait à une plus grande distance de la côte (3).
(1) Lettre dn Ministre de la guerre, tO août.
(2) Rapport de Dode da 21 septembre.
(3) Rapport de Soalt da 8 mars.
wr
I LES PORTS DE RÉUNION. — FIN. 385
{ On n'iyouta rien aux travaux nidimentaires qui avaient été
! entrepris à Etaples, sinon et très tardivement un pont sur la
! Ganche.
ï L'Empereur refusa de laisser construire le fort qu'on lui
I avait proposé d'élever sur le banc des Chiens, pour couvrir le
} mouillage dit d'appareillage (1). Il fallut donc faire remonter
les bâtiments très haut dans la Canche. Dès la fin de Tété
1804, on avait entassé 334 bâtiments (2). En août 1805, on
arrivera à 365. L'étude qui a été faite de ce port permet
d'affirmer l'impossibilité matérielle de faire passer au large,
en une seule marée, la totalité de ces navires. La plupart
d'entre eux restèrent à sec d'une façon presque permanente.
Malgré l'argent et le travail dépensés à Ambleteuse, le
résultat, en juin 1804, était faible, puisqu'une partie seule-
ment du bassin avait été creusée. D'ailleurs ce port était très
[ exposé, car on a vu tous les déboires survenus pendant l'hiver
î 1803-1804. En plein été, un simple coup de vent pouvait ensa-
'. bler le chenal et rendre le port inutilisable.
I Le dernier coup de vent du nord et du nord-ouest a amené une énorme
quantité de sable, qui a surmonté le terre-plein de la digue Vauban ; de là, le
sable est journellement entraîné dans le chenal (3).
De fait, pendant tout l'été 1804, le port d' Ambleteuse ne
servit qu'à un chiffre tout à fait restreint de bâtiments (50 au
plus (4).
Mais la répartition du mois de juillet avait affecté ce port à
toute la flottille batave, soit près de 300 bâtiments.
Dans ces conditions, Sganzin considérait comme essentiel
l'achèvement du bassin, dont toute la partie supérieure restait
à creuser.
« En ramenant au niveau de la partie basse à 3 pieds au-
dessous du zéro de l'échelle, et à un niveau tel qu'il reste
11 pieds 6 pouces en morte eau, on aurait une superficie
(1) Voir earte d-dessos.
(2) 36 chaloupés, 100 bateaux, 72 péniehes, 54 écuries, 18 transports d'artiUerie, 36 de
bagages et 18 bateaox de Terre-Neuve. (Situation du 2t novembre 1804.)
(3) Lettre de Sgansin du 6 fructidor an xn (24 août).
(4) 44 d'après la situation du 22 novembre.
IV. 25
386 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.
disponible de 9,349 toises, permettant de placer 412 ba-
teaux .
(( Le chenal ayant 2 à 3 pieds d'eau à mer basse, la sorlie
serait toujours facile (1).
« Pour terminer la partie supérieure du bassin, il faudrait
« 698,000 francs et tout serait prêt le 15 brumaire (6 novem-
v< bre)(2). »
A plusieurs reprises, Sganzin revint à la charge :
« Les circonstances, écrit-il le 26 octobre, me paraissent
« favorables pour provoquer le gouvernement et le faire
« décider à achever enfin le port d'Ambleteuse.
« Je ne doute pas que Ton commence enfin à reconnaître les
(( inconvénients du port de Wimereux, pour lequel Tengoue-
« ment diminue chaque jour, et qu'on se détermine à achever
« le bassin d'Ambleteuse et à lui donner l'extension dont il est
« susceptible et qui parait indispensable pour les besoins
« ultérieurs de la flottille N'étant plus pressés par les
« circonstances, nous pourrons enfin choisir et appliquer les
« moyens convenables ».
Rien ne fut entrepris à cette époque. Bientôt à Ambleteuse,
comme ailleurs, les travaux furent complètement suspendus.
On va voir quels résultats eut cette mesure, si particulière-
ment dangereuse pour un port aussi artificiel et aussi peu
favorisé par la nature que celui-là (3).
Les travaux de toute espèce ont été suspendus pendant Vhiver dans le port
d^ Ambleteuse ; on annonce qu'au 1*" germinal (22 mars) prochain, ils seront
repris; cela parait d'autant plus urgent, que tous les jours le bassin se comble
par les sables que le courant qui s^est établi à la brèche du tambour, vis-à-vis
la passe, y introduit. L'ouverture de cette brèche est de 12 à i3 toises; il y a
un mois qu'un violent coup de vent l'occasionna. Il est probable que si, avant
de cesser les travaux, toutes les palplanches avaient été posées, et que le tam-
bour eût été garni de pierres anglaises, cet accident aurait été évité. Dans
l'état actuel, les bâtiments sont deux ou trois jours, pendant les mortes eaux,
sans pouvoir sortir du port.
Il m'a paru que le chenal s'était un peu approfondi, et que le cours de la
Slack l'entretenait.
La jetée de l'est du chenal est entièrement terminée, le pavé de celle à
(1) Lettre dn l** septembre.
(2) Lettre dn 26 octobre.
(3) Des travaux de 1803 à 1805, il reste à peine trace aujourd'hui.
LES PORTS DE RÉUNION. — FIN. 387
]*ouest est plus qu'à moitié fait ; ce traTail parait bien traité. Le rousoir de
l'entrée du bassin est aussi payé, mais d'une manière moins parfaite. Le tunage
circulaire s'est entretenu.
Il est san» doute urgent que les traTaux du port d'Ambleteuse soient repris,
afin de remédier aux accidents que ThiTer a occasionnés ou que l'imperfection
de ce qui a été fait a produit, et aussi pour compléter ce qui reste à faire ;
mais pour cela il y a encore beaucoup cT argent à dépenser, quoique on ait
transporté sur les lieux une partie des approvisionnements nécessaires (1).
C'est dans ces conditions que, le 25 mars 1805 (2), FEm-
pereur donne Tordre de faire passer à Âmbleteuse la première
partie de la flottille batave, et prescrira le H avrÛ (3) d'y
réunir toute cette flottille. On devra s'occuper du nettoyage
des ports de Boulogne et d'Ambleteuse, auxquels sont con-
sacrés 400,000 francs (4). C'est à ce sujet que l'amiral Ver-
huell écrit la lettre qui suit :
Le vice^miral Verhuell, commandant en chef de la Hottille batave,
à S. M. Napoléon /•^ empereur des Français, roi d'Italie (5).
DuQkerque, le 27 mars 1805*
Sire,
S. E. M. le maréchal DaTOut m*ayant fait connaître que l'intention de Votre
Majesté était positiTement que la première partie de la flottille se rendit à
Ambleteuse, j'ai Thonneur de rendre compte à Votre Majesté que je ne négli-
gerai rien pour exécuter promptement ses ordres.
J'avais pris la liberté d'adresser hier quelques observations à Votre Majesté,
sur le susdit port, mais comme le courrier que S. E. M. le Maréchal expédie
aujourd'hui sera sans doute arrivé avant ma dépêche, j'ai l'honneur de les
transcrire ici.
D'après les renseignements que f ai fait prendre sur le port d' Ambleteuse, f ai
trouvé quil était presque impossible d'y mettre la première partie de la flot-
tille, vu que ce port est tellement ensablé, qu'il n'y a dans sa plus grande pro-
fondeur, dans son intérieur, que i2 à 13 pieds d'eau, sondé pendant les vives
eaux, et la différence des vives eaux aux eaux mortes est de 8 pieds dans tous
les rapports de Veau, ce qui ne laisse tout au plus que 5 pieds dans ce dernier
cas, et ne permettrait pas même de rester à flot, lors des hautes marées, à nos
bâtiments de !'• espèce, qui tirent 7 à 8 pieds deau; à cet inconvénient s'en
(1) Rapport de Sonlt, 8 mars.
(2) A Davout, 25 mars.
(3) Lettre à Verhaell, 11 avril.
(4) Voir ci- dessus. Lettre à Decrès du 21 mars.
(5) Archives nationales , earton APi^« 1203. — Marine, colonies et flottilles, an xu et
an xiv.
388 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.
joint un qui me parait n'offrir pas moins de difficultés, c'est que le fond est dur
et inégal, et les bâtiments de la flottille étant tous armés de gros calibre, il est
très à craindre qu'ils ne soient écrasés par la pesanteur de leur c/iarge supé-
rieure.
Néanmoins, comme rien n'est impossible alors qu'il s'agit d'exécuter les inten-
tions de Votre Majesté, je fais toutes les dispositions convenables pour faire
partir au préalable les deux premières divisions de bateaux canonniers; ces
bâtiments, anÎTés à Ambleteuse, les équipages et les garnisons pourront être
employés à creuser le fond de ce port, et, par conséquent, à le rendre propre
à recevoir les chaloupes canonnières.
J'ai l'honneur, etc.
Verhlkll.
L'ordre de TEmpereur fût cependant maintenu d'après,
semble-t-il, les assurances optimistes données parSganzin.
Au maréchal Davout (1).
3 avril 1805.
Je désire que vous vous rendiez à Ambleteuse. Les ingénieurs m'ont assuré
qu'avec une dépense de 40,000 francs on remettrait ce port dans l'état où il
était, et qu'il y aurait plus d'eau qu'à Boulogne. Voyez ce qu'il en est. Je pense
que le major général aura donné des ordres pour qu'au moment de l'arrivée
de votre division à Ambleteuse, votre commandement s'étende jusque-là. Je
vois, par l'état de la flottille batave, que vous êtes très mal et que tous n'avez
pas d'équipages. Écrivez à l'amiral Verhuell qu'il fasse son possible pour que
vous ayez les moyens d'embarquer vos équipages et vos chevaux d'état-major,
conformément à la lettre que le major général a dû vous écrire. Le plus impor-
tant est de faire équiper promptement vos écuries et de les faire venir toutes
j\ Dunkerque; appliquez-vous principalement à les tenir prêtes.
Napoléon.
Au vice-amiral Decrès (2).
Lyon, 21 germinal an xm (11 avril 1805).
Monsieur,
Les bâtiments français qui sont h Ambleteuse doivent l'évacuer et se
replier sur Boulogne. La huitième escadrille peut très bien tenir à Amble-
teuse, quand elle y serait serrée. Vous devez penser que, quand j'en aurai besoin,
la moitié sera en rade et quil n'y aura qu'une moitié à faire sortir. D'ailleurs,
il me suffit que vous dirigiez les choses de manière qu'îiu moment où j'aurai
(1) Correspondance de Napoléon, 8517.
(i) Correspondance de Napoléon, 8569.
LES PORTS DE RÉUNION. — FIN. 389
besoin de les faire sortir, les deux escadrilles se trouTent réunies à Ambleteuse.
Je pense que vous avez mal fait de donner SOO.OOO francs à M. Delarue ; ce
sont des comptes qu'il doit donner, et non faire des menaces.
Napoléon.
Une fois arrivé à Ambleteuse, Sganzin constata que « la partie
supérieure du bassin, en s'écroulant, ensablait le reste ». Il
proposa donc de renoncer à creuser cette partie et de se con-
tenter de la partie basse qui, disait-il, « peut à elle seule
contenir 392 bateaux (1) ».
« Pour les bateaux-baleines {sic), qui ont plus de bau que
les nôtres, on pourra les placer par files de 10 sur le côté nord
et le côté sud avec un passage libre de 75 pieds de largeur
et 7 pieds entre chaque file. On peut donc placer :
A la partie rectangulaire 240 bateaux.
A la partie triangulaire 45 —
Soit 285 bateaux.
(( Si on doit placer 400 bâtiments, il faudra prolonger le
bassin actuel de 50 toises dans Test, et séparer la partie
étendue de ce qu'on abandonnera du bassin supérieur. »
« La dépense sera de 249,660 francs, plus 15,000 francs
d'entretien. »
L'arrivée, le 28 avril, de la première partie de la flottille
batave prouva, malgré Toptimisme de Sganzin, que, seuls, le
chenal et une très faible partie du bassin pouvaient recevoir
les bâtiments hollandais, qui tiraient en moyenne 2 pieds d'eau
de plus que leurs similaires français.
La portion de la flottille batave, entrée ce matin, était restée dans le chenal
à mer basse. A la marée, la plupart des bateaux, étant mal amarn^s, ont été
entraînés par le flot dans le bassin et sont par\enus à Tentréc sans avaries, au
moment où Téchelle ne marquait encore que zéro, c'est-à-dire qu'il n'y avait
que 6 pieds de mer montée à l'entrée du chenal. 11 résulte de ce fait que les
mortes-eaux les plus basses, donnant de 5 à 6 pieds d'eau à l'échelle, il y a îi
ces époques, à l'entrée du bassin, de 9 à iO pieds d'eau, puisque les bateaux
bataves de 2* espèce, qui y étaient parvenus comme malgré eux, tirent au
moins quatre pieds d'eau.
(1) Lettre da 24 avrU.
390 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.
Le bon état actuel de ce chenal, comparé à celui de Wimereux et même à
celui de Boulogne où il y a bien moins (Teau, la beauté des jetées, le calme du
port par les plus beaux temps, me font de plus en plus désirer que Votre Excel-
lence accueille mes propositions (de nouveaux travaux) qui doivent assurer la
prééminence que Ton reconnaît à ce port sur les autres établissements de la
côte (I ).
A ce moment, l'Empereur, alors en Italie, écrivait (2) :
« J'ai donné des ordres pour faire nettoyer non seulement
« le bassin, mais encore la cunette, et mettre le port d'Amble-
« teuse dans le cas de contenir la flottille batave ». Quelques
jours plus tard, il donnait gain de cause à Sganzin, en ordon-
nant le programme qu'il proposait.
4 ùecrés (3).
Alexandrie, 7 mai 1805.
Mon intention est que toute la flottille batave, chaloupes, canonnières et
bateaux canonniers, soit réunie à Ambleteuse. Les correttes de pêche doivent
rester à Calais avec une portion des écuries. La question n*est point de savoir
si les travaux qu'on fait dans la cunette d' Ambleteuse se comblent ou non, mais
bien si cette cunette peut contenir des bateaux. Je pense donc qû*il faut ordonner
ce travail afin que la flottille batav>e soit contenue tout entière dans ce port.
Une fois l'armée passée et l'expédition terminée, nous n'aurons plus besoin de
tous ces ports de campagne.
C'est donc à cette époque, si absolument tardive, qu'on va
entreprendre des travaux que Texpérience a démontré exiger
toujours des lenteurs excessives.
Effectivement, le 4 juin, à Fannonce de Tapproche de nou-
veaux bâtiments bataves, Sganzin répond que le port ne peut
en recevoir que 200 (4). Toujours confiant, il promet quatre,
des cinq compartiments qu'on déblaie, pour le 14 juin (5);
mais, le 18, il n'y en a qu'un seul terminé. A la vérité « on
peut recevoir 54 canonnières et 4 prames, qui auront 8 pieds
d'eau en morte eau ». Le 27, il manque encore deux compar-
timents. Sganzin avoue pourtant qu'on a dépensé, depuis le
(1) Lettre de Sganzin, 28 ayril. {Archives des ponts et chaussées.)
h) Lettre à Davout, 26 avril. (Correspondance de Napoléon, 8634.)
(3) Correspondance de Napoléon, 8695.
(4) Lettre du 14 juin.
(5) Lettre du 18 juin.
LES PORTS DE RÉUNION. — FIN. 391
!•' vendémiaire, 457,364 francs, et que l'entretien du port
coûtera 6 à 8,000 francs par mois. « Pourtant, ajoute-t-il, le
port s'enscible et s^ensciblera constamment. » Quand, au
17 août (1), on revoit les comptes, on trouve pour Tan xui et
pour le seul port d'Ambleteuse, 942,524 francs; pour recevoir
la flottille batave, on avait dépensé 352,000 francs (2). Or, la
concentration de celle-ci ne sera jamais achevée et, au 20 août,
il y aura en tout et pour tout, à Ambleteuse (3) : 4 prames,
54 chaloupes canonnières, 182 bateaux canonniers, 35 trans-
ports (4). Soit 275 bateaux^ au lieu des 378 qui doivent porter
le corps de Davout (5).
C'est pour le port de Wimereux, confié au génie militaire,
qu'on eut encore le moins de déboires.
Dès le 17 juin 1804, on avait pu donner des chasses très
efficaces et obtenir ainsi une profondeur à peu près uniforme
* dans le chenal de 15 pieds en vive eau et 9 en morte eau (6).
Note sur l'effet de /a chasse du 28 prairial an XII.
Port de Wimereux.
Les eaux étaient à la hauteur des vannes, c'est-à-dire, à 8 pieds au-dessus
du radier.
Elles ont mis 9 minutes pour arriver à Textrémité des jetées.
(1) Lettre da 27 juin.
(2) Lettre da 17 aoftt.
(3) Sommes nécessaires pour l'an xiv pour l'entretien et la continuation des travaux
maritimes dans les ports de Boulogne, Ambleteuse, Étaples, Calais et Saint- Valery-sur-
Somme ; 802,000 francs (dont moitié pour Boulogne).
Dépenses à Ambleteuse :
An XI 113,285 francs.
An xn 3,242, 185 —
An xin, jusqu'au 30 messidor 501 ,551 —
Total 3,857,026 francs.
A Boulogne et Wimereux, an xiii, jusqu'au 30 messidor (18 août), 1,007,683 francs.
Le déficit i>our solder les dépenses est de 107,554 francs.
Ce déficit est pleinement justifié si l'on considère les difficultés et les avaries considé-
rables arrivées au barrage à cause de la suspension des remblais, ordonnée à plusieurs
reprises pour le passage des b&timents dans la Liane, circonstances qui ont exigé des
moyens extraordinaires de construction.
(4) Lettre de VerhueU, 20 août.
(5) Situation du 28 jniUet (Carnet).
(6) Voir ci-dessns.
392 TROISièïiE PARTIE. — CHAPITRE II.
Dans un quart d'heure, il y a eu près de trois pieds d*eau à la tête des
jetées.
La chasse a conservé une assez grande force pendant une heure et demie.
Après deux heures un quart, les eaux du Wimereux étaient réduites à leur
Tolume ordinaire.
La tête du banc de sable, à l'extrémité des jetées, a été emportée.
Les eaux ont baissé d'un pied et demi, au bout d'une demi-heure, dans le
bassin de retenue.
Boulogne, le 28 prairial, an xu. Le général Bertrand.
Mais il restait encore bien à faire dans le port.
Le 22 juin, ordre était donné d'armer Textrémité de
la jetée ouest de 3 mortiers (1). Simultanément on s'occu-
pait des quais et du chemin de halage (2). Il y avait, au
i*"^ août, 1940 travailleurs, dont 130 charpentiers et 30 scieurs
de long (3). Mais dès ce moment, le port est utilisable, et il
semble même qu'il soit de beaucoup le meilleur des quatre t
points de réunion.
Rapport sur le port de Wimereux.
t août 1804.
Des huit marées de vives eaux qui ont été observées depuis le 22 vendé-
miaire (15 octobre), époque à laquelle il fut question du port de Wimereux^ six
se sont élevées de 1 ,2 et 2 pieds 6 pouces au-dessus de celles du 7 brumaire,
une seule a été plus basse de 9 pouces.
En comprenant les diverses hauteurs de la mer à ce point comme niveau
général, on a fait les obser\ations suivantes :
An-<leisont An-dasras
de la marée de la marée
da 7 bramaire. da 7 bramaire.
Le mer s'est élevée le 1"' pluviôse \ pied »
— 2 - 0,4
— 3 — 3
-- 4 - 2
— 5 — 1,6
— 6 — 0,4
— 7 — ,> 1,6(4)
— 8 — » » (5)
— 9 — 1 »
— 10 — 2,4
(1) Ordre de Soull, 11 juin. (Archives de la Guerre,)
(2) Rapport de Bertrand, 22 Juin.
(3) Rapport de Dode, !•' août.
(4) Dans la nuit, elle est montée de 2 pieds 6 ponces an-dessas da 7 bramaire.
(5) Au niveau da 7 brumaire.
LES PORTS DE RÉUNION. — FIN. 393
Il est à remarquer que la mer reste 3 heures i/2 à 4 heures à s'élever aux 5 à
6 derniers pieds ou à en descendre y temps pendant lequel on pourra entrer dans
le port et en sortir.
On remettra un état plus détaillé des obserrations faites pour servir A l'éta-
blissement du port.
L'approfondissement, au 44 pluviôse,
donne depuis Feutrée du port Jusqu'à
reilrémité des Jetées 13piea.. J ^^^^essous
Prolongement du chenal et a^ant-port. . 10 — 6 I j^ jj^ marée
^^^, ? ( du 7 brumaire.
Arrière-port 4 /
Tous les ouvriers ont été répartis depuis l'écluse jusqu'à l'extrémité des
jetées qui était la partie la plus urgente et en môme temps la plus difÛrilc, à
cause du roc et des galets.
Le défaut d'ouYiiers n'a permis d'en placer que peu dans le port et point
dans Tarrière-port
Boulogne, 14 thermidor, an xii. Le général Bertrand.
A la fin de septembre, on a achevé le quai en charpente,
commencé celui en pierres sèches de l'arrière-port, terminé
les tunages et les talus des quais et régalé une grande partie
des terres environnantes (1).
C'est-à-dire que le port est à peu près terminé.
Toutefois il a un grand défaut, c'est que la direction du
chenal l'expose directement à la grosse houle. Pour remédier
à cet inconvénient, de singuliers procédés sont proposés :
Rapport de SgAnzin au Ministre de /a marine (2).
4 février 1805.
Le Préfet maritime expose de nouveau les mouvements pour les bâtiments
de la flottille, qui résultent de l'agitation de la mer dans le port de Wime-
reux ....
Le chef militaire a proposé, pour rompre la lame, des chevaux de frise, barrant
le chenal sur trois hauteurs différentes, procédé inefficace et gênant pour la
navigation.
Le port est placé beaucoup trop près de l'estuaire.. . On a reconnu l'impossi-
bilité de pratiquer, comme à Boulogne et à Ambleteuse, des estacades à claire-
voie. . . . , et l'on a proposé de réparer le bassin de Favant-port en ne laissant
qu'une ouverture de 5 toises ou 30 pieds de largeur, au moyen d'une estacade
(1) Rapportée Dode, 21 septembre.
(i) Archives des ponts et chaussées.
394 TROISIÂME PARTIE. — CHAPITRE U.
pleine dans le prolongement de la jetée nord. Les bâtiments seraient placés
dans le bassin le long du quai ouest, sur i2 rangs de hauteur. On pourrait ainsi
loger 108 bâtiments de guerre et quelques transports, et Ton pourrait loger la
7* escadrille si on se décidait à terminer les déblais de la partie nord du bassin
qui n'est pas à profondeur,
L'inconyénient de ce projet est de rendre Tentrée si difficile que, par grosse
mer, les bâtiments chassés de la rade se briseront les uns contre les autres
dans TaTant-port.
Le Conseil des travaux maritimes est d'avis de faire ce barrage, proposé par
MM. Lostange et Frison, en portant à 90 toises la largeur de Touverture.
Quoi qu'il en soit, dès la fin de Tété 1804, 129 bâtiments
étaient abrités dans le port de Wimereux. L'interruption des
travaux pendant Thiver parut y avoir été moins préjudiciable
qu'ailleurs.
Le port de Wimereux contient aujourd'hui 144 bâtiments, que les grenadiers
de la réserve montent ; et il pourrait encore en recevoir 30 à 40. Les murs du
quai de Farrière-port seront terminés dans 8 jours ; ce travail qui aurait dû
être fait, même pendant Thiver, n'ayant pu se continuer, faute de fonds, les
terres du talus ont été délavées et entraînées dans Vintérieur du port ; la dépense
de 35,000 à 40,000 francs, que le génie propose pour les enlever, parait indis-
pensable.
Le magasin à poudre de la marine, qui a été suspendu pendant Thiver, doit
être repris à la fin de ce mois.
Le chenal semble s'être approfondi,
La batterie de mortiers qui était placée à l'extrémité de la jetée ouest, ayant
éprouvé pendant Thiver de fréquentes avaries, ce qui rendait son utilité
très momentanée, j'ai cru devoir la faire supprimer et ordonner qu'elle fût
portée à la pointe des Rochettes, oi!l son effet sera continuel et également
efficace.
Enfin le génie parait persuadé qu'au moyen de ce surcroît de dépense, et
une addition de 3S,000 francs pour les remblais, rigoles, nivellement, contre-
fossés et direction des eaux, qui restent à faire, les travaux du port de Wime-
reux seraient, dans un mois, entièrement terminés, et qu'aucune dégradation
n'y serait à craindre (1).
De fait, à la reprise des travaux, le port de Wimereux fut
désigné pour la 8® escadrille et, en somme, au début d'août,
on avait pu loger dans ce port 237 bâtiments qui avaient la
possibilité de sortir en deux marées à peu près.
C'était le seul des ports, anciens ou nouveaux, qui donnât
un semblable résultat.
(1) Rapport de Soalt.
CHAPITRE m
LES DERNIÈRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE
On a vu plus haut combien la valeur active de la flottille
avait périclité pendant ce qu'on peut appeler la période d'fiiban-
don : le signe caractéristique fut, on s'en souvient, la rareté
des appareillages, leur peu de durée et surtout la diminution
progressive de Tefifectif mis en rade. Les habitudes prises
furent conservées jusqu'à la fin.
Le 9 mars 1805, on fit sortir du port de Boulogne 27 canon-
nières, 3 bombardes, 27 bateaux, 6 péniches, 1 sloop-bom-
barde, en tout 64 navires, qui rentrèrent six jours plus tard,
non point par suite du mauvais temps, car les Anglais restè-
rent au mouillage, mais simplement parce que Téquinoxe
approchait (1).
Le 26, par vent d'est et beau temps, 25 bâtiments vinrent
en rade, « les 30 autres n'ayant pu sortir parce qu'il n'était
pas monté assez d'eau dans le port » (2). C'était une marée
de morte eau et le chenal, envasé par les déblais du grand
bassin qui s'éboulaient, s'obstruait de plus en plus. La ligne
d'embossage ne resta formée cette fois que quatre jours,
jusqu'au 30; pendant ce délai, on a reçu à Boulogne les
5 prames qui n'avaient pu y entrer le 21 février, et 3 canon-
nières venant d'Ostende et de Gravelines.
Jusqu'au 9 avril personne ne sort, mais, le 4, sont arrivés
devant le port 3 canonnières, 10 bateaux, 4 péniches et 20
(1) Correspondance Joomalière de Lafond, chef d'état-major de la flottille. BBi^, 215.
{t)Jdem.
396 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE lïl.
transports, amenés du Havre par le capitaine Hamelin, et
Tétat lamentable du chenal s'est affirmé une fois de plus.
« Lorsque les bâtiments du convoi, dit Lafond, ont voulu
donner dans le chenal, ils ont doublé le musoir et ont été
obligés de venir du lof pour entrer dans le port ; mais la mer
était tellement grosse que 21 bâtiments n'ont pu éviter de faire
côte sous la Tour d'Ordres. 2 péniches et un calque ont rempli.
A l'exception de deux militaires et un marin, tout le monde a
été sauvé » .
Il faudra donc les deux marées du 9 avril pour faire sortir,
la première fois 33 bâtiments, la seconde 22; en tout S5, qui
rentrent le 14; le temps paraissant se gâter. Il redevient beau
dès le 17, mais bien que les Bataves aient le 24 un combat
près du Gris-Nez, et soient en sérieux danger, la flottille de
Boulogne ne sort pas pour les secourir.
Jusqu'au 21 mai, c'est-à-dire pendant cinq semaines, on ne
formera pas de ligne d'embossage ; seules quelques péniches
sortiront parfois pendant quelques heures, s'exercer à la rame
et au débarquement près de la côte.
Du 21 au 23 mai, pour deux jours seulement, il y a 54 bâti-
ments au mouillage; malgré Içur petit nombre, la rentrée va
être marquée par de graves incidents.
« La force du vent et l'état de la mer ne leur ont pas
« permis à tous de donner dans Boulogne, 10 chaloupes et
« 5 bateaux ont filé sur Étaples, une onzième (n® 275) cha-
« loupe est, dit-on, entrée à Saint- Valéry, après avoir été
« chassée par 4 corvettes (1) ». On finit par apprendre qu'elle
s'est réfugiée à Fécamp.
Du 26 mai au 10 juin a lieu la plus longue période de mouil-
lage continu qu'on eût encore faite. Pendant ces quatorze
jours, la relève des 54 navires embossés s'est faite une seule
fois, mais à la rentrée par vent de sud-sud-ouest, 14 bâtiments
manquent l'entrée de Boulogne et doivent se réfugier à Wime-
reux.
Dans la nuit du 13 au 14 juin, on forme une forte ligne
destinée à se porter au-devant des Bataves, qui doivent venir
de Dunkerque à Amble teuse. Mais ceux-ci, canonnés en rade
(1) Rapport de Lafond.
LES DERNIÈRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 397
du premier de ces points, ne peuvent se mettre en mouvement
et le lendemain 15 on fait rentrer à Boulogne :
27 chaloupes;
2i bateaux ;
1 brick;
3 bateaux bombardes ;
Les 2 divisions de péniches à obusiers prussiens ;
Les 2 calques,
et les canots armés, qui, sortis le 14, sont rentrés au port
avant la nuit, suivant leur habitude.
Du 21 au 25 juin, la ligne d'embossage est forte de 47 ba-
teaux et chaloupes, renforcés par intervalles d'une division
de péniches. Du 1®' au 2 juillet, 54 bâtiments sont mouillés et
rentrent en deux fois, après moins de trente-six heures de
station. Le 10, le même effectif est mis en rade, pour onze
jours cette fois. Le 17 au soir, à la nouvelle que les Bataves
sont partis de Dunkerque, toute la ligne, 27 canonnières et
27 bateaux, se porte entre Ambleteuse et Andresselles, sou-
tenue par 36 péniches à obusiers prussiens et des canots
armés.
En opérant ces divers mouvements, dit Lafond, nos bâtiments ont vigou-
reusement riposté à une canonnade de Tennnemi, qui était alors au nombre de
2 frégates, 3 corvettes, 8 bricks et 1 cutter. . . .
A 4 h. 4/2 du soir, la côte signale que la division batave est mouillée devant
Calais et qu'une autre division de la même nation appareille de Dunkerque.
La division batave n*est arrivée qu'à 6 h. 30 par le travers du cap Gris-
Nez. . . . Après un engagement des plus vifs. . . . après une canonnade. ... ils
sont entrés à Calais pour réparer quelques légères avaries, et à la marée, ils
ont appareillé pour se rendre à leur destination. Dès le moment qu'ils ont
commencé à paraître au Gris-Nez, quarante-cinq b&timents anglais, parmi les-
quels étaient des vaisseaux et des frégates, ont porté sur la flottille batave et
l'ont combattue pendant 2 heures sans désemparer.
M. l'amiral Yerhuell a fait une très belle résistance et, malgré l'infériorité
de ses forces, est venu mouiller en ordre devant le port d' Ambleteuse. M. le
maréchal Davout montait le môme b<^timent que M. l'amiral.
Pendant les journées des 19 et 20, les Bataves restent
mouillés devant Ambleteuse et la ligne d'embossage devant
Boulogne, en présence de Tennemi.
<c Des divisions bataves, parties de Dunkerque à trois
« reprises, 3 prames, 26 canonnières, 38 bateaux canonniers.
398 TROISIÈME PARTIE. — Q^APITRE III.
« 23 péniches et 9 transports sont arrivés devant Ambleteuse.
« 1 prame, 10 canonnières, 5 bateaux canonniers, 3 péniches
(c et H transports sont entrés à Calais.
« On a envoyé 30 canots à Ambleteuse, à la disposition du
« général Verhuell, pour favoriser à ses bâtiments l'entrée
(c dans ce port » (1).
Le 21 seulement, tout le monde rentre dans les deux ports.
Cette sortie très honorable, et qui contrasta fort avec J 'atti-
tude ordinaire de la flottille, paraît avoir été la dernière.
Quand l'Empereur arriva à Boulogne, le 3 août, le temps qui
s'était amélioré dans les derniers jours de juillet, était rede-
venu mauvais, et il n'y avait pas un bâtiment en rade. On
est certain qu'il en fut de même jusqu'au 6 août. A partir de
ce moment, les vides nombreux de la correspondance de
Lafond ne permettent plus d'affirmer qu'il n'y eut pas de ligne
d'embossage, mais, ni dans les rapports de la flottille, ni dans
ceux des généraux de terre, il n'y est fait la moindre allu-
sion.
Ce dont on peut être certain, en tout cas, c'est que les condi-
tions déplorables du chenal furent de plus en plus mauvaises
jusqu'à la fin de la campagne, et que le chiffre de 100 navires,
admis comme pouvant sortir en une marée, alla constamment
en diminuant. Après une si longue et si formelle expérience,
ce n'est donc pas sans surprise qu'on trouve, à la date du
3 août, le rapport ci-dessous établi par Saint-Haouen, et
reproduit sérieusement par Mathieu Dumas :
Appareillage général de la Hottille impériale. — Dispositions proposées
par le chef militaire.
La nature du port de Boulogne, défendant jusqu'à la pensée d'en sortir dans
une inarée, la totalité, la moitié même des bâtiments qui y sont réunis, il a
fallu s'occuper de trouver pour la flottille un mode d'appareillage général qui,
malgré cet obstacle, promit à cette opération importante le succès que semble-
rait vouloir lui disputer l'ingratitude sans égale de ces localités.
Les difficultés ne sont pas moindres en rade, si on peut appeler de ce nom
l'espace qui, précédant l'entrée de ce port, est battu de tous les vents et y
laisse, en perdition, les bâtiments surpris à ce mouillage, non seulement
par une tempête, mais même par un coup de vent ordinaire de l'ouest au nord-
est.
(I) Rapport de Lafond.
<
LES DERNIÈRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 399
Ce danger, qui est double pour les bâtiments de la flottille dont la construc-
tion ne leur permet pas de se défendre de la mer, est un obstacle de plus à
surmonter, et il est d'autant plus grand qu'il s'ensuivrait infailliblement les
accidents les plus désastreux, surtout si les bateaux de seconde, espèq^ et les
transports étaient accueillis au mouillage par un coup de vent de Fouest au
nord-est.
Toutes ces considérations, balancées avec l'ensemble et la célérité à mettre
dans l'appareillage général, ont déterminé et fixé mon opinion de la manière
suiTante, sur le mode le plus avantageux à suivre pour faire sortir du port,
dans deux marées, tous les bâtiments de la flottille.
Je pense que, dès qu'il s'agira d'opérer la sortie générale, la ligne d*embos-
sage devra être composée de quelques bâtiments de plus que de coutume, et
que les ports d'Ambleteuse et de Wimereux devront aussi avoir la leur, non
seulement pour habituer l'ennemi à considérer cette manœuvre comme une
simple mesure de prudence, non seulement pour s'assurer s'il en conclura la
nécessité d'augmenter les forces de sa station, mais encore pour nous ménager
l'avantage inappréciable d'une offensive dont les succès seraient d'autant moins
douteux que cette position, vraiment militaire, ferait infailliblement naître de
ces chances heiu*euses, de ces hasards de calme ou d'avarie de combat, des-
quels il n'est qu'un instant pour profiter.
Gela posé, le moment arrive où Sa Majesté ordonne l'embarquement.
Aussitôt toutes les prames et les canonnières, qui sont dans les ports précités,
embarquent leur troupe et vont en rade prendre la place des bateaux canon-
niers et des péniches qui faisaient partie de la ligne d'embossage, et qui ren-
trent dans le port pour prendre leur troupe et leurs chevaux. Les canonnières
qui étaient en rade, appareillent pour aller mouiller à une encablure plus au
large.
L'embarquement des chevaux étant terminé pour les transports, tous ces bâti-
ments vont en rade, dans une marée {sic), mouiller derrière les canonnières
de leur escadrille respective.
A la marée suivante, qui serait celle de l'appareillage général, tous les
bateaux canon niers, toutes les péniches sortent du port ainsi que les paque-
bots, et ne mouillent point en rade.
Les canonnières et les transpoi*ts en rade, ayant désaffourché et viré â pic, au
commencement de la marée, appareillent dès que les péniches sortent du port.
Dans moins d'une heure toute la flottille est sous voiles, faisant route dans
l'ordre prescrit, par escadrille, division et section.
Si cependant il plaisait â Sa Majesté que toute la flottille séjournât en rade,
si un changement de vent ou tout autre incident l'y obligeait, j'en ai donné la
possibilité en faisant mouiller les prames et les canonnières à une encablure
plus au large que de coutume. Les bateaux canonniers mouilleront en troi-
sième ligne, les péniches entre deux, l'un et l'autre en arrière de leur esca-
drille respective.
J'ai dit que la première ligne ne devait être composée que de prames et cha-
loupes canonnières, parce que ces bâtiments sont plus en état que les autres
de soutenir un coup de vent. Le fond où il mouilleront est excellent ; il
remonte insensiblement vers la terre, et assure une bonne tenue â ces bâti-
ments dans un coup de vent battant en côte.
400
TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE III.
;e
Armés au moins de 5 canons, pointés en tous sens, ils présentent à Tennemi
un front de plus de i200 bouches à feu du plus fort calibre.
Chacun d'eux ayant quatre câbles, leur épissure de deux en deux sera tou-
jours faite bâbord et tribord. U leur en résultera le double avantage de sou-
tenir facilement un coup de \ent, et de ne se trouver plus éloignés de terre
qvLh volonté. Je pense même que pour ne donner à Tennemi aucun soupçon
de mouvement ultérieur, il est à propos que, dès que la ligne d*embossage ne
sera plus composée que de prames et de canonnières, ces bâtiments devront
d'abord avoir dehors deux câbles sur la même ancre. Us paraîtront être au
mouillage accoutumé, quand au contraire ils seront toujours libres de se porter
d'une encablure plus au large.
Pour ajouter à Tavantage de cette position qui donne la facilité de s'avancer
promptement, ou de faire retraite suivant la circonstance, je pense que deux
prames doivent être mouillées Tune à côté de Tuutre à chaque extrémité de la
ligne, et toutes les autres prames, î\ la distance de vingt canonnières l'une de
Fautre.
Il est aisé de voir que dans cette attitude, tout à la fois prudente et mena-
çante, on n*a pas à craindre qu'à la mer haute, Tennemi profite de notre posi-
tion plus au large pour passer en terre de la ligne d'embossage ; car il n*y a
ici que les ancres qui soient plus au large, et non les bâtiments qui, par le
moyen de leur biture double, sont tout aussi près de terre que de coutume, et
ne doivent se haler plus au large que de basse mer, lorsque la flottille de trans-
ports sera venue prendre place derrière les canonnières, la veille ou le jour de
Tappareillage généi-al.
Tel est le système de sortie, de mouillage et d'appareillage que je crois tout
â la fois le plus pi*opre i\ accélérer l'exécution des ordres de Sa Majesté et en
assurer le succès.
Chaque commandant d'escadrille est au centre de tous les éléments qui la
composent, et de même qu'un seul signal suffirait pour isoler telle escadrille
de toutes les autres, de même aussi un seul signal suffirait pour l'y ramener.
Pour parvenir en sortant du port à avoir en rade une disposition si avan-
tageuse pour le temps qu'on pourrait y passer, et pour l'ordre à observer dans
la route à faire en appareillant, il a fallu que les bâtiments soient d'abord
rangés dans le port, tels que les présente le plan. C'est celui dans lequel j'ai
cru avoir réuni ce concours de moyens si nécessaires pour favoriser l'appareil-
lage, opération tellement importante que son succès est inséparable de celui de
la descente même, puisque si cet appareillage était entravé ^^ns une de ses
parties quelconques, c'en serait assez pour comprometre à son débarquement
la portion de l'armée, privée ou des munitions ou des hommes peut-être les
plus essentiels pour en assurer le succès.
Boulogne, le 15 thermidor, an xin.
Le Chef militaire de la marine,
Saint-Haouen.
^^
!->■ c> t. "r
Après tout ce qui a été vu jusqu'ici, un tel rapport se passe
de commentaires : les contradictions et les erreurs matérielles
sont en effet trop apparentes.
n,
«•majora
LES DERNIÈRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 401
La concentration, en ce qui concerne Farrivée à Boulogne
des détachements venant de l'Ouest, s'était réduite à un
petit nombre de voyages pendant lesquels se distingua le
capitaine Hamelin. Le 28 janvier, il avait amené à Boulogne
30 voiles, et, le 4 avril, 3 canonnières, 10 bateaux, 4 péniches
et 20 transports venant du Havre. Le 10 juin, avec les 2 cor-
vettes canonnières Foudre et Audacieuse^ 4 canonnières et
14 transports, Hamelin et Roquebert livraient un combat, au
large de Brune vel, contre une frégate, une corvette, un brick
et un cutter anglais qu'ils paraissent avoir forcés à la retraite.
L'Empereur manifesta toute sa satisfaction.
Au vice-amiral Deorès (1).
Mantoae, 1*' messidor an xin (20 jain 1805).
Je suis enchanté de la petite affaire du capitaine Hamelin : cela fait bien
voir ce qu'il est possible de faire avec nos canonnières. On dira ce qu'on voudra ,
ce n'est qu'avec des hommes et du canon qu'on se bat^ et quelque ayantage qu'on
ait pour les marches par une meilleure position. 11 y a cependant une pratique
à admettre et des avantages qui sont aussi propres aux chaloupes canonnières ;
4 chaloupes canonnières ne pouvaient tirer que 8 pièces de canon, 2 corvettes
canonnières n'en avaient que 4 ; cela fait donc 12 pièces de canon. 1 frégate
portait 40 canons, I corvette, 20; 4 brick, 12 ou 15, 1 cutter autant; ainsi
voilà nos 12 pièces de canon qui ont tenu au large et se sont défendues contre
plus de 100 pièces. Je demande si en place de ces 6 canonnières, qui ne m'em-
ploient pas plus de 450 hommes d'équipage, qui ne valent pas plus de
200,000 francs de matériel, on eût mis 1 frégate ou 1 brick ; la frégate eût
sans doute été prise par la division ennemie. Qu'est-ce que je veux en conclure^
C'est qucy dans un combat qui aurait lieu devant Boulogne, si une vingtaine
de prames et 200 chaloupes canonnières se mettaient en tirailleurs entre les corn-
battants, ce seraient des mouches qui feraient de terribles piqûres aux escadres
anglaises. Je veux en conclure aussi qu'aux environs de thermidor, toutes les
chaloupes canonnières des environs de Brest doivent être armées, que tous les
canonniers du port et autres des environs doivent les armer ; qu'on doit y
mettre de bonnes garnisons et qu'elles doivent sortir avec mon escadre.
On ne peut pas dire qu'elles sont vues de loin, puisqu'elles ont perdu
peu de monde, et l'ennemi beaucoup; c'est une petite affaire qui est char
mante.
Je désire que vous me proposiez des récompenses pour ceux qui se sont dis-
tingués. Vous voyez que les canonnières reçoivent des boulets dans le corps,
dans la mâture, et qu'elles ne coulent pas.
(1) Correspondance de Napoléon, 8925.
IV. 26
40!i TROISIÈME PARTIS. *- CHAPITRE lU.
Presses le départ des bâtiments du Havre ; il est bien temps qu'ils arrivent h
Boulogne.
Pressez aussi Verhuell de se réunir à Ambleteuse.
Faites-moi connaître de quel corps étaient les garnisons de la petite flottille
qui s*e8t distinguée au combat de Fécamp.
NAPOLéON.
Il peut être intéressant de connaître, à ce sujet, la version
anglaise (1).
Le 10 juin, à 7 heures du matin, une division française composée de 2 cor-
vettes canonnières Foudre et Audacieuse, ayant chacune 10 canons dont
6 longs de 18 livres et 4 caronades en cuivre de 36 avec plus de 80 hommes
d'équipage; 4 canonnières armées chacune de 3 canons longs de 24 et un
mortier de huit pouces ; 3 autres ayant chacune 1 canon de !f 4 et une pièce
de campagne ; et 8 dernières ayant chacune deux canons de 4 ou G livres,
enfin 14 transports, en tout 31 voiles, partirent du Havre pour Fécamp. A hau-
teur de Brunevel, les Français furent chassés par la frégate anglaise Chi/fonne
ayant 12 canons de 36, le sloop Falcouy le brick canonnier Clinker et le cutter
armé Frames,
A 9 h. 30, la Chiffonne, à ce moment par 10 brasses très loin en tète de ses
compagnons, ouvrit de près le feu sur Favant-garde ennemie où se tenait la
Foudre ; mais au bout d'un quart d'heure, Feau venant i\ manquer, la frégate
vira et s'éloigna.
A 10 h. 30, suivie du sloop et du brick, la frégate recommença le feu. Peu
après le feu éclata à bord d'une des canonnières françaises, mais il fut éteint ;
plusieurs bâtiments se jetèrent à la côte.
Vei*s midi, la Chiffonne, qui avait supporté tout le poids de cette attaque, dut
de nouveau chercher de plus grands fonds et s'éloigner. Peu après, l'avant-
garde française arriva sous les batteries du cap de Groiset et y resta jusqu'à ce
que l*arrière-garde ait serré. A 2 heures, le combat reprit. Le Falcon s'enga-
gea de près avec les deux navires de queue dont l'un était V Audacieux, Tandis
que les navires anglais longeaient la côte, les batteries firent un feu soutenu de
boulets et d'obus. Néanmoins la Chiffonne et le Falcon continuèrent le combat
et à 3 h. 15, abattirent le perroquet de misaine et le grand mât d'une des
canonnières. Le Falcon et le Ciinker ne pouvant suivre la frégate, restèrent
petit à petit en arrière et la flottille put gagner l'abri des batteries du port de
Fécamp, dont le feu dura jusqu'à 4 h. 30.
La Chiffonne fut atteinte plusieurs fois dans sa coque et une fois juste à la
flottaison ; son gréement fut très maltraité; elle eut t tués et 3 blessés. Le
Falcon soufi'rit dans sa mâture et ses voiles et eût 4 blessés, le Clinker, 1 tué
etl blessé. Les Français reconnurent 3 tués et 12 blessés, dont le commandant
d'une des canonnières.
C'est, on le voit, toujours la même divergence : les Français
(1) W. James.
LES DBRNiiRES OPéRATIONS DE LA FLOTTILLE. 403
prétendent avoir repoussé Fennenii par les seuls moyens de la
flottille ; les Anglais attribuent leur insuccès au manque d'eau
et au tir des batteries de côte (1).
Le nouveau combat livré le 23 juillet par la division
Hamelin, restée à Fécamp depuis le 10 juin, le montrera
une fois de plus.
Le capitaine Hamelin (2), dit Tordre du jour du 26 juillet, partit de Fécamp
avec une division, composée de 2 corvettes canonnières, 6 chaloupes canon-
nières, 10 bateaux canonniers et 8 péniches pour se rendre à Boulogne. Au
moment de son appareillage, il y avait à une lieue des jetées de ce port une
frégate, deux corvettes et un cutter ennemi qui se disposaient à attaquer notre
convoi et qui voulurent lui intercepter le passade ; mais toutes les dispositions
étant prises pour soutenir un engagement, quoiqu'il ventât grand frais. Le feu
commença i\ portée de fusil, et la mousqueterie, ainsi que rartillene des cor-
vettes, la Foudre et V Audacieuse furent servies avec tint d'avantages que la
frégate eut bientôt «a corne d'artimon coupée et qu'elle tenta de se retirer de
dessous la volée de ces deux bâtiments afin de donner ensuite sur les chaloupes
canonnières, dont elle espérait que le feu serait moins vif en raison de la
force du vent. Cette manœuvre n'ayant pas réussi, le combat continua dans
le même ordre; et trois chaloupes canonnières, ayant mis le cap sur Tennemi,
en battant en chasse, les avaries que reçut la frégate la forcèrent h regagner le
large promptement et elle fut imitée par les trois autres bâtiments. Cette pre-
mière affaire dura depuis 7 h. 1/2 du matin jusqu'à 9 heures.
 10 heures, l'ennemi revint canonner la division française qui continuait
sa route : le second engagement ne fut ni moins vif, ni moins long que le pre-
mier. La corvette montée par le commodore eut la tête de son grand mât de
hune coupée, son grand mât endommagé; et, se trouvant vigoureusement
serrée au feu, fut obligée de chercher son salut dans la fuite, ainsi que le reste
de la division (3).
Le capitaine Hamelin, dit de SOU côté W. James, partit à 5 heures
du matin de Fécamp avec 2 corvettes canonnières Foudre et Audacieuse, 6 ca-
nonnières de 1'" classe, gréées en brick, 10 de seconde (2 ou 3 bricks et le
reste lougres), 8 pinasses armées (lougres et shooners), 26 voiles au total ou
3i, suivant les rapports de plusieurs navires anglais.
A ce moment la canonnière britannique Champion^ de 22 canons, les bricks
canonniers Clinker et Craker, le cutter armé Frames, étaient à l'ancre à un
peu plus d'une lieue au nord-nord-est des jetées. A 7 heures, le Champion
commença l'attaque contre les deux corvettes et plusieui*s des plus fortes
canonnières. Celles-ci se rapprochèrent de la côte, sous la batterie de Senne^
(1) Le 15 juillet, les bricks anglais Plumper et Teaser, pris par un calme près des îles
Cbaossej, forent attaqués par les six eanonnières du capitaine Collet et prises.
(t) Archives de la Marine, BBi^, tl5.
(3) n y eut plusieurs promotions. Le lieutenant de vaisseau Roquebert fut nommé capi-
taine de frégate, etc.
404 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE III.
ville, et le reste serra la terre de si près que les navires anglais furent obligés
de venir à portée des batteries, dont le feu maltraita bien vite leurs coques et
leurs gréements. Malgré tout, le Champion et les deux bricks, surtout le CrakeVy
obligèrent le capitaine français, vers 10 h. 30, à chercher un abri sous les
batteries de Saint- Valery-en-Caux.
Les navires anglais étaient très maltraités : le Cliampion avait ses trois
mâts, surtout celui de misaine, endommagés, son gréement haché et plusieurs
trous dans sa coque très bas ; le Craker eut un boulet dans son mât de misaine,
ses haubans et ses étais coupés. Le Clinker à la fin du combat avait 3 pieds
d'eau dans sa cale. Il semble que le Champion fut le seul navire où il y eût des
pertes : 2 tués et 3 blessés ; les Français eurent 4 tués et 22 blessés.
Dès qu'il apprit que le Champion et ses deux compagnons étaient partis
pour se réparer aux Dunes, M. Hamelin remit à la voile et atteignît Boulogne
sans encombre.
Suivant leur habitude, les Français, dans leurs récits, élevèrent le Champion
et les 2 bricks à la dignité de '< frégate et corvettes », et le capitaine Hamelin
fut représenté comme ayant repoussé la même division qu'il avait déjà com-
battue, quoique l'une consistât en 2 navires et un brick, l'un des deux premiers
étant double duChampion comme taille et force. Comme toujours leur relation
ne parle pas des batteries de terre, ni des diffcultés qu'éprouvaient les bâti-
ments britanniques â naviguer si près de la côte. . . .
Ce furent encore les Hollandais qui livrèrent les combats
les plus intéressants de cette dernière période.
On a vu qu'à la fin de Tannée 1804, les deux premières
parties de la flottille batave étaient arrivées à Dunkerque à
portée du corps de Davout, concentré dans les environs. Un
ordre du l^^ mars (1) prescrivit de faire rejoindre 3 bateaux
restés à Ostende et 8 autres restés à Anvers, et le 25, ordre
fut donné à la troisième partie, restée à Ostende, de se porter
sur Dunkerque. C'était toujours, on le voit, le projet de faire
agir la droite de Tarmée dans la mer du Nord, d'une façon
indépendante et sans doute avec un autre objectif que les
forces de Boulogne, Ambleteuse, Wimereux et Ëtaples. Mais
la tendance qui s'était toujours manifestée, de resserrer de
plus en plus sur son centre la base des opérations, primitive-
ment étendue d'Étaples à Flessingue, allait se traduire par
une mesure tout à fait inattendue.
Le 13 mars, l'Empereur écrivait (2) :
« Mon intention serait, lorsque le moment serait arrivé, et
(l) Correspondance de Napoléon, 8373 et 8481.
(t) Correspondance de Napoléon, 8129, au maréchal Soolt.
LES DBRNIÂRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 405
« vers la fin de germinal, de placer Legrand et Suchet dans
<c tout l'arrondisse ment de Boulogne, la réserve et la garde à
« Wimereux, et vingt bataillons du camp de Bruges à Amble-
« tettse. »
L'ordre en fut efiTectivement donné le 25 mars.
Au maréchal Davout (1).
La MalmaUon, 4 germioal an xiii (25 mars 1805).
Mon Cousin,
J'ai donné ordre que la troisième partie de fa flottille batave se rendit d'Os-
tende à Dunkerqueei que \à première se rendit de Dunkerque à Amhleteuse. Le
Ministre de la guerre a dû vous envoyer Tordre pour le Jour auquel la première
division du camp d'Ostende doit se rendre à Ambleteuse, pour occuper rempla-
cement de la division du général Legrand.
Le projet de faire porter par des bâtiments de transport les bois qui ont
serTi à la construction des baraques pourrait être avantageux, car alors on
pourrait construire à Ambleteuse pour une nouvelle division, mon intention
étant de réunir là votre armée.
Faites-moi connaître par le retour de mon courrier, la situation de votre
armée, celle de la flottille batave, et surtout la situation des écuries et autres
b&timents de transport destinés à embarquer le matériel de votre artillerie et
▼os chevaux. Il ne faut rien laisser à Ostende ; tous les magasins de réserve,
d'outils, d'artillerie, etc., doivent se replier d'Ostende sur Dunkerque.
Napoléon.
Malgré l'état de délabrement où se trouvait alors le port
d'Ambleteuse (2) et que l'Empereur connaissait parfaitement,
le mouvement de resserrement de la droite sur le centre prit
bien vite une extension considérable.
Le 14 avril, ordre fut donné d'évacuer, sur Boulogne, tous
les bâtiments français encore à Ambleteuse et d'y placer tous
les bâtiments bataves formant la 8® escadrille (3).
Aux objections de Decrès, l'Empereur répondit simple-
ment :
« La 8® escadrille peut très bien tenir à Ambleteuse, quand
« elle y serait serrée. Vous pouvez penser que quand f en aurai
(1) Correspondance de Napoléon^ 8481.
(2) Correspondance de Napoléon^ 8517, à Davout.
(3) Voir ci-dessoQft.
406 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.
« besoin^ la moitié sera en rade et il n'y aura qu'une moitié à
« faire sortir. »
A Verhuell, qui signalait rinsuffisance de la profondeur du
port pour ses navires, plus profonds que les similaires fran-
çais, il était écrit ce qui suit :
Au vios'àmlral Verhuell (i).
Lyon, le i\ genninal an xiii (11 avril 1805).
Monsieur le Vice-Amiral,
Mon intention est de réunir toute la flottille batnve à Ambleteuse. Vous
devez avoir reçu Tordre d'y faire passer la première partie. J'ai ordonné qu'on
travaillât au déblaiement du port, et toute votre flottille doit pouvoir y être
contenue. Cela tient A mon système général de guerre. Tâchez de compléter
les équipages de vos écuries, qui sont bien nécessaires. J'ai appris avec peine
que vous étiez malade ; mais on m'assure que votre santé se rétablit. L'heure
de la gloire n'est peut-être pas éloignée de sonner ; cela dépend, au reste, de
quelques chances et de quelques événements.
Napoléon.
On a vu la curieuse réponse de Tamiral hollandais, qui se
mit immédiatement en mesure d'obéir.
Le 23 avril au soir, par vent de nord-est, une division, forte
de 32 bateaux canonniers et 19 transports, appareilla de Dun-
kerque. Dans Tétat actuel du port d'Ambleteuse, c'étaient les
seuls navires qui pussent y entrer, de sorte qu'on n'aurait pu
joindre à la division des chaloupes canonnières. Le 24, au
point du jour, le vent, ayant passé au sud-est, avait forcé de
louvoyer, de sorte que 9 bâtiments, coupés de terre par i fré-
gate, 2 bombtirdes et 5 bricks anglais (2), furent pris. Le 25,
une petite partie seulement de la division (10 bateaux et
2 transports) parvenait à Ambleteuse, tandis que le reste
(20 bateaux et 6 transports) restait mouillé près de Wissant,
sous la protection des batteries de terre. Le 26 seulement,
après un nouveau combat, la division, moins 8 bateaux et
l transport pris par l'ennemi et 1 autre rejeté à Calais, parve-
nait à Ambleteuse.
(1) Correspondance de Napoléon, 8571.
(î) Lafond, 24 avrU. BB»', Î13.
LES DERNIÂRES OPERATIONS DE LA FLOTTILLE. 407
A Son Exoellênoe le Miniêtrt de là guerre.
A a qa&rtier général de Boulogne, le 6 floréal an xni
(26 aTril 1805).
J'ai l'honneur d'instruire Votre Excellence que la partie de la dlTision
batave, qui était restée mouillée dans la baie de Wisssant, a appareillé ce matin
et s'est rendue à Ambleteuse.
Hier, une frégate et deux bricks anglais se présentèrent devant le cap Gris-
Nez et cherchèrent à engager un combat avec les bâtiments bataves qui étaient
au mouillage ; le feu des batteries mobiles et des batteries de côtes fût si bien
dirigé, que les 3 bâtiments ennemis éprouvèrent de fortes avaries. La frégate
eût plusieurs étais de son grand mât d'emportés, ses manœuvres furent bri-
sées ; elle se trouva même pendant un instant compromise. Ces trois bâtiments
abandonnèrent précipitamment le combat, et firent voile vers TAngleterre.
Une canonnière de la division venant de Dieppe, ayant touché sur les bancs
de la Somme, fut obligée de s'échouer : hier, elle fut aussi attaquée par une
corvette anglaise ; mais sa défense et la protection qu'elle retira des batteries
durent être tellement efficaces qu'on vit passer, de la c6te de Boulogne, la
corvette ayant son mât de misaine emporté et paraissant très maltraitée.
Les vigies ont signalé que la canonnière était entrée dans la baie d'Étaples.
J'ai l'honneur de vous saluer.
SOULT.
Le même jour, la canonnière n<* 495 s'était échouée à Etaples
après un combat dans lequel son commandant, renseigne de
vaisseau Jamet, avait été tué, et le second, l'aspirant Lorry,
blessé.
Voici la version anglaise de cet épisode, d'après W.James :
Le 23 avril, à 9 heures du soir, h la faveur de l'obscurité et d'un vent frais
de nord-^est, la première division batave, forte de 33 bateaux canonniers et
19 transports, partit de la rade de Dunkerque. Elle dépassa Gravelines et Calais
sans être découverte, mais au jour le vent passa au sud-est, puis au sud-sud-
est, et le changement de marée mit la flottille en désordre La plus grande
partie mouilla entre les caps Blanc-Nez et Gris-Nez, tandis que 8 bateaux qui
avaient trop prolongé la bordée du large se trouvèrent à 7 ou 8 milles de la
c^te. A ce moment ils furent aperçus par une division anglaise, composée de
la frégate Leda^ des sloops Harpy et Railleur , de la bombarde Fury et de
8 bricks canonniers tous â l'ancre devant Boulogne, sauf 2 des derniers qui
étaient sous voiles devant Ambleteuse.
Ces deux navires, Gallant et Watchful,., reçurent le signal de chasser
dans le nord-est, suivis du reste de la division qui leva rancrc. A 8 heures, ils
étaient près des 8 bateaux bataves et une vive canonnade s'engagea à laquelle
prirent part les batteries de terre. En quelques minutes quatre gros boulets
envoyés par elles, frappèrent le Gallant à la flottaison et Tobligèrent à virer
pour aveugler ses voies d'eau. Un bateau se rendit au Watchful, Le Railleur
408 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.
et les bricks Locust et Stirling obligèrent les 6 autres à amener leur pavillon
avant 10 heures du matin et après une énergique résistance.
Le 25 au matin, deux autres bateaux qui avaient dérivé loin de terre furent
pris par le brick Archer qui eut un seul blessé. Ces 8 bateaux étaient du port
de 75 tonneaux, avaient chacun 3 canons de 24 et portaient ensemble 142 ma-
rins et soldats. Le reste de la division. . . . parvint à gagner Ambleteuse.
C'était là un sérieux échec que Napoléon imputa à Tamiral
Verhuell (1) :
Je suis très fâché, lui écrivit-il, que vous n'ayez pas fait partir de chaloupes
canonnières avec les bateaux canonniers, les unes servant de protection aux
autres. Des bateaux canonniers seuls n'ont point la force nécessaire pour résister
à des bricks et des cutters. Trop de confiance produit les échecs et une erreur
nouvelle, comme celle de la flottille ; Téchec le plus petit a des conséquences
désagréables. L'officier qui commandait le Batave n'avait pas les instruc-
tions convenables pour passer le cap Gris-Nez, qui n'est point un passage égal
à Dunkerque ou Ostende.
Napoléon (2).
Au maréchal Davout (3).
Alexandrie, le 16 flort^al an xni (6 mai 1805).
Mon Cousin,
Les échecs qu'a éprouvés l'amiral Verhuell proviennent de l'excès de con-
fiance de cet amiral et du peu de précautions qui ont été prises.
Nous avons pour principe de ne point faire marcher seuls les bateaux canon-
niers. Je regrette peu les bâtiments, mais beaucoup les 200 hommes dutH^ et du
108® régiments qui sont prisonniers. Veillez à ce que l'on prenne plus de pré-
cautions ; le passage du cap Gris-Nez n'a rien de commun avec les passages
d'Ostende et de Dunker(|ue.
Napoléon.
On a vu que Fétat du port d' Ambleteuse, à ce moment (4),
justifiait amplement Tamiral de ne pas avoir emmené des cha-
loupes canonnières.
Malgré ce début des moins encourageants, FEmpereur
décida, le 7 mai, de faire passer à Ambleteuse, non pas seule-
ment la première partie de la flottille batave, mais toute cette
(1) Correspondance de Napoléon, 8673.
(2) Deerès n'était pas du même avis que l'Empereur. (Voir la page suivante.)
(3) Correspondance de Napoléon, 8694.
(4) Voir lettres de Sganrin, 28 avril, ci-dessus.
LES DERNIÈRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 409
dernière composée alors de 55 chaloupes canonnières, 207 ba-
teaux canonniers et 108 transports.
A M. /e contre-amiral Lacrosse, commandant la flottille à Boulogne (1).
PariR, le 10 floréal an ziii (6 mai 1805).
Monsieur le Contre- Amiral,
J'ai reçu vos 10 lettres des 2, 4, 5, 6, 7, 10 et 12 de ce mois; elles sont en
majewe partie relatives à l'arrivée de la division qui était en relâche à Dieppe,
sous les ordres du capitaine de frégate (?) , et à rengagement soutenu
le4 {ti avril) devant le cap Gris-Nez par la division batave expédiée de Dun-
kerque pour Ambleteuse, Je vois que cet événement malheureux a occasionné la
perte rfe 8 bateaux canonniers et d'un transport de cette division, mais qu'il ny
a dans cette circonstance aucun reproche à faire au commandant.
J'ai trouvé joint à votre lettre du 12 Tétat des réparations à faire aux bâti-
ments de la flottille batave, actuellement réunis à Ambleteuse. 11 importe de
faire remettre ces bâtiments en état le plus promptement possible, et puisque
cette flottille a des ouvriers qui lui appartiennent, ils devront être employés à
ces réparations. On y employera également les matières que le commandant
peut avoir à sa disposition ; il sera donc nécessaire que vous vous concertiez
pour cet objet avec M. le vice-amiral Verhuell, et s*il y avait des objets qu'il
ne pût faire procurer, il y sera pourvu alors par les magasins du port.
Vous pourrez demander en même temps à cet officier général, les éclaircis-
sements dont vous aurez besoin sur l'organisation particulière de cette flottille.
Elle se compose de :
55 chaloupes canonnières,
207 bateaux canonniers,
108 transports.
Ce qui forme :
3 divisions de chaloupes canonnières,
12 divisions de bateaux canonniers,
6 divisions de transports.
Mais M. le vice-amiral Verhuell vous fixera d'une manière plus précise sur
la véritable organisation de cette flottille.
J'ai vu, par l'état joint à une de vos lettres du 4, que 275 bâtiments de diff'é-
rentes espèces ont été remis en état pendant la dernière décade de germinal.
Je vous invite à faire apporter la même activité dans les travaux restant à
faire ; mais je remarque que celui du calfatage ne pourra être suivi avec toute
la célérité désirable qu'après l'arrivée des cal fats attendus au Havre, et je
renouvelle au Préfet du 2* arrondissement l'ordre de presser la levée et le
départ de ces ouvriers.
Recevez, M. le Contre- Amiral, l'assurance de ma parfaite considération.
(1) Archives de la Marine^ BB", 102. — Bureaa des ports, ans xiii et xxv.
410 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.
En transmettant Tordre de TEmpereur, le Ministre de la
marine prit sur lui d'en régler l'exécution d'après l'avance-
ment des travaux du port d'Ambleteuse.
Au contre-am/ra/ Laorosse, commandant la flottille à Boulogne (1j.
Paris, le 20 floréal an xiii (10 mai 1805).
M. le Contre- Amiral,
L'intentioQ de rEmpereur étant que la totalité de la flottille de guerre
batave soit réunie à Ambleteuse, j« vous préviens que je prescris à M. le vice-
amiral Verhuell qu'il doit faire passer en ce port les chaloupes canonnières et
les bateaux canonniers bataves qui sont encore à Ostende et à Dunkerque.
J'observe cependant à M. le vice-amiral Verhuell que Texpédition de ces
bateaux ne doit avoir lieu que successivement et à mesure que le déblaiement
du port d'Ambleteuse permettra d'y recevoir de nouveaux bâtiments, et je l'in-
vite à se concerter avec vous à ce sujet.
Recevez, M. le Contre-Amiral, l'assurance de ma parfaite considération.
P, S. — Je vous prie de donner communication de cette lettre au Préfet
maritime.
On usa largement de la permission car, à part l'arrivée, le
26 mai, à Dunkerque, de 12 bateaux et 22 transports venant
d'Ostende (2), la flottille batave ne bougea plus du 26 avril au
17 juillet, soit pendant près de trois mois.
Dans l'intervalle, certains renseignements donnèrent à
craindre pour la dernière partie de la flottille batave restée à
Flessingue.
U floréal an xm (4 mai 1805) (3).
Déclaration de deux pilotes, embarqués sur la galliasse le Triton et le brick
les Bom Amis, bâtiments du commerce français, pris par le brick anglais le
Croasser y capitaine Hennecoq, dan» leur traversée de Dunkerque à Ostende,
sous pavillon neutre.
Les nommés Jean Cachy et Jean Daman, pilotes, étant partis avec les navires
le Triton et les Bons Amis, de Dunkerque, le 17 ventôse dernier, rencon-
trèrent le même jour à la hauteur de la Fremonk, le brick le Grawler qui les
prit : ils restèrent pendant 10 jours à bord de ce brick; ensuite ils en furent
débarqués pour être embarqués chacun sur une canonnière. On voulut les
(1) Archives de la Marine, BB", lOî. — Bureau des ports, ans xiii et xiv.
(2) liettre de Lejeune, 16 mai. (Archives de la Guerre, côtes.)
(3) Archives nationales, carton AK«v, 1204. — Marine et colonies, flottille de Boulogne,
an XII et an xiv.
LES DERNIÂRBS OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 411
contraindre d'instruire les pilotes anglais, sur la situation des bancs, pour
Tenir facilement attaquer et s'emparer des canonnières bataves qui se trou-
Taient en rade de Dunkerque.
Ces deux pilotes se refusèrent à donner les renseignements qui leur étaient
demandés, et ne Toulurent pas accepter les offres qui leur furent faites à cha-
cun, de douie schellings par jour.
Ils furent conduits aux Danes^ et mis à bord du Taisseau amiral.
Os ont remarqué que 150 bâtiments armés en guerre y dont 12 à 15 vaisseaux
de ligne, des frégates et quantités de bombardes^ se trouvaient aux Dunes ; ils
ignorent la destination de cette flotte,
Lesdits pilotes restèrent 10 jours à bord dudit Taisseau amiral, après quoi
ils furent conduits à Scheerness dans la riTière de Londres ; ils ont aussi
remarqué que de chaque côté de cette rivière, il y a des Taisseaux à deux ponts,
sans gréements, armés en batteries flottantes, depuis Scheerness jusqu'à Gra^e-
sand, et que depuis ce dernier endroit jusqu'à Londres, il y a quantité de Imtte-
ries tout le long de la côte.
Ils ont TU, à Scheerness, 25 brûlots qui sont reconnaissables par un màt à
piple qu'ils ont en aTant, et par des arrs-boutants qu'ils ont dcTantet derrière,
armés de crocs et de ^rmpins.
Le chef militaire de la marine,
E. Degrés. Signé : Malles.
Le général de division Monnet, commandant eupérieur de la place de
Fleasingue et de nie de Walcheren, à Son Excellence le Maréchal de
l'Empire Alexandre Bertliler, ministre de la guerre.
Le 1*' messidor an xii de la République française,
(tO JQin 1804).
Excellence,
Je me réfère aux lettres que j'ai eu l'honneur de tous écrire, en date du
4* germinal et du 17 prairial, relatiTement à l'exposé de ma situation en troupes
pour la défense de l'ile dont le commandement m'est confié. Le besoin de
renforts que je tous ai demandés devient plus urgent de jour en jour ; la croi-
sière ennemie a été augmentée et elle se porte constamment à 15, 20 et 25
bâtiments de guerre de toutes grandeurs. Gomme j'ai déjà eu l'honneur de
l'exposer à Votre Excellence, je ne possède plus un seul soldat français. Sur
2,000 bataTes qui me restent, j'ai à peu près 1600 combattants. Voilà ma force
réelle pour défendre une tle qui a 13 lieues de circonférence et qui est suscep*
tible d'être attaquée sur tous les points. Je tous ai observé qu'il n'était pas
prudent d'accorder trop de confiance à cette troupe, dont les deux tiers sont
composés d'étrangers qui, conséquemment, n'ont aucun esprit national. Je
TOUS ai aussi instruit du dévouement à l'Angleterre de la majorité des habi-
tants de Walcheren, et c'est d'après toutes ces considérations que je réitère la
demande que j'ai eu l'honneur de faire à Votre Excellence, d^un régiment
d'infanterie, de deux escadrons de cavalerie et de deux compagnies d'artillerie
à pied français, et cette demande est réduite au plus strict nécessaire.
412 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.
Votre Excellence se persuadera facilement que, dans un poste aussi impor-
tant, la force des troupes françaises devrait au moins balancer celle des
bataves.
Je ne dois pas tous laisser ignorer que je soupçonne très fort que Texpédition
qui se prépare à Dungeness, et pour laquelle doivent s'embarquer à peu près
iO,000 hommes (dont les journaux anglais affectent de publier la destination
pour le Cap) sera probablement dirigée contre l'île de Walcheren. Mon opi-
nion est fondée sur ce que l'occupation de ce poste deviendrait plus avantageuse à
Tennemi dans les circonstances, que celle de tout autre pays éloigné, parce qu'ici
il pourrait détruire la 3^ partie de la flottille batave composée de 240 voiles et
intercepter toute communication avec la Hollande. C'est à Votre Excellence à
apprécier la valeur de cette dernière observation, qui devient un nouveau motif
pour moi de lui demander des troupes.
J'ai l'honneur de vous saluer, Monnet.
. Tout se réduisit à une petite alerte survenue le 29 juin.
L'Éclase, le 10 messidor an xui (29 juin 1805).
Mon Général,
C'est avec le plus vif chagrin que j'ai l'honneur de vous rendre le compte
suivant :
Revenu de l'Ile de Cudzand hier vers 3 heures, je ne suis sorti de chez moi
qu'à 7 heures pour aller me promener autour de la ville ; rentré vers 9 heures,
j'ai trouvé sur ma table le billet que je joins ici. Sur le champ j'ai couru au
quartier occupé par mes troupes, et ayant promptement rassemblé ce qui est
à ma disposition, en tout 30 hommes, tant infanterie que hussards, je me suis
mis à leur tête et me suis porté au pas de charge vers l'endroit indiqué par le
billet, distant d'environ deux lieues. J'étais encore éloigné de plus d'une demi-
lieue lorsque j'ai entendu des coups de fusil et quelques coups de canon tirés
de la batterie de Cadzand ; alors je me mis à la course avec le petit nombre
d'hommes qui a pu me suivre, mais mes eflbrts n'ont abouti qu'à me faire
arriver au moment où les Anglais venaient d'emmener un bâtiment échoué à
la droite de la batterie sus-nommée. En cet instant l'obscurité était telle que
je n'ai pu voir ni le bâtiment ami, ni le bâtiment ennemi. Voici donc le récit
qui m'a été fait de ce désagréable événement par le lieutenant d'artillerie de
ligne et par le lieutenant du 48*, commandants tous deux dans ce poste chacun
leur arme particulière.
Avant de commencer cette narration, la justice veut que je vous dise que
j'ai trouvé tout le monde à son poste, les canonnniers de ligne et gardes côtes,
l'infanterie de ce qu'on appelle ici le camp de gauche, les hommes de la
péniche, et environ 20 préposés des douanes ayant à leur tête leur lieutenant
d'ordre.
Les chefs de ces diffiérentes troupes m'ont dit que, vers 6 heures, ils avaient
observé un brick anglais croisant au large et, entre lui et la côte, un petit
bâtiment marchand qui semblait destiné pour l'Escaut, mais que la peur du
brick paraissait engager à se rapprocher de la côte, ce qu'il a exécuté quelque
temps après, ayant même fini par s'y échouer à la droite de la batterie de
LES DERNIÈRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 413
Cadzand. Le maire de cette commune s étant trouTi* là par hasard et ayant
donné son cheva], on m*aTait expédié le billet ci-joint. Pendant qu'on me
Tapportiit, les renforts des postes Toisins étaient accourus suivant mes ordres
précédents, la péniche, n'ayant pu sortir le matin, avait envoyé ses hommes
nrraés, et les préposés des douanes étaient venus offrir leurs services de bonne
volonté.
Le bAtiment échoué monté de 5 hommes, y compris le chef, naviguait sous
pavillon prussien, chargé de vins de bordeaux pour Anvers ; le capitaine venu
à terre dans son canot a donné ces détails et demandé avec instance un pilote
qui put le diriger le long d'une côt« à lui inconnue^ seulement jusqu'à Fies-
singue. Le commandant de la péniche, voulant contribuer à sauver un bâti-
ment fi*ançais, a eu la faiblesse d'accorder son pilote qui se trouvait présent, et
le capitaine l'a emmené de suite à son bord. Alors la mer remontait et la nuit
était devenue si noire qu'en réalité, j'étais obligé de parler de temps en temps
k mes soldats pour les empêcher de s'égarer dans les dunes. Cette circons-
tance n'est pas échappée aux Anglais, et, ayant pour eux la marée et le vent,
ils se sont approchés en chaloupe du bâtiment échoué, sans que l'officier d'ar-
tillerie ni la raousqueterie (sic) aient pu les discerner de manière à diriger utile-
ment leurs coups ; ils sont montés à bord, et comme le bâtiment se trouvait
alors à flot, ils ont tendu les voiles et se sont éloignés en un moment, emme.
nant avec eux le pilote de la péniche ; l'officier d'artillerie n'osant tirer sur le
bâtiment français, et ayant envoyé à la chaloupe quelques volées absolument
au hasard dans l'obscurité qu'il faisait alors (il faut observer ici que par la
manière et l'endroit où le bâtiment était échoué, la pièce de 4 est la seule qui
ait servi). Si j'eusse été là, j'eusse tâché de réformer cela.
Voilà ce que j'ai recueilli au moment de mon arrivée, et ce qui me parait
conforme à la vérité. Vous voyez, mon général, que la fatalité seule a conduit
cet événement, car, peu de temps après mon arrivée, le temps s'est éclairci de
manière à distinguer les objets, et par conséquent à empêcher ce malheur.
Enragé de cette perte, dans le premier moment de chaleur, je me suis per-
mis des reproches amers adressés à l'officier d'infanterie, et lui ayant demandé
pourquoi, au lieu de mon pilote, il n'avait pas fait passer 25 ou 30 hommes à
bord du bâtiment échoué, il m'a répondu qu'il en avait eu l'idée mais qu'il ne
l'avait osé, le commandant du vaisseau ayant dît qu'il se tirerait d'aflPaire sans
combat, si on lui donnait seulement un pilote.
Je ne sais si j'eusse bien ou mal fait, mais très décidément si je fusse arrivé
à temps, je serais monté moi-même à bord, et le diable m'eût emporté avant
que les Anglais n'eussent le vaisseau.
Je vous avoue, mon général, que je serais inconsolable si je n'avais fait l'im-
possible pour prévenir ce malheur, mais à moins d'avoir des ailes, je défie à
homme vivant d'aller plus vite.
Tout cela étant irréparable, m'a servi seulement à prouver à mes gens que
leur honneur et leur vie dépendait de leur vigilance, qui ne devait jamais être
plus active que pendant les nuits obscures et les marées montantes.
J'ai regagné bien tristement mon logis pour vous instruire de ce qui s'est
passé. J'attends de vous, mon général, un mot consolant sans lequel je ne ferai
pas une goutte de bon sang.
Salut et considération. Le général Paris.
414 TROISIÈME PARTIR. — CHAPITRE ni.
- Le préposé des douanes vient de me communiquer une lettre du directeur
d'Anvers qui lui défend de vendre le bfttiment du capitaine Gardner, et lui
ordonne en cas qu'on le prouve d'en dresser procès- verbal.
Il ne m'appartient pas de donner des conseils à mes supérieurs, sans cela je
me permettrais de dire que ce serait le cas d'écrire à Sa Majesté Impériale.
Ne pensez-vous pas, mon général, que l'ennemi instruit par le pilote de ma
péniche, peut chercher à lui tendre îles pièges? Faible en hommes comme je
suis, ce serait peut-être bien fait de me la retirer tout à fait.
Le général Mathieu Dumas, conseiller d'ÉtaU chef de l'état major général,
au général Priant, commandant la 2* division du camp de Bruges.
Au quartier général à Ostonde, le 10 thermidor an xii
(SOjuUlei ISOl).
Mon cher général,
J'ai l'honneur do vous informer, de la part de M. le Maréchal commandant
en chef, que, l'ennemi venant d'opérer un débarquement sur l'île de Walcheren,
le général de division Oudinot a reçu l'ordre de s'y porter par les canaux avec
5,000 hommes de ses troupes qui s'embarquent en ce moment sur une division
de bâtiments de transport de la flottille batave.
Le général de brigade Eppler a l'ordre de se porter avec célérité dans l'Ile
de Gadzand à la tête d'un renfort de 400 hommes, afin d'observer les mouve-
ments de l'ennemi et de s'opposer à toutes tentatives sur ce point.
Une réserve de 400 hommes, commandée par un colonel, va prendre poste
h Blankenberg pour être i\ portée de se rendre, s'il est nécessaire, à la disposi-
tion du général Eppler.
L'intention de M. le Maréchal, mon cher général, est que vous preniez dès
ce moment et pendant son absence le commandement en chef des troupes
qui restent dans les camps sous Ostende et celles réparties sur la côte de l'est
et dans l'île de Gadzand, aûn que vous agissiez suivant les circonstances. Le
général Eppler vous rendra compte de ses dispositions, des mouvements de
l'ennemi et recevra vos ordres.
Veuillez bien ordonner, mon cher général, qu'un détachement de 20 chas-
seurs à cheval du 1*' régiment le plus à portée de vous, y compris les sous-
officiers nécessaires, se rendent immédiatement à Myckens avec chevaux,
armes et bagages, h Teffet d'être embarqués et suivre l'expédition. Ge détache-
ment devra être muni de 50 cartouches par homme et de pierres de rechange.
Je vous salue de tout mon cœui-, Mathieu Dumas.
Le général Mathieu Dumas, conseiller d'État, chef de l'état- major général.
Au quartier général à Ostende, le 10 thermidor an un
(19 JuUiet 1804).
Instructions secrètes pour le gvnùral de division Oudinot^ grand officier
de la Légion d^ honneur ^ commandant la 1'* division du camp de Bruges.
Mon Général,
M. le Maréchal de l'Empire, commandant en chef, m'a chargé de vous trans-
LES DERNIÈRES OPERATIONS DE LA FLOTTILLE. 415
mettre la présente instruction pour tous faire connaître les dispositions qu'il a
arrêtées et dont il tous confie Texécution, ponr porter un secpurs do
5,000 hommes d'infanterie et 100 chevaux sur File de Walcheren, dans le cas
où les ennemis y effectueraient un débarquement : vous en aurez reçu Ta vis
certain au moment où vous ouvrirez ce paquet.
La dépêche par laquelle le général Monnet doit prévenir M. le Maréchal,
TOUS ayant été portée par le colonel Hervo, sous-chef de Tétat-major général,
il faut qu'au plus tard, trois heures après Tarrivée de ladite dépêche, ce corps
de troupes soit embarqué et mis en route, de la manière qui sera dite ci-après ;
le succès de l'opération dépend uniquement de la célérité.
Vous devez faire marcher sur-le-champ 1,000 hommes par régiment, ofQ-
ciers non compris, qui devront s'embarquer sur les bâtiments désignés dans le
tableau ci-joint.
100 choTaux de hussards et chasseurs que vous prendrez savoir: 60 dans les
compagnies d'élite, et les 40 autres dans votre division ou dans celle du
général Priant, seront aussi embarqués sur les bAtiments-écuries désignés
dans le tableau ci-joint.
Je joins ici les lettres par lesquelles je préviens les généraux Priant et
Walther de cette disposition ; Teuillez bien les leur transmettre sans délai.
Le grade et le nombre des officiers d'infanterie qui devront marcher et s'em-
barquer avec leur troupe a été déterminé par M. le Maréchal de la manière
suivante, savoir : pour 1,000 hommes, 1 chef de bataillon, 9 capitaines,
12 lieutenants et 15 sous-lieutenants.
Il y aura pour chaque régiment un officier de santé, chirurgien-major ou
aide-major.
Vous désignerez un commissaire des guerres ou un adjoint qui sera chargé
de Tadministration de ce détachement et ne tous quittera point.
Chaque homme doTra être muni de KO cartouches et 3 pierres à feu.
Ils devront avoir, en partant, 4 jours de biscuit et t jours de pain frais ; ils
recevront d'ailleurs à bord les TiTres de mer.
Tous les bâtiments destinés conformément à la répartition réglée par le
tableau ci-joint, sont actuellement rassemblés dans le canal, au delà des écluses
de Myckens et prêts à partir, à l'exception de 9 péniches.
L'amiral Verhuell, sur votre demande, rendra tous ces bâtiments dispo-
nibles à l'instant, et fera passer les 9 péniches dans le canal. Rien de es qui
concerne la marine ne pourra vous retarder, ainsi que vous le verrez dans les
observations jointes au tableau d'embarquement ; sur les 120 chevaux dont la
place est indiquée, 20 places doivent être réservées, dont 10 pour les chevaux
du général en chef, 10 pour les TÔtres ou pour ceux des vôtres.
n sera embarqué à bord des bâtiments-écuries, en raison du nombre de
chevaux embarqués sur chacun de ces bâtiments, un approvisionnement de
fourrages en foin et avoine pour 3 jours.
Les 5)000 hommes d'infanterie et les 40 chevaux, ainsi que les chevaux du
général en chef et de Fétat-major, seront embarqués à Myckens ; les 60 che-
Taux des compagnies d'élite, des chasseurs et des hussards, seront embarqués
à Bruges, sur le quai des bassins. Les bâtiments-écuries désignés sur le tableau
d^embarqaement, pour lesdits 60 chevaux, devront partir les premiers et se
rendre au bassin de Bruges.
416 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.
Veuillez bien remarquer, mon général, dans les observations du tableau
d'embarquement, qu'indépendamment des chevaux et des chasseurs et hus>
sards, placés sur chacun des bâtiments-écuries, vous pouvez y mettre encore
40 soldats, qui devront être pris sur les 200 hommes à placer sur chacun des
15 bâtiments de transport.
Les 10 grands c^inots, qui peuvent recevoir chacun 20 hommes, dégageront
aussi d'autant les 27 péniches. On prendra les 200 hommes à répartir dans
les grands canots, sur la totalité de ceux destinés à être embarqués sur les
péniches.
Nota. — Si les chevaux de M. le Maréchal ne se trouvaient point ici, le
bateau destiné à les recevoir devra rester à Mykens jusqu'à son arrivée.
Je joins ici, mon gi^néral, la lettre par laquelle je rappelle, au nom de M. le
Maréchal, à Tamiral Verhuell, la promesse qu'il a faite de tenir les bâtiments
prêts au premier ordre, la destination qu'il a faite lui-même de ces bâtiments,
laquelle a été exactement suivie dans l'état d'embarquement.
Aussitôt que le colonel Hervo vous aura remis la dépêche du général Monnet,
et avant même de donner vos premiers ordres du jour pour l'exécution des
dispositions ci-dessus, vous voudrez bien expédier à M. le Maréchal par un de
vos aides de camp, qui usera de chevaux d'ordonnance, une copie de ladite
dépêche du général Monnet ; vous écrirez aussi au général Monnet, en vous
bornant toutefois à le prévenir simplement, que 5,000 hommes marchent h
son secours, sans lui rien communiquer du mouvement ni de la direction de la
marche, dont il me reste à vous transmettre les divers détails d'exécution.
Ce corps de troupes, dont vous devez prendre le commandement, doit être
porté par les canaux de Bruges et de Gand, aussi promptement qu'il sera
possible, jusques au Sas-dc-Gand, où vous attendrez de nouveaux ordres.
Deux colonels et un général de brigade que vous désignerez vous-même,
commanderont sous vos ordres et recevront vos instructions.
Indépendamment de la marche de 5,000 hommes et de 100 chevaux sur le
Sas-de-Gand, vous devez porter immédiatement une réserve de 400 hommes,
commandée par un colonel, au poste de Blankenberg ; un autre détichement
de la même force, sous les ordres du général Eppler, devra marcher sur l'Ile de
Cadzand. Ce général recevra de vous l'ordre de s'opposer à toute espèce de
tentative de la part de l'ennemi sur cette lie, et si ses tentatives ou ses mou-
vements rendaient nécessaire de lui envoyer quelques renforts, il s'adresserait
au général Priant qui commandera toutes les troupes restées dans les camps
sous Ostende, pendant votre absence et agira suivant les circonstances.
Il est bien nécessaire que le général Monnet, sur votre invitation, fasse
passer le plus souvent possible des nouvelles de l'ennemi ; vous donnerez
l'ordre au commandant Joubert, sur l'Ile de Cadzand, de vous faire parvenir
ces nouvelles au Sas-dc-Gand, par des personnes sûres et qui devront vous y
attendre, pour vous les remettre h vous-même au moment de votre arrivée. Le
commandant Joubert ne devra point se borner à vous transmettre les dépêches
et les avis qui lui viendraient officiellement de l'île de Walcheren, il doit y
ajouter ses rapports, ses propres observations sur les mouvements qu'il verrait
faire à l'ennemi, soit à la mer, soit dans l'Escaut, et ne pas manquer de
vous expédier des ordonnances toutes les fois qu'il aura le moindre avis utile à
vous donner.
LBS DERNIÂRBS OPÉRATIONS DB LA FLOTTILLE. 417
Voici les moyens mis à Totre disposition pour assurer le halage des bâti-
ments, accélérer la navigation et aplanir autant que possible tous les obstacles
qui pourraient s'y rencontrer :
1* Le relais de chetaux (60 chevaux) nécessaire au halage, 60 chevaux d'ar-
tillerie, seront d'après l'invitation ci-jointe au général Sorbier, commandés
pour haler les bâtiments de Myckens à Bruges, jusque au delà des écluses ;
^ 60 autres chevaux, aussi fournis par Tartillerie, feront le service du
second relais de Bruges à Acltere ;
3** 60 chevaux des équipages des vivres seront à Tinstant, et d'après l'invita-
tion d-jointe à l'ordonnateur en chef, envoyés à Acltere pour fournir le relais
d'Acltere à Gand ;
4® Enfin, 60 chevaux du pays seront, d'après Tinvî^tion ci-jointe au préfet
du département de l'Escaut, tenus tout prêts à Gand pour fournir le reluis de
Gand au Sas-de-Gand.
Les préfets de la Lys et de l'Escaut sont invités, par les lettres ci-jointes, à
faire surveiller le service des écluses et à vous donner tous les moyens d'accé-
lérer ces passages et d'éviter les accidents et les avaries.
Le colonel Hervo aura l'honneur de vous présenter et de mettre à votre dis-
position les officiers d'état-major, Gautherot, Desnoyer et Maurel, qui ayant été
employés à la reconnaissance relative à cette opération, et en dernier lieu à
diriger le passage et le halage des bAtiments de la 3* partie de la flottille
batave par les canaux de l'intérieur, pourront vous servir utilement à diriger
et suivre la navigation jusque au Sas-de-Gand ; ils resteront d'ailleurs à vos
ordres pour tous les objets auxquels vous croirez utile de les employer. Vous
pouvez surtout les charger de porter eux-mêmes les lettres aux préfets et
aux commissaires de marine, de placer les relais et d'assurer le service des
écluses.
J'ai l'honneur de vous saluer,
Mathieu Dubias.
La reprise du mouvement des Bataves, entre Dunkerque et
Amble teuse, fut très soigneusement préparée.
Le général Mathieu Dumas, ooneeiller d'État, chef de Pétat-major général,
au capitaine adjoint à l'état- major Bory de Saint-Vincent
Aq quartier général à Dunkerque, le 1 7 prairial an ziii
(6Jain 1805).
Mon cher Borv,
D'après les dispositions arrêtées par M. le Maréchal, pour l'escorte de la floU
tille batave de Dunkerque à Ambleteuse, vous êtes particulièrement chargé de
vous tenir à hauteur de l'avant-garde de ladite flottille, en avant de la pre-
mière division d'artillerie ou batterie mobile : 1<» vous devez observer avec soin
les mouvements des bâtiments ennemis de toute espèce manœuvrant pour se
placer entre la côte et l'avant-garde de la flottille, et donner ou faire donner
au général les avis que vous croirez être utiles ; 2<> à mesure que
IV. 27
418 TROISIÈME PAHTUB. — OHAPITU UI.
la tète de la flottille s^approohera d'une des batteries fixes de la c6te, tous ^ous
y porterez de Totre personne pour tous assurer que tout y est préparé, et que
rien n*en peut retarder le service ; tous obserrerei soigneusement h chaque
point de défense fixe Teffet du tir sur l'ennemi selon sa position, et tous don-
nerez d'une batterie à Tautre, aux officiers qui y commandent, les renseigne-
ments qui pourraient leur serrir à rendre leur feu plus efficace, vous bornant
toutefois à leur communiquer tos observations.
Arrivé à hauteur de Calais, si la flottille s'y arrête et mouille dans la rade,
TOUS TOUS rendrez à bord du b&timent amiral pour rendre compte à M. le Maré-
chal, et si TOUS ne recoTei point de nouTeaux ordres, tous continuerez ce
même service et de la même manière lorsque la flottille appareillera pour dou-
bler les eaps Blanc-Nes et Gr]s«^ez, et se rendre au port d'Ambleteuse.
Vous receTrez à AJubleteuse de nouveaux ordres.
Je TOUS salue de tout mon cœur.
Mathieu Pumas.
Le général Margaton, à M, le maréchal Soult, commandant en chef
le camp de SainUOmer (corps du centre).
Calais, le 2 messidor an xiu (21 Jain 1805).
Monsieur le Maréchal,
M. Laroque, aide de camp du général Duma»» est arrivé ici. Il est
chargé de m'annoncer le passage de la division batave; en conséquence, toutes
mes précautions sont prises et nous sommes en expectative. Aussitôt que j'aurai
des nouvelles certaines de sa marche, j'aurai l'honneur de tous en instruire.
Daignez, Monsieur le Maréchal, agréer l'hommage de mon très profond
respect.
Margaron.
Le i7 juillet, à 5 heures du soir, dit le rapport du gUetteUT du
fort Risban à Calais, j*ai répété les signaux de Boulogne pour 1 vaisseau,
4 corvettes ennemies dans le sud-ouest à 3 lieues; à S h. i/i^ j'ai signalé
6 corvettes ennemies n[iouillées dans l'ouest de Dunkerque, à la distance de
6 lieues; 2 cutters étaient encore dans le nord du port de Calais, à 4 lieues,
sans voile, le vent au nord-est bon frais et le temps couvert; quelques bAti-
ments rentrés ont aussi paru, faisant difl'érentes routes. A 6 heures, j'ai répété
le signal n<^ 4 venant de Test ; ensuite la division est partie de Dunkerque au
nombre de 37 : 4 prames et 33 canonnières. L'ennemi avait appareillé sur ses
ancres pour atteindre notre eonvoi; à 9. A. i/4, le feu a commencé de part et
d'autre; à iO h. 3/4, la tête du convoi a paru sur la rade de Calais et y a
mouillé, le feu a cessé à ii h. i/4; le vent à l'est-nord-est bon fhiis.
*
Voici ce qui s'était passé :
A 7 heures du soir, Yerhuell, avec les 4 prames françaises
LES DBRNlàRES OPERATIONS DE LA FLOTTILLE. 419
Ville-de-Mayence, Vil/e^e-GenèvCy Ville^Aix^ Ville-d Anvers
et 33 chaloupes canonnières hollandaises, était parti de Dun-
kerque, par temps obscur et brise de nord-est. Arrivé à hau-
teur de Gravelines, il fut attaqué par une division anglaise,
mais poursuivit sa route jusqu'à Calais où il mouilla. .
Il a eu dans ce combat une quinzaine d'hommes tués ou blessés et 3 bâti-
ments aTariés, qui sont rentrés à Calais. Ayant attiré par là toutes les forces
de Fennemi sur lui, il a^ait ordonné à un second conToi de bâtiments de Dun-
kerque de le rejoindre à Calais, ce qui s'est effectué. Hier matin, il fit signal
d'appareiller de la rade de Calais. Aussitôt Tennemi fut sur lui et nous ayons
compté, en Tue du cap Gris-Nez, 95 Toiles ennemies {\).
Aujourd'hui, à 3 heures du matin, dit de SOU côté le lieutenant
Leclerc (2), les Anglais qui, pendant la nuit, avaient gagné au large, étant
inférieurs en forces, sont retenus au nombre de i8 b&timents dont 1 frégate,
ont recommencé l'attaque qu'ils ont dirigée sur les 3 prames et quelques canon-
nières restées à l'est de Calais, dont deux étaient échouées ; le feu a été très
Tif ; l'artillerie légère, les forts et batteries de la côte ont protégé les prames et
les canonnières, qui se sont bien défendues; le feu a duré jusqu'à 7 heures,
sans discontinuer.
Une prame et une canonnière sont entrées dans le port; dans la première,
il y a eu 1 canonnier tué, 2 chasseurs grièvement blessés, et plusieurs ont reçu
de légères blessures à la tète. Le grand mât a été fracassé par un boulet; la
cADODiiière a eu 3 hommes tués et 3 blessés.
On Oit oooupé à désarmer les deux canonnières qui sont échouées, et le
reste de la flottille est mouillé dans oe moment devant Calais; les Anglais ont
gagné vers le Blano-Nez. L'amiral Yerhuell est ici et Ton croit qu'il attend la
2« diTision de la flottille. On ne connaît pas les pertes qu'ont éprouvé les bâti-
ments do la flottille qui sont mouillés.
Peu après cette canonnade, arrivaient 18 transports appelés
de Dunkerque, que Famiral faisait entrer au port, se prépa-
rant à repartir avec ce qui lui restait de disponible.
Au général de division Dumas^ chef de l'état-major, général du corps
de droitOi au Bl&rto.
X9 messidor an xm (18 juillet 1805).
Mon cher Généralj
Si le vent le pertnet, Vamiràl appareillera aujourd'hui vers les 3 heures*
(1) Rapport de Soolt, 19 jaillet. {Archives nationales» AF^, 1093.)
(t) Lettre dit 18 jidUet. (Archives de la Guerre, cétes.)
420 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE lll.
Il y a quelques avaries, quelques tués et blessés, mais les Anglais, suivant
toute apparence, ont beaucoup plus souffert; ce qui le prouve, c'est le peu de
vigueur de leur attaque. Ils ont pris le large hier soir, et ce matin, au bout
Tune demi-heure de combat, il ne sont point venus à portée de mitraille.
Une prame a eu des avaries qui Tout forcée d^entrer dans le port; elle sera
obligée de changer de mâture. Deux chaloupes canonnières sont échouées; elles
seront relevées à cette marée.
Il y a une division en marche de Dunkerque. Aucun bâtiment ennemi n'est
signalé dans cette partie. L^amiral ayant par sa manoeuvre tout attiré sur lui,
c'est dans cette intention qu'il est resté au mouillage ce matin.
Si l'amiral arrive de jour, je vous recommande, mon cher Général, de le
faire recevoir avec toutes les musiques des régiments, avec Tair des petits
bateaux et autres analogues (sic).
Je vous recommande, mon cher Général, ce que je vous ai dit pour la batterie
mobile de Wissant. 8 Jk 10 obusiers partiront d'ici et iront se placer sur la
falaise à Emilie.
Je recommande que tout le monde soit au poste.
Amitiés.
Davolt.
A 4 heures, Verhuell repartit ; il semblerait avoir employé
une ruse pour éloigner l'ennemi.
Uamiral Verhuell, après avoir fait rentrer dans le port les 18 bâtiments
ci-dessus et ceux qui avaient éprouvé des avaries par les combats d'hier au soir
et de ce matin, a levé l'ancre à 4 heures après midi et appareillé avec 22 ou
23 prames et canonnières, par un vent d'est-nord-est, grand frais, qui l'a em-
porté avec rapidité vers la rade de Wissant. Une seule canonnière et un yacht
sont restés échoués malgré la marée. La marine s'occupe à les remettre à flot.
Des piquets d'infanterie et de l'artillerie- légère sont préposés à leur garde.
M. le maréchal Davout, arrivé ici dans la matinée, s'est embarqué avec
l'amiral Verhuell.
Je vous prie, Monsieur le Miiréchal, d'agréer l'expression de ma haute con-
sidération (I).
Après avoir appareillé, dit de son côté le maréchal Soult, l'amiral
Verhuell donna de nouveau l'ordre de mouiller, et les ennemis en profitèrent
pour prendre une bordée au large. Quand il les vit hors de portée, il appareilla
une seconde fois et se mit en route pour Ambleteuse. L*ennemi revint sur lui
toutes voiles dehors et le joignit avant qu'il arrivât au cap Gris-Nez, mais il
avait eu le temps d'appareiller a?ec ordre et de bien disposer sa ligne : il avait
22 voiles, qui ont été attaquées par i5 bâtiments anglais à portée de mitraille ;
il les a combattus avec audace et succès jusqu'au mouillage d'Ambleteuse, sans
laisser un seul de ses bâtiments en arrière ; les batteries de terre ont couvert sa
marche par un feu formidable. Lorsque l'amiral Verhuell fut au mouillage
(1) Rapport du général Baragaay-d'HiUiers. {Archives de la Guerre, côtes.)
LES DBRNliRES OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE 421
d'Ambleteuse, la croisière de Boulogne, qui a^ait remonté au vent, a pris part
au combat que les bâtiments de Famiral Verhuell ont soutenu.
J'ai suiTi le mouvement de la flottille depuis le cap Gris-Nez et j'ai vu l'amiral
Verhuell à Ambleteuse, et, par les rapports, il estimait avoir eu 60 hommes
tues ou blessés. Quoique les bâtiments qui ont combattu aient besoin de ren-
trer au port,' il est resté toute la journée d'aujourd'hui formé en ligne dans la
rade d' Ambleteuse, sans qu'aucun vaisseau anglais soit venu à l'attaque.
Les bâtiments de l'ennemi, parmi lesquels se trouvaient 2 vaisseaux, parais-
sent avoir beaucoup souffert, et cela doit être par la vivacité du feu à portée de
mitraille.
Pendant que l'amiral Verhuell combattait si glorieusement, attirant sur lui
toutes les forces anglaises, il suivait son système et faisait successivement
partir tout ce qui pouvait appareiller de Calais et de Dunkerque. 50 bâtiments
sont arrivés de Calais à la pointe du jour, sans avoir essuyé un coup de canon
de l'ennemi. Toutes les croisières anglaises se trouvent, par le combat d'hier,
fort aifalées sous le vent, et si le vent tient au nord-est, il est à croire que toute
la flottille batave sera bientôt rendue à Ambleteuse.
L'ennemi était si près de la c6te que plusieurs curieux ont été blessés, notam-
ment un soldat du 33*, qui a eu la cuisse emportée.
Le maréchal Davout était sur la flottille ; les généraux Songis et Sorbier, le
général Dumas étaient aux batteries, en suivant le mouvement pour en diriger
les feux.
L'amiral Verhuell, dans cette occasion, a montré une combinaison bien
réfléchie et beaucoup d'audace : il a ajouté à sa gloire, et tous les officiers de
sa marine l'ont parfaitement secondé.
Votre Majesté recevra des rapports plus détaillés, mais j'ai cru devoir lui
faire part de ce que j'ai vu.
Je présente à Votre Majesté l'hommage de mon profond respect.
SOULT.
Le général Mathieur Dumas, conseiller d'État, chef de l'état-major
général.
Au quartier général à Ambleteuse, le 4 thermidor an xiii
(23 juiUet 1805).
ORDRE DU JOUR.
Le corps de droite connaît déjà l'heureux résultat des trois combats soutenus
par une division de la flottille batave, conduite par M. l'amiral Verhuell en
personne, pendant sa navigation de Dunkerque au port de réunion d* Amble-
teuse. M. le Maréchal commandant en chef, félicitant les braves officiers, sol-
dats et marins des troupes de terre et de mer, dont les efforts et le courage
ont également concouru à ce glorieux succès, s'empresse d'en faire connaître
à l'armée les principales circonstances, celles dont il a été lui-même témoin,
exprimant ici pour toute l'armée la haute estime, la confiance que lui inspi-
422 TROISlàME PABTIB. — CHAPITRE ni.
rent les qualités éminentes et le talent qu'a déployés de nouteau M* ramiral
Verhuell.
L'ennemi, qui depuis deux mois profitait des Tents qui nous étaient contraires
pour accroître ses forces et choisir un premier point d'attaque, n'a pu, dans
un combat de nuit extrêmement chaud, entre Gravelines et Calais, rompre la
ligne bata^e ni arrêter sa marche.
Attaqué de nouveau le lendemain au mouillage de Calais, avec aussi peu de
succès de la part des Anglais, M. l'Amiral eut la satisfaction de voir réussir
complètement sa belle manœuvre ; une division de bateaux canonniers et de
transports appareillait de Dunkerque pendant que l'ennemi était contenu et
trompé par ses propres moUToments. Les combats dans la baie de Wissant, à
hauteur du cap Gris-Net, où 45 Toiles anglaises avaient le vent et la marée
favorables pour coni5erter leurs manœuvres, ont prouvé à l'ennemi qu'ils
n'avaient pas la force de nos armements, la confiance de nos braves et l'accord
des deux nations à tirer enfin une éclatante vengeance des outrages communs.
La manœuvre audacieuse de deux vaisseaux de ligne et de plusieurs frégates
qui, pour couper la ligne, ont serré la terre sous les batteries du cap Gris-Nei
Jusqu'à poitée de fusil, n'a servi qu'à rendre le passage plus brillant.
L'inutile et dernière attaque des ennemis contre la flottille déjà embossée
sous les nouvelles batteries de la rade d'Ambleteuse, a dû leur coûter cher et
leftr faire connaître qu'ils n'avaient plus aucun obstacle à opposer à la réunion
des flottilles et au développement du plan de l'Empereur.
Les marins Avançais et bataves ont rivalisé dans ces deux journées de cou-
rage et de zèle pour la cause commune; les garnisons ont déployé la même
intrépidité qui a tant de fois illustré sur terre les troupes françaises. Tous ont
fait voir qu'ils sont les dignes soldats de l'empereur Napoléon.
La canonnière et les auxiliaires qui ont servi les batteries fixes et mobiles
de la côte ont montré partout une ardeur et une activité dignes d'éloges, et la
première part en doit revenir au général Sorbier, au général Lariboisière et
aux officiers sous leurs ordres, qui ont maintenu le bon esprit et la haute répu-
tation de l'artillerie française.
L'armée a pu voir de quelle utilité ont été les travaux exécutés si prompte-
«lent et avec tant de rôle pour l'armement de la côte, et de quelle importance
est l'habitude du travail et la constance à supporter toutes les fatigues.
Voici ce que dit, de ces différentes affaires, Thistorien
anglais W. James :
Le 47 juillet, à 6 heures du matin, une légère brise de nord- est permit à
l'amiral hollandais de prendre la mer (si ce mot peut s'appliquer à un passage
tout contre la côte), avec les quatre prames Vt/Ze-dTAix, Ville-d' Anvers , Ville-
dC'Genêve et Ville-de-MayencCy et 32 canonnières de 1" classe, les dernières
commandées par deux capitaines bataves, les premières par le capitaine de
frégate français Bernard-Isidore Lanebour. L'Amiral, avec beaucoup de juge-
ment, forma sa division en deux lignes, de telle sorte que tous les navires
pouvaient faire feu sans se gêner. Deux des prames furent placées au centre
de la ligne extérieure. .... et les deux autres aux extrémités. ....
LES DERNlàRES OPÉRATlONB DB LA IXOTTILLE. 413
U y Atait à Dunkerque beaucoup d'autres bâtiments de guerre, mais leur
faible échantillon les avait obligés à se réftigler dans le port, pour échapper à
une tempête du nord-ouest* Us ataient Tordis de suivre en deux détachements
dès que le combat serait engagé.
En raison des bancs et des bas-fonds nombreux devant Ostende et Dun-
kerque, Fescadre anglaise composée de VAriadne dé 20 canons, de 3 ou 4 sloops
ou bombardes, et environ autant de bricks canonniers, était à Tancre devant
Gravelines. Dans le brouillard^ ces navires semblaient très grands. C'est pour
cela, sans doute, que les Français prirent VAriodnêy à peine d'un tiers plus
grande qu'une de leurs prames, pour un taisseau rasé et les autres pour 2 tté-^
gâtes, 3 corvettes à trois mâts et 9 bricks (i).
A 6 h. 30 du loir, VAriadne aperçut la flottille qui venait de partir; mais la
faiblesse de la brise et la lenteur de la marche des prames ne permit pas de
reconnaître la route suivie avant 7 h. 1B. A ce moment les Anglais coupèrent
leurs câbles et prirent chasse. A 9 h. 49, VAriadne et 2 autres navires ouvri-
rent le feu et malgré le peu de profondeur de l'eau, l'obscurité et la canonnade
incessante entretenue par les prames et les batteries de côte, VAriadne et ses
deux compagnons forcèrent 3 ou 4 canonnières k se jeter h la côte, et coupé-*
rent le grand mât et le gréement de la Ville-de Genève, qui était k l'arrière-
garde. Néanmoins, grâce à l'appui de la côte et à la forte artillerie de 24 des
prames, le gros de la flottille partint â mouiller à li tr. 30 en rade de Calais.
Le seul navire anglais qui parait avoir souffert fut VAriadne, où i sergent
de tt marines » fbt tué, 1 lieutenant de «c marines a dangereusement blessé,
2 matelots légèrement atteints, le gréement et les voiles hachés
Le bruit du combat avait attiré Tattentlon des navires mouillés aux Dunes,
de sorte que, peu après minuit, le vaisseau de M Trusty, la ft*égate de 28
Vestal et 3 sloops appareillèrent et vinrent devant Calais. Le i8, à 4 heures du
matin, la Vestai ayant gagné de vitesse, rejoignit VAriadne et la division, et,
un quart d'hetu^ plus tard, les Anglais recommencèrent le combat contre la
flottille batave et les batteries de Calais.
Après deux heures de canonnade, pendant laquelle les canons de 9 livres de
la Veital eurent le désavantage contre les pièces de 36 et de 24 des forts et
des prames, la frégate, ayant un caporal de « marines » mortellement bless^
signala de cesser le combat.
(1) On a va que l6 gaettêor du fort Bisban, nullement engagé dans l'affaire, avait signalé
âii débat du 6ombât, 6 corvettes à l'ancre et 2 cutters sous voiles. Bon témoignage, qui
devrait passer pour désiniérMséi est à propos du tombât du lendemain, le suirant :
29 eouraat.
Àfl jour, Tenneml était en vue du port à 2 lieues, sous voiles, 2 canonnières hollandaises
à la oôte, à Test du port, et 1 transport et 3 autres canonnières sous voile ; à 1 h. 45 du
malin l'ennemi a attaqué les 3 canonnières, se trouvant à Test du port de Calais et qui
aisaient route pour la rade ; â 4 h. 45, l'ennemi s'est tenu hors de portée du canon et le feu
a cessé; à 5 h. 30 le feu a repris de part et d'autre. J*ai signalé 1 frégate, 15 corvettes,
ensuite 1 vaisseau; à 6 heures, le feu a cessé. J'ai signalé l'ennemi; il s'éloignait des
Mtiments firanç&ls, le vent à l'est-tiord-est, bon frais et marée.
Signé f Tbrnissibr,
guetteur.
42i TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.
La division porta dans Touest, où un feu violent venait d'éclater entre Ten-
neroi et le Trusty accompagné des sloops.
Informé de l'approche de la flottille gallo-batave et du combat qu'elle
avait soutenu, Tamiral Lacrosse avait fait partir de Boulogne, à 4 heures du
matin, plusieurs divisions de canonnières pour simuler une attaque contre le
mouillage de la croisière anglaise et faire une diversion en fayeur de Verhuell.
V Immortalité^ toujours commandée par le capitaine Owen, avec la frégate de
32 canons de 12 Hebe^ YArah de 20 canons, et le reste de la division détachée
levèrent Tancre et se portèrent à Tattaque de la flottille, dont plusieurs bricks
faisaient voile vers Wimereux. Lorsque V Immortalité et les navires de tête
arrivèrent à portée de canon, 49 bricks et 64 lougres étaient sous voiles, et,
immédiatement, les batteries fixes et Tartillerie à cheval de la côte ouvrirent
le feu contre les navires anglais, qui réservèrent le leur. A 4 h. 30 du matin,
Vlmmortalitéy ïEehe, VArab et quelques autres navires, se trouvant à un
demi-mille au nord-ouest de Wimereux, commencèrent à canonner les bricks
français qui, peu après, en grand désordre, reprirent le mouillage sous les
batteries. Sans avoir subi aucune perte et sans autre dommage qu'un canon
de 9 démonté à bord de VAraby la division anglaise revint jeter l'ancre à
5 milles au nord-ouest de Boulogne, un des bricks canonniers étant envoyé en
observation vers le cap Gris-Nez.
Pour faciliter le passage de l'amiral Verhuell, le maréchal Davout, qui l'avait
longtemps attendu à Calais, avait renforcé en hommes et en munitions toutes
les batteries de la côte entre Calais et Ambleteuse. Celle du promontoire du
Gris-Nez avait à elle seule 55 pièces de gros calibre et 6 énormes mortiers, et
était commandée par le général Lariboisière en personne. En outre, le général
d'artillerie Sorbier, avec de l'artillerie à cheval et des obusiers à longue portée,
devait suivre Ift flottille le long de la côte
A 3 heures du soir, Taminil Verhuell, accompagné sur son shooner du maré-
chal Soult, leva l'ancre avec les trois prames et les 21 canonnières qui lui res-
taient, 4 prames et \Vi canonnières (preuve des pertes subies), et fit route
vers le cap Blanc-Nez, sous lequel se tenaient le Trusty, VAriadne, la Vestal et
une douzaine de sloops et autres ntivircs de faible tirant d'eau. A 4 heures, les
canons et les mortiers du cap Blanc-Nez ouvrirent un feu terrible contre les
Anglais, qui y i-épondirent, mais avec un grand désavantage : le Trusty eut
son grand étai coupé, et un gros boulet dans la flottaison qui détermina une
Toie d'eau et obligea à carguer et mettre à la bande pour l'aveugler. La flottille
en profita pour gagner Wissant; lÂ, la côte étant moins fortement armée, la
canonnade recommença du côté des Anglais, renforcés de V Immortalité et
d'une partie de la croisière de Boulogne. VArab s'engagea avec tant d'ardeur
qu'il se trouva à portée de fusil de terre, par 2 brasses d'eau. Le sloop Calypso,
la Flèche et 2 ou 3 bricks canonniers s'eflTorcèrent d'imiter VA rab et réussirent,
avant 7 heures du soir, à forcer 6 canonnières ennemies à se jeter à la côte.
Le banc du cap Gris-Nez et les boulets et bombes de la face droite de sa puis-
sante batterie forcèrent VAraby la Calypso, la Flèche et les autres navires h
s'éloigner de la côte. Le capitaine de la Calypso fut blessé, l'Aral eut une
vergue emportée, son gréement coupé et la tête du grand m&t éclatée, plu-
sieurs boulets dans sa coque et un commencement d'incendie, enfin 7 hommes
blessés dont 2 dangereusement. La Flèche était si près de terre que les Fran -
LES DBRNlàKBS OPÉRATIONS DB LA FLOTTILLE. 4S5
çais pour Tatteindre durent baisser leurs canons. Un boulet enleva le chapeau
d*un homme, bf*isa une embarcation et creva la muraille de Tautre côté sous
la flottaison. Elle eût 5 blessés gravement et ses manœuvres courantes très
endommagées. . . .
Vlmmortalité^ suivie de VHef)€j était depuis 5 heures du soir à l'extrémité
du Banc-à-Laine près du cap Gris-Nez, et même, lorsque la seconde se trouTa par
4 brasses, à peine une demi-brasse de plus que son tirant d'eau, elle était
encore trop loin de la flottille pour agir. Les 2 frégates carguèrent puis bras-
sèrent toutes toiles à culer pour attendre les prames qui précédaient les canon-
nières alors fortement engagées atec VArab, la Calypso et les bricks canon-
mers, ainsi qu'il Tient d'être dit. Peu après 6 heures, ï Immortalité et
ïHebe^ se trouvant à un demi-mille de la côte et un quart de mille des prames»
ouvrirent un feu riolent qui fut retourné avec autant de yigueur et naturelle-
ment plus d'effet par ces dernières et les batteries de côtes. Cependant 2 shoo-
n^rs durent se jeter à la côte et, vers 7 heures, les prames et le reste des canon-
nières jetèrent l'ancre entre Andresselles et Ambleteuse. A 7 h. 30, la canon-
nade, à laquelle avait pris part la frégate de 36 canons de 12 la Renommée^
cessa complètement.
V Immortalité avait son mât de misaine, son grand perroquet et sa corne
de brigantine coupés, trois embarcations crevées, le gréement et les voiles très
endommagés, plusieurs boulets dans sa * coque et les bouches de 2 caronades
emportées. 4 hommes étaient tués et 12 blessés, dont plusieurs grièvement.
Uffebe avait son grand perroquet et sa grande vergue coupés, le gréement et
les voiles endommagés, une caronade démontée, 3 boulets dans la coque,
3 blessés dont 1 mortellement. La Renommée souffrit relativement peu.
De ce témoignage peu suspect, on peut conclure à la vio-
lence du combat. Mais ce que W. James ne dit pas, c'est que
réloignement des Anglais, dans les jours qui suivirent, permit
à une partie considérable de la flottille batave de parvenir à
Ambleteuse sans que Fennemi s'y opposât.
C'est ainsi qu'on arrive, au 3 août, à avoir dans ce port
3 prames, 25 canonnières, 116 bateaux, 6 péniches et 30 trans-
ports. Mais il s'en faut de beaucoup que la concentration de la
flottille batave puisse être considérée comme terminée.
A Sa Majesté l'Empereur des Français et Roi d'Italie (I).
Calais, le 3 août 1805.
Sire,
l*ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté Impériale et Royale, que le
(1) Archives nationales, carton APi^, 1203. — Marine, colonios et flottillefl, an xii et
an XIV.
426 TROISIÈME PARTIS. ^ CHAPITRE in*
41 thermidor (30 juillet), à 0 heures du soir, la 4* division de bateaux eanon-»
niers et 9 chaloupes canonnières ^ aux ordres du capitaine de vaisseau Yalken-
burg, ainsi que 8 canonnières et i6 péniches impérialeB, aux ordres du capitaine
de frégate Dutaillis, sont partis de la rade de Dunkerque, avec un petit frais
de la partie du sud-est. Mais bientôt ils eurent calme plat, de sorte qu*ils
furent obligés de faire la route à la rame ; portés par le jusant, ils mouillèrent
à È heures du matin devant Gratelines et appareillèrent de nouteau le iî ther-
midor (31 juillet), à 5 heures; à midi ils airiTèrent devant Calais, en présence
d'une division ennemie de 9 bâtiments, composée de î fi'égates, 3 corvettes et
À bricks ; elle vint attaquer notre division à la très grande portée du canon, et
de part et d'autre, quelques boulets furent échangés. Trois desdites corvettes,
armées en bombardes, avancèrent asseï près pour lancer quelques bombes,
qui dépassèrent nos b&timents ; ce qui M, vivement répondu par les batteries
de côte et par nos pièces de gros calibre, de sorte qu'ils furent bientôt obligés
de prendre le large. Notre division resta en rade, et le lendemain matin, h
6 heures, une plus forte division ennemie, composée de i vaisseau de ligne,
S ft^gates, 3 bombardes, 0 bricks, 1 lougre et i cutter, vint de nouveau atta»
quer notre ligne, et lancer plusieurs bombes, dont une tomba à bord d'un
bateau canonnier, traversa l'arrière du pont, passa par la soute à poudre, à
travers des bordages à côté du gouvernail, et éclata à une très petite distance
du bâtiment, sans blesser personne. L'ennemi fut ainsi que la veille contraint
de prendre le large ; le vent de l'ouest obligea notre division d'entrer dans le
port. On a observé que, cette fois^ci, l'escadre anglaise resta ft une bien plus
grande distance que dans les attaques précédentes.
J'ai en même temps l'honneur de faire rapport à Votre Majesté Impériale et
Royale, qu'il y a maintenant 3 prames, 25 canonnières, H6 bateaux^ fi péniches
et 30 transports de rendus à Ambleteuse; à Calais ^ 4 prame^ 20 canonnières,
29 bateaux, 1 péniches et 8 transports^ et il reste à Dunkerque iO canonnières^
62 bateaux, 5 péniches et 49 transports; la plus grande partie de ces bâtiments
est en rade, pour profiter du premier souffle de vent favorable, afin de se
rendre au port de réunion d' Ambleteuse.
J'ai rhonneur d'être, etc.
Yerhuell.
Au 20 août, il y a encore un voyage entre Dunkerque et
Ambleteuse.
A Sa Majesté fEmpereur des Français et Roi d'Italie (1).
Ambleteuse, le t fructidor an xm (20 août 1805).
Sire,
J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté Impériale et Royale qu'au-
jourd'hui, à midi, il est parti de Dunkerque 7 chaloupes canonnières et 27 ba-
teaux canonniers, commandés par le capitaine de vaisseau Hofmeyer.
(l) Archives nationaleSt carton AK^, lt03. — Marine, colonies et flottilles, an xii et
an XIV.
LES DERNIÈRB8 OPÉRATIONS DE LA FLOTTILLE. 4S7
La croisière ennemie était à quelque distance de la c^te, mais notre diTision
poursuivit son chemin, sans être attaquée, jusqu'à hauteur de- Sangate, alors
une division ennemie, forte de 7 bâtiments, se rallia et se forma en ligne de
bataille et commença à les attaquer à portée de canon ; le feu des batteries
de la côte et de nos bâtiments fut très tif et si bien nourri, que Tennemi fut
forcé, par le travers du cap Gris^Nes, à prendre le large, ayant probablement
reçu d'assez fortes avaries ; nous vtmes une bombe tomber à bord d'une fré-
gate, qui enleva son perroquet d'artimon.
Notre division poursuivit tranquillement sa route, sans être inquiétée davan-
tage. A 8 heures du soir, elle mouilla devant Ambleteuse ; une canonnière qui
avait reçu trois voies d'eau, fut forcée de faire côte, ayant 6 pieds d'eau dans
la cale ; les rapports qui me sont parvenus jusqu'ici, ne m'ont pas fait connaître
qu'il y eût d'autres avaries.
La mer étant très agitée, je fais rentrer la division, avec laquelle il se trouve
à présent de réunis au port (T Ambleteuse, 4 prames, 54 chaloupes canonnières,
192 bateaux canonniers et 35 transports, et il ne reste plus à Dunkerque que
25 bateaux canonniers et 62 transports.
J'ai l'honneur, etc. Verhuell.
A Son Excellence M. le maréchal Berthier, ministre de la guerre (i).
Ambleteuse, le t fructidor an xm (20 tout 1805.)
Monsieur le Maréchal,
J'ai l'honneur d'informer Votre Excellence qu'une partie de la 3* escadrille
de guerre de la flottille impériale batave, composée de 7 chaloupes canonnières
et 27 bateaux de 2* espèce, appareillés de la rade de Dunkerque vers 2 heures
par un vent de nord-est, joli frais, a mouillé à 7 heures du soir en rade d'Am-
bleteuse.
Cette division, sous les ordres du capitaine Besemaerd, a mis à la voile en
vue de la croisière anglaise, qui restait dans l'ouest à une grande distance ;
elle a doublé Calais sans être jointe par l'ennemi, qui ne s'est rallié au vent au
nombre de iO voiles et n'a été en mesure d'attaquer que sur le cap Blanc-Nez.
La canonnade a été vive par le travers de Wissant ; les bateaux canonniers ont
fait un feu très soutenu.
La flottille ayant passé en dedans du Banc-à-Laine, les ennemis ont d'abord
serré le cap Gris-Nez dont les batteries les ont forcés de prendre le large; une
corvette anglaise a été démâtée de son mât d'artimon; les ennemis ont laissé
arriver, et la flottille a gagné le mouillage sans être inquiétée.
Une canonnière batave ayant reçu deux boulets à la flottaison a été forcée
de s'échouer à l'ouest du port.
Jl restait encore à Dunkerque 27 bateaux de 2* espèce, et 91 transports; nous
espérons que les vents d'est-nord-est, à moins qu'ils n'aient trop fraîchi, auront
favorisé un second appareillage.
Votre Excellence apprendra sans doute avec satisfaction la réunion de la
presque totalité de la flottille de guerre destinée au corps de droite.
Salut et respect.
Math. D.
428 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE UI.
Ainsi qu'on le voit, jamais la concentration de la flottille
ne fut complète ; jamais le corps de Davout, dont une division
resta près de Dunkerque, ne put s'embarquer à Ambleteuse.
La situation finale de la flottille et de Tarmée ressortira
d'une façon plus précise encore au chapitre suivant.
CHAPITRE IV
LA FLOTTILLE - ORGANISATION DÉFINITIVE
Lorqu*en mars 1805, on parut près d'entrer dans la période
des opérations actives, l'organisation de septembre répondait
si peu à la situation réelle qu'il fallut la modifier complète-
ment.
Tel fut le but des ordres des 10 et 11 mars de l'Empereur,
transmis immédiatement par les Ministres de la guerre et de
la marine.
Note pour le Ministre de la marine (i).
Paris, le 19 TentAte an xui (10 mars 1805).
Flottille. — Jl sera formé à la réserve et réuni à Wimereux une huitième
e:icadrill€y composée delà 11" division de chaloupes canonnières . et d'une
autre division qui sera formée des premières chaloupes canonnières qui arrive-
ront à Boulogne ; de 2 divisions de bateaux canonniers, choisis parmi les
meilleurs des 14**, 15* et 16* divisions, et des péniches des 9* et 14* divisions.
Les 9* et 10* divisions de chaloupes canonnières remplaceront, à la 6* esca-
drille, les 14* et 15* divisions de bateaux canonniers.
La flottille sera donc définitivement composée de 8 escadrilles formant :
bàUmeoU.
14 divisions de chaloupes canonnières ou 252
19 divisions de bateaux canonniers ou 342
16 divisiona de péniches ou 288
ToTAx 882
Camp de MontreuiL — L'armée de Montreuil sera partagée en trois divi-
siocs. Une division sera embarquée sur les bâtiments de i** et de 2* espèce de
(1; Correspondance de Napoléon, 8410.
430 TROISIÈBCB PARTIE. — CHAPITRE IV.
la l'* escadrille; une dmsion sur les bâtiments de 2* espèce de la 2* esca-
drille ; la troisième diTision ou division d^avant-garde, sur les bâtiments de
troisième espèce de la l" et de la 2* escadrille.
Camp de Boulogne. — La 3' escadrille ou la !'• du port de Boulogne em-
barquera la diTision du général Saint-Hilaire ; la 4* escadrille embarquera la
division du général Vandamme ; la 5*^ escadrille embarquera la division du
général Legrand ; la 6* esoadrille embarquera la division du général Suchet ;
la 7* escadrille embarquera la garde de l'Empereur et les grenadiers dé la
réserve. On joindra à cette escadrille les 2 divisions de péniches de la 8* esca-
drille ; la 8* escadrille embarquera les hommes à pied des 2 divisions de
dragons.
Invariablement, chaque bâtiment sera attaché à sa section de chaloupes
canonnières, de 2 bateaux canonniers ou de péniches. Il ne sera plus fait
aucun changement, chaque compagnie connaîtra son bateau, chaque général de
division connaîtra Tofûcier de marine qui commande.
Garnison des transports-écuries. — Il sera mis sur chacune des écuries de la
|re escadrille, qui est à Étaples, 3 hommes de gamiion du 3* régiment de
hussards et du 10** de chasseurs. Le bataillon du train d'artillerie fournira
3 hommes de garnison sur chacun des b&timents-écuries d'arlillerie attachés à
la 2* escadrille. Le 11* régiment de chasseurs et le 8* de hussards fourniront
3 hommes de garnison sur chacune des écuries de la 3* escadrille. La garde
impériale fournira . . . hommes de garnison aux écuriei des i* et 7* esoadrilles.
L'artillerie de Tannée de Boulogne fournira les soldats du train pour garnison
des écuries des 5* et 6* escadrilles. Les bâtiments destinés au transport de la
grosse artillerie auront pour garnison un soldat d'artillerie.
Les bâtiments destinés à porter les bagages de Tarmée seront répartis,
savoir : un bâtiment par régiment ; un bâtiment par général de division ; un
pour deux généraux de brigade. Us leur seront assignés dans l'escadrille â
laquelle ils sont attachés.
Napoléon.
Au Yiee-amirHl Oecrèa (1).
Paris, le 20 veni6ae an xm (Il mars l$Oâ).
Monsieur)
Huit escadrilles composent la flottille de Boulogne ; chacune a 2 divisions
de péniches formant 36 péniches et pouvant porter 2^400 hommes.
Je désire qu'on les exerce pendant le beau temps et qu^on établisse des
signaux pour débarquer, arriver ensemble au rivage, commencer à faire feu
avec l'obusier ou la pièce de 4 chargés â mitraille, et avoir derrière une divi^
sion de chaloupes canonnières pour les protéger.
Il faut surtout les accoutumer â obéir aux signaux néceMairet pour s'en-
tendre sur le débarquement, pouvoir dire â une division de péniches de débar-
quer à telle distance^ à droite et à gauche de tel point ; accoutumer les
commandants des péniches à reconnaître les signaux et à y obéir prompte-
ment.
Napoléon;
(1) Correspondance de Napoléoni 8415.
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINiriYB. 481
Lt Mlnl9tr% de /« màHne àu CommMtHlant de la, HoiUUe
à Boulogne,
Piuris. le tû ?eiitA«« aa xm (U nuirt I805)«
Général,
L'intention de TEmpereiir est que les divisions de péniehes attachées aux
escadrilles de la flottille soient exercées à des simulacres de débarquement,
lorsque le temps sera beau et faYorable à leurs évolutions. Ces différentes ma-
nœuvres devront être essentiellement indiquées par des signaux simples; ces
signaux, auxquels il importe que les commandants des péniches s^accoutument
à obéir promptement et sans hésitation, devront surtout comprendre Tordre
d'arriver ensemble au rivage, de commencer le feu avec Tobusier ou la pièce
de 4 chargée à mitraille, de se séparer pour aller débarquer à telle distance
au-dessus ou au-dessous du point indiqué, de les préparer au débarquement et
débarquer.
Vous jugeres, d'après cet ordre, que Sa Majesté Impériale veut que les com-
mandants des équipages des péniches se familiarisent avec toutes les opérations
auxquelles un débarquement effectué par cette espèce de bateaux peut donner
lieu, et que ces mouvements soient si bien combinés que, dans Texécution, on
n'ait à craindre ni lenteur ni incertitude.
Je vous ajoute que Sa Majesté veut aussi qu'une division de chaloupes canon-
nières sorte avec les péniches, lorsqu'elles effectueront ce mouvement; cette
division sera placée en arrière des péniches, elle sera censé destinée à les pro-
téger, et il faudra que les signaux règlent aussi le mouvement de cette divi-^
sion de chaloupes.
11 me suffît. Général, de vous exprimer les intentions de l'Empereur, pour
être certain que vous donneres personnellement à cet objet toute votre atten-
tion, et de vous prier de me rendre compte des dispositions que vous aurex
ordonnées, ainsi que de vos observations sur leur résultat, c'est-à-dire sur le
plus ou le moins de succès des évolutions qui auront lieu successivement.
Recevez, etc.
Decrâs.
Chose ourieuse : il Bemblerait que Torgamaatiou ait été faite
sans que TEmpeFeur eut la connaissanoe précise de Tétat
actuel de la flottille, car il écrivait, le H mars, à Decrès :
Au vice^amlral Deorèa (i).
La Malmaiaon, le 20 v«Bt6ia aa xœ (U mars 1800).
Faites-moi connaître la situation actuelle de la flottille, ce qui manque potii*
qu'elle soit complète^ et donnes des ordres au Havre^ Anvers et Ostende, afin
(1) Correspondance de NcqtoUon, 8417.
432 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
que le complément ait lieu le plus tôt possible. Faites que les différents com-
mandants des ditisions à Boulogne rendent compte de la situation de leurs
bâtiments, en remplaçant les plus mauvais par de meilleurs, et en mettant au
dépôt, et séparément, les mauvais.
Je vous recommande surtout d'accélérer le plus possible les différentes réu-
nions, surtout celle du Havre. Je pense qu'indépendamment du nombre de
bâtiments, il faut réunir encore dans les différents corps un bâtiment en sus
par division, pour subvenir au remplacement et aux accidents et, au moment
du départ, avoir effectivement le nombre de bâtiments demandés. 11 faudrait,
de plus, 16 chaloupes canonnières, 16 bateaux et 16 péniches au-dessus du
nombre.
Ordonnez qu'avant tout les deux corvettes faites pour moi, et qui sont au
Havre, se rendent à Wimereux. Il restera à déterminer ce qui doit être fait de
toutes les autres chaloupes, bateaux et péniches.
11 me semble que Cherbourg, le Havre, Honfleur, Dieppe, Vannes, le Mor-
bihan, Belle-Ile, l'île d*Yeu, Brest, Rochefort, Anvers et Ostende, ont toujours
besoin d'un certain nombre de ces bâtiments pour défendre leurs rades et pour
la communication entre les lies. Ils pourraient donc être mis à la disposition
des ports; ils pourraient même être armés par les invalides de la marine et les
pêcheurs, pour s^en servir selon les circonstances.
Napoléon.
De fait, cette nouvelle organisation ne répondit en rien, ni à
la situation réelle de la flottille, ni à celle des troupes.
Il y avait, à première vue, un déficit sur les places disponi-
bles de plus de 20,000 hommes et 5,000 chevaux.
A r Empereur et Roi (1).
Paris, le [?] genuîntl an xiii ([?] man-avril 1805).
Sire,
J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté, le tableau de la répartition des
bâtiments de guerre et de transport de la flottille impériale, en 8 escadrilles,
et de la flottille batave en 3 escadrilles, avec les états sommaires et comparatifs
des troupes des trois camps, de la réserve des camps, de la réserve d'artillerie
et du parc général de l'armée, qui doivent s'embarquer sur les escadrilles qui
leur ont été assignées.
Indépendamment des détails contenus dans chacun de ces états, je crois
devoir mettre sous les yeux de Sa Majesté le tableau comparatif des moyens
d'embarquement que présentent les bâtiments de la flottille, avec le nombre de
troupes qui doit y être.
(1) Archives nationales, carton AF"^, 1204. — Marine, colonies, flottille de Boulogne,
an XII et an xiy. •
LA FLOTTILLE.
ORGANISATION DEFINITIVE.
433
Camp de Montreuil : 1'* et
2« escadrilles (1)
Catip de Saini-Omer : 3*,
4«. 5» et 6» escadriUcs (t)
Camp de Bruges : flottille
bataTe(3)
Béserre des camps: 7* et
8* escadrilles, prames,
correttes, etc. (4)
Total gbmkral . . .
•
m
S a
X 'S
•
342
6«4
432
ROMBaB
qa'iU dotreot
porter
a
«
S
S
o
596
2,054
22,705
47,365
35,371
38,191
143,632
O
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15-e.
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1,391
2,503
1,503
4,578
9,975
2,430
6,012
2,754
4,936
10,132
20,275
41,353
32,617
PORCB
des troupes
de chaque camp.
t
a
8
o
27,050
45,907
33,012
33,255 41,693
127,500
147,662
1,58C
2,503
1,586
10,089
TEOUPBS
qui ne peoTent
t'embârqner
fante de place
dan* lei bàtim.
15,764
S
6
m
a
•
o
a
6,775
19!>
4,554
B
395
83
8,438
20,162
5,511
6,789
(1) Y comprit 6 compaf^ies 1/2 d'artillerie de la réserve géoérale d'artillerie et da pare.
(2) Y eompria 18 eompavoies d*artillerie de la réserre d*artiUerie et du pare et 221 oheraux de trait,
300 hommes et 50 cberanx de la garde impériale.
(3) Y compris 10 eompagoies d^rtillerie de la réserve générale d'artillerie et du parc.
(4) Y compris 17 compagnies de la réserre générale d'artillerie et 565 chevaux de trait.
Sa Majesté remarquera que cette armée qui, au moment hommes. cheranx.
de rembarquement, doit être portée à 142,601 combat-
tants, 2,967 personnes pour les ser?ice8 des diverses
administrations, 2,094 domestiques et autres individus à
la suite de Tannée, 4,127 chevaux de trait, 10,722 che-
Taux de troupes et 915 chevaux d'état-major, exigera des
moyens d'embarquement pour 147,622 J5,764
Mais que les moyens d'embarquement que présen-
tent les 2,054 bâtiments der la flottille n'existant, déduc-
tion laite des équipages de la marine, montant à
16,132 hommes, que pour 127,500 9,975
Il résulte que les troupes qui ne pourront s'embarquer,
faute de bâtiments, s'élèveront à 20,162 5,789
Je présente à Votre Majesté l'hommage de mon profond respect.
Le Minisire de la guerre^
X
Néanmoins les 23 et 25 mars, les ordres de détail furent
établis par les deux ministres intéressés.
IV. 28
434 TROISlàMB PARTIE. — CHAPITRE IV.
Le Ministre de /a guerre à Son Etçellenoe le Ministre de la marine
et des colonies.
Monsieur,
L'Empereur vient de me faire connaître que son intention est qu'il soit
formé à la réserve et réuni à Wimereux une 8« escadrille, composée de la
il® division de chalou|)es canonnières et d'une autre division qui sera formée
des premières chaloupes qui arrivent à Boulogne ; de 2 divisions de bateaux
canonniers, choisis parmi les meilleurs des <4', 15*, 16* divisions et des péni-
ches des 9® et 14« divisions.
Que les 9» et 10" divisions de chaloupes canonnières remplaceront à la
6* escadrille les 14*, iS*' et 16*> divisions de bateaux canonniers et qu'en consé-
quence la flottille sera définitivement composée de 8 escadrilles formant :
liAtlments
14 divisions de chaloupes canonnières ou 252
18 divisions de bateaux canonniers ou 341
16 divisions de péniches ou 288
Total 881
Sa Majesté a prescrit en même temps que les troupes du camp de Montreuil
doivent être partagées en 3 divisions, destinées à s'embarquer sur les 1'* et
2* escadrilles de la flottille impériale, savoir : une division sur les bâtiments
de 1 '• et de 2® espèces de la 1 '<• escadrille ; la 2® division sur les bâtiments de
2* espèce de la 2^ escadrille et la 3^ division sur les bâtiments de 3*^ espèce des
i" et 2* escadrilles.
D'après ces dispositions, je préviens M. le maréchal Ney, commandant en
chef le camp de Montreuil :
Que la i ''" division de ce camp, commandée p^ le général Dupont, s'embar.
quera sur les 5** et 8*^ divisions de chaloupes canonnières et sur les 9* et
lO** divisions de bateaux canonniers qui font partie de la 1" escadrille ;
Que la 2* division, commandée par le général Loison, s'embarquera sur les
11®, 12", 17'^ et 18" divisions de bateaux canonniers, faisant partie de la 2® esca-
drille ;
Que la 3** division ou division d' avant-y ar de, commandée par le général
Malher, s'embarquera, savoir : la brigade commandée par le général Marcognet,
sur les 10® et 11® divisions de péniches de la 1'« escadrille, et la brigade aux
ordres du général Labassée sur les 12" et 13® divisions de péniches de la
2* escadrille ;
Que les chevaux du 3' régiment de hussards seront embarqués sur la 1" divi-
sion de transport d'écuries, attachée à la i'® escadrille, et ceux du 10® régiment
de chasseurs sur la 4* division d'écuries, attachée à la 2® escadrille ;
Que les chevaux du train d'artillerie seront embarqués sur la 2® division
d'écuries, attachée î\ la 1'® escadrille, et sur la 3" division d'écuries, attachée à
la 2® escadrille ;
Que le gros matériel iV artillerie sera embarqué sur les 1" et 2* sections de
la 20* division de transports ;
Que les bagages de Varmée, des officiers détat-major et de troupes de la
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 435
1'" dlTision du camp et de la 1'*" brigiide d avant-garde seront embarqués sur
la 3Ô° dirision de transports, et ceux de la 2" division du camp et de la 2« bri-
gade d*aTant-garde, sur la 31*" division de transports ;
Qu'il sera mis sur ciiacune des écuries de la l**^ escadrille, 3 hommes de gar^
nison du 3^ régiment de hussards et du iO' régiment de chasseurs, que le bataillon
du train fournira 3 hommes de garnison sur chacun des bâtiments-écuries de
la V escadrille;
Enfin, que les bâtiments destinés à porter les l^agages de Tarmée seront
répartis, savoir : 1 bâtiment par régiment ; 1 par général de division ; 1 pour
2 généraux de brigade, et qu'ils leur seront assignés dans Tescadrille à laquelle
ils sont attachés.
A regard des troupes composant le camp de Saint-Omer et la réserve,
d'après les dispositions prescrites par Sa Majesté, je viens de prévenir M. le
nmréchal Soult ;
Que la V'^ division du camp de Saint-Omer, commandée par le général Saint-
Hilaire, s'embarquera sur les V* et 4* divisions de chaloupes canonnières, sur
les 1'*" et 2« divisions de bateaux canonniers et sur les i'« et 2® divisions de
péniches qui font partie de la 3* escadrille ;
Que la 2* division du camp, commandée par le général Vandamnie, s'em-
barquera sur les 2* et 3^ divisions de chaloupes canonnières, sur les 3^ et
4^ divisions de bateaux canonniers et sur les 3' et 4*" divisions de péniches,
attachées à la 4^ escadrille ;
Que la Z° division du camp, commandée par le général Legrand, s'embar-
quera sur les 6* et 7* divisions de chaloupes canonnières, sur les 6** et 7* divi-
sions de bateaux canonniers et sur les 5® et Ô*' divisions de péniches, attachées
à la 5*> escadrille ;
Que la 4® division du camp, commandée par le général Suchet, s'embar-
quera sur les 9*^ et 10® divisions de chaloupes canonnières, sur les 8® et
13° divisions de bateaux canonniers et sur les 7<> et 8" divisions de péniches,
attachées à la 6^ escadrille ;
Que la 4'* division de la réserve, composée de la garde de l'Empereur, s'em-
barquera sur les i '"*' et 2° divisions de chaloupes canonnières et sur les 5® et
i2*^ divisions de bateaux canonniers, attachés à la 7*^ escadrille ;
Que la 2*^ division de la réserve, composée de bataillons de grenadiers et
commandée par le général Oudinot, s'embarquera sur les 1»« et 2® divisions
de péniches attachées à la 7*^ escadrille, et sur les 9* et 14*^ divisions de
péniches faisant partie de la 8^ escadrille, mais qui doivent être jointes à la
7<^ escadrille.
Que la 8* division de la réserve, composée des troupes italiennes, commandée
par le général de brigade Teulié, s'embarquera sur les I'*', 2** et 3* divisions
de corvettes de pèche armées en guerre ;
Que les dragons à pied des i'® et 2* divisions de dragons, qui font partie des
4* et 5' divisions de la réserve, commandés par les généraux Klein et Baraguey^
d'Uilliers, s'embarqueront sur les 11*' et 12® divisions de chaloupes canonnières,
et sur les 14® et 15® divisions de bateaux canonniers attachés à la 8® esca-
drille.
Que les chevaux du il* régiment de chasseurs s'embarqueront sur la 5® divi-
sion de transport d'écuries, attachée à la 3® escadrille, et les chevaux du
436 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
8® régiment de hussards sur la 10® division d*écuries, attachée à la 5* esca-
drille ;
Que les chevaux de la garde impériale s'embarqueront sur les 7* et i2« divi-
sions d'écuries, attachées aux 4® et 6" escadrilles ;
Que les chevaux du train d^ artillerie s'embarqueront sur les 6®, 8», 9® 11*
divisions d'écuries, attachées aux .S®, 4", 5", 6" escadrilles ;
Que le gros matériel d'artillerie sera embarqué sur les 21* et 2i« divisions
de transports ;
Que les bagages d'armée seront embarqués sur les 32®, 33®, 34® et 35® divi-
sions de transpoi*ts ;
Que le \\^ régiment de chasseurs et le 8® régiment de hussards fourniront
3 hommes de garnison sur chacune des écuries de la 3® escadrille : que la
garde impériale fournira garnison aux écuries de la 4® et de la 7® escadrille;
que les troupes d'artillerie du camp de Saint-Omer, fourniront les soldats du
train pour garnison des écuries des 5® et 6® escadrilles ; que les bâtiments
destinés au transport de la grosse artillerie auront pour garnison un soldat
d artillerie ;
Enfin, que les bâtiments destinés à porter les bagages de l'armée seront
repartis, savoir : 1 bâtiment par régiment; 1 par général de division ; I pour
2 généraux de brigade, et qu'ils seront assignés dans l'escadrille à laquelle ils
sont attachés.
Sa Majesté m'a aussi fait connaître qu'elle veut qu'invariablement chaque
bâtiment reste attaché à sa section de chaloupes canonnières, de bateaux
canonniers ou de péniches ; qu'en conséquence il ne sera plus fait aucun chan-
gement ; que par ce moyen, chaque compagnie connaîtra son bateau et que
chaque général de division connaîtra l'officier de marine qui commande.
Je vous prie. Monsieur, d'examiner les dispositions ci-dessus et de m'ins-
truire si elles sont parfaitement conformes à celles que Votre Excellence aura
sans doute ordonnées, de son côté, pour remplir sur cet objet les intentions de
Sa Majesté.
Le Ministre de la guerre au général Songis, inspecteur général de l'ar-
tillerie, commandant en chef l'artillerie de l'armée des côtes de
l'Océan.
Paris, le .3 germinal an xiii (24 mars 1805).
Général,
Je vous préviens que Sa Majesté a déterminé que les 2® et 3* divisions d'écu-
ries attachées aux ij® et 2® escadrilles de la flottille embarqueront les chevaux
d'artillerie du camp de Montreuil, et que les 6®, 8®, 9® et H® divisions atta-
chées aux 3®, 4®, 5® et 6® escadrilles embarqueront les chevaux du camp de
Saint-Omer.
Sa Majesté a prévu, en même temps, que les troupes du camp de Mon-
treuil doivent être partagées en trois divisions.
En conséquence, les troupes d'artillerie attachées à la 1'® division de ce
camp seront réparties sur les 5® et 8® divisions de chaloupes et sur les 9® et
10® divisions de bateaux canonniers, qui font partie de la 1" escadrille.
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 437
Les troupes d'artillerie attachées à la 3* division seront réparties sur les J0«,
11«, 12" et 13« divisions de péniches, faisant partie des i^" et 2° escadrilles.
Les2«et 3* divisions d'écuries embarqueront les chevaux d'artillerie; le
gros matériel d'artillerie sera embarqué par les l '^ et 2" sections de la 20* di-
vision de transport.
Il sera mis sur chaque écurie de la 2® escadrille des soldats du train, et, sur
chaque bâtiment de la 20« division, un soldat d'artillerie.
Les bâtiments destinés à porter les bagages de l'artUlerie seront répartis,
savoir : i bâtiment par régiment, 1 par général de division, et i pour 2 géné-
raux de brigade.
Sa Majesté a prescrit, en outre, que les troupes du camp de Saint-Omer et
de réserve s'embarqueront sur les 3", 4", 5*, 6", '" et 8* escadrilles de la flot-
tille impériale.
En conséquence, les troupes d'artillerie attachées h la i'^ division du camp
de Saint-Omer seront réparties sur les l""* et 4® divisions de chaloupes canon-
nières.
Celles attachées à la i" division de ce camp s'embarqueront sur les S*' et
3*^ divisions de chaloupes canonnières.
Celles attachées à la 3* division s'embarqueront sur les 6° et 7" divisions de
chaloupes canonnières.
Celles attachées à la 4* division s'embarqueront sur les 9" et 10" divisions
de chaloupes canonnières.
Celles attachées à la 1" division de la réserve, composées de la garde de
l'Empereur, s'embarqueront sur les i""" et 2" divisions.
Celles attachées à la 2' division de la réserve s'embarqueront sur les I" et
2^ divisions de péniches.
Celles attachées â la 3° division de la réserve s'embarqueront sur les l*"*, 2<^
et 3* divisions de corvettes.
Les chevaux d'artillerie s'embarqueront sur les 6®, 8«, 9® et 11* d'écuries,
attachées aux 3®, 4*', 5*^ et 6*" escadrilles.
Le gros matériel d'artille'rie sera embarqué par les 21° et 22* divisions de
transports.
Les bagages d'artillerie seront embarqués sur les 32«, 33", 34" et 35" divi-
sions de transports.
Les troupes d'artillerie fourniront les soldats du train pour la garnison des
écuries.
Les bâtiments destinés à porter les bagages de l'artillerie seront répartis
savoir : 1 bâtiment par régiment, i par général de division, et 1 pour deux
généraux de brigade.
Au moyen de ces dispositions, je vous invite. Général, dès â présent, â faire
préparer le travail relatif h la répartition du personnel et du matériel de l'ar-
tillerie, qui doivent être embarqués sur chacun des bâtiments de guerre et de
transport des 8 escadrilles, et à m'en adresser les tableaux afin de me mettre
à la portée d'en rendre compte à Sa Majesté.
Je vous salue avec une considération distinguée.
Berthier
438 TROISIÈMB PARTIS. — CHAPITRE IV.
«
Au Commandant de la ^ottillô à Boulogne (1).
Paris, le 4 germiDal an mu (25 mars 1805).
Général,
LMotention de rEmpereur est :
1® Qu'il soit formé à la réserve et réuni à Wimereux une 8* escadrille, com-
posée delà il« division de chaloupes canonnières, et d'une autre division qui
sera formée des premières chaloupes canonnières qui arriveront à Boulogne ;
de deux divisions de bateaux canonniers choisis parmi les meilleurs des 4 4*,
15®- et 16*^ divisions et des péniches des 9® et 14® divisions;
2« Que les 9® et 10*' divisions de chaloupes canonnières remplaceront à la
6" escadrille les i4®, 45® et 46® divisions de bateaux canonniers.
En conséquence, la flottille de guerre sera définitivement composée de :
44 divisions de chaloupes, ou 252 chaloupes ;
48 divisions de bateaux canonniers, ou 324 bateaux canonniers ;
46 divisions de péniches, ou 288 péniches.
Ce qui fait un total de 864 bâtiments.
Sa Majesté désire en outre que Ton réunisse dans les différents ports un
bâtiment de plus par division, pour subvenir aux remplacements et aux acci-
dents.
Il faut donc encore 44 chaloupes canonnières, 48 bateaux canonniers, et
46 péniches, ce qui portera le nombre total des bateaux des trois premières
espèces à 942.
D'après les états de situation particuliers que vous nCavex adressés le 45 plu-
viôse (4 février) il existait, dans les ports de réunion y 906 bateaux de ces trois
espèces. Mais 234 étaient en réparations, de sorte quHl n^en restait que 672
réellement disponibles. Je ne me dissimule donc point que pour le moment
l'organisation de la flottille, suivant les nouvelles bases prescrites par Sa Ma-
jesté, ne pourra être complétée, mais les réparations que Ton fait aux bateaux
en mauvais état, vous mettront à portée de faire disparaître successivement le
déficit. Je vous préviens, d'ailleurs, qu'il reste encore 69 bateaux des trois
espèces à parvenir de Granville, Cherbourg, le Havre et Anvers; de manière
qu'au moyen de ces 69 bateaux, et des 234 qui sont en réparations dans les
ports de réunion, je calcule que l'organisation nouvelle pourrait être complétée
et qu'il y aurait même un excédent de 4 chaloupes canonnières, 43 bateaux
canonniers et 45 péniches. Cependant, comme ce complément éprouvera quel-
ques retards, en faire l'observation à Sa Majesté. Nécessairement je vais, en lui
demandant si son intention serait que Ton restreignît le nombre des escadrilles
à celui des bâtiments actuellement disponibles, ou, en maintenant le nombre
des escadrilles, on diminu/tt proportionnellement celui des bâtiments dont
chaque escadrille est actuellement composée; je vous ferai connaître de suite
sa décision.
Mais en attendant, vou5 voudrez bien, Général, vous occuper d'organiser,
(1) Archives de la Marine, BB", 102. — Bureau des ports, an xm et an xiv.
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 439
suiTant les nouvelles bases indiquées, ceux des bAtiments existant dam les
ports de réunion, qui sont en état, et me rendre compte du résultat des dispo-
sitions que vous aures prises à cet effet.
Il me reste à yous faire connaître les différents serrices auxquels les 8 esca-
drilles ordonnées doivent être affectées.
Camp de Montrbuil.
ire Qi 2« escadrilles de la flottille impériale;
i» et 2^ divisions de transports d*écunes de la 1'^ escadrille;
3* et 4* divisions de transports d'écuries de la 2* escadrille ;
i'o et i* sections de la ÎO* division de transports ;
30® division de transports ;
31* division de transports.
Les troupes du camp de Montreuil doivent être partagées en 3 divisions desti-
nées à s'embarquer sur les i'*> et 2^ escadrilles de la flottille impériale, savoir :
une division sur les bâtiments de 1'* et de 2° espèces de la i'« escadrile ; la
2® division sur les bâtiments de 2^ espèce de la 2*' escadrille ; et la 3® division
sur les b€^timents de 3° espèce des V^ et 2® escadrilles.
D'après ces dispositions, M. le maréchal Ney, commandant en chef le camp
de Montreuil, est prévenu :
Que laV* division de ce camp, commandée par le général Dupont, s'embar-
quera sur les 5* et 8* divisions de chaloupes canonnières et sur les 9® e^
10* divisions de bateaux canonniers qui font partie de la 1'* escadrille ;
Que la 2" division, commandée par le général Loison, s'embarquera sur les
il*, 12*, 17* et 18* divisions de bateaux canonniers faisant partie de la 2* esca-
drille ;
Que la 3* division ou division d* avant-y ar de, commandée par le général
Malher, s'embarquera, savoir : la brigade commandée par le général Marco-
gnet, sur les 10* et 11* divisions de péniches de la 1'* escadrille ; et la brigade
aux ordres du général Labassée, sun les 12* et 13* divisions de péniches de la
2* escadrille ;
Que les chevaux du 3* régiment de hustards seront embarqués sur la 1'* divi-
sion de transports d'écuries, attachée à la 1'* escadrille, et ceux du 10* régi-
ment de chasseurs, sur la 4* division d'écuries attachée à la 2* escadrille ;
Que les chevaux du train d'artillerie seront embarqués sur la 2* division
d'écuries attachée à la 1 1^ escadrille et sur la 3* division d'écuries, attachée à
la 2* escadrille ;
Que le gros matériel d! artillerie sera embarqué sur les 1 " et 2* sections de
la 20* division de transpoii^ ;
Que les bagages ^ armée des officiers d^ état-major et de troupes, de la 1 '* divi-
sion du camp et de la 1'* brigade d'avant-garde, seront embarqués sur la
30* division de transports, et ceux de la 2* division du camp et de la 2* bri.
gade d'avant-garde, sur la 30* division de transports ;
Qu'il sera mis sur chacune des écuries de la 1" escadrille, 3 hommes de
garnison du 3* régiment de hussards et du 10* régiment de chasseurs ; que le
bataillon du train fournira 3 hommes de garnison sur chacun des bâtiments
écuries de la 2* escadrille;
440 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Enfin, que les bâtiments destinés à porter les bagages de Tarmée seront
répartis, saToir : i bâtiment par régiment ; 1 par général de diyision ; 1 pour
2 généraux de brigade, et qu'ils leur seront assignés dans Tescadrille à laquelle
ils sont attachés.
Camp de Saint-Omrr et oe Réserve.
i'" et A** di?îsions de chaloupes canonnières.
„^ . ... . !'• et 2« divisions de bateaux canonniers.
1" et 2« diyisions de péniches.
5" et 6* divisions de transports-écuries.
i° et 3*^ divisions de chaloupes canonnières.
A« pv drille l ^^ ®' ^* divisions de bateaux canonniers.
3* et 4* divisions de péniches.
7*» et 8* divisions de transports-écuries.
6* et 7« divisions de chaloupes canonnières.
,,. 1 .„ I 6* et 7® divisions de bateaux canonniers.
5« escadrille. < «. . ^^ ,. • . . , • .
5' et 6<> divisions de péniches.
9* et 40* divisions de transports écuries.
9^ et 10* divisions de chaloupes canonnières.
fie d 'Il l ^^ ®' ^^* divisions de bateaux canonniers.
7" et 8* divisions de péniches.
41" et ii^ divisions de transports-écuries.
i'e et 2® divisions de chaloupes canonnières.
7* escadrille. ^ 5® et 49" divisions de bateaux canonniers.
l'« et 2« divisions de péniches.
Îil*' et ii° divisions de chaloupes canonnières.
14® et 15® divisions de bateaux canonniers.
9® et 4® divisions de péniches.
1'®, 2« et 3® divisions de corvettes de pèche.
21 •,22®, 32®, 33®, 3i® et 33® divisions de transports.
Z^ 1'® division du camp de Saird-Omcr, commandée par le général Saint-
Hilaire, s'embarquera sur les 1'® et 4® divisions de chaloupes canonnières,
sur les i" et 2® divisions de bateaux canonniers et sur les 1*"® et 2® divisions de
péniches qui font partie de la 3®.escHidrille.
La 2® division du camp, commandée par le général Vandamme, s'embar-
quera sur les 2® et 3® divisions de chaloupes canonnières, sur les 3® et 4® divi-
sions de bateaux canonniers et sur les 3® et 4® divisions de péniches, attachées
à la 4® escadrille.
La 3® division du camp, commandée par le général Legrand, s'embarquera
sur les 6® et 7® divisions de chaloupes canonnières, sur les 6® et 7® divisions de
bateaux canonniers et sur les 5® et 6® divisions de péniches, attachées à la
grande escadrille.
La 4® division du camp, commandée par le général Suchet, s*embarquera
sur les 9® et 10® divisions de chaloupes canonnières, sur les 8® et 13® divisions
de bateaux cnnonniors et sur les 7® et 8® divisions de péniches, attachées A la
6® escadrille.
I
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 441
La f division de la. réserve, composée de la garde de l'Empereur, s'embar-
quera sur les i" et 2« divisions de chaloupes canonnières et sur les 5« et
19* divisions de bateaux canonniers, attachées à la 7* escadrille.
La f^ division de la réserve, composée de bataillons de grenadiers et comman-
dée par le général Oudinot, s'embarquera sur les i ^^ et 2* divisions de péniches
attachées à la 7* escadrille, et sur les 9® et 14* divisions de péniches, faisant
partie de la 8* escadrille, mais qui doivent être jointes à la 7*> escadrille.
La 3* division de la réserve, composée de troupes italiennes, commandée
par le général de brigade Tenlié, s'embarquera sur les 1", 2* et 3« divisions
de corvettes de pèche armées en guerre.
Les dragons à pied des {^et !• divisions de dragons qui font partie des 4* et
5* divisions de la réserve, commandées par les généraux Klein et Baraguay-
d'Hilliers, s'embarqueront sur les 11" et 12® divisions de chaloupes canon-
nières et sur les 14** et 15* divisions de bateaux canonniers, attachées à la
8* escadrille.
Les chevaux o^u 11* régiment de chasseurs s'embarqueront sur la 5* division
de transports d'écuries attachée à la 3* escadrille, et les chevaux du 8* régi-
ment de hussards sur la 10* division d'écuries, attachée à la 5* escadrille.
Les chevaux de la garde impériale s'embarqueront sur les 7* et 12* divisions
d'écuries, attachées aux 4* et 6* escadrilles.
Le gros matériel d'artillerie sera embarqué sur les 21* et 22* divisions de
transports.
Les chevaux du train d'artillerie s'embarqueront sur les 6*, 8*, 9* et 11* divi-
sion d'écuries, attachées aux 3*, 4*, b* et 6* escadrilles.
Les bagages d'armée seront embarqués sur les 32*, 33*, 34* et 35* divisions
de transports.
Le 11* régitnent de chasseurs et le 8* régiment de hussards fourniront
3 hommes de garnison sur chacune des écuries de la 3* escadrille. La garde
impériale fournira garnison aux écuries de la 4* et de la 7* escadrille. Les
troupes d'artillerie du camp de Saiut-Omer fourniront les soldats du train
pour garnison des écuries des 5* et 6* escadrilles.
Les bâtiments destinés au transport de la grosse artillerie auront pour gar-
nison 1 soldat d'artillerie.
Enfin, les bâtiments destinés à porter les bagages de l'armée seront répartis,
savoir : 1 bâtiment par régiment ; 1 par génial de division ; 1 pour 2 géné-
raux de brigade, et ils seront assignés dans l'escadrille â laquelle ils sont
attachés.
L'intention de l'Empereur, général, est que désormais chaque bâtiment
reste invariablement attaché à sa section de chaloupes canonnières, de bateaux
c«anonniers ou 'de péniches ; en conséquence, il ne devra plus être fait aucun
changement, afin que chaque compagnie connaisse son bateau et que chaque
général de division connaisse de même Tofficier de marine qui commande.
Recevez, général, l'assurance de ma parfaite considération.
Dès qu'ils connurent la répartition arrêtée par leurs corps
d'armée, Ney et Soult signalèrent que le t^Ieau d'embarque-
ment ne cadrait en rien avec l'effectif de leurs troupes.
442 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Dans une lettre adressée au Ministre (1), le premier des
deux maréchaux fit remarquer :
Que les moyens de transport affectés à la l'® division, suppo-
saient un effectif de 8,280 hommes, alors, qu'étant composée
seulement de trois régiments (9* léger, 32® de ligne et 96* de
ligne), elle n'avait pas plus de 5,047 hommes à embarquer.
La 2® division, à qui on donnait 7,200 places, n'avait que
5,176 hommes (6« léger, 39® de ligne et 69® léger), tandis que
la division d'avant- garde, forte de 7,520 hommes (25® léger,
27® et 50* de ligne, et 59® léger), ne pouvait embarquer que
4,752 hommes. Une fois le corps d'armée complété par
l'arrivée des deux régiments d'infanterie manquant encore,
et avec sa cavalerie, son artillerie, le génie et les différents
services, il atteindrait un effectif de 24,279 hommes, si bien
que 1574 hommes ne pourraient être embarqués (2).
Tout en contestant ces chiffres, le Ministre dut bien recon-
naître le déficit d'ensemble résultant des prévisions.
A M. le maréchal Ney, commandant en chef le camp de Montreuil.
Paris, le 0 germlna) an uni (30 mars 1805).
Monsieur le Maréchal,
J*ai reçu la lettre que vous m'avez fait Thonneur de m*écrire le 2 de ce mois,
sur la répartition des troupes du camp de Montreuil à bord des bâtiments de
la i" et de la 2® escadrille. Vous observe» iV ce sujet que les bâtiments desti-
nés au transport de l'armée que vous commandez sont insufQsants ; mais avant
de mettre votre travail sous les yeux de l'Empereur et de soumettre â
Sa Majesté les difficultés dont vous me rendez compte, j'ai l'honneur de vous
observer, Monsieur le Maréchal, que l'étiit sommaire de la force de chaque
arme que vous présentez dififôre de celle qui a été airêtée par l'Empereur ; cet
état étant la principale base de l'opération, en voici le résultat :
hommet. eb^vanx.
it régiments d'infanterie, 24 bataillons à 930 hommes chacun. 22,320 »
!i compagnie pour chaque division i
d'infanterie i
i compagnie pour la réserve d'ar- > , ) 62i »>
..,, '^. * I hommes *
tiUerie I ,
a I chacune.
. 2 compagnies par parc /
(1) Lettre du 23 mars. {Archives de la Guerre» côteii.)
(3) Le 22 mars, un 4* corps fut formé et confié au maréchal Lannes, sous le nom
d' M avant-garde de l'armdc ».
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 443
J^™P'^^'**® ( 1/2 compagnie pour la brigade de cavalerie. .
d'artdlene > . ^ ° . , ^ ,, _^.„ . J 84 40
à h al I '^ compagnie pour la résenre d artdlene. .
1 comp. pour chaque division à 102 hommes
et 4S4 chevaux de trait pour 36 voitures.
ijt compagnie pour la brigade de cavalerie,
7comp. 4/i / 51 hommes, 82 chevaux pour 17 voitures.
du train. \ i compagnie pour la rései-ve d'artillerie, ' ^ ^
102 hommes, 154 chevaux pour 36 voi-
tures
3 compagnies pour le parc
1/2 compagnie d'ouvriers d'artillerie pour le parc . . , 52 »
i compagnie de pontonniers pour le parc i 104 »
3* régiment de hussards, 3 escadrons de
450 hommes et 300 chevaux
Cavalerie / *^ ^f^^^^^ ^^ chasseurs, 3 escadron» de .
Cavalerie. ( 450 hommes et 300 chevaux ^ ^^ ^^^
l'« compagnie de gendarmerie, 97 hommes
^ et 97 chevaux
11/2 compagnie pour chaque divi-\
sion d'infanterie f ^
1/2 compagnie pour la réserve i, *
d artdlene ;
de Tétatr-major de M. le Maréchal, 60 offi-
ciers, 75 chevaux
21 officiers de chacune des divisions d'infan-
^ de^"^ I terie, 63 officiers, 72 chevaux
l'état-maior. ] ^^ officiers de la brigade de cavalerie, ^
15 officiers, 17 chevaux
H officiers de la réserve d'artillerie et du
parc, 11 officiers, 6 chevaux
Total des combattints. . . 25,303 1,605
La force des combattants doit être répartie sur les bâtiments de guerre,
déduction faite de 450 hommes que Sa Majesté a aflectés à la garnison des
bâtiments de transports, savoir :
108 hommes du 3^ de hussards ï sur les écuries
108 hommes du 10^ de chasseurs f de la 2' escadrille.
216 hommes du bataillon du train, sur les écuries de la 2° escadrille.
18 soldats d'artillerie, sur les transports du gros matériel d'artillerie.
Les chevaux de troupes et d'artillerie doivent être répartis sur les bâtiments
de transport, et une portion de ceux de Tartillerie sera embarquée sur les
éciuies qu'on aménage à bord des bâtiments de guerre. Sa Majesté déter-
minera où devront être ceux des officiers d'état-major.
Les 456 chevaux de trait pour les 107 voitures attachées au parc de Tarmée,
44V TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE IV>
deTront être portés pour mémoire jusqu'à ce que TEmpereur leur ait assigné
des divisions sur la réser?e des écuries.
827 h. de l'administration
et H chevaux.
34 secrétaires des généraux
inspecteurs
et commissaires
des guerres, directeurs
d'artillerie, etc.
24 palefreniers.
728 domestiques.
NON COMBATTANTS.
/ ^^
employés pour Tétat-major général.
1 190
— lai" division.
\ 190
— la 2« division.
< 199
— la 3* division.
j 190
— la brigade de cavalerie,
f
la réserve d'artillerie et
V
le parc.
/ 18 attachés à Tétat-major de M. le Maréchal.
i ^
— à la 1" et 2® divisions.
\ ^
— à la brigade de cavalerie et à la
1
3« division d'infanterie.
\ 3
~ au parc.
1,613 non combattants à embarquer sur les bâtiments de transports.
Je vous invite, Monsieur le Maréchal, à établir la répartition de l'armée
d'après ces bases, afin de me mettre à portée de faire connaître à Sa Majesté
le déficit que présentent les bâtiments affectés aux i" et 2<* escadrilles pour
compléter l'embarquement général des troupes qui devront composer le camp
de Montreuil.
J'ai l'honneur de vous saluer.
Le Ministre de la guerre.
Résumé : •
1® 24,853 combattants qui devront s'embarquer sur les bâtiments de guerre,
^ i 450 hommes de garnison . ) qui devront s'embarquer
f 1 ,613 non combattants ) sur les bâtiments de transports.
L'Empereur a décidé que cette armée serait partagée en 3 divisions, desti-
nées â être embarquées sur les i" et 2* escadrilles de la flottille impériale.
Ces 2 escadrilles se composent :
1<^ de bâtiments de guerre destinés â porter les combattants, les bouches â
feu, les affûts, les charrettes â munitions, les caissons, et généralement toutes
les munitions qui doivent suivre les évolutions de l'armée, et le nombre de
chevaux d'artillerie que comportent les écuries qu'on y ménage.
2® de bâtiments de transport destinés à embarquer les chevaux, le gros
matériel de l'artillerie, les bagages, les garnisons, les administrations et les
individus à la suite de l'armée.
Les moyens de transports que présentent les bâtiments de guerre de ces
2 escadrilles, consistent en :
LA FLOITILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 445
oombatUnti. cheTaax.
2 divisions de chaloupes canonnièi'es, 36 bâtiments de
l'' espèce à 130 hommes chacun 4,680 »
6 divisions de bateaux canonniers, 108 bâtiments de
2* espèce à 100 hommes et 2 chevaux chacun 10,800 216
4 divisions de péniches, 72 bâtiments de 3* espèce à
66 hommes chacun 4,752 »
Total des 12 divisions formant 216 bâtiments, pour. . 20,232 216
»
»
Le nombre des combattants â embarquer devant être de. . . 24,853
Les moyens d'embarquement présenteront donc un déficit de 4,621
Les bâtiments de transport attachés aux mêmes escadrilles consistent :
ehtraax. puMgon.
4 divisions d'écuries, 72 bâtiments devant porter 1,103 1,663
1 division de gros matériel d'artillerie, 18 bâtiments devant
porter n 270
2 divisions de bagages, 3U bâtiments devant porter. 72 540
Écuries des bâtiments de guerre devant porter 216 »
Total 7 divisions, formant 126 bâtiments 1 ,391 2,473
La force des chevaux, garnisons et non combattants étant de 1 ,616 2,063
Les bâtiments de transport présenteront donc pour l'embar-
quement des chevaux un déficit de 225
Et pour les non-combattants, un exécédent de 410
Quant au maréchal Soult, il se borna, pour le moment, à
envoyer sa situation détaillée qui fit ressortir un déficit de près
de 5,000 hommes dans le§ moyens préparés pour rembarque-
ment de son corps d'armée.
446
TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE IV.
fttat-BiaJor général (Camp de Saint-Omer).
État de V effectif des corps de Vco^mée, à t époque du 13 germinal, indiquant le nombre d'hommes
embarqués, celui des galeux traités au camp et des malades aux hôpitaux de t armée.
An quartier j^méral à Boulogne, le 10 germinal sn xiu (31 mars 1805).
DIVISIONS.
RÉGIMENTS.
\^ MO» d'inf. légère
St-Hilairb, 1 14* de ligne
plateau <36« id
de la J43« id.
Tour-d'Ordros \ 55» id
.^ / Tirailleors du Pô . . .
Camp l^.^^lf'''
de Gauche J *g, :^
à Boulogne. |^,. 1^! .' 1 ! ! '. '. ! ! !
/26« d'inf. légère.. .
1 Chasseurs corses. . . .
, '* j 3* de ligne
Lbqramd, ^„- id
avec la 2-. i,^. id
\75* id
il7« dinf. légère
34» de ligne
40* id
64» id
88- id
Guides interprètes . .
8* de hussards
Cavalerie. . . . { 1 1* de chasseurs. . . .
Gendarmerie
Oav. lég. et réserve.
1« d'artill. à pied . . .
5« id
6« id
Artiiicrio. ..<j!iche^v'ai;*:::::;
4« id
5« id
3* bat princ. du train
5* comp. de mineurs.
6« id
Génie. {9« id
t* bat. de sapeurs .
Dimion lî-d'in^iéBVre:::::
'*»«<""'« Il" de ligne.:: ::::::
Totaux
HOMBRB d'hOMMBS |
FORCE
-^ ^
^1 -^— ^
^1 -^
dos
corps.
embar-
qués.
galeux
tniléi
an
camp.
aux
hôpi-
taux.
1,617
11
118
84
1,765
216
102
62
1,887
188
15
38
1,864
384
137
112
1.695
186
78
74
859
46
72
81
1,535
28
89
74
1,813
523
112
67
1,482
368
220
54
1,580
506
145
59
1,729
357
493
70
1,593
35
657
155
957
192
27
130
1,824
540
28
101
1,380
380
156
119
1,310
135
41
133
1,629
120
«90
116
1,778
i>
100
54
1,728
278
18
95
1,721
190
31
85
1,689
268
246
108
1,717
282
77
104
41
»
»
»
470
50
M
»
472
52
2
8
145
»
»
M
937
50
N
20
398
105
>*
16
978
211
»>
20
282
63
M
8
99
»
1»
3
40
M
»
»
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94
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M
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37
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»
7
94
U
»
3
859
t>
»
18
790
»
»
45
1,665
308
M
208
1,558
308
»
83
1,699
25
M
90
16,608
6,435
3,624
2,562
OBSEKVATIONS.
Dans le nombre des malados
aux hépitanx se trouvent :
50 attaqués de maladies ex-
teraee.
183 blessés par accideol.
62 blessés par arme.
15 se<»rbatiqaes.
172 attaqués de gales invé-
térées.
2,029 fiéTreojc.
2,562 malades aux hôpitaux.
Ce régiment a 333 chevaux.
Ce régiment a 328 chevaux.
La gendarmerie a 150 chevaux.
tl y a 730 chevaux d'artillerie.
Le général de division, chef de V état-major générai,
F. Anorkosst.
(1) Archives nationales, carton AF'v, 1204. — Marine, colonies et flottilles, an xii et an xiv.
LA FLÔTTILLB. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 447
Cette organisation symétrique de la flottille, alors que
Tannée avait une composition aussi peu uniforme que possi-
ble, n'avait, d'ailleurs, prévu ni les états-majors ni les corps
spéciaux, guides-interprètes, artillerie de réserve, etc
Aux nombreuses réclamations qui s'étaient élevées, l'Empe-
reur se borna à répondre par l'ordre du 3 avril qui, malgré
son apparente précision, laissait bien des questions ouvertes.
Au maréchal Berthler (1).
Troyes, le 13 germinal an xiii (3 arril 1805).
Mon Cousin,
Chaque chaloupe canonnière portera 130 hommes ; H restera donc, dans
chaque hâtiment, de la place pour 20 ou 30 hommes pour embarquer, à tant
par bâtiment et en les disséminant le plus possible, la gendarmerie, les guides
interprètes de Tannée, les troupes de rartillerie de la réserve. L'artillerie à
choTal s'embarquera à pied et n'emmènera pas de cheyaux ; les troupes du parc
général s'embarqueront sur les bâtiments du matériel de l'artillerie. La maison
et les chevaux de TEmpereur seront embarqués sur les paquebots.
Les prames seront destinées à embarquer chacune 25 chevaux d'artillerie,
25 chevaux de cavalerie. La cavalerie de la réserve s'embarquera sur les écu-
ries à Calais, et les deux bataillons à pied sur les mômes bâtiments, vu qu'on
peut embarquer plus d'hommes que de chevaux sur chaque écurie. Le grand
état-major de la flottille ne doit pas avoir de bâtiments d'écurie pour son ser-
vice, mais on mettra 2 chevaux d'officiers sur chacun des bâtiments destinés
aux équipages de Têtat-major. Si, cependant, cela était nécessaire, on pour-
rait affecter une écurie à chaque division ; cette opération peut se faire au der-
nier moment.
On doit embarquer le moins d'équipages et le plus petit nombre d'hommes
inutiles possible. Le reste des équipages viendra ensuite cx>mme les circon-
stances le permettront.
Je donnerai, quand il le faudra, des ordres pour que les détachements de In
8* escadrille soient fournis par les dragons ; mais, en attendant, les choses
doivent rester dans l'état où elles sont.
Napoléon.
A peine cet ordre était-il donné, qu'il fallait constater une
fois de plus que Tétat réel des bâtiments disponibles ne corres-
pondait pas aux dispositions arrêtées.
(1) Correspondance de Napoléon, 8516.
448 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Au vice-amiral Decrèa (1).
MâcoD, le 18 germinal an xiii (8 avril 1805).
Monsieur,
Je TOUS envoie une lettre du général Savary ; tous verrez Tétat de situation
des correttes de pêche et des écuries pour la cavalerie de réserve. Il paraît,
d'après ce rapport, que tous ces bdlimenis sont hors d'état de prendre la nier,
et je suis h concevoir comment on n'a pas goudronné tous les cordages. Prenez
des mesures pour y porter un prompt remède. Poui* ces objets d'administra-
tion, je ne connais de responsable que le Ministre. Si le préfet maritime dila-
pide, il faut le faire arrêter. Avec ces complaisances je n'aurai jamais rien. Je
serai fâché, à mon arrivée à Boulogne, de trouver des coupables. Je ne crierai
plus, je punirai enfin.
Si mon budget est suivi, la flottille doit être entretenue; mais, si vous
affectez les fonds, sous différents prétextes, à des approvisionnements, il est
clair que je n'aurai plus un bâtiment. Occupez-vous de cet objet qui, dans
mon esprit, tient le premier rang. On m'avait tant vanté Lacrosse! il paraît
qu'il dort. Ordonnez à ce préfet maritime de visiter lui-même, et faites-lui
connaître que je le rendrai responsable de tous les abus que je trouverai à
Boulogne.
Napoléon.
Malgré tout, le déficit reconnu par le Ministre sur les
moyens d'embarquement montait à 20,162 hommes et 5,789
chevaux.
Rien que pour les deux camps de Saint-Omer et Montreuil
et la réserve, formant un total de 114,650 hommes et 14,178
chevaux, le plan d'embarquement du 24 avril, qui admit
120 hommes par canonnière,- 100 par bateau canonnier, et 66
par péniche, ne donna les moyens de transport que pour
100,692 hommes, équipages compris, et 4,120 chevaux. En
défalquant les équipages et les non combattants, le déficit se
trouva dépasser 20,000 soldats et 10,000 chevaux.
(1) CotTcspondance de Napoléon» 8551.
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 449
COMPOSITION
de chaque escadrille de flottilles de guerre et de transport
suivant la dernière organisation
ORDONNÉE LB 4 GERMINAL (24 MARS)
IV. 29
450
TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Composition de chaque escadrille des flottilles de guerre
ordonnée le 4
ESCA-
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Bâtim. p' bagages. .
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LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DEFINITIVE.
451
et de transport suivant la dernière organisation
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OBSERVATIONS.
Camp de Montreuil.
La 1'* division da camp, commandée par le général Dupont,
s'embarquera sur les 5* et 8* divisions de chaloupes canonnières
et sur les 9« et 10» divisions de bateaux canonniers. La brigade
d'avant>garde, commandée par le gén(^ral Marcognet, sur les 10" et
11» divisions de péniches. Les chevaux du 3» régiment de hus-
sards, sur la 1'* division d'écuries. Une partie des chevaux du train
d'artillerie sur la 2* division d'écuries. Une partie du gros mati^ricl
d'artillerie sur la l'* section de la 20* division des bâtiments d'ar-
tillerie. Les bagages d'armée do la V* division du camp et de la
l'* brigade d'avant-garde, sur la 30* division de transports.
La 2* division, commandée par le général Loison, sur les 11*,
12*, 17* et 18* divisions de bateaux canonniers. La brigade d'avantr
garde, aux ordres du général Labassée, sur les 12* et 13* divisions
de péniches. Les chevaux du 10* régiment de chasseurs sur la
4* division d'écuries. Une partie du gros matériel de l'artillerie sur
la 2* section de la 20* division des bAtiments d'artillerie. Une
partie des chevaux du train d'artillerie sur la 3* division d'écuries .
Les bagages d'armée de la 2* division du camp et la 8* brigade
d'avant-garde sur la 31* division de transports.
Camp de Saint-Omer et réserve.
La 1*** division, commandée par le général Saint-Hilaire, sur les
1m et 4* divisions de chaloupes canonnières, sur les l""* et 2* divi»
sions de bateaux canonniers et sur les 1*^ et 2* divisions de
péniches. Les chevaux du 1 1* régiment de chasseurs sur la 5* divi-
sion d'écuries ; une partie des chevaux du train d'artillerie sur la
6* division d'écuries. Une partie du gros matériel de l'artillerie sur
la 1*** section de la 21* division de transports. Une partie des
bagages d'armée sur la 32* division de transports.
La 2* division, commandée par le général Vandamme, sur les 2*
et 3* divisions de chaloupes canonnières, sur les 3* et 4' divisions
de bâtiments canonniers et sur les 3* et 4* divisions de péniches.
Une partie des chevaux du train d'artillerie sur la 8* division
d'écuries. Une partie du gros matériel de l'ariillerie sur la 2* sec-
tion de la 21* division de transports. Une partie des bagages
d'armée sur la 33* division de transports.
La 3' division, commandée par le général Legrand, sur les 6* et
7* divisions de chaloupes canonnières, les 6* et 7* divisions de
bâtiments canonniers, sur les 5* et 6* divisions de péniches. Les
chevaux du 8* régiment de hussards sur la 10* division d'écuries.
Une partie des chevaux du train d'artillerie sur la 9* division d'écu-
ries. Une partie du gros matériel de l'artillerie sur la l'« section
de la 22* division de transports. Une partie dos bagages d'armée
sur la 34* division de transports.
452
TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Composition de chaque escadrille des flottilles de guerre
ordonnée le 4
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LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DEFINITIVE.
483
et de transport saivant la dernière organisation
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OBSERVATION?.
Camp dâ Saint-Omer et réserve.
La 4* division du camp, commandée par le général Sachet, sar
les 9* et 10* diTisions de chaloupes canonnières, sur les 8* et
13* divisions de bateaox canonniers, et sur les 7* et 8* divisions
de péniches ; une partie des chevaux de la garde impériale sur la
12* division d'écuries ; une partie du gros matériel d'artillerie sur
la 2* section de la 22* division de transports ; une partie des che-
vaux du train d'artillerie sur la 1 1* division d'écuries ; une partie
des bagages d'armée sur la 35* division de transports.
La l'*diyision de la réserve, composée de la garde de l'Empereur,
sur les 1** et 2* divisions de chaloupes canonnières et sur les
5* et 19* divisions de bateaux canonniers ; une partie de la 2* divi-
sion de la réserve, composée de bataillons de grenadiers, et com-
mandée par le général Oudinot, sur les 1*^ et 2* divisions de
péniches.
Une partie de la 2* division de la réserve sur les 9* et 14* divi-
sions de péniches, qui seront Jointes à la 7* escadrille, quoique
appartenant à la 8*.
Les dragons à pied des 1** et 2* divisions des dragons, faisant
partie des 4* et 5* divisions de la réserve, commandées par les
généraux Klein et Baraguey d'Hilliers, sur les 11* et 12* divisions
de chaloupes canonnières et sur les 14* et 15* divisions de bateaux
canonniers.
La 3* division de la réserve, composée de troupes italiennes, et
commandée par le général Teulier, sur les 1'*, 2* et 3« divisions de
corvettes de pèche.
Le U* régiment de chasseurs et le 8* régiment de hussards four-
niront 3 hommes de garnison sur chacune des écuries de la 3* esca-
drille ; la garde impériale fournira la garnison à la 4*. Les troupes
d'artillerie du camp fourniront les soldats du train pour les écuries
de la 5* et de la 6* escadrille. Les bâtiments destinés au transport
d'artillerie auront pour garnison un soldat d'artillerie.
U sera mis sur chacun des bâtiments-écuries de la l^ esca-
drille 3 hommes du 3* régiment de hussards et du 10* régiment de
chasseurs. Le bataillon du train fournira trois hommes de garnison
sur chacune des écuries de la 2* escadrille. Les bâtiments destinés
à porter les bagages d'armée seront répartis, savoir : 1 par régi-
mont, 1 par général de division, 1 pour deux généraux de brigade,
et ils leur seront assignés dans laquelle ils sont attachés.
454 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Mais, chose curieuse, Torganisation en 8 escadrilles fran-
çaises et 3 escadrilles bataves correspondait si peu à la situa-
tion réelle que, d'une part, elle ne permettait pas d'embar-
quer toute Farmée, si celle-ci avait été réunie, et d'autre part,
elle laissait sans affectation une proportion relativement élevée
de bâtiments.
Minute de la lettre écrite par le Ministre de la guerre
à Sa Majesté l'Empereur et Roi.
Le 14 flor<5aI an xiii (i mai 1S05).
Sire,
J'ai eu rhonneiir de présenter à Votre Majesté, au commencement de ce
mois, le tableau de la répartition des bâtiments qui composent les huit esca-
drilles de la flottille impériale et les trois escadrilles de la flottille batave, pour
établir la comparaison des moyens respectifs d'embarquement qu'il était néces-
saire d'assigner pour les troupes de chacun des trois camps de la réserve : du
parc général de l'armée et de la réserve générale d'artillerie.
Il résultait de ce premier état, fondé sur les premiers éléments qui m'avaient
été fournis par la marine, qu'il y aiu^it eu un déficit de moyens d'embarque-
ment pour 20,162 hommes et 5,789 chevaux.
J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Majesté un nouveau projet
de répartition établi sur les nouvelles données fournies par M. le contre-amiral
Lacrosse, et qui m'ont été transmises par Son Excellence le Ministre de la
marine, le 11 de ce mois.
Il résulterait de ce projet qu'il ne manquerait de bâtiments que pour 16,730
hommes et 5,781 chevaux.
Il est à remarquer que les bâtiments non encore escadrilles off*rent des moyens
d'embarquement. Ce nombre est de 45 chaloupes, 59 bateaux, 25 péniches et
104 transports, sur lesquels il convient de relever d'abord, pour achever de
compléter les escadrilles, savoir :
Pour la 7" escadrille : 31 transports;
Pour la 8« escadrille : 15 chaloupes, 2 péniches, 90 transports (et comme on
n'en peut disposer que de 73, il y aura encore un déficit de 17 transports);
Pour les escadrilles bataves : 1 7 péniches françaises.
Les escadrilles étant ainsi complétées, il restera de disponible 30 chaloupes,
54 bateaux et 6 péniches, qui peuvent suffire à rembarquement de 8,676 com-
battants et 108 chevaux, en sorte que, définitivement, il n'y aurait de déficit
que pour l'embarquement de 8,054 hommes, 5,673 chevaux et 17 transports
pour la 8" escadrille.
J'aurai l'honneur de soumettre à Votre Majesté le tableau de la répartition
nominative du personnel et du matériel de l'armée sur chaque section et divi-
sion de chacune des escadrilles, aussitôt que MM. les maréchaux commandant
les camps m'auront fait parvenir le travail que je leur ai demandé itérative-
ment à cet égard .
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 455
Il ne parait pas que le Ministre' de la guerre ait obtenu de
réponses à ses propositions.
Par contre, en réponse à l'état fourni par le Bfinistre de la
marine en date du 21 mai (1), et qui était la reproduction des
dispositions arrêtées par l'Empereur, celui-ci écrivit que tout
cela était inexact et fait « d'après ce que les choses devraient
être et non d'après ce qu'elles sont >».
Monsieur,
Au wce-am/ra/ Decrèa (2).
Milan, le 14 pndriil an xiu (3 Juin 1805).
J'ai reçu Totre état de la marine au i^' prairial. Cet état est fait de fantaisie,
et dès lors je ne puis calculer dessus. Je dis que cet état est fait de fantaisie,
parce qu'au premier coup d*œil il me parait inexact. Toutes les divisions de
bateaux sont portées comme si tous pouTaient porter 36 cheTaux ; cependant,
il est à ma connaissance qu'un grand nombre, par yétustô ou autre motif, ne
peuvent pas en porter. Les conrettes de pècbe sont portées comme pouvant
toutes contenir 2 cbevaux, ce que, encore, ma mémoire accuse de faux. Ainsi,
je vois que ce sont des états copiés et faits (T après ce que les choses devraient
être, mais non d'après ce qu'elles sont. J'ai besoin d'avoir un état exact de tout
ce qui peut sortir au premier coup de sifOet. Toutes les écuries ont-elles l'eau
nécessaire ? Mon intention est d'embarquer 3,000 chevaux d'artillerie, savoir :
1800 sur les écuries attachées aux escadrilles, 700 sur les bateaux, 300 sur les
prames et 150 sur les corvettes de pêche. Pour la cavalerie, on embarquera :
1800 chevaux pour la réserve destinée à Calais, 700 pour ma garde sur les
escadrilles, et 300 sur les prames pour ma Garde ; ce qui fera iOOO chevaux
pour ma garde. Ainsi, il faut à la 7^ escadrille, 13* division, au lieu de
« réserve », mettre « garde », et, à la 14* division, au lieu de « réserve »,
mettre « garde », et, à la 8* escadrille, 15* division, au lieu de « réserve >:,
mettre «artillerie ». Les 3* et 8* régiments de hussards, les 10* et il* de
chasseurs, embarqueront environ 1100 chevaux sur les bâtiments des esca-
drilles qui leur sont désignés; ainsi, indépendamment de la flottille batave,
j'aurai 3,000 chevaux d'artillerie et 4,000 de cavalerie. Si les circonstances me
le permettent, je ferai retourner les écuries pour embarquer le même nombre
de chevaux d'artillerie et de cavalerie. Je vous dis cela pour que, si vous avez
quelques dispositions à faire en conséquence de cela, vous les fassiez; car
j'aurai 7,000 autres chevaux tout prêts à embarquer sur I^ côte.
Envoyez-moi le même état, pour la flottille batave, et pressez pour que tout
se rende h Âmbleteuse.
Napoléon.
C'est, d'ailleurs, la dernière lettre retrouvée où l'Empereur
(l) Demandé à Laerosse le 15. {Archives de la Marine, BB»^, lOj.)
{t) Correspondance de Napoléon, 8835.
486 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
ait lui-même traité la quesâon de Torganisation de la flottille.
Or, jusqu'à la fin, Tincertitude reste extrême.
Le 9 juin (1), Ney fait ressortir qu'il lui manque encore de
quoi embarquer la majeure partie des chevaux du train, de
Tétat-major et des vivres. Le 7 juillet (2), Soult observe au
Ministre que tous les états se trouvent faussés par ce fait que
le chiffre de 130 hommes admis pour la contenance des canon-
nières représente le total de ce que peuvent porter ces bâti-
ments, y compris l'équipage et les isolés, et que par suite il y
a sur les états d'embarquement une erreur de 25 hommes
d'infanterie pour chaque canonnière et 15 pour chaque
bateau. Le 28 juillet, on retrouve H 6 chevaux du grand état-
major pour lesquels aucun moyen de transport n'a été
prévu (3).
Les nombreux exercices d'embarquement ne font qu'accen-
tuer le vague de la situation.
Le 25 juUlet (4), Ney a constaté, contrairement aux con-
clusions de Soult, qu'on pouvait placer 143 hommes sur les
canonnières et H 3 sur les bateaux, en logeant à la vérité
50 hommes â fond de cale sur les premiers de ces bâtiments
et 48 sur les seconds. Une expérience en grand, faite le
31 juillet, oblige à réduire ces chiffres à 110 hommes sur les
canonnières et 95 sur les bateaux. De fait, au lieu d'embar-
quer les 7,744 hommes de la l""*^ division, on en a embarqué
que 5,820 ; 6,840 de la 2« au lieu de 7,768 ; 4,75i de la 3* au
Ueu de 7,768 (5).
Ce sont ces données qu'admet l'ordre du 8 août, lequel
modifie encore une fois la répartition des troupes, et môme
celle des bâtiments.
Décision de VEmpereur,
Pont-do-Briques, le 20 thermidor an xui (8 août 1805).
Les compagnies ^eyront être considérées au complet de 100 hommes; le
major général fera connaître le nombre de places que chaque chaloupe canon-
nière pourra en procurer au delà.
(1) Archives de la Guerre.
(2) Archives de la Guerre.
(3) État. (Archives de la GueiTe.)
(4) Lettre da 25 juillet. (Archives de la GuetTe.)
(6) Lettre du 31 juillet. (Archives de la Guerre.)
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 457
Chaque bateau canonnier ne pouyant contenir plus de 94 hommes, il sera
attaché à chaque diyision de bateaux canonnière un 19* bâtiment, qui formera
un accroissement de places d'euTiron 100 hommes.
Il sera formé cinq ailes de débarquement, composées chacune de 72 péniches,
sur lesquelles il sera embarqué six bataillons, formant trois régiments, dont
deux d'infanterie légère et un de ligne.
Les bataillons qui s^embarqueront sur les péniches seront réduits à 700
hommes, officiers compris.
n y aura, de plus, une escouade d'ouTriers a^ec ce qui sera nécessaire pour
enclouer les pièces, une compagnie d'artillerie munie de refouloirs, leviers et
autres objets propres à rétablir les batteries et à les réarmer sur-le<-champ.
Il y aura aussi une compagnie de sapeurs avec ses outils.
L'aile de débarquement, que foumbra le corps de gauche, prendra le n** I :
elle sera composée des 6* et 9* légers et SO* de ligne.
La gauche du corps du centre formera le n^ 2, et sera composée des iO'' et
i7* légers et 3* de ligne.
Une partie de la division de grenadiers formera la 4*.
Le corps de droite formera la 5*, qui sera composée du 13* léger, du 7* de
ligne et d'un bataillon du 51* de ligne.
Chaque aile fera son débarquement particulier, en conservant sa position
ainsi :
La 1<^ débarquera sur la gauche;
La 2*, sur la droite de la 1'* ;
La 3*, sur la droite de la 2* ;
La 4*, sur la droite de la 3* ;
La 5*, sur la droite de toute l'armée.
Chaque aile sera composée de deux divisions de 36 péniches chacune.
Un officier de marine de confiance dirigera le débarquement de chacune de
, ces ailes.
Ces officiers sont :
Pour la 1'*, le capitaine de vaisseau Beaulieu;
Pour la 2*, le capitaine de vaisseau Moras;
Pour la 3*, le capitaine de vaisseau Hamelin ;
Pour la 4®, le général Combis;
Pour la 5*, le capitaine de vaisseau Meyne.
Ces officiers se réuniront pour proposer au contre-amiral Lacrosse les
signaux dont ils devront faire usage lors du débarquement.
Les généraux de brigade attachés aux ailes de débarquement, sont :
Pour la i", le général Marchay;
Pour la 2°, le général Merle;
Pour la 3*, le général Morand ;
Pour la 4*, le général Dupas;
Pour la 5*, le général Eppler.
11 sera attaché, h chacune de ces ailes, 36 bAtiments de Terre-Neuve ou
baleiniers.
» I
I
458 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Il sera désigné un certain nombre de chaloupes canonnières, sous les ordres
des officiers de marine choisis à cet effet, pour protéger le débarquement.
Il sera aussi attaché à chacune des ailes un corsaire, qui sera également
désigné.
Chaque débarquement devra se faire sur 36 péniches de front, de manière
que, de la droite à la gauche, il y ait au moins 400 toises, et comme le débar^
queroent devra se faire de vive force, il y aura, du débarquement d*une aile à
celui d'une autre aile, au moins une lieue.
Toutes les péniches devront se rallier et se mettre en ordre avant de se
trouver à portée du canon.
Les autres bâtiments devront se porter derrière pour les soutenir et débar-
quer presque aussitôt.
Il sera donné 54 péniches à la 5*' aile, qui, se trouvant moins forte que les
autres, n'embarquera que cinq bataillons .
La 7* escadrille composera, avec la 8**, la 4** aile de débarquement les
canonnières de la garde impériale n'en feront plus partie; elles seront rempla-
cées par une nouvelle division de chaloupes canonnières qui s'appellera la iS®,
et par une nouvelle division de bateaux canonniers, qui formera la 20*>.
Ces deux divisions seront prises sur les 19 chaloupes canonnières et les
41 bateaux canonniers non escadrilles. Il restera de disponible i chaloupe
canonnière et fA bateaux canonniers, qui serviront à tenir au complet les
autres escadrilles.
Le général Combis commandera la 1" escadrille.
Le capitaine Moncabrié commandera la S*', sous les ordres du général
Combis.
La division du général Gazan s'embarquera sur la 9® escadrille.
Les dragons h pied seront embarqués sur la 3® division de corvettes de
pèche, et sur les H*' et 17® divisions de bate^iux canonniers de la 8® escadrille.
La division de grenadiers s'embarquera sur les péniches formant la 4® aile
de débarquement, et sur les H« et i2« divisions de bateaux canonniers de la'
7* escadrille.
Les deux bataillons irréguliei-s du corps du centre seront embarqués sur les
prames.
Les 3 bombardes et les calques seront destinés à recevoir les hommes du
corps de gauche qui ne pourront s'embarquer sur les deux escadrilles affectées
à ce corps d'armée.
A rtillerie.
Les bâtiments de 2® espèce, des 3® et 4® escadrilles d'ancienne construction,
permuteront avec les sections des autres escadrilles qui ont des bateaux de
même espèce de nouvelle construction.
L'artillerie veillera à ce que les officiers du train, les haut-le-pied, etc., ne
puissent embîirquer aucuns chevaux, sous quelque prétexte que ce soit; ils
pourront seulement embarquer leurs selles.
Chevaux,
Les 3,600 chevaux du train seront tous de trait, aucun de selle.
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINITIVE. 469
Les 744 cheTanx que peuvent contenir les prames, seront :
i" 300 pour la maison de TEmpereiu*, Pétat-major général et Tétat-major
du centre, suivant la répartition qui en sera faite par le major général ;
2^ 144 pour Tartillerie;
3» 130 pour les 4 régiments de troupes à cheval du centre et de la gaucho;
4° Le reste pour la garde impériale.
Les 8 bâtiments de transport, que le général Gombis fera décharger, seront
donnés aux états-majors de Favant-garde et des réserves pour leurs chevaux.
Cartouches.
On destinera pour chaque homme, au moment de l'embarquement, 40 car-
touches; on les laissera en caisse jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de les distri-
buer. Elles seront confiées au capitaine de chaque compagnie.
Il ne pourra y avoir moins de 12,000 cartouches sur chaque chaloupe canon-
nière et sur chaque bateau canonnier; et 30,000 sur chaque prame.
Le général d'artillerie activera la confection des cartouches, de manière qu'il
y en ait au moins 20,000,000 de faites d'ici huit ou dix jours.
Vivres.
Indépendamment du biscuit actuellement embarqué, il en sera placé 600 ra-
tions sur chaque péniche et 10,000 sur chaque prame. Le reste, pour com-
pléter les 3,000,000 de rations, sera réparti sur tous les autres bâtiments de
transport, suivant Tinstallation qui en sera faite par le général Gombis.
On embarquera du pain pour trois jours, et, s'il est possible, 600 bœufs et
3,000 moutons.
Les chevaux embarqués ne boiront pas l'eau destinée h la traversée ; il leur
en sera fourni tous les jours par les soins du préfet maritime.
Aussitôt que l'Empereur aura fait mettre à l'ordre l'embarquement de
l'armée, et tant que l'armée restera en rade, elle continuera à être nourrie par
l'administration de terre.
Quand la flottille appareillera, l'armée sera alors nourrie par la marine.
On ne touchera point aux vivres de terre embarqués, pendant la traversée,
h moins d'une nécessité bien reconnue.
Pour ampliation :
Lp Ministrp dp la guerre^ major général ^
Berthiea.
Les modificatioQs prescrites le 8 août ne seront d'ailleurs
jamais effectuées, et c'est la date du 3 août qu'on doit consi-
dérer comme consacrant définitivement la situation de Farmée
et celle de la flottille et le parallèle en est tout à fait caracté-
ristique.
L'armée a reçu sa forme définitive à la date du 15 mai.
460 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Au maréchal Berthier (i).
Milan, le tb lloréal an xiu (15 mai 1805).
Le connétable de TEmpire, le prince Louis, est nommé commandant en
chef de la réserve des armées des côtes de TOc^an.
Cette réserre se compose :
i^ De la division de la cavalerie légère, aux ordres du général Bourcier;
2* de la division de grosse cavalerie, aux ordres du général Nansouty ; 3« de
la division italienne, aux ordres du général Teulier; 4" de la i'* division de
dragons, aux ordres du général Klein ; 5* de la 2' division de dragons, aux
ordres du colonel- général de dragons Baraguey-d'Hilliers.
Ces cinq divisions, aux ordres du connétable, auront pour chef d*état-major
le général de division Noguès ; un commissaire ordonnataur ; un général de
brigade d'artillerie, un colonel directeur du parc ; un colonel du génie.
L'avant-garde de Tarmée des côtes de TOcéan sera commandée par lejnaré-
chal Lannes. Elle sera composée :
1" de la division des grenadiers, commandée par le général Oudinot ;
2^ d^une division que je désignerai, qui sera portée sur Tétat pour mémoire ;
•4^ d'une troisième division, celle du général Gazan, qui s'organise à Lille.
Il sera attaché à cette division d'avant-garde : un commissaire ordonnateur,
un général de brigade d'artillerie, un colonel du génie et les chefs d'adminis-
tration,
En6n, les corps de la garde de l'Empereur, commandés directement par
Sa Majesté.
L'armée des côtes de l'Océan doit donc être composée de six corps d'armée :
1» L'avant-garde, commandée par le maréchal Lannes;
2^ Le corps de la droite, commandé par le maréchal Davout.
3* Le corps du centre, commandé par le maréchal Soult ;
4" Le corps de gauche, commandé par le maréchal Ney ;
5* Du corps d'armée détaché, composé des troupes qui restent à Brest, sous
les ordres du maréchal Augereau, dénommé corps d'Islande ; de la réserve,
aux ordres du connétable de l'Empire ;
Enûn de la division d'élite de la garde impériale, sous les ordres immédiats
de l'Empereur.
Napoléon.
Minute de la lettre écrite par le Ministre de la guerre à M. le maréchal
Davout, commandant en chef le corps de droite de l'armée des côtes
de r Océan.
Milan, le 10 prairial an xm (30 mai 1805).
i'ai l'honneur de vous informer, Monsieur le maréchal, que d'après de nou-
(1) Correspondance de Napoléon, 9604.
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DÉFINJTIVE. 461
yeWes dispositions arrêtées par Sa Majesté, Farinée des cdtes de TOcéan sera
déÛnitiTement composée :
P D'une avant-garde sous les ordres de M. le maréchal Lannes et qui se
formera :
De la division des grenadiers de la réserve.
D'une division qui sera ultérieurement désignée.
Des troupes qui sont en marche pour se réunir à Lille ;
2*» Du corps de droite, formant maintenant le camp de Bruges, et dont le
commandement vous est con6é ;
3^ Du corps du centre, formant maintenant le camp de Saint-Omer, aux
ordres de M. le maréchal Soult ;
4® Du corps de gauche, formant maintenant le camp de Montreuil, aux
ordres de M. le maréchal Ney ;
5*^ Du corps détaché, formant maintenant le camp d'Utrecht ;
6<^ Du corps détaché formant maintenant le camp de Brest et qui prendra
la dénomination de corps d'Islande ;
D'une réserve placée sous les ordres de Son Altesse Impériale le prince
Louis, connétable de TEmpire. Cette réserve se formera de la division
de cavalerie légère, aux ordres du général Bourcier, d'une division de
grosse cavalerie, composée de 6 régiments, sous les ordres du général
Nansouty.
De la division italienne aux ordres du général Teulier.
De la i'*> division de dragons aux ordres du général Klein.
De la 2' division de dragons, aux ordres de M. le colonel-général
Baraguey-d'Hilliers ;
En6n, du corps d'élite de la garde impériale, sous les ordres immédiats de
Sa Majesté.
J'ai l'honneur de vous saluer.
Voici, d'après le carnet de situation (1) les effectifs et les
emplacements de la Grande Armée à la date du 3 août.
Situation du 3 août 1805.
Major général : Berthier.
Artillerie : Songis et Faultrier.
Génie : Maresgot.
Commissaire général : Petiet.
Avant-garde. — Maréchal Lannes.
i" division (Oudinot), i^ brigade (4 bataillons) :
43", 58% 9* de ligne, à Wimereux ; 81® de ligne, au Havre;
(l) Archives de la Guerre.
462 TROISIÈME PARTIE — CHAPITRE IV.
2" brigade {A bataillons) :
2% 3*, 28«, 3h de ligne, à Wimereux;
3* brigade (2 bataillons) :
12% 15" de ligne, à Wimereux, — 7,571 hommes, moins 483 aux
hôpitaux.
2* division (Gazan), 3 régiments, 9 bataillons :
4« légère, 100® et i03« de ligne, à Wimereux, — 6,465 hommes,
moins 543 aux hôpitaux et 9 compagnies à Lille.
3* division, pour mémoire (sic) (1).
Division des dragons, chasseurs et hussards «\ pied :
Général Baraguey-d'Hilliers (i), 6,767 hommes, à Calais.
Total de Tavant-garde : 14,078 hommes, dont 1029 aux hôpitaux.
Corps de droite. — Maréchal Davout.
1*^ division (Bisson), 5 régiments à 2 bataillons :
13" légère, 17% 30% fil*, 61" de ligne, Ambleteuse, — 8,549 hommes,
dont 582 aux hôpitaux;
â'' division (Friant), 5 n^giments à 2 Imtaillons :
2I« légère, 33«, 48% 108% 111* de ligne, Ambleteuse, — 7,759
hommes, dont 616 aux hôpitaux;
3* division (Gudin), 4 régiments à 2 bataillons :
12®, 21 •, 25°, 85" de ligne, camp de Rosendaêl (près de Dunkerque),
— 6,997 hommes, dont 249 aux hôpitaux.
«
Brigade de cavalerie (Waltoer) :
1*^' chasseurs, 7* hussards, à Gand et Maëstricht, — 1008 hommes,
dont 37 aux hôpitaux, 681 chevaux.
Total avec Tai-tillerie : 150 officiers, 26.729 hommes, dont 1596 aux hôpi- .
taux, 956 chevaux de siille, 627 d'artillerie.
Corps du centre. — Maréchal Soult.
I»"" division (Salnt-Hilaire), 5 régiments à 2 bataillons :
10« légère, 14% 36% 43% 55« de ligne, Boulogne, — 9,263 hommes,
dont 323 aux hôpitaux ;
2^^ division (Yandamme), 5 régiments à 2 bataillons et 1 bataillon détaché :
Tirailleurs du Pô, 24'' légère, 4% 28% 46% 57« de ligne, Boulogne,
— 9,562 hommes, dont 480 aux hôpitaux;
(1) Afffectée à la réserve. Lettre de l'Empereur du 21 jaillet. (Correspondance de
Napoléon inédite.) (Archives de la Guerre.)
LA FLOTTILLE. — ORGANISATION DBFINmVB. 463
3* division (Legrand), S régimenU à 2 bataillons et i bataillon détaché :
8» légère (baUillon corse), 26« légère, 3% îî», 7J«, 75« de ligne, Bou-
logne, — 8,734 hommes, dont 747 aux hôpitaux ;
4* division (Sucuet), 5 régiments à 2 bataillons :
i7« légère, 34% 40% 64% 88* de ligne, Boulogne, - 8,671 hommes
et 467 aux hôpitaux.
Brigade de cavalerie (d'Hautpoul) :
11** chasseurs, 8* hussards, Boulogne.
Ensemble avec Tartillerie : 44,099 hommes, dont 2,i49 aux hôpitaux,
1130 chevaux de selle, 739 d'artillerie.
Corpê de gauche. ~ Maréchal Ney.
ire division (Dupont), 4 régiments à 2 bataillons, dont 3 à Camiers et i à
Paris : *
9« légère, 18», 32«, 96" de ligne, -— S,5H hommes, dont 353 aux
hôpitaux ;
2*> division (Loison), 4 régiments à 2 bataillons :
6« légère, 39«, ÔO®, 76* de ligne, camp dos Moulins, — 7,175 hommes,
dont 350 aux hôpitaux ;
3* division (Maluer), 4 régiments à 2 bataillons :
25" légère, 27', 50«, 59* de ligne, Fromecsen et Saint-Jorre, —
6,965 hommes, dont 409 aux hôpitaux.
Brigade de cavalerie (Tilly) :
iO® chasseurs, 3® hussards, à Hesdin et Montreuil, — 918 hommes,
dont 48 aux hôpitaux, 732 chevaux.
Ensemble avec Tartillerie : 21,8M hommes, dont H36 aux hôpitaux, 927
chevaux de selle, 466 d'artillerie.
i'^ corps déiadié, — Général Marmont.
1" division (Boudet), 3 régiments, 9 bataillons, dont 2 sur Tescadre du
Texel, — 5,988 hommes;
2" division (Grouchy), 2 régiments, 6 bataillons, — 4,434 hommes;
3^ division (Dumonceal), 15 bataillons bataves, dont \ sur Tescadre, —
7,908 hommes ;
Division de cavalerie, 2 régiments français (8* chasseurs, 6" hussards) et
2 bataves.
Total avec Tartillerie : 22,618 hommes et 2,698 chevaux.
2*^ Corps détaché ou corps d^lrlande. — Maréchal Augereau.
i" division (Mathieu), — 4,536 hommes;
464 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
2« division (Desjardin), — 4,835 hommes;
Division de cavalerie (Saint-Sulpice), 3 i^giments.
Total avec rartillerie : i0,418 hommes, 685 chevaux.
RfJserve. — Prince Louis.
l'* division (Baraouey-d'Hilliers), citée plus haut, dragons et cavalerie
légère à pied ;
2* division (Bourcier), cavalerie légère, 6 régiments en 3 brigades (2**,
i2*, 13*, 21* chasseurs, 9" et 10® hussards, à Toumay, Ath, Bruxelles,
Arras, Lille et Maubeuge;
3** division (Teulier), troupes italiennes à Calais, 3 régiments h 2 batail-
lons, — 5,219 hommes, dont 3,008 aux hôpitaux;
4" division (Klein), 18 escadrons de dragons des i», 2, 44", i9*, 20% 4»^,
10«, il" et l'P régiments, à Couly, Amiens, Querrieux, Corbie,
Boves, Albert, sauf 9 détachements de 60 cavaliers chacun (540) em-
barqués i^ Calais. En tout : 3,640 hommes et 3,490 chevaux;
5" division : 22 escadrons de dragons des 5*, 9", 12", 21®, 15", 1li«, iT",
18*, 3", 6* et 8® régiments, à Noyon, Soissons, Compiègne, Chan-
tilly et Senlis. En tout : 3,8 i4 hommes et 4,242 chevaux;
6« division (Nansolty), 24 escadrons des i"' et 2* carabiniers, 2", 3®, 9«
et 12® cuirassiers, à Cambrai, Nordlibre, Valenciennes, Maubeuge et
Mons. — - En tout : 2,603 hommes et 2,558 chevaux (1).
Avec la division cl'élite de la garde (2,800 hommes,
979 chevaux de selle et 260 d'artillerie), Tarmée des côtes
comprend en tout :
1,064 officiers.
163,800 hommes, dont 8,709 aux hôpitaux.
19,635 chevaux de selle.
3,742 chevaux d'artillerie.
Tel est l'ensemble de la Grande Armée des côtes de
l'Océan, répartie du Texel à Brest, dont certains éléments
sont à Paris, à Cambrai, à Compiègne, et dont la grosse
cavalerie est à dix jours de route au moins des ports de la
Manche. Il faut en mettre à part le corps Marmont et celui
d'Augereau qui ont des rôles spéciaux, la garde qui est
(1) Au 3 juin seulement ordre a été donné de rapprocher « h 10 journées des cMes »
ces régiments de grosse cavalerie, qui étaient encore à Lunéville, Caen, Saint-Oermain,
Mayence. Worms et Deux-Ponts. (Rapport du Ministre, 3 juin. Archives de la Guerre.)
Le total pour la réserve est, avec l'artillerie, do 26,675 hommes et lt,343 chevaux.
LA FLOTTILLE. -- ORGANISATION DÉFINITIVE. 465
toujours à Paris et n'en bougera pas, puisque Tordre de la
faire partir pour Wimereux, donné le 7 août, est révoqué
le lendemain, etc. (1).
Dans ces premiers jours d'août, où la situation est critique,
où les historiens ont représenté Napoléon attendant fiévreu-
sement l'escadre de Villeneuve qui doit balayer les croiseurs
anglais et laisser libre le passage pendant les quelques heures
demandées par l'Empereur, quelle est la force de cette armée
qui prétend conquérir l'Angleterre à elle seule, puisque le
passage sera fatalement fermé derrière elle?
En voici le calcul :
Les troupes prêtes à s'embarquer en moins d'un jour ou
deux et qui, nous disent les historiens, l'auraient fait si Ville-
neuve était apparu, sont les suivantes, seules stationnées à
portée des quatre ports d'embarquement proprement dits :
Deux divisions (Oudinot et Gazan) de l'avant-garde à
Wimereux, 13,000 hommes.
Deux divisions (Bisson et Priant) du corps de droite à
Ambleteuse, 15,000 hommes.
Les quatre divisions et la brigade de cavalerie du corps du
centre à Boulogne, 45,000 hommes et 1500 chevaux.
Les trois divisions (moins un régiment) et la brigade de
cavalerie du corps de gauche à Etaples, soit 20,000 hommes
et 1200 chevaux.
En tout, environ 90,000 hommes et 2,700 chevaux.
A cela s'ajoutent la division italienne, les cavaliers à pied
et les 540 chevaux de la quatrième division de la réserve qui
sont à Calais et peuvent en partir sur les bateaux-écuries,
les corvettes de pêches, tous bâtiments peu ou pas armés, et
la division Gudin restée à Dunkerque avec la troisième esca-
drille batave. Comme il a toujours été admis par Napoléon
qu'on ne peut combiner une opération entre les ports à l'ouest
du Gris-Nez et ceux qui sont à l'est, l'appoint de ces
23,000 hommes ne peut être que tout à fait éventuel.
Quant aux moyens de passage préparés, on arrive à la date
du 8 août, à la répartition ci-contre.
(l) Correspondance de Napoléon à Berthier, 7 et 8 mai.
IV. 30
466 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.
Partout^ on te voit par le tableau ci-dessus^ les moyens de
transport préparés excèdent de beaucoup V effectif des troupes
prêtes à s'en servir, A Boulogne, où Ton n*a prêts à être em-
barqués que 45,000 hommes et 1500 chevaux au plus, on a
place pour 73,000 hommes et 3,384 chevaux. C'est à ce seul
résultat qu'ont abouti les organisations successives, les ordres
compliqués et précis, et toute la correspondance échangée au
sujet de Forganisation et de la répartition entre les corps des
bâtiments de toute espèce (1).
En résume, et c'est la chose capitale, si Villeneuve était
arrivé avec une escadre devant Boulogne et avait ouvert la
route à la flottille, Q pouvait, du 1®' au 15 août 1805, sortir
des quatre ports d'Ambleteuse, Wimereux, Boulogne et Eta-
ples, 90,000 soldats et 2,700 chevaux.
Napoléon a été sans conteste le plus grand organisateur
que le monde ait vu. Si donc dans une organisation essen-
tielle pour la réussite de son entreprise, où Tordre et la
rapidité de rembarquement étaient des facteurs de première
importance, son génie s'est complu à des systèmes simple-
ment symétriques, ne répondant en rien, ni à Tétat réel des
troupes et services, ni aux moyens d'embarquement accu-
mulés dans les ports, on peut vraiment se demander s'il a
jamais voulu sérieusement efi'ectuer un départ subit.
(1) Le carnet de situation de la flottille, à la date du tî juillet, donne pour Tensemble
do la flottille 1375 bâtiments de guerre, pouvant porter 134|040 hommes et 2,337 cheyaux,
et 675 bâtiments de transport pouvant porter 17,900 hommes et 7,295 chevaux. Soit en
tout 151,940 places d'hommes et 9,632 places de chevaux. D'ailleurs, quand on entre dans
le détail, on voit la l'* escadrille batave fournissant 11,681 places d'hommes, alors que la
division Bisson, qui lui est affectée, n'a pas 8,000 hommes à l'effectif, et ainsi des autres.
CHAPITRE V
LE MOIS DE MARS 1805
Le mois de mars 1805, le dernier avant le commencement
des grandes opérations, se passe, pour l'Empereur, à Paris, à
la Malmaison ou à Saint-Cloud. Il est donc encore au centre
des renseignements, à portée de ses ministres, et Texcessive
complication qui résultera plus tard de son éloignement
n'existe pas encore. Tout subit directement l'impulsion du
maître et celle-ci agit à la fois sur toutes les parties de la
préparation.
Le iO mars (1) ordre est donné de former une huitième
escadrille pour encadrer l'excédent considérable qui n'a pas
trouvé place dans Torganisation précédente. Le 11, ordre est
donné d'embarquer 600 hommes sur les 2 vaisseaux VAlgési-
ras et Y Achille^ que commande l'amiral Magon (2), de tenir
prêtes 2 frégates à Lorient pour aller croiser à Madère et
Surinam, de compléter les divisions de la flottille. Le 13,
700,000 francs sont accordés pour la réparation des ports de
Boulogne, Ambleteuse, Ëtaples (3), dont Soult a le 8 signalé
le mauvais état.
On a vu combien l'abandon où tout a été laissé depuis
l'automne a dégradé la base d'opérations déjà si précaire, et
on sait aussi que les travaux, tardivement repris, n'aboutiront
pas complètement.
(1) Correspondance de Napoléon, 8410. (Voir ci-dessous.)
(S) Correspondance de Napoléon, 8414, 8416, 8417.
(3) Corr^ondance de Napoléon, 8420. (Voir ci-âesiag.)
468 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE V.
En ce qui concerne Tescadre de Brest, l'Empereur écrit le
15 mars à Tamiral Ganteaume :
Au vice^amiral Ganteaume (i).
La MalmaisoD, le 24 yentftse an xiii (15 mars 1805).
Monsieur l'Amiral,
11 y avait, au 6 ventôse, 5 vaisseaux de guen*e espagnols en rade du Ferrol,
avec leurs équipages et prêts à partir. Je suis donc assuré quMl y a dans ce
moment une escadre de 9 vaisseaux, 4 français et 5 espagnols, prêts à toute
opération.
Par des lettres de Cadix du 8 ventôse, je suis instruit qu^il y avait alors
dans ce port 6 vaisseaux en rade, et que la plus grande activité régnait dans
les ateliers de la Corogne ; on espérait en avoir \0 pour le 21 mars. Je désire
donc être instruit, par le retour de mon courrier, de Tépoque où vous serez
prêt. Nous voilà au i5 mars; il n'y a donc plus un moment à perdre. Ne
perdez pas de vue les grandes destinées que vous tenez dans les mains. Si vous
ne manquez point d'audace, le succès est infaillible. Nelson, dans la Médi-
terranée, a été videmment tourmenté par la tempête; il n'a que 12 vaisseaux
dont 4 faisaient eau, et il avait été obligé de les conduire à Malte.
Recommandez bien aux officiers, quand ils auront ouvert leurs paquets, de
garder le plus profond secret sur leur destination ; car un bâtiment peut être
pris et le secret connu de l'ennemi, 15 jours avant qu'il ne doit l'être, s'il est
divulgué dans le bâtiment.
Napoléon.
A quoi Tamiral répond, par retour du courrier, qu'il sera
prêt du 22 au 26 mars.
A Son Excellence le Minisire de la marine (2).
Brest, le 28 ventôse an xiii (19 mars 1805).
Monseigneur,
J'annonce à Sa Majesté, par le retour d'un courrier extraordinaire qu'elle m'a
envoyé, que l'armée navale sera prête à mettre sous voiles du 1" au 5 du mois
prochain ; j'avais eu l'honneur de vous rendre le même compte par ma
dépêche du 27 de ce mois.
Je suis, avec respect, votre tout dévoué serviteur,
Ganteaume.
(1) CotTespoTidance de Napoléon, 8436.
(t) Archives de la Marine, BB«v, tii.
LE MOIS DE MARS 1805.
469
Effectivement, au 23 mars, rembarquement des troupes a
commencé à Brest.
A Son Exoellenoô le Ministre de la marine et des ooloniea (1).
Brest, le 1*' gcrmlDal an xm (tt mars 1805).
Monseigneur,
J*ai rbonneur de tous rendre compte que Tarmée est entièrement prête à
mettre sous Toiles ; les remplacements de TÏTres, de munitions, et d'agrès, tout
est à bord et je compte faire embarquer les troupes demain ; si les Tents, qui
en ce moment sont de la partie du sud, passent au nord, rien ne pourra nous
retenir et, ainsi que je tous Tai déjà annoncé, nous pourrons sortir le 3 ou le 4
de ce mois.
Je suis, aTec respect, Totre très humble serviteur,
(lANTEAUME.
Deux jours après, Tamiral offre de livrer bataille dans
riroise même. Il a, on s'en souvient, 21 vaisseaux. Les Anglais
en montrent 15 et, en réalité, il est parfois arrivé que leurs
forces aient été très réduites.
« Au début de Tannée 1805, dit en effet W. James, lord
Cornwallis était sous Ouessant avec 11 vaisseaux. Le 3 février
il en avait 16, mais le départ de sir Robert Calder avec 5 vais-
seaux pour le Ferrol réduisit à 15 la force de l'armée. Le
20 mars, Cornwallis, malade, dut céder le commandement à
lord Gardner et rentrer à Spithead avec le vaisseau Ville-de-
Paris, »
Néanmoins l'empereur repoussa la proposition de Gan-
teaume.
Paris, le 3 germinal an xm (24 mars 1805).
Dépêche télégraphique
de Ganteaume à C Empereur,
L'armée naTale est prête et peut
mettre sous Toiles demain soir ; mais
il y a dans Tlroise 45 Taisseaux anglais
et il est impossible de sortir sans ris-
quer un combat.
Le succès n'est pas douteux.
J'attends les ordres de Votre
Majesté.
Réponse à transmettre sur-le-champ
par le télégraphe.
Une TÎctoire naTale dans cette
circonstance ne conduirait à rien.
N'ayez qu'un seul but, celui de
remplir Totre mission.
Sortez sans combat.
Ce qui doit tous joindre est parti.
Napoléon.
(1) Correspondance de Napoléon, 8480.
(i) Archives de la Marine, BB>^ 214.
470 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE V.
De fait, deux jours plus tard, Tescadre est encore en deçà
du goulet et l'ennemi paraît avec 18 vaisseaux (i). Comme
Tescadre anglaise comprend une forte proportion de vais-
seaux à trois ponts, la supériorité des forces n'existe plus pour
les Français. D'ailleurs, dès le 3 avril, l'arrivée de lord
Gardner remplaçant Cotton qui a fait l'intérim, porte la force
de Fescadre anglaise à 21 vaisseaux. Il faut donc, comme pre-
mière étape, aller mouiller & Bertheaume et remettre le départ
à une nuit obscure.
A bord du vaisseau de Sa Majesté, VImpérial, en rade
do Brest, le 5 germinal an xin (tô mars 1805).
Monseigneur,
J*ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence qu'il ne nous a pas
encore été possible de foire un mouvement général, toutes les troupes n'ayant
fini d'être à bord que hier à neuf heures du soir et les rafraîchissements pour
les malades n'ayant pu être fournis et embarqués que dans la journée.
Cependant une division de Tescadre légère est en ce moment sous voiles et
à la chasse des frégates que Tennemi avait mouillé aux environs de la pointe,
pour observer nos mouvements; et j'espère que toute Tarmée sera dehors
demain matin à la pointe du jour. L'ennemi, ainsi que j'ai eu l'honneur de
vous l'annoncer, a 18 bâtiments réunis qui croisent, depuis Ouessant jusqu'à
la chaussée des Saints. Le temps est superbe ; l'Empereur m'a ordonné par
une dépêche télégraphique de ne pas faire courir à l'armée les hasards d'un
combat, et je prévois, en conséquence, que nous serons obligés d'attendre, sur
la rade de Bertheaume, une nuit assez obscure pour tromper la surveillance
de l'escadre anglaise. Le préfet matitime a dû vous rendre compte que les
flûtes ne sont pas encore prêtes et qu'elles le seront dans quelques jours. Si
nous sommes forcés de séjourner à Bertheaume elles nous joindront ; mais si
nous avons une occasion favorable je les laisserai dans le port.
Je suis, avec respect, votre très humble serviteur,
Ganteaume.
Donzelot, général de brigade, chef de l'étaUmajor général,
au Ministre de la guerre.
ÂQ quartier général, à Brest, le 7 germinal an xnt
(28 mars 1805).
Monsieur le Maréchal,
Hier dans la matinée, toute Vcscadre a mis à la voile et est allée prendre
(1) 17 seulement, dit W. James.
(l) Archives de la Manne, BB«^, 2î4.
LB MOIS DE MARS 1806. 471
position dans la rade de Bertheawne ; elle y est embossée sous la protection des
batteries des forts Bertheaume et Minou.
Lorsque cette escadre est sortie du goulet, il n'y avait en vue que quelques
frégates ennemies ; mais dans Faprès-midi il sVst présenté 26 h 28 voiles qui
croisent à la hauteur de Tlle Beniguet.
Notre escadre s^attendait à être attaquée sur le soir; elle était prête au
combat.
Aujourd'hui à onze heures, les armées sont dans les mêmes positions.
Quelques frégates, appuyées de quelques vaisseaux, les éclairent respecti-
vement.
J'aurai soin. Monsieur le Maréchal, de vous rendre compte, par chaque
courrier, de tout ce qui se passera d'intéressant.
Notre escadre est composée de 21 vaisseaux, 5 frégates et i corvette.
Salut et respect,
DONZELOT.
Le mouillage de Bertheaume n'est pas tenu longtemps :
dès le 29 l'escadre repasse le goulet.
Donzelot, général de brigade, chef de rétaUmajor général,
au maréchal Augereau, commandant en chef le camp de Brest,
An quartier général, à Brest, le 9 germinal an xni
(30 mars 1805).
Mon Général,
L'escadre est rentrée hier en rade. Les vents ayant passé au sud-ouest, elle
n'a pu rester ni à Bertheaume ni à l'entrée du Goulet.
Les ennemis, qui se tiennent toujours à hauteur d'Ouessant et du Raz,
envoient, selon leur usage, des bâtiments légers pour observer la rade.
Ci-joint l'emplacement des troupes de l'armée. Vous remarquerez qu'il n'y
a pas de généraux de brigade à la division du général Bonet. Le Ministre, en
ordonnant l'embarquement des troupes qu'il commande, n'en a point désigné,
ni prescrit d'en comprendre dans cette division.
Lorsque vous le verrez, je vous prie de lui demander si telle était son
intention.
Salut et respect.
Donzelot.
472
TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE V.
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LE MOIS DE MARS 1805. 473
Voici comment Ganteaume expliquera cette rentrée de l'es-
cadre, si fâcheuse au point de vue moral et si préjudiciable
à l'accomplissement de sa mission, en raison de la difficulté
trop souvent, constatée pour une escadre, de franchir le goulet
de Brest (1).
Sire,
A Sa Majesté l'Empereur et Roi (2).
9 germinal an xiii (30 man 1805).
Ainsi que j'avais eu rhonneur de rannoncer à Sa Majesté, Tarmée navale
est entièrement prête à mettre sous voiles depuis le 5 (Î6 mars) de ce mois.
Les vents, pendant ces jours, avaient été trop incertains, et le temps était trop
clair pour nous permettre de sortir et pouvoir espérer nous dérober à l'armée
ennemie, que les vigies continuaient de nous signaler dans Tlroise, et dont
nous voyions les vaisseaux avancés de la rade de Brest.
Le 6 (27 mars) au matin, le temps était brumeux, le vent était faible, mais
j'espérais que les nuages et les vapeurs dans le ciel se seraient renforcés, et
que nous pourrions avoir un moment favorable. A 7 heures du matin j'avais
fait à l'armée le signal d'appareiller. Ce signal s'exécuta successivement avec
tout l'ordre et la célérité possibles; deux heures après mon signai, tous les
vaisseaux étaient sous voiles, donnant dans le goulet. Malheureusement, à
peine les premiers vaisseaux étaient-ils sur la rade de Bertheaume, que la
brume se dissipa; le temps devint superbe, et nous aperçûmes l'escadre légère
ennemie aux environs de la pointe Saint-Mathieu, faisant des signaux à
d'autres bâtiments que l'on découvrait au large, et que nous jugions intermé-
diaires avec leur armée. En même temps, la côte signalait cette armée sur
notre passage, au nombre de 18 vaisseaux, plusieurs frégates et corvettes.
Les ordres, que voits m'aviez donnés, commandaient mes manœuvres; je
fis mouiller l'armée où elle se trouvait; cependant l'ennemi ne tarda pas à
s'avancer vers nous avec toutes ses forces, parmi lesquelles nous distinguâmes
8 vaisseaux à trois ponts, 4 frégates et 5 corvettes. Cette armée annonçant par
ses manœuvres le dessein d'attaquer celle de Sa Majesté, le vent qui régnait
ne permettant pas de rentrer h Brest et, ne voulant pas être attaqués au mouil-
lage, je fis signal de se tenir prêts à remettre sous voiles et à combattre. Ma
position, Sire, en cette occasion, était difficile; je me trouvais forcé de contre-
venir aux ordres que vous m'aviez donnés, en hasardant un combat dont l'issue
était douteuse. L'ennemi avait 3 vaisseaux de moins que nous; mais il en avait
8 de première grandeur, et nous, nous n'en avions que 3. Cependant, il n'y
avait pas à s'alarmer : dans la position où j'étais, il m'était impossible d'at-
tendre que l'on vînt m'attaquer, car, un moment plus tard, le combat était
engagé. Le signal d'appareiller en coupant les câbles, celui de former bataille
(1) On se souvient qu'au départ de Hoche on était venu mouiller à Bertheaume, avant
d'essayer de forcer le blocus.
(2) Archiva de la Marine, BB»', Jîi.
474 TROlSIÈîfE PARTIE. — CHAPITRE V.
par Tordre de vitesse, et d'aller à la rencontre de l'ennemi, étaient frappés
quand Tarmée anglaise vira de bord.
Dans la soirée, nous appareillâmes et nous nous rapprochâmes du goulet,
mais les vents continuaient d'être très faibles, et nous ne pouvions rentrer.
Nous passâmes la nuit au mouillage ; pendant la journée du 7, presque tous
les vaisseaux appareillèrent et firent différentes manœuvres. L'armée reprit sa
position, quelques frégates eurent seulement l'ordre de se tenir pendant la
nuit sous voiles, en observation au large de notre mouillage.
L'armée anglaise avait été, pendant la journée du 7, encore signalée dans
riroise; mais elle avait été renforcée de 3 vaisseaux : 18 étaient réunis au sud-
sud-ouest d'Ouessant, et 2 et quelques frégates continuaient de nous observer
et se tenaient depuis une lieue jusqu'à deux lieuos de nous.
Pendant la nuit du 7 au 8, les vents avaient passé au sud-est, le temps
n'avait point une bonne apparence.
La rade de Bertheaume n'étant point sâre et n'offrant aucun abri avec les
vents de cette partie ; une armée telle que la nôtre étant extrêmement exposée
sur cette rade, je ne pouvais hésiter. A 9 heures du matin, le vent étant déjà
grand frais, je me décidai à rentrer.
Je fis encore appareiller successivement tous les vaisseaux ; à 4 heures du
soir, r.armée était mouillée sur la rade de Brest, sans avoir éprouvé la moindre
avarie.
Je suis. Sire, avec un profond respect et un dévouement sans bornes.
De Votre Majesté,
Le très humble, très obéissant serviteur et fidèle siget.
Ganteaume.
Ainsi, au moment essentiel de la campagne, Oanteaume, en
repassant le goulet, perdait toute chance d'effectuer un départ
subit, car Texpérience des guerres antérieures, celle de Texpé-
dition de Hoche en particulier, avait montré qu'un mouillage
à Bertheaume ou à Gamaret était la condition nécessaire d'un
appareillage d'ensemble.
C'était le jour même où Villeneuve quittait Toulon que
Ganteaume rentrait à Brest. . .
C'est le 7 mars seulement que le chef de l'escadre de Toulon
avait reçu ses nouvelles instructions. Il répondit aussitôt (1)
qu'il partirait dès que le Pluton serait prêt, c'est-à-dire du
16 au 21 mars. Lauriston annonça aussi à l'Empereur que
l'escadre serait en état de mettre à la voile avant la fin du
mois (2). En donnant connaissance des points de rendez-vous
(1) Lettre du 7 mars, citée par ramiral Jurien de la Oravlère.
(2) I/^ttre de PKmpereur. 16 mars. (Correspondance de Napoléon, 8442.)
LE MOIS DE MARS 1805. 475
indiqués en cas de séparation, Villeneuve ajoutait : « je ne
« sais si je me trompe, malgré que votre lettre soit positive
« sur ce sujet, je soupçonne que la Martinique n'est pas le
« véritable point de ma destination ».
On sait, en effet, que les ordres de l'Empereur étaient sous
pli cacheté à ouvrir en mer. Quelques jours plus tard, Ville-
neuve fit en outre répandre le bruit que Tescadre était desti-
née à une expédition dans Tlnde (1). Maïs rien ne fut fait pour
confirmer Nelson dans la croyance où Ton savait qu'il avait
été, que la première destination était l'Egypte (2). Pourtant,
au moment où l'Empereur envoya les ordres les plus pres-
sants, on apprit que Tescadre anglaise, signalée sur la côte
d'Espagne, allait se trouver sur la route qu'on projetait de
suivre.
Au général Lauriaton (3).
La Malmaison, 25 ventAse an xiii (16 mars 1805).
Monsieur le Général,
Je reçois Totre lettre du i6 ventôse. J'y vois avec grand plaisir que vous
espérez partir avant la fin du mois. Pressez le départ. Vous trouverez à Cadix,
indépendamment de V Aigle, 5 vaisseaux espagnols qui se Joindront à vous.
Ce nombre de vaisseaux espagnols ne rendra vos opérations que plus certaines ;
cependant il n'est pas indispensable. Les Espagnols auront à leur bord
iOOO à 1600 hommes de débarquement. Que famiral ne se laisse arrêter par
aucune considération, qu'il Qe reste point devant Cadix.
Votre mission est (Tune toute autre importance que celle que je vous avais
(T abord donnée. J'ai lieu d'espérer que, dès l'instant que vous pourrez ouvrir la
dépêche cachetée que je vous ai envoyée, vous appn'cierez la marque de con-
fiance que je vous donne, et que, par vos discours et votre bon jugement, vous
redonnerez constamment de l'énergie et de la décision à nos amiraux pour
aller droit au but, sans se laisser intimider aussi facilement qu'ils ont l'habi-
tude de le faire. Si, à Cadix, vous communiquez avec la terre, l'amiral enverra
sans doute des dépêches au Ministre. Vous m'enverrez par le même courrier
un journal de votre voyage.
Il est bien nécessaire que les capitaines qui doivent ouvrir leurs paquets, en
cas de séparation, gardent le plus grand secret sur leur destination, car s'il est
une fois divulgué dans le bâtiment, il sera bientôt connu de l'ennemi.
Napoléon.
(1) Lettre de Villeneuve da tZ mare, citée par Tamlral Jarien.
(2) Lettre de Villeneave du 5 mars, citée par l'amiral Jarien.
(8) Correspondance de N(q>oUon, 8442.
476 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE V.
Au vice^amirsLl Villeneuve (I).
La Malmaison, le 1*' germinal an xiu (22 mars 1805).
L'escadre dont je vous ai contié le commandement est destinée à des opéra-
tions (Tune toute autre importance que celle à laquelle je f avais d'abord desti-
née (2) ; mais un plus long retard rendrait difficiles et votre sortie de la Médi-
terranée et l'exécution combinée de mes projets. J'attends, avec impatience,
d'apprendre votre départ, et je désire beaucoup que le vent, le temps et les
autres circonstances, vous permettent de l'effectuer avant le 5 germinal.
J'espère qu'indépendamment du vaisseau français qui vous ralliera à Cadix,
vous y trouverez plusieurs vaisseaux espagnols ; réunion qui peut être utile à
votre mission, sans y être indispensable. Je compte dans une opération aussi
importante et dont les résultats peuvent être si grands sur les destins futurs
de la France, sur votre dévouement, votre zèle et votre attachement h ma
personne.
Napoléon.
Au général Lauriaton (3).
La Malmaison, le 1*' germinal an xiii (22 mars 1805).
Monsieur le Général,
L'escadre de Toulon est destinée à se combiner avec d'autres escadres. Il est
absolument indispensable qu'elle soit partie avant le 5 germinal. Cependant
je sais très bien que la volonté des hommes n'est rien dans cela, et qu'il faut
le concours de bien des événements ; mais accélérez le départ par tous les
moyens qui sont possibles ; que rien ne vous retarde. Encouragez l'amiral pour
qu'il suive droit sa destination et n'hésite point dans des opérations dont les
résultats seront si importants pour les destinées futiires de la France. Nos
amiraux ont besoin de hardiesse pour ne point prendre des frégates pour des
vaisseaux de guerre, et des vaisseaux marchands pour des flottes. Il faut de la
décision dans les délibérations, et, l'escadre une fois sortie, ïiUer droit au but,
et non relâcher dans des porls ou revenir.
Napoléon.
Toulon, le 5 germinal an xm (26 mars 1805) (4).
Monseigneur,
Je reçois aujourd'hui une lettre de l'Empereur où Sa Majesté me tétnoigne
son désir que V escadre mette sous voiles au plus tard le 5, qui serait aujourd'hui.
(1) Correspondance de Napoléon, 8467.
(2) Cette phrase, à elle seule, suffirait à établir que les projets rédigés de septembre
1804 à mars 1805 ne visaient plus du tout la coopération à une descente.
(3) Correspondance de Napoléon, 8469.
(4) Archives de la Marine, BB«v, 230.
LE MOIS DE MARS 1805. 477
Vescadre est prête aussi bien qu'elle peut V être, mais il fait depuis hier un coup
de vent d'est très violent. Les troupes du Pluton qui devaient embarquer
aujourd'hui, n'ont pas pu se rendre à bord ; dès que le temps sera réptiré, je
partirai.
J'aurais désiré faire appareiller un jour \q Pluton pour l'essayer et consolider
son gi'éement et sa mâture, le capitaine Gosmao a de vives inquiétudes sur la
stabilité de ce vaisseau, le moindre poids lui fait donner une bande Considé-
rable, et en venant en grande rade avant-hier, il inclinait de plus de deux
virures ; la nécessité de partir au premier moment favorable ne me donnera
pas cet essai.
Le Préfet maritime m'a transmis Vavis que l'escadre anglaise s'était présentée
devant Barcelone le 25 ventôse (il mars); s'ils se maintiennent sur ce point de
croisière, f aurai bien de la peine à parvenir au détroit, d'autant qu'ils ont un
grand nombre de frégates en croisière sur cette côte.
Je comptais prendre l'équipage de la frégate l'Incorruptible, qui ne peut
suivre l'escadre, mais on me rend compte que cette frégate a des malades, et
la circonstance de sa relâche et de ses communications à Carthagène me tient
en considération ; je suis cependant extrêmement mal armé en matelots.
Je prie Votre Excellence, d'agréer l'hommage de mon respect.
Villeneuve.
Voici, en réalité, quels avaient été les mouvements de
Nelson et ce qu'ils furent jusqu'au moment ou Tamiral
anglais connut le départ définitif de Tescadre de Toulon.
Après son retour du Levant, Nelson (1) était resté du
27 février au 10 mars, soit à l'ancre, soit sous voiles, au sud
de la Sardaigne où le mauvais temps l'obligeait à s'abriter (2) .
A ce moment il se décida à reparaître devant Toulon et de là
à se rendre sur la côte d'Espagne.
Au capitaine Bayntun^ commandant le Leviathan [très secret).
« Au cas où la flotte ne pourrait gagner le rendez-vous
n^ 102 (3) et où lord Nelson voudrait y envoyer le Leviathan^
il donne à son commandant les instructions ci-dessous :
« Le Fishguard restera devant Toulon avec 3 frégates au
plus pour observer l'ennemi.
(I) D'après sa correspondance, loc. cit.
(t) W. James.
(3) Probablement Palma, d'après Mahan. Les autres points indignés par des nombres
ne peuvent être qne soupçonnés.
478 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE Y.
•
« U est très désirable qu^une frégate ou le sloop Biltem
relève le Thunder au rendez- vous n® 97. Celui-ci ira au
point 98, ainsi que le Chiiders, le Renown et aussi le Levia-
than. Le point n*^ 98 est le rendez-vous général.
« La Phœbée et VHydra iront au point n® 102 et entre ce
point et Toulon, pour relever V Active et le Seahorse qui sont
à court d'eau. Le capitaine Bayntun les en avisera.
« Si cela est possible ^ je me montrerai devant Barcelone pour
faire croire à Cennemi que je suis fixé sur les côtes d'Espagne,
J'ai toutes raisons pour croire qu'il va repartir, car les troupes
sont encore embarquées. De Barcelone j^irai au rendez-vous
n^ 98. Si vous y êtes avant moi et si vous y trouvez le Terma-
gant ou le Bittem^ il est très désirable de porter un navire à
10 lieues à Fouest de Saint-Pierre, pour le cas où les Français
ne rangeraient pas la Sardaigne, car je persiste à croire que
leur but est toujours l'Egypte. »
Le 12 mars Nelson était à 18 lieues au sud de Toulon, le 16,
il était signalé devant Barcelone (1 ) où il avait détaché le
Leviathan. Mais Tescadre anglaise ne fit que passer et le
25 mars au soir, elle mouilla à Touest de l'île San-Pietro et
le lendemain à Palma où elle était encore le 30. Ce jour-là,
d'après son livre de loch, Nelson leva Fancre à 6 heures du
soir et fit route vers le sud par forts grains. Le lendemain, à
5 h. 30 du soir, il jeta Fancre dans la baie de Pula.
Ainsi qu'on va le voir, sa ruse devait se retourner contre
lui.
(1) Lettre de ViUeneaTe du 26 mars.
CHAPITRE VI
LA SORTIE DE LA MÉDITERRANÉE
VILLENEUVE ET NELSON
Le 30 mars enfin, Villeneuve se décida à partir.
Le Wœ-am/ra/ Villeneuve, grand -officier de la Légion d'honneur, oo/n-
mandant en chef /'escadre impériale dans la Méditerranée, à Son
Excellence le Ministre de la marine (1).
Le 9 gttrminaly aa xni (30 mars 1805).
Monseigneur,
Je pars, mon cher général, Dieu veuille que la fortune me continue ses
faveurs, car j'en ai je crois bien besoin, dans tous les événements. Je recom-
mande à votre ancien attachement tout ce que je laisse de cher au monde. Je
n'ai pas eu lieu d'être content do plusieurs de vos décisions qui m'intéressaient,
je l'attribue à la position difficile où vous vous trouvez. J'espère que l'avenir
me traitera mieux.
Recevez, avec mes adieux, l'assurance de mon sincère attachement.
Villeneuve.
Ses forces étaient les suivantes :
2« DÉPART. — 9 aSRMINAL (30 MARS).
Bucentaure 80
Formidable 80
Nepivme 80
Indomptable 80
PMoH 74
Scipion 74
Swiftsure 74
Mont'Bianc 74
IrUrépide 74
AtUu 74
Berwick 74
(l) Archives de la MaHne, BBiv, 230.
480 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI.
Frégates.
Min,
Syrène.
Hermione,
Nayade (corvette).
Cornélie.
Furet (brick).
Hortensr.
En tout i9 voiles.
Thémis.
Troupes.
État-major 55
67« d'infanterie 4,Î19
16« dlnfanterie i,908
4* d*artillerie à pied 125
Ouvriers 25
Total 3,332
Pendant les journées qui avaient précédé la sortie de Tes-
cadre, il y avait eu un fort coup de vent d'est ; d'après Ville-
neuve, au moment de son départ, le vent aurait été de l'ouest,
mais faible.
Le Wce-a/n/ra/ Villeneuve, grand^officier de la Légion d'honneur, com-
mandant en chef l'escadre impériale dans la Méditerranée, à Son
Excellence le Ministre de la marine (1).
Toulon, le 9 germinal, an xiii (30 mars 1805).
Monseigneur,
Je profite du premier souffle de vent favorable pour appareiller, puisse la
fortune répondre aux espérances que l'Empereur s'est formées dans la desti-
nation de cette escadre.
Le Préfet maritime vous adressera les contrôles nominatifs des troupes
expéditionnaires ; nous n'avons en vue que deux frégates ennemies qui sont
fort au large ; les vents sont à l'ouest mais encore faibles.
Je prie Votre Excellence, d'agn^er l'hommage de mon respect.
Villeneuve.
Le précieux journal du général Reille donne, sur la naviga-
tion et les événements de la campagne, des détails précis qui
doivent être comparés avec les lettres de Villeneuve.
ReiUe est peu bienveillant pour Tamiral, mais il parait très
(1) Archives de la Mof^ne» BBiv, 230.
FLOTTB
(ts destinés pour la f.
(l) Sont à sec à Boulogne {Corf^^spondance de M •
la) Péniches affectées au service du ™^^al "ey ^^ ^^^^ ^^ ^^^^^ impériale, d^
\b) Péniches affectées au service de Sa MajMtè i
amiral Savary. commandant le centre et du chef del^ ^
(c) Bâtimente qui font partie de la flotUlle batav
•^^ I- I
LA SORTIE DE LA MEDITERRANEE.
481
véridique et bien que non marin, son témoignage doit être
retenu.
Journal du général Reille (4).
L^escadre de la Méditerranée, mouillée en rade de Toulon, était composée, au
moment du départ, des vaisseaux :
!'• Division.
Le Bucentaure 80
Le Neptune 80
Le Pluton 74
Le Mont-Blanc 74
Le Berwick 74
V Atlas 74
2« Division.
Le Formidable 80
VIndomptable 80
Le Swiftsure 74
Le Scipion 74
Vlntrêpide 74
Des frégates : la Comélie^ le RJiin, VHortense^ VHermioney portant du 18 ; la
Sirène et la T/iémiSy portant du 12; et des deux bricks la Pléiade et le Furet.
Les équipages, n^étant pas complets, ont été renforcés par des détachements du
2^ régiment d'infanterie qui fournissait déji\ les garnisons, ce qui a porté le
nombre d'hommes fourni par ce corps à environ 1800 hommes. Par ce renfort
les vaisseaux se trouvaient bien armés et en état de naviguer et de combattre;
chaque bâtiment avait reçu pour six mois de vivres.
Le vice-amiral Villeneuve avait le commandement de cette escadre, avant
sous ses ordres le contre-amiral Dumanoir.
Une division de troupes de débarquement a été embarquée et est répartie
sur les différents vaisseaux, elle était commandée par le général de division
Lauriston, ayant sous lui le général de brigade Reille. Cette division était com-
posée de 2 bataillons du IG*' régiment h 1800 hommes et du bataillon du 67*,
fort de 1450 hommes et 120 hommes d'artillerie; Tadjudant commandant
Contamine, chef de Fétat-major ; le major Aboville, commandant rartillerie; le
chef de bataillon commandant le génie ; un commissaire des guerres
et des employés dans les différentes administrations, un parc d'artillerie de
quelques pièces de siège et quelques pièces de campagne, avec les munitions
et les cartouches d'infanterie nécessaires.
L'escadre a mis k la voile le 9 germinal i\ 4 heures du soir, par un vent de
nord-ouest, et a fait route au sud-ouest ; le 10 au soir, on a signalé deux fré-
gates ennemies qui ont fait route sur leur escadre et qui n'ont pas reparu. Les
?ents étant très faibles les jours suivants, l'escadre a fait peu de chemin et n'est
arrivée que le 7 avril au matin devant CarthagènCy après avoir passé entre
V Espagne et les îles Baléares, Le calme l'a retenue toute la journée devant ce
port, où l'on a vu plusieurs vaisseaux armés et en rade.
EfiFectivement, Villeneuve avait appris dès le t**" avril, par
1) Archives de la Manne, campagne 1805. BB^^ 233.
IV.
31
482 TR0I8IÉMB PARTIE. — CHAPITRE VI.
un navire marchand, la présence de Nelson à Palma (1). Sûr
ainsi de ne pas le trouver au cap Saint- Sébastien (2), il pro-
fita du vent d*est qui commençait à souffler pour passer au
nord des Baléares, trompant ainsi complètement les croiseurs
anglais qui crurent la direction maintenue vers le sud (3)
A bord da vaisseau amiral le Bucentauret on rade de Port -de -France,
le Î7 noréal an xiii (17 mai 1805) (1).
Moiiscigneiu*,
. Voti*e Excellence ayant été informée de ma sortie de la rade de Toulon le
9 germinal dernier, j'ai à lui rendre compte des circonstances de ma navigation
tant dans la Méditerranée ({ue dans TOcéan, de mon apparition devant Cadix,
de la réunion du vaisseau V Aigle et de l'escadre de Sa Majesté Impériale, sous
les ordres de S. E. M. Tamiral («ravina, enfin de Ttirrivée dans ce port des
deux escadres combinées.
Ajant voulu profiter du premier souffle de vent favorable pour effectuer
mon départ de Toulon, je ne fis que fort peu de chemin dans la première nuit;
le vent n'ayant pas eu de dun^e et n'ayant pas fraîchi comme il semblait le
promettre, j'étais encore en vue des côtes de Provence le lendemain et j'eus
connaissance dans le nord-est de deux frégates anglaises h une l^^s grande
distance, elles m'observèrent toute la journée sans changer de route. Dans la
matinée un bMiment passa à portée de l'escadre. Je le fis visiter, f appris par
lui que cinq jours auparavant il avait eu eonnaissance de V escadre anglaise dans
le sud de la Sardaigne, les derniers avis que j'avais reçus à Toulon m'assu-
raient Barcelone.
Je me dirigeai en conséquence pour passer à Fesi des îles Baléares y dans V in-
tention de Véviter s'il étiit passé, conformément h. vos ordres. L'aris que je
reçus par le b^timent ragusais me fit aussitôt changer de résolution, et je me
dirigeai pour passer dans l'ourst drs lies en serrant autant que possible la côte
d'Espagne.
En somme, à part la tempête, les conditions de la sortie du
30 mars étaient identiques à celles du 18 janvier : même direc-
tion de vent soufflant du nord-ouest, môme route primitive au
sud-ouest, même faute des croiseurs anglais qui abandonnent
la surveillance dès qu'ils ont reconnu la direction suivie, et,
on le verra plus loin, môme erreur de Nelson, que l'identité
des conditions du problème confirme dans son opinion pré-
conçue et irréductible (5).
(1) Au S.-S.-O. de la S&rdaigne.
(2) Côte d'Espagne aa N.-E. do Barcelone.
(3) Mahao, Life of Nelson.
(4) Archives de la Manne, BB«», 230-197.
(5) L'idco que Villeneuve allait dans lo Levant.
LA SORTIE DE LA MÉDITERRANÉE. 483
A Garthagène se trouvaient les six vaisseaux de Famiral
Salcedo qui auraient pu fournir un précieux renfort en cas
de rencontre de rennemi, et dont lappui en tout état de cause
était hautement désirable.
Or, la lettre écrite le 7 mars par Villeneuve est muette sur
cet objet si important.
Le vice ^amiral Villeneuve à Son Excellence le Ministre de la marine
et des colonies (1).
Le 17 gormmal an xni (7 tTrU 1806).
Monseigneur,
Le calme ni'ayant pris devant Garthagène, j'ai pu saisir cette occasion pour
y envoyer demander des nouvelles de la mer, particulièrement celle du
dr-troit et du blocus de Cadix.
Rien de nouveau dans ma navigation ; les frégates anglaises qui observaient
Toulon ont eu connaissance de mon départ le lendemain au matin ; elles m'ont
observé tout le jour et ont disparu .\ la nuit.
Je n'ai pas encore vu un bâtiment anglais : d'ailleurs, équipages et passagers,
tout le monde se porte bien.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
ViLLEIfEUVE.
C'est seulement dans le rapport du 17 mai qu'on trouve
mention des vaisseaux espagnols.
Le 17 germinal, continue VQleneuvc, je me trouvais en calme plat
devant Garthagène. Comme f y voyais des vaisseaux de guerre qui me paraissaient
prêts à mettre sous voiles^ f expédiai un canot pour y avoir des nouvelles de la
mer et offrir mes services et la protection de Vescadre à ceux des vaisseaux de
Sa Majesté Catliolique qui voudraient se joindre à elle ; le commandant des
vaisseaux ne se crut pas autorisé à mettre sous voiles avant d'avoir reçu les
ordres et les instructions qu'il en attendait d'un jour à Vautre. Le même soir le
vent s'établit à l'est, bon frais et je continuai ma route vers le détroit.
Cet épisode, qui aurait pu avoir une si grande influence sur
toute la campagne, fut présenté par Beurnonville sous un tout
autre jour.
Madrid, le tl germintl an xiii (Il avril 1805) (2).
Ifonfieur,
La flotte de Toulon forte de li vaisseaux, 6 frégates et 2 bricks, est entrée
à Garthagène le 7 avril (17 germinal).
(I) Archives de la Marine, BBi% 230.
il) Archives de la Marine, BB«v. t34.
484 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI.
Le Yice-«inîiral Villeneuve et le général Lauriston ont profité aussitôt de
Toccasion d'un courrier espagnol pour expédier à Votre Excellence les deux
dépêches ci-jointes.
M. de Salcedo, chef de V escadre espagnole à Carthagène^ a fait V offre à M, le
vice-amiral Villeneuve de se mettre sous ses ordres arec les six vaissseaux qu'il
commande et le prince de la Paix a réexpédié sur-le-champ un courrier à cet
officier général pour lui témoigner Vapprohation due à sa conduite. Selon toute
apparence, le courrier ne trouvera plus M, de Salcedo à Carthagène^ et il est
bien plus probable que la flotte combinée se sera rendue à Cadix, si le temps
et les circonstances ont continué de se montrer favorables.
L'escadre espagnole est bien armée ; mais ses équipages sont incomplets ; ce
qui donne plus de relief encore au xèle de M. de Salcedo.
Beurnonville.
13 avril 1805.
Monsieur,
Je voudrais pouvoir vous annoncer que la division navale de Carthagène a
agi avec la même célérité que celle de Cadix, et j'en avais Fespoir lorsque j'y
préparai Votre Excellence par ma dépêche d'avant-hier, sur la foi de ce que
Monsieur le prince de la Paix, m'avait fait connaître des offres de M. le chef
d'escadre Salcedo ; les nouvelles, môme depuis, ont confirmé ces offres, modi-
fiées cependant par une demande de 36 à 48 heures de délai, pour faire mettre
les poudres à bord, et pour réunir ses équipages incomplets ; le vice-amiral
Villeneuve a voulu profiter des temps et des circonstances heureuses de sa
navigation et il a laissé l'escadre espagnole à Carthagène (1).
Beurnonville.
Quoi qu'il en soit, Villeneuve était parti dans la nuit du 7
au 8, profitant du vent d'est qui venait de s'élever.
Le passage du détroit de Gibraltar et le déblocus de Cadix
sont ainsi exposés par ReiUe d'une part, et Villeneuve de
l'autre (2).
(1) Lorsqu'il reçut cette nouvelle, Napoléon ne voulut pas y croire et écrivit à Decrès
(•4 avrU) :
« Dites au général Beurnonville que ce qu'il dit de Tamiral Villeneuve, qni a refusé de
rallier l'escadre de Carthagène, n'est point vraisemblable ; c'est, au contraire, le comman-
dant de cette escadre qui a déclaré qu'il ne le pouvait pas, et Je ne puis lui en savoir mau-
vais gré, puisqu'il n'avait pas d'ordre de sa Cour ; mais que l'amiral Villeneuve, passant
le détroit et ayant des craintes, eût refusé le secours de six vaissaux, un ambassadeur, un
homme sensé ne se laisse pas dire de pareilles nigauderies. o
Napoléon.
(î) Archives de la Marine, BB»v, î3l.
Table de loch du vaisseau /'Atlas.
9 au 10 germinal. — Sur trois colonnes. A 7 heures, le cap Sepet N.-O. 1/4 N. à une
lieue, vent N.-O.
lANÉE
LA SORTIE DE LA MÉDITERRANÉE. 485
Dans la nuit, les \ents ont passé à Test; le 18 (8 a^ril), même vent bon
frais, le 19 (9 avril) au matin. Ton a aperçu le rocher de Gibraltar, à neu
heures, Tescadre est entrée dans le détroit et la place a fait plusieurs signaux
h un vaisseau ennemi qui était à la sortie du détroit.
Ce vaisseau faisait partie de Fescadre de Famiral Orde qui bloquait Cadix et
a été le prévenir. En arrivant près de Cadix nous avons vu l'escadre anglaise
^orte de 5 vaissetiux et quelques autres bâtiments faisant route au nord-ouest.
Le 19 germinal (9 avril), à la pointe du jour, dit Villeneuve (1), j'eus
connaissance du mont Gibraltar ainsi que du mont aux Singes. J'ordonnai
toutes les dispositions préparatoires au combat ; je formai Tescadre sur deux
colonnes et ordonnai aux frégates de chasser en «avant. A midi, le vent étiit
bon frais, l'escadre parfaitement formée, je donnai dans le détroit.
Le canon d'alarme tirait de tous les points de la montagne de Gibraltar; je
fis déployer le grand pavillon de poupe et ceux de distinction.
Cependant, les frégates qui chassaient devant nous me signalaient 1 vais-
seau de guerre et 2 frégates, qui fuyaient en tirant des coups de canon des
deux bords. Elles ne ralentirent pas leur course, et, vers les A heures, elles me
transmirent le signal de 11 bâtiments de guerre dont 6 vaisseaux; peu de
temps après, elles signalèrent : l'ennemi « prend chasse ». L'escadre faisait
toute la voile qu'elle pouvait faire ; j'étais à une trop grande distance de l'en-
nemi pour pouvoir espérer de le joindre, et la nuit approchait.
VHoriense a reçu l'ordre d'aller devant Cadix faire des signaux de recon-
naissance souvent, pour faire appareiller le vaisseau V Aigle et les Espagnols
qui pourraient être prêts à me suivre; elle s'acquitta de cette mission, et n'y
ayant aucune espérance de joindre les vaisseaux ennemis, je me dirigeai sur
Cadix pour opérer la jonction avec les vaisseaux que j'en attendais. 11 faisait
encore assez de jour pour que je puisse reconnaître, dans la rade de Cadix,
que V Aigle travaillait à appareiller, ainsi que plusieurs vaisseaux espagnols;
dès que je fus devant la rade, voyant que le vent bon frais allait me faire
dériver et m'empêcher d'avoir aucune communication avec Cadix, je fis le
signal de mouiller une grosse ancre.
Lat. Long.
10 germinal, point à midi 41*30 E. 2«11.
11 — 41 M O. 0M3'.
It — 40» O. 1»6. Roule libre.
13 — 38«59 »
14 — 38«27 n
15 — 37«43 »
1$ — 37«30 » Ordre de former J colomies. « L'in-
constance des vents a empêché de
faire cette formation. »
17 — 36»5 »
18 -. » » Passé le détroit de Gibraltar en deux
colonnes ; les forts ont tiré plusieurs
coups de canon.
19 — 36*19 9»35,30 Sur deux colonnes vent B.- S. -E.
(1) Rapport de Villeneuve (7 mai).
486 TROISIÈME PARTIK. — CHAPITRE YI.
Dans la journée Villeneuve avait écrit (1) :
Le 19 germinal an xiii (9 ami 1805).
Monseigneur,
J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence que j'ai passé le détroit
aigourd'hui et que je m'approche de Cadix,
J'ai envoyé VHortense devant la baie, faire signal d'appareiller au vaisseau
V Aigle f et j'espère encore cette nuit continuer ma route.
Il parait neuf bâtiments de guerre ennemis, mais très sous le vent du port ;
je vous ai écrit avant-hier de devant Carthagène, mais f espérais peu pouvoir
vous écrire aujourd'hui de devant Cadix,
Je n'ai aucune nouvelle de l'escadre de Nelson. Je ne sais si, avant de ter-
miner ma lettre, je pourrai vous faire part de ce qu'aura produit mon appa-
rition à Cadix.
V Aigle tmvaille à appareiller ; les Espagnols font beaucoup de signaux.
Recevez les assurances do mon profond respect.
Villeneuve.
Le premier but de l'expédition avait donc été atteint avec
un rare bonheur. Mais la même hâte inopportune qui avait
fait manquer la jonction avec Fescadre espagnole de Cartha-
gène faillit faire manquer la réunion avec les forces de Tamiral
Gravina.
Rapport de Villeneuve,
Peu d'instants après, un officier espagnol vint à mon bord et m'annonça que
G vaisseaux do sa nation et i frégate, sous les ordres de S. E. l'amiral Gravina,
allaient mettre sous voile, et, avant minuit, je les vis sortir successivement du
port et mouiller en dehors. J'envoyai mon adjudant, M. Fleury, à bord de
l'amiral Gravina; /e lui fis observer combien les moments étaient précieux, que
l'escadre ennemie de la Méditerranée devait être à ma poursuite et pouvait faire
sa jonction avec celle qui avait tenu jusqu'alors le blocus de Cadix^ qu'il impor-
tait essentiellement de mettre sous voile pour suivre notre destination,
M. l'amiral Gravina me fit répondre qu'il partageait mon impatience, que je
pouvais faire le signal d'appareiller et qu'il allait le répéter à son escadre. A
"li heures du matin, toute l'escadre française fut sous voile avec une partie de
l'escadre espagnole et nous fîmes route à l'ouest. Le vent avait beaucoup
faibli; au jour, je vis des vaisseaux espagnols extrêmement arriérés : l'Ar^o-
nautCy leur vaisseau aminil, seul était parmi nous. Je restai toute la matinée
sous voile pour les rallier. L'après-midi, le vent ayant passé à l'ouest, j'envoyai
la frégate le Rhin en intermédiaire, et ayant pris les amures à tribord, je fis
porter et courir largue pour assurer ce ralliement ; toute la nuit suivante, je
(1) Archives de la Marijie, BB«», î30.
LA SORTIS DE LA MBDITBRRANâB. 487
Û8 fort petite Toile, et le lendemain au jour^ je fus étonné de n'avoir été rallié
que par un seul vaisseau espagnol, V America, de 60 canons. Je pensai cepen-
dant qu1l ne me convenait pas d'attendre davantage, qu'il fallait me rendre à
ma destination, et Tamiral Gravina me parut partager mon opinion.
Ainsi donc, Villeneuve était parti sans attendre ses alliés
et ne devait rassembler son armée que le 26 mai à la Marti-
nique.
Journal de Reille (suite).
A 8 heures du soir, Tescadre a mouillé à Feutrée de la baie de Cadix; le
vaisseau français V Aigle, la corvette la Torche et le brick F A r^ui étaient dans
ce port et devaient joindre Tescadre ; elle devait être encore renforcée par une
flotte espagnole. Les signaux avaient été faits et, k 10 heures, les vaisseaux
commençaient h sortir pour se placer parmi nous. L'on ne saurait trop louer
l'activité que l'amiral Gravina y a mise. Dans une heure, ses troupes de terre
furent à bord, les câbles filés par le bout, enfin tout fut aussi vite que pos-
sible. A i heure du matin, le signal fut fait aux deux escadres d'appareiller, et
à 2 heures, la majeure partie était sous voile. Le 20 (10 avril), au jour, tous
les vaisseaux français étaient réunis, mais il n'y avait parmi nous que le vais-
seau amiral espagnol. On Toyait derrière, à quelques lieues, des vaisseaux qui
paraissaient ôtre les cinq autres. La cause du retard a été que les vaisseaux
espagnols, arrivés à l'entrée de la baie, ayant mouillé et filé du cÀble, n'ont pu
être aussi I6t prêts que les vaisseaux français qui étaient à pic. Il eût été à
désirer que l'armée eût mis en panne pour les attendre et prévenir par là une
séparation, mais on a continué à faire beaucoup do voile. Dans l'après-midi, le
vent ayant tourné à l'ouest, l'armée tint toujours le vent. Vers le soir, cepen-
dant, l'amii-ai laissa arriver d'environ 2 lieues, mais ce n'était point assez pour
rejoindre les vaisseaux arriérés. La nuit se fit et, le lendemain 21 (11 avril),
nous ne vîmes que le vaisseau ï America, qui n'a pu nous rallier que le 22
(12 avril). On ne conçoit pas ce qui a pu déterminer l'amiral à faire si peu
pour prévenir cette séparation, qui peut avoir les plus grandes conséquences.
Le sort de ces vaisseaux se trouve compromis et ils pouvaient assurer le succès
de l'expédition ; il ne fallait pour cela qu'attendre deux ou trois heures
L amiral Gravina, commandant en chef les foroes navales de Sa
Majesté Catholique dans l'Amérique, à Son Exoellenœ l'amiral
Decrès, Ministre de la marine et des colonies, etc. (4).
A bord do vaisseau VArgonauta à la rade de Port^Royal,
le 2t mai 1805.
Excellence,
J'ai l'honneur d'informer Votre Excellence, qu'au moment même où l'es-
(1) Archives de la Marine, campagne 1805. BB'v, t33. — Antilles, Cadix, Trafal-
gar, etc.
488 TROISIÈME PARTIE. -— CHAPITRE VI.
cadre française de Toulon se présentait devant Cadix, M. Courraga, capitaine
de Taisseau de ï Aigle, me remettait Totre dépêche, adressée au commandant
des Taisseaux qui déliaient se réunir aux forces de Sa Majesté Impériale, et,
comme c'était moi-même qui devais les commander, je Tai décachetée, et, de
suite, j'ai mis le signal pour l'embarquement des troupes de terre, pour filer
les câbles, et mettre à la voile; il me remit aussi 7 paquets cachetés pour le
rendez-Tous, que j'ai fait distribuer aux autres commandants; k t> heures du
soir, le 9 avril, nous vîmes votre escadre, et à 8 h. i/2 (ayant à bord les
troupes de déb«arquement) j*ai mis à la voile, et je m'incorporai avec l'escadre
de Sa Majesté Impériale, que j'ai rencontrée mouillée à la bouche du port, vis-
à-vis de Rota; deux heures après minuit votre escadre appareilla, et je fis de
même ; mais mes vaisseaux, à ce second ancrage, ayant dès l'arrivée un câble
qu'ils avaient filé, perdirent du temps à lever leurs ancres, et c'est avec peine
que nous pûmes les apercevoir au point du jour. Le lendemain, nous ne ral-
liâmes que VAynerica; les autres se réunirent le jour de notre arrivée à cette
{le, et le dernier deux jours après.
Tai reçu beaucoup de politesses du capitaine-général Villaret et de l'amiral
Villeneuve, et je me trouve prêt, avec les 6 vaisseaux de mon escadre et la
frégate, à suivre la vôtre partout et à toute entreprise.
L'amiral Villeneuve attacha, le jour de notre réunion, pour mouche de mon
vaisseau, le brick français VAjnoitr, commandé par le lieutenant de vaisseau
Treillard : la manière et le zèle dont il s'est conduit, se tenant jour et nuit à
la voix de mon vaisseau, reconnaissant à son zèle et à son activité, j'ai cru me
trouver dans l'agréable obligation de vous prier de vouloir recommander cet
estimable officiera Sa Majesté l'Empereur; je vous prie aussi de présenter â
Sa Majesté l'Empereur mes humbles respects, en l'assurant, de ma part, que
je ne manquerai pas d'employer tout mon zèle et toute l'activité possibles à
suivre votre escadre dans toutes ses opérations.
J'ai l'honneur d'être, avec la plus haute et distinguée considération, de
Votre Excellence,
Le très humble et très obéissant serviteur.
Frédéric Gravina.
Qu'était devenu Nelson pendant ce temps ?
Le 3 avril au matin, Tescadre anglaise à Pula était sous
voiles et le lendemain 4 elle se trouvait, à 10 h. 20 du matin, à
6 lieues 0. 3/4 S. de Toro(l), lorsque la Phœbé rejoignit,
annonçant le départ des Français, déjà ancien de quatre
jours : « L'épuisant travail de doutes, de suppositions, d'ap-
« préciation de vagues indices allait recommencer pour Nelson
« et cela devait durer plus de trois mois (2) ».
(1) Sud de Palmas.
(2) Mahan.
LA 80RTJE DE LA MÉDITERRANÉE. 489
A 2 heures du soir, V Active, qui avait conservé le contact
un peu plus longtemps que la Phœhé, rejoignit Nelson et con-
firma la direction vers le sud attribuée à Tescadre de Ville-
neuve. Certain que les Français allaient passer au sud de la
Sardaigne, s'ils ne l'avaient déjà fait, Nelson envoya VAmbiis-
cade à l'île de Galite (1) chercher des informations. Lui-
même comptait se maintenir entre l'île de Galite et la Sardaigne
jusqu'à ce qu'il eût reçu des nouvelles (2). « Je n'irai pas, dit-
il, à l'est de la Sicile ni à l'ouest de la Sardaigne avant que
j'aie des renseignements positifs. » Le 5, conservant la même
position, Nelson écrivait (3) : « J'ai couvert le passage entre
« la côte barbaresque et l'île de Toro de frégates. Les Fran-
« çais n'auraient pu passer par ici avant aujourd'hui si c'est
« bien leur chemin Je m'assurerai qu'ils sont à l'est
« d'ici avant de faire route pour la Sardaigne, la Sicile et
« Naples (i). »
Depuis la sortie des Français, le vent avait soufflé : le
4 avril, au moment où ses éclaireurs le rejoignirent, du nord-
ouest joli frais, le 5 du nord, le 6 il faisait calme. VAmhus-
cade était à Galite, V Active à la côte d'Afrique, le Moucheron
avait été envoyé le 5 au soir croiser entre eux deux et chercher
des informations à Tunis, le Seahorse et VAî^tna étaient devant
le Toro, VHijdra sur la côte est de la Sardaigne et la Magda-
lena, pour le cas où les Français auraient franchi le détroit de
Bonifacio, V Amazone allait être envoyée à Naples (3). Dans
ces conditions, Nelson pouvait être assuré que les Français
n'avaient pu passer au nord du cap Blanc à son insu, puis-
qu'il barrait le détroit avant qu'ils aient pu y entrer. Par
contre, toute journée passée sans nouvelles, après l'arrivée de
la flotte anglaise au sud de la Sardaigne, rendait moins pro-
bable que Villeneuve ait été destiné à agir dans le Levant.
« Si demain je ne sais rien, dit Nelson, j'enverrai la Phœbé au
« cap Saint-Sébastien, je prendrai position à Urtica{6). ... et
(1) C6te tmdsieDne.
(2) Ordre au cap Darban, de VAmbuscade.
(3) Au vieomte MelrUle.
(4) Lettre à Otway, 6 avril.
(5) A sir John Bail, 6 avril.
(6) Au nord de Palerme.
490 Troisième partie. — chapitre vi.
« ainsi je serai prêt à pousser sur Naples, s'ils y vont, ou à
« protéger la Sicile. »
Effectivement, le 10 il était devant Palerme, mais il n'en
savait pas davantage. « Je suis désolé, écrit-il, je n'ai pas un
mot de nouvelles ; toutes mes frégates sont en course. Je vais
maintenant aller entre la Magdalena et le cap Corse. »
Dans la soirée du 10, il reçut une nouvelle qui semble
l'avoir profondément troublé, sans pourtant fixer son opinion.
« Hailowel, écrii-il à S. J. Bail, vient d'arriver de Palerme.
Il annonce que la « grande expédition (1 ) » a mis à la voile
et que sept vaisseaux russes sont attendus dans la Méditerra-
née. Je dois donc supposer que les Français vont dans I'ochst.
Je ferai de mon mieux, mais je suis bien à plaindre (2) ».
Or, cette nouvelle était fausse.
En réalité cette « grande expédition (3) », confiée au général
Sir James Craig, forte de 8,000 à 10,000 hommes, ne devait
partir de Porsmouth que le 17 avril, sous l'escorte des deux
vaisseaux Queen et Dragon et de la corvette Bomb.
L'avis en fut donné à Nelson dans les termes suivants, par
la lettre de l'Amirauté en date du 15 avril que porta le sloop
Martin (i).
J'ai Tordi-e des lords de l'Amirauté de faire savoir à Votre Seigneurie que le
contre-amiral Knight, avec les vaisseaux Reine et Dragon j partira demain ou
après-demain de Spithead avec un convoi portant 5,000 hommes, qui doivent
être débarqués partie à Gibraltar et dont partie doit être dirigée dans la Méri-
terranée. L'ordre des lords de TAmirauté est que votre escadre prenne position
de façon à couvrir ce convoi dans son trajet de Gibraltar à la Méditerranée
contre les entreprises que l'ennemi pourrait exécuter du port de Toulon.
Parvenu le 30 à hauteur du cap Finistère, Knight reçut
l'annonce du passage de Villeneuve devant Cadix et de la
retraite de sir John Orde. Se croyant en grand danger, Craig
se réfugia à Lisbonne et, donnant une nouvelle preuve de la
(l) Partie d'Angleterre. Mahan, page €A8.
(t) Very misérable.
(3) Voir sur ce sujet : Under England's Flag ; Mémoires dn capitaine Charles
Boothley.
(4) British Muséum, vol. 34936. Cet ordre, complété le 17 avril, prescrivait en outre
à Nelson, après sa jonction avec l'amiral Knigt, de renvoyer à Spithead les deux de ses
vaisseaux qui auraient le plus besoin de réparations.
LA SORTIE DE LA MÉDITERRANÉE. 491
désinvolture avec laquelle les Anglais traitent les neutres, se
prépara en cas d^approche des vaisseaux français à mettre la
main sur les batteries qui domine le Tage (1).
U fallut pour le faire renoncer à ce projet que Junot,
ambassadeur de France, menaçât la cour portugaise de partir
si un seul soldat anglais était débarqué.
Craig dut donc remettre à la voile. Le 12 mai il arriva à
Gibraltar, d'où il se rendit à Malte et enfin à Naples où il
débarqua au milieu d'août (2).
De son côté, Nelson commençait à se douter de son erreur.
« Le 9, il quitta Palerme (3) avec l'intention d'aller à Tou-
« Ion pour s'assurer que les Français n'y étaient pas retour-
^1 nés. Il rencontra un vent debout (4) qui le retint neuf jours
« au sud de la Sardaigne, ayant parcouru moins de
« 200 milles. » C'est dans cette région qu'il eut enfin des
nouvelles positives.
« Nous apprenons, écrit-il le 16 avril au capitaine de
« VjEtnay par un navire avec qui a communiqué le Levior-
« thauj que la flotte française a été vue dimanche 7 avril par
« le travers du cap de Gatta{5), par vent d'est et filant à
« l'ouest. ... Je vais m'assurer que les Français ne sont pas
« rentrés à Toulon, puis à l'ouest, c'est tout ce que je puis
« dire à présent. Restez jusqu'à nouvel ordre près de Toro
« où j'enverrai des nouvelles quand je serai fixé. Il est très
*< probable que je quitterai la Méditerranée derrière l'en-
« nemi. » Le lendemain 19, un navire venant de Gibraltar
apportait la nouvelle positive du passage de l'escadre fran-
çaise le 9 avril.
Cette fois il n'y avait plus qu'à cherciier à regagner le temps
perdu.
« Je pars pour l'ouest, écrit Nelson le 19 avril au
commandant de la Phœhé. Comme il est très probable que les
Français ont laissé des frégates ou d'autres navires de guerre
à Toulon pour porter des troupes en Sardaigne, à Naples, en
(1) Ce sera une bonne farce, dit à ce sujet Boothley (an excellent fun).
(2) n deyait ploi tard y retronver 18,000 rnsses.
(3) Mahan, loc. cit.
(4) De Tooest.
(5) An sad-onest de Carthagène.
492 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI.
Sicile bu en Egypte^ vous êtes chargé avec votre navire et
VHydra, la Juno, le Niger et le Thunder de croiser entre le
Toro et la côte Barbaresque pour intercepter toute expédition
que l'ennemi pourrait envoyer en Sardaigne, en Sicile ou en
Egypte » Ainsi, au moment où le voile semblait s'être
déchiré, Nelson était encore sous Imfluence de son idée favo-
rite et se privait gratuitement d'éclaireurs qui lui étaient plus
nécessaires que jamais. Mais tout déçu et désolé qu'il fût, il
envisagea la situation avec clairvoyance en voulant d'abord
parer au danger le plus immédiat. Le 20 avril, encore retenu
à 10 lieues à l'ouest de Toro, il s'écrie : « Ma bonne fortune
semble envolée. Je ne puis avoir un vent qui ne soit pas con-
traire Puisque l'ennemi a depuis si longtemps passé le
détroit et fait sa jonction avec Tescadre espagnole de Cadix,
voici mes intentions : J'ai envoyé V Amazone chercher des nou-
velles à Lisbonne, je vais aussi vite que possible au cap Saint-
Vincent, où j'espère savoir par V Amazone quelle est la desti-
nation de l'escadre française. Le fait qu'ils ont rallié les vais-
seaux espagnols de Cadix me semble prouver qu'i/s n'ont pas
rintention d'aller aux Indes occidentales^ ni au Brésil^ mais
bien de débloquer le Ferrol et d aller de là en Irlande ou à
Brest y car je crois que Villeneuve a des troupes embarquées.
Si donc je n'ai pas de nouvelles^ je quitterai le cap Saint-
Vincent et me placei^ai à cinquante lieues à l'ouest des îles
Scilly, en m'en rapprochant lentement, de façon à ne pas
manquer un navire qui m'apporterait des ordres. Ma raison
pour prendre cette position est que de là je puis aussi bien
rallier la flotte qui est devant Brest ou aller en Irlande,
J'amène douze navires aussi beaux, aussi bien commandés et
ordonnés que tout ce qu'on a jamais vu sur l'eau (i) ».
(1) L'escadre de Nelson comprend à co moment :
Victory UO canons.
Royal Sovereign 100 —
Canopus ; 80 —
Spencer 74 —
Leviathan 74 —
Tigre 80 —
Donegal 74 —
Congueror 74 —
Superb 74 —
Belleisle 74 canons.
Swiftsure 74 —
Î Active.
Amazone,
Décade,
Transport Camel.
S Childers.
^^^P« \Ariel.
LA SORTIE DE LA MÉDITERRANÉE. 493
Un autre danger paraissait menaçant.
L'expédition dont il avait appris le départ d'Angleterre
pouvait avoir été rencontrée dans TOcéan et détruite par
Villeneuve. Toutefois Nelson pouvait espérer que le Fish-
giiardj expédié de Gibraltar le 15 avril, peu après le passage
des Français, aurait donné l'alarme. En outre, la division qui
bloquait Cadix devait avoir prévenu assez à temps pour faire
retenir les transports à Spithead.
Le 5 mai, à 10 h. 30 du matin, Nelson jeta l'ancre dans la
baie de Tetuan(l) où une nouvelle déception l'attendait.
« Je crois que ma mauvaise chance va encore durer long-
temps, car j'ai tout lieu de craindre que S. John Orde n'a pas
fait garder le contact de l'ennemi, ni pensé à me prévenir de
sa destination. Je ne puis pourtant pas aller aux Antilles sur
de simples suppositions et, d'autre part, si je tarde, la
Jamaïque peut être perdue. »
De fait, S. John Orde, qui avec ses cinq vaisseaux bloquait
Cadix, avait pris chasse dès l'approche de Villeneuve, sans
garder le contact et sans profiter des bonnes chances que lui
donnèrent le désordre de la marche de l'armée combinée et le
retard des vaisseaux espagnols ; enfin en laissant en grand
danger l'expédition de Craig si les alliés étaient restés dans ces
parages.
A la vérité il avait, le H avril (2), prescrit au capitaine
Sutton, commandant VAmphion avec le Beagle et le Wasp, de
se placer au cap Saint- Vincent, de prendre sous ses ordres
tout navire anglais dont le chef serait moins ancien que lui et
d'observer l'ennemi. <( Au cas où celui-ci paraîtrait se diriger
vers rouest, la nouvelle en serait transmise directement à
l'escadre de la Manche sous Ouessant. » Cette idée que l'es-
cadre combinée allait vers fouest, se manifesta aussi par la
lettre par laquelle Orde annonçait à l'amiral Gardner le
danger qu'il avait couru et son intention de le joindre avec
ses cinq vaisseaux (3).
10 avril 1805.
Hier, étmt à Tancre, j\ii failli être obligé 5 combattre les 20 ou
(1) Pour faire de Tean,
(t) Brttùh Muséum, vol. 34930. Rapport de Orde,
(3) Lettre à Oardner, transmise par celui-ci le 28 avril. (Record office, Channel fleet).
494 TR0I8IÈMB PARTIE. — CHAPITRE VI.
24 voiles de la flotte de Toulon, peut-être renforcée de Tescadre de Cartha-
gène /c crois qu'ils vont dans V ouest.
Aucune nouvelle de Nelson. Sans doute il sera allé en Egypte.
Ordk.
11 en est de même de la lettre adressée le même jour à
Nelson (i).
J'ai été obligé d'abandonner mon poste devant Cadix par une force ennemie
supérieure apparue brusquement, venant de Test, l'après-midi du 9 cou-
rant
Je ne puis dire quel est l'objet immédiat de cette force considérable (après
la jonction faite h Cadix), mais je pense qnelh est destinée pour V ouest. Ne
sachant ni les intentions, ni les mouvements de Votre Seigneurie, je rallie
l'escadre de la Manche avec les bâtiments G/ory, Renown, Defenee, Poly-
phetnus, Agamemnon, Ruby. Mon appui peut y être utile dans ce moment
critique Je laisse cependant une division de frégates et de corvettes, sous les
ordres du capitiine Sutton, au cap Saint-Vincent, pour prévenir ou faire pré-
venir par tous navires disponibles, soit Votre Seigneurie si l'ennemi rentre
dans la Méditerranée, soit l'escadre de la Manche si l'ennemi va .\ l'ouest.
De fait, Orde rallia, le 30 au matin, Tescadre de la
Manche (2) ; Calder, qui était devant le Ferrol, avait été pré-
venu, dès le 16, du passage des Français à Gibraltar et
Gardner le 22 (3). Les précautions se trouvaient donc prises :
au cas où l'escadre franco-espagnole se serait portée vers le
nord, la concentration se serait faite sous Oucssant.
Si l'escadre combinée va vers le noixl, écrit en eflfet Gardner,
le 27 aTril, je compte être joint par Orde et Calder et j'espère que Vos Sei-
gneuries m'enverront les renforts qu'elles jugeront nécessaires.
Gardner.
De plus, Gardner semble avoir deviné depuis quelque
temps déjà que Tescadro de Brest pourrait aller débloquer le
Ferrol; ainsi qu'en témoignent les deux lettres suivantes :
19 avril 1806.
I.e Terrible m'a joint hier et je lai envoyé à Sir R. Calder devant le
(1) British Muséum, vol. 34929.
(2) Lettre de Gardner, 30 avril (Record office. GbaaDel fleet).
(3) Lettre de Gardner, tt avril (Record office. Cbannel fleet).
LA SORTIE DE LA MBDITERKANBE. 495
Ferrol Il ^a être forcé de s*a(foiblir pour se réapprovisionner. Aussi
j'exprime humblement TaTis qu'il ne pourra tenir le blocus s*il n'est pas ren-
forcé. Si Vennemi s'échappe de Brest, ce qui est rien moins qu improbable^ et se
joint aux iO ou 12 vaisseaux qui sont au Ferrol y Caldrr sera en grand
danger.
n aynl 1805.
J'apprends ce matin par le Melampus que \\ Tui.Hse4iux français et 7 frégates
ont passé le 9 A Gibraltar; on dit qu'ils ont 10,000 hommes à bord
Sir Robert Calder a reçu cette nouvelle le 10 devant le Ferrol. Il avait alors
6 Taisscaux et quelques frégates avec lui On dit que les Espagnols ont
8 Taisseaux à (^adix outre V Aigle Je crois que la flotte de Brest va tenter
de sortir et je les observe de près avtr mes 17 vaisseaux (1).
Nous verrons dans un moment quelles mesures avait prises
l'amirauté pour le cas où Tcscadre franco-espagnole irait dans
Touest. L'incertitude où se trouva un moment le commande-
ment anglais incombe donc au seul Sutton, qui perdit complè-
tement le contact, au point qu'il put annoncer que le 22 avril
Villenetwe était encore à Cadix [2).
Pendant ce temps les indices affluaient pour prouver à
Nelson que les vaisseaux ennemis étaient partis pour l'Amé-
rique. Depuis un mois qu'ils ont passé le détroit de Gibraltar
ils auraient fait parler d'eux s'ils étaient restés dans les mers
d'Europe. Or, Nelson apprend (3) que, jusqu'au 28 avril, on
n'avait rien su d'eux à Lisbonne; le lendemain, pendant les
quelques heures qu'il passe à Gibraltar pour embarquer des
vivres, aucun renseignement n'arrive de l'Océan ; le 10 seule-
ment, étant par le travers du cap Saint-Vincent, il a des
nouvelles. UAniazojie lui apporte le compte rendu d'un brick
américain parti de (]adix le 2 mai. Très complet au sujet des
événements qui ont marqué l'apparition de Villeneuve et la
sortie des Espagnols, ce document ajoute :
c( Les opinions au siyet de la destination de l'armée combi-
« née sont diverses : d'après les uns elle va en Irlande ;
« d'après les autres, aux Indes occidentales ; en particulier à
« la Jamaïque. Il y a à bord 3,000 soldats espagnols, dont
« beaucoup de cavaliers, et 7,000 à 8,000 Français sous
(1) Record office. Channel fleet.
(t) Lettre de l*amiral Qambier, du 3 mai. (Brilish Muséum ^ vol. 340S0.
(3) Par VHalcyon, le 6 mai, baie de Tetoan.
496 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI.
« Laurisfon » Un peu avant était arrivé Tavis donné par
l'amirauté qu' « un convoi portant 5,000 soldats était en
route pour la Méditerranée et que leur protection était confiée
à Tescadre de Nelson ». C'était, on Ta vu, l'expédition de
Craig. Enfin, tandis que l'escadre passait la nuit mouillée à
Lagos, « le contre-amiral Campbell, alors au service du
« Portugal, vint à bord du Victor y et donna l'assurance for-
« melle que Villeneuve était parti pour les Indes occiden-
« taies ». Le lendemain 11, arrivait le convoi de troupes
escorté par deux vaisseaux et qui n'avait fait aucune ren-
contre. Celte fois, Nelson était fixé ; laissant le contre-
amiral Bickerton pour commander dans la Méditerranée, joi-
gnant au convoi son vaisseau le Royal-Sovereign^ qui marchait
mal, se faisant précéder d'un sloop envoyé à la Barbade, à
7 heures du soir il leva l'ancre. « Le sort en est jeté, écrit-il,
je pars pour les Antilles. Bien que je sois en retard, la
fortune aura peut-être donné à l'ennemi une mauvaise tra-
versée et m'en donnera peut-être une bonne. » A la nuit il
était déjà à 7 lieues au nord-ouest du cap Saint- Vincent et se
lançait avec son escadre au travers de l'Océan.
On est en droit de rechercher les raisons qui décidèrent
Nelson â ce dernier parti, pris si tardivement, puisque Ville-
neuve avait déjà un mois d'avance.
Le fait devenu certain, que, pendant tout ce délai, l'escadre
franco-espagnole n'avait paru ni devant le Ferrol, ni devant
Rochefort, ni devant Brest, ni enfin en Irlande, n'impliquait
pas d'une façon absolument certaine l'abandon des mers d'Eu-
rope. Villeneuve aurait pu, en effet, avoir l'ordre de croiser
très au large de Brest, comme il avait été ordonné par le plan
du 25 mai 1804, pour être à même, soit de fondre inopinément
sur une des escadres de blocus, soit d'entrer dans la Manche.
Dans de telles conditions, le départ de Nelson pour l'Amé-
rique le mettait forcément hors de cause. Si, au contraire,
Villeneuve avait réellement pour objectif la prise d'une des
colonies des Indes Occidentales, il y avait tout lieu de penser
que le mal était déjà fait, et cela sans remède. En outre, l'es-
cadre anglaise, forte de 10 vaisseaux, allait se trouver loin de
tout secours en présence d'une force double. Dans ces condi-
tions, il semble que la première idée de Nelson d'aller croiser
à 50 lieues à l'ouest des îles Scilly était la meilleure, et puis-
LA SORTIE DE LA MEDITERRANEE. 497
qu'il a eu cette intention, on doit rechercher à quelles in-
fluences il céda en y renonçant.
On ne sait pas au juste quelle fut la nature de la commu-
nication faite le 10 mai à Nelson par le contre-amiral Camp-
bell ; mais, à n'en pas douter, ce dernier eut une influence
décisive et avouée, car, peu de temps après, il fut privé de son
commandement dans la marine portugaise, sur la demande
formelle de Fambassadeur français.
Sans que ce qui va suivre prouve aucunement que Nelson,
en partant pour les Antilles, exécuta un ordre reçu, on va
voir qu'il ne fit en somme que se conformer aux intentions
de son gouvernement.
Une lettre du mystérieux « ami » (1) datée du 1*^ mars 1805
bien que paraissant n'être parvenue à Dresde qu'assez tard (2),
permet de croire que, depuis un certain temps déjà, les
Anglais étaient au courant d'uu projet d'expédition aux
Antilles.
L'Angleterre saura dans huit joui-s le prtVis de ce que je vous dis là, mais
sans aucun détail qui puisse la conduire à « Tami » ; je ne m'y fierai jamais,
ni à elle, ni à d'autres; mais elle ajoute une foi entière à ces sources, à Paris;
elle s'en est trop bien trouvt^e pour ne pas le faire. La malheureuse Espagne a
été réduite à confier ses marins à Gravina, malgré les avis redoublés d'Heras,
qui les tirait de bons lieux, assurément, et, dès lors, elle est dans un péril
hors de toute mesure. Gravina, habile et brave, mais cupide et ardent, n'est
pas naturellement un Espagnol : il est i\ Bonaparte d'une manière indissoluble ;
il suivra ses instructions, et elles sont extravagantes; la rage seule les a dictées
et la négligence la plus coupable en Angleterre peut seule y donner du succès.
Dans cette position, tout à fait changée de ce qu'elle devait être, le successeur
de Latour n'a rien eu de plus pressé que d'avertir, de sorte que cette guerre,
par ce seul fait, devient une guerre acérée où l'Espagne, faisant tout le mal
qu'elle pourra faire, doit s'attendre à être traitée impitoyablement; si elle a
des succès, ils seront courts, et sa ruine nous parait à pi*ésent inévitable.
Si la flotte de Toulon peut sortir, elle ira s'unir à Gravina qui, en aucun cas,
ne doit entrer dans le détroit. Si celle de Rochefort peut sortir, elle se réunira
à Gravina. Celle de Toulon avec 4,000 hommes de débarquement, Gravina avec
3,000, doivent se porter aux Indes occidentales et attaquer la Jamaïque.
C'est l'ordre de Bonaparte; elles ne le feront pas, car il y a 14,000 hommes
en état de défense dans cette île, et nous ne les croyons pas assez fous pour
courir des dangers si extrêmes ; mais ils iront ravager les Antilles et les ran-
çonner, et finiront par se porter à la Martinique dès que les Anglais seront en
(1) Communiqaée par M. Pingaud.
(t) Le 22 mai. A Dresde résidait d'Ântraigues, correspondant de 1' « ami ».
IV. 32
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498 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI.
mesure de les battre; mais aussi, dès lors, la vengeance sera implacable, et,
si TAngleterre ne s'abuse, la clef du Mexique est dans sa main ; ce sera une
ruine totale pour l'Espagne.
En outre, une lettre de Paris, datée du 23 avril (1), et reçue
sûrement celle-là, s'exprime ainsi :
L'escadre de Brest se prépare i\ partir, elle a 18,000 hommes à bord,
Tamiral a 900,0Û0 francs en caisse. .... 4 vaisseaux et 4 frégates, commandés
par Magon, se préparent à Rochefort et sont destinés à Sainte-Hélène On
ne sait pat positivement la destination de V escadre de Toulon qtU est ressortie
de Cadix^ on s'accorde après à l'envoyer aux Antilles (en français dans la
lettre de Gardner)
.D'autre part, le Moning Chronicle du 9 mai disait :
Ij. De toutes les conjecttm's qui ont été formées sur la destination de U flotte
H de Toulon, celle qui a fait le plus d'impression et causé le plus d'inquiétudes
;| est que cette flotte, après avoir dégagé les escadres de Cadix et du Ferrol et
balayé tous les blocus, pourrait se joindre à la flotte de Brest pour Tenir ensuite
occuper le Canal (la Manche), tandis que la flottille de Boulogne amènerait en
Angleterre une armée de iOO,000 hommes Pendant les huit jours qui
, Il viennent de s'écouler, personne n'a dormi tranquille. Qu'on juge de la situa-
tion où les Ministres nous ont mis, puisqu'ils nous ont réduits à désirer que
les Français se contentent d'aller conquérir nos possessions coloniales et raTager
nos établissements (2).
j On doit en conclure qu'avant le 9 mai, c'est-à-dire avant
i ^ que Nelson sut positivement le départ de Villeneuve pour les
Antilles, on connaissait à Londres la destination de l'armée
combinée.
D'autres lettres, celles-là postérieures à la résolution prise
par Nelson, indiquent que cette croyance était générale à
i Londres.
(I) Transmise à Nelson par Gardner, le 19 mai (fteoord ofBcs, ChanMl llMi) i
A bord de VBibemia, sous Ouessant.
...... J^igoate une copie de reoseignemeots privés venus de Paris, relativement à la
flotte française de Brest, forte de tl vaisseaux, et que J'ai tout lieu de croire toute prâte k
profiter de la première occasion pour appai*eiller. Je TobscrTO avec 18 taisseaax. fllr
Robert Calder est devant le Ferrol avec 6 vaisseaux; il en bloque 13. Lord Collingwood
est prêt à partir de Cawsand avec 8 ou 9 vaisseaux approvisionnés pour une campagne
lointaine
(?) Voir ci-dessous : Lettre de Decrès du l*!* juin.
LA SORTIE DE LA MBDITERRANBB. 499
« On croit ici, écrit Lord Radstock le 21 mai(l), que la
flotte combinée est partie de Cadix pour les Indes occidentales.
Cela est fort probable » Le 13 mai déjà, il disait : « Je
« crains fort pour Nelson ; la clameur populaire s'élève contre
« lui, et, si nous perdons la Jamaïque, ce sera assez pour
« faire oublier tous les services qu'il a rendus .... »
On va voir Tinfluence de ces renseignements et de l'opinion
générale sur les décisions prises par le gouvernement anglais.
La nouvelle du passage de Villeneuve à Gibraltar déter-
mina l'Amirauté à adresser, dès le 25 avril, l'ordre suivant « à
r officier le plus ancien présent à Gibraltar (2) ».
L'ennemi ayant passé le détroit le 9 courant, vous étos invité, au cas où tous
apprendriez que lord Nelson n'est pas à la poursuite de Tennemi ou n\i pas
envoyé après lui une force égale à la sienne, à prescrire aux commandants des
vaisseaux Quecn et Dragon (3) de se porter en toute hâte à la Barbade et de
se mettre sous les ordres de Tamiral Cochrane ou de Tofficier commandant en
chef à Tépoque au^ Iles sous le Vent.
Si tout ou partie de Tescadre de l'amiral Nelson a suivi Tennemi, vous pres-
crirei aux vaisseaux Queen et Dragon de rallier Tarn irai Orde devant Cadix et
TOUS ferez escorter le convoi par le Lively et une autre frégate jusqu'à desti-
nation, et où le général S.-J Craig voudra se rendre.
Un autre ordre du 27, adressé à l'amiral Collingwood, lui
prescrit ainsi qu'à Orde de se rallier à Madère et de se mettre
à la poursuite de l'ennemi.
Mais le 30, Gardner, qui vient de rallier ces deux divisions,
fait preuve d'une initiative singulièrement hardie (4) :
J'ai reçu avis de l'ordre du 27 prescrivant à Orde et Collingwood de se
joindre à Madère et de se mettre à la poursuite de l'ennemi Dans les
conditions actuelles. Je prends sur moi de différer le départ de l'amiral Col-
lingwood, jusqu'à nouvel ordre, ou jusqu'à nouvel avis sur les mouvements de
l'ennemi.
Gahdner.
L'envoi de l'escadre de Collingwood aux Antilles aurait
rendu inutile le voyage de Nelson. Aussi, fidèle à sa tactique
(1) Cité par Mahan, page 651.
(t) British Muséum, vol. 34930.
(3) Qui escortaieiit le convoi de Craig.
(4) Record office, Channel fleet.
500 TROISIÈME PARTIR. — CHAPITRE VI.
de concentrer à l'entrée de la Manche le plus de forces pos-
sibles, dès qu'il y avait incertitude sur les projets de Ten-
nemi, TAmirauté rédigea le 9 mai l'ordre suivant, appelant
sous Ouessant une partie de l'escadre de la Méditerranée.
Nous aTons appris qu'une escadre française, forte de 12 vaisseaux, 7 frégates
et 2 bricks, partie de Toulon, a passé le détroit le 9 avril. Vous êtes invité à
laisser dans la Méditerranée, sous les ordres de Fofficier général le plus ancien
après TOUS, le nombre de vaisseaux et de frégates que vous jugerez nécessaire
pour observer les ports de Toulon et de Carthagène Votre Seigneurie se
portera devant Cadix où elle laissera le Lively^ VAmphiorij une autre frégate,
deux sloops, a\ec la mission de suivre les progrès des armements qui se font
dans ce port et de renseigner l'officier commandant l'escadre du Eerrol et
l'Amirauté.
Vous ne perdrez pas de temps pour gagner Ouessant et vous mettre sous les
ordres de Vomirai Gardner^ commandant l'escadre bleue.
Si vous préférez garder votre commandement dans la Méditerranée, vous
êtes libre de le faire en envoyant à l'amiral lord Gardner les navires qui ne
devraient pas observer Toulon, Carthagène et Cadix (I).
En même temps un nouvel ordre, daté du 10, invitait
Collingwood à se préparer pour l'expédition des Antilles,
mission déjà donnée le 27 et que Gardner avait pris sur lui de
suspendre. Cette fois l'amiral obéit.
J'ai envoyé l'amiral Collingwood à Cawsand avec les vaisseaux mis sous ses
ordres, suivant vos instructions. Une tempête de nord-ouest m'a éloigné de
ma station Ci-joint deux renseignements :
i® Le 12 mai, Y Impétueux a appris d'un brick danois que la flotte combinée
était allée à Lisbonne ;
2*» Le cutter Nemrod a su d'une galiotte suédoise qu'on suppose la flotte
partie pour les Antilles.
Les lords de l'Amirauté m'ayant prescrit, par ordre du iO courant, de
mettre aux ordres de l'amiral Collingwood 10 vaisseaux, outre le Dreadnought,
pour se rendre à la Barbade, j'ai prescrit au Warrior de se porter à Plymouth
pour se mettre î\ la disposition de l'amiral Collingwood (2).
Effectivement, le 17 mai, l'amiral Collingwood reçoit à la
baie de Cawsand, où il est allé chercher ses approvisionne-
ments, les instructions suivantes (3) :
(1) British Muséum. Nelson 's paper, toI. 34930.
(2) Lettres de l'amiral Gardner, 12 et 15 juin. Record office, Channel fleet.
(3) British Muséum^ vol. 34936.
LA SORTIE DE LA MÉDITERRANÉE. SOI
Vous vous porterez sur Lisbonne, vous rallierez Tamiral Knight et le cou-
vrirez jusqu'au cap Saint- Vincent.
Au cas où, sur votre route pour Lisbonne ou Cadix, vous rencontreriez lord
Nelson, vous vous rangeriez sous ses ordres, en lui remettant copie de vos
instructions.
Si l'ennemi est parti de Lisbonne et si la flotte combim^e est à Cadix, vous
devrez bloquer ce port avec 14 vaisseaux de ligne et rallier le Dragon et le
Queen.
Si vous apprenez de façon positive que Fescadre combinée a fait route pour
les Antilles et que V amiral Nelson fy a suivie, vous détacherez de ce côté
assez de vos vaisseaux pour que lord Nelson en ait 42 au total, pourvu que la
force de Tennemi ne dépasse pas i8. Mais si cela arrive, vous donnerez en sus
à lord Nelson autant de vaisseaux que les alliés en ont au-dessus de i8
Si lord Nelson n'a pas suivi Tennemi aux Antilles, vous le poursuivrez à la
Barbade avec 12 vaisseaux, si Tennemi n'en a pas plus de 18, et, s'il en a plus
de 18, vous en emmènerez, en sus de vos 12 premiers, autant qu'il peut en
avoir au delà de 18*.
On voit tjue cette fois les lords de TAmirauté s'étaient sou-
venus du caractère de Nelson et avaient prévu le cas où de
lui-même il serait parti à la poursuite de Tennemi.
Collingwood était déjà en route avec 9 vaisseaux pour se
rendre à Lisbonne quand, le 5 juin enfin, arrivèrent à la fois
à Londres les lettres de Nelson en date des 6, 7 et 9 mai.
L'Amirauté y répondit le même jour par une approbation
formeUe.
Les lords approuvent la décision que vous avez prise de suivre l'en-
nemi aux Antilles (1).
De tout cela on peut conclure que l'idée d'une expédition
franco-espagnole aux Antilles était familière aux amiraux
anglais et répandue dans l'opinion publique. Si Nelson n'était
pas allé à la suite de Villeneuve, Collingwood était prêt à le
faire à peu près avec les mêmes forces, et l'infériorité d'un
tiers admise par les instructions du 17 mai pouvait être com-
pensée par la jonction aux Antilles avec les six vaisseaux de
Cochrane. En même temps, était appliquée la consigne géné-
rale et déjà ancienne de rallier tous les détachements à l'en-
(1) British Muséum. Nelson's papers, vol. 34950.
502 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI.
Irée de la Mancho. C'est ce que fait de lui-même Orde, c'est ce
que feront plus tard Calder et Nelson. Dans ces conditions
une diversion, si éloignée qu'elle soit, a peu de chances de
succès.
CHAPITRE VII
LES NOUYEAnX ORDRES A VILLENEUVE (14-27 AVRtt)
Dès qu'il apprit la sortie de Villeneuve (1), TEmpereur en
prévint Ganteaume, le pressant de partir à son tour.
Au vioe^àmirAl Ganteaume (3).
Troyes, 13 germinal an xiii (3 ayril 1805).
Monsieur le Vice- Amiral,
L*escadre de Toulon a mis à la voile le 9 germinal, composée de 11 vais-
seaux, 6 frégates et î bricks; le vent était nord-ouest; on Favait perdue de
vue. Le télégraphe m*a instruit de votre sortie k Bertheaume. J'espère que, si
vous êtes encore en rade, vous ne tarderez pas à mettre & la voile. Le tout est
de donner, pour point de ralliement, des parages où il n'y a point d'ennemis,
et alors vous avez peu à craindre de sortir de nuit, n'ayant pas k redouter les
séparations. Si vous passez devant le premier point où vous devez aller, ne
faites, que passer et ne restez pas plus de douze heures en panne et à tirer des
bordées. J'imagine que vous aurez expédié votre courrier k Rochefort; écrivez-le-
moi par le retour de mon courrier, que vous dirigerez sur Lyon, et apprenez-
moi que vous mettez à la voile. Dites au préfet maritime de donner au courrier
une dépêche qui me fasse connaître la situation des affaires douze heures après
votre départ.
Napoléon.
Mais, au moment même, le commandant de Tescadre de
Brest rendait compte des difficultés que devait causer à un
nouvel appareillage la rentrée en deçà du goulet.
(1) Le 3 avril. Lettre à Deerès. Correspondance de Napoléon, 85t0.
(t) Corf*e$pcndance de Napoléon ^ STbi.
804 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.
A bord da Taisseaa de Sa Majesté, l'Impérial, en rade de Brest,
le 13 germinal an xin (3 ayril 1805) (1).
Monseigneur,
Votre Excellence a été informée par ma dernière lettre à Sa Majesté Impé-
riale, dont j'ai eu Thonneur de vous adresser copie, que Tannée navale était
rentrée à Brest, le 8 (29 mars) du courant. Le 9 (30 mars), les vents étaient
au sud-ouest, et je m'attendais au coup de vent de Téquinoxe. Contre mon
attente, le 10 (31 mars), les ii et 12 (!•' et 2 avril), les vent» de la partie de
Touest-nord-ouest n'ont pas été assez forts pour disperser l'ennemi, et le
temps, malgré la mauvaise apparence, s'est purgé par une grosse pluie; au-
jourd'hui, les vents sont encore à l'ouest-nord-ouest, très petit frais.
L'armée anglaise n'a pas cessé d'être signalée sous Ouessant, au nombre de
18 vaisseaux.
Nous sommes toujours en appareillage, et Votre Excellence peut compter
que nous saisirons pour sortir le premier moment favorable.
Je suis avec respect. Monseigneur,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Ganteaume.
Simultanément d'autres ordres furent envoyés pour presser
les préparatifs au Ferrol des 4 vaisseaux français et des 7 vais-
seaux espagnols. « II. faut sortir, écrit Napoléon le 4 avril à
Decrès, n'eut-on qu'un mois de biscuit (2). » Or les 7 vaisseaux
espagnols du Ferrol n'avaient que dix jours de vivres. « Il
« faut qu'ils en aient trente et qu'ils suivent au premier signal
« du contre-amiral Gourdon, sans quoi on manque le projet
« de campagne (3) . » Ganteaume est prévenu qu'il trou-
vera au Ferrol H vaisseaux prêts à le suivre. « L'essentiel,
ajoute l'Empereur, est de ne pas perdre de temps devant le
Ferrol (4). » En outre, en raison de la pénurie des vivres où
sont les Espagnols, la flotte de Brest doit leur en fournir.
Le Ministre de la marine à l'amiral Ganteaume (5).
Paiis, le 18 germinal an xiii (8 avril 1305).
Monsieur rAmirul,
Je rerois votre lettre du 13, par laquelle vous m'informez des temps qui ont
(1) Archives de la MaHne, BB'v, 124.
(î) Correspondance de Napoléon, 8527.
(3) Correspondance de Napoléon à Laccpède, 7 avril, 8543.
(4) CotTespondaiice de Napoléon à Ganteaume, 7 avril, 854 î.
(o) Archives de la Marine, BB»^, 124.
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. SOS
succédé à Totre rentrée, de la présence et du nombre des ennemis en croisière
et de Tos dispositions à saisir le premier moment favorable pour appareiller.
Je Tois, par une lettre particulière que tous m^avez adressée, que les flûtes qui
étaient restées en arrière seront réunies sous deux jours k Tescadre. Vous
observez que les 240,000 rations qu'elles ont à bord tous paraissent suffi-
santes. Cette quantité pourrait suffire, en effet, si vous n'aviez que quatre
vaisseaux à pourvoir, mais je dois vous informer que l'intention de l'Empereur
est que tout ce qu'il y a de vaisseaux alliés prêts à prendre la mer se joignent
à vous; car je sais qu'il y a au Ferrol 7 vaisseaux et 2 frégates qui ont peu ou
point de biscuits, et auxquels je viens d'expédier l'avis qu'ils devront se
joindre à vous, n'eussent-ils qu'un mois seulement de biscuit ou farines,
attendu que vous leur en fournirez du supplément.
Je pense donc qu'il est nécessaire que vous preniez un grand approvisionne-
ment, et peut-être les 300,000 rations que j'avais commandées sont-elles au-
dessous du besoin. Les 240,000 rations que vous avez sur les flûtes donneront
deux mois environ à la division du Ferrol. Par les états que le contre-amiral
Gourdon m'a envoyés, il compte qae cette division a au moins deux mois de
biscuit et quatre ou cinq en toute autre denrée; ainsi, moyennant ce que
portent vos flûtes, elle aura au moins quatre mois de viyres. Dans cet état de
choses, je crois que les 240,000 rations complètes que vous embarquez suf-
fisent, mais qu'il faut embarquer sur le Vuicain tout ce que l'on pourra de
biscuit et de farines, sans autres denrées faisant ordinairement partie de
rations. Ainsi, en se bornant aux 240,000 rations embarquées, le port peut
fournir 378,000 rations de biscuit ou farine et le Vuicain peut les prendre ;
il faut les embarquer et, h défaut de cette quantité, en approcher autant qu'il
sera possible.
Vous voyez de quel effet seraient les 378,000 rations.
En calculant le vaisseau espagnol à 600 hommes d'équipage, elles font aux
sept vaisseaux de cette nation un approvisionnement de trois mois ; mais
comme elles encombreront plus de 350 tonneaux, je ne sais si le bateau
pourra les prendre. Il est bien entendu toutefois que ces approvisionnements
ne vous retiendront point, car Sa Majesté approuve toute l'impatience que
vous avez d'appareiller et elle y apprendra l'événement avec une satisfaction
toute particulière.
Recevez l'assurance de mon inviolable attiichement.
Degrés.
De fait, à ce moment, les H vaisseaux du Ferrol sont prêts.
Le contre^ amiral Gourdon, officier de là Légion d'honneur, comman-
dant les forces navales de Sa Majesté, au Ferrol, à Son Excellence
le Ministre de la marine et des colonies (1).
20 germinal, an xiu (10 avril 1805).
Monseigneur,
Les vaisseaux le Héros et V Argonaute sont absolument prêts à prendre la
(1) Archives de la Marine, BBit, n9.
KOG TROISIÂMB PARTIB. — CHAPITRE VU.
mer et ont troU mois de biscuit à bord, arec à peu près lix mot! dans toutes
les autres parties.
Le Duguay-Trouin Tient de recevoir la moitié de ses manœuvres courantes,
et il faut encore quelques jours pour faire ce qui lai manque; cependant, il
mettrait à la Toile dans cet état, si la circonstance qui doit nous y fiiire mettre
se présentait.
Les voiles du Fougueux seront unies cette semaine ; toutes ses manœuvres
sont à faire. J*ai fait des efforts pour les obtenir de Farsenal, cela a été impos-
sible, de sorte qu'il faut nécessairement que celles du Duguay-Trouin soient
finies pour qu'on fasse les siennes. Je ferai néanmoins tout ce que je pourrai
pour que re travail soit promptement terminé et, comme le port a reçu hier
une partie du chanvre, je vais renouveler mes instances, auprès du capitaine
général, pour qu'on fasse un sacrifice en ma faveur; il se fait pour nous
à peu près ^ quintaux de biscuit par jour, de sorte que j'espère que les quatre
vaisseaux seront avant peu à trois mois, puisque deux y sont déjà, et que les
deux autres ont à peu près 10 jours.
Votre Excellence est instruite que les 515 hommes du 79* régiment qui
nous arrivent ne seront ici que le 5 floréal.
Lei Espagnols ont sept vaisseaux matériellement prêts; ils fabriquent du
biscuit, mais ils n'en ont point encore embarqué ; je crois cependant qu'ils
tarderont peu à en avoir assez pour être prêts à sortir.
Je vous rendrai compte, par le premier courrier, de leur véritable situation
h cet égard.
Ils ont de très faibles équipages, composés de plus des deux tiers d'hommes
qui n'ont point navigué.
Vescadre bloquante est toujours de sept à huit vaisseaux, une frégate et
quelques corvettes; quoique depuis longtemps on annonce d'autres forces,
nous n'avons encore vu que cela.
J'ai l'honneur d'être de Votre Excellence, Monseigneur,
le très humble et très obéissant serviteur.
GOURDON.
Le Wc6-am/ra/ Grandetlaha au contre -am/ra/ Gourdon (i).
J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite et les difl'érentes questions qu'elle
renferme, et je ne vois aucun inconvénient à y répondre.
Vous trouverez ci-joint l'état de situation qu'il vous est prescrit d'envoyer à
votre gouvernement. Je sens comme vous toute l'importance qu'il y a à ce que
les vaisseaux espagnols sortent on même temps que vous, et dans le plus
grand nombre possible, et Sa Majesté m'en a déjà donné l'ordre assez précis,
pour que je l'exécute sans retard.
En raison de cet ordre, j'ai disposé cinq vaisseaux, le Prince, le Neptune,
le Monarque, le Saint-A ugustin et le Saint-Fulgence, avec un mois de pain,
et en outre trois mois dans les autres articles pour les équipages complets ; de
(1) Archives de la Marine, BB"^, îto.
LES NOUVBAUX ORDRES A VILLENEUVE. 807
sorte que nous sommes prêts à mettre à la voile, aussitôt que le moment se
présentera, sans le moindre retard.
Si le séjour ici nous donne du temps pour avoir plus de pAin, j*augmenterai
le nombre de vaisseaux, conformément aux ordres de Sa Majesté.
Il est constant que vous m'avox offert les paquets cachetés pour point de réu-
nion et instructions. Je les recevrai aussitôt que vous me les remettrez. Il est
bien entendu que, s'il est possible, il faudra augmenter le nombre de jours de
vivres à bord de chaque vaisseau, dans le cas où notre sortie retarderait.
Pour le reste, J^apprécie la confiance que vous me manifcstei de la part de
Sa Majesté, et Tassuranoe que vous lui donnez de mon zèle pour le servioe do
mon auguste souverain, aux ordres duquel je. suis prêt à obéir.
Votre très humble serviteur.
Grandrllana.
Bien qu'au 1 1 avril Napoléon n'ait encore reçu aucune nou-
velle de Villeneuve ni de Nelson, il a fait, sur les mouvements
de ce dernier, une supposition que les événements ont confir-
mée. « Je calcule, écrit-il en effet le 7 avril, à Decrès (1), que
Nelson, par le temps qu'il a fait, a dû retourner à la Maddalena
ou dans quelque port de Sardaigne, à raison des vents d'est
qui ont régné quelques jours avant le départ de Tescadre. » Il
ne semble pas qu'il ait été prévenu avant le 24 avril du pas-
sage de Villeneuve devant Carthagène (2) le 11 ; en tous cas
il ne savait encore rien lorsque, prévoyant que Ganteaume ne
bougerait pas de Brest, il conmiença à préparer un nouveau
plan d'c^érations.
Au vice- amiral Decrès (3).
Lyon, le Tl germinal an xm (II avril 1805).
Monsieur,
Vous voye« qu'à Cadix, le 4 ventôse (24 février), les Espagnols avaient
6 vaisseaux. Il est impossible que mon escadre arrive devant Cadix avant le
i^' floréal (2i avril) (i).
Je suis donc fondé à penser que Tamiral Gravina partira avec au moins
8 vaisseaux ; ce qui complétera mon escadre de Toulon à 20 vaisseaux, et, si
Je faisais partir les 2 vaisseaux de Roohefort (8), j*auraii 22 vaisseaux.
(1) Correspondance de Napoléon^ 8540.
(t) Voir ci-dessus.
(3) Correspondance de Napoléon, 85ô8.
(4) Elle y est arrivée le 9 avril.
(5) De Tamiral Magon : VAlgésiras et V Achille.
608 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.
Ayant toujours mon escadre de Brest en appareillage, comme elle est
aujourd'hui, les Anglais seront obligés d'avoir toujours 20 vaisseaux devant
Brest. Le retour de Missiessy les obligera à avoir une escadre devant Roche-
fort; maiSy s'ils le méprisent, je le ferai partir avant la fin de prairial
{i9 juin) pour une croisière qui obligera Fennemi à le suivre. L'ennemi sera
obligé aussi d'avoir une escadre au Ferrol, parce que j'y tiendrai 9,000 Espa-
gnols embarqués et toujours en appareillage.
Dans cette situation de choses, mes 22 vaisseaux de Villeneuve pourraient
doubler V Irlande et se présenter devant Dunkergue et Boulogne. Les mers
deviendront bonnes, puisque nous serons au mois de juillet. Mon opinion serait
donc que vous teniez vos instructions prêtes; que vous en envoyiez la minute,
pour que je la signe, afin que les 2 vaisseaux de Magon, d'ici à quinze jours,
quand nous perdrons l'espoir de faire sortir Ganteaume, puissent porter de nou-
veaux ordres à Villeneuve. Faites-moi connaître si j'ai prévu que les troupes
espagnoles doivent être débarquées. Envoyez une lettre; Ganteaume la fera
porter à Gravina par la croisière : que Ganteaume a dû lui faire connaître
l'immense projet; qu'il doit débarquera la Martinique et à la Guadeloupe, oii
nous en aurons soin; que je compte qu'il secondera, avec ses iO ou 12 vais-
seaux, les efforts de ces escadres, qu'il trouvera sur les c^tes, et qu'à l'heure
où il lira cette lettre si la jonction est opérée, les deux nations auront vengé
les insultes qu'elles ont reçues de ces fiers Anglais depuis tant de siècles. Mais,
tout en prenant ces précautions, je ne doute point que Ganteaume ne parte ; il
est en trop bonne disposition. Envoyez des ordres à Rochefort pour cpi'on
mette 150,000 rations sur une bonne flûte, que Magon mènera avec lui.
Faites à tout hasard partir de Bordeaux quelques bateaux chargés de quel-
ques milliers de sacs de farine, qui se dirigeront en droite ligne sur la Marti-
nique, et, si vous croyez avoir plus de sûreté avec des neutres, faites embar-
quer sur des neutres. Faites aussi fréter à Bordeaux, en grand secret et de
manière que tout le monde le sache, et passez marché avec des neutres pour
envoyer des farines à l'Ile de France; ce sont des choses que les espions
ennemis ne manquent pas de faire beaucoup valoir et qui font toujours leur
efl'et.
Napoléon.
Au Wce-amira/ Ganteaume (i).
LyoD, 21 germinal an xm (1 1 avril 1805).
Monsieur l'Amiral,
Je n'ai point de nouvelles de mon escadre de Toulon qui, cependant, est
dehors depuis le 7. Un courrier que je reçois de Cadix, en date du 8 germinal,
me porte la nouvelle que l'amiral Gravina est prêt à partir pour se joindre à
l'escadre française avec 8 vaisseaux et 2 frégates, ce qui portera l'escadre du
vice-amiral Villeneuve à 20 vaisseaux. Vous trouverez au Ferrol 8 vaisseaux
espagnols et 4 français; j'espère donc que vous partirez du point de rendez-
vous avec plus de 50 vaisseaux. Portez avec vous le plus de biscuit que vous
(1) Correspondance de Napoléon, 8570.
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 809
pourrez. Si les irents ne vous ont pas encore permis de sortir, en tous tenant
prêt à profiter de la première occasion, elle ne tardera pas à se présenter.
Vous tenez dam vos mains les destinées du monde.
Napoléon.
Ce projet de faire revenir Villeneuve par le nord de Tir-
lande ne dure pas deux jours. Dès le 13 est étabU un nouveau
plan impliquant la marche vers le Ferrol, puis le déblocus de
Brest (1).
Au général Lauriston.
Lyon, 33 genninal an xiii (13 avri] 1805).
Monsieur le Général,
Il y a quinze jours que vous êtes parti. Je ne sais pas si vous aurez passé
devant Cadix, mais un courrier que fen reçois m'apprend que voiis aurez dû y
trouver, indépendamment des vaisseaux français, 6 bons vaisseaux espagnols.
Je viens d'apprendre, par les journaux anglais, la prise de la Dominique.
J'éprouve cependant une petite contrariété, c'est que V amiral Ganteaume, her-
métiquement bloqué et contrarié par des calmes constants, n'a pu encore sortir;
il ne communique plus depuis huit jours avec la terre. J\ii peine à croire qu'il
ne fausse pas dans ces huit jours un coup de vent, puisque nous ne sommes pas
encore au 15 avril. Cependant, s'il en était autrement, et si, d'ici au \Omai,
il ne pouvait partir, je me trouverais contraint de le retenir. J'en ferais pré-
venir l'amiral Villeneuve par deux frégates que je lui expédierais, et j'ordonne
que tous les huit jours on lui expédie un brick. Aujourd'hui, tant pour aug-
menter votre escadre,, que prévoyant le cas où vous seriez arrêté en chemin et
que vous n'arriveriez pas à la Martinique, je fais partir le général Magon avec
t vaisseaux et 800 hommes; et si, un mois après l'arrivée du général Magon,
vous n'avez reçu aucune des frégates que je vous aurai expédiées, et que l'amiral
jugeât à propos et prudent de retourner en Europe, mon intention est que vous
opériez votre retour sur le Feirol; vous y trouverez 15 vaisseaux français et
espagnols tout prêts. Avec ces 35 vaisseaux vous vous présenterez devant Brest,
oii Ganteaume vous joindra avec 21, e/, avec cette force de plus de 50 vaisseaux,
vous vous présenterez dans la Manche et me trouverez à Boulogne. En atten-
dant, illustrez votre expédition; prenez Sainte-Lucie si elle ne l'est pas, ou une
autre île, si Sainte-Lucie est à nous. Laissez dans ces lies les troupes que vous
y jugerez nécessaires. Que vous y laissiez le général Reille, il n'y aura pas
d'inconvénient; il me suffit que vous vous en reveniez de votre personne. Vous
vous ferez débarquer devant Boulogne, où vous me trouverez (2).
Napoléon.
(1) Correspondance de Napoléon, 8577.
(t) 11 est curieux de comparer les projets réellement formés avec ce qu'en dit l'Empereur
à un homme du rang et de la situation de Cambacérès :
A M. Cambacérès.
Mon cousin, Lyon, 23 germinal an xm (13 avril 1805).
Par toutes les nouvelles que je reçois de Londres, il me parait que les Anglais sont très
510 TROISIÈMB PARTIE. — CHAPITRB VU.
Au ¥lce'^amlrtLl Decrèe (I).
LyoQ 13 germinal an xni (13 aTril 1805).
Monsieur,
LVscadre do rnmiral Cochnme étiit deTîint Lisbonne le 4 mare. Elle a dû
d'abord aller au rap Vert, et perdra un joor pour enToyer à terre et prendre
langue au port. L^amiral MÎMiessy est trop habile pour s'être laissa \oir de ces
îles. Si donc Tamiral anglais ne trouve pas là des renseignements, il ira à
Madère; et, si h Madère il ne trouve point de n^nseignements, il ira aux
Grandes Indes; c'est tout ce qu'im amiral et un officier général senst» doit
faire dans sa position. La saison, la circonstance, tout indique que Tescadre
de Missiessy est destinée pour les Indes orientiles. Si ramiral Cochrane reçoit
des renseignements et va à la Martinique, il doit d'abord, s^il est sage, atterrir
fur Surinam. Je pense donc qu'il n'arrifera devant la Martinique que du 1^'
au 10 avril; s'il en est autrement, l'amiral anglais ne sait pas son métier, car
une fois certain que Missiessy va en Amérique, rien ne peut lui prouver que sa
destination n'est point pour Surinam.
Nous étions maîtres de l'Ile au 2î février; j'espère être maître de la mer
quarante-C4nq ou cinquante jours.
L'amiral Cochrane n'a point de troupes à bord.
Je ne puis mettre en doute que les petits forts de la boie du Prince-Rupert
ne soient soumis.
Le général Lagrange a 3,000 hommes. L'amiral auglais ne se hasardera
point à débarquer les troupes qui sont à la Barbade pour reconquérir la Domi-
nique; il tittendra le secours de Londres; d'ailleurs, l'île ne lui importe pas;
son affaire est de suivre l'escadre française. Il ira à la Jamaïque, et de là à
Terre-^Neuve, et les Anglais tiendront les mers de la Martinique avec deux
seuls vaisseaux et quelques frégates. Les Anglais vont expédier 3,000 à 6,000
hommes à la Barbado; ils n'étaient point partis au 5 avril; ils ne seront point
arrivés avant le 15 mai; le général Lagrange ne sera point attaqué avant le
piqués de la prise des Iles de la Doniiniqac et do Sainte-Lacie. Ils seront bton plus
inquiets aujourd'hui, lorsqu'ils sauront le dîpart de mon eseadre de Toulon, sortie depuis
quaiorse Jours sans qu'on en ait encore entendu parler. Si elle arrive à sa destination, elle
pourra leur faire aux grandes Indes un mal plus considérable, car j'y si des intelligences
avec les Mabrattes, et c'est aux officiers d'artillerie et du génie que leur a envoyés le
général Decaen que sont dus les succès qu'ils ont obtenus dans les derniers temps.
Il parait que deux expéditions, de 5,000 à 6,000 hommes chacune, sont parties ofa se
préparent à partir, l'une pour les grandes Indes et l'autre pour les Indes occidentales. Ce
no sont ni des milices, ni des volontaires qu'on envoie, ce sont les meilleures troupes. Si
donc notre flottille reçoit le signal, et est favorisée par six heures de bon vent, de brume et
ûf* nuit, les Anglais, surpris, se trouveront dégarnis de leurs meilleures troupes.
Je suis fort content dos Lyonnais. J'irai voir leur fabrique aiiyourd'hui. Demain J'irai à
lu Cathédrale entendre la grand'messe de PAques. Je partirai mardi pour Ohambéry.
Napolbon.
Correspondance de Napoléon, 8578.
(1) Correspondance de Napoléon, 8582.
LB8 NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 511
I*' Juin; il aura donc eu trois mois pour se préparer à la défense. Mais les
Anglais attaqueront-ils au mois de Juin, au milieu de la saison des fièyres? je
ne le pense pas, ils n^ont pas de troupes. Il parait qu'ils envoient décidément
5,000 à 6,000 hommes aux Grandes Indes avec Comwallis. Mon opinion est
quMls enTerront 3,000 hommes à lu Barbade et 8,000 à la Jamaïque, et que le
gouverneur général de la Barbade aura l'autorisation de réattaquer au mois
d'octobre, s*il le Juge contenable.
L^amiral Villeneu\e est parti le i*' a\ril; il sera le 15 mai à la Martinique.
En cas de nécessité, il peut y débarquer plus de 5,000 hommes, compris les
Espagnols; lia do 18 à 20 Taisseaux de guerre. L'escadre anglaise ne sera pas
forte de la moitié. Si Sainte-Lucie n'est pas prise, il la prendra; et ces quatre
lies se trouveront dans un parfait état de défense. Si l'amiral Gantcaume y
arriTc, il peut y débarquer, si cela est nécessaire, plus de 5,000 hommes. Dans
cet état de choses, je penserais qu'il faudrait faire partir le général Magon;
sa mission attrait deux buts : 1" prévenir P amiral Villeneuve qu'au moment de
son départ Vamiral Ganteaume n'était point encore parti, mais était en appa^
reillage; î« renforcer Vescadre de Vamiral Villeneuve et lui porter Vordre d'at-
taquer une autre Ue anglaise, sHl jugeait en avoir le temps.
Un autre but qu^aurait l'envoi du général Magon» serait que si, par des évé-
nements qui ne sont pas calculables, l'amiral Villeneuve n'arrivait pas, il put
jeter ses 800 hommes dans les Iles et même se rétablir maître de la mer pen-
dant une quinzaine de jours, si les Anglais n'y avaient qu'un Taisseau. Ainsi,
si l'on suppose que l'amiral Villeneuve doit arriver à la Martinique, il n'y a
aucun inconvénient à faire partir sur-le-champ le général Mngon. Si l'on sup-
pose que l'amiral Villeneuve ne doive point arriver, il est nécessaire de faire
partir le général Magon pour porter secours à nos trois îles, puisque des
secours y sont nécessaires dès le moment qu'on a pris la Dominique. Enûn, je
pense que let frégates la Didon et la Cybéle doivent être prêtes à partir pour
porter 300 hommef de troupes, si l'amiral Villeneuve n'arrive point à la Marti-
nique, ou porter d'autres instructions à l'amiral Villeneuve, lorsqu'il sera
décidé que l'amiral Ganteaume ne part point, et que nous aurons, cependant,
des nouvelles de nos flottes de Cadix et du nombre de vaisseaux espagnols qui
s^y seront réunis; dès lort, nous saurons ce que nous avons à la Martinique.
Je renonce donc à l'expédition de la Perse ; j'y ai envoyé deux ministres par
terre. D'ailleurs, 2 frégates me sont trop nécessaires, puisque l'escadre de
Brest n'en a que 5. Quant k la frégate le Président, il faut qu'elle soit prête
aussi. Si l'amiral Villeneuve est arrêté en chemin et n'arrive point à la Marti-
nique, cette Arégate partira atec la Cybéle et la Didon pour porter 150 hommes
de plus. Si, au contraire, l'amiral Villeneuve arrive, et que la C y bêle et la
Didon parient sans troupe et pour porter des ordres, la frégate le Président
serti en réaenre pour en porter après. J*ai reçu beaucoup de lettres d'hommes
que j'entretiens & Londres ; leur opinion est que, si j'avais 6,000 hommes dans
le golfe de Gambaye, les Anglais seraient dans un péril imminent.
Quant aux instructions à donner à l'amiral Villeneuve par les frégates la
Cybéle et la Dicbn, dans le cas que l'amiral Ganteaume ne put pas partir, on
ne peut fixer ses idées que lorsqu'on saura de combien de vaisseaux se compose
l'escadre de l'amiral Villeneuve. Voila quatorze jours qu'elle est partie ; je la
suppose bien pr^s du détroit. En rémmé, il faut aujourd'hui faire partir le
312 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII. "
contre-amiral Alagon le plus tôt possible; qu'il porte 800 hommes , et s'il est
possible, sans que cela le retarde, il faut lui confier une flûte chargée de
vivres, ne fut-ce même que de farine. Gomme le général Magon sera instruit
de ce qui se passe sur le théâtre où il va, il aura soin d*aborder avec précau-
tion dans la Guadeloupe ou sur tout autre point que vous jugerez le plus con-
venable, afin qu'il puisse être informé de ce qui se passe. Donnez aussi Tordre
au général Magon de faire remplir ses soutes de poudre; il serait possible que
le fortUupert en coûtât une certaine quantité; quoiqu'il soit probable que le
général Lagrange en aura trouvé au fort du Roseau suffisamment pour le
siège. Cependant, cette précaution n'est pas inutile.
Quant aux lettres que le général Magon doit porter à Vamiral Villeneuve^
vous lui direz que voilà tant de jours écoulés depuis son départ, et que Gan-
teaume n'a pu encore partir; qu'il est sorti pfusieurs fois, qu'il est en très bon
état, et qu'il y a lieu d'espérer qu'au premier coup de vent il sera dehors; qu'il
ne doit pas s'impatienter ; il doit regarder ce^ dix-huit jours (i) dans ses instruc-
tions comme non avenus, et se concerter avec le général Lauriston et les diffé-
rents capitaines généraux pour faire tout le mal possible à l'ennemi pendant
le temps quil sera maître de la mer^ sans cependant s'éloigner assez pour que
l'amiral Ganteaume, arrivant, fut obligé d'attendre longtemps pour se réunir;
que je ne doute pas que Sainte-Lucie ne soit à nous.
Vous trouverez ci-joint une lettre adressée au Ministre de la guerre; vous la
remettrez à celui qui est chargé d'expédier les ordres au Ministre de la guerre,
et vous vous chargerez d'en faire transmettre le résultat à Rochefort,
Napoléon.
24 germinal an xiii (14 avril 1805).
Comment arrive-t-il que la Topaze ne soit pas encore rendue à Rochefort?
Elle pourrait être très utile à l'escadre du contre-amiral Magon.
Cette lettre est déjà bien longue. Je viens de traverser la ville de Lyon en
grande pompe, pour aller voir les manufactures, ce qui ne m'a pas empêché de
songer à nos affaires. Cette idée m'est venue, dont vous pouvez toujours
instruire l'amiral Villeneuve par l'amiral Magon, en lui annonçant que 3 fré-
gates et 3 bricks, prêts à partir, lui porteront définitivement des nouvelles de
l'amirai Ganteaume ; que si, cependant, rien de tout cela n'arrivait et qu'il
jugeât son retour imminent, mon intention est, s'il a sous son commandement
au moins 20 vaisseaux de ligne, compris les Espagnols, qu'il vienne au Ferrol,
où il trouvera certainement 15 vaisseaux français et espagnols; et, avec ces
35 vaisseaux, qu'il se présente devant Brest où, sans entrer, il sera joint par
l'amiral Ganteaume ; et avec les 56 vaisseaux que lui formera cette jonction,
qu'il entre dans le canal ; mais qu'il doit attendre à la Martinique plus de
temps que ne le portent ses instructions, parce que voilà vingt jours qui, sûre-
ment, sont perdus. Comme cette dépêche est de la plus grande importance,
j*ai dû récrire moi-môme ; vous la trouverez ci-jointe. Faites-là partir immé-
diatement pour Rochefort.
Napoléon.
(1) (sic) Les instructions portaient 40.
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 513
Au viœ^amiral Villeneuve (1).
Lyon, ti germinal an xiii (U arril 1805).
Monsieur le Vice- Amiral,
Vous devez être arrivé à notre lie de la Martinique avec lî de nos vais-
seaux et au moins 6 vaisseaux d'Espagne ; le contre-amiral Magon vous en
amène 2. Notre intention est que *t, trente-cinq jours après Carrivée du
contre'amiral Magon^ vous n^aviez aucune nouvelle de Vamiral Ganteaume,
que vous devrez supposer retenu par les circonstances du temp<t et le blocus de
r ennemi f vow opériez votre retour directement, et par le pltis court chemin, sur
le FerroL Vous y trouverez 15 vaisseaux français et espagnols qui porteront
votre escadre à 35 vaisseaux. Avec cette force, vous vous présenterez devant
Brest, y opérerez votre jonction avec les îi vaisseaux que commande C amiral
Ganteaume, sans entrer dans le port, et, avec cette armée navale vous entrerez
dans la Manche et vous présenterez devant Boulogne, Dans cette circonstance,
notre intention est que vous ayez le commandement de toute Tarmée navale.
Nous chargeons notre ministre de vous développer en détail nos intentions,
ainsi que de vous instruire de ce que vous devez faire pour vous assurer la
possession de nos lies de la Martinique, de la Guadeloupe, de Sainte- Lucie et
de la Dominique, et pour y joindre encore d'autres possessions; ce que vous
pourrez d'autant mieux exécuter que vous serez prévenu, huit jours d'avance,
de l'arrivée de l'amiral Ganteaume, si cet amiral vous joint, par un brick qu'il
doit vous expédier et qui, selon toute probabilité, doit gagner huit jours de
marche sur l'escadre. Vous vous concerterez avec les généraux Lauriston et
Lagrange, tant sur ce que vous devez faire pendant le temps que vous séjour-
nerez aux Iles Sous-le-Vent, que sur le nombre de troupes que vous devez y
laisser pour la sûreté de nos nouvelles possessions. Des frégates partiront suc-
cessivement pour vous instruire des mouvements de la rade de Brest. Nous
espérons cependant que le beau temps ne continuera pas et qu'un coup de vent
mettra enfin l'amiral Ganteaume h même d'appareiller.
Napoléon.
L'ordre du 14 avril, remanié à Paris, fut expédié le 17 ainsi
qu'une lettre adressée à l'amiral Grayina.
Le Ministre de la marine au vice ^ ami rai Villeneuve (i).
Le t7 germinal an xm (17 avril 1805).
Monsieur le Vice-Amiral,
L'amiral Ganteaume a vainement tenté jusqu'à ce jour de mettre sous voiles
(1) Correspondance de Napoléon, 8583.
(«) Archives de la Marine, BB»t, 130-34.
IV. 33
814 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.
pour remplir la mission qui devait vous réunir k lui ; trois fois il a appareillé
et trois fois il s'est trouvé dans Talternative de rentrer en rade ou de livrer
dans riroise un combat dont FEmpereur lui avait défendu de courir les
chances, parce qu une victoire même n'aurait fait que s'opposer, par des ava-
ries inévitables, à l'exécution des désirs de Sa Majesté. 11 n'a donc pu sortir
encore, mais il est tellement prêt à profiter des premières circonstances favo-
rables, qu'il est possible qu'il se joigne h vous à l'époque même où cette lettre
vous parviendra. Dans le cas de cotte réunion aux Antilles, telle qu'elle a été
prévue par les instructions de l'Empereur, on date du H ventôse an xiii, ces
instructions sont maintenues dans leur intégrité et cette dépèche n'a rien i\
Vous prescrire de plus que c^; qu'elles contiennent.
Mais j'ai l'honneur de vous adresser ci-jointes de nouvelles instructions de
Sa Majesté, en date du Î4 de ce mois, lesquelles doivent vous diriger pendant le
temps que vous attendrez V amiral Oanteaume. Elles vous déterminent la durée
de cette attente et enfin vous commandent ce que vous aurez à faire si, à texpi-
ration du terme fixé par Sa Majesté, l'amiral Ganteaume rCa point paru.
L'Empereur m'ayant ordonné de vous développer ses intentions sur Popë-
ration dont vous charge sa confiance, je vous informe qu'il est d'une grande
importance que vous éUiblissicjï entre vous et l'amiral Gravina, que je suppose
commander les forces espagnoles réunies à votre escadre, un concert et une
harmonie, qu'il y ait unité d'esprit et d'action dans tout ce qu'exigera le ser-
vice de Sa Majesté.
Vous devez enfin, conformément aux instructions de l'Empereur, vous
concerter avec le général Lagrange et le général Lauriston pour tout ce que
votre supériorité dans les Antilles permettra d'entreprendre pour nuire h
l'ennemi.
Sans doute la Dominique est en votre pouvoir; Sainte-Lucie doit y être
aussi.
Aux3,i00 hommes qu'a portés aux Antilles l'escadre du contre -amiral Mis-
siessy se joignent les 3,600 hommes que vous-même y avez portés. J'ai lieu de
croire que l'amiral Gravina a enfin ^,200 soldats de débarquement.
La volonté de l'Empereur est que ces troupes soient employées à Vattaque de
toutes autres lies anglaises susceptibles d'être enlevées par ces moyens et dans le
temps que Sa Majesté met à votre disposition. Ce qui surtout est très impor-
tant, c eiit de bien assurer la possession de la Martinique, do la Guadeloupe, de
la Dominique et de Sainte-Lucie par la distribution des garnisons et des
munitions qui sont nécessaires à leurs défenses.
J'écris à l'amiral Gravina pour le prévenir que l'intention de Sa Majesté est
que si les troupes espagnoles qu'il a à bord, et qui sont destinée! à un débar-
quement, sont nécessaires dans nos colonies pour y tenir garnison, il devra
les y débarquer et les laisser à la disposition des capitaines généraux ; il est
rocommandé à ceux-ci de traiter les troupes espagnoles comme troupes
d'élite.
I/amiral Gravina devra aussi débarquer les bouches k feu et munitions
embarquées sur ses vaisseaux.
Le grade éminent de cet officier général, la loyauté et la dignité de son
cai-actèrc, exigent qu'après avoir reçu sa parole sur le secret à garder, vous
lui communiquiez le plan, le but et les circonstance de toute l'expédition ;
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 515
TOUS le préviendrez que ce secret d'État n*cst connu que de lui seul ot que Sa
Majesté compte sur tout son zèle pour concourir, avec les taisseaui sous ses
ordres^ au succès de la noble entret)riBe à laquelle l'Empereur se platt à le
▼oir associé.
Si r amiral Ganteaume vous rejoint nitr Anlilhi, vous devrez être préparé à
le suivre immidiatement avec les forces des deux puissances; mais si le temps
donné par l'Empereur est exjnré sans qu'il ait paru, vos im tractions nouvelles
vous tracent V opération que vous avez à faire jusque devant le Ferrol.
Je TOUS préviens que le contre-amiral Gourdon est averti qu'il doit appa-
reiller, avec tous les yaisseaux espagnols qui sont dans ce port, sur le signal
qui lui en sera fait par une frégate qui commencera par les signaux de recon-
naissance du jour et qui, après qu'on lui aura répondu, hissera un pavillon
rouge à croix blanche, appuyé d'un ou de plusieurs coups de canon.
Vous devez donc, en atterrant sur le Ferrol, donner des ordres en consé-
quence à la frégate que vous détacherez pour faire appareiller l'escadre
combinée.
Mais le Ferrol qui, jusqu'à présent, a été bloqué par 0 ou 8 vaisseaux, le sera
probablement alors par un plus grand nombre.
Je ne puis que m'en référer h l'habileté et à la combinaison de tos manœu-
vres pour tâcher de surprendre et détruire la croisière ennemie sur ce point.
Les escadres du Ferrol étant réunies à votre armée, vous arriverez brus-
quement sur Brest; vous trouverez probablement 18 à 19 vaisseaux anglais
sur Ouessant; vous les détruirez autant qu'Usera possible; vous ferez seulement
entrer une frégate à Brest pour prévenir Vamiral Ganteaume de votre pré-
sence j mais l'armée n'y entrera pas.
Cette frégate, après avoir fait les signaux de reconnaissance du jour, tirera
des coups de canon par salves, pour faire connaître que vous arrivez.
U armée de Brest réitnie à la vôtre y et sous votre commandement général y
fera route avec V armée espagnole pour se rendre devant Boulogne; vous aurez
en attention de faire mettre à terre quelques courriers à Brest et sur la côte,
lesquels devront porter vos dépêches par duplicata h. Paris et à Boulogne direc-
tement, et, simultanément, une frégate sera \ Cherbourg disposée à vous ral-
lier, et aura A bord un officier qui vous donnera tous les renseignements que
vous pourrez désirer.
Arrivé devant Boulogne ^ vou% y trouverez V Empereur en personne, et lui-
même vous fera connaître ses intentions sur les opérations ultérieures et l'armée
navale.
Du succès de votre arrivée devant Boulogne dépendent les destinées du inonde.
Heureux Pamiral qui aura eu la gloire d'attacher son nom à un événement
aussi mémorable.
Je vous réitère. Monsieur l'Amiral, l'assurance de mon sincère attachement.
Cette dépêche vous parviendra par te contre-amiral Magon^ commandant les
vaisseaux l'Algésiras et /'Achille, qui resteront à vos ordres et feront partie de
votre escadre. Ces deux vaisseaux, qui reçoivent aujourd'hui l'ordre de partir
sans délai, doivent embarquer 850 hommes de troupes, destinés à tenir gar-
nison dans nos colonies. Ils doivent aussi embarquer autant de poudre supplé-
mentaire que leurs soutes pourront en contenir, et ce supplément de poudre
devra être débarqué dans celle de nos colonies qui en aura besoin.
ol6 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.
Le préfet de Rochefort reçoit ordre d'expédier par une flûte, à la suite du
contre-amiral Magon, un chargement d'environ Ï,<i00 quintaux de biscuit à
Pusage de Tarmée naTale, si elle en a besoin, et à celui des colonies, dans le
cas où il ne serait pas nécessaire à la flotte, mais je ne sais si cet approTision-
nement sera prêt assez à temps pour partir airec les deux yaisseaux; et, dans
ce cas, son arrivée sera plus incertaine.
Ci-joint une lettre dont vous arrêterez le cachet et que tous remettrez à
Tamiral Gravina.
Le Ministre de la marine à M. Vamiral Gravina, commandant les forces
navales de Sa Majesté Catholique (1).
Paris, lo il germinal an xiii (17 avril 1805).
Monsieur l'Amiral,
La conférence que vous avez eue avec Tamiral commandant les forces navales
de Sa Majesté l'Empereur et Roi, a dû vous faire connaître Timmense projet
conçu par Sa Majesté.
La dignité de votre caractère, votre dévouement au service de votre souve-
rain, et cet amour de la gloire qui vous distingue, sont pour Sa Majesté les
garants de l'ardeur avec l.iquelle \ous coopérerez à l'exécution de ses desseins.
L'amiral français commandant l'escadre à laquelle est réunie celle que Sa
Majesté Catholique vous a conflée, a eu l'ordre de vous communiquer le plan,
les détails et le but de la grande opération dont vont dépendre les destinées du
monde ; et, si les réunions sur lesquelles elle est basée sont eff'ectuées à la
Martinique seulement, il n'y a pas de doute que celles qui doivent se succéder
ne présentent plus que des probabilités de chances favorables; au moment
donc où vous lirez cette lettre, vous devez présumer de la réunion des 20 vais-
seaux au moins des deux puissances, que l'heure est venue où vont être vengés
les outrages commis par l'Angleterre pendant tant de siècles contre la France
et l'Espagne.
Dans cet état de choses, il est superflu, Monsieur l'Amiral, de vous demander
sur la communication qui vient de vous être faite, un secret dont vous sentez
toute l'importance.
Quelque chose qui amve, ce ne doit être que par son exécution que doit
être connue cette grande conception de l'Empereur, et Sa Majesté compte que
vous en resterez le dépositaire inviolable.
Il est recommandé à l'amiral Villeneuve d'établir entre vous et lui un con-
cert et une harmonie qui mettent entre les forces des deux puissances l'unité
d'esprit, de volonté et d'action qu'exige le succès des opérations.
Les troupes passagères qui ont été embarquées sur Vunc et Vautre escadres,
ne Vont été que dans l'intention d'égarer les idées de Vennemi sur leur desti-
nation.
L'intention de l'Empereur est que leur présence aux Antilles soit marquée
(1) Archives de la Marine, campagne 1805. BBiv, 323.
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 517
par des expéditions proportionnées à la durée du séjour qu'y feront les
escadres.
Le retour en Europe de ces troupes passagères ayant le grand inconvénient
d'encombrer les vaisseaux qui doivent avoir toute disponibilité pour le combat
et d'y consommer des vivres et de Teau qu'on n'aura pas le temps de rem-
placer, Sa Majesté veut que toutes les troupes expéditionnaires y soit de Vescadre
française y soit de celle de Sa Majesté Catholique^ soient débarquées aux An-
tilles pour y tenir garnison dans ces colonies, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu
à leur donner une autre destination ; et elle a ordonné à ses capitaines géné-
raux de traiter les troupes espagnoles avec des soins particuliers. Les bouches
à feu, armes et munitions de toute nature, embarquées sur l'une et l'autre
escadre comme faisant partie de l'armement expéditionnaire, devront aussi
être débarquées dans ces colonies, ainsi qu'il en sera convenu entre vous,
l'Amiral, et les généraux fran(;ai8.
Le retour simultané des deux escadres en Europe, prescrit par l'Empereur
dans ses instructions à l'amiral Villeneuve, devra être l'objet d'une attention
toute particulière pour éviter les séparations, car jamais la réunion constante
des forces combinées ne fut d'une plus haute importance; et vous saurez en
pénétrer tous les officiers sous vos ordres.
C'est avec la plus grande confiance, Monsieur l'Amiral, que Sa Majesté
compte sur l'application de tous vos soins et l'habileté de vos manœuvres dans
cette grande circonstance; vous savez quelle opinion elle a conçue de votre
valeur, de vos talents militaires, et de votre dévouement ; elle voit avec une
satisfaction particulière que votre nom va s'attacher à l'exécution de sa vaste
et glorieuse entreprise, qui doit arracher le sceptre des mers \ leur insolent
oppresseur.
Recevez, Monsieur l'Amiral, l'assurance de ma haute considération.
Les instructions de FEmpereur et du Ministre, rédigées avant
que l'on sache encore si Villeneuve a réussi à échapper à
Nelson, sont caractérisées par deux prescriptions absolument
nouvelles.
D'abord s'emparer de plusieurs colonies anglaises, mission
dont il n'a pas été question dans les instructions emportées
par l'amiral, puis, après le déblocus du Ferrol, entreprendre
celui de Brest, si Ganteaume n'a pu le forcer.
On verra plus loin quels obstacles se seraient opposés à la
réalisation de cette dernière entreprise et quelles objections
firent, à l'Empereur, Ganteaume et Decrès. Les deux amiraux
avec les hommes du métier furent d'accord pour affirmer que
l'arrivée de Villeneuve devant Brest déterminerait fatalement
une bataille à laquelle il était impossible que l'escadre blo-
quée prit part.
La condition essentielle du succès était donc que l'armée de
518 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VU.
Villeneuve fut à elle seule très supérieure à ce que lord
Cornwallis avait réuni ou pourrait réunir sous Ouessant.
En tous cas, cette fois, la pensée intimé de TEmpereur ne
peut plus être dissimulée. Si dans le plan du 2 mars il a passé
sous silence tout ce qui touche aux combats^ cette fois plu-
sieurs batailles sont prévues et certaines, au moins devant le
Ferrol et devant Brest. Cela revient à dire que la descente en
Angleterre 7ie sera tentée que si de grandes victoires navales
ont donné à la France^ unie à fEspagne^ la domination de la
mer.
Cet ordre partit de Rochefort le 1®' mai, emporté par
Tamiral Magon.
Avant que le plan du 14 avril eût été expédié, il avait déjà
reçu d'importantes modifications.
C'est seulement à partir du 20 avril que les nouvelles com-
mencent à arriver, relativement à ce qui s'était passé dans la
Méditerranée.
Ce jour-là Napoléon reçoit à Stupinigi un rapport très
précis sur le faux mouvement de Nelson au sud de la Sar-
daigne (1).
Le Ministre plénipotentiaire de Sa Majesté l'Empereur des Français
près la République ligurienne, à Son Excellence le maréchal
Berthier, ministre de la guerre.
Génos, le 27 germinal, an xui (17 i^vril 1805).
Monsieur le Maréchal,
Toutes les nouvelles qui peuvent concourir à éclairer les mouvements de
l'escadre anglaise de la Méditerranée, au moment où celle de Sa Majesté Impé-
riale est sortie du poi-t de Toulon, me paraissent d'un si grand intérêt que je
crois de mon devoir de tous transmettre celles qui me sont parvenues oe matin
par un bAtiment procédant directement de Sardaigne, en peu de jours. Voua
les trouverez détaillées dans la relation ci-jointe qu'un capitaine marchand a
faite au Bureau de la Santé de la ville de (Jones.
Il en résulte que l'amiral Nelson se trouvait le 3 avril avec son armée, com-
posée de i3 voiles, dont, à ce qu'il parait, 14 vaisseaux, dans le golfe de
Cagliari ; que, le même jour, il a mis à la voile pour le golfe de Palme, ou les
îles Saint-Piene. Ce môme capitaine marchand se rendant le même jour,
3 avril, à l'île Saint-Pierre, pour y achever sa cargaison de sels, a été forcé
(1) Correspondance de Napoléon, 8603. — Lettre à Decrès, tl avril.
LW ffOV\BAJJX ORDRES A VILLHNBCIVS. SI 9
par le maufais temps àe g^arrâter m cap MalAtano, d'où il a vu Ve$cadre
anglaise louvoyant ians les parages du golfe de Palme jusqu'au 6 avril.
Ce même bâtiment est parti des tles Saint-Pierre le il avril; il a fait sa
traversée en cinq jours, et n'a plus rencontré aucune escadre ni entendu
parler d'aucun événement h la mer*
Si la relation que j'ai l'honneur de tous transmettre est vraie, ainsi qu'elle
en porte tous les caractères, il serait démontré que notre escadre, sortie de
Toulai) le 3Q mars (0 germjpal), aurait «ept à boit jours d'avance sur l'armée
ennemie, ce qui la mettrait hors de la possibilité d'être atteinte, k moiu» d'une
eitraordinaire contrariété des vents, qui n'ont pas régné dans nos parages
depuis up moiSt
J'ai pensé que Sa Majesté Impériale pourrait recevoir avec plaisir ces rensei-
gnements, et j'ai pris la liberté de vous lea adresser.
Soqs quelques jours je me propose do me rendre à Alexandrie. Permette^*
moi de compter d avance sur vos bontés pour avoir l'honneur d'être présenté
à Sa Majeaté.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Maréchal, une nouvel lo assurance de mon
dévouement et de la plu^ haute considération.
Salicetti.
P, S, — Au moment où j'allais fermer ma lettre, la maison de commerce
de la Rue vient de me donner la nouvelle que notre escadre, en naviguant à
l'ouest, s'est emparée, sur le oap Martin, de la frégate anglaise le Spencer^ Je
n'ai pu savoir quel jour elle se trouvait à cette hauteur.
Mj^is l'Empereur i^diqit que Terreur de Nelson serait de
bien plus longue 4urée qu'elle ne le fut réellement. « Nelson,
dit-il, en effet, a encore une foiî» pris le change et probable-
ment fera un second voyage en Egypte Après y avoir
bien pensé, je préfère que Villeneuve vienne devant le Ferrol,
où il trouvera 15 vaisseaux, et même, s'il m'est possible, je
ferai entrer au Ferrol les 3 de Missiessy. Vous verrez aussi
que je ne prescris point à l'amiral Villeneuve de revenir sur-
le-champ, mais d'attendre 35 jours afin que mon escadre de
Brest ait le temps de le joindre ; par Dieu! pressez-la donc. »
Le 23, enfin, arrive la nouvelle de la jonction de Villeneuve
avec Gravina. Elle avait mis treize jours à parvenir à l'Empe-
reur (1).
(1) Archives de la Marine, BB>', 234.
Madrid, le t3 germipal aa x.iii (13 avril 1805).
Monsieur,
J'adresse en tonte hâte à Votre Excellence l'heureat* noaveUe de la jonetieQ df l'es-
cadre espagnole à la flotte française aux ordres de M. le Tiee-ainiral ViUeœafe.
S20 TROISIÈME PARTIS. — CHAPITRE VU.
Son premier effet fui de déterminer FEmpereur à faire
passer à Cadix ou à Toulon les 6 vaisseaux espagnols de
Carthagène.
A Monsieur Talleyrand (i).
Stupinigi, 3 floréal an xm (23 aTiil 1805).
Un courrier dC Espagne m'apprend la nouvelle que Villeneuve a joint Gra-
vina devant Cadix le 20 genninaL Mon intention est que yous écrÎTiez à Beur-
nonyiile que j*a\ais espéré 8 vaisseaux ; il n*y en a\ait que S, et Ton m'en
avait promis 6; que je désire qu'on active les armements du Ferrol, a6n que,
si Tescadre de Brest tardait à sortir, elle pût y trouver 8 vaisseaux au lieu des 6
qu'on m'avait promis. Ce n'est pas tout aujourd'hui que d'avoir des escadres à
la mer, il faut les soutenir. Il faut avoir ft Cadix des escadres considérables
qui obligent les Anglais à en tenir une pour les bloquer. L'escadre de Cartha-
gène, isolée, ne peut rien. Proposez au Prince de la Paix d'envoyer ces 6 vais-
seaux à Toulon, ce qui, avec les 2 vaisseaux que fy ai, obligera V ennemi à
craindre pour la Sicile et la Sardaigne et à tenir une escadre dans la Médi-
terranée. Si le Prince de la Paix y consent, je prendrai l'obligation de nourrir
et d'entretenir les équipages. Il faudra que l'escadre espagnole reçoive l'ordre
exprès d'agir selon mes instructions, sans être assujettie aux différents géné-
raux de la marine espagnole. Mon intention ne serait pas de faire sortir cette
escadre, mais d'en faire la menace; et, comme j'aurai là un camp de 4,000 à
5,000 hommes, je donnerai une grande inquiétude aux Anglais. Si le Prince
de la Paix ne prend pas ce parti, je pense que V escadre de Carthagène doit se
rendre à Cadix, où Ton activerait les armements de manière à avoir là une
escadre de i2 vaisseaux. Cela obligera les Anglais à en avoir 12 dans le
détroit, ou de s'exposer à voir tous leurs convois interceptés.
Recommandez donc à Beurnonville de faire sentir au Prince de la Paix
l'importance d'avoir une escadre considérable à Cadix.
Napoléon.
Au vice-amiral Ganteaume (2).
stupinigi, 3 floréal an xm (t3 avril 1805).
Monsieur l'Amiral,
L'amiral Villeneuve est parti, le 9 germinal, avec 11 vaisseaux de guerre,
C'est dans la soirée et dans la nuit du 19 germinal que M. l'amiral Gravina a appareillé
de Cadix avec 5 vaisseaux ci 1 frégate, et qu'il a rejoint la flotte fï'ançaise.
Le vaisseau ï Aigle et les deux corvettes que nous avions à Cadix ont également effectué
leur jonction, de manière que la flotte combinée étaitt dans la matinée du 20, forte
de 1 7 vaisseaux, de 7 /^égales et de h corvettes, à peine était-elle à la vue de Cadix .
Le Saint- Raphaël, vaisseau espagnol de 80 canons a touché dans la baie et n*a pu
suivre aussitét. Il a appareillé dans la soirée du 20, et comme il est bon voilier, on pense
qu'il ne tardera pas à atteindre la flotte.
Le GloHoso, 7* vaisseau de la division Qravina, était aussi sur le point de mettre à la
voile; il l'aurait fait si de nouvelles circonstances ne s'y étaient opposées.
(1) Correspondance de Napoléon, 8ôl5.
(2) Correspondance de Napoléon, 8619.
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. SU
6 frégates et 2 bricks. i> 19, â 5 heures du soir, il était devant Cadix, chas-
sant devant lui 6 vaisseaux, 2 frégates et À bricks anglais. Il a été joint à
rheure même par le vaisseau français V Aigle, une grosse cornette et un brick
français, et par 6 vaisseaux espagnols, À frégates et 2 bricks, commandés par
Tamiral GraTina. Le 20, à la pointe du jour, Vescadre combinée était hors de
vue. Un courrier que je reçois de Palerme m'apprend que, le même jour,
Vamiral Nelson était dans le détroit de Messine, semant Talarme et croyant
que Vescadre de Toulon allait en Sicile et en Egypte, Il comptait attendre
deux jours et naviguer sur Alexandrie. Vous connaissez Theureux résultat de
Texpédition du contre-amiral Missiessy, qui a pris la Dominique, et, je pense,
Sainte-Lucie. Il ne me reste plus qu'à apprendre la nouvelle de votre départ.
Je pense que vous et vos équipages êtes constamment à bord et prêts à proQter
du moindre mouvement. Je vous exprimerais difficilement toute Timpatience
que j'éprouve. Ne manquez aucune des occasions qui se présenteront, mais
maintenez K bord une sévère discipline, et tenez la main à ce que tout le
monde reste à bord. Augmentez les vivres de vos flûtes autant qu'il vous sera
possible.
Napoléon.
Au vice 'amiral Decrès (i).
Stupinigi, 3 floréal an xiii (23 avril 1805).
Monsieur,
Vous avez sans doute reçu le courrier de Cadix, A tout événement, je vous
envoie le journal du général Lauriston ; il parait que 5 vaisseaux et 1 frégate
ont rallié l'amiral Villeneuve ; qu'un 6* avait touché, mais allait partir. Le 20,
l'escadre réunie était hors de vue; il est probable qu'avant le iO de ce mois
(30 avril), elle sera rendue à sa destination. Nous sommes donc sûrs d'avoir
là une escadre de i/v ou au moins de 17 vaisseaux de ligne. Vous aurez sans
doute déjà fait partir l'escadre de Rochefort (Magon). Envoyez un nouveau
courrier et une nouvelle dépêche pour faire connaître à l'amiral Villeneuve
que je suis instruit de son départ; que Vamiral Nelson a été le chercher en
Egypte. T expédie un counier à Ganteaume pour Vin for mer de cet événement.
Dieu veuille que mon courrier ne le trouve point à Brest t Je vous réitère V ordre
de faire partir, tous les dix jours, un brick ou goélette, en prenant toutes les
précautions pour que les paquets ne tombent point entre les mains de V ennemi.
Envoyez un courrier en Espagne ; écrivez au Prince de la Paix que je juge
nécessaire que Vescadre espagnole de Carthagéne vienne à Toulon; que, dans
ce cas, je me chargerai de la nourrir; ou bien que cette escadre se réunisse à
Cadix; qu'il faut qu'on arme sans délai à Cadix les 7 vaisseaux qui y restent,
de manière à avoir en rade 12 ou 13 vaisseaux, et que ces vaisseaux appareil-
lent souvent pour obliger les Anglais à en avoir là le même nombre, et leur
faire craindre l'interception de leurs convois. Vous lui direz que le Ferrol sera
débloqué au moment où l'on s'y attendra le moins; qu'il est donc conveutible
(1) Correspondance de Napoléon, 8617.
Mï TROISlàMB PARTIS. — OHAPITRB VII.
qu0 le fiombre de yaissefiui qui y sont soient toujours prêts, et qu'il hui méfne
Taugmenter, selon le retard de l'escadre française, et faire en sorte d'en pré-
parer jusqu'à <0. Enfin, faites connaître au Prince de la Paix que les plus
heureux résultats pour les deui nations seront le prix de ses e^orts; qu'il ne
faut point s'endormir; qu'il hu\ tenir les Anglais dans une alarme et dans
une incertitude perpétuelles, et leur porter à l'improviste des coups ten*ibles
partout où se porteront nos escadres. Vous lui parlere? du cas que je îm de
lui, et de la confiance que j*ai dans son activité et dans son zèle pour la cause
commune.
Faite* battre le ban et Varrière-ban pour faire armer la Topate^ qui nous
devient aujourd'hui bien nécessaire pour porter des nouTcUes.
Enfin voyez, si fescadre de Brest ne sortait pas et que l'amiral YiUenepve
dut Tenir au Ferro], s'il ne serait pas bon d'avoir nos 5 vaisseaux disponibles*
Les équipages ne peuvent manquer, puisque j'ai envoyé au Ferrol i frégates
et i brick, qui peuvent fournir des équipages aux vaisseaux.
Tenez encore secret le pauage à Cadix et le départ dei escadres. Faites
mettre dans les journaux hollandais qu*une escadre française a débarqtté en
Egypte, i 0,000 hommes; que V amiral a manœuvré avec beaucoup d^ habileté
pour tromper Nelson; qu'il a feint de passer le détroit, mais que pendant la
nuit il l'a repassé et est allé sur la côte d'Afrique; que l'amiral Nelson, averti
que l'escadre française était destinée pour l'Egypte, s'était d'abord dirigé sur
la Sicile ; que le ^0 germinal jl était arrivé ^ Palerme, mais qu'il a été instruit
que l'escadre avait pjissé le détroit ; qu'il s'était à V instant mis à 9a poursuite,
et était arrivé devant Gibraltar comme Vescadre française avait passé le cap
Bon et naviguait sur Alexandrie, ayant plus de quinze jours d*avance sur
V amiral Nelson. Faites mettre dans le journal de Francfort que les rapports
sur la sortie de l'escadre française sont des plus contradictoires; que les uns
prétendent que cette escadre a trompé plusieurs fois Nelson par de fausses
manœuvres et de fausses routes, et qu'en dernière analyse elle a été rencontrée
se dirigeant sur TÉgypte.
Napolbqn.
Le succès des premières opérations allait aussi déterminer
J'Jiînpereur h exiger aux Antijles des opérations cqnsidérftblep
et dont il n'avait jamais été encore question.
Monsieur,
Au vice-amiral Deorès (1).
Stupinigi, 3 floréal an xiii (t3 avril 1805),
Un courrier que je reçois de l'amiral Ganteaume, du 25, me dit qu'il est
près de partir; c'est avec bien de l'impatience que j'attends la nouvelle
qu'il est enfin parti. J'ai vu avec phinr que vous aiwi donné V ordre au
(l) Correspondance de Napoléon, 8618.
LBg NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 588
général Magon de partir; je voiu recommande de nouveau Ve:tpédition de
bricks et de goélettes; répétez par le premier qui partira, et recommandez au
général Villeneuve de faire tout le mal quil pourra à Vennemi en attendant
Vomirai Ganteaume, puisqu'avec les Espagnols et les Français j*ai beaucoup de
troupes là. Qu'on prenne Saint-Vincent y Antigoa, la Grenade ; et pourquoi ne
prendrait-on pas la Barhade ? Je laisse à Totre disposition d'envoyer des
hommes pour reprendre Tahago ou la Trinité^ où les Espagnols seraient mer-
veilleusement employés. Je vois, par les états que j'ai reçus, qu'il y a
1300 l^ommes d'infanterie ou d'artillerie espagnols embarqués sur l'escadre et
300 hommes de cavalerie, ce qui fait t<)00 hommes. Voilà la récapitulation des
troupes que j'ai aux lies du Vent :
koBunfs.
La Martinique avait \ ,800
La Guadeloupe avait 1 ,600
Le général Lagrange a amené 3,400
Le général Lauriston a amené 3,S00
Le général Magon emmène 840
10,840
Il est vrai que le général Lauriston ne doit débarquer qua 1|00 hommes,
maii à la rigueur il les débarquerait tous s'ils étaient nécessaires pour garder
de nouvelles colonies. J'ai donc 10,840 hommes, et, en y joignait 1600 Espa-
gnols, j'ai 19,440 hommes. Avec ces foroes, je puis très bien occuper toutes les
Iles du Vent. Il y en a, je crois. diï(, en comprenant la Trinité et Tabago.
Une fois conquises, les 1600 Espagnols seront suffisants pour garder la Tri-
nité, puisqu'ils ne manqueront pas de recevoir du secours de leur continent, A
Tahago, 500 hommes poun%iient suffire, en retranchant tout de suite le morne
et s'y approvisionnant. Toutefois, il y a des calculs de vent et des circon-
stances particulières qui doivent déterminer à laisser celles de ces colonies qui
éloigneraient trop de la route. Si Tabago et d'autres petites Iles étaient impos-
sibles à garder, on pourrait, après les avoir occupées et en avoir fait la gar-
nison prisonnière, n'y laisser aucune troupe, si ce n'est quelques hommes et
un officier pour maintenir la police et organiser des milices de paysans avec
un drapeau. Il ne faudrait point maltraiter l'Ile de Tabago, parce qu'elle est
française ; mais pour les autres colonies anglaises qu^on jugerait devoir aban-
donner, après les avoir occupées, on pourrait en tirer la moitié des uoirs, lever
une contribution sur les habitants, en ôter l'artillerie et vendre les noirs à la
Martinique et à la Guadeloupe. C'est ainsi que les Anglais ont fait plusieurs
fois et ont tiré parti de leurs prises.
L'amiral Villeneuve sera toujours sûr d'avoir dix jours devant lui, vu la
précaution qu'aura l'amiral Ganteaume d'expédier en sortant une frégate
bonne marcheuse. Il est probable qu'elle fera assez de chemin pour gagner
plusieurs jours sur l'escadre. Vous sentez que, l'escadre de l'amiral Gan-
teaume arrivant, les forces se trouveraient augmentées de plus de
9,000 hommes, ce qui me maintiendrait maître de tous ces pays.
Nàpqléqn.
524 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.
Voici SOUS quelle forme les intentions de TEmpereur furent
exprimées par le Ministre de la marine.
Au vice ' amiral Villeneuve (1).
Paris, le 9 floréal an xiii (t9 avril 1805).
M. le Vice-Amiral,
L'amiral Ganteaume est toujours prêt à partir, avec toute Tarmée, etTimpor-
tance qu'il y a à ce qu'il tous rallie ne cesse d'être signalée par des messages
pressants qu'il reçoit de Sa Majesté.
Une flotte anglaise, composée de 2â vaisseaux de ligne, est toujours en
présence et s'oppose d'autant plus aux mouvements de l'amiral Ganteaume
qu'un engagement à la sortie de Brest, quelles que fussent ses chances, est
entièrement opposé au plan des opérations auxquelles il est appelé.
L'Empereur a été informé du succès de votre réunion devant la baie de
Cadix et de la célérité de la jonction de l'escadre espagnole ; notre manœuvre
a complètement trompé l'ennemi et V amiral Nelson court après vous en Egypte,
Vous ne saurez trop exprimer et réitérer à l'amiral Gravina tout le plaisir
que m'a fait l'habileté de son appareillage et l'Empereur, qui en a été informé
sur-le-champ, en a éprouvé une satisfaction toute particulière. Sa Majesté,
pleine de sollicitude sur le grand objet auquel vous êtes appelé à concourir si
éminemment, a donné ordre au contre-amiral Magon de se rendre aux
Antilles pour se ranger sous votre pavillon, et je joins ici le duplicata de la
dépêche que je vous ai adressée par cet officier général (i).
J'attends, au moment où je vous écris, le courrier qui doit m'annoncer qu'il
a mis à la voile.
Dans tout état de choses, il ne faudrait pas moins que des circonstances
majeures pour vous déterminer à quitter la Martinique avant son arrivée, et,
lorsqu'elle aura eu lieu, pour vous empêcher de vous conformer au contenu
des instructions de Sa Majesté ; toutes celles que vous avez reçues jusquHciy
Monsieur le vice-amiral, se sont toutes accordées sur ce joint que votre séjour
aux Iles du Vent devait être marqué par la conquête des possessions anglaises,
ou au moins par des expéditions qui anéantiraient pour longtemps la prospé-
rité des établissements apiiartenant à V ennemi
L'impartialité historique fait un absolu devoir de signaler
tout particulièrement cette dernière phrase : « Toutes celles
(les instructions) que vous avez reçues s'accordent » Rien de
plus inexact, ainsi qu'on l'a vu et que le fera plus tard remar-
quer Villeneuve (3). Jamais Tamiral n'avait eu d'autre ordre
que celui d'attendre Ganteaume à la Martinique, sinon celui du
(1) Archives de la Marine, BBi», 230.
(2) C'est Tordre da 14 avril, expédié par Decrès le 17, de Paris.
(3) Voir ci-dessous.
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 525
14-17 avril, non encore reçu, et qui devait arriver après celui
du 29. D'ailleurs, la minute de la lettre du 29 avril porte rela-
tivement à cette phrase et de la main du Ministre en marge la
mention suivante : « J'ai remarqué que cette phrase avait été
« mise à tort dans ma correspondance. » Ainsi tombe le
reproche que Ton devait plus tard faire à Villeneuve d'être
resté à peu près inactif pendant la première partie de son
séjour aux Antilles et Decrès lui-même couvrira sur ce point
son subordonné (1).
Puis les instructions continuent en ces termes :
L'attention de TEmpereur est constnmmerît fixée sur les grandes opérations
auxquelles la flotte combinée sous Totre commandement est destinée; il cal-
cule tous ses mouvements, les périodes probables de sa navigation, les entre-
prises qu'il peut attendre d'une réunion de forces aussi imposantes, et aujour-
d'hui même j'ai reçu encore de Sa Majesté l'ordre de vous retracer les
intentions qu'elle vous a déjà exprimées.
U Empereur compte que, lorsque celle dépêche vous parviendra, plus de
12,000 hommes de troupe se trouveront aux iles du Vent, en récapitulant celles
qui formaient récemment les garnisons de la Martinique, de la Guadeloupe,
celles parties de Rochefort sur l'escidre du contre-amiral Missiessy, celles em-
barquées à Toulon et à Cadix sur la flotte combinée, et enfin le détachement
de 850 hommes qui va partir, ou qui est déjà parti de Rochefort sur les vais-
seaux VAlgésiras et V Achille.
Avec une telle masse de troupes, appuyées par 20 vaisseaux de guerre et
7 frégates, Sa Majesté regarde comme très posnble d'expulser les Anglais de
toutes leurs colonies des tles du Vent; mais, en même temps, elle ne se dissi-
mule pas que les événements de la mer, et d'autres circonstances, peuvent
apporter des lenteurs dans les expéditions à faire poiu* opérer U réduction de
tous ces établissements, ou empêcher de laisser dans les tles conquises des
garnisons suffisantes pour en assurer la conservation.
Dans ce dernier cas, il faudrait que l'entreprise, faite sur une possession qui
ne serait pas gardée, équivalût presque par ses résultats aux avantages d'une
entière conquête ; ainsi, les forts devraient être démantelés, l'artillerie et les
munitions de guerre devraient être portées dans nos colonies, ou jetées à la
mer si elles ne pouvaient être embarquées ; des contributions devraient être
levées sur les habitants et la moitié des noirs devraient être retirés de ces iles
anglaises pour être vendus à la Martinique et h la Guadeloupe. V Empereur
compte aussi la Trinité au nombre des conquêtes importantes qu'on peut espérer
de la réunion des forces de terre et de mer qui se trouvent aux Antilles, et Sa
Majesté pense que cette Ile, aussitôt qu'elle serait soumise, serait suffisamment
défendue par les i600 Espagnols qui ont été embarqués à Cadix sur l'escadre
de l'amiral Gravina.
(1) Voir ci-dossous.
526 troisiAmb partie. — chapitre vu.
D'ailleurs, cette garniàon pourrait être facilement renforcée par les secours
que les commandants de la Trinité seraient à portée de recetoir de la terre
ferme.
Ce que je viens de vous marquer, Monsieur le vice-amiral, ne s'ajoute point
à ce que Sa Majesté a demandé aux généraux k qui elle a confié le comman-
dement de ses forces de terre et de mer.
Lorsque je tous rappelle, d'après ses ordres, ce qu'elle attend de Tamiée
réunie aux lies du Vent, je vous fais ressortir toute la gloire qui vous en est
réservée.
Toutes ces entreprises, Monsieur le Vice-Amiral, doivent être subordonnées au
grand objet de l'opération essentielle qui doit couronner les armes de Sa Majesté.
L'intention de l'Empereur est que, si l'amiral Ganteaume appareille, il
expédie en avant le meilleur voilier de son armée poiir vous prévenir de son
arrivée; il est présumable que ce bfttiment précédera Tamiral de dix jours;
aussi les expéditions doivent être combinées de manière que, du moment où
vous serez averti de l'approche de l'amiral Ganteaume, vous puissiez rallier
toutes vos forces dans les dix jours qui suivront l'arrivée du bi\timent expédié
par cet amiral.
Ces intentions de l'Empereur, je ne les transmets qu'à vous dans cette occa-
sion, et pour diminuer le danger de l'indiscrétion des expéditionnaires, mais
je réfère aux instructions de l'Empereur lui même sur le concert que vous
devez entretenir avec les officiers généraux qu'il vous indique, pour l'exécution
de ses ordres
Decrks.
En somme, entre les ordres des 13 et 14 avril, expédiés le
17 de Paris et ceux qui sont rédigés le 29, il n'y a pas de
différence essentielle.
La caractéristique est Tordre donné à Villeneuve de faire
de grandeà expéditions aux Antilles, puis de se diriger aur
le Ferrol 30 à 35 jours après l'arrivée de Famiral Magon.
Ce dernier partit de Rochefort le l^*" mai avec ses deux vais-
seaux et rejoignit l'armée combinée à la Martinique le 4 juin.
11 lui portait la lettre de FEmpercur du 14 avril et celle du
Ministre datée du 17.
Quant aux instructions du 29, elles n'étaient pas encore
expédiées de Paris que Decrès recevait la lettre suivante de
TEmpereur :
Au vioe^ amiral Decrès (1).
Stupinigi, 7 floréal an xm (t7 avril 1606).
Monsieur,
Votre courrier du 3 floréal ne m'apporte aucune nouvelle des Indes; les
(1) Cotrespondance de Napoléon, 8612.
LES NOUVEAUX ORDRES A VILLENEUVE. 587
pièces que vous m'avei envoyées ne contiennent rien ; le nom de Linois n'y
est pas même prononcé, et JUgnore la situation des choses dans ce pays.
La lettre qu'a reçue Vanlerbeghe a été écrite par Beurnonville, cela est par
trop ridicule ; faites-lui en connaître mon mécontentement Dans les affaires
de cette nature, le secret doit toujours être essentiellement jçardé.
Ce sera par Paris que TAngleterre apprendra cette nouvelle, et elle le saura
sept ou huit jours plus tdt qu'elle n'aurait dû le savoir, résultat immense pour
nos opérations. Recommandez-lui d'être désormais plus circonspect.
J'imagine que l'escadre de Rochefort partira; s'il y a empêchement et que
vous jugiez à propos de faire partir une des deu\ frégates de Loricnt, je n'y
vois pas d'inconvénient, bans tous les cas y mon intention est que Villeneuve
arrive devant le Ferroly quand même Vescadre de Bochefort ne Saurait pas
joint; il aiS vaisseaux; il est impossible qu'il en trouve plus de iO devant le
Ferrol,
Je suis surpris de ne pas recevoir des nouvelles de la Martinique ; il est pro-
bahle que le brick qui a été expédié aura été pris. l\ est impossible qu'en pres-
sant, comme vous le faites, l'escadre de Rochefort, en faisant partir une fré-
gate de Lorient, et une corvette ou un brick de Bayonne ou de Bordeaux,
l'amlfal Villeneuve ne soit pas instruit^ et que, de ces trois points si éloignés,
quelque chose ne lui arrive. J'espère encore dans le départ de Ganteaume,
Napolkon.
Cette fois le retour sur le Ferrol était prescrit en tout état
de cause et, pour la première fois, il n'était pas question d'un
délai imposé à Villeneuve pour attendre Ganteaume aux
ÂntiUes.
Decrès écrivit donc le l®' mai une autre lettre qu'il annexa
sous forme de post-scriptum à celle du 29 avril (1).
(1) Les instnictions qu'emportait la Didon comprenaient à la fuis celles du 14 avril et
celles du 29, car la lettre de Decrès en date du 29 porte cette mention : « Je Joins ici le
dupUeata de la dépêche que Je vous ai adressée par cet officier général (Magon) > et la
lettre du l*' Juin de Villeneuve (voir ci-dessous), fournit un accusé de réception complet.
Ce fait échappa à l'Empereiir qui écrivit lorsqu'il apprit le départ do la Didon :
Au vice-amiral Decrès.
Milan, 21 floréal an xni (11 mai 1805).
J*ai appris le départ de la Didon (1). Assures le vice-amiral Thévenard que Je récom^
penserai ses services à la première occasion ; puis, qu'il est encore utile à Lorient. Fixez
toute son attention sur le Régulus.
J'ai vu avec peine que, par la Didon, vous n'ayes pas envoyé copie de ma dépêche que
porte Magon à Villeneuve. S'il arrivait malheur à Magon, et que la Didon arrivât heureu^
sèment, Villeneuve ne saurait que faire.
{Correspondance de Napoléon, 8716.)
(2) Archives de la Marine, BB»', 230.
528 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VII.
Au vice^amiral Villeneuve (1).
PAris» le 11 floréal an xm (l** mai 1805).
Les intentions de VEmpereur sont toujours les mêmes {sic), soit que l'amiral
Magon TOUS rejoigne, soit qu'il ne vous rallie pas dans le délai exprimé par
vos instructious, tous fissiez toujours TOtre retour sur le Ferrol, parce que
TOUS aTez 18 Taisseaux et qu'il est impossible que Tennemi en ait plus de iO
sur ce point, lorque tous y arriTerez.
Sa Majesté tous recommande, ainsi qu'aux généraux arec qui tous aTez à
TOUS concerter, de signaler Totre présence aux Antilles par les entreprises les
plus glorieuses pour son paTillon et ses armes.
Le général Magon me mande qu'il est prêt à appareiller, et il est probable
qu'il TOUS arriTera en même temps que ces dépêches.
Degrés.
La lettre ministérielle du 29 avril complétée le !«' mai, un
duplicata de celles du 17 et du 13 avril, furent immédiate-
ment envoyés à Rochefort, d'où la frégate la Didon les
emporta le 3 mai.
Villeneuve reçut cette correspondance le 30, quatre jours
avant l'arrivée de Magon.
Tels furent les derniers ordres que reçut Villeneuve avant de
revenir en Europe.
(1) Archives de la Marine, BB^v, 130-197,
CHAPITRE VIII
LA TRAVERSÉE DE L'OCÉAN ET LES PREMIÈRES OPÉRATIONS
AUX ANTILLES (16 MAI AU 4 JUIN)
Le rapport de Villeneuve donne peu de détails sur la tra-
versée de rOcéan(l) par cette escadre en désordre et qui ne
put se rallier avant l'arrivée à destination :
Rapport du 17 mai.
... Ma navigation jusque dans les colonies a été heureuse, quoique bien
gênée par la marche détestable de plusieurs vaisseaux, tels que le Formi-
dable, V Intrépide et particulièrement V Atlas.
J'ai TU fort peu de bàtimeuts, que j'ai fait chasser par les frégates sans pou-
voir faire de prise.
Après avoir dépassé les Canaries, j'ai expédié mes deux meilleures frégates,
VEortense et VHermione, avec ordre de me précéder jusqu\^ quarante lieues de
le Martinique et de faire en sorte de joindre les vaisseaux espagnols, séparés de
Tescadre, si toutefois ils se trouvaient de Tavant, à elle, dans la crainte qu'ils
ne trouvassent devant le Fort-de-France des forces supérieures. L'amiral Gra-
vina chargea le capitaine La Meillerie, de VHoriense, de ses ordres pour ses
vaisseaux, dans le cas où il parviendrait h les joindre.
Le 23 floréal (13 mai), j'ai rejoint ces frégates; elles n'avaient eu aucune
connaissance des vaisseaux espagnols, mais elles s'étaient emparées de la cor-
vette anglaise la Cyane, de 24 canons et 125 hommes d'équipage, commandés
par l'honorable capitaine Gadoyan. Le même jour, j'ai eu connaissance de l'ile
de la Martinique ; le 24, au point du jour, j'ai donné dans le canal de Sainte-
Lucie et, arrivé devant la baie du Fort-de-France, nous y avons découvert trois
vaisseaux espagnols et une frégate qui louvoyaient pour y entrer; les deux
escadres y ont mouillé dans la journée.
(l) Archives de la Marine, BB'^, 130-197.
IV. 34
530 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VIII.
Le 26, le vaisseau espagnol le Saint-Raphaél, le seul qui n'eut pas encore
rallié, a paru devant la baie et y a mouillé le même jour. S. E. M. Famiral
Gravina a mis un zèle et une activité à sortir de Cadix avec son escadre, et à se
réunir à celle de Sa Majesté, qu'il ne m'appartient pas de qualifier ; je dois me
borner à faire connaître à Votre Excellence que la meilleure intelligence et le
meilleur esprit règne dans toutes nos communications, et si j'éprouve de l'em-
barras, il provient de toutes les déférences qu'il ne cesse de me témoigner
dans toutes les circonstances.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
YlLLBNSUVB.
Par le journal de Reille et la table de loch du vaisseau
V Atlas, on peut reconstituer la traversée d'une façon plus
précise (1).
Du 22 au 25, les vents d'ouest nous ont fait courir dans le sud jusque sur le
cap QuantiQ, que nous avons reconnu,
Le2S, les vents ayant passé k la partie de Test ont permis de faire route
à l'ouest.
Les 26, 27, 28, 29 et 30, bon vent filant 5 à 6 nœuds.
Le 30 (20 avril), l'amiral a expédié les frégates VHermione et VBortense
pour aller se placer à quarante lieues de la Martinique, où doit se rendre
(I) Archives de la Marine, BBiv, 231. — La traversée de l'Atlantique.
Table de loch du vaisseau TAtlaa.
10 avril (20 germinal), mimillé devant Cadix à 7 h. 45 in matin ; à 1 h. 80 mis
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33*55
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12*33
32*45
12*29
32*02
14*07'30^ Sans ordi
Sl»08
16*16'36'
30*10
18*36'80*
22*10
12*06
28*04
24*22
26*55
26*26
25*52
28*34
24*36
30*42
24*14
32*42
23*48
33*33
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iDs l'ouest. J'SD éuis fc 7 lieu
Be qui m'a doond aœ erreor de 30 lieaes i, l'eit et de 5 pu (t'/jji6fe) obMrrt.
LonTOji tenta la Dutt — a.D jonr dann^ du» le cuul Sainte-Lucie , , . . cbaqne laias'
■ mmœuTrt ponr g»«nor le mouillage de Port-Rojsl ^ tu au fond de U baie quatre ti
Il loarojant.
532 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VIII.
Tarmée, et tâcher de railleries vaisseaux espagnols, ^i pourraient bien arriver
ayant. Ce parti devenait nécessaire par la fausse mesure de n*avoir pas rallié
Tarmée. Les i*% 2, 3 et 4 floréal, bon vent. Du 4 au 6, faibles brises. Le 6,
par les ^ degrés de longitude, les vents ont passé à Touest et ont obligé
Tarmée de faire route au sud-sud-ouest. Le 12 (2 mai), les vents étant venus
à l'est, l'armée a repris sa route. Les 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22
(12 mai) bon vent. Le 23 (13 mai), à 1 h. 1/2 du matin, on a signalé trois
bâtiments. L*armée a rais en panne pour attendre le jour. Après les signaux de
reconnaissance, ces bâtiments nous ont rejoints; c« sont les îréf^iesV Hermione
et VHortense, et une corvette anglaise de 26 canons qu'elles ont prise. Le
même jour, à 1 heure après midi, on a signalé la terre, que nous avons vue
bientôt après être Vile de la Martinique, Vers les 3 heures, Tarairal a fait
prendre b&bord amures pour louvoyer la nuit et attendre au lendemain à aller
mouiller au Fort-Royal. Les h^gates ont attendu Tarmée six jours dans ces
parages et n'ont eu aucune connaissance des vaisseaux espagnols séparés.
Le 24 (14 mai) au matin, Tarmée est entrée dans le canal pour aller mouiller
au Fort-de-France. Un des vaisseaux avancés a donné chasse h un petit cutter
anglais qui a été se réfugier sous le rocher le Diamant.
Cette petite lie, sur laquelle nous voyions assez de monde, avait d'abord mis
pavillon français ; ensuite, nous ayant reconnu, elle a mis pavillon anglais et a
tiré quelques coups de canon sur les vaisseaux qui en passaient le plus près
(nous avons su ensuite que les Anglais l'occupaient depuis longtemps). Les
vigies ont signalé bientôt après des vaisseaux de guerre devant la rade de
Fort-de-France, que nous avons reconnus pour être les vaisseaux le Firme, le
Terrible, V Espagne et la frégate la Magdalena ; il était impossible d'arriver
plus à propos et plus heureusement. Dans la journée, tous les vaisseaux sont
entrés et ont mouillé. Le 25 (15 mai), on a donné des ordres à tous les vais-
seaux pour faire de leau. Un brick a été envoyé pour croiser devant le Dia-
mant et intercepter la communication avec Sainte-Lucie. Les officiers géné-
raux et supérieurs sont descendus à terre pour voir le capitaine général, etc.
Le 26 (16 mai) au matin, on a signalé un vaisseau de guerre ; il est venu au
mouillage dans la journée : c'est le Saint- Raphaël. Ce vaisseau espagnol, ayant
touché en sortant de Cadix, n'a pu partir que le lendemain. Voilà donc toute
C armée réunie après une séparation qui aurait pu lui être funeste,
_e 16 mai, Tarmée combinée avait achevé son ralliement à
la Martinique par Farrivée du vaisseau espagnol le Saint-
Raphaël,
Les forces de Villeneuve se trouvaient ainsi portées à
18 vaisseaux, montés par 5,088 hommes (i).
) Archives de la Marine, BB^, 230.
Rapport de Decrès.
Le vaisseau V Aigle, la corvette la Torche, le brick VAj'gus et six vaisseaux espagnols.
LA TRAVERSEE DE L OCEAN.
533
Dès l'arrivée de l'escadre, dit le Journal de Reille, l'amiral avait donné
l'ordre de faire l'eau et l'on s'en est occupé tous les jours suivants ; les frégates
ont été faire la leur à Saint-Pierre ; il eût été i\ désirer que l'armée, après avoir
fait de l'eau, eût pu entreprendre quelque chose sur les îles anglaises, mais
des ordres précU la retenaient à For t-de- France ; on aurait pu cependant
envoyer quelques frégates.
On ne s'y décida que le 28 mai, après 14 jours d'inactivité.
Pourtant Villeneuve parait, dès le 21, avoir pensé à une
entreprise sur l'île de la Dominique toute voisine de la Marti-
nique.
Au général Ernouf, capitaine général de Vile de la Guadeloupe
et dépendances (i).
Général,
Le \" prairial an xiii (21 mai 1805).
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire ; le général
Lauriston, qui se rend auprès de vous, vous dira des choses qu'il est impos-
sible de confier au papier. J^ai le plus grand désir de inarquer par quelque évé-
nement notre apparition dans ces mers ; la nature ae ma mission m'empêche de
portant 1930 hommes de troapes rallient le vice -amiral Villeneuve, et l'escadre combinée
se trouve composée comme il soit :
Bucentaure, vaisseau.
Formidable^ —
Neptune, —
Indomptable» —
MonUBlanc, —
Pluton, —
Swiftsure, —
Scipion, —
Atlas, —
Intrépide, —
Bervoick, —
Aigle, —
Hermione, frégate.
Comélie, —
Horiense, —
Rhin, frégate.
Thémis, —
Syrène, —
Magdalena, ftrégate espagnole.
l Torche.
corvettes..) ^^^^
^ . . \ Furet.
Bncks.....} ^^^^,
Vaisseaux espagnols.
Argonaute 80 canons.
Raphaël 80 —
Terrible 74 -
Sirène .... 70 —
Espana 64 —
America • . . . • 64 —
En tout 29 voiles.
Troupes françaises de l'autre part 3,332 hommes.
Troupes espagnoles 1 ,930 —
Total 5,262 hommes*
A défalquer malades d'après la situation du 26 mai. . 174 —
Rbstb 5,088 hommes.
(1) Archives de la Marine, BBiv, ^30.
584 TROISIÈMB PARTIE. — CHAPITRE Vin.
rn écarter dés parages de la Martinique ou de la Guadeloupe; vous en serez
convaincu après avoir causé avec le général Lauriston ; mais je crois que oe
serait bien entrer dans les Tues de l'Empereur et faire une chose aussi avanta-
geuse pour nos autres colonies, si nous mettions à profit le temps que je dois
rester ici en nota emparant de la Dominique; Tnspect des forces que nous pou-
vons y conduire et un peu de vigueur dans Tattaque doivent nous la faire
emporter. Je penche beaucoup, pour diriger nos efforts, sur la Dominique
plutôt que sur Antigue ; la première nous sera d'une utilité plus permanente,
lorsque je ne serai plus ici, et elle peut être destinée à une réunion bien dési-
rable i\ la paix. Antigue nous offre des difficultés maritimes pour la descente ;
l'escadre qui y serait employée aurait plus de peine à s*y maintenir et à com-
biner les opérations avec celles des troupes, par les brises fraîches qui régnent
en cette saison, et je m'y trouverais plus éloigné du point qu'il est si intéres-
sant de ne pas perdre de vue.
Je vous engage fort, mon général, de bleil conférer avec le général Lau-
riston sur les moyens qui peuvent être réunis, et voyez si nous ne pouvons
pas emporter, dans huit à dix jours, ce poste qui nous tient ainsi séparés de la
Martinique et dont l'existence, après l'apparition des deux eioadres, aurait
toujours besoin de justific«ition.
Le vice-amlràl Villeneuve à Son ExoellMoé te MInletfii de /a marine
et de^ ooloniee (1).
A bord da vaisse&a le Bucentaure, en rade de Port-de-Prance,
le l*' prairial an xiii (21 mai 1805).
Monseigneur,
Nous vous expédions, le capitaine général et moi, le brick le Lynx (2), pour
vous informer de l'arrivée de l'escadre dans ces mers et de la situation de la
colonie. J'ai atterri sur la Martinique le 23 floréal (13 mai) au jour, et j'ai
mouillé au Fort-de-France le ii (14 mai). L'escadre aux ordres du contre-
amiral Missiessy en était parti le 2 germinal (23 mars), conformément à vos
ordres. J'ai demandé à être nourri des magasins de la colonie pendant le
séjour que je pourrais y faire; j'ai trouvé dans le préfet colonial, M. Laussat,
toutes les dispositions favorables pour faire tout ce qui sera en son pouvoir
pour cet objet, et j'espère qu'une partie des vivres que j'aurai consommés sera
remplacée.
L'eau de l'escadre est faite. J'attends avec une vive impatience l'arrivée de
l'escadre de Brest, et je suis prêt à la suivre au premier signal qui m'en sera
fait. Dans le cas où elle ne serait pas arrivée le 2 messidor (22 juin)^ c'est-à-
dire le 40° jour de mon arrivée à la Martinique, je partirais pour suivre la des-
tination qui m'est prescrite dans mes instructions; elles portent que je doii me
rendre devant la baie de Saiitiago des Canaries» Je ne connais pas de baie de
(1) Archives de la Marine, BË>v^ J30-?03.
(2) Les dépêches portées par le Lynx parvinrent au Ministre le 1 1 juillet. (Registre de
correspondance de la marine, BB'v, 230),
LA TaATBRSBB DE L'OOBAN. B3S
Santiago aux Canarietf maiêt comme l'objet de la croisière que Je dois faire est
de chercher à intercepter les convois allant et venant de Vlnde, je suppose que
c'est de Vile de Santiago et de la rade de la Praya, aux lies du Cap-Vert^ dont
il doit être question, et cW ters ce point que Je me dirigerai pour y établir
une croisière autant que me« titres pourront me le permettre.
Noui atons ici des nouirelles de Santo-Domingo, du 10 floréal (30 aTril). Il
parait que tout y Ta bien« que les bandes de Dessalines ont été complètement
battues et qu^elles ont été obligées de se retirer dans la paHie française.
Je regrette beaucoup d'avoir à paraître devant ce port, car j'ai des vaisseaux
qui marchent si mal, que j'aurai de la peine à remonter dans le Tent pour
débarquer entre Satito-Domingo et Porto-Rico. Le Formidable, Vlntrépide et
Y Atlas, ainsi que deux vaisseaux de Tescadre espagnole, rendent la marche de
Tescadre extrêmement pesante.
Des rapports indirects annoncent qu'une forte escadre a été vue de Saint-
Thomas et de Porto-Rico, On la supposait française, je ne puis le croire.
Serait-ce une escadre anglaise qui, me croyant destiné pour la Jamaïque, s'y
serait dirigée à ma poursuite? C'est ce que l'avenir nous apprendra, mais
comme je n'ai pu recueillir aucun renseignement positif ni sur la force de
cette escadre ni sur Tépoque de son apparition, je n'en puis rien pr^uger.
La terreur est dans les lies anglaises, la loi martiale y a été proclamée. Il
n'y a rien de si pénible que Vinaction dans laquelle me retient la nature de ma
mission. J'ai proposé, en attendant, de faire une attaque sur la Dominique^
mais les renseignements qui ont été obtenus font penser que cette lie est à
l'abri de toute insulte en ce moment, la garnison étant renfermée au morne
Gabril, qui exigerait un siège long et difficile. Sainte-Lucie a paru également
à l'abri d'un coup de main ; cependant une attente de quarante jours est bien
longue et bien pénible, et si une force anglaise s'est portée sur la Jamaïque» il
est bien possible qu'elle ait le temps de remonter ici avant l'expiration de ce
terme de rigueur.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
Villeneuve.
L'escadre signalée était celle de Gochrane, forte de 6 yais«
seauXé Partie de devant le Ferrol, elle fut signalée le 4 mars (1 )
devant Lisbonne, puis elle se porta sur la Jamaïque où elle
laissa 4 vaisseaux. Les deux autres rallièrent plus tard Nelson
à la Barbade.
Tout dans les instructions du 2 mars éta t subordonné à la
jonction avec Ganteaume. Si cet amiral n'arrivait pas avant
40 jours, Villeneuve et Gravina allaient faire croisière de
prise aux Canaries. Rien ne les autorisait encore à penser
que leur mission put alors se combiner avec la grande opé-
(1) Correspondance de Napoléon, 8582, 13 tTril.
S36 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VIU.
ration de descente en Angleterre si l'escadre de Brest ne les
ralliait pas.
En l'attendant, aucune opération n'était prévue et c'était
de la part de Villeneuve faire preuve de grande initiative,
que de tenter une entreprise contre la Dominique. Pour la
préparer, Lauriston pai*tit le 22 mai avec deux frégates pour
aller chercher des troupes à la Guadeloupe. Le 25, il était
de retour.
Martiniqae, Pori-de-France, 6 prairiftl an xm (26 mai 1805) (1).
Monseigneur,
Nous Toilà donc arrivés à notre destination et fort heui*eusement. Nous eus-
sions cependant désiré faire quelque rencontre depuis le détroit, tous Toyei
comme l'intérêt me gagne, mais plus encore Tenvie de faire du mal à
Tennemi.
Toute TEurope dit que les vaisseaux anglais couvrent les mers; dans la
Méditerranée nous n'en avons pas rencontré, dans POcéan nous n'en avons
trouvé qu'un seul, et encore aux atterrages.
Depuis douze jours nous sommes arrivés, depuis ce temps nous sommes en
appareillage, nous attendons vos ordres.
Je suis allé le 2 (22 mai) à la Guadeloupe avec deux frégates, j'y ai pris des
renseignements sur la situation et les besoins de cette colonie ; ils sont très
satisfaisants.
Je n'entre pas dans des détails, que le capitaine général et le yice-amiral
Villeneuve donneront à Votre Excellence; quant à moi, je n'ai encore rien
fait, et je désire faire beaucoup et bien.
Je suis, do Votre Excellence,
Le très humble et très obéissant serviteur.
Alex. Lauriston.
Le vice-amiral, grand officier de la Légion d'honneur, commandant en
chef l'escadre impériale dans les mers de l'Amérique, à Son Exoellence
le Ministre de la marine (2).
Lo 6 prairial an xtit (S6 mai 1805).
Monseigneur,
Voulant mettre à profit le séjour de l'escadre dans ces mers, pour donner
au moins quelque inquiétude au commerce ennemi, je fais partir les trois fré-
gates VHortetise, VBcrmione et la Thémis, pour aller croiser au vent des îles
anglaises; je prescris au capitaine de VHortense d'être de retour à la Marti-
(1) Archives de la Marine. — Colonies : Ile de la Martinique et dépendances, 1805.
BBrv, 233.
(t) Archives de la Marine, BB»v, 230.
CARTE DES FBTITEH ANTILLES.
Nés Viçrtf es
^X ■^" ' ^'
* - Barboude
-S-Croix .j^chris4he
^ ^Aniitfoa
l.ileMoJlserrst ^.'»
Guadeloupe /ri^^r^/l.debOèsiracfe
».A*i«|g|Jrj-.V «Marie Galante
C.pdu[V"Rup.r^Q^^.„.^„^
Fort de /ra/ï«^îSMartinique
Ile elPV du Diamant^
JS- Lucie
S'VincenU Barbade^
538 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE Vm.
DÎque le 22 de ce mois (H juin), et, dans le cas où il trouverait Tescadre
partie, il trouterait aussi des ordres et instructions sur sa destination ulté-
rieure et un point de rendez-vous.
J'ai pour objet aussi, en détachant ces frégates, d'obtenir des nouvelles et
des renseignements sur ce qui se passe, tant dans ces mers que dans celles
d'Europe, par les bâtiments qui peuvent en arriver, car ici il n'arrive rien, et
je ne sais absolument rien de ce qui se passe.
Je ne me crois pas autorisé à détacher des vaisseaux dans la circonstance
actuelle, et vu l'importance des mesures prises par le gouvernement. J'ai espéré
qu'à tout événement vous ne désapprouveriez pas que j'aie détaché des fré-
gates pour nuire au commerce de l'ennemi, utiliser leur séjour dans ces mers
et procurer quelques ressources à l'escadre et à la colonie, par les prises
qu'elles peuvent faire.
Je prie Votre Excellence d^agréef l'hommage de mon profond respect.
Villeneuve.
Ces trois frégates mirent à la voile le surlendemain 28.
Jusque4à ou n'avait guère fait autre chose que de mettre la
Martinique en état de défense.
Il a été débarqué différents objets d'artillerie pour achever de mettre l'tle de
la Martinique dans un bon état de défense, 360 fusiliers du 67* ont été débar-
qués et incorporés dans le 8i^ régiment, qui a été organisé à deux bataillons.
La compagnie d'artillerie a été également débarquée (1).
Le 29 mai, Villeneuve décida d'enlever le petit îlot du Dia-
mant situé à la pointe sud-oubst de la Martinique.
« La conquête de cette roche, si voisine de la Martinique,
« était d'autant plus importante que rennemi, en Foccupant,
« interceptait ainsi toute la navigation de cette colonie (2). »
Le Phiton^ le Berwick et la Sirène^ avec des chaloupes et
des canots et 200 hommes de débarquement, furent chargés
de cette opération.
Le lendemain 30, ces forces arrivèrent trop tard pour com-
mencer l'attaque avant la nuit.
Le môme jour un événement important vint modifier la
situation de Tarmée navale.
(( Ce même jour, la frégate la Didon arriva de Lorient en
(1) Joornal de Reille.
(2) Rapport d'ensemble de Decrès sur les opérations de Villeneave, t2 juillet 1805.
LA TRAVERSÉE DE L*OOÉAN. 639
26 jours, et est entrée avec les 3 frégates qu'elle avait ren-
contrées {{). »
On se souvient que partie le 3 mai, c'est-à-dire le surlen-
demain du départ de Tamiral Magon» la frégate la Didon
emportait toutes les instructions jusqu'au 1®' mai inclus.
Celles-ci impliquaient le retour en Europe, si dans un délai
de 35 jouts Oanteaume n'avait pas paru, et la marche sur le
Ferrol, mais en outre Tobligation d*entreprendre de vigou-
reuses opérations aux Antilles. Enfin, les nouvelles que Ton
donnait de Nelson devaient amener Villeneuve à compter sur
un temps assez considérable avant de voir se produire une
attaque que sa supériorité numérique pouvait Tempêcher de
craindre. Voici comment Villeneuve comprit son nouveau
rôle.
Fort- de -France, à bord du vaisseau de S. M. I. le Bucentaure,
le 12 prairial an xm (!•' Jotn 1805) (t).
Monseigneur,
La frégate la « Didon >» est arrivée avant-hier 10, elle m'a apporté votre
dépêche du 9 floréal (29 avril), à laquelle était Joint un duplicata de celle du
fi germinal (17 avril) et de mes nouvelles instructions.
Je ftuifl assurément au désespoir du retard qu'éproutc Tarritée de M* l'amiral
Ganteatime, mais Je h*aî pu lire sans bien de Tétonnement le paragraphe de
▼otre lettre du t7 où tous me dites t Toutes celles que vous avet reçues jus^
qu'ici, Monsieur, se sont toutes accordées sur ce point que votre séjour aux lies
du Vent devait être marqué par la conquête des possessions anglaises, ou au
moins par des expéditions qui anéantiraient pour longtemps la prospérité des
établissements appartenant à rennemi.
Comment ai-je pu trouver Vordre de faire des expéditions contre les posses-
sions ennemies dans des instructions qui me prescrivent, en arrivant à la Mar^
Unique, de remplacer mon eau le plus promptement possible, de me tenir tou-
jours en appareillage au premier signal qui me sera fait par Vamiral
Oanteaume, qui doit passer et ne pas même mouiller, de me faire nourrir des
magasins de la colonie pendant le temps que je serais à la Martinique, et que
de Vexécution de ces mesures et du départ de Varmée navale dépendent les des-
tins du monde, lorsque de son côté le général Lauriston avait Tordre de
débarquer, en arrivant à la Martiifique, la majeure partie de ses troupes et de
son artillerie et de ses munitions de guerre. Tout cela est exécuté : les hommes
et Tartillerle sont h tetTc, nous allons les embarquer et songer K faire quelques
expéditions ; mais je vous proteste que je ne sais par où commencer. Depuis
un mois, l'ennemi est informé de mon arrivée, il s'est fortifié sur tous les
points, ses bâtiments de commerce sont enfermés dans des ports fermés ou ont
(1) Journal de Reille.
(2) Archives de la Marine, BBi^, 280-tlo.
540 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE VIII.
filé à la Jamaïque et dans les îles neutres, et je ne m attends pas à de grands
succès, du moment que toute opération pouvant traîner en longueur ou
eii géant un siège nous est interdite.
Cependant, comme je vous vois condamner d*avance une inaction dans
laquelle mes instructions seules in avaient enchainé, il était venu de moi de vouloir
en sortir dès mon arrivée, et je le prouve par la lettre ci-jointe que j'écrivais
au général Ernouf, le i*' de ce mois. Je ne veux pas, par là, justifier mon
inaction, mais vous faire connaître qu'elle m'était insupportable. Quoi qu'il en
soit, dès que l'afiaire du Diamant sera terminée, nous partirons pour attaquer
soit Antigue, soit la Barbade. Les dispositions sont prises pour embarquer
l'artillerie et les troupes.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
Villeneuve.
A bord du vaisseau de S. M. I. le Bucentaure, en rade de Fort<le-Pranoe,
Martinique, le 12 prairial an xm (!•' juin 1805) (1).
Monseigneur,
J'ai reçu, par la frégate la Didon, le duplicata des nouvelles instructions de
l'Empereiu". Je vous ai mandé combien il était fâcheux que mes instructions
précédentes, ne m'aient pas mis en mesure d'agir dès le moment de mon arrivée.
Aujourd'hui tout est bien différent : l'ennemi est sur ses gardes, il avait été
prévenu, par la frégate le Mercury, expédiée par V amiral Orde et arrivée le
t mai, de ma sortie du détroit; elle m'avait précédée de treize jours. Voilà,
par conséquent, plus d'un mois qu'ils se préparent à notre visite. Cependant,
nous allons nous mettre en mesure d'exécuter les ordres de l'Empereur.
Les intentions de Sa Majesté seraient que f attende encore dans les colonies
trente-cinq jours après V arrivée du général Magon; mais. Monseigneur, je
vous prie d'observer que Vétat de mes vivres ne me permet pas absolument
d'attendre un terme aussi reculé (2). En effet, je suis parti de Toulon avec six
mois de viyres pour 11,500 rationnaires composant les équipages de l'escadre ;
les passagers ont porté t\e nombre à près de 15,000, en sorte que mes six mois
de vivres n'équivalent pas à quatre mois et demi. Quels que soient la bonne
volonté et l'empressement du préfet colonial de la Martinique, il aura beau-
coup de peine à me réunir la valeur d'un moisdeyivres pour toute l'escadre, et
ce sera excéder les facultés qu'il a en son pouvoir. Me voilà donc avec cinq
mois et demi de vivres à dater de mon départ de Toulon. Je ne puis pas
entreprendre les opérations qui me sont prescrites à moins d'avoir, en partant
d'ici, au moins deux mois et demi de vivres ; et, en calculant sur la marche
pesante de l'escadre et sur les calmes qu'on éprouve en cette saison, trois mois
ne seraient pas de trop.
Je suis parti de Toulon le 9 germinal, c'est-A-dire depuis deux mois et trois
jours ; je ne puis plus compter par conséquent, de ce moment-ci, que sur
(1) Archives de la Marine, BB>^, 230-218.
(2) A comparer avec la lettre de l'Empereur du 30 avril.
LA TRAVERSÉE DE L'OCÊAN. 541
trois mois douze jours de Tivres, et là-dessus je ne compte pas les déchets
journaliers par la vétusté des vivres, et nous allons entreprendre une opéra-
tion ; mais je ne puis pas vous répondre que, suivant les événements, je ne
serai pas obligé de quitter immédiatement après les Antilles par le défaut de
vivres et, dans ce cas, ce serait mon retour sur le Ferrol directement, ainsi
que me le prescrivent mes instructions.
Je prie Votre Excellence d'agréer Thommage de mon respect.
P. S. — L'escadre espagnole est dans le même cas pour ses vivres et,
depuis son arrivée à la Martinique, Tamiral Gravina a réduit la ration d'un
qaart, qu'il paye en argent comptant à ses équipages.
ViLLENEUX'E.
L'expédition du Diamant, déjà entamée, exigea trois jours
de combat contre un adversaire de force tout à fait minime (1).
Le 41 (31 mai) au matin, le Diamant a été enlevé. A la première volée des
vaisseaux, la batterie du bas a été abandonnée et le débarquement s'est fait
avec beaucoup d'ordre et de bravoure.
L'ennemi, retiré sur la cime et dans des cavités de rocher, a fait pleuvoir
une grêle de pierres et faisait une fusillade qui nous a tué et blessé quelques
hommes. Cependant, on s'y est étibli. Gomme il n'y avait avec le haut de com-
munication qu'avec des échelles, il a été impossible de grimper. Le 12 (1*' juin),
les vaisseaux ont canonné encore le rocher, mais l'ennemi se cachant dans des
grottes, les boulets ne pouvaient pas l'incommoder. Le 13 (2 juin), quelques
matelots et grenadiers sont parvenus, par le moyen de cordes, à monter et à
s'emparer d'une grotte où étaient les vivres de la garnison ; de suite, elle a
mis le pavillon parlementaire et s*est rendue prisonnière avec une capitulation
qu'on a bien voulu lui donner. Sa force était de 128 hommes. La Didon
ayant porté les ordres d'agir, on a rembarqué l'artillerie de campagne et
(>U0 hommes du 84^ le 14 (3 juin) ; le 15 (4 juin), les bâtiments qui étaient au
Diamant sont rentrés.
Extrait d'une lettre adressée au Ministre de la marine par le contre-
amiral Villeneuve (2).
A bord du vaisseau le Bucentauret en rade du Kort-de-France,
île do la Martinique, le 15 prairial an Xiu (4 juin 1S05).
L'occupation du poste le Diamant par l'ennemi paralysait les communications
des divers quartiers de la colonie et portait un tort considérable aux habitants
et aux commerçants, qui désiraient ardemment de s'en voir délivrer. Depuis
(1) Journal de Reille.
(t) Archives de la Marine, BB'^, 230.
54S TROISriBMB PARTIE. — OHAPITBE VIU.
Umftenipt, le eapiUiiie général, indigné de toît les eoiUetm britanniques sur
ce rocher, afait oonçu le projet de les en chasser; il a désiré fkire œ eoup de
main avec les troupes de la colonie, sans le seeours de celles de Teipédition ; il
m*a demandé seulement d'y employer deux Taisseaux et quelques bâtiments
légers.
Il entrait trop dans mes instructions d'assurer, par tous les moyens pos-
sibles, la sâreté de la colonie et ies sTantages pour ne pas me prêter au fOMi
du capitaine général et de le seconder de tous mes moyens. J'ai, en consé-
quenee, chargé de cette expédition le capitaine de vaisseau Cosmao, qui fit foile
pour le Diamant avec quatre chaloupes et quatre canots armés. Le 11 prairial,
les Taisseaux sVtant élevés au vent du Diamant, donnèrent dans le canal, entre
le roc et la terre ; leur feu fit bientôt taire les batteries basses que Tennemi y
ayait établies, et les chaloupes et canots, ayant les troupes à leur bord, purent
aborder le roc sur le seul point qui (ut abordable.
Rien n*égale les preuves de courage et de résolution qui furent données dans
cette ooeasion.
Cette affaire, peu importante en elle-même, peut être considérée comme un
beau fait d'armes par les difficultés qu'elle présentait et la réunion des moyens
de défense que Fennemi avait rassemblés. Elle fait le plus grand honneur à
tous ceux qui y ont été employés, aux capitaines Cosmao, Demay, au lieute-
nant de vaisseau Fournier.
Je dois TOUS citer IVnseigne de vaisëOdU llacquet qui, par son courage et
son activité, a contribué particulièrement au succès de cette expédition.
VlLLEKKl'N-B.
A cela s'étaient bornées les entreprises de Villeneuve
depuis son arrivée aux Antilles. Mais on sait que cette
inaction, plus tard si durement reprochée à Famiral, est
justifiée par le texte môme des ordres du 2 mars. Decrès
lui-même osa prendre la défense de son subordoimé (1).
Dans toute autre circonsUnce, l'armée auniit pu s«» livrer à des entreprises
plus marquantes, mais il est à observer que, par ses ordres primitifs, le vice-
amiral Villeneuve était retenu à la Martinique Jusqu'à l'arrivée de l'armée
navale de Brest, que l'expédition sur la Dominique et quelques autres îles
anglaises n'avait aucun résultat, et qu'enfin Tamiral ne sachant rien de ce
qui se passait, et ne connaissant pas la marche des escadres ennemies, devait
se borner à l'objet qui lui était recommandé, celui de sa jonction avec l'amiral
Gantcaume.
L'arrivée de Magon avec ses 2 vaisseaux de 74, ÏAJgésiras
(1) Rapport d'ensemble, loc. ciL
Ul TaAVBR8BE DK l'oCÉàN. S43
et V Achille et ua renfort de 861 soldats (1) porta les forces
des alliés h 30 vaisseaux, dont 14 français et 6 espagnols.
Par une singulière coïncidence, le même jour, 4 juin, Nelson
arrivait à la Barbade et y ralliait les deux vaisseaux de
Tamiral Gochrane depuis longtemps dans ces parages.
Parti du cap Saint- Vincent le 11 mai au soir, Nelson était
le 14 à 38 lieues de Madère, d'où il écrivait : « J'aimerais bien
mieux pour ma santé être allé en Angleterre on ne pen-
sera pas que c'est une partie de plaisir, de poursuivre jus-
qu'aux ludos occidentales 18 vaisseaux quand on n'en a que
10 avec soi. )i La traversée se poursuivit sans incidents à
raison de 135 milles par jour soit 5 à 6 nœuds à Theure
parfois on atteignit la vitesse de 9 nœuds (2). Le vieux vais-
seau le Superb retardait Tescadre. Pourtant, le 21 mai, Nelson
comptait arriver à la Barbade le 3 ou le 4 juin (3). « J'espère
disait-il à cette occasion, que Gochrane va nous renseigner sur
l'ennemi. Je crois toujours que son but est la Jamaïque, mais
beaucoup opinent pour Surinam, la Trinité d'autres
croient que les Français débarqueront des troupes à Saint-
Domingue Ils avaient 35 jours d'avance sur nous, nous
en aurons bien gagné 14 sur le passage. Ils seront donc arri-
vés 17 jours avant nous à la Martinique, où je pense bien
qu'ils iront. Je ne jetterai pas l'ancre à la Barbade » En
chemin il avait rédigé un « plan d'attaque » ayant surtout
pour objet de mettre ses capitaines en demeure d'agir de leur
propre initiative sans attendre de signaux. « Si les deux esca-
dres sont toutes deux décidées au combat, il y a peu à manœu-
vrer ; le moins sera le mieux, car on perd facilement un jour
ainsi. Le premier procédé consistera à percer la ligne ennemie
(1) Dépôt.
l^ légion da midi 50 hommes.
Z* bataiUon du midi 185 —
3* bataillon colonial 78 —
t6* de ligne 78 —
!•' régiment suisse 171 —
l** demi-brigade suisse tOO —
!»• demi-brigade helvétique 99 —
Total 861 hommes.
(2) Mahan.
(3) Lettre au capitaine Keath du Supet^à.
544 TROISIÈME PARTIR. — CHAPITRE YlII.
en son centre, à re virer de façon avec tout votre inonde, à
engager 5 ou 6 vaisseaux seulement, laissant Tarrière-garde
ennemie maîtresse de faire ce qu'elle veut. ... Le second est
de courir sur le vaisseau de tête, de telle sorte que l'ennemi
ne puisse savoir si je passerai au vent ou sous le vent. Je ferai
alors le signal d'engager Fennemi sous le vent pour couper sa
ligne à hauteur du 6« vaisseau Courant grand largue,
nous le couperons comme nous voudrons. Les vaisseaux de
tête de rennemi, au moment où notre arrière-garde arrive-
rait par le travers du vaisseau d'avant-garde, seraient coupés
et notre avant-garde ne pourrait éviter des avaries. Je ferai
donc virer notre dernier vaisseau, puis tous les autres, Tun
après l'autre pour continuer le combat, soit avec le vaisseau de
tête, soit avec le second, suivant celui qui paraîtra le plus
éprouvé Les autres vaisseaux ennemis seront assez loin
sous le vent pour qu'après avoir écrasé les 5 ou 6 premiers,
nous ne nous soyions pas mis en état de les recevoir. . . Il n'y a
pas de signaux à faire pour de pareils mouvements, lorsque
chacun est résolu à faire son devoir »
Le 3 juin, à 8 heures du matin, on apprit positivement, par
deux bâtiments de commerce, la présence de Tescadre fran-
çaise aux Antilles. Le lendemain, à 6 heures du matin, on était
en vue de la Barbade et les vaisseaux mouillèrent à 4 h. 50
du soir dans la baie de Carlisle. Là se trouvait l'amiral
Cochrane avec le Northumberland^ et bientôt après arrivait son
second vaisseau le Spartiate,
CHAPITRE IX
L'IMMOBILITÉ DE GANTEAUME ET LA RENTRÉE DE MISSIESSY
(DU V AU 20 MAI)
Bien qu'aucun des ordres donnés par l'Empereur, dans la
période dans laquelle nous allons entrer, ne soit parvenu à
destination, les mesures prescrites après le 27 avril sont utiles
à connaître comme symptômes de l'état d'esprit de Napoléon,
comme preuve des difficultés rencontrées dans le maniement
d'escadres lancées au loin sur les mers, enfin comme origine
des ordres ultérieurs.
Dès le 29 avril, Napoléon écrivait la curieuse lettre suivante
où, prévoyant Téchec de Villeneuve, il édifiait un projet tout
à fait imprévu : une expédition aux Indes orientales.
Au vice-amiral Decrès (1).
Stupinigi, 9 floréal an xm (29 avril 1805).
J'attends avec bien de Pimpatience le départ de l'escadre de Brest et de
Rochefort. Je m'imagine que vous a^ez déjà fait partir quelques goélettes et
bricks ; il est bien instant que VilleneuTe soit instruit. Je suis bien surpris que
TOUS n'ayez pas de nouvelles directes de Missiessy. Toutes les nouvelles que je
recois, c'est que 5,000 ou 6,000 hommes aux Indes ruineraient la Compagnie
anglaise. Dans le cas que, par des événements quelconques, notre expédition
n'ait pas un plein succès et que je ne puisse pas arriver au plus grand de tous
les buts, qui fera tomber tout le reste, je pense qu'il faut calculer Vopération
de VInde pour septembre. Il y a aujourd'hui beaucoup plus de moyens qu'il y a
(1) Con^espondance de Napoléon, 8654.
IV. 35
546 TROISIÂMB PARTIE. — CHAPITRE IX.
quelque temps. On pourrait toute la baser sur le départ de l'escadre de Brest
et sa jonction avec celle du Ferrol, puisque cela ferait 36 vaisseaux de guerre.
Faites-moi connaître la saison où Ton pourra faire l'expédition d'Afrique.
Écrivez donc en Espagne pour le cinquième vaisseau et, en désarmant s*il est
possible une frégate, je me trouverai avoir le nombre de vaisseaux néces-
saires.
Voyez à Brest si Ton peut, sans décider que Ganteaume ne peut sortir,
s'attendre à être débloqué par Villeneuve. Voyez donc alors de tâcher d'y
joindre V Océan; quand il ne suivrait pas Tescadre, il pourrait prendre part
au combat, car vous ne doutez pas que Tescadre de Brest ne se batte, et un
vaisseau h trois |)onts de plus no peut être que d'un grand avantage.
Napoléon.
Ce qui est bien plus sérieux, ce sont les inquiétudes mani-
festées dès le lendemain par TEmpereur lui-même, au sujet
de l'exécution des ordres qu'il a donnés, particulièrement au
sujet de ce délai de 35 jours imposé à Villeneuve, qui peut
avoir de graves inconvénients et qui, on vient de le voir,
donne déjà à Tamiral des préoccupations très justifiées.
•
Au Woe-amrra/ Deorèt (1).
Asti, 10 floréal an xui (30 avril 1805).
Monsieur,
J*ai relu avec attention les instructions données à Tamiral Villeneuve. Je
suppose qu'il arrivera à la Martinique le 15 (5 mai) de ce mois ; que dès lors
il en partira pour se rendre, par Santo-Domingo, dans la baie de Santiago le
25 prairial (14 juin), y restera vingt jours (2) et, après, entrera à Cadix. Si
r amiral Magon pari avant le 20 ou le 25 floréal (15 mai), il lui porte Vordre
(C attendre trente-cinq jours, et après de se rendre, par le plus court chemin,
devant le Ferrol, L'amiral Magon n'arrivera pas avant le 20 ou le 25 prai-
rial (9 ou iÂjuin) et V amiral Villeneuve devra attendre jusqu'au 1«' thermidor
(iO juillet); il ne serait alors rendu devant le Ferrol que le i^^ fructidor
(19 août). Ainsi donc Tamiral Villeneuve est parti le 9 germinal (30 mars) ;
lorsqu'il arrivera devant le Ferrol^ il y aura cinq mois qu'il sera parti et il
n'aura plus qu'un mois ue vivres, en supposant que, pendant son séjour à la
Martinique, il ait consommé les vivres de son escadre, ce qui n'est pas pro-
bable, surtout pour son biscuit. Toutefois dans cette hypothèse, qui est la plus
désavantageuse, il aurait encore les vivres nécessaires pour quinze jours;
l'amiral a donc séjourné deux mois et demi aux Antilles. Les Anglais ne seront
certains de la marche du général Villeneuve que lorsqu'il sera arrivé, c'est-à-
(1) Correspondance de Napoléon, 8659.
(2) D'après les ordres du 2 mars (quarante jours).
L'ilfMOBILITB D8 GANTBAUMB. 647
dire le ÎO prairial (9 Juin). L amiral restera donc trente-cinq jours depuis que
les Anglais auront la nouvelle de son arrivée à la Martinique ; cela est, je
crois, trop au moins de quinze jours. Il faut donc que, si l'amiral Magon n'est
pas encore parti, vous écriviez à V amiral Villeneuve que, dans la lettre que lui
porte V amiral Magon, il est dit qu^il restera trente-cinq jours, mais qu'on avait
espéré que le général Magon serait parti quime jours plus tôt ; que mon inten"
tion est donc qu'il ne reste à la Martinique que jusqu'au it^ messidor {A juillet),
Mail, gi le général Magon n'est point parti au 20 iloréal (10 mai) et que vous
n*aye« expédié aucun bâtiment à cette époque, au général Villeneuve, pour lui
dire d'attendre, il sera à penser que le général ne rencontrera plus le général
Villeneuve qui, selon moi, partira le 20 ou le S5 prairial (9 ou 14 juin) ; et
alors il n'y aura plus de possibilité de le joindre que dans la rade de San-
tiago (aux Canaries). Je pense qu'il sera alors convenable que l'amiral Magon
se rende dans cette rade pour porter l'ordre an général Villeneuve de se porter
sur*le«champ sur le Ferrol. Quant aux mouvements de l'escadre de Brest, ils
dépendent des mouvements de l'escadre de Rochefort. Si l'amiral Magon est
parti avant le iO floréal (10 mai), et que l'amiral Ganteaume ne soit pas parti
au !«' prairial (2i mai), il ne reste plus k l'amiral Ganteaume que d'attendre
tranquillement d*étre débloqué. Mais si, au contraire, l'amiral Magon, partant
avant le 90 floréafflO mai), se dirige sur Santiago, je pense que l'amiral Gan-
teaume doit se rendre également dans cette rade avec l'escadre du Ferrol.
L^amiral Villeneuve n'arrivera point k Santiago avant le 10 (29 juin) ou le
15 messidor (4 juillet) ; l'amiral Ganteaume peut donc se rendre à Santiago,
quand il ne partirait pas avant le 15 prairial (4 juin). L'amiral Villeneuve, sui-
vant ses premières instructions, arrivera donc à Santiago le 10 ou le 15 mes-
sidor (29 juin ou 4 juillet) ; il aura donc encore près de trois mois de vivres
dans cette hypothèse ; l'escadre de Brest sera d'ailleurs dans le cas de lui en
donner. Ainsi donc il convient, aujourd'hui, de bien déterminer ce que nous
avons à faire : Si le général Magon part avant le 20 floréal ({0 mai), et que
Ganteaume parte avant le !•' prairial (21 mai), mon armée peut encore se
réunir à la Martinique; elle serait rassemblée avant le 1*' messidor (20 juin) et
sertit de retour avant le 15 fructidor (2 septembre). Si, au contraire, le
général Magon part avant le 20 floréal (10 mai) et qu'au 1*' prairial Gan-
teaume n'ait pas pu sortir, il faut qu'il ne parte plus et attende l'arrivée de
l'armée qui doit le débloquer. Enfin si le général Magon n'est point parti au
20 floréal (10 mat), il convient qu'au lieu de se diriger sur la Martinique, il se
dirige sur Santiago, pourvu qu'il parte avant /« 15 prairial (4 juin), et mes
escadres pourraient alors se réunir dans les quinze premiers jours de messidor
(20 juin au 4 juillet) dans la baie de Santiago.
H est certain que je préfère à tout la réunion à la Martinique; que je pré'
fère même la réunion de Santiago au déblocus de Brest afin d'éviter toute
espèce de combat. Dans tous les cas, il est nécessaire que vous me fassiez un
rapport détaillé sur toutes ces questions; que tous me donniez les noms des
bricks, goélettes on frégates que vous aurez expédiés; que, sans attendre
d'autres ordres, vous écriviez au général Magon que, s'il n*est pas à la voile le
25 floréal (1 5 mai) au matin, il attende de nouveaux ordres pour partir. Je sup-
pose que vous n'ayez expédié aucun bâtiment ni frégate à l'amiral Villeneuve
pour le prévenir d'attendre ; il faut que vous écriviez une nouvelle dépêche à
548 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.
Tamiral Magon en cas qu'il parte a^ant le 23 floréal (13 mai) et que vous pres-
criviez au général Villeneuve qu'au plus tard, le 15 messidor (4 juillet), il
soit à la voile pour opérer son retour sur le Ferrol ; et qu'enfin vous fassiez
connaître au général Magon, dans une dépêche cachetée, qu'arrivé à la Marti-
nique et en trouvant l'amiral Villeneuve paHi depuis quelques jours, il doit
se diriger en droite ligne sur Santiago, parce que, l'amiral Villeneuve devant
passer devant Santo-Domingo et rester vingt jours à Santiago, il aura le temps
de l'atteindre à cette baie, et que, dès le moment de sa jonction avec cet amiral,
il doit lui remettre l'onlre de se rendre devant le Ferrol et de ne plus attendre
l'escadre de Brest.
Quant au général Ganteaume, vous devez toujours l'encourager à partir jus-
qu'au S prairial (25 mai), si le général Magon est parti.
Je crois avoir prescrit au général Villeneuve, dans les instructions que lui
porte le général Magon, de se rendre par le plus court chemin au Ferrol et de
ne point passer par la Jamaïque, parce que c'est pour cette île que seront alar-
més les Anglais, dès qu'ils le sauront aux Antilles. J'imagine que l'amiral
Missiessy, dans quelque port qu'il arrive, trouvera ses vivres prêts. J'imagine
que, s'il pouvait se rendre à Santiago, ses cinq vaisseaux pourraient aussi
jouer leur rôle.
En cas que Ganteaume ne soit point encore parti au moment ou vous rece-
vrez votre lettre, envoyez-moi des projets d'instructions pour le général Magon
et pour le général Ganteaume, dans l'hypothèse que l'amiral Villeneuve suivra
ses premières instructions et que la jonction de mes escadres doive se faire
à Santiago.
Missiessy a dû partir le 22 mars; il devrait être de retour en Europe dans
la première quinzaine de mai ; il ne devrait donc pas être loin. S'il arrivait à
Rochefort et que l'amiral Magon ne fut pas parti; il y aurait possibilité de les
faire partir sur-le-champ ensemble pour Santiago ; il faudrait pour cela que
les vivres pussent être prêts à Rochefort. L'amiral Missiessy a emporté des
vivres pour six mois : il est parti le 22 nivôse (12 janvier); au 22 mes-
sidor (Il juillet) il y aura six mois qu'il sera en mer; mais les hommes de
passage ont dû lui manger un mois de vivres ; s'il n'en a pas reçu à la Marti-
nique, il n'en doit plus avoir que jusqu'au 22 prairial (11 juin); raison de plus
pour calculer sur sa prochaine entrée.
Dans tous les cas, je pense que l'amiral Magon ne doit pas emmener tant
d'hommes; qu'il complète ses équipages avec de bonnes troupes, et qu'il
embarque seulement une centaine de Piémontais sur chaque vaisseau ; qu'il
épargne ses vivres, non pour lui, mais pour pouvoir en donner à l'amiral
Villeneuve, il pourrait en donner trois mois pour deux vaisseaux, ce qui ferait
un mois pour six vaisseaux et dix jours pour toute l'escadre de l'amiral
Villeneuve ; c'est un secours qui n'est pas à dédaigner.
Napoléon.
P.-S, — Je vous recommande le Régulus; ce bâtiment peut très bien être
armé, et prêt à partir pour le 20 prairial : et cela étant, il peut entrer dans nos
combinaisons et figurer d'une manière bien avantageuse.
La saison étant déterminée pour les jours de départ et d'arrivée, vous êtes
plus à même de le juger. Faudra- t-il à l'amiral Magon plus d'un mois pour
l'immobilité de oanteaume. 549
arriver à la Martinique? S'il ne lui faut qu'un mois, il est clair qu'en partant
le 20 prairial (10 mai), il y a toute probabilité qu'il joindra Tamiral Villeneuve.
J'ai mis que l'amiral Magon pourrait partir le 25 prairial (15 mai); comme
cela dépend d'une manière de voir, tous pouvez ne mettre que le 20 prairial ;
si TOUS craignez que l'amiral ne soit déjà parti.
Aucune de ces hypothèses ne devait se réaliser. Magon était
parti le 1®' mai et Villeneuve, comme s'il avait deviné la pen-
sée de TEmpereur ne devait pas attendre aux Antilles
35 jours après l'arrivée du renfort, mais repartir de suite.
Cependant, les renseignements qui arrivaient successive-
ment, montraient l'avance que devait donner à l'armée franco-
espagnole l'erreur de Nelson.
Au viœ^amiral Deorès,
AlexaDdrie, 12 floréal an xni (2 mai 1805).
Un courrier de Naples m'apprend que Nelson était sur le Maretimo
le 2 floréal, et a appris là, seulement, que l'escadre de Toulon a^ait passé le
détroit. ]1 s'est aussitôt dirigé sur Gibraltar. Il n'est pas probable qu'il arriye
deyant cette rade avant le 10 ou le 12 prairial. Notre escadre aura vingt jours
d'avance.
Napoléon.
Au vice-amiral Decrôs (1).
Alexandrie, 14 floréal an xm (4 mai 1805).
Monsieur,
Votre lettre du 8 floréal m'annonce que l'amiral Magon est prêt à partir.
Vous devez être sans inquiétudes sur le Ferrol : l'escadre espagnole n'aura
pas un mois de vivres, elle en aura six. Vous croyez que Beurnon ville fait
quelque chose ; c'est la mouche du coche. Ce grand nombre de vaisseaux
espagnols qu'il dit être en armement ne le sont pas ; les Espagnols ne peuvent
en armer plus qu'ils n'ont d'équipages, et il serait ridicule que j'allasse
refroidir leur zèle; ne faites donc rien. On ne réagit pas sur des alliés, et on
fait à peine ce que l'on veut sur ce point, dans ses propres ports. Quant aux
troupes qu'ils doivent embarquer sur l'escadre du Ferrol, elles sont indispen-
sables pour dérouter l'ennemi, en supposant qu'elles se réunissent à l'amiral
Ganteaume. Si, cependant, au lieu de se réunir à l'amiral Ganteaume, cette
escadre se réunissait à l'amiral Villeneuve, je serais à temps de faire connaître,
d'ici à deux mois ce qu'il faudrait faire. Les tempêtes que vous me dites
exister sur l'Océan me font espérer qu'enfîn Ganteaume sortira. Je crois que
(1) Correspondance de Napoléon, 8685.
580 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE IX.
le nombre de yaisseaux eipagnols que Tamiral Villeneuve pourrait rallier à
Cadix ne serait qu'égal à celui des vaisseaux anglais qu'il attirerait. Si
VEspagne envoie la six vaisseaux de Cartfiagène à Toularij je ferai une
telle peur aux Anglais, qu'ils seront forcés d'y tenir une force importante,
car je menacerai TËgyptc de tant de manières et si évidemment » qu'ils crain-
dront un grand coup ; ils croiront que mes escadres vont aux Indes orientales,
ce qui, dès lors, paraîtrait une opération combinée. Ajoutez que la saison dans
laquelle nous allons entrer est une véritable saison pour une expédition
d'Egypte. Si les Anglais sont obligés de tenir six vaisseaux à Toulon et six
vaisseaux à Cadix pour être maîtres du détroit, ce sera une belle et puissante
diversion. Quand Tamiral Villeneuve se présentera devant Ferrol, il n'y trou-
vera pas une escadre anglaise égale à celle qui doit le joindre, car les Anglais
observeront plutôt qu'il ne bloqueront le Ferrol. D'ailleurs l'escudre anglaise
du Ferrol ne saura pas où va Villeneuve ; elle ne saura pas si l'escadre qu'elle
voit n'est pas celle de Brest. Villeneuve a déjà avec lui tî vaisseaux; en sup-
posant que Magon le rejoigne, cette force serait suffisante pour se présenter
devant Brest, l'amiral Ganteaume surtout étant prévenu. Soyez certain qu'il
trouvera au Ferrol plus de 14 vaisseaux français ou espagnols, ce qui rompra
tout équilibre, quand môme les 7 ou 8 vaisseaux anglais du Ferrol joindraient
à temps Comwallis.
Parlez à Vanlerberghe et à Ouvrard pour qu'ils fassent passer du biscuit
au Ferrol.
Missiessy va arriver. Il y aurait un projet qui pourrait avoir quelque avan*
tage, ce serait de le faire venir à Toulon, avec les 6 vaisseaux de Carthagène ;
cela ferait M vaisseaux. VAnnibal, qui pourrait être propre à une campagne
d'été, ferait le douzième. Ou les anglais me les bloqueraient, ou ils ne me les
bloqueraient pas : s'ils les bloquent, je ne les fais point sortir, et j'occuperai
ainsi, entre Cadix et Toulon, 20 vaisseaux de guerre anglais ; s'ils ne les
bloquent pas, je les enverrai à Cadix se joindre aux 8 vaisseaux espagnols et
venir débloquer le Ferrol.
C»ittc hypothèse ne parait pas très probable, car la garnison de Malte serait
compromise et l'Egypte leur donnerait alors une alarme épouvantable.
J'ai une armée prête à Tarente, et j'y ai un million de rations de biscuit.
Si Missiessy arrivait avant le i«' prairial, il pourrait être avnnt le 5 messidor 1^
Toulon.
Cependant mes combinaisons sont soumises au départ du général Magon.
S'il ne partait pas avant le 20 floréal et qu'il dût aller à Santiago, il faudrait
réunir beaucoup de forces à Cadix : l'escadre de Carthagène approvisionnée
et l'escadre de l'amiral Missiessy pourraient nous offrir à Cadix une vingtaine
de vaisseaux.
Dans cette hypothèse, il serait nécessaire d'avoir à Toulon une certaine quan-
tité de vivres que l'on chargerait sur des flûtes, et que l'amiral Missiessy por-
terait h Cadix pour l'escadre de l'amiral Villeneuve. Ainsi, si le général Magon
n'était point parti et que l'amiral Villeneuve dut aller à Santiago, quand même
l'amiral Magon ne pourrait sortir assez à temps pour arriver dans cette baie,
l'amiral Villeneuve doit retourner à Cadix d'après ses instructions. Il ne
s'agit plus que de réunir dans ce port le plus de vaisseaux possible; les deux
vaisseaux de l'amiral Magon, s'il n'a pu aller à Santiago, ceux de l'amiral
l'immobilité de gantbaumb. 561
Missiesiy et tous les espagnols de Garthagène. J*ai tout cet échiquier très
présent.
A la fin de floréal, où il sera décidé si les généraux Magon et Ganteaume
partent ou ne partent pas, les choses seront déjà éclaircies ; mais, pour être en
état d'agir selon les circonstances, il faut beaucoup de vivres à Toulon, à
Rochefort, à Brest, à Lorient. Ge n'est donc pas le cas de faire de ridicules
économies, d*autant plus que cette dépense ne peut-être considérée comme de
Targent perdu. Faites doubler les commandes qui ont été faites, afin que,
dans le cas ou j'aurais besoin de Tiyres, je les trouve. Calculez les différentes
chances qui se présentent, et que partout les vivres ne soient un obstacle à
rien. Vous ordonnerez bien positivement que la fin de floréal et les mois de
prairial et de messidor soient employés à confectionner le plus de vivres pos-
sible dans les ports de Brest, Rochefort, Lorient et Toulon» Après tout, une
ration complète coûte vingt sous ; c'est donc une avance de deux ou trois mil-
lions; je dis une avance, car quand je n'en aurais pas besoin, les vivres me
restent. Et si, par des événements qu'on ne peut calculer, mon grand projet
venait à être déjoué, vous entendes bien que je ne veux pas être arrêté par
le défaut de vivres.
J'ai fait faire du biscuit à Ostende ; Savary m'en a apporté de deux ans ; il
est sain comme s'il était d'hier. Quand on peut si longtemps garder des vivres,
et dans une guerre aussi active, c'est une grande ignorance de n'en pas avoir
beaucoup» Je ne veux pas être retardé de deux jours pour raison de vivres.
Foroes tous les moyens, et que j'aie dans mes quatre grands ports, au
moins 7 à 8,000,000 de rations de vivres.
Ayez soin, si vous expédiez les bâtiments, indépendamment de l'amiral
Magon, de ne rien écrire qui puisse nous gêner ensuite, dans l'incertitude de
savoir si un bâtiment est ou non arrivé. G'est dans cette manière de voir que
je vous ai prescrit de vous borner, en expédiant un brick à l'amiral Villeneuve,
à l'instruire de l'état des choses, et lui ordonner d'attendre quelques jours,
sans lui donner aucun ordre. Si le général Magon est parti, j'approuve que les
deux frégates de Lorient partent, quand il sera décidé que Ganteaume ne doit
plus partir, et portent à l'amiral Villeneuve l'ordre de se porter sur le Ferroly
$ans perdre de temps.
Je n'ai pas besoin de vous dire que, en écrivant par ces frégates, vous
devez remettre une lettre à chaque capitaine, afin d'en prévenir la perte en
cas de séparation ou d'événements malheureux. J'imagine que vous avez fait
autant de copies de ma dépêche que l'amiral Magon a de bâtiments, en faisant
sentir à cet amiral la nécessité de la faire parvenir à sa destination ; et que
vous avez donné ordre, en cas de séparation, à ces bâtiments d'arriver.
Napoléon.
C'est le 8 mai seulement que TEmpercur apprit le départ
de Tamiral Magon. II avait donc fallu huit jours pleins pour
que cette nouvelle si essentielle parvint à Napoléon. Cette
fois, d'après les ordres qu'emportait Tescadre de Rochefort,
Villeneuve, si on le trouvait encore à la Martinique le 5 juin,
S52 TR0I8IÈMB PARTIE. — CHAPITRE IX.
devait rester aux Antilles jusqu'au 10 juillet, perdant son
temps et consommant ses vivres. Il fallait y remédier prompte-
ment.
Au vicô-SL/niral Decrès (1).
PâTie, 18 norétl an zui (8 mai 1805).
Monsieur,
J*ai reçu Totre lettre du 14. Magon est parti ; cette nouvelle m^est bien pré-
cieuse ; dès lors, toutes les hypothèses sur Santiago sont à bas et il est de toute
évidence que Tamiral Villeneuve se dirigera sur le Ferrol. Si la frégate la
Didon n'est pas partie (2), vous la chargerez des modifications aux instructions
dont le général Magon est porteur, et vous lui ordonnerez, au lieu de rester
trente-cinq jours, de ne rester qu'un mois. Si la « Didon » était partie, faites
alors partir la « Topaze » (3). Vous ferez connaître, par cette frégate, Tétat des
choses à V amiral Villeneuve ; vous lui direz que mon intention n'est pas qu'il
reste en A mérique plus d'un mots après V arrivée de V amiral Magon ; que si
Tamiral Ganteaume peut sortir avant le i^' prairial (21 mai) il sortira ; que,
passé le \*^ prairial, il ne sortira plus et l'attendra de pied ferme.
Ainsi donc, au plus tard le 10 messidor (29 juin), Villeneuve doit marcher
et arriver comme un trait sur le Ferrol. Quant à Ganteaume, si, au 30 floréal
(20rmzi), il n est pas parti, mon intention est qu^il ne sorte plus, mais qu'il
reste cependant toujours embarqué, toujours en haleine, toujours bien approvi-
sionné. Vous lui ferez connaître alors le plan de campagne; ma/s, pour qu'tl
se tienne plus sur ses gardes, vous lui annoncerez que Villeneuve doit paraître
devant Brest du 20 au 30 messidor. Je pense qu'il est assez utile que vous fas-
siez mettre dans les journaux de Hollande qu'une nouvelle escadre, sous les
ordres de Tamiral Magon, forte de 3 vaisseaux et de 4 frégjites, est partie de
Rochefort, qu'elle a à bord cet officier, que devait amener Lauriston, que vous
nommerez et qu'on dira avoir été prisonnier à Sainte-Hélène tant de temps.
En définitive, je tiens invariablement à ce système ; Ganteaume doit sortir, s'il
le peut, jusqu'au 30 floréal à minuit. Au moment du lever du soleil du i*^ prai-
rial, aurait'il toutes les occasions possibles, il attendra de pied ferme à Brest
et ne sortira plus. L'amiral Villeneuve sera instruit de ces dispositions par la
« Topaze y» ; il aura Vordre, le 10 messidor, départir ; le « Président » partira
de Lorient le i»'' prairial; il fera connaître à Villeneuve que Ganteaume n'est
pas parti, qu'il ne doit plus perdre une heure, qu'il est inutile qu'il attende
davantage, A cet effet, vous ordonnerez à Ganteaume, si le 30 floréal à mimât
il n'est pas parti, d'expédier aussitôt un courrier au commandant du « Prési-
dent » pour le faire partir sur-le-champ. Par ce moyen, on gagnera beauc^oup
de jours. Le paquet aura été envoyé d'avance au commandant du Président.
Au 25 messidor (14 juillet) je serai sur la c^te et au 10 messidor (29 juin)
j'attendrai le retour de mes escadres.
(1) Cotrespondance de Napoléon, 8699.
(2) Rlle l'est depuis le 3 mai.
(3) Elle partit en effet le 15 mai.
l'immobilité de oantbaume. SS3
Quant au Régulas et à la Cybéle, si je pouTais les euToyer au Sénégal raTa-
ger les colonies anglaises d'Afrique ; cela obligerait les Anglais à y envoyer
deux vaisseaux. Si cela n'est pas possible, faites-les armer promptement et je
combinerai afec Tescadre de Missiessy, dont le retour me parait imminent.
Quant au Ferrol, faites armer les 5 vaisseaux. Quand le i^' prairial sera
arrivé, j'écrirai en Espagne pour que tous les efforts soient dirigés sur ce port;
j'ai la confiance que j'y aurai 10 vaisseaux espagnols. Villeneufe aura alors
19 vaisseaux français et 16 espagnols : total, 35 vaisseaux. Il sera facile de faire
que l'ennemi n'en ait devant devant Brest que 18, il n'y aura qu'à faire grand
bruit de 2 vieux vaisseaux de l'escadre et les faire rentrer dans le port ; mais
il faut d'abord gagner l'époque du 1*' prairial. Tâchez donc de faire armer
VOcéarif si vous pouvez, ne serait-ce que pour le combat de Brest. Il y aurait
tout le temps de faire à Bertheaume toutes les batteries qu'on voudrait.
Donnez l'ordre à l'amiral Ganteaume et au préfet maritime de les faire faire
sur-le-champ par la marine. Il me semble qu'il peut y avoir tel cas oiï une
forte protection bien assurée là peut être très importante. Je pense aussi que
vous ferez armer toutes les chaloupes-KMinonnières qui sont à Brest, ne fut-ce
qu'afec les ouvriers et les mouvements du port. Ce seront des ressources pré-*
cieuses au mois de messidor et au moment du combat ; mais nous avons le
temps de penser à cela. Pressez l'armement du Régulus et des vaisseaux du
Ferrol. Écrivez à M. Schimmelpcnninck pour faire armer les deux autres vais-
seaux qu'on a, afin qu'on les envoie au Texel, pour obliger l'ennemi à ren-
forcer sa croisière d'Yarmouth.
Je vous recommande les vivres ; que j'en aie à Cherbourg, à Brest, à Bou-
logne ; que l'amiral Missiessy , quelque part qu'il se présente, ne soit pas
arrêté d'une heure : enfin, il me faut des vivres partout, arrangez- vous en
conséquence.
Donnez ordre au contre-amiral Gourdon de vous enTover des courriers tous
les cinq jours , pour vous instruire du mouvement des croisières ; cela est
nécessaire pour les opérations de Missiessy.
Napoléon.
A l'amiral Villeneuve (1).
Pavie, 18 floréal an xm (8 mai 1805).
PREMIÈRES INSTRUCTIONS.
Votre armée, composée de 14 vaisseaux français et de 6 vaisseaux espagnols,
sera renforcée au Ferrol par 5 autres de nos vaisseaux et par 9 vaisseaux du
roi d'Espagne.
Nous avons 5 vaisseaux et 3 frégates dans la rade de Vile d^Aix (2), et
1 vaisseau et 1 frégate dans la rade de Lorient, tous prêts à appareiller. Nous
vous laissons le maître de vous détourner de votre route pour rallier ces 6 vais-
(1) Correspondance de Napoléon, 8700.
(t) Bn tapposani Mistiesty rentré.
854 TROIBIÉMB PARTIE. — CHAPITRE IX.
gêttux à votre acadrey ooDiultunt à cet effet la nature des Tenta et des
eirconstances.
Si notre escadre du Ferrol était plusieurs jours sans poutoir sortir, tous y
yerrief une raison pour tous présenter doTsnt TUe d'Aix sans perdre de temps,
donnant ordre à Tescadre du Ferrol de tous y joindre, ce qu'elle pourrait faire
facilement, puisque tous disperses la croisière ennemie. Si, au contraire, les
escadres du Ferrol aTaient le temps faTorable pour sortir et se ranger sous
Totre paTillon sans éprouTcr aucun retard, et que les Tents fussent tels que
TOUS conçussiei Tespérance de tous porter rapidement à Totre destination,
peut-être serait-il préférable de laisser de côté Tescadre de Rochefort, pour
ne point tous détourner de TOtre route, parce que tout retard aurait pour
résultat de rendre plus considérable la croisière ennemie doTant Brest. Vous
manœuvrerez donc pour opérer votre réunion avec V escadre de V amiral Gan-
teaume^ mouillée en aTant du goulet, sous la protection des batteries considé-
rables que nous STons fait établir entre Bertheaume et Gamaret. Depuis un
mois, Tennemi n'a été signalé qu'au nombre de 15, de 18 et jamais plus de
ÎO Taisseaux. Notre intention est que vous fassiez votre jonction en évitant le
combat j et que, si vous êtes contraint à un combat ^ il ait lieu le plus près pos-
sible de Brest, afin que V amiral Ganteaume puisse y prendre part. Nous esti-
mons que, dans Totre marche du Ferrol à Brest, tous deTez changer de direc-
tion, afin d'éTiter de rencontrer la croisière deTant Brest, si elle prenait le
parti de s'aTsncer à quinse ou Tingt lieues au-dcTant de tous. Dans TOtre der-
nière fausse route, tous deTrez tous diriger sur le cap Liiard, de manière k ne
pouToir rencontrer l'ennemi, ou à le rencontrer le plus près qu'il tous sera
possible de Brest. Votre jonction faite aTec l'escadre de l'amiral Ganteaume,
tous renforçant de 21 bons Taisseaux, tos forces seront beaucoup plus considé-
rables que celles que l'ennemi pourrait tous opposer, et tous tous dirigerez
sur Boulogne, où nous serons de notre personne.
De toutes les opérations, celle-ci me parait préférable comme la plus sûre.
Mais siy arrivé devant le cap Lizard, des vents ou d'autres circonstances fawh
râbles vous portaient à penser qu'il vous fut possible d'entrer dans la Manche,
de gagner plusieurs jours sur l'escadre ennemie de Brest et d'arriver trou ou
quatre jours avant elle devant Boulogne, nous vous laisserons le maître de ne
point approcher de Brest et de venir sur Boulogne, Si votre présence nous rend
maîtres de la mer pendant trois jours (sic) devant Boulogne, nous avons toute
faculté de faire notre expédition, composée de 150,000 hommes embarqués sur
2,000 bâtiments,
Cherbourg est armé et peut contenir votre escadre et la protéger contre
toute espèce de forces* Nous aTons des TÎTres pour Totre escadre à Brest,
Cherbourg et Boulogne.
Nous nous en rapportons entièrement à Totre zèle, à Totre expérience, à
Totre connaissance parfaite de in mer et des localités où tous ailes agir, pour
faire tout ce qui tous paraîtra couTenable pour remplir le but que nous nous
sommes proposé.
D'après la connaissance que nous aTons de !a distribution des forces enne-
mies, nous aTons lieu de croire qu'avec une escadre plus forte que 16 Taisseaux
de guerre, nous serions, devant Boulogne, maîtres absolus de la mer, en sup-
posant que l'escadre de Brest eût été dépassée et laissée en arrière*
l'immobilité db oantbaumb. 5B5
Notre Ministre de la marine est chargé de tous écrire en détail, pour tous
recommander toutes les précautions possibles pour que Tamiral Ganteaume
soit prévenu de tous tos mouvements, soit à votre départ du Ferrol, soit à
votre arrivée sur les parages de Brest.
DEUXIÈMES INSTRUCTIONS.
La direction que vous devet prendre immédiatement aprèt votre jonction au
Ferrol dépend de tant de circonstances différentes^ que je ne puis que m'en rap-
porter à votre expérience de la mer et à votre Zèle pour mon service. En eÉtet,
tant d'événements se sont passés depuis votre départ pour la Martinique, la
connaissance des forces ennemies que vous avez attirées dans rAmérique, la
force de Tescadre du Ferrol et de la croisière ennemie devant ce port, la
situation de notre armée, sont autant d'éléments nécessaires pour ordonner
impérieusement de votre destination ultérieure.
Le but principal de toute V opération est de nous procurer pendant quelques
jours la supériorité devant Boulogne, Maîtres du détroit pendant quatre
jours (sic), 450,000 embarqués sur î,000 bâtiments achèveraient entièrement
l'expédition. Pour arriver à ce grand but, immédiatement après votre appari-
tion au Ferrol, vous aura quatre partis à prendre.
Le premier^ de vous porter devant Rochefort et de vous réunir aux 5 vais-
seaux que j'ai dans cette rade ; J'ai envoyé des instructions au vaisseau le
RéguluSj qui est à Lorient, de vous Joindre ; ainsi, au nombre de S5 vaisseaux
français et 15 vaisseaux espagnols, de faire votre réunion avec Vescadre de
Brest et, au nombre de plus de 60 vaisseaux de ligne^ d'entrer dans la
Manche,
Le deuxième parti est de laisser Vescadre de Rochefort^ qui occupe un pareil
nombre de vaisseaux ennemis, et de vous diriger le plus promptement possible
sur Brest, pour opérer votre jonction avec Vamiral Ganteaume.
Le troisième parti serait, après votre Jonction avec l'escadre du Ferrol, de
doubler V Irlande et vous joindre à l'escadre du Texel, forte de 7 vaisseaux, et
au convoi, et d'arriver devant Boulogne,
Le quatrième parti parait devoir être celui de se diriger sur le cap Lizard
et, à trente lieues au large ^ de profiter du vent d'ouest pour longer la côte
d'Angleterre, éviter la rencontre de Vescadre qui bloque Brest et arriver quatre
ou cinq jours avant elle devant Boulogne,
Pour chacune de ces opérations, en calculant les vivres que vous trouverez
k Rochefort, vous en serez suffisamment pourvu ; et, prévoyant dès longtemps
votre expédition, j'en ai fait réunir une grande quantité & Brest, Cherbourg
et Boulogne.
Si vous prenez le parti de faire votre réunion avec l'escadre de Brest f vous
devez tenter de le faire sans combat et, si cela est trop difficile, calculer de
manière à vous battre le plus près de Brest qu'il vous sera possible et, à cet
effet, de tromper l'ennemi par de fausses routes, si, sur la nouvelle de votre
apparition au Ferrol, il prenait le parti de marcher une vingtaine de lieues à
votre rencontre. Si, au contraire, vous prenez le parti de doubler l'Irlande,
vous devez passer hors de vue des côtes et rendre votre navigation la plus
inconnue que possible à l'ennemi qui» pendant un temps, vous croira retourné
556 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.
dans la Méditerranée, comme on ne manquera pas de le répandre par tous les
moyens.
L^amlral Ganteaume, avec 21 vaisseaux approvisionnés pour six mois, est
mouillé en dehors du goulet, entre Bertheaume et Camaret, sous la protection
de batteries de plus de 150 bouches à feu. Du moment de votre arriyée au
Ferrol, il mettra à la voile ; il se trouve avoir des facilités pour sortir qu*il
n'aurait point dans toute autre position, en dedans du goulet.
Dans le cas où vous préféreriez Totre réunion à Brest, vous aurez soin de
prévenir par des bricks, que vous ferez aborder sur la côte la plus prè« de
Brest, avec un ofQcier qui ne perdrait pas un moyen pour se rendre auprès de
Tamiral Ganteaume.
Si vous doublez V Irlande vous irez au Texel ; des instructions positives y ont
été envoyées, ainsi que sur la situation de Tennemi dans ces parages.
Si par les événements survenus en Amérique ou dans le cours de votre navi-
gation, vous vous trouviez dans une situation qui ne vous permit pas de remplir
ces instructions, et que vous ne dussiez penser à aucune nouvelle opération, tous
ferez partir Pescadre de Tamiral Gourdon, avec les 3 ou 4 vaisseaux meilleurs
marcheurs espagnols du Ferrol, pour établir une croisière, conformément aux
instructions ci-jointes.
Notre intention est que vous leviez le blocus de Rochefort, que vous donniez
les instructions ci-jointes au capitaine Allemand, dont vous favoriserez la
sortie, et que, cela fait, vous rameniez mon escadre à Cadix avec les 6 vais-
seaux du Ferrol, que vous favorisiez Ventrée de V escadre de Carthagène à Cadix,
que vous occupiez le détroit, que vous ravagiez la rade de Gibraltar et que vous
vous approvisionniez-là de vivres.
Ce serait avec bien du regret que je verrais que ces dernières circonstances,
quelques combats ménys avec des forces inférieures que vous auriez soutenus, des
circonstances de séparation et d'autres événements, ajourneraient Vépoque de
notre opération importante. J'ai voulu toutefois pourvoir aux partis que vous
auriez à prendre dans* les événements que je ne puis calculer et dont je ne puis
avoir connaissance.
Napoléon.
n est nécessaire de préciser quel était à ce moment Tétat
de la rade de Cherbourg qui pouvait, dans certaines éventua-
lités, jouer un rôle important et, d'après TEmpereur, donner
à Tescadre de Villeneuve un abri sûr.
La majestueuse digue qui protège aujourd'hui les établisse-
ments de Cherbourg, se réduisait, en mai 1805, à une étendue
de 100 toises, moins de 200 mètres, et elle s'élevait à 9 pieds
seulement au-dessus du niveau des hautes mers de vive eau (1).
Encore faut-il noter que la partie supérieure ne consistait
(1) Mémoire sur la digue de Cherbourg, par Cochin (un des ingénieurs qui y furent
employés). {Archives de la Marine, à Cherbourg.)
l'immobilité de qantbaume. 557
qu'en un épaulement provisoire qu'une tempête avait détruit
le 18 décembre 1803. Réparé en 1804, il avait été armé de
4 pièces de 36 ei 2 mortiers. C'est dire que la protection que
pouvait donner ce court tronçon de digue et ces quelques
canons était à peu près nulle, aussi bien contre la tempête
que contre l'ennemi. Le port n'existait pas, car c'est le 9 mai
1805, en exécution d'un arrêté du 15 avril précédent, qu'on
commença à creuser le bassin (1). En mai 1805, on porta
l'armement de la digue à 20 pièces de canon, sur un ordre du
Ministre prescrivant d'exécuter ce travail en vingt-quatre
heures (2). C'est tout ce qui put être fait à cette époque.
La valeur militaire de la digue resta très faible, la protec-
tion fournie à une grande escadre contre les temgétes nulle,
et même la solidité du massif très précaire, puisque, en 1807,
un ouragan devait en percer le centre, emportant 200 per-
sonnes logées dans les casemates. Le danger pour une armée
navale de s'aventurer dans la Manche subsista donc entiè-
rement.
Quoi qu'il en soit, les instructions de l'Empereur furent
rédigées par Decrès le 13 mai, sous la forme suivante :
Paris, 23 floréal an xui (13 mai 1805) (3).
Monsieur le Vice-Amiral,
Le contre-amiral Magon, commandant les vaisseaux V Argonaute eiV Achille ^
est parti de Rochefort le il floréal (I*' mai) et vous aura remis des instruc-
tions supplémentaires de Sa Majesté, en date du 24 germinal (14 avril), et des
dépèches de moi pour tous et pour Tamiral Gravina, en date du 27 (17 avril).
La frégate la Didon est partie de Lorient le 1 3 floréal (3 mai)» avec xme
dépêche de moi, en date du 9 floréal (29 avril), et le duplicata de toutes celles
que vous avait portées le contre-amiral Magon.
Cette dépêche du 9 contenait quelques détails que l'Empereur m'avait
ordonné de vous transmettre. Aujourd'hui, Sa Majesté m'ordonne de vous
expédier de Nantes la frégate la « Topaze », pour vous donner de nouvelles
informations sur Vétat présent des affaires et vous faire connaître ses intentions
définitives.
(1) Verus mor, histoire de la ville de Cherbourg, 1835. (Bibliothèque de la marine,
Cherbourg.)
(t) LiviSt histoire de la ville de Cherbourg, 1871. (Bibliothèque de la mariue, Cher>
bourg.)
(3) Archives de la Marine, BB^r, 230.
858 TROiaJUlB PARTIE. ^ OHÀPITBE IX.
L'amiral Ganteaume est toi^ours retenu à Brest par une armée qui est
devenue supérieure à la sienne ; cependant, toute espérance de Toir opérer
son départ pour vous rallier n'est pas encore entièrement perdue.
Si d'ici au 30 (20 mai) de ce mois, il peut trouver l'occasion d'appareiller, il
le fera et, en appareillant, 'il vous expédiera en avant un de ses bâtiments
pour vous prévenir de sa prochaine arrivée; si, le 30 floréal, l'amiral Gan«>
teanme n'a pu appariller, voui en serez prévenu par la frégate qui partira de
Lorient /e !•' prairial (21 inai).
L'objet de la présente dépêche est de vous informer que l'intention de Sa
Majesté est que, si le 10 messidor (29 juin) prochain vous n*aveï pas d'avis sur
l'appareillage de l'amiral Ganteaume, vous devrez mettre à la voile ce jour,
10 messidor, pour vous rendre comme un trait sur le Ferrol. Là, vont vous
réunirez à 5 vaisseaux français et iO vaisseaux espagnols, et vous suivrez
votre destination ultérieure, ainsi qu'il est prescrit par les instructions de
Sa Majesté en date du 24 germinal.
Si ces instructions devaient subir quelques modifications, vous en seriez
prévenu au Ferrol par une dépêche que le contre-amiral Gourdon serait
chargé de vous remettre.
Ainsi, Sa Majesté s'est arrêtée à ce système : que l'amiral Ganteaume sortira,
s'il le peut, jusqu'au 1^0 floréal ; et que, si vous n'avez pas avis de son arrivée
au 10 messidor, vous devez, sans rien attendre, faire votre retour sur le
Ferrol. Mais si, le 30 floréal, Tamiral Ganteaume n'est pas parti, une frégate
partira le l*** prairial pour vous prévenir qu'il ne doit plus partir, qu'il doit
vous attendre à Brest ; et, dans ce cas, à l'arrivée de cette frégate, qui pourra
vous parvenir avant le 10 messidor, vous appareillerez sans plus attendre et
vous vous porterez sur le Ferrol, ainsi qu'il a été dit.
Il est un objet dans le détail duquel je crois superflu d'entrer, parce qu'il
n'aura pu échapper à votre prévoyance : c'est la sollicitude sur votre approvi-
sionnement en vivres.
Les instructions de Sa Majesté ont porté qu'à la Martinique vous vous feriez
fournir le journalier par la colonie.
Je ne Siiis jusqu'à quel point cette disposition aura reçu son exécution, mais
vous concevrez, à la nature du but que vous avez à atteindre, qu'il est d'une
haute importance, qu'à votre arrivée sur le Ferrol, il vous reste une quan-
tité assez considérable de vivres, car ce port ne vous présentera pas de
ressources.
Ainsi, c'est à votre sage prévoyance à ordonner dans votre armée et à con-
certer avec l'amiral Gravina, dans son escadre, les diminutions joumalièrei de
distributions qui pourront s'opérer dans la traversée, pour vous laisser plus de
ressources à votre arrivée sur le théâtre de la grande et principale opération.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que, s'il est des moyens pour vous procurer des
vivres dans les colonies, vous ne devrez rien négliger auprès des capitaines
généraux pour en obtenir.
Je n'écris qu'à vous, parce que le temps me presse et que je veux dissimuler
le but de l'expédition des frégates que je fais partir; mais témoignez aux capi-
taines généraux mes regrets de ne pas leur exprimer personnellement les
témoignages de bienveillance que leur conserve Sa Majesté.
Je n'ai pas encore eu de nouvelles du contre-amiral Missiessy ; mais la
•
l'immobilité db oantxaumb. 559
goélette la Trimeusêy expédiée par le général Emouf, m'est arrifée après un
mois de traversée.
Recelez, Monsieur TA mirai, Tassurance de mon infiolable attachement,
Dbcrès,
Cette lettre partit le 15 mai de Nantes, portée parla Topaze j
avec une nouvelle expédition de Tordre du 14-17 avril (1).
Mais cette frégate ne rencontra pa^ Villeneuve^ déjà parti pour
r Europe.
Ganteaume fut prévenu des nouvelles dispositions sous la
forme suivante :
A M. l'&mlrAi Q&nteaume, commandant l'armée navale (i).
Paris, le 23 ûoré&l an xni (13 mai 1805).
Monsieur T Amiral,
Je \ou8 informe que TËmpereur, prenant en considération particulière l'état
des choses, a ordonné ce qui suit :
i* L'armée nayale dont Sa Majesté tous a confié le commandement doit,
jusqu'au 30 floréal (20 mai), saisir toutes les occasions qui pom*ront se pré-
senter de mettre à la Toile pour la destination prescrite par tos instructions ;
2® Si, le 30 floréal à minuit, r année n'a pu appareiller, elle ne doit plus
mettre sotu voile, quelque occasion qui se présente pour le faire ;
3* Si Tarmée n'a pu appareiller afant Theure de minuit du 30 floréal, tous
expédierex à Tinstant même un courrier à Lorient, lequel portera au Tice-
amiral Thétenard l'ordre ci-joint de faire appareiller immédiatement une
frégate.
Cependant, si dans la soirée du 30 il vous était démontré que vous ne
pourrez partir avant minuit, tous pourriez expédier cette dépêche, parce que
je mets un grand intérêt à ce que la frégate puisse appareiller de Lorient dans
la journée du {^'prairial.
Il est de la plus grande importance que l'armée, après le 30 floréal, comme
et peut-être plus qu'à présent, se tienne continuellement en appareillage, que
chacun reste constamment à bord, afin de mettre sous voiles, quelle que soit
la situation des choses, au moment où vous en recevriez Tordre ; et il vous
arrivera probablement de la manière la plus imprévue.
Vous ne sauriez trop vous attacher à l'exécution littérale de cette dispo-
sition, et vous en connaîtrez avant peu l'importance par les détails que je vous
communiquerai par un prochain courrier.
(1) Rapport d'ensemble da Ministre de la marine, en date da 21 juillet 1805.
(t) Archives de la Marine, BB»^» 211.
560 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.
Telles sont, Monsieur l'Amiral, les dispositions arrêtées par Sa Majesté et
dont TOUS avez h opérer Texécution.
Recevez Toffre de mon inviolable attachement.
P, S, — Je vous dirai, Monsieur rAmiral,que si vous mettez à la voile avant
le l*' prairial, vous ne devez pas perdre un instant potir expédier la frégate, la
meilleure voilière de Varmée, afin de prévenir d^avance le vice-amiral Ville-
neuve de votre départ et de votre prochaine arrivée, pour qu*il vous attende ;
cette disposition en continuation de ce que je vous ai écrit le 4 de ce mois.
D'autre part, le gouvernement espagnol avait été invité à
envoyer soit à Cadix, soit à Toulon, les 6 vaisseaux de Cartha-
gène.
A Son Altesse Royale le prince de la. Raix (1).
Paris, le 9 floréal an xni (29 avril 1805).
Prince,
La réunion de Cadix est un premier succès dans lequel TEmpereur a reconnu
l'heureux effet de l'activité que vous avez su imprimer à la marine de Sa
Majesté Catholique.
Sa Majesté Impériale et Royale s'en est exprimée ainsi dans la dépêche
qu'elle m'a fait l'honneur de m'adresserde (2); et elle m'ordonne de faire
connaître h Votre Altesse Royale les opérations qui lui paraissent devoir être
adoptées dans les conjonctures présentes.
Le Ferrol sera certainement débloqué au moment le plus inattendu, il est
donc indispensable que les vaisseaux armés qui s'y trouvent soient toujours
prêts à mettre h la voile; et l'Empereur désire vivement que le nombre en
soit accru, et porté jusqu'à dix, autant que le comportera le retard du déblo-
quement.
Les deux puissances ont à recueillir de si grands avantages de leurs efforts,
dans cette lutte, qu'elles n'ont de repos à prendre que lorsqu'elles auront
achevé tout ce qu'il est possible d'entreprendre.
Il faut que l'ennemi soit dans une incertitude et une alarme continuelles
sur les mouvements des forces alliées ; il faut qu'il se trouve en même temps
menacé et frappé partout.
Pour atteindre ce but, Votre Altesse sent déjà le besoin de compléter les
armements de Cadix par celui des sept vaisseaux qui restent dans ce port ; et
l'Empereur juge nécessaire que l'escadre de Carthagène se rende à Toulon ou
à Cadix.
Si c'est à Toulon, elle s'accroîtra des forces navales que Sa Majesté Impé-
riale et Royale fait armer dans ce moment; et ses approyisionnements de
(1) Archives de la Marine, campagne 1805. BB^^, 133.
(t) Illisible.
l'immobilité de ganteàume. 561
vivres ne présenteront plus de difficultés, les magasins de Sa Majesté devant y
pourvoir.
Si c'est à Cadix, cette escadre, réunie aux sept vaisseaux espagnols qui s*y
trouvent, fournira une flotte importante qui deviendra pour Tennemi un objet
de sollicitude et le forcera à une grande diversion.
Mais, Prince, vous sayez que Farmement des vaisseaux et leur réunion dans
une rade ne suffisent pas : on ne saurait trop prescrire à celui qui les com-
mande des appareillages fréquents qui, sans que Ton s'écarte de la rade et
sans compromettre la sûreté des vaisseaux, exercent les équipages et obligent
Tennemi à tenir en présence au moins des forces égales.
Dans Talternative de la destination de Tescadre de Garthagène, je prie
Votre Altesse Royale de vouloir bien m'informer de la détermination que Sa
Majesté Catholique aura jugé conyenable de prendre.
La considération particulière manifestée si souvent par Sa Majesté l'Empe-
reur et Roi pour les qualités éminentes qui vous distinguent, pour le zèle que
vous développez dans la cause commune, me font regarder comme une faveur
spéciale de mon souverain Thonneur qu'il me procure d'entretenir des com-
munications avec Votre Altesse Royale et de lui réitérer Tassurance de mon
respect.
Le prince de la Paix choisit Cadix comme but du voyage
ordonné à Tescadre de Garthagène. Mais, pour atteindre sa
destination, il eût fallu que Tamiral Salcedo se rendit compte
qu'il était à ce moment le mattre de la Méditerranée, où les
Anglais n'avaient plus que les navires légers confiés à Bic-
kerton, après le départ de Nelson, et qu'il ne se laissât pas
bloquer ou ramener au port par des forces hors d'état de
lutter contre ses six vaisseaux de ligne (1).
(1) Archives des affaires étrangères. Espagne, 1805.
Le Prince de la Paix à Talleyrand,
Bzmo Senor,
10 mai 1805.
En yista de! plan de operaciones que a S. M. el Emperador y Rey le parece debe
adoptane en la présente eorpentora, dire à V. E. que, por sèr el Paerto de Cadix, el mas
bien sitoado para eomprender desde él qnalqnier expédicion, ha resaelto el Rey mi amô
qoe passé alii y no a Tolon la esqoadra de Cartagena. Asi lo prevengo hoy al gênerai
Saleedo que la manda, y estoy seguro de que no perderà instante en Teriflcario luego que
pueda hurlar hs navios Yngleses ; pues tiene la esquadra tan pronta que yà se Insô
a la mar el diâ 27 de abri! por haberse presentado a la vista algunos bugties que pare~
dan enemigos, y volTiè el 28 despuès de haber devisado las fuerzas muy superiores del
almirante Nelson.
• •••••• .••*..«•
El Prince de la Paz.
IV. 36
562 TROISlàMB PARTIB. — CHAPITRE IX.
En même temps, les renseignements qui parvenaient au
sujet de l'activité déployée par les Espagnols, étaient propres à
donner confiance. Mais l'Empereur était fort sceptique à ce
sujet (1).
Madrid, le It floréal an xdi (2 mai 1806).
Monseigneur,
Le courrier que Votre Excellence m'a expédié de^ Turin m*a assuré être
sorti de cette TÎlle au moment où y entrait celui que j*ai fait partir de Bayonne
avec une dépêche du Î3 germinal (13 avril), relative à la jonction de notre
eêcadre et (Tune division de celle de Cadix.
Votre Excellence n'aura donc pas tardé à être satisfaite sur un des points
les plus intéressants de Tordre général qui fait Tobjet de la lettre qu'elle a bien
voulu m'écrire.
Je crois utile, néanmoins, de mettre de Tensemble dans les récapitulations
qu'elle me demande sur toutes les opérations préparées et exécutées dans les
principaux ports de l'Espagne, et c'est pour en compléter le tableau que Je
fais de nouveau mention de la sortie de l'amiral Gravina à l'article Cadix.
Cadix.
L'escadre de Toulon a fait sa jonction avec la division espagnole dans la
nuit du i9 au 20 germinal [9 au iO mars).
Le 2i au matin, l'escadre combinée éUiit hors de la vue de Cadix, forte de
i7 vaisseaux seulement, mais on a la presque certitude qu'elle aura été
rejointe par le Saint-Raphaël, qui a appareillé dans la matinée du 21, et
duquel on n'a plus entendu parler, ce qui est un bon signe.
Cet événement a été annoncé directement à Sa Majesté Impériale par an
courrier que je lui ai expédié, d'après l'invitation du général Lauriston.
Depuis lors, on n'a aucune nouvelle de l'escadre et, h la date des dernières
nouvelles de Cadix, de Lisbonne et du Ferrol, aucun bâtiment n'était encore
entré dans ces ports qui l'eût rencontrée ; dès qu'on en aura la moindre con-
naissance, j'espère que je serai le premier à en informer Votre Excellence.
(1) Correspondance de Napoléon, 8745, à Decrès, 16 mai.
Milan, 26 floréal an xiii (16 mai 1805).
Il ne fkat pas trop ajouter foi à tout les bmita da général Beurnonville. Je doute que
reieadre de Carthagène aoit sortie ; ai elle Test, tenei pour oertaln qu'elle n'a pas été à
plut de 3 lieues de la e6te. Du moment que j'aurai des nouvelles du 1» prairial, j'écrirai
en détail en Bipagne ; alors aussi, mais alors seulement, vous pourrei écrire pour lui
tiire connaitre qu'il n'est pas probable que l'escadre soit bloquée dld à un mois ou six
semaines ; qu'au lieu de six viJsseauz, j'espère qu'il y en aura dix ; que toute l'aetivité
doit se tourner là-dessus.
J'approuve les conventions des vivres que vous faites, montant à neuf milliont, dont
quatre existants ; presses de manière que partout tout soit prêt dans le courant de ther-
midor.
Napolkon.
l'immobilité db oântbaume. 563
Nelion ii*a point paru au détroit et, depuis près d'un mois, on n*a aperçu
aucune ditision de sa flotte à la o6te de la Méditerranée.
A l'apparition de Tescadre française, le commodore Orde s*est retiré de la
station qu'il occupait de? ant Cadix ; mais on a tu reparaître, depuis, quelques
vaisseaux de sa croisière.
Une seconde division de six vaisseaux est armée à Cadix. En voici les noms :
Le Glorieux;
La Sainte-Trinité ;
Le Saint'Léandre ;
La Cas tille;
La Foudre;
Le Juste,
Une troisième division de quatre vaisseaux seulement est destinée à suivre
la seconde, dès que celle-ci sera entièrement formée. Voici les noms des quatre
vaisseaux désignés pour cette troisième :
Le Bahama;
La Sainte-Anne;
Le Migno ;
Le Vainqueur,
Si le département de Cadix était aussi riche d'hommes et de vivres qu'on Ta
lait riche d'argent, ces deux divisions seraient facilement prêtes pour la mi-
juin. Mais en définitif, et sauf le délai matériellement nécessaire, il y aura eu
seize vaisseaux de préparés à Cadix, dont six ont déjà appareillé, plus une Ré-
gate, et dont le surplus, à force d'activité et de sacrifices, pourra être utilisé
ou partiellement, ou en masse, d'ici à la fin de juin.
Ferrol.
Dix vaisseaux, dont quatre français et six espagnols, sont mouillés et se
tiennent sur une seule ancre, prêts à appareiller au premier signal qu'ils
attendent.
Pour peu qu'ils demeurent quelques jours dans cette situation, l'escadre se
renforcera d*un vaisseau espagnol et du vaisseau français le Redoutable^ qui a
encore besoin de ses pièces à eau pour prendre la mer.
A moins d'un très prompt départ, Tescadrc combinée sera donc de douze
vaisseaux. Le contre-amiral Gourdon et le lieutenant général Grandellana y
travaillent à force, décidés à ne point quitter le mouillage du Ferrol ; on est
hors de doute, dans ce port, que les deux commandants s'attendent à être
débloqués par la flotte de Brest.
Le bataillon du 79* régiment d'infanterie a été réparti sur nos vaisseaux, et
la frégate la Revanche j mouillée à la Corogne, est venue au Ferrol se joindre
à la division française.
Les Espagnols n'ont de vivres que pour un mois, ce qui rend la destination
de l'escadre plus difficile et restreint beaucoup le choix des opérations qu'elle
aurait pu exécuter sans cette circonstance. Le contre-amiral Gourdon a du
pain pour trois mois, et plus on différera d'appai*eiller, plus sa provision
deviendra abondante, il fait fabriquer à force à la Corogne.
564 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.
L'escadre qui bloque le Ferrol n'était que de huit Taisseaux à la date du
4 floréal, mais il parait que le deToir du contre-amiral Gourdon est d'attendre,
sans quoi il me marque qu'il n'aurait pas hésité de sortir.
Je n'ai pas un tableau assez nouveau des \aisseaux susceptibles de former la
seconde division du Ferrol, mais je ferai ce qu'il fuut pour l'avoir et pour
l'adresser promptement à Votre Excellence.
Carthagène.
L'escadre qui était dans ce port a appareillé le 7 floréal au matin et l'on n'a
point encore d'avis sur les opérations qu'elle aura exécutées ; il eût été extrê-
mement désirable qu'elle pût se rendre à Cadix , de conserve avec l'amiral
Villeneuve. Réunie aux dix vaisseaux de Cadix, elle générait bien davantage
les Anglais. Maintenant, on ne sait trop quand elle pourra entrer dans
l'Océan et l'on attend avec une curiosité inquiète l'issue de la manœuvre
qu'elle a faite.
M. le Prince de la Paix m'a confié avoir donné à Tamiral Salcedo l'ordre
indéfini de sortir dans un but utile quel qu'il soit : d'observer la mer, de don-
ner chasse à l'ennemi partout où il se trouverait inférieur, de manœuvrer enfin,
d'après les avis et la connaissance des parages, soit pour rentrer après avoir
excité l'attention de l'ennemi, soit pour passer le détroit si toutes les chances
sont favorables à cette navigation et à la jonction des escudres dans Cadix.
L'opinion que je dois me former d'une telle opération est que, en efiet, le
Prince de la Paix a été bien aise de faire sortir momentanément d'inactivité
une escadre dont les équipages, trop neufs pour la mer, ont besoin de s'y
exercer peu .\ peu avant de tenter une entreprise positive. Cependant, M. de
Salcedo aura eu Tordre de mettre à profit tout ce qui pouvait favoiiser une
opération utile et, sans avoir de désignation spéciale à cet égard, je pense
qu'il aura eu du moins la faculté de faire pour le mieux.
Au surplus, comme la navigation est rétrécie vers le sud de Carthagène,
qu'à l'est il y aurait beaucoup de danger à prendre un trop grand essor, et qu'à
l'ouest on entre bientôt dans les eaux du détroit, les premières nouvelles que
j'attends de Carthagène sont que l'escadre y est rentrée, car il n'y aurait
qu'une réunion des circonstances les plus heureuses qui eût pu déterminer
M. de Siilcedo à la conduire à Cadix.
Je résume tout ce qui précède et je trouve pour résultat :
vaisseaux.
i® Six vaisseaux sortis de Cadix 6
2* Six vaisseaux sortis de Carthagène 6
3® Dix vaisseaux en armement à Cadix, dont partie sur le
point de sortir 10
4** Sept vaisseaux sur une seule ancre au Ferrol et prêts à
appareiller au premier signal 7
En tout vingt-neuf viiisseaux qui, réunis aux six vaisseaux français qui se
sont trouvés dans les ports du Ferrol et de Cadix, mettent les Anglais dans
la nécessité d'observer ou de combattre trente-cinq vaisseaux de ligne, six mois
après la rupture de l'Angleterre et de l'Espagne.
l'immobilité de oanteaume. 565
Quelque satisfaisant que soit cet aperçu, Sa Majesté Impériale aura besoin,
pour le trouver tel, de le comparer à la situation intérieure de ce pays et aux
désavantages de tout genre malgré lesquels il a fallu qu'il se présentât à la
lutte. Un temps Tiendra sans doute où notre alliance avec TEspagne, dirigée
vers son véritable but, deviendra définitivement funeste à T Angleterre. Mais
déjà ne peut-on pas éprouver un contentement relatif et s'étonner de l'activité
et des efforts que nous sommes parvenus à faire déployer au gouvernement
espagnol, comme aussi des sacrifices pécuniaires auxquels il a dû se décider
dans un moment où l'esprit public était mort, le crédit éteint, le peuple
accablé de calamités et les finances sensiblement affaiblies par Pacte de vio-
lence même qui a déterminé la guerre ?
J'aurai soin de donner successivement à Votre Excellence tous les rensei-
gnements qui me seront transmis, soit sur les croisières et les passages de
convois, soit sur les mouvements de Gibraltar, de Minorque, et en général sur
tous les objets que je croirai vraiment dignes d'exciter l'intérêt de Sa Majesté
Impériale.
Veuillez agréer, Monseigileur, Thommage de ma haute considération et de
sincère attachement.
Le Général : Beirnonville.
P. S. — Je joins à cette dépêche le tableau de la division espagnole sortie
de Cadix et qui a fait sa jonction avec celle de Toulon.
B.
En ce qui concerne Fescadre de Carthagène, sa sortie avait
rapidement pris fin à la seule assurance que Nelson n'avait
pas encore quitté la Méditerranée. S'il n'avait pas paru
devant Carthagène, il n'en avait pas passé très loin dans sa
route vers Tétuan, où il était arrivé le 5 mai (1).
Âranjoei, le 16 floréal an xiii(6 mai 1805).
Nelson a paru vers Carthagène avec il vaisseaux de ligne et 8 frégates. Sa
présence a fait rentrer l'escadre de Carthagène, dont je n'avais pas vu la
sortie avec beaucoup de tranquillité.
M. de Salcedo a du moins eu le bonheur de ne faire aucune perte et il a
ramené dans le port G vaisseaux qui pourront reprendre la mer en temps plus
utile, dans un but déterminé, et avec des chances de succès moins incertaines.
Il s'agit maintenant de savoir si Nelson passera le détroit et quelle direction il
prendra ensuite ; les renseignements que nous obtiendrons sur l'état de ses
forces, sur celles qu'il a peut-être laissées dans la Méditerranée et sur ses diffé-
rentes combinaisons avec les amiraux Orde et Calder, qui croisent devant
(1) Voir ci-dessus.
666 TR0I8IÈMB PAETIB. — CHAPITRE IX.
Cadix et le Ferrol, contribueront beaucoup à fixer le choix du Prince entre les
deux partis dont Sa Majesté Impériale lui a offert TaltematiTe.
Le général : Biuri«oi«yillb.
Arai^aex, le t5 floréal an xm (15 mal 1805).
Monsieur le Vice- Amiral (i),
Aussitôt que le contre-amiral Gourdon m'a fait part d'un objet quelconque
de nécessité pour Fescadre qu'il commande, j'en ai fait la demande au minis*
tère espagnol, de qui je Tai obtenu sur-le-champ toutes les fois que la chose a
été possible.
C'est ainsi que le Fougueux a été récemment garni de manœuyres qui lui
manquaient et que, plus nouvellement encore, le prince de la Paix a fait pas-
ser l'ordre au capitaine général du Ferrol d'approvisionner ce vaisseau des
articles de pharmacie dont il a besoin. J'ai à cœur. Monsieur le vice-amiral, de
seconder, autant qu'il est en moi, les grands travaux de votre Département,
du moins sous les rapports qu'ils ont avec le port que j'occupe, et si les
intentions de Sa Majesté Impériale ne sont pas toujours aussi pleinement rem-
plies que je le désirerais, toujours est-il constant que je n'ai rien à m'imputer
à cet égard. Je ne crois pas que la cour d'Espagne puisse prendre un système
assez contraire à celui qu'elle a toujours eu depuis que je réside auprès d'elle,
pour se refuser à une seule des choses vraiment utiles que je lui proposerai; et
lorsque vous vous apercevrez, Monsieur, que telle ou telle chose ne répond
pas à l'idée que Votre Excellence s'en était formée , Votre Excellence devra
croire aussi que, sans doute, il ne m'aura été donné aucun ordre et que j'ignore
absolument la chose sur laquelle il lui resterait le moindre désir.
Tous les ordres ont été expédiés d'ici pour que les réparations du Redoutable
soient poussées avec vigueur ; et d'après les moyens que Votre Excellence a
misa la disposition du contre-amiral Gourdon, je ne doute pas que ce vaisseau
ne puisse incessamment suivre en rade les quatre autres ; l'équipage était ce
qui souciait le plus ce contre-amiral, mais il ne tardera pas à en avoir com-
posé un aux dépens des frégates et corvettes qu'il a la liberté de laisser au
Ferrol ; je pense qu'avec les (2) nécessaires on aura bientôt fabriqué les
pièces à eau, et pour peu qu'il s'écoule de jours avant le départ des escadres,
le vaisseau le Redoutable en fera infailliblement partie.
J*ai adressé il y a huit jours, au Ministre des relations extérieures, un état
des armements espagnols. Sa Majesté Impériale y aura vu que l'escadre du
Ferrol est de 6 vaisseaux en rade ; depuis lors, il leur en a été adjoint un
septième et, dès que le Redoutable sera entré en ligne, la division combinée
dans ce port sera de 12 vaisseaux; elle est aujourd'hui de il seulement, mais
déjà ce nombre excède celui dont Votre Excellence me témoigne qu'elle
désire être parfaitement certaine, et dès lors je dois croire que les choses lui
paraîtraient dans un état satisfaisant au Ferrol.
(1) Archives de la Marine^ BB«^, Î34.
(S) Lacune dans la minute.
L'nOfOBILITé DB GANTEAX7ME. 567
Votre Excellence n'ignore pat combien les départements de Cadix et de
Garthagène ont souffert des maladies et de la disette des années précédentes ;
ils ont fait des pertes disproportionnées à Fétat maritime de TEspagne et il a
fallu n'être pas infiniment difficile sur le choix des hommes de mer pour
armer les 29 vaisseaux et les 4 frégates que nous Tenons de tirer du néant en
moins de cinq mois ; les équipages ne sont donc pas aussi expérimentés qu'il
le faudrait.
Le biscuit est le seul article dont on ne soit pas suffisamment approvisionné,
mais on y trayaille avec force. Tous les autres vivres sont à bord, et j'ai la
parole d'honneur du Prince qu'ils sont en abondance pour le temps déterminé.
Sur la proposition que Votre Excellence a faite au prince de la Paix
d'envoyer à Toulon ou à Cadix la division de Garthagène, le Prince s'est
déterminé pour Cadix; je n'ai pas été suffisamment autorisé à lui fkire pré-
férer la destination de Toulon et, d'ailleurs, on lui laissait quelque liberté à cet
égard ; cependant, la navigation actuelle de Nelson promet une sécurité tem-
poraire aux vaisseaux qui seraient dirigés sur Toulon, i\ vaisseaux de ligne
ayant mouillé à Gibraltar dans la nuit du 16 floréal et, selon toutes les appa-
rences, étant entrés à présent dans l'Océan.
Malgré cela le Prince a pensé que de grandes forces réunies à Cadix seraient
par la suite une ressource infiniment utile pour Sa Majesté Impériale ; et
comme les 6 vaisseaux de Garthagène, réunis à six autres qui sont sur le point
d'être armés à Cadix, formeront dans l'Océan une escadre de i2 vaisseaux,
que l'on espère pouvoir porter à 16 pour la fin de juin , il n'est pas douteux
que le Prince n'ait d'asses bons motifs à faire valoir pour justifier sa préfé-
rence et pour couvrir par des raisons admissibles la répugnance secrète que je
lui suppose pour la division des forces de l'Espagne, et surtout pour les mettre
trop positivement à notre disposition ; une des causes dont il m'a parlé, et qui
doit en effet être de quelque poids dans le jugement à porter du parti qu'il a
pris, c'est que la ville de Garthagène n'était point encore entièrement purifiée
de la dernière épidémie et que la santé des équipages, bonne pour des hommes
acclimatés, serait peut-être de quelque danger pour des hommes d'un climat
différent.
Je vous prie, Monsieur le Vice-Amiral, de vouloir bien agréer l'hommage
de ma haute considération.
Beurnonvilue.
Pendant ce temps, l'Empereur, escomptant l'arrivée de
Missiessy attendu de jour en jour, édifiait un nouveau projet
destiné à réparer l'échec de la réunion aux Antilles de cet
amiral avec Farmée de Villeneuve.
Au Wce-am/ra/ Decrès (i).
Milan, 20 floréal an xm (10 mai 1806).
S'il ne faut pas réunir des vivres à Gherbourg, il en faut beaucoup réunir
(1) Correspondance de Napoléon, 8714.
568 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE IX.
au Hayre et à Honfleur. Il est nécessaire qu'on en fasse faire à Cherbourg pour
le Havre.
Je n'ai rien à répondre à votre lettre du 45 (5 mai) ; tous verrez, par ma
dernière, que j'ai prévu qu'il faut au 1*' prairial (21 mai) que la Topaze (i)
et autres de Lorient partent si vous le jugez nécessaire.
Je vais prévoir une autre circonstance y celle de V arrivée de Missiessy à
Lorient ou à Bochefort. Dans ce cas, mon intention est qu'il prenne ses vivres
et qu'il parte sur-le-champ pour joindre f amiral Villeneuve,
Je suppose qu'il fût arrivé et put partir au (2) ou le 5 prairial (25 mai).
Il n'y a pas pour lui les mêmes conséquences que pour Ganteaume de rester
en arrière. Il est donc nécessaire que vous envoyiez des dépêches cachetées à
Rochefort et à Lorient, et qu'on soit prévenu de lui remettre ses dépêches et
ses vivres en quarante-huit heures. Vous y ajouterez l'instruction que, si
un vaisseau était hors d'état de suivre, il resterait et le reste continuerait sa
route.
Vous donnerez à l'amiral des ordres cachetés, dans lesquels vous lui direz
que si, à son arrivée à la Martinique, l'amiral Villeneuve était parti et qu'il
puisse espérer de le rattraper, il ait à se diriger sur le lieu où va l'amiral
Villeneuve. Et enfin , si Missiessy arrive après le 5 prairial (25 mai), mon
intention est que, avant qu'il soit bloqué, il se rende à Cadix et, dans ce
dernier cas, six jours de retard n'étant pas une affaire, j'aurai le temps de
donner des ordres sans éprouver de retard. Je regarde sa station à Rochefort
ou à Lorient comme mauvaise et contraire à mes projets, parce qu'elle réunit
un grand nombre de vaisseaux anglais dans les mêmes parages.
Envoyez un courrier à Cadix, avec l'ordre de vous rapporter sur-le-champ la
situation des croisières ennemies dans ces parages. Vous sentez bien qu'ayant
ce projet, c'est que je n'ose pas espérer de pouvoir faire parvenir au Ferrol, et
puis on peut peut-être mettre en discussion si cela serait avantageux.
Napoléon.
Ces ordres firent Tobjet de deux lettres de Decrès, en date
du 16 mai (3).
La première, adressée à Gourdon, lui prescrivait d'obtenir
des Espagnols que leurs vivres soient portés à cinq mois, ou
au moins trois.
La seconde^ adressée à Rochefort, pour être remise à
l'amiral Missiessy à son arrivée, contenait Tordre de se pour-
voir de six mois de vivres, quatre mois d'eau et de reprendre
la mer avant le 5 mai.
(1) Elle partie 15 mai.
(S) Lacune dans la minute.
(3) Archives de ta Marine, BB»^, 229 -M7
l'immobilité de oanteaume. 569
Dans rintervalle, TEmpereur modifia le rôle attribué à
Missiessy.
Au vice-^mirtil Deorès (i).
Milan, t3 Aorétl an xin (13 mai 1805).
Monsieur,
Je reçois tos lettres des 17 et 18 floréal. Il parait que Tescadre de Tarairal
Missiessy est partie le i5 ou 26 Tentôse (16 ou 17 mars); elle est restée à la
Martinique moins d'un mois. Elle a dû partir de Santo-Domingo ayant le
1*' avril ; elle ne doit pas mettre plus de quarante jours pour revenir de
Santo-Domingo en France. Elle devrait donc être rentrée au iO mai; nous
sommes au 13. Si elle est arrivée, hfttez-vous de m'informer en détail des
affaires.
Vous aurez reçu la lettre que je tous ai écrite il y a deux jours. Faites que
Tescadre (2) ne communique point avec la terre ; faites~y mettre des vivres et
envoyet'là sans délai à la Martinique; ne partirait-elle que le 5 prairial
(25 mai), elle arriverait à temps. Je pense qu'il est probable qu'elle arrivera
avant le 10 messidor (29 juin). Vous pouvez faire embarquer, sur chaque vais-
seau, 100 hommes de supplément d'équipage, qui peuvent être fournis par les
canonniers de Rochefort. Au pis aller, voici un ordre que je vous envoie pour
que 600 hommes soient mis à votre disposition. (}uand vous recevrez cette
lettre, vous aurez reçu l'ordre de faire approvisonner sur-le-champ l'escadre
du Ferrol.
Si l'escadre de l'amiral Missiessy est arrivée le 14 ou le 15 (i ou 5 mai),
comme le fait croire la lettre du commissaire de la Rochelle, elle peut partir
avant le 5 prairial (25 mai).
Cependant, si le cas arrivait, qu'arrivée à la Martinique elle trouvât que
V amiral Villeneuve en est parti, et qu'elle n'eût plus aucun espoir de le joindre
au Ferrol, vous laisseriez manœuvre indépendante à l'amiral Missiessy; il
ravagera le commerce ennemi partout où il se trouvera ; et surtout, si le
général . Lauriston n'a pas pris la Dominique et Sainte-Lucie, t7 /avomera
Vexpédition de la Dominique, qui sera faite par le général Emouf ; l'attaque en
sera faite sur les deux points de l'Ile ; il y sera employé 2,000 hommes de la
Guadeloupe et 2,000 hommes de la Martinique ; ceux de la Martinique seront
commandés par un général de brigade et ceux de la Guadeloupe par le général
Emouf en personne, qui aura le commandement général de l'expédition. //
faut donc qu'à tout hasard l'amiral soit porteur d'une dépêche dont l'objet sera
que, si le général Errumf juge l'expédition de la Dominique possible, il l'attaque
avec ses forces, et que le capitaine général Villaret expédie, le plus tôt pos-
sible, 2,000 hommes de la garnison de la Martinique, pour attaquer l'Ile par le
Roseau. Une fois conquise, l'Ile serait sous les ordres du général Ernouf, qui
la ferait commander par un général de brigade ou de division.
Dans tous les cas, approvisionnez l'escadre de tout ce dont elle a besoin et
(1) Correspondance de Napoléon, 8730.
(2) De MisBiessy.
570 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE IX.
faites'là partir. Je ne pense pas qu'elle soit bloquée à Rochefort avant le
10 prairial (30 mai).
Si la Martinique, la Guadeloupe et la Dominique étaient en bon état, et que
YilleneuTe fut parti, Missiessy attaquera Sainte-Lucie et, si celle lie était en
notre pouvoir, il porterait à Santo-Domingo les 600 hommes qu'il a. II y
débarquera aussi de la poudre.
Je vous renvoie vos dépêches. Je fais mettre dans le Moniteur Thistorique
des opérationi aux Hes du Vent.
Napoléon.
Au Wo6*am/ra/ Deords (!)•
Milan, 23 floréal an xiii (13 mai 1805).
Je reçois votre lettre du 19 floréal. Je suis étonné que Tescadre de Roche-
fort ne soit pas arrivée ; il y a près de cinquante jours qu'elle est partie de la
Martinique. Je suis porté \ croire qu'elle y est restée plus de temps et que
lorsque l'ayiso est parti de la Guadeloupe, le 27 germinal (17 avril), Tescadre
n'en était pas encore partie. Toutefois, prenez toutes vos précautions pour pou-
voir l'approvisionner promptement et la remettre sur-le-champ en activité.
Napoléon.
On arrive ainsi au 20 mai : ce jour-là surviennent deux évé-
nements importants. D'abord l'arrivée de Missiessy à Roche-
fort, puis l'abandon de toute tentative de faire sortir de Brest
l'escadre de Ganteaume.
Ainsi qu'il était convenu, cette dernière nouvelle, sous la
forme ci-dessous, fut envoyée à Villeneuve, d'abord de
Lorient par la frégate le Président et le brick le Néarque^ qui
partirent ensemble le 21 mai, puis deux jours plus tard, le 23,
par le Département-des-Landes expédié de Rochefort.
Aucun de ces navires ne devait rallier Villeneuve.
4 /'am/ra/ Villeneuve (2).
Paris, le 30 floréal an xui (tO mai 1805).
Monsieur T Amiral,
Cette lettre n'a pour objet que de vous informer que Vamiral Ganteaume
rCapu appareiller de la rade de Brest, et que V ordre de Sa Majesté est quHl n* en
appareille plus, mais qu'il reste prêt à mettre sous voiles au moment que tous
partirez.
(1) Correspondance de Napoléon, 8731.
(2) Archives de la Marine, BBi», t30.
l'immobilité de oantbaume. 571
UEmpereur veut que, aussitôt que cette dépêche vous arrivera^ vous grattiez
les Antilles sans délai j avec toute V armée combinée ^ pour vous porter sur le
Ferroly conformément aux instructions en date du 24 germinal, qui vous ont
déjà été expédiées par trois occasions différentes, ainsi qu'une dépêche du J7,
qui accompagnait lei instructions de Sa Majesté.
Ces instructions de FEmpereur et ma dépêche déterminent les opérations
importantes que vous avex à remplir après votre départ des Antilles, et les
communications que tous defes avoir avec Tamiral Gravina.
Vous devrez donc, Monsieur rAmiral, appareiller aussitôt la présente lettre
reçue ; et Je n'ai rien à ajouter au contenu des instructions de Sa Majesté sur
la grande entreprise qu'elle vous confie ; encore quelques semaines d*infoiitune
et votre nom. Monsieur T Amiral, est à Jamais consacré par le plus grand et
le plus glorieux des succès.
Le Ministre de la marine (i),
DeCR^.8.
(1) Toute l'histoire de cette eorrespondanet le trouve résumée dans les deux pièces
toivantet (Registre de la corrtspondanee de ramiral Deerès) :
Instructions de Sa Majesté.
t4 germinal (U avrU 1805).
Il doit être à la Martinique avec It vaisseaux français et 6 vaisseaux espagnols.
Le contre-amiral Magon Ta le rejoindre avec deux Taisseaux.
Si 35 jours après l'arriTée de ce contre-amiral, l'amiral Oanteaume n'a pas paru, il
reviendra sur le Ferrol.
n 7 trouvera 15 vaisseaux français et espagnols.
Il se portera arec ses 35 vaisseaux devant Brest oè il en ralliera 21.
Avec cette armée de 56 vaisseaux, il entrera dans la Manche et se portera devant
Boulogne.
Il doity pendant son s^our à la Martinique, assurer la possession des Iles françaises.
Envoi des instructions de Sa Majesté»
27 germinal (17 avril 1805).
On suppose que la Dominique a été prise par le général Lagrange.
Ordre de se concerter avec ce général et le général Lauriston pour attaquer telle antre
tle anglaise qu'il sera possible d'enlever pendant son séjour aux Iles du Vent.
9 floréal (20 avril).
Envoi du duplicata des instructions du 24 (14 avril) et de la dépêche du 27 (17 avril).
Ordre itératif de s'y conformer.
Recommandation d'attaquer, avec les 1 ,200 hommes que l'on présume réunis aux Iles du
Vent, toutes les colonies anglaises et particulièrement la Trinité. L'Empereur pense que
toutes les iles peuvent être enlevées.
11 floréal (I«rinal).
P. S. — • Ordre itératif de revenir sur le Ferrol ; le contre-amiral Magon est prêt à
appareiller.
23 floréal (13 mai).
Le oontre-amiral Magon est parti le 11 floréal (l«r mai). L'amiral Oanteaume est eneore
à Brest. *
Si le 10 messidor (29 Juin), le viee-amiral Villeneuve n'a pas avis du départ de l'amiral
872 DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.
En résumé :
Les deux vaisseaux de Magon partirent le !•' mai et rejoi-
gnirent Villeneuve le 4 juin.
La Didon partit le 3 mai, rejoignit Villeneuve le 30 mai.
Oanteaame, il doit partir, arriver sur le Perrol, et remplir les instmctions du 24 germinal
(U avril).
Il partirait également si, avant le 10 messidor, il était averti que Tamiral Ganteaame est
encore retenu à Brest, d'où il ne partira pas après le 30 floréal.
11 ne doit rien négliger poor augmenter ses vivres à la Martinique et en restreindre la
consommation.
30 floréal (20 mai 1805).
L'amiral Oanteaame n'est pas parti de Brest et il y restera.
Ordre d'appareiller à la réception de cette lettre, de se porter sur le Ferrol et de
saivre les instractions du 24 germinal.
(Archives de la Marine^ BBi^, 230.)
Mouvement de la flotte.
L'armée commandée par le vice-amiral Villeneuve a mis à la voile de la rade de Toulon
le 9 germinal (30 mars), au nombre de 11 vaisseaux et 6 frégates.
Les instractions de Votre Majesté prescrivaient au vico- amiral Villeneuve de se rendre à
la Martinique après avoir rallié, à Cadix, le vaisseau V Aigle et deux corvettes ; cet officier
général était prévenu que l'armée navale de Brest recevait en même temps l'ordre de
partir pour la Martinique, et qu'il devait se ranger dans cette colonie sous les ordres de
l'amiral Oanteaume.
II devait attendre l'armée navale au Fort-de-France pendant 40 jours, et, ce terme
écoulé, débarquer ses troupes passagères, soit aux Iles du Vent, soit à Santo-Domingo, et
croiser dans ces parages pendant 20 jours, pour effectuer ensuite son retour à Cadix.
Le viee-amiral Villeneuve parut le 20 germinal devant Cadix et, le jonr même, le
vaisseau V Aigle, deux corvettes françaises, six vaisseaux et une ft^gate espagnols se
rangèrent sous son pavillon.
Il est à remarquer qu'à cette époque l'amiral Nelson, commandant une escadre de
11 vaisseaux, était spécialement chargé d'observer les mouvemrats du vice -amiral
Villeneuve et qu'il était très important de tromper la surveillance de l'ennemi, et même de
lui donner le change sur la destination de l'armée; c'est ce qui a été heureusement
efl'eetué.
L'armée combinée, forte de 18 vaisseaux, 7 frégates et 3 bâtiments légers était réunie
au Fort-de-France du 24 au 26 floréal.
Les vaisseaux espagnols étaient généralement mal armés et bientôt ils eurent un a&ses
grand nombre de malades.
Cependant, l'armée navale de Brest était retenue sur la rade par les vents contraires et
la présence de l'ennemi.
Dès le 27 germinal (17 avril), de nouveaux ordres furent expédiés au vice-amiral
Villeneuve, le plan général do l'expédition lui fut confié. Dans la supposition que les
troupes embarquées sur l'escadre du contre-amiral Missiessy avaient forcé la Dominique et
Sainte-Lucie, il était enjoint à l'amiral d'agir de concert avec les généraux Lauriston et
Lagrange pour s'emparer de cette autre colonie anglaise qui paraîtrait susceptible d'être
enlevée ; il lui était spécialement recommandé d'assurer la possession de la Martinique, de
la Guadeloupe et des fies conquises au moyen des troupes et des munitions qu'il avait &
bord ; ces troupes se montaient à 3,600 hommes, non comprises celles que le général
Missiessy pouvait avoir débarquées. Larmée combinée avait fait là faute de consacrer
35 jours à cette opération, après quoi, si Kamiral Oanteaume ne paraissait pas, elle avait
ordre de se porter sur le Ferrol et sur Brest, et d'entrer dans la Manche avec tontes les
l'immobilité de ganteaume. 573
La Topaze partit le 15 mai, arriva le 19 juin à la Martinique,
ne rejoignit pas.
Le Président partit le 21 mai, arriva le 1®' juillet à la Marti-
nique, ne rejoignit pas.
Le Néarque partit le 21 mai, arriva le 4 juillet à la Marti-
nique, ne rejoignit pas.
Le Département-des-Landes partit le 23 mai, arriva le
2 juillet à la Martinique, ne rejoignit pas.
Villeneuve resta donc, après le 4 juin, dans une complète
ignorance de la situation générale et des intentions de l'Em-
pereur. Quant à Napoléon il ne sut rien de Fescadre, qui
jouait le rôle principal, depuis son passage à Cadix, le
10 avril, jusqu'au 11 juillet, jour où arrivèrent les lettres
portées par le Lynx, Encore ces dernières ne fournirent-elles
aucun renseignement sur les intentions qu'avait Famiral
Villeneuve au moment où il les expédiait.
forces qu'elle aurait ralliées dans ces deux ports. Ces instructions furent portées à l'amiral
Villeneuve. Les frégates la Didon et la Topaze furent expédiées, la première partit de
Lorient le 13 floréal (3 mai), la seconde de la rade de Mindin le 25 floréal (13 mai).
La seule modification que reçurent les instructions fut de borner au 10 messidor
(29 Juin) le terme du séjour de l'armée combinée aux Antilles, en cas de non apparition de
l'amiral Oanteaume. Enfin, la frégate le Président partit de Lorient le l*** prairial
(21 mai) et porta au général Villeneuve l'avis que l'armée navale de Brest ne se rendrait
plus aux Antilles, et l'ordre à l'armée combinée de revenir sur-le-champ en Europe.
CHAPITRE X
LES DIFFÉRENTS ROLES ASSIGNÉS A L'ESCADRE
DE ROCHEFORT — LE PLAN DU 9-19 JUIN
La nouvelle de la rentrée de Missiessy paraît être parvenue
à Paris le 23 mai. C'est ce jour-là, en effet, que Decrès expédia
à cet amiral les instructions établies d'après les intentions
manifestées par l'Empereur le 13 mai.
Paris, le 3 prairial an xm (23 mai) (1).
M. le Contre-Amiral y
L'intention de Sa Majesté^ Monsieur le Contre-Amiral^ est que si, arrivant
à la Martinique, vous avei l'espérance de rejoindre Vamiral Villeneuve^ vous
ne négligiex rien pour vous joindre à lui, soit qu*il se trouve encore aux
Antilles, soit qu^il en soit parti depuis assex peu de temps pour que vous puis-
siez opérer votre jonction avec lui.
Dans le cas où vous ne pourriez avoir cette espérance de le rallier, vous êtes
libre de vos manœuvres et vous vous porterez partout où vous pourrez ravager
le commerce de Tennemi.
Mais rintention de l'Empereur est que si le général Lauriston n^a pas pris
la Dominique, vous favorisiez Texpédition que le général Emouf est chargé
de diriger contre cette île. L'attaque en sera faite sur deux points ; il y sera
employé 2,000 hommes de la Guadeloupe et 2,000 hommes de la Martinique*
Ces derniers seront commandés par un général de brigade et ceux de la Gua-
deloupe par le général Emouf eh personne.
Cette expédition est subordonnée \ Topinion du général Ernouf sur la possi-
bilité d'enlever la Dominique et aussi sur ce que comporte, à Tégard de votre
(1) Archives de la Marine, BB»\ «7.
576 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
escadre, la saison de Thivemage, dans laquelle vous serez près de vous trouver
à votre arrivée aux Antilles.
Si le général Ernouf ne pense pas pouvoir enlever la Dominique, vous por-
terez à Saint-Domingue les secours que les Antilles pourront lui procurer et les
hommes que vous avez «\ bord en supplément; vous pourrez consommer vos
vivres à la mer de la manière que vous jugerez la plus nuisible à l'ennemi, et,
selon la saison, vous pourriez vous porter au nord pour détruire la pèche de
Tennemi ; mais le plus essentiel de votre mission est, par dessus tout, de ral-
lier Tamiral Villeneuve, si vous jugez la chose possible.
Ces dispositions sont le supplément de vos instructions du 26 floréal.
Recevez Tassurance de mes sentiments inviolables.
! Degrés.
Sous plis séparés et fermés, Missiessy reçut aussi les deux
lettres suivantes adressées, Tune au général Ernouf, capitaine
général de la Guadeloupe, et l'autre à Famiral Villaret, capi-
taine général de la Martinique (1).
Jeadi, le 3 prtirial an xiu (t3 mai) (one heure du matin).
Monsieur le Capitaine général.
Le contre-amiral Missiessy reçoit de Sa Majesté l'Empereur et Roi Tordre de
se porter de nouteau aux Antilles.
L'objet de sa mission est de se rallier à l'amiral Villeneuve; mais si la flotte
combinée avait quitté les parages des Antilles à une époque assez reculée pour
que le contre-amiral Missiessy n'eut pas l'espoir de la rallier, l'intention de
Sa Majesté est que Vile de la Dominique soit attaquée par vous personnelle-
ment (par le général Ernouf personnellement), supposé toutefois que vous
jugiez possible le succès que cet officier général juge de cette expédition, d'après
les moyens que les Antilles peuvent fournir.
Pour cela, la Martinique fournirait 2,000 hommes, sous le commandement
d'un général de brigade, lesquels devraient attaquer par le Roseau, en même
temps que vous. Monsieur le Capitaine général, attaqueriez (le général Ernouf
attaquerait) sur tel autre point que vous jugeriez (qu'il jugerait) convenable.
L'île de la Dominique au pouvoir de Sa Majesté, sous vos ordres (sous les
ordres du général Ernouf), vous en donnerez (il en donnera) le commande-
ment à tel général de division ou de brigade que vous choisirez (que le général
Ernouf choisira).
Vous observerez que cette expédition dépend de Popinion que vous aurez (le
général Ernouf aura) de son succès ; et j'écris au Capitaine général de la Mar-
tinique et de la Guadeloupe dans ce sens, pour que vous vous concertiez avec
lui sans délai.
Si la Dominique avait été prise par le général Lauriston, ou que vous ne
jugiez pas pouvoir (le général Ernouf ne jugeât pas) l'attaquer avec succès, le
(l) Archives de la Marine, campagne \805. BB»v, tSS.
RÔLES ASSIGNÉS A l'ESCADRE DE ROCHEFORT. 577
contre-amiral Missiessy est libre de se porter partout où il croira pouToir nuire
à rennemi ; et particulièrement il lui est désigné de secourir Santo-Dommgo
par tous les moyens que les Antilles pourront lui fournir, tant en personnel
qu'en matériel.
ReceTex l'assurance de mon sincère attachement.
Quant à Ganteaume, il fut prévenu du nouveau plan par la
lettre suivante :
4 M. l'amiral Ganteaume (1).
Paris» 1« 5 pnUrial an xui (t5 mai).
Monsieur l'Amiral,
J'ai reçu les deux dépêches, Tune télégraphique et l'autre ordinaire, par
lesquelles tous m'informex que les circonstances ayant empêché votre départ
au terme fatal du 30 floréal, prescrit par Sa Majesté, vous avex expédié un
courrier à Lorient pour remettre au ^ice-amiral Thévenard les dépêches que,
dans ce cas, vous deviez lui adresser.
Je confirme aujourd'hui très formellement V ordre que je vous ai transmis, au
nom de f Empereur, de ne plus appareiller et d'attendre en rade de Brest le
moment oit, d'après ce que je vais vous exprimer, toute l'armée devra mettre
sous voiles. Ce sera probablement du iO au 20 messidor que ce mouvement
décisif devra s'opérer; et, en attendant cette époque, l'intention de Sa Majesté
est que l'organisation la plus sévère soit maintenue dans Farmée sous votre
commandement; elle doit être constamment approvisionnée de tout ce dont
elle aura besoin, munie de tout ce qui lui est nécessaire et ses équipages tou-
jours à bord, d'autant qu'il est très possible, par le fait des circonstances
qu'on doit prévoir, qu'avec cette époque du 10 au 20 messidor vous receviez
l'ordre d'appareiller pour vous porter à telle ou telle aire du vent, d'où l'on
pourrait d'avance calculer l'approche de l'armée du vice-amiral Villeneuve, par
des avis venus de Rochefort ou de tout autre point de la cête.
Le plan d'opérations auquel l'Empereur s'était arrêté, dont il vous avait donné
communication, se trouvant nécessairement changé par l'impossibilité où vous
TOUS êtes trouvé d'opérer le mouvement qui ferait partie essentielle à son
exécution, Sa Majesté n'en a pas pour cela renoncé au projet qu'elle avait
formé et elle s'est décidée facilement à y porter une modification commandée
par les circonstances.
Ne pouvant faire opérer aux Antilles la jonction .préméditée de toutes les
forces navales, c^est sur Brest même que V Empereur a projeté d^opérer cette
jonction importante; et tous ses ordres définitifs ont, en conséquence, été
adressés à l'amiral Villeneuve.
Vous savez que ses forces navales se composaient, depuis la réunion à
Cadix, de 12 vaisseaux, 6 frégates, 4 corvettes de l'Empereur, et 6 vaisseaux
et 1 frégate de Sa Majesté Catholique.
Cette force s'est accrue de 2 vaisseaux français, sous les ordres du contre-
Ci) Archives de la Marine, BB»^, M4.
IV. 37
578 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
amiral Magon, et de 3 frégates et 2 corvettes qui lui ont été expédiés successi-
vement depuis son passage du détroit.
La somme des forces sous son commandement se compose donc de 20 vais-
seaux de ligne, 10 frégates et 6 corvettes.
Cette flotte a ordre de se porter comme un trait sur le Ferrol ; là, elle
s'accroîtra de 5 vaisseaux français et 10 espagnols ; elle n'y mouillera point et,
sa réunion opérée avec les 14 vaisseaux du Ferrol, elle se portera sur Brest,
où elle fera parvenir, si les circonstances le permettent, des frégates qui vous
annonceront son arrivée.
Dans le cas où cette frégate n'y parviendrait pas, le bruit du combat y qui
sera livré à la hauteur de Brest, et les signaux de la côte vous préviendront de
l'approche de l'armée et des parages où vous devrez vous porter pour décider
la victoire.
Vous vous joindrez donc î\ elle par le plus prompt appai*eillage ; elle entrera
dans la Manche sans hésiter et accomplira la plus grande entreprise dont Sa
Majesté elle-même vous a confié les détails et l'objet.
Tel est. Monsieur V Amiral, le nouveau plan arrêté par Sa Majesté et dont
elle m'a ordonné de vous donner communication.
Je n'ai pas besoin de vous dire que je vous tiendrai informé de tout ce qui
s'y rapportera ; vous devrez vous-même pourvoir à ce que je reçoive, par chaque
courrier, le rapport des signaux faits par la côte et la transmission télégra-
phique de tout ce qu'il peut y avoir d'important. Nous touchons au moment
décisif ; je compte sur le concours de toute votre prévoyance pour ce que
requièrent les circonstances importantes dans lesquelles nous allons nous
trouver.
Le courage et l'habileté de nos armées, le destin de la France, le génie et
l'étoile de notre souverain sont, avec la faveur du Tout-Puissant, les garanties
du succès de notre glorieuse entreprise.
Recevez l'assurance de mon inviolable attachement.
Pendant ce temps, TEmpereup avait imaginé une nouvelle
combinaison.
Il avait reçu, du 23 au 25 mai, les lettres suivantes adressées
par Beurnonville à Talleyrand qui accompagnait l'Empereur
pendant son voyage (1).
Arai\juei, le 24 floréal an xiii (14 mai 180.5) (2).
Monseigneur,
Votre Excellence aura pressenti, dès l'exposé de ma première conversation
avec le prince de la Paix, ce que ce Prince m'a depuis annoncé définitivement
(1) Correspondance de Napoléon à Dccrès (W mai), 8778.
Par les renseignements que j'ai, il paraît que Nelson est encore dans la Méditer-
ranée, il attend des ordres.
Napolbon.
(t) Archives des Affaires étrangères, Espagne, an xni.
RÔLES ASSIGNÉS A L'ESCADRE DE ROCHBFORT. 579
ae la préférence que Sa Majesté Catholique avait donné au port de Cadix sur
celui de Toulon, pour la réunion de Fescadre espagnole de Carthagène.
Quelques considérations très puissantes motiyent c«tte détermination, telle
que la position de Cadix, les aTantages qu'elle présente sous tous les rapports
offensifs et surtout Tétat actuel des forces navales qui se trouvent dans le port,
où, comme j'ai eu déjà Thonneur d'en informer Votre Excellence, il y a
6 Taisseaux h la Teille d'être complètement armés et 4 autres sur lesquels on
peut compter pour la fin de juin.
De cette manière, on aura à Cadix une escadre de 16 \aisseaux, dès que
celle de Carthagène y sera arrivée.
Pour ne pas omettre une seule des raisons qui ont influé sur le choix du
prince de la Paix, je dois dire à Votre Excellence que celle de la santé des équi-
pages m*a été alléguée.
Carthagène n'a pas été bien exactement purifiée des restes de la dernière
épidémie, et Ton a pensé que des matelots acclimatés, dont une grande partie
a d'ailleurs payé tribut à la maladie, n'étaient pas sans quelques dangers pour
les matelots d'un autre climat avec lesquels on les ferait communiquer.
Sous ce rapport, ceux de Cadix sont moins exposés que ceux de Toulon et,
pendant que les escadres seront réunies dans le premier de ces deux ports, la
santé des équipages pourra acquérir le degré de pureté nécessaire pour ôter
toute inquiétude sur l'avenir.
Je ne me serais pas contenté d'un motif aussi insuffisant si le Prince ne
m'en eût donné de beaucoup meilleurs relativement aux vues de Sa Majesté
Impériale et à la consistance des forces qui peuvent être bientôt rassemblées
k Cadix. J'ai voulu seulement prouver à Votre Excellence qu'il n'avait épargné
auanne des raisons qui peuvent faire nombre pour justifier son choix, et la
vérité est qu'il n'en manque pas, même de très bonnes, pour pallier la répu-
gnance secrète que je lui suppose pour un parti, tel que celui de mettre à la
disposition absolue de la France une escadre espagnole.
Votre Excellence pourra donc, en toute sûreté, annoncer à Sa Majesté Impé-
riale que M. de Salcedo a l'ordre de conduire à Cadix les 6 vaisseaux qu'il
commande, aussitôt qu'il trouvera pour le faire une occasion absolument sûre
et dégagée de toute chance mauvaise ou incertaine.
Je spécifie ainsi l'ordre donné à M. de Salcedo parce que, en effet, Monsei-
gneur, les événements de la mer peuvent devenir très importants et contrarier
longtemps l'exécution des ordres donnés à ce chef d'escadre.
Les nouvelles de Cadix sont que la flotte anglaise a mouillé à Gibraltar dans
la nuit du iQ floréal (6 mai) e/, selon toute apparence^ elle est entrée dans V Océan.
Les nouvelles de Lisbonne sont qu*un convoi de 50 voiles anglaises, ayant à
bord une armée de 6,000 hommes, est entrée dans le Tage sous V escorte de deux
vaisseaux de ligne.
Quelle direction va prendre Nelson ?
Quelle sera la direction du convoi qui est à Lisbonne f
Ces deux questions peuvent être résolues d'une manière fort peu inquié-
tante pour les plans déjà exécutés et pour les plans que peut méditer encore
l'Empereur, mais ils doivent éveiller toute la circonspection des Espagnols, et,
loin de prendre la mer dans ce moment, je pense qu'il faut qu'on soit extrê-
mement en garde à terre pour la sûreté et la défense des établissements mari-
580 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
times auxquels un coup de main, fut-il mal dirigé et insuffisant, peut quel-
quefois porter le plus grand préjudice.
Je ne ferai, Monseigneur, aucune réflexion sur la conduite des Portugais,
c'est mon collègue Junot qui a bien voulu m'informer des derniers événements,
et Votre Excellence trouvera dans ses relations tout ce qui est digne de l'intérêt
et de l'attention de Sa Majesté. Sans doute qu'il ne laisse pas non plus ignorer
à Votre Excellence le bruit qui parait avoir acquis un certain caractère de con-
fiance, que Goa soit tombé au pouvoir des Anglais.
Je ne reviendrai pas de nouveau sur les détails que j'ai eu l'honneur de
donner déjà à Votre Excellence, concernant les forces en armement dîins les
ports d'Espagne, et concernant la quantité de vaisseaux armés, et en rade. Je
m'aperçois, par les dépêches de Votre Excellence et par celles de M. le Ministre
de la marine, que la masse des forces navales dont Sa Majesté Impériale peut
disposer dans la Péninsule, égale au moins Tidée qu'elle s'en était formée à
l'époque où elle m'a fait exprimer ses derniers ordres.
La seule chose sur laquelle il y ait eu peut-être des diff*érences locales con-
siste dans le nombre de vaisseaux qui se sont trouvés prêts dans tel temps, ou
dans tel port. *
A cet égard, je me permettrai une observation, et elle n'est point fondée
sur la petitesse des susceptibilités personnelles; elle l'est uniquement sur le
bien du service, et sur les lumières que je crois avoir acquises ici à force de
zèle. C'est ce zèle lui-même qui me fait un devoir de vous assurer. Monsei-
gneur, que je ne conçois aucun ordre que je ne puisse faire exécuter au nom
de Sa Majesté Impériale, et que, plus elle daignera m'honorer de sa confiance,
et mieux je servirai ici ses intérêts.
Votre Excellence m'a fait la peine de m'écrire que l'amiral Gravina n'^it
sorti qu'avec 5 vaisseaux, et qu'il en avait pourtant promis 6 et même 8.
En effet, le départ de l'amiral Gravina parait avoir été concerté entre les
deux gouvernements, mais je n'en ai jamais eu la connaissance positive. Mes
instructions n'ont rien de déterminé qui concernât plus particulièrement l'es-
cadre de Cadix que toute autre, et, actuellement, je reçois des lettres de M. le
vice-amiral Decrès sur des objets dont il semblerait que je dusse avoir con-
naissance, et sur lesquels on ne m'a pourtant jamais donné aucun ordre spécial.
Je vous le réitère. Monseigneur, ce n'est qu'à intention dési/îtéressée et
bonne que je fais ces remarques, mais Votre Excellence doit être convaincue
que tout ce qui me sera ordonné par elle, sera fait avec autant d'exactitude
que d'empressement. Si j'eusse été informé qu'il fallait un certain nombre de
vaisseaux et qu'ils dussent êti-e prêts à sortir pour une certaine époque, je l'au-
rais obtenu avec toute l'économie de temps possible, parce que c'est à cela que
je me serais attaché avec précision, et si la réserve avec laquelle je dois
m'exprimer vis-à-vis de Votre Excellence permet cependant que je lui témoigne
le désir d'avoir tous les ordres de Sa Majesté Impériale à l'avenir, j'espère,
Monseigneur, que je justifierai autant qu'elle peut le désirer, et sa confiance
et l'opinion que je regretterais éternellement de ne pas lui avoir conservée de
mon zèle ardent à la servir.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de ma haute considération et
de mon sincère attachement.
Le général Beurnonville.
RÔLES ASSIGNÉS A L'ESGADRE DE ROCHEFORT. 581
Aranjaei, le t6 floréal an xiii (16 mai 1806).
Monseigneur (1),
Les rapports officiels de Cadix ont tous confirmé le passage de V escadre
anglaise à Gibraltar y et de Gibraltar dans V Océan.
On yarie sur le nombre des Taisseaux qui la composent; quelques relations
relèvent à H, tandis que d'autres ne le portent qu'à iO.
C'est le 15 floréal (5 mai) au soir que l'escadre s'est dirigée sur le cap Saint-
Vincent, après avoir mouillé quelques heures devant Gibraltar.
D'après les calculs de ceux qui ont observé ses mouvements depuis plusieurs
mois, il ne doit être resté d'elle que 2 ou 3 vaisseaux au plus dans la Médi-
terranée.
L'apparition de Nelson coïncide parfaitement avec le passage du convoi de
troupes qui est resté dernièrement trente et six heures à l'entrée du Tage, et
il y a tout lieu de croire que l'escadre anglaise le prendra sous son escorte,
afin de se porter avec lui sur tous les points où le cabinet de Londres aura
appréhendé que notre escadre combinée ne continue en grand les opérations
heureusement conduites de l'escadre de Rochefort.
U ne parait pas que Nelson ait eu l'intention de reconnaître l'état du port
de Cadix, sur lequel il aura sans doute reçu à Gibraltar des informations suf-
fisantes. J'ai néanmoins fait des instances convenables auprès du prince de la
Paix pour que M. de Solano, capitaine général d'Andalousie, reçoive l'ordre
de ne point relâcher sa défensive, et d'être, au contraire, toujours préparé à
repousser l'ennemi jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune inquiétude à conserver
sur le parti qu'il va prendre.
Si Nelson va sur les traces de V escadre combinée ^ il a de grandes diligences à
faire f puisque ce n'est que Tl jours après elle qu'il s'est porté au cap Saint-Vin-
cent, et s'il n'est pas bien avéré, comme l'a déclaré à Cadix le capitaine d'une
barque portugaise, que l'escadre combinée ait été vue à Sainte-Croix-de-Téné-
riffé, au moins est-il certain qu'elle a une superbe avance sur l'escadre anglaise,
et que c'est avec raison que le système des blocus sera décrié à Londres.
Le général Beurnonville.
Ce qui devenait certain, c'était Fabandon à peu près complet
de la Méditerranée par les Anglais et, par suite, la possibilité
de faire passer de Garthagène à Cadix les six vaisseaux de
Famiral Salcedo.
Les lettres qu'on va lire portent nettement la trace des ren-
seignements reçus d'Espagne.
Au vice-amiral Decrès.
Milan, le 4 prairial an xm (24 mai 1805).
Dans les dépêches télégraphiques des 28 et 29, je vois que l'ennemi n'avait
(1) Archives de la Marine, Espagne, an xm.
882 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
plus que 18 vaisseaux devant Brest. H faut donc supposer qu41 prépare de
nouvelles escadres pour envoyer à la recherche de Villeneuve.
J'écris en Espagne pour réitérer Tordre à Tescadre de Cartbagène de se
rendre à Cadix. J'ai demandé qu'il y eût 8 vaisseaux à Cadix, qui, avec les
6 de Carthagène, formeraient 14. Si nous pouvions y envoyer les 5 de Mis-
siessy, cela nous ferait 19.
Nous aurions donc 19 vaisseaux à Cadix et 12 au Ferrol. Nous pourrions
donc ordonner à Vamiral Villeneuve de se rendre^ arrivé au Ferrol, devant
Cadix (1) et de se joindre à cette escadre, à moins que cela n'attirât à Cadix
assez de vaisseaux anglais pour nous faire notre diversion. Si Vamiral Mis-
siessy ne tarde pas à arriver nous pourrons nous trouver dans cette situation
au 1^' messidor : 21 vaisseaux à Brest, 12 au Ferrol, 19 à Cadix, 1 àLorient ;
je suppose que cet 1, qui est le RéguluSf ne puisse point joindre l'amiral
Missiessy.
Je sais cependant qu'il y a quelque inconvénient à ce que Vamiral Villeneuve
rétrograde ainsi du Ferrol, car il parait que le sentifnent de la peur est tel chez
les Anglais qu'ils ne prendront point le change et que, Villeneuve arrivé dans
les mers d'Europe, ils craindront pour Londres.
Les Anglais sont et seront bien davantage embarrassés, puisqu'il leur faudra
au moins une escadre de 10 vaisseaux devant Cadix, une de 8 ou 10 devant
le Ferrol et une yingtaine devant Brest, indépendamment de ce qu'ils auront
aux Indes orientales et occidentales.
Si, dans le courant de prairial, les Anglais ne tenaient que 20 vaisseaux
devant Brest et 8 ou 10 devant le Ferrol, la réunion de Villeneuve avec le
Fenrol, qui formerait 34 vaisseaux, et avec Brest 55 vaisseaux, nous assurerait
tellement la supériorité, qu'il serait inutile d*avoir recours à Cadix.
Si, au contraire, les Anglais tenaient ^8 vaisseaux devant Brest et 12 ou 15
devant le Ferrol en négligeant Cadix et ne tenant que quelques vaisseaux dans
la Méditerranée, je pense que Villeneuve, après avoir fait sa jonction au
Ferrol, devrait se réunir avec Vescadre de Cadix,
Cependant, si vous poussez convenablement à Lorient, le Régulus doit être
prêt et Missiessy aurait alors 6 vaisseaux. Ce sont ces 6 vaisseaux que j'aurais
spécialement intérêt de réunir au général Villeneuve. Il y aurait de Vincon-
vénient à envoyer ces 6 vaisseaux au Ferrol : d'abord, parce qu'ils courraient
des dangers pour y arriver, ensuite, parce que cela porterait les Anglais à
augmenter la croisière du Ferrol. Mais peut-être serait-il plus convenable
d'envoyer ces 6 vaisseaux à Lisbonne; alors Villeneuve passerait au FmtoI et
se feniit joindre à la fois par les 14 vaisseaux de Cadix et les 6 de Lisbonne,
qui lui formeraient une escadre de 25 ou 26 vaisseaux français et de 15 ou
16 vaisseaux espagnols.
Enûn, il resterait un autre parti à prendre si Missiessy arrivait trop tard et
ne pût sortir de Rochefort, et que les Anglais fussent en force devant Brest :
c'est que Villeneuve se laissftt affaler sur l'île d'Aix et se réunît à ces
6 vaisseaux.
(1) A comparer avec les reproches que subit plus tard Villeneuve pour avoir ainsi
opéré.
RÔLES ASSIGNÉS A L'ESGADRE DE ROOHEFORT. 583
Faitos-moi un raisonnement dans ces trois cas.
Indépendamment, il faut que Missiessy ait des vivres pour six mois sur deux
flûtes chargées qui serviraient soit pour lui, soit pour Villeneuve.
Soyez certain que nous n'avons pas affaire à un cabinet prévoyant, mais très
orgueilleux.
Ce que nous faisons est si simple, qu*un cabinet qui aurait eu un peu de
prévoyance n'aurait pas fait la guerre. Ils ont eu peur im moment pour
Londres ; bientôt ils enverront des escadres aux deux Indes. Si la Topaze a un
bon vent, elle arrivera avant le 25 prairial.
J'imagine que vous leur avez donné des instructions pour se mettre en garde
aux atterrages des lies.
Les Anglais tiennent devant Naples un vaisseau de 74 ; il est à la rade et
peut facilement être enlevé. Si le Borée et YAnnibaly et deux ou trois frégates
pouvaient être prêts en thermidor, ce serait une jolie expédition.
Napoléon. .
4 Cl Kioe-am/ra/ Deorèe (i).
Milan, le 5 prairial an xm (25 mai 1806).
Monsieur,
n est donc décidé que l'escadre de Brest ne sortira pas. Soyes certain que
les Anglais vont faire des expéditions de troupes et de vaisseaux pour V Amé-
rique, et qu'ils ne garderont que 21 ou 22 vaisseaux devant Brest. L'amiral
Villeneuve, avec ses 34 vaisseaux, pourra donc faire sa jonction avec l'amiral
Ganteaume. Il reste aujourd'hui à correspondre avec ce dernier pour savoir les
précautions qu'il y a à prendre pour être prévenu de l'arrivée de l'amiral Vil-
leneuve et concerter les mesures nécessaires pour être à la portée de le secourir
et d'opérer la diversion. L'escadre de Garthagène va se rendre à Cadix, et l'on
me promet 15 vaisseaux de ligne avant le i5 messidor. L'amiral Missiessy,
comme je vous l'ai écrit hier, pourra être envoyé à Cadix, mais il ne faut
point s'épuiser en raisonnements. Le principal est de ramasser des vivres, et
d'en avoir à Rochefort une ou deux flûtes chargées, pour le suivre. La célèbre
expédition secrète est entrée le 7 mai à Lisbonne, et en est repartie le 10. Elle
est composée de 2 bâtiments de guerre, 1 corvette, et 50 bâtiments de trans-
port, portant 5,000 à 6,000 hommes; il parait qu'elle s'était réfugiée à Lis-
bonne (2), dans la crainte de l'amiral Villeneuve. Où va-t-elle ? C'est un
problème. Mon opinion est qu'elle n'a rien de raisonnable à faire que de
prendre le Cap ou de porter des secours à la Jamaïque ou aux Iles du Vent. Si
elle est destinée pour Malte, tant mieur; rien ne prouvera davantage l'ineptie
du cabinet anglais, car ces combinaisons de mouvements du continent, fondées
sur des détachements de quelques 1 ,000 hommes, sont des combinaisons de
pygmées. Si donc il vous revient que cette expédition est allée à Malte,
réjouissez-vous, car les Anglais se sont privés de 6,000 hommes et d'un cer-
(1) Correspondance de Napoléon» 8787.
(2) Voir d-âessns.
584 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE X.
tain nombre de bâtiments. Tous les rapports que je reçois d'Angleterre s^ac-
cordent à dire que les Anglais embarquent des troupes de tous c6tés. Il parait
que Vescadre de tamiral Nelson a mouillé le 16 floréal à Gibraltar. Il résulte
de Tétat de la marine anglaise que tous m'aTez envoyé, quMls sont 23 Tais-
seaux devant Brest, 6 contre la flottille et Tescadre du Texel, 3 à la Jamaïque,
8 aux Indes, i4 dans la Méditerranée, 6 à la poursuite de Tamiral Missiessy, et
ii au Ferrol et à Gibraltar. Ce nombre de bâtiments n'est pas bien considé-
rable. On peut compter que les 23 vaisseaux qui sont devant Brest y resteront;
que les 6 d' Yarmouth et de la Manche y resteront ; que les 3 qui sont aux
Indes y resteront; que les i4 qui sont dans la Méditerranée y resteront en
partie; que les 6 qui sont à la poursuite de Missiessy ne seront pas de retour;
et qu'ils vont expédier à la suite de Tamiral Villeneuve une vingtaine de vais-
seaux, qu'ils composeront comme ils le voudront, mais qui, en dernière ana-
lyse, apporteront une diminution de 5 ou 6 vaisseaux dans la Méditerranée et
environ autant aux escadres de Gibraltar et du Ferrol. Ils pourront les com-
pléter avec tous r.eux qu'ils pourront armer et équiper par la presse avec toute
l'activité possible. Enfin nous avons Tinitiative de la campagne. En total, je
vois qu'ils n'ont que 72 vaisseaux de ligne, compris 12 aux Indes et â la
Jamaïque. Il ne leur reste donc réellement que 60 vaisseaux dans nos mers. Je
crois être certain que l'escadre qui est à la poursuite de Tamiral Missiessy est
allée aux Indes orientales; si cela était, ils n'auraient que 54 vaisseaux dans
nos mers. Ils en feront partir 20 â la suite de Tamiral Villeneuve, ce qui ne
leur en laissera que 34 dans nos mers, mais l'urgence des circonstances leur
fera armer les 12, ou environ, qu'ils ont dans les ports d'Angleterre; ce qui
leur fera 46 vaisseaux, qu'ils distribueront de la manière suivante : 22 â Brest,
10 au Ferrol, 3 à Torbay, 6 à Gibraltar, 4 â Yarmouth. Je ne comprends pas
dans ce nombre les vaisseaux au-dessous de 74, dont il paraît qu'ils ont à
Brest 1 ou 2, au Ferrol 1 ou 2, â Cadix 1 ou 2, â Yarmouth 5 ou 6, contre la
flottille de Boulogne 5 ou 6. Il est une vérité : c'est que, par Vétat que vous
in avez remUy qui se trouve conforme aux miens, les Anglais ont 111 vaisseaux
dont 3 de garde qui ne comptent pas, 16 servant de prisons ou hôpitaux, qui ne
comptent pas ; il ne leur en reste plus que 92. Sur ces 92, 20 sont en arme-
ment, c'est-à-dire manquent d^équipage; reste donc 72; sur ces 72, ils en tien-
dront toujours, depuis les événements passés, 8 ou 1 0 aux Indes, 3 ou 4 â la
Jamaïque, 3 ou 4 aux Iles du Vent, partant 16 ou 18 vaisseaux; il ne leur res-
terait donc que 54 ou 56 vaisseaux, et, avec cela, il faut qu'ils bloquent Cadix,
le Ferrol, Brest, et qu'ils soient à la poursuite de Villeneuve et de Missiessy,
Voici l'état de nos forces, pour ne pas exagérer : 21 vaisseaux à Brest, 15 k
Cadix, 12 au Ferrol, 20 de l'escadre de Tamiral Villeneuve, i â Lorient, 5 de
l'escadre de Tamiral Missiessy : total, 74. Mais, sur ces 74, les 15 de Cadix ne
m'occuperont que 6 vaisseaux anglais; il faut donc ôter 9 de 74; il me reste
en total 65 vaisseaux, que je puis réunir avec quelques chances heureuses; et il
y a toute probabilité que les Anglais, après toutes les opérations terminées, ne
pourront jamais réunir 65 vaisseaux. Je pense que vous devez faire un tableau
de cette situation do forces respectives à Tamiral Villeneuve, au moment de
son arrivée au Fenol. Rien ne donne plus de courage et n'éclaircit plus les
idées que de bien connaître la position de son ennemi.
Napoléon.
RÔLES ASSIGNÉS A L*BSCADRE DB ROCHBFORT. 585
Au Woo-am/ra/ Deorèe (i).
Milan, le 6 prairial an xin (26 mai 1805).
Il me semble que Cochraney qui était le 6 mars à Madère, a dû être avant
le 30 à la Barbade, et que les Anglais auraient dû le saToir ayant le iO mai.
J'ai des nouvelles du 15 mai, de Londres; il n'est point question ou de son
départ ou de son arrivée. J'airais calculé que, s'il n'allait pas, en revenant au
Brésil dans cette hypothèse, cela lui ferait un retard de quinze jours. Quant à
moi, mon opinion est qu'il a été aux Indes orientales. Les Anglais n'ont paru
en petit nombre, devant Brest, que depuis le 25 floréal. Leurs vaisseaux ont
dû se réapprovisionner en Angleterre. Je ne pense pas que, du i*' prairial, ils
aient rien fait partir* Je calcule qu'ils feront partir 6 vaisseaux d'Orde, 6 de la
réserve d'Angleterre. Je ne sais pas où ils prendront les 8 autres vaisseaux»
Certainement cela épuise toute réserve, et il ne leur restera que les 2i vais-
seaux de Brest, 12 au Ferrol, et Nelson réduit à une escadre d'observation à
Cadix. Faites charger des flûtes de vivres à Rochefort, Brest, et qu'on active
les préparatifs à Lorient, afin d'approvisionner Missiessy, à l'instant qu'il arri-
vera, sans l'envoyer à Rochefort. Arrangez-vous pour que le Régulm s'y
réunisse.
Napoléon.
Au vioe^amiral Decrèe (2).
Milan, le 6 prairial an xin (t6 mai 1805).
Voici l'état exact de la marine anglaise :
Dans la Tamise : i vaisseau de 74 VÉléphant, 2 de 50, 1 de 74 le Zealous,
5 frégates, 5 ou 6 bombardes, une vingtaine de bricks, avisos ou lougres. En
parlant de la Tamise, je veux dire le long de la Tamise, soit à Londres, Cha-
tham, Sheemess, etc.;
A Portsmouth : la Ville-de-Paris qui sert d'amiral, 5 vaisseaux de 80 ou 7i
en commission, 2 de 50 en commission, un grand nombre de frégates, bricks
de toute espèce ;
A Spithead : 3 vaisseaux et des frégates ;
A Plymouth : 4 vaisseaux de 74, i de 50, beaucoup de frégates et petits
b&timcnts en commission ;
Ce qui fait 14 vaisseaux plus hauts que 74 et o moins forts, en commission
dans les ports intérieurs.
Escadres en mer :
Aux Dunes : 1 vaisseau de 74 et 5 de petit échantillon ;
Côtes ouest et nord-ouest : 1 vaisseau de 64 ;
Armée de Brest : 20 vaisseaux de 74 et au-dessus, 2 de 64, 4 frégates;
Ferrol : 5 vaisseaux de 74 et au-dessus, 2 de 44, i frégate ;
Cadix (amiral Orde) : 3 vaisseaux de 74 et au-dessus, 3 de 64 ;
(1) Cotrespondance de Napoléon, 8703.
(2) Correspondance de Napoléon , 8794.
586 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
Diyision détachée après Missiessv, raTÏtaillée pour cinq mois : 5 vaisseaux
de 74 et au-dessus, 1 de 64.
Tous les renseignements sont qu'elle va aux Indes orientales; il est certain
que, si elle allait aux Indes occidentales, elle commencerait par le Brésil.
Expédition secrète en mer relâchée à Lisbonne : 2 vaisseaux de plus de 74 ;
Mer d'Allemagne, vis-à-vis les Hollandais : 1 vaisseau de 74, 4 de plus de 50.
Méditerranée : il vaisseaux de 74 et au-dessus, i de 50, plusieurs frégates;
Halifax : i vaisseau de 50 ;
Jamaïque : 3 vaisseaux de 74 ;
lies du Vent : 1 vaisseau de 74, 1 de 64 ;
Indes orientales : 5 vaisseaux de 74, 4 d'un échantillon plus petit.
D'après ce tableau, on peut voir que les forces anglaises ne sont pas aussi
considérables qu'on peut le croire ; que, si l'on 6te les vaisseaux qui sont en
Amérique, les 6 qui sont à la poursuite de Missiessy qu'on croit allés aux Indes,
et qu'une escadre de 20 vaisseaux aille à la recherche de Villeneuve, et soit
absente pendant quinze jours, les Anglais, en faisant l'impossible, ne parvien-
dront jamais à réunir 40 vaisseaux.
Je prie le Ministre de faire vérifier ces états.
Napoléon.
C'est le 27 seulement que l'Empereur paraît avoir appris
l'arrivée de Missiessy, le 20 mai, à Rochefort.
Monsieur,
Au vice-amiral Decrès (1).
Milan, le 7 prairial an xni (27 mai 1805).
Je ne vous donne pas V ordre pour V amiral Missiessy, Il sera parti, si vous
lui avez écrit bien positivement. En cinq jours il doit être prêt. Si vous avez
mis des si, des car, des mais, il ne sera point parti. J'ai étouffé d indignation
en lisant qu'il n'avait pas pris le Diamant, Ce qu'il dit dans sa correspon-
dance avec Villaret n'a pas de bon sens.
J'aurais préféré perdre un vaisseau de guerre et qu'il m'eût ôté cette bosse
de la Martinique. S'il n'est pas parti, vous lui ferez connaître mon mécon-
tentement.
Qu'il ne vienne pas à Paris, mais qu'il se tienne à bord de son escadre. 11
mérite, avec le reproche que j'ai à lui faire de n'avoir pas pris le Diamant,
celui d'être resté si peu de temps à Santo-Domingo, qu'il n'a pas même vu
lever le blocus et qu'il n'a pris aucun corsaire noir ; de ne s'être pas fait voir
devant le Gap, ce qui aurait fait une diversion ; de n'avoir pas embarqué un
millier de sacs de farine pour Santo-Domingo, ayant appris à la Martinique
que cette colonie en manquait ; de n'avoir pas embarqué l'artillerie ennemie
du Roseau, de Saint- Christophe. Je ne conçois pas comment, lorsqu'on a une
si belle occasion d'enlever 100 pièces de canon de bronze anglais, on les laisse.
(1) Correspondance de Napoléon^ 8802.
RÔLES ASSIGNÉS A L*ESCADRB DE ROCHBFORT. 587
C'eût été un trophée et un grand secours pour la Martinique et la Guade-
loupe. Vous lui ferez le reproche de n'avoir pas exécuté Tordre, que Je lui avais
donné dans ses instructions, de faire des levées de nègres dans les colonies
ennemies et de n'avoir pas rempli la partie de ses instructions relative à
Terre-NeuTe. S'il avait osé paraître devant la Barbade, il aurait fait un tort
immense aux ennemis. Si une expédition comme celle-là avait été faite avec
un peu d'audace, ce n'est pas 40 francs de part de prise qu'aurait eu chaque
matelot, mais 400 francs. U aurait été naturel, vu la situation de Santo-
Domingo, qu'il se crût autorisé à y débarquer i 000 hommes au lieu de 500. Il
fallait calculer que 500 hommes de moins n'étaient rien pour la Martinique.
Mon intention est que vous n'écriviez aucune lettre conOdentielle à mes ami-
raux, aux capitaines généraux des colonies, aux préfets maritimes. Toutes les
relations d'un ministre sont ofBcielles. Vous devez vous en exprimer à peu
près de la même manière vis-à-vis du général Lagrange.
Puisque le général Prévost n'avait que 400 hommes au fort Gabril, J'avais
lieu d'espérer que l'Ile aurait été prise. Il ne manquait pas d'artillerie à la
Guadeloupe et à la Martinique ; celle du Roseau suffisait.
Écrivez, par une frégate ou un aviso, aux Iles du Vent, qu'on tAche de lEdre
passer des renforts h Santo-Domingo. Prévenex Vamiral Missiessy que^ dans
vingt-quatre heures^ il recevra un courrier avec des instructions pour mettre à
la voile. Vous recevrez cette lettre le 42 (i'^Juin); vos ordres arriveront à
Rochefort le 14 (3 Juin). Je vous expédierai demain les instructions que vous
recevrez le 13 (2 juin) et que l'amind Missiessy pourra avoir le 15 (4 juin). Il
partira donc avant le 20 (9 juin).
Comme sa mission est de nature à comporter qu'il ait besoin de tous ses
vivres, vous lui prescrirez de ne prendre que le complet de ses équipages.
Cependant, si vous pensez qu'une centaine de soldats de plus pût lui être un
renfort en cas d'attaque, vous êtes maître de les lui donner. Ajoutez-lui, si
cela est possible, une frégate ou un brick. Demain^ à midi, les instructiom de
t amiral Missiessy vous seront expédiées.
Napoléon.
Au lieu des instructions positives annoncées pour le lende-
main, ce n'est peut-être pas sans surprise qu'on lira la lettre
suivante qui escompte un départ de Missiessy antérieur à la
remise des derniers ordres et trahit tout au moins, chez l'Em
pereur, une hésitation bien exceptionnelle chez lui.
Au Wce-am/ra/ Deorôe (1).
Milan, le 9 prairial an xui (t9 mai 1805).
Monsieur,
Si Missiessy est parti avant le 5 prairial (25 mai), cela me donne, pour le
(1) Correspondance de Napoléon, 8809.
588 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
succès de nos opérations, dix probabilités de plus; tnais que faut-il faire s*il
n^est pas parti? Voilà une question qui mérite la plus sérieuse attention. Les
Anglais se Toient pris corps à corps; ils craignent pour les Indes, pour TAmé-
rique et pour leur propre patrie. Ils sentent bien que 20 Taisseaux, perdus
dans les mers, peuvent à chaque instant apparaître sur quelque point de leurs
côtes ; ils savent bien qu'ils peuvent avoir été ou être suivis par d'autres, afln
de porter la guerre au sein des Indes. Dans toutes ces incertitudes, la pru-
dence, la nécessité ne leur font-elles pas une loi d'interrompre le commerce de
la Méditerranée ? Une interruption de trois mois ne peut leur faire aucun tort
réel ; et déjà le tableau s'est assez rembruni pour eux, pour qu'ils ne soit plus
question de calculer quelques pertes d'argent ; tout leur paraîtra léger s'ils
sortent avec honneur de cette lutte, qui leur présente des chances si sinistres
aux yeux des moins clairvoyants et de ceux mêmes qui auraient le moins la
volonté de voir.
Si f envoie Missiessy à Cadix ou à Toulon y et que les Anglais évacuent la
Méditerranée y il est évident que les Anglais auront^ le jour de la bataille
d'Ouessant, 6 vaisseaux de plus contre moi, que f aurais dû faire occuper par
Missiessy, si Vamiral Missiessy, arrivé le 15 messidor à Cadix, y trouvait
V escadre de Carthagène et partait avec 10 vaisseaux espagnols pour débloquer le
Ferrol et se joindre dans ce port aux 14 ou 15 qui y sont.
Mais est-il prudent d'attaquer 10 vaisseaux anglais avec 5 finançais et
10 espagnols? Mais l'arrivée à Cadix n'est-elle pas soumise à quelques chances,
et la défaite de l'escadre de l'amiral Missiessy ne porterait-elle pas la terreur
au Ferrol et dans l'escadre de l'amiral Villeneuve ? Enfin, ces vaisseaux arrivés
au Ferrol en attireraient 20 anglais; et cependant l'amiral Villeneuve ne
serait-il pas trop faible alors pour se présenter devant ce port avec seulement
14 vaisseaux français et vaisseaux espagnols? Dans notre position, je ne puis
envoyer famiral Missiessy à Brest, parce qu'il serait imprudent de faire
augmenter la croisière ennemie de Brest ; je ne dois pas V envoyer au Ferrol
parla mime raison; d'ailleurs, j'aurais trop de chance à courir. Je ne /)uw
renvoyer à Cadix, ni à Toulon, parce que là je ne puis être certain d'occuper
une escadre anglaise, et je puis me trouver affaibli de 6 vaisseaux, le jour de
la bataille, ou trouver de 6 vaisseaux l'ennemi le plus fort. Le parti qui a été
pris de renvoyer Vamiral Missiessy se joindre à Vamiral Villeneuve est un coup
de maître. Peut-être aurait-on pu lui donner jusqu'au 10 prairial pour partir.
Mais si ce projet est évanoui, il faut l'employer de manière que l'on soit sûr
qu'il occupe 6 vaisseaux anglais. Si les Anglais bloquent Rochefort, voilà 6 ou
7 de leurs vaisseaux employés. L'amiral Villeneuve, du Ferrol filera sur Brest,
se joindra à l'amiral Ganteaume ; et Missiessy imitera la manœuvre de l'escadre
qui le bloquera, mais au moins les 6 ou 7 vaisseaux qui le bloqueront ne
seront pas au combat d'Ouessant. Si Missiessy n'est pas bloqué, j'aurai deux
partis à prendre. Je le ferai partir; il filera sur I'Irlande, dont il insultera les
rades. Pour arriver en Irlande, il la doublera à quatre-vingts ou cent lieues du
Cap (sic). Ce mouvement, portant la crispation à Londres, obligera à détacher
6 vaisseaux et fera penser à l'Amirauté que l'amiral Villeneuve va se porter à
Terre-Neuve ou en Irlande et se joindre à l'amiral Missiessy; la diversion de
6 vaisseaux anglais devient certaine. En résumé, les Anglais ne prendront
point le change; le théâtre de la guerre est déterminé aux grandes Indes, ou en
RÔLES ASSIGNÉS A l'ESCADRIS DE ROCHEFORT. S89
Angleterre, ou à la Jamaïque; ils sauront au iO messidor (fQ juin) que Ville-
neuve est allé en Amérique; son retour sera prévu à Londres, Je courrai le
risque de ne point les attirer dans la Méditerranée, j'aurai disséminé mes forces
déjà faibles. Que tout le monde reste à bord et en partance ; qu'on témoigne
ma satisfaction à tout le monde, car je n'ai à me plaindre que de Tamiral et
du général ; qu'on tienne prêtes des flûtes chargées de vivres ; qu'on arme le
Régulus et la Thétis; qu'on ne fasse entrer aucun vaisseau au bassin ; pour la
campagne d'été, a laquelle je les destine, quelques avaries ne font rien.
Envoyez-moi un projet d'expédition pour TIrlande. Il ne s'agit que d'insulter
une rade, de prendre 7 ou 8 caboteurs et de jeter l'alarme (en faisant sup-
poser qu'on veut croiser sur la grande route du retour d'Amérique), et obliger
par là l'ennemi à détacher 6 vaisseaux pour déloger cette croisière. Je conçois
ainsi cette expédition. L'amiral Missiessy partirait de Roche fort, se lancerait
dans la haute mer, tomberait ^aplomb sur une baie d'Irlande, comme s'il venait
d'Amérique; la ravagerait, détruirait les batteries, ou brûlerait 7 ou 8 cabo-
teurs; jetterait quelques proclamations ; selon les vents, quatre jours après il se
porterait ailleurs, nord ou sud; tirerait pendant quatre ou cinq jours diffé-
rentes bordées sur le chemin des convois, se jetterait dans des mers inconnues,
et arriverait du iO au \ti, à trente lieues du Ferrol, afin de courir la chance de
se réunir avec Vomirai Villeneuve, Je vois là une chance qui peut nous faire
espérer une réunion avec V amiral Villeneuve, mais je vois là certainement une
escadre qui partira du canal pour doubler V Irlande et chasser cet insolent et
incommode croiseur. Il n'est pas douteux que l'ennemi ne détache une escadre
pour protéger l'Irlande.
L'amiral Missiessy n'ayant aucun but, approvisionné de six mois de vivres,
après avoir battu pendant douze ou quinze jours les parages frayés de l'Ir-
lande ou de la Baltique (sic) pourrait se perdre dans l'Océan sans courir
d'autres chances que celles de tomber sur des convois. Je vois plus d'avantages
dans cette croisière que dans le voyage de Cadix. Vous prescririez bien à
l'amiral Missiessy, s'il ne parvenait pas à se joindre à l'amiral Villeneuve, de
se diriger sur différents points de l'Angleterre. Au pis aller, il aurait des
vivres jusqu'en brumaire; et, dans cette saison, il n'y a pas de meilleur port
que dans la haute mer.
Si vous goûtez ces idées, je ne verrais aucun inconvénient à accélérer son
départ, de peur qu'il ne vienne à être bloqué, et à le jeter dans la haute mer le
plus possible. Seulement, alors, il faudrait lui prescrire de croiser dans
l'Océan pendant tout prairial (2i mai au 20 juin), et de ne se porter, pour
donner l'alarme en Irlande, que du 10 au 15 messidor (29 juin au 4 juillet).
Je vous autorise, dans ce cas, à lui expédier vous-même vos instructions et à le
faire partir. En partant jusqu'à l'époque où il faut qu'il attaque l'Irlande, il
faut qu'il croise sur la route de Londres aux Indes ; bien entendu qu'il ne res-
tera jamais en place à tirer des bordées; et enfin, à l'époque fixée, il se diri-
gera pour venir reconnaître l'Irlande. Qu'il occupe 6 vaisseaux anglais, leur
donne des inquiétudes, et mon but est rempli.
Napoléon.
590 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
Au Woe-am/ra/ Decrèa (1).
UiUn, lo 10 prairial an xm (30 mai 1805).
Dans une instruction d*hier, je crois tous a^oir bien fait comprendre quel
est mon but sur l'escadre de Rochefort; c'est à tous de déterminer le reste.
Faites l'impossible pour y faire joindre le Régulus et la ThétiSj s'il était pos-
sible, aTant que Rochefort fût bloqué.
Napoléon.
Tel est le germe d'un projet dont la réalisation sera effecti-
vement poursuivie. Pour arriver à rallier à Farmée de Ville-
neuve la division de Rochefort dont l'appoint paraît décisif,
celle-ci ira insulter les côtes d'Irlande et de là croisera au
large du Ferrol pour y rejoindre l'armée combinée à son retour
d'Amérique. Toute l'incertitude proviendra de l'impossibilité
où Ton est de fixer des dates précises.
Voici quelles nouvelles arrivaient à ce moment des mouve-
ments de Tennemi et des préparatifs de l'Espagne.
Aranjuez, lo 30 floréal an xm (20 mai 1805) (S).
Monseigneur,
J*ai rhonneur de communiquer h Votre Excellence les renseignements que
j'ai obtenus sur Tétat actuel des armements de l'Espagne, au Ferrol, et sur
les ressources navales dont on peut encore, avec le temps, tirer un assez
grand parti dans ce même port.
L'escadre espagnole aux ordres de M. le lieutenant général Grandellana est
composée de 7 vaisseaux, 3 frégates et 1 corvette; toute cette escadre est bien
armée, et en rade.
Sa provision de pain n'est pas encore complète pour trois mois, mais elle
s'augmente tous les jours, et, pour peu que l'escadre difiTère encore à mettre à
la voile, elle partira approvisionnée pour trois mois de toute espèce de vivres.
Si j'avais été informé un peu plus tôt du désir que paratt avoir Sa Majesté
l'Empereur que cette escadre soit de 8 vaisseaux, on aurait facilement appliqué
un vaisseau de ligne de plus, avec les ressources que l'on a préféré employer
pour l'armement de trois frégates et d'une corvette ; il en serait même encore
tempS) si la destination de l'escadre était telle qu'un vaisseau de ligne lui soit
plus utile que des bâtiments légers. Mais, comme l'escadre française vient,
diaprés les ordres de Son Excellence M. le Ministre de la marine, de faire une
opération absolument semblable, et qu'elle s'est augmentée d'un vaisseau aux
dépens des frégates et corvettes qui en faisaient partie, je présume que l'in-
(1) CofTespondance de Napoléoriy 8312.
(?) Archives de la Marine, Espagne, an xm.
RÔLES ASSIGNÉS A L'BSOADRB DB ROCHBFORT. 591
tention de Sa Majesté Impériale se trouve déjà pleinement satisfaite, et ce ne
serait qu*aotant que je serais de nouveau chargé d'inriter le gouvernement
espagnol à renforcer d'un vaisseau la division du Ferrol, fût-ce en affaiblissant
cette division des b&timents légers qui en font partie, que Ton s'occupera d'un
pareil changement, et que Ton portera à 13 vaisseaux Tescndre combinée qui
est aujourd'hui forte de H.
La croisière anglaise n'était encore que de 7 à 8 vaisseaux à l'époque du 21
de ce mois, et le blocus n'était pas serré; toutefois, M. le contre-amiral
Gourdon n'a garde de s'écarter de la marche qui lui a été tracée, et il attend
que l'escadre puisse exécuter les opérations maritimes auxquelles elle est
réservée dans le plan général, mais il a eu plusieurs fois l'occasion de tromper
la surveillance de l'ennemi, et il m'a écrit que les opérations des Anglais
étaient conduites avec tant d'indécision et de mollesse, par comparaison avec
l'activité qui a été déployée au Ferrol, que l'ennemi n'aurait pu contrarier la
sortie de l'escadre, ou qu'il aurait eu le dessous s'il eût voulu le tenter. Je ne
rends compte de ceci à Votre Excellence que par un principe d'exactitude. Du
reste, l'état des croisi^res peut changer d'un jour à l'autre, et l'apparition de
Nelson dans l'Océan a dû produire déjà une très grande sensation sur les
chances de mer.
Le 21 de ce mois, le vaisseau français le Redoutable est sorti bien réparé du
bassin du Ferrol; c'est d'après cette circonstance que je suppose la division
française forte aujourd'hui de 5 vaisseaux, le contre-amiral Gourdon n'ayant
eu besoin, pour arriver à ce résultat, que d'effectuer sur le Redoutable le
transport des équipages des autres bâtiments légers de son commandement.
Je dois saisir cette occasion de rendre hommage au zèle éclairé et actif de
M. Gourdon; c'est, je n*en fais nul doute, à son bon exemple et au caractère
distingué qu'il a déployé pendant son long séjour au Ferrol, que nous sommes
en partie redevables de l'empressement que les Espagnols ont mis à s'armer et
à prendre une bonne «attitude dans ce port. Il est agréable pour moi de pou-
voir émettre mon opinion, lorsque je la crois de nature à attirer sur l'homme
de mérite Tintérêt et les marques de la satisfaction de Sa Majesté
Impériale.
M. Ailhaud, commissaire franç^iis, s'est aussi montré d'une utilité extrême,
et d'une intelligence bien précieuse pour l'armement de notre escadre ; il a
pris une part très grande à l'état dans lequel elle se trouve, et la nature des
services qu'il a rendus me parait faite pour lui rapporter une partie du mérite
des opérations qui ont eu lieu. Dernièrement encore, il a procuré mille barils
d'excellente farine à l'escadre, et il a puissamment contribué à la mettre sur
un pied tellement bon, qu'on assure qu'une division sortie des ports de France
ne pourrait être ni mieux armée, ni mieux pourvue.
Je Joins à cette dépêche la liste nominale des vaisseaux espagnols qui sont
en rade au Ferrol, et celle des vaisseaux qui sont désarmés dans le port Ces
derniers sont au nombre de huit et aucun d'eux n'est réformé. Selon l'avis de
M. Ailhaud) ils sont même tous susceptibles de service. Mais, eu égard à la
modicité des moyens d'armement, on ne peut pas espérer de les mettre bientôt
à la mer. H y en a trois que l'on a désignés à entrer successivement en répa-
ration et l'un d'eux est déjà dans le bassin. On pense qu'avec de l'activité,
des efforts et les sacrifices indispensables^ ces trois vaisseaux pourront facile-
592 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
ment être prêts à la fin de septembre. Cette époque est bien éloignée, mais au
moins, si Tescadre combinée ne trouvait pas jusqu'alors Toccasion de sortir,
elle se trouverait à portée d'y réussir plus sûrement pour le commencement
de l'automne, et elle serait, à cette époque, forte de 15 vaisseaux, de 5 fré-
gates et de 2 corvettes. Car, indépendamment des trois vaisseaux de réserve à
mettre en état successivement, il y a aussi deux frégates et une corvette suscep-
tibles d'armement pour le même terme.
Je vous avais annoncé, Monseigneur, par une dépêche du 12 de ce mois, un
supplément de détails sur les forces navales réunies et à réunir au Ferrol.
L'aperçu qui précède acquitte ma promesse et complète le tableau, que j'ai eu
l'honneur de mettre sous vos yeux, des moyens maritimes de l'Espagne et des
forces dont Sa Majesté Impériale peut déterminer l'emploi.
Le prince de la Paix est vraiment animé de la meilleure volonté pour une
résistance vigoureuse, telle qu'il convient de l'opposer aux entreprises de
l'Angleterre; et ce qui s'est opéré depuis peu de mois dans les ports de
l'Espagne prouve tout à la fois ce que peut un gouvernement réduit à la
nécessité de faire usage de toutes ses ressources, les erreurs où le cabinet de
Saint-James est tombé à cet égard et l'abandon absolu avec lequel je puis
assurer Votre Excellence que le prince de la Paix s'est livré au soutien de la
cause commune, depuis que Votre Excellence m'a autorisé à mettre, en
quelque sorte, sous sa responsabilité directe l'exécution des arrangements pris
entre nos deux cours, sauf à lui à arriver au but par un bon choix d'individus
et par l'emploi des moyens qui lui sembleront préférables ; et, à cet égard, il
ne parait pas qu'il y ait \ regretter de lui avoir laissé jusqu'ici la liberté tout
entière.
Je prie Votre Excellence de vouloir bien agréer l'hommage de ma haute
considération et de mon sincère attachement.
Le général : Beurnokville.
Ara^jaei, le 13 prairial an xin (23 mai 1805) (1).
Monseigneur,
Les nouvelles de Cadix nous ont confirmé l'arrivée à Gibraltar du convoi de
troupes qui avait précédemment paru à Lisbonne (f). Elles nous ont instruit
de plus que V escadre de Nelson croisait à la hauteur de Lagos, le 2H floréal^ et
n^ avait point encore doublé le cap Saint-Vincent.
On ne forme que des conjectures sans solidité sur la destination des convois
et sur la marche de Nelson. Ce que Von peut uniquement apprécier de certain,
c'est que la plus grande indécision règne parmi les Anglais depuis la sortie de
Vescadre combinée, cet événement ayant dû influer sur l'exécution des ordres
de l'Amirauté et mettre les commandants dans la nécessité d'en attendre de
nouveaux.
On sait, à n'en pas douter, que les équipages de Nelson sont très fatigués et
que les provisions de son escadre sont trop courtes pour qu'elle puisse se
(1) Archives de la Marine, Espagne, an xiir.
(t) C'est celui de sir J. Criig, voir ci-dessus.
RÔLES ASSIGNÉS A L'ESGADRE DE ROCHEFORT. 593
mettre à la poursuite d'expéditions lointaines. Peut-être Nelson ira-t-il à Lis-
bonne, essayer quelques séductions pour obtenir des secours; mais Tinsuccès
de ceux qui Tiennent de Ty précéder est de mauTais augure pour lui, et mon
collègue Junot aurait seulement la satisfaction de faire échouer ses ten-
tatives.
On parle d'une seconde expédition de troupes attendues à Gibraltar. Cepen-
dant, on n'a là-dessus que des renseignements fort douteux et il me parait
difUcile de croire que Nelson se serait déterminé à sortir de la Méditerranée, si
sa mission doit être d*y rentrer incessamment. Je crois plutôt qu*il épie les
secours ou seulement les avisos qu'il suppose qu'on lui aura dépéché d'Angle-
terre, et qu'il s'est placé hors du détroit de manière à ne pas les perdre et à
connaître le p|us tôt possible les intentions de la cour de Londres sur son
escadre et sur lui.
L'escadre de Garthagène a appareillé de nouveau sans un but déterminé.
Tant que Nelson n'aura pas doublé la pointe de l'Espagne, elle ne peut tenter
la sortie du détroit et sa navigation ne peut être qu'une courte croisière
ordonnée pour exercer les équipages. Il serait possible, cependant, qu'elle ren-
contrât quelques Anglais et elle est assez forte pour s'emparer de tout ce qui
est à la mer, tant que les circonstances ne changeront pas. Ge qui doit nous
donner le plus de sécurité sur les opérations de cette escadre^ c'est le caractère
connu de M. de Salcedo, qui passe pour un des officiers les plus expérimentés
de la marine espagnole. L'état des trois départements n'a pas sensiblement
varié depuis les derniers rapports que j'ai adressés à Votre Excellence. Il est
question d'iirmer deux vaisseaux de plus à Garthagène ; et le prince de la Paix
va si bien sous le rapport de l'activité navale que cette augmentation de
forces va, je n'en fais nul doute, être conduite avec la plus grande célérité.
J'aurai l'occasion d'en entretenir encore Votre Excellence dans un sens
agréable pour Sa Majesté Impériale et favorable au prince de la Paix, dont
l'exemple me parait d'autant plus méritoire qu'il n'envisage aujourd'hui que la
guerre et que l'intérêt de nos armes, Siins s'attacher aux tracasseries de cour,
ni à l'espèce d'opposition dont l'ingratitude et l'ignorance s'essayent parfois h
élever le murmure contre lui.
Je prie Votre Excellence de vouloir bien agréer l'hommage de ma haute
considération et de mon sincère attachement.
Le général : Beurnonvuj^.
Au vice-amiral Decrès (t).
Milan, le 10 prairial an xin (30 mai 1805).
Monsieur,
Je ne sais pourquoi vous désirez tant mon retour à Paris, Rien n'est plus
propre que mon voyage à cacher mes projets et à donner le change aux
ennemis, qui, lorsqu'ils sauront que je suis arrêté pour messidor et thermidor,
prendront davantage confiance et lâcheront quelques vaisseaux de plus dans
(l) Correspondance de Napoléon^ 8813.
IV. 38
S94 TROISlàMB PARTIS. — CHAPITRE X.
1m mers éloignées. Il parait que iei Anglaii préparent une expédition de
8 yaisaeaux, tout lei ordres de Tamiral Gollingwood. En consultant mes états
je Tois que ces vaisseaux sont pris parmi ceux des ports de Plymouth et
Portsmouth et de Tescadre devant Brest. Ce qu il y a de certain, c'est que le
15 mai ils n'étaient point partis; le 16 mai répond au 26 floréal. Il parait
qu*il y a d'autant moins k craindre, qu'elle ne sera pas en force et ne pourra
se combiner ayec les premières escadres et la station de Brest. Je vois que le
résultat de la flottille est de presser les Anglais. Us n'osent se résoudre à
rien. C'est le M floréal qu'ils ont su le passage devant Cadix ; voilà un mois,
et ils n'ont pu te résoudre à aucune opération.
Certainement, avec le contre-coup de la descente, les Indes sont à nous
quand nous les voudrons prendre.
Les indices que j'ai me portent à croire que Cochrane est allé aux Indes
orientales, et que les Anglais n'expédieront rien qu'ils n'aient des nouvelles
certaines de la direction de Villeneuve. Ils ne connaîtront cette destination que
tout au plut du 20 au 30 prairial.
Dant le fait, ti on te met à la place des Anglais, on voit qu'il n'y a pas
d'autre parti à prendre que de se tenir, d'avoir des approvisionnements et
d'attendre det renseignements, car un amiral biiarre ou trompé, qui, au lieu
d'aller en Amérique, irait aux Indes, perdrait toute l'Amérique et vice versa.
Si l'amiral Missietty continue à être malade, je ne verrais point d'inconvé-
nient à donner ce commandement au vice-amiral Rosily. Cependant laissez-y
toi\jourt Mittietty.
Mon intention n*ett point qu'un officier de marine quitte les ports sans
mon ordre.
Napoléon.
Au vioe-amiral Deorèê (1).
Milan, le 11 prairial an xm (31 mai 1805).
Tous les renseignements que je reçois de Londres, c'est que Ganteaume a
eu cinq jours pour sortir, sans avoir d'ennemis devant lui. Il parait que cela a
été du 7 au 12 mai. Quelle occasion il a manquée là! Le même renseigne-
ment m'avait été donné de Brest.
Vous n'avez jamais rien répondu îiux questions que je vous ai faites des forti-
fications de Bertheaume et des dispositions que Vescadre pourrait faire povr se
trouver en position de sortir et participer au combat. Je crois que Ganteaume a
besoin d'instructions. Envoyes*-moi une carte de Brest, et tracez en couleur
la partie qui permet de sortir et les vents qui sont contre et l'empêcheraient
et faites-moi sur cela quelques raisonnements qui me débrouilleraient la ques-
tion. Villeneuve arrivera-t-il par des vents du sud, du nord-est ou d'ouest?
Combien de vents le font arriver? Combien y en a-t-il qui empêcheraient Gan-
teaume de sortir et combien qui seraient favorables à l'arrivée et à la sortie?
Le désordre des Anglais est extrême; ordres et contre-ordres. Ils ont voulu un
moment s'éloigner de Brest pour Torbay^ pour ne pas se trouver entre deux
(1) Correspondance de Napoléon ^ 8817.
RÔLES ASSIGNÉS A L'ESGADRE DB ROCHBFORT. 598
/eux, et se porter selon les circonstances; puis y cela leur a paru confirmer
r abandon des Indes et de V Amérique, Ils ont fait embarquer différentes expé-
ditions pour en finir, si les vents le permettaient au 16 mai. Aucune escadre
n'est encore partie^ si ce n'est Nelson, qui occupait le détroit et qu'on supposait
avoir V ordre de se ployer sur l'Angleterre. On ne lui croit pas assez de vivres
pour aller en Amérique; A de ses vaisseaux font beaucoup d'eau; d'ailleurs, il
n*a été joint par aucun ; avec cette force, il le pourrait, d'autant moins qu'il
arriverait droit à la Barbade pour faire de l'eau et se ravitailler, et qu'une
autre escadre prendrait le large.
Le 47, une escadre de 8 bâtiments (^tuit en partance à Plymouth ; générale-
ment on la croyait destinée aux Indes orientales.
C*est aujourd'hui le 11 prairial ; quand messidor (20 juin) arrivera, mon
intention est que vous confiiez le secret à Gourdon, parce qu'il peut y avoir
une infinité de dispositions que les circonstances peuvent lui ordonner ;
tàchei qu'il ait son cinquième vaisseau. Envoyez-moi copie de la lettre que
vous pensez devoir écrire à Gourdon.
Enfin, écrivez à Missiessy, que la campagne finira quand il atteindra le pre-
mier semestre; que s'il quitte l'escadre, je ne pourrai le considérer que comme
un général qui quitte la campagne ; dites-lui avec douceur et persuasion que
son expédition est combinée, et qu'il en est le premier chaînon. Si ses équi-
pages ont besoin de prendre terre, ils peuvent se promener dans l'île d'Aix.
Votre dernière lettre est du 7 prairial (27 mai) ; lorsque vous verrez celle-ci,
j'aurai probablement réuni Gênes. Vous m'avez envoyé le projet d'organisation
pour là marine de cette place et de la Rivière, et des classes, et les arrêtés à
signer pour nommer les individus. Ne perdez pas une heure si vous ne l'avez
pas fait. Je senti à la fin de ce mois dans cette place ; et je désire voir le chef
des mouvements, le préfet, l'ordonnateur, afin d'approuver toutes les destina-
tions des bâtiments et trancher toutes les difficultés.
Il faut également mettre deux autres vaisseaux sur le chantier de Gênes.
Les Rivières et les peuples sont enchantés de se trouver français. Je vous ai
déjà écrit que je désirais que, ce moment arrivé, l'f/rante, la Muironei Vlncor-
ruptible s'y trouvassent.
Je suis toujours dans l'espérance que j'aurai en mer, au l»' fructidor, le
Borée y VAnnibal et le Génois. Je n'ai pas besoin de vous faire comprendre
quel gain ils pourront nous faire, et de quel résultat immense ils pourront
être dans nos opérations.
Napoléon.
Au vioe-amiral Deorès (1).
Milan, le 12 prairial an xiu (l*'Juin 1805).
Je vois, par la dépêche télégraphique du 7, qu'il y avait 22 vaisseaux devant
Brest. Il est possible qu'à celte époque l'escadre de Collingwood ne soit pas
partie, mais soit en armement à Plymouth. Toutefois, quand elle serait partie
et irait directement sur la Martinique, il me semble qu'il n'y aurait rien à
(1) Correspondance de Napoléon, 88X3«
596 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
craindre. Je ne compte pas être à Paris avant le 25 messidor. Écrivez aux
gazettes de Hollande et même dans celles de Paris, que les affaires de Gènes
me retiendront très longtemps; que j'irai à Gastiglione, où je resterai quinze
jours à faire manœuvrer les troupes, que, de là, j'irai à Bologne. Faites con-
naître, à l'appui, la nouvelle du départ du Ministre des finances et de M. TAf-
chitrésorier. Le départ de ces deux grands fonctionnaires publics pourra être
la transition pour les journalistes.
Napoléon.
En somme, dans tout cela il n'y a plus aucun ordre ferme.
Decrès est invité, s'il « goûte cet avis », à rédiger des instruc-
tions pour faire faire une diversion en Irlande.
Mais voici d'autre part comment le Ministre de la marine
apprécie à ce moment la situation et le très curieux rensei-
gnement qu'il donne sur les articles de journaux anglais.
Le M'juin 1805.
Sire,
C'est une tâche difficile que de raisonner sur ce qu'exige l'état présent des
affaires, car toutes les données sur lesquelles le raisonnement peut se fonder
ont un degré d'incertitude impossible à fixer.
Ce qui parait certain, c'est que, si le ministère anglais n'a pas deviné la
pensée de Votre Majesté, il n'est pas moins vrai qu'elle a été pénétrée par les
journalistes de Londres, qui en ont donné Véveil au gouvernement. On en trouve
tout le développement dans le Moming Ghronicle du 9 maiy dont l'extrait est
inséré au n^ 241 du Moniteur (!•' prairial), article Londres, et je lis, dans le
Sun du \6 tuai, qu'on regarde commp un bonheur qu'une division, commandée
par l'amiral Collingwood, ne soit pas mise à la poursuite de la flotte corn-
binée, attendu que la route de celle-ci sur les Indes occidentales peut bien
n'être qu'une ruse de guerre pour y attirer des forces anglaises, tandis qu'elle
fera son retour dans les mers d^Europe, avec Vespoir de s'y trouver en forces
supérieures. Le Sun ajoute : Nous avons maintenant la supériorité aux An-
tilles, et nous avons lieu d'espérer des nouvelles heureuses.
Pour que cette espérance soit fondée, il faudrait que Gochrane avec ses
6 vaisseaux, Nelson avec ses 11 eussent rallié celui que l'ennemi avait aux An-
tilles, ce qui lui ferait 18 vaisseaux dont plusieurs à trois ponts. Si le contre-
amiral Magon a, comme je l'espère, rallié heureusement le vice-amiral Ville-
neuve, il aura 20 vaisseaux, et il n'est pas douteux qu'il y aura une affaire aux
Antilles, car la Martinique ne pourra noiurir cette quantité de bouches et la
mauvaise marche de quelques vaisseaux de l'amiral Villeneuve laisse peu d'es-
poir que, voulant quitter ces parages, il ait pu éluder le combat. Dans cette
hypothèse, le sort en est jeté, et, d'ici à quinze jours, le dieu des batailles
aura prononcé.
Admettons cependant que l'amiral Villeneuve ait évité ce combat, et qu'il
quitte les Antilles vers le l""" messidor (20 juin), comme le portent ses instruc-
tions.
RÔLES ASSIGNES A L'ESCADRE DE ROCHEFOUT. 597
Ceci est possible dans le cas, particulièrement, où Nelson aurait été seul aux
colonies occidentales, et qu'il n*y ait pas trouvé Cochrane.
Dans cette hypothèse, aussitôt que Villeneuve aura appareillé, Nelson Faura
suivi, et présumant bien que le FeiTol doit être débloqué, il tâchera d'y
devancer la flotte de Votre Majesté pour se réunir à Tescadre du Ferrol et se
trouver en forces égales à celles de Famiral Villeneuve, ou bien, s'il désespère
d'arriver à temps au Ferrol, il y enverra une frégate légère et se portera lui-
même sur Brest, ce qui donnerait sur ce point une force immense à l'ennemi (i).
Je ne Tois pas quelle autre combinaison Nelson pourrait faire s'il a été aux
Antilles, et je crois qu'il s'y sera porté, car, où pourrait-il avoir été ailleurs en
partant tout brusquement, sans avoir fait d'autre relâche que celle de cinq
heures à Gibraltar, où il n'aura pas eu le temps de faire de l'eau ni des vivres ?
On peut toutefois espérer que Cochrane, s'il y a été aussi, dès qu'il aura
appris le départ du général Missiessy, aura détaché des vaisseaux h sa pour-
suite, et se sera affaibli, ce qui donne autant de chances â l'amiral Villeneuve.
11 en a bien quelques autres contre lui, qui résulteraient de la division qu'il
aurait faite de ses forces pour attaquer à la fois plusieurs colonies, mais
comme il n'y aurait pas de remède à y porter, je me borne à les désigner pour
épuiser ce sujet. 11 n'y a point d'inductions à tirer du caractère personnel de
lord Nelson. Sa forfanterie égale son ineptie (et j'emploie ici le mot propre),
mais il a une qualité éminente, c'est de n'avoir avec ses capitaines de préten-
tion que celle de la bravoure et du bonheur. D'où il résulte qu'il est accessible
à des conseils et que, dans les occasions difficiles, s'il commande nominale-
ment, c'est un autre qui dirige réellement.
Je diffère à raisonner sur la possibilité des jonctions du Ferrol, Cadix et
Boche fort, parce que l'armée de Brest trouve ici sa place.
Je ne ferai point la comparaison de deux colonnes d'une armée de terre,
dont le moindre événement dérange si souvent les calculs de jonctions les
mieux combinées. Je dois supprimer ici tout ce qui est oiseux.
Quels que soient les vents avec lesquels l'amiral Villeneuve se portera sur
Brest, il est possible qu'au moment où il y arrivera, ces vents soient devenus
contraires à l'armée du général Ganteaume.
Pour que cette jonction s'opérât avec succès, il faudrait que l'amiral Ville-
neuve parût sur Brest au moment opportun pour en faire appareiller la flotte.
Mais, si Vannée de l'amiral Villeneuve n'a pas une force telle qu'elle con-
traigne l'ennemi à refuser le combat, elle aura dix heures au moins à se mesurer
avec lui avant d'être jointe par la flotte de Brest.
L'issue d'une pareille bataille livrée à ce taux de vaisseaux en laissera assez
de disponibles au vainqueur pour soutenir une seconde attaque.
Mais comment espérer de combiner les avis à donner à l'amiral Ganteaume
de manière que son appareillage se fasse précisément à point nommé ?
Sera-ce par des signaux de cAte? Il faut alors que l'amiral Villeneuve s'en-
fonce dans le golfe de Gascogne, y perde beaucoup de temps et s'expose à ne
pouvoir éviter un engagement décisif avec l'ennemi.
Je répète que les signaux de côte et l'arrivée de l'amiral Villeneuve ne con-
(1) BB»^. WO.
598 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
corderont que difûcilement avec l'heure de marée qui permettrait à Tarmée
de Brest de mettre sous yoiles.
Sera-ce par des frégates envoyées en ayant? Elles seront interceptées par
Tennemi.
Dans tous les cas, la flotte anglaise yoiidra probablement contenir en même
temps la flotte de Brest et combattre Tarmée combinée.
Pour cela elle Tattendra, n'ira point au-devant d'elle^ et la bataille aura
lieu à hauteur de Brest, à Touest d'Ouessant et de la chaussée des Saints,
c'est-à-dire à iO lieues de la rade où sera mouillé l'amiral Ganteaume.
Il en résultera que V amiral ne iera tout au plus informé de la bataille que
par les signaux d*Ouessant,ùu par quelques frégates qui se glisseront à Brest
pendant TaSkire. Il lui faudra donc pour y prendre part : !• V heure de la
marée; 2* le temps de son appareillage, que f évalue à quatre heures; 3* le
temps de parcourir les 10 lipues qui le séparent du champ de bataille et le temps
qu*il faut pour se mettre en ligne; ce temps ne peut pas être moindre de sept
heures.
Et, à tout prendre, ce ne sera que le lendemain que Ganteaume sera dehors,
en ne laissant encore qu'une médiocre part aux chances de la nuit, de la récep*
tion des avis, du tent, de la marée, et de la formation de la ligne.
D'après ces considérations, je pense que l'on doit calculer la force de l'en-
nemi à hauteur de Brest, au moment où Villeneure y paraîtra :
i* Sur le nombre des yaisseaux que Ouessant aura signalés, augmenté du
nombre de 4 au moins formant une réserve à Torbay, et il est facile de
sentir que ceux-ci seront avertis à temps ;
2* Sur l'escadre de la Corogne, composée de 8 vaisseaux, qui rallieront
Brest infailliblement, aussitôt que la flotte combinée paraîtra devant le Ferrol ;
3® Enfin, mais éventuellement, sur l'escadre de Nelson s'il était aux An-
tilles, lorsque Tamiral Villeneuve en sera parti.
Ainsi, je pense que l'on ne peut rien statuer sur les ordres à donner à
l'amiral Villeneuve avant le 20 messidor (9 juillet), époque à laquelle on
pourra calculer ces divers éléments de la force de l'ennemi, époque au delà de
laquelle on ne pourra plus attendre, parce que les ordres qu'on lui enverrait
arriveraient trop tard.
Je pense que si le nombre des vaisseaux que les différentes jonctions réuniront
sous le pavillon de V amiral Villeneuve n* excède pas de six, au fnoins, celui pré-
sumé à Vennemi il ne doit pas se porter sur Brest,
Je pense que les ordres à donner à Vamiral Villeneuve doivent être ainsi
conçus : Il y a tant de vaisseaux sur Brest, il est probable que ceux que vous
trouverez à la hauteur du Ferrol vont se replier sur ce point ; si le nombre des
vaisseaux sous votre commandement excède de 6 celui des vaisseaux ennemis en
croisière à la hauteur de Brest, augmenté de ceux du Ferrol, faites route sur
Brest et présentez-vous dans VIroisc en combattant, parce que, quel que soit le
résultat du premier choc, vous serez secouru par 2i vaisseaux qui composent
r armée de Vamiral Ganteaume^
Si, lorsque vous avez quitté les Antilles, Vennemi y avait une escadre, il est
probable quelle se sera dirigée sur Brest et qu'elle y devancera votre arrivée.
Dans ce cas, ajoutez au nombre de vaisseaux que je vous dis être devant Brest, à
celui de la croisière que vous aurez trouvée sur le Ferrol, le nombre de vaisseaux
RÔLES AB8I0NÉ8 A L'BSOADRE DE ROCHEFORT. B99
que vous supposerez avoir quitté les Antilles après vous, et, si V armée combinée
excède de 6 vaisseaux le nombre total de ces bâtiments, portei^ous encors sur
Brest.
Mais sij dans Vune ou Vautre hypothèse, vous n*avei pas 6 vaisseaux de plus
que Vennemi ne doit, d'après ces calculs, en avoir devant Brest, vous vous
rendrez à (en blanc sur la minute).
Votre Majesté observera que tout ceci repose sur Phypothèse où lord Nelson
aurait été aux Antilles et sur Topinion que ]*ai, comme. Votre Majesté, que
Tennemi ne prend pas le change et craint pour Londres même, ainsi que
Texpriment outertement tes journaux.
Votre Majesté sait que, si Nelson a des inquiétudes sur la Jamaïque, sa route
naturelle Taura fait passer aux lies du Vent.
Elle sait aussi que, quittât-il les Antilles 4 ou 5 jours après V amiral Ville-
neuve, il est certain qu'il accédera à la hauteur de Brest avant la flotte de
Votre Majesté parce que celle-ci est obligée de prendre un détour pour passer ûu
Ferrol, qu'elle y perdra nécessairement du temps à attendre V appareillage des
forces combinées, lequel ne peut avoir lieu qu'avec des vents d'est et, dans la
supposition la plus favorable, en moins de 24 heures, à cause du peu de lar-
geur de la passe .
Ceci me parait devoir être prévu d'une manière particulière dans les instruc-
tions que Tamiral Villeneuve trouvera au Ferrol.
Dès qu'il y paraîtra, nul doute que les 8 vaisseaux ennemis qui croisent à
hauteur de ce port ne se replient sur Brest.
Supposons que Tennemi n'ait que 24 vaisseaux sur et points il s'en trou-
vera 32 par cette jonctioné
Mais si Nelson était aux Antilles lorsque Villeneuve en sera parti, Votre
Majesté doit calculer que la flotte devant Brest se sera encore accrue des 12
ou 18 vaisseaux de cet amiral.
La flotte ennemie devant Brest se trouvera donc, par ces deux jonctions ^pro-
bablement composée de 44 ou 50 vaisseaux (1).
L'amiral Villeneuve, réuni aux vaisseaux du Ferrol (je suppose que les Espa-
gnols y aient porté les leurs sûrement à 9 vaisseaux), se trouvera avoir
34 vaisseaux ; qu'il rallie Rochefort, sur quelque point que Missiessy ait été
envoyé, il en aura 39.
Admettons encore que Votre Majesté obtienne les 10 de Cadix, le total des
forces de l'amiral Villeneuve sera de 49.
Ainsi, on peut raisonnablement calculer que si les Espagnols peuvent faire
tout ce que Votre Majesté en attend, et que si encore toutes ces jonctions peuvent
s'opérer, l'amiral Villeneuve n'aura à opposer que 49 vaisseaux aux 44 ou 50
de Vennemi.
Mais ici, il est chose pénible à exprimer : c'est que j'ai bien une opinion sur
la force réelle des vaisseaux de Votre Majesté, que cette opinion je V aurai au
tnéme degré sur celle des vaisseaux de Vamiral Gravina qui auront déjà vu la
mer, mais il y a i9 vaisseaux espagnols sortant du port pour la première fois.
(ï) C'est^presqae juste ce qui arriva.
00 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
commandés par des capitaines peu exercés^ médiocretncnt armés. Et f avoue que
je ne sais ce qu'on peut oser le lendemain de leur appareillage avec cette partie
si nombreuse de la flotte combinée
(La fin de cette pièce manque.)
Sauf en ce qui concerne la grossière erreur d'appréciation
du caractère de Nelson, on ne saurait trop admirer cette lettre
dont les prévisions se réalisèrent avec une précision presque
absolue. La nécessité d'une grande bataille, que Villeneuve
serait seul à livrer, était établie avec évidence.
En même temps, arrivaient des nouvelles obscures ou mau-
vaises : Nelson aurait été vu de nouveau dans la Méditerranée,
Salcedo était rentré à Carthagène, Missiessy malade et décou-
ragé ne pouvait se charger d'une nouvelle mission.
Anmjaex, le 6 prairial an xiii (26 mai 1805).
Monseigneur (I),
L*escadre de Carthagène est de nouveau rentrée après une croisière de
48 heures seulement.
La sortie de cette escadre parait donc n'avoir eu d'autre effet que d'instruire
les équipages, et ils avaient à la vérité le plus grand besoin de la pratique de
la mer. Les deux fois qu'ils sont sortis, ils ont avarié un Taisseau faute d'expé-
rience de la manœuvre. Néanmoins ces accidents n*ont rien eu de grave et
M. de Salcedo est prêt à remettre à la voile au premier ordre ; celui de passer
à Cadix, dès que l'instant lui paraîtra favorable à cette navigation, lui est tou-
jours provisoirement maintenu.
Le prince de la Paix a reçu des dépêches extraordinaires de Cadix, par
lesquelles M. le lieutenant-général Alhava l'informe que l'amiral Orde a
rejoint l'amiral Nelson à Lagos, que pendant leur entrevue qui a duré une
demi-journée, chaque escadre est restée sous les ordres de son commandant
respectif, et qu'elles se sont ensuite séparées, Nelson ayant pris le large et
disparu de la côte, h la vue de laquelle est au contraire resté l'amiral Orde.
On m'écrit de Carthagène à la date du i*' prairial {20 mai)^ jour de la
rentrée de V escadre, que les tours de la côte signalaient le retour de Nelson et la
présence de son escadre à quatre lieues seulement de distance du port. Le fait
est mathématiquement possible, mais il est de nature à exiger confirmation.
Uu navire impérial autrichien est arrivé de l'Ile-de-France à Cadix en
69 jours. M. le chevalier de Pelgrom, consul d'Autriche, et passager à bord
de ce bâtiment, a remis à M, le commissaire général Leroi, les dépêches ci-
jointes pour Votre Excellence.
La capitaine de ce bâtiment a signé au commissariat français sa déclaration
ainsi conçue :
(1) Archives de la Marine , Espagne, an xiii.
RÔLES ASSIGNÉS A L'ESCADRE DE ROCHEFORT. 601
« Que le naTire la Comtessc-de-Chanclos étant, le 10 mai 1805, au
36* degré de latitude nord et au 18** de la longitude comptée du méridien
de Greenwich, il avait eu connaissance de 22 ou 23 vaisseaux, dont plusieurs
très forts, faisant route vers le sud-ouest. La grande distance à laquelle on les
a aperçus n'a pas permis de déterminer plus exactement leur rang. »
Cette relation trop vague ne donne lieu à presque aucune conjecture solide,
mais toutes celles que Ton pourrait former avec quelque apparence de raison,
ne tendraient à rien moins qu*à prouver que ce fut Tescadre combinée qui a
été aperçue dans ces parages et à Tépoque dont il est mention au rapport du
capitaine.
Ayant eu l'occasion d'expédier un courrier à Son Excellence le Ministre de
la marine, pour lui expédier ses dépêches de TIle-de-France, j'en ai profité
pour lui communiquer les mêmes détails que ceux dont j'ai eu l'honneur de
faire part à Votre Excellence aujourd'hui et dans mes lettres précédentes,
relativement à l'état des ports et aux événements maritimes. Il m'a semblé
que cette double correspondance, qui ne doit être que momentanée, serait utile,
en ce que M. le vice-amiral Decrès pourrait, au moment où il reçoit de moi
quelques nouvelles, avoir la certitude que Sa Majesté en est déjà informée
comme lui, et ii y a telle circonstance où cette disposition pourrait lever des
incertitudes et économiser le temps.
Je prie Votre Excellence de vouloir bien agréer l'hommage de ma haute
considération et de mon sincère attachement.
Le général : de Beurnonville.
C'est là-dessus qu'est édifiée une nouvelle combinaison.
Au vice-amiral Decrès (i).
Milan, le 17 prairial an xiii (6 juin 1805).
Monsieur,
#
Je ne puis considérer que comme une calamité ce mauvais esprit de l'amiral
Missiessy ; parce qu'il a été quatre mois à la mer, il croit que tout doit être
désarmé. L'amiral Missiessy n'a point répondu, au reste, à l'idée que je m'en
étais faite. Il y répond bien moins par sa conduite depuis sa rentrée (2).
J'ai vu avec grand intérêt la conduite du Sylphe^ faites-en mettre le détail
dans le Moniteur; demandez au capitaine de ce bâtiment un détail circons-
tancié des vents et des mers qu'ils a trouvés au delà des Orcades.
J'apprends avec plaisir que le Redoutable sera prêt. Prévenez le contre-
amiral Gourdon qu'il serait possible que l'escadre qui viendra le débloquer eût
(1) Correspondance de Napoléon, 8846.
(t) Correspondance de Napoléon à Decrès, l»' juin, 8824.
Si Missiessy est malade, il faudra finir par le remplacer. Je vous ai écrit pour Rosily,
s'il s'en sent le courage, ou bien pour tout autre. Qu'il ne vienne pas à Paris avant que
je ne Taie décidé.
Napolbon.
602 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE X.
un bâtiment qui ait besoin d'entrer dans le port. Peut-ôtre terait-il bon
qu'une de« deux frégates eût une maistranoe h bord, afin que, si une fWgate
aTait besoin de rentrer, elle pût être réparée sur-le-cbamp.
Vous Toyei que M. Grandellana a 7 Taisseaux ; j'ai écrit pour qu'il en ait 40.
Veillez à ce qu'il ait les vivres demandés. 11 faut pourvoir aussi à ce qu'il ait
des vivres à Rochefort, car voilà une chance à prévoir : c'est que l'amiral
Villeneuve n'ait point de vivres pour aller jusqu'à Brest ; je dis pour aller
jusqu'à Brest, car il ne doit point s'arrêter là, et que s'il est obligé de prendre
chasse selon les circonstances, il faut qu'il trouve au moini un mois de vivres
s'il se présente devant Rochefort, ce qui pourrait servir à sa double jonction
avec l'amiral Missiessy.
Je suis surpris que le général Lagrange ne soit pat tenu me joindre ; cela
m'eût paru plus naturel que d'aller voir sa femme.
Écrivez au général Missiessy qu'il ne peut pas venir à Paris ; que ce n'est
rien que de commencer une campagne : il faut l'achever. Enfin je crois que
Mme Missiessy est une femme raisonnable, qui a un peu d'ambition. Engagei-
la à partir pour Rochefort ; il est juste que l'amiral Missiessy voie sa femme !
qu'elle lui fasse bien comprendre qu'il faut qu'il achève la campagne. Je suis
fâché que vous ne vous soyez pas avisé de cela plus tôt.
Napolégk.
Au Wce-am/ra/ Decrès (1).
Milan, le 17 prairial an xui (6 Juin 1805).
J'ai lu avec attention votre lettre. Je vois avec plaisir que les Anglais n'ont
plus devant Brest que 2î ou 23 vaisseaux. J'ai vu également avec plaisir qu'il
y a 5 vaisseaux français au Ferrol et 8 espagnols. J'envoie un courrier pour
que toutes les mesures soient prises pour qu'il y en ait 10 espagnols. N'y en
aurait-il que 9, nous aurons donc 14 vaisseaux au Ferrol. Je vous ai écrit que
Mme Missiessy devait aller joindre son mtiri.
Il a acquis de la gloire ; on lui en a donné plus qu'il n'en mérite ; dans le
Moniteur, il est bien traité. Je serais fâché de faire revenir sur son compte.
L'affaire du Diamant, surtout, a fait un très mauvais effet dans l'Amérique.
Après votre lettre, c'est le dernier des hommes s'il ne prend point de la
chaleur.
Vous devez avoir reçu une instruction (i)pour la mission ultérieure de 1^ escadre
de Rochefort, Il me semble que ce que vient de faire le Sylphe prouve assez
de quel bien peut être cette expédition et quel mal elle peut faire aux
Anglais.
J'espère que vous serez content des calculs hypothétiques que j'ai faits.
Être maître de la Méditerranée n*est rien. Je désirerais 2 vaisseaux à Ville-
neuve plutôt que 40 dans la Méditerranée.
Il me semble que vous n'avez pas Vesprit assez exclusif pour une grande
opération. C'est un défaut dont il vous faut vous corriger, car c'est là l'art
(1) Correspondance de Napoléon^ 8847.
(î) Non retrouvée.
RÔLES ASSI0NB8 A L'BSCADRE DE ROOHEFORT. 608
de$ grands tuccès et des grandes affaires. Je vous ai dit ma pensée en grand en
vous donnant des instructions pour Vamiral Missiessy, vous devei calculer les
détails. S'il était possible de rester cinq ou six jours dans la Baltique (sic) et
se jeter ensuite sur Terre-Neuve, après avoir insulté V Irlande ^ quelle confu-
sion on jetterait en Anglelerre,
Je serai à Fontainebleau, mais pour vous seul, le 20 messidor.
Napoléon.
Au vice 'amiral Decrès (1).
Milan, le 18 prairial an xm (7 Juin 1805).
Je ne Terrai pas d^inconvénient à prendre le fils de Tarn irai Linois dans ma
Garde. Cela lui servira de petite compensation. S'il s'est trompé sur le convoi
de la Chine, ce n*est pas faute de bonne volonté. Nous avons dû le blâmer
publiquement, pour que cela serve pour la gouverne de nos marins.
Faites part au prince de la Paix de Texpédition de la frégate pour Manille.
Dans des circonstances ordinaires, nul doute que nous aurions gagné à
donner trois mois à réparer Tescadre de Rochefort ; mais vous savex, comme
moi, qu'il n'est pas question d'une longue campagne et qu'il est absolument
nécessaire que cette escadre soit en mer dans la première quinxaine de
messidor.
Au reste, il me semble que vous ave2 fait sur cela tout ce qui était pos*
sible. Que Nelson n'ait pas été à la suite de V escadre française, cela ne m'étonne
pas, mais je suis étonné qu' il n'ait pas été en Angleterre (2). Toutes les proba-
bilités sont que, le 22 mai, une escadre est partie pour les Indes. Une quin-
zaine de vaisseaux sont prêts à partir ; j'attends donc avec impatience d'ap-
prendre qu'ils le sont.
Vous devez vous souvenir que les vivres ne permirent à Nelson d'attaquer
l'escadre d'Aboukir qu'un mois après. Les Anglais ne sont forts que de notre
immense (3) Un gouvernement collectif a des idées moins simples, est
plus long à se décider.
Je suis bien aise d'apprendre que Mtssiessy se décide enfin. Sinon, le vieux
amiral Rosily serait peut-être bon pour cette expédition. Tâchez de joindre à
l'escadre le brick qui vient de faire le tour de l'Irlande et aussi tous les autres
bricks que vous pourrez : 1® parce que ce sont des voiles ; 2® parce que plus
on fera de prises sur les côtes d*Irlande, plus on portera la crispation h
Londres et plus on obligera à suivre l'escadre; et c'est là le but principal.
Mon intention est également de Taire faire, dans la première quinzaine de mes*
sidor, de grands mouvements au Texel. J'y ai déjà 7 vaisseaux réunis, et je ne
désespère pas de combiner Vescadre de Missiessy avec celle du Texel, de manière
à faire croire que Missiessy, et peut-être Villeneuve, tournent l'Irlande, ce
qui leur fera dégarnir l'escadre de Brest. Je suis sûr d'avoir gain de cause si
(1) Correspondance de Napoléon, 8856.
(2) Beomonville a éerit le 26 mai qu'on croyait Nelson rentré dans la Méditerranée.
(3) Lacune dans la minute.
604 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
l'ennemi n'a que 22 ou 23 vaisseaux devant Brest. Peut-être serait-il néces-
saire de faire rentrer dans le port 2 vaisseaux, afin que cela les détermine plus
aisément à se diminuer. Mon intention est que les Français, Génois, Mahonais
et Napolitains pris à bord du chebec anglais soient traités comme des forbans ;
que le capitaine, s'il n*est point Anglais, soit fusillé, et les autres condamnés
et conduits aux galères sous bonne escorte à Rochefort. Je dis à Rocbefort
parce qu'ils auront plus de peine à se sauver des galères de Rochefort que
de celles de Toulon. Faites passer cette lettre au général Marmont.
Napoléon.
Au Wce-am/ra/ Decrôs (1).
Milan, le 19 prairial an xui (8 juin 1805).
Monsieur,
Il paraît que les Anglais croient l'amiral Villeneuve destiné pour les Indes.
La réjouissance qu'ils ont faite parait avoir pour but de faire parade de quelque
succès qu'ils ont obtenus contre Holkar ; ipais, en réalité, ce n'est que pour
rassurer l'Angleterre et pallier leurs craintes sur le tort qu'éprouverait leur
crédit si une armée française débarquait aux Indes. Vous avez bien prévu que
je consentirais à ce que l'amiral Missiessy partit un peu plus tard, plutôt que de
le laisser partir avec 3 vaisseaux. Tftchez, au contraire, de joindre \eSuffren k
son escadre et mettez-y le plus de frégates possible. Faites partir cet amiral le
plus tôt qu'il le pourra. Écrivez-le lui d'une manièi*e bien positive.
C'est un homme assez actif, qui a besoin d'instruction claires et fermes.
Etudiez les côtes d^ Irlande, Prescrivez-lui de faire entrer ses bricks et une ou
deux frégates dans le fond de quelque rade foraine. Qu'il se présente sur deux
points de Flrlande. S'il pouvait croiser six jours à Vembouchure de la Baltique y
ce serait charmant. Au reste, ces chances sont calculées sur la possibilité de le
réunir à t amiral Villeneuve.
Pourquoi, par exemple, après avoir alarmé l'Irlande, ne se porterait-il pas
à telle latitude derrière le Ferrol, où Villeneuve V enverrait chercher par une
frégate f Ou, dans les mois de juillet et août, ne pourrait-on pas faire croiser
Missiessy dans un tel espace de vingt lieues qui serait à peu près la route de
Tamiral Villeneuve ; que celui-ci, instruit, y passât exprès et fit battre la mer
par ses bricks, pour se joindre à lui ? Mon but principal est de le réunir à
l'amiral Villeneuve et, comme ce que f imagine est tout simple dans la saison
où nous sommes, je pense donc que Vamiral Missiessy, avec ses 6 vaisseaux,
doit le plus tôt possible se rendre sur les côtes d Irlande, s'y montrer deux fois,
la première du côté sud, la seconde du côté nord, disparaître, et tâcher d'être le
\0 thermidor (29 juillet) rendu hors de la route commune entre le Ferrol et
Brest, plus près du Ferrol, Villeneuve et Gourdon en seraient instruits et
feraient tout ce qui serait nécessaire pour opérer la réunion, 11 faut pour cela
deux choses : i® Faire aux Anglais douze ou quinze prises, soit bricks, soit
caboteurs, n'importe quels petits bâtiments, sur les côtes d'Irlande ; 2« Brûler
ou mettre à son bord tout ce qui raisonnerait, afin de ne pas laisser connaître
(1) Correspondance de Napoléon, 8864.
RÔLES ASSIGNÉS A L'ESCADRB DE ROOHEFORT. 605
qui il est. On croira que c'est un détachement de Tamiral Villeneuve, comme
tout autre chose.
J'avais déjà les nouvelles de Gorfou que vous m'envoyez ; il est bien évident
que la tenue d'une armée de 12,000 hommes à Gorfou doit les ruiner.
J'aurais une grande joie d'apprendre que l'amiral Gollingwood doit aller à
Malte se combiner avec cette célèbre armée russe ; rien ne pourrait nous
arriver de plus heureux ; mais la responsabilité des ministres est devenue si
grande, qu'ils ne peuvent pas ne pas l'envoyer aux Indes. Je le crois destiné h
prendre le Gap. S'ils vont à Malte, ils ne pourraient pas mieux faire s'ils exé-
cutaient mes ordres.
Je vous envoie une lettre de M, Jérôme, qui me parait extraordinaire ; si
Ton ne s'est pas trompé et que l'on n'ait pas pris des vaisseaux marchands
pour des vaisseaux de ligne, ce qui arrive souvent, ce ne peut être que l'escadre
espagnole ; on bien Nelson serait-il rentré dans la Méditerranée ? Tant mieux.
Mais alors, que ferait-il entre la Gorse et Toulon ?
Napoléon.
Au général Marmont, commandant le camp d'Utrecht (1).
Milan, le 18 prairial aa xm (7 juin 1805).
Je donne ordre que deux compagnies du bataillon du train se rendent à
votre armée pour prendre 400 chevaux. Les plus fortes instances vont être
faites pour presser les deux vaisseaux d'Helvoet-Sluys. Faites joindre le ?• et
exécutez ponctuellement ce que je vais vous prescrire.
Que votre camp d'Utrecht soit parfaitement formé au 15 messidor. Faites
tous les mouvements d'embarquement ; que l'escadre soit prête à sortir si les
Anglais sont inférieurs, ou, ce qui remplira également mon but, qu'on les
tienne en alarme et qu'on attire le plus possible de leurs forces. Faites-moi
connaître le genre de mouvement que l'escadre hollandaise peut faire pour
remplir ce dernier objet. 11 ne m'est pas indifférent qu'après le 15 messidor
vous teniez sur vous deux vaisseaux de plus ou de moins. Galculez tous vos
moyens pour en attirer le plus possible.
Rendez-vous à Flessingue, concertez-vous avec Schimmelpenninck pour que
l'escadre hollandaise ait 9 vaisseaux au lieu de 7. Quant aux frégates, ce n'est
rien. Je vois que vous ne pouvez embarquer que 1400 chevaux et vous en
avez davantage.
Faites-moi connaître combien vous avez de cavalerie disponible. Vous ferez
d'abord embarquer ces 1400 chevaux, cela est suffisant ; mais comme il est
possible que les écuries reviennent en chercher d'autres, ayez-en pour ce cas
encore 1400.
Je ne puis croire que le 3^ bataillon ne puisse servir que 400 chevaux ; mais
je crois que vous êtes bien aise d'amener assez d'hommes pour en servir un
millier; je ne puis blâmer cette précaution. On vous fournira autant de bâti-
ments légers qu'il sera possible.
(1) Correspondance de Napoléon, 8S57.
606 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE X.
Vous ne me dites pas dans Totre lettre combien vous avez d'approvisionne-
ments, car ce n'est rien que de dire que les approirisionnements pour
25,000 hommes sont complets et de bonne qualité. Faites-moi savoir pour
combien de jours sont ces approvisionnements. Je pense qu'il convient que les
vaisseaux de gueire soient approvisionnés de quatre mois de vivres pour les
équipages et de quinze jours pour les passagers et tout le convoi et Tarmée. 11
faut que les écuries le soient de manière à faire un deuxième voyage sans ôtro
obligées de faire de Teau et des vivres, et enOn, avoir en réserve 400,000 rations
de biscuit et d'eau-de-vie pour débarquer avec Tarmée. Ce n'est pas beaucoup
que quinze jours de vivres. Ce serait une ineptie que d'en avoir moins. Je
pense que vous avez fait faire 4 ou S fours portatifs ; que vos soldats ont une
paire de souliers aux pieds et deux dans le sac ; et qu'enfin vous embarquerez
4,000 ou SfOOO paires de souliers et autant de fusils ; dans l'embarquement et
le débarquement on en perdra beaucoup.
Napoléon.
Au vice-amiral Decrès (I).
Milao, X8 prairial an xm (7 juin 1805).
Le général Marmont demande 2 frégates qui sont à Flessingue, et 2 frégates
qui sont dans la Meuse, pour les joindre à l'escadre batave à son départ. 11 fait
sentir Timportance d'avoir le plus de bâtiments légers possible. Voyez ce que
j'ai de disponible dans ces ports pour joindre à l'escadre hollandaise. Le
général Marmont m'assure qu'elle est forte de 7 vaisseaux et 3 frégates. VoiiiV
déjà un résultat. Ecrivez à M. Schimmelpenninck et au Ministre de la marine
pour leur faire sentir l'importance que j'attache aux vaisseaux d'Helvoet-Sluys ;
que, s'il ne faut que des matelots, on les ait avant la fin de messidor ; qu'on
travaille nuit et jour. Quant aux matelots ce n'est point un obstacle sérieux en
Hollande; qu'on fasse une presse h Amsterdam. Enfin, faites connaître que je
ne saurais me contenter de 7 vaisseaux de ligne, lorsque la France et l'Espagne
font tous les efforts possibles.
Napoléon.
De tout ce chaos de suppositions, de projets contradictoires,
finit enfin par se dégager un ordre ferme qui eut sur la cam-
pagne ime influence décisive.
Instructions pour le commandement de l'escadre de Rochefort (2).
Milan, le f 0 pndritl ao xm (9 Juin 1805).
Monsieur (3), Commandant l'une de nos escadres,
Notre Ministre de la marine vous fera connaître les noms et l'armement dos
vaisseaux de tout rang (jue nous mettons sous vos ordres.
(1) Correspondance de Napoléon, 8858.
(2) Correspondance de Napoléon, 8870.
(3) En blanc dans la minute.
RÔLES ASSIGNÉS A L'bSCADRE DE ROGHEFORT. 607
Notre intention est que vous partiez le plus tôt possible de notre rade de rUe
d'AiXj et que vous vous portiez sur les côtes (t Irlande, où Vintérêt de nos opé'
rations maritimes exige qu'il soit fait tme diversion qui oblige l'ennemi à y
diriger une partie de ses forces navales.
Notre intention est que vous reconnaissiez les côtes d'Irlande comme si vous
arriviez d'Amérique ; que vous reconnaissiez le premier point de ces côtes du
15 au 20 messidor (4 au 9 juillet), et surtout que vous ne vous laissiez ni ren-
contrer ni voir à portée de ces côtes avant le 15 messidor {A juillet).
Du moment que tous aurei appareillé de notre mde de l'tle d'Aix, tous
parcourrez Vespace de 400 lieues à l'ouest et croiserex aux euTirons de ce méri-
dien le nombre de jours nécessaire pour n'arriver sur les cAtes d'Irlande que
le i5 ou 20 messidor.
Vous ne conserverez aucune prise qui i-etarderait votre marche et affaiblirait
vos équipages. Vous brûlerei ou coulerez bas tout bAtiment de commerce, soit
ennemi, soit neutre qui pourrait déceler votre marche, et prendrei les équi-
pages prisonniers à votre bord, en recommandant qu'ils soient sévèrement
tenus. Si ce sont des neutres, vous traiterez les équipages avec égards et
déolarerei aux patrons que Je payerai la valeur des bMiments.
Arrivé à ladite époque, du 15 au 20 messidor, sur la côte occidentale
d'Irlande, vous tâcherez d'aborder aux environs de l'embouchure du Shannon,
plutôt comme venant du nord que comme venant du sud, c'est-à-dire,
reconnaissant plutôt les caps de la rive droite que de la rive gauche. Vous
croiserez là l'espace de huit à neuf jours ; vous ferez entrer dans cette rivière
vos petits bâtiments et quelques frégates, pour y prendre tous les bâtiments
qui s'y trouveraient et augmenter le plus possible le nombre de vos prises.
De là, vous vous porterez aux Iles Clare ; vous tâcherez de vous faire voir
près d'une autre baie, vous dirigeant de manière à faire croire que vous allez
au nord et que votre mission est de doubler l'Irlande. Après quoi vous dispa-
raîtrez au large et prendrez, par des routes inusitées, votre direction de manière
à être du 12 <7U 15 thermidor (29 juillet au 3 août), à 40 lieues à V ouest du
Ferrol, par le 43» 32' de latitude et 13» 22' de longitude.
C'est vers cette époque que l'armée navale combinée aux ordres de l'amiral
Villeneuve, forte de 20 vaisseaux de guerre et de 40 à 12 frégates, se rendra
au Ferrol et s'y réunira à l'escadre du contre-amiral Gourdon.
Du moment que vous aurez joint l'amiral Villeneuve, vous vous rangerez
sous son pavillon; cet amiral, qui saura au Ferrol votre destination, vous ira
chercher.
S'il vous était impossible de vous trouver au \^ thermidor (3 août) au point
qui vous est désigné, vous vous dirigeriez sur le point placé par les 46* 55' de
latitude nord et 9® 30*^ de longitude occidentale. Si, dans Vune ou Vautre de
vos stations, au 25 thermidor (13 août), vous n'avez entendu parler de rien,
vous vous approcherez des côtes d'Espagne ; vous arriverez devant Vigo où vous
trouverez des nouvelles, ou peut-être des instructions chez mon commissaire
des relations commerciales.
Si, lorsque vous paraîtrez à 40 lieues du Ferrol, vous êtes certain que ce
port n'est point bloqué et que l'amiral Villeneuve n'y est pas encore arrivé,
vous pourrez entrer à la Corogne et vous joindre au contre-amiral Gourdon^
dont la division sera alors sous vos ordres (le plus ancien prendra le comman*
608 TROISIÈME PARTIS. — CHAPITRE X.
dément ; si c'est le capitaine Allemand qui est chargé du commandement de
la diTision, il sera sous les ordres du contre-amiral Gourdon) ; ce qui porterait
Tos deux escadres réunies à 20 vaisseaux de guerre et tous attendriez l'arrivée
de Tamiral Villeneuve.
Mais, comme il ne faut point donner à l'ennemi lieu d'augmenter sa croisière
du Ferroly vous nétes autorité à y entrer qu'après le 15 thermidor (3 août).
Vous avez trop d'expérience des mouvements combinés pour ne point sentir
l'importance de votre opération. Il est impossible que, croisant à Fembou-
chure du Shannon, vous ne preniez pas une grande quantité de bâtiments, ce
qui portera l'alarme en Angleterre et obligera l'ennemi à renforcer sa croi-
sière d'Yarmouth et de Boulogne.
Vous jetterez le» proclamations irlandaises, que vous trouverez ci-jointes ;
vous pourrez même en laisser sur les eûtes.
Dans votre nouvelle croisière et sur les différents points de votre mission,
vous n'épargnerez ni ennemis, ni neutres, ni Français, de manière que rien ne
puisse démasquer votre croisière.
Il sera possible que, dans la première partie de votre mission, vous tombiez
sur des convois anglais qui vont d'Amérique en Angleterre et, dans la seconde
partie, sur ceux qui vont de Lisbonne en Angleterre. Vous ferez en sorte d'en
tirer tout le parti possible et de faire le plus de prisonniers que vous
pourrez.
Si, par des circonstances imprévues, vous communiquez avec des bâtiments
sans les arrêter, chose que je ne pourrais prévoir, à moins que ce ne fussent
des bâtiments de guerre suédois ou autres neutres que vous ne dussiez pas
prendre, vous vous ferez passer pour un détachement de l'amiral Villeneuve.
Si, après le 23 thermidor (13 août), il arrivait, par des circonstances quel-
conques, que Vamiral Villeneuve fût entré dans quelqu'un de nos ports et que
vous n'ayiez aucune instruction à Vigo, vous finiriez de consommer vos vivres,
en croisant dans les parages où vous pourrez faire le plus de mal à Vennemi, et
vous ne rentrerez dans nos ports que six jnois après votre départ.
Si, au contraire, vous apprenez qu'une de nos armées soit entrée, soit en
Angleterre, soit en Irlande, vous tâcherez de vous mettre en communication
avec elle, et vous ferez tout ce qui sera possible pour opérer votre jonction
avec mes autres escadres.
Nous nous reposons, pour le succès de cette expédition, sur votre zèle, sur
votre bravoure et sur votre attachement â notre personne.
Napoléon (1).
(1) Il n'est pas sans intérêt de comparer la date admise par l'Empereur ponr rarrivée
probable de Villeneuve devant le Ferrol avec celle que prévoyait Decrès et qui se réalisât
d'ailleurs, puisque Villeneuve, ainsi qu'on l'a vu, agit comme s'il avait reçu l'ordre de
revenir immédiatement en Europe.
RÔLES ASSIGNÉS A i/eSCADRE DE ROCHEFORT. 609
Au contre-am/ra/ Gourdon, oommsindant une escadre de Sa Majesté,
au Ferrol (1).
I>e t\ prairial an xiii(10 juin 1805).
Par une dépêche antérieure, Monsieur le Contre-Amiral, je vous avais pré-
venu que Tarmée qui doit tous débloquer viendrait du Nord.
Je vous ai informé depuis que, si vous n'étiex pas débloqué le 15 prairial,
vous le seriez probablement à la fin de messidor, mais que, dans ce cas, ça ne
serait plus du nord qu\in*iverait Tarmée h laquelle vous devez vous réunir.
Cette hypothèse de la direction des flottes se trouve fixée aujourd'hui. Je
vous ai prévenu, tous les paquets de rendez-vous à décacheter en cas de sépa-
ration, qui vous ont été adressés jusqu'à ce jour, sont sans objet ; et je me
présume que, déjà, vous me les avez renvoyés, comme je Tai prescrit par ma
lettre du 2 du mois dernier.
Maintenant que le système dos opérations auxquelles les escadres du Ferrol
sont appelées à concourir est fixé, je vais entrer avec vous dans de plus grands
détails.
L'armée combinée, de 20 vaisseaux de ligne et 10 frégates, a dû partir de la
Martinique dans les premiers jours de messidor (19 juin). Elle a ordre de se
porter sur le Ferrol, où Ton peut calculer son arrivée pour les dix ou douze
premiers jours de thermidor (20 au 31 juillet).
Aussitôt qu'elle paraîtra, ou qu'une de ses frégates vous aura prévenu de son
approche, l'escadre sous votre commandement, et celle aux ordres de M. de
Grandellana, doivent appareiller pour se joindre à elles avec le moins de délai
possible.
Cependant, vous aurez soin de combiner votre appareillage sur le mouve-
ment et la situation des vaisseaux anglais qui pourront alors être sur le
Ferrol, car si ces vais<^aux paraissaient avoir une sécurité qui donnât l'espoir
de les voir surprendre par l'armée combinée, vous devriez éviter toute ma-
nœuvre qui les éloignerait ; et si, au contraire, ils se trouvaient en calme ou
en situation d'être avantageusement chassés par vous, vous ne devriez hésiter
à faire en sorte de les engager pour qu'ils ne puissent échapper ; aussitôt que
les escadres du Ferrol auront rallié l'armée combinée, celle de Sa Majesté
Catholique se rangera sous le pavillon de l'amiral Grayina et celle de l'Empe-
reur sous celui de l'amiral Villeneuve, qui aura le commandement général de
toute l'armée combinée ; par cette réunion, l'armée se trouvera forte de
32 vaisseaux de ligne, 10 frégates et plusieurs corvettes ; elle doit aussitôt se
porter sur Brest, oà Vamiral Ganteaume commande 21 vaisseaux de guerre et
prêt à appareiller poiu* se réunir à elle et entrer dans la Manche ; vous conce-
vrez, Monsieur le Contre-Amiral, combien l'exécution de ce plan exige que les
forces navales qui sont au Ferrol soient disposées à mettre sous voiles aussitôt
que l'armée combinée paraîtra.
Vous m'observez, dans votre dépêche du 7 prairial, que la rade de la
(l) Archives de la Marine, BB»', Î89.
IV. 30
610 TROÏSIBMB PARTIE, — GHAPITR» X-
Gorogne a rinconTénient de ne pouvoir contenir les deux divisions qui sont
au Ferroi, et que cq qui est hors de la rade serait exposa à une attaque de
Tennemi.
Je ne puis que regretter que vous ne me fassiez pas connaître combien cette
rade peut réellement contenir de vaisseaux à Tabri d'une attaque.
On m'a rendu compte que, dans un temps où TEspagne en paix n'avait
point armé ses rabatteurs, le (i) était mouillé avec 4 vaisseaux, entrer les
forts Saint-Antoine et Saint- Vigo, et avait place pour 4 vaisseaux, ce qui aurait
porté le nombre à 8.
Aujourd'hui que l'Espagne a probablement armé cette baie, que le fort
Sainte-Croix doit être en état de défense, qu'on peut avoir placé des batteries
sur les pointes, il me semble que la rade de la Gorogne a acquis une grande
extension.
Dbcrès.
Au Wœ-am/ra/ Decrôa (2).
Milan, le fO prairial an un (0 juin 1806).
Monsieur,
Je reçois Totre lettre du i5 prairial, 8 heures du soir, et celle du {Q. Tout
me porte h penser que les Anglais ont enfin expédié |Si vaisseaux aux Grandes
Indes, du moment où ils ont appris que l'amiral Cocbrane était arrivé h la
Barbade, et que notre escadre était partie de ces parages quinne jours avant.
La prompte rentrée de Tescadre de Rochefort a eu cela d'heureux, qu'elle a
ôté toute idée de réunion des deux escadres. L'esc^adre de Taroiral Orde a été
tout entière devant Brest; il n'a jamais eu que 3 vaisseaux de 74; le reste
est de 64 ou 50. Il est très incertain de savoir ce qu'a fait Nelson ; il serait
très possible que \e$ Anglais, ayant envoyé 15 vaisseaux aux Grande^ Indes,
armés et équipés h neuf, eussent fait partir en môme temps Nelson pour TAmé^
rique. Je suû d'opinion^ cependant, que Nelson e$t encore danf les vmts dEi^
rope. Le sentiment le plus naturel est qu'il devrait être resté en Angleterre
pour se ravitailler et verser ses équipages sur d'autres bâtiments; car ses vais-
seaux ont besoin d'entrer danii le bassin, et son escadre peut ôti*e considérée
comme étant en très mauyais état. Je pense que Tamiral GolUngwood n'est
parti pour sa destination que le SI mai. L^ encadre de l'amiral Gochrane est
dans le plus mauyais état; je ne doute pas qu'il ne s^ourne à la Jamaïque
pour s'y réparer et se ravitailler.
Je vois avec plaisir le bon état de Toscadre du Ferrol et la bonne situation
de ses approvisionnements.
Il paraît que le Ferrol n'eit point bloqué ; ainsi Villeneuve n'aura là aucune
espèce de combat à essuyer. Il parait que le oontre^amiral Gourdon a besoin
de courriers; éorives-lui par des courriers extraordinaires qu'il gardera, et du
retour desquels il profitera pour vous donner des nouvelles*
(1) Lacune dans la minute.
(2) Correspondance de Napoléon, 8871.
RÔLES A8SI0NÉS A L*BSCADRE DE ROGHBFORT. 611
Faites-lui connaître que J'ai demandé h TEspagne d'augmenter l'escadre du
Ferrol et de la porter jusqu'à 10 Taisseaux. Il serait peut-être conTenable de
charger un transport de farine, lequel en porterait quelques sacs à chaque
Taisseau de Tamiral YilleneuTe ; car ma crainte est que, s'il n'a pas Técu à la
Martinique sur le Journalier, il ne manque de Titres. Je ne puis que tous
réitérer ce que Je crois tous aToir déjà dit, do tenir en règle et d'approvi-
sionner de Tivres les deux frégates ou au moins une, afin de pouToir y verser
les équipages, si quelque bâtiment de l'escadre était obligé d'entrer dans
le port.
Venons aux opérations de V escadre de Roche fort : les Anglais détacheront,
sans nul doute, quelques vaisseaux pour courir sur cette escadre; mais ils ne
rentreront pas à Ouessant. Votre défaut est de calculer comme si les Anglais
étaient dans le secret; il faut calculer comme doit le faire V Amirauté :
100,000 hommes sont à Boulogne ; 7 vaisseaux de guerre sont au Texel avec
une armée de 30,000 hommes, et une escadre de ^ vaisseaux de guerre est
dans le port de Brest, Il peut arriver que Vescadre de l'amiral Villeneuve
revienne brusquement sur V Europe; mais aussi elle peut aller aux Indes ou à
la Jamaïque ; et quelle immense responsabilité pèse sur la tête de ces ministres,
s'ils laissent passer trois ou quatre mois sans envoyer des forces au secours
de ces colonies ! Les Anglais doivent donc envoyer une escadre à la suite
de Vomirai Villeneuve, Le parti qu'ils ont pris d'en envoyer une aux Indes,
dès qu'ils ont su l'arrivée de l'amiral Cocbrane aux lies du Vent, prouve
qu'ils n'ont pas de doute que Villeneuve soit allé là. Si j'étais dans l'Amirauté
de Londres, il me semble que j'aurais envoyé quelques escadres légères aux
Indes et en Amérique et que j'aurais préparé une forte escadre d'une vingtaine
de vaisseaux, que je n'aurais expédiée qu'au moment où j'aurais été certain de
la destination de l'amiral Villeneuve. Dans la seconde hypothèse, j'caurais
craint aussi le brusque retour de l'amiral Villeneuve sur l'Angleterre, sa réu-
nion avec Tescadre de Brest sans passer pîir le Ferrol ; et, dès lors, je n'aurais
laissé qu'une légère croisière au Ferrol pour maintenir une plus grande force
devant Brest, Mais j'aurais pu craindre aussi que l'escadre ennemie vint au
Ferrol, et, forte de 35 vaisseaux, fît le tour de l'Irlande pour se joindre à
l'escadre du Texel ; ou que, sans passer devant Brest, ni au Texel, elle vint,
par le chemin le plus droit, reconnaître la Norwège et se laisser affaler sur
Boulogne. Ces craintes se seraient changées en certitude et auraient acquis un
grand poids le jour où j'aurais appris que 6 vaisseaux sont sur les côtei* d'Ir-
lande. Qu'ont*-ils été faire là? Evidemment se réunir à une autre escadre
française, ou bien faire route pour les Orcades. La moindre chose à faire
aurait donc été de tenir 5 ou 6 vaisseaux et frégates sur la côte d'Irlande pour
éclairer et être promptement instruit de tout ce qui se passe, et pouvoir se
porter à Yarmouth pour renforcer la croisière anglaise. Si l'Angleterre est
pénétrée du jeu sérieux, qu'elle joue, elle doit débloquer Brest ; mais je ne sais
pas, en vérité, quelle espèce de précaution elle peut prendre pour se mettre à
l'abri de la terrible chance qu'elle court. Une nation est bien folle lorsqu'elle
n'a point de fortifications, point d'armée de terre, de se mettre dans le cas de
voir arriver dans son sein, une armée de 100,000 hommes d'élite et aguerris.
Voilà le chef-d'cnivre de la flottille ! Elle coûte de l'argent, mais il ne faut être
maître de la mer que six heures pour que l'Angleterre cesse d'exister. Il n'y a
612 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.
point de pécheur, pas de mauvais gazetier, pas de femme à sa toilette, qui ne
sache quMl est impossible d'empêcher une escadre légère d^arriTer devant
Boulogne. Quant à moi, j'en suis tellement convaincu que Je ne doute pas que
les 6 Taisseaux de Tescadre de Rochefort en tournant Tlrlande, avec quelques
chances heureuses, sous pavillon anglais, n'arrivent devant Boulogne.
Faites mettre dans les journaux de Hollande un article contre le système de
blocus ; faites-y sentir que nous sommes sortis de Brest quand nous Tavons
voulu ;'que Bruix est sorti tel jour, Morard de Galle tel jour, Ganteaume tant
de fois ; que dans sa dernière sortie à Bertheaume rien ne Tempéchait de
sortir, et que Tescadre le savait tellement, qu'elle mit à la voile ; qu'il est donc
impossible de bloquer le port de Brest, surtout au mois de septembre et d'oc-
tobre. Cet article fera sentir que nous ne voulons pas sortir, mais tenir l'en-
nemi en échec.
Appreneï-moi que le Suffren est à l'Ile d'Aix ; qu'on désarme, s'il le faut,
une frégate et les bâtiments gardes-côtes, et que, vingt-quatre heures après
l'arrivée de votre courrier, le Suffren soit à la voile pour l'Ile d'Aix.
Napoléon.
Au vice'àmirRl Decrès (i).
Château de Montironc, Î5 prairial an xiii (14 juin 1805).
Monsieur,
J'ai reçu votre lettre du 20 prairial matin. Toutes les nouvelles qui me
reviennent me porteraient à penser que les Anglais sont dans la Méditerranée.
Il paraît que, depuis la rentrée de l'escadre de Rochefort, l'escadre sous les
ordres de l'amiral CoUingwood, composée de 6 vaisseaux pris en Angleterre,
et 6 vaisseaux de l'escadre devant Brest, a filé vers les Indes orientales. Je ne
sais point où est Nelson Je le crois retourné en Angleterre ou dans la Médi-
terranée, Ses vaisseaux sont hors d'état de faire de grandes expéditions et ses
équipages sont extraordinairement fatigués. Il sera bien possible que, lorsque
les Anglais sauront Villeneuve arrivé en Amérique, ils craignent son retour
par les Orcades, et que cela les oblige î\ tenir une réserve aux Dunes ; ce qui
permet d'espérer qu'ils auront au plus 20 vaisseaux devant Brest. La croisière
que fai ordonnée à V escadre de Rochefort fera des miracles ; par Dieu, faites
qu'elle parte ! L'incertitude et la confusion où est l'Amirauté de Londres res-
sortent de toutes parts : ordres et contre-ordres et la plus grande indécision,
voilà son état actuel. Soyez bien tranquille sur la crainte que l'ennemi tente
rien dans l'île d'Aix. ... 3, . j
l 'Angleterre n'est pas aujourd'hui dans une position à rien donner au
hasard. Rien n'est si fou que le projet de l'attaque d'une escadre française à
l'île d'Aix. Je suis fâché de vous voir ces idées.
Rien n'empêche cependant que vous écriviez au général de terre, non pas
(l) Correspondance de Napoléon» 8802.
RÔLES ASSIGNÉS Â L'ESGADRE DE KOGHEFORT. 613
pour lui communiquer vos alarmes, mais pour lui recommander de veiller au
ravitaillement et k la défense de cette lie, puisque la sûreté d'une escadre
française en dépend. Écrivez à cet ofûcier de manière à ne point lui donner
d'inquiétudes, car Talarme abat les esprits et paralyse le courage. Que diable
Toulei-Yous qu'une escadre de 5 vaisseaux, ayant de la poudre, des munitions,
étant protégée et pouvant faire le coup de fusil, ait à craindre à Tile d'Aix ?
Je vous envoie la lettre de l'amiral Missiessy. Il répond d'une manière
pitoyable à tous les reproches que vous lui faites ; il n'a pas pris le Diamant
parce qu'il n'avait point d'instructions pour cela. En vérité, on ne peut que
hausser les épaules; parce qu'il aurait eu des avaries dans ses agrès, qu*il
aurait perdu vingt-quatre heures à réparer ; on ne peut encore que hausser
les épaules d'une pareille raison et n'avoir que bien peu d'espérance d'un
homme qui dit de pareilles bêtises. Sans doute que, pour cette attaque, une
frégate et deux bricks auraient sufQ, et la frégate aurait pu supporter
le premier feu. Ce rocher sera un monument éternel de honte pour cette expé-
dition.
Non seulement je suis mécontent de la précipitation avec laquelle il a aban-
donné Santo-Doroingo, mais encore de ce qu'il n'y a point laissé un ou deux
bricks, lorsque le général Ferrand lui a dit qu'un seul misérable brick anglais
le désolait ; que, lorsqu'à sa vue ce brick a été arrêter des neutres et assurer son
pavillon à la vue de l'escadre, qu'il croyait anglaise, il n'a pas fait le signal à
un de ses vaisseaux de le prendr^ S'il a manqué de vivres, c'est qu'il a mal
navigué, qu'il s'est trop élevé ; s'il n'avait point fait de fausse navigation, avec
ses 5 vaisseaux de marche si bonne et si rapide, il serait arrivé 15 ou 20 jours
plus tôt.
Quant h. l'article du Roseau et de Saint-Christophe, ses raisons sont encore
plus pitoyables. U a été huit jours devant le Roseau ; c'est bien plus de temps
qu'il ne fallait pour embarquer l'artillerie: Il ne fallait pas se tenir à iO lieues
en mer, et, si cette précaution était nécessaire, il pouvait laisser au Roseau un
brick qu'il aurait chargé de cette opération. Il y a les mêmes reproches à lui
faire sur l'Ile Saint-Christophe. Les habitants lui ont offert plusieurs millions
de marchandises sur quelques bfttiments de transport, il n'en a pas voulu. S'il
n'eût pas craint de perdre soixante- douze heures pour embarquer, il eût fait
beaucoup de mal à l'ennemi et enrichi son escadre.
La Martinique et la Guadeloupe n'étaient pas des points de dépôt assez éloi-
gnés.
Quant à Santo-Domingo, il ne devait pas y rester un mois ; mais il pouvait
y rester quatre jours et y laisser des bricks, et même une frégate, puisque cela
était nécessaire au salut de cette colonie et de quelques malheureux Français.
Enfin j'ajouterai que Fescadrç a rencontre plus de 40 convois, qu'elle n'en a
chassé aucun, et que, s'il n'a pas enrichi ses équipages, c'est qu'il ne l'a pas
voulu, et cela par son excessive pusillanimité et peut-être une extrême igno-
rance et inhabitude du commandement.
On dit beaucoup de bien du capitaine Trullet, officier de cette escadre ;
on en dit encore davantage du capitaine du pavillon de l'amiral Missiessy,
Willaumez, frère de celui que j'ai fait, il n'y a pas longtemps, contre-amiral. Il
ne faut pas se le dissimuler, il faut que je choisisse désormais mes amiraux
parmi de jeunes officiers de trente-deux ans, et j'ai assez de capitaines de
614 TROISIÂIIB PARTIE. — CHAPITRE X.
frégate qui ont dix ans de bonne naiigation pour en choisir six auxquels je
pourrai confier des commandements.
Le général Lagrange m'a dit que le capitaine Willaumei letait les épaules
quatre fois par jour des manœuTres fausses qu'ordonnait Tamiral Missiessr, et
de ce qu'il ne faisait pas ce qu'il devait faire. Dans le fait, en y réfléchissant,
Missiessy, Rosily, sont des hommes qui n'ont commandé que des frégates, qui
ont l'inconvénient de l'âge et qui en savent moins que beaucoup de nos jeunes
officiers. Présentes-moi une liste de choix de six jeunes officiers de marine,
commandant des vaisseaux ou des frégates, ayant moins de trente-cinq ans,
les plus capables d'arriver à la tète des armées. Mon intention est de les avan-
cer et de les pousser par tous les moyens.
En attendant, faites partir l'escadre de Roohefort, soit avec Missiessy, soit
avec tout autre, et développes-lui bien que son but est de faire à l'ennemi le
plus de mal possible.
Je vois, dans un extrait de journaux anglais, toute l'instruction donnée à
Missiessy ; je serais porté à croire que c'est le général Prévost qui en a instruit
son gouvernement. Il paraîtrait donc concevable, probable, que cette instruc-
tion a été livrée par quelques individus qui environnent le général Villaret.
J'espère que Villeneuve ne communiquera pas les siennes à ce capitaine-
général. Ce serait un très grand malheur ; car il parait qu'il est fort mal
entouré et qu'il a autour do lui un tas de petits gueux qui vendent ses secrets
aux ennemis.
Napou^On.
Les ordres du 9 juin furent transmis à Rochefort sous la
forme suivante :
A M. le contre-amiral Missiessy (1).
Paris, le 30 prairial an xm (19 joiti 1805).
Monsieur le Contre-Amiral,
Sa Majesté a décidé que les vaisseaux, le Majestueux^ le Jemmapes, le Magna-
nime, le Suffren, le Lion, la Gloire, V Action, formeront une division sous vos
ordres, laquelle doit être munie de sept mois de vivres, autant que chacun de
ces bâtiments pourra en porter. L'intention de l'Empereur est que cette divi-
sion appareille sous votre commandement, aussitôt que les vents le permet-
tront et que la présence de l'ennemi ne s'opposera pas à sa sortie. L'objet de
votre mission est de telle nature, qu'il demande que tous les bâtiments que je
viens de vous indiquer fassent partie de la division que Sa Majesté vous
confie.
Cependant, comme son succès tient aussi à ce que vous n'ayez point de bâti-
ments trop mauvais voiliers, s'il résulte de la connaissance que vous avez de
(1) Archivei de la Marine, BBt^, tti.
RÔLBS AB810NÉS A l'ESOADRB DE ROCHEFORT. 615
la marche des bricks, que Tun d'eux doit retarder celle de la diyision, tous
êtes autorisé à ne point Temmeher avec tous et à le laisser en fade de Tile
d'Aix, ce dont tous me rendrez compte sans délai. Je dois voui préyenir aussi
que le vaisseau le Rigulus a reçu Tordre de se rendre à Tlle d'Aix pour faire
partie de la division sous votre commandement ; et vous devrez correspondre ;
chaque courrier, tant avec le vice-amiral Thévenard qu^avec lé CApitAine qui le
commande^ pour les tenir informés, soit de la présence et des mouvements de
Tennemi, soit de son absence^ s'il n'est pas signalé.
Cependant, iil se présentait une occoiion favorable pour apparetltet, avant
que ce vaisseau vous eût rallié^ vous devriez la saisir sans délai et sans attendre
d'autres ordres.
Le paquet ci-joint renferme vos instructions^ et vous ne les décacheterez
qu'au moment de mettre sous voiles et assez à temps pour donner, aux
commandants des bâtiments sous vos ordres, des paquets de rendez-vous très
forts et scellés de 5 cachets, et à décacheter seulement en cas de séparation.
Vous deveSi M* le Contre-Amiral, presser de tous les moyens possibles et de
toute votre activité ce qui reste à pourvoir de réparations et d'approvisionne-
ments dans la division.
Si i'oocasion du départ se présentait et qu'il n'y eût que quelques bricks qui
ne fussent pas prêts, vous ne les attendriez pas, et vous saisirez cette occasion
pour appareiller, car Sa Majesté met un tràs grand intérêt à ce qu'il ne soit
pas perdu un instant pour entreprendre la mission qu'elle vous confie.
Vous devez cependant observer que son succès tient à ce que vous n'ayiez
pas en sortant un combat dont le résultat pourrait être de vous forcer de ren-
trer. Ainsi, en même temps que je vous recommande de saisir la première
occasion qui vous permettra de sortir, je ne vous recommande pas moins de
ne le faire qu'autant que vous aurez la probabilité de n'avoir pas à éprouver
un engagement qui vous ferait manquer l'expédition. Il no devra être embar-
qué, par la division des troupes régimentaires, que ce qu'il faut pour mettre
vos équipages au complet.
Tels sont, Monsieur le Contre-Amiral, les ordres définitifs de l'Empereur ;
vous n'en avez pas d'autres à attendre pour mettre sous voiles, dès que la
division sera prête et que les circonstances le permettront.
Jusqu'à son départ, il ne doit pas être omis de me rendre compte, chaque
courrier, de tout ce qui est relatif k cette division.
Votre expérience acquise, et la confiance dont Sa Majesté vous honore, lui
font désirer que vous puissiez en conserver le commandement.
Mais si votre santé ne s'est point améliorée ; si en ce moment vous ne vous
jugez pas en état d'entreprendre cette expédition, Sa Majesté vous autorise à
prendre le congé dont vous aurez besoin pour votre rétablissement. Et, dans
ce cas, l'Empereur ayant fait choix du capitaine Allemand pour vous rem-
placer ; Sa Majesté lui confie celui de la division composée des bâtiments ci-
dessus désignés. Ce capitaine restera chargé de leur exécution, et considérera
les instructions comme lui étant adressées personnellement.
Recevez, Monsieur le Contre-Amiral,
l'assurance de mes sentiments inviolables.
DEGRiS.
616 TROISIÈME PAETIE. — CHAPITRE X.
A M. Allemand, capitaine de vaisseau, commandant le vaisseau
le u Magnanime », en rade de l'île d'Aix (i).
Paris, le 30 prairial an xui (19 juin 1805).
Monsieur le Commandant,
Sa Majesté, informée du mauvais état de la santé du contre-amiral
Missiessy, a prévu le cas où il serait impossible à cet officier général de con-
server le commandement de la division mouillée en rade de TUe d'Aix.
Sur le rapport fait à l'Empereur de \os services et de vos talents. Sa Majesté a
fait choix de vous pour remplacer le contre-amiral Missiessy dans le comman-
dement qu'elle lui avait confié ; en conséquence cet officier général a Tordre de
vous remettre, avec cette dépêche, le commandement de la division et de vous
reconnaître comme son commandant. Vous porterez votre guidon à bord du
vaisseau de Sa Majesté, le Majestueux, et ce mouvement donnant lieu i\
diverses autres dispositions, elles sont Fobjet d'une lettre spéciale jointe à
celle-ci.
Le contre-amiral Missiessy vous remettra en même temps, avec des instruc-
tions cachetées qui ne doivent être ouvertes qu'au moment de votre appareil-
lage, une dépêche par laquelle je lui transmets les ordres définitifs de Sa
Majesté pour le départ de la division.
Cette dépêche et ces instructions, qui vous seront remises par le contre-
amiral Missiessy, doivent être considérées par vous comme si elles vous avaient
été personnellement adressées, et vous serez chargé et responsable de leur
contenu.
Je suis fort aise, Monsieur le Commandant, d'avoir à vous transmettre ce
témoignage particulier de la confiance de l'Empereur, et c'est avec plaisir que
je me suis rendu garant près de l'Empereur de tout le zèle et de tout le
dévouement que vous porterez dans la mission qui vous est confiée pour justi-
fier le choix dont elle vous honore.
J'ai l'honneur de vous saluer.
Decrès.
A M. le commandant de l'escadre, en rade de l'île dAix (2).
Paris, le 3 messidor an xm (22 jaiD 1805).
Monsieur le Commandant,
Vous trouverez, ci-jointes, des instructions de l'EmpereiU' données par Sa
Majesté elle-même et signées de sa main, qui vous expriment la mission qu'elle
vous confie. Quoiqu'elles soient assez développées pour n'avoir pas besoin d'ex-
plication, je vais cependant vous donner des détails dont l'intelligence vous
mettra plus j\ même de pourvoir à ce que pourront exiger les circonstances
dans h'squelles vous vous trouverez.
(1) Archives de la Marine, BB'v, 228.
(2) Archives de la Marine, BB". 227.
RÔLES ASSIGNES A l'ESCADRE DE ROCHEFORT. 617
Je n'ai pas besoin de tous dire (|ue les ii^tructions de Sa Majesté et le con-
tenu de cette dépêche tous sont confiés sous la garantie de votre honneur et
de la fidéUté que tous devez à TEmpereur.
L'armée combinée aux ordres de Tamiral Villeneuve doit être partie des
Indes occidentales du i^' au 15 ynessidor (tO juin au  juillet). On peutj par
conséquent, calculer son arrivée sur le Ferroly où elle a ordre de se diriger pour
Vépoqm du 10 au 15 thermidor {±9 juillet au 3 août).
L'objet essentiel de votre mission est que vous paraissiez sur les côtes d'Ir-
lande du 15 au 20 messidor (4 au 9 juillet), et qu'à cette époque vous y fassiez
assez de ravages, d'abord pour nuire sensiblement à Tennemi, mais surtout
pour qu'il soit forcé d'envoyer à votre poursuite une escadre dans le nord-
ouest de l'Irlande. Vous devez donner lieu de penser que vous doublez les
lies Britanniques au nord, afin de forcer l'ennemi à une diversion dans ces
parages.
La première partie de vos opérations subordonne la route que vous avez à
faire et le temps de Totre croisière au large, en partant de l'Ile d'Aix, au
double but de laisser ignorer à l'ennemi la direction que tous aurez prise, et
de pouvoir arriver sur les côtes d'Irlande duiii au 20 messidor (4 au 9 juillet).
Cette époque ne doit point être devancée pour que l'effet de Totre apparition
sur cette côte existe encore tout entier, lorsque l'armée arriTera sur les côtes
d'Europe.
Votre croisière sur les côtes d'Irlande dcTra être dirigée de manière à faire
croire que vous y attendez l'armée combinée, et même que tous en faites
partie.
Après avoir ainsi fait ce qu'il faut pour attirer vers le nord toute l'attention
de l'ennemi et une partie de ses forces, le plus grand succès de votre mission
est d'arriver assez à temps sur les côtes d'Espagne pour rallier V armée combinée
aux orâres de V amiral Villeneuve,
Par ce moyen, vous aurez rempli d'abord l'objet de forcer l'ennemi à se
diviser.
Vous arriverez donc sur le parallèle du Ferrol du 10 au 15 thermidor
(29 juillet au 3 août) ; la distance de 40 lieues qui vous est désignée, comme
point d'attente, a pour motif de ne pas vous laisser apercevoir par l'escadre
ennemie qui est dcTant ce port au nombre de 4 ou 6 Taisseaux. D'un autre
côté le parallèle qui tous est désigné a pour objet de tous mettre sur la route
d'où l'armée combinée est présumée deToir Tenir. Gomme il serait possible
qu'elle naTiguàt plus h l'est, il sera couTenable que tous tous fassiez éclairer
dans le sud-est par tos frégates les meilleures Toilières, mais placées à de
grandes distances; leurs instructions deTront être, si elles aperccTaient des
voiles, qu'on ne pât présumer être la flottille combinée, de se faire chasser et
de manière à ne pas tous faire aperccToir ; d'autres éclaireurs aTCC les mêmes
instructions, et toujours choisis parmi les meilleurs Toiliers, pourront tous
serTir de Tedettes dans le nord-ouest.
ATec ces précautions, il parait difficile que l'armée combinée arrive sur le
Ferrol, sans que vous en ayez connaissance.
Mais il est possible que, par des circonstances quelconques de votre naTi-
gation, TOUS ne puissiez être arriTé sur le Ferrol du 10 au 15 thermidor
(29 juillet au 3 aoôt). Alors tous tous porterez au second point de rendez-
618 TROlBlftlfB PAET» CHAPinUi X.
VOUS, indiqué par tos itifttruetion», êur lequel ramind Villeneuve tous enTtrra
ses ordres.
Recevez, Monsieur le Commandant,
Tassurance de me^ sentiments inviolables.
DKcafts.
Cette fois la date admise pour le rendez-vous, à Fouest du
Ferrol, était celle donnée par TEmpereur et elle devaiti ainsi
qu'on Fa vu, être trop tardive (1).
I I I II i^^J— ^— J.M^fc»»^Nfc^hiM>J^»^B^M^fcJ^-^>M^I^.^— ^^<i^
(1) A toatM ces lettres Tinrent s'i^ooter, les tt et 23 juin, deox misslTes reUtiTet aux
signaux pour le cas de jonction des eteadres. Begistre corres. du Ministre, BBi^, tlT,
n» 8.
CHAPITRE XI
DU U JUIN AU 20 JUILLET
iiM*i II»
Cependant les renseignements restaient fttissl ûégatîfà en Ce
qui concernait la jonction de l'escadre de Carthagène avec
ceUe de Gadix^ et aussi obscurs relativement à Nelson^ dont la
trace était perdue depuis le 25 mai.
AraAjael, le 19 prairial an xm (8 juin 1805) (1).
Monseigneur,
Je profite du passage d*un courrier du Ministre de la mariaô pour répondre
à la dépêche que Votre Eicellenoe m'a fait Thontieur de m*adresser le 4 de ce
mois, et par laquelle elle m'instruit des intentions de Sa Majesté Impériale,
relatiyement aux forces navales à réunir au Ferrol) et aux opérations mari-
times à exécuter dans le détroit.
Sur le premier point, Votre Excellence possède à présent toutes les notions
sur lesquelles Sa Majesté Impériale peut, avec confiance, arrêter ses plans et
calculer remploi des forces effectlTes qui sont à sa dispositiob.
Difficilement Tescadre espagnole pourra-t-elle ôtre fortifiée de troife vais-
seaux de ligne d'ici à Tépoque très prochaine du 10 messidor (29 jtiin)* Les
rapports de M. le commissaire Ailhaud et Topitiion particulière de M. le
contre-amiral Gourdon ne m'ont jamais donné à espérer qu'il fût possible
d'armer un tel renfort avant l'automne, et les réparations dU vaisseau espagnol
le Monlanès ont encore été retardées en dernier lieu par celles du vaisseau
français le Redoutable ^ qui est maintenant en bon état, et dont l'équipement
est sur le point d'être terminé.
Le pdnce de la Paix sera ici demain et je m'entretiendrai avec lui des
grandes considérations qui doivent alimenter les efibrtM de l'Espagne pour l'in-
térêt des deux puissances, et pour le succès de leurs entreprises navales* Cette
(l) Archivei de la Marine » Bspagne» an xm.
620 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
conversation me mènera naturellement à la communication des vues de Sa
Majesté Impériale, et je me propose d'inviter le Prince à prendre tellement à
cœur de les satisfaire, que toute autre dépense négligée, tout autre travail sus-
pendu, on dirige tous les efforts et tous les moyens du moment vers Tarme-
ment des trois vaisseaux qui manquent encore h. Tescadre combinée du Ferrol
pour être aussi forte que le désire Sa Majesté Impériale.
J*ai préparé le Prince à cette communication, dans une lettre que jai eu
Toccasion de lui écrire sur des objets de nécessité pour le vaisseau le Redou-
table. Cependant, Monseigneur, je ne puis encore donner à Votre Excellence
aucune promesse fondée sur la possibilité de remplir les intentions de Sa
Majesté l'Empereur.
J'ai Tespoir que nous pourrons bientôt faire appareiller 13 vaisseaux, et si
Ton utilise bien le temps et les ressources (ce à quoi je pousserai le prince de
la Paix avec ardeur), je crois que Ton pourrait en armer un quatorzième pour
la fin de thermidor. Au surplus je ferai tout ce qui dépendra de moi pour
que le prince de la Paix y mette du zèle et surtout de Tamojar propre.
Les vivres seront aussi abondants suf Tescadre que le désire Sa Majesté. On
pourra même en faire une plus grande provision d'ici au départ des vaisseaux,
et dès à présent il y en a à bord des douze qui sont prêts pour beaucoup plus
de deux mois de campagne.
Les équipages français sont excellents ; on n'en dit pas autant des équipages
espagnols, mais dans l'état où se trouvait l'Espagne au moment de la guerre,
nous n'avons jamais pu espérer que son armée navale serait composée de mate-
lots d'élite, et le mélange des bons, des médiocres et des mauvais, ne peut
donner pour résultat que des équipages passables.
Je concerterai, avec le prince de la Paix, le blocus de Gibraltar et les croi-
sières dans le détroit, qui font le second objet de la dépêche de Votre Excel-
lence, et je vous ferai part. Monseigneur, du parti qui sera définitivement pris
à cet égard.
Si V escadre de Carthagène était à Cadix, il n'y a pas de doute qu'on ne pût,
avec les forces qui sont déjà dans ce porty intercepter le passage du détroit et
bloquer Gibraltar, mais dans l'état actuel des choses il me paraît que les
forces espagnoles sont trop divisées pour pouvoir exécuter sans risque cette
opération. Le chef de l'escadre qui commande à Carthagène est toujours prêt
à remettre à la voile, mais il a des équipages tellement neufs qu'il ne veut cou-
rir la chance d'aucun engagement avec les forces anglaises ; et tant que le
convoi de troupes du général Craig sera à Gibraltar avec les 3 ou 4 vaisseaux
qui Vy ont escorté et rejoint, le passage sera difficile,
La division de Cadix agit avec un peu plus de hardiesse ; elle a déjà plu-
sieurs fois mis dehors un des vaisseaux qui lui appartiennent. L'objet de ce
détachement est de purger la baie des corsaires qui l'infestent et de connaître
les mouvements des Anglais. Ces tentatives amèneront peut-être quelques
circonstances à la faveur desquelles les divisions de Carthagène et de Cadix
pourraient se réunir. Alors, Monseigneur, nul doute ou qu'elles occuperont une
forte escadre anglaise d'observation, ou qu'elles seront elles-mênes maltresses
du détroit et des eaux de Gibraltar. Cette hypothèse est trop naturelle pour
ne pas déterminer le prince de la Paix, et je n'aurai sûrement point d'obs-
tacles à vaincre pour l'amener à ce parti, que la profonde sagacité de Sa
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 621
Majesté Impériale a indiqué, et qui est sans contredit d'une utilité réelle, tant
comme opération active de guerre, que comme manœuvre d'instruction pour
les escadres.
L amiral Orde a vraisemblablement quitté la station de Cadix; et, depuis que
Nelson a mouillé à Lagos, on n*a plus aperçu de vaisseau de ligne anglaii.
Je suis informé seulement, par une dépèche très fraîche de M. Le Roy, que, le
14 de ce mois, quatre fortes frégates anglaises croisaient \ la Tue du port et
se trouvaient par là avoir coupé la rentrée du Taisseau espagnol Le Glorioso,
sorti depuis peu. On n'avait pourtant aucune inquiétude décidée sur ce vais-
seau, dont le retour serait protégé par la sortie d'un second vaisseau, si par
hasard les frégates anglaises faisaient quelque tentative contre Le Glorioso,
On n'a plus de nouvelles de Nelson depuis le^ de ce mois (25 jnaî). On sup-
pose qu'il est occupé à chercher des vivres de tout côté. Ce n'est cependant ni en
Portugal, ni à la côte d'Afrique qu'il trouvera assez de secours pour réparer
le temps perdu. L'escadre aux ordres des amiraux Villeneuve et Gravina n'a été
rencontrée par aiÂCun des bâtiments entrés dans la péninsule.
La rentrée de notre escadre de Rochefort et la sortie de celle aux ordres du
contre-amiral Magon ont fait une heureuse sensation sur Tesprit général.
Chacun y voit le présage des plus éclatants succès, et la cause des Anglais,
aujourd'hui totalement perdue en Espagne, le serait bientôt sur tout le reste
du continent si des revers mérités achevaient de dissiper le prestige de la
supériorité britannique et portaient une atteinte durable \ la propriété d'une
puissance entièrement livrée aux extrêmes, dont les circonstances seules ont
servi la gloire, et qui, de la domination suprême des mers, peut d'une année
à l'autre, tomber dans l'humiliation et dans la plus complète décadence.
Je prie Votre Excellence d'agréer Thommage de ma haute considération et
de mon sincère attachement.
Le général Beurnonville.
Nota. — L'escadre combinée, qui sera prête à sortir du port du Ferrol du
10 au 15 messidor prochain, avec quatre à cinq mois de vivres, sera de
12 vaisseaux de guerre, et de 16 si le Montagnes, pour lequel rien ne sera
négligé, peut être prêt;
La division de Garthagène est maintenant de 7 vaisseaux de guerre, de
1 frégate et 1 corvette ; elle n'était que de 6 vaisseaux.
Le général Beurnonville.
Au vice 'amiral Decrès (t).
Mantoae, 30 prairial an xm (19 Juin 1805).
Monsieur,
Je reçois votre lettre du 24 prairial. Il parait que Gollingwood et Nelson
ont conféré longtemps sur TEspagne, qu^un des deux est immédiatement entré
(1) Correspondance de Napoléon, 8906.
681 TROISIÈME PARTI», — CHAPITRE XI.
danf la Méditerranée et que Tautre a disparu. GolUnfWood a 8 taisfeaux,
Nelson en a H ; •orome totale, 19 yaisseaux. lU n*ont pai été ensemble, eela
est certain ; un des deux est entré dans la Méditerranée. Les Anglais parlent
beaucoup d'une escadre de réserre aux Punet, qui parait deToir être de
14 Taisseaux,
Si cela est ainsi, ils ne tiendront devant Brest que 18li iO vaisseaux.
Si vom pouvet faire iortir Miisiesiy^ faitei-k sortir. Il me parait que c^est
un homme qui a besoin d'instructions plutôt hardies que prudentes. Par
exemple, il faut lui prescrire de chasser et de prendre le plus de bâtiments
qu'il pourra. Mes dernières nouvelles d'Angleterre sont du 8 juin.
Napoléon.
Une seconde sortie de Tescadre de Carthagène fut de
courte durée et sans résultat.
Araojaei, 14 pnuriid an xin (13 juin 1805) (1).
Monseigneur.
' J'ai eu avec le prince de la Paix l'entretien dont Votre Excellence m'avait
donné le motif par sa dépêche du 4 de ce mois ; et si je ne puis pas encore
assurer positivement Votre Excellence que les intentions de Sa Majesté Impé-
riales seront tout k fait remplies, du moins ai-je la satisfaction de vous
apprendre, Monseigneur, que le prince de la Paix est fortement disposé à les
seconder de tout son pouvoir.
Le nombre de vaisseaux à ajouter à l'escadre du Ferrol ne pourra pas être
armé aussi promptement que le désire Sa Majesté Impériale, et la difficulté
qu'il y a à le faire s'explique par l'emploi qu'on a fait du temps, et d'une
grande partie des moyens de ce département, en faveur de l'escadre française.
Trois vaisseaux, comme j'ai déjà eu l'honneur d'en informer Votre Excellence,
seront mis en réparation successivement, et le Monianès, qui y est entré le
premier, serait déjà armé sans les secours qu'il a fallu donner de préférence au
vaisseau français le Redoutable, Le prince de la Paix se sert avec quelque
avantage de cette circonstance pour rehausser le prix des services rendus par
l'Espagne, depuis le commencement de la guerre, et il allègue avec adresse
les choses déjà faites, afin de me rendre un peu plus accommodant sur celles
qui restent à faire. Je l'ai néanmoins fortement pressé de porter le plus grand
intérêt à l'augmentation de l'escadre du Ferrol, et il m'a formellement promis
d'expédier des ordres très précis pour l'armement rapide du Montanès^ du
Saint'Elme et de VOrient, Selon nos conventions verbales sur cet objet, les
autres travaux seront suspendus, tous les ouvriers du Ferrol seront portés sur
cette augmentation de forces et tout ce qui est possible sera fait.
J'ai trouvé cbex le Prince un même accord de bonne volonté aveo les vues
de Sa Majesté Impériale sur l'utilité du blocus de Gibraltar et des croisières
(1) Archives nationales, Espagne, an siii.
DU iO JUIN AU 10 JUILLET. 6Î8
dam le détroil. Sa Majetté ne peut déairer une eondeto^ndance plus grande
à aei désirs que celle qui m'a été témoignée à oe sujet. Déjà même Ton a
anticipé sur cette opération autant qu*a pu le permettre Tétat actuel de forces
natales qui sont à Cadix ; et la présence de quelques frégates ennemies ayant
excité Tattention du lieutenant général Athava, qui commande Tescadre, deux
autres vaisseaux, le Saint- Léandre et la Castillan ont pris la mer afin de
chasser les frégates et dégager le GloriosOy dès qu'il reparaîtra pour effectuer
sa rentrée.
La division de Carthagène a de nouveau rnisà la voile le id de ce mois^ à
6 h. 1/S du matin, et nom attendons à chaque instant la nouvelle de son arrivée
à Cadix,
Sa Majesté Impériale apprendra avec contenternent que cette division s'est
augmentée d^un vaisseau de 60 canons et qu'elle est conséquemment composée
de 7 vaisseaux, dont je joindrai la liste à cette dépêche.
H. le chef d'escadre Salcedo est, à ce qu'on assure, un homme de beaucoup
de mérite, et l'on met infiniment de confiance dans la manière dont il exécu-
tera, cette Yois, les ordres qu'il a reçus* Us sont de conduire à Cadix la division
et, chemin faisant, d'entreprendre quelque chose sur les bâtiments du convoi
anglais, qui est toujours mouillé à Gibraltar.
M. de Salcedo doit, à cet effet, prendre à Algejtiras une flottille de canon-
nières et diriger son attaque sur la rade de Gibraltar, d'après les localités,
l'état des choses et les renseignements qu'il se sera procuré; il lui est pour-
tant défendu de sacrifier trop de temps h cette opération, si elle ne lui parais-
sait pas susceptible d'un succès assuré et rapide, et il ne perdra pas de vue
que le principal objet de sa mission doit être de conduire 7 vaisseaux dans le
port de Cadix,
Les Anglais, fatigués d'un blocus devenu ridicule devant les ports d'Espagne,
ont exercé une vengeance petite, et heureusement dépourvue de suites plus
sérieu9eS| sur un point de la côte ; ils ont fait un débarquement de 500 hommes
à Muros, petit fort situé entre Vigo et la Corogne. pes frégates ont protégé
cette opération, dont le résultat a été de faire quelques prisonniers et de
détruire deux bons corsaires de la maison Grammont de Bordeaux.
Ce petit éohoo n'a aucune valeur que celle du préjudice fait aux particu-
liers et, pour peu que le chef d'escadre Salcedo puisse exercer son artillerie
devant Gibraltar, il est constant qu'il rendra aux Anglais, avec usure, le
dommage insignifiant qu'ils ont causé aux armateurs de la baie de Muros.
J'adresse à Votre Excellence le tableau des forces navales du département de
Carthagène. Cet état seul vous manquait, Monseigneur, pour avoir un aperçu
complet et exact de la marine espagnole. Si l'escadre sortie entre à Cadix, 11
y aura dans ce port une réunion de il vaisseaux armés, qui seront portés
à 13, aussitôt que les équipages et l'argent seront moins rares.
Il est de fait qu*on n'a épargné ni sacrifices, ni mesures extraordinaires pour
s'en procurer et que les armements de TBspagne se trouvent ai^ourd^hui à un
point où l'opinion générale était qu'ils ne pourraient jamais parvenir, dans
une durée de temps bien supérieure à celui qui s'est écoulé depuis le com-
mencement de la guerre. Cette réflexion est toute à l'avantage du prince de la
Paix; et, en effet, la vérité prescrivait à mon témoignage d'être entièrement
favorable à ce Prince, dans la supposition que Sa Majesté Impériale eût le désir
624 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
de former un jugement exact de FactiTité et des bonnes dispositions dont il
nous a donné des preuTes que, sans doute, Votre Excellence aurait quelque
plaisir à faire envisager à Sa Majesté TEmpereur, sous le jour avantageux
où il est équitable de les voir.
Veuillez agréer, Monseigneur, Thommage de ma haute considération et de
mon sincère attachement.
Le général Brurnonville.
P. S. — On a répandu le bruit que le vaisseau le Glorioso était parti pour
la Havane et que le lieutenant général de marine Villa- Vicenico en avait pris
le commandement, pour le conduire à sa destination. On a ajouté à cette ver-
sion que les deux vaisseaux, le Léandre et la Castille, étaient destinés à une
mission, prétendue secrète, de la même nature. Je crois devoir prévenir Votre
Excellence contre la fausseté de ces détails , qui ne manqueront pas d*étre
transmis en France par les correspondances particulières, et l'assurer que le
prince de la Paix, dont la sincérité ne peut pas m'étre suspecte, m'a confirmé,
hier matin, que le Glorioso était attendu à toute heure à Cadix. Que la sortie
des deux autres vaisseaux n'avait d'autre motif que la présence des fré-
gates ennemies, enfin que le général Villa- Vicenico, absent de Cadix depuis
près d'un mois, était effectivement parti pour la Havane, dont on lui a con-
féré le commandement, mais sur un bâtiment marchand, et depuis Lisbonne,
où il s'est embarqué sans se faire connaître ; ce général doit toucher de fort
près maintenant au terme son voyage.
Général Beurnonville.
Madrid, 28 prairial an xm (17 juin 1805) (1).
L'escadre de Carthagène est heureusement entrée dans le port.
Celle de Cadix est bloquée par une division anglaise de 7 vaisseaux de
ligne, 5 frégates et 4 corvettes aux ordres de l'amiral Cotton.
On assure aussi qu'il y a 9 vaisseaux ennemis devant le Ferrol.
Beurnonville.
Madrid, 19 prairial an xm (18 juin 1805) (2).
Monseigneur,
L'escadre de Carthagène est de nouveau et heureusement rentrée dans le
port, deux jours après en avoir appareillé.
Des bâtiments marchands, venus de VOcéan, ont infonné M, le chef (Tcscadre
Salcedo que les forces anglaises avaient reparu devant Caduc , et cet avis, qui
était exact, a préservé la division espagnok du désastre qu'elle aurait infailli-
b'ement éprouvé, si elle eût passé le détroit.
Les forces navales de Carthagène se trouvent par là dans l'état où elles
(1) Archives de la Marine, BB«^ 234.
(2) Archives nationales, Espagne, an xm.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 628
étaient auparavant, à une frégate près, dont elles se sont augmentées ; on tra-
Taille à force à leur adjoindre un huitième yaisseau de ligne.
Tai la confirmation officielle de la présence d*une division anglaise devant
Cadix. Elle est de 7 à 8 vaisseaux de ligne, de 0 k 7 frégates et d'un nombre
à peu près égal de bâtiments légers. Cette division est aux ordres de sir
Charles Cotton ou de sir John Knight. On ne sait pas exactement lequel de
ces deux généraux commande en chef.
Le nombre des voiles de cette escadre, le mouvement des vaisseaux qui
paraissent et disparaissent alternativement et la permanence du convoi anglais
à Gibraltar, font présumer que peut-être Tenncmi veut entreprendre quelque
chose sur la rade, Tarsenal, ou les magasins du département de Cadix ; cette
inquiétude a produit des dispositions militaires assez empressées et M. Le Roy
se loue de l'activité du général Solano qui commande en Andalousie.
Une obscurité assez inquiétante couvre toujours le sort du vaisseau espagnol
le Glorioto, On n'en a aucune nouvelle certaine et il doit être inévitablement
détaché pour une mission particulière, ou de relâche dans quelque port, ou
pris. La crainte de cette dernière hypothèse me ferait presque désirer qu'il eût
une destination lointaine; cependant cela ne pourrait pas être sans que le
prince de la Paix n'eût à se reprocher de me l'avoir caché. Ce Prince ne s'est
pas borné au silence à cet égard, il m'a répondu maintes fois d'une manière
négative, sur les interpellations amicales mais positives que je lui ai faites,
depuis que le Glorioso a appareillé.
Il serait bien flatteur pour moi, Monseigneur, de pouvoir donner à Votre
Excellence la certitude qu'elle désire, relativement à l'augmentation de l'es-
cadre espagnole du Ferl'ol, mais je crois qu'il est impérieusement de mon
devoir de ne point prêter à Votre Excellence un espoir qui, ne se réalisant pas
dans la suite, produirait un mécompte effectif dans les résultats sur lesquels il
convient que l'Empereur puisse se reposer avec confiance.
J'ai lu au prince de la Paix le paragraphe obligeant que Votre Excellence a
fait mettre dans sa dépêche du i8 de ce mois, pour intéresser la gloire et
Tamour-propre de ce prince, au succès d'une combinaison à laquelle il a déjà
si bien coopéré. Ce prince est constamment animé des mêmes désirs de mon-
trer à l'ennemi une marine imposante, et je ne doute pas qu'il n'ait l'ambi-
tion de satisfaire au plus haut degré le vœu de Sa Majesté Impériale. C'est
par une suite de ces dispositions qu'il a ordonné au capitaine-général du
Ferrol de suspendre tout pour affecter exclusivement la totalité des ressources
de ce département à l'armement des trois vaisseaux le Montagnes, le Saint-
Elme et V Orient, Mais les moyens sont courts et l'époque du 15 thermidor est
tellement prochaine qu'il sera miraculeux de mettre en rade le Montagnes. Il
me semble, Monseigneur, que c'est là le plus grand espoir que je puisse vous
donner, mais je dois au moins ajouter à cette promesse que, si l'on peut
matériellement faire plus. Sa Majesté Impériale et Royale ne doit pas douter
qu'on ne s'en occupe sans relâche. J'ai vu les ordres donnés par le prince de
la Paix, ils sont tels que j'ai eu l'honneur d'en instruire Votre Excellence, et
de la date à laquelle j'en ai fait mention précédemment.
La croisière anglaise du Ferrol est forte de 10 vaisseaux.
Le capitaine de frégate Uullot, commandant la corvette le Pandour, est
arrivé de la Guadeloupe à Saint-Ander (Santander) avec son bâtiment, il est
IV. 40
626 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
parti de suite pour Paris, avec des paquets pour le Ministre de la manne. Aucun
autre détail ne m'est connu sur les nouvelles que peut avoir données cet officier.
Un capitaine portugais a déclaré avoir été visité le 8 mai dernier, par un
vaisseau de guerre espagnol, sous la latitude d'un degré au sud de Téquateur.
U a eu connaissance de trois autres vaisseaux et d'une frégate portant pavillon
espagnol. Quelques personnes (écrit M. Le Hoy) supposent que c'étaient des
tratneurs de l'escadre combinée. Quoique tratneurs, il faut espérer qu'ils ont
marché assez vite pour que les Anglais apprennent avec beaucoup de dépit
que, 28 jours après avoir appareillé, ils se trouvaient à une telle hauteur.
Je n'épargnerai pas les courriers pour informer rapidement Sa Majesté
Impériale et Royale des événements qui me paraîtront de nature à exciter son
intérêt et à mériter d'être connus d'elle le plus tôt possible.
Je prie Votre Excellence, d'agréer l'hommage de ma haute considération et
de mon sincère attachement.
Le général : Beurnonville.
Quant au Ferrol, la situation se modifie lentement. Les pré-
paratifs des Espagnols produisent peu à peu des résultats,
mais, ce qui doit avoir plus tard des conséquences graves, on
reste au port. Or les objections sont nombreuses et importantes
contre le mouillage à la Corogne, condition essentielle pour-
tant d'une jonction rapide avec Tescadre de Villeneuve (1).
(1) Au début, et sans avoir une connaissance spéciale des localités, le prince de la Paix
avait acquiescé de bonne grAee au désir de l'Empereur de faire stationner les escadres à
la Corogne, mais, ce qui montre bien les inconvénients du prpjot impérial, dès le lende-
main, Qodoy parlait un langue analogue à celui de Gourdon.
Lettre du Pnnce de la Paix à l'amiral Decrès.
ttjuin 1806.
Kn vista de la caria de V. Ë. del 22 do estes mes, en que se sirve dedrme que
S. M. 1. y R. ha mandado a su escuadra surta en el puerto de Ferrol« que d€(je aquel
fondeadseo y pase a tomar el de la Coruna, posicion que el Imperador juzga mas venti^osa
para las operationes de la fuenas combinadas ; he dado orden al commandante de la
escuadra del Rey, mi amo, para que pase à fondear en la Coruûa con el numéro de narios
que puedan estar alli resguardados de las ataques del onemigo.
S. M. pienxa que ^e este modo estaran ambas escuadras mas expeditas para hacerse a
la vêla en el momento necesario que es lo mismo que crée S. M. I. y R., segun V. E.
acaba de participarme.
»3juin 180B.
Observare que queda dividada la escuadra combinada en dos porciones ;
cada una de las quales es muy inferior a la escuadra inglesa que crusa en las aguas de ïk
Coruna, porque este ultime puerto solo puede contenir 7 à 8 navios de linea, siendo précise
dejar lo restante en el Ferrol En la Coruna puede butir con ventaja a los navios que
alli estan y arrojarles brulotes y oiras maquinai de guerra
(Archives de la Marine, BBnr, î33.)
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 627
Lo oo/itre-am/ra/ Gourdon» of/lo/or de la Légion d'honneur, oomma/i-
dànt /'etoadra franca/ae au Ferrol, k Son Exoellenoe h général
Beurnonville, ambti8$Rdeur de Sa Maje$té Impériale prè$ aa Majesté
Catholique.
Ferrol, 18 messidor an xiii (7 jaiUet 1805.)
Mon Général,
Votre Excellence est instruite que j*ai reçu, par courrier extraordinaire,
Tordre de me rendre à la Gorogno avec Tescadre sous mes ordres ; et qu'immé-
diatement après, M. de Grandellana a reçu celui de m'y accompagner; tous
pouvez tous rappeler que j*ai toujours dit que l'établissement de plus de 4 ou
5 vaisseaux dans ce petit port exposait aux plus grands malheurs, et ces consi-
dérations doivent être soumises au prince de la Paix qui a pu ne pas voir la
chose comme elle l'est réellement.
Tous les marins vous diront qu'il y a impossibilité de mettre dans un état
passable de défense plus de 5 vaisseaux dans V enceinte étroite qui peut être pro^
tégéepar les fortications de la place; si nous sommes plus que ce nombre, nous
masquerons le château Saint-Antoin$, seul point passablement fort et
n*aurons aucun appui sur nos flancs, car on ne peut pas compter comme telles
les batteries à Mer a et à l'autre pointe, attendu qu'elles sont peu de chose et
que les ennemis les inutiliseraient (i^) quand ils le voudraient en y consacrant
deux vaisseaux ; tandis que les autres attaquant notre première ligne, qui,
quelqu'en dehors qu'on la place ne peut jamais être de plus de 5 vaisseaux,
sera écrasée et tombera sur la 2* et la 3* en y portant le désordre et la des-
truction.
J'ai vu les ennemis, ils ont it vaisseaux dont 8 à trois ponts. 11 n'est pas
possible de douter qu'aussitôt qu'ils verront sortir les vaisseaux du Ferrol, ils
chercheront à les attaquer ; si, comme vous devez le penser, votre calcul a été
assez bien fait pour qu'ils ne puissent atteindre la queue de la ligne, ils devront
nécessairement se diriger sur le mouillage de la Gorogne pour y arriver en
même temps que nous, ils attaqueront alors (et le plus timide des marins le
ferait) parce que, quelque belle résistance qu'ils éprouvent, ils doivent néces-
sairement mettre dans l'armée combinée un tel désordre qu'il y aura des
abordages et des vaisseaux à la cête, attendu qu'il est impossible de prendre
une position en mouillant en ordre à la Gorogne sous le feu de l'ennemi, et
qu'il faut au moins trois jours de tranquillité pour, avec 14 vaisseaux, en
prendre, je ne dis pas une bonne, mais une quelconque.
Si les ennemis y mettent un peu d'audace, et ils ont trop d'intérêt à en
mettre, ils doivent détruire cette escadre à moins de frais qu'à Aboukir, et,
telle est la forme de l'anse où nous serons qu'il n'en échapperait pas un vais-
seau.
Dans la position où nous serons, qu*un vaisseau prenne feu ou seulement
ait ses amarres coupées, il tombe nécessairement sur ceux qui sont derrière,
et le désordre est au comble. Il est impossible d'espacer les vaisseaux assez
pour éviter ce malheur, et à ces probabilités se joignent celles de l'envoi des
brûlots, qui, lancés de vent d'est ou de nord-est, toujours frais ici, sont inévi-
tables, quelques moyens qu^on emploie pour les détourner.
Il est bien vrai que j'ai moi-même donné le conseil d'attendre à la Gorogne^
628 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
si on croyait qu'il fallût sortir d'Espagne par Tents d'ouest ; mais alors il n'y
ayait que 6 vaisseaux en vue et nous n'eussions pas souffert que 6 vaisseaux
Tinssent nous attaquer; aujourd'hui il y en a 1^, dont 3 de premier rang et
ils auront l'avantage. 11 vaudrait mieux raille fois aller les chercher à la
mer, parce qu'alors les chances s'égalisent.
J'ai l'ordre d'aller à la Corogne et de requérir M. de Grandellana de m'y
accompagner avec autant de vaisseaux qu'en peut contenir ce port ; je devrais
le requérir de n'y pas venir du tout, mais il a, lui, l'ordre de s'y rendre avec
toute son escadre, et cet officier général trouve autant d'inconvénient à m'y
laisser aller seul que j'en verrais moi-même à rester s'il y allait sans moi, car
nous serions tous deux en contradiction avec nos ordres.
Je dois le répéter, il est certain que plus de 5 vaisseaux sont exposés aux
plus grands malheurs à la Corogne. Si donc f y vais seul, il y a séparation, il
ny a plus de combinaison, parce que les venls qui me mettront dehors pour
faire une jonction avec un corps quelconque empêcheront les forces qui seront
ici de sortir.
Dans cet état de choses il est instant que la Cour décide ; je viens d'expé-
dier un courrier extraordinaire au Ministre de la marine pour lui donner tous
ces détails ; mais je vous prie, mon général, de les faire connaître à Son
Excellence M. le prince de la Paix pour qu'il décide ce que doit faire
M. de Grandellana. M. de Tarranco, commandant général de la Corogne,
demande 10 à i2 jours pour mettre sa place en état de défense, et cela est plus
que suffisant pour nous répondre.
J'ai dit une chose qui me paraît vraie, mais qui est cependant soumise aux
calculs d'un plan d'opérations que je ne connais pas du tout, puisque c'est le
secret de Sa Majesté Impériale : c'est que si nous devions être débloqués par
une force supérieure aux bloquants actuels et qu'on vint surtout avec des
vents d'ouest ou de sud-ouest, vents avec lesquels l'entrée du port est toi^ours
libre pour les entrants, on pourrait faire la réunion ici et sortir au premier
changement de vent avant que l'ennemi eût suffisamment augmenté ses forces.
Ceci, au surplus, tient à une connaissance des projets de Sa Majesté impé-
riale et je ne l'ai pas.
J'attends, mon Général, votre réponse avec impatience et vous prie de me
l'envoyer par courrier extraordinaire.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Gourdon.
Pour copie conforme à Toriginal :
Le général : Beurnonville.
Le blocus était donc rétabli partout par les Anglais. Quant
à Ganteaume, Napoléon ne voulait plus qu'il sortît ; Tescadre
de Rochefort seule, devait partir le plus tôt possible.
Monsieur,
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 6Î9
Au vicô'^miral Decrèa (I).
Vérone, 27 prairial an xni (16 juin 1805).
Je vois, par votre lettre Ju 21, 8 heures du matin, que 7 vaisseaux et 2 fré-
gates sont devant Rochefort. Je ne vois pas ce que Tamiral Ganteaume pour-
rait faire. A quoi aboutirait une bataille? à rien. Faites seulement mettre dans
les journaux que les Anglais, ayant appris que Tescadre de Rochefort était
arrivée le 18, ont envoyé 8 vaisseaux devant ce port, et qu'ils ont affaibli d'au-
tant leur croisière de Brest; de sorte que les 18, 19 et 20, elle n'était que de
15 vaisseaux; qu*on ne conçoit pas comment l'escadre française ne profite pas
de cette circonstance. Le lendemain, un autre journal dira qu'il est fort
extraordinaire que les journalistes se permettent de pareilles réflexions;
qu'avant de condamner ou d'approuver la conduite d'un amiral, dans une affaire
de cette nature, il faudrait connaître ses instructions, et que probablement,
comme l'Empereur ne les a pas fait connaître aux journalistes, tout ce qu'ils
disent là-dessus est fort inutile ; que la flotte de Rochefort se prépare à partir
au premier signal, car les Anglais ne tiendront pas ce blocus.
11 est inutile, dans votre lettre au contre-amiral Gourdon, de parler de Brest
et de la Manche ; il suffît de dire qu'il marchera, avec l'escadre qui le ralliera,
h de nouvelles opérations. Je trouve que le secret n'est pas assez recommandé ;
il faut lui dire que le prince de la Paix ne le connaît pas et que M. de Grandel-
lana ne doit pas le connaître ; qu'il n'y a que moi, vous et lui au monde qui le
sachions ; qu'il doit donc sentir l'extrême importance et l'extrême nécessité de
se taire. Je ne veux pas que M. de Grandellana commande mon escadre. Je
regarderais mon expédition comme manquée si on le savait en Espagne ; ce
serait capable de tout compromettre. J'ai donc brûlé cette lettre comme étant
intempestive.
Vous n'avez qu'un mot à dire au prince de la Paix : qu'ayant ordonné à
mon escadre du Ferrol de se rendre à la Corogne, j'ai jugé que l'escadre espa-
gnole devait en faire de môme. N'entrez dans aucun détail de place ou non
place. Je crains aussi que, si les escadres combinées se tiennent à la voile, elles
n'attirent une grande quantité d'ennemis au Ferrol et, par contre-coup, sur la
ligne d'opérations ; dans toutes les affaires, il faut laisser quelque chose aux
circonstances.
Je ne sais jusqu'à quel point il est nécessaire de prescrire aux escadres de se
rendre à la Corogne, je ne connais pas assez les localités ; toutefois, il me
semble qu'il est beaucoup plus simple que Gourdon s'y porte et d'écrire au
prince de la Paix d'y envoyer les vaisseaux espagnols qui pourraient s'y porter.
Le petit nombre de vaisseaux qui resteraient au Ferrol auront toujours plus de
facilité à sortir.
Ne prononcez ni le mot de Brest, ni celui de la Manche à qui que ce soit.
Je ne sais pas, d'ailleurs, jusqu'à quel point le gouvernement espagnol vou-
(1) Correspondance de Napoléon, 8897.
630 TROISlillB PARTIB. ^ OHAPITRE XI.
drait concourir à un projet de cette espèce. Aussi ai-je toujours éludé quand
on ni'a demandé mon secret. Quant à tous, Totre réponse est simple : ^ous
devez dire que tous ne le savez pas.
Au vice-amiral Deorèa (i).
Bolognt» 3 messidor an xm (tî joln 1805).
L'objection que vous faites à mon idée de faire rentrer quelques vaisseaux
dans la rade ne m'avait pas échappé. Je trouve quelque Inconvénient aux sor-
ties de Ganteaume. Il nV a aujourd'hui que i8, i9, 20 Ou Ji vaisseaux devant
Brest. Rien de plus imprévoyant que le gouvernement anglais, c'est un gou-
vernement occupé de chicanes intérieures et qui porte son attention où il y a
du bruit. Je ne suis point d'avis que Ganteaume sorte; je ne crains rien à Ber-
theaume, il est inexpugnable ; ÎO vaisseaux entourés de batteries, avec un port
derrière, ne s'attaquent pas facilement.
Gela ne peut se comparer à Aboukir, à cause du voisinage de la terre, des
équipages, de la position, et enfin l'amiral qui est devant Brest n'a pas, comme
Nelson, une immense sottise à réparer. Mais, pour Dieu, qu'on me mette des
c^ronades. Ce n'est qu'avec des canons qu'on arme des vaisseaux et, pour des
vaisseaux, il n'y a que des canons de gros calibre.
Si Ganteaume fût donc sorti, je ne vois pas à quoi bon sa sortie, j'ai peine
à le comprendre. Cependant, s'il le croit nécessaire, au lieu de la faire à la
fin, qu'il la fasse avant le 13 messidor.
Quant au Borée ^ il faut y nommer un jeune homme. Il parait que VUranie
est bloquée à Villefranche par 1 vaisseau et 2 frégates anglaises ; c'est la seule
force qu'il y ait dans ces mers. Je suis porté à croire que ce vaisseau est un
vaisseau de 50 canons. Qu'on arme le Borée jour et nuit. Faites-donc partir
Vescadre de Bochefori. Je pense que, plutôt elle partira, mieux cela vaudra.
Son départ aura encore ceci de bon, que les Anglais verront, dans sa sortie, le
projet de faire la guerre dans les pays lointains.
Tâchez qu'elle ait lieu avant le 20 messidor. Dites à O'Gonnor et à ses com-
patriotes, dans les proclamations :
« Des hommes impatients et insensés vous font faire des mouvements inu-
u tiles. Le moment de reconquérir votre indépendance n'est pas éloigné. Alors
t< seulement vous pourrez avec sûreté vous lever en masse. Déguisez vos sen-
« timents, et conservez votre amour pour la patrie et votre indépendance
«jusqu'au moment oil, secourus par vos alliés, vous pourrez le faire avec
« succès. »
Mon intention serait d'endormir les Anglais le plus possible sur l'escadre de
Brest, sans affectation cependant, et de diriger le tout vers le Texel.
Écrivez dans ce sens à Marmont. Il faut qu'il puisse partir vers le 20 mes-
sidor; moi-même je ferai marcher un piquet de ma Garde pour Utrecht et,
arrivé à Paris, j'annoncerai mon départ pour ce point. Cela leur fera craindre
que Villeneuve ne s'y dirige et les portera h s'affaiblir devant Brest, ce qui est
le grand point.
(1) Correspondance de Napoléon, 8938.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 631
Je TOUS renvoie la dépêche de l'amiral Ganteaume. Je pense que la division
de 6 vaisseaux, bons marcheurs, dérouterait les calculs de Tennemi et lui don-
nerait le change. L*ennemi ne manquerait pas d'être fier d'avoir empêché de
sortir cette escadre. Mais je ne crois pas qu'il faille en faire sortir davantage,
sans quoi il pourrait ne pas se croire en force et devoir en faire venir
d'autres.
Vous recevrez par M. Maret le décret relatif aux équipages des forbans. Je
ne vois point de difficulté, sur l'autre décret, de supprimer l'etccetera et d'en
suspendre l'exécution. Cependant, si irousne Taviez pas publié au 15 messidor,
il faudrait m'en prévenir, afin que je visse la mesure h prendre.
Napoléon.
De plus, une nouvelle diversion, menaçant Flrlande, est
préparée à la même époque.
Au général Marmont (1).
Parme, 8 mossidor an xtii (t7 juin 1805).
J'ai reçu votre lettre du 28 prairial. J'ai fait connaître mes intentions au
ministre Decrès; mais comme il ne pourrait point le faire avec tous les
détails convenables, je pense devoir vous écrire directement, et je vous par-
lerai comme à un officier sur le secret et la confiance duquel j'ai le droit de
compter entièrement.
Les Anglais n'ont à Tannouth que 3 vaisseaux (Tun calibre plus fort
que Ç4. Xai besoin d'en attirer davantage sur ce point, pour aider mes opéra-
tions. Voici comme je conçois ce que vous avez à faire. Passé le 15 messidor
(4 juillet), mettez en marche les détachements de troupes qui doivent s'em-
barquer à bord des vaisseaux et frégates ; ils y seront arrivés le 20 messidor
(9 juillet). Du 20 au 25 messidor (9 au 14 juillet) que les vaisseaux de ligne
lèvent l'ancre et se rendent au point F de votre plan. Que le reste du camp
ne bouge pas. Qu'il n'y ait qu'un général de division d'embarqué ; vous, ne le
soyez pas. Faites courir le bruit que 5 vaisseaux et frégates avec six mois de
vivres partent pour une expédition de long cours. L'escadre restera là jusqu'à
ce qu'elle ait attiré devant elle une force ennemie supérieure; et si, même
alors, elle peut y rester sans danger, elle continuera à y rester. Si la position
n'est point tenable, elle rentrera, mais le plus tard possible. Au !•' thermidor
(20 juillet), toute votre armée se mettni en marche. Les 0, 7 et 8 thermidor
(25, 26 et 27 juillet), tout sera embarqué. Le 9 thermidor (28 juillet), vous
vous embarquerez de votre personne, vous prendrez des pilotes et ferez croire
le plus possible que vous allez en Irlande en doublant l'Ecosse ; vous mettrez
dans l'erreur l'amiral et les officiers hollandais. C'est donc l'Irlande que vous
menacez. Si, dans cette position vous pouvez aller avec votre escadre à la
position F, vous le ferez. Sans quoi, vous aurez l'air d'attendre qu'un coup de
(1) Correspondance de Napoléon, 8953.
632 TROISIÈMB PARTIE. — CHAPITRE XI.
Tent chasse la croisière anglaise pour mettre à la Toile ; ce qui, nécessaire-
ment, obligera les Anglais à tenir une escadre de iO vaisseaux au moins, et
leur donnera toutes sortes de sollicitudes.
le compte donc que les 10 et 11 thermidor (i9 et 30 juillet), tous ferez
toutes vos dispositions pour l'embarquement, et vos dispositions feront en
Angleterre un tapage considérable.
Vous prendrez vos mesures pour ne toucher en rien à vos munitions de
siège et à vos approvisionnements jusqu'au 25 thermidor (3 août). Je serai
près de vous alors et je vous ferai connaître fréquemment mes intentions.
Je vous ai dit que j'avais besoin que vous attiriez beaucoup de vaisseaux
près de vos côtes, c*est mon premier but; mais il n'en faut point conclure que
votre embarquement est un embarquement de parade. 11 est de parade dans
ce sens, qu'il est anticipé d'un mois, mais ce temps là passé, il est probable
qu'il deviendra réel. Et, comme dans les opérations de mer, les jours ne
peuvent être calculés, quand je dis un mois, ce peut être quinze jours. Vous
devez donc vous arranger pour être prêt à partir au reçu d'un ordre. Je crois
que cela vous explique sufBsamment mes intentions.
Vous ne recevrez juste que le 15 thermidor (4 juillet) mon courrier. Orga-
nisez ce que vous embarquerez à bord de votre escadre, de manière à faire
croire que c'est pour votre expédition, mais surtout faites que cela soit cru en
Angleterre et en Hollande pendant dix ou douze jours. 11 ne faut point faire
embarquer de chevaux, vu que cela décèlerait une expédition de descente.
Dix ou douze jours après, comme je l'ai dit plus haut, il faut que Ton croie
en Angleterre à votre opération de descente. 11 vous est, en ce moment,
impossible d'en comprendre toute l'importance et les raisons.
Trompez les généraux de division, que vous ferez embarquer sur les vais-
seaux de guerre, en faisant faire des recherches sur le cap de Bonne-
Espérance. N'embarquez que ce qui, selon l'opinion des marins, peut aller
au Cap.
Dans votre état de situation, qui se monte à 20,000 hommes embarqués, je
désire que vous y joigniez deux compagnies d'artillerie batave de plus, et
quelques ouvriers et sapeurs de plus.
Napoléon.
Au vice -amiral Decrès (1).
Parme, 8 messidor an xm (27 JuIq 1805).
Collingwood n'est parti que le 3 prairial (23 mai] ; il a perdu quatre ou cinq
jours à conférer avec Nelson dans la baie de Lagos. En supposant donc qu'il
ait été en droite ligne où il devait trouver Villeneuve, il y arrivera beaucoup
après lui. La Topaze est partie le 25 floréal (15 mai), le Président le V' prai-
rial (21 mai) et, dès lors, il ne trouvera plus personne. Je ne vois pas non
plus bien clairement où a été Nelson.
Cependant, très certainement, il y a dans la Méditerranée 1 vaisseau k
Naples, 3 qui rôdent sur nos côtes depuis Gènes jusqu'à Toulon et 3 autres
(l) Correspondance de Napoléon, 8955.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 633
qui r^ent sur les côtes de Gadix-Garthagène. J'estime donc qu'il y a 7 Tais-
seaux dans la Méditerranée. On veut me faire croire que Nelson est du
nombre; alors il aurait donné 4 vaisseaux de son escadre à Collingwood, qui
serait parti ayec 12 ou i 3 yaisseaux. Seion tos calculs, il n'y en aurait que
24 deyant Brest, dont 6 de la croisière de Rochefort, reste à 18; ajoutez-y les
4 du Ferrol, que tous supposez réunis, quoique ce soit incertain ; au moment
du combat, il n'y aurait donc là que 22 à 23 vaisseaux. VilleneuTe aurait : en
seuls vaisseaux français, 19 vaisseaux et 7 frégates, et 13 vaisseaux et 2 fré-
gates espagnols. Selon votre état, il n'y aurait à Nore et à Yarmouth que
3 vaisseaux.
G'est pour augmenter le nombre de ces vaisseaux que tendent tous mes
efforts. A cet effets mon intention est que, passé le 20 messidor j Vescadre batave
du Texel sorte et rentre^ et qu'au 1*' thermidor toute l'armée s'embarque et
reste embarquée. Certainement, 30,000 hommes embarqués, ce qui n'a jamais
lieu, et 7 vaisseaux attireront beaucoup de forces de ce côté-là. Ecrivez sur cela
au général Marmont.
Il est bon que vous fassiez courir légèrement le bruit que la portion de ma
Garde partie de Paris se dirige sur la Hollande, et que moi-même je vais
passer la revue du camp à Utrecht.
Si Missiessy sort, comme je l'espère, et qu'il psiraisse sur les côtes d'Irlande,
il ajoutera à ces démonstrations plus de probabilités. Enfin, je suis plein
d'espoir que l'amiral Villeneuve ne trouvera pas à Brest une force qui puisse lui
en imposer et que nos escadres réunies, présentant plus de KO vaisseaux, seront
longtemps maîtresses du passage des mers où elles doivent se rendre.
Le 15 messidor, écrivez à Villeneuve pour faire connaître l'état de la ques-
tion. Le 20, envoyez-lui un second courrier; le 25, un troisième; le 1«' ther-
midor, un quatrième; le 5, un cinquième. Que ce soient tous des gens
vigoureux.
Ecrivez au général Gourdon que, du moment que Villeneuve paraîtra, il
expédie deux courriers, un à Brest et à un Paris, et qu'il promette 100 louis à
ces courriers s'ils arrivent avant telle heure, en recommandant à tous deux,
sous peine afflictive, de ne pas dire un mot de ce qu'ils ont vu et du lieu où
ils vont.
Dans votre lettre au général Villeneuve, faites-lui bien connaître qu'il trou-
vera des vivres à gogo à Brest; que d'ailleurs l'escadre, qui en a pour six mois,
pourra lui en donner tant qu'il voudra; qu'enfin il en trouvera aussi sur
l'escadre de Gourdon, qui pourrait lui donner trois mois pour 5 vaisseaux, ce
qui formera quinze jours pour 20 vaisseaux.
Écrivez également à Gourdon que, le 25 messidor, il vous expédie un cour-
rier qui vous fasse connaître la situation de l'escadre espagnole, la sienne et
celle de l'ennemi.
Je vous envoie la carte du Texel et la note des points où son escadre peut
se porter, et de ce qu'elle peut faire, sans se compromettre, pour attirer le
plus d'ennemis possible. Consultez-vous avec le Pensionnaire de Hollande et
écrivez-lui une lettre dans laquelle vous lui direz que, dans mon attaque
générale de guerre, j'ai besoin qu'il fasse tel mouvement ; donnez ordre au
général Marmont de faire les démarches pour le faire exécuter auprès du
comité de la marine.
684 TROISIÂMB PARTIE. — CHAPITRE XI.
Faites entreToir à M. Schimmelpenninck qu*il ne serait pat impossible qu'à
mon retour d'Italie j'allasse visiter le carap d'Utrecht ; que je serais flatté de
trouTer l'escadre du Texel forte de 9 vaisseaux de guerre.
J'ai peine à croire qu'il y ait 8 vaisseaux devant Rochefort, à moins que ce
ne fût 6 vaisseaux de haut'-bord et 3 de 50.
R6iiérei donc vos ordres pour que le Borée soit armé sans retard. Je vou-
drais confier une expédition à M. Jérôme, mais de quelque importance. Si, au
1*' septembre, je pouvais avoir le Génois, le Borée et 3 frégates, je pourrais
lui faire faire une très belle expédition. Faites-moi connaître le temps réel pour
une expédition d'Afrique et si vous pensez que le Génois soit prêt. Si, ensuite,
notre grande expédition réussissait, ces petites escadres pourraient bien servir
à quelque occupation d'éclat importante.
Faites aussi terminer VAnnibal,
Napoléon.
Au vice^amiral Decrèa (1).
Plaitanee, 9 messidor an xin (tS juin 1805).
Monsieur,
Je suis toujours sans nouvelles positives; il paraîtrait que Nelson aurait été
aux Indes occidentales, mais seulement avec 10 vaisseaux. Dans tous les cas, il
ne serait parti que le 25 floréal. Magon serait donc arrivé avant. Nelson aurait
d'abord été devant Surinam, de là à la Trinité, et enfin à la Barbade, ce qui
laisse des chances même pour l'arrivée de la frégate le Président, qui est
partie le !•' prairial, c'est-à-dire à presque pas de jours de difl^érence, et avec
l'avantage d'un bâtiment contre une escadre, suivant une route plus courte
et ne perdant son temps ni à rien chasser, ni à prendre aucun renseigne-
ment. Nelson perdra deux jours au cap Vert, il perdra beaucoup de jours à se
faire rallier, par les vaisseaux et frégates qu'il fera chasser sur sa route.
Quand il apprendra que Villeneuve n'est pas aux Iles du Vent, il ira à la
Jamaïque et, pendant le temps qu'il perdra à s'y réapprovisionner et à l'y
attendre, les grands coups seront portés : voilà mon calcul. Faites embarquer
à Brest le plus de vivres que vous pourrez sur les flûtes.
Comment n'est-il pas possible de tirer parti de ce vaisseau V Océan?
N'oubliez point les canonnières. Donnez l'ordre, qu'au 5 thermidor, ce qu'on
peut trouver dans les ports s'embarque sur les canonnières, qu'on y mette
de bonnes troupes, et que tout soit armé, jusqu'aux péniches. Les pièces
de 18 et de 24 sont partout des pièces de 18 et de 24. Pourquoi même les
deux ou trois bombardes qui sont à Brest ne sortiraient-elles pas?
Expédiez un capitaine de frégate au Havre et un à Dunkerque, pour faire
hâter le départ de l'un et l'autre côtés. Donnez ordre à la frégate canon-
nière de se tenir prête avec ses munitions, à partir vingt-quatre heures après
la réception de votre courrier ; vous savez de quelle utilité doit nous être cette
frégate. Ayez aussi, au Havre, un ou deux bricks bons marcheurs, pour
porter des ordres. Dans des moments si critiques, c'est un soulagement de
(1) Correspondance de Napoléon» 8958.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 686
reoeToir tous les jours des nouyelles. J'imagine que vous ayei à Cherbourg
au moins un mois de titres pour tout le monde.
Je serai à Gènes les 11, 12, 13, 44 et iK. Voyex Lavalette pour que nos
courriers prennent la route de Moulins, Lyon, Ghambéry, Turin, Casai,
Alexandrie et Gènes, afin que Je ne manque aucune de tos lettres, et que je
sois toujours au courant. Comme je marche arec deux voitures, incognito,
sous un npm supposé, et sans gardes, cela exige un grand secret. Il sera
cependant nécessaire, passé le i8 thermidor, qu'on dise aux courriers, en
leur recommandant le secret, que, comme on ne sait pas mon itinéraire, ils
observent bien siu* la route, en cas que je passe incognito. Indépendamment
des courriers, s*il y a quelque chose d'important, il sera convenable que vous
m'expédiiez un officier que vous mettrez dans le secret de ma route.
Napoléon*
Monsieur,
Au Wce-amira/ Deorès (1).
Plaisance, 9 messidor an xm (28 juin 1805).
Je reçois votre courrier et vos lettres de la Guadeloupe.
Je vous prie de me rassurer par votre premier courrier et de me dire si
Villaret sait quelque chose du but de l'expédition, car je tremble que les
Anglais soient instruits de tout par ce canal.
Il parait bien positivement que Villeneuve sera arrivé le i6 floréal (6 mai) à
la Martinique ; il devait y rester quarante jours ; il a donc dû en partir le
25 prairial (14 juin). Mais Magon est parti le 11 floréal (l''*' mai), il a dû
arriver le. il prairial (31 mai), et, certainement avant le 20 (9 juin). Magon
lui porte V ordre de rester trente-cinq jours; il devrait donc en partir au
20 messidor (9 juillet), et, en cas que Magon fût intercepté, la Didon, qui est
partie le 13 floréal (3 mai), porte le même ordre. La Topaze, qui est partie le
25 floréal (15 mai), sera arrivée le 25 prairial (14 juin); elle lui porte Vordre
de ne rester que vingt jours après Varrivée de Magon, c^est-à-dire ju$qu*au
5 messidor (24 juin). Ainsi, l'amiral Villeneuve partirait du 5 messidor
(24 juin); mais le Président, parti le 1<" prairial (21 mai), lui porte Tordre
de partir sur-le-champ : le Président arrivera au !•' messidor (20 juin). Le
Département'deS'Landes, parti le 3 prairial (23 mai), lui porte le même
ordre. On ne peut donc former aucun doute, et il n*y a pas moralement de
chances pour que Villeneuve ne parte pas du 1®' au 10 messidor (20 au
i9 juin). Il mettra un mois pour son retour; je ne le compte donc que du
1" au 10 thermidor (20 au 30 juillet) devant le Ferrol, du 10 au 20
(30 Juillet au 8 août) devant Brest, et du 20 au 30 (8 au 18 août) devant
Boulogne.
Voyons actuellement ce qu^il y a contre nous. Il n^y a que 18 vaisseaux
devant Brest, 6 devant Roche fort et 8 devant le Ferrol ; on ne sait pas ce qu'il
y a dans la Méditerranée; de très-sûr, il n'y a que 4 vaisseaux. Il nous
manque des connaissances de Nelson et de Collingwood; Nelson et Collingwood
(1) Correspondance de Napoléon, 8959.
636 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
étaient ensemble le 25 floréal (15 mai), sur les côtes d'Espagne, avec il vais-
seaux de guerre; ils sont partis; on n*en a réellement, depuis, aucune nouvelle.
S'ils ont été ensemble, ils sont arrivés le 26 prairial (15 juin) devant Suri-
nam, et le l*** messidor (20 juin) à la Barbade. Si alors ils se sont présentés
devant la Martinique, ils ont trouvé notre escadre composée de 14 vaisseaux
français et 6 vaisseaux espagnols. Si je ne me trompe, messidor commence
déjà rhivernage. Nelson aura fait ime de ces deux choses; il aura cherché à
se rallier à quelque escadre, et Villeneuve sera parti ; ou, dès que Ville-
neuve aura appris l'arrivée de Nelson dans ses parages, il sera
encore parti (1).
Mais il est difficile de croire que, sans aucune nouvelles, les Anglais aient
expédié 17 vaisseaux de guerre aux Indes occidentales, tandis que Nelson,
devant se joindre avec ses dix vaisseaux à Cochrane qui en a 6, et aux 3 qui
sont à la Jamaïque, se fait une force de i9 vaisseaux qui lui donne la supé-
riorité sur notre escadre, et que Collingwood, parti avec 8 vaisseaux pour les
Grandes Indes, en trouve là 9 qui lui donnent une force de 17 vaisseaux, qui,
avec les vaisseaux d'escorte, lui donnent encore la supériorité sur notre escadre;
il est, dis-je, difficile de penser que, lorsque Tenneroi a ainsi des chances de se
trouver maître partout, il ait, à l'aveuglette, abandonné les Grandes Indes.
Enfin, il y a une autre observation.
Si les deux escadres anglaises réunies ont été en Amérique, elles auront
passé au cap Vert, et n'arriveront que le 5 messidor (24 juin), c'est-à-dire,
mettant 40 jours dans la traversée Si, au contraire, Nelson était seul, il aura
été sans hésiter et sans chercher aucun renseignement. Alors que fera-t-il avec
10 vaisseaux ? Il perdra 8 oti 10 jours à se réunir à Cochrane, et pendant
ce temps-là Villeneuve partira (1) ^^ V ennemi se trouvera affaibli au
moment des combats, des escadres de Nelson et de Cochrane. 11 est certain que
Nelson était peu approvisionné ; il a dû mouiller sur la côte d^ Afrique pour
faire de Veau. Ses équipages étaient très fatigués ; il a débarqué à Gibraltar
tous ses malades. Je crois ses équipages très incomplets, ce qui doit lui inspirer
plus de prudence et de réserve. Mon opinion est que Nelson est parti et est
allé en Amérique ; que Collingwood est parti et est allé aux Grandes Indes,
Dans tous les cas, nous devons avoir tous les jours de nouvelles données.
Enfin le but de Villeneuve est si difficile à deviner que, même Nelson, se
ravitaillant à la Barbade, ne croira pas faire une si grande faute qu'il la
fera en perdant trois ou quatre jours puisque Villeneuve n'est pas attaquable
dans la rade de la Martinique.
Je compte Villeneuve parti pour se rendre au Ferrol, du 20 prairial au
10 messidor (9 juin au 29 juin), avant que Nelson puisse paraître. Je hâterai
mon arrivée de quelques jours, parce que je pense que l'arrivée de Nelson en
Amérique pourrait pousser Villeneuve à partir pour le Ferrol (1). Nelson avec
10 seuls vaisseaux ne paraîtra pas devant la Martinique ; il s'arrêtera quelques
jours à la Barbade, afin de méditer sa réunion avec Cochrane.
(l) Il est remarquable que NapolAon paisse prévoir que, eontrairement aux ordres
reçus, Villeneuve quittera les Antilles dès qn'il saura Tarrivée de Nelson.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 637
Voici mes données sur la situation des escadres anglaises : 18 vaisseaux
deTant Brest, 6 devant Rochefort, $ devant le Ferrol, 4 dans la Méditerranée,
9 ou iO de Tescadre de Nelson, 7 ou 8 de l'escadre de Gollingwood.
Tous les renseignements présentent Nelson comme croisant sur le cap
Saint-Vincent, mais tout porte à penser que Tun et Tautre sont lancés. Dans
cet état de choses, s'il est prouvé que Nelson et Collingwood sont lancés et que
Ganteaume trouvât jour à s)rtir, ne serait-il pas convenable de le faire sortir
pour avoir Vair de menacer V Irlande ; mais, au lieu de cela, pour s'emmancher
et se porter devant Boulogne ; ou bien de le faire aller devant le Ferrol se
joindre aux iî vaisseaux, et avec ces H3 vaisseaux entrer dans la Manche ? C'est
un jeu mêlé, sans doute, mais qui nous sera toujours une ressource, s'tl arrivait
que Villeneuve fût bloqué; d'autant plus que, dans ce cas, l'escadre de Brest
sortie, on la croirait destinée pour la Martinique.
Ecrivez-en toujours à Ganteaume, en thème général, pour savoir ce qu'il en
pense.
Napoléon.
Au ¥100' amiral Decrèa (i).
Géaes, 14 messidor an xm (3 joillet 1805).
Je ne vois pas d'inconvénient à donner à l'escadre de Rochefort un peu plus
de latitude. Il parait que les Anglais ont vraiment 9 ou 10 vaisseaux devant la
Méditerranée, puisqu'il y en avait 7'devant Cadix. Est-ce Nelson ou une autre
escadre, c'est ce qu'on ne sait pas bien. Tout porte h. croire, cependant, que
Nelson est parti.
Napoléon.
Le Ministre de la marine au général en chef, Marmont, commandant
le camp d'Utrecht.
Paris, 16 messidor an xni (5 juillet 1805;.
Monsieur le Général en chef,
Sa Majesté l'Empereur et Roi m'ordonne, par une dépèche en date du 8 mes-
sidor, de vous informer que son intention est que, le 20 messidor passé,
l'escadre batave du Texel fasse des sorties qui, sans la compromettre, appellent
r attention particulière de V ennemi.
On ne peut, sans avoir une connaissance plus précise de la côte que je ne
l'ai, assigner positivement quels sont les mouvements que peut faire l'escadre
batave pour remplir cette intention de Sa Majesté.
Il ne s'agit pas de chercher à combattre l'ennemi et à avoir une affaire qui,
forçant Tescadre à rentrer, la rendrait inhabile à remplir ultérieurement la
mission & laquelle elle est destinée.
Il faut, au contraire, bien éviter un engagement de cette nature.
(1) Correspondance de Napoléon, 8966.
.1
638 TROISIBME PARTIS. — CHAPITRE XI.
A rinspeetioa de la carte, il semble que Tetcadre pourrait lortir par la
passe ordinaire, se porter au sud du banc dit Zuyderhaacks, et là prendre son
mouillage, après a^oir loutoyé autant que le comporteraient les vents, la mer
et la distance de Tennemi.
Mais si les renseignements que j'ai sur l'entrée du Texel sont exacts, il
parait qu'une escadre ne pourrait rentrer en rade par des vents depuis le nord-
nord*ouest jusqu'au sud-est.
n doit donc être essentiellement recommand<^ à Famiral batave de ne faire
de ces sorties qu'autant qu'il n'aura pas à craindre que les vents passent dans
cette partie ; car la libre rentrée au Texel doit toujours être réservée à l'escadre
dans les mouvements que l'Empereur désire lui voir opérer, et c*est ce que
vous ne pouvez trop recommander à l'amiral Kikkert.
C'est à lui qu*il appartient de juger jusqu'à quel point doivent être modifiés
les détails dans lesquels j'entre: il vous suffira de lui faire connaître que Tobjet
de ses sorties est d'exercer ses équipages, mais qu'il doit le faire avec la pré-
caution nécessaire pour préserver l'escadre qu'il commande d'une attaque de
Tennemi ; et il devra répéter ses sorties et ses rentrées autant que le compor-
teront les vents et les diverses circonstances précitées.
Tel est, Monsieur le Général en chef, l'ordre que Sa Majesté m'a onionné de
vous transmettre ; et elle m'a prescrit en même temps d'y ajouter ce qui suit,
pour que vous en assuriez l'exéculion.
L*intention de Sa Majesté est que, au 2 thermidor, toute Tannée sous votre
commandement s*embarque et reste embarquée; et je crois pouvoir ajouter qu'il
est permis de présumer qu'avant peu cette armée aura l'honneur d'être ins-
pectée par l'Empereur lui-même.
Veuillez donc, Monsieur le Général en chef, diriger l'amiral Kikkert, de
manière qu'il opère, autant qu'il lui sera possible, de ces sorties qui sont dési-
rées par l'Empereur et dont le mouvement devient nécessaire à l'exécution des
grands desseins de Sa Majesté.
Et veuillez pourvoir aussi à ce que, au 2 thermider, toute l'armée s'embarque
et reste embarquée, conformément à ses intentions.
J'informe en même temps M. le maréchal Berthier de celles de ces dispo-
sitions qui le concernent et dont Sa Majesté m'a ordonné de vous faire la
transmission en son absence.
Recevez, Monsieur le Général en chef, l'assurance de ma haute considé-
ration.
Le Ministre de la marine^
Degrés.
P, S, — Lorsque l'escadre batave sortira, il serait important que les deux
bricks de Sa Majesté, le PhaÙon et le Voltigeur ^ qui sont à Helvoet-Sluys,
pussent profiter de cette circonstance pour appareiller de ce port et se réunir
à cette escadre. Je vous prie d'en donner Tordre au lieutenant de vaisseau
Freycinet, qui les commande. Il est nécessaire que le capitaine Nouvel leur
rédige des instructions pour que leur sortie concoure avec celle de l'amiral
Kikkert, qui les fera protéger, autant que les circonstances le comporteront. Je
vous prie de ne leur donner qu'un ordre facultatif, afin qu'ils ne se croient
DU ÎO JUIN AU 20 JUILLET. 639
point obligés à courir la chance de tomber au pouvoir de Tennemi pour ion
exécution. Ces jeunes gens sont pleins de zèle et d'intelligence, et je les
recommande à \otre bienveillance lorsqu'ils seront dans Tescadre ; et cette
bienveillance ne pourra mieux s'exercer qu'en les faisant appareiller tous les
jours, ce qui leur fera le plus grand plaisir.
D.
Au général Marmont (i).
FonUinebleaa, 24 mewidor an xm (13 joilltt 1805).
La volonté de Sa Majesté est que vous formiez sans délai, sur Helvoet-
sluys, un camp de 12 ou 1500 hommes de troupes hollandaises. Vous devez
y joindre un des bataillons français qui n'est pas de l'armée.
Vous y réunirez 6 pièces d'artillerie, dont vous aurez soiii que l'arrivée et
l'embarquement fassent grand bruit. Vous nommerez un général de brigade
français pour commander particulièrement cette expédition. Vous lui don-
nerez le nom d'Expédition secrète de l'armée de Hollande.
Vous ferez en sorte que l'on croie qu'elle se compose effectivement de
3,000 hommes.
Cette division, sur laquelle il ne sera réellement embarqué que 6 À
700 Hollandais, mettra à la voile avec celle du Texel pour se joindre à
Texpédition générale.
Vous observerez qu'aucun de ces détails particuliers n'est connu de
M. Schimmelpenninck.
Sa Majesté vous ordonne de faire tout ce qui sera possible pour que cette
division force l'ennemi à tenir 2 vaisseaux devant Helvoetsluys, et Je vous
réitère qu'il est d'une grande importance pour les desseins de l'Empereur que
cette division inquiète l'ennemi avant le 13 thermidor, et que, par consé-
quent, il faut faire travailler jour et nuit à son armement.
Napoléon {sic).
L'Ambassadeur en Hollande au Ministre des Affaires étrangères.
8 thermidor (f! juiUat 1805).
(2)
Les mouvements de l'armée expéditionnaire continuent d'être très rapides.
Déjà le camp de Zeist est levé en plus grande partie, et l'armée embarque au
moment où j'écris. D'un autre coté, rexpéditio^^ que le général Sébastian!
prépare à Helvoet est poussée avec la plus extrême vigueur. Elle sera com-
posée du beau vaisseau le Chatam de 90, du Pieter^Paulus de 64, des fré-
gates VÉrine, VEurydice^ VAurore^ et des corvettes impériales le Phaëton et
Voltagim. 3,000 hommes seront h bord de ces bâtiments et de quelques
autres de transport. Il est impossible de développer plus d'activité que le
général n'en met à l'accélération des travaux. Déjà le Chatam est très
avancé, 600 ouvriers y sont occupés jour et nuit. Le Pieler-Pauhis suivra de
(I) Correspondance de Napoléon inédite.
{%) Archives des Affaires étrangères, HoUanda, 1805*
640 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
près. On calcule que tout l'armement pourra être prêt h mettre k la voile
dans quinze jours.
Il y a donc là un nouveau plan, destiné à parer au cas où
Villeneuve serait bloqué, c'est celui qui consisterait à se servir
de Ganteaume seul pour dégager la Manche. Transmis à cet
amiral par lettre du 6 juillet, ce projet fut déclaré par lui une
fois de plus irréalisable.
A bord dn vaissean V Impérial, le 25 messidor aa xui
(14Joillet 1805).
Monseigneur,
Je me hâte de répondre à Tobjet important de Totre dépêche confidentielle
du 17 de ce mois.
Depuis le terme fatal, du i*' prairial dernier, où il ne nous a plus été
permis de sortir, pour suivre les grands projets de Sa Majesté, et connaissant
ses desseins, j*ai eu Thonneur, dans une de mes lettres particulières, de tous
témoigner mes regrets de n'être plus autorisé à profiter des occasions favo-
rables, que la fortune pourrait nous offrir contre Tennemi, et je présentais à
Votre Excellence une chance de succès que Von pourrait espérer : celle de pro-
fiter d'un moment où V ennemi n aurait sur Ouessant qu'une réunion de i6 ou
17 vaisseaux de ligne, et de sortir, de le combattre ou de lui dérober nos nwu-
vements, s'il prenait chasse, pour nous porter subitement sur Rochefort, où
nous pourrions espérer de surprendre les vaisseaux qui bloquent les nôtres et
rallier notre escadre.
Je Tois aujourd'hui, Monseigneur, avec une satisfaction infinie, que la
partie de la question que Votre Excellence me fait, dans sa dépêche du 17,
s'accorde parfaitement avec les idées que je me suis permis de lui soumettre à
cet égard. Si Tarmée navale, sortant de Brest, était assez heureuse pour se
dérober à la vue de l'escadre qui la sunreille, il n'existe aucun doute qu'elle
ne doive faire route pour le Ferrol de préférence à Rochefort, puisque les
forces qui sont dans ce port porteraient notre armée à 34 vaisseaux et qu'il
nous serait facile, après la réunion des escadres du Ferrol, de manoeuvrer
poiu* rallier celle de Rochefort, sans être obligé de nous porter dans les
perthuis et que nous aurions enfin par là une supériorité bien décidée sur
l'armée anglaise.
Mais si, ainsi que le porte la première partie de la question que contient
votre dépêche, nous nous hasardions dam la Manche avec les 2f vaisseaux seu-
lement qui composent notre armée, nous ne tarderions pas à être observés et
joints par les vaisseaux dont nous aurions trompé la surveillance, et auxquels
on n'aurait pas manqué de réunir toutes ces forces qui se trouvent disponibles
sur les côtes et dans les ports de V Angleterre, et alors il me parait que toutes
les chances seraient contre nom.
(1) Archives de la Marine, BB^^ Î24.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET, 641
La mer de la Manche est trop resserrée pour pouvoir y être longtemps satin
y être aperçu et pour y manœuvrer avec succès devant des forces supérieures,
SuÎTant les dernières lettres de rarraée anglaise, il parait que Farmée
destinée à nous bloquer est de 2i vaisseaux de ligne, parmi lesquels il y en a
eu i2 à trois ponts ; une escadre de 5 yaisseaux croise entre les Sorlingues
et la Baye pour surveiller les côtes dlrlande ; indépendamment de ces forces,
nous savons qu'il y a dans la Manche et dans les poi-ts d'Angleterre encore
45 vaisseaux armés; la réunion de tous ces moyens me parait prompte et
facile.
Pour tenter une expédition aussi importante que Vest celle de Boulogne dans
une mer aussi orageuse que celle de la Manche, et qui n'est pas toujours prati-
cable pour les bateaux qui sont employés à cette expédition, je crois qu'il faut
au moins pouvoir espérer d'avoir le passage libre pour quinze jours. Avec
2i vaisseaux seulement nous serions continuellement dans la crainte d'en voir
arriver subitement trente, dont les forces doubleraient presque celles de notre
armée. Ces réflexions, Monseigneur, me portent à me refuser au projet d'entrer
dans la Manche, avant d'avoir obtenu une supériorité bien décidée sur Vennemi,
par la réunion des forces que nous avons au Ferrol, à Roche fort ou à celles du
général Villeneuve,
Quoique les papiers publics anglais annoncent que Tamiral Nelson a fait
route pour les Antilles avec il vaisseaux seulement et, malgré la jactance
ordinaire de cet amiral, je ne pense pas qu'il ait osé se hasarder à la poursuite
de notre armée avant d'avoir rallié les 9 vaisseaux qui, aux ordres du
contre-amiral Collingwood, lui ont été envoyés, et alors ces forces, au nombre
de 20 vaisseaux, parmi lesquels il y en avait 6 ou 7 de première grandeur, se
trouveraient bien supérieures à celles de l'armée combinée, en y comprenant
même la difision du général Magon ; mais j'espère que le retard qu'aura
éprouvé l'amiral Nelson nous aura été favorable et que l'amiral Villeneuve
aura pu être prévenu h temps et repartir des Antilles avant l'arrivée des forces
ennemies.
Le prochain départ du courrier ne me permettant pas de répondre au
second objet confidentiel de votre dépèche, je me réserve de le faire par le
prochain.
Je suis avec respect, Monseigneur,
votre très humble et obéissant serviteur.
Ganteaume.
Le 5 juillet, TEmpereur quitta Gênes; le 10, il était à
Varennes ; le 12, à Fontainebleau. Il avait mis quatre-vingt-
cinq heures pour franchir la distance qui sépare cette ville de
Turin (1). Pas une seule lettre, entre le 3 et le 16 juillet, n'a
le moindre rapport avec les mouvements des escadres. Aussi,
est-ce sans transition apparente que se découvre un nouveau
plan d'opérations.
(1) Lettre au prince Eugène.
IV. 41
642 TR0I8IÈMS PARTIS. — CHAPITRE XI.
Au vic&'amiral Vilhnmif^ (i).
PontainebleAn, 27 mestidor an xm (16 jaillet 1805).
Monsieur le Vice-Amiral,
Votre Jonction est faite a^ec les escadres du Fenrol, tous manœutreres de
manière à nous rendre maîtres du Pas-de-Calais, ne fÛt-ce que pendant
quatre ou cinq jours; ce qui peut s'opérer, soit en réunissant sous votre
commandement nos escadres de Rochefort et de Brest, soit en réunissant seu-
lement notre escadre de Brest, soit en réunissant notre escadre de Hochefort,
et doublant af ce cette escadre Tlrlande et TÉcosse, pour faire fotre Jonction
a^ec Fescadre hollandaise du Texel.
Notre Ministre de la marine vous fera connaître la force de ces escadres et
les différentes combinaisons qui nous ont paru les plus probables. Nous nous
reposons entièrement, pour leur succès, sur Totre expérience et sur fotre zèle
pour la gloire de nos armes.
Si, par TefTet de combats que vous auriez essuyés, de quelques séparations
considérables ou d'autres événements que nous n'aurions pas prévus, Totre
situation se trouvait considérablement changée, notis n* entendons pas que, dans
aucun cas y notre armée entre dans le port du Ferfol ; dans ce cas qui, avec
Taide de Dieu, n'arrivera pas, nous désirons qu'après avoir débloqué nos
escadres de Rochefort et du Ferrol, vous mouilliez de préférence dans le port de
Cadix. L'Europe est en suspens dans l'attente du grand événement qui se
prépare. Nous attendons tout de votre bravoure et de votre habileté.
Napoléon.
Cet ordre fut transmis à Villeneuve par Tamiral Decrès
sous la forme suivante :
A M. ramiral Villeneuve (2).
Fontainebleaa» le 27 messidor ao xm (16 juillet 1805).
J'ai reçu le 2î courant (\0 juillet). M, VAmiraly les diverses dépêches que
vous m'avez adressées par le brick le « Lynx », commandant Fargurel, et dont
vous aviez chargé le lieutenant de vaisseau Aouet.
Je les ai mises aussitôt sous les yeux de TËmperear, et l'attention de Sa
Majesté s'est fixée avec satisfaction sur les détails de votre navigation, de votre
réunion à Cadix et sur la sagacité de toutes les dispositions que vous avez prises
dans votre traversée et depuis votre arrivée aux Antilles. Elle a vu aussi, avec
un intérêt particulier, les comptes avantageux que vous rendez des capitaines
commandant les bAtiments de votre escadre et du capitaine Prigny, votre
(l) Correspondance de Napoléon, 8985.
(î) Archives de la Marine, BBit, 230-64.
I
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 648
adjudant et de tos rapports avec Famiral GraTina et êeê officiera. Sa Majesté en
aTait été préienue par la loyauté du caractère et le défoueraent de cet aminri.
Il est probable que TarrÎTée à la Martinique du contre-amiral Magon, ayec
les Talsseaux VAlgésiras et V Achille, a suÎTi de très près l'expédition du Lynx,
Cet officier général, parti de Rochefort le 41 floréal, a dû tous remettre de
nouvelles instructions de FEmpereur, qui tous expriment l'intention de Sa
Majesté qu^aussitôt que vous aurez rallié les forces navales mouillées au Ferrol,
vous TOUS portiez sur Brest pour y rallier l'armée aux ordres de Famiral Gan-
teaume, qui se rangera sous les vôtres immédiatement après sa jonction.
Aussitôt qu'elle sera opérée, tous tous porterez sur Boulogne, où vous rece-
vrez les ordres de Sa Majesté elle-même.
Ces nouvelles instructions vous ont été successivement adressées, en dupli-
cata, par la Bidon, la Topaze, le Président, le Néarque et le Départemeni-deS'
Landes,
Je ne doute point que l'armée sous vos ordres ne se trouve, en arrivant au
Ferrol, composée de 34 vaisseaux de ligne, indépendamment des frégates qui
en font partie, savoir : M vaisseaux partis de la Martinique, 6 vaisseaux espa-
gnols avec vous, 5 vaisseaux français qui sont au Ferrol sous les ordres du
contre-amiral Gourdon, et cnfln 9 vaisseaux espagnols qui s'y trouvent sous le
commandement de M. Grandellana.
Le contre-amiral Gourdon et M. Grandellana ont ordre de se joindre à vous
dès que vous partirez.
J'ai lieu de croire que ces 14 vaisseaux du Ferrol sont pourTus de six mois
de vivres ; ils ont reçu l'ordre d'être disposés à en verser une certaine quan-
tité sur les Vaisseaux de votre escadre, K supposer qu'ils en aient besoin ;
mais là sollicitude que je devais avoir sur cet objet s'est atténuée par le compte
que me rend M. Laupat : i75,000 rations qu'il vous aura fournies en biscuit ;
il vous aura nourri pendant un mois, au journalier, à la Martinique.
Il résulte de l'addition de ces suppléments avec les vivres que vous aviez à
bord en partant, et le nombre des consommateurs de l'escadre, que vos vais-
seaux doivent être pourvus, en rations de biscuits, jusqu'à l'époque du
25 vendémiaire.
Ce sera à vous. Monsieur TAmiral, à prendre en arriTant sur le Ferrol telle
disposition, â cet égard, que commandera Totre état réel de situation.
Mais je dois tous informer que des flûtes sont chargées, à Brest, de
450,000 rations, que les magasins en sont pourvus, que l'armée de l'amiral
Ganteaume a six mois de TÎTres à bord, qu'il y a des approTÎsionnements à
Cherbourg et à Boulogne pour fournir à Farmée deux mois de TiTres enTiron
pour chacun de ces points. Après m*étfe arrêté sur cet objet important, je vais
entrer dans d'autres détails sur la principale affaire.
Vous avez vu que l'intention de l'Empereur est que, après votre jonction,
vous soyei revêtu du commandement en chef de Farmée combinée. Je pense
que vous êtes préparé à toutes les dispositions qu'exige l'organisation générale
de toutes ces armées, après leur jonction, et que vous aurez concerté avec
M. Famiral Gravina ce que demande l'intérêt des opérations communes.
Pour pourvoir autant qu^H était en moi à ce que votre situation ne vous
permettait pas d'établir, j'ai adressé au contre-amiral Gourdon une quantité
suffisatite d'exemplaires de signaux propres à particulariser les ordres que
644 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
vous aurez à donner, et dont cependant Tadoption est subordonnée à l'ordre
que vous en donnerez, ainsi que je vous le mande par une dépèche du 12 de
ce mois.
Vous connaissez, Monsieur TAmiral, la force et les qualités relatives des
bâtiments qui viennent avec vous de la Martinique.
Quant à ceux qui sont au Ferrol, les 8 vaisseaux de TEmpereur doivent
être bien armés ; ce sont de vieux équipages qui ont fait plusieurs campagnes,
et notamment celle de Saint-Domingue.
Les 9 vaisseaux espagnols paraissent bien commandés et pleins de zèle, mais
leurs équipages n'ont pas été exercés à la mer depuis cet armement.
L'intention de TEmpereur n'est point de vous prescrire les dispositions que
vous aurez à prendre pour la formation des divisions organiques de l'armée.
Vos méditations et vos conférences avec l'amiral Gravina vous ont préparé sur
cet objet, soit que vous intercaliez les vaisseaux espagnols individuellement
dans votre ligne générale, soit que vous fassiez opérer l'armée espagnole en
masse, ce qui parait plus avantageux sur plusieurs points.
Mais je vous réitère que Sa Majesté ne vous prescrit rien à cet égard et
qu'elle s'en rapporte entièrement à ce que vous dictera votre sagacité.
Vous jugerez, par les instructions nouvelles de l'Empereur, que Sa Majesté
m'a ordonné de vous expédier et que vous trouverez jointes à la présente
dépêche, de toute la confiance qu'elle vous accorde dans cette affaire si
importante.
Ces instructions vous expriment ses vœux.
Elle désire que Vannée sous votre commandement puisse faire exécuter le
grand projet d'invasion de V Angleterre, conçu depuis longtemps par son génie.
Mais tant de temps s'est écoulé depuis V émission de ces ordres primitifs, tant
d^événements peuvent être survenus, que, dans sa sagesse, V Empereur a pensé
qu'il ne devait point vous donner à cet égard un ordre absolu, malgré toute sa
persévérance dans ce vaste desseiji, mais bien s'en reposer en même temps sur
votre bon discernement et votre audace ; et, pour vous mettre à même de juger
aussi parfaitement de tout ce qu*il est possible d'être entrepris avec des chances
de succès, je dois vous informer de la distribution et de Vétat présumé des forces
de Vennemi.
11 y a habituellement sur le Ferrol 9 vaisseaux de guerre. Le nombre s'en
est accru récemment ; mais je m'arrête peu à cet objet, les indications que
vous recevrez en arrivant étant plus positives que tout ce que je pourrais vous
dire. Les signaux d'Ouessant ont le plus constamment annoncé 18 vaisseaux;
le nombre en a été porté quelquefois jusqu'à 20.
Il y en a eu 7 sur Rochefort et, dans ces derniers temps, le nombre en a été
réduit à 5; et, pour vous tenir aussi informé que je le puis des armements de
l'ennemi et de leurs stations, vous trouverez ci-joint un état coté A, qui
contient tout ce que j'ai pu recueillir jusqu'à ce jour de documents à ce sujet.
Je joins enfin à cette dépêche un état coté B des armées et escadres que vous
avez la faculté de réunir sous vos ordres.
Peut-être, à votre arrivée sur le Ferrol, aurez-vous pu surprendre l'escadre de
l'ennemi; si vous n'avez pu y réussir, il est présumable qu'elle se repliera sur
celle qui croise devant Brest. L'armée sur Ouessant peut donc être calculée,
dans ce cas, de 25 à 30 vaisseaux de ligne lorsque vous approcherez de Brest.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 648
L'intention de VEmpereur serait que vous parvinssiez à entrer à Berteaume
sans combat.
Vous trouTerez ici le plan de la ligne de mouillage que va occuper Tamiral
Ganteaume, et il tous présente Tétat des nouyelles batteries qui défendent ce
mouillage; elles sont armées de plus de 100 mortiers ou canons.
Sa Majesté compte que, pour atteindre ce but inappréciable et tous réunir
sans combat à Tamiral Ganteaume, tous profiterez de toutes les circonstances
et de tout ce que votre expérience pourra tous suggérer pour tous rendre
dcTant Brest.
Mais, si tous êtes obligé de combattre, il serait important de ne liTrer la
bataille que le plus près possible de Brest, afin que Tamiral Ganteaume en soit
préTcnu et puisse tous secourir.
L'Empereur obserTe que la position de Tennemi ne laissera pas que d'être
embarrassante car, s'il s'éloigne de Brest, il peut ne pas tous rencontrer et tous
donner tous moyens de faire Totre jonction. Il peut craindre aussi que l'amiral
Ganteaume, qui a des troupes à bord, ne profite de son absence pour se porter
sur l'Angleterre ou l'Irlande.
Dans tous les cas, soit que Totre jonction s'opère aTec ou sans combat, il ne
faudrait point mouiller à Brest, mais entrer sans délai dans la Manche aTec
tous les Taisseaux en état de tenir la mer, afin d'être maîtres du canal, car des
troupes sont embarquées sur la flottille et il ne faudra que peu de moments
après Totre arriTée pour que les 2,000 bâtiments qui la composent appareillent
et se rendent sur l'Angleterre, et en opèrent l'inTasion.
J'ai dit que l'ennemi tient 5 Taisseaux sur l'Ile d'Aix. Si l'on n'aTait pas à
craindre que, lorsque tous arriTerez, ces vaisseaux ne reçussent, par l'escadre
devant le Ferrol, l'ordre de se replier siu* celle d'Ouessant, il n'y a nul doute
que TOUS ne deTriez pas songer à entrer dans le golfe pour rallier le capitaine
Allemand puisque cet officier, aTec les 5 vaisseaux sous son commandement,
remplit son objet qui est d'occuper un pareil nombre de vaisseaux ennemis.
Mais, dans r incertitude à ce sujet, le capitaine Allemand reçoit V ordre d'appa-
reiller pour se porter sur le Ferrol, dès que V ennemi disparaîtra, parce que Von
pourra considérer son départ comme le signal de votre arrivée.
Ou le capitaine Allemand tous ralliera ou il arriTera sur le Ferrol après que
TOUS en serez parti ; dans le premier cas, l'objet est rempli et il se range sous
Tos ordres.
Dans l'hypothèse du second, tous laisserez à M. Ailhaud, à la Gorogne, un
paquet cacheté portant au capitaine Allemand l'ordre de tous rallier sur
tel point que tous jugerez conTenable, et il est présumable que son escadre,
moins nombreuse et plus mobile que Totre armée, y panriendra.
Je donne enfin à M , commandant le Taisseau le Régulus qui est à
Lorient, des ordres de la même nature.
Mais je laisse au capitaine Allemand le soin de donner des instructions
à ce Taisseau, dans le cas où, en arriTant par le Ferrol, il ne l'aurait pas
rallié ou ne tous y aurait pas trouTé, ou enfin n'y trouTerait pas des ordres de
TOUS.
n serait conTenable qu'en arrivant sur le Ferrol tous expédiiez un bâtiment
léger à l'Ile d'Aix pour donner au capitaine Allemand tels ordres que vous
jugerez nécessaires ; vous en profiteriez pour m'adresser en duplicata vos
646 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE XI.
dépêches ; ce bâtiment de?ra avoir Tordre de chercher à pénétrer par la Perthuis
de Maumusson ou par le port aux Bretons, si Tennemi Tempéchait d'arriter
par le Perthuis d'Antioche; enfin, s'il pouvait accéder dans un de ces points, il
devrait se jeter partout où il pourrait et donner Tordre à plusieurs navires
pour expédier un excellent courrier à Paris avec vos dépêches, et un tutre tu
capitaine Allemand avec vos ordres. Si vous avies asses de bâtiments légers,
vous en expédieriez aussi un sur Lorient au commandant du Régulu$,
Aussitôt votre arrivée au Ferrol, des courriers multipliés m'en apporteraient
la nouvelle par Bayonne, ainsi qu'à Tamiral Ganteaume et au capitaine
Allemand, et c'est Tobjet d'une lettre ci-jointe.
Il est bon, toutefois, de vous prévenir qu'il s'écoulera probablement 8 jours
entre l'expédition de vos dépêches du Ferrol et leur arrivée soit à Paris, loit à
Brest, et six pour Rochefort.
Si vous entreprenei votre jonction avec Tamiral Ganteaume, Tavis peut lui
arriver promptement par le b&timent que vous expédieres à Lorient, et dont
Tamiral Thévenard enverrait les dépêches par un courrier expéditif, et mieux
encore par Brest si ce bâtiment pouvait y pénétrer par un port difficile.
Sa Majesté, considérant, dans sa grande sollicitude, toutes les manœuvres
que vous pouvez entreprendre pour être maître quelques jours du Pas-de-
Calais, a aussi compté pour une chance de doubler le cap Lisant de très près
et d'entrer dans la Manche pour que Tennemi ne soit prévenu, et sans réunion
avec l'armée de Brest.
Elle a reconnu qu'il était telle circonstance où cela ne parait pas impossible,
et ce sera à vous à l'apprécier.
Une troisième chance enfin, précieuse pour vos instructions, serait de
doubler TIrlande par le nord.
Elle présente l'avantage de vous faire rallier par 5 vaisseaux qui sont au
Texei et 4 qui sont à Helvoet Sluys et un convoi portant 30,000 hommes qtii
se trouve dans ces parties.
Pour opérer ce ralliement vous expédieres un bâtiment au Texel lorsque
vous serez à sa hauteur.
Vos dépêches devraient être adressées au général Marmont, commandant en
chef l'armée et à Tamiral Dcwinter, commandant l'escadre ; ils sont pourvus
de signaux.
Il vous appartient, Monsieur l'Amiral, d'apprécier ce que Tétat de Tarmôa
que vous commandez vous permettra d'entreprendre pour une pareille navi-
gation, eu égard à la durée et à ce que vous pensez avoir de confiance pour c«s
mers(l).
U Empereur a prévu le cas où, par des événements que Von m peut calculer
la situation de Vannée ne vous permettrait pas d'entreprendre V exécution de ses
projets qui auraient une si grande influence pour le sort du monde, et, dans ce cas
seulement, VEmpereur veut réunir à Cadix une masse de forces imposantes.
Il veut que ceux de vos vaisseaux qui sont pourvus de vivres aillent les con^
sommer dans des entreprises contre Tennemi.
H veut enfin que ceux de vos vaisseaux qui resteront sous vos ordres soient
(1) D'une importance décisive. On le verra pins loin.
DU *0 JUIN AU 20 JUILLBT. 647
en état d'agir et ne soient pas exposés à la longueur et à Tincertitude d^s
réparations à opérer dans des ports étrangers.
Pour cela, en admettant que tous Jugiei ne pou?oir tous livrer, avec des
chances de succès, à l'exécution de ce qui est prescrit, vous deyei faire appa-
reiller avec vous toutes les forces d'Espagne qui sont au Ferrol,
Vous débloquerez l'île d'Aix, tous ferez appareiller la division aux ordres du
capitaine Allemand, tous ferez entrer à Rochefort 4, 5 ou 6 de ceux de vo»
vaisseaux qui tous paraîtront avoir le plus besoin de réparations. Les vaisseaux
le Héros, V Aigle, le Redoutable, le Fougiteux, le Duguay-Trouin, le Majes-
tueux, le Jemmapes, le Suffren, le Lion, le Magnanime ; les frégates VArmide,
la Gloire, la Tkétis; les bricks le Sylphe, le Palinure, V Action sont destinés
à une croisière sur laquelle je joins ici des instructions que vous remettrez aux
divers officiers auxquels elles sont destinées.
Avec le reste des hdtitnents de l'Empereur et tous ceux de Sa Majesté Catho-
lique, vous vous rendrez à Cadix.
Cependant si vous aTez 2 ou 3 frégates bonnes marcheuses, en état de faire
une nouvelle campagne, vous les mettrez à la disposition des officiers qui vous
seront indiqués.
D suffit qu'elles aient assez de viTres pour attendre le moment où l'escadre
dont elle font partie pourra leur en donner à la mer.
€e n'est pas aTec un amiral tel que tous que je dois entrer dans de plus
grands détails.
Personne ne connaît mieux que vous-même les avantages et les difficultés
de votre situation. Vous saurez pourvoir à tout ce que ces instructions n'ont
pas prévu ni pu prévoir. Tout ce que vous ferez podr la gloire et le succès des
armées de Sa Majesté aura son approbation et, comme elle vous le dit elle-
même, elle s'en rapporte à votre bravoure, votre discernement et votre habi-
leté, sur le parti à prendre dans les diverses circonstances où vous vous trou-
verez. Je vous réitère. Monsieur l'Amiral, l'espoir de votre succès est inviolable
et vous pouvez être persuadé que le sort de votre gloire et que tout ce qui
touche à l'entreprise dont vous êtes chargé m'intéresse autant que vous-
même.
Vous êtes autorisé h communiquer vos instructions à M. l'amiral Gravina,
à qui vous voudrez bien remettre la dépêche ci-jointe.
Le temps que vous passerez sur le Ferrol pour y rallier les forces combinées
qui s'y trouvent devra enfin être pesé dans la détermination que vous prendrez ;
car, si vous y restez longtemps, l'ennemi informé de votre arrivée aurait le
temps de réunir toute ses forces sur Brest.
Quant à l'armée aux ordres de l'amiral Ganteaume, je n'ai pas besoin de
vous dire que vous établirez des rapports de sa position dans la ligne générale,
comme vous le jugerez à propos ; mais il paraît que la nature des choses limite
le cercle des ordres à leur donner, à ces généraux d'une armée indépendante
que vous placez en tête ou en queue de la ligne, ou que vous destinez comme
un corps de réserTe à se porter où tous le jugerez convenable.
J'ai omis de vous prévenir qu'il a été donné des ordres à Rochefort pour un
certain nombre de transports.
Ces bâtiments, s'ils sont prêts, devront appareiller avec le capitaine Allemand.
Ils sont spécinlement destinés au ravitaillement des vaisseaux qui arrivent de
648 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
la Martinique ; ainsi vous les emmènerez ayec vous quelque part où tous aliiex
personnellement.
Je TOUS rappelle que tous les bâtiments qui peuTent se rallier à tous, Fran-
çais, Espagnols ou Bataves, sont prévenus que tous employez la 3* série des
pavillons de signaux.
Il est donc admis que Tescadre de Rochefort ne bougera
pas avant que la croisière anglaise ne parte, attirée par Fan-
nonce de l'approche de Villeneuve ; par suite, Decrès donne
contre-ordre au capitaine Allemand.
A M. Allemand, capitaine de vaisseau, commandant l'escadre
de Sa Majesté en rade de l'île d'Aix (i).
Le 27 messidor an xui (16 juillet 1805).
Monsieur le Commandant,
Sa Majesté m'ordonne de vous informer que vous devez regarder comme non
avenu Vordre qui vous a été donné de mettre sous \oiIes, avec la division
sous vos ordres, aussitôt que vous en trouverez l'occasion favorable.
Les contrariétés absolues, et indépendantes de votre zèle et de votre volonté
qui ont retardé votre départ, le rendaient sans objet pour la destination qui
vous avait été donnée ; en conséquence vous devez me renvoyer, par le cour-
rier qui vous remettra cette lettre, les instructions qui vous avaient été
remises par le contre-amiral Missiessy, et tout ce que je vous ai écrit ou
envoyé de relatif à cette mission doit être par vous considéré comme nul.
Vous ne devez pas moins tenir la division sous vos ordres, prête à appa-
reiller au premier ordre que vous en recevrez.
Sa Majesté se confiant dans la dignité de votre caractère, votre attachement
à ses devoirs et votre dévouement à sa personne, m'a autorisé à vous
conBer, sous le sceau de la fidélité que vous lui devez, les dispositions qui
doivent vous diriger et dont TEmpereur, moi et vous, sommes seuls déposi-
taires.
Eu conséquence de cette autorisation, je vous informe que Tarmée com-
binée, aux ordres de l'amiral Villeneuve, est attendue sur le Ferrol qu'elle
doit débloquer.
Là, les forces combinées de ce port doivent appareiller aussitôt pour se
joindre à Tarmée et suivre sa destination ultérieure; elles se composent de
5 vaisseaux de l'Empereur, aux ordres du contre-amiral Gourdon, et de
9 vaisseaux de Sa Majesté Catholique, commandée par M. de Grandellana, qui
tous se réuniront sous le commandement général de l'amiral Villeneuve.
L'intention de Sa Majesté est que vous concourriez d'une manière positive,
mais plus ou moins directe, selon les circonstances, au succès des opérations
auxquelles est destinée cette armée navale.
(1) Archives de la Marine, BBi', 2t8.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 649
Pour cela, vous devez vous attacher à donner des inquiétudes à Vescadre
anglaise qui vous bloque^ attendu que tant qu£ les vaisseaux qui sont sur Vile
d^Aix s*y maintiendront, on aura la certitude qu'ils n'ont pas renforcé Vescadre
qui est devant le FerroL
Ainsi, tant que cette escadre sera en présence de celle que vous com-
mandez, votre rôle est rempli, puisque vous occupez un nombre de vaisseaux
ennemis, au moins égal à ceux de Sa Majesté, qui sont bous vos ordres.
Mais il est probable qu*à Vapproche de Varmée de Vamiral YiUeneuve,
Vescadre qui est devant vous en sera prévenue par les bâtiments de la station
anglaise du Ferrol e/, si le blocus de Vtle d'Aix est levé, il est prèsumable que
Varmée combinée est arrivée sur les côtes d'Espagne, et elle y est attendue du
!•» au 15 thermidor.
Aussitôt qu'elle arrivera ^ il vous sera expédié directement, par le contre-
amiral Gourdon, un courrier qui vous en portera Vavis; et vous considérerez cet
avis comme V ordre d^ appareiller si l'escadre qui vous bloque n'est plus en
présence.
Vous mettrez donc aussitôt sous voiles avec votre division, et vous vous por-
terez sur le Ferrol avec les précautions toutefois qu'exige la circonstance.
En e£fel, il serait possible qu'il y eût encore sur ce point des bâtiments
ennemis; mais vous aurez soin de vous faire éclairer à votre atterrage et fort
«n avant par vos meilleurs marcheurs qui n'approcheront les bâtiments
qu'ils pourront rencontrer qu'après les avoir bien reconnus.
Si vous trouvez par ce point l'armée combinée, vous vous rangerez sous les
ordres de l'amiral Villeneuve; si vous n'y trouvez point cette armée, ni
aucune force de l'ennemi, vous ferez entrer un bâtiment au Ferrol, où
l'amiral Villeneuve vous aura laissé* des ordres s'il y a paru ; ces ordres vous
seront remis par M. Ailhaud, commissaire des relations commerciales de
France à la Corogne ou peut étr^ par un bâtiment que l'amiral y aura laissé.
Vous concevez que le succès de votre réunion à l'armée combinée dépend
de l'intelligence et de la très grande activité que vous mettrez dans vos mou-
vements. Si, en arrivant devant la Corogne, vous y trouviez l'ennemi en
forces supérieures, vous prendrez chasse, et, comme cela prouvera que l'amiral
Villeneuve n'est point arrivé, vous irez établir votre croisière à 40 lieues à
l'ouest du Ferrol, parage dans lequel il est probable que passera l'armée
combinée qui revient des Antilles. Vous vous ferez éclairer dans cette station
par vos bâtiments, les meilleurs voiliers, placés à de grandes distances dans le
sud-est et nord-ouest.
Leurs instructions devront être, s'ils apercevaient des voiles qui ne fussent
pas la flotte combinée, de se faire chasser de manière â ne pas vous faire
reconnaître ; toutes les dispositions précédentes relatives à votre appareillage
de l'île d'Aix doivent également avoir lieu s'il se présentait devant cette rade
un bâtiment qui vous ferait le signal d'appareiller, car l'amiral Villeneuve a
ordre de vous expédier un bâtiment léger, dès qu'il paraîtra par le Ferrol.
Ce bâtiment se présentera, s'il est possible, par lePerthuis d'Antioche, et, s'il
était empêché par l'ennemi d'y pénétrer, il tâcherait d'entrer par le Perthuis
Breton.
L'ordre qu'il vous remettra, ou le signal qu'il vous fera d'appareiller devra
être exécuté sans délai, si la présence de l'ennemi ne s'y oppose pas. Jusqu'à
650 TROISliMB PAETIB. — CHAPITRE XI.
préteat, je ne tous ai parié que du cas où rarrifée de Tamiral Villeneufe tous
serait annoncée par un courrier, ou par Tordre ou le signal d'un bâtiment
qui TOUS aurait été expédié pour cet objet.
Mais il est à ob^rver qu'un courrier expédié par le contre-amiral Gourdon
mettra euTiron einq jours pour \ous parvenir; il est certain encore qu*un
bâtiment de la station ennemie du Ferrol detancera do?ant le Perthuis celui
que pourra tous expédier Tarairal Villeneu?e ; il est donc très présumable
que si la station qui yous bloque a disparu, c'est qu'elle aura été préfenue
avant ?ous de Tarrifée de l'armée combinée ; en conséquence, si elle lè?e son
blocus, Yous ne de?ez pas perdre un instant pour appareiller, et pour tous
porter sur le Ferrol; dans ce cas, tous manœuTrerei comme il a été dit
ci-dessus, soit que tous y rencontriez l'amiral YilleneuTe, soit que tous n'y
trouTiez aucun bâtiment, soit enfin que vous y trouTies des forces ennemies
supérieures; dans le premier cas, tous tous rangez sous les ordres de
l'amiral YilleneuTe ; dans le deuxième, tous trouTez au Ferrol les ordres que
cet amiral tous y aura laissés ; dans le troisième, vous établirez Totre croi-
sière à 40 lieues h. l'ouest du Ferrol.
Ces instructions tous tracent la conduite que tous doTes tenir dans tous les
cas qu'on peut préToir; il en est un dernier cependant que Toici; c'est celui
où aucune des combinaisons ci-dessus préTues n'aurait de résultat, et où,
étant appareillé, tous ne trouTeriez point l'amiral YilleneuTe sur le Ferrol,
TOUS ne trouveriez point d'ordres de lui, et celui où vous auriez croisé inutile-
ment à 40 lieues à l'ouest pour l'attendre ; dans ce cas, vous êtes préTenu que
Totre croisière, à l'ouest du Ferrol, ne doit pas se prolonger au delà du
25 thermidor, à moins de circonstances qui tous fassent espérer encore de
TOUS joindre à cet amiral ; alors du moment où tous désespérerez de cette
jonction, décacheter le paquet ci-joint portant des instructions particulières
sur Totre destination ; votre croisière s'y prolongera, autant que tous le per-
mettront Tos TÎTres. Yous ferez ensuite TOtre retour dans tels ports que tous
pourrez atteindre et je désire particulièrement que ce soit à Lorient ou à
Brest; lu seule chose importante, c'est de nuire le plus possible à l'ennemi,
et pour cela, tous bi'ùlerez ou coulerez toutes les prises qui ne pourront pas
TOUS suiTre, avec la précaution d'en retirer les vivres qui poqrront vous per-
mettre de prolonger votre croisière ; mais il se pourrait que par des événe-
ments imprévus, lorsque vous tous porterez sur le Ferrol, à TOtre sortie de
Rochefort, tous n'y rencontriez que l'escadre combinée qui est à présent
en ce port, et ni l'amiral Yilleneuve, ni l'ennemi ; dans ce cas, vous entrerez
au Ferrol, et vous vous rangerez sous les ordres du contre-amiral Gourdon,
qui m'en informerait sur-le-champ par un courrier extraordinaire. La tâche
qui TOUS est imposée se réduit donc à occuper 5 Taisseaux ennemis autant
qu'il TOUS sera possible, à faire tout ce qui dépendra de tous pour rallier
l'amiral Yilleneuve; vous vous livrerez à la croisière la plus active, la plus
glorieuse pour les armes de l'Empereur, et la plus funeste à ses ennemis,
conformément h vos instructions cachetées ; Sa Majesté donne une attention
particulière à l'importante mission qu'elle vous confie, et il me sera bien
agréable de mettre sous ses yeux les preuves de talent et de bravoure que
vous saurez donner.
Signé : Decrrs
DU 80 JUIN AU 80 JUILLBT. 661
P, S. ^" Je TOUS préfiens qu'il est potiibla que l'amiral Villeneufe m pré-
Mnt« lui-même uir lea Perthuis pour tous débloquer; tous état autorité à
emmener tout voi ordres le brick V Action; les bâtiments chargés de TiTres,
dont Tarmement a été ordonné à Rochefort, sont destinés pour Tarairal Ville-
neuTOt et en conséquence, tous les emmèneres stoc tous ; si tous n'aTei pu
rejoindre cet amiral, tous ferei entrer ces transports dans tel port et ils
y attendront d»s ordres.
Geg ordres lont complétés par ceux qui sont adressés à
Gourdon le même jour et à Tamiral Villeneuve le lendemain.
Dispositions qui devront être txéoutéeê depuis le moment où l'armée
oombinée se préeentera dtuis le Ferrol (1).
Le 29 msssidor an vn (17 juillet 1805).
Art. i»*". — Aussitôt que Tarmée combinée sera signalée sur la côte
d'Espagne, le contre-amiral Gourdon expédiera, par un courrier extraordinaire,
trois dépécbes pour en donner Tayis simultanément : au Ministre de la marine,
à Paris; à Tamiral Ganteaume, à Brest; et au capitaine de Taisseau Allemand,
commandant une dirision nsTale de Sa Majesté à Tile d*Aix.
Art. 2. — Ces trois dépêches seront mises dans un seul paquet, sous le
couTert de M. Bertin, commissaire de la marine à Bayonne.
Art. 3. — Le contre-amiral Gourdon donnera ordre par ce courrier, au nom
du Ministre, au commissaire Bertin de faire partir immédiatement, et en toute
diligence, chacune de ces trois dépêches, par courrier extraordinaire, pour
leur adresse respectiTC.
Art. 4. — Vingt-quatre heures après le départ de ce premier courrier, le
contre-amiral Gourdon en expédiera un second aussi aTec trois dépêches
pour les mêmes personnes, et qui devront leur être adressées de la même
manière et avec la même diligence, pour leur donner Tavis confirmatif du
premier, avec les détails sur les mouTcments de l'escadre anglaise.
Art. 5. — Un troisième courrier sera adressé au Ministre, pour lui annoncer
ce qui pourra être parvenu d'important, dès qu'il y aura. lieu.
Art. 6. — Un quatrième courrier sera expédié au Ministre pour lui annon-
cer la jonction des deux escadres, dès qu'elle aura été opérée, et pour lui
porter les dépêches de l'amiral Villeneuve et autres.
Art. 7. — Le contre-amiral Gourdon donnera, au nom du Ministre, ordre
à M. Ailhaud de lui expédier un courrier, aussitôt que l'armée combinée aura
fait route et sera hors de vue, pour lui annoncer cet événement.
Art. 8. ** Chacun des courriers qui sera expédié par le contre-amiral
Gourdon reoeTra de lui un ordre spécial de garder le plus profond silence sur
tout ce qu'il aura pu aToir appris au Ferrol, à la Corogne ou en route ; et tout
(1) Archives de la Manne, BB»v, ît9.
652 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.
courrier qui ne l'aura pas exécuté ponctuellement sera sur-le-champ arrêté et
traduit devant une commission militaire pour y être jugé, dans lesTingt-quatre
heures, comme coupable du crime de trahison envers le service de Sa
Majesté.
Art. 9. — M. Ailhaud, commissaire des relations commerciales à la Gorogne,
i*eceTra du contre-amiral Gourdon, au nom du Ministre de la marine, Tordre
d'expédier ultérieurement tel nombre d'autres courriers qui sera nécessaire,
d'après les renseignements ou nouvelles qui pourront lui parvenir.
Art. 10. — Il avait été ordonné au contre-amiral Gourdon d'envoyer au
Ministre des courriers tous les cinq jours, ne fût-ce que pour annoncer qu'il
n'y avait rien de nouveau : mais, d'après les dispositions nouvelles, le contre-
amiral Gourdon n'enverra plus de courrier nu Ministre que dans le cas où il y
aurait quelque chose d'important à lui apprendre.
Art. a. — Les courriers expédiés en conséquence des articles ci-dessus ne
retourneront pas de Bayonne au Ferrol ; mais il continueront leur route
jusqu'à Paris; il leur sera cependant enjoint de remettre sans délai leurs
dépêches au commissaire Bertin, à Bayonne.
Art. 12. — Il sera payé 1200 francs de gratification h chaque courrier qui,
expédié dans les cas des articles 1, 4, 5, G, 7, aura rempli sa course avec une
diligence extraordinaire.
Art. 13. — Pour l'exécution de ces dispositions, il va être envoyé au contre-
amiral Gourdon trois nouveaux courriers qui, avec les trois courriers d^àmis
à ses ordres, seront spécialement chargés de ce service.
Art. 14. — Du moment où l'escadre combinée aura été signalée au Ferrol,
il sera défendu à chaque co\irrier de quitter la maison de M. Ailhaud, ou toute
autre qui leur aiu*a été désignée; ils seront toujours bottés et prêts à partir au
premier ordre, et il sera tenu à la porte des chevaux tout sellés à leur dispo-
sition ; il en sera de même à Bayonne, pour les courriers aux ordres du com-
missaire Bertin.
A M. le vice-amiral Villeneuve (1).
Paris, 29 messidor aa xui (18 juillet 1805).
Monsieur l'Amiral,
Je vous ai annoncé hier des instructions pour ceux des vaisseaux de Roche-
fort et du Ferrol auxquels Sa Majesté entend donner une destination particu-
lière dans le cas où les circonstances ne vous paraîtraient pas comporter la
grande entreprise exprimée dans la dépêche de Sa Majesté. Je les joins ici, à
cachet découvert, atin que s'il est quelques moyens à votre disposition pour
concourir au succès des croisières dont il s'agit, vous pourvoyiez à les fournir.
Geci s'applique particulièrement à la destination de quelques officiers que vous
jugeriez être plus pratiques des parages respectifs où ces croisières doivent se
diriger et à la distribution des cartes respective^ que vous pourriez avoir. Je
(1) Archives de la Marine, BB»^, Î30-64.
DU 20 JUIN AU 20 JUILLET. 663
dois prévoir deux hypothèses : 1® celle où vous rallierez le capitaine Allemand
et la division qu'il commande, ainsi que celle du Ferrol ; 2® celle où par des
événements quelconques, n'ayant pu rallier cette division, vous ne pourriez
disposer que de celle du Ferrol.
Dans la première hypothèse, voici ce que vous prescrit Sa Majesté :
Art. i*'. — Il sera formé une division composée des vaisseaux : le Héros y
le Duguay-Trouin, le Fougueux^ ï Argonaute, le Suff'ren; des frégates VAr-
midCy la Théiis, et le brick le Sylphe,
Cette division sera mise sous les ordres du contre-amiral Gourdon.
Art. 2. — Il sera formée une seconde division composée des vaisseaux : le
Magnanime, le Lion, le Jemmapes ; de la frégate la Gloire, et des bricks le
Palmyre et VActéon,
Cette division sera mise sous les ordres du capitaine Allemand.
Art. 3. — Le capitaine Allemand portera son guidon sur le Magnanime
dont il prendra le commandement et sur lequel il passera avec le capitaine
et les officiers d'état-raajor de la division ; et le capitaine Holette
commandant le Magnanime, passera sur le Majestueux jusqu'à ce que vous lui
ayez donné une autre destination.
Art. 4. — Le Majestueux et le Redoutable resteront sous tos ordres et se
rendront a^ec vous à Cadix.
Art. 5. — Si vous avez deux frégates bonnes marcheuses en état de conti-
nuer leur campagne, vous les attacherez à la division du capitaine Allemand
pourvu qu'elles aient assez de vivres pour attendre le moment où il pourra
leur en donner à la mer.
Art. 6. — Le contre-amiral Gourdon recevra de vous les instructions cotées
A relatives à une croisière à Tentrée de la Baltique {sic) et sera chargé de leur
exécution. Le capitaine Allemand recevra de vous les instructions cotées B et
sera également chargé de leur exécution.
Dans la deuxième hypothèse, qui est celle ou vous n'auriez pu rallier que le
contre-amiral Gourdon, la division se composera du Héros, du Duguay-Trouin,
du Fougueux, de V Argonaute, et deux ou trois frégates que vous mettrez sous
ses ordres, et vous lui remettrez seulement Tinstruction cotée A qui sera la
seule exécutoire et celle cotée B sera considérée comme non avenue et, dans ce
cas comme dans le premier, le Redoutable restera sous votre pavillon.
Si le Régulus vous rallie, vous l'annexerez à la division de la Baltique et
alors vous ajouterez à ses instructions qu'elle n'a plus à éviter la partie sud
de l'Irlande si elle trouve quelque intérêt à s'y porter.
Mais un nouveau mécompte, un des plus graves de cette
série de déceptions, allait survenir.
Le lendemain même du jour, 16 juillet, où le Ministre
rédigeait le contre-ordre qui devait maintenir à Rochefort
Tescadre d'Allemand, ce capitaine avait mis à la voile.
CHAPITRE XII
LA SORTIE D'ALLEMAND, 17 JUILLET
ET LE PLAN DU 26 JUIUET
Voici ce qui s'était passé en ce qui concerne Tescadre de
Rochefort.
Dès la réception des lettres en date du 9 juin et du 22, le
capitaine Allemand avait pris le commandement de Fescadre
que Missiessy quitta le 26. L'état des vaisseaux attesté par ce
dernier était encore à ce moment très précaire. Les voiles et
les cordages manquaient ou ne valaient rien, les vivres
n'étaient pas préparés. En outre l'ennemi avait reparu fort de
5 à 7 vaisseaux, presque constamment mouillés dans le S.-
1/4-S.-E. (1). Le 5 juillet, le Jemmapes n'avait pas encore ses
perroquets ; le 6, le Suffren recevait les siens ; le 11 seulement,
Allemand pouvait rendre compte de l'achèvement des prépa-
ratifs. Ce jour-là, en eifet, les 5 vaisseaux : Majestueux^
Jemmapes^ Magnanime^ Suffren^ Lion, étaient désaffourchés
en rade de File d'Aix ; les frégates Armide, Gloire, Thétis ; les
bricks Sylphe et Palmyre étaient sous voiles dans la rade des
Braques. L'ennemi était encore à l'ancre au milieu du
Pertiiuis.
La journée du lendemain se passa de même. Le soir, à sept
heures, les Anglais mirent à la voile et restèrent en panne en
vue de la côte jusqu'à la nuit ; le 14 au jour, ils étaient à toute
vue au large et bientôt disparaissaient.
(1) Lettres d'Allemand, BBiv, 2Z8. 27 juin au 10 juillet.
656 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XII.
On verra plus loin à quoi correspondait ce départ.
Quoi que put en penser Allemand, il attendit toute la journée
du 14 ; le 13, il annonça son intention de mettre à la voile le
surlendemain, et, effectivement, Tennemi n'ayant pas reparu,
le 17 à 5 heures du matin, Allemand ordonna de faire voile en
profitant d'une jolie brise du nord-est (1).
Il est nécessaire, avant d'entamer le récit de ses opérations,
de préciser quelles instructions il emportait.
Les ordres du 22 juin, reçus le 29, sous pli cacheté, prescri-
vaient au commandant de la division :
De paraître sur les côtes d'Irlande, du 4 au 9 juillet.
De se trouver sur le parallèle du Ferrol, du 29 juillet au
3 août.
L'ordre de Napoléon, en date du 9 juin, avait ajouté que si,
au 3 août. Allemand ne pouvait être à 40 lieues à l'ouest du
Ferrol, il croiserait vers 46^33' de latitude et 9*^30' de longi-
tude ; enfin, qu'au 13 août, s'il n'avait rien reçu, il irait à
Vigo.
Depuis cette époque, Decrès avait écrit la lettre suivante :
Ministre de la marine à Allemand (i).
Paris, 12 messidor an xiii (i*' juillet 1805).
J'ai reçu, Monsieur le Commandant, la dépêche par laquelle tous m'informez
de la remise que vous a faite le contre-amiral Missiessy du commandement de
l'escadre de Sa Majesté.
Je suis fort aise de vous voir en position de développer, d'une manière plus
particulière, toute votre activité et vos talents, et je compte fermement qu'ils
ne seront point «lu-dcssous de l'imporUince de la mission dont vous charge la
confiance de l'Empereur.
Sa Majesté approuve que vous laissiez VActéon à l'Ile d'Aix. N'oubliez pas
que vous devez m'écrire par chaque courrier.
Je présume que l'escadre est prête à mettre à la voile ; comme Sa Majesté
attache un très grand intérêt à la promptitude de son départ, ne négligez
rien pour l'effectuer, mais ne perdez pas de vue en même temps que je vous ai
ordonné et que je vous ordonne de n'appareiller qu'autant que vous ne
courrez point la chance probable d'un combat qui vous forcerait à rentrer,
puisque cette rentrée ferait manquer l'expédition.
(1) Lettres d'Allemand, 29 juin BB^r, itB.
(2) Archives de la Marine, BBi^, «8-10.
LA SORTIE d'allemand ET LE PLAN DU 26 JUILLET. 637
Tous les comptes qui m'ont été rendus sur Tescadre jusqu'à ce jour mont
présenté le progrès successif de ses travaux. Les derniers me portent h penser
qu'elle est prête h mettre sous voiles.
Je vous prie de me dire textuellement ce qui en est et à quelle époque V escadre
pourra définitivement appareiller^ si Vennemi cesse d^être en préserve. Vous trou-
verez ci-joint des duplicata de signaux qu'il est inutile de décacheter avant
d'être sûr de pouvoir partir. On ne devra s'en servir que sur l'ordre que vous
en donnerez. Je vous recommande le secret le plus impénétrable sur tout ce
qui a rapport avec votre mission. C'est le secret qui assure le succès des entre-
prises et qui, surtout, déconcerte un ennemi accoutumé à fureter partout et
qui est déconcerté de ne pouvoir aujourd'hui rien découvrir. Je vous préviens
que c'est une des qualités auxquelles l'Empereur attache le plus de prix. Ainsi,
ayez pour règle générale de ne jamais rien communiquer, même des choses
qui paraissent indifférentes et que ma correspondance peut vous présenter.
Le temps écoulé entre Vexpédition de vos hxstructions et votre départ pourrait
vous donner des incertitudes sur quelques dates qui se trouvent dans ces
instructions.
Je vous préviens quelles ont été fixées sur V hypothèse où l'escadre aurait
appareillé dans les premiers jours de messidor {après le 20 juin) y mais
aujourd'hui que son départ se trouve différé ^ vous trouverez lorsque vous
ouvrirez vos instructions j dans le but définitif que vous avez à remplir et
V espace de temps dont vous pourrez disposer pour ce but, ce qui serait conve-
nable à modifier sur toutes les dates, qui doivent se subordonner à celle du but
définitif de votre expédition, et ce sera à votre sagacité à suppléer à ce que la
prévoyance ne peut atteindre, vu V incertitude de V époque de votre départ.
Recevez, Monsieur le Commandant, l'assurance de mes sentiments invio-
lables ; personne plus que moi ne fait des vœux pour vos succès.
Cela n'était guère clair. Ce qui devait achever de tout
embrouiller, c'est qu'au moment de son départ, Allemand,
en rendant compte que la veille, 16 juillet, il avait décacheté
ses instructions, ajoutait cette phrase mystérieuse (1).
L'escadre est sous voiles. Monseigneur, avec une bonne brise du nord-
est. Votre Excellence sait, par le temps déjà écoulé^ où je dois commencer
ma mission. Je ferai tout pour remplir les vues de Sa Majesté Impériale ; il n'y
aura pas une minute de perdue Les côtes ne signalent rien. Dans
vingt minutes, je ferai 8 à 9 nœuds. Il est iO heures du matin.
Il paraissait toutefois logique d'en conclure que, partant le
17 juillet, et devant le 29 se trouver à 40 lieues à l'ouest du
Ferrol, Allemand trouvait le délai trop court pour se porter
auparavant sur les côtes d'Irlande. De fait, on verra qu'après
(I) Archives de la Marine^ BB", tî8.
IV. 42
658
TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XII.
une tentative pour s'y montrer, le chef de la division de
Rochefort y. renonça, pour se conformer à ses instructions,
et qu'il les exécuta à la lettre.
Yoid, toutefois, quelle impression produisit sur l'Empereur
et sur son Ministre l'annonce du départ d'Allemand, au
moment même où on lui avait envoyé Tordre d'attendre.
La disparition de l'ennemi devant Rochefort fut interprêtée
par Napoléon comme la preuve certaine de l'approche de
Villeneuve.
Gomme l'ennemi paraissait aussi s'éloigner de Bi'est, il y
avait peut-être une occasion à saisir, c'était de faire opérer le
déblocus de Boulogne par Ganteaume.
Au vice-amiral Deorès (i).
Saini-Clond, 29 messidor tn xm (18 juillet 1805).
Monsieur le Ministre de la marine,
Je ne puis rien comprendre à Vimmohiliié de Ganteaume; comment est-il
possible, lui qui est au fait de tous mes projets, quHl laisse disparaître Vennemi
sans faire aucun mouvement (2).
(1) Correspondance de Napoléon, 8991.
(2) Effectivenient le journal des observations à Ouessant avait montré un ehangement
notable dans l'attitude de Tennemi.
bIGNAUX DES COTES DEVANT BREST.
(Extrait du journal de Vétat-major général du \b au 30 messidor an XIII.)
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JOURS.
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Buidi ; dans la naît,
ils ODt passé aa
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O.-N.-Ô. Joli
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fràis, temps p
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OBSERVATIONS.
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3 Id.
3 Les frégates moaillëes
et les corr, croisant.
' Pendant la matinée,
1 les vents à rOaest
^V bons frais, temps
619] P'i^^''"'! les vents
.. < .£ ^ ont passé an O.-N.-
® ^ O. par grains et,
dans la nuit, au
O.-S.-O., petite
brise de la plage.
Les frégates mouillées
et les corvettes croi-
sant.
LA SORTIE D'aLLBMAND BT LE PLAN DU 26 JUILLET.
J'aTnis prtTu, dans mes instructions, que l'enn^nii derait disparaître de
Brest; Toilà quatre jours, h ce qu'il parait, qu'il n'ii paru, ce qui, joint à ta
JOURS
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o.sEav.„o«,.
JOURS.
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luoillé k S )i. I/t.
Mo.ill*...
Vu ; L'Amiral,
Le Chef d'état-major,
DdIUKTIJII].
(Jreftiuei de la Marine, BB", Ml.)
660 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XH.
disparition de la croisière de Roche fort y ne peut guère laisser de doute sur
Varrivée de Villeneuve. L'amiral Gardner s*est porté à yingt lieues de Brest, à
la rencontre de Villeneuve qui, probablement, éprouTera quelques jours de
retard pour opérer la jonction du Ferrol.
Gomment Ganteaume n'a-t-il pas chassé les croisières de frégates, afin de
savoir ce qu'il y avait derrière ?
J^im«agine que vous avez expédié aujourd'hui un courrier extraordinaire à
Brest ; expédies-en un second pour que Ganteaume, s'il apprenait que Gardner
se fût trop avancé, entre dans la Manche et aille droit au but.
Napoléon.
P. S, — Faites-moi connaître, par le retour de mon courrier, si vous avez
appris quelque chose de nouveau, et informez- vous s'il ne serait pas arrivé de
courrier qui ne vous aurait point encore été remis.
Au Wce-am/ra/ Ganteaume (1).
Saint-Cload, !•' thennidor an xiii (20 juillet 1805).
Monsieur le général (àanteaame, commandant notre armée navale à Brest,
notre ministre vous fera connaître les nouvelles que nous venons de recevoir,
par l'Angleterre, de notre escadre que commande l'amiral Villeneuve. Il vous
apprendra également que la croisière anglaise a levé le blocus de Rochefort,
ce qui a mis notre escadre h même d'appareiller le 28 messidor.
Vos dépêches télégraphiques m'ont pareillement instruit que, depuis plu-
sieurs jours, l'armée anglaise n'était plus signalée devant votre rade.
Nous vous avons déjà fait donner l'ordre de sortir et de chasser les frégates
ennemies, et de reconnaître où Ventiemi s'est porté.
Si vous le trouvez au large de Brest, au nombre de moins de iQ vaisseaux de
ligne, notre intention positive est que vous V attaquiez avec vos 21 vaisseaux de
ligne.
Nous sommes fondés à espérer du succès.
Si, au contraire, Cennemi n'est pas en vue, et qu'il se soit porté sur le Ferrol,
ou qu'il soit très éloigné en pleine mer, à la rencontre de l'amiral Villeneuve,
notre intention est que vous entriez dans la Manche et que vous vous portiez
devant Boulogne, oit tout est préparé et oii, maître trois jours de la mer, vous
nous mettrez à même de terminer le destin de l'Angleterre,
Si l'ennemi avait une croisière considérable devant Brest, mais pas assez
forte pour vous combattre, et que cette croisière prît chasse devant vous,
vous vous étudierez à la chasser, si cela est possible, et à vous mettre en
situation de secourir l'amiral Villeneuve, et de vous joindre à lui au moment
où il se présentera devant Brest; et, si même vous étiez porté à penser que
l'escadre qui est devant vous s'est affaiblie pour renforcer la croisière du
Ferrol et faire obstacle î\ l'amiral Villeneuve, nous vous autorisons, après que
(1) Correspondance de Napoléon, 8998.
LA SORTIE d'allemand ET LE PLAN DU 26 JUILLET. 661
TOUS aurez chassé rennemi de devant Brest, à disparaître de devant lui par
une fausse route, et à vous porter sur le Ferrol, pour y surprendre la croi-
sière ennemie, vous y joindre à une autre escadre combinée, qui est forte de
i5 vaisseaux, puis à vous joindre à notre escadre de Rochefort, commandée
par le capitaine Allemand, et dont le ministre de la marine vous fera con-
naître la station.
Déconcertant ainsi les opérations de l'amirauté anglaise, vous entrerez
rapidement dans la Manche.
Lorsque vous recevrez cette lettre, nous serons déjà de notre personne à
Boulogne-sur-Mer, et tout sera embarqué, embossé hors la rade, de sorte que,
maître trois jours de la mer, dans le temps ordinaire en cette saison, nous
n'avons aucun doute de la réussite.
Dussiez-vous, après, passer devant le Toxel et vous joindre à Tescadre hol-
landaise, ou doubler l'Irlande pour vous retrouver dans la grande mer, et
dans cette saison, approvisionné comme vous Têtes, pouvoir vous y maintenir
pour vous tenir instruit des événements de l'Angleterre et de l'Irlande, et
agir suivant les circonstances, ou même retourner dans un port quelconque
de France ou d'Espagne, ou diviser votre escadre en 8 ou iO croisières, sui-
vant ce que vous inspirera votre zèle pour notre service, ne restez pas
inactif. De grands événements se passent ou vont se passer dans ces mers; ne
rendez pas inutiles les forces que vous commandez.
Si l'ennemi se dégarnit devant vous, c'est qu'il est persuadé que l'offensive
doit venir de l'amiral Villeneuve. Trompez ses calculs en prenant vous-même
l'initiative.
Nous nous en rapportons à votre zèle, à votre bravoure, à votre expérience
dans la marine, et à votre attachement pour notre personne.
Ayez de la prudence, mais ayez aussi de l'audace.
Napoléon.
Paris, 1" thermidor an xiii (20 juillet 1805) (1).
Monsieur T Amiral,
L'Empereur m'ordonne de vous envoyer un deuxième courrier. L'absence
de l'ennemi devant Brest ne lui laisse pas de doute sur l'arrivée de l'amiral
Villeneuve qui, probablement, éprouvera quelques jours de retard sur le
Ferrol pour opérer sa jonction.
Sa Majesté pense que l'armée ennemie qui croisait devant Brest, se sera
portée à 20 lieues au large à sa rencontre. Son intention est que vous fassiez
chasser la croisière de frégates, que l'ennemi a laissé devant Brest, afin de
savoir ce qui se passe au large.
L'Empereur termine ainsi la dépêche qu'il vient de m 'adresser :
Si Vamiral Ganteaume apprend que Vamiral anglais s'est trop avancé^ qu'il
entre dans la Manche et aille droit au but.
Il) Archives de la Marine, BBiv, n4.
662 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XH.
Je TOUS transmets, monsieur TAmiral, Tintention de Sa Majesté ; bien sûr
que TOUS ne négligerez rien de ce qui peut être fait pour la remplir et pour
exécuter ses ordres.
ReceTex l'assurance de mon iuTiolable attachement.
Signé : DscRi^.
En même temps, on expédia les trois dépêches télégra-
phiques suivantes :
Marine à Ganteaume (Brest), — Dépêche (I).
l«r thermidor an xm (20 juillet 1805).
Si Fennemi continue à ne pas paraître deTant Brest, sortex pour tous tenir
prêt à tout. Vous saTez que le moment approche. Dans tous les cas, passex le
goulet, prenez le mouillage qui Tient d'ôtre fortifié, et prenex attention h ce
qui se passe deTant tous pour agir selon le plan général. (Napoléon).
L'escadre de Rochefort est partie le 27 messidor, il y aTait alors trois jours
que Tennemi n'aTait paru. Soyex attentif et assurez-TOUs bien de l'attention
des guetteurs d'Ouessant. (Napoléon).
Chassez les frégates qui sont deTant Brest. Ayez des nouTclles de la flotte
anglaise. Ne restez pas oisif et agissez suiTant les circonstances, puisque tous
connaissez le plan général. (Maret).
En ce qui concerne la disparition des Anglais devant
Rochefort, le fait était exact, et Ton verra plus loin, en vertu
de quel ordre, ces vaisseaux avaient abandonné le blocus.
Mais si Ton ne voyait plus les vaisseaux de Cornwallis,
Ganteaume restait, à juste titre, assuré qu'ils n'étaient pas
loin ; et, de fait, il avait raison, car à partir du 22 juillet.
Farinée anglaise reparait.
En rade de Brest à bord da Tâissean V Impérial, le l*' thermidor an xm
(20 juillet 1805).
Monseigneur,
J'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence un extrait du journal de Tétat-
major général, renfermant l'état des Tents et le relevé des signaux des côtes,
pendant la seconde quinzaine de messidor. Vous y verres que, depuis le 2i de
ce mois, Vannée ennemie signalée le jour précédent, au nombre de 20 vaisseaux.
(1) Archives]nationales) AF«^, 1191.
LA SORTIE D' ALLEMAND ET LE PLAN DU 26 JUILLET. 663
n'a pas été aperçue. Les brumes ont empêché les vigies de la découvrir, mais
comme les frégates d'observation ne sont pas éloignées, et que nous voyons
même journellement les bâtiments intermédiaires, nous sommes fondés à croire
que le gros de formée n'est pas loin (i).
Je suis avec respect, Monseigneur, votre très humble et obéissant serviteur.
Ganteaume.
Quant au Ministre, les deux lettres suivantes, qui doivent
(0
SIGNAUX DES COTES.
{Extrait du journal de tétat^major général du 1*^ thermidor au 15 du même mois,
20JaiUet-3août).
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{Archives de la Marine, BB"^, 224.)
664 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XII.
être comparées, indiquent nettement quelles idées lui suggéra
la nouvelle du départ d'Allemand.
A M, l'amiral Ganteaume, commandant l'armée navale (i).
Paris, 30 messidor an xiii (19 jaillet 1805).
Monsieur l'Amiral,
Vous avez vu, par ma lettre ci-joinU^ que le capitaine Allemand a mis sous
voiles, avec la division sous son commandement, le 28 au soir.
J^ écris sans délai au Ferrol pour prévenir V amiral Villeneuve, attendu quil
résulte de cet événement l'annulation de toutes les dispositions qui lui sont indi-
quées pour la levée du blocus de Hle d'Aix. Comme je ne peux prévoir tout ce
qui peut survenir, je crois qu'il est dans l'intérêt du service de Sa Majesté que
je vous informe, autant que je le puis, de la destination du capitaine Allemand.
L'escadre avait pour objet d'aller faire des dégâts sur les côtes £ Irlande,
pour y attirer l'ennemi et le forcer à s'affaiblir devant Brest.
Elle devait faire cette opération de manière à se trouver du 10 au 15 ther-
midor (29 juillet au 3 août) à quarante lieues à l'ouest du Ferrol, pour y
attendre l'amiral Villeneuve et se joindre à son armée ; et, supposé qu'il pût
être rendu à ce point pour cette époque, il était ordonné au capitaine Allemand
d'attendre Vamiral Villeneuve. Mais au 25 thermidor (13 août), si le capitaine
Allemand n'avait entendu parler de rien, et qu'il désespérât de rallier Ville-
neuve, sa manœuvre deviendrait indépendante (2)
Telles sont les instructions qui avaient été données au capitaine Allemand
dès le 20 prairial (9 juin).
Elles supposaient que la division appareillerait dans les commencements de
messidor (20 juin), mais son départ ayant éprouvé des lenteurs imprévues,
il a été prévenu qu'il devait modifier ses mouvements, par le temps dont il pour-
rait disposer depuis son départ jusqu'à l'époque du iO thermidor (29 juillet), de
manière à s'attacher au but définitif de sa destination (3).
Ainsi, puisque le capitaine Allemand est parti le 28 et qu't7 n'a que douze
jours devant lui jusqu'à l'époque on il doit être à quarante lieues à l'ouest du
Ferrol, il n'est pas douteux qu'il n'ira pas sur les côtes d Irlande, parce qu'il
n'en aurait pas le temps, mais il est bien probable qu'il se dirigera au-devant
de l'amiral Villeneuve, en se repliant graduellement s'il ne le rencontre pas,
de manière à se trouver le 10 thermidor (29 juillet) à la station prescrite pour
sa première attente. Tel est. Monsieur l'Amiral, l'état des choses.
Le moment décisif approche, si peut-être il n'est déjà arrivé. Il paraît que,
depuis quatre jours, la rade de Brest est également débloquée. De cette dispa-
rition simultanée de l'ennemi devant Brest et Rochefort, on peut conjecturer
des circonstailccs nouvelles.
(1) Archives de la Marine, BBiv, $24.
(2) Absolument faux. Voir ci- dessus.
(3) Oui, en termes absolument vagues (lettre du l"" juillet).
LA SORTIE D'ALLENAND ET LE PLAN DU 26 JUILLET. 6G5
Peut-être, au moment où je vous écris, Famiral Villeneuve est-il sur les
côtes d'Espagne.
Dam cette situation des affaires, Vcscadre que vous commandez doit être prête
à appareiller au premier ordre; C intention de V Empereur est que vous occupiez
sans délai le mouillage de Bertheaume.
Ne perdez donc pas un moment pour que Tarmée s*y rende et s'y main-
tienne, autant que les vents le permettront, car Famiral Villeneuve peut
paraître d'un moment à l'autre.
Les flûtes chargées de vivres sont destinées au ravitaillement de Tamiral
Villeneuve et doivent vous suivre ; tenez des escadres légères à la voile, pour
empêcher un ennemi inférieur de vous observer.
Tout se prépare à Boulogne, et nous sommes à la veille des plus grands
événements.
Je suis tout à vous.
Decrks.
A M. /'am/ra/ Villeneuve (1).
Paris, l*' thermidor an xiii (20 juillet 1902).
Monsieur T Amiral,
Je vous préviens que la division aux ordres du capitaine Allemand a appa-
reillé de nie d'Aix le 28 messidor (17 juillet), ce que J'apprends à l'instant.
Cet événement annule toutes les dispositions, relatives à cette division, qui
se trouvent contenues dans les dernières expéditions de l'Empereur.
Il est probable que cette escadre s'est portée à quarante lieues à l'ouest du
Ferrol, où elle doit croiser du\0 thermidor au 15 (±9 juillet au 3 août), dans
Vespérance de vous rallier à votre atterrissage par les côtes d'Espagne.
Dans le cas où le capitaine Allemand ne pourrait pas se trouver sur ce point,
il a ordre de se rendre par les 46" 56' nord et 9* 30' ouest pour vous y attendre
jusqu'au 25 thermidor (13 août).
Vous devrez donc, si vous ne l'avez pas rallié à votre attennssage, lui envoyer
vos ordres sur ce second point de station, s'ils peuvent y arriver avant le
25 thermidor, ou même sur le premier point, si vous avez lieu de croire,
d'après la route que vous aurez faite, qu'il n'a pu vous rencontrer.
Je suis suis tout \ vous.
Degrés.
Il est inconcevable, étant donné Timportance de retrouver
Tescadre de Rochefort, que chacune de ces deux lettres soit
incomplète.
La première ne mentionne pas le deuxième rendez-vous
par 46^56' nord et 9° 30' ouest, c'est-à-dire à hauteur de
(1) Archives de la Marine, BBiv, 230.
666 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XU.
Rocbefort. La première et la seconde sont muettes au siget de
l'ordre donné à Allemand, après le 25 thermidor (13 août),
de se porter à Vigo.
A partir de ce moment, TEmpereur reçut des renseigne-
ments importants.
On apprit le voyage de Nelson aux Antilles, le départ de
Villeneuve pour l'Europe et sa poursuite par Fescadre
anglaise.
Lisbonne, le 13 jnilUt 1805.
Jeudi est entrée ane frégate anglaise, qui ressortit le lendemain et qui
motiva l'expédition d'un paquebot le jour suirant. Cette frégate appartient à
Tescadre de Nelson, qui arriTa à la Barbade en vingt-trois jours. Ayant
appris que Tescadre combinée tentait un débarquement à la Trinité, Nelson
s'y porta et y débarqua 2,000 hommes.
Aussitôt que Tescadre combinée sut que Nelson était arrivé, elle fit voile de
la Martinique, où elle avait été pendant vingt jours.
Nelson était à sa poursuite, mais ne l'avait pas rencontrée à l'époque où il
détacha cette frégate, qui se sépara de lui dans la latitude de 28 degrés
nord et 59 degrés de longitude, méridien de Londres. Elle portait une lettre
d'un capitaine de vaisseau pour la maison de commerce anglaise Mauri et
Brouva. Cette frégate fut expédiée pour porter des dépêches.
Pour copie conforme au balletin du 5 thermidor an xiii.
Le général Beurnonvu^le.
Outre les nouvelles précises arrivées d'Angleterre, et qui
seront visées ci-dessous, un avis du prince de la Paix devait
nettement montrer que le plan de retour en Europe était
éventé.
Lettre du prince de la Paix à Decrée (1).
21 JaiUet 180&.
Mas con todo eso no puedo occultar à Vuestra Excelencia que hasta saberlo
asi viviré con inquietud, por que, si las escuadras se han detenido tan largo
tiempo en la Martinica, es muy posible que le hayan tenido los Ingleses para
ser superiores en el mar de las Antillas. En el esta desde principio de mayo
la escuadra del gênerai Cochrane compuesta de seis navios, y parece cierto
que el 13 de junio llego al puerto de San Juan de Antigua el almirante
(1) Archives nationales^ Espagne, an xiu.
LA SORTIE d'allemand ET LB PLAN DU 26 JUILLET. 667
Nelson con los 10 o 12 naTios de su mando. Este a^viso acaba de darmelo el
embaseador de Su Majestad en la carte de Lisboa de resueltas de haber
llegado al Taiea el dia de 10 de julio la fregata nombrada. Decada précédente
de dicha isla en yentisiete dias de nayigacion.
Esa fregata dejo pliegas que se despacharon immediatamente para Ingla-
terra en el paqueto de Londres y siguiô su comision à ignorado destino
Acahan los Ingleses de levantar el bloqueo de Ferrol donde se hallaban en
faerza de M navios el dia 15, y habiendo desparecido aquella tarde, no se
han vuelto a venir mas Sabido y a en Europa el destino de la Escuadra
que saliô de Cadiz el iO de abril, ha llegado una época bastante critica para
nuestras marinas, cuvas fuerzas seran perseguidas y atacadas con empeûo
por los Ingleses en todas partes : pero esto mismo servira reaise a las ventajas
que sobre el enemigo comun conseguiran las escuadras combinadas, como
no puede dudarse.
En effet, l'amiral Calder avait disparu des abords du
Ferrol.
Ferrol, 28 messidor an xm (17 juillet 1805).
Monseigneur,
Depuis trois jours, les vigies n'ont signalé aucun bâtiment ennemi. Le 20 de
ce mois, Tamiral Calder se montra avec 12 vaisseaux. Le 24, il n'en parut
que 9. Le 25 (\}i juillet) au matin, on en aperçut iA, Le soir du même jour,
toute V escadre disparut, et nous ne voyons plus un seul bâtiment anglais.
Cette escadre aurait-elle reçu une autre destination, ou bien voudrait-elle
faciliter ie passage de celle-ci à la Corogne, pour Tattaquer au mouillage?
Nous verrons si elle reparaît et j'aurai Thonneur de rendre compte à Votre
Excellence de ses mouvements. J'ai soin d'en informer M. l'ambassadeur par
tous les courriers.
Les vaisseaux le Montanès et le Saint-Julien sont prêts; ils poiuront sortir
avec l'escadre combinée qui se trouvera forte de 14 vaisseaux. La division de
Sa Majesté Impériale et Royale est approvisionnée pour plus de cinq mois, et
les Espagnols pour quatre mois au moins; mais leurs équipages sont faibles et
mal composés. Les vaisseaux de Sa Majesté sont bien armés sous tous les
rapports.
Le vaisseau le Saint-lldefonse, de 74, sortira du bassin le 26 juillet.
Je suis avec respect, Monseigeur,
votre très humble et très obéissant serviteur.
GOURDON (1).
La situation devenait donc tout à fait mauvaise. Allemand
errait sur les mers, sans qu'on sût au juste où il était ;
Ganteaume restait bloqué à Brest ; quant à Villeneuve, la
(1) Archives de la Marine, BB", Î33.
668 TROISIÈME PAKTIE. — CHAPITRE XII.
date de son déparl de la Martinique fit suppo:ser qu aucun
ordre ne lui étaii parvenu et que. par suite, il suivrait les
ordres du 2 mars et irait croiser à Santiago pour venir ensuite
à Cadix,
L'objet de la série des ordres du 26 et du 27 juillet fut de
remédier à ce nouveau contretemps.
Au wict^amiraJ Oecrès ifi.
S2lLi-Ck>Dd, "i themJdor an xm (S6 joilkt 1805).
Moo^ieu^ le Ministre dt* la marine, y rons ^nvoi*' uit^ Uttrf pour le capitatne
Alhiitand. Vous en ferez «ieu\ copies; vous en e\pédierex une aTant six
heures, ce soir, par un offxcifT d^ marinf attaché à votrf état-major qui ira à
Vigo, accompagné d'un courrier, el aTec la plus grande diligence possible.
Jl ^st nécessaire qui! y soit avant U \o du présent moi S de thermidor
faotit j. Vous lui ferez sentir C4*tte n»M:»^silé {i).
S'il Tenait à s*ap#»rceTuir en route qu'il ne pût y arriver, il adresserait la
dép<^che par son courrier à mon commissaire ou à mon rice-commissaire à
Vitro. Sur l'adresse de cette dépêche, il y aurait : Au premier capitaine de
vaisseau de ligne ou de frégate de Sa Majesté gui se présentera devant Vigo;
et, comme le capitaine que vous exjtédierez arrivera vingt-qtiatre heures ou
trente-six heures aprèf, cette adresse ne peut être susceptible d'aucun tnronvé-
nient. L'officier de Totre état-major que vous expédierez à Vigo, y restera
jusqu'à ce que sa mission soit faite, et, s'il ne se présentait personne^ il y res-
ierait au moins jusqn au iO fructidor (28 août).
Ce soir, avant six heures, vous ferez également partir, par courrier extraor-
dinaire, l'autre copie de ma lettre au capitaine Allemand, aTec Tordre ci-joint
au capitaine qui commande le Régulus; vous y joindrez une instruction pour
lui faire connaître la route qu'il peut prendre pour trouver fescadre du capi-
taine Allemand. 11 ne faut pas cependant qu'il se détourne de plus de Tingt-
quatre heures ou trente-six heures, puisqu'il est certain de trouver à Vigo des
nouvelles du capitaine Allemand. Vous recommanderez également au capitaine
du " Régulus » de tt'icher d'arriver à Vigo avant le 15 thermidor (3 août) (3).
Quand ces deux expéditions seront faites, tous expédierez un troisième
courrier à mon commissaire Le Roy, homme sage et prudent. Vous lui direz
dans votre dépêche que je ne doute point que V amiral Villeneuve retourne à
Cadix avant la fin de ce mois; que mon intention est qu'il y trouve un mois de
vivres pour toute son escadre, et qu'il ne doit pas séjourner à Cadix plus de
cinq jours, pour continuer sa mission avec les vaisseaux espagnols qui se trou-
veront prêts.
(1) Correspondance de Napoléon, 9019.
(S) On se souvient pourtant qu'Allemand ne devant quitter le second point de rendes-
toos que le 25 thermidor (13 août), ne pouvait être le 3 août à Vigo.
(3) Ibid.
LA SORTIE d'allemand ET LE PLAN DU 26 JUILLET. 669
Vous ferez connaître également à M. Le Roy que je Tiens d'ordonner de lui
expédier des lettres de change pour 100,000 écus, afin de lever tous les
obstacles; qu'il y aura de la part des Espagnols les meilleures dispositions,
mais qu'il faut que les vivres, provenant des Espagnols ou d'ailleurs, ne
manquent pas. Il vous fera connaître, par le retour du courrier, ce que
l'arsenal pourrait procurer en vivres. Vous lui donnerez également connais-
sance de l'ordre que j'ai donné à l'escadre d'Allemand. Vous y joindrez une
lettre que M. Le Roy remettra au capitaine Allemand s'il arrive à Cadix avec
son escadre entière et sans combat. Dans le cas où il arriverait après un
combat, je me réserve de juger la manière dont il se sera comporté. Cette
lettre annoncera au capitaine Allemand que je l'ai promu au grade de contre-
amiral, et qu'il doit en arborer sur-le-cbamp le pavillon. Vous enverrez égale-
leinent à M. Le Roy la lettre ci-jointe pour V amiral Villeneuve (1). Vous ferez
connaître à cet amiral que, dans peu de jours, je lui enverrai des instructions
plus détaillées, mais que c'est pour le cas où il arriverait avant le moment où
je l'attends, et si ce cas arrivait, vous ferez connaître à M. Le Roy que je
compte sur son zèle pour que les vivres soient fournis, n'importe par qui, et
que Tamiral soit à même de continuer sa mission. Vous recommanderez à ce
commissaire de tenir le tout le plus secret possible, et de ne faire aucune
démarche qui puisse, directement ou indirectement, donner aucun soupçon
sur ce qui va arriver.
Quand vous aurez expédié ces trois courriers et que vous serez très certain
du départ de votre officier d'état-major, vous viendrez ce soir à Saint-Cloud,
et vous m^ apporterez les instructions que vous avez données au capitaine Alle-
mand; alorSy je vous remettrai mes nouveaux ordres pour V escadre de Brest et
pour celle de Villeneuve.
Napoléon.
Au capitaine Allemand (2).
Salnt-Cload, 7 thermidor an xm (26 Jaillet 1805).
Monsieur le Capitaine, commandant notre escadre de Rochefort,
Notre intention est qu'immédiatement après que vous aurez reçu cette
dépêche, soit par la voie de notre vaisseau le Régulus, soit par le capitaine de
frégate que nous expédions à Vigo, vous manœuvriez pour opérer votre jonc-
tion avec Vamiral Villeneuve, cependant, après que le 15 thermidor (3 août)
se sera passé sans que vous ayez des nouvelles de l'amiral Villeneuve.
Si l'amiral Villeneuve n'a pas paru au 15 tliermidor (S août) sur le Ferrol,
il n'y apoint de doute qu'il n'ait été croiser vingt jours à Santiago ; de là, il
doit se rendre à Cadix.
Si vous pensiez pouvoir le rencontrer encore au cap Vert, vous vous y diri-
geriez ; mais le plus sûr sera de vous porter à Cadix et de l'attendre dans cette
(1) A Cadix» par conséquent.
(2) Correspondance de Napoléon, 9020.
670 TROlSIÂME PARTIE. — CHAPITRE XII.
rade. Vous éviierei le cap Saint-Vincent où V ennemi tient une croisière. Vous
attaquerex la côte de TAfrique et tous arrii^erex par là deyant Cadix.
ArriTé à Cadix, votre premier soin sera de rallier sous votre commandement
les Taisseaux espagnols qui s'y trouvent, d'expédier un courrier à l'amiral
espagnol qui est à Cartbagène, pour qu'il se rende à Cadix, et de favoriser
votre jonction avec l'escadre qu'il commande, qui doit se rendre à Cadix.
Si vous trouvez devant Cadix À vaisseaux ennemis ou moins, vous les atta-
querez. Si l'escadre ennemie est de 5 vaisseaux, tous supérieurs à l'échantillon
de 64 canons, notre intention est que vous entriez sans combat. Si vous êtes
contraint de prendre chasse, vous naviguerei pour vous rencontrer avec
l'amiral Villeneuve, dont vous pourrez supposer la navigation.
Et, comme après son entrée à CadiXy cet amiral doit se rendre au Ferrol, Cfi
cas qu*il vous fût impossible de revenir dans cette rade, où Vamiral Villeneuve
ne doit rester que cinq jours, vous reprendrez votre station, derrière le Ferrol
portée dans vos premières instructions. Et, si vous passiez un temps considérable
dans cette station sans entendre parler de Tamiral Villeneuve, vous enverriez
prendre des renseignements à Vigo où il y aura des ordres ; et, dans le cas où il
n'y eti rien, vous auriez manœuvre indépendante pour manger vos vivres à
la mer, faire à l'ennemi tout le mal possible et retourner dans un port de
France.
Nous comptons sur votre prudence, sur votre expérience de la mer et sur
votre attachement à notre personne pour vous diriger de la manière la plus
convenable dans une mission de cette importance.
Napoléon.
Au capitaine Lhermitte (1).
Saint-Gload, 7 thormidor an xiii (26 jaillet 1805).
Monsieur le Capitaine, commandant notre vaisseau le Régulus,
Notre intention est que vous partiez de noire rade de Lorient, que vous
fassiez la navigation que notre Ministre de la marine vous tracera dans les
instructions qu'il vous donnera, pour arriver à vous joindre au capitaine
Allemand, parti de Rochefort avec une de nos escadres, forte de 5 vais-
seaux de ligne et de 3 frégates. Vous aurez soin de vous tenir loin de la
croisière ennemie du Ferrol.
Si vous ne rencontrez pas l'escadre du capitiiine Allemand par là simple
direction de votre route, vous aborderez à Vigo, où nécessairement vous cmrei
des nouvelles de lui, ayant des ordres d'y envoyer un bâtiment après le
15 thermidor (3 août), et vous rallierez l'escadre qu'il commande. Dans
aucun cas, ne restez pas plus de trois à cinq jours à Vigo.
Si vous rencontrez l'escadre du capitaine Allemand, vous en ferez partie et
vous suivrez ses mouvements. Vous remettrez au capitaine Allemand le
paquet ci-joint.
(1) Correspondance de Napoléon^ 9011.
LA SORTIE d'allemand ET LE PLAN DU Î6 JUILLET. 671
Si r on n'a\ait à Yigo aucune connaissance de Fescadre du capitaine Alle-
mand, au 18 thermidor (6 août), vous tous dirigeriez sur Santiago pour
faire votre jonction avec Famiral Villeneuve, et vous vous rangeriez sous ses
ordres.
Si, arrivé à Santiago, vous trouviez que Tamiral Villeneuve en fût déjà parti,
vous reviendriez à Cadix, où vous le trouverez infailliblement.
Si vous ne pensez pas pouvoir arriver à Cadix, huit jours au plus tard après
lui, vous avez manœuvre indépendante, et vous vous porterez où vous jugerez
pouvoir faire le plus de mal à Tennemi.
Si, au contraire, vous appreniez à Vigo ou avant, que Tamiral Villeneuve
se fût laissé voir devant le Ferrol, vous n'iriez pas à Santiago, et vous manœu-
vreriez pour rallier ledit amiral.
Si, au 15 thermidor, on n'a pas eu connaissance' de Tamiral Villeneuve au
Ferrol, il n*j a aucun doute qu'il aura été à Santiago, où nous supposons qu'il
ne devra plus être au iO fructidor; et si, au 10 fructidor, on n'avait pas de
nouvelles à Santiago, c'est que quelque dérangement aurait eu lieu dans ses ins-
tructions ; alors, également, vous êtes maître de votre navigation, nous nous
en rapportant à votre zèle et à votre expérience de la mer, pour faire le plus
de mal possible à nos ennemis.
Napoléon.
Au vice^amiral Villeneuve (i),
Saint-Oloud, 7 thermidor an xni (26 jalllet 1805). (2)
Monsieur l'Amiral,
tPai appris votre arrivée à la Martinique, et les nouvelles qui ine sont par-
venues d'Angleterre m'ont appris que vous étiez parti le 16 prairial (5 juin).
D'après tout ce que f ai pu comprendre, le contre-amiral Magon, que j'avais
expédié avec deux vaisseaux de ligne pour vous renforcer, et avec de nou-
velles instructions, sera arrivé à la Martinique après votre départ.
Cela étant, vous vous serez rendu à Santiago et, après y avoir croisé pendant
vingt jours, vous vous serez porté sur Cadix.
Mon intention est que vous ralliiez à Cadix les vaisseaux espagnols qui s'y
trouvent, que vous débarquiez vos malades et que, sans séjourner à Cadix
plus de quatre jours au plus, vous remettiez à la voile, vous vous reportiez sur
le Ferrol, vous vous joigniez aux 15 vaisseaux combinés qui sont dans cette
rade et que, avec toutes ces forces réunies, vous vous portiez devant Brest et
de là devant Boulogne, où, si vous me rendez maître pendant le seul espace
de trois jours du Pas-de-Calais, et avec l'aide de Dieu, je mettrai un terme
aux destins et à l'existence de l'Angleterre.
Si vous ne U*ouvez pas à Cadix le capitaine Allemand, parti de Rochefort
avec 5 vaisseaux de ligne, dont i à trois ponts, et 3 frégates, il est possible
(1) Correspondance de Napoléon, 90! 2.
(2) Expédié à Cadix f sons le coavert de M. Lo Roy. Voir ci- dessus.
672 TROlSIÈBiE PARTIE. — CHAPITRE XII.
que vous le rencontriez sur la route de Cadit au Fcrrol, lui ayant donné
Tordre d'aller à Cadi\, en attaquant la côte d'Afrique.
Dansée cas, vous trouverez au Ferrol des instructions qui vous feront con-
naître la station de l'escadre aux ordres du capitaine Allemand, devant le
Ferrol, et vous la rallierez s'il vous est possible.
Les 15 vaisseaux qui sont au Ferrol sont approvisionnés pour six mois; ils
pourront donc facilement vous donner des vivres. L'escadre de Brest est éga-
lement approvisionnée pour six mois ; il y a, indépendamment, des vivres
pour votre escadre pendant deux mois, chargés sur des flûtes, et il y en a à
Cherbourg et à Boulogne. M. Le Roy, mon commissaire des relations com-
merciales à Cadix, et l'amiral espagnol, vous fourniront à Cadix tous les vivres
possibles.
Je compte sur votre zèle pour mon senice, sur votre amour pour la patrie
et sur votre haine pour cette puissance, qui nous opprime depuis quarante
générations, et qu'un peu d'audace et de persé\érance de votre part vont faire
rentrer pour jamais au rang des petites puissances.
150,000 hommes, un équipage complet, sont embarqués à Boulogne, Étaples,
Wimereux et Ambleteuse, sur 2,000 bfttiments de la flottille qui, en dépit des
croisières anglaises, ne forment qu'une seule ligne d'embossage dans toutes
les rades, depuis Étaples jusqu'au cap Gris-Nez. Votre seul passage nous rend,
sans chances, maîtres de l'Angleterre.
Napoléon.
Ainsi qu'on le voit, Tenvoi d'un officier à Vigo et celle du
Régulus au même point sont fixés à une date antérieure de
10 jours à celle où la division de Roche fort peut faire son
apparition dans ces parages (1).
Peut-on admettre que, dans des pièces aussi nombreuses,
la mention 15 thermidor (3 août), au lieu de 25 thermidor
(13 août), soit le résultat d'une simple erreur de copie? Ce
qui pourrait le faire croire c'est qu'il n'est plus fait mention
du rendez-vous indiqué pour l'époque du 3 au 13 août où
seulement on a quelque chance de trouver Allemand avant
cette dernière date. Il semble donc qu'il y ait eu une certaine
confusion entre les ordres de l'Empereur, datés du 9 juin ;
ceux du Ministre, en date du 19 juin et du 22 juin; et enfin
les instructions non datées qui ont été signalées ci-dessus.
Entre toutes ces pièces discordantes, mal renseigné peut-
être par Decrès, dont le trouble s'est manifesté par le
manque d'accord entre sa lettre du 19 juillet à Ganteaume et
du 20 à Villeneuve, Napoléon finit par prendre des mesures
(1) Voir ci-dessus.
LA SORTIE d'allemand ET LE PLAN DU 26 JUILLET. 673
qui ne répondent plus du tout à ce qui avait été prescrit à
Allemand et à ce que ce marin devait exécuter (1).
Le lendemain, l'annonce de la disparition de Calder, devant
le Ferrol, amène une autre supposition également contraire
à ce qui se passait, et des ordres qui ne concordent pas avec
les prescriptions en cours d'exécution.
Au vice^amiral Decrès (2).
SaintCload, 8 theimidor an xiii (27 juillet 1805).
Monsieur,
L'csondre anglaise devant Rochefort a disparu le 23 messidor (i3 juillet).
Ce n'est que le 20 (9 juillet) que le brick le Curieux est arrivé en Angleterre.
L'Amirauté n'a pu se décider dans les \ingt-quatre heures sur les mouvements
de ses escadres ; dans ce cas, il n'est pas probable que Tordre h l'escadre
devant Rocbefort soit arrivé en trois jours. Je mets donc en fait que cette
escadre a levé sa croisière par des ordres antérieurs à l'arrivée du Curieux à
Londres, Le 26 messidor (45 juillet), cette escadre a fait sa jonction avec
celle du Ferrol, et dans la journée du 26 et au plus tard le 27 (16 juillet), ces
ii vaisseaux sont partis par des ordres donnés antérieurement à V arrivée du
Curieux. Quelles nouvelles avaient les Anglais avant l'arrivée de ce brick? Que
les Français étaient à la Martinique; que Nelson n'y avait que 9 vaisseaux.
Qu'ont-ils dû faire ? Je ne serais pas étonné qu'ils y eussent envoyé une autre
escadre pour fortifier celle de V amiral Nelson et avoir une supériorité propre
non seulement à garantir toutes leurs possessions d'Amérique, mais encore à
(1) Cette question de date prendra une importance capiule, car le plus grand reproche
qui sera fiait de Villeneuve sera de ne pas avoir rallié Allemand le i3 août à Vigo.
Ce désordre se manifeste clairement aussi, par la lettre suivante dont la date, posté-
rieure de deux jours au 26 juillet, étonne.
Au vice-amiral Decrès.
Saint-Clond, 9 thermidor an xiii (t8 juillet 1805).
Je vous renvoie les instructions du capitaine Allemand. Je n'y vois pas celle que
j'ai signée et où j'avais laissé plusieurs mots en blanc, que vous dévies remplir; comme
par exemple, le point de rendez- vous au 25 thermidor ; je vous avais indiqué celui de
Santander, de Vigo ou du Passage; il m'est nécessaire de savoir celui que vous
avez désigné. L'apostille de votre lettre, où vous annoncez un plan de Vigo et du Ferrol,
me ferait croire que c'est le port de Vigo que vous avez désigné.
La nouvelle donnée par le capitaine espagnol que notre escadre était à Porto-Rico le
16 mai, n'a pas le sens commun ; puisque l'escadre n'est partie de la Martinique que le
5 juin.
NàPOLBON.
Correspondance de Napoléon, 9957.
(t) Correspondance de Napoléon, 9026.
IV. 43
674 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XII.
détrmrt noirr étendra, et qur et **jirnt irs ÏA fiut^nai du Ferrol quih aient
fait partir pour rAmérique,
Ils ont erninené aver eui ltri« is, frégates, ronelte«, soit pour se tenir en
garde, soit pour chercher fann/'e rorahinée.
Si Cfld était ^ la premier f ekos^ à faire ^rait qur C amiral Gourdun m prévint
le capitaine AlUinand pour qu^ (rlni-ci entnjt au Ferrfd. Je dt^ire donc que,
dans la journée, tous e\p«'diifz un courrier au contiv--amiraJ Gourdon, pour
lui dire qu^ la di</ffiritton de la crot*tèrr en ne mie du Ferrul^ si elle dure
encore, doit If mettre à même de faire $a jonction avec le capitaine Allemand et
que^ joint à lui, tl doit se diriger^ s'il n'a pns eu connaissance au 20 thermidor
de Pamiral Villeneuve^ sur Caduc y «|u'il doit préTenir le capiUiine de frégate
qui Ta à Viero pour que le Réqulus s't joijme également ; qu'avec ces forces
réunies, il doit se joindre aux \ai>seau\ espagnols qui sont à Cadix et faire
venir l'escadre de Carthagène, et attendre là Tamiral VilleneuTe. Lorsque
ramiral Gourdon partira du Ferrol, il y aura plus de dix-huit jours que
Tescadre ennemie aura disparu ; si elle axait paru défaut Cadix, il le saurait
alors.
Napoleo5.
ku contre-amiral Gourdon (i).
Saint-Clood, 8 thennidor an xni (27 juillei 1805).
Monsieur le Contre- A mirai, commandant notre escadre du Ferrol,
La nouvelle que vous venez de me donner, par votre lettre datée du
29 messidor, que depuis trois jours les ii vaisseaux anglais en croisière
devant le Ferrol ont disparu sans laisser aucune frégate ni escadre légère,
rapprochée d'autres combinaisons, nous porte à penser que cette escadre pour-
rait s'être rendue en Amérique, h la poursuite de la nôtre.
Vous connaissez déjà, par vos instructions, la situation où doit se trouTer
le capitaine Allemand, commandant notre escadre de Rochefort, et qui, le
27 messidor (16 juillet) a mis à la voile. Peut-^tro lui-même aura-t-il eu vent
de la disparition de la croisière ennemie devant votre port et, selon ses
instructions, il vous aura joint /wur se ranger sous votre pavillon. Toutefois,
si cette jonction n'était pas encore opt'rée, vous enverrez des bâtiments à sa
recherche et vous opérerez votre jonction ; et si^ le 20 thermidor (8 août) vous
n'avez eu aucune nouvelle de Vamiral Villeneuve et que vous ne soye% pas
bloqué par une force supérieure^ vous devrez penser que Vamiral Villeneuve ne
reviendra plus sur le Ferrol mais reviendra sur Cadix, et dés ce moment vous
vous dirigerez en toute hâte sur Cadix, Vous attaquerez toute escadre qui serait
inférieure à vous, en calculant deux vaisseaux espagnols pour un.
Arrivé à Cadix, vous auret soin di' envoyer un courrier par terre à Cartha-
gène, pour que l'escadre espagnole vienne sur-le-champ vous joindre et, dans
(1) Correspondance de Napoléon, 902'
LA SORTIE d'allemand ET LE PLAN DU 26 JUILLET. 67K
celle situalion, vous allendres V arrivée de l'amiral Villeneuve, qui ne devra
rester que peu de jours à Cadix, et reprendre sur-le-champ la mer avec toutes
nos esc^idres combinées.
Voui écrirez au capitaine de frégate que notre Ministre de la marine a
entoyé h Vigo, pour lui faire connaître qu'il ail adonner une nouvelle direction
au HéguluSf en le dirigeanl sur le Ferrai »M1 est encore temps, pour §e réunir
k TOUS, ou en lui donnant Tordre d'aller k Cadix, en lui prescrivant d-attaquer
la côte d'Afrique et d'éviter le cap Saint-Vincent.
Dans ces opérations combinées, nous ne foulons rien vous taire, comptant
entièrement sur votre discrétion et votre attachement à notre personne.
L'amiral Villeneuve avait ordre, dans ses inslri^clions primitives, de se rendre
à Santiago, d'y croiser pendant vingt jours et, après cela, d'arriver à Cddix»
Nous sommes donc fondé à penser, par les nouvelles que nous avons reçues
d'Angleterre, qu'il est parti de la Martinique le 16 prairial {4 juin) (i), ce qui
ferait deux mois au 15 thermidor (3 août). Nous sommes également fondé à
penser que le contre-amiral MagOn, que nous avions expédié, avec deux de nos
vaisseaux de Rochefort, qui en est parti le 11 floréal f1«' mai), et qui portait
Vordre à l'amiral Villeneuve de venir droit sur le Ferrol pour faire sa jonction
avec vous, ne sera arrivé qu'après son départ et que Vamiral Villeneuve aura
suivi sa destination (2).
Nous nous en rapportons du reste à votre expérience de la mer, aux com-
binaisons que vous pourrez faire, après la connaissance que nous venons de
vous donner de l'état des choses, et à votre attachement pour notre
personne.
Notre principal but est que vous parveniez à joindre F escadre de Rochefort à
votre escadre et à vous réunir, avec cette escadra, à l'escadre espagnole qui est
au Ferrol, sous le pavillon de l'amiral Villeneuve, qui vous donnera des ordres
pour vos opérations ultérieures.
Napoléon.
En partant du Ferrol, ne voulant pas négliger môme les suppositions les
moins probables, vous laisserez, à notre commissaire des relations extérieures,
un paquet pour l'amiral Villeneuve, en cas qu'après le 20 thermidor il arrivât
encore sur le Ferrol. Dans cotte lettre, vous lui laisserez la copie de ces
instructions avec cette apostille par laquelle nous lui ordonnons, dans ce cas
improbable, de se rendre a Cadix pour se joindre à vous et, une fois votre
jonction opérée, suivre les instructions dont vous avez été antérieurement
porteur pour lui, et dont le but n'a pas changé. Il trouvera d'ailleurs, chez le
commissaire des relations extérieures Le Roy, tous les développements dont
il pourrait avoir besoin mais qui, cependant, ne lui disent rien de nouveau,
notre but étant constamment le même que celui qui est porté dans les paquets
que vous avez pour lui.
(1) Exact.
(2) On a vu que Magon ne portait cet ordre que comme exécutoire 35 jours après son
arrivée aux Antilles, prévue pour les premiers jours de juin. Villeneuve ne devait partir que
vers le* 19 juillet. Voir ci-dessus.
676 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XII.
Chose singulière, l'essentiel étant pour Gourdon de joindre
Allemand, le premier ne sait pas par cet ordre que Tescadre
de Rochefort doit venir à Vigo après le 13 août, et il apprend
qu'elle a des instructions pour venir au Ferrol, alors que
Tordre du 9 juin dit seulement que si Allemand est sûr que le
Ferrol n'est pas bloqué et que Villeneuve ny soit pas arrivé, il
PEUT entrer à la Corogne. Quant au rendez-vous, à hauteur de
Rochefort, il n'en est pas fait mention.
Conformément aux ordres de TEmpereur, le lieutenant de
vaisseau Gauthier, aide de camp du Ministre de la marine,
partit de Paris le 27 juillet au matin. Il arriva « à Vigo » le
5 août, à 3 heures du matin, après 10 jours de marche.
« Allemand n'avait paru ni ici, ni à Cadix, ni au Ferrol (1). »
Le Régulus ne put quitter Lorient.
Quand à Tagent Le Roy, à Cadix, il reçut les ordres du 26,
destinés à Villeneuve, et, sous plis fermé, ceux du même jour
pour Allemand, avec sa nomination conditionnelle au grade
de contre-amiral.
Rien de tout cela ne devait être mis en usage.
(l) Lettre au Ministre BB'\ 233.
CHAPITRE XIII
LE KETOUR EN EUROPE — VILLENEUVE ET NELSON
La situation de Villeneuve au 4 juin était la suivante :
Les instructions du 2 mars, qu'il avait emportées de Toulon,
lui prescrivaient en substance :
D'attendre 40 jours à la Martinique l'arrivée de Ganteaume ;
Après ce délai, de débarquer aux Iles du Vent et à Saint-
Domingue les troupes de Lauriston ;
D'aller à Santiago, aux Canaries, croiser 20 jours pour
attendre Ganteaume ;
Enfin, d'entrer à Cadix.
Les ordres qu'apportait Magon, contenus dans la lettre de
l'Empereur du 13 avril à Lauriston, celle du 14 à Villeneuve,
celle de Decrès en date du 17, consistent à attendre 35 jours
après l'arrivée de Magon, puis à gagner le Ferrol. Entre
temps, il faut « assurer la possession de nos îles de la Marti-
nique, de la Guadeloupe, de Sainte-Lucie et de la Domi-
nique », dont les deux dernières sont aux mains des Anglais,
et y « joindre d'autres possessions ».
La Didorij arrivée quatre jours avant les vaisseaux de
Magon, apporte, outre la copie des ordres précédents, ceux
rédigés par Decrès le 29 avril, l'avis que « Sa Majesté regarde
« comme très possible d'expulser les Anglais de toutes leurâ
« colonies des Iles du Vent que l'Empereur compte aussi
« la Trinité au nombre des conquêtes importantes qu'on peut
« espérer », mais aussi que « toutes ces entreprises doivent
« être subordonnées au grand objet de l'opération essentielle
« qui doit couronner les armes de Sa Majesté ». La lettre du
678 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIH.
1**" mai confirme une fois de plus l'injonction, en tout état de
cause, de se diriger sur le FerroL
Le 5 juin, à cinq heures du matin, après avoir embarqué
796 hommes fournis par le capitaine général de la marti-
nique, Tescadre partit pour la Guadeloupe, où la précédait
Lauriston :
Le Capitaine général de la Martinique et dépendances à Son Excellence
Monseigneur le Ministre de la marine et des colonies (i).
Fori-de* France, le 19 messidor an xni (8 juillet 1805).
Monseigneur,
J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Excellence de Varrivéede la frégate
la « Didon », qui mouilla ici Ke 10 prairial (30 mai), et dont les dépêches
décidèrent sans doute l'amiral Vjlleneuye et le général Lauriston à me
demander 796 hommes de ma garnison pour commencer leurs opérations
contre les colonies anglaises.
Le contre-amiral Màgbn ayant rallié le pavillon de l'amiral aTec ÏAlgésiras
qu'il monte et le vaisseau VAchille, Tarmée combinée mit à la Toile le
16 (5 juin), à 4 heures du matin, portant environ 8,000 hommes de débar*^
quement ; elle fit route pour la Guadeloupe, où elle devait encore prendre
80O hommes et des munitions.
Le 16 (5jwm), à 5 heures du matin, dit de son côté Reille, V armée a
mis sous voile. Cette attaque du Diamant, différée d'un jour à l'autre, a retardé
le départ de l'armée de cinq jours.
Le 17 (6 juin), passé sous le vent de la Dominique; reconnu dî^ns la Grande-
Anse une frégate, une corvette et une vingtaine do bâtiments de commerce
qui s'y étaient réfugiés sous la protection du Morne à Cahrit. Cette position,
formée par deux mamelons couronnés chacun par un ouvrage et séparée de
rtle par un marais, parait assez forte et est le réduit de sa défense. Arrivés à
3 heures après-midi devant la Basse-Terre de la Guadeloupe, pris à bord de
différents vaisseaux 700 hommes des troupes de cette île et des pilotes, l'armée
rejointe par deux de nos frégates qui, la veille, ont pris un corsaire anglais de
2Ç canons, 120 hommes d'équipage. A 9 heures du soir, l'armée a fait servîi*
et fait route au Nord.
L'arrêt à la Guadeloupe n'avait servi qu'à affaiblir de
700 hommes la défense de cette colonie.
Ayant à ce moment le projet d'attaquer la Barbade, Ville-
neuve ne croyait pas avoir assez de soldats :
(1) Archives de la Marine, BB»v. Î33.
LE RETOUR EN EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 679
Le 16 prairial (i), rarmée, accrue de deux iraisseaux entrés la Teille au
Fort-de-France, mit à la Toile a^ec le projet . d'attaquer la Barbade. Cette
expédition exigeait un corps de troupes considérable, et Ton yoit par la
correspondance, qu*en outre de celles embarquées et de 796 hommes de la
garnison de la Martinique, le général Lauriston précéda Farmée à la Gua-
deloupe pour y prendre 600 hommes de la garnison de cette dernière
colonie.
Le total des troupes embarquées est ainsi do 8,600 hommes.
Quelles que fussent, dès ce moment, les intentions de Ville-
neuve, après avoir négligé d'attaquer la Dominique, il allait
aussi épargner Antigoa, pourtant sur son chemin :
Le 18 (7 juin) (2), continué la route au Nord, passé la nuit sous le Tent
d' Antigoa, qui a tiré toute la nuit des coups de canon d'alarme.
Le lendemain on fit une capture importante :
Le 19 (8 juin) (H) au matin, Tescadre légère a donné chasse à un petit bâti-
ment de guerre et Ta amené le soir. Le môme jour, à 10 heures du matin, étant
sous le Tent de la Barbade, les Tigies ont signalé un conToi de quinze voiles;
l'armée a couru dessus et, après cinq heures de chasse, quatone de ces bâti-
ments ont été amarinés. Ce convoi, chargé de denrées coloniales, était parti
la Teille au soir d' Antigoa. Passé la nuit en panne pour rallier tous les
bâtiments.
C'est à ce succès insignifiant que devait se borner Ville-
neuve ; les nouvelles qui lui parvinrent à ce moment allaient
lui faire abandonner tout projet d'attaque contre les colonies
anglaises et prendre une décision qui eut sur les opérations
ultérieures une grave influence.
A bord da vaisseaa de S. M. L le Bucentaure, en mer, le tt prairial
anxui (11 juin 1805) (4).
Monseigneur,
Les vaisseaux VAlgésiras et V Achille^ sous le commandement du général
Magon, ont rallié mon pavillon dans la baie du Fort-de-France, le 45 de ce
mois (4 juin). Toute Vescadre était en appareillage, ayant les troupes et les
munitions à bord, avec Vintention d'aller faire une attaque sur Vile de la
(1) Rapport d'ensemble de Decrès, 22 Juillet.
(2) Journal de Reille.
(3) Journal de Reille.
(4) Archives de la Marine, BB", 230-224.
680 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XUI.
Barbade, et le 16 (5 jain) j'ai mis sous voile, me dirigeant sur la Basse-Terre,
tle de la Guadeloape, le frénéral Lauriston ayant désiré prendre 600 hommes
de troupes sur les garnisons de cette colonie. Le 17 (6 juin) au soir, j*ai paru
deTant la Basse-Terre (Guadeloupe), et le général Lauriston, qui m'avait pré-
cédé afec deux frégates, a fait embarquer ces troupes sur les vaisseaux de
Tescadre.
La même nuit, nous avons fait route pour débarquer entre Antigoa et Mont-
Serrât. Le 49, à iO heures du matin, après avoir doublé Antigoa, nous avons
eu connaissance, dans le nord-nord-ouest, d*un convoi de quatorze voiles,
sous Tescorte d'une seule goélette. J'ai ordonné une chasse générale et, à
Tenbrée de la nuit, tout le convoi était pris, à l'exception du bâtiment
d*escorte; ces bâtiments, sortis d'Antigoa, tous destinés pour l'Europe, sont
chargés de denrées coloniales.
Nous avons appris par les prisonniers f arrivée à la Barbade de V escadre
anglaise de la Méditerranée, forte de douze à quatorze vaisseaux et de plusieurs
frégates; cette force, réunie à celle de Vamiral CochranCy dispersée dans ces
mers, suffisait pour balancer nos forces combinées, si même elle ne nous était
peu supérieure, attendu la force des vaisseaux, dont plusieurs sont à trois ponts.
Dans cet état de choses, non seulement V attaque de la Barbabe, mais tnéme toute
autre entreprise sur les possessions ennemies devenait impossible; il ne nous
restait plus qu'à retourner à la Martinique attendre, dans tme inaction pénible
et destructive de la santé des équipages, V époque fixée pour effectuer un retour en
Europe, Mais les vents étaient au sud-est, la chasse du convoi nous avait
écartés beaucoup sous le vent, il nous fallait dix jours pour regagner la Mar-
tinique et probablement courir les chances d'un combat, après lequel nous
n'eussions trouvé aucun moyen de nous réparer; et dans la supposition même
d'une victoire, Vescadre, dans V impossibilité d'effectuer son retour en Europe,
serait restée à charge à nos colonies qui n'auraient pu subvenir à sa subsistance
et à son entretien. Bans cette perplexité, je voulus en conférer avec Garnirai
Gravina, Je le trouvai abonder dans le sens de la nécessité deffectuer immé-
diatement notre retour sur le Ferrol, y faire notre jonction et donner suite au
but principal de notre destination. H ne put même être détourné par la possi-
bilité qui pouvait exister encore de l'arrivée de l'amiral Ganteaume, dont le
départ ne devait être arrêté (1) que le 10 de mai. Bans cette hypothèse, même
quelque peu probable qu elle fàt, notre opération était encore bonne en ce que
nous avions dès lors la certitude de ne rencontrer aucune force devant Brest, et
la suite de notre mission en devenait plus facile. Le général Gravina était
particulièrement excité par la considération de l'état de ses équipages qui,
déjà extrêmement faibles, étaient journellement diminués dans les colonies
par la maladie et par la désertion. Je me suis déterminé donc^ pour le plus
grand intérêt de VÉtat, à faire route pour l'Europe, J'ai chargé la frégate
la (2) du soin d'escorter les prises au premier port de nos colonies où
elle pourrait arriver.
Le 21, j'ai fait embarquer les troupes appartenant aux colonies sur les
(1) Mot douteux dans le texte.
{t) En blanc dans le texte.
LE RETOUR EN EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 681
frégates VHortense, VHermioney la Didon et la Thémit, avec ordre aux com-
mandants de venir me rallier aux Açores, à vue de .... (1), après avoir débarqut^
ces troupes à la Guadeloupe, comme le port le plus à portée, et les vents conti-
nuant dans la partie du sud-est, j'ai fait route au nord-nord-est.
Je prie Votre Excellence d'agréer Thommage de mon respect.
ViLLENErVE.
Ainsi donc, contrairement à ses instructions, Villeneuve
se décidait à repartir pour l'Europe sans attendre Gan-
teaume.
Journal de Reille.
Le 20 (9 juin), Tarmée étant ralliée a continué sa route. Les bâtiments
pris ont été expédiés pour la Guadeloupe sous l'escorte de la frégate la Sirène.
Le 21 (10 juin), au matin, l'armée a mis en panne, les 1300 hommes de
troupes, pris à la Guadeloupe et à la Martinique, ont été mis sur les frégates
VHortense, Yffermione, la Thémis et la Didon^ et ces frégates sont parties pour
aller les déposer à la Guadeloupe et venir ensuite joindre l'armée. A six heures
du soir, tous les vaisseaux ont fait servir faisant route au nord-nord-est. Les
troupes renvoyées à la Guadeloupe ainsi que les pilotes avaient été pris pour
une expédition sur les Antilles, ce projet a été bien vite abandonné pour faire
route pour TEurope.
n parait que Ton a quelques avis que Nelson peut être arrivé dans les
Antilles avec 10 à 12 vaisseaux, et que l'intention de l'amiral n'est pas d'avoir
un combat ; nous verrons par la suite quel sera le résultat de cette détermina-
tion prudente. Nous avons été maîtres de la mer pendant trois semaines, ayant
7,000 à 8,000 hommes de troupes de débarquement, et nous n'avons pu
attaquer qu'une seule île.
Il est intéressant de voir comment Decrès crut pouvoir
justifier Villeneuve de cette violation formelle de ses instruc-
tions.
Le vice-aminil Villeneuve apprit par les prisonniers que l'amiral Nelson
venait d'arriver à la Barbade avec 12 à 14 vaisseaux ; et cet événement le con-
duisit à calculer que l'escadre de Nelson réunie à celle de Gochrane suffirait
pour balancer les forces combinées^ qu'ainsi il devenait impossible de tenter
l'attaque de la Barbade ou de toute autre colonie anglaise ; qu'il ne lui restait
d'autre parti que de retourner \ la Martinique, ce qui entraînait des lenteurs
et de graves inconvénients, ou d'effectuer immédiatement son retour en
Europe.
Dans cet état de choses, l'amiral Villeneuve, après en avoir conféré avec
(1) En blanc dans le texte
68î TROISIÈBIE PARTIE. — CHAPITRE XHI.
i'nmiral GraTÎna qui partagea son opinion, bim persuadé comme Inique Camiral
Ganteaume ne pourrait quitter Brest ou que, s*tl en était parti, il ne te trouverait
plus de croisière anglaise sur ce port; sachant enfin que la maladie et la déser-
tion faisait des prog^rès parmi lea équipages espagnols, se dérida à partir immé-
diatement pour le Ferrol ; toutes ces considérations paraissent suffisantes pour
légitimer le parti que le vice-amiral Villeneuve crut devoir prendre de concert
avec Tamiral Gravina ; et, en effet, quand bien même les forces anglaises
eussent été inférieures à l'armée combinée, le résultat d'une action aurait été
de paralyser une grande partie de nos vaisseaux dans les Antilles.
Mais il fallait encore opérer le retour, à la Guadeloupe et à la Martinique, des
soldats provenant des garnisons de ces colonies, et le vice-amiral Villeneuve
pourrait être blâmé d'avoir gardé des hommes si précieux en les faisant
embarquer sur des frégates.
Mais les motifs qui le décidèrent à faire son retour en France ne lui permet-
taient guère de prendre une autre mesure ; on voit d'ailleurs qu'il avait l'in-
tention de choisir ses meilleures frégates, de les expédier sur la Guadeloupe
dont l'abri est facile ; et enfin le succès a justifié complètement sa détermina-
tion puisque ces troupes sont heureusement parvenues à leur destination.
EflFectivement, il était urgent de rendre à la défense des
deux colonies de la Martinique et de la Guadeloupe, les
quelque 1500 hommes qui leur avaient été si malencontreu-
sement enlevés. Les frégates chargées de cette mission y
réussirent, mais il n'en fut pas de même de la Sirène qui ne
put mettre ses prises en lieu sûr.
Ce fut le 1®' juillet seulement que Villeneuve reçut cette
nouvelle. Depuis 20 jours déjà il avait fait route au nord,
puis à Test et se trouvait tout près des Ac^ores.
Journal de Reille.
Les 22, 23, 24, 25, 26 (11, 12, 13, 14, iô), continué la route du nord, ren-
contré quelques bâtiments neutres, rien d'ailleurs d'intéressant. Les frégates
marchent au milieu de l'armée, au lieu de marcher \ deux lieues sur les flancs
pour l'éclairer, défaut général dans notre marche depuis le départ.
Les 27, 28, 29, 30, 1", 2, 3 et 4 messidor (16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et 23),
le cap au nord, mais fait très peu de chenvn à cause des calmes.
Le 5 messidor (24 juin), les vents ayant passé dans la partie de l'ouest, fait
route à l'est.
Les 6, 7, 8, 9, 10, Il et 12 (25, 26, 27, 28, 29, 30 juin, 1" juillet), conti^
nué notre route à rE.-1/4-N.-E., vent grand frais, faisant environ 60 lieues
par jour ; ce même jour, 12, chassé des bâtiments que nous avons bientôt
(1) Archives de la Marine, BB'v, 230.
LE RETOUB EN EUROPE, — VILLENEUVE ET NELSON.
«83
reconnus être les i frigatt» qui noua an ient quitta le tl, et la frégate \aSirtne
qui était restée aiee le coDfoi. D'après leur rapport, elles ont déposé leun
troupe* i la Pointe-ft-PItre (Guadeloupe), le fS prairial, et le IcDdemain en
•ont reparties ; elles ont rencontré, it 6i) ou 80 lieuei ou nord de In Barbade, le
eonioi qui, h cause de la mauTnite qualité de pluiieuri des bAtîments, n'aiait
pu s'élever assez au vent pour doubler les Iles et aller k la Guadeloupe. Elles
ont essajé de le conduire k Porto-ltico - mais le vent ne les ayant pas seni, le
commandsnt s'est décidé k le brdier et ^ emmener avec lui la Sirène, frégate
d'sMorte. Ce qui justifie ce pnrti, c'est qu'on a aperçu deux frégates anglaises
qui l'auraient infailliblement repris sur la ndtre.
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ITINftB'LIRE DO RETOUR DE VTLI.BNEUVR.
(D'après 1b iable d« locb do Taisiean l'Atla»)
Les prises faites avaient donc été brûlées.
Le IS niRi»dor an xiri (■•'jnillet 1805),
Les frégates que j'avais expédiées pour rapporter les troupes à la Guadeloupe
m'ont rallié hier, après avoir rempli leur mission ; deux jours après leur
départ de In Guadeloupe, elles ont rencontré le convoi de 14 prises que j'avais
684 TROISIÈME PARTIE — CHAPITRE XIII.
mis sous la conduite de la frégate la Sirène, avec ordre de se rendre soit à la
Guadeloupe, soit à la Martinique ; elles Tout rencontré presque au m^me point
d'où je Tavais expédié depuis huit jours. Ces bâtiments extrêmement chargés,
contrariés par les vents du sud-est, n'ont pu remonter au vent des îles. Le
capitaine Lameillerie s'est déterminé à leur faire faire route pour Porto-Rico,
mais voyant que ces b&timents ne marchaient pas, qu'ils étaient mal manœu-
vres, par le peu de soins qu'on avait mis à les amariner, qu'il ne pouvait pas
s'attacher à les escorter jusqu'à ce point, dans la crainte de ne pouvoir rallier
l'escadre ; informé d'ailleurs que des frégates anglaises étaient à leur recher-
che ; qu'ils ne pouvaient manquer de devenir leur proie ; voulant assurer le
dommage occasionné au commerce de l'ennemi, il s'est déterminé à les brûler,
après en avoir retiré les équipages que nous y avions mis. Au moment de l'in-
cendie, deux frégates anglaises ont paru ; le commandant Lameillerie leur a
donné chasse jusqu'à la nuit sans pouvoir les atteindre, et, dès qu'on les a eu
perdues de vue, il a fait sa route pour me rallier au point de rendez-vous que
je lui avais donné ; ce convoi pouvait valoir iouti înillions. La frégate la
Didon vient de prendre un lougre, corsaire de 14 canons et de 49 hommes
d'équipage, auquel elle a mis le feu.
Je prie Votre Excellence, d'agréer l'hommage de mon respect.
Villeneuve.
Le départ précipité de Villeneuve, bien que conforme aux
intentions qu'avait TEmpereur dès le début de mai, dérouta
toutes les prévisions. C'est ainsi que les frégates envoyées
après le 3 mai pour porter à l'amiral des ordres et des nou-
velles le manquèrent toutes.
Ce fut tout d'abord la Nayade, envoyée par le capitaine
général ViUaret, deux jours seulement après le départ de l'es-
cadre.
Des avis certains de la Dominique^ et le rapport de deux Américains
n{ ayant annoncé V arrivée de V amiral Nelson à la Barbade, avec 10 vaisseaux,
f expédie sur-le-champ (7 juin), la Nayade pour Vannée, avec ces avis, en préve-
nant r Amiral que le lord Nelson n était resté que vingt-quatre heures sur rade
et avait été le cherchera la Trinité où Von croyait V armée française. Cette cor'
vette appareilla dans la nuit du Î5 et rentra le 7 de ce mois, après avoir en vain
cherché l'armée : elle a heureusement échappé à toutes les frégates anglaises,
qui couvraient à cette époque les environs de Carlisle, qu'elle reconnut cepen-
dant à diverses reprises (1).
Puis, ce fut le tour de la Topaze^ partie de Nantes le
15 mai avec les nouveaux ordres de l'Empereur (1) et arrivée
à la Martinique le 19 juin.
(1) Lettre de ViUaret, BBiv, 2î3.
LE RETOUR EN EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 685
La Topaze mouiia à la Martinique le 30 (i9juin), à 6 heures du matin ; et
comme elle était chargée uniquement de paquets pour l'amiral, à neuf heures
elle était sous voiles avec mes instructions, mais elle ne fut ni ne pouvait être
plus heureuse que la Nayade, puisque l'armée avait quitté Tarchipel depuis le
±\ ; elle rentra le 5, après plusieurs chasse* (1).
Voici quelle avait été Vodyssée de cette frégate.
21 Juin 1805.
Instructions secrètes pour M, Baudin, capitaine de frégate, commandant la
frégate impériale la Topaze, expédiée pour rejoindre Varmée de Vamiral
Villeneuve le 30 prairial (i 9 juin) an XUL
M. Baudin, commandant la frégate impériale la Topaze, appareillera sur-
le-champ et dirigera sa route vers la Barbade où il doit trouver l'armée
française : il reconnaîtra en conséquence la baie de Garlisle, en prenant
toutes les précautions qu'exige la présence de l'amiral Nelson dans cet
archipel qu'il parcourt avec 12 vaisseaux et 7 à 8 frégates.
Si l'amiral Villeneuve avait été contrarié dans sa traversée et qu'il ne fût
pas encore arrivé à la Barbade, M. Baudin le cherchera et l'attendra dans les
parages de cette ile, en ayant soin de s'entretenir toujours au vent.
11 visitera tous les bâtiments qu'il croira pouvoir lui donner des renseigne-
ments sur la position de notre armée, afin de joindre le plus tôt possible et
remettre à l'amiral les dépêches dont il est chargé.
M. Baudin croisera pendant deux jours dans les parages désignés ci-dessus,
mais si A cette époque il n'avait nulles nouvelles de l'armée combinée, il fera
son retour au Fort-de- France.
Signé : Villaret.
Pour copie conforme :
F. Baudin.
F. Baudin, commandant la frégate la m Topaze ».
à l'amiral Villaret- Joyeuse, capitaine de la Martinique et dépendances.
En rade de Fort-de- France, île Martinique.
5 messidor an xiii, à cinq heures du matin (21 juin 1805).
Général,
Pour remplir vos instructions secrètes, en date du 30 prairial (19 juin) der-
nier, j'ai appareillé ce jour môme, aussitôt votre dernier ordre reçu, et je n'ai
rien négligé pour m'élevor promptement ou vent, doubler Sainte-I^ucie et
(1) Letlro do Villaret, BB»^, 223.
(2) Archives de la Marine, BB»t, 233.
686 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIII.
faire rouU' pour roa desLination. Mais reUirdé par lefl couranU, contrarié par
les Tentt, ce n'a él<^ que le 2 meMJdor (21 juin), au point du jour, que la
Martinique m'est restée au 0. 1/i S.-O. distance de 5 à 6 lieues ^- quoique
j'aie eu ensuite beaucoup de vent d*E.>S.-E<^- JVtais le 3 messidor (iS juin),
à onze heures du soir, par 13^ 22^ do latitude conclue de plusieurs hauteurs
méridiennes d'étoile, la pointe nord de* la Barbade est par 13* 18', et je devais
être aussi i\ 2 ou 3 lieues dans Test ou dans Touest de la Barbade; j'ai
manœuvn* pour me tenir h cette distince. A cinq heures et demie du
mutin, le 5, la vigie a crié : Terre et navires; c'était une frégate et un brick
armé. J'ai pris les précautions d'usage. Ce bAtiment répondit mal h mes
signaux de reconnaissance, il n'était plus qu'î\ une lieue et demie, je n'ai pas
voulu qu'il approchât davantage, j'ai fait hisser le pavillon national et assurer
d'un coup de canon. La frégate a encore hifsé quelque patillon, et elle a
assuré le pavillon anglais. Alors j'ai pris cha8«*e au N. 1/4 N.-E. 2à 3 quarts
largue — l'ennemi n'avait point d'avantage de marche sur la Topaze^ — il a
serré le vent, je l'ai tenu aussi; il me gagnait beaucoup au vent et un
peu de Pavant ; j'ai fait porter, et k midi je ne Tapercetais plus ; j'étais
par 14* 17' de latitude. Alors, j'ai fait remettre le cap au sud pour
rejoindre l'Ile que je devais reconnaître. A deux heures et demie, j'ai eu
connaissance de trois frégates et d'une corvette qui m'ont chassé jusqu'à
quatre heures et demie sans me gagner, quoique j'eusse pris chasse vent
arrière au 0. 1/4 N.-O. qui était la route la plus directe pour revenir au
Fort-de-France. A cinq heures et demie, J'ai aperçu la Martinique et Sainte-
Lucie, et à cinq heures du matin, le 3, j'ai mouillé sur rade atec le chagrin
de n'avoir pu remettre mes dépêches, mais avec l'espoir que vous serei
convaincu, mon général, que j'ai fait tout ce que le «èle et la prudence me
prescrivaient, et que vous voudrez bien, en ce sens, informer Son Excellence
le Ministre de la marine de mes efforts pour remplir, comme je le devais, la
mission dont j'étais chargé.
J'ai l'honneur d^étre avec respect, mon général,
votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : F. Bai'din.
Il en fut de niôine des autre» bâtiments expédiés à la
recherche de Villeneuve.
Lettre du capitaine général Villaret
8 Jaillet 1805.
Le !•' messidor, j'eus enfin des nouvelles de notre escadre par un officierde
mon état-major que j'avais embarqué sur cette expédition ; il mVnnonça que
Tarmée s'était emparée, sous Antigoa, de treize voiles faisant partie d*un
convoi chargé de denrées coloniales; elle avait expédié ces prises pour nos
îles, sous l'escorte de la Sirène^ qui fut obligée, vingt-quatre heures après
avoir quitté l'escadre, de brûler tous ces bAtimenU k la vue de deux frégates
anglaises qui les auraient indubitablement repris. Le général Villeneuve eut
LE RETOUR EN EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 687
sans doute^ par ce convoi, les mêmes avis que je lui avais transmis fur l'arrière
des forces anglaises, et il se décida i\ quitter ces mers, on renvoyant les troupes
coloniales sur quatre frégates qui alxirdèrent à la Guadeloupe le 25.
Le détachement de la Martinique se trouvant ainsi compromis, et me don-
nant infiniment d'inquiétude par la supériorité mciritime que le départ de nos
forces laissait à Tennenii, Je ne perdis pas un instant pour envoyer la Torche (1 )
À la Guadeloupe, où elle fut suivie de très près par la frégate la Topaie et les
bricks la Nayade et le Faune (f). Ces quatre bâtiments ont eu le bonheur
de remplir avec succès et célérité'' la mission importinte dont ils étaient
chargés.
Cet embarquement a eu néanmoins, à cet égard, des suites sur lesquelles je
ne puis trop manifester de regi'ets, car ces troupes ont éprouvé autant de
diminution que si elles avaient éU; li un combat, et nous avons à déplorer la
mort d^une centiine d'hommes, morts de malais<!, de souffrances de tout genre
et de fatigues, les soldats ayant été dans le cas de faire, à la Guadeloupe, des
marches forcées, d'après le point éloigné où ils ont été débarqués.
Cette circonstance et celle de la saison malsaine de l'hivernage, dont on
reconnaît l'approche aux ravages que fait déjî\ la fièvre Jaune qui, depuis le
commencement de ce mois, nous fait perdre Jusqu'à cinq hommes par jour,
me détermine à observer à Votre Excellence que, malgré les G57 hommes que
l'escadre de Toulon nous a portés et qui, déduction faite des 80 hommes
d'artillerie qu'elle a pria ici pour emmener en Europe, ont opéré une augmen-
tation réelle, de 577 hommes , nos forces se bornent aujourd'hui à
2,800 hommes sous les armes et 409 hommes aux hôpitaux, et qu'ainsi nous
ne tarderons pas à nous retrouver à peu près sur le pied où nous étions â
notre arrivée. Votre Excellence sentira sans doute la nécessité de nous main-
tenir au moins sur ce pied jusqu'à la fin de la guerre, tous les regards de
l'ennemi étant maintenant tournés vers les Iles du Vent, et je ne puis que vous
renouveler encore, en cette circonstance, la demande que je vous ai faite de
petits recrutements par des envois partiels, d'environ 200 hommes à la fois, qui
arrivant sur des frégates de temps à autre, remplaceront imperceptiblement
nos pertes et nous conserveront, sans le moindre embarras, notre attitude
actuelle.
Il est aussi de mon devoir de porter les regards de Votre Excellence sur le
vide que nous éprouvons par le défaut d'envois de fonds d'Europe ; je laisse
au préfet colonial à vous faire le déUiil de la situation pénible où nous a mis à
cet égard la présence des escadres de Toulon et de Uochefort ; et j'ose vous
assurer que cet objet intéressant appelle de votre part la plus pressante solli*
citude.
L'amiral Nelson parait avoir abandonné entièrement les mers des Iles du
Vent; des avis certains m'annoncent qu'il est à la recherche de notre escadre;
il a été rencontré, le 30 prairial, par les 27 degrés de latitude et 57 degrés de
longitude méridien de Londres ; il n'a laissé ici qu'un vaisseau de guerre et
quatre frégates aux ordres de l'amiral Cochranc.
(1) Plus tard prise par ronneroi en navignant avec la Topaze.
(2) Pris par l'ennemi.
688 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIII.
L'ennemi fait courir le bruit que les amiraux Collingwood et Graines sont
attendus journellement à la Rarbade avec douze Taisseaux.
La frégate le Président (I) est arrivée le 12 (!•' juillet) de ce mois ; la cor-
vette le Départ pment-dcs- Landes (2) le 13 (2 juillet); et le brick le Néarque (3)
le 15 (4 juillet).
Les ordres de Votre Excellence me prescrivent de renvoyer avec leurs
dépêches tous les bâtiments expédiés par vous; je les ferai tous filer pour la
France dans le courant de ce mois, et je ne garderai que la Noyade et la cor-
vette la Cyane^ prise faite par Fescadre, et dont M. Meynard, lieutenant de
vaisseau, prendra le commandement quand elle sera armée. Nos fonds, d'ail-
leurs, ne nous auraient pas permis d'entretenir dans ces mers cette quantité
de bâtiments de guerre.
Les lettres que Vomirai Villeneuve tn écrivit en quittant cet archipel ayant
été malheureusement jetées à la mer dans le trajet de la Guadeloupe^ ici je n^ai
pu connaître ses dispositions, ni celles de Vomirai Gravina, relativement à la
frégate la « Santa-Magdaleno », restée ici ; et je prends en conséquence le
parti de l'autoriser à partir pour l'Europe en même temps que le Président (A) *
qui porte cette dépêche.
Agréez, Monseigneur, l'assurance de mon respect.
ViLLARET.
Qu'était devenu Nelson depuis le 4 juin ?
A son arrivée à la Barbade, ce jour-là, cet amiral y avait
trouvé la lettre suivante :
Le brigadier général Brereton (5) au lieutenant général Myers (6).
Sainte- Lucie, t9 mai, 11 heares do matio.
«
a Je reçois à Tinstant un rapport du côté du vent de
« Gros-Ilet (7) annonçant que Tennemi, fort de 28 voiles, est
« passé hier soir. Sa destination doit être la Barbade ou la
« Trinité. »
Comment un renseignement si absolument inexact à cette
date put-il être envoyé ? Tout ce qu'avait fait Villeneuve avait
été, le 28, d'envoyer trois de ses frégates croiser au vent des
(1) Partie ito Loricnt le 21 mai.
(t) Partie de Rochofort le 23 mai.
(3) Parti de Lorient le 21 mai.
(4) Cette lettre partit le 8 juillet.
(5) Commandant à Sainte-Lucie.
(6) Commandant en chef des forces de la Barbade et des lies soos le Vent.
(7) Pointe nord-ouest de Sainte- Lucie.
LE RETOUR EX EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 689
îles anglaises (1), mais de trois frégates à vingt-huit voiles, il
y a loin. Toujours est-il que la précipitation de Nelson à
accueillir cette fausse nouvelle l'attira dans une direction tout
à fait erronée.
« Il n'y a pas de doute, écrit-il à F Amirauté, ni pour les
« généraux, ni pour les amiraux, que l'ennemi va attaquer
« Tabago ou la Trinité. Bien quQ je sois fort pressé d'atta-
«. quer leurs 18 vaisseaux, comme sir Williams Myers m'a
(« offert 2,000 hommes, je ne puis refuser une si gracieuse
« offre. »
Le retard causé par cet embarquement fit lever Tancre le
5 juin seulement, à 9 h. 30 du matin; on avait le cap au sud^
et Nelson était si assuré d'une rencontre qu'à 2 heures du
soir, il ordonna le branle-bas de combat. Le lendemain, à
5 h. 30 du soir, en vue de Tabago^ un shooner signala que
f ennemi était à la Trinité, En y arrivant le 7, à 5 heures du
soir Nelson n'y trouva personne (2). Il était donc joué une
fois de plus.
Le 8 seulement, il reçut la nouvelle, exacte cette fois, de la
prise du Diamant par les Français : le capitaine Maurice, qui
avait capitulé, annonçait « que l'escadre française était toii-
« jours à la Martinique et que le commodore français [sic) lui
« avait dit que l'escadre du Ferrol, forte de 6 vaisseaux fran-
« çais et 8 espagnols, était arrivée à Fort-de-France le
« 4 juin ». C'était, on l'a vu, la division de Magon, dont
l'appoint se bornait à deux vaisseaux ; mais quelque inquié-
tante que fût cette rumeur, Nelson ne s'en troubla point.
« Je doute fort, écrit-il, de l'arrivée de l'escadre du
« Ferrol, car on ne peut entrer ou sortir de Fort-Royal
« (Fort-de-France), sans être vu du Diamant. Mais, quelque
« forts qu'ils puissent être, ils ne feront pas impunément de
(1) Voir ci-dessus.
(2) D'après Clarke et M. Arthur, la fausse nouvelle donnée par le schooner de Tabago
s'expliquerait ainsi : Un négociant de cette île, particulièrement anxieux de savoir si les
vaisseaux de Nelson étaient amis ou ennemis, avait envoyé son employé sur un shooner à
la rencontre de Tescadre. Il arriva que le signal fait par le schooner correspondit justement
à la réponse « oui » faite à la questicn posée : o Les Français sonl-ils à la Trinité ? »
Le capitaine' d'un brick américain, sans doute avec une intention hostile annonça aussi
que, quelques jours plus tét, il avait rencontré la flotte française près de la Grenade, se
dirigeant vers la Trinité.
IV. il
690 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE XIII.
« grandes attaques. Mes forces sont compactes, les leurs sont
« peu maniables. C'est un joli violon, mais je doute que
« Villeneuve ou Gravina sache en jouer. »
Très audacieusement, Nelson mit le cap au nord ; le 9, il
était à Grenade, où il apprit du général Maitland que tout
était tranquille dans cette île, ainsi qu'à Saint- Vincent et à
Sainte-Lucie, et que, le 4, Fennemi était encore à la Marti-
nique. A 1 heure du soir, le capitaine Champain du J(ison lui
apporta la nouvelle, à peu près exacte, que, le 6 juin, Tennemi,
fort de 18 vaisseaux, 6 frégates, 3 bricks et 2 shooners, avait
passé par le travers de la pointe Rupert (1) et que, le soir, il
était à hauteur des Saintes (2), faisant route au nord. « Nous
'( verrons, dit Nelson à ce moment, si rennemi veut atta-
« quer Antigoa ou Saint-Christophe, ou retourner en Europe.
« Je réglerai mes mouvements d'après mon propre juge-
« ment, car j'ai été trop souvent trompé par de faux rensei-
« gnements. »
Le 12, à 6 heures du soir, l'escadre anglaise était à 7 ou
8 lieues d' Antigoa ; à 7 heures du soir, elle mouilla à Saint-
Jean, où les troupes furent débarquées. L'avant- veille, Ville-
neuve était encore dans ces parages ; ses quatre frégates,
ramenant les troupes à la Guadeloupe et à la Martinique,
n'avaient échappé aux vaisseaux anglais que par Theureuse
chance qui les avait dirigées au vent des îles, tandis que
Tennemi passait sous le vent.
Les nouvelles que trouva Nelson furent d'abord vagues et
peu satisfaisantes ; on lui apprit successivement que Ville-
neuve avait passé le 8 à la Guadeloupe, faisant route sur
Antigoa, puis qu'il était passé au vent de cette île ; enfin, qu'il
débarquait ses troupes à la Guadeloupe.
Si vraiment les renseignements reçus le 12 se bornent à ce
qui vient d'être dit et qui résulte de la corespondance de
l'amiral et des assertions de son panégyriste Mahan, Nelson
donna cette fois la preuve d'une admirable clairvoyance.
Discernant immédiatement que les alliés devaient retourner
en Europe, il détacha le même jour le brick \à Curieux pour
(1) Nord -ouest de la Dominique.
(2) Ilôts au sud do la Guadeloupe.
LE RETOUR EN EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 691
en donner avis en Angleterre. — Cet envoi si rapidement
décidé, eut, on le verra plus loin, les plus importantes consé-
quences. Lui-même se résolut à traverser de nouveau Focéan
Atlantique.
Il s'en faut de beaucoup, cependant, que Nelson puisse être
considéré comme ayant deviné le plan de Napoléon. Si, en
mettant à la voile, comme il le fit le 13, avec Fintention de
gagner les alliés de vitesse et d'arriver avant eux en Europe,
il faisait avorter la combinaison impériale, en ce sens qu'il ne
restait pas en Amérique comme on l'espérait, il se trompa sur
les projets de Villeneuve. « Mon opinion, écrit-il le 12 (1), est
« que les Espagnols vont à la Havane et les Français à Cadix
« ou à Toulon. Je donne la préférence au second de ces
(( points, car ils vont se figurer qu'il pourront aller en Egypte
« tout à leur aise. »
Son intention formellement exprimée était (2) de mouiller à
Lagos et de se mettre sous les ordres de Orde qu'il croyait
commander la croisière devant Cadix (3). C'est le 17 seulement
que ridée d'une marche des alliés sur le Ferrol se présente à
son esprit ; mais le 18, à 200 lieues au nord d'Antigoa, il
déclare encore qu'il se rend dans la Méditerranée. Le lende-
main, il apprend par le navire américain Sally que l'ennemi
a passé, le 17, par 27^28 de lat. et 60<^58 de long. Il n'en est
pas à 80 lieues à son estime. « J'espère, écrit-il à l'Amirauté,
« rattraper les Français avant qu'ils aient atteint, Carfeo: ou
(( Toulon, »
C'est à ce moment aussi que Nelson donne une nouvelle
preuve de sa rare prévoyance. Une de ses frégates le quitte le
19 avec la mission de prévenir l'amiral qui croise devant le
Ferrol d'avoir à se tenir sur ses gardes. Elle doit le rejoindre
au cap Saint- Vincent (4). Une circulaire destinée à « tous les
(1) A sir John BaU.
(2) Lettre da 15 jain à lord Robert Fitzgerald.
(3) Il avait été remplacé par CoUingwood après sa retraite précipitée devant Villeneuve.
(4) Une lettre d'un officier de l'escadre de Nelson précise la situation et l'état d'esprit de
l'amiral et de son entourage. (British Muséum, vol. n» 34930.)
•
Extrait cTune lettre d'un officier de Vescadre de Nelson.
19 juin, par lat. t8« N., long. 58» O.
« Vous ne serez pas peu surpris d'apprendre si vite, après réception de la lettre que
692 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XllI.
« capitaines des bâtimenls de Sa Majesté croisant aux Antilles
« et qui n'ont pas une mission plus importante à accomplir »
contient les mêmes avis.
Croyant que la flotte ennemie retourne en Europe, mais ne sachant pas si
elle se dirige sur le Ferrol ou sur Cadix, je vous prie instamment de passer au
large du Ferrol avec le présent avis destiné à Famiral commandant la croisière
devant ce port, alin qu'il soit sur si'S gardes contre une attaque de Pennemi en
forces supérieures.
De fait, on va le voir, l'amiral en question, Calder, « fut
(t prévenu à temps et bien avant l'apparition de Ten-
« nemi (2) ».
Le 30 juin, Nelson prit une nouvelle précaution :
Au capitaine Sutton, de T « Amphion
»>.
Comme il est de la dernière importance que je sache le plus tôt possible si
Pennemi est entré dans la Méditerranée, vous partirez sans perdre un moment
pour Tanger et saurez du consul anglais si Pennemi a passé le détroit ou est
allé à Cadix Vous tiendrez secrète mon approche. . . Je vous retrouverai
de sept h seize lieues j\ Pouest du cap Spartel. Si vous apprenez que je suis
parti à la suite de Pennemi, vous me suivrez. . . .
En outre, ï Amazon dut prendre les devants vers le cap
Saint-Vincent et Cadix. Mais ce fut seulement le 13 juillet que
cette frégate fut détachée. Le l®*" juillet, l'escadre arriva à
175 lieues des Açores, où elle fut prise par des calmes; le 8,
elle était encore à 17 lieues de l'île Saint-Michel, le 13, à
183 lieues du cap Saint- Vincent, le 18, à 12 lieues du cap
porte le Curieux, que notre escadre est sur la route du retour A Saint-Jean, lord
Nelson a appris que l'ennemi avait passé près de llle quatre Jours avant notre venue, cin-
glant au nord, renseignement confirmé par le shooner Nettley qui naviguait avec le riche
convoi de 14 navires dont l'ennemi s'est emparé. Le retour en Europe nous a aussi été
confirmé par un Américain qui l'a vu il y a deux Jours devant nous, si bien que nous no
les manquerons plus. L'arrivée soudaine et inattendue de notre escadre a sans doute
empoché les alliés do nuire à nos colonies, néanmoins, ils ont pu obtenir un sérieux résul-
tat, celui d'augmenter de 10,000 hommes les forces de leurs îles. Vopinion dominante
est qu'ils vont à Toulon afin d'y prendre des troupes destinées à l'Egypte. On va
envoyer un sloop et une frégate à Gibraltar et à Lisbonne, etfen conclus que nous
resterons au cap Saint-Vincent jusqu'à plus ample informé. Ensuite, je ne sais;
mais il nous faudra absolument faire de l'eau quelque part,
(2) Mahan. • Ces nouvelles furcnl à la fois dirigées sur Lisbonne et sur Gibraltar. »
LE RETOUR EiN EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 693
Spartel. Le 19, elle jetait Tancre à Gibraltar, où se trouvait
déjà V Amazon,
Ni à Gibraltar, ni à Cadix, on n'avait connaissance de Tes-
cadre alliée.
Au moment de l'arrivée de Nelson, la répartition des forces
anglaises dans ces parages est la suivante :
Devant Cadix, CoUingwood avec 4 vaisseaux : Dreadnought^
Mars, Colossus, Achil/es;les 2 frégates Hydra, Endymion et
1 brick. Un des vaisseaux est à ce moment détaché au cap
Spartel.
Devant Carthagène, Bickerton avec 4 vaisseaux : Queen,
Tonnant, Minotaur, Bellorophon, 3 sloops et 2 bricks.
Dans la Méditerranée, à Malte, Naples, Constantinople et
les côtes de Sardaigne, il y a encore 2 vaisseaux et 4 frégates
et plusieurs bâtiments légers.
C'est un total de 36 voiles, dont 9 vaisseaux de ligne, 1 vais-
seau de 50 et 10 frégates (1).
C'est à l'amiral Collingwood que revient en réalité l'hon-
neur d'avoir vraiment compris et exposé, sinon le plan de
Napoléon, au moins la manœuvre d'ensemble.
Je crois, écrit-il le 18 juillet, que la flotte combinée va débloquer le
Ferrol malgré Calder, traverser le golfe de Gascogne, joindre Tescadre de
Rochefort et appiiraitre sous Ouessant avec 34 vaisseaux pour y rallier 20 autres
vaisseaux. L'amiral Cornwallis, en rappelant ses détachements, en aura 30 ou
davantage
Et le lendemain, il ajoute (2) :
Je suis convaincu que Tlrlande est le but de tous les mouvements des Fran-
çiiis. La diversion aux Antilles n'avait pour but que de nous y
attirer. ... Je me fonde sur ce que le gouvernement français a toujours de
grands desseins et néglige les petites choses. Son but a toujours été l'invasion
de rirlande. La fuite aux Antilles n'avait pour but que d'y attirer nos esca-
dres, qui sont le grand obstacle à leurs opérations. Le retour de l'escadre de
Rochefort m'a confirmé dans cette idée. Ils vont rallier les forces du Ferrol qui,
ainsi que me l'annonce Calder, commencent à se remuer, ramasser la division
de Rochefort qui est prête, à ce qu'on me dit, ce lui leur donnera plus de
30 vaisseaux et, sans approcher d'Ouessant ni de la flotte de la Manche,
(1) Brilish Muséum, vol. 34930.
(2) Citée par Mahan.
694 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XlII.
gagner l'Irlande. L'escadre de la Manche deyra envoyer des détachements
pour protéger l'Irlande ; alors la flotte de Brest, forte de 21 vaisseaux, partira,
soit pour un autre point de l'Irlande, soit pour la Manche, avec une force
qu'on n'aura peut-^tre jamais vue dans ces parages.
L'absence de Fennemi dans les parages de Gibraltar aurait
dû, semble-t-il, non moins que les lettres si remarquables de
CoUingwood, ouvrir les yeux de Nelson sur les dangers que
pouvaient courir, soit la croisière de Cadix, soit Calder
devant le Ferrol, soit Stirling devant Rochefort, et Ton ne
comprendrait pas qu'il n'ait pas, dès ce moment, effectué sa
jonction avec l'un de ces trois groupes, si l'extrême fatigue de
ses équipages, l'apparition du scorbut (1), le besoin d'eau et
de vivres frais n'avaient pas exigé un peu de repos après cette
longue période d'agitation. Le 21, Nelson est encore à Gibral-
tar, où il appelle Bickertou, que les ordres de l'Amirauté
maintiennent avec sa division devant Carthagène ; le 21, il
jette l'ancre à Tetuan,
Nelson à Collingwood (2).
20 jaUlet.
Le sloop Martin est arrivé ce matin, et comme le capitaine Savage dit que
le schooner Pickle a quitté la flotte avant lui pour (illisible), je crains qu'il ne
lui soit arrivé quelque accident. Je serai à Tetuan le 21, et en vingt-quatre
heures je serai prêt à repartir.
Le lendemain, Villeneuve, se heurtait à l'escadre de Calder
devant le Ferrol.
Ce fut par une chance remarquable que ce dernier amiral
put recevoir le choc avec des forces assez grandes pour
éviter un désastre, car l'avis expédié par Nelson n'était pas
parvenu.
« Le brick Curieux^ que Nelson avait dépêché en Angle-
ce terre la veiUe de son départ d'Antigoa, avait rencontré l'es-
(( cadre alliée le 19 juin, à 900 milles nord-nord-est d'Anti-
« goa Après l'avoir observée, le capitaine anglais avait
« fait force de voiles et avait gagné Plymouth le 7 juillet
(1) Lettre à rAmirauté, 20 mai.
(2) British Muséum, 34958.
LE RETOUR EN EUROPE. — VILLENEUVE ET NELSON. 695
« Le 9, à Tanbe, la nouvelle du retour en Europe de Ville-
ce était entre les mains de F Amirauté. Le jour même partait
« Tordre enjoignant aux escadres de Rochefort et du Ferrol
« de se réunir et de se porter à 100 milles à Touest
(( du cap Finistère. Le 19 juillet, Calder s'y trouvait posté
i( avec quinze vaisseaux de ligne et recevait de Lisbonne les
« nouvelles que Nelson y avait adressées juste un mois aupa-
« ravant (1). »
(1) Mahan. Loc. cit.
A
CHAPITRE XIV
LA BATAILLE DU 22 JUILLET
Pendant que les Anglais, prévenus, se préparaient à le
recevoir, Villeneuve, parvenu le l®'^ juillet aux Açores, avait
continué vers le Ferrol sa lente navigation.
Le 13(2 juillet), reconnu Tlle de Corvo (Açores) et continué la route avec
bon vent; le 14 (3 juillet), donné chasse et pris deux bâtiments, un corsaire
anglais de id hommes d'équipage et un bâtiment espagnol qu'il avait pris
depuis quelques jours et qu'il conduisait en , Angleterre ; le corsaire ayant
essuyé quelques avaries a été coulé et la reprise espagnole prise à la remorque.
Ce bâtiment vient de Lima et est très richement chargé.
Les 15, 16, 17, 18 et 19 (4, S, 6, 7 et 8 juillet), de faibles brises d'ouest,
fait route à l'E.-l/i-N.-E. Le 20 (9 juillet), environ par les 20 degrés de lon-
gitude, un coup de vent de nord-est a obligé l'armée de faire route au sud-
ouest, étant presque à la cape. Le 23 (12 juillet), viré de bord pour s'élever à
la latitude du Ferrol ; le 30 (19 juillet), les vents étant venus au nord-ouest et
étant en latitude, l'armée a fait route à l'est; le 2(21 juillet), même route; le
3 (22 juillet) au matin, le temps très brumeux, l'armée marchant sur trois
colonnes très serrées, les Espagnols à droite, la 1" escadre au centre, la
2® escadre â gauche et l'escadre légère en avant. Vers les midi, le temps
s'est éclairci (I).
A ce moment, Tescadre se serait trouvée par 43^34 de lati-
tude et, semble-t-il, à 13<* ou ^i^ de longitude, à environ
150 milles à Touest du Ferrol (2). L'ennemi fut alors signalé.
Voici, d'après diverses versions, le récit du combat qui
suivit cette rencontre :
(1) Journal de Rcillc.
(f) Voir ci-dessons.
698 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIV.
Journal de Reille,
A i heure, on a signalé des voiles vers le nord-nord-est, que Ton a reconnu
bientôt être une flotte anglaise. Quelques vaisseaux ennemis sont venus nous
reconnaître, et notre escadre légère on a fait autant. Les vents étaient à
Touest. L'armée s'est formée dans l'ordre de bataille naturel, bâbord amures,
les Espagnols formant Tavant-garde, et nous avons tenu le vent. La brume
étant devenue épaisse, on n'a plus pu voir l'armée anglaise. Quelque temps
après, une petite éclaircie nous l'a fait voir à grande portée de canon, sous le
vent h nous, et courant à bord opposé. L'amiral a fait de suite le signal de
virer lof pour lof la contremarche. La brume a empêché qu'on ne voie de suite
le signal. Cependant, le signal étant parvenu à la tête, le mouvement s'est
exécuté. Au moment où l'amiral espagnol, qui formait l'avant-garde, a dépassé
la queue de notre ligne, il a aperçu la tête de l'armée ennemie, qui avait viré
vent devant, et les deux armées se trouvant au même bord, le combat a
continué jusqu'à 8 heures du soir. Dans le combat, le vaisseau espagnol le
Firme, ayant été démâté de son grand mât et de son mât d'artimon, a été
obligé d'arriver dans la ligne ennemie et a été vraisemblablement pris. Le
vaisseau le Raphaël, ayant eu des manœuvres coupées, est tombé sous le vent,
et nous l'avons vu entre notre ligne et la ligne anglaise avec ses basses voiles
amurées. Ne l'ayant pas vu depuis, il est à craindre qu'il ne soit encore au
pouvoir de l'ennemi. Si, lorsque ce vaisseau a paru sous le vent, on avait fait
une arrivée, il eût été possible de le sauver. Le reste de l'armée a un peu
souffert dans ses manœuvres, mais il n'y avait aucune avarie majeure. Le
brouillard nous a fait beaucoup de tort dans cette journée et nous a empêchés
de profiter de notre supériorité de nombre. On ne voyait que de temps à autre
l'ennemi, et l'on ne pouvait proQter des chances heureuses que les différents
mouvements qu'il a faits nous présentaient ; il a infiniment souffert dans son
gréement et dans sa mâture.
Toute la nuit du 3 au 4 les deux armées ont coiu'u le même bord au sud-
ouest. Après avoir allumé leurs feux de ralliement, les Anglais ont cependant
toujours laissé porter plus que nous à cause de leurs avaries. Le 4, à la pointe
du jour, l'armée anglaise était à trois lieues de nous : elle a viré de bord et, en
ayant fait autant, tout le monde croyait qu'on allait laisser arriver sur l'ennemi
pour prendre notre revanche. Mais l'armée a fait petite voile et tint le vent,
l'ennemi courant toujours largue. La Didon, qui est allée le reconnaître, a
signalé qu'il avait beaucoup d'avaries qu'il s'occupait de réparer et trois bâti-
ments à la remorque. Nos vaisseaux étaient tous en état d'aller. L'Amiral était
passé sur une frégate vers les 8 heures, et on espérait que nous allions porter
dessus. Mais toute la journée s'est passée en signaux insignifiants, et ne faisant
point la voile nécessaire pour engager une affaire. L'ennemi laissant toujours
porter s'est éloigné de nous, emmenant vraisemblablement nos vaisseaux et les
siens démâtés. Le 5 au matin, on a encore aperçu l'ennemi, mais fort loin, et
les vents étant devenus nord, et notre armée avant couru le bord au sud se
trouvait sous le vent. Alors l'Amiral a signalé la route à l'est pour se rendre
auFerrol. On ignore au juste le nombre des vaisseaux ennemis que nous avons
combattus. Il parait, d'après beaucoup de rapports, qu'ils étaient 13, d'autres
portent co nombre à 14, dont 3 à trois ponts.
LA BATAILLE DU 22 JUILLET. 699
Le 6 au matin, le vent nord-est grand frais, tous les vaisseaux ont pris des
ris, et l'armée courait bâbord amures. A i heure, on a aperçu le cap Finis-
nistère; il était impossible de le doubler pour aller au Ferrol. L'amiral a paru
vouloir aller à Vigo, ensuite il s'est décidé vers les 5 heures à aller dans le
sud et ordonné la retraite au S.-0.-I/4-S. Dans la nuit, le vent a calmé, et
le 7 au matin nous étions dans une brume très épaisse. Le temps s'étant
éclairci, et s'étant élevé une petite brise, nous avons fait route à l'est.
Le 8 au matin, vu les Iles Bayona et gouverné dessus. Entré dans la rade
de Vigo oii l'armée a mouillé dans la soirée. 11 y avait sur tous les bâtiments
une quantité très considérable do malades et aucune espèce de rafraî-
chissements.
Copie de la lettre d'un officier de terre sur le combat livré le 3 ther^
midor (22 Juillet) i>ar l'escadre de l'amiral Villeneuve, le 8 thermidor
an XIII (27 juillet) (1).
Le 3 thermidor (22 juillet), l'escadre se trouvait par 43^ 34' de latitude et
16^ 13' de longitude. Elle était en marche sur trois colonnes très serrées, se
dirigeant sur le Ferrol, avec un faible vent d'ouest, le temps extrêmement
brumeux. AH heures, la brume s'est un peu dissipée : alors V Indomptable a
signalé à hauteur de vue dix voiles plus rapprochées. L'escadre légère a eu
l'ordre d'aller reconnaître ; elle a bientôt signalé 12, puis 16, 19 et 21 voiles
ennemies au nord-nord-est et faisant route sur l'armée. A midi, l'amiral Ville-
neuve a fait le signal de marcher en ligne de convoi. Cependant, l'ennemi
s'avançant toujours, l'Amiral a donné à 4 heure l'ordre de former la ligne
de bataille et de se porter sur l'ennemi. Voici quel était notre ordre de
bataille :
VAISSEAIX ESPAGNOLS.
L'Argonaute 80 chinons. L'amiral Gravina.
Le Terrible 74 — M. Mondruyon.
V America 61 — M. Darrac.
VEsparia 64 — M. Monios.
Le S.'Raphaél 80 — M. Montés.
Le Firme 71 — M. Villa Vicentio.
VAISSKArX FRANÇAIS.
Le Pluton 74 canons. M. Gosmard.
Le Mont-Blanc 74 — M. Lavillegris.
V Atlas 74 — M. Rolland (blessé).
Le Berwick 74 — M. Gamus.
Le Neptune 80 — M. Maistrol.
Le Bucentaure 80 — L'amiral Villeneuve.
Le Formidable 80 — L'amiral Dumanoir.
(1) Archivet de la Marine , campagne 1805. BBi^, t33.
700 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIV.
V Intrépide 74 — M. Déperonne (tué).
Le Seipion 74 — M. Bérenger.
Le Swi/tsare 74 — M. Villemadrin.
U Indomptable 80 — M. Hubert.
L'Aigle 74 — M. Gourreges.
V Achille 74 — M. Deméport.
XsAlgésiras 74 — Le contre-amiral Magon.
Notre ligne n'a été parfaitement formée qu'entre 3 et 4 heures; Tescadre
ennemie, forte de i5 ▼aisseaux de guerre, dont 3 à trois ponts, a passé à
contre-bord, hors la portée du canon. L'amiral Villeneuve a donné Tordre de
tirer lof pour lof et de marcher sur l'ennemi, qui avait Tiré vent devant et se
trouvait sur notre arrière-garde. L'amiral Gravina, qui était à la tète de la
ligne, a exécuté le mouvement ordonné avec la plus grande rapidité. Il est
venu au lof, a porté sur l'ennemi, qui allait attaquer YAigle^ et a commencé
le feu à 4 h. 1/2; tous nos vaisseaux le suivirent de près. La brume est devenue
très épaisse et, autant qu'on en pouvait juger, notre ligne était parfaitement
formée et nos vaisseaux très près les uns des autres. Jusqu'à 6 heures, on s'est
beaucoup canonné sans se voir; vers les 6 heures, il y a eu un moment
d'éclaircie. Nous avons aperçu quatre vaisseaux anglais fort maltraités ; nous
avons TU au même moment le Saint-Raphaël qui pass«iit entre les deux lignes;
il pamissait avoir quelques gréements coupés, mais sa mâture étiit entière ; il
manœuvrait pour prendre la queue de la ligne. Le feu a continué à se bien
soutenir; on tirait avec le plus grand ordre et sans précipitation. Nous avons
aperçu un vaisseau anglais à trois ponts dont le grand mât et le mât d'artimon
étaient abattus et qu'une frégate remorquait. Un autre vaisseau ennemi à trois
ponts, monté par un contre-amiral, avait son petit mât de hune cassé et de
grandes avaries. C'est tout ce que nous avons pu apercevoir du centre. Le
feu s'est ainsi soutenu jusqu'à 4 h. 1/f.
L'ennemi s'est alors éloigné ; il avait eu plusieurs vaisseaux dégréés et le
champ de bataille nous restait. Des cris de joie et de victoire se sont fait
entendre sur tous les vaisseaux ; nous avons passé ainsi toute la nuit. Quelle a
été notre surprise lorsque, le lendemain, nous nous sommes aperçus que le
Saint-Raphaél et le Firme manquaient; l'ennemi avait entièrement disparu.
Trois vaisseaux seulement, qui semblaient être son escadre légère, étaient en
vue. L'Amiral a formé sa ligne et a ordonné de se porter au nord, où nos
frégates nous signalaient l'escadre anglaise. Mais l'ennemi a constamment
manœuvré pour éviter le combat. A 4 heures après-midi, nous n'avions plus
l'espoir de l'atteindre avant la un du jour.
Le lendemain, à 7 heures du matin, le vent était encore ouest, mais faible.
I! a tout à coup sauté au nord-est. L'ennemi s'est trouvé «ilors de l'avance h
nous. Nous avons cherché, pendant toute la journée, à le joindre, mais inuti-
lement ; enfin, nous l'avons tout à fait perdu de vue.
L'amiral Gravina et tous les vaisseaux espagnols ont combattu avec la plus
grande valeur. Le Firme, qui était le sixième vaisseau de tète, ayant eu son
grand mât et son mât d'artimon cassés, le vaisseau français le Pluton, qui le
suivait, s'était aussitôt porté sous le vent à lui, pour le mettre à l'abri. Nous
supposons que ce vaisseau et le Saint-Raphaël, doux très mauvais bâtiments
LA BATAILLE DU 22 JUILLET. 701
qui, pendant notre navigation, tenaient mal le vent, auront dérivé et seront
tous deux passés entre les deux lignes. Le vaisseau VEspana ayant aussi été
fort maltraité, le Pluton s'était encore mis entre Tennemi et lui. Le vaisseau
l'A tlas a beaucoup souffert ; mais le Neptune a passé sous le vent à lui et Ta
aidé à repousser Tennemi.
Tous les vaisseaux français ont combattu avec un ordre et un sang-froid
admirables. Les officiers de terre qui étaient à bord rendent la plus grande
justice aux capitaines et aux équipages. La joie était à chaque bord lorsque le
lendemain on fit le signal d'arriver sur l'ennemi pour profiter de la victoire,
qui était sâre, puisque le temps était clair ; la brume ayant disparu, la valeur
pouvait se signaler. Le capitaine Péronne, commandant Vlntrépide, a été tué ;
il emporte l'estime et les regrets de toute l'escadre; M. Rolland, capitaine de
V Atlas, a été blessé.
La nation et l'Empereur peuvent compter sur cette escadre. A-t-on, le
lendemain du combat, perdu du temps pour marcher à l'ennemi? Était-il
possible de le joindre lorsqu'il étiit embarrassé dans sa marche par plusieurs
de ses vaisseaux en mauvais état et par les deux vaisseaux espagnols qu'il avait
pris, et lorsque nos frégates signalaient qu'il se ré gréait à force? C'est aux
marins à prononcer.
La victoire était acquise; tous les officiers de terre le diront comme moi.
En égal nombre, cette escadre ne craindra point les ennemis, qui ne nous
ont pas paru soutenir, pour l'habileté et la direction du feu, leur réputation.
Notre feu a été bien dirigé; notre première manœuvre a été fort habile et
nous a donné un avantage très marqué sur Calder. Pouvait-on, au moment
de l'éclaircie, couper les vaisseaux démâtés; ou lorsque l'ennemi a quitté le
feu, pouvions-nous le poursuivre et prolonger le combat? Toutes ces ques-
tions que l'on se fait dans l'escadre sont susceptibles de discussion.
Il faut bien qu'il y ait eu des fautes faites, puisque nous avons perdu deux
vaisseaux au milieu de la victoire la mieux caractérisée et la moins douteuse
qu'il y ait eu jamais.
Extrait de la lettre écrite à Son Excellence le Prince de la Paix par
le lieutenant don Frédéric Gravina, en date de Vigo, le 28 juillet
(9 thermidor) (I).
Monseigneur,
Le cap du Finistère nous restant au sud-est à la distance de vingt-cinq
lieues, le 22 juillet, l'escadre combinée naviguait par un vent de ouest-sud-
ouest, formée en trois colonnes, dirigeant sa route i\ l'est i/é sud-est,
l'horizon couvert d'une brume épaisse.
A midi, les éclaireurs signalèrent au nord-nord-est jusqu'à 21 voiles, et que
la majeure partie étaient vaisseaux de ligne; nous formâmes aussitôt notre
ligne de bataille amures à bâbord, l'escadre espagnole à l'avant-garde, moi
à la tôte, et l'amiral français au centre de la ligne.
(l) Archives de la Marine, ca-upagnc 1805. BB'^', 133.
702 TROISIÈME PARTIR. — CHAPITRE XIV.
Les ennemis, au nombre de 16 iratsseaux, dont 3 à trois ponts, Tiraient de
bord dans l'intention, à ce qu'il paraissait, de doubler Farrière-garde ; pour
répondre à cette manœuvre, Ta m irai français fit signal de Tirer par la contre-
marche, ce que nous exécutâmes dans Tinstant, sans attendre le signal
d'exécution pour achever la manœuvre.
Le dernier Taisseau de l'arrière-garde étant déjà découvert, VArgonaute,
qui porte mon pavillon, commença le feu à cinq heures moins un quart,
contre l'avant-garde anglaise qui continuait son mouvement, la brume
l'ayant empêchée de voir notre manœuvre.
L'escadre ennemie la suivait et alors s'engagea, h demi-portée de canon,
un combat très vif entre notre avant-garde et toute la ligne anglaise, qui
s'étendit successivement jusqu'au centre de notre ligne.
La brume était si épaisses qu'elle nous ôtait souTent la vue des ennemis,
quoique nous en fussions si près.
Le feu fut toujours très vif et très soutenu : nous vîmes un vaisseau à trois
ponts démâté de son beaupré et un autre de son grand mât et de son mât de
misaine.
Le combat continua entre l'avant-garde et le centre de notre ligne et la
flotte anglaise jusqu'il près de neuf heures, que les ennemis arrivèrent, se
retirant du combat, et nous mimes en panne.
Le matin du 23, toujours par la brume, nous nous aperçûmes qu'il nous
manquait 2 vaisseaux de l'escadre, le Firme et le Saint-Raphaël; nous décou-
vrîmes les ennemis qui naviguaient de l'autre bord ; nous virâmes aussitôt,
nous rétablîmes notre ligne, leur donnant la chasse, observant qu'ils menaient
à la remorque 3 vaisseaux désemparés et que leur ligiie se composait de
43 vaisseaux. Nous continuâmes â leur donner la chasse tout le jour infruc-
tueusement, parce que l'ennemi manœuvra toujours pour éviter un second
engagement.
La môme chose arriva le 24 que nous les aperçûmes au vent, faisant force
de voiles à bâbord par un bon vent de nord-est.
A la découverte du 25, le vent étant nord-est, frais et la mer grosse, nous
perdîmes de vue les ennemis, et dans le jour nous reconnûmes à l'est le cap
Finistère.
Dans cette situation, le vent étant contraire pour nous rendre au Ferrol,
plusieurs vaisseaux français n'ayant de l'eau que pour six jours, et ayant sur
l'escadre des malades et blessés, sans avoir les moyens de les secourir, nous
résolûmes d'entrer à Vigo pour nous pourvoir des choses les plus nécessaires.
(Extrait de la Gazette de Madrid.)
Voici enfin la version de Villeneuve.
Extra/t du journal du vice-amiral Villeneuve (1).
3 thermidor an xm (n juillet 1805).
Le temps très bruineux^ l'escadre formée siu- trois colonnes, les Espagnols
il) Archives de la Marine, BB'», t30-î37.
LA BATAILLE DU H JUILLET.
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704 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIV.
tenant la droite, les distances très serrées et les T.nisseaux à portée de voix
les uns des autres, les tents à Touest-nord-ouest, joli frais, la route à l'est 1/i
sud-est. A onze heures, dans un moment d'éclaircie, le vaisseau Vlndomp-
tahle a signalé iO voiles au nord- nord-est. A onze heures un quart, j'ai fait
signal à Tescadre légère qui marchait en avant de l'armée de serrer le vent
bâbord amures, ce qu'elle a exécuté,
A midi, je me troufais, par 43»4I' de latitude nord et par 12**13' de longi-
tude ouest (sic) (1).
Du 3 tu 4 thermidor (Il au S3 juillet 1S05).
A midi, YAlgésiras a signalé 3 voiles suspectes au nord-nord-est; comme
le point me faisait assez près de terre et que je désirais en prendre connais-
sance î\ la faveur de Téclaircie qu'il faisait alors, j'ai signalé la route à Test-
sud-est qui me rapprochait davantage; à une heure, la Didon a signalé une
escadre dans le nord -nord-est ; nous avons aperçu à la même heure 13 voiles
du haut des m.Ms; la Didon et Vffermione ont signalé successivement 13, 17
et 21 voiles.
J'ai signalé l'ordre de marcher sur une ligne, la route vent arrière pour
passer ensuite h la ligne de liataille en tenant le vent par un mouvement suc-
cessif, mais voyant que ce mouvement prendrait trop de temps, fat fait le
signal de passer de l'ordre actuel des trois colonnes à la ligne de bataille,
bâbord amures, ordre naturel. L'amiral espagnol a répété le même signal et
y a ajouté celui à l'escadre espagnole de faire route à Tavant-garde de
l'escadre française et s'est placé lui-même chef de 6le de son escadre.
L'armée combinée a manœuvré pour former la ligne de bataille, les vais-
seaux rangés dans l'ordre comme à la marge, le signal ayant été fait à
l'escadre légère de prendre la queue de la ligne. L'ennemi venait sur nous
sur ime ligne, courant quatre quarts largue, et nous marchions sur lui, sur
la ligne du plus près bâbord, le vent au nord-ouest, l'horizon très embrumé,
de manière que je ne pus avoir une connaissance exacte de la force de
l'ennemi. A trois heures un quart, VAlgésiras a signalé que l'ennemi renfor-
çait son avant-garde.
L'escadre était assez bien formée, lorsque l'ennemi prolongea notre ligne,
sous le vent, hors de portée de canon; ses vaisseaux serrant le vent, eu
approchant de la queue de notre M^ne; je jugeai que son intention était de
porter ses efforts sur notre arrière-garde et, par une contremarche vent devant,
de la mettre entre deux feux.
Je fis alors le signal de faire virer l'armée lof pour lof par la contremarche.
La brume ayant repris avec beaucoup de force, le signal fut quelque temps h
parvenir au vaisseau de tôte qui était celui de l'amiral Gravina, mais enfin
j'eus la satisfaction de voir qu'il lui était parvenu et qu'il avait commencé le
mouvement.
Dans ce moment, la frégate la Didon vint de la part du général Magon
me prévenir que l'ennemi virait vent devant sur Tarrière-garde, ainsi que je
l'avais prévu, mais ce que la brume m'empêchait de voir; l'amiral Gravina
(l) Voir ci-après l'crretir du point.
LA BATAILLE DU 22 JUILLET. 705
suivi de toute la ligne exécutait le mouyement de contremarche; en passant
le long de mon bord, il m'envoya le bric YAigle^ me demander mes instruc-
tions; je lui fis dire que je le priais, après avoir doublé 1p sorre-file, de tenir
le vent en faisant le moins de voile possible, pour faciliter aux vaisseaux
mauvais voiliers le moyen de serrer la ligne et de garder leur poste. La brume
cependant était plus épaisse, et je n'avais pas encore viré de bord, que
j'entendis la canonnade s'engager à Tarrière-garde. C'était le vaisseau
V Argonaute qui, en doublant le serre-file, se trouva engagé avec les vaisseaux
ennemis qui avaient viré de bord. Toute la ligne ayant pris les amures à
tribord, la canonnade s'engagea successivement jusqu*au vaisseau le Formi-
dable. Le vaisseau le Neptune, mon matelot d'avant, faisait déjà feu, que la
brume m'empêchait de distinguer si l'ennemi venait par biVbord ou par tri-
bord; enfin, les boulets nous dépassant, et apercevant aux éclairs de ses
canons un vaisseau sous le vent, à nous, nous lui avons riposté par un feu
très vif. On se battait dans toute la ligne sans que je puisse connaître aucun
des événements du combat. A six heures et demie, il y eut un moment
d'éclaircie sous le vent; j'eus connaissance d'un vaisseau démâté de son grand
mât et de son mât d'artimon, courant vent arrière sous sa misaine; d'un
autre vaisseau à trois ponts portant pavillon carré au mât d'artimon, démâté
de son petit mât de hune, faisant porter aussi. Nous jugeâmes l'un et l'autre
vaisseaux ennemis, et enfin par le travei-s, sous le vent et à petite distance, le
vaisseau le Saint- Raphaël , sans ses basses voiles, ses huniers et son grand
perroquet, Htague de son grand hunier coupée et quelque autre manœuvre; il
serrait le vent et je ne doutiis pas qu'il ne gagnât la queue de la ligne qui
était très serrée et dont la plupart des vaisseaux étaient en panne, ne combat-
tant pas, n'ayant pas d'ennemi par leur travers.
Dans cette persuasion, je fis signal aux frégates de donner la remorque au
vaisseau désemparé ; mais la brume, la fumée et la nuit qui approchait
me le firent bientôt perdre de vue. Les frégates, dans de courts intervalles
d'éclaircie, m'avaient fait signal que la ligne s'engageait dans le centre et que
plusieurs vaisseaux de l'arrière ne combattaient pas, n'ayant pas d'ennemis
par leurs travers.
Mais n'ayant pas moi-même connaiss<ince de la vraie position de l'ennemi,
le fort du combat me paraissant être à l'avant-garde, oti le canon grondait
toujours, je n'ai pu faire aucun signal général. La nuit était déjà très obscure,
qu'il se tirait encore du canon à la tête de la ligne. Le temps s'éclaircit. Je fis
lancer des fusées pour marquer ma position ; à 9 h. 3/4, une frégate me fit
signal que la ligne était très allongée et que le gros de l'armée était loin des
yaisseaux avancés. Je fis faire successivement le signal de serrer la ligne et
ordonnai aux vaisseaux de tête de diminuer de voile, que j'ai encore répété
à ii h. 1/4 ; l'ennemi nous restait sous le vent, ayant des feux de recon-
naissance.
Je continuai à lancer des fusées toutes les demi-heures pour marquer ma
position. A minuit, je perdis de Tue les feux de l'ennemi. J'ai parlé successi-
yement dans la nuit aux frégates la Didon, YHortense^ VHermioney au brick le
Furet ; je les ai envoyés parcourir la ligne en donnant ordre de serrer la ligne
et de yenir me rendre compte des événements du combat, s'ils en pouvaient
recueillir. Je n'appris rien de précis de toute la nuit.
IV. 45
706 TROISIÂME PARTIE. — GHAPITRB XJV.
Au jour, la ligne se trouva extrêmement allongée, on plutôt il n'en existait
plus ; la tête était trM éloignée de Tarant. Je fis signal de ralliement général
et, bientôt après, nous reconnûmes que les vaisseaux espagnols le Firme et le
Saint'Bapftaél nous manquaient.
Nous eûmes en même temps connaiss^ince de Tesoadre ennemie, très loin,
sous le Tent, et tenant les amures k bâbord ; à 5 heures, Je fis signal de Tirer
de bord lof pour lof, pour prendre les mêmes amures. Plusieurs vaisseaux me
signalaient des aTaries dans leurs voiles et leur mAture. Je répondis par le
signal de se préparer au combat. Le temps était encore à la brume et paraissait
devoir bientôt nous oouvrir comme dans la journée d'hier.
Frappé des inconvénients qui en étaient résultés la veille, de Fimpossibilitë
de juger des événements du combat, de donner des ordres et de faire les
signaux que les circonstances nécessiteraient, en restant sur mon vaisseau par
le temps qui menaçait, lorsque lui-même serait engagé dans le feu, je cédai
aux instances que m'en fit le général Lauriston, au nom de TEmpereur, et Je
passai avec lui et mon état-major à bord de la frégate VHortense et j'en fis pré*
venir Tannée par les frégates, en annonçant à chaque vaisseau de se préparer
à une action décisive. A 9 h. 3/4, je signalai la ligne de bataille bAbord
amures, ordre renversé, à l'escadre légère de prendre la tête. L'amiral Gravina
signala aux siens de prendre la queue de la ligne française et lui-même se
plaça en serre-file.
La DidoTij que j'avais envoyée reconnaître l'ennemi, me signalait ses ara-
ries; qu'il était au nombre de 16 vaisseaux; qu'il en avait trois à la
remorque; elle demanda à m'envoyer un canot à bord. Le capitaine me rendit
compte qu'il croyait que les deux vaisseaux espagnols étaient dans l'escadre
anglaise. Cependant la ligne de bataille se formait, quoique avec peine ; le
vent était mou et la mer asses grosse. Je faisais, en parcourant la ligne, tous
les signaux particuliers qui pouvaient en accélérer la formation.
A midi, je me trouvais par 43* 4i' latitude observée, et 4i* 48' de
longitude.
Du 4 au 5 thermidor (23 au 24 juillet 1805).
A 1 h. 10, la ligne était suffisamment formée, quoique allongée à l'arrière-
garde. Je fis signal cTarriver tous à la fois au nord-est, peu après à Vest-nord"
est et, àt h. 4Siy à Fest-sud-est.
L'ennemi nous restait à peu près dans cette aire de vents, à grande dis*
lance ; il avait fait porter une partie de la matinée. A 4 heures, le vent mol-
lissait, l'ennemi paraissait se former en ligne, mais il était eneore si éloigné
qu'il me tut démontré que nous ne pourrions l'atteindre qu'à la nuit, et,
comme un combat de nuit ne pouvait me convenir, Je fis signal à l'armée de
tenir le vent tous à la fois, et je signalai que mon intention était de renvoyer
le projet d'attaque à demain matin, au point du jour.
La nuit suivaute, le vent calma presque entièrement, les vents varièrent du
nord-ouest au nord et au nord-nord-est ; la ligne de bataille no put se con-
server pendant la nuit et, à tl h. 45, je fis signal, aveo des feux et des coups
de canon, de virer lof pour lof tous à la fois.
Dès que le jour se fit, nous eûmes connaissance de l'escadre ennemie A
rE.-l/4-S.-E.. je fis prendre à l'armée la bordée qui portait dessus^ en formant
LA BATAILLE DU 2Î JUILLET. 707
la ligne de bataille bâbord amures. Je fis porter toute la matinée pour
l'approcher, mais les vents ayant refusé, elle se trouva au vent, elle forçait de
voiles, serrant le vent, un seul vaisseau se tenait en intermédiaire, à trois lieues
de nous. La frégate la Didon était en reconnaissance fort près de lui. A
9 heures, voyant que Tennemi continuait à serrer le vent, qu'il me serait
impossible de l'amener à mon aotion, que son projet ne pouvait être que de
nous occuper en attendant des renforts qu'il pouvait recevoir à chaque instant,
je me décidai h. faire route et je signalai le S.-E.-1/4-B.
Du 5 au 6 thermidor (24 au 25 juillet 1805).
La latitude observée de 43** 40' m*a bientôt fait reconnaître que j'avais une
erreur assez forte en longitude. Je m'en suis aussitôt référé à celle que m'avait
signalée le vaisseau V Argonaute, qui me mettait i® 38' plus à l'ouest (soit
13*^ 51' longitude ouest), j'ai aussitôt signalé la roule à l'est-sud-est, ensuite
à rE.-l/4-S.-E., les vents paraissant vouloir reprendre dans la partie du nord-
est, j'ai fait signal à la Didon de chasser en avant pour reconnaître la terre ;
à 4 heures du soir, elle était à plus de six lieues en avant de l'armée et elle ne
l'avait pas reconnue. L'escadre naviguant toujours sur la ligne du plus près
bâbord, l'ennemi toujoiu*» en vue du haut des mâts, dans l'est-nord-est, j'ai
fait chasser la Thémis sous le vent, sur un bâtiment que Ton me signalait
désemparé et appartenant à l'armée ; la Thémis me l'a signalé bientôt navire
neutre. A l'entrée de la nuit, la Didon avait reviré sur l'escadre pour rallier ;
un b&timent de l'avant m'a signalé des voiles étrangères faisant route sur
l'armée ; j'ai soupçonné son erreur, j'ai néanmoins fait le signal à coups de
canon et avec des feux, de serrer la ligne pour tenir tous les vaisseaux
sur leurs gardes contre une entreprise de ce genre que pourrait tenter
l'ennemi.
Dans la nuit, le vent a passé au nord-est grand frais et la mer est devenue
très grosse.
Au jour, l'ordre s'est trouvé rompu par l'effet du gros temps, l'horizon
couvert de brume, je n'ai eu aucune connaissance de l'ennemi ; l'armée, sans
ordre, sous le grand hunier et la misaine. Plusieurs vaisseaux ont eu leurs
voiles emportées, V Espagne a cassé la barre de son gouvernail, il est tombé
beaucoup sous le vent, ainsi que V Atlas,
VHermione a pris et coulé un lougre ennemi de commerce qui traversait
l'armée.
Du 6 au 7 thermidor (25 au 2Ô joillet 1805).
A midi, la Didon, qui était à trois lieues en avant de Tescadre, a signalé la
terre et le cap Finistère à l'est-sud-est. Je l'ai estimé à cinq lieues, les vents
toujours au nord-est, gros frais, la mer très grosse ; le Neptune a signalé une
avarie dans son grand mftt, à 4 h. i/4. Voyant la continuation de ce temps,
craignant à chaque instant de voir démâter quelques vaisseaux, surtout de ceux
dont les mâts avaient souffert par Veffet du combat, les vaisseaux mauvais voi-
liers extrêmement sous le vent et devant éprouver des réparations en tenant la
cape la nuit suivante; après en avoir conféré avec V amiral Gravina, je me suis
708 TROmÈME PARTIE. — CHAPITRE XIT.
décidé à arriver pour Cadix et jai signalé la route mu 5.-0.-I i-S., en se
foniuint sur r ordre de marché de trois colonnes.
Les fjvgates de l'arrifre m*ont signalé im Taisseau, pois une frégmte
quelles oot bientôt après reronno être la Dûfofi, qui avait été reconnaître
la terre.
A 8 heures du soir, le Tent et la mer ont calmé. A iO heoret, il s'est élevé
un Tiolent ora^, de la partie du sud, qui a duré jusquli 2 heures du matin ;
le tonnerre est tombé sur le màt de misaioe du Bueentawrey mais n*a causé
aucun accident çrafe. Au jour. Tannée s*est trooTée sans ordre et en calme,
le temps très brumeux. J*ai quitté VHortense pour repasser sur le Bttceniaure,
A 1 1 heures, il s'est élevé une petite brise du sud ifai dû renoncer à la route
de Cadix pour reprendre ceVe du Ferrol, et Je l'ai sif^uilée an N.-E.-1/4-N.
Da 7 aa 8 ikeriidor (t6 aa t7 jafllet 1805).
Latitude observée : i2*,tT nord.
Longitude : 12*,S0' nord.
Xai expédié le brick le Furet pour Vigo, avec une lettre, pour annoncer au
contre-amiral Gourdon mon arrivée sur ces parages. Dans l'après-midi, les
vents ont encore varié du sud à l'ouest, puis au nord-ouest et au nord. J'ai
pris bâbord amures. Cependant, les rapports que je recevais de tous les bâti-
ments de l'escadre, particulièrement de ÏAlgésiras^ de VAehUley de Vlndomp-
table, de V Aigle étaient très affligeants; les malades augmentaient dans toute
Cescadre, le besoin d'eau «c faisant sentir, TAchille n'en avait plus que pour
cinq jours; il me devenait indispensable de toucher dans quelque port, pour y
débarquer les malades et blessés qui encombraient les vaisseaux sans avoir de
secours à leur donner, et d'y prendre quelque rafratchissement ; le seul port
de Vigo était à portée et je me décidai à y entrer.
J'ai prolongé la bordée à Test-nord-est jusqu'à minuit ; 1 cette heure, ne me
faisant qu'à trois lieues de terre, j'ai pris le bord au large; â 4 heures, j'ai
reviré à terre.
An jour, le temps très brumeux, presque calme, l'armée naxiguant sans
ordre mais bien ralliée, j'ai donné avis â l'amiral Gravina de la nécessité où je
me trouvais d'aller relâcher â Vigo.
A 6 heures, nous avons eu connaissance de la terre. A iO heures, ayant
bien reconnu les îles Bayona, j'ai fait route pour le mouillage de Vigo ; l'ar-
mée, formée sur une ligne de convoi, grand largue, est entrée dans la baie,
où elle a jeté l'ancre à l'entrée de la nuit.
L'après-midi, les frégates VHortense et VBermione ont chassé un lougre
ennemi qu'elles n'ont pu rejoindre.
Voici comment l'amiral Galder raconta le combat et les
incidents qui le suivirent :
LA BATAILLE DU 22 JUILLET. 709
Extrait d'une lettre du vide^amiral air Robert Calder, à bord du
u Prinoe-de-Gallea », le 23 juillet 1805, à l'ami rai Cornwallie (reçue
le 25 juillet (I).
Monseigneur,
Hier à midi, par la latitude de 43*30' nord et I7<>11' de longitude ouest (2),
j'eus la Tue des escadres combinées de France et d'Espagne, consistant en
20 Taisseaux de ligne, 3 gros Taisseaux armés en flûte, d'environ 50 canons,
2 frégates et 3 bricks. Les forces sous mes ordres consistaient en 15 vaisseaux
de ligne, 2 frégates, 1 cutter et 1 lougre ; je marchai aussitôt vers Fennemi,
faisant les signaux nécessaires pour combattre dans Tordre le plus serré ; et,
en arrivant à portée, je Hs signal d'attaquer le centre. Lorsque j'eus atteint
l'arrière-garde, tous les vaisseaux de l'escadre virèrent de bord successive-
ment ; cette manœuvre nous amena très peu sous le vent, et lorsque les vais-
seaux de la tête furent arrivés au centre de la flotte ennemie, tous ses vais-
seaux virèrent aussi successivement, ce qui m'obligea h répéter cette manœu-
vre, par laquelle j'engageai un combat qui dura près de quatre heures. Alors,
je jugeai nécessaire de mettre l'escadre en panne pour mettre en sûreté les
deux vaisseaux pris. Je dois observer que l'ennemi avait l'avantage du temps
et du vent pendant toute la journée. Le ciel avait été brumeux, de temps en
temps, une grande partie de la matinée ; et, peu de temps après que le com-
bat eût commencé, la brume était si épaisse, par intervalles, que nous voyions
difBcilement les vaisseaux à l'avant et à l'arrière de nous. Cela me mit dans
l'impossibilité de faire des signaux pour profiter de mes avantages sur l'en-
nemi. Si le temps eût été plus favorable, je suis porté ii croire que j'aurais
obtenu une victoire plus complète.
Liste des tlés et des blessés a bord de l*escadre de l'amuial Calder.
Navires. Taés. Blessés.
Hero
Ajax
Triumph
Barfleur
Agamemnon
Windsor-Castle
Défiance
Prince-of'Wales
Repuise
Raisonnable ,
Glory
Thunderer
(1) Record Office do Londres, Channel Flect.
(2) Méridien de Oreenwieh.
i
4
2
16
5
6
3
7
, . . »
3
... 10
35
1
7
3
20
. . . »
A
i
1
1
1
7
11
710 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIV.
Narires. Taéi. Blette*.
Malta 5 40
Dragon (1). . , » »
Warrior (1) » »
Egyptienne (i) » »
Sirius 2 3
iVc7 (lougre) (i) » »
Frisch (cutter) (4) »
»
Total 4i 458
Le lendemain du combati Calder, alors à 40 lieues du cap
Finistère, écrit à lord Gomwallis (2) :
L'ennemi est maintenant (13) en vue au ?ent ; lorsque J'aurai mis en
sûreté mes prises et réparé mes aTaries, je profiterai de toute occasion qui me
permettra de vous parler davantage de l'escadre combinée (sic). Il faut aussi
que Je me garde contre les navires qui sont au Ferrol, car J'ai sujet de croire
que l'ennemi a profité de la nuit pour y envoyer quelques bâtiments avariés. Je
puis donc me trouver forcé de me joindre à vous sous Ouessant.
Je suis obligé de vous envoyer le Windsor-Castle, maltraité dans le com-
bat Les prisonniers disent que Varmée combinée était destinée au
Ferrol
Et il ajoute que ses deux prises sont remorquées par
V Égyptienne et \e Sirius. Le Firme a 180 tués et 40 blessés,
le San-Raphaël 20 tués et 80 blessés.
Le 26, Calder écrit à Famiral Cornwallis (2) :
Je me propose de croiser au rendez-vous n" 52 pendant quelques jours dans
Tespoir de rencontrer lord Nelson, qui doit être à la poursuite de Tescadre
combinée. S'il ne me rallie pas, je laisserai le Dragon pendant une semaine au
rendez-vous, pour diriger Sa Seigneurie si elle y venait.
Je vais reconnaître si l'escadre combinée est au Ferrol. Si elle y est, je
me propose de reconnaître Rochefort, puis je m'efforcerai de vous Joindre
sous Ouessant, car je pense que vous ne m'approuveriez pas de rester devant
le Ferrol ou de laisser l'amiral Stirling devant Rocbefort, car tous mes navires
ont besoin de réparations
EfiPectivement, le 29, Calder était arrivé devant le Ferrol,
où, d'après les dires des prisonniers, Tennemi devait se porter.
A sa grande surprise, l'armée combinée n'avait pas paru.
(1) Poiut de rapport.
(2) British Muséum^ vol. 34930.
LA BATAILLE DU 28 JUILLET. 711
A l'ami rai Cornwallis (i).
SlJaUlei.
Je suit arrifé le 29 aTee l'escadre deiant le Ferroli où le Dragon^ seul fais-
seau qui n'a pas eu d'ayaries dans le combat du 22, a reconnu que rien n'était
changé et que la flotte combinée n'ayait pas paru Je reprends le blocus
du Ferrol aTec 9 vaisseaux et j'enierrai l'amiral Stirling aTeo les quatre res-
tant deyant Rochefort, en attendant de nouveaux ordres
Il est très probable que la flotte combinée est allée à Cadix h cause du vent
du nord-est. Le vent était tout à Mi contraire pour aller à Rochefort, mais
Stirling le saura bientôt
Voici comment Tamiral Collingwood eut connaissance de la
bataille :
Traduction d'une lettre en portugais, datée de Vigo, 29 juillet 1805
(papiere de Collingwood) (2).
Le 23 au matin, au milieu du brouillard, à quarante lieues est du cap
Ortegal, Tatant-garde de la flotte combinée franco-espagnole rencontra la
flotte anglaise, forte de 13 vaisseaux à deux ponts et 3 à trois ponts. L'action
commença dans une grande confusion et au milieu du brouillard ; 9 vaisseaux
français tombèrent sous le vent et ne purent revenir au feu.
Le combat dura six heures et fut très acharné des deux côtés. On dit qu'un
trois-ponts anglais a été complètement démâté et que tous les autres ont reçu
de graves avaries.
Le 24, les Franco-Espagnols donnèrent la chasse aux Anglais qui refusèrent
le combat en se retirant constamment. Le blocus du Ferrol s'est ainsi trouvé
levé
Le 27 au soir, l'escadre alliée, forte de 19 vaisseaux de ligne, 4 frégates et
2 bricks, est entrée à Vigo, suivie d'un galion espagnol venant de Lima avec
un chargement d'argent, et qui avait été repris aux Anglais. Deux navires
sont restés en observation à l'entrée du port. Il manque deux navires espa-
gnols, séparés pendant le combat, dont l'un a été démâté et l'autre très avarié
dans son gréement. A cause de l'épaisseur du brouillard, on ne sait encore où
ils sont allés et s'ils sont ou non tombés aux mains des Anglais. L'escadre
alliée est composée de vaisseaux excellents, spécialement les Français ;
ils sont très bien montés. Plusieurs ont reçu des avaries. On dit qu'il y a eu
300 blessés qu'on va débarquer demain et mettre h l'hôpital. Il y a eu 40 ou
50 tués.
L'escadre a 12,000 hommes à bord. Elle est commandée en chef par
(1) Record Office^ Channel Fleet.
(2) British Muséum, Add. MS, 36525.
712 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIV.
ramiral espagnol Gratina (sic)^ et en second par le Tice-amiral français Ville-
neuve (sic).
Hier, un courrier a été envoyé d'ici au Ferrol et Ton pense que, d'ici trois
ou quatre jours, la flotte combinée sera jointe par Tescadre qui est au Ferrol
et qui compte 17 vaisseaux de ligne, et qui partiront d'ici tous ensemble avec
la frégate Sabina, qui a été quelque temps ici. On ignore où ils vont porter
leurs coups. L'escadre du Ferrol a 13,000 hommes à bord. Ici on craint fort
que Nelson arrive avant Tescadre du Ferrol.
L'amiral Collingwood au contre^amiral Biokerion (I).
DreadDOUght devant Cadix, 7 aofti 1805.
Cher Monsieur,
Je vous envoie ci-joint un paquet de renseignements arrivés ce matin de
Lisbonne.
Vous apprendrez que sir Robert Calder a eu un engagement avec la flotte
combinée, avant l'entrée de celle-ci à Vigo. D'après le témoignage de l'ennemi
lui-même, le résultat de l'affaire parait avoir été favorable à nos armes,
puisque les alliés ont dû aller à Vigo au lieu du Ferrol, et cela non sans avoir
perdu des navires.
Les renseignements que je reçois de Cadix annoncent positivement que les
navires qui y sont doivent mettre à la voile dès qu'ils auront été joints par
8 vaisseaux venant de Carthagène, renforcés de quatre autres venant de Tou-
lon. On dit que cette escadre a été vue devant Malaga dimanche dernier. J'es-
père que vous êtes renseigné, si le fait est vrai, et que nos forces sont concen-
trées à l'entrée du détroit où ïHydra est en observation. J'espère que nous
allons terminer tout cela heureusement, à la gloire de notre pays et à la
déconfiture des projets de nos adversaires.
Je vous envoie aussi une copie des signaux que doivent faire les éclaireurs
pour annoncer l'ennemi au moyen de leurs voiles de perroquet. C'est fort
utile, car, à gninde distance et par la brume, on ne peut reconnaître les
pavillons. Je compte que vous m'annoncerez le plus promptement possible
tout mouvement de l'ennemi.
Je joins à cet envoi les dépAches adressées à lord Nelson avec le renseigne-
mont relatif à la première apparition de l'ennemi devant Vigo
Telle avait été cette bataille, si mollement conduite de part
et d'autre. Si on ne devait la juger que par ses résultats
immédiats, on devrait en conclure au succès des Anglais,
puisque Calder avait pris deux vaisseaux et maintenu le
blocus du Ferrol, où Villeneuve renonçait pour le moment à
(l) Brilish Muséum, Add. MSS, 36525.
LA BATAILLE DU H JUILLET. 713
pénétrer. Mais, quelques jours plus tard, la jonction des
forces franco-espagnoles se fera dans cette baie, sans que les
Anglais s'y opposent ; le dommage se réduit donc pour les
alliés à la perte de deux vaisseaux espagnols, perte plus que
compensée par les sérieux renforts préparés au Ferrol.
î XV
VIGO — LE FERROL - LA « DIDON »
Le brick le Furet , expédié le 27 juillet à Vigo, y portait,
oulre Tavis donné à Gourdon de l'arrivée de Villeneuve, un
premier rapport sur le combat du 22 et la relâche imprévue
qui allait retarder la jonction de Tarmée combinée avec les
forces du Ferrol.
Copie de la Isttre du Wca-a/n/ra/ Villeneuve, adressée au Ministre
de la marine et des colonies.
A bord da vaisseau de l'Empereur, le Bucentaure, le 8 thermidor an xiu
(27 Joillet), à 40 lieues ouest-sud-ouest du cap Finistère (1).
Monseigneur,
J'ai rhonneur de tous rendre compte que la flotte oombinée a qaitté la
Martinique le i6 prairial. Le 20 messidor, étant à la hauteur du cap Finistère»
j'ai été pris par les yents d^est-nord-est et de nord-est, qui ont soufflé atec
▼iolence. V Indomptable a démAté de son grand mât de hune^ et la flotte t
souffert plusieurs avaries dans ses yergues et sa Toilure.
Les Tents ayant calmé n*ont point yarié et se sont maintenus dans la
même partie, et je suis resté ainsi sans pouvoir m'éleTer et luttant contre la
contrariété des tents jusqu'au 3 thermidor, où j'eus connaissance de 21 Toiles
ennemies.
J'ai aussitôt formé l'escadre sur la ligne de bataille bâbord amures. L*amiral
Gratina a fait à l'escadre espagnole le signal de prendre la tôte de la ligne
et lui-même s'est mis à la tête de Tesoadre combinée.
Le temps était excessitement brumeux ; nous gouvernions sur l'ennemi
(1) Archives de la Marine, BB»^, 130.
716 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XV.
qui, lui-même, goufernait sur nous sur uue ligue largue, ayec riotention
apparente de serrer le Tent sur notre arrière-garde et de la mettre entre deux
feux par une contremarche Tent devant.
Dès que je le tîs sous le vent par notre travers, je fis le signal de virer lof
pour lof par la contremarche.
La brume commençait à gagner. Dès que mon signal a été parvenu à
l'amiral Gravina, il s'est empressé de Texécuter avec beaucoup de résolution
et il a été suivi successivement par tous les vaisseaux de Tescadre. Dès qu*il
est panrenu à la hauteur du serre-file, il a engagé le combat avec des vaisseaux
ennemis qui avaient déjà commencé leur mouvement vent devant. Mais alors
la brume est derenue si épaisse qu*il m'a été impossible de plus rien aper-
ceToir ; chaque vaisseau ne voyait à peine que son matelot d'avant.
La canonnade s'est successivement engagée sur presque toute la longueur
de la ligne.
Nous tirions à la lueur du feu de Tennemi, presque toujours sans Taper-
cevoîr; ce n'a été qu'à la fin du combat que, dans un court moment d'éclair-
cie, j'ai pu apercevoir sous le vent de la ligne un vaisseau portant pavillon
espagnol qui tenait le vent sous ses basses Toiles, ses huniers amenés. Près
de lui étaient deux vaisseaux reconnus ennemis, dont l'un démâté de tous ses
mâts, et l'autre à trois ponts, démàlé de son petit mât d'hune et fort dégréé,
faisant l'un et l'autre vent arrière.
Le vaisseau démâté paraissait dans une grande confusion et suffire à peine
au travail de toutes ses pompes.
La brume la plus épaisse couvrait alors toute l'avant-garde et l'arrière-
garde de l'escadre et m'ôtait la faculté de faire exécuter aucun mouvement.
Dans ce que j'apercevais, tout l'avantage du combat était à nous.
Nulle éclaircie le reste de la soirée; la nUit, les deux escadres sont restées
en présence, faisant leurs signaux de conserve. Je crus cependant m'aperce-
voir que l'ennemi s'éloignait. Dès que le jour fut fait, nous le vîmes beaucoup
sous le vent à nous. Tous les rapports reçus des bâtiments français étaient
satisfaisants ; ceux de l'amiral Gravina se montraient pleins de détermination
à poursuivre et réattaquer l'ennemi, d'autant que depuis l'éclaircie nous
n'apercevions pas deux vaisseaux espagnols, le Firme et le Saint-RaphaéL
J'ordonnai le ralliement général et la ligne de bataille bâbord amures, et fis
porter sur l'ennemi. Le vent mollit, la mer était grosse, l'ennemi arrirait et
il fut impossible de toute la journée de parvenir à l'engager comme je
le Toulais.
Je m'occupai, pendant la nuit, à maintenir l'armée en ordre pour être
prêt à recommencer l'affaire au point du jour.
Dès qu'il se fit, je fis porter sur l'ennemi qui s'était mis à une grande
distance, en forçant de voiles, de manière à éviter un nouvel engagement.
Dans l'impossibilité de le forcer au combat, j'ai cru devoir ne pas m'éloi-
gner d'avantage du but de ma destination, et diriger ma marche pour opérer,
conformément à mes instructions, ma jonction arec Tescadre du Ferrol.
J'éprouve des contrariétés des vents du nord-est à l'est-nord-est qui, hier,
ont soufflé avec la plus grande violence.
Voici les seules nouvelles que j'ai eues des deux vaisseaux qui manquent
à l'escadre espagnole :
VIGO. — LE FERROL. — LA « DIDON ». 117
Le capitaine Gosmao, eommaodant le vaisseau de Sa Majesté Impériale, le
Pluton, m'a rendu compte que, dès le commencement du combat, le Tais-
seau le Firme avait été démâté de son mât d*artimoa et de son grand mât,
qu*il rayait couvert tant qu'il l'aTait aperçu, en se mettant entre lui et Ten-
nemi, mais qu'ensuite il TaTait perdu de vue dans la brume.
Quant au Saint-Raphaélf il parait certain qu'il n'a pas été démâté, mais ce
vaisseau, mauvais voilier, et dérivant beaucoup, sera tombé sous le vent et
nous aura perdus dans la première nuit.
Au reste, la brume a été si constante et si épaisse que je n'ai pu distinguer
la force de l'ennemi. Mais le lendemain du combat, j'ai vu 14 vaisseaux,
dont 3 à trois ponts, et la plupart m'ont paru très maltraités ; et s'il est vrai,
comme Tassure le capitaine de la Didon, qui avait bien reconnu l'ennemi
avant le combat, qu'il avait 15 vaisseaux, on peut présumer que l'un d'eux
aura disparu dans l'action.
Toutefois, Monseigneur, cette affaire a été honorable aux armes des deux
puissances, et sans la brume aussi épaisse que continue qui a favorisé les
mouvements et la retraite de l'ennemi, il n'eût point échappé à nos efforts
ni â une affaire décisive.
J'ignore encore le nombre des tués et blessés, mais je le crois peu consi-
dérable. J'ai à regretter le capitaine de Péronne, du vaisseau de Sa Majesté,
Y Intrépide^ qui a été tué.
Le capitaine Rolland, de V Atlas ^ a reçu une blessure. J'aurai l'honneur de
vous rendre incessamment des comptes détaillés à cet égard.
Je prie Votre Excellence d'agréer mon respect.
Villeneuve.
Ainsi qu'on Ta vu, Tamiral, à son entrée à Yigo, ne trouva
et ne pouvait d'ailleurs trouver, ni ordres, ni instructions,
ni nouvelles. Les deux lettres qu'il écrivit dès qu'il eût pris
le mouillage, contrastent singulièrement avec les précé-
dentes.
A bord da Bucentauret en rade de Vigo, le 9 thermidor an xiii
(28 juillet 1805) (1).
Monseigneur,
Une nécessité impérieuse, irrésistible, m'a forcé d'entrer à Vigo. Les
malheurs se sont accumulés sur cette escadre dans une progression toujours
croissante, depuis vingt jours que je lutte contre les vents constants de nord-est
et d'est-nord-est, à 60 lieues du cap Finistère, sans pouvoir le doubler.
Nous avions obtenu enfin un Tent faTorable lorsque, le 3 thermidor, nous
avons eu connaissance de 20 Toiles ennemies ; j'ai aussitôt formé l'escadre sur
la ligne de bataille bâbord amures. L'amiral Gravioa a fait à l'escadre espa-
gnole le signal de premlre In tête de la ligne et lui-roéme s'est mis à la tête
(1) Villeneuve au Minisire do la marine. Archives de la Manne, BB«v, 130-135.
718 TROISltont PARTU. — CHAPITRB XV.
de l'esoidre Mmbinée ; le temps éttit très brumeux, nous goufemions sur
l'ennemi qui, lui-même, goufemait sur nous sur une ligne largue, arec Tin-
tention apparente de serrer le rent sur notre arrière-garde, et, par une contre-
marche vent deTant, de la mettre entre deux feux. Dès que nous TaTons eue
par notre traders sous le fent, j*ai fait signal de Tirer lof pour lof par la
eontremarehe. La brume commençait à regagner ; dès que mon signal est
parrenu à l'amiral Gratina, il s'est empressé de l'exécuter àiec beaucoup de
résolution, et il a été suiti successifement par tous les Tsisseaux de l'es-
cadre; et dès qu'il est parrenu à la hauteur du serre-61e de l'escadre, il a
engagé le combat atcc des yaisseaux ennemis qui ataient déjà commencé
leur mouvement Tent derant. Mais la brume étant devenue très épaisse, il m'a
été impossible de plus rien apercevoir, et chaque vaisseau ne votait à peine
que son matelot d'avant. La canonnade s*est engagée successivement sur
presque toute la longueur de la ligne ; nous tirions à la lueur du feu de l'en-
nemi, presque toujours tans Tapercevoir. Ce n'a été qu'à la fin du combat
que, dans un moment d'éclaircie, j'ai pu apercevoir sons le vent de notre
ligne un vaisseau portant pavillon espagnol et, près de lui, un autre vaisseau
démâté de tous ses mâts et un vaisseau à trois ponts démâté de son petit mât
de hune et fort dégréé, que nous avons reconnus pour ennemis, faisant l'un
et Tautre vent arrière tandis que le vaisseau espagnol serrait le vent sous ses
basses voiles et ses huniers amenés. La brume couvrait encore toute l'avant-
garde et toute Tarrière-garde de l'escadre, et m'ôtait la faculté de faire
exécuter aucun mouvement.
La nuit, les deux escadres sont restées en présence, faisant leurs signaux
de conserve; l'ennemi, cependant, paraissait s'éloigner; dès que le jour s*est
fait, nous l'avons aperçu beaucoup sous le vent à nous, mais j'ai eu la douleur
de voir qu'il manquait deux vaisseaux dans la ligne espagnole. J'ai ordonné,
en Tirant de bord tous à la fois, le ralliement général, et dès que quelques
vaisseaux eurent réparé leurs avaries, j'ai signalé la ligne de bataille bâbord
imarea et fait porter sur l'ennemi. Le vent ayant molli, la mer étant grosse,
la ligne ayant eu quelque peine à se former, nous ne pouvions être à portée
d'engager le combat qu'à la nuit, ce qui m'a décidé à faire retenir le vent
et renvoyer l'affaire au lendemain, au jour. Dans la nuit, les vents ont varié
au nord ; dès que le jour s'est fait, nous avons gouverné sur Tennemi qui
nous restait à une grande distance, mais il ne s'est point prêté à un nouvel
engagement et il a forcé dévoiles en tenant le vent. Comme Je n'avais aucune
espérance de le forcer au combat ni de pouvoir le joindre, que je lui
soupçonnais l'intention de vouloir nous occuper en attendant des renforts et
de ma détourner de ma destination, où la situation de la plus grande partie
des vaisseaux me forçait de me rendre sans délai ; je n'ai pas cru devoir
m'obstiner à sa poursuite et j'ai fait route ; mais les vents ont tourné an nord-
est et à l'est-nord-est, et le 7 ils ont soufflé avec tant de violence que l'es-
cadre a encore dérivé sous le vent du cap Finistère.
i'ai appris depuis, par le capitaine Gosmao, commandant le Pluion, qui
suivait immédiatement la ligne espagnole, que dès le commencement du
combat le vaisseau espagnol le Firme avait été démâté de son grand màt
et de son màt d'artimon, qu'il l'avait couvert en passant sous le vent à lui,
mais qu'il l'avait ensuite perdu de vue dans la brume. Quant au second vais-
ViaO. — LB PBRROL. — LA « DIDON ». 719
seau qui nous manque, le Sain^-Baphail, il n'atait pai perdu de mai, nuit oa
Taisseau, mauTaU toilier et démant beauooupi ayant en quelques avarie»
dans son gréement, a dû être entraîné sous le vent de la ligne et ensuite
peut-être ôoupé par l'ennemi à la faveur de la brume. Je n*ai pas pn distin-
guer la force de l*escadre ennemie, mais par le rapport de la frégate la Didon,
qui a été le reconnaître, il parait qu*ello n'était que de 14 à i5 vaîsseaui,
dont 3 à trois ponts.
Il est h présumer que, sans les circonstances d*une brume aussi épaisse
et aussi continue, le combat qui paraissait commencer sous d'heureux
auspices, aurait eu des suites bien différentes.
J*ignore encore le nombre des tués ou blessés ; dans Tescadre nous avons
perdu le capitaine de Péronne, commandant V Intrépide ; le capitaine Rolland,
commandant VAUoi^ est blessé. Je vous rendrai, à oe sujet, des comptes plus
détaillés ainsi qu'un extrait de mon journal, sur tous les sigoaui et toutes les
manœuvres qui ont été faites.
Je prie Votre Eicellenoe d'agréer l'hommage de mon respect.
YlLLINBUVI.
Le Woe-am/ra/ Villeneuve, grand^offtcler de la Légion d'honneur, oom-
mandant en chef /'escadre Impériale à VIgo, à S. £. M. /'>ln?6aesa-
deur de Sa Majesté l'Empereur dee Français.
En rade de Vlgo, le 9 thermidor an xni (tS joinet 1805) (I).
Monsieur l;* Ambassadeur,
Je me fais un devoir d'informer Votre Ëxcellenoe que les escadres combi-
nées de France et d'Espagne, sous les ordres de l'amiral Gravina et de moi»
venant de la Martinique et se dirigeant sur le Ferrol, ont été obligées par
suite des vents contraires, par les besoins pressants d'eau et quelques rafraîchi»^
sements pour leurs malades et blessés, de donner un pied d'ancre sur eette rade.
Le 3 de ce mois, nous avons eu une rencontre, près le cap Finistère, avec
une escadre anglaise ; il y a eu un combat au milieu d'une brume tellement
épaisse, que les vaisseaux ne s'apercevaient qu'aux éclairs de leurs oanonS|
et c'est avec un vif regret que j'ai à vous informer que le lendemain nous avons
trouvé deux vaisseaux de moins dans lar ligne espagnole.
Ce résultat a été bien différent de celui que nous nous promettions de la
manière dont le combat a été engagé.
L'amiral Gravina, qui avait pris la tête de la ligne, l'a conduite avec cette
résolution qui caractérise son caractère, et la perte que nous avons faite ne
saurait ôtre attribuée qu'à la circonstance de cette brume qui est survenue.
Nous avons resté en présence les deux jours suivants, mais l'ennemi t
constamment refusé le combat, et jugeant de son intention de nous occuper*
en attendant des renforts, et me trouvant pressé par le besoin d'eau et le
(1) Archivée de la Marine, BB^r, 184.
720 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XV.
nombre Je malades, j*ai dirigé ma roule sur le Ferrol ; mais par suite du
malheur qui s'est appesanti sur cette escadre, depuis plus de trois semaines, les
vents sont encore contraires.
Nous aTons lutté ayee eux ju8qu*à hier, que les circonstances sont deTenues
assex graTes pour m*obliger de prendre ce port. Je n*j resterai que le temps
nécessaire pour mettre quelques mal.ides à terre.
ViLLBNBUTB.
A bord da Bucentaure, en rtde de Vigo, le 9 thermidor an xni
(3S Juillet 1805) (1).
Monseigneur,
Je TOUS ai dit qu'une nécessité impérieuse et irrésistible m*ayait forcé d'en-
trer à Yigo. Le 20 messidor, étant à la hauteur du cap Finistère, j*ai été pris
par les yents d'est-nord-est et de nord-est qui ont soufflé arec Tiolence.
V Indomptable a été démâté de son grand màt de hune ; plusieurs Tergues ont
été cassées et des Toiles emportées. Les fents ayant calmé, n*ont pas Tarie
et se sont maintenus dans la même partie ; la marche extrêmement désavan-
tageuse de Tescadre, particulièrement de la .division espagnole, le seul
Argonaute excepté, nous faisait perdre du chemin, bien loin de nous per-
mettre d'en gagner. Ge|>eodant les malndies faisaient des progrès rapides à
bord de plusieurs vaisseaux, particulièrement à bord des deux vaisseaux de
Rochefort, VAlgésiras et l'AcAt/Ze, qui avaient déjà au delà de 450 hommes
sur les cadres, et le besoin d'eau s'y faisait sentir. Enfin le 3 thermidor, nous
faisions route avec un vent favorable et nous comptions arriver le lendemain
au Ferrol, quand nous avons rencontré l'escadre ennemie ; le combat qui s*en
est suivi a ajouté encore à la détresse des vaisseaux, par les avaries qu'ils ont
reçues, et les blessés qui en ont été la suite, et pour comble de malheur les
vents ont repassé au nord-est, avec force ; l'escadre ne pouvant tenir de la
voile, nous avons encore dérivé sous le vent du cap Finistère. Je me détermine
donc à arriver, avec l'intention d'aller à Cadix, après en avoir fait part à
l'amiral Gravina, qui était fortement de cet avis. Il y avait A peine six heures
que nous en faisions la route, que le vent qui soufflait en coup de vent vint à
calmer et passa peu de temps après au sud et sud-sud-ouest. Je repris la route
au nord pour aller au Ferrol. Le soir les vents calmèrent ; dans la nuit ils
passèrent au nord-ouest, puis au nord, enfin au nord-ouest. Enfin le com-
mandant de r Achille m'écrivit , par r intermédiaire da général Magon, qu'il
avait 200 hommes sur les cadres; qu'il avait fait démolir toutes les cloisons et
galeries du faux-pont pour y placer les malades; qu'il n'avait que cinq jours
d'eaû. Le général Mngon, sur TAlgésira-, me fit connaître quHl était dans la
même situation,
L'Indomptable, Tlntrépide, i' Aigle avaient chacun plus de 150 malades sur
les cadres ; tous les vaisseaux en avaient de 60 à 120, sans aucune espèce de
secours à leur donner. Obligé de prendre une détermination, n'nynnt d'autre
(1) Villeneuve au Minisiro do la marine. Archives de la Marine, t30 133.
VIGO — LE FERROL, — LA « DIDON ». 721
«
port à portée, pour porter quelques remèdes à ma situatiou, que celui de Vigo,
j'ai été obligé d'y rentrer.
Je me regarde ici comme à la mer, ce port n'a aucune ressource ni aucune
défense.
Dès que fy aurai fait un peu d'eau et mis les malades les plus embarrassants
à terre, je mettrai sous voiles; fen préviens le général Gourdon. Mais si les vents
me contrarient pour le Ferroly je fais route pour Cadix, Je n*ai pas un mois
complet de vivres ; enfin, notre situation est extrêmement fâcheuse. Du rosJe, la
maladie qui nous afflige n'a rien de dangereux, c'est le scorbut et la dysen-
terie, très peu de fiéirreux ; quelques rafraîchissements pourront en remettre
un grand nombre.
J'ai tant de détails A tous donner que je suis obligé de les renyoyer à un
prochain courrier.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
VlLLBWBOTK.
Dès le lendemain, Gourdon avait, au Ferrol, connaissance
de cette importante nouvelle et était sollicité de prendre part
à la bataille qui paraissait certaine. Mais, malgré les ordres
réitérés qu'il avait reçus, Gourdon, ne s'étant pas encore porté
à la Gorogoe, se trouvait hors d'état d'intervenir si, comme
on devait s*y attendre, Galder était resté dans ces parages.
10 thermidor an xui (20 Juillet 1805) (1).
Monseigneur,
J'ai l^onneur de tous annoncer, deyant Yigo, Tarrifée de Tamiral Ville-
neuve ; je transcris la lettre que cet amiral m*écrit: « Je tous écris à la h&te.
Général, pour tous annoncer mon arrivée sur ces parages. J'ai donné, dans
la brume, dans une escadre anglaise ; il y a eu un combat. L'escadre a de
grands besoins ; j'ai des vaisseaux qui manquent d'eau. Faites tous vos efforts
pour venir nous joindre. Je vais faire route pour le Feirol, où il me parait pro-
bable qu'il y aura encore bataille; je m'en rapporte à vous pour être sûr que vous
ferez tout ce qui sera possible pour y prendre part. Datée de 16 lieues dans le
Sud-Sud-Ouest du cnp du Finistère.
Signé : Villeneuve. »
Les vents ne m'ont pas encore permis de me rendre à la Corogne. Je vais
faire mon possible pour me trouver en dehors.
J'ai rhonneur d*étre, Monseigneur, votre très humble et très obéissant
serviteur.
GOCRDON.
(l) Archives de la Marine, BBiv. M9.
IV. 46
722 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE XV.
Dès qu'il eut débarqué ses malades et fait un mois d*eau,
Villeneuve s'occupa du départ. Mais, à la veille d'un combat
qui paraissait certain, puisque Calder était encore dans ces
parages, l'armée combinée fut affaiblie de trois vaisseaux.
I>» 1 1 thormidor an xiii (30 juillet 1805) (1).
Monseigneur,
Je ne puis eneort que vous écrire à la hdte pour vous annoncer que je vais
remettre sous voiles; nous stons fait ici, malgré de grandes difficultés, pour
un mois (Veau, ce qui équivaut à la durée de nos vivres.
Les vaisseaux ï Atlas, V Espagne oi V Amérique, de 60 canons, ne sont pas des
Taisseaux navigables en escadre et sont faits pour tout compromettre ; nous
aTons pris la détermination de les laisser ici, sans croire avoir de beaucoup
diminué nos forces; l'Atlas sert d*entrepdt pour y loger plus df" 800 malades,
en attendant que les établissements que Ton forme à terre soient prêts pour les
recevoir ; nous avons en outre débarqué à terre plus de 400 malades ou blessés.
Je me suis servi des espèces monnayées de la prise espagnole la Minerve,
pour faire payer un mois de solde et de traitement à toute Tesoadre ; le reste
de ces fonds a été entreposé chei le commissaire des relations commerciales;
la totalité de la somme qui sVst trouvée à bord de ce bâtiment se montait
à 408,000 piastres, dont ^7 ont été remis au commissaire des relations com-
merciales, ainsi que la prise.
Je vais faire route pour le Ferrot, si les vents me le permettent, mais en cas
contraire, je filerai sur Cadix ; il me parait assez difficile que je fasse ce pas-
sage sans être obligé de livrer combat; mais, dans f alternative de voir cette
escadre se perdre dans ce port et de fy voir paralysée pour tout le reste, il me
parait qu*il n'y a pas à balancer. Puisse une nouvelle rencontre être plus
heureuse que la première.
Je donne avis au général Gourdon de ma sortie.
Je prie Votre Excellence d'agréer Thommage de mon respect.
YlLUNlUVH.
Effectivement, dès le 31, et malgré ime brise du large qui
s'éleva un moment, toute Tannée parvint à sortir de la baie
de Vigo,
Le vice-amiral Villeneuve au Ministre de la marine.
Vigo, k It thermidor «n xiu (31 jnilUt 1805) (I).
Je suis en appareillage; je laisse ici deux vaisseaux espagnols et le vaisseau
(1) Archives de la Marine, BB«*', 230.
(t) Archives de la Marine, BB>', 230-2 44.
VIGO. — LE FERROL. — LA « DIDON ». 723
français VAtias. Ces bàtimenU n'ont pas beaucoup souffert dans le combat,
mais Us marchent mal et je les considère comme moins propres i\ renforcer
Tescadre qu'à gêner et retarder ses moufements.
J'ai débarqué ici mes malades : la longueur de la navigation et les mauvais
temps m*en ont donné quelques-uns parmi les troupes passagères, mais ces
maladies, qui ne sont que du scorbut, n'ont aucun caractère dangereux, l'air
et les livres de terre les guériront très promptement. Je pars donc avec quinze
vaisseaux, dont deux espagnols. Si nous n'avons affaire sur notre routo d'ici
au Ferrol qu'avec Tescadre que nous avons combattue, nous n'en avons rien
à redouter.
VlLLBNKUTI.
L'arrêt de quatre jours, fait à Vigo, du 28 au soir au
31 juillet, ne parait pas avoir été exagéré, si Ton tient compte,
à la fois, de la tempête du Nord-Ouest qui continuait à souf-
fler (4), et des besoins réels de l'armée combinée.
Journal de Reille.
Le premier soin a été de mettre à terre les malades et de se procurer les
rafraîchissements. Un commissaire et l'ambulance de terre ont été débarqués;
ils ont établi quelques fournitures dans quelques salles éparses dans le fau*
bourg. oi!i l'on a débarqué environ 40 malades ou blessés de terre et de mer.
Les amiraux ont laissé à Vigo trois vaisseaux qui retardaient l'armée par
leur marche : ï America et V Espagne, espagnols, et VAtias, français. On a fait
un hôpital de ce dernier vaisseau et mis dessus 800 malades. Toutes ces opé-
rations se sont faites les 9, 10 et 11 (28, 29 et 30 juillet).
Avec les deux vaisseaux perdus dans le combat du 22, la
force de Tarmée se réduisait donc à 15 vaisseaux, force sensi-
blement égale à celle que Calder avait montrée. On n'eut
pas à combattre, mais le court trajet de Vigo au Ferrol prit
plus de 48 heures.
Le 12 (31 juillet) au matin, Tarmée a mis sous voile n'ayant plus que
treize vaisseaux français et deux espagnols, et s'est élevée dans la journée à
cinq lieues de la côte. Le 13 (1<^' août), les vents au Sud-Ouest, fait route sur
le cap Finistère, que nous avons doublé de très près dans la soirée. Le 14
(S août) au matin, aperçu le cap Prior et la tour d'Hercule, fait d'abord route
pour rentrer au Ferrol. où les deux vaisseaux espagnols avaient déjà donné.
Ensuite, venu mouiller à la Corogne vers les iO heures, le 2 août (2).
(1) Voir ci-dessous, à propos des mouvements de Nelson.
{l) Journal de Reille.
724 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XV.
Contre toute attente, il n'y avait pas eu combat, Calder
ayant disparu depuis le 25 juillet et ne se trouvant pas devant
le Ferrol (1).
C'est le 2 août que, pour la première fois depuis le 4 juin,
jour où il avait été rejoint par Magon, Villeneuve put recevoir
des ordres, des instructions et être mis au courant de ce qui
s*était passé depuis le 3 mai, date du jour où la Didon avait
quitté la France.
Le premier effet des ordres fut, d'après Reille, d'amener
l'amiral à mouiller à la Corogne même.
Uâmiral avait d'abord fintenUon d*aUer an Ferrol, mais il en a été détourné
par des dépêches du Ministre qui lui ont été remises à Centrée. Il était impos-
sible d*étre plus mal qu*à la Corogne pour une réunion avec le Ferrol^ puisque
les deux escadres ne pouvaient sortir avec le même vent, qu'il fallait tirer du
Ferrol presque tout ce dont noua avions besoin, et qu'une armée anglaise,
se plaçant entre deux, pouvait empêcher la réunion avec beaucoup moins de
forces (2).
Ce fut au moment où, pénétrant dans la baie, Villeneuve
allait entrer au Ferrol, qu'il reçut Tordre de s'arrêter à
la Corogne. Malheureusement, l'amiral Gravina, qui était
en tête de colonne, ne fut prévenu que trop tard pour pou-
voir changer de route et dut pénétrer dans le port.
L'amiral Gravina au ministre de la marine Decrès,
à bord de /' << Argonaute », à l'ancre dans le port du Ferrol (3j.
3 août.
Dira -à Votre Excellence, Tamiral Villeneuve, qu*hier au matin, après
avoir fait faire le signal de relâcher ici et m'avoir dit lui-même qu'il entre-
rait au Ferrol en suivant mon vaisseau, que, étant mol déjà dedans le goulet
du port, il lit le signal de serrer le vent à l'escadre, chose déjà impossible à
moi de pouvoir vérifier (exécuter) et qui me mit en grande confusion et déses-
poir, jusque à avoir su qu'un ordre absolu, venu dans le moment que allait à
entrer, l'empêcha et Tavait obligé d'aller mouiiliT à la Corogne, comme lui-
même vint me dire l'après-dloer et me donna votre dépêche du 21 messidor,
à Fontainebleau
(1) Ce Jour-là, il est signalé par les éclaireurs d'Allemand à 40 lieues au nord-nord*
ouest du Ferrol.
(t) Journal de Rcillo.
(3) Archives de la Marine, BB»*", 232. - Note do la main de Gravina.
VIGO — LE FERROL. — LA « DIDON ». 725
Le contre-amiral Gourdon, commandant les forces navales de Sa Majesté
au Ferrol, à Son Excellence le Ministre de la marine et des colonies.
Le 16 thermidor an ziii (4 ao&t 1805) (1).
Monsfïigneur,
Je m'empresse de tous préyenir que l*amiral VilleneuTe Tient de mouiller
à la Gorogne avec treix« vaisseaux frnnçalR. f/amiral GraTiua, qui le précé-
dait quand on les a vus le matin faire route vers le port, est entré ici croyant
en être suivi, mais au moment de donner dans le goulet, il (Villeneuve) a
tout d*un coup changé d'avis et fait route pour la Gorogne.
Je viens d'envoyer à son bord, et si les vents soufflent un moment du
Nord-Est, je le rejoindrai h l'instant.
Je joins ici un paquet qu'il m'avait fait passer de Yigo pour Votre Excellence.
J'ai l'honneur d'être de Votre Excellence, Monseigneur, le trèii humble
et très obéissant serviteur.
GOURDON.
A bord da Bucentaure, en rade de U Corogne, le 1 5 thermidor an xni
(3 aoftt 1805) (2).
Monseigneur,
J'ai dû ne séjourner h Vigo que le temps nécessaire pour remédier aux
causes qui m'y avaient fait entrer. J'en suis sorti le troisième jour avec treize
vaisseaux français et deux espagnols et les frégates de l'armée. Le temps
m'a favorisé, j'en ai profité et, longeant de près la côte du cap Finistère, h.
Sizargue^ pendant la nuit, au jour je me suis trouvé presque à vue de ce port.
Je savais que l'escadre anglaise y avait reparu, et je m'attendais à avoir un
combat à livrer avant d'entrer, mais je n'ai rien vu. J'ai trouvé les escadres
combinées dans le port du Ferrol; la situation de Tescadre en vivres, en eau,
des mâts d'hunes à changer, des mâts à jumeller, me paraissaient des raisons
suffisantes pour entrer au Ferrol et m'y réunir à la majeure partie des forces
combinées qui s'y trouvent déjà, et avec laquelle j'aurai pu en sortir. Déjà
je m'en approchais, quand j''ai reçu vos dépêches et notamment Vordre de
Sa Majesté qui me le défend expressément (2). J*ai aussitôt fait le signal de
tenir le vent, Lamiral Gravina, qui marchait en avant à moi, était trop engagé
dans la passe; il n'y a pas été à temps et a été obligé d'entrer. Il en est incon
solabie.
Je suis venu mouiller à la Gorogne, mais je m'y trouve beaucoup moins
en appareillage et en état de faire notre jonction. Je vais éprouver beaucoup de
difficultés pour faire do l'eau, pour prendre les vivres qui me sont nécessaires
sur les vaisseaux du Ferrol et, en sus, tout ce qui peut accélérer la mise en
mouvement des forces combinées.
Je n'entreprendrai pas. Monseigneur, de vous dépeindre mon état, il est
affreux; lorsque Sa Majesté m'honore d'une grande confiance, qu'elle met à
(1) Archives de la Mâtine, BB»v, 229.
(2) Archives de la Marine, BB", 230-248.
"26 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE XV.
ma disposition toutes ses forces navales et celles de ses alliés, je me trouTe
empêché par les circonstances les plus fatales. Tout est contre moi, jusqu'au
ciel; la foudre est tombée sur mon vaisseau amiral, le BucentaurCy a pénétré
sous son faux pont, sans cependant y occasionner de graves accidents. Je
tâcherai de ne pas en être abattu. Dans le malheur, on n*a pas d'amis; j*en
trouve heureusement un dans Famiral Gravina : il sent et partage vivement ma
position, mais, au milieu de si grands intérêts, il doit se taire sur ce qui m*e>t
personnel.
Dès que j*ai été mouillé, je me suis rendu au Ferrol à bord de Pamiral
Gravina et je lui ai remis votre dépêche en lui communiquant, suivant votre
ordre, les instructions définitives dont je suis chargé.
J*ai vu le contre-amiral Gourdon, qui dans ce moment est très dangereu-
sement malade.
J'ai vu Tescadre française et espagnole dont j*ai été très satisfait, plût au
ciel que Tescadre de Cadix qui m'a rallié fut composée de vaitteaux sem-
blables ; c'est encore le moment de dire : on ne mit jamais en mer d'aussi
misérables bâtiments. C^esl la cause première de tous nos malheurs.
Suivant les rapports qui m'ont été faits, les vaisseaux français n'ont pas les
six mois complets de vivres en biscuit. J'ai ordonné qu'on s'occupât du moyen
de mettre toute l'escadre venant de la Martinique à 45 jours de vivres en
prenant sur la division du Ferrol. Il y a un mois et demi que j'ai réduit la
ration des équipages d*un quart, et cette réduction subsistera jusqu'à ce
que je sois mieux approvisionné.
Dans l'escadre espagnole du Ferrol, il y a un vaisseau de 60, le Saint-Julien^
mauvais voilier, l'amiral Gravina n'en veut pas; il va faire verser son équipage
sur le Saint-Ildephonsc, réputé très bon voilier et en état de nous suivre sous
quatre jours.
Le vaisseau de l'amiral Gravina a sa guibrc enfoncée au point que les ingé-
nieurs du port ont jugé qu'il était indispensable quelle soit réparée. Ce vais-
seau sera prêt sous trois ou quatre jours.
J'ai éprouvé qu'il est préférable que dans la formation de la ligne de bataille
nous intercalions les vaisseaux espagnols avec les français ; les circonstances
d'un combat naval placent souvent des corps d'armée dans des positions extra-
ordinaires; la gloire et le blâme qui en peuvent résulter doivent être partagés
par les deux marines. Dès que je pourrai me mettre en mouvement, je par-
* lirai si le temps me sert ; je tâcherai d'entrer à Brest ou de tromper la surveil-
lance de Vennemi et de donner dans la Manche, en serrant le cap Lizard, si
fy vois quelque apparence de succès ; enfin, je prendrai la route de Cadix, si
les deux autres partis me paraissent impraticables dam fêtât actuel des choses.
Quant à la division aux ordres du capitaine de vaisseau Allemand, que je sup-
pose rendue par la longitude et latitude que vous lui avez fixée et ou il doit
croiser jusquau 25 thermidor, je crains de lui envoyer l'ordre de se rendre ici^
attendu que Cennemi ne s'en est pas éloigné et qu'il y est en grande force ;
comme je suppose que vous avez également prévu le cas ou il n aurait aucune
connaissance de l'escadre sur ses deux points de croisière, et qu'il a une destina-
tion, je pense quil est bien préférable qu'il la suive, bien assuré qu'il occupera
toujours une force égale à la sienne, qui sera distraite des escadres d^Ouessant
et de celles disponibles contre les escadres combinées du Feirol.
VIGO. — LB FBRROL. — LA « DIDON ». 72T
L'escadre ennemie a été signalée avant-hier et hier, Od la dit do 14 vaû*
seaux, dont 4 à trois ponts, je ne sais si elle a été informée de ma relâche
à Yigo, elle sera étonnée de notre jonction ici.
Je ne sais quels seront vos ordres sur le vaisseau V Atlas et les deux petits
Taisseaux espagnols que j'ai laissés fi Vigo. J'ai chargé le capitaine de frégate
Gohar, qui commande V Atlas par intérim, en attendant le rétablissement du
capitaine Rolland, qui a été horriblement brûlé dans le combat du 3, je Tai
chargé, dis-je, du soin de l'établissement des malades, de les réunir à son
bord jusqu'à leur guérison ; enBn, de toute la police des Français provenant
de l'escadre. J'ai pris une partie de son équipage pour le répartir sur
V Achille et VAlgésiras qui ont le plus fourni de malades. J'ai encore en
ce moment plus de 200 malades à débarquer, presque tous scorbutiques.
Ces trois vaisseaux peuvent prendre à Vigo une position qui les mette
à l'abri de toute attaque de l'ennemi en débarquant quelques canons de leurs
vaisseaux, mais, du reste, ils sont absolument hors d'état de naviguer en
escadres ; sans eux et quelques autres, je n'aurais pas eu un moment de con-
trariété sur mer.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
VlLLENBtlVB.
Il est essentiel de remarquer que la lettre de Villeneuve
porte la trace très nette de la réception de Tordre impérial en
date du 16 juillet : « Si, par Teffet de combats votre situa-
tion se trouvait considérablement changée, nous n'entendons
pas que, dans aucun cas, votre armée entre dans le port du
Ferrol. Dans ce cas qui, avec Taide de Dieu, n'arrivera pas,
nous désirons qu'après avoir débloqué nos escadres de Roche-
fort et du Ferrol^ vous mouilliez de préférence dans le port
de Cadix, »
En outre, les deux lettres de Decrès, en date des 18 et
20 juillet, sont très clairement visées. Or, la première prévoit?
le cas ou Allemand ne pourrait être rallié, et contient une
copie des instructions données à ce capitaine le 17, en vertu
desquelles, ou bien il attendra à Rochefort, ou bien, ayant
appareillé et n'ayant pas trouvé Villeneuve au Ferrol, il
aurait toute liberté, après le 13 août (25 thermidor), poitr une
croisière indépendante, La seconde annonce le départ de la
division de Rochefort le 17 juillet et sa station probable,
du 29 juillet au 3 août, à 40 lieues à l'Ouest du Ferrol, puis
jusqu'au 13 août par 46<»56 de latitude Nord et 9°30 de longi-
tude Ouest. On se souvient que Decrès a commis la grave
728 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XV.
omission de ne pas faire connaître à Villeneuve qu Allemand
doit y après le 13 août, se porter à Vigo.
A la date où Ton était arrivé et dans l'état des renseigne-
ments qu'il avait reçus, le seul espoir qui pût rester à Ville-
neuve pour retrouver Allemand était de le faire chercher au
second point de rendez-vous, c^est-à-dire à hauteur de Roche fort.
C'est ainsi que fut rédigé, le 4 août, Tordre suivant destiné
au commandant de la frégate la Didon.
Ordre à la a Didon ».
IB thermidor an xui (i août 1805), on rado do la Corog^o.
M. Milius, capitaine de frégate commandaut la Didon, appareillera le
pluf tôt possible de la rade de la Gorogne et se dirigera sur le poÎDt de croi-
sière de 46^56' Nord et 9^30' Ouest, Sur ce parage, il doit rencontrer
Tescadre de Rocherort, commandée par M. Allemand, capitaine de vaisseau
et composée de 5 ? aisseaux de ligne, 2 ou 3 frégates et 1 brick.
Le capitaine Milius informera le commandant Allemand de Tarrlyée de Tes-
cadre combinée sur le Ferrol, lui remettra les dépèches ci-jointes et se rangera
sous son commandement.
Dans le cas où, après avoir parcouru ce point de croisière pendant vingt-
quatre heures, il n'aurait pas connaissance de Tescadre du commandant Alle-
mand, M. Milius ferait aussitôt route pour rallier l'escadre sur le Ferrol
Si elle était partie, il trouverait des ordres sur sa destination ultérieure
Si, par l'effet des chasses qu'il pourrait éprouver de la part de l'ennemi,
M. Milius ne pouvait pas rejoindre l'escadre soit au Ferrol, soit à la mer,
il chercherait k rentrer dans un des ports de France, celui de Lorient devant
être préféré à tout autre.
M. Milius est prévenu que le commandant Allemand ne doit tenir la croi*
sière qui lui est ordonnée que jusqu'au 25 thermidor (13 août).
La frégate n'était pas prête à mettre immédiatement à la
voile, pas plus, d'ailleurs, que l'escadre qui embarquait son
eau et ses vivres. Les vents s'opposaient, en outre, à la sortie
de la rade. On attendit donc jusqu'au 8 avant de faire partir
la Didon.
Dans l'intervalle, l'amiral reçut des communications impor-
tantes :
1® La lettre de TEmpereur à l'amiral Gourdon, en date du
27 juillet.
Celle-ci prescrit :
a) De rechercher Allemand daprès ses instructiom (ce qui
veut dire les lettres de Decrès du 18 et du 20 juillet).
I
VIGO. — LE FERROL. - LA « DIDON ». 729
b) Si Villeneuve n'est pas arrivé le 8 août, d'aller le cher-
cher à Cadix en y envoyant le Béguins une fois que ce
vaisseau sera arrivé à Yigo.
c) De laisser au Ferrol l'avis à Villeneuve dé se porter sur
Cadix pour y faire sa jonction et poursuivre, ensuite, sa
mission, dont le but n'a pas changé ;
2° Un avis, donné par Beurnonville à Jourdan, de Madrid,
en date du 29 juillet, reçu probablement le 2 au Ferrol, de
l'arrivée de Nelson, avec \ 1 vaisseaux, le 20, à Gibraltar et de
sa rentrée dans TOcéan le 26.
Par la première de ces lettres (1), peut-être aussi par
Tannonce de l'arrivée à Vigo, le 5, du lieutenant Gauthier,
aide de camp du Ministre de la marine, Villeneuve put devi-
ner^ qu'après le 25 thermidor (13 août), et non le 15 (3 août),
Allemand viendrait à Vigo. Toutefois, une lettre non retrouvée
du Ministre et qui n'est pas mentionnée sur le registre de
correspondance (2), explique peut-être la situation et ferait
comprendre le post-scriptum qui fut ajouté, le 6 août, à
l'ordre donné le 4 au commandant de la Didon.
P.-S, — De nouvelles dépêches (?) de son Excellence le Ministre de l<i
Marine m'apprennent que le commandant Allemand, après Pépoque du
25 thermidor (13 août), doit se présenter devant Vigo et y prendre langue.
Le capitaine Milius prendrait également celte direction dans Tespérance <lo.
le joindre. Le capitaine Milius peut rencontrer à la mer le vaisseau le Régh-
lus, commandé par le capitaine Lhermite ; il se joindra à lui et lui donnera
(1) Lo 6 août, Villenouve écrit : « Le contre-amiral Gourdon mo fait passer mes dépê-
ches du 28 qui me fixent sur la route que doit tenir l'escadre de Rochefort. J'expédie sur-
le-champ la ftrégate la Didon pour lui donner avis de l'arrivée des escadres combinées au
Ferrol, avec ordre de les rallier. Dans le cas où elle me trouverait parti, je lui laisserai
des instructions sur la route que je dois tenir »
(2) Voici l'extrait de ce registre :
Envoi simple d'instructions de Sa Majesté en date du 7 thermidor.
Présumant qu'il est à Cadix, il lui est ordonné de n'y rester que quatre jours, de se
porter sur le Ferrol, d'y rallier les 15 vaisseaux français et espagnols, ensuite de se diriger
sur Brest, d'y rallier l'amiral Qanteaume et do se rendre devant Boulogne ; il lui est
recommandé de tâcher de rallier le commandant Allemand.
Zt thermidor (10 août 1805).
L'Kmpereur compte que, malgré le combat du 9 thermidor et sa relâche à Vigo, il
aura continué de remplir sa mission, et ce conformément aux ordres du 7 thermidor.
Instructions de V Empereur du 25 thermidor (13 août).
Ordre itératif de se rendre devant Boulogne.
130 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XV.
communication des préseiitet» iostructioas et Téclairerait dans sa marche pour
rallier Tarmée combinée.
Le texte de l'avis que la frégate la Didon dut porter à Aile-
mand n'a pas été conservé, mais il parait à peu près sûr que
la lettre suivante, qui fut le surlendemain adressée à Yigo,
au lieutenant Gauthier, avec ordre de la remettre à Tarrivée
d'Allemand, en fut la copie à peu près textuelle.
Au capitaine Allemand^ en rade de Vigo.
En rade de la Corogne, le 20 thermidor (8 août) an xiii (1).
Je TOUS ai expédié M. le commandant de la frégate la Didon, pour vous
donner avis de l'arrivée sur le Ferrol de Cescadre combinée^ au-devant de
laquelle vous avez été détaché. Je vous préviens que je suis au moment de
partir pour suivre la destination qu'il a plu à Sa Majesté de donner à toutes
ses forces combinées rassemblées sur ce point. Je dois donc vous informer de
la route que je dois prendre, mais quê les circonstances, néanmoins, peuvent
faire changer. Si votre réunion ne peut se faire devant le Ferrol^ et que vous
soyez informé que les forces combinées en sont parties, vous vous dirigerez pour
aller à Brest en allant atterrir sur Penmark. Dans le cas où f éprouverais
quelques contrariétés pour suivre cette route, ma obstination définitive serait
LE PORT DE Cadix, oh vous devez également vous rendre, mais en ayant soin
d'éviter le cap Saint- Vincent (2), où probablement Cennemi tient une croisière ;
arrivé à Cadix, vous y recevrez de nouvelles instructions, celles-ci annulant,
par ordre de Sa Majesté, toutes celles que vous pourriez avoir reçues précé-
demment.
Villeneuve (3).
Le 6 août, à S h. 15 du soir, la ûido7i mit à la voile par
joli frais du Nord-Est.
Voici, d'après le capitaine Milius (4), ce qui se passa pour
cette frégate, dont la perte eut de si graves conséquences.
La Didon partit de la Corogne le 18 (6 août), au coucher du soleil par un
vent de Nord-Est. L'escadre de l'amiral Calder avait été en vue toute la jour-
née Jo fis route au Nord-Ouest jusqu'au matin que j'aperçus plusieurs
(1) Archives de la Marine, BB»v, 230.
(2) Cette phrase est caractéristique, elle se trouve dans les lettres impériales du Î6 ger-
minal, à Allemand et du 27 à Gourdon.
(3) Cette lettre arriva le 12 à Vigo. I^ettre du lieutenant Gauthier, 14 août. Archives
de la Marine, BB«^, 233.
(4) Archives de la Marine, BB>», 232.
VIGO — LE FERROI.. — LA B DIDON ■:
731
bltimenla dan* mn eitui, je pria tttora le fent le onp au Nord et le» perd»
de Tue dans peu d'heures.
Le 20 (8 aodt), m'tstimant à environ iO lieues ou Nord-Oueil du eap Fini$-
tére, je fus obligé de prendre chns^c au Sud-Ouest pour éviter un gros fais-
seau de guerre qui venait lur moi à loutw voiles. Il ne lett la chasse qu'à
In Duit. Le vent étant trËs inégnl et soufRaut loujoun de In partie Nord-Est,
je gouvcmni suecesiiremeDl à différentes aires de tent pour cacher ma roule
et éloigner l'enDemi. I.e lendemain matin, ne voyant personne k l'horison,
je repris les amures k tribord.
V.9
IV
JOAoûr
Combat &b]hden
V,:
ROUTE ET COMBAT DE LA « DIDON »
Le 21 (9 aoilt}, je visitai plusieurs bâtiments neutres. Je. n'appris rien qui
put m'éclairer sur l'objet de ma mis^iion.
Le 22 (10 aoAt), éprouiant les mémea contr.inétËs que les jours précédent^),
et le terme de ma croisière approchant, j'eun connnissance, .'i 5 heures du
matin, me trouiant par 43" 16' de latitude Nord et li degrés de longitude
Ouest, d'une voile
Ce navire vint droit sur la Uidon ijui prit d'abord chasse, puis à 9 heures
accepta le combat. C'était la frégate anglaise de U cnnons, le Phanix. Le
capitaine Hilius tenta un abordage qui échoua. Après trois heures de combat.
732 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XV.
tfa frégate étant iléiuàtée, ayaut 27 tuén et 44 b\t»êé», il dut amener sod
pafilloD.
Ainsi s'évanouissait le dernier espoir qui rest&t de joindre
à l'armée combinée la division de Rochefort. La Didon ne
parait pas être allée jusqu'au point de rendez-vous. Allemand
y était et, ni ses éclaireurs ni lui, n'avaient rien vu.
CHAPITRE XVI
LES NOUVELLES DE LA MER — LES ORDRES
DES 13 ET U AOUT
Une fois les ordres des 26 et 27 juillet expédiés, un nou-
veau vide se remarque dans la correspondance impériale.
Pendant huit jours il n'est plus question des escadres. Le
3 août, Napoléon arrive à Boulogne. Le 4 seulement, il reçoit
un avis des plus graves.
Cadix, njoiUet 1805(1).
Monseigneur,
La réunion des probabilités sur Centrée de Vescadre de Vamiral Nelson à
Gibraltar, il y a trois jours, devient telle, que je crois devoir la transmettre
par exprés à Votre Excellence,
Ces probabilités sont : i^ une lettre dudit amiral à M, de Solano, datée à
bord du Victory du il juillet, renvoyant quelques lettres à des particuliers;
2* une lettre du i9 juillet que fai reçue de Tariffa, d'où Von me mandait que
Von voyait cette escadre; 3* les signaux de la côte d'hier et de ce matin.
On m'avait annoncé que Tamiral Nelson avait ii vaisseaux; mais les
signaux en désignent ii et i frégate (2).
Je n'ai rien pu découvrir de plus positif ni de plus détaillé que le résumé
ci-après :
On m'avait trompé en me disant que cette escadre était vers Antigoa le
13 juin ; on croit que le jour de cette date elle se trouvait par le 28* de lati-
tude nord et par le 59** de longitude du méridien de Londres.
Un particulier a prétendu que de faux avis avaient donné le change au
même Nelson le 6 juin et lui avait fait manquer Tescadre combinée.
Nous ne connaissons ici d'autres vaisseaux ennemis : l<* que les quatre du
(1) Archives des Affaires étrangères, Rspagne, an xiii.
(S) c'était absolument exact.
734 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVI.
blocus de Cadix, sous les ordres de M. Collingwood (Voici copie de la
réponse qu*il a adressée aux consuls neutres) ; 2° les quatre qui bloquent Car-
thagène; on les suppose aux ordres du contre-amiral Bickerton (1).
Quant aux forces de nos alliés, aussitôt que l'on recevra 200 véritables
matelots, on peut regarder comme disponibles :
/ La Santa-Trinidad. . Don Francisco Yriarte, brigadier.
Ln rade, I ^^ Bahama Don Dionicio Galleano, brigadier.
bons vaisseaux. | ^e San-Leandro. ... Don José Quevedo, capitaine.
* . 1 La Caslille Don Juan Topete.
très mauvais. }
A la Carraque, i Le Raya Don Macdonald.
bons vaisseaux. ( Le San-Justo Don Miquel Gaston, capitaine.
Bon vaisseau J
dans le bassin ( La Santa-Anna Don José Gardoqui, capitaine.
pour doubler. )
Toujours du mystère sur le Glorioso qui, à mon avis, a une mission.
Veuillez agréer, Monseigneur, rbommage de mes sentiments respectueux.
Le Roy.
P. S' -^ Il existe dit-on, au camp de Saint-Roch :
Infanterie 4,700 hommes.
Artillerie et sapeurs 1 ,000 —
Cavalerie , i ,200 —
Total.. ., 6,900 hommes.
L. R.
Cadix, le t thermidor an xiii (13 joinet 1805) (S).
Monseigneur,
t
Le 30 du mois dernier, j'ai rendu compte à la hftte (par un exprès de
M. le Gouverneur), à M. le général Beurnonville, notre ambassadeur à Madrid,
du soupçon qu'une lettre de l'amiral Nelson faisait concevoir de son retour
dans les parages voisins d'Andalousie.
Hier, par un courrier français, adressé de même ^ M. l'Ambassadcar, J'ai
eu Thonneur de vous rendre compte de la relâche de l'escadre, aux ordres du
même Nelson, h Gibraltar.
On dit aujourd'hui que c'est pour y faire de l'eau : on s'accorde à ajouter
que son escadre continue à être composée de il vaisseaux de ligne, dont 2 à
trois ponts, 2 de 80 et 7 de 7f, et 3 frégates.
(1) N'ayant pu l'avoir qu'en anglais, je l'adresse à Son Excellence M. l'Ambassadour
qui vous en fera passer copie, Monseigneur,
(î) Archives de la Marine, Espagne, an xm.
LB8 NOUVELLES DE LA MER 735
La tour de vigie de Cadix a signalé que, hier à cinq heures du matin,
ladite escadre a fait voile de Gibraltar, au nombre de i^ vaisseaux et une
frégate louvoyant avec des vents d'0,-S.-0., et depuis, les vigies n*ont
rien signalé qui y soit relatif; aussitôt que je connaîtrai la route certaine,
j'enverrai un autre exprès.
J'aurai l'honneur d'adresser à Votre Excellence, par le prochain ordinaire,
les extraits des rapports accoutumés, qui n'ont rien présenté d'intéressant
Daignei agréer. Monseigneur, Passurance de mes sentiments respectueux.
Le Roy.
■P. S. — J*ai attendu, chez M. le général d'Alava, les rapports des vigies
au soleil couché. L'escadre Nelson continuait h louvover vers le détroit de
Gibraltar avec les vents à l'O.-S.-O.
L. R.
Madrid, le 7 thermidor an zm (26 juillet 180.5) (I).
Monsieur le Vice-Amiral,
Selon toutes les apparences, l'amiral Nelson est passé avec son escadre dans
la MéditeiTanée. On n'a pas encore de certitude à cet égard, mais sur la simple
probabilité du fait. Le Roy s'est décidé à m'envoyer un courriel* extraoniinaire,
et je m'empresse de vous adresser la dépêche de ce commissaire général.
On commence î\ espérer que l'amiral Nelson aura été leurré par de faux rap«
ports et qu'il est revenu en Europe.
Ce qui est sans aucun doute, c'est que si l'amiral Nelson supposait que notre
escadre combinée dût revenir «aux atterrages de Cadix, il ne prendrait pas le
parti de repasser le détroit et, de la part d'un homme aussi extrême que lui,
cette marche me porterait à croire, ou qu*il n'est point utile de chercher notre
escadre h sa véritable destination, ou que des ordres du gouvernement anglais
l'ont rappelé h sa première station pour protéger les convois et pour observer
les ports de Carthagène et Toulon.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
Beurnonville.
Malgré la précision des détails» que révénement devait jus-
tifier d'une façon complète, la nouvelle du retour en Europe
de Nelson devait être si profondément désagréable à TEmpe-
reur, dont elle ruinait tous les plans, qu'elle fut accueillie
avec une extrême méfiance.
(1) Archives de la Marine, BB^r, 234.
736 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVI.
Au fioe-amiral Oecrès (1).
Camp de Boulogne, 16 thermidor ao xm (4 ao&t 1805).
Je TOUS renvoie votre lettre de M. BeumonTille. Toutes les nouvelles rela-
tives à Nelson paraissent douteust^ ; que diable aura-t-il été faire dans la
Méditerranée ?
Ils y auraient donc 20 vaisseaux de lijniP ? ïls ne savent guère ce qui leur
pend à Toreille. Tout est ici en Imju tniin ; et ciM-tes, si nous sommes mattres
douze heures de la traversée, CA ngleterre a vécu.
Je ne conçois pas que nous n'ayons pas de nouvelles du Ferrol. Je ne puis
pas croire que Mn^on ne soit pas arrivé. Je fais dire, par le télégraphe, à Gan-
teaume de se tenir en rade de Bertheaume.
Napoléon.
Trois jours plus tard les nouvelles se confirmaient, et Ton
apprenait formellement l'arrivée de Nelson à Tétuan, puis
son nouveau passage dans FOcéan.
Cadix, le 7 thermidor an xm (26 juillet 1805) (2).
Monseigneur,
LVscadre Nelson étant rentrée dans FOcéan, je m'empresse de vous en
rendre compte, réunissant ici le résumé de tout ce que j*ai pu apprendre, h
travers beaucoup d'incertitudes.
Cet amiral a mouillé à (àibraltar le 'iO messidor (19 juillet) au matin.
J'estime que son escadre est composée :
Du Victory, de 110 canons ;
Du CanopuSj du Tigre, du Donnegal de 80 canons;
Du Lcviathan, du Spencer, du Belleisle, du Conquérant, du Renown,
du Superb et du Spartiate, de 74 canons, avec 3 frégates.
Il s'était fait précéder par la frégate la Décade, II demandait pour vingt-cinq
à trente jours d'eau et de vivres.
Le 3 courant (^juillet), il a fait voile pour Tétuan; hier^ vers le soir, il
avait débouqué le détroit et a été vu, de la tour des vigies de Cadix, ayant le cap
à Vouest-nord-ouest.
Voici, Monseigneur, le résumé de son itinéraire, au dire de trois déserteurs,
deux Anglais et un Danois, depuis Lagos, qu'il a quitté le il mai :
1«' juinà la Barbade, où il s'est renforcé des vaisseaux le Northxunherland
et le Spartiate, commandés par le contre-amiral Cochrane, et où il » embarqué
trois régiments évalués à 2,000 hommes. Après avoir pris langue à Tabago, il
a mouillé h la Trinité vers le 4 ou le 5.
(1) Correspondance de Napoléon, 9043.
(2) Archives des affaires étrangères, Espagne, an xiii.
LES NOUVELLES DE LA MER. 737
Il a fait voile ce dernier jour de grand matin, a seulement touché h la Gre-
nade et est Tenu mouiller à Antigoa vers le 10 juin. C'est ce même jour que,
d'après le rapport d'une frégate qu'il avait envoyée à l'entrée de la baie du
Fort-de-France, île de la Martinique, il s'est décidé à débarquer les trois
régiments à Antigoa, à y laisser l'amiral Cochrane et son Northumberlandy et
^ prendre son point de départ pour l'Europe.
11 parait que vers les 28* degrés de latitude septentrionale et les 59* de
longitude du méridien de Londres, M. Nelson croyait être au moment de
joindre l'escadre combinée.
Veuillez agréer, Monseigneur, l'hommage de mes sentiments respectueux.
Le Roy.
■
P, S. — On dit, cîir je ne puis recueillir que des notions incertaines, que
M. NelsiJn a traité avec un Maure nommé Achmed, de Tanger, établi k
Gibraltar, pour neuf mille quintaux de biscuit à dix piastres fortes le quintal,
les moutons à sept piastres fortes, les poules demi-piastre forte.
La frégate la Décade avait, en mouillant à Gibraltar, demandé deux mille
barriques d'eau.
M. le général d'Alava a bien voulu. Monseigneur, me dire qu'il avait pris
des mesures pour faire surveiller exactement depuis le cap Saint- Vincent
jusqu'au cap Spartel.
Nous observerons si ce que l'escadre Nelson recevra de vivres la mettra à
même de s'éloigner ; nous nous informerons si ce qu'elle a reçu lui permet
l'établir déjà sa croisière plus loin.
L. R.
Madrid, le 10 thermidor an xiii (19 juillet 1805) (1).
Monsieur le Vice-Amiral,
Je suis informé, par M. Le Roy, de la rentrée de V amiral Nelson dans
V Océan, C'est le i«' thermidor (îO juillet) qu'il a mouillé à Gibraltar avec son
escadre, et c'est le 6 (26 juillet) du même mois qu'il a débouqué avec 11 vais-
seaux et .3 frégates.
M. Le Roy me transmet en outre plusieurs rapports, tant sur l'expédition de
Nelson en Amérique que sur la marche qu'il va prendre ultérieurement; mais,
indépendamment de ce que ces détails ne sont pas précisés, je ne doute que
Votre Excellence n'en trouve une communication 8uffis«ante dans la lettre
ci-jointe du même commissaire général.
Un fait vrai, c'est que Nelson n'est plus dans la Méditerranée ; un second
point important, c'est qu'il parait redoubler d'activité et de vitesse pour réha-
biliter sa réputation ; les combinaisons de Sa Majesté Impériale et les mesures
d'exécution prises par Votre Excellence tromperont les efforts généraux de
l'ennemi et l'espoir particulier de Nelson.
(1) Archives de la Marine, BBir, t34.
IV. 47
738 TROISIÈME PARTIS. — CHAPITRE XVI.
J'ai transmis au con/rf-<imifti/ ChurdoH /« nouvelles qui sont Vobjet de ma
dépêche et de celle de M. Le Boy.
Je prie Votre Excellence de vouloir bien ngr^er Thommage de ma haute
considération et de mon sincère attachement.
Bbi'rnoxville.
Talleyrand à l'Empereur {i),
t aoAt 1606.
J'ai Thonneur d*adresser à Votre Majesté la correspondance de mon minis-
tère ; elle distinguera une lettre de Cadix du 3 thermidor.
L'arrivée de Nelson avec 10 ou 11 vaisseaux, jointe aux croisières qui
existent sur les côtes d'Espagne et de France, donnent une ligne de 54 ou
55 vaisseaux aux Anglais. Ce concours imprévu de forces rend srnis doute tout
projet de descente impraticable pour le moment ; mais comme la réalité de ce
projet ne peut guêtre extrêmement accrédités par la présence de Votre Majesté
à Boulogne y il est bien probable quelte déterminera les Anglais à se réunir sur
un point de la Manche, et que cette disposition donnera à Vescadre combinée
le temps et la facilité d'entrer dans un port d'Espagne
J'ai l'honneur d'adresser k Votre Majesté l'état des mouvements maritimes
au 20 juillet; ils servent i\ établir que la croisière devant les côtes
d'Espagne et de France était de 44 vaisseaux avant l'arrivée de l'amiral
Nelson
Enfin, le 8 août, arrive la nouvelle de Tcntrée de l'armée
combinée à Vigo et du combat du 22 juillet. Il est probable
que cette annonce parvient ftimultanément du Ferrol et de
Madrid, d'où Beurnonville l'expédie le 29 (2) ; elle coïncide
donc avec la grave nouvelle du retour de Nelson en Europe.
Or, il est frappant et caractéristique que rien dans la corres-
pondance de l'Empereur, à dater du 8 août, n'ait un rapport
quelconque avec le changement si important amené par Ten-
trée en ligne de Nelson (3).
(1) Lettres ioéditefl de TiOleyrand (Pierre Bortr«nd, 18S9).
(1) Voir ci-dessas. i
(3) Sinon le contre-ordre donné le 8 août à l'envoi, prescrit U veille de faire venir à
Boulogne U garde.
Au maréchal Bessières. ^
Camp de Boulogne, 10 thermidor an xm (7 août 1805).
Mon Cousin,
Faites partir pour Boulogne les hommes de ma garde, grenadiers et chasseurs qui sont
dans le cas de faire la guerre. Faites partir également le régiment de grenadiers et chas-
seurs italiens ; depuis le temps, il doit être armé et habillé. S'il n'était pas habillé, qu'il
parte toujours ; seulement, veillez à ce qu'il soit parf^têment artné. Faites piriif aussi
\
1
LES NOUVELLES DB LA MBR. 130
A M. Cam(Nioérèf (1).
Camp de Boulogne, 20 thermidor an xni (8 août 1805).
Mon Cousin,
L'escadre combinée a eu un combat devant le Ferrol ; elle a rempli le but
de sa mission, qui était sa jonction avec V escadre du Ferrol. Elle a donné
chasse à l'escadre ennemie, et elle est restée, pendant quatre jours, m.iî-
tresse du champ de bataille; mais on craint d'avoir perdu 2 vaisseaux espa-
gnols qui, probablement, se battant extrêmement mal, se sont laissés tourner
par l«ennemi dans la brume, qui était affreuse pendant le combat. 1 vaisseau
anglais, à c« qu'il parait, a été coulé bas; t Taisieaux anglais à trois ponts
ont été démàtét. L'escadre française paratt avoir été peu maltraitée. Je pense
qu'on peut considérer cette affaire comme un succès. Vous en verrez les pre-
miers détails dans le Moniteur d'aujourd'hui (i).
♦ Napoléon,
A M. Cambaoérès.
Camp de Boalogne, 21 thermidor an xiii (0 août 1806).
Mon Cousin,
J*ai reçu votre lettre du ÎO thermidor. Vous verrez, dans le Moniteury la
notice que les Anglais ont donnée de Taflaire.
tons les soldats du train et tes chevaux d*artillerie qui se trouvent disponibles à Paris.
Snivex Tordre que j'ai donn6 en Italie pour la formation des hommes de ma garde que vous
m'enverrez. Faites partir les chasseurs sous les ordres du mi^or Gros, et les grenadiers
sons les ordres da major des grenadiers à pied.
Quant aux chasseurs et grenadiers à cheval qui étaient à Gènes, faites -moi connaître
quand ils viendront. Si vous pouvez accélérer leur marche de deux ou trois jours, faites-le;
j'aurais besoin d*un corps de 800 hommes à cheval. Les dépôts des différents corps de la
garde que vous laineres à Paris seront sons les ordres des chefs de bataillon et d'esca-
dron. La garde à pied partira sous les ordres du général Seules, de manière à être à Bou-
logne en dix jours, du moment de son départ. Vous-même vous jroas tiendrez prêt
à partir. Faites partir aussi la moitié des gendarmes d'élite à pied» dans le cas de faire |a
guerre.
Napoléon.
Ah même.
Camp de Boulogne, 20 thermidor an xut (8 août 1805).
Ifoti Cousin,
Je Tons ai écrit hier pour vous ordonner de faire faire différents mouvements à ma
garde sur Boulogne. Mon intention est que, s'il y avait quelque chose de parti, vous le
laissies eontianer, mais que vous reteniei le resta ; que vous m'envoyiez un état détaillé
de la situation de chaque corps et que vous prépariez tout en attendant 4^ nouveaux
ordres.
Napolion.
Correspondance de Napoléon , 9056.
(1) CofTCspondance de Napoléon, 9057.
(t) Les notes à Fouché du 9, à Talleyrand du 10, sont du même ton.
I«
740 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVI.
Ils sentent eux-mêmes que le but principal des flottes combinées est rempli,
et que, en attendant, la moitié de leur escadre se trouve hors de combat. Ils
paraissent être dans une grande anxiété.
La princesse Caroline est ici depuis hier. Depuis que je suis arrivé, le temps
n'a pas encore permis d'aller en rade.
Napoléon.
A M. Barbé-Marbois (1).
Camp de Boulogne, 21 thermidor an xiii (9 ao&t 1805).
Monsieur Biirbé-Marbois,
Vous aurez tu, dans le Moniteur^ la relation du combat qui a eu lieu.
Gela a été assez bien ; cela eût été fort beau, sans la maladresse des Espa-
pagnols. Cependant, nous sommes restés maîtres deux jours du champ de
bataille; les Anglais se sont retirés, et nous ayons opéré notre jonction. Vous
sayez combien peu on doit compter sur les Espagnols; malheureusement, on
les avait mis à Tarrière-garde, et ils ont fait une manœuyre qui les a obligés
de se présenter les premiers au feu.
Les Anglais paraissaient assez faibles, non seulement en bâtiments, mais en
hommes. Rassurez les hommes à argent; faites-leur entendre qu'il ne sera
point hasardé qu'avec sûreté; que mes affaires sont trop belles pour rien
hasarder qui puisse mettre à trop de hasards le bonheur et la prospérité de
mon peuple. Sans doute que de ma personne, je débarquerai avec une armée,
tout le monde doit en sentir la nécessité ; mais tnoi et mon armée ne débar-
querons qu*avec toutes les chances convenables. Ce que vous me dites de la
Banque mérite des explications : si la réserve est petite, c'est sa faute, c'est
qu'on négocie un grand nombre de petits papiers de circulation qui n*ont
point de marchandises derrière.
Naik)lêon.
A M. Fouohé (2).
Camp de Boulogne, SI thermidor an xni (9 août 1805).
Le 3 thermidor, à ti*ente lieues du Ferrol, il v a eu un combat entre
l'amiral Villeneuve et une escadre anglaise composée de 14 vaisseaux, dont 3
à trois ponts. Il eût été à notre avantage et des plus glorieux, si 2 Taisseaux
espagnols à trois ponts ne s'étaient perdus. On craint qu'ils soient dérivés
pris ou coulés. Faites connaître et sentir que cette affaire est avantageuse.
Villeneuve a rempli son but : la jonction. L'escadre anglaise a pris chasse
et refusé trois jours le combat. L'avantage de 3 vaisseaux à trois ponts, contre
une escadre qui n'en avait pas, équivaut à une diff'érence de 8 Taisseaux, tous
accoutumés h la mer et parfaitement exercés. Enfin, l'escadre française a peu
souffert, elle est toute gréée en état d'aller outre.
(l) Correspondance de Napoléon, 9059.
(t) Correspondance de Napoléon, 9060.
LES NOUVELLES DE LA MER. 141
Gomme tout ceci sera assez désagréable pour les Espagnols, faites Téloge de
GraTina et faites mille conjectures sur le sort des Espagnols; qu'on ne sait
qu'ils sont pris Téritablement. Cependant, en mon particulier, je pense qu'ils
se sont fait, pincer.
L'escadre, au reste, a fait à l'ennemi pour une vingtaine de millions de
dommages. Trois vaisseaux anglais sont bien certainement démfttés ; un
a coulé bas. %
Napoléon.
A M. Fouché (1).
Camp de Boulogne, 21 thermidor an ini (9 août 1805).
J'ai reçu le journal du 'Mj que tous m'avez envoyé. Les Anglais ne parlent
pas d'un vaisseau coulé et deux démâtés ; cependant, ils sentent que leur but
n'a pas été rempli. Vous verrez, dans le Moniteur, la véritable relation de cette
affaire. Les deux vaisseaux espagnols ont été perdus sans raison ; mais ils sont
de si pauvres gens, qu'en vérité il vaut mieux peut-être ne pas les avoirs
J'apprends que Vernègue retourne en Italie. Écrivez au maréchal Jourdan,
et à Milan, que s'il p.isse dans nos postes, et que, s'il y a possibilité, on
l'arrête.
Napoléon.
A rmée des côtes de rOoéan. — Ordre du jour.
Au quartier général à Boulogne, tl thermidor an xiu (0 août 1805).
L'escadre commandée par le vice-amiral Villeneuve, composée de 14 vais-
seaux français et 6 vaisseaux espagnols, se rendant au Ferrol pour s'y réunir
à une autre escadre combinée française et espagnole qui l'y attendait, a
rencontré l'escadre anglaise forte de 14 vaisseaux, dont 4 à trois ponts. Cette
dernière ayant cherché à s'opposer à leur jonction, il s'est engagé un combat
qui a diu*é depuis 4 heiu^s du soir jusqu'à la nuit, i vaisseau anglais a été
coulé bas, 2 autres ont été démfttés, l'escadre ennemie a profité de la
nuit pour s'éloigner; elle a été poursuivie pendant deux jour» par l'escadre
combinée qui, dans le combat qu'elle a livré, n'n point éprouvé d'avaries
majeures.
Le nombre des morts et des blessés y a été peu considérable, malgré la
durée et la vivacité du feu, mais la marine française regiettera le capitaine
de Péronne, qui, commandant le vaisseau V Intrépide, a été tué dans le combat;
. le capitaine Roland, commandant V Atlas, a été grièvement blessé.
1 vaisseau espagnol entièrement démâté et 1 autre désemparé et marchant
mal se sont séparés de l'escadre combinée; on n'est pas sans inquiétude sur le
sort de ces 2 vaisseaux.
(1) Correspondance deJSapoléon, lOOlO.
742 TROISIÉHS PARTIE. — CHAPITRE XVI.
L'amiral Gravi aa, qui commandait les forces espagnoles, s'est particulière-
ment distingué.
Le combat a eu lieu le 3 thermidor, par un temps extrêmement brumeux.
Le Major général^
Signé : Le Maréchal Bbbtbier.
Ponr ampliation : y
Le Colonel du génie y chargé en chef des détails
du grand état-major général.
Signé : Vallocne.
Poar copie :
Pour le Général de division, chef de Pétat-major général,
L Adjudant comtnandant sous-chef de Vétat-major général^
Le Marois.
A M. Fauché (i).
Camp de Boulogne, 92 thermidor an xm (10 ao6t 1805).
Par les noufelles reçues de Londres, il résulte que les Anglais ont pris les
2 vaisseaux espagnols, mais que les 2 vaisseaux le Mal ta et le Vindsor-Castle
ont été démâtés; que, cependant, on dit que les Anglais ont évité le combat
le lendemain et étaient restés maîtres du champ de bataille; que Ton ne
savait pas ce qu'étaient devenus les Français
Napoléon.
A M, Tàlleyrànd (2).
Camp de Boalogae, 22 thermidor an aiu (10 août 1806).
Monsieur Talleyrand,
Je vous renvoie votre portefeuille. L'affïiire du 3 thermidor n'a pas été
avantageuse aux Anglais; si nous avons eu 2 vaisseaux espagnols de perdus,
ils en ont eu 2 tellement maltraités, le Malta et le Windsor-CastlCy qu'ils sont
arrivés coulant bas à Plymouth. Les 2 espagnols n'ont été pris que parce
qu'ils sont tombés sous le vent.
La dépêche de Washington a fixé mon attention. Je désire que vous passiez
une note au ministre américain près de moi, que vous y joigniez une copie du
jugement, et que vous lui déclariez qu'il est temps que cela unisse; qu'il est
indigne que les Américains approvisionnent des brigands et se livrent à un
commerce aussi scandaleux, que je déclarerai de bonne prise tout ce qui
entrera ou sortira des ports de Saint-Domingue et que je ne pourrai plus
( 1 ) Correspondance de Napoléon, 1 00 U .
(2) Correspondance de Napoléon, 9062.
LES NOUVELLES DB LA MER. 743
longtemps Toir ayec indifférence les armements, éyidemment dirigés contre la
France, que le gouTemement d'Amérique iaiiie fairo dans ses ports.
La dépêche de Viennet du 8 thermidor, est également digne de mon atten-
tion. Il est tetnps, enfin, que Vienne exécute U$ traités et que f accorde une
protection efficace aux établissements publics et à ceux de mes sujets qui ont
des créances sur la banque de Vienne. Je désire atoir un rapport détaillé
pour renvoyer à mon Conseil d'État, et pour faire les instances les plus
fortes. Ne perdey point de Tue cet o^jet; les établissements de la Belgique
souQ^ent extrêmement de ce manquement de foi de la cour de Vienne.
Napoléon.
A M. Schimmelpenninck (i).
Camp de Boulogne, t8 thermidor as xxit (11 août 1806).
Très cher et grand Ami^
J'ai reçu TOtre lettre ; Je tous remercie des détails que tous me donner* Je
Tiens de receToir les Journaux anglais jusqu'au 5 août. Je vous prie de
m'expédier, par un courrier extraordinaire, tout ce que tous apprendriez de
nuUTcau des côtes d'Angleterre, Je Tiens de recoToir un courrier du Ferrolj
mon escadre y est entrée. Elle a trouTé eflectiTcment l'escadre de l'amiral
Calder et. lui a donné la chasse. Le Tent était ouest, ce qui a empoché
l'escadre du Ferrol de sortir; les fanfaronnades des Anglais tomberont
bientôt et il sera bien constant que l'escadre anglaise est battue, puisqu'elle
a pris chasse trois fois et a laissé l'amiral VilIeneuTC remplir sa mission. J'ai
donc dans ce moment au Ferrol 35 Taisseaux réunis. Ces détails ne sont que
pour TOUS,
Il peut être utile que vous fassiez connaître à la Bourse d'Amsterdam, par
forme de note, que l'amiral VilleneuTe a battu l'amiriil Calder et est entré au
Ferrol; que l'amiral anglais a pris chasse une seconde fois sans combattre;
que l'événement de la prise des 2 Taisseaux espagnols n'a pas été connu à
cause de la grande brume; que ces S vaisseaux ont été affalés sous le Tent
pendant le combat; et, qu'ayant soufferts, ils sont tombés au pouToir de
l'ennemi; que notre escadre s'est battue de très loin.
Vous trouTerez ci-joint la note des tiiés et blessés.
Si les 2 Taisseaux espagnols ont perdu tant de monde, il faut, qu'étant très
loin de l'armée, ils aient longtemps résisté.
Napoléon,
Enfin, Tordre donné par TEmpereur le 10 août, transmis
par Decrès le môme jour, ne fait pas la moindre mention de
ce fait capital pour la suite des opérations : la présence de
Nelson sur la côte d'Espagne.
(1) Correspondance de Napoléon, 9065.
744 TROISIÈME PARTIS. — CHAPITRE XVI.
Au Wce-am/ra/ Decrès (1).
Camp de Boulogne, 22 thermidor an xiu (10 aoAt 1805).
Monsieur Decrè»,
Je TOUS eoToie une lettre que je reçois de La Haye; tous y Terrez que,
indépendamment du Windsor-CasUe, le Malta aussi a été obligé de rentrer
dans les ports d'Angleterre ; et comme nous saTons que nos escadres sont en
état, si YilleneuTe a un nouTel engagement aTec Calder, il ne trouTera plus
que 12 Taisseaux. Il parait que le it thermidor, il n'était pas encore arriré
au Ferrol. EuToyez dans la journée un courrier extraordinaire au Ferrol.
Faites part de ces nouTelles de Londres au Tice-amiral YilleneuTe; dites-lui
que j'espère qu'il aura continué sa mission, et qu'il serait trop déshonorant
pour les escadres impériales qu'une échauffourée de trois heures et un enga-
gement aTec i Taisseaux fissent manquer de si grands projets; que l'escadre
ennemie est affaiblie de 2 Taisseaux, et que, d'après son propre aTCu, il parait
qu'elle a beaucoup souffert. ÉcriTez aussi au prince de la Paix, pour lui faire
connaître que j'ai appris aTec peine la perte de 2 Taisseaux espagnols, qu'il
parait que l'escadre anglaise a beaucoup souffert dans l'action ; que 2 Tais-
seaux ennemis sont arriTés coulant bas à Plymouth; qu'il ne faut pas se
décourager; qu'il faut persister fortement dans ses projets; que je compte sur
la ferme résolution du roi d'Espagne, et qu'il donnera des ordres pour que
l'escadre du Ferrol étant jointe à mes escadres, elles suiTent aTec actiTité leur
destination.
Je TOUS euToie aussi une note sur les bois de la Corse; c'est un objet fort
important. Il me semble qu'il faut d'abord faire payer ce qui est dâ, et
demander un rapport à Toulon. Je désire beaucoup encourager cette exploi-
tation.
Napoléon.
A l'amiral Villeneuve (2).
Bonlogne, 22 thermidor an xiii (10 août 1805).
Monsieur rAmiruI,
J'ai reçu tos di>erses dépêches expédiées de Vigo, et je me suis empressé
de les mettre sous les yeux de l'Empereur. Sa Majesté a naturellement fixé son
attention très particulière sur celles du 9 thermidor (28 juillet)^ par lesquelles
vous rendez compte de votre relâche à Vigo^ et du combat qui a eu lieu entre les
forces sous voire commandement et celles de Vermemi, Sa Majesté a tu aTec
peine la perte de 2 \aisseaux espagnols qui paraissent être tombés dans la
(1) Correspondance de Napoléon, 9063.
(2) Archives de la Marine, BB<v, 230.
LES NOUVELLES DE LA MER. 745
ligne de Fennemi par une brume épaisse qui tous a empêché de juger ces
éfénements. Ce léger succès, que le hasard a procuré à Tennemi, n'a rien de
décourageant pour les flottes combinées. L'ennemi lui-même a été très mal*
traité et tous Terrez, par le rapport ci-joint, que deux de ses Taissèaux des
premiers rangs ont été obligés de rentrer dans les ports d'Angleterre*
L'Empereur juge que si tous aTiez eu un nouTel engagement aTec l'ennemi,
TOUS 1 auriez trouTé au nombre de 12 Taissèaux.
Vous connaisses Vétat et la force de V escadre combinée du Ferrol; vous avez
VM, par une de mes dépêches que vous a remises le contre-amiral Gourdon^ que
la division, aux ordres du capitaine Allemand, a été dirigée à quarante lieues à
l'ouest du Ferrol dans l'espérance de vous y joindre, et de là sur Vigo {sic), s'il
ne vous avait pas rallié; on peut donc présumer qu'il y sera parveniu
Dans cet état de choses, l'Empereur m'ordonne de vous faire connaître qu'il
espère que vous auret continué votre mission parce qu'il serait trop humiliant,
pour les escadres de Sa Majesté, qu'une échauffourée de trois heures, et un enga-
gemefU avec iÀ vaisseaux fissent manquer les grands projets dont la confiance de
Sa Majesté vous a informé.
ReceTez, monsieur l'Amiral, l'expression de mon ancien et constant atta-
chement.
Le Ministre de la marine et des colonies.
Degrés.
Si donc cette lettre était parvenue à temps, et elle n'arriva
pas, Villeneuve n'aurait rien appris des forces qu'il devait
rencontrer vers Ouessant.
. Le H, arrive la nouvelle de l'entrée de Tannée à la Coro-
gne, et des détails très curieux sur Fétat d'incertitude ou sont
les Anglais.
Au Ministre des Aftairea étrangères.
21 thermidor (9 août 1805) (I).
Monseigneur.
11 a été assuré hier soir, par une personne très digne de foi, qu'une lettre de
Londres, arrivée à l'instant même, venait d^apporter la nouvelle de la rentrée
du contre-amiral Calder à Plymouth, où sa présence aTait excité une telle
rumeur que ses amis, pour le soustraire à lu fureur des accusations qui se
multipliaient contre lui, demandaient qu'il fût formé un conseil de guerre
pour juger sa conduite. On ajoute que l'iTresse est dissipée en Angleterre
sur sa prétendue Tictoire, et qu'on y sait aujourd'hui, très positiTement, que
son escadre a été horriblement maltraitée dans sa rencontre aTec l'escadre
combinée. Je ne suis point assez heureux. Monseigneur, pour pouToir
(1) Archives des Affaires étrangères, Hollande, 1805.
746 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVI.
annoncer à Votre Ëxoellenoe cette nouvelle comme certaine, mail elle a un
grand earaetère de vérité.
J'ai TU par la même occaiion, les gaietles de Londres du 8 août. On a
refusé de me les donner. Je me suis, en conséquence, hâté de les parcourir
pour en pouvoir rendre compte à Votre Excellence. Elles ne renfirmeni rien
(^important que Vatinonee de Varrivée de Vamiral Nelson au détroit de
Gibraltar, où ce fougueux amiral se flatte d'engloutir Vescadre de Sa Majetté
à sa rentrée dans la Méditerranée,
Des lettres du Nord, d'assex bonne source, ont apporté ici Tavis que la
conduite de M. de Novosiltaof a été blâmée à Pétersbourg«
Je suis, Monseigneur, avec un profond respect, de Votre Excellence, )<> très
humble et très obéissant serviteur,
Sbrurier (I).
SI thermidor (9 août 1805).
Monseigneur,
L'impression défavorable produite par la première dépêche du contre-
amiral Galder sur le combat qu'il annonce avoir livré le 22 juillet aux
escadres combinées, à la hauteur du cap Finistère, a été bien affaiblie par la
lettre de ce contre-amiral, en date du !26. On y a remarqué qu'il avoue s'être
retiré le premier du combat, et l'on en tire la conséquence assez naturelle
qu'il n^a pas dû être amené à prendre ce parti sans de fort bonnes raisons,
qu'il ne se soucie pas sans doute d'expliquer, et qui font attendre avec la
plus extrême impatience les rapports des amiraux espagnol et français. On se
flatte d*7 trouver des circonstances qui atténueront, ou compenseront même,
la perte des 2 vaisseaux pris. Je n'ai point vu un seul marin qui ne se soit
accordé sur cette manière de lire le rapport de l'amiral anglais.
L'article des 3 gros vaisseaux armés en flûte a fait ouvrir de grands yeux
au Ministre d'Espagne, M. d'Anduanza, qui trouve que tout n'est pas perdu
si les galions arrivent sains et saufs. Je saisis avec plaisir cette occasion pour
vous dire, Monseigneur, qu'il est impossible de se montrer plus cordialement
dans les sentiments de l'alliance que ne le fait ce Ministre depuis que je suis
ici ; je ne saurais, à cet égard, lui rendre trop de justice.
J'avais fait, ces Jours derniers, des représentations très fortes au grand pen-
sionnaire sur l'empressement indécent des gazettiers hollandais à publier le
rapport désavantageux de l'amiral Galder sur le combat du 22 Juillet Je lui
avaiff fait sentir combien la publication de cette version ennemie était déplacée
au moment d'un embarquement, et l'impression qu'elle pouvait produire sur
le soldat. J'avais en conséquence engagé Son Excellence à prendre à cet
égard une mesure générale, décisive, et telle que l'on n'eût plus à revenir sur
cet objet.
J'ai appris ce matin que le procureur général de la province de Hollande
vient d'adresser, h tous les rédacteurs de journaux du pays, un ordre positif
de s'iibstenir de rien publier sur des matières d'une importance aussi mi^jeuro
(1) Archives des Affaires étrangères, Hollande, 1805,
LS8 NOUVELLES DE LA IfBE. 747
que celle des mouTemenU maritimes, que oe qui »eii^ ofôciellemaat «nnonoé
de La Haye ou de Paris, et de ne parler de tout 06 qui M rapporte à TEmpirû
français que dans les termes qui oonviennent aux rapports qui lient la Répu-
blique ^ ce puissant État.
La France, est-il dit dans cette circulaire, ne vous demande point de pané**
gynques ; elle n'en a pas besoin. On ne désire de tous que du silenoe et de
la discrétion.
Le Grand Pensionnaire m'a dit dans notre dernière conférenoe que, depuis
un mois, une foule de rentiers bataves avait vendu partie de leurs effets sur
TAngleterre. Cette assurance m'a été contirmée par plusieurs autrai per*
sonnes également bien instruites. Un tel fait parle seul ; il prouve aux plus
incrédules Tascendant chaque jour croissant de la fortune de Sa Majesté, et de
la confiance qu'inspirent ses armes.
Je joins ici, Monseigneur, un bulletin où j'ai plac4 beaucoup de détails que
j'ai jugés trop longs pour entrer dans une dépèche.
Je suis avec le plus profond respect, Monseigneur, de Votre Excellence, le
très humble et très obéissant serviteur,
Serurier (I).
Extrait du compte rendu par un personnage qui a ^té chargé de
recueillir en Angleterre de$ détails sur l'affaire du 3 thermidor et
l'effet qu'elle a produit (2).
20 thermidor an xm(9 août 1805),
•
Le récit brillant que l'on avait d'abord répandu à Londres du succès d.u
contre-amiral Robert Galder avait beaucoup manqué de son effet après
l'arrivée à Plymouth, le 30 juillet, des frégates anglaises VÊgyptienne et le
SyriuSy avec les % vaisseaux espagnols qui avaient été pris, k cause que ces
frégates étaient accompagnées en même temps par le vaisseau anglais le
Windsor-C asile ^ qui avait été tellement maltraité, qu'il se trouvait absolu-
ment hors d'état de servir; les 2 vaisseaux espagnols avaient 380 morts et
170 blessés.
L'amiral Galder avait annoncé à l'Amirauté qu'il ne doutait pas qu'un nou*
veau combat, qu'il tâcherait d'engager le lendemain, ne lui assurerait une
victoire complète. U Amirauté fut cependant bien trompée dans son espérance
à cet égardy par tes dépêches dudit amiral du S thermidor (27 juillet), arrivées
à Plymouth le i'A thermidor (!«' aoât), par le cutter le Nisle. Le contenu de
ces dépêches portait que le 7 thermidor (26 juillet), il avait entièrement perdu
de vue les escadres combinées, et que, dans l'état d'incertitude où il se trouvait,
il avait résolu d'aller reconnaître les ports du Ferrol et de la Coroyne, jugeant
que si Vennemi i était porté vers Cadix ou la Méditerranée, il y avait grande
apparence qu'il serait rencontré par Nelson ou par Collingvood*
Le 5 du courant (août probablement), au matin, l'Amirauté reçut des
(1) Archives des Affaires étrangères, Hollande, 1806.
(2) Archives de la Marine^ BBiv^ f30.
748 TKOISliMB PARTIB. — CHAPITRB XVI.
dépêches dudit amiral, apportées par le Malta, qui avait quitté Robert Caider
au Ferrol le 12 thermidor (31 juillet).
Il en résulte que la flotte combinée n était entrée ni au Ferrol^ ni à la
Corogne, et Von croyait par conséquent, à ne pas en douter, quelle aurait fait
voile pour Cadix et que, dans ce cas, elle se rencontrerait avec CoUingvood,
comtnandant une escadre de i\ vaisseaux de ligne, ou avec Nels<m qui devait
actuellement se trouver dans ces parages,
La personne dont on tient tous ces détails ajoute encore que Vopinion gêné-
raie avait prévalu a Londres, qu'il aurait été dans les projets de V Empereur
de faire paraître la flotte combinée en force devant le Texel, afin de faciliter
la sortie de Vescadre batave, et d*opérer sa jonction avec elle.
Degrés.
Au vioe-amiral Deorèa (1).
Camp de Boalogne, 23 tharmklor an zm (11 août 1805).
Monsieur Decrès,
Vous trouverex ci-joint les dépêches qui vous sont arrivées par un courrier
que j*ai arrêté en route. Vous verrex que les escadres ont mouillé à la
Corogne. Lauriston m'écrit que Von continuera; que les capitaines et les
mat^ots sont parfaits; que VilIeneuTe, qui du reste a du talent, met trop de
temps à se décider; que, s'il avait fait la manœuvre que vous avez dite, il
aurait sauvé les bAtiments espagnols, pris les bâtiments anglais démAtés, et
que le sticcès aurait été complet ; que cette béte de Gravina au contraire,
n'est que génie et décision au combat. Si Villeneuve avait ces qualités,
l'affaire aurait été la plus belle possible. J'ai reçu les journaux anglais; ils
disent comme nous, ils louent la manœuvre faite par Villeneuve, qui a viré en
gardant le vent. Ils font ensuite des fanfaronnades, et disent que Caider
devait attaquer le lendemain. Il a encore renvoyé le Malta en Angleterre;
ainsi, il ne lui restait que 13 vaisseaux. Il s'est présenté devant le Ferrol
qu'il a bloqué. Les Anglais l'ont su par le Malta, parti de devant le Ferrol
le 12 thermidor (3i juillet). Les Anglais croient Villeneuve à Cadix ou même
au TexeL Toutefois, Caider proteste que si Vescadre combinée va au Ferrol, il
Vattaquera et la détruira. Voilà où nous en sommes.
L'arrivée de Villeneuve à la C^rogne fera tomber ces gasconnades» et, aux
yeux de l'Europe, nous donnera l'air de la victoire. Faites sur-le-champ une
relation et envoyez-la aussitôt à M. Maret.
Napoléon.
Au Camp impérial de Boulogne, le 23 thermidor an xui (11 août 1805).
Monsieur le général Marmont (2),
J'ai reçu votre courrier du 20 thermidor. J'ai lu avec intérêt les gaxettes
(1) Correspondance de Napoléon, 9066.
(l) Archiva de ta Guerre, {Correspondance de Napoléon inédite.)
LES NOUVELLES DE LA MER. 749
anglaises que tous m'ayez envoyées. Il m'est très utile, dans ce moment, de
les ayoir le plus promptement possible; tous ayei dû recevoir Tordre de
Tannée sur le combat des escadres.
Un courrier parti du Ferrol le i4 (2 août), m'annonce l'entrée des flottes
combinées dans ce port. Elles ont trouvé en effet, Vomirai Calder, qiU a pris
chasse devant elles; circonstance qui prouve que Vissue du combat a été toute en
leur faveur.
Les Anglais ne peuvent prétexter la crainte qu'ils auraient pu avoir de la
sortie de l'escadre du Ferrol, car les vents étant grand frais, il eât été impos-
sible à une chaloupe de sortir; aussi nos escadres n'auraient pu tirer aucun
secours des 15 vaisseaux qui y étaient. Faites Vimpossihle pour attirer les
Anglais sur vous, faites des sorties, faites les derniers préparatifs de départ;
levez V ancre. Enfin, occupez au moins 12 vaisseaux anglais.
Je vous envoie la note des morts et des blessés au combat du 3. Lauriston
me mande qu'on s'est battu de très loin; qu'on n'a eu aucune idée de la prise
des 2 vaisseaux espagnols, et que ce n'est que le lendemain qu'on s'est aperçu
qu'ils manquaient; ayant souffert beaucoup dans leur mâture, ils n'ont pu se
gouverner, et affalés sous le vent, ils ont dérivé la nuit et sont tombés dans la
ligne anglaise.
Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.
Au camp impérial de Boulogne, le 23 thermidor, an xiii.
Signé : Napoléon.
Enfin, la journée du 13 août va être marquée parles der-
niers ordres relatifs à la grande opération.
Au vice^amiral Deorô^ (2).
Camp de Boulogne, 25 thermidor an xiii (13 août 1805).
Monsieur,
Expédiez un courrier extraordinaire au Ferrol; témoignez à Garnirai Ville-
neuve mon mécontentement de ce qu'il perd un temps aussi important ; mandez-
lui que Allemand, ayant paru sur les côtes d'Irlande, a attiré un détachement
de V escadre anglqise sur lui; que les 13 vaisseaux de l'amiral Galder ont été
maltraités; que j'espère qu'aussitôt que les vents lui auront permis de sortir, il
Vaura fait et manomvrera pour faire sa jonction avec Allemand, soit à Vun,
soit à Vautre des points de rendez-vous ? f Avec 18 vaisseaux de guerre français
et ta ou au moins 10 vaisseaux de guerre espagnols, se laissera^-il bloquer
par 13 et même par 20 vaisseaux anglais? Dans tout état de cause, mon
intention est que, s'il a moins de 23 vaisseaux ennemis devant lui, ayant sous
ses ordres 18 vaisseaux français et au moins 10 vaisseaux espagnols, il attaque
(1) Correspondance de Napoléon, 9071.
780 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVI.
les Anglais; il ne serait d^ailleurs pas impossible qu' AlleniaBd, qui doit enToyer
prendre des renseignements à Vigo atantlafin de thermidor, ne s*y fat rendu.
Mon intention est aussi que, réunis, ils attaquent Fennemi s*il est inférieur à
19 vaisseaux de ligne ; VilleneuTe terra, dans mon calcul, que je désire qu'il
attaque toutes les fois qu^il est supérieur en nombre, ne comptant deux Tais-
seaux espagnols que pour un, et considérant la différence de quelques Tais-
seaux à trois ponts qu*a Tennemi de plus que Tescadre française. Ayant été
obligé, après le combat, de rentoyer t vaisseaux en Angleterre, Tennerai n*en
atait plus que {3.
Atec 1^ siens et les 15 iraisseaux espagnols, Villeneuve devait le chasser
de devant le Ferrol. Les Anglais sont menacés partout. Ils ont des vaisseaux
au Ferrol, ils en ont h Carthagène, ils en ontauTexel, ils en ont aux Antilles
et, Nelson eût-il rejoint C aider y ifs n auraient pas plus de 50 vaisseaux de
lipte. Je laisse Tamiral Villeneuve libre d'armer la Guerrière et la Revanche
avec les équipa^pes A'^ A* Atlas; enfin, qu^on épargne au pavillon la honte d*être
bloqué au Ferrol par une escadre inférieure. Les matelots sont braves, les capi-
taines animés, les garnisons nombreuses ; il ne faut pas se laisser périr d'inac-
tion et de découragement. Ordonnez qu'on se serve des piastres qu'on a pris^
pour payer les équipages et prenez rengagement de les rembourser ici
exactement.
Relativement aux troupes qui sont à bord, qu'on en fasse ce que voudra
l'amiral. Il en peut débarquer au Ferrol et n'en donner que ce qu'il trouve
convenable sous le point de vue du renfort que cela donne à l'escadre. Il faut
tout sacrifier à cette considération.
Nai>oléo.h.
Tout dans cette lettre est fait pour dérouter si Ton s'en tient
aux seuls documents qui nous sont parvenus.
L'Empereur a reçu le H août un courrier annonçant l'arri-
vée de l'armée à la Corogne. Ce courrier serait, ainsi qu'il est
écrit à Marmont, parti le 14 thermidor (2 août). Tout ce qui
a pu arriver le 13 août, c'est, outre les lettres de Lauriston,
celle de Villeneuve datée du 3. 11 n'y a donc pas encore de
temps perdu.
Puis l'allusion au retour de Nelson, la première en date,
contient un calcul singulier. Si Calder et Nelson sont réunis,
ils ont non pas moins de 20 vaisseaux à eux deux, mais 24 ou
23, et 40 au moins, s'ils joignent Gornwallis, sans parler de
GoUingwood qui n'est pas loin.
Puis, ce qui est caractéristique, c'est cette impatience d'une
bataille, devant le Ferrol, alors que jusqu'alors tout a
concordé pour éviter un engagement, même devant Brest.
C'est là, en effet, ce qui doit surtout frapper : les combi-
LES NOUVELLES DB LA MER. 'iM
naisons compliquées ont échoué, la guerre avec TAutriche
est imminente (1), il ne reste plus qu'à jouer le toutjpourle
tout et à avoir recours à la force. Le combat du 22 juillet a
été honorable, une victoire navale peut être espérée et remé-
dierait à tous les déboires subis.
Au Wca-am/ra/ Oecrès (2).
Camp de BoùlogDe,* t5 ibennidor an xm (13 août 1805).
Monsieur,
Je toug renvoie votre courrier du Ferrol. Comme Tamiral Villeneuve ne dit
jamais rien dans ses lettres, je vous renvoie celles de Lauriston. Renvoyez-les
moi par mon page quand vous en aurez pris connaissance. Elles me con-
firment ce que j'avais appris par une lettre du général d'Houdetot î gtCon n'a
point débarqué dp troupei, que Con n'a exécuté aucune de mes dispositions (sic),
et que mes tles de la Martinique et de la Guadeloupe ont été un moment très
compromises. Tout cela est Veffet de l'épouvante qu'a eue Villeneuve, Il savait
bien que Nelson n^avait que 12 vaisseaux et qu'il avait le temps de débarquer
ses troupes. Mes ordres étaient positifs; il ne devait ramener personne (?), Il a
ramené même la moitié des hommes de Tescadre de Magon, voilà pourquoi
cette escadre a eu tant de malades et si peu dVau. Tout cela me prouve que
Villeneuve est un pauvre homme qui voit double et qui a plus de perception que
de caractère. Je vols du reste, avec plaisir, qu'un bon esprit anime les escadres.
De quoi se plarnt Villeneuve de la part des Espagnols ? Ils se sont battus
comme des lions. Ordonne» que les 300,000 francs de Cadix soient versés au
Ferrol.
NapolAon.
(1) AM.Cambacérés,
Camp de Boalogne, 25 thermidor an xm (13 août 1805).
Mon coQtin,
J'ai reçu votre lettre du 24 thermidor. J'ai fait attaquer la eroiiière anglaise. J'ai é\é
très satisfait de la flottille ; elle a fait tout ee qae je demandais. J'ai de bonnei nonveltes
de mes escadres du Ferrol et de celle de Rochefort, qui a rempli sa mission. Par les nou-
velles que Je reçob d'Angleterre, il parait qu'elle a été vue sur les c6tes d^rlande, prenant
tout ce qu'elle rencontrait et semant partout l'alarme. Vous verres, dans le Moniteur, des
articles pu( vous fèrmii croire à la guerre procMne cmec V Autriche, Le fait est que
cettt fuisHMce ahn9;Je veux qu'elle désarme; si elle ne le fait pas» firai avec
200,000 hommes lui faire une bonne visite dont elle se souviendra longtemps.
Cependant» si l'on vous consulte» et dans vos discours, dites que vous ne croyes pas à la
guerre, par la raison que je me suis éveillé de bonne heure. Il faudrait, en effet, être bien
fou pour me fkiré la guerre. Certes, il n*y a pas en Europe une plus belle armée que celle
que j'ai aujourd'hui.
Napoléon .
Correspondance de Napoléon^ QOdQé
(2) Correspondance de Napoléon^ 0072.
752 TROISIÈyE PARTIE. — CHAPITRE XVI.
Au Wce-am/ra/ Villeneu¥e (1).
Camp de Boulogne. 25 thennidor an xiii (13 août 1805).
Monsieur le Vice-Amiral,
J'ai m avec plaisir, par le combat du 3 thermidor, que plusieurs de mes
vaisseaux se sont comportés avec la bravoure que je devais eu attendre. Je vous
sais gré de la belle manœuvre que vous avez faite au commencement de
Faction et qui a dérouté les projets de Tennemi. J'aurais désiré que tous
eussiez employé le plus grand nombre de vo« frégates à secourir les vaisseaux
espagnols qui, se trouvant les premiers engagés, devaient nécessairement en
avoir le plus besoin. J'aurais également désiré que, le lendemain de Taffaire,
vous n'eussiez pas donné le temps à Tennemi de mettre en sûreté ses vais-
seaux le Windsor et le Malta^ et les deux vaisseaux espagnols qui, étant
dégréés, rendaient sa marche embarrassée et lourde. Cela eût donné à mes
armes Véclat d'une grande victoire, La lenteur de cette manœuvre a laissé le
temps aux Anglais de les envoyer dans leurs ports. Mais je suis fondé à penser
que la victoire est restée à mes armes, puisque vous être entré à la Corogne.
J'espère que cette dépêche ne vous y trouvera pas, que vous aurez repoussé la
croisière, pour faire jonction avec le capitaine Allemand, balayer tout ce qui se
trouvait devant vous et vetiir dans la Manche, où nous vous attendons avec
anxiété. Si vous ne Vavei pas fait, faites-le; marchez hardiment à Vennemi,
L'ordre de bataille qui me parait le plus préférable, c'est d'entremêler les
vaisseaux espagnols avec les vaisseaux français, et de mettre auprès de chaque
vaisseau espagnol des frégates pour le secourir dans le combat et utiliser ainsi
le grand nombre de frégates que vous avez. Vous pouvez encore l'accroître au
moyen de la Guerrière et de la Revanche, en y employant les équipages de
V Atlas, sans cependant que cela retarde vos opérations.
Vous avez dans ce moment, sous Totre commandement, i8 de mes Tais-
seaux et 10 du roi d'Espagne. Mon intention est que, partout où Vennemi se
présentera devant vous avec moins de 24 vaisseaia, vous l'attaquiez.
Par le retour de la frégate le Président, et de plusieurs autres que je vous
avais expédiées à la Martinique, j'ai appris qu'au lieu de débarquer des troupes
dans mes deux lies de la Martinique et de la Guadeloupe, elles se trouvaient
plus faibles qu'auparavant.
Cependant, Nelson n'avait que 9 vaisseaux (2). Les Anglais ne sont pas aussi
nombreux que vous le pensez, ils sont partout tenus en haleine. 5t vous
paraissez ici trois jours, n'y paraitriez-vous que vingt-quatre heures, votre mâ-
sion sera remplie. Prévenez, par un courrier extraordinaire, l'amiral Gan-
teaume de votre départ. Enfin jamais, pour un plus grand but, tme escadre
naura couru quelques hasards, et jamais mes soldats de terre et de iner
n'auront pu répandre leur sang pour un plus grand et plus noble résultat. Pour
le grand o^*jet de favoriser une descente chez cette puissance qui, depuis six
(1) Correspondance de Napoléon, 9073.
(2) Il vient d'écrire 12 à Decrès, et ne parle pas de Cochrane.
LES NOUVELLES DE LA MER. 753
siècles, opprime la France, nous pourrions tous mourir sans regretter la vie.
Tels sont les sentiments qui doivent animer mes soldats. L'Angleterre n'a pas
aux Dunes plus de quatre vaisseaux de ligne, que nous harcelons tous les jours
avec nos prames et nos flottilles.
Napoléon.
Au général Lauriaton (1).
Camp de Boulogne, 96 thermidor an xiii (14 août 1805).
Monsieur le Général,
J'ai reçu vos deux lettres des 9 et H thermidor (29 et 31 juillet). J'espère
que cette dépêche ne vous trouvera plus au Ferrol et que l'escadre aura déjà
mis à la voile pour suivre sa destination. Je ne vois point pourquoi vous n'avez
pas laissé le 67» et le 46* régiment à la Martinique et à la Guadeloupe ; c'était
cependant bien exprimé dans vos instructions. Ainsi après une expédition
aussi étendue, je n'ai pas même le plaisir de voir mes lies à l'abri de toute
attaque ; il n'y a pas à présent 3,000 hommes, et, après vendémiaire, il n'y en
aura pas 2,500.
J'espère que Villeneuve ne se laissera pas bloquer par une escadre inférieure
à la sienne. Il doit avoir actuellement 30 vaisseaux de guerre. Je pense qu'avec
cette escadre il est dans le cas d'en attaquer une de 24 vaisseaux. Aidez et
pousses l'amiral autant qu'il vous sera possible. Concertez-vous avec lui pour
les troupes que vous avez à bord, et envoyez-m'en l'état de situation. Vous
pouvez les laisser à bord ; si l'amiral le juge convenable, vous pouvez les
débarquer et en former une division au Ferrol.
Prenez des mesures pour former un dépôt des hommes que vous avez débar-
qués à Vigo, et pour que toutes les troupes qui arriveraient du Ferrol puissent
s'y rendre et rgoindre après leurs corps.
Le capitaine Allemand s'est fait voir sur les côtes d'Irlande dans les pre-
miers jours de thermidor. Il doit être depuis longtemps au rendez-vous. Il
devait prendre des renseignements de l'escadre (s'il n'en avait pas eu connais-
sance) à Vigo, où un officier s'était rendu, dans la supposition que l'amiral
Villeneuve n'eût pas paru au 20 thermidor. Nous sommes prêts partout Une
apparition de vingt-quatre heures suffirait.
Napoléon.
Au vice-amiral Decrès (i).
Camp de Boulogne, 26 thermidor an xm (14 août 1805).
Monsieur,
J'ai reçu votre lettre d'hier. Avec 30 vaisseaux mes amiraux ne doivent pas
craindre 24 anglais, sans quoi il faudrait renoncer à avoir une marine. Quand
(1) Correspondance de Napoléon, 9075.
(t) Correspondance de Napoléon, 9076.
IV. 48
754 TROISIÈME rABTIB. — « OHAPITRE XVI.
il j aurait quelque ôf 4iiement où je defraii perdre un Taisieau, ce lerait un
éYônement auquel Je devrait m'attendra. Je dtù témoigner plus do confiance en
mon année navale ; elle aurait droii de te plaindre que je FaTilii si j'en agis-
sais autrement. Les journaux anglais du 8 août di$ent qu'un vaiueau portugais
à vu V escadre du capitaine A îleinand sur le cap Finistère le 4 thermidor, c'est-à-
dire le lendemain du combat ; ils disent également que Tamiral Galder a renvoyé
4 vaisseaux devant Rochefort, et n*a gardé que 10 Taisseaux devant le Ferrol.
Si r amiral Villeneuve reste /p5 f 3, 14, 15 W 16 (2, 3, 4 f( 5 août) au Ferrol, je
ne m'en plaindrais pas ; mais, s'il y reste un jour de plus, ayant le vent favo-
rable, et seulement 24 vaisseaux anglais devant lui, c'est le dernier des hommes.
Selon les bruits de Londres, Nelson paraissait encore loin d'arriver. Si Ville-
neuve sort avec ses 30 vaisseaux, il est sûr de se joindre à Allemand, Nelson et
Collingwood sont hors du champ de bataille ; les escadres de Cochrane et des
Indes également ; 12 vaisseaux sont au Texel; 2 vierment de se ployer vis-à-vis
d'Helvet-Sluys, Si Villeneuve ne sort pas, il expose P escadre du capitaine Alle-
mand ; et la circonstance qu'il n'a pas trouvé C aider devant le Ferrol ^ et que
l'escadre d^ Allemand y avait été huit jours auparavant, me fait craindre que
Calder n'ait donné chasse à cette escadre, A lors, véritablement, quelle occasion
il manquerait ! Certainement l'escadre d'Allemand peut faire courir Calder un
grand nombre de jours. Que de chances pour réussir si f avais là un homme!
Si Nelson avait rejoint Calder, il est possible qu'il soit encore in férieur ; mais^
s'il parvenait à avoir 24 vaisseaux^ il ne les aurait pas longtemps. Le besoin de
ravitaillement et de réparation doit se faire sentir dans Tescadre de Nelson et
dans celle de Galder, qui, ayant souffert un combat, sera encore obligée de
s'affaiblir. Villeneuve est un de ces hommes qui ont plutôt besoin d*éperon que
de bride. Les contre-amiraux que j'ai faits sont Emériau, Savarj. etc.,
hommes qui peuvent me rendre de grands services ; il me faudrait des
hommes d'un mérite supérieur. Je ne sais pas ce que c'est que ce Gosmao,
capitaine du Pluton. Ne sera-t-il donc pas possible de trouver dans la marine
un homme entreprenant qui voie de sang-froid, et comme il faut voir, soit
dans le combat, soit dans les différentes combinaisons des escadres ?
J'imagine que ma dépêche à l'amiral Villeneuve est partie par le courrier
qui a passé ici ce matin. Je vous répète ce que je vous ai d^à dit ; je n'entends
pas que 30 vaisseaux français soient bloqués au Ferrol par moins de 24 vais*
seaux anglais ; et, une fois Villeneuve réuni à Allemand^ je n'entends pas que
l'escadre combinée soit bloquée par moim de 29 vaisseaux anglais
Je désire que vous écriviez au vice-araii*al Rosily, à Paris, de vous envoyer
un mémoire très détaillé sur toute la c6te d'Afrique ; mon intention est d'em-
ployer à une expédition sur ces côtes le Régulus, la Cybèle ; une des frégates
qui pourront nous revenir d'Amérique et 2 ou 3 bricks. Je voudrais non seule-
ment prendre tous les bâtiments anglais et ravager leurs rades, mais mettre à
terre, sur un point quelconque, un millier d'hommes destinés ^ s'emparer d'un
de leurs établissements, et à s'y maintenir s'il le pouvaient. Mon but, s'ils pou-
vaient s'y maintenir, serait d'engager les Anglais à y envoyer une expédition
d'Eure ne pour le reprendre, si tant il est vrai, que le peu d'énergie de mes
amiraux laisse échapper les chances que m'offre la fortune et annule la cam-
pagne actuelle. Mon intention serait de donner le commandement de cette
petite expédition, tant de mer que de terre, à Jérôme, en lui attachant un bon
LB8 NOUVELLES DB LA 11^. 7S5
officier de mer et un très bon ottcier de terre . 11 parait que cette expédition
devrait partir d'ici à un mois ; il n'y a donc pas un moment à perdre.
Je désirerais également que les frégates de la Méditerranée avec le Borée
et VAnnibal, pussent se rendre K Gênes, y prendre le (Génois et aller enlcTcr
le bâtiment de gpuerre que les Anglais tiennent devant Naplet.
Je désire avoir 3 vaisseaux et 3 frégates pour être certain que les vaisseaux
et ^'ïgntes, qui partent souvent de Malte, ne donnent pas la supériorité aux
Anglais. Je pense que vous devriei envoyer à Naples un officier de marine
intelligent et discret, sous prétexte d'acheter des bois, etc., qui s'assurerait de
la position exacte qu'occupe le vaisseau anglais, examifierait bien quel moyen
il aurait de se sauver, et ce qu'il faudrait faire pour l'attaquer.
Napoléon.
Les ordres de TEmpereur furent transmis par Decrès qui y
ajouta la lettre ci-dessous, dans laquelle se révèle une fois de
plus cette incroyable erreur qui fixe au 15 thermidor (3 août)
Tarrivée d'Allemand à Vigo, alors qu'il n'y doit venir que
10 jours plus tard,
Boulogne, 20 thermidor an xiii (14 août 1805).
Monsieur PÂmirnl,
J*ai Thonneur de vous adresser ci-Jointe une dépêche de Sa Majesté l'Empe-
reur et Roi, en date de son quartier impérial de Boulogne, 23 thermidor, et
je vais remplir le devoir de vous transmettre ici littéralement ce que Sa Majesté
m*a ordonné de vous écrire en son nom, en môme temps que je vous expé-
dierais cette dépêche.
Les oirconstances sont si importantes que Sa Mf\jesté verrait avec méconten-
tement que vous perdissiez un seul moment nu Ferrol.
Elle est informée que sa division navale, sous les ordres du capitaine Aile*
mand, a paru sur les cêtes dlrlande et y a attiré une divifiion de la flotte de
la Manche ; que les vaisseaux de Tamiral Calder ont été très maltraités dans le
combat du 3 ; et, dans cette réunion de circonstances favorables, elle espère
qn*aussitôt que les vents vous auront permis de sortir vous Taurez fait.
Votre réunion avec Tcscadre du capitaine Allemand donnerait un accrois-
sement de forces à Tarmée combinée que Sa Majesté désire que vous puissiez
obtenir; maiê le capitaine Allemand a dû se rendre à Vigo le 15 du tnois, il y
aura appris votre arrivée et il est présumable qu'il aura tout fait poiur vous
rallier. Dans ce cas, vous aurei eu de ses nouvelles directes et, d'après sa cor-
respondance, vous savez ce que vous pouvez espérer et ce que vous avez à faire
pour opérer ce ralliement, t*il n'a pas eu lieu.
Quoi qu'il en soit, l'Empereur observe que vous avez maintenant sous vos
ordres 18 vaisseaux de guerre français et 13, ou au moins 10, vaisseaux espa^
(1) Archives de la Marine, BB»', t30.
756 TROISIEMB PARTIE. — CHAPITRE XVI.
gnols ; il s'indignerait que rette flotte fât bloquée par des forces inférieures et,
en conséquence, son intention est que, partout où irous serex supérieur en nombre
à Tennemi, tous Fattaquiez, en ne comptant toutefois deux Taisseaux espagnols
que pour un seul et prenant en considération la différence que présente la
force des vaisseaux à trois ponts que Tennemi peut avoir de plus que Tannée
combinée.
L'ennemi est menacé partout; il a des vaisseaux au Ferrol, il en a à Car-
thagène, au Texel, aux Antilles ; et Nelson eut-il rejoint Galder, il n^auraît
pas plus de 20 vaisseaux de ligne.
Je n'ai pas besoin de vous dire que vous pouvez disposer de la Guerrière et de
la Revanche autant que vous croirez pouvoir les utiliser par quelque moyen
que ce soit.
Mais ce que je dois vous réitérer, attendu que Sa Majesté le réitère dans les
ordres qu'elle me charge de vous transmettre, c'est qu'elle veut qu'on épargpie
à son pavillon la honte d'être bloqué au Ferrol par une escadre inférieure, en
ne comptant toutefois, comme je vous l'ai déjà dit, deux vaisseaux espagnols
que comme un seul, parce qu'ils n'ont pas encore été exercés à la mer, et pre-
nant en considération la différence de force des vaisseaux à trois ponts.
Sa Majesté sait qu'elle peut compter sur la bravoure de ses marins, les
bonnes dispositions de ses capitaines et de ses amiraux, et elle entend qu'on
ne laisse pas périr d'inaction , ni de découragement , des éléments si
précieux.
Vous devez avoir des garnisons très nombreuses et probablement surabon-
dantes. Sa Majesté vous laisse le maître d'en débarquer au Ferrol ce que vous
jugerez convenable et son intention est que vous ne gardiez à votre bord de
supplément de troupes qu'autant qu'elles procureront un renfort utile à la
flotte, unique considération à laquelle tout doit être sacriflé.
Le même raisonnement s'applique aux vaisseaux espagnols, qui ne doivent
plus avoir de troupes passagères et qui ne doivent conserver des suppléments
de garnison qu'autant aussi qu'ils procureront plus de force à leurs équipages.
Tels sont, Monsieur l'Amiral, les ordres de Sa Majesté et les détails qu'Elle
m'a ordonné de vous transmettre. J'y ajoute l'expression de mon ancien et
inviolable attachement, sur lequel vous devez compter dans toutes les cir-
constances.
A M. l'amiral Villeneuve (1).
Boulogne, le 20 thermidor an xm (li août 1805).
Sa Majesté m'ordonne. Monsieur l'Amiral, de vous prescrire de vous servir
des piastres dont vous vous êtes emparé pour payer vos équipages. Elle m'a
ordonné en même temps de prendre l'engagement de les rembourser ici avec
exactitude.
Vous ne doutez pas de celle que je porterai à remplir à cet égard les inten-
tions de notre souverain.
J'ai reçu vos dépèches du i5; j'ai vu avec peine que vous vous étiez borné
(l) Archives de la Manne, BB", Î30.
LES NOUVELLES DE LA MER. 757
à porter à quarante-cinq jours Totre approTisionnement en TWres, et je pré-
sume que, sur la connaissance que tous aurez eue de ceux des Espagnols, ils
vous auront fait des yerseroents, de manière à mettre votre approvisionnement
plus en proportion avec tous ceux de Tarmée qui aient la même destination et
les mêmes besoins.
J'ai reçu e\kr (13), avec vos dépèches du 15 (3 août), celle que m'écrit
Famiral Gravina. Il peut compter qu'il y soit porté une attention particulière.
Yeuillex lui témoigner mes regrets de ce que je ne puis lui écrire par ce
courrier et recevez Tassurance de mon inviolable attachement.
Decr^^s.
Rien de cette agitation fiévreuse, aucune trace de ces ordres
pressants et de cet appel désespéré à son énergie ne devaient
être connus de Villeneuve en temps utile.
CHAPITRE XVII
ALLEMAND - CALDER - NELSON
Voici ce qui 8*était passé pour la division de Rochefort
depuis que, le 17 juillet, elle était partie sans que Ton sût
au juste où elle allait.
Rapport du cap/ta/ne Allemand,
A la mer, le td thermidor an ziu (14 août lt05) (1).
Monseigneur,
Je mis sous Toile de la rade de Tlie d'Aix le 38 messidor (17 Juillet), comme
J'eus rhonneur de tous en rendre compte par ma lettre du mémo jour,
1i heures du matin. Mes inttructions na prescrivaient^ Monseigneur y de recon-
naitre les côtes d'Irlande duiUau 20' (4 au d Juillet), après avoir fait 400 lieues
à t Ouest de l*ile d^Aix, et d*y croiser huit ou neuf Jours, (fest-à-dire Jusqu'au
2d du même mois (il Juillet). Sa Majesté Impériale et Royale, en m'honorant
de ces ordres et me fixant ces époques, présumait* Je crois, Monseigneur, que
son escadre mettrait sous Toile dans les premiers Jours de messidor (SO Juin) ;
mais» bloquée très serrée, elle n'a pu appareiller que le jour où elle devait faire
son retour d'Irlande. Quoique ce terme fût expiré, je crus, Monseigneur, que,
sans manquer à mon premier point de rendex-vous, à 40 lieues du Ferrol, favorisé
du vent et abrégeant ma route. Je pourrais encore paraître en Irlande* Je courus
donc sous toutes voiles à l'Ouest de Vile d'Aix. Le 30 (iO juillet)» Je pris la cor-
vette anglaise le Ranger, capitaine Coot, de 16 cnnons, 8 caronnades de 24
et 116 hommes d'équipage, en croisière pour prendre des renseignements des
neutres sur l'armée combinée. Ce capitaine a Jeté ses canons, canots, ancres à
la mer, et a fait scier ses seillets de sabord» plat-bord, épontille, etc. Cette
conette était tellement mutilée que J'ai été obligé de la brûler. Le 1^' ther-
(I) Archives de la Marine, BB". «8-88.
760 TROISIÈME PARTIE. ~ CHAPITRE XVn.
midor (20 juillet), à midi, j'éuis, Hooseigoeur, à 147 lieues à f Ouest de Ole
(TAix; f écrivis aux capiiames la pièce n* i (I).
Le 2 (21 juillet), à 5 h. 1/2, let Tests passèrent au Ouest-Nord- Ouest;
j*ea profitii, Monseigneur, pour dire xaloir la route le 1/4 Nord-Ouest du
monde. Je pris un grand bâtiment anglais à trois mâts Tenant de Guemesey.
Le capitaine du Syiphe m'envoya des cartes à grand point d'Irlande. Le 3
(22 juillet), les yents passèrent au Nord-Ouest, grand frais, grosse mer. L'en-
cadre prit la cape. Le 4 (23 juillet), les ^eots sautèrent au Nord. Le 5
(24 juillet), les Tcnts, toujours an Nord et absolument contraires, Tboriion
clair qui annonçait ce temps fait pour longtemps, je fis route^ Monseigneur^
pour mon point de rendez-vous du 10 au 15 (29 juillet au 3 ooâ/), persuadé que
je v^ aurais jamais assez de temps pour occasionner à propos une diversion de
force ennemie et que je manquerais encore ma jonction avec Ceseadre combinée.
Je renonçai a^ec d'autaot plus de regret à aller en Irlande que c'est, je crois.
Monseigneur, ce qui eût frappé le plus l'opioion publique et m*eût fait
le plus d'hooneur. Je n'i^vais d'autre difficulté à vaincre que d*attendre
patiemment le bon vent, mais je manquais Tépoque de mon rendes- tous, et
dans toutes les circonstances. Monseigneur, je sacrifierai toujours ma satis-
faction personnelle aux intérêts de Sa Majesté Impériale et Royale. JTarrivai
le 9 {^juillet) au soir à 40 lieues du FerroL J'écrivis la pièce 12
Cet ordre, parfaitement clair, et conforme aux instmctions
re<;ues, fixant nettement les dates qui furent, on s'en sou-
vient, si fâcheusement confondues, était le suivant :
(1) PiSCB M* 1.
Da l** thermidor aa xm (tO juillet 1805).
Lorsque les drconstances nécessiteront qu'il tous soit ordonné de brûler un bâtiment,
s'il est ennemi, l'équipage sera traité sévèrement ; s'il est neutre, tous le traiteres arec
égard et assurerez le patron que Sa Majesté payera son bâtiment. Dans aucun cas, même
amarinaot un bâtiment de guerre ennemi, tous ne mettres de parillon que lorsque
le commandant aura mis la couleur qu'il jugera couTenable. 8i hier un bâtiment neutre est
passé à Tue et qu'on n'e&t pu l'arrêter, le pavillon français, qui a été arboré par une fré-
gate, faisait connaître qu'une escadre de cette nation était dans ces parages, ce qu'il est
de la plus grande importance, Messieurs, de cacher, dans tous les lieux on elle se trou-
Tera, comme tous aTcz dû le juger par les mesures qui ont d^à été prises. Toutes les (bis
que TOUS ferez rendre un bâtiment de guerre enn^i, tous ne communiqueres avec lui
qu'après y aToir été autorisé par le commandant de l'escadre.
Si vous visitez un bâtiment de guerre neutre, tous ne rarrêtercs pas et tous aures le
plus grand !K)in de lui persuader que tous faites partie de l'escadre du contre-amiral
Villeneuve. Commandez, Messsieurs, la plus grande circonspection à tos subordonnés.
Vous ne relâcherez personne, prisonnier do guerre ou autre, dans quelque circonstance et
sons quelque prétexte que ce puisse être. Ce que je tous écris. Messieurs, vous est
confié sous le sceau du plus grand secret et ne doit jamais tomber au pouToir de l'ennemi.
Certifié conforme à l'original.
Le commandant de f escadre^
Allbmand.
ALLEMAND. — CALDER. — NELSON. 761
PlÈCB N« 12.
Do 9 thermidor (t8 JaiUet 1805).
Jt voiu préviens, Messieurs, que mon intention est de croiser jusqu'au i^ de
ce mois, par la latitude de 43^32' Nord et 13<^' longitude occidentale {méri-
dien de Paris), à 40 lieues du Ferrol. Il serait possible que fy rencontre l'ar-
mée combinée. Pour faciliter mes recherches, vous croiserez dans le Sud^Est
(L*Aniiide), dans le Nord-Ouest (La Gloire), sans perdre l'escadre de vue, mais
à une très grande distance. Quand je pourrai me passer des corvettes» J*en éta-
blirai une intermédiaire entre vous et moi, qui me répétera tos signaux;
et si TOUS apprenex quelques nouvelles intéressantes, tous Tiendrex m'en
donner connaissance.
Si TOUS rencontrex des forces supérieures à celles de Tescadre, tous ferex
en sorte, Messieurs, de les reconnaître aTec toutes les précautions que nécei»-
site Tétat de guerre où nous sommes. Si tous les reconnaissex ennemies et
qu'elles tous chassent, prenex la route qui tous éloignera de Tescadre, pour
ne pas la laisser apercoToir, et ralliex-moi ensuite par les latitude et longi-
tude que Je tous ai désignées, pour m*en rendre compte.
N'oubliex pas. Messieurs, que, pour éTÎter toute erreur, tous deTex, dans
toutes circonstances, prendre pour point de départ la dernière latitude et
longitude signalée par le Toisseau le Majestueux.
Si, par suite d*une chasse, Totre position tous empêchait de me joindre ici
pour le 15 de ce mois, tous tous rendrex. Messieurs, par la latitude de 46^,55'
Nord et 9^,30' longitude occidentale (méridien de Paris), position où ira se
placer t escadre ; vous vous tiendrez alors exactement à ce point, et je ne Tois
rien qui puisse tous empêcher de tous y rendre. Si néanmoins, Messieurs,
par suite de circonstance impréTue, vous ne m'y aviez pas rencontré au 25 ther-
midor (13 août), vous ouvrirez votre paquet sous cinq cachets, à décacheter
en cas de séparation, et vous vous conformerez aux instructions qu'il contient.
Mais je tous le répète. Messieurs, il n'est pas probable qu'une chasse quel-
conque vous empêche de me joindre avant le 25 précité.
Vous prendrex toutes les mesures possibles pour n*être pas reconnus des
neutres; vous les coulerex après en avoir sauvé les équipages, plutôt que de
souffrir qu'ils prennent connaissance de l'escadre, et que ce ne soit que dans
cette absolue nécessité.
Ce que je vous dis. Messieurs, doit être secret; vous sentex, en consé-
quence, l'importance que vous devex mettre à le garder, et qu'il n'est pas
d'intimité qui puisse vous le faire Tioler.
N'oubliex pas non plus que ces instructions, comme tous les paquets que tous
aTex précédemmeot reçus, ne doivent jamais tomber au pouvoir de l'ennemi.
Prenex garde de vous laisser aperceToir par les éclaireurs de l'escadre
ennemie, qui est dcTant le Ferrol. Cet aTÎs est pour la route que tous auriex
à tenir si tous étiex chassé.
Certifié conforme à l'original.
Le commandant de Pescadre,
Allemand.
762 TR0I81ÈMB PARTIE. — CHAPITRE XVII.
Puis, le rapport du capitaine Allemand continue en ces
termes :
Le 15 (3 août), la /régate rArmide, en découverte au Sud-Est, rCayani rien
appris de Ceseadre combinée^ mais bien la continuation du blocus du Ferrol,
d'après la pièce n* 3, conformément à vos instructions ^ Monseigneur^ fai fait
route pour mon second point de rendei-vous.
On s'explique qu'arrivé le 29 juillet seulement sur le paral-
lèle du Ferrol, Allemand n'ait rien su de Villeneuve qui,
à ce moment, était à Yigo, mais, au contraire, ait connu
la présence de Calder qui, alors, était bien devant le
Ferrol. Mais le 2 août était précisément la date de l'entrée i
la Corogne de l'armée combinée venant du Sud. Or, ce dont
on a, et très tardivement, connaissance, ce n'est pas des
forces alliées, mais de l'escadre de Calder, restée dans les
parages du Gap Finistère depuis le combat du 22 juillet.
Pièce r« 3.
Rapport du CommtLndtLnt do /* « Armidt » du 77 thermidor (5 août) (i).
D'après tos ordres du 9 courant (28 JuRlet), jo me suis placé dans le Sud-
£st de Tescadre, à grande distance, pour tous instruire de ce que Je pourrais
avoir connaissance (sic). Le 10 (29 juillet) au matin, étant dans le Sud-Est de
Tescadre, j*ai eu connaissance d'une galiotte dans le Sud-Sud-Est de moi,
à A lieues de distance, que je n'ai pas chassée, tu qu'elle pouvait à peine me
voir, encore moins l'escadre. Ce même jour, à midi, j'ai relevé le cap Finistère
au S.-E. i/2 S. du compas; distance apparente : 12 lieues.
Le ii (30 juillet), à la pointe du jour, j'ai eu connaissance d'une galiotte
dans le Sud et j'ai vu le Sylphe la chasser, qui Ta visitée- et ensuite Ta coulée;
j'étnis alors à toute vue de l'escadre. A 4 heures après-midi, j*ai vu une
goélette chassée par le Palinure, que j'ai chassée aussi, la croyant armée,
d'après le rapport que me fit un capitaine danois que j'ai à mon bord, qu*il
y avait dans ces parages deux goélettes armées. Après avoir reconnu ce bâti-
ment pour marchand, j'ai tenu le vent pour rejoindre mon poste, et le Pa/t-
nure l'a brûlé. A 7 heures, fai relevé le cap Finistère au S.-E, \/4S„ distance
apparente de 11 lieues. Le 12 (31 juillet) au jour, j'ai eu connaissance d'un
bâtiment à trois mâts dans le Sud-Sud-Ouest; me trouvant alors dans le
Sud-Est de l'escadre, à petite distance, j'ai jugé que ce bâtiment pouvait la
voir, je l'ai chassé et, après l'avoir joint, je voyais encore l'escadre, ce qui
m'a décidé à le brûler. Ce bâtiment est portugais, du port de 200 tonneaux
(1) Archives de la Marine^ BBi», 228-20.
ALLEMAND. — €ALDER. — NELSON. 763
enyiron, Tenant de Porto chargé de vin et de liège, allant à Saint-Péters-
bourg. J'ai, après, forcé de TOiles pour me rapprocher de l'escadre.
Le 13 (1*' août), à 4 heures après-midi, J'ai eu connaissance d'une Toile au
Sud-Sud- Ouest, la diyision au Nord-Ouest, en panne tribord amures à la
distance de deux lieues. J'ai chassé ce bAtiment, qui courait à contre-bord, et
peu après Je l'ai reconnu pour goélette portugaise. Étant le long de son bord,
je voyais, do dessus le pont, très distinctement l'escadre, ce qui m'a décidé
à le brûler. La cargaison de ce bâtiment. Tenant de Lisbonne et allant à Gaen,
consiste en coton, bois d'acajou et cuir, un peu de petit mortil et écailles de
tortues ; ce bâtiment, du port de 60 à 70 tonneaux, était à la mer depuis
onze Jours et rapporte n'avoir rien rencontré que l'escadre. Le 10 (4 aoâ/)>
d 4 A. 1/4, vous nCavei fait le signal de chasser, reconnaître et visiter la voik
apparue à CEst-Nord-Est, J'ai de suite forcé de Toiles; à 6 heures, étant le
long de son bord, la division n'étant plus à Tue, J'ai envoyé Tisiter ce bâti*
ment, reconnu américain, nommé VAurora, capitaine Sotterland, parti de Bor-
deaux le S5 juillet, allant à la Nouvelle-Orléans. Ce bdliment rapporte que k
31 juillet, à 4 heures du matin, se trouvant à 20 lieues du Ferrol^ il a eu ean»
naissance dei4 vaisseaux qu*il suppose être l'escadre anglaise bloquant le Ferrol,
Le i" août, il a été Tisité par un lougre anglais de 8 canons, 30 hommes
d'équipage, qui lui a dit appartenir à une escadre. Ce rapport a été confirmé
par plusieurs Français passagers sur ce bâtiment.
Certifié conforme h l'original.
Le commandant de Ceseadre,
ÀLLBHAlfD.
Un nouveau renseignement allait être fourni par Tautre
éclaireur, la frégate la Gloire,
Rapport du Commandant de la « 6/o/re ».
18 thermidor (6 ao&t 1805) (1).
J'ai l'honneur de tous rendre compte, Monsieur le Commandant, que le 12
(31 juillet) j'ai donné chasse à un bâtiment à trois mâts, aTcc paTillon danois,
suiTant l'ordre verbal que tous m'en aTiez donné ; la brise était très faible et
a eocore diminué dans l'après-dlner, de manière que je n'ai pu joindre ce
bâtiment avant la nuit ; au soleil couchant, je lui ai fait tirer deux coups
de canon sans avoir pu réussir à le faire arriver. Je l'ai conservé à vne jus-
qu'à 10 heures que, le temps étant devenu très brumeux, j'ai cessé de le voir.
Les Tents ayant culé Ters le Sud, j'ai supposé que ce naTire courrait au
Nord-Est et j'ai fait gouverner moi-même à cette aire de vent avec sillage tel
que je lui en supposai un. Au jour la brume était extrêmement épaisse ; j'ai
aperçu une voile dans une éclaircie, restant au Nord-Est ; je l'ai Jointe, mais
(1) Archives de la Marine, BBiv, ttH-t\,
764 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVII.
c'était un brick portugais dont j'ayais également eu coonaissaDce la Teille, au
soleil couchant; ce brick Tenait de Porto et allait en Russie. Ne voyant point
d*autre bâtiment, quoique la brume se fût un peu dissipée, j'ai repris le bord
du Sud pour rejoindre l'escadre que j*ai aperçue k 10 heures, au Sud-Ouest.
A 3 heures de Taprès-midi, j'en étais dans le Nord-Ouest, à une lieue et
demie; j*ai viré comme elle et pris la bordée du Nord. A 4 h. 1/2, au jour,
je ne la voyais plus, mais, la supposant au bord du Sud, je Tai pris h 5 heures.
Effectivement, j'en ai eu connaissance h 9 heures, restant au Sud-Sud-Ouest.
J*ai forcé de voiles et à H h. 1/2 on la voyait à la vergue de misaine, quoique
le temps fût brumeux. La brume alors étant devenue des plus fortes, j'ai cessé
de la voir; j'ai fait de 7 à 9 nœuds, jusqu'à 3 heures, que je me suis estimé
devoir être à peu près dans le Nord-Ouest de l'escadre. Gomme elle avait viré
la veille, à 4 h. i/4, j'ai couru jusqu'à 5 heures, après avoir diminué de voiles
depuis 3 heureti. La brise a molli et a été faible toute la nuit. J'ai couru le bord
du Nord. Au jour, le temps était assex clair; je n'ai eu aucune connaissance
de l'escadre. A midi, /e 15 (3 août), étant par la latitude Nord de 43» 22' et la
longitude estimée occidentale cie 13" 20^, fai fait gouverner au Nord-Nord- Est,
pour atteindre le point de votre dernière station, où fêtais à i A. i/2. A 4 heures,
ne vous apercevant pas, j'ai dirigé ma route pour le point que vous m'aviez
indiqué dans votre lettre du 9 courant. J'ai passé entre 3 et 4 heures à trois
quarts de lieue dans l'Est d'un bâtiment, dans lequel on avait mis le feu, qui
brûlait encore et était presque entièrement consumé, ce qui m'a fait connaître
que vous aviez passé le quelques heures auparavant. Je n'ai rien vu dans Taprès-
dtner. Le lendemain 16 (4 août), au matin, fai vu un brick dans C Est-Nord-
Est que fai joint : c'était un suédois vetuint de Stockolm et allant à Porto. Ce
bâtiment m'a rapporté 'avoir rencontré /e 14 (2 août) une division de 9 vais-
seaux, dont 3 à trois ponts, avec quelques frégates, dont tune C avait visité.
Elle avait, ainsi que la division^ les couleurs anglaises et l'o/ficier qui fut à
son bord avait Cuni forme anglais et était Anglais. Le i^, il avait eu connais-
sance, à 2 heures de Caprès-midi, d'une autre division de 2 vaisseaux et 3 /ré-
gâtes, qui n'a point mis de pavillon et qui ne ta point visité. Il estimait que ces
deux divisions étaient à 5 ou 6 lieues au plus l'une de l'autre et n'étaient pcLS
à plus de ii à M lieues dans le Nord-Nord-Est de lui, quand nous le visitions,
ce qui porterait la position de ces escadres à la latitude Nord de 45* 23' et la
longitude occidentale de H<*2'. Elles étaient toutes les deux au bord du Sud
et sous les huniers seulement, comme bâtiments qui croisent. Le temps était
brumeux, et sur cet avis j'ai fait gouverner au Nord pour écarter un peu
le passage où j'aurais pu les trouver et j'ai fait toute la voile possible en
rondissant du Nord à TEst-Sud-Est, insensiblement pendant la nuit.
Le 17, au jour, j'ai eu connaissance d'un cutter à très petite distance dans
le Nord~Est ; pouvant mettre le cap dessus, je l'ai chassé et, à 5 heures,
étant à moins d'une portée de 8 de lui, il m'a fait des signaux de reconnais-
sance auxquels j'ai répondu par un coup de canon. Il a amené son pavillon
anglais ; il venait de Piymouth (parti depuis six jours) et allait à Gibraltar.
Gomme ce bâtiment (armé seulement de 4 caronades et de 15 hommes d'équi-
pages) était tout neuf et suivant son capitaine marchait bien, j'ai d'abord eu
le dessein de vous le conduire et je l'ai fait suivre après l'avoir amariné, mais
bientût m'apercevant qu*il me retardait et ayant la plus vive impatience de vous
ALLEMAND. — CALDBR. — NELSON. 76S
rejoindre, je Pai attendu et fait couler. Ce outter rapporte qu'il a tu, passant
devant Torbay, entrer deux Taisseaux espagnols entièrement rasés et remor-
qués par deux frégates. Il ne peut dire où ces vaisseaux ont été pris.
Il a remarqué qu'il y avait à bord de ces bâtiments beaucoup de soldats
en sarots {sic).
J'étais bier soir entre 5 et 6 heures au point de station. •
Certifié conforme à l'original.
Allemand.
Ainsi qu'on le verra, c'était encore Calder qui, lentement,
remontait au Nord, se rapprochant de Cornwallis, et qu'on
signalait à Allemand, une fois au Sud, le 31 juillet, et une
autre fois au Nord, le 2 août. Mais, en concluant à Texistence
de deux escadres, alors qu'il n'y en avait qu'une. Allemand
se crut en sérieux danger. Pourtant, il resta au second
rendez'-vous (45^56 de latitude Nord et 9^30 de longitude
Ouest), fidèle à ses instructions.
Suite du rapport d'Allemand,
Depuis le 16 (4 août) au matin, j'étais observé par une frégate placée aii
Nord-Ouest de Tescadre et au Tent ; elle a fait route le 47 (5 août) vers le
Ferrol.
/> 18 (6 août) rendu au second point. Le capitaine de la Gloire m'envoya
la pièce n* 4-n» 5.
ly après le rapport du capitaine de TÂrmide, le Ferrol serait toujours bloqué;
d'après celui de la Gloire, une escadre de 1 1 vaisseaux croire à 30 lieues de
mon point.
Je Vai traversée dans la nuit sans en avoir la connaùsance.
Le 19 (7 août), à 1 beure après-minuit, je fis donner l'ordre à VArmide
d*obser?er jusqu'au jour un bâtiment faisant des signaux qui m'étaient incon-
nus, et je fis serrer le Tent à l'escadre ; au jour, cette Yoile avait pavillon et
flamme anglaise et paraissait à portée de voix par le travers de VArmide. J'ai
fait arriver l'escadre sous toutes voiles ; signalé à VArmide d'attaquer et com-
battre, elle l'a aperçu. Mais, Monseigneur, la frégate ennemie ayant toujours
prime de manœuvre a laissé arriver. Autant la frégate française a eu l'avan-
tage au plus près, autant, Monseigueur, l'ennemi en a eu en changeant
d'allure. Il est malheureux que la frégate VArmide ne se soit pas trouvée
sous le vent, ce qui coupait toute retraite. Elles ont échangé quelques
coups de canon. Comme le constate la pièce n<* 7, un cutter était à 3 heures
au vent de Tescadre ; une autre frégate anglaise sous le vent.
Le 20 (8 août), la division signala i voiles au vent de l'escadre.
Aussitôt qu'elles m'eurent reconnu, je les perdis de vue, ce qui prouva
qu'elles marchaient mieux que l'escadre. Le capitaine de la Gloire m'envoya
la pièce n<* 6.
766 TBMHÉlffB PARTIS. — CHAPITRB XVII.
Rapport A» O^p/tai/io de la « Gloire ».
tO thermidor (8 août 1805).
J'ai rhoDoeur de tous reodre compte» Mossieur le Commandant, que le
bâtiment que J'ai visité hier soir» d'aprèe Totre signal, était un portugais
Tenant de Lisbonne, allant à Londres. H avait été visité le 17 (5 août),
par é7*96' de latitude Nord et il<»5' de longitude oocidenUle au méridien
de Paris, par le vaisseau le Dragon, faisant partie <f u/ie dimsion de 9 vaisseaux,
dofU 3 à trois ponts ; cette division, aux ordres de faminU Caldtr, est celle qui
a eu un engagement avec les vaisseaux du Ferrol à la suite diêpsil deux espa-
gnols ont été pris : le Saint-Raph.iël ; le deuxième n'est pas comuL L'eseadre
anglaise a reçn plusieurs avaries dans sa mâture et son gréement ; eomme
il n*est lait aucune mention des Français, je ne sais si la division d« Ferrol
serait sortie» aurait été rencontrée et si les deux vaisseaux capturés anraieat
été Joints par rinfériorité de leur marche ; ou si Vescadre combinée se serait
séparée et si les Espagnols auraient été rencontrés, voulant entrer au Ferrol^
Ce portugais a encore été visité le 18 par la frégate le Phénix, allant au Sud-
Ouest et paraissant chercher Vescadre de Camiral Calder, qui tenait également
la bordée du Sud-Ouest.
Le lieutenant Anglais que j*ai à bord m*a dit que brd Nelson était arrivé
devant la Martinique vingt-quatre lieures après le départ de F armée combinée ;
qu*il l*avait fait suivre et observer par le bn'ck le Curieux, qui était arrivé en
Angleterre et avait annoncé que Nelson poursuivait notre armée. Ce matin,
à la pointe du jour, j'ai eu connaissance d'un bâtiment en apparence sous le
vent ; il a viré comme moi, lorsque j'ai pris la bordée du Sud-Ouest.
A 4 heures, je l'ai supposé frégate et je marchais mieux que lui. Lorsque j'ai
eu connaissance de votre escadre, que sans doute U a vue en même temps,
il a laissé arriver au Nord-Est.
Dès que le jour mieux fait m'a permis de distinguer que VArmide donnait
chasse à une frégate ennemie, j'ai pris les amures à bâbord et cherché à couper
chemin à cette frégate. Je l'aurais nécessairement approchée, mais il eût fallu Li
chasser bien loin encore et bien longtemps avant de la joindre à bonne portée.
Lorsque j'ai vu VArmide serrer le vent, je lui ai mis mon numéro et ai tiré
un coup de canon pour qu'elle y fit attention. J'ai cru devoir virer de bord
quand vous Tavex fait ainsi que l'A rmide.
Certifié conforme à l'original.
Le commandant de Cescadre,
Allemand (1).
Rapport du Capitaine de /' « Armide ».
21 thermidor (9 août 1805).
A 1 heure, ayant aperçu un bAtimeot près de nous par le bossoir de tribord ;
(1) On sait d'ailleurs par une lettre de Cornwallis du 9 tiofïi (Record Office^ Channel
ALLEMAND. — CALDER. — NELSON. 767
^ i h. 10 DOtti l'aTODs perdu de vue ; à i h. 1/4 nous l'aTons tu de nouTeau
ayant des feux. Au même instant, j*ai fait serrer le vent pour vous prévenir de
cela ; vous m*avex répondu l*avoir aperçu ; j'ai de suite repris mon poste.
A I h. 1/?, le brick le Sylphe est venu me transmettre à la voix votre ordre
de reeonnnltre ce bâtiment, en ne compromettant ni la division ni moi ; de ne
faire de signaux qu'autant que les siens seraient exacts ; et que lui prenait
une position intermédiaire. De suite j'ai laissé arriver au N.-Ë. 1/4 £., sous
toutes voiles possibles, ledit bâtiment ne paraissant plus. A 2 h. i/2, je l'ai
aperçu devant nous ; à 3 h. 9/4, nous en étions à petite distance.
Il avait des signaux de reconnaissance â son mât d'artimon et de misaine.
Je l'ai reconnu alors ft*égate et ennemie ; un Instant après elle a hissé pavillon
anglais et â forcé de voile.
Je vous ai signalé que le bâtiment chassé était ennemi ; â 4 h. 1/i, me
trouvant très près de lui, j'ai fait arborer pavillon et flamme française, que
j'ai assuré d'un coup de canon à boulet. L'équipage anglais a crié aussitôt trois
fois : bourrah ! quoique occupé à jeter une intioité de choses à la mer. Le
capitaine de cette frégate, reconnaissant son dés^avantage au plus près du vent,
a laissé arriver au N.-E. 1/4 E. et a mis dehorii toutes ses voiles d'étai, bon-
nettes et oaeatois; avons arrivé comme lui et rois tout dehors. 11 a commencé
â faire usage de ses canons de retraite, et bientét après nous nous sommet
aperçus que la frégate nous éloignait ; ne pouvant lui tirer d'autres canons de
chasse que ceux du gaillard d'avant, plus d'autre espoir que de là dégréer de
quelques mâts, vergues ou voiles, j'ai donné l'ordre d'arriver vent arrière pour
lui envoyer ma volée de bâbord haut et bas, ce que je fis. Ensuite, je suis
revenu au vent pour continuer la chasse. J'ai eu le déplaisir de la voir s'éloi*
gner de plus en plus, en me tirant toujours de ses canons de retraite, tant de
sa batterie que de son gaillard. A 5 heures, un boulet a frappé le grand mât
de hune, un peu au-dessus du taccnge et a coupé la poulie d'itague de bâbord
et même le galhauban d'arrière ; le galhauban volant de hune et celui de per-
roquet et la drisse de la grande voile d'étai ont été coupés. Il a en même temps
enlevé un morceau de la noix du mât de hune, ce qui nous a empêché de
mettre dehors la bonnette de perroquet; plusieurs autres boulets ont passé
dans le grand hunier, misaine et autres voiles et ont aussi coupé l'amure do la
bonnette de hune du grand hunier, le faux brack du petit hunier, les branches
de boulines du petit et grand perroquet et la balancine du petit eaoatois. La
frégate nous gageant toujours, l'armée qui se trouvait derrière moi â toutes
voiles, se trouvant assez éloignée pour ne plus voir le corps des vaisseaux ni
pouvoir distinguer facilement les signaux, nous avons cependant reconnu celui
qui demandait si noua avions l'espoir de gagner l'ennemi : j'ai répondu que
non. J'ai reconnu à bord du Sylphe le signal de ralliement et celui de serrer
le vent, ce que j'ai resignalé à la frégate la Gloire, qui était dans le Sud de
nous, distance de % lieues. Nous avons viré de bord, comme l'ordounait le
Fleet) que la Nayade, détachée le 6 août, signala une escadre française que l'on crut être
l'escadre de Rocbefort.
Le rapport du capitaine Dundas (par latitud<^ 47» 56' cl longitude 6« 40' du méridien de
Greenwich) signale 11 navires do guerre.
768 TROlSlàMB PARTIE. — CHAPITRE XVU.
signal et comme faisait Tarmée ; nous avions alors au Tent à nous un cutter
et une galiotte, ainsi qu'un grand bâtiment à trois mâts au Tent à nous,
courant tribord amures.
Certifié conforme à l'original.
Le eomniandant de Ceteadre,
Alluano.
Ces rapports, continue Allemand, se rapportent parfaitement avec les
n** 4 et 5. Ma position dam le golfe devient inquiétante, Monseigneur. L'escadre
qui bloque Brest connaît mon point par la frégate échappée à TArmide ; t escadre
qui bloque le Ferrol et celle qui croise par 45* de latitude etW^ de longitude (1 )
en sont instruites par les frégates qui nCont observé. Ma croisière est trop décelée
pour quil soit prudent de la garder jusqu'au 25. Il est presque impossible^ Mon-
seigneur, qutm bâtiment envoyé par f amiral Villeneuve me parvienne ; il sera
pris par la quantité de bâtiments ennemis qui croisent sur tous les points du
golfe. A midi fêtais à deux lieues de mon point de rendez-vous, ce qu'on peut
regarder comme extrêmement juste. Le îl (9 août), %me frégate ennemie vint
me reconnaître et s'éloigna ensuite avec une marche bien supérieure, à midi
j*étais directement sur le point.
Je suis au 23 (1i août), Monseigneur, je n'ai plus que trente heures à passer
sur ce point et je suis déterminé à r abandonner. Par les instructions dont
m'bonore Votre Eicellence, elle s'exprime ainsi : u Vos instructions vous feront
bien connaître C esprit de votre mission et son but; mais Sa Majesté s'en rap-
porte à votre zèle et à votre discernement sur toutes les modifications que Tùi-
térét de son service et les circonstances vous conduiront à y aftporter ». Je crois
que l'intérêt de Sa Majesté est. Monseigneur, de joindre cette escadre à celle du
général Villeneuve, ce qui était praticable tant que j'ai pu la cacher; mais elle
sera rencontrée sur ce point avant trente heures par des forces supérieures, puis-
quelle y a été vue par six frégates et un cutter ennemis qui n'ont qu'à se porter
par les 45® pour se trouver. L'intérêt actuel de Sa Majesté est de lui assurer
cette escadre et puisqu'elle veut bien s'en rapporter à mon zèle sur toutes les
modifications que l'intérêt de son service et la circonstance me conduiraient
à y apporter, je ferai route ce soir pour Vigo où j'aurai des nouvelles certaines.
Cette démarche, Monseigneur, est nécessitée par des circonstanciés majeures,
et je mets en fait que personne n'eût tenu aussi longtemps sur un point bien
observé de l'ennemi depuis le 18 (6 août). Si j'étais assez malheureux, Mon-
seigneur, pour que ma manière de Toir ne fût pas celle de Votre Excellence,
les considération:! qui nie portent à agir ainsi me mériteront votre indul-
gence et celle de Sa Majesté Impériale et Royale.
La perte de la Didon, les renseignements reçus par les
éclaireurs d'Allemand, s'expliqueront d'eux-mêmes par les
mouvements des escadres anglaises.
(1) U n'y en avait qu'une, celle de Calder.
ALLEMAND. — CALDfiR. — NELSON. 769
Nous avons laissé Nelson ancré le 21 juillet dans la baie de
Tétuan, occupé à se ravitailler en eau et en ^dvres frais. Le 22,
il se disait prêt à passer dans TOcéan au premier vent
d'Est (1), mais il n'avait pas « encore un seul mot de nou-
velles, ce qui », dit-il, « me brise le cœur ». « Je me placerai,
ajoutait-il, de façon à recevoir des renseignements, et si j'ap-
prends que l'ennemi est allé dans le golfe de Gascogne, j'irai
devant le Ferrol où à Ouessant, suivant le cas ». Ayant com-
plété ses vivres à quatre mois, sauf en pain, il comptait
prendre position entre les caps Spartel et Saint- Vincent. « Je
(f n'aurais peut-être pas dû, disait-il (2), entrer dans la Médi-
« terranée, mais le besoin d'eau et de rafraîchissements tu'y
V a absolument obligé. Je n'aurais pas eu assez d'eau pour
(( aller même au Ferrol ». Dans l'après-midi du 23, l'escadre
mit à la voile pour se rendre à Ceuta; la Décade^ envoyée par
Collingwood, et qui venait de rejoindre, n'apportait aucune
nouvelle. Mais, le lendemain, le Termagant apporta un jour-
nal de Lisbonne et une lettre de Collingwood, datée du 13 (3),
racontant la rencontre du Curieux avec l'armée combinée,
le 19 juin. Cette fois, Nelson prit rapidement son parti. « Je
vais, écrit-il, me mettre en relation avec Collingwood, puis je
ne perdrai pas un moment pour aller au Nord, soit sur le
Ferrol, l'Irlande ou Ouessant, suivant les circonstances. Le
Tei^magant a la mission de faire rejoindre V Amazon à Spit-
head si tous les autres rendez-vous nous manquent ».
La contrariété des vents empêcha Nelson de visiter Col-
lingwood à son bord. Dans la lettre qu'il lui laissa à son
passage devant Cadix, il le prie de continuer son service
devant ce port avec les vaisseaux actuellement stationnés
devant Saint- Vincent, et en outre, 2 frégates, 1 brick et
2 bombardes. Le reste est remis à Bickerton chargé de blo-
quer Carthagène et d'assurer la liberté du commerce dans la
Méditerranée.
Le 25, à midi, Nelson était à 17 lieues au Sud-Est du cap
Sainte-Marie, la division de Collingwood dans TEst était
encore en vue.
(1) A rAminaté.
\t) A r Amirauté.
(3) Brithh Muséum, vol. 34930.
IV. 49
770 TROISlillE PARTIE. — CHAPITRE XVII.
Le lendemain, il prévenait le commandant de Fescadre
de la Manche de son approche.
Nelson à Gardner (1).
Je pan pour le Nord» car je oe doute pas que Tennemi ne soit allé dans
quelque port du golfe de Gascogne. Si j'apprends qu*il va en Irlande, je tous
rallierai. Il est bien probable que je chercherai le cap Glear où je tous prie de
m'adresser les nouTelles. J*ai aTec moi onze vaisseaux
Nelson à lord CornwalliB (1).
L'escadre ennemie est sûrement quelque part dans le golfe. Je pars
pour le Nord avec onze vaisseaux, et j'irai chercher le cap Glear ou vous ral-
lierai à Ouessant suivant les renseignements. Après une longue poursuite
j'espère arriver au moment de la rencontre, car ma santé va m'obliger k
débarquer pour quelque temps.
Depuis ce moment, jusqu'au 15 août, jour où la jonction
fut opérée avec Tescadre de la Manche, il existe dans toutes
les histoires de Nelson un vide tout à fait singulier.
Certes, les vents du Nord qui, au même moment, forçaient
Villeneuve à entrer à Vigo, au lieu du Ferrol, retardèrent ter-
riblement aussi Nelson le long de la côte d'Espagne, puisque
le 3 août, il était encore par 39® de latitude, c'est-à-dire à hau-
teur de Lisbonne. Mais ce qu'on à peine à comprendre, c'est
qu'il soit passé successivement devant Vigo et le Ferrol sans
y prendre le moindre renseignement, ni de Tennemi, ni de
Calder qu'il devait compter trouver dans ces parages ; qu'il ait
dépassé Rochefort sans s'informer non plus si l'escadre com-
binée n'y est pas entrée, ainsi qu'il l'avait cru lui-même un
moment.
Le journal particulier de Nelson, sans faire la lumière sur
les différents états d'esprit par lesquels dut passer l'Amiral,
témoigne au moins de la contrariété que les éléments appor-
tèrent à son voyage (2) .
27 juillet. — Au jour devant le cap Saint- Vincent. Vent du Nord.
28 juillet. — Grains frais du Nord-Ouest.
(1) 27 jaUlet. British Muséum, vol. 34930.
(2) NeUon'8 private diary (British Muséum, 34068), très difâeile à déchiiDrer.
ROUTB D£ NELSON.
772 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVII.
29 juillet. — Brise modérée du Nord-Nord-Est. A 143 milles du cap Saiot-
Vioceot. La nuit beau temps. Yeot du Nord.
30 juillet. — Brise modérée du Nord-Est. Fait 110 milles dans les der-
nières TÎngt-quatre heures.
3! juillet. — Brise fralcbie du Nord-Est, mer mauYaimî. Fait 75 milles.
1" août. — Brise légère (?). Fait 36 milles.
2 août. — D'abord brises légères de la partie Nord, puis grains. Route
au Nord- Nord -Est, distance 46 milles.
3 août. — Brise du Nord. Je suis bien attristé de ce ^ent contraire, mais
je me fie à la Providence (illi^^ible). Latitude 39* 1', longitude 16* Ouest
Venu dans TOuest de 72 milles.
4 août. — Brise du Nord -Nord-Ouest, cap au Nord-Est. Je crois que nous
allons avoir un vent d*Ouest (?). Route Nord-Nord-Ouest. 41 milles.
5 août. — D'abord de.s soufQes du Nord puis enfin nous avons en du
Tent d'Ouest. Fait 80 milles nu Nord-Nord-Est. Puis toute la nuit route au Nord.
6 août — D'abord brise modérée du Nord-Est. Route Nord-Nord-Ouest
Distance 60 milles.
7 août. — D^bord brise du Nord-Est. Latitude 4i^ 8, longitude i8* i4
Ouest.
8 août. — D'abord brise du Sud-Ouest Route Nord-Est. 50 milles.
9 août. — Brise modérée Ouest. Brouillard. Boute Nord-Est. 146 milles.
10 août. — Presque calme, brume. Route Nord-Nord-Est. 57 milles.
11 août. — Brise légère Sud-Ouest. Route Nord-Nord-Est. 53 milles. Le soir
brise fraîche du Nord •Nord-Ouest. Mer en tête.
12 août. — Brise fraîche du Nord, n Si cela continue, il faudra renoncer
à l'Irlande >». Route Nord-Est-Nord. 149 milles. A 5 heures, parlé à la
Niobé pas de renseignements sur l'arrivée de l'ennemi dans nn des ports
du golfe de Gascogne.
13 août. — Brise modi'rée. Mer grof^se. A mx^^ parlé à un navire venant
de Cowes. Pas de renseignements. Où peuvent être les flottes combinées f Je
suis peu à mon aise. Latitude 49*7, longitude 15* Ouest. 136 milles.
14 août. — Beau temps. 112 milles.
15 août. — 18 lieues d'Oues^ant. Jonction avec l'escadre de la Manche.
ColQcidence singulière, pendant la pénible traversée que
Nelson venait de faire, pour rejoindre le commandant en
chef, l'Amirauté lui avait envoyé Tordre qu'il exécutait de lui-
même. Pour la deuxième fois, et comme pour la marche vers
les Antilles, Texécution avait devancé l'arrivée des instruc-
tions.
L'amiral Cornwallis (1), nous ayant transmis le compte rendu de Tamiral
Calder sur un combat livré le 22 juillet par 43* 30 latitude Nord et 11* 17 lon-
(1) Record Office, Channel Fleet, et British Muséum, vol. 34830.
ALLEMAND. — CALDER. — NELSON. 773
gitude Ouest avec Tescadre ennemie forte de vingt vaisseaux dont il a pris
deux après une action de quatre heures, et ayant lieu de croire que le reste
des forces ennemies est au Ferrol, nous invitons Votre Seigneurie, sans perdre
de temps, à se porter avec son escadre sous Ouessant et à se mettre sous les
ordres de Tamiral Cornwallis. Si vous n'aviez pas encore quitté le rendez-vous
devant Cadix, vous laisseriez à la disposition de lord CoUingv^ood assez de vais-
seaux pour maintenir le blocus de ce port.
Londres, 3 août 1805.
Ainsi, c'était Tapplication du mot d'ordre général, con-
sistant à tout réunir à l'entrée de la Manche et pour la pro-
tection de l'Angleterre, consigne déjà appliquée par Orde
en avril, que l'Amirauté rappelait une fois de plus.
De lui-même, Nelson s'y était conformé, mais il n'était
pas le seul. Le 13 août, Stirling, envoyé devant Rochefort et
ayant appris que l'escadre d'Allemand était partie le 25, avait
rejoint Cornwallis (1) ; le 14, Calder, avec les 9 vaisseaux
qui lui restaient, avait aussi rallié le commandant en chef
« bien qu'il eût appris, dit ce dernier, que toute l'escadre
qu'il avait combattue le 22, était au Ferrol ». Resté devant
ce port jusqu'au 8 août, et se sentant trop faible pour empê-
cher la sortie de Farmée combinée^ il avait fait voile sur
Ouessant, laissant, pour observer les alliés, le vaisseau le Dra-
gon et les frégates Phœnix, Nayad et Iris qui devaient garder
le contact.
L'arrivée de Nelson, avec ses onze vaisseaux, portait la
force totale de l'armée de lord Cornwallis à 39 vaisseaux (2),
c'est-à-dire à un eflfectif très supérieur à tout ce que Ville-
neuve aurait pu amener sous Ouessant.
D'après ce que l'on sait de l'impossibilité absolue où se
serait trouvé Ganteaume de prendre part à une bataille livrée
au large, on peut conclure que l'armée combinée, arrivant.
(1) Record Office t Channel Fleet et British Muséum, vol. 34830.
(2) Avec Nelson 11 vaisseaux.
— Stirling 4 —
— Calder 9 —
— Cornwallis 15 —
Total. , 39 vaisseaux.
Plus deux : le Goliath et le Dragon^ laissés vers le cap Finistère.
TROISIEME PARTIE. — CHAPITHE XVII.
'S le IS août, au contact de la grande escadre de lord
mwallis, était vouée à une défaite certaine.
^ la vérité, ce jour-ià, Villeneuve n'était encore qu'à
lieues du cap Finistère et, s'il avait continué à marcher
■8 te Nord, il aurait trouvé à son arrivée une situation un
1 différence, sur laquelle il y aura lieu de revenir un peu
is loin.
CHAPITRE XVIII
LE FERROL — CADIX
L'état de découragement manifesté par Tamiral Villeneuve ,
dès son arrivée à la Corogne, ne fit que s'accroître ; Tamiral
Gravina, lui aussi, ne comptait plus du tout sur le succès du
plan général.
L'amiral Gravina au Ministre de la marine.
Port do Ferrol, 3 août 1805 (1).
Je dirai à Votre Excellence que le plan d'opérations ne pouvait
paraître mieux conçu, qu'il était diyin (sic) Mais aujourd'hui c'est 60 Jours
que nous sommes partis delà Martinique, et, ayant déjà eu occasion les Anglais
d'avertir d'avance en Europe et de se donner le temps de renforcer leur
escadre du Ferrol, tout cela a, selon moi, beaucoup déconcerté un si beau
et si bien prémédité plan. A présent, l'ennemi connaît nos forces C'est
naturel qu'en sortant d'Ici, ils oseront nous donner le combat, et (ils pourront)
après envoyer leurs mouches avertir l'escadre de Brest, nous suivre et nous
guetter et nous proportionner (administrer) un second combat avant notre
atterrage à Brest et détruire le plan de la campagne, qui certainement était le
plus beau et le plus intéressant, et qui très probablement aurait réussi, si nous
étions arrivés au Ferrol vite et sans être attardés, réunir les forces d'ici et
continuer notre marche. Mais malheureusement notre très long voyage a
donné le temps aux ennemis de se prévenir, de renforcer leurs croisières et de
prendre leurs mesures. J'ai fait prévenir l'amiral Villeneuve que je suis prêt
à partir au premier signal et à le suivre partout
Je suis très fâché de me voir séparé de mon digne collègue, étant lui à la
Gorogne. Gela rendra plus difficile notre sortie ensemble : lui a besoin de Vent
à l'Ouest pour sortir, moi ici seulement des vents de l'Est.
(1) Archives de la Marine, BB^r, 233. Minute de la main de Oravina.
776 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVIII.
Uamiral Villeneuve au Ministre de la marine.
Bucentaure, le 19 thermidor an xiu (6 août 1805) (1).
Monseigneur,
Je réponds à Totre lettre particulière du 28 messidor. Si, comme je dexais
l'espérer, j*eusse fait un trajet prompt de la Martinique au Ferrol, que j'eusse
trouvé l'amiral Galder avec 6 vaisseaux, ou au plus 9, que je l'eusse battu et,
après aToir rallié l'escadre combinée, ayant encore un mois et demi de Tivres
et de l'eau, j'eusse fait ma jonction à Brest et donné cours à la grande expédi-
tion, je serais le premier homme de France. Eh bien tout cela devait arriver^
je ne dis pas avec une escadre excellente voilier e, mais même avec des vaisseaux
très ordinaires. J'ai éprouvé dix-neuf jours de vents contraires ; la division
espagnole et V Atlas me faisaient arriver tous les matins de 4 lieues, quoique
la plupart des vaisseaux fussent, la nuit, sans Toiles ; deux coups de vent
de Nord-Est nous ont avariés, parce que nous avons de mauvais mâts, de
mauvaises voiles^ de mauvais gréements, de mauvais officiers, de mauvais mate-
lots. Uennemi a été averti, il s'est renforcé, il a osé venir nous attaquer avec des
forces numériquement bien inférieures, le temps l'a servi. Pas exercés aux com-
bats et aux manœuvres d'escadre, tous les capitaines dans la brume n'ont
suivi d'autre règle que de suivre leur matelot d'avant et nous Toici la fable
de l'Europe.
J'arrive dans ce port : tordre positif de ne pas entrer au Ferrol achève de
mettre des entraves au ravitaillement de f escadre et à la jonction. Je suis obligé
de mouiller à la Corogne, ou ton ne trouve rien, pas même la possibilité de
débarquer des malades et mes communications avec le Ferrol, sont longues et
(jiilficiles. Le général Gourdon, qui pouvait si puissamment m*aider, est malade
mourant. On n'éprouva jamais plus de contrariétés, je suis dans un état qui
ne peut se décrire, environné d'ennemis, depuis que la fortune ne me sourit
plus ; j'en trouverais bien plus encore parmi ceux mêmes qui n'auront pas
partagé, ou du moins qui n'auront pas été témoins de ma situation, et je
m'attends à tout.
On me rend l'arbitre des plus grands intérêts, mon désespoir redouble
d'autant plus que l'on me témoigne plus de conGance, parce que je ne puis
prétendre à aucun succès, quelque parti que je prenne. // m'est bien démontré
que les marines de France et d'Espagne ne peuvent pas se montrer dans ces
circonstances en grande escadre, elles n'ont aucune ressource pour parer aux
accidents, et l'ennemi est d'autant plus audacieux qu'il conçoit mieux que
nous-mêmes notre position. Des divisions de 3, 4 ou 5 vaisseaux au plus, c'est
tout ce que nous pouvons faire que d'être capables de les conduire.
Que Ganteaume sorte et il en jugera, et l'opinion publique sera fixée.
Je vais partir, mais je ne sais ce que je ferai. Huit vaisseaux se tiennent
en vue de la côte, à huit lieues ; ils profileront de la leçon donnée à Pamiral Orde,
ils nous suivront : je ne pourrai pas les joindre et ils iront se rallier aux
(1) Archives de la Marine, BB^r, Î30-26Î.
LE FERROL. — CADIX, 777
escadres devant Brest ou devant Cadix, suivant que je ferai route pour l*un ou
r autre de ces deux ports. Si fêlais retenu ici seulement dix ou douie jours, je
serais hors d*état de reprendre la mer, et la famine serait dans cette province. Il
s'en faut de beaucoup que, sortant d'ici avec vingt-neuf vaisseaux, je puisse être
considéré comme pouvant lutter contre un nombre de vaisseaux approchant. Je ne
crains peu de le dire à vous, je serais bien fâché d'en rencontrer vingt.
Nous afons une tactique DRTale suranDée ; nous ne savons que nous mettre
en ligne, et c'est ce que demande Fennemi; je n'ai ni le moyen, ni le temps,
ni la possibilité d'en adopter une autre avec les commandants auxquels sont
conâés les vaisseaux des deux marines, dont la plupart n'ont Jamais su faire
une réflexion, et qui n'ont aucun rapport de comparaison dans la tête.
Je crois bien que tous tiendront à leur poste, mais pas un ne saurait prendre
une détermination hardie. Je prévoyais tout cela avant de partir de Toulon,
mais je me suis fait illusion, seulement jusqu'à ce que j'aie vu les vaisseaux
espagnols qui se sont joints à moi; alors, ma foi, il a fallu se désespérer de
tout. L'amiral <jravina, qui a reçu tant d'éloges pour son appareillage de Cadix,
aurait mérité le blâme le plus sévère. Nous avons pris la mer avec des vais-
seaux ainsi équipés et mauvais par eux-mêmes. Je rends d'ailleurs toute
justice à son dévouement, lui seul apprécie ma position et se montre vraiment
mon ami.
Je veux finir cette jérémiade, je vous écris ici dans l'amertume de mon
âme, et je ne finirais pas si je laissais cours à mon épanchement. Mais pour^
quoi ne m'avez-vom pas plus écouté avant mon départ de Toulon? Nonobstant,
veuillez bien recevoir l'assurance de tous les sentiments, en retour de ceux
que vous avez bien voulu m'exprimer et que je vous ai voués depuis longtemps.
Dans une lettre du même jour, Villeneuve annonce que
les vents passant à TEst, ce qui est nécessaire pour la sortie
des vaisseaux du Ferrol, il va faire touer les vaisseaux pour
sortir de la Corogne. « En quelque état qu'ils se trouvent,
dit-il, je mets en mer pour me présenter devant Brest. »
Ce jour-là, huit vaisseaux ennemis étaient signalés à neuf
lieues dans le Nord-Ouest, et Villeneuve pensait que peut-
être ils n'avaient pas connaissance de son entrée à Vigo
ni à la Corogne.
Les journées des 3, 4, 5, 6 et 7 août furent nécessaires pour
compléter Teau et les vivres. On put trouver des approvi-
sionnements pour quarante-cinq jours, sans toucher aux res-
sources de Tescadre espagnole, grâce aux ordres donnés par
le prince de la Paix (1). Le 8, Villeneuve s'occupa de nou-
veau d*appareiller, mais les vents contraires, la mauvaise
(1) Lettre de Beornon ville du 15 août. Voir ci^desssus.
778 TROISIÊBiB PARTIE. — CHAPITRE XVni.
situation du Ferrol, dont la sortie est très difficile, retar-
dèrent le départ jusqu'au 13. Cependant, de Taveu d'un
témoin fort peu bienveillant pour Tamiral, les efforts sont
journaliers et la perte des cinq jours, écoulés entre le 8 et
le 13, parait être facilement justifiable.
Journal de Reille,
Les 15, 16, 17, 18 et 19 (3, 4, 5, 6 et 7 août), resté à la Gorogne, fait de
l'eau et complété chaque Taisseau à quarante-cinq jours de viyres. Le 20
(8 août), sorti en dehors de la Gorogne et mouillé à cause des Tents contraires.
Le 21 (9 août), Tarmée a encore appareillé, mais n'a pu aller qu'à un mille
plus loin. Dans Taprès-midi, un vaisseau ennemi est Tenu la reconnaître.
Le 22 (10 août), Farmée a encore appareillé et est sortie entièrement de la haie
de la Gorogne et a louvoyé en dehors. Les vents ayant passé au Nord-Est, les
cinq vaisseaux français ont commencé à sortir vers midi du Ferrol; ils ont été
suivis par huit vaisseaux espagnols. Trois vaisseaux espagnols sont encore
restés au Ferrol, il est très malheureux qu'ils n'aient pas suivi les autres,
l'armée eût pu de suite mettre en mer. Elle a, en attendant, jeté l'ancre à l'en-
trée de la haie d'Ares ou Betanzos.
Ce jour-là, effectivement, Villeneuve avait cru pouvoir
annoncer son départ :
I 22 thermidor an xni (10 août 1805) (1).
Monseigneur,
L'escadre du Ferrol fait sa jonction; je pars et je me dirigerai, suivant les
circonstances y sur Brest ou sur Cadix. Les ennemis nous observent ici de trop
près pour pouvoir espérer de leur déguiser ma marche. Je ne puis vous écrire
plus au long, mais je charge M. Ailhaud de vous expédier des courriers pour
vous annoncer cet événement.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
ViLLBNBUTB.
Mais cet espoir est encore une fois déçu, cinq vaisseaux
français, huit vaisseaux espagnols ont seuls rejoint. Il en
manque trois qu'il faut encore attendre.
De plus, rinexpérience des officiers et des équipages s*est,
une fois de plus, affirmée. « Je suis consterné, écrit Yille-
(1) Archives de la Marine, BB", 230.
LE FERROL. — CADIX. 779
neuve le 11 (1), de la soirée d'hier. J'ai été obligé de mouiller
au dehors du Ferrol. Tous les vaisseaux espagnols et français
se sont abordés en mouillant. » Le nombre des malades est
devenu excessif, il faut sacrifier la frégate la Sirène.
23 thermidor aniein (11 août 1805) (S).
Monseigneur,
Au moment de mon départ» on me rend compte que les Taisseaux VAlgé-
siras et V Achille ont, le premier, 114 malades, et le second, 75, malgré ceux
qu'ils ont laissés à Vigo et à la Gorogne, ce qui réduit considérablement les
équipages de ces Taisseaux et qui fait craindre, si la maladie y continue ses
ravages, qu'ils ne se trouvent même bientôt transformés en hôpitaux et, par
conséquent, inutiles à Tarmée.
Pour parer autant que possible à cet inconvénient, j'ai résolu de fortifier les
équipages de ces deux vaisseaux, de celui de la frégate la Sirène, qui prendra
alors les malades de V Achille et de VAlgésiras, pour les porter, aussitôt après
notre départ, dans les hôpitaux de la Gorogne ou du Ferrol.
Gette frégate pourra être bientôt réarmée par les hommes qui sortiront des
hôpitaux de Vigo, de la Gorogne ou du Ferrol.
Je prie Votre Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.
VlLLBNBDYB.
Cependant, le déficit en matelots sur les navires qu'on
emmènera atteindra presque à 2,060 hommes (3). En outre,
le vaisseau espagnol de 64, le Saint-Julien, est reconnu
impropre à tout service. Il doit être remplacé par le vaisseau
de 74, le Saint-Ildefonse.
Journal de Reille.
Le vaisseau de 64 canons, le Saint-Julien, a été laissé au Ferrol et remplacé
par le Saint-Ildephonse, de 74 canons. Get arrangement convenait de toute
manière aux amiraux français et espagnol, qui sont d*une même opinion sur
l'inconvénient grave de l'inégalité du rang et de la marche des Taisseaux.
Dans la traTersée de l'escadre, à son retour de la Martinique, on en a fait la
plus contrariante épreuTe, et c'est principalement la raison qui a déterminé
MM. de Villeneuve et Gravina à laisser à Vigo V Atlas, V America et VEspana,
(1) Cité par Tamiral Jurien de la Oravière.
(2) Archives de la Marine, BB"', 230.
(3) La situation du 2 septembre accase 2,060 manquants ; 1731 hommes aux hôpitaux
311 déserteurs (Lettre de Villeneuve, BBi^, 230).
780 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVIU.
Le 11 et le 12, le vent reste faible de TOuest, tout à fait
contraire à la sortie des navires restés au Ferrol.
Journal de Reille.
Le 23 (H août), les yenls, à TOuest toute la jouroée, n*ont pas permis aux
▼aiuseaux du Ferrol de sortir. L'armée s'est ud peu plus enfoncée dans la baie
d'Ares.
Le 24 (12 août), calme et petite brise d'Ouest, cause du même retard.
Les cinq vaisseaux français qui ont rejoint l'armée sont le HéroSj le
Duguay-Trouin, le Redoutable , le Fougueux, V Argonaute, de 74 canons; et le
brick VObservateur. Les vaisseaux espagnols le Prince, de 120 canons; le Nep-
tum, de 80 ; le Saint- Jean-Népomucène, de 74 ; le Saint-François-d^Assise,
de 74; le Monarque, le Saint-Augustin, Vlldefonse, de 74; le Saint- Fufgencio,
de 64, la frégate la Flore et la corvette le Mercurio,
Lamiral Villeneuve au Ministre de la Marine.
25 thermidor an x:ii (13 août 1805) (1).
Monseigneur,
La journée d'hier a été calme, ou petit vent de l'Ouest. Les yaisseaux du
Ferrol n'ont pas pu sortir et Fescadre n'aurait pas pu mettre en mer ; le vent
vient de passer à TE^t et tout me fait présumer que dans la journée nous
serons tous sous voiles.
M. Ailhaud vous donnera les nouvelles et les détails qui pourront lui par-
venir, ainsi que je lui ai recommandé.
Je prie Votre EscoUmce d'agréer Thommage de mon respect.
ViLLBMEUVE.
Avant midi, le 13, les trois vaisseaux restés au Ferrol rejoi-
gnent, et, à deux heures du soir, l'armée peut enfin appa-
reiller.
Voici quelle était, à ce moment, sa force. Car, en ce qui
concerne Tescadre française, le vaisseau VAilas demeure à
Vigo, la frégate la Syrène^ au Ferrol, la Revanche^ la
Guerrière^ au Ferrol, la Didon, partie en mission, a été
prise.
(I) Archives de la Marine, BB»». Î30.
LE FERROL. — CADIX. 781
COXPOMTION DE L*BSCàDRK à SON DÉPART DU FbRROL (I).
Bucenlaure,
Formidable,
Neptune.
Imlompiahli*.
Platon.
Scipion.
Stviftsure,
Mont-Blam\
Intrépide,
Benvick,
Fougueux,
Redoutable .
Argonaute.
Duguay-Trouia.
fférox.
Achille,
Algésiras.
Aigle.
Frégates :
Bhin.
Hermine.
Comélie,
Hortense,
Tliémis.
Furet, brick.
Argus,
Observateur^ rallie au Ferrol.
Téméraire, goélette, rallie au
Ferrol.
C'étaient donc 18 vaisseaux, 5 frégates, 3 corvettes.
Quant aux Espagnols, des six vaisseaux partis de Cadix,
le 10 avril, il n'en restait plus que^eux (2).
Le Terrible et VArgonaute.
Il était sorti du Ferrol :
Le Prince-deS'Asturies 112 cauons.
Le Neptune 80 —
Le Saint-Jean-Népomucéne 74 —
Le Saint-François- d'Assise 74 -
Le Monarque 74 —
Le Saint' Augustin 74 —
Le Saint' Hdefonse 74 —
Le Saint'Fulgencio 74
Le Aîontanez 74 — -
La corfette Mercurio » —
La frégate la Flore 34 —
La corvette Indagora » —
Ce qui portait l'appoint fourni par les Espagnols à 11 vais-
seaux, 1 frégate et 1 corvette.
Le total de Tarmée combinée était donc de :
W vaisseaux^ 6 frégates, 4 corvettes.
(1) Archives de la Marine, BB«», t30.
(2) Deux pris : Sainl-Baphal et Firme ; deux laissés à Vigo : Espafia et America.
782
TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE XVIU.
Pendant toute la journée du 13, le vent souffla, avec vio-
lence, du Nord-Est. Partie ce jour-là à deux heures du soir,
le 14 au matin, Tarmée était encore en vue du Ferrol.
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ROUTE d'allemand ET DE VILLENEUVE DU 13 AU 19 AOUT 1805.
LB FERROL. — CADIX. 783
Voici ce qui s'était passé :
L*armée, dit Reille, a fait route à l'Ouest jusque Ters les 6 heures du soir.
Un bâtiment de guerre ayant été yu au Tent de Tarmée, elle a Tiré de bord et
a couru sur le cap Prior. Le 26 (14 août), à 2 heures du matin, reTiré de
bord et fait route au Nord-Ouest.
Pour que rien De manquât à la mauvaise fortune persistante
qui poursuivait Villeneuve, une déplorable méprise de ses
éclaireurs lui fit perdre une chance inespérée.
A 11 heures du matin, les chasseurs ont signalé 14 foiles ennemies au
Nord-Est (1).
A 2 heures, une frégate avancée a signalé 8 voiles au Nord-Ouest ; elle a
reçu Tordre de les reconnailre; celles que l'on a pu reconnaître étaient neu-
tres. L'amiral avait signalé qu*à rentrée de la nuit il ferait route à TOuebl-
Nord-Ouest (2).
Villeneuve se borne, à ce sujet, à quelques mots peu précis
et peu clairs.
A bord du vaisseau le Buceniaure, en rade de Cadix, le 4 fructidor au xiu
n août 1803(3).
Monseigneur,
J'ai Thonneur d'informer Votre Excellence, qu'étant parti de devant le Fer-
roi le 25 thermidor (13 août), j*ai été observé le même jour et le lendemain
par des frégates et deux Taisseauz de ligne ennemis, que j'ai fait chasser par
les meilleurs yoiliers de l'armée sans qu'ils aient pu en approcher.
Quelle pouvait être la nationalité de ces vaisseaux, alors
que Calder et Nelson étaient déjà à Ouessant ou tout près
d'y arriver et que seuls le vaisseau le Dragon (4), les frégates
Phcenix, Nayad et Iris étaient restés en observation. C'est ce
qui va sans doute s'éclaircir. S'il s'agit de deux vaisseaux
et deux frégates, c'étaient, peut-être, le Dragon et les trois
frégates. Mais s'il s'agit de quatorze voiles, ce ne peut être
qu'Allemand.
En effet, nous avons laissé ce chef de division se préparant,
le 11 août, à quitter son rendez-vous par 46^36' de latitude
(1) Journal de Reille.
(2) Journal de Reille.
(3) Archives de la Marine, BBir, Î30-261.
(4) Bientôt rejoint par le Goliath,
784 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVIII.
Nord et 9*30' de longitude Ouest, pour se porter vers Vigo.
Le 14 au matin, il était dans le Nord-Ouest du Ferrol, à un
relèvement qui le plaçait tout à fait dans les environs de Tar-
mée combinée. Il y a donc les plus grandes chances pour que
ce fût la division de Rochefort que signalèrent les éclaireurs
de Villeneuve, mais ce qui est singulier, des deux côtés on se
considéra comme ennemi.
Le 26 (li août), à A heures du matin, dit en effet Allemand, me trou-
vant par la latitude de 45» S^ et la longitude de IS^Si', je vis 3 bâtiments
à trois mâts à 3 lieues au Nord-Est, lit du vent, je les supposais bâtiments de
guerre. Le Jemmappes me les signala suspects ; ils étaient trop au vent pour les
chasser etyje suis trop pressé de me rendre à Vigo prendre des nouvelles certaines
de l'escadre combinée.
Le 27 (iS août), au jour, je tîs une goélette portugaise Tenant dans l'es-
cadre ; j*étais entre Finistère et Vigo, je la fis couler par VArmide. A 10 heures,
le capitaine de cette frégate m'eu?oya le rapport numéro 8 (1).
Voici quel fut le renseignement très important donné par ce
navire portugais.
18 thermidor (16 août 1805).
Le capitaine de la goélette portugaise VHercule, sortie du Ferrol, déclare
qu'il y a six jours, il est sorti de ce port une escadre française et espagnole
forte de dl à 3S bâtiments de guerre, vaisseaux, frégates et corvettes.
Trois de ces vaisseaux, qui n'avaient pu sortir du Ferrol avec les premiers^
sont sortis il y a trois jours pour rejoindre t armée.
L armée combinée, ayant été de relâche à Vigo, en était sortie pour rejoindre
celle du Ferrol lorsqu'elle a rencontré une armée anglaise qui a coupé la ligne
à deux vaisseaux espagnols et s'en est emparé ; un troisième vaisseau espagnol
pst entré avec le reste de l'armée étant tout délabré.
Certifié conforme à l'original.
Le commandant de Cescadre,
Allemand.
Tout cela était parfaitement exact : c'était Tannonce de la
tentative de sortie du 11 et de la concentration du 13 qui
amena le départ définitif de Tarmée combinée. La fin du rap-
port était confuse, mais un fait pouvait frapper Allemand,
c'est que Tescadre était sortie de Vigo pour aller au Ferrol et
(1) Archives de la Marine, BB'v, 2t8-26.
LE FERROL. — CADIX. 785
qu^au premier de ces points , il ne trouverait plus personne.
Néanmoins, Allemand persista à se rendre à Yigo où il par-
vint le même jour 16 août.
Je forçai de voiles pour entrer à Vigo, in*attendant trouver des instructions
de Votre Excellence ou de Tamiral Villeneuve. A 4 heures de Taprès-midi je
mouillai, non à Vigo, mais à 6 milles en dehors, afin de pouvoir sortir
cette nuit ou demain matin au plus tard.
J*expédie le Sylphe pour porter ces paquets à Vigo, au commissaire de
Sa Majesté Impériale et Royale ; je lui mande de les faire passer à Votre
Excellence le plus tôt possible et par voie sûre, de m'envoyer ceux qu'il
aurait à mon adresse, de me dire ce qu'il sait des armées combinée et enne-
mie, de me faire savoir, en un mot, tout ce qu*il peut connaître.
La communication avec la terre et la défense d*écrire est interdite à l'es-
cadre. L'ordre de se tenir prêt à mettre sous voiles lui est donné. Je joins ici.
Monseigneur, l'état des bâtiments que j'ai été forcé de détruire, suivant les
instructions de Sa Majesté. Vous verrez, Monseigneur, que sur 91 bâtiments
vus par l'escadre, il y a 22 neutres de coulés et 3 anglais ; j'ai laissé aller les
66 autres parce que j'ai pu les tromper par de fausses routes, occasion que
je n'ai jamais laissé échapper, Monseigneur, et d'après les instructions de
Votre Excellence et pour l'intérêt de Sa Majesté Impériale et Royale.
Veuillez, s'il vous plaît, Monseigneur, présenter mes respectueux hom-
mages à Sa Majesté Impériale et Royale et agréer le respect le plus profond
avec lequel j'ai l'honneur d'être de Votre Excellence, Monseigneur, le très
humble et très obéissant serviteur.
Allemand.
Pendant ce temps, l'armée avait continué à gagner dans
rOuest-Nord-Ouest, aussi au Nord, par conséquent, que le
permettait le vent opiniâtre du Nord-Est pendant la journée
du 15.
Journal de Reille.
Le 27 (15 août), au matin, l'on a aperçu quelques voiles qui ont été chas-
sées; plusieurs se sont trouvées neutres. Un bâtiment marchand anglais a été
pris et coulé.
A midi, l'armée se trouvait à 40 lieues à TOuest-Nord-Ouest du cap Finis-
tère. Dans la soirée fait route au Sud, la frégate i'Hortense a reconnu un vais-
seau de guerre remorquant une frégate que nous avons su depuis être la Didon.
Ceci était exact, en effet c'étaient le Dragon et le Phœ-
nix remorquant la Didon (1). Mais lorsque, le 15 au soir,
(1) Langhton. Life of Nelsoa. — Le 15 août 1805, Villeneuve vit dans le nord-est trois
IV. 50
786 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVm.
Villeneuve fit route au Sud, il se rapprocha encore de la
route suivie par Allemand dont il avait déjà coupé la trace.
Ayant trouvé à la mer des Tents du Nord-Est établis, écrit-il
le 22 août, et ayant poussé ma bordée dans rOaest-Nord-Ouest toute la
Journée du 26 (14) et du 27 (15), sans apparence de changement, ne pouvant
avoir aucune confiance dans Vétat cTarmemeni de mes vaisseauXy dans leur
marche et dans rensnnble de leur manœuvre^ la réunion des forces de Pennemi,
la connaissance qu'il avait de toutes mes démarches depuis mon arrivée sur la
côte d'Espagne^ ne me laissaient aucune espérance de pouvoir remplir le grand
objet auquel V armée navale était destinée. En luttant plus longtemps contre les
vents contraires, /allais éprouver des dommages irréparables et des séparations
inévitables.
Le vaisseau espagnol le Saint-François-d'Assise, ayant déjà cassé son grand
mât d*hune^ convaincu que Vétat des choses était essentiellement changé depuis
rémission des ordres de Sa Majesté Impériale et Royale, qui, en dirigeant la
meilleure partie de ses forces navales sur les colonies avait eu pour objet de
diviser celles dp Vennemi, en attirant son attention sur ses possessions éloignées
pour pouvoir le surprendre et le frapjïcr au cceur par leur retour subit en
Europe et leur réunion combinés ; que ce plan n'ayant pas réussi et se trouvant
même décelé par le temps qui s'était écoulé et par les calculs auxquels h marche
des escadres a donné lieu, Vennemi s'était évidemment mis en mesure de le faire
échouer et que la réunion de leurs forces, en ce moment, était plus considérable
que dans aucune des circonstances précédentes, et telle qu^elle pouvait s'' opposer
avec supériorité aux forces réunies de Brest et du Ferrol ; ne prévoyant donc
aucune chance de succès dans l'état de choses et C0!<(F0RHfiHBNT A LA DÉPÊCHE
DB Votre Excellence du 27 messidor (16 juillet) je me suis déterminé,
le troisième jour de mon départ, le 27 (15 août)^ à l'entrée de la nuit, à faire
la route de Cadix, étant encore à 80 lieues dans VOuest-Nord-Ouest du cap
Finistère,
Cette dépêche du Ministre (i) s'exprimait, en effet, en ces
termes :
« L'Empereur a prévu le cas où, par des événements
qu'on ne peut calculer, la situation de Tarmée ne vous per-
mettrait pas d'entreprendre Texécution de ces projets qui
auraient une si grande influence sur le sort du monde
Alors r Empereur veut réunir à Cadix une masse de forces
imposantes »f
navires qui étaient, ainsi qu'on le sut plus tard, le Phcenix avec sa prise et le Dragon,
et apprit d'un navire marchand que c'était un détachement d'une escadre anglaise de
25 vaisseaux
(1) Voir ei-dessus.
LE P«RROL. — CADIX. 787
C'était la traduction de la prescription impériale du même
jour(l).
« Dans ce cas, qui avec l'aide de Dieu n'arrivera pas,
nous désirons qu'après avoir débloqué nos escadres de Roche-
fort et du Ferrol, vous mouilliez de préférence dans le port
de Cadix. »
Sachant Allemand sorti de Rochefort, ayant débloqué les
vaisseaux du Ferrol, ignorant tout des nouvelles intentions de
VEmpereur, ordonnant une bataille que^ jusque^lày il devait
éviter^ Villeneuve put, à juste titre, se croire couvert par les
termes des ordres en date du 16 juillet et autorisé à renoncer
à se porter sur Brest avec ses 29 vaisseaux.
Voici quels incidents marquèrent le voyage jusqu'à Cadix :
Les deux jours suifaDts, 28 et Î9 (16 et 17 août), continue Villeneuve,
les yents ont soufffé du Nord-Est, gros frais, qui m'ont porté rapidement sur le
cap Saint-Vincent, je ne doute pas que si j^enise essuyé ce coup de tent au
piaf près, j'eusse perdu beaucoup de mâts et de Toiles, le vaisseau espagnol,
le SairU'^lldephontef ayant cassé son grand mât de bune, quoique vent arrière.
Je D*ai pu avoir aucune connaissance, ni réunir aucun renseignement sur la
division de Roobefort* La frégate la Didon, que j'arais expédiée de la Corogne
le 18) ne m'a pas rejoint; quoique ce fût la meilleure voilière de l'escadre;
j*ai des craintes les plus fondées qu'elle soit tombée entre les mains de l'en-
nemi, le capitaine de Vffortense, dans une cbasse prolongée^ ayant eu con-
naisMnce d'un vaisseau et d'une frégate ennemis, remorquant une frégate
démâtée, qu'on lui a dit être une frégate française. Sur le soir, sur le cap
Sainte-Marie, l'escadre a cbassé plusieurs bâtiments de guerre ennemis, qui
tiraient des coups de canon en fuyant ; une frégate, à l'entrée de la nuit,
m'ayant signalé une escadre sur mes derrières (2), dans la nuit, je n'ai pu faire
beaucoup de voile pour laisser rallier des vaisseaux qui étaient arriérés, en
sorte qu'au jour je me faisais encore à H lieues de Cadix et que trois vais-
seaux anglais, qui étaient devant ce port, nous ayant reconnu de loin, ont eu
le temps de prendre chasde et de donner dans le détroit. Le contre-amiral
Magon quif avec l'escadre légère, les a approcbés de plus près, m'a rapporté
d^ailleurs que ces vaisseaux avaient un grand avantage de marcbe sur lui.
Ces vaisseaux se sont retirés dans Gibraltar et l'armée combinée a mouillé
dans ce port.
Il ne saurait échapper à Votre Excellenee que depuis cinq mois l'escadre est
presque coniirtuellement à la voile ; que tous nos objets de consomination Jour-
nalière sont épuisés ; que les voiles^ les agrès sont usés, ou dans le cas de répa-
ration. Lis capitaines commandants me font déjà des demandes de voiles, de
(1) Voir ci-dessus.
(2) ÀllMoiaiid tekm toute apparence.
788 TROISIÈMB PARTIE. — CHAPITRE XVIII.
cordages, que je ne sais s'il sera possible de leur procurer ici; la plupart
demandent à recalfater leurs Taisseaux. Je donne les ordres les plus pres-
sants pour que chacun se mette en état, par ses propres moyens, de reprendre
la mer ; mais il est beaucoup d'objets de réparation ou remplacement qu'il
sera indispensable de se procurer ici.
M. le Roy fient de me remettre votre dépêche du 7 thermidor (26 juillet),
renfermant les instructions de S. M. I. du même jour, conformes à celles que
j^avais reçues précédemment. Gomme je ne puis manquer de recevoir d'un
moment à Tautre de nouveaux ordres, en réponse à mes dépêches de Vigo et
de la Gorogne, je presserai avec la plus grande activité les réparations de Tes-
cadre, pour qu'elle soit en état de les exécuter à leur arrivée.
LeK quatre vaisseaux du Ferrol, qui étaient destinés à une croisière, ont
encore trois mois et demi de vivres à bord ; dans la possibilité qu*il y avait
qu*en sortant du Ferrol je rencontrasse les escadres réunies de Nelson et Cal-
der, comme cette réunion même m'était annoncée de toutes parts, je n*ai pas
cru devoir me détacher de ces Taisseaux k la mer ; si des ordres nouveaux que
Votre Excellence aura pu m'adresser ne changent rien à la destination géné-
rale de Tarmée navale, ou à celle particulière des divisions, ces quatre vais-
seaux seront prêts à partir.
J'ai pu encore moins envoyer à Rochefort ceux des vaisseaux de l'escadre
qui sont hors d'état d'entreprendre une campagne d'hiver ; ces vaisseaux étant
les plus mauvais voiliers de l'armée, eussent été trop évidemment compromis
étant livrés à eux-mêmes, au moment d'une lunaison de vents contraires qui
leur fermait l'entrée de tous les ports, et d'ailleurs j'avais encore besoin de
toutes les forces pour faire face à celles de Nelson et de C aider, dans le cas
très probable de leur réunion.
Monseigneur, quelle que soit l'impression que V. E, éprouve des circon-
stances qui ne nCont pas paru admettre V exécution du vaste dessein de 5. M. I. ,
je vous prie de croire que rien n'égale le désespoir que fai éprouvé et Vhorreur
de la situation où je me trouve. Mais si ce grand armement qui m'était confié
devait être inévitablement le jouet des vents, dans des mers absolument incon-
nues aux marins qui montent ces vaisseaux ; si l'état de l'armement de ces
vaisseaux, défaut d'ensemble et d'intelligence, ne comportait pas d'éprouver
les moindres contrariétés, sans en éprouver des dommages irréparables, des
dispersions et la ruine du projet, en se rendant la fable de l'Europe ; si cet
armement avait cessé d'être redoutable à l'ennemi qui aurait eu le temps et
les moyens de se reconnaître, en sorte qu'un combat^ sur quelque point que ce
fût des parages que j'avais parcourus, rte pouvait nous promettre ni succès, ni
gloire, ni chance favorable à Varmée navale de Brest de terminer ce que nous
aurions entrepris inconsidérément; enfin, si le brave et respectable amiral
allié, auquel seul j'ai pu communiquer les vues de S. M. L, en était lui-même
atterré, et ne me suivait qu'avec le dévouement du désespoir ; fai dû, après
avoir mis toute la persévérance possible à former les réunions désirées dans les
pians de S. M, /., m'arréter là où il ne pouvait plus résulter que désastre, con-
fusion et une vaine démonstration, qui eût consommé pour jamais le discrédit
des deux marines alliées.
Je prie V. Ë. d'agréer l'hommage de mon respect.
ViLLENBUVE.
LE FERROL. — CADIX. 789
Lettre du générAl Reille à Son Excellence le prince Murât,
grand amiral de l'Empire (1).
Monseigneur,
L*armé6 combinée, composée, avec les Taisseaux du Ferrol, de 29 Taisseaux,
6 frégates et 4 corfettes, est partie de ce port le 25 thermidor et est arriTée
ici hier. Voilà cette armée, qui aurait pu faire tant de mal aux Anglais, rentrée
sans aToir rien fait ; et, quand on considère bien notre position, on en est
réduit à regarder comme un avantage de la Toir en sûreté, à même de se
ravitailler et de faire, dans la suite, ce qui ne peut s*espérer raisonnablement
à présent.
Quelque pénible qu'il soit pour un militaire de s'expliquer sur le compte
d*un général commandant une armée, j'aime trop les intérêts de Sa Majesté
pour ne pas dire la irérité à Votre Altesse. Les choses en sont à un point où
l'on serait coupable de se taire. J'avoue donc que je ne conçois pas comment
le Ministre, qui a servi sous les ordres de notre amiral et qui le connaît parti-
culièrement, a pu proposer à Sa Majesté de le mettre à la tête d'une expédi-
tion importante. Il est pénible de voir cette armée qui, sous Latouche, était
pleine de volonté et d'activité, être sans confiance dans son chef et dans elle-
même, et dans l'apathie ; de voir les Espagnols, qui avaient l'ardeur que leur
inspira toujours le brave général Gravina, découragés par la perte qu'ils ont
faite ; il est encore plus pénible pour nous d'entendre parler de leurs deux
vaisseaux que nous avons honteusement laissé emmener par quatorze vais-
seaux anglais, dont deux étaient démâtés et ne pouvaient manœuvrer, tandis
que nous étions au vent et que nous avions dix-huit vaisseaux, dont quatorze
français, auxquels il ne manquait pas une vergue. Ils devaient presque s'y
attendre, après avoir été laissés en arrière le jour de notre départ de cette
ville pour aller à la Martinique.
11 parait que nous avons perdu la Didon, Cette perte serait d'autant plus
sensible que c'était notre meilleure frégate et que son capitaine, Milius, est
sûrement un des meilleurs officiers de la marine. Elle était sortie quelques
jours avant nous, et un de nos chasseurs a vu une frégate presque démâtée,
remorquée par un vaisseau anglais, que des neutres, visités, lui ont dit être
française. Si ce vaisseau, qui était à vue^ eût été chassé, il est vraisemblable
qu'elle eût été reprise.
Nous eussions pu aussi prendre trois vaisseaux et une frégate qui se trou-
vaient devant ce port à notre arrivée; les rapports des bâtiments neutres
visités nous les annonçaient, et il ne s'agissait que d'envoyer quelques-uns
de nos vingt-neuf vaisseaux leur fermer l'entrée du détroit, tandis que le reste
viendrait dessus en colonnes un peu écartées, pour former une seine et les
prendre; les vents favorisaient cette manœnvre, mais nous avons fait petite
manœuvre toute la nuit. A la pointe du jour, nous étions à quatre lieues d'eux,
bien serrés, et ils s'en sont allés à Gibraltar.
Nous allons tâcher de mettre les troupes à terre, pour les faire reposer, et
(1) Archives de la Marine, campagne J805, BBi% 133.
TROISIEME PASTIS. — CHAPITRE XTIfl.
BOUS aUeodroDs let «rdre* de Sa Majesté. Noa* ironf atUqoer les angljûs an
bout lia Monde, Buif il e«t dor de les foir.
Je peoie que le çénéral LtonstM inforBcn PEapereor de toot ee qui se
passe, nuis je derais œ compte à Votre Altesse, à moo ancien général qui
m'a toujours honoré de sa coDÔance, aa beao>frère de Sa Majesté.
Nous aTons deux bons cootre-amiraux, Dumanoir et Ma^oa* Us aoot bien
malhearenx de m trouTcr conduits de cette manière. La mariae ira, mak il
faut qa>lle soit menée.
Je me recommande aux bontés de Votre Altesse et la prie de me ooBserrer
toujours son amitié, de présenter mes hommages respectoen à la princesae
Caroline.
Je prie Votre Altesse, etc.
De Cadix, le
LaminU Villetiûuvt mu ÊÊinittre <h Im manne.
BucenUntrt, w r»d« de Cidix, \i 4 (hictiiJor ui xm [H aoftt 1805) (l).
Vous jugerci facilement. Monseigneur, de Tanxiété avec laquelle j'attends
les réponses à mes dépêches depuis mon arrÎTée dans les mers d'Europe ; je ne
me dissimule pas que, quelque détermination que l'Emperenr prenne, rien ne
peut me relever de Tablme de malheur dans lequel je suis tombé, nuis j'y
éUis tout préparé à mon départ de Toulon, et je n'ai jamais rien pu entreroir
de bon dans la campagne que j'allais entreprendre ; je pardonnerais à toute
la terre de me jeter la pierre, mais les marins de Paris et des départements
qui s*en mêleront seront bien aveugles, bien méprisables et surtout bien
sots. Je TOUS écris ceci sous forme particulière, ça n'en sera pas moins offi-
ciel si vous le jugei i propos et je tous prie d'en faire tel usage que tous
jugerez confenable.
Je crois SToir eu l'honneur de tous le dire, les marines de France et d'Es-
pai^ne ne sont pas en état de se montrer en grandes escadres, elles ne sont pas
même en état de se montrer à la mer, si leur armement n'est pas mieux
soigné. Des Taisseaux qui sont restés des années en rade, avec les mêmes arri-
mages, les mêmes Tivres, leurs gréements, leurs Toiles exposés aux injures
de l'air pendant si longtemps, s'ils Tont à la mer dans cet état, ne penrent
éprouver que malheurs et désastres, qui seront d'autant plus grands et d'au-
tant plus inévitables, qu'ils ont moins de matelots et d'olficiers expérimentés
qu'il ne leur est néce>saire. L'ennemi en est persuadé et connaît si bien ses
avantages qu'il n'hésitera pas à l'attaquer avec des forces infiniment infé-
rieures, bien assuré de s'en tirer dès qu'il lui conviendra. Il m'est tombé
entre les mains une lettre du capitaine Pouder, du vaisseau le Queen, à un
commissaire de l'amirauté, où il dit qu'ils bloquent avec quatre Taisseaux les
sept qui sont à Carthagène et que, s'ils sortent, ils espèrent en rendre bon
compte, en les attaquant de nuit ou par un Tent bon frais. Et je ne doute pas
(1) Archives de la Marine, campagne 1805, BB»', 230-t63.
LB FKRROL. — CADIX. 791
qu*ane attaque de ce genre n'eût le snccès le plus eertain, parce que dans
rétat où noui sommes, par défaut d'expérience de met officiers et mateloti,
défaut d'expérience de la guerre de mes capitaines commandants, défaut d'en-
semble dans le tout, au moindre incident de nuit, tout n'est que désordre et
confusion. Je voudrais m'étendre sur ce chapitre, comme sur tout ce qui pour^
rait contribuer à tous persuader que vingt, trente, quarante vaisseaux ne valent
pas, dans Tétat actuel des choses, je ne dis pas leur nombre égal, mais même
un nombre inférieur d'un tiers, d'une marine exercée, habile et pleine de
confiance, tandis que trois, quatre et cinq, au plus, de mes vaisseaux, s'ils
soDt armés soigneusement, s'ils ont des commandants bien choisis, pourront
lutter contre l'ennemi. Mais je suis trop bourrelé de chagrin pour pouvoir
exprimer toute ma peusée sur ce sujet.
J'ai à vous parler du général Lauriston. Personne ne respecte plus que moi
le caractère dont il est revêtu, l'avantage qu'il a d'approcher de la personne
de Sa Majesté, je dirai même le caractère militaire et social qui le distingue,
mais ce n'est pas sur un vaisseau où il fait le mieux voir toutes ses qualités.
J'ai épuisé tous les moyens de le bien traiter, ainsi que j'ai fait dans toutes les
circoDStances avec les passagers que m'a donnés le gouvernement ; mais je n'ai
pas éprouvé de lui les retours que je devais en attendre; abusé par les der-
nières lumières qu'il a puisées dans ses missions dans les ports, par la malveil-
lance des individus qu'il va questionnant sur les moindres incidents de naviga-
tion, il me fait tous les jours l'objet de ses critiques, même vis-à-vis des officiers
de marine, que flatte l'opinion de son crédit. Il est impossible de me rendre
plus malheureux que je ne suis depuis le moment de mon départ^ depuis
surtout que les contrariétés et les malheurs se sont appesantis sur cette
escadre ; il est affreux pour moi d'être continuellement en présence, assis à la
même table, avec celui que je ne puis plus considérer que comme mon ennemi
déclaré. Je vous en conjure, Monseigneur, faites cesser cette situation. Le besoin
de faire partir maintenant le courrier qui va vous porter ces dépêches m'em-
pêche de vous écrire plus au long pour le moment. Je prie, en attendant.
Votre Éminence de recevoir l'assurance de tous les sentiments que je n'ai
cessé de professer et que je conserverai inviolablement.
ViLLBNBDVB.
Quant à Allemand, mouillé le 16, à 6 heures du soir,
en rade des lies Bayonna, devant Vigo, il reçut immédiate-
ment par le lieutenant Gauthier (1) les instructions qui
Tattendaient et le lendemain matin à 9 heures, il partit pour
commencer la campagne remarquable qui illustra son nom.
Monseigneur (2),
J'eus l'honneur de vous informer que je mouillai, le 28 thermidor au soir.
(1) Archives de la Marine, BB^^, 233, 17 août. Lettre de Gauthier au Ministre,
(t) Archives de la Marine, BB^, M8-9B.
792 TROISIEMB PARTIE. — CHAPITRE XVIII.
à sept milles en deçà de Yigo; à i heure, le lieutenant de Taissetu Gauthier
Tint me porter TOtre dépêche et celle du général VilleoeuTe, n^ 1 ; je Texpé-
diai à 3 heures avec mes réponses; k 6 heures du matin, je fis appeler les capi-
taines de Tescadre et leur remis la pièce n* 2 à décacheter en cas de sépara-
tion ; à 8 heures, j'étais sous Toiles avec le signal de ralliement pour le Sylphe
qui était à Yigo; je mis en panne en dehors pour l'attendre; à 2 h. i/2 il me
rallia avec 16 hœufs pour Tescadre. J*en ordonnai la répartition et reçus du
capitaine de ce h&timent la lettre n^ 3, car, Monseigneur, il n'était point auto-
risé à se serfir de mon nom pour la plus légère demande. Je reçus du com-
missaire des relations commerciales la lettre n* 4 ; du capitaine du Su/fren la
pièce n* 5 et de celui du Jemmappes la pièce n*6. Les Tents étaient du Nord-Est
à TEst, Tair frais, et ont régné constamment de cette partie jusqu'au 8 fruo-
tidor (96 août) que j'attrapai le cap Saint-Adrien et longeai la côte, Mon-
seigneur, pour m'assurer si l'escadre combinée était encore au Fcrrol, dans ce
cas opérer ma jonction, dans celui contraire atterrir à Penmarch, d'après les
ordres que me donne l'amiral Villeneuve. Voyez s'il tous plaît. Monseigneur,
la pièce n* 1 par laquelle il annulait ceux que j'ai pu recevoir précédemment
de Sa Majesté Impériale et Royale par l'ordre exprès qu'il en a reçu.
Un bâtiment sortant de la Gorogne m'apprit que l'escadre combinée était
partie du Ferrol le 23, que depuis on ne l'avait plus vue. Je continuai ma
route sur Penmarch en forçant de voile et ne pouvant m'y rendre qu'en lou-
voyant, les vents éUnt de l'Est-Nord-Est à TEst-Sud-Est.
Le 42 fructidor, j'arrive à la pointe du jour à dix heures de Penmarch sans
avoir rencontré dans ma route un bâtiment qui pût me donner des nouvelles
de Tarmée combinée ; le temps était brumeux, les vents au Nord-Ouest ;
à 6 h. 1/2, j'aperçus trois voiles, sous le vent, qui me parurent de guerre.
VArmide me les signala ennemies. J'ordonnai, Monseigneur, une chasse
générale sans avoir pu les joindre au coucher du soleil que je ralliai l'escadre;
ces trois bâtiments jetèrent à la mer leurs embarcations, ancres, canons et
pièces d'arrimage. Le Sylphe visita un bâtiment portugais venant de Lisbonne ;
ayant reconnu ces trois voiles pour une frégate et deux corvettes anglaises, il
m'apprit aussi que, le 26 thermidor, étant trente lieues dans le nord-ouest du
Ferrol, il avait donné dans l'escadre combinée faisant route à Touest et avait été
visité par la corvette le Furet; que, le 18 fructidor, il a rencontré dix-huit
vaisseaux anglais à la hauteur du Ferrol; serait-ce, Monseigneur, l'escadre de
Galder ou Nelson revenant de la baie de Lagos? Si ce rapport est vrai, il me
ferait présumer que le général Villeneuve, au lieu de venir atterrir à Pen-
march, comme il me le mandait, aurait fait route directement sur Gadix en
partant du Ferrol. Voulant avoir des renseignements plus positifs, je me
déterminai à croiser à quinze lieues de Penmarch, espérant rencontrer des neu-
tres sortant du golfe ou venant de la Manche, puisque l'amiral Villeneuve me
prescrivait de n'entrer à Brest qu'autant que l'escadre coalisée y fût, et, dans
le cas contraire» de le joindre à Gadix, sa destination définitive. Voyez, s'il
vous plaît, Monseigneur, la pièce n^ i.
Le 19, au jour, une des corvettes chassées la veille se trouva à deux heures
de l'escadre; j'ordonnai une chasse générale; mais, Monseigneur, présumant
qu'elle m'occuperait toute la journée, et peut-être infructueusement, je la
levai. Le Jemmappes visita un bâtiment parti le 10 de Morlaix, allant à Bor-
LE FERROL. — CADIX. 793
deaux, ayant tu 38 Toiles anglaises sous Ouessant et ne sachant rien de l'es-
cadre combinée. Le Sylphe Tisita un bâtiment parti depuis trois jours de
Maresmer; il assure qu'il n'y avait pas de bâtiments de guerre mouillés à
111e d'Àix ; il ne saTait rien qui fut relatif aux escadres combinées.
La même corTette Tisita encore un bâtiment parti le iO de Saint-Martin,
lie de Ré, et aussi peu instruit sur la position des armées.
Ces renseignements. Monseigneur, coïncident parfaitement et ne me laissè-
rent plus de doute sur la route qu*afait tenue l'escadre combinée et je diri-
geai la mienne sur Cadix; les Tents me contrarièrent jusqu'au 21 fructidor que
je doublai Finistère et que je trouvai ceux du Nord-Est.
Le 23, étant par 38<*34^ de latitude nord et i2<»45' le longitude occidentale,
VArmide Tisita un portugais qui apprit que l'escadre combinée était à Cadix.
Je continuai ma route. Monseigneur, sous toutes voiles possibles.
Le 24, à 6 heures du soir, étant par OS^'SO' de latitude nord et iio.38' de
longitude occidentale, le brick anglais le Phébus Tint dans l'escadre avec son
parillon arboré. Je le fis amarioer à son grand étonnement. Monseigneur. Il
était parti de Gibraltar le 18, allant à la Grenade, et avait donné avec con*
fiance dans l'escadre qu'il croyait être celle de Nelson, attendu tous les jours
pour commander le blocus de Cadix ; il m'apprit que l'escadre combinée était
dans cette rade, bloquée par 26 vaisseaux, et Carthagène par cinq. Chaque
homme de Téquipage, questionné séparément, fit le même rapport et les lettres
particulières adressées à la Grenade et dont je suis muni le confirmèrent; il
ventait petit frais, le temps beau. Je regardai dès lors, Monseigneur, mon
entrée à Cadix comme impossible, à moins que ce ne fût pendant un coup de
vent qu'il eût fallu attendre longtemps; d'ailleurs, cette baie, par sa large
ouverture, est une des plus faciles à bloquer par une armée nombreuse; en
m'y présentant, Monseigneur, je pouvais éprouver une chasse difficile à sup-
porter d'après les pièces 5 et 6 qui constatent le mauvais état de la mâture
des vaisseaux le Suffren et le Jemmappes; ma retraite pouvait être aussi cou-
pée par l'arrivée de Nelson et, sous ces trois rapports, Monseigneur, l'escadre
sous mes ordres était évidemment perdue, je n'avais pas une chance avanta-
geuse pour moi. Je pris la bordée 'du Nord-Ouest en attendant une plus mûre
réflexion. J'assemblai les capitaines auxquels je fis part de cette nouvelle, je
leur montrai les lettres écrites de Gibraltar qui la confirmaient; ils déclarèrent
tous qu'il était impossible d'entrer à Cadix, que c'était inutilement exposer
l'escadre â une perte évidente et qu'il fallait prendre un autre parti. Je les
congédiai.
Vous voyez, Monseigueur, que, si je ne réussis pas à joindre l'escadre com-
binée, comme Sa Majesté Impériale et Royale le voulait, c'est par une suite
d'obstacles qu'il n'est pas à mon pouvoir de lever parce que je ne peux rien
de surnaturel et que j'ai fait tout ce qui m'a été prescrit et tout ce qui était
en mon pouvoir pour satisfaire sa volonté; et vous et lui. Monseigneur, êtes
trop équitables pour ne pas me rendre cette justice ; si je n'avais eu qu'à
forcer le passage contre des forces moitié supérieures, j'aurais pu l'entre-
prendre, parce que personne n'est plus dévoué que moi à l'exécution des
moindres ordres qu'il plaira à Sa Majesté Impériale et Royale de me donner.
Mais, Monseigneur, vous ne m'eussiez jamais pardonné si j'avais voulu, avec
cinq vaisseaux, entrer à Cadix bloqué par vingt-six.
794 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVIU.
J'eus donc reoours, Monseigneur, tux instruotions dont m'honore Sa Majesté
Impériale et Royale, en date du 7 thermidor; je n'y ris rien qui fut très relatif
à la position critique où je me trouvtis, position occasionnée par l'ordre du
général VilleneuTe, qui m'avait prescrit d'atterrir à Penmarch. Cet amiral, en
terminant ses instructions, n*aTait sans doute pas prévu, Monseigneur, qu'en
allongeant ainsi le terme de ma jonction il serait bloqué par des forces trop
supérieures, comme trop nombreuses pour que je pusse entrer à Cadix; cepen-
dant il me fallait prendre un parti : voici, Monseigneur, celui auquel je m'ar-
rête. Il me parut le plus avantageux au service de Sa Majesté Impériale et
Royale, en ce qui pouvait nuire considérablement à l'ennemi, comme la suite
le justiûera bientôt à Votre Excellence.
Sa Majesté impériale et Royale termine ainsi les instructions dont elle m'ho-
nore, en date du 20 prairial :
« Vous finirei de consommer vos vivres en croisant dtns les parages où
u vous pouvez faire le plus de mal h l'ennemi. Et tous ne rentrerex dans nos
u ports que six mois après Totre départ ; nous nous reposons, poor le succès
u de cette expédition sur votre zèle, votre bravoure et sur Totre attachement
u k notre personne. »
Les conTois anglais revenant des Antilles et de Terre-Neure font assez ordi-
nairement leur retour en yent derrière ; non seulement ils sont sous de fortes
escortes, mais encore. Monseigneur, une escadre est dépêchée à leur rencontre.
Si je sentis l'importance de ces obstacles je me rappelle aussi. Monseigneur,
un des paragraphes des instructions dont vous m'honoriez en date du 3 mes-
sidor. Il est ainsi conçu :
u Vos instructions vous feront bien connaître l'esprit de votre mission et
son but, mais Sa Majesté s'en rapporte à votre zèle et à votre discernement
et à toutes les modifications que l'intérêt de son service et les circonstances
vous conduiront à y apporter dans toutes celles où vous tous trouverez ;
employez toute Totre audace à faire du mal à l'ennemi, c'est ce que l'Empe-
reur TOUS ordonne essentiellement. » Je ne balançai donc plus, Monseigneur,
et je fis route pour me placer dans l'ouest du cap Lizard, où je pouvais m'em-
parer de quelques bâtiments ennemis et, par là, utiliser la sortie de l'escadre.
Le 30 fructidor je pris une lettre de marque anglaise armée de 12 canons.
Le 2 vendémiaire, au matin, étant par 40^22' de latitude nord et iÂ^éV
longitude occidentale, je vis 8 voiles au Nord-Nord-Ouest, 3 au Nord, i à
l'Est, 2 au Sud-Ouest. Je les chassai.
Le 3, les vents à Ouest-Sud-Ouest, je continuai la chasse. Monseigneur,
tant le jour et la nuit suivante en ordre de bataille dont je pris la tête.
La Gloire, qui était en avant, m'ayant signalé 6 vaissetux de ligne ennemis
et m'ayant rendu compte à la voix qu'elle en aTait distingué 5, au jour je
reconnus les bâtiments chassés pour un conToi, escorté par un vaisseau de
ligne ; dans la matinée, les frégates et corTettes firent amener 4 bâtiments
fort riches, venant des Isles du Vent ; je ne puis pas tous dissimuler, Mon-
seigneur, que si la Gloire me donna quelques sujets de mécontentement
pendant le cours de la campagne, je n'en fus du tout point satisfait dons cette
circonstance et dans celle du jour suiTant. A il h. 1/2, je donnai l'ordre
à VArmide, qui était très en avant du Taisseau anglais, de rétrograder pour
l'arrêter.
50*
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/
LE FBRROL. -- CADIX. 796
Le 4, à 3 h. i/îy je donnai Tordre à VArmide de commencer le feu ; elle se
mit en avant et tira qaelqaet coupi de eanon de retraite; à4 heuret, elle était
par le travers du vaiiteau ennemi, à grande portée, et à 4 h. i/2, Monseigneur,
elle se retira du feu pour tout à fait.
Le Magnanime approchait, mais lentement, (fuoique ayant toutes voiles
dehors. Mon impatience était extrême : j'étais aussi couvert de voilures et
Tennemi, à plus d'une lieue en avant de moi ; la nuit vint, elle était des plus
sombres, je désespérai de prendre ce vaisseau. A 8 h. 45 je fis le signal de
nuit d*ordre aux b&timenfs avancés d*engager le combat dès qu'ils seraient à
portée; à 9 h. 4K, ce vaisseau le Magnanime commença un feu vif et soutenu
à petite distance jusqu'à iO heures, que l'ennemi amena. Ce dernier a perdu
4 hommes, le Magnanime en eut 2 bien légèrement blessés et VArmide en
avait eu i. Je fis sur-le-champ amariner et armer ce vaisseau en guerre et j'en
donnai le commandement au capitaine de frégate Bérard, le plus ancien de
l'escadre.
Le 5, à 7 heures du soir, le Sylphe me rallia avec une prise fort riche,
venant de Tabago.
Le 6, il en prit un autre venant de Saint-Christophe.
Le 8, le Palinure en amarina deux venant de Tabago et de Démérari. Le
temps était violent du Sud-Est à TEst^Sud^Est, ma croisière devait être déee-
lée par les bâtiments qui m'avaient échappé le 4 et qui devaient Atre rendus
en Angleterre le 6. La mâture du Suffren et du Jemmappes était hors d'état.
Monseigneur, de supporter une chasse. Voyez, s'il vous plaît, les pièces n** 5
et 6. Leurs avaries avaient considérablement augmenté depuis. Je levai, en
conséquence, ma croisière et fis route pour faire de l'eau à Vigo avec les
prises qui ne pouvaient pas nuire à ma marche, bien résolu de les couler
comme j'en ai fait d'une partie lorsque je me suis aperçu qu'elle me retar-
dait. J'espérais aussi. Monseigneur, avec l'aide de marteaux et de la forge
du MajettueuXy mettre dans six jours de relâche la mâture de ces deux vais-
seaux en état de soutenir une continuation de campagne. Je démâtai de mon
petit mât d'hune, j*en pressai la réparation. Je suis loin d'avoir à me louer
du capitaine de frégate Willaumex, commandant je vaisseau le Majestueux ; il a
constamment justifié. Monseigneur, que l'on ne peut rien savoir sans l'avoir
préalablement appris, que le commandement d'un vaisseau est trop fort pour
celui qui n'a préalablement été qu'un médiocre officier de quart et sans s'être
perfectionné par le commandement d'un bâtiment léger, et joint à cela un
amour-propre désordonné au lieu de la docilité nécessaire à celui qui a besoin
d'acquérir les connaissances premières. Je m'abstiens, Monseigneur, de vous
parler de ses torts envers moi.
Le 14, la Thémis fit une prise.
f^ 16, VArmide en fit une autre.
Le 17, j'étais à 12 lieues de Vigo, un brick suédois venant de la Méditer-
ranée m'assura avoir été visité devant Cadix par un des 18 vaisseaux qui
bloquent ce port.
Le 18, à 4 heures du matin, un vaisseau de ligne ennemi parut en avant de
l'escadre et assez près de moi ; il reconnut sa méprise et prit chasse. Je le
poursuivis sous toutes voiles possibles. Le Magnanime, qui était le vaisseau
marchant le mieux de l'escadre, appuya la chasse ; mais, Monseigneur, l'en-
796 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVIII.
Demi avait une marche bien supérieure, le temps était à grains, il en passa
un si TÎolent qu*il fut obligé de ferrer son perroquet et d'amener sa brigan-
tine. Le Magnanime en fit autant. Je conserfai tout dehors, faisant il nœuds 1/2,
la seconde batterie à Teau. Je le gagnai considérablement pendant 20 minutes.
Le grain ayant passé, il borda son perroquet et 8*éloigna avec une supériorité
de marche incontestable. Si ce grain avait duré iO minutes de plus, j'étais
démâté. Monseigneur, ou ce vaisseau était à moi. À 9 h. 1/2, n*ayant plus
Tespoir de le joindre, je levai la chasse. Ce vaisseau fut reconnu par les offi-
ciers anglais pour être le Dragon , le meilleur marcheur d'Angleterre.
A 10 h. 1/2, le Magnanime me signala 19 voiles au Sud. Cette chasse me met-
tait beaucoup sous le vent de Vigo. Le scorbut faisait dans l'escadre des ravages
considérables. Malgré ces considérations. Monseigneur, je ne pus pas me
résoudre à laisser passer ce convoi. Je manœuvrai pour m'en emparer, j*or-
donnai une chasse générale, les vents étaient au Nord-Ouest grand frais et pas
de grain. Le Magnanime, le LÀon, VArmide et la Thétis donnèrent sur les
tratneurs. L'escadre se trouva bientôt aflklée sur la côte de Portugal. A 5 heures,
quatre prises me rallièrent dont une lettre de marque de 16 canons. Ce convoi
était destiné pour Lisbonne et Oporto, il doit avoir perdu beaucoup de temps
sur la c6te, les vents y battent avec violence dans ce moment, et n'ayant
point de mouillage dans cette partie. Au jour, l'escadre était à la cape, il me
manquait le Magnanime, il me donna de vives inquiétudes, je craignais qu'il
ne put pas se relever.
Le 19, je restai à la cape tout le jour et la nuit suivante. Un bâtiment
danois m'apprit que dix vaisseaux de ligne ennemis croisaient à vingt
lieues dans le Nord-Nord-Est de Finistère, espérant me voir bientôt atterrir
au Ferrol.
Le 20, je vis avec le jour le Magnanime rallié. S'il me fit éprouver une
grande satisfaction, je remarquai avec peine ma position. J'étais affalé de
quarante-sept lieues sous le vent de Vigo, il me fallait dix jours au moins pour
les remonter. Le vaisseau qui m'avait échappé avait serré le vent et fait route
pour le Ferrol où croisaient dix vaisseaux. Avec sa marche supérieure, il était
présumable, Monseigneur, qu'il arriverait assez à temps pour que je trouve
Vigo bloqué au moment où je m'y présenterais J'avais dans l'escadre
900 scorbutiques sur les cadres, â qui il fallait des rafraîchissements que Vigo
n'offrait pas. Avec les vents régnants je pouvais être dans cinq jours aux
Canaries, où d'après Borda je trouverais abondamment l'eau et les végétaux
sans lesquels les équipages ne pouvaient pas se remettre ; je pris donc. Mon-
seigneur, la route de ces lies.
Le 22, j'appris qu'on avait monté les câbles de la cale. J'avais défendu, Mon-
seigneur, au capitaine Willaumez de faire de mouvement conséquent dans
cette partie du vaisseau sans préalablement m'en prévenir, ayant remarqué
plusieurs fois que par de mauvaises dispositions on avait ralenti considéra-
blement la marche du vaisseau. Je rappelai cet ordre à ce capitaine, qui me
dit que sous ce rapport il était indépendant de moi. Je le priai de se retirer,
il me demanda si c'était dans sa chambre. Je regardai cela comme un défi, je
lui donnai Tordre de garder les arrêts. Deux heures après je le fis venir chez
moi pour lui représenter combien son entêtement était déplacé, il me répon-
dit qu'il ne voulait point de mercuriale, qu'il lui importait peu d'être dans sa
LB FERROL. — CADIX. 797
chambre et il retourna sans attendre ma réponse. Le surlendemain je lui fis
donner Tordre d'en sortir.
Le 6 brumaire je reçus la lettre n* 1, je répondis celle n? 8. J'adressai
celle n« 9.
Le Calcutta manquait totalement de yifres. Je lui en fis répartir, Monsei-
gneur, par différents Taisseaux. Les vents passèrent au Sud-Ouest et j'en fus
contrarié jusqu'au 8 de brumaire, que je pus faire une route directe.
Le iO> je fis visiter par VArmide une goélette portugaise déradée de Madère
dans un coup de vent. Le capitaine Louvel me rapporta que lorsque ce bâti-
ment sortit de Madère, une escadre anglaise de 8 vaisseaux, 8 frégates et
environ 130 bâtiments de transport anglais chargés de troupes, s'y étaient pré-
sentés pour en demander l'entrée qui leur avait été refusée; que le bruit
courait que ces forces étaient destinées pour une expédition lointaine et
devaient en passant s'emparer des Canaries ; cette nouvelle, Monseigneur,
accrut considérablement mon embarras, j'étais à la veille de manquer d'eau
avec 1200 scorbutiques sur les cadres. Je ne crus pas devoir en faire un mys-
tère aux capitaines de l'escadre, seulement je les assemblai et leur com-
mandai la plus grande célérité dans la marche. Je conçus aussitôt le projet de
m'emparer des Canaries si l'escadre ennemie en était sortie.
Le 11, je vis les Salvages le soir et à 6 heures du matin l'Ile de Ténériffe.
J'ordonnai branle-ba« général de combat et pris la tète de l'escadre.
Le 12 au matin, j'envoyai VArmide en avant pour reconnaître la rade de
Sainte-Croix. Elle était chargée de remettre au gouverneur espagnol la pièce
n^ 10, au commissaire des relations commerciales celle n^ M, et en cas que
l'Ile fût au pouvoir de l'ennemi d'envoyer un parlementaire porter la pièce
n^ 12. Le capitaine de VArmide avait les instructions n^ 13. Je disposai tout
pour l'attaque des forts, mais à 4 h. 1/2 VArmide me prévient par un signal
convenu que la place était aux Espagnols. J'y mouillai à 6 h. 3/4. Je fus le
soir saluer M. le gouverneur. Au soleil levant je saluai la terre de quinze
coups de canon qui me furent exactement rendus. Dans la journée je fis trois
salves de vingt et un coups de canon pour la fête de Charles lY, roi d'Es-
pagne. Les bateaux du pays vinrent prendre les pièces du troisième plan de
chaque vaisseau. A 11 heures je descendis à terre avec tous les capitaines de
l'escadre pour faire une visite de corps à M* le Gouverneur général des lies
Canaries. Son Excellence se trouva au débarquement avec les officiers de tous
les corps d'administration, la justice et les notables du pays. Les troupes
étaient sous les armes, rappelant. Nous fûmes conduits au Gouverneur, suivis
d'environ 2,000 personnes du peuple.
Le lendemain. Monseigneur, je donnai des ordres pour la réparation des
mâtures avariées ; il vint de l'eau et des rafraîchissements à l'escadre qui
en avait bien besoin» ayant 1300 scorbutiques sur les cadres. Je reçus le
no 14.
Le 14, je fis mettre 80 malades à terre. Son Excellence M. le Gouverneur
vint me faire sa visite avec une suite espagnole. J'avais réuni tous les capi-
taines à mon bord pour le recevoir. A son départ. Monseigneur, je le fis saluer
de treize coups de canon du Majestueux et de trois cris de : « Vive l'Empe-
reur 1 » par tous les bâtiments sous mes ordres.
Le 15, je mis encore 80 malades à terre, j'activai l'eau par de nouveaux
798 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XYIU.
moyens et ordonnai une répartition égale des Tivres de campagne à bord de
tous les bâtiments de Tescadrc, je fis prendre à terre la Tiande et le pain pour
tous les équipages et parce qu'ils en afaient besoin, Monseigneur, et pour
économiser les vivres de campagne. Je reçus la pièce n<* 45 à laquelle Je ne crus
pas deroir faire droit, ni même répondre. Je reçu^ celle n* iO et répondis
le n* 17. Un homme du peuple arracha Tépaulette de l'enseigne de yaisseau
Gastagnet. J'en témoignai ma sensibilité à Son Eieellenco. Le lendemain il
m'entoya le coupable et m'écritit le n» 18, je répondis par le n» 19. H y atait
déjà du mieui dans la santé des équipages et les 160 mourants qui avaient
été mis à terre se rétablissaient à vue d'oeil.
Le 17, au coucher du soleil, je fis faire une salve générale de tingt et un
coups de canon en commémoration de la fôte du lendemain 18 brumaire,
la place en fit autant.
Le 18, l'escadre fut pavoisée au soleil levant et fit une salve de vingt et un
coups de canon que la terre répéta. J'écrivis le n* 20 et je reçus, Monseigneur,
le n* 31. A midi le salut fut le même. Je donnai à dtner à Son Excellence et
à sa famille, aux officiers généraux et leurs femmes, aux colonels, lieutenants-
colonels et majors, aux chefs d'administration, de justice et notables, à 4 h. 1/2.
Je portai une santé à Leurs Majestés Impériale et Catholique, elle fot saluée
de vingt et un coups de canon que la terre répéta ainsi que la salve du cou-
cher du soleil.
Le 19, les prises furent mises en vente, je donnai à la commission les
instructions n^ 22.
Le 21 , la Gloire cassa deux cAbles et le SuffYen perdit sa chaloupe.
Le 22, j'embarquai les approvisionnements de campagne. La vente des
prises était terminée. Monseigneur, elle se montait à la somme de
433,552 livres 90 centimes tournois, dont le tiers appartenant aux Invalides
était de 140,492 livret 20 centimes. Je le laissai sur récépissé k M. le com-
missaire des relations commerciales pour faire face aux dépenses de l'escadre
que mon départ précipité m'empêchait de régler, à charge. Monseigneur,
d'en rendre un compte détaillé à Votre Excellence et de détenir comptable du
reste.
Le 24, je fis prendre les malades qui étaient aux hépitanx, je n'en laissai
que onze qui étaient dans un éU|t désespéré. Je remis à MM. les capitaines la
pièce n« 23.
Le 25, je pris congé de Son Excellence M. le Gouverneur; j'ordonnai, Mon-
seigneur, la répartition de ce qui revenait de parts de prises aux équipages,
stimulant bien nécessaire au moment d'un départ, et où je prévoyais avoir
encore bien des chances désagréables à courir. L'escadre mit sous voiles
à 6 h. 1/2 du soir.
Le 26, j'écrivis le n^ 24, j'en rendis le Sylphe porteur et je tins dans la rade
sous petits bords. Je reçus, Monseigneur, du capitaine du Sylphe qui veut bien
être toujours pour moi avec considération, la lettre n^ 25. Je reçus les n'** 26
et 27. Le lendemain je reçus le n« 28. J'écrivis les n^ 29 et 30 et fis route à
midi et demi avec un bon frais de Sud-Ouest, me trouvant trop affalé sous le
vent pour saluer la ville à 4 heures de l'après-midi. Le Sylphe me rallia avec
les lettres n<» 31, 32 et 33.
Je partis des Canaries, ayant à bord de chaque bâtiment 60 jours de vitres
LE PERROL. — CADIX. 799
secs et 50 jours de liquide, avec le projet, Monseigoeur, de croiser à toute Tue
de Madère, k 40 lieues dans le Sud -Ouest, passage des conTois et des diyisioos
détachés pour les colouies. Je voulais ensuite remonter la côte de Portugal pour
rencontrer quelques-uns des Taisseaux ou frégates détachés allant de Cadix en
Angleterre, ou plutôt encore d'Angleterre à Cadix, ainsi que les contois qui
devaient ravitailler Tescadre qui bloquait ce port ; je dirigeais ma route, Mon-
seigneur, en conséquence de ces instructions. Je n'avais encore aucune nou-
velle de l'armée combinée, Monseigneur, je la présume toujours bloquée
à Cadix.
Le 28, à 9 h. 45 du matin, le Magnanime cassa sa vergue de petit hunier
et me signala 7 voiles à TEst-Nord-Est. Je pris la bordée opposée pour donner
le temps à ces vaisseaux d*ètre en état de combattre, si c'était une des escadres
à ma recherche ; j'envoyai, Monseigneur, les frégates reconnaître, et une heure
après je pris la tète de la ligne de bataille et virai sur l'ennemi.
Le 29, je continuai la chasse. VArmide me signala l'ennemi, inférieur en
force à celle de l'escadre ; je chassai sans observer d'ordre, la nuit fut très
obscure, l'ennemi m'échappa par de fausses routes.
Le l^*" frimaire, je vis un grand bâtiment i trois mâts que je supposais de
guerre. Je le chassai, le calme survint, Monseigneur, je fis mettre tous les
canots de l'escadre à la mer à remorquer la Gloire et le Sylplie.
Le % au jour, le Sylphe me rallia avec sa prise qui faisait partie d'un convoi
destiné pour la c6te d'Afrique. Je profitai du calme pour en tirer quelque
objet de traite que je fis distribuer à l'équipage pour accroître leur zèle, le
bâtiment fut aoulé avec le reste de la cargaison. Le capitaine m'apprit. Mon-
seigneur, qu'au moment de son départ de Portsmouth, le bruit courait qu'une
action avait eu lieu entre Nelson et l'escadre combinée, qu'on disait Nelson
tué et qu'on ignorait les détails de cette affaire.
Le 11, à 5 heures du soir, deux bâtiments postés dans le lit du vent firent
des signaux, la nuit fut sombre et quelque attention. Monseigneur, qu'on mit
à les observer, au jour ils ne parurent plus. La Gloire apprit, par un bâtiment
danois, que la France était en guerre avec la Russie et la Suède, que l'escadre
combinée avait eu un engagement et avait perdu des vaisseaux.
Le 21, la vergue du grand hunier du Majeitutux se rompit. J'étais observé
par deux frégates anglaises, placées à 3 lieues dans ma hanche sous le vent ;
elles ne me quittèrent que le 25. L'une d'elles fut sur le point d'être jointe
par le Magnanime.
Depuis le 20 brumaire, j'avais constamment eu des vents de la partie de
l'Est; mes vivres diminuèrent considérablement, ajant 1000 consommateurs
de plus qu'en partant, j'ordonnai. Monseigneur, un retranchement général
d'un sixième des rations de toute espèce.
Le 27, le Sylphe prit un bâtiment anglais venant du Portugal allant
à Torbay ; il donna dans Tesoadre qu'il crut être une de celles de sa nation
à ma recherche.
Le 2d, la Gloire prit un trois-mâts allant â la Jamaïque, je le fis couler.
UArmide s'empara d'une baleinière allant dans les mers du Sud, qui fut aussi
coulée ; on saisit les papiers anglais qui m'apprirent. Monseigneur, la malheu-
reuse défaite de l'armée combinée avec tous ses détails, la prise du contre*
amiral Dumanoir avec ses quatre vaisseaux : j'en ressentis la pins vive douleur.
800 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVUI.
L*iQdi8crétion de ceux qui me les apprirent mit la consternation à mon bord et
donna de Tives inquiétudes pour mon atterrage.
Le 29, les Tents qui avaient été constamment de la partie de TEst depuis
près d*un mois, passèrent à TOuest et ne tardèrent pas à derenir gros frais.
Il me restait peu de vivres, Monseigneur, je As route à l'Est et rendis aux
équipages leur ration entière.
Le 30, étant par la latitude de 45*47' Nord et la longitude de ii«24' Tes-
cadre faisant 10 nœuds, le temps très brumeux.
Un paquebot se trouva près du Suffren, je lui donnai Tordre de s*arrèter.
Il me le signala rishe. Je lui donnai Tordre de le couler et fis mettre Tescadre
à la cape pour lui en donner le temps. Ce bâtiment avait 40 hommes ; la
mer était à peine navigable, le Jemmappes eut Tordre de mettre son grand
canot à la mer pour aider le Suffren qui me demandait h donner la remorque
à sa prise; je lui réitérai Tordre de la couler, il me répéta, Monseigneur, qu*il
serait prêt à cinq heures; je supposai, dès lors, que ce bâtiment contenait de
Targent, et, voulant faire route avant la nuit, craignant, dans le cas contraire,
une séparation, j'enjoignis au Suffren d'escorter sa prise, si elle était ama-
rinée. Le Suffren reprit son poste, Tescadre en route, la prise suivait. A cinq
heures on s'aperçut qu'elle s'éloignait. Je fis mettre Tescadre à sec, à cinq
heures et demie on me prévint. Monseigneur, qu'on perdait ce bâtiment de
vue. J'envoyai VArmide et le Sylphe à sa recherche ; à sept heures et demie,
VArmide me rapporta qu'elle ne Tavait pas trouvé, que la Thétis lui dit qu'elle
l'avait vu tenir le vent tribord, encore à six heures du soir. Il est assez singu-
lier. Monseigneur, que cette frégate Tait laissé faire cette route, ayant pu,
comme moi, le juger très riche, d'après les signaux du Suffren, celui qui le
commande aura sans doute préféré aller en Espagne.
Le 3, je mouillai. Monseigneur, en rade de Tlle d'Aix, après cent
soixante et un jours de départ, dont cent quarante-huit sous voiles, ramenant,
avec Tescadre que sa Majesté m'avait confiée, le vaisseau ennemi le Calcutta,
Si, Monseigneur, Sa Majesté Impériale et Royale et Votre Excellence, daignez
approuver les dispositions que j'ai prises dans les diverses circonstances diffi-
ciles et embarrassantes où je me suis trouvé, je me trouverais très récompensé
des peines que je me suis données pour parvenir à ce but.
Les graves conséquences qu'eut la détermination de Ville-
neuve et de Gravina de se porter sur Cadix, obligent à
examiner quels effets aurait pu avoir la décision inverse, à
rechercher par suite quels adversaires Tarmée combinée
aurait rencontrés dans sa marche sur Brest.
On sait que Tamirai Cornwallis bloquait en permanence
l'escadre de Ganteaume. Or, le 7 août, ce dernier apprit l'ar-
rivée de Villeneuve à Vigo. L'ordre déjà donné tant de fois
de poster l'escadre à Bertheaume de façon à être à portée
de combattre lorsqu'on viendrait la débloquer prenait donc
une nouvelle importance.
LE FERROL. — CADIX. 801
A bord da vaisseaii V Impérial, le 19 thermidor an xm (7 août 1305) (1).
Monseigneur,
J'ai eu rhonneur, ce matin, de tous rendre compte par le télégraphe, que je
reeerais dans l'instant du Ferrol une dépêche de la plus haute importance ;
le contre-amiral Gourdon m'apprend, par la date du 10 thermidor, que
l'amiral Villeneuve vient de paraître à la hauteur de Yigo, et que cet amiral
fait route pour le Ferrol.
J'ai, en même temps, reçu, par le courrier de ce jour, Totre dépêche du 44
de ce mois, qui, en m'annonçant le départ de Sa Majesté et celui de Votre
Eicellence pour Boulogne, me donne l'ordre d'aller occuper la rade de Ber^
theaume. Par mes précédentes, tous aurez vu. Monseigneur, que si nous
n'avons point encore exécuté vos ordres à cet égard, la contrariété des vents en
est la seule cause ; depuis ces jours, nous n'avons que des vents d*Ouest qui,
ainsi que j'ai eu Thonneur de vous en rendre compte, ont soufflé avec une
très grande force.
Ainsi que je vous en ai fait mention, V armée ennemie n'a cessé d'être signalée
sous Ouessant, A iO heures du matin, les vigies ont encore annoncé 18 vais-
seaux, 4 frégates et 10 corvettes.
Je suis avec respect. Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Gàmteaumb.
Le 9 août, Tescadre était embossée à Bertheaume ; Ten-
nemi paraissant réduit à 15 vaisseaux, Ganteaume se propo-
sait d'attaquer. Ce jour-là le calme vint tout arrêter.
En rade de Brest, le 23 thermidor an xm (11 août 1805) (1).
Monseigneur,
C'est avec le sentiment le plus pénible que j'ai l'honneur de vous rendre
compte que, quoique les vents aient passé de VOuest au Nord-Est dans la
nuit du 21 au 22, il m'a été impossible défaire faire aucun mouvement à l'ar-
mée; les vigies ne signalaient que quinze vaisseaux ennemis; je voulais aller
les reconnaître et je me flattais qu'avec le flot, la brise prendrait assez de con-
sistance pour nous faire refouler les courants, mais il fit calme pendant tout le
jour, et il fut de toute impossibilité de faire appareiller même un seul vaisseau.
Aujourd'hui, le calme est profond ; l'armée est toujours en appareillage et
n'attend qu'un souffle de vent favorable.
La frégate la Félicité est dans le goulet et fait route pour Brest.
Je suis avec respect. Monseigneur, votre très humble et obéissant serviteur.
Gantbaumb.
(1) Archives de la Marine» BBnr, 224
IV. 5i
802
TROISIÈME PARTIE. —- OHAPITRE XVUI.
Pendant les journées qui suivirent, on s'aperçut très
clairement des renforts considérables qu'avait reçus lord
Comwallis.
Signaux de côtes.
Extrait du journal de V état-major général <^ 46 ou 30 thermidor an XIII
(ÂauiS août).
loutft.
46 thermidor
17 —
18 —
19 —
«0 —
«1 -
22 —
23 —
t4 -
25 —
26 ~
27 —
28 —
29 —
30 —
4 août.
5 —
6 —
7 —
8 —
9 —
10 —
11 —
18 -
13 —
14 -
15 —
16 —
17 -
18 -
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16
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10
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16
19
10
14
40
13
15
30
10
15
60(?)
10
18
26
10
15
oiSiRVATiona.
Croisaot.
Croisant.
Croisant.
Les frégates mouillées et
les eorreUes croisant.
Croisant.
Moaillés.
Croisant.
Les frégates mouillées et
les correttes croisant.
Les fMgatei mouillées.
CroSsant
Croisant.
3 frégates mouillées.
Croisant.
Croisant.
CroiiaDl.
A bord du Taisseau V Impérial, le !•' fructidor an XIII.
L Adjudant commandant de V armée navale.
Clément Baaon.
Vu : par V Amiral,
GAIfTSAUMB.
En réalité, l'escadre anglaise s^était trouvée le 45 août forte
de 39 vaisseaux. Ce ne devait pas, du reste, être pour long-
temps. A peine Nelson avait-il échangé, avec le commandant
en chef, ses signaux de reconnaissance qu'il recevait Tordre
suivant :
il
LB FBRROL. ^ CADIX. 803
A bord de la VilU-de-ParU, 15 août 1805.
Votre Seigneurie est inTitée, ayec les deux yaisseauz désignés ci*contre
{Viciory et Superb), à se rendre à Spithead et à prétenir le secrétaire de
TAmirauté de Totre arritée.
GORnWALLIS (i).
Comment le commandant en chef se priva-t-il de deux vais*
seaux et de Nelson? Comment celui-ci consentit-il à rentrer
en Angleterre à la veille d'une bataille qui devait paraître
imminente? C'est ce qu'il faudrait renoncer à comprendre, si
les pièces suivantes ne montraient que l'Amirauté douta jus-
qu'au bout que Villeneuve viendrait devant Brest.
Le 13 août, en efiFet, il avait été écrit à Nelson :
•
Au cas où la flotte ennemie combinée se porterait Ters le Sud, tous êtes
invité à envoyer à l'amiral CoUingwood, devant Cadix, tels de vos vaisseaux
que vous Jugerez convenable.
Et le 16 :
Vous êtes invité à vous rendre immédiatement aveo Tescadre sous vos
ordres à Plymoutb, en envoyant à Spithead ceux des navires qui ont le plus
besoin de réparations (2).
Quoi qu'il en soit, Nelson obéit et arriva le 48 août en rade
de Spithead.
« J'ai laissé, écrit-il à l'Amirauté, les vaisseaux Canopm,
« SpenceVy Belleisle^ Spartiate^ Conqueror, Tigre, Leviathan^
« Do7iegal et Swiftsure à l'amiral Cornwallis et j'ai reçu de
(( lui Pordre de me rendre, avec le Victory et le Superby à
« Spithead où je suis arrivé ce matin ».
Il restait donc trente-sept vaisseaux à lord Cornwallis,
lorsque le 16, il prescrivit une nouvelle division de ses forces.
Ville-de-Paris sons Oaessant, 16 août 1805.
Je vous prie d'annoncer aux Lords de TAmirauté que j'ai été joint, hier,
par lord Nelson avec les 11 vaisseaux mentionnés ci- contre
L'ennemi ayant des forces considérables dans le golfe de Gascogne, je mets
20 vaisseaux sous les ordres de sir Robert Calder avec l'ordre de se rendre devant
(1) British Muséum, vol. 34930.
(I) Regittra d'ordres de rijniraaté. British Muséum, vol. 34936.
804 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVIII.
le Ferrol, pour bloquer ce port et empêcher l'ennemi de mettre à la voile, ou
le suivre s'il y a quelque chance de lui être supérieur.
Je ne laisse ici que peu de naTires» mais je compte bientôt sur des renforts
et sur la jonction des derniers restés aux Downes. J*espère Totre approbation,
car je tiendrai les escadres ennemies en échec, si Tescadre de Rochefort est
encore en mer. Si les Lords Tentent donner d*autres instructions, elles peuvent
ainsi être facilement exécutées.
CORNWALUS (i).
D'après la lettre d'un officier de son escadre écrite le
17 août, au moment où il allait quitter Tarmée principale (2),
Tamiral Calder devait avoir sous ses ordres les navires sui-
vants :
Nous partons sous les ordres de sir Robert Calder, avec les vaisseaux Prince-
of-Wales, PrincCt Britannia, Téméraire^ Canopus, Conqueror, Swiftsure^
Leviathan, Donegal, Spencer, Tigre, Spartiate, Neptune, Orion, Polyphemus,
Bevenge, Dragon, Zealous, Goliath, Défense, Sirius et Basilic.
D*après sir Robert Calder, Tennemi a 25 vaisseaux français au Ferrol, cnr
il a été joint par Tescadre de Rochefort. Les Espagnols en ont 43 ou 44.
Le Dragon et le Goliath seront ralliés en route.
Le total, après la jonction, devait donc être de vingt-deux
vaisseaux. Il en restait dix- sept à Cornwallis.
Tel fut ce détachement, souvent critiqué, et que Napoléon,
ostensiblement au moins, considéra comme une *< chance
unique » qu'aurait manquée Villeneuve.
Certes, la situation de Cornwallis serait devenue très grave
si Calder, dans sa marche vers le Sud, et Villeneuve, s'il
avait fait route au Nord, ne s'étaient pas rencontrés. Mais
l'événement devait prouver, une fois de plus, que les dix-sept
vaisseaux, qui restaient à l'escadre de la Manche, étaient très
suffisants pour maintenir le blocus de Brest.
Le 21 août, au matin, toute l'armée de Ganteaume, forte
de 21 vaisseaux, 5 frégates, 3 corvettes avait mouillé entre
Camaret et Bertheaume et avait été reconnue par l'amiral
anglais en personne. Quelques coups de canon avaient été
échangés avec les batteries de la pointe Saint-Mathieu.
A 6 heures du soir, dit W. James, Tamiral Cornwallis rejoignit la flotte
et fit connaître son intention d*attaquer le lendemain Tennemi à son mouil-
(1) Record Office, Channel Fleet.
(t) Lettre du capitaine Hallowol, commandant le Tigre, Britith Muséum, ▼ol. 34030.
LE FERROL. — CADIX. 805
lage ; il jeta donc Tancre un peu au Sud aes Pierres-Noires, la Ville-de-Paris
les releTant au Nord 2 quarts Est, le phare Saint-Mathieu à l'Est-Nord^st
et le Bec-du-Raz au Sud 2 quarts Est.
Le 22> à 4 heures du matin, Tescadre anglaise leva l'ancre et, par un temps
brumeux et brise du Nord par l*Est, fit Toile les amures à bâbord vers Gamaret,
en ordre de combat serré, la Ville-de-Parù en tête, suivie du César de 80,
du Monfagu de 74. A 6 h. 30, la Parqxiette étant tout près, les Taisseaux
Tirèrent successivement et, la brise se dissipant, on put yoir l'escadre française
à l'ancre. A 8 heures, elle était sous voiles et pendant les vingt minutes sui-
vantes, les navires anglais continuèrent à virer, puis firent route sous petites
voiles. A 9 heures Vlndefatigable, qui se trouvait en tête, se trouva près du
vaisseau de 80 Alexandre, monté par le contre-amiral Willaumez, qui condui-
sait la ligne française. A 9 h. 30» ce vaisseau lAcha une bordée sans effet
contre Vlndefatigable qui riposta de ses pièces des gaillards, la portée étant trop
grande pour les caronades. Vlndefatigable vira de bord et la Ville-de-Paris,
suivie des vaisseaux, fit route vers l'ennemi qui fit demi-tour et se dirigea vers
le goulet, comme s'il voulait éviter le combat. A 10 h. 45, le César et le Montagu
sortirent de la ligne pour attaquer V Alexandre qui, avec le Foudroyant et V Impé-
tueux formait l'arrière-garde française, et le feu commença à 11 heures entre la
Ville-de-Paris, le César et le Montagu, d'une part, les trois vaisseaux français
d'arrière-garde, les batteries de terre et les frégates Valeureuse et Volontaire
de l'autre.
A il h. 30, la pointe Ouest de la Bertheaume restant à i mille et demi
dans le Nord 2 quarts Est, l'escadre anglaise fit voile vers le large en ordre de
combat, sous le feu des batteries de terre qui la couvrirent de boulets et d'obus
jusqu'à midi un quart.
Les dommages causés à Tavant-garde britannique, surtout par les batteries,
montrèrent combien ces dernières protégeaient efficacement le nouveau mouil-
lage de la flotte française. A bord de la Ville-de-Paris, un obus éclata contre
une ancre de salut, et un fragment pesant une livre et demie frappa l'amiral
Cornwallis à la poitrine, un midshipman fut aussi blessé. La coque et le
gréement furent atteints plusieurs fois. U en fut de même pour le César et le
Montagu, A bord de ce dernier vaisseau, il y eut 3 tués et 6 blessés Les
jours suivants, du 23 au 30» quelques navires français manœuvrèrent dans la
baie, mais il n'y eut pas de sérieuse tentative de sortie générale »
Sans entrer dans le détail, le rapport de Ganteaumé con-
firme au moins que cet amiral ne crut pas devoir accepter
le combat.
Rade de Bertheaame, à bord du Taisseaa Vlmpénalf le 4 fructidor
an xni (23 août 1805) (1).
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte de nos mouvements dans la journée
du 2. Les vents ont été au Nord-Nord-Est et au Nord, petit frais, temps bru-
meux.
(1) Archives de la Marine, BB»v, 224.
806 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XVin.
Dès le point da joar, renoemi, qui avait paisé la nuit ao aMmillage, a mil
à la Toile ; noat apercerioDi 18 Taûteaiix» taYoir : iO Tiiaaeaax à trois ponts
et 8 de 80 et 74 canoos. Vers 8 heures, j*ai fait appareiller tonte l'année; mon
inteation était d*éYolaer dans la baie de Bertheanme et itaUemirt reimtmiàla
voile si son projet était de nout attaquer,
J^avais chargé le contre-amiral Willaumes, eommandant Teseadre légère, de
bien reconnaître le nombre et la forée de ces bâtiments.
A 10 h. 1/î, le gros de Tannée était par le traTers de Saint4fathieo» l'en*
nemi Teniit à nons tous tontes Toiles. J'ai fiit signal à Tarmée de Tirer de
bord ; à 11 heures, Tescadre légère a engagé TaTant-garde ennemie, dont l'A'
bemia faisait partie.
Les Taisseaai V Alexandre et V Impétueux ont en 1 homme tué et 12 blessés.
Nons sommes en ce moment au mouillage. L'armée ennemie eonrt an large ;
elle a Uis»é les frégates à leur poste ordinaire.
Je suis aTec respect, Monseigneur, Totre très humble et très obéissant ser-
Tîtcur.
GARTiAinau
Uamirsil Qànteaume, conseiller d'État, grand offloler de tune dee
cohortes de Ist Légion d'honneur, oommMdMt l'Armée nàfàle
impériale de r Océan, A Son Excellence le Ministre de la marine
et des colonies,
A bord do Taitssao Yltnpérial, on rade de Bertheanme, le 10 frnctidor
an xm (28 août 1805) (1).
Le 8 et le 9 fructidor (26 et 27 août} les vents ont été faibles et changeants ;
nous n'aTODs pas pu quitter le mouillage ; ce matin, Ters 7 heores, j*ai fait
appareiller toute l'armée ; les rents étaient è l'Ouest, temps brumeux.
A peine étions-nous à la Toile que nous ayons entendu plusieurs eoups
de canon. J'ai pensé que l'armée combinée poutait être aux prises ayee
l'ennemi, et j'ai touIu être à portée de la secourir.
J'ai, en consi^quence, ordonné force de Toiles ; tous les Taisseaux se
sont élevés bord sur bord et nous nous sommes STancés au large de la
pointe Saint-Mathieu.
Avant 9 heures, on avait cessé de tirer; la brume commençait à se
répandre et j'étais disposé à croire que les coups de canon qui s'étaient
fait entendre n'étaient autre chose que les signaux de l'ennemi, qui a
continué de tirer par bordées dans les temps brumeux.
J'ai cependant tenu l'armée à la Toile jusqu'à midi, mais la brume est
devenue alors tellement épaisse, que nous perdions quelquefois de vue tous
les vaisseaux qui nous environnaient. J'ai saisi le moment d'une éclaircie
pour donner l'ordre de revenir à Berlheaume et peu de temps après tous les
vaisseaux ont mouillé.
Je suis avec respect, Monseigneur, Totre très humble et obéissant senriteur.
Gàutbàuiib.
(1) Archives de la Marine, BB»», Ît4.
LE FERROL. — CADIX. 807
Or, Ganteaume pouvait et devait se croire autorisé par la
lettre et les dépêches du 20 juillet, à sortir même au prix
d'une bataille, s'il ne devait rencontrer que seize vaisseaux.
On ne peut douter qu'il aurait risqué l'aventure si, avec
vingt et un vaisseaux contre dix-sept, il s'était cru assez fort.
C'est avec une proportion de moyens d'actions à peu près
pareille : vingt-deux vaisseaux contre vingt-neuf, que Calder
était envoyé au-devant de l'armée combinée. Ayant, le
22 juillet, lutté, plutôt avantageusement, avec quatorze vais-
seaux contre vingt, il est rien moins que certain qu'il dût être
écrasé si une nouvelle rencontre avait eu lieu du 16 au
20 août. On a vu que la force de leurs vaisseaux et la
confiance dans leurs amiraux et équipages faisaient, depuis
longtemps, admettre aux Anglais qu'on pouvait rechercher
le combat, quand on aurait deux vaisseaux contre trois*
Trafalgar devait bientôt prouver, une fois de plus, ce qu'un
tel calcul avait de réel.
Voici d'ailleurs, à ce sujet, l'opinion d'un marin français et
d'un grand écrivain, l'amiral Jurien de la Gravière : « Si
Villeneuve, écrit-il, .... eût rallié à Vigo la division Alle-
mand, qui mouilla le 16 août dans ce port, il aurait eu la
chance, en se portant sur Brest, de se croiser, sans le rencon-
trer, avec l'amiral Calder et de surprendre, à la tête de trente-
trois vaisseaux (1), les dix-huit vaisseaux (2) de Cornwallis
sous Ouessant. Û est plus probable cependant que Calder, qui
reparut le 20 août devant le Ferrol, eût été informé, par les
croiseurs anglais ou par les b&timents neutres, des mouve-
ments de l'amiral Villeneuve. A cette nouvelle, Calder fût,
sans doute, revenu brusquement sur ses pas et eût de nou-
veau rallié Cornwallis, ou, comme Nelson l'eût certainement
fait à sa place, il eût poursuivi et harcelé l'armée combinée
jusqu'aux atterrages. Dans ces deux cas, les craintes de
Villeneuve et de Gravina se seraient infailliblement réalisées
La jonction de Villeneuve et de Ganteaume se fût-elle, mal-
gré tant de chances contraires, opérée sans combat, cinquante-
(1) Mexent, comme oa l'a tu, 29 seulement.
(t) Idem, 17.
808 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE XVIU.
cinq vaisseaux (i) eussent-ils été réunis devant Brest, qu'il
restait encore à conduire ces vaisseaux dans la Manche ....
Trente-cinq vaisseaux anglais (2) auxquels fussent venus, peut-
être, s'ajouter de nouveaux renforts, auraient-ils essayé de
nous disputer le passage?. . . Ces vaisseaux, pleins de con-
fiance et formés par deux années de croisière auraient-ils
attaqué avec avantage une armée peu faite aux manœuvres
d'ensemble et que des vents variables, des courants violents
et irréguliers, des nuits déjà longues, auraient probablement
empêchée de se concentrer. Pour Villeneuve, malheureuse-
ment, ces questions n'étaient plus douteuses ».
Elles ne peuvent l'être pour personne ayant fait une étude
approfondie de cette lamentable histoire. Une bataille, du
16 au 25 août, sous Ouessant, eût été vraisemblablement
la destruction de l'armée franco-espagnole (3).
(1) 50 seulement.
(t) 37 ou 39.
(3) Archives de la Marine, BB»', tti,
A bord du vaisseau VImpérial, en rade de Brest le 15 fructidor an xin
(\t septembre 1805).
Monseigneur,
J'ai reçu, après le départ du dernier courrier, votre lettre du 17 ; il me serait difficile de
TOUS exprimer combien J'ai été satisfait d'apprendre par vous-même que l'état de votre
santé s'était amélioré et que vous éties à même de supporter les fatigues de la route.
J'ai été, ainsi que vous, extrêmement inquiet sur le sort de nos cinq vaisseaux, aux ordre*
du capitaine Allemand : mais, puisque cette esqiulre n'a point encore paru sur ces parages»
il faut nécessairement qu'elle ait fait route pour tout autre port que celui de Brest.
Je partage également tous les regrets de Votre Excellence, relativement au parti qu'à
pris l'amiral Villeneuve d'aller à Cadix, de préférence à Brest, quoique les nouvelles
circonstances oit se trouve la France depuis peu de temps eussent suffi pour déran-
ger le premier plan d^ opérations {sic). Nous ne devons pas moins être extrêmement
attristés de n'avoir pu réussira opérer la réunion des escadres ordonnée par Sa Majesté.
Je vois que ce fâcheux événement va nous obliger à changer notre système de guerre,
puisque Votre Excellence me fait l'honneur de demander des projets de croisière et la liste
des vaisseaux que je juge propres à ce genre de service.
Je ne peux, Monseigneur, répondre en ce moment à ce que vous me demandes ; je le
ferai par des prochains courriers, et je me borne à vous annoncer que je ne puis pas avoir au
delà de dix vaisseaux (sic) en état d'être envoyés en croisière. Et pour que ces vaisseaux
puissent présenter toutes les espérances, je juge qu'il est indispensable de renouveler leur
arrimage. Je vous prie donc, Monseigneur, de m'autoriser à faire entrer pour ce travail
dans le port, au fur et à mesure, les vaisseaux que je viens d'avoir. Je vous ai adressé
une pareille demande pour V Alexandre qui a besoin de changer son grand mât. Je vous
prie de vouloir bien me répondre à cet égard.
Je suis avec respect, Monseigneur,
votre très humble et très obéissant serviteur. Oàntiauicb.
CHAPITRE XIX
ÉPILOGUE
U a toigours été admis que la décision prise par Villeneuve
de se porter sur Cadix au lieu d'aller à Brest, avait été la
cause déterminante de l'abandon du projet de descente en
Angleterre. Pour apprécier ce qu'il y a de fondé dans cette
thèse historique, il suffit de rechercher quelle situation Tami-
rai aurait trouvée à Boulogne au moment où il pouvait y
arriver.
Partie le 13 août du Ferrol, l'escadre franco -espagnole,
supposée victorieuse sous Brest, ne pouvait parvenir à Bou-
logne avant le 25 août ou même le l^' septembre.
En efifet, le vent était contraire et l'on a vu que Nelson avait
mis 6 jours à aller de la latitude du Ferrol à celle de Brest,
et Calder, autant. La bataille sous Ouessant ne pouvait donc
se livrer avant le 20 août. Employer cinq jours seulement
pour parcourir toute la longueur de la Manche, doit être con-
sidéré comme le minimum excessif de ce qu'on pouvait
attendre d'une navigation en escadre dans ces parages si
difficiles.
C'est à partir du 15 août que commencent à arriver par
l'Angleterre des renseignements nombreux qui ne permettent
plus de douter que Nelson joigne ses forces soit à Calder, soit
à Cornwallis.
Au vlce^amiral Decrèa (1).
Camp de Boulogne, t7 thermidor m xni(15 août 1805).
Je yiens d'ourrir votre coorrier de Paris. Il parait que le 49 il 7 avait 3 vais-
seaux devant Rocbefort.
(1) Correspondance de Napoléon^ 9083.
810 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIX.
■
Par les journaux anglais du 8 août, il paraîtrait que ce sont 3 yaisseaux de
Calder. Ainsi VilIeneuTe a été bloqué du 14 au 19 thermidor (du 2 au 7 août),
par 10 vaisseaux de guerre ; il en a 30 ; il sait qu'Allemand doit être là, et
il Texpose seul à des forces supérieures. Il est dans Tordre des choses possibles
qu*aTec une escadre de 5 vaisseaux d'un côté et 30 de l'autre, mes opérations
soient déconcertées et mes escadres battues par 10 vaisseaux anglais. Il est
constant que le 12 (Si juillet), et même le 15 (3 aoàt)^ Allemand était au cap
Finistère (1); il est constant que le 19 (7 août\ Nelson était sur le cap
Saint-Vincent (2), et il est constant que le i thermidor (23 Juillet), un aviso
est parti de Tescadre de Galder pour appeler Nelson.
Il est possible qu'Allemand n'ait pas joint. Aurai-je donc 30 vaisseaux blo-
qués par 24? Car, en supposant Nelson arrivé, Tescadre ne sera que de 24 Tais-
seaux devant le Ferrol. Il est impossible d'avoir manœuvré plus mal que
Villeneuve ne Ta fait ; il est cause des maladies de VAlgésiras et de V Achille
et de la disette d'eau qu'ils ont éprouvée par le nombre d'hommes qu*il a
gardés. Il a afiaibli mes colonies autant que possible, et enfin, avec 30 vais*
seaux, il n'a pas le sens de marcher au secours de 5 qu'il sait être dans ces
parages, de balayer l'escadre anglaise ; et, malgré les chances inconcevisdtles
d^une navigation de cinquante-cinq jours et l'heureuse manœuvre de Nelson qui
revient en trente Jours, Nelson se trouve hors de combat ainsi que GoUingwood.
Ce que Je trouve extraordinaire dans ceci, c'est que le lieu de rendex-vous
d'Allemand du 4()<^53*' et 9^30'' est Justement le degré où s'est donné la
bataille. Allemand était le 15 (3 août) au rendez-vous. S'il a eu le malheur
de ne rien apprendre» il se rendra le 25 (13 août) à Vigo, d'où probablement
il se rendra au Ferrol, si toutefois Villeneuve ne se laisse pas bloquer par une
escadre moitié de la sienne. Il me semble quMl était tout simple que Ville-
neuve fût croiser avec ses vaisseaux devant le Ferrol . Il Yalait bien la peine de
faire quelques mouvements pour sauver une escadre si importante. En se
tenant ainsi, et lui expédiant 2 frégates, il en eût été Joint en peu de jours.
Napoléon.
Au vice-amiral Deorès (3).
. Camp de Botdogne, 30 thermidor an un (18 août 1805).
Les Journaux anglais du 14 août disent qu'une escadre de 4 vaisseaux, dont
1 k trois ponts, et de 4 frégates, a été, le 8 août, chassée par l'amiral Com-
wallis, et que deux des frégates de cette escadre ont eu un combat aveo la
Dianay sans résultat ; mais que, par la supériorité de sa marchei elle avait
échappé.
D'un autre côté, il paraît prouvé qu'elle était, le 15, au cap Finistère.
Qu'aurait été faire Allemand à vingt-cinq lieues d'Ouessant ? Le second point
de rendez^ous que vous avex donné à Allemand était-il si près ^
Napoléon.
(1) Exact.
(t) Douteux.
(3) Correspondance de Napoléon, 9000.
ÉPILOOtJE. 811
Le 22 août 8e^l6Inent parvint Tannonce du départ de
Tarmée du Ferrol pour Brest. Ganteaume, qui le 20 a reçu
une dépèche lui demandant s'il est à Bertheaume, reçoit par
un télégramme et une lettre Tordre d'empêcher Villeneuve
d'entrer à Brest.
L'Empereur au vice-amiral Ganteaume (1).
(Dépêche télëgnphiqtte).
Camp de Boulogne, t fructidor an xm (tO aoftt 1805).
Êtes-vous mouillé à Bertheaume ? Avez-vous reçu un courrier du Ferrol ?
J'espère que tous sentez Timportance du moment et que vous connaissez ce
que j*ai droit d'attendre.
• L'Empereur au vioe^amiral Ganteaume (2).
(Dépêche têMgraphiqiie).
Boulogne, le 4 fhietldor an xm (tt août 1605).
L'amiral VilleneuTe vient à Brest, avec Tintention d'y mouiller; ne le
souffrez pas, mais partez tous ensemble pour votre destination. Il n*y a pas
un moment à perdre.
Telle est mon intention, et je compte sur votre caractère.
Au vice-amiral Ganteaume (3).
Camp de Boulogne, 4 fructidor an xm (22 août 1805).
Monsieur le Tice-amiral Ganteaume,
M. le vice-amiral Villeneuve a appareillé du Ferrol le 22 thermidor, mais
n'est effectivement parti que le 26, afin de vous rejoindre à Brest. D'^après ce
que j'ai pu comprendre de ses dépêches, il me paraît quUI est dans l*intention
de passer par le Ras. Il me parait aussi qu'il doute si» joint avec vous, il ne
passera pas plusieurs jours à Brest pour se ravitailler. Je vous ai déjà fait
connaître, par le télégraphe, que mon intention est que vous ne souffriez pas
qu*il perde un seul jour^ afin que, profitant de la supériorité que me donnent
50 vaisseaux de ligne, vous mettiez sur-le^hamp en mer pour remplir votre
destination, et pour vous porter dans la Manche avec toutes vos forces.
Je compte sur toi talents, votre fermeté et votre caractère dans une
circonstance si importante.
(1) Correspondance de Napoléon, 0102.
(2) CorresponéUsnee de Napoléon, 9113.
(3) Correspondance de Napoléon, 9114.
812 TROISIÂMB PARTIE. — CHAPITRE XIX.
Partez et venez ici. Nous aurons rengé six siècles d'insultes et de honte.
Jamais, pour un plus grand objet, mes soldats de mer et de terre n'auront
exposé leur Tie.
Napoléon.
Au vioe-suniral Villeneuve (1). .
Camp de Boulogne, 4 fructidor an xm (tt août 1805).
Monsieur le yice-amiral Villeneuve,
J'espère que tous êtes arrivé à Brest.
Partez et ne perdez pas un moment, et, avec mes escadres réunies, entrez
dans la Manche.
L'Angleterre est à nous. Nous sommes tous prêts, tout est embarqué.
Paraissez 24 heures et tout est terminé.
Napoléon.
Tout indique donc qu'à ce moment encore tEmpereur attend
Villeneuve à Brest ; d'ailleurs, le 20, il a écrit à Decrès :
« Je ne sais quelle sera Tissue de tout ceci ; mais vous voyez
« que malgré tant de mauvais jeux et de circonstances dé-
(( favorables, la nature du plan est foncièrement tellement
« bonne que nous avons tous les avantages ». Il paratt donc
plein de confiance et d'impatience.
Néanmoins il ne peut négliger l'hypothèse dans laquelle
Villeneuve serait allé à Cadix, puisque ses propres instructions
en ont admis la possibilité.
Au vice^amiral Deorèa,
Camp de Boalogne, 4 fructidor an xm (tt août 1805).
Monsieur Decrès,
Je TOUS prie de m'enyoyer, dans la journée de demain, un mémoire sur
.cette question :
Dans la situation des choses, si Vamiral Villeneuve (sic) à Cadix, que
faut-il faire ? Élevez-yous à la hauteur des circonstances et de la situation où
se trouTent la France et T Angleterre.
Ne m'écrivez plus de lettres comme celle que yous m*aTez écrite, cela ne
signifie rien. Pour moi, je n'ai qu'un besoin, c'est celui de réussir.
Napoléon.
(1) Correspondance de Napoléon, 9115. Parti le 13 août do Ferrol, VilleneuTe
poQTait, en effet» être le tt à Brest.
ÉPILOGUE. 813
Au viœ^amhal Deorèa (i).
Camp de Boulogne, 4 fnietidor an xiii (2t août 1805).
Monsieur Decrès,
Je TOUS renvoie yotre courrier. J'estime que VilleneuTO n'a pas le caractère
nécessaire pour commander une frégate. C'est un homme sans résolution et
sans courage moral. 2 yaisseaux espagnols se sont abordés, quelques hommes
sont tombés malades à bord de ses vaisseaux ; joignez à cela une contrariété
de deux jours dans les vents; un bâtiment ennemi qui est venu Tobserver, un
bruit que Nelson est réuni à Galder, et ses projets sont changés, lorsque, iso-
lément, ces objets les uns auprès des autres ne sont rien.
Ce qu'il y a surtout d'impertinent, c'est que, dans une expédition aussi
composée, il ne donne aucun détail, ne dit pas ce qu'il fera, ce qu'il ne fera
pas. C'est un homme qui n'a aucune habitude de la guerre et qui ne la sait
pas faire. Si Nelson avait joint Calder, et qu'il se crût en force, il se serait
présenté devant le Ferrol ; cela est une chose assez simple.
Vous savez que les journaux anglais disent que Nelson a été aux Canaries.
Dans cette situation de choses, il faut renvoyer un courrier extraordinaire à
Brest pour instruire l'amiral Ganteaume, et lui ordonner que, si Villeneuve
parait devant Brest par le Raz, il ait à ne pas le laisser entrer, à prendre le
commandement de l'armée navale et à appareiller pour se rendre devant
Boulogne.
Si Villeneuve a été à CadiXy mon intention est qu'il se rende dans la
Manche, après avoir réuni les 6 vaisseaux qui s'y trouvent et pris deux mois de
vivres. S'il est possible de réunir l'escadre de Cartfiagène, qu'il le fasse.
Je vais faire ma dépêche à Ganteaume et prendre mon décret; je vous les
enverrai dans un quart d'heure. J'attendrai, pour faire ma dépêche de Cadix,
l'arrivée du courrier de demain.
Quant aux croisières, je ne conçois pas ce degré d'imbécillité de les faire
partir avec moins de six mois de vivres.
Napoléon.
Cela paraît donc formel ; aux yeux de l'Empereur la cam-
pagne n'est pas du tout manquée parce que Villeneuve sera
allé à Cadix se renforcer des vaisseaux espagnols. Et pourtant,
dans cette hypothèse, l'escadre ne sera pas à Boulogne avant
le milieu de septembre, au plus tôt.
Ce qui achève de le montrer ce sont les objections de
Decrès au projet de persévérer après cette jonction faite à
vouloir marcher sur Brest.
(1) Correspondance de Napoléon, 01 lit*
814 TROISIÂMB PARTIB. — CHAPITRE XIX.
n août 1805.
Je me suig mis aux pieds de Votre Majesté pour la supplier de ne pas
associer aux opérations de ses escadres les vaisseaux espagnols. Loin d'avoir
obtenu quelque chose à cet égard, Votre Majesté entend que cette association
s'accroisse des vaisseaux de Cadix et de ceux de Garthagène.
Elle Teut que, avec une pareille agrégation, on entreprenne une chose très
difflcile en elle-même et qui le devient da?antage ayec les éléments dont
Tarmée se compose, avec Tinexpérience des chefs, leur inbabitude du comman-
dement et les circonstances enfin que Votre Majesté connaît comme moi-même
et quMl est superflu de retracer.
Dans cet état de choses, où Votre Majesté compte pour rien mon raisonne-
ment et mon expérience, je ne connais pas de situation plus pénible que la
mienne. Je désire que Votre Majesté veuille bien prendre en considération que
je n'ai d'intérêt que celui de son pavillon et Thonneur de tes armes ; et ii ion
escadre est à Cadix, je la supplie de considérer cet événement comme un arrêt
du destin, qui la réserve à d'autres opérations. Je la supplie de ne point la faire
revenir de Cadix dans la Manche, parce que ce ne sera qu'avec des malheurs
que s*en fera la tentative en ce moment» Je la supplie surtout de ne pas
ordonner qu'elle tente cette traversée avec deux mois de vivres, parce que
M. d'Estaing a, je crois, mis soixante-dix ou quatre-vingts jours pour venir de
Cadix à Brest (et peut-être plus).
Si ces prières que j'adresse à Votre Majesté ne lui paraissent d'aucun poids,
elle doit juger ce qui se passe dans mon cœur.
C'est surtout dans ce moment où je puis arrêter rémission d'ordres funestes,
selon moi, au service de Votre Majesté, que je dois insister fortement. Puisse-
je être plus heureux, dans cette circonstanco, que je ne Tai été précédemment.
Mais il est malheureux pour moi de connaître le métier de la mer, puisque
cette connaissance n'obtient aucune confiance et ne produit aucun résultat
dans les combinaisons de Votre Majesté. En vérité, Sire, ma situation devient
trop pénible. Je me reproche de ne savoir pas persuadé Votre Majesté. Je doute
qu'un homme y parvienne. Veuillez, sur les opérations de mer, vous former
un conseil, une amirauté, tout ce qui pourra convenir à Votre Majesté. Mais,
pour moi, je sens qu'au lieu de me fortifier, je faiblis tous les jours. Et il faut
être vrai, un ministre de la marine, subjugué par Votre Majesté en ce qui
concerna la mer, vous sert mal et devient nul pour la gloire de vos armes, s'il
ne lui devient nuisible.
Ce serait donc à Decrès qu'on devrait attribuer à ce
moment Tabandou du grand projet d'entrée dans la Manche,
si ce ministre avait eu la moindre influence sur Napoléon.
Mais, en vérité, dès ce moment TEmpereur ne comptait
plus faire la descente ; car, si même Villeneuve avait paru
en vainqueur le 25 août devant Boulogne avec 50 vaisseaux, il
n*y avait plus moyen d'enlever à la défense des frontières
de terre les 150,000 soldats des camps de la MauchCé
ÉPILOGUE. 818
Troii jours après la lettre personnelle de l'Empereur d'Au-
triche à Napoléon, en date du 23 janvier et qui fut, on s'en
souvient par ses effets, considérée comme sincère, la cour de
Vienne était entrée en relations fermes avec la Russie, alliée
avec la Suède le 14 janvier et qui devait signer un traité avec
TAngleterre le 11 avril (1). 11 ne s'agissait de rien moins que
de « réduire la France à ses anciennes limites ». Les négo-
ciations, peut-être activées par la nouvelle que Napoléon
s'était fait décerner le 17 mars la couronne d'Italie, ne traî-
nèrent guère, car le traité du 11 avril vise les engagements
antérieurs déjà pris par l'Autriche envers la Russie pour l'or-
ganisation d*un contingent de 2S0,000 hommes, tandis que les
Russes doivent envoyer 60,000 hommes vers la fi?ontîère autri-
chienne et 80,000 hommes vers celle de Prusse. Les prépa-
ratifs militaires de l'Autriche reprennent donc de plus belle
et un plan de campagne est arrêté le 16 juillet entre le russe
Winzingerode et les autrichiens Mack et Schwartzemberg.
On ne peut nier que Bonaparte ait manifesté très longtemps
la plus grande confiance dans le maintien de la paix continen-
tale ; cependant, dès le 20 mars, il a envoyé des espions en
Russie (2) pour se tenir au courant des mouvements de
troupes ; en avril et surtout à partir de mai, il a reçu de ses
agents les renseignements les plus certains touchant les pré-
paratifs de l'Autriche ; le i juin, il a annexé Gènes sans pou-
voir douter de l'impi^ession que devait produire cet acte
auprès de ses ennemis. Enfin, à partir du 12 mars, il a poussé
(1) Toate cette histoire a été complètement exposée dans l'ouvrage de MM. Colin et
Alombert : Campagne de 1805. ,
(2) Minute de la lettre écrite par le Ministre de la guerre
à M. le maréchal Bemadotte, commandant en chef formée du Hanovre.
% gtrminal an xin (tS man 1805).
Moogienr U Maiéehal,
J'ai l'honneur de rous préTenir que llntantion de l'Bmpereur est que, sous dliTérenta
prétextes, vous fassles voyager des individus intelligents dans les provinces polonaises
russes, afin que vous soyez constamment informé des mouvements des troupes
russes^ vous devez mémo faire constater le nombre de ces troupes qui existe en ce moment
dans ces provinces, afin que si elles étaient renforcées, vous fussiez à même d'en être
Instruit promptement par la comparaison.
Je vous prie, Monsieur le Maréchal, de m'informer an résultat des mesures que tous
aurez prises pour remplir sur cet objet les intentions de Sa Msjesté.
816 TROISléUB PARTIE. — CHAPITRE XIX.
avec actî^îté un traité d'alliance avec la Bavière et le souci
qu'il prend d'empêcher absolument l'Électeur de rester neutre
montre clairement, qu'avant peu, il s'attend à opérer sur son
territoire.
Dès le 15 juillet, l'attitude de l'Autriche est devenue si
manifestement hostile qu'on ne peut plus feindre de l'ignorer
et Talleyrand reçoit le 31 l'ordre de préparer une note qui,
expédiée le 3 août (1), contient une menace formelle. « L'atti-
« tude de l'Autriche, dit l'Empereur, fait une véritable diver-
« sion en faveur de l'Angleterre Dans timpossibilité de
« soutenir la guerre maritime^ il (Napoléon) marchera pour
« pacifier entièrement l'Autriche, v Le 8, il fait à la Prusse
l'oflEre ferme du Hanovre. Le iS (2), il fait dire à son Ministre
des affaires étrangères cette phrase typique : « Déjà il (Napo*
léon) A SUSPENDU rexécution de ses projets d'hostilité, et il a
compris qu'il ne pouvait se porter en Angleterre avec
150,000 hommes lorsque ses frontières du midi étaient mena-
cées ». Le 16, Talleyrand doit présenter à Cobentzel un ulti-
matum formel (3) le prévenant que si l'Autriche ne désarme
pas, trois semaines après la réponse de Vienne « il sera avec
« 200,000 hommes en Bavière ».
Le lendemain du jour où il prévoit que l'arrivée de Ville-
neuve à Cadix ne l'empêche pas de se rendre ensuite dans la
Manche, il écrit à Talleyrand ce qui suit :
A M. Talleyrand (4).
Camp de Boologne, 5 fructidor an xni (23 août 1805).
Monsieur,
Plus je réfléchis à la sitmition de TEurope, plus je vois qu'il est urgent de
prendre un parti décisif. Je n'ai, en réalité, rien à attendre de l'explication de
rAutriche. Elle répondra par de belles phrases et gagnera du temps, afin que
je ne puisse rien faire cet hi^er; son traité de subsides et son acte de coalition
seront signés cet hiver, sous le prétexte d'une neutralité armée, et, en airril,
je trouverai 400,000 Russes en Pologne, nourris par l'Angleterre, avec lee
(1) Correspondance de Napoléon, 0032 et 0038.
(2) Correspondance de Napoléon, 0070.
(3) Lettre à Talleyrand du 16 août.
(4) Correspondance de Napoléon, 0117.
ÉPILOGUE. 817
équipages de cheyaux, d'artillerie, etc., et 15,000 à 20,000 Anglais à Malte,
et 15,000 russes à Gorfou. Je me trouTerai alors dans une situation critique.
Mon parti est pris.
Mon escadre est sortie le 26 thermidor du Ferrol, avec 34 vaisseaiuc {{) ;
elle n'avait pas d^ennemis en Tue. Si elle mit ses instructions ^ se joint à
V escadre de Brest et entre dans la Manche, il est encore temps, je suis le maître
de V Angleterre. Si, au contraire y mes amiraux hésitent, manasuvrent mal et ne
remplissent pas leur but, je n'ai d'autre ressource que d^ attendre l'hiver pour
passer avec la flottille.
L'opération est hasardeuse (3); elle le serait davantage si, pressé par le temps,
les événements politiques me mettaient dans Tobligation de passer d'ici au
mois d'avril. Dans cet état de choses y je cours au plus pressé : je lève mes
camps et je fais remplacer mes bataillons de guerre par mes troisièmes batail-
lonSy ce qui m'offre toujours ime année assez redoutable à Boulogne et, au
!•' vendémiaire, je me trouve avec 200,000 hommes en Allemagne et 25,000
hommes dans le royaume de Naples, Je marche sur Vienne et ne pose les
armes que je n'aie Naples et Venise, et augmenté tellement les états de l'Élec-
teur de Bavière que je n'aie plus rien à craindre de l'Autriche.
L'Autriche sera pacifiée certainement de cette manière pendant l'hiver. Je
ne reviens point à Paris que je n'ai touché barre.
Dans cette situation des choses, j'ai cru devoir vous en informer pour que
vous me prépariez mon manifeste, qui consiste dans les pièces officielles sur les
mouvements de l'Autriche, qui feront connaître l'impérieuse nécessité où je me
suis trouvé d'agir, sous peine de commettre la plus grande faute militaire
qu'on puisse commettre.
Mon intention est que votre langage avec les ambassadeurs roule toiyours
dans ce sens, et que vous fassiez à mes difiiérents ministres une circulaire,
rédigée dans le même esprit, dans laquelle vous imputerez à l'Autriche le
commencement des hostilités. Vous prendrez pour texte l'embarquement de
mon armée et de mes chevaux ; vous direz que c'est pendant ce temps que
l'Autriche appelle des armées en Tyrol et en Italie.
Je vous mets au fait de mes projets, afin que vous puissiez donner à votre
département cette direction ; non que vous deviez dire que je réponds à la
guerre par la guerre, mais que la guerre est de fait déclarée; qu*actuelle-
ment, c'est un raccommodement qu'il faut ; que si l'Autriche ne me répond pas,
non par des paroles, mais en renvoyant ses troupes dans leurs garnisons de
Hongrie et de Bohème, il ne me reste plus qu'à repousser la force par la force.
Cependant, comme mon intention est de gagner quinze jours {sic), mettez
M. Otto dans la confidence ; prévenez-le que j'enverrai, sous peu de jours, un
de mes aides de camp voir Passau, avec une lettre pour l'Électeur, où je lui
dirai que si l'Autriche n'évacue pas le Tyrol, je suis résolu à me mettre moi-
même à la tète de mes forces, et que l'Allemagne verra plus de soldats qu'elle
n'en a jamais vu ; que, cependant, l'Électeur de Bavière reste tranquille.
Napoléon.
(1) 29 vaisseaux.
(2) On sait ce qn'il faat penser des chances que pouvait avoir nne semblable tentative.
IV. 52
818 TROISIÈME PAETIB. — CHAPITRE XIX.
Malgré rannonce d'un dernier délai de quioze jours, c'est
le jour même que commence pour la Grande Armée le grand
mouvement qui, au lieu de cette stérile période d'attente et
de déceptions, va ouvrir Fère glorieuse d'Ulm et d'Austerlitz.
Au maréchal Berthier (1).
Camp de Boulogne, 5 fructidor an xm (23 août 1805).
Écrivez au maréchal Bernadotte que, ne sachant point où en veut Tenir
r Autriche avec tous les mouTements qu'elle fait, j'ai trouvé conTcnable qu'il
réunisse à Gœttingen le 27* d'infanterie légère, les 95", 8* et 94* de ligne,
i régiments de chasseurs et de hussards, et 24 pièces attelées, avec double
approvisionnement; qu'il fasse venir toutes les troupes qu'il y a à OsnabrQek,
où il sufCt qu'il y ait 25 hommes de cavalerie; que cela formera un corps de
10,000 hommes, qu'il fera commander par un général de division et deux
généraux de brigade et qui, réuni à Gœttingen, se portera partout où il sera
nécessaire ; qu'il fasse confectionner à Gœttingen 100,000 rations de biscuit,
mais qu'il ne démasque pas encore ce mouvement ; qu'il gagne quatre jours,
de manière qu'au premier courrier qu'il recevra, il puisse en trois jours avoir
tout son corps réuni à Gœttingen.
Il recevra un courrier dans deux jours. Napoléon.
Le 23 août est aussi marqué par le début des mouvements
en Italie (2), la préparation des vivres à Mayence et Stras-
bourg.
Le lendemain 24, la cavalerie est envoyée sur le Rhin;
Murât part pour Mayence, Bertrand pour Passau. Le 26, les
corps Marmont et Bernadotte sont mis en marche avec une
division de chacun des corps Soult, Ney et Davout. Dans la
nuit du 27 au 28, l'organisation de la côte et la défense de la
flottille sont organisées.
L'Empereur écrira bien encore le 28 à Cambacérès qu'il ne
s'agit que d'un petit corps de protection .
A M. Cambacérès (3).
Camp de Booiogne, 10 fructidor an xiu (28 août 1805).
Mon Cousin,
J'ai Totre lettre du 9. On vous parle beaucoup des mouvements des armée»
(1) Co)Tespondance de Napoléon, 9119.
(2) Correspondance de Napoléon, à Berthier, 9121, 9128, 9137.
(3) Correspondance de Napoléon, 10143.
ÉPILOGUE. 849
des côtei sur le Rhin. Vou» deyei dire que j'ai détaché un corps de
30,000 hommes pour la sûreté de nos frontières meuAcées par les préparatifs
de r Autriche.
Napoléon.
Ce n'est pas pour 30,000 hommes qu'on prépare 500,000 ra-
tions, ni qu'on annonce 5,600 chevaux d'artillerie, 9,000 de
dragons, 8,000 à 9,000 de chasseurs et hussards, 4 à 5,000 de
grosse cavalerie, 1,500 de la garde (1), ni que le commandant
de la garde, Bessières, part dès le 28. Ce jour-là, l'Empereur
peut écrire à Duroc : « l'armée est en plein mouvement. Les
« grenadiers et les premières divisions de chaque corps d'ar-
ec mée sont partis. Demain partent les deuxièmes Lorsque
« l'armée apprit qu'elle allait sur le Rhin, la joie fut univer-
« selle » et dès le l®"" septembre à Cambacèrès : Je vous
écris en confidence qu'il n'y a plus un homme à Boulogne,
excepté les hommes jugés nécessaires pour la défense de la
place et du port.
Ofj c'est à ce moment seulement que VEmpereur est fixé
sur les mouvements de F armée de Villeneuve, Jusque là il a dû
à tout moment s^attendre à recevoir la nouvelle d'un combat
décisif.
Au vice-amiral Decrès (2).
Camp de Boulogne, 11 fructidor an xui (29 août 1805).
Monsieur Decrès,
Voici ce que m'apprennent les nouvelles de Londres du 5 fructidor :
La frégate la Topate, accompagnée de deux bricks, a rencontré la frégate
anglaise la Blanche, et s'en est emparée après. un combat très meurtrier. Une
lettre du capitaine de la Blanche, en mer, est datée du ii juillet. U parait
que le brick le Faune , qui avait assisté au combat de la Blanche , a été pris
quelques jours après par le vaisseau le Goliath, par les 43*18' et 7** 36'. Le
Faune avait 20 hommes d'équipage de la Blanche à bord. L'amiral NeUon
était à Londres; $on escadre s'était réunie avec celle de C aider ^ et Comwallis
avait fait l'insigne bêtise d'envoyer 20 vaisseaux sur le Ferrol pour y bloquer
Vescadre française. Il parait, que le 15 thermidor (3 août, peut être 25 ther-
midor, 16 août), le brick VIris a reconnu notre escadre, forte de 28 vais-
seaux, à Tembouchure du Ferrol; que, le M août, c'est-à-dire le 29 thennidor,
(1) Correspondance de Napoléon à D^ato, tS avril, 0150*
(t) Correspondance de Napoléon, 9160,
820 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIX.
trois jours après la sortie de nos escadres du Ferroly V amiral Calder est parti
de Brest avec un vent de nord fait (i). Les Anglais conjecturent que le 19 août,
c'est-à-dire le i*' fructidor y il doit y avoir un combat. L'escadre de Nelson
fait partie de celle de Calder; mais Nelson et son vaisseau-amiral ny sont pas.
Quelle chance a manqué là Villeneuve ! Il pouvait, en arrivant sur Brest par
le large, jouer aux barres avec Vescadre de Calder et venir tomber sur
Comwallis, ou, avec ses 30 vaisseaux, battre les 20 anglais et acquérir une
prépondérance décidée. Voilà cependant ces Anglais, dont on Tante tant les
manœuvres et les combinaisons! Quand la France aura deux ou trois amiraux
qui veuillent mourir, ils deviendront bien petits.
Les Anglais trouvent notre relation officielle très modeste; ils conviennent
aujourd'hui qu'ils ont été bien rossés devant le Ferrol; les uns l'attribuent à
la faiblesse des équipages; d'autres à la mauvaise organisation du matériel.
Les Espagnols disent qu'ils se sont battus toute la nuit, ne voulant pas se
rendre à un ennemi qu'ils voyaient si maltraité; tandis qu^ils avaient tu,
dans une éclaircie, notre escadre en si bon état ; mais qu'au point du jour, se
trouvant très loin et affalés sous le vent, ils ont été forcés de se rendre. Les
Anglais avouent eux-mêmes que ces deux vaisseaux ne sont tombés en leur
pouvoir que par hasard.
Napoléon.
• Le 30, est signée la condamnation définitive de la flottille
qui devait être entassée dans la haute Liane.
Décret
Camp de Boulogne, 12 fradidor an xin (30 août 1805) (2).
Art. i«". — Toute la flottille sera réunie à Boulogne. Les escadrilles qui
sont à Étaples, à Wimereux et à Ambleteuse, s'y rendront le plus tôt possible.
Ce qui est à Calais continuera à rester dans ce port. Il restera, cependant, à
Wimereux et à Ambleteuse, une division de chaloupes canonnières et une section
de pénicheSy lesquelles mettront à la mer et occuperont la rade toutes les fois
que le temps le permettra.
Art. 2. — Il y aura dans le port de Boulogne 7i chaloupes canonnières et
6 prames armées et prêtes à sortir toutes les fois que le temps le permettra.
Il y aura également 72 péniches.
Art. 3. — L'amiral Lacrosse saisira toutes les circonstances qui se présen-
teront, soit pour attaquer Tenemi, s'il devient trop audacieux, et le tenir en
haleine et éloigné, soit pour exercer les officiers et les équipages à manœuvrer
ensemble et à prendre leur ligne d'embossage et leur ligne de combat.
Art. 4. — Tout le reste de la flottille, soit française, soit batave, sera placé
à flot au delà du barrage. Les prames seront placées dans le bassin circulaire.
(1) Contraire pour Villeneuve, par conséquent.
(2) Correspondance de Napoléon, 9164.
ÉPILOGUE. 821
Du reste, il ne sera, jusqu'à nouvel ordre, débarqué aucune pièce de
canon, aucun équipage, et la flottille sera toujours tenue armée.
Art. 5. — Au i*' Tendémiaire, le ministre de la marine nous rendra
compte de la partie du port de Boulogne qu'occupera chaque escadrille, et
nous ferons connaître nos ordres ultérieurs.
Art. 6. — Tous les marins logeront à bord, mais ils seront diyisés en
équipages.
Art. 7. — Il y aura autant d'équipages qu'il y a d'escadrilles, c'est-à-dire
huit. Chaque équipage sera commandé par le contre-amiral ou capitaine de
vaisseau commandant l'escadrille.
L'escadrille sera divisée en cinq divisions. Chaque division sera commandée
par les officiers de marine les plus élevés en grade.
Art. 8. — Dans cette organisation, les équipages d'une même division de
chaloupes canonnières, de bateaux canonniers et de bâtiments de transport
qui y sont affectés, feront partie de la même division, de manière qu'ils soient
toujours entre eux.
Art. 9. — Il y aura, à chaque division, des sergents et des instructeurs
pour instruire les marins au maniement des armes et aux manœuvres, pour
la défense.
Le maréchal de l'Empire qui commandera assignera les postes qu'occupera
chaque équipage en cas d'attaque de l'ennemi.
La marine fournira tous les jours 4,000 hommes pour les travaux du
génie ; ces hommes seront payés.
Art. 10. — Les Bataves formeront trois équipages, composés chacun des
matelots d'une des parties de la flottille batave, qui portera le nombre total des
équipages de la flottille à onze.
Art. H. — Toutes les fois qu'une portion de la flottille ira en rade, non
pour de simples manœuvres, mais pour repousser une attaque imminente de
l'ennemi, elle n'aura que des équipages renforcés, et aucune troupe de terre.
Art. 42. — Lorsque ces équipages seront formés et instruits, il leur sera
donné, par nos ordres, une aigle pour leur signe de ralliement.
A l'exception de l'exercice qu'ils feront deux fois par jour, il ne sera rien
changé à leur manière ordinaire de vivre sur leurs bâtiments.
Art. 13. — L'arsenal de terre leur fournira des fusils; celui de marine
leur fournira des gibernes.
Art. 14. — Les ministres de la guerre et de la marine sont chargés de
l'exécution du présent décret.
Napoléon.
La première trace de la nouvelle de Tentrée à Cadix de
Tannée combinée paraît être une très remarquable lettre de
Decrès en date du l®' septembre. Bien que ne contenant à peu
près que des reproches à l'adresse de Villeneuve, le ton géné-
ral, les encouragements donnés à la fin, surtout l'absence
complète d'une phrase, d'un mot même, rejetant sur l'amiral
la responsabilité définitive de l'échec de la grande entre-
prise contre l'Angleterre, permettent d'affirmer qu'on ne
822 TROISIÈME PARTI». — CHAPITRE XIX.
pensait pas, à ce moment, imputer à Villeneuve Tavortement
du plan d^invasioQ aux Iles Britanniques.
4 M. le viôe^amlrâl Villeneuve,
Boulogne, 14 fraetidor an xm (l*' septembre 1805) (1).
J'ai reçu, Monsieur rArainil, les diverses dépêches que tous m'Avez
adressées de Vigo et de la Corogne, et notamment celle que tous m'avez
écrite au moment de TOtre départ de ce troisième port.
Toutes ont été mises sous les yeux de Sa Majesté et fy comprend» vos deux
dernières de Cadix. Quoique l'Empereur ait tu oelle-ci, je m'abstiendrai de
TOUS faire connaître l'impression qu'elles ont laites sur lui, parce que je n'ai
pas eu l'honneur d'approcher Sa Majesté depuis la communication qu'elle en
a eue, et que, par conséquent, elle ne s'en est pas encore expliquée aTeo mot.
Je Tnis remplir un deToir pénible, c'est celui de vous transmettre ce que
l'Empereur m'a prescrit de tous exprimer littéralement.
Sa Majesté a vu, avec un mécontentement très marqué, qu'après aTolr pris
sur votre escadre les meilleures troupes de ses colonies de la Guadeloupe et de
la Martinique, pour une expédition à laquelle tous tous êtes ensuite décidé à
renoncer, vous ayes hasardé ces troupes, pour le retour dans ces Iles, par
quatre frégates qui pouvaient tomber au pouvoir de l'ennemi.
Elle a observé avec amertume que si ce malheur fut arrivé, ces colonies se
trouvaient privées de l'élite do leurs garnisons et eiposées à une attaque à
laquelle elles n'eussent pu résister. Elle n'a pas cru que la nouvelle de
l'arrivée d'une escadre ennemie aussi inférieure à celle réunie sous TOtre
commandement vous ait déterminé à une retraite si subite, que tous n'ayez
pas réfléchi au danger auquel tous exposiez ces mêmes colonies en n'y garan-
tissant pas le retour de cette élite de leur garnison, par le concourt de toutes
les forces que vous possédiez.
Elle a regretté la porte du riche convoi dont vous vous étiez emparé, qui n'a
été brûlé par vos frégates que par l'insuffisance d'escorte et qui pouvait entrer
dans ses ports sous la môme protection qu'elle vous reproche de n'avoir pas
donnée aux troupes que vous renvoyiez sur les quatre frégates. Sa Majesté a tu
aTec mécontentement que vous n'ayez pas fait débarquer les troupes qui arri-
vaient sur VAlgésiras et V Achille et qui avaient naturellement besoin d'un
repos et de rafraîchissement, dont la privation leur a occasionné tant de
maladies.
Elle regrette vivement que, lorsque vous avez tu des Taisseaux anglais
démâtés dans l'affaire du 30 thermidor, tous n'ayez pas arrivé sur eux, ce qui
eût sauvé les vaisseaux espagnols tombés au pouvoir do l'ennemi, et tous eût
assuré une victoire que l'état où se trouTait l'escadre anglaise eût rendue
incontestable et qui eût jeté un grand déchet sur leur armée.
L'Empereur a été très désagréablement affecté, qu'aussitAt arriTé h la
(1) Archives de la Marine, BBiv, S80*80.
ÉPILOOtJE. 823
Corogne et que ^ous aTex été instruit de la destination du capitaine Alle-
mand, TOUS n'ayei pas employé plus de moyens de le rallier, d'autant que
le 27 il était à Vigo et n'en est parti que le 28.
Les lettres que tous m'ayez adressées au moment de Totre départ de la
Corogne ont produit sur Sa Majesté la même impression. Elle a jugé que
quelques fausses manœuvres au moment de Totre appareillage n'auraient pas
dû TOUS inspirer la sorte de découragement que tous aTez manifesté dans tos
dépêches et dont elle conçoit d'autant moins les motifs, qu'en quelle cir-
constance que ce soit, il n'est pas de sentiment plus étrange à sa grande âme,
et nul qui l'affecte plus désagréablement dans les autres.
Ces dernières dépêches ont été de nature à le mécontenter encore en ce
que TOUS n'y résumiez pas le parti auquel tous tous déterminiez, et que tous
paraissiez ne tous décider que par un sentiment confus de découragement et
d'abandon et dénué de calcul pour les chances que tous aTiez à courir.
Enfin, Monsieur l'Amiral, l'Empereur a été mécontent de l'extrême confu-
sion de Totre correspondance dont l'objet lui faisait désirer les plus grands
développements. Il a remarqué qu'elle ne contenait aucun détail sur Totre
naTigation et m*a fait un reproche de ne pouToir lui présenter l'extrait du
journal de Totre campagne, l'état de tos naTires, celui des équipages, des
troupes, des malades laissés à Vigo et à la Corogne, les noms des hommes
tués dans le combat, dont l'omission laisse toutes les familles dans une incer-
titude alarmante.
Je dois ajouter encore que celle où vous nCavet laissé à votre départ de la
Corogne^ sur la route que vous alliez tenir, a nécessairement déversé sur toutes
les opérations qui se liaient à la vôtre, depuis Brest jusqu^à Ostende, une fluc-
tuation nuisible au service de Sa Majesté et qui, par conséquent y lui a été
particulièrement désagréable.
Voilà, Monsieur l'Amiral, ce que Sa Majesté m'a textuellement prescrit de
TOUS mander ; et ce dcToir, je le remplis aTec un sentiment que vous deTez
bien apprécier par la nature de ceux que je tous ai Toués.
Maintenant, il ne reste rien des instructions sur l'escadre du capitaine
Allemand, et dès que tous en aurez des nouTclles, tous deTez tous empresser
de me les transmettre par courrier extraordinaire, ainsi que tout ce qui pour-
rait parTenir d'intéressant.
Dans Vétat présent des affaires, V intention de Sa Majesté est que son armée
navale, sous votre commandement, s'approvisionne de six mois de vivres dans
le plus court délai possible et qu'elle se mette en état de prendre la mer,
L'Empereur calcule qu'il y a maintenant à Cadix 48 Taisseaux français,
même en n'y comprenant pas la diTision du capitaine Allemand, dont je n'ai
point de nouTelles et qui, j'espère, s'y rendra bientôt, et 48 Taisseaux espa-
gnols armés.
ATec ces 36 Taisseaux, Sa Majesté Teut que son paTÎHon et celui de ses
alliés dominent sur toutes les côtes de l'Andalousie et sur le détroit, parce
qu'il regarde comme impossible que l'ennemi tous y oppose une force égale.
On dit que dans ce moment, l'Angleterre prépare un conToi et une sorte
d'expédition qu'on présume être destinée pour la Méditerranée.
Sa Majesté Teut que vous preniez toutes les précautions conTcnables pour
chercher à être prévenu de l'approche de cette expédition et la détruire.
824 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIX.
Nos alliés ont 8 vaisseaux à Garthagène qui, plus d'une fois, ont mis sous
voiles pour se rendre à Cadix et qui ont été empêchés ^ar des forces supé-
rieures.
L Empereur veut que cette jonction se fasse et que vous vous concertiez avec
M. Salcedo, qui commande Tescadre de Garthagène, pour que cette jonction
s'opère par le concours de vos forces réunies.
Vous devez enfin faire connaître à M. l'amiral Gravina ces intentions de
l'Empereur, pour qu'il y concoure avec tout son zèle, son courage et son
activité si éprouvés, quels que soient les desseins ultérieurs de Sa Majesté.
Gomme il est important que j'aie sur les deux armées toutes les notions
propres à remplir ces desseins, je vous prie de m'adresser, par le retour de
mon courrier, avec les pièces dont je vous ai indiqué ci-dessus l'omission,
des notes sur les qualités de chacun des vaisseaux qui composent les forces
combinées, afin de distinguer ceux qui seraient les plus propres à telles ou
telles croisières, s'il plaisait 5 Sa Majesté d'en ordonner.
Des notes de même nature sont nécessaires pour chacun des commandants
des vaisseaux et des frégates, et cela dans le même objet. Envoyez-moi enfin
chacun des officiers que vous jugez susceptibles d'avancement, mais joignez-y
tous les développements qui peuvent me faire connaître leurs talents, leur
caractère et leurs aptitudes.
L'intention de V Empereur est de chercher dans les rangs, quelques places
qu'ils y occupent, les officiers les plus propres à des commandements supérieurs
et ce qu'elle exige par-dessus tout, c'est une noble ambition des honneurs,
V amour de la gloire, un caractère décidé et un courage sans bornes.
Sa Majesté veut atteindre cette circonspection qu'elle reproche à sa marine,
ce système de défensive qui tue V escadre et qui double celle de V ennemi.
Cette audace, elle la veut dans tous ses amiraux, ses capitaines, officiers et
marins, et, qu'elle qu'en soit Vissue, elle promet sa considération et ses grâces à
ceux qui sauront la porter à Vexcés, et pas hésiter à attaquer des forces supé-
rieures ou égales même et avoir avec elle des combats d'extermination. Voilà
ce que veut Sa Majesté; elle compte pour rien la perte de ses vaisseaux, si elle
les perd avec gloire, ne veut plus que ses escadres soient bloquées par un ennemi
inférieur, et s'il se présente de cette manière devant Cadix, elle vous recom-
mande et vous ordonne de ne pas hésiter à V attaquer,
L'Empereur vous prescrit de tout faire pour inspirer ces sentiments à tous
ceux qui sont sous vos ordres par vos actions, vos discours, et par tout ce qui
peut élever les cœurs.
Rien ne doit être négligé à cet égard : sorties fréquentes, encouragements
de toute espèce, actions hasardeuses, ordres du jour qui portent à l'enthou-
siasme (et Sa Majesté veut qu'on les multiplie et que vous m'en fassiez Tenvoi
régulier), tout doit être employé pour animer et exalter le courage des
marins.
Sa Majesté veut leur ouvrir toutes les portes des honneurs et des gràe'es, et
ils feront le prix de tout ce qui sera tenté d'éclatant.
Elle se plait à penser que vous serez le premier à le recueillir; et, quels que
soient les reproches qu'elle m'a ordonné de vous faire, il m'est flatteur de pou-
voir vous dire, en toute sincérité» que sa bienveillance particulière et ses grâces
ÉPILOGUE. 825
les plus distinguées n'attendent que la première action d'éclat qut signalera
votre courage.
Je TOUS réitère, Monsieur rAmiral, Texpression de tous les sentiments que
je TOUS ai Toués.
La lettre du Ministre doit être rapprochée de celle du
4 septembre, où pour la première fois TEmpereur manifeste
son impression des nouvelles reçues de son escadre.
Au Wce-am/ra/ Decrès (1).
La Malmaison, 17 fractldor an xui (4 septembre 1805).
Monsieur,
Je TOUS renToie tos lettres. L'amiral Villeneuve vient de combler la mesure ;
il donne j à son départ de Vigo, V ordre au capitaine Allemand d'aller à Brest
et vous écrit que son intention est d'aller à Cadix (sic). Cela est certainement une
trahison. Voilà V escadre d Allemand, fortement compromise, qui va errer plu-
sieurs mois sur les mers. Gela n*a plus de nom. Faites-moi un rapport sur toute
l'expédition. Villeneuve est un misérable qu'il faut chasser ignominieusement.
Sans combinaisons, sans courage, sans intérêt général, il sacrifierait tout
pourTU qu'il sauve sa peau. Car enfin, le 26 thermidor y il était encore aux
atterrages du Ferrol ; il savait que le capitaine Allemand devait être leiS à
Vigo (2) : il devait donc considérer la jonction comme faite. Bien loin de là,
il vous écrit le 26 qu'il va à Cadix (?), et le 26 il laisse courir les dépêches qu'il
avait faites avant, dans lesquelles il dit qu'il va à Brest, et compromet ainsi le
salut d'une escadre aussi considérable que celle du capitaine Allemand, comme
il a perdu par sa faute et sa lâcheté cette pauvre « Bidon » (?) Je suis obligé de
reconnaître, après cela, que Missiessy est un héros. Rien n'est comparable
à l'ineptie de Villeneuve. Je désire avoir un rapport sur toutes ses opérations :
i^ Jl a pris une peur panique et n'a point débarqué à la Martinique et à la
Guadeloupe le 67* et les troupes que l'amiral Magon avait à bord; 2<* Il a
exposé nos colonies en ne renvoyant que par quatre frégates i,200 hommes de
l'élite des garnisons; 3» Il s'est lâchement comporté, dans le combat du 3, en ne
réattaquant pas une escadre dégréée, qui avait deux vaisseaux à la traîne ;
4® Arrivé au Ferrol, il a laissé la mer à l'amiral Calder, quand il attendait
une escadre de 5 vaisseaux, et n'a point croisé devant le Ferrol jusqu'à l'arrivée
de cette escadre ; 5® Il a été instruit que Tescadre Toyait des Taisseaux ennemis
mener la frégate la Didon à la remorque, et il n'a point fait chasser ces vais-
seaux pour dégager la frégate; 6® // est parti le 26 et, au lieu de venir sur
Brest, il s'est dirigé sur Cadix, violant ainsi ses instructions positives (?) Enfin, il
a su que l'escadre du capitaine Allemand devait venir le 25 thermidor à Vigo (?)
prendre des ordres, et, le 26, il a appareillé du Ferrol sans donner de nouveaux
(Il Correspondance de Napoléon, 0179.
(2) Très douteux.
8Î6 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIX.
ordres à cette escadre, lui ayant au contraire fait remettre au Ferrol des ins-
tructions toutes opposées qui compromettent cette escadre, puisqu'elle avait
ordre de se rendre à Brest, tandis que lui, Villeneuve, allait à Cadix.
Napoléon.
On a VU que tous ces griefs ne sauraient être appréciés de
la même manière. Mais chose singulière, ce n'est pas encore
là qu'apparaît la légende, devenue l'histoire , de Villeneuve
faisant, par sa marche sur Cadix, manquer l'invasion de l'An-
gleterre. Cela ne va pas tarder d'ailleurs, car le 8 septembre,
pour la première fois, le reproche prend corps.
Au vioe^amirai Decrèa (i).
Saiût-Cloiiâ, 21 ft'aetidor an xm (8 sdptembre 1805).
Je me dispense de tous dire tout ce que je pense de la lettre que tous
m*écrivez (4). Il s'ensuit donc de ce qu'un Tnisseau espagnol a eu un m.\t de
(1) Correspondance de Napoléon, 0100.
(t) Probablement le rapport saWant :
Rapport de Decrés*
n paraitrait qu'après le combat (da f2 juillet) il (Villenenye) a été réellement forcé
d'entrer à Vigo le 9 thermidor (28 juillet), soit en raison des vents contraires, soit parce
qu'il avait un gand nombre de malades sur plusieurs de ses vaisseaux, enfin parce que
d'autres manquaient absolument d'eau,
A l'entrée à la Corogne, U recevait les instructions du t7 messidor (16 juillet) qui lui
défendaient expressément d'entrer au Ferrol ; il vint mouiller à la Oorogne sans avoir pu
en prévenir à temps l'amiral Oravina qui entrait alors au Ferrol.
Son désespoir est marqué dans toutes les expressions d'une de ses lettres parti-
culières du 7 août. L'amiral Gravina partageait ses sollicitudes
Le 22 thermidor (10 août), Tarmée appareille, plusieurs vaisseaux s*abordent,
éprouvent des avaries^ de nombreuses découvertes absorbent les mouvements ennemis.
L'amiral apprend que Oalder et Nelson se réunissent, ses anxiétés redoublent» il n'a que
quarante jours de vivres. Il restfi dans la baie jusqu'au 25 (13 août). Enfin, après avoir
donné connaissance au capitaine Allemand du projet qu'il paraissait avoir dès
lors de se rendre à Cadix (ces mots sont barrés sur la minute), il prend la mer et se
dirige d'abord à l'ouest-nord-ouest et le 25, il se décide à faire route sur Cadix.
U semblerait, par la correspondance du vice-amiral Villeneuve que dès le 23 (U août),
il avait pris cotte détermination, mais il était parvenu à un tel degrd de découragement
et d'inquiétude qu'on n'aperçoit plus que des irrésolutions dans sa conduite. Son moral
était tellement oifecté qu'il n'a pu faire (la minute porte : a négligé de faire) connaître au
commandant Allemand la marche qu'il devait faire. Il n'était plus en état de le savoir lui-
même.
Ainsi quoi qn'il ne put ignorer qne le capitaine Allemand aérait à ?igo
ÉPILOOtTB. 8Î7
hune cassé e% qu'un vent du nord a soufflé, ce qui n'est pas rare à la mer, que
je dois aToir 5 iraiMeaux pris et MON expédition manquéb ! Gela n'est pas exact.
Après aToir lu les dépêches de YilleneuYe, irous n'arei jamais dû penser qu'il
ylnt à Brest. H tous écrifait : k Je vais à Cadix »; et Lauriston, qui a été
trompé, qui m'écrivait le 26 thermidor : « Nous allons enfin à Brest », m'écrit
de Cadix que la première chose que lui dit TArairal en mettant à la voile fût :
« Nom allons décidément à Cadix; je l'ai écrit au Ministre ». Je déshreraisvoir
justifier Villeneuve ; jusqu'à ce que vous ayez trouvé quelque chose de plau-
sible, je vous prie de ne me point parler d'une affaire si humiliante et de ne
point me rappeler le souvenir d'un homme aussi lâche. Dans tous les pays du
monde, une escadre de 40 vaisseaux ferait huit cents lieues pour sauver
6 vaisseaux. Mais qu'importe à Villeneuve qu'Allemand $oit perdu ? Il n^y
est paê.
Napoléon.
Enfin le 13, apparaît Thistoire faite, après coup, du grand
projet, présenté comme bâti de toutes pièces, infaillible, et
que la lâcheté ou la trahison d'un seul a fait échouer.
le 25 (sic), il n'a rien ajouta aux ordres <ia*il loi avait antérieurement expédiés de la
Oorogne par la frégate la Didon ; ces ordres, au sorplos, prévoyaient jusqu'à un certain
point le cas oii l'armée se porterait sur Cadix.
Le général Villeneuve avait ordre, dans le cas oii il se dédderait à faire routa sur ce
port, de destiner une partie de son escadre à nne expédition partioulière, de fiire passer à
Rochefbrt quelques vaisseaux et de n'en conduire à Cadix qu'un certain nombre. Les motifs
qu'il fait valoir pour justifier le parti qu'il a pria de tout emmener avec lui paraissent
assez plausibles ; mais on observe qu'à son départ de la baie d'Ares, il était encore dans
l'incertitude de la route qu'il allait faire et, conséquemment, il ne devait point alors affaiblir
ses forces.
Deux circonstances sont remarquables dans sa navigation du Perrol sttr Cadix.
La première est l'apparition d'un vaisseau et d'une frégate ennemis, remorquant une
frégate démâtée qui était très probablement la Didon, Le vice-amiral Villeneuve pouvait*
il poursuivre ces bâtiments ? Telle est la question qui se pose. Il est constant qu'ayant à la
remorque une fk^gate démâtée, il leur était impossible de conserver leur proie. D'un autre
cAté, l'Amiral dit que VHortense a eu connaissance de ces bâtiments dans une chasse
prolongée et ne donne pas d'autres détails. De sorte qu'on pourrait supposer qu'avant que
VHotiente eût rallié l'armée» ou qu'on eût aperçu ses signaux et qu'on se fut mis en
devoir de poursuivre Tennemi, l'année n'était plus en position de le faire. Il faudrait, pour
juger ce fait, avoir les journaux sous les yeux.
L'autre circonstance est celle où l'escadre légère a chassé plusieurs bâtiments de guerre
sur le cap Sainte-Marie et où une frégate signala une escadre sur les derrièi*es de l'ar-
mée. On voit que le général Villeneuve diminua de voiles pendant la nuit pour rallier des
vaisseaux arriérés et on pourrait lui reprocher cette manœuvre.
Mais l'Amiral devait-il se livrer à la poursuite de l'ennemi, au risque de voir son
escadre dispersée et peut- être compromise. Avait-il assez de vaisseaux bien équipés et
bon marcheurs pour entreprendre cette chasse ? C'est encore ce qu'on ne peut juger par
la simple correspondance.
{Archives de la Marine, BBi^, t80.)
828 TROISIÈME PARTIB. — CHAPITRE XIX.
Note pour le Ministre de la marine (i).
Saint-Cload, 26 fraetidor an xm.
Quel a été mon but dans la flottille de Boulogne ?
Art. d«'. — Je voulais réunir 40 ou 50 vaisseaux de guerre dans le port de la
Martinique, par des opérations combinées de Toulon, de Cadix, du Ferrol et de
Brest; les faire revenir tout d'un coup sur Boulogne; me trouver pendant quinze
Jours {sic) maître de la mer; avoir 150,000 hommes et 10,000 chevaux
campés sur cette côte, 3,000 ou i,000 bâtiments de flottille et, aussitôt le signal
de TarriTée de mon escadre, débarquer en Angleterre, m'emparer de Londres
et de la Tamise. Ce projet a manqué de réussir. Si Vamiral Villeneuve, au
lieu d'entrer au Ferrol, se fût contenté de rallier l'escadre espagnole et eût fait
voile pour Brest pour s'y réunir avec Vamiral Ganteaume, mon armée débar-
quait et c'en était fait de l'Angleterre,
Art. 2. — Pour faire réussir ce projet, il fallait réunir 150,000 hommes à
Boulogne, y avoir 4,000 bâtiments de flottille, un immense matériel ; embar-
quer tout cela et pourtant empêcher Venneyni de se douter de mon projet, cela
paraissait impossible. Si fy ai réussi, c'est en faisant Vinverse de ce qu'il sem-
blait qu'il fallait faire.
Si 50 vaisseaux de ligne devaient venir protéger le passage de Tannée en
Angleterre, il n'y avait besoin d'avoir à Boulogne que des bâtiments de trans-
port ; et ce luxe de prames, de chaloupes canonnières, de bateaux plats, de
péniches, etc., tous bâtiments armés, était parfaitement inutile. Si j'eusse
ainsi réuni 4,000 bâtiments de transport, nul doute que l'ennemi eût vu que
f attendais la présence de mon escadre pour tenter le passage; mais en construi-
sant des prames et des bateaux canonniers, en armant tous ces bâtiments,
c'étaient des canons opposés à des canons, des bâtiments de guerre opposés à
des bâtiments de guerre et l'ennemi a été dupe. Il a cru que je me proposais de
passer de vive force, par la seule force militaire de la flottille. L'idée de mon
véritable projet ne lui est point venue ; et lorsque, les mouvements de mes
escadres ayant manqué, il s*est aperçu du danger qu'il avait couru, l'effroi a
été dans les conseils de Londres, et tous les gens sensés ont avoué que jamais
l'Angleterre n'avait été si près de sa perte.
Que convient-il de faire aujourd'hui de la flottille de Boulogne ?
Art. 3. — Le projet a été démasqué; l'ennemi voit que le plan était d'arriver
sous la protection de mes escadres. Les travaux faits à Boulogne et aux ports
de Wimereux et Atnbleteuse, qui lui sont parfaitement connus, lui ont prouvé,
cTailleurs, que la flottille ne peut appareiller dans une seule marée et qu'elle ne
saurait passer un coup de vent dans la rade de Boulogne. Dès lors, l'Angleterre
n'a plus la crainte que la flottille veuille passer par ses propres forces, puisque
les combinaisons de l'amiral Villeneuve ont prouvé que j'attendais son arrivée
pour passer, et que la connaissance de la côte lui a montré l'impossibilité de
faire sortir la flottille dans une seule marée. Aussi, depuis ce temps, les
(1) Correspondance de Napoléon, 9209.
EPILOGUE. 829
mêmes hommes qui ayaient déclaré qu^on ne poufait empêcher la flottille de
débarquer, disent maintenant que rien ne peut empêcher V arrivée de iOO ou
i50 bdtirnentSf ce qui fait une expédition de 15,000 ou i6,000 hommes, mais
qu'il nest pas probable qu'une expédition plus considérable pût trouver des
chances de réussir.
Art. 4. — Dans cette situation de choses, la rade de Boulogne n'étant point
propre à instruire mes matelots, et la flottille ne pouvant plus donner à
l'Angleterre Tinquiétude de lui Toir faire le passage de vive force, il faut
reprendre le projet qui a été manqué : avoir sur les hauteurs de Boulogne une
armée de 60 à 80,000 hommes; avoir 500 bâtiments pouvant porter 40 à
50,000 hommes et plusieurs milliers de chevaux ; n*aYoir qu'une partie des
matelots nécessaires pour l'armement de ces bâtiments et, au moment où jnes
escadres commenceraient leurs mouvements, faire une levée de pécheurs et de
matelots sur les côtes, rétablir la ligne cCembossage, embarquer Vartillerie et le
matériel, faire enfin toutes les démonstrations nécessaires pour faire voir qu'on
n'attend que la présence d'une escadre pour passer,
AVANTAGES DE CE PLAN.
Art. 5. — Les avantages de ce plan sont immenses. D'abord, j'aurai tou-
jours le PRÉTEXTE d'avoir 80 ou 100,000 hommes campés dans une position saine,
facile à approvisionner et d'où ils peuvent se porter promptement en Aile-
magne ; et une aussi grande quantité de troupes qui sera en vue de la côte
d'Angleterre, avec un nombre de bâtiments qui permettra d'opérer la descente,
si je suis quelques jours maiire de la mer, aura une double influence en
Angleterre : i» Elle l'obligera de tenir des troupes pour se garder et se pré-
cautionner contre la descente qui est devenue possible ; 2® Elle Pobligera à
tenir en réserve, dans les Dunes ou dans la Tamise, une portion de ses escadres
pour ce cas inattendu.
Art. 6. — Si ma flotte de l'Escaut, de Toulon ou de Brest débarquait
30,000 hommes en Irlande, quelle crainte n'aurait pas l'Angleterre que, après
les avoir débarqués, elle ne continuât son mouvement, se réunit sur un point
donné avec mes autres escadres et revînt sur Boulogne pour jeter une expé-
dition sur les côtes d'Angleterre ! Si mes escadres portaient la guerre aux
Grandes-Indes ou aux Indes occidentales, les Anglais auraient également la
crainte que, s'ils se dégarnissaient de leurs flottes, elles ne revinssent sur
Boulogne et que, se trouvant à leur arrivée maîtresses de la mer, comme nous
l'avons été (1) après le combat d'Ouessant, elles ne couvrissent le passage
d'une expédition dont tous les préparatifs étaient aperçus d'Angleterre.
Que coûteront ces avantages ?
Art. 7. — Les principaux frais de cette grande diversion consistent dans
l'entretien de l'armée de guerre dans ses camps ; mais on a déjà dit les avan-
tages attachés à cette présence des troupes sur ce point, sous le - point de vue
continental; et dans l'obligation de garder une grande quantité de troupes
pour le maintien de ma considération, il est indifi'érent de les entretenir k
(1) Probablement aurions été
830 TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIX.
Boulogne ou ailleurs. Les 500 Utiments, nous les afont; U tuffira d'aToir de«
équipages pour un quart de ces bâtiments, et Tentretien de ces équipages sera
donc tout ce qu'il en coûtera à la France pour avoir ce moyen d'inquiéter et
d'attaquer son ennemi.
Art. 8. — Supposons une armée de 40 vaisseaux de ligne arrivant devant
Boulogne et y trouvant une armée de 100,000 hommes avec 40,000 chevaux :
que pourra-t-elle faire? Combien de temps ne lui faudra-t*il pu pour trans-
porter en Angleterre les hommes, les chevaui et le matériel : il lui faudra
plus de dix voyages. Supposons à présent 40 vaisseaux de ligne arrivant devant
Boulogne et y trouvant 500 bâtiments : prames, péniches, chaloupes canon-
nières, etc., armés ou sans canons, tous les objets d'artillerie, les hommes et
les chevaux embarqués, prenant à son bord une partie des hommes que la
flottille ne peut porter, voilà, en peu de jours, toute Texpédition débarquée en
Angleterre. Cela obligera donc l'Angleterre à avoir une armée de terre et à
tenir en réserve une armée de mer.
De tous les moyens qu'on peut proposer pour nuire à l'ennemi dans cette
lutte, on n'en peut imaginer un moins dispendieux pour la France et plus
désastreux pour TAngleterre.
Art. 9. — Ayant ainsi fait connaître au Ministre de la marine le rôle que je
veux faire jouer à la flottille de Boulogne, je désire qu'il me propose les modi-
fications nécessaires pour qu'elle atteigne mon but en me coûtant le moins
possible.
Napolèok.
En ce qui concerne le rôle et la valeur militaire de la flot-
tille, son incapacité à agir seule, à tenir le mouillage, à sortir
en une seule marée, à exécuter un passage de vive force ou
par surprise, tout ce qu'a prouvé une longue et pénible
expérience est reconnu sans contestation possible. Le contraste
est frappant entre cet aveu d'impuissance, ce délai de 15 jours
pour la première fois reconnu nécessaire, et la masse des
ordres, des mesures, des efforts réellement faits pour donner
à la flottille une valeur militaire, pour la maintenir en rade
malgré les dangers, pour la loger dans plusieurs ports, pour
faciliter sa sortie.
Ainsi est-il permis de douter du but réel de ces préparatifs,
quelque longs et dispendieux qu'ils aient pu être. Epouvantail
pour TAngleterre, avantage de politique intérieure et conti-
nentale à avoir une grosse armée prête. Peut-être est-ce tout
ce que Napoléon voulut réellement.
Mais ce qui surprend, c'est l'assertion que la constitution
d'une flottille de guerre avec ses multiples défauts, poids,
tirant d'eau, difficulté de manœuvre, mauvaise tenue à la mer,
au mouillage et à Téchouage, que la création à un prix exce^^
ÉPILOGUE. 831
sif de 2,000 bâiiments armés de canons^ inférieurs en tout aux
transports existants^ servait à dissimuler le projet d'opérations
combinées entre les bateaux plats et les escadres.
L'histoire des programmes de construction et des arme-
ments réellement effectués a montré, tout au contraire, la pro-
portion constamment croissante de l'élément tiré du commerce
dans la constitution de la flottille à partir du moment où Tin-
suffisance des ressources financières, la lenteur du travail sur
les chantiers, la difficulté où Timpossibilité de la concentra-
tion, rincapacité où la faiblesse militaire des bateaux et cha-
loupes bien constatées, forcèrent à renoncer aux seuls bâti-
ments de guerre.
A la vérité, dès Tautomne 1803 s'est révélée, au travers des
allégations contraires prodiguées autour de lui, l'intention
déjà bien arrêtée chez Bonaparte de ne pas se risquer avec sa
flottille seule, et Ton sait ce qu'il faut penser « des brumes »
ou « des longues nuits » propices au passage, ainsi qu*on le
disait en 1798 au Directoire ou en 1801 aux consuls, ou môme
encore en août 1805 à Talleyrand. Mais, si Napoléon s'est bien
vite rendu compte de l'impossibilité de passer la Manche
avant que ses vaisseaux lui aient frayé un passage, tout
d'abord, il n'a cherché à être maître du canal qu'avec une
faible escadre, c'est-à-dire pour im temps très court. Lors-
qu'il proclame lui-même qu'il lui faut le passage libre non
plus trois heures comfne il l'a toujours dit, mais quinze jours,
il affirme par là même que l'invasion de l'Angleterre n'était
possible, à son époque, qu'après une grande bataille navale,
donnant la supériorité militaire définitive. Or, comment a-t-il
recherché cette supériorité militaire qu'en dernière analyse il
reconnaît nécessaire, et qu'il a, à la fin seulement, et tardive-
ment, prescrit à ses amiraux de rechercher ?
Celui qui a suivi les lenteurs et les vicissitudes de la prépa-
ration, les incessantes variations de la conception, les échecs,
les déboires multiples de l'exécution, la constante nécessité où
l'on s'est trouvé, bien loin de suivre le développement d'un
projet ferme, de sans cesse pourvoir à la gêne, aux inconvé-
nients, aux dangers d'une situation mauvaise dès le début,
celui qui a vu Missiessy parti pour son compte avec une mis-
sion indépendante et sans aucun rapport avec l'opération
d'ensemble reprise plus tard, Villeneuve courant après
832 TROISIEME PARTIE. — CHAPITRE XIX.
Missiessy, Allemand cherchant Villeneuve, et aucun ne se
rencontrant ; celui qui a vu une combinaison reposant, tantôt
sur le voyage de Tescadre de Brest, qui ne peut sortir, tantôt
sur son déblocus, tantôt sur une jonction infiniment chan-
ceuse, toujours en évitant le combat^ enfin, et enfin seulement,
de vive force, pour aboutir à diriger sur Ouessant 29 vaisseaux
plus que médiocres, au-devant de 39, supérieurs en canons,
équipages et officiers, celui-là aura peine à reconnaître dans
ce mélange d'ordres, de contre-ordres, de questions, de
conseils, de suppositions, le plan grandiose qui tient en
quelques lignes et que chacun juge à la fois simple et
sublime.
Gomme pour la bataille de Marengo, mais après un résultat
tout autre. Napoléon a légué à Thistoire, non pas ce qui avait
été, mais ce qu'il voulait qu'on pensât et qu'on dît. Systéma-
tiquement, il a créé de toutes pièces une légende qui n'a pas
peu contribué à obscurcir l'étude des moyens réels et des
conditions nécessaires d'une descente aux Ues britanniques.
TABLE DES MATIÈRES
CflAPlTRS I".
— II.
— ni.
— IV.
— V.
— VI.
PREMIÈRE PARTIE.
L'été ld04.
Le plan de mai 1804 3
La concentration. — Mer du Nord et Pas-de-Calais i3
La concentration. — Manche et Océan 45
L'organisation de la flottille 75
A Boulogne, du !•' mai au i"' novembre 91
Les escadres pendant Tété 1804 147
DEUXIÈME PARTIE.
La période d'abandon (septembre 1804 à mars 1805).
Ghàpitrb !•'. Le plan du 29 septembre 1804 177
— IL La flottille jusqu'en mars 1805 2J5
*- in. L'entrée de l'Espagne dans la lutte 239
— IV. Le plan du 12-23 décembre 263
— V. La première sortie de Villeneuve (18 janvier 1805) 291
— VI. La campagne de Missiessy (11 janvier au 20 mai) 305
— VIL Le plan du 16 janvier 1805 325
— VIII. La situation générale et les vraies intentions de l'Em-
pereur 337
Chapitre I«».
~ IL
— m.
*- IV.
IV.
TROISIÈME PARTIE
La période décisive.
Le plan du 27 février-2 mars 1805 357
Les ports de réunion. — Fin 373
Les dernières opérations de la flottille 395
La flottille. -- Organisation définitite 429
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