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Full text of "1793-1805 ; projets et tentatives de débarquement aux îles Britanniques"

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PUBLlâ    SOUS    LA    DIRECTION 

SECTION  EISIOBIQOE  DE  l'ÉTAT-MAJOB  DE  L'AMJÉE 

1793-1805 


PROJETS  ET  TENTATIVES 

DE 

BÉBARQUEMENT 

AUX  ILES  BRITANNIQUES 

Edouard    DESBBIËBE 


TOME     QUATRIÈME 
m-  Partie 


PARIS 

LIBRAIRIE  MILITAIRE  R.  CHAPELOT  El  C 
30,  Rne  et   Paeaage  Banplilne,   30 

1902 


1793-1806 


PROJETS  ET  TENTA' 

DÉBARQUEMENT 
AUX  ILES  BRITANNIQU 


1 


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PAKU. 


—    IMPRtIfIRiR     R.     CBAPBI.OT    BT    C*,    2,     RUB    CBRItTINB. 


•     \    / 


t. 


PUBLIÉ    SOUS     LA     DIRECTION 

SECTION  HISTORIQUE  DE  L'ÉTAT-HAJOR  DE  L'ABIÉE 


1793-1805 


PROJETS  ET  TENTATIVES 

DE 

DÉBARQUEMENT 

AUX  ILES  BRITANNIQUES 

PAR 

Edouard    DESBBIÊRE 

OW    b'hOIOROHI    m    ClTALtUB    BBIVtTi    k    L'iTl.T-l<ltIOB     DB     L'UlCts 

TOME     QUATHIÈME 
III-  Partie 


PABIS 
LIBRAIRIE  MILITAIRE  R.  CHAPELOT  bt  C- 

IHFILIMKims-fllITniU 

SOf   Rae   et   Fa^sacs   DaapUaSi    30 


r     \   r 


*    -.1         V 


la  Bnnaa 


TROISIÈME   PARTIE 


LA  PÉRIODE  DÉCISIVE 


<5 


CHAPITRE  PREMIER 


LE   PLAN   DU  27  FÉVRIER-2   MARS 


En  même  temps  que  Napoléon  recevait  de  TAutriche  des 
assurances  assez  pacifiques,  pour  qu'il  ait  cru  pouvoir  sus- 
pendre ses  préparatifs  militaires  en  Italie,  Beurnon ville, 
ambassadeur  à  Madrid,  envoyait,  sur  l'activité  déployée  par 
les  Espagnols,  des  assurances  de  nature  à  modifier  Tidée 
qu'on  s'était  longtemps  faite  du  peu  de  valeur  de  leur  coopé- 
ration militaire  et  navale. 

Ces  nouvelles  assez  inattendues,  contraires  aux  renseigne- 
ments que  Beurnonville  avait  lui-même  envoyés  au  début  de 
la  guerre (1),  devaient  être  en  partie  justifiées  par  les  faits, 
puisque  l'Espagne  parvint  à  fournir  à  Falliance  31  vaisseaux 
N  de  guerre,  chiffre  énorme,  dans  l'état  de  délabrement  où  était 

^  tombée  sa  marine,  des  équipages  peu  exercés,  mais  braves, 

enfin  des  officiers  tels  que  Gravina,  dont  le  courage,  l'intelli- 
gence, le  noble  caractère  et  le  dévouement  méritent  de  ne  pas 
^  être  oubliés  en  France. 


Madrid,  le  15  plaviftse  an  xni  (4  février  1805). 
Monseigneur, 

M.  ramiral  Gratina  est  arrivé  il  y  a  quatre  jours  à  Madrid  (2)  ;  avant-hier  il 
est  allé  prendre  les  ordres  du  roi  à  Aranjuez  ;  hier  nous  avons  ou  une  confé- 
rence chez  le  Prince  de  la  Paix,  et  aujourd'hui  l'amiral  se  met  en  route  pour 
Cadix. 


0}  Voir  d-dessns. 

(2)  Archives  des  affaires  étrangères,  Espagne. 


3S8  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  PREMIER. 

Les  renseignements  que  l'amiral  Gratina  a  obtenus  dans  les  bureaux  de  la 
marine  sont  plus  satisfaisants  qu'il  ne  s'y  était  attendu  :  le  redoublement 
d'actÎTité  que  sa  présence  va  faire  naître  dans  les  ports  lui  fait  espérer  qu'au 
lieu  de  20  vaisseaux,  il  est  possible  d'en  armer  3f ,  sayoir  :  10  à  Cadix,  9  au 
Ferrol,  et  6  à  Carthagène. 

Personne  ne  se  flatte  pourtant  que  de  telles  forces  soient  véritablement  prêtes 
pour  le  mois  de  mars,  et  si  l'on  peut  mettre  en  armement  une  flotte  aussi  con- 
sidérable, il  n'est  pas  moins  vrai  non  plus  que  les  hommes  et  les  yivres  seront 
insuffisants  pour  compléter  les  équipages  et  pour  assurer  leur  subsistance  dont 
M.  l'amiral  Gravina  porte  à.  8,000,000  de  rations  la  quantité  indispensable. 

Le  général  Beurnonville. 

Madrid,  le  6  reniftie  an  xiii  (25  février  1805)  (1). 
Monseigneur, 

Le  seul  but  vers  lequel  se  dirigent  aujourd'hui  et  les  efforts  du  gouverne- 
ment espagnol,  et  l'attention  générale,  est  l'armement  rapide  des  escadres.  Cet 
objet  parait  toujours  se  suivre  avec  une  activité  sans  relâche,  et,  de  jour  en 
jour,  les  rapports  que  je  reçois  à  ce  sujet  deviennent  plus  satisfaisants. 

Du  Ferrol  y  M.  Ailhaud  me  marque  que  2  vaisseaux  et  2  frégates  sont  en 
rade,  et  il  termine  son  tableau  de  la  situation  du  port  par  assurer  que,  très 
incessamment,  l'escadre  de  Sa  Majesté  Catholique  y  sera  de  8  vaisseaux  et  de 
4  frégates. 

De  Cadix f  M.  Le  Rby  confirme  tout  ce  que  M.  l'amiral  Gravina  me  donne 
lui-même  d'espoir,  relativement  au  nombre  de  vaisseaux  qui  peuvent  être  prêts 
à  l'époque  convenue.  Ce  nombre  est  de  12  à  Carthagène.  Toutes  les  relations 
particulières  s'accordent  sur  ce  que  6  vaisseaux  sont  presque  entièrement 
armés,  et  le  Prince  de  la  Paix  m'a  constamment  donné  des  assurances  con- 
formes à  ce  qu'on  écrit  de  ce  port. 

Mais  un  point  sur  lequel  les  avis  sont  malheureusement  unanimes,  et  qui 
me  parait  donner  une  inquiétude  égale  à  l'amiral  Gravina  et  à  nos  commis- 
saires, c'est  la  formation  des  équipages,  et  l'approvisionnement  en  vivres.  On 
presse  de  toutes  parts,  et  le  nombre  des  matelots  augmente  peu  à  peu.  On 
convertit  en  biscuits  tout  ce  qu'on  a  de  farines  disponibles,  mais  il  n'y  a  encore 
ni  assez  de  matelots,  ni  suffisamment  de  biscuit,  et,  pour  s'en  procurer,  il  faut 
des  blés  étrangers,  beaucoup  d'argent,  et  l'emploi  des  mesures  extraordinaires 
que  prescrivent  les  conjonctures  importantes  où  nous  sommes. 

Les  régimonts  d'infanterie  et  d'artillerie,  destinés  à  être  embarqués  sur  les 
escadres,  sont  rendus  en  partie  à  leur  destination;  c'est  le  maréchal  de  camp 
Don  Jiian  de  Kindelan  qui  commandera  les  troupes  d'expédition  au  Ferrol.  Il 
est  arrivé  à  son  poste. 

Le  général  Beurnonville. 


(1)  Archives  des  affaires  étrangères,  Espagne. 


LE  PLAN  DU  27  FÉyRIER-2  MARS.  359 

Les  rapports  de  Gourdon  (1)  confirmèrent  d'ailleurs  ces 
nouvelles  satisfaisantes  en  ce  qui  concerne  le  Ferrol. 

Dans  ces  conditions,  le  concours  de  TEspagne  prenait  une 
valeur,  dont  Imfluence  sur  les  projets  de  Napoléon  allait 
bientôt  se  faire  sentir. 

La  première  trace  d'un  plan  de  coopération  entre  les 
escadres  françaises  et  espagnoles  se  remarque  dans  la  lettre, 
écrite  le  19  février,  nar  l'Empereur  au  Prince  de  la  Paix,  en  lui 
annonçant  la  visite  du  colonel-général  Junot,  envoyé  en  Portu- 
gal. Le  gouvernement  de  Madrid  était  mis  en  demeure  de  faire 
connaître  exactement  l'état  des  forces  qu'il  pourrait  fournir  à 
l'alliance  contre  l'Angleterre.  Dans  les  instructions  données  à 
Junot,  il  était  dit  (2)  :  ?<  C^  que  j'attends  du  Prince  de  la  PaLx, 
c'est  une  seule  chose  :  que  les  flottes  espagnoles  soient  prêtes 
pour  les  grandes  expéditions  que  je  médite. . . .  J'exige  qu'il 
prenne  des  mesures  efficaces  pour  qu'il  y  ait,  du  20  au  30  mars, 
6  vaisseaux  de  ligne,  2  ou  3  frégates  à  Cadix,  sous  les  ordres 
de  l'amiral  Gravina,  6  vaisseaux  et  2  ou  3  frégates,  au  Ferrol, 
sous  les  ordres  d'un  amiral  sûr  ;  que  ces  escadres  soient 
approvisionnées  pour  sept  mois  et  aient  leurs  équipages  com- 
plets, plus  150  soldats  par  vaisseau,  c'est-à-dire  un  millier 
d'hommes  de  débarquement  sur  chaque  escadre,  tous  infan- 
terie, c'est-à-dire  de  troupes  de  débarquement  ;  que  les  escadres 
françaises  se  présenteront  devant  ces  ports  et  les  débloqueront, 
et  qu'au  moment  où  V Aigle  joindra,  l'escadre  française,  l'ami- 
ral Gravina,  sans  perdre  une  heure,  s'y  joigne  de  même  ;  et 
qu'au  moment  où  mon.  escadre  du  Ferrol  joindra  l'escadre  qui 
débloquera  le  Ferjol,  Tescadre  espagnole  la  joigne  aussi,  mais 
sans  une  heure  de  retard ....  ;  les  vaisseaux  doivent  avoir 
leurs  quatre  mois  d'eau,  et  être  approvisionnés  de  6  mois  de 
vivres. . .  ;  mon  intention  n'est  pas  que  mes  escadres  entrent  à 
Cadix,  ni  au  Ferrol  ;  la  jonction  devra  se  faire  étant  à  la 
voile ....  »  * 

Le  lendemain.  Napoléon  écrit  (3)  :  « Voilà  la  saison  des 

grandes   opérations ....  de  grandes  opérations  se   méditent 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^r,  t29. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  8350,  23  février. 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  8360,  à  Lacépède,  24  février. 


360  TROISIEME  PARTIE.  —  CHAPITRE  PREMIER. 

ici »  Le  27,  il  demande  au  maréchal  Soult  «  un  mémoire 

très  détaillé  sur  Tétat  du  fort  en  bois,  du  bassin  et  des  ports 
de  Boulogne,  de  Wimereux  et  d'Ambleteuse  et  la  situation 

des  différentes  divisions  de  la  flottille  (1) «  Mettez-moi  à 

même  de  connaître  la  situation  de  l'armée,  car  le  temps  n'est 
pas  éloigné  où  nous  commencero?is  enfin  nos  opérations  ». 

Le  même  jour,  Decrès  expédie  les  nouveaux  ordres.  Le  pre- 
mier de  tous  a  pour  but  de  remédier  au  fâcheux  avis,  expédié 
le  27  janvier,  et  qui  a  compromis  d'une  façon  grave  la  coo- 
pération de  l'escadre  de  Missiessy.  Expédié  trop  tardivement, 
malgré  la  précaution  prise  d'en  faire  trois  envois  distincts  (2), 
Tordre  ci-dessous  ne  parviendra  pas  à  destination  et,  quoi 
qu'on  doive  tenter  par  la  suite,  la  division  de  Rochefort  sera 
irrémédiablement  perdue  pour  les  opérations  d'ensemble. 

Le  Ministre  de  la  marine  au  général  Miasieaay,  k  la  Martinique  {% 

Paris,  lo  27  férrier  1806. 
(it'néral. 

Je  vous  préyiens  que  V intention  de  V Empereur  est  que  votre  escadre  reste  aux 
Antilles  jusqu  à  la  fin  de  juin,  si  c'est  nécessaire,  pour  y  attendre  de  nouvelles 
dispositions  dont  vous  serez  informé  d'ici  à  cette  époque  (sic).  Vous  devex  tous 
tenir  prôt  à  vous  rallier  aux  forces  de  Sa  Majesté,  qui  pourront  se  rendre  aux 
Antilles  pendant  le  séjour  que  vous  y  ferex. 

Si,  à  la./în(?),  aucune  force  ne  vous  avait  rallié,  vous  ferez  votre  retour  en 
France,  comme  il  est  prescrit  par  vos  instructions. 

Je  vous  réitère  rassura nce  de  mon  -sincère  attachement. 

• 

Sign^  :  Dkcrks. 

Mme  Missiessy  jouit  d'une  bonne  santé,  elle  désire  savoir  où  vous  êtes,  et 
dans  peu  de  jours  je  l'en  informerai. 
11  importe  que  vous  ayez  au  moins  deux  mois  de  vivres  en  juin. 

Le  même  jour  et  le  lendemain  il  était  expédié  au  contre- 
amiral  Gourdon,  commandant  la  division  du  Ferrol,  des 
instructions  complètes  sur  son  rôle  éventuel. 


(!)  Correspondance  de  Napoléon,  8369.  C'est  en  réponse  à  cçt  ordre  qu'est  établi  le 
rapport  du  8  mars  cité  ci-dessus. 

(2)  Voir  ci-dessat. 

(3)  Archives  deja  Marine,  BBiv,  217. 


LE  PLAN  DU  27  FÉYRIER-S  MARS.  361 

Ptrit,  le  8  YêtkiAêê  an  xm  (27  féTrier  1805)  (1). 
Monsieur, 

Tai  rendu  compèe  à  l'Empereur  de  la  situation  de  la  division  que  tous 
commandai,  Sa  Majesté  a  reconnu  que  quatre  des  vaisseaux  sont  en  rade  ou 
prêts  à  y  être,  que  les  deux  frégates  et  V Observateur  sont  aussi  prêts  à  appa- 
reiller, ainsi  que  la  goélette  le  Téméraire, 

Considérant  cette  escadre  sous  le  rapport  des  vivres,  il  résulte  de  l'état  que 
TOUS  m'aTÎei  adressé,  le  30  niTÔse,  que  le  Héros  a  6  mois  de  TiTres,  ainsi  que 
la  Rnanche  et  la  Guerrière,  ce  qui  tous  fait  un  total  de  249,480  rations. 
Comme  l'intention  de  Sa  Majesté  n'est  pas  que  tous  attendiei  le  Redoutable, 
TOUS  répartirez  sans  délai  188,^80  rations  entre  les  4  Taisseaux  prêts  à  mettre 
à  la  Toile,  qui  sont  V Argonaute,  le  Héros,  le  Fougueux  et  le  Duguay-Trouin, 
ce  qui  fera  pour  chacun  47,070  rations,  c'est-à-dire,  66  jours  de  TiTres  chacun, 
chaque  équipage  étant  de  706  hommes,  non  compris  les  approvisionnements, 

L'Ordonnateur,  dont  je  n'ai  pas  parlé,  est  porté  sur  votre  état  comme  ayant 
six  mois  de  vivres  ;  vous  lui  en  laisserez  quatre  mois  et  les  deux  autres  mois 
seront  partagés  aux  4  vaisseaux. 

Vous  vous  empresserez  de  faire  quatre  mois  d'eau  pour  toute  l'escadre  ;  vos 
équipages  seront  répartis  sur  tous  les  vaisseaux  et  frégates,  de  manière  que 
leur  force  respective  soit  à  peu  près  égale. 

Le  Redoutable  sera  laissé  au  Ferrol,  sous  le  commandement  de  son  capitaine  ; 
il  achèvera  les  réparations  qu'il  seta  chargé  d'accélérer  de  tous  ses  moyens.  La 
goélette  le  Téméraire  saisira  la  première  occasion,  après  votre  départ,  pour  se 
rendre  dans  un  port  de  France  ;  il  s'agit  d'imprimer  à  tous  ces  remplacements 
la  plus  grande  activité  possible,  attendu  que  l'ordre  d'appareiller  va  vous  arri- 
ver au  moment  le  plus  imprévu. 

Et,  pour  ne  pas  vous  laisser  d'incertitude  à  cet  égard,  je  vous  préviens 
qu'une  escadre  française  est  prête  à  partir  pour  vous  débloquer  ;  cette  escadre 
ne  mouillera  point,  elle  vous  expédiera  une  frégate  qui,  après  s'être  présentée 
avec  les  signaux  de  reconnaissance  du  jour  des  bâtiments  de  guerre  de  Sa 
Majesté  entre  eux,  et  après  que  tous  y  aurez  répondu,  vous  fera  le  signal 
d'appareiller  par  le  pavillon  rouge  à  croix  blanche,  appuyé  dun  ou  plusieurs 
coups  de  canon;  ceci  n'est  confié  qu'à  vous  et  sous  la  garantie  de  la  fidélité  que 
vous  devez  à  V Empereur, 

Je  suppose  que  ce  signal  ne  pourrait  être  aperçu  par  vous,  qu'autant  que  tous 
seriez  mouillé,  soit  à  la  Corogne,  soit  dans  Vavant-baie  du  Ferrol,  ou  dans 
toute  autre  partie  de  la  baie,  dont  l'appareillage  est  facile  ;  il  serait  très  avan- 
tageux que  vous  puissiez  occuper  un  de  ces  mouillages,  doù  vous  seriez  mieux  en 
partance,  et  je  vous  recommande  de  le  faire,  si,  comme  il  parait  par  la  carte, 
TOUS  pouTez  y  être  à  l'abri  d'une  attaque  de  forces  supérieures. 

Il  me  semble  que  le  mouillage  entre  le  cap  Priori  no  et  le  château  Saint- 
Charles  présente  peu  d'incouTénients,  si  les  deux  pointes  de  l'entrée  de  la  haie 
sont  fortifiées,  puisque  des  Tents  forcés  de  l'ouest  et  du  sud-ouest  tous  permet- 
tront de  rentrer  dans  le  port.  Votre  dernière  dépêche  m'annonce  que  le  pas- 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB>v,  tt9. 


362  TROISlàME  PARTIE.   —  CHAPITRE  PREMIER. 

sage  de  la  Corogne  est  libre  ;  si  cette  rade  tous  présente  des  sûretés  suffi- 
santes contre  l*ennemi  et  plus  de  facilités  pour  l'appareillage,  vous  prendrez  ce 
mouillage. 

L'essentiel  est  que,  sans  perdre  un  instant,  vous  tous*  mettiez  en  état  de 
suivre,  sans  retard,  Tescadre  destinée  à  vous  débloquer  ;  après  votre  réunion, 
vous  suivrez  Tofficier  général  que  vous  aurez  rallié  et  vous  serez  sous  son  com- 
mandement pour  votre  destination  ultérieure. 

Je  vous  salue  avec  attachement, 

Drcrks. 


Le  Af/nittra  de  la,  marine  et  dee  ooloniee  au  oo/itre-am/ra/  Gourdon, 
commandant  la  d/Wtion  navale  de  Sa  Majesté,  au  Ferrol  (i). 

Paris,  le  0  ventAse  an  xra  (28  février  1805). 

Monsieur  le  Contre- Amiral, 

Si  une  escadre  française  parait  devant  le  Ferrol  pour  vous  débloquer,  je 
présume  que  les  vaisseaux  de  Sa  Majesté  Cat'holique,  qui  seront  en  état  d'appa- 
reiller, auront  reçu  Tordre  de  la  rallier.  Vous  notifierez  donc  avec  toutes  les 
formes  convenables,  au  moment  même  où  cette  escadre  paraîtra,  au  comman- 
dant des  bâtiments  de  guerre  espagnols,  que  vous  mettez  à  la  voile  ;  et  il  est 
probable  qu'ils  vous  suivront.  S'ils  y  sont  déterminés,  vous  remettrez  à  ce 
commandant  le  paquet  ci-joint,,  lequel  indique  le  rendez-vous  de  l'escadre; 
vous  lui  remettrez  aussi  autant  de  paquets  de  rendez-vous  qu'il  y  aura  de 
bâtiments  espagnols  qui  appareilleront  avec  lui  ;  il  en  remettra  un  à  chacun 
des  capitaines  qui  mettront  sous  voiles,  lequel  ne  pourra  être  décacheté  qu'en 
cas  de  séparation  ;  les  autres  paquets,  si  le  nombre  en  est  supérieur  à  celui  des 
bâtiments  espagnols  qui  appareilleront,  seront  gardés  et  cachetés  par  vous  ; 
mais,  s'il  n'appareille  qu'un  vaisseau  espagnol,  vous  ne  lui  remettrez  que  le 
seul  paquet  portant  pour  inscription  :  au  commandant  des  vaisseaux  espagnols, 
réunis  à  ceux  de  Sa  Majesté  l'Empereur. 

S'il  ne  doit  point  appareiller,  vous  ne  remettrez  aucun  paquet;  si  l'escadre 
qui  doit  vous  débloquer  parait  devant  le  Ferrol,  et  qu'elle  ne  puisse  vous 
attendre,  vous  vous  rendrez  chez  le  commandant  de  la  marine  espagnole,  et 
vous  lui  notifierez  qu'ayant  des  paquets  à  ouvrir  en  mer  qui  vous  appren- 
dront la  destination  de  cette  escadre,  vous  allez  appareiller  pour  la  rallier,  et 
que  vous  avez  à  lui  remettre,  pour  chacun  des  commandants  de  vaisseaux 
espagnols  qui  vous  suivront,  des  paquets  indiquant  le  rendez- vous  de  l'es- 
cadre ;  ces  paquets  lui  seront  remis  par  vous  en  tel  nombre  qu'il  y  aura  de 
vaisseaux  prêts  à  appareiller  pour  se  joindre  à  elle. 

Le  commandant  pourra  seul  ouvrir  les  siens  dès  qu'il  aura  mis  sous  voiles; 
les  autres  capitaines  ne  pourront  ouvrir  le  leur  qu'en  cas  de  séparation.  Si 
aucun   vaisseau  espagnol    n'appareille  avec  vous,  vous   ne  remettrez  aucun 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^^,  ttO. 


LE  PLAN  DU  27  FÉVRIER-2  MARS.  863 

paquet,  mais  tous  mettrei  seul  sous  voiles,  et  tous  luiTrei  la  destination  indi- 
quée par  les  instructions  comprises  dans  votre  paquet. 

U  est  important  que,  dès  ce  moment,  vous  ayei  des  signaux  communiquant 
avec  Tescadre  espagnole. 

Dans  la  route,  en  cas  de  rencontre  avec  Tennemi,  Tofficier  du  grade  le  plus 
élevé,  ou  le  plus  ancien  dans  son  grade,  aura  le  commandement  ;  mais  vous 
savez  que,  dans  un  combat,  la  détermination  des  commandants  doit  pourvoir  à 
tout  ce  que  n'ordonnent  pas  les  signaux. 

Pour  TexécutioÉ  des  présentes,  vous  vous  concerterez,  en  tant  que  besoin, 
avec  M.  Le  Roy,  commissaire  général  des  relations  commerciales  à  Cadix. 

L'exemple  de  la  plus  brillante  conduite  doit  toigours  être  donné  par  la 
marine  de  France. 

DBCRiES  (i). 

Les  ordres  suivants,  rédigés  par  l'Empereur,  bien  que  por- 
tant la  date  du  2  mars,  furent  sûrement  établis  avant  ceux  du 
Ministre  (2),  au  moins  dans  leurs  grandes  lignes.  Ils  forment 
un  ensemble  d'importance  capitale. 


Au  vioe^Amiral  QMieaume,  commandant  resoadra  de  Brest  (3). 

Paris,  le  11  ventÔM  an  xm  (t  mars  1805). 
Monsieur  F  Amiral, 

Vous  appareillerez  dans  le  plus  court  délai  possible  avec  notre  escadre  de 
Bresty  forte  de  21  vaisseaux,  6  frégates  et  2  flûtes.  Vous  ferez,  au  préalable, 
embarquer  sur  chaque  vaisseau  150  hommes,  et  sur  chaque  frégate  80  hommes. 
Vous  aurez  soin,  en  outre,  que  vos  équipages  soient  complets  et  que  vos  garni- 
sons soient  composées  d*hommes  bien  portants  et  en  bon  état. 

Vous  veillerez  à  ce  que  vos  vaisseaui^  portent  le  plus  de  vivres  possible  et  à 
ce  que  votre  eau  soit  entièrement  faite. 

Vous  ferez  embarquer  à  bord  de  votre  escadre  Tartillerie  dont  Tétat  est 
ci-joint. 


(1)  Dès  ce  moment  se  révèle  la  préoeeupation  de  faire  sortir  à  Tavanee  les  vaisseaux  du 
port  da  Ferrol,  où  Tappareillage,  très  difficile,  ne  peut  se  faire  que  par  vent  d'est,  tandis 
qnil  fant  le  vent  d'ouest  pour  sortir  de  la  Corogne. 

La  non-ezéention  de  cet  ordre  eut  plus  tard  de  graves  conséquences.  On  verra  d'ailleurs 
quelles  ndsons  eut  Oourdon  pour  ne  pas  se  conformer  à  ses  instructions,  relativement  à  ce 
point  essentiel. 

Cette  question  de  la  facilité  d'appareillage,  condition  essentielle  de  la  Jonction  d'an<) 
escadre  bloquée  avec  les  forces  venant  de  la  haute  mer,  pesa  d'un  poids  extrême  sur  les 
opérations,  et  il  est  essentiel  d'en  tenir  grand  compte  pour  l'appréciation  des  chances  de 
succès  qu'eurent  les  divers  projets. 

(2)  Le  registre  de  la  eoirespondanoe  du  Ministre  (BB>v,  207),  porte  pour  les  ordres  de 
l'Empereur  la  mention  :  8  att  11  primaire,  soit  du  29  février  au  2  mars. 

(3)  Correspondamce  de  Napoléon,  8370. 


364  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  PREMIER. 

Vous  vous  dirigerez  d'abord  sur  le  Ferrol,  Vous  lâcherez  d'attaquer  et  de 
prendre  les  7  ou  8  vaisseaux  de  la  croisière  anglaise.  Vous  ferei  au  contre- 
amiral  Gourdon,  commandant  notre  escadre  au  Ferrol,  composée  de  4  vais- 
seaux et  de  2  frégates,  et  à  Tescadre  espagnole,  le  signal  de  vous  joindre. 

Ayant  ainsi  rallié  ces  escadres^  vous  vous  rendrez,  par  le  plus  court  chemin ^ 
dans  notre  Ue  de  ta  Martinique.  Vous  y  trouverez  notre  escadre  de  Toulon  et 
de  Boche  for  ty  qui  a  ordre  de  se  ranger  sous  votre  pavillon. 

Avec  Vaide  de  Dieu,  nous  espérons  que  vous  vous  trouverez  avoir  sous  votre 
commandement  une  escadre  de  plus  de  40  vaisseaux  de  ligne. 

Vous  débarquerez  iiOO  hommes  à  celle  de  nos  Iles  Sous  le  Vent  qui  vous 
paraîtra  en  avoir  le  plus  besoin  ;  et  les  2,i00  hommes  qui  sont  à  bord  de  votre 
escadre,  en  sus  des  équipages  et  garnisons,  se  trouveront  sous  les  ordres  du 
général  Lauriston,  qui,  du  bord  du  vice-amiral  Villeneuve,  passera  à  bord  de 
votre  escadre  au  moment  de  votre  jonction. 

Sans  perdre  un  instant ,  vom  opérerez  votre,  retour  en  Europe,  vous  éloignant 
le  plus  possible  de  la  route  ordinaire,  et  ne  reconnaissant  aucune  terre.  Vous 
arriverez  sur  Ouessant;  vous  attaquerez  les  vaisseaux  anglais  qui  pourraient 
vous  y  attendre,  et  vous  vous  dirigerez  en  ligne  droite  sur  Boulogne,  où  nous 
serons  de  notre  personne,  et  où  nous  vous  ferons  connaître  notre  intention 
sur  votre  destination  ultérieure. 

Nous  désirons  que  le  temps  et  toutes  les  circonstances  vous  permettent  d'ar- 
river devant  Boulogne  dans  le  mois  compris,  du  iO  juin  au  Ai)  juillet. 

Si,  par  des  circonstances  quelconques,  Tescadre  de  Toulon  que  commande 
le  vice-amiral  Villeneuve  n'avait  pu  vous  joindre,  comme  vous  serez  en  force 
moyennant  votre  jonction  avec  notre  escadre  de  Rochefort,  notre  escadre  du 
Ferrol  et  Tescadre  espagnole,  et  que  vous  aurez  plus  de  25  vaisseaux  de  ligne, 
notre  intention  est  que  vous  vous  dirigiez  également  sur  Ouessant  pour  arriver 
de  la  même  manière  devant  Boulogne. 

Mais  si  vous  réunissez  sous  votre  commandement  moins  de  25  vaisseaux  de 
ligne,  notre  intention  est  que  vous  vous  dirigiez  sur  le  Ferrol,  o\i  nous  aurons 
soin  de  réunir  tous  les  vaisseaux  français  et  espagnols  qu'il  nous  sera  possible, 
et  que,  sans  entrer  dans  le  port,  vous  rangiez  toutes  ces  forces  sous  votre 
pavillon  et  vous  vous  portiez  sur  Boulogne.  Cependant  si,  avec  moins  de 
25  vaisseaux,  par  les  renseignements  que  vous  recevrez  sur  le  mouvement  des 
Anglais,  et  par  le  temps  favorable  que  vous  auriez,  vous  pensiez  pouvoir  vous 
présenter  dans  la  Manche  avec  quelque  succès,  vous  vous  dirigeriez  droit  sur 
Boulogne,  en  reconnaissant  Cherbourg,  où  nous  aurons  soin  qu'il  se  trouve  un 
officier  de  confiance  pour  vous  donner  les  renseignements  que  vous  pourriez 
désirer  sur  la  situation  des  croisières  ennemies  devant  Boulogne. 

Enfin,  si  l'escadre  de  Toulon  n'était  pas  à  la  Martinique  lors  de  votre 
arrivée,  vous  l'attendrez  autant  de  temps  que  vous  le  croirez  nécessaire,  ce  (jui 
nous  paraît  devoir  être  au  moins  l'espace  de  30  jours. 

Les  deux  flûtes  que  vous  amènerez  de  Brest  seront  chargées  du  plus  de 
vivres  qu'il  sera  possible  pour  fournir  à  l'approvisionnement  de  l'escadre  du 
Ferrol  ;  et,  s'il  n'y  avait  pas  à  Brest  une  assez  grande  quantité  de  biscuits  tout 
confectionnés  pour  le  chargement  de  ces  flûtes,  vous  y  feriez  suppléer  par  des 
farines,  qui,  à  tout  événement,  seraient  utiles  à  la  Martinique. 

En  vous  confiant  le  commandement  d'une  armée  aussi  importante  et  dont 


LE  PLAN  DU  il  FÂVRIER-2  MARS.  365 

les  opérations  auront  tant  d'influence  sur  les  destinées  du  monde,  nous  comp- 
tons sur  ▼otre  déTouement,  sur  tos  talents  et  sur  ▼otre  attachement  à  notre 
personne. 

Napoléon. 

Au  vice^amiràl  Ganteaume  (I). 

Paris,  le  11  vemôse  tn  xiii  (t  mars  1805). 

Monsieuj*  rAniinil, 

* 

Je  donne  ordre  au  Ministre  de  la  gueii*e  de  mettre  k  votre  disposition 
4,400  hommes,  dont  7U0  nécessaires  pour  compléter  vos  équipages,  et  3,60(1 
pour  être  disposés  de  la  manière  suivante  :  2,400  hommes  pour  revenir  avec 
TOUS  en  Europe  et  se  trouver  sous  les  ordres  du  général  de  division  Lauriston  ; 
1200  hommes  pour  être  déposés  ;\  celle  des  lies  du  Vent  qui  en  aura  le  plus 
besoin. 

Voici  les  troupes  que  vous  déku-querez  aux  colonies  :  les  deux  bataillons 
du  37*  avec  Tétat-major,  formant  1500  hommes. 

Vous  aurez  soin  que,  dans  aucun  cf\s,  aucun  détachement  du  7'  d*infantene 
légère,  du  24*  de  ligne,  ne  soit  disséminé. 

Ces  régiments,  avec  le  16*  de  ligne,  qui  est  à  bord  de  l'escadre  du  vice- 
amiral  Villeneuve,  doivent  faire  le  fond  de  la  division  du  général  Lauriston  et 
faire  partie  de  la  grande  expédition. 

Ainsi  donc,  au  moment  de  votre  départ,  vous  aurez  à  bord  : 

En  eoDtéqiMiiM  de 
Aelnallemaoi  Mibarqaéf.        cm  BOOTalles  disposition». 

Du  15*  de  ligne 1,470  hommes     et          300  hommes. 

Du  24*  de  ligne ^,416.  —  1,400        — 

Du  37*  de  Ugne 986  —                     500        — 

Du  65*  de  ligne 199  — 

Du  70*  de  ligne 190  — 

Du  47*  de  ligne 107  — 

Du  7«  d'infanterie  légère.  »                               2,000        — 

Artillene »  200        — 

Totaux 4,368  hommes.  4,400  hommes. 

Ainsi,  total  des  hommes  de  l'armée  de  terre,  comme  garnison,  comme  sup- 
plément d'équipages,  destinés  à  être  débarqués  aux  lies  et  à  être  ramenés  sur 
l'escadre  :  8,768  hommes. 

Vous  remettrez  au  général  de  division  Bonnet,  et  aux  autres  officiers,  les 
paquets  cachetés  que  vous  remettra  le  Ministre  de  la  marine;  vous  ferez  em- 
barquer le  général  Bonnet  à  bord  d'un  de  vos  contre-amiraux,  afin  de  vous 
tenir  le  plus  libre  possible  à  bord  du  vaisseau  amiral. 

Je  donne  ordre  au  Ministre  de  la  guerre  de  vous  donner  des  ordres  de  mou- 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8380. 


» 


366  TROISIÂME  PARTIE.  —  CHAPITRE  PREMIER. 

vement,  que  tous  transmettrei  aux  officiers  de  rarmée  de  Btesi  au  moment 

où  il  en  sera  besoin.  S'il  était  possible,  il  faudrait  que  le  supplément  de  troupes 

que  j'ordonne  ne  fût  embarqué  que  trente-six  ou  quarante-huit  heures  après 

Totre  départ. 

Napoléon. 

Au  Woe-am/ra/  Villeneuyù  (1). 

Paris,  le  11  Yeniftse  an  xm  (2  mars  1805). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 

Ayant  résolu  de  réunir  la  plus  grande  partie  de  nos  forces  navales  à  notre 
île  de  la  Martinique,  notre  intention  est  que  vous  voxts  rendiez  dans  le  plus 
court  délai,  avec  notre  escadre  de  Toulon  et  les  vaisseaux  que  nous  avons  dans 
la  rade  de  Cadix,  au  Fort-de- France  de  la  Martinique,  Si  vous  y  trouvez  Ves- 
cadre  du  contre-amiral  Missiessy,  vous  la  rangerez  sous  votre  pavillon. 

Nous  avons  donné  Tordre  à  Vamiral  Ganteaume,  commandant  notre  escadre 
de  Brest,  forte  de  22  vaisseaux  de  guerre  et  de  plusieurs  frégates,  de  mettre  à 
la  Toile  dans  le  plus  court  délai,  pour  se  rendre  dans  notre  île  de  la  Martinique, 
y  opérer  sa  jonction  avec  vous,  et  prendre  le  commandement  général  de  nos 
forces  navales,  qui,  nous  Fespérons,  avec  Faide  de  Dieu,  se  monteront  à  plus 
de  40  vaisseaux  de  ligne. 

S'il  arrivait  que  cet  amiral  se  trouvât  avant  vous  à  la  Martinique,  vous  vous 
rangeriex  sous  son  pavillon  à  votre  arrivée,  lui  ayant  fait  connaître  la  desti- 
nation que  nous  donnons  à  cette  armée  navale.  Si  vous  abordez  à  la  Martinique 
avant  lui,  vous  vous  tiendrez  prêt  à  répondre  aux  signaux  de  ralliement  qu'il 
vous  fera,  car  il  est  probable  qu'il  ne  mouillera  point  et  que  sa  jonction  faite 
avec  vous  il  suivra,  sans  s'arrêter,  sa  destination. 

Vous  Vattendrez  Vespace  de  quatante  jours  depuis  le  premier  jour  de  votre 
arrivée  à  la  Martinique;  et,  ce  terme  écoulé,  toute  probabilité  de  réunion  étant 
à  peu  près  évanouie,  vous  reviendrez  en  Europe,  en  passant  vis-à-vis  de  Santo- 
Domingo  et  faisant  tout  le  mal  possible  à  Vennemi.  Dans  ce  cas  nous  vous 
laissons,  en  vous  concertant  avec  le  général  Lauriston,  le  maître  de  débarquer 
à  nos  lies  du  Vent  et  à  Santo-Domingo  les  troupes  embarquées  à  votre  bord. 
Dans  l'une  et  l'autre  de  ces  colonies,  vous  débarquerez  toutes  vos  troupes  de 
passage.  Mais,  dans  le  cas  que  votre  jonction  se  fit  avec  l'amiral  Ganteaume, 
vous  ne  débarquerez  à  la  Martinique,  à  la  Dominique,  à  Sainte-Lucie,  à  la 
Guadeloupe,  selon  la  destination  que  vous  leur  donnerez  de  concert  avec  le 
général  Lauriston,  que  i300  hommes,  et  vous  garderez  un  corps  de  troupes 
de  1800  hommes  embarqués  sur  vos  vaisseaux,  qui  devront  suivre  la  destina- 
tion des  escadres  réunies. 

Dans  la  supposition  que  votre  jonction  ne  pût  s'opérer  avec  Vamiral  Gan- 
teaume, vous  vous  dirigerez  de  Santo-Domingo  sur  les  Canaries,  où  vous  recon- 
naîtrez la  baie  de  Santiago,  et  vous  établirez  une  croisière  dans  ces  parages 
pour  intercepter  tous  les  convois  allant  et  venant  des  Indes  en  Angleterre, 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8381. 


LE  PLAN   DU   27  FBVRIER-â  IfARS.  367 

Comme  il  serait  possible  axun  que  notre  escadre  de  Brest  n'ayant  pUy  pour  des 
raisons  quelconques,  se  réunir  à  vous  et  à  la  Martinique,  vous  joignit  cependant 
dans  la  baie  de  Santiago,  vous  vous  tiendra  au  moins  vingt  jours  dans  ces 
parages,  et  tous  tous  arrangerei  de  manière  que  l*amiral  Ganteaume,  se  diri- 
geant sur  cette  baie,  puisse  toujours  tous  y  trouTer.  Vous  opérerez  de  là  votre 
retour  à  Cadix,  oà  tous  trouTerei  des  ordres  pour  Totre  destination  ultérieure. 

Vous  TOUS  ferex  nourrir  à  la  Martinique  par  les  magasins  de  la  colonie, 
pour  ménager  tos  TÎTres,  afin  qu*à  Totre  arrÎTée  à  Cadix  tous  en  ajes  au 
moins  un  mois,  et  que  tous  puissiei  tous  porter  à  Toulon  ou  à  Rochefort, 
selon  les  circonstances. 

Votre  croisière  à  Santiago  est  spécialement  fondée  sur  Tespérance  où  nous 
sommes  que  tous  aTez  des  TiTres  en  suffisance. 

Les  destinées  de  Varmée  navale  auront  une  grande  influence  sur  les  destinées 
du  mande,  et  nous  comptons  entièrement  sur  Totre  zèle,  tos  talents,  Totre 
braTOure  et  Totre  attachement  à  notre  personne  dans  des  circonstances  aussi 
décisiTes. 

Napoléon. 

Au  fénértil  Lauriaton  (i). 

Paris,  tell  ventAM  an  xui  (t  mars  1805). 

Monsieur  le  Général, 

J^expédie  à  Tamiral  VilleneuTe  ses  ordres  de  départ.  Pressez-le  le  plus  pos- 
sible et  soyez  en  mer  aTant  le  45  mars.  L'opération  dont  votis  êtes  chargé  est 
beaucoup  plus  importante  que  celle  pour  laquelle  je  vous  avais  d'abord  destiné. 

Vous  ferez  embarquer  200  hommes  par  Taisseau  en  sus  des  garnisons  et 
iOO  hommes  par  frégate.  Vous  en  embarquerez  200  pour  être  Tcrsés  sur 
V Aigle,  que  tous  rejoindrez  à  Cadix.  Veillez  à  ce  que  les  équipages  soient  bien 
complets. 

Votre  corps  de  troupes  sera  composé  de  la  manière  suÎTante  : 

homnet. 

Une  compagnie  d'artillerie  de  ligne,  complétée  i\ 120 

Une  compagnie  de  50  ouTriers,  ci 50 

Deux  bataillons  du  46*  régiment  de  ligne,  que  tous  compléterez  à 
1800  hommes,  officiers  et  sous-officiers  non  compris,  au  moment  de 
rembarquement i  ,800 

Nota.  —  Le  colonel  et  tout  Tétat-major  du  régiment  s'embarqueront . 
Le  deuxième  bataillon  du  61^,  composé  de  neuf  compagnies  de 
430  hommes  chaque,  officiers  et  sous-officiers  compris 4 ,  170 

Total 3,440 

La  garnison  et  les  compléments  d'équipages  seront  fournis  par  le  2*  de 
ligne. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  838S. 


368  TROISIEME  PARTIE.   —  CHAPITRE  PBBUIEB. 

Vous  ferei  débfirquer  tous  les  caisaons  et  autres  objets  qui  pourraient  eucom- 
brer  l'escadre,  hormis  les  pièces  (te  18  et  les  mortiers  de  1S  et  de  8  pouces, 
que  TOUS  conserterez. 

Vous  Terei  diïbarquer  la  moitié  Je  l'nrtilleiie  et  des  approvisionnements 
d'artillei'jp,  que  vous  metti'ez  sur  la  Mutron,  que  l'amiral  a  ordre  de  ne  pas 
promener,  non  plus  que  ï'Aniiib<il,  pour  masquer  le  mouvement,  nitits  comme 
Étant  dans  le  fait  inutiles  et  nuisant  à  la  légèreté  de  l'escadre.  Vous  garderex 
cependant  les  5,000  fusils.  Vous  vous  nin-nngerez  nvtc  le  vice-amiral  Vllle- 
nenve  pour  que  cette  diminution  d'hommes  k  embarquer  soit  tenue  secrète. 

L'embarquement  des  hommes  destinés  à  l'cxpi^dition  se  fera  comme  premier 
embarquement.  Vous  n'emniènerei  avec  vous  qu'un  seul  génénU  de  brigade 
et  un  ai^judant  commandant. 

Vous  diffiinuerei  de  moitié  les  officiers  d'artillerie  et  du  génie,  mais  de 
manière  que  ces  offlciers  ne  se  doutent  point  qu'ils  ne  doivent  pas  s'embarquer 
et  ne  l'apprennent  que  longtemps  après  votre  départ,  par  les  ordres  que  leur 
enverra  le  Hinisti-e.  Vous  aurei  soin  qu'il  ne  reste  k  bord  rien  du  23*  de  ligne. 
Tous  les  hommes  embarqués  sur  les  fi'égates  VHorlenit  et  Vlncorruf/tibU 
compteront  comme  présents. 

Lorsque  tous  aurei  dépassé  Cadix  et  que  vous  serez  hors  de  vue  de  terre, 
vous  ouvrirez  le  paquet  ci-joint,  qui  contient  des  instructions  sur  votre  desti- 
nation ultérieure,  que  vous  tiendrez  secrète,  sans  en  rien  dire  à  qui  que  c« 
soit.  Activez  le  départ  de  l'escadre. 

En  laissant  l'Annibal,  je  ne  le  fais  que  parce  que  l'on  m'assure  qu'il  est  hors 
d'état  de  suivre  l'escadre;  s'il  en  était  autrement,  il  faudrait  l'emmener.  Hais 
surtout  soyei  A.  la  voile  avant  la  mî-mars. 

Napoléon. 

Au  généni  iMiHaton  (1). 

Paris,  U  1 1  ventAie  ko  ini  (t  mars  ISOSJ. 

Monsieur  le  Général, 

A  l'heure  où  cette  lettre  sera  dérachetéi;,  tous  les  obstacles  qui  auraient  pu 
s'opposer  à  la  soi'tle  de  mon  escadre  seront  levés,  puisque  vous  serez  au  delik 
de  la  Méditemnée  et  que  tous  aurei  perdu  l'Europe  de  vue.  Vous  allei  à  la 
Martinique.  A  peine  arrivé,  vous  j  débarquerez  l'artillerie,  les  outils  de  pion- 
niers et  les  munitions  de  guerre  qui  sont  k  votre  bord  {hormis  une  division  de 
pièces  de  canon),  900,000  cartouches  et  toutes  les  munitions  que  vous  aurez 
en  sus  de  300  coups  k  tirer  par  pièce  ;  vous  laisserez  le  resta  des  munitions  sur 
l'escadre.  Vous  débarquerez  également  le  bataillon  du  67',  la  compagnie  d'ar- 
tillerie et  la  compagnie  d'ouvriers. 

Vous  débarquerez  les  munitions  et  les  troupes  dans  celle  des  lies  de  la  Mar- 
tinique, de  la  Guadeloupe,  de  la  Dominique  ou  de  Sainte-Lucie  qui  en  aurait 
le  pluB  besoin. 

Vous  garderez  à  bord  les  deux  bataillons  du  IB^'de  ligne.  40  vaisseaux  de 


(I)  Correipondance  deNapoUon.  8333. 


LE  PLAN  DU  27  FÉVRIER-i  MARS.  369 

guerre  doÎTent  se  réunir  à  la  Martinique.  Du  moment  que  l'amiral  Ganteaume 
sera  arrivé,  lui  ayant  confié  le  commandement  de  cette  armée  navale,  vous 
passerez  à  son  bord.  Vous  prendrez  le  commandement  des  troupes  de  débar- 
quement, qui  se  monteront  à  4,000  hommes  environ,  savoir  :  les  1800  restant 
sur  Tescadre  de  Toulon  et  les  2,Î00  restant  sur  l'escadre  de  Brest. 

L'amiral  Ganteaume  a  ordre  d'arriver  en  juin  avec  mes  escadres  réunies  et 
ces  4,000  hommes,  devant  Boulogne.  Vous  êtes  destiné  à  faire  partie  de  la 
grande  armée.  Cependant,  s'il  arrivait  que  mes  opérations  fussent  déconcer- 
tées, et  que  l'escadre  de  R^st  ne  pût  se  joindre  à  la  Martinique  avec  celle  de 
Toulon,  vous  débarqueriez  toutes  vos  troupes  à  Santo-Domingo  et  aux  lies  du 
Vent,  vous  laissant  le  maître  de  faire  la  répartition,  tant  des  troupes  que  des 
munitions  de  guerre,  selon  les  renseignements  que  vous  auriez  (1). 

Napoléon. 
Au  maréchal  Berthier  (2). 

Paris,  le  1^  ventftse  an  zm  (3  mars  1805). 

Vous  trouverez  ci-joint  l'état  des  hommes  embarqués  sur  l'escadre  de  Brest, 
soit  comme  garnison,  soit  comme  supplément  d'équipage.  La  marine  a  encore 
besoin  de  714  hommes.  Je  désire  en  outre  embarquer  sur  cette  escadre 
3,600  hommes.  Vous  devez  donc  fournir  à  la  marine  4,400  hommes,  qui 
seront  composés  de  la  manière  suivante  : 

hommes. 
Le  reste  des  trois  bataillons  du  24*  de  ligne 1 ,400 

Deux  bataillons  du 7*  d'infanterie  légère  complétés  à  1000  hommes.     2,000 

Ce  qui  reste  du  37«  de  ligne,  des  deux  bataillons  de  guerre,  de 
manière  que  ce  corps  ait  sur  l'escadre  1500  hommes  embarqués,  soit 
comme  supplément  d'équipages,  soit  comme  passagers 500 

300  hommes  qui  seront  pris  parmi  ce  qui  reste  à  Brest  du  15'  de 
ligne 300 

Deux  compagnies  d'artillerie  complètes 200 

Total 4,400 

Les  colonels,  a(]yudants-majors  et  tous  les  ofûciers  des  deux  bataillons  du 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8385.  —  Annexe  aux  pièces  n«  Ç380  et  8384  : 

État  de  Vartillerie  à  embarquer  sur  tescadre  de  Brest. 

500,000  cartouches,  5,000  fusils,  4  pièce^de  12,  4  pièces  de  8,  8  pièces  de  4,  4  obusiers 
de  6  pouces  :  en  tout  20  bouches  à  feu,  ce  qui  fait  une  pièce  par  vaisseau. 

300  cartouches  à  balles  et  à  boulets  à  tirer  par  pièce,  contenues  dans  de  petites  caisses. 

Nota.  —  On  n'embarquera  ni  caissons,  ni  charrettes,  ni  fourgons  ;  2,000  outils  do  pion- 
niers. 

Nota.  —  La  moitié  de  cette  artillerie  sera  débarquée  à  la  Martinique  ou  à  la  Guade* 
loupe,  selon  la  destination  que  lui  donnera  le  général  Lauriston  ;  l'autre  moitié  reviendra 
avec  l'escadre,  ainsi  que  la  moitié  des  munitions. 

Napoléon. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon^  8384. 

IV.  24 


370  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  PREMIER. 

7*  d'infanterie  légère,  des  trois  bataillons  du  24^  de  ligne,  des  deux  bataillons 
du  37*,  s'embarqueront  sur  Tescadre,  a6n  que  ces  corps  au  moment  de  leur 
débarquement  se  trouvent  commandés  et  munis  de  tout  ce  qui  leur  est  néces- 
saire pour  faire  la  guerre. 

Vous  donnerez  le  commandement  de  ces  troupes  au  général  de  diyision 
Bonnet.  Il  emmènera  avec  lui  un  adjudant-commandant  ;  un  cbef  de  bataillon, 
un  capitaine  et  un  lieutenant  du  génie  ;  un  chef  de  bataillon  d'artillerie  et 
deux  officiers  en  résidence  ;  un  matériel  d'artillerie  dont  l'état  est  ci-joint.  Ils 
reccTront  leurs  paquets  pour  leur  destination  des  mains  de  l'amiral  Ganteaume, 
lorsqu'il  en  sera  temps.  Vous  ferea  faire  ces  embarquements  h  petit  bruit  et 
comme  embarquement  provisoire  devant  être  suivi  du  reste  de  l'armée. 

Faites  passer,  le  plus  tôt  possible,  les  ordres  décachetés  relatifs  à  ces  mou- 
vements à  Tamiral  Ganteaume,  qui  les  remettra  lui-même  au  moment  opportun. 

Napoléon. 


Au  général  Junot,  ambassadeur  en  Portugal  (I). 

Paris,  le  12  ventôse  an  xiii  (3  mars  1805). 

Je  vous  expédie  ce  courrier  en  partie  pour  vous  développer  davantage  ce  que 
j'attends  en  ce  moment  de  la  marine  espagnole.  Les  escadres  françaises  peu- 
vent, d'un  moment  à  l'autre  se  présenter  devant  Cadix  ou  devant  le  Ferrol, 
pour  prendre  les  vaisseaux  espagnols  qui  sont  dans  ces  ports.  II  faut  que 
le  Prince  de  la  Paix  donne  des  ordres  pour  que  ces  vaisseaux,  n'y  en  eût-il 
que  trois  dans  chaque  port,  suivent  au  premier  signal  le  mouvement  de  nos 
vaisseaux.  Tout  a  été  prévu,  tous  les  paquets  cachetés  sont  remis.  Ces  ordres 
doivent  être  donnés  secrètement  et  sans  délai,  si  l'on  veut  arriver  à  des  résul- 
tats avantageux. 

J'espère  toujours  qu'il  y  aura  cinq  vaisseaux  dans  chacun  de  ces  ports  au 
moment  où  mes  escadres  se  présenteront  ;  mais  n'y  en  eût-il  que  deux  ou 
trois  dans  chaque  port,  qu'ils  suivent  sans  perdre  une  heure  le  vaisseau  V Aigle 
à  Cadix,  et  au  Ferrol  le  contre-amiral  Gourdon.  Prenez  des  renseignements 
à  Madrid,  sur  la  situation  actuelle  des  vaisseaux  qui  sont  en  rade  du  Ferrol 
et  de  Cadix. 

Dites  au  Prince  de  la  Paix  que  j'ai  médité  un  grand  plan  ;  qu'il  me  seconde, 

et  que  les  résultats  en  seront  avantageux  et  tendront  à  confondre  nos  ennne- 

mis  communs. 

Napoléon. 

En  résumé,  Ganteaume  doit  sortir  de  Brest  et  débloquer 
tout  d'abord  le  Ferrol  ;  Villeneuve  sortir  de  Toulon  et  déblo- 
quer s'il  y  a  lieu  Cadix.  Tous  deux  doivent  se  joindre  à  la 


(1)  Cort'espondance  de  Napoléon,  8388. 


LB  PLAN  DU  27  FÉVRIER-S  MARS.  371 

Martinique,  éventuellement  avec  Missiessy,  et,  revenant  ensem- 
ble, balayer  la  Manche  et  assurer  le  passage  de  la  flottille. 

Deux  sorties  de  ports  bloqués  éhacun  par  un  ennemi  supé- 
rieur, deux  croisières  ennemies  chassées  de  Cadix  et  du  Ferrol, 
une  jonction  à  la  Martinique  déjà  signalée  aux  Anglais  par 
l'envoi  de  Missiessy,  une  entrée  dans  la  Manche  avec  45  vais- 
seaux, tel  serait  le  programme  si  on  s'en  tenait  à  la  lettre  de 
ces  instructions.  Il  a  eu  beau  être  admiré  par  les  historiens, 
un  tel  plan  ne  serait  digne,  ni  de  Napoléon,  ni  de  son  génie, 
si  l'on  ne  cherchait  à  y  deviner  quelque  chose  de  plus. 

Tout  d'abord,  il  est  prévu  que  le  projet  ne  peut  avoir  de 
résultat  au  point  de  vue  de  la  descente  en  Angleterre  avant  le 
10  juin.  C'est  un  extrême  minimum,  mais  il  laisse  trois  mois, 
pendant  lesquels  la  situation  politique  sur  le  continent  ne 
peut  manquer  de  s'être  éclaircie.  En  tous  cas,  ce  sont  trois 
mois,  pendant  lesquels  l'armée  et  la  flottille  ne  feront  sûre- 
ment rien. 

Puis  Napoléon  n'a  pas  l'habitude,  dans  ses  plans  de  cam- 
pagne, de  faire  ainsi  abstraction  de  son  adversaire,  et,  s'il  ne 
parle  pas  des  Anglais,  on  ne  peut  admettre  qu'il  ne  tienne 
pas  compte  de  ce  qu'ils  font  ou  feront.  11  y  a,  dans  le  projet 
du  2  mars,  une  idée  primordiale,  c'est  d'opérer  une  grande 
concentration  de  forces  quelque  part.  Ce  résultat  a  des  chances 
sérieuses  d'être  atteint  malgré  les  difficultés  qu'on  est  sûr  de 
rencontrer.  Mais  si  Ganteaiune  réunit  aux  Antilles  une  énorme 
escadre  de  48  vaisseaux,  une  grande  bataille  navale  est  fatale. 
Qu'elle  se  livre  en  Amérique  ou  sur  un  point  quelconque  "des 
côtes  d'Europe,  avec  des  adversaires  comme  les  Anglais,  on 
ne  l'évitera  pas  et  Napoléon  le  sait  mieux  que  personne.  La 
preuve,  c'est  que  lui-même,  plus  tard,  ordonnera  de  rechercher 
le  combat.  Mais  alors,  la  défaite  de  Ganteaume,  c'est  la  fin  de 
l'expédition  contre  l'Angleterre,  manquée,  non  par  Napoléon, 
mais  par  un  autre  qui  portera  toute  la  responsabilité  de 
l'échec.  Nullement  amoindri  dans  son  prestige,  nullement 
déconsidéré  devant  ses  soldats,  l'Empereur,  comme  il  Ta  dit, 
se  retourne  contre  l'Autriche  et  lui  fait  payer  l'échec  de  ses 
marins.  Par  contre,  une  grande  victoire  sur  mer,  c'est  la  ruine 
de  l'Angleterre,  et  cela,  sans  même  que  la  descente  soit  exé- 
cutée. Si  la  politique  européenne  permet  de  l'entreprendre, 
une  fois  maître  de  la  mer^  et  définitivement,  comme  seule  la 


372  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  PREMIER. 

force  peut  le  faire,  Napoléon  pouvant  utiliser  sa  supériorité 
de  génie  militaire  et  de  moyens  matériels,  est  sûr  du  succès. 
En  résumé,  le  plan  du  2  mars  parait  être  le  type  de  ce  que 
Menneval,  secrétaire  de  Napoléon,  et  qui  a  vu  de  près  comment 
il  opère,  appelle  des  «  thèmes  à  deux  fins  ».  Le  pis  qui  puisse 
en  résulter  est  la  défaite  dans  des  mers  lointaines  d'escadres 
médiocres,  défaite  que  feront  vite  oublier  de  grandes  victoires 
sur  terre.  Enfin,  le  plan  ne  résoud  aucument  le  problème  tel 
qu'il  est  posé  et  tel  que  Bonaparte  Ta  nettement  défini  «  faire 
la  descente  sans  être  maître  de  la  mer  ».  Il  recule  au  contraire 
la  solution  et  Tajourne  jusqu'après  le  moment  où,  la  domina- 
tion maritime  étant  conquise  par  la  force,  la  question  même 
de  la  descente,  telle  qu'on  Ta  agitée  et  retournée  en  tous  sens, 
depuis  1793,  ne  se  posera  plus. 


CHAPITRE  11 


LES  PORTS  DE  RÉDNION  —  FIN 


La  manière  dont  furent  menés  les  travaux  des  ports,  à  partir 
du  printemps  1804,  ne  forme  pas  l'épisode  le  moins  curieux 
des  vicissitudes  subies  à  cette  époque. 

On  a  vu  que  Thiver  1803-1804  avait  été  marqué  par  une 
période  d'activité  considérable  qui  avait  produit  des  résultats 
réels.  Mais  rien  n'était  terminé  et  tant  s'en  fallait,  comme  il  a 
été  dit  plus  haut.  Pendant  l'été,  les  travaux  furent  continués, 
mais  avec  une  lenteur  dont  on  trouvera  plus  loin  la  preuve,  et 
subitement,  à  l'entrée  de  l'hiver,  sans  que  rien  soit  conforme 
aux  projets  primitifs,  alors  surtout  que  l'essentielle  construc- 
tion du  barrage  à  Boulogne  est  à  peine  ébauchée,  tout  est 
brusquement  interrompu  pour  plusieurs  mois.  On  va  voir  les 
graves  inconvénients  qui  résultèrent  de  cette  mesure. 

La  raison,  apparente  au  moins,  fut  le  chiffre  excessif  auquel 
les  dépenses  s'étaient  élevées.  Le  total  des  crédits  demandés, 
le  3  août,  par  Sganzin,  pour  avoir  terminé  au  23  octobre  les 
travaux  du  seul  port  de  Boulogne,  montent  à  359,766  francs  (1). 
Mais,  en  outre,  il  faut  compter  50,000  francs  par  trimestre, 
rien  que  pour  l'entretien  du  chenal.  Pour  l'écluse  seule,  et 
on  va  voir  ce  qui  a  été  édifié  à  ce  prix,  on  a  dépensé  649,000 
francs  depuis  le  22  juin  jusqu'au  21  novembre  (2).  On  a 
dépensé,    à    Ambleteuse,    113,285    francs,    en    l'an    xi,    et 


(1)  Lettre  do  3  ao6t.  (Archives  des  ponts  et  chaussées.) 

(t)  Lettre  du  21  novembre.  {Archives  des  ponts  et  chaussées.) 


374  TROISIBMK  PARTIE.   —  CHAPITRE  II. 

3,242,185  francs  en  l'an  xii.  Pendant  les  deux  premiers  mois 
de  Tan  xiii  (23  septembre  au  22  novembre)  (1),  les  frais 
deviennent  excessifs. 


Sganzin  à  Grande/as  (2). 

22  fHmaire  an  xm  (13  décembre  1805). 

Le  Ministre  a  été  effrayé,  et  moi-même  j'ai  partagé  son  sentiment,  en  lisant 
un  article  de  dépense  sommaire  qui  lui  a  été  adressé  par  le  Préfet  maritime, 
et  qui  porte  notre  dépense  pour  travaux  maritimes  pendant  les  deux  premiers 
mois  de  cette  année  à  635,000  francs  pour  Boulogne,  Ambleteuse  et  Etaples, . . 

Ceci  m'a  conduit  à  une  proposition  que  je  peux  regarder  comme  acceptée  et 
que  les  circonstances  ont  rendue  absolument  nécessaire,  c'est  la  suspension 
absolue  des  travaux  maritimes  pendant  Vhiver,  L'achèvement  de  la  charpente 
de  l'écluse,  celle  très  prochaine,  si  ce  n'est  chose  faite,  du  coffre  en  charpente 
d'Ambleteuse,  permettent  cette  proposition  avantageuse  sous  une  foule  de 
rapports.  Cette  proposition  sera  mise  sous  les  yeux  de  l'Empereur,  et  je  ne  doute 
pas  qu'il  ne  l'approuve. 

En  attendant,  je  suis  autorisé  à  vous  inviter  à  ralentir  les  travaux  dans  les 
trois  ports,  et  à  vous  borner,  surtout  pour  les  bâtiments  civils  de  Boulogne,  au 
plus  strict  nécessaire.  Laissez  dans  l'état  où  elle  se  trouve,  toute  la  partie  du 
barrage  qui  pourra  attendre  la  belle  saison.  Renoncez  absolument  au  prolon- 
gement du  quai  de  l'arrière- garde. 

L'ingénieur  Grandelas,  qui  dirige  les  travaux  en  l'absence 
de  Sganzin,  a  beau  protester,  on  lui  répond  que  ses  états  ne 
prouvent  rien  et  que  les  dépenses  sont  réelles,  puisque  Tadmi- 
nistration  des  finances  a  payé.  Effectivement,  à  la  liquidation 
du  premier  trimestre,  on  se  trouve  avoir  épuisé  presque  tout 
le  crédit  de  Tannée. 

14  nivôse  an  xni  (4  janvier  1805). 

Les  états  de  dépenses  des  mois  de  vendémiaire  et  brumaire  s'élèvent  à  la 
somme  de  310^530  fr.  35  pour  les  trois  ports 

La  dépense  pendant  le  1"  trimestre  s'élève  à  968,102  firancs 

Cela  me  trouble....  Les  trois  ports  ne  sont  portés  au  budget  que  pour 
i  million.  Voilà  déjà  la  presque  totalité  des  fonds  dépensés  (3). 

« 
■ 

L'hiver  va  donc  se  passer  dans  une  inaction  complète,  qui 
compromettra  gravement  les  résultats  obtenus.  Tout  à  coup, 


(1)  Lettre  du  21  novembre.  {Archives  des  ponts  et  cliaussées.) 

(2)  Archives  des  ponts  et  chaussées. 

(3)  Archives  des  ponts  et  chaussées. 


LES  PORTS  DE  RÉUNION.  —  FIN.  375 

l'Empereur  reprend  la  question,  et  comme  toujours,  avec  une 
impatience  fébrile. 

A  Mon$ieur  Crétôl. 

4  TentAte  an  xm  (23  fémer  1805). 

Mon  intention  est  d avoir  beaucoup  de  travaux  sur  les  côtes  pour  donner  de 
^occupation  de  toute  espèce.  J'ai  ordonnancé  un  nouveau  fonds  de  1,700,000  fr., 
qui,  joint  aux  3  millions  accordés  par  le  budget  de  cette  année,  formera,  pour 
la  défense  des  côtes  et  ports,  4  millions.  Mon  intention  est  de  faire  fournir 
2  millions  par  le  Ministère  de  la  Marine  sur  les  fonds  des  invalides,  pour  être 
affectés  aux  mêmes  travaux. 

Mon  intention  est  que  500,000  francs  soient  employés  aux  travaux  mari- 
times de  Brest,  joint  aux  900,000  francs,  accordés  par  le  budget. 

J'ai  demandé  un  compte  accordé  depuis  Tan  xni  pour  travaux  extraordi- 
naires pour  ce  chapitre  et  ce  que  vous  avez  fait.  Moi,  j'ai  voulu  vous  écrire 
directement  ceci  ;  pour  que  vous  vous  concertiez  avec  les  ingénieurs  de  la 
marine.  L'objet  est  de  venir  au  secours  des  habitants  des  côtes,  qui  souffrent  tant 
de  la  guerre  (  f). 

Notô  pour  le  Ministre  de  l'Intérieur  (1). 

La  Malmaison,  23  ventôse  an  xm  (14  mars  1805). 

La  répartition  des  fonds  des  ponts  et  chaussées,  pour  Tan  xui,  n'est  pas  con- 
forme aux  intentions  de  Sa  Majesté. 

Les  6,550,000  francs  accordés  pour  les  routes,  sur  les  fonds  du  Trésor 
public,  sont  insuffisants.  Le  temps  viendra  où  Sa  Majesté  pourra  accorder 
annuellement  20  millions  d'extraordinaire. 

Le  sacrifice  de  6,550,000  francs,  fait  cette  année,  n'est  pas  destiné  à  des 
réparations  à  faire  à  toutes  les  communications  ;  mais  à  rendre  meilleures  celles 
des  routes  qu'on  peut  considérer  comme  les  grandes  artères  de  l'Empire. 

Dans  la  situation  présente,  les  trois  routes  qui  intéressent  par-dessus  tout 
l'Empereur,  sont  : 

i«  Celle  de  Brest  à  Paris  ; 

2*  CeUe  de  Paris  à  Cherbourg,  par  le  Havre  et  Honfleur; 

3®  Celle  de  Paris  à  Boulogne. 

U  convient  de  dépenser  à  ces  trois  routes  tout  l'argent  nécessaire  pour 
qu'elles  ne  laissent  rien  à  désirer. 

Les  routes  d'un  intérêt  de  second  ordre,  où  Sa  Majesté  désire  qu'on  emploie 
également  une  partie  des  fonds  accordés,  sont  : 

!•  Celle  de  Paris  à  Plaisance,  par  Lyon,  Turin  et  Alexandrie  ; 

2*>  Celle  d'Avignon  à  Toulon,  par  Aix,  et  celle  de  Toulon  à  Marseille  ; 

3®  Celle  de  Paris  en  Espagne,  par  Bordeaux. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8430. 


376  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  II. 

Les  routes  qui  intéressent  Sa  Majesté,  en  troisième  ordre,  et  où  il  convient 
aussi  d'employer  une  portion  des  fonds,  sont  : 

i®  Celle  Paris  à  Cologne,  par  Bruxelles,  Liège  et  Aix-la-Chapelle  ; 

2<»  Celle  de  Paris  à  Strasbourg. 

L'Empereur  désire  qu'on  lui  présente  une  répartition  des  6,550,000  francs, 
telle  que  les  5/6"  de  cette  somme  se  trouvent  employés  à  ces  diverses  routes,  à 
moins  qu'on  ne  juge  que  ces  fonds  ne  soient  pas  nécessaires.  Quant  aux  com- 
munications de  l'armée  d'Angleterre,  l'Empereur  désire  savoir  ce  que  l'on  se 
propose  de  dépenser  pour  celles  qu'il  considère  comme  les  plus  importantes,  et 
qui  sont  : 

i**  Celle  de  Boulogne  à  Dunkerque,  par  Calais; 

2^  Celle  de  Boulogne  à  Étaples,  par  la  ligne  la  plus  courte  ; 

3<*  Celle  de  Boulogne  à  Saint-Omer  ; 

4<*  Celle  de  Wimereux  à  la  grande  route  ; 

5®  Celle  d'Ambleteuse  à  la  grande  route. 

Son  intention  est  que,  sur  le  fonds  de  6,550,000  francs,  on  n'omploie  au 
département  du  Golo  que  20,000  francs,  et  à  celui  du  Siamone  que  80,000. 

11  ne  faut  pas  faire,  dans  ces  deux  départements,  de  grands  ponts,  mais  seu- 
lement des  ponts  de  bois. 

L'argent  qu'on  emploierait  h  des  ouvrages  d'art,  au  milieu  des  montagnes 
et  dans  un  pays  pauvre,  serait  de  l'argent  perdu. 

L'Empereur  désire  que  la  route  du  Simplon  soit  terminée  cette  année,  et 
qu'on  ajoute,  en  conséquence,  200,000  francs  au  million  proposé,  en  compre- 
nant dans  les  travaux  la  route  de  Meillerie  et  celle  du  Valais. 

Le  Ministre  de  l'Intérieur  est  invité  à  présenter  un  nouveau  tableau,  dans 
lequel  ces  modifications  auront  été  faites. 

Il  est  convenable  que,  dans  la  colonne  du  service  extraordinaire,  on  distingue 
les  différents  articles  du  budget  qui  composent  la  somme  de  2,250,000  francs* 

Par  ordre  de  l'Empereur. 


Au  vioe'àmiral  Decrès  (i). 

La  Malmaison,  30  ventôse  an  xiu  (21  mars  1805). 


Monsieur, 


Il  n'y  a  plus  un  moment  à  perdre  pour  faire  travailler  au  nettoyage  des  ports 
de  Boulogne  et  d'Ambleteuse  ;  employez,  s'il  le  faut,  un  fonds  de  400,000  francs 
pour  cet  objet.  On  m'assure  qu'il  faudra  30  ou  40  jours  de  travail  pour  réta- 
blir ces  ports  dans  l'état  où  il  étaient.  Qu'on  y  travaille  avec  activité  dès  le 
15  germinal  (^  avril),  de  manière  qu'au  i5  floréal  (5  mai),  ces  ports  soient 
aussi  bien  qu'ils  l'ont  jamais  été,  et  mieux  s'il  est  possible.  Je  vois  avec  peine 
qu'on  ait  mis  130  bMiments  de  transport  à  la  disposition  des  commissaires  pour 
des  ambulances  et  autres  services,  ce  qui  annule  leur  activité.  Les  installations 
des  bâtiments  ont  été  détruites.  Donnez  ordre  que  l'ingénieur  Guarrigues,  qui 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8461, 


LES  PORTS  DE  RÉUNION.  —  PIN.  377 

dirigeait  ces  iostallations,  soit  chargé  de  les  rétablir.  Un  grand  nombre  de 
barils  sont  cerclés  en  bois  ;  les  eaux  se  perdent  ;  il  y  en  a  400  à  cercler  en  fer. 
Il  manque  une  certaine  quantité  de  barils  pour  compléter  Teau  des  transports 
et  des  bâtiments  de  guerre.  Cet  objet  est  extrêmement  sérieux  ;  pourroyez-y 
sans  délai.  II  y  a  des  bâtiments  qui  n'ont  point  de  lisses  de  garde-corps  ;  il 
faut  en  établir  partout. 

Napoléon. 


Sganzin  a  Tordre  de  partir  pour  Boulogne  «  pour  mettre  la 
plus  grande  activité  dans  les  ports  de  Boulogne  et  d'Âmble- 
teuse  ». 

Au  lieu  de  400,000  francs,  TEmpereur  a  accordé  280,000 
francs  de  fonds  (1).  Ainsi  qu'on  va  le  vciir,  le  temps  man- 
quera pour  que  les  travaux,  repris  trop  tard,  soient  réelle- 
ment achevés  au  moment  où  Texpédition  aurait  pu  partir. 

Les  travaux  du  bassin  demi-circulaire  de  Boulogne  avaient 
été  menés  de  telle  sorte  que,  faute  de  revêtir  les  talus,  les 
éboulements  comblaient  les  excavations  à  mesure  qu'on  les 
avait  terminés.  Promis  successivement  pour  le  6  janvier  1804, 
puis  pour  le  printemps,  Tachèvement  n'était  pas  encore 
obtenu  au  mois  d'août.  A  cette  époque  Sganzin  écrivait  (2;  : 

tt  Le  bassin  a  une  profondeur  telle  qu'il  y  monte  7  pieds 
«  (Teau  sur  les  plus  faibles  mortes-eaux.  Pour  le  débarrasser 
«  des  alluvions  et  lui  donner  partout  une  profondeur  égale,  il 
«  faudra  20,250  francs  et  un  mois;  avec  les  revêtements  des 
«  talus,  le  total  demandé  est  de  61,451  francs  ». 

La  profondeur  obtenue,  déjà  faible,  se  réduisait  très  rapi- 
dement vers  les  bords.  Les  canonnières,  qui  n'étaient  à  flot 
que  pendant  moins  de  quatre  heures  en  vive  eau,  au  point  le 
plus  profond  (3),  étaient  donc  presque  constamment  à  sec  dans 
la  plus  grande  partie  du  bassin. 

Ce  fut  encore  bien  pis  à  l'entrée  de  Thiver,  les  pluies  eau- 


(1)  A  Grandelas, 

4  germinal  an  xiu  (t5  mars  1805). 

On  n'a  pas  eneore  repris  les  traTaox  et  Ton  n'a  pins  d'argent  à  dépenser.  La  dépense 
exacte  s'est  trouvée  être  de  919,795  francs.  Je  suis  chargé  de  vous  donner  les  ordres 
nécessaires  pour  qu'on  s'occupe  de  la  réparation  de  l'avarie  du  quai  en  prolongement  de  U 
jetée  sud.  d'Ambleteuse  et  de  l'enlàyement  des  bancs  de  l'entrée  du  bassin, 

(S)  Lettre  du  3  août.  {Archives  des  ponts  et  chaufsées,"! 
(3)  Voir  ei«d68SQ9. 


378  TROISIÈBIE  PARTIE.   —  CHAPITRE  H. 

sèrent  de  nombreux  aJBFouillemeiits  (1),  les  travaux  devinrent 
plus  pénibles;  il  fallut  d'urgence  consacrer  27,000  francs  au 
déblai  des  «  dépôts  qui  se  sont  formés  dans  le  bassin,  et 
24,000  francs  à  la  réparation  du  quai  des  paquebots  (2)  ». 

Cette  somme  est  engloutie  en  un  clin  d'œil,  et  l'effet  pro- 
duit est  nul,  car  les  travaux  vont  être  suspendus  pendant  tout 
rhiver  et  le  résultat  de  cette  mesure  sera  lamentable  pour  le 
port  de  Boulogne. 

Les  travaux  du  port  de  Boulogne  ont  aussi  été  suspendus  pendant  Vhiver. 
Cette  interruption  a  produit  des  accidents  également  graves.  Le  banc  dit  de  la 
Cassonade,  à  Ventrée  du  port,  et  deux  autres  bancs  dans  V intérieur,  se  sont 
renouvelés;  tous  les  jours  ils  font  des  progrès  sensibles  et,  dans  plusieurs  par- 
ties, ils  on/  20  à  24  pouces  d'élévation.  Le  bassin  a  aussi  éprouvé  des  rapports; 
le  cours  de  la  Liane  qui  était  à  droite  s'est  porté  à  gauche  et  a  fait  changer 
remplacement  des  bancs.  Il  résulte  de  cet  encombrement,  que  les  bâtiments  d'un 
grand  tirant  d*eau  sont  retenus  dans  le  port  pendant  une  partie  des  mortes- 
eaux  (3). 

A  la  reprise  des  travaux,  l'activité  porte  surtout  sur  le 
chenal,  les  quais  et  l'écluse  :  en  juin  1805,  les  déblais  du 
bassin  ne  sont  même  pas  terminés. 

«  he  déblai  du  bassin  demi-circulaire  doit  être  fini  le  30 
«  (19  juin).  On  enlève  une  dernière  tranche  de  3  pieds  autour 
«  DE  LA  circonférence.  Le  milieu  et  la  passe  sont  déjà  plus 
«  profonds  que  le  port  lui-même  ;  il  y  a  un  pied  d'eau  à  mer 
«  ba^se  (4).  » 

C'est  à  peine  si  en  août  le  bassin  pourra  recevoir  les  bâti- 
ments jusque-là  réfugiés  dans  la  partie  supérieure  de  la 
Liane,  c'est-à-dire  dans  une  région  d'où  il  leur  est  impos- 
sible d'atteindre  la  sortie  du  port  en  une  marée. 

Le  barrage,  décidé  seulement  en  avril  1804,  ne  fut  mis  en 
adjudication  que  le  22  juin.  Au  début,  l'activité  fut  considé- 
rable. En  quelques  jours  495  pieux  furent  battus  sur  un  total 


(1)  Lettre  de  Sganzin  du  17  octobre.  (Archives  des  ponts  et  chaussées,) 
(t)  Lettre  du  Ministre,  29  octobre.  {Archives  des  ponts  et  chaussées,) 

(3)  Rapport  d'ensemble  de  Soolt,  8  mars.  (Archives  de  la  Guerre,) 

(4)  Lettre  de  Sgansin  du  7  jnin.  (Archives  des  ponts  et  chaussées.) 


LES  PORTS  DE  RÉUNION.   —  FIN.  379 

de  550,  les  ventrières  basses  furent  posées  (1).  «  On  espère, 
ajoute  Sganzîn,  que  la  charpente  des  avant* radiers  sera  ter- 
miné pour  le  1*'  fructidor  (19  août)  ». 

«  Les  travaux  de  Técluse,  du  barrage  et  du  prolongement 
«  des  quais  seront  terminés  le  !«'  brumaire  (23  octobre).  La 
a  dépense  sera  de  200,000  francs  (2)  ». 

Or,  au  4  octobre,  les  ingénieurs  signalent  les  grosses  diffi- 
cultés qu'ils  rencontrent  pour  les  fondations  de  f  écluse  (3).  » 
Le  17,  ce  sont  les  pluies  et  le  débordement  de  la  Liane  qui 
retardent  le  travail.  «  La  partie  inférieure  du  radier  seule  est 
fondée.  »  Quand  on  interrompt  la  construction,  à  la  fin  du 
mois,  «  il  manque  encore  plusieurs  pilots  du  barrage,  les  cha- 
»  peaux  et  les  glaises  ne  sont  posés  qu'en  deux  endroits, 
«  les  fondements  du  radier  et  du  faux  radier  sont  seuls 
«  établis (4)  »• 

A  la  reprise  du  travail,  en  avril  1805,  une  nouvelle  diffi- 
culté se  présente  :  l'insuffisance  du  bassin  demi-circulaire  a 
obligé  à  faire  remonter  de  nombreux  bâtiments  au-dessus  du 
barrage,  dans  la  partie  supérieure  de  la  Liane.  C'est  là  qu'on 
fait  les  nombreuses  réparations  nécessitées  par  les  innom- 
brables avaries  qui  signalent  chaque  mise  en  rade.  Sganzin 
écrit  donc  «  qu'il  ne  peut  achever  le  barrage  et  Técluse,  tant 
que  la  crique  servira  au  carénage  (5)  ».  Le  7  juin  seulement, 
ordre  est  donné  de  profiter  de  la  première  marée  de  vive  eau 
pour  faire  descendre  tous  les  bâtiments  qui  sont  au-dessus  du 
barrage  et  d'achever  ce  dernier.  Ce  sera  le  14  juin.  Mais  ce 
jour-là  on  ne  peut  dégager  complètement  Tarrière-port.  Il 
faut  donc  laisser  une  brèche  dans  le  barrage,  de  sorte  qu'il  se 
produit  «  un  affouillement  de  15  à  18  pieds  de  profondeur.  » 


(1)  Lettre  de  Sgiiunii  da  3  août. 

(2)  Lettre  de  Sgtnzin  da  4  octobre. 

(3)  Rapport  de  Sonlt,  8  mars.  (Archives  de  la  Guerre.) 

(4)  Lettre  de  Sganzin. 

(5)  D'après  Sganzin  même,  pour  l'édase,  an  30  brumaire  an  xm  (21  novembre  1804), 
on  a  déjà  dépensé  depuis  le  mois  de  floréal  (avril)  : 

franet. 
447,000  pour  les  onvriers  ; 

90,522  de  solde  aux  travailleurs  militaires  ; 
112,479  de  matériaux. 

Total  :   650,001. 


380  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  H. 

Le  19  juillet  seulement,  on  pose  les  portes  et  Sganzîn  promet 
que  le  lendemain  les  144  bâtiments  qui  sont  enfermés  au-dessus 
et  immobilisés  pourront  sortir. 

Or,  c'est  le  25  juillet  seulement  que  commence  ce  mouve- 
ment. Le  passage  n'est  praticable  que  pendant  deux  heures 
trente  seulement,  et  rien  qu'en  vive  eau,  de  sorte  que  le  pre- 
mier jour  23  bâtiments  seulement  peuvent  passer.  Le  7  août 
seulement  les  144  sont  passés  dans  le  port. 

Ce  jour-là,  on  procède  à  une  expérience. 

Boulogne,  le  20  thermidor  an  xui  (8  août  1805). 

Les  portes  de  Técluse  ont  été  fermées  le  19  à  la  mer  haute  du  matin,  par 
ordre  de  Sa  Majesté,  et  elles  ont  soutenu,  ainsi  que  le  barrage,  toute  la  hau- 
teur de  Teau  qui  était  entrée  dans  la  Tallée  ;  l'échelle  placée  en  amont  mar- 
quait, au  moment  de  la  fermeture  des  poctes,  6p»<»<**6  pouces. 

La  Liane  n*a  produit  en  douze  heures  qu'un  pouce  d'élévation. 

Mais  on  ne  peut  encore  se  servir  de  l'écluse  pour  produire 
des  chasses,  la  brèche  existe  toujours.  En  outre,  «  les  pieux 
qui  soutiennent  le  barrage  viennent  de  s'écarter,  il  y  a  eu  des 
affouillements  pendant  que  le  barrage  était  ouvert.  11  faut 
construire  une  risbeme  extérieure  de  chaque  côté  du  barrage^ 
au  moyen  de  pieux  réunis  par  des  planches  et  verser  des 
blocs  dans  les  affouillements  ». 

«  La  dépense  sera  d'environ  25,000  francs.  Pendant  la 
«  construction,  on  achèvera  le  remplissage,  en  gros  blocs,  du 
«  faux  radier,  afin  de  pouvoir  donner  des  chasses  quand  Sa 
((  Majesté  l'ordonnera  (1)  ». 

Or,  à  ce  moment,  oli  n'a  plus  ni  argent,  ni  travailleurs, 
«  L'armée  de  terre  m'a  absolument  refusé,  ainsi  qu'au  préfet 
maritime,  les  150  travailleurs  dont  nous  avons  besoin  pour  le 
remblai  de  la  brèche  (2)  ». 

Enfin  le  26  août,  la  grande  marée  crève  la  jetée  qui  com- 
plète le  barrage,  change  de  place  le  chenal,  et  retarde  indéfi- 
niment le  moment  où  les  chasses  pourront  approfondir  ce 
chenal,  dont  la  sortie  restera  jusqu'au  bout  aussi  absolument 
insuffisante  que  par  le  passé. 


(1)  Lettre  de  Sgansin  du  8  ao&t. 

(2)  Lettre  de  Sgansin  du  7  août. 


LB8  PORTS  DE  RÉUNION.  —  FIN.  381 

Rapport  de  Sganzin  sur  l'avarie  du  8  fructidor  an  XIII, 

26  août  1805. 

La  coupure  de  la  jett^e  en  fascinage  qui  conduit  à  Cap<5cure  et  le  nouveau 
chenal  que  la  mer  s'est  pratiqué  au  delà  du  barrage  par  la  crique  du  chantier 
des  canots  sont  essentiellement  dus  au  défaut  du  remblai  de  cette  crique. 

En  effet,  on  réparait  et  carénait  les  bateaux  et  Ton  avait  besoin  d'un  pas- 
sage, la  mer  attaquait  donc  la  digue  des  deux  c^tés.  II  y  a  eu  une  marée 

extraordinaire  le  8  fructidor des  affouillements  énormes,  i8  pieds  au 

milieu  de  la  brèche  sur  un  sol  qui,  avant,  était  à  3  pieds  au-dessus  du  niveau 
des  basses  mers. 

Quant  aux  travaux  de  fortification,  le  fort  Napoléon  récla- 
mait encore,  le  3  août  1804,  20  jours  et  6,775  francs  pour 
être  terminé  (1).  Il  le  fut  à  la  fin  d'août.  Le  fort  en  charpente 
fut  achevé  à  la  même  époque,  fortement  armé  et  approvi- 
sionné avant  l'hiver.  Il  put  résister  aux  grosses  mers  de  la 
mauvaise  saison. 

Le  fort  en  bois  est  dans  le  meilleur  état  possible  et  entièrement  terminé,  son 
armement  se  compose  de  8  pièces  de  24  et  2  obusiers  de  6  pouces  à  longue 
portée  ;  il  est  toujours  approvisionné  en  biscuit,  eau  potable,  eau-de-vie  et  fro- 
mage, pour  6  jours,  à  raison  de  50  hommes  ;  on  désirait  qu'une  banquette  de 
1  pied  ou  18  pouces  d'élévation  eût  été  adossée  au  parapet  pour  faciliter  le 
service  des  pièces,  et  donner  la  Tue  jusqu'au  pied  du  fort,  mais  ce  travail  a  été 
ajourné.  L'enceinte  de  pieux  pour  couvrir  le  fort  et  en  empêcher  les  approches, 
qui  avait  également  été  demandée,  a  aussi  été  ajournée  (2). 

Les  forts  de  l'Heurt  et  de  la  Crèche,  presque  démolis  par 
le  coup  de  vent  du  30  mai  1804,  furent  l'objet  de  travaux  très 
actifs  dès  le  début  du  mois  de  juin,  mais,  même  en  cette 
saison,  on  fut  parfois  très  gêné  par  le  mauvais  temps. 


Le  Sous-Oirecteur  des  fortiHoations  k  Monsieur  le  Maréchal, 

commandant  en  chef. 

Boulogne,  le  20  prairial  an  xu  (9  juin  1804). 

Quoique  le  coup  de  Tent  ait  été  très  violent  et  la  mer  aussi  rude  qu'elle  a  pu 
Tétre  pendant  Thiver,  il  n'y  a  pas  eu  d'avaries  considérables  aux  deux  forts. 


(1)  Lettre  de  Sganzin,  3  août.  (Archives  des  ponts  et  chaussées,) 
(S)  Rapport  de  Soult,  8  mars. 


382  TROISIÂME  PARTIE.  —  CHAPITRE  U. 

Les  assises  supérieures  ont  été  entamées  sur  la  partie  antérieure  des  forts,  les 
pierres  culbutées  en  ayant  et  tout  le  moellon  fait  en  approTisionnement  dans 
l'intérieur  rejeté  en  bas  de  la  gorge. 

  la  fin  du  mois,  on  était  à  peine  arrivé  à  une  hauteur 
que  la  mer  ne  recouvrit  pas  à  chaque  marée. 


Rapport  du  général  Bertrand  sur  les  travaux  du  15  au  30  prairial. 

Forts  de  V Heurt  et  de  la  Crèche,  —  Malgré  les  coups  de  vent  presque  con- 
tinuels pendant  ce  mois,  on  est  arrivé  au  fort  de  THeurt  au  niveau  des  vives 
eaux  du  solstice.  Comme  le  fort  n'a  pas  couvert  depuis  plusieurs  jours,  les 
maçonneries  ont  séché  et  Ton  doit  espérer  qu'il  souffrira  peu  d'un  coup  de 
vent,  s'il  a  lieu  sous  quelques  jours. 

Le  fort  de  la  Crèche  est  généralement  plus  bas  de  fleux  ou  trois  pieds, 
quoique  également  élevé  au-dessus  du  rocher,  qui  est  plus  bas  et  souvent  cou- 
vert par  la  mer. 

Le  fort  de  THeurt  est  presque  approvisionné  pour  la  campagne.  On  s'occu- 
pera ce  mois-ci  de  celui  de  la  Crèche. 

A  partir  de  ce  moment,  on  peut  aller  plus  vite  et  même 
commencer  l'armement  avant  d'avoir  fini  la  construction. 


Le  SouB'ùirecteur  des  fortiUcationa  à  Monsieur  le  Maréchal  Soult, 

commandant  en  chef, 

Boulogne,  le  26  messidor  an  xn  (15  Juillet  1804). 

Les  noyaux  des  deux  forts  sont  actuellement  terminés.  Deux  pièces  de  36 
sont  déjà  montées  à  la  Crèche,  et  le  seront  ce  soir  à  l'Heurt.  Demain  matin, 
les  parapets  seront  à  peu  près  terminés. 

Salut  et  respect. 

DODE. 

Le  SouS'Directeur  des  fortifications  à  Monsieur  le  Maréchal  Soult, 

commandant  en  chef, 

Boulogne,  le  27  messidor  an  xq  (16  juillet  1804). 

Les  canons  et  obusiers  sont  actuellement  en  batterie  sur  les  plates-formes 
provisoires  des  deux  forts,  et  dès  hier,  à  3  heures  après  midi,  une  de  celles  de 
la  Crèche  a  tiré  sur  une  frégate  anglaise  qui  s'est  approchée  avec  deux  bricks 
de  la  droite  de  la  flottille.  On  s'occupe  d'établir  promptement  des  abris  pour 
la  Garde  et  les  canonniers  qui  doivent  servir  ces  batteries. 

Salut  et  respect.  j*. 

DODB. 


•    ^' 


LES  PORTS  DE  RÉUNION.  —  PIN.  383 


Le  général  dô  division  Maoors,  inspecteur  général  d'artilleriey  comman- 
dant celle  du  camp  de  Saint^Omer,  à  Monsieur  le  Maréchal  Soult, 
colonel-général  de  la  Garde  de  S.  M,  l'Empereur,  commandant  en 
chef  le  camp  de  Saint-Omer, 

Boulogne»  le  28  meuddor  an  xn  de  la  République  française, 
une  et  Indirisible  (17  juillet  1804). 

MoDsieur  le  Maréchal, 

J'ai  rhonneur  de  tous  préTenir  que  la  batterie  du  bas  Alpreck  est  construite, 
qu'elle  est  armée  et  prête  à  tirer  si  Tennemi  se  présentait. 

A  compter  d'hier  au  soir,  le  fort  de  l'Heurt  a  eu  une  garnison  de  30  hommes 
et  les  canonniers  nécessaires  pour  le  service  des  six  bouches  à  feu. 

Je  suis  ayec  respect,  etc. 

Macors. 

Cependant  on  n'était  pas  encore  à  l'abri  des  grosses  lames 
et  parfois  encore  on  eut  des  dég&ts. 

Le  Sous-Directeur  des  fortifications  à  Monsieur  le  maréchal  Soult, 

commandant  en  chef. 

Boulogne,  le  3  thermidor  an  xn  (22  Juillet  1804). 

Le  mauvais  temps  de  la  journée  d'hier  a  dérangé  quelques  pierres  de  taille 
et  du  moellonnage  à  l'épaule  droite  du  fort  de  l'Heurt.  Il  n'y  a  rien  eu  à  la 
Crèche.  L'artillerie  change  les  affûts  des  pièces  de  36  aux  deux  forts.  Les  ava- 
ries de  la  flottille  ont  occupé  la  plupart  des  manœuvres  et  voitures  du  fort  de 
l'Heurt  à  la  marée  d'hier. 

Salut  et  respect. 

DODE. 

On  continua  donc  à  élever  le  niveau  des  deux  forts.  On  posa 
chaque  jour  40  à  45  grosses  pierres  de  taille  à  chacun  des 
deux  forts,  parfois  un  peu  plus  (1),  mais  une  seule  journée  de 
mauvais  temps  anéantissait  le  travail  de  toute  une  semaine. 

Le  SouS'Di recteur  des  fortificaticns  à  Monsieur  le  Maréchal  Soult, 

Commandant  en  chef. 

Boulogne,  le  23  thermidor  an  xii  (11  août  1804). 
La  mer  a  causé  encore  quelques  avaries  aux  deux  forts  dans  la  journée 


(1)  Rapports  journaliers  de  Dode. 


384  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  II. 

d'hier.  A  la  Crèche,  il  y  a  eu  60  pierres  déplacées,  dont  10  seulement  jetées  à 
la  mer;  le  moellon  des  Tides  entre  les  contreforts  a  été  boulerersé,  ce  quj 
retarde  le  dispositif  provisoire  des  pièces  sur  cette  partie  du  fort  pendant  qu'on 
travaillera  au  noyau.  La  rampe  de  gauche  a  encore  tenu  bon,  mais  elle  a  eu 
25  madriers  d'emportés,  et  la  pile  de  celle  de  droite  qu'on  commençait  à  réta- 
blir a  été  de  nouveau  endommagée.  Les  passants  ont  aussi  beaucoup  souffert. 
Un  soldat  du  57*  a  été  trouvé  mort  au  pied  du  fort.  Il  y  a  eu  aussi  quelques 
pierres  déplacées  à  l'Heurt  et  du  moellonnage  d'enlevé.  Les  passants  qui  res- 
taient ont  aussi  un  peu  souffert  et  une  grande  chèvre  en  permanence  pour  la 
construction  de  la  pile  de  la  rampe  de  gauche  et  fortement  amarrée  a  été 
emportée. 
Au  Wimereux,  800  ouvriers. 

Salut  et  respect. 

DODE. 

* 

L'armement  complet  des  deux  forts  devait  compter  22  pièces 
de  36.  L'ordre  d'armement  donné  le  20  août  (1),  ne  fut  exécuté 
que  d'une  façon  incomplète,  car  en  septembre  on  n'était 
encore  arrivé  qu'à  élever  le  noyau  de  chaque  fort  à  la  hauteur 
de  la  prejnière  batterie  (2).  L'hiver  approchant,  on  se  borna  à 
faire  les  parapets  et  on  s'en  tint  là. 

Les  forts  de  V Heurt  et*de  la  Crèche  sont  élevés  à  hauteur  de  la  1"  batterie 
(41  pieds  au-dessus  du  rocher)  et  armées  rfe  i6  bouches  à  feu,  dont  12  pièces 
de  30  et  4  obusiers  à  longue  portée  à  celui  de  l' Heurt;  6  pièces  de  36,  6  de  24, 
et  4  obusiers  aussi  à  longue  portée  pom-  celui  de  la  Crèche,  suivant  la  disposi- 
tion que  le  plan  ci-joint  présente.  Aux  deux  forts,  les  casemates  de  la  gorge  sont 
terminées,  on  pose  les  lits  de  camp,  portes  et  fenêtres.  Le  cordon  est  établi,  le 
parapet  est  élevé  de  3  pieds,  et  il  y  a  déjà  48  pieds  de  pavé  de  fait  sur  le  pour- 
tour des  plates-formes.  Dans  un  mois,  les  marches  de  l'escalier  seront  placées, 
et  les  petits  travaux  auxquels  on  s'occupe  dans  l'intérieur,  terminés;  mais  la 
tablette  du  parapet  et  le  restant  du  pavé  sur  toute  la  surface  de  la  plate-forme, 
sera  encore  à  faire;  on  devra  aussi  rejointer  en  ciment  le  pavé  déjà  exécuté,  et 
même  élever  un  bâtiment  au-dessus  de  la  casemate,  pour  servir  de  corps  de 
garde,  pour  empêcher  l'infiltration  des  eaux,  diminuer  l'humidité  et  assécher 
les  maçonneries.  Ce  surcroit  de  travail,  pour  lequel  le  génie  demande  Tautori- 
sation  et  les  fonds  nécessaires,  parait  indispensable,  car,  à  la  moindre  pluie, 
la  troupe  qui  loge  à  la  casemate  ne  peut  y  tenir,  et  les  poutres  sont  presque 
toujours  avariées,  quelques  précautions  que  Ton  prenne. 

On  a  remarqué  que,  depuis  que  ces  forts  sont  armés,  l'ennemi  était  beau- 
coup plus  circonspect,  et  passait  à  une  plus  grande  distance  de  la  côte  (3). 


(1)  Lettre  dn  Ministre  de  la  guerre,  tO  août. 

(2)  Rapport  de  Dode  da  21  septembre. 

(3)  Rapport  de  Soalt  da  8  mars. 


wr 


I  LES  PORTS  DE  RÉUNION.   —  FIN.  385 


{  On  n'iyouta  rien  aux  travaux  nidimentaires  qui  avaient  été 

!  entrepris  à  Etaples,  sinon  et  très  tardivement  un  pont  sur  la 

!  Ganche. 

ï  L'Empereur  refusa  de  laisser  construire  le  fort  qu'on  lui 

I  avait  proposé  d'élever  sur  le  banc  des  Chiens,  pour  couvrir  le 

}  mouillage  dit  d'appareillage  (1).  Il  fallut  donc  faire  remonter 

les  bâtiments  très  haut  dans  la  Canche.  Dès  la  fin  de  Tété 
1804,  on  avait  entassé  334  bâtiments  (2).  En  août  1805,  on 
arrivera  à  365.  L'étude  qui  a  été  faite  de  ce  port  permet 
d'affirmer  l'impossibilité  matérielle  de  faire  passer  au  large, 
en  une  seule  marée,  la  totalité  de  ces  navires.  La  plupart 
d'entre  eux  restèrent  à  sec  d'une  façon  presque  permanente. 
Malgré  l'argent  et  le  travail  dépensés  à  Ambleteuse,  le 
résultat,  en  juin  1804,  était  faible,  puisqu'une  partie  seule- 
ment du  bassin  avait  été  creusée.  D'ailleurs  ce  port  était  très 
[  exposé,  car  on  a  vu  tous  les  déboires  survenus  pendant  l'hiver 

î  1803-1804.  En  plein  été,  un  simple  coup  de  vent  pouvait  ensa- 

'.  bler  le  chenal  et  rendre  le  port  inutilisable. 

I  Le  dernier  coup  de  vent  du  nord  et  du  nord-ouest  a  amené  une  énorme 

quantité  de  sable,  qui  a  surmonté  le  terre-plein  de  la  digue  Vauban  ;  de  là,  le 
sable  est  journellement  entraîné  dans  le  chenal  (3). 

De  fait,  pendant  tout  l'été  1804,  le  port  d' Ambleteuse  ne 
servit  qu'à  un  chiffre  tout  à  fait  restreint  de  bâtiments  (50  au 
plus  (4). 

Mais  la  répartition  du  mois  de  juillet  avait  affecté  ce  port  à 
toute  la  flottille  batave,  soit  près  de  300  bâtiments. 

Dans  ces  conditions,  Sganzin  considérait  comme  essentiel 
l'achèvement  du  bassin,  dont  toute  la  partie  supérieure  restait 
à  creuser. 

«  En  ramenant  au  niveau  de  la  partie  basse  à  3  pieds  au- 
dessous  du  zéro  de  l'échelle,  et  à  un  niveau  tel  qu'il  reste 
11  pieds  6  pouces  en  morte   eau,   on   aurait  une  superficie 


(1)  Voir  earte  d-dessos. 

(2)  36  chaloupés,  100  bateaux,  72  péniehes,  54  écuries,  18  transports  d'artiUerie,  36  de 
bagages  et  18  bateaox  de  Terre-Neuve.  (Situation  du  2t  novembre  1804.) 

(3)  Lettre  de  Sgansin  du  6  fructidor  an  xn  (24  août). 

(4)  44  d'après  la  situation  du  22  novembre. 

IV.  25 


386  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  II. 

disponible   de  9,349  toises,  permettant  de   placer   412  ba- 
teaux . 

((  Le  chenal  ayant  2  à  3  pieds  d'eau  à  mer  basse,  la  sorlie 
serait  toujours  facile  (1). 

«  Pour  terminer  la  partie  supérieure  du  bassin,  il  faudrait 
«  698,000  francs  et  tout  serait  prêt  le  15  brumaire  (6  novem- 
v<  bre)(2).  » 

A  plusieurs  reprises,  Sganzin  revint  à  la  charge  : 

«  Les  circonstances,  écrit-il  le  26  octobre,  me  paraissent 
«  favorables  pour  provoquer  le  gouvernement  et  le  faire 
«  décider  à  achever  enfin  le  port  d'Ambleteuse. 

«  Je  ne  doute  pas  que  Ton  commence  enfin  à  reconnaître  les 
((  inconvénients  du  port  de  Wimereux,  pour  lequel  Tengoue- 
«  ment  diminue  chaque  jour,  et  qu'on  se  détermine  à  achever 
«  le  bassin  d'Ambleteuse  et  à  lui  donner  l'extension  dont  il  est 
«  susceptible  et  qui  parait  indispensable  pour  les  besoins 

«  ultérieurs  de  la  flottille N'étant  plus  pressés  par  les 

«  circonstances,  nous  pourrons  enfin  choisir  et  appliquer  les 
«  moyens  convenables  ». 

Rien  ne  fut  entrepris  à  cette  époque.  Bientôt  à  Ambleteuse, 
comme  ailleurs,  les  travaux  furent  complètement  suspendus. 
On  va  voir  quels  résultats  eut  cette  mesure,  si  particulière- 
ment dangereuse  pour  un  port  aussi  artificiel  et  aussi  peu 
favorisé  par  la  nature  que  celui-là  (3). 

Les  travaux  de  toute  espèce  ont  été  suspendus  pendant  Vhiver  dans  le  port 
d^  Ambleteuse  ;  on  annonce  qu'au  1*"  germinal  (22  mars)  prochain,  ils  seront 
repris;  cela  parait  d'autant  plus  urgent,  que  tous  les  jours  le  bassin  se  comble 
par  les  sables  que  le  courant  qui  s^est  établi  à  la  brèche  du  tambour,  vis-à-vis 
la  passe,  y  introduit.  L'ouverture  de  cette  brèche  est  de  12  à  i3  toises;  il  y  a 
un  mois  qu'un  violent  coup  de  vent  l'occasionna.  Il  est  probable  que  si,  avant 
de  cesser  les  travaux,  toutes  les  palplanches  avaient  été  posées,  et  que  le  tam- 
bour eût  été  garni  de  pierres  anglaises,  cet  accident  aurait  été  évité.  Dans 
l'état  actuel,  les  bâtiments  sont  deux  ou  trois  jours,  pendant  les  mortes  eaux, 
sans  pouvoir  sortir  du  port. 

Il  m'a  paru  que  le  chenal  s'était  un  peu  approfondi,  et  que  le  cours  de  la 
Slack  l'entretenait. 

La  jetée  de  l'est  du  chenal  est  entièrement  terminée,  le  pavé  de  celle  à 


(1)  Lettre  dn  l**  septembre. 

(2)  Lettre  dn  26  octobre. 

(3)  Des  travaux  de  1803  à  1805,  il  reste  à  peine  trace  aujourd'hui. 


LES  PORTS  DE  RÉUNION.  —  FIN.  387 

]*ouest  est  plus  qu'à  moitié  fait  ;  ce  traTail  parait  bien  traité.  Le  rousoir  de 
l'entrée  du  bassin  est  aussi  payé,  mais  d'une  manière  moins  parfaite.  Le  tunage 
circulaire  s'est  entretenu. 

Il  est  san»  doute  urgent  que  les  traTaux  du  port  d'Ambleteuse  soient  repris, 
afin  de  remédier  aux  accidents  que  ThiTer  a  occasionnés  ou  que  l'imperfection 
de  ce  qui  a  été  fait  a  produit,  et  aussi  pour  compléter  ce  qui  reste  à  faire  ; 
mais  pour  cela  il  y  a  encore  beaucoup  cT argent  à  dépenser,  quoique  on  ait 
transporté  sur  les  lieux  une  partie  des  approvisionnements  nécessaires  (1). 

C'est  dans  ces  conditions  que,  le  25  mars  1805  (2),  FEm- 
pereur  donne  Tordre  de  faire  passer  à  Âmbleteuse  la  première 
partie  de  la  flottille  batave,  et  prescrira  le  H  avrÛ  (3)  d'y 
réunir  toute  cette  flottille.  On  devra  s'occuper  du  nettoyage 
des  ports  de  Boulogne  et  d'Ambleteuse,  auxquels  sont  con- 
sacrés 400,000  francs  (4).  C'est  à  ce  sujet  que  l'amiral  Ver- 
huell  écrit  la  lettre  qui  suit  : 


Le  vice^miral  Verhuell,  commandant  en  chef  de  la  Hottille  batave, 
à  S.  M.  Napoléon  /•^  empereur  des  Français,  roi  d'Italie  (5). 

DuQkerque,  le  27  mars  1805* 
Sire, 

S.  E.  M.  le  maréchal  DaTOut  m*ayant  fait  connaître  que  l'intention  de  Votre 
Majesté  était  positiTement  que  la  première  partie  de  la  flottille  se  rendit  à 
Ambleteuse,  j'ai  Thonneur  de  rendre  compte  à  Votre  Majesté  que  je  ne  négli- 
gerai rien  pour  exécuter  promptement  ses  ordres. 

J'avais  pris  la  liberté  d'adresser  hier  quelques  observations  à  Votre  Majesté, 
sur  le  susdit  port,  mais  comme  le  courrier  que  S.  E.  M.  le  Maréchal  expédie 
aujourd'hui  sera  sans  doute  arrivé  avant  ma  dépêche,  j'ai  l'honneur  de  les 
transcrire  ici. 

D'après  les  renseignements  que  f  ai  fait  prendre  sur  le  port  d' Ambleteuse,  f  ai 
trouvé  quil  était  presque  impossible  d'y  mettre  la  première  partie  de  la  flot- 
tille, vu  que  ce  port  est  tellement  ensablé,  qu'il  n'y  a  dans  sa  plus  grande  pro- 
fondeur, dans  son  intérieur,  que  i2  à  13  pieds  d'eau,  sondé  pendant  les  vives 
eaux,  et  la  différence  des  vives  eaux  aux  eaux  mortes  est  de  8  pieds  dans  tous 
les  rapports  de  Veau,  ce  qui  ne  laisse  tout  au  plus  que  5  pieds  dans  ce  dernier 
cas,  et  ne  permettrait  pas  même  de  rester  à  flot,  lors  des  hautes  marées,  à  nos 
bâtiments  de  !'•  espèce,  qui  tirent  7  à  8  pieds  deau;  à  cet  inconvénient  s'en 


(1)  Rapport  de  Sonlt,  8  mars. 

(2)  A  Davout,  25  mars. 

(3)  Lettre  à  Verhaell,  11  avril. 

(4)  Voir  ci- dessus.  Lettre  à  Decrès  du  21  mars. 

(5)  Archives  nationales ,  earton  APi^«  1203.  —  Marine,  colonies  et  flottilles,  an  xu  et 
an  xiv. 


388  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  II. 

joint  un  qui  me  parait  n'offrir  pas  moins  de  difficultés,  c'est  que  le  fond  est  dur 
et  inégal,  et  les  bâtiments  de  la  flottille  étant  tous  armés  de  gros  calibre,  il  est 
très  à  craindre  qu'ils  ne  soient  écrasés  par  la  pesanteur  de  leur  c/iarge  supé- 
rieure. 

Néanmoins,  comme  rien  n'est  impossible  alors  qu'il  s'agit  d'exécuter  les  inten- 
tions de  Votre  Majesté,  je  fais  toutes  les  dispositions  convenables  pour  faire 
partir  au  préalable  les  deux  premières  divisions  de  bateaux  canonniers;  ces 
bâtiments,  anÎTés  à  Ambleteuse,  les  équipages  et  les  garnisons  pourront  être 
employés  à  creuser  le  fond  de  ce  port,  et,  par  conséquent,  à  le  rendre  propre 
à  recevoir  les  chaloupes  canonnières. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

Verhlkll. 

L'ordre  de  TEmpereur  fût  cependant  maintenu  d'après, 
semble-t-il,  les  assurances  optimistes  données  parSganzin. 


Au  maréchal  Davout  (1). 

3  avril  1805. 

Je  désire  que  vous  vous  rendiez  à  Ambleteuse.  Les  ingénieurs  m'ont  assuré 
qu'avec  une  dépense  de  40,000  francs  on  remettrait  ce  port  dans  l'état  où  il 
était,  et  qu'il  y  aurait  plus  d'eau  qu'à  Boulogne.  Voyez  ce  qu'il  en  est.  Je  pense 
que  le  major  général  aura  donné  des  ordres  pour  qu'au  moment  de  l'arrivée 
de  votre  division  à  Ambleteuse,  votre  commandement  s'étende  jusque-là.  Je 
vois,  par  l'état  de  la  flottille  batave,  que  vous  êtes  très  mal  et  que  tous  n'avez 
pas  d'équipages.  Écrivez  à  l'amiral  Verhuell  qu'il  fasse  son  possible  pour  que 
vous  ayez  les  moyens  d'embarquer  vos  équipages  et  vos  chevaux  d'état-major, 
conformément  à  la  lettre  que  le  major  général  a  dû  vous  écrire.  Le  plus  impor- 
tant est  de  faire  équiper  promptement  vos  écuries  et  de  les  faire  venir  toutes 
j\  Dunkerque;  appliquez-vous  principalement  à  les  tenir  prêtes. 

Napoléon. 
Au  vice-amiral  Decrès  (2). 

Lyon,  21  germinal  an  xm  (11  avril  1805). 
Monsieur, 

Les  bâtiments  français  qui  sont  h  Ambleteuse  doivent  l'évacuer  et  se 
replier  sur  Boulogne.  La  huitième  escadrille  peut  très  bien  tenir  à  Amble- 
teuse, quand  elle  y  serait  serrée.  Vous  devez  penser  que,  quand  j'en  aurai  besoin, 
la  moitié  sera  en  rade  et  quil  n'y  aura  qu'une  moitié  à  faire  sortir.  D'ailleurs, 
il  me  suffit  que  vous  dirigiez  les  choses  de  manière  qu'îiu  moment  où  j'aurai 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8517. 
(i)  Correspondance  de  Napoléon,  8569. 


LES    PORTS  DE  RÉUNION.   —  FIN.  389 

besoin  de  les  faire  sortir,  les  deux  escadrilles  se  trouTent  réunies  à  Ambleteuse. 
Je  pense  que  vous  avez  mal  fait  de  donner  SOO.OOO  francs  à  M.  Delarue  ;  ce 
sont  des  comptes  qu'il  doit  donner,  et  non  faire  des  menaces. 

Napoléon. 

Une  fois  arrivé  à  Ambleteuse,  Sganzin  constata  que  «  la  partie 
supérieure  du  bassin,  en  s'écroulant,  ensablait  le  reste  ».  Il 
proposa  donc  de  renoncer  à  creuser  cette  partie  et  de  se  con- 
tenter de  la  partie  basse  qui,  disait-il,  «  peut  à  elle  seule 
contenir  392  bateaux  (1)  ». 

«  Pour  les  bateaux-baleines  {sic),  qui  ont  plus  de  bau  que 
les  nôtres,  on  pourra  les  placer  par  files  de  10  sur  le  côté  nord 
et  le  côté  sud  avec  un  passage  libre  de  75  pieds  de  largeur 
et  7  pieds  entre  chaque  file.  On  peut  donc  placer  : 

A  la  partie  rectangulaire 240  bateaux. 

A  la  partie  triangulaire 45       — 

Soit 285  bateaux. 

((  Si  on  doit  placer  400  bâtiments,  il  faudra  prolonger  le 
bassin  actuel  de  50  toises  dans  Test,  et  séparer  la  partie 
étendue  de  ce  qu'on  abandonnera  du  bassin  supérieur.  » 

«  La  dépense  sera  de  249,660  francs,  plus  15,000  francs 
d'entretien.  » 

L'arrivée,  le  28  avril,  de  la  première  partie  de  la  flottille 
batave  prouva,  malgré  Toptimisme  de  Sganzin,  que,  seuls,  le 
chenal  et  une  très  faible  partie  du  bassin  pouvaient  recevoir 
les  bâtiments  hollandais,  qui  tiraient  en  moyenne  2  pieds  d'eau 
de  plus  que  leurs  similaires  français. 

La  portion  de  la  flottille  batave,  entrée  ce  matin,  était  restée  dans  le  chenal 
à  mer  basse.  A  la  marée,  la  plupart  des  bateaux,  étant  mal  amarn^s,  ont  été 
entraînés  par  le  flot  dans  le  bassin  et  sont  par\enus  à  Tentréc  sans  avaries,  au 
moment  où  Téchelle  ne  marquait  encore  que  zéro,  c'est-à-dire  qu'il  n'y  avait 
que  6  pieds  de  mer  montée  à  l'entrée  du  chenal.  11  résulte  de  ce  fait  que  les 
mortes-eaux  les  plus  basses,  donnant  de  5  à  6  pieds  d'eau  à  l'échelle,  il  y  a  îi 
ces  époques,  à  l'entrée  du  bassin,  de  9  à  iO  pieds  d'eau,  puisque  les  bateaux 
bataves  de  2*  espèce,  qui  y  étaient  parvenus  comme  malgré  eux,  tirent  au 
moins  quatre  pieds  d'eau. 


(1)  Lettre  da  24  avrU. 


390  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  II. 

Le  bon  état  actuel  de  ce  chenal,  comparé  à  celui  de  Wimereux  et  même  à 
celui  de  Boulogne  où  il  y  a  bien  moins  (Teau,  la  beauté  des  jetées,  le  calme  du 
port  par  les  plus  beaux  temps,  me  font  de  plus  en  plus  désirer  que  Votre  Excel- 
lence accueille  mes  propositions  (de  nouveaux  travaux)  qui  doivent  assurer  la 
prééminence  que  Ton  reconnaît  à  ce  port  sur  les  autres  établissements  de  la 
côte  (I  ). 

A  ce  moment,  l'Empereur,  alors  en  Italie,  écrivait  (2)  : 
«  J'ai  donné  des  ordres  pour  faire  nettoyer  non  seulement 
«  le  bassin,  mais  encore  la  cunette,  et  mettre  le  port  d'Amble- 
«  teuse  dans  le  cas  de  contenir  la  flottille  batave  ».  Quelques 
jours  plus  tard,  il  donnait  gain  de  cause  à  Sganzin,  en  ordon- 
nant le  programme  qu'il  proposait. 

4  ùecrés  (3). 

Alexandrie,  7  mai  1805. 

Mon  intention  est  que  toute  la  flottille  batave,  chaloupes,  canonnières  et 
bateaux  canonniers,  soit  réunie  à  Ambleteuse.  Les  correttes  de  pêche  doivent 
rester  à  Calais  avec  une  portion  des  écuries.  La  question  n*est  point  de  savoir 
si  les  travaux  qu'on  fait  dans  la  cunette  d' Ambleteuse  se  comblent  ou  non,  mais 
bien  si  cette  cunette  peut  contenir  des  bateaux.  Je  pense  donc  qû*il  faut  ordonner 
ce  travail  afin  que  la  flottille  batav>e  soit  contenue  tout  entière  dans  ce  port. 
Une  fois  l'armée  passée  et  l'expédition  terminée,  nous  n'aurons  plus  besoin  de 
tous  ces  ports  de  campagne. 

C'est  donc  à  cette  époque,  si  absolument  tardive,  qu'on  va 
entreprendre  des  travaux  que  Texpérience  a  démontré  exiger 
toujours  des  lenteurs  excessives. 

Effectivement,  le  4  juin,  à  Fannonce  de  Tapproche  de  nou- 
veaux bâtiments  bataves,  Sganzin  répond  que  le  port  ne  peut 
en  recevoir  que  200  (4).  Toujours  confiant,  il  promet  quatre, 
des  cinq  compartiments  qu'on  déblaie,  pour  le  14  juin  (5); 
mais,  le  18,  il  n'y  en  a  qu'un  seul  terminé.  A  la  vérité  «  on 
peut  recevoir  54  canonnières  et  4  prames,  qui  auront  8  pieds 
d'eau  en  morte  eau  ».  Le  27,  il  manque  encore  deux  compar- 
timents. Sganzin  avoue  pourtant  qu'on  a  dépensé,  depuis  le 


(1)  Lettre  de  Sganzin,  28  ayril.  {Archives  des  ponts  et  chaussées.) 
h)  Lettre  à  Davout,  26  avril.  (Correspondance  de  Napoléon,  8634.) 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  8695. 

(4)  Lettre  du  14  juin. 

(5)  Lettre  du  18  juin. 


LES  PORTS  DE  RÉUNION.   —  FIN.  391 

!•'  vendémiaire,  457,364  francs,  et  que  l'entretien  du  port 
coûtera  6  à  8,000  francs  par  mois.  «  Pourtant,  ajoute-t-il,  le 
port  s'enscible  et  s^ensciblera  constamment.  »  Quand,  au 
17  août  (1),  on  revoit  les  comptes,  on  trouve  pour  Tan  xui  et 
pour  le  seul  port  d'Ambleteuse,  942,524  francs;  pour  recevoir 
la  flottille  batave,  on  avait  dépensé  352,000  francs  (2).  Or,  la 
concentration  de  celle-ci  ne  sera  jamais  achevée  et,  au  20  août, 
il  y  aura  en  tout  et  pour  tout,  à  Ambleteuse  (3)  :  4  prames, 
54  chaloupes  canonnières,  182  bateaux  canonniers,  35  trans- 
ports (4).  Soit  275  bateaux^  au  lieu  des  378  qui  doivent  porter 
le  corps  de  Davout  (5). 

C'est  pour  le  port  de  Wimereux,  confié  au  génie  militaire, 
qu'on  eut  encore  le  moins  de  déboires. 

Dès  le  17  juin  1804,  on  avait  pu  donner  des  chasses  très 

efficaces  et  obtenir  ainsi  une  profondeur  à  peu  près  uniforme 

*  dans  le  chenal  de  15  pieds  en  vive  eau  et  9  en  morte  eau  (6). 

Note  sur  l'effet  de  /a  chasse  du  28  prairial  an  XII. 

Port  de  Wimereux. 

Les  eaux  étaient  à  la  hauteur  des  vannes,  c'est-à-dire,  à  8  pieds  au-dessus 
du  radier. 
Elles  ont  mis  9  minutes  pour  arriver  à  Textrémité  des  jetées. 


(1)  Lettre  da  27  juin. 

(2)  Lettre  da  17  aoftt. 

(3)  Sommes  nécessaires  pour  l'an  xiv  pour  l'entretien  et  la  continuation  des  travaux 
maritimes  dans  les  ports  de  Boulogne,  Ambleteuse,  Étaples,  Calais  et  Saint- Valery-sur- 
Somme  ;  802,000  francs  (dont  moitié  pour  Boulogne). 

Dépenses  à  Ambleteuse  : 

An  XI 113,285  francs. 

An  xn 3,242, 185      — 

An  xin,  jusqu'au  30  messidor 501 ,551      — 

Total 3,857,026  francs. 

A  Boulogne  et  Wimereux,  an  xiii,  jusqu'au  30  messidor  (18  août),  1,007,683  francs. 

Le  déficit  i>our  solder  les  dépenses  est  de  107,554  francs. 

Ce  déficit  est  pleinement  justifié  si  l'on  considère  les  difficultés  et  les  avaries  considé- 
rables arrivées  au  barrage  à  cause  de  la  suspension  des  remblais,  ordonnée  à  plusieurs 
reprises  pour  le  passage  des  b&timents  dans  la  Liane,  circonstances  qui  ont  exigé  des 
moyens  extraordinaires  de  construction. 

(4)  Lettre  de  VerhueU,  20  août. 

(5)  Situation  du  28  jniUet  (Carnet). 

(6)  Voir  ci-dessns. 


392  TROISièïiE  PARTIE.   —  CHAPITRE  II. 

Dans  un  quart  d'heure,  il  y  a  eu  près  de  trois  pieds  d*eau  à  la  tête  des 
jetées. 

La  chasse  a  conservé  une  assez  grande  force  pendant  une  heure  et  demie. 

Après  deux  heures  un  quart,  les  eaux  du  Wimereux  étaient  réduites  à  leur 
Tolume  ordinaire. 

La  tête  du  banc  de  sable,  à  l'extrémité  des  jetées,  a  été  emportée. 

Les  eaux  ont  baissé  d'un  pied  et  demi,  au  bout  d'une  demi-heure,  dans  le 
bassin  de  retenue. 

Boulogne,  le  28  prairial,  an  xu.  Le  général  Bertrand. 

Mais  il  restait  encore  bien  à  faire  dans  le  port. 

Le  22  juin,  ordre  était  donné  d'armer  Textrémité  de 
la  jetée  ouest  de  3  mortiers  (1).  Simultanément  on  s'occu- 
pait des  quais  et  du  chemin  de  halage  (2).  Il  y  avait,  au 
i*"^  août,  1940  travailleurs,  dont  130  charpentiers  et  30  scieurs 
de  long  (3).  Mais  dès  ce  moment,  le  port  est  utilisable,  et  il 
semble  même  qu'il  soit  de  beaucoup  le  meilleur  des  quatre  t 
points  de  réunion. 

Rapport  sur  le  port  de  Wimereux. 

t  août  1804. 

Des  huit  marées  de  vives  eaux  qui  ont  été  observées  depuis  le  22  vendé- 
miaire (15  octobre),  époque  à  laquelle  il  fut  question  du  port  de  Wimereux^  six 
se  sont  élevées  de  1 ,2  et  2  pieds  6  pouces  au-dessus  de  celles  du  7  brumaire, 
une  seule  a  été  plus  basse  de  9  pouces. 

En  comprenant  les  diverses  hauteurs  de  la  mer  à  ce  point  comme  niveau 
général,  on  a  fait  les  obser\ations  suivantes  : 

An-<leisont  An-dasras 

de  la  marée  de  la  marée 

da  7  bramaire.    da  7  bramaire. 

Le  mer  s'est  élevée  le  1"'  pluviôse \  pied                 » 

—  2  -  0,4 

—  3  —  3 

--  4  -  2 

—  5  —  1,6 

—  6  —  0,4 

—  7  —  ,>                       1,6(4) 

—  8  —  »                        »     (5) 

—  9  —  1                        » 

—  10         —       2,4 

(1)  Ordre  de  Soull,  11  juin.  (Archives  de  la  Guerre,) 

(2)  Rapport  de  Bertrand,  22  Juin. 

(3)  Rapport  de  Dode,  !•'  août. 

(4)  Dans  la  nuit,  elle  est  montée  de  2  pieds  6  ponces  an-dessas  da  7  bramaire. 

(5)  Au  niveau  da  7  brumaire. 


LES  PORTS  DE  RÉUNION.  —  FIN.  393 

Il  est  à  remarquer  que  la  mer  reste  3  heures  i/2  à  4  heures  à  s'élever  aux  5  à 
6  derniers  pieds  ou  à  en  descendre  y  temps  pendant  lequel  on  pourra  entrer  dans 
le  port  et  en  sortir. 

On  remettra  un  état  plus  détaillé  des  obserrations  faites  pour  servir  A  l'éta- 
blissement du  port. 

L'approfondissement,    au    44  pluviôse, 

donne  depuis  Feutrée  du  port  Jusqu'à 

reilrémité  des  Jetées 13piea..    J       ^^^^essous 

Prolongement  du  chenal  et  a^ant-port. .     10  —  6   I      j^  jj^  marée 

^^^, ?  (  du  7  brumaire. 

Arrière-port 4  / 

Tous  les  ouvriers  ont  été  répartis  depuis  l'écluse  jusqu'à  l'extrémité  des 
jetées  qui  était  la  partie  la  plus  urgente  et  en  môme  temps  la  plus  difÛrilc,  à 
cause  du  roc  et  des  galets. 

Le  défaut  d'ouYiiers  n'a  permis  d'en  placer  que  peu  dans  le  port  et  point 
dans  Tarrière-port 

Boulogne,  14  thermidor,  an  xii.  Le  général  Bertrand. 

A  la  fin  de  septembre,  on  a  achevé  le  quai  en  charpente, 
commencé  celui  en  pierres  sèches  de  l'arrière-port,  terminé 
les  tunages  et  les  talus  des  quais  et  régalé  une  grande  partie 
des  terres  environnantes  (1). 

C'est-à-dire  que  le  port  est  à  peu  près  terminé. 

Toutefois  il  a  un  grand  défaut,  c'est  que  la  direction  du 
chenal  l'expose  directement  à  la  grosse  houle.  Pour  remédier 
à  cet  inconvénient,  de  singuliers  procédés  sont  proposés  : 

Rapport  de  SgAnzin  au  Ministre  de  /a  marine  (2). 

4  février  1805. 

Le  Préfet  maritime  expose  de  nouveau  les  mouvements  pour  les  bâtiments 
de  la  flottille,  qui  résultent  de  l'agitation  de  la  mer  dans  le  port  de  Wime- 
reux .... 

Le  chef  militaire  a  proposé,  pour  rompre  la  lame,  des  chevaux  de  frise,  barrant 
le  chenal  sur  trois  hauteurs  différentes,  procédé  inefficace  et  gênant  pour  la 
navigation. 

Le  port  est  placé  beaucoup  trop  près  de  l'estuaire.. .  On  a  reconnu  l'impossi- 
bilité de  pratiquer,  comme  à  Boulogne  et  à  Ambleteuse,  des  estacades  à  claire- 
voie.  . . . ,  et  l'on  a  proposé  de  réparer  le  bassin  de  Favant-port  en  ne  laissant 
qu'une  ouverture  de  5  toises  ou  30  pieds  de  largeur,  au  moyen  d'une  estacade 


(1)  Rapportée  Dode,  21  septembre. 
(i)  Archives  des  ponts  et  chaussées. 


394  TROISIÂME  PARTIE.   —  CHAPITRE  U. 

pleine  dans  le  prolongement  de  la  jetée  nord.  Les  bâtiments  seraient  placés 
dans  le  bassin  le  long  du  quai  ouest,  sur  i2  rangs  de  hauteur.  On  pourrait  ainsi 
loger  108  bâtiments  de  guerre  et  quelques  transports,  et  Ton  pourrait  loger  la 
7*  escadrille  si  on  se  décidait  à  terminer  les  déblais  de  la  partie  nord  du  bassin 
qui  n'est  pas  à  profondeur, 

L'inconyénient  de  ce  projet  est  de  rendre  Tentrée  si  difficile  que,  par  grosse 
mer,  les  bâtiments  chassés  de  la  rade  se  briseront  les  uns  contre  les  autres 
dans  TaTant-port. 

Le  Conseil  des  travaux  maritimes  est  d'avis  de  faire  ce  barrage,  proposé  par 
MM.  Lostange  et  Frison,  en  portant  à  90  toises  la  largeur  de  Touverture. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dès  la  fin  de  Tété  1804,  129  bâtiments 
étaient  abrités  dans  le  port  de  Wimereux.  L'interruption  des 
travaux  pendant  Thiver  parut  y  avoir  été  moins  préjudiciable 
qu'ailleurs. 

Le  port  de  Wimereux  contient  aujourd'hui  144  bâtiments,  que  les  grenadiers 
de  la  réserve  montent  ;  et  il  pourrait  encore  en  recevoir  30  à  40.  Les  murs  du 
quai  de  Farrière-port  seront  terminés  dans  8  jours  ;  ce  travail  qui  aurait  dû 
être  fait,  même  pendant  Thiver,  n'ayant  pu  se  continuer,  faute  de  fonds,  les 
terres  du  talus  ont  été  délavées  et  entraînées  dans  Vintérieur  du  port  ;  la  dépense 
de  35,000  à  40,000  francs,  que  le  génie  propose  pour  les  enlever,  parait  indis- 
pensable. 

Le  magasin  à  poudre  de  la  marine,  qui  a  été  suspendu  pendant  Thiver,  doit 
être  repris  à  la  fin  de  ce  mois. 

Le  chenal  semble  s'être  approfondi, 

La  batterie  de  mortiers  qui  était  placée  à  l'extrémité  de  la  jetée  ouest,  ayant 
éprouvé  pendant  Thiver  de  fréquentes  avaries,  ce  qui  rendait  son  utilité 
très  momentanée,  j'ai  cru  devoir  la  faire  supprimer  et  ordonner  qu'elle  fût 
portée  à  la  pointe  des  Rochettes,  oi!l  son  effet  sera  continuel  et  également 
efficace. 

Enfin  le  génie  parait  persuadé  qu'au  moyen  de  ce  surcroît  de  dépense,  et 
une  addition  de  3S,000  francs  pour  les  remblais,  rigoles,  nivellement,  contre- 
fossés  et  direction  des  eaux,  qui  restent  à  faire,  les  travaux  du  port  de  Wime- 
reux seraient,  dans  un  mois,  entièrement  terminés,  et  qu'aucune  dégradation 
n'y  serait  à  craindre  (1). 

De  fait,  à  la  reprise  des  travaux,  le  port  de  Wimereux  fut 
désigné  pour  la  8®  escadrille  et,  en  somme,  au  début  d'août, 
on  avait  pu  loger  dans  ce  port  237  bâtiments  qui  avaient  la 
possibilité  de  sortir  en  deux  marées  à  peu  près. 

C'était  le  seul  des  ports,  anciens  ou  nouveaux,  qui  donnât 
un  semblable  résultat. 

(1)  Rapport  de  Soalt. 


CHAPITRE  m 


LES  DERNIÈRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE 


On  a  vu  plus  haut  combien  la  valeur  active  de  la  flottille 
avait  périclité  pendant  ce  qu'on  peut  appeler  la  période  d'fiiban- 
don  :  le  signe  caractéristique  fut,  on  s'en  souvient,  la  rareté 
des  appareillages,  leur  peu  de  durée  et  surtout  la  diminution 
progressive  de  Tefifectif  mis  en  rade.  Les  habitudes  prises 
furent  conservées  jusqu'à  la  fin. 

Le  9  mars  1805,  on  fit  sortir  du  port  de  Boulogne  27  canon- 
nières, 3  bombardes,  27  bateaux,  6  péniches,  1  sloop-bom- 
barde, en  tout  64  navires,  qui  rentrèrent  six  jours  plus  tard, 
non  point  par  suite  du  mauvais  temps,  car  les  Anglais  restè- 
rent au  mouillage,  mais  simplement  parce  que  Téquinoxe 
approchait  (1). 

Le  26,  par  vent  d'est  et  beau  temps,  25  bâtiments  vinrent 
en  rade,  «  les  30  autres  n'ayant  pu  sortir  parce  qu'il  n'était 
pas  monté  assez  d'eau  dans  le  port  »  (2).  C'était  une  marée 
de  morte  eau  et  le  chenal,  envasé  par  les  déblais  du  grand 
bassin  qui  s'éboulaient,  s'obstruait  de  plus  en  plus.  La  ligne 
d'embossage  ne  resta  formée  cette  fois  que  quatre  jours, 
jusqu'au  30;  pendant  ce  délai,  on  a  reçu  à  Boulogne  les 
5  prames  qui  n'avaient  pu  y  entrer  le  21  février,  et  3  canon- 
nières venant  d'Ostende  et  de  Gravelines. 

Jusqu'au  9  avril  personne  ne  sort,  mais,  le  4,  sont  arrivés 
devant  le  port  3  canonnières,  10  bateaux,  4  péniches  et  20 


(1)  Correspondance  Joomalière  de  Lafond,  chef  d'état-major  de  la  flottille.  BBi^,  215. 
{t)Jdem. 


396  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  lïl. 

transports,  amenés  du  Havre  par  le  capitaine  Hamelin,  et 
Tétat  lamentable  du  chenal  s'est  affirmé  une  fois  de  plus. 

«  Lorsque  les  bâtiments  du  convoi,  dit  Lafond,  ont  voulu 
donner  dans  le  chenal,  ils  ont  doublé  le  musoir  et  ont  été 
obligés  de  venir  du  lof  pour  entrer  dans  le  port  ;  mais  la  mer 
était  tellement  grosse  que  21  bâtiments  n'ont  pu  éviter  de  faire 
côte  sous  la  Tour  d'Ordres.  2  péniches  et  un  calque  ont  rempli. 
A  l'exception  de  deux  militaires  et  un  marin,  tout  le  monde  a 
été  sauvé  » . 

Il  faudra  donc  les  deux  marées  du  9  avril  pour  faire  sortir, 
la  première  fois  33  bâtiments,  la  seconde  22;  en  tout  S5,  qui 
rentrent  le  14;  le  temps  paraissant  se  gâter.  Il  redevient  beau 
dès  le  17,  mais  bien  que  les  Bataves  aient  le  24  un  combat 
près  du  Gris-Nez,  et  soient  en  sérieux  danger,  la  flottille  de 
Boulogne  ne  sort  pas  pour  les  secourir. 

Jusqu'au  21  mai,  c'est-à-dire  pendant  cinq  semaines,  on  ne 
formera  pas  de  ligne  d'embossage  ;  seules  quelques  péniches 
sortiront  parfois  pendant  quelques  heures,  s'exercer  à  la  rame 
et  au  débarquement  près  de  la  côte. 

Du  21  au  23  mai,  pour  deux  jours  seulement,  il  y  a  54  bâti- 
ments au  mouillage;  malgré  Içur  petit  nombre,  la  rentrée  va 
être  marquée  par  de  graves  incidents. 

«  La  force  du  vent  et  l'état  de  la  mer  ne  leur  ont  pas 
«  permis  à  tous  de  donner  dans  Boulogne,  10  chaloupes  et 
«  5  bateaux  ont  filé  sur  Étaples,  une  onzième  (n®  275)  cha- 
«  loupe  est,  dit-on,  entrée  à  Saint- Valéry,  après  avoir  été 
«  chassée  par  4  corvettes  (1)  ».  On  finit  par  apprendre  qu'elle 
s'est  réfugiée  à  Fécamp. 

Du  26  mai  au  10  juin  a  lieu  la  plus  longue  période  de  mouil- 
lage continu  qu'on  eût  encore  faite.  Pendant  ces  quatorze 
jours,  la  relève  des  54  navires  embossés  s'est  faite  une  seule 
fois,  mais  à  la  rentrée  par  vent  de  sud-sud-ouest,  14  bâtiments 
manquent  l'entrée  de  Boulogne  et  doivent  se  réfugier  à  Wime- 

reux. 

Dans  la  nuit  du  13  au  14  juin,  on  forme  une  forte  ligne 
destinée  à  se  porter  au-devant  des  Bataves,  qui  doivent  venir 
de  Dunkerque  à  Amble teuse.  Mais  ceux-ci,  canonnés  en  rade 


(1)  Rapport  de  Lafond. 


LES  DERNIÈRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.      397 

du  premier  de  ces  points,  ne  peuvent  se  mettre  en  mouvement 
et  le  lendemain  15  on  fait  rentrer  à  Boulogne  : 

27  chaloupes; 
2i  bateaux  ; 

1  brick; 

3  bateaux  bombardes  ; 

Les  2  divisions  de  péniches  à  obusiers  prussiens  ; 
Les  2  calques, 

et  les  canots  armés,  qui,  sortis  le  14,  sont  rentrés  au  port 
avant  la  nuit,  suivant  leur  habitude. 

Du  21  au  25  juin,  la  ligne  d'embossage  est  forte  de  47  ba- 
teaux et  chaloupes,  renforcés  par  intervalles  d'une  division 
de  péniches.  Du  1®'  au  2  juillet,  54  bâtiments  sont  mouillés  et 
rentrent  en  deux  fois,  après  moins  de  trente-six  heures  de 
station.  Le  10,  le  même  effectif  est  mis  en  rade,  pour  onze 
jours  cette  fois.  Le  17  au  soir,  à  la  nouvelle  que  les  Bataves 
sont  partis  de  Dunkerque,  toute  la  ligne,  27  canonnières  et 
27  bateaux,  se  porte  entre  Ambleteuse  et  Andresselles,  sou- 
tenue par  36  péniches  à  obusiers  prussiens  et  des  canots 
armés. 

En  opérant  ces  divers  mouvements,  dit  Lafond,  nos  bâtiments  ont  vigou- 
reusement riposté  à  une  canonnade  de  Tennnemi,  qui  était  alors  au  nombre  de 
2  frégates,  3  corvettes,  8  bricks  et  1  cutter. . . . 

A  4  h.  4/2  du  soir,  la  côte  signale  que  la  division  batave  est  mouillée  devant 
Calais  et  qu'une  autre  division  de  la  même  nation  appareille  de  Dunkerque. 

La  division  batave  n*est  arrivée  qu'à  6  h.  30  par  le  travers  du  cap  Gris- 
Nez.  . . .  Après  un  engagement  des  plus  vifs. . . .  après  une  canonnade. ...  ils 
sont  entrés  à  Calais  pour  réparer  quelques  légères  avaries,  et  à  la  marée,  ils 
ont  appareillé  pour  se  rendre  à  leur  destination.  Dès  le  moment  qu'ils  ont 
commencé  à  paraître  au  Gris-Nez,  quarante-cinq  b&timents  anglais,  parmi  les- 
quels étaient  des  vaisseaux  et  des  frégates,  ont  porté  sur  la  flottille  batave  et 
l'ont  combattue  pendant  2  heures  sans  désemparer. 

M.  l'amiral  Yerhuell  a  fait  une  très  belle  résistance  et,  malgré  l'infériorité 
de  ses  forces,  est  venu  mouiller  en  ordre  devant  le  port  d' Ambleteuse.  M.  le 
maréchal  Davout  montait  le  môme  b<^timent  que  M.  l'amiral. 

Pendant  les  journées  des  19  et  20,  les  Bataves  restent 
mouillés  devant  Ambleteuse  et  la  ligne  d'embossage  devant 
Boulogne,  en  présence  de  Tennemi. 

<c  Des  divisions  bataves,  parties  de  Dunkerque  à  trois 
«  reprises,  3  prames,  26  canonnières,  38  bateaux  canonniers. 


398  TROISIÈME  PARTIE.    —  Q^APITRE  III. 

«  23  péniches  et  9  transports  sont  arrivés  devant  Ambleteuse. 
«  1  prame,  10  canonnières,  5  bateaux  canonniers,  3  péniches 
(c  et  H  transports  sont  entrés  à  Calais. 

«  On  a  envoyé  30  canots  à  Ambleteuse,  à  la  disposition  du 
«  général  Verhuell,  pour  favoriser  à  ses  bâtiments  l'entrée 
(c  dans  ce  port  »  (1). 

Le  21  seulement,  tout  le  monde  rentre  dans  les  deux  ports. 

Cette  sortie  très  honorable,  et  qui  contrasta  fort  avec  J 'atti- 
tude ordinaire  de  la  flottille,  paraît  avoir  été  la  dernière. 
Quand  l'Empereur  arriva  à  Boulogne,  le  3  août,  le  temps  qui 
s'était  amélioré  dans  les  derniers  jours  de  juillet,  était  rede- 
venu mauvais,  et  il  n'y  avait  pas  un  bâtiment  en  rade.  On 
est  certain  qu'il  en  fut  de  même  jusqu'au  6  août.  A  partir  de 
ce  moment,  les  vides  nombreux  de  la  correspondance  de 
Lafond  ne  permettent  plus  d'affirmer  qu'il  n'y  eut  pas  de  ligne 
d'embossage,  mais,  ni  dans  les  rapports  de  la  flottille,  ni  dans 
ceux  des  généraux  de  terre,  il  n'y  est  fait  la  moindre  allu- 
sion. 

Ce  dont  on  peut  être  certain,  en  tout  cas,  c'est  que  les  condi- 
tions déplorables  du  chenal  furent  de  plus  en  plus  mauvaises 
jusqu'à  la  fin  de  la  campagne,  et  que  le  chiffre  de  100  navires, 
admis  comme  pouvant  sortir  en  une  marée,  alla  constamment 
en  diminuant.  Après  une  si  longue  et  si  formelle  expérience, 
ce  n'est  donc  pas  sans  surprise  qu'on  trouve,  à  la  date  du 
3  août,  le  rapport  ci-dessous  établi  par  Saint-Haouen,  et 
reproduit  sérieusement  par  Mathieu  Dumas  : 

Appareillage  général  de  la  Hottille  impériale.  —  Dispositions  proposées 

par  le  chef  militaire. 

La  nature  du  port  de  Boulogne,  défendant  jusqu'à  la  pensée  d'en  sortir  dans 
une  inarée,  la  totalité,  la  moitié  même  des  bâtiments  qui  y  sont  réunis,  il  a 
fallu  s'occuper  de  trouver  pour  la  flottille  un  mode  d'appareillage  général  qui, 
malgré  cet  obstacle,  promit  à  cette  opération  importante  le  succès  que  semble- 
rait vouloir  lui  disputer  l'ingratitude  sans  égale  de  ces  localités. 

Les  difficultés  ne  sont  pas  moindres  en  rade,  si  on  peut  appeler  de  ce  nom 
l'espace  qui,  précédant  l'entrée  de  ce  port,  est  battu  de  tous  les  vents  et  y 
laisse,  en  perdition,  les  bâtiments  surpris  à  ce  mouillage,  non  seulement 
par  une  tempête,  mais  même  par  un  coup  de  vent  ordinaire  de  l'ouest  au  nord- 
est. 

(I)  Rapport  de  Lafond. 


< 


LES  DERNIÈRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.      399 

Ce  danger,  qui  est  double  pour  les  bâtiments  de  la  flottille  dont  la  construc- 
tion ne  leur  permet  pas  de  se  défendre  de  la  mer,  est  un  obstacle  de  plus  à 
surmonter,  et  il  est  d'autant  plus  grand  qu'il  s'ensuivrait  infailliblement  les 
accidents  les  plus  désastreux,  surtout  si  les  bateaux  de  seconde,  espèq^  et  les 
transports  étaient  accueillis  au  mouillage  par  un  coup  de  vent  de  Fouest  au 
nord-est. 

Toutes  ces  considérations,  balancées  avec  l'ensemble  et  la  célérité  à  mettre 
dans  l'appareillage  général,  ont  déterminé  et  fixé  mon  opinion  de  la  manière 
suiTante,  sur  le  mode  le  plus  avantageux  à  suivre  pour  faire  sortir  du  port, 
dans  deux  marées,  tous  les  bâtiments  de  la  flottille. 

Je  pense  que,  dès  qu'il  s'agira  d'opérer  la  sortie  générale,  la  ligne  d*embos- 
sage  devra  être  composée  de  quelques  bâtiments  de  plus  que  de  coutume,  et 
que  les  ports  d'Ambleteuse  et  de  Wimereux  devront  aussi  avoir  la  leur,  non 
seulement  pour  habituer  l'ennemi  à  considérer  cette  manœuvre  comme  une 
simple  mesure  de  prudence,  non  seulement  pour  s'assurer  s'il  en  conclura  la 
nécessité  d'augmenter  les  forces  de  sa  station,  mais  encore  pour  nous  ménager 
l'avantage  inappréciable  d'une  offensive  dont  les  succès  seraient  d'autant  moins 
douteux  que  cette  position,  vraiment  militaire,  ferait  infailliblement  naître  de 
ces  chances  heiu*euses,  de  ces  hasards  de  calme  ou  d'avarie  de  combat,  des- 
quels il  n'est  qu'un  instant  pour  profiter. 

Gela  posé,  le  moment  arrive  où  Sa  Majesté  ordonne  l'embarquement. 

Aussitôt  toutes  les  prames  et  les  canonnières,  qui  sont  dans  les  ports  précités, 
embarquent  leur  troupe  et  vont  en  rade  prendre  la  place  des  bateaux  canon- 
niers  et  des  péniches  qui  faisaient  partie  de  la  ligne  d'embossage,  et  qui  ren- 
trent dans  le  port  pour  prendre  leur  troupe  et  leurs  chevaux.  Les  canonnières 
qui  étaient  en  rade,  appareillent  pour  aller  mouiller  à  une  encablure  plus  au 
large. 

L'embarquement  des  chevaux  étant  terminé  pour  les  transports,  tous  ces  bâti- 
ments vont  en  rade,  dans  une  marée  {sic),  mouiller  derrière  les  canonnières 
de  leur  escadrille  respective. 

A  la  marée  suivante,  qui  serait  celle  de  l'appareillage  général,  tous  les 
bateaux  canon  niers,  toutes  les  péniches  sortent  du  port  ainsi  que  les  paque- 
bots, et  ne  mouillent  point  en  rade. 

Les  canonnières  et  les  transpoi*ts  en  rade,  ayant  désaffourché  et  viré  â  pic,  au 
commencement  de  la  marée,  appareillent  dès  que  les  péniches  sortent  du  port. 

Dans  moins  d'une  heure  toute  la  flottille  est  sous  voiles,  faisant  route  dans 
l'ordre  prescrit,  par  escadrille,  division  et  section. 

Si  cependant  il  plaisait  â  Sa  Majesté  que  toute  la  flottille  séjournât  en  rade, 
si  un  changement  de  vent  ou  tout  autre  incident  l'y  obligeait,  j'en  ai  donné  la 
possibilité  en  faisant  mouiller  les  prames  et  les  canonnières  à  une  encablure 
plus  au  large  que  de  coutume.  Les  bateaux  canonniers  mouilleront  en  troi- 
sième ligne,  les  péniches  entre  deux,  l'un  et  l'autre  en  arrière  de  leur  esca- 
drille respective. 

J'ai  dit  que  la  première  ligne  ne  devait  être  composée  que  de  prames  et  cha- 
loupes canonnières,  parce  que  ces  bâtiments  sont  plus  en  état  que  les  autres 
de  soutenir  un  coup  de  vent.  Le  fond  où  il  mouilleront  est  excellent  ;  il 
remonte  insensiblement  vers  la  terre,  et  assure  une  bonne  tenue  â  ces  bâti- 
ments dans  un  coup  de  vent  battant  en  côte. 


400 


TROISIEME  PARTIE.   —  CHAPITRE  III. 


;e 


Armés  au  moins  de  5  canons,  pointés  en  tous  sens,  ils  présentent  à  Tennemi 
un  front  de  plus  de  i200  bouches  à  feu  du  plus  fort  calibre. 

Chacun  d'eux  ayant  quatre  câbles,  leur  épissure  de  deux  en  deux  sera  tou- 
jours faite  bâbord  et  tribord.  U  leur  en  résultera  le  double  avantage  de  sou- 
tenir facilement  un  coup  de  \ent,  et  de  ne  se  trouver  plus  éloignés  de  terre 
qvLh  volonté.  Je  pense  même  que  pour  ne  donner  à  Tennemi  aucun  soupçon 
de  mouvement  ultérieur,  il  est  à  propos  que,  dès  que  la  ligne  d*embossage  ne 
sera  plus  composée  que  de  prames  et  de  canonnières,  ces  bâtiments  devront 
d'abord  avoir  dehors  deux  câbles  sur  la  même  ancre.  Us  paraîtront  être  au 
mouillage  accoutumé,  quand  au  contraire  ils  seront  toujours  libres  de  se  porter 
d'une  encablure  plus  au  large. 

Pour  ajouter  à  Tavantage  de  cette  position  qui  donne  la  facilité  de  s'avancer 
promptement,  ou  de  faire  retraite  suivant  la  circonstance,  je  pense  que  deux 
prames  doivent  être  mouillées  Tune  à  côté  de  Tuutre  à  chaque  extrémité  de  la 
ligne,  et  toutes  les  autres  prames,  î\  la  distance  de  vingt  canonnières  l'une  de 
Fautre. 

Il  est  aisé  de  voir  que  dans  cette  attitude,  tout  à  la  fois  prudente  et  mena- 
çante, on  n*a  pas  à  craindre  qu'à  la  mer  haute,  Tennemi  profite  de  notre  posi- 
tion plus  au  large  pour  passer  en  terre  de  la  ligne  d'embossage  ;  car  il  n*y  a 
ici  que  les  ancres  qui  soient  plus  au  large,  et  non  les  bâtiments  qui,  par  le 
moyen  de  leur  biture  double,  sont  tout  aussi  près  de  terre  que  de  coutume,  et 
ne  doivent  se  haler  plus  au  large  que  de  basse  mer,  lorsque  la  flottille  de  trans- 
ports sera  venue  prendre  place  derrière  les  canonnières,  la  veille  ou  le  jour  de 
Tappareillage  généi-al. 

Tel  est  le  système  de  sortie,  de  mouillage  et  d'appareillage  que  je  crois  tout 
â  la  fois  le  plus  pi*opre  i\  accélérer  l'exécution  des  ordres  de  Sa  Majesté  et  en 
assurer  le  succès. 

Chaque  commandant  d'escadrille  est  au  centre  de  tous  les  éléments  qui  la 
composent,  et  de  même  qu'un  seul  signal  suffirait  pour  isoler  telle  escadrille 
de  toutes  les  autres,  de  même  aussi  un  seul  signal  suffirait  pour  l'y  ramener. 

Pour  parvenir  en  sortant  du  port  à  avoir  en  rade  une  disposition  si  avan- 
tageuse pour  le  temps  qu'on  pourrait  y  passer,  et  pour  l'ordre  à  observer  dans 
la  route  à  faire  en  appareillant,  il  a  fallu  que  les  bâtiments  soient  d'abord 
rangés  dans  le  port,  tels  que  les  présente  le  plan.  C'est  celui  dans  lequel  j'ai 
cru  avoir  réuni  ce  concours  de  moyens  si  nécessaires  pour  favoriser  l'appareil- 
lage, opération  tellement  importante  que  son  succès  est  inséparable  de  celui  de 
la  descente  même,  puisque  si  cet  appareillage  était  entravé  ^^ns  une  de  ses 
parties  quelconques,  c'en  serait  assez  pour  comprometre  à  son  débarquement 
la  portion  de  l'armée,  privée  ou  des  munitions  ou  des  hommes  peut-être  les 
plus  essentiels  pour  en  assurer  le  succès. 
Boulogne,  le  15  thermidor,  an  xin. 

Le  Chef  militaire  de  la  marine, 

Saint-Haouen. 


^^ 


!->■  c>  t.  "r 


Après  tout  ce  qui  a  été  vu  jusqu'ici,  un  tel  rapport  se  passe 
de  commentaires  :  les  contradictions  et  les  erreurs  matérielles 
sont  en  effet  trop  apparentes. 


n, 
«•majora 


LES  DERNIÈRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.  401 

La  concentration,  en  ce  qui  concerne  Farrivée  à  Boulogne 
des  détachements  venant  de  l'Ouest,  s'était  réduite  à  un 
petit  nombre  de  voyages  pendant  lesquels  se  distingua  le 
capitaine  Hamelin.  Le  28  janvier,  il  avait  amené  à  Boulogne 
30  voiles,  et,  le  4  avril,  3  canonnières,  10  bateaux,  4  péniches 
et  20  transports  venant  du  Havre.  Le  10  juin,  avec  les  2  cor- 
vettes canonnières  Foudre  et  Audacieuse^  4  canonnières  et 
14  transports,  Hamelin  et  Roquebert  livraient  un  combat,  au 
large  de  Brune vel,  contre  une  frégate,  une  corvette,  un  brick 
et  un  cutter  anglais  qu'ils  paraissent  avoir  forcés  à  la  retraite. 

L'Empereur  manifesta  toute  sa  satisfaction. 

Au  vice-amiral  Deorès  (1). 

Mantoae,  1*'  messidor  an  xin  (20  jain  1805). 

Je  suis  enchanté  de  la  petite  affaire  du  capitaine  Hamelin  :  cela  fait  bien 
voir  ce  qu'il  est  possible  de  faire  avec  nos  canonnières.  On  dira  ce  qu'on  voudra , 
ce  n'est  qu'avec  des  hommes  et  du  canon  qu'on  se  bat^  et  quelque  ayantage  qu'on 
ait  pour  les  marches  par  une  meilleure  position.  11  y  a  cependant  une  pratique 
à  admettre  et  des  avantages  qui  sont  aussi  propres  aux  chaloupes  canonnières  ; 
4  chaloupes  canonnières  ne  pouvaient  tirer  que  8  pièces  de  canon,  2  corvettes 
canonnières  n'en  avaient  que  4  ;  cela  fait  donc  12  pièces  de  canon.  1  frégate 
portait  40  canons,  I  corvette,  20;  4   brick,  12  ou  15,  1  cutter  autant;  ainsi 
voilà  nos  12  pièces  de  canon  qui  ont  tenu  au  large  et  se  sont  défendues  contre 
plus  de  100  pièces.  Je  demande  si  en  place  de  ces  6  canonnières,  qui  ne  m'em- 
ploient  pas   plus  de    450  hommes  d'équipage,  qui  ne  valent   pas  plus  de 
200,000  francs  de  matériel,  on  eût  mis  1   frégate  ou  1  brick  ;  la  frégate  eût 
sans  doute  été  prise  par  la  division  ennemie.  Qu'est-ce  que  je  veux  en  conclure^ 
C'est  qucy  dans  un  combat  qui  aurait  lieu  devant  Boulogne,  si  une  vingtaine 
de  prames  et  200  chaloupes  canonnières  se  mettaient  en  tirailleurs  entre  les  corn- 
battants,  ce  seraient  des  mouches  qui  feraient  de  terribles  piqûres  aux  escadres 
anglaises.  Je  veux  en  conclure  aussi  qu'aux  environs  de  thermidor,  toutes  les 
chaloupes  canonnières  des  environs  de  Brest  doivent  être  armées,  que  tous  les 
canonniers  du  port  et  autres  des  environs  doivent  les  armer  ;  qu'on  doit  y 
mettre  de  bonnes  garnisons  et  qu'elles  doivent  sortir  avec  mon  escadre. 

On  ne  peut  pas  dire  qu'elles  sont  vues  de  loin,  puisqu'elles  ont  perdu 
peu  de  monde,  et  l'ennemi  beaucoup;  c'est  une  petite  affaire  qui  est  char 
mante. 

Je  désire  que  vous  me  proposiez  des  récompenses  pour  ceux  qui  se  sont  dis- 
tingués. Vous  voyez  que  les  canonnières  reçoivent  des  boulets  dans  le  corps, 
dans  la  mâture,  et  qu'elles  ne  coulent  pas. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8925. 

IV.  26 


40!i  TROISIÈME  PARTIS.  *-  CHAPITRE  lU. 

Presses  le  départ  des  bâtiments  du  Havre  ;  il  est  bien  temps  qu'ils  arrivent  h 
Boulogne. 

Pressez  aussi  Verhuell  de  se  réunir  à  Ambleteuse. 

Faites-moi  connaître  de  quel  corps  étaient  les  garnisons  de  la  petite  flottille 
qui  s*e8t  distinguée  au  combat  de  Fécamp. 

NAPOLéON. 

Il  peut  être  intéressant  de  connaître,  à  ce  sujet,  la  version 
anglaise  (1). 

Le  10  juin,  à  7  heures  du  matin,  une  division  française  composée  de  2  cor- 
vettes canonnières  Foudre  et  Audacieuse,  ayant  chacune  10  canons  dont 
6  longs  de  18  livres  et  4  caronades  en  cuivre  de  36  avec  plus  de  80  hommes 
d'équipage;  4  canonnières  armées  chacune  de  3  canons  longs  de  24  et  un 
mortier  de  huit  pouces  ;  3  autres  ayant  chacune  1  canon  de  !f  4  et  une  pièce 
de  campagne  ;  et  8  dernières  ayant  chacune  deux  canons  de  4  ou  G  livres, 
enfin  14  transports,  en  tout  31  voiles,  partirent  du  Havre  pour  Fécamp.  A  hau- 
teur de  Brunevel,  les  Français  furent  chassés  par  la  frégate  anglaise  Chi/fonne 
ayant  12  canons  de  36,  le  sloop  Falcouy  le  brick  canonnier  Clinker  et  le  cutter 
armé  Frames, 

A  9  h.  30,  la  Chiffonne,  à  ce  moment  par  10  brasses  très  loin  en  tète  de  ses 
compagnons,  ouvrit  de  près  le  feu  sur  Favant-garde  ennemie  où  se  tenait  la 
Foudre  ;  mais  au  bout  d'un  quart  d'heure,  Feau  venant  i\  manquer,  la  frégate 
vira  et  s'éloigna. 

A  10  h.  30,  suivie  du  sloop  et  du  brick,  la  frégate  recommença  le  feu.  Peu 
après  le  feu  éclata  à  bord  d'une  des  canonnières  françaises,  mais  il  fut  éteint  ; 
plusieurs  bâtiments  se  jetèrent  à  la  côte. 

Vei*s  midi,  la  Chiffonne,  qui  avait  supporté  tout  le  poids  de  cette  attaque,  dut 
de  nouveau  chercher  de  plus  grands  fonds  et  s'éloigner.  Peu  après,  l'avant- 
garde  française  arriva  sous  les  batteries  du  cap  de  Groiset  et  y  resta  jusqu'à  ce 
que  l*arrière-garde  ait  serré.  A  2  heures,  le  combat  reprit.  Le  Falcon  s'enga- 
gea de  près  avec  les  deux  navires  de  queue  dont  l'un  était  V Audacieux,  Tandis 
que  les  navires  anglais  longeaient  la  côte,  les  batteries  firent  un  feu  soutenu  de 
boulets  et  d'obus.  Néanmoins  la  Chiffonne  et  le  Falcon  continuèrent  le  combat 
et  à  3  h.  15,  abattirent  le  perroquet  de  misaine  et  le  grand  mât  d'une  des 
canonnières.  Le  Falcon  et  le  Ciinker  ne  pouvant  suivre  la  frégate,  restèrent 
petit  à  petit  en  arrière  et  la  flottille  put  gagner  l'abri  des  batteries  du  port  de 
Fécamp,  dont  le  feu  dura  jusqu'à  4  h.  30. 

La  Chiffonne  fut  atteinte  plusieurs  fois  dans  sa  coque  et  une  fois  juste  à  la 
flottaison  ;  son  gréement  fut  très  maltraité;  elle  eut  t  tués  et  3  blessés.  Le 
Falcon  soufi'rit  dans  sa  mâture  et  ses  voiles  et  eût  4  blessés,  le  Clinker,  1  tué 
etl  blessé.  Les  Français  reconnurent  3  tués  et  12  blessés,  dont  le  commandant 
d'une  des  canonnières. 

C'est,  on  le  voit,  toujours  la  même  divergence  :  les  Français 


(1)  W.  James. 


LES  DBRNiiRES  OPéRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.      403 

prétendent  avoir  repoussé  Fennenii  par  les  seuls  moyens  de  la 
flottille  ;  les  Anglais  attribuent  leur  insuccès  au  manque  d'eau 
et  au  tir  des  batteries  de  côte  (1). 

Le  nouveau  combat  livré  le  23  juillet  par  la  division 
Hamelin,  restée  à  Fécamp  depuis  le  10  juin,  le  montrera 
une  fois  de  plus. 

Le  capitaine  Hamelin  (2),  dit  Tordre  du  jour  du  26  juillet,  partit  de  Fécamp 
avec  une  division,  composée  de  2  corvettes  canonnières,  6  chaloupes  canon- 
nières, 10  bateaux  canonniers  et  8  péniches  pour  se  rendre  à  Boulogne.  Au 
moment  de  son  appareillage,  il  y  avait  à  une  lieue  des  jetées  de  ce  port  une 
frégate,  deux  corvettes  et  un  cutter  ennemi  qui  se  disposaient  à  attaquer  notre 
convoi  et  qui  voulurent  lui  intercepter  le  passade  ;  mais  toutes  les  dispositions 
étant  prises  pour  soutenir  un  engagement,  quoiqu'il  ventât  grand  frais.  Le  feu 
commença  i\  portée  de  fusil,  et  la  mousqueterie,  ainsi  que  rartillene  des  cor- 
vettes, la  Foudre  et  V Audacieuse  furent  servies  avec  tint  d'avantages  que  la 
frégate  eut  bientôt  «a  corne  d'artimon  coupée  et  qu'elle  tenta  de  se  retirer  de 
dessous  la  volée  de  ces  deux  bâtiments  afin  de  donner  ensuite  sur  les  chaloupes 
canonnières,  dont  elle  espérait  que  le  feu  serait  moins  vif  en  raison  de  la 
force  du  vent.  Cette  manœuvre  n'ayant  pas  réussi,  le  combat  continua  dans 
le  même  ordre;  et  trois  chaloupes  canonnières,  ayant  mis  le  cap  sur  Tennemi, 
en  battant  en  chasse,  les  avaries  que  reçut  la  frégate  la  forcèrent  h  regagner  le 
large  promptement  et  elle  fut  imitée  par  les  trois  autres  bâtiments.  Cette  pre- 
mière affaire  dura  depuis  7  h.  1/2  du  matin  jusqu'à  9  heures. 

  10  heures,  l'ennemi  revint  canonner  la  division  française  qui  continuait 
sa  route  :  le  second  engagement  ne  fut  ni  moins  vif,  ni  moins  long  que  le  pre- 
mier. La  corvette  montée  par  le  commodore  eut  la  tête  de  son  grand  mât  de 
hune  coupée,  son  grand  mât  endommagé;  et,  se  trouvant  vigoureusement 
serrée  au  feu,  fut  obligée  de  chercher  son  salut  dans  la  fuite,  ainsi  que  le  reste 
de  la  division  (3). 

Le  capitaine  Hamelin,  dit  de  SOU  côté  W.  James,  partit  à  5  heures 
du  matin  de  Fécamp  avec  2  corvettes  canonnières  Foudre  et  Audacieuse,  6  ca- 
nonnières de  1'"  classe,  gréées  en  brick,  10  de  seconde  (2  ou  3  bricks  et  le 
reste  lougres),  8  pinasses  armées  (lougres  et  shooners),  26  voiles  au  total  ou 
3i,  suivant  les  rapports  de  plusieurs  navires  anglais. 

A  ce  moment  la  canonnière  britannique  Champion^  de  22  canons,  les  bricks 
canonniers  Clinker  et  Craker,  le  cutter  armé  Frames,  étaient  à  l'ancre  à  un 
peu  plus  d'une  lieue  au  nord-nord-est  des  jetées.  A  7  heures,  le  Champion 
commença  l'attaque  contre  les  deux  corvettes  et  plusieui*s  des  plus  fortes 
canonnières.  Celles-ci  se  rapprochèrent  de  la  côte,  sous  la  batterie  de  Senne^ 


(1)  Le  15  juillet,  les  bricks  anglais  Plumper  et  Teaser,  pris  par  un  calme  près  des  îles 
Cbaossej,  forent  attaqués  par  les  six  eanonnières  du  capitaine  Collet  et  prises. 

(t)  Archives  de  la  Marine,  BBi^,  tl5. 

(3)  n  y  eut  plusieurs  promotions.  Le  lieutenant  de  vaisseau  Roquebert  fut  nommé  capi- 
taine de  frégate,  etc. 


404  TROISIÈME  PARTIB.   —  CHAPITRE  III. 

ville,  et  le  reste  serra  la  terre  de  si  près  que  les  navires  anglais  furent  obligés 
de  venir  à  portée  des  batteries,  dont  le  feu  maltraita  bien  vite  leurs  coques  et 
leurs  gréements.  Malgré  tout,  le  Champion  et  les  deux  bricks,  surtout  le  CrakeVy 
obligèrent  le  capitaine  français,  vers  10  h.  30,  à  chercher  un  abri  sous  les 
batteries  de  Saint- Valery-en-Caux. 

Les  navires  anglais  étaient  très  maltraités  :  le  Cliampion  avait  ses  trois 
mâts,  surtout  celui  de  misaine,  endommagés,  son  gréement  haché  et  plusieurs 
trous  dans  sa  coque  très  bas  ;  le  Craker  eut  un  boulet  dans  son  mât  de  misaine, 
ses  haubans  et  ses  étais  coupés.  Le  Clinker  à  la  fin  du  combat  avait  3  pieds 
d'eau  dans  sa  cale.  Il  semble  que  le  Champion  fut  le  seul  navire  où  il  y  eût  des 
pertes  :  2  tués  et  3  blessés  ;  les  Français  eurent  4  tués  et  22  blessés. 

Dès  qu'il  apprit  que  le  Champion  et  ses  deux  compagnons  étaient  partis 
pour  se  réparer  aux  Dunes,  M.  Hamelin  remit  à  la  voile  et  atteignît  Boulogne 
sans  encombre. 

Suivant  leur  habitude,  les  Français,  dans  leurs  récits,  élevèrent  le  Champion 
et  les  2  bricks  à  la  dignité  de  '<  frégate  et  corvettes  »,  et  le  capitaine  Hamelin 
fut  représenté  comme  ayant  repoussé  la  même  division  qu'il  avait  déjà  com- 
battue, quoique  l'une  consistât  en  2  navires  et  un  brick,  l'un  des  deux  premiers 
étant  double  duChampion  comme  taille  et  force.  Comme  toujours  leur  relation 
ne  parle  pas  des  batteries  de  terre,  ni  des  diffcultés  qu'éprouvaient  les  bâti- 
ments britanniques  â  naviguer  si  près  de  la  côte. . . . 

Ce  furent  encore  les  Hollandais  qui  livrèrent  les  combats 
les  plus  intéressants  de  cette  dernière  période. 

On  a  vu  qu'à  la  fin  de  Tannée  1804,  les  deux  premières 
parties  de  la  flottille  batave  étaient  arrivées  à  Dunkerque  à 
portée  du  corps  de  Davout,  concentré  dans  les  environs.  Un 
ordre  du  l^^  mars  (1)  prescrivit  de  faire  rejoindre  3  bateaux 
restés  à  Ostende  et  8  autres  restés  à  Anvers,  et  le  25,  ordre 
fut  donné  à  la  troisième  partie,  restée  à  Ostende,  de  se  porter 
sur  Dunkerque.  C'était  toujours,  on  le  voit,  le  projet  de  faire 
agir  la  droite  de  Tarmée  dans  la  mer  du  Nord,  d'une  façon 
indépendante  et  sans  doute  avec  un  autre  objectif  que  les 
forces  de  Boulogne,  Ambleteuse,  Wimereux  et  Ëtaples.  Mais 
la  tendance  qui  s'était  toujours  manifestée,  de  resserrer  de 
plus  en  plus  sur  son  centre  la  base  des  opérations,  primitive- 
ment étendue  d'Étaples  à  Flessingue,  allait  se  traduire  par 
une  mesure  tout  à  fait  inattendue. 

Le  13  mars,  l'Empereur  écrivait  (2)  : 

«  Mon  intention  serait,  lorsque  le  moment  serait  arrivé,  et 


(l)  Correspondance  de  Napoléon,  8373  et  8481. 

(t)  Correspondance  de  Napoléon,  8129,  au  maréchal  Soolt. 


LES  DBRNIÂRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.  405 

«  vers  la  fin  de  germinal,  de  placer  Legrand  et  Suchet  dans 
<c  tout  l'arrondisse  ment  de  Boulogne,  la  réserve  et  la  garde  à 
«  Wimereux,  et  vingt  bataillons  du  camp  de  Bruges  à  Amble- 
«  tettse.  » 

L'ordre  en  fut  efiTectivement  donné  le  25  mars. 

Au  maréchal  Davout  (1). 

La  MalmaUon,  4  germioal  an  xiii  (25  mars  1805). 
Mon  Cousin, 

J'ai  donné  ordre  que  la  troisième  partie  de  fa  flottille  batave  se  rendit  d'Os- 
tende  à  Dunkerqueei  que  \à première  se  rendit  de  Dunkerque  à  Amhleteuse.  Le 
Ministre  de  la  guerre  a  dû  vous  envoyer  Tordre  pour  le  Jour  auquel  la  première 
division  du  camp  d'Ostende  doit  se  rendre  à  Ambleteuse,  pour  occuper  rempla- 
cement de  la  division  du  général  Legrand. 

Le  projet  de  faire  porter  par  des  bâtiments  de  transport  les  bois  qui  ont 
serTi  à  la  construction  des  baraques  pourrait  être  avantageux,  car  alors  on 
pourrait  construire  à  Ambleteuse  pour  une  nouvelle  division,  mon  intention 
étant  de  réunir  là  votre  armée. 

Faites-moi  connaître  par  le  retour  de  mon  courrier,  la  situation  de  votre 
armée,  celle  de  la  flottille  batave,  et  surtout  la  situation  des  écuries  et  autres 
b&timents  de  transport  destinés  à  embarquer  le  matériel  de  votre  artillerie  et 
▼os  chevaux.  Il  ne  faut  rien  laisser  à  Ostende  ;  tous  les  magasins  de  réserve, 
d'outils,  d'artillerie,  etc.,  doivent  se  replier  d'Ostende  sur  Dunkerque. 

Napoléon. 

Malgré  l'état  de  délabrement  où  se  trouvait  alors  le  port 
d'Ambleteuse  (2)  et  que  l'Empereur  connaissait  parfaitement, 
le  mouvement  de  resserrement  de  la  droite  sur  le  centre  prit 
bien  vite  une  extension  considérable. 

Le  14  avril,  ordre  fut  donné  d'évacuer,  sur  Boulogne,  tous 
les  bâtiments  français  encore  à  Ambleteuse  et  d'y  placer  tous 
les  bâtiments  bataves  formant  la  8®  escadrille  (3). 

Aux  objections  de  Decrès,  l'Empereur  répondit  simple- 
ment : 

«  La  8®  escadrille  peut  très  bien  tenir  à  Ambleteuse,  quand 
«  elle  y  serait  serrée.  Vous  pouvez  penser  que  quand  f  en  aurai 


(1)  Correspondance  de  Napoléon^  8481. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon^  8517,  à  Davout. 

(3)  Voir  ci-dessoQft. 


406  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  III. 

«  besoin^  la  moitié  sera  en  rade  et  il  n'y  aura  qu'une  moitié  à 
«  faire  sortir.  » 

A  Verhuell,  qui  signalait  rinsuffisance  de  la  profondeur  du 
port  pour  ses  navires,  plus  profonds  que  les  similaires  fran- 
çais, il  était  écrit  ce  qui  suit  : 

Au  vios'àmlral  Verhuell  (i). 

Lyon,  le  i\  genninal  an  xiii  (11  avril  1805). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 

Mon  intention  est  de  réunir  toute  la  flottille  batnve  à  Ambleteuse.  Vous 
devez  avoir  reçu  Tordre  d'y  faire  passer  la  première  partie.  J'ai  ordonné  qu'on 
travaillât  au  déblaiement  du  port,  et  toute  votre  flottille  doit  pouvoir  y  être 
contenue.  Cela  tient  A  mon  système  général  de  guerre.  Tâchez  de  compléter 
les  équipages  de  vos  écuries,  qui  sont  bien  nécessaires.  J'ai  appris  avec  peine 
que  vous  étiez  malade  ;  mais  on  m'assure  que  votre  santé  se  rétablit.  L'heure 
de  la  gloire  n'est  peut-être  pas  éloignée  de  sonner  ;  cela  dépend,  au  reste,  de 
quelques  chances  et  de  quelques  événements. 

Napoléon. 

On  a  vu  la  curieuse  réponse  de  Tamiral  hollandais,  qui  se 
mit  immédiatement  en  mesure  d'obéir. 

Le  23  avril  au  soir,  par  vent  de  nord-est,  une  division,  forte 
de  32  bateaux  canonniers  et  19  transports,  appareilla  de  Dun- 
kerque.  Dans  Tétat  actuel  du  port  d'Ambleteuse,  c'étaient  les 
seuls  navires  qui  pussent  y  entrer,  de  sorte  qu'on  n'aurait  pu 
joindre  à  la  division  des  chaloupes  canonnières.  Le  24,  au 
point  du  jour,  le  vent,  ayant  passé  au  sud-est,  avait  forcé  de 
louvoyer,  de  sorte  que  9  bâtiments,  coupés  de  terre  par  i  fré- 
gate, 2  bombtirdes  et  5  bricks  anglais  (2),  furent  pris.  Le  25, 
une  petite  partie  seulement  de  la  division  (10  bateaux  et 
2  transports)  parvenait  à  Ambleteuse,  tandis  que  le  reste 
(20  bateaux  et  6  transports)  restait  mouillé  près  de  Wissant, 
sous  la  protection  des  batteries  de  terre.  Le  26  seulement, 
après  un  nouveau  combat,  la  division,  moins  8  bateaux  et 
l  transport  pris  par  l'ennemi  et  1  autre  rejeté  à  Calais,  parve- 
nait à  Ambleteuse. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8571. 
(î)  Lafond,  24  avrU.  BB»',  Î13. 


LES  DERNIÂRES  OPERATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.  407 

A  Son  Exoellênoe  le  Miniêtrt  de  là  guerre. 

A  a  qa&rtier  général  de  Boulogne,  le  6  floréal  an  xni 

(26  aTril  1805). 

J'ai  l'honneur  d'instruire  Votre  Excellence  que  la  partie  de  la  dlTision 
batave,  qui  était  restée  mouillée  dans  la  baie  de  Wisssant,  a  appareillé  ce  matin 
et  s'est  rendue  à  Ambleteuse. 

Hier,  une  frégate  et  deux  bricks  anglais  se  présentèrent  devant  le  cap  Gris- 
Nez  et  cherchèrent  à  engager  un  combat  avec  les  bâtiments  bataves  qui  étaient 
au  mouillage  ;  le  feu  des  batteries  mobiles  et  des  batteries  de  côtes  fût  si  bien 
dirigé,  que  les  3  bâtiments  ennemis  éprouvèrent  de  fortes  avaries.  La  frégate 
eût  plusieurs  étais  de  son  grand  mât  d'emportés,  ses  manœuvres  furent  bri- 
sées ;  elle  se  trouva  même  pendant  un  instant  compromise.  Ces  trois  bâtiments 
abandonnèrent  précipitamment  le  combat,  et  firent  voile  vers  TAngleterre. 

Une  canonnière  de  la  division  venant  de  Dieppe,  ayant  touché  sur  les  bancs 
de  la  Somme,  fut  obligée  de  s'échouer  :  hier,  elle  fut  aussi  attaquée  par  une 
corvette  anglaise  ;  mais  sa  défense  et  la  protection  qu'elle  retira  des  batteries 
durent  être  tellement  efficaces  qu'on  vit  passer,  de  la  c6te  de  Boulogne,  la 
corvette  ayant  son  mât  de  misaine  emporté  et  paraissant  très  maltraitée. 

Les  vigies  ont  signalé  que  la  canonnière  était  entrée  dans  la  baie  d'Étaples. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

SOULT. 

Le  même  jour,  la  canonnière  n<*  495  s'était  échouée  à  Etaples 
après  un  combat  dans  lequel  son  commandant,  renseigne  de 
vaisseau  Jamet,  avait  été  tué,  et  le  second,  l'aspirant  Lorry, 
blessé. 

Voici  la  version  anglaise  de  cet  épisode,  d'après  W.James  : 

Le  23  avril,  à  9  heures  du  soir,  h  la  faveur  de  l'obscurité  et  d'un  vent  frais 
de  nord-^est,  la  première  division  batave,  forte  de  33  bateaux  canonniers  et 
19  transports,  partit  de  la  rade  de  Dunkerque.  Elle  dépassa  Gravelines  et  Calais 
sans  être  découverte,  mais  au  jour  le  vent  passa  au  sud-est,  puis  au  sud-sud- 
est,  et  le  changement  de  marée  mit  la  flottille  en  désordre  La  plus  grande 
partie  mouilla  entre  les  caps  Blanc-Nez  et  Gris-Nez,  tandis  que  8  bateaux  qui 
avaient  trop  prolongé  la  bordée  du  large  se  trouvèrent  à  7  ou  8  milles  de  la 
c^te.  A  ce  moment  ils  furent  aperçus  par  une  division  anglaise,  composée  de 
la  frégate  Leda^  des  sloops  Harpy  et  Railleur ,  de  la  bombarde  Fury  et  de 
8  bricks  canonniers  tous  â  l'ancre  devant  Boulogne,  sauf  2  des  derniers  qui 
étaient  sous  voiles  devant  Ambleteuse. 

Ces  deux  navires,  Gallant  et  Watchful,.,  reçurent  le  signal  de  chasser 
dans  le  nord-est,  suivis  du  reste  de  la  division  qui  leva  rancrc.  A  8  heures,  ils 
étaient  près  des  8  bateaux  bataves  et  une  vive  canonnade  s'engagea  à  laquelle 
prirent  part  les  batteries  de  terre.  En  quelques  minutes  quatre  gros  boulets 
envoyés  par  elles,  frappèrent  le  Gallant  à  la  flottaison  et  Tobligèrent  à  virer 
pour  aveugler  ses  voies  d'eau.  Un  bateau  se  rendit  au   Watchful,  Le  Railleur 


408  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  III. 

et  les  bricks  Locust  et  Stirling  obligèrent  les  6  autres  à  amener  leur  pavillon 
avant  10  heures  du  matin  et  après  une  énergique  résistance. 

Le  25  au  matin,  deux  autres  bateaux  qui  avaient  dérivé  loin  de  terre  furent 
pris  par  le  brick  Archer  qui  eut  un  seul  blessé.  Ces  8  bateaux  étaient  du  port 
de  75  tonneaux,  avaient  chacun  3  canons  de  24  et  portaient  ensemble  142  ma- 
rins et  soldats.  Le  reste  de  la  division. . . .  parvint  à  gagner  Ambleteuse. 

C'était  là  un  sérieux  échec  que  Napoléon  imputa  à  Tamiral 
Verhuell  (1)  : 

Je  suis  très  fâché,  lui  écrivit-il,  que  vous  n'ayez  pas  fait  partir  de  chaloupes 
canonnières  avec  les  bateaux  canonniers,  les  unes  servant  de  protection  aux 
autres.  Des  bateaux  canonniers  seuls  n'ont  point  la  force  nécessaire  pour  résister 
à  des  bricks  et  des  cutters.  Trop  de  confiance  produit  les  échecs  et  une  erreur 
nouvelle,  comme  celle  de  la  flottille  ;  Téchec  le  plus  petit  a  des  conséquences 
désagréables.  L'officier  qui  commandait  le  Batave  n'avait  pas  les  instruc- 
tions convenables  pour  passer  le  cap  Gris-Nez,  qui  n'est  point  un  passage  égal 
à  Dunkerque  ou  Ostende. 

Napoléon  (2). 

Au  maréchal  Davout  (3). 

Alexandrie,  le  16  flort^al  an  xni  (6  mai  1805). 
Mon  Cousin, 

Les  échecs  qu'a  éprouvés  l'amiral  Verhuell  proviennent  de  l'excès  de  con- 
fiance de  cet  amiral  et  du  peu  de  précautions  qui  ont  été  prises. 

Nous  avons  pour  principe  de  ne  point  faire  marcher  seuls  les  bateaux  canon- 
niers. Je  regrette  peu  les  bâtiments,  mais  beaucoup  les  200  hommes  dutH^  et  du 
108®  régiments  qui  sont  prisonniers.  Veillez  à  ce  que  l'on  prenne  plus  de  pré- 
cautions ;  le  passage  du  cap  Gris-Nez  n'a  rien  de  commun  avec  les  passages 
d'Ostende  et  de  Dunker(|ue. 

Napoléon. 

On  a  vu  que  Fétat  du  port  d' Ambleteuse,  à  ce  moment  (4), 
justifiait  amplement  Tamiral  de  ne  pas  avoir  emmené  des  cha- 
loupes canonnières. 

Malgré  ce  début  des  moins  encourageants,  FEmpereur 
décida,  le  7  mai,  de  faire  passer  à  Ambleteuse,  non  pas  seule- 
ment la  première  partie  de  la  flottille  batave,  mais  toute  cette 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8673. 

(2)  Deerès  n'était  pas  du  même  avis  que  l'Empereur.  (Voir  la  page  suivante.) 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  8694. 

(4)  Voir  lettres  de  Sganrin,  28  avril,  ci-dessus. 


LES  DERNIÈRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.  409 

dernière  composée  alors  de  55  chaloupes  canonnières,  207  ba- 
teaux canonniers  et  108  transports. 

A  M.  /e  contre-amiral  Lacrosse,  commandant  la  flottille  à  Boulogne  (1). 

PariR,  le  10  floréal  an  ziii  (6  mai  1805). 

Monsieur  le  Contre- Amiral, 

J'ai  reçu  vos  10  lettres  des  2,  4,  5,  6,  7,  10  et  12  de  ce  mois;  elles  sont  en 
majewe  partie  relatives  à  l'arrivée  de  la  division  qui  était  en  relâche  à  Dieppe, 

sous  les  ordres  du  capitaine  de  frégate  (?) ,  et  à  rengagement  soutenu 

le4  {ti  avril)  devant  le  cap  Gris-Nez  par  la  division  batave  expédiée  de  Dun- 
kerque pour  Ambleteuse,  Je  vois  que  cet  événement  malheureux  a  occasionné  la 
perte  rfe  8  bateaux  canonniers  et  d'un  transport  de  cette  division,  mais  qu'il  ny 
a  dans  cette  circonstance  aucun  reproche  à  faire  au  commandant. 

J'ai  trouvé  joint  à  votre  lettre  du  12  Tétat  des  réparations  à  faire  aux  bâti- 
ments de  la  flottille  batave,  actuellement  réunis  à  Ambleteuse.  11  importe  de 
faire  remettre  ces  bâtiments  en  état  le  plus  promptement  possible,  et  puisque 
cette  flottille  a  des  ouvriers  qui  lui  appartiennent,  ils  devront  être  employés  à 
ces  réparations.  On  y  employera  également  les  matières  que  le  commandant 
peut  avoir  à  sa  disposition  ;  il  sera  donc  nécessaire  que  vous  vous  concertiez 
pour  cet  objet  avec  M.  le  vice-amiral  Verhuell,  et  s*il  y  avait  des  objets  qu'il 
ne  pût  faire  procurer,  il  y  sera  pourvu  alors  par  les  magasins  du  port. 

Vous  pourrez  demander  en  même  temps  à  cet  officier  général,  les  éclaircis- 
sements dont  vous  aurez  besoin  sur  l'organisation  particulière  de  cette  flottille. 
Elle  se  compose  de  : 

55  chaloupes  canonnières, 
207  bateaux  canonniers, 
108  transports. 

Ce  qui  forme  : 

3  divisions  de  chaloupes  canonnières, 
12  divisions  de  bateaux  canonniers, 
6  divisions  de  transports. 

Mais  M.  le  vice-amiral  Verhuell  vous  fixera  d'une  manière  plus  précise  sur 
la  véritable  organisation  de  cette  flottille. 

J'ai  vu,  par  l'état  joint  à  une  de  vos  lettres  du  4,  que  275  bâtiments  de  diff'é- 
rentes  espèces  ont  été  remis  en  état  pendant  la  dernière  décade  de  germinal. 
Je  vous  invite  à  faire  apporter  la  même  activité  dans  les  travaux  restant  à 
faire  ;  mais  je  remarque  que  celui  du  calfatage  ne  pourra  être  suivi  avec  toute 
la  célérité  désirable  qu'après  l'arrivée  des  cal  fats  attendus  au  Havre,  et  je 
renouvelle  au  Préfet  du  2*  arrondissement  l'ordre  de  presser  la  levée  et  le 
départ  de  ces  ouvriers. 

Recevez,  M.  le  Contre- Amiral,  l'assurance  de  ma  parfaite  considération. 


(1)  Archives  de  la  Marine^  BB",  102.  —  Bureaa  des  ports,  ans  xiii  et  xxv. 


410  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  III. 

En  transmettant  Tordre  de  TEmpereur,  le  Ministre  de  la 
marine  prit  sur  lui  d'en  régler  l'exécution  d'après  l'avance- 
ment des  travaux  du  port  d'Ambleteuse. 

Au  contre-am/ra/  Laorosse,  commandant  la  flottille  à  Boulogne  (1j. 

Paris,  le  20  floréal  an  xiii  (10  mai  1805). 
M.  le  Contre- Amiral, 

L'intentioQ  de  rEmpereur  étant  que  la  totalité  de  la  flottille  de  guerre 
batave  soit  réunie  à  Ambleteuse,  j«  vous  préviens  que  je  prescris  à  M.  le  vice- 
amiral  Verhuell  qu'il  doit  faire  passer  en  ce  port  les  chaloupes  canonnières  et 
les  bateaux  canonniers  bataves  qui  sont  encore  à  Ostende  et  à  Dunkerque. 

J'observe  cependant  à  M.  le  vice-amiral  Verhuell  que  Texpédition  de  ces 
bateaux  ne  doit  avoir  lieu  que  successivement  et  à  mesure  que  le  déblaiement 
du  port  d'Ambleteuse  permettra  d'y  recevoir  de  nouveaux  bâtiments,  et  je  l'in- 
vite à  se  concerter  avec  vous  à  ce  sujet. 

Recevez,  M.  le  Contre-Amiral,  l'assurance  de  ma  parfaite  considération. 

P,  S.  —  Je  vous  prie  de  donner  communication  de  cette  lettre  au  Préfet 
maritime. 

On  usa  largement  de  la  permission  car,  à  part  l'arrivée,  le 
26  mai,  à  Dunkerque,  de  12  bateaux  et  22  transports  venant 
d'Ostende  (2),  la  flottille  batave  ne  bougea  plus  du  26  avril  au 
17  juillet,  soit  pendant  près  de  trois  mois. 

Dans  l'intervalle,  certains  renseignements  donnèrent  à 
craindre  pour  la  dernière  partie  de  la  flottille  batave  restée  à 
Flessingue. 

U  floréal  an  xm  (4  mai  1805)  (3). 

Déclaration  de  deux  pilotes,  embarqués  sur  la  galliasse  le  Triton  et  le  brick 
les  Bom  Amis,  bâtiments  du  commerce  français,  pris  par  le  brick  anglais  le 
Croasser  y  capitaine  Hennecoq,  dan»  leur  traversée  de  Dunkerque  à  Ostende, 
sous  pavillon  neutre. 

Les  nommés  Jean  Cachy  et  Jean  Daman,  pilotes,  étant  partis  avec  les  navires 
le  Triton  et  les  Bons  Amis,  de  Dunkerque,  le  17  ventôse  dernier,  rencon- 
trèrent le  même  jour  à  la  hauteur  de  la  Fremonk,  le  brick  le  Grawler  qui  les 
prit  :  ils  restèrent  pendant  10  jours  à  bord  de  ce  brick;  ensuite  ils  en  furent 
débarqués  pour  être  embarqués  chacun  sur  une   canonnière.  On  voulut  les 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB",  lOî.  —  Bureau  des  ports,  ans  xiii  et  xiv. 

(2)  liettre  de  Lejeune,  16  mai.  (Archives  de  la  Guerre,  côtes.) 

(3)  Archives  nationales,  carton  AK«v,  1204.  —  Marine  et  colonies,  flottille  de  Boulogne, 
an  XII  et  an  xiv. 


LES  DERNIÂRBS  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.  411 

contraindre  d'instruire  les  pilotes  anglais,  sur  la  situation  des  bancs,  pour 
Tenir  facilement  attaquer  et  s'emparer  des  canonnières  bataves  qui  se  trou- 
Taient  en  rade  de  Dunkerque. 

Ces  deux  pilotes  se  refusèrent  à  donner  les  renseignements  qui  leur  étaient 
demandés,  et  ne  Toulurent  pas  accepter  les  offres  qui  leur  furent  faites  à  cha- 
cun, de  douie  schellings  par  jour. 

Ils  furent  conduits  aux  Danes^  et  mis  à  bord  du  Taisseau  amiral. 

Os  ont  remarqué  que  150  bâtiments  armés  en  guerre  y  dont  12  à  15  vaisseaux 
de  ligne,  des  frégates  et  quantités  de  bombardes^  se  trouvaient  aux  Dunes  ;  ils 
ignorent  la  destination  de  cette  flotte, 

Lesdits  pilotes  restèrent  10  jours  à  bord  dudit  Taisseau  amiral,  après  quoi 
ils  furent  conduits  à  Scheerness  dans  la  riTière  de  Londres  ;  ils  ont  aussi 
remarqué  que  de  chaque  côté  de  cette  rivière,  il  y  a  des  Taisseaux  à  deux  ponts, 
sans  gréements,  armés  en  batteries  flottantes,  depuis  Scheerness  jusqu'à  Gra^e- 
sand,  et  que  depuis  ce  dernier  endroit  jusqu'à  Londres,  il  y  a  quantité  de  Imtte- 
ries  tout  le  long  de  la  côte. 

Ils  ont  TU,  à  Scheerness,  25  brûlots  qui  sont  reconnaissables  par  un  màt  à 
piple  qu'ils  ont  en  aTant,  et  par  des  arrs-boutants  qu'ils  ont  dcTantet  derrière, 
armés  de  crocs  et  de  ^rmpins. 

Le  chef  militaire  de  la  marine, 
E.  Degrés.  Signé  :  Malles. 

Le  général  de  division  Monnet,  commandant  eupérieur  de  la  place  de 
Fleasingue  et  de  nie  de  Walcheren,  à  Son  Excellence  le  Maréchal  de 
l'Empire  Alexandre  Bertliler,  ministre  de  la  guerre. 

Le  1*'  messidor  an  xii  de  la  République  française, 

(tO  JQin  1804). 
Excellence, 

Je  me  réfère  aux  lettres  que  j'ai  eu  l'honneur  de  tous  écrire,  en  date  du 
4*  germinal  et  du  17  prairial,  relatiTement  à  l'exposé  de  ma  situation  en  troupes 
pour  la  défense  de  l'ile  dont  le  commandement  m'est  confié.  Le  besoin  de 
renforts  que  je  tous  ai  demandés  devient  plus  urgent  de  jour  en  jour  ;  la  croi- 
sière ennemie  a  été  augmentée  et  elle  se  porte  constamment  à  15,  20  et  25 
bâtiments  de  guerre  de  toutes  grandeurs.  Gomme  j'ai  déjà  eu  l'honneur  de 
l'exposer  à  Votre  Excellence,  je  ne  possède  plus  un  seul  soldat  français.  Sur 
2,000  bataTes  qui  me  restent,  j'ai  à  peu  près  1600  combattants.  Voilà  ma  force 
réelle  pour  défendre  une  tle  qui  a  13  lieues  de  circonférence  et  qui  est  suscep* 
tible  d'être  attaquée  sur  tous  les  points.  Je  tous  ai  observé  qu'il  n'était  pas 
prudent  d'accorder  trop  de  confiance  à  cette  troupe,  dont  les  deux  tiers  sont 
composés  d'étrangers  qui,  conséquemment,  n'ont  aucun  esprit  national.  Je 
TOUS  ai  aussi  instruit  du  dévouement  à  l'Angleterre  de  la  majorité  des  habi- 
tants de  Walcheren,  et  c'est  d'après  toutes  ces  considérations  que  je  réitère  la 
demande  que  j'ai  eu  l'honneur  de  faire  à  Votre  Excellence,  d^un  régiment 
d'infanterie,  de  deux  escadrons  de  cavalerie  et  de  deux  compagnies  d'artillerie 
à  pied  français,  et  cette  demande  est  réduite  au  plus  strict  nécessaire. 


412  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  III. 

Votre  Excellence  se  persuadera  facilement  que,  dans  un  poste  aussi  impor- 
tant, la  force  des  troupes  françaises  devrait  au  moins  balancer  celle  des 
bataves. 

Je  ne  dois  pas  tous  laisser  ignorer  que  je  soupçonne  très  fort  que  Texpédition 
qui  se  prépare  à  Dungeness,  et  pour  laquelle  doivent  s'embarquer  à  peu  près 
iO,000  hommes  (dont  les  journaux  anglais  affectent  de  publier  la  destination 
pour  le  Cap)  sera  probablement  dirigée  contre  l'île  de  Walcheren.  Mon  opi- 
nion est  fondée  sur  ce  que  l'occupation  de  ce  poste  deviendrait  plus  avantageuse  à 
Tennemi  dans  les  circonstances,  que  celle  de  tout  autre  pays  éloigné,  parce  qu'ici 
il  pourrait  détruire  la  3^  partie  de  la  flottille  batave  composée  de  240  voiles  et 
intercepter  toute  communication  avec  la  Hollande.  C'est  à  Votre  Excellence  à 
apprécier  la  valeur  de  cette  dernière  observation,  qui  devient  un  nouveau  motif 
pour  moi  de  lui  demander  des  troupes. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer,  Monnet. 

.   Tout  se  réduisit  à  une  petite  alerte  survenue  le  29  juin. 

L'Éclase,  le  10  messidor  an  xui  (29  juin  1805). 
Mon  Général, 

C'est  avec  le  plus  vif  chagrin  que  j'ai  l'honneur  de  vous  rendre  le  compte 
suivant  : 

Revenu  de  l'Ile  de  Cudzand  hier  vers  3  heures,  je  ne  suis  sorti  de  chez  moi 
qu'à  7  heures  pour  aller  me  promener  autour  de  la  ville  ;  rentré  vers  9  heures, 
j'ai  trouvé  sur  ma  table  le  billet  que  je  joins  ici.  Sur  le  champ  j'ai  couru  au 
quartier  occupé  par  mes  troupes,  et  ayant  promptement  rassemblé  ce  qui  est 
à  ma  disposition,  en  tout  30  hommes,  tant  infanterie  que  hussards,  je  me  suis 
mis  à  leur  tête  et  me  suis  porté  au  pas  de  charge  vers  l'endroit  indiqué  par  le 
billet,  distant  d'environ  deux  lieues.  J'étais  encore  éloigné  de  plus  d'une  demi- 
lieue  lorsque  j'ai  entendu  des  coups  de  fusil  et  quelques  coups  de  canon  tirés 
de  la  batterie  de  Cadzand  ;  alors  je  me  mis  à  la  course  avec  le  petit  nombre 
d'hommes  qui  a  pu  me  suivre,  mais  mes  eflbrts  n'ont  abouti  qu'à  me  faire 
arriver  au  moment  où  les  Anglais  venaient  d'emmener  un  bâtiment  échoué  à 
la  droite  de  la  batterie  sus-nommée.  En  cet  instant  l'obscurité  était  telle  que 
je  n'ai  pu  voir  ni  le  bâtiment  ami,  ni  le  bâtiment  ennemi.  Voici  donc  le  récit 
qui  m'a  été  fait  de  ce  désagréable  événement  par  le  lieutenant  d'artillerie  de 
ligne  et  par  le  lieutenant  du  48*,  commandants  tous  deux  dans  ce  poste  chacun 
leur  arme  particulière. 

Avant  de  commencer  cette  narration,  la  justice  veut  que  je  vous  dise  que 
j'ai  trouvé  tout  le  monde  à  son  poste,  les  canonnniers  de  ligne  et  gardes  côtes, 
l'infanterie  de  ce  qu'on  appelle  ici  le  camp  de  gauche,  les  hommes  de  la 
péniche,  et  environ  20  préposés  des  douanes  ayant  à  leur  tête  leur  lieutenant 
d'ordre. 

Les  chefs  de  ces  diffiérentes  troupes  m'ont  dit  que,  vers  6  heures,  ils  avaient 
observé  un  brick  anglais  croisant  au  large  et,  entre  lui  et  la  côte,  un  petit 
bâtiment  marchand  qui  semblait  destiné  pour  l'Escaut,  mais  que  la  peur  du 
brick  paraissait  engager  à  se  rapprocher  de  la  côte,  ce  qu'il  a  exécuté  quelque 
temps  après,  ayant  même  fini  par  s'y  échouer  à  la  droite  de  la   batterie  de 


LES  DERNIÈRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.      413 

Cadzand.  Le  maire  de  cette  commune  s  étant  trouTi*  là  par  hasard  et  ayant 
donné  son  cheva],  on  m*aTait  expédié  le  billet  ci-joint.  Pendant  qu'on  me 
Tapportiit,  les  renforts  des  postes  Toisins  étaient  accourus  suivant  mes  ordres 
précédents,  la  péniche,  n'ayant  pu  sortir  le  matin,  avait  envoyé  ses  hommes 
nrraés,  et  les  préposés  des  douanes  étaient  venus  offrir  leurs  services  de  bonne 
volonté. 

Le  bAtiment  échoué  monté  de  5  hommes,  y  compris  le  chef,  naviguait  sous 
pavillon  prussien,  chargé  de  vins  de  bordeaux  pour  Anvers  ;  le  capitaine  venu 
à  terre  dans  son  canot  a  donné  ces  détails  et  demandé  avec  instance  un  pilote 
qui  put  le  diriger  le  long  d'une  côt«  à  lui  inconnue^  seulement  jusqu'à  Fies- 
singue.  Le  commandant  de  la  péniche,  voulant  contribuer  à  sauver  un  bâti- 
ment fi*ançais,  a  eu  la  faiblesse  d'accorder  son  pilote  qui  se  trouvait  présent,  et 
le  capitaine  l'a  emmené  de  suite  à  son  bord.  Alors  la  mer  remontait  et  la  nuit 
était  devenue  si  noire  qu'en  réalité,  j'étais  obligé  de  parler  de  temps  en  temps 
k  mes  soldats  pour  les  empêcher  de  s'égarer  dans  les  dunes.  Cette  circons- 
tance n'est  pas  échappée  aux  Anglais,  et,  ayant  pour  eux  la  marée  et  le  vent, 
ils  se  sont  approchés  en  chaloupe  du  bâtiment  échoué,  sans  que  l'officier  d'ar- 
tillerie ni  la  raousqueterie  (sic)  aient  pu  les  discerner  de  manière  à  diriger  utile- 
ment leurs  coups  ;  ils  sont  montés  à  bord,  et  comme  le  bâtiment  se  trouvait 
alors  à  flot,  ils  ont  tendu  les  voiles  et  se  sont  éloignés  en  un  moment,  emme. 
nant  avec  eux  le  pilote  de  la  péniche  ;  l'officier  d'artillerie  n'osant  tirer  sur  le 
bâtiment  français,  et  ayant  envoyé  à  la  chaloupe  quelques  volées  absolument 
au  hasard  dans  l'obscurité  qu'il  faisait  alors  (il  faut  observer  ici  que  par  la 
manière  et  l'endroit  où  le  bâtiment  était  échoué,  la  pièce  de  4  est  la  seule  qui 
ait  servi).  Si  j'eusse  été  là,  j'eusse  tâché  de  réformer  cela. 

Voilà  ce  que  j'ai  recueilli  au  moment  de  mon  arrivée,  et  ce  qui  me  parait 
conforme  à  la  vérité.  Vous  voyez,  mon  général,  que  la  fatalité  seule  a  conduit 
cet  événement,  car,  peu  de  temps  après  mon  arrivée,  le  temps  s'est  éclairci  de 
manière  à  distinguer  les  objets,  et  par  conséquent  à  empêcher  ce  malheur. 

Enragé  de  cette  perte,  dans  le  premier  moment  de  chaleur,  je  me  suis  per- 
mis des  reproches  amers  adressés  à  l'officier  d'infanterie,  et  lui  ayant  demandé 
pourquoi,  au  lieu  de  mon  pilote,  il  n'avait  pas  fait  passer  25  ou  30  hommes  à 
bord  du  bâtiment  échoué,  il  m'a  répondu  qu'il  en  avait  eu  l'idée  mais  qu'il  ne 
l'avait  osé,  le  commandant  du  vaisseau  ayant  dît  qu'il  se  tirerait  d'aflPaire  sans 
combat,  si  on  lui  donnait  seulement  un  pilote. 

Je  ne  sais  si  j'eusse  bien  ou  mal  fait,  mais  très  décidément  si  je  fusse  arrivé 
à  temps,  je  serais  monté  moi-même  à  bord,  et  le  diable  m'eût  emporté  avant 
que  les  Anglais  n'eussent  le  vaisseau. 

Je  vous  avoue,  mon  général,  que  je  serais  inconsolable  si  je  n'avais  fait  l'im- 
possible pour  prévenir  ce  malheur,  mais  à  moins  d'avoir  des  ailes,  je  défie  à 
homme  vivant  d'aller  plus  vite. 

Tout  cela  étant  irréparable,  m'a  servi  seulement  à  prouver  à  mes  gens  que 
leur  honneur  et  leur  vie  dépendait  de  leur  vigilance,  qui  ne  devait  jamais  être 
plus  active  que  pendant  les  nuits  obscures  et  les  marées  montantes. 

J'ai  regagné  bien  tristement  mon  logis  pour  vous  instruire  de  ce  qui  s'est 
passé.  J'attends  de  vous,  mon  général,  un  mot  consolant  sans  lequel  je  ne  ferai 
pas  une  goutte  de  bon  sang. 

Salut  et  considération.  Le  général  Paris. 


414  TROISIÈME  PARTIR.  —  CHAPITRE  ni. 

-  Le  préposé  des  douanes  vient  de  me  communiquer  une  lettre  du  directeur 
d'Anvers  qui  lui  défend  de  vendre  le  bfttiment  du  capitaine  Gardner,  et  lui 
ordonne  en  cas  qu'on  le  prouve  d'en  dresser  procès- verbal. 

Il  ne  m'appartient  pas  de  donner  des  conseils  à  mes  supérieurs,  sans  cela  je 
me  permettrais  de  dire  que  ce  serait  le  cas  d'écrire  à  Sa  Majesté  Impériale. 

Ne  pensez-vous  pas,  mon  général,  que  l'ennemi  instruit  par  le  pilote  de  ma 
péniche,  peut  chercher  à  lui  tendre  îles  pièges?  Faible  en  hommes  comme  je 
suis,  ce  serait  peut-être  bien  fait  de  me  la  retirer  tout  à  fait. 

Le  général  Mathieu  Dumas,  conseiller  d'ÉtaU  chef  de  l'état  major  général, 
au  général  Priant,  commandant  la  2*  division  du  camp  de  Bruges. 

Au  quartier  général  à  Ostonde,  le  10  thermidor  an  xii 

(SOjuUlei  ISOl). 
Mon  cher  général, 

J'ai  l'honneur  do  vous  informer,  de  la  part  de  M.  le  Maréchal  commandant 
en  chef,  que,  l'ennemi  venant  d'opérer  un  débarquement  sur  l'île  de  Walcheren, 
le  général  de  division  Oudinot  a  reçu  l'ordre  de  s'y  porter  par  les  canaux  avec 
5,000  hommes  de  ses  troupes  qui  s'embarquent  en  ce  moment  sur  une  division 
de  bâtiments  de  transport  de  la  flottille  batave. 

Le  général  de  brigade  Eppler  a  l'ordre  de  se  porter  avec  célérité  dans  l'Ile 
de  Gadzand  à  la  tête  d'un  renfort  de  400  hommes,  afin  d'observer  les  mouve- 
ments de  l'ennemi  et  de  s'opposer  à  toutes  tentatives  sur  ce  point. 

Une  réserve  de  400  hommes,  commandée  par  un  colonel,  va  prendre  poste 
h  Blankenberg  pour  être  i\  portée  de  se  rendre,  s'il  est  nécessaire,  à  la  disposi- 
tion du  général  Eppler. 

L'intention  de  M.  le  Maréchal,  mon  cher  général,  est  que  vous  preniez  dès 
ce  moment  et  pendant  son  absence  le  commandement  en  chef  des  troupes 
qui  restent  dans  les  camps  sous  Ostende  et  celles  réparties  sur  la  côte  de  l'est 
et  dans  l'île  de  Gadzand,  aûn  que  vous  agissiez  suivant  les  circonstances.  Le 
général  Eppler  vous  rendra  compte  de  ses  dispositions,  des  mouvements  de 
l'ennemi  et  recevra  vos  ordres. 

Veuillez  bien  ordonner,  mon  cher  général,  qu'un  détachement  de  20  chas- 
seurs à  cheval  du  1*'  régiment  le  plus  à  portée  de  vous,  y  compris  les  sous- 
officiers  nécessaires,  se  rendent  immédiatement  à  Myckens  avec  chevaux, 
armes  et  bagages,  h  Teffet  d'être  embarqués  et  suivre  l'expédition.  Ge  détache- 
ment devra  être  muni  de  50  cartouches  par  homme  et  de  pierres  de  rechange. 

Je  vous  salue  de  tout  mon  cœui-,  Mathieu  Dumas. 

Le  général  Mathieu  Dumas,  conseiller  d'État,  chef  de  l'état- major  général. 

Au  quartier  général  à  Ostende,  le  10  thermidor  an  un 

(19  JuUiet  1804). 

Instructions  secrètes  pour  le  gvnùral  de  division  Oudinot^  grand  officier 
de  la  Légion  d^ honneur ^   commandant  la  1'*  division  du  camp  de  Bruges. 

Mon  Général, 
M.  le  Maréchal  de  l'Empire,  commandant  en  chef,  m'a  chargé  de  vous  trans- 


LES  DERNIÈRES  OPERATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.  415 

mettre  la  présente  instruction  pour  tous  faire  connaître  les  dispositions  qu'il  a 
arrêtées  et  dont  il  tous  confie  Texécution,  ponr  porter  un  secpurs  do 
5,000  hommes  d'infanterie  et  100  chevaux  sur  File  de  Walcheren,  dans  le  cas 
où  les  ennemis  y  effectueraient  un  débarquement  :  vous  en  aurez  reçu  Ta  vis 
certain  au  moment  où  vous  ouvrirez  ce  paquet. 

La  dépêche  par  laquelle  le  général  Monnet  doit  prévenir  M.  le  Maréchal, 
TOUS  ayant  été  portée  par  le  colonel  Hervo,  sous-chef  de  Tétat-major  général, 
il  faut  qu'au  plus  tard,  trois  heures  après  Tarrivée  de  ladite  dépêche,  ce  corps 
de  troupes  soit  embarqué  et  mis  en  route,  de  la  manière  qui  sera  dite  ci-après  ; 
le  succès  de  l'opération  dépend  uniquement  de  la  célérité. 

Vous  devez  faire  marcher  sur-le-champ  1,000  hommes  par  régiment,  ofQ- 
ciers  non  compris,  qui  devront  s'embarquer  sur  les  bâtiments  désignés  dans  le 
tableau  ci-joint. 

100  choTaux  de  hussards  et  chasseurs  que  vous  prendrez  savoir: 60  dans  les 
compagnies  d'élite,  et  les  40  autres  dans  votre  division  ou  dans  celle  du 
général  Priant,  seront  aussi  embarqués  sur  les  bAtiments-écuries  désignés 
dans  le  tableau  ci-joint. 

Je  joins  ici  les  lettres  par  lesquelles  je  préviens  les  généraux  Priant  et 
Walther  de  cette  disposition  ;  Teuillez  bien  les  leur  transmettre  sans  délai. 

Le  grade  et  le  nombre  des  officiers  d'infanterie  qui  devront  marcher  et  s'em- 
barquer avec  leur  troupe  a  été  déterminé  par  M.  le  Maréchal  de  la  manière 
suivante,  savoir  :  pour  1,000  hommes,  1  chef  de  bataillon,  9  capitaines, 
12  lieutenants  et  15  sous-lieutenants. 

Il  y  aura  pour  chaque  régiment  un  officier  de  santé,  chirurgien-major  ou 
aide-major. 

Vous  désignerez  un  commissaire  des  guerres  ou  un  adjoint  qui  sera  chargé 
de  Tadministration  de  ce  détachement  et  ne  tous  quittera  point. 

Chaque  homme  doTra  être  muni  de  KO  cartouches  et  3  pierres  à  feu. 

Ils  devront  avoir,  en  partant,  4  jours  de  biscuit  et  t  jours  de  pain  frais  ;  ils 
recevront  d'ailleurs  à  bord  les  TiTres  de  mer. 

Tous  les  bâtiments  destinés  conformément  à  la  répartition  réglée  par  le 
tableau  ci-joint,  sont  actuellement  rassemblés  dans  le  canal,  au  delà  des  écluses 
de  Myckens  et  prêts  à  partir,  à  l'exception  de  9  péniches. 

L'amiral  Verhuell,  sur  votre  demande,  rendra  tous  ces  bâtiments  dispo- 
nibles à  l'instant,  et  fera  passer  les  9  péniches  dans  le  canal.  Rien  de  es  qui 
concerne  la  marine  ne  pourra  vous  retarder,  ainsi  que  vous  le  verrez  dans  les 
observations  jointes  au  tableau  d'embarquement  ;  sur  les  120  chevaux  dont  la 
place  est  indiquée,  20  places  doivent  être  réservées,  dont  10  pour  les  chevaux 
du  général  en  chef,  10  pour  les  TÔtres  ou  pour  ceux  des  vôtres. 

n  sera  embarqué  à  bord  des  bâtiments-écuries,  en  raison  du  nombre  de 
chevaux  embarqués  sur  chacun  de  ces  bâtiments,  un  approvisionnement  de 
fourrages  en  foin  et  avoine  pour  3  jours. 

Les  5)000  hommes  d'infanterie  et  les  40  chevaux,  ainsi  que  les  chevaux  du 
général  en  chef  et  de  Fétat-major,  seront  embarqués  à  Myckens  ;  les  60  che- 
Taux  des  compagnies  d'élite,  des  chasseurs  et  des  hussards,  seront  embarqués 
à  Bruges,  sur  le  quai  des  bassins.  Les  bâtiments-écuries  désignés  sur  le  tableau 
d^embarqaement,  pour  lesdits  60  chevaux,  devront  partir  les  premiers  et  se 
rendre  au  bassin  de  Bruges. 


416  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  III. 

Veuillez  bien  remarquer,  mon  général,  dans  les  observations  du  tableau 
d'embarquement,  qu'indépendamment  des  chevaux  et  des  chasseurs  et  hus> 
sards,  placés  sur  chacun  des  bâtiments-écuries,  vous  pouvez  y  mettre  encore 
40  soldats,  qui  devront  être  pris  sur  les  200  hommes  à  placer  sur  chacun  des 
15  bâtiments  de  transport. 

Les  10  grands  c^inots,  qui  peuvent  recevoir  chacun  20  hommes,  dégageront 
aussi  d'autant  les  27  péniches.  On  prendra  les  200  hommes  à  répartir  dans 
les  grands  canots,  sur  la  totalité  de  ceux  destinés  à  être  embarqués  sur  les 
péniches. 

Nota.  —  Si  les  chevaux  de  M.  le  Maréchal  ne  se  trouvaient  point  ici,  le 
bateau  destiné  à  les  recevoir  devra  rester  à  Mykens  jusqu'à  son  arrivée. 

Je  joins  ici,  mon  gi^néral,  la  lettre  par  laquelle  je  rappelle,  au  nom  de  M.  le 
Maréchal,  à  Tamiral  Verhuell,  la  promesse  qu'il  a  faite  de  tenir  les  bâtiments 
prêts  au  premier  ordre,  la  destination  qu'il  a  faite  lui-même  de  ces  bâtiments, 
laquelle  a  été  exactement  suivie  dans  l'état  d'embarquement. 

Aussitôt  que  le  colonel  Hervo  vous  aura  remis  la  dépêche  du  général  Monnet, 
et  avant  même  de  donner  vos  premiers  ordres  du  jour  pour  l'exécution  des 
dispositions  ci-dessus,  vous  voudrez  bien  expédier  à  M.  le  Maréchal  par  un  de 
vos  aides  de  camp,  qui  usera  de  chevaux  d'ordonnance,  une  copie  de  ladite 
dépêche  du  général  Monnet  ;  vous  écrirez  aussi  au  général  Monnet,  en  vous 
bornant  toutefois  à  le  prévenir  simplement,  que  5,000  hommes  marchent  h 
son  secours,  sans  lui  rien  communiquer  du  mouvement  ni  de  la  direction  de  la 
marche,  dont  il  me  reste  à  vous  transmettre  les  divers  détails  d'exécution. 

Ce  corps  de  troupes,  dont  vous  devez  prendre  le  commandement,  doit  être 
porté  par  les  canaux  de  Bruges  et  de  Gand,  aussi  promptement  qu'il  sera 
possible,  jusques  au  Sas-dc-Gand,  où  vous  attendrez  de  nouveaux  ordres. 

Deux  colonels  et  un  général  de  brigade  que  vous  désignerez  vous-même, 
commanderont  sous  vos  ordres  et  recevront  vos  instructions. 

Indépendamment  de  la  marche  de  5,000  hommes  et  de  100  chevaux  sur  le 
Sas-de-Gand,  vous  devez  porter  immédiatement  une  réserve  de  400  hommes, 
commandée  par  un  colonel,  au  poste  de  Blankenberg  ;  un  autre  détichement 
de  la  même  force,  sous  les  ordres  du  général  Eppler,  devra  marcher  sur  l'Ile  de 
Cadzand.  Ce  général  recevra  de  vous  l'ordre  de  s'opposer  à  toute  espèce  de 
tentative  de  la  part  de  l'ennemi  sur  cette  lie,  et  si  ses  tentatives  ou  ses  mou- 
vements rendaient  nécessaire  de  lui  envoyer  quelques  renforts,  il  s'adresserait 
au  général  Priant  qui  commandera  toutes  les  troupes  restées  dans  les  camps 
sous  Ostende,  pendant  votre  absence  et  agira  suivant  les  circonstances. 

Il  est  bien  nécessaire  que  le  général  Monnet,  sur  votre  invitation,  fasse 
passer  le  plus  souvent  possible  des  nouvelles  de  l'ennemi  ;  vous  donnerez 
l'ordre  au  commandant  Joubert,  sur  l'Ile  de  Cadzand,  de  vous  faire  parvenir 
ces  nouvelles  au  Sas-dc-Gand,  par  des  personnes  sûres  et  qui  devront  vous  y 
attendre,  pour  vous  les  remettre  h  vous-même  au  moment  de  votre  arrivée.  Le 
commandant  Joubert  ne  devra  point  se  borner  à  vous  transmettre  les  dépêches 
et  les  avis  qui  lui  viendraient  officiellement  de  l'île  de  Walcheren,  il  doit  y 
ajouter  ses  rapports,  ses  propres  observations  sur  les  mouvements  qu'il  verrait 
faire  à  l'ennemi,  soit  à  la  mer,  soit  dans  l'Escaut,  et  ne  pas  manquer  de 
vous  expédier  des  ordonnances  toutes  les  fois  qu'il  aura  le  moindre  avis  utile  à 
vous  donner. 


LBS  DERNIÂRBS  OPÉRATIONS  DB  LA  FLOTTILLE.  417 

Voici  les  moyens  mis  à  Totre  disposition  pour  assurer  le  halage  des  bâti- 
ments, accélérer  la  navigation  et  aplanir  autant  que  possible  tous  les  obstacles 
qui  pourraient  s'y  rencontrer  : 

1*  Le  relais  de  chetaux  (60  chevaux)  nécessaire  au  halage,  60  chevaux  d'ar- 
tillerie, seront  d'après  l'invitation  ci-jointe  au  général  Sorbier,  commandés 
pour  haler  les  bâtiments  de  Myckens  à  Bruges,  jusque  au  delà  des  écluses  ; 

^  60  autres  chevaux,  aussi  fournis  par  Tartillerie,  feront  le  service  du 
second  relais  de  Bruges  à  Acltere  ; 

3**  60  chevaux  des  équipages  des  vivres  seront  à  Tinstant,  et  d'après  l'invita- 
tion d-jointe  à  l'ordonnateur  en  chef,  envoyés  à  Acltere  pour  fournir  le  relais 
d'Acltere  à  Gand  ; 

4®  Enfin,  60  chevaux  du  pays  seront,  d'après  Tinvî^tion  ci-jointe  au  préfet 
du  département  de  l'Escaut,  tenus  tout  prêts  à  Gand  pour  fournir  le  reluis  de 
Gand  au  Sas-de-Gand. 

Les  préfets  de  la  Lys  et  de  l'Escaut  sont  invités,  par  les  lettres  ci-jointes,  à 
faire  surveiller  le  service  des  écluses  et  à  vous  donner  tous  les  moyens  d'accé- 
lérer ces  passages  et  d'éviter  les  accidents  et  les  avaries. 

Le  colonel  Hervo  aura  l'honneur  de  vous  présenter  et  de  mettre  à  votre  dis- 
position les  officiers  d'état-major,  Gautherot,  Desnoyer  et  Maurel,  qui  ayant  été 
employés  à  la  reconnaissance  relative  à  cette  opération,  et  en  dernier  lieu  à 
diriger  le  passage  et  le  halage  des  bAtiments  de  la  3*  partie  de  la  flottille 
batave  par  les  canaux  de  l'intérieur,  pourront  vous  servir  utilement  à  diriger 
et  suivre  la  navigation  jusque  au  Sas-de-Gand  ;  ils  resteront  d'ailleurs  à  vos 
ordres  pour  tous  les  objets  auxquels  vous  croirez  utile  de  les  employer.  Vous 
pouvez  surtout  les  charger  de  porter  eux-mêmes  les  lettres  aux  préfets  et 
aux  commissaires  de  marine,  de  placer  les  relais  et  d'assurer  le  service  des 
écluses. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer, 

Mathieu  Dubias. 

La  reprise  du  mouvement  des  Bataves,  entre  Dunkerque  et 
Amble teuse,  fut  très  soigneusement  préparée. 

Le  général  Mathieu  Dumas,  ooneeiller  d'État,  chef  de  Pétat-major  général, 
au  capitaine  adjoint  à  l'état- major  Bory  de  Saint-Vincent 

Aq  quartier  général  à  Dunkerque,  le  1 7  prairial  an  ziii 

(6Jain  1805). 

Mon  cher  Borv, 

D'après  les  dispositions  arrêtées  par  M.  le  Maréchal,  pour  l'escorte  de  la  floU 
tille  batave  de  Dunkerque  à  Ambleteuse,  vous  êtes  particulièrement  chargé  de 
vous  tenir  à  hauteur  de  l'avant-garde  de  ladite  flottille,  en  avant  de  la  pre- 
mière division  d'artillerie  ou  batterie  mobile  :  1<»  vous  devez  observer  avec  soin 
les  mouvements  des  bâtiments  ennemis  de  toute  espèce  manœuvrant  pour  se 
placer  entre  la  côte  et  l'avant-garde  de  la  flottille,  et  donner  ou  faire  donner 

au  général    les  avis  que  vous  croirez  être  utiles  ;  2<>  à  mesure  que 

IV.  27 


418  TROISIÈME  PAHTUB.  —  OHAPITU  UI. 

la  tète  de  la  flottille  s^approohera  d'une  des  batteries  fixes  de  la  c6te,  tous  ^ous 
y  porterez  de  Totre  personne  pour  tous  assurer  que  tout  y  est  préparé,  et  que 
rien  n*en  peut  retarder  le  service  ;  tous  obserrerei  soigneusement  h  chaque 
point  de  défense  fixe  Teffet  du  tir  sur  l'ennemi  selon  sa  position,  et  tous  don- 
nerez d'une  batterie  à  Tautre,  aux  officiers  qui  y  commandent,  les  renseigne- 
ments qui  pourraient  leur  serrir  à  rendre  leur  feu  plus  efficace,  vous  bornant 
toutefois  à  leur  communiquer  tos  observations. 

Arrivé  à  hauteur  de  Calais,  si  la  flottille  s'y  arrête  et  mouille  dans  la  rade, 
TOUS  TOUS  rendrez  à  bord  du  b&timent  amiral  pour  rendre  compte  à  M.  le  Maré- 
chal, et  si  TOUS  ne  recoTei  point  de  nouTeaux  ordres,  tous  continuerez  ce 
même  service  et  de  la  même  manière  lorsque  la  flottille  appareillera  pour  dou- 
bler les  eaps  Blanc-Nes  et  Gr]s«^ez,  et  se  rendre  au  port  d'Ambleteuse. 

Vous  receTrez  à  AJubleteuse  de  nouveaux  ordres. 
Je  TOUS  salue  de  tout  mon  cœur. 

Mathieu  Pumas. 


Le  général  Margaton,  à  M,  le  maréchal  Soult,  commandant  en  chef 
le  camp  de  SainUOmer  (corps  du  centre). 


Calais,  le  2  messidor  an  xiu  (21  Jain  1805). 

Monsieur  le  Maréchal, 

M.  Laroque,  aide  de  camp  du  général  Duma»»  est  arrivé  ici.  Il  est 

chargé  de  m'annoncer  le  passage  de  la  division  batave;  en  conséquence,  toutes 
mes  précautions  sont  prises  et  nous  sommes  en  expectative.  Aussitôt  que  j'aurai 
des  nouvelles  certaines  de  sa  marche,  j'aurai  l'honneur  de  tous  en  instruire. 

Daignez,  Monsieur  le  Maréchal,  agréer  l'hommage  de  mon  très  profond 

respect. 

Margaron. 

Le  i7  juillet,  à  5  heures  du  soir,  dit  le  rapport  du  gUetteUT  du 
fort  Risban  à  Calais,  j*ai  répété  les  signaux  de  Boulogne  pour  1  vaisseau, 
4  corvettes  ennemies  dans  le  sud-ouest  à  3  lieues;  à  S  h.  i/i^  j'ai  signalé 
6  corvettes  ennemies  n[iouillées  dans  l'ouest  de  Dunkerque,  à  la  distance  de 
6  lieues;  2  cutters  étaient  encore  dans  le  nord  du  port  de  Calais,  à  4  lieues, 
sans  voile,  le  vent  au  nord-est  bon  frais  et  le  temps  couvert;  quelques  bAti- 
ments  rentrés  ont  aussi  paru,  faisant  difl'érentes  routes.  A  6  heures,  j'ai  répété 
le  signal  n<^  4  venant  de  Test  ;  ensuite  la  division  est  partie  de  Dunkerque  au 
nombre  de  37  :  4  prames  et  33  canonnières.  L'ennemi  avait  appareillé  sur  ses 
ancres  pour  atteindre  notre  eonvoi;  à  9.  A.  i/4,  le  feu  a  commencé  de  part  et 
d'autre;  à  iO  h.  3/4,  la  tête  du  convoi  a  paru  sur  la  rade  de  Calais  et  y  a 
mouillé,  le  feu  a  cessé  à  ii  h.  i/4;  le  vent  à  l'est-nord-est  bon  fhiis. 

* 

Voici  ce  qui  s'était  passé  : 

A  7  heures  du  soir,  Yerhuell,  avec  les  4  prames  françaises 


LES  DBRNlàRES  OPERATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.      419 

Ville-de-Mayence,  Vil/e^e-GenèvCy  Ville^Aix^  Ville-d Anvers 
et  33  chaloupes  canonnières  hollandaises,  était  parti  de  Dun- 
kerque,  par  temps  obscur  et  brise  de  nord-est.  Arrivé  à  hau- 
teur de  Gravelines,  il  fut  attaqué  par  une  division  anglaise, 
mais  poursuivit  sa  route  jusqu'à  Calais  où  il  mouilla. . 

Il  a  eu  dans  ce  combat  une  quinzaine  d'hommes  tués  ou  blessés  et  3  bâti- 
ments aTariés,  qui  sont  rentrés  à  Calais.  Ayant  attiré  par  là  toutes  les  forces 
de  Fennemi  sur  lui,  il  a^ait  ordonné  à  un  second  conToi  de  bâtiments  de  Dun- 
kerque  de  le  rejoindre  à  Calais,  ce  qui  s'est  effectué.  Hier  matin,  il  fit  signal 
d'appareiller  de  la  rade  de  Calais.  Aussitôt  Tennemi  fut  sur  lui  et  nous  ayons 
compté,  en  Tue  du  cap  Gris-Nez,  95  Toiles  ennemies  {\). 

Aujourd'hui,  à  3  heures  du  matin,  dit  de  SOU  côté  le  lieutenant 
Leclerc  (2),  les  Anglais  qui,  pendant  la  nuit,  avaient  gagné  au  large,  étant 
inférieurs  en  forces,  sont  retenus  au  nombre  de  i8  b&timents  dont  1  frégate, 
ont  recommencé  l'attaque  qu'ils  ont  dirigée  sur  les  3  prames  et  quelques  canon- 
nières restées  à  l'est  de  Calais,  dont  deux  étaient  échouées  ;  le  feu  a  été  très 
Tif  ;  l'artillerie  légère,  les  forts  et  batteries  de  la  côte  ont  protégé  les  prames  et 
les  canonnières,  qui  se  sont  bien  défendues;  le  feu  a  duré  jusqu'à  7  heures, 
sans  discontinuer. 

Une  prame  et  une  canonnière  sont  entrées  dans  le  port;  dans  la  première, 
il  y  a  eu  1  canonnier  tué,  2  chasseurs  grièvement  blessés,  et  plusieurs  ont  reçu 
de  légères  blessures  à  la  tète.  Le  grand  mât  a  été  fracassé  par  un  boulet;  la 
cADODiiière  a  eu  3  hommes  tués  et  3  blessés. 

On  Oit  oooupé  à  désarmer  les  deux  canonnières  qui  sont  échouées,  et  le 
reste  de  la  flottille  est  mouillé  dans  oe  moment  devant  Calais;  les  Anglais  ont 
gagné  vers  le  Blano-Nez.  L'amiral  Yerhuell  est  ici  et  Ton  croit  qu'il  attend  la 
2«  diTision  de  la  flottille.  On  ne  connaît  pas  les  pertes  qu'ont  éprouvé  les  bâti- 
ments do  la  flottille  qui  sont  mouillés. 

Peu  après  cette  canonnade,  arrivaient  18  transports  appelés 
de  Dunkerque,  que  Famiral  faisait  entrer  au  port,  se  prépa- 
rant à  repartir  avec  ce  qui  lui  restait  de  disponible. 


Au  général  de  division  Dumas^  chef  de  l'état-major,  général  du  corps 

de  droitOi  au  Bl&rto. 

X9  messidor  an  xm  (18  juillet  1805). 

Mon  cher  Généralj 
Si  le  vent  le  pertnet,  Vamiràl  appareillera  aujourd'hui  vers  les  3  heures* 


(1)  Rapport  de  Soolt,  19  jaillet.  {Archives  nationales»  AF^,  1093.) 
(t)  Lettre  dit  18  jidUet.  (Archives  de  la  Guerre,  cétes.) 


420  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  lll. 

Il  y  a  quelques  avaries,  quelques  tués  et  blessés,  mais  les  Anglais,  suivant 
toute  apparence,  ont  beaucoup  plus  souffert;  ce  qui  le  prouve,  c'est  le  peu  de 
vigueur  de  leur  attaque.  Ils  ont  pris  le  large  hier  soir,  et  ce  matin,  au  bout 
Tune  demi-heure  de  combat,  il  ne  sont  point  venus  à  portée  de  mitraille. 

Une  prame  a  eu  des  avaries  qui  Tout  forcée  d^entrer  dans  le  port;  elle  sera 
obligée  de  changer  de  mâture.  Deux  chaloupes  canonnières  sont  échouées;  elles 
seront  relevées  à  cette  marée. 

Il  y  a  une  division  en  marche  de  Dunkerque.  Aucun  bâtiment  ennemi  n'est 
signalé  dans  cette  partie.  L^amiral  ayant  par  sa  manoeuvre  tout  attiré  sur  lui, 
c'est  dans  cette  intention  qu'il  est  resté  au  mouillage  ce  matin. 

Si  l'amiral  arrive  de  jour,  je  vous  recommande,  mon  cher  Général,  de  le 
faire  recevoir  avec  toutes  les  musiques  des  régiments,  avec  Tair  des  petits 
bateaux  et  autres  analogues  (sic). 

Je  vous  recommande,  mon  cher  Général,  ce  que  je  vous  ai  dit  pour  la  batterie 
mobile  de  Wissant.  8  Jk  10  obusiers  partiront  d'ici  et  iront  se  placer  sur  la 
falaise  à  Emilie. 

Je  recommande  que  tout  le  monde  soit  au  poste. 

Amitiés. 

Davolt. 

A  4  heures,  Verhuell  repartit  ;  il  semblerait  avoir  employé 
une  ruse  pour  éloigner  l'ennemi. 

Uamiral  Verhuell,  après  avoir  fait  rentrer  dans  le  port  les  18  bâtiments 
ci-dessus  et  ceux  qui  avaient  éprouvé  des  avaries  par  les  combats  d'hier  au  soir 
et  de  ce  matin,  a  levé  l'ancre  à  4  heures  après  midi  et  appareillé  avec  22  ou 
23  prames  et  canonnières,  par  un  vent  d'est-nord-est,  grand  frais,  qui  l'a  em- 
porté avec  rapidité  vers  la  rade  de  Wissant.  Une  seule  canonnière  et  un  yacht 
sont  restés  échoués  malgré  la  marée.  La  marine  s'occupe  à  les  remettre  à  flot. 
Des  piquets  d'infanterie  et  de  l'artillerie- légère  sont  préposés  à  leur  garde. 

M.  le  maréchal  Davout,  arrivé  ici  dans  la  matinée,  s'est  embarqué  avec 
l'amiral  Verhuell. 

Je  vous  prie,  Monsieur  le  Miiréchal,  d'agréer  l'expression  de  ma  haute  con- 
sidération (I). 

Après  avoir  appareillé,  dit  de  son  côté  le  maréchal  Soult,  l'amiral 
Verhuell  donna  de  nouveau  l'ordre  de  mouiller,  et  les  ennemis  en  profitèrent 
pour  prendre  une  bordée  au  large.  Quand  il  les  vit  hors  de  portée,  il  appareilla 
une  seconde  fois  et  se  mit  en  route  pour  Ambleteuse.  L*ennemi  revint  sur  lui 
toutes  voiles  dehors  et  le  joignit  avant  qu'il  arrivât  au  cap  Gris-Nez,  mais  il 
avait  eu  le  temps  d'appareiller  a?ec  ordre  et  de  bien  disposer  sa  ligne  :  il  avait 
22  voiles,  qui  ont  été  attaquées  par  i5  bâtiments  anglais  à  portée  de  mitraille  ; 
il  les  a  combattus  avec  audace  et  succès  jusqu'au  mouillage  d'Ambleteuse,  sans 
laisser  un  seul  de  ses  bâtiments  en  arrière  ;  les  batteries  de  terre  ont  couvert  sa 
marche  par  un  feu  formidable.   Lorsque  l'amiral  Verhuell  fut  au  mouillage 


(1)  Rapport  du  général  Baragaay-d'HiUiers.  {Archives  de  la  Guerre,  côtes.) 


LES  DBRNliRES  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE      421 

d'Ambleteuse,  la  croisière  de  Boulogne,  qui  a^ait  remonté  au  vent,  a  pris  part 
au  combat  que  les  bâtiments  de  Famiral  Verhuell  ont  soutenu. 

J'ai  suiTi  le  mouvement  de  la  flottille  depuis  le  cap  Gris-Nez  et  j'ai  vu  l'amiral 
Verhuell  à  Ambleteuse,  et,  par  les  rapports,  il  estimait  avoir  eu  60  hommes 
tues  ou  blessés.  Quoique  les  bâtiments  qui  ont  combattu  aient  besoin  de  ren- 
trer au  port,' il  est  resté  toute  la  journée  d'aujourd'hui  formé  en  ligne  dans  la 
rade  d' Ambleteuse,  sans  qu'aucun  vaisseau  anglais  soit  venu  à  l'attaque. 

Les  bâtiments  de  l'ennemi,  parmi  lesquels  se  trouvaient  2  vaisseaux,  parais- 
sent avoir  beaucoup  souffert,  et  cela  doit  être  par  la  vivacité  du  feu  à  portée  de 
mitraille. 

Pendant  que  l'amiral  Verhuell  combattait  si  glorieusement,  attirant  sur  lui 
toutes  les  forces  anglaises,  il  suivait  son  système  et  faisait  successivement 
partir  tout  ce  qui  pouvait  appareiller  de  Calais  et  de  Dunkerque.  50  bâtiments 
sont  arrivés  de  Calais  à  la  pointe  du  jour,  sans  avoir  essuyé  un  coup  de  canon 
de  l'ennemi.  Toutes  les  croisières  anglaises  se  trouvent,  par  le  combat  d'hier, 
fort  aifalées  sous  le  vent,  et  si  le  vent  tient  au  nord-est,  il  est  à  croire  que  toute 
la  flottille  batave  sera  bientôt  rendue  à  Ambleteuse. 

L'ennemi  était  si  près  de  la  c6te  que  plusieurs  curieux  ont  été  blessés,  notam- 
ment un  soldat  du  33*,  qui  a  eu  la  cuisse  emportée. 

Le  maréchal  Davout  était  sur  la  flottille  ;  les  généraux  Songis  et  Sorbier,  le 
général  Dumas  étaient  aux  batteries,  en  suivant  le  mouvement  pour  en  diriger 
les  feux. 

L'amiral  Verhuell,  dans  cette  occasion,  a  montré  une  combinaison  bien 
réfléchie  et  beaucoup  d'audace  :  il  a  ajouté  à  sa  gloire,  et  tous  les  officiers  de 
sa  marine  l'ont  parfaitement  secondé. 

Votre  Majesté  recevra  des  rapports  plus  détaillés,  mais  j'ai  cru  devoir  lui 
faire  part  de  ce  que  j'ai  vu. 

Je  présente  à  Votre  Majesté  l'hommage  de  mon  profond  respect. 

SOULT. 


Le  général  Mathieur  Dumas,  conseiller  d'État,  chef  de  l'état-major 

général. 

Au  quartier  général  à  Ambleteuse,  le  4  thermidor  an  xiii 

(23  juiUet  1805). 

ORDRE  DU  JOUR. 

Le  corps  de  droite  connaît  déjà  l'heureux  résultat  des  trois  combats  soutenus 
par  une  division  de  la  flottille  batave,  conduite  par  M.  l'amiral  Verhuell  en 
personne,  pendant  sa  navigation  de  Dunkerque  au  port  de  réunion  d* Amble- 
teuse. M.  le  Maréchal  commandant  en  chef,  félicitant  les  braves  officiers,  sol- 
dats et  marins  des  troupes  de  terre  et  de  mer,  dont  les  efforts  et  le  courage 
ont  également  concouru  à  ce  glorieux  succès,  s'empresse  d'en  faire  connaître 
à  l'armée  les  principales  circonstances,  celles  dont  il  a  été  lui-même  témoin, 
exprimant  ici  pour  toute  l'armée  la  haute  estime,  la  confiance  que  lui  inspi- 


422  TROISlàME  PABTIB.   —  CHAPITRE  ni. 

rent  les  qualités  éminentes  et  le  talent  qu'a  déployés  de  nouteau  M*  ramiral 
Verhuell. 

L'ennemi,  qui  depuis  deux  mois  profitait  des  Tents  qui  nous  étaient  contraires 
pour  accroître  ses  forces  et  choisir  un  premier  point  d'attaque,  n'a  pu,  dans 
un  combat  de  nuit  extrêmement  chaud,  entre  Gravelines  et  Calais,  rompre  la 
ligne  bata^e  ni  arrêter  sa  marche. 

Attaqué  de  nouveau  le  lendemain  au  mouillage  de  Calais,  avec  aussi  peu  de 
succès  de  la  part  des  Anglais,  M.  l'Amiral  eut  la  satisfaction  de  voir  réussir 
complètement  sa  belle  manœuvre  ;  une  division  de  bateaux  canonniers  et  de 
transports  appareillait  de  Dunkerque  pendant  que  l'ennemi  était  contenu  et 
trompé  par  ses  propres  moUToments.  Les  combats  dans  la  baie  de  Wissant,  à 
hauteur  du  cap  Gris-Net,  où  45  Toiles  anglaises  avaient  le  vent  et  la  marée 
favorables  pour  coni5erter  leurs  manœuvres,  ont  prouvé  à  l'ennemi  qu'ils 
n'avaient  pas  la  force  de  nos  armements,  la  confiance  de  nos  braves  et  l'accord 
des  deux  nations  à  tirer  enfin  une  éclatante  vengeance  des  outrages  communs. 

La  manœuvre  audacieuse  de  deux  vaisseaux  de  ligne  et  de  plusieurs  frégates 
qui,  pour  couper  la  ligne,  ont  serré  la  terre  sous  les  batteries  du  cap  Gris-Nei 
Jusqu'à  poitée  de  fusil,  n'a  servi  qu'à  rendre  le  passage  plus  brillant. 

L'inutile  et  dernière  attaque  des  ennemis  contre  la  flottille  déjà  embossée 
sous  les  nouvelles  batteries  de  la  rade  d'Ambleteuse,  a  dû  leur  coûter  cher  et 
leftr  faire  connaître  qu'ils  n'avaient  plus  aucun  obstacle  à  opposer  à  la  réunion 
des  flottilles  et  au  développement  du  plan  de  l'Empereur. 

Les  marins  Avançais  et  bataves  ont  rivalisé  dans  ces  deux  journées  de  cou- 
rage et  de  zèle  pour  la  cause  commune;  les  garnisons  ont  déployé  la  même 
intrépidité  qui  a  tant  de  fois  illustré  sur  terre  les  troupes  françaises.  Tous  ont 
fait  voir  qu'ils  sont  les  dignes  soldats  de  l'empereur  Napoléon. 

La  canonnière  et  les  auxiliaires  qui  ont  servi  les  batteries  fixes  et  mobiles 
de  la  côte  ont  montré  partout  une  ardeur  et  une  activité  dignes  d'éloges,  et  la 
première  part  en  doit  revenir  au  général  Sorbier,  au  général  Lariboisière  et 
aux  officiers  sous  leurs  ordres,  qui  ont  maintenu  le  bon  esprit  et  la  haute  répu- 
tation de  l'artillerie  française. 

L'armée  a  pu  voir  de  quelle  utilité  ont  été  les  travaux  exécutés  si  prompte- 
«lent  et  avec  tant  de  rôle  pour  l'armement  de  la  côte,  et  de  quelle  importance 
est  l'habitude  du  travail  et  la  constance  à  supporter  toutes  les  fatigues. 


Voici  ce  que  dit,  de  ces  différentes  affaires,  Thistorien 
anglais  W.  James  : 

Le  47  juillet,  à  6  heures  du  matin,  une  légère  brise  de  nord- est  permit  à 
l'amiral  hollandais  de  prendre  la  mer  (si  ce  mot  peut  s'appliquer  à  un  passage 
tout  contre  la  côte),  avec  les  quatre  prames  Vt/Ze-dTAix,  Ville-d' Anvers ,  Ville- 
dC'Genêve  et  Ville-de-MayencCy  et  32  canonnières  de  1"  classe,  les  dernières 
commandées  par  deux  capitaines  bataves,  les  premières  par  le  capitaine  de 
frégate  français  Bernard-Isidore  Lanebour.  L'Amiral,  avec  beaucoup  de  juge- 
ment, forma  sa  division  en  deux  lignes,  de  telle  sorte  que  tous  les  navires 
pouvaient  faire  feu  sans  se  gêner.  Deux  des  prames  furent  placées  au  centre 
de  la  ligne  extérieure. ....  et  les  deux  autres  aux  extrémités. .... 


LES  DERNlàRES  OPÉRATlONB  DB  LA  IXOTTILLE.      413 

U  y  Atait  à  Dunkerque  beaucoup  d'autres  bâtiments  de  guerre,  mais  leur 
faible  échantillon  les  avait  obligés  à  se  réftigler  dans  le  port,  pour  échapper  à 
une  tempête  du  nord-ouest*  Us  ataient  Tordis  de  suivre  en  deux  détachements 
dès  que  le  combat  serait  engagé. 

En  raison  des  bancs  et  des  bas-fonds  nombreux  devant  Ostende  et  Dun- 
kerque,  Fescadre  anglaise  composée  de  VAriadne dé 20  canons,  de  3  ou 4 sloops 
ou  bombardes,  et  environ  autant  de  bricks  canonniers,  était  à  Tancre  devant 
Gravelines.  Dans  le  brouillard^  ces  navires  semblaient  très  grands.  C'est  pour 
cela,  sans  doute,  que  les  Français  prirent  VAriodnêy  à  peine  d'un  tiers  plus 
grande  qu'une  de  leurs  prames,  pour  un  taisseau  rasé  et  les  autres  pour  2  tté-^ 
gâtes,  3  corvettes  à  trois  mâts  et  9  bricks  (i). 

A  6  h.  30  du  loir,  VAriadne  aperçut  la  flottille  qui  venait  de  partir;  mais  la 
faiblesse  de  la  brise  et  la  lenteur  de  la  marche  des  prames  ne  permit  pas  de 
reconnaître  la  route  suivie  avant  7  h.  1B.  A  ce  moment  les  Anglais  coupèrent 
leurs  câbles  et  prirent  chasse.  A  9  h.  49,  VAriadne  et  2  autres  navires  ouvri- 
rent le  feu  et  malgré  le  peu  de  profondeur  de  l'eau,  l'obscurité  et  la  canonnade 
incessante  entretenue  par  les  prames  et  les  batteries  de  côte,  VAriadne  et  ses 
deux  compagnons  forcèrent  3  ou  4  canonnières  k  se  jeter  h  la  côte,  et  coupé-* 
rent  le  grand  mât  et  le  gréement  de  la  Ville-de  Genève,  qui  était  k  l'arrière- 
garde.  Néanmoins,  grâce  à  l'appui  de  la  côte  et  à  la  forte  artillerie  de  24  des 
prames,  le  gros  de  la  flottille  partint  â  mouiller  à  li  tr.  30  en  rade  de  Calais. 

Le  seul  navire  anglais  qui  parait  avoir  souffert  fut  VAriadne,  où  i  sergent 
de  tt  marines  »  fbt  tué,  1  lieutenant  de  «c  marines  a  dangereusement  blessé, 
2  matelots  légèrement  atteints,  le  gréement  et  les  voiles  hachés 

Le  bruit  du  combat  avait  attiré  Tattentlon  des  navires  mouillés  aux  Dunes, 
de  sorte  que,  peu  après  minuit,  le  vaisseau  de  M  Trusty,  la  ft*égate  de  28 
Vestal  et  3  sloops  appareillèrent  et  vinrent  devant  Calais.  Le  i8,  à  4  heures  du 
matin,  la  Vestai  ayant  gagné  de  vitesse,  rejoignit  VAriadne  et  la  division,  et, 
un  quart  d'hetu^  plus  tard,  les  Anglais  recommencèrent  le  combat  contre  la 
flottille  batave  et  les  batteries  de  Calais. 

Après  deux  heures  de  canonnade,  pendant  laquelle  les  canons  de  9  livres  de 
la  Veital  eurent  le  désavantage  contre  les  pièces  de  36  et  de  24  des  forts  et 
des  prames,  la  frégate,  ayant  un  caporal  de  «  marines  »  mortellement  bless^ 
signala  de  cesser  le  combat. 


(1)  On  a  va  que  l6  gaettêor  du  fort  Bisban,  nullement  engagé  dans  l'affaire,  avait  signalé 
âii  débat  du  6ombât,  6  corvettes  à  l'ancre  et  2  cutters  sous  voiles.  Bon  témoignage,  qui 
devrait  passer  pour  désiniérMséi  est  à  propos  du  tombât  du  lendemain,  le  suirant  : 

29  eouraat. 

Àfl  jour,  Tenneml  était  en  vue  du  port  à  2  lieues,  sous  voiles,  2  canonnières  hollandaises 
à  la  oôte,  à  Test  du  port,  et  1  transport  et  3  autres  canonnières  sous  voile  ;  à  1  h.  45  du 
malin  l'ennemi  a  attaqué  les  3  canonnières,  se  trouvant  à  Test  du  port  de  Calais  et  qui 
aisaient  route  pour  la  rade  ;  â  4  h.  45,  l'ennemi  s'est  tenu  hors  de  portée  du  canon  et  le  feu 
a  cessé;  à  5  h.  30  le  feu  a  repris  de  part  et  d'autre.  J*ai  signalé  1  frégate,  15  corvettes, 
ensuite  1  vaisseau;  à  6  heures,  le  feu  a  cessé.  J'ai  signalé  l'ennemi;  il  s'éloignait  des 
Mtiments  firanç&ls,  le  vent  à  l'est-tiord-est,  bon  frais  et  marée. 

Signé  f  Tbrnissibr, 
guetteur. 


42i  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  III. 

La  division  porta  dans  Touest,  où  un  feu  violent  venait  d'éclater  entre  Ten- 
neroi  et  le  Trusty  accompagné  des  sloops. 

Informé  de  l'approche  de  la  flottille  gallo-batave  et  du  combat  qu'elle 

avait  soutenu,  Tamiral  Lacrosse  avait  fait  partir  de  Boulogne,  à  4  heures  du 
matin,  plusieurs  divisions  de  canonnières  pour  simuler  une  attaque  contre  le 
mouillage  de  la  croisière  anglaise  et  faire  une  diversion  en  fayeur  de  Verhuell. 
V Immortalité^  toujours  commandée  par  le  capitaine  Owen,  avec  la  frégate  de 
32  canons  de  12  Hebe^  YArah  de  20  canons,  et  le  reste  de  la  division  détachée 
levèrent  Tancre  et  se  portèrent  à  Tattaque  de  la  flottille,  dont  plusieurs  bricks 
faisaient  voile  vers  Wimereux.  Lorsque  V Immortalité  et  les  navires  de  tête 
arrivèrent  à  portée  de  canon,  49  bricks  et  64  lougres  étaient  sous  voiles,  et, 
immédiatement,  les  batteries  fixes  et  Tartillerie  à  cheval  de  la  côte  ouvrirent 
le  feu  contre  les  navires  anglais,  qui  réservèrent  le  leur.  A  4  h.  30  du  matin, 
Vlmmortalitéy  ïEehe,  VArab  et  quelques  autres  navires,  se  trouvant  à  un 
demi-mille  au  nord-ouest  de  Wimereux,  commencèrent  à  canonner  les  bricks 
français  qui,  peu  après,  en  grand  désordre,  reprirent  le  mouillage  sous  les 
batteries.  Sans  avoir  subi  aucune  perte  et  sans  autre  dommage  qu'un  canon 
de  9  démonté  à  bord  de  VAraby  la  division  anglaise  revint  jeter  l'ancre  à 
5  milles  au  nord-ouest  de  Boulogne,  un  des  bricks  canonniers  étant  envoyé  en 
observation  vers  le  cap  Gris-Nez. 

Pour  faciliter  le  passage  de  l'amiral  Verhuell,  le  maréchal  Davout,  qui  l'avait 
longtemps  attendu  à  Calais,  avait  renforcé  en  hommes  et  en  munitions  toutes 
les  batteries  de  la  côte  entre  Calais  et  Ambleteuse.  Celle  du  promontoire  du 
Gris-Nez  avait  à  elle  seule  55  pièces  de  gros  calibre  et  6  énormes  mortiers,  et 
était  commandée  par  le  général  Lariboisière  en  personne.  En  outre,  le  général 
d'artillerie  Sorbier,  avec  de  l'artillerie  à  cheval  et  des  obusiers  à  longue  portée, 
devait  suivre  Ift  flottille  le  long  de  la  côte 

A  3  heures  du  soir,  Taminil  Verhuell,  accompagné  sur  son  shooner  du  maré- 
chal Soult,  leva  l'ancre  avec  les  trois  prames  et  les  21  canonnières  qui  lui  res- 
taient, 4  prames  et  \Vi  canonnières  (preuve  des  pertes  subies),  et  fit  route 
vers  le  cap  Blanc-Nez,  sous  lequel  se  tenaient  le  Trusty,  VAriadne,  la  Vestal  et 
une  douzaine  de  sloops  et  autres  ntivircs  de  faible  tirant  d'eau.  A  4  heures,  les 
canons  et  les  mortiers  du  cap  Blanc-Nez  ouvrirent  un  feu  terrible  contre  les 
Anglais,  qui  y  i-épondirent,  mais  avec  un  grand  désavantage  :  le  Trusty  eut 
son  grand  étai  coupé,  et  un  gros  boulet  dans  la  flottaison  qui  détermina  une 
Toie  d'eau  et  obligea  à  carguer  et  mettre  à  la  bande  pour  l'aveugler.  La  flottille 
en  profita  pour  gagner  Wissant;  lÂ,  la  côte  étant  moins  fortement  armée,  la 
canonnade  recommença  du  côté  des  Anglais,  renforcés  de  V Immortalité  et 
d'une  partie  de  la  croisière  de  Boulogne.  VArab  s'engagea  avec  tant  d'ardeur 
qu'il  se  trouva  à  portée  de  fusil  de  terre,  par  2  brasses  d'eau.  Le  sloop  Calypso, 
la  Flèche  et  2  ou  3  bricks  canonniers  s'eflTorcèrent  d'imiter  VA  rab  et  réussirent, 
avant  7  heures  du  soir,  à  forcer  6  canonnières  ennemies  à  se  jeter  à  la  côte. 
Le  banc  du  cap  Gris-Nez  et  les  boulets  et  bombes  de  la  face  droite  de  sa  puis- 
sante batterie  forcèrent  VAraby  la  Calypso,  la  Flèche  et  les  autres  navires  h 
s'éloigner  de  la  côte.  Le  capitaine  de  la  Calypso  fut  blessé,  l'Aral  eut  une 
vergue  emportée,  son  gréement  coupé  et  la  tête  du  grand  m&t  éclatée,  plu- 
sieurs boulets  dans  sa  coque  et  un  commencement  d'incendie,  enfin  7  hommes 
blessés  dont  2  dangereusement.  La  Flèche  était  si  près  de  terre  que  les  Fran  - 


LES  DBRNlàKBS  OPÉRATIONS  DB  LA  FLOTTILLE.  4S5 

çais  pour  Tatteindre  durent  baisser  leurs  canons.  Un  boulet  enleva  le  chapeau 
d*un  homme,  bf*isa  une  embarcation  et  creva  la  muraille  de  Tautre  côté  sous 
la  flottaison.  Elle  eût  5  blessés  gravement  et  ses  manœuvres  courantes  très 
endommagées. . . . 

Vlmmortalité^  suivie  de  VHef)€j  était  depuis  5  heures  du  soir  à  l'extrémité 
du  Banc-à-Laine  près  du  cap  Gris-Nez,  et  même,  lorsque  la  seconde  se  trouTa  par 
4  brasses,  à  peine  une  demi-brasse  de  plus  que  son  tirant  d'eau,  elle  était 
encore  trop  loin  de  la  flottille  pour  agir.  Les  2  frégates  carguèrent  puis  bras- 
sèrent toutes  toiles  à  culer  pour  attendre  les  prames  qui  précédaient  les  canon- 
nières alors  fortement  engagées  atec  VArab,  la  Calypso  et  les  bricks  canon- 
mers,  ainsi  qu'il  Tient  d'être  dit.  Peu  après  6  heures,  ï Immortalité  et 
ïHebe^  se  trouvant  à  un  demi-mille  de  la  côte  et  un  quart  de  mille  des  prames» 
ouvrirent  un  feu  riolent  qui  fut  retourné  avec  autant  de  yigueur  et  naturelle- 
ment plus  d'effet  par  ces  dernières  et  les  batteries  de  côtes.  Cependant  2  shoo- 
n^rs  durent  se  jeter  à  la  côte  et,  vers  7  heures,  les  prames  et  le  reste  des  canon- 
nières jetèrent  l'ancre  entre  Andresselles  et  Ambleteuse.  A  7  h.  30,  la  canon- 
nade, à  laquelle  avait  pris  part  la  frégate  de  36  canons  de  12  la  Renommée^ 
cessa  complètement. 

V Immortalité  avait  son  mât  de  misaine,  son  grand  perroquet  et  sa  corne 
de  brigantine  coupés,  trois  embarcations  crevées,  le  gréement  et  les  voiles  très 
endommagés,  plusieurs  boulets  dans  sa  *  coque  et  les  bouches  de  2  caronades 
emportées.  4  hommes  étaient  tués  et  12  blessés,  dont  plusieurs  grièvement. 
Uffebe  avait  son  grand  perroquet  et  sa  grande  vergue  coupés,  le  gréement  et 
les  voiles  endommagés,  une  caronade  démontée,  3  boulets  dans  la  coque, 
3  blessés  dont  1  mortellement.  La  Renommée  souffrit  relativement  peu. 

De  ce  témoignage  peu  suspect,  on  peut  conclure  à  la  vio- 
lence du  combat.  Mais  ce  que  W.  James  ne  dit  pas,  c'est  que 
réloignement  des  Anglais,  dans  les  jours  qui  suivirent,  permit 
à  une  partie  considérable  de  la  flottille  batave  de  parvenir  à 
Ambleteuse  sans  que  Fennemi  s'y  opposât. 

C'est  ainsi  qu'on  arrive,  au  3  août,  à  avoir  dans  ce  port 
3  prames,  25  canonnières,  116  bateaux,  6  péniches  et  30  trans- 
ports. Mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  la  concentration  de  la 
flottille  batave  puisse  être  considérée  comme  terminée. 

A  Sa  Majesté  l'Empereur  des  Français  et  Roi  d'Italie  (I). 

Calais,  le  3  août  1805. 
Sire, 

l*ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  Votre  Majesté  Impériale  et  Royale,  que  le 


(1)  Archives  nationales,  carton  APi^,  1203.  —  Marine,  colonios  et  flottillefl,  an  xii  et 
an  XIV. 


426  TROISIÈME  PARTIS.  ^  CHAPITRE  in* 

41  thermidor  (30  juillet),  à  0  heures  du  soir,  la  4*  division  de  bateaux  eanon-» 
niers  et  9  chaloupes  canonnières ^  aux  ordres  du  capitaine  de  vaisseau  Yalken- 
burg,  ainsi  que  8  canonnières  et  i6  péniches  impérialeB,  aux  ordres  du  capitaine 
de  frégate  Dutaillis,  sont  partis  de  la  rade  de  Dunkerque,  avec  un  petit  frais 
de  la  partie  du  sud-est.  Mais  bientôt  ils  eurent  calme  plat,  de  sorte  qu*ils 
furent  obligés  de  faire  la  route  à  la  rame  ;  portés  par  le  jusant,  ils  mouillèrent 
à  È  heures  du  matin  devant  Gratelines  et  appareillèrent  de  nouteau  le  iî  ther- 
midor (31  juillet),  à  5  heures;  à  midi  ils  airiTèrent  devant  Calais,  en  présence 
d'une  division  ennemie  de  9  bâtiments,  composée  de  î  fi'égates,  3  corvettes  et 
À  bricks  ;  elle  vint  attaquer  notre  division  à  la  très  grande  portée  du  canon,  et 
de  part  et  d'autre,  quelques  boulets  furent  échangés.  Trois  desdites  corvettes, 
armées  en  bombardes,  avancèrent  asseï  près  pour  lancer  quelques  bombes, 
qui  dépassèrent  nos  b&timents  ;  ce  qui  M,  vivement  répondu  par  les  batteries 
de  côte  et  par  nos  pièces  de  gros  calibre,  de  sorte  qu'ils  furent  bientôt  obligés 
de  prendre  le  large.  Notre  division  resta  en  rade,  et  le  lendemain  matin,  h 
6  heures,  une  plus  forte  division  ennemie,  composée  de  i  vaisseau  de  ligne, 
S  ft^gates,  3  bombardes,  0  bricks,  1  lougre  et  i  cutter,  vint  de  nouveau  atta» 
quer  notre  ligne,  et  lancer  plusieurs  bombes,  dont  une  tomba  à  bord  d'un 
bateau  canonnier,  traversa  l'arrière  du  pont,  passa  par  la  soute  à  poudre,  à 
travers  des  bordages  à  côté  du  gouvernail,  et  éclata  à  une  très  petite  distance 
du  bâtiment,  sans  blesser  personne.  L'ennemi  fut  ainsi  que  la  veille  contraint 
de  prendre  le  large  ;  le  vent  de  l'ouest  obligea  notre  division  d'entrer  dans  le 
port.  On  a  observé  que,  cette  fois^ci,  l'escadre  anglaise  resta  ft  une  bien  plus 
grande  distance  que  dans  les  attaques  précédentes. 

J'ai  en  même  temps  l'honneur  de  faire  rapport  à  Votre  Majesté  Impériale  et 
Royale,  qu'il  y  a  maintenant  3  prames,  25  canonnières,  H6  bateaux^  fi  péniches 
et  30  transports  de  rendus  à  Ambleteuse;  à  Calais ^  4  prame^  20  canonnières, 
29  bateaux,  1  péniches  et  8  transports^  et  il  reste  à  Dunkerque  iO  canonnières^ 
62  bateaux,  5  péniches  et  49  transports;  la  plus  grande  partie  de  ces  bâtiments 
est  en  rade,  pour  profiter  du  premier  souffle  de  vent  favorable,  afin  de  se 
rendre  au  port  de  réunion  d' Ambleteuse. 

J'ai  rhonneur  d'être,  etc. 

Yerhuell. 

Au  20  août,  il  y  a  encore  un  voyage  entre  Dunkerque  et 
Ambleteuse. 

A  Sa  Majesté  fEmpereur  des  Français  et  Roi  d'Italie  (1). 

Ambleteuse,  le  t  fructidor  an  xm  (20  août  1805). 
Sire, 

J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  Votre  Majesté  Impériale  et  Royale  qu'au- 
jourd'hui, à  midi,  il  est  parti  de  Dunkerque  7  chaloupes  canonnières  et  27  ba- 
teaux canonniers,  commandés  par  le  capitaine  de  vaisseau  Hofmeyer. 


(l)  Archives  nationaleSt  carton  AK^,  lt03.  —  Marine,  colonies  et  flottilles,  an  xii  et 
an  XIV. 


LES  DERNIÈRB8  OPÉRATIONS  DE  LA  FLOTTILLE.      4S7 

La  croisière  ennemie  était  à  quelque  distance  de  la  c^te,  mais  notre  diTision 
poursuivit  son  chemin,  sans  être  attaquée,  jusqu'à  hauteur  de-  Sangate,  alors 
une  division  ennemie,  forte  de  7  bâtiments,  se  rallia  et  se  forma  en  ligne  de 
bataille  et  commença  à  les  attaquer  à  portée  de  canon  ;  le  feu  des  batteries 
de  la  côte  et  de  nos  bâtiments  fut  très  tif  et  si  bien  nourri,  que  Tennemi  fut 
forcé,  par  le  travers  du  cap  Gris^Nes,  à  prendre  le  large,  ayant  probablement 
reçu  d'assez  fortes  avaries  ;  nous  vtmes  une  bombe  tomber  à  bord  d'une  fré- 
gate, qui  enleva  son  perroquet  d'artimon. 

Notre  division  poursuivit  tranquillement  sa  route,  sans  être  inquiétée  davan- 
tage. A  8  heures  du  soir,  elle  mouilla  devant  Ambleteuse  ;  une  canonnière  qui 
avait  reçu  trois  voies  d'eau,  fut  forcée  de  faire  côte,  ayant  6  pieds  d'eau  dans 
la  cale  ;  les  rapports  qui  me  sont  parvenus  jusqu'ici,  ne  m'ont  pas  fait  connaître 
qu'il  y  eût  d'autres  avaries. 

La  mer  étant  très  agitée,  je  fais  rentrer  la  division,  avec  laquelle  il  se  trouve 
à  présent  de  réunis  au  port  (T Ambleteuse,  4  prames,  54  chaloupes  canonnières, 
192  bateaux  canonniers  et  35  transports,  et  il  ne  reste  plus  à  Dunkerque  que 
25  bateaux  canonniers  et  62  transports. 

J'ai  l'honneur,  etc.  Verhuell. 

A  Son  Excellence  M.  le  maréchal  Berthier,  ministre  de  la  guerre  (i). 

Ambleteuse,  le  t  fructidor  an  xm  (20  tout  1805.) 

Monsieur  le  Maréchal, 

J'ai  l'honneur  d'informer  Votre  Excellence  qu'une  partie  de  la  3*  escadrille 
de  guerre  de  la  flottille  impériale  batave,  composée  de  7  chaloupes  canonnières 
et  27  bateaux  de  2*  espèce,  appareillés  de  la  rade  de  Dunkerque  vers  2  heures 
par  un  vent  de  nord-est,  joli  frais,  a  mouillé  à  7  heures  du  soir  en  rade  d'Am- 
bleteuse. 

Cette  division,  sous  les  ordres  du  capitaine  Besemaerd,  a  mis  à  la  voile  en 
vue  de  la  croisière  anglaise,  qui  restait  dans  l'ouest  à  une  grande  distance  ; 
elle  a  doublé  Calais  sans  être  jointe  par  l'ennemi,  qui  ne  s'est  rallié  au  vent  au 
nombre  de  iO  voiles  et  n'a  été  en  mesure  d'attaquer  que  sur  le  cap  Blanc-Nez. 
La  canonnade  a  été  vive  par  le  travers  de  Wissant  ;  les  bateaux  canonniers  ont 
fait  un  feu  très  soutenu. 

La  flottille  ayant  passé  en  dedans  du  Banc-à-Laine,  les  ennemis  ont  d'abord 
serré  le  cap  Gris-Nez  dont  les  batteries  les  ont  forcés  de  prendre  le  large;  une 
corvette  anglaise  a  été  démâtée  de  son  mât  d'artimon;  les  ennemis  ont  laissé 
arriver,  et  la  flottille  a  gagné  le  mouillage  sans  être  inquiétée. 

Une  canonnière  batave  ayant  reçu  deux  boulets  à  la  flottaison  a  été  forcée 
de  s'échouer  à  l'ouest  du  port. 

Jl  restait  encore  à  Dunkerque  27  bateaux  de  2*  espèce,  et  91  transports;  nous 
espérons  que  les  vents  d'est-nord-est,  à  moins  qu'ils  n'aient  trop  fraîchi,  auront 
favorisé  un  second  appareillage. 

Votre  Excellence  apprendra  sans  doute  avec  satisfaction  la  réunion  de  la 
presque  totalité  de  la  flottille  de  guerre  destinée  au  corps  de  droite. 

Salut  et  respect. 

Math.  D. 


428  TROISIEME  PARTIE.  —  CHAPITRE  UI. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  jamais  la  concentration  de  la  flottille 
ne  fut  complète  ;  jamais  le  corps  de  Davout,  dont  une  division 
resta  près  de  Dunkerque,  ne  put  s'embarquer  à  Ambleteuse. 

La  situation  finale  de  la  flottille  et  de  Tarmée  ressortira 
d'une  façon  plus  précise  encore  au  chapitre  suivant. 


CHAPITRE  IV 


LA  FLOTTILLE  -  ORGANISATION  DÉFINITIVE 


Lorqu*en  mars  1805,  on  parut  près  d'entrer  dans  la  période 
des  opérations  actives,  l'organisation  de  septembre  répondait 
si  peu  à  la  situation  réelle  qu'il  fallut  la  modifier  complète- 
ment. 

Tel  fut  le  but  des  ordres  des  10  et  11  mars  de  l'Empereur, 
transmis  immédiatement  par  les  Ministres  de  la  guerre  et  de 
la  marine. 

Note  pour  le  Ministre  de  la  marine  (i). 

Paris,  le  19  TentAte  an  xui  (10  mars  1805). 

Flottille.  —  Jl  sera  formé  à  la  réserve  et  réuni  à  Wimereux  une  huitième 
e:icadrill€y  composée  delà  11"  division  de  chaloupes  canonnières .  et  d'une 
autre  division  qui  sera  formée  des  premières  chaloupes  canonnières  qui  arrive- 
ront à  Boulogne  ;  de  2  divisions  de  bateaux  canonniers,  choisis  parmi  les 
meilleurs  des  14**,  15*  et  16*  divisions,  et  des  péniches  des  9*  et  14*  divisions. 

Les  9*  et  10*  divisions  de  chaloupes  canonnières  remplaceront,  à  la  6*  esca- 
drille, les  14*  et  15*  divisions  de  bateaux  canonniers. 

La  flottille  sera  donc  définitivement  composée  de  8  escadrilles  formant  : 

bàUmeoU. 

14  divisions  de  chaloupes  canonnières  ou 252 

19  divisions  de  bateaux  canonniers  ou 342 

16  divisiona  de  péniches  ou 288 

ToTAx 882 

Camp  de  MontreuiL  —  L'armée  de  Montreuil  sera  partagée  en  trois  divi- 
siocs.  Une  division  sera  embarquée  sur  les  bâtiments  de  i**  et  de  2*  espèce  de 


(1;  Correspondance  de  Napoléon,  8410. 


430  TROISIÈBCB  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

la  l'*  escadrille;  une  dmsion  sur  les  bâtiments  de  2*  espèce  de  la  2*  esca- 
drille ;  la  troisième  diTision  ou  division  d^avant-garde,  sur  les  bâtiments  de 
troisième  espèce  de  la  l"  et  de  la  2*  escadrille. 

Camp  de  Boulogne.  —  La  3'  escadrille  ou  la  !'•  du  port  de  Boulogne  em- 
barquera la  diTision  du  général  Saint-Hilaire  ;  la  4*  escadrille  embarquera  la 
division  du  général  Vandamme  ;  la  5*^  escadrille  embarquera  la  division  du 
général  Legrand  ;  la  6*  esoadrille  embarquera  la  division  du  général  Suchet  ; 
la  7*  escadrille  embarquera  la  garde  de  l'Empereur  et  les  grenadiers  dé  la 
réserve.  On  joindra  à  cette  escadrille  les  2  divisions  de  péniches  de  la  8*  esca- 
drille ;  la  8*  escadrille  embarquera  les  hommes  à  pied  des  2  divisions  de 
dragons. 

Invariablement,  chaque  bâtiment  sera  attaché  à  sa  section  de  chaloupes 
canonnières,  de  2  bateaux  canonniers  ou  de  péniches.  Il  ne  sera  plus  fait 
aucun  changement,  chaque  compagnie  connaîtra  son  bateau,  chaque  général  de 
division  connaîtra  Tofûcier  de  marine  qui  commande. 

Garnison  des  transports-écuries.  —  Il  sera  mis  sur  chacune  des  écuries  de  la 
|re  escadrille,  qui  est  à  Étaples,  3  hommes  de  gamiion  du  3*  régiment  de 
hussards  et  du  10**  de  chasseurs.  Le  bataillon  du  train  d'artillerie  fournira 
3  hommes  de  garnison  sur  chacun  des  b&timents-écuries  d'arlillerie  attachés  à 
la  2*  escadrille.  Le  11*  régiment  de  chasseurs  et  le  8*  de  hussards  fourniront 
3  hommes  de  garnison  sur  chacune  des  écuries  de  la  3*  escadrille.  La  garde 
impériale  fournira  . . .  hommes  de  garnison  aux  écuriei  des  i*  et  7*  esoadrilles. 
L'artillerie  de  Tannée  de  Boulogne  fournira  les  soldats  du  train  pour  garnison 
des  écuries  des  5*  et  6*  escadrilles.  Les  bâtiments  destinés  au  transport  de  la 
grosse  artillerie  auront  pour  garnison  un  soldat  d'artillerie. 

Les  bâtiments  destinés  à  porter  les  bagages  de   Tarmée  seront  répartis, 

savoir  :  un  bâtiment  par  régiment  ;  un  bâtiment  par  général  de  division  ;  un 

pour  deux  généraux  de  brigade.  Us  leur  seront  assignés  dans  l'escadrille  â 

laquelle  ils  sont  attachés. 

Napoléon. 

Au  Yiee-amirHl  Oecrèa  (1). 

Paris,  le  20  veni6ae an  xm  (Il  mars  l$Oâ). 
Monsieur) 

Huit  escadrilles  composent  la  flottille  de  Boulogne  ;  chacune  a  2  divisions 
de  péniches  formant  36  péniches  et  pouvant  porter  2^400  hommes. 

Je  désire  qu'on  les  exerce  pendant  le  beau  temps  et  qu^on  établisse  des 
signaux  pour  débarquer,  arriver  ensemble  au  rivage,  commencer  à  faire  feu 
avec  l'obusier  ou  la  pièce  de  4  chargés  â  mitraille,  et  avoir  derrière  une  divi^ 
sion  de  chaloupes  canonnières  pour  les  protéger. 

Il  faut  surtout  les  accoutumer  â  obéir  aux  signaux  néceMairet  pour  s'en- 
tendre sur  le  débarquement,  pouvoir  dire  â  une  division  de  péniches  de  débar- 
quer à  telle  distance^  à  droite  et  à  gauche  de  tel  point  ;  accoutumer  les 
commandants  des  péniches  à  reconnaître  les  signaux  et  à  y  obéir  prompte- 

ment. 

Napoléon; 


(1)  Correspondance  de  Napoléoni  8415. 


LA  FLOTTILLE.  —  ORGANISATION  DÉFINiriYB.  481 

Lt  Mlnl9tr%  de  /«  màHne  àu  CommMtHlant  de  la,  HoiUUe 

à  Boulogne, 

Piuris.  le  tû  ?eiitA««  aa  xm  (U  nuirt  I805)« 
Général, 

L'intention  de  TEmpereiir  est  que  les  divisions  de  péniehes  attachées  aux 
escadrilles  de  la  flottille  soient  exercées  à  des  simulacres  de  débarquement, 
lorsque  le  temps  sera  beau  et  faYorable  à  leurs  évolutions.  Ces  différentes  ma- 
nœuvres devront  être  essentiellement  indiquées  par  des  signaux  simples;  ces 
signaux,  auxquels  il  importe  que  les  commandants  des  péniches  s^accoutument 
à  obéir  promptement  et  sans  hésitation,  devront  surtout  comprendre  Tordre 
d'arriver  ensemble  au  rivage,  de  commencer  le  feu  avec  Tobusier  ou  la  pièce 
de  4  chargée  à  mitraille,  de  se  séparer  pour  aller  débarquer  à  telle  distance 
au-dessus  ou  au-dessous  du  point  indiqué,  de  les  préparer  au  débarquement  et 
débarquer. 

Vous  jugeres,  d'après  cet  ordre,  que  Sa  Majesté  Impériale  veut  que  les  com- 
mandants des  équipages  des  péniches  se  familiarisent  avec  toutes  les  opérations 
auxquelles  un  débarquement  effectué  par  cette  espèce  de  bateaux  peut  donner 
lieu,  et  que  ces  mouvements  soient  si  bien  combinés  que,  dans  Texécution,  on 
n'ait  à  craindre  ni  lenteur  ni  incertitude. 

Je  vous  ajoute  que  Sa  Majesté  veut  aussi  qu'une  division  de  chaloupes  canon- 
nières sorte  avec  les  péniches,  lorsqu'elles  effectueront  ce  mouvement;  cette 
division  sera  placée  en  arrière  des  péniches,  elle  sera  censé  destinée  à  les  pro- 
téger, et  il  faudra  que  les  signaux  règlent  aussi  le  mouvement  de  cette  divi-^ 
sion  de  chaloupes. 

11  me  suffît.  Général,  de  vous  exprimer  les  intentions  de  l'Empereur,  pour 
être  certain  que  vous  donneres  personnellement  à  cet  objet  toute  votre  atten- 
tion, et  de  vous  prier  de  me  rendre  compte  des  dispositions  que  vous  aurex 
ordonnées,  ainsi  que  de  vos  observations  sur  leur  résultat,  c'est-à-dire  sur  le 
plus  ou  le  moins  de  succès  des  évolutions  qui  auront  lieu  successivement. 

Recevez,  etc. 

Decrâs. 

Chose  ourieuse  :  il  Bemblerait  que  Torgamaatiou  ait  été  faite 
sans  que  TEmpeFeur  eut  la  connaissanoe  précise  de  Tétat 
actuel  de  la  flottille,  car  il  écrivait,  le  H  mars,  à  Decrès  : 

Au  vice^amlral  Deorèa  (i). 

La  Malmaiaon,  le  20  v«Bt6ia  aa  xœ  (U  mars  1800). 

Faites-moi  connaître  la  situation  actuelle  de  la  flottille,  ce  qui  manque  potii* 
qu'elle  soit  complète^  et  donnes  des  ordres  au  Havre^  Anvers  et  Ostende,  afin 


(1)  Correspondance  de  NcqtoUon,  8417. 


432  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

que  le  complément  ait  lieu  le  plus  tôt  possible.  Faites  que  les  différents  com- 
mandants des  ditisions  à  Boulogne  rendent  compte  de  la  situation  de  leurs 
bâtiments,  en  remplaçant  les  plus  mauvais  par  de  meilleurs,  et  en  mettant  au 
dépôt,  et  séparément,  les  mauvais. 

Je  vous  recommande  surtout  d'accélérer  le  plus  possible  les  différentes  réu- 
nions, surtout  celle  du  Havre.  Je  pense  qu'indépendamment  du  nombre  de 
bâtiments,  il  faut  réunir  encore  dans  les  différents  corps  un  bâtiment  en  sus 
par  division,  pour  subvenir  au  remplacement  et  aux  accidents  et,  au  moment 
du  départ,  avoir  effectivement  le  nombre  de  bâtiments  demandés.  11  faudrait, 
de  plus,  16  chaloupes  canonnières,  16  bateaux  et  16  péniches  au-dessus  du 
nombre. 

Ordonnez  qu'avant  tout  les  deux  corvettes  faites  pour  moi,  et  qui  sont  au 
Havre,  se  rendent  à  Wimereux.  Il  restera  à  déterminer  ce  qui  doit  être  fait  de 
toutes  les  autres  chaloupes,  bateaux  et  péniches. 

11  me  semble  que  Cherbourg,  le  Havre,  Honfleur,  Dieppe,  Vannes,  le  Mor- 
bihan, Belle-Ile,  l'île  d*Yeu,  Brest,  Rochefort,  Anvers  et  Ostende,  ont  toujours 
besoin  d'un  certain  nombre  de  ces  bâtiments  pour  défendre  leurs  rades  et  pour 
la  communication  entre  les  lies.  Ils  pourraient  donc  être  mis  à  la  disposition 
des  ports;  ils  pourraient  même  être  armés  par  les  invalides  de  la  marine  et  les 
pêcheurs,  pour  s^en  servir  selon  les  circonstances. 

Napoléon. 

De  fait,  cette  nouvelle  organisation  ne  répondit  en  rien,  ni  à 
la  situation  réelle  de  la  flottille,  ni  à  celle  des  troupes. 

Il  y  avait,  à  première  vue,  un  déficit  sur  les  places  disponi- 
bles de  plus  de  20,000  hommes  et  5,000  chevaux. 

A  r Empereur  et  Roi  (1). 

Paris,  le  [?]  genuîntl  an  xiii  ([?]  man-avril  1805). 
Sire, 

J'ai  l'honneur  d'adresser  à  Votre  Majesté,  le  tableau  de  la  répartition  des 
bâtiments  de  guerre  et  de  transport  de  la  flottille  impériale,  en  8  escadrilles, 
et  de  la  flottille  batave  en  3  escadrilles,  avec  les  états  sommaires  et  comparatifs 
des  troupes  des  trois  camps,  de  la  réserve  des  camps,  de  la  réserve  d'artillerie 
et  du  parc  général  de  l'armée,  qui  doivent  s'embarquer  sur  les  escadrilles  qui 
leur  ont  été  assignées. 

Indépendamment  des  détails  contenus  dans  chacun  de  ces  états,  je  crois 
devoir  mettre  sous  les  yeux  de  Sa  Majesté  le  tableau  comparatif  des  moyens 
d'embarquement  que  présentent  les  bâtiments  de  la  flottille,  avec  le  nombre  de 
troupes  qui  doit  y  être. 


(1)  Archives  nationales,  carton  AF"^,  1204. — Marine,  colonies,  flottille  de  Boulogne, 
an  XII  et  an  xiy.  • 


LA  FLOTTILLE. 


ORGANISATION   DEFINITIVE. 


433 


Camp  de  Montreuil  :  1'*  et 
2«  escadrilles  (1) 

Catip  de  Saini-Omer  :  3*, 
4«.  5»  et  6»  escadriUcs  (t) 

Camp  de  Bruges  :  flottille 
bataTe(3) 

Béserre  des  camps:  7*  et 
8*  escadrilles,  prames, 
correttes,  etc.  (4) 

Total  gbmkral  . . . 


• 

m 

S  a 

X  'S 

• 

342 

6«4 

432 

ROMBaB 

qa'iU  dotreot 
porter 


a 
« 


S 

S 

o 


596 


2,054 


22,705 
47,365 
35,371 

38,191 


143,632 


O 


a-  a 

ioJS 

^1* 

•  2-^ 

^o  s 

g-o  tu 

o  •«   • 

jg^O. 

15-e. 

«  a  J 
■S  g  a 

II; 

S  S  2 
7:  "  *- 


1,391 
2,503 
1,503 

4,578 


9,975 


2,430 
6,012 
2,754 

4,936 


10,132 


20,275 
41,353 
32,617 


PORCB 


des  troupes 
de  chaque  camp. 


t 

a 

8 

o 


27,050 
45,907 
33,012 


33,255  41,693 


127,500 


147,662 


1,58C 
2,503 
1,586 

10,089 


TEOUPBS 

qui  ne  peoTent 

t'embârqner 

fante  de  place 

dan*  lei  bàtim. 


15,764 


S 

6 

m 

a 

• 

o 

a 

6,775 

19!> 

4,554 

B 

395 

83 

8,438 


20,162 


5,511 


6,789 


(1)  Y  comprit  6  compaf^ies  1/2  d'artillerie  de  la  réserve  géoérale  d'artillerie  et  da  pare. 

(2)  Y  eompria  18  eompavoies  d*artillerie  de  la  réserre  d*artiUerie  et  du  pare   et   221  oheraux  de  trait, 
300  hommes  et  50  cberanx  de  la  garde  impériale. 

(3)  Y  compris  10  eompagoies  d^rtillerie  de  la  réserve  générale  d'artillerie  et  du  parc. 

(4)  Y  compris  17  compagnies  de  la  réserre  générale  d'artillerie  et  565  chevaux  de  trait. 


Sa  Majesté  remarquera  que  cette  armée  qui,  au  moment  hommes.  cheranx. 
de  rembarquement,  doit  être  portée  à  142,601  combat- 
tants, 2,967  personnes  pour  les  ser?ice8  des  diverses 
administrations,  2,094  domestiques  et  autres  individus  à 
la  suite  de  Tannée,  4,127  chevaux  de  trait,  10,722  che- 
Taux  de  troupes  et  915  chevaux  d'état-major,  exigera  des 
moyens  d'embarquement  pour 147,622        J5,764 

Mais  que  les  moyens  d'embarquement  que  présen- 
tent les  2,054  bâtiments  der  la  flottille  n'existant,  déduc- 
tion laite  des  équipages  de  la  marine,  montant  à 
16,132  hommes,  que  pour 127,500         9,975 

Il  résulte  que  les  troupes  qui  ne  pourront  s'embarquer, 
faute  de  bâtiments,  s'élèveront  à 20,162         5,789 

Je  présente  à  Votre  Majesté  l'hommage  de  mon  profond  respect. 

Le  Minisire  de  la  guerre^ 
X 


Néanmoins  les  23  et  25  mars,  les  ordres  de  détail  furent 
établis  par  les  deux  ministres  intéressés. 

IV.  28 


434  TROISlàMB  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

Le  Ministre  de  /a  guerre  à  Son  Etçellenoe  le  Ministre  de  la  marine 

et  des  colonies. 

Monsieur, 

L'Empereur  vient  de  me  faire  connaître  que  son  intention  est  qu'il  soit 
formé  à  la  réserve  et  réuni  à  Wimereux  une  8«  escadrille,  composée  de  la 
il®  division  de  chalou|)es  canonnières  et  d'une  autre  division  qui  sera  formée 
des  premières  chaloupes  qui  arrivent  à  Boulogne  ;  de  2  divisions  de  bateaux 
canonniers,  choisis  parmi  les  meilleurs  des  <4',  15*,  16*  divisions  et  des  péni- 
ches des  9®  et  14«  divisions. 

Que  les  9»  et  10"  divisions  de  chaloupes  canonnières  remplaceront  à  la 
6*  escadrille  les  14*,  iS*'  et  16*>  divisions  de  bateaux  canonniers  et  qu'en  consé- 
quence la  flottille  sera  définitivement  composée  de  8  escadrilles  formant  : 

liAtlments 

14  divisions  de  chaloupes  canonnières  ou 252 

18  divisions  de  bateaux  canonniers  ou 341 

16  divisions  de  péniches  ou 288 

Total 881 

Sa  Majesté  a  prescrit  en  même  temps  que  les  troupes  du  camp  de  Montreuil 
doivent  être  partagées  en  3  divisions,  destinées  à  s'embarquer  sur  les  1'*  et 
2*  escadrilles  de  la  flottille  impériale,  savoir  :  une  division  sur  les  bâtiments 
de  1  '•  et  de  2®  espèces  de  la  1  '<•  escadrille  ;  la  2®  division  sur  les  bâtiments  de 
2*  espèce  de  la  2^  escadrille  et  la  3^  division  sur  les  bâtiments  de  3*^  espèce  des 
i"  et  2*  escadrilles. 

D'après  ces  dispositions,  je  préviens  M.  le  maréchal  Ney,  commandant  en 
chef  le  camp  de  Montreuil  : 

Que  la  i  ''"  division  de  ce  camp,  commandée  p^  le  général  Dupont,  s'embar. 
quera  sur  les  5**  et  8*^  divisions  de  chaloupes  canonnières  et  sur  les  9*  et 
lO**  divisions  de  bateaux  canonniers  qui  font  partie  de  la  1"  escadrille  ; 

Que  la  2*  division,  commandée  par  le  général  Loison,  s'embarquera  sur  les 
11®,  12",  17'^  et  18"  divisions  de  bateaux  canonniers,  faisant  partie  de  la  2® esca- 
drille ; 

Que  la  3**  division  ou  division  d' avant-y ar de,  commandée  par  le  général 
Malher,  s'embarquera,  savoir  :  la  brigade  commandée  par  le  général  Marcognet, 
sur  les  10®  et  11®  divisions  de  péniches  de  la  1'«  escadrille,  et  la  brigade  aux 
ordres  du  général  Labassée  sur  les  12"  et  13®  divisions  de  péniches  de  la 
2*  escadrille  ; 

Que  les  chevaux  du  3'  régiment  de  hussards  seront  embarqués  sur  la  1"  divi- 
sion de  transport  d'écuries,  attachée  à  la  i'®  escadrille,  et  ceux  du  10®  régiment 
de  chasseurs  sur  la  4*  division  d'écuries,  attachée  à  la  2®  escadrille  ; 

Que  les  chevaux  du  train  d'artillerie  seront  embarqués  sur  la  2®  division 
d'écuries,  attachée  î\  la  1'®  escadrille,  et  sur  la  3"  division  d'écuries,  attachée  à 
la  2®  escadrille  ; 

Que  le  gros  matériel  iV artillerie  sera  embarqué  sur  les  1"  et  2*  sections  de 
la  20*  division  de  transports  ; 

Que  les  bagages  de  Varmée,  des  officiers  détat-major  et  de  troupes  de  la 


LA   FLOTTILLE.   —  ORGANISATION   DÉFINITIVE.  435 

1'"  dlTision  du  camp  et  de  la  1'*"  brigiide  d  avant-garde  seront  embarqués  sur 
la  3Ô°  dirision  de  transports,  et  ceux  de  la  2"  division  du  camp  et  de  la  2«  bri- 
gade d*aTant-garde,  sur  la  31*"  division  de  transports  ; 

Qu'il  sera  mis  sur  ciiacune  des  écuries  de  la  l**^  escadrille,  3  hommes  de  gar^ 
nison  du  3^  régiment  de  hussards  et  du  iO'  régiment  de  chasseurs,  que  le  bataillon 
du  train  fournira  3  hommes  de  garnison  sur  chacun  des  bâtiments-écuries  de 
la  V  escadrille; 

Enfin,  que  les  bâtiments  destinés  à  porter  les  l^agages  de  Tarmée  seront 
répartis,  savoir  :  1  bâtiment  par  régiment  ;  1  par  général  de  division  ;  1  pour 
2  généraux  de  brigade,  et  qu'ils  leur  seront  assignés  dans  Tescadrille  à  laquelle 
ils  sont  attachés. 

A  regard  des  troupes  composant  le  camp  de  Saint-Omer  et  la  réserve, 
d'après  les  dispositions  prescrites  par  Sa  Majesté,  je  viens  de  prévenir  M.  le 
nmréchal  Soult  ; 

Que  la  V'^  division  du  camp  de  Saint-Omer,  commandée  par  le  général  Saint- 
Hilaire,  s'embarquera  sur  les  V*  et  4*  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur 
les  1'*"  et  2«  divisions  de  bateaux  canonniers  et  sur  les  i'«  et  2®  divisions  de 
péniches  qui  font  partie  de  la  3*  escadrille  ; 

Que  la  2*  division  du  camp,  commandée  par  le  général  Vandamnie,  s'em- 
barquera sur  les  2*  et  3^  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  3^  et 
4^  divisions  de  bateaux  canonniers  et  sur  les  3'  et  4*"  divisions  de  péniches, 
attachées  à  la  4^  escadrille  ; 

Que  la  Z°  division  du  camp,  commandée  par  le  général  Legrand,  s'embar- 
quera sur  les  6*  et  7*  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  6**  et  7*  divi- 
sions de  bateaux  canonniers  et  sur  les  5®  et  Ô*'  divisions  de  péniches,  attachées 
à  la  5*>  escadrille  ; 

Que  la  4®  division  du  camp,  commandée  par  le  général  Suchet,  s'embar- 
quera sur  les  9*^  et  10®  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  8®  et 
13°  divisions  de  bateaux  canonniers  et  sur  les  7<>  et  8"  divisions  de  péniches, 
attachées  à  la  6^  escadrille  ; 

Que  la  4'*  division  de  la  réserve,  composée  de  la  garde  de  l'Empereur,  s'em- 
barquera sur  les  i  '"*'  et  2°  divisions  de  chaloupes  canonnières  et  sur  les  5®  et 
i2*^  divisions  de  bateaux  canonniers,  attachés  à  la  7*^  escadrille  ; 

Que  la  2*^  division  de  la  réserve,  composée  de  bataillons  de  grenadiers  et 
commandée  par  le  général  Oudinot,  s'embarquera  sur  les  1»«  et  2®  divisions 
de  péniches  attachées  à  la  7*^  escadrille,  et  sur  les  9*  et  14*^  divisions  de 
péniches  faisant  partie  de  la  8^  escadrille,  mais  qui  doivent  être  jointes  à  la 
7<^  escadrille. 

Que  la  8*  division  de  la  réserve,  composée  des  troupes  italiennes,  commandée 
par  le  général  de  brigade  Teulié,  s'embarquera  sur  les  I'*',  2**  et  3*  divisions 
de  corvettes  de  pèche  armées  en  guerre  ; 

Que  les  dragons  à  pied  des  i'®  et  2*  divisions  de  dragons,  qui  font  partie  des 
4*  et  5'  divisions  de  la  réserve,  commandés  par  les  généraux  Klein  et  Baraguey^ 
d'Uilliers,  s'embarqueront  sur  les  11*'  et  12®  divisions  de  chaloupes  canonnières, 
et  sur  les  14®  et  15®  divisions  de  bateaux  canonniers  attachés  à  la  8®  esca- 
drille. 

Que  les  chevaux  du  il*  régiment  de  chasseurs  s'embarqueront  sur  la  5®  divi- 
sion   de   transport  d'écuries,  attachée  à  la  3®  escadrille,  et  les  chevaux  du 


436  TROISIÈME   PARTIE.    —   CHAPITRE  IV. 

8®  régiment  de  hussards  sur  la  10®  division  d*écuries,  attachée  à  la  5*  esca- 
drille ; 

Que  les  chevaux  de  la  garde  impériale  s'embarqueront  sur  les  7*  et  i2«  divi- 
sions d'écuries,  attachées  aux  4®  et  6"  escadrilles  ; 

Que  les  chevaux  du  train  d^ artillerie  s'embarqueront  sur  les  6®,  8»,  9®  11* 
divisions  d'écuries,  attachées  aux  .S®,  4",  5",  6"  escadrilles  ; 

Que  le  gros  matériel  d'artillerie  sera  embarqué  sur  les  21*  et  2i«  divisions 
de  transports  ; 

Que  les  bagages  d'armée  seront  embarqués  sur  les  32®,  33®,  34®  et  35®  divi- 
sions de  transpoi*ts  ; 

Que  le  \\^  régiment  de  chasseurs  et  le  8®  régiment  de  hussards  fourniront 
3  hommes  de  garnison  sur  chacune  des  écuries  de  la  3®  escadrille  :  que  la 
garde  impériale  fournira  garnison  aux  écuries  de  la  4®  et  de  la  7®  escadrille; 
que  les  troupes  d'artillerie  du  camp  de  Saint-Omer,  fourniront  les  soldats  du 
train  pour  garnison  des  écuries  des  5®  et  6®  escadrilles  ;  que  les  bâtiments 
destinés  au  transport  de  la  grosse  artillerie  auront  pour  garnison  un  soldat 
d artillerie  ; 

Enfin,  que  les  bâtiments  destinés  à  porter  les  bagages  de  l'armée  seront 
repartis,  savoir  :  1  bâtiment  par  régiment;  1  par  général  de  division  ;  I  pour 
2  généraux  de  brigade,  et  qu'ils  seront  assignés  dans  l'escadrille  à  laquelle  ils 
sont  attachés. 

Sa  Majesté  m'a  aussi  fait  connaître  qu'elle  veut  qu'invariablement  chaque 
bâtiment  reste  attaché  à  sa  section  de  chaloupes  canonnières,  de  bateaux 
canonniers  ou  de  péniches  ;  qu'en  conséquence  il  ne  sera  plus  fait  aucun  chan- 
gement ;  que  par  ce  moyen,  chaque  compagnie  connaîtra  son  bateau  et  que 
chaque  général  de  division  connaîtra  l'officier  de  marine  qui  commande. 

Je  vous  prie.  Monsieur,  d'examiner  les  dispositions  ci-dessus  et  de  m'ins- 
truire  si  elles  sont  parfaitement  conformes  à  celles  que  Votre  Excellence  aura 
sans  doute  ordonnées,  de  son  côté,  pour  remplir  sur  cet  objet  les  intentions  de 
Sa  Majesté. 


Le  Ministre  de  la  guerre  au  général  Songis,  inspecteur  général  de  l'ar- 
tillerie, commandant  en  chef  l'artillerie  de  l'armée  des  côtes  de 
l'Océan. 

Paris,  le  .3  germinal  an  xiii  (24  mars  1805). 
Général, 

Je  vous  préviens  que  Sa  Majesté  a  déterminé  que  les  2®  et  3*  divisions  d'écu- 
ries attachées  aux  ij®  et  2®  escadrilles  de  la  flottille  embarqueront  les  chevaux 
d'artillerie  du  camp  de  Montreuil,  et  que  les  6®,  8®,  9®  et  H®  divisions  atta- 
chées aux  3®,  4®,  5®  et  6®  escadrilles  embarqueront  les  chevaux  du  camp  de 
Saint-Omer. 

Sa  Majesté  a  prévu,  en  même  temps,  que  les  troupes  du  camp  de  Mon- 
treuil doivent  être  partagées  en  trois  divisions. 

En  conséquence,  les  troupes  d'artillerie  attachées  à  la  1'®  division  de  ce 
camp  seront  réparties  sur  les  5®  et  8®  divisions  de  chaloupes  et  sur  les  9®  et 
10®  divisions  de  bateaux  canonniers,  qui  font  partie  de  la  1"  escadrille. 


LA  FLOTTILLE.  —  ORGANISATION  DÉFINITIVE.  437 

Les  troupes  d'artillerie  attachées  à  la  3*  division  seront  réparties  sur  les  J0«, 
11«,  12"  et  13«  divisions  de  péniches,  faisant  partie  des  i^"  et  2°  escadrilles. 

Les2«et  3*  divisions  d'écuries  embarqueront  les  chevaux  d'artillerie;  le 
gros  matériel  d'artillerie  sera  embarqué  par  les  l '^  et  2"  sections  de  la  20*  di- 
vision de  transport. 

Il  sera  mis  sur  chaque  écurie  de  la  2®  escadrille  des  soldats  du  train,  et,  sur 
chaque  bâtiment  de  la  20«  division,  un  soldat  d'artillerie. 

Les  bâtiments  destinés  à  porter  les  bagages  de  l'artUlerie  seront  répartis, 
savoir  :  i  bâtiment  par  régiment,  1  par  général  de  division,  et  i  pour  2  géné- 
raux de  brigade. 

Sa  Majesté  a  prescrit,  en  outre,  que  les  troupes  du  camp  de  Saint-Omer  et 
de  réserve  s'embarqueront  sur  les  3",  4",  5*,  6",  '"  et  8*  escadrilles  de  la  flot- 
tille impériale. 

En  conséquence,  les  troupes  d'artillerie  attachées  h  la  i'^  division  du  camp 
de  Saint-Omer  seront  réparties  sur  les  l""*  et  4®  divisions  de  chaloupes  canon- 
nières. 

Celles  attachées  à  la  i"  division  de  ce  camp  s'embarqueront  sur  les  S*'  et 
3*^  divisions  de  chaloupes  canonnières. 

Celles  attachées  à  la  3*  division  s'embarqueront  sur  les  6°  et  7"  divisions  de 
chaloupes  canonnières. 

Celles  attachées  à  la  4*  division  s'embarqueront  sur  les  9"  et  10"  divisions 
de  chaloupes  canonnières. 

Celles  attachées  à  la  1"  division  de  la  réserve,  composées  de  la  garde  de 
l'Empereur,  s'embarqueront  sur  les  i"""  et  2"  divisions. 

Celles  attachées  à  la  2'  division  de  la  réserve  s'embarqueront  sur  les  I"  et 
2^  divisions  de  péniches. 

Celles  attachées  â  la  3°  division  de  la  réserve  s'embarqueront  sur  les  l*"*,  2<^ 
et  3*  divisions  de  corvettes. 

Les  chevaux  d'artillerie  s'embarqueront  sur  les  6®,  8«,  9®  et  11*  d'écuries, 
attachées  aux  3®,  4*',  5*^  et  6*"  escadrilles. 

Le  gros  matériel  d'artille'rie  sera  embarqué  par  les  21°  et  22*  divisions  de 
transports. 

Les  bagages  d'artillerie  seront  embarqués  sur  les  32«,  33",  34"  et  35"  divi- 
sions de  transports. 

Les  troupes  d'artillerie  fourniront  les  soldats  du  train  pour  la  garnison  des 
écuries. 

Les  bâtiments  destinés  à  porter  les  bagages  de  l'artillerie  seront  répartis 
savoir  :  1  bâtiment  par  régiment,  i  par  général  de  division,  et  1  pour  deux 
généraux  de  brigade. 

Au  moyen  de  ces  dispositions,  je  vous  invite.  Général,  dès  â  présent,  â  faire 
préparer  le  travail  relatif  h  la  répartition  du  personnel  et  du  matériel  de  l'ar- 
tillerie, qui  doivent  être  embarqués  sur  chacun  des  bâtiments  de  guerre  et  de 
transport  des  8  escadrilles,  et  à  m'en  adresser  les  tableaux  afin  de  me  mettre 
à  la  portée  d'en  rendre  compte  à  Sa  Majesté. 

Je  vous  salue  avec  une  considération  distinguée. 

Berthier 


438  TROISIÈMB  PARTIS.   —  CHAPITRE   IV. 

« 

Au  Commandant  de  la  ^ottillô  à  Boulogne  (1). 

Paris,  le  4  germiDal  an  mu  (25  mars  1805). 
Général, 

LMotention  de  rEmpereur  est  : 

1®  Qu'il  soit  formé  à  la  réserve  et  réuni  à  Wimereux  une  8*  escadrille,  com- 
posée delà  il«  division  de  chaloupes  canonnières,  et  d'une  autre  division  qui 
sera  formée  des  premières  chaloupes  canonnières  qui  arriveront  à  Boulogne  ; 
de  deux  divisions  de  bateaux  canonniers  choisis  parmi  les  meilleurs  des  4  4*, 
15®- et  16*^  divisions  et  des  péniches  des  9®  et  14®  divisions; 

2«  Que  les  9®  et  10*'  divisions  de  chaloupes  canonnières  remplaceront  à  la 
6"  escadrille  les  i4®,  45®  et  46®  divisions  de  bateaux  canonniers. 

En  conséquence,  la  flottille  de  guerre  sera  définitivement  composée  de  : 

44  divisions  de  chaloupes,  ou  252  chaloupes  ; 

48  divisions  de  bateaux  canonniers,  ou  324  bateaux  canonniers  ; 

46  divisions  de  péniches,  ou  288  péniches. 

Ce  qui  fait  un  total  de  864  bâtiments. 

Sa  Majesté  désire  en  outre  que  Ton  réunisse  dans  les  différents  ports  un 
bâtiment  de  plus  par  division,  pour  subvenir  aux  remplacements  et  aux  acci- 
dents. 

Il  faut  donc  encore  44  chaloupes  canonnières,  48  bateaux  canonniers,  et 
46  péniches,  ce  qui  portera  le  nombre  total  des  bateaux  des  trois  premières 
espèces  à  942. 

D'après  les  états  de  situation  particuliers  que  vous  nCavex  adressés  le  45  plu- 
viôse (4  février)  il  existait,  dans  les  ports  de  réunion  y  906  bateaux  de  ces  trois 
espèces.  Mais  234  étaient  en  réparations,  de  sorte  quHl  n^en  restait  que  672 
réellement  disponibles.  Je  ne  me  dissimule  donc  point  que  pour  le  moment 
l'organisation  de  la  flottille,  suivant  les  nouvelles  bases  prescrites  par  Sa  Ma- 
jesté, ne  pourra  être  complétée,  mais  les  réparations  que  Ton  fait  aux  bateaux 
en  mauvais  état,  vous  mettront  à  portée  de  faire  disparaître  successivement  le 
déficit.  Je  vous  préviens,  d'ailleurs,  qu'il  reste  encore  69  bateaux  des  trois 
espèces  à  parvenir  de  Granville,  Cherbourg,  le  Havre  et  Anvers;  de  manière 
qu'au  moyen  de  ces  69  bateaux,  et  des  234  qui  sont  en  réparations  dans  les 
ports  de  réunion,  je  calcule  que  l'organisation  nouvelle  pourrait  être  complétée 
et  qu'il  y  aurait  même  un  excédent  de  4  chaloupes  canonnières,  43  bateaux 
canonniers  et  45  péniches.  Cependant,  comme  ce  complément  éprouvera  quel- 
ques retards,  en  faire  l'observation  à  Sa  Majesté.  Nécessairement  je  vais,  en  lui 
demandant  si  son  intention  serait  que  Ton  restreignît  le  nombre  des  escadrilles 
à  celui  des  bâtiments  actuellement  disponibles,  ou,  en  maintenant  le  nombre 
des  escadrilles,  on  diminu/tt  proportionnellement  celui  des  bâtiments  dont 
chaque  escadrille  est  actuellement  composée;  je  vous  ferai  connaître  de  suite 
sa  décision. 

Mais  en  attendant,  vou5  voudrez  bien,  Général,  vous  occuper  d'organiser, 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB",  102.  —  Bureau  des  ports,  an  xm  et  an  xiv. 


LA  FLOTTILLE.   —  ORGANISATION  DÉFINITIVE.  439 

suiTant  les  nouvelles  bases  indiquées,  ceux  des  bAtiments  existant  dam  les 
ports  de  réunion,  qui  sont  en  état,  et  me  rendre  compte  du  résultat  des  dispo- 
sitions que  vous  aures  prises  à  cet  effet. 

Il  me  reste  à  yous  faire  connaître  les  différents  serrices  auxquels  les  8  esca- 
drilles  ordonnées  doivent  être  affectées. 

Camp  de  Montrbuil. 

ire  Qi  2«  escadrilles  de  la  flottille  impériale; 

i»  et  2^  divisions  de  transports  d*écunes  de  la  1'^  escadrille; 

3*  et  4*  divisions  de  transports  d'écuries  de  la  2*  escadrille  ; 

i'o  et  i*  sections  de  la  ÎO*  division  de  transports  ; 

30®  division  de  transports  ; 

31*  division  de  transports. 

Les  troupes  du  camp  de  Montreuil  doivent  être  partagées  en  3  divisions  desti- 
nées à  s'embarquer  sur  les  i'*>  et  2^  escadrilles  de  la  flottille  impériale,  savoir  : 
une  division  sur  les  bâtiments  de  1'*  et  de  2°  espèces  de  la  i'«  escadrile  ;  la 
2®  division  sur  les  bâtiments  de  2^  espèce  de  la  2*'  escadrille  ;  et  la  3®  division 
sur  les  b€^timents  de  3°  espèce  des  V^  et  2®  escadrilles. 

D'après  ces  dispositions,  M.  le  maréchal  Ney,  commandant  en  chef  le  camp 
de  Montreuil,  est  prévenu  : 

Que  laV*  division  de  ce  camp,  commandée  par  le  général  Dupont,  s'embar- 
quera sur  les  5*  et  8*  divisions  de  chaloupes  canonnières  et  sur  les  9®  e^ 
10*  divisions  de  bateaux  canonniers  qui  font  partie  de  la  1'*  escadrille  ; 

Que  la  2"  division,  commandée  par  le  général  Loison,  s'embarquera  sur  les 
il*,  12*,  17*  et  18*  divisions  de  bateaux  canonniers  faisant  partie  de  la  2*  esca- 
drille ; 

Que  la  3*  division  ou  division  d* avant-y ar de,  commandée  par  le  général 
Malher,  s'embarquera,  savoir  :  la  brigade  commandée  par  le  général  Marco- 
gnet,  sur  les  10*  et  11*  divisions  de  péniches  de  la  1'*  escadrille  ;  et  la  brigade 
aux  ordres  du  général  Labassée,  sun  les  12*  et  13*  divisions  de  péniches  de  la 
2*  escadrille  ; 

Que  les  chevaux  du  3*  régiment  de  hustards  seront  embarqués  sur  la  1'*  divi- 
sion de  transports  d'écuries,  attachée  à  la  1'*  escadrille,  et  ceux  du  10*  régi- 
ment de  chasseurs,  sur  la  4*  division  d'écuries  attachée  à  la  2*  escadrille  ; 

Que  les  chevaux  du  train  d'artillerie  seront  embarqués  sur  la  2*  division 
d'écuries  attachée  à  la  1 1^  escadrille  et  sur  la  3*  division  d'écuries,  attachée  à 
la  2*  escadrille  ; 

Que  le  gros  matériel  d! artillerie  sera  embarqué  sur  les  1  "  et  2*  sections  de 
la  20*  division  de  transpoii^  ; 

Que  les  bagages  ^ armée  des  officiers  d^ état-major  et  de  troupes,  de  la  1  '*  divi- 
sion du  camp  et  de  la  1'*  brigade  d'avant-garde,  seront  embarqués  sur  la 
30*  division  de  transports,  et  ceux  de  la  2*  division  du  camp  et  de  la  2*  bri. 
gade  d'avant-garde,  sur  la  30*  division  de  transports  ; 

Qu'il  sera  mis  sur  chacune  des  écuries  de  la  1"  escadrille,  3  hommes  de 
garnison  du  3*  régiment  de  hussards  et  du  10*  régiment  de  chasseurs  ;  que  le 
bataillon  du  train  fournira  3  hommes  de  garnison  sur  chacun  des  bâtiments 
écuries  de  la  2*  escadrille; 


440  TROISIÈME  PARTIE.    —  CHAPITRE  IV. 

Enfin,  que  les  bâtiments  destinés  à  porter  les  bagages  de  Tarmée  seront 
répartis,  saToir  :  i  bâtiment  par  régiment  ;  1  par  général  de  diyision  ;  1  pour 
2  généraux  de  brigade,  et  qu'ils  leur  seront  assignés  dans  Tescadrille  à  laquelle 
ils  sont  attachés. 

Camp  de  Saint-Omrr  et  oe  Réserve. 

i'"  et  A**  di?îsions  de  chaloupes  canonnières. 
„^  .  ...      .  !'•  et  2«  divisions  de  bateaux  canonniers. 

1"  et  2«  diyisions  de  péniches. 
5"  et  6*  divisions  de  transports-écuries. 
i°  et  3*^  divisions  de  chaloupes  canonnières. 

A«  pv  drille    l  ^^  ®'  ^*  divisions  de  bateaux  canonniers. 

3*  et  4*  divisions  de  péniches. 
7*»  et  8*  divisions  de  transports-écuries. 
6*  et  7«  divisions  de  chaloupes  canonnières. 

,,.         1  .„      I  6*  et  7®  divisions  de  bateaux  canonniers. 
5«  escadrille.  <  «.    .  ^^  ,.  •  .        .      ,  •  . 

5'  et  6<>  divisions  de  péniches. 

9*  et  40*  divisions  de  transports  écuries. 

9^  et  10*  divisions  de  chaloupes  canonnières. 

fie        d  'Il      l  ^^  ®'  ^^*  divisions  de  bateaux  canonniers. 

7"  et  8*  divisions  de  péniches. 

41"  et  ii^  divisions  de  transports-écuries. 

i'e  et  2®  divisions  de  chaloupes  canonnières. 
7*  escadrille.  ^  5®  et  49"  divisions  de  bateaux  canonniers. 

l'«  et  2«  divisions  de  péniches. 

Îil*'  et  ii°  divisions  de  chaloupes  canonnières. 
14®  et  15®  divisions  de  bateaux  canonniers. 
9®  et  4®  divisions  de  péniches. 
1'®,  2«  et  3®  divisions  de  corvettes  de  pèche. 
21  •,22®,  32®,  33®,  3i®  et  33®  divisions  de  transports. 

Z^  1'®  division  du  camp  de  Saird-Omcr,  commandée  par  le  général  Saint- 
Hilaire,  s'embarquera  sur  les  1'®  et  4®  divisions  de  chaloupes  canonnières, 
sur  les  i"  et  2®  divisions  de  bateaux  canonniers  et  sur  les  1*"®  et  2®  divisions  de 
péniches  qui  font  partie  de  la  3®.escHidrille. 

La  2®  division  du  camp,  commandée  par  le  général  Vandamme,  s'embar- 
quera sur  les  2®  et  3®  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  3®  et  4®  divi- 
sions de  bateaux  canonniers  et  sur  les  3®  et  4®  divisions  de  péniches,  attachées 
à  la  4®  escadrille. 

La  3®  division  du  camp,  commandée  par  le  général  Legrand,  s'embarquera 
sur  les  6®  et  7®  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  6®  et  7®  divisions  de 
bateaux  canonniers  et  sur  les  5®  et  6®  divisions  de  péniches,  attachées  à  la 
grande  escadrille. 

La  4®  division  du  camp,  commandée  par  le  général  Suchet,  s*embarquera 
sur  les  9®  et  10®  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  8®  et  13®  divisions 
de  bateaux  cnnonniors  et  sur  les  7®  et  8®  divisions  de  péniches,  attachées  A  la 
6®  escadrille. 


I 


LA  FLOTTILLE.   —  ORGANISATION  DÉFINITIVE.  441 

La  f  division  de  la. réserve,  composée  de  la  garde  de  l'Empereur,  s'embar- 
quera sur  les  i"  et  2«  divisions  de  chaloupes  canonnières  et  sur  les  5«  et 
19*  divisions  de  bateaux  canonniers,  attachées  à  la  7*  escadrille. 

La  f^  division  de  la  réserve,  composée  de  bataillons  de  grenadiers  et  comman- 
dée par  le  général  Oudinot,  s'embarquera  sur  les  i  ^^  et  2*  divisions  de  péniches 
attachées  à  la  7*  escadrille,  et  sur  les  9®  et  14*  divisions  de  péniches,  faisant 
partie  de  la  8*  escadrille,  mais  qui  doivent  être  jointes  à  la  7*>  escadrille. 

La  3*  division  de  la  réserve,  composée  de  troupes  italiennes,  commandée 
par  le  général  de  brigade  Tenlié,  s'embarquera  sur  les  1",  2*  et  3«  divisions 
de  corvettes  de  pèche  armées  en  guerre. 

Les  dragons  à  pied  des  {^et  !•  divisions  de  dragons  qui  font  partie  des  4*  et 
5*  divisions  de  la  réserve,  commandées  par  les  généraux  Klein  et  Baraguay- 
d'Hilliers,  s'embarqueront  sur  les  11"  et  12®  divisions  de  chaloupes  canon- 
nières et  sur  les  14**  et  15*  divisions  de  bateaux  canonniers,  attachées  à  la 
8*  escadrille. 

Les  chevaux  o^u  11*  régiment  de  chasseurs  s'embarqueront  sur  la  5*  division 
de  transports  d'écuries  attachée  à  la  3*  escadrille,  et  les  chevaux  du  8*  régi- 
ment de  hussards  sur  la  10*  division  d'écuries,  attachée  à  la  5*  escadrille. 

Les  chevaux  de  la  garde  impériale  s'embarqueront  sur  les  7*  et  12*  divisions 
d'écuries,  attachées  aux  4*  et  6*  escadrilles. 

Le  gros  matériel  d'artillerie  sera  embarqué  sur  les  21*  et  22*  divisions  de 
transports. 

Les  chevaux  du  train  d'artillerie  s'embarqueront  sur  les  6*,  8*,  9*  et  11*  divi- 
sion d'écuries,  attachées  aux  3*,  4*,  b*  et  6*  escadrilles. 

Les  bagages  d'armée  seront  embarqués  sur  les  32*,  33*,  34*  et  35*  divisions 
de  transports. 

Le  11*  régitnent  de  chasseurs  et  le  8*  régiment  de  hussards  fourniront 
3  hommes  de  garnison  sur  chacune  des  écuries  de  la  3*  escadrille.  La  garde 
impériale  fournira  garnison  aux  écuries  de  la  4*  et  de  la  7*  escadrille.  Les 
troupes  d'artillerie  du  camp  de  Saiut-Omer  fourniront  les  soldats  du  train 
pour  garnison  des  écuries  des  5*  et  6*  escadrilles. 

Les  bâtiments  destinés  au  transport  de  la  grosse  artillerie  auront  pour  gar- 
nison 1  soldat  d'artillerie. 

Enfin,  les  bâtiments  destinés  à  porter  les  bagages  de  l'armée  seront  répartis, 
savoir  :  1  bâtiment  par  régiment  ;  1  par  génial  de  division  ;  1  pour  2  géné- 
raux de  brigade,  et  ils  seront  assignés  dans  l'escadrille  â  laquelle  ils  sont 
attachés. 

L'intention  de  l'Empereur,  général,  est  que  désormais  chaque  bâtiment 
reste  invariablement  attaché  à  sa  section  de  chaloupes  canonnières,  de  bateaux 
c«anonniers  ou  'de  péniches  ;  en  conséquence,  il  ne  devra  plus  être  fait  aucun 
changement,  afin  que  chaque  compagnie  connaisse  son  bateau  et  que  chaque 
général  de  division  connaisse  de  même  Tofficier  de  marine  qui  commande. 

Recevez,  général,  l'assurance  de  ma  parfaite  considération. 

Dès  qu'ils  connurent  la  répartition  arrêtée  par  leurs  corps 
d'armée,  Ney  et  Soult  signalèrent  que  le  t^Ieau  d'embarque- 
ment ne  cadrait  en  rien  avec  l'effectif  de  leurs  troupes. 


442  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

Dans  une  lettre  adressée  au  Ministre  (1),  le  premier  des 
deux  maréchaux  fit  remarquer  : 

Que  les  moyens  de  transport  affectés  à  la  l'®  division,  suppo- 
saient un  effectif  de  8,280  hommes,  alors,  qu'étant  composée 
seulement  de  trois  régiments  (9*  léger,  32®  de  ligne  et  96*  de 
ligne),  elle  n'avait  pas  plus  de  5,047  hommes  à  embarquer. 
La  2®  division,  à  qui  on  donnait  7,200  places,  n'avait  que 
5,176  hommes  (6«  léger,  39®  de  ligne  et  69®  léger),  tandis  que 
la  division  d'avant- garde,  forte  de  7,520  hommes  (25®  léger, 
27®  et  50*  de  ligne,  et  59®  léger),  ne  pouvait  embarquer  que 
4,752  hommes.  Une  fois  le  corps  d'armée  complété  par 
l'arrivée  des  deux  régiments  d'infanterie  manquant  encore, 
et  avec  sa  cavalerie,  son  artillerie,  le  génie  et  les  différents 
services,  il  atteindrait  un  effectif  de  24,279  hommes,  si  bien 
que  1574  hommes  ne  pourraient  être  embarqués  (2). 

Tout  en  contestant  ces  chiffres,  le  Ministre  dut  bien  recon- 
naître le  déficit  d'ensemble  résultant  des  prévisions. 

A  M.  le  maréchal  Ney,  commandant  en  chef  le  camp  de  Montreuil. 

Paris,  le  0  germlna)  an  uni  (30  mars  1805). 

Monsieur  le  Maréchal, 

J*ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  Thonneur  de  m*écrire  le  2  de  ce  mois, 
sur  la  répartition  des  troupes  du  camp  de  Montreuil  à  bord  des  bâtiments  de 
la  i"  et  de  la  2®  escadrille.  Vous  observe»  iV  ce  sujet  que  les  bâtiments  desti- 
nés au  transport  de  l'armée  que  vous  commandez  sont  insufQsants  ;  mais  avant 
de  mettre  votre  travail  sous  les  yeux  de  l'Empereur  et  de  soumettre  â 
Sa  Majesté  les  difficultés  dont  vous  me  rendez  compte,  j'ai  l'honneur  de  vous 
observer,  Monsieur  le  Maréchal,  que  l'étiit  sommaire  de  la  force  de  chaque 
arme  que  vous  présentez  dififôre  de  celle  qui  a  été  airêtée  par  l'Empereur  ;  cet 
état  étant  la  principale  base  de  l'opération,  en  voici  le  résultat  : 

hommet.    eb^vanx. 

it  régiments  d'infanterie,  24  bataillons  à  930  hommes  chacun.    22,320  » 

!i  compagnie  pour  chaque  division  i 
d'infanterie i 
i  compagnie  pour  la  réserve  d'ar-  >  ,  )       62i  »> 

..,,  '^.          *  I  hommes  * 

tiUerie I    , 
a  I  chacune. 

.  2  compagnies  par  parc / 


(1)  Lettre  du  23  mars.  {Archives  de  la  Guerre»  côteii.) 

(3)  Le  22  mars,  un  4*  corps  fut  formé  et  confié  au  maréchal  Lannes,  sous  le  nom 
d'  M  avant-garde  de  l'armdc  ». 


LA  FLOTTILLE.   —  ORGANISATION  DÉFINITIVE.  443 

J^™P'^^'**®  (  1/2  compagnie  pour  la  brigade  de  cavalerie.  . 
d'artdlene     >  .  ^  °   .  ,    ^  ,,  _^.„    .        J         84  40 

à    h    al        I    '^  compagnie  pour  la  résenre  d  artdlene. . 

1  comp.  pour  chaque  division  à  102  hommes 

et  4S4  chevaux  de  trait  pour  36  voitures. 

ijt  compagnie  pour  la  brigade  de  cavalerie, 

7comp.  4/i    /       51  hommes,  82  chevaux  pour  17  voitures. 

du  train.      \  i    compagnie   pour  la  rései-ve   d'artillerie,  '         ^        ^ 

102  hommes,  154  chevaux  pour  36  voi- 
tures  

3  compagnies  pour  le  parc 

1/2  compagnie  d'ouvriers  d'artillerie  pour  le  parc . . ,  52  » 

i  compagnie  de  pontonniers  pour  le  parc i 104  » 

3*  régiment  de  hussards,  3  escadrons  de 
450  hommes  et  300  chevaux 

Cavalerie       /  *^  ^f^^^^^  ^^  chasseurs,  3  escadron»  de  . 

Cavalerie.     (      450  hommes  et  300  chevaux ^       ^^        ^^^ 

l'«  compagnie  de  gendarmerie,  97  hommes 
^       et  97  chevaux 

11/2  compagnie  pour  chaque  divi-\ 
sion  d'infanterie f      ^ 
1/2  compagnie    pour    la    réserve  i,  * 

d  artdlene ; 

de  Tétatr-major  de  M.  le  Maréchal,  60  offi- 
ciers, 75  chevaux 

21  officiers  de  chacune  des  divisions  d'infan- 

^  de^"^       I      terie,  63  officiers,  72  chevaux 

l'état-maior.     ]  ^^    officiers   de    la   brigade   de  cavalerie,  ^ 

15  officiers,  17  chevaux 

H  officiers  de  la  réserve  d'artillerie  et  du 
parc,  11  officiers,  6  chevaux 

Total  des  combattints. . .     25,303    1,605 

La  force  des  combattants  doit  être  répartie  sur  les  bâtiments  de  guerre, 
déduction  faite  de  450  hommes  que  Sa  Majesté  a  aflectés  à  la  garnison  des 
bâtiments  de  transports,  savoir  : 

108  hommes  du  3^  de  hussards ï     sur  les  écuries 

108  hommes  du  10^  de  chasseurs f  de  la  2'  escadrille. 

216  hommes  du  bataillon  du  train,  sur  les  écuries  de  la  2°  escadrille. 
18  soldats  d'artillerie,  sur  les  transports  du  gros  matériel  d'artillerie. 


Les  chevaux  de  troupes  et  d'artillerie  doivent  être  répartis  sur  les  bâtiments 
de  transport,  et  une  portion  de  ceux  de  Tartillerie  sera  embarquée  sur  les 
éciuies  qu'on  aménage  à  bord  des  bâtiments  de  guerre.  Sa  Majesté  déter- 
minera où  devront  être  ceux  des  officiers  d'état-major. 

Les  456  chevaux  de  trait  pour  les  107  voitures  attachées  au  parc  de  Tarmée, 


44V  TROISIEME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV> 

deTront  être  portés  pour  mémoire  jusqu'à  ce  que  TEmpereur  leur  ait  assigné 
des  divisions  sur  la  réser?e  des  écuries. 


827  h.  de  l'administration 
et  H  chevaux. 


34  secrétaires  des  généraux 

inspecteurs 

et  commissaires 

des  guerres,  directeurs 

d'artillerie,  etc. 

24  palefreniers. 
728  domestiques. 


NON   COMBATTANTS. 

/       ^^ 

employés  pour  Tétat-major  général. 

1   190 

—            lai"  division. 

\  190 

—            la  2«  division. 

<  199 

—           la  3*  division. 

j  190 

—            la  brigade  de  cavalerie, 

f 

la  réserve  d'artillerie  et 

V 

le  parc. 

/     18  attachés  à  Tétat-major  de  M.  le  Maréchal. 

i       ^ 

—      à  la  1"  et  2®  divisions. 

\       ^ 

—      à  la  brigade  de  cavalerie  et  à  la 

1 

3«  division  d'infanterie. 

\      3 

~      au  parc. 

1,613  non  combattants  à  embarquer  sur  les  bâtiments  de  transports. 

Je  vous  invite,  Monsieur  le  Maréchal,  à  établir  la  répartition  de  l'armée 
d'après  ces  bases,  afin  de  me  mettre  à  portée  de  faire  connaître  à  Sa  Majesté 
le  déficit  que  présentent  les  bâtiments  affectés  aux  i"  et  2<*  escadrilles  pour 
compléter  l'embarquement  général  des  troupes  qui  devront  composer  le  camp 
de  Montreuil. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

Le  Ministre  de  la  guerre. 

Résumé  :     • 

1®    24,853  combattants  qui  devront  s'embarquer  sur  les  bâtiments  de  guerre, 
^  i       450  hommes  de  garnison  .        )  qui  devront  s'embarquer 

f   1 ,613  non  combattants  )        sur  les  bâtiments  de  transports. 

L'Empereur  a  décidé  que  cette  armée  serait  partagée  en  3  divisions,  desti- 
nées â  être  embarquées  sur  les  i"  et  2*  escadrilles  de  la  flottille  impériale. 

Ces  2  escadrilles  se  composent  : 

1<^  de  bâtiments  de  guerre  destinés  â  porter  les  combattants,  les  bouches  â 
feu,  les  affûts,  les  charrettes  â  munitions,  les  caissons,  et  généralement  toutes 
les  munitions  qui  doivent  suivre  les  évolutions  de  l'armée,  et  le  nombre  de 
chevaux  d'artillerie  que  comportent  les  écuries  qu'on  y  ménage. 

2®  de  bâtiments  de  transport  destinés  à  embarquer  les  chevaux,  le  gros 
matériel  de  l'artillerie,  les  bagages,  les  garnisons,  les  administrations  et  les 
individus  à  la  suite  de  l'armée. 

Les  moyens  de  transports  que  présentent  les  bâtiments  de  guerre  de  ces 
2  escadrilles,  consistent  en  : 


LA  FLOITILLE.   —  ORGANISATION  DÉFINITIVE.  445 

oombatUnti.  cheTaax. 

2  divisions   de    chaloupes    canonnièi'es,  36  bâtiments   de 

l''  espèce  à  130  hommes  chacun 4,680  » 

6  divisions    de    bateaux    canonniers,    108    bâtiments   de 

2*  espèce  à  100  hommes  et  2  chevaux  chacun 10,800  216 

4  divisions   de  péniches,    72   bâtiments   de   3*   espèce   à 

66  hommes  chacun 4,752  » 

Total  des  12  divisions  formant  216  bâtiments,  pour. .     20,232  216 


» 


» 


Le  nombre  des  combattants  â  embarquer  devant  être  de. . .     24,853 
Les  moyens  d'embarquement  présenteront  donc  un  déficit  de      4,621 

Les  bâtiments  de  transport  attachés  aux  mêmes  escadrilles  consistent  : 

ehtraax.     puMgon. 

4  divisions  d'écuries,  72  bâtiments  devant  porter 1,103      1,663 

1  division  de  gros  matériel  d'artillerie,  18  bâtiments  devant 

porter n  270 

2  divisions  de  bagages,  3U  bâtiments  devant  porter. 72  540 

Écuries  des  bâtiments  de  guerre  devant  porter 216  » 

Total  7  divisions,  formant  126  bâtiments 1 ,391      2,473 

La  force  des  chevaux,  garnisons  et  non  combattants  étant  de    1 ,616      2,063 

Les  bâtiments  de  transport  présenteront  donc  pour  l'embar- 
quement des  chevaux  un  déficit  de 225 

Et  pour  les  non-combattants,  un  exécédent  de 410 

Quant  au  maréchal  Soult,  il  se  borna,  pour  le  moment,  à 
envoyer  sa  situation  détaillée  qui  fit  ressortir  un  déficit  de  près 
de  5,000  hommes  dans  le§  moyens  préparés  pour  rembarque- 
ment de  son  corps  d'armée. 


446 


TROISIEME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 


fttat-BiaJor  général  (Camp  de  Saint-Omer). 

État  de  V effectif  des  corps  de  Vco^mée,  à  t époque  du  13  germinal,  indiquant  le  nombre  d'hommes 
embarqués,  celui  des  galeux  traités  au  camp  et  des  malades  aux  hôpitaux  de  t armée. 

An  quartier  j^méral  à  Boulogne,  le  10  germinal  sn  xiu  (31  mars  1805). 


DIVISIONS. 


RÉGIMENTS. 


\^  MO»  d'inf.  légère 

St-Hilairb,  1  14*  de  ligne 

plateau       <36«       id 

de  la         J43«       id. 

Tour-d'Ordros  \  55»       id 

.^  /  Tirailleors  du  Pô  . . . 

Camp        l^.^^lf''' 

de  Gauche     J  *g,       :^ 

à  Boulogne.  |^,.  1^!  .' 1  !  ! '. '.  !  !  ! 
/26«  d'inf.  légère..  . 
1  Chasseurs  corses. . . . 

,     '*  j   3*  de  ligne 

Lbqramd,     ^„-       id 

avec  la  2-.    i,^.       id 

\75*       id 

il7«  dinf.  légère 
34»  de  ligne 
40*  id 
64»  id 
88-       id 

Guides  interprètes  . . 

8*  de  hussards 

Cavalerie. . . .  {  1 1*  de  chasseurs. . . . 

Gendarmerie 

Oav.  lég.  et  réserve. 
1«  d'artill.  à  pied . . . 

5«         id 

6«         id 

Artiiicrio.  ..<j!iche^v'ai;*:::::; 

4«  id 

5«         id 

3*  bat  princ.  du  train 
5*  comp.  de  mineurs. 

6«         id 

Génie. {9«         id 

t*  bat.  de  sapeurs  . 

Dimion  lî-d'in^iéBVre::::: 
'*»«<""'« Il"  de  ligne.::  :::::: 

Totaux  


HOMBRB  d'hOMMBS            | 

FORCE 

-^       ^ 

^1    -^— ^ 

^1       -^ 

dos 
corps. 

embar- 
qués. 

galeux 
tniléi 

an 
camp. 

aux 
hôpi- 
taux. 

1,617 

11 

118 

84 

1,765 

216 

102 

62 

1,887 

188 

15 

38 

1,864 

384 

137 

112 

1.695 

186 

78 

74 

859 

46 

72 

81 

1,535 

28 

89 

74 

1,813 

523 

112 

67 

1,482 

368 

220 

54 

1,580 

506 

145 

59 

1,729 

357 

493 

70 

1,593 

35 

657 

155 

957 

192 

27 

130 

1,824 

540 

28 

101 

1,380 

380 

156 

119 

1,310 

135 

41 

133 

1,629 

120 

«90 

116 

1,778 

i> 

100 

54 

1,728 

278 

18 

95 

1,721 

190 

31 

85 

1,689 

268 

246 

108 

1,717 

282 

77 

104 

41 

» 

» 

» 

470 

50 

M 

» 

472 

52 

2 

8 

145 

» 

» 

M 

937 

50 

N 

20 

398 

105 

>* 

16 

978 

211 

»> 

20 

282 

63 

M 

8 

99 

» 

1» 

3 

40 

M 

» 

» 

86 

»» 

n 

)i 

94 

» 

M 

2 

581 

» 

t> 

37 

92 

» 

W 

7 

80 

)) 

» 

7 

94 

U 

» 

3 

859 

t> 

» 

18 

790 

» 

» 

45 

1,665 

308 

M 

208 

1,558 

308 

» 

83 

1,699 

25 

M 

90 

16,608 

6,435 

3,624 

2,562 

OBSEKVATIONS. 


Dans  le  nombre   des  malados 
aux  hépitanx  se  trouvent  : 

50  attaqués  de  maladies  ex- 

teraee. 
183  blessés  par  accideol. 
62  blessés  par  arme. 
15  se<»rbatiqaes. 
172  attaqués  de  gales  invé- 
térées. 
2,029  fiéTreojc. 

2,562  malades  aux  hôpitaux. 


Ce  régiment  a  333  chevaux. 
Ce  régiment  a  328  chevaux. 
La  gendarmerie  a  150  chevaux. 


tl  y  a  730  chevaux  d'artillerie. 


Le  général  de  division,  chef  de  V état-major  générai, 

F.  Anorkosst. 


(1)  Archives  nationales,  carton  AF'v,  1204.  —  Marine,  colonies  et  flottilles,  an  xii  et  an  xiv. 


LA   FLÔTTILLB.   —   ORGANISATION  DÉFINITIVE.  447 

Cette  organisation  symétrique  de  la  flottille,  alors  que 
Tannée  avait  une  composition  aussi  peu  uniforme  que  possi- 
ble, n'avait,  d'ailleurs,  prévu  ni  les  états-majors  ni  les  corps 

spéciaux,  guides-interprètes,  artillerie  de  réserve,  etc 

Aux  nombreuses  réclamations  qui  s'étaient  élevées,  l'Empe- 
reur se  borna  à  répondre  par  l'ordre  du  3  avril  qui,  malgré 
son  apparente  précision,  laissait  bien  des  questions  ouvertes. 


Au  maréchal  Berthler  (1). 

Troyes,  le  13  germinal  an  xiii  (3  arril  1805). 


Mon  Cousin, 


Chaque  chaloupe  canonnière  portera  130  hommes  ;  H  restera  donc,  dans 
chaque  hâtiment,  de  la  place  pour  20  ou  30  hommes  pour  embarquer,  à  tant 
par  bâtiment  et  en  les  disséminant  le  plus  possible,  la  gendarmerie,  les  guides 
interprètes  de  Tannée,  les  troupes  de  rartillerie  de  la  réserve.  L'artillerie  à 
choTal  s'embarquera  à  pied  et  n'emmènera  pas  de  cheyaux  ;  les  troupes  du  parc 
général  s'embarqueront  sur  les  bâtiments  du  matériel  de  l'artillerie.  La  maison 
et  les  chevaux  de  TEmpereur  seront  embarqués  sur  les  paquebots. 

Les  prames  seront  destinées  à  embarquer  chacune  25  chevaux  d'artillerie, 
25  chevaux  de  cavalerie.  La  cavalerie  de  la  réserve  s'embarquera  sur  les  écu- 
ries à  Calais,  et  les  deux  bataillons  à  pied  sur  les  mômes  bâtiments,  vu  qu'on 
peut  embarquer  plus  d'hommes  que  de  chevaux  sur  chaque  écurie.  Le  grand 
état-major  de  la  flottille  ne  doit  pas  avoir  de  bâtiments  d'écurie  pour  son  ser- 
vice, mais  on  mettra  2  chevaux  d'officiers  sur  chacun  des  bâtiments  destinés 
aux  équipages  de  Têtat-major.  Si,  cependant,  cela  était  nécessaire,  on  pour- 
rait affecter  une  écurie  à  chaque  division  ;  cette  opération  peut  se  faire  au  der- 
nier moment. 

On  doit  embarquer  le  moins  d'équipages  et  le  plus  petit  nombre  d'hommes 
inutiles  possible.  Le  reste  des  équipages  viendra  ensuite  cx>mme  les  circon- 
stances le  permettront. 

Je  donnerai,  quand  il  le  faudra,  des  ordres  pour  que  les  détachements  de  In 
8*  escadrille  soient  fournis  par  les  dragons  ;  mais,  en  attendant,  les  choses 
doivent  rester  dans  l'état  où  elles  sont. 

Napoléon. 


A  peine  cet  ordre  était-il  donné,  qu'il  fallait  constater  une 
fois  de  plus  que  Tétat  réel  des  bâtiments  disponibles  ne  corres- 
pondait pas  aux  dispositions  arrêtées. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8516. 


448  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

Au  vice-amiral  Decrèa  (1). 

MâcoD,  le  18  germinal  an  xiii  (8  avril  1805). 
Monsieur, 

Je  TOUS  envoie  une  lettre  du  général  Savary  ;  tous  verrez  Tétat  de  situation 
des  correttes  de  pêche  et  des  écuries  pour  la  cavalerie  de  réserve.  Il  paraît, 
d'après  ce  rapport,  que  tous  ces  bdlimenis  sont  hors  d'état  de  prendre  la  nier, 
et  je  suis  h  concevoir  comment  on  n'a  pas  goudronné  tous  les  cordages.  Prenez 
des  mesures  pour  y  porter  un  prompt  remède.  Poui*  ces  objets  d'administra- 
tion, je  ne  connais  de  responsable  que  le  Ministre.  Si  le  préfet  maritime  dila- 
pide, il  faut  le  faire  arrêter.  Avec  ces  complaisances  je  n'aurai  jamais  rien.  Je 
serai  fâché,  à  mon  arrivée  à  Boulogne,  de  trouver  des  coupables.  Je  ne  crierai 
plus,  je  punirai  enfin. 

Si  mon  budget  est  suivi,  la  flottille  doit  être  entretenue;  mais,  si  vous 
affectez  les  fonds,  sous  différents  prétextes,  à  des  approvisionnements,  il  est 
clair  que  je  n'aurai  plus  un  bâtiment.  Occupez-vous  de  cet  objet  qui,  dans 
mon  esprit,  tient  le  premier  rang.  On  m'avait  tant  vanté  Lacrosse!  il  paraît 
qu'il  dort.  Ordonnez  à  ce  préfet  maritime  de  visiter  lui-même,  et  faites-lui 
connaître  que  je  le  rendrai  responsable  de  tous  les  abus  que  je  trouverai  à 
Boulogne. 

Napoléon. 

Malgré  tout,  le  déficit  reconnu  par  le  Ministre  sur  les 
moyens  d'embarquement  montait  à  20,162  hommes  et  5,789 
chevaux. 

Rien  que  pour  les  deux  camps  de  Saint-Omer  et  Montreuil 
et  la  réserve,  formant  un  total  de  114,650  hommes  et  14,178 
chevaux,  le  plan  d'embarquement  du  24  avril,  qui  admit 
120  hommes  par  canonnière,-  100  par  bateau  canonnier,  et  66 
par  péniche,  ne  donna  les  moyens  de  transport  que  pour 
100,692  hommes,  équipages  compris,  et  4,120  chevaux.  En 
défalquant  les  équipages  et  les  non  combattants,  le  déficit  se 
trouva  dépasser  20,000  soldats  et  10,000  chevaux. 


(1)  CotTcspondance  de  Napoléon»  8551. 


LA  FLOTTILLE.  —  ORGANISATION   DÉFINITIVE.  449 


COMPOSITION 

de  chaque  escadrille  de  flottilles  de  guerre  et  de  transport 

suivant  la  dernière  organisation 

ORDONNÉE    LB    4    GERMINAL    (24    MARS) 


IV.  29 


450 


TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 


Composition  de  chaque  escadrille  des  flottilles  de  guerre 

ordonnée  le  4 


ESCA- 
DRILLES. 


1" 
à  Étaples. 


à  Étaples. 


3« 
à 

Boulogne. 


4" 


Boulogne. 


5* 

à 

Boulogne. 


ESPECE 
des 

BATIUKKTS 


Chaloapes  canonn . . 
Bateaax  canonniers. 

Péniches 

Navires-écuries. . . . 
Bâtim.  d'artillerie. . 
Bâtim.  p'  bagages. 


Chaloupes  canonn. 
Bateaux  canonniers 

Péniches 

Navires-écuries. . . 
Bâtim.  d'artillerie. 
Bfttim.  pc  bagages. 


'  Chaloupes  canonn . . 
Bateaux  canonniers. 

Péniches 

Navires-écuries  . . . 
Bâtim.  d'artillerie. . 
Bâtim.  p'  bagages. . 


Chaloupes  canonn. . 
Bateaux  canonniers. 

Péniches 

1  Navires-écuries. . . . 
Bâtim.  d'artillerie.. 
Bâtim.  p'  bagages  . 


Chaloupes  canonn. . 
Bateaux  canonniers. 

Péniches 

Navires-écuries .... 
Bâtim.  d'artillerie.. 
Bâtim.  p'  bagages. 


FORCE 


I 


•a 


22 

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5 
5 
5 
5 


6 
5 
5 
5 


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10 

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5 

3 

5 

1 

5 

» 

Ca  que 

chaque  bàtioient 

peut  porter 


m  homme^t 

ëquip.   1 
1  occupés.  1 

éqnip.   ( 
non  occupés  ] 

130 

lOS 

100 

94 

66 

61 

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20 

20 

15 

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13 

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100 

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66 

61 

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20 

15 

18 

13 

130 

108 

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13 

130 

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15 

18 

13 

130 

108 

100 

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20 

20 

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18 

11 

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2 

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18 

2 

18 

» 

18 

16 

18 

w 

9 

2 

18 

» 

18 

2 

18 

» 

18 

14 

18 

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2 

18 

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!8 

2 

18 

M 

18 

14 

18 

D 

9 

2 

18 

NOMBRE 

et  nnmérot 

des   diviiioDR 

qai 

composent 

l'eficâdrille 


2 
2 
2 

2 

% 
1 


.^•  et  8" . 
9*  et  lOV 
10»  et  11. 
l'*et  2«. 
20«. 
30». 


»     [18". 
1M1M2M7% 
2     12»  et  13*. 
2     3*  et  4». 
î^  20-. 
1     31V 


1  «"•  et  !• . 
1'*  ot2«. 
1"  et  2». 
5»  et  6« . 
21*. 
32*. 


2 
2 
2 
2 


2«  et  3«. 
3*  et  4*. 
3»  et  4». 

7«  et  8*. 

24V 

33V 


2 
2 
2 
2 
!4 


6«  et  V. 
6»  et  7». 
5«  et  6«. 
9*  et  10». 
22*. 
32«. 


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2 

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18 
171 

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36 

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9 

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18 

» 

171 

6 

LA  FLOTTILLE.   —  ORGANISATION  DEFINITIVE. 


451 


et  de  transport  suivant  la  dernière  organisation 
germinal  (24  mars). 


il 

mi  « 

5-5 


38 
38 
38 
36 

9 
18 

177 


76 
38 
36 
9 
18 


177 


Ce  que  le»  b&timenU 

de  chM]oe  espèee  réunie 

peiiTont  porter 


en  hommes 


=  fi* 
•«  o 


4,680 

3,600 

2,376 

900 

180 

324 


12,060 


» 
7,200 
2,376 
900 
ISO 
324 


10,980 


38 
38 
38 
36 
9 
18 


177 


4,680 

3,600 

2,376 

900 

180 

324 


12,060 


38 

4,680 

38 

3,600 

38 

2,376 

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900 

9 

180 

18 
177 

324 

12,060 

38 

4,680 

38 

3.600 

38 

2,376 

36 

900 

9 

180 

18 
177 

324 

12,060 

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3,888 

3,384 

2,196 

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135 

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10,557 


6,768 

2,196 

720 

135 

234 


10,053 


8,888 

3,381 

2,196 

720 

135 

234 


10,557 


3,888 

3,384 

2,196 

720 

1^5 

234 


10,557 


3,888 

3,384 

2,196 

720 

135 

234 


10,557 


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36 


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36 


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u 

72 
» 

501 

» 

36 


609 


» 
72 

» 
500 

» 
36 


608 


OBSERVATIONS. 


Camp  de  Montreuil. 

La  1'*  division  da  camp,  commandée  par  le  général  Dupont, 
s'embarquera  sur  les  5*  et  8*  divisions  de  chaloupes  canonnières 
et  sur  les  9«  et  10»  divisions  de  bateaux  canonniers.  La  brigade 
d'avant>garde,  commandée  par  le  gén(^ral  Marcognet,  sur  les  10"  et 
11»  divisions  de  péniches.  Les  chevaux  du  3»  régiment  de  hus- 
sards, sur  la  1'*  division  d'écuries.  Une  partie  des  chevaux  du  train 
d'artillerie  sur  la  2*  division  d'écuries.  Une  partie  du  gros  mati^ricl 
d'artillerie  sur  la  l'*  section  de  la  20*  division  des  bâtiments  d'ar- 
tillerie. Les  bagages  d'armée  do  la  V*  division  du  camp  et  de  la 
l'*  brigade  d'avant-garde,  sur  la  30*  division  de  transports. 

La  2*  division,  commandée  par  le  général  Loison,  sur  les  11*, 
12*,  17*  et  18*  divisions  de  bateaux  canonniers.  La  brigade  d'avantr 
garde,  aux  ordres  du  général  Labassée,  sur  les  12*  et  13*  divisions 
de  péniches.  Les  chevaux  du  10*  régiment  de  chasseurs  sur  la 
4*  division  d'écuries.  Une  partie  du  gros  matériel  de  l'artillerie  sur 
la  2*  section  de  la  20*  division  des  bAtiments  d'artillerie.  Une 
partie  des  chevaux  du  train  d'artillerie  sur  la  3*  division  d'écuries . 
Les  bagages  d'armée  de  la  2*  division  du  camp  et  la  8*  brigade 
d'avant-garde  sur  la  31*  division  de  transports. 

Camp  de  Saint-Omer  et  réserve. 

La  1***  division,  commandée  par  le  général  Saint-Hilaire,  sur  les 
1m  et  4*  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  l""*  et  2*  divi» 
sions  de  bateaux  canonniers  et  sur  les  1*^  et  2*  divisions  de 
péniches.  Les  chevaux  du  1 1*  régiment  de  chasseurs  sur  la  5*  divi- 
sion d'écuries  ;  une  partie  des  chevaux  du  train  d'artillerie  sur  la 
6*  division  d'écuries.  Une  partie  du  gros  matériel  de  l'artillerie  sur 
la  1***  section  de  la  21*  division  de  transports.  Une  partie  des 
bagages  d'armée  sur  la  32*  division  de  transports. 

La  2*  division,  commandée  par  le  général  Vandamme,  sur  les  2* 
et  3*  divisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  3*  et  4'  divisions 
de  bâtiments  canonniers  et  sur  les  3*  et  4*  divisions  de  péniches. 
Une  partie  des  chevaux  du  train  d'artillerie  sur  la  8*  division 
d'écuries.  Une  partie  du  gros  matériel  de  l'ariillerie  sur  la  2*  sec- 
tion de  la  21*  division  de  transports.  Une  partie  des  bagages 
d'armée  sur  la  33*  division  de  transports. 

La  3'  division,  commandée  par  le  général  Legrand,  sur  les  6*  et 
7*  divisions  de  chaloupes  canonnières,  les  6*  et  7*  divisions  de 
bâtiments  canonniers,  sur  les  5*  et  6*  divisions  de  péniches.  Les 
chevaux  du  8*  régiment  de  hussards  sur  la  10*  division  d'écuries. 
Une  partie  des  chevaux  du  train  d'artillerie  sur  la  9*  division  d'écu- 
ries. Une  partie  du  gros  matériel  de  l'artillerie  sur  la  l'«  section 
de  la  22*  division  de  transports.  Une  partie  dos  bagages  d'armée 
sur  la  34*  division  de  transports. 


452 


TROISIEME  PARTIE.    —  CHAPITRE  IV. 


Composition  de  chaque  escadrille  des  flottilles  de  guerre 

ordonnée  le  4 


ESCA- 


DRILLES. 


FSPECE 
«Jun 

BATIMINTA. 


FoncK 


6* 

à  BoQ- 

logne. 


/chaloupes  canon- 
nières  

I  Bateaux  canonnière. 

'péniches 

Navires-écuries. . . . 

[Bâtiments  d'ariillc- 
rie 

Bateaux  pour  ba- 
gages  


1  Chaloupes      canon- 
nières  
Bateaux  canonniers. 
Péniches 
_ Navires-écories. . . . 

reux.     J  Bâtiments   d'artille- 
rie  

Bâtiments  pour  ba- 
gages  


1  Chaloupes      canon- 
nières  
Bateaux  canonniers. 
Péniches 
a  ^n  une-  ^  Navires-écories . . . . 
reux.     j  Bâtiments  d'artille- 

I     rie 

'  Bâtiments  pour  ba- 
gages  


FlottUles 

de 
corvettes  }  Corvettes  de  pèche, 

de 
pêche. 


'S 

cr 


2 
*5 

«B 


15 


22 

15 

6 

10 

5 

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5 

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5 

1 

5 

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22 

15 

6 

10 

5 

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» 

» 

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» 

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» 

22 

15 

6 

10 

5 

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» 

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M 

» 

» 

5 

12 

Ce  que 

• 

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clinque  bâti  nient 
peut  porter 

AUX 

sion. 

KOMBRI 

et 

SI         B 

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des  divi.oiuns 

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l'escadrille. 

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130 

108 

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9*  et  10«. 

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2 

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2 

8«  et  13*. 

36 

2 

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65 

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18 

2 

?•  et  %•. 

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8 

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2 

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18 

13 

2 

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1 

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171 

12 

130 

108 

M 

18 

2 

1"  et  2». 

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2 

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91 

2 

18 

2 

5«  et  19*. 

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2 

66 

61 

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18 

2 

1-  et  2*. 

36 

2 

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M 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

w 

w 

» 

» 

u 

W 

* 

a 

M 

u 

H 

108 

6 

108 

M 

18 

2 

ll«et  12«. 

M 

130 

36 

2 

100 

94 

2 

18 

2 

14«  et  15«. 

36 

2 

66 

61 

» 

18 

2 

9»  et  14% 

36 

2 

» 

» 

» 

» 

o 

» 

>» 

»> 

i> 

i> 

w 

M 

» 

» 

» 

» 

u 

» 

» 

» 

» 

108 

6 

100 

95 

2 

27 

3 

l-2«et3«. 

81 

» 

LA  FLOTTILLE.  —  ORGANISATION   DEFINITIVE. 


483 


et  de  transport  saivant  la  dernière  organisation 
l^rminal  (24  man). 


S3- 

ë-5 


38 
38 
38 
36 

0 

18 


177 


38 
38 
38 


lU 


38 
33 
38 


m 


81 


C«  qa«  let  bâtiments 

de  ebeqoe  espèce  réanie 

peoTeot  porter 


en  hommes 


U 


§.3 


4,680 

3,600 

2,376 

900 

180 

324 


12,060 


4,680 
3,600 
2,376 


10,656 


4,680 
3,600 
2,376 


w 


10,656 


8,100 


3,888 
3,384 
2,196 

720 

135 
234 


10,557 


3,888 
3,381 
2,196 


9,468 


3,888 
3,384 
2,196 


9,468 


7,695 


n 


a 


72 

» 
490 


36 


598 


» 
72 

» 

D 


72 


72 


72 


162 


OBSERVATION?. 


Camp  dâ  Saint-Omer  et  réserve. 

La  4*  division  du  camp,  commandée  par  le  général  Sachet,  sar 
les  9*  et  10*  diTisions  de  chaloupes  canonnières,  sur  les  8*  et 
13*  divisions  de  bateaox  canonniers,  et  sur  les  7*  et  8*  divisions 
de  péniches  ;  une  partie  des  chevaux  de  la  garde  impériale  sur  la 
12*  division  d'écuries  ;  une  partie  du  gros  matériel  d'artillerie  sur 
la  2*  section  de  la  22*  division  de  transports  ;  une  partie  des  che- 
vaux du  train  d'artillerie  sur  la  1 1*  division  d'écuries  ;  une  partie 
des  bagages  d'armée  sur  la  35*  division  de  transports. 

La  l'*diyision  de  la  réserve,  composée  de  la  garde  de  l'Empereur, 
sur  les  1**  et  2*  divisions  de  chaloupes  canonnières  et  sur  les 
5*  et  19*  divisions  de  bateaux  canonniers  ;  une  partie  de  la  2*  divi- 
sion de  la  réserve,  composée  de  bataillons  de  grenadiers,  et  com- 
mandée par  le  général  Oudinot,  sur  les  1*^  et  2*  divisions  de 
péniches. 

Une  partie  de  la  2*  division  de  la  réserve  sur  les  9*  et  14*  divi- 
sions de  péniches,  qui  seront  Jointes  à  la  7*  escadrille,  quoique 
appartenant  à  la  8*. 

Les  dragons  à  pied  des  1**  et  2*  divisions  des  dragons,  faisant 
partie  des  4*  et  5*  divisions  de  la  réserve,  commandées  par  les 
généraux  Klein  et  Baraguey  d'Hilliers,  sur  les  11*  et  12*  divisions 
de  chaloupes  canonnières  et  sur  les  14*  et  15*  divisions  de  bateaux 
canonniers. 

La  3*  division  de  la  réserve,  composée  de  troupes  italiennes,  et 
commandée  par  le  général  Teulier,  sur  les  1'*,  2*  et  3«  divisions  de 
corvettes  de  pèche. 

Le  U*  régiment  de  chasseurs  et  le  8*  régiment  de  hussards  four- 
niront 3  hommes  de  garnison  sur  chacune  des  écuries  de  la  3*  esca- 
drille ;  la  garde  impériale  fournira  la  garnison  à  la  4*.  Les  troupes 
d'artillerie  du  camp  fourniront  les  soldats  du  train  pour  les  écuries 
de  la  5*  et  de  la  6*  escadrille.  Les  bâtiments  destinés  au  transport 
d'artillerie  auront  pour  garnison  un  soldat  d'artillerie. 

U  sera  mis  sur  chacun  des  bâtiments-écuries  de  la  l^  esca- 
drille 3  hommes  du  3*  régiment  de  hussards  et  du  10*  régiment  de 
chasseurs.  Le  bataillon  du  train  fournira  trois  hommes  de  garnison 
sur  chacune  des  écuries  de  la  2*  escadrille.  Les  bâtiments  destinés 
à  porter  les  bagages  d'armée  seront  répartis,  savoir  :  1  par  régi- 
mont,  1  par  général  de  division,  1  pour  deux  généraux  de  brigade, 
et  ils  leur  seront  assignés  dans  laquelle  ils  sont  attachés. 


454  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

Mais,  chose  curieuse,  Torganisation  en  8  escadrilles  fran- 
çaises et  3  escadrilles  bataves  correspondait  si  peu  à  la  situa- 
tion réelle  que,  d'une  part,  elle  ne  permettait  pas  d'embar- 
quer toute  Farmée,  si  celle-ci  avait  été  réunie,  et  d'autre  part, 
elle  laissait  sans  affectation  une  proportion  relativement  élevée 
de  bâtiments. 


Minute  de  la  lettre  écrite  par  le  Ministre  de  la  guerre 
à  Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi. 

Le  14  flor<5aI  an  xiii  (i  mai  1S05). 
Sire, 

J'ai  eu  rhonneiir  de  présenter  à  Votre  Majesté,  au  commencement  de  ce 
mois,  le  tableau  de  la  répartition  des  bâtiments  qui  composent  les  huit  esca- 
drilles de  la  flottille  impériale  et  les  trois  escadrilles  de  la  flottille  batave,  pour 
établir  la  comparaison  des  moyens  respectifs  d'embarquement  qu'il  était  néces- 
saire d'assigner  pour  les  troupes  de  chacun  des  trois  camps  de  la  réserve  :  du 
parc  général  de  l'armée  et  de  la  réserve  générale  d'artillerie. 

Il  résultait  de  ce  premier  état,  fondé  sur  les  premiers  éléments  qui  m'avaient 
été  fournis  par  la  marine,  qu'il  y  aiu^it  eu  un  déficit  de  moyens  d'embarque- 
ment pour  20,162  hommes  et  5,789  chevaux. 

J'ai  l'honneur  de  mettre  sous  les  yeux  de  Votre  Majesté  un  nouveau  projet 
de  répartition  établi  sur  les  nouvelles  données  fournies  par  M.  le  contre-amiral 
Lacrosse,  et  qui  m'ont  été  transmises  par  Son  Excellence  le  Ministre  de  la 
marine,  le  11  de  ce  mois. 

Il  résulterait  de  ce  projet  qu'il  ne  manquerait  de  bâtiments  que  pour  16,730 
hommes  et  5,781  chevaux. 

Il  est  à  remarquer  que  les  bâtiments  non  encore  escadrilles  off*rent  des  moyens 
d'embarquement.  Ce  nombre  est  de  45  chaloupes,  59  bateaux,  25  péniches  et 
104  transports,  sur  lesquels  il  convient  de  relever  d'abord,  pour  achever  de 
compléter  les  escadrilles,  savoir  : 

Pour  la  7"  escadrille  :  31  transports; 

Pour  la  8«  escadrille  :  15  chaloupes,  2  péniches,  90  transports  (et  comme  on 
n'en  peut  disposer  que  de  73,  il  y  aura  encore  un  déficit  de  17  transports); 

Pour  les  escadrilles  bataves  :  1 7  péniches  françaises. 

Les  escadrilles  étant  ainsi  complétées,  il  restera  de  disponible  30  chaloupes, 
54  bateaux  et  6  péniches,  qui  peuvent  suffire  à  rembarquement  de  8,676  com- 
battants et  108  chevaux,  en  sorte  que,  définitivement,  il  n'y  aurait  de  déficit 
que  pour  l'embarquement  de  8,054  hommes,  5,673  chevaux  et  17  transports 
pour  la  8"  escadrille. 

J'aurai  l'honneur  de  soumettre  à  Votre  Majesté  le  tableau  de  la  répartition 
nominative  du  personnel  et  du  matériel  de  l'armée  sur  chaque  section  et  divi- 
sion de  chacune  des  escadrilles,  aussitôt  que  MM.  les  maréchaux  commandant 
les  camps  m'auront  fait  parvenir  le  travail  que  je  leur  ai  demandé  itérative- 
ment  à  cet  égard . 


LA  FLOTTILLE.  —  ORGANISATION  DÉFINITIVE.  455 

Il  ne  parait  pas  que  le  Ministre'  de  la  guerre  ait  obtenu  de 
réponses  à  ses  propositions. 

Par  contre,  en  réponse  à  l'état  fourni  par  le  Bfinistre  de  la 
marine  en  date  du  21  mai  (1),  et  qui  était  la  reproduction  des 
dispositions  arrêtées  par  l'Empereur,  celui-ci  écrivit  que  tout 
cela  était  inexact  et  fait  «  d'après  ce  que  les  choses  devraient 
être  et  non  d'après  ce  qu'elles  sont  >». 


Monsieur, 


Au  wce-am/ra/  Decrèa  (2). 

Milan,  le  14  pndriil  an  xiu  (3  Juin  1805). 


J'ai  reçu  Totre  état  de  la  marine  au  i^'  prairial.  Cet  état  est  fait  de  fantaisie, 
et  dès  lors  je  ne  puis  calculer  dessus.  Je  dis  que  cet  état  est  fait  de  fantaisie, 
parce  qu'au  premier  coup  d*œil  il  me  parait  inexact.  Toutes  les  divisions  de 
bateaux  sont  portées  comme  si  tous  pouTaient  porter  36  cheTaux  ;  cependant, 
il  est  à  ma  connaissance  qu'un  grand  nombre,  par  yétustô  ou  autre  motif,  ne 
peuvent  pas  en  porter.  Les  conrettes  de  pècbe  sont  portées  comme  pouvant 
toutes  contenir  2  cbevaux,  ce  que,  encore,  ma  mémoire  accuse  de  faux.  Ainsi, 
je  vois  que  ce  sont  des  états  copiés  et  faits  (T après  ce  que  les  choses  devraient 
être,  mais  non  d'après  ce  qu'elles  sont.  J'ai  besoin  d'avoir  un  état  exact  de  tout 
ce  qui  peut  sortir  au  premier  coup  de  sifOet.  Toutes  les  écuries  ont-elles  l'eau 
nécessaire  ?  Mon  intention  est  d'embarquer  3,000  chevaux  d'artillerie,  savoir  : 
1800  sur  les  écuries  attachées  aux  escadrilles,  700  sur  les  bateaux,  300  sur  les 
prames  et  150  sur  les  corvettes  de  pêche.  Pour  la  cavalerie,  on  embarquera  : 
1800  chevaux  pour  la  réserve  destinée  à  Calais,  700  pour  ma  garde  sur  les 
escadrilles,  et  300  sur  les  prames  pour  ma  Garde  ;  ce  qui  fera  iOOO  chevaux 
pour  ma  garde.  Ainsi,  il  faut  à  la  7^  escadrille,  13*  division,  au  lieu  de 
«  réserve  »,  mettre  «  garde  »,  et,  à  la  14*  division,  au  lieu  de  «  réserve  », 
mettre  «  garde  »,  et,  à  la  8*  escadrille,  15*  division,  au  lieu  de  «  réserve  >:, 
mettre  «artillerie  ».  Les  3*  et  8*  régiments  de  hussards,  les  10*  et  il*  de 
chasseurs,  embarqueront  environ  1100  chevaux  sur  les  bâtiments  des  esca- 
drilles qui  leur  sont  désignés;  ainsi,  indépendamment  de  la  flottille  batave, 
j'aurai  3,000  chevaux  d'artillerie  et  4,000  de  cavalerie.  Si  les  circonstances  me 
le  permettent,  je  ferai  retourner  les  écuries  pour  embarquer  le  même  nombre 
de  chevaux  d'artillerie  et  de  cavalerie.  Je  vous  dis  cela  pour  que,  si  vous  avez 
quelques  dispositions  à  faire  en  conséquence  de  cela,  vous  les  fassiez;  car 
j'aurai  7,000  autres  chevaux  tout  prêts  à  embarquer  sur  I^  côte. 

Envoyez-moi  le  même  état,  pour  la  flottille  batave,  et  pressez  pour  que  tout 
se  rende  h  Âmbleteuse. 

Napoléon. 

C'est,  d'ailleurs,  la  dernière  lettre  retrouvée  où  l'Empereur 


(l)  Demandé  à  Laerosse  le  15.  {Archives  de  la  Marine,  BB»^,  lOj.) 
{t)  Correspondance  de  Napoléon,  8835. 


486  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

ait  lui-même  traité  la  quesâon  de  Torganisation  de  la  flottille. 
Or,  jusqu'à  la  fin,  Tincertitude  reste  extrême. 

Le  9  juin  (1),  Ney  fait  ressortir  qu'il  lui  manque  encore  de 
quoi  embarquer  la  majeure  partie  des  chevaux  du  train,  de 
Tétat-major  et  des  vivres.  Le  7  juillet  (2),  Soult  observe  au 
Ministre  que  tous  les  états  se  trouvent  faussés  par  ce  fait  que 
le  chiffre  de  130  hommes  admis  pour  la  contenance  des  canon- 
nières représente  le  total  de  ce  que  peuvent  porter  ces  bâti- 
ments, y  compris  l'équipage  et  les  isolés,  et  que  par  suite  il  y 
a  sur  les  états  d'embarquement  une  erreur  de  25  hommes 
d'infanterie  pour  chaque  canonnière  et  15  pour  chaque 
bateau.  Le  28  juillet,  on  retrouve  H 6  chevaux  du  grand  état- 
major  pour  lesquels  aucun  moyen  de  transport  n'a  été 
prévu  (3). 

Les  nombreux  exercices  d'embarquement  ne  font  qu'accen- 
tuer le  vague  de  la  situation. 

Le  25  juUlet  (4),  Ney  a  constaté,  contrairement  aux  con- 
clusions de  Soult,  qu'on  pouvait  placer  143  hommes  sur  les 
canonnières  et  H  3  sur  les  bateaux,  en  logeant  à  la  vérité 
50  hommes  â  fond  de  cale  sur  les  premiers  de  ces  bâtiments 
et  48  sur  les  seconds.  Une  expérience  en  grand,  faite  le 
31  juillet,  oblige  à  réduire  ces  chiffres  à  110  hommes  sur  les 
canonnières  et  95  sur  les  bateaux.  De  fait,  au  lieu  d'embar- 
quer les  7,744  hommes  de  la  l""*^  division,  on  en  a  embarqué 
que  5,820  ;  6,840  de  la  2«  au  lieu  de  7,768  ;  4,75i  de  la  3*  au 
Ueu  de  7,768  (5). 

Ce  sont  ces  données  qu'admet  l'ordre  du  8  août,  lequel 
modifie  encore  une  fois  la  répartition  des  troupes,  et  môme 
celle  des  bâtiments. 

Décision  de  VEmpereur, 

Pont-do-Briques,  le  20  thermidor  an  xui  (8  août  1805). 

Les  compagnies  ^eyront  être  considérées  au  complet  de  100  hommes;  le 
major  général  fera  connaître  le  nombre  de  places  que  chaque  chaloupe  canon- 
nière pourra  en  procurer  au  delà. 


(1)  Archives  de  la  Guerre. 

(2)  Archives  de  la  Guerre. 

(3)  État.  (Archives  de  la  GueiTe.) 

(4)  Lettre  da  25  juillet.  (Archives  de  la  GuetTe.) 
(6)  Lettre  du  31  juillet.  (Archives  de  la  Guerre.) 


LA  FLOTTILLE.  —  ORGANISATION  DÉFINITIVE.  457 

Chaque  bateau  canonnier  ne  pouyant  contenir  plus  de  94  hommes,  il  sera 
attaché  à  chaque  diyision  de  bateaux  canonnière  un  19*  bâtiment,  qui  formera 
un  accroissement  de  places  d'euTiron  100  hommes. 

Il  sera  formé  cinq  ailes  de  débarquement,  composées  chacune  de  72  péniches, 
sur  lesquelles  il  sera  embarqué  six  bataillons,  formant  trois  régiments,  dont 
deux  d'infanterie  légère  et  un  de  ligne. 

Les  bataillons  qui  s^embarqueront  sur  les  péniches  seront  réduits  à  700 
hommes,  officiers  compris. 

n  y  aura,  de  plus,  une  escouade  d'ouTriers  a^ec  ce  qui  sera  nécessaire  pour 
enclouer  les  pièces,  une  compagnie  d'artillerie  munie  de  refouloirs,  leviers  et 
autres  objets  propres  à  rétablir  les  batteries  et  à  les  réarmer  sur-le<-champ. 

Il  y  aura  aussi  une  compagnie  de  sapeurs  avec  ses  outils. 

L'aile  de  débarquement,  que  foumbra  le  corps  de  gauche,  prendra  le  n**  I  : 
elle  sera  composée  des  6*  et  9*  légers  et  SO*  de  ligne. 

La  gauche  du  corps  du  centre  formera  le  n^  2,  et  sera  composée  des  iO''  et 
i7*  légers  et  3*  de  ligne. 

Une  partie  de  la  division  de  grenadiers  formera  la  4*. 

Le  corps  de  droite  formera  la  5*,  qui  sera  composée  du  13*  léger,  du  7*  de 
ligne  et  d'un  bataillon  du  51*  de  ligne. 

Chaque  aile  fera  son  débarquement  particulier,  en  conservant  sa  position 
ainsi  : 

La  1<^  débarquera  sur  la  gauche; 
La  2*,  sur  la  droite  de  la  1'*  ; 
La  3*,  sur  la  droite  de  la  2*  ; 
La  4*,  sur  la  droite  de  la  3*  ; 
La  5*,  sur  la  droite  de  toute  l'armée. 

Chaque  aile  sera  composée  de  deux  divisions  de  36  péniches  chacune. 
Un  officier  de  marine  de  confiance  dirigera  le  débarquement  de  chacune  de 
,  ces  ailes. 

Ces  officiers  sont  : 

Pour  la  1'*,  le  capitaine  de  vaisseau  Beaulieu; 
Pour  la  2*,  le  capitaine  de  vaisseau  Moras; 
Pour  la  3*,  le  capitaine  de  vaisseau  Hamelin  ; 
Pour  la  4®,  le  général  Combis; 
Pour  la  5*,  le  capitaine  de  vaisseau  Meyne. 

Ces  officiers  se  réuniront  pour  proposer  au  contre-amiral  Lacrosse  les 
signaux  dont  ils  devront  faire  usage  lors  du  débarquement. 

Les  généraux  de  brigade  attachés  aux  ailes  de  débarquement,  sont  : 

Pour  la  i",  le  général  Marchay; 
Pour  la  2°,  le  général  Merle; 
Pour  la  3*,  le  général  Morand  ; 
Pour  la  4*,  le  général  Dupas; 
Pour  la  5*,  le  général  Eppler. 

11  sera  attaché,  h  chacune  de  ces  ailes,  36  bAtiments  de  Terre-Neuve  ou 
baleiniers. 


»        I 

I 


458  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

Il  sera  désigné  un  certain  nombre  de  chaloupes  canonnières,  sous  les  ordres 
des  officiers  de  marine  choisis  à  cet  effet,  pour  protéger  le  débarquement. 

Il  sera  aussi  attaché  à  chacune  des  ailes  un  corsaire,  qui  sera  également 
désigné. 

Chaque  débarquement  devra  se  faire  sur  36  péniches  de  front,  de  manière 
que,  de  la  droite  à  la  gauche,  il  y  ait  au  moins  400  toises,  et  comme  le  débar^ 
queroent  devra  se  faire  de  vive  force,  il  y  aura,  du  débarquement  d*une  aile  à 
celui  d'une  autre  aile,  au  moins  une  lieue. 

Toutes  les  péniches  devront  se  rallier  et  se  mettre  en  ordre  avant  de  se 
trouver  à  portée  du  canon. 

Les  autres  bâtiments  devront  se  porter  derrière  pour  les  soutenir  et  débar- 
quer presque  aussitôt. 

Il  sera  donné  54  péniches  à  la  5*'  aile,  qui,  se  trouvant  moins  forte  que  les 
autres,  n'embarquera  que  cinq  bataillons . 

La  7*  escadrille  composera,  avec  la  8**,  la  4**  aile  de  débarquement  les 
canonnières  de  la  garde  impériale  n'en  feront  plus  partie;  elles  seront  rempla- 
cées par  une  nouvelle  division  de  chaloupes  canonnières  qui  s'appellera  la  iS®, 
et  par  une  nouvelle  division  de  bateaux  canonniers,  qui  formera  la  20*>. 

Ces  deux  divisions  seront  prises  sur  les  19  chaloupes  canonnières  et  les 
41  bateaux  canonniers  non  escadrilles.  Il  restera  de  disponible  i  chaloupe 
canonnière  et  fA  bateaux  canonniers,  qui  serviront  à  tenir  au  complet  les 
autres  escadrilles. 

Le  général  Combis  commandera  la  1"  escadrille. 

Le  capitaine  Moncabrié  commandera  la  S*',  sous  les  ordres  du  général 
Combis. 

La  division  du  général  Gazan  s'embarquera  sur  la  9®  escadrille. 

Les  dragons  h  pied  seront  embarqués  sur  la  3®  division  de  corvettes  de 
pèche,  et  sur  les  H*'  et  17®  divisions  de  bate^iux  canonniers  de  la  8®  escadrille. 

La  division  de  grenadiers  s'embarquera  sur  les  péniches  formant  la  4®  aile 
de  débarquement,  et  sur  les  H«  et  i2«  divisions  de  bateaux  canonniers  de  la' 
7*  escadrille. 

Les  deux  bataillons  irréguliei-s  du  corps  du  centre  seront  embarqués  sur  les 
prames. 

Les  3  bombardes  et  les  calques  seront  destinés  à  recevoir  les  hommes  du 
corps  de  gauche  qui  ne  pourront  s'embarquer  sur  les  deux  escadrilles  affectées 
à  ce  corps  d'armée. 

A  rtillerie. 

Les  bâtiments  de  2®  espèce,  des  3®  et  4®  escadrilles  d'ancienne  construction, 
permuteront  avec  les  sections  des  autres  escadrilles  qui  ont  des  bateaux  de 
même  espèce  de  nouvelle  construction. 

L'artillerie  veillera  à  ce  que  les  officiers  du  train,  les  haut-le-pied,  etc.,  ne 
puissent  embîirquer  aucuns  chevaux,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit;  ils 
pourront  seulement  embarquer  leurs  selles. 

Chevaux, 
Les  3,600  chevaux  du  train  seront  tous  de  trait,  aucun  de  selle. 


LA  FLOTTILLE.  —   ORGANISATION  DÉFINITIVE.  469 

Les  744  cheTanx  que  peuvent  contenir  les  prames,  seront  : 

i"  300  pour  la  maison  de  TEmpereiu*,  Pétat-major  général  et  Tétat-major 
du  centre,  suivant  la  répartition  qui  en  sera  faite  par  le  major  général  ; 

2^  144  pour  Tartillerie; 

3»  130  pour  les  4  régiments  de  troupes  à  cheval  du  centre  et  de  la  gaucho; 

4°  Le  reste  pour  la  garde  impériale. 

Les  8  bâtiments  de  transport,  que  le  général  Gombis  fera  décharger,  seront 
donnés  aux  états-majors  de  Favant-garde  et  des  réserves  pour  leurs  chevaux. 

Cartouches. 

On  destinera  pour  chaque  homme,  au  moment  de  l'embarquement,  40  car- 
touches; on  les  laissera  en  caisse  jusqu'à  ce  qu'il  soit  nécessaire  de  les  distri- 
buer. Elles  seront  confiées  au  capitaine  de  chaque  compagnie. 

Il  ne  pourra  y  avoir  moins  de  12,000  cartouches  sur  chaque  chaloupe  canon- 
nière et  sur  chaque  bateau  canonnier;  et  30,000  sur  chaque  prame. 

Le  général  d'artillerie  activera  la  confection  des  cartouches,  de  manière  qu'il 
y  en  ait  au  moins  20,000,000  de  faites  d'ici  huit  ou  dix  jours. 

Vivres. 

Indépendamment  du  biscuit  actuellement  embarqué,  il  en  sera  placé  600  ra- 
tions sur  chaque  péniche  et  10,000  sur  chaque  prame.  Le  reste,  pour  com- 
pléter les  3,000,000  de  rations,  sera  réparti  sur  tous  les  autres  bâtiments  de 
transport,  suivant  Tinstallation  qui  en  sera  faite  par  le  général  Gombis. 

On  embarquera  du  pain  pour  trois  jours,  et,  s'il  est  possible,  600  bœufs  et 
3,000  moutons. 

Les  chevaux  embarqués  ne  boiront  pas  l'eau  destinée  h  la  traversée  ;  il  leur 
en  sera  fourni  tous  les  jours  par  les  soins  du  préfet  maritime. 

Aussitôt  que  l'Empereur  aura  fait  mettre  à  l'ordre  l'embarquement  de 
l'armée,  et  tant  que  l'armée  restera  en  rade,  elle  continuera  à  être  nourrie  par 
l'administration  de  terre. 

Quand  la  flottille  appareillera,  l'armée  sera  alors  nourrie  par  la  marine. 

On  ne  touchera  point  aux  vivres  de  terre  embarqués,  pendant  la  traversée, 
h  moins  d'une  nécessité  bien  reconnue. 

Pour  ampliation  : 
Lp  Ministrp  dp  la  guerre^  major  général ^ 

Berthiea. 


Les  modificatioQs  prescrites  le  8  août  ne  seront  d'ailleurs 
jamais  effectuées,  et  c'est  la  date  du  3  août  qu'on  doit  consi- 
dérer comme  consacrant  définitivement  la  situation  de  Farmée 
et  celle  de  la  flottille  et  le  parallèle  en  est  tout  à  fait  caracté- 
ristique. 

L'armée  a  reçu  sa  forme  définitive  à  la  date  du  15  mai. 


460  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

Au  maréchal  Berthier  (i). 

Milan,  le  tb  lloréal  an  xiu  (15  mai  1805). 

Le  connétable  de  TEmpire,  le  prince  Louis,  est  nommé  commandant  en 
chef  de  la  réserve  des  armées  des  côtes  de  TOc^an. 

Cette  réserre  se  compose  : 

i^  De  la  division  de  la  cavalerie  légère,  aux  ordres  du  général  Bourcier; 
2*  de  la  division  de  grosse  cavalerie,  aux  ordres  du  général  Nansouty  ;  3«  de 
la  division  italienne,  aux  ordres  du  général  Teulier;  4"  de  la  i'*  division  de 
dragons,  aux  ordres  du  général  Klein  ;  5*  de  la  2'  division  de  dragons,  aux 
ordres  du  colonel- général  de  dragons  Baraguey-d'Hilliers. 

Ces  cinq  divisions,  aux  ordres  du  connétable,  auront  pour  chef  d*état-major 
le  général  de  division  Noguès  ;  un  commissaire  ordonnataur  ;  un  général  de 
brigade  d'artillerie,  un  colonel  directeur  du  parc  ;  un  colonel  du  génie. 

L'avant-garde  de  Tarmée  des  côtes  de  TOcéan  sera  commandée  par  lejnaré- 
chal  Lannes.  Elle  sera  composée  : 

1"  de  la  division  des  grenadiers,  commandée  par  le  général  Oudinot  ; 
2^  d^une  division  que  je  désignerai,  qui  sera  portée  sur  Tétat  pour  mémoire  ; 
•4^  d'une  troisième  division,  celle  du  général  Gazan,  qui  s'organise  à  Lille. 

Il  sera  attaché  à  cette  division  d'avant-garde  :  un  commissaire  ordonnateur, 
un  général  de  brigade  d'artillerie,  un  colonel  du  génie  et  les  chefs  d'adminis- 
tration, 

En6n,  les  corps  de  la  garde  de  l'Empereur,  commandés  directement  par 
Sa  Majesté. 

L'armée  des  côtes  de  l'Océan  doit  donc  être  composée  de  six  corps  d'armée  : 

1»  L'avant-garde,  commandée  par  le  maréchal  Lannes; 

2^  Le  corps  de  la  droite,  commandé  par  le  maréchal  Davout. 

3*  Le  corps  du  centre,  commandé  par  le  maréchal  Soult  ; 

4"  Le  corps  de  gauche,  commandé  par  le  maréchal  Ney  ; 

5*  Du  corps  d'armée  détaché,  composé  des  troupes  qui  restent  à  Brest,  sous 
les  ordres  du  maréchal  Augereau,  dénommé  corps  d'Islande  ;  de  la  réserve, 
aux  ordres  du  connétable  de  l'Empire  ; 

Enûn  de  la  division  d'élite  de  la  garde  impériale,  sous  les  ordres  immédiats 
de  l'Empereur. 

Napoléon. 

Minute  de  la  lettre  écrite  par  le  Ministre  de  la  guerre  à  M.  le  maréchal 
Davout,  commandant  en  chef  le  corps  de  droite  de  l'armée  des  côtes 
de  r Océan. 

Milan,  le  10  prairial  an  xm  (30  mai  1805). 
i'ai  l'honneur  de  vous  informer,  Monsieur  le  maréchal,  que  d'après  de  nou- 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9604. 


LA  FLOTTILLE.   —   ORGANISATION   DÉFINJTIVE.  461 

yeWes  dispositions  arrêtées  par  Sa  Majesté,  Farinée  des  cdtes  de  TOcéan  sera 
déÛnitiTement  composée  : 

P  D'une  avant-garde  sous  les  ordres  de  M.  le  maréchal  Lannes  et  qui  se 
formera  : 
De  la  division  des  grenadiers  de  la  réserve. 
D'une  division  qui  sera  ultérieurement  désignée. 
Des  troupes  qui  sont  en  marche  pour  se  réunir  à  Lille  ; 
2*»  Du  corps  de  droite,  formant  maintenant  le  camp  de  Bruges,  et  dont  le 

commandement  vous  est  con6é  ; 
3^   Du  corps  du  centre,  formant  maintenant  le  camp  de  Saint-Omer,  aux 

ordres  de  M.  le  maréchal  Soult  ; 
4®   Du  corps   de  gauche,  formant  maintenant  le  camp  de  Montreuil,  aux 

ordres  de  M.  le  maréchal  Ney  ; 
5*^  Du  corps  détaché,  formant  maintenant  le  camp  d'Utrecht  ; 
6<^   Du  corps  détaché  formant  maintenant  le  camp  de  Brest  et  qui  prendra 
la  dénomination  de  corps  d'Islande  ; 
D'une  réserve  placée  sous  les  ordres  de  Son  Altesse  Impériale  le  prince 
Louis,  connétable  de  TEmpire.  Cette  réserve  se  formera  de  la  division 
de  cavalerie  légère,  aux  ordres  du  général  Bourcier,  d'une  division  de 
grosse  cavalerie,  composée  de  6  régiments,  sous  les  ordres  du  général 
Nansouty. 
De  la  division  italienne  aux  ordres  du  général  Teulier. 
De  la  i'*>  division  de  dragons  aux  ordres  du  général  Klein. 
De   la   2'  division   de  dragons,  aux   ordres  de  M.   le  colonel-général 
Baraguey-d'Hilliers  ; 

En6n,  du  corps  d'élite  de  la  garde  impériale,  sous  les  ordres  immédiats  de 
Sa  Majesté. 
J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

Voici,  d'après  le  carnet  de  situation  (1)  les  effectifs  et  les 
emplacements  de  la  Grande  Armée  à  la  date  du  3  août. 

Situation  du  3  août  1805. 

Major  général  :  Berthier. 
Artillerie  :  Songis  et  Faultrier. 
Génie  :  Maresgot. 
Commissaire  général  :  Petiet. 

Avant-garde.  —  Maréchal  Lannes. 

i"  division  (Oudinot),  i^  brigade  (4  bataillons)  : 

43",  58%  9*  de  ligne,  à  Wimereux  ;  81®  de  ligne,  au  Havre; 


(l)  Archives  de  la  Guerre. 


462  TROISIÈME  PARTIE     —  CHAPITRE  IV. 

2"  brigade  {A  bataillons)  : 
2%  3*,  28«,  3h  de  ligne,  à  Wimereux; 

3*  brigade  (2  bataillons)  : 

12%  15"  de  ligne,  à  Wimereux,  —  7,571   hommes,  moins  483  aux 
hôpitaux. 

2*  division  (Gazan),  3  régiments,  9  bataillons  : 

4«  légère,   100®  et  i03«  de  ligne,   à  Wimereux,  —  6,465  hommes, 
moins  543  aux  hôpitaux  et  9  compagnies  à  Lille. 

3*  division,  pour  mémoire  (sic)  (1). 

Division  des  dragons,  chasseurs  et  hussards  «\  pied  : 

Général  Baraguey-d'Hilliers  (i),  6,767  hommes,  à  Calais. 

Total  de  Tavant-garde  :  14,078  hommes,  dont  1029  aux  hôpitaux. 

Corps  de  droite.  —  Maréchal  Davout. 

1*^  division  (Bisson),  5  régiments  à  2  bataillons  : 

13"  légère,  17%  30%  fil*,  61"  de  ligne,  Ambleteuse,  —  8,549  hommes, 
dont  582  aux  hôpitaux; 

â''  division  (Friant),  5  n^giments  à  2  Imtaillons  : 

2I«  légère,  33«,  48%  108%  111*  de  ligne,   Ambleteuse,   —  7,759 
hommes,  dont  616  aux  hôpitaux; 

3*  division  (Gudin),  4  régiments  à  2  bataillons  : 

12®,  21  •,  25°,  85"  de  ligne,  camp  de  Rosendaêl  (près  de  Dunkerque), 

—  6,997  hommes,  dont  249  aux  hôpitaux. 

« 

Brigade  de  cavalerie  (Waltoer)  : 

1*^'  chasseurs,  7*  hussards,  à  Gand  et  Maëstricht,  —  1008  hommes, 
dont  37  aux  hôpitaux,  681  chevaux. 

Total  avec  Tai-tillerie  :  150  officiers,  26.729  hommes,  dont  1596  aux  hôpi-     . 
taux,  956  chevaux  de  siille,  627  d'artillerie. 

Corps  du  centre.  —  Maréchal  Soult. 

I»""  division  (Salnt-Hilaire),  5  régiments  à  2  bataillons  : 

10«  légère,  14%  36%  43%  55«  de  ligne,  Boulogne,  —  9,263  hommes, 
dont  323  aux  hôpitaux  ; 

2^^  division  (Yandamme),  5  régiments  à  2  bataillons  et  1  bataillon  détaché  : 

Tirailleurs  du  Pô,  24''  légère,  4%  28%  46%  57«  de  ligne,  Boulogne, 

—  9,562  hommes,  dont  480  aux  hôpitaux; 


(1)  Afffectée  à  la  réserve.  Lettre  de  l'Empereur  du  21  jaillet.  (Correspondance  de 
Napoléon  inédite.)  (Archives  de  la  Guerre.) 


LA   FLOTTILLE.   —   ORGANISATION  DBFINmVB.  463 

3*  division  (Legrand),  S  régimenU  à  2  bataillons  et  i  bataillon  détaché  : 

8»  légère  (baUillon  corse),  26«  légère,  3%  îî»,  7J«,  75«  de  ligne,  Bou- 
logne, —  8,734  hommes,  dont  747  aux  hôpitaux  ; 

4*  division  (Sucuet),  5  régiments  à  2  bataillons  : 

i7«  légère,  34%  40%  64%  88*  de  ligne,  Boulogne,  -   8,671  hommes 
et  467  aux  hôpitaux. 

Brigade  de  cavalerie  (d'Hautpoul)  : 

11**  chasseurs,  8*  hussards,  Boulogne. 

Ensemble  avec  Tartillerie  :  44,099   hommes,   dont  2,i49   aux    hôpitaux, 
1130  chevaux  de  selle,  739  d'artillerie. 

Corpê  de  gauche.    ~  Maréchal  Ney. 

ire  division  (Dupont),  4  régiments  à  2  bataillons,  dont  3  à  Camiers  et  i  à 
Paris  :  * 

9«  légère,  18»,  32«,  96"  de  ligne,  -—  S,5H   hommes,  dont  353  aux 
hôpitaux  ; 

2*>  division  (Loison),  4  régiments  à  2  bataillons  : 

6«  légère,  39«,  ÔO®,  76*  de  ligne,  camp  dos  Moulins,  —  7,175  hommes, 
dont  350  aux  hôpitaux  ; 

3*  division  (Maluer),  4  régiments  à  2  bataillons  : 

25"  légère,  27',  50«,  59*  de  ligne,  Fromecsen  et  Saint-Jorre,  — 
6,965  hommes,  dont  409  aux  hôpitaux. 

Brigade  de  cavalerie  (Tilly)  : 

iO®  chasseurs,  3®  hussards,  à  Hesdin  et  Montreuil,  —  918  hommes, 
dont  48  aux  hôpitaux,  732  chevaux. 

Ensemble  avec  Tartillerie  :  21,8M   hommes,  dont  H36  aux  hôpitaux,  927 
chevaux  de  selle,  466  d'artillerie. 

i'^  corps  déiadié,  —  Général  Marmont. 

1"  division  (Boudet),  3  régiments,  9  bataillons,  dont  2  sur  Tescadre  du 

Texel,  —  5,988  hommes; 
2"  division  (Grouchy),  2  régiments,  6  bataillons,  —  4,434  hommes; 
3^  division  (Dumonceal),  15  bataillons  bataves,  dont  \  sur  Tescadre,  — 

7,908  hommes  ; 
Division  de  cavalerie,  2  régiments  français  (8*  chasseurs,  6"  hussards)  et 

2  bataves. 

Total  avec  Tartillerie  :  22,618  hommes  et  2,698  chevaux. 

2*^  Corps  détaché  ou  corps  d^lrlande.  —  Maréchal  Augereau. 
i"  division  (Mathieu),  —  4,536  hommes; 


464  TROISIÈME   PARTIE.   —   CHAPITRE  IV. 

2«  division  (Desjardin),  —  4,835  hommes; 
Division  de  cavalerie  (Saint-Sulpice),  3  i^giments. 

Total  avec  rartillerie  :  i0,418  hommes,  685  chevaux. 

RfJserve.  —  Prince  Louis. 

l'*  division  (Baraouey-d'Hilliers),  citée  plus  haut,  dragons  et  cavalerie 
légère  à  pied  ; 

2*  division  (Bourcier),  cavalerie  légère,  6  régiments  en  3  brigades  (2**, 
i2*,  13*,  21*  chasseurs,  9"  et  10®  hussards,  à  Toumay,  Ath,  Bruxelles, 
Arras,  Lille  et  Maubeuge; 

3**  division  (Teulier),  troupes  italiennes  à  Calais,  3  régiments  h  2  batail- 
lons, —  5,219  hommes,  dont  3,008  aux  hôpitaux; 

4"  division  (Klein),  18  escadrons  de  dragons  des  i»,  2,  44",  i9*,  20%  4»^, 
10«,  il"  et  l'P  régiments,  à  Couly,  Amiens,  Querrieux,  Corbie, 
Boves,  Albert,  sauf  9  détachements  de  60  cavaliers  chacun  (540)  em- 
barqués i^  Calais.  En  tout  :  3,640  hommes  et  3,490  chevaux; 

5"  division  :  22  escadrons  de  dragons  des  5*,  9",  12",  21®,  15",  1li«,  iT", 
18*,  3",  6*  et  8®  régiments,  à  Noyon,  Soissons,  Compiègne,  Chan- 
tilly et  Senlis.  En  tout  :  3,8 i4  hommes  et  4,242  chevaux; 

6«  division  (Nansolty),  24  escadrons  des  i"'  et  2*  carabiniers,  2",  3®,  9« 
et  12®  cuirassiers,  à  Cambrai,  Nordlibre,  Valenciennes,  Maubeuge  et 
Mons.  — -  En  tout  :  2,603  hommes  et  2,558  chevaux  (1). 

Avec  la  division  cl'élite  de  la  garde  (2,800  hommes, 
979  chevaux  de  selle  et  260  d'artillerie),  Tarmée  des  côtes 
comprend  en  tout  : 

1,064  officiers. 
163,800  hommes,  dont  8,709  aux  hôpitaux. 
19,635  chevaux  de  selle. 
3,742  chevaux  d'artillerie. 

Tel  est  l'ensemble  de  la  Grande  Armée  des  côtes  de 
l'Océan,  répartie  du  Texel  à  Brest,  dont  certains  éléments 
sont  à  Paris,  à  Cambrai,  à  Compiègne,  et  dont  la  grosse 
cavalerie  est  à  dix  jours  de  route  au  moins  des  ports  de  la 
Manche.  Il  faut  en  mettre  à  part  le  corps  Marmont  et  celui 
d'Augereau   qui  ont  des  rôles  spéciaux,  la  garde  qui   est 


(1)  Au  3  juin  seulement  ordre  a  été  donné  de  rapprocher  «  h  10  journées  des  cMes  » 
ces  régiments  de  grosse  cavalerie,  qui  étaient  encore  à  Lunéville,  Caen,  Saint-Oermain, 
Mayence.  Worms  et  Deux-Ponts.  (Rapport  du  Ministre,  3  juin.  Archives  de  la  Guerre.) 

Le  total  pour  la  réserve  est,  avec  l'artillerie,  do  26,675  hommes  et  lt,343  chevaux. 


LA  FLOTTILLE.   --  ORGANISATION   DÉFINITIVE.  465 

toujours  à  Paris  et  n'en  bougera  pas,  puisque  Tordre  de  la 
faire  partir  pour  Wimereux,  donné  le  7  août,  est  révoqué 
le  lendemain,  etc.  (1). 

Dans  ces  premiers  jours  d'août,  où  la  situation  est  critique, 
où  les  historiens  ont  représenté  Napoléon  attendant  fiévreu- 
sement l'escadre  de  Villeneuve  qui  doit  balayer  les  croiseurs 
anglais  et  laisser  libre  le  passage  pendant  les  quelques  heures 
demandées  par  l'Empereur,  quelle  est  la  force  de  cette  armée 
qui  prétend  conquérir  l'Angleterre  à  elle  seule,  puisque  le 
passage  sera  fatalement  fermé  derrière  elle? 

En  voici  le  calcul  : 

Les  troupes  prêtes  à  s'embarquer  en  moins  d'un  jour  ou 
deux  et  qui,  nous  disent  les  historiens,  l'auraient  fait  si  Ville- 
neuve était  apparu,  sont  les  suivantes,  seules  stationnées  à 
portée  des  quatre  ports  d'embarquement  proprement  dits  : 

Deux  divisions  (Oudinot  et  Gazan)  de  l'avant-garde  à 
Wimereux,  13,000  hommes. 

Deux  divisions  (Bisson  et  Priant)  du  corps  de  droite  à 
Ambleteuse,  15,000  hommes. 

Les  quatre  divisions  et  la  brigade  de  cavalerie  du  corps  du 
centre  à  Boulogne,  45,000  hommes  et  1500  chevaux. 

Les  trois  divisions  (moins  un  régiment)  et  la  brigade  de 
cavalerie  du  corps  de  gauche  à  Etaples,  soit  20,000  hommes 
et  1200  chevaux. 

En  tout,  environ  90,000  hommes  et  2,700  chevaux. 

A  cela  s'ajoutent  la  division  italienne,  les  cavaliers  à  pied 
et  les  540  chevaux  de  la  quatrième  division  de  la  réserve  qui 
sont  à  Calais  et  peuvent  en  partir  sur  les  bateaux-écuries, 
les  corvettes  de  pêches,  tous  bâtiments  peu  ou  pas  armés,  et 
la  division  Gudin  restée  à  Dunkerque  avec  la  troisième  esca- 
drille batave.  Comme  il  a  toujours  été  admis  par  Napoléon 
qu'on  ne  peut  combiner  une  opération  entre  les  ports  à  l'ouest 
du  Gris-Nez  et  ceux  qui  sont  à  l'est,  l'appoint  de  ces 
23,000  hommes  ne  peut  être  que  tout  à  fait  éventuel. 

Quant  aux  moyens  de  passage  préparés,  on  arrive  à  la  date 
du  8  août,  à  la  répartition  ci-contre. 


(l)  Correspondance  de  Napoléon  à  Berthier,  7  et  8  mai. 

IV.  30 


466  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IV. 

Partout^  on  te  voit  par  le  tableau  ci-dessus^  les  moyens  de 
transport  préparés  excèdent  de  beaucoup  V effectif  des  troupes 
prêtes  à  s'en  servir,  A  Boulogne,  où  Ton  n*a  prêts  à  être  em- 
barqués que  45,000  hommes  et  1500  chevaux  au  plus,  on  a 
place  pour  73,000  hommes  et  3,384  chevaux.  C'est  à  ce  seul 
résultat  qu'ont  abouti  les  organisations  successives,  les  ordres 
compliqués  et  précis,  et  toute  la  correspondance  échangée  au 
sujet  de  Forganisation  et  de  la  répartition  entre  les  corps  des 
bâtiments  de  toute  espèce  (1). 

En  résume,  et  c'est  la  chose  capitale,  si  Villeneuve  était 
arrivé  avec  une  escadre  devant  Boulogne  et  avait  ouvert  la 
route  à  la  flottille,  Q  pouvait,  du  1®'  au  15  août  1805,  sortir 
des  quatre  ports  d'Ambleteuse,  Wimereux,  Boulogne  et  Eta- 
ples,  90,000  soldats  et  2,700  chevaux. 

Napoléon  a  été  sans  conteste  le  plus  grand  organisateur 
que  le  monde  ait  vu.  Si  donc  dans  une  organisation  essen- 
tielle pour  la  réussite  de  son  entreprise,  où  Tordre  et  la 
rapidité  de  rembarquement  étaient  des  facteurs  de  première 
importance,  son  génie  s'est  complu  à  des  systèmes  simple- 
ment symétriques,  ne  répondant  en  rien,  ni  à  Tétat  réel  des 
troupes  et  services,  ni  aux  moyens  d'embarquement  accu- 
mulés dans  les  ports,  on  peut  vraiment  se  demander  s'il  a 
jamais  voulu  sérieusement  efi'ectuer  un  départ  subit. 


(1)  Le  carnet  de  situation  de  la  flottille,  à  la  date  du  tî  juillet,  donne  pour  Tensemble 
do  la  flottille  1375  bâtiments  de  guerre,  pouvant  porter  134|040  hommes  et  2,337  cheyaux, 
et  675  bâtiments  de  transport  pouvant  porter  17,900  hommes  et  7,295  chevaux.  Soit  en 
tout  151,940  places  d'hommes  et  9,632  places  de  chevaux.  D'ailleurs,  quand  on  entre  dans 
le  détail,  on  voit  la  l'*  escadrille  batave  fournissant  11,681  places  d'hommes,  alors  que  la 
division  Bisson,  qui  lui  est  affectée,  n'a  pas  8,000  hommes  à  l'effectif,  et  ainsi  des  autres. 


CHAPITRE  V 


LE   MOIS   DE   MARS   1805 


Le  mois  de  mars  1805,  le  dernier  avant  le  commencement 
des  grandes  opérations,  se  passe,  pour  l'Empereur,  à  Paris,  à 
la  Malmaison  ou  à  Saint-Cloud.  Il  est  donc  encore  au  centre 
des  renseignements,  à  portée  de  ses  ministres,  et  Texcessive 
complication  qui  résultera  plus  tard  de  son  éloignement 
n'existe  pas  encore.  Tout  subit  directement  l'impulsion  du 
maître  et  celle-ci  agit  à  la  fois  sur  toutes  les  parties  de  la 
préparation. 

Le  iO  mars  (1)  ordre  est  donné  de  former  une  huitième 
escadrille  pour  encadrer  l'excédent  considérable  qui  n'a  pas 
trouvé  place  dans  Torganisation  précédente.  Le  11,  ordre  est 
donné  d'embarquer  600  hommes  sur  les  2  vaisseaux  VAlgési- 
ras  et  Y  Achille^  que  commande  l'amiral  Magon  (2),  de  tenir 
prêtes  2  frégates  à  Lorient  pour  aller  croiser  à  Madère  et 
Surinam,  de  compléter  les  divisions  de  la  flottille.  Le  13, 
700,000  francs  sont  accordés  pour  la  réparation  des  ports  de 
Boulogne,  Ambleteuse,  Ëtaples  (3),  dont  Soult  a  le  8  signalé 
le  mauvais  état. 

On  a  vu  combien  l'abandon  où  tout  a  été  laissé  depuis 
l'automne  a  dégradé  la  base  d'opérations  déjà  si  précaire,  et 
on  sait  aussi  que  les  travaux,  tardivement  repris,  n'aboutiront 
pas  complètement. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8410.  (Voir  ci-dessous.) 
(S)  Correspondance  de  Napoléon,  8414,  8416,  8417. 
(3)  Corr^ondance  de  Napoléon,  8420.  (Voir  ci-âesiag.) 


468  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  V. 

En  ce  qui  concerne  Tescadre  de  Brest,  l'Empereur  écrit  le 
15  mars  à  Tamiral  Ganteaume  : 


Au  vice^amiral  Ganteaume  (i). 

La  MalmaisoD,  le  24  yentftse  an  xiii  (15  mars  1805). 

Monsieur  l'Amiral, 

11  y  avait,  au  6  ventôse,  5  vaisseaux  de  guen*e  espagnols  en  rade  du  Ferrol, 
avec  leurs  équipages  et  prêts  à  partir.  Je  suis  donc  assuré  quMl  y  a  dans  ce 
moment  une  escadre  de  9  vaisseaux,  4  français  et  5  espagnols,  prêts  à  toute 
opération. 

Par  des  lettres  de  Cadix  du  8  ventôse,  je  suis  instruit  qu^il  y  avait  alors 
dans  ce  port  6  vaisseaux  en  rade,  et  que  la  plus  grande  activité  régnait  dans 
les  ateliers  de  la  Corogne  ;  on  espérait  en  avoir  \0  pour  le  21  mars.  Je  désire 
donc  être  instruit,  par  le  retour  de  mon  courrier,  de  Tépoque  où  vous  serez 
prêt.  Nous  voilà  au  i5  mars;  il  n'y  a  donc  plus  un  moment  à  perdre.  Ne 
perdez  pas  de  vue  les  grandes  destinées  que  vous  tenez  dans  les  mains.  Si  vous 
ne  manquez  point  d'audace,  le  succès  est  infaillible.  Nelson,  dans  la  Médi- 
terranée, a  été  videmment  tourmenté  par  la  tempête;  il  n'a  que  12  vaisseaux 
dont  4  faisaient  eau,  et  il  avait  été  obligé  de  les  conduire  à  Malte. 

Recommandez  bien  aux  officiers,  quand  ils  auront  ouvert  leurs  paquets,  de 
garder  le  plus  profond  secret  sur  leur  destination  ;  car  un  bâtiment  peut  être 
pris  et  le  secret  connu  de  l'ennemi,  15  jours  avant  qu'il  ne  doit  l'être,  s'il  est 
divulgué  dans  le  bâtiment. 

Napoléon. 

A  quoi  Tamiral  répond,  par  retour  du  courrier,  qu'il  sera 
prêt  du  22  au  26  mars. 

A  Son  Excellence  le  Minisire  de  la  marine  (2). 

Brest,  le  28  ventôse  an  xiii  (19  mars  1805). 
Monseigneur, 

J'annonce  à  Sa  Majesté,  par  le  retour  d'un  courrier  extraordinaire  qu'elle  m'a 
envoyé,  que  l'armée  navale  sera  prête  à  mettre  sous  voiles  du  1"  au  5  du  mois 
prochain  ;  j'avais  eu  l'honneur  de  vous  rendre  le  même  compte  par  ma 
dépêche  du  27  de  ce  mois. 

Je  suis,  avec  respect,  votre  tout  dévoué  serviteur, 

Ganteaume. 


(1)  CotTespoTidance  de  Napoléon,  8436. 
(t)  Archives  de  la  Marine,  BB«v,  tii. 


LE  MOIS  DE  MARS  1805. 


469 


Effectivement,  au  23  mars,  rembarquement  des  troupes  a 
commencé  à  Brest. 


A  Son  Exoellenoô  le  Ministre  de  la  marine  et  des  ooloniea  (1). 

Brest,  le  1*'  gcrmlDal  an  xm  (tt  mars  1805). 
Monseigneur, 

J*ai  rbonneur  de  tous  rendre  compte  que  Tarmée  est  entièrement  prête  à 
mettre  sous  Toiles  ;  les  remplacements  de  TÏTres,  de  munitions,  et  d'agrès,  tout 
est  à  bord  et  je  compte  faire  embarquer  les  troupes  demain  ;  si  les  Tents,  qui 
en  ce  moment  sont  de  la  partie  du  sud,  passent  au  nord,  rien  ne  pourra  nous 
retenir  et,  ainsi  que  je  tous  Tai  déjà  annoncé,  nous  pourrons  sortir  le  3  ou  le  4 
de  ce  mois. 

Je  suis,  aTec  respect,  Totre  très  humble  serviteur, 

(lANTEAUME. 


Deux  jours  après,  Tamiral  offre  de  livrer  bataille  dans 
riroise  même.  Il  a,  on  s'en  souvient,  21  vaisseaux.  Les  Anglais 
en  montrent  15  et,  en  réalité,  il  est  parfois  arrivé  que  leurs 
forces  aient  été  très  réduites. 

«  Au  début  de  Tannée  1805,  dit  en  effet  W.  James,  lord 
Cornwallis  était  sous  Ouessant  avec  11  vaisseaux.  Le  3  février 
il  en  avait  16,  mais  le  départ  de  sir  Robert  Calder  avec  5  vais- 
seaux pour  le  Ferrol  réduisit  à  15  la  force  de  l'armée.  Le 
20  mars,  Cornwallis,  malade,  dut  céder  le  commandement  à 
lord  Gardner  et  rentrer  à  Spithead  avec  le  vaisseau  Ville-de- 
Paris,  » 

Néanmoins  l'empereur  repoussa  la  proposition  de  Gan- 
teaume. 

Paris,  le  3  germinal  an  xm  (24  mars  1805). 


Dépêche  télégraphique 
de  Ganteaume  à  C Empereur, 

L'armée  naTale  est  prête  et  peut 
mettre  sous  Toiles  demain  soir  ;  mais 
il  y  a  dans  Tlroise  45  Taisseaux  anglais 
et  il  est  impossible  de  sortir  sans  ris- 
quer un  combat. 

Le  succès  n'est  pas  douteux. 

J'attends  les  ordres  de  Votre 
Majesté. 


Réponse  à  transmettre  sur-le-champ 
par  le  télégraphe. 

Une  TÎctoire  naTale  dans  cette 
circonstance  ne  conduirait  à  rien. 

N'ayez  qu'un  seul  but,  celui  de 
remplir  Totre  mission. 

Sortez  sans  combat. 

Ce  qui  doit  tous  joindre  est  parti. 

Napoléon. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8480. 
(i)  Archives  de  la  Marine,  BB>^  214. 


470  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  V. 

De  fait,  deux  jours  plus  tard,  Tescadre  est  encore  en  deçà 
du  goulet  et  l'ennemi  paraît  avec  18  vaisseaux  (i).  Comme 
Tescadre  anglaise  comprend  une  forte  proportion  de  vais- 
seaux à  trois  ponts,  la  supériorité  des  forces  n'existe  plus  pour 
les  Français.  D'ailleurs,  dès  le  3  avril,  l'arrivée  de  lord 
Gardner  remplaçant  Cotton  qui  a  fait  l'intérim,  porte  la  force 
de  Fescadre  anglaise  à  21  vaisseaux.  Il  faut  donc,  comme  pre- 
mière étape,  aller  mouiller  &  Bertheaume  et  remettre  le  départ 
à  une  nuit  obscure. 


A  bord  du  vaisseau  de  Sa  Majesté,  VImpérial,  en  rade 
do  Brest,  le  5  germinal  an  xin  (tô  mars  1805). 


Monseigneur, 


J*ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  Votre  Excellence  qu'il  ne  nous  a  pas 
encore  été  possible  de  foire  un  mouvement  général,  toutes  les  troupes  n'ayant 
fini  d'être  à  bord  que  hier  à  neuf  heures  du  soir  et  les  rafraîchissements  pour 
les  malades  n'ayant  pu  être  fournis  et  embarqués  que  dans  la  journée. 

Cependant  une  division  de  Tescadre  légère  est  en  ce  moment  sous  voiles  et 
à  la  chasse  des  frégates  que  Tennemi  avait  mouillé  aux  environs  de  la  pointe, 
pour  observer  nos  mouvements;  et  j'espère  que  toute  Tarmée  sera  dehors 
demain  matin  à  la  pointe  du  jour.  L'ennemi,  ainsi  que  j'ai  eu  l'honneur  de 
vous  l'annoncer,  a  18  bâtiments  réunis  qui  croisent,  depuis  Ouessant  jusqu'à 
la  chaussée  des  Saints.  Le  temps  est  superbe  ;  l'Empereur  m'a  ordonné  par 
une  dépêche  télégraphique  de  ne  pas  faire  courir  à  l'armée  les  hasards  d'un 
combat,  et  je  prévois,  en  conséquence,  que  nous  serons  obligés  d'attendre,  sur 
la  rade  de  Bertheaume,  une  nuit  assez  obscure  pour  tromper  la  surveillance 
de  l'escadre  anglaise.  Le  préfet  matitime  a  dû  vous  rendre  compte  que  les 
flûtes  ne  sont  pas  encore  prêtes  et  qu'elles  le  seront  dans  quelques  jours.  Si 
nous  sommes  forcés  de  séjourner  à  Bertheaume  elles  nous  joindront  ;  mais  si 
nous  avons  une  occasion  favorable  je  les  laisserai  dans  le  port. 

Je  suis,  avec  respect,  votre  très  humble  serviteur, 

Ganteaume. 


Donzelot,  général  de  brigade,  chef  de  l'étaUmajor  général, 

au  Ministre  de  la  guerre. 

ÂQ  quartier  général,  à  Brest,  le  7  germinal  an  xnt 
(28  mars  1805). 

Monsieur  le  Maréchal, 
Hier  dans  la  matinée,  toute  Vcscadre  a  mis  à  la  voile  et  est  allée  prendre 


(1)  17  seulement,  dit  W.  James. 

(l)  Archives  de  la  Manne,  BB«^,  2î4. 


LB  MOIS  DE  MARS   1806.  471 

position  dans  la  rade  de  Bertheawne  ;  elle  y  est  embossée  sous  la  protection  des 
batteries  des  forts  Bertheaume  et  Minou. 

Lorsque  cette  escadre  est  sortie  du  goulet,  il  n'y  avait  en  vue  que  quelques 
frégates  ennemies  ;  mais  dans  Faprès-midi  il  sVst  présenté  26  h  28  voiles  qui 
croisent  à  la  hauteur  de  Tlle  Beniguet. 

Notre  escadre  s^attendait  à  être  attaquée  sur  le  soir;  elle  était  prête  au 
combat. 

Aujourd'hui  à  onze  heures,  les  armées  sont  dans  les  mêmes  positions. 
Quelques  frégates,  appuyées  de  quelques  vaisseaux,  les  éclairent  respecti- 
vement. 

J'aurai  soin.  Monsieur  le  Maréchal,  de  vous  rendre  compte,  par  chaque 
courrier,  de  tout  ce  qui  se  passera  d'intéressant. 

Notre  escadre  est  composée  de  21  vaisseaux,  5  frégates  et  i  corvette. 

Salut  et  respect, 

DONZELOT. 

Le  mouillage  de  Bertheaume  n'est  pas  tenu  longtemps  : 
dès  le  29  l'escadre  repasse  le  goulet. 


Donzelot,  général  de  brigade,  chef  de  rétaUmajor  général, 
au  maréchal  Augereau,  commandant  en  chef  le  camp  de  Brest, 

An  quartier  général,  à  Brest,  le  9  germinal  an  xni 
(30  mars  1805). 

Mon  Général, 

L'escadre  est  rentrée  hier  en  rade.  Les  vents  ayant  passé  au  sud-ouest,  elle 
n'a  pu  rester  ni  à  Bertheaume  ni  à  l'entrée  du  Goulet. 

Les  ennemis,  qui  se  tiennent  toujours  à  hauteur  d'Ouessant  et  du  Raz, 
envoient,  selon  leur  usage,  des  bâtiments  légers  pour  observer  la  rade. 

Ci-joint  l'emplacement  des  troupes  de  l'armée.  Vous  remarquerez  qu'il  n'y 
a  pas  de  généraux  de  brigade  à  la  division  du  général  Bonet.  Le  Ministre,  en 
ordonnant  l'embarquement  des  troupes  qu'il  commande,  n'en  a  point  désigné, 
ni  prescrit  d'en  comprendre  dans  cette  division. 

Lorsque  vous  le  verrez,  je  vous  prie  de  lui  demander  si  telle  était  son 

intention. 

Salut  et  respect. 

Donzelot. 


472 


TROISIÈME  PARTIE.    —   CHAPITRE  V. 


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LE  MOIS  DE  MARS  1805.  473 

Voici  comment  Ganteaume  expliquera  cette  rentrée  de  l'es- 
cadre, si  fâcheuse  au  point  de  vue  moral  et  si  préjudiciable 
à  l'accomplissement  de  sa  mission,  en  raison  de  la  difficulté 
trop  souvent,  constatée  pour  une  escadre,  de  franchir  le  goulet 
de  Brest  (1). 


Sire, 


A  Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi  (2). 

9  germinal  an  xiii  (30  man  1805). 


Ainsi  que  j'avais  eu  rhonneur  de  rannoncer  à  Sa  Majesté,  Tarmée  navale 
est  entièrement  prête  à  mettre  sous  voiles  depuis  le  5  (Î6  mars)  de  ce  mois. 
Les  vents,  pendant  ces  jours,  avaient  été  trop  incertains,  et  le  temps  était  trop 
clair  pour  nous  permettre  de  sortir  et  pouvoir  espérer  nous  dérober  à  l'armée 
ennemie,  que  les  vigies  continuaient  de  nous  signaler  dans  Tlroise,  et  dont 
nous  voyions  les  vaisseaux  avancés  de  la  rade  de  Brest. 

Le  6  (27  mars)  au  matin,  le  temps  était  brumeux,  le  vent  était  faible,  mais 
j'espérais  que  les  nuages  et  les  vapeurs  dans  le  ciel  se  seraient  renforcés,  et 
que  nous  pourrions  avoir  un  moment  favorable.  A  7  heures  du  matin  j'avais 
fait  à  l'armée  le  signal  d'appareiller.  Ce  signal  s'exécuta  successivement  avec 
tout  l'ordre  et  la  célérité  possibles;  deux  heures  après  mon  signai,  tous  les 
vaisseaux  étaient  sous  voiles,  donnant  dans  le  goulet.  Malheureusement,  à 
peine  les  premiers  vaisseaux  étaient-ils  sur  la  rade  de  Bertheaume,  que  la 
brume  se  dissipa;  le  temps  devint  superbe,  et  nous  aperçûmes  l'escadre  légère 
ennemie  aux  environs  de  la  pointe  Saint-Mathieu,  faisant  des  signaux  à 
d'autres  bâtiments  que  l'on  découvrait  au  large,  et  que  nous  jugions  intermé- 
diaires avec  leur  armée.  En  même  temps,  la  côte  signalait  cette  armée  sur 
notre  passage,  au  nombre  de  18  vaisseaux,  plusieurs  frégates  et  corvettes. 

Les  ordres,  que  voits  m'aviez  donnés,  commandaient  mes  manœuvres;  je 
fis  mouiller  l'armée  où  elle  se  trouvait;  cependant  l'ennemi  ne  tarda  pas  à 
s'avancer  vers  nous  avec  toutes  ses  forces,  parmi  lesquelles  nous  distinguâmes 
8  vaisseaux  à  trois  ponts,  4  frégates  et  5  corvettes.  Cette  armée  annonçant  par 
ses  manœuvres  le  dessein  d'attaquer  celle  de  Sa  Majesté,  le  vent  qui  régnait 
ne  permettant  pas  de  rentrer  h  Brest  et,  ne  voulant  pas  être  attaqués  au  mouil- 
lage, je  fis  signal  de  se  tenir  prêts  à  remettre  sous  voiles  et  à  combattre.  Ma 
position,  Sire,  en  cette  occasion,  était  difficile;  je  me  trouvais  forcé  de  contre- 
venir aux  ordres  que  vous  m'aviez  donnés,  en  hasardant  un  combat  dont  l'issue 
était  douteuse.  L'ennemi  avait  3  vaisseaux  de  moins  que  nous;  mais  il  en  avait 
8  de  première  grandeur,  et  nous,  nous  n'en  avions  que  3.  Cependant,  il  n'y 
avait  pas  à  s'alarmer  :  dans  la  position  où  j'étais,  il  m'était  impossible  d'at- 
tendre que  l'on  vînt  m'attaquer,  car,  un  moment  plus  tard,  le  combat  était 
engagé.  Le  signal  d'appareiller  en  coupant  les  câbles,  celui  de  former  bataille 


(1)  On  se  souvient  qu'au  départ  de  Hoche  on  était  venu  mouiller  à  Bertheaume,  avant 
d'essayer  de  forcer  le  blocus. 

(2)  Archiva  de  la  Marine,  BB»',  Jîi. 


474  TROlSIÈîfE  PARTIE.   —  CHAPITRE  V. 

par  Tordre  de  vitesse,  et  d'aller  à  la  rencontre  de  l'ennemi,  étaient  frappés 
quand  Tarmée  anglaise  vira  de  bord. 

Dans  la  soirée,  nous  appareillâmes  et  nous  nous  rapprochâmes  du  goulet, 
mais  les  vents  continuaient  d'être  très  faibles,  et  nous  ne  pouvions  rentrer. 
Nous  passâmes  la  nuit  au  mouillage  ;  pendant  la  journée  du  7,  presque  tous 
les  vaisseaux  appareillèrent  et  firent  différentes  manœuvres.  L'armée  reprit  sa 
position,  quelques  frégates  eurent  seulement  l'ordre  de  se  tenir  pendant  la 
nuit  sous  voiles,  en  observation  au  large  de  notre  mouillage. 

L'armée  anglaise  avait  été,  pendant  la  journée  du  7,  encore  signalée  dans 
riroise;  mais  elle  avait  été  renforcée  de  3  vaisseaux  :  18  étaient  réunis  au  sud- 
sud-ouest  d'Ouessant,  et  2  et  quelques  frégates  continuaient  de  nous  observer 
et  se  tenaient  depuis  une  lieue  jusqu'à  deux  lieuos  de  nous. 

Pendant  la  nuit  du  7  au  8,  les  vents  avaient  passé  au  sud-est,  le  temps 
n'avait  point  une  bonne  apparence. 

La  rade  de  Bertheaume  n'étant  point  sâre  et  n'offrant  aucun  abri  avec  les 
vents  de  cette  partie  ;  une  armée  telle  que  la  nôtre  étant  extrêmement  exposée 
sur  cette  rade,  je  ne  pouvais  hésiter.  A  9  heures  du  matin,  le  vent  étant  déjà 
grand  frais,  je  me  décidai  à  rentrer. 

Je  fis  encore  appareiller  successivement  tous  les  vaisseaux  ;  à  4  heures  du 
soir,  r.armée  était  mouillée  sur  la  rade  de  Brest,  sans  avoir  éprouvé  la  moindre 
avarie. 

Je  suis.  Sire,  avec  un  profond  respect  et  un  dévouement  sans  bornes. 

De  Votre  Majesté, 
Le  très  humble,  très  obéissant  serviteur  et  fidèle  siget. 

Ganteaume. 

Ainsi,  au  moment  essentiel  de  la  campagne,  Oanteaume,  en 
repassant  le  goulet,  perdait  toute  chance  d'effectuer  un  départ 
subit,  car  Texpérience  des  guerres  antérieures,  celle  de  Texpé- 
dition  de  Hoche  en  particulier,  avait  montré  qu'un  mouillage 
à  Bertheaume  ou  à  Gamaret  était  la  condition  nécessaire  d'un 
appareillage  d'ensemble. 

C'était  le  jour  même  où  Villeneuve  quittait  Toulon  que 
Ganteaume  rentrait  à  Brest. . . 

C'est  le  7  mars  seulement  que  le  chef  de  l'escadre  de  Toulon 
avait  reçu  ses  nouvelles  instructions.  Il  répondit  aussitôt  (1) 
qu'il  partirait  dès  que  le  Pluton  serait  prêt,  c'est-à-dire  du 
16  au  21  mars.  Lauriston  annonça  aussi  à  l'Empereur  que 
l'escadre  serait  en  état  de  mettre  à  la  voile  avant  la  fin  du 
mois  (2).  En  donnant  connaissance  des  points  de  rendez-vous 


(1)  Lettre  du  7  mars,  citée  par  ramiral  Jurien  de  la  Oravlère. 

(2)  I/^ttre  de  PKmpereur.  16  mars.  (Correspondance  de  Napoléon,  8442.) 


LE  MOIS  DE  MARS  1805.  475 

indiqués  en  cas  de  séparation,  Villeneuve  ajoutait  :  «  je  ne 
«  sais  si  je  me  trompe,  malgré  que  votre  lettre  soit  positive 
«  sur  ce  sujet,  je  soupçonne  que  la  Martinique  n'est  pas  le 
«  véritable  point  de  ma  destination  ». 

On  sait,  en  effet,  que  les  ordres  de  l'Empereur  étaient  sous 
pli  cacheté  à  ouvrir  en  mer.  Quelques  jours  plus  tard,  Ville- 
neuve fit  en  outre  répandre  le  bruit  que  Tescadre  était  desti- 
née à  une  expédition  dans  Tlnde  (1).  Maïs  rien  ne  fut  fait  pour 
confirmer  Nelson  dans  la  croyance  où  Ton  savait  qu'il  avait 
été,  que  la  première  destination  était  l'Egypte  (2).  Pourtant, 
au  moment  où  l'Empereur  envoya  les  ordres  les  plus  pres- 
sants, on  apprit  que  Tescadre  anglaise,  signalée  sur  la  côte 
d'Espagne,  allait  se  trouver  sur  la  route  qu'on  projetait  de 
suivre. 

Au  général  Lauriaton  (3). 

La  Malmaison,  25  ventAse  an  xiii  (16  mars  1805). 

Monsieur  le  Général, 

Je  reçois  Totre  lettre  du  i6  ventôse.  J'y  vois  avec  grand  plaisir  que  vous 
espérez  partir  avant  la  fin  du  mois.  Pressez  le  départ.  Vous  trouverez  à  Cadix, 
indépendamment  de  V Aigle,  5  vaisseaux  espagnols  qui  se  Joindront  à  vous. 
Ce  nombre  de  vaisseaux  espagnols  ne  rendra  vos  opérations  que  plus  certaines  ; 
cependant  il  n'est  pas  indispensable.  Les  Espagnols  auront  à  leur  bord 
iOOO  à  1600  hommes  de  débarquement.  Que  famiral  ne  se  laisse  arrêter  par 
aucune  considération,  qu'il  Qe  reste  point  devant  Cadix. 

Votre  mission  est  (Tune  toute  autre  importance  que  celle  que  je  vous  avais 
(T abord  donnée.  J'ai  lieu  d'espérer  que,  dès  l'instant  que  vous  pourrez  ouvrir  la 
dépêche  cachetée  que  je  vous  ai  envoyée,  vous  appn'cierez  la  marque  de  con- 
fiance que  je  vous  donne,  et  que,  par  vos  discours  et  votre  bon  jugement,  vous 
redonnerez  constamment  de  l'énergie  et  de  la  décision  à  nos  amiraux  pour 
aller  droit  au  but,  sans  se  laisser  intimider  aussi  facilement  qu'ils  ont  l'habi- 
tude de  le  faire.  Si,  à  Cadix,  vous  communiquez  avec  la  terre,  l'amiral  enverra 
sans  doute  des  dépêches  au  Ministre.  Vous  m'enverrez  par  le  même  courrier 
un  journal  de  votre  voyage. 

Il  est  bien  nécessaire  que  les  capitaines  qui  doivent  ouvrir  leurs  paquets,  en 
cas  de  séparation,  gardent  le  plus  grand  secret  sur  leur  destination,  car  s'il  est 
une  fois  divulgué  dans  le  bâtiment,  il  sera  bientôt  connu  de  l'ennemi. 

Napoléon. 


(1)  Lettre  de  Villeneuve  da  tZ  mare,  citée  par  Tamlral  Jarien. 

(2)  Lettre  de  Villeneave  du  5  mars,  citée  par  l'amiral  Jarien. 
(8)  Correspondance  de  N(q>oUon,  8442. 


476  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  V. 

Au  vice^amirsLl  Villeneuve  (I). 

La  Malmaison,  le  1*'  germinal  an  xiu  (22  mars  1805). 

L'escadre  dont  je  vous  ai  contié  le  commandement  est  destinée  à  des  opéra- 
tions (Tune  toute  autre  importance  que  celle  à  laquelle  je  f  avais  d'abord  desti- 
née (2)  ;  mais  un  plus  long  retard  rendrait  difficiles  et  votre  sortie  de  la  Médi- 
terranée et  l'exécution  combinée  de  mes  projets.  J'attends,  avec  impatience, 
d'apprendre  votre  départ,  et  je  désire  beaucoup  que  le  vent,  le  temps  et  les 
autres  circonstances,  vous  permettent  de  l'effectuer  avant  le  5  germinal. 

J'espère  qu'indépendamment  du  vaisseau  français  qui  vous  ralliera  à  Cadix, 

vous  y  trouverez  plusieurs  vaisseaux  espagnols  ;  réunion  qui  peut  être  utile  à 

votre  mission,  sans  y  être  indispensable.  Je  compte  dans  une  opération  aussi 

importante  et  dont  les  résultats  peuvent  être  si  grands  sur  les  destins  futurs 

de  la  France,  sur  votre  dévouement,  votre  zèle  et  votre  attachement  h  ma 

personne. 

Napoléon. 

Au  général  Lauriaton  (3). 

La  Malmaison,  le  1*'  germinal  an  xiii  (22  mars  1805). 

Monsieur  le  Général, 

L'escadre  de  Toulon  est  destinée  à  se  combiner  avec  d'autres  escadres.  Il  est 

absolument  indispensable  qu'elle  soit  partie  avant  le  5  germinal.  Cependant 

je  sais  très  bien  que  la  volonté  des  hommes  n'est  rien  dans  cela,  et  qu'il  faut 

le  concours  de  bien  des  événements  ;  mais  accélérez  le  départ  par  tous  les 

moyens  qui  sont  possibles  ;  que  rien  ne  vous  retarde.  Encouragez  l'amiral  pour 

qu'il  suive  droit  sa  destination  et  n'hésite  point  dans  des  opérations  dont  les 

résultats  seront  si  importants  pour  les  destinées  futiires  de  la  France.  Nos 

amiraux  ont  besoin  de  hardiesse  pour  ne  point  prendre  des  frégates  pour  des 

vaisseaux  de  guerre,  et  des  vaisseaux  marchands  pour  des  flottes.  Il  faut  de  la 

décision  dans  les  délibérations,  et,  l'escadre  une  fois  sortie,  ïiUer  droit  au  but, 

et  non  relâcher  dans  des  porls  ou  revenir. 

Napoléon. 

Toulon,  le  5  germinal  an  xm  (26  mars  1805)  (4). 

Monseigneur, 

Je  reçois  aujourd'hui  une  lettre  de  l'Empereur  où  Sa  Majesté  me  tétnoigne 
son  désir  que  V escadre  mette  sous  voiles  au  plus  tard  le  5,  qui  serait  aujourd'hui. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8467. 

(2)  Cette  phrase,  à  elle  seule,  suffirait  à  établir  que  les  projets  rédigés  de  septembre 
1804  à  mars  1805  ne  visaient  plus  du  tout  la  coopération  à  une  descente. 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  8469. 

(4)  Archives  de  la  Marine,  BB«v,  230. 


LE  MOIS  DE   MARS  1805.  477 

Vescadre  est  prête  aussi  bien  qu'elle  peut  V être,  mais  il  fait  depuis  hier  un  coup 
de  vent  d'est  très  violent.  Les  troupes  du  Pluton  qui  devaient  embarquer 
aujourd'hui,  n'ont  pas  pu  se  rendre  à  bord  ;  dès  que  le  temps  sera  réptiré,  je 
partirai. 

J'aurais  désiré  faire  appareiller  un  jour  \q  Pluton  pour  l'essayer  et  consolider 
son  gi'éement  et  sa  mâture,  le  capitaine  Gosmao  a  de  vives  inquiétudes  sur  la 
stabilité  de  ce  vaisseau,  le  moindre  poids  lui  fait  donner  une  bande  Considé- 
rable, et  en  venant  en  grande  rade  avant-hier,  il  inclinait  de  plus  de  deux 
virures  ;  la  nécessité  de  partir  au  premier  moment  favorable  ne  me  donnera 
pas  cet  essai. 

Le  Préfet  maritime  m'a  transmis  Vavis  que  l'escadre  anglaise  s'était  présentée 
devant  Barcelone  le  25  ventôse  (il  mars);  s'ils  se  maintiennent  sur  ce  point  de 
croisière,  f  aurai  bien  de  la  peine  à  parvenir  au  détroit,  d'autant  qu'ils  ont  un 
grand  nombre  de  frégates  en  croisière  sur  cette  côte. 

Je  comptais  prendre  l'équipage  de  la  frégate  l'Incorruptible,  qui  ne  peut 
suivre  l'escadre,  mais  on  me  rend  compte  que  cette  frégate  a  des  malades,  et 
la  circonstance  de  sa  relâche  et  de  ses  communications  à  Carthagène  me  tient 
en  considération  ;  je  suis  cependant  extrêmement  mal  armé  en  matelots. 

Je  prie  Votre  Excellence,  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

Villeneuve. 


Voici,  en  réalité,  quels  avaient  été  les  mouvements  de 
Nelson  et  ce  qu'ils  furent  jusqu'au  moment  ou  Tamiral 
anglais  connut  le  départ  définitif  de  Tescadre  de  Toulon. 

Après  son  retour  du  Levant,  Nelson  (1)  était  resté  du 
27  février  au  10  mars,  soit  à  l'ancre,  soit  sous  voiles,  au  sud 
de  la  Sardaigne  où  le  mauvais  temps  l'obligeait  à  s'abriter  (2) . 
A  ce  moment  il  se  décida  à  reparaître  devant  Toulon  et  de  là 
à  se  rendre  sur  la  côte  d'Espagne. 

Au  capitaine  Bayntun^  commandant  le  Leviathan  [très  secret). 

«  Au  cas  où  la  flotte  ne  pourrait  gagner  le  rendez-vous 
n^  102  (3)  et  où  lord  Nelson  voudrait  y  envoyer  le  Leviathan^ 
il  donne  à  son  commandant  les  instructions  ci-dessous  : 

«  Le  Fishguard  restera  devant  Toulon  avec  3  frégates  au 
plus  pour  observer  l'ennemi. 


(I)  D'après  sa  correspondance,  loc.  cit. 
(t)  W.  James. 

(3)  Probablement  Palma,  d'après  Mahan.  Les  autres  points  indignés  par  des  nombres 
ne  peuvent  être  qne  soupçonnés. 


478  TROISIÈME  PARTIE.    —   CHAPITRE  Y. 

• 

«  U  est  très  désirable  qu^une  frégate  ou  le  sloop  Biltem 
relève  le  Thunder  au  rendez- vous  n®  97.  Celui-ci  ira  au 
point  98,  ainsi  que  le  Chiiders,  le  Renown  et  aussi  le  Levia- 
than.  Le  point  n*^  98  est  le  rendez-vous  général. 

«  La  Phœbée  et  VHydra  iront  au  point  n®  102  et  entre  ce 
point  et  Toulon,  pour  relever  V Active  et  le  Seahorse  qui  sont 
à  court  d'eau.  Le  capitaine  Bayntun  les  en  avisera. 

«  Si  cela  est  possible ^  je  me  montrerai  devant  Barcelone  pour 
faire  croire  à  Cennemi  que  je  suis  fixé  sur  les  côtes  d'Espagne, 
J'ai  toutes  raisons  pour  croire  qu'il  va  repartir,  car  les  troupes 
sont  encore  embarquées.  De  Barcelone  j^irai  au  rendez-vous 
n^  98.  Si  vous  y  êtes  avant  moi  et  si  vous  y  trouvez  le  Terma- 
gant  ou  le  Bittem^  il  est  très  désirable  de  porter  un  navire  à 
10  lieues  à  Fouest  de  Saint-Pierre,  pour  le  cas  où  les  Français 
ne  rangeraient  pas  la  Sardaigne,  car  je  persiste  à  croire  que 
leur  but  est  toujours  l'Egypte.  » 

Le  12  mars  Nelson  était  à  18  lieues  au  sud  de  Toulon,  le  16, 
il  était  signalé  devant  Barcelone  (1  )  où  il  avait  détaché  le 
Leviathan.  Mais  Tescadre  anglaise  ne  fit  que  passer  et  le 
25  mars  au  soir,  elle  mouilla  à  Touest  de  l'île  San-Pietro  et 
le  lendemain  à  Palma  où  elle  était  encore  le  30.  Ce  jour-là, 
d'après  son  livre  de  loch,  Nelson  leva  Fancre  à  6  heures  du 
soir  et  fit  route  vers  le  sud  par  forts  grains.  Le  lendemain,  à 
5  h.  30  du  soir,  il  jeta  Fancre  dans  la  baie  de  Pula. 

Ainsi  qu'on  va  le  voir,  sa  ruse  devait  se  retourner  contre 
lui. 


(1)  Lettre  de  ViUeneaTe  du  26  mars. 


CHAPITRE  VI 

LA  SORTIE  DE  LA  MÉDITERRANÉE 
VILLENEUVE  ET  NELSON 


Le  30  mars  enfin,  Villeneuve  se  décida  à  partir. 


Le  Wœ-am/ra/  Villeneuve,  grand -officier  de  la  Légion  d'honneur,  oo/n- 
mandant  en  chef  /'escadre  impériale  dans  la  Méditerranée,  à  Son 
Excellence  le  Ministre  de  la  marine  (1). 

Le  9  gttrminaly  aa  xni  (30  mars  1805). 
Monseigneur, 

Je  pars,  mon  cher  général,  Dieu  veuille  que  la  fortune  me  continue  ses 
faveurs,  car  j'en  ai  je  crois  bien  besoin,  dans  tous  les  événements.  Je  recom- 
mande à  votre  ancien  attachement  tout  ce  que  je  laisse  de  cher  au  monde.  Je 
n'ai  pas  eu  lieu  d'être  content  do  plusieurs  de  vos  décisions  qui  m'intéressaient, 
je  l'attribue  à  la  position  difficile  où  vous  vous  trouvez.  J'espère  que  l'avenir 
me  traitera  mieux. 

Recevez,  avec  mes  adieux,  l'assurance  de  mon  sincère  attachement. 

Villeneuve. 

Ses  forces  étaient  les  suivantes  : 

2«  DÉPART.   —  9  aSRMINAL  (30  MARS). 


Bucentaure 80 

Formidable 80 

Nepivme 80 

Indomptable 80 

PMoH 74 

Scipion 74 


Swiftsure 74 

Mont'Bianc 74 

IrUrépide 74 

AtUu 74 

Berwick 74 


(l)  Archives  de  la  MaHne,  BBiv,  230. 


480  TROISIÈME  PARTIE.    —  CHAPITRE  VI. 


Frégates. 

Min, 

Syrène. 

Hermione, 

Nayade  (corvette). 

Cornélie. 

Furet  (brick). 

Hortensr. 

En  tout  i9  voiles. 

Thémis. 

Troupes. 

État-major 55 

67«  d'infanterie 4,Î19 

16«  dlnfanterie i,908 

4*  d*artillerie  à  pied 125 

Ouvriers 25 


Total 3,332 

Pendant  les  journées  qui  avaient  précédé  la  sortie  de  Tes- 
cadre,  il  y  avait  eu  un  fort  coup  de  vent  d'est  ;  d'après  Ville- 
neuve, au  moment  de  son  départ,  le  vent  aurait  été  de  l'ouest, 
mais  faible. 


Le  Wce-a/n/ra/  Villeneuve,  grand^officier  de  la  Légion  d'honneur,  com- 
mandant en  chef  l'escadre  impériale  dans  la  Méditerranée,  à  Son 
Excellence  le  Ministre  de  la  marine  (1). 

Toulon,  le  9  germinal,  an  xiii  (30  mars  1805). 
Monseigneur, 

Je  profite  du  premier  souffle  de  vent  favorable  pour  appareiller,  puisse  la 
fortune  répondre  aux  espérances  que  l'Empereur  s'est  formées  dans  la  desti- 
nation de  cette  escadre. 

Le  Préfet  maritime  vous  adressera  les  contrôles  nominatifs  des  troupes 
expéditionnaires  ;  nous  n'avons  en  vue  que  deux  frégates  ennemies  qui  sont 
fort  au  large  ;  les  vents  sont  à  l'ouest  mais  encore  faibles. 

Je  prie  Votre  Excellence,  d'agn^er  l'hommage  de  mon  respect. 

Villeneuve. 

Le  précieux  journal  du  général  Reille  donne,  sur  la  naviga- 
tion et  les  événements  de  la  campagne,  des  détails  précis  qui 
doivent  être  comparés  avec  les  lettres  de  Villeneuve. 

ReiUe  est  peu  bienveillant  pour  Tamiral,  mais  il  parait  très 


(1)  Archives  de  la  Mof^ne»  BBiv,  230. 


FLOTTB 


(ts   destinés  pour  la   f. 


(l)  Sont  à  sec  à  Boulogne  {Corf^^spondance  de  M  • 

la)  Péniches  affectées  au  service  du  ™^^al  "ey  ^^  ^^^^  ^^  ^^^^^  impériale,  d^ 
\b)  Péniches  affectées  au  service  de  Sa  MajMtè  i 

amiral  Savary.  commandant  le  centre  et  du  chef  del^  ^ 

(c)  Bâtimente  qui  font  partie  de  la  flotUlle  batav 


•^^  I-       I 


LA  SORTIE  DE  LA  MEDITERRANEE. 


481 


véridique  et  bien  que  non  marin,  son  témoignage  doit  être 
retenu. 

Journal  du  général  Reille  (4). 

L^escadre  de  la  Méditerranée,  mouillée  en  rade  de  Toulon,  était  composée,  au 
moment  du  départ,  des  vaisseaux  : 


!'•  Division. 

Le  Bucentaure 80 

Le  Neptune 80 

Le  Pluton 74 

Le  Mont-Blanc 74 

Le  Berwick 74 

V  Atlas 74 


2«  Division. 

Le  Formidable 80 

VIndomptable 80 

Le  Swiftsure 74 

Le  Scipion 74 

Vlntrêpide 74 


Des  frégates  :  la  Comélie^  le  RJiin,  VHortense^  VHermioney  portant  du  18  ;  la 
Sirène  et  la  T/iémiSy  portant  du  12;  et  des  deux  bricks  la  Pléiade  et  le  Furet. 
Les  équipages,  n^étant  pas  complets,  ont  été  renforcés  par  des  détachements  du 
2^  régiment  d'infanterie  qui  fournissait  déji\  les  garnisons,  ce  qui  a  porté  le 
nombre  d'hommes  fourni  par  ce  corps  à  environ  1800  hommes.  Par  ce  renfort 
les  vaisseaux  se  trouvaient  bien  armés  et  en  état  de  naviguer  et  de  combattre; 
chaque  bâtiment  avait  reçu  pour  six  mois  de  vivres. 

Le  vice-amiral  Villeneuve  avait  le  commandement  de  cette  escadre,  avant 
sous  ses  ordres  le  contre-amiral  Dumanoir. 

Une  division  de  troupes  de  débarquement  a  été  embarquée  et  est  répartie 
sur  les  différents  vaisseaux,  elle  était  commandée  par  le  général  de  division 
Lauriston,  ayant  sous  lui  le  général  de  brigade  Reille.  Cette  division  était  com- 
posée de  2  bataillons  du  IG*'  régiment  h  1800  hommes  et  du  bataillon  du  67*, 
fort  de  1450  hommes  et  120  hommes  d'artillerie;  Tadjudant  commandant 
Contamine,  chef  de  Fétat-major  ;  le  major  Aboville,  commandant  rartillerie;  le 

chef  de  bataillon commandant  le  génie  ;  un  commissaire  des  guerres 

et  des  employés  dans  les  différentes  administrations,  un  parc  d'artillerie  de 
quelques  pièces  de  siège  et  quelques  pièces  de  campagne,  avec  les  munitions 
et  les  cartouches  d'infanterie  nécessaires. 

L'escadre  a  mis  k  la  voile  le  9  germinal  i\  4  heures  du  soir,  par  un  vent  de 
nord-ouest,  et  a  fait  route  au  sud-ouest  ;  le  10  au  soir,  on  a  signalé  deux  fré- 
gates ennemies  qui  ont  fait  route  sur  leur  escadre  et  qui  n'ont  pas  reparu.  Les 
?ents  étant  très  faibles  les  jours  suivants,  l'escadre  a  fait  peu  de  chemin  et  n'est 
arrivée  que  le  7  avril  au  matin  devant  CarthagènCy  après  avoir  passé  entre 
V Espagne  et  les  îles  Baléares,  Le  calme  l'a  retenue  toute  la  journée  devant  ce 
port,  où  l'on  a  vu  plusieurs  vaisseaux  armés  et  en  rade. 

EfiFectivement,  Villeneuve  avait  appris  dès  le  t**"  avril,  par 


1)  Archives  de  la  Manne,  campagne  1805.  BB^^  233. 
IV. 


31 


482  TR0I8IÉMB  PARTIE.    —  CHAPITRE  VI. 

un  navire  marchand,  la  présence  de  Nelson  à  Palma  (1).  Sûr 
ainsi  de  ne  pas  le  trouver  au  cap  Saint- Sébastien  (2),  il  pro- 
fita du  vent  d*est  qui  commençait  à  souffler  pour  passer  au 
nord  des  Baléares,  trompant  ainsi  complètement  les  croiseurs 
anglais  qui  crurent  la  direction  maintenue  vers  le  sud  (3) 

A  bord  da  vaisseau  amiral  le  Bucentauret  on  rade  de  Port -de -France, 

le  Î7  noréal  an  xiii  (17  mai  1805)  (1). 

Moiiscigneiu*, 

.  Voti*e  Excellence  ayant  été  informée  de  ma  sortie  de  la  rade  de  Toulon  le 
9  germinal  dernier,  j'ai  à  lui  rendre  compte  des  circonstances  de  ma  navigation 
tant  dans  la  Méditerranée  ({ue  dans  TOcéan,  de  mon  apparition  devant  Cadix, 
de  la  réunion  du  vaisseau  V Aigle  et  de  l'escadre  de  Sa  Majesté  Impériale,  sous 
les  ordres  de  S.  E.  M.  Tamiral  («ravina,  enfin  de  Ttirrivée  dans  ce  port  des 
deux  escadres  combinées. 

Ajant  voulu  profiter  du  premier  souffle  de  vent  favorable  pour  effectuer 
mon  départ  de  Toulon,  je  ne  fis  que  fort  peu  de  chemin  dans  la  première  nuit; 
le  vent  n'ayant  pas  eu  de  dun^e  et  n'ayant  pas  fraîchi  comme  il  semblait  le 
promettre,  j'étais  encore  en  vue  des  côtes  de  Provence  le  lendemain  et  j'eus 
connaissance  dans  le  nord-est  de  deux  frégates  anglaises  h  une  l^^s  grande 
distance,  elles  m'observèrent  toute  la  journée  sans  changer  de  route.  Dans  la 
matinée  un  bMiment  passa  à  portée  de  l'escadre.  Je  le  fis  visiter,  f  appris  par 
lui  que  cinq  jours  auparavant  il  avait  eu  eonnaissance  de  V escadre  anglaise  dans 
le  sud  de  la  Sardaigne,  les  derniers  avis  que  j'avais  reçus  à  Toulon  m'assu- 
raient Barcelone. 

Je  me  dirigeai  en  conséquence  pour  passer  à  Fesi  des  îles  Baléares  y  dans  V in- 
tention de  Véviter  s'il  étiit  passé,  conformément  h.  vos  ordres.  L'aris  que  je 
reçus  par  le  b^timent  ragusais  me  fit  aussitôt  changer  de  résolution,  et  je  me 
dirigeai  pour  passer  dans  l'ourst  drs  lies  en  serrant  autant  que  possible  la  côte 
d'Espagne. 

En  somme,  à  part  la  tempête,  les  conditions  de  la  sortie  du 
30  mars  étaient  identiques  à  celles  du  18  janvier  :  même  direc- 
tion de  vent  soufflant  du  nord-ouest,  môme  route  primitive  au 
sud-ouest,  même  faute  des  croiseurs  anglais  qui  abandonnent 
la  surveillance  dès  qu'ils  ont  reconnu  la  direction  suivie,  et, 
on  le  verra  plus  loin,  môme  erreur  de  Nelson,  que  l'identité 
des  conditions  du  problème  confirme  dans  son  opinion  pré- 
conçue et  irréductible  (5). 


(1)  Au  S.-S.-O.  de  la  S&rdaigne. 

(2)  Côte  d'Espagne  aa  N.-E.  do  Barcelone. 

(3)  Mahao,  Life  of  Nelson. 

(4)  Archives  de  la  Manne,  BB«»,  230-197. 

(5)  L'idco  que  Villeneuve  allait  dans  lo  Levant. 


LA  SORTIE  DE  LA  MÉDITERRANÉE.  483 

A  Garthagène  se  trouvaient  les  six  vaisseaux  de  Famiral 
Salcedo  qui  auraient  pu  fournir  un  précieux  renfort  en  cas 
de  rencontre  de  rennemi,  et  dont  lappui  en  tout  état  de  cause 
était  hautement  désirable. 

Or,  la  lettre  écrite  le  7  mars  par  Villeneuve  est  muette  sur 
cet  objet  si  important. 

Le  vice  ^amiral  Villeneuve  à  Son  Excellence  le  Ministre  de  la  marine 

et  des  colonies  (1). 

Le  17  gormmal  an  xni  (7  tTrU  1806). 
Monseigneur, 

Le  calme  ni'ayant  pris  devant  Garthagène,  j'ai  pu  saisir  cette  occasion  pour 
y  envoyer  demander  des  nouvelles  de  la  mer,  particulièrement  celle  du 
dr-troit  et  du  blocus  de  Cadix. 

Rien  de  nouveau  dans  ma  navigation  ;  les  frégates  anglaises  qui  observaient 
Toulon  ont  eu  connaissance  de  mon  départ  le  lendemain  au  matin  ;  elles  m'ont 
observé  tout  le  jour  et  ont  disparu  .\  la  nuit. 

Je  n'ai  pas  encore  vu  un  bâtiment  anglais  :  d'ailleurs,  équipages  et  passagers, 
tout  le  monde  se  porte  bien. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

ViLLEIfEUVE. 

C'est  seulement  dans  le  rapport  du  17  mai  qu'on  trouve 
mention  des  vaisseaux  espagnols. 

Le  17  germinal,  continue  VQleneuvc,  je  me  trouvais  en  calme  plat 
devant  Garthagène.  Comme  f  y  voyais  des  vaisseaux  de  guerre  qui  me  paraissaient 
prêts  à  mettre  sous  voiles^  f  expédiai  un  canot  pour  y  avoir  des  nouvelles  de  la 
mer  et  offrir  mes  services  et  la  protection  de  Vescadre  à  ceux  des  vaisseaux  de 
Sa  Majesté  Catliolique  qui  voudraient  se  joindre  à  elle  ;  le  commandant  des 
vaisseaux  ne  se  crut  pas  autorisé  à  mettre  sous  voiles  avant  d'avoir  reçu  les 
ordres  et  les  instructions  qu'il  en  attendait  d'un  jour  à  Vautre.  Le  même  soir  le 
vent  s'établit  à  l'est,  bon  frais  et  je  continuai  ma  route  vers  le  détroit. 

Cet  épisode,  qui  aurait  pu  avoir  une  si  grande  influence  sur 
toute  la  campagne,  fut  présenté  par  Beurnonville  sous  un  tout 
autre  jour. 

Madrid,  le  tl  germintl  an  xiii  (Il  avril  1805)  (2). 
Ifonfieur, 

La  flotte  de  Toulon  forte  de  li  vaisseaux,  6  frégates  et  2  bricks,  est  entrée 
à  Garthagène  le  7  avril  (17  germinal). 


(I)  Archives  de  la  Marine,  BBi%  230. 
il)  Archives  de  la  Marine,  BB«v.  t34. 


484  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  VI. 

Le  Yice-«inîiral  Villeneuve  et  le  général  Lauriston  ont  profité  aussitôt  de 
Toccasion  d'un  courrier  espagnol  pour  expédier  à  Votre  Excellence  les  deux 
dépêches  ci-jointes. 

M.  de  Salcedo,  chef  de  V escadre  espagnole  à  Carthagène^  a  fait  V offre  à  M,  le 
vice-amiral  Villeneuve  de  se  mettre  sous  ses  ordres  arec  les  six  vaissseaux  qu'il 
commande  et  le  prince  de  la  Paix  a  réexpédié  sur-le-champ  un  courrier  à  cet 
officier  général  pour  lui  témoigner  Vapprohation  due  à  sa  conduite.  Selon  toute 
apparence,  le  courrier  ne  trouvera  plus  M,  de  Salcedo  à  Carthagène^  et  il  est 
bien  plus  probable  que  la  flotte  combinée  se  sera  rendue  à  Cadix,  si  le  temps 
et  les  circonstances  ont  continué  de  se  montrer  favorables. 

L'escadre  espagnole  est  bien  armée  ;  mais  ses  équipages  sont  incomplets  ;  ce 
qui  donne  plus  de  relief  encore  au  xèle  de  M.  de  Salcedo. 

Beurnonville. 

13  avril  1805. 
Monsieur, 

Je  voudrais  pouvoir  vous  annoncer  que  la  division  navale  de  Carthagène  a 
agi  avec  la  même  célérité  que  celle  de  Cadix,  et  j'en  avais  Fespoir  lorsque  j'y 
préparai  Votre  Excellence  par  ma  dépêche  d'avant-hier,  sur  la  foi  de  ce  que 
Monsieur  le  prince  de  la  Paix,  m'avait  fait  connaître  des  offres  de  M.  le  chef 
d'escadre  Salcedo  ;  les  nouvelles,  môme  depuis,  ont  confirmé  ces  offres,  modi- 
fiées cependant  par  une  demande  de  36  à  48  heures  de  délai,  pour  faire  mettre 
les  poudres  à  bord,  et  pour  réunir  ses  équipages  incomplets  ;  le  vice-amiral 
Villeneuve  a  voulu  profiter  des  temps  et  des  circonstances  heureuses  de  sa 
navigation  et  il  a  laissé  l'escadre  espagnole  à  Carthagène  (1). 

Beurnonville. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Villeneuve  était  parti  dans  la  nuit  du  7 
au  8,  profitant  du  vent  d'est  qui  venait  de  s'élever. 

Le  passage  du  détroit  de  Gibraltar  et  le  déblocus  de  Cadix 
sont  ainsi  exposés  par  ReiUe  d'une  part,  et  Villeneuve  de 
l'autre  (2). 


(1)  Lorsqu'il  reçut  cette  nouvelle,  Napoléon  ne  voulut  pas  y  croire  et  écrivit  à  Decrès 
(•4  avrU)  : 

«  Dites  au  général  Beurnonville  que  ce  qu'il  dit  de  Tamiral  Villeneuve,  qni  a  refusé  de 
rallier  l'escadre  de  Carthagène,  n'est  point  vraisemblable  ;  c'est,  au  contraire,  le  comman- 
dant de  cette  escadre  qui  a  déclaré  qu'il  ne  le  pouvait  pas,  et  Je  ne  puis  lui  en  savoir  mau- 
vais gré,  puisqu'il  n'avait  pas  d'ordre  de  sa  Cour  ;  mais  que  l'amiral  Villeneuve,  passant 
le  détroit  et  ayant  des  craintes,  eût  refusé  le  secours  de  six  vaissaux,  un  ambassadeur,  un 

homme  sensé  ne  se  laisse  pas  dire  de  pareilles  nigauderies.  o 

Napoléon. 
(î)  Archives  de  la  Marine,  BB»v,  î3l. 

Table  de  loch  du  vaisseau  /'Atlas. 

9  au  10  germinal.  —  Sur  trois  colonnes.  A  7  heures,  le  cap  Sepet  N.-O.  1/4  N.  à  une 
lieue,  vent  N.-O. 


lANÉE 


LA  SORTIE   DE  LA  MÉDITERRANÉE.  485 

Dans  la  nuit,  les  \ents  ont  passé  à  Test;  le  18  (8  a^ril),  même  vent  bon 
frais,  le  19  (9  avril)  au  matin.  Ton  a  aperçu  le  rocher  de  Gibraltar,  à   neu 
heures,  Tescadre  est  entrée  dans  le  détroit  et  la  place  a  fait  plusieurs  signaux 
h  un  vaisseau  ennemi  qui  était  à  la  sortie  du  détroit. 

Ce  vaisseau  faisait  partie  de  Fescadre  de  Famiral  Orde  qui  bloquait  Cadix  et 
a  été  le  prévenir.  En  arrivant  près  de  Cadix  nous  avons  vu  l'escadre  anglaise 
^orte  de  5  vaissetiux  et  quelques  autres  bâtiments  faisant  route  au  nord-ouest. 

Le  19  germinal  (9  avril),  à  la  pointe  du  jour,  dit  Villeneuve  (1),  j'eus 
connaissance  du  mont  Gibraltar  ainsi  que  du  mont  aux  Singes.  J'ordonnai 
toutes  les  dispositions  préparatoires  au  combat  ;  je  formai  Tescadre  sur  deux 
colonnes  et  ordonnai  aux  frégates  de  chasser  en  «avant.  A  midi,  le  vent  étiit 
bon  frais,  l'escadre  parfaitement  formée,  je  donnai  dans  le  détroit. 

Le  canon  d'alarme  tirait  de  tous  les  points  de  la  montagne  de  Gibraltar;  je 
fis  déployer  le  grand  pavillon  de  poupe  et  ceux  de  distinction. 

Cependant,  les  frégates  qui  chassaient  devant  nous  me  signalaient  1  vais- 
seau de  guerre  et  2  frégates,  qui  fuyaient  en  tirant  des  coups  de  canon  des 
deux  bords.  Elles  ne  ralentirent  pas  leur  course,  et,  vers  les  A  heures,  elles  me 
transmirent  le  signal  de  11  bâtiments  de  guerre  dont  6  vaisseaux;  peu  de 
temps  après,  elles  signalèrent  :  l'ennemi  «  prend  chasse  ».  L'escadre  faisait 
toute  la  voile  qu'elle  pouvait  faire  ;  j'étais  à  une  trop  grande  distance  de  l'en- 
nemi pour  pouvoir  espérer  de  le  joindre,  et  la  nuit  approchait. 

VHoriense  a  reçu  l'ordre  d'aller  devant  Cadix  faire  des  signaux  de  recon- 
naissance souvent,  pour  faire  appareiller  le  vaisseau  V Aigle  et  les  Espagnols 
qui  pourraient  être  prêts  à  me  suivre;  elle  s'acquitta  de  cette  mission,  et  n'y 
ayant  aucune  espérance  de  joindre  les  vaisseaux  ennemis,  je  me  dirigeai  sur 
Cadix  pour  opérer  la  jonction  avec  les  vaisseaux  que  j'en  attendais.  11  faisait 
encore  assez  de  jour  pour  que  je  puisse  reconnaître,  dans  la  rade  de  Cadix, 
que  V Aigle  travaillait  à  appareiller,  ainsi  que  plusieurs  vaisseaux  espagnols; 
dès  que  je  fus  devant  la  rade,  voyant  que  le  vent  bon  frais  allait  me  faire 
dériver  et  m'empêcher  d'avoir  aucune  communication  avec  Cadix,  je  fis  le 
signal  de  mouiller  une  grosse  ancre. 


Lat.  Long. 

10  germinal,  point  à  midi  41*30        E.  2«11. 

11  —  41 M  O.  0M3'. 

It  —  40»  O.  1»6.      Roule  libre. 

13  —  38«59      » 

14  —  38«27      n 

15  —  37«43      » 

1$  —  37«30  »  Ordre  de  former  J  colomies.  «  L'in- 

constance des  vents  a  empêché  de 
faire  cette  formation.  » 

17  —  36»5  » 

18  -.  »  »  Passé  le  détroit  de  Gibraltar  en  deux 

colonnes  ;  les  forts  ont  tiré  plusieurs 
coups  de  canon. 

19  —  36*19       9»35,30      Sur  deux  colonnes  vent  B.- S. -E. 

(1)  Rapport  de  Villeneuve  (7  mai). 


486  TROISIÈME  PARTIK.   —  CHAPITRE  YI. 

Dans  la  journée  Villeneuve  avait  écrit  (1)  : 

Le  19  germinal  an  xiii  (9  ami  1805). 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  Votre  Excellence  que  j'ai  passé  le  détroit 
aigourd'hui  et  que  je  m'approche  de  Cadix, 

J'ai  envoyé  VHortense  devant  la  baie,  faire  signal  d'appareiller  au  vaisseau 
V Aigle f  et  j'espère  encore  cette  nuit  continuer  ma  route. 

Il  parait  neuf  bâtiments  de  guerre  ennemis,  mais  très  sous  le  vent  du  port  ; 
je  vous  ai  écrit  avant-hier  de  devant  Carthagène,  mais  f  espérais  peu  pouvoir 
vous  écrire  aujourd'hui  de  devant  Cadix, 

Je  n'ai  aucune  nouvelle  de  l'escadre  de  Nelson.  Je  ne  sais  si,  avant  de  ter- 
miner ma  lettre,  je  pourrai  vous  faire  part  de  ce  qu'aura  produit  mon  appa- 
rition à  Cadix. 

V Aigle  tmvaille  à  appareiller  ;  les  Espagnols  font  beaucoup  de  signaux. 

Recevez  les  assurances  do  mon  profond  respect. 

Villeneuve. 

Le  premier  but  de  l'expédition  avait  donc  été  atteint  avec 
un  rare  bonheur.  Mais  la  même  hâte  inopportune  qui  avait 
fait  manquer  la  jonction  avec  Fescadre  espagnole  de  Cartha- 
gène  faillit  faire  manquer  la  réunion  avec  les  forces  de  Tamiral 
Gravina. 

Rapport  de  Villeneuve, 

Peu  d'instants  après,  un  officier  espagnol  vint  à  mon  bord  et  m'annonça  que 
G  vaisseaux  do  sa  nation  et  i  frégate,  sous  les  ordres  de  S.  E.  l'amiral  Gravina, 
allaient  mettre  sous  voile,  et,  avant  minuit,  je  les  vis  sortir  successivement  du 
port  et  mouiller  en  dehors.  J'envoyai  mon  adjudant,  M.  Fleury,  à  bord  de 
l'amiral  Gravina;  /e  lui  fis  observer  combien  les  moments  étaient  précieux,  que 
l'escadre  ennemie  de  la  Méditerranée  devait  être  à  ma  poursuite  et  pouvait  faire 
sa  jonction  avec  celle  qui  avait  tenu  jusqu'alors  le  blocus  de  Cadix^  qu'il  impor- 
tait essentiellement  de  mettre  sous  voile  pour  suivre  notre  destination, 

M.  l'amiral  Gravina  me  fit  répondre  qu'il  partageait  mon  impatience,  que  je 
pouvais  faire  le  signal  d'appareiller  et  qu'il  allait  le  répéter  à  son  escadre.  A 
"li  heures  du  matin,  toute  l'escadre  française  fut  sous  voile  avec  une  partie  de 
l'escadre  espagnole  et  nous  fîmes  route  à  l'ouest.  Le  vent  avait  beaucoup 
faibli;  au  jour,  je  vis  des  vaisseaux  espagnols  extrêmement  arriérés  :  l'Ar^o- 
nautCy  leur  vaisseau  aminil,  seul  était  parmi  nous.  Je  restai  toute  la  matinée 
sous  voile  pour  les  rallier.  L'après-midi,  le  vent  ayant  passé  à  l'ouest,  j'envoyai 
la  frégate  le  Rhin  en  intermédiaire,  et  ayant  pris  les  amures  à  tribord,  je  fis 
porter  et  courir  largue  pour  assurer  ce  ralliement  ;  toute  la  nuit  suivante,  je 


(1)  Archives  de  la  Marijie,  BB«»,  î30. 


LA  SORTIS  DE  LA  MBDITBRRANâB.  487 

Û8  fort  petite  Toile,  et  le  lendemain  au  jour^  je  fus  étonné  de  n'avoir  été  rallié 
que  par  un  seul  vaisseau  espagnol,  V America,  de  60  canons.  Je  pensai  cepen- 
dant qu1l  ne  me  convenait  pas  d'attendre  davantage,  qu'il  fallait  me  rendre  à 
ma  destination,  et  Tamiral  Gravina  me  parut  partager  mon  opinion. 

Ainsi  donc,  Villeneuve  était  parti  sans  attendre  ses  alliés 
et  ne  devait  rassembler  son  armée  que  le  26  mai  à  la  Marti- 
nique. 

Journal  de  Reille  (suite). 

A  8  heures  du  soir,  Tescadre  a  mouillé  à  Feutrée  de  la  baie  de  Cadix;  le 
vaisseau  français  V  Aigle,  la  corvette  la  Torche  et  le  brick  F  A  r^ui  étaient  dans 
ce  port  et  devaient  joindre  Tescadre  ;  elle  devait  être  encore  renforcée  par  une 
flotte  espagnole.  Les  signaux  avaient  été  faits  et,  k  10  heures,  les  vaisseaux 
commençaient  h  sortir  pour  se  placer  parmi  nous.  L'on  ne  saurait  trop  louer 
l'activité  que  l'amiral  Gravina  y  a  mise.  Dans  une  heure,  ses  troupes  de  terre 
furent  à  bord,  les  câbles  filés  par  le  bout,  enfin  tout  fut  aussi  vite  que  pos- 
sible. A  i  heure  du  matin,  le  signal  fut  fait  aux  deux  escadres  d'appareiller,  et 
à  2  heures,  la  majeure  partie  était  sous  voile.  Le  20  (10  avril),  au  jour,  tous 
les  vaisseaux  français  étaient  réunis,  mais  il  n'y  avait  parmi  nous  que  le  vais- 
seau amiral  espagnol.  On  Toyait  derrière,  à  quelques  lieues,  des  vaisseaux  qui 
paraissaient  ôtre  les  cinq  autres.  La  cause  du  retard  a  été  que  les  vaisseaux 
espagnols,  arrivés  à  l'entrée  de  la  baie,  ayant  mouillé  et  filé  du  cÀble,  n'ont  pu 
être  aussi  I6t  prêts  que  les  vaisseaux  français  qui  étaient  à  pic.  Il  eût  été  à 
désirer  que  l'armée  eût  mis  en  panne  pour  les  attendre  et  prévenir  par  là  une 
séparation,  mais  on  a  continué  à  faire  beaucoup  do  voile.  Dans  l'après-midi,  le 
vent  ayant  tourné  à  l'ouest,  l'armée  tint  toujours  le  vent.  Vers  le  soir,  cepen- 
dant, l'amii-ai  laissa  arriver  d'environ  2  lieues,  mais  ce  n'était  point  assez  pour 
rejoindre  les  vaisseaux  arriérés.  La  nuit  se  fit  et,  le  lendemain  21  (11  avril), 
nous  ne  vîmes  que  le  vaisseau  ï America,  qui  n'a  pu  nous  rallier  que  le  22 
(12  avril).  On  ne  conçoit  pas  ce  qui  a  pu  déterminer  l'amiral  à  faire  si  peu 
pour  prévenir  cette  séparation,  qui  peut  avoir  les  plus  grandes  conséquences. 
Le  sort  de  ces  vaisseaux  se  trouve  compromis  et  ils  pouvaient  assurer  le  succès 
de  l'expédition  ;  il  ne  fallait  pour  cela  qu'attendre  deux  ou  trois  heures 

L amiral  Gravina,  commandant  en  chef  les  foroes  navales  de  Sa 
Majesté  Catholique  dans  l'Amérique,  à  Son  Exoellenœ  l'amiral 
Decrès,  Ministre  de  la  marine  et  des  colonies,  etc.  (4). 

A  bord  do  vaisseau  VArgonauta  à  la  rade  de  Port^Royal, 

le  2t  mai  1805. 
Excellence, 

J'ai  l'honneur  d'informer  Votre  Excellence,  qu'au  moment  même  où  l'es- 


(1)  Archives  de  la  Marine,  campagne   1805.  BB'v,  t33.  —  Antilles,  Cadix,  Trafal- 
gar,  etc. 


488  TROISIÈME  PARTIE.   -—  CHAPITRE  VI. 

cadre  française  de  Toulon  se  présentait  devant  Cadix,  M.  Courraga,  capitaine 
de  Taisseau  de  ï Aigle,  me  remettait  Totre  dépêche,  adressée  au  commandant 
des  Taisseaux  qui  déliaient  se  réunir  aux  forces  de  Sa  Majesté  Impériale,  et, 
comme  c'était  moi-même  qui  devais  les  commander,  je  Tai  décachetée,  et,  de 
suite,  j'ai  mis  le  signal  pour  l'embarquement  des  troupes  de  terre,  pour  filer 
les  câbles,  et  mettre  à  la  voile;  il  me  remit  aussi  7  paquets  cachetés  pour  le 
rendez-Tous,  que  j'ai  fait  distribuer  aux  autres  commandants;  k  t>  heures  du 
soir,  le  9  avril,  nous  vîmes  votre  escadre,  et  à  8  h.  i/2  (ayant  à  bord  les 
troupes  de  déb«arquement)  j*ai  mis  à  la  voile,  et  je  m'incorporai  avec  l'escadre 
de  Sa  Majesté  Impériale,  que  j'ai  rencontrée  mouillée  à  la  bouche  du  port,  vis- 
à-vis  de  Rota;  deux  heures  après  minuit  votre  escadre  appareilla,  et  je  fis  de 
même  ;  mais  mes  vaisseaux,  à  ce  second  ancrage,  ayant  dès  l'arrivée  un  câble 
qu'ils  avaient  filé,  perdirent  du  temps  à  lever  leurs  ancres,  et  c'est  avec  peine 
que  nous  pûmes  les  apercevoir  au  point  du  jour.  Le  lendemain,  nous  ne  ral- 
liâmes que  VAynerica;  les  autres  se  réunirent  le  jour  de  notre  arrivée  à  cette 
{le,  et  le  dernier  deux  jours  après. 

Tai  reçu  beaucoup  de  politesses  du  capitaine-général  Villaret  et  de  l'amiral 
Villeneuve,  et  je  me  trouve  prêt,  avec  les  6  vaisseaux  de  mon  escadre  et  la 
frégate,  à  suivre  la  vôtre  partout  et  à  toute  entreprise. 

L'amiral  Villeneuve  attacha,  le  jour  de  notre  réunion,  pour  mouche  de  mon 
vaisseau,  le  brick  français  VAjnoitr,  commandé  par  le  lieutenant  de  vaisseau 
Treillard  :  la  manière  et  le  zèle  dont  il  s'est  conduit,  se  tenant  jour  et  nuit  à 
la  voix  de  mon  vaisseau,  reconnaissant  à  son  zèle  et  à  son  activité,  j'ai  cru  me 
trouver  dans  l'agréable  obligation  de  vous  prier  de  vouloir  recommander  cet 
estimable  officiera  Sa  Majesté  l'Empereur;  je  vous  prie  aussi  de  présenter  â 
Sa  Majesté  l'Empereur  mes  humbles  respects,  en  l'assurant,  de  ma  part,  que 
je  ne  manquerai  pas  d'employer  tout  mon  zèle  et  toute  l'activité  possibles  à 
suivre  votre  escadre  dans  toutes  ses  opérations. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  la  plus  haute  et  distinguée  considération,  de 
Votre  Excellence, 

Le  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Frédéric  Gravina. 

Qu'était  devenu  Nelson  pendant  ce  temps  ? 

Le  3  avril  au  matin,  Tescadre  anglaise  à  Pula  était  sous 
voiles  et  le  lendemain  4  elle  se  trouvait,  à  10  h.  20  du  matin,  à 
6  lieues  0.  3/4  S.  de  Toro(l),  lorsque  la  Phœbé  rejoignit, 
annonçant  le  départ  des  Français,  déjà  ancien  de  quatre 
jours  :  «  L'épuisant  travail  de  doutes,  de  suppositions,  d'ap- 
«  préciation  de  vagues  indices  allait  recommencer  pour  Nelson 
«  et  cela  devait  durer  plus  de  trois  mois  (2)  ». 


(1)  Sud  de  Palmas. 

(2)  Mahan. 


LA  80RTJE  DE  LA  MÉDITERRANÉE.  489 

A  2  heures  du  soir,  V Active,  qui  avait  conservé  le  contact 
un  peu  plus  longtemps  que  la  Phœhé,  rejoignit  Nelson  et  con- 
firma la  direction  vers  le  sud  attribuée  à  Tescadre  de  Ville- 
neuve. Certain  que  les  Français  allaient  passer  au  sud  de  la 
Sardaigne,  s'ils  ne  l'avaient  déjà  fait,  Nelson  envoya  VAmbiis- 
cade  à  l'île  de  Galite  (1)  chercher  des  informations.  Lui- 
même  comptait  se  maintenir  entre  l'île  de  Galite  et  la  Sardaigne 
jusqu'à  ce  qu'il  eût  reçu  des  nouvelles  (2).  «  Je  n'irai  pas,  dit- 
il,  à  l'est  de  la  Sicile  ni  à  l'ouest  de  la  Sardaigne  avant  que 
j'aie  des  renseignements  positifs.  »  Le  5,  conservant  la  même 
position,  Nelson  écrivait  (3)  :  «  J'ai  couvert  le  passage  entre 
«  la  côte  barbaresque  et  l'île  de  Toro  de  frégates.  Les  Fran- 
«  çais  n'auraient  pu  passer  par  ici  avant  aujourd'hui  si  c'est 

«  bien  leur  chemin Je  m'assurerai  qu'ils  sont  à  l'est 

«  d'ici  avant  de  faire  route  pour  la  Sardaigne,  la  Sicile  et 
«  Naples (i).  » 

Depuis  la  sortie  des  Français,  le  vent  avait  soufflé  :  le 
4  avril,  au  moment  où  ses  éclaireurs  le  rejoignirent,  du  nord- 
ouest  joli  frais,  le  5  du  nord,  le  6  il  faisait  calme.  VAmhus- 
cade  était  à  Galite,  V Active  à  la  côte  d'Afrique,  le  Moucheron 
avait  été  envoyé  le  5  au  soir  croiser  entre  eux  deux  et  chercher 
des  informations  à  Tunis,  le  Seahorse  et  VAî^tna  étaient  devant 
le  Toro,  VHijdra  sur  la  côte  est  de  la  Sardaigne  et  la  Magda- 
lena,  pour  le  cas  où  les  Français  auraient  franchi  le  détroit  de 
Bonifacio,  V Amazone  allait  être  envoyée  à  Naples  (3).  Dans 
ces  conditions,  Nelson  pouvait  être  assuré  que  les  Français 
n'avaient  pu  passer  au  nord  du  cap  Blanc  à  son  insu,  puis- 
qu'il barrait  le  détroit  avant  qu'ils  aient  pu  y  entrer.  Par 
contre,  toute  journée  passée  sans  nouvelles,  après  l'arrivée  de 
la  flotte  anglaise  au  sud  de  la  Sardaigne,  rendait  moins  pro- 
bable que  Villeneuve  ait  été  destiné  à  agir  dans  le  Levant. 
«  Si  demain  je  ne  sais  rien,  dit  Nelson,  j'enverrai  la  Phœbé  au 
«  cap  Saint-Sébastien,  je  prendrai  position  à  Urtica{6). ...  et 


(1)  C6te  tmdsieDne. 

(2)  Ordre  au  cap  Darban,  de  VAmbuscade. 

(3)  Au  vieomte  MelrUle. 

(4)  Lettre  à  Otway,  6  avril. 

(5)  A  sir  John  Bail,  6  avril. 

(6)  Au  nord  de  Palerme. 


490  Troisième  partie.  —  chapitre  vi. 

«  ainsi  je  serai  prêt  à  pousser  sur  Naples,  s'ils  y  vont,  ou  à 
«  protéger  la  Sicile.  » 

Effectivement,  le  10  il  était  devant  Palerme,  mais  il  n'en 
savait  pas  davantage.  «  Je  suis  désolé,  écrit-il,  je  n'ai  pas  un 
mot  de  nouvelles  ;  toutes  mes  frégates  sont  en  course.  Je  vais 
maintenant  aller  entre  la  Magdalena  et  le  cap  Corse.  » 

Dans  la  soirée  du  10,  il  reçut  une  nouvelle  qui  semble 
l'avoir  profondément  troublé,  sans  pourtant  fixer  son  opinion. 

«  Hailowel,  écrii-il  à  S.  J.  Bail,  vient  d'arriver  de  Palerme. 
Il  annonce  que  la  «  grande  expédition  (1  )  »  a  mis  à  la  voile 
et  que  sept  vaisseaux  russes  sont  attendus  dans  la  Méditerra- 
née. Je  dois  donc  supposer  que  les  Français  vont  dans  I'ochst. 
Je  ferai  de  mon  mieux,  mais  je  suis  bien  à  plaindre  (2)  ». 

Or,  cette  nouvelle  était  fausse. 

En  réalité  cette  «  grande  expédition (3)  »,  confiée  au  général 
Sir  James  Craig,  forte  de  8,000  à  10,000  hommes,  ne  devait 
partir  de  Porsmouth  que  le  17  avril,  sous  l'escorte  des  deux 
vaisseaux  Queen  et  Dragon  et  de  la  corvette  Bomb. 

L'avis  en  fut  donné  à  Nelson  dans  les  termes  suivants,  par 
la  lettre  de  l'Amirauté  en  date  du  15  avril  que  porta  le  sloop 
Martin  (i). 

J'ai  Tordi-e  des  lords  de  l'Amirauté  de  faire  savoir  à  Votre  Seigneurie  que  le 
contre-amiral  Knight,  avec  les  vaisseaux  Reine  et  Dragon j  partira  demain  ou 
après-demain  de  Spithead  avec  un  convoi  portant  5,000  hommes,  qui  doivent 
être  débarqués  partie  à  Gibraltar  et  dont  partie  doit  être  dirigée  dans  la  Méri- 
terranée.  L'ordre  des  lords  de  TAmirauté  est  que  votre  escadre  prenne  position 
de  façon  à  couvrir  ce  convoi  dans  son  trajet  de  Gibraltar  à  la  Méditerranée 
contre  les  entreprises  que  l'ennemi  pourrait  exécuter  du  port  de  Toulon. 

Parvenu  le  30  à  hauteur  du  cap  Finistère,  Knight  reçut 
l'annonce  du  passage  de  Villeneuve  devant  Cadix  et  de  la 
retraite  de  sir  John  Orde.  Se  croyant  en  grand  danger,  Craig 
se  réfugia  à  Lisbonne  et,  donnant  une  nouvelle  preuve  de  la 


(l)  Partie  d'Angleterre.  Mahan,  page  €A8. 
(t)  Very  misérable. 

(3)  Voir  sur  ce  sujet  :  Under  England's  Flag  ;  Mémoires  dn  capitaine  Charles 
Boothley. 

(4)  British  Muséum,  vol.  34936.  Cet  ordre,  complété  le  17  avril,  prescrivait  en  outre 
à  Nelson,  après  sa  jonction  avec  l'amiral  Knigt,  de  renvoyer  à  Spithead  les  deux  de  ses 
vaisseaux  qui  auraient  le  plus  besoin  de  réparations. 


LA  SORTIE  DE  LA  MÉDITERRANÉE.  491 

désinvolture  avec  laquelle  les  Anglais  traitent  les  neutres,  se 
prépara  en  cas  d^approche  des  vaisseaux  français  à  mettre  la 
main  sur  les  batteries  qui  domine  le  Tage  (1). 

U  fallut  pour  le  faire  renoncer  à  ce  projet  que  Junot, 
ambassadeur  de  France,  menaçât  la  cour  portugaise  de  partir 
si  un  seul  soldat  anglais  était  débarqué. 

Craig  dut  donc  remettre  à  la  voile.  Le  12  mai  il  arriva  à 
Gibraltar,  d'où  il  se  rendit  à  Malte  et  enfin  à  Naples  où  il 
débarqua  au  milieu  d'août  (2). 

De  son  côté,  Nelson  commençait  à  se  douter  de  son  erreur. 

«  Le  9,  il  quitta  Palerme  (3)  avec  l'intention  d'aller  à  Tou- 
«  Ion  pour  s'assurer  que  les  Français  n'y  étaient  pas  retour- 
^1  nés.  Il  rencontra  un  vent  debout  (4)  qui  le  retint  neuf  jours 
«  au  sud  de  la  Sardaigne,  ayant  parcouru  moins  de 
«  200  milles.  »  C'est  dans  cette  région  qu'il  eut  enfin  des 
nouvelles  positives. 

«  Nous  apprenons,  écrit-il  le  16  avril  au  capitaine  de 
«  VjEtnay  par  un  navire  avec  qui  a  communiqué  le  Levior- 
«  thauj  que  la  flotte  française  a  été  vue  dimanche  7  avril  par 
«  le  travers  du  cap  de  Gatta{5),  par  vent  d'est  et  filant  à 
«  l'ouest. ...  Je  vais  m'assurer  que  les  Français  ne  sont  pas 
«  rentrés  à  Toulon,  puis  à  l'ouest,  c'est  tout  ce  que  je  puis 
«  dire  à  présent.  Restez  jusqu'à  nouvel  ordre  près  de  Toro 
«  où  j'enverrai  des  nouvelles  quand  je  serai  fixé.  Il  est  très 
*<  probable  que  je  quitterai  la  Méditerranée  derrière  l'en- 
«  nemi.  »  Le  lendemain  19,  un  navire  venant  de  Gibraltar 
apportait  la  nouvelle  positive  du  passage  de  l'escadre  fran- 
çaise le  9  avril. 

Cette  fois  il  n'y  avait  plus  qu'à  cherciier  à  regagner  le  temps 
perdu. 

« Je  pars  pour  l'ouest,  écrit  Nelson  le  19  avril  au 

commandant  de  la  Phœhé.  Comme  il  est  très  probable  que  les 
Français  ont  laissé  des  frégates  ou  d'autres  navires  de  guerre 
à  Toulon  pour  porter  des  troupes  en  Sardaigne,  à  Naples,  en 


(1)  Ce  sera  une  bonne  farce,  dit  à  ce  sujet  Boothley  (an  excellent  fun). 

(2)  n  deyait  ploi  tard  y  retronver  18,000  rnsses. 

(3)  Mahan,  loc.  cit. 

(4)  De  Tooest. 

(5)  An  sad-onest  de  Carthagène. 


492  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VI. 

Sicile  bu  en  Egypte^  vous  êtes  chargé  avec  votre  navire  et 
VHydra,  la  Juno,  le  Niger  et  le  Thunder  de  croiser  entre  le 
Toro  et  la  côte  Barbaresque  pour  intercepter  toute  expédition 
que  l'ennemi  pourrait  envoyer  en  Sardaigne,  en  Sicile  ou  en 

Egypte »  Ainsi,  au  moment  où  le  voile  semblait  s'être 

déchiré,  Nelson  était  encore  sous  Imfluence  de  son  idée  favo- 
rite et  se  privait  gratuitement  d'éclaireurs  qui  lui  étaient  plus 
nécessaires  que  jamais.  Mais  tout  déçu  et  désolé  qu'il  fût,  il 
envisagea  la  situation  avec  clairvoyance  en  voulant  d'abord 
parer  au  danger  le  plus  immédiat.  Le  20  avril,  encore  retenu 
à  10  lieues  à  l'ouest  de  Toro,  il  s'écrie  :  «  Ma  bonne  fortune 
semble  envolée.  Je  ne  puis  avoir  un  vent  qui  ne  soit  pas  con- 
traire   Puisque  l'ennemi  a  depuis  si  longtemps  passé  le 

détroit  et  fait  sa  jonction  avec  Tescadre  espagnole  de  Cadix, 
voici  mes  intentions  :  J'ai  envoyé  V Amazone  chercher  des  nou- 
velles à  Lisbonne,  je  vais  aussi  vite  que  possible  au  cap  Saint- 
Vincent,  où  j'espère  savoir  par  V Amazone  quelle  est  la  desti- 
nation de  l'escadre  française.  Le  fait  qu'ils  ont  rallié  les  vais- 
seaux espagnols  de  Cadix  me  semble  prouver  qu'i/s  n'ont  pas 
rintention  d'aller  aux  Indes  occidentales^  ni  au  Brésil^  mais 
bien  de  débloquer  le  Ferrol  et  d  aller  de  là  en  Irlande  ou  à 
Brest  y  car  je  crois  que  Villeneuve  a  des  troupes  embarquées. 
Si  donc  je  n'ai  pas  de  nouvelles^  je  quitterai  le  cap  Saint- 
Vincent  et  me  placei^ai  à  cinquante  lieues  à  l'ouest  des  îles 
Scilly,  en  m'en  rapprochant  lentement,  de  façon  à  ne  pas 
manquer  un  navire  qui  m'apporterait  des  ordres.  Ma  raison 
pour  prendre  cette  position  est  que  de  là  je  puis  aussi  bien 
rallier  la  flotte  qui  est  devant  Brest  ou  aller  en  Irlande, 
J'amène  douze  navires  aussi  beaux,  aussi  bien  commandés  et 
ordonnés  que  tout  ce  qu'on  a  jamais  vu  sur  l'eau  (i)  ». 


(1)  L'escadre  de  Nelson  comprend  à  co  moment  : 


Victory UO  canons. 

Royal  Sovereign 100  — 

Canopus ; 80  — 

Spencer 74  — 

Leviathan 74  — 

Tigre 80  — 

Donegal 74  — 

Congueror 74  — 

Superb 74  — 


Belleisle 74  canons. 

Swiftsure 74    — 

Î   Active. 
Amazone, 
Décade, 

Transport Camel. 

S  Childers. 
^^^P« \Ariel. 


LA   SORTIE  DE  LA  MÉDITERRANÉE.  493 

Un  autre  danger  paraissait  menaçant. 

L'expédition  dont  il  avait  appris  le  départ  d'Angleterre 
pouvait  avoir  été  rencontrée  dans  TOcéan  et  détruite  par 
Villeneuve.  Toutefois  Nelson  pouvait  espérer  que  le  Fish- 
giiardj  expédié  de  Gibraltar  le  15  avril,  peu  après  le  passage 
des  Français,  aurait  donné  l'alarme.  En  outre,  la  division  qui 
bloquait  Cadix  devait  avoir  prévenu  assez  à  temps  pour  faire 
retenir  les  transports  à  Spithead. 

Le  5  mai,  à  10  h.  30  du  matin,  Nelson  jeta  l'ancre  dans  la 
baie  de  Tetuan(l)  où  une  nouvelle  déception  l'attendait. 

«  Je  crois  que  ma  mauvaise  chance  va  encore  durer  long- 
temps, car  j'ai  tout  lieu  de  craindre  que  S.  John  Orde  n'a  pas 
fait  garder  le  contact  de  l'ennemi,  ni  pensé  à  me  prévenir  de 
sa  destination.  Je  ne  puis  pourtant  pas  aller  aux  Antilles  sur 
de  simples  suppositions  et,  d'autre  part,  si  je  tarde,  la 
Jamaïque  peut  être  perdue.  » 

De  fait,  S.  John  Orde,  qui  avec  ses  cinq  vaisseaux  bloquait 
Cadix,  avait  pris  chasse  dès  l'approche  de  Villeneuve,  sans 
garder  le  contact  et  sans  profiter  des  bonnes  chances  que  lui 
donnèrent  le  désordre  de  la  marche  de  l'armée  combinée  et  le 
retard  des  vaisseaux  espagnols  ;  enfin  en  laissant  en  grand 
danger  l'expédition  de  Craig  si  les  alliés  étaient  restés  dans  ces 
parages. 

A  la  vérité  il  avait,  le  H  avril  (2),  prescrit  au  capitaine 
Sutton,  commandant  VAmphion  avec  le  Beagle  et  le  Wasp,  de 
se  placer  au  cap  Saint- Vincent,  de  prendre  sous  ses  ordres 
tout  navire  anglais  dont  le  chef  serait  moins  ancien  que  lui  et 
d'observer  l'ennemi.  <(  Au  cas  où  celui-ci  paraîtrait  se  diriger 
vers  rouest,  la  nouvelle  en  serait  transmise  directement  à 
l'escadre  de  la  Manche  sous  Ouessant.  »  Cette  idée  que  l'es- 
cadre combinée  allait  vers  fouest,  se  manifesta  aussi  par  la 
lettre  par  laquelle  Orde  annonçait  à  l'amiral  Gardner  le 
danger  qu'il  avait  couru  et  son  intention  de  le  joindre  avec 
ses  cinq  vaisseaux  (3). 

10  avril  1805. 
Hier,  étmt  à  Tancre,  j\ii  failli  être  obligé  5   combattre  les  20  ou 


(1)  Pour  faire  de  Tean, 

(t)  Brttùh  Muséum,  vol.  34930.  Rapport  de  Orde, 

(3)  Lettre  à  Oardner,  transmise  par  celui-ci  le  28  avril.  (Record  office,  Channel  fleet). 


494  TR0I8IÈMB  PARTIE.   —  CHAPITRE  VI. 

24  voiles  de  la  flotte  de  Toulon,  peut-être  renforcée  de  Tescadre  de  Cartha- 

gène /c  crois  qu'ils  vont  dans  V ouest. 

Aucune  nouvelle  de  Nelson.  Sans  doute  il  sera  allé  en  Egypte. 

Ordk. 

11  en  est  de  même  de  la  lettre  adressée  le  même  jour  à 
Nelson  (i). 

J'ai  été  obligé  d'abandonner  mon  poste  devant  Cadix  par  une  force  ennemie 
supérieure  apparue  brusquement,  venant  de  Test,  l'après-midi  du  9  cou- 
rant  

Je  ne  puis  dire  quel  est  l'objet  immédiat  de  cette  force  considérable  (après 
la  jonction  faite  h  Cadix),  mais  je  pense  qnelh  est  destinée  pour  V ouest.  Ne 
sachant  ni  les  intentions,  ni  les  mouvements  de  Votre  Seigneurie,  je  rallie 
l'escadre  de  la  Manche  avec  les  bâtiments  G/ory,  Renown,  Defenee,  Poly- 
phetnus,  Agamemnon,  Ruby.  Mon  appui  peut  y  être  utile  dans  ce  moment 
critique  Je  laisse  cependant  une  division  de  frégates  et  de  corvettes,  sous  les 
ordres  du  capitiine  Sutton,  au  cap  Saint-Vincent,  pour  prévenir  ou  faire  pré- 
venir par  tous  navires  disponibles,  soit  Votre  Seigneurie  si  l'ennemi  rentre 
dans  la  Méditerranée,  soit  l'escadre  de  la  Manche  si  l'ennemi  va  .\  l'ouest. 

De  fait,  Orde  rallia,  le  30  au  matin,  Tescadre  de  la 
Manche  (2)  ;  Calder,  qui  était  devant  le  Ferrol,  avait  été  pré- 
venu, dès  le  16,  du  passage  des  Français  à  Gibraltar  et 
Gardner  le  22  (3).  Les  précautions  se  trouvaient  donc  prises  : 
au  cas  où  l'escadre  franco-espagnole  se  serait  portée  vers  le 
nord,  la  concentration  se  serait  faite  sous  Oucssant. 

Si  l'escadre  combinée  va  vers  le  noixl,  écrit  en  eflfet  Gardner, 

le  27  aTril,  je  compte  être  joint  par  Orde  et  Calder  et  j'espère  que  Vos  Sei- 
gneuries m'enverront  les  renforts  qu'elles  jugeront  nécessaires. 

Gardner. 

De  plus,  Gardner  semble  avoir  deviné  depuis  quelque 
temps  déjà  que  Tescadro  de  Brest  pourrait  aller  débloquer  le 
Ferrol;  ainsi  qu'en  témoignent  les  deux  lettres  suivantes  : 

19  avril  1806. 
I.e   Terrible  m'a  joint  hier  et  je  lai   envoyé  à  Sir   R.   Calder  devant  le 


(1)  British  Muséum,  vol.  34929. 

(2)  Lettre  de  Gardner,  30  avril  (Record  office.  GbaaDel  fleet). 

(3)  Lettre  de  Gardner,  tt  avril  (Record  office.  Cbannel  fleet). 


LA  SORTIE  DE  LA  MBDITERKANBE.  495 

Ferrol Il   ^a   être  forcé  de  s*a(foiblir  pour  se  réapprovisionner.  Aussi 

j'exprime  humblement  TaTis  qu'il  ne  pourra  tenir  le  blocus  s*il  n'est  pas  ren- 
forcé. Si  Vennemi  s'échappe  de  Brest,  ce  qui  est  rien  moins  qu  improbable^  et  se 
joint  aux  iO  ou  12  vaisseaux  qui  sont  au  Ferrol  y  Caldrr  sera  en  grand 
danger. 

n  aynl  1805. 

J'apprends  ce  matin  par  le  Melampus  que  \\  Tui.Hse4iux  français  et  7  frégates 

ont  passé  le  9  A   Gibraltar;  on   dit  qu'ils  ont   10,000  hommes  à  bord 

Sir  Robert  Calder  a  reçu  cette  nouvelle  le  10  devant  le  Ferrol.  Il  avait  alors 

6  Taisscaux  et  quelques  frégates  avec  lui On  dit  que  les  Espagnols  ont 

8  Taisseaux  à  (^adix  outre  V Aigle Je  crois  que  la  flotte  de  Brest  va  tenter 

de  sortir  et  je  les  observe  de  près  avtr  mes  17  vaisseaux (1). 

Nous  verrons  dans  un  moment  quelles  mesures  avait  prises 
l'amirauté  pour  le  cas  où  Tcscadre  franco-espagnole  irait  dans 
Touest.  L'incertitude  où  se  trouva  un  moment  le  commande- 
ment anglais  incombe  donc  au  seul  Sutton,  qui  perdit  complè- 
tement le  contact,  au  point  qu'il  put  annoncer  que  le  22  avril 
Villenetwe  était  encore  à  Cadix  [2). 

Pendant  ce  temps  les  indices  affluaient  pour  prouver  à 
Nelson  que  les  vaisseaux  ennemis  étaient  partis  pour  l'Amé- 
rique. Depuis  un  mois  qu'ils  ont  passé  le  détroit  de  Gibraltar 
ils  auraient  fait  parler  d'eux  s'ils  étaient  restés  dans  les  mers 
d'Europe.  Or,  Nelson  apprend  (3)  que,  jusqu'au  28  avril,  on 
n'avait  rien  su  d'eux  à  Lisbonne;  le  lendemain,  pendant  les 
quelques  heures  qu'il  passe  à  Gibraltar  pour  embarquer  des 
vivres,  aucun  renseignement  n'arrive  de  l'Océan  ;  le  10  seule- 
ment, étant  par  le  travers  du  cap  Saint-Vincent,  il  a  des 
nouvelles.  UAniazojie  lui  apporte  le  compte  rendu  d'un  brick 
américain  parti  de  (]adix  le  2  mai.  Très  complet  au  sujet  des 
événements  qui  ont  marqué  l'apparition  de  Villeneuve  et  la 
sortie  des  Espagnols,  ce  document  ajoute  : 

c(  Les  opinions  au  siyet  de  la  destination  de  l'armée  combi- 
«  née  sont  diverses  :  d'après  les  uns  elle  va  en  Irlande  ; 
«  d'après  les  autres,  aux  Indes  occidentales  ;  en  particulier  à 
«  la  Jamaïque.  Il  y  a  à  bord  3,000  soldats  espagnols,  dont 
«  beaucoup   de  cavaliers,   et  7,000  à   8,000  Français   sous 


(1)  Record  office.  Channel  fleet. 

(t)  Lettre  de  l*amiral  Qambier,  du  3  mai.  (Brilish  Muséum ^  vol.  340S0. 

(3)  Par  VHalcyon,  le  6  mai,  baie  de  Tetoan. 


496  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VI. 

«  Laurisfon »  Un  peu  avant  était  arrivé  Tavis  donné  par 

l'amirauté  qu'  «  un  convoi  portant  5,000  soldats  était  en 
route  pour  la  Méditerranée  et  que  leur  protection  était  confiée 
à  Tescadre  de  Nelson  ».  C'était,  on  Ta  vu,  l'expédition  de 
Craig.  Enfin,  tandis  que  l'escadre  passait  la  nuit  mouillée  à 
Lagos,  «  le  contre-amiral  Campbell,  alors  au  service  du 
«  Portugal,  vint  à  bord  du  Victor  y  et  donna  l'assurance  for- 
«  melle  que  Villeneuve  était  parti  pour  les  Indes  occiden- 
«  taies  ».  Le  lendemain  11,  arrivait  le  convoi  de  troupes 
escorté  par  deux  vaisseaux  et  qui  n'avait  fait  aucune  ren- 
contre. Celte  fois,  Nelson  était  fixé  ;  laissant  le  contre- 
amiral  Bickerton  pour  commander  dans  la  Méditerranée,  joi- 
gnant au  convoi  son  vaisseau  le  Royal-Sovereign^  qui  marchait 
mal,  se  faisant  précéder  d'un  sloop  envoyé  à  la  Barbade,  à 
7  heures  du  soir  il  leva  l'ancre.  «  Le  sort  en  est  jeté,  écrit-il, 
je  pars  pour  les  Antilles.  Bien  que  je  sois  en  retard,  la 
fortune  aura  peut-être  donné  à  l'ennemi  une  mauvaise  tra- 
versée et  m'en  donnera  peut-être  une  bonne.  »  A  la  nuit  il 
était  déjà  à  7  lieues  au  nord-ouest  du  cap  Saint- Vincent  et  se 
lançait  avec  son  escadre  au  travers  de  l'Océan. 

On  est  en  droit  de  rechercher  les  raisons  qui  décidèrent 
Nelson  â  ce  dernier  parti,  pris  si  tardivement,  puisque  Ville- 
neuve avait  déjà  un  mois  d'avance. 

Le  fait  devenu  certain,  que,  pendant  tout  ce  délai,  l'escadre 
franco-espagnole  n'avait  paru  ni  devant  le  Ferrol,  ni  devant 
Rochefort,  ni  devant  Brest,  ni  enfin  en  Irlande,  n'impliquait 
pas  d'une  façon  absolument  certaine  l'abandon  des  mers  d'Eu- 
rope. Villeneuve  aurait  pu,  en  effet,  avoir  l'ordre  de  croiser 
très  au  large  de  Brest,  comme  il  avait  été  ordonné  par  le  plan 
du  25  mai  1804,  pour  être  à  même,  soit  de  fondre  inopinément 
sur  une  des  escadres  de  blocus,  soit  d'entrer  dans  la  Manche. 
Dans  de  telles  conditions,  le  départ  de  Nelson  pour  l'Amé- 
rique le  mettait  forcément  hors  de  cause.  Si,  au  contraire, 
Villeneuve  avait  réellement  pour  objectif  la  prise  d'une  des 
colonies  des  Indes  Occidentales,  il  y  avait  tout  lieu  de  penser 
que  le  mal  était  déjà  fait,  et  cela  sans  remède.  En  outre,  l'es- 
cadre anglaise,  forte  de  10  vaisseaux,  allait  se  trouver  loin  de 
tout  secours  en  présence  d'une  force  double.  Dans  ces  condi- 
tions, il  semble  que  la  première  idée  de  Nelson  d'aller  croiser 
à  50  lieues  à  l'ouest  des  îles  Scilly  était  la  meilleure,  et  puis- 


LA  SORTIE  DE  LA  MEDITERRANEE.  497 

qu'il  a  eu  cette  intention,  on  doit  rechercher  à  quelles  in- 
fluences il  céda  en  y  renonçant. 

On  ne  sait  pas  au  juste  quelle  fut  la  nature  de  la  commu- 
nication faite  le  10  mai  à  Nelson  par  le  contre-amiral  Camp- 
bell ;  mais,  à  n'en  pas  douter,  ce  dernier  eut  une  influence 
décisive  et  avouée,  car,  peu  de  temps  après,  il  fut  privé  de  son 
commandement  dans  la  marine  portugaise,  sur  la  demande 
formelle  de  Fambassadeur  français. 

Sans  que  ce  qui  va  suivre  prouve  aucunement  que  Nelson, 
en  partant  pour  les  Antilles,  exécuta  un  ordre  reçu,  on  va 
voir  qu'il  ne  fit  en  somme  que  se  conformer  aux  intentions 
de  son  gouvernement. 

Une  lettre  du  mystérieux  «  ami  »  (1)  datée  du  1*^  mars  1805 
bien  que  paraissant  n'être  parvenue  à  Dresde  qu'assez  tard  (2), 
permet  de  croire  que,    depuis    un   certain   temps  déjà,  les 
Anglais    étaient  au    courant  d'uu    projet    d'expédition   aux 
Antilles. 

L'Angleterre  saura  dans  huit  joui-s  le  prtVis  de  ce  que  je  vous  dis  là,  mais 
sans  aucun  détail  qui  puisse  la  conduire  à  «  Tami  »  ;  je  ne  m'y  fierai  jamais, 
ni  à  elle,  ni  à  d'autres;  mais  elle  ajoute  une  foi  entière  à  ces  sources,  à  Paris; 
elle  s'en  est  trop  bien  trouvt^e  pour  ne  pas  le  faire.  La  malheureuse  Espagne  a 
été  réduite  à  confier  ses  marins  à  Gravina,  malgré  les  avis  redoublés  d'Heras, 
qui  les  tirait  de  bons  lieux,  assurément,  et,  dès  lors,  elle  est  dans  un  péril 
hors  de  toute  mesure.  Gravina,  habile  et  brave,  mais  cupide  et  ardent,  n'est 
pas  naturellement  un  Espagnol  :  il  est  i\  Bonaparte  d'une  manière  indissoluble  ; 
il  suivra  ses  instructions,  et  elles  sont  extravagantes;  la  rage  seule  les  a  dictées 
et  la  négligence  la  plus  coupable  en  Angleterre  peut  seule  y  donner  du  succès. 
Dans  cette  position,  tout  à  fait  changée  de  ce  qu'elle  devait  être,  le  successeur 
de  Latour  n'a  rien  eu  de  plus  pressé  que  d'avertir,  de  sorte  que  cette  guerre, 
par  ce  seul  fait,  devient  une  guerre  acérée  où  l'Espagne,  faisant  tout  le  mal 
qu'elle  pourra  faire,  doit  s'attendre  à  être  traitée  impitoyablement;  si  elle  a 
des  succès,  ils  seront  courts,  et  sa  ruine  nous  parait  à  pi*ésent  inévitable. 

Si  la  flotte  de  Toulon  peut  sortir,  elle  ira  s'unir  à  Gravina  qui,  en  aucun  cas, 
ne  doit  entrer  dans  le  détroit.  Si  celle  de  Rochefort  peut  sortir,  elle  se  réunira 
à  Gravina.  Celle  de  Toulon  avec  4,000  hommes  de  débarquement,  Gravina  avec 
3,000,  doivent  se  porter  aux  Indes  occidentales  et  attaquer  la  Jamaïque. 

C'est  l'ordre  de  Bonaparte;  elles  ne  le  feront  pas,  car  il  y  a  14,000  hommes 
en  état  de  défense  dans  cette  île,  et  nous  ne  les  croyons  pas  assez  fous  pour 
courir  des  dangers  si  extrêmes  ;  mais  ils  iront  ravager  les  Antilles  et  les  ran- 
çonner, et  finiront  par  se  porter  à  la  Martinique  dès  que  les  Anglais  seront  en 


(1)  Communiqaée  par  M.  Pingaud. 

(t)  Le  22  mai.  A  Dresde  résidait  d'Ântraigues,  correspondant  de  1'  «  ami  ». 
IV.  32 


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498  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  VI. 

mesure  de  les  battre;  mais  aussi,  dès  lors,  la  vengeance  sera  implacable,  et, 
si  TAngleterre  ne  s'abuse,  la  clef  du  Mexique  est  dans  sa  main  ;  ce  sera  une 
ruine  totale  pour  l'Espagne. 

En  outre,  une  lettre  de  Paris,  datée  du  23  avril  (1),  et  reçue 
sûrement  celle-là,  s'exprime  ainsi  : 

L'escadre  de  Brest  se  prépare  i\  partir,   elle  a  18,000  hommes  à   bord, 
Tamiral  a  900,0Û0  francs  en  caisse. ....  4  vaisseaux  et  4  frégates,  commandés 

par  Magon,  se  préparent  à  Rochefort  et  sont  destinés  à  Sainte-Hélène On 

ne  sait  pat  positivement  la  destination  de  V escadre  de  Toulon  qtU  est  ressortie 
de  Cadix^  on  s'accorde  après  à  l'envoyer  aux  Antilles  (en  français  dans  la 
lettre  de  Gardner) 

.D'autre  part,  le  Moning  Chronicle  du  9  mai  disait  : 


Ij.  De  toutes  les  conjecttm's  qui  ont  été  formées  sur  la  destination  de  U  flotte 

H  de  Toulon,  celle  qui  a  fait  le  plus  d'impression  et  causé  le  plus  d'inquiétudes 

;|  est  que  cette  flotte,  après  avoir  dégagé  les  escadres  de  Cadix  et  du  Ferrol  et 

balayé  tous  les  blocus,  pourrait  se  joindre  à  la  flotte  de  Brest  pour  Tenir  ensuite 
occuper  le  Canal  (la  Manche),  tandis  que  la  flottille  de  Boulogne  amènerait  en 

Angleterre  une  armée  de  iOO,000  hommes Pendant  les  huit  jours  qui 

,  Il  viennent  de  s'écouler,  personne  n'a  dormi  tranquille.  Qu'on  juge  de  la  situa- 

tion où  les  Ministres  nous  ont  mis,  puisqu'ils  nous  ont  réduits  à  désirer  que 
les  Français  se  contentent  d'aller  conquérir  nos  possessions  coloniales  et  raTager 
nos  établissements  (2). 


j  On  doit  en  conclure  qu'avant  le  9  mai,  c'est-à-dire  avant 

i  ^  que  Nelson  sut  positivement  le  départ  de  Villeneuve  pour  les 

Antilles,  on  connaissait  à  Londres  la  destination  de  l'armée 

combinée. 
D'autres  lettres,  celles-là  postérieures  à  la  résolution  prise 

par  Nelson,  indiquent  que  cette  croyance  était  générale   à 
i  Londres. 


(I)  Transmise  à  Nelson  par  Gardner,  le  19  mai  (fteoord  ofBcs,  ChanMl  llMi)  i 

A  bord  de  VBibemia,  sous  Ouessant. 

......  J^igoate  une  copie  de  reoseignemeots  privés  venus  de  Paris,  relativement  à  la 

flotte  française  de  Brest,  forte  de  tl  vaisseaux,  et  que  J'ai  tout  lieu  de  croire  toute  prâte  k 
profiter  de  la  première  occasion  pour  appai*eiller.  Je  TobscrTO  avec  18  taisseaax.  fllr 
Robert  Calder  est  devant  le  Ferrol  avec  6  vaisseaux;  il  en  bloque  13.  Lord  Collingwood 
est  prêt  à  partir  de  Cawsand  avec  8  ou  9  vaisseaux  approvisionnés  pour  une  campagne 
lointaine 

(?)  Voir  ci-dessous  :  Lettre  de  Decrès  du  l*!*  juin. 


LA  SORTIE  DE  LA  MBDITERRANBB.  499 

«  On  croit  ici,  écrit  Lord  Radstock  le  21  mai(l),  que  la 
flotte  combinée  est  partie  de  Cadix  pour  les  Indes  occidentales. 

Cela  est  fort  probable »  Le  13  mai  déjà,  il  disait  :  «  Je 

«  crains  fort  pour  Nelson  ;  la  clameur  populaire  s'élève  contre 
«  lui,  et,  si  nous  perdons  la  Jamaïque,  ce  sera  assez  pour 
«  faire  oublier  tous  les  services  qu'il  a  rendus ....  » 

On  va  voir  Tinfluence  de  ces  renseignements  et  de  l'opinion 
générale  sur  les  décisions  prises  par  le  gouvernement  anglais. 

La  nouvelle  du  passage  de  Villeneuve  à  Gibraltar  déter- 
mina l'Amirauté  à  adresser,  dès  le  25  avril,  l'ordre  suivant  «  à 
r officier  le  plus  ancien  présent  à  Gibraltar  (2)  ». 

L'ennemi  ayant  passé  le  détroit  le  9  courant,  vous  étos  invité,  au  cas  où  tous 
apprendriez  que  lord  Nelson  n'est  pas  à  la  poursuite  de  Tennemi  ou  n\i  pas 
envoyé  après  lui  une  force  égale  à  la  sienne,  à  prescrire  aux  commandants  des 
vaisseaux  Quecn  et  Dragon  (3)  de  se  porter  en  toute  hâte  à  la  Barbade  et  de 
se  mettre  sous  les  ordres  de  Tamiral  Cochrane  ou  de  Tofficier  commandant  en 
chef  à  Tépoque  au^  Iles  sous  le  Vent. 

Si  tout  ou  partie  de  Tescadre  de  l'amiral  Nelson  a  suivi  Tennemi,  vous  pres- 
crirei  aux  vaisseaux  Queen  et  Dragon  de  rallier  Tarn  irai  Orde  devant  Cadix  et 
TOUS  ferez  escorter  le  convoi  par  le  Lively  et  une  autre  frégate  jusqu'à  desti- 
nation, et  où  le  général  S.-J  Craig  voudra  se  rendre. 

Un  autre  ordre  du  27,  adressé  à  l'amiral  Collingwood,  lui 
prescrit  ainsi  qu'à  Orde  de  se  rallier  à  Madère  et  de  se  mettre 
à  la  poursuite  de  l'ennemi. 

Mais  le  30,  Gardner,  qui  vient  de  rallier  ces  deux  divisions, 
fait  preuve  d'une  initiative  singulièrement  hardie  (4)  : 

J'ai  reçu  avis  de  l'ordre  du  27  prescrivant  à  Orde  et  Collingwood  de  se 

joindre  à  Madère  et  de  se  mettre  à  la  poursuite  de  l'ennemi Dans  les 

conditions  actuelles.  Je  prends  sur  moi  de  différer  le  départ  de  l'amiral  Col- 
lingwood, jusqu'à  nouvel  ordre,  ou  jusqu'à  nouvel  avis  sur  les  mouvements  de 
l'ennemi. 

Gahdner. 

L'envoi  de  l'escadre  de  Collingwood  aux  Antilles  aurait 
rendu  inutile  le  voyage  de  Nelson.  Aussi,  fidèle  à  sa  tactique 


(1)  Cité  par  Mahan,  page  651. 
(t)  British  Muséum,  vol.  34930. 

(3)  Qui  escortaieiit  le  convoi  de  Craig. 

(4)  Record  office,  Channel  fleet. 


500  TROISIÈME  PARTIR.   —  CHAPITRE  VI. 

de  concentrer  à  l'entrée  de  la  Manche  le  plus  de  forces  pos- 
sibles, dès  qu'il  y  avait  incertitude  sur  les  projets  de  Ten- 
nemi,  TAmirauté  rédigea  le  9  mai  l'ordre  suivant,  appelant 
sous  Ouessant  une  partie  de  l'escadre  de  la  Méditerranée. 

Nous  aTons  appris  qu'une  escadre  française,  forte  de  12  vaisseaux,  7  frégates 
et  2  bricks,  partie  de  Toulon,  a  passé  le  détroit  le  9  avril.  Vous  êtes  invité  à 
laisser  dans  la  Méditerranée,  sous  les  ordres  de  Fofficier  général  le  plus  ancien 
après  TOUS,  le  nombre  de  vaisseaux  et  de  frégates  que  vous  jugerez  nécessaire 

pour  observer  les  ports  de  Toulon  et  de  Carthagène Votre  Seigneurie  se 

portera  devant  Cadix  où  elle  laissera  le  Lively^  VAmphiorij  une  autre  frégate, 
deux  sloops,  a\ec  la  mission  de  suivre  les  progrès  des  armements  qui  se  font 
dans  ce  port  et  de  renseigner  l'officier  commandant  l'escadre  du  Eerrol  et 
l'Amirauté. 

Vous  ne  perdrez  pas  de  temps  pour  gagner  Ouessant  et  vous  mettre  sous  les 
ordres  de  Vomirai  Gardner^  commandant  l'escadre  bleue. 

Si  vous  préférez  garder  votre  commandement  dans  la  Méditerranée,  vous 
êtes  libre  de  le  faire  en  envoyant  à  l'amiral  lord  Gardner  les  navires  qui  ne 
devraient  pas  observer  Toulon,  Carthagène  et  Cadix  (I). 

En  même  temps  un  nouvel  ordre,  daté  du  10,  invitait 
Collingwood  à  se  préparer  pour  l'expédition  des  Antilles, 
mission  déjà  donnée  le  27  et  que  Gardner  avait  pris  sur  lui  de 
suspendre.  Cette  fois  l'amiral  obéit. 

J'ai  envoyé  l'amiral  Collingwood  à  Cawsand  avec  les  vaisseaux  mis  sous  ses 
ordres,  suivant  vos  instructions.  Une  tempête  de  nord-ouest  m'a  éloigné  de 
ma  station Ci-joint  deux  renseignements  : 

i®  Le  12  mai,  Y  Impétueux  a  appris  d'un  brick  danois  que  la  flotte  combinée 
était  allée  à  Lisbonne  ; 

2*»  Le  cutter  Nemrod  a  su  d'une  galiotte  suédoise  qu'on  suppose  la  flotte 
partie  pour  les  Antilles. 

Les  lords  de  l'Amirauté  m'ayant  prescrit,  par  ordre  du  iO  courant,  de 
mettre  aux  ordres  de  l'amiral  Collingwood  10  vaisseaux,  outre  le  Dreadnought, 
pour  se  rendre  à  la  Barbade,  j'ai  prescrit  au  Warrior  de  se  porter  à  Plymouth 
pour  se  mettre  î\  la  disposition  de  l'amiral  Collingwood (2). 

Effectivement,  le  17  mai,  l'amiral  Collingwood  reçoit  à  la 
baie  de  Cawsand,  où  il  est  allé  chercher  ses  approvisionne- 
ments, les  instructions  suivantes  (3)  : 


(1)  British  Muséum.  Nelson 's  paper,  toI.  34930. 

(2)  Lettres  de  l'amiral  Gardner,  12  et  15  juin.  Record  office,  Channel  fleet. 

(3)  British  Muséum^  vol.  34936. 


LA  SORTIE  DE  LA  MÉDITERRANÉE.  SOI 

Vous  vous  porterez  sur  Lisbonne,  vous  rallierez  Tamiral  Knight  et  le  cou- 
vrirez jusqu'au  cap  Saint- Vincent. 

Au  cas  où,  sur  votre  route  pour  Lisbonne  ou  Cadix,  vous  rencontreriez  lord 
Nelson,  vous  vous  rangeriez  sous  ses  ordres,  en  lui  remettant  copie  de  vos 
instructions. 

Si  l'ennemi  est  parti  de  Lisbonne  et  si  la  flotte  combim^e  est  à  Cadix,  vous 
devrez  bloquer  ce  port  avec  14  vaisseaux  de  ligne  et  rallier  le  Dragon  et  le 
Queen. 

Si  vous  apprenez  de  façon  positive  que  Fescadre  combinée  a  fait  route  pour 
les  Antilles  et  que  V amiral  Nelson  fy  a  suivie,  vous  détacherez  de  ce  côté 
assez  de  vos  vaisseaux  pour  que  lord  Nelson  en  ait  42  au  total,  pourvu  que  la 
force  de  Tennemi  ne  dépasse  pas  i8.  Mais  si  cela  arrive,  vous  donnerez  en  sus 

à  lord  Nelson  autant  de  vaisseaux  que  les  alliés  en  ont  au-dessus  de  i8 

Si  lord  Nelson  n'a  pas  suivi  Tennemi  aux  Antilles,  vous  le  poursuivrez  à  la 
Barbade  avec  12  vaisseaux,  si  Tennemi  n'en  a  pas  plus  de  18,  et,  s'il  en  a  plus 
de  18,  vous  en  emmènerez,  en  sus  de  vos  12  premiers,  autant  qu'il  peut  en 
avoir  au  delà  de  18*. 


On  voit  tjue  cette  fois  les  lords  de  TAmirauté  s'étaient  sou- 
venus du  caractère  de  Nelson  et  avaient  prévu  le  cas  où  de 
lui-même  il  serait  parti  à  la  poursuite  de  Tennemi. 

Collingwood  était  déjà  en  route  avec  9  vaisseaux  pour  se 
rendre  à  Lisbonne  quand,  le  5  juin  enfin,  arrivèrent  à  la  fois 
à  Londres  les  lettres  de  Nelson  en  date  des  6,  7  et  9  mai. 
L'Amirauté  y  répondit  le  même  jour  par  une  approbation 
formeUe. 

Les  lords  approuvent  la  décision  que  vous  avez  prise  de  suivre  l'en- 
nemi aux  Antilles  (1). 

De  tout  cela  on  peut  conclure  que  l'idée  d'une  expédition 
franco-espagnole  aux  Antilles  était  familière  aux  amiraux 
anglais  et  répandue  dans  l'opinion  publique.  Si  Nelson  n'était 
pas  allé  à  la  suite  de  Villeneuve,  Collingwood  était  prêt  à  le 
faire  à  peu  près  avec  les  mêmes  forces,  et  l'infériorité  d'un 
tiers  admise  par  les  instructions  du  17  mai  pouvait  être  com- 
pensée par  la  jonction  aux  Antilles  avec  les  six  vaisseaux  de 
Cochrane.  En  même  temps,  était  appliquée  la  consigne  géné- 
rale et  déjà  ancienne  de  rallier  tous  les  détachements  à  l'en- 


(1)  British  Muséum.  Nelson's  papers,  vol.  34950. 


502  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  VI. 

Irée  de  la  Mancho.  C'est  ce  que  fait  de  lui-même  Orde,  c'est  ce 
que  feront  plus  tard  Calder  et  Nelson.  Dans  ces  conditions 
une  diversion,  si  éloignée  qu'elle  soit,  a  peu  de  chances  de 
succès. 


CHAPITRE  VII 


LES  NOUYEAnX  ORDRES  A  VILLENEUVE  (14-27  AVRtt) 


Dès  qu'il  apprit  la  sortie  de  Villeneuve  (1),  TEmpereur  en 
prévint  Ganteaume,  le  pressant  de  partir  à  son  tour. 

Au  vioe^àmirAl  Ganteaume  (3). 

Troyes,  13  germinal  an  xiii  (3  ayril  1805). 

Monsieur  le  Vice- Amiral, 

L*escadre  de  Toulon  a  mis  à  la  voile  le  9  germinal,  composée  de  11  vais- 
seaux, 6  frégates  et  î  bricks;  le  vent  était  nord-ouest;  on  Favait  perdue  de 
vue.  Le  télégraphe  m*a  instruit  de  votre  sortie  k  Bertheaume.  J'espère  que,  si 
vous  êtes  encore  en  rade,  vous  ne  tarderez  pas  à  mettre  &  la  voile.  Le  tout  est 
de  donner,  pour  point  de  ralliement,  des  parages  où  il  n'y  a  point  d'ennemis, 
et  alors  vous  avez  peu  à  craindre  de  sortir  de  nuit,  n'ayant  pas  k  redouter  les 
séparations.  Si  vous  passez  devant  le  premier  point  où  vous  devez  aller,  ne 
faites, que  passer  et  ne  restez  pas  plus  de  douze  heures  en  panne  et  à  tirer  des 
bordées.  J'imagine  que  vous  aurez  expédié  votre  courrier  k  Rochefort;  écrivez-le- 
moi  par  le  retour  de  mon  courrier,  que  vous  dirigerez  sur  Lyon,  et  apprenez- 
moi  que  vous  mettez  à  la  voile.  Dites  au  préfet  maritime  de  donner  au  courrier 
une  dépêche  qui  me  fasse  connaître  la  situation  des  affaires  douze  heures  après 

votre  départ. 

Napoléon. 

Mais,  au  moment  même,  le  commandant  de  Tescadre  de 
Brest  rendait  compte  des  difficultés  que  devait  causer  à  un 
nouvel  appareillage  la  rentrée  en  deçà  du  goulet. 


(1)  Le  3  avril.  Lettre  à  Deerès.  Correspondance  de  Napoléon,  85t0. 
(t)  Corf*e$pcndance  de  Napoléon ^  STbi. 


804  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  VII. 

A  bord  da  Taisseaa  de  Sa  Majesté,  l'Impérial,  en  rade  de  Brest, 
le  13  germinal  an  xin  (3  ayril  1805)  (1). 
Monseigneur, 

Votre  Excellence  a  été  informée  par  ma  dernière  lettre  à  Sa  Majesté  Impé- 
riale, dont  j'ai  eu  Thonneur  de  vous  adresser  copie,  que  Tannée  navale  était 
rentrée  à  Brest,  le  8  (29  mars)  du  courant.  Le  9  (30  mars),  les  vents  étaient 
au  sud-ouest,  et  je  m'attendais  au  coup  de  vent  de  Téquinoxe.  Contre  mon 
attente,  le  10  (31  mars),  les  ii  et  12  (!•'  et  2  avril),  les  vent»  de  la  partie  de 
Touest-nord-ouest  n'ont  pas  été  assez  forts  pour  disperser  l'ennemi,  et  le 
temps,  malgré  la  mauvaise  apparence,  s'est  purgé  par  une  grosse  pluie;  au- 
jourd'hui, les  vents  sont  encore  à  l'ouest-nord-ouest,  très  petit  frais. 

L'armée  anglaise  n'a  pas  cessé  d'être  signalée  sous  Ouessant,  au  nombre  de 
18  vaisseaux. 

Nous  sommes  toujours  en  appareillage,  et  Votre  Excellence  peut  compter 
que  nous  saisirons  pour  sortir  le  premier  moment  favorable. 

Je  suis  avec  respect.  Monseigneur, 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Ganteaume. 

Simultanément  d'autres  ordres  furent  envoyés  pour  presser 
les  préparatifs  au  Ferrol  des  4  vaisseaux  français  et  des  7  vais- 
seaux espagnols.  «  II.  faut  sortir,  écrit  Napoléon  le  4  avril  à 
Decrès,  n'eut-on  qu'un  mois  de  biscuit  (2).  »  Or  les  7  vaisseaux 
espagnols  du  Ferrol  n'avaient  que  dix  jours  de  vivres.  «  Il 
«  faut  qu'ils  en  aient  trente  et  qu'ils  suivent  au  premier  signal 
«  du  contre-amiral  Gourdon,  sans  quoi  on  manque  le  projet 
«  de  campagne  (3) .  »  Ganteaume  est  prévenu  qu'il  trou- 
vera au  Ferrol  H  vaisseaux  prêts  à  le  suivre.  «  L'essentiel, 
ajoute  l'Empereur,  est  de  ne  pas  perdre  de  temps  devant  le 
Ferrol  (4).  »  En  outre,  en  raison  de  la  pénurie  des  vivres  où 
sont  les  Espagnols,  la  flotte  de  Brest  doit  leur  en  fournir. 

Le  Ministre  de  la  marine  à  l'amiral  Ganteaume  (5). 

Paiis,  le  18  germinal  an  xiii  (8  avril  1305). 
Monsieur  rAmirul, 

Je  rerois  votre  lettre  du  13,  par  laquelle  vous  m'informez  des  temps  qui  ont 


(1)  Archives  de  la  MaHne,  BB'v,  124. 
(î)  Correspondance  de  Napoléon,  8527. 

(3)  Correspondance  de  Napoléon  à  Laccpède,   7  avril,  8543. 

(4)  CotTespondaiice  de  Napoléon  à  Ganteaume,  7  avril,  854 î. 
(o)  Archives  de  la  Marine,  BB»^,  124. 


LES  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  SOS 

succédé  à  Totre  rentrée,  de  la  présence  et  du  nombre  des  ennemis  en  croisière 
et  de  Tos  dispositions  à  saisir  le  premier  moment  favorable  pour  appareiller. 
Je  Tois,  par  une  lettre  particulière  que  tous  m^avez  adressée,  que  les  flûtes  qui 
étaient  restées  en  arrière  seront  réunies  sous  deux  jours  k  Tescadre.  Vous 
observez  que  les  240,000  rations  qu'elles  ont  à  bord  tous  paraissent  suffi- 
santes. Cette  quantité  pourrait  suffire,  en  effet,  si  vous  n'aviez  que  quatre 
vaisseaux  à  pourvoir,  mais  je  dois  vous  informer  que  l'intention  de  l'Empereur 
est  que  tout  ce  qu'il  y  a  de  vaisseaux  alliés  prêts  à  prendre  la  mer  se  joignent 
à  vous;  car  je  sais  qu'il  y  a  au  Ferrol  7  vaisseaux  et  2  frégates  qui  ont  peu  ou 
point  de  biscuits,  et  auxquels  je  viens  d'expédier  l'avis  qu'ils  devront  se 
joindre  à  vous,  n'eussent-ils  qu'un  mois  seulement  de  biscuit  ou  farines, 
attendu  que  vous  leur  en  fournirez  du  supplément. 

Je  pense  donc  qu'il  est  nécessaire  que  vous  preniez  un  grand  approvisionne- 
ment, et  peut-être  les  300,000  rations  que  j'avais  commandées  sont-elles  au- 
dessous  du  besoin.  Les  240,000  rations  que  vous  avez  sur  les  flûtes  donneront 
deux  mois  environ  à  la  division  du  Ferrol.  Par  les  états  que  le  contre-amiral 
Gourdon  m'a  envoyés,  il  compte  qae  cette  division  a  au  moins  deux  mois  de 
biscuit  et  quatre  ou  cinq  en  toute  autre  denrée;  ainsi,  moyennant  ce  que 
portent  vos  flûtes,  elle  aura  au  moins  quatre  mois  de  viyres.  Dans  cet  état  de 
choses,  je  crois  que  les  240,000  rations  complètes  que  vous  embarquez  suf- 
fisent, mais  qu'il  faut  embarquer  sur  le  Vuicain  tout  ce  que  l'on  pourra  de 
biscuit  et  de  farines,  sans  autres  denrées  faisant  ordinairement  partie  de 
rations.  Ainsi,  en  se  bornant  aux  240,000  rations  embarquées,  le  port  peut 
fournir  378,000  rations  de  biscuit  ou  farine  et  le  Vuicain  peut  les  prendre  ; 
il  faut  les  embarquer  et,  h  défaut  de  cette  quantité,  en  approcher  autant  qu'il 
sera  possible. 

Vous  voyez  de  quel  effet  seraient  les  378,000  rations. 

En  calculant  le  vaisseau  espagnol  à  600  hommes  d'équipage,  elles  font  aux 
sept  vaisseaux  de  cette  nation  un  approvisionnement  de  trois  mois  ;  mais 
comme  elles  encombreront  plus  de  350  tonneaux,  je  ne  sais  si  le  bateau 
pourra  les  prendre.  Il  est  bien  entendu  toutefois  que  ces  approvisionnements 
ne  vous  retiendront  point,  car  Sa  Majesté  approuve  toute  l'impatience  que 
vous  avez  d'appareiller  et  elle  y  apprendra  l'événement  avec  une  satisfaction 
toute  particulière. 

Recevez  l'assurance  de  mon  inviolable  attiichement. 

Degrés. 

De  fait,  à  ce  moment,  les  H  vaisseaux  du  Ferrol  sont  prêts. 

Le  contre^ amiral  Gourdon,  officier  de  là  Légion  d'honneur,  comman- 
dant les  forces  navales  de  Sa  Majesté,  au  Ferrol,  à  Son  Excellence 
le  Ministre  de  la  marine  et  des  colonies  (1). 

20  germinal,  an  xiu  (10  avril  1805). 
Monseigneur, 

Les  vaisseaux  le  Héros  et  V Argonaute  sont  absolument  prêts  à  prendre  la 
(1)  Archives  de  la  Marine,  BBit,  n9. 


KOG  TROISIÂMB  PARTIB.  —  CHAPITRE  VU. 

mer  et  ont  troU  mois  de  biscuit  à  bord,  arec  à  peu  près  lix  mot!  dans  toutes 
les  autres  parties. 

Le  Duguay-Trouin  Tient  de  recevoir  la  moitié  de  ses  manœuvres  courantes, 
et  il  faut  encore  quelques  jours  pour  faire  ce  qui  lai  manque;  cependant,  il 
mettrait  à  la  Toile  dans  cet  état,  si  la  circonstance  qui  doit  nous  y  fiiire  mettre 
se  présentait. 

Les  voiles  du  Fougueux  seront  unies  cette  semaine  ;  toutes  ses  manœuvres 
sont  à  faire.  J*ai  fait  des  efforts  pour  les  obtenir  de  Farsenal,  cela  a  été  impos- 
sible, de  sorte  qu'il  faut  nécessairement  que  celles  du  Duguay-Trouin  soient 
finies  pour  qu'on  fasse  les  siennes.  Je  ferai  néanmoins  tout  ce  que  je  pourrai 
pour  que  re  travail  soit  promptement  terminé  et,  comme  le  port  a  reçu  hier 
une  partie  du  chanvre,  je  vais  renouveler  mes  instances,  auprès  du  capitaine 
général,  pour  qu'on  fasse  un  sacrifice  en  ma  faveur;  il  se  fait  pour  nous 
à  peu  près  ^  quintaux  de  biscuit  par  jour,  de  sorte  que  j'espère  que  les  quatre 
vaisseaux  seront  avant  peu  à  trois  mois,  puisque  deux  y  sont  déjà,  et  que  les 
deux  autres  ont  à  peu  près  10  jours. 

Votre  Excellence  est  instruite  que  les  515  hommes  du  79*  régiment  qui 
nous  arrivent  ne  seront  ici  que  le  5  floréal. 

Lei  Espagnols  ont  sept  vaisseaux  matériellement  prêts;  ils  fabriquent  du 
biscuit,  mais  ils  n'en  ont  point  encore  embarqué  ;  je  crois  cependant  qu'ils 
tarderont  peu  à  en  avoir  assez  pour  être  prêts  à  sortir. 

Je  vous  rendrai  compte,  par  le  premier  courrier,  de  leur  véritable  situation 
h  cet  égard. 

Ils  ont  de  très  faibles  équipages,  composés  de  plus  des  deux  tiers  d'hommes 
qui  n'ont  point  navigué. 

Vescadre  bloquante  est  toujours  de  sept  à  huit  vaisseaux,  une  frégate  et 
quelques  corvettes;  quoique  depuis  longtemps  on  annonce  d'autres  forces, 
nous  n'avons  encore  vu  que  cela. 

J'ai  l'honneur  d'être  de  Votre  Excellence,  Monseigneur, 
le  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

GOURDON. 


Le  Wc6-am/ra/  Grandetlaha  au  contre -am/ra/  Gourdon  (i). 

J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  écrite  et  les  difl'érentes  questions  qu'elle 
renferme,  et  je  ne  vois  aucun  inconvénient  à  y  répondre. 

Vous  trouverez  ci-joint  l'état  de  situation  qu'il  vous  est  prescrit  d'envoyer  à 
votre  gouvernement.  Je  sens  comme  vous  toute  l'importance  qu'il  y  a  à  ce  que 
les  vaisseaux  espagnols  sortent  on  même  temps  que  vous,  et  dans  le  plus 
grand  nombre  possible,  et  Sa  Majesté  m'en  a  déjà  donné  l'ordre  assez  précis, 
pour  que  je  l'exécute  sans  retard. 

En  raison  de  cet  ordre,  j'ai  disposé  cinq  vaisseaux,  le  Prince,  le  Neptune, 
le  Monarque,  le  Saint-A  ugustin  et  le  Saint-Fulgence,  avec  un  mois  de  pain, 
et  en  outre  trois  mois  dans  les  autres  articles  pour  les  équipages  complets  ;  de 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB"^,  îto. 


LES  NOUVBAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  807 

sorte  que  nous  sommes  prêts  à  mettre  à  la  voile,  aussitôt  que  le  moment  se 
présentera,  sans  le  moindre  retard. 

Si  le  séjour  ici  nous  donne  du  temps  pour  avoir  plus  de  pAin,  j*augmenterai 
le  nombre  de  vaisseaux,  conformément  aux  ordres  de  Sa  Majesté. 

Il  est  constant  que  vous  m'avox  offert  les  paquets  cachetés  pour  point  de  réu- 
nion et  instructions.  Je  les  recevrai  aussitôt  que  vous  me  les  remettrez.  Il  est 
bien  entendu  que,  s'il  est  possible,  il  faudra  augmenter  le  nombre  de  jours  de 
vivres  à  bord  de  chaque  vaisseau,  dans  le  cas  où  notre  sortie  retarderait. 

Pour  le  reste,  J^apprécie  la  confiance  que  vous  me  manifcstei  de  la  part  de 
Sa  Majesté,  et  Tassuranoe  que  vous  lui  donnez  de  mon  zèle  pour  le  servioe  do 
mon  auguste  souverain,  aux  ordres  duquel  je.  suis  prêt  à  obéir. 

Votre  très  humble  serviteur. 

Grandrllana. 


Bien  qu'au  1 1  avril  Napoléon  n'ait  encore  reçu  aucune  nou- 
velle de  Villeneuve  ni  de  Nelson,  il  a  fait,  sur  les  mouvements 
de  ce  dernier,  une  supposition  que  les  événements  ont  confir- 
mée. «  Je  calcule,  écrit-il  en  effet  le  7  avril,  à  Decrès  (1),  que 
Nelson,  par  le  temps  qu'il  a  fait,  a  dû  retourner  à  la  Maddalena 
ou  dans  quelque  port  de  Sardaigne,  à  raison  des  vents  d'est 
qui  ont  régné  quelques  jours  avant  le  départ  de  Tescadre.  »  Il 
ne  semble  pas  qu'il  ait  été  prévenu  avant  le  24  avril  du  pas- 
sage de  Villeneuve  devant  Carthagène  (2)  le  11  ;  en  tous  cas 
il  ne  savait  encore  rien  lorsque,  prévoyant  que  Ganteaume  ne 
bougerait  pas  de  Brest,  il  conmiença  à  préparer  un  nouveau 
plan  d'c^érations. 

Au  vice- amiral  Decrès  (3). 

Lyon,  le  Tl  germinal  an  xm  (II  avril  1805). 
Monsieur, 

Vous  voye«  qu'à  Cadix,  le  4  ventôse  (24  février),  les  Espagnols  avaient 
6  vaisseaux.  Il  est  impossible  que  mon  escadre  arrive  devant  Cadix  avant  le 
i^'  floréal  (2i  avril)  (i). 

Je  suis  donc  fondé  à  penser  que  Tamiral  Gravina  partira  avec  au  moins 
8  vaisseaux  ;  ce  qui  complétera  mon  escadre  de  Toulon  à  20  vaisseaux,  et,  si 
Je  faisais  partir  les  2  vaisseaux  de  Roohefort  (8),  j*auraii  22  vaisseaux. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon^  8540. 
(t)  Voir  ci-dessus. 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  85ô8. 

(4)  Elle  y  est  arrivée  le  9  avril. 

(5)  De  Tamiral  Magon  :  VAlgésiras  et  V Achille. 


608  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  VII. 

Ayant  toujours  mon  escadre  de  Brest  en  appareillage,  comme  elle  est 
aujourd'hui,  les  Anglais  seront  obligés  d'avoir  toujours  20  vaisseaux  devant 
Brest.  Le  retour  de  Missiessy  les  obligera  à  avoir  une  escadre  devant  Roche- 
fort;  maiSy  s'ils  le  méprisent,  je  le  ferai  partir  avant  la  fin  de  prairial 
{i9  juin)  pour  une  croisière  qui  obligera  Fennemi  à  le  suivre.  L'ennemi  sera 
obligé  aussi  d'avoir  une  escadre  au  Ferrol,  parce  que  j'y  tiendrai  9,000  Espa- 
gnols embarqués  et  toujours  en  appareillage. 

Dans  cette  situation  de  choses,  mes  22  vaisseaux  de  Villeneuve  pourraient 
doubler  V Irlande  et  se  présenter  devant  Dunkergue  et  Boulogne.  Les  mers 
deviendront  bonnes,  puisque  nous  serons  au  mois  de  juillet.  Mon  opinion  serait 
donc  que  vous  teniez  vos  instructions  prêtes;  que  vous  en  envoyiez  la  minute, 
pour  que  je  la  signe,  afin  que  les  2  vaisseaux  de  Magon,  d'ici  à  quinze  jours, 
quand  nous  perdrons  l'espoir  de  faire  sortir  Ganteaume,  puissent  porter  de  nou- 
veaux ordres  à  Villeneuve.  Faites-moi  connaître  si  j'ai  prévu  que  les  troupes 
espagnoles  doivent  être  débarquées.  Envoyez  une  lettre;  Ganteaume  la  fera 
porter  à  Gravina  par  la  croisière  :  que  Ganteaume  a  dû  lui  faire  connaître 
l'immense  projet;  qu'il  doit  débarquera  la  Martinique  et  à  la  Guadeloupe,  oii 
nous  en  aurons  soin;  que  je  compte  qu'il  secondera,  avec  ses  iO  ou  12  vais- 
seaux, les  efforts  de  ces  escadres,  qu'il  trouvera  sur  les  c^tes,  et  qu'à  l'heure 
où  il  lira  cette  lettre  si  la  jonction  est  opérée,  les  deux  nations  auront  vengé 
les  insultes  qu'elles  ont  reçues  de  ces  fiers  Anglais  depuis  tant  de  siècles.  Mais, 
tout  en  prenant  ces  précautions,  je  ne  doute  point  que  Ganteaume  ne  parte  ;  il 
est  en  trop  bonne  disposition.  Envoyez  des  ordres  à  Rochefort  pour  cpi'on 
mette  150,000  rations  sur  une  bonne  flûte,  que  Magon  mènera  avec  lui. 

Faites  à  tout  hasard  partir  de  Bordeaux  quelques  bateaux  chargés  de  quel- 
ques milliers  de  sacs  de  farine,  qui  se  dirigeront  en  droite  ligne  sur  la  Marti- 
nique, et,  si  vous  croyez  avoir  plus  de  sûreté  avec  des  neutres,  faites  embar- 
quer sur  des  neutres.  Faites  aussi  fréter  à  Bordeaux,  en  grand  secret  et  de 
manière  que  tout  le  monde  le  sache,  et  passez  marché  avec  des  neutres  pour 
envoyer  des  farines  à  l'Ile  de  France;  ce  sont  des  choses  que  les  espions 
ennemis  ne  manquent  pas  de  faire  beaucoup  valoir  et  qui  font  toujours  leur 

efl'et. 

Napoléon. 

Au  Wce-amira/  Ganteaume  (i). 

LyoD,  21  germinal  an  xm  (1 1  avril  1805). 
Monsieur  l'Amiral, 

Je  n'ai  point  de  nouvelles  de  mon  escadre  de  Toulon  qui,  cependant,  est 
dehors  depuis  le  7.  Un  courrier  que  je  reçois  de  Cadix,  en  date  du  8  germinal, 
me  porte  la  nouvelle  que  l'amiral  Gravina  est  prêt  à  partir  pour  se  joindre  à 
l'escadre  française  avec  8  vaisseaux  et  2  frégates,  ce  qui  portera  l'escadre  du 
vice-amiral  Villeneuve  à  20  vaisseaux.  Vous  trouverez  au  Ferrol  8  vaisseaux 
espagnols  et  4  français;  j'espère  donc  que  vous  partirez  du  point  de  rendez- 
vous  avec  plus  de  50  vaisseaux.  Portez  avec  vous  le  plus  de  biscuit  que  vous 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8570. 


LES  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  809 

pourrez.  Si  les  irents  ne  vous  ont  pas  encore  permis  de  sortir,  en  tous  tenant 

prêt  à  profiter  de  la  première  occasion,  elle  ne  tardera  pas  à  se  présenter. 

Vous  tenez  dam  vos  mains  les  destinées  du  monde. 

Napoléon. 

Ce  projet  de  faire  revenir  Villeneuve  par  le  nord  de  Tir- 
lande  ne  dure  pas  deux  jours.  Dès  le  13  est  étabU  un  nouveau 
plan  impliquant  la  marche  vers  le  Ferrol,  puis  le  déblocus  de 
Brest  (1). 

Au  général  Lauriston. 

Lyon,  33  genninal  an  xiii  (13  avri]  1805). 
Monsieur  le  Général, 

Il  y  a  quinze  jours  que  vous  êtes  parti.  Je  ne  sais  pas  si  vous  aurez  passé 
devant  Cadix,  mais  un  courrier  que  fen  reçois  m'apprend  que  voiis  aurez  dû  y 
trouver,  indépendamment  des  vaisseaux  français,  6  bons  vaisseaux  espagnols. 
Je  viens  d'apprendre,  par  les  journaux  anglais,  la  prise  de  la  Dominique. 
J'éprouve  cependant  une  petite  contrariété,  c'est  que  V amiral  Ganteaume,  her- 
métiquement bloqué  et  contrarié  par  des  calmes  constants,  n'a  pu  encore  sortir; 
il  ne  communique  plus  depuis  huit  jours  avec  la  terre.  J\ii  peine  à  croire  qu'il 
ne  fausse  pas  dans  ces  huit  jours  un  coup  de  vent,  puisque  nous  ne  sommes  pas 
encore  au  15  avril.  Cependant,  s'il  en  était  autrement,  et  si,  d'ici  au  \Omai, 
il  ne  pouvait  partir,  je  me  trouverais  contraint  de  le  retenir.  J'en  ferais  pré- 
venir l'amiral  Villeneuve  par  deux  frégates  que  je  lui  expédierais,  et  j'ordonne 
que  tous  les  huit  jours  on  lui  expédie  un  brick.  Aujourd'hui,  tant  pour  aug- 
menter votre  escadre,,  que  prévoyant  le  cas  où  vous  seriez  arrêté  en  chemin  et 
que  vous  n'arriveriez  pas  à  la  Martinique,  je  fais  partir  le  général  Magon  avec 
t  vaisseaux  et  800  hommes;  et  si,  un  mois  après  l'arrivée  du  général  Magon, 
vous  n'avez  reçu  aucune  des  frégates  que  je  vous  aurai  expédiées,  et  que  l'amiral 
jugeât  à  propos  et  prudent  de  retourner  en  Europe,  mon  intention  est  que  vous 
opériez  votre  retour  sur  le  Feirol;  vous  y  trouverez  15  vaisseaux  français  et 
espagnols  tout  prêts.  Avec  ces  35  vaisseaux  vous  vous  présenterez  devant  Brest, 
oii  Ganteaume  vous  joindra  avec  21,  e/,  avec  cette  force  de  plus  de  50  vaisseaux, 
vous  vous  présenterez  dans  la  Manche  et  me  trouverez  à  Boulogne.  En  atten- 
dant, illustrez  votre  expédition;  prenez  Sainte-Lucie  si  elle  ne  l'est  pas,  ou  une 
autre  île,  si  Sainte-Lucie  est  à  nous.  Laissez  dans  ces  lies  les  troupes  que  vous 
y  jugerez  nécessaires.  Que  vous  y  laissiez  le  général  Reille,  il  n'y  aura  pas 
d'inconvénient;  il  me  suffit  que  vous  vous  en  reveniez  de  votre  personne.  Vous 
vous  ferez  débarquer  devant  Boulogne,  où  vous  me  trouverez  (2). 

Napoléon. 

(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8577. 

(t)  11  est  curieux  de  comparer  les  projets  réellement  formés  avec  ce  qu'en  dit  l'Empereur 
à  un  homme  du  rang  et  de  la  situation  de  Cambacérès  : 

A  M.  Cambacérès. 
Mon  cousin,  Lyon,  23  germinal  an  xm  (13  avril  1805). 

Par  toutes  les  nouvelles  que  je  reçois  de  Londres,  il  me  parait  que  les  Anglais  sont  très 


510  TROISIÈMB  PARTIE.   —  CHAPITRB  VU. 

Au  ¥lce'^amlrtLl  Decrèe  (I). 

LyoQ  13  germinal  an  xni  (13  aTril  1805). 
Monsieur, 

LVscadre  do  rnmiral  Cochnme  étiit  deTîint  Lisbonne  le  4  mare.  Elle  a  dû 
d'abord  aller  au  rap  Vert,  et  perdra  un  joor  pour  enToyer  à  terre  et  prendre 
langue  au  port.  L^amiral  MÎMiessy  est  trop  habile  pour  s'être  laissa  \oir  de  ces 
îles.  Si  donc  Tamiral  anglais  ne  trouve  pas  là  des  renseignements,  il  ira  à 
Madère;  et,  si  h  Madère  il  ne  trouve  point  de  n^nseignements,  il  ira  aux 
Grandes  Indes;  c'est  tout  ce  qu'im  amiral  et  un  officier  général  senst»  doit 
faire  dans  sa  position.  La  saison,  la  circonstance,  tout  indique  que  Tescadre 
de  Missiessy  est  destinée  pour  les  Indes  orientiles.  Si  ramiral  Cochrane  reçoit 
des  renseignements  et  va  à  la  Martinique,  il  doit  d'abord,  s^il  est  sage,  atterrir 
fur  Surinam.  Je  pense  donc  qu'il  n'arrifera  devant  la  Martinique  que  du  1^' 
au  10  avril;  s'il  en  est  autrement,  l'amiral  anglais  ne  sait  pas  son  métier,  car 
une  fois  certain  que  Missiessy  va  en  Amérique,  rien  ne  peut  lui  prouver  que  sa 
destination  n'est  point  pour  Surinam. 

Nous  étions  maîtres  de  l'Ile  au  2î  février;  j'espère  être  maître  de  la  mer 
quarante-C4nq  ou  cinquante  jours. 

L'amiral  Cochrane  n'a  point  de  troupes  à  bord. 

Je  ne  puis  mettre  en  doute  que  les  petits  forts  de  la  boie  du  Prince-Rupert 
ne  soient  soumis. 

Le  général  Lagrange  a  3,000  hommes.  L'amiral  auglais  ne  se  hasardera 
point  à  débarquer  les  troupes  qui  sont  à  la  Barbade  pour  reconquérir  la  Domi- 
nique; il  tittendra  le  secours  de  Londres;  d'ailleurs,  l'île  ne  lui  importe  pas; 
son  affaire  est  de  suivre  l'escadre  française.  Il  ira  à  la  Jamaïque,  et  de  là  à 
Terre-^Neuve,  et  les  Anglais  tiendront  les  mers  de  la  Martinique  avec  deux 
seuls  vaisseaux  et  quelques  frégates.  Les  Anglais  vont  expédier  3,000  à  6,000 
hommes  à  la  Barbado;  ils  n'étaient  point  partis  au  5  avril;  ils  ne  seront  point 
arrivés  avant  le  15  mai;  le  général  Lagrange  ne  sera  point  attaqué  avant  le 


piqués  de  la  prise  des  Iles  de  la  Doniiniqac  et  do  Sainte-Lacie.  Ils  seront  bton  plus 
inquiets  aujourd'hui,  lorsqu'ils  sauront  le  dîpart  de  mon  eseadre  de  Toulon,  sortie  depuis 
quaiorse  Jours  sans  qu'on  en  ait  encore  entendu  parler.  Si  elle  arrive  à  sa  destination,  elle 
pourra  leur  faire  aux  grandes  Indes  un  mal  plus  considérable,  car  j'y  si  des  intelligences 
avec  les  Mabrattes,  et  c'est  aux  officiers  d'artillerie  et  du  génie  que  leur  a  envoyés  le 
général  Decaen  que  sont  dus  les  succès  qu'ils  ont  obtenus  dans  les  derniers  temps. 

Il  parait  que  deux  expéditions,  de  5,000  à  6,000  hommes  chacune,  sont  parties  ofa  se 
préparent  à  partir,  l'une  pour  les  grandes  Indes  et  l'autre  pour  les  Indes  occidentales.  Ce 
no  sont  ni  des  milices,  ni  des  volontaires  qu'on  envoie,  ce  sont  les  meilleures  troupes.  Si 
donc  notre  flottille  reçoit  le  signal,  et  est  favorisée  par  six  heures  de  bon  vent,  de  brume  et 
ûf*  nuit,  les  Anglais,  surpris,  se  trouveront  dégarnis  de  leurs  meilleures  troupes. 

Je  suis  fort  content  dos  Lyonnais.  J'irai  voir  leur  fabrique  aiiyourd'hui.  Demain  J'irai  à 
lu  Cathédrale  entendre  la  grand'messe  de  PAques.  Je  partirai  mardi  pour  Ohambéry. 

Napolbon. 

Correspondance  de  Napoléon,  8578. 
(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8582. 


LB8  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  511 

I*'  Juin;  il  aura  donc  eu  trois  mois  pour  se  préparer  à  la  défense.  Mais  les 
Anglais  attaqueront-ils  au  mois  de  Juin,  au  milieu  de  la  saison  des  fièyres?  je 
ne  le  pense  pas,  ils  n^ont  pas  de  troupes.  Il  parait  qu'ils  envoient  décidément 
5,000  à  6,000  hommes  aux  Grandes  Indes  avec  Comwallis.  Mon  opinion  est 
quMls  enTerront  3,000  hommes  à  lu  Barbade  et  8,000  à  la  Jamaïque,  et  que  le 
gouverneur  général  de  la  Barbade  aura  l'autorisation  de  réattaquer  au  mois 
d'octobre,  s*il  le  Juge  contenable. 

L^amiral  Villeneu\e  est  parti  le  i*'  a\ril;  il  sera  le  15  mai  à  la  Martinique. 
En  cas  de  nécessité,  il  peut  y  débarquer  plus  de  5,000  hommes,  compris  les 
Espagnols;  lia  do  18  à  20  Taisseaux  de  guerre.  L'escadre  anglaise  ne  sera  pas 
forte  de  la  moitié.  Si  Sainte-Lucie  n'est  pas  prise,  il  la  prendra;  et  ces  quatre 
lies  se  trouveront  dans  un  parfait  état  de  défense.  Si  l'amiral  Gantcaume  y 
arriTc,  il  peut  y  débarquer,  si  cela  est  nécessaire,  plus  de  5,000  hommes.  Dans 
cet  état  de  choses,  je  penserais  qu'il  faudrait  faire  partir  le  général  Magon; 
sa  mission  attrait  deux  buts  :  1"  prévenir  P amiral  Villeneuve  qu'au  moment  de 
son  départ  Vamiral  Ganteaume  n'était  point  encore  parti,  mais  était  en  appa^ 
reillage;  î«  renforcer  Vescadre  de  Vamiral  Villeneuve  et  lui  porter  Vordre  d'at- 
taquer une  autre  Ue  anglaise,  sHl  jugeait  en  avoir  le  temps. 

Un  autre  but  qu^aurait  l'envoi  du  général  Magon»  serait  que  si,  par  des  évé- 
nements qui  ne  sont  pas  calculables,  l'amiral  Villeneuve  n'arrivait  pas,  il  put 
jeter  ses  800  hommes  dans  les  Iles  et  même  se  rétablir  maître  de  la  mer  pen- 
dant une  quinzaine  de  jours,  si  les  Anglais  n'y  avaient  qu'un  Taisseau.  Ainsi, 
si  l'on  suppose  que  l'amiral  Villeneuve  doit  arriver  à  la  Martinique,  il  n'y  a 
aucun  inconvénient  à  faire  partir  sur-le-champ  le  général  Mngon.  Si  l'on  sup- 
pose que  l'amiral  Villeneuve  ne  doive  point  arriver,  il  est  nécessaire  de  faire 
partir  le  général  Magon  pour  porter  secours  à  nos  trois  îles,  puisque  des 
secours  y  sont  nécessaires  dès  le  moment  qu'on  a  pris  la  Dominique.  Enûn,  je 
pense  que  let  frégates  la  Didon  et  la  Cybéle  doivent  être  prêtes  à  partir  pour 
porter  300  hommef  de  troupes,  si  l'amiral  Villeneuve  n'arrive  point  à  la  Marti- 
nique, ou  porter  d'autres  instructions  à  l'amiral  Villeneuve,  lorsqu'il  sera 
décidé  que  l'amiral  Ganteaume  ne  part  point,  et  que  nous  aurons,  cependant, 
des  nouvelles  de  nos  flottes  de  Cadix  et  du  nombre  de  vaisseaux  espagnols  qui 
s^y  seront  réunis;  dès  lort,  nous  saurons  ce  que  nous  avons  à  la  Martinique. 

Je  renonce  donc  à  l'expédition  de  la  Perse  ;  j'y  ai  envoyé  deux  ministres  par 
terre.  D'ailleurs,  2  frégates  me  sont  trop  nécessaires,  puisque  l'escadre  de 
Brest  n'en  a  que  5.  Quant  k  la  frégate  le  Président,  il  faut  qu'elle  soit  prête 
aussi.  Si  l'amiral  Villeneuve  est  arrêté  en  chemin  et  n'arrive  point  à  la  Marti- 
nique, cette  Arégate  partira  atec  la  Cybéle  et  la  Didon  pour  porter  150  hommes 
de  plus.  Si,  au  contraire,  l'amiral  Villeneuve  arrive,  et  que  la  C  y  bêle  et  la 
Didon  parient  sans  troupe  et  pour  porter  des  ordres,  la  frégate  le  Président 
serti  en  réaenre  pour  en  porter  après.  J*ai  reçu  beaucoup  de  lettres  d'hommes 
que  j'entretiens  &  Londres  ;  leur  opinion  est  que,  si  j'avais  6,000  hommes  dans 
le  golfe  de  Gambaye,  les  Anglais  seraient  dans  un  péril  imminent. 

Quant  aux  instructions  à  donner  à  l'amiral  Villeneuve  par  les  frégates  la 
Cybéle  et  la  Dicbn,  dans  le  cas  que  l'amiral  Ganteaume  ne  put  pas  partir,  on 
ne  peut  fixer  ses  idées  que  lorsqu'on  saura  de  combien  de  vaisseaux  se  compose 
l'escadre  de  l'amiral  Villeneuve.  Voila  quatorze  jours  qu'elle  est  partie  ;  je  la 
suppose  bien  pr^s  du  détroit.  En  rémmé,   il  faut  aujourd'hui  faire  partir  le 


312  TROISIÈME  PARTIE.    —   CHAPITRE  VII.  " 

contre-amiral  Alagon  le  plus  tôt  possible;  qu'il  porte  800  hommes ,  et  s'il  est 
possible,  sans  que  cela  le  retarde,  il  faut  lui  confier  une  flûte  chargée  de 
vivres,  ne  fut-ce  même  que  de  farine.  Gomme  le  général  Magon  sera  instruit 
de  ce  qui  se  passe  sur  le  théâtre  où  il  va,  il  aura  soin  d*aborder  avec  précau- 
tion dans  la  Guadeloupe  ou  sur  tout  autre  point  que  vous  jugerez  le  plus  con- 
venable, afin  qu'il  puisse  être  informé  de  ce  qui  se  passe.  Donnez  aussi  Tordre 
au  général  Magon  de  faire  remplir  ses  soutes  de  poudre;  il  serait  possible  que 
le  fortUupert  en  coûtât  une  certaine  quantité;  quoiqu'il  soit  probable  que  le 
général  Lagrange  en  aura  trouvé  au  fort  du  Roseau  suffisamment  pour  le 
siège.  Cependant,  cette  précaution  n'est  pas  inutile. 

Quant  aux  lettres  que  le  général  Magon  doit  porter  à  Vamiral  Villeneuve^ 
vous  lui  direz  que  voilà  tant  de  jours  écoulés  depuis  son  départ,  et  que  Gan- 
teaume  n'a  pu  encore  partir;  qu'il  est  sorti  pfusieurs  fois,  qu'il  est  en  très  bon 
état,  et  qu'il  y  a  lieu  d'espérer  qu'au  premier  coup  de  vent  il  sera  dehors;  qu'il 
ne  doit  pas  s'impatienter  ;  il  doit  regarder  ce^  dix-huit  jours  (i)  dans  ses  instruc- 
tions comme  non  avenus,  et  se  concerter  avec  le  général  Lauriston  et  les  diffé- 
rents capitaines  généraux  pour  faire  tout  le  mal  possible  à  l'ennemi  pendant 
le  temps  quil  sera  maître  de  la  mer^  sans  cependant  s'éloigner  assez  pour  que 
l'amiral  Ganteaume,  arrivant,  fut  obligé  d'attendre  longtemps  pour  se  réunir; 
que  je  ne  doute  pas  que  Sainte-Lucie  ne  soit  à  nous. 

Vous  trouverez  ci-joint  une  lettre  adressée  au  Ministre  de  la  guerre;  vous  la 
remettrez  à  celui  qui  est  chargé  d'expédier  les  ordres  au  Ministre  de  la  guerre, 
et  vous  vous  chargerez  d'en  faire  transmettre  le  résultat  à  Rochefort, 

Napoléon. 

24  germinal  an  xiii  (14  avril  1805). 

Comment  arrive-t-il  que  la  Topaze  ne  soit  pas  encore  rendue  à  Rochefort? 
Elle  pourrait  être  très  utile  à  l'escadre  du  contre-amiral  Magon. 

Cette  lettre  est  déjà  bien  longue.  Je  viens  de  traverser  la  ville  de  Lyon  en 
grande  pompe,  pour  aller  voir  les  manufactures,  ce  qui  ne  m'a  pas  empêché  de 
songer  à  nos  affaires.  Cette  idée  m'est  venue,  dont  vous  pouvez  toujours 
instruire  l'amiral  Villeneuve  par  l'amiral  Magon,  en  lui  annonçant  que  3  fré- 
gates et  3  bricks,  prêts  à  partir,  lui  porteront  définitivement  des  nouvelles  de 
l'amirai  Ganteaume  ;  que  si,  cependant,  rien  de  tout  cela  n'arrivait  et  qu'il 
jugeât  son  retour  imminent,  mon  intention  est,  s'il  a  sous  son  commandement 
au  moins  20  vaisseaux  de  ligne,  compris  les  Espagnols,  qu'il  vienne  au  Ferrol, 
où  il  trouvera  certainement  15  vaisseaux  français  et  espagnols;  et, avec  ces 
35  vaisseaux,  qu'il  se  présente  devant  Brest  où,  sans  entrer,  il  sera  joint  par 
l'amiral  Ganteaume  ;  et  avec  les  56  vaisseaux  que  lui  formera  cette  jonction, 
qu'il  entre  dans  le  canal  ;  mais  qu'il  doit  attendre  à  la  Martinique  plus  de 
temps  que  ne  le  portent  ses  instructions,  parce  que  voilà  vingt  jours  qui,  sûre- 
ment, sont  perdus.  Comme  cette  dépêche  est  de  la  plus  grande  importance, 
j*ai  dû  récrire  moi-môme  ;  vous  la  trouverez  ci-jointe.  Faites-là  partir  immé- 
diatement pour  Rochefort. 

Napoléon. 


(1)  (sic)  Les  instructions  portaient  40. 


LES  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  513 

Au  viœ^amiral  Villeneuve  (1). 

Lyon,  ti  germinal  an  xiii  (U  arril  1805). 

Monsieur  le  Vice- Amiral, 

Vous  devez  être  arrivé  à  notre  lie  de  la  Martinique  avec  lî  de  nos  vais- 
seaux et  au  moins  6  vaisseaux  d'Espagne  ;  le  contre-amiral  Magon  vous  en 
amène  2.  Notre  intention  est  que  *t,  trente-cinq  jours  après  Carrivée  du 
contre'amiral  Magon^  vous  n^aviez  aucune  nouvelle  de  Vamiral  Ganteaume, 
que  vous  devrez  supposer  retenu  par  les  circonstances  du  temp<t  et  le  blocus  de 
r ennemi f  vow  opériez  votre  retour  directement,  et  par  le  pltis  court  chemin,  sur 
le  FerroL  Vous  y  trouverez  15  vaisseaux  français  et  espagnols  qui  porteront 
votre  escadre  à  35  vaisseaux.  Avec  cette  force,  vous  vous  présenterez  devant 
Brest,  y  opérerez  votre  jonction  avec  les  îi  vaisseaux  que  commande  C amiral 
Ganteaume,  sans  entrer  dans  le  port,  et,  avec  cette  armée  navale  vous  entrerez 
dans  la  Manche  et  vous  présenterez  devant  Boulogne,  Dans  cette  circonstance, 
notre  intention  est  que  vous  ayez  le  commandement  de  toute  Tarmée  navale. 
Nous  chargeons  notre  ministre  de  vous  développer  en  détail  nos  intentions, 
ainsi  que  de  vous  instruire  de  ce  que  vous  devez  faire  pour  vous  assurer  la 
possession  de  nos  lies  de  la  Martinique,  de  la  Guadeloupe,  de  Sainte- Lucie  et 
de  la  Dominique,  et  pour  y  joindre  encore  d'autres  possessions;  ce  que  vous 
pourrez  d'autant  mieux  exécuter  que  vous  serez  prévenu,  huit  jours  d'avance, 
de  l'arrivée  de  l'amiral  Ganteaume,  si  cet  amiral  vous  joint,  par  un  brick  qu'il 
doit  vous  expédier  et  qui,  selon  toute  probabilité,  doit  gagner  huit  jours  de 
marche  sur  l'escadre.  Vous  vous  concerterez  avec  les  généraux  Lauriston  et 
Lagrange,  tant  sur  ce  que  vous  devez  faire  pendant  le  temps  que  vous  séjour- 
nerez aux  Iles  Sous-le-Vent,  que  sur  le  nombre  de  troupes  que  vous  devez  y 
laisser  pour  la  sûreté  de  nos  nouvelles  possessions.  Des  frégates  partiront  suc- 
cessivement pour  vous  instruire  des  mouvements  de  la  rade  de  Brest.  Nous 
espérons  cependant  que  le  beau  temps  ne  continuera  pas  et  qu'un  coup  de  vent 
mettra  enfin  l'amiral  Ganteaume  h  même  d'appareiller. 

Napoléon. 

L'ordre  du  14  avril,  remanié  à  Paris,  fut  expédié  le  17  ainsi 
qu'une  lettre  adressée  à  l'amiral  Grayina. 

Le  Ministre  de  la  marine  au  vice  ^  ami  rai  Villeneuve  (i). 

Le  t7  germinal  an  xm  (17  avril  1805). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 
L'amiral  Ganteaume  a  vainement  tenté  jusqu'à  ce  jour  de  mettre  sous  voiles 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8583. 
(«)  Archives  de  la  Marine,  BB»t,  130-34. 

IV.  33 


814  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VII. 

pour  remplir  la  mission  qui  devait  vous  réunir  k  lui  ;  trois  fois  il  a  appareillé 
et  trois  fois  il  s'est  trouvé  dans  Talternative  de  rentrer  en  rade  ou  de  livrer 
dans  riroise  un  combat  dont  FEmpereur  lui  avait  défendu  de  courir  les 
chances,  parce  qu  une  victoire  même  n'aurait  fait  que  s'opposer,  par  des  ava- 
ries inévitables,  à  l'exécution  des  désirs  de  Sa  Majesté.  11  n'a  donc  pu  sortir 
encore,  mais  il  est  tellement  prêt  à  profiter  des  premières  circonstances  favo- 
rables, qu'il  est  possible  qu'il  se  joigne  h  vous  à  l'époque  même  où  cette  lettre 
vous  parviendra.  Dans  le  cas  de  cotte  réunion  aux  Antilles,  telle  qu'elle  a  été 
prévue  par  les  instructions  de  l'Empereur,  on  date  du  H  ventôse  an  xiii,  ces 
instructions  sont  maintenues  dans  leur  intégrité  et  cette  dépèche  n'a  rien  i\ 
Vous  prescrire  de  plus  que  c^;  qu'elles  contiennent. 

Mais  j'ai  l'honneur  de  vous  adresser  ci-jointes  de  nouvelles  instructions  de 
Sa  Majesté,  en  date  du  Î4  de  ce  mois,  lesquelles  doivent  vous  diriger  pendant  le 
temps  que  vous  attendrez  V amiral  Oanteaume.  Elles  vous  déterminent  la  durée 
de  cette  attente  et  enfin  vous  commandent  ce  que  vous  aurez  à  faire  si,  à  texpi- 
ration  du  terme  fixé  par  Sa  Majesté,  l'amiral  Ganteaume  rCa  point  paru. 

L'Empereur  m'ayant  ordonné  de  vous  développer  ses  intentions  sur  Popë- 
ration  dont  vous  charge  sa  confiance,  je  vous  informe  qu'il  est  d'une  grande 
importance  que  vous  éUiblissicjï  entre  vous  et  l'amiral  Gravina,  que  je  suppose 
commander  les  forces  espagnoles  réunies  à  votre  escadre,  un  concert  et  une 
harmonie,  qu'il  y  ait  unité  d'esprit  et  d'action  dans  tout  ce  qu'exigera  le  ser- 
vice de  Sa  Majesté. 

Vous  devez  enfin,  conformément  aux  instructions  de  l'Empereur,  vous 
concerter  avec  le  général  Lagrange  et  le  général  Lauriston  pour  tout  ce  que 
votre  supériorité  dans  les  Antilles  permettra  d'entreprendre  pour  nuire  h 
l'ennemi. 

Sans  doute  la  Dominique  est  en  votre  pouvoir;  Sainte-Lucie  doit  y  être 
aussi. 

Aux3,i00  hommes  qu'a  portés  aux  Antilles  l'escadre  du  contre -amiral  Mis- 
siessy  se  joignent  les  3,600  hommes  que  vous-même  y  avez  portés.  J'ai  lieu  de 
croire  que  l'amiral  Gravina  a  enfin  ^,200  soldats  de  débarquement. 

La  volonté  de  l'Empereur  est  que  ces  troupes  soient  employées  à  Vattaque  de 
toutes  autres  lies  anglaises  susceptibles  d'être  enlevées  par  ces  moyens  et  dans  le 
temps  que  Sa  Majesté  met  à  votre  disposition.  Ce  qui  surtout  est  très  impor- 
tant, c  eiit  de  bien  assurer  la  possession  de  la  Martinique,  do  la  Guadeloupe,  de 
la  Dominique  et  de  Sainte-Lucie  par  la  distribution  des  garnisons  et  des 
munitions  qui  sont  nécessaires  à  leurs  défenses. 

J'écris  à  l'amiral  Gravina  pour  le  prévenir  que  l'intention  de  Sa  Majesté  est 
que  si  les  troupes  espagnoles  qu'il  a  à  bord,  et  qui  sont  destinée!  à  un  débar- 
quement, sont  nécessaires  dans  nos  colonies  pour  y  tenir  garnison,  il  devra 
les  y  débarquer  et  les  laisser  à  la  disposition  des  capitaines  généraux  ;  il  est 
rocommandé  à  ceux-ci  de  traiter  les  troupes  espagnoles  comme  troupes 
d'élite. 

I/amiral  Gravina  devra  aussi  débarquer  les  bouches  k  feu  et  munitions 
embarquées  sur  ses  vaisseaux. 

Le  grade  éminent  de  cet  officier  général,  la  loyauté  et  la  dignité  de  son 
cai-actèrc,  exigent  qu'après  avoir  reçu  sa  parole  sur  le  secret  à  garder,  vous 
lui  communiquiez  le  plan,  le  but  et  les  circonstance  de  toute  l'expédition  ; 


LES  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  515 

TOUS  le  préviendrez  que  ce  secret  d'État  n*cst  connu  que  de  lui  seul  ot  que  Sa 
Majesté  compte  sur  tout  son  zèle  pour  concourir,  avec  les  taisseaui  sous  ses 
ordres^  au  succès  de  la  noble  entret)riBe  à  laquelle  l'Empereur  se  platt  à  le 
▼oir  associé. 

Si  r amiral  Ganteaume  vous  rejoint  nitr  Anlilhi,  vous  devrez  être  préparé  à 
le  suivre  immidiatement  avec  les  forces  des  deux  puissances;  mais  si  le  temps 
donné  par  l'Empereur  est  exjnré  sans  qu'il  ait  paru,  vos  im tractions  nouvelles 
vous  tracent  V opération  que  vous  avez  à  faire  jusque  devant  le  Ferrol. 

Je  TOUS  préviens  que  le  contre-amiral  Gourdon  est  averti  qu'il  doit  appa- 
reiller, avec  tous  les  yaisseaux  espagnols  qui  sont  dans  ce  port,  sur  le  signal 
qui  lui  en  sera  fait  par  une  frégate  qui  commencera  par  les  signaux  de  recon- 
naissance du  jour  et  qui,  après  qu'on  lui  aura  répondu,  hissera  un  pavillon 
rouge  à  croix  blanche,  appuyé  d'un  ou  de  plusieurs  coups  de  canon. 

Vous  devez  donc,  en  atterrant  sur  le  Ferrol,  donner  des  ordres  en  consé- 
quence à  la  frégate  que  vous  détacherez  pour  faire  appareiller  l'escadre 
combinée. 

Mais  le  Ferrol  qui,  jusqu'à  présent,  a  été  bloqué  par  0  ou  8  vaisseaux,  le  sera 
probablement  alors  par  un  plus  grand  nombre. 

Je  ne  puis  que  m'en  référer  h  l'habileté  et  à  la  combinaison  de  tos  manœu- 
vres pour  tâcher  de  surprendre  et  détruire  la  croisière  ennemie  sur  ce  point. 

Les  escadres  du  Ferrol  étant  réunies  à  votre  armée,  vous  arriverez  brus- 
quement sur  Brest;  vous  trouverez  probablement  18  à  19  vaisseaux  anglais 
sur  Ouessant;  vous  les  détruirez  autant  qu'Usera  possible;  vous  ferez  seulement 
entrer  une  frégate  à  Brest  pour  prévenir  Vamiral  Ganteaume  de  votre  pré- 
sence j  mais  l'armée  n'y  entrera  pas. 

Cette  frégate,  après  avoir  fait  les  signaux  de  reconnaissance  du  jour,  tirera 
des  coups  de  canon  par  salves,  pour  faire  connaître  que  vous  arrivez. 

U  armée  de  Brest  réitnie  à  la  vôtre  y  et  sous  votre  commandement  général  y 
fera  route  avec  V armée  espagnole  pour  se  rendre  devant  Boulogne;  vous  aurez 
en  attention  de  faire  mettre  à  terre  quelques  courriers  à  Brest  et  sur  la  côte, 
lesquels  devront  porter  vos  dépêches  par  duplicata  h.  Paris  et  à  Boulogne  direc- 
tement, et,  simultanément,  une  frégate  sera  \  Cherbourg  disposée  à  vous  ral- 
lier, et  aura  A  bord  un  officier  qui  vous  donnera  tous  les  renseignements  que 
vous  pourrez  désirer. 

Arrivé  devant  Boulogne ^  vou%  y  trouverez  V Empereur  en  personne,  et  lui- 
même  vous  fera  connaître  ses  intentions  sur  les  opérations  ultérieures  et  l'armée 
navale. 

Du  succès  de  votre  arrivée  devant  Boulogne  dépendent  les  destinées  du  inonde. 

Heureux  Pamiral  qui  aura  eu  la  gloire  d'attacher  son  nom  à  un  événement 
aussi  mémorable. 

Je  vous  réitère.  Monsieur  l'Amiral,  l'assurance  de  mon  sincère  attachement. 

Cette  dépêche  vous  parviendra  par  te  contre-amiral  Magon^  commandant  les 
vaisseaux  l'Algésiras  et  /'Achille,  qui  resteront  à  vos  ordres  et  feront  partie  de 
votre  escadre.  Ces  deux  vaisseaux,  qui  reçoivent  aujourd'hui  l'ordre  de  partir 
sans  délai,  doivent  embarquer  850  hommes  de  troupes,  destinés  à  tenir  gar- 
nison dans  nos  colonies.  Ils  doivent  aussi  embarquer  autant  de  poudre  supplé- 
mentaire que  leurs  soutes  pourront  en  contenir,  et  ce  supplément  de  poudre 
devra  être  débarqué  dans  celle  de  nos  colonies  qui  en  aura  besoin. 


ol6  TROISIÈME  PARTIE.    —   CHAPITRE  VII. 

Le  préfet  de  Rochefort  reçoit  ordre  d'expédier  par  une  flûte,  à  la  suite  du 
contre-amiral  Magon,  un  chargement  d'environ  Ï,<i00  quintaux  de  biscuit  à 
Pusage  de  Tarmée  naTale,  si  elle  en  a  besoin,  et  à  celui  des  colonies,  dans  le 
cas  où  il  ne  serait  pas  nécessaire  à  la  flotte,  mais  je  ne  sais  si  cet  approTision- 
nement  sera  prêt  assez  à  temps  pour  partir  airec  les  deux  yaisseaux;  et,  dans 
ce  cas,  son  arrivée  sera  plus  incertaine. 

Ci-joint  une  lettre  dont  vous  arrêterez  le  cachet  et  que  tous  remettrez  à 
Tamiral  Gravina. 


Le  Ministre  de  la  marine  à  M.  Vamiral  Gravina,  commandant  les  forces 

navales  de  Sa  Majesté  Catholique  (1). 

Paris,  lo  il  germinal  an  xiii  (17  avril  1805). 

Monsieur  l'Amiral, 

La  conférence  que  vous  avez  eue  avec  Tamiral  commandant  les  forces  navales 
de  Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi,  a  dû  vous  faire  connaître  Timmense  projet 
conçu  par  Sa  Majesté. 

La  dignité  de  votre  caractère,  votre  dévouement  au  service  de  votre  souve- 
rain, et  cet  amour  de  la  gloire  qui  vous  distingue,  sont  pour  Sa  Majesté  les 
garants  de  l'ardeur  avec  l.iquelle  \ous  coopérerez  à  l'exécution  de  ses  desseins. 

L'amiral  français  commandant  l'escadre  à  laquelle  est  réunie  celle  que  Sa 
Majesté  Catholique  vous  a  conflée,  a  eu  l'ordre  de  vous  communiquer  le  plan, 
les  détails  et  le  but  de  la  grande  opération  dont  vont  dépendre  les  destinées  du 
monde  ;  et,  si  les  réunions  sur  lesquelles  elle  est  basée  sont  eff'ectuées  à  la 
Martinique  seulement,  il  n'y  a  pas  de  doute  que  celles  qui  doivent  se  succéder 
ne  présentent  plus  que  des  probabilités  de  chances  favorables;  au  moment 
donc  où  vous  lirez  cette  lettre,  vous  devez  présumer  de  la  réunion  des  20  vais- 
seaux au  moins  des  deux  puissances,  que  l'heure  est  venue  où  vont  être  vengés 
les  outrages  commis  par  l'Angleterre  pendant  tant  de  siècles  contre  la  France 
et  l'Espagne. 

Dans  cet  état  de  choses,  il  est  superflu,  Monsieur  l'Amiral,  de  vous  demander 
sur  la  communication  qui  vient  de  vous  être  faite,  un  secret  dont  vous  sentez 
toute  l'importance. 

Quelque  chose  qui  amve,  ce  ne  doit  être  que  par  son  exécution  que  doit 
être  connue  cette  grande  conception  de  l'Empereur,  et  Sa  Majesté  compte  que 
vous  en  resterez  le  dépositaire  inviolable. 

Il  est  recommandé  à  l'amiral  Villeneuve  d'établir  entre  vous  et  lui  un  con- 
cert et  une  harmonie  qui  mettent  entre  les  forces  des  deux  puissances  l'unité 
d'esprit,  de  volonté  et  d'action  qu'exige  le  succès  des  opérations. 

Les  troupes  passagères  qui  ont  été  embarquées  sur  Vunc  et  Vautre  escadres, 
ne  Vont  été  que  dans  l'intention  d'égarer  les  idées  de  Vennemi  sur  leur  desti- 
nation. 

L'intention  de  l'Empereur  est  que  leur  présence  aux  Antilles  soit  marquée 


(1)  Archives  de  la  Marine,  campagne  1805.  BBiv,  323. 


LES  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  517 

par  des  expéditions  proportionnées  à  la  durée  du  séjour  qu'y  feront  les 
escadres. 

Le  retour  en  Europe  de  ces  troupes  passagères  ayant  le  grand  inconvénient 
d'encombrer  les  vaisseaux  qui  doivent  avoir  toute  disponibilité  pour  le  combat 
et  d'y  consommer  des  vivres  et  de  Teau  qu'on  n'aura  pas  le  temps  de  rem- 
placer, Sa  Majesté  veut  que  toutes  les  troupes  expéditionnaires  y  soit  de  Vescadre 
française  y  soit  de  celle  de  Sa  Majesté  Catholique^  soient  débarquées  aux  An- 
tilles  pour  y  tenir  garnison  dans  ces  colonies,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  pourvu 
à  leur  donner  une  autre  destination  ;  et  elle  a  ordonné  à  ses  capitaines  géné- 
raux de  traiter  les  troupes  espagnoles  avec  des  soins  particuliers.  Les  bouches 
à  feu,  armes  et  munitions  de  toute  nature,  embarquées  sur  l'une  et  l'autre 
escadre  comme  faisant  partie  de  l'armement  expéditionnaire,  devront  aussi 
être  débarquées  dans  ces  colonies,  ainsi  qu'il  en  sera  convenu  entre  vous, 
l'Amiral,  et  les  généraux  fran(;ai8. 

Le  retour  simultané  des  deux  escadres  en  Europe,  prescrit  par  l'Empereur 
dans  ses  instructions  à  l'amiral  Villeneuve,  devra  être  l'objet  d'une  attention 
toute  particulière  pour  éviter  les  séparations,  car  jamais  la  réunion  constante 
des  forces  combinées  ne  fut  d'une  plus  haute  importance;  et  vous  saurez  en 
pénétrer  tous  les  officiers  sous  vos  ordres. 

C'est  avec  la  plus  grande  confiance,  Monsieur  l'Amiral,  que  Sa  Majesté 
compte  sur  l'application  de  tous  vos  soins  et  l'habileté  de  vos  manœuvres  dans 
cette  grande  circonstance;  vous  savez  quelle  opinion  elle  a  conçue  de  votre 
valeur,  de  vos  talents  militaires,  et  de  votre  dévouement  ;  elle  voit  avec  une 
satisfaction  particulière  que  votre  nom  va  s'attacher  à  l'exécution  de  sa  vaste 
et  glorieuse  entreprise,  qui  doit  arracher  le  sceptre  des  mers  \  leur  insolent 
oppresseur. 

Recevez,  Monsieur  l'Amiral,  l'assurance  de  ma  haute  considération. 

Les  instructions  de  FEmpereur  et  du  Ministre,  rédigées  avant 
que  l'on  sache  encore  si  Villeneuve  a  réussi  à  échapper  à 
Nelson,  sont  caractérisées  par  deux  prescriptions  absolument 
nouvelles. 

D'abord  s'emparer  de  plusieurs  colonies  anglaises,  mission 
dont  il  n'a  pas  été  question  dans  les  instructions  emportées 
par  l'amiral,  puis,  après  le  déblocus  du  Ferrol,  entreprendre 
celui  de  Brest,  si  Ganteaume  n'a  pu  le  forcer. 

On  verra  plus  loin  quels  obstacles  se  seraient  opposés  à  la 
réalisation  de  cette  dernière  entreprise  et  quelles  objections 
firent,  à  l'Empereur,  Ganteaume  et  Decrès.  Les  deux  amiraux 
avec  les  hommes  du  métier  furent  d'accord  pour  affirmer  que 
l'arrivée  de  Villeneuve  devant  Brest  déterminerait  fatalement 
une  bataille  à  laquelle  il  était  impossible  que  l'escadre  blo- 
quée prit  part. 

La  condition  essentielle  du  succès  était  donc  que  l'armée  de 


518  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VU. 

Villeneuve  fut  à  elle  seule  très  supérieure  à  ce  que  lord 
Cornwallis  avait  réuni  ou  pourrait  réunir  sous  Ouessant. 

En  tous  cas,  cette  fois,  la  pensée  intimé  de  TEmpereur  ne 
peut  plus  être  dissimulée.  Si  dans  le  plan  du  2  mars  il  a  passé 
sous  silence  tout  ce  qui  touche  aux  combats^  cette  fois  plu- 
sieurs  batailles  sont  prévues  et  certaines,  au  moins  devant  le 
Ferrol  et  devant  Brest.  Cela  revient  à  dire  que  la  descente  en 
Angleterre  7ie  sera  tentée  que  si  de  grandes  victoires  navales 
ont  donné  à  la  France^  unie  à  fEspagne^  la  domination  de  la 
mer. 

Cet  ordre  partit  de  Rochefort  le  1®'  mai,  emporté  par 
Tamiral  Magon. 

Avant  que  le  plan  du  14  avril  eût  été  expédié,  il  avait  déjà 
reçu  d'importantes  modifications. 

C'est  seulement  à  partir  du  20  avril  que  les  nouvelles  com- 
mencent à  arriver,  relativement  à  ce  qui  s'était  passé  dans  la 
Méditerranée. 

Ce  jour-là  Napoléon  reçoit  à  Stupinigi  un  rapport  très 
précis  sur  le  faux  mouvement  de  Nelson  au  sud  de  la  Sar- 
daigne  (1). 

Le  Ministre  plénipotentiaire  de  Sa  Majesté  l'Empereur  des  Français 
près  la  République  ligurienne,  à  Son  Excellence  le  maréchal 
Berthier,    ministre  de   la  guerre. 

Génos,  le  27  germinal,  an  xui  (17  i^vril  1805). 

Monsieur  le  Maréchal, 

Toutes  les  nouvelles  qui  peuvent  concourir  à  éclairer  les  mouvements  de 
l'escadre  anglaise  de  la  Méditerranée,  au  moment  où  celle  de  Sa  Majesté  Impé- 
riale est  sortie  du  poi-t  de  Toulon,  me  paraissent  d'un  si  grand  intérêt  que  je 
crois  de  mon  devoir  de  tous  transmettre  celles  qui  me  sont  parvenues  oe  matin 
par  un  bAtiment  procédant  directement  de  Sardaigne,  en  peu  de  jours.  Voua 
les  trouverez  détaillées  dans  la  relation  ci-jointe  qu'un  capitaine  marchand  a 
faite  au  Bureau  de  la  Santé  de  la  ville  de  (Jones. 

Il  en  résulte  que  l'amiral  Nelson  se  trouvait  le  3  avril  avec  son  armée,  com- 
posée de  i3  voiles,  dont,  à  ce  qu'il  parait,  14  vaisseaux,  dans  le  golfe  de 
Cagliari  ;  que,  le  même  jour,  il  a  mis  à  la  voile  pour  le  golfe  de  Palme,  ou  les 
îles  Saint-Piene.  Ce  môme  capitaine  marchand  se  rendant  le  même  jour, 
3  avril,  à  l'île  Saint-Pierre,  pour  y  achever  sa  cargaison  de  sels,  a  été  forcé 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8603.  —  Lettre  à  Decrès,  tl  avril. 


LW  ffOV\BAJJX  ORDRES  A  VILLHNBCIVS.  SI  9 

par  le  maufais  temps  àe  g^arrâter  m  cap  MalAtano,  d'où  il  a  vu  Ve$cadre 
anglaise  louvoyant  ians  les  parages  du  golfe  de  Palme  jusqu'au  6  avril. 

Ce  même  bâtiment  est  parti  des  tles  Saint-Pierre  le  il  avril;  il  a  fait  sa 
traversée  en  cinq  jours,  et  n'a  plus  rencontré  aucune  escadre  ni  entendu 
parler  d'aucun  événement  h  la  mer* 

Si  la  relation  que  j'ai  l'honneur  de  tous  transmettre  est  vraie,  ainsi  qu'elle 
en  porte  tous  les  caractères,  il  serait  démontré  que  notre  escadre,  sortie  de 
Toulai)  le  3Q  mars  (0  germjpal),  aurait  «ept  à  boit  jours  d'avance  sur  l'armée 
ennemie,  ce  qui  la  mettrait  hors  de  la  possibilité  d'être  atteinte,  k  moiu»  d'une 
eitraordinaire  contrariété  des  vents,  qui  n'ont  pas  régné  dans  nos  parages 
depuis  up  moiSt 

J'ai  pensé  que  Sa  Majesté  Impériale  pourrait  recevoir  avec  plaisir  ces  rensei- 
gnements, et  j'ai  pris  la  liberté  de  vous  lea  adresser. 

Soqs  quelques  jours  je  me  propose  do  me  rendre  à  Alexandrie.  Permette^* 
moi  de  compter  d  avance  sur  vos  bontés  pour  avoir  l'honneur  d'être  présenté 
à  Sa  Majeaté. 

Je  vous  prie  d'agréer,  Monsieur  le  Maréchal,  une  nouvel lo  assurance  de  mon 
dévouement  et  de  la  plu^  haute  considération. 

Salicetti. 

P,  S,  —  Au  moment  où  j'allais  fermer  ma  lettre,  la  maison  de  commerce 
de  la  Rue  vient  de  me  donner  la  nouvelle  que  notre  escadre,  en  naviguant  à 
l'ouest,  s'est  emparée,  sur  le  oap  Martin,  de  la  frégate  anglaise  le  Spencer^  Je 
n'ai  pu  savoir  quel  jour  elle  se  trouvait  à  cette  hauteur. 

Mj^is  l'Empereur  i^diqit  que  Terreur  de  Nelson  serait  de 
bien  plus  longue  4urée  qu'elle  ne  le  fut  réellement.  «  Nelson, 
dit-il,  en  effet,  a  encore  une  foiî»  pris  le  change  et  probable- 
ment fera  un  second  voyage  en  Egypte Après  y  avoir 

bien  pensé,  je  préfère  que  Villeneuve  vienne  devant  le  Ferrol, 
où  il  trouvera  15  vaisseaux,  et  même,  s'il  m'est  possible,  je 
ferai  entrer  au  Ferrol  les  3  de  Missiessy.  Vous  verrez  aussi 
que  je  ne  prescris  point  à  l'amiral  Villeneuve  de  revenir  sur- 
le-champ,  mais  d'attendre  35  jours  afin  que  mon  escadre  de 
Brest  ait  le  temps  de  le  joindre  ;  par  Dieu!  pressez-la  donc.  » 

Le  23,  enfin,  arrive  la  nouvelle  de  la  jonction  de  Villeneuve 
avec  Gravina.  Elle  avait  mis  treize  jours  à  parvenir  à  l'Empe- 
reur (1). 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB>',  234. 

Madrid,  le  t3  germipal  aa  x.iii  (13  avril  1805). 
Monsieur, 

J'adresse  en  tonte  hâte  à  Votre  Excellence  l'heureat*  noaveUe  de  la  jonetieQ  df  l'es- 
cadre espagnole  à  la  flotte  française  aux  ordres  de  M.  le  Tiee-ainiral  ViUeœafe. 


S20  TROISIÈME  PARTIS.    —  CHAPITRE  VU. 

Son  premier  effet  fui  de  déterminer  FEmpereur  à  faire 
passer  à  Cadix  ou  à  Toulon  les  6  vaisseaux  espagnols  de 
Carthagène. 

A  Monsieur  Talleyrand  (i). 

Stupinigi,  3  floréal  an  xm  (23  aTiil  1805). 

Un  courrier  dC Espagne  m'apprend  la  nouvelle  que  Villeneuve  a  joint  Gra- 
vina  devant  Cadix  le  20  genninaL  Mon  intention  est  que  yous  écrÎTiez  à  Beur- 
nonyiile  que  j*a\ais  espéré  8  vaisseaux  ;  il  n*y  en  a\ait  que  S,  et  Ton  m'en 
avait  promis  6;  que  je  désire  qu'on  active  les  armements  du  Ferrol,  a6n  que, 
si  Tescadre  de  Brest  tardait  à  sortir,  elle  pût  y  trouver  8  vaisseaux  au  lieu  des  6 
qu'on  m'avait  promis.  Ce  n'est  pas  tout  aujourd'hui  que  d'avoir  des  escadres  à 
la  mer,  il  faut  les  soutenir.  Il  faut  avoir  ft  Cadix  des  escadres  considérables 
qui  obligent  les  Anglais  à  en  tenir  une  pour  les  bloquer.  L'escadre  de  Cartha- 
gène, isolée,  ne  peut  rien.  Proposez  au  Prince  de  la  Paix  d'envoyer  ces  6  vais- 
seaux à  Toulon,  ce  qui,  avec  les  2  vaisseaux  que  fy  ai,  obligera  V ennemi  à 
craindre  pour  la  Sicile  et  la  Sardaigne  et  à  tenir  une  escadre  dans  la  Médi- 
terranée. Si  le  Prince  de  la  Paix  y  consent,  je  prendrai  l'obligation  de  nourrir 
et  d'entretenir  les  équipages.  Il  faudra  que  l'escadre  espagnole  reçoive  l'ordre 
exprès  d'agir  selon  mes  instructions,  sans  être  assujettie  aux  différents  géné- 
raux de  la  marine  espagnole.  Mon  intention  ne  serait  pas  de  faire  sortir  cette 
escadre,  mais  d'en  faire  la  menace;  et,  comme  j'aurai  là  un  camp  de  4,000  à 
5,000  hommes,  je  donnerai  une  grande  inquiétude  aux  Anglais.  Si  le  Prince 
de  la  Paix  ne  prend  pas  ce  parti,  je  pense  que  V escadre  de  Carthagène  doit  se 
rendre  à  Cadix,  où  Ton  activerait  les  armements  de  manière  à  avoir  là  une 
escadre  de  i2  vaisseaux.  Cela  obligera  les  Anglais  à  en  avoir  12  dans  le 
détroit,  ou  de  s'exposer  à  voir  tous  leurs  convois  interceptés. 

Recommandez  donc  à  Beurnonville   de  faire  sentir  au  Prince  de  la  Paix 

l'importance  d'avoir  une  escadre  considérable  à  Cadix. 

Napoléon. 

Au  vice-amiral  Ganteaume  (2). 

stupinigi,  3  floréal  an  xm  (t3  avril  1805). 
Monsieur  l'Amiral, 

L'amiral  Villeneuve  est  parti,  le  9  germinal,  avec  11  vaisseaux  de  guerre, 


C'est  dans  la  soirée  et  dans  la  nuit  du  19  germinal  que  M.  l'amiral  Gravina  a  appareillé 
de  Cadix  avec  5  vaisseaux  ci  1  frégate,  et  qu'il  a  rejoint  la  flotte  fï'ançaise. 

Le  vaisseau  ï Aigle  et  les  deux  corvettes  que  nous  avions  à  Cadix  ont  également  effectué 
leur  jonction,  de  manière  que  la  flotte  combinée  étaitt  dans  la  matinée  du  20,  forte 
de  1 7  vaisseaux,  de  7  /^égales  et  de  h  corvettes,  à  peine  était-elle  à  la  vue  de  Cadix . 

Le  Saint- Raphaël,  vaisseau  espagnol  de  80  canons  a  touché  dans  la  baie  et  n*a  pu 
suivre  aussitét.  Il  a  appareillé  dans  la  soirée  du  20,  et  comme  il  est  bon  voilier,  on  pense 
qu'il  ne  tardera  pas  à  atteindre  la  flotte. 

Le  GloHoso,  7*  vaisseau  de  la  division  Qravina,  était  aussi  sur  le  point  de  mettre  à  la 
voile;  il  l'aurait  fait  si  de  nouvelles  circonstances  ne  s'y  étaient  opposées. 

(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8ôl5. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  8619. 


LES  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  SU 

6  frégates  et  2  bricks.  i>  19,  â  5  heures  du  soir,  il  était  devant  Cadix,  chas- 
sant devant  lui  6  vaisseaux,  2  frégates  et  À  bricks  anglais.  Il  a  été  joint  à 
rheure  même  par  le  vaisseau  français  V Aigle,  une  grosse  cornette  et  un  brick 
français,  et  par  6  vaisseaux  espagnols,  À  frégates  et  2  bricks,  commandés  par 
Tamiral  GraTina.  Le  20,  à  la  pointe  du  jour,  Vescadre  combinée  était  hors  de 
vue.  Un  courrier  que  je  reçois  de  Palerme  m'apprend  que,  le  même  jour, 
Vamiral  Nelson  était  dans  le  détroit  de  Messine,  semant  Talarme  et  croyant 
que  Vescadre  de  Toulon  allait  en  Sicile  et  en  Egypte,  Il  comptait  attendre 
deux  jours  et  naviguer  sur  Alexandrie.  Vous  connaissez  Theureux  résultat  de 
Texpédition  du  contre-amiral  Missiessy,  qui  a  pris  la  Dominique,  et,  je  pense, 
Sainte-Lucie.  Il  ne  me  reste  plus  qu'à  apprendre  la  nouvelle  de  votre  départ. 
Je  pense  que  vous  et  vos  équipages  êtes  constamment  à  bord  et  prêts  à  proQter 
du  moindre  mouvement.  Je  vous  exprimerais  difficilement  toute  Timpatience 
que  j'éprouve.  Ne  manquez  aucune  des  occasions  qui  se  présenteront,  mais 
maintenez  K  bord  une  sévère  discipline,  et  tenez  la  main  à  ce  que  tout  le 
monde  reste  à  bord.  Augmentez  les  vivres  de  vos  flûtes  autant  qu'il  vous  sera 

possible. 

Napoléon. 

Au  vice 'amiral  Decrès  (i). 

Stupinigi,  3  floréal  an  xiii  (23  avril  1805). 
Monsieur, 

Vous  avez  sans  doute  reçu  le  courrier  de  Cadix,  A  tout  événement,  je  vous 
envoie  le  journal  du  général  Lauriston  ;  il  parait  que  5  vaisseaux  et  1  frégate 
ont  rallié  l'amiral  Villeneuve  ;  qu'un  6*  avait  touché,  mais  allait  partir.  Le  20, 
l'escadre  réunie  était  hors  de  vue;  il  est  probable  qu'avant  le  iO  de  ce  mois 
(30  avril),  elle  sera  rendue  à  sa  destination.  Nous  sommes  donc  sûrs  d'avoir 
là  une  escadre  de  i/v  ou  au  moins  de  17  vaisseaux  de  ligne.  Vous  aurez  sans 
doute  déjà  fait  partir  l'escadre  de  Rochefort  (Magon).  Envoyez  un  nouveau 
courrier  et  une  nouvelle  dépêche  pour  faire  connaître  à  l'amiral  Villeneuve 
que  je  suis  instruit  de  son  départ;  que  Vamiral  Nelson  a  été  le  chercher  en 
Egypte.  T  expédie  un  counier  à  Ganteaume  pour  Vin  for  mer  de  cet  événement. 
Dieu  veuille  que  mon  courrier  ne  le  trouve  point  à  Brest  t  Je  vous  réitère  V ordre 
de  faire  partir,  tous  les  dix  jours,  un  brick  ou  goélette,  en  prenant  toutes  les 
précautions  pour  que  les  paquets  ne  tombent  point  entre  les  mains  de  V ennemi. 
Envoyez  un  courrier  en  Espagne  ;  écrivez  au  Prince  de  la  Paix  que  je  juge 
nécessaire  que  Vescadre  espagnole  de  Carthagéne  vienne  à  Toulon;  que,  dans 
ce  cas,  je  me  chargerai  de  la  nourrir;  ou  bien  que  cette  escadre  se  réunisse  à 
Cadix;  qu'il  faut  qu'on  arme  sans  délai  à  Cadix  les  7  vaisseaux  qui  y  restent, 
de  manière  à  avoir  en  rade  12  ou  13  vaisseaux,  et  que  ces  vaisseaux  appareil- 
lent souvent  pour  obliger  les  Anglais  à  en  avoir  là  le  même  nombre,  et  leur 
faire  craindre  l'interception  de  leurs  convois.  Vous  lui  direz  que  le  Ferrol  sera 
débloqué  au  moment  où  l'on  s'y  attendra  le  moins;  qu'il  est  donc  conveutible 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8617. 


Mï  TROISlàMB  PARTIS.   —  OHAPITRB  VII. 

qu0  le  fiombre  de  yaissefiui  qui  y  sont  soient  toujours  prêts,  et  qu'il  hui  méfne 
Taugmenter,  selon  le  retard  de  l'escadre  française,  et  faire  en  sorte  d'en  pré- 
parer jusqu'à  <0.  Enfin,  faites  connaître  au  Prince  de  la  Paix  que  les  plus 
heureux  résultats  pour  les  deui  nations  seront  le  prix  de  ses  e^orts;  qu'il  ne 
faut  point  s'endormir;  qu'il  hu\  tenir  les  Anglais  dans  une  alarme  et  dans 
une  incertitude  perpétuelles,  et  leur  porter  à  l'improviste  des  coups  ten*ibles 
partout  où  se  porteront  nos  escadres.  Vous  lui  parlere?  du  cas  que  je  îm  de 
lui,  et  de  la  confiance  que  j*ai  dans  son  activité  et  dans  son  zèle  pour  la  cause 
commune. 

Faite*  battre  le  ban  et  Varrière-ban  pour  faire  armer  la  Topate^  qui  nous 
devient  aujourd'hui  bien  nécessaire  pour  porter  des  nouTcUes. 

Enfin  voyez,  si  fescadre  de  Brest  ne  sortait  pas  et  que  l'amiral  YiUenepve 
dut  Tenir  au  Ferro],  s'il  ne  serait  pas  bon  d'avoir  nos  5  vaisseaux  disponibles* 
Les  équipages  ne  peuvent  manquer,  puisque  j'ai  envoyé  au  Ferrol  i  frégates 
et  i  brick,  qui  peuvent  fournir  des  équipages  aux  vaisseaux. 

Tenez  encore  secret  le  pauage  à  Cadix  et  le  départ  dei  escadres.  Faites 

mettre  dans  les  journaux  hollandais  qu*une  escadre  française  a  débarqtté  en 

Egypte,  i 0,000  hommes;  que  V amiral  a  manœuvré  avec  beaucoup  d^ habileté 

pour  tromper  Nelson;  qu'il  a  feint  de  passer  le  détroit,  mais  que  pendant  la 

nuit  il  l'a  repassé  et  est  allé  sur  la  côte  d'Afrique;  que  l'amiral  Nelson,  averti 

que  l'escadre  française  était  destinée  pour  l'Egypte,  s'était  d'abord  dirigé  sur 

la  Sicile  ;  que  le  ^0  germinal  jl  était  arrivé  ^  Palerme,  mais  qu'il  a  été  instruit 

que  l'escadre  avait  pjissé  le  détroit  ;  qu'il  s'était  à  V instant  mis  à  9a  poursuite, 

et  était  arrivé  devant  Gibraltar  comme  Vescadre  française  avait  passé  le  cap 

Bon  et  naviguait  sur  Alexandrie,  ayant  plus  de  quinze  jours  d*avance  sur 

V amiral  Nelson.  Faites  mettre  dans  le  journal  de  Francfort  que  les  rapports 

sur  la  sortie  de  l'escadre  française  sont  des  plus  contradictoires;  que  les  uns 

prétendent  que  cette  escadre  a  trompé  plusieurs  fois  Nelson  par  de  fausses 

manœuvres  et  de  fausses  routes,  et  qu'en  dernière  analyse  elle  a  été  rencontrée 

se  dirigeant  sur  TÉgypte. 

Napolbqn. 

Le  succès  des  premières  opérations  allait  aussi  déterminer 
J'Jiînpereur  h  exiger  aux  Antijles  des  opérations  cqnsidérftblep 
et  dont  il  n'avait  jamais  été  encore  question. 


Monsieur, 


Au  vice-amiral  Deorès  (1). 

Stupinigi,  3  floréal  an  xiii  (t3  avril  1805), 


Un  courrier  que  je  reçois  de  l'amiral  Ganteaume,  du  25,  me  dit  qu'il  est 
près  de  partir;  c'est  avec  bien  de  l'impatience  que  j'attends  la  nouvelle 
qu'il  est   enfin   parti.    J'ai  vu  avec  phinr  que  vous  aiwi  donné  V ordre  au 


(l)  Correspondance  de  Napoléon,  8618. 


LBg  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  588 

général  Magon  de  partir;  je  voiu  recommande  de  nouveau  Ve:tpédition  de 
bricks  et  de  goélettes;  répétez  par  le  premier  qui  partira,  et  recommandez  au 
général  Villeneuve  de  faire  tout  le  mal  quil  pourra  à  Vennemi  en  attendant 
Vomirai  Ganteaume,  puisqu'avec  les  Espagnols  et  les  Français  j*ai  beaucoup  de 
troupes  là.  Qu'on  prenne  Saint-Vincent  y  Antigoa,  la  Grenade  ;  et  pourquoi  ne 
prendrait-on  pas  la  Barhade  ?  Je  laisse  à  Totre  disposition  d'envoyer  des 
hommes  pour  reprendre  Tahago  ou  la  Trinité^  où  les  Espagnols  seraient  mer- 
veilleusement employés.  Je  vois,  par  les  états  que  j'ai  reçus,  qu'il  y  a 
1300  l^ommes  d'infanterie  ou  d'artillerie  espagnols  embarqués  sur  l'escadre  et 
300  hommes  de  cavalerie,  ce  qui  fait  t<)00  hommes.  Voilà  la  récapitulation  des 
troupes  que  j'ai  aux  lies  du  Vent  : 

koBunfs. 

La  Martinique  avait \  ,800 

La  Guadeloupe  avait 1 ,600 

Le  général  Lagrange  a  amené 3,400 

Le  général  Lauriston  a  amené 3,S00 

Le  général  Magon  emmène 840 

10,840 

Il  est  vrai  que  le  général  Lauriston  ne  doit  débarquer  qua  1|00  hommes, 
maii  à  la  rigueur  il  les  débarquerait  tous  s'ils  étaient  nécessaires  pour  garder 
de  nouvelles  colonies.  J'ai  donc  10,840  hommes,  et,  en  y  joignait  1600  Espa- 
gnols, j'ai  19,440  hommes.  Avec  ces  foroes,  je  puis  très  bien  occuper  toutes  les 
Iles  du  Vent.  Il  y  en  a,  je  crois.  diï(,  en  comprenant  la  Trinité  et  Tabago. 

Une  fois  conquises,  les  1600  Espagnols  seront  suffisants  pour  garder  la  Tri- 
nité, puisqu'ils  ne  manqueront  pas  de  recevoir  du  secours  de  leur  continent,  A 
Tahago,  500  hommes  poun%iient  suffire,  en  retranchant  tout  de  suite  le  morne 
et  s'y  approvisionnant.  Toutefois,  il  y  a  des  calculs  de  vent  et  des  circon- 
stances particulières  qui  doivent  déterminer  à  laisser  celles  de  ces  colonies  qui 
éloigneraient  trop  de  la  route.  Si  Tabago  et  d'autres  petites  Iles  étaient  impos- 
sibles à  garder,  on  pourrait,  après  les  avoir  occupées  et  en  avoir  fait  la  gar- 
nison prisonnière,  n'y  laisser  aucune  troupe,  si  ce  n'est  quelques  hommes  et 
un  officier  pour  maintenir  la  police  et  organiser  des  milices  de  paysans  avec 
un  drapeau.  Il  ne  faudrait  point  maltraiter  l'Ile  de  Tabago,  parce  qu'elle  est 
française  ;  mais  pour  les  autres  colonies  anglaises  qu^on  jugerait  devoir  aban- 
donner, après  les  avoir  occupées,  on  pourrait  en  tirer  la  moitié  des  uoirs,  lever 
une  contribution  sur  les  habitants,  en  ôter  l'artillerie  et  vendre  les  noirs  à  la 
Martinique  et  à  la  Guadeloupe.  C'est  ainsi  que  les  Anglais  ont  fait  plusieurs 
fois  et  ont  tiré  parti  de  leurs  prises. 

L'amiral  Villeneuve  sera  toujours  sûr  d'avoir  dix  jours  devant  lui,  vu  la 
précaution  qu'aura  l'amiral  Ganteaume  d'expédier  en  sortant  une  frégate 
bonne  marcheuse.  Il  est  probable  qu'elle  fera  assez  de  chemin  pour  gagner 
plusieurs  jours  sur  l'escadre.  Vous  sentez  que,  l'escadre  de  l'amiral  Gan- 
teaume arrivant,  les  forces  se  trouveraient  augmentées  de  plus  de 
9,000  hommes,  ce  qui  me  maintiendrait  maître  de  tous  ces  pays. 

Nàpqléqn. 


524  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VII. 

Voici  SOUS  quelle  forme  les  intentions  de  TEmpereur  furent 
exprimées  par  le  Ministre  de  la  marine. 

Au  vice ' amiral  Villeneuve  (1). 

Paris,  le  9  floréal  an  xiii  (t9  avril  1805). 
M.  le  Vice-Amiral, 

L'amiral  Ganteaume  est  toujours  prêt  à  partir,  avec  toute  Tarmée,  etTimpor- 
tance  qu'il  y  a  à  ce  qu'il  tous  rallie  ne  cesse  d'être  signalée  par  des  messages 
pressants  qu'il  reçoit  de  Sa  Majesté. 

Une  flotte  anglaise,  composée  de  2â  vaisseaux  de  ligne,  est  toujours  en 
présence  et  s'oppose  d'autant  plus  aux  mouvements  de  l'amiral  Ganteaume 
qu'un  engagement  à  la  sortie  de  Brest,  quelles  que  fussent  ses  chances,  est 
entièrement  opposé  au  plan  des  opérations  auxquelles  il  est  appelé. 

L'Empereur  a  été  informé  du  succès  de  votre  réunion  devant  la  baie  de 
Cadix  et  de  la  célérité  de  la  jonction  de  l'escadre  espagnole  ;  notre  manœuvre 
a  complètement  trompé  l'ennemi  et  V amiral  Nelson  court  après  vous  en  Egypte, 

Vous  ne  saurez  trop  exprimer  et  réitérer  à  l'amiral  Gravina  tout  le  plaisir 
que  m'a  fait  l'habileté  de  son  appareillage  et  l'Empereur,  qui  en  a  été  informé 
sur-le-champ,  en  a  éprouvé  une  satisfaction  toute  particulière.  Sa  Majesté, 
pleine  de  sollicitude  sur  le  grand  objet  auquel  vous  êtes  appelé  à  concourir  si 
éminemment,  a  donné  ordre  au  contre-amiral  Magon  de  se  rendre  aux 
Antilles  pour  se  ranger  sous  votre  pavillon,  et  je  joins  ici  le  duplicata  de  la 
dépêche  que  je  vous  ai  adressée  par  cet  officier  général  (i). 

J'attends,  au  moment  où  je  vous  écris,  le  courrier  qui  doit  m'annoncer  qu'il 
a  mis  à  la  voile. 

Dans  tout  état  de  choses,  il  ne  faudrait  pas  moins  que  des  circonstances 
majeures  pour  vous  déterminer  à  quitter  la  Martinique  avant  son  arrivée,  et, 
lorsqu'elle  aura  eu  lieu,  pour  vous  empêcher  de  vous  conformer  au  contenu 
des  instructions  de  Sa  Majesté  ;  toutes  celles  que  vous  avez  reçues  jusquHciy 
Monsieur  le  vice-amiral,  se  sont  toutes  accordées  sur  ce  joint  que  votre  séjour 
aux  Iles  du  Vent  devait  être  marqué  par  la  conquête  des  possessions  anglaises, 
ou  au  moins  par  des  expéditions  qui  anéantiraient  pour  longtemps  la  prospé- 
rité des  établissements  apiiartenant  à  V ennemi 

L'impartialité  historique  fait  un  absolu  devoir  de  signaler 
tout  particulièrement  cette  dernière  phrase  :  «  Toutes  celles 

(les  instructions)  que  vous  avez  reçues  s'accordent »  Rien  de 

plus  inexact,  ainsi  qu'on  l'a  vu  et  que  le  fera  plus  tard  remar- 
quer Villeneuve  (3).  Jamais  Tamiral  n'avait  eu  d'autre  ordre 
que  celui  d'attendre  Ganteaume  à  la  Martinique,  sinon  celui  du 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BBi»,  230. 

(2)  C'est  Tordre  da  14  avril,  expédié  par  Decrès  le  17,  de  Paris. 

(3)  Voir  ci-dessous. 


LES  NOUVEAUX   ORDRES  A  VILLENEUVE.  525 

14-17  avril,  non  encore  reçu,  et  qui  devait  arriver  après  celui 
du  29.  D'ailleurs,  la  minute  de  la  lettre  du  29  avril  porte  rela- 
tivement à  cette  phrase  et  de  la  main  du  Ministre  en  marge  la 
mention  suivante  :  «  J'ai  remarqué  que  cette  phrase  avait  été 
«  mise  à  tort  dans  ma  correspondance.  »  Ainsi  tombe  le 
reproche  que  Ton  devait  plus  tard  faire  à  Villeneuve  d'être 
resté  à  peu  près  inactif  pendant  la  première  partie  de  son 
séjour  aux  Antilles  et  Decrès  lui-même  couvrira  sur  ce  point 
son  subordonné  (1). 

Puis  les  instructions  continuent  en  ces  termes  : 

L'attention  de  TEmpereur  est  constnmmerît  fixée  sur  les  grandes  opérations 
auxquelles  la  flotte  combinée  sous  Totre  commandement  est  destinée;  il  cal- 
cule tous  ses  mouvements,  les  périodes  probables  de  sa  navigation,  les  entre- 
prises qu'il  peut  attendre  d'une  réunion  de  forces  aussi  imposantes,  et  aujour- 
d'hui même  j'ai  reçu  encore  de  Sa  Majesté  l'ordre  de  vous  retracer  les 
intentions  qu'elle  vous  a  déjà  exprimées. 

U Empereur  compte  que,  lorsque  celle  dépêche  vous  parviendra,  plus  de 
12,000  hommes  de  troupe  se  trouveront  aux  iles  du  Vent,  en  récapitulant  celles 
qui  formaient  récemment  les  garnisons  de  la  Martinique,  de  la  Guadeloupe, 
celles  parties  de  Rochefort  sur  l'escidre  du  contre-amiral  Missiessy,  celles  em- 
barquées à  Toulon  et  à  Cadix  sur  la  flotte  combinée,  et  enfin  le  détachement 
de  850  hommes  qui  va  partir,  ou  qui  est  déjà  parti  de  Rochefort  sur  les  vais- 
seaux VAlgésiras  et  V Achille. 

Avec  une  telle  masse  de  troupes,  appuyées  par  20  vaisseaux  de  guerre  et 
7  frégates,  Sa  Majesté  regarde  comme  très  posnble  d'expulser  les  Anglais  de 
toutes  leurs  colonies  des  tles  du  Vent;  mais,  en  même  temps,  elle  ne  se  dissi- 
mule pas  que  les  événements  de  la  mer,  et  d'autres  circonstances,  peuvent 
apporter  des  lenteurs  dans  les  expéditions  à  faire  poiu*  opérer  U  réduction  de 
tous  ces  établissements,  ou  empêcher  de  laisser  dans  les  tles  conquises  des 
garnisons  suffisantes  pour  en  assurer  la  conservation. 

Dans  ce  dernier  cas,  il  faudrait  que  l'entreprise,  faite  sur  une  possession  qui 
ne  serait  pas  gardée,  équivalût  presque  par  ses  résultats  aux  avantages  d'une 
entière  conquête  ;  ainsi,  les  forts  devraient  être  démantelés,  l'artillerie  et  les 
munitions  de  guerre  devraient  être  portées  dans  nos  colonies,  ou  jetées  à  la 
mer  si  elles  ne  pouvaient  être  embarquées  ;  des  contributions  devraient  être 
levées  sur  les  habitants  et  la  moitié  des  noirs  devraient  être  retirés  de  ces  iles 
anglaises  pour  être  vendus  à  la  Martinique  et  h  la  Guadeloupe.  V Empereur 
compte  aussi  la  Trinité  au  nombre  des  conquêtes  importantes  qu'on  peut  espérer 
de  la  réunion  des  forces  de  terre  et  de  mer  qui  se  trouvent  aux  Antilles,  et  Sa 
Majesté  pense  que  cette  Ile,  aussitôt  qu'elle  serait  soumise,  serait  suffisamment 
défendue  par  les  i600  Espagnols  qui  ont  été  embarqués  à  Cadix  sur  l'escadre 
de  l'amiral  Gravina. 


(1)  Voir  ci-dossous. 


526  troisiAmb  partie.  —  chapitre  vu. 

D'ailleurs,  cette  garniàon  pourrait  être  facilement  renforcée  par  les  secours 
que  les  commandants  de  la  Trinité  seraient  à  portée  de  recetoir  de  la  terre 
ferme. 

Ce  que  je  viens  de  vous  marquer,  Monsieur  le  vice-amiral,  ne  s'ajoute  point 
à  ce  que  Sa  Majesté  a  demandé  aux  généraux  k  qui  elle  a  confié  le  comman- 
dement de  ses  forces  de  terre  et  de  mer. 

Lorsque  je  tous  rappelle,  d'après  ses  ordres,  ce  qu'elle  attend  de  Tamiée 
réunie  aux  lies  du  Vent,  je  vous  fais  ressortir  toute  la  gloire  qui  vous  en  est 
réservée. 

Toutes  ces  entreprises,  Monsieur  le  Vice-Amiral,  doivent  être  subordonnées  au 
grand  objet  de  l'opération  essentielle  qui  doit  couronner  les  armes  de  Sa  Majesté. 

L'intention  de  l'Empereur  est  que,  si  l'amiral  Ganteaume  appareille,  il 
expédie  en  avant  le  meilleur  voilier  de  son  armée  poiir  vous  prévenir  de  son 
arrivée;  il  est  présumable  que  ce  bfttiment  précédera  Tamiral  de  dix  jours; 
aussi  les  expéditions  doivent  être  combinées  de  manière  que,  du  moment  où 
vous  serez  averti  de  l'approche  de  l'amiral  Ganteaume,  vous  puissiez  rallier 
toutes  vos  forces  dans  les  dix  jours  qui  suivront  l'arrivée  du  bi\timent  expédié 
par  cet  amiral. 

Ces  intentions  de  l'Empereur,  je  ne  les  transmets  qu'à  vous  dans  cette  occa- 
sion, et  pour  diminuer  le  danger  de  l'indiscrétion  des  expéditionnaires,  mais 
je  réfère  aux  instructions  de  l'Empereur  lui  même  sur  le  concert  que  vous 
devez  entretenir  avec  les  officiers  généraux  qu'il  vous  indique,  pour  l'exécution 

de  ses  ordres 

Decrks. 

En  somme,  entre  les  ordres  des  13  et  14  avril,  expédiés  le 
17  de  Paris  et  ceux  qui  sont  rédigés  le  29,  il  n'y  a  pas  de 
différence  essentielle. 

La  caractéristique  est  Tordre  donné  à  Villeneuve  de  faire 
de  grandeà  expéditions  aux  Antilles,  puis  de  se  diriger  aur 
le  Ferrol  30  à  35  jours  après  l'arrivée  de  Famiral  Magon. 

Ce  dernier  partit  de  Rochefort  le  l^*"  mai  avec  ses  deux  vais- 
seaux et  rejoignit  l'armée  combinée  à  la  Martinique  le  4  juin. 
11  lui  portait  la  lettre  de  FEmpercur  du  14  avril  et  celle  du 
Ministre  datée  du  17. 

Quant  aux  instructions  du  29,  elles  n'étaient  pas  encore 
expédiées  de  Paris  que  Decrès  recevait  la  lettre  suivante  de 
TEmpereur  : 

Au  vioe^ amiral  Decrès  (1). 

Stupinigi,  7  floréal  an  xm  (t7  avril  1606). 
Monsieur, 

Votre  courrier  du  3  floréal  ne  m'apporte  aucune  nouvelle  des  Indes;  les 
(1)  Cotrespondance  de  Napoléon,  8612. 


LES  NOUVEAUX  ORDRES  A  VILLENEUVE.  587 

pièces  que  vous  m'avei  envoyées  ne  contiennent  rien  ;  le  nom  de  Linois  n'y 
est  pas  même  prononcé,  et  JUgnore  la  situation  des  choses  dans  ce  pays. 

La  lettre  qu'a  reçue  Vanlerbeghe  a  été  écrite  par  Beurnonville,  cela  est  par 
trop  ridicule  ;  faites-lui  en  connaître  mon  mécontentement  Dans  les  affaires 
de  cette  nature,  le  secret  doit  toujours  être  essentiellement  jçardé. 

Ce  sera  par  Paris  que  TAngleterre  apprendra  cette  nouvelle,  et  elle  le  saura 
sept  ou  huit  jours  plus  tdt  qu'elle  n'aurait  dû  le  savoir,  résultat  immense  pour 
nos  opérations.  Recommandez-lui  d'être  désormais  plus  circonspect. 

J'imagine  que  l'escadre  de  Rochefort  partira;  s'il  y  a  empêchement  et  que 
vous  jugiez  à  propos  de  faire  partir  une  des  deu\  frégates  de  Loricnt,  je  n'y 
vois  pas  d'inconvénient,  bans  tous  les  cas  y  mon  intention  est  que  Villeneuve 
arrive  devant  le  Ferroly  quand  même  Vescadre  de  Bochefort  ne  Saurait  pas 
joint;  il  aiS  vaisseaux;  il  est  impossible  qu'il  en  trouve  plus  de  iO  devant  le 
Ferrol, 

Je  suis  surpris  de  ne  pas  recevoir  des  nouvelles  de  la  Martinique  ;  il  est  pro- 
bahle  que  le  brick  qui  a  été  expédié  aura  été  pris.  l\  est  impossible  qu'en  pres- 
sant, comme  vous  le  faites,  l'escadre  de  Rochefort,  en  faisant  partir  une  fré- 
gate de  Lorient,  et  une  corvette  ou  un  brick  de  Bayonne  ou  de  Bordeaux, 
l'amlfal  Villeneuve  ne  soit  pas  instruit^  et  que,  de  ces  trois  points  si  éloignés, 
quelque  chose  ne  lui  arrive.  J'espère  encore  dans  le  départ  de  Ganteaume, 

Napolkon. 


Cette  fois  le  retour  sur  le  Ferrol  était  prescrit  en  tout  état 
de  cause  et,  pour  la  première  fois,  il  n'était  pas  question  d'un 
délai  imposé  à  Villeneuve  pour  attendre  Ganteaume  aux 
ÂntiUes. 

Decrès  écrivit  donc  le  l®'  mai  une  autre  lettre  qu'il  annexa 
sous  forme  de  post-scriptum  à  celle  du  29  avril  (1). 


(1)  Les  instnictions  qu'emportait  la  Didon  comprenaient  à  la  fuis  celles  du  14  avril  et 
celles  du  29,  car  la  lettre  de  Decrès  en  date  du  29  porte  cette  mention  :  «  Je  Joins  ici  le 
dupUeata  de  la  dépêche  que  Je  vous  ai  adressée  par  cet  officier  général  (Magon)  >  et  la 
lettre  du  l*' Juin  de  Villeneuve  (voir  ci-dessous),  fournit  un  accusé  de  réception  complet. 

Ce  fait  échappa  à  l'Empereiir  qui  écrivit  lorsqu'il  apprit  le  départ  do  la  Didon  : 

Au  vice-amiral  Decrès. 

Milan,  21  floréal  an  xni  (11  mai  1805). 

J*ai  appris  le  départ  de  la  Didon  (1).  Assures  le  vice-amiral  Thévenard  que  Je  récom^ 
penserai  ses  services  à  la  première  occasion  ;  puis,  qu'il  est  encore  utile  à  Lorient.  Fixez 
toute  son  attention  sur  le  Régulus. 

J'ai  vu  avec  peine  que,  par  la  Didon,  vous  n'ayes  pas  envoyé  copie  de  ma  dépêche  que 

porte  Magon  à  Villeneuve.  S'il  arrivait  malheur  à  Magon,  et  que  la  Didon  arrivât  heureu^ 

sèment,  Villeneuve  ne  saurait  que  faire. 

{Correspondance  de  Napoléon,  8716.) 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BB»',  230. 


528  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VII. 

Au  vice^amiral  Villeneuve  (1). 

PAris»  le  11  floréal  an  xm  (l**  mai  1805). 

Les  intentions  de  VEmpereur  sont  toujours  les  mêmes  {sic),  soit  que  l'amiral 
Magon  TOUS  rejoigne,  soit  qu'il  ne  vous  rallie  pas  dans  le  délai  exprimé  par 
vos  instructious,  tous  fissiez  toujours  TOtre  retour  sur  le  Ferrol,  parce  que 
TOUS  aTez  18  Taisseaux  et  qu'il  est  impossible  que  Tennemi  en  ait  plus  de  iO 
sur  ce  point,  lorque  tous  y  arriTerez. 

Sa  Majesté  tous  recommande,  ainsi  qu'aux  généraux  arec  qui  tous  aTez  à 
TOUS  concerter,  de  signaler  Totre  présence  aux  Antilles  par  les  entreprises  les 
plus  glorieuses  pour  son  paTillon  et  ses  armes. 

Le  général  Magon  me  mande  qu'il  est  prêt  à  appareiller,  et  il  est  probable 
qu'il  TOUS  arriTera  en  même  temps  que  ces  dépêches. 

Degrés. 

La  lettre  ministérielle  du  29  avril  complétée  le  !«'  mai,  un 
duplicata  de  celles  du  17  et  du  13  avril,  furent  immédiate- 
ment envoyés  à  Rochefort,  d'où  la  frégate  la  Didon  les 
emporta  le  3  mai. 

Villeneuve  reçut  cette  correspondance  le  30,  quatre  jours 
avant  l'arrivée  de  Magon. 

Tels  furent  les  derniers  ordres  que  reçut  Villeneuve  avant  de 
revenir  en  Europe. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^v,  130-197, 


CHAPITRE  VIII 

LA  TRAVERSÉE  DE  L'OCÉAN  ET  LES  PREMIÈRES  OPÉRATIONS 

AUX  ANTILLES  (16  MAI  AU  4  JUIN) 


Le  rapport  de  Villeneuve  donne  peu  de  détails  sur  la  tra- 
versée de  rOcéan(l)  par  cette  escadre  en  désordre  et  qui  ne 
put  se  rallier  avant  l'arrivée  à  destination  : 

Rapport  du  17  mai. 

...  Ma  navigation  jusque  dans  les  colonies  a  été  heureuse,  quoique  bien 
gênée  par  la  marche  détestable  de  plusieurs  vaisseaux,  tels  que  le  Formi- 
dable, V Intrépide  et  particulièrement  V Atlas. 

J'ai  TU  fort  peu  de  bàtimeuts,  que  j'ai  fait  chasser  par  les  frégates  sans  pou- 
voir faire  de  prise. 

Après  avoir  dépassé  les  Canaries,  j'ai  expédié  mes  deux  meilleures  frégates, 
VEortense  et  VHermione,  avec  ordre  de  me  précéder  jusqu\^  quarante  lieues  de 
le  Martinique  et  de  faire  en  sorte  de  joindre  les  vaisseaux  espagnols,  séparés  de 
Tescadre,  si  toutefois  ils  se  trouvaient  de  Tavant,  à  elle,  dans  la  crainte  qu'ils 
ne  trouvassent  devant  le  Fort-de-France  des  forces  supérieures.  L'amiral  Gra- 
vina  chargea  le  capitaine  La  Meillerie,  de  VHoriense,  de  ses  ordres  pour  ses 
vaisseaux,  dans  le  cas  où  il  parviendrait  h  les  joindre. 

Le  23  floréal  (13  mai),  j'ai  rejoint  ces  frégates;  elles  n'avaient  eu  aucune 
connaissance  des  vaisseaux  espagnols,  mais  elles  s'étaient  emparées  de  la  cor- 
vette anglaise  la  Cyane,  de  24  canons  et  125  hommes  d'équipage,  commandés 
par  l'honorable  capitaine  Gadoyan.  Le  même  jour,  j'ai  eu  connaissance  de  l'ile 
de  la  Martinique  ;  le  24,  au  point  du  jour,  j'ai  donné  dans  le  canal  de  Sainte- 
Lucie  et,  arrivé  devant  la  baie  du  Fort-de-France,  nous  y  avons  découvert  trois 
vaisseaux  espagnols  et  une  frégate  qui  louvoyaient  pour  y  entrer;  les  deux 
escadres  y  ont  mouillé  dans  la  journée. 


(l)  Archives  de  la  Marine,  BB'^,  130-197. 

IV.  34 


530  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VIII. 

Le  26,  le  vaisseau  espagnol  le  Saint-Raphaél,  le  seul  qui  n'eut  pas  encore 
rallié,  a  paru  devant  la  baie  et  y  a  mouillé  le  même  jour.  S.  E.  M.  Famiral 
Gravina  a  mis  un  zèle  et  une  activité  à  sortir  de  Cadix  avec  son  escadre,  et  à  se 
réunir  à  celle  de  Sa  Majesté,  qu'il  ne  m'appartient  pas  de  qualifier  ;  je  dois  me 
borner  à  faire  connaître  à  Votre  Excellence  que  la  meilleure  intelligence  et  le 
meilleur  esprit  règne  dans  toutes  nos  communications,  et  si  j'éprouve  de  l'em- 
barras, il  provient  de  toutes  les  déférences  qu'il  ne  cesse  de  me  témoigner 
dans  toutes  les  circonstances. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

YlLLBNSUVB. 

Par  le  journal  de  Reille  et  la  table  de  loch  du  vaisseau 
V Atlas,  on  peut  reconstituer  la  traversée  d'une  façon  plus 
précise  (1). 

Du  22  au  25,  les  vents  d'ouest  nous  ont  fait  courir  dans  le  sud  jusque  sur  le 
cap  QuantiQ,  que  nous  avons  reconnu, 

Le2S,  les  vents  ayant  passé  k  la  partie  de  Test  ont  permis  de  faire  route 
à  l'ouest. 

Les  26,  27,  28,  29  et  30,  bon  vent  filant  5  à  6  nœuds. 

Le  30  (20  avril),  l'amiral  a  expédié  les  frégates  VHermione  et  VBortense 
pour  aller  se  placer  à   quarante   lieues  de  la  Martinique,  où  doit  se  rendre 


(I)  Archives  de  la  Marine,  BBiv,  231.  —  La  traversée  de  l'Atlantique. 

Table  de  loch  du  vaisseau  TAtlaa. 
10  avril  (20  germinal),  mimillé    devant  Cadix  à   7  h.  45  in   matin  ;  à  1  h.  80  mis 


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floréal 


lat. 

loBg.            sons  voiles. 

35*27 

10*30 

34*43 

11*30^30" 

33*55 

:2*02 

33* 

12*33 

32*45 

12*29 

32*02 

14*07'30^       Sans  ordi 

Sl»08 

16*16'36' 

30*10 

18*36'80* 

22*10 

12*06 

28*04 

24*22 

26*55 

26*26 

25*52 

28*34 

24*36 

30*42 

24*14 

32*42 

23*48 

33*33 

23*18 

34*27 

22*53 

34*46 

21*45 

35*22 

LA  TRAVEE8ÉE  RB  L'OfliAN.  531 

ITINtRAlRB   OK    L'AKH^K   CÛHBIMftK. 


TftAvnsiB  DB  l'Atlintioitb  (Table  de  Icxli  du  TnissMH  IMIIiu). 


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L»  13  aotéiX 

il  heo 

re,  DDe  WgiW  gignsU 

iDs  l'ouest.  J'SD  éuis  fc  7  lieu 

Be  qui  m'a  doond  aœ  erreor  de  30  lieaes  i,  l'eit  et  de  5  pu (t'/jji6fe)  obMrrt. 

LonTOji  tenta  la  Dutt  —  a.D  jonr  dann^  du»  le  cuul  Sainte-Lucie , , . .  cbaqne  laias' 
■  mmœuTrt  ponr  g»«nor  le  mouillage  de  Port-Rojsl  ^  tu  au  fond  de  U  baie  quatre  ti 
Il  loarojant. 


532  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  VIII. 

Tarmée,  et  tâcher  de  railleries  vaisseaux  espagnols,  ^i  pourraient  bien  arriver 
ayant.  Ce  parti  devenait  nécessaire  par  la  fausse  mesure  de  n*avoir  pas  rallié 
Tarmée.  Les  i*%  2,  3  et  4  floréal,  bon  vent.  Du  4  au  6,  faibles  brises.  Le  6, 
par  les  ^  degrés  de  longitude,  les  vents  ont  passé  à  Touest  et  ont  obligé 
Tarmée  de  faire  route  au  sud-sud-ouest.  Le  12  (2  mai),  les  vents  étant  venus 
à  l'est,  l'armée  a  repris  sa  route.  Les  13,  14,  15,  16,  17,  18,  19,  20,  21  et  22 
(12  mai)  bon  vent.  Le  23  (13  mai),  à  1  h.  1/2  du  matin,  on  a  signalé  trois 
bâtiments.  L*armée  a  rais  en  panne  pour  attendre  le  jour.  Après  les  signaux  de 
reconnaissance,  ces  bâtiments  nous  ont  rejoints;  c«  sont  les  îréf^iesV Hermione 
et  VHortense,  et  une  corvette  anglaise  de  26  canons  qu'elles  ont  prise.  Le 
même  jour,  à  1  heure  après  midi,  on  a  signalé  la  terre,  que  nous  avons  vue 
bientôt  après  être  Vile  de  la  Martinique,  Vers  les  3  heures,  Tarairal  a  fait 
prendre  b&bord  amures  pour  louvoyer  la  nuit  et  attendre  au  lendemain  à  aller 
mouiller  au  Fort-Royal.  Les  h^gates  ont  attendu  Tarmée  six  jours  dans  ces 
parages  et  n'ont  eu  aucune  connaissance  des  vaisseaux  espagnols  séparés. 
Le  24  (14  mai)  au  matin,  Tarmée  est  entrée  dans  le  canal  pour  aller  mouiller 
au  Fort-de-France.  Un  des  vaisseaux  avancés  a  donné  chasse  h  un  petit  cutter 
anglais  qui  a  été  se  réfugier  sous  le  rocher  le  Diamant. 

Cette  petite  lie,  sur  laquelle  nous  voyions  assez  de  monde,  avait  d'abord  mis 
pavillon  français  ;  ensuite,  nous  ayant  reconnu,  elle  a  mis  pavillon  anglais  et  a 
tiré  quelques  coups  de  canon  sur  les  vaisseaux  qui  en  passaient  le  plus  près 
(nous  avons  su  ensuite  que  les  Anglais  l'occupaient  depuis  longtemps).  Les 
vigies  ont  signalé  bientôt  après  des  vaisseaux  de  guerre  devant  la  rade  de 
Fort-de-France,  que  nous  avons  reconnus  pour  être  les  vaisseaux  le  Firme,  le 
Terrible,  V Espagne  et  la  frégate  la  Magdalena  ;  il  était  impossible  d'arriver 
plus  à  propos  et  plus  heureusement.  Dans  la  journée,  tous  les  vaisseaux  sont 
entrés  et  ont  mouillé.  Le  25  (15  mai),  on  a  donné  des  ordres  à  tous  les  vais- 
seaux pour  faire  de  leau.  Un  brick  a  été  envoyé  pour  croiser  devant  le  Dia- 
mant et  intercepter  la  communication  avec  Sainte-Lucie.  Les  officiers  géné- 
raux et  supérieurs  sont  descendus  à  terre  pour  voir  le  capitaine  général,  etc. 
Le  26  (16  mai)  au  matin,  on  a  signalé  un  vaisseau  de  guerre  ;  il  est  venu  au 
mouillage  dans  la  journée  :  c'est  le  Saint- Raphaël.  Ce  vaisseau  espagnol,  ayant 
touché  en  sortant  de  Cadix,  n'a  pu  partir  que  le  lendemain.  Voilà  donc  toute 
C armée  réunie  après  une  séparation  qui  aurait  pu  lui  être  funeste, 

_e  16  mai,  Tarmée  combinée  avait  achevé  son  ralliement  à 
la  Martinique  par  Farrivée  du  vaisseau  espagnol  le  Saint- 
Raphaël, 

Les  forces  de  Villeneuve  se  trouvaient  ainsi  portées  à 
18  vaisseaux,  montés  par  5,088  hommes  (i). 


)  Archives  de  la  Marine,  BB^,  230. 

Rapport  de  Decrès. 
Le  vaisseau  V Aigle,  la  corvette  la  Torche,  le  brick  VAj'gus  et  six  vaisseaux  espagnols. 


LA  TRAVERSEE  DE   L  OCEAN. 


533 


Dès  l'arrivée  de  l'escadre,  dit  le  Journal  de  Reille,  l'amiral  avait  donné 
l'ordre  de  faire  l'eau  et  l'on  s'en  est  occupé  tous  les  jours  suivants  ;  les  frégates 
ont  été  faire  la  leur  à  Saint-Pierre  ;  il  eût  été  i\  désirer  que  l'armée,  après  avoir 
fait  de  l'eau,  eût  pu  entreprendre  quelque  chose  sur  les  îles  anglaises,  mais 
des  ordres  précU  la  retenaient  à  For t-de- France  ;  on  aurait  pu  cependant 
envoyer  quelques  frégates. 

On  ne  s'y  décida  que  le  28  mai,  après  14  jours  d'inactivité. 

Pourtant  Villeneuve  parait,  dès  le  21,  avoir  pensé  à  une 
entreprise  sur  l'île  de  la  Dominique  toute  voisine  de  la  Marti- 
nique. 

Au  général  Ernouf,  capitaine  général  de  Vile  de  la  Guadeloupe 

et  dépendances  (i). 


Général, 


Le  \"  prairial  an  xiii  (21  mai  1805). 


J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  ;  le  général 
Lauriston,  qui  se  rend  auprès  de  vous,  vous  dira  des  choses  qu'il  est  impos- 
sible de  confier  au  papier.  J^ai  le  plus  grand  désir  de  inarquer  par  quelque  évé- 
nement notre  apparition  dans  ces  mers  ;  la  nature  ae  ma  mission  m'empêche  de 


portant  1930  hommes  de  troapes  rallient  le  vice -amiral  Villeneuve,  et  l'escadre  combinée 
se  trouve  composée  comme  il  soit  : 


Bucentaure,  vaisseau. 
Formidable^     — 

Neptune,  — 
Indomptable»    — 

MonUBlanc,  — 

Pluton,  — 

Swiftsure,  — 

Scipion,  — 

Atlas,  — 

Intrépide,  — 

Bervoick,  — 

Aigle,  — 
Hermione,      frégate. 

Comélie,  — 

Horiense,  — 


Rhin,       frégate. 

Thémis,       — 

Syrène,       — 

Magdalena,  ftrégate  espagnole. 

l   Torche. 
corvettes..)   ^^^^ 

^  .  .  \  Furet. 

Bncks.....}    ^^^^, 

Vaisseaux  espagnols. 

Argonaute 80  canons. 

Raphaël 80  — 

Terrible 74  - 

Sirène ....  70  — 

Espana 64  — 

America  • . . .  • 64  — 


En  tout  29  voiles. 

Troupes  françaises  de  l'autre  part 3,332  hommes. 

Troupes  espagnoles 1 ,930      — 

Total 5,262  hommes* 

A  défalquer  malades  d'après  la  situation  du  26  mai. .  174      — 

Rbstb 5,088  hommes. 

(1)  Archives  de  la  Marine,  BBiv,  ^30. 


584  TROISIÈMB  PARTIE.  —  CHAPITRE  Vin. 

rn  écarter  dés  parages  de  la  Martinique  ou  de  la  Guadeloupe;  vous  en  serez 
convaincu  après  avoir  causé  avec  le  général  Lauriston  ;  mais  je  crois  que  oe 
serait  bien  entrer  dans  les  Tues  de  l'Empereur  et  faire  une  chose  aussi  avanta- 
geuse pour  nos  autres  colonies,  si  nous  mettions  à  profit  le  temps  que  je  dois 
rester  ici  en  nota  emparant  de  la  Dominique;  Tnspect  des  forces  que  nous  pou- 
vons y  conduire  et  un  peu  de  vigueur  dans  Tattaque  doivent  nous  la  faire 
emporter.  Je  penche  beaucoup,  pour  diriger  nos  efforts,  sur  la  Dominique 
plutôt  que  sur  Antigue  ;  la  première  nous  sera  d'une  utilité  plus  permanente, 
lorsque  je  ne  serai  plus  ici,  et  elle  peut  être  destinée  à  une  réunion  bien  dési- 
rable i\  la  paix.  Antigue  nous  offre  des  difficultés  maritimes  pour  la  descente  ; 
l'escadre  qui  y  serait  employée  aurait  plus  de  peine  à  s*y  maintenir  et  à  com- 
biner les  opérations  avec  celles  des  troupes,  par  les  brises  fraîches  qui  régnent 
en  cette  saison,  et  je  m'y  trouverais  plus  éloigné  du  point  qu'il  est  si  intéres- 
sant de  ne  pas  perdre  de  vue. 

Je  vous  engage  fort,  mon  général,  de  bleil  conférer  avec  le  général  Lau- 
riston sur  les  moyens  qui  peuvent  être  réunis,  et  voyez  si  nous  ne  pouvons 
pas  emporter,  dans  huit  à  dix  jours,  ce  poste  qui  nous  tient  ainsi  séparés  de  la 
Martinique  et  dont  l'existence,  après  l'apparition  des  deux  eioadres,  aurait 
toujours  besoin  de  justific«ition. 

Le  vice-amlràl  Villeneuve  à  Son  ExoellMoé  te  MInletfii  de  /a  marine 

et  de^  ooloniee  (1). 

A  bord  da  vaisse&a  le  Bucentaure,  en  rade  de  Port-de-Prance, 
le  l*'  prairial  an  xiii  (21  mai  1805). 
Monseigneur, 

Nous  vous  expédions,  le  capitaine  général  et  moi,  le  brick  le  Lynx  (2),  pour 
vous  informer  de  l'arrivée  de  l'escadre  dans  ces  mers  et  de  la  situation  de  la 
colonie.  J'ai  atterri  sur  la  Martinique  le  23  floréal  (13  mai)  au  jour,  et  j'ai 
mouillé  au  Fort-de-France  le  ii  (14  mai).  L'escadre  aux  ordres  du  contre- 
amiral  Missiessy  en  était  parti  le  2  germinal  (23  mars),  conformément  à  vos 
ordres.  J'ai  demandé  à  être  nourri  des  magasins  de  la  colonie  pendant  le 
séjour  que  je  pourrais  y  faire;  j'ai  trouvé  dans  le  préfet  colonial,  M.  Laussat, 
toutes  les  dispositions  favorables  pour  faire  tout  ce  qui  sera  en  son  pouvoir 
pour  cet  objet,  et  j'espère  qu'une  partie  des  vivres  que  j'aurai  consommés  sera 
remplacée. 

L'eau  de  l'escadre  est  faite.  J'attends  avec  une  vive  impatience  l'arrivée  de 
l'escadre  de  Brest,  et  je  suis  prêt  à  la  suivre  au  premier  signal  qui  m'en  sera 
fait.  Dans  le  cas  où  elle  ne  serait  pas  arrivée  le  2  messidor  (22  juin)^  c'est-à- 
dire  le  40°  jour  de  mon  arrivée  à  la  Martinique,  je  partirais  pour  suivre  la  des- 
tination qui  m'est  prescrite  dans  mes  instructions;  elles  portent  que  je  doii  me 
rendre  devant  la  baie  de  Saiitiago  des  Canaries»  Je  ne  connais  pas  de  baie  de 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BË>v^  J30-?03. 

(2)  Les  dépêches  portées  par  le  Lynx  parvinrent  au  Ministre  le  1 1  juillet.  (Registre  de 
correspondance  de  la  marine,  BB'v,  230), 


LA  TaATBRSBB  DE  L'OOBAN.  B3S 

Santiago  aux  Canarietf  maiêt  comme  l'objet  de  la  croisière  que  Je  dois  faire  est 
de  chercher  à  intercepter  les  convois  allant  et  venant  de  Vlnde,  je  suppose  que 
c'est  de  Vile  de  Santiago  et  de  la  rade  de  la  Praya,  aux  lies  du  Cap-Vert^  dont 
il  doit  être  question,  et  cW  ters  ce  point  que  Je  me  dirigerai  pour  y  établir 
une  croisière  autant  que  me«  titres  pourront  me  le  permettre. 

Noui  atons  ici  des  nouirelles  de  Santo-Domingo,  du  10  floréal  (30  aTril).  Il 
parait  que  tout  y  Ta  bien«  que  les  bandes  de  Dessalines  ont  été  complètement 
battues  et  qu^elles  ont  été  obligées  de  se  retirer  dans  la  paHie  française. 

Je  regrette  beaucoup  d'avoir  à  paraître  devant  ce  port,  car  j'ai  des  vaisseaux 
qui  marchent  si  mal,  que  j'aurai  de  la  peine  à  remonter  dans  le  Tent  pour 
débarquer  entre  Satito-Domingo  et  Porto-Rico.  Le  Formidable,  Vlntrépide  et 
Y  Atlas,  ainsi  que  deux  vaisseaux  de  Tescadre  espagnole,  rendent  la  marche  de 
Tescadre  extrêmement  pesante. 

Des  rapports  indirects  annoncent  qu'une  forte  escadre  a  été  vue  de  Saint- 
Thomas  et  de  Porto-Rico,  On  la  supposait  française,  je  ne  puis  le  croire. 
Serait-ce  une  escadre  anglaise  qui,  me  croyant  destiné  pour  la  Jamaïque,  s'y 
serait  dirigée  à  ma  poursuite?  C'est  ce  que  l'avenir  nous  apprendra,  mais 
comme  je  n'ai  pu  recueillir  aucun  renseignement  positif  ni  sur  la  force  de 
cette  escadre  ni  sur  Tépoque  de  son  apparition,  je  n'en  puis  rien  pr^uger. 

La  terreur  est  dans  les  lies  anglaises,  la  loi  martiale  y  a  été  proclamée.  Il 
n'y  a  rien  de  si  pénible  que  Vinaction  dans  laquelle  me  retient  la  nature  de  ma 
mission.  J'ai  proposé,  en  attendant,  de  faire  une  attaque  sur  la  Dominique^ 
mais  les  renseignements  qui  ont  été  obtenus  font  penser  que  cette  lie  est  à 
l'abri  de  toute  insulte  en  ce  moment,  la  garnison  étant  renfermée  au  morne 
Gabril,  qui  exigerait  un  siège  long  et  difficile.  Sainte-Lucie  a  paru  également 
à  l'abri  d'un  coup  de  main  ;  cependant  une  attente  de  quarante  jours  est  bien 
longue  et  bien  pénible,  et  si  une  force  anglaise  s'est  portée  sur  la  Jamaïque»  il 
est  bien  possible  qu'elle  ait  le  temps  de  remonter  ici  avant  l'expiration  de  ce 
terme  de  rigueur. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

Villeneuve. 

L'escadre  signalée  était  celle  de  Gochrane,  forte  de  6  yais« 
seauXé  Partie  de  devant  le  Ferrol,  elle  fut  signalée  le  4  mars  (1  ) 
devant  Lisbonne,  puis  elle  se  porta  sur  la  Jamaïque  où  elle 
laissa  4  vaisseaux.  Les  deux  autres  rallièrent  plus  tard  Nelson 
à  la  Barbade. 

Tout  dans  les  instructions  du  2  mars  éta  t  subordonné  à  la 
jonction  avec  Ganteaume.  Si  cet  amiral  n'arrivait  pas  avant 
40  jours,  Villeneuve  et  Gravina  allaient  faire  croisière  de 
prise  aux  Canaries.  Rien  ne  les  autorisait  encore  à  penser 
que  leur  mission  put  alors  se  combiner  avec  la  grande  opé- 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8582,  13  tTril. 


S36  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  VIU. 

ration  de  descente  en  Angleterre  si  l'escadre  de  Brest  ne  les 
ralliait  pas. 

En  l'attendant,  aucune  opération  n'était  prévue  et  c'était 
de  la  part  de  Villeneuve  faire  preuve  de  grande  initiative, 
que  de  tenter  une  entreprise  contre  la  Dominique.  Pour  la 
préparer,  Lauriston  pai*tit  le  22  mai  avec  deux  frégates  pour 
aller  chercher  des  troupes  à  la  Guadeloupe.  Le  25,  il  était 
de   retour. 

Martiniqae,  Pori-de-France,  6  prairiftl  an  xm  (26  mai  1805)  (1). 

Monseigneur, 

Nous  Toilà  donc  arrivés  à  notre  destination  et  fort  heui*eusement.  Nous  eus- 
sions cependant  désiré  faire  quelque  rencontre  depuis  le  détroit,  tous  Toyei 
comme  l'intérêt  me  gagne,  mais  plus  encore  Tenvie  de  faire  du  mal  à 
Tennemi. 

Toute  TEurope  dit  que  les  vaisseaux  anglais  couvrent  les  mers;  dans  la 
Méditerranée  nous  n'en  avons  pas  rencontré,  dans  POcéan  nous  n'en  avons 
trouvé  qu'un  seul,  et  encore  aux  atterrages. 

Depuis  douze  jours  nous  sommes  arrivés,  depuis  ce  temps  nous  sommes  en 
appareillage,  nous  attendons  vos  ordres. 

Je  suis  allé  le  2  (22  mai)  à  la  Guadeloupe  avec  deux  frégates,  j'y  ai  pris  des 
renseignements  sur  la  situation  et  les  besoins  de  cette  colonie  ;  ils  sont  très 
satisfaisants. 

Je  n'entre  pas  dans  des  détails,  que  le  capitaine  général  et  le  yice-amiral 
Villeneuve  donneront  à  Votre  Excellence;  quant  à  moi,  je  n'ai  encore  rien 
fait,  et  je  désire  faire  beaucoup  et  bien. 

Je  suis,  do  Votre  Excellence, 

Le  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Alex.  Lauriston. 

Le  vice-amiral,  grand  officier  de  la  Légion  d'honneur,  commandant  en 
chef  l'escadre  impériale  dans  les  mers  de  l'Amérique,  à  Son  Exoellence 
le  Ministre  de  la  marine  (2). 

Lo  6  prairial  an  xtit  (S6  mai  1805). 
Monseigneur, 

Voulant  mettre  à  profit  le  séjour  de  l'escadre  dans  ces  mers,  pour  donner 
au  moins  quelque  inquiétude  au  commerce  ennemi,  je  fais  partir  les  trois  fré- 
gates VHortetise,  VBcrmione  et  la  Thémis,  pour  aller  croiser  au  vent  des  îles 
anglaises;  je  prescris  au  capitaine  de  VHortense  d'être  de  retour  à  la  Marti- 


(1)  Archives  de  la  Marine.  —  Colonies  :  Ile  de  la  Martinique  et  dépendances,  1805. 
BBrv,  233. 

(t)  Archives  de  la  Marine,  BB»v,  230. 


CARTE    DES    FBTITEH    ANTILLES. 


Nés  Viçrtf  es 

^X  ■^"  '  ^' 

*  -       Barboude 
-S-Croix       .j^chris4he 

^         ^Aniitfoa 

l.ileMoJlserrst   ^.'» 
Guadeloupe  /ri^^r^/l.debOèsiracfe 

».A*i«|g|Jrj-.V  «Marie  Galante 
C.pdu[V"Rup.r^Q^^.„.^„^ 

Fort  de  /ra/ï«^îSMartinique 
Ile  elPV  du  Diamant^ 

JS- Lucie 
S'VincenU     Barbade^ 


538  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  Vm. 

DÎque  le  22  de  ce  mois  (H  juin),  et,  dans  le  cas  où  il  trouverait  Tescadre 
partie,  il  trouterait  aussi  des  ordres  et  instructions  sur  sa  destination  ulté- 
rieure et  un  point  de  rendez-vous. 

J'ai  pour  objet  aussi,  en  détachant  ces  frégates,  d'obtenir  des  nouvelles  et 
des  renseignements  sur  ce  qui  se  passe,  tant  dans  ces  mers  que  dans  celles 
d'Europe,  par  les  bâtiments  qui  peuvent  en  arriver,  car  ici  il  n'arrive  rien,  et 
je  ne  sais  absolument  rien  de  ce  qui  se  passe. 

Je  ne  me  crois  pas  autorisé  à  détacher  des  vaisseaux  dans  la  circonstance 
actuelle,  et  vu  l'importance  des  mesures  prises  par  le  gouvernement.  J'ai  espéré 
qu'à  tout  événement  vous  ne  désapprouveriez  pas  que  j'aie  détaché  des  fré- 
gates pour  nuire  au  commerce  de  l'ennemi,  utiliser  leur  séjour  dans  ces  mers 
et  procurer  quelques  ressources  à  l'escadre  et  à  la  colonie,  par  les  prises 
qu'elles  peuvent  faire. 

Je  prie  Votre  Excellence  d^agréef  l'hommage  de  mon  profond  respect. 

Villeneuve. 


Ces  trois  frégates  mirent  à  la  voile  le  surlendemain  28. 
Jusque4à  ou  n'avait  guère  fait  autre  chose  que  de  mettre  la 
Martinique  en  état  de  défense. 

Il  a  été  débarqué  différents  objets  d'artillerie  pour  achever  de  mettre  l'tle  de 
la  Martinique  dans  un  bon  état  de  défense,  360  fusiliers  du  67*  ont  été  débar- 
qués et  incorporés  dans  le  8i^  régiment,  qui  a  été  organisé  à  deux  bataillons. 
La  compagnie  d'artillerie  a  été  également  débarquée  (1). 

Le  29  mai,  Villeneuve  décida  d'enlever  le  petit  îlot  du  Dia- 
mant situé  à  la  pointe  sud-oubst  de  la  Martinique. 

«  La  conquête  de  cette  roche,  si  voisine  de  la  Martinique, 
«  était  d'autant  plus  importante  que  rennemi,  en  Foccupant, 
«  interceptait  ainsi  toute  la  navigation  de  cette  colonie  (2).  » 

Le  Phiton^  le  Berwick  et  la  Sirène^  avec  des  chaloupes  et 
des  canots  et  200  hommes  de  débarquement,  furent  chargés 
de  cette  opération. 

Le  lendemain  30,  ces  forces  arrivèrent  trop  tard  pour  com- 
mencer l'attaque  avant  la  nuit. 

Le  môme  jour  un  événement  important  vint  modifier  la 
situation  de  Tarmée  navale. 

((  Ce  même  jour,  la  frégate  la  Didon  arriva  de  Lorient  en 


(1)  Joornal  de  Reille. 

(2)  Rapport  d'ensemble  de  Decrès  sur  les  opérations  de  Villeneave,  t2  juillet  1805. 


LA  TRAVERSÉE  DE  L*OOÉAN.  639 

26  jours,  et  est  entrée  avec  les  3  frégates  qu'elle  avait  ren- 
contrées {{).  » 

On  se  souvient  que  partie  le  3  mai,  c'est-à-dire  le  surlen- 
demain du  départ  de  Tamiral  Magon»  la  frégate  la  Didon 
emportait  toutes  les  instructions  jusqu'au  1®'  mai  inclus. 
Celles-ci  impliquaient  le  retour  en  Europe,  si  dans  un  délai 
de  35  jouts  Oanteaume  n'avait  pas  paru,  et  la  marche  sur  le 
Ferrol,  mais  en  outre  Tobligation  d*entreprendre  de  vigou- 
reuses opérations  aux  Antilles.  Enfin,  les  nouvelles  que  Ton 
donnait  de  Nelson  devaient  amener  Villeneuve  à  compter  sur 
un  temps  assez  considérable  avant  de  voir  se  produire  une 
attaque  que  sa  supériorité  numérique  pouvait  Tempêcher  de 
craindre.  Voici  comment  Villeneuve  comprit  son  nouveau 
rôle. 

Fort- de -France,  à  bord  du  vaisseau  de  S.  M.  I.  le  Bucentaure, 
le  12  prairial  an  xm  (!•'  Jotn  1805)  (t). 
Monseigneur, 

La  frégate  la  «  Didon  >»  est  arrivée  avant-hier  10,  elle  m'a  apporté  votre 
dépêche  du  9  floréal  (29  avril),  à  laquelle  était  Joint  un  duplicata  de  celle  du 
fi  germinal  (17  avril)  et  de  mes  nouvelles  instructions. 

Je  ftuifl  assurément  au  désespoir  du  retard  qu'éproutc  Tarritée  de  M*  l'amiral 
Ganteatime,  mais  Je  h*aî  pu  lire  sans  bien  de  Tétonnement  le  paragraphe  de 
▼otre  lettre  du  t7  où  tous  me  dites  t  Toutes  celles  que  vous  avet  reçues  jus^ 
qu'ici,  Monsieur,  se  sont  toutes  accordées  sur  ce  point  que  votre  séjour  aux  lies 
du  Vent  devait  être  marqué  par  la  conquête  des  possessions  anglaises,  ou  au 
moins  par  des  expéditions  qui  anéantiraient  pour  longtemps  la  prospérité  des 
établissements  appartenant  à  rennemi. 

Comment  ai-je  pu  trouver  Vordre  de  faire  des  expéditions  contre  les  posses- 
sions ennemies  dans  des  instructions  qui  me  prescrivent,  en  arrivant  à  la  Mar^ 
Unique,  de  remplacer  mon  eau  le  plus  promptement  possible,  de  me  tenir  tou- 
jours en  appareillage  au  premier  signal  qui  me  sera  fait  par  Vamiral 
Oanteaume,  qui  doit  passer  et  ne  pas  même  mouiller,  de  me  faire  nourrir  des 
magasins  de  la  colonie  pendant  le  temps  que  je  serais  à  la  Martinique,  et  que 
de  Vexécution  de  ces  mesures  et  du  départ  de  Varmée  navale  dépendent  les  des- 
tins du  monde,  lorsque  de  son  côté  le  général  Lauriston  avait  Tordre  de 
débarquer,  en  arrivant  à  la  Martiifique,  la  majeure  partie  de  ses  troupes  et  de 
son  artillerie  et  de  ses  munitions  de  guerre.  Tout  cela  est  exécuté  :  les  hommes 
et  Tartillerle  sont  h  tetTc,  nous  allons  les  embarquer  et  songer  K  faire  quelques 
expéditions  ;  mais  je  vous  proteste  que  je  ne  sais  par  où  commencer.  Depuis 
un  mois,  l'ennemi  est  informé  de  mon  arrivée,  il  s'est  fortifié  sur  tous  les 
points,  ses  bâtiments  de  commerce  sont  enfermés  dans  des  ports  fermés  ou  ont 


(1)  Journal  de  Reille. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BBi^,  280-tlo. 


540  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  VIII. 

filé  à  la  Jamaïque  et  dans  les  îles  neutres,  et  je  ne  m  attends  pas  à  de  grands 
succès,  du  moment  que  toute  opération  pouvant  traîner  en  longueur  ou 
eii géant  un  siège  nous  est  interdite. 

Cependant,  comme  je  vous  vois  condamner  d*avance  une  inaction  dans 
laquelle  mes  instructions  seules  in  avaient  enchainé,  il  était  venu  de  moi  de  vouloir 
en  sortir  dès  mon  arrivée,  et  je  le  prouve  par  la  lettre  ci-jointe  que  j'écrivais 
au  général  Ernouf,  le  i*'  de  ce  mois.  Je  ne  veux  pas,  par  là,  justifier  mon 
inaction,  mais  vous  faire  connaître  qu'elle  m'était  insupportable.  Quoi  qu'il  en 
soit,  dès  que  l'afiaire  du  Diamant  sera  terminée,  nous  partirons  pour  attaquer 
soit  Antigue,  soit  la  Barbade.  Les  dispositions  sont  prises  pour  embarquer 
l'artillerie  et  les  troupes. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

Villeneuve. 

A  bord  du  vaisseau  de  S.  M.  I.  le  Bucentaure,  en  rade  de  Fort<le-Pranoe, 
Martinique,  le  12  prairial  an  xm  (!•' juin  1805)  (1). 

Monseigneur, 

J'ai  reçu,  par  la  frégate  la  Didon,  le  duplicata  des  nouvelles  instructions  de 
l'Empereiu".  Je  vous  ai  mandé  combien  il  était  fâcheux  que  mes  instructions 
précédentes,  ne  m'aient  pas  mis  en  mesure  d'agir  dès  le  moment  de  mon  arrivée. 
Aujourd'hui  tout  est  bien  différent  :  l'ennemi  est  sur  ses  gardes,  il  avait  été 
prévenu,  par  la  frégate  le  Mercury,  expédiée  par  V amiral  Orde  et  arrivée  le 
t  mai,  de  ma  sortie  du  détroit;  elle  m'avait  précédée  de  treize  jours.  Voilà, 
par  conséquent,  plus  d'un  mois  qu'ils  se  préparent  à  notre  visite.  Cependant, 
nous  allons  nous  mettre  en  mesure  d'exécuter  les  ordres  de  l'Empereur. 

Les  intentions  de  Sa  Majesté  seraient  que  f  attende  encore  dans  les  colonies 
trente-cinq  jours  après  V arrivée  du  général  Magon;  mais.  Monseigneur,  je 
vous  prie  d'observer  que  Vétat  de  mes  vivres  ne  me  permet  pas  absolument 
d'attendre  un  terme  aussi  reculé  (2).  En  effet,  je  suis  parti  de  Toulon  avec  six 
mois  de  viyres  pour  11,500  rationnaires  composant  les  équipages  de  l'escadre  ; 
les  passagers  ont  porté  t\e  nombre  à  près  de  15,000,  en  sorte  que  mes  six  mois 
de  vivres  n'équivalent  pas  à  quatre  mois  et  demi.  Quels  que  soient  la  bonne 
volonté  et  l'empressement  du  préfet  colonial  de  la  Martinique,  il  aura  beau- 
coup de  peine  à  me  réunir  la  valeur  d'un  moisdeyivres  pour  toute  l'escadre,  et 
ce  sera  excéder  les  facultés  qu'il  a  en  son  pouvoir.  Me  voilà  donc  avec  cinq 
mois  et  demi  de  vivres  à  dater  de  mon  départ  de  Toulon.  Je  ne  puis  pas 
entreprendre  les  opérations  qui  me  sont  prescrites  à  moins  d'avoir,  en  partant 
d'ici,  au  moins  deux  mois  et  demi  de  vivres  ;  et,  en  calculant  sur  la  marche 
pesante  de  l'escadre  et  sur  les  calmes  qu'on  éprouve  en  cette  saison,  trois  mois 
ne  seraient  pas  de  trop. 

Je  suis  parti  de  Toulon  le  9  germinal,  c'est-A-dire  depuis  deux  mois  et  trois 
jours  ;  je  ne  puis  plus  compter  par  conséquent,  de   ce   moment-ci,  que  sur 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB>^,  230-218. 

(2)  A  comparer  avec  la  lettre  de  l'Empereur  du  30  avril. 


LA  TRAVERSÉE  DE  L'OCÊAN.  541 

trois  mois  douze  jours  de  Tivres,  et  là-dessus  je  ne  compte  pas  les  déchets 
journaliers  par  la  vétusté  des  vivres,  et  nous  allons  entreprendre  une  opéra- 
tion ;  mais  je  ne  puis  pas  vous  répondre  que,  suivant  les  événements,  je  ne 
serai  pas  obligé  de  quitter  immédiatement  après  les  Antilles  par  le  défaut  de 
vivres  et,  dans  ce  cas,  ce  serait  mon  retour  sur  le  Ferrol  directement,  ainsi 
que  me  le  prescrivent  mes  instructions. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  Thommage  de  mon  respect. 

P.  S.  —  L'escadre  espagnole  est  dans  le  même  cas  pour  ses  vivres  et, 
depuis  son  arrivée  à  la  Martinique,  Tamiral  Gravina  a  réduit  la  ration  d'un 
qaart,  qu'il  paye  en  argent  comptant  à  ses  équipages. 

ViLLENEUX'E. 

L'expédition  du  Diamant,  déjà  entamée,  exigea  trois  jours 
de  combat  contre  un  adversaire  de  force  tout  à  fait  minime  (1). 

Le  41  (31  mai)  au  matin,  le  Diamant  a  été  enlevé.  A  la  première  volée  des 
vaisseaux,  la  batterie  du  bas  a  été  abandonnée  et  le  débarquement  s'est  fait 
avec  beaucoup  d'ordre  et  de  bravoure. 

L'ennemi,  retiré  sur  la  cime  et  dans  des  cavités  de  rocher,  a  fait  pleuvoir 
une  grêle  de  pierres  et  faisait  une  fusillade  qui  nous  a  tué  et  blessé  quelques 
hommes.  Cependant,  on  s'y  est  étibli.  Gomme  il  n'y  avait  avec  le  haut  de  com- 
munication qu'avec  des  échelles,  il  a  été  impossible  de  grimper.  Le  12  (1*' juin), 
les  vaisseaux  ont  canonné  encore  le  rocher,  mais  l'ennemi  se  cachant  dans  des 
grottes,  les  boulets  ne  pouvaient  pas  l'incommoder.  Le  13  (2  juin),  quelques 
matelots  et  grenadiers  sont  parvenus,  par  le  moyen  de  cordes,  à  monter  et  à 
s'emparer  d'une  grotte  où  étaient  les  vivres  de  la  garnison  ;  de  suite,  elle  a 
mis  le  pavillon  parlementaire  et  s*est  rendue  prisonnière  avec  une  capitulation 
qu'on  a  bien  voulu  lui  donner.  Sa  force  était  de  128  hommes.  La  Didon 
ayant  porté  les  ordres  d'agir,  on  a  rembarqué  l'artillerie  de  campagne  et 
(>U0  hommes  du  84^  le  14  (3  juin)  ;  le  15  (4  juin),  les  bâtiments  qui  étaient  au 
Diamant  sont  rentrés. 


Extrait  d'une  lettre  adressée  au  Ministre  de  la  marine  par  le  contre- 
amiral  Villeneuve  (2). 

A  bord  du  vaisseau  le  Bucentauret  en  rade  du  Kort-de-France, 
île  do  la  Martinique,  le  15  prairial  an  Xiu  (4  juin  1S05). 

L'occupation  du  poste  le  Diamant  par  l'ennemi  paralysait  les  communications 
des  divers  quartiers  de  la  colonie  et  portait  un  tort  considérable  aux  habitants 
et  aux  commerçants,  qui  désiraient  ardemment  de  s'en  voir  délivrer.  Depuis 


(1)  Journal  de  Reille. 

(t)  Archives  de  la  Marine,  BB'^,  230. 


54S  TROISriBMB  PARTIE.   —  OHAPITBE  VIU. 

Umftenipt,  le  eapiUiiie  général,  indigné  de  toît  les  eoiUetm  britanniques  sur 
ce  rocher,  afait  oonçu  le  projet  de  les  en  chasser;  il  a  désiré  fkire  œ  eoup  de 
main  avec  les  troupes  de  la  colonie,  sans  le  seeours  de  celles  de  Teipédition  ;  il 
m*a  demandé  seulement  d'y  employer  deux  Taisseaux  et  quelques  bâtiments 
légers. 

Il  entrait  trop  dans  mes  instructions  d'assurer,  par  tous  les  moyens  pos- 
sibles, la  sâreté  de  la  colonie  et  ies  sTantages  pour  ne  pas  me  prêter  au  fOMi 
du  capitaine  général  et  de  le  seconder  de  tous  mes  moyens.  J'ai,  en  consé- 
quenee,  chargé  de  cette  expédition  le  capitaine  de  vaisseau  Cosmao,  qui  fit  foile 
pour  le  Diamant  avec  quatre  chaloupes  et  quatre  canots  armés.  Le  11  prairial, 
les  Taisseaux  sVtant  élevés  au  vent  du  Diamant,  donnèrent  dans  le  canal,  entre 
le  roc  et  la  terre  ;  leur  feu  fit  bientôt  taire  les  batteries  basses  que  Tennemi  y 
ayait  établies,  et  les  chaloupes  et  canots,  ayant  les  troupes  à  leur  bord,  purent 
aborder  le  roc  sur  le  seul  point  qui  (ut  abordable. 

Rien  n*égale  les  preuves  de  courage  et  de  résolution  qui  furent  données  dans 
cette  ooeasion. 

Cette  affaire,  peu  importante  en  elle-même,  peut  être  considérée  comme  un 
beau  fait  d'armes  par  les  difficultés  qu'elle  présentait  et  la  réunion  des  moyens 
de  défense  que  Fennemi  avait  rassemblés.  Elle  fait  le  plus  grand  honneur  à 
tous  ceux  qui  y  ont  été  employés,  aux  capitaines  Cosmao,  Demay,  au  lieute- 
nant de  vaisseau  Fournier. 

Je  dois  TOUS  citer  IVnseigne  de  vaisëOdU  llacquet  qui,  par  son  courage  et 
son  activité,  a  contribué  particulièrement  au  succès  de  cette  expédition. 

VlLLEKKl'N-B. 


A  cela  s'étaient  bornées  les  entreprises  de  Villeneuve 
depuis  son  arrivée  aux  Antilles.  Mais  on  sait  que  cette 
inaction,  plus  tard  si  durement  reprochée  à  Famiral,  est 
justifiée  par  le  texte  môme  des  ordres  du  2  mars.  Decrès 
lui-même  osa  prendre  la  défense  de   son    subordoimé  (1). 

Dans  toute  autre  circonsUnce,  l'armée  auniit  pu  s«»  livrer  à  des  entreprises 
plus  marquantes,  mais  il  est  à  observer  que,  par  ses  ordres  primitifs,  le  vice- 
amiral  Villeneuve  était  retenu  à  la  Martinique  Jusqu'à  l'arrivée  de  l'armée 
navale  de  Brest,  que  l'expédition  sur  la  Dominique  et  quelques  autres  îles 
anglaises  n'avait  aucun  résultat,  et  qu'enfin  Tamiral  ne  sachant  rien  de  ce 
qui  se  passait,  et  ne  connaissant  pas  la  marche  des  escadres  ennemies,  devait 
se  borner  à  l'objet  qui  lui  était  recommandé,  celui  de  sa  jonction  avec  l'amiral 
Gantcaume. 

L'arrivée  de  Magon  avec  ses  2  vaisseaux  de  74,  ÏAJgésiras 


(1)  Rapport  d'ensemble,  loc.  ciL 


Ul  TaAVBR8BE  DK  l'oCÉàN.  S43 

et  V Achille  et  ua  renfort  de  861  soldats  (1)  porta  les  forces 
des  alliés  h  30  vaisseaux,  dont  14  français  et  6  espagnols. 

Par  une  singulière  coïncidence,  le  même  jour,  4  juin,  Nelson 
arrivait  à  la  Barbade  et  y  ralliait  les  deux  vaisseaux  de 
Tamiral  Gochrane  depuis  longtemps  dans  ces  parages. 

Parti  du  cap  Saint- Vincent  le  11  mai  au  soir,  Nelson  était 
le  14  à  38  lieues  de  Madère,  d'où  il  écrivait  :  «  J'aimerais  bien 
mieux  pour  ma  santé  être  allé  en  Angleterre on  ne  pen- 
sera pas  que  c'est  une  partie  de  plaisir,  de  poursuivre  jus- 
qu'aux ludos  occidentales  18  vaisseaux  quand  on  n'en  a  que 
10  avec   soi.  )i  La  traversée  se  poursuivit  sans  incidents  à 

raison  de  135  milles  par  jour  soit  5  à  6  nœuds  à  Theure 

parfois  on  atteignit  la  vitesse  de  9  nœuds  (2).  Le  vieux  vais- 
seau le  Superb  retardait  Tescadre.  Pourtant,  le  21  mai,  Nelson 
comptait  arriver  à  la  Barbade  le  3  ou  le  4  juin  (3).  «  J'espère 
disait-il  à  cette  occasion,  que  Gochrane  va  nous  renseigner  sur 
l'ennemi.  Je  crois  toujours  que  son  but  est  la  Jamaïque,  mais 

beaucoup  opinent  pour  Surinam,  la  Trinité d'autres 

croient  que  les  Français  débarqueront  des  troupes  à  Saint- 
Domingue Ils  avaient  35  jours  d'avance  sur  nous,  nous 

en  aurons  bien  gagné  14  sur  le  passage.  Ils  seront  donc  arri- 
vés 17  jours  avant  nous  à  la  Martinique,  où  je  pense  bien 

qu'ils  iront.  Je  ne  jetterai  pas  l'ancre  à  la  Barbade »  En 

chemin  il  avait  rédigé  un  «  plan  d'attaque  »  ayant  surtout 
pour  objet  de  mettre  ses  capitaines  en  demeure  d'agir  de  leur 
propre  initiative  sans  attendre  de  signaux.  «  Si  les  deux  esca- 
dres sont  toutes  deux  décidées  au  combat,  il  y  a  peu  à  manœu- 
vrer ;  le  moins  sera  le  mieux,  car  on  perd  facilement  un  jour 
ainsi.  Le  premier  procédé  consistera  à  percer  la  ligne  ennemie 


(1)  Dépôt. 

l^  légion  da  midi 50  hommes. 

Z*  bataiUon  du  midi 185      — 

3*  bataillon  colonial 78      — 

t6*  de  ligne 78      — 

!•'  régiment  suisse 171      — 

l**  demi-brigade  suisse tOO      — 

!»•  demi-brigade  helvétique 99      — 

Total 861  hommes. 

(2)  Mahan. 

(3)  Lettre  au  capitaine  Keath  du  Supet^à. 


544  TROISIÈME  PARTIR.    —   CHAPITRE  YlII. 

en  son  centre,  à  re virer  de  façon  avec  tout  votre  inonde,  à 
engager  5  ou  6  vaisseaux  seulement,  laissant  Tarrière-garde 
ennemie  maîtresse  de  faire  ce  qu'elle  veut. ...  Le  second  est 
de  courir  sur  le  vaisseau  de  tête,  de  telle  sorte  que  l'ennemi 
ne  puisse  savoir  si  je  passerai  au  vent  ou  sous  le  vent.  Je  ferai 
alors  le  signal  d'engager  Fennemi  sous  le  vent  pour  couper  sa 

ligne  à  hauteur  du  6«  vaisseau Courant  grand  largue, 

nous  le  couperons  comme  nous  voudrons.  Les  vaisseaux  de 
tête  de  rennemi,  au  moment  où  notre  arrière-garde  arrive- 
rait par  le  travers  du  vaisseau  d'avant-garde,  seraient  coupés 
et  notre  avant-garde  ne  pourrait  éviter  des  avaries.  Je  ferai 
donc  virer  notre  dernier  vaisseau,  puis  tous  les  autres,  Tun 
après  l'autre  pour  continuer  le  combat,  soit  avec  le  vaisseau  de 
tête,  soit  avec  le  second,  suivant  celui  qui  paraîtra  le  plus 

éprouvé Les  autres  vaisseaux  ennemis  seront  assez  loin 

sous  le  vent  pour  qu'après  avoir  écrasé  les  5  ou  6  premiers, 
nous  ne  nous  soyions  pas  mis  en  état  de  les  recevoir. . .  Il  n'y  a 
pas  de  signaux  à  faire  pour  de  pareils  mouvements,  lorsque 

chacun  est  résolu  à  faire  son  devoir » 

Le  3  juin,  à  8  heures  du  matin,  on  apprit  positivement,  par 
deux  bâtiments  de  commerce,  la  présence  de  Tescadre  fran- 
çaise aux  Antilles.  Le  lendemain,  à  6  heures  du  matin,  on  était 
en  vue  de  la  Barbade  et  les  vaisseaux  mouillèrent  à  4  h.  50 
du  soir  dans  la  baie  de  Carlisle.  Là  se  trouvait  l'amiral 
Cochrane  avec  le  Northumberland^  et  bientôt  après  arrivait  son 
second  vaisseau  le  Spartiate, 


CHAPITRE  IX 

L'IMMOBILITÉ  DE  GANTEAUME  ET  LA  RENTRÉE  DE  MISSIESSY 

(DU  V  AU  20  MAI) 


Bien  qu'aucun  des  ordres  donnés  par  l'Empereur,  dans  la 
période  dans  laquelle  nous  allons  entrer,  ne  soit  parvenu  à 
destination,  les  mesures  prescrites  après  le  27  avril  sont  utiles 
à  connaître  comme  symptômes  de  l'état  d'esprit  de  Napoléon, 
comme  preuve  des  difficultés  rencontrées  dans  le  maniement 
d'escadres  lancées  au  loin  sur  les  mers,  enfin  comme  origine 
des  ordres  ultérieurs. 

Dès  le  29  avril,  Napoléon  écrivait  la  curieuse  lettre  suivante 
où,  prévoyant  Téchec  de  Villeneuve,  il  édifiait  un  projet  tout 
à  fait  imprévu  :  une  expédition  aux  Indes  orientales. 

Au  vice-amiral  Decrès  (1). 

Stupinigi,  9  floréal  an  xm  (29  avril  1805). 

J'attends  avec  bien  de  Pimpatience  le  départ  de  l'escadre  de  Brest  et  de 
Rochefort.  Je  m'imagine  que  vous  a^ez  déjà  fait  partir  quelques  goélettes  et 
bricks  ;  il  est  bien  instant  que  VilleneuTe  soit  instruit.  Je  suis  bien  surpris  que 
TOUS  n'ayez  pas  de  nouvelles  directes  de  Missiessy.  Toutes  les  nouvelles  que  je 
recois,  c'est  que  5,000  ou  6,000  hommes  aux  Indes  ruineraient  la  Compagnie 
anglaise.  Dans  le  cas  que,  par  des  événements  quelconques,  notre  expédition 
n'ait  pas  un  plein  succès  et  que  je  ne  puisse  pas  arriver  au  plus  grand  de  tous 
les  buts,  qui  fera  tomber  tout  le  reste,  je  pense  qu'il  faut  calculer  Vopération 
de  VInde  pour  septembre.  Il  y  a  aujourd'hui  beaucoup  plus  de  moyens  qu'il  y  a 


(1)  Con^espondance  de  Napoléon,  8654. 

IV.  35 


546  TROISIÂMB  PARTIE.   —  CHAPITRE  IX. 

quelque  temps.  On  pourrait  toute  la  baser  sur  le  départ  de  l'escadre  de  Brest 
et  sa  jonction  avec  celle  du  Ferrol,  puisque  cela  ferait  36  vaisseaux  de  guerre. 
Faites-moi  connaître  la  saison  où  Ton  pourra  faire  l'expédition  d'Afrique. 
Écrivez  donc  en  Espagne  pour  le  cinquième  vaisseau  et,  en  désarmant  s*il  est 
possible  une  frégate,  je  me  trouverai  avoir  le  nombre  de  vaisseaux  néces- 
saires. 

Voyez  à  Brest  si  Ton  peut,  sans  décider  que  Ganteaume  ne  peut  sortir, 
s'attendre  à  être  débloqué  par  Villeneuve.  Voyez  donc  alors  de  tâcher  d'y 
joindre  V Océan;  quand  il  ne  suivrait  pas  Tescadre,  il  pourrait  prendre  part 
au  combat,  car  vous  ne  doutez  pas  que  Tescadre  de  Brest  ne  se  batte,  et  un 
vaisseau  h  trois  |)onts  de  plus  no  peut  être  que  d'un  grand  avantage. 

Napoléon. 

Ce  qui  est  bien  plus  sérieux,  ce  sont  les  inquiétudes  mani- 
festées dès  le  lendemain  par  TEmpereur  lui-même,  au  sujet 
de  l'exécution  des  ordres  qu'il  a  donnés,  particulièrement  au 
sujet  de  ce  délai  de  35  jours  imposé  à  Villeneuve,  qui  peut 
avoir  de  graves  inconvénients  et  qui,  on  vient  de  le  voir, 
donne  déjà  à  Tamiral  des  préoccupations  très  justifiées. 

• 

Au  Woe-amrra/  Deorèt  (1). 

Asti,  10  floréal  an  xui  (30  avril  1805). 
Monsieur, 

J*ai  relu  avec  attention  les  instructions  données  à  Tamiral  Villeneuve.  Je 
suppose  qu'il  arrivera  à  la  Martinique  le  15  (5  mai)  de  ce  mois  ;  que  dès  lors 
il  en  partira  pour  se  rendre,  par  Santo-Domingo,  dans  la  baie  de  Santiago  le 
25  prairial  (14  juin),  y  restera  vingt  jours  (2)  et,  après,  entrera  à  Cadix.  Si 
r amiral  Magon  pari  avant  le  20  ou  le  25  floréal  (15  mai),  il  lui  porte  Vordre 
(C attendre  trente-cinq  jours,  et  après  de  se  rendre,  par  le  plus  court  chemin, 
devant  le  Ferrol,  L'amiral  Magon  n'arrivera  pas  avant  le  20  ou  le  25  prai- 
rial (9  ou  iÂjuin)  et  V amiral  Villeneuve  devra  attendre  jusqu'au  1«'  thermidor 
(iO  juillet);  il  ne  serait  alors  rendu  devant  le  Ferrol  que  le  i^^  fructidor 
(19  août).  Ainsi  donc  Tamiral  Villeneuve  est  parti  le  9  germinal  (30  mars)  ; 
lorsqu'il  arrivera  devant  le  Ferrol^  il  y  aura  cinq  mois  qu'il  sera  parti  et  il 
n'aura  plus  qu'un  mois  ue  vivres,  en  supposant  que,  pendant  son  séjour  à  la 
Martinique,  il  ait  consommé  les  vivres  de  son  escadre,  ce  qui  n'est  pas  pro- 
bable, surtout  pour  son  biscuit.  Toutefois  dans  cette  hypothèse,  qui  est  la  plus 
désavantageuse,  il  aurait  encore  les  vivres  nécessaires  pour  quinze  jours; 
l'amiral  a  donc  séjourné  deux  mois  et  demi  aux  Antilles.  Les  Anglais  ne  seront 
certains  de  la  marche  du  général  Villeneuve  que  lorsqu'il  sera  arrivé,  c'est-à- 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8659. 

(2)  D'après  les  ordres  du  2  mars  (quarante  jours). 


L'ilfMOBILITB  D8  GANTBAUMB.  647 

dire  le  ÎO  prairial  (9  Juin).  L amiral  restera  donc  trente-cinq  jours  depuis  que 
les  Anglais  auront  la  nouvelle  de  son  arrivée  à  la  Martinique  ;  cela  est,  je 
crois,  trop  au  moins  de  quinze  jours.  Il  faut  donc  que,  si  l'amiral  Magon  n'est 
pas  encore  parti,  vous  écriviez  à  V amiral  Villeneuve  que,  dans  la  lettre  que  lui 
porte  V amiral  Magon,  il  est  dit  qu^il  restera  trente-cinq  jours,  mais  qu'on  avait 
espéré  que  le  général  Magon  serait  parti  quime  jours  plus  tôt  ;  que  mon  inten" 
tion  est  donc  qu'il  ne  reste  à  la  Martinique  que  jusqu'au  it^  messidor  {A  juillet), 
Mail,  gi  le  général  Magon  n'est  point  parti  au  20  iloréal  (10  mai)  et  que  vous 
n*aye«  expédié  aucun  bâtiment  à  cette  époque,  au  général  Villeneuve,  pour  lui 
dire  d'attendre,  il  sera  à  penser  que  le  général  ne  rencontrera  plus  le  général 
Villeneuve  qui,  selon  moi,  partira  le  20  ou  le  S5  prairial  (9  ou  14  juin)  ;  et 
alors  il  n'y  aura  plus  de  possibilité  de  le  joindre  que  dans  la  rade  de  San- 
tiago (aux  Canaries).  Je  pense  qu'il  sera  alors  convenable  que  l'amiral  Magon 
se  rende  dans  cette  rade  pour  porter  l'ordre  an  général  Villeneuve  de  se  porter 
sur*le«champ  sur  le  Ferrol.  Quant  aux  mouvements  de  l'escadre  de  Brest,  ils 
dépendent  des  mouvements  de  l'escadre  de  Rochefort.  Si  l'amiral  Magon  est 
parti  avant  le  iO  floréal  (10  mai),  et  que  l'amiral  Ganteaume  ne  soit  pas  parti 
au  !«' prairial  (2i  mai),  il  ne  reste  plus  k  l'amiral  Ganteaume  que  d'attendre 
tranquillement  d*étre  débloqué.  Mais  si,  au  contraire,  l'amiral  Magon,  partant 
avant  le  90  floréafflO  mai),  se  dirige  sur  Santiago,  je  pense  que  l'amiral  Gan- 
teaume doit  se  rendre  également  dans  cette  rade  avec  l'escadre  du  Ferrol. 
L^amiral  Villeneuve  n'arrivera  point  k  Santiago  avant  le  10  (29  juin)  ou  le 
15  messidor  (4  juillet)  ;  l'amiral  Ganteaume  peut  donc  se  rendre  à  Santiago, 
quand  il  ne  partirait  pas  avant  le  15  prairial  (4  juin).  L'amiral  Villeneuve,  sui- 
vant ses  premières  instructions,  arrivera  donc  à  Santiago  le  10  ou  le  15  mes- 
sidor (29  juin  ou  4  juillet)  ;  il  aura  donc  encore  près  de  trois  mois  de  vivres 
dans  cette  hypothèse  ;  l'escadre  de  Brest  sera  d'ailleurs  dans  le  cas  de  lui  en 
donner.  Ainsi  donc  il  convient,  aujourd'hui,  de  bien  déterminer  ce  que  nous 
avons  à  faire  :  Si  le  général  Magon  part  avant  le  20  floréal  ({0  mai),  et  que 
Ganteaume  parte  avant  le  !•'  prairial  (21  mai),  mon  armée  peut  encore  se 
réunir  à  la  Martinique;  elle  serait  rassemblée  avant  le  1*'  messidor  (20  juin)  et 
sertit  de  retour  avant  le  15  fructidor  (2  septembre).  Si,  au  contraire,  le 
général  Magon  part  avant  le  20  floréal  (10  mai)  et  qu'au  1*'  prairial  Gan- 
teaume n'ait  pas  pu  sortir,  il  faut  qu'il  ne  parte  plus  et  attende  l'arrivée  de 
l'armée  qui  doit  le  débloquer.  Enfin  si  le  général  Magon  n'est  point  parti  au 
20  floréal  (10  mat),  il  convient  qu'au  lieu  de  se  diriger  sur  la  Martinique,  il  se 
dirige  sur  Santiago,  pourvu  qu'il  parte  avant  /«  15  prairial  (4  juin),  et  mes 
escadres  pourraient  alors  se  réunir  dans  les  quinze  premiers  jours  de  messidor 
(20  juin  au  4  juillet)  dans  la  baie  de  Santiago. 

H  est  certain  que  je  préfère  à  tout  la  réunion  à  la  Martinique;  que  je  pré' 
fère  même  la  réunion  de  Santiago  au  déblocus  de  Brest  afin  d'éviter  toute 
espèce  de  combat.  Dans  tous  les  cas,  il  est  nécessaire  que  vous  me  fassiez  un 
rapport  détaillé  sur  toutes  ces  questions;  que  tous  me  donniez  les  noms  des 
bricks,  goélettes  on  frégates  que  vous  aurez  expédiés;  que,  sans  attendre 
d'autres  ordres,  vous  écriviez  au  général  Magon  que,  s'il  n*est  pas  à  la  voile  le 
25  floréal  (1 5  mai)  au  matin,  il  attende  de  nouveaux  ordres  pour  partir.  Je  sup- 
pose que  vous  n'ayez  expédié  aucun  bâtiment  ni  frégate  à  l'amiral  Villeneuve 
pour  le  prévenir  d'attendre  ;  il  faut  que  vous  écriviez  une  nouvelle  dépêche  à 


548  TROISIÈME  PARTIE.    —  CHAPITRE  IX. 

Tamiral  Magon  en  cas  qu'il  parte  a^ant  le  23  floréal  (13  mai)  et  que  vous  pres- 
criviez au  général  Villeneuve  qu'au  plus  tard,  le  15  messidor  (4  juillet),  il 
soit  à  la  voile  pour  opérer  son  retour  sur  le  Ferrol  ;  et  qu'enfin  vous  fassiez 
connaître  au  général  Magon,  dans  une  dépêche  cachetée,  qu'arrivé  à  la  Marti- 
nique et  en  trouvant  l'amiral  Villeneuve  paHi  depuis  quelques  jours,  il  doit 
se  diriger  en  droite  ligne  sur  Santiago,  parce  que,  l'amiral  Villeneuve  devant 
passer  devant  Santo-Domingo  et  rester  vingt  jours  à  Santiago,  il  aura  le  temps 
de  l'atteindre  à  cette  baie,  et  que,  dès  le  moment  de  sa  jonction  avec  cet  amiral, 
il  doit  lui  remettre  l'onlre  de  se  rendre  devant  le  Ferrol  et  de  ne  plus  attendre 
l'escadre  de  Brest. 

Quant  au  général  Ganteaume,  vous  devez  toujours  l'encourager  à  partir  jus- 
qu'au S  prairial  (25  mai),  si  le  général  Magon  est  parti. 

Je  crois  avoir  prescrit  au  général  Villeneuve,  dans  les  instructions  que  lui 
porte  le  général  Magon,  de  se  rendre  par  le  plus  court  chemin  au  Ferrol  et  de 
ne  point  passer  par  la  Jamaïque,  parce  que  c'est  pour  cette  île  que  seront  alar- 
més les  Anglais,  dès  qu'ils  le  sauront  aux  Antilles.  J'imagine  que  l'amiral 
Missiessy,  dans  quelque  port  qu'il  arrive,  trouvera  ses  vivres  prêts.  J'imagine 
que,  s'il  pouvait  se  rendre  à  Santiago,  ses  cinq  vaisseaux  pourraient  aussi 
jouer  leur  rôle. 

En  cas  que  Ganteaume  ne  soit  point  encore  parti  au  moment  ou  vous  rece- 
vrez votre  lettre,  envoyez-moi  des  projets  d'instructions  pour  le  général  Magon 
et  pour  le  général  Ganteaume,  dans  l'hypothèse  que  l'amiral  Villeneuve  suivra 
ses  premières  instructions  et  que  la  jonction  de  mes  escadres  doive  se  faire 
à  Santiago. 

Missiessy  a  dû  partir  le  22  mars;  il  devrait  être  de  retour  en  Europe  dans 
la  première  quinzaine  de  mai  ;  il  ne  devrait  donc  pas  être  loin.  S'il  arrivait  à 
Rochefort  et  que  l'amiral  Magon  ne  fut  pas  parti;  il  y  aurait  possibilité  de  les 
faire  partir  sur-le-champ  ensemble  pour  Santiago  ;  il  faudrait  pour  cela  que 
les  vivres  pussent  être  prêts  à  Rochefort.  L'amiral  Missiessy  a  emporté  des 
vivres  pour  six  mois  :  il  est  parti  le  22  nivôse  (12  janvier);  au  22  mes- 
sidor (Il  juillet)  il  y  aura  six  mois  qu'il  sera  en  mer;  mais  les  hommes  de 
passage  ont  dû  lui  manger  un  mois  de  vivres  ;  s'il  n'en  a  pas  reçu  à  la  Marti- 
nique, il  n'en  doit  plus  avoir  que  jusqu'au  22  prairial  (11  juin);  raison  de  plus 
pour  calculer  sur  sa  prochaine  entrée. 

Dans  tous  les  cas,  je  pense  que  l'amiral  Magon  ne  doit  pas  emmener  tant 
d'hommes;  qu'il  complète  ses  équipages  avec  de  bonnes  troupes,  et  qu'il 
embarque  seulement  une  centaine  de  Piémontais  sur  chaque  vaisseau  ;  qu'il 
épargne  ses  vivres,  non  pour  lui,  mais  pour  pouvoir  en  donner  à  l'amiral 
Villeneuve,  il  pourrait  en  donner  trois  mois  pour  deux  vaisseaux,  ce  qui  ferait 
un  mois  pour  six  vaisseaux  et  dix  jours  pour  toute  l'escadre  de  l'amiral 
Villeneuve  ;  c'est  un  secours  qui  n'est  pas  à  dédaigner. 

Napoléon. 

P.-S,  —  Je  vous  recommande  le  Régulus;  ce  bâtiment  peut  très  bien  être 
armé,  et  prêt  à  partir  pour  le  20  prairial  :  et  cela  étant,  il  peut  entrer  dans  nos 
combinaisons  et  figurer  d'une  manière  bien  avantageuse. 

La  saison  étant  déterminée  pour  les  jours  de  départ  et  d'arrivée,  vous  êtes 
plus  à  même  de  le  juger.  Faudra- t-il  à  l'amiral  Magon  plus  d'un  mois  pour 


l'immobilité  de  oanteaume.  549 

arriver  à  la  Martinique?  S'il  ne  lui  faut  qu'un  mois,  il  est  clair  qu'en  partant 
le  20  prairial  (10  mai),  il  y  a  toute  probabilité  qu'il  joindra  Tamiral  Villeneuve. 
J'ai  mis  que  l'amiral  Magon  pourrait  partir  le  25  prairial  (15  mai);  comme 
cela  dépend  d'une  manière  de  voir,  tous  pouvez  ne  mettre  que  le  20  prairial  ; 
si  TOUS  craignez  que  l'amiral  ne  soit  déjà  parti. 

Aucune  de  ces  hypothèses  ne  devait  se  réaliser.  Magon  était 
parti  le  1®'  mai  et  Villeneuve,  comme  s'il  avait  deviné  la  pen- 
sée de  TEmpereur  ne  devait  pas  attendre  aux  Antilles 
35  jours  après  l'arrivée  du  renfort,  mais  repartir  de  suite. 

Cependant,  les  renseignements  qui  arrivaient  successive- 
ment, montraient  l'avance  que  devait  donner  à  l'armée  franco- 
espagnole  l'erreur  de  Nelson. 

Au  viœ^amiral  Deorès, 

AlexaDdrie,  12  floréal  an  xni  (2  mai  1805). 

Un  courrier  de  Naples  m'apprend  que  Nelson  était  sur  le  Maretimo 
le  2  floréal,  et  a  appris  là,  seulement,  que  l'escadre  de  Toulon  a^ait  passé  le 
détroit.  ]1  s'est  aussitôt  dirigé  sur  Gibraltar.  Il  n'est  pas  probable  qu'il  arriye 
deyant  cette  rade  avant  le  10  ou  le  12  prairial.  Notre  escadre  aura  vingt  jours 
d'avance. 

Napoléon. 

Au  vice-amiral  Decrôs  (1). 

Alexandrie,  14  floréal  an  xm  (4  mai  1805). 
Monsieur, 

Votre  lettre  du  8  floréal  m'annonce  que  l'amiral  Magon  est  prêt  à  partir. 
Vous  devez  être  sans  inquiétudes  sur  le  Ferrol  :  l'escadre  espagnole  n'aura 
pas  un  mois  de  vivres,  elle  en  aura  six.  Vous  croyez  que  Beurnon ville  fait 
quelque  chose  ;  c'est  la  mouche  du  coche.  Ce  grand  nombre  de  vaisseaux 
espagnols  qu'il  dit  être  en  armement  ne  le  sont  pas  ;  les  Espagnols  ne  peuvent 
en  armer  plus  qu'ils  n'ont  d'équipages,  et  il  serait  ridicule  que  j'allasse 
refroidir  leur  zèle;  ne  faites  donc  rien.  On  ne  réagit  pas  sur  des  alliés,  et  on 
fait  à  peine  ce  que  l'on  veut  sur  ce  point,  dans  ses  propres  ports.  Quant  aux 
troupes  qu'ils  doivent  embarquer  sur  l'escadre  du  Ferrol,  elles  sont  indispen- 
sables pour  dérouter  l'ennemi,  en  supposant  qu'elles  se  réunissent  à  l'amiral 
Ganteaume.  Si,  cependant,  au  lieu  de  se  réunir  à  l'amiral  Ganteaume,  cette 
escadre  se  réunissait  à  l'amiral  Villeneuve,  je  serais  à  temps  de  faire  connaître, 
d'ici  à  deux  mois  ce  qu'il  faudrait  faire.  Les  tempêtes  que  vous  me  dites 
exister  sur  l'Océan  me  font  espérer  qu'enfîn  Ganteaume  sortira.  Je  crois  que 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8685. 


580  TROISIEME  PARTIE.  —  CHAPITRE  IX. 

le  nombre  de  yaisseaux  eipagnols  que  Tamiral  Villeneuve  pourrait  rallier  à 
Cadix  ne  serait  qu'égal  à  celui  des  vaisseaux  anglais  qu'il  attirerait.  Si 
VEspagne  envoie  la  six  vaisseaux  de  Cartfiagène  à  Toularij  je  ferai  une 
telle  peur  aux  Anglais,  qu'ils  seront  forcés  d'y  tenir  une  force  importante, 
car  je  menacerai  TËgyptc  de  tant  de  manières  et  si  évidemment  »  qu'ils  crain- 
dront un  grand  coup  ;  ils  croiront  que  mes  escadres  vont  aux  Indes  orientales, 
ce  qui,  dès  lors,  paraîtrait  une  opération  combinée.  Ajoutez  que  la  saison  dans 
laquelle  nous  allons  entrer  est  une  véritable  saison  pour  une  expédition 
d'Egypte.  Si  les  Anglais  sont  obligés  de  tenir  six  vaisseaux  à  Toulon  et  six 
vaisseaux  à  Cadix  pour  être  maîtres  du  détroit,  ce  sera  une  belle  et  puissante 
diversion.  Quand  Tamiral  Villeneuve  se  présentera  devant  Ferrol,  il  n'y  trou- 
vera pas  une  escadre  anglaise  égale  à  celle  qui  doit  le  joindre,  car  les  Anglais 
observeront  plutôt  qu'il  ne  bloqueront  le  Ferrol.  D'ailleurs  l'escudre  anglaise 
du  Ferrol  ne  saura  pas  où  va  Villeneuve  ;  elle  ne  saura  pas  si  l'escadre  qu'elle 
voit  n'est  pas  celle  de  Brest.  Villeneuve  a  déjà  avec  lui  tî  vaisseaux;  en  sup- 
posant que  Magon  le  rejoigne,  cette  force  serait  suffisante  pour  se  présenter 
devant  Brest,  l'amiral  Ganteaume  surtout  étant  prévenu.  Soyez  certain  qu'il 
trouvera  au  Ferrol  plus  de  14  vaisseaux  français  ou  espagnols,  ce  qui  rompra 
tout  équilibre,  quand  môme  les  7  ou  8  vaisseaux  anglais  du  Ferrol  joindraient 
à  temps  Comwallis. 

Parlez  à  Vanlerberghe  et  à  Ouvrard  pour  qu'ils  fassent  passer  du  biscuit 
au  Ferrol. 

Missiessy  va  arriver.  Il  y  aurait  un  projet  qui  pourrait  avoir  quelque  avan* 
tage,  ce  serait  de  le  faire  venir  à  Toulon,  avec  les  6  vaisseaux  de  Carthagène  ; 
cela  ferait  M  vaisseaux.  VAnnibal,  qui  pourrait  être  propre  à  une  campagne 
d'été,  ferait  le  douzième.  Ou  les  anglais  me  les  bloqueraient,  ou  ils  ne  me  les 
bloqueraient  pas  :  s'ils  les  bloquent,  je  ne  les  fais  point  sortir,  et  j'occuperai 
ainsi,  entre  Cadix  et  Toulon,  20  vaisseaux  de  guerre  anglais  ;  s'ils  ne  les 
bloquent  pas,  je  les  enverrai  à  Cadix  se  joindre  aux  8  vaisseaux  espagnols  et 
venir  débloquer  le  Ferrol. 

C»ittc  hypothèse  ne  parait  pas  très  probable,  car  la  garnison  de  Malte  serait 
compromise  et  l'Egypte  leur  donnerait  alors  une  alarme  épouvantable. 

J'ai  une  armée  prête  à  Tarente,  et  j'y  ai  un  million  de  rations  de  biscuit. 
Si  Missiessy  arrivait  avant  le  i«'  prairial,  il  pourrait  être  avnnt  le  5  messidor  1^ 
Toulon. 

Cependant  mes  combinaisons  sont  soumises  au  départ  du  général  Magon. 
S'il  ne  partait  pas  avant  le  20  floréal  et  qu'il  dût  aller  à  Santiago,  il  faudrait 
réunir  beaucoup  de  forces  à  Cadix  :  l'escadre  de  Carthagène  approvisionnée 
et  l'escadre  de  l'amiral  Missiessy  pourraient  nous  offrir  à  Cadix  une  vingtaine 
de  vaisseaux. 

Dans  cette  hypothèse,  il  serait  nécessaire  d'avoir  à  Toulon  une  certaine  quan- 
tité de  vivres  que  l'on  chargerait  sur  des  flûtes,  et  que  l'amiral  Missiessy  por- 
terait h  Cadix  pour  l'escadre  de  l'amiral  Villeneuve.  Ainsi,  si  le  général  Magon 
n'était  point  parti  et  que  l'amiral  Villeneuve  dut  aller  à  Santiago,  quand  même 
l'amiral  Magon  ne  pourrait  sortir  assez  à  temps  pour  arriver  dans  cette  baie, 
l'amiral  Villeneuve  doit  retourner  à  Cadix  d'après  ses  instructions.  Il  ne 
s'agit  plus  que  de  réunir  dans  ce  port  le  plus  de  vaisseaux  possible;  les  deux 
vaisseaux  de  l'amiral  Magon,  s'il  n'a  pu  aller  à  Santiago,  ceux  de  l'amiral 


l'immobilité  de  gantbaumb.  561 

Missiesiy  et  tous  les  espagnols  de  Garthagène.  J*ai  tout  cet  échiquier  très 
présent. 

A  la  fin  de  floréal,  où  il  sera  décidé  si  les  généraux  Magon  et  Ganteaume 
partent  ou  ne  partent  pas,  les  choses  seront  déjà  éclaircies  ;  mais,  pour  être  en 
état  d'agir  selon  les  circonstances,  il  faut  beaucoup  de  vivres  à  Toulon,  à 
Rochefort,  à  Brest,  à  Lorient.  Ge  n'est  donc  pas  le  cas  de  faire  de  ridicules 
économies,  d*autant  plus  que  cette  dépense  ne  peut-être  considérée  comme  de 
Targent  perdu.  Faites  doubler  les  commandes  qui  ont  été  faites,  afin  que, 
dans  le  cas  ou  j'aurais  besoin  de  Tiyres,  je  les  trouve.  Calculez  les  différentes 
chances  qui  se  présentent,  et  que  partout  les  vivres  ne  soient  un  obstacle  à 
rien.  Vous  ordonnerez  bien  positivement  que  la  fin  de  floréal  et  les  mois  de 
prairial  et  de  messidor  soient  employés  à  confectionner  le  plus  de  vivres  pos- 
sible dans  les  ports  de  Brest,  Rochefort,  Lorient  et  Toulon»  Après  tout,  une 
ration  complète  coûte  vingt  sous  ;  c'est  donc  une  avance  de  deux  ou  trois  mil- 
lions; je  dis  une  avance,  car  quand  je  n'en  aurais  pas  besoin,  les  vivres  me 
restent.  Et  si,  par  des  événements  qu'on  ne  peut  calculer,  mon  grand  projet 
venait  à  être  déjoué,  vous  entendes  bien  que  je  ne  veux  pas  être  arrêté  par 
le  défaut  de  vivres. 

J'ai  fait  faire  du  biscuit  à  Ostende  ;  Savary  m'en  a  apporté  de  deux  ans  ;  il 
est  sain  comme  s'il  était  d'hier.  Quand  on  peut  si  longtemps  garder  des  vivres, 
et  dans  une  guerre  aussi  active,  c'est  une  grande  ignorance  de  n'en  pas  avoir 
beaucoup»  Je  ne  veux  pas  être  retardé  de  deux  jours  pour  raison  de  vivres. 
Foroes  tous  les  moyens,  et  que  j'aie  dans  mes  quatre  grands  ports,  au 
moins  7  à  8,000,000  de  rations  de  vivres. 

Ayez  soin,  si  vous  expédiez  les  bâtiments,  indépendamment  de  l'amiral 
Magon,  de  ne  rien  écrire  qui  puisse  nous  gêner  ensuite,  dans  l'incertitude  de 
savoir  si  un  bâtiment  est  ou  non  arrivé.  G'est  dans  cette  manière  de  voir  que 
je  vous  ai  prescrit  de  vous  borner,  en  expédiant  un  brick  à  l'amiral  Villeneuve, 
à  l'instruire  de  l'état  des  choses,  et  lui  ordonner  d'attendre  quelques  jours, 
sans  lui  donner  aucun  ordre.  Si  le  général  Magon  est  parti,  j'approuve  que  les 
deux  frégates  de  Lorient  partent,  quand  il  sera  décidé  que  Ganteaume  ne  doit 
plus  partir,  et  portent  à  l'amiral  Villeneuve  l'ordre  de  se  porter  sur  le  Ferroly 
$ans  perdre  de  temps. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  que,  en  écrivant  par  ces  frégates,  vous 
devez  remettre  une  lettre  à  chaque  capitaine,  afin  d'en  prévenir  la  perte  en 
cas  de  séparation  ou  d'événements  malheureux.  J'imagine  que  vous  avez  fait 
autant  de  copies  de  ma  dépêche  que  l'amiral  Magon  a  de  bâtiments,  en  faisant 
sentir  à  cet  amiral  la  nécessité  de  la  faire  parvenir  à  sa  destination  ;  et  que 
vous  avez  donné  ordre,  en  cas  de  séparation,  à  ces  bâtiments  d'arriver. 

Napoléon. 

C'est  le  8  mai  seulement  que  TEmpercur  apprit  le  départ 
de  Tamiral  Magon.  II  avait  donc  fallu  huit  jours  pleins  pour 
que  cette  nouvelle  si  essentielle  parvint  à  Napoléon.  Cette 
fois,  d'après  les  ordres  qu'emportait  Tescadre  de  Rochefort, 
Villeneuve,  si  on  le  trouvait  encore  à  la  Martinique  le  5  juin, 


S52  TR0I8IÈMB  PARTIE.  —  CHAPITRE  IX. 

devait  rester  aux  Antilles  jusqu'au  10  juillet,  perdant  son 
temps  et  consommant  ses  vivres.  Il  fallait  y  remédier  prompte- 
ment. 

Au  vicô-SL/niral  Decrès  (1). 

PâTie,  18  norétl  an  zui  (8  mai  1805). 
Monsieur, 

J*ai  reçu  Totre  lettre  du  14.  Magon  est  parti  ;  cette  nouvelle  m^est  bien  pré- 
cieuse ;  dès  lors,  toutes  les  hypothèses  sur  Santiago  sont  à  bas  et  il  est  de  toute 
évidence  que  Tamiral  Villeneuve  se  dirigera  sur  le  Ferrol.  Si  la  frégate  la 
Didon  n'est  pas  partie  (2),  vous  la  chargerez  des  modifications  aux  instructions 
dont  le  général  Magon  est  porteur,  et  vous  lui  ordonnerez,  au  lieu  de  rester 
trente-cinq  jours,  de  ne  rester  qu'un  mois.  Si  la  «  Didon  »  était  partie,  faites 
alors  partir  la  «  Topaze  »  (3).  Vous  ferez  connaître,  par  cette  frégate,  Tétat  des 
choses  à  V amiral  Villeneuve  ;  vous  lui  direz  que  mon  intention  n'est  pas  qu'il 
reste  en  A  mérique  plus  d'un  mots  après  V arrivée  de  V amiral  Magon  ;  que  si 
Tamiral  Ganteaume  peut  sortir  avant  le  i^'  prairial  (21  mai)  il  sortira  ;  que, 
passé  le  \*^  prairial,  il  ne  sortira  plus  et  l'attendra  de  pied  ferme. 

Ainsi  donc,  au  plus  tard  le  10  messidor  (29  juin),  Villeneuve  doit  marcher 
et  arriver  comme  un  trait  sur  le  Ferrol.  Quant  à  Ganteaume,  si,  au  30  floréal 
(20rmzi),  il  n  est  pas  parti,  mon  intention  est  qu^il  ne  sorte  plus,  mais  qu'il 
reste  cependant  toujours  embarqué,  toujours  en  haleine,  toujours  bien  approvi- 
sionné. Vous  lui  ferez  connaître  alors  le  plan  de  campagne;  ma/s,  pour  qu'tl 
se  tienne  plus  sur  ses  gardes,  vous  lui  annoncerez  que  Villeneuve  doit  paraître 
devant  Brest  du  20  au  30  messidor.  Je  pense  qu'il  est  assez  utile  que  vous  fas- 
siez mettre  dans  les  journaux  de  Hollande  qu'une  nouvelle  escadre,  sous  les 
ordres  de  Tamiral  Magon,  forte  de  3  vaisseaux  et  de  4  frégjites,  est  partie  de 
Rochefort,  qu'elle  a  à  bord  cet  officier,  que  devait  amener  Lauriston,  que  vous 
nommerez  et  qu'on  dira  avoir  été  prisonnier  à  Sainte-Hélène  tant  de  temps. 
En  définitive,  je  tiens  invariablement  à  ce  système  ;  Ganteaume  doit  sortir,  s'il 
le  peut,  jusqu'au  30  floréal  à  minuit.  Au  moment  du  lever  du  soleil  du  i*^  prai- 
rial, aurait'il  toutes  les  occasions  possibles,  il  attendra  de  pied  ferme  à  Brest 
et  ne  sortira  plus.  L'amiral  Villeneuve  sera  instruit  de  ces  dispositions  par  la 
«  Topaze  y»  ;  il  aura  Vordre,  le  10  messidor,  départir  ;  le  «  Président  »  partira 
de  Lorient  le  i»''  prairial;  il  fera  connaître  à  Villeneuve  que  Ganteaume  n'est 
pas  parti,  qu'il  ne  doit  plus  perdre  une  heure,  qu'il  est  inutile  qu'il  attende 
davantage,  A  cet  effet,  vous  ordonnerez  à  Ganteaume,  si  le  30  floréal  à  mimât 
il  n'est  pas  parti,  d'expédier  aussitôt  un  courrier  au  commandant  du  «  Prési- 
dent »  pour  le  faire  partir  sur-le-champ.  Par  ce  moyen,  on  gagnera  beauc^oup 
de  jours.  Le  paquet  aura  été  envoyé  d'avance  au  commandant  du  Président. 
Au  25  messidor  (14  juillet)  je  serai  sur  la  c^te  et  au  10  messidor  (29  juin) 
j'attendrai  le  retour  de  mes  escadres. 


(1)  Cotrespondance  de  Napoléon,  8699. 

(2)  Rlle  l'est  depuis  le  3  mai. 

(3)  Elle  partit  en  effet  le  15  mai. 


l'immobilité  de  oantbaume.  SS3 

Quant  au  Régulas  et  à  la  Cybéle,  si  je  pouTais  les  euToyer  au  Sénégal  raTa- 
ger  les  colonies  anglaises  d'Afrique  ;  cela  obligerait  les  Anglais  à  y  envoyer 
deux  vaisseaux.  Si  cela  n'est  pas  possible,  faites-les  armer  promptement  et  je 
combinerai  afec  Tescadre  de  Missiessy,  dont  le  retour  me  parait  imminent. 

Quant  au  Ferrol,  faites  armer  les  5  vaisseaux.  Quand  le  i^'  prairial  sera 
arrivé,  j'écrirai  en  Espagne  pour  que  tous  les  efforts  soient  dirigés  sur  ce  port; 
j'ai  la  confiance  que  j'y  aurai  10  vaisseaux  espagnols.  Villeneufe  aura  alors 
19  vaisseaux  français  et  16  espagnols  :  total,  35  vaisseaux.  Il  sera  facile  de  faire 
que  l'ennemi  n'en  ait  devant  devant  Brest  que  18,  il  n'y  aura  qu'à  faire  grand 
bruit  de  2  vieux  vaisseaux  de  l'escadre  et  les  faire  rentrer  dans  le  port  ;  mais 
il  faut  d'abord  gagner  l'époque  du  1*'  prairial.  Tâchez  donc  de  faire  armer 
VOcéarif  si  vous  pouvez,  ne  serait-ce  que  pour  le  combat  de  Brest.  Il  y  aurait 
tout  le  temps  de  faire  à  Bertheaume  toutes  les  batteries  qu'on  voudrait. 
Donnez  l'ordre  à  l'amiral  Ganteaume  et  au  préfet  maritime  de  les  faire  faire 
sur-le-champ  par  la  marine.  Il  me  semble  qu'il  peut  y  avoir  tel  cas  oiï  une 
forte  protection  bien  assurée  là  peut  être  très  importante.  Je  pense  aussi  que 
vous  ferez  armer  toutes  les  chaloupes-KMinonnières  qui  sont  à  Brest,  ne  fut-ce 
qu'afec  les  ouvriers  et  les  mouvements  du  port.  Ce  seront  des  ressources  pré-* 
cieuses  au  mois  de  messidor  et  au  moment  du  combat  ;  mais  nous  avons  le 
temps  de  penser  à  cela.  Pressez  l'armement  du  Régulus  et  des  vaisseaux  du 
Ferrol.  Écrivez  à  M.  Schimmelpcnninck  pour  faire  armer  les  deux  autres  vais- 
seaux qu'on  a,  afin  qu'on  les  envoie  au  Texel,  pour  obliger  l'ennemi  à  ren- 
forcer sa  croisière  d'Yarmouth. 

Je  vous  recommande  les  vivres  ;  que  j'en  aie  à  Cherbourg,  à  Brest,  à  Bou- 
logne ;  que  l'amiral  Missiessy ,  quelque  part  qu'il  se  présente,  ne  soit  pas 
arrêté  d'une  heure  :  enfin,  il  me  faut  des  vivres  partout,  arrangez- vous  en 
conséquence. 

Donnez  ordre  au  contre-amiral  Gourdon  de  vous  enTover  des  courriers  tous 
les  cinq  jours ,  pour  vous  instruire  du  mouvement  des  croisières  ;  cela  est 
nécessaire  pour  les  opérations  de  Missiessy. 

Napoléon. 

A  l'amiral  Villeneuve  (1). 

Pavie,  18  floréal  an  xm  (8  mai  1805). 
PREMIÈRES  INSTRUCTIONS. 

Votre  armée,  composée  de  14  vaisseaux  français  et  de  6  vaisseaux  espagnols, 
sera  renforcée  au  Ferrol  par  5  autres  de  nos  vaisseaux  et  par  9  vaisseaux  du 
roi  d'Espagne. 

Nous  avons  5  vaisseaux  et  3  frégates  dans  la  rade  de  Vile  d^Aix  (2),  et 
1  vaisseau  et  1  frégate  dans  la  rade  de  Lorient,  tous  prêts  à  appareiller.  Nous 
vous  laissons  le  maître  de  vous  détourner  de  votre  route  pour  rallier  ces  6  vais- 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8700. 
(t)  Bn  tapposani  Mistiesty  rentré. 


854  TROIBIÉMB  PARTIE.  —  CHAPITRE  IX. 

gêttux  à  votre  acadrey  ooDiultunt  à  cet  effet  la  nature  des  Tenta  et  des 
eirconstances. 

Si  notre  escadre  du  Ferrol  était  plusieurs  jours  sans  poutoir  sortir,  tous  y 
yerrief  une  raison  pour  tous  présenter  doTsnt  TUe  d'Aix  sans  perdre  de  temps, 
donnant  ordre  à  Tescadre  du  Ferrol  de  tous  y  joindre,  ce  qu'elle  pourrait  faire 
facilement,  puisque  tous  disperses  la  croisière  ennemie.  Si,  au  contraire,  les 
escadres  du  Ferrol  aTaient  le  temps  faTorable  pour  sortir  et  se  ranger  sous 
Totre  paTillon  sans  éprouTcr  aucun  retard,  et  que  les  Tents  fussent  tels  que 
TOUS  conçussiei  Tespérance  de  tous  porter  rapidement  à  Totre  destination, 
peut-être  serait-il  préférable  de  laisser  de  côté  Tescadre  de  Rochefort,  pour 
ne  point  tous  détourner  de  TOtre  route,  parce  que  tout  retard  aurait  pour 
résultat  de  rendre  plus  considérable  la  croisière  ennemie  doTant  Brest.  Vous 
manœuvrerez  donc  pour  opérer  votre  réunion  avec  V escadre  de  V amiral  Gan- 
teaume^  mouillée  en  aTant  du  goulet,  sous  la  protection  des  batteries  considé- 
rables que  nous  STons  fait  établir  entre  Bertheaume  et  Gamaret.  Depuis  un 
mois,  Tennemi  n'a  été  signalé  qu'au  nombre  de  15,  de  18  et  jamais  plus  de 
ÎO  Taisseaux.  Notre  intention  est  que  vous  fassiez  votre  jonction  en  évitant  le 
combat j  et  que,  si  vous  êtes  contraint  à  un  combat ^  il  ait  lieu  le  plus  près  pos- 
sible de  Brest,  afin  que  V amiral  Ganteaume  puisse  y  prendre  part.  Nous  esti- 
mons que,  dans  Totre  marche  du  Ferrol  à  Brest,  tous  deTez  changer  de  direc- 
tion, afin  d'éTiter  de  rencontrer  la  croisière  deTant  Brest,  si  elle  prenait  le 
parti  de  s'aTsncer  à  quinse  ou  Tingt  lieues  au-dcTant  de  tous.  Dans  TOtre  der- 
nière fausse  route,  tous  deTrez  tous  diriger  sur  le  cap  Liiard,  de  manière  k  ne 
pouToir  rencontrer  l'ennemi,  ou  à  le  rencontrer  le  plus  près  qu'il  tous  sera 
possible  de  Brest.  Votre  jonction  faite  aTec  l'escadre  de  l'amiral  Ganteaume, 
tous  renforçant  de  21  bons  Taisseaux,  tos  forces  seront  beaucoup  plus  considé- 
rables que  celles  que  l'ennemi  pourrait  tous  opposer,  et  tous  tous  dirigerez 
sur  Boulogne,  où  nous  serons  de  notre  personne. 

De  toutes  les  opérations,  celle-ci  me  parait  préférable  comme  la  plus  sûre. 
Mais  siy  arrivé  devant  le  cap  Lizard,  des  vents  ou  d'autres  circonstances  fawh 
râbles  vous  portaient  à  penser  qu'il  vous  fut  possible  d'entrer  dans  la  Manche, 
de  gagner  plusieurs  jours  sur  l'escadre  ennemie  de  Brest  et  d'arriver  trou  ou 
quatre  jours  avant  elle  devant  Boulogne,  nous  vous  laisserons  le  maître  de  ne 
point  approcher  de  Brest  et  de  venir  sur  Boulogne,  Si  votre  présence  nous  rend 
maîtres  de  la  mer  pendant  trois  jours  (sic)  devant  Boulogne,  nous  avons  toute 
faculté  de  faire  notre  expédition,  composée  de  150,000  hommes  embarqués  sur 
2,000  bâtiments, 

Cherbourg  est  armé  et  peut  contenir  votre  escadre  et  la  protéger  contre 
toute  espèce  de  forces*  Nous  aTons  des  TÎTres  pour  Totre  escadre  à  Brest, 
Cherbourg  et  Boulogne. 

Nous  nous  en  rapportons  entièrement  à  Totre  zèle,  à  Totre  expérience,  à 
Totre  connaissance  parfaite  de  in  mer  et  des  localités  où  tous  ailes  agir,  pour 
faire  tout  ce  qui  tous  paraîtra  couTenable  pour  remplir  le  but  que  nous  nous 
sommes  proposé. 

D'après  la  connaissance  que  nous  aTons  de  !a  distribution  des  forces  enne- 
mies, nous  aTons  lieu  de  croire  qu'avec  une  escadre  plus  forte  que  16  Taisseaux 
de  guerre,  nous  serions,  devant  Boulogne,  maîtres  absolus  de  la  mer,  en  sup- 
posant que  l'escadre  de  Brest  eût  été  dépassée  et  laissée  en  arrière* 


l'immobilité  db  oantbaumb.  5B5 

Notre  Ministre  de  la  marine  est  chargé  de  tous  écrire  en  détail,  pour  tous 
recommander  toutes  les  précautions  possibles  pour  que  Tamiral  Ganteaume 
soit  prévenu  de  tous  tos  mouvements,  soit  à  votre  départ  du  Ferrol,  soit  à 
votre  arrivée  sur  les  parages  de  Brest. 

DEUXIÈMES    INSTRUCTIONS. 

La  direction  que  vous  devet  prendre  immédiatement  aprèt  votre  jonction  au 
Ferrol  dépend  de  tant  de  circonstances  différentes^  que  je  ne  puis  que  m'en  rap- 
porter à  votre  expérience  de  la  mer  et  à  votre  Zèle  pour  mon  service.  En  eÉtet, 
tant  d'événements  se  sont  passés  depuis  votre  départ  pour  la  Martinique,  la 
connaissance  des  forces  ennemies  que  vous  avez  attirées  dans  rAmérique,  la 
force  de  Tescadre  du  Ferrol  et  de  la  croisière  ennemie  devant  ce  port,  la 
situation  de  notre  armée,  sont  autant  d'éléments  nécessaires  pour  ordonner 
impérieusement  de  votre  destination  ultérieure. 

Le  but  principal  de  toute  V opération  est  de  nous  procurer  pendant  quelques 
jours  la  supériorité  devant  Boulogne,  Maîtres  du  détroit  pendant  quatre 
jours  (sic),  450,000  embarqués  sur  î,000  bâtiments  achèveraient  entièrement 
l'expédition.  Pour  arriver  à  ce  grand  but,  immédiatement  après  votre  appari- 
tion au  Ferrol,  vous  aura  quatre  partis  à  prendre. 

Le  premier^  de  vous  porter  devant  Rochefort  et  de  vous  réunir  aux  5  vais- 
seaux que  j'ai  dans  cette  rade  ;  J'ai  envoyé  des  instructions  au  vaisseau  le 
RéguluSj  qui  est  à  Lorient,  de  vous  Joindre  ;  ainsi,  au  nombre  de  S5  vaisseaux 
français  et  15  vaisseaux  espagnols,  de  faire  votre  réunion  avec  Vescadre  de 
Brest  et,  au  nombre  de  plus  de  60  vaisseaux  de  ligne^  d'entrer  dans  la 
Manche, 

Le  deuxième  parti  est  de  laisser  Vescadre  de  Rochefort^  qui  occupe  un  pareil 
nombre  de  vaisseaux  ennemis,  et  de  vous  diriger  le  plus  promptement  possible 
sur  Brest,  pour  opérer  votre  jonction  avec  Vamiral  Ganteaume. 

Le  troisième  parti  serait,  après  votre  Jonction  avec  l'escadre  du  Ferrol,  de 
doubler  V Irlande  et  vous  joindre  à  l'escadre  du  Texel,  forte  de  7  vaisseaux,  et 
au  convoi,  et  d'arriver  devant  Boulogne, 

Le  quatrième  parti  parait  devoir  être  celui  de  se  diriger  sur  le  cap  Lizard 
et,  à  trente  lieues  au  large ^  de  profiter  du  vent  d'ouest  pour  longer  la  côte 
d'Angleterre,  éviter  la  rencontre  de  Vescadre  qui  bloque  Brest  et  arriver  quatre 
ou  cinq  jours  avant  elle  devant  Boulogne, 

Pour  chacune  de  ces  opérations,  en  calculant  les  vivres  que  vous  trouverez 
k  Rochefort,  vous  en  serez  suffisamment  pourvu  ;  et,  prévoyant  dès  longtemps 
votre  expédition,  j'en  ai  fait  réunir  une  grande  quantité  &  Brest,  Cherbourg 
et  Boulogne. 

Si  vous  prenez  le  parti  de  faire  votre  réunion  avec  l'escadre  de  Brest f  vous 
devez  tenter  de  le  faire  sans  combat  et,  si  cela  est  trop  difficile,  calculer  de 
manière  à  vous  battre  le  plus  près  de  Brest  qu'il  vous  sera  possible  et,  à  cet 
effet,  de  tromper  l'ennemi  par  de  fausses  routes,  si,  sur  la  nouvelle  de  votre 
apparition  au  Ferrol,  il  prenait  le  parti  de  marcher  une  vingtaine  de  lieues  à 
votre  rencontre.  Si,  au  contraire,  vous  prenez  le  parti  de  doubler  l'Irlande, 
vous  devez  passer  hors  de  vue  des  côtes  et  rendre  votre  navigation  la  plus 
inconnue  que  possible  à  l'ennemi  qui»  pendant  un  temps,  vous  croira  retourné 


556  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  IX. 

dans  la  Méditerranée,  comme  on  ne  manquera  pas  de  le  répandre  par  tous  les 
moyens. 

L^amlral  Ganteaume,  avec  21  vaisseaux  approvisionnés  pour  six  mois,  est 
mouillé  en  dehors  du  goulet,  entre  Bertheaume  et  Camaret,  sous  la  protection 
de  batteries  de  plus  de  150  bouches  à  feu.  Du  moment  de  votre  arriyée  au 
Ferrol,  il  mettra  à  la  voile  ;  il  se  trouve  avoir  des  facilités  pour  sortir  qu*il 
n'aurait  point  dans  toute  autre  position,  en  dedans  du  goulet. 

Dans  le  cas  où  vous  préféreriez  Totre  réunion  à  Brest,  vous  aurez  soin  de 
prévenir  par  des  bricks,  que  vous  ferez  aborder  sur  la  côte  la  plus  prè«  de 
Brest,  avec  un  ofQcier  qui  ne  perdrait  pas  un  moyen  pour  se  rendre  auprès  de 
Tamiral  Ganteaume. 

Si  vous  doublez  V Irlande  vous  irez  au  Texel  ;  des  instructions  positives  y  ont 
été  envoyées,  ainsi  que  sur  la  situation  de  Tennemi  dans  ces  parages. 

Si  par  les  événements  survenus  en  Amérique  ou  dans  le  cours  de  votre  navi- 
gation, vous  vous  trouviez  dans  une  situation  qui  ne  vous  permit  pas  de  remplir 
ces  instructions,  et  que  vous  ne  dussiez  penser  à  aucune  nouvelle  opération,  tous 
ferez  partir  Pescadre  de  Tamiral  Gourdon,  avec  les  3  ou  4  vaisseaux  meilleurs 
marcheurs  espagnols  du  Ferrol,  pour  établir  une  croisière,  conformément  aux 
instructions  ci-jointes. 

Notre  intention  est  que  vous  leviez  le  blocus  de  Rochefort,  que  vous  donniez 
les  instructions  ci-jointes  au  capitaine  Allemand,  dont  vous  favoriserez  la 
sortie,  et  que,  cela  fait,  vous  rameniez  mon  escadre  à  Cadix  avec  les  6  vais- 
seaux du  Ferrol,  que  vous  favorisiez  Ventrée  de  V escadre  de  Carthagène  à  Cadix, 
que  vous  occupiez  le  détroit,  que  vous  ravagiez  la  rade  de  Gibraltar  et  que  vous 
vous  approvisionniez-là  de  vivres. 

Ce  serait  avec  bien  du  regret  que  je  verrais  que  ces  dernières  circonstances, 
quelques  combats  ménys  avec  des  forces  inférieures  que  vous  auriez  soutenus,  des 
circonstances  de  séparation  et  d'autres  événements,  ajourneraient  Vépoque  de 
notre  opération  importante.  J'ai  voulu  toutefois  pourvoir  aux  partis  que  vous 
auriez  à  prendre  dans*  les  événements  que  je  ne  puis  calculer  et  dont  je  ne  puis 
avoir  connaissance. 

Napoléon. 

n  est  nécessaire  de  préciser  quel  était  à  ce  moment  Tétat 
de  la  rade  de  Cherbourg  qui  pouvait,  dans  certaines  éventua- 
lités, jouer  un  rôle  important  et,  d'après  TEmpereur,  donner 
à  Tescadre  de  Villeneuve  un  abri  sûr. 

La  majestueuse  digue  qui  protège  aujourd'hui  les  établisse- 
ments de  Cherbourg,  se  réduisait,  en  mai  1805,  à  une  étendue 
de  100  toises,  moins  de  200  mètres,  et  elle  s'élevait  à  9  pieds 
seulement  au-dessus  du  niveau  des  hautes  mers  de  vive  eau  (1). 
Encore  faut-il  noter  que  la  partie  supérieure  ne  consistait 


(1)  Mémoire  sur  la  digue  de  Cherbourg,  par  Cochin  (un  des  ingénieurs  qui  y  furent 
employés).  {Archives  de  la  Marine,  à  Cherbourg.) 


l'immobilité  de  qantbaume.  557 

qu'en  un  épaulement  provisoire  qu'une  tempête  avait  détruit 
le  18  décembre  1803.  Réparé  en  1804,  il  avait  été  armé  de 
4  pièces  de  36  ei  2  mortiers.  C'est  dire  que  la  protection  que 
pouvait  donner  ce  court  tronçon  de  digue  et  ces  quelques 
canons  était  à  peu  près  nulle,  aussi  bien  contre  la  tempête 
que  contre  l'ennemi.  Le  port  n'existait  pas,  car  c'est  le  9  mai 
1805,  en  exécution  d'un  arrêté  du  15  avril  précédent,  qu'on 
commença  à  creuser  le  bassin  (1).  En  mai  1805,  on  porta 
l'armement  de  la  digue  à  20  pièces  de  canon,  sur  un  ordre  du 
Ministre  prescrivant  d'exécuter  ce  travail  en  vingt-quatre 
heures  (2).  C'est  tout  ce  qui  put  être  fait  à  cette  époque. 

La  valeur  militaire  de  la  digue  resta  très  faible,  la  protec- 
tion fournie  à  une  grande  escadre  contre  les  temgétes  nulle, 
et  même  la  solidité  du  massif  très  précaire,  puisque,  en  1807, 
un  ouragan  devait  en  percer  le  centre,  emportant  200  per- 
sonnes logées  dans  les  casemates.  Le  danger  pour  une  armée 
navale  de  s'aventurer  dans  la  Manche  subsista  donc  entiè- 
rement. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  instructions  de  l'Empereur  furent 
rédigées  par  Decrès  le  13  mai,  sous  la  forme  suivante  : 

Paris,  23  floréal  an  xui  (13  mai  1805)  (3). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 

Le  contre-amiral  Magon,  commandant  les  vaisseaux  V Argonaute  eiV Achille ^ 
est  parti  de  Rochefort  le  il  floréal  (I*'  mai)  et  vous  aura  remis  des  instruc- 
tions supplémentaires  de  Sa  Majesté,  en  date  du  24  germinal  (14  avril),  et  des 
dépèches  de  moi  pour  tous  et  pour  Tamiral  Gravina,  en  date  du  27  (17  avril). 

La  frégate  la  Didon  est  partie  de  Lorient  le  1 3  floréal  (3  mai)»  avec  xme 
dépêche  de  moi,  en  date  du  9  floréal  (29  avril),  et  le  duplicata  de  toutes  celles 
que  vous  avait  portées  le  contre-amiral  Magon. 

Cette  dépêche  du  9  contenait  quelques  détails  que  l'Empereur  m'avait 
ordonné  de  vous  transmettre.  Aujourd'hui,  Sa  Majesté  m'ordonne  de  vous 
expédier  de  Nantes  la  frégate  la  «  Topaze  »,  pour  vous  donner  de  nouvelles 
informations  sur  Vétat  présent  des  affaires  et  vous  faire  connaître  ses  intentions 
définitives. 


(1)  Verus  mor,  histoire  de  la  ville  de  Cherbourg,  1835.  (Bibliothèque  de  la  marine, 
Cherbourg.) 

(t)  LiviSt  histoire  de  la  ville  de  Cherbourg,  1871.  (Bibliothèque  de  la  mariue,  Cher> 
bourg.) 

(3)  Archives  de  la  Marine,  BB^r,  230. 


858  TROiaJUlB  PARTIE.   ^  OHÀPITBE  IX. 

L'amiral  Ganteaume  est  toi^ours  retenu  à  Brest  par  une  armée  qui  est 
devenue  supérieure  à  la  sienne  ;  cependant,  toute  espérance  de  Toir  opérer 
son  départ  pour  vous  rallier  n'est  pas  encore  entièrement  perdue. 

Si  d'ici  au  30  (20  mai)  de  ce  mois,  il  peut  trouver  l'occasion  d'appareiller,  il 
le  fera  et,  en  appareillant, 'il  vous  expédiera  en  avant  un  de  ses  bâtiments 
pour  vous  prévenir  de  sa  prochaine  arrivée;  si,  le  30  floréal,  l'amiral  Gan«> 
teanme  n'a  pu  appariller,  voui  en  serez  prévenu  par  la  frégate  qui  partira  de 
Lorient  /e  !•'  prairial  (21  inai). 

L'objet  de  la  présente  dépêche  est  de  vous  informer  que  l'intention  de  Sa 
Majesté  est  que,  si  le  10  messidor  (29  juin)  prochain  vous  n*aveï  pas  d'avis  sur 
l'appareillage  de  l'amiral  Ganteaume,  vous  devrez  mettre  à  la  voile  ce  jour, 
10  messidor,  pour  vous  rendre  comme  un  trait  sur  le  Ferrol.  Là,  vont  vous 
réunirez  à  5  vaisseaux  français  et  iO  vaisseaux  espagnols,  et  vous  suivrez 
votre  destination  ultérieure,  ainsi  qu'il  est  prescrit  par  les  instructions  de 
Sa  Majesté  en  date  du  24  germinal. 

Si  ces  instructions  devaient  subir  quelques  modifications,  vous  en  seriez 
prévenu  au  Ferrol  par  une  dépêche  que  le  contre-amiral  Gourdon  serait 
chargé  de  vous  remettre. 

Ainsi,  Sa  Majesté  s'est  arrêtée  à  ce  système  :  que  l'amiral  Ganteaume  sortira, 
s'il  le  peut,  jusqu'au  1^0  floréal  ;  et  que,  si  vous  n'avez  pas  avis  de  son  arrivée 
au  10  messidor,  vous  devez,  sans  rien  attendre,  faire  votre  retour  sur  le 
Ferrol.  Mais  si,  le  30  floréal,  Tamiral  Ganteaume  n'est  pas  parti,  une  frégate 
partira  le  l***  prairial  pour  vous  prévenir  qu'il  ne  doit  plus  partir,  qu'il  doit 
vous  attendre  à  Brest  ;  et,  dans  ce  cas,  à  l'arrivée  de  cette  frégate,  qui  pourra 
vous  parvenir  avant  le  10  messidor,  vous  appareillerez  sans  plus  attendre  et 
vous  vous  porterez  sur  le  Ferrol,  ainsi  qu'il  a  été  dit. 

Il  est  un  objet  dans  le  détail  duquel  je  crois  superflu  d'entrer,  parce  qu'il 
n'aura  pu  échapper  à  votre  prévoyance  :  c'est  la  sollicitude  sur  votre  approvi- 
sionnement en  vivres. 

Les  instructions  de  Sa  Majesté  ont  porté  qu'à  la  Martinique  vous  vous  feriez 
fournir  le  journalier  par  la  colonie. 

Je  ne  Siiis  jusqu'à  quel  point  cette  disposition  aura  reçu  son  exécution,  mais 
vous  concevrez,  à  la  nature  du  but  que  vous  avez  à  atteindre,  qu'il  est  d'une 
haute  importance,  qu'à  votre  arrivée  sur  le  Ferrol,  il  vous  reste  une  quan- 
tité assez  considérable  de  vivres,  car  ce  port  ne  vous  présentera  pas  de 
ressources. 

Ainsi,  c'est  à  votre  sage  prévoyance  à  ordonner  dans  votre  armée  et  à  con- 
certer avec  l'amiral  Gravina,  dans  son  escadre,  les  diminutions  joumalièrei  de 
distributions  qui  pourront  s'opérer  dans  la  traversée,  pour  vous  laisser  plus  de 
ressources  à  votre  arrivée  sur  le  théâtre  de  la  grande  et  principale  opération. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que,  s'il  est  des  moyens  pour  vous  procurer  des 
vivres  dans  les  colonies,  vous  ne  devrez  rien  négliger  auprès  des  capitaines 
généraux  pour  en  obtenir. 

Je  n'écris  qu'à  vous,  parce  que  le  temps  me  presse  et  que  je  veux  dissimuler 
le  but  de  l'expédition  des  frégates  que  je  fais  partir;  mais  témoignez  aux  capi- 
taines généraux  mes  regrets  de  ne  pas  leur  exprimer  personnellement  les 
témoignages  de  bienveillance  que  leur  conserve  Sa  Majesté. 

Je  n'ai  pas  encore  eu  de  nouvelles  du  contre-amiral  Missiessy  ;  mais   la 


• 


l'immobilité  db  oantxaumb.  559 

goélette  la  Trimeusêy  expédiée  par  le  général  Emouf,  m'est  arrifée  après  un 
mois  de  traversée. 
Recelez,  Monsieur  TA  mirai,  Tassurance  de  mon  infiolable  attachement, 

Dbcrès, 

Cette  lettre  partit  le  15  mai  de  Nantes,  portée  parla  Topaze j 
avec  une  nouvelle  expédition  de  Tordre  du  14-17  avril  (1). 
Mais  cette  frégate  ne  rencontra  pa^  Villeneuve^  déjà  parti  pour 
r  Europe. 

Ganteaume  fut  prévenu  des  nouvelles  dispositions  sous  la 
forme  suivante  : 

A  M.  l'&mlrAi  Q&nteaume,  commandant  l'armée  navale  (i). 

Paris,  le  23  ûoré&l  an  xni  (13  mai  1805). 
Monsieur  T Amiral, 

Je  \ou8  informe  que  TËmpereur,  prenant  en  considération  particulière  l'état 
des  choses,  a  ordonné  ce  qui  suit  : 

i*  L'armée  nayale  dont  Sa  Majesté  tous  a  confié  le  commandement  doit, 
jusqu'au  30  floréal  (20  mai),  saisir  toutes  les  occasions  qui  pom*ront  se  pré- 
senter de  mettre  à  la  Toile  pour  la  destination  prescrite  par  tos  instructions  ; 

2®  Si,  le  30  floréal  à  minuit,  r année  n'a  pu  appareiller,  elle  ne  doit  plus 
mettre  sotu  voile,  quelque  occasion  qui  se  présente  pour  le  faire  ; 

3*  Si  Tarmée  n'a  pu  appareiller  afant  Theure  de  minuit  du  30  floréal,  tous 
expédierex  à  Tinstant  même  un  courrier  à  Lorient,  lequel  portera  au  Tice- 
amiral  Thétenard  l'ordre  ci-joint  de  faire  appareiller  immédiatement  une 
frégate. 

Cependant,  si  dans  la  soirée  du  30  il  vous  était  démontré  que  vous  ne 
pourrez  partir  avant  minuit,  tous  pourriez  expédier  cette  dépêche,  parce  que 
je  mets  un  grand  intérêt  à  ce  que  la  frégate  puisse  appareiller  de  Lorient  dans 
la  journée  du  {^'prairial. 

Il  est  de  la  plus  grande  importance  que  l'armée,  après  le  30  floréal,  comme 
et  peut-être  plus  qu'à  présent,  se  tienne  continuellement  en  appareillage,  que 
chacun  reste  constamment  à  bord,  afin  de  mettre  sous  voiles,  quelle  que  soit 
la  situation  des  choses,  au  moment  où  vous  en  recevriez  Tordre  ;  et  il  vous 
arrivera  probablement  de  la  manière  la  plus  imprévue. 

Vous  ne  sauriez  trop  vous  attacher  à  l'exécution  littérale  de  cette  dispo- 
sition, et  vous  en  connaîtrez  avant  peu  l'importance  par  les  détails  que  je  vous 
communiquerai  par  un  prochain  courrier. 


(1)  Rapport  d'ensemble  da  Ministre  de  la  marine,  en  date  da  21  juillet  1805. 
(t)  Archives  de  la  Marine,  BB»^»  211. 


560  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  IX. 

Telles  sont,  Monsieur  l'Amiral,  les  dispositions  arrêtées  par  Sa  Majesté  et 
dont  TOUS  avez  h  opérer  Texécution. 
Recevez  Toffre  de  mon  inviolable  attachement. 

P,  S,  —  Je  vous  dirai,  Monsieur  rAmiral,que  si  vous  mettez  à  la  voile  avant 
le  l*'  prairial,  vous  ne  devez  pas  perdre  un  instant  potir  expédier  la  frégate,  la 
meilleure  voilière  de  Varmée,  afin  de  prévenir  d^avance  le  vice-amiral  Ville- 
neuve de  votre  départ  et  de  votre  prochaine  arrivée,  pour  qu*il  vous  attende  ; 
cette  disposition  en  continuation  de  ce  que  je  vous  ai  écrit  le  4  de  ce  mois. 

D'autre  part,  le  gouvernement  espagnol  avait  été  invité  à 
envoyer  soit  à  Cadix,  soit  à  Toulon,  les  6  vaisseaux  de  Cartha- 
gène. 

A  Son  Altesse  Royale  le  prince  de  la.  Raix  (1). 

Paris,  le  9  floréal  an  xni  (29  avril  1805). 
Prince, 

La  réunion  de  Cadix  est  un  premier  succès  dans  lequel  TEmpereur  a  reconnu 
l'heureux  effet  de  l'activité  que  vous  avez  su  imprimer  à  la  marine  de  Sa 
Majesté  Catholique. 

Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  s'en  est  exprimée  ainsi   dans  la  dépêche 

qu'elle  m'a  fait  l'honneur  de  m'adresserde (2);  et  elle  m'ordonne  de  faire 

connaître  h  Votre  Altesse  Royale  les  opérations  qui  lui  paraissent  devoir  être 
adoptées  dans  les  conjonctures  présentes. 

Le  Ferrol  sera  certainement  débloqué  au  moment  le  plus  inattendu,  il  est 
donc  indispensable  que  les  vaisseaux  armés  qui  s'y  trouvent  soient  toujours 
prêts  à  mettre  h  la  voile;  et  l'Empereur  désire  vivement  que  le  nombre  en 
soit  accru,  et  porté  jusqu'à  dix,  autant  que  le  comportera  le  retard  du  déblo- 
quement. 

Les  deux  puissances  ont  à  recueillir  de  si  grands  avantages  de  leurs  efforts, 
dans  cette  lutte,  qu'elles  n'ont  de  repos  à  prendre  que  lorsqu'elles  auront 
achevé  tout  ce  qu'il  est  possible  d'entreprendre. 

Il  faut  que  l'ennemi  soit  dans  une  incertitude  et  une  alarme  continuelles 
sur  les  mouvements  des  forces  alliées  ;  il  faut  qu'il  se  trouve  en  même  temps 
menacé  et  frappé  partout. 

Pour  atteindre  ce  but,  Votre  Altesse  sent  déjà  le  besoin  de  compléter  les 
armements  de  Cadix  par  celui  des  sept  vaisseaux  qui  restent  dans  ce  port  ;  et 
l'Empereur  juge  nécessaire  que  l'escadre  de  Carthagène  se  rende  à  Toulon  ou 
à  Cadix. 

Si  c'est  à  Toulon,  elle  s'accroîtra  des  forces  navales  que  Sa  Majesté  Impé- 
riale et  Royale   fait  armer  dans  ce  moment;  et  ses  approyisionnements  de 


(1)  Archives  de  la  Marine,  campagne  1805.  BB^^,  133. 
(t)  Illisible. 


l'immobilité  de  ganteàume.  561 

vivres  ne  présenteront  plus  de  difficultés,  les  magasins  de  Sa  Majesté  devant  y 
pourvoir. 

Si  c'est  à  Cadix,  cette  escadre,  réunie  aux  sept  vaisseaux  espagnols  qui  s*y 
trouvent,  fournira  une  flotte  importante  qui  deviendra  pour  Tennemi  un  objet 
de  sollicitude  et  le  forcera  à  une  grande  diversion. 

Mais,  Prince,  vous  sayez  que  Farmement  des  vaisseaux  et  leur  réunion  dans 
une  rade  ne  suffisent  pas  :  on  ne  saurait  trop  prescrire  à  celui  qui  les  com- 
mande des  appareillages  fréquents  qui,  sans  que  Ton  s'écarte  de  la  rade  et 
sans  compromettre  la  sûreté  des  vaisseaux,  exercent  les  équipages  et  obligent 
Tennemi  à  tenir  en  présence  au  moins  des  forces  égales. 

Dans  Talternative  de  la  destination  de  Tescadre  de  Garthagène,  je  prie 
Votre  Altesse  Royale  de  vouloir  bien  m'informer  de  la  détermination  que  Sa 
Majesté  Catholique  aura  jugé  conyenable  de  prendre. 

La  considération  particulière  manifestée  si  souvent  par  Sa  Majesté  l'Empe- 
reur et  Roi  pour  les  qualités  éminentes  qui  vous  distinguent,  pour  le  zèle  que 
vous  développez  dans  la  cause  commune,  me  font  regarder  comme  une  faveur 
spéciale  de  mon  souverain  Thonneur  qu'il  me  procure  d'entretenir  des  com- 
munications avec  Votre  Altesse  Royale  et  de  lui  réitérer  Tassurance  de  mon 
respect. 

Le  prince  de  la  Paix  choisit  Cadix  comme  but  du  voyage 
ordonné  à  Tescadre  de  Garthagène.  Mais,  pour  atteindre  sa 
destination,  il  eût  fallu  que  Tamiral  Salcedo  se  rendit  compte 
qu'il  était  à  ce  moment  le  mattre  de  la  Méditerranée,  où  les 
Anglais  n'avaient  plus  que  les  navires  légers  confiés  à  Bic- 
kerton,  après  le  départ  de  Nelson,  et  qu'il  ne  se  laissât  pas 
bloquer  ou  ramener  au  port  par  des  forces  hors  d'état  de 
lutter  contre  ses  six  vaisseaux  de  ligne  (1). 


(1)  Archives  des  affaires  étrangères.  Espagne,  1805. 

Le  Prince  de  la  Paix  à  Talleyrand, 
Bzmo  Senor, 


10  mai  1805. 


En  yista  de!  plan  de  operaciones  que  a  S.  M.  el  Emperador  y  Rey  le  parece  debe 
adoptane  en  la  présente  eorpentora,  dire  à  V.  E.  que,  por  sèr  el  Paerto  de  Cadix,  el  mas 
bien  sitoado  para  eomprender  desde  él  qnalqnier  expédicion,  ha  resaelto  el  Rey  mi  amô 
qoe  passé  alii  y  no  a  Tolon  la  esqoadra  de  Cartagena.  Asi  lo  prevengo  hoy  al  gênerai 
Saleedo  que  la  manda,  y  estoy  seguro  de  que  no  perderà  instante  en  Teriflcario  luego  que 
pueda  hurlar  hs  navios  Yngleses  ;  pues  tiene  la  esquadra  tan  pronta  que  yà  se  Insô 
a  la  mar  el  diâ  27  de  abri!  por  haberse  presentado  a  la  vista  algunos  bugties  que  pare~ 
dan  enemigos,  y  volTiè  el  28  despuès  de  haber  devisado  las  fuerzas  muy  superiores  del 
almirante  Nelson. 

•   •••••• .••*..«• 

El  Prince  de  la  Paz. 

IV.  36 


562  TROISlàMB  PARTIB.  —  CHAPITRE  IX. 

En  même  temps,  les  renseignements  qui  parvenaient  au 
sujet  de  l'activité  déployée  par  les  Espagnols,  étaient  propres  à 
donner  confiance.  Mais  l'Empereur  était  fort  sceptique  à  ce 
sujet  (1). 

Madrid,  le  It  floréal  an  xdi  (2  mai  1806). 
Monseigneur, 

Le  courrier  que  Votre  Excellence  m'a  expédié  de^  Turin  m*a  assuré  être 
sorti  de  cette  TÎlle  au  moment  où  y  entrait  celui  que  j*ai  fait  partir  de  Bayonne 
avec  une  dépêche  du  Î3  germinal  (13  avril),  relative  à  la  jonction  de  notre 
eêcadre  et  (Tune  division  de  celle  de  Cadix. 

Votre  Excellence  n'aura  donc  pas  tardé  à  être  satisfaite  sur  un  des  points 
les  plus  intéressants  de  Tordre  général  qui  fait  Tobjet  de  la  lettre  qu'elle  a  bien 
voulu  m'écrire. 

Je  crois  utile,  néanmoins,  de  mettre  de  Tensemble  dans  les  récapitulations 
qu'elle  me  demande  sur  toutes  les  opérations  préparées  et  exécutées  dans  les 
principaux  ports  de  l'Espagne,  et  c'est  pour  en  compléter  le  tableau  que  Je 
fais  de  nouveau  mention  de  la  sortie  de  l'amiral  Gravina  à  l'article  Cadix. 

Cadix. 

L'escadre  de  Toulon  a  fait  sa  jonction  avec  la  division  espagnole  dans  la 
nuit  du  i9  au  20  germinal  [9  au  iO  mars). 

Le  2i  au  matin,  l'escadre  combinée  éUiit  hors  de  la  vue  de  Cadix,  forte  de 
i7  vaisseaux  seulement,  mais  on  a  la  presque  certitude  qu'elle  aura  été 
rejointe  par  le  Saint-Raphaël,  qui  a  appareillé  dans  la  matinée  du  21,  et 
duquel  on  n'a  plus  entendu  parler,  ce  qui  est  un  bon  signe. 

Cet  événement  a  été  annoncé  directement  à  Sa  Majesté  Impériale  par  an 
courrier  que  je  lui  ai  expédié,  d'après  l'invitation  du  général  Lauriston. 

Depuis  lors,  on  n'a  aucune  nouvelle  de  l'escadre  et,  h  la  date  des  dernières 
nouvelles  de  Cadix,  de  Lisbonne  et  du  Ferrol,  aucun  bâtiment  n'était  encore 
entré  dans  ces  ports  qui  l'eût  rencontrée  ;  dès  qu'on  en  aura  la  moindre  con- 
naissance, j'espère  que  je  serai  le  premier  à  en  informer  Votre  Excellence. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8745,  à  Decrès,  16  mai. 

Milan,  26  floréal  an  xiii  (16  mai  1805). 

Il  ne  fkat  pas  trop  ajouter  foi  à  tout  les  bmita  da  général  Beurnonville.  Je  doute  que 
reieadre  de  Carthagène  aoit  sortie  ;  ai  elle  Test,  tenei  pour  oertaln  qu'elle  n'a  pas  été  à 
plut  de  3  lieues  de  la  e6te.  Du  moment  que  j'aurai  des  nouvelles  du  1»  prairial,  j'écrirai 
en  détail  en  Bipagne  ;  alors  aussi,  mais  alors  seulement,  vous  pourrei  écrire  pour  lui 
tiire  connaitre  qu'il  n'est  pas  probable  que  l'escadre  soit  bloquée  dld  à  un  mois  ou  six 
semaines  ;  qu'au  lieu  de  six  viJsseauz,  j'espère  qu'il  y  en  aura  dix  ;  que  toute  l'aetivité 
doit  se  tourner  là-dessus. 

J'approuve  les  conventions  des  vivres  que  vous  faites,  montant  à  neuf  milliont,  dont 
quatre  existants  ;  presses  de  manière  que  partout  tout  soit  prêt  dans  le  courant  de  ther- 
midor. 

Napolkon. 


l'immobilité  db  oântbaume.  563 

Nelion  ii*a  point  paru  au  détroit  et,  depuis  près  d'un  mois,  on  n*a  aperçu 
aucune  ditision  de  sa  flotte  à  la  o6te  de  la  Méditerranée. 

A  l'apparition  de  Tescadre  française,  le  commodore  Orde  s*est  retiré  de  la 
station  qu'il  occupait  de? ant  Cadix  ;  mais  on  a  tu  reparaître,  depuis,  quelques 
vaisseaux  de  sa  croisière. 

Une  seconde  division  de  six  vaisseaux  est  armée  à  Cadix.  En  voici  les  noms  : 

Le  Glorieux; 
La  Sainte-Trinité  ; 
Le  Saint'Léandre  ; 
La  Cas  tille; 
La  Foudre; 
Le  Juste, 

Une  troisième  division  de  quatre  vaisseaux  seulement  est  destinée  à  suivre 
la  seconde,  dès  que  celle-ci  sera  entièrement  formée.  Voici  les  noms  des  quatre 
vaisseaux  désignés  pour  cette  troisième  : 

Le  Bahama; 
La  Sainte-Anne; 
Le  Migno  ; 
Le  Vainqueur, 

Si  le  département  de  Cadix  était  aussi  riche  d'hommes  et  de  vivres  qu'on  Ta 
lait  riche  d'argent,  ces  deux  divisions  seraient  facilement  prêtes  pour  la  mi- 
juin.  Mais  en  définitif,  et  sauf  le  délai  matériellement  nécessaire,  il  y  aura  eu 
seize  vaisseaux  de  préparés  à  Cadix,  dont  six  ont  déjà  appareillé,  plus  une  Ré- 
gate, et  dont  le  surplus,  à  force  d'activité  et  de  sacrifices,  pourra  être  utilisé 
ou  partiellement,  ou  en  masse,  d'ici  à  la  fin  de  juin. 

Ferrol. 

Dix  vaisseaux,  dont  quatre  français  et  six  espagnols,  sont  mouillés  et  se 
tiennent  sur  une  seule  ancre,  prêts  à  appareiller  au  premier  signal  qu'ils 
attendent. 

Pour  peu  qu'ils  demeurent  quelques  jours  dans  cette  situation,  l'escadre  se 
renforcera  d*un  vaisseau  espagnol  et  du  vaisseau  français  le  Redoutable^  qui  a 
encore  besoin  de  ses  pièces  à  eau  pour  prendre  la  mer. 

A  moins  d'un  très  prompt  départ,  Tescadrc  combinée  sera  donc  de  douze 
vaisseaux.  Le  contre-amiral  Gourdon  et  le  lieutenant  général  Grandellana  y 
travaillent  à  force,  décidés  à  ne  point  quitter  le  mouillage  du  Ferrol  ;  on  est 
hors  de  doute,  dans  ce  port,  que  les  deux  commandants  s'attendent  à  être 
débloqués  par  la  flotte  de  Brest. 

Le  bataillon  du  79*  régiment  d'infanterie  a  été  réparti  sur  nos  vaisseaux,  et 
la  frégate  la  Revanche j  mouillée  à  la  Corogne,  est  venue  au  Ferrol  se  joindre 
à  la  division  française. 

Les  Espagnols  n'ont  de  vivres  que  pour  un  mois,  ce  qui  rend  la  destination 
de  l'escadre  plus  difficile  et  restreint  beaucoup  le  choix  des  opérations  qu'elle 
aurait  pu  exécuter  sans  cette  circonstance.  Le  contre-amiral  Gourdon  a  du 
pain  pour  trois  mois,  et  plus  on  différera  d'appai*eiller,  plus  sa  provision 
deviendra  abondante,  il  fait  fabriquer  à  force  à  la  Corogne. 


564  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  IX. 

L'escadre  qui  bloque  le  Ferrol  n'était  que  de  huit  Taisseaux  à  la  date  du 
4  floréal,  mais  il  parait  que  le  deToir  du  contre-amiral  Gourdon  est  d'attendre, 
sans  quoi  il  me  marque  qu'il  n'aurait  pas  hésité  de  sortir. 

Je  n'ai  pas  un  tableau  assez  nouveau  des  \aisseaux  susceptibles  de  former  la 
seconde  division  du  Ferrol,  mais  je  ferai  ce  qu'il  fuut  pour  l'avoir  et  pour 
l'adresser  promptement  à  Votre  Excellence. 

Carthagène. 

L'escadre  qui  était  dans  ce  port  a  appareillé  le  7  floréal  au  matin  et  l'on  n'a 
point  encore  d'avis  sur  les  opérations  qu'elle  aura  exécutées  ;  il  eût  été  extrê- 
mement désirable  qu'elle  pût  se  rendre  à  Cadix ,  de  conserve  avec  l'amiral 
Villeneuve.  Réunie  aux  dix  vaisseaux  de  Cadix,  elle  générait  bien  davantage 
les  Anglais.  Maintenant,  on  ne  sait  trop  quand  elle  pourra  entrer  dans 
l'Océan  et  l'on  attend  avec  une  curiosité  inquiète  l'issue  de  la  manœuvre 
qu'elle  a  faite. 

M.  le  Prince  de  la  Paix  m'a  confié  avoir  donné  à  Tamiral  Salcedo  l'ordre 
indéfini  de  sortir  dans  un  but  utile  quel  qu'il  soit  :  d'observer  la  mer,  de  don- 
ner chasse  à  l'ennemi  partout  où  il  se  trouverait  inférieur,  de  manœuvrer  enfin, 
d'après  les  avis  et  la  connaissance  des  parages,  soit  pour  rentrer  après  avoir 
excité  l'attention  de  l'ennemi,  soit  pour  passer  le  détroit  si  toutes  les  chances 
sont  favorables  à  cette  navigation  et  à  la  jonction  des  escudres  dans  Cadix. 

L'opinion  que  je  dois  me  former  d'une  telle  opération  est  que,  en  efiet,  le 
Prince  de  la  Paix  a  été  bien  aise  de  faire  sortir  momentanément  d'inactivité 
une  escadre  dont  les  équipages,  trop  neufs  pour  la  mer,  ont  besoin  de  s'y 
exercer  peu  .\  peu  avant  de  tenter  une  entreprise  positive.  Cependant,  M.  de 
Salcedo  aura  eu  Tordre  de  mettre  à  profit  tout  ce  qui  pouvait  favoiiser  une 
opération  utile  et,  sans  avoir  de  désignation  spéciale  à  cet  égard,  je  pense 
qu'il  aura  eu  du  moins  la  faculté  de  faire  pour  le  mieux. 

Au  surplus,  comme  la  navigation  est  rétrécie  vers  le  sud  de  Carthagène, 
qu'à  l'est  il  y  aurait  beaucoup  de  danger  à  prendre  un  trop  grand  essor,  et  qu'à 
l'ouest  on  entre  bientôt  dans  les  eaux  du  détroit,  les  premières  nouvelles  que 
j'attends  de  Carthagène  sont  que  l'escadre  y  est  rentrée,  car  il  n'y  aurait 
qu'une  réunion  des  circonstances  les  plus  heureuses  qui  eût  pu  déterminer 
M.  de  Siilcedo  à  la  conduire  à  Cadix. 

Je  résume  tout  ce  qui  précède  et  je  trouve  pour  résultat  : 

vaisseaux. 

i®  Six  vaisseaux  sortis  de  Cadix 6 

2*  Six  vaisseaux  sortis  de   Carthagène 6 

3®  Dix  vaisseaux  en  armement  à  Cadix,  dont  partie  sur  le 

point  de  sortir 10 

4**  Sept  vaisseaux  sur  une  seule  ancre  au  Ferrol  et  prêts  à 

appareiller  au  premier  signal 7 

En  tout  vingt-neuf  viiisseaux  qui,  réunis  aux  six  vaisseaux  français  qui  se 
sont  trouvés  dans  les  ports  du  Ferrol  et  de  Cadix,  mettent  les  Anglais  dans 
la  nécessité  d'observer  ou  de  combattre  trente-cinq  vaisseaux  de  ligne,  six  mois 
après  la  rupture  de  l'Angleterre  et  de  l'Espagne. 


l'immobilité  de  oanteaume.  565 

Quelque  satisfaisant  que  soit  cet  aperçu,  Sa  Majesté  Impériale  aura  besoin, 
pour  le  trouver  tel,  de  le  comparer  à  la  situation  intérieure  de  ce  pays  et  aux 
désavantages  de  tout  genre  malgré  lesquels  il  a  fallu  qu'il  se  présentât  à  la 
lutte.  Un  temps  Tiendra  sans  doute  où  notre  alliance  avec  TEspagne,  dirigée 
vers  son  véritable  but,  deviendra  définitivement  funeste  à  T Angleterre.  Mais 
déjà  ne  peut-on  pas  éprouver  un  contentement  relatif  et  s'étonner  de  l'activité 
et  des  efforts  que  nous  sommes  parvenus  à  faire  déployer  au  gouvernement 
espagnol,  comme  aussi  des  sacrifices  pécuniaires  auxquels  il  a  dû  se  décider 
dans  un  moment  où  l'esprit  public  était  mort,  le  crédit  éteint,  le  peuple 
accablé  de  calamités  et  les  finances  sensiblement  affaiblies  par  Pacte  de  vio- 
lence même  qui  a  déterminé  la  guerre  ? 

J'aurai  soin  de  donner  successivement  à  Votre  Excellence  tous  les  rensei- 
gnements qui  me  seront  transmis,  soit  sur  les  croisières  et  les  passages  de 
convois,  soit  sur  les  mouvements  de  Gibraltar,  de  Minorque,  et  en  général  sur 
tous  les  objets  que  je  croirai  vraiment  dignes  d'exciter  l'intérêt  de  Sa  Majesté 
Impériale. 

Veuillez  agréer,  Monseigileur,  Thommage  de  ma  haute  considération  et  de 
sincère  attachement. 

Le  Général  :  Beirnonville. 

P.  S.  —  Je  joins  à  cette  dépêche  le  tableau  de  la  division  espagnole  sortie 
de  Cadix  et  qui  a  fait  sa  jonction  avec  celle  de  Toulon. 

B. 

En  ce  qui  concerne  Fescadre  de  Carthagène,  sa  sortie  avait 
rapidement  pris  fin  à  la  seule  assurance  que  Nelson  n'avait 
pas  encore  quitté  la  Méditerranée.  S'il  n'avait  pas  paru 
devant  Carthagène,  il  n'en  avait  pas  passé  très  loin  dans  sa 
route  vers  Tétuan,  où  il  était  arrivé  le  5  mai  (1). 

Âranjoei,  le  16  floréal  an  xiii(6  mai  1805). 

Nelson  a  paru  vers  Carthagène  avec  il  vaisseaux  de  ligne  et  8  frégates.  Sa 
présence  a  fait  rentrer  l'escadre  de  Carthagène,  dont  je  n'avais  pas  vu  la 
sortie  avec  beaucoup  de  tranquillité. 

M.  de  Salcedo  a  du  moins  eu  le  bonheur  de  ne  faire  aucune  perte  et  il  a 
ramené  dans  le  port  G  vaisseaux  qui  pourront  reprendre  la  mer  en  temps  plus 
utile,  dans  un  but  déterminé,  et  avec  des  chances  de  succès  moins  incertaines. 
Il  s'agit  maintenant  de  savoir  si  Nelson  passera  le  détroit  et  quelle  direction  il 
prendra  ensuite  ;  les  renseignements  que  nous  obtiendrons  sur  l'état  de  ses 
forces,  sur  celles  qu'il  a  peut-être  laissées  dans  la  Méditerranée  et  sur  ses  diffé- 
rentes combinaisons  avec  les  amiraux  Orde  et  Calder,  qui  croisent  devant 


(1)  Voir  ci-dessus. 


666  TR0I8IÈMB  PAETIB.  —  CHAPITRE  IX. 

Cadix  et  le  Ferrol,  contribueront  beaucoup  à  fixer  le  choix  du  Prince  entre  les 
deux  partis  dont  Sa  Majesté  Impériale  lui  a  offert  TaltematiTe. 

Le  général  :  Biuri«oi«yillb. 

Arai^aex,  le  t5  floréal  an  xm  (15  mal  1805). 

Monsieur  le  Vice- Amiral  (i), 

Aussitôt  que  le  contre-amiral  Gourdon  m'a  fait  part  d'un  objet  quelconque 
de  nécessité  pour  Fescadre  qu'il  commande,  j'en  ai  fait  la  demande  au  minis* 
tère  espagnol,  de  qui  je  Tai  obtenu  sur-le-champ  toutes  les  fois  que  la  chose  a 
été  possible. 

C'est  ainsi  que  le  Fougueux  a  été  récemment  garni  de  manœuyres  qui  lui 
manquaient  et  que,  plus  nouvellement  encore,  le  prince  de  la  Paix  a  fait  pas- 
ser l'ordre  au  capitaine  général  du  Ferrol  d'approvisionner  ce  vaisseau  des 
articles  de  pharmacie  dont  il  a  besoin.  J'ai  à  cœur.  Monsieur  le  vice-amiral,  de 
seconder,  autant  qu'il  est  en  moi,  les  grands  travaux  de  votre  Département, 
du  moins  sous  les  rapports  qu'ils  ont  avec  le  port  que  j'occupe,  et  si  les 
intentions  de  Sa  Majesté  Impériale  ne  sont  pas  toujours  aussi  pleinement  rem- 
plies que  je  le  désirerais,  toujours  est-il  constant  que  je  n'ai  rien  à  m'imputer 
à  cet  égard.  Je  ne  crois  pas  que  la  cour  d'Espagne  puisse  prendre  un  système 
assez  contraire  à  celui  qu'elle  a  toujours  eu  depuis  que  je  réside  auprès  d'elle, 
pour  se  refuser  à  une  seule  des  choses  vraiment  utiles  que  je  lui  proposerai;  et 
lorsque  vous  vous  apercevrez,  Monsieur,  que  telle  ou  telle  chose  ne  répond 
pas  à  l'idée  que  Votre  Excellence  s'en  était  formée ,  Votre  Excellence  devra 
croire  aussi  que,  sans  doute,  il  ne  m'aura  été  donné  aucun  ordre  et  que  j'ignore 
absolument  la  chose  sur  laquelle  il  lui  resterait  le  moindre  désir. 

Tous  les  ordres  ont  été  expédiés  d'ici  pour  que  les  réparations  du  Redoutable 
soient  poussées  avec  vigueur  ;  et  d'après  les  moyens  que  Votre  Excellence  a 
misa  la  disposition  du  contre-amiral  Gourdon,  je  ne  doute  pas  que  ce  vaisseau 
ne  puisse  incessamment  suivre  en  rade  les  quatre  autres  ;  l'équipage  était  ce 
qui  souciait  le  plus  ce  contre-amiral,  mais  il  ne  tardera  pas  à  en  avoir  com- 
posé un  aux  dépens  des  frégates  et  corvettes  qu'il  a  la  liberté  de  laisser  au 

Ferrol  ;  je  pense  qu'avec  les (2)  nécessaires  on  aura  bientôt  fabriqué  les 

pièces  à  eau,  et  pour  peu  qu'il  s'écoule  de  jours  avant  le  départ  des  escadres, 
le  vaisseau  le  Redoutable  en  fera  infailliblement  partie. 

J*ai  adressé  il  y  a  huit  jours,  au  Ministre  des  relations  extérieures,  un  état 
des  armements  espagnols.  Sa  Majesté  Impériale  y  aura  vu  que  l'escadre  du 
Ferrol  est  de  6  vaisseaux  en  rade  ;  depuis  lors,  il  leur  en  a  été  adjoint  un 
septième  et,  dès  que  le  Redoutable  sera  entré  en  ligne,  la  division  combinée 
dans  ce  port  sera  de  12  vaisseaux;  elle  est  aujourd'hui  de  il  seulement,  mais 
déjà  ce  nombre  excède  celui  dont  Votre  Excellence  me  témoigne  qu'elle 
désire  être  parfaitement  certaine,  et  dès  lors  je  dois  croire  que  les  choses  lui 
paraîtraient  dans  un  état  satisfaisant  au  Ferrol. 


(1)  Archives  de  la  Marine^  BB«^,  Î34. 
(S)  Lacune  dans  la  minute. 


L'nOfOBILITé  DB  GANTEAX7ME.  567 

Votre  Excellence  n'ignore  pat  combien  les  départements  de  Cadix  et  de 
Garthagène  ont  souffert  des  maladies  et  de  la  disette  des  années  précédentes  ; 
ils  ont  fait  des  pertes  disproportionnées  à  Fétat  maritime  de  TEspagne  et  il  a 
fallu  n'être  pas  infiniment  difficile  sur  le  choix  des  hommes  de  mer  pour 
armer  les  29  vaisseaux  et  les  4  frégates  que  nous  Tenons  de  tirer  du  néant  en 
moins  de  cinq  mois  ;  les  équipages  ne  sont  donc  pas  aussi  expérimentés  qu'il 
le  faudrait. 

Le  biscuit  est  le  seul  article  dont  on  ne  soit  pas  suffisamment  approvisionné, 
mais  on  y  trayaille  avec  force.  Tous  les  autres  vivres  sont  à  bord,  et  j'ai  la 
parole  d'honneur  du  Prince  qu'ils  sont  en  abondance  pour  le  temps  déterminé. 

Sur  la  proposition  que  Votre  Excellence  a  faite  au  prince  de  la  Paix 
d'envoyer  à  Toulon  ou  à  Cadix  la  division  de  Garthagène,  le  Prince  s'est 
déterminé  pour  Cadix;  je  n'ai  pas  été  suffisamment  autorisé  à  lui  fkire  pré- 
férer la  destination  de  Toulon  et,  d'ailleurs,  on  lui  laissait  quelque  liberté  à  cet 
égard  ;  cependant,  la  navigation  actuelle  de  Nelson  promet  une  sécurité  tem- 
poraire aux  vaisseaux  qui  seraient  dirigés  sur  Toulon,  i\  vaisseaux  de  ligne 
ayant  mouillé  à  Gibraltar  dans  la  nuit  du  16  floréal  et,  selon  toutes  les  appa- 
rences, étant  entrés  à  présent  dans  l'Océan. 

Malgré  cela  le  Prince  a  pensé  que  de  grandes  forces  réunies  à  Cadix  seraient 
par  la  suite  une  ressource  infiniment  utile  pour  Sa  Majesté  Impériale  ;  et 
comme  les  6  vaisseaux  de  Garthagène,  réunis  à  six  autres  qui  sont  sur  le  point 
d'être  armés  à  Cadix,  formeront  dans  l'Océan  une  escadre  de  i2  vaisseaux, 
que  l'on  espère  pouvoir  porter  à  16  pour  la  fin  de  juin ,  il  n'est  pas  douteux 
que  le  Prince  n'ait  d'asses  bons  motifs  à  faire  valoir  pour  justifier  sa  préfé- 
rence et  pour  couvrir  par  des  raisons  admissibles  la  répugnance  secrète  que  je 
lui  suppose  pour  la  division  des  forces  de  l'Espagne,  et  surtout  pour  les  mettre 
trop  positivement  à  notre  disposition  ;  une  des  causes  dont  il  m'a  parlé,  et  qui 
doit  en  effet  être  de  quelque  poids  dans  le  jugement  à  porter  du  parti  qu'il  a 
pris,  c'est  que  la  ville  de  Garthagène  n'était  point  encore  entièrement  purifiée 
de  la  dernière  épidémie  et  que  la  santé  des  équipages,  bonne  pour  des  hommes 
acclimatés,  serait  peut-être  de  quelque  danger  pour  des  hommes  d'un  climat 
différent. 

Je  vous  prie,  Monsieur  le  Vice-Amiral,  de  vouloir  bien  agréer  l'hommage 
de  ma  haute  considération. 

Beurnonvilue. 

Pendant  ce  temps,  l'Empereur,  escomptant  l'arrivée  de 
Missiessy  attendu  de  jour  en  jour,  édifiait  un  nouveau  projet 
destiné  à  réparer  l'échec  de  la  réunion  aux  Antilles  de  cet 
amiral  avec  Farmée  de  Villeneuve. 

Au  Wce-am/ra/  Decrès  (i). 

Milan,  20  floréal  an  xm  (10  mai  1806). 
S'il  ne  faut  pas  réunir  des  vivres  à  Gherbourg,  il  en  faut  beaucoup  réunir 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8714. 


568  TROISIEME  PARTIE.  —  CHAPITRE  IX. 

au  Hayre  et  à  Honfleur.  Il  est  nécessaire  qu'on  en  fasse  faire  à  Cherbourg  pour 
le  Havre. 

Je  n'ai  rien  à  répondre  à  votre  lettre  du  45  (5  mai)  ;  tous  verrez,  par  ma 
dernière,  que  j'ai  prévu  qu'il  faut  au  1*'  prairial  (21  mai)  que  la  Topaze  (i) 
et  autres  de  Lorient  partent  si  vous  le  jugez  nécessaire. 

Je  vais  prévoir  une  autre  circonstance  y  celle  de  V  arrivée  de  Missiessy  à 
Lorient  ou  à  Bochefort.  Dans  ce  cas,  mon  intention  est  qu'il  prenne  ses  vivres 
et  qu'il  parte  sur-le-champ  pour  joindre  f  amiral  Villeneuve, 

Je  suppose  qu'il  fût  arrivé  et  put  partir  au (2)  ou  le  5  prairial  (25 mai). 

Il  n'y  a  pas  pour  lui  les  mêmes  conséquences  que  pour  Ganteaume  de  rester 
en  arrière.  Il  est  donc  nécessaire  que  vous  envoyiez  des  dépêches  cachetées  à 
Rochefort  et  à  Lorient,  et  qu'on  soit  prévenu  de  lui  remettre  ses  dépêches  et 
ses  vivres  en  quarante-huit  heures.  Vous  y  ajouterez  l'instruction  que,  si 
un  vaisseau  était  hors  d'état  de  suivre,  il  resterait  et  le  reste  continuerait  sa 
route. 

Vous  donnerez  à  l'amiral  des  ordres  cachetés,  dans  lesquels  vous  lui  direz 
que  si,  à  son  arrivée  à  la  Martinique,  l'amiral  Villeneuve  était  parti  et  qu'il 
puisse  espérer  de  le  rattraper,  il  ait  à  se  diriger  sur  le  lieu  où  va  l'amiral 
Villeneuve.  Et  enfin ,  si  Missiessy  arrive  après  le  5  prairial  (25  mai),  mon 
intention  est  que,  avant  qu'il  soit  bloqué,  il  se  rende  à  Cadix  et,  dans  ce 
dernier  cas,  six  jours  de  retard  n'étant  pas  une  affaire,  j'aurai  le  temps  de 
donner  des  ordres  sans  éprouver  de  retard.  Je  regarde  sa  station  à  Rochefort 
ou  à  Lorient  comme  mauvaise  et  contraire  à  mes  projets,  parce  qu'elle  réunit 
un  grand  nombre  de  vaisseaux  anglais  dans  les  mêmes  parages. 

Envoyez  un  courrier  à  Cadix,  avec  l'ordre  de  vous  rapporter  sur-le-champ  la 
situation  des  croisières  ennemies  dans  ces  parages.  Vous  sentez  bien  qu'ayant 
ce  projet,  c'est  que  je  n'ose  pas  espérer  de  pouvoir  faire  parvenir  au  Ferrol,  et 
puis  on  peut  peut-être  mettre  en  discussion  si  cela  serait  avantageux. 

Napoléon. 


Ces  ordres  firent  Tobjet  de  deux  lettres  de  Decrès,  en  date 
du  16  mai  (3). 

La  première,  adressée  à  Gourdon,  lui  prescrivait  d'obtenir 
des  Espagnols  que  leurs  vivres  soient  portés  à  cinq  mois,  ou 
au  moins  trois. 

La  seconde^  adressée  à  Rochefort,  pour  être  remise  à 
l'amiral  Missiessy  à  son  arrivée,  contenait  Tordre  de  se  pour- 
voir de  six  mois  de  vivres,  quatre  mois  d'eau  et  de  reprendre 
la  mer  avant  le  5  mai. 


(1)  Elle  partie  15  mai. 

(S)  Lacune  dans  la  minute. 

(3)  Archives  de  ta  Marine,  BB»^,  229 -M7 


l'immobilité  de  oanteaume.  569 

Dans  rintervalle,  TEmpereur  modifia  le  rôle  attribué  à 
Missiessy. 

Au  vice-^mirtil  Deorès  (i). 

Milan,  t3  Aorétl  an  xin  (13  mai  1805). 
Monsieur, 

Je  reçois  tos  lettres  des  17  et  18  floréal.  Il  parait  que  Tescadre  de  Tarairal 
Missiessy  est  partie  le  i5  ou  26  Tentôse  (16  ou  17  mars);  elle  est  restée  à  la 
Martinique  moins  d'un  mois.  Elle  a  dû  partir  de  Santo-Domingo  ayant  le 
1*'  avril  ;  elle  ne  doit  pas  mettre  plus  de  quarante  jours  pour  revenir  de 
Santo-Domingo  en  France.  Elle  devrait  donc  être  rentrée  au  iO  mai;  nous 
sommes  au  13.  Si  elle  est  arrivée,  hfttez-vous  de  m'informer  en  détail  des 
affaires. 

Vous  aurez  reçu  la  lettre  que  je  tous  ai  écrite  il  y  a  deux  jours.  Faites  que 
Tescadre  (2)  ne  communique  point  avec  la  terre  ;  faites~y  mettre  des  vivres  et 
envoyet'là  sans  délai  à  la  Martinique;  ne  partirait-elle  que  le  5  prairial 
(25  mai),  elle  arriverait  à  temps.  Je  pense  qu'il  est  probable  qu'elle  arrivera 
avant  le  10  messidor  (29  juin).  Vous  pouvez  faire  embarquer,  sur  chaque  vais- 
seau, 100  hommes  de  supplément  d'équipage,  qui  peuvent  être  fournis  par  les 
canonniers  de  Rochefort.  Au  pis  aller,  voici  un  ordre  que  je  vous  envoie  pour 
que  600  hommes  soient  mis  à  votre  disposition.  (}uand  vous  recevrez  cette 
lettre,  vous  aurez  reçu  l'ordre  de  faire  approvisonner  sur-le-champ  l'escadre 
du  Ferrol. 

Si  l'escadre  de  l'amiral  Missiessy  est  arrivée  le  14  ou  le  15  (i  ou  5  mai), 
comme  le  fait  croire  la  lettre  du  commissaire  de  la  Rochelle,  elle  peut  partir 
avant  le  5  prairial  (25  mai). 

Cependant,  si  le  cas  arrivait,  qu'arrivée  à  la  Martinique  elle  trouvât  que 
V amiral  Villeneuve  en  est  parti,  et  qu'elle  n'eût  plus  aucun  espoir  de  le  joindre 
au  Ferrol,  vous  laisseriez  manœuvre  indépendante  à  l'amiral  Missiessy;  il 
ravagera  le  commerce  ennemi  partout  où  il  se  trouvera  ;  et  surtout,  si  le 
général .  Lauriston  n'a  pas  pris  la  Dominique  et  Sainte-Lucie,  t7 /avomera 
Vexpédition  de  la  Dominique,  qui  sera  faite  par  le  général  Emouf  ;  l'attaque  en 
sera  faite  sur  les  deux  points  de  l'Ile  ;  il  y  sera  employé  2,000  hommes  de  la 
Guadeloupe  et  2,000  hommes  de  la  Martinique  ;  ceux  de  la  Martinique  seront 
commandés  par  un  général  de  brigade  et  ceux  de  la  Guadeloupe  par  le  général 
Emouf  en  personne,  qui  aura  le  commandement  général  de  l'expédition.  // 
faut  donc  qu'à  tout  hasard  l'amiral  soit  porteur  d'une  dépêche  dont  l'objet  sera 
que,  si  le  général  Errumf  juge  l'expédition  de  la  Dominique  possible,  il  l'attaque 
avec  ses  forces,  et  que  le  capitaine  général  Villaret  expédie,  le  plus  tôt  pos- 
sible, 2,000  hommes  de  la  garnison  de  la  Martinique,  pour  attaquer  l'Ile  par  le 
Roseau.  Une  fois  conquise,  l'Ile  serait  sous  les  ordres  du  général  Ernouf,  qui 
la  ferait  commander  par  un  général  de  brigade  ou  de  division. 

Dans  tous  les  cas,  approvisionnez  l'escadre  de  tout  ce  dont  elle  a  besoin  et 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8730. 

(2)  De  MisBiessy. 


570  TROISIÈME  PARTIB.  —  CHAPITRE  IX. 

faites'là  partir.  Je   ne  pense  pas  qu'elle  soit  bloquée  à  Rochefort  avant  le 
10  prairial  (30  mai). 

Si  la  Martinique,  la  Guadeloupe  et  la  Dominique  étaient  en  bon  état,  et  que 
YilleneuTe  fut  parti,  Missiessy  attaquera  Sainte-Lucie  et,  si  celle  lie  était  en 
notre  pouvoir,  il  porterait  à  Santo-Domingo  les  600  hommes  qu'il  a.  II  y 
débarquera  aussi  de  la  poudre. 

Je  vous  renvoie  vos  dépêches.  Je  fais  mettre  dans  le  Moniteur  Thistorique 
des  opérationi  aux  Hes  du  Vent. 

Napoléon. 

Au  Wo6*am/ra/  Deords  (!)• 

Milan,  23  floréal  an  xiii  (13  mai  1805). 

Je  reçois  votre  lettre  du  19  floréal.  Je  suis  étonné  que  Tescadre  de  Roche- 
fort  ne  soit  pas  arrivée  ;  il  y  a  près  de  cinquante  jours  qu'elle  est  partie  de  la 
Martinique.  Je  suis  porté  \  croire  qu'elle  y  est  restée  plus  de  temps  et  que 
lorsque  l'ayiso  est  parti  de  la  Guadeloupe,  le  27  germinal  (17  avril),  Tescadre 
n'en  était  pas  encore  partie.  Toutefois,  prenez  toutes  vos  précautions  pour  pou- 
voir l'approvisionner  promptement  et  la  remettre  sur-le-champ  en  activité. 

Napoléon. 

On  arrive  ainsi  au  20  mai  :  ce  jour-là  surviennent  deux  évé- 
nements importants.  D'abord  l'arrivée  de  Missiessy  à  Roche- 
fort,  puis  l'abandon  de  toute  tentative  de  faire  sortir  de  Brest 
l'escadre  de  Ganteaume. 

Ainsi  qu'il  était  convenu,  cette  dernière  nouvelle,  sous  la 
forme  ci-dessous,  fut  envoyée  à  Villeneuve,  d'abord  de 
Lorient  par  la  frégate  le  Président  et  le  brick  le  Néarque^  qui 
partirent  ensemble  le  21  mai,  puis  deux  jours  plus  tard,  le  23, 
par  le  Département-des-Landes  expédié  de  Rochefort. 

Aucun  de  ces  navires  ne  devait  rallier  Villeneuve. 

4  /'am/ra/  Villeneuve  (2). 

Paris,  le  30  floréal  an  xui  (tO  mai  1805). 
Monsieur  T  Amiral, 

Cette  lettre  n'a  pour  objet  que  de  vous  informer  que  Vamiral  Ganteaume 
rCapu  appareiller  de  la  rade  de  Brest,  et  que  V ordre  de  Sa  Majesté  est  quHl  n* en 
appareille  plus,  mais  qu'il  reste  prêt  à  mettre  sous  voiles  au  moment  que  tous 
partirez. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8731. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BBi»,  t30. 


l'immobilité  de  oantbaume.  571 

UEmpereur  veut  que,  aussitôt  que  cette  dépêche  vous  arrivera^  vous  grattiez 
les  Antilles  sans  délai j  avec  toute  V armée  combinée ^  pour  vous  porter  sur  le 
Ferroly  conformément  aux  instructions  en  date  du  24  germinal,  qui  vous  ont 
déjà  été  expédiées  par  trois  occasions  différentes,  ainsi  qu'une  dépêche  du  J7, 
qui  accompagnait  lei  instructions  de  Sa  Majesté. 

Ces  instructions  de  FEmpereur  et  ma  dépêche  déterminent  les  opérations 
importantes  que  vous  avex  à  remplir  après  votre  départ  des  Antilles,  et  les 
communications  que  tous  defes  avoir  avec  Tamiral  Gravina. 

Vous  devrez  donc,  Monsieur  rAmiral,  appareiller  aussitôt  la  présente  lettre 
reçue  ;  et  Je  n'ai  rien  à  ajouter  au  contenu  des  instructions  de  Sa  Majesté  sur 
la  grande  entreprise  qu'elle  vous  confie  ;  encore  quelques  semaines  d*infoiitune 
et  votre  nom.  Monsieur  T Amiral,  est  à  Jamais  consacré  par  le  plus  grand  et 
le  plus  glorieux  des  succès. 

Le  Ministre  de  la  marine  (i), 

DeCR^.8. 


(1)  Toute  l'histoire  de  cette  eorrespondanet  le  trouve  résumée  dans  les  deux  pièces 
toivantet  (Registre  de  la  corrtspondanee  de  ramiral  Deerès)  : 

Instructions  de  Sa  Majesté. 

t4  germinal  (U  avrU  1805). 

Il  doit  être  à  la  Martinique  avec  It  vaisseaux  français  et  6  vaisseaux  espagnols. 

Le  contre-amiral  Magon  Ta  le  rejoindre  avec  deux  Taisseaux. 

Si  35  jours  après  l'arriTée  de  ce  contre-amiral,  l'amiral  Oanteaume  n'a  pas  paru,  il 
reviendra  sur  le  Ferrol. 

n  7  trouvera  15  vaisseaux  français  et  espagnols. 

Il  se  portera  arec  ses  35  vaisseaux  devant  Brest  oè  il  en  ralliera  21. 

Avec  cette  armée  de  56  vaisseaux,  il  entrera  dans  la  Manche  et  se  portera  devant 
Boulogne. 

Il  doity  pendant  son  s^our  à  la  Martinique,  assurer  la  possession  des  Iles  françaises. 

Envoi  des  instructions  de  Sa  Majesté» 

27  germinal  (17  avril  1805). 

On  suppose  que  la  Dominique  a  été  prise  par  le  général  Lagrange. 
Ordre  de  se  concerter  avec  ce  général  et  le  général  Lauriston  pour  attaquer  telle  antre 
tle  anglaise  qu'il  sera  possible  d'enlever  pendant  son  séjour  aux  Iles  du  Vent. 

9  floréal  (20  avril). 

Envoi  du  duplicata  des  instructions  du  24  (14  avril)  et  de  la  dépêche  du  27  (17  avril). 
Ordre  itératif  de  s'y  conformer. 

Recommandation  d'attaquer,  avec  les  1 ,200  hommes  que  l'on  présume  réunis  aux  Iles  du 
Vent,  toutes  les  colonies  anglaises  et  particulièrement  la  Trinité.  L'Empereur  pense  que 
toutes  les  iles  peuvent  être  enlevées. 

11  floréal  (I«rinal). 

P.  S.  — •  Ordre  itératif  de  revenir  sur  le  Ferrol  ;  le  contre-amiral  Magon  est  prêt  à 

appareiller. 

23  floréal  (13  mai). 

Le  oontre-amiral  Magon  est  parti  le  11  floréal  (l«r  mai).  L'amiral  Oanteaume  est  eneore 
à  Brest.  * 

Si  le  10  messidor  (29  Juin),  le  viee-amiral  Villeneuve  n'a  pas  avis  du  départ  de  l'amiral 


872  DEUXIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  IX. 

En  résumé  : 
Les  deux  vaisseaux  de  Magon  partirent  le  !•'  mai  et  rejoi- 
gnirent Villeneuve  le  4  juin. 

La  Didon  partit  le  3  mai,  rejoignit  Villeneuve  le  30  mai. 


Oanteaame,  il  doit  partir,  arriver  sur  le  Perrol,  et  remplir  les  instmctions  du  24  germinal 
(U  avril). 

Il  partirait  également  si,  avant  le  10  messidor,  il  était  averti  que  Tamiral  Ganteaame  est 
encore  retenu  à  Brest,  d'où  il  ne  partira  pas  après  le  30  floréal. 

11  ne  doit  rien  négliger  poor  augmenter  ses  vivres  à  la  Martinique  et  en  restreindre  la 

consommation. 

30  floréal  (20  mai  1805). 

L'amiral  Oanteaame  n'est  pas  parti  de  Brest  et  il  y  restera. 

Ordre  d'appareiller  à  la  réception  de  cette  lettre,  de  se  porter  sur  le  Ferrol  et  de 

saivre  les  instractions  du  24  germinal. 

(Archives  de  la  Marine^  BBi^,  230.) 

Mouvement  de  la  flotte. 

L'armée  commandée  par  le  vice-amiral  Villeneuve  a  mis  à  la  voile  de  la  rade  de  Toulon 
le  9  germinal  (30  mars),  au  nombre  de  11  vaisseaux  et  6  frégates. 

Les  instractions  de  Votre  Majesté  prescrivaient  au  vico- amiral  Villeneuve  de  se  rendre  à 
la  Martinique  après  avoir  rallié,  à  Cadix,  le  vaisseau  V Aigle  et  deux  corvettes  ;  cet  officier 
général  était  prévenu  que  l'armée  navale  de  Brest  recevait  en  même  temps  l'ordre  de 
partir  pour  la  Martinique,  et  qu'il  devait  se  ranger  dans  cette  colonie  sous  les  ordres  de 
l'amiral  Oanteaume. 

II  devait  attendre  l'armée  navale  au  Fort-de-France  pendant  40  jours,  et,  ce  terme 
écoulé,  débarquer  ses  troupes  passagères,  soit  aux  Iles  du  Vent,  soit  à  Santo-Domingo,  et 
croiser  dans  ces  parages  pendant  20  jours,  pour  effectuer  ensuite  son  retour  à  Cadix. 

Le  viee-amiral  Villeneuve  parut  le  20  germinal  devant  Cadix  et,  le  jonr  même,  le 
vaisseau  V Aigle,  deux  corvettes  françaises,  six  vaisseaux  et  une  ft^gate  espagnols  se 
rangèrent  sous  son  pavillon. 

Il  est  à  remarquer  qu'à  cette  époque  l'amiral  Nelson,  commandant  une  escadre  de 
11  vaisseaux,  était  spécialement  chargé  d'observer  les  mouvemrats  du  vice -amiral 
Villeneuve  et  qu'il  était  très  important  de  tromper  la  surveillance  de  l'ennemi,  et  même  de 
lui  donner  le  change  sur  la  destination  de  l'armée;  c'est  ce  qui  a  été  heureusement 
efl'eetué. 

L'armée  combinée,  forte  de  18  vaisseaux,  7  frégates  et  3  bâtiments  légers  était  réunie 
au  Fort-de-France  du  24  au  26  floréal. 

Les  vaisseaux  espagnols  étaient  généralement  mal  armés  et  bientôt  ils  eurent  un  a&ses 
grand  nombre  de  malades. 

Cependant,  l'armée  navale  de  Brest  était  retenue  sur  la  rade  par  les  vents  contraires  et 
la  présence  de  l'ennemi. 

Dès  le  27  germinal  (17  avril),  de  nouveaux  ordres  furent  expédiés  au  vice-amiral 
Villeneuve,  le  plan  général  do  l'expédition  lui  fut  confié.  Dans  la  supposition  que  les 
troupes  embarquées  sur  l'escadre  du  contre-amiral  Missiessy  avaient  forcé  la  Dominique  et 
Sainte-Lucie,  il  était  enjoint  à  l'amiral  d'agir  de  concert  avec  les  généraux  Lauriston  et 
Lagrange  pour  s'emparer  de  cette  autre  colonie  anglaise  qui  paraîtrait  susceptible  d'être 
enlevée  ;  il  lui  était  spécialement  recommandé  d'assurer  la  possession  de  la  Martinique,  de 
la  Guadeloupe  et  des  fies  conquises  au  moyen  des  troupes  et  des  munitions  qu'il  avait  & 
bord  ;  ces  troupes  se  montaient  à  3,600  hommes,  non  comprises  celles  que  le  général 
Missiessy  pouvait  avoir  débarquées.  Larmée  combinée  avait  fait  là  faute  de  consacrer 
35  jours  à  cette  opération,  après  quoi,  si  Kamiral  Oanteaume  ne  paraissait  pas,  elle  avait 
ordre  de  se  porter  sur  le  Ferrol  et  sur  Brest,  et  d'entrer  dans  la  Manche  avec  tontes  les 


l'immobilité  de  ganteaume.  573 

La  Topaze  partit  le  15  mai,  arriva  le  19  juin  à  la  Martinique, 
ne  rejoignit  pas. 

Le  Président  partit  le  21  mai,  arriva  le  1®' juillet  à  la  Marti- 
nique, ne  rejoignit  pas. 

Le  Néarque  partit  le  21  mai,  arriva  le  4  juillet  à  la  Marti- 
nique, ne  rejoignit  pas. 

Le  Département-des-Landes  partit  le  23  mai,  arriva  le 
2  juillet  à  la  Martinique,  ne  rejoignit  pas. 

Villeneuve  resta  donc,  après  le  4  juin,  dans  une  complète 
ignorance  de  la  situation  générale  et  des  intentions  de  l'Em- 
pereur. Quant  à  Napoléon  il  ne  sut  rien  de  Fescadre,  qui 
jouait  le  rôle  principal,  depuis  son  passage  à  Cadix,  le 
10  avril,  jusqu'au  11  juillet,  jour  où  arrivèrent  les  lettres 
portées  par  le  Lynx,  Encore  ces  dernières  ne  fournirent-elles 
aucun  renseignement  sur  les  intentions  qu'avait  Famiral 
Villeneuve  au  moment  où  il  les  expédiait. 


forces  qu'elle  aurait  ralliées  dans  ces  deux  ports.  Ces  instructions  furent  portées  à  l'amiral 
Villeneuve.  Les  frégates  la  Didon  et  la  Topaze  furent  expédiées,  la  première  partit  de 
Lorient  le  13  floréal  (3  mai),  la  seconde  de  la  rade  de  Mindin  le  25  floréal  (13  mai). 

La  seule  modification  que  reçurent  les  instructions  fut  de  borner  au  10  messidor 
(29  Juin)  le  terme  du  séjour  de  l'armée  combinée  aux  Antilles,  en  cas  de  non  apparition  de 
l'amiral  Oanteaume.  Enfin,  la  frégate  le  Président  partit  de  Lorient  le  l***  prairial 
(21  mai)  et  porta  au  général  Villeneuve  l'avis  que  l'armée  navale  de  Brest  ne  se  rendrait 
plus  aux  Antilles,  et  l'ordre  à  l'armée  combinée  de  revenir  sur-le-champ  en  Europe. 


CHAPITRE  X 

LES  DIFFÉRENTS  ROLES  ASSIGNÉS  A  L'ESCADRE 
DE  ROCHEFORT  —  LE  PLAN  DU  9-19  JUIN 


La  nouvelle  de  la  rentrée  de  Missiessy  paraît  être  parvenue 
à  Paris  le  23  mai.  C'est  ce  jour-là,  en  effet,  que  Decrès  expédia 
à  cet  amiral  les  instructions  établies  d'après  les  intentions 
manifestées  par  l'Empereur  le  13  mai. 

Paris,  le  3  prairial  an  xm  (23  mai)  (1). 
M.  le  Contre-Amiral  y 

L'intention  de  Sa  Majesté^  Monsieur  le  Contre-Amiral^  est  que  si,  arrivant 
à  la  Martinique,  vous  avei  l'espérance  de  rejoindre  Vamiral  Villeneuve^  vous 
ne  négligiex  rien  pour  vous  joindre  à  lui,  soit  qu*il  se  trouve  encore  aux 
Antilles,  soit  qu^il  en  soit  parti  depuis  assex  peu  de  temps  pour  que  vous  puis- 
siez opérer  votre  jonction  avec  lui. 

Dans  le  cas  où  vous  ne  pourriez  avoir  cette  espérance  de  le  rallier,  vous  êtes 
libre  de  vos  manœuvres  et  vous  vous  porterez  partout  où  vous  pourrez  ravager 
le  commerce  de  Tennemi. 

Mais  rintention  de  l'Empereur  est  que  si  le  général  Lauriston  n^a  pas  pris 
la  Dominique,  vous  favorisiez  Texpédition  que  le  général  Emouf  est  chargé 
de  diriger  contre  cette  île.  L'attaque  en  sera  faite  sur  deux  points  ;  il  y  sera 
employé  2,000  hommes  de  la  Guadeloupe  et  2,000  hommes  de  la  Martinique* 
Ces  derniers  seront  commandés  par  un  général  de  brigade  et  ceux  de  la  Gua- 
deloupe par  le  général  Emouf  eh  personne. 

Cette  expédition  est  subordonnée  \  Topinion  du  général  Ernouf  sur  la  possi- 
bilité d'enlever  la  Dominique  et  aussi  sur  ce  que  comporte,  à  Tégard  de  votre 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»\  «7. 


576  TROISIÈME  PARTIE.   —    CHAPITRE  X. 

escadre,  la  saison  de  Thivemage,  dans  laquelle  vous  serez  près  de  vous  trouver 
à  votre  arrivée  aux  Antilles. 

Si  le  général  Ernouf  ne  pense  pas  pouvoir  enlever  la  Dominique,  vous  por- 
terez à  Saint-Domingue  les  secours  que  les  Antilles  pourront  lui  procurer  et  les 
hommes  que  vous  avez  «\  bord  en  supplément;  vous  pourrez  consommer  vos 
vivres  à  la  mer  de  la  manière  que  vous  jugerez  la  plus  nuisible  à  l'ennemi,  et, 
selon  la  saison,  vous  pourriez  vous  porter  au  nord  pour  détruire  la  pèche  de 
Tennemi  ;  mais  le  plus  essentiel  de  votre  mission  est,  par  dessus  tout,  de  ral- 
lier Tamiral  Villeneuve,  si  vous  jugez  la  chose  possible. 

Ces  dispositions  sont  le  supplément  de  vos  instructions  du  26  floréal. 

Recevez  Tassurance  de  mes  sentiments  inviolables. 

!  Degrés. 

Sous  plis  séparés  et  fermés,  Missiessy  reçut  aussi  les  deux 
lettres  suivantes  adressées,  Tune  au  général  Ernouf,  capitaine 
général  de  la  Guadeloupe,  et  l'autre  à  Famiral  Villaret,  capi- 
taine général  de  la  Martinique  (1). 

Jeadi,  le  3  prtirial  an  xiu  (t3  mai)  (one  heure  du  matin). 

Monsieur  le  Capitaine  général. 

Le  contre-amiral  Missiessy  reçoit  de  Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi  Tordre  de 
se  porter  de  nouteau  aux  Antilles. 

L'objet  de  sa  mission  est  de  se  rallier  à  l'amiral  Villeneuve;  mais  si  la  flotte 
combinée  avait  quitté  les  parages  des  Antilles  à  une  époque  assez  reculée  pour 
que  le  contre-amiral  Missiessy  n'eut  pas  l'espoir  de  la  rallier,  l'intention  de 
Sa  Majesté  est  que  Vile  de  la  Dominique  soit  attaquée  par  vous  personnelle- 
ment (par  le  général  Ernouf  personnellement),  supposé  toutefois  que  vous 
jugiez  possible  le  succès  que  cet  officier  général  juge  de  cette  expédition,  d'après 
les  moyens  que  les  Antilles  peuvent  fournir. 

Pour  cela,  la  Martinique  fournirait  2,000  hommes,  sous  le  commandement 
d'un  général  de  brigade,  lesquels  devraient  attaquer  par  le  Roseau,  en  même 
temps  que  vous.  Monsieur  le  Capitaine  général,  attaqueriez  (le  général  Ernouf 
attaquerait)  sur  tel  autre  point  que  vous  jugeriez  (qu'il  jugerait)  convenable. 

L'île  de  la  Dominique  au  pouvoir  de  Sa  Majesté,  sous  vos  ordres  (sous  les 
ordres  du  général  Ernouf),  vous  en  donnerez  (il  en  donnera)  le  commande- 
ment à  tel  général  de  division  ou  de  brigade  que  vous  choisirez  (que  le  général 
Ernouf  choisira). 

Vous  observerez  que  cette  expédition  dépend  de  Popinion  que  vous  aurez  (le 
général  Ernouf  aura)  de  son  succès  ;  et  j'écris  au  Capitaine  général  de  la  Mar- 
tinique et  de  la  Guadeloupe  dans  ce  sens,  pour  que  vous  vous  concertiez  avec 
lui  sans  délai. 

Si  la  Dominique  avait  été  prise  par  le  général  Lauriston,  ou  que  vous  ne 
jugiez  pas  pouvoir  (le  général  Ernouf  ne  jugeât  pas)  l'attaquer  avec  succès,  le 


(l)  Archives  de  la  Marine,  campagne  \805.  BB»v,  tSS. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A   l'ESCADRE  DE  ROCHEFORT.  577 

contre-amiral  Missiessy  est  libre  de  se  porter  partout  où  il  croira  pouToir  nuire 
à  rennemi  ;  et  particulièrement  il  lui  est  désigné  de  secourir  Santo-Dommgo 
par  tous  les  moyens  que  les  Antilles  pourront  lui  fournir,  tant  en  personnel 
qu'en  matériel. 
ReceTex  l'assurance  de  mon  sincère  attachement. 

Quant  à  Ganteaume,  il  fut  prévenu  du  nouveau  plan  par  la 
lettre  suivante  : 

4  M.  l'amiral  Ganteaume  (1). 

Paris»  1«  5  pnUrial  an  xui  (t5  mai). 
Monsieur  l'Amiral, 

J'ai  reçu  les  deux  dépêches,  Tune  télégraphique  et  l'autre  ordinaire,  par 
lesquelles  tous  m'informex  que  les  circonstances  ayant  empêché  votre  départ 
au  terme  fatal  du  30  floréal,  prescrit  par  Sa  Majesté,  vous  avex  expédié  un 
courrier  à  Lorient  pour  remettre  au  ^ice-amiral  Thévenard  les  dépêches  que, 
dans  ce  cas,  vous  deviez  lui  adresser. 

Je  confirme  aujourd'hui  très  formellement  V ordre  que  je  vous  ai  transmis,  au 
nom  de  f  Empereur,  de  ne  plus  appareiller  et  d'attendre  en  rade  de  Brest  le 
moment  oit,  d'après  ce  que  je  vais  vous  exprimer,  toute  l'armée  devra  mettre 
sous  voiles.  Ce  sera  probablement  du  iO  au  20  messidor  que  ce  mouvement 
décisif  devra  s'opérer;  et,  en  attendant  cette  époque,  l'intention  de  Sa  Majesté 
est  que  l'organisation  la  plus  sévère  soit  maintenue  dans  Farmée  sous  votre 
commandement;  elle  doit  être  constamment  approvisionnée  de  tout  ce  dont 
elle  aura  besoin,  munie  de  tout  ce  qui  lui  est  nécessaire  et  ses  équipages  tou- 
jours à  bord,  d'autant  qu'il  est  très  possible,  par  le  fait  des  circonstances 
qu'on  doit  prévoir,  qu'avec  cette  époque  du  10  au  20  messidor  vous  receviez 
l'ordre  d'appareiller  pour  vous  porter  à  telle  ou  telle  aire  du  vent,  d'où  l'on 
pourrait  d'avance  calculer  l'approche  de  l'armée  du  vice-amiral  Villeneuve,  par 
des  avis  venus  de  Rochefort  ou  de  tout  autre  point  de  la  cête. 

Le  plan  d'opérations  auquel  l'Empereur  s'était  arrêté,  dont  il  vous  avait  donné 
communication,  se  trouvant  nécessairement  changé  par  l'impossibilité  où  vous 
TOUS  êtes  trouvé  d'opérer  le  mouvement  qui  ferait  partie  essentielle  à  son 
exécution,  Sa  Majesté  n'en  a  pas  pour  cela  renoncé  au  projet  qu'elle  avait 
formé  et  elle  s'est  décidée  facilement  à  y  porter  une  modification  commandée 
par  les  circonstances. 

Ne  pouvant  faire  opérer  aux  Antilles  la  jonction  .préméditée  de  toutes  les 
forces  navales,  c^est  sur  Brest  même  que  V Empereur  a  projeté  d^opérer  cette 
jonction  importante;  et  tous  ses  ordres  définitifs  ont,  en  conséquence,  été 
adressés  à  l'amiral  Villeneuve. 

Vous  savez  que  ses  forces  navales  se  composaient,  depuis  la  réunion  à 
Cadix,  de  12  vaisseaux,  6  frégates,  4  corvettes  de  l'Empereur,  et  6  vaisseaux 
et  1  frégate  de  Sa  Majesté  Catholique. 

Cette  force  s'est  accrue  de  2  vaisseaux  français,  sous  les  ordres  du  contre- 


Ci)  Archives  de  la  Marine,  BB»^,  M4. 

IV.  37 


578  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

amiral  Magon,  et  de  3  frégates  et  2  corvettes  qui  lui  ont  été  expédiés  successi- 
vement depuis  son  passage  du  détroit. 

La  somme  des  forces  sous  son  commandement  se  compose  donc  de  20  vais- 
seaux de  ligne,  10  frégates  et  6  corvettes. 

Cette  flotte  a  ordre  de  se  porter  comme  un  trait  sur  le  Ferrol  ;  là,  elle 
s'accroîtra  de  5  vaisseaux  français  et  10  espagnols  ;  elle  n'y  mouillera  point  et, 
sa  réunion  opérée  avec  les  14  vaisseaux  du  Ferrol,  elle  se  portera  sur  Brest, 
où  elle  fera  parvenir,  si  les  circonstances  le  permettent,  des  frégates  qui  vous 
annonceront  son  arrivée. 

Dans  le  cas  où  cette  frégate  n'y  parviendrait  pas,  le  bruit  du  combat  y  qui 
sera  livré  à  la  hauteur  de  Brest,  et  les  signaux  de  la  côte  vous  préviendront  de 
l'approche  de  l'armée  et  des  parages  où  vous  devrez  vous  porter  pour  décider 
la  victoire. 

Vous  vous  joindrez  donc  î\  elle  par  le  plus  prompt  appai*eillage  ;  elle  entrera 
dans  la  Manche  sans  hésiter  et  accomplira  la  plus  grande  entreprise  dont  Sa 
Majesté  elle-même  vous  a  confié  les  détails  et  l'objet. 

Tel  est.  Monsieur  V Amiral,  le  nouveau  plan  arrêté  par  Sa  Majesté  et  dont 
elle  m'a  ordonné  de  vous  donner  communication. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  que  je  vous  tiendrai  informé  de  tout  ce  qui 
s'y  rapportera  ;  vous  devrez  vous-même  pourvoir  à  ce  que  je  reçoive,  par  chaque 
courrier,  le  rapport  des  signaux  faits  par  la  côte  et  la  transmission  télégra- 
phique de  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir  d'important.  Nous  touchons  au  moment 
décisif  ;  je  compte  sur  le  concours  de  toute  votre  prévoyance  pour  ce  que 
requièrent  les  circonstances  importantes  dans  lesquelles  nous  allons  nous 
trouver. 

Le  courage  et  l'habileté  de  nos  armées,  le  destin  de  la  France,  le  génie  et 
l'étoile  de  notre  souverain  sont,  avec  la  faveur  du  Tout-Puissant,  les  garanties 
du  succès  de  notre  glorieuse  entreprise. 

Recevez  l'assurance  de  mon  inviolable  attachement. 

Pendant  ce  temps,  TEmpereup  avait  imaginé  une  nouvelle 
combinaison. 

Il  avait  reçu,  du  23  au  25  mai,  les  lettres  suivantes  adressées 
par  Beurnonville  à  Talleyrand  qui  accompagnait  l'Empereur 
pendant  son  voyage  (1). 

Arai\juei,  le  24  floréal  an  xiii  (14  mai  180.5)  (2). 
Monseigneur, 

Votre  Excellence  aura  pressenti,  dès  l'exposé  de  ma  première  conversation 
avec  le  prince  de  la  Paix,  ce  que  ce  Prince  m'a  depuis  annoncé  définitivement 


(1)  Correspondance  de  Napoléon  à  Dccrès  (W  mai),  8778. 

Par  les  renseignements  que  j'ai,  il  paraît  que  Nelson  est  encore  dans  la  Méditer- 
ranée, il  attend  des  ordres. 

Napolbon. 
(t)  Archives  des  Affaires  étrangères,  Espagne,  an  xni. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'ESCADRE  DE  ROCHBFORT.  579 

ae  la  préférence  que  Sa  Majesté  Catholique  avait  donné  au  port  de  Cadix  sur 
celui  de  Toulon,  pour  la  réunion  de  Fescadre  espagnole  de  Carthagène. 

Quelques  considérations  très  puissantes  motiyent  c«tte  détermination,  telle 
que  la  position  de  Cadix,  les  aTantages  qu'elle  présente  sous  tous  les  rapports 
offensifs  et  surtout  Tétat  actuel  des  forces  navales  qui  se  trouvent  dans  le  port, 
où,  comme  j'ai  eu  déjà  Thonneur  d'en  informer  Votre  Excellence,  il  y  a 
6  Taisseaux  h  la  Teille  d'être  complètement  armés  et  4  autres  sur  lesquels  on 
peut  compter  pour  la  fin  de  juin. 

De  cette  manière,  on  aura  à  Cadix  une  escadre  de  16  \aisseaux,  dès  que 
celle  de  Carthagène  y  sera  arrivée. 

Pour  ne  pas  omettre  une  seule  des  raisons  qui  ont  influé  sur  le  choix  du 
prince  de  la  Paix,  je  dois  dire  à  Votre  Excellence  que  celle  de  la  santé  des  équi- 
pages m*a  été  alléguée. 

Carthagène  n'a  pas  été  bien  exactement  purifiée  des  restes  de  la  dernière 
épidémie,  et  Ton  a  pensé  que  des  matelots  acclimatés,  dont  une  grande  partie 
a  d'ailleurs  payé  tribut  à  la  maladie,  n'étaient  pas  sans  quelques  dangers  pour 
les  matelots  d'un  autre  climat  avec  lesquels  on  les  ferait  communiquer. 

Sous  ce  rapport,  ceux  de  Cadix  sont  moins  exposés  que  ceux  de  Toulon  et, 
pendant  que  les  escadres  seront  réunies  dans  le  premier  de  ces  deux  ports,  la 
santé  des  équipages  pourra  acquérir  le  degré  de  pureté  nécessaire  pour  ôter 
toute  inquiétude  sur  l'avenir. 

Je  ne  me  serais  pas  contenté  d'un  motif  aussi  insuffisant  si  le  Prince  ne 
m'en  eût  donné  de  beaucoup  meilleurs  relativement  aux  vues  de  Sa  Majesté 
Impériale  et  à  la  consistance  des  forces  qui  peuvent  être  bientôt  rassemblées 
k  Cadix.  J'ai  voulu  seulement  prouver  à  Votre  Excellence  qu'il  n'avait  épargné 
auanne  des  raisons  qui  peuvent  faire  nombre  pour  justifier  son  choix,  et  la 
vérité  est  qu'il  n'en  manque  pas,  même  de  très  bonnes,  pour  pallier  la  répu- 
gnance secrète  que  je  lui  suppose  pour  un  parti,  tel  que  celui  de  mettre  à  la 
disposition  absolue  de  la  France  une  escadre  espagnole. 

Votre  Excellence  pourra  donc,  en  toute  sûreté,  annoncer  à  Sa  Majesté  Impé- 
riale que  M.  de  Salcedo  a  l'ordre  de  conduire  à  Cadix  les  6  vaisseaux  qu'il 
commande,  aussitôt  qu'il  trouvera  pour  le  faire  une  occasion  absolument  sûre 
et  dégagée  de  toute  chance  mauvaise  ou  incertaine. 

Je  spécifie  ainsi  l'ordre  donné  à  M.  de  Salcedo  parce  que,  en  effet,  Monsei- 
gneur, les  événements  de  la  mer  peuvent  devenir  très  importants  et  contrarier 
longtemps  l'exécution  des  ordres  donnés  à  ce  chef  d'escadre. 

Les  nouvelles  de  Cadix  sont  que  la  flotte  anglaise  a  mouillé  à  Gibraltar  dans 
la  nuit  du  iQ  floréal  (6  mai)  e/,  selon  toute  apparence^  elle  est  entrée  dans  V Océan. 

Les  nouvelles  de  Lisbonne  sont  qu*un  convoi  de  50  voiles  anglaises,  ayant  à 
bord  une  armée  de  6,000  hommes,  est  entrée  dans  le  Tage  sous  V escorte  de  deux 
vaisseaux  de  ligne. 

Quelle  direction  va  prendre  Nelson  ? 

Quelle  sera  la  direction  du  convoi  qui  est  à  Lisbonne  f 

Ces  deux  questions  peuvent  être  résolues  d'une  manière  fort  peu  inquié- 
tante pour  les  plans  déjà  exécutés  et  pour  les  plans  que  peut  méditer  encore 
l'Empereur,  mais  ils  doivent  éveiller  toute  la  circonspection  des  Espagnols,  et, 
loin  de  prendre  la  mer  dans  ce  moment,  je  pense  qu'il  faut  qu'on  soit  extrê- 
mement en  garde  à  terre  pour  la  sûreté  et  la  défense  des  établissements  mari- 


580  TROISIÈME  PARTIE.    —   CHAPITRE   X. 

times  auxquels  un  coup  de  main,  fut-il  mal  dirigé  et  insuffisant,  peut  quel- 
quefois porter  le  plus  grand  préjudice. 

Je  ne  ferai,  Monseigneur,  aucune  réflexion  sur  la  conduite  des  Portugais, 
c'est  mon  collègue  Junot  qui  a  bien  voulu  m'informer  des  derniers  événements, 
et  Votre  Excellence  trouvera  dans  ses  relations  tout  ce  qui  est  digne  de  l'intérêt 
et  de  l'attention  de  Sa  Majesté.  Sans  doute  qu'il  ne  laisse  pas  non  plus  ignorer 
à  Votre  Excellence  le  bruit  qui  parait  avoir  acquis  un  certain  caractère  de  con- 
fiance, que  Goa  soit  tombé  au  pouvoir  des  Anglais. 

Je  ne  reviendrai  pas  de  nouveau  sur  les  détails  que  j'ai  eu  l'honneur  de 
donner  déjà  à  Votre  Excellence,  concernant  les  forces  en  armement  dîins  les 
ports  d'Espagne,  et  concernant  la  quantité  de  vaisseaux  armés,  et  en  rade.  Je 
m'aperçois,  par  les  dépêches  de  Votre  Excellence  et  par  celles  de  M.  le  Ministre 
de  la  marine,  que  la  masse  des  forces  navales  dont  Sa  Majesté  Impériale  peut 
disposer  dans  la  Péninsule,  égale  au  moins  Tidée  qu'elle  s'en  était  formée  à 
l'époque  où  elle  m'a  fait  exprimer  ses  derniers  ordres. 

La  seule  chose  sur  laquelle  il  y  ait  eu  peut-être  des  diff*érences  locales  con- 
siste dans  le  nombre  de  vaisseaux  qui  se  sont  trouvés  prêts  dans  tel  temps,  ou 
dans  tel  port.  * 

A  cet  égard,  je  me  permettrai  une  observation,  et  elle  n'est  point  fondée 
sur  la  petitesse  des  susceptibilités  personnelles;  elle  l'est  uniquement  sur  le 
bien  du  service,  et  sur  les  lumières  que  je  crois  avoir  acquises  ici  à  force  de 
zèle.  C'est  ce  zèle  lui-même  qui  me  fait  un  devoir  de  vous  assurer.  Monsei- 
gneur, que  je  ne  conçois  aucun  ordre  que  je  ne  puisse  faire  exécuter  au  nom 
de  Sa  Majesté  Impériale,  et  que,  plus  elle  daignera  m'honorer  de  sa  confiance, 
et  mieux  je  servirai  ici  ses  intérêts. 

Votre  Excellence  m'a  fait  la  peine  de  m'écrire  que  l'amiral  Gravina  n'^it 
sorti  qu'avec  5  vaisseaux,  et  qu'il  en  avait  pourtant  promis  6  et  même  8. 

En  effet,  le  départ  de  l'amiral  Gravina  parait  avoir  été  concerté  entre  les 
deux  gouvernements,  mais  je  n'en  ai  jamais  eu  la  connaissance  positive.  Mes 
instructions  n'ont  rien  de  déterminé  qui  concernât  plus  particulièrement  l'es- 
cadre de  Cadix  que  toute  autre,  et,  actuellement,  je  reçois  des  lettres  de  M.  le 
vice-amiral  Decrès  sur  des  objets  dont  il  semblerait  que  je  dusse  avoir  con- 
naissance, et  sur  lesquels  on  ne  m'a  pourtant  jamais  donné  aucun  ordre  spécial. 

Je  vous  le  réitère.  Monseigneur,  ce  n'est  qu'à  intention  dési/îtéressée  et 
bonne  que  je  fais  ces  remarques,  mais  Votre  Excellence  doit  être  convaincue 
que  tout  ce  qui  me  sera  ordonné  par  elle,  sera  fait  avec  autant  d'exactitude 
que  d'empressement.  Si  j'eusse  été  informé  qu'il  fallait  un  certain  nombre  de 
vaisseaux  et  qu'ils  dussent  êti-e  prêts  à  sortir  pour  une  certaine  époque,  je  l'au- 
rais obtenu  avec  toute  l'économie  de  temps  possible,  parce  que  c'est  à  cela  que 
je  me  serais  attaché  avec  précision,  et  si  la  réserve  avec  laquelle  je  dois 
m'exprimer  vis-à-vis  de  Votre  Excellence  permet  cependant  que  je  lui  témoigne 
le  désir  d'avoir  tous  les  ordres  de  Sa  Majesté  Impériale  à  l'avenir,  j'espère, 
Monseigneur,  que  je  justifierai  autant  qu'elle  peut  le  désirer,  et  sa  confiance 
et  l'opinion  que  je  regretterais  éternellement  de  ne  pas  lui  avoir  conservée  de 
mon  zèle  ardent  à  la  servir. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  ma  haute  considération  et 
de  mon  sincère  attachement. 

Le  général  Beurnonville. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'ESGADRE  DE  ROCHEFORT.  581 

Aranjaei,  le  t6  floréal  an  xiii  (16  mai  1806). 
Monseigneur  (1), 

Les  rapports  officiels  de  Cadix  ont  tous  confirmé  le  passage  de  V escadre 
anglaise  à  Gibraltar  y  et  de  Gibraltar  dans  V  Océan. 

On  yarie  sur  le  nombre  des  Taisseaux  qui  la  composent;  quelques  relations 
relèvent  à  H,  tandis  que  d'autres  ne  le  portent  qu'à  iO. 

C'est  le  15  floréal  (5  mai)  au  soir  que  l'escadre  s'est  dirigée  sur  le  cap  Saint- 
Vincent,  après  avoir  mouillé  quelques  heures  devant  Gibraltar. 

D'après  les  calculs  de  ceux  qui  ont  observé  ses  mouvements  depuis  plusieurs 
mois,  il  ne  doit  être  resté  d'elle  que  2  ou  3  vaisseaux  au  plus  dans  la  Médi- 
terranée. 

L'apparition  de  Nelson  coïncide  parfaitement  avec  le  passage  du  convoi  de 
troupes  qui  est  resté  dernièrement  trente  et  six  heures  à  l'entrée  du  Tage,  et 
il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  l'escadre  anglaise  le  prendra  sous  son  escorte, 
afin  de  se  porter  avec  lui  sur  tous  les  points  où  le  cabinet  de  Londres  aura 
appréhendé  que  notre  escadre  combinée  ne  continue  en  grand  les  opérations 
heureusement  conduites  de  l'escadre  de  Rochefort. 

U  ne  parait  pas  que  Nelson  ait  eu  l'intention  de  reconnaître  l'état  du  port 
de  Cadix,  sur  lequel  il  aura  sans  doute  reçu  à  Gibraltar  des  informations  suf- 
fisantes. J'ai  néanmoins  fait  des  instances  convenables  auprès  du  prince  de  la 
Paix  pour  que  M.  de  Solano,  capitaine  général  d'Andalousie,  reçoive  l'ordre 
de  ne  point  relâcher  sa  défensive,  et  d'être,  au  contraire,  toujours  préparé  à 
repousser  l'ennemi  jusqu'à  ce  qu'il  n'y  ait  plus  aucune  inquiétude  à  conserver 
sur  le  parti  qu'il  va  prendre. 

Si  Nelson  va  sur  les  traces  de  V escadre  combinée ^  il  a  de  grandes  diligences  à 
faire f  puisque  ce  n'est  que  Tl  jours  après  elle  qu'il  s'est  porté  au  cap  Saint-Vin- 
cent,  et  s'il  n'est  pas  bien  avéré,  comme  l'a  déclaré  à  Cadix  le  capitaine  d'une 
barque  portugaise,  que  l'escadre  combinée  ait  été  vue  à  Sainte-Croix-de-Téné- 
riffé,  au  moins  est-il  certain  qu'elle  a  une  superbe  avance  sur  l'escadre  anglaise, 
et  que  c'est  avec  raison  que  le  système  des  blocus  sera  décrié  à  Londres. 

Le  général  Beurnonville. 

Ce  qui  devenait  certain,  c'était  Fabandon  à  peu  près  complet 
de  la  Méditerranée  par  les  Anglais  et,  par  suite,  la  possibilité 
de  faire  passer  de  Garthagène  à  Cadix  les  six  vaisseaux  de 
Famiral  Salcedo. 

Les  lettres  qu'on  va  lire  portent  nettement  la  trace  des  ren- 
seignements reçus  d'Espagne. 

Au  vice-amiral  Decrès. 

Milan,  le  4  prairial  an  xm  (24  mai  1805). 
Dans  les  dépêches  télégraphiques  des  28  et  29,  je  vois  que  l'ennemi  n'avait 


(1)  Archives  de  la  Marine,  Espagne,  an  xm. 


882  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

plus  que  18  vaisseaux  devant  Brest.  H  faut  donc  supposer  qu41  prépare  de 
nouvelles  escadres  pour  envoyer  à  la  recherche  de  Villeneuve. 

J'écris  en  Espagne  pour  réitérer  Tordre  à  Tescadre  de  Cartbagène  de  se 
rendre  à  Cadix.  J'ai  demandé  qu'il  y  eût  8  vaisseaux  à  Cadix,  qui,  avec  les 
6  de  Carthagène,  formeraient  14.  Si  nous  pouvions  y  envoyer  les  5  de  Mis- 
siessy,  cela  nous  ferait  19. 

Nous  aurions  donc  19  vaisseaux  à  Cadix  et  12  au  Ferrol.  Nous  pourrions 
donc  ordonner  à  Vamiral  Villeneuve  de  se  rendre^  arrivé  au  Ferrol,  devant 
Cadix  (1)  et  de  se  joindre  à  cette  escadre,  à  moins  que  cela  n'attirât  à  Cadix 
assez  de  vaisseaux  anglais  pour  nous  faire  notre  diversion.  Si  Vamiral  Mis- 
siessy  ne  tarde  pas  à  arriver  nous  pourrons  nous  trouver  dans  cette  situation 
au  1^'  messidor  :  21  vaisseaux  à  Brest,  12  au  Ferrol,  19  à  Cadix,  1  àLorient  ; 
je  suppose  que  cet  1,  qui  est  le  RéguluSf  ne  puisse  point  joindre  l'amiral 
Missiessy. 

Je  sais  cependant  qu'il  y  a  quelque  inconvénient  à  ce  que  Vamiral  Villeneuve 
rétrograde  ainsi  du  Ferrol,  car  il  parait  que  le  sentifnent  de  la  peur  est  tel  chez 
les  Anglais  qu'ils  ne  prendront  point  le  change  et  que,  Villeneuve  arrivé  dans 
les  mers  d'Europe,  ils  craindront  pour  Londres. 

Les  Anglais  sont  et  seront  bien  davantage  embarrassés,  puisqu'il  leur  faudra 
au  moins  une  escadre  de  10  vaisseaux  devant  Cadix,  une  de  8  ou  10  devant 
le  Ferrol  et  une  yingtaine  devant  Brest,  indépendamment  de  ce  qu'ils  auront 
aux  Indes  orientales  et  occidentales. 

Si,  dans  le  courant  de  prairial,  les  Anglais  ne  tenaient  que  20  vaisseaux 
devant  Brest  et  8  ou  10  devant  le  Ferrol,  la  réunion  de  Villeneuve  avec  le 
Fenrol,  qui  formerait  34  vaisseaux,  et  avec  Brest  55  vaisseaux,  nous  assurerait 
tellement  la  supériorité,  qu'il  serait  inutile  d*avoir  recours  à  Cadix. 

Si,  au  contraire,  les  Anglais  tenaient  ^8  vaisseaux  devant  Brest  et  12  ou  15 
devant  le  Ferrol  en  négligeant  Cadix  et  ne  tenant  que  quelques  vaisseaux  dans 
la  Méditerranée,  je  pense  que  Villeneuve,  après  avoir  fait  sa  jonction  au 
Ferrol,  devrait  se  réunir  avec  Vescadre  de  Cadix, 

Cependant,  si  vous  poussez  convenablement  à  Lorient,  le  Régulus  doit  être 
prêt  et  Missiessy  aurait  alors  6  vaisseaux.  Ce  sont  ces  6  vaisseaux  que  j'aurais 
spécialement  intérêt  de  réunir  au  général  Villeneuve.  Il  y  aurait  de  Vincon- 
vénient  à  envoyer  ces  6  vaisseaux  au  Ferrol  :  d'abord,  parce  qu'ils  courraient 
des  dangers  pour  y  arriver,  ensuite,  parce  que  cela  porterait  les  Anglais  à 
augmenter  la  croisière  du  Ferrol.  Mais  peut-être  serait-il  plus  convenable 
d'envoyer  ces  6  vaisseaux  à  Lisbonne;  alors  Villeneuve  passerait  au  FmtoI  et 
se  feniit  joindre  à  la  fois  par  les  14  vaisseaux  de  Cadix  et  les  6  de  Lisbonne, 
qui  lui  formeraient  une  escadre  de  25  ou  26  vaisseaux  français  et  de  15  ou 
16  vaisseaux  espagnols. 

Enûn,  il  resterait  un  autre  parti  à  prendre  si  Missiessy  arrivait  trop  tard  et 
ne  pût  sortir  de  Rochefort,  et  que  les  Anglais  fussent  en  force  devant  Brest  : 
c'est  que  Villeneuve  se  laissftt  affaler  sur  l'île  d'Aix  et  se  réunît  à  ces 
6  vaisseaux. 


(1)  A  comparer  avec  les  reproches  que  subit  plus  tard  Villeneuve  pour  avoir  ainsi 
opéré. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'ESGADRE  DE  ROOHEFORT.  583 

Faitos-moi  un  raisonnement  dans  ces  trois  cas. 

Indépendamment,  il  faut  que  Missiessy  ait  des  vivres  pour  six  mois  sur  deux 
flûtes  chargées  qui  serviraient  soit  pour  lui,  soit  pour  Villeneuve. 

Soyez  certain  que  nous  n'avons  pas  affaire  à  un  cabinet  prévoyant,  mais  très 
orgueilleux. 

Ce  que  nous  faisons  est  si  simple,  qu*un  cabinet  qui  aurait  eu  un  peu  de 
prévoyance  n'aurait  pas  fait  la  guerre.  Ils  ont  eu  peur  im  moment  pour 
Londres  ;  bientôt  ils  enverront  des  escadres  aux  deux  Indes.  Si  la  Topaze  a  un 
bon  vent,  elle  arrivera  avant  le  25  prairial. 

J'imagine  que  vous  leur  avez  donné  des  instructions  pour  se  mettre  en  garde 
aux  atterrages  des  lies. 

Les  Anglais  tiennent  devant  Naples  un  vaisseau  de  74  ;  il  est  à  la  rade  et 
peut  facilement  être  enlevé.  Si  le  Borée  et  YAnnibaly  et  deux  ou  trois  frégates 
pouvaient  être  prêts  en  thermidor,  ce  serait  une  jolie  expédition. 

Napoléon.  . 
4  Cl  Kioe-am/ra/  Deorèe  (i). 

Milan,  le  5  prairial  an  xm  (25  mai  1806). 
Monsieur, 

n  est  donc  décidé  que  l'escadre  de  Brest  ne  sortira  pas.  Soyes  certain  que 
les  Anglais  vont  faire  des  expéditions  de  troupes  et  de  vaisseaux  pour  V Amé- 
rique, et  qu'ils  ne  garderont  que  21  ou  22  vaisseaux  devant  Brest.  L'amiral 
Villeneuve,  avec  ses  34  vaisseaux,  pourra  donc  faire  sa  jonction  avec  l'amiral 
Ganteaume.  Il  reste  aujourd'hui  à  correspondre  avec  ce  dernier  pour  savoir  les 
précautions  qu'il  y  a  à  prendre  pour  être  prévenu  de  l'arrivée  de  l'amiral  Vil- 
leneuve et  concerter  les  mesures  nécessaires  pour  être  à  la  portée  de  le  secourir 
et  d'opérer  la  diversion.  L'escadre  de  Garthagène  va  se  rendre  à  Cadix,  et  l'on 
me  promet  15  vaisseaux  de  ligne  avant  le  i5  messidor.  L'amiral  Missiessy, 
comme  je  vous  l'ai  écrit  hier,  pourra  être  envoyé  à  Cadix,  mais  il  ne  faut 
point  s'épuiser  en  raisonnements.  Le  principal  est  de  ramasser  des  vivres,  et 
d'en  avoir  à  Rochefort  une  ou  deux  flûtes  chargées,  pour  le  suivre.  La  célèbre 
expédition  secrète  est  entrée  le  7  mai  à  Lisbonne,  et  en  est  repartie  le  10.  Elle 
est  composée  de  2  bâtiments  de  guerre,  1  corvette,  et  50  bâtiments  de  trans- 
port, portant  5,000  à  6,000  hommes;  il  parait  qu'elle  s'était  réfugiée  à  Lis- 
bonne (2),  dans  la  crainte  de  l'amiral  Villeneuve.  Où  va-t-elle  ?  C'est  un 
problème.  Mon  opinion  est  qu'elle  n'a  rien  de  raisonnable  à  faire  que  de 
prendre  le  Cap  ou  de  porter  des  secours  à  la  Jamaïque  ou  aux  Iles  du  Vent.  Si 
elle  est  destinée  pour  Malte,  tant  mieur;  rien  ne  prouvera  davantage  l'ineptie 
du  cabinet  anglais,  car  ces  combinaisons  de  mouvements  du  continent,  fondées 
sur  des  détachements  de  quelques  1 ,000  hommes,  sont  des  combinaisons  de 
pygmées.  Si  donc  il  vous  revient  que  cette  expédition  est  allée  à  Malte, 
réjouissez-vous,  car  les  Anglais  se  sont  privés  de  6,000  hommes  et  d'un  cer- 


(1)  Correspondance  de  Napoléon»  8787. 

(2)  Voir  d-âessns. 


584  TROISIÈME  PARTIB.  —  CHAPITRE  X. 

tain  nombre  de  bâtiments.  Tous  les  rapports  que  je  reçois  d'Angleterre  s^ac- 
cordent  à  dire  que  les  Anglais  embarquent  des  troupes  de  tous  c6tés.  Il  parait 
que  Vescadre  de  tamiral  Nelson  a  mouillé  le  16  floréal  à  Gibraltar.  Il  résulte 
de  Tétat  de  la  marine  anglaise  que  tous  m'aTez  envoyé,  quMls  sont  23  Tais- 
seaux  devant  Brest,  6  contre  la  flottille  et  Tescadre  du  Texel,  3  à  la  Jamaïque, 
8  aux  Indes,  i4  dans  la  Méditerranée,  6  à  la  poursuite  de  Tamiral  Missiessy,  et 
ii  au  Ferrol  et  à  Gibraltar.  Ce  nombre  de  bâtiments  n'est  pas  bien  considé- 
rable. On  peut  compter  que  les  23  vaisseaux  qui  sont  devant  Brest  y  resteront; 
que  les  6  d' Yarmouth  et  de  la  Manche  y  resteront  ;  que  les  3  qui  sont  aux 
Indes  y  resteront;  que  les  i4  qui  sont  dans  la  Méditerranée  y  resteront  en 
partie;  que  les  6  qui  sont  à  la  poursuite  de  Missiessy  ne  seront  pas  de  retour; 
et  qu'ils  vont  expédier  à  la  suite  de  Tamiral  Villeneuve  une  vingtaine  de  vais- 
seaux, qu'ils  composeront  comme  ils  le  voudront,  mais  qui,  en  dernière  ana- 
lyse, apporteront  une  diminution  de  5  ou  6  vaisseaux  dans  la  Méditerranée  et 
environ  autant  aux  escadres  de  Gibraltar  et  du  Ferrol.  Ils  pourront  les  com- 
pléter avec  tous  r.eux  qu'ils  pourront  armer  et  équiper  par  la  presse  avec  toute 
l'activité  possible.  Enfin  nous  avons  Tinitiative  de  la  campagne.  En  total,  je 
vois  qu'ils  n'ont  que  72  vaisseaux  de  ligne,  compris  12  aux  Indes  et  â  la 
Jamaïque.  Il  ne  leur  reste  donc  réellement  que  60  vaisseaux  dans  nos  mers.  Je 
crois  être  certain  que  l'escadre  qui  est  à  la  poursuite  de  Tamiral  Missiessy  est 
allée  aux  Indes  orientales;  si  cela  était,  ils  n'auraient  que  54  vaisseaux  dans 
nos  mers.  Ils  en  feront  partir  20  â  la  suite  de  Tamiral  Villeneuve,  ce  qui  ne 
leur  en  laissera  que  34  dans  nos  mers,  mais  l'urgence  des  circonstances  leur 
fera  armer  les  12,  ou  environ,  qu'ils  ont  dans  les  ports  d'Angleterre;  ce  qui 
leur  fera  46  vaisseaux,  qu'ils  distribueront  de  la  manière  suivante  :  22  â  Brest, 
10  au  Ferrol,  3  à  Torbay,  6  à  Gibraltar,  4  â  Yarmouth.  Je  ne  comprends  pas 
dans  ce  nombre  les  vaisseaux  au-dessous  de  74,  dont  il  paraît  qu'ils  ont  à 
Brest  1  ou  2,  au  Ferrol  1  ou  2,  â  Cadix  1  ou  2,  â  Yarmouth  5  ou  6,  contre  la 
flottille  de  Boulogne  5  ou  6.  Il  est  une  vérité  :  c'est  que,  par  Vétat  que  vous 
in  avez  remUy  qui  se  trouve  conforme  aux  miens,  les  Anglais  ont  111  vaisseaux 
dont  3  de  garde  qui  ne  comptent  pas,  16  servant  de  prisons  ou  hôpitaux,  qui  ne 
comptent  pas  ;  il  ne  leur  en  reste  plus  que  92.  Sur  ces  92,  20  sont  en  arme- 
ment, c'est-à-dire  manquent  d^équipage;  reste  donc  72;  sur  ces  72,  ils  en  tien- 
dront toujours,  depuis  les  événements  passés,  8  ou  1 0  aux  Indes,  3  ou  4  â  la 
Jamaïque,  3  ou  4  aux  Iles  du  Vent,  partant  16  ou  18  vaisseaux;  il  ne  leur  res- 
terait  donc  que  54  ou  56  vaisseaux,  et,  avec  cela,  il  faut  qu'ils  bloquent  Cadix, 
le  Ferrol,  Brest,  et  qu'ils  soient  à  la  poursuite  de  Villeneuve  et  de  Missiessy, 

Voici  l'état  de  nos  forces,  pour  ne  pas  exagérer  :  21  vaisseaux  à  Brest,  15  k 
Cadix,  12  au  Ferrol,  20  de  l'escadre  de  Tamiral  Villeneuve,  i  â  Lorient,  5  de 
l'escadre  de  Tamiral  Missiessy  :  total,  74.  Mais,  sur  ces  74,  les  15  de  Cadix  ne 
m'occuperont  que  6  vaisseaux  anglais;  il  faut  donc  ôter  9  de  74;  il  me  reste 
en  total  65  vaisseaux,  que  je  puis  réunir  avec  quelques  chances  heureuses;  et  il 
y  a  toute  probabilité  que  les  Anglais,  après  toutes  les  opérations  terminées,  ne 
pourront  jamais  réunir  65  vaisseaux.  Je  pense  que  vous  devez  faire  un  tableau 
de  cette  situation  do  forces  respectives  à  Tamiral  Villeneuve,  au  moment  de 
son  arrivée  au  Fenol.  Rien  ne  donne  plus  de  courage  et  n'éclaircit  plus  les 
idées  que  de  bien  connaître  la  position  de  son  ennemi. 

Napoléon. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L*BSCADRE  DB  ROCHBFORT.  585 

Au  Woo-am/ra/  Deorèe  (i). 

Milan,  le  6  prairial  an  xin  (26  mai  1805). 

Il  me  semble  que  Cochraney  qui  était  le  6  mars  à  Madère,  a  dû  être  avant 
le  30  à  la  Barbade,  et  que  les  Anglais  auraient  dû  le  saToir  ayant  le  iO  mai. 
J'ai  des  nouvelles  du  15  mai,  de  Londres;  il  n'est  point  question  ou  de  son 
départ  ou  de  son  arrivée.  J'airais  calculé  que,  s'il  n'allait  pas,  en  revenant  au 
Brésil  dans  cette  hypothèse,  cela  lui  ferait  un  retard  de  quinze  jours.  Quant  à 
moi,  mon  opinion  est  qu'il  a  été  aux  Indes  orientales.  Les  Anglais  n'ont  paru 
en  petit  nombre,  devant  Brest,  que  depuis  le  25  floréal.  Leurs  vaisseaux  ont 
dû  se  réapprovisionner  en  Angleterre.  Je  ne  pense  pas  que,  du  i*'  prairial,  ils 
aient  rien  fait  partir*  Je  calcule  qu'ils  feront  partir  6  vaisseaux  d'Orde,  6  de  la 
réserve  d'Angleterre.  Je  ne  sais  pas  où  ils  prendront  les  8  autres  vaisseaux» 
Certainement  cela  épuise  toute  réserve,  et  il  ne  leur  restera  que  les  2i  vais- 
seaux de  Brest,  12  au  Ferrol,  et  Nelson  réduit  à  une  escadre  d'observation  à 
Cadix.  Faites  charger  des  flûtes  de  vivres  à  Rochefort,  Brest,  et  qu'on  active 
les  préparatifs  à  Lorient,  afin  d'approvisionner  Missiessy,  à  l'instant  qu'il  arri- 
vera,  sans  l'envoyer  à  Rochefort.   Arrangez-vous  pour  que  le  Régulm  s'y 

réunisse. 

Napoléon. 

Au  vioe^amiral  Decrèe  (2). 

Milan,  le  6  prairial  an  xin  (t6  mai  1805). 

Voici  l'état  exact  de  la  marine  anglaise  : 

Dans  la  Tamise  :  i  vaisseau  de  74  VÉléphant,  2  de  50,  1  de  74  le  Zealous, 
5  frégates,  5  ou  6  bombardes,  une  vingtaine  de  bricks,  avisos  ou  lougres.  En 
parlant  de  la  Tamise,  je  veux  dire  le  long  de  la  Tamise,  soit  à  Londres,  Cha- 
tham,  Sheemess,  etc.; 

A  Portsmouth  :  la  Ville-de-Paris  qui  sert  d'amiral,  5  vaisseaux  de  80  ou  7i 
en  commission,  2  de  50  en  commission,  un  grand  nombre  de  frégates,  bricks 
de  toute  espèce  ; 

A  Spithead  :  3  vaisseaux  et  des  frégates  ; 

A  Plymouth  :  4  vaisseaux  de  74,  i  de  50,  beaucoup  de  frégates  et  petits 
b&timcnts  en  commission  ; 

Ce  qui  fait  14  vaisseaux  plus  hauts  que  74  et  o  moins  forts,  en  commission 
dans  les  ports  intérieurs. 

Escadres  en  mer  : 

Aux  Dunes  :  1  vaisseau  de  74  et  5  de  petit  échantillon  ; 

Côtes  ouest  et  nord-ouest  :  1  vaisseau  de  64  ; 

Armée  de  Brest  :  20  vaisseaux  de  74  et  au-dessus,  2  de  64,  4  frégates; 

Ferrol  :  5  vaisseaux  de  74  et  au-dessus,  2  de  44,  i  frégate  ; 

Cadix  (amiral  Orde)  :  3  vaisseaux  de  74  et  au-dessus,  3  de  64  ; 


(1)  Cotrespondance  de  Napoléon,  8703. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon ,  8794. 


586  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

Diyision  détachée  après  Missiessv,  raTÏtaillée  pour  cinq  mois  :  5  vaisseaux 
de  74  et  au-dessus,  1  de  64. 

Tous  les  renseignements  sont  qu'elle  va  aux  Indes  orientales;  il  est  certain 
que,  si  elle  allait  aux  Indes  occidentales,  elle  commencerait  par  le  Brésil. 

Expédition  secrète  en  mer  relâchée  à  Lisbonne  :  2  vaisseaux  de  plus  de  74  ; 

Mer  d'Allemagne,  vis-à-vis  les  Hollandais  :  1  vaisseau  de  74, 4  de  plus  de  50. 

Méditerranée  :  il  vaisseaux  de  74  et  au-dessus,  i  de  50,  plusieurs  frégates; 

Halifax  :  i  vaisseau  de  50  ; 

Jamaïque  :  3  vaisseaux  de  74  ; 

lies  du  Vent  :  1  vaisseau  de  74,  1  de  64  ; 

Indes  orientales  :  5  vaisseaux  de  74,  4  d'un  échantillon  plus  petit. 

D'après  ce  tableau,  on  peut  voir  que  les  forces  anglaises  ne  sont  pas  aussi 
considérables  qu'on  peut  le  croire  ;  que,  si  l'on  6te  les  vaisseaux  qui  sont  en 
Amérique,  les  6  qui  sont  à  la  poursuite  de  Missiessy  qu'on  croit  allés  aux  Indes, 
et  qu'une  escadre  de  20  vaisseaux  aille  à  la  recherche  de  Villeneuve,  et  soit 
absente  pendant  quinze  jours,  les  Anglais,  en  faisant  l'impossible,  ne  parvien- 
dront jamais  à  réunir  40  vaisseaux. 

Je  prie  le  Ministre  de  faire  vérifier  ces  états. 

Napoléon. 

C'est  le  27  seulement  que  l'Empereur  paraît  avoir  appris 
l'arrivée  de  Missiessy,  le  20  mai,  à  Rochefort. 


Monsieur, 


Au  vice-amiral  Decrès  (1). 

Milan,  le  7  prairial  an  xni  (27  mai  1805). 


Je  ne  vous  donne  pas  V ordre  pour  V amiral  Missiessy,  Il  sera  parti,  si  vous 
lui  avez  écrit  bien  positivement.  En  cinq  jours  il  doit  être  prêt.  Si  vous  avez 
mis  des  si,  des  car,  des  mais,  il  ne  sera  point  parti.  J'ai  étouffé  d indignation 
en  lisant  qu'il  n'avait  pas  pris  le  Diamant,  Ce  qu'il  dit  dans  sa  correspon- 
dance avec  Villaret  n'a  pas  de  bon  sens. 

J'aurais  préféré  perdre  un  vaisseau  de  guerre  et  qu'il  m'eût  ôté  cette  bosse 
de  la  Martinique.  S'il  n'est  pas  parti,  vous  lui  ferez  connaître  mon  mécon- 
tentement. 

Qu'il  ne  vienne  pas  à  Paris,  mais  qu'il  se  tienne  à  bord  de  son  escadre.  11 
mérite,  avec  le  reproche  que  j'ai  à  lui  faire  de  n'avoir  pas  pris  le  Diamant, 
celui  d'être  resté  si  peu  de  temps  à  Santo-Domingo,  qu'il  n'a  pas  même  vu 
lever  le  blocus  et  qu'il  n'a  pris  aucun  corsaire  noir  ;  de  ne  s'être  pas  fait  voir 
devant  le  Gap,  ce  qui  aurait  fait  une  diversion  ;  de  n'avoir  pas  embarqué  un 
millier  de  sacs  de  farine  pour  Santo-Domingo,  ayant  appris  à  la  Martinique 
que  cette  colonie  en  manquait  ;  de  n'avoir  pas  embarqué  l'artillerie  ennemie 
du  Roseau,  de  Saint- Christophe.  Je  ne  conçois  pas  comment,  lorsqu'on  a  une 
si  belle  occasion  d'enlever  100  pièces  de  canon  de  bronze  anglais,  on  les  laisse. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon^  8802. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L*ESCADRB  DE  ROCHBFORT.  587 

C'eût  été  un  trophée  et  un  grand  secours  pour  la  Martinique  et  la  Guade- 
loupe. Vous  lui  ferez  le  reproche  de  n'avoir  pas  exécuté  Tordre,  que  Je  lui  avais 
donné  dans  ses  instructions,  de  faire  des  levées  de  nègres  dans  les  colonies 
ennemies  et  de  n'avoir  pas  rempli  la  partie  de  ses  instructions  relative  à 
Terre-NeuTe.  S'il  avait  osé  paraître  devant  la  Barbade,  il  aurait  fait  un  tort 
immense  aux  ennemis.  Si  une  expédition  comme  celle-là  avait  été  faite  avec 
un  peu  d'audace,  ce  n'est  pas  40  francs  de  part  de  prise  qu'aurait  eu  chaque 
matelot,  mais  400  francs.  U  aurait  été  naturel,  vu  la  situation  de  Santo- 
Domingo,  qu'il  se  crût  autorisé  à  y  débarquer  i  000  hommes  au  lieu  de  500.  Il 
fallait  calculer  que  500  hommes  de  moins  n'étaient  rien  pour  la  Martinique. 
Mon  intention  est  que  vous  n'écriviez  aucune  lettre  conOdentielle  à  mes  ami- 
raux, aux  capitaines  généraux  des  colonies,  aux  préfets  maritimes.  Toutes  les 
relations  d'un  ministre  sont  ofBcielles.  Vous  devez  vous  en  exprimer  à  peu 
près  de  la  même  manière  vis-à-vis  du  général  Lagrange. 

Puisque  le  général  Prévost  n'avait  que  400  hommes  au  fort  Gabril,  J'avais 
lieu  d'espérer  que  l'Ile  aurait  été  prise.  Il  ne  manquait  pas  d'artillerie  à  la 
Guadeloupe  et  à  la  Martinique  ;  celle  du  Roseau  suffisait. 

Écrivez,  par  une  frégate  ou  un  aviso,  aux  Iles  du  Vent,  qu'on  tAche  de  lEdre 
passer  des  renforts  h  Santo-Domingo.  Prévenex  Vamiral  Missiessy  que^  dans 
vingt-quatre  heures^  il  recevra  un  courrier  avec  des  instructions  pour  mettre  à 
la  voile.  Vous  recevrez  cette  lettre  le  42  (i'^Juin);  vos  ordres  arriveront  à 
Rochefort  le  14  (3  Juin).  Je  vous  expédierai  demain  les  instructions  que  vous 
recevrez  le  13  (2  juin)  et  que  l'amind  Missiessy  pourra  avoir  le  15  (4  juin).  Il 
partira  donc  avant  le  20  (9  juin). 

Comme  sa  mission  est  de  nature  à  comporter  qu'il  ait  besoin  de  tous  ses 
vivres,  vous  lui  prescrirez  de  ne  prendre  que  le  complet  de  ses  équipages. 
Cependant,  si  vous  pensez  qu'une  centaine  de  soldats  de  plus  pût  lui  être  un 
renfort  en  cas  d'attaque,  vous  êtes  maître  de  les  lui  donner.  Ajoutez-lui,  si 
cela  est  possible,  une  frégate  ou  un  brick.  Demain^  à  midi,  les  instructiom  de 
t amiral  Missiessy  vous  seront  expédiées. 

Napoléon. 

Au  lieu  des  instructions  positives  annoncées  pour  le  lende- 
main, ce  n'est  peut-être  pas  sans  surprise  qu'on  lira  la  lettre 
suivante  qui  escompte  un  départ  de  Missiessy  antérieur  à  la 
remise  des  derniers  ordres  et  trahit  tout  au  moins,  chez  l'Em 
pereur,  une  hésitation  bien  exceptionnelle  chez  lui. 


Au  Wce-am/ra/  Deorôe  (1). 

Milan,  le  9  prairial  an  xui  (t9  mai  1805). 
Monsieur, 

Si  Missiessy  est  parti  avant  le  5  prairial  (25  mai),  cela  me  donne,  pour  le 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8809. 


588  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

succès  de  nos  opérations,  dix  probabilités  de  plus;  tnais  que  faut-il  faire  s*il 
n^est  pas  parti?  Voilà  une  question  qui  mérite  la  plus  sérieuse  attention.  Les 
Anglais  se  Toient  pris  corps  à  corps;  ils  craignent  pour  les  Indes,  pour  TAmé- 
rique  et  pour  leur  propre  patrie.  Ils  sentent  bien  que  20  Taisseaux,  perdus 
dans  les  mers,  peuvent  à  chaque  instant  apparaître  sur  quelque  point  de  leurs 
côtes  ;  ils  savent  bien  qu'ils  peuvent  avoir  été  ou  être  suivis  par  d'autres,  afln 
de  porter  la  guerre  au  sein  des  Indes.  Dans  toutes  ces  incertitudes,  la  pru- 
dence, la  nécessité  ne  leur  font-elles  pas  une  loi  d'interrompre  le  commerce  de 
la  Méditerranée  ?  Une  interruption  de  trois  mois  ne  peut  leur  faire  aucun  tort 
réel  ;  et  déjà  le  tableau  s'est  assez  rembruni  pour  eux,  pour  qu'ils  ne  soit  plus 
question  de  calculer  quelques  pertes  d'argent  ;  tout  leur  paraîtra  léger  s'ils 
sortent  avec  honneur  de  cette  lutte,  qui  leur  présente  des  chances  si  sinistres 
aux  yeux  des  moins  clairvoyants  et  de  ceux  mêmes  qui  auraient  le  moins  la 
volonté  de  voir. 

Si  f  envoie  Missiessy  à  Cadix  ou  à  Toulon  y  et  que  les  Anglais  évacuent  la 
Méditerranée  y  il  est  évident  que  les  Anglais  auront^  le  jour  de  la  bataille 
d'Ouessant,  6  vaisseaux  de  plus  contre  moi,  que  f  aurais  dû  faire  occuper  par 
Missiessy,  si  Vamiral  Missiessy,  arrivé  le  15  messidor  à  Cadix,  y  trouvait 
V escadre  de  Carthagène  et  partait  avec  10  vaisseaux  espagnols  pour  débloquer  le 
Ferrol  et  se  joindre  dans  ce  port  aux  14  ou  15  qui  y  sont. 

Mais  est-il  prudent  d'attaquer  10  vaisseaux  anglais  avec  5  finançais  et 
10  espagnols?  Mais  l'arrivée  à  Cadix  n'est-elle  pas  soumise  à  quelques  chances, 
et  la  défaite  de  l'escadre  de  l'amiral  Missiessy  ne  porterait-elle  pas  la  terreur 
au  Ferrol  et  dans  l'escadre  de  l'amiral  Villeneuve  ?  Enfin,  ces  vaisseaux  arrivés 
au  Ferrol  en  attireraient  20  anglais;  et  cependant  l'amiral  Villeneuve  ne 
serait-il  pas  trop  faible  alors  pour  se  présenter  devant  ce  port  avec  seulement 
14  vaisseaux  français  et  vaisseaux  espagnols?  Dans  notre  position,  je  ne  puis 
envoyer  famiral  Missiessy  à  Brest,  parce  qu'il  serait  imprudent  de  faire 
augmenter  la  croisière  ennemie  de  Brest  ;  je  ne  dois  pas  V envoyer  au  Ferrol 
parla  mime  raison;  d'ailleurs,  j'aurais  trop  de  chance  à  courir.  Je  ne /)uw 
renvoyer  à  Cadix,  ni  à  Toulon,  parce  que  là  je  ne  puis  être  certain  d'occuper 
une  escadre  anglaise,  et  je  puis  me  trouver  affaibli  de  6  vaisseaux,  le  jour  de 
la  bataille,  ou  trouver  de  6  vaisseaux  l'ennemi  le  plus  fort.  Le  parti  qui  a  été 
pris  de  renvoyer  Vamiral  Missiessy  se  joindre  à  Vamiral  Villeneuve  est  un  coup 
de  maître.  Peut-être  aurait-on  pu  lui  donner  jusqu'au  10  prairial  pour  partir. 
Mais  si  ce  projet  est  évanoui,  il  faut  l'employer  de  manière  que  l'on  soit  sûr 
qu'il  occupe  6  vaisseaux  anglais.  Si  les  Anglais  bloquent  Rochefort,  voilà  6  ou 
7  de  leurs  vaisseaux  employés.  L'amiral  Villeneuve,  du  Ferrol  filera  sur  Brest, 
se  joindra  à  l'amiral  Ganteaume  ;  et  Missiessy  imitera  la  manœuvre  de  l'escadre 
qui  le  bloquera,  mais  au  moins  les  6  ou  7  vaisseaux  qui  le  bloqueront  ne 
seront  pas  au  combat  d'Ouessant.  Si  Missiessy  n'est  pas  bloqué,  j'aurai  deux 
partis  à  prendre.  Je  le  ferai  partir;  il  filera  sur  I'Irlande,  dont  il  insultera  les 
rades.  Pour  arriver  en  Irlande,  il  la  doublera  à  quatre-vingts  ou  cent  lieues  du 
Cap  (sic).  Ce  mouvement,  portant  la  crispation  à  Londres,  obligera  à  détacher 
6  vaisseaux  et  fera  penser  à  l'Amirauté  que  l'amiral  Villeneuve  va  se  porter  à 
Terre-Neuve  ou  en  Irlande  et  se  joindre  à  l'amiral  Missiessy;  la  diversion  de 
6  vaisseaux  anglais  devient  certaine.  En  résumé,  les  Anglais  ne  prendront 
point  le  change;  le  théâtre  de  la  guerre  est  déterminé  aux  grandes  Indes,  ou  en 


RÔLES  ASSIGNÉS  A   l'ESCADRIS   DE  ROCHEFORT.  S89 

Angleterre,  ou  à  la  Jamaïque;  ils  sauront  au  iO  messidor  (fQ  juin)  que  Ville- 
neuve  est  allé  en  Amérique;  son  retour  sera  prévu  à  Londres,  Je  courrai  le 
risque  de  ne  point  les  attirer  dans  la  Méditerranée,  j'aurai  disséminé  mes  forces 
déjà  faibles.  Que  tout  le  monde  reste  à  bord  et  en  partance  ;  qu'on  témoigne 
ma  satisfaction  à  tout  le  monde,  car  je  n'ai  à  me  plaindre  que  de  Tamiral  et 
du  général  ;  qu'on  tienne  prêtes  des  flûtes  chargées  de  vivres  ;  qu'on  arme  le 
Régulus  et  la  Thétis;  qu'on  ne  fasse  entrer  aucun  vaisseau  au  bassin  ;  pour  la 
campagne  d'été,  a  laquelle  je  les  destine,    quelques  avaries  ne  font  rien. 

Envoyez-moi  un  projet  d'expédition  pour  TIrlande.  Il  ne  s'agit  que  d'insulter 
une  rade,  de  prendre  7  ou  8  caboteurs  et  de  jeter  l'alarme  (en  faisant  sup- 
poser qu'on  veut  croiser  sur  la  grande  route  du  retour  d'Amérique),  et  obliger 
par  là  l'ennemi  à  détacher  6  vaisseaux  pour  déloger  cette  croisière.  Je  conçois 
ainsi  cette  expédition.  L'amiral  Missiessy  partirait  de  Roche  fort,  se  lancerait 
dans  la  haute  mer,  tomberait  ^aplomb  sur  une  baie  d'Irlande,  comme  s'il  venait 
d'Amérique;  la  ravagerait,  détruirait  les  batteries,  ou  brûlerait  7  ou  8  cabo- 
teurs; jetterait  quelques  proclamations  ;  selon  les  vents,  quatre  jours  après  il  se 
porterait  ailleurs,  nord  ou  sud;  tirerait  pendant  quatre  ou  cinq  jours  diffé- 
rentes bordées  sur  le  chemin  des  convois,  se  jetterait  dans  des  mers  inconnues, 
et  arriverait  du  iO  au \ti,  à  trente  lieues  du  Ferrol,  afin  de  courir  la  chance  de 
se  réunir  avec  Vomirai  Villeneuve,  Je  vois  là  une  chance  qui  peut  nous  faire 
espérer  une  réunion  avec  V amiral  Villeneuve,  mais  je  vois  là  certainement  une 
escadre  qui  partira  du  canal  pour  doubler  V Irlande  et  chasser  cet  insolent  et 
incommode  croiseur.  Il  n'est  pas  douteux  que  l'ennemi  ne  détache  une  escadre 
pour  protéger  l'Irlande. 

L'amiral  Missiessy  n'ayant  aucun  but,  approvisionné  de  six  mois  de  vivres, 
après  avoir  battu  pendant  douze  ou  quinze  jours  les  parages  frayés  de  l'Ir- 
lande ou  de  la  Baltique  (sic)  pourrait  se  perdre  dans  l'Océan  sans  courir 
d'autres  chances  que  celles  de  tomber  sur  des  convois.  Je  vois  plus  d'avantages 
dans  cette  croisière  que  dans  le  voyage  de  Cadix.  Vous  prescririez  bien  à 
l'amiral  Missiessy,  s'il  ne  parvenait  pas  à  se  joindre  à  l'amiral  Villeneuve,  de 
se  diriger  sur  différents  points  de  l'Angleterre.  Au  pis  aller,  il  aurait  des 
vivres  jusqu'en  brumaire;  et,  dans  cette  saison,  il  n'y  a  pas  de  meilleur  port 
que  dans  la  haute  mer. 

Si  vous  goûtez  ces  idées,  je  ne  verrais  aucun  inconvénient  à  accélérer  son 
départ,  de  peur  qu'il  ne  vienne  à  être  bloqué,  et  à  le  jeter  dans  la  haute  mer  le 
plus  possible.  Seulement,  alors,  il  faudrait  lui  prescrire  de  croiser  dans 
l'Océan  pendant  tout  prairial  (2i  mai  au  20  juin),  et  de  ne  se  porter,  pour 
donner  l'alarme  en  Irlande,  que  du  10  au  15  messidor  (29  juin  au  4  juillet). 
Je  vous  autorise,  dans  ce  cas,  à  lui  expédier  vous-même  vos  instructions  et  à  le 
faire  partir.  En  partant  jusqu'à  l'époque  où  il  faut  qu'il  attaque  l'Irlande,  il 
faut  qu'il  croise  sur  la  route  de  Londres  aux  Indes  ;  bien  entendu  qu'il  ne  res- 
tera jamais  en  place  à  tirer  des  bordées;  et  enfin,  à  l'époque  fixée,  il  se  diri- 
gera pour  venir  reconnaître  l'Irlande.  Qu'il  occupe  6  vaisseaux  anglais,  leur 
donne  des  inquiétudes,  et  mon  but  est  rempli. 

Napoléon. 


590  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

Au  Woe-am/ra/  Decrèa  (1). 

UiUn,  lo  10  prairial  an  xm  (30  mai  1805). 

Dans  une  instruction  d*hier,  je  crois  tous  a^oir  bien  fait  comprendre  quel 
est  mon  but  sur  l'escadre  de  Rochefort;  c'est  à  tous  de  déterminer  le  reste. 
Faites  l'impossible  pour  y  faire  joindre  le  Régulus  et  la  ThétiSj  s'il  était  pos- 
sible, aTant  que  Rochefort  fût  bloqué. 

Napoléon. 

Tel  est  le  germe  d'un  projet  dont  la  réalisation  sera  effecti- 
vement poursuivie.  Pour  arriver  à  rallier  à  Farmée  de  Ville- 
neuve la  division  de  Rochefort  dont  l'appoint  paraît  décisif, 
celle-ci  ira  insulter  les  côtes  d'Irlande  et  de  là  croisera  au 
large  du  Ferrol  pour  y  rejoindre  l'armée  combinée  à  son  retour 
d'Amérique.  Toute  l'incertitude  proviendra  de  l'impossibilité 
où  Ton  est  de  fixer  des  dates  précises. 

Voici  quelles  nouvelles  arrivaient  à  ce  moment  des  mouve- 
ments de  Tennemi  et  des  préparatifs  de  l'Espagne. 

Aranjuez,  lo  30  floréal  an  xm  (20  mai  1805)  (S). 
Monseigneur, 

J*ai  rhonneur  de  communiquer  h  Votre  Excellence  les  renseignements  que 
j'ai  obtenus  sur  Tétat  actuel  des  armements  de  l'Espagne,  au  Ferrol,  et  sur 
les  ressources  navales  dont  on  peut  encore,  avec  le  temps,  tirer  un  assez 
grand  parti  dans  ce  même  port. 

L'escadre  espagnole  aux  ordres  de  M.  le  lieutenant  général  Grandellana  est 
composée  de  7  vaisseaux,  3  frégates  et  1  corvette;  toute  cette  escadre  est  bien 
armée,  et  en  rade. 

Sa  provision  de  pain  n'est  pas  encore  complète  pour  trois  mois,  mais  elle 
s'augmente  tous  les  jours,  et,  pour  peu  que  l'escadre  difiTère  encore  à  mettre  à 
la  voile,  elle  partira  approvisionnée  pour  trois  mois  de  toute  espèce  de  vivres. 

Si  j'avais  été  informé  un  peu  plus  tôt  du  désir  que  paratt  avoir  Sa  Majesté 
l'Empereur  que  cette  escadre  soit  de  8  vaisseaux,  on  aurait  facilement  appliqué 
un  vaisseau  de  ligne  de  plus,  avec  les  ressources  que  l'on  a  préféré  employer 
pour  l'armement  de  trois  frégates  et  d'une  corvette  ;  il  en  serait  même  encore 
tempS)  si  la  destination  de  l'escadre  était  telle  qu'un  vaisseau  de  ligne  lui  soit 
plus  utile  que  des  bâtiments  légers.  Mais,  comme  l'escadre  française  vient, 
diaprés  les  ordres  de  Son  Excellence  M.  le  Ministre  de  la  marine,  de  faire  une 
opération  absolument  semblable,  et  qu'elle  s'est  augmentée  d'un  vaisseau  aux 
dépens  des  frégates  et  corvettes  qui  en  faisaient  partie,  je  présume  que  l'in- 


(1)  CofTespondance  de  Napoléoriy  8312. 
(?)  Archives  de  la  Marine,  Espagne,  an  xm. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'BSOADRB  DB  ROCHBFORT.  591 

tention  de  Sa  Majesté  Impériale  se  trouve  déjà  pleinement  satisfaite,  et  ce  ne 
serait  qu*aotant  que  je  serais  de  nouveau  chargé  d'inriter  le  gouvernement 
espagnol  à  renforcer  d'un  vaisseau  la  division  du  Ferrol,  fût-ce  en  affaiblissant 
cette  division  des  b&timents  légers  qui  en  font  partie,  que  Ton  s'occupera  d'un 
pareil  changement,  et  que  Ton  portera  à  13  vaisseaux  Tescndre  combinée  qui 
est  aujourd'hui  forte  de  H. 

La  croisière  anglaise  n'était  encore  que  de  7  à  8  vaisseaux  à  l'époque  du  21 
de  ce  mois,  et  le  blocus  n'était  pas  serré;  toutefois,  M.  le  contre-amiral 
Gourdon  n'a  garde  de  s'écarter  de  la  marche  qui  lui  a  été  tracée,  et  il  attend 
que  l'escadre  puisse  exécuter  les  opérations  maritimes  auxquelles  elle  est 
réservée  dans  le  plan  général,  mais  il  a  eu  plusieurs  fois  l'occasion  de  tromper 
la  surveillance  de  l'ennemi,  et  il  m'a  écrit  que  les  opérations  des  Anglais 
étaient  conduites  avec  tant  d'indécision  et  de  mollesse,  par  comparaison  avec 
l'activité  qui  a  été  déployée  au  Ferrol,  que  l'ennemi  n'aurait  pu  contrarier  la 
sortie  de  l'escadre,  ou  qu'il  aurait  eu  le  dessous  s'il  eût  voulu  le  tenter.  Je  ne 
rends  compte  de  ceci  à  Votre  Excellence  que  par  un  principe  d'exactitude.  Du 
reste,  l'état  des  croisi^res  peut  changer  d'un  jour  à  l'autre,  et  l'apparition  de 
Nelson  dans  l'Océan  a  dû  produire  déjà  une  très  grande  sensation  sur  les 
chances  de  mer. 

Le  21  de  ce  mois,  le  vaisseau  français  le  Redoutable  est  sorti  bien  réparé  du 
bassin  du  Ferrol;  c'est  d'après  cette  circonstance  que  je  suppose  la  division 
française  forte  aujourd'hui  de  5  vaisseaux,  le  contre-amiral  Gourdon  n'ayant 
eu  besoin,  pour  arriver  à  ce  résultat,  que  d'effectuer  sur  le  Redoutable  le 
transport  des  équipages  des  autres  bâtiments  légers  de  son  commandement. 

Je  dois  saisir  cette  occasion  de  rendre  hommage  au  zèle  éclairé  et  actif  de 
M.  Gourdon;  c'est,  je  n*en  fais  nul  doute,  à  son  bon  exemple  et  au  caractère 
distingué  qu'il  a  déployé  pendant  son  long  séjour  au  Ferrol,  que  nous  sommes 
en  partie  redevables  de  l'empressement  que  les  Espagnols  ont  mis  à  s'armer  et 
à  prendre  une  bonne  «attitude  dans  ce  port.  Il  est  agréable  pour  moi  de  pou- 
voir émettre  mon  opinion,  lorsque  je  la  crois  de  nature  à  attirer  sur  l'homme 
de  mérite  Tintérêt  et  les  marques  de  la  satisfaction  de  Sa  Majesté 
Impériale. 

M.  Ailhaud,  commissaire  franç^iis,  s'est  aussi  montré  d'une  utilité  extrême, 
et  d'une  intelligence  bien  précieuse  pour  l'armement  de  notre  escadre  ;  il  a 
pris  une  part  très  grande  à  l'état  dans  lequel  elle  se  trouve,  et  la  nature  des 
services  qu'il  a  rendus  me  parait  faite  pour  lui  rapporter  une  partie  du  mérite 
des  opérations  qui  ont  eu  lieu.  Dernièrement  encore,  il  a  procuré  mille  barils 
d'excellente  farine  à  l'escadre,  et  il  a  puissamment  contribué  à  la  mettre  sur 
un  pied  tellement  bon,  qu'on  assure  qu'une  division  sortie  des  ports  de  France 
ne  pourrait  être  ni  mieux  armée,  ni  mieux  pourvue. 

Je  Joins  à  cette  dépêche  la  liste  nominale  des  vaisseaux  espagnols  qui  sont 
en  rade  au  Ferrol,  et  celle  des  vaisseaux  qui  sont  désarmés  dans  le  port  Ces 
derniers  sont  au  nombre  de  huit  et  aucun  d'eux  n'est  réformé.  Selon  l'avis  de 
M.  Ailhaud)  ils  sont  même  tous  susceptibles  de  service.  Mais,  eu  égard  à  la 
modicité  des  moyens  d'armement,  on  ne  peut  pas  espérer  de  les  mettre  bientôt 
à  la  mer.  H  y  en  a  trois  que  l'on  a  désignés  à  entrer  successivement  en  répa- 
ration et  l'un  d'eux  est  déjà  dans  le  bassin.  On  pense  qu'avec  de  l'activité, 
des  efforts  et  les  sacrifices  indispensables^  ces  trois  vaisseaux  pourront  facile- 


592  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  X. 

ment  être  prêts  à  la  fin  de  septembre.  Cette  époque  est  bien  éloignée,  mais  au 
moins,  si  Tescadre  combinée  ne  trouvait  pas  jusqu'alors  Toccasion  de  sortir, 
elle  se  trouverait  à  portée  d'y  réussir  plus  sûrement  pour  le  commencement 
de  l'automne,  et  elle  serait,  à  cette  époque,  forte  de  15  vaisseaux,  de  5  fré- 
gates et  de  2  corvettes.  Car,  indépendamment  des  trois  vaisseaux  de  réserve  à 
mettre  en  état  successivement,  il  y  a  aussi  deux  frégates  et  une  corvette  suscep- 
tibles d'armement  pour  le  même  terme. 

Je  vous  avais  annoncé,  Monseigneur,  par  une  dépêche  du  12  de  ce  mois,  un 
supplément  de  détails  sur  les  forces  navales  réunies  et  à  réunir  au  Ferrol. 
L'aperçu  qui  précède  acquitte  ma  promesse  et  complète  le  tableau,  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  mettre  sous  vos  yeux,  des  moyens  maritimes  de  l'Espagne  et  des 
forces  dont  Sa  Majesté  Impériale  peut  déterminer  l'emploi. 

Le  prince  de  la  Paix  est  vraiment  animé  de  la  meilleure  volonté  pour  une 
résistance  vigoureuse,  telle  qu'il  convient  de  l'opposer  aux  entreprises  de 
l'Angleterre;  et  ce  qui  s'est  opéré  depuis  peu  de  mois  dans  les  ports  de 
l'Espagne  prouve  tout  à  la  fois  ce  que  peut  un  gouvernement  réduit  à  la 
nécessité  de  faire  usage  de  toutes  ses  ressources,  les  erreurs  où  le  cabinet  de 
Saint-James  est  tombé  à  cet  égard  et  l'abandon  absolu  avec  lequel  je  puis 
assurer  Votre  Excellence  que  le  prince  de  la  Paix  s'est  livré  au  soutien  de  la 
cause  commune,  depuis  que  Votre  Excellence  m'a  autorisé  à  mettre,  en 
quelque  sorte,  sous  sa  responsabilité  directe  l'exécution  des  arrangements  pris 
entre  nos  deux  cours,  sauf  à  lui  à  arriver  au  but  par  un  bon  choix  d'individus 
et  par  l'emploi  des  moyens  qui  lui  sembleront  préférables  ;  et,  à  cet  égard,  il 
ne  parait  pas  qu'il  y  ait  \  regretter  de  lui  avoir  laissé  jusqu'ici  la  liberté  tout 
entière. 

Je  prie  Votre  Excellence  de  vouloir  bien  agréer  l'hommage  de  ma  haute 
considération  et  de  mon  sincère  attachement. 

Le  général  :  Beurnokville. 

Ara^jaei,  le  13  prairial  an  xin  (23  mai  1805)  (1). 
Monseigneur, 

Les  nouvelles  de  Cadix  nous  ont  confirmé  l'arrivée  à  Gibraltar  du  convoi  de 
troupes  qui  avait  précédemment  paru  à  Lisbonne  (f).  Elles  nous  ont  instruit 
de  plus  que  V escadre  de  Nelson  croisait  à  la  hauteur  de  Lagos,  le  2H  floréal^  et 
n^ avait  point  encore  doublé  le  cap  Saint-Vincent. 

On  ne  forme  que  des  conjectures  sans  solidité  sur  la  destination  des  convois 
et  sur  la  marche  de  Nelson.  Ce  que  Von  peut  uniquement  apprécier  de  certain, 
c'est  que  la  plus  grande  indécision  règne  parmi  les  Anglais  depuis  la  sortie  de 
Vescadre  combinée,  cet  événement  ayant  dû  influer  sur  l'exécution  des  ordres 
de  l'Amirauté  et  mettre  les  commandants  dans  la  nécessité  d'en  attendre  de 
nouveaux. 

On  sait,  à  n'en  pas  douter,  que  les  équipages  de  Nelson  sont  très  fatigués  et 
que  les  provisions  de  son  escadre  sont  trop  courtes  pour   qu'elle  puisse  se 


(1)  Archives  de  la  Marine,  Espagne,  an  xiir. 
(t)  C'est  celui  de  sir  J.  Criig,  voir  ci-dessus. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'ESGADRE   DE  ROCHEFORT.  593 

mettre  à  la  poursuite  d'expéditions  lointaines.  Peut-être  Nelson  ira-t-il  à  Lis- 
bonne, essayer  quelques  séductions  pour  obtenir  des  secours;  mais  Tinsuccès 
de  ceux  qui  Tiennent  de  Ty  précéder  est  de  mauTais  augure  pour  lui,  et  mon 
collègue  Junot  aurait  seulement  la  satisfaction  de  faire  échouer  ses  ten- 
tatives. 

On  parle  d'une  seconde  expédition  de  troupes  attendues  à  Gibraltar.  Cepen- 
dant, on  n'a  là-dessus  que  des  renseignements  fort  douteux  et  il  me  parait 
difUcile  de  croire  que  Nelson  se  serait  déterminé  à  sortir  de  la  Méditerranée,  si 
sa  mission  doit  être  d*y  rentrer  incessamment.  Je  crois  plutôt  qu*il  épie  les 
secours  ou  seulement  les  avisos  qu'il  suppose  qu'on  lui  aura  dépéché  d'Angle- 
terre, et  qu'il  s'est  placé  hors  du  détroit  de  manière  à  ne  pas  les  perdre  et  à 
connaître  le  p|us  tôt  possible  les  intentions  de  la  cour  de  Londres  sur  son 
escadre  et  sur  lui. 

L'escadre  de  Garthagène  a  appareillé  de  nouveau  sans  un  but  déterminé. 
Tant  que  Nelson  n'aura  pas  doublé  la  pointe  de  l'Espagne,  elle  ne  peut  tenter 
la  sortie  du  détroit  et  sa  navigation  ne  peut  être  qu'une  courte  croisière 
ordonnée  pour  exercer  les  équipages.  Il  serait  possible,  cependant,  qu'elle  ren- 
contrât quelques  Anglais  et  elle  est  assez  forte  pour  s'emparer  de  tout  ce  qui 
est  à  la  mer,  tant  que  les  circonstances  ne  changeront  pas.  Ge  qui  doit  nous 
donner  le  plus  de  sécurité  sur  les  opérations  de  cette  escadre^  c'est  le  caractère 
connu  de  M.  de  Salcedo,  qui  passe  pour  un  des  officiers  les  plus  expérimentés 
de  la  marine  espagnole.  L'état  des  trois  départements  n'a  pas  sensiblement 
varié  depuis  les  derniers  rapports  que  j'ai  adressés  à  Votre  Excellence.  Il  est 
question  d'iirmer  deux  vaisseaux  de  plus  à  Garthagène  ;  et  le  prince  de  la  Paix 
va  si  bien  sous  le  rapport  de  l'activité  navale  que  cette  augmentation  de 
forces  va,  je  n'en  fais  nul  doute,  être  conduite  avec  la  plus  grande  célérité. 
J'aurai  l'occasion  d'en  entretenir  encore  Votre  Excellence  dans  un  sens 
agréable  pour  Sa  Majesté  Impériale  et  favorable  au  prince  de  la  Paix,  dont 
l'exemple  me  parait  d'autant  plus  méritoire  qu'il  n'envisage  aujourd'hui  que  la 
guerre  et  que  l'intérêt  de  nos  armes,  Siins  s'attacher  aux  tracasseries  de  cour, 
ni  à  l'espèce  d'opposition  dont  l'ingratitude  et  l'ignorance  s'essayent  parfois  h 
élever  le  murmure  contre  lui. 

Je  prie  Votre  Excellence  de  vouloir  bien  agréer  l'hommage  de  ma  haute 
considération  et  de  mon  sincère  attachement. 

Le  général  :  Beurnonvuj^. 
Au  vice-amiral  Decrès  (t). 

Milan,  le  10  prairial  an  xin  (30  mai  1805). 
Monsieur, 

Je  ne  sais  pourquoi  vous  désirez  tant  mon  retour  à  Paris,  Rien  n'est  plus 
propre  que  mon  voyage  à  cacher  mes  projets  et  à  donner  le  change  aux 
ennemis,  qui,  lorsqu'ils  sauront  que  je  suis  arrêté  pour  messidor  et  thermidor, 
prendront  davantage  confiance  et  lâcheront  quelques  vaisseaux  de  plus  dans 


(l)  Correspondance  de  Napoléon^  8813. 

IV.  38 


S94  TROISlàMB  PARTIS.  —  CHAPITRE  X. 

1m  mers  éloignées.  Il  parait  que  iei  Anglaii  préparent  une  expédition  de 
8  yaisaeaux,  tout  lei  ordres  de  Tamiral  Gollingwood.  En  consultant  mes  états 
je  Tois  que  ces  vaisseaux  sont  pris  parmi  ceux  des  ports  de  Plymouth  et 
Portsmouth  et  de  Tescadre  devant  Brest.  Ce  qu  il  y  a  de  certain,  c'est  que  le 
15  mai  ils  n'étaient  point  partis;  le  16  mai  répond  au  26  floréal.  Il  parait 
qu*il  y  a  d'autant  moins  k  craindre,  qu'elle  ne  sera  pas  en  force  et  ne  pourra 
se  combiner  ayec  les  premières  escadres  et  la  station  de  Brest.  Je  vois  que  le 
résultat  de  la  flottille  est  de  presser  les  Anglais.  Us  n'osent  se  résoudre  à 
rien.  C'est  le  M  floréal  qu'ils  ont  su  le  passage  devant  Cadix  ;  voilà  un  mois, 
et  ils  n'ont  pu  te  résoudre  à  aucune  opération. 

Certainement,  avec  le  contre-coup  de  la  descente,  les  Indes  sont  à  nous 
quand  nous  les  voudrons  prendre. 

Les  indices  que  j'ai  me  portent  à  croire  que  Cochrane  est  allé  aux  Indes 
orientales,  et  que  les  Anglais  n'expédieront  rien  qu'ils  n'aient  des  nouvelles 
certaines  de  la  direction  de  Villeneuve.  Ils  ne  connaîtront  cette  destination  que 
tout  au  plut  du  20  au  30  prairial. 

Dant  le  fait,  ti  on  te  met  à  la  place  des  Anglais,  on  voit  qu'il  n'y  a  pas 
d'autre  parti  à  prendre  que  de  se  tenir,  d'avoir  des  approvisionnements  et 
d'attendre  det  renseignements,  car  un  amiral  biiarre  ou  trompé,  qui,  au  lieu 
d'aller  en  Amérique,  irait  aux  Indes,  perdrait  toute  l'Amérique  et  vice  versa. 

Si  l'amiral  Missietty  continue  à  être  malade,  je  ne  verrais  point  d'inconvé- 
nient à  donner  ce  commandement  au  vice-amiral  Rosily.  Cependant  laissez-y 
toi\jourt  Mittietty. 

Mon  intention  n*ett  point  qu'un  officier  de  marine  quitte  les  ports  sans 
mon  ordre. 

Napoléon. 

Au  vioe-amiral  Deorèê  (1). 

Milan,  le  11  prairial  an  xm  (31  mai  1805). 

Tous  les  renseignements  que  je  reçois  de  Londres,  c'est  que  Ganteaume  a 
eu  cinq  jours  pour  sortir,  sans  avoir  d'ennemis  devant  lui.  Il  parait  que  cela  a 
été  du  7  au  12  mai.  Quelle  occasion  il  a  manquée  là!  Le  même  renseigne- 
ment m'avait  été  donné  de  Brest. 

Vous  n'avez  jamais  rien  répondu  îiux  questions  que  je  vous  ai  faites  des  forti- 
fications de  Bertheaume  et  des  dispositions  que  Vescadre  pourrait  faire  povr  se 
trouver  en  position  de  sortir  et  participer  au  combat.  Je  crois  que  Ganteaume  a 
besoin  d'instructions.  Envoyes*-moi  une  carte  de  Brest,  et  tracez  en  couleur 
la  partie  qui  permet  de  sortir  et  les  vents  qui  sont  contre  et  l'empêcheraient 
et  faites-moi  sur  cela  quelques  raisonnements  qui  me  débrouilleraient  la  ques- 
tion. Villeneuve  arrivera-t-il  par  des  vents  du  sud,  du  nord-est  ou  d'ouest? 
Combien  de  vents  le  font  arriver?  Combien  y  en  a-t-il  qui  empêcheraient  Gan- 
teaume de  sortir  et  combien  qui  seraient  favorables  à  l'arrivée  et  à  la  sortie? 

Le  désordre  des  Anglais  est  extrême;  ordres  et  contre-ordres.  Ils  ont  voulu  un 
moment  s'éloigner  de  Brest  pour  Torbay^  pour  ne  pas  se  trouver  entre  deux 


(1)  Correspondance  de  Napoléon ^  8817. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'ESGADRE  DB  ROCHBFORT.  598 

/eux,  et  se  porter  selon  les  circonstances;  puis  y  cela  leur  a  paru  confirmer 
r abandon  des  Indes  et  de  V Amérique,  Ils  ont  fait  embarquer  différentes  expé- 
ditions pour  en  finir,  si  les  vents  le  permettaient  au  16  mai.  Aucune  escadre 
n'est  encore  partie^  si  ce  n'est  Nelson,  qui  occupait  le  détroit  et  qu'on  supposait 
avoir  V ordre  de  se  ployer  sur  l'Angleterre.  On  ne  lui  croit  pas  assez  de  vivres 
pour  aller  en  Amérique;  A  de  ses  vaisseaux  font  beaucoup  d'eau;  d'ailleurs,  il 
n*a  été  joint  par  aucun  ;  avec  cette  force,  il  le  pourrait,  d'autant  moins  qu'il 
arriverait  droit  à  la  Barbade  pour  faire  de  l'eau  et  se  ravitailler,  et  qu'une 
autre  escadre  prendrait  le  large. 

Le  47,  une  escadre  de  8  bâtiments  (^tuit  en  partance  à  Plymouth  ;  générale- 
ment on  la  croyait  destinée  aux  Indes  orientales. 

C*est  aujourd'hui  le  11  prairial  ;  quand  messidor  (20  juin)  arrivera,  mon 
intention  est  que  vous  confiiez  le  secret  à  Gourdon,  parce  qu'il  peut  y  avoir 
une  infinité  de  dispositions  que  les  circonstances  peuvent  lui  ordonner  ; 
tàchei  qu'il  ait  son  cinquième  vaisseau.  Envoyez-moi  copie  de  la  lettre  que 
vous  pensez  devoir  écrire  à  Gourdon. 

Enfin,  écrivez  à  Missiessy,  que  la  campagne  finira  quand  il  atteindra  le  pre- 
mier semestre;  que  s'il  quitte  l'escadre,  je  ne  pourrai  le  considérer  que  comme 
un  général  qui  quitte  la  campagne  ;  dites-lui  avec  douceur  et  persuasion  que 
son  expédition  est  combinée,  et  qu'il  en  est  le  premier  chaînon.  Si  ses  équi- 
pages ont  besoin  de  prendre  terre,  ils  peuvent  se  promener  dans  l'île  d'Aix. 

Votre  dernière  lettre  est  du  7  prairial  (27  mai)  ;  lorsque  vous  verrez  celle-ci, 
j'aurai  probablement  réuni  Gênes.  Vous  m'avez  envoyé  le  projet  d'organisation 
pour  là  marine  de  cette  place  et  de  la  Rivière,  et  des  classes,  et  les  arrêtés  à 
signer  pour  nommer  les  individus.  Ne  perdez  pas  une  heure  si  vous  ne  l'avez 
pas  fait.  Je  senti  à  la  fin  de  ce  mois  dans  cette  place  ;  et  je  désire  voir  le  chef 
des  mouvements,  le  préfet,  l'ordonnateur,  afin  d'approuver  toutes  les  destina- 
tions des  bâtiments  et  trancher  toutes  les  difficultés. 

Il  faut  également  mettre  deux  autres  vaisseaux  sur  le  chantier  de  Gênes. 
Les  Rivières  et  les  peuples  sont  enchantés  de  se  trouver  français.  Je  vous  ai 
déjà  écrit  que  je  désirais  que,  ce  moment  arrivé,  l'f/rante,  la  Muironei  Vlncor- 
ruptible  s'y  trouvassent. 

Je  suis  toujours  dans  l'espérance  que  j'aurai  en  mer,  au  l»'  fructidor,  le 
Borée  y  VAnnibal  et  le  Génois.  Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  faire  comprendre 
quel  gain  ils  pourront  nous  faire,  et  de  quel  résultat  immense  ils  pourront 
être  dans  nos  opérations. 

Napoléon. 

Au  vioe-amiral  Deorès  (1). 

Milan,  le  12  prairial  an  xiu  (l*'Juin  1805). 

Je  vois,  par  la  dépêche  télégraphique  du  7,  qu'il  y  avait  22  vaisseaux  devant 
Brest.  Il  est  possible  qu'à  celte  époque  l'escadre  de  Collingwood  ne  soit  pas 
partie,  mais  soit  en  armement  à  Plymouth.  Toutefois,  quand  elle  serait  partie 
et  irait  directement  sur  la  Martinique,  il  me  semble  qu'il  n'y  aurait  rien  à 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  88X3« 


596  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

craindre.  Je  ne  compte  pas  être  à  Paris  avant  le  25  messidor.  Écrivez  aux 
gazettes  de  Hollande  et  même  dans  celles  de  Paris,  que  les  affaires  de  Gènes 
me  retiendront  très  longtemps;  que  j'irai  à  Gastiglione,  où  je  resterai  quinze 
jours  à  faire  manœuvrer  les  troupes,  que,  de  là,  j'irai  à  Bologne.  Faites  con- 
naître, à  l'appui,  la  nouvelle  du  départ  du  Ministre  des  finances  et  de  M.  TAf- 
chitrésorier.  Le  départ  de  ces  deux  grands  fonctionnaires  publics  pourra  être 
la  transition  pour  les  journalistes. 

Napoléon. 

En  somme,  dans  tout  cela  il  n'y  a  plus  aucun  ordre  ferme. 
Decrès  est  invité,  s'il  «  goûte  cet  avis  »,  à  rédiger  des  instruc- 
tions pour  faire  faire  une  diversion  en  Irlande. 

Mais  voici  d'autre  part  comment  le  Ministre  de  la  marine 
apprécie  à  ce  moment  la  situation  et  le  très  curieux  rensei- 
gnement qu'il  donne  sur  les  articles  de  journaux  anglais. 

Le  M'juin  1805. 
Sire, 

C'est  une  tâche  difficile  que  de  raisonner  sur  ce  qu'exige  l'état  présent  des 
affaires,  car  toutes  les  données  sur  lesquelles  le  raisonnement  peut  se  fonder 
ont  un  degré  d'incertitude  impossible  à  fixer. 

Ce  qui  parait  certain,  c'est  que,  si  le  ministère  anglais  n'a  pas  deviné  la 
pensée  de  Votre  Majesté,  il  n'est  pas  moins  vrai  qu'elle  a  été  pénétrée  par  les 
journalistes  de  Londres,  qui  en  ont  donné  Véveil  au  gouvernement.  On  en  trouve 
tout  le  développement  dans  le  Moming  Ghronicle  du  9  maiy  dont  l'extrait  est 
inséré  au  n^  241  du  Moniteur  (!•'  prairial),  article  Londres,  et  je  lis,  dans  le 
Sun  du  \6  tuai,  qu'on  regarde  commp  un  bonheur  qu'une  division,  commandée 
par  l'amiral  Collingwood,  ne  soit  pas  mise  à  la  poursuite  de  la  flotte  corn- 
binée,  attendu  que  la  route  de  celle-ci  sur  les  Indes  occidentales  peut  bien 
n'être  qu'une  ruse  de  guerre  pour  y  attirer  des  forces  anglaises,  tandis  qu'elle 
fera  son  retour  dans  les  mers  d^Europe,  avec  Vespoir  de  s'y  trouver  en  forces 
supérieures.  Le  Sun  ajoute  :  Nous  avons  maintenant  la  supériorité  aux  An- 
tilles, et  nous  avons  lieu  d'espérer  des  nouvelles  heureuses. 

Pour  que  cette  espérance  soit  fondée,  il  faudrait  que  Gochrane  avec  ses 
6  vaisseaux,  Nelson  avec  ses  11  eussent  rallié  celui  que  l'ennemi  avait  aux  An- 
tilles, ce  qui  lui  ferait  18  vaisseaux  dont  plusieurs  à  trois  ponts.  Si  le  contre- 
amiral  Magon  a,  comme  je  l'espère,  rallié  heureusement  le  vice-amiral  Ville- 
neuve, il  aura  20  vaisseaux,  et  il  n'est  pas  douteux  qu'il  y  aura  une  affaire  aux 
Antilles,  car  la  Martinique  ne  pourra  noiurir  cette  quantité  de  bouches  et  la 
mauvaise  marche  de  quelques  vaisseaux  de  l'amiral  Villeneuve  laisse  peu  d'es- 
poir que,  voulant  quitter  ces  parages,  il  ait  pu  éluder  le  combat.  Dans  cette 
hypothèse,  le  sort  en  est  jeté,  et,  d'ici  à  quinze  jours,  le  dieu  des  batailles 
aura  prononcé. 

Admettons  cependant  que  l'amiral  Villeneuve  ait  évité  ce  combat,  et  qu'il 
quitte  les  Antilles  vers  le  l"""  messidor  (20  juin),  comme  le  portent  ses  instruc- 
tions. 


RÔLES  ASSIGNES  A  L'ESCADRE  DE  ROCHEFOUT.  597 

Ceci  est  possible  dans  le  cas,  particulièrement,  où  Nelson  aurait  été  seul  aux 
colonies  occidentales,  et  qu'il  n*y  ait  pas  trouvé  Cochrane. 

Dans  cette  hypothèse,  aussitôt  que  Villeneuve  aura  appareillé,  Nelson  Faura 
suivi,  et  présumant  bien  que  le  FeiTol  doit  être  débloqué,  il  tâchera  d'y 
devancer  la  flotte  de  Votre  Majesté  pour  se  réunir  à  Tescadre  du  Ferrol  et  se 
trouver  en  forces  égales  à  celles  de  Famiral  Villeneuve,  ou  bien,  s'il  désespère 
d'arriver  à  temps  au  Ferrol,  il  y  enverra  une  frégate  légère  et  se  portera  lui- 
même  sur  Brest,  ce  qui  donnerait  sur  ce  point  une  force  immense  à  l'ennemi  (i). 

Je  ne  Tois  pas  quelle  autre  combinaison  Nelson  pourrait  faire  s'il  a  été  aux 
Antilles,  et  je  crois  qu'il  s'y  sera  porté,  car,  où  pourrait-il  avoir  été  ailleurs  en 
partant  tout  brusquement,  sans  avoir  fait  d'autre  relâche  que  celle  de  cinq 
heures  à  Gibraltar,  où  il  n'aura  pas  eu  le  temps  de  faire  de  l'eau  ni  des  vivres  ? 

On  peut  toutefois  espérer  que  Cochrane,  s'il  y  a  été  aussi,  dès  qu'il  aura 
appris  le  départ  du  général  Missiessy,  aura  détaché  des  vaisseaux  h  sa  pour- 
suite, et  se  sera  affaibli,  ce  qui  donne  autant  de  chances  â  l'amiral  Villeneuve. 

11  en  a  bien  quelques  autres  contre  lui,  qui  résulteraient  de  la  division  qu'il 
aurait  faite  de  ses  forces  pour  attaquer  à  la  fois  plusieurs  colonies,  mais 
comme  il  n'y  aurait  pas  de  remède  à  y  porter,  je  me  borne  à  les  désigner  pour 
épuiser  ce  sujet.  11  n'y  a  point  d'inductions  à  tirer  du  caractère  personnel  de 
lord  Nelson.  Sa  forfanterie  égale  son  ineptie  (et  j'emploie  ici  le  mot  propre), 
mais  il  a  une  qualité  éminente,  c'est  de  n'avoir  avec  ses  capitaines  de  préten- 
tion que  celle  de  la  bravoure  et  du  bonheur.  D'où  il  résulte  qu'il  est  accessible 
à  des  conseils  et  que,  dans  les  occasions  difficiles,  s'il  commande  nominale- 
ment, c'est  un  autre  qui  dirige  réellement. 

Je  diffère  à  raisonner  sur  la  possibilité  des  jonctions  du  Ferrol,  Cadix  et 
Boche  fort,  parce  que  l'armée  de  Brest  trouve  ici  sa  place. 

Je  ne  ferai  point  la  comparaison  de  deux  colonnes  d'une  armée  de  terre, 
dont  le  moindre  événement  dérange  si  souvent  les  calculs  de  jonctions  les 
mieux  combinées.  Je  dois  supprimer  ici  tout  ce  qui  est  oiseux. 

Quels  que  soient  les  vents  avec  lesquels  l'amiral  Villeneuve  se  portera  sur 
Brest,  il  est  possible  qu'au  moment  où  il  y  arrivera,  ces  vents  soient  devenus 
contraires  à  l'armée  du  général  Ganteaume. 

Pour  que  cette  jonction  s'opérât  avec  succès,  il  faudrait  que  l'amiral  Ville- 
neuve parût  sur  Brest  au  moment  opportun  pour  en  faire  appareiller  la  flotte. 

Mais,  si  Vannée  de  l'amiral  Villeneuve  n'a  pas  une  force  telle  qu'elle  con- 
traigne l'ennemi  à  refuser  le  combat,  elle  aura  dix  heures  au  moins  à  se  mesurer 
avec  lui  avant  d'être  jointe  par  la  flotte  de  Brest. 

L'issue  d'une  pareille  bataille  livrée  à  ce  taux  de  vaisseaux  en  laissera  assez 
de  disponibles  au  vainqueur  pour  soutenir  une  seconde  attaque. 

Mais  comment  espérer  de  combiner  les  avis  à  donner  à  l'amiral  Ganteaume 
de  manière  que  son  appareillage  se  fasse  précisément  à  point  nommé  ? 

Sera-ce  par  des  signaux  de  cAte?  Il  faut  alors  que  l'amiral  Villeneuve  s'en- 
fonce dans  le  golfe  de  Gascogne,  y  perde  beaucoup  de  temps  et  s'expose  à  ne 
pouvoir  éviter  un  engagement  décisif  avec  l'ennemi. 

Je  répète  que  les  signaux  de  côte  et  l'arrivée  de  l'amiral  Villeneuve  ne  con- 


(1)  BB»^.  WO. 


598  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  X. 

corderont  que  difûcilement  avec  l'heure  de  marée  qui  permettrait  à  Tarmée 
de  Brest  de  mettre  sous  yoiles. 

Sera-ce  par  des  frégates  envoyées  en  ayant?  Elles  seront  interceptées  par 
Tennemi. 

Dans  tous  les  cas,  la  flotte  anglaise  yoiidra  probablement  contenir  en  même 
temps  la  flotte  de  Brest  et  combattre  Tarmée  combinée. 

Pour  cela  elle  Tattendra,  n'ira  point  au-devant  d'elle^  et  la  bataille  aura 
lieu  à  hauteur  de  Brest,  à  Touest  d'Ouessant  et  de  la  chaussée  des  Saints, 
c'est-à-dire  à  iO  lieues  de  la  rade  où  sera  mouillé  l'amiral  Ganteaume. 

Il  en  résultera  que  V amiral  ne  iera  tout  au  plus  informé  de  la  bataille  que 
par  les  signaux  d*Ouessant,ùu  par  quelques  frégates  qui  se  glisseront  à  Brest 
pendant  TaSkire.  Il  lui  faudra  donc  pour  y  prendre  part  :  !•  V heure  de  la 
marée;  2*  le  temps  de  son  appareillage,  que  f  évalue  à  quatre  heures;  3*  le 
temps  de  parcourir  les  10  lipues  qui  le  séparent  du  champ  de  bataille  et  le  temps 
qu*il  faut  pour  se  mettre  en  ligne;  ce  temps  ne  peut  pas  être  moindre  de  sept 
heures. 

Et,  à  tout  prendre,  ce  ne  sera  que  le  lendemain  que  Ganteaume  sera  dehors, 
en  ne  laissant  encore  qu'une  médiocre  part  aux  chances  de  la  nuit,  de  la  récep* 
tion  des  avis,  du  tent,  de  la  marée,  et  de  la  formation  de  la  ligne. 

D'après  ces  considérations,  je  pense  que  l'on  doit  calculer  la  force  de  l'en- 
nemi à  hauteur  de  Brest,  au  moment  où  Villeneure  y  paraîtra  : 

i*  Sur  le  nombre  des  yaisseaux  que  Ouessant  aura  signalés,  augmenté  du 
nombre  de  4  au  moins  formant  une  réserve  à  Torbay,  et  il  est  facile  de 
sentir  que  ceux-ci  seront  avertis  à  temps  ; 

2*  Sur  l'escadre  de  la  Corogne,  composée  de  8  vaisseaux,  qui  rallieront 
Brest  infailliblement,  aussitôt  que  la  flotte  combinée  paraîtra  devant  le  Ferrol  ; 

3®  Enfin,  mais  éventuellement,  sur  l'escadre  de  Nelson  s'il  était  aux  An- 
tilles, lorsque  Tamiral  Villeneuve  en  sera  parti. 

Ainsi,  je  pense  que  l'on  ne  peut  rien  statuer  sur  les  ordres  à  donner  à 
l'amiral  Villeneuve  avant  le  20  messidor  (9  juillet),  époque  à  laquelle  on 
pourra  calculer  ces  divers  éléments  de  la  force  de  l'ennemi,  époque  au  delà  de 
laquelle  on  ne  pourra  plus  attendre,  parce  que  les  ordres  qu'on  lui  enverrait 
arriveraient  trop  tard. 

Je  pense  que  si  le  nombre  des  vaisseaux  que  les  différentes  jonctions  réuniront 
sous  le  pavillon  de  V amiral  Villeneuve  n* excède  pas  de  six,  au  fnoins,  celui  pré- 
sumé à  Vennemi  il  ne  doit  pas  se  porter  sur  Brest, 

Je  pense  que  les  ordres  à  donner  à  Vamiral  Villeneuve  doivent  être  ainsi 
conçus  :  Il  y  a  tant  de  vaisseaux  sur  Brest,  il  est  probable  que  ceux  que  vous 
trouverez  à  la  hauteur  du  Ferrol  vont  se  replier  sur  ce  point  ;  si  le  nombre  des 
vaisseaux  sous  votre  commandement  excède  de  6  celui  des  vaisseaux  ennemis  en 
croisière  à  la  hauteur  de  Brest,  augmenté  de  ceux  du  Ferrol,  faites  route  sur 
Brest  et  présentez-vous  dans  VIroisc  en  combattant,  parce  que,  quel  que  soit  le 
résultat  du  premier  choc,  vous  serez  secouru  par  2i  vaisseaux  qui  composent 
r armée  de  Vamiral  Ganteaume^ 

Si,  lorsque  vous  avez  quitté  les  Antilles,  Vennemi  y  avait  une  escadre,  il  est 
probable  quelle  se  sera  dirigée  sur  Brest  et  qu'elle  y  devancera  votre  arrivée. 
Dans  ce  cas,  ajoutez  au  nombre  de  vaisseaux  que  je  vous  dis  être  devant  Brest,  à 
celui  de  la  croisière  que  vous  aurez  trouvée  sur  le  Ferrol,  le  nombre  de  vaisseaux 


RÔLES  AB8I0NÉ8  A  L'BSOADRE  DE  ROCHEFORT.  B99 

que  vous  supposerez  avoir  quitté  les  Antilles  après  vous,  et,  si  V armée  combinée 
excède  de  6  vaisseaux  le  nombre  total  de  ces  bâtiments,  portei^ous  encors  sur 
Brest. 

Mais  sij  dans  Vune  ou  Vautre  hypothèse,  vous  n*avei  pas  6  vaisseaux  de  plus 
que  Vennemi  ne  doit,  d'après  ces  calculs,  en  avoir  devant  Brest,  vous  vous 
rendrez  à (en  blanc  sur  la  minute). 

Votre  Majesté  observera  que  tout  ceci  repose  sur  Phypothèse  où  lord  Nelson 
aurait  été  aux  Antilles  et  sur  Topinion  que  ]*ai,  comme.  Votre  Majesté,  que 
Tennemi  ne  prend  pas  le  change  et  craint  pour  Londres  même,  ainsi  que 
Texpriment  outertement  tes  journaux. 

Votre  Majesté  sait  que,  si  Nelson  a  des  inquiétudes  sur  la  Jamaïque,  sa  route 
naturelle  Taura  fait  passer  aux  lies  du  Vent. 

Elle  sait  aussi  que,  quittât-il  les  Antilles  4  ou  5  jours  après  V amiral  Ville- 
neuve, il  est  certain  qu'il  accédera  à  la  hauteur  de  Brest  avant  la  flotte  de 
Votre  Majesté  parce  que  celle-ci  est  obligée  de  prendre  un  détour  pour  passer  ûu 
Ferrol,  qu'elle  y  perdra  nécessairement  du  temps  à  attendre  V  appareillage  des 
forces  combinées,  lequel  ne  peut  avoir  lieu  qu'avec  des  vents  d'est  et,  dans  la 
supposition  la  plus  favorable,  en  moins  de  24  heures,  à  cause  du  peu  de  lar- 
geur de  la  passe . 

Ceci  me  parait  devoir  être  prévu  d'une  manière  particulière  dans  les  instruc- 
tions que  Tamiral  Villeneuve  trouvera  au  Ferrol. 

Dès  qu'il  y  paraîtra,  nul  doute  que  les  8  vaisseaux  ennemis  qui  croisent  à 
hauteur  de  ce  port  ne  se  replient  sur  Brest. 

Supposons  que  Tennemi  n'ait  que  24  vaisseaux  sur  et  points  il  s'en  trou- 
vera 32  par  cette  jonctioné 

Mais  si  Nelson  était  aux  Antilles  lorsque  Villeneuve  en  sera  parti,  Votre 
Majesté  doit  calculer  que  la  flotte  devant  Brest  se  sera  encore  accrue  des  12 
ou  18  vaisseaux  de  cet  amiral. 

La  flotte  ennemie  devant  Brest  se  trouvera  donc,  par  ces  deux  jonctions  ^pro- 
bablement composée  de  44  ou  50  vaisseaux  (1). 

L'amiral  Villeneuve,  réuni  aux  vaisseaux  du  Ferrol  (je  suppose  que  les  Espa- 
gnols y  aient  porté  les  leurs  sûrement  à  9  vaisseaux),  se  trouvera  avoir 
34  vaisseaux  ;  qu'il  rallie  Rochefort,  sur  quelque  point  que  Missiessy  ait  été 
envoyé,  il  en  aura  39. 

Admettons  encore  que  Votre  Majesté  obtienne  les  10  de  Cadix,  le  total  des 
forces  de  l'amiral  Villeneuve  sera  de  49. 

Ainsi,  on  peut  raisonnablement  calculer  que  si  les  Espagnols  peuvent  faire 
tout  ce  que  Votre  Majesté  en  attend,  et  que  si  encore  toutes  ces  jonctions  peuvent 
s'opérer,  l'amiral  Villeneuve  n'aura  à  opposer  que  49  vaisseaux  aux  44  ou  50 
de  Vennemi. 

Mais  ici,  il  est  chose  pénible  à  exprimer  :  c'est  que  j'ai  bien  une  opinion  sur 
la  force  réelle  des  vaisseaux  de  Votre  Majesté,  que  cette  opinion  je  V aurai  au 
tnéme  degré  sur  celle  des  vaisseaux  de  Vamiral  Gravina  qui  auront  déjà  vu  la 
mer,  mais  il  y  a  i9  vaisseaux  espagnols  sortant  du  port  pour  la  première  fois. 


(ï)  C'est^presqae  juste  ce  qui  arriva. 


00  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

commandés  par  des  capitaines  peu  exercés^  médiocretncnt  armés.  Et  f  avoue  que 
je  ne  sais  ce  qu'on  peut  oser  le  lendemain  de  leur  appareillage  avec  cette  partie 
si  nombreuse  de  la  flotte  combinée 

(La  fin  de  cette  pièce  manque.) 

Sauf  en  ce  qui  concerne  la  grossière  erreur  d'appréciation 
du  caractère  de  Nelson,  on  ne  saurait  trop  admirer  cette  lettre 
dont  les  prévisions  se  réalisèrent  avec  une  précision  presque 
absolue.  La  nécessité  d'une  grande  bataille,  que  Villeneuve 
serait  seul  à  livrer,  était  établie  avec  évidence. 

En  même  temps,  arrivaient  des  nouvelles  obscures  ou  mau- 
vaises :  Nelson  aurait  été  vu  de  nouveau  dans  la  Méditerranée, 
Salcedo  était  rentré  à  Carthagène,  Missiessy  malade  et  décou- 
ragé ne  pouvait  se  charger  d'une  nouvelle  mission. 

Anmjaex,  le  6  prairial  an  xiii  (26  mai  1805). 
Monseigneur  (I), 

L*escadre  de  Carthagène  est  de  nouveau  rentrée  après  une  croisière  de 
48  heures  seulement. 

La  sortie  de  cette  escadre  parait  donc  n'avoir  eu  d'autre  effet  que  d'instruire 
les  équipages,  et  ils  avaient  à  la  vérité  le  plus  grand  besoin  de  la  pratique  de 
la  mer.  Les  deux  fois  qu'ils  sont  sortis,  ils  ont  avarié  un  Taisseau  faute  d'expé- 
rience de  la  manœuvre.  Néanmoins  ces  accidents  n*ont  rien  eu  de  grave  et 
M.  de  Salcedo  est  prêt  à  remettre  à  la  voile  au  premier  ordre  ;  celui  de  passer 
à  Cadix,  dès  que  l'instant  lui  paraîtra  favorable  à  cette  navigation,  lui  est  tou- 
jours provisoirement  maintenu. 

Le  prince  de  la  Paix  a  reçu  des  dépêches  extraordinaires  de  Cadix,  par 
lesquelles  M.  le  lieutenant-général  Alhava  l'informe  que  l'amiral  Orde  a 
rejoint  l'amiral  Nelson  à  Lagos,  que  pendant  leur  entrevue  qui  a  duré  une 
demi-journée,  chaque  escadre  est  restée  sous  les  ordres  de  son  commandant 
respectif,  et  qu'elles  se  sont  ensuite  séparées,  Nelson  ayant  pris  le  large  et 
disparu  de  la  côte,  h  la  vue  de  laquelle  est  au  contraire  resté  l'amiral  Orde. 

On  m'écrit  de  Carthagène  à  la  date  du  i*'  prairial  {20  mai)^  jour  de  la 
rentrée  de  V escadre,  que  les  tours  de  la  côte  signalaient  le  retour  de  Nelson  et  la 
présence  de  son  escadre  à  quatre  lieues  seulement  de  distance  du  port.  Le  fait 
est  mathématiquement  possible,  mais  il  est  de  nature  à  exiger  confirmation. 

Uu  navire  impérial  autrichien  est  arrivé  de  l'Ile-de-France  à  Cadix  en 
69  jours.  M.  le  chevalier  de  Pelgrom,  consul  d'Autriche,  et  passager  à  bord 
de  ce  bâtiment,  a  remis  à  M,  le  commissaire  général  Leroi,  les  dépêches  ci- 
jointes  pour  Votre  Excellence. 

La  capitaine  de  ce  bâtiment  a  signé  au  commissariat  français  sa  déclaration 
ainsi  conçue  : 


(1)  Archives  de  la  Marine ,  Espagne,  an  xiii. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A   L'ESCADRE  DE  ROCHEFORT.  601 

«  Que  le  naTire  la  Comtessc-de-Chanclos  étant,  le  10  mai  1805,  au 
36*  degré  de  latitude  nord  et  au  18**  de  la  longitude  comptée  du  méridien 
de  Greenwich,  il  avait  eu  connaissance  de  22  ou  23  vaisseaux,  dont  plusieurs 
très  forts,  faisant  route  vers  le  sud-ouest.  La  grande  distance  à  laquelle  on  les 
a  aperçus  n'a  pas  permis  de  déterminer  plus  exactement  leur  rang.  » 

Cette  relation  trop  vague  ne  donne  lieu  à  presque  aucune  conjecture  solide, 
mais  toutes  celles  que  Ton  pourrait  former  avec  quelque  apparence  de  raison, 
ne  tendraient  à  rien  moins  qu*à  prouver  que  ce  fut  Tescadre  combinée  qui  a 
été  aperçue  dans  ces  parages  et  à  Tépoque  dont  il  est  mention  au  rapport  du 
capitaine. 

Ayant  eu  l'occasion  d'expédier  un  courrier  à  Son  Excellence  le  Ministre  de 
la  marine,  pour  lui  expédier  ses  dépêches  de  TIle-de-France,  j'en  ai  profité 
pour  lui  communiquer  les  mêmes  détails  que  ceux  dont  j'ai  eu  l'honneur  de 
faire  part  à  Votre  Excellence  aujourd'hui  et  dans  mes  lettres  précédentes, 
relativement  à  l'état  des  ports  et  aux  événements  maritimes.  Il  m'a  semblé 
que  cette  double  correspondance,  qui  ne  doit  être  que  momentanée,  serait  utile, 
en  ce  que  M.  le  vice-amiral  Decrès  pourrait,  au  moment  où  il  reçoit  de  moi 
quelques  nouvelles,  avoir  la  certitude  que  Sa  Majesté  en  est  déjà  informée 
comme  lui,  et  ii  y  a  telle  circonstance  où  cette  disposition  pourrait  lever  des 
incertitudes  et  économiser  le  temps. 

Je  prie  Votre  Excellence  de  vouloir  bien  agréer  l'hommage  de  ma  haute 
considération  et  de  mon  sincère  attachement. 

Le  général  :  de  Beurnonville. 

C'est  là-dessus  qu'est  édifiée  une  nouvelle  combinaison. 

Au  vice-amiral  Decrès  (i). 

Milan,  le  17  prairial  an  xiii  (6  juin  1805). 

Monsieur, 

# 

Je  ne  puis  considérer  que  comme  une  calamité  ce  mauvais  esprit  de  l'amiral 
Missiessy  ;  parce  qu'il  a  été  quatre  mois  à  la  mer,  il  croit  que  tout  doit  être 
désarmé.  L'amiral  Missiessy  n'a  point  répondu,  au  reste,  à  l'idée  que  je  m'en 
étais  faite.  Il  y  répond  bien  moins  par  sa  conduite  depuis  sa  rentrée  (2). 

J'ai  vu  avec  grand  intérêt  la  conduite  du  Sylphe^  faites-en  mettre  le  détail 
dans  le  Moniteur;  demandez  au  capitaine  de  ce  bâtiment  un  détail  circons- 
tancié des  vents  et  des  mers  qu'ils  a  trouvés  au  delà  des  Orcades. 

J'apprends  avec  plaisir  que  le  Redoutable  sera  prêt.  Prévenez  le  contre- 
amiral  Gourdon  qu'il  serait  possible  que  l'escadre  qui  viendra  le  débloquer  eût 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8846. 

(t)  Correspondance  de  Napoléon  à  Decrès,  l»' juin,  8824. 

Si  Missiessy  est  malade,  il  faudra  finir  par  le  remplacer.  Je  vous  ai  écrit  pour  Rosily, 
s'il  s'en  sent  le  courage,  ou  bien  pour  tout  autre.  Qu'il  ne  vienne  pas  à  Paris  avant  que 
je  ne  Taie  décidé. 

Napolbon. 


602  TROISIÈME  PARTIB.   —  CHAPITRE  X. 

un  bâtiment  qui  ait  besoin  d'entrer  dans  le  port.  Peut-ôtre  terait-il  bon 
qu'une  de«  deux  frégates  eût  une  maistranoe  h  bord,  afin  que,  si  une  fWgate 
aTait  besoin  de  rentrer,  elle  pût  être  réparée  sur-le-cbamp. 

Vous  Toyei  que  M.  Grandellana  a  7  Taisseaux  ;  j'ai  écrit  pour  qu'il  en  ait  40. 
Veillez  à  ce  qu'il  ait  les  vivres  demandés.  11  faut  pourvoir  aussi  à  ce  qu'il  ait 
des  vivres  à  Rochefort,  car  voilà  une  chance  à  prévoir  :  c'est  que  l'amiral 
Villeneuve  n'ait  point  de  vivres  pour  aller  jusqu'à  Brest  ;  je  dis  pour  aller 
jusqu'à  Brest,  car  il  ne  doit  point  s'arrêter  là,  et  que  s'il  est  obligé  de  prendre 
chasse  selon  les  circonstances,  il  faut  qu'il  trouve  au  moini  un  mois  de  vivres 
s'il  se  présente  devant  Rochefort,  ce  qui  pourrait  servir  à  sa  double  jonction 
avec  l'amiral  Missiessy. 

Je  suis  surpris  que  le  général  Lagrange  ne  soit  pat  tenu  me  joindre  ;  cela 
m'eût  paru  plus  naturel  que  d'aller  voir  sa  femme. 

Écrivez  au  général  Missiessy  qu'il  ne  peut  pas  venir  à  Paris  ;  que  ce  n'est 

rien  que  de  commencer  une  campagne  :  il  faut  l'achever.  Enfin  je  crois  que 

Mme  Missiessy  est  une  femme  raisonnable,  qui  a  un  peu  d'ambition.  Engagei- 

la  à  partir  pour  Rochefort  ;  il  est  juste  que  l'amiral  Missiessy  voie  sa  femme  ! 

qu'elle  lui  fasse  bien  comprendre  qu'il  faut  qu'il  achève  la  campagne.  Je  suis 

fâché  que  vous  ne  vous  soyez  pas  avisé  de  cela  plus  tôt. 

Napolégk. 

Au  Wce-am/ra/  Decrès  (1). 

Milan,  le  17  prairial  an  xui  (6  Juin  1805). 

J'ai  lu  avec  attention  votre  lettre.  Je  vois  avec  plaisir  que  les  Anglais  n'ont 
plus  devant  Brest  que  2î  ou  23  vaisseaux.  J'ai  vu  également  avec  plaisir  qu'il 
y  a  5  vaisseaux  français  au  Ferrol  et  8  espagnols.  J'envoie  un  courrier  pour 
que  toutes  les  mesures  soient  prises  pour  qu'il  y  en  ait  10  espagnols.  N'y  en 
aurait-il  que  9,  nous  aurons  donc  14  vaisseaux  au  Ferrol.  Je  vous  ai  écrit  que 
Mme  Missiessy  devait  aller  joindre  son  mtiri. 

Il  a  acquis  de  la  gloire  ;  on  lui  en  a  donné  plus  qu'il  n'en  mérite  ;  dans  le 
Moniteur,  il  est  bien  traité.  Je  serais  fâché  de  faire  revenir  sur  son  compte. 
L'affaire  du  Diamant,  surtout,  a  fait  un  très  mauvais  effet  dans  l'Amérique. 
Après  votre  lettre,  c'est  le  dernier  des  hommes  s'il  ne  prend  point  de  la 
chaleur. 

Vous  devez  avoir  reçu  une  instruction  (i)pour  la  mission  ultérieure  de  1^ escadre 
de  Rochefort,  Il  me  semble  que  ce  que  vient  de  faire  le  Sylphe  prouve  assez 
de  quel  bien  peut  être  cette  expédition  et  quel  mal  elle  peut  faire  aux 
Anglais. 

J'espère  que  vous  serez  content  des  calculs  hypothétiques  que  j'ai  faits. 
Être  maître  de  la  Méditerranée  n*est  rien.  Je  désirerais  2  vaisseaux  à  Ville- 
neuve plutôt  que  40  dans  la  Méditerranée. 

Il  me  semble  que  vous  n'avez  pas  Vesprit  assez  exclusif  pour  une  grande 
opération.  C'est  un  défaut  dont  il  vous  faut  vous  corriger,  car  c'est  là  l'art 


(1)  Correspondance  de  Napoléon^  8847. 
(î)  Non  retrouvée. 


RÔLES  ASSI0NB8  A  L'BSCADRE  DE  ROOHEFORT.  608 

de$  grands  tuccès  et  des  grandes  affaires.  Je  vous  ai  dit  ma  pensée  en  grand  en 
vous  donnant  des  instructions  pour  Vamiral  Missiessy,  vous  devei  calculer  les 
détails.  S'il  était  possible  de  rester  cinq  ou  six  jours  dans  la  Baltique  (sic)  et 
se  jeter  ensuite  sur  Terre-Neuve,  après  avoir  insulté  V Irlande ^  quelle  confu- 
sion on  jetterait  en  Anglelerre, 
Je  serai  à  Fontainebleau,  mais  pour  vous  seul,  le  20  messidor. 

Napoléon. 
Au  vice 'amiral  Decrès  (1). 

Milan,  le  18  prairial  an  xm  (7  Juin  1805). 

Je  ne  Terrai  pas  d^inconvénient  à  prendre  le  fils  de  Tarn  irai  Linois  dans  ma 
Garde.  Cela  lui  servira  de  petite  compensation.  S'il  s'est  trompé  sur  le  convoi 
de  la  Chine,  ce  n*est  pas  faute  de  bonne  volonté.  Nous  avons  dû  le  blâmer 
publiquement,  pour  que  cela  serve  pour  la  gouverne  de  nos  marins. 

Faites  part  au  prince  de  la  Paix  de  Texpédition  de  la  frégate  pour  Manille. 

Dans  des  circonstances  ordinaires,  nul  doute  que  nous  aurions  gagné  à 
donner  trois  mois  à  réparer  Tescadre  de  Rochefort  ;  mais  vous  savex,  comme 
moi,  qu'il  n'est  pas  question  d'une  longue  campagne  et  qu'il  est  absolument 
nécessaire  que  cette  escadre  soit  en  mer  dans  la  première  quinxaine  de 
messidor. 

Au  reste,  il  me  semble  que  vous  ave2  fait  sur  cela  tout  ce  qui  était  pos* 
sible.  Que  Nelson  n'ait  pas  été  à  la  suite  de  V escadre  française,  cela  ne  m'étonne 
pas,  mais  je  suis  étonné  qu' il  n'ait  pas  été  en  Angleterre  (2).  Toutes  les  proba- 
bilités sont  que,  le  22  mai,  une  escadre  est  partie  pour  les  Indes.  Une  quin- 
zaine de  vaisseaux  sont  prêts  à  partir  ;  j'attends  donc  avec  impatience  d'ap- 
prendre qu'ils  le  sont. 

Vous  devez  vous  souvenir  que  les  vivres  ne  permirent  à  Nelson  d'attaquer 
l'escadre  d'Aboukir  qu'un  mois  après.  Les  Anglais  ne  sont  forts  que  de  notre 

immense (3)  Un  gouvernement  collectif  a  des  idées  moins  simples,  est 

plus  long  à  se  décider. 

Je  suis  bien  aise  d'apprendre  que  Mtssiessy  se  décide  enfin.  Sinon,  le  vieux 
amiral  Rosily  serait  peut-être  bon  pour  cette  expédition.  Tâchez  de  joindre  à 
l'escadre  le  brick  qui  vient  de  faire  le  tour  de  l'Irlande  et  aussi  tous  les  autres 
bricks  que  vous  pourrez  :  1®  parce  que  ce  sont  des  voiles  ;  2®  parce  que  plus 
on  fera  de  prises  sur  les  côtes  d*Irlande,  plus  on  portera  la  crispation  h 
Londres  et  plus  on  obligera  à  suivre  l'escadre;  et  c'est  là  le  but  principal. 
Mon  intention  est  également  de  Taire  faire,  dans  la  première  quinzaine  de  mes* 
sidor,  de  grands  mouvements  au  Texel.  J'y  ai  déjà  7  vaisseaux  réunis,  et  je  ne 
désespère  pas  de  combiner  Vescadre  de  Missiessy  avec  celle  du  Texel,  de  manière 
à  faire  croire  que  Missiessy,  et  peut-être  Villeneuve,  tournent  l'Irlande,  ce 
qui  leur  fera  dégarnir  l'escadre  de  Brest.  Je  suis  sûr  d'avoir  gain  de  cause  si 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8856. 

(2)  Beomonville  a  éerit  le  26  mai  qu'on  croyait  Nelson  rentré  dans  la  Méditerranée. 

(3)  Lacune  dans  la  minute. 


604  TROISIÈME   PARTIE.    —   CHAPITRE  X. 

l'ennemi  n'a  que  22  ou  23  vaisseaux  devant  Brest.  Peut-être  serait-il  néces- 
saire de  faire  rentrer  dans  le  port  2  vaisseaux,  afin  que  cela  les  détermine  plus 
aisément  à  se  diminuer.  Mon  intention  est  que  les  Français,  Génois,  Mahonais 
et  Napolitains  pris  à  bord  du  chebec  anglais  soient  traités  comme  des  forbans  ; 
que  le  capitaine,  s'il  n*est  point  Anglais,  soit  fusillé,  et  les  autres  condamnés 
et  conduits  aux  galères  sous  bonne  escorte  à  Rochefort.  Je  dis  à  Rocbefort 
parce  qu'ils  auront  plus  de  peine  à  se  sauver  des  galères  de  Rochefort  que 
de  celles  de  Toulon.  Faites  passer  cette  lettre  au  général  Marmont. 

Napoléon. 
Au  Wce-am/ra/  Decrôs  (1). 

Milan,  le  19  prairial  an  xui  (8  juin  1805). 
Monsieur, 

Il  paraît  que  les  Anglais  croient  l'amiral  Villeneuve  destiné  pour  les  Indes. 
La  réjouissance  qu'ils  ont  faite  parait  avoir  pour  but  de  faire  parade  de  quelque 
succès  qu'ils  ont  obtenus  contre  Holkar  ;  ipais,  en  réalité,  ce  n'est  que  pour 
rassurer  l'Angleterre  et  pallier  leurs  craintes  sur  le  tort  qu'éprouverait  leur 
crédit  si  une  armée  française  débarquait  aux  Indes.  Vous  avez  bien  prévu  que 
je  consentirais  à  ce  que  l'amiral  Missiessy  partit  un  peu  plus  tard,  plutôt  que  de 
le  laisser  partir  avec  3  vaisseaux.  Tftchez,  au  contraire,  de  joindre  \eSuffren  k 
son  escadre  et  mettez-y  le  plus  de  frégates  possible.  Faites  partir  cet  amiral  le 
plus  tôt  qu'il  le  pourra.  Écrivez-le  lui  d'une  manièi*e  bien  positive. 

C'est  un  homme  assez  actif,  qui  a  besoin  d'instruction  claires  et  fermes. 
Etudiez  les  côtes  d^ Irlande,  Prescrivez-lui  de  faire  entrer  ses  bricks  et  une  ou 
deux  frégates  dans  le  fond  de  quelque  rade  foraine.  Qu'il  se  présente  sur  deux 
points  de  Flrlande.  S'il  pouvait  croiser  six  jours  à  Vembouchure  de  la  Baltique  y 
ce  serait  charmant.  Au  reste,  ces  chances  sont  calculées  sur  la  possibilité  de  le 
réunir  à  t amiral  Villeneuve. 

Pourquoi,  par  exemple,  après  avoir  alarmé  l'Irlande,  ne  se  porterait-il  pas 
à  telle  latitude  derrière  le  Ferrol,  où  Villeneuve  V enverrait  chercher  par  une 
frégate  f  Ou,  dans  les  mois  de  juillet  et  août,  ne  pourrait-on  pas  faire  croiser 
Missiessy  dans  un  tel  espace  de  vingt  lieues  qui  serait  à  peu  près  la  route  de 
Tamiral  Villeneuve  ;  que  celui-ci,  instruit,  y  passât  exprès  et  fit  battre  la  mer 
par  ses  bricks,  pour  se  joindre  à  lui  ?  Mon  but  principal  est  de  le  réunir  à 
l'amiral  Villeneuve  et,  comme  ce  que  f  imagine  est  tout  simple  dans  la  saison 
où  nous  sommes,  je  pense  donc  que  Vamiral  Missiessy,  avec  ses  6  vaisseaux, 
doit  le  plus  tôt  possible  se  rendre  sur  les  côtes  d Irlande,  s'y  montrer  deux  fois, 
la  première  du  côté  sud,  la  seconde  du  côté  nord,  disparaître,  et  tâcher  d'être  le 
\0  thermidor  (29  juillet)  rendu  hors  de  la  route  commune  entre  le  Ferrol  et 
Brest,  plus  près  du  Ferrol,  Villeneuve  et  Gourdon  en  seraient  instruits  et 
feraient  tout  ce  qui  serait  nécessaire  pour  opérer  la  réunion,  11  faut  pour  cela 
deux  choses  :  i®  Faire  aux  Anglais  douze  ou  quinze  prises,  soit  bricks,  soit 
caboteurs,  n'importe  quels  petits  bâtiments,  sur  les  côtes  d'Irlande  ;  2«  Brûler 
ou  mettre  à  son  bord  tout  ce  qui  raisonnerait,  afin  de  ne  pas  laisser  connaître 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8864. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'ESCADRB  DE  ROOHEFORT.  605 

qui  il  est.  On  croira  que  c'est  un  détachement  de  Tamiral  Villeneuve,  comme 
tout  autre  chose. 

J'avais  déjà  les  nouvelles  de  Gorfou  que  vous  m'envoyez  ;  il  est  bien  évident 
que  la  tenue  d'une  armée  de  12,000  hommes  à  Gorfou  doit  les  ruiner. 

J'aurais  une  grande  joie  d'apprendre  que  l'amiral  Gollingwood  doit  aller  à 
Malte  se  combiner  avec  cette  célèbre  armée  russe  ;  rien  ne  pourrait  nous 
arriver  de  plus  heureux  ;  mais  la  responsabilité  des  ministres  est  devenue  si 
grande,  qu'ils  ne  peuvent  pas  ne  pas  l'envoyer  aux  Indes.  Je  le  crois  destiné  h 
prendre  le  Gap.  S'ils  vont  à  Malte,  ils  ne  pourraient  pas  mieux  faire  s'ils  exé- 
cutaient mes  ordres. 

Je  vous  envoie  une  lettre  de  M,  Jérôme,  qui  me  parait  extraordinaire  ;  si 
Ton  ne  s'est  pas  trompé  et  que  l'on  n'ait  pas  pris  des  vaisseaux  marchands 
pour  des  vaisseaux  de  ligne,  ce  qui  arrive  souvent,  ce  ne  peut  être  que  l'escadre 
espagnole  ;  on  bien  Nelson  serait-il  rentré  dans  la  Méditerranée  ?  Tant  mieux. 
Mais  alors,  que  ferait-il  entre  la  Gorse  et  Toulon  ? 

Napoléon. 

Au  général  Marmont,  commandant  le  camp  d'Utrecht  (1). 

Milan,  le  18  prairial  aa  xm  (7  juin  1805). 

Je  donne  ordre  que  deux  compagnies  du  bataillon  du  train  se  rendent  à 
votre  armée  pour  prendre  400  chevaux.  Les  plus  fortes  instances  vont  être 
faites  pour  presser  les  deux  vaisseaux  d'Helvoet-Sluys.  Faites  joindre  le  ?•  et 
exécutez  ponctuellement  ce  que  je  vais  vous  prescrire. 

Que  votre  camp  d'Utrecht  soit  parfaitement  formé  au  15  messidor.  Faites 
tous  les  mouvements  d'embarquement  ;  que  l'escadre  soit  prête  à  sortir  si  les 
Anglais  sont  inférieurs,  ou,  ce  qui  remplira  également  mon  but,  qu'on  les 
tienne  en  alarme  et  qu'on  attire  le  plus  possible  de  leurs  forces.  Faites-moi 
connaître  le  genre  de  mouvement  que  l'escadre  hollandaise  peut  faire  pour 
remplir  ce  dernier  objet.  11  ne  m'est  pas  indifférent  qu'après  le  15  messidor 
vous  teniez  sur  vous  deux  vaisseaux  de  plus  ou  de  moins.  Galculez  tous  vos 
moyens  pour  en  attirer  le  plus  possible. 

Rendez-vous  à  Flessingue,  concertez-vous  avec  Schimmelpenninck  pour  que 
l'escadre  hollandaise  ait  9  vaisseaux  au  lieu  de  7.  Quant  aux  frégates,  ce  n'est 
rien.  Je  vois  que  vous  ne  pouvez  embarquer  que  1400  chevaux  et  vous  en 
avez  davantage. 

Faites-moi  connaître  combien  vous  avez  de  cavalerie  disponible.  Vous  ferez 
d'abord  embarquer  ces  1400  chevaux,  cela  est  suffisant  ;  mais  comme  il  est 
possible  que  les  écuries  reviennent  en  chercher  d'autres,  ayez-en  pour  ce  cas 
encore  1400. 

Je  ne  puis  croire  que  le  3^  bataillon  ne  puisse  servir  que  400  chevaux  ;  mais 
je  crois  que  vous  êtes  bien  aise  d'amener  assez  d'hommes  pour  en  servir  un 
millier;  je  ne  puis  blâmer  cette  précaution.  On  vous  fournira  autant  de  bâti- 
ments légers  qu'il  sera  possible. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8S57. 


606  TROISIÈME  PARTIB.   —   CHAPITRE  X. 

Vous  ne  me  dites  pas  dans  Totre  lettre  combien  vous  avez  d'approvisionne- 
ments, car  ce  n'est  rien  que  de  dire  que  les  approirisionnements  pour 
25,000  hommes  sont  complets  et  de  bonne  qualité.  Faites-moi  savoir  pour 
combien  de  jours  sont  ces  approvisionnements.  Je  pense  qu'il  convient  que  les 
vaisseaux  de  gueire  soient  approvisionnés  de  quatre  mois  de  vivres  pour  les 
équipages  et  de  quinze  jours  pour  les  passagers  et  tout  le  convoi  et  Tarmée.  11 
faut  que  les  écuries  le  soient  de  manière  à  faire  un  deuxième  voyage  sans  ôtro 
obligées  de  faire  de  Teau  et  des  vivres,  et  enOn,  avoir  en  réserve  400,000  rations 
de  biscuit  et  d'eau-de-vie  pour  débarquer  avec  Tarmée.  Ce  n'est  pas  beaucoup 
que  quinze  jours  de  vivres.  Ce  serait  une  ineptie  que  d'en  avoir  moins.  Je 
pense  que  vous  avez  fait  faire  4  ou  S  fours  portatifs  ;  que  vos  soldats  ont  une 
paire  de  souliers  aux  pieds  et  deux  dans  le  sac  ;  et  qu'enfin  vous  embarquerez 
4,000  ou  SfOOO  paires  de  souliers  et  autant  de  fusils  ;  dans  l'embarquement  et 

le  débarquement  on  en  perdra  beaucoup. 

Napoléon. 

Au  vice-amiral  Decrès  (I). 

Milao,  X8  prairial  an  xm  (7  juin  1805). 

Le  général  Marmont  demande  2  frégates  qui  sont  à  Flessingue,  et  2  frégates 
qui  sont  dans  la  Meuse,  pour  les  joindre  à  l'escadre  batave  à  son  départ.  11  fait 
sentir  Timportance  d'avoir  le  plus  de  bâtiments  légers  possible.  Voyez  ce  que 
j'ai  de  disponible  dans  ces  ports  pour  joindre  à  l'escadre  hollandaise.  Le 
général  Marmont  m'assure  qu'elle  est  forte  de  7  vaisseaux  et  3  frégates.  VoiiiV 
déjà  un  résultat.  Ecrivez  à  M.  Schimmelpenninck  et  au  Ministre  de  la  marine 
pour  leur  faire  sentir  l'importance  que  j'attache  aux  vaisseaux  d'Helvoet-Sluys  ; 
que,  s'il  ne  faut  que  des  matelots,  on  les  ait  avant  la  fin  de  messidor  ;  qu'on 
travaille  nuit  et  jour.  Quant  aux  matelots  ce  n'est  point  un  obstacle  sérieux  en 
Hollande;  qu'on  fasse  une  presse  h  Amsterdam.  Enfin,  faites  connaître  que  je 
ne  saurais  me  contenter  de  7  vaisseaux  de  ligne,  lorsque  la  France  et  l'Espagne 
font  tous  les  efforts  possibles. 

Napoléon. 

De  tout  ce  chaos  de  suppositions,  de  projets  contradictoires, 
finit  enfin  par  se  dégager  un  ordre  ferme  qui  eut  sur  la  cam- 
pagne ime  influence  décisive. 

Instructions  pour  le  commandement  de  l'escadre  de  Rochefort  (2). 

Milan,  le  f  0  pndritl  ao  xm  (9  Juin  1805). 

Monsieur (3),  Commandant  l'une  de  nos  escadres, 

Notre  Ministre  de  la  marine  vous  fera  connaître  les  noms  et  l'armement  dos 
vaisseaux  de  tout  rang  (jue  nous  mettons  sous  vos  ordres. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8858. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  8870. 

(3)  En  blanc  dans  la  minute. 


RÔLES  ASSIGNÉS  A  L'bSCADRE  DE  ROGHEFORT.  607 

Notre  intention  est  que  vous  partiez  le  plus  tôt  possible  de  notre  rade  de  rUe 
d'AiXj  et  que  vous  vous  portiez  sur  les  côtes  (t Irlande,  où  Vintérêt  de  nos  opé' 
rations  maritimes  exige  qu'il  soit  fait  tme  diversion  qui  oblige  l'ennemi  à  y 
diriger  une  partie  de  ses  forces  navales. 

Notre  intention  est  que  vous  reconnaissiez  les  côtes  d'Irlande  comme  si  vous 
arriviez  d'Amérique  ;  que  vous  reconnaissiez  le  premier  point  de  ces  côtes  du 
15  au  20  messidor  (4  au  9  juillet),  et  surtout  que  vous  ne  vous  laissiez  ni  ren- 
contrer ni  voir  à  portée  de  ces  côtes  avant  le  15  messidor  {A  juillet). 

Du  moment  que  tous  aurei  appareillé  de  notre  mde  de  l'tle  d'Aix,  tous 
parcourrez  Vespace  de  400  lieues  à  l'ouest  et  croiserex  aux  euTirons  de  ce  méri- 
dien le  nombre  de  jours  nécessaire  pour  n'arriver  sur  les  cAtes  d'Irlande  que 
le  i5  ou  20  messidor. 

Vous  ne  conserverez  aucune  prise  qui  i-etarderait  votre  marche  et  affaiblirait 
vos  équipages.  Vous  brûlerei  ou  coulerez  bas  tout  bAtiment  de  commerce,  soit 
ennemi,  soit  neutre  qui  pourrait  déceler  votre  marche,  et  prendrei  les  équi- 
pages prisonniers  à  votre  bord,  en  recommandant  qu'ils  soient  sévèrement 
tenus.  Si  ce  sont  des  neutres,  vous  traiterez  les  équipages  avec  égards  et 
déolarerei  aux  patrons  que  Je  payerai  la  valeur  des  bMiments. 

Arrivé  à  ladite  époque,  du  15  au  20  messidor,  sur  la  côte  occidentale 
d'Irlande,  vous  tâcherez  d'aborder  aux  environs  de  l'embouchure  du  Shannon, 
plutôt  comme  venant  du  nord  que  comme  venant  du  sud,  c'est-à-dire, 
reconnaissant  plutôt  les  caps  de  la  rive  droite  que  de  la  rive  gauche.  Vous 
croiserez  là  l'espace  de  huit  à  neuf  jours  ;  vous  ferez  entrer  dans  cette  rivière 
vos  petits  bâtiments  et  quelques  frégates,  pour  y  prendre  tous  les  bâtiments 
qui  s'y  trouveraient  et  augmenter  le  plus  possible  le  nombre  de  vos  prises. 

De  là,  vous  vous  porterez  aux  Iles  Clare  ;  vous  tâcherez  de  vous  faire  voir 
près  d'une  autre  baie,  vous  dirigeant  de  manière  à  faire  croire  que  vous  allez 
au  nord  et  que  votre  mission  est  de  doubler  l'Irlande.  Après  quoi  vous  dispa- 
raîtrez au  large  et  prendrez,  par  des  routes  inusitées,  votre  direction  de  manière 
à  être  du  12  <7U  15  thermidor  (29  juillet  au  3  août),  à  40  lieues  à  V ouest  du 
Ferrol,  par  le  43»  32'  de  latitude  et  13»  22'  de  longitude. 

C'est  vers  cette  époque  que  l'armée  navale  combinée  aux  ordres  de  l'amiral 
Villeneuve,  forte  de  20  vaisseaux  de  guerre  et  de  40  à  12  frégates,  se  rendra 
au  Ferrol  et  s'y  réunira  à  l'escadre  du  contre-amiral  Gourdon. 

Du  moment  que  vous  aurez  joint  l'amiral  Villeneuve,  vous  vous  rangerez 
sous  son  pavillon;  cet  amiral,  qui  saura  au  Ferrol  votre  destination,  vous  ira 
chercher. 

S'il  vous  était  impossible  de  vous  trouver  au  \^  thermidor  (3  août)  au  point 
qui  vous  est  désigné,  vous  vous  dirigeriez  sur  le  point  placé  par  les  46*  55'  de 
latitude  nord  et  9®  30*^  de  longitude  occidentale.  Si,  dans  Vune  ou  Vautre  de 
vos  stations,  au  25  thermidor  (13  août),  vous  n'avez  entendu  parler  de  rien, 
vous  vous  approcherez  des  côtes  d'Espagne  ;  vous  arriverez  devant  Vigo  où  vous 
trouverez  des  nouvelles,  ou  peut-être  des  instructions  chez  mon  commissaire 
des  relations  commerciales. 

Si,  lorsque  vous  paraîtrez  à  40  lieues  du  Ferrol,  vous  êtes  certain  que  ce 
port  n'est  point  bloqué  et  que  l'amiral  Villeneuve  n'y  est  pas  encore  arrivé, 
vous  pourrez  entrer  à  la  Corogne  et  vous  joindre  au  contre-amiral  Gourdon^ 
dont  la  division  sera  alors  sous  vos  ordres  (le  plus  ancien  prendra  le  comman* 


608  TROISIÈME  PARTIS.   —  CHAPITRE  X. 

dément  ;  si  c'est  le  capitaine  Allemand  qui  est  chargé  du  commandement  de 
la  diTision,  il  sera  sous  les  ordres  du  contre-amiral  Gourdon)  ;  ce  qui  porterait 
Tos  deux  escadres  réunies  à  20  vaisseaux  de  guerre  et  tous  attendriez  l'arrivée 
de  Tamiral  Villeneuve. 

Mais,  comme  il  ne  faut  point  donner  à  l'ennemi  lieu  d'augmenter  sa  croisière 
du  Ferroly  vous  nétes  autorité  à  y  entrer  qu'après  le  15  thermidor  (3  août). 

Vous  avez  trop  d'expérience  des  mouvements  combinés  pour  ne  point  sentir 
l'importance  de  votre  opération.  Il  est  impossible  que,  croisant  à  Fembou- 
chure  du  Shannon,  vous  ne  preniez  pas  une  grande  quantité  de  bâtiments,  ce 
qui  portera  l'alarme  en  Angleterre  et  obligera  l'ennemi  à  renforcer  sa  croi- 
sière d'Yarmouth  et  de  Boulogne. 

Vous  jetterez  le»  proclamations  irlandaises,  que  vous  trouverez  ci-jointes  ; 
vous  pourrez  même  en  laisser  sur  les  eûtes. 

Dans  votre  nouvelle  croisière  et  sur  les  différents  points  de  votre  mission, 
vous  n'épargnerez  ni  ennemis,  ni  neutres,  ni  Français,  de  manière  que  rien  ne 
puisse  démasquer  votre  croisière. 

Il  sera  possible  que,  dans  la  première  partie  de  votre  mission,  vous  tombiez 
sur  des  convois  anglais  qui  vont  d'Amérique  en  Angleterre  et,  dans  la  seconde 
partie,  sur  ceux  qui  vont  de  Lisbonne  en  Angleterre.  Vous  ferez  en  sorte  d'en 
tirer  tout  le  parti  possible  et  de  faire  le  plus  de  prisonniers  que  vous 
pourrez. 

Si,  par  des  circonstances  imprévues,  vous  communiquez  avec  des  bâtiments 
sans  les  arrêter,  chose  que  je  ne  pourrais  prévoir,  à  moins  que  ce  ne  fussent 
des  bâtiments  de  guerre  suédois  ou  autres  neutres  que  vous  ne  dussiez  pas 
prendre,  vous  vous  ferez  passer  pour  un  détachement  de  l'amiral  Villeneuve. 

Si,  après  le  23  thermidor  (13  août),  il  arrivait,  par  des  circonstances  quel- 
conques, que  Vamiral  Villeneuve  fût  entré  dans  quelqu'un  de  nos  ports  et  que 
vous  n'ayiez  aucune  instruction  à  Vigo,  vous  finiriez  de  consommer  vos  vivres, 
en  croisant  dans  les  parages  où  vous  pourrez  faire  le  plus  de  mal  à  Vennemi,  et 
vous  ne  rentrerez  dans  nos  ports  que  six  jnois  après  votre  départ. 

Si,  au  contraire,  vous  apprenez  qu'une  de  nos  armées  soit  entrée,  soit  en 
Angleterre,  soit  en  Irlande,  vous  tâcherez  de  vous  mettre  en  communication 
avec  elle,  et  vous  ferez  tout  ce  qui  sera  possible  pour  opérer  votre  jonction 
avec  mes  autres  escadres. 

Nous  nous  reposons,  pour  le  succès  de  cette  expédition,  sur  votre  zèle,  sur 
votre  bravoure  et  sur  votre  attachement  â  notre  personne. 

Napoléon  (1). 


(1)  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  comparer  la  date  admise  par  l'Empereur  ponr  rarrivée 
probable  de  Villeneuve  devant  le  Ferrol  avec  celle  que  prévoyait  Decrès  et  qui  se  réalisât 
d'ailleurs,  puisque  Villeneuve,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  agit  comme  s'il  avait  reçu  l'ordre  de 
revenir  immédiatement  en  Europe. 


RÔLES   ASSIGNÉS  A  i/eSCADRE  DE  ROCHEFORT.  609 


Au  contre-am/ra/  Gourdon,  oommsindant  une  escadre  de  Sa  Majesté, 

au  Ferrol  (1). 

I>e  t\  prairial  an  xiii(10  juin  1805). 

Par  une  dépêche  antérieure,  Monsieur  le  Contre-Amiral,  je  vous  avais  pré- 
venu que  Tarmée  qui  doit  tous  débloquer  viendrait  du  Nord. 

Je  vous  ai  informé  depuis  que,  si  vous  n'étiex  pas  débloqué  le  15  prairial, 
vous  le  seriez  probablement  à  la  fin  de  messidor,  mais  que,  dans  ce  cas,  ça  ne 
serait  plus  du  nord  qu\in*iverait  Tarmée  h  laquelle  vous  devez  vous  réunir. 

Cette  hypothèse  de  la  direction  des  flottes  se  trouve  fixée  aujourd'hui.  Je 
vous  ai  prévenu,  tous  les  paquets  de  rendez-vous  à  décacheter  en  cas  de  sépa- 
ration, qui  vous  ont  été  adressés  jusqu'à  ce  jour,  sont  sans  objet  ;  et  je  me 
présume  que,  déjà,  vous  me  les  avez  renvoyés,  comme  je  Tai  prescrit  par  ma 
lettre  du  2  du  mois  dernier. 

Maintenant  que  le  système  dos  opérations  auxquelles  les  escadres  du  Ferrol 
sont  appelées  à  concourir  est  fixé,  je  vais  entrer  avec  vous  dans  de  plus  grands 
détails. 

L'armée  combinée,  de  20  vaisseaux  de  ligne  et  10  frégates,  a  dû  partir  de  la 
Martinique  dans  les  premiers  jours  de  messidor  (19  juin).  Elle  a  ordre  de  se 
porter  sur  le  Ferrol,  où  Ton  peut  calculer  son  arrivée  pour  les  dix  ou  douze 
premiers  jours  de  thermidor  (20  au  31  juillet). 

Aussitôt  qu'elle  paraîtra,  ou  qu'une  de  ses  frégates  vous  aura  prévenu  de  son 
approche,  l'escadre  sous  votre  commandement,  et  celle  aux  ordres  de  M.  de 
Grandellana,  doivent  appareiller  pour  se  joindre  à  elles  avec  le  moins  de  délai 
possible. 

Cependant,  vous  aurez  soin  de  combiner  votre  appareillage  sur  le  mouve- 
ment et  la  situation  des  vaisseaux  anglais  qui  pourront  alors  être  sur  le 
Ferrol,  car  si  ces  vais<^aux  paraissaient  avoir  une  sécurité  qui  donnât  l'espoir 
de  les  voir  surprendre  par  l'armée  combinée,  vous  devriez  éviter  toute  ma- 
nœuvre qui  les  éloignerait  ;  et  si,  au  contraire,  ils  se  trouvaient  en  calme  ou 
en  situation  d'être  avantageusement  chassés  par  vous,  vous  ne  devriez  hésiter 
à  faire  en  sorte  de  les  engager  pour  qu'ils  ne  puissent  échapper  ;  aussitôt  que 
les  escadres  du  Ferrol  auront  rallié  l'armée  combinée,  celle  de  Sa  Majesté 
Catholique  se  rangera  sous  le  pavillon  de  l'amiral  Grayina  et  celle  de  l'Empe- 
reur sous  celui  de  l'amiral  Villeneuve,  qui  aura  le  commandement  général  de 
toute  l'armée  combinée  ;  par  cette  réunion,  l'armée  se  trouvera  forte  de 
32  vaisseaux  de  ligne,  10  frégates  et  plusieurs  corvettes  ;  elle  doit  aussitôt  se 
porter  sur  Brest,  oà  Vamiral  Ganteaume  commande  21  vaisseaux  de  guerre  et 
prêt  à  appareiller  poiu*  se  réunir  à  elle  et  entrer  dans  la  Manche  ;  vous  conce- 
vrez, Monsieur  le  Contre-Amiral,  combien  l'exécution  de  ce  plan  exige  que  les 
forces  navales  qui  sont  au  Ferrol  soient  disposées  à  mettre  sous  voiles  aussitôt 
que  l'armée  combinée  paraîtra. 
Vous  m'observez,  dans  votre    dépêche   du  7   prairial,   que   la  rade  de  la 


(l)  Archives  de  la  Marine,  BB»',  Î89. 

IV.  30 


610  TROÏSIBMB  PARTIE,  —  GHAPITR»  X- 

Gorogne  a  rinconTénient  de  ne  pouvoir  contenir  les  deux  divisions  qui  sont 
au  Ferroi,  et  que  cq  qui  est  hors  de  la  rade  serait  exposa  à  une  attaque  de 
Tennemi. 

Je  ne  puis  que  regretter  que  vous  ne  me  fassiez  pas  connaître  combien  cette 
rade  peut  réellement  contenir  de  vaisseaux  à  Tabri  d'une  attaque. 

On  m'a  rendu  compte  que,  dans  un  temps  où  TEspagne  en  paix  n'avait 

point  armé  ses  rabatteurs,  le (i)  était  mouillé  avec  4  vaisseaux,  entrer  les 

forts  Saint-Antoine  et  Saint- Vigo,  et  avait  place  pour  4  vaisseaux,  ce  qui  aurait 
porté  le  nombre  à  8. 

Aujourd'hui  que  l'Espagne  a  probablement  armé  cette  baie,  que  le  fort 
Sainte-Croix  doit  être  en  état  de  défense,  qu'on  peut  avoir  placé  des  batteries 
sur  les  pointes,  il  me  semble  que  la  rade  de  la  Gorogne  a  acquis  une  grande 
extension. 

Dbcrès. 

Au  Wœ-am/ra/  Decrôa  (2). 

Milan,  le  fO  prairial  an  un  (0  juin  1806). 
Monsieur, 

Je  reçois  Totre  lettre  du  i5  prairial,  8  heures  du  soir,  et  celle  du  {Q.  Tout 
me  porte  h  penser  que  les  Anglais  ont  enfin  expédié  |Si  vaisseaux  aux  Grandes 
Indes,  du  moment  où  ils  ont  appris  que  l'amiral  Cocbrane  était  arrivé  h  la 
Barbade,  et  que  notre  escadre  était  partie  de  ces  parages  quinne  jours  avant. 
La  prompte  rentrée  de  Tescadre  de  Rochefort  a  eu  cela  d'heureux,  qu'elle  a 
ôté  toute  idée  de  réunion  des  deux  escadres.  L'esc^adre  de  Taroiral  Orde  a  été 
tout  entière  devant  Brest;  il  n'a  jamais  eu  que  3  vaisseaux  de  74;  le  reste 
est  de  64  ou  50.  Il  est  très  incertain  de  savoir  ce  qu'a  fait  Nelson  ;  il  serait 
très  possible  que  \e$  Anglais,  ayant  envoyé  15  vaisseaux  aux  Grande^  Indes, 
armés  et  équipés  h  neuf,  eussent  fait  partir  en  môme  temps  Nelson  pour  TAmé^ 
rique.  Je  suû  d'opinion^  cependant,  que  Nelson  e$t  encore  danf  les  vmts  dEi^ 
rope.  Le  sentiment  le  plus  naturel  est  qu'il  devrait  être  resté  en  Angleterre 
pour  se  ravitailler  et  verser  ses  équipages  sur  d'autres  bâtiments;  car  ses  vais- 
seaux ont  besoin  d'entrer  danii  le  bassin,  et  son  escadre  peut  ôti*e  considérée 
comme  étant  en  très  mauyais  état.  Je  pense  que  Tamiral  GolUngwood  n'est 
parti  pour  sa  destination  que  le  SI  mai.  L^ encadre  de  l'amiral  Gochrane  est 
dans  le  plus  mauyais  état;  je  ne  doute  pas  qu'il  ne  s^ourne  à  la  Jamaïque 
pour  s'y  réparer  et  se  ravitailler. 

Je  vois  avec  plaisir  le  bon  état  de  Toscadre  du  Ferrol  et  la  bonne  situation 
de  ses  approvisionnements. 

Il  paraît  que  le  Ferrol  n'eit  point  bloqué  ;  ainsi  Villeneuve  n'aura  là  aucune 
espèce  de  combat  à  essuyer.  Il  parait  que  le  oontre^amiral  Gourdon  a  besoin 
de  courriers;  éorives-lui  par  des  courriers  extraordinaires  qu'il  gardera,  et  du 
retour  desquels  il  profitera  pour  vous  donner  des  nouvelles* 


(1)  Lacune  dans  la  minute. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  8871. 


RÔLES  A8SI0NÉS  A  L*BSCADRE  DE  ROGHBFORT.  611 

Faites-lui  connaître  que  J'ai  demandé  h  TEspagne  d'augmenter  l'escadre  du 
Ferrol  et  de  la  porter  jusqu'à  10  Taisseaux.  Il  serait  peut-être  conTenable  de 
charger  un  transport  de  farine,  lequel  en  porterait  quelques  sacs  à  chaque 
Taisseau  de  Tamiral  YilleneuTe  ;  car  ma  crainte  est  que,  s'il  n'a  pas  Técu  à  la 
Martinique  sur  le  Journalier,  il  ne  manque  de  Titres.  Je  ne  puis  que  tous 
réitérer  ce  que  Je  crois  tous  aToir  déjà  dit,  do  tenir  en  règle  et  d'approvi- 
sionner de  Tivres  les  deux  frégates  ou  au  moins  une,  afin  de  pouToir  y  verser 
les  équipages,  si  quelque  bâtiment  de  l'escadre  était  obligé  d'entrer  dans 
le  port. 

Venons  aux  opérations  de  V  escadre  de  Roche  fort  :  les  Anglais  détacheront, 
sans  nul  doute,  quelques  vaisseaux  pour  courir  sur  cette  escadre;  mais  ils  ne 
rentreront  pas  à  Ouessant.  Votre  défaut  est  de  calculer  comme  si  les  Anglais 
étaient  dans   le  secret;  il  faut  calculer  comme  doit  le  faire  V Amirauté  : 
100,000  hommes  sont  à  Boulogne  ;  7  vaisseaux  de  guerre  sont  au  Texel  avec 
une  armée  de  30,000  hommes,  et  une  escadre  de  ^  vaisseaux  de  guerre  est 
dans  le  port  de  Brest,  Il  peut  arriver  que  Vescadre  de  l'amiral  Villeneuve 
revienne  brusquement  sur  V Europe;  mais  aussi  elle  peut  aller  aux  Indes  ou  à 
la  Jamaïque  ;  et  quelle  immense  responsabilité  pèse  sur  la  tête  de  ces  ministres, 
s'ils  laissent  passer  trois  ou  quatre  mois  sans  envoyer  des  forces  au  secours 
de  ces  colonies  !  Les  Anglais  doivent  donc  envoyer  une  escadre  à  la  suite 
de  Vomirai  Villeneuve,  Le  parti  qu'ils  ont  pris  d'en  envoyer  une  aux  Indes, 
dès  qu'ils  ont  su  l'arrivée  de   l'amiral    Cocbrane  aux  lies  du  Vent,   prouve 
qu'ils  n'ont  pas  de  doute  que  Villeneuve  soit  allé  là.  Si  j'étais  dans  l'Amirauté 
de  Londres,  il  me  semble  que  j'aurais  envoyé  quelques  escadres  légères  aux 
Indes  et  en  Amérique  et  que  j'aurais  préparé  une  forte  escadre  d'une  vingtaine 
de  vaisseaux,  que  je  n'aurais  expédiée  qu'au  moment  où  j'aurais  été  certain  de 
la  destination  de  l'amiral  Villeneuve.   Dans   la  seconde  hypothèse,  j'caurais 
craint  aussi  le  brusque  retour  de  l'amiral  Villeneuve  sur  l'Angleterre,  sa  réu- 
nion avec  Tescadre  de  Brest  sans  passer  pîir  le  Ferrol  ;  et,  dès  lors,  je  n'aurais 
laissé  qu'une  légère  croisière  au  Ferrol  pour  maintenir  une  plus  grande  force 
devant  Brest,  Mais  j'aurais  pu  craindre  aussi  que  l'escadre  ennemie  vint  au 
Ferrol,  et,  forte  de  35  vaisseaux,  fît  le  tour  de  l'Irlande  pour  se  joindre  à 
l'escadre  du  Texel  ;  ou  que,  sans  passer  devant  Brest,  ni  au  Texel,  elle  vint, 
par  le  chemin  le  plus  droit,  reconnaître  la  Norwège  et  se  laisser  affaler  sur 
Boulogne.  Ces  craintes  se  seraient  changées  en  certitude  et  auraient  acquis  un 
grand  poids  le  jour  où  j'aurais  appris  que  6  vaisseaux  sont  sur  les  côtei*  d'Ir- 
lande. Qu'ont*-ils  été  faire  là?  Evidemment  se  réunir  à  une  autre  escadre 
française,  ou  bien  faire  route  pour  les  Orcades.  La  moindre   chose  à  faire 
aurait  donc  été  de  tenir  5  ou  6  vaisseaux  et  frégates  sur  la  côte  d'Irlande  pour 
éclairer  et  être  promptement  instruit  de  tout  ce  qui  se  passe,  et  pouvoir  se 
porter  à  Yarmouth  pour  renforcer  la  croisière  anglaise.  Si  l'Angleterre  est 
pénétrée  du  jeu  sérieux,  qu'elle  joue,  elle  doit  débloquer  Brest  ;  mais  je  ne  sais 
pas,  en  vérité,  quelle  espèce  de  précaution  elle  peut  prendre  pour  se  mettre  à 
l'abri  de  la  terrible  chance  qu'elle  court.  Une  nation  est  bien  folle  lorsqu'elle 
n'a  point  de  fortifications,  point  d'armée  de  terre,  de  se  mettre  dans  le  cas  de 
voir  arriver  dans  son  sein,  une  armée  de  100,000  hommes  d'élite  et  aguerris. 
Voilà  le  chef-d'cnivre  de  la  flottille  !  Elle  coûte  de  l'argent,  mais  il  ne  faut  être 
maître  de  la  mer  que  six  heures  pour  que  l'Angleterre  cesse  d'exister.  Il  n'y  a 


612  TROISIÈME  PARTIE.    —   CHAPITRE  X. 

point  de  pécheur,  pas  de  mauvais  gazetier,  pas  de  femme  à  sa  toilette,  qui  ne 
sache  quMl  est  impossible  d'empêcher  une  escadre  légère  d^arriTer  devant 
Boulogne.  Quant  à  moi,  j'en  suis  tellement  convaincu  que  Je  ne  doute  pas  que 
les  6  Taisseaux  de  Tescadre  de  Rochefort  en  tournant  Tlrlande,  avec  quelques 
chances  heureuses,  sous  pavillon  anglais,  n'arrivent  devant  Boulogne. 

Faites  mettre  dans  les  journaux  de  Hollande  un  article  contre  le  système  de 
blocus  ;  faites-y  sentir  que  nous  sommes  sortis  de  Brest  quand  nous  Tavons 
voulu  ;'que  Bruix  est  sorti  tel  jour,  Morard  de  Galle  tel  jour,  Ganteaume  tant 
de  fois  ;  que  dans  sa  dernière  sortie  à  Bertheaume  rien  ne  Tempéchait  de 
sortir,  et  que  Tescadre  le  savait  tellement,  qu'elle  mit  à  la  voile  ;  qu'il  est  donc 
impossible  de  bloquer  le  port  de  Brest,  surtout  au  mois  de  septembre  et  d'oc- 
tobre. Cet  article  fera  sentir  que  nous  ne  voulons  pas  sortir,  mais  tenir  l'en- 
nemi en  échec. 

Appreneï-moi  que  le  Suffren  est  à  l'Ile  d'Aix  ;  qu'on  désarme,  s'il  le  faut, 
une  frégate  et  les  bâtiments  gardes-côtes,  et  que,  vingt-quatre  heures  après 
l'arrivée  de  votre  courrier,  le  Suffren  soit  à  la  voile  pour  l'Ile  d'Aix. 

Napoléon. 
Au  vice'àmirRl  Decrès  (i). 

Château  de  Montironc,  Î5  prairial  an  xiii  (14  juin  1805). 

Monsieur, 

J'ai  reçu  votre  lettre  du  20  prairial  matin.  Toutes  les  nouvelles  qui  me 
reviennent  me  porteraient  à  penser  que  les  Anglais  sont  dans  la  Méditerranée. 
Il  paraît  que,  depuis  la  rentrée  de  l'escadre  de  Rochefort,  l'escadre  sous  les 
ordres  de  l'amiral  CoUingwood,  composée  de  6  vaisseaux  pris  en  Angleterre, 
et  6  vaisseaux  de  l'escadre  devant  Brest,  a  filé  vers  les  Indes  orientales.  Je  ne 
sais  point  où  est  Nelson  Je  le  crois  retourné  en  Angleterre  ou  dans  la  Médi- 
terranée, Ses  vaisseaux  sont  hors  d'état  de  faire  de  grandes  expéditions  et  ses 
équipages  sont  extraordinairement  fatigués.  Il  sera  bien  possible  que,  lorsque 
les  Anglais  sauront  Villeneuve  arrivé  en  Amérique,  ils  craignent  son  retour 
par  les  Orcades,  et  que  cela  les  oblige  î\  tenir  une  réserve  aux  Dunes  ;  ce  qui 
permet  d'espérer  qu'ils  auront  au  plus  20  vaisseaux  devant  Brest.  La  croisière 
que  fai  ordonnée  à  V escadre  de  Rochefort  fera  des  miracles  ;  par  Dieu,  faites 
qu'elle  parte  !  L'incertitude  et  la  confusion  où  est  l'Amirauté  de  Londres  res- 
sortent  de  toutes  parts  :  ordres  et  contre-ordres  et  la  plus  grande  indécision, 
voilà  son  état  actuel.  Soyez  bien  tranquille  sur  la  crainte  que  l'ennemi  tente 

rien  dans  l'île  d'Aix.  ...      3,     .       j 

l 'Angleterre  n'est  pas   aujourd'hui  dans  une  position  à  rien  donner  au 

hasard.  Rien  n'est  si  fou  que  le  projet  de  l'attaque  d'une  escadre  française  à 

l'île  d'Aix.  Je  suis  fâché  de  vous  voir  ces  idées. 
Rien  n'empêche  cependant  que  vous  écriviez  au  général  de  terre,  non  pas 


(l)  Correspondance  de  Napoléon»  8802. 


RÔLES  ASSIGNÉS  Â   L'ESGADRE  DE  KOGHEFORT.  613 

pour  lui  communiquer  vos  alarmes,  mais  pour  lui  recommander  de  veiller  au 
ravitaillement  et  k  la  défense  de  cette  lie,  puisque  la  sûreté  d'une  escadre 
française  en  dépend.  Écrivez  à  cet  ofûcier  de  manière  à  ne  point  lui  donner 
d'inquiétudes,  car  Talarme  abat  les  esprits  et  paralyse  le  courage.  Que  diable 
Toulei-Yous  qu'une  escadre  de  5  vaisseaux,  ayant  de  la  poudre,  des  munitions, 
étant  protégée  et  pouvant  faire  le  coup  de  fusil,  ait  à  craindre  à  Tile  d'Aix  ? 

Je  vous  envoie  la  lettre  de  l'amiral  Missiessy.  Il  répond  d'une  manière 
pitoyable  à  tous  les  reproches  que  vous  lui  faites  ;  il  n'a  pas  pris  le  Diamant 
parce  qu'il  n'avait  point  d'instructions  pour  cela.  En  vérité,  on  ne  peut  que 
hausser  les  épaules;  parce  qu'il  aurait  eu  des  avaries  dans  ses  agrès,  qu*il 
aurait  perdu  vingt-quatre  heures  à  réparer  ;  on  ne  peut  encore  que  hausser 
les  épaules  d'une  pareille  raison  et  n'avoir  que  bien  peu  d'espérance  d'un 
homme  qui  dit  de  pareilles  bêtises.  Sans  doute  que,  pour  cette  attaque,  une 
frégate  et  deux  bricks  auraient  sufQ,  et  la  frégate  aurait  pu  supporter 
le  premier  feu.  Ce  rocher  sera  un  monument  éternel  de  honte  pour  cette  expé- 
dition. 

Non  seulement  je  suis  mécontent  de  la  précipitation  avec  laquelle  il  a  aban- 
donné Santo-Doroingo,  mais  encore  de  ce  qu'il  n'y  a  point  laissé  un  ou  deux 
bricks,  lorsque  le  général  Ferrand  lui  a  dit  qu'un  seul  misérable  brick  anglais 
le  désolait  ;  que,  lorsqu'à  sa  vue  ce  brick  a  été  arrêter  des  neutres  et  assurer  son 
pavillon  à  la  vue  de  l'escadre,  qu'il  croyait  anglaise,  il  n'a  pas  fait  le  signal  à 
un  de  ses  vaisseaux  de  le  prendr^  S'il  a  manqué  de  vivres,  c'est  qu'il  a  mal 
navigué,  qu'il  s'est  trop  élevé  ;  s'il  n'avait  point  fait  de  fausse  navigation,  avec 
ses  5  vaisseaux  de  marche  si  bonne  et  si  rapide,  il  serait  arrivé  15  ou  20  jours 
plus  tôt. 

Quant  h.  l'article  du  Roseau  et  de  Saint-Christophe,  ses  raisons  sont  encore 
plus  pitoyables.  U  a  été  huit  jours  devant  le  Roseau  ;  c'est  bien  plus  de  temps 
qu'il  ne  fallait  pour  embarquer  l'artillerie:  Il  ne  fallait  pas  se  tenir  à  iO  lieues 
en  mer,  et,  si  cette  précaution  était  nécessaire,  il  pouvait  laisser  au  Roseau  un 
brick  qu'il  aurait  chargé  de  cette  opération.  Il  y  a  les  mêmes  reproches  à  lui 
faire  sur  l'Ile  Saint-Christophe.  Les  habitants  lui  ont  offert  plusieurs  millions 
de  marchandises  sur  quelques  bfttiments  de  transport,  il  n'en  a  pas  voulu.  S'il 
n'eût  pas  craint  de  perdre  soixante- douze  heures  pour  embarquer,  il  eût  fait 
beaucoup  de  mal  à  l'ennemi  et  enrichi  son  escadre. 

La  Martinique  et  la  Guadeloupe  n'étaient  pas  des  points  de  dépôt  assez  éloi- 
gnés. 

Quant  à  Santo-Domingo,  il  ne  devait  pas  y  rester  un  mois  ;  mais  il  pouvait 
y  rester  quatre  jours  et  y  laisser  des  bricks,  et  même  une  frégate,  puisque  cela 
était  nécessaire  au  salut  de  cette  colonie  et  de  quelques  malheureux  Français. 

Enfin  j'ajouterai  que  Fescadrç  a  rencontre  plus  de  40  convois,  qu'elle  n'en  a 
chassé  aucun,  et  que,  s'il  n'a  pas  enrichi  ses  équipages,  c'est  qu'il  ne  l'a  pas 
voulu,  et  cela  par  son  excessive  pusillanimité  et  peut-être  une  extrême  igno- 
rance et  inhabitude  du  commandement. 

On  dit  beaucoup  de  bien  du  capitaine  Trullet,  officier  de  cette  escadre  ; 
on  en  dit  encore  davantage  du  capitaine  du  pavillon  de  l'amiral  Missiessy, 
Willaumez,  frère  de  celui  que  j'ai  fait,  il  n'y  a  pas  longtemps,  contre-amiral.  Il 
ne  faut  pas  se  le  dissimuler,  il  faut  que  je  choisisse  désormais  mes  amiraux 
parmi  de  jeunes  officiers  de  trente-deux  ans,  et  j'ai   assez  de  capitaines  de 


614  TROISIÂIIB  PARTIE.   —  CHAPITRE  X. 

frégate  qui  ont  dix  ans  de  bonne  naiigation  pour  en  choisir  six  auxquels  je 
pourrai  confier  des  commandements. 

Le  général  Lagrange  m'a  dit  que  le  capitaine  Willaumei  letait  les  épaules 
quatre  fois  par  jour  des  manœuTres  fausses  qu'ordonnait  Tamiral  Missiessr,  et 
de  ce  qu'il  ne  faisait  pas  ce  qu'il  devait  faire.  Dans  le  fait,  en  y  réfléchissant, 
Missiessy,  Rosily,  sont  des  hommes  qui  n'ont  commandé  que  des  frégates,  qui 
ont  l'inconvénient  de  l'âge  et  qui  en  savent  moins  que  beaucoup  de  nos  jeunes 
officiers.  Présentes-moi  une  liste  de  choix  de  six  jeunes  officiers  de  marine, 
commandant  des  vaisseaux  ou  des  frégates,  ayant  moins  de  trente-cinq  ans, 
les  plus  capables  d'arriver  à  la  tète  des  armées.  Mon  intention  est  de  les  avan- 
cer et  de  les  pousser  par  tous  les  moyens. 

En  attendant,  faites  partir  l'escadre  de  Roohefort,  soit  avec  Missiessy,  soit 
avec  tout  autre,  et  développes-lui  bien  que  son  but  est  de  faire  à  l'ennemi  le 
plus  de  mal  possible. 

Je  vois,  dans  un  extrait  de  journaux  anglais,  toute  l'instruction  donnée  à 
Missiessy  ;  je  serais  porté  à  croire  que  c'est  le  général  Prévost  qui  en  a  instruit 
son  gouvernement.  Il  paraîtrait  donc  concevable,  probable,  que  cette  instruc- 
tion a  été  livrée  par  quelques  individus  qui  environnent  le  général  Villaret. 
J'espère  que  Villeneuve  ne  communiquera  pas  les  siennes  à  ce  capitaine- 
général.  Ce  serait  un  très  grand  malheur  ;  car  il  parait  qu'il  est  fort  mal 
entouré  et  qu'il  a  autour  do  lui  un  tas  de  petits  gueux  qui  vendent  ses  secrets 

aux  ennemis. 

Napou^On. 

Les  ordres  du  9  juin  furent  transmis  à  Rochefort  sous  la 
forme  suivante  : 


A  M.  le  contre-amiral  Missiessy  (1). 

Paris,  le  30  prairial  an  xm  (19  joiti  1805). 

Monsieur  le  Contre-Amiral, 

Sa  Majesté  a  décidé  que  les  vaisseaux,  le  Majestueux^  le  Jemmapes,  le  Magna- 
nime, le  Suffren,  le  Lion,  la  Gloire,  V Action,  formeront  une  division  sous  vos 
ordres,  laquelle  doit  être  munie  de  sept  mois  de  vivres,  autant  que  chacun  de 
ces  bâtiments  pourra  en  porter.  L'intention  de  l'Empereur  est  que  cette  divi- 
sion appareille  sous  votre  commandement,  aussitôt  que  les  vents  le  permet- 
tront et  que  la  présence  de  l'ennemi  ne  s'opposera  pas  à  sa  sortie.  L'objet  de 
votre  mission  est  de  telle  nature,  qu'il  demande  que  tous  les  bâtiments  que  je 
viens  de  vous  indiquer  fassent  partie  de  la  division  que  Sa  Majesté  vous 
confie. 

Cependant,  comme  son  succès  tient  aussi  à  ce  que  vous  n'ayez  point  de  bâti- 
ments trop  mauvais  voiliers,  s'il  résulte  de  la  connaissance  que  vous  avez  de 


(1)  Archivei  de  la  Marine,  BBt^,  tti. 


RÔLBS  AB810NÉS  A  l'ESOADRB  DE  ROCHEFORT.  615 

la  marche  des  bricks,  que  Tun  d'eux  doit  retarder  celle  de  la  diyision,  tous 
êtes  autorisé  à  ne  point  Temmeher  avec  tous  et  à  le  laisser  en  fade  de  Tile 
d'Aix,  ce  dont  tous  me  rendrez  compte  sans  délai.  Je  dois  voui  préyenir  aussi 
que  le  vaisseau  le  Rigulus  a  reçu  Tordre  de  se  rendre  à  Tlle  d'Aix  pour  faire 
partie  de  la  division  sous  votre  commandement  ;  et  vous  devrez  correspondre  ; 
chaque  courrier,  tant  avec  le  vice-amiral  Thévenard  qu^avec  lé  CApitAine  qui  le 
commande^  pour  les  tenir  informés,  soit  de  la  présence  et  des  mouvements  de 
Tennemi,  soit  de  son  absence^  s'il  n'est  pas  signalé. 

Cependant,  iil  se  présentait  une  occoiion  favorable  pour  apparetltet,  avant 
que  ce  vaisseau  vous  eût  rallié^  vous  devriez  la  saisir  sans  délai  et  sans  attendre 
d'autres  ordres. 

Le  paquet  ci-joint  renferme  vos  instructions^  et  vous  ne  les  décacheterez 
qu'au  moment  de  mettre  sous  voiles  et  assez  à  temps  pour  donner,  aux 
commandants  des  bâtiments  sous  vos  ordres,  des  paquets  de  rendez-vous  très 
forts  et  scellés  de  5  cachets,  et  à  décacheter  seulement  en  cas  de  séparation. 
Vous  deveSi  M*  le  Contre-Amiral,  presser  de  tous  les  moyens  possibles  et  de 
toute  votre  activité  ce  qui  reste  à  pourvoir  de  réparations  et  d'approvisionne- 
ments dans  la  division. 

Si  i'oocasion  du  départ  se  présentait  et  qu'il  n'y  eût  que  quelques  bricks  qui 
ne  fussent  pas  prêts,  vous  ne  les  attendriez  pas,  et  vous  saisirez  cette  occasion 
pour  appareiller,  car  Sa  Majesté  met  un  tràs  grand  intérêt  à  ce  qu'il  ne  soit 
pas  perdu  un  instant  pour  entreprendre  la  mission  qu'elle  vous  confie. 

Vous  devez  cependant  observer  que  son  succès  tient  à  ce  que  vous  n'ayiez 
pas  en  sortant  un  combat  dont  le  résultat  pourrait  être  de  vous  forcer  de  ren- 
trer. Ainsi,  en  même  temps  que  je  vous  recommande  de  saisir  la  première 
occasion  qui  vous  permettra  de  sortir,  je  ne  vous  recommande  pas  moins  de 
ne  le  faire  qu'autant  que  vous  aurez  la  probabilité  de  n'avoir  pas  à  éprouver 
un  engagement  qui  vous  ferait  manquer  l'expédition.  Il  no  devra  être  embar- 
qué, par  la  division  des  troupes  régimentaires,  que  ce  qu'il  faut  pour  mettre 
vos  équipages  au  complet. 

Tels  sont,  Monsieur  le  Contre-Amiral,  les  ordres  définitifs  de  l'Empereur  ; 
vous  n'en  avez  pas  d'autres  à  attendre  pour  mettre  sous  voiles,  dès  que  la 
division  sera  prête  et  que  les  circonstances  le  permettront. 

Jusqu'à  son  départ,  il  ne  doit  pas  être  omis  de  me  rendre  compte,  chaque 
courrier,  de  tout  ce  qui  est  relatif  k  cette  division. 

Votre  expérience  acquise,  et  la  confiance  dont  Sa  Majesté  vous  honore,  lui 
font  désirer  que  vous  puissiez  en  conserver  le  commandement. 

Mais  si  votre  santé  ne  s'est  point  améliorée  ;  si  en  ce  moment  vous  ne  vous 
jugez  pas  en  état  d'entreprendre  cette  expédition,  Sa  Majesté  vous  autorise  à 
prendre  le  congé  dont  vous  aurez  besoin  pour  votre  rétablissement.  Et,  dans 
ce  cas,  l'Empereur  ayant  fait  choix  du  capitaine  Allemand  pour  vous  rem- 
placer ;  Sa  Majesté  lui  confie  celui  de  la  division  composée  des  bâtiments  ci- 
dessus  désignés.  Ce  capitaine  restera  chargé  de  leur  exécution,  et  considérera 
les  instructions  comme  lui  étant  adressées  personnellement. 

Recevez,  Monsieur  le  Contre-Amiral, 

l'assurance  de  mes  sentiments  inviolables. 

DEGRiS. 


616  TROISIÈME  PAETIE.   —  CHAPITRE  X. 

A  M.  Allemand,  capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  vaisseau 
le  u  Magnanime  »,  en  rade  de  l'île  d'Aix  (i). 

Paris,  le  30  prairial  an  xui  (19  juin  1805). 
Monsieur  le  Commandant, 

Sa  Majesté,  informée  du  mauvais  état  de  la  santé  du  contre-amiral 
Missiessy,  a  prévu  le  cas  où  il  serait  impossible  à  cet  officier  général  de  con- 
server le  commandement  de  la  division  mouillée  en  rade  de  TUe  d'Aix. 

Sur  le  rapport  fait  à  l'Empereur  de  \os  services  et  de  vos  talents.  Sa  Majesté  a 
fait  choix  de  vous  pour  remplacer  le  contre-amiral  Missiessy  dans  le  comman- 
dement qu'elle  lui  avait  confié  ;  en  conséquence  cet  officier  général  a  Tordre  de 
vous  remettre,  avec  cette  dépêche,  le  commandement  de  la  division  et  de  vous 
reconnaître  comme  son  commandant.  Vous  porterez  votre  guidon  à  bord  du 
vaisseau  de  Sa  Majesté,  le  Majestueux,  et  ce  mouvement  donnant  lieu  i\ 
diverses  autres  dispositions,  elles  sont  Fobjet  d'une  lettre  spéciale  jointe  à 
celle-ci. 

Le  contre-amiral  Missiessy  vous  remettra  en  même  temps,  avec  des  instruc- 
tions cachetées  qui  ne  doivent  être  ouvertes  qu'au  moment  de  votre  appareil- 
lage, une  dépêche  par  laquelle  je  lui  transmets  les  ordres  définitifs  de  Sa 
Majesté  pour  le  départ  de  la  division. 

Cette  dépêche  et  ces  instructions,  qui  vous  seront  remises  par  le  contre- 
amiral  Missiessy,  doivent  être  considérées  par  vous  comme  si  elles  vous  avaient 
été  personnellement  adressées,  et  vous  serez  chargé  et  responsable  de  leur 
contenu. 

Je  suis  fort  aise,  Monsieur  le  Commandant,  d'avoir  à  vous  transmettre  ce 
témoignage  particulier  de  la  confiance  de  l'Empereur,  et  c'est  avec  plaisir  que 
je  me  suis  rendu  garant  près  de  l'Empereur  de  tout  le  zèle  et  de  tout  le 
dévouement  que  vous  porterez  dans  la  mission  qui  vous  est  confiée  pour  justi- 
fier le  choix  dont  elle  vous  honore. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

Decrès. 

A  M.  le  commandant  de  l'escadre,  en  rade  de  l'île  dAix  (2). 

Paris,  le  3  messidor  an  xm  (22  jaiD  1805). 
Monsieur  le  Commandant, 

Vous  trouverez,  ci-jointes,  des  instructions  de  l'EmpereiU'  données  par  Sa 
Majesté  elle-même  et  signées  de  sa  main,  qui  vous  expriment  la  mission  qu'elle 
vous  confie.  Quoiqu'elles  soient  assez  développées  pour  n'avoir  pas  besoin  d'ex- 
plication, je  vais  cependant  vous  donner  des  détails  dont  l'intelligence  vous 
mettra  plus  j\  même  de  pourvoir  à  ce  que  pourront  exiger  les  circonstances 
dans  h'squelles  vous  vous  trouverez. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB'v,  228. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BB".  227. 


RÔLES  ASSIGNES  A   l'ESCADRE  DE  ROCHEFORT.  617 

Je  n'ai  pas  besoin  de  tous  dire  (|ue  les  ii^tructions  de  Sa  Majesté  et  le  con- 
tenu de  cette  dépêche  tous  sont  confiés  sous  la  garantie  de  votre  honneur  et 
de  la  fidéUté  que  tous  devez  à  TEmpereur. 

L'armée  combinée  aux  ordres  de  Tamiral  Villeneuve  doit  être  partie  des 
Indes  occidentales  du  i^'  au  15  ynessidor  (tO  juin  au  Â  juillet).  On  peutj  par 
conséquent,  calculer  son  arrivée  sur  le  Ferroly  où  elle  a  ordre  de  se  diriger  pour 
Vépoqm  du  10  au  15  thermidor  {±9  juillet  au  3  août). 

L'objet  essentiel  de  votre  mission  est  que  vous  paraissiez  sur  les  côtes  d'Ir- 
lande du  15  au  20  messidor  (4  au  9  juillet),  et  qu'à  cette  époque  vous  y  fassiez 
assez  de  ravages,  d'abord  pour  nuire  sensiblement  à  Tennemi,  mais  surtout 
pour  qu'il  soit  forcé  d'envoyer  à  votre  poursuite  une  escadre  dans  le  nord- 
ouest  de  l'Irlande.  Vous  devez  donner  lieu  de  penser  que  vous  doublez  les 
lies  Britanniques  au  nord,  afin  de  forcer  l'ennemi  à  une  diversion  dans  ces 
parages. 

La  première  partie  de  vos  opérations  subordonne  la  route  que  vous  avez  à 
faire  et  le  temps  de  Totre  croisière  au  large,  en  partant  de  l'Ile  d'Aix,  au 
double  but  de  laisser  ignorer  à  l'ennemi  la  direction  que  tous  aurez  prise,  et 
de  pouvoir  arriver  sur  les  côtes  d'Irlande  duiii  au  20  messidor  (4  au  9  juillet). 

Cette  époque  ne  doit  point  être  devancée  pour  que  l'effet  de  Totre  apparition 
sur  cette  côte  existe  encore  tout  entier,  lorsque  l'armée  arriTera  sur  les  côtes 
d'Europe. 

Votre  croisière  sur  les  côtes  d'Irlande  dcTra  être  dirigée  de  manière  à  faire 
croire  que  vous  y  attendez  l'armée  combinée,  et  même  que  tous  en  faites 
partie. 

Après  avoir  ainsi  fait  ce  qu'il  faut  pour  attirer  vers  le  nord  toute  l'attention 
de  l'ennemi  et  une  partie  de  ses  forces,  le  plus  grand  succès  de  votre  mission 
est  d'arriver  assez  à  temps  sur  les  côtes  d'Espagne  pour  rallier  V armée  combinée 
aux  orâres  de  V amiral  Villeneuve, 

Par  ce  moyen,  vous  aurez  rempli  d'abord  l'objet  de  forcer  l'ennemi  à  se 
diviser. 

Vous  arriverez  donc  sur  le  parallèle  du  Ferrol  du  10  au  15  thermidor 
(29  juillet  au  3  août)  ;  la  distance  de  40  lieues  qui  vous  est  désignée,  comme 
point  d'attente,  a  pour  motif  de  ne  pas  vous  laisser  apercevoir  par  l'escadre 
ennemie  qui  est  dcTant  ce  port  au  nombre  de  4  ou  6  Taisseaux.  D'un  autre 
côté  le  parallèle  qui  tous  est  désigné  a  pour  objet  de  tous  mettre  sur  la  route 
d'où  l'armée  combinée  est  présumée  deToir  Tenir.  Gomme  il  serait  possible 
qu'elle  naTiguàt  plus  h  l'est,  il  sera  couTenable  que  tous  tous  fassiez  éclairer 
dans  le  sud-est  par  tos  frégates  les  meilleures  Toilières,  mais  placées  à  de 
grandes  distances;  leurs  instructions  deTront  être,  si  elles  aperccTaient  des 
voiles,  qu'on  ne  pât  présumer  être  la  flottille  combinée,  de  se  faire  chasser  et 
de  manière  à  ne  pas  tous  faire  aperccToir  ;  d'autres  éclaireurs  aTCC  les  mêmes 
instructions,  et  toujours  choisis  parmi  les  meilleurs  Toiliers,  pourront  tous 
serTir  de  Tedettes  dans  le  nord-ouest. 

ATec  ces  précautions,  il  parait  difficile  que  l'armée  combinée  arrive  sur  le 
Ferrol,  sans  que  vous  en  ayez  connaissance. 

Mais  il  est  possible  que,  par  des  circonstances  quelconques  de  votre  naTi- 
gation,  TOUS  ne  puissiez  être  arriTé  sur  le  Ferrol  du  10  au  15  thermidor 
(29  juillet  au  3  aoôt).  Alors  tous  tous  porterez  au  second  point  de  rendez- 


618  TROlBlftlfB  PAET» CHAPinUi  X. 

VOUS,  indiqué  par  tos  itifttruetion»,  êur  lequel  ramind  Villeneuve  tous  enTtrra 
ses  ordres. 

Recevez,  Monsieur  le  Commandant, 

Tassurance  de  me^  sentiments  inviolables. 

DKcafts. 

Cette  fois  la  date  admise  pour  le  rendez-vous,  à  Fouest  du 
Ferrol,  était  celle  donnée  par  TEmpereur  et  elle  devaiti  ainsi 
qu'on  Fa  vu,  être  trop  tardive  (1). 


I       I  I      II  i^^J— ^— J.M^fc»»^Nfc^hiM>J^»^B^M^fcJ^-^>M^I^.^— ^^<i^ 


(1)  A  toatM  ces  lettres  Tinrent  s'i^ooter,  les  tt  et  23  juin,  deox  misslTes  reUtiTet  aux 
signaux  pour  le  cas  de  jonction  des  eteadres.  Begistre  corres.  du  Ministre,  BBi^,  tlT, 
n»  8. 


CHAPITRE  XI 


DU  U  JUIN  AU  20  JUILLET 


iiM*i    II» 


Cependant  les  renseignements  restaient  fttissl  ûégatîfà  en  Ce 
qui  concernait  la  jonction  de  l'escadre  de  Carthagène  avec 
ceUe  de  Gadix^  et  aussi  obscurs  relativement  à  Nelson^  dont  la 
trace  était  perdue  depuis  le  25  mai. 

AraAjael,  le  19  prairial  an  xm  (8  juin  1805)  (1). 
Monseigneur, 

Je  profite  du  passage  d*un  courrier  du  Ministre  de  la  mariaô  pour  répondre 
à  la  dépêche  que  Votre  Eicellenoe  m'a  fait  Thontieur  de  m*adresser  le  4  de  ce 
mois,  et  par  laquelle  elle  m'instruit  des  intentions  de  Sa  Majesté  Impériale, 
relatiyement  aux  forces  navales  à  réunir  au  Ferrol)  et  aux  opérations  mari- 
times à  exécuter  dans  le  détroit. 

Sur  le  premier  point,  Votre  Excellence  possède  à  présent  toutes  les  notions 
sur  lesquelles  Sa  Majesté  Impériale  peut,  avec  confiance,  arrêter  ses  plans  et 
calculer  remploi  des  forces  effectlTes  qui  sont  à  sa  dispositiob. 

Difficilement  Tescadre  espagnole  pourra-t-elle  ôtre  fortifiée  de  troife  vais- 
seaux de  ligne  d'ici  à  Tépoque  très  prochaine  du  10  messidor  (29  jtiin)*  Les 
rapports  de  M.  le  commissaire  Ailhaud  et  Topitiion  particulière  de  M.  le 
contre-amiral  Gourdon  ne  m'ont  jamais  donné  à  espérer  qu'il  fût  possible 
d'armer  un  tel  renfort  avant  l'automne,  et  les  réparations  dU  vaisseau  espagnol 
le  Monlanès  ont  encore  été  retardées  en  dernier  lieu  par  celles  du  vaisseau 
français  le  Redoutable ^  qui  est  maintenant  en  bon  état,  et  dont  l'équipement 
est  sur  le  point  d'être  terminé. 

Le  pdnce  de  la  Paix  sera  ici  demain  et  je  m'entretiendrai  avec  lui  des 
grandes  considérations  qui  doivent  alimenter  les  efibrtM  de  l'Espagne  pour  l'in- 
térêt des  deux  puissances,  et  pour  le  succès  de  leurs  entreprises  navales*  Cette 


(l)  Archivei  de  la  Marine  »  Bspagne»  an  xm. 


620  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XI. 

conversation  me  mènera  naturellement  à  la  communication  des  vues  de  Sa 
Majesté  Impériale,  et  je  me  propose  d'inviter  le  Prince  à  prendre  tellement  à 
cœur  de  les  satisfaire,  que  toute  autre  dépense  négligée,  tout  autre  travail  sus- 
pendu, on  dirige  tous  les  efforts  et  tous  les  moyens  du  moment  vers  Tarme- 
ment  des  trois  vaisseaux  qui  manquent  encore  h.  Tescadre  combinée  du  Ferrol 
pour  être  aussi  forte  que  le  désire  Sa  Majesté  Impériale. 

J*ai  préparé  le  Prince  à  cette  communication,  dans  une  lettre  que  jai  eu 
Toccasion  de  lui  écrire  sur  des  objets  de  nécessité  pour  le  vaisseau  le  Redou- 
table. Cependant,  Monseigneur,  je  ne  puis  encore  donner  à  Votre  Excellence 
aucune  promesse  fondée  sur  la  possibilité  de  remplir  les  intentions  de  Sa 
Majesté  l'Empereur. 

J'ai  Tespoir  que  nous  pourrons  bientôt  faire  appareiller  13  vaisseaux,  et  si 
Ton  utilise  bien  le  temps  et  les  ressources  (ce  à  quoi  je  pousserai  le  prince  de 
la  Paix  avec  ardeur),  je  crois  que  Ton  pourrait  en  armer  un  quatorzième  pour 
la  fin  de  thermidor.  Au  surplus  je  ferai  tout  ce  qui  dépendra  de  moi  pour 
que  le  prince  de  la  Paix  y  mette  du  zèle  et  surtout  de  Tamojar  propre. 

Les  vivres  seront  aussi  abondants  suf  Tescadre  que  le  désire  Sa  Majesté.  On 
pourra  même  en  faire  une  plus  grande  provision  d'ici  au  départ  des  vaisseaux, 
et  dès  à  présent  il  y  en  a  à  bord  des  douze  qui  sont  prêts  pour  beaucoup  plus 
de  deux  mois  de  campagne. 

Les  équipages  français  sont  excellents  ;  on  n'en  dit  pas  autant  des  équipages 
espagnols,  mais  dans  l'état  où  se  trouvait  l'Espagne  au  moment  de  la  guerre, 
nous  n'avons  jamais  pu  espérer  que  son  armée  navale  serait  composée  de  mate- 
lots d'élite,  et  le  mélange  des  bons,  des  médiocres  et  des  mauvais,  ne  peut 
donner  pour  résultat  que  des  équipages  passables. 

Je  concerterai,  avec  le  prince  de  la  Paix,  le  blocus  de  Gibraltar  et  les  croi- 
sières dans  le  détroit,  qui  font  le  second  objet  de  la  dépêche  de  Votre  Excel- 
lence, et  je  vous  ferai  part.  Monseigneur,  du  parti  qui  sera  définitivement  pris 
à  cet  égard. 

Si  V escadre  de  Carthagène  était  à  Cadix,  il  n'y  a  pas  de  doute  qu'on  ne  pût, 
avec  les  forces  qui  sont  déjà  dans  ce  porty  intercepter  le  passage  du  détroit  et 
bloquer  Gibraltar,  mais  dans  l'état  actuel  des  choses  il  me  paraît  que  les 
forces  espagnoles  sont  trop  divisées  pour  pouvoir  exécuter  sans  risque  cette 
opération.  Le  chef  de  l'escadre  qui  commande  à  Carthagène  est  toujours  prêt 
à  remettre  à  la  voile,  mais  il  a  des  équipages  tellement  neufs  qu'il  ne  veut  cou- 
rir la  chance  d'aucun  engagement  avec  les  forces  anglaises  ;  et  tant  que  le 
convoi  de  troupes  du  général  Craig  sera  à  Gibraltar  avec  les  3  ou  4  vaisseaux 
qui  Vy  ont  escorté  et  rejoint,  le  passage  sera  difficile, 

La  division  de  Cadix  agit  avec  un  peu  plus  de  hardiesse  ;  elle  a  déjà  plu- 
sieurs fois  mis  dehors  un  des  vaisseaux  qui  lui  appartiennent.  L'objet  de  ce 
détachement  est  de  purger  la  baie  des  corsaires  qui  l'infestent  et  de  connaître 
les  mouvements  des  Anglais.  Ces  tentatives  amèneront  peut-être  quelques 
circonstances  à  la  faveur  desquelles  les  divisions  de  Carthagène  et  de  Cadix 
pourraient  se  réunir.  Alors,  Monseigneur,  nul  doute  ou  qu'elles  occuperont  une 
forte  escadre  anglaise  d'observation,  ou  qu'elles  seront  elles-mênes  maltresses 
du  détroit  et  des  eaux  de  Gibraltar.  Cette  hypothèse  est  trop  naturelle  pour 
ne  pas  déterminer  le  prince  de  la  Paix,  et  je  n'aurai  sûrement  point  d'obs- 
tacles à   vaincre  pour  l'amener  à  ce  parti,  que   la  profonde  sagacité  de  Sa 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  621 

Majesté  Impériale  a  indiqué,  et  qui  est  sans  contredit  d'une  utilité  réelle,  tant 
comme  opération  active  de  guerre,  que  comme  manœuvre  d'instruction  pour 
les  escadres. 

L amiral  Orde  a  vraisemblablement  quitté  la  station  de  Cadix;  et,  depuis  que 
Nelson  a  mouillé  à  Lagos,  on  n*a  plus  aperçu  de  vaisseau  de  ligne  anglaii. 
Je  suis  informé  seulement,  par  une  dépèche  très  fraîche  de  M.  Le  Roy,  que,  le 
14  de  ce  mois,  quatre  fortes  frégates  anglaises  croisaient  \  la  Tue  du  port  et 
se  trouvaient  par  là  avoir  coupé  la  rentrée  du  Taisseau  espagnol  Le  Glorioso, 
sorti  depuis  peu.  On  n'avait  pourtant  aucune  inquiétude  décidée  sur  ce  vais- 
seau, dont  le  retour  serait  protégé  par  la  sortie  d'un  second  vaisseau,  si  par 
hasard  les  frégates  anglaises  faisaient  quelque  tentative  contre  Le  Glorioso, 

On  n'a  plus  de  nouvelles  de  Nelson  depuis  le^  de  ce  mois  (25  jnaî).  On  sup- 
pose qu'il  est  occupé  à  chercher  des  vivres  de  tout  côté.  Ce  n'est  cependant  ni  en 
Portugal,  ni  à  la  côte  d'Afrique  qu'il  trouvera  assez  de  secours  pour  réparer 
le  temps  perdu.  L'escadre  aux  ordres  des  amiraux  Villeneuve  et  Gravina  n'a  été 
rencontrée  par  aiÂCun  des  bâtiments  entrés  dans  la  péninsule. 

La  rentrée  de  notre  escadre  de  Rochefort  et  la  sortie  de  celle  aux  ordres  du 
contre-amiral  Magon  ont  fait  une  heureuse  sensation  sur  Tesprit  général. 
Chacun  y  voit  le  présage  des  plus  éclatants  succès,  et  la  cause  des  Anglais, 
aujourd'hui  totalement  perdue  en  Espagne,  le  serait  bientôt  sur  tout  le  reste 
du  continent  si  des  revers  mérités  achevaient  de  dissiper  le  prestige  de  la 
supériorité  britannique  et  portaient  une  atteinte  durable  \  la  propriété  d'une 
puissance  entièrement  livrée  aux  extrêmes,  dont  les  circonstances  seules  ont 
servi  la  gloire,  et  qui,  de  la  domination  suprême  des  mers,  peut  d'une  année 
à  l'autre,  tomber  dans  l'humiliation  et  dans  la  plus  complète  décadence. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  Thommage  de  ma  haute  considération  et 
de  mon  sincère  attachement. 

Le  général  Beurnonville. 

Nota.  —  L'escadre  combinée,  qui  sera  prête  à  sortir  du  port  du  Ferrol  du 
10  au  15  messidor  prochain,  avec  quatre  à  cinq  mois  de  vivres,  sera  de 
12  vaisseaux  de  guerre,  et  de  16  si  le  Montagnes,  pour  lequel  rien  ne  sera 
négligé,  peut  être  prêt; 

La  division  de  Garthagène  est  maintenant  de  7  vaisseaux  de  guerre,  de 
1  frégate  et  1  corvette  ;  elle  n'était  que  de  6  vaisseaux. 

Le  général  Beurnonville. 


Au  vice 'amiral  Decrès  (t). 

Mantoae,  30  prairial  an  xm  (19  Juin  1805). 


Monsieur, 


Je  reçois  votre  lettre  du  24  prairial.  Il  parait  que  Gollingwood  et  Nelson 
ont  conféré  longtemps  sur  TEspagne,  qu^un  des  deux  est  immédiatement  entré 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8906. 


681  TROISIÈME  PARTI»,   —  CHAPITRE  XI. 

danf  la  Méditerranée  et  que  Tautre  a  disparu.  GolUnfWood  a  8  taisfeaux, 
Nelson  en  a  H  ;  •orome  totale,  19  yaisseaux.  lU  n*ont  pai  été  ensemble,  eela 
est  certain  ;  un  des  deux  est  entré  dans  la  Méditerranée.  Les  Anglais  parlent 
beaucoup  d'une  escadre  de  réserre  aux  Punet,  qui  parait  deToir  être  de 
14  Taisseaux, 

Si  cela  est  ainsi,  ils  ne  tiendront  devant  Brest  que  18li  iO  vaisseaux. 

Si  vom  pouvet  faire  iortir  Miisiesiy^  faitei-k  sortir.  Il  me  parait  que  c^est 
un  homme  qui  a  besoin  d'instructions  plutôt  hardies  que  prudentes.  Par 
exemple,  il  faut  lui  prescrire  de  chasser  et  de  prendre  le  plus  de  bâtiments 
qu'il  pourra.  Mes  dernières  nouvelles  d'Angleterre  sont  du  8  juin. 

Napoléon. 

Une  seconde  sortie   de   Tescadre   de   Carthagène  fut    de 
courte  durée  et  sans  résultat. 


Araojaei,  14  pnuriid  an  xin  (13  juin  1805)  (1). 
Monseigneur. 

'  J'ai  eu  avec  le  prince  de  la  Paix  l'entretien  dont  Votre  Excellence  m'avait 
donné  le  motif  par  sa  dépêche  du  4  de  ce  mois  ;  et  si  je  ne  puis  pas  encore 
assurer  positivement  Votre  Excellence  que  les  intentions  de  Sa  Majesté  Impé- 
riales seront  tout  k  fait  remplies,  du  moins  ai-je  la  satisfaction  de  vous 
apprendre,  Monseigneur,  que  le  prince  de  la  Paix  est  fortement  disposé  à  les 
seconder  de  tout  son  pouvoir. 

Le  nombre  de  vaisseaux  à  ajouter  à  l'escadre  du  Ferrol  ne  pourra  pas  être 
armé  aussi  promptement  que  le  désire  Sa  Majesté  Impériale,  et  la  difficulté 
qu'il  y  a  à  le  faire  s'explique  par  l'emploi  qu'on  a  fait  du  temps,  et  d'une 
grande  partie  des  moyens  de  ce  département,  en  faveur  de  l'escadre  française. 
Trois  vaisseaux,  comme  j'ai  déjà  eu  l'honneur  d'en  informer  Votre  Excellence, 
seront  mis  en  réparation  successivement,  et  le  Monianès,  qui  y  est  entré  le 
premier,  serait  déjà  armé  sans  les  secours  qu'il  a  fallu  donner  de  préférence  au 
vaisseau  français  le  Redoutable,  Le  prince  de  la  Paix  se  sert  avec  quelque 
avantage  de  cette  circonstance  pour  rehausser  le  prix  des  services  rendus  par 
l'Espagne,  depuis  le  commencement  de  la  guerre,  et  il  allègue  avec  adresse 
les  choses  déjà  faites,  afin  de  me  rendre  un  peu  plus  accommodant  sur  celles 
qui  restent  à  faire.  Je  l'ai  néanmoins  fortement  pressé  de  porter  le  plus  grand 
intérêt  à  l'augmentation  de  l'escadre  du  Ferrol,  et  il  m'a  formellement  promis 
d'expédier  des  ordres  très  précis  pour  l'armement  rapide  du  Montanès^  du 
Saint'Elme  et  de  VOrient,  Selon  nos  conventions  verbales  sur  cet  objet,  les 
autres  travaux  seront  suspendus,  tous  les  ouvriers  du  Ferrol  seront  portés  sur 
cette  augmentation  de  forces  et  tout  ce  qui  est  possible  sera  fait. 

J'ai  trouvé  cbex  le  Prince  un  même  accord  de  bonne  volonté  aveo  les  vues 
de  Sa  Majesté  Impériale  sur  l'utilité  du  blocus  de  Gibraltar  et  des  croisières 


(1)  Archives  nationales,  Espagne,  an  siii. 


DU  iO  JUIN  AU  10  JUILLET.  6Î8 

dam  le  détroil.  Sa  Majetté  ne  peut  déairer  une  eondeto^ndance  plus  grande 
à  aei  désirs  que  celle  qui  m'a  été  témoignée  à  oe  sujet.  Déjà  même  Ton  a 
anticipé  sur  cette  opération  autant  qu*a  pu  le  permettre  Tétat  actuel  de  forces 
natales  qui  sont  à  Cadix  ;  et  la  présence  de  quelques  frégates  ennemies  ayant 
excité  Tattention  du  lieutenant  général  Athava,  qui  commande  Tescadre,  deux 
autres  vaisseaux,  le  Saint- Léandre  et  la  Castillan  ont  pris  la  mer  afin  de 
chasser  les  frégates  et  dégager  le  GloriosOy  dès  qu'il  reparaîtra  pour  effectuer 
sa  rentrée. 

La  division  de  Carthagène  a  de  nouveau  rnisà  la  voile  le  id  de  ce  mois^  à 
6  h.  1/S  du  matin,  et  nom  attendons  à  chaque  instant  la  nouvelle  de  son  arrivée 
à  Cadix, 

Sa  Majesté  Impériale  apprendra  avec  contenternent  que  cette  division  s'est 
augmentée  d^un  vaisseau  de  60  canons  et  qu'elle  est  conséquemment  composée 
de  7  vaisseaux,  dont  je  joindrai  la  liste  à  cette  dépêche. 

H.  le  chef  d'escadre  Salcedo  est,  à  ce  qu'on  assure,  un  homme  de  beaucoup 
de  mérite,  et  l'on  met  infiniment  de  confiance  dans  la  manière  dont  il  exécu- 
tera, cette Yois,  les  ordres  qu'il  a  reçus*  Us  sont  de  conduire  à  Cadix  la  division 
et,  chemin  faisant,  d'entreprendre  quelque  chose  sur  les  bâtiments  du  convoi 
anglais,  qui  est  toujours  mouillé  à  Gibraltar. 

M.  de  Salcedo  doit,  à  cet  effet,  prendre  à  Algejtiras  une  flottille  de  canon- 
nières et  diriger  son  attaque  sur  la  rade  de  Gibraltar,  d'après  les  localités, 
l'état  des  choses  et  les  renseignements  qu'il  se  sera  procuré;  il  lui  est  pour- 
tant défendu  de  sacrifier  trop  de  temps  h  cette  opération,  si  elle  ne  lui  parais- 
sait pas  susceptible  d'un  succès  assuré  et  rapide,  et  il  ne  perdra  pas  de  vue 
que  le  principal  objet  de  sa  mission  doit  être  de  conduire  7  vaisseaux  dans  le 
port  de  Cadix, 

Les  Anglais,  fatigués  d'un  blocus  devenu  ridicule  devant  les  ports  d'Espagne, 
ont  exercé  une  vengeance  petite,  et  heureusement  dépourvue  de  suites  plus 
sérieu9eS|  sur  un  point  de  la  côte  ;  ils  ont  fait  un  débarquement  de  500  hommes 
à  Muros,  petit  fort  situé  entre  Vigo  et  la  Corogne.  pes  frégates  ont  protégé 
cette  opération,  dont  le  résultat  a  été  de  faire  quelques  prisonniers  et  de 
détruire  deux  bons  corsaires  de  la  maison  Grammont  de  Bordeaux. 

Ce  petit  éohoo  n'a  aucune  valeur  que  celle  du  préjudice  fait  aux  particu- 
liers et,  pour  peu  que  le  chef  d'escadre  Salcedo  puisse  exercer  son  artillerie 
devant  Gibraltar,  il  est  constant  qu'il  rendra  aux  Anglais,  avec  usure,  le 
dommage  insignifiant  qu'ils  ont  causé  aux  armateurs  de  la  baie  de  Muros. 

J'adresse  à  Votre  Excellence  le  tableau  des  forces  navales  du  département  de 
Carthagène.  Cet  état  seul  vous  manquait,  Monseigneur,  pour  avoir  un  aperçu 
complet  et  exact  de  la  marine  espagnole.  Si  l'escadre  sortie  entre  à  Cadix,  11 
y  aura  dans  ce  port  une  réunion  de  il  vaisseaux  armés,  qui  seront  portés 
à  13,  aussitôt  que  les  équipages  et  l'argent  seront  moins  rares. 

Il  est  de  fait  qu*on  n'a  épargné  ni  sacrifices,  ni  mesures  extraordinaires  pour 
s'en  procurer  et  que  les  armements  de  TBspagne  se  trouvent  ai^ourd^hui  à  un 
point  où  l'opinion  générale  était  qu'ils  ne  pourraient  jamais  parvenir,  dans 
une  durée  de  temps  bien  supérieure  à  celui  qui  s'est  écoulé  depuis  le  com- 
mencement de  la  guerre.  Cette  réflexion  est  toute  à  l'avantage  du  prince  de  la 
Paix;  et,  en  effet,  la  vérité  prescrivait  à  mon  témoignage  d'être  entièrement 
favorable  à  ce  Prince,  dans  la  supposition  que  Sa  Majesté  Impériale  eût  le  désir 


624  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XI. 

de  former  un  jugement  exact  de  FactiTité  et  des  bonnes  dispositions  dont  il 
nous  a  donné  des  preuTes  que,  sans  doute,  Votre  Excellence  aurait  quelque 
plaisir  à  faire  envisager  à  Sa  Majesté  TEmpereur,  sous  le  jour  avantageux 
où  il  est  équitable  de  les  voir. 

Veuillez  agréer,  Monseigneur,  Thommage  de  ma  haute  considération  et  de 

mon  sincère  attachement. 

Le  général  Brurnonville. 

P.  S.  —  On  a  répandu  le  bruit  que  le  vaisseau  le  Glorioso  était  parti  pour 
la  Havane  et  que  le  lieutenant  général  de  marine  Villa- Vicenico  en  avait  pris 
le  commandement,  pour  le  conduire  à  sa  destination.  On  a  ajouté  à  cette  ver- 
sion que  les  deux  vaisseaux,  le  Léandre  et  la  Castille,  étaient  destinés  à  une 
mission,  prétendue  secrète,  de  la  même  nature.  Je  crois  devoir  prévenir  Votre 
Excellence  contre  la  fausseté  de  ces  détails ,  qui  ne  manqueront  pas  d*étre 
transmis  en  France  par  les  correspondances  particulières,  et  l'assurer  que  le 
prince  de  la  Paix,  dont  la  sincérité  ne  peut  pas  m'étre  suspecte,  m'a  confirmé, 
hier  matin,  que  le  Glorioso  était  attendu  à  toute  heure  à  Cadix.  Que  la  sortie 
des  deux  autres  vaisseaux  n'avait  d'autre  motif  que  la  présence  des  fré- 
gates ennemies,  enfin  que  le  général  Villa- Vicenico,  absent  de  Cadix  depuis 
près  d'un  mois,  était  effectivement  parti  pour  la  Havane,  dont  on  lui  a  con- 
féré le  commandement,  mais  sur  un  bâtiment  marchand,  et  depuis  Lisbonne, 
où  il  s'est  embarqué  sans  se  faire  connaître  ;   ce  général  doit  toucher  de  fort 

près  maintenant  au  terme  son  voyage. 

Général  Beurnonville. 

Madrid,  28  prairial  an  xm  (17  juin  1805)  (1). 

L'escadre  de  Carthagène  est  heureusement  entrée  dans  le  port. 
Celle  de  Cadix  est  bloquée  par  une   division   anglaise  de  7  vaisseaux  de 
ligne,  5  frégates  et  4  corvettes  aux  ordres  de  l'amiral  Cotton. 
On  assure  aussi  qu'il  y  a  9  vaisseaux  ennemis  devant  le  Ferrol. 

Beurnonville. 


Madrid,  19  prairial  an  xm  (18  juin  1805)  (2). 
Monseigneur, 

L'escadre  de  Carthagène  est  de  nouveau  et  heureusement  rentrée  dans  le 
port,  deux  jours  après  en  avoir  appareillé. 

Des  bâtiments  marchands,  venus  de  VOcéan,  ont  infonné  M,  le  chef  (Tcscadre 
Salcedo  que  les  forces  anglaises  avaient  reparu  devant  Caduc ,  et  cet  avis,  qui 
était  exact,  a  préservé  la  division  espagnok  du  désastre  qu'elle  aurait  infailli- 
b'ement  éprouvé,  si  elle  eût  passé  le  détroit. 

Les  forces  navales  de   Carthagène  se  trouvent  par  là  dans  l'état  où  elles 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB«^  234. 

(2)  Archives  nationales,  Espagne,  an  xm. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  628 

étaient  auparavant,  à  une  frégate  près,  dont  elles  se  sont  augmentées  ;  on  tra- 
Taille  à  force  à  leur  adjoindre  un  huitième  yaisseau  de  ligne. 

Tai  la  confirmation  officielle  de  la  présence  d*une  division  anglaise  devant 
Cadix.  Elle  est  de  7  à  8  vaisseaux  de  ligne,  de  0  k  7  frégates  et  d'un  nombre 
à  peu  près  égal  de  bâtiments  légers.  Cette  division  est  aux  ordres  de  sir 
Charles  Cotton  ou  de  sir  John  Knight.  On  ne  sait  pas  exactement  lequel  de 
ces  deux  généraux  commande  en  chef. 

Le  nombre  des  voiles  de  cette  escadre,  le  mouvement  des  vaisseaux  qui 
paraissent  et  disparaissent  alternativement  et  la  permanence  du  convoi  anglais 
à  Gibraltar,  font  présumer  que  peut-être  Tenncmi  veut  entreprendre  quelque 
chose  sur  la  rade,  Tarsenal,  ou  les  magasins  du  département  de  Cadix  ;  cette 
inquiétude  a  produit  des  dispositions  militaires  assez  empressées  et  M.  Le  Roy 
se  loue  de  l'activité  du  général  Solano  qui  commande  en  Andalousie. 

Une  obscurité  assez  inquiétante  couvre  toujours  le  sort  du  vaisseau  espagnol 
le  Glorioto,  On  n'en  a  aucune  nouvelle  certaine  et  il  doit  être  inévitablement 
détaché  pour  une  mission  particulière,  ou  de  relâche  dans  quelque  port,  ou 
pris.  La  crainte  de  cette  dernière  hypothèse  me  ferait  presque  désirer  qu'il  eût 
une  destination  lointaine;  cependant  cela  ne  pourrait  pas  être  sans  que  le 
prince  de  la  Paix  n'eût  à  se  reprocher  de  me  l'avoir  caché.  Ce  Prince  ne  s'est 
pas  borné  au  silence  à  cet  égard,  il  m'a  répondu  maintes  fois  d'une  manière 
négative,  sur  les  interpellations  amicales  mais  positives  que  je  lui  ai  faites, 
depuis  que  le  Glorioso  a  appareillé. 

Il  serait  bien  flatteur  pour  moi,  Monseigneur,  de  pouvoir  donner  à  Votre 
Excellence  la  certitude  qu'elle  désire,  relativement  à  l'augmentation  de  l'es- 
cadre espagnole  du  Ferl'ol,  mais  je  crois  qu'il  est  impérieusement  de  mon 
devoir  de  ne  point  prêter  à  Votre  Excellence  un  espoir  qui,  ne  se  réalisant  pas 
dans  la  suite,  produirait  un  mécompte  effectif  dans  les  résultats  sur  lesquels  il 
convient  que  l'Empereur  puisse  se  reposer  avec  confiance. 

J'ai  lu  au  prince  de  la  Paix  le  paragraphe  obligeant  que  Votre  Excellence  a 
fait  mettre  dans  sa  dépêche  du  i8  de  ce  mois,  pour  intéresser  la  gloire  et 
Tamour-propre  de  ce  prince,  au  succès  d'une  combinaison  à  laquelle  il  a  déjà 
si  bien  coopéré.  Ce  prince  est  constamment  animé  des  mêmes  désirs  de  mon- 
trer à  l'ennemi  une  marine  imposante,  et  je  ne  doute  pas  qu'il  n'ait  l'ambi- 
tion de  satisfaire  au  plus  haut  degré  le  vœu  de  Sa  Majesté  Impériale.  C'est 
par  une  suite  de  ces  dispositions  qu'il  a  ordonné  au  capitaine-général  du 
Ferrol  de  suspendre  tout  pour  affecter  exclusivement  la  totalité  des  ressources 
de  ce  département  à  l'armement  des  trois  vaisseaux  le  Montagnes,  le  Saint- 
Elme  et  V Orient,  Mais  les  moyens  sont  courts  et  l'époque  du  15  thermidor  est 
tellement  prochaine  qu'il  sera  miraculeux  de  mettre  en  rade  le  Montagnes.  Il 
me  semble,  Monseigneur,  que  c'est  là  le  plus  grand  espoir  que  je  puisse  vous 
donner,  mais  je  dois  au  moins  ajouter  à  cette  promesse  que,  si  l'on  peut 
matériellement  faire  plus.  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  ne  doit  pas  douter 
qu'on  ne  s'en  occupe  sans  relâche.  J'ai  vu  les  ordres  donnés  par  le  prince  de 
la  Paix,  ils  sont  tels  que  j'ai  eu  l'honneur  d'en  instruire  Votre  Excellence,  et 
de  la  date  à  laquelle  j'en  ai  fait  mention  précédemment. 

La  croisière  anglaise  du  Ferrol  est  forte  de  10  vaisseaux. 

Le  capitaine  de  frégate  Uullot,  commandant  la   corvette  le  Pandour,  est 
arrivé  de  la  Guadeloupe  à  Saint-Ander  (Santander)  avec  son  bâtiment,  il  est 
IV.  40 


626  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XI. 

parti  de  suite  pour  Paris,  avec  des  paquets  pour  le  Ministre  de  la  manne.  Aucun 
autre  détail  ne  m'est  connu  sur  les  nouvelles  que  peut  avoir  données  cet  officier. 

Un  capitaine  portugais  a  déclaré  avoir  été  visité  le  8  mai  dernier,  par  un 
vaisseau  de  guerre  espagnol,  sous  la  latitude  d'un  degré  au  sud  de  Téquateur. 
U  a  eu  connaissance  de  trois  autres  vaisseaux  et  d'une  frégate  portant  pavillon 
espagnol.  Quelques  personnes  (écrit  M.  Le  Hoy)  supposent  que  c'étaient  des 
tratneurs  de  l'escadre  combinée.  Quoique  tratneurs,  il  faut  espérer  qu'ils  ont 
marché  assez  vite  pour  que  les  Anglais  apprennent  avec  beaucoup  de  dépit 
que,  28  jours  après  avoir  appareillé,  ils  se  trouvaient  à  une  telle  hauteur. 

Je  n'épargnerai  pas  les  courriers  pour  informer  rapidement  Sa  Majesté 
Impériale  et  Royale  des  événements  qui  me  paraîtront  de  nature  à  exciter  son 
intérêt  et  à  mériter  d'être  connus  d'elle  le  plus  tôt  possible. 

Je  prie  Votre  Excellence,  d'agréer  l'hommage  de  ma  haute  considération  et 
de  mon  sincère  attachement. 

Le  général  :  Beurnonville. 

Quant  au  Ferrol,  la  situation  se  modifie  lentement.  Les  pré- 
paratifs des  Espagnols  produisent  peu  à  peu  des  résultats, 
mais,  ce  qui  doit  avoir  plus  tard  des  conséquences  graves,  on 
reste  au  port.  Or  les  objections  sont  nombreuses  et  importantes 
contre  le  mouillage  à  la  Corogne,  condition  essentielle  pour- 
tant d'une  jonction  rapide  avec  Tescadre  de  Villeneuve  (1). 


(1)  Au  début,  et  sans  avoir  une  connaissance  spéciale  des  localités,  le  prince  de  la  Paix 
avait  acquiescé  de  bonne  grAee  au  désir  de  l'Empereur  de  faire  stationner  les  escadres  à 
la  Corogne,  mais,  ce  qui  montre  bien  les  inconvénients  du  prpjot  impérial,  dès  le  lende- 
main, Qodoy  parlait  un  langue  analogue  à  celui  de  Gourdon. 

Lettre  du  Pnnce  de  la  Paix  à  l'amiral  Decrès. 

ttjuin  1806. 

Kn  vista  de  la  caria  de  V.  Ë.  del  22  do  estes  mes,  en  que  se  sirve  dedrme  que 

S.  M.  1.  y  R.  ha  mandado  a  su  escuadra  surta  en  el  puerto  de  Ferrol«  que  d€(je  aquel 
fondeadseo  y  pase  a  tomar  el  de  la  Coruna,  posicion  que  el  Imperador  juzga  mas  venti^osa 
para  las  operationes  de  la  fuenas  combinadas  ;  he  dado  orden  al  commandante  de  la 
escuadra  del  Rey,  mi  amo,  para  que  pase  à  fondear  en  la  Coruûa  con  el  numéro  de  narios 
que  puedan  estar  alli  resguardados  de  las  ataques  del  onemigo. 

S.  M.  pienxa  que  ^e  este  modo  estaran  ambas  escuadras  mas  expeditas  para  hacerse  a 
la  vêla  en  el  momento  necesario  que  es  lo  mismo  que  crée  S.  M.  I.  y  R.,  segun  V.  E. 
acaba  de  participarme. 

»3juin  180B. 

Observare  que queda  dividada  la  escuadra  combinada  en  dos  porciones  ; 

cada  una  de  las  quales  es  muy  inferior  a  la  escuadra  inglesa  que  crusa  en  las  aguas  de  ïk 
Coruna,  porque  este  ultime  puerto  solo  puede  contenir  7  à  8  navios  de  linea,  siendo  précise 

dejar  lo  restante  en  el  Ferrol En  la  Coruna  puede  butir  con  ventaja  a  los  navios  que 

alli  estan  y  arrojarles  brulotes  y  oiras  maquinai  de  guerra 

(Archives  de  la  Marine,  BBnr,  î33.) 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  627 


Lo  oo/itre-am/ra/  Gourdon»  of/lo/or  de  la  Légion  d'honneur,  oomma/i- 
dànt  /'etoadra  franca/ae  au  Ferrol,  k  Son  Exoellenoe  h  général 
Beurnonville,  ambti8$Rdeur  de  Sa  Maje$té  Impériale  prè$  aa  Majesté 
Catholique. 

Ferrol,  18  messidor  an  xiii  (7  jaiUet  1805.) 
Mon  Général, 

Votre  Excellence  est  instruite  que  j*ai  reçu,  par  courrier  extraordinaire, 
Tordre  de  me  rendre  à  la  Gorogno  avec  Tescadre  sous  mes  ordres  ;  et  qu'immé- 
diatement après,  M.  de  Grandellana  a  reçu  celui  de  m'y  accompagner;  tous 
pouvez  tous  rappeler  que  j*ai  toujours  dit  que  l'établissement  de  plus  de  4  ou 
5  vaisseaux  dans  ce  petit  port  exposait  aux  plus  grands  malheurs,  et  ces  consi- 
dérations doivent  être  soumises  au  prince  de  la  Paix  qui  a  pu  ne  pas  voir  la 
chose  comme  elle  l'est  réellement. 

Tous  les  marins  vous  diront  qu'il  y  a  impossibilité  de  mettre  dans  un  état 
passable  de  défense  plus  de  5  vaisseaux  dans  V enceinte  étroite  qui  peut  être  pro^ 
tégéepar  les  fortications  de  la  place;  si  nous  sommes  plus  que  ce  nombre,  nous 
masquerons  le  château  Saint-Antoin$,  seul  point  passablement  fort  et 
n*aurons  aucun  appui  sur  nos  flancs,  car  on  ne  peut  pas  compter  comme  telles 
les  batteries  à  Mer  a  et  à  l'autre  pointe,  attendu  qu'elles  sont  peu  de  chose  et 
que  les  ennemis  les  inutiliseraient  (i^)  quand  ils  le  voudraient  en  y  consacrant 
deux  vaisseaux  ;  tandis  que  les  autres  attaquant  notre  première  ligne,  qui, 
quelqu'en  dehors  qu'on  la  place  ne  peut  jamais  être  de  plus  de  5  vaisseaux, 
sera  écrasée  et  tombera  sur  la  2*  et  la  3*  en  y  portant  le  désordre  et  la  des- 
truction. 

J'ai  vu  les  ennemis,  ils  ont  it  vaisseaux  dont  8  à  trois  ponts.  11  n'est  pas 
possible  de  douter  qu'aussitôt  qu'ils  verront  sortir  les  vaisseaux  du  Ferrol,  ils 
chercheront  à  les  attaquer  ;  si,  comme  vous  devez  le  penser,  votre  calcul  a  été 
assez  bien  fait  pour  qu'ils  ne  puissent  atteindre  la  queue  de  la  ligne,  ils  devront 
nécessairement  se  diriger  sur  le  mouillage  de  la  Gorogne  pour  y  arriver  en 
même  temps  que  nous,  ils  attaqueront  alors  (et  le  plus  timide  des  marins  le 
ferait)  parce  que,  quelque  belle  résistance  qu'ils  éprouvent,  ils  doivent  néces- 
sairement mettre  dans  l'armée  combinée  un  tel  désordre  qu'il  y  aura  des 
abordages  et  des  vaisseaux  à  la  cête,  attendu  qu'il  est  impossible  de  prendre 
une  position  en  mouillant  en  ordre  à  la  Gorogne  sous  le  feu  de  l'ennemi,  et 
qu'il  faut  au  moins  trois  jours  de  tranquillité  pour,  avec  14  vaisseaux,  en 
prendre,  je  ne  dis  pas  une  bonne,  mais  une  quelconque. 

Si  les  ennemis  y  mettent  un  peu  d'audace,  et  ils  ont  trop  d'intérêt  à  en 
mettre,  ils  doivent  détruire  cette  escadre  à  moins  de  frais  qu'à  Aboukir,  et, 
telle  est  la  forme  de  l'anse  où  nous  serons  qu'il  n'en  échapperait  pas  un  vais- 
seau. 

Dans  la  position  où  nous  serons,  qu*un  vaisseau  prenne  feu  ou  seulement 
ait  ses  amarres  coupées,  il  tombe  nécessairement  sur  ceux  qui  sont  derrière, 
et  le  désordre  est  au  comble.  Il  est  impossible  d'espacer  les  vaisseaux  assez 
pour  éviter  ce  malheur,  et  à  ces  probabilités  se  joignent  celles  de  l'envoi  des 
brûlots,  qui,  lancés  de  vent  d'est  ou  de  nord-est,  toujours  frais  ici,  sont  inévi- 
tables, quelques  moyens  qu^on  emploie  pour  les  détourner. 

Il  est  bien  vrai  que  j'ai  moi-même  donné  le  conseil  d'attendre  à  la  Gorogne^ 


628  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XI. 

si  on  croyait  qu'il  fallût  sortir  d'Espagne  par  Tents  d'ouest  ;  mais  alors  il  n'y 
ayait  que  6  vaisseaux  en  vue  et  nous  n'eussions  pas  souffert  que  6  vaisseaux 
Tinssent  nous  attaquer;  aujourd'hui  il  y  en  a  1^,  dont  3  de  premier  rang  et 
ils  auront  l'avantage.  11  vaudrait  mieux  raille  fois  aller  les  chercher  à  la 
mer,  parce  qu'alors  les  chances  s'égalisent. 

J'ai  l'ordre  d'aller  à  la  Corogne  et  de  requérir  M.  de  Grandellana  de  m'y 
accompagner  avec  autant  de  vaisseaux  qu'en  peut  contenir  ce  port  ;  je  devrais 
le  requérir  de  n'y  pas  venir  du  tout,  mais  il  a,  lui,  l'ordre  de  s'y  rendre  avec 
toute  son  escadre,  et  cet  officier  général  trouve  autant  d'inconvénient  à  m'y 
laisser  aller  seul  que  j'en  verrais  moi-même  à  rester  s'il  y  allait  sans  moi,  car 
nous  serions  tous  deux  en  contradiction  avec  nos  ordres. 

Je  dois  le  répéter,  il  est  certain  que  plus  de  5  vaisseaux  sont  exposés  aux 
plus  grands  malheurs  à  la  Corogne.  Si  donc  f  y  vais  seul,  il  y  a  séparation,  il 
ny  a  plus  de  combinaison,  parce  que  les  venls  qui  me  mettront  dehors  pour 
faire  une  jonction  avec  un  corps  quelconque  empêcheront  les  forces  qui  seront 
ici  de  sortir. 

Dans  cet  état  de  choses  il  est  instant  que  la  Cour  décide  ;  je  viens  d'expé- 
dier un  courrier  extraordinaire  au  Ministre  de  la  marine  pour  lui  donner  tous 
ces  détails  ;  mais  je  vous  prie,  mon  général,  de  les  faire  connaître  à  Son 
Excellence  M.  le  prince  de  la  Paix  pour  qu'il  décide  ce  que  doit  faire 
M.  de  Grandellana.  M.  de  Tarranco,  commandant  général  de  la  Corogne, 
demande  10  à  i2  jours  pour  mettre  sa  place  en  état  de  défense,  et  cela  est  plus 
que  suffisant  pour  nous  répondre. 

J'ai  dit  une  chose  qui  me  paraît  vraie,  mais  qui  est  cependant  soumise  aux 
calculs  d'un  plan  d'opérations  que  je  ne  connais  pas  du  tout,  puisque  c'est  le 
secret  de  Sa  Majesté  Impériale  :  c'est  que  si  nous  devions  être  débloqués  par 
une  force  supérieure  aux  bloquants  actuels  et  qu'on  vint  surtout  avec  des 
vents  d'ouest  ou  de  sud-ouest,  vents  avec  lesquels  l'entrée  du  port  est  toi^ours 
libre  pour  les  entrants,  on  pourrait  faire  la  réunion  ici  et  sortir  au  premier 
changement  de  vent  avant  que  l'ennemi  eût  suffisamment  augmenté  ses  forces. 

Ceci,  au  surplus,  tient  à  une  connaissance  des  projets  de  Sa  Majesté  impé- 
riale et  je  ne  l'ai  pas. 

J'attends,  mon  Général,  votre  réponse  avec  impatience  et  vous  prie  de  me 
l'envoyer  par  courrier  extraordinaire. 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Signé  :  Gourdon. 

Pour  copie  conforme  à  Toriginal  : 
Le  général  :  Beurnonville. 

Le  blocus  était  donc  rétabli  partout  par  les  Anglais.  Quant 
à  Ganteaume,  Napoléon  ne  voulait  plus  qu'il  sortît  ;  Tescadre 
de  Rochefort  seule,  devait  partir  le  plus  tôt  possible. 


Monsieur, 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  6Î9 

Au  vicô'^miral  Decrèa  (I). 

Vérone,  27  prairial  an  xni  (16  juin  1805). 


Je  vois,  par  votre  lettre  Ju  21,  8  heures  du  matin,  que  7  vaisseaux  et  2  fré- 
gates sont  devant  Rochefort.  Je  ne  vois  pas  ce  que  Tamiral  Ganteaume  pour- 
rait faire.  A  quoi  aboutirait  une  bataille?  à  rien.  Faites  seulement  mettre  dans 
les  journaux  que  les  Anglais,  ayant  appris  que  Tescadre  de  Rochefort  était 
arrivée  le  18,  ont  envoyé  8  vaisseaux  devant  ce  port,  et  qu'ils  ont  affaibli  d'au- 
tant leur  croisière  de  Brest;  de  sorte  que  les  18,  19  et  20,  elle  n'était  que  de 
15  vaisseaux;  qu*on  ne  conçoit  pas  comment  l'escadre  française  ne  profite  pas 
de  cette  circonstance.  Le  lendemain,  un  autre  journal  dira  qu'il  est  fort 
extraordinaire  que  les  journalistes  se  permettent  de  pareilles  réflexions; 
qu'avant  de  condamner  ou  d'approuver  la  conduite  d'un  amiral,  dans  une  affaire 
de  cette  nature,  il  faudrait  connaître  ses  instructions,  et  que  probablement, 
comme  l'Empereur  ne  les  a  pas  fait  connaître  aux  journalistes,  tout  ce  qu'ils 
disent  là-dessus  est  fort  inutile  ;  que  la  flotte  de  Rochefort  se  prépare  à  partir 
au  premier  signal,  car  les  Anglais  ne  tiendront  pas  ce  blocus. 

11  est  inutile,  dans  votre  lettre  au  contre-amiral  Gourdon,  de  parler  de  Brest 
et  de  la  Manche  ;  il  suffît  de  dire  qu'il  marchera,  avec  l'escadre  qui  le  ralliera, 
h  de  nouvelles  opérations.  Je  trouve  que  le  secret  n'est  pas  assez  recommandé  ; 
il  faut  lui  dire  que  le  prince  de  la  Paix  ne  le  connaît  pas  et  que  M.  de  Grandel- 
lana  ne  doit  pas  le  connaître  ;  qu'il  n'y  a  que  moi,  vous  et  lui  au  monde  qui  le 
sachions  ;  qu'il  doit  donc  sentir  l'extrême  importance  et  l'extrême  nécessité  de 
se  taire.  Je  ne  veux  pas  que  M.  de  Grandellana  commande  mon  escadre.  Je 
regarderais  mon  expédition  comme  manquée  si  on  le  savait  en  Espagne  ;  ce 
serait  capable  de  tout  compromettre.  J'ai  donc  brûlé  cette  lettre  comme  étant 
intempestive. 

Vous  n'avez  qu'un  mot  à  dire  au  prince  de  la  Paix  :  qu'ayant  ordonné  à 
mon  escadre  du  Ferrol  de  se  rendre  à  la  Corogne,  j'ai  jugé  que  l'escadre  espa- 
gnole devait  en  faire  de  môme.  N'entrez  dans  aucun  détail  de  place  ou  non 
place.  Je  crains  aussi  que,  si  les  escadres  combinées  se  tiennent  à  la  voile,  elles 
n'attirent  une  grande  quantité  d'ennemis  au  Ferrol  et,  par  contre-coup,  sur  la 
ligne  d'opérations  ;  dans  toutes  les  affaires,  il  faut  laisser  quelque  chose  aux 
circonstances. 

Je  ne  sais  jusqu'à  quel  point  il  est  nécessaire  de  prescrire  aux  escadres  de  se 
rendre  à  la  Corogne,  je  ne  connais  pas  assez  les  localités  ;  toutefois,  il  me 
semble  qu'il  est  beaucoup  plus  simple  que  Gourdon  s'y  porte  et  d'écrire  au 
prince  de  la  Paix  d'y  envoyer  les  vaisseaux  espagnols  qui  pourraient  s'y  porter. 
Le  petit  nombre  de  vaisseaux  qui  resteraient  au  Ferrol  auront  toujours  plus  de 
facilité  à  sortir. 

Ne  prononcez  ni  le  mot  de  Brest,  ni  celui  de  la  Manche  à  qui  que  ce  soit. 

Je  ne  sais  pas,  d'ailleurs,  jusqu'à  quel  point  le  gouvernement  espagnol  vou- 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8897. 


630  TROISlillB  PARTIB.   ^  OHAPITRE  XI. 

drait  concourir  à  un  projet  de  cette  espèce.  Aussi  ai-je  toujours  éludé  quand 
on  ni'a  demandé  mon  secret.  Quant  à  tous,  Totre  réponse  est  simple  :  ^ous 
devez  dire  que  tous  ne  le  savez  pas. 

Au  vice-amiral  Deorèa  (i). 

Bolognt»  3  messidor  an  xm  (tî  joln  1805). 

L'objection  que  vous  faites  à  mon  idée  de  faire  rentrer  quelques  vaisseaux 
dans  la  rade  ne  m'avait  pas  échappé.  Je  trouve  quelque  Inconvénient  aux  sor- 
ties de  Ganteaume.  Il  nV  a  aujourd'hui  que  i8,  i9,  20  Ou  Ji  vaisseaux  devant 
Brest.  Rien  de  plus  imprévoyant  que  le  gouvernement  anglais,  c'est  un  gou- 
vernement occupé  de  chicanes  intérieures  et  qui  porte  son  attention  où  il  y  a 
du  bruit.  Je  ne  suis  point  d'avis  que  Ganteaume  sorte;  je  ne  crains  rien  à  Ber- 
theaume,  il  est  inexpugnable  ;  ÎO  vaisseaux  entourés  de  batteries,  avec  un  port 
derrière,  ne  s'attaquent  pas  facilement. 

Gela  ne  peut  se  comparer  à  Aboukir,  à  cause  du  voisinage  de  la  terre,  des 
équipages,  de  la  position,  et  enfin  l'amiral  qui  est  devant  Brest  n'a  pas,  comme 
Nelson,  une  immense  sottise  à  réparer.  Mais,  pour  Dieu,  qu'on  me  mette  des 
c^ronades.  Ce  n'est  qu'avec  des  canons  qu'on  arme  des  vaisseaux  et,  pour  des 
vaisseaux,  il  n'y  a  que  des  canons  de  gros  calibre. 

Si  Ganteaume  fût  donc  sorti,  je  ne  vois  pas  à  quoi  bon  sa  sortie,  j'ai  peine 
à  le  comprendre.  Cependant,  s'il  le  croit  nécessaire,  au  lieu  de  la  faire  à  la 
fin,  qu'il  la  fasse  avant  le  13  messidor. 

Quant  au  Borée ^  il  faut  y  nommer  un  jeune  homme.  Il  parait  que  VUranie 
est  bloquée  à  Villefranche  par  1  vaisseau  et  2  frégates  anglaises  ;  c'est  la  seule 
force  qu'il  y  ait  dans  ces  mers.  Je  suis  porté  à  croire  que  ce  vaisseau  est  un 
vaisseau  de  50  canons.  Qu'on  arme  le  Borée  jour  et  nuit.  Faites-donc  partir 
Vescadre  de  Bochefori.  Je  pense  que,  plutôt  elle  partira,  mieux  cela  vaudra. 
Son  départ  aura  encore  ceci  de  bon,  que  les  Anglais  verront,  dans  sa  sortie,  le 
projet  de  faire  la  guerre  dans  les  pays  lointains. 

Tâchez  qu'elle  ait  lieu  avant  le  20  messidor.  Dites  à  O'Gonnor  et  à  ses  com- 
patriotes, dans  les  proclamations  : 

«  Des  hommes  impatients  et  insensés  vous  font  faire  des  mouvements  inu- 
u  tiles.  Le  moment  de  reconquérir  votre  indépendance  n'est  pas  éloigné.  Alors 
t<  seulement  vous  pourrez  avec  sûreté  vous  lever  en  masse.  Déguisez  vos  sen- 
«  timents,  et  conservez  votre  amour  pour  la  patrie  et  votre  indépendance 
«jusqu'au  moment  oil,  secourus  par  vos  alliés,  vous  pourrez  le  faire  avec 
«  succès.  » 

Mon  intention  serait  d'endormir  les  Anglais  le  plus  possible  sur  l'escadre  de 
Brest,  sans  affectation  cependant,  et  de  diriger  le  tout  vers  le  Texel. 

Écrivez  dans  ce  sens  à  Marmont.  Il  faut  qu'il  puisse  partir  vers  le  20  mes- 
sidor; moi-même  je  ferai  marcher  un  piquet  de  ma  Garde  pour  Utrecht  et, 
arrivé  à  Paris,  j'annoncerai  mon  départ  pour  ce  point.  Cela  leur  fera  craindre 
que  Villeneuve  ne  s'y  dirige  et  les  portera  h  s'affaiblir  devant  Brest,  ce  qui  est 
le  grand  point. 

(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8938. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  631 

Je  TOUS  renvoie  la  dépêche  de  l'amiral  Ganteaume.  Je  pense  que  la  division 
de  6  vaisseaux,  bons  marcheurs,  dérouterait  les  calculs  de  Tennemi  et  lui  don- 
nerait le  change.  L*ennemi  ne  manquerait  pas  d'être  fier  d'avoir  empêché  de 
sortir  cette  escadre.  Mais  je  ne  crois  pas  qu'il  faille  en  faire  sortir  davantage, 
sans  quoi  il  pourrait  ne  pas  se  croire  en  force  et  devoir  en  faire  venir 
d'autres. 

Vous  recevrez  par  M.  Maret  le  décret  relatif  aux  équipages  des  forbans.  Je 
ne  vois  point  de  difficulté,  sur  l'autre  décret,  de  supprimer  l'etccetera  et  d'en 
suspendre  l'exécution.  Cependant,  si  irousne  Taviez  pas  publié  au  15  messidor, 
il  faudrait  m'en  prévenir,  afin  que  je  visse  la  mesure  h  prendre. 

Napoléon. 

De  plus,  une  nouvelle  diversion,  menaçant  Flrlande,  est 
préparée  à  la  même  époque. 

Au  général  Marmont  (1). 

Parme,  8  mossidor  an  xtii  (t7  juin  1805). 

J'ai  reçu  votre  lettre  du  28  prairial.  J'ai  fait  connaître  mes  intentions  au 
ministre  Decrès;  mais  comme  il  ne  pourrait  point  le  faire  avec  tous  les 
détails  convenables,  je  pense  devoir  vous  écrire  directement,  et  je  vous  par- 
lerai comme  à  un  officier  sur  le  secret  et  la  confiance  duquel  j'ai  le  droit  de 
compter  entièrement. 

Les  Anglais  n'ont  à  Tannouth  que  3  vaisseaux  (Tun  calibre  plus  fort 
que  Ç4.  Xai  besoin  d'en  attirer  davantage  sur  ce  point,  pour  aider  mes  opéra- 
tions. Voici  comme  je  conçois  ce  que  vous  avez  à  faire.  Passé  le  15  messidor 
(4  juillet),  mettez  en  marche  les  détachements  de  troupes  qui  doivent  s'em- 
barquer à  bord  des  vaisseaux  et  frégates  ;  ils  y  seront  arrivés  le  20  messidor 
(9  juillet).  Du  20  au  25  messidor  (9  au  14  juillet)  que  les  vaisseaux  de  ligne 
lèvent  l'ancre  et  se  rendent  au  point  F  de  votre  plan.  Que  le  reste  du  camp 
ne  bouge  pas.  Qu'il  n'y  ait  qu'un  général  de  division  d'embarqué  ;  vous,  ne  le 
soyez  pas.  Faites  courir  le  bruit  que  5  vaisseaux  et  frégates  avec  six  mois  de 
vivres  partent  pour  une  expédition  de  long  cours.  L'escadre  restera  là  jusqu'à 
ce  qu'elle  ait  attiré  devant  elle  une  force  ennemie  supérieure;  et  si,  même 
alors,  elle  peut  y  rester  sans  danger,  elle  continuera  à  y  rester.  Si  la  position 
n'est  point  tenable,  elle  rentrera,  mais  le  plus  tard  possible.  Au  !•'  thermidor 
(20  juillet),  toute  votre  armée  se  mettni  en  marche.  Les  0,  7  et  8  thermidor 
(25,  26  et  27  juillet),  tout  sera  embarqué.  Le  9  thermidor  (28  juillet),  vous 
vous  embarquerez  de  votre  personne,  vous  prendrez  des  pilotes  et  ferez  croire 
le  plus  possible  que  vous  allez  en  Irlande  en  doublant  l'Ecosse  ;  vous  mettrez 
dans  l'erreur  l'amiral  et  les  officiers  hollandais.  C'est  donc  l'Irlande  que  vous 
menacez.  Si,  dans  cette  position  vous  pouvez  aller  avec  votre  escadre  à  la 
position  F,  vous  le  ferez.  Sans  quoi,  vous  aurez  l'air  d'attendre  qu'un  coup  de 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8953. 


632  TROISIÈMB  PARTIE.  —  CHAPITRE  XI. 

Tent  chasse  la  croisière  anglaise  pour  mettre  à  la  Toile  ;  ce  qui,  nécessaire- 
ment, obligera  les  Anglais  à  tenir  une  escadre  de  iO  vaisseaux  au  moins,  et 
leur  donnera  toutes  sortes  de  sollicitudes. 

le  compte  donc  que  les  10  et  11  thermidor  (i9  et  30  juillet),  tous  ferez 
toutes  vos  dispositions  pour  l'embarquement,  et  vos  dispositions  feront  en 
Angleterre  un  tapage  considérable. 

Vous  prendrez  vos  mesures  pour  ne  toucher  en  rien  à  vos  munitions  de 
siège  et  à  vos  approvisionnements  jusqu'au  25  thermidor  (3  août).  Je  serai 
près  de  vous  alors   et  je  vous  ferai  connaître  fréquemment  mes  intentions. 

Je  vous  ai  dit  que  j'avais  besoin  que  vous  attiriez  beaucoup  de  vaisseaux 
près  de  vos  côtes,  c*est  mon  premier  but;  mais  il  n'en  faut  point  conclure  que 
votre  embarquement  est  un  embarquement  de  parade.  11  est  de  parade  dans 
ce  sens,  qu'il  est  anticipé  d'un  mois,  mais  ce  temps  là  passé,  il  est  probable 
qu'il  deviendra  réel.  Et,  comme  dans  les  opérations  de  mer,  les  jours  ne 
peuvent  être  calculés,  quand  je  dis  un  mois,  ce  peut  être  quinze  jours.  Vous 
devez  donc  vous  arranger  pour  être  prêt  à  partir  au  reçu  d'un  ordre.  Je  crois 
que  cela  vous  explique  sufBsamment  mes  intentions. 

Vous  ne  recevrez  juste  que  le  15  thermidor  (4  juillet)  mon  courrier.  Orga- 
nisez ce  que  vous  embarquerez  à  bord  de  votre  escadre,  de  manière  à  faire 
croire  que  c'est  pour  votre  expédition,  mais  surtout  faites  que  cela  soit  cru  en 
Angleterre  et  en  Hollande  pendant  dix  ou  douze  jours.  11  ne  faut  point  faire 
embarquer  de  chevaux,  vu  que  cela  décèlerait  une  expédition  de  descente. 

Dix  ou  douze  jours  après,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  il  faut  que  Ton  croie 
en  Angleterre  à  votre  opération  de  descente.  11  vous  est,  en  ce  moment, 
impossible  d'en  comprendre  toute  l'importance  et  les  raisons. 

Trompez  les  généraux  de  division,  que  vous  ferez  embarquer  sur  les  vais- 
seaux de  guerre,  en  faisant  faire  des  recherches  sur  le  cap  de  Bonne- 
Espérance.  N'embarquez  que  ce  qui,  selon  l'opinion  des  marins,  peut  aller 
au  Cap. 

Dans  votre  état  de  situation,  qui  se  monte  à  20,000  hommes  embarqués,  je 

désire  que  vous  y  joigniez  deux  compagnies  d'artillerie  batave  de  plus,   et 

quelques  ouvriers  et  sapeurs  de  plus. 

Napoléon. 

Au  vice -amiral  Decrès  (1). 

Parme,  8  messidor  an  xm  (27  JuIq  1805). 

Collingwood  n'est  parti  que  le  3  prairial  (23  mai]  ;  il  a  perdu  quatre  ou  cinq 
jours  à  conférer  avec  Nelson  dans  la  baie  de  Lagos.  En  supposant  donc  qu'il 
ait  été  en  droite  ligne  où  il  devait  trouver  Villeneuve,  il  y  arrivera  beaucoup 
après  lui.  La  Topaze  est  partie  le  25  floréal  (15  mai),  le  Président  le  V'  prai- 
rial (21  mai)  et,  dès  lors,  il  ne  trouvera  plus  personne.  Je  ne  vois  pas  non 
plus  bien  clairement  où  a  été  Nelson. 

Cependant,  très  certainement,  il  y  a  dans  la  Méditerranée  1  vaisseau  k 
Naples,  3  qui  rôdent  sur  nos  côtes  depuis  Gènes  jusqu'à  Toulon  et  3  autres 

(l)  Correspondance  de  Napoléon,  8955. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  633 

qui  r^ent  sur  les  côtes  de  Gadix-Garthagène.  J'estime  donc  qu'il  y  a  7  Tais- 
seaux  dans  la  Méditerranée.  On  veut  me  faire  croire  que  Nelson  est  du 
nombre;  alors  il  aurait  donné  4  vaisseaux  de  son  escadre  à  Collingwood,  qui 
serait  parti  ayec  12  ou  i 3  yaisseaux.  Seion  tos  calculs,  il  n'y  en  aurait  que 
24  deyant  Brest,  dont  6  de  la  croisière  de  Rochefort,  reste  à  18;  ajoutez-y  les 
4  du  Ferrol,  que  tous  supposez  réunis,  quoique  ce  soit  incertain  ;  au  moment 
du  combat,  il  n'y  aurait  donc  là  que  22  à  23  vaisseaux.  VilleneuTe  aurait  :  en 
seuls  vaisseaux  français,  19  vaisseaux  et  7  frégates,  et  13  vaisseaux  et  2  fré- 
gates espagnols.  Selon  votre  état,  il  n'y  aurait  à  Nore  et  à  Yarmouth  que 
3  vaisseaux. 

G'est  pour  augmenter  le  nombre  de  ces  vaisseaux  que  tendent  tous  mes 
efforts.  A  cet  effets  mon  intention  est  que,  passé  le  20  messidor j  Vescadre  batave 
du  Texel  sorte  et  rentre^  et  qu'au  1*'  thermidor  toute  l'armée  s'embarque  et 
reste  embarquée.  Certainement,  30,000  hommes  embarqués,  ce  qui  n'a  jamais 
lieu,  et  7  vaisseaux  attireront  beaucoup  de  forces  de  ce  côté-là.  Ecrivez  sur  cela 
au  général  Marmont. 

Il  est  bon  que  vous  fassiez  courir  légèrement  le  bruit  que  la  portion  de  ma 
Garde  partie  de  Paris  se  dirige  sur  la  Hollande,  et  que  moi-même  je  vais 
passer  la  revue  du  camp  à  Utrecht. 

Si  Missiessy  sort,  comme  je  l'espère,  et  qu'il  psiraisse  sur  les  côtes  d'Irlande, 
il  ajoutera  à  ces  démonstrations  plus  de  probabilités.  Enfin,  je  suis  plein 
d'espoir  que  l'amiral  Villeneuve  ne  trouvera  pas  à  Brest  une  force  qui  puisse  lui 
en  imposer  et  que  nos  escadres  réunies,  présentant  plus  de  KO  vaisseaux,  seront 
longtemps  maîtresses  du  passage  des  mers  où  elles  doivent  se  rendre. 

Le  15  messidor,  écrivez  à  Villeneuve  pour  faire  connaître  l'état  de  la  ques- 
tion. Le 20,  envoyez-lui  un  second  courrier;  le  25,  un  troisième;  le  1«'  ther- 
midor, un  quatrième;  le  5,  un  cinquième.  Que  ce  soient  tous  des  gens 
vigoureux. 

Ecrivez  au  général  Gourdon  que,  du  moment  que  Villeneuve  paraîtra,  il 
expédie  deux  courriers,  un  à  Brest  et  à  un  Paris,  et  qu'il  promette  100  louis  à 
ces  courriers  s'ils  arrivent  avant  telle  heure,  en  recommandant  à  tous  deux, 
sous  peine  afflictive,  de  ne  pas  dire  un  mot  de  ce  qu'ils  ont  vu  et  du  lieu  où 
ils  vont. 

Dans  votre  lettre  au  général  Villeneuve,  faites-lui  bien  connaître  qu'il  trou- 
vera des  vivres  à  gogo  à  Brest;  que  d'ailleurs  l'escadre,  qui  en  a  pour  six  mois, 
pourra  lui  en  donner  tant  qu'il  voudra;  qu'enfin  il  en  trouvera  aussi  sur 
l'escadre  de  Gourdon,  qui  pourrait  lui  donner  trois  mois  pour  5  vaisseaux,  ce 
qui  formera  quinze  jours  pour  20  vaisseaux. 

Écrivez  également  à  Gourdon  que,  le  25  messidor,  il  vous  expédie  un  cour- 
rier qui  vous  fasse  connaître  la  situation  de  l'escadre  espagnole,  la  sienne  et 
celle  de  l'ennemi. 

Je  vous  envoie  la  carte  du  Texel  et  la  note  des  points  où  son  escadre  peut 
se  porter,  et  de  ce  qu'elle  peut  faire,  sans  se  compromettre,  pour  attirer  le 
plus  d'ennemis  possible.  Consultez-vous  avec  le  Pensionnaire  de  Hollande  et 
écrivez-lui  une  lettre  dans  laquelle  vous  lui  direz  que,  dans  mon  attaque 
générale  de  guerre,  j'ai  besoin  qu'il  fasse  tel  mouvement  ;  donnez  ordre  au 
général  Marmont  de  faire  les  démarches  pour  le  faire  exécuter  auprès  du 
comité  de  la  marine. 


684  TROISIÂMB  PARTIE.   —  CHAPITRE  XI. 

Faites  entreToir  à  M.  Schimmelpenninck  qu*il  ne  serait  pat  impossible  qu'à 
mon  retour  d'Italie  j'allasse  visiter  le  carap  d'Utrecht  ;  que  je  serais  flatté  de 
trouTer  l'escadre  du  Texel  forte  de  9  vaisseaux  de  guerre. 

J'ai  peine  à  croire  qu'il  y  ait  8  vaisseaux  devant  Rochefort,  à  moins  que  ce 
ne  fût  6  vaisseaux  de  haut'-bord  et  3  de  50. 

R6iiérei  donc  vos  ordres  pour  que  le  Borée  soit  armé  sans  retard.  Je  vou- 
drais confier  une  expédition  à  M.  Jérôme,  mais  de  quelque  importance.  Si,  au 
1*'  septembre,  je  pouvais  avoir  le  Génois,  le  Borée  et  3  frégates,  je  pourrais 
lui  faire  faire  une  très  belle  expédition.  Faites-moi  connaître  le  temps  réel  pour 
une  expédition  d'Afrique  et  si  vous  pensez  que  le  Génois  soit  prêt.  Si,  ensuite, 
notre  grande  expédition  réussissait,  ces  petites  escadres  pourraient  bien  servir 
à  quelque  occupation  d'éclat  importante. 

Faites  aussi  terminer  VAnnibal, 

Napoléon. 

Au  vice^amiral  Decrèa  (1). 

Plaitanee,  9  messidor  an  xin  (tS  juin  1805). 
Monsieur, 

Je  suis  toujours  sans  nouvelles  positives;  il  paraîtrait  que  Nelson  aurait  été 
aux  Indes  occidentales,  mais  seulement  avec  10  vaisseaux.  Dans  tous  les  cas,  il 
ne  serait  parti  que  le  25  floréal.  Magon  serait  donc  arrivé  avant.  Nelson  aurait 
d'abord  été  devant  Surinam,  de  là  à  la  Trinité,  et  enfin  à  la  Barbade,  ce  qui 
laisse  des  chances  même  pour  l'arrivée  de  la  frégate  le  Président,  qui  est 
partie  le  !•'  prairial,  c'est-à-dire  à  presque  pas  de  jours  de  difl^érence,  et  avec 
l'avantage  d'un  bâtiment  contre  une  escadre,  suivant  une  route  plus  courte 
et  ne  perdant  son  temps  ni  à  rien  chasser,  ni  à  prendre  aucun  renseigne- 
ment. Nelson  perdra  deux  jours  au  cap  Vert,  il  perdra  beaucoup  de  jours  à  se 
faire  rallier,  par  les  vaisseaux  et  frégates  qu'il  fera  chasser  sur  sa  route. 
Quand  il  apprendra  que  Villeneuve  n'est  pas  aux  Iles  du  Vent,  il  ira  à  la 
Jamaïque  et,  pendant  le  temps  qu'il  perdra  à  s'y  réapprovisionner  et  à  l'y 
attendre,  les  grands  coups  seront  portés  :  voilà  mon  calcul.  Faites  embarquer 
à  Brest  le  plus  de  vivres  que  vous  pourrez  sur  les  flûtes. 

Comment  n'est-il  pas  possible  de  tirer  parti  de  ce  vaisseau  V Océan? 
N'oubliez  point  les  canonnières.  Donnez  l'ordre,  qu'au  5  thermidor,  ce  qu'on 
peut  trouver  dans  les  ports  s'embarque  sur  les  canonnières,  qu'on  y  mette 
de  bonnes  troupes,  et  que  tout  soit  armé,  jusqu'aux  péniches.  Les  pièces 
de  18  et  de  24  sont  partout  des  pièces  de  18  et  de  24.  Pourquoi  même  les 
deux  ou  trois  bombardes  qui  sont  à  Brest  ne  sortiraient-elles  pas? 

Expédiez  un  capitaine  de  frégate  au  Havre  et  un  à  Dunkerque,  pour  faire 
hâter  le  départ  de  l'un  et  l'autre  côtés.  Donnez  ordre  à  la  frégate  canon- 
nière de  se  tenir  prête  avec  ses  munitions,  à  partir  vingt-quatre  heures  après 
la  réception  de  votre  courrier  ;  vous  savez  de  quelle  utilité  doit  nous  être  cette 
frégate.  Ayez  aussi,  au  Havre,  un  ou  deux  bricks  bons  marcheurs,  pour 
porter  des  ordres.  Dans  des  moments  si  critiques,  c'est  un  soulagement  de 


(1)  Correspondance  de  Napoléon»  8958. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  686 

reoeToir  tous  les  jours  des  nouyelles.  J'imagine  que  vous  ayei  à  Cherbourg 
au  moins  un  mois  de  titres  pour  tout  le  monde. 

Je  serai  à  Gènes  les  11,  12,  13,  44  et  iK.  Voyex  Lavalette  pour  que  nos 
courriers  prennent  la  route  de  Moulins,  Lyon,  Ghambéry,  Turin,  Casai, 
Alexandrie  et  Gènes,  afin  que  Je  ne  manque  aucune  de  tos  lettres,  et  que  je 
sois  toujours  au  courant.  Comme  je  marche  arec  deux  voitures,  incognito, 
sous  un  npm  supposé,  et  sans  gardes,  cela  exige  un  grand  secret.  Il  sera 
cependant  nécessaire,  passé  le  i8  thermidor,  qu'on  dise  aux  courriers,  en 
leur  recommandant  le  secret,  que,  comme  on  ne  sait  pas  mon  itinéraire,  ils 
observent  bien  siu*  la  route,  en  cas  que  je  passe  incognito.  Indépendamment 
des  courriers,  s*il  y  a  quelque  chose  d'important,  il  sera  convenable  que  vous 
m'expédiiez  un  officier  que  vous  mettrez  dans  le  secret  de  ma  route. 

Napoléon* 


Monsieur, 


Au  Wce-amira/  Deorès  (1). 

Plaisance,  9  messidor  an  xm  (28  juin  1805). 


Je  reçois  votre  courrier  et  vos  lettres  de  la  Guadeloupe. 

Je  vous  prie  de  me  rassurer  par  votre  premier  courrier  et  de  me  dire  si 
Villaret  sait  quelque  chose  du  but  de  l'expédition,  car  je  tremble  que  les 
Anglais  soient  instruits  de  tout  par  ce  canal. 

Il  parait  bien  positivement  que  Villeneuve  sera  arrivé  le  i6  floréal  (6  mai)  à 
la  Martinique  ;  il  devait  y  rester  quarante  jours  ;  il  a  donc  dû  en  partir  le 
25  prairial  (14  juin).  Mais  Magon  est  parti  le  11  floréal  (l''*'  mai),  il  a  dû 
arriver  le. il  prairial  (31  mai),  et,  certainement  avant  le  20  (9  juin).  Magon 
lui  porte  V ordre  de  rester  trente-cinq  jours;  il  devrait  donc  en  partir  au 
20  messidor  (9  juillet),  et,  en  cas  que  Magon  fût  intercepté,  la  Didon,  qui  est 
partie  le  13  floréal  (3  mai),  porte  le  même  ordre.  La  Topaze,  qui  est  partie  le 
25  floréal  (15  mai),  sera  arrivée  le  25  prairial  (14  juin);  elle  lui  porte  Vordre 
de  ne  rester  que  vingt  jours  après  Varrivée  de  Magon,  c^est-à-dire  ju$qu*au 
5  messidor  (24  juin).  Ainsi,  l'amiral  Villeneuve  partirait  du  5  messidor 
(24  juin);  mais  le  Président,  parti  le  1<"  prairial  (21  mai),  lui  porte  Tordre 
de  partir  sur-le-champ  :  le  Président  arrivera  au  !•'  messidor  (20  juin).  Le 
Département'deS'Landes,  parti  le  3  prairial  (23  mai),  lui  porte  le  même 
ordre.  On  ne  peut  donc  former  aucun  doute,  et  il  n*y  a  pas  moralement  de 
chances  pour  que  Villeneuve  ne  parte  pas  du  1®'  au  10  messidor  (20  au 
i9  juin).  Il  mettra  un  mois  pour  son  retour;  je  ne  le  compte  donc  que  du 
1"  au  10  thermidor  (20  au  30  juillet)  devant  le  Ferrol,  du  10  au  20 
(30  Juillet  au  8  août)  devant  Brest,  et  du  20  au  30  (8  au  18  août)  devant 
Boulogne. 

Voyons  actuellement  ce  qu^il  y  a  contre  nous.  Il  n^y  a  que  18  vaisseaux 
devant  Brest,  6  devant  Roche  fort  et  8  devant  le  Ferrol  ;  on  ne  sait  pas  ce  qu'il 
y  a  dans  la  Méditerranée;  de  très-sûr,  il  n'y  a  que  4  vaisseaux.  Il  nous 
manque  des  connaissances  de  Nelson  et  de  Collingwood;  Nelson  et  Collingwood 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8959. 


636  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XI. 

étaient  ensemble  le  25  floréal  (15  mai),  sur  les  côtes  d'Espagne,  avec  il  vais- 
seaux de  guerre;  ils  sont  partis;  on  n*en  a  réellement, depuis,  aucune  nouvelle. 
S'ils  ont  été  ensemble,  ils  sont  arrivés  le  26  prairial  (15  juin)  devant  Suri- 
nam, et  le  l***  messidor  (20  juin)  à  la  Barbade.  Si  alors  ils  se  sont  présentés 
devant  la  Martinique,  ils  ont  trouvé  notre  escadre  composée  de  14  vaisseaux 
français  et  6  vaisseaux  espagnols.  Si  je  ne  me  trompe,  messidor  commence 
déjà  rhivernage.  Nelson  aura  fait  ime  de  ces  deux  choses;  il  aura  cherché  à 
se  rallier  à  quelque  escadre,  et  Villeneuve  sera  parti  ;  ou,  dès  que  Ville- 
neuve aura  appris  l'arrivée  de  Nelson  dans  ses  parages,  il  sera 
encore  parti  (1). 

Mais  il  est  difficile  de  croire  que,  sans  aucune  nouvelles,  les  Anglais  aient 
expédié  17  vaisseaux  de  guerre  aux  Indes  occidentales,  tandis  que  Nelson, 
devant  se  joindre  avec  ses  dix  vaisseaux  à  Cochrane  qui  en  a  6,  et  aux  3  qui 
sont  à  la  Jamaïque,  se  fait  une  force  de  i9  vaisseaux  qui  lui  donne  la  supé- 
riorité sur  notre  escadre,  et  que  Collingwood,  parti  avec  8  vaisseaux  pour  les 
Grandes  Indes,  en  trouve  là  9  qui  lui  donnent  une  force  de  17  vaisseaux,  qui, 
avec  les  vaisseaux  d'escorte,  lui  donnent  encore  la  supériorité  sur  notre  escadre; 
il  est,  dis-je,  difficile  de  penser  que,  lorsque  Tenneroi  a  ainsi  des  chances  de  se 
trouver  maître  partout,  il  ait,  à  l'aveuglette,  abandonné  les  Grandes  Indes. 

Enfin,  il  y  a  une  autre  observation. 

Si  les  deux  escadres  anglaises  réunies  ont  été  en  Amérique,  elles  auront 
passé  au  cap  Vert,  et  n'arriveront  que  le  5  messidor  (24  juin),  c'est-à-dire, 
mettant  40  jours  dans  la  traversée  Si,  au  contraire,  Nelson  était  seul,  il  aura 
été  sans  hésiter  et  sans  chercher  aucun  renseignement.  Alors  que  fera-t-il  avec 
10  vaisseaux  ?  Il  perdra  8  oti  10  jours  à  se  réunir  à  Cochrane,  et  pendant 

ce  temps-là  Villeneuve  partira  (1)  ^^  V ennemi  se  trouvera  affaibli  au 
moment  des  combats,  des  escadres  de  Nelson  et  de  Cochrane.  11  est  certain  que 
Nelson  était  peu  approvisionné  ;  il  a  dû  mouiller  sur  la  côte  d^ Afrique  pour 
faire  de  Veau.  Ses  équipages  étaient  très  fatigués  ;  il  a  débarqué  à  Gibraltar 
tous  ses  malades.  Je  crois  ses  équipages  très  incomplets,  ce  qui  doit  lui  inspirer 
plus  de  prudence  et  de  réserve.  Mon  opinion  est  que  Nelson  est  parti  et  est 
allé  en  Amérique  ;  que  Collingwood  est  parti  et  est  allé  aux  Grandes  Indes, 

Dans  tous  les  cas,  nous  devons  avoir  tous  les  jours  de  nouvelles  données. 

Enfin  le  but  de  Villeneuve  est  si  difficile  à  deviner  que,  même  Nelson,  se 
ravitaillant  à  la  Barbade,  ne  croira  pas  faire  une  si  grande  faute  qu'il  la 
fera  en  perdant  trois  ou  quatre  jours  puisque  Villeneuve  n'est  pas  attaquable 
dans  la  rade  de  la  Martinique. 

Je  compte  Villeneuve  parti  pour  se  rendre  au  Ferrol,  du  20  prairial  au 
10  messidor  (9  juin  au  29  juin),  avant  que  Nelson  puisse  paraître.  Je  hâterai 
mon  arrivée  de  quelques  jours,  parce  que  je  pense  que  l'arrivée  de  Nelson  en 
Amérique  pourrait  pousser  Villeneuve  à  partir  pour  le  Ferrol  (1).  Nelson  avec 
10  seuls  vaisseaux  ne  paraîtra  pas  devant  la  Martinique  ;  il  s'arrêtera  quelques 
jours  à  la  Barbade,  afin  de  méditer  sa  réunion  avec  Cochrane. 


(l)  Il  est  remarquable  que   NapolAon  paisse  prévoir  que,  eontrairement  aux  ordres 
reçus,  Villeneuve  quittera  les  Antilles  dès  qn'il  saura  Tarrivée  de  Nelson. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  637 

Voici  mes  données  sur  la  situation  des  escadres  anglaises  :  18  vaisseaux 
deTant  Brest,  6  devant  Rochefort,  $  devant  le  Ferrol,  4  dans  la  Méditerranée, 
9  ou  iO  de  Tescadre  de  Nelson,  7  ou  8  de  l'escadre  de  Gollingwood. 

Tous  les  renseignements  présentent  Nelson  comme  croisant  sur  le  cap 
Saint-Vincent,  mais  tout  porte  à  penser  que  Tun  et  Tautre  sont  lancés.  Dans 
cet  état  de  choses,  s'il  est  prouvé  que  Nelson  et  Collingwood  sont  lancés  et  que 
Ganteaume  trouvât  jour  à  s)rtir,  ne  serait-il  pas  convenable  de  le  faire  sortir 
pour  avoir  Vair  de  menacer  V Irlande  ;  mais,  au  lieu  de  cela,  pour  s'emmancher 
et  se  porter  devant  Boulogne  ;  ou  bien  de  le  faire  aller  devant  le  Ferrol  se 
joindre  aux  iî  vaisseaux,  et  avec  ces  H3  vaisseaux  entrer  dans  la  Manche  ?  C'est 
un  jeu  mêlé,  sans  doute,  mais  qui  nous  sera  toujours  une  ressource,  s'tl  arrivait 
que  Villeneuve  fût  bloqué;  d'autant  plus  que,  dans  ce  cas,  l'escadre  de  Brest 
sortie,  on  la  croirait  destinée  pour  la  Martinique. 

Ecrivez-en  toujours  à  Ganteaume,  en  thème  général,  pour  savoir  ce  qu'il  en 
pense. 

Napoléon. 

Au  ¥100' amiral  Decrèa  (i). 

Géaes,  14  messidor  an  xm  (3  joillet  1805). 

Je  ne  vois  pas  d'inconvénient  à  donner  à  l'escadre  de  Rochefort  un  peu  plus 
de  latitude.  Il  parait  que  les  Anglais  ont  vraiment  9  ou  10  vaisseaux  devant  la 
Méditerranée,  puisqu'il  y  en  avait  7'devant  Cadix.  Est-ce  Nelson  ou  une  autre 
escadre,  c'est  ce  qu'on  ne  sait  pas  bien.  Tout  porte  h.  croire,  cependant,  que 
Nelson  est  parti. 

Napoléon. 

Le  Ministre  de  la  marine  au  général  en  chef,  Marmont,  commandant 

le  camp  d'Utrecht. 

Paris,  16  messidor  an  xni  (5  juillet  1805;. 

Monsieur  le  Général  en  chef, 

Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi  m'ordonne,  par  une  dépèche  en  date  du  8  mes- 
sidor, de  vous  informer  que  son  intention  est  que,  le  20  messidor  passé, 
l'escadre  batave  du  Texel  fasse  des  sorties  qui,  sans  la  compromettre,  appellent 
r attention  particulière  de  V ennemi. 

On  ne  peut,  sans  avoir  une  connaissance  plus  précise  de  la  côte  que  je  ne 
l'ai,  assigner  positivement  quels  sont  les  mouvements  que  peut  faire  l'escadre 
batave  pour  remplir  cette  intention  de  Sa  Majesté. 

Il  ne  s'agit  pas  de  chercher  à  combattre  l'ennemi  et  à  avoir  une  affaire  qui, 
forçant  Tescadre  à  rentrer,  la  rendrait  inhabile  à  remplir  ultérieurement  la 
mission  &  laquelle  elle  est  destinée. 

Il  faut,  au  contraire,  bien  éviter  un  engagement  de  cette  nature. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8966. 


.1 


638  TROISIBME  PARTIS.   —  CHAPITRE  XI. 

A  rinspeetioa  de  la  carte,  il  semble  que  Tetcadre  pourrait  lortir  par  la 
passe  ordinaire,  se  porter  au  sud  du  banc  dit  Zuyderhaacks,  et  là  prendre  son 
mouillage,  après  a^oir  loutoyé  autant  que  le  comporteraient  les  vents,  la  mer 
et  la  distance  de  Tennemi. 

Mais  si  les  renseignements  que  j'ai  sur  l'entrée  du  Texel  sont  exacts,  il 
parait  qu'une  escadre  ne  pourrait  rentrer  en  rade  par  des  vents  depuis  le  nord- 
nord*ouest  jusqu'au  sud-est. 

n  doit  donc  être  essentiellement  recommand<^  à  Famiral  batave  de  ne  faire 
de  ces  sorties  qu'autant  qu'il  n'aura  pas  à  craindre  que  les  vents  passent  dans 
cette  partie  ;  car  la  libre  rentrée  au  Texel  doit  toujours  être  réservée  à  l'escadre 
dans  les  mouvements  que  l'Empereur  désire  lui  voir  opérer,  et  c*est  ce  que 
vous  ne  pouvez  trop  recommander  à  l'amiral  Kikkert. 

C'est  à  lui  qu*il  appartient  de  juger  jusqu'à  quel  point  doivent  être  modifiés 
les  détails  dans  lesquels  j'entre:  il  vous  suffira  de  lui  faire  connaître  que  Tobjet 
de  ses  sorties  est  d'exercer  ses  équipages,  mais  qu'il  doit  le  faire  avec  la  pré- 
caution nécessaire  pour  préserver  l'escadre  qu'il  commande  d'une  attaque  de 
Tennemi  ;  et  il  devra  répéter  ses  sorties  et  ses  rentrées  autant  que  le  compor- 
teront les  vents  et  les  diverses  circonstances  précitées. 

Tel  est,  Monsieur  le  Général  en  chef,  l'ordre  que  Sa  Majesté  m'a  onionné  de 
vous  transmettre  ;  et  elle  m'a  prescrit  en  même  temps  d'y  ajouter  ce  qui  suit, 
pour  que  vous  en  assuriez  l'exéculion. 

L*intention  de  Sa  Majesté  est  que,  au  2  thermidor,  toute  Tannée  sous  votre 
commandement  s*embarque  et  reste  embarquée;  et  je  crois  pouvoir  ajouter  qu'il 
est  permis  de  présumer  qu'avant  peu  cette  armée  aura  l'honneur  d'être  ins- 
pectée par  l'Empereur  lui-même. 

Veuillez  donc,  Monsieur  le  Général  en  chef,  diriger  l'amiral  Kikkert,  de 
manière  qu'il  opère,  autant  qu'il  lui  sera  possible,  de  ces  sorties  qui  sont  dési- 
rées par  l'Empereur  et  dont  le  mouvement  devient  nécessaire  à  l'exécution  des 
grands  desseins  de  Sa  Majesté. 

Et  veuillez  pourvoir  aussi  à  ce  que,  au  2  thermider,  toute  l'armée  s'embarque 
et  reste  embarquée,  conformément  à  ses  intentions. 

J'informe  en  même  temps  M.  le  maréchal  Berthier  de  celles  de  ces  dispo- 
sitions qui  le  concernent  et  dont  Sa  Majesté  m'a  ordonné  de  vous  faire  la 
transmission  en  son  absence. 

Recevez,  Monsieur  le  Général  en  chef,  l'assurance  de  ma  haute  considé- 
ration. 

Le  Ministre  de  la  marine^ 

Degrés. 

P,  S,  —  Lorsque  l'escadre  batave  sortira,  il  serait  important  que  les  deux 
bricks  de  Sa  Majesté,  le  PhaÙon  et  le  Voltigeur ^  qui  sont  à  Helvoet-Sluys, 
pussent  profiter  de  cette  circonstance  pour  appareiller  de  ce  port  et  se  réunir 
à  cette  escadre.  Je  vous  prie  d'en  donner  Tordre  au  lieutenant  de  vaisseau 
Freycinet,  qui  les  commande.  Il  est  nécessaire  que  le  capitaine  Nouvel  leur 
rédige  des  instructions  pour  que  leur  sortie  concoure  avec  celle  de  l'amiral 
Kikkert,  qui  les  fera  protéger,  autant  que  les  circonstances  le  comporteront.  Je 
vous  prie  de  ne  leur  donner  qu'un  ordre  facultatif,  afin  qu'ils    ne  se  croient 


DU  ÎO  JUIN  AU  20  JUILLET.  639 

point  obligés  à  courir  la  chance  de  tomber  au  pouvoir  de  Tennemi  pour  ion 

exécution.  Ces  jeunes  gens  sont  pleins  de  zèle  et  d'intelligence,  et  je   les 

recommande  à  \otre  bienveillance  lorsqu'ils  seront  dans  Tescadre  ;  et  cette 

bienveillance  ne  pourra  mieux  s'exercer  qu'en  les  faisant  appareiller  tous  les 

jours,  ce  qui  leur  fera  le  plus  grand  plaisir. 

D. 

Au  général  Marmont  (i). 

FonUinebleaa,  24  mewidor  an  xm  (13  joilltt  1805). 

La  volonté  de  Sa  Majesté  est  que  vous  formiez  sans  délai,  sur  Helvoet- 
sluys,  un  camp  de  12  ou  1500  hommes  de  troupes  hollandaises.  Vous  devez 
y  joindre  un  des  bataillons  français  qui  n'est  pas  de  l'armée. 

Vous  y  réunirez  6  pièces  d'artillerie,  dont  vous  aurez  soiii  que  l'arrivée  et 
l'embarquement  fassent  grand  bruit.  Vous  nommerez  un  général  de  brigade 
français  pour  commander  particulièrement  cette  expédition.  Vous  lui  don- 
nerez le  nom  d'Expédition  secrète  de  l'armée  de  Hollande. 

Vous  ferez  en  sorte  que  l'on  croie  qu'elle  se  compose  effectivement  de 
3,000  hommes. 

Cette  division,  sur  laquelle  il  ne  sera  réellement  embarqué  que  6  À 
700  Hollandais,  mettra  à  la  voile  avec  celle  du  Texel  pour  se  joindre  à 
Texpédition  générale. 

Vous  observerez  qu'aucun  de  ces  détails  particuliers  n'est  connu  de 
M.  Schimmelpenninck. 

Sa  Majesté  vous  ordonne  de  faire  tout  ce  qui  sera  possible  pour  que  cette 
division  force  l'ennemi  à  tenir  2  vaisseaux  devant  Helvoetsluys,  et  Je  vous 
réitère  qu'il  est  d'une  grande  importance  pour  les  desseins  de  l'Empereur  que 
cette  division  inquiète  l'ennemi  avant  le  13  thermidor,  et  que,  par  consé- 
quent, il  faut  faire  travailler  jour  et  nuit  à  son  armement. 

Napoléon  {sic). 
L'Ambassadeur  en  Hollande  au  Ministre  des  Affaires  étrangères. 

8  thermidor  (f!  juiUat  1805). 

(2) 

Les  mouvements  de  l'armée  expéditionnaire  continuent  d'être  très  rapides. 
Déjà  le  camp  de  Zeist  est  levé  en  plus  grande  partie,  et  l'armée  embarque  au 
moment  où  j'écris.  D'un  autre  coté,  rexpéditio^^  que  le  général  Sébastian! 
prépare  à  Helvoet  est  poussée  avec  la  plus  extrême  vigueur.  Elle  sera  com- 
posée du  beau  vaisseau  le  Chatam  de  90,  du  Pieter^Paulus  de  64,  des  fré- 
gates VÉrine,  VEurydice^  VAurore^  et  des  corvettes  impériales  le  Phaëton  et 
Voltagim.  3,000  hommes  seront  h  bord  de  ces  bâtiments  et  de  quelques 
autres  de  transport.  Il  est  impossible  de  développer  plus  d'activité  que  le 
général  n'en  met  à  l'accélération  des  travaux.  Déjà  le  Chatam  est  très 
avancé,  600  ouvriers  y  sont  occupés  jour  et  nuit.  Le  Pieler-Pauhis  suivra  de 


(I)  Correspondance  de  Napoléon  inédite. 

{%)  Archives  des  Affaires  étrangères,  HoUanda,  1805* 


640  TROISIÈME   PARTIE.  —  CHAPITRE  XI. 

près.  On  calcule  que  tout  l'armement  pourra  être  prêt  h  mettre  k  la  voile 
dans  quinze  jours. 


Il  y  a  donc  là  un  nouveau  plan,  destiné  à  parer  au  cas  où 
Villeneuve  serait  bloqué,  c'est  celui  qui  consisterait  à  se  servir 
de  Ganteaume  seul  pour  dégager  la  Manche.  Transmis  à  cet 
amiral  par  lettre  du  6  juillet,  ce  projet  fut  déclaré  par  lui  une 
fois  de  plus  irréalisable. 

A  bord  dn  vaissean  V Impérial,  le  25  messidor  aa  xui 

(14Joillet  1805). 
Monseigneur, 

Je  me  hâte  de  répondre  à  Tobjet  important  de  Totre  dépêche  confidentielle 
du  17  de  ce  mois. 

Depuis  le  terme  fatal,  du  i*'  prairial  dernier,  où  il  ne  nous  a  plus  été 
permis  de  sortir,  pour  suivre  les  grands  projets  de  Sa  Majesté,  et  connaissant 
ses  desseins,  j*ai  eu  Thonneur,  dans  une  de  mes  lettres  particulières,  de  tous 
témoigner  mes  regrets  de  n'être  plus  autorisé  à  profiter  des  occasions  favo- 
rables, que  la  fortune  pourrait  nous  offrir  contre  Tennemi,  et  je  présentais  à 
Votre  Excellence  une  chance  de  succès  que  Von  pourrait  espérer  :  celle  de  pro- 
fiter d'un  moment  où  V ennemi  n  aurait  sur  Ouessant  qu'une  réunion  de  i6  ou 
17  vaisseaux  de  ligne,  et  de  sortir,  de  le  combattre  ou  de  lui  dérober  nos  nwu- 
vements,  s'il  prenait  chasse,  pour  nous  porter  subitement  sur  Rochefort,  où 
nous  pourrions  espérer  de  surprendre  les  vaisseaux  qui  bloquent  les  nôtres  et 
rallier  notre  escadre. 

Je  Tois  aujourd'hui,  Monseigneur,  avec  une  satisfaction  infinie,  que  la 
partie  de  la  question  que  Votre  Excellence  me  fait,  dans  sa  dépêche  du  17, 
s'accorde  parfaitement  avec  les  idées  que  je  me  suis  permis  de  lui  soumettre  à 
cet  égard.  Si  Tarmée  navale,  sortant  de  Brest,  était  assez  heureuse  pour  se 
dérober  à  la  vue  de  l'escadre  qui  la  sunreille,  il  n'existe  aucun  doute  qu'elle 
ne  doive  faire  route  pour  le  Ferrol  de  préférence  à  Rochefort,  puisque  les 
forces  qui  sont  dans  ce  port  porteraient  notre  armée  à  34  vaisseaux  et  qu'il 
nous  serait  facile,  après  la  réunion  des  escadres  du  Ferrol,  de  manoeuvrer 
poiu*  rallier  celle  de  Rochefort,  sans  être  obligé  de  nous  porter  dans  les 
perthuis  et  que  nous  aurions  enfin  par  là  une  supériorité  bien  décidée  sur 
l'armée  anglaise. 

Mais  si,  ainsi  que  le  porte  la  première  partie  de  la  question  que  contient 
votre  dépêche,  nous  nous  hasardions  dam  la  Manche  avec  les  2f  vaisseaux  seu- 
lement qui  composent  notre  armée,  nous  ne  tarderions  pas  à  être  observés  et 
joints  par  les  vaisseaux  dont  nous  aurions  trompé  la  surveillance,  et  auxquels 
on  n'aurait  pas  manqué  de  réunir  toutes  ces  forces  qui  se  trouvent  disponibles 
sur  les  côtes  et  dans  les  ports  de  V Angleterre,  et  alors  il  me  parait  que  toutes 
les  chances  seraient  contre  nom. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^^  Î24. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET,  641 

La  mer  de  la  Manche  est  trop  resserrée  pour  pouvoir  y  être  longtemps  satin 
y  être  aperçu  et  pour  y  manœuvrer  avec  succès  devant  des  forces  supérieures, 

SuÎTant  les  dernières  lettres  de  rarraée  anglaise,  il  parait  que  Farmée 
destinée  à  nous  bloquer  est  de  2i  vaisseaux  de  ligne,  parmi  lesquels  il  y  en  a 
eu  i2  à  trois  ponts  ;  une  escadre  de  5  yaisseaux  croise  entre  les  Sorlingues 
et  la  Baye  pour  surveiller  les  côtes  dlrlande  ;  indépendamment  de  ces  forces, 
nous  savons  qu'il  y  a  dans  la  Manche  et  dans  les  poi-ts  d'Angleterre  encore 
45  vaisseaux  armés;  la  réunion  de  tous  ces  moyens  me  parait  prompte  et 
facile. 

Pour  tenter  une  expédition  aussi  importante  que  Vest  celle  de  Boulogne  dans 
une  mer  aussi  orageuse  que  celle  de  la  Manche,  et  qui  n'est  pas  toujours  prati- 
cable pour  les  bateaux  qui  sont  employés  à  cette  expédition,  je  crois  qu'il  faut 
au  moins  pouvoir  espérer  d'avoir  le  passage  libre  pour  quinze  jours.  Avec 
2i  vaisseaux  seulement  nous  serions  continuellement  dans  la  crainte  d'en  voir 
arriver  subitement  trente,  dont  les  forces  doubleraient  presque  celles  de  notre 
armée.  Ces  réflexions,  Monseigneur,  me  portent  à  me  refuser  au  projet  d'entrer 
dans  la  Manche,  avant  d'avoir  obtenu  une  supériorité  bien  décidée  sur  Vennemi, 
par  la  réunion  des  forces  que  nous  avons  au  Ferrol,  à  Roche  fort  ou  à  celles  du 
général  Villeneuve, 

Quoique  les  papiers  publics  anglais  annoncent  que  Tamiral  Nelson  a  fait 
route  pour  les  Antilles  avec  il  vaisseaux  seulement  et,  malgré  la  jactance 
ordinaire  de  cet  amiral,  je  ne  pense  pas  qu'il  ait  osé  se  hasarder  à  la  poursuite 
de  notre  armée  avant  d'avoir  rallié  les  9  vaisseaux  qui,  aux  ordres  du 
contre-amiral  Collingwood,  lui  ont  été  envoyés,  et  alors  ces  forces,  au  nombre 
de  20  vaisseaux,  parmi  lesquels  il  y  en  avait  6  ou  7  de  première  grandeur,  se 
trouveraient  bien  supérieures  à  celles  de  l'armée  combinée,  en  y  comprenant 
même  la  difision  du  général  Magon  ;  mais  j'espère  que  le  retard  qu'aura 
éprouvé  l'amiral  Nelson  nous  aura  été  favorable  et  que  l'amiral  Villeneuve 
aura  pu  être  prévenu  h  temps  et  repartir  des  Antilles  avant  l'arrivée  des  forces 
ennemies. 

Le  prochain  départ  du  courrier  ne  me  permettant  pas  de  répondre  au 
second  objet  confidentiel  de  votre  dépèche,  je  me  réserve  de  le  faire  par  le 
prochain. 

Je  suis  avec  respect,  Monseigneur, 

votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Ganteaume. 

Le  5  juillet,  TEmpereur  quitta  Gênes;  le  10,  il  était  à 
Varennes  ;  le  12,  à  Fontainebleau.  Il  avait  mis  quatre-vingt- 
cinq  heures  pour  franchir  la  distance  qui  sépare  cette  ville  de 
Turin  (1).  Pas  une  seule  lettre,  entre  le  3  et  le  16  juillet,  n'a 
le  moindre  rapport  avec  les  mouvements  des  escadres.  Aussi, 
est-ce  sans  transition  apparente  que  se  découvre  un  nouveau 
plan  d'opérations. 


(1)  Lettre  au  prince  Eugène. 

IV.  41 


642  TR0I8IÈMS  PARTIS.   —  CHAPITRE  XI. 

Au  vic&'amiral  Vilhnmif^  (i). 

PontainebleAn,  27  mestidor  an  xm  (16  jaillet  1805). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 

Votre  Jonction  est  faite  a^ec  les  escadres  du  Fenrol,  tous  manœutreres  de 
manière  à  nous  rendre  maîtres  du  Pas-de-Calais,  ne  fÛt-ce  que  pendant 
quatre  ou  cinq  jours;  ce  qui  peut  s'opérer,  soit  en  réunissant  sous  votre 
commandement  nos  escadres  de  Rochefort  et  de  Brest,  soit  en  réunissant  seu- 
lement notre  escadre  de  Brest,  soit  en  réunissant  notre  escadre  de  Hochefort, 
et  doublant  af ce  cette  escadre  Tlrlande  et  TÉcosse,  pour  faire  fotre  Jonction 
a^ec  Fescadre  hollandaise  du  Texel. 

Notre  Ministre  de  la  marine  vous  fera  connaître  la  force  de  ces  escadres  et 
les  différentes  combinaisons  qui  nous  ont  paru  les  plus  probables.  Nous  nous 
reposons  entièrement,  pour  leur  succès,  sur  Totre  expérience  et  sur  fotre  zèle 
pour  la  gloire  de  nos  armes. 

Si,  par  TefTet  de  combats  que  vous  auriez  essuyés,  de  quelques  séparations 
considérables  ou  d'autres  événements  que  nous  n'aurions  pas  prévus,  Totre 
situation  se  trouvait  considérablement  changée,  notis  n* entendons  pas  que,  dans 
aucun  cas  y  notre  armée  entre  dans  le  port  du  Ferfol  ;  dans  ce  cas  qui,  avec 
Taide  de  Dieu,  n'arrivera  pas,  nous  désirons  qu'après  avoir  débloqué  nos 
escadres  de  Rochefort  et  du  Ferrol,  vous  mouilliez  de  préférence  dans  le  port  de 
Cadix.  L'Europe  est  en  suspens  dans  l'attente  du  grand  événement  qui  se 
prépare.  Nous  attendons  tout  de  votre  bravoure  et  de  votre  habileté. 

Napoléon. 

Cet  ordre  fut  transmis  à  Villeneuve  par  Tamiral  Decrès 
sous  la  forme  suivante  : 

A  M.  ramiral  Villeneuve  (2). 

Fontainebleaa»  le  27  messidor  ao  xm  (16  juillet  1805). 

J'ai  reçu  le  2î  courant  (\0  juillet).  M,  VAmiraly  les  diverses  dépêches  que 
vous  m'avez  adressées  par  le  brick  le  «  Lynx  »,  commandant  Fargurel,  et  dont 
vous  aviez  chargé  le  lieutenant  de  vaisseau  Aouet. 

Je  les  ai  mises  aussitôt  sous  les  yeux  de  TËmperear,  et  l'attention  de  Sa 
Majesté  s'est  fixée  avec  satisfaction  sur  les  détails  de  votre  navigation,  de  votre 
réunion  à  Cadix  et  sur  la  sagacité  de  toutes  les  dispositions  que  vous  avez  prises 
dans  votre  traversée  et  depuis  votre  arrivée  aux  Antilles.  Elle  a  vu  aussi,  avec 
un  intérêt  particulier,  les  comptes  avantageux  que  vous  rendez  des  capitaines 
commandant  les  bAtiments  de  votre  escadre  et  du  capitaine  Prigny,   votre 


(l)  Correspondance  de  Napoléon,  8985. 
(î)  Archives  de  la  Marine,  BBit,  230-64. 


I 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  648 

adjudant  et  de  tos  rapports  avec  Famiral  GraTina  et  êeê  officiera.  Sa  Majesté  en 
aTait  été  préienue  par  la  loyauté  du  caractère  et  le  défoueraent  de  cet  aminri. 

Il  est  probable  que  TarrÎTée  à  la  Martinique  du  contre-amiral  Magon,  ayec 
les  Talsseaux  VAlgésiras  et  V Achille,  a  suÎTi  de  très  près  l'expédition  du  Lynx, 

Cet  officier  général,  parti  de  Rochefort  le  41  floréal,  a  dû  tous  remettre  de 
nouvelles  instructions  de  FEmpereur,  qui  tous  expriment  l'intention  de  Sa 
Majesté  qu^aussitôt  que  vous  aurez  rallié  les  forces  navales  mouillées  au  Ferrol, 
vous  TOUS  portiez  sur  Brest  pour  y  rallier  l'armée  aux  ordres  de  Famiral  Gan- 
teaume,  qui  se  rangera  sous  les  vôtres  immédiatement  après  sa  jonction. 

Aussitôt  qu'elle  sera  opérée,  tous  tous  porterez  sur  Boulogne,  où  vous  rece- 
vrez les  ordres  de  Sa  Majesté  elle-même. 

Ces  nouvelles  instructions  vous  ont  été  successivement  adressées,  en  dupli- 
cata, par  la  Bidon,  la  Topaze,  le  Président,  le  Néarque  et  le  Départemeni-deS' 
Landes, 

Je  ne  doute  point  que  l'armée  sous  vos  ordres  ne  se  trouve,  en  arrivant  au 
Ferrol,  composée  de  34  vaisseaux  de  ligne,  indépendamment  des  frégates  qui 
en  font  partie,  savoir  :  M  vaisseaux  partis  de  la  Martinique,  6  vaisseaux  espa- 
gnols avec  vous,  5  vaisseaux  français  qui  sont  au  Ferrol  sous  les  ordres  du 
contre-amiral  Gourdon,  et  cnfln  9  vaisseaux  espagnols  qui  s'y  trouvent  sous  le 
commandement  de  M.  Grandellana. 

Le  contre-amiral  Gourdon  et  M.  Grandellana  ont  ordre  de  se  joindre  à  vous 
dès  que  vous  partirez. 

J'ai  lieu  de  croire  que  ces  14  vaisseaux  du  Ferrol  sont  pourTus  de  six  mois 
de  vivres  ;  ils  ont  reçu  l'ordre  d'être  disposés  à  en  verser  une  certaine  quan- 
tité sur  les  Vaisseaux  de  votre  escadre,  K  supposer  qu'ils  en  aient  besoin  ; 
mais  là  sollicitude  que  je  devais  avoir  sur  cet  objet  s'est  atténuée  par  le  compte 
que  me  rend  M.  Laupat  :  i75,000  rations  qu'il  vous  aura  fournies  en  biscuit  ; 
il  vous  aura  nourri  pendant  un  mois,  au  journalier,  à  la  Martinique. 

Il  résulte  de  l'addition  de  ces  suppléments  avec  les  vivres  que  vous  aviez  à 
bord  en  partant,  et  le  nombre  des  consommateurs  de  l'escadre,  que  vos  vais- 
seaux doivent  être  pourvus,  en  rations  de  biscuits,  jusqu'à  l'époque  du 
25  vendémiaire. 

Ce  sera  à  vous.  Monsieur  TAmiral,  à  prendre  en  arriTant  sur  le  Ferrol  telle 
disposition,  â  cet  égard,  que  commandera  Totre  état  réel  de  situation. 

Mais  je  dois  tous  informer  que  des  flûtes  sont  chargées,  à  Brest,  de 
450,000  rations,  que  les  magasins  en  sont  pourvus,  que  l'armée  de  l'amiral 
Ganteaume  a  six  mois  de  TÎTres  à  bord,  qu'il  y  a  des  approTÎsionnements  à 
Cherbourg  et  à  Boulogne  pour  fournir  à  Farmée  deux  mois  de  TiTres  enTiron 
pour  chacun  de  ces  points.  Après  m*étfe  arrêté  sur  cet  objet  important,  je  vais 
entrer  dans  d'autres  détails  sur  la  principale  affaire. 

Vous  avez  vu  que  l'intention  de  l'Empereur  est  que,  après  votre  jonction, 
vous  soyei  revêtu  du  commandement  en  chef  de  Farmée  combinée.  Je  pense 
que  vous  êtes  préparé  à  toutes  les  dispositions  qu'exige  l'organisation  générale 
de  toutes  ces  armées,  après  leur  jonction,  et  que  vous  aurez  concerté  avec 
M.  Famiral  Gravina  ce  que  demande  l'intérêt  des  opérations  communes. 

Pour  pourvoir  autant  qu^H  était  en  moi  à  ce  que  votre  situation  ne  vous 
permettait  pas  d'établir,  j'ai  adressé  au  contre-amiral  Gourdon  une  quantité 
suffisatite  d'exemplaires  de  signaux  propres  à  particulariser  les  ordres  que 


644  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XI. 

vous  aurez  à  donner,  et  dont  cependant  Tadoption  est  subordonnée  à  l'ordre 
que  vous  en  donnerez,  ainsi  que  je  vous  le  mande  par  une  dépèche  du  12  de 
ce  mois. 

Vous  connaissez,  Monsieur  TAmiral,  la  force  et  les  qualités  relatives  des 
bâtiments  qui  viennent  avec  vous  de  la  Martinique. 

Quant  à  ceux  qui  sont  au  Ferrol,  les  8  vaisseaux  de  TEmpereur  doivent 
être  bien  armés  ;  ce  sont  de  vieux  équipages  qui  ont  fait  plusieurs  campagnes, 
et  notamment  celle  de  Saint-Domingue. 

Les  9  vaisseaux  espagnols  paraissent  bien  commandés  et  pleins  de  zèle,  mais 
leurs  équipages  n'ont  pas  été  exercés  à  la  mer  depuis  cet  armement. 

L'intention  de  TEmpereur  n'est  point  de  vous  prescrire  les  dispositions  que 
vous  aurez  à  prendre  pour  la  formation  des  divisions  organiques  de  l'armée. 
Vos  méditations  et  vos  conférences  avec  l'amiral  Gravina  vous  ont  préparé  sur 
cet  objet,  soit  que  vous  intercaliez  les  vaisseaux  espagnols  individuellement 
dans  votre  ligne  générale,  soit  que  vous  fassiez  opérer  l'armée  espagnole  en 
masse,  ce  qui  parait  plus  avantageux  sur  plusieurs  points. 

Mais  je  vous  réitère  que  Sa  Majesté  ne  vous  prescrit  rien  à  cet  égard  et 
qu'elle  s'en  rapporte  entièrement  à  ce  que  vous  dictera  votre  sagacité. 

Vous  jugerez,  par  les  instructions  nouvelles  de  l'Empereur,  que  Sa  Majesté 
m'a  ordonné  de  vous  expédier  et  que  vous  trouverez  jointes  à  la  présente 
dépêche,  de  toute  la  confiance  qu'elle  vous  accorde  dans  cette  affaire  si 
importante. 

Ces  instructions  vous  expriment  ses  vœux. 

Elle  désire  que  Vannée  sous  votre  commandement  puisse  faire  exécuter  le 
grand  projet  d'invasion  de  V Angleterre,  conçu  depuis  longtemps  par  son  génie. 
Mais  tant  de  temps  s'est  écoulé  depuis  V émission  de  ces  ordres  primitifs,  tant 
d^événements  peuvent  être  survenus,  que,  dans  sa  sagesse,  V Empereur  a  pensé 
qu'il  ne  devait  point  vous  donner  à  cet  égard  un  ordre  absolu,  malgré  toute  sa 
persévérance  dans  ce  vaste  desseiji,  mais  bien  s'en  reposer  en  même  temps  sur 
votre  bon  discernement  et  votre  audace  ;  et,  pour  vous  mettre  à  même  de  juger 
aussi  parfaitement  de  tout  ce  qu*il  est  possible  d'être  entrepris  avec  des  chances 
de  succès,  je  dois  vous  informer  de  la  distribution  et  de  Vétat  présumé  des  forces 
de  Vennemi. 

11  y  a  habituellement  sur  le  Ferrol  9  vaisseaux  de  guerre.  Le  nombre  s'en 
est  accru  récemment  ;  mais  je  m'arrête  peu  à  cet  objet,  les  indications  que 
vous  recevrez  en  arrivant  étant  plus  positives  que  tout  ce  que  je  pourrais  vous 
dire.  Les  signaux  d'Ouessant  ont  le  plus  constamment  annoncé  18  vaisseaux; 
le  nombre  en  a  été  porté  quelquefois  jusqu'à  20. 

Il  y  en  a  eu  7  sur  Rochefort  et,  dans  ces  derniers  temps,  le  nombre  en  a  été 
réduit  à  5;  et,  pour  vous  tenir  aussi  informé  que  je  le  puis  des  armements  de 
l'ennemi  et  de  leurs  stations,  vous  trouverez  ci-joint  un  état  coté  A,  qui 
contient  tout  ce  que  j'ai  pu  recueillir  jusqu'à  ce  jour  de  documents  à  ce  sujet. 
Je  joins  enfin  à  cette  dépêche  un  état  coté  B  des  armées  et  escadres  que  vous 
avez  la  faculté  de  réunir  sous  vos  ordres. 

Peut-être,  à  votre  arrivée  sur  le  Ferrol,  aurez-vous  pu  surprendre  l'escadre  de 
l'ennemi;  si  vous  n'avez  pu  y  réussir,  il  est  présumable  qu'elle  se  repliera  sur 
celle  qui  croise  devant  Brest.  L'armée  sur  Ouessant  peut  donc  être  calculée, 
dans  ce  cas,  de  25  à  30  vaisseaux  de  ligne  lorsque  vous  approcherez  de  Brest. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  648 

L'intention  de  VEmpereur  serait  que  vous  parvinssiez  à  entrer  à  Berteaume 
sans  combat. 

Vous  trouTerez  ici  le  plan  de  la  ligne  de  mouillage  que  va  occuper  Tamiral 
Ganteaume,  et  il  tous  présente  Tétat  des  nouyelles  batteries  qui  défendent  ce 
mouillage;  elles  sont  armées  de  plus  de  100  mortiers  ou  canons. 

Sa  Majesté  compte  que,  pour  atteindre  ce  but  inappréciable  et  tous  réunir 
sans  combat  à  Tamiral  Ganteaume,  tous  profiterez  de  toutes  les  circonstances 
et  de  tout  ce  que  votre  expérience  pourra  tous  suggérer  pour  tous  rendre 
dcTant  Brest. 

Mais,  si  tous  êtes  obligé  de  combattre,  il  serait  important  de  ne  liTrer  la 
bataille  que  le  plus  près  possible  de  Brest,  afin  que  Tamiral  Ganteaume  en  soit 
préTcnu  et  puisse  tous  secourir. 

L'Empereur  obserTe  que  la  position  de  Tennemi  ne  laissera  pas  que  d'être 
embarrassante  car,  s'il  s'éloigne  de  Brest,  il  peut  ne  pas  tous  rencontrer  et  tous 
donner  tous  moyens  de  faire  Totre  jonction.  Il  peut  craindre  aussi  que  l'amiral 
Ganteaume,  qui  a  des  troupes  à  bord,  ne  profite  de  son  absence  pour  se  porter 
sur  l'Angleterre  ou  l'Irlande. 

Dans  tous  les  cas,  soit  que  Totre  jonction  s'opère  aTec  ou  sans  combat,  il  ne 
faudrait  point  mouiller  à  Brest,  mais  entrer  sans  délai  dans  la  Manche  aTec 
tous  les  Taisseaux  en  état  de  tenir  la  mer,  afin  d'être  maîtres  du  canal,  car  des 
troupes  sont  embarquées  sur  la  flottille  et  il  ne  faudra  que  peu  de  moments 
après  Totre  arriTée  pour  que  les  2,000  bâtiments  qui  la  composent  appareillent 
et  se  rendent  sur  l'Angleterre,  et  en  opèrent  l'inTasion. 

J'ai  dit  que  l'ennemi  tient  5  Taisseaux  sur  l'Ile  d'Aix.  Si  l'on  n'aTait  pas  à 
craindre  que,  lorsque  tous  arriTerez,  ces  vaisseaux  ne  reçussent,  par  l'escadre 
devant  le  Ferrol,  l'ordre  de  se  replier  siu*  celle  d'Ouessant,  il  n'y  a  nul  doute 
que  TOUS  ne  deTriez  pas  songer  à  entrer  dans  le  golfe  pour  rallier  le  capitaine 
Allemand  puisque  cet  officier,  aTec  les  5  vaisseaux  sous  son  commandement, 
remplit  son  objet  qui  est  d'occuper  un  pareil  nombre  de  vaisseaux  ennemis. 

Mais, dans  r  incertitude  à  ce  sujet,  le  capitaine  Allemand  reçoit  V  ordre  d'appa- 
reiller pour  se  porter  sur  le  Ferrol,  dès  que  V ennemi  disparaîtra,  parce  que  Von 
pourra  considérer  son  départ  comme  le  signal  de  votre  arrivée. 

Ou  le  capitaine  Allemand  tous  ralliera  ou  il  arriTera  sur  le  Ferrol  après  que 
TOUS  en  serez  parti  ;  dans  le  premier  cas,  l'objet  est  rempli  et  il  se  range  sous 
Tos  ordres. 

Dans  l'hypothèse  du  second,  tous  laisserez  à  M.  Ailhaud,  à  la  Gorogne,  un 
paquet  cacheté  portant  au  capitaine  Allemand  l'ordre  de  tous  rallier  sur 
tel  point  que  tous  jugerez  conTenable,  et  il  est  présumable  que  son  escadre, 
moins  nombreuse  et  plus  mobile  que  Totre  armée,  y  panriendra. 

Je  donne  enfin  à  M ,  commandant  le  Taisseau  le  Régulus  qui  est  à 

Lorient,  des  ordres  de  la  même  nature. 

Mais  je  laisse  au  capitaine  Allemand  le  soin  de  donner  des  instructions 
à  ce  Taisseau,  dans  le  cas  où,  en  arriTant  par  le  Ferrol,  il  ne  l'aurait  pas 
rallié  ou  ne  tous  y  aurait  pas  trouTé,  ou  enfin  n'y  trouTerait  pas  des  ordres  de 

TOUS. 

n  serait  conTenable  qu'en  arrivant  sur  le  Ferrol  tous  expédiiez  un  bâtiment 
léger  à  l'Ile  d'Aix  pour  donner  au  capitaine  Allemand  tels  ordres  que  vous 
jugerez  nécessaires  ;  vous   en    profiteriez  pour  m'adresser  en  duplicata  vos 


646  TROISIEME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XI. 

dépêches  ;  ce  bâtiment  de?ra  avoir  Tordre  de  chercher  à  pénétrer  par  la  Perthuis 
de  Maumusson  ou  par  le  port  aux  Bretons,  si  Tennemi  Tempéchait  d'arriter 
par  le  Perthuis  d'Antioche;  enfin,  s'il  pouvait  accéder  dans  un  de  ces  points,  il 
devrait  se  jeter  partout  où  il  pourrait  et  donner  Tordre  à  plusieurs  navires 
pour  expédier  un  excellent  courrier  à  Paris  avec  vos  dépêches,  et  un  tutre  tu 
capitaine  Allemand  avec  vos  ordres.  Si  vous  avies  asses  de  bâtiments  légers, 
vous  en  expédieriez  aussi  un  sur  Lorient  au  commandant  du  Régulu$, 

Aussitôt  votre  arrivée  au  Ferrol,  des  courriers  multipliés  m'en  apporteraient 
la  nouvelle  par  Bayonne,  ainsi  qu'à  Tamiral  Ganteaume  et  au  capitaine 
Allemand,  et  c'est  Tobjet  d'une  lettre  ci-jointe. 

Il  est  bon,  toutefois,  de  vous  prévenir  qu'il  s'écoulera  probablement  8  jours 
entre  l'expédition  de  vos  dépêches  du  Ferrol  et  leur  arrivée  soit  à  Paris,  loit  à 
Brest,  et  six  pour  Rochefort. 

Si  vous  entreprenei  votre  jonction  avec  Tamiral  Ganteaume,  Tavis  peut  lui 
arriver  promptement  par  le  b&timent  que  vous  expédieres  à  Lorient,  et  dont 
Tamiral  Thévenard  enverrait  les  dépêches  par  un  courrier  expéditif,  et  mieux 
encore  par  Brest  si  ce  bâtiment  pouvait  y  pénétrer  par  un  port  difficile. 

Sa  Majesté,  considérant,  dans  sa  grande  sollicitude,  toutes  les  manœuvres 
que  vous  pouvez  entreprendre  pour  être  maître  quelques  jours  du  Pas-de- 
Calais,  a  aussi  compté  pour  une  chance  de  doubler  le  cap  Lisant  de  très  près 
et  d'entrer  dans  la  Manche  pour  que  Tennemi  ne  soit  prévenu,  et  sans  réunion 
avec  l'armée  de  Brest. 

Elle  a  reconnu  qu'il  était  telle  circonstance  où  cela  ne  parait  pas  impossible, 
et  ce  sera  à  vous  à  l'apprécier. 

Une  troisième  chance  enfin,  précieuse  pour  vos  instructions,  serait  de 
doubler  TIrlande  par  le  nord. 

Elle  présente  l'avantage  de  vous  faire  rallier  par  5  vaisseaux  qui  sont  au 
Texei  et  4  qui  sont  à  Helvoet  Sluys  et  un  convoi  portant  30,000  hommes  qtii 
se  trouve  dans  ces  parties. 

Pour  opérer  ce  ralliement  vous  expédieres  un  bâtiment  au  Texel  lorsque 
vous  serez  à  sa  hauteur. 

Vos  dépêches  devraient  être  adressées  au  général  Marmont,  commandant  en 
chef  l'armée  et  à  Tamiral  Dcwinter,  commandant  l'escadre  ;  ils  sont  pourvus 
de  signaux. 

Il  vous  appartient,  Monsieur  l'Amiral,  d'apprécier  ce  que  Tétat  de  Tarmôa 
que  vous  commandez  vous  permettra  d'entreprendre  pour  une  pareille  navi- 
gation, eu  égard  à  la  durée  et  à  ce  que  vous  pensez  avoir  de  confiance  pour  c«s 
mers(l). 

U Empereur  a  prévu  le  cas  où,  par  des  événements  que  Von  m  peut  calculer 
la  situation  de  Vannée  ne  vous  permettrait  pas  d'entreprendre  V exécution  de  ses 
projets  qui  auraient  une  si  grande  influence  pour  le  sort  du  monde,  et,  dans  ce  cas 
seulement,  VEmpereur  veut  réunir  à  Cadix  une  masse  de  forces  imposantes. 

Il  veut  que  ceux  de  vos  vaisseaux  qui  sont  pourvus  de  vivres  aillent  les  con^ 
sommer  dans  des  entreprises  contre  Tennemi. 

H  veut  enfin  que  ceux  de  vos  vaisseaux  qui  resteront  sous  vos  ordres  soient 


(1)  D'une  importance  décisive.  On  le  verra  pins  loin. 


DU  *0  JUIN  AU  20  JUILLBT.  647 

en  état  d'agir  et  ne  soient  pas  exposés  à  la  longueur  et  à  Tincertitude  d^s 
réparations  à  opérer  dans  des  ports  étrangers. 

Pour  cela,  en  admettant  que  tous  Jugiei  ne  pou?oir  tous  livrer,  avec  des 
chances  de  succès,  à  l'exécution  de  ce  qui  est  prescrit,  vous  deyei  faire  appa- 
reiller avec  vous  toutes  les  forces  d'Espagne  qui  sont  au  Ferrol, 

Vous  débloquerez  l'île  d'Aix,  tous  ferez  appareiller  la  division  aux  ordres  du 
capitaine  Allemand,  tous  ferez  entrer  à  Rochefort  4,  5  ou  6  de  ceux  de  vo» 
vaisseaux  qui  tous  paraîtront  avoir  le  plus  besoin  de  réparations.  Les  vaisseaux 
le  Héros,  V Aigle,  le  Redoutable,  le  Fougiteux,  le  Duguay-Trouin,  le  Majes- 
tueux, le  Jemmapes,  le  Suffren,  le  Lion,  le  Magnanime  ;  les  frégates  VArmide, 
la  Gloire,  la  Tkétis;  les  bricks  le  Sylphe,  le  Palinure,  V Action  sont  destinés 
à  une  croisière  sur  laquelle  je  joins  ici  des  instructions  que  vous  remettrez  aux 
divers  officiers  auxquels  elles  sont  destinées. 

Avec  le  reste  des  hdtitnents  de  l'Empereur  et  tous  ceux  de  Sa  Majesté  Catho- 
lique, vous  vous  rendrez  à  Cadix. 

Cependant  si  vous  aTez  2  ou  3  frégates  bonnes  marcheuses,  en  état  de  faire 
une  nouvelle  campagne,  vous  les  mettrez  à  la  disposition  des  officiers  qui  vous 
seront  indiqués. 

D  suffit  qu'elles  aient  assez  de  viTres  pour  attendre  le  moment  où  l'escadre 
dont  elle  font  partie  pourra  leur  en  donner  à  la  mer. 

€e  n'est  pas  aTec  un  amiral  tel  que  tous  que  je  dois  entrer  dans  de  plus 
grands  détails. 

Personne  ne  connaît  mieux  que  vous-même  les  avantages  et  les  difficultés 
de  votre  situation.  Vous  saurez  pourvoir  à  tout  ce  que  ces  instructions  n'ont 
pas  prévu  ni  pu  prévoir.  Tout  ce  que  vous  ferez  podr  la  gloire  et  le  succès  des 
armées  de  Sa  Majesté  aura  son  approbation  et,  comme  elle  vous  le  dit  elle- 
même,  elle  s'en  rapporte  à  votre  bravoure,  votre  discernement  et  votre  habi- 
leté, sur  le  parti  à  prendre  dans  les  diverses  circonstances  où  vous  vous  trou- 
verez. Je  vous  réitère.  Monsieur  l'Amiral,  l'espoir  de  votre  succès  est  inviolable 
et  vous  pouvez  être  persuadé  que  le  sort  de  votre  gloire  et  que  tout  ce  qui 
touche  à  l'entreprise  dont  vous  êtes  chargé  m'intéresse  autant  que  vous- 
même. 

Vous  êtes  autorisé  h  communiquer  vos  instructions  à  M.  l'amiral  Gravina, 
à  qui  vous  voudrez  bien  remettre  la  dépêche  ci-jointe. 

Le  temps  que  vous  passerez  sur  le  Ferrol  pour  y  rallier  les  forces  combinées 
qui  s'y  trouvent  devra  enfin  être  pesé  dans  la  détermination  que  vous  prendrez  ; 
car,  si  vous  y  restez  longtemps,  l'ennemi  informé  de  votre  arrivée  aurait  le 
temps  de  réunir  toute  ses  forces  sur  Brest. 

Quant  à  l'armée  aux  ordres  de  l'amiral  Ganteaume,  je  n'ai  pas  besoin  de 
vous  dire  que  vous  établirez  des  rapports  de  sa  position  dans  la  ligne  générale, 
comme  vous  le  jugerez  à  propos  ;  mais  il  paraît  que  la  nature  des  choses  limite 
le  cercle  des  ordres  à  leur  donner,  à  ces  généraux  d'une  armée  indépendante 
que  vous  placez  en  tête  ou  en  queue  de  la  ligne,  ou  que  vous  destinez  comme 
un  corps  de  réserTe  à  se  porter  où  tous  le  jugerez  convenable. 

J'ai  omis  de  vous  prévenir  qu'il  a  été  donné  des  ordres  à  Rochefort  pour  un 
certain  nombre  de  transports. 

Ces  bâtiments,  s'ils  sont  prêts,  devront  appareiller  avec  le  capitaine  Allemand. 
Ils  sont  spécinlement  destinés  au  ravitaillement  des  vaisseaux  qui  arrivent  de 


648  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  XI. 

la  Martinique  ;  ainsi  vous  les  emmènerez  ayec  vous  quelque  part  où  tous  aliiex 
personnellement. 

Je  TOUS  rappelle  que  tous  les  bâtiments  qui  peuTent  se  rallier  à  tous,  Fran- 
çais, Espagnols  ou  Bataves,  sont  prévenus  que  tous  employez  la  3*  série  des 
pavillons  de  signaux. 

Il  est  donc  admis  que  Tescadre  de  Rochefort  ne  bougera 
pas  avant  que  la  croisière  anglaise  ne  parte,  attirée  par  Fan- 
nonce  de  l'approche  de  Villeneuve  ;  par  suite,  Decrès  donne 
contre-ordre  au  capitaine  Allemand. 

A  M.  Allemand,  capitaine  de  vaisseau,  commandant  l'escadre 
de  Sa  Majesté  en  rade  de  l'île  d'Aix  (i). 

Le  27  messidor  an  xui  (16  juillet  1805). 
Monsieur  le  Commandant, 

Sa  Majesté  m'ordonne  de  vous  informer  que  vous  devez  regarder  comme  non 
avenu  Vordre  qui  vous  a  été  donné  de  mettre  sous  \oiIes,  avec  la  division 
sous  vos  ordres,  aussitôt  que  vous  en  trouverez  l'occasion  favorable. 

Les  contrariétés  absolues,  et  indépendantes  de  votre  zèle  et  de  votre  volonté 
qui  ont  retardé  votre  départ,  le  rendaient  sans  objet  pour  la  destination  qui 
vous  avait  été  donnée  ;  en  conséquence  vous  devez  me  renvoyer,  par  le  cour- 
rier qui  vous  remettra  cette  lettre,  les  instructions  qui  vous  avaient  été 
remises  par  le  contre-amiral  Missiessy,  et  tout  ce  que  je  vous  ai  écrit  ou 
envoyé  de  relatif  à  cette  mission  doit  être  par  vous  considéré  comme  nul. 

Vous  ne  devez  pas  moins  tenir  la  division  sous  vos  ordres,  prête  à  appa- 
reiller au  premier  ordre  que  vous  en  recevrez. 

Sa  Majesté  se  confiant  dans  la  dignité  de  votre  caractère,  votre  attachement 
à  ses  devoirs  et  votre  dévouement  à  sa  personne,  m'a  autorisé  à  vous 
conBer,  sous  le  sceau  de  la  fidélité  que  vous  lui  devez,  les  dispositions  qui 
doivent  vous  diriger  et  dont  TEmpereur,  moi  et  vous,  sommes  seuls  déposi- 
taires. 

Eu  conséquence  de  cette  autorisation,  je  vous  informe  que  Tarmée  com- 
binée, aux  ordres  de  l'amiral  Villeneuve,  est  attendue  sur  le  Ferrol  qu'elle 
doit  débloquer. 

Là,  les  forces  combinées  de  ce  port  doivent  appareiller  aussitôt  pour  se 
joindre  à  Tarmée  et  suivre  sa  destination  ultérieure;  elles  se  composent  de 
5  vaisseaux  de  l'Empereur,  aux  ordres  du  contre-amiral  Gourdon,  et  de 
9  vaisseaux  de  Sa  Majesté  Catholique,  commandée  par  M.  de  Grandellana,  qui 
tous  se  réuniront  sous  le  commandement  général  de  l'amiral  Villeneuve. 

L'intention  de  Sa  Majesté  est  que  vous  concourriez  d'une  manière  positive, 
mais  plus  ou  moins  directe,  selon  les  circonstances,  au  succès  des  opérations 
auxquelles  est  destinée  cette  armée  navale. 

(1)  Archives  de  la  Marine,  BBi',  2t8. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  649 

Pour  cela,  vous  devez  vous  attacher  à  donner  des  inquiétudes  à  Vescadre 
anglaise  qui  vous  bloque^  attendu  que  tant  qu£  les  vaisseaux  qui  sont  sur  Vile 
d^Aix  s*y  maintiendront,  on  aura  la  certitude  qu'ils  n'ont  pas  renforcé  Vescadre 
qui  est  devant  le  FerroL 

Ainsi,  tant  que  cette  escadre  sera  en  présence  de  celle  que  vous  com- 
mandez, votre  rôle  est  rempli,  puisque  vous  occupez  un  nombre  de  vaisseaux 
ennemis,  au  moins  égal  à  ceux  de  Sa  Majesté,  qui  sont  bous  vos  ordres. 

Mais  il  est  probable  qu*à  Vapproche  de  Varmée  de  Vamiral  YiUeneuve, 
Vescadre  qui  est  devant  vous  en  sera  prévenue  par  les  bâtiments  de  la  station 
anglaise  du  Ferrol  e/,  si  le  blocus  de  Vtle  d'Aix  est  levé,  il  est  prèsumable  que 
Varmée  combinée  est  arrivée  sur  les  côtes  d'Espagne,  et  elle  y  est  attendue  du 
!•»  au  15  thermidor. 

Aussitôt  qu'elle  arrivera ^  il  vous  sera  expédié  directement,  par  le  contre- 
amiral  Gourdon,  un  courrier  qui  vous  en  portera  Vavis;  et  vous  considérerez  cet 
avis  comme  V ordre  d^ appareiller  si  l'escadre  qui  vous  bloque  n'est  plus  en 
présence. 

Vous  mettrez  donc  aussitôt  sous  voiles  avec  votre  division,  et  vous  vous  por- 
terez sur  le  Ferrol  avec  les  précautions  toutefois  qu'exige  la  circonstance. 

En  e£fel,  il  serait  possible  qu'il  y  eût  encore  sur  ce  point  des  bâtiments 
ennemis;  mais  vous  aurez  soin  de  vous  faire  éclairer  à  votre  atterrage  et  fort 
«n  avant  par  vos  meilleurs  marcheurs  qui  n'approcheront  les  bâtiments 
qu'ils  pourront  rencontrer  qu'après  les  avoir  bien  reconnus. 

Si  vous  trouvez  par  ce  point  l'armée  combinée,  vous  vous  rangerez  sous  les 
ordres  de  l'amiral  Villeneuve;  si  vous  n'y  trouvez  point  cette  armée,  ni 
aucune  force  de  l'ennemi,  vous  ferez  entrer  un  bâtiment  au  Ferrol,  où 
l'amiral  Villeneuve  vous  aura  laissé*  des  ordres  s'il  y  a  paru  ;  ces  ordres  vous 
seront  remis  par  M.  Ailhaud,  commissaire  des  relations  commerciales  de 
France  à  la  Corogne  ou  peut  étr^  par  un  bâtiment  que  l'amiral  y  aura  laissé. 

Vous  concevez  que  le  succès  de  votre  réunion  à  l'armée  combinée  dépend 
de  l'intelligence  et  de  la  très  grande  activité  que  vous  mettrez  dans  vos  mou- 
vements. Si,  en  arrivant  devant  la  Corogne,  vous  y  trouviez  l'ennemi  en 
forces  supérieures,  vous  prendrez  chasse,  et,  comme  cela  prouvera  que  l'amiral 
Villeneuve  n'est  point  arrivé,  vous  irez  établir  votre  croisière  à  40  lieues  à 
l'ouest  du  Ferrol,  parage  dans  lequel  il  est  probable  que  passera  l'armée 
combinée  qui  revient  des  Antilles.  Vous  vous  ferez  éclairer  dans  cette  station 
par  vos  bâtiments,  les  meilleurs  voiliers,  placés  à  de  grandes  distances  dans  le 
sud-est  et  nord-ouest. 

Leurs  instructions  devront  être,  s'ils  apercevaient  des  voiles  qui  ne  fussent 
pas  la  flotte  combinée,  de  se  faire  chasser  de  manière  â  ne  pas  vous  faire 
reconnaître  ;  toutes  les  dispositions  précédentes  relatives  à  votre  appareillage 
de  l'île  d'Aix  doivent  également  avoir  lieu  s'il  se  présentait  devant  cette  rade 
un  bâtiment  qui  vous  ferait  le  signal  d'appareiller,  car  l'amiral  Villeneuve  a 
ordre  de  vous  expédier  un  bâtiment  léger,  dès  qu'il  paraîtra  par  le  Ferrol. 

Ce  bâtiment  se  présentera,  s'il  est  possible,  par  lePerthuis  d'Antioche,  et,  s'il 
était  empêché  par  l'ennemi  d'y  pénétrer,  il  tâcherait  d'entrer  par  le  Perthuis 
Breton. 

L'ordre  qu'il  vous  remettra,  ou  le  signal  qu'il  vous  fera  d'appareiller  devra 
être  exécuté  sans  délai,  si  la  présence  de  l'ennemi  ne  s'y  oppose  pas.  Jusqu'à 


650  TROISliMB  PAETIB.  —  CHAPITRE  XI. 

préteat,  je  ne  tous  ai  parié  que  du  cas  où  rarrifée  de  Tamiral  Villeneufe  tous 
serait  annoncée  par  un  courrier,  ou  par  Tordre  ou  le  signal  d'un  bâtiment 
qui  TOUS  aurait  été  expédié  pour  cet  objet. 

Mais  il  est  à  ob^rver  qu'un  courrier  expédié  par  le  contre-amiral  Gourdon 
mettra  euTiron  einq  jours  pour  \ous  parvenir;  il  est  certain  encore  qu*un 
bâtiment  de  la  station  ennemie  du  Ferrol  detancera  do?ant  le  Perthuis  celui 
que  pourra  tous  expédier  Tarairal  Villeneu?e  ;  il  est  donc  très  présumable 
que  si  la  station  qui  yous  bloque  a  disparu,  c'est  qu'elle  aura  été  préfenue 
avant  ?ous  de  Tarrifée  de  l'armée  combinée  ;  en  conséquence,  si  elle  lè?e  son 
blocus,  Yous  ne  de?ez  pas  perdre  un  instant  pour  appareiller,  et  pour  tous 
porter  sur  le  Ferrol;  dans  ce  cas,  tous  manœuTrerei  comme  il  a  été  dit 
ci-dessus,  soit  que  tous  y  rencontriez  l'amiral  YilleneuTe,  soit  que  tous  n'y 
trouTiez  aucun  bâtiment,  soit  enfin  que  vous  y  trouTies  des  forces  ennemies 
supérieures;  dans  le  premier  cas,  tous  tous  rangez  sous  les  ordres  de 
l'amiral  YilleneuTe  ;  dans  le  deuxième,  tous  trouTez  au  Ferrol  les  ordres  que 
cet  amiral  tous  y  aura  laissés  ;  dans  le  troisième,  vous  établirez  Totre  croi- 
sière à  40  lieues  h.  l'ouest  du  Ferrol. 

Ces  instructions  tous  tracent  la  conduite  que  tous  doTes  tenir  dans  tous  les 
cas  qu'on  peut  préToir;  il  en  est  un  dernier  cependant  que  Toici;  c'est  celui 
où  aucune  des  combinaisons  ci-dessus  préTues  n'aurait  de  résultat,  et  où, 
étant  appareillé,  tous  ne  trouTeriez  point  l'amiral  YilleneuTe  sur  le  Ferrol, 
TOUS  ne  trouveriez  point  d'ordres  de  lui,  et  celui  où  vous  auriez  croisé  inutile- 
ment à  40  lieues  à  l'ouest  pour  l'attendre  ;  dans  ce  cas,  vous  êtes  préTenu  que 
Totre  croisière,  à  l'ouest  du  Ferrol,  ne  doit  pas  se  prolonger  au  delà  du 
25  thermidor,  à  moins  de  circonstances  qui  tous  fassent  espérer  encore  de 
TOUS  joindre  à  cet  amiral  ;  alors  du  moment  où  tous  désespérerez  de  cette 
jonction,  décacheter  le  paquet  ci-joint  portant  des  instructions  particulières 
sur  Totre  destination  ;  votre  croisière  s'y  prolongera,  autant  que  tous  le  per- 
mettront Tos  TÎTres.  Yous  ferez  ensuite  TOtre  retour  dans  tels  ports  que  tous 
pourrez  atteindre  et  je  désire  particulièrement  que  ce  soit  à  Lorient  ou  à 
Brest;  lu  seule  chose  importante,  c'est  de  nuire  le  plus  possible  à  l'ennemi, 
et  pour  cela,  tous  bi'ùlerez  ou  coulerez  toutes  les  prises  qui  ne  pourront  pas 
TOUS  suiTre,  avec  la  précaution  d'en  retirer  les  vivres  qui  poqrront  vous  per- 
mettre de  prolonger  votre  croisière  ;  mais  il  se  pourrait  que  par  des  événe- 
ments imprévus,  lorsque  vous  tous  porterez  sur  le  Ferrol,  à  TOtre  sortie  de 
Rochefort,  tous  n'y  rencontriez  que  l'escadre  combinée  qui  est  à  présent 
en  ce  port,  et  ni  l'amiral  Yilleneuve,  ni  l'ennemi  ;  dans  ce  cas,  vous  entrerez 
au  Ferrol,  et  vous  vous  rangerez  sous  les  ordres  du  contre-amiral  Gourdon, 
qui  m'en  informerait  sur-le-champ  par  un  courrier  extraordinaire.  La  tâche 
qui  TOUS  est  imposée  se  réduit  donc  à  occuper  5  Taisseaux  ennemis  autant 
qu'il  TOUS  sera  possible,  à  faire  tout  ce  qui  dépendra  de  tous  pour  rallier 
l'amiral  Yilleneuve;  vous  vous  livrerez  à  la  croisière  la  plus  active,  la  plus 
glorieuse  pour  les  armes  de  l'Empereur,  et  la  plus  funeste  à  ses  ennemis, 
conformément  h  vos  instructions  cachetées  ;  Sa  Majesté  donne  une  attention 
particulière  à  l'importante  mission  qu'elle  vous  confie,  et  il  me  sera  bien 
agréable  de  mettre  sous  ses  yeux  les  preuves  de  talent  et  de  bravoure  que 
vous  saurez  donner. 

Signé  :  Decrrs 


DU  80  JUIN  AU  80  JUILLBT.  661 

P,  S.  ^"  Je  TOUS  préfiens  qu'il  est  potiibla  que  l'amiral  Villeneufe  m  pré- 
Mnt«  lui-même  uir  lea  Perthuis  pour  tous  débloquer;  tous  état  autorité  à 
emmener  tout  voi  ordres  le  brick  V Action;  les  bâtiments  chargés  de  TiTres, 
dont  Tarmement  a  été  ordonné  à  Rochefort,  sont  destinés  pour  Tarairal  Ville- 
neuTOt  et  en  conséquence,  tous  les  emmèneres  stoc  tous  ;  si  tous  n'aTei  pu 
rejoindre  cet  amiral,  tous  ferei  entrer  ces  transports  dans  tel  port  et  ils 
y  attendront  d»s  ordres. 

Geg  ordres  lont  complétés  par  ceux  qui  sont  adressés  à 
Gourdon  le  même  jour  et  à  Tamiral  Villeneuve  le  lendemain. 

Dispositions  qui  devront  être  txéoutéeê  depuis  le  moment  où  l'armée 

oombinée  se  préeentera  dtuis  le  Ferrol  (1). 

Le  29  msssidor  an  vn  (17  juillet  1805). 

Art.  i»*".  —  Aussitôt  que  Tarmée  combinée  sera  signalée  sur  la  côte 
d'Espagne,  le  contre-amiral  Gourdon  expédiera,  par  un  courrier  extraordinaire, 
trois  dépécbes  pour  en  donner  Tayis  simultanément  :  au  Ministre  de  la  marine, 
à  Paris;  à  Tamiral  Ganteaume,  à  Brest;  et  au  capitaine  de  Taisseau  Allemand, 
commandant  une  dirision  nsTale  de  Sa  Majesté  à  Tile  d*Aix. 

Art.  2.  —  Ces  trois  dépêches  seront  mises  dans  un  seul  paquet,  sous  le 
couTert  de  M.  Bertin,  commissaire  de  la  marine  à  Bayonne. 

Art.  3.  —  Le  contre-amiral  Gourdon  donnera  ordre  par  ce  courrier,  au  nom 
du  Ministre,  au  commissaire  Bertin  de  faire  partir  immédiatement,  et  en  toute 
diligence,  chacune  de  ces  trois  dépêches,  par  courrier  extraordinaire,  pour 
leur  adresse  respectiTC. 

Art.  4.  —  Vingt-quatre  heures  après  le  départ  de  ce  premier  courrier,  le 
contre-amiral  Gourdon  en  expédiera  un  second  aussi  aTec  trois  dépêches 
pour  les  mêmes  personnes,  et  qui  devront  leur  être  adressées  de  la  même 
manière  et  avec  la  même  diligence,  pour  leur  donner  Tavis  confirmatif  du 
premier,  avec  les  détails  sur  les  mouTcments  de  l'escadre  anglaise. 

Art.  5.  —  Un  troisième  courrier  sera  adressé  au  Ministre,  pour  lui  annoncer 
ce  qui  pourra  être  parvenu  d'important,  dès  qu'il  y  aura. lieu. 

Art.  6.  —  Un  quatrième  courrier  sera  expédié  au  Ministre  pour  lui  annon- 
cer la  jonction  des  deux  escadres,  dès  qu'elle  aura  été  opérée,  et  pour  lui 
porter  les  dépêches  de  l'amiral  Villeneuve  et  autres. 

Art.  7.  —  Le  contre-amiral  Gourdon  donnera,  au  nom  du  Ministre,  ordre 
à  M.  Ailhaud  de  lui  expédier  un  courrier,  aussitôt  que  l'armée  combinée  aura 
fait  route  et  sera  hors  de  vue,  pour  lui  annoncer  cet  événement. 

Art.  8.  **  Chacun  des  courriers  qui  sera  expédié  par  le  contre-amiral 
Gourdon  reoeTra  de  lui  un  ordre  spécial  de  garder  le  plus  profond  silence  sur 
tout  ce  qu'il  aura  pu  aToir  appris  au  Ferrol,  à  la  Corogne  ou  en  route  ;  et  tout 


(1)  Archives  de  la  Manne,  BB»v,  ît9. 


652  TROISIÈME  PARTIE.    —  CHAPITRE  XI. 

courrier  qui  ne  l'aura  pas  exécuté  ponctuellement  sera  sur-le-champ  arrêté  et 
traduit  devant  une  commission  militaire  pour  y  être  jugé,  dans  lesTingt-quatre 
heures,  comme  coupable  du  crime  de  trahison  envers  le  service  de  Sa 
Majesté. 

Art.  9. —  M.  Ailhaud,  commissaire  des  relations  commerciales  à  la  Gorogne, 
i*eceTra  du  contre-amiral  Gourdon,  au  nom  du  Ministre  de  la  marine,  Tordre 
d'expédier  ultérieurement  tel  nombre  d'autres  courriers  qui  sera  nécessaire, 
d'après  les  renseignements  ou  nouvelles  qui  pourront  lui  parvenir. 

Art.  10.  —  Il  avait  été  ordonné  au  contre-amiral  Gourdon  d'envoyer  au 
Ministre  des  courriers  tous  les  cinq  jours,  ne  fût-ce  que  pour  annoncer  qu'il 
n'y  avait  rien  de  nouveau  :  mais,  d'après  les  dispositions  nouvelles,  le  contre- 
amiral  Gourdon  n'enverra  plus  de  courrier  nu  Ministre  que  dans  le  cas  où  il  y 
aurait  quelque  chose  d'important  à  lui  apprendre. 

Art.  a.  —  Les  courriers  expédiés  en  conséquence  des  articles  ci-dessus  ne 
retourneront  pas  de  Bayonne  au  Ferrol  ;  mais  il  continueront  leur  route 
jusqu'à  Paris;  il  leur  sera  cependant  enjoint  de  remettre  sans  délai  leurs 
dépêches  au  commissaire  Bertin,  à  Bayonne. 

Art.  12.  —  Il  sera  payé  1200  francs  de  gratification  h  chaque  courrier  qui, 
expédié  dans  les  cas  des  articles  1,  4,  5,  G,  7,  aura  rempli  sa  course  avec  une 
diligence  extraordinaire. 

Art.  13.  — Pour  l'exécution  de  ces  dispositions,  il  va  être  envoyé  au  contre- 
amiral  Gourdon  trois  nouveaux  courriers  qui,  avec  les  trois  courriers  d^àmis 
à  ses  ordres,  seront  spécialement  chargés  de  ce  service. 

Art.  14.  —  Du  moment  où  l'escadre  combinée  aura  été  signalée  au  Ferrol, 
il  sera  défendu  à  chaque  co\irrier  de  quitter  la  maison  de  M.  Ailhaud,  ou  toute 
autre  qui  leur  aiu*a  été  désignée;  ils  seront  toujours  bottés  et  prêts  à  partir  au 
premier  ordre,  et  il  sera  tenu  à  la  porte  des  chevaux  tout  sellés  à  leur  dispo- 
sition ;  il  en  sera  de  même  à  Bayonne,  pour  les  courriers  aux  ordres  du  com- 
missaire Bertin. 

A  M.  le  vice-amiral  Villeneuve  (1). 

Paris,  29  messidor  aa  xui  (18  juillet  1805). 
Monsieur  l'Amiral, 

Je  vous  ai  annoncé  hier  des  instructions  pour  ceux  des  vaisseaux  de  Roche- 
fort  et  du  Ferrol  auxquels  Sa  Majesté  entend  donner  une  destination  particu- 
lière dans  le  cas  où  les  circonstances  ne  vous  paraîtraient  pas  comporter  la 
grande  entreprise  exprimée  dans  la  dépêche  de  Sa  Majesté.  Je  les  joins  ici,  à 
cachet  découvert,  atin  que  s'il  est  quelques  moyens  à  votre  disposition  pour 
concourir  au  succès  des  croisières  dont  il  s'agit,  vous  pourvoyiez  à  les  fournir. 
Geci  s'applique  particulièrement  à  la  destination  de  quelques  officiers  que  vous 
jugeriez  être  plus  pratiques  des  parages  respectifs  où  ces  croisières  doivent  se 
diriger  et  à  la  distribution  des  cartes  respective^  que  vous  pourriez  avoir.  Je 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»^,  Î30-64. 


DU  20  JUIN  AU  20  JUILLET.  663 

dois  prévoir  deux  hypothèses  :  1®  celle  où  vous  rallierez  le  capitaine  Allemand 
et  la  division  qu'il  commande,  ainsi  que  celle  du  Ferrol  ;  2®  celle  où  par  des 
événements  quelconques,  n'ayant  pu  rallier  cette  division,  vous  ne  pourriez 
disposer  que  de  celle  du  Ferrol. 
Dans  la  première  hypothèse,  voici  ce  que  vous  prescrit  Sa  Majesté  : 

Art.  i*'.  —  Il  sera  formé  une  division  composée  des  vaisseaux  :  le  Héros  y 
le  Duguay-Trouin,  le  Fougueux^  ï Argonaute,  le  Suff'ren;  des  frégates  VAr- 
midCy  la  Théiis,  et  le  brick  le  Sylphe, 

Cette  division  sera  mise  sous  les  ordres  du  contre-amiral  Gourdon. 

Art.  2.  —  Il  sera  formée  une  seconde  division  composée  des  vaisseaux  :  le 
Magnanime,  le  Lion,  le  Jemmapes  ;  de  la  frégate  la  Gloire,  et  des  bricks  le 
Palmyre  et  VActéon, 

Cette  division  sera  mise  sous  les  ordres  du  capitaine  Allemand. 

Art.  3.  —  Le  capitaine  Allemand  portera  son  guidon  sur  le  Magnanime 
dont  il  prendra  le  commandement  et  sur  lequel  il  passera  avec  le  capitaine 

et  les  officiers  d'état-raajor   de  la  division  ;  et   le  capitaine  Holette 

commandant  le  Magnanime,  passera  sur  le  Majestueux  jusqu'à  ce  que  vous  lui 
ayez  donné  une  autre  destination. 

Art.  4.  —  Le  Majestueux  et  le  Redoutable  resteront  sous  tos  ordres  et  se 
rendront  a^ec  vous  à  Cadix. 

Art.  5.  —  Si  vous  avez  deux  frégates  bonnes  marcheuses  en  état  de  conti- 
nuer leur  campagne,  vous  les  attacherez  à  la  division  du  capitaine  Allemand 
pourvu  qu'elles  aient  assez  de  vivres  pour  attendre  le  moment  où  il  pourra 
leur  en  donner  à  la  mer. 

Art.  6.  —  Le  contre-amiral  Gourdon  recevra  de  vous  les  instructions  cotées 
A  relatives  à  une  croisière  à  Tentrée  de  la  Baltique  {sic)  et  sera  chargé  de  leur 
exécution.  Le  capitaine  Allemand  recevra  de  vous  les  instructions  cotées  B  et 
sera  également  chargé  de  leur  exécution. 

Dans  la  deuxième  hypothèse,  qui  est  celle  ou  vous  n'auriez  pu  rallier  que  le 
contre-amiral  Gourdon,  la  division  se  composera  du  Héros,  du  Duguay-Trouin, 
du  Fougueux,  de  V Argonaute,  et  deux  ou  trois  frégates  que  vous  mettrez  sous 
ses  ordres,  et  vous  lui  remettrez  seulement  Tinstruction  cotée  A  qui  sera  la 
seule  exécutoire  et  celle  cotée  B  sera  considérée  comme  non  avenue  et,  dans  ce 
cas  comme  dans  le  premier,  le  Redoutable  restera  sous  votre  pavillon. 

Si  le  Régulus  vous  rallie,  vous  l'annexerez  à  la  division  de  la  Baltique  et 
alors  vous  ajouterez  à  ses  instructions  qu'elle  n'a  plus  à  éviter  la  partie  sud 
de  l'Irlande  si  elle  trouve  quelque  intérêt  à  s'y  porter. 

Mais  un  nouveau  mécompte,  un  des  plus  graves  de  cette 
série  de  déceptions,  allait  survenir. 

Le  lendemain  même  du  jour,  16  juillet,  où  le  Ministre 
rédigeait  le  contre-ordre  qui  devait  maintenir  à  Rochefort 
Tescadre  d'Allemand,  ce  capitaine  avait  mis  à  la  voile. 


CHAPITRE  XII 

LA  SORTIE  D'ALLEMAND,  17  JUILLET 
ET  LE  PLAN  DU  26  JUIUET 


Voici  ce  qui  s'était  passé  en  ce  qui  concerne  Tescadre  de 
Rochefort. 

Dès  la  réception  des  lettres  en  date  du  9  juin  et  du  22,  le 
capitaine  Allemand  avait  pris  le  commandement  de  Fescadre 
que  Missiessy  quitta  le  26.  L'état  des  vaisseaux  attesté  par  ce 
dernier  était  encore  à  ce  moment  très  précaire.  Les  voiles  et 
les  cordages  manquaient  ou  ne  valaient  rien,  les  vivres 
n'étaient  pas  préparés.  En  outre  l'ennemi  avait  reparu  fort  de 
5  à  7  vaisseaux,  presque  constamment  mouillés  dans  le  S.- 
1/4-S.-E.  (1).  Le  5  juillet,  le  Jemmapes  n'avait  pas  encore  ses 
perroquets  ;  le  6,  le  Suffren  recevait  les  siens  ;  le  11  seulement, 
Allemand  pouvait  rendre  compte  de  l'achèvement  des  prépa- 
ratifs. Ce  jour-là,  en  eifet,  les  5  vaisseaux  :  Majestueux^ 
Jemmapes^  Magnanime^  Suffren^  Lion,  étaient  désaffourchés 
en  rade  de  File  d'Aix  ;  les  frégates  Armide,  Gloire,  Thétis  ;  les 
bricks  Sylphe  et  Palmyre  étaient  sous  voiles  dans  la  rade  des 
Braques.  L'ennemi  était  encore  à  l'ancre  au  milieu  du 
Pertiiuis. 

La  journée  du  lendemain  se  passa  de  même.  Le  soir,  à  sept 
heures,  les  Anglais  mirent  à  la  voile  et  restèrent  en  panne  en 
vue  de  la  côte  jusqu'à  la  nuit  ;  le  14  au  jour,  ils  étaient  à  toute 
vue  au  large  et  bientôt  disparaissaient. 

(1)  Lettres  d'Allemand,  BBiv,  2Z8.  27  juin  au  10  juillet. 


656  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XII. 

On  verra  plus  loin  à  quoi  correspondait  ce  départ. 

Quoi  que  put  en  penser  Allemand,  il  attendit  toute  la  journée 
du  14  ;  le  13,  il  annonça  son  intention  de  mettre  à  la  voile  le 
surlendemain,  et,  effectivement,  Tennemi  n'ayant  pas  reparu, 
le  17  à  5  heures  du  matin,  Allemand  ordonna  de  faire  voile  en 
profitant  d'une  jolie  brise  du  nord-est  (1). 

Il  est  nécessaire,  avant  d'entamer  le  récit  de  ses  opérations, 
de  préciser  quelles  instructions  il  emportait. 

Les  ordres  du  22  juin,  reçus  le  29,  sous  pli  cacheté,  prescri- 
vaient au  commandant  de  la  division  : 

De  paraître  sur  les  côtes  d'Irlande,  du  4  au  9  juillet. 

De  se  trouver  sur  le  parallèle  du  Ferrol,  du  29  juillet  au 
3  août. 

L'ordre  de  Napoléon,  en  date  du  9  juin,  avait  ajouté  que  si, 
au  3  août.  Allemand  ne  pouvait  être  à  40  lieues  à  l'ouest  du 
Ferrol,  il  croiserait  vers  46^33'  de  latitude  et  9*^30'  de  longi- 
tude ;  enfin,  qu'au  13  août,  s'il  n'avait  rien  reçu,  il  irait  à 
Vigo. 

Depuis  cette  époque,  Decrès  avait  écrit  la  lettre  suivante  : 

Ministre  de  la  marine  à  Allemand  (i). 

Paris,  12  messidor  an  xiii  (i*' juillet  1805). 

J'ai  reçu,  Monsieur  le  Commandant,  la  dépêche  par  laquelle  tous  m'informez 
de  la  remise  que  vous  a  faite  le  contre-amiral  Missiessy  du  commandement  de 
l'escadre  de  Sa  Majesté. 

Je  suis  fort  aise  de  vous  voir  en  position  de  développer,  d'une  manière  plus 
particulière,  toute  votre  activité  et  vos  talents,  et  je  compte  fermement  qu'ils 
ne  seront  point  «lu-dcssous  de  l'imporUince  de  la  mission  dont  vous  charge  la 
confiance  de  l'Empereur. 

Sa  Majesté  approuve  que  vous  laissiez  VActéon  à  l'Ile  d'Aix.  N'oubliez  pas 
que  vous  devez  m'écrire  par  chaque  courrier. 

Je  présume  que  l'escadre  est  prête  à  mettre  à  la  voile  ;  comme  Sa  Majesté 
attache  un  très  grand  intérêt  à  la  promptitude  de  son  départ,  ne  négligez 
rien  pour  l'effectuer,  mais  ne  perdez  pas  de  vue  en  même  temps  que  je  vous  ai 
ordonné  et  que  je  vous  ordonne  de  n'appareiller  qu'autant  que  vous  ne 
courrez  point  la  chance  probable  d'un  combat  qui  vous  forcerait  à  rentrer, 
puisque  cette  rentrée  ferait  manquer  l'expédition. 


(1)  Lettres  d'Allemand,  29  juin  BB^r,  itB. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BBi^,  «8-10. 


LA  SORTIE  d'allemand  ET  LE  PLAN  DU   26  JUILLET.        637 

Tous  les  comptes  qui  m'ont  été  rendus  sur  Tescadre  jusqu'à  ce  jour  mont 
présenté  le  progrès  successif  de  ses  travaux.  Les  derniers  me  portent  h  penser 
qu'elle  est  prête  h  mettre  sous  voiles. 

Je  vous  prie  de  me  dire  textuellement  ce  qui  en  est  et  à  quelle  époque  V escadre 
pourra  définitivement  appareiller^  si  Vennemi  cesse  d^être  en  préserve.  Vous  trou- 
verez ci-joint  des  duplicata  de  signaux  qu'il  est  inutile  de  décacheter  avant 
d'être  sûr  de  pouvoir  partir.  On  ne  devra  s'en  servir  que  sur  l'ordre  que  vous 
en  donnerez.  Je  vous  recommande  le  secret  le  plus  impénétrable  sur  tout  ce 
qui  a  rapport  avec  votre  mission.  C'est  le  secret  qui  assure  le  succès  des  entre- 
prises et  qui,  surtout,  déconcerte  un  ennemi  accoutumé  à  fureter  partout  et 
qui  est  déconcerté  de  ne  pouvoir  aujourd'hui  rien  découvrir.  Je  vous  préviens 
que  c'est  une  des  qualités  auxquelles  l'Empereur  attache  le  plus  de  prix.  Ainsi, 
ayez  pour  règle  générale  de  ne  jamais  rien  communiquer,  même  des  choses 
qui  paraissent  indifférentes  et  que  ma  correspondance  peut  vous  présenter. 

Le  temps  écoulé  entre  Vexpédition  de  vos  hxstructions  et  votre  départ  pourrait 
vous  donner  des  incertitudes  sur  quelques  dates  qui  se  trouvent  dans  ces 
instructions. 

Je  vous  préviens  quelles  ont  été  fixées  sur  V hypothèse  où  l'escadre  aurait 
appareillé  dans  les  premiers  jours  de  messidor  {après  le  20  juin) y  mais 
aujourd'hui  que  son  départ  se  trouve  différé  ^  vous  trouverez  lorsque  vous 
ouvrirez  vos  instructions j  dans  le  but  définitif  que  vous  avez  à  remplir  et 
V espace  de  temps  dont  vous  pourrez  disposer  pour  ce  but,  ce  qui  serait  conve- 
nable  à  modifier  sur  toutes  les  dates,  qui  doivent  se  subordonner  à  celle  du  but 
définitif  de  votre  expédition,  et  ce  sera  à  votre  sagacité  à  suppléer  à  ce  que  la 
prévoyance  ne  peut  atteindre,  vu  V  incertitude  de  V  époque  de  votre  départ. 

Recevez,  Monsieur  le  Commandant,  l'assurance  de  mes  sentiments  invio- 
lables ;  personne  plus  que  moi  ne  fait  des  vœux  pour  vos  succès. 

Cela  n'était  guère  clair.  Ce  qui  devait  achever  de  tout 
embrouiller,  c'est  qu'au  moment  de  son  départ,  Allemand, 
en  rendant  compte  que  la  veille,  16  juillet,  il  avait  décacheté 
ses  instructions,  ajoutait  cette  phrase  mystérieuse  (1). 

L'escadre  est  sous  voiles.  Monseigneur,  avec  une  bonne  brise  du  nord- 
est.  Votre  Excellence  sait,  par  le  temps  déjà  écoulé^  où  je  dois  commencer 
ma  mission.  Je  ferai  tout  pour  remplir  les  vues  de  Sa  Majesté  Impériale  ;  il  n'y 

aura  pas   une    minute  de  perdue Les   côtes  ne  signalent  rien.  Dans 

vingt  minutes,  je  ferai  8  à  9  nœuds.  Il  est  iO  heures  du  matin. 

Il  paraissait  toutefois  logique  d'en  conclure  que,  partant  le 
17  juillet,  et  devant  le  29  se  trouver  à  40  lieues  à  l'ouest  du 
Ferrol,  Allemand  trouvait  le  délai  trop  court  pour  se  porter 
auparavant  sur  les  côtes  d'Irlande.  De  fait,  on  verra  qu'après 


(I)  Archives  de  la  Marine^  BB",  tî8. 

IV.  42 


658 


TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XII. 


une  tentative  pour  s'y  montrer,  le  chef  de  la  division  de 
Rochefort  y. renonça,  pour  se  conformer  à  ses  instructions, 
et  qu'il  les  exécuta  à  la  lettre. 

Yoid,  toutefois,  quelle  impression  produisit  sur  l'Empereur 
et  sur  son  Ministre  l'annonce  du  départ  d'Allemand,  au 
moment  même  où  on  lui  avait  envoyé  Tordre  d'attendre. 

La  disparition  de  l'ennemi  devant  Rochefort  fut  interprêtée 
par  Napoléon  comme  la  preuve  certaine  de  l'approche  de 
Villeneuve. 

Gomme  l'ennemi  paraissait  aussi  s'éloigner  de  Bi'est,  il  y 
avait  peut-être  une  occasion  à  saisir,  c'était  de  faire  opérer  le 
déblocus  de  Boulogne  par  Ganteaume. 

Au  vice-amiral  Deorès  (i). 

Saini-Clond,  29  messidor  tn  xm  (18  juillet  1805). 

Monsieur  le  Ministre  de  la  marine, 

Je  ne  puis  rien  comprendre  à  Vimmohiliié  de  Ganteaume;  comment  est-il 
possible,  lui  qui  est  au  fait  de  tous  mes  projets,  quHl  laisse  disparaître  Vennemi 
sans  faire  aucun  mouvement  (2). 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8991. 

(2)  Effectivenient  le  journal  des  observations  à  Ouessant  avait  montré  un  ehangement 
notable  dans  l'attitude  de  Tennemi. 


bIGNAUX  DES  COTES  DEVANT  BREST. 
(Extrait  du  journal  de  Vétat-major  général  du  \b  au  30  messidor  an  XIII.) 


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OBSERVATIONS. 


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lee  vents  à  l'Ouest 
bons  frais,  petit 
frais  dans  Taprès- 
Buidi  ;  dans  la  naît, 
ils   ODt    passé    aa 


2 


O.-N.-Ô.      Joli 


joli 
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fràis,  temps   p 

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Moaillèes. 
Croisant. 


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OBSERVATIONS. 


3    Croisant. 
3        Id. 

3    Les  frégates  moaillëes 

et  les  corr,  croisant. 

'  Pendant  la  matinée, 

1   les  vents  à  rOaest 

^V  bons  frais,  temps 

619]  P'i^^''"'!  les  vents 
..  <  .£  ^  ont  passé  an  O.-N.- 
®  ^  O.  par  grains  et, 
dans    la  nuit,    au 
O.-S.-O.,   petite 
brise  de  la  plage. 
Les  frégates  mouillées 
et  les  corvettes  croi- 
sant. 


LA   SORTIE  D'aLLBMAND  BT  LE  PLAN  DU  26  JUILLET. 


J'aTnis  prtTu,  dans  mes  instructions,  que  l'enn^nii  derait  disparaître   de 
Brest;  Toilà  quatre  jours,  h  ce  qu'il  parait,  qu'il  n'ii  paru,  ce  qui,  joint  à  ta 


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Vu  ;  L'Amiral, 


Le  Chef  d'état-major, 

DdIUKTIJII]. 


(Jreftiuei  de  la  Marine,  BB",  Ml.) 


660  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XH. 

disparition  de  la  croisière  de  Roche  fort  y  ne  peut  guère  laisser  de  doute  sur 
Varrivée  de  Villeneuve.  L'amiral  Gardner  s*est  porté  à  yingt  lieues  de  Brest,  à 
la  rencontre  de  Villeneuve  qui,  probablement,  éprouTera  quelques  jours  de 
retard  pour  opérer  la  jonction  du  Ferrol. 

Gomment  Ganteaume  n'a-t-il  pas  chassé  les  croisières  de  frégates,  afin  de 
savoir  ce  qu'il  y  avait  derrière  ? 

J^im«agine  que  vous  avez  expédié  aujourd'hui  un  courrier  extraordinaire  à 
Brest  ;  expédies-en  un  second  pour  que  Ganteaume,  s'il  apprenait  que  Gardner 
se  fût  trop  avancé,  entre  dans  la  Manche  et  aille  droit  au  but. 

Napoléon. 

P.  S,  —  Faites-moi  connaître,  par  le  retour  de  mon  courrier,  si  vous  avez 
appris  quelque  chose  de  nouveau,  et  informez- vous  s'il  ne  serait  pas  arrivé  de 
courrier  qui  ne  vous  aurait  point  encore  été  remis. 

Au  Wce-am/ra/  Ganteaume  (1). 

Saint-Cload,  !•'  thennidor  an  xiii  (20  juillet  1805). 

Monsieur  le  général  (àanteaame,  commandant  notre  armée  navale  à  Brest, 
notre  ministre  vous  fera  connaître  les  nouvelles  que  nous  venons  de  recevoir, 
par  l'Angleterre,  de  notre  escadre  que  commande  l'amiral  Villeneuve.  Il  vous 
apprendra  également  que  la  croisière  anglaise  a  levé  le  blocus  de  Rochefort, 
ce  qui  a  mis  notre  escadre  h  même  d'appareiller  le  28  messidor. 

Vos  dépêches  télégraphiques  m'ont  pareillement  instruit  que,  depuis  plu- 
sieurs jours,  l'armée  anglaise  n'était  plus  signalée  devant  votre  rade. 

Nous  vous  avons  déjà  fait  donner  l'ordre  de  sortir  et  de  chasser  les  frégates 
ennemies,  et  de  reconnaître  où  Ventiemi  s'est  porté. 

Si  vous  le  trouvez  au  large  de  Brest,  au  nombre  de  moins  de  iQ  vaisseaux  de 
ligne,  notre  intention  positive  est  que  vous  V attaquiez  avec  vos  21  vaisseaux  de 
ligne. 

Nous  sommes  fondés  à  espérer  du  succès. 

Si,  au  contraire,  Cennemi  n'est  pas  en  vue,  et  qu'il  se  soit  porté  sur  le  Ferrol, 
ou  qu'il  soit  très  éloigné  en  pleine  mer,  à  la  rencontre  de  l'amiral  Villeneuve, 
notre  intention  est  que  vous  entriez  dans  la  Manche  et  que  vous  vous  portiez 
devant  Boulogne,  oit  tout  est  préparé  et  oii,  maître  trois  jours  de  la  mer,  vous 
nous  mettrez  à  même  de  terminer  le  destin  de  l'Angleterre, 

Si  l'ennemi  avait  une  croisière  considérable  devant  Brest,  mais  pas  assez 
forte  pour  vous  combattre,  et  que  cette  croisière  prît  chasse  devant  vous, 
vous  vous  étudierez  à  la  chasser,  si  cela  est  possible,  et  à  vous  mettre  en 
situation  de  secourir  l'amiral  Villeneuve,  et  de  vous  joindre  à  lui  au  moment 
où  il  se  présentera  devant  Brest;  et,  si  même  vous  étiez  porté  à  penser  que 
l'escadre  qui  est  devant  vous  s'est  affaiblie  pour  renforcer  la  croisière  du 
Ferrol  et  faire  obstacle  î\  l'amiral  Villeneuve,  nous  vous  autorisons,  après  que 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  8998. 


LA  SORTIE  d'allemand  ET  LE  PLAN  DU  26  JUILLET.         661 

TOUS  aurez  chassé  rennemi  de  devant  Brest,  à  disparaître  de  devant  lui  par 
une  fausse  route,  et  à  vous  porter  sur  le  Ferrol,  pour  y  surprendre  la  croi- 
sière ennemie,  vous  y  joindre  à  une  autre  escadre  combinée,  qui  est  forte  de 
i5  vaisseaux,  puis  à  vous  joindre  à  notre  escadre  de  Rochefort,  commandée 
par  le  capitaine  Allemand,  et  dont  le  ministre  de  la  marine  vous  fera  con- 
naître la  station. 

Déconcertant  ainsi  les  opérations  de  l'amirauté  anglaise,  vous  entrerez 
rapidement  dans  la  Manche. 

Lorsque  vous  recevrez  cette  lettre,  nous  serons  déjà  de  notre  personne  à 
Boulogne-sur-Mer,  et  tout  sera  embarqué,  embossé  hors  la  rade,  de  sorte  que, 
maître  trois  jours  de  la  mer,  dans  le  temps  ordinaire  en  cette  saison,  nous 
n'avons  aucun  doute  de  la  réussite. 

Dussiez-vous,  après,  passer  devant  le  Toxel  et  vous  joindre  à  Tescadre  hol- 
landaise, ou  doubler  l'Irlande  pour  vous  retrouver  dans  la  grande  mer,  et 
dans  cette  saison,  approvisionné  comme  vous  Têtes,  pouvoir  vous  y  maintenir 
pour  vous  tenir  instruit  des  événements  de  l'Angleterre  et  de  l'Irlande,  et 
agir  suivant  les  circonstances,  ou  même  retourner  dans  un  port  quelconque 
de  France  ou  d'Espagne,  ou  diviser  votre  escadre  en  8  ou  iO  croisières,  sui- 
vant ce  que  vous  inspirera  votre  zèle  pour  notre  service,  ne  restez  pas 
inactif.  De  grands  événements  se  passent  ou  vont  se  passer  dans  ces  mers;  ne 
rendez  pas  inutiles  les  forces  que  vous  commandez. 

Si  l'ennemi  se  dégarnit  devant  vous,  c'est  qu'il  est  persuadé  que  l'offensive 
doit  venir  de  l'amiral  Villeneuve.  Trompez  ses  calculs  en  prenant  vous-même 
l'initiative. 

Nous  nous  en  rapportons  à  votre  zèle,  à  votre  bravoure,  à  votre  expérience 
dans  la  marine,  et  à  votre  attachement  pour  notre  personne. 

Ayez  de  la  prudence,  mais  ayez  aussi  de  l'audace. 

Napoléon. 

Paris,  1"  thermidor  an  xiii  (20  juillet  1805)  (1). 

Monsieur  T Amiral, 

L'Empereur  m'ordonne  de  vous  envoyer  un  deuxième  courrier.  L'absence 
de  l'ennemi  devant  Brest  ne  lui  laisse  pas  de  doute  sur  l'arrivée  de  l'amiral 
Villeneuve  qui,  probablement,  éprouvera  quelques  jours  de  retard  sur  le 
Ferrol  pour  opérer  sa  jonction. 

Sa  Majesté  pense  que  l'armée  ennemie  qui  croisait  devant  Brest,  se  sera 
portée  à  20  lieues  au  large  à  sa  rencontre.  Son  intention  est  que  vous  fassiez 
chasser  la  croisière  de  frégates,  que  l'ennemi  a  laissé  devant  Brest,  afin  de 
savoir  ce  qui  se  passe  au  large. 

L'Empereur  termine  ainsi  la  dépêche  qu'il  vient  de  m 'adresser  : 

Si  Vamiral  Ganteaume  apprend  que  Vamiral  anglais  s'est  trop  avancé^  qu'il 
entre  dans  la  Manche  et  aille  droit  au  but. 


Il)  Archives  de  la  Marine,  BBiv,  n4. 


662  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XH. 

Je  TOUS  transmets,  monsieur  TAmiral,  Tintention  de  Sa  Majesté  ;  bien  sûr 
que  TOUS  ne  négligerez  rien  de  ce  qui  peut  être  fait  pour  la  remplir  et  pour 
exécuter  ses  ordres. 

ReceTex  l'assurance  de  mon  iuTiolable  attachement. 

Signé  :  DscRi^. 

En  même  temps,  on  expédia  les  trois  dépêches  télégra- 
phiques suivantes  : 

Marine  à  Ganteaume  (Brest),  —  Dépêche  (I). 

l«r  thermidor  an  xm  (20  juillet  1805). 

Si  Fennemi  continue  à  ne  pas  paraître  deTant  Brest,  sortex  pour  tous  tenir 
prêt  à  tout.  Vous  saTez  que  le  moment  approche.  Dans  tous  les  cas,  passex  le 
goulet,  prenez  le  mouillage  qui  Tient  d'ôtre  fortifié,  et  prenex  attention  h  ce 
qui  se  passe  deTant  tous  pour  agir  selon  le  plan  général.  (Napoléon). 

L'escadre  de  Rochefort  est  partie  le  27  messidor,  il  y  aTait  alors  trois  jours 
que  Tennemi  n'aTait  paru.  Soyex  attentif  et  assurez-TOUs  bien  de  l'attention 
des  guetteurs  d'Ouessant.  (Napoléon). 

Chassez  les  frégates  qui  sont  deTant  Brest.  Ayez  des  nouTclles  de  la  flotte 
anglaise.  Ne  restez  pas  oisif  et  agissez  suiTant  les  circonstances,  puisque  tous 
connaissez  le  plan  général.  (Maret). 

En  ce  qui  concerne  la  disparition  des  Anglais  devant 
Rochefort,  le  fait  était  exact,  et  Ton  verra  plus  loin,  en  vertu 
de  quel  ordre,  ces  vaisseaux  avaient  abandonné  le  blocus. 
Mais  si  Ton  ne  voyait  plus  les  vaisseaux  de  Cornwallis, 
Ganteaume  restait,  à  juste  titre,  assuré  qu'ils  n'étaient  pas 
loin  ;  et,  de  fait,  il  avait  raison,  car  à  partir  du  22  juillet. 
Farinée  anglaise  reparait. 

En  rade  de  Brest  à  bord  da  Tâissean  V Impérial,  le  l*'  thermidor  an  xm 

(20  juillet  1805). 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  d'adresser  à  Votre  Excellence  un  extrait  du  journal  de  Tétat- 
major  général,  renfermant  l'état  des  Tents  et  le  relevé  des  signaux  des  côtes, 
pendant  la  seconde  quinzaine  de  messidor.  Vous  y  verres  que,  depuis  le  2i  de 
ce  mois,  Vannée  ennemie  signalée  le  jour  précédent,  au  nombre  de  20  vaisseaux. 


(1)  Archives]nationales)  AF«^,  1191. 


LA  SORTIE  D' ALLEMAND  ET  LE  PLAN  DU  26  JUILLET.    663 

n'a  pas  été  aperçue.  Les  brumes  ont  empêché  les  vigies  de  la  découvrir,  mais 
comme  les  frégates  d'observation  ne  sont  pas  éloignées,  et  que  nous  voyons 
même  journellement  les  bâtiments  intermédiaires,  nous  sommes  fondés  à  croire 
que  le  gros  de  formée  n'est  pas  loin  (i). 

Je  suis  avec  respect,  Monseigneur,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Ganteaume. 

Quant  au  Ministre,  les  deux  lettres  suivantes,  qui  doivent 


(0 


SIGNAUX  DES  COTES. 


{Extrait  du  journal  de  tétat^major  général  du  1*^  thermidor  au  15  du  même  mois, 

20JaiUet-3août). 


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Id. 

8 
8 

2 
21 

2 

» 

Appareillant. 
Croisant. 

» 

1 

8 

Id. 

9 

1 

1 

» 

Id. 

» 

1 

3 

Id. 

9 

» 

1 

2 

Croisant. 

18 

B 

» 

a 

9 

2 

1 

2 

Id. 

6 

9 

1 

2 

1 

9 

3 
3 

MoniUâe. 

Croisant. 

Id. 

9 
9 
9 

» 
15 

1 
4 
2 

2 

4 

4 

Id. 
Id. 
Id. 

1 

2 

j> 

Mouillant. 

10 

» 

4 

2 

Id. 

M 

3 

9 

Id. 

10 

2 

3 

3 

Id. 

» 

21 

2 

1 

3 

4 

Croisant. 
Id. 

11 

18 

3 

4 

Id. 

2 

2 

» 

Faisant  route  à  l*Ouest. 

12 

18 

3 

6 

Id. 

1 
21 

2 

» 

2 

Courant  an  large. 
Id. 

13 

18 

4 

6 

Mouillant. 

7 

2 

2 

» 

Mouillés. 

14 

18 

3 

6 

Id. 

Tt 

» 

B 

Id. 

15 

18 

3 

6 

Croisant. 

» 

1» 

2 

Croisant. 

{Archives  de  la  Marine,  BB"^,  224.) 


664  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XII. 

être  comparées,  indiquent  nettement  quelles  idées  lui  suggéra 
la  nouvelle  du  départ  d'Allemand. 

A  M,  l'amiral  Ganteaume,  commandant  l'armée  navale  (i). 

Paris,  30  messidor  an  xiii  (19  jaillet  1805). 

Monsieur  l'Amiral, 

Vous  avez  vu,  par  ma  lettre  ci-joinU^  que  le  capitaine  Allemand  a  mis  sous 
voiles,  avec  la  division  sous  son  commandement,  le  28  au  soir. 

J^ écris  sans  délai  au  Ferrol  pour  prévenir  V amiral  Villeneuve,  attendu  quil 
résulte  de  cet  événement  l'annulation  de  toutes  les  dispositions  qui  lui  sont  indi- 
quées pour  la  levée  du  blocus  de  Hle  d'Aix.  Comme  je  ne  peux  prévoir  tout  ce 
qui  peut  survenir,  je  crois  qu'il  est  dans  l'intérêt  du  service  de  Sa  Majesté  que 
je  vous  informe,  autant  que  je  le  puis,  de  la  destination  du  capitaine  Allemand. 

L'escadre  avait  pour  objet  d'aller  faire  des  dégâts  sur  les  côtes  £  Irlande, 
pour  y  attirer  l'ennemi  et  le  forcer  à  s'affaiblir  devant  Brest. 

Elle  devait  faire  cette  opération  de  manière  à  se  trouver  du  10  au  15  ther- 
midor (29  juillet  au  3  août)  à  quarante  lieues  à  l'ouest  du  Ferrol,  pour  y 
attendre  l'amiral  Villeneuve  et  se  joindre  à  son  armée  ;  et,  supposé  qu'il  pût 
être  rendu  à  ce  point  pour  cette  époque,  il  était  ordonné  au  capitaine  Allemand 
d'attendre  Vamiral  Villeneuve.  Mais  au  25  thermidor  (13  août),  si  le  capitaine 
Allemand  n'avait  entendu  parler  de  rien,  et  qu'il  désespérât  de  rallier  Ville- 
neuve, sa  manœuvre  deviendrait  indépendante  (2) 

Telles  sont  les  instructions  qui  avaient  été  données  au  capitaine  Allemand 
dès  le  20  prairial  (9  juin). 

Elles  supposaient  que  la  division  appareillerait  dans  les  commencements  de 
messidor  (20  juin),  mais  son  départ  ayant  éprouvé  des  lenteurs  imprévues, 
il  a  été  prévenu  qu'il  devait  modifier  ses  mouvements,  par  le  temps  dont  il  pour- 
rait disposer  depuis  son  départ  jusqu'à  l'époque  du  iO  thermidor  (29  juillet),  de 
manière  à  s'attacher  au  but  définitif  de  sa  destination  (3). 

Ainsi,  puisque  le  capitaine  Allemand  est  parti  le  28  et  qu't7  n'a  que  douze 
jours  devant  lui  jusqu'à  l'époque  on  il  doit  être  à  quarante  lieues  à  l'ouest  du 
Ferrol,  il  n'est  pas  douteux  qu'il  n'ira  pas  sur  les  côtes  d  Irlande,  parce  qu'il 
n'en  aurait  pas  le  temps,  mais  il  est  bien  probable  qu'il  se  dirigera  au-devant 
de  l'amiral  Villeneuve,  en  se  repliant  graduellement  s'il  ne  le  rencontre  pas, 
de  manière  à  se  trouver  le  10  thermidor  (29  juillet)  à  la  station  prescrite  pour 
sa  première  attente.  Tel  est.  Monsieur  l'Amiral,  l'état  des  choses. 

Le  moment  décisif  approche,  si  peut-être  il  n'est  déjà  arrivé.  Il  paraît  que, 
depuis  quatre  jours,  la  rade  de  Brest  est  également  débloquée.  De  cette  dispa- 
rition simultanée  de  l'ennemi  devant  Brest  et  Rochefort,  on  peut  conjecturer 
des  circonstailccs  nouvelles. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BBiv,  $24. 

(2)  Absolument  faux.  Voir  ci- dessus. 

(3)  Oui,  en  termes  absolument  vagues  (lettre  du  l""  juillet). 


LA  SORTIE  D'ALLENAND  ET  LE  PLAN  DU  26  JUILLET.        6G5 

Peut-être,  au  moment  où  je  vous  écris,  Famiral  Villeneuve  est-il  sur  les 
côtes  d'Espagne. 

Dam  cette  situation  des  affaires,  Vcscadre  que  vous  commandez  doit  être  prête 
à  appareiller  au  premier  ordre;  C intention  de  V Empereur  est  que  vous  occupiez 
sans  délai  le  mouillage  de  Bertheaume. 

Ne  perdez  donc  pas  un  moment  pour  que  Tarmée  s*y  rende  et  s'y  main- 
tienne, autant  que  les  vents  le  permettront,  car  Famiral  Villeneuve  peut 
paraître  d'un  moment  à  l'autre. 

Les  flûtes  chargées  de  vivres  sont  destinées  au  ravitaillement  de  Tamiral 
Villeneuve  et  doivent  vous  suivre  ;  tenez  des  escadres  légères  à  la  voile,  pour 
empêcher  un  ennemi  inférieur  de  vous  observer. 

Tout  se  prépare  à  Boulogne,  et  nous  sommes  à  la  veille  des  plus  grands 
événements. 

Je  suis  tout  à  vous. 

Decrks. 

A  M.  /'am/ra/  Villeneuve  (1). 

Paris,  l*'  thermidor  an  xiii  (20  juillet  1902). 
Monsieur  T Amiral, 

Je  vous  préviens  que  la  division  aux  ordres  du  capitaine  Allemand  a  appa- 
reillé de  nie  d'Aix  le  28  messidor  (17  juillet),  ce  que  J'apprends  à  l'instant. 

Cet  événement  annule  toutes  les  dispositions,  relatives  à  cette  division,  qui 
se  trouvent  contenues  dans  les  dernières  expéditions  de  l'Empereur. 

Il  est  probable  que  cette  escadre  s'est  portée  à  quarante  lieues  à  l'ouest  du 
Ferrol,  où  elle  doit  croiser  du\0  thermidor  au  15  (±9  juillet  au  3  août),  dans 
Vespérance  de  vous  rallier  à  votre  atterrissage  par  les  côtes  d'Espagne. 

Dans  le  cas  où  le  capitaine  Allemand  ne  pourrait  pas  se  trouver  sur  ce  point, 
il  a  ordre  de  se  rendre  par  les  46"  56'  nord  et  9*  30'  ouest  pour  vous  y  attendre 
jusqu'au  25  thermidor  (13  août). 

Vous  devrez  donc,  si  vous  ne  l'avez  pas  rallié  à  votre  attennssage,  lui  envoyer 
vos  ordres  sur  ce  second  point  de  station,  s'ils  peuvent  y  arriver  avant  le 
25  thermidor,  ou  même  sur  le  premier  point,  si  vous  avez  lieu  de  croire, 
d'après  la  route  que  vous  aurez  faite,  qu'il  n'a  pu  vous  rencontrer. 

Je  suis  suis  tout  \  vous. 

Degrés. 

Il  est  inconcevable,  étant  donné  Timportance  de  retrouver 
Tescadre  de  Rochefort,  que  chacune  de  ces  deux  lettres  soit 
incomplète. 

La  première  ne  mentionne  pas  le  deuxième  rendez-vous 
par  46^56'  nord  et  9°  30'  ouest,  c'est-à-dire  à  hauteur  de 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BBiv,  230. 


666  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  XU. 

Rocbefort.  La  première  et  la  seconde  sont  muettes  au  siget  de 
l'ordre  donné  à  Allemand,  après  le  25  thermidor  (13  août), 
de  se  porter  à  Vigo. 

A  partir  de  ce  moment,  TEmpereur  reçut  des  renseigne- 
ments importants. 

On  apprit  le  voyage  de  Nelson  aux  Antilles,  le  départ  de 
Villeneuve  pour  l'Europe  et  sa  poursuite  par  Fescadre 
anglaise. 

Lisbonne,  le  13  jnilUt  1805. 

Jeudi  est  entrée  ane  frégate  anglaise,  qui  ressortit  le  lendemain  et  qui 
motiva  l'expédition  d'un  paquebot  le  jour  suirant.  Cette  frégate  appartient  à 
Tescadre  de  Nelson,  qui  arriTa  à  la  Barbade  en  vingt-trois  jours.  Ayant 
appris  que  Tescadre  combinée  tentait  un  débarquement  à  la  Trinité,  Nelson 
s'y  porta  et  y  débarqua  2,000  hommes. 

Aussitôt  que  Tescadre  combinée  sut  que  Nelson  était  arrivé,  elle  fit  voile  de 
la  Martinique,  où  elle  avait  été  pendant  vingt  jours. 

Nelson  était  à  sa  poursuite,  mais  ne  l'avait  pas  rencontrée  à  l'époque  où  il 
détacha  cette  frégate,  qui  se  sépara  de  lui  dans  la  latitude  de  28  degrés 
nord  et  59  degrés  de  longitude,  méridien  de  Londres.  Elle  portait  une  lettre 
d'un  capitaine  de  vaisseau  pour  la  maison  de  commerce  anglaise  Mauri  et 
Brouva.  Cette  frégate  fut  expédiée  pour  porter  des  dépêches. 

Pour  copie  conforme  au  balletin  du  5  thermidor  an  xiii. 

Le  général  Beurnonvu^le. 

Outre  les  nouvelles  précises  arrivées  d'Angleterre,  et  qui 
seront  visées  ci-dessous,  un  avis  du  prince  de  la  Paix  devait 
nettement  montrer  que  le  plan  de  retour  en  Europe  était 
éventé. 

Lettre  du  prince  de  la  Paix  à  Decrée  (1). 

21  JaiUet  180&. 

Mas  con  todo  eso  no  puedo  occultar  à  Vuestra  Excelencia  que  hasta  saberlo 
asi  viviré  con  inquietud,  por  que,  si  las  escuadras  se  han  detenido  tan  largo 
tiempo  en  la  Martinica,  es  muy  posible  que  le  hayan  tenido  los  Ingleses  para 
ser  superiores  en  el  mar  de  las  Antillas.  En  el  esta  desde  principio  de  mayo 
la  escuadra  del  gênerai  Cochrane  compuesta  de  seis  navios,  y  parece  cierto 
que   el  13  de  junio  llego  al   puerto  de  San  Juan  de  Antigua  el  almirante 


(1)  Archives  nationales^  Espagne,  an  xiu. 


LA  SORTIE  d'allemand  ET  LB  PLAN  DU  26  JUILLET.        667 

Nelson  con  los  10  o  12  naTios  de  su  mando.  Este  a^viso  acaba  de  darmelo  el 
embaseador  de   Su   Majestad  en  la  carte  de  Lisboa  de  resueltas  de  haber 
llegado  al  Taiea  el  dia  de  10  de  julio  la  fregata  nombrada.  Decada  précédente 
de  dicha  isla  en  yentisiete  dias  de  nayigacion. 
Esa  fregata  dejo  pliegas  que  se  despacharon  immediatamente  para  Ingla- 

terra  en  el  paqueto  de  Londres  y  siguiô  su  comision  à  ignorado  destino 

Acahan  los  Ingleses  de  levantar  el  bloqueo  de  Ferrol  donde  se  hallaban  en 
faerza  de  M  navios  el  dia  15,  y  habiendo  desparecido  aquella  tarde,  no  se 

han  vuelto  a  venir  mas Sabido  y  a  en  Europa  el  destino  de  la  Escuadra 

que  saliô  de  Cadiz  el  iO  de  abril,  ha  llegado  una  época  bastante  critica  para 
nuestras  marinas,  cuvas  fuerzas  seran  perseguidas  y  atacadas  con  empeûo 
por  los  Ingleses  en  todas  partes  :  pero  esto  mismo  servira  reaise  a  las  ventajas 
que  sobre  el  enemigo  comun  conseguiran  las  escuadras  combinadas,  como 
no  puede  dudarse. 

En  effet,  l'amiral  Calder  avait  disparu  des  abords  du 
Ferrol. 

Ferrol,  28  messidor  an  xm  (17  juillet  1805). 
Monseigneur, 

Depuis  trois  jours,  les  vigies  n'ont  signalé  aucun  bâtiment  ennemi.  Le  20  de 
ce  mois,  Tamiral  Calder  se  montra  avec  12  vaisseaux.  Le  24,  il  n'en  parut 
que  9.  Le  25  (\}i  juillet)  au  matin,  on  en  aperçut  iA,  Le  soir  du  même  jour, 
toute  V escadre  disparut,  et  nous  ne  voyons  plus  un  seul  bâtiment  anglais. 

Cette  escadre  aurait-elle  reçu  une  autre  destination,  ou  bien  voudrait-elle 
faciliter  ie  passage  de  celle-ci  à  la  Corogne,  pour  Tattaquer  au  mouillage? 
Nous  verrons  si  elle  reparaît  et  j'aurai  Thonneur  de  rendre  compte  à  Votre 
Excellence  de  ses  mouvements.  J'ai  soin  d'en  informer  M.  l'ambassadeur  par 
tous  les  courriers. 

Les  vaisseaux  le  Montanès  et  le  Saint-Julien  sont  prêts;  ils  poiuront  sortir 
avec  l'escadre  combinée  qui  se  trouvera  forte  de  14  vaisseaux.  La  division  de 
Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  est  approvisionnée  pour  plus  de  cinq  mois,  et 
les  Espagnols  pour  quatre  mois  au  moins;  mais  leurs  équipages  sont  faibles  et 
mal  composés.  Les  vaisseaux  de  Sa  Majesté  sont  bien  armés  sous  tous  les 
rapports. 

Le  vaisseau  le  Saint-lldefonse,  de  74,  sortira  du  bassin  le  26  juillet. 

Je  suis  avec  respect,  Monseigeur, 

votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

GOURDON  (1). 

La  situation  devenait  donc  tout  à  fait  mauvaise.  Allemand 
errait  sur  les  mers,  sans  qu'on  sût  au  juste  où  il  était  ; 
Ganteaume  restait  bloqué  à  Brest  ;  quant  à  Villeneuve,  la 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB",  Î33. 


668  TROISIÈME  PAKTIE.   —   CHAPITRE  XII. 

date  de  son  déparl  de  la  Martinique  fit  suppo:ser  qu  aucun 
ordre  ne  lui  étaii  parvenu  et  que.  par  suite,  il  suivrait  les 
ordres  du  2  mars  et  irait  croiser  à  Santiago  pour  venir  ensuite 
à  Cadix, 

L'objet  de  la  série  des  ordres  du  26  et  du  27  juillet  fut  de 
remédier  à  ce  nouveau  contretemps. 

Au  wict^amiraJ  Oecrès  ifi. 

S2lLi-Ck>Dd,  "i  themJdor  an  xm  (S6  joilkt  1805). 

Moo^ieu^  le  Ministre  dt*  la  marine,  y  rons  ^nvoi*'  uit^  Uttrf  pour  le  capitatne 
Alhiitand.  Vous  en  ferez  «ieu\  copies;  vous  en  e\pédierex  une  aTant  six 
heures,  ce  soir,  par  un  offxcifT  d^  marinf  attaché  à  votrf  état-major  qui  ira  à 
Vigo,  accompagné  d'un  courrier,  el  aTec  la  plus  grande  diligence  possible. 

Jl  ^st  nécessaire  qui!  y  soit  avant  U  \o  du  présent  moi  S  de  thermidor 

faotit j.  Vous  lui  ferez  sentir  C4*tte  n»M:»^silé  {i). 

S'il  Tenait  à  s*ap#»rceTuir  en  route  qu'il  ne  pût  y  arriver,  il  adresserait  la 
dép<^che  par  son  courrier  à  mon  commissaire  ou  à  mon  rice-commissaire  à 
Vitro.  Sur  l'adresse  de  cette  dépêche,  il  y  aurait  :  Au  premier  capitaine  de 
vaisseau  de  ligne  ou  de  frégate  de  Sa  Majesté  gui  se  présentera  devant  Vigo; 
et,  comme  le  capitaine  que  vous  exjtédierez  arrivera  vingt-qtiatre  heures  ou 
trente-six  heures  aprèf,  cette  adresse  ne  peut  être  susceptible  d'aucun  tnronvé- 
nient.  L'officier  de  Totre  état-major  que  vous  expédierez  à  Vigo,  y  restera 
jusqu'à  ce  que  sa  mission  soit  faite,  et,  s'il  ne  se  présentait  personne^  il  y  res- 
ierait  au  moins  jusqn  au  iO  fructidor  (28  août). 

Ce  soir,  avant  six  heures,  vous  ferez  également  partir,  par  courrier  extraor- 
dinaire, l'autre  copie  de  ma  lettre  au  capitaine  Allemand,  aTec  Tordre  ci-joint 
au  capitaine  qui  commande  le  Régulus;  vous  y  joindrez  une  instruction  pour 
lui  faire  connaître  la  route  qu'il  peut  prendre  pour  trouver  fescadre  du  capi- 
taine Allemand.  11  ne  faut  pas  cependant  qu'il  se  détourne  de  plus  de  Tingt- 
quatre  heures  ou  trente-six  heures,  puisqu'il  est  certain  de  trouver  à  Vigo  des 
nouvelles  du  capitaine  Allemand.  Vous  recommanderez  également  au  capitaine 
du  "  Régulus  »  de  tt'icher  d'arriver  à  Vigo  avant  le  15  thermidor  (3  août)  (3). 

Quand  ces  deux  expéditions  seront  faites,  tous  expédierez  un  troisième 
courrier  à  mon  commissaire  Le  Roy,  homme  sage  et  prudent.  Vous  lui  direz 
dans  votre  dépêche  que  je  ne  doute  point  que  V amiral  Villeneuve  retourne  à 
Cadix  avant  la  fin  de  ce  mois;  que  mon  intention  est  qu'il  y  trouve  un  mois  de 
vivres  pour  toute  son  escadre,  et  qu'il  ne  doit  pas  séjourner  à  Cadix  plus  de 
cinq  jours,  pour  continuer  sa  mission  avec  les  vaisseaux  espagnols  qui  se  trou- 
veront prêts. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9019. 

(S)  On  se  souvient  pourtant  qu'Allemand  ne  devant  quitter  le  second  point  de  rendes- 
toos  que  le  25  thermidor  (13  août),  ne  pouvait  être  le  3  août  à  Vigo. 
(3)  Ibid. 


LA  SORTIE  d'allemand  ET  LE  PLAN  DU  26  JUILLET.         669 

Vous  ferez  connaître  également  à  M.  Le  Roy  que  je  Tiens  d'ordonner  de  lui 
expédier  des  lettres  de  change  pour  100,000  écus,  afin  de  lever  tous  les 
obstacles;  qu'il   y  aura  de  la  part  des  Espagnols  les  meilleures  dispositions, 
mais  qu'il  faut  que  les  vivres,  provenant  des  Espagnols  ou  d'ailleurs,  ne 
manquent  pas.  Il   vous  fera  connaître,   par  le  retour   du  courrier,  ce  que 
l'arsenal  pourrait  procurer  en  vivres.  Vous  lui  donnerez  également  connais- 
sance de  l'ordre  que  j'ai  donné  à  l'escadre  d'Allemand.  Vous  y  joindrez  une 
lettre  que  M.  Le  Roy  remettra  au  capitaine  Allemand  s'il  arrive  à  Cadix  avec 
son  escadre  entière  et  sans  combat.  Dans  le  cas  où  il  arriverait  après  un 
combat,  je  me  réserve  de  juger  la  manière  dont  il  se  sera  comporté.  Cette 
lettre  annoncera  au  capitaine  Allemand  que  je  l'ai  promu  au  grade  de  contre- 
amiral,  et  qu'il  doit  en  arborer  sur-le-cbamp  le  pavillon.  Vous  enverrez  égale- 
leinent  à  M.  Le  Roy  la  lettre  ci-jointe  pour  V amiral  Villeneuve  (1).  Vous  ferez 
connaître  à  cet  amiral  que,  dans  peu  de  jours,  je  lui  enverrai  des  instructions 
plus  détaillées,  mais  que  c'est  pour  le  cas  où  il  arriverait  avant  le  moment  où 
je  l'attends,  et  si  ce  cas  arrivait,  vous  ferez  connaître  à  M.  Le  Roy  que  je 
compte  sur  son  zèle  pour  que  les  vivres  soient  fournis,  n'importe  par  qui,  et 
que  Tamiral  soit  à  même  de  continuer  sa  mission.  Vous  recommanderez  à  ce 
commissaire  de  tenir  le  tout  le  plus  secret  possible,  et  de  ne  faire  aucune 
démarche  qui  puisse,  directement  ou  indirectement,  donner  aucun  soupçon 
sur  ce  qui  va  arriver. 

Quand  vous  aurez  expédié  ces  trois  courriers  et  que  vous  serez  très  certain 
du  départ  de  votre  officier  d'état-major,  vous  viendrez  ce  soir  à  Saint-Cloud, 
et  vous  m^ apporterez  les  instructions  que  vous  avez  données  au  capitaine  Alle- 
mand; alorSy  je  vous  remettrai  mes  nouveaux  ordres  pour  V escadre  de  Brest  et 

pour  celle  de  Villeneuve. 

Napoléon. 

Au  capitaine  Allemand  (2). 

Salnt-Cload,  7  thermidor  an  xm  (26  Jaillet  1805). 

Monsieur  le  Capitaine,  commandant  notre  escadre  de  Rochefort, 

Notre  intention  est  qu'immédiatement  après  que  vous  aurez  reçu  cette 
dépêche,  soit  par  la  voie  de  notre  vaisseau  le  Régulus,  soit  par  le  capitaine  de 
frégate  que  nous  expédions  à  Vigo,  vous  manœuvriez  pour  opérer  votre  jonc- 
tion avec  Vamiral  Villeneuve,  cependant,  après  que  le  15  thermidor  (3  août) 
se  sera  passé  sans  que  vous  ayez  des  nouvelles  de  l'amiral  Villeneuve. 

Si  l'amiral  Villeneuve  n'a  pas  paru  au  15  tliermidor  (S  août)  sur  le  Ferrol, 
il  n'y  apoint  de  doute  qu'il  n'ait  été  croiser  vingt  jours  à  Santiago  ;  de  là,  il 
doit  se  rendre  à  Cadix. 

Si  vous  pensiez  pouvoir  le  rencontrer  encore  au  cap  Vert,  vous  vous  y  diri- 
geriez ;  mais  le  plus  sûr  sera  de  vous  porter  à  Cadix  et  de  l'attendre  dans  cette 


(1)  A  Cadix»  par  conséquent. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  9020. 


670  TROlSIÂME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XII. 

rade.  Vous  éviierei  le  cap  Saint-Vincent  où  V ennemi  tient  une  croisière.  Vous 
attaquerex  la  côte  de  TAfrique  et  tous  arrii^erex  par  là  deyant  Cadix. 

ArriTé  à  Cadix,  votre  premier  soin  sera  de  rallier  sous  votre  commandement 
les  Taisseaux  espagnols  qui  s'y  trouvent,  d'expédier  un  courrier  à  l'amiral 
espagnol  qui  est  à  Cartbagène,  pour  qu'il  se  rende  à  Cadix,  et  de  favoriser 
votre  jonction  avec  l'escadre  qu'il  commande,  qui  doit  se  rendre  à  Cadix. 

Si  vous  trouvez  devant  Cadix  À  vaisseaux  ennemis  ou  moins,  vous  les  atta- 
querez. Si  l'escadre  ennemie  est  de  5  vaisseaux,  tous  supérieurs  à  l'échantillon 
de  64  canons,  notre  intention  est  que  vous  entriez  sans  combat.  Si  vous  êtes 
contraint  de  prendre  chasse,  vous  naviguerei  pour  vous  rencontrer  avec 
l'amiral  Villeneuve,  dont  vous  pourrez  supposer  la  navigation. 

Et,  comme  après  son  entrée  à  CadiXy  cet  amiral  doit  se  rendre  au  Ferrol,  Cfi 
cas  qu*il  vous  fût  impossible  de  revenir  dans  cette  rade,  où  Vamiral  Villeneuve 
ne  doit  rester  que  cinq  jours,  vous  reprendrez  votre  station,  derrière  le  Ferrol 
portée  dans  vos  premières  instructions.  Et,  si  vous  passiez  un  temps  considérable 
dans  cette  station  sans  entendre  parler  de  Tamiral  Villeneuve,  vous  enverriez 
prendre  des  renseignements  à  Vigo  où  il  y  aura  des  ordres  ;  et,  dans  le  cas  où  il 
n'y  eti  rien,  vous  auriez  manœuvre  indépendante  pour  manger  vos  vivres  à 
la  mer,  faire  à  l'ennemi  tout  le  mal  possible  et  retourner  dans  un  port  de 
France. 

Nous  comptons  sur  votre  prudence,  sur  votre  expérience  de  la  mer  et  sur 
votre  attachement  à  notre  personne  pour  vous  diriger  de  la  manière  la  plus 
convenable  dans  une  mission  de  cette  importance. 

Napoléon. 
Au  capitaine  Lhermitte  (1). 

Saint-Gload,  7  thormidor  an  xiii  (26  jaillet  1805). 

Monsieur  le  Capitaine,  commandant  notre  vaisseau  le  Régulus, 

Notre  intention  est  que  vous  partiez  de  noire  rade  de  Lorient,  que  vous 
fassiez  la  navigation  que  notre  Ministre  de  la  marine  vous  tracera  dans  les 
instructions  qu'il  vous  donnera,  pour  arriver  à  vous  joindre  au  capitaine 
Allemand,  parti  de  Rochefort  avec  une  de  nos  escadres,  forte  de  5  vais- 
seaux de  ligne  et  de  3  frégates.  Vous  aurez  soin  de  vous  tenir  loin  de  la 
croisière  ennemie  du  Ferrol. 

Si  vous  ne  rencontrez  pas  l'escadre  du  capitiiine  Allemand  par  là  simple 
direction  de  votre  route,  vous  aborderez  à  Vigo,  où  nécessairement  vous  cmrei 
des  nouvelles  de  lui,  ayant  des  ordres  d'y  envoyer  un  bâtiment  après  le 
15  thermidor  (3  août),  et  vous  rallierez  l'escadre  qu'il  commande.  Dans 
aucun  cas,  ne  restez  pas  plus  de  trois  à  cinq  jours  à  Vigo. 

Si  vous  rencontrez  l'escadre  du  capitaine  Allemand,  vous  en  ferez  partie  et 
vous  suivrez  ses  mouvements.  Vous  remettrez  au  capitaine  Allemand  le 
paquet  ci-joint. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon^  9011. 


LA  SORTIE  d'allemand  ET  LE  PLAN  DU  Î6  JUILLET.        671 

Si  r  on  n'a\ait  à  Yigo  aucune  connaissance  de  Fescadre  du  capitaine  Alle- 
mand, au  18  thermidor  (6  août),  vous  tous  dirigeriez  sur  Santiago  pour 
faire  votre  jonction  avec  Famiral  Villeneuve,  et  vous  vous  rangeriez  sous  ses 
ordres. 

Si,  arrivé  à  Santiago,  vous  trouviez  que  Tamiral  Villeneuve  en  fût  déjà  parti, 
vous  reviendriez  à  Cadix,  où  vous  le  trouverez  infailliblement. 

Si  vous  ne  pensez  pas  pouvoir  arriver  à  Cadix,  huit  jours  au  plus  tard  après 
lui,  vous  avez  manœuvre  indépendante,  et  vous  vous  porterez  où  vous  jugerez 
pouvoir  faire  le  plus  de  mal  à  Tennemi. 

Si,  au  contraire,  vous  appreniez  à  Vigo  ou  avant,  que  Tamiral  Villeneuve 
se  fût  laissé  voir  devant  le  Ferrol,  vous  n'iriez  pas  à  Santiago,  et  vous  manœu- 
vreriez pour  rallier  ledit  amiral. 

Si,  au  15  thermidor,  on  n'a  pas  eu  connaissance' de  Tamiral  Villeneuve  au 
Ferrol,  il  n*j  a  aucun  doute  qu'il  aura  été  à  Santiago,  où  nous  supposons  qu'il 
ne  devra  plus  être  au  iO  fructidor;  et  si,  au  10  fructidor,  on  n'avait  pas  de 
nouvelles  à  Santiago,  c'est  que  quelque  dérangement  aurait  eu  lieu  dans  ses  ins- 
tructions ;  alors,  également,  vous  êtes  maître  de  votre  navigation,  nous  nous 
en  rapportant  à  votre  zèle  et  à  votre  expérience  de  la  mer,  pour  faire  le  plus 
de  mal  possible  à  nos  ennemis. 

Napoléon. 


Au  vice^amiral  Villeneuve  (i), 

Saint-Oloud,  7  thermidor  an  xni  (26  jalllet  1805).  (2) 

Monsieur  l'Amiral, 

tPai  appris  votre  arrivée  à  la  Martinique,  et  les  nouvelles  qui  ine  sont  par- 
venues d'Angleterre  m'ont  appris  que  vous  étiez  parti  le  16  prairial  (5  juin). 
D'après  tout  ce  que  f  ai  pu  comprendre,  le  contre-amiral  Magon,  que  j'avais 
expédié  avec  deux  vaisseaux  de  ligne  pour  vous  renforcer,  et  avec  de  nou- 
velles instructions,  sera  arrivé  à  la  Martinique  après  votre  départ. 

Cela  étant,  vous  vous  serez  rendu  à  Santiago  et,  après  y  avoir  croisé  pendant 
vingt  jours,  vous  vous  serez  porté  sur  Cadix. 

Mon  intention  est  que  vous  ralliiez  à  Cadix  les  vaisseaux  espagnols  qui  s'y 
trouvent,  que  vous  débarquiez  vos  malades  et  que,  sans  séjourner  à  Cadix 
plus  de  quatre  jours  au  plus,  vous  remettiez  à  la  voile,  vous  vous  reportiez  sur 
le  Ferrol,  vous  vous  joigniez  aux  15  vaisseaux  combinés  qui  sont  dans  cette 
rade  et  que,  avec  toutes  ces  forces  réunies,  vous  vous  portiez  devant  Brest  et 
de  là  devant  Boulogne,  où,  si  vous  me  rendez  maître  pendant  le  seul  espace 
de  trois  jours  du  Pas-de-Calais,  et  avec  l'aide  de  Dieu,  je  mettrai  un  terme 
aux  destins  et  à  l'existence  de  l'Angleterre. 

Si  vous  ne  U*ouvez  pas  à  Cadix  le  capitaine  Allemand,  parti  de  Rochefort 
avec  5  vaisseaux  de  ligne,  dont  i  à  trois  ponts,  et  3  frégates,  il  est  possible 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  90!  2. 

(2)  Expédié  à  Cadix  f  sons  le  coavert  de  M.  Lo  Roy.  Voir  ci- dessus. 


672  TROlSIÈBiE  PARTIE.    —  CHAPITRE  XII. 

que  vous  le  rencontriez   sur  la  route  de  Cadit  au  Fcrrol,   lui   ayant   donné 
Tordre  d'aller  à  Cadi\,  en  attaquant  la  côte  d'Afrique. 

Dansée  cas,  vous  trouverez  au  Ferrol  des  instructions  qui  vous  feront  con- 
naître la  station  de  l'escadre  aux  ordres  du  capitaine  Allemand,  devant  le 
Ferrol,  et  vous  la  rallierez  s'il  vous  est  possible. 

Les  15  vaisseaux  qui  sont  au  Ferrol  sont  approvisionnés  pour  six  mois;  ils 
pourront  donc  facilement  vous  donner  des  vivres.  L'escadre  de  Brest  est  éga- 
lement approvisionnée  pour  six  mois  ;  il  y  a,  indépendamment,  des  vivres 
pour  votre  escadre  pendant  deux  mois,  chargés  sur  des  flûtes,  et  il  y  en  a  à 
Cherbourg  et  à  Boulogne.  M.  Le  Roy,  mon  commissaire  des  relations  com- 
merciales à  Cadix,  et  l'amiral  espagnol,  vous  fourniront  à  Cadix  tous  les  vivres 
possibles. 

Je  compte  sur  votre  zèle  pour  mon  senice,  sur  votre  amour  pour  la  patrie 
et  sur  votre  haine  pour  cette  puissance,  qui  nous  opprime  depuis  quarante 
générations,  et  qu'un  peu  d'audace  et  de  persé\érance  de  votre  part  vont  faire 
rentrer  pour  jamais  au  rang  des  petites  puissances. 

150,000  hommes,  un  équipage  complet,  sont  embarqués  à  Boulogne,  Étaples, 
Wimereux  et  Ambleteuse,  sur  2,000  bfttiments  de  la  flottille  qui,  en  dépit  des 
croisières  anglaises,  ne  forment  qu'une  seule  ligne  d'embossage  dans  toutes 
les  rades,  depuis  Étaples  jusqu'au  cap  Gris-Nez.  Votre  seul  passage  nous  rend, 
sans  chances,  maîtres  de  l'Angleterre. 

Napoléon. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  Tenvoi  d'un  officier  à  Vigo  et  celle  du 
Régulus  au  même  point  sont  fixés  à  une  date  antérieure  de 
10  jours  à  celle  où  la  division  de  Roche  fort  peut  faire  son 
apparition  dans  ces  parages  (1). 

Peut-on  admettre  que,  dans  des  pièces  aussi  nombreuses, 
la  mention  15  thermidor  (3  août),  au  lieu  de  25  thermidor 
(13  août),  soit  le  résultat  d'une  simple  erreur  de  copie?  Ce 
qui  pourrait  le  faire  croire  c'est  qu'il  n'est  plus  fait  mention 
du  rendez-vous  indiqué  pour  l'époque  du  3  au  13  août  où 
seulement  on  a  quelque  chance  de  trouver  Allemand  avant 
cette  dernière  date.  Il  semble  donc  qu'il  y  ait  eu  une  certaine 
confusion  entre  les  ordres  de  l'Empereur,  datés  du  9  juin  ; 
ceux  du  Ministre,  en  date  du  19  juin  et  du  22  juin;  et  enfin 
les  instructions  non  datées  qui  ont  été  signalées  ci-dessus. 
Entre  toutes  ces  pièces  discordantes,  mal  renseigné  peut- 
être  par  Decrès,  dont  le  trouble  s'est  manifesté  par  le 
manque  d'accord  entre  sa  lettre  du  19  juillet  à  Ganteaume  et 
du  20  à  Villeneuve,  Napoléon  finit  par  prendre  des  mesures 


(1)  Voir  ci-dessus. 


LA  SORTIE  d'allemand  ET  LE   PLAN   DU  26  JUILLET.        673 

qui  ne  répondent  plus  du  tout  à  ce  qui  avait  été  prescrit  à 
Allemand  et  à  ce  que  ce  marin  devait  exécuter  (1). 

Le  lendemain,  l'annonce  de  la  disparition  de  Calder,  devant 
le  Ferrol,  amène  une  autre  supposition  également  contraire 
à  ce  qui  se  passait,  et  des  ordres  qui  ne  concordent  pas  avec 
les  prescriptions  en  cours  d'exécution. 


Au  vice^amiral  Decrès  (2). 

SaintCload,  8  theimidor  an  xiii  (27  juillet  1805). 


Monsieur, 


L'csondre  anglaise  devant  Rochefort  a  disparu  le  23  messidor  (i3  juillet). 
Ce  n'est  que  le  20  (9  juillet)  que  le  brick  le  Curieux  est  arrivé  en  Angleterre. 
L'Amirauté  n'a  pu  se  décider  dans  les  \ingt-quatre  heures  sur  les  mouvements 
de  ses  escadres  ;  dans  ce  cas,  il  n'est  pas  probable  que  Tordre  h  l'escadre 
devant  Rocbefort  soit  arrivé  en  trois  jours.  Je  mets  donc  en  fait  que  cette 
escadre  a  levé  sa  croisière  par  des  ordres  antérieurs  à  l'arrivée  du  Curieux  à 
Londres,  Le  26  messidor  (45  juillet),  cette  escadre  a  fait  sa  jonction  avec 
celle  du  Ferrol,  et  dans  la  journée  du  26  et  au  plus  tard  le  27  (16  juillet),  ces 
ii  vaisseaux  sont  partis  par  des  ordres  donnés  antérieurement  à  V arrivée  du 
Curieux.  Quelles  nouvelles  avaient  les  Anglais  avant  l'arrivée  de  ce  brick?  Que 
les  Français  étaient  à  la  Martinique;  que  Nelson  n'y  avait  que  9  vaisseaux. 
Qu'ont-ils  dû  faire  ?  Je  ne  serais  pas  étonné  qu'ils  y  eussent  envoyé  une  autre 
escadre  pour  fortifier  celle  de  V amiral  Nelson  et  avoir  une  supériorité  propre 
non  seulement  à  garantir  toutes  leurs  possessions  d'Amérique,  mais  encore  à 


(1)  Cette  question  de  date  prendra  une  importance  capiule,  car  le  plus  grand  reproche 
qui  sera  fiait  de  Villeneuve  sera  de  ne  pas  avoir  rallié  Allemand  le  i3  août  à  Vigo. 

Ce  désordre  se  manifeste  clairement  aussi,  par  la  lettre  suivante  dont  la  date,  posté- 
rieure de  deux  jours  au  26  juillet,  étonne. 

Au  vice-amiral  Decrès. 

Saint-Clond,  9  thermidor  an  xiii  (t8  juillet  1805). 

Je  vous  renvoie  les  instructions  du  capitaine  Allemand.  Je  n'y  vois  pas  celle  que 
j'ai  signée  et  où  j'avais  laissé  plusieurs  mots  en  blanc,  que  vous  dévies  remplir;  comme 
par  exemple,  le  point  de  rendez- vous  au  25  thermidor  ;  je  vous  avais  indiqué  celui  de 
Santander,  de  Vigo  ou  du  Passage;  il  m'est  nécessaire  de  savoir  celui  que  vous 
avez  désigné.  L'apostille  de  votre  lettre,  où  vous  annoncez  un  plan  de  Vigo  et  du  Ferrol, 
me  ferait  croire  que  c'est  le  port  de  Vigo  que  vous  avez  désigné. 

La  nouvelle  donnée  par  le  capitaine  espagnol  que  notre  escadre  était  à  Porto-Rico  le 
16  mai,  n'a  pas  le  sens  commun  ;  puisque  l'escadre  n'est  partie  de  la  Martinique  que  le 
5  juin. 

NàPOLBON. 

Correspondance  de  Napoléon,  9957. 
(t)  Correspondance  de  Napoléon,  9026. 

IV.  43 


674  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XII. 

détrmrt  noirr  étendra,  et  qur  et  **jirnt  irs  ÏA  fiut^nai  du  Ferrol  quih  aient 
fait  partir  pour  rAmérique, 

Ils  ont  erninené  aver  eui  ltri«  is,  frégates,  ronelte«,  soit  pour  se  tenir  en 
garde,  soit  pour  chercher  fann/'e  rorahinée. 

Si  Cfld  était ^  la  premier f  ekos^  à  faire  ^rait  qur  C amiral  Gourdun  m  prévint 
le  capitaine  AlUinand  pour  qu^  (rlni-ci  entnjt  au  Ferrfd.  Je  dt^ire  donc  que, 
dans  la  journée,  tous  e\p«'diifz  un  courrier  au  contiv--amiraJ  Gourdon,  pour 
lui  dire  qu^  la  di</ffiritton  de  la  crot*tèrr  en  ne  mie  du  Ferrul^  si  elle  dure 
encore,  doit  If  mettre  à  même  de  faire  $a  jonction  avec  le  capitaine  Allemand  et 
que^  joint  à  lui,  tl  doit  se  diriger^  s'il  n'a  pns  eu  connaissance  au  20  thermidor 
de  Pamiral  Villeneuve^  sur  Caduc  y  «|u'il  doit  préTenir  le  capiUiine  de  frégate 
qui  Ta  à  Viero  pour  que  le  Réqulus  s't  joijme  également  ;  qu'avec  ces  forces 
réunies,  il  doit  se  joindre  aux  \ai>seau\  espagnols  qui  sont  à  Cadix  et  faire 
venir  l'escadre  de  Carthagène,  et  attendre  là  Tamiral  VilleneuTe.  Lorsque 
ramiral  Gourdon  partira  du  Ferrol,  il  y  aura  plus  de  dix-huit  jours  que 
Tescadre  ennemie  aura  disparu  ;  si  elle  axait  paru  défaut  Cadix,  il  le  saurait 
alors. 

Napoleo5. 


ku  contre-amiral  Gourdon  (i). 

Saint-Clood,  8  thennidor  an  xni  (27  juillei  1805). 

Monsieur  le  Contre- A  mirai,  commandant  notre  escadre  du  Ferrol, 

La  nouvelle  que  vous  venez  de  me  donner,  par  votre  lettre  datée  du 
29  messidor,  que  depuis  trois  jours  les  ii  vaisseaux  anglais  en  croisière 
devant  le  Ferrol  ont  disparu  sans  laisser  aucune  frégate  ni  escadre  légère, 
rapprochée  d'autres  combinaisons,  nous  porte  à  penser  que  cette  escadre  pour- 
rait s'être  rendue  en  Amérique,  h  la  poursuite  de  la  nôtre. 

Vous  connaissez  déjà,  par  vos  instructions,  la  situation  où  doit  se  trouTer 
le  capitaine  Allemand,  commandant  notre  escadre  de  Rochefort,  et  qui,  le 
27  messidor  (16  juillet)  a  mis  à  la  voile.  Peut-^tro  lui-même  aura-t-il  eu  vent 
de  la  disparition  de  la  croisière  ennemie  devant  votre  port  et,  selon  ses 
instructions,  il  vous  aura  joint  /wur  se  ranger  sous  votre  pavillon.  Toutefois, 
si  cette  jonction  n'était  pas  encore  opt'rée,  vous  enverrez  des  bâtiments  à  sa 
recherche  et  vous  opérerez  votre  jonction  ;  et  si^  le  20  thermidor  (8  août)  vous 
n'avez  eu  aucune  nouvelle  de  Vamiral  Villeneuve  et  que  vous  ne  soye%  pas 
bloqué  par  une  force  supérieure^  vous  devrez  penser  que  Vamiral  Villeneuve  ne 
reviendra  plus  sur  le  Ferrol  mais  reviendra  sur  Cadix,  et  dés  ce  moment  vous 
vous  dirigerez  en  toute  hâte  sur  Cadix,  Vous  attaquerez  toute  escadre  qui  serait 
inférieure  à  vous,  en  calculant  deux  vaisseaux  espagnols  pour  un. 

Arrivé  à  Cadix,  vous  auret  soin  di' envoyer  un  courrier  par  terre  à  Cartha- 
gène,  pour  que  l'escadre  espagnole  vienne  sur-le-champ  vous  joindre  et,  dans 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  902' 


LA  SORTIE   d'allemand  ET  LE  PLAN   DU   26  JUILLET.        67K 

celle  situalion,  vous  allendres  V arrivée  de  l'amiral  Villeneuve,  qui  ne  devra 
rester  que  peu  de  jours  à  Cadix,  et  reprendre  sur-le-champ  la  mer  avec  toutes 
nos  esc^idres  combinées. 

Voui  écrirez  au  capitaine  de  frégate  que  notre  Ministre  de  la  marine  a 
entoyé  h  Vigo,  pour  lui  faire  connaître  qu'il  ail  adonner  une  nouvelle  direction 
au  HéguluSf  en  le  dirigeanl  sur  le  Ferrai  »M1  est  encore  temps,  pour  §e  réunir 
k  TOUS,  ou  en  lui  donnant  Tordre  d'aller  k  Cadix,  en  lui  prescrivant  d-attaquer 
la  côte  d'Afrique  et  d'éviter  le  cap  Saint-Vincent. 

Dans  ces  opérations  combinées,  nous  ne  foulons  rien  vous  taire,  comptant 
entièrement  sur  votre  discrétion  et  votre  attachement  à  notre  personne. 

L'amiral  Villeneuve  avait  ordre,  dans  ses  inslri^clions  primitives,  de  se  rendre 
à  Santiago,  d'y  croiser  pendant  vingt  jours  et,  après  cela,  d'arriver  à  Cddix» 
Nous  sommes  donc  fondé  à  penser,  par  les  nouvelles  que  nous  avons  reçues 
d'Angleterre,  qu'il  est  parti  de  la  Martinique  le  16  prairial  {4  juin)  (i),  ce  qui 
ferait  deux  mois  au  15  thermidor  (3  août).  Nous  sommes  également  fondé  à 
penser  que  le  contre-amiral  MagOn,  que  nous  avions  expédié,  avec  deux  de  nos 
vaisseaux  de  Rochefort,  qui  en  est  parti  le  11  floréal  f1«'  mai),  et  qui  portait 
Vordre  à  l'amiral  Villeneuve  de  venir  droit  sur  le  Ferrol  pour  faire  sa  jonction 
avec  vous,  ne  sera  arrivé  qu'après  son  départ  et  que  Vamiral  Villeneuve  aura 
suivi  sa  destination  (2). 

Nous  nous  en  rapportons  du  reste  à  votre  expérience  de  la  mer,  aux  com- 
binaisons que  vous  pourrez  faire,  après  la  connaissance  que  nous  venons  de 
vous  donner  de  l'état  des  choses,  et  à  votre  attachement  pour  notre 
personne. 

Notre  principal  but  est  que  vous  parveniez  à  joindre  F  escadre  de  Rochefort  à 

votre  escadre  et  à  vous  réunir,  avec  cette  escadra,  à  l'escadre  espagnole  qui  est 

au  Ferrol,  sous  le  pavillon  de  l'amiral  Villeneuve,  qui  vous  donnera  des  ordres 

pour  vos  opérations  ultérieures. 

Napoléon. 

En  partant  du  Ferrol,  ne  voulant  pas  négliger  môme  les  suppositions  les 
moins  probables,  vous  laisserez,  à  notre  commissaire  des  relations  extérieures, 
un  paquet  pour  l'amiral  Villeneuve,  en  cas  qu'après  le  20  thermidor  il  arrivât 
encore  sur  le  Ferrol.  Dans  cotte  lettre,  vous  lui  laisserez  la  copie  de  ces 
instructions  avec  cette  apostille  par  laquelle  nous  lui  ordonnons,  dans  ce  cas 
improbable,  de  se  rendre  a  Cadix  pour  se  joindre  à  vous  et,  une  fois  votre 
jonction  opérée,  suivre  les  instructions  dont  vous  avez  été  antérieurement 
porteur  pour  lui,  et  dont  le  but  n'a  pas  changé.  Il  trouvera  d'ailleurs,  chez  le 
commissaire  des  relations  extérieures  Le  Roy,  tous  les  développements  dont 
il  pourrait  avoir  besoin  mais  qui,  cependant,  ne  lui  disent  rien  de  nouveau, 
notre  but  étant  constamment  le  même  que  celui  qui  est  porté  dans  les  paquets 
que  vous  avez  pour  lui. 


(1)  Exact. 

(2)  On  a  vu  que  Magon  ne  portait  cet  ordre  que  comme  exécutoire  35  jours  après  son 
arrivée  aux  Antilles,  prévue  pour  les  premiers  jours  de  juin.  Villeneuve  ne  devait  partir  que 
vers  le*  19  juillet.  Voir  ci-dessus. 


676  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XII. 

Chose  singulière,  l'essentiel  étant  pour  Gourdon  de  joindre 
Allemand,  le  premier  ne  sait  pas  par  cet  ordre  que  Tescadre 
de  Rochefort  doit  venir  à  Vigo  après  le  13  août,  et  il  apprend 
qu'elle  a  des  instructions  pour  venir  au  Ferrol,  alors  que 
Tordre  du  9  juin  dit  seulement  que  si  Allemand  est  sûr  que  le 
Ferrol  n'est  pas  bloqué  et  que  Villeneuve  ny  soit  pas  arrivé,  il 
PEUT  entrer  à  la  Corogne.  Quant  au  rendez-vous,  à  hauteur  de 
Rochefort,  il  n'en  est  pas  fait  mention. 

Conformément  aux  ordres  de  TEmpereur,  le  lieutenant  de 
vaisseau  Gauthier,  aide  de  camp  du  Ministre  de  la  marine, 
partit  de  Paris  le  27  juillet  au  matin.  Il  arriva  «  à  Vigo  »  le 
5  août,  à  3  heures  du  matin,  après  10  jours  de  marche. 
«  Allemand  n'avait  paru  ni  ici,  ni  à  Cadix,  ni  au  Ferrol  (1).  » 

Le  Régulus  ne  put  quitter  Lorient. 

Quand  à  Tagent  Le  Roy,  à  Cadix,  il  reçut  les  ordres  du  26, 
destinés  à  Villeneuve,  et,  sous  plis  fermé,  ceux  du  même  jour 
pour  Allemand,  avec  sa  nomination  conditionnelle  au  grade 
de  contre-amiral. 

Rien  de  tout  cela  ne  devait  être  mis  en  usage. 


(l)  Lettre  au  Ministre  BB'\  233. 


CHAPITRE  XIII 


LE  KETOUR  EN  EUROPE  —  VILLENEUVE  ET  NELSON 


La  situation  de  Villeneuve  au  4  juin  était  la  suivante  : 

Les  instructions  du  2  mars,  qu'il  avait  emportées  de  Toulon, 
lui  prescrivaient  en  substance  : 

D'attendre  40  jours  à  la  Martinique  l'arrivée  de  Ganteaume  ; 

Après  ce  délai,  de  débarquer  aux  Iles  du  Vent  et  à  Saint- 
Domingue  les  troupes  de  Lauriston  ; 

D'aller  à  Santiago,  aux  Canaries,  croiser  20  jours  pour 
attendre  Ganteaume  ; 

Enfin,  d'entrer  à  Cadix. 

Les  ordres  qu'apportait  Magon,  contenus  dans  la  lettre  de 
l'Empereur  du  13  avril  à  Lauriston,  celle  du  14  à  Villeneuve, 
celle  de  Decrès  en  date  du  17,  consistent  à  attendre  35  jours 
après  l'arrivée  de  Magon,  puis  à  gagner  le  Ferrol.  Entre 
temps,  il  faut  «  assurer  la  possession  de  nos  îles  de  la  Marti- 
nique, de  la  Guadeloupe,  de  Sainte-Lucie  et  de  la  Domi- 
nique »,  dont  les  deux  dernières  sont  aux  mains  des  Anglais, 
et  y  «  joindre  d'autres  possessions  ». 

La  Didorij  arrivée  quatre  jours  avant  les  vaisseaux  de 
Magon,  apporte,  outre  la  copie  des  ordres  précédents,  ceux 
rédigés  par  Decrès  le  29  avril,  l'avis  que  «  Sa  Majesté  regarde 
«  comme  très  possible  d'expulser  les  Anglais  de  toutes  leurâ 

«  colonies  des  Iles  du  Vent que  l'Empereur  compte  aussi 

«  la  Trinité  au  nombre  des  conquêtes  importantes  qu'on  peut 
«  espérer  »,  mais  aussi  que  «  toutes  ces  entreprises  doivent 
«  être  subordonnées  au  grand  objet  de  l'opération  essentielle 
«  qui  doit  couronner  les  armes  de  Sa  Majesté  ».  La  lettre  du 


678  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIH. 

1**"  mai  confirme  une  fois  de  plus  l'injonction,  en  tout  état  de 
cause,  de  se  diriger  sur  le  FerroL 

Le  5  juin,  à  cinq  heures  du  matin,  après  avoir  embarqué 
796  hommes  fournis  par  le  capitaine  général  de  la  marti- 
nique,  Tescadre  partit  pour  la  Guadeloupe,  où  la  précédait 
Lauriston  : 


Le  Capitaine  général  de  la  Martinique  et  dépendances  à  Son  Excellence 
Monseigneur  le  Ministre  de  la  marine  et  des  colonies  (i). 

Fori-de* France,  le  19  messidor  an  xni  (8  juillet  1805). 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  Votre  Excellence  de  Varrivéede  la  frégate 
la  «  Didon  »,  qui  mouilla  ici  Ke  10  prairial  (30  mai),  et  dont  les  dépêches 
décidèrent  sans  doute  l'amiral  Vjlleneuye  et  le  général  Lauriston  à  me 
demander  796  hommes  de  ma  garnison  pour  commencer  leurs  opérations 
contre  les  colonies  anglaises. 

Le  contre-amiral  Màgbn  ayant  rallié  le  pavillon  de  l'amiral  aTec  ÏAlgésiras 
qu'il  monte  et  le  vaisseau  VAchille,  Tarmée  combinée  mit  à  la  Toile  le 
16  (5  juin),  à  4  heures  du  matin,  portant  environ  8,000  hommes  de  débar*^ 
quement  ;  elle  fit  route  pour  la  Guadeloupe,  où  elle  devait  encore  prendre 
80O  hommes  et  des  munitions. 

Le  16  (5jwm),  à  5  heures  du  matin,  dit  de  son  côté  Reille,  V armée  a 
mis  sous  voile.  Cette  attaque  du  Diamant,  différée  d'un  jour  à  l'autre,  a  retardé 
le  départ  de  l'armée  de  cinq  jours. 

Le  17  (6  juin),  passé  sous  le  vent  de  la  Dominique;  reconnu  dî^ns  la  Grande- 
Anse  une  frégate,  une  corvette  et  une  vingtaine  do  bâtiments  de  commerce 
qui  s'y  étaient  réfugiés  sous  la  protection  du  Morne  à  Cahrit.  Cette  position, 
formée  par  deux  mamelons  couronnés  chacun  par  un  ouvrage  et  séparée  de 
rtle  par  un  marais,  parait  assez  forte  et  est  le  réduit  de  sa  défense.  Arrivés  à 
3  heures  après-midi  devant  la  Basse-Terre  de  la  Guadeloupe,  pris  à  bord  de 
différents  vaisseaux  700  hommes  des  troupes  de  cette  île  et  des  pilotes,  l'armée 
rejointe  par  deux  de  nos  frégates  qui,  la  veille,  ont  pris  un  corsaire  anglais  de 
2Ç  canons,  120  hommes  d'équipage.  A  9  heures  du  soir,  l'armée  a  fait  servîi* 
et  fait  route  au  Nord. 

L'arrêt  à  la  Guadeloupe  n'avait  servi  qu'à  affaiblir  de 
700  hommes  la  défense  de  cette  colonie. 

Ayant  à  ce  moment  le  projet  d'attaquer  la  Barbade,  Ville- 
neuve ne  croyait  pas  avoir  assez  de  soldats  : 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»v.  Î33. 


LE  RETOUR  EN  EUROPE.   —  VILLENEUVE  ET  NELSON.         679 

Le  16  prairial  (i),  rarmée,  accrue  de  deux  iraisseaux  entrés  la  Teille  au 
Fort-de-France,  mit  à  la  Toile  a^ec  le  projet .  d'attaquer  la  Barbade.  Cette 
expédition  exigeait  un  corps  de  troupes  considérable,  et  Ton  yoit  par  la 
correspondance,  qu*en  outre  de  celles  embarquées  et  de  796  hommes  de  la 
garnison  de  la  Martinique,  le  général  Lauriston  précéda  Farmée  à  la  Gua- 
deloupe pour  y  prendre  600  hommes  de  la  garnison  de  cette  dernière 
colonie. 

Le  total  des  troupes  embarquées  est  ainsi  do  8,600  hommes. 

Quelles  que  fussent,  dès  ce  moment,  les  intentions  de  Ville- 
neuve, après  avoir  négligé  d'attaquer  la  Dominique,  il  allait 
aussi  épargner  Antigoa,  pourtant  sur  son  chemin  : 

Le  18  (7  juin)  (2),  continué  la  route  au  Nord,  passé  la  nuit  sous  le  Tent 
d' Antigoa,  qui  a  tiré  toute  la  nuit  des  coups  de  canon  d'alarme. 

Le  lendemain  on  fit  une  capture  importante  : 

Le  19  (8  juin)  (H)  au  matin,  Tescadre  légère  a  donné  chasse  à  un  petit  bâti- 
ment de  guerre  et  Ta  amené  le  soir.  Le  môme  jour,  à  10  heures  du  matin,  étant 
sous  le  Tent  de  la  Barbade,  les  Tigies  ont  signalé  un  conToi  de  quinze  voiles; 
l'armée  a  couru  dessus  et,  après  cinq  heures  de  chasse,  quatone  de  ces  bâti- 
ments ont  été  amarinés.  Ce  convoi,  chargé  de  denrées  coloniales,  était  parti 
la  Teille  au  soir  d' Antigoa.  Passé  la  nuit  en  panne  pour  rallier  tous  les 
bâtiments. 

C'est  à  ce  succès  insignifiant  que  devait  se  borner  Ville- 
neuve ;  les  nouvelles  qui  lui  parvinrent  à  ce  moment  allaient 
lui  faire  abandonner  tout  projet  d'attaque  contre  les  colonies 
anglaises  et  prendre  une  décision  qui  eut  sur  les  opérations 
ultérieures  une  grave  influence. 

A  bord  da  vaisseaa  de  S.  M.  L  le  Bucentaure,  en  mer,  le  tt  prairial 

anxui  (11  juin  1805)  (4). 

Monseigneur, 

Les  vaisseaux  VAlgésiras  et  V Achille^  sous  le  commandement  du  général 
Magon,  ont  rallié  mon  pavillon  dans  la  baie  du  Fort-de-France,  le  45  de  ce 
mois  (4  juin).  Toute  Vescadre  était  en  appareillage,  ayant  les  troupes  et  les 
munitions  à  bord,  avec  Vintention  d'aller  faire  une  attaque  sur  Vile  de  la 


(1)  Rapport  d'ensemble  de  Decrès,  22  Juillet. 

(2)  Journal  de  Reille. 

(3)  Journal  de  Reille. 

(4)  Archives  de  la  Marine,  BB",  230-224. 


680  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XUI. 

Barbade,  et  le  16  (5  jain)  j'ai  mis  sous  voile,  me  dirigeant  sur  la  Basse-Terre, 
tle  de  la  Guadeloape,  le  frénéral  Lauriston  ayant  désiré  prendre  600  hommes 
de  troupes  sur  les  garnisons  de  cette  colonie.  Le  17  (6  juin)  au  soir,  j*ai  paru 
deTant  la  Basse-Terre  (Guadeloupe),  et  le  général  Lauriston,  qui  m'avait  pré- 
cédé afec  deux  frégates,  a  fait  embarquer  ces  troupes  sur  les  vaisseaux  de 
Tescadre. 

La  même  nuit,  nous  avons  fait  route  pour  débarquer  entre  Antigoa  et  Mont- 
Serrât.  Le  49,  à  iO  heures  du  matin,  après  avoir  doublé  Antigoa,  nous  avons 
eu  connaissance,  dans  le  nord-nord-ouest,  d*un  convoi  de  quatorze  voiles, 
sous  Tescorte  d'une  seule  goélette.  J'ai  ordonné  une  chasse  générale  et,  à 
Tenbrée  de  la  nuit,  tout  le  convoi  était  pris,  à  l'exception  du  bâtiment 
d*escorte;  ces  bâtiments,  sortis  d'Antigoa,  tous  destinés  pour  l'Europe,  sont 
chargés  de  denrées  coloniales. 

Nous  avons  appris  par  les  prisonniers  f  arrivée  à  la  Barbade  de  V escadre 
anglaise  de  la  Méditerranée,  forte  de  douze  à  quatorze  vaisseaux  et  de  plusieurs 
frégates;  cette  force,  réunie  à  celle  de  Vamiral  CochranCy  dispersée  dans  ces 
mers,  suffisait  pour  balancer  nos  forces  combinées,  si  même  elle  ne  nous  était 
peu  supérieure,  attendu  la  force  des  vaisseaux,  dont  plusieurs  sont  à  trois  ponts. 
Dans  cet  état  de  choses,  non  seulement  V attaque  de  la  Barbabe,  mais  tnéme  toute 
autre  entreprise  sur  les  possessions  ennemies  devenait  impossible;  il  ne  nous 
restait  plus  qu'à  retourner  à  la  Martinique  attendre,  dans  tme  inaction  pénible 
et  destructive  de  la  santé  des  équipages,  V époque  fixée  pour  effectuer  un  retour  en 
Europe,  Mais  les  vents  étaient  au  sud-est,  la  chasse  du  convoi  nous  avait 
écartés  beaucoup  sous  le  vent,  il  nous  fallait  dix  jours  pour  regagner  la  Mar- 
tinique et  probablement  courir  les  chances  d'un  combat,  après  lequel  nous 
n'eussions  trouvé  aucun  moyen  de  nous  réparer;  et  dans  la  supposition  même 
d'une  victoire,  Vescadre,  dans  V  impossibilité  d'effectuer  son  retour  en  Europe, 
serait  restée  à  charge  à  nos  colonies  qui  n'auraient  pu  subvenir  à  sa  subsistance 
et  à  son  entretien.  Bans  cette  perplexité,  je  voulus  en  conférer  avec  Garnirai 
Gravina,  Je  le  trouvai  abonder  dans  le  sens  de  la  nécessité  deffectuer  immé- 
diatement notre  retour  sur  le  Ferrol,  y  faire  notre  jonction  et  donner  suite  au 
but  principal  de  notre  destination.  H  ne  put  même  être  détourné  par  la  possi- 
bilité qui  pouvait  exister  encore  de  l'arrivée  de  l'amiral  Ganteaume,  dont  le 
départ  ne  devait  être  arrêté  (1)  que  le  10  de  mai.  Bans  cette  hypothèse,  même 
quelque  peu  probable  qu  elle  fàt,  notre  opération  était  encore  bonne  en  ce  que 
nous  avions  dès  lors  la  certitude  de  ne  rencontrer  aucune  force  devant  Brest,  et 
la  suite  de  notre  mission  en  devenait  plus  facile.  Le  général  Gravina  était 
particulièrement  excité  par  la  considération  de  l'état  de  ses  équipages  qui, 
déjà  extrêmement  faibles,  étaient  journellement  diminués  dans  les  colonies 
par  la  maladie  et  par  la  désertion.  Je  me  suis  déterminé  donc^  pour  le  plus 
grand  intérêt  de  VÉtat,  à  faire  route  pour  l'Europe,  J'ai   chargé  la  frégate 

la (2)  du  soin  d'escorter  les  prises  au  premier  port  de  nos  colonies  où 

elle  pourrait  arriver. 

Le  21,  j'ai  fait  embarquer  les  troupes   appartenant  aux   colonies  sur  les 


(1)  Mot  douteux  dans  le  texte. 
{t)  En  blanc  dans  le  texte. 


LE  RETOUR  EN  EUROPE.   —  VILLENEUVE  ET  NELSON.         681 

frégates  VHortense,  VHermioney  la  Didon  et  la  Thémit,  avec  ordre  aux  com- 
mandants de  venir  me  rallier  aux  Açores,  à  vue  de ....  (1),  après  avoir  débarqut^ 
ces  troupes  à  la  Guadeloupe,  comme  le  port  le  plus  à  portée,  et  les  vents  conti- 
nuant dans  la  partie  du  sud-est,  j'ai  fait  route  au  nord-nord-est. 
Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  Thommage  de  mon  respect. 

ViLLENErVE. 

Ainsi  donc,  contrairement  à  ses  instructions,  Villeneuve 
se  décidait  à  repartir  pour  l'Europe  sans  attendre  Gan- 
teaume. 

Journal  de  Reille. 

Le  20  (9  juin),  Tarmée  étant  ralliée  a  continué  sa  route.  Les  bâtiments 
pris  ont  été  expédiés  pour  la  Guadeloupe  sous  l'escorte  de  la  frégate  la  Sirène. 

Le  21  (10  juin),  au  matin,  l'armée  a  mis  en  panne,  les  1300  hommes  de 
troupes,  pris  à  la  Guadeloupe  et  à  la  Martinique,  ont  été  mis  sur  les  frégates 
VHortense,  Yffermione,  la  Thémis  et  la  Didon^  et  ces  frégates  sont  parties  pour 
aller  les  déposer  à  la  Guadeloupe  et  venir  ensuite  joindre  l'armée.  A  six  heures 
du  soir,  tous  les  vaisseaux  ont  fait  servir  faisant  route  au  nord-nord-est.  Les 
troupes  renvoyées  à  la  Guadeloupe  ainsi  que  les  pilotes  avaient  été  pris  pour 
une  expédition  sur  les  Antilles,  ce  projet  a  été  bien  vite  abandonné  pour  faire 
route  pour  TEurope. 

n  parait  que  Ton  a  quelques  avis  que  Nelson  peut  être  arrivé  dans  les 
Antilles  avec  10  à  12  vaisseaux,  et  que  l'intention  de  l'amiral  n'est  pas  d'avoir 
un  combat  ;  nous  verrons  par  la  suite  quel  sera  le  résultat  de  cette  détermina- 
tion prudente.  Nous  avons  été  maîtres  de  la  mer  pendant  trois  semaines,  ayant 
7,000  à  8,000  hommes  de  troupes  de  débarquement,  et  nous  n'avons  pu 
attaquer  qu'une  seule  île. 

Il  est  intéressant  de  voir  comment  Decrès  crut  pouvoir 
justifier  Villeneuve  de  cette  violation  formelle  de  ses  instruc- 
tions. 

Le  vice-aminil  Villeneuve  apprit  par  les  prisonniers  que  l'amiral  Nelson 
venait  d'arriver  à  la  Barbade  avec  12  à  14  vaisseaux  ;  et  cet  événement  le  con- 
duisit à  calculer  que  l'escadre  de  Nelson  réunie  à  celle  de  Gochrane  suffirait 
pour  balancer  les  forces  combinées^  qu'ainsi  il  devenait  impossible  de  tenter 
l'attaque  de  la  Barbade  ou  de  toute  autre  colonie  anglaise  ;  qu'il  ne  lui  restait 
d'autre  parti  que  de  retourner  \  la  Martinique,  ce  qui  entraînait  des  lenteurs 
et  de  graves  inconvénients,  ou  d'effectuer  immédiatement  son  retour  en 
Europe. 

Dans  cet  état  de  choses,  l'amiral  Villeneuve,  après  en  avoir  conféré  avec 


(1)  En  blanc  dans  le  texte 


68î  TROISIÈBIE  PARTIE.  —  CHAPITRE  XHI. 

i'nmiral  GraTÎna  qui  partagea  son  opinion,  bim  persuadé  comme  Inique  Camiral 
Ganteaume  ne  pourrait  quitter  Brest  ou  que,  s*tl  en  était  parti,  il  ne  te  trouverait 
plus  de  croisière  anglaise  sur  ce  port;  sachant  enfin  que  la  maladie  et  la  déser- 
tion faisait  des  prog^rès  parmi  lea  équipages  espagnols,  se  dérida  à  partir  immé- 
diatement pour  le  Ferrol  ;  toutes  ces  considérations  paraissent  suffisantes  pour 
légitimer  le  parti  que  le  vice-amiral  Villeneuve  crut  devoir  prendre  de  concert 
avec  Tamiral  Gravina  ;  et,  en  effet,  quand  bien  même  les  forces  anglaises 
eussent  été  inférieures  à  l'armée  combinée,  le  résultat  d'une  action  aurait  été 
de  paralyser  une  grande  partie  de  nos  vaisseaux  dans  les  Antilles. 

Mais  il  fallait  encore  opérer  le  retour,  à  la  Guadeloupe  et  à  la  Martinique,  des 
soldats  provenant  des  garnisons  de  ces  colonies,  et  le  vice-amiral  Villeneuve 
pourrait  être  blâmé  d'avoir  gardé  des  hommes  si  précieux  en  les  faisant 
embarquer  sur  des  frégates. 

Mais  les  motifs  qui  le  décidèrent  à  faire  son  retour  en  France  ne  lui  permet- 
taient guère  de  prendre  une  autre  mesure  ;  on  voit  d'ailleurs  qu'il  avait  l'in- 
tention de  choisir  ses  meilleures  frégates,  de  les  expédier  sur  la  Guadeloupe 
dont  l'abri  est  facile  ;  et  enfin  le  succès  a  justifié  complètement  sa  détermina- 
tion puisque  ces  troupes  sont  heureusement  parvenues  à  leur  destination. 

EflFectivement,  il  était  urgent  de  rendre  à  la  défense  des 
deux  colonies  de  la  Martinique  et  de  la  Guadeloupe,  les 
quelque  1500  hommes  qui  leur  avaient  été  si  malencontreu- 
sement enlevés.  Les  frégates  chargées  de  cette  mission  y 
réussirent,  mais  il  n'en  fut  pas  de  même  de  la  Sirène  qui  ne 
put  mettre  ses  prises  en  lieu  sûr. 

Ce  fut  le  1®'  juillet  seulement  que  Villeneuve  reçut  cette 
nouvelle.  Depuis  20  jours  déjà  il  avait  fait  route  au  nord, 
puis  à  Test  et  se  trouvait  tout  près  des  Ac^ores. 

Journal  de  Reille. 

Les  22,  23,  24,  25,  26  (11,  12,  13,  14,  iô),  continué  la  route  du  nord,  ren- 
contré quelques  bâtiments  neutres,  rien  d'ailleurs  d'intéressant.  Les  frégates 
marchent  au  milieu  de  l'armée,  au  lieu  de  marcher  \  deux  lieues  sur  les  flancs 
pour  l'éclairer,  défaut  général  dans  notre  marche  depuis  le  départ. 

Les  27,  28,  29,  30,  1",  2,  3  et  4  messidor  (16,  17,  18, 19,  20,  21,  22  et  23), 
le  cap  au  nord,  mais  fait  très  peu  de  chenvn  à  cause  des  calmes. 

Le  5  messidor  (24  juin),  les  vents  ayant  passé  dans  la  partie  de  l'ouest,  fait 
route  à  l'est. 

Les  6,  7,  8,  9,  10,  Il  et  12  (25,  26,  27,  28,  29,  30  juin,  1"  juillet),  conti^ 
nué  notre  route  à  rE.-1/4-N.-E.,  vent  grand  frais,  faisant  environ  60  lieues 
par  jour  ;  ce  même  jour,  12,  chassé  des  bâtiments  que  nous  avons  bientôt 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB'v,  230. 


LE  RETOUB  EN  EUROPE,  —  VILLENEUVE  ET  NELSON. 


«83 


reconnus  être  les  i  frigatt»  qui  noua  an  ient  quitta  le  tl,  et  la  frégate  \aSirtne 
qui  était  restée  aiee  le  coDfoi.  D'après  leur  rapport,  elles  ont  déposé  leun 
troupe*  i  la  Pointe-ft-PItre  (Guadeloupe),  le  fS  prairial,  et  le  IcDdemain  en 
•ont  reparties  ;  elles  ont  rencontré,  it  6i)  ou  80  lieuei  ou  nord  de  In  Barbade,  le 
eonioi  qui,  h  cause  de  la  mauTnite  qualité  de  pluiieuri  des  bAtîments,  n'aiait 
pu  s'élever  assez  au  vent  pour  doubler  les  Iles  et  aller  k  la  Guadeloupe.  Elles 
ont  essajé  de  le  conduire  k  Porto-ltico  -  mais  le  vent  ne  les  ayant  pas  seni,  le 
commandsnt  s'est  décidé  k  le  brdier  et  ^  emmener  avec  lui  la  Sirène,  frégate 
d'sMorte.  Ce  qui  justifie  ce  pnrti,  c'est  qu'on  a  aperçu  deux  frégates  anglaises 
qui  l'auraient  infailliblement  repris  sur  la  ndtre. 


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(D'après  1b  iable  d«  locb  do  Taisiean  l'Atla») 

Les  prises  faites  avaient  donc  été  brûlées. 

Le  IS  niRi»dor  an  xiri  (■•'jnillet  1805), 


Les  frégates  que  j'avais  expédiées  pour  rapporter  les  troupes  à  la  Guadeloupe 
m'ont  rallié  hier,  après  avoir  rempli  leur  mission  ;  deux  jours  après  leur 
départ  de  In  Guadeloupe,  elles  ont  rencontré  le  convoi  de  14  prises  que  j'avais 


684  TROISIÈME  PARTIE     —   CHAPITRE  XIII. 

mis  sous  la  conduite  de  la  frégate  la  Sirène,  avec  ordre  de  se  rendre  soit  à  la 
Guadeloupe,  soit  à  la  Martinique  ;  elles  Tout  rencontré  presque  au  m^me  point 
d'où  je  Tavais  expédié  depuis  huit  jours.  Ces  bâtiments  extrêmement  chargés, 
contrariés  par  les  vents  du  sud-est,  n'ont  pu  remonter  au  vent  des  îles.  Le 
capitaine  Lameillerie  s'est  déterminé  à  leur  faire  faire  route  pour  Porto-Rico, 
mais  voyant  que  ces  b&timents  ne  marchaient  pas,  qu'ils  étaient  mal  manœu- 
vres, par  le  peu  de  soins  qu'on  avait  mis  à  les  amariner,  qu'il  ne  pouvait  pas 
s'attacher  à  les  escorter  jusqu'à  ce  point,  dans  la  crainte  de  ne  pouvoir  rallier 
l'escadre  ;  informé  d'ailleurs  que  des  frégates  anglaises  étaient  à  leur  recher- 
che ;  qu'ils  ne  pouvaient  manquer  de  devenir  leur  proie  ;  voulant  assurer  le 
dommage  occasionné  au  commerce  de  l'ennemi,  il  s'est  déterminé  à  les  brûler, 
après  en  avoir  retiré  les  équipages  que  nous  y  avions  mis.  Au  moment  de  l'in- 
cendie, deux  frégates  anglaises  ont  paru  ;  le  commandant  Lameillerie  leur  a 
donné  chasse  jusqu'à  la  nuit  sans  pouvoir  les  atteindre,  et,  dès  qu'on  les  a  eu 
perdues  de  vue,  il  a  fait  sa  route  pour  me  rallier  au  point  de  rendez-vous  que 
je  lui  avais  donné  ;  ce  convoi  pouvait  valoir  iouti  înillions.  La  frégate  la 
Didon  vient  de  prendre  un  lougre,  corsaire  de  14  canons  et  de  49  hommes 
d'équipage,  auquel  elle  a  mis  le  feu. 

Je  prie  Votre  Excellence,  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

Villeneuve. 

Le  départ  précipité  de  Villeneuve,  bien  que  conforme  aux 
intentions  qu'avait  TEmpereur  dès  le  début  de  mai,  dérouta 
toutes  les  prévisions.  C'est  ainsi  que  les  frégates  envoyées 
après  le  3  mai  pour  porter  à  l'amiral  des  ordres  et  des  nou- 
velles le  manquèrent  toutes. 

Ce  fut  tout  d'abord  la  Nayade,  envoyée  par  le  capitaine 
général  ViUaret,  deux  jours  seulement  après  le  départ  de  l'es- 
cadre. 

Des  avis  certains  de  la  Dominique^  et  le  rapport  de  deux  Américains 
n{ ayant  annoncé  V arrivée  de  V amiral  Nelson  à  la  Barbade,  avec  10  vaisseaux, 
f  expédie  sur-le-champ  (7  juin),  la  Nayade  pour  Vannée,  avec  ces  avis,  en  préve- 
nant r Amiral  que  le  lord  Nelson  n  était  resté  que  vingt-quatre  heures  sur  rade 
et  avait  été  le  cherchera  la  Trinité  où  Von  croyait  V  armée  française.  Cette  cor' 
vette  appareilla  dans  la  nuit  du  Î5  et  rentra  le  7  de  ce  mois,  après  avoir  en  vain 
cherché  l'armée  :  elle  a  heureusement  échappé  à  toutes  les  frégates  anglaises, 
qui  couvraient  à  cette  époque  les  environs  de  Carlisle,  qu'elle  reconnut  cepen- 
dant à  diverses  reprises  (1). 

Puis,  ce  fut  le  tour  de  la  Topaze^  partie  de  Nantes  le 
15  mai  avec  les  nouveaux  ordres  de  l'Empereur  (1)  et  arrivée 
à  la  Martinique  le  19  juin. 


(1)  Lettre  de  ViUaret,  BBiv,  2î3. 


LE  RETOUR  EN   EUROPE.   —  VILLENEUVE   ET  NELSON.         685 

La  Topaze  mouiia  à  la  Martinique  le  30  (i9juin),  à  6  heures  du  matin  ;  et 
comme  elle  était  chargée  uniquement  de  paquets  pour  l'amiral,  à  neuf  heures 
elle  était  sous  voiles  avec  mes  instructions,  mais  elle  ne  fut  ni  ne  pouvait  être 
plus  heureuse  que  la  Nayade,  puisque  l'armée  avait  quitté  Tarchipel  depuis  le 
±\  ;  elle  rentra  le  5,  après  plusieurs  chasse*  (1). 

Voici  quelle  avait  été  Vodyssée  de  cette  frégate. 

21  Juin  1805. 

Instructions  secrètes  pour  M,  Baudin,  capitaine  de  frégate,  commandant  la 
frégate  impériale  la  Topaze,  expédiée  pour  rejoindre  Varmée  de  Vamiral 
Villeneuve  le  30  prairial  (i 9  juin)  an  XUL 

M.  Baudin,  commandant  la  frégate  impériale  la  Topaze,  appareillera  sur- 
le-champ  et  dirigera  sa  route  vers  la  Barbade  où  il  doit  trouver  l'armée 
française  :  il  reconnaîtra  en  conséquence  la  baie  de  Garlisle,  en  prenant 
toutes  les  précautions  qu'exige  la  présence  de  l'amiral  Nelson  dans  cet 
archipel  qu'il  parcourt  avec  12  vaisseaux  et  7  à  8  frégates. 

Si  l'amiral  Villeneuve  avait  été  contrarié  dans  sa  traversée  et  qu'il  ne  fût 
pas  encore  arrivé  à  la  Barbade,  M.  Baudin  le  cherchera  et  l'attendra  dans  les 
parages  de  cette  ile,  en  ayant  soin  de  s'entretenir  toujours  au  vent. 

11  visitera  tous  les  bâtiments  qu'il  croira  pouvoir  lui  donner  des  renseigne- 
ments sur  la  position  de  notre  armée,  afin  de  joindre  le  plus  tôt  possible  et 
remettre  à  l'amiral  les  dépêches  dont  il  est  chargé. 

M.  Baudin  croisera  pendant  deux  jours  dans  les  parages  désignés  ci-dessus, 
mais  si  A  cette  époque  il  n'avait  nulles  nouvelles  de  l'armée  combinée,  il  fera 
son  retour  au  Fort-de- France. 

Signé  :  Villaret. 
Pour  copie  conforme  : 

F.  Baudin. 


F.  Baudin,  commandant  la  frégate  la  m  Topaze  ». 
à  l'amiral  Villaret- Joyeuse,  capitaine  de  la  Martinique  et  dépendances. 


En  rade  de  Fort-de- France,  île  Martinique. 
5  messidor  an  xiii,  à  cinq  heures  du  matin  (21  juin  1805). 


Général, 


Pour  remplir  vos  instructions  secrètes,  en  date  du  30  prairial  (19  juin)  der- 
nier, j'ai  appareillé  ce  jour  môme,  aussitôt  votre  dernier  ordre  reçu,  et  je  n'ai 
rien  négligé  pour  m'élevor  promptement  ou  vent,  doubler  Sainte-I^ucie  et 


(1)  Letlro  do  Villaret,  BB»^,  223. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BB»t,  233. 


686  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIII. 

faire  rouU'  pour  roa  desLination.  Mais  reUirdé  par  lefl  couranU,  contrarié  par 
les  Tentt,  ce  n'a  él<^  que  le  2  meMJdor  (21  juin),  au  point  du  jour,  que  la 
Martinique  m'est  restée  au  0.  1/i  S.-O.  distance  de  5  à  6  lieues  ^-  quoique 
j'aie  eu  ensuite  beaucoup  de  vent  d*E.>S.-E<^- JVtais  le  3  messidor  (iS  juin), 
à  onze  heures  du  soir,  par  13^  22^  do  latitude  conclue  de  plusieurs  hauteurs 
méridiennes  d'étoile,  la  pointe  nord  de*  la  Barbade  est  par  13*  18',  et  je  devais 
être  aussi  i\  2  ou  3  lieues  dans  Test  ou  dans  Touest  de  la  Barbade;  j'ai 
manœuvn*  pour  me  tenir  h  cette  distince.  A  cinq  heures  et  demie  du 
mutin,  le  5,  la  vigie  a  crié  :  Terre  et  navires;  c'était  une  frégate  et  un  brick 
armé.  J'ai  pris  les  précautions  d'usage.  Ce  bAtiment  répondit  mal  h  mes 
signaux  de  reconnaissance,  il  n'était  plus  qu'î\  une  lieue  et  demie,  je  n'ai  pas 
voulu  qu'il  approchât  davantage,  j'ai  fait  hisser  le  pavillon  national  et  assurer 
d'un  coup  de  canon.  La  frégate  a  encore  hifsé  quelque  patillon,  et  elle  a 
assuré  le  pavillon  anglais.  Alors  j'ai  pris  cha8«*e  au  N.  1/4  N.-E.  2à  3  quarts 
largue  —  l'ennemi  n'avait  point  d'avantage  de  marche  sur  la  Topaze^  —  il  a 
serré  le  vent,  je  l'ai  tenu  aussi;  il  me  gagnait  beaucoup  au  vent  et  un 
peu  de  Pavant  ;  j'ai  fait  porter,  et  k  midi  je  ne  Tapercetais  plus  ;  j'étais 
par  14*  17'  de  latitude.  Alors,  j'ai  fait  remettre  le  cap  au  sud  pour 
rejoindre  l'Ile  que  je  devais  reconnaître.  A  deux  heures  et  demie,  j'ai  eu 
connaissance  de  trois  frégates  et  d'une  corvette  qui  m'ont  chassé  jusqu'à 
quatre  heures  et  demie  sans  me  gagner,  quoique  j'eusse  pris  chasse  vent 
arrière  au  0.  1/4  N.-O.  qui  était  la  route  la  plus  directe  pour  revenir  au 
Fort-de-France.  A  cinq  heures  et  demie,  J'ai  aperçu  la  Martinique  et  Sainte- 
Lucie,  et  à  cinq  heures  du  matin,  le  3,  j'ai  mouillé  sur  rade  atec  le  chagrin 
de  n'avoir  pu  remettre  mes  dépêches,  mais  avec  l'espoir  que  vous  serei 
convaincu,  mon  général,  que  j'ai  fait  tout  ce  que  le  «èle  et  la  prudence  me 
prescrivaient,  et  que  vous  voudrez  bien,  en  ce  sens,  informer  Son  Excellence 
le  Ministre  de  la  marine  de  mes  efforts  pour  remplir,  comme  je  le  devais,  la 
mission  dont  j'étais  chargé. 

J'ai  l'honneur  d^étre  avec  respect,  mon  général, 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Signé  :  F.  Bai'din. 

Il  en   fut   de  niôine  des  autre»  bâtiments  expédiés  à  la 
recherche  de  Villeneuve. 


Lettre  du  capitaine  général  Villaret 

8  Jaillet  1805. 

Le  !•'  messidor,  j'eus  enfin  des  nouvelles  de  notre  escadre  par  un  officierde 
mon  état-major  que  j'avais  embarqué  sur  cette  expédition  ;  il  mVnnonça  que 
Tarmée  s'était  emparée,  sous  Antigoa,  de  treize  voiles  faisant  partie  d*un 
convoi  chargé  de  denrées  coloniales;  elle  avait  expédié  ces  prises  pour  nos 
îles,  sous  l'escorte  de  la  Sirène^  qui  fut  obligée,  vingt-quatre  heures  après 
avoir  quitté  l'escadre,  de  brûler  tous  ces  bAtimenU  k  la  vue  de  deux  frégates 
anglaises  qui  les  auraient  indubitablement  repris.   Le  général  Villeneuve  eut 


LE  RETOUR  EN  EUROPE.   —  VILLENEUVE  ET  NELSON.         687 

sans  doute^  par  ce  convoi,  les  mêmes  avis  que  je  lui  avais  transmis  fur  l'arrière 
des  forces  anglaises,  et  il  se  décida  i\  quitter  ces  mers,  on  renvoyant  les  troupes 
coloniales  sur  quatre  frégates  qui  alxirdèrent  à  la  Guadeloupe  le  25. 

Le  détachement  de  la  Martinique  se  trouvant  ainsi  compromis,  et  me  don- 
nant infiniment  d'inquiétude  par  la  supériorité  mciritime  que  le  départ  de  nos 
forces  laissait  à  Tennenii,  Je  ne  perdis  pas  un  instant  pour  envoyer  la  Torche  (1  ) 
À  la  Guadeloupe,  où  elle  fut  suivie  de  très  près  par  la  frégate  la  Topaie  et  les 
bricks  la  Nayade  et  le  Faune  (f).  Ces  quatre  bâtiments  ont  eu  le  bonheur 
de  remplir  avec  succès  et  célérité''  la  mission  importinte  dont  ils  étaient 
chargés. 

Cet  embarquement  a  eu  néanmoins,  à  cet  égard,  des  suites  sur  lesquelles  je 
ne  puis  trop  manifester  de  regi'ets,  car  ces  troupes  ont  éprouvé  autant  de 
diminution  que  si  elles  avaient  éU;  li  un  combat,  et  nous  avons  à  déplorer  la 
mort  d^une  centiine  d'hommes,  morts  de  malais<!,  de  souffrances  de  tout  genre 
et  de  fatigues,  les  soldats  ayant  été  dans  le  cas  de  faire,  à  la  Guadeloupe,  des 
marches  forcées,  d'après  le  point  éloigné  où  ils  ont  été  débarqués. 

Cette  circonstance  et  celle  de  la  saison  malsaine  de  l'hivernage,  dont  on 
reconnaît  l'approche  aux  ravages  que  fait  déjî\  la  fièvre  Jaune  qui,  depuis  le 
commencement  de  ce  mois,  nous  fait  perdre  Jusqu'à  cinq  hommes  par  jour, 
me  détermine  à  observer  à  Votre  Excellence  que,  malgré  les  G57  hommes  que 
l'escadre  de  Toulon  nous  a  portés  et  qui,  déduction  faite  des  80  hommes 
d'artillerie  qu'elle  a  pria  ici  pour  emmener  en  Europe,  ont  opéré  une  augmen- 
tation réelle,  de  577  hommes  ,  nos  forces  se  bornent  aujourd'hui  à 
2,800  hommes  sous  les  armes  et  409  hommes  aux  hôpitaux,  et  qu'ainsi  nous 
ne  tarderons  pas  à  nous  retrouver  à  peu  près  sur  le  pied  où  nous  étions  â 
notre  arrivée.  Votre  Excellence  sentira  sans  doute  la  nécessité  de  nous  main- 
tenir au  moins  sur  ce  pied  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre,  tous  les  regards  de 
l'ennemi  étant  maintenant  tournés  vers  les  Iles  du  Vent,  et  je  ne  puis  que  vous 
renouveler  encore,  en  cette  circonstance,  la  demande  que  je  vous  ai  faite  de 
petits  recrutements  par  des  envois  partiels,  d'environ  200  hommes  à  la  fois,  qui 
arrivant  sur  des  frégates  de  temps  à  autre,  remplaceront  imperceptiblement 
nos  pertes  et  nous  conserveront,  sans  le  moindre  embarras,  notre  attitude 
actuelle. 

Il  est  aussi  de  mon  devoir  de  porter  les  regards  de  Votre  Excellence  sur  le 
vide  que  nous  éprouvons  par  le  défaut  d'envois  de  fonds  d'Europe  ;  je  laisse 
au  préfet  colonial  à  vous  faire  le  déUiil  de  la  situation  pénible  où  nous  a  mis  à 
cet  égard  la  présence  des  escadres  de  Toulon  et  de  Uochefort  ;  et  j'ose  vous 
assurer  que  cet  objet  intéressant  appelle  de  votre  part  la  plus  pressante  solli* 
citude. 

L'amiral  Nelson  parait  avoir  abandonné  entièrement  les  mers  des  Iles  du 
Vent;  des  avis  certains  m'annoncent  qu'il  est  à  la  recherche  de  notre  escadre; 
il  a  été  rencontré,  le  30  prairial,  par  les  27  degrés  de  latitude  et  57  degrés  de 
longitude  méridien  de  Londres  ;  il  n'a  laissé  ici  qu'un  vaisseau  de  guerre  et 
quatre  frégates  aux  ordres  de  l'amiral  Cochranc. 


(1)  Plus  tard  prise  par  ronneroi  en  navignant  avec  la  Topaze. 

(2)  Pris  par  l'ennemi. 


688  TROISIÈME  PARTIE.    —    CHAPITRE  XIII. 

L'ennemi  fait  courir  le  bruit  que  les  amiraux  Collingwood  et  Graines  sont 
attendus  journellement  à  la  Rarbade  avec  douze  Taisseaux. 

La  frégate  le  Président  (I)  est  arrivée  le  12  (!•'  juillet)  de  ce  mois  ;  la  cor- 
vette le  Départ pment-dcs- Landes  (2)  le  13  (2 juillet);  et  le  brick  le  Néarque  (3) 
le  15  (4  juillet). 

Les  ordres  de  Votre  Excellence  me  prescrivent  de  renvoyer  avec  leurs 
dépêches  tous  les  bâtiments  expédiés  par  vous;  je  les  ferai  tous  filer  pour  la 
France  dans  le  courant  de  ce  mois,  et  je  ne  garderai  que  la  Noyade  et  la  cor- 
vette la  Cyane^  prise  faite  par  Fescadre,  et  dont  M.  Meynard,  lieutenant  de 
vaisseau,  prendra  le  commandement  quand  elle  sera  armée.  Nos  fonds,  d'ail- 
leurs, ne  nous  auraient  pas  permis  d'entretenir  dans  ces  mers  cette  quantité 
de  bâtiments  de  guerre. 

Les  lettres  que  Vomirai  Villeneuve  tn  écrivit  en  quittant  cet  archipel  ayant 
été  malheureusement  jetées  à  la  mer  dans  le  trajet  de  la  Guadeloupe^  ici  je  n^ai 
pu  connaître  ses  dispositions,  ni  celles  de  Vomirai  Gravina,  relativement  à  la 
frégate  la  «  Santa-Magdaleno  »,  restée  ici  ;  et  je  prends  en  conséquence  le 
parti  de  l'autoriser  à  partir  pour  l'Europe  en  même  temps  que  le  Président  (A) * 
qui  porte  cette  dépêche. 

Agréez,  Monseigneur,  l'assurance  de  mon  respect. 

ViLLARET. 

Qu'était  devenu  Nelson  depuis  le  4  juin  ? 
A  son  arrivée  à  la  Barbade,  ce  jour-là,  cet  amiral  y  avait 
trouvé  la  lettre  suivante  : 


Le  brigadier  général  Brereton  (5)  au  lieutenant  général  Myers  (6). 

Sainte- Lucie,  t9  mai,  11  heares  do  matio. 

« 

a  Je  reçois  à  Tinstant  un  rapport  du  côté  du  vent  de 
«  Gros-Ilet  (7)  annonçant  que  Tennemi,  fort  de  28  voiles,  est 
«  passé  hier  soir.  Sa  destination  doit  être  la  Barbade  ou  la 
«  Trinité.  » 

Comment  un  renseignement  si  absolument  inexact  à  cette 
date  put-il  être  envoyé  ?  Tout  ce  qu'avait  fait  Villeneuve  avait 
été,  le  28,  d'envoyer  trois  de  ses  frégates  croiser  au  vent  des 


(1)  Partie  ito  Loricnt  le  21  mai. 
(t)  Partie  de  Rochofort  le  23  mai. 

(3)  Parti  de  Lorient  le  21  mai. 

(4)  Cette  lettre  partit  le  8  juillet. 

(5)  Commandant  à  Sainte-Lucie. 

(6)  Commandant  en  chef  des  forces  de  la  Barbade  et  des  lies  soos  le  Vent. 

(7)  Pointe  nord-ouest  de  Sainte- Lucie. 


LE  RETOUR  EX  EUROPE.    —  VILLENEUVE  ET  NELSON.  689 

îles  anglaises  (1),  mais  de  trois  frégates  à  vingt-huit  voiles,  il 
y  a  loin.  Toujours  est-il  que  la  précipitation  de  Nelson  à 
accueillir  cette  fausse  nouvelle  l'attira  dans  une  direction  tout 
à  fait  erronée. 

«  Il  n'y  a  pas  de  doute,  écrit-il  à  F  Amirauté,  ni  pour  les 
«  généraux,  ni  pour  les  amiraux,  que  l'ennemi  va  attaquer 
«  Tabago  ou  la  Trinité.  Bien  quQ  je  sois  fort  pressé  d'atta- 
«.  quer  leurs  18  vaisseaux,  comme  sir  Williams  Myers  m'a 
(«  offert  2,000  hommes,  je  ne  puis  refuser  une  si  gracieuse 
«  offre.  » 

Le  retard  causé  par  cet  embarquement  fit  lever  Tancre  le 
5  juin  seulement,  à  9  h.  30  du  matin;  on  avait  le  cap  au  sud^ 
et  Nelson  était  si  assuré  d'une  rencontre  qu'à  2  heures  du 
soir,  il  ordonna  le  branle-bas  de  combat.  Le  lendemain,  à 
5  h.  30  du  soir,  en  vue  de  Tabago^  un  shooner  signala  que 
f  ennemi  était  à  la  Trinité,  En  y  arrivant  le  7,  à  5  heures  du 
soir  Nelson  n'y  trouva  personne  (2).  Il  était  donc  joué  une 
fois  de  plus. 

Le  8  seulement,  il  reçut  la  nouvelle,  exacte  cette  fois,  de  la 
prise  du  Diamant  par  les  Français  :  le  capitaine  Maurice,  qui 
avait  capitulé,  annonçait  «  que  l'escadre  française  était  toii- 
«  jours  à  la  Martinique  et  que  le  commodore  français  [sic)  lui 
«  avait  dit  que  l'escadre  du  Ferrol,  forte  de  6  vaisseaux  fran- 
«  çais  et  8  espagnols,  était  arrivée  à  Fort-de-France  le 
«  4  juin  ».  C'était,  on  l'a  vu,  la  division  de  Magon,  dont 
l'appoint  se  bornait  à  deux  vaisseaux  ;  mais  quelque  inquié- 
tante que  fût  cette  rumeur,  Nelson  ne  s'en  troubla  point. 

«  Je  doute  fort,  écrit-il,  de  l'arrivée  de  l'escadre  du 
«  Ferrol,  car  on  ne  peut  entrer  ou  sortir  de  Fort-Royal 
«  (Fort-de-France),  sans  être  vu  du  Diamant.  Mais,  quelque 
«  forts  qu'ils  puissent  être,  ils  ne  feront  pas  impunément  de 


(1)  Voir  ci-dessus. 

(2)  D'après  Clarke  et  M.  Arthur,  la  fausse  nouvelle  donnée  par  le  schooner  de  Tabago 
s'expliquerait  ainsi  :  Un  négociant  de  cette  île,  particulièrement  anxieux  de  savoir  si  les 
vaisseaux  de  Nelson  étaient  amis  ou  ennemis,  avait  envoyé  son  employé  sur  un  shooner  à 
la  rencontre  de  Tescadre.  Il  arriva  que  le  signal  fait  par  le  schooner  correspondit  justement 
à  la  réponse  «  oui  »  faite  à  la  questicn  posée  :  o  Les  Français  sonl-ils  à  la  Trinité  ?  » 

Le  capitaine'  d'un  brick  américain,  sans  doute  avec  une  intention  hostile  annonça  aussi 
que,  quelques  jours  plus  tét,  il  avait  rencontré  la  flotte  française  près  de  la  Grenade,  se 
dirigeant  vers  la  Trinité. 

IV.  il 


690  TROISIEME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIII. 

«  grandes  attaques.  Mes  forces  sont  compactes,  les  leurs  sont 
«  peu  maniables.  C'est  un  joli  violon,  mais  je  doute  que 
«  Villeneuve  ou  Gravina  sache  en  jouer.  » 

Très  audacieusement,  Nelson  mit  le  cap  au  nord  ;  le  9,  il 
était  à  Grenade,  où  il  apprit  du  général  Maitland  que  tout 
était  tranquille  dans  cette  île,  ainsi  qu'à  Saint- Vincent  et  à 
Sainte-Lucie,  et  que,  le  4,  Fennemi  était  encore  à  la  Marti- 
nique. A  1  heure  du  soir,  le  capitaine  Champain  du  J(ison  lui 
apporta  la  nouvelle,  à  peu  près  exacte,  que,  le  6  juin,  Tennemi, 
fort  de  18  vaisseaux,  6  frégates,  3  bricks  et  2  shooners,  avait 
passé  par  le  travers  de  la  pointe  Rupert  (1)  et  que,  le  soir,  il 
était  à  hauteur  des  Saintes  (2),  faisant  route  au  nord.  «  Nous 
'(  verrons,  dit  Nelson  à  ce  moment,  si  rennemi  veut  atta- 
«  quer  Antigoa  ou  Saint-Christophe,  ou  retourner  en  Europe. 
«  Je  réglerai  mes  mouvements  d'après  mon  propre  juge- 
«  ment,  car  j'ai  été  trop  souvent  trompé  par  de  faux  rensei- 
«  gnements.  » 

Le  12,  à  6  heures  du  soir,  l'escadre  anglaise  était  à  7  ou 
8  lieues  d' Antigoa  ;  à  7  heures  du  soir,  elle  mouilla  à  Saint- 
Jean,  où  les  troupes  furent  débarquées.  L'avant- veille,  Ville- 
neuve  était  encore  dans  ces  parages  ;  ses  quatre  frégates, 
ramenant  les  troupes  à  la  Guadeloupe  et  à  la  Martinique, 
n'avaient  échappé  aux  vaisseaux  anglais  que  par  Theureuse 
chance  qui  les  avait  dirigées  au  vent  des  îles,  tandis  que 
Tennemi  passait  sous  le  vent. 

Les  nouvelles  que  trouva  Nelson  furent  d'abord  vagues  et 
peu  satisfaisantes  ;  on  lui  apprit  successivement  que  Ville- 
neuve avait  passé  le  8  à  la  Guadeloupe,  faisant  route  sur 
Antigoa,  puis  qu'il  était  passé  au  vent  de  cette  île  ;  enfin,  qu'il 
débarquait  ses  troupes  à  la  Guadeloupe. 

Si  vraiment  les  renseignements  reçus  le  12  se  bornent  à  ce 
qui  vient  d'être  dit  et  qui  résulte  de  la  corespondance  de 
l'amiral  et  des  assertions  de  son  panégyriste  Mahan,  Nelson 
donna  cette  fois  la  preuve  d'une  admirable  clairvoyance. 
Discernant  immédiatement  que  les  alliés  devaient  retourner 
en  Europe,  il  détacha  le  même  jour  le  brick  \à  Curieux  pour 


(1)  Nord -ouest  de  la  Dominique. 

(2)  Ilôts  au  sud  do  la  Guadeloupe. 


LE  RETOUR  EN  EUROPE.    —  VILLENEUVE  ET  NELSON.        691 

en  donner  avis  en  Angleterre.  —  Cet  envoi  si  rapidement 
décidé,  eut,  on  le  verra  plus  loin,  les  plus  importantes  consé- 
quences. Lui-même  se  résolut  à  traverser  de  nouveau  Focéan 
Atlantique. 

Il  s'en  faut  de  beaucoup,  cependant,  que  Nelson  puisse  être 
considéré  comme  ayant  deviné  le  plan  de  Napoléon.  Si,  en 
mettant  à  la  voile,  comme  il  le  fit  le  13,  avec  Fintention  de 
gagner  les  alliés  de  vitesse  et  d'arriver  avant  eux  en  Europe, 
il  faisait  avorter  la  combinaison  impériale,  en  ce  sens  qu'il  ne 
restait  pas  en  Amérique  comme  on  l'espérait,  il  se  trompa  sur 
les  projets  de  Villeneuve.  «  Mon  opinion,  écrit-il  le  12  (1),  est 
«  que  les  Espagnols  vont  à  la  Havane  et  les  Français  à  Cadix 
«  ou  à  Toulon.  Je  donne  la  préférence  au  second  de  ces 
((  points,  car  ils  vont  se  figurer  qu'il  pourront  aller  en  Egypte 
«  tout  à  leur  aise.  » 

Son  intention  formellement  exprimée  était  (2)  de  mouiller  à 
Lagos  et  de  se  mettre  sous  les  ordres  de  Orde  qu'il  croyait 
commander  la  croisière  devant  Cadix  (3).  C'est  le  17  seulement 
que  ridée  d'une  marche  des  alliés  sur  le  Ferrol  se  présente  à 
son  esprit  ;  mais  le  18,  à  200  lieues  au  nord  d'Antigoa,  il 
déclare  encore  qu'il  se  rend  dans  la  Méditerranée.  Le  lende- 
main, il  apprend  par  le  navire  américain  Sally  que  l'ennemi 
a  passé,  le  17,  par  27^28  de  lat.  et  60<^58  de  long.  Il  n'en  est 
pas  à  80  lieues  à  son  estime.  «  J'espère,  écrit-il  à  l'Amirauté, 
«  rattraper  les  Français  avant  qu'ils  aient  atteint,  Carfeo:  ou 
((  Toulon,  » 

C'est  à  ce  moment  aussi  que  Nelson  donne  une  nouvelle 
preuve  de  sa  rare  prévoyance.  Une  de  ses  frégates  le  quitte  le 
19  avec  la  mission  de  prévenir  l'amiral  qui  croise  devant  le 
Ferrol  d'avoir  à  se  tenir  sur  ses  gardes.  Elle  doit  le  rejoindre 
au  cap  Saint- Vincent  (4).  Une  circulaire  destinée  à  «  tous  les 


(1)  A  sir  John  BaU. 

(2)  Lettre  da  15  jain  à  lord  Robert  Fitzgerald. 

(3)  Il  avait  été  remplacé  par  CoUingwood  après  sa  retraite  précipitée  devant  Villeneuve. 

(4)  Une  lettre  d'un  officier  de  l'escadre  de  Nelson  précise  la  situation  et  l'état  d'esprit  de 
l'amiral  et  de  son  entourage.  (British  Muséum,  vol.  n»  34930.) 

• 

Extrait  cTune  lettre  d'un  officier  de  Vescadre  de  Nelson. 

19  juin,  par  lat.  t8«  N.,  long.  58»  O. 
«  Vous  ne  serez  pas  peu  surpris  d'apprendre  si  vite,  après  réception  de  la  lettre  que 


692  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  XllI. 

«  capitaines  des  bâtimenls  de  Sa  Majesté  croisant  aux  Antilles 
«  et  qui  n'ont  pas  une  mission  plus  importante  à  accomplir  » 
contient  les  mêmes  avis. 

Croyant  que  la  flotte  ennemie  retourne  en  Europe,  mais  ne  sachant  pas  si 
elle  se  dirige  sur  le  Ferrol  ou  sur  Cadix,  je  vous  prie  instamment  de  passer  au 
large  du  Ferrol  avec  le  présent  avis  destiné  à  Famiral  commandant  la  croisière 
devant  ce  port,  alin  qu'il  soit  sur  si'S  gardes  contre  une  attaque  de  Pennemi  en 
forces  supérieures. 

De  fait,  on  va  le  voir,  l'amiral  en  question,  Calder,  «  fut 
(t  prévenu  à  temps  et  bien  avant  l'apparition  de  Ten- 
«  nemi  (2)  ». 

Le  30  juin,  Nelson  prit  une  nouvelle  précaution  : 


Au  capitaine  Sutton,  de  T  «  Amphion 


»>. 


Comme  il  est  de  la  dernière  importance  que  je  sache  le  plus  tôt  possible  si 
Pennemi  est  entré  dans  la  Méditerranée,  vous  partirez  sans  perdre  un  moment 
pour  Tanger  et  saurez  du  consul  anglais  si  Pennemi  a  passé  le  détroit  ou  est 

allé  à  Cadix Vous  tiendrez  secrète  mon  approche. . .  Je  vous  retrouverai 

de  sept  h  seize  lieues  j\  Pouest  du  cap  Spartel.  Si    vous    apprenez  que  je  suis 
parti  à  la  suite  de  Pennemi,  vous  me  suivrez. .    . . 

En  outre,  ï Amazon  dut  prendre  les  devants  vers  le  cap 
Saint-Vincent  et  Cadix.  Mais  ce  fut  seulement  le  13  juillet  que 
cette  frégate  fut  détachée.  Le  l®*"  juillet,  l'escadre  arriva  à 
175  lieues  des  Açores,  où  elle  fut  prise  par  des  calmes;  le  8, 
elle  était  encore  à  17  lieues  de  l'île  Saint-Michel,  le  13,  à 
183  lieues  du  cap  Saint- Vincent,  le  18,  à  12  lieues  du  cap 


porte  le  Curieux,  que  notre  escadre  est  sur  la  route  du  retour A  Saint-Jean,  lord 

Nelson  a  appris  que  l'ennemi  avait  passé  près  de  llle  quatre  Jours  avant  notre  venue,  cin- 
glant au  nord,  renseignement  confirmé  par  le  shooner  Nettley  qui  naviguait  avec  le  riche 
convoi  de  14  navires  dont  l'ennemi  s'est  emparé.  Le  retour  en  Europe  nous  a  aussi  été 
confirmé  par  un  Américain  qui  l'a  vu  il  y  a  deux  Jours  devant  nous,  si  bien  que  nous  no 
les  manquerons  plus.  L'arrivée  soudaine  et  inattendue  de  notre  escadre  a  sans  doute 
empoché  les  alliés  do  nuire  à  nos  colonies,  néanmoins,  ils  ont  pu  obtenir  un  sérieux  résul- 
tat, celui  d'augmenter  de  10,000  hommes  les  forces  de  leurs  îles.  Vopinion  dominante 
est  qu'ils  vont  à  Toulon  afin  d'y  prendre  des  troupes  destinées  à  l'Egypte.  On  va 
envoyer  un  sloop  et  une  frégate  à  Gibraltar  et  à  Lisbonne,  etfen  conclus  que  nous 
resterons  au  cap  Saint-Vincent  jusqu'à  plus  ample  informé.  Ensuite,  je  ne  sais; 
mais  il  nous  faudra  absolument  faire  de  l'eau  quelque  part, 

(2)  Mahan.  •  Ces  nouvelles  furcnl  à  la  fois  dirigées  sur  Lisbonne  et  sur  Gibraltar.  » 


LE  RETOUR  EiN   EUROPE.  —  VILLENEUVE  ET  NELSON.         693 

Spartel.  Le  19,  elle  jetait  Tancre  à  Gibraltar,  où  se  trouvait 
déjà  V  Amazon, 

Ni  à  Gibraltar,  ni  à  Cadix,  on  n'avait  connaissance  de  Tes- 
cadre  alliée. 

Au  moment  de  l'arrivée  de  Nelson,  la  répartition  des  forces 
anglaises  dans  ces  parages  est  la  suivante  : 

Devant  Cadix,  CoUingwood  avec  4  vaisseaux  :  Dreadnought^ 
Mars,  Colossus,  Achil/es;les  2  frégates  Hydra,  Endymion  et 
1  brick.  Un  des  vaisseaux  est  à  ce  moment  détaché  au  cap 
Spartel. 

Devant  Carthagène,  Bickerton  avec  4  vaisseaux  :  Queen, 
Tonnant,  Minotaur,  Bellorophon,  3  sloops  et  2  bricks. 

Dans  la  Méditerranée,  à  Malte,  Naples,  Constantinople  et 
les  côtes  de  Sardaigne,  il  y  a  encore  2  vaisseaux  et  4  frégates 
et  plusieurs  bâtiments  légers. 

C'est  un  total  de  36  voiles,  dont  9  vaisseaux  de  ligne,  1  vais- 
seau de  50  et  10  frégates  (1). 

C'est  à  l'amiral  Collingwood  que  revient  en  réalité  l'hon- 
neur d'avoir  vraiment  compris  et  exposé,  sinon  le  plan  de 
Napoléon,  au  moins  la  manœuvre  d'ensemble. 

Je  crois,  écrit-il  le  18  juillet,  que  la  flotte  combinée  va  débloquer  le 
Ferrol  malgré  Calder,  traverser  le  golfe  de  Gascogne,  joindre  Tescadre  de 
Rochefort  et  appiiraitre  sous  Ouessant  avec  34  vaisseaux  pour  y  rallier  20  autres 
vaisseaux.  L'amiral  Cornwallis,  en  rappelant  ses  détachements,  en  aura  30  ou 
davantage 

Et  le  lendemain,  il  ajoute  (2)  : 

Je  suis  convaincu  que  Tlrlande  est  le  but  de  tous  les  mouvements  des  Fran- 

çiiis.  La  diversion  aux  Antilles  n'avait  pour  but  que  de  nous  y 

attirer.  ...  Je  me  fonde  sur  ce  que  le  gouvernement  français  a  toujours  de 
grands  desseins  et  néglige  les  petites  choses.  Son  but  a  toujours  été  l'invasion 
de  rirlande.  La  fuite  aux  Antilles  n'avait  pour  but  que  d'y  attirer  nos  esca- 
dres, qui  sont  le  grand  obstacle  à  leurs  opérations.  Le  retour  de  l'escadre  de 
Rochefort  m'a  confirmé  dans  cette  idée.  Ils  vont  rallier  les  forces  du  Ferrol  qui, 
ainsi  que  me  l'annonce  Calder,  commencent  à  se  remuer,  ramasser  la  division 
de  Rochefort  qui  est  prête,  à  ce  qu'on  me  dit,  ce  lui  leur  donnera  plus  de 
30  vaisseaux  et,  sans  approcher   d'Ouessant  ni  de  la   flotte  de  la  Manche, 


(1)  Brilish  Muséum,  vol.  34930. 

(2)  Citée  par  Mahan. 


694  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  XlII. 

gagner  l'Irlande.  L'escadre  de  la  Manche  deyra  envoyer  des  détachements 
pour  protéger  l'Irlande  ;  alors  la  flotte  de  Brest,  forte  de  21  vaisseaux,  partira, 
soit  pour  un  autre  point  de  l'Irlande,  soit  pour  la  Manche,  avec  une  force 
qu'on  n'aura  peut-^tre  jamais  vue  dans  ces  parages. 

L'absence  de  Fennemi  dans  les  parages  de  Gibraltar  aurait 
dû,  semble-t-il,  non  moins  que  les  lettres  si  remarquables  de 
CoUingwood,  ouvrir  les  yeux  de  Nelson  sur  les  dangers  que 
pouvaient  courir,  soit  la  croisière  de  Cadix,  soit  Calder 
devant  le  Ferrol,  soit  Stirling  devant  Rochefort,  et  Ton  ne 
comprendrait  pas  qu'il  n'ait  pas,  dès  ce  moment,  effectué  sa 
jonction  avec  l'un  de  ces  trois  groupes,  si  l'extrême  fatigue  de 
ses  équipages,  l'apparition  du  scorbut  (1),  le  besoin  d'eau  et 
de  vivres  frais  n'avaient  pas  exigé  un  peu  de  repos  après  cette 
longue  période  d'agitation.  Le  21,  Nelson  est  encore  à  Gibral- 
tar, où  il  appelle  Bickertou,  que  les  ordres  de  l'Amirauté 
maintiennent  avec  sa  division  devant  Carthagène  ;  le  21,  il 
jette  l'ancre  à  Tetuan, 

Nelson  à  Collingwood  (2). 

20  jaUlet. 

Le  sloop  Martin  est  arrivé  ce  matin,  et  comme  le  capitaine  Savage  dit  que 
le  schooner  Pickle  a  quitté  la  flotte  avant  lui  pour  (illisible),  je  crains  qu'il  ne 
lui  soit  arrivé  quelque  accident.  Je  serai  à  Tetuan  le  21,  et  en  vingt-quatre 
heures  je  serai  prêt  à  repartir. 

Le  lendemain,  Villeneuve,  se  heurtait  à  l'escadre  de  Calder 
devant  le  Ferrol. 

Ce  fut  par  une  chance  remarquable  que  ce  dernier  amiral 
put  recevoir  le  choc  avec  des  forces  assez  grandes  pour 
éviter  un  désastre,  car  l'avis  expédié  par  Nelson  n'était  pas 
parvenu. 

«  Le  brick  Curieux^  que  Nelson  avait  dépêché  en  Angle- 
ce  terre  la  veiUe  de  son  départ  d'Antigoa,  avait  rencontré  l'es- 
((  cadre  alliée  le  19  juin,  à  900  milles  nord-nord-est  d'Anti- 

«  goa Après  l'avoir  observée,  le  capitaine  anglais  avait 

«  fait  force  de  voiles  et  avait  gagné  Plymouth  le  7  juillet 


(1)  Lettre  à  rAmirauté,  20  mai. 

(2)  British  Muséum,  34958. 


LE  RETOUR  EN  EUROPE.   —   VILLENEUVE  ET  NELSON.         695 

«  Le  9,  à  Tanbe,  la  nouvelle  du  retour  en  Europe  de  Ville- 
ce  était  entre  les  mains  de  F  Amirauté.  Le  jour  même  partait 
«  Tordre  enjoignant  aux  escadres  de  Rochefort  et  du  Ferrol 
«  de  se  réunir  et  de  se  porter  à  100  milles  à  Touest 
((  du  cap  Finistère.  Le  19  juillet,  Calder  s'y  trouvait  posté 
i(  avec  quinze  vaisseaux  de  ligne  et  recevait  de  Lisbonne  les 
«  nouvelles  que  Nelson  y  avait  adressées  juste  un  mois  aupa- 
«  ravant  (1).  » 


(1)  Mahan.  Loc.  cit. 


A 


CHAPITRE  XIV 


LA   BATAILLE    DU  22   JUILLET 


Pendant  que  les  Anglais,  prévenus,  se  préparaient  à  le 
recevoir,  Villeneuve,  parvenu  le  l®'^  juillet  aux  Açores,  avait 
continué  vers  le  Ferrol  sa  lente  navigation. 

Le  13(2  juillet),  reconnu  Tlle  de  Corvo  (Açores)  et  continué  la  route  avec 
bon  vent;  le  14  (3  juillet),  donné  chasse  et  pris  deux  bâtiments,  un  corsaire 
anglais  de  id  hommes  d'équipage  et  un  bâtiment  espagnol  qu'il  avait  pris 
depuis  quelques  jours  et  qu'il  conduisait  en ,  Angleterre  ;  le  corsaire  ayant 
essuyé  quelques  avaries  a  été  coulé  et  la  reprise  espagnole  prise  à  la  remorque. 
Ce  bâtiment  vient  de  Lima  et  est  très  richement  chargé. 

Les  15,  16,  17,  18  et  19  (4,  S,  6,  7  et  8  juillet),  de  faibles  brises  d'ouest, 
fait  route  à  l'E.-l/i-N.-E.  Le  20  (9  juillet),  environ  par  les  20  degrés  de  lon- 
gitude, un  coup  de  vent  de  nord-est  a  obligé  l'armée  de  faire  route  au  sud- 
ouest,  étant  presque  à  la  cape.  Le  23  (12  juillet),  viré  de  bord  pour  s'élever  à 
la  latitude  du  Ferrol  ;  le  30  (19  juillet),  les  vents  étant  venus  au  nord-ouest  et 
étant  en  latitude,  l'armée  a  fait  route  à  l'est;  le  2(21  juillet),  même  route;  le 
3  (22  juillet)  au  matin,  le  temps  très  brumeux,  l'armée  marchant  sur  trois 
colonnes  très  serrées,  les  Espagnols  à  droite,  la  1"  escadre  au  centre,  la 
2®  escadre  â  gauche  et  l'escadre  légère  en  avant.  Vers  les  midi,  le  temps 
s'est  éclairci  (I). 

A  ce  moment,  Tescadre  se  serait  trouvée  par  43^34  de  lati- 
tude et,  semble-t-il,  à  13<*  ou  ^i^  de  longitude,  à  environ 
150  milles  à  Touest  du  Ferrol (2).  L'ennemi  fut  alors  signalé. 

Voici,  d'après  diverses  versions,  le  récit  du  combat  qui 
suivit  cette  rencontre  : 


(1)  Journal  de  Rcillc. 
(f)  Voir  ci-dessons. 


698  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIV. 

Journal  de  Reille, 

A  i  heure,  on  a  signalé  des  voiles  vers  le  nord-nord-est,  que  Ton  a  reconnu 
bientôt  être  une  flotte  anglaise.  Quelques  vaisseaux  ennemis  sont  venus  nous 
reconnaître,  et  notre  escadre  légère  on  a  fait  autant.  Les  vents  étaient  à 
Touest.  L'armée  s'est  formée  dans  l'ordre  de  bataille  naturel,  bâbord  amures, 
les  Espagnols  formant  Tavant-garde,  et  nous  avons  tenu  le  vent.  La  brume 
étant  devenue  épaisse,  on  n'a  plus  pu  voir  l'armée  anglaise.  Quelque  temps 
après,  une  petite  éclaircie  nous  l'a  fait  voir  à  grande  portée  de  canon,  sous  le 
vent  h  nous,  et  courant  à  bord  opposé.  L'amiral  a  fait  de  suite  le  signal  de 
virer  lof  pour  lof  la  contremarche.  La  brume  a  empêché  qu'on  ne  voie  de  suite 
le  signal.  Cependant,  le  signal  étant  parvenu  à  la  tête,  le  mouvement  s'est 
exécuté.  Au  moment  où  l'amiral  espagnol,  qui  formait  l'avant-garde,  a  dépassé 
la  queue  de  notre  ligne,  il  a  aperçu  la  tête  de  l'armée  ennemie,  qui  avait  viré 
vent  devant,  et  les  deux  armées  se  trouvant  au  même  bord,  le  combat  a 
continué  jusqu'à  8  heures  du  soir.  Dans  le  combat,  le  vaisseau  espagnol  le 
Firme,  ayant  été  démâté  de  son  grand  mât  et  de  son  mât  d'artimon,  a  été 
obligé  d'arriver  dans  la  ligne  ennemie  et  a  été  vraisemblablement  pris.  Le 
vaisseau  le  Raphaël,  ayant  eu  des  manœuvres  coupées,  est  tombé  sous  le  vent, 
et  nous  l'avons  vu  entre  notre  ligne  et  la  ligne  anglaise  avec  ses  basses  voiles 
amurées.  Ne  l'ayant  pas  vu  depuis,  il  est  à  craindre  qu'il  ne  soit  encore  au 
pouvoir  de  l'ennemi.  Si,  lorsque  ce  vaisseau  a  paru  sous  le  vent,  on  avait  fait 
une  arrivée,  il  eût  été  possible  de  le  sauver.  Le  reste  de  l'armée  a  un  peu 
souffert  dans  ses  manœuvres,  mais  il  n'y  avait  aucune  avarie  majeure.  Le 
brouillard  nous  a  fait  beaucoup  de  tort  dans  cette  journée  et  nous  a  empêchés 
de  profiter  de  notre  supériorité  de  nombre.  On  ne  voyait  que  de  temps  à  autre 
l'ennemi,  et  l'on  ne  pouvait  proQter  des  chances  heureuses  que  les  différents 
mouvements  qu'il  a  faits  nous  présentaient  ;  il  a  infiniment  souffert  dans  son 
gréement  et  dans  sa  mâture. 

Toute  la  nuit  du  3  au  4  les  deux  armées  ont  coiu'u  le  même  bord  au  sud- 
ouest.  Après  avoir  allumé  leurs  feux  de  ralliement,  les  Anglais  ont  cependant 
toujours  laissé  porter  plus  que  nous  à  cause  de  leurs  avaries.  Le  4,  à  la  pointe 
du  jour,  l'armée  anglaise  était  à  trois  lieues  de  nous  :  elle  a  viré  de  bord  et,  en 
ayant  fait  autant,  tout  le  monde  croyait  qu'on  allait  laisser  arriver  sur  l'ennemi 
pour  prendre  notre  revanche.  Mais  l'armée  a  fait  petite  voile  et  tint  le  vent, 
l'ennemi  courant  toujours  largue.  La  Didon,  qui  est  allée  le  reconnaître,  a 
signalé  qu'il  avait  beaucoup  d'avaries  qu'il  s'occupait  de  réparer  et  trois  bâti- 
ments à  la  remorque.  Nos  vaisseaux  étaient  tous  en  état  d'aller.  L'Amiral  était 
passé  sur  une  frégate  vers  les  8  heures,  et  on  espérait  que  nous  allions  porter 
dessus.  Mais  toute  la  journée  s'est  passée  en  signaux  insignifiants,  et  ne  faisant 
point  la  voile  nécessaire  pour  engager  une  affaire.  L'ennemi  laissant  toujours 
porter  s'est  éloigné  de  nous,  emmenant  vraisemblablement  nos  vaisseaux  et  les 
siens  démâtés.  Le  5  au  matin,  on  a  encore  aperçu  l'ennemi,  mais  fort  loin,  et 
les  vents  étant  devenus  nord,  et  notre  armée  avant  couru  le  bord  au  sud  se 
trouvait  sous  le  vent.  Alors  l'Amiral  a  signalé  la  route  à  l'est  pour  se  rendre 
auFerrol.  On  ignore  au  juste  le  nombre  des  vaisseaux  ennemis  que  nous  avons 
combattus.  Il  parait,  d'après  beaucoup  de  rapports,  qu'ils  étaient  13,  d'autres 
portent  co  nombre  à  14,  dont  3  à  trois  ponts. 


LA  BATAILLE   DU  22  JUILLET.  699 

Le  6  au  matin,  le  vent  nord-est  grand  frais,  tous  les  vaisseaux  ont  pris  des 
ris,  et  l'armée  courait  bâbord  amures.  A  i  heure,  on  a  aperçu  le  cap  Finis- 
nistère;  il  était  impossible  de  le  doubler  pour  aller  au  Ferrol.  L'amiral  a  paru 
vouloir  aller  à  Vigo,  ensuite  il  s'est  décidé  vers  les  5  heures  à  aller  dans  le 
sud  et  ordonné  la  retraite  au  S.-0.-I/4-S.  Dans  la  nuit,  le  vent  a  calmé,  et 
le  7  au  matin  nous  étions  dans  une  brume  très  épaisse.  Le  temps  s'étant 
éclairci,  et  s'étant  élevé  une  petite  brise,  nous  avons  fait  route  à  l'est. 

Le  8  au  matin,  vu  les  Iles  Bayona  et  gouverné  dessus.  Entré  dans  la  rade 
de  Vigo  oii  l'armée  a  mouillé  dans  la  soirée.  11  y  avait  sur  tous  les  bâtiments 
une  quantité  très  considérable  do  malades  et  aucune  espèce  de  rafraî- 
chissements. 

Copie  de  la  lettre  d'un  officier  de  terre  sur  le  combat  livré  le  3  ther^ 
midor  (22  Juillet)  i>ar  l'escadre  de  l'amiral  Villeneuve,  le  8  thermidor 
an  XIII  (27  juillet)  (1). 

Le  3  thermidor  (22  juillet),  l'escadre  se  trouvait  par  43^  34'  de  latitude  et 
16^  13'  de  longitude.  Elle  était  en  marche  sur  trois  colonnes  très  serrées,  se 
dirigeant  sur  le  Ferrol,  avec  un  faible  vent  d'ouest,  le  temps  extrêmement 
brumeux.  AH  heures,  la  brume  s'est  un  peu  dissipée  :  alors  V  Indomptable  a 
signalé  à  hauteur  de  vue  dix  voiles  plus  rapprochées.  L'escadre  légère  a  eu 
l'ordre  d'aller  reconnaître  ;  elle  a  bientôt  signalé  12,  puis  16,  19  et  21  voiles 
ennemies  au  nord-nord-est  et  faisant  route  sur  l'armée.  A  midi,  l'amiral  Ville- 
neuve a  fait  le  signal  de  marcher  en  ligne  de  convoi.  Cependant,  l'ennemi 
s'avançant  toujours,  l'Amiral  a  donné  à  4  heure  l'ordre  de  former  la  ligne 
de  bataille  et  de  se  porter  sur  l'ennemi.  Voici  quel  était  notre  ordre  de 
bataille  : 

VAISSEAIX    ESPAGNOLS. 

L'Argonaute 80  chinons.  L'amiral  Gravina. 

Le  Terrible 74    —  M.  Mondruyon. 

V America 61     —  M.  Darrac. 

VEsparia 64    —  M.  Monios. 

Le  S.'Raphaél 80    —  M.  Montés. 

Le  Firme 71     —  M.  Villa  Vicentio. 

VAISSKArX    FRANÇAIS. 

Le  Pluton 74  canons.      M.  Gosmard. 

Le  Mont-Blanc 74  —  M.  Lavillegris. 

V Atlas 74  —  M.  Rolland  (blessé). 

Le  Berwick 74  —  M.  Gamus. 

Le  Neptune 80  —  M.  Maistrol. 

Le  Bucentaure 80  —  L'amiral  Villeneuve. 

Le  Formidable 80  —  L'amiral  Dumanoir. 


(1)  Archivet  de  la  Marine ,  campagne  1805.  BBi^,  t33. 


700  TROISIÈME  PARTIE.    —  CHAPITRE   XIV. 

V Intrépide 74  —  M.  Déperonne  (tué). 

Le  Seipion 74  —  M.  Bérenger. 

Le  Swi/tsare 74  —  M.  Villemadrin. 

U Indomptable 80  —  M.  Hubert. 

L'Aigle 74  —  M.  Gourreges. 

V Achille 74  —  M.  Deméport. 

XsAlgésiras 74  —  Le  contre-amiral  Magon. 

Notre  ligne  n'a  été  parfaitement  formée  qu'entre  3  et  4  heures;  Tescadre 
ennemie,  forte  de  i5  ▼aisseaux  de  guerre,  dont  3  à  trois  ponts,  a  passé  à 
contre-bord,  hors  la  portée  du  canon.  L'amiral  Villeneuve  a  donné  Tordre  de 
tirer  lof  pour  lof  et  de  marcher  sur  l'ennemi,  qui  avait  Tiré  vent  devant  et  se 
trouvait  sur  notre  arrière-garde.  L'amiral  Gravina,  qui  était  à  la  tète  de  la 
ligne,  a  exécuté  le  mouvement  ordonné  avec  la  plus  grande  rapidité.  Il  est 
venu  au  lof,  a  porté  sur  l'ennemi,  qui  allait  attaquer  YAigle^  et  a  commencé 
le  feu  à  4  h.  1/2;  tous  nos  vaisseaux  le  suivirent  de  près.  La  brume  est  devenue 
très  épaisse  et,  autant  qu'on  en  pouvait  juger,  notre  ligne  était  parfaitement 
formée  et  nos  vaisseaux  très  près  les  uns  des  autres.  Jusqu'à  6  heures,  on  s'est 
beaucoup  canonné  sans  se  voir;  vers  les  6  heures,  il  y  a  eu  un  moment 
d'éclaircie.  Nous  avons  aperçu  quatre  vaisseaux  anglais  fort  maltraités  ;  nous 
avons  TU  au  même  moment  le  Saint-Raphaël  qui  pass«iit  entre  les  deux  lignes; 
il  pamissait  avoir  quelques  gréements  coupés,  mais  sa  mâture  étiit  entière  ;  il 
manœuvrait  pour  prendre  la  queue  de  la  ligne.  Le  feu  a  continué  à  se  bien 
soutenir;  on  tirait  avec  le  plus  grand  ordre  et  sans  précipitation.  Nous  avons 
aperçu  un  vaisseau  anglais  à  trois  ponts  dont  le  grand  mât  et  le  mât  d'artimon 
étaient  abattus  et  qu'une  frégate  remorquait.  Un  autre  vaisseau  ennemi  à  trois 
ponts,  monté  par  un  contre-amiral,  avait  son  petit  mât  de  hune  cassé  et  de 
grandes  avaries.  C'est  tout  ce  que  nous  avons  pu  apercevoir  du  centre.  Le 
feu  s'est  ainsi  soutenu  jusqu'à  4  h.  1/f. 

L'ennemi  s'est  alors  éloigné  ;  il  avait  eu  plusieurs  vaisseaux  dégréés  et  le 
champ  de  bataille  nous  restait.  Des  cris  de  joie  et  de  victoire  se  sont  fait 
entendre  sur  tous  les  vaisseaux  ;  nous  avons  passé  ainsi  toute  la  nuit.  Quelle  a 
été  notre  surprise  lorsque,  le  lendemain,  nous  nous  sommes  aperçus  que  le 
Saint-Raphaél  et  le  Firme  manquaient;  l'ennemi  avait  entièrement  disparu. 
Trois  vaisseaux  seulement,  qui  semblaient  être  son  escadre  légère,  étaient  en 
vue.  L'Amiral  a  formé  sa  ligne  et  a  ordonné  de  se  porter  au  nord,  où  nos 
frégates  nous  signalaient  l'escadre  anglaise.  Mais  l'ennemi  a  constamment 
manœuvré  pour  éviter  le  combat.  A  4  heures  après-midi,  nous  n'avions  plus 
l'espoir  de  l'atteindre  avant  la  un  du  jour. 

Le  lendemain,  à  7  heures  du  matin,  le  vent  était  encore  ouest,  mais  faible. 
I!  a  tout  à  coup  sauté  au  nord-est.  L'ennemi  s'est  trouvé  «ilors  de  l'avance  h 
nous.  Nous  avons  cherché,  pendant  toute  la  journée,  à  le  joindre,  mais  inuti- 
lement ;  enfin,  nous  l'avons  tout  à  fait  perdu  de  vue. 

L'amiral  Gravina  et  tous  les  vaisseaux  espagnols  ont  combattu  avec  la  plus 
grande  valeur.  Le  Firme,  qui  était  le  sixième  vaisseau  de  tète,  ayant  eu  son 
grand  mât  et  son  mât  d'artimon  cassés,  le  vaisseau  français  le  Pluton,  qui  le 
suivait,  s'était  aussitôt  porté  sous  le  vent  à  lui,  pour  le  mettre  à  l'abri.  Nous 
supposons  que  ce  vaisseau  et  le  Saint-Raphaël,  doux  très  mauvais  bâtiments 


LA   BATAILLE  DU  22   JUILLET.  701 

qui,  pendant  notre  navigation,  tenaient  mal  le  vent,  auront  dérivé  et  seront 
tous  deux  passés  entre  les  deux  lignes.  Le  vaisseau  VEspana  ayant  aussi  été 
fort  maltraité,  le  Pluton  s'était  encore  mis  entre  Tennemi  et  lui.  Le  vaisseau 
l'A  tlas  a  beaucoup  souffert  ;  mais  le  Neptune  a  passé  sous  le  vent  à  lui  et  Ta 
aidé  à  repousser  Tennemi. 

Tous  les  vaisseaux  français  ont  combattu  avec  un  ordre  et  un  sang-froid 
admirables.  Les  officiers  de  terre  qui  étaient  à  bord  rendent  la  plus  grande 
justice  aux  capitaines  et  aux  équipages.  La  joie  était  à  chaque  bord  lorsque  le 
lendemain  on  fit  le  signal  d'arriver  sur  l'ennemi  pour  profiter  de  la  victoire, 
qui  était  sâre,  puisque  le  temps  était  clair  ;  la  brume  ayant  disparu,  la  valeur 
pouvait  se  signaler.  Le  capitaine  Péronne,  commandant  Vlntrépide,  a  été  tué  ; 
il  emporte  l'estime  et  les  regrets  de  toute  l'escadre;  M.  Rolland,  capitaine  de 
V Atlas,  a  été  blessé. 

La  nation  et  l'Empereur  peuvent  compter  sur  cette  escadre.  A-t-on,  le 
lendemain  du  combat,  perdu  du  temps  pour  marcher  à  l'ennemi?  Était-il 
possible  de  le  joindre  lorsqu'il  étiit  embarrassé  dans  sa  marche  par  plusieurs 
de  ses  vaisseaux  en  mauvais  état  et  par  les  deux  vaisseaux  espagnols  qu'il  avait 
pris,  et  lorsque  nos  frégates  signalaient  qu'il  se  ré  gréait  à  force?  C'est  aux 
marins  à  prononcer. 

La  victoire  était  acquise;  tous  les  officiers  de  terre  le  diront  comme  moi. 
En  égal  nombre,  cette  escadre  ne  craindra  point  les  ennemis,  qui  ne  nous 
ont  pas  paru  soutenir,  pour  l'habileté  et  la  direction  du  feu,  leur  réputation. 

Notre  feu  a  été  bien  dirigé;  notre  première  manœuvre  a  été  fort  habile  et 
nous  a  donné  un  avantage  très  marqué  sur  Calder.  Pouvait-on,  au  moment 
de  l'éclaircie,  couper  les  vaisseaux  démâtés;  ou  lorsque  l'ennemi  a  quitté  le 
feu,  pouvions-nous  le  poursuivre  et  prolonger  le  combat?  Toutes  ces  ques- 
tions que  l'on  se  fait  dans  l'escadre  sont  susceptibles  de  discussion. 

Il  faut  bien  qu'il  y  ait  eu  des  fautes  faites,  puisque  nous  avons  perdu  deux 
vaisseaux  au  milieu  de  la  victoire  la  mieux  caractérisée  et  la  moins  douteuse 
qu'il  y  ait  eu  jamais. 

Extrait  de  la  lettre  écrite  à  Son  Excellence  le  Prince  de  la  Paix  par 
le  lieutenant  don  Frédéric  Gravina,  en  date  de  Vigo,  le  28  juillet 
(9  thermidor)  (I). 

Monseigneur, 

Le  cap  du  Finistère  nous  restant  au  sud-est  à  la  distance  de  vingt-cinq 
lieues,  le  22  juillet,  l'escadre  combinée  naviguait  par  un  vent  de  ouest-sud- 
ouest,  formée  en  trois  colonnes,  dirigeant  sa  route  i\  l'est  i/é  sud-est, 
l'horizon  couvert  d'une  brume  épaisse. 

A  midi,  les  éclaireurs  signalèrent  au  nord-nord-est  jusqu'à  21  voiles,  et  que 
la  majeure  partie  étaient  vaisseaux  de  ligne;  nous  formâmes  aussitôt  notre 
ligne  de  bataille  amures  à  bâbord,  l'escadre  espagnole  à  l'avant-garde,  moi 
à  la  tôte,  et  l'amiral  français  au  centre  de  la  ligne. 


(l)  Archives  de  la  Marine,  ca-upagnc  1805.  BB'^',  133. 


702  TROISIÈME  PARTIR.   —  CHAPITRE  XIV. 

Les  ennemis,  au  nombre  de  16  iratsseaux,  dont  3  à  trois  ponts,  Tiraient  de 
bord  dans  l'intention,  à  ce  qu'il  paraissait,  de  doubler  Farrière-garde ;  pour 
répondre  à  cette  manœuvre,  Ta  m  irai  français  fit  signal  de  Tirer  par  la  contre- 
marche, ce  que  nous  exécutâmes  dans  Tinstant,  sans  attendre  le  signal 
d'exécution  pour  achever  la  manœuvre. 

Le  dernier  Taisseau  de  l'arrière-garde  étant  déjà  découvert,  VArgonaute, 
qui  porte  mon  pavillon,  commença  le  feu  à  cinq  heures  moins  un  quart, 
contre  l'avant-garde  anglaise  qui  continuait  son  mouvement,  la  brume 
l'ayant  empêchée  de  voir  notre  manœuvre. 

L'escadre  ennemie  la  suivait  et  alors  s'engagea,  h  demi-portée  de  canon, 
un  combat  très  vif  entre  notre  avant-garde  et  toute  la  ligne  anglaise,  qui 
s'étendit  successivement  jusqu'au  centre  de  notre  ligne. 

La  brume  était  si  épaisses  qu'elle  nous  ôtait  souTent  la  vue  des  ennemis, 
quoique  nous  en  fussions  si  près. 

Le  feu  fut  toujours  très  vif  et  très  soutenu  :  nous  vîmes  un  vaisseau  à  trois 
ponts  démâté  de  son  beaupré  et  un  autre  de  son  grand  mât  et  de  son  mât  de 
misaine. 

Le  combat  continua  entre  l'avant-garde  et  le  centre  de  notre  ligne  et  la 
flotte  anglaise  jusqu'il  près  de  neuf  heures,  que  les  ennemis  arrivèrent,  se 
retirant  du  combat,  et  nous  mimes  en  panne. 

Le  matin  du  23,  toujours  par  la  brume,  nous  nous  aperçûmes  qu'il  nous 
manquait  2  vaisseaux  de  l'escadre,  le  Firme  et  le  Saint-Raphaël;  nous  décou- 
vrîmes les  ennemis  qui  naviguaient  de  l'autre  bord  ;  nous  virâmes  aussitôt, 
nous  rétablîmes  notre  ligne,  leur  donnant  la  chasse,  observant  qu'ils  menaient 
à  la  remorque  3  vaisseaux  désemparés  et  que  leur  ligiie  se  composait  de 
43  vaisseaux.  Nous  continuâmes  â  leur  donner  la  chasse  tout  le  jour  infruc- 
tueusement, parce  que  l'ennemi  manœuvra  toujours  pour  éviter  un  second 
engagement. 

La  môme  chose  arriva  le  24  que  nous  les  aperçûmes  au  vent,  faisant  force 
de  voiles  à  bâbord  par  un  bon  vent  de  nord-est. 

A  la  découverte  du  25,  le  vent  étant  nord-est,  frais  et  la  mer  grosse,  nous 
perdîmes  de  vue  les  ennemis,  et  dans  le  jour  nous  reconnûmes  à  l'est  le  cap 
Finistère. 

Dans  cette  situation,  le  vent  étant  contraire  pour  nous  rendre  au  Ferrol, 
plusieurs  vaisseaux  français  n'ayant  de  l'eau  que  pour  six  jours,  et  ayant  sur 
l'escadre  des  malades  et  blessés,  sans  avoir  les  moyens  de  les  secourir,  nous 
résolûmes  d'entrer  à  Vigo  pour  nous  pourvoir  des  choses  les  plus  nécessaires. 

(Extrait  de  la  Gazette  de  Madrid.) 

Voici  enfin  la  version  de  Villeneuve. 

Extra/t  du  journal  du  vice-amiral  Villeneuve  (1). 

3  thermidor  an  xm  (n  juillet  1805). 
Le  temps  très  bruineux^  l'escadre  formée  siu-  trois  colonnes,  les  Espagnols 


il)  Archives  de  la  Marine,  BB'»,  t30-î37. 


LA  BATAILLE  DU  H  JUILLET. 


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704  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIV. 

tenant  la  droite,  les  distances  très  serrées  et  les  T.nisseaux  à  portée  de  voix 
les  uns  des  autres,  les  tents  à  Touest-nord-ouest,  joli  frais,  la  route  à  l'est  1/i 
sud-est.  A  onze  heures,  dans  un  moment  d'éclaircie,  le  vaisseau  Vlndomp- 
tahle  a  signalé  iO  voiles  au  nord- nord-est.  A  onze  heures  un  quart,  j'ai  fait 
signal  à  Tescadre  légère  qui  marchait  en  avant  de  l'armée  de  serrer  le  vent 
bâbord  amures,  ce  qu'elle  a  exécuté, 

A  midi,  je  me  troufais,  par  43»4I'  de  latitude  nord  et  par  12**13'  de  longi- 
tude ouest  (sic)  (1). 

Du  3  tu  4  thermidor  (Il  au  S3  juillet  1S05). 

A  midi,  YAlgésiras  a  signalé  3  voiles  suspectes  au  nord-nord-est;  comme 
le  point  me  faisait  assez  près  de  terre  et  que  je  désirais  en  prendre  connais- 
sance î\  la  faveur  de  Téclaircie  qu'il  faisait  alors,  j'ai  signalé  la  route  à  Test- 
sud-est  qui  me  rapprochait  davantage;  à  une  heure,  la  Didon  a  signalé  une 
escadre  dans  le  nord -nord-est  ;  nous  avons  aperçu  à  la  même  heure  13  voiles 
du  haut  des  m.Ms;  la  Didon  et  Vffermione  ont  signalé  successivement  13, 17 
et  21  voiles. 

J'ai  signalé  l'ordre  de  marcher  sur  une  ligne,  la  route  vent  arrière  pour 
passer  ensuite  h  la  ligne  de  liataille  en  tenant  le  vent  par  un  mouvement  suc- 
cessif, mais  voyant  que  ce  mouvement  prendrait  trop  de  temps,  fat  fait  le 
signal  de  passer  de  l'ordre  actuel  des  trois  colonnes  à  la  ligne  de  bataille, 
bâbord  amures,  ordre  naturel.  L'amiral  espagnol  a  répété  le  même  signal  et 
y  a  ajouté  celui  à  l'escadre  espagnole  de  faire  route  à  Tavant-garde  de 
l'escadre  française  et  s'est  placé  lui-même  chef  de  6le  de  son  escadre. 

L'armée  combinée  a  manœuvré  pour  former  la  ligne  de  bataille,  les  vais- 
seaux rangés  dans  l'ordre  comme  à  la  marge,  le  signal  ayant  été  fait  à 
l'escadre  légère  de  prendre  la  queue  de  la  ligne.  L'ennemi  venait  sur  nous 
sur  ime  ligne,  courant  quatre  quarts  largue,  et  nous  marchions  sur  lui,  sur 
la  ligne  du  plus  près  bâbord,  le  vent  au  nord-ouest,  l'horizon  très  embrumé, 
de  manière  que  je  ne  pus  avoir  une  connaissance  exacte  de  la  force  de 
l'ennemi.  A  trois  heures  un  quart,  VAlgésiras  a  signalé  que  l'ennemi  renfor- 
çait son  avant-garde. 

L'escadre  était  assez  bien  formée,  lorsque  l'ennemi  prolongea  notre  ligne, 
sous  le  vent,  hors  de  portée  de  canon;  ses  vaisseaux  serrant  le  vent,  eu 
approchant  de  la  queue  de  notre  M^ne;  je  jugeai  que  son  intention  était  de 
porter  ses  efforts  sur  notre  arrière-garde  et,  par  une  contremarche  vent  devant, 
de  la  mettre  entre  deux  feux. 

Je  fis  alors  le  signal  de  faire  virer  l'armée  lof  pour  lof  par  la  contremarche. 
La  brume  ayant  repris  avec  beaucoup  de  force,  le  signal  fut  quelque  temps  h 
parvenir  au  vaisseau  de  tôte  qui  était  celui  de  l'amiral  Gravina,  mais  enfin 
j'eus  la  satisfaction  de  voir  qu'il  lui  était  parvenu  et  qu'il  avait  commencé  le 
mouvement. 

Dans  ce  moment,  la  frégate  la  Didon  vint  de  la  part  du  général  Magon 
me  prévenir  que  l'ennemi  virait  vent  devant  sur  Tarrière-garde,  ainsi  que  je 
l'avais  prévu,  mais  ce  que  la  brume  m'empêchait  de  voir;  l'amiral  Gravina 


(l)  Voir  ci-après  l'crretir  du  point. 


LA  BATAILLE  DU  22  JUILLET.  705 

suivi  de  toute  la  ligne  exécutait  le  mouyement  de  contremarche;  en  passant 
le  long  de  mon  bord,  il  m'envoya  le  bric  YAigle^  me  demander  mes  instruc- 
tions; je  lui  fis  dire  que  je  le  priais,  après  avoir  doublé  1p  sorre-file,  de  tenir 
le  vent  en  faisant  le  moins  de  voile  possible,  pour  faciliter  aux  vaisseaux 
mauvais  voiliers  le  moyen  de  serrer  la  ligne  et  de  garder  leur  poste.  La  brume 
cependant  était  plus  épaisse,  et  je  n'avais  pas  encore  viré  de  bord,  que 
j'entendis  la  canonnade  s'engager  à  Tarrière-garde.  C'était  le  vaisseau 
V Argonaute  qui,  en  doublant  le  serre-file,  se  trouva  engagé  avec  les  vaisseaux 
ennemis  qui  avaient  viré  de  bord.  Toute  la  ligne  ayant  pris  les  amures  à 
tribord,  la  canonnade  s'engagea  successivement  jusqu*au  vaisseau  le  Formi- 
dable. Le  vaisseau  le  Neptune,  mon  matelot  d'avant,  faisait  déjà  feu,  que  la 
brume  m'empêchait  de  distinguer  si  l'ennemi  venait  par  biVbord  ou  par  tri- 
bord; enfin,  les  boulets  nous  dépassant,  et  apercevant  aux  éclairs  de  ses 
canons  un  vaisseau  sous  le  vent,  à  nous,  nous  lui  avons  riposté  par  un  feu 
très  vif.  On  se  battait  dans  toute  la  ligne  sans  que  je  puisse  connaître  aucun 
des  événements  du  combat.  A  six  heures  et  demie,  il  y  eut  un  moment 
d'éclaircie  sous  le  vent;  j'eus  connaissance  d'un  vaisseau  démâté  de  son  grand 
mât  et  de  son  mât  d'artimon,  courant  vent  arrière  sous  sa  misaine;  d'un 
autre  vaisseau  à  trois  ponts  portant  pavillon  carré  au  mât  d'artimon,  démâté 
de  son  petit  mât  de  hune,  faisant  porter  aussi.  Nous  jugeâmes  l'un  et  l'autre 
vaisseaux  ennemis,  et  enfin  par  le  travei-s,  sous  le  vent  et  à  petite  distance,  le 
vaisseau  le  Saint- Raphaël ,  sans  ses  basses  voiles,  ses  huniers  et  son  grand 
perroquet,  Htague  de  son  grand  hunier  coupée  et  quelque  autre  manœuvre;  il 
serrait  le  vent  et  je  ne  doutiis  pas  qu'il  ne  gagnât  la  queue  de  la  ligne  qui 
était  très  serrée  et  dont  la  plupart  des  vaisseaux  étaient  en  panne,  ne  combat- 
tant pas,  n'ayant  pas  d'ennemi  par  leur  travers. 

Dans  cette  persuasion,  je  fis  signal  aux  frégates  de  donner  la  remorque  au 

vaisseau  désemparé ;  mais  la  brume,  la  fumée  et  la  nuit  qui  approchait 

me  le  firent  bientôt  perdre  de  vue.  Les  frégates,  dans  de  courts  intervalles 
d'éclaircie,  m'avaient  fait  signal  que  la  ligne  s'engageait  dans  le  centre  et  que 
plusieurs  vaisseaux  de  l'arrière  ne  combattaient  pas,  n'ayant  pas  d'ennemis 
par  leurs  travers. 

Mais  n'ayant  pas  moi-même  connaiss<ince  de  la  vraie  position  de  l'ennemi, 
le  fort  du  combat  me  paraissant  être  à  l'avant-garde,  oti  le  canon  grondait 
toujours,  je  n'ai  pu  faire  aucun  signal  général.  La  nuit  était  déjà  très  obscure, 
qu'il  se  tirait  encore  du  canon  à  la  tête  de  la  ligne.  Le  temps  s'éclaircit.  Je  fis 
lancer  des  fusées  pour  marquer  ma  position  ;  à  9  h.  3/4,  une  frégate  me  fit 
signal  que  la  ligne  était  très  allongée  et  que  le  gros  de  l'armée  était  loin  des 
yaisseaux  avancés.  Je  fis  faire  successivement  le  signal  de  serrer  la  ligne  et 
ordonnai  aux  vaisseaux  de  tête  de  diminuer  de  voile,  que  j'ai  encore  répété 
à  ii  h.  1/4  ;  l'ennemi  nous  restait  sous  le  vent,  ayant  des  feux  de  recon- 
naissance. 

Je  continuai  à  lancer  des  fusées  toutes  les  demi-heures  pour  marquer  ma 
position.  A  minuit,  je  perdis  de  Tue  les  feux  de  l'ennemi.  J'ai  parlé  successi- 
yement  dans  la  nuit  aux  frégates  la  Didon,  YHortense^  VHermioney  au  brick  le 
Furet  ;  je  les  ai  envoyés  parcourir  la  ligne  en  donnant  ordre  de  serrer  la  ligne 
et  de  yenir  me  rendre  compte  des  événements  du  combat,  s'ils  en  pouvaient 
recueillir.  Je  n'appris  rien  de  précis  de  toute  la  nuit. 

IV.  45 


706  TROISIÂME  PARTIE.  —  GHAPITRB  XJV. 

Au  jour,  la  ligne  se  trouva  extrêmement  allongée,  on  plutôt  il  n'en  existait 
plus  ;  la  tête  était  trM  éloignée  de  Tarant.  Je  fis  signal  de  ralliement  général 
et,  bientôt  après,  nous  reconnûmes  que  les  vaisseaux  espagnols  le  Firme  et  le 
Saint'Bapftaél  nous  manquaient. 

Nous  eûmes  en  même  temps  connaiss^ince  de  Tesoadre  ennemie,  très  loin, 
sous  le  Tent,  et  tenant  les  amures  k  bâbord  ;  à  5  heures,  Je  fis  signal  de  Tirer 
de  bord  lof  pour  lof,  pour  prendre  les  mêmes  amures.  Plusieurs  vaisseaux  me 
signalaient  des  aTaries  dans  leurs  voiles  et  leur  mAture.  Je  répondis  par  le 
signal  de  se  préparer  au  combat.  Le  temps  était  encore  à  la  brume  et  paraissait 
devoir  bientôt  nous  oouvrir  comme  dans  la  journée  d'hier. 

Frappé  des  inconvénients  qui  en  étaient  résultés  la  veille,  de  Fimpossibilitë 
de  juger  des  événements  du  combat,  de  donner  des  ordres  et  de  faire  les 
signaux  que  les  circonstances  nécessiteraient,  en  restant  sur  mon  vaisseau  par 
le  temps  qui  menaçait,  lorsque  lui-même  serait  engagé  dans  le  feu,  je  cédai 
aux  instances  que  m'en  fit  le  général  Lauriston,  au  nom  de  TEmpereur,  et  Je 
passai  avec  lui  et  mon  état-major  à  bord  de  la  frégate  VHortense  et  j'en  fis  pré* 
venir  Tannée  par  les  frégates,  en  annonçant  à  chaque  vaisseau  de  se  préparer 
à  une  action  décisive.  A  9  h.  3/4,  je  signalai  la  ligne  de  bataille  bAbord 
amures,  ordre  renversé,  à  l'escadre  légère  de  prendre  la  tête.  L'amiral  Gravina 
signala  aux  siens  de  prendre  la  queue  de  la  ligne  française  et  lui-même  se 
plaça  en  serre-file. 

La  DidoTij  que  j'avais  envoyée  reconnaître  l'ennemi,  me  signalait  ses  ara- 
ries;  qu'il  était  au  nombre  de  16  vaisseaux;  qu'il  en  avait  trois  à  la 
remorque;  elle  demanda  à  m'envoyer  un  canot  à  bord.  Le  capitaine  me  rendit 
compte  qu'il  croyait  que  les  deux  vaisseaux  espagnols  étaient  dans  l'escadre 
anglaise.  Cependant  la  ligne  de  bataille  se  formait,  quoique  avec  peine  ;  le 
vent  était  mou  et  la  mer  asses  grosse.  Je  faisais,  en  parcourant  la  ligne,  tous 
les  signaux  particuliers  qui  pouvaient  en  accélérer  la  formation. 

A  midi,  je  me  trouvais  par  43*  4i'  latitude  observée,  et  4i*  48'  de 
longitude. 

Du  4  au  5  thermidor  (23  au  24  juillet  1805). 

A  1  h.  10,  la  ligne  était  suffisamment  formée,  quoique  allongée  à  l'arrière- 
garde.  Je  fis  signal  cTarriver  tous  à  la  fois  au  nord-est,  peu  après  à  Vest-nord" 
est  et,  àt  h.  4Siy  à  Fest-sud-est. 

L'ennemi  nous  restait  à  peu  près  dans  cette  aire  de  vents,  à  grande  dis* 
lance  ;  il  avait  fait  porter  une  partie  de  la  matinée.  A  4  heures,  le  vent  mol- 
lissait, l'ennemi  paraissait  se  former  en  ligne,  mais  il  était  eneore  si  éloigné 
qu'il  me  tut  démontré  que  nous  ne  pourrions  l'atteindre  qu'à  la  nuit,  et, 
comme  un  combat  de  nuit  ne  pouvait  me  convenir,  Je  fis  signal  à  l'armée  de 
tenir  le  vent  tous  à  la  fois,  et  je  signalai  que  mon  intention  était  de  renvoyer 
le  projet  d'attaque  à  demain  matin,  au  point  du  jour. 

La  nuit  suivaute,  le  vent  calma  presque  entièrement,  les  vents  varièrent  du 
nord-ouest  au  nord  et  au  nord-nord-est  ;  la  ligne  de  bataille  no  put  se  con- 
server pendant  la  nuit  et,  à  tl  h.  45,  je  fis  signal,  aveo  des  feux  et  des  coups 
de  canon,  de  virer  lof  pour  lof  tous  à  la  fois. 

Dès  que  le  jour  se  fit,  nous  eûmes  connaissance  de  l'escadre  ennemie  A 
rE.-l/4-S.-E..  je  fis  prendre  à  l'armée  la  bordée  qui  portait  dessus^  en  formant 


LA  BATAILLE  DU  2Î  JUILLET.  707 

la  ligne  de  bataille  bâbord  amures.  Je  fis  porter  toute  la  matinée  pour 
l'approcher,  mais  les  vents  ayant  refusé,  elle  se  trouva  au  vent,  elle  forçait  de 
voiles,  serrant  le  vent,  un  seul  vaisseau  se  tenait  en  intermédiaire,  à  trois  lieues 
de  nous.  La  frégate  la  Didon  était  en  reconnaissance  fort  près  de  lui.  A 
9  heures,  voyant  que  Tennemi  continuait  à  serrer  le  vent,  qu'il  me  serait 
impossible  de  l'amener  à  mon  aotion,  que  son  projet  ne  pouvait  être  que  de 
nous  occuper  en  attendant  des  renforts  qu'il  pouvait  recevoir  à  chaque  instant, 
je  me  décidai  h.  faire  route  et  je  signalai  le  S.-E.-1/4-B. 


Du  5  au  6  thermidor  (24  au  25  juillet  1805). 

La  latitude  observée  de  43**  40'  m*a  bientôt  fait  reconnaître  que  j'avais  une 
erreur  assez  forte  en  longitude.  Je  m'en  suis  aussitôt  référé  à  celle  que  m'avait 
signalée  le  vaisseau  V Argonaute,  qui  me  mettait  i®  38'  plus  à  l'ouest  (soit 
13*^  51'  longitude  ouest),  j'ai  aussitôt  signalé  la  roule  à  l'est-sud-est,  ensuite 
à  rE.-l/4-S.-E.,  les  vents  paraissant  vouloir  reprendre  dans  la  partie  du  nord- 
est,  j'ai  fait  signal  à  la  Didon  de  chasser  en  avant  pour  reconnaître  la  terre  ; 
à  4  heures  du  soir,  elle  était  à  plus  de  six  lieues  en  avant  de  l'armée  et  elle  ne 
l'avait  pas  reconnue.  L'escadre  naviguant  toujours  sur  la  ligne  du  plus  près 
bâbord,  l'ennemi  toujoiu*»  en  vue  du  haut  des  mâts,  dans  l'est-nord-est,  j'ai 
fait  chasser  la  Thémis  sous  le  vent,  sur  un  bâtiment  que  Ton  me  signalait 
désemparé  et  appartenant  à  l'armée  ;  la  Thémis  me  l'a  signalé  bientôt  navire 
neutre.  A  l'entrée  de  la  nuit,  la  Didon  avait  reviré  sur  l'escadre  pour  rallier  ; 
un  b&timent  de  l'avant  m'a  signalé  des  voiles  étrangères  faisant  route  sur 
l'armée  ;  j'ai  soupçonné  son  erreur,  j'ai  néanmoins  fait  le  signal  à  coups  de 
canon  et  avec  des  feux,  de  serrer  la  ligne  pour  tenir  tous  les  vaisseaux 
sur  leurs  gardes  contre  une  entreprise  de  ce  genre  que  pourrait  tenter 
l'ennemi. 

Dans  la  nuit,  le  vent  a  passé  au  nord-est  grand  frais  et  la  mer  est  devenue 
très  grosse. 

Au  jour,  l'ordre  s'est  trouvé  rompu  par  l'effet  du  gros  temps,  l'horizon 
couvert  de  brume,  je  n'ai  eu  aucune  connaissance  de  l'ennemi  ;  l'armée,  sans 
ordre,  sous  le  grand  hunier  et  la  misaine.  Plusieurs  vaisseaux  ont  eu  leurs 
voiles  emportées,  V Espagne  a  cassé  la  barre  de  son  gouvernail,  il  est  tombé 
beaucoup  sous  le  vent,  ainsi  que  V Atlas, 

VHermione  a  pris  et  coulé  un  lougre  ennemi  de  commerce  qui  traversait 
l'armée. 

Du  6  au  7  thermidor  (25  au  2Ô  joillet  1805). 

A  midi,  la  Didon,  qui  était  à  trois  lieues  en  avant  de  Tescadre,  a  signalé  la 
terre  et  le  cap  Finistère  à  l'est-sud-est.  Je  l'ai  estimé  à  cinq  lieues,  les  vents 
toujours  au  nord-est,  gros  frais,  la  mer  très  grosse  ;  le  Neptune  a  signalé  une 
avarie  dans  son  grand  mftt,  à  4  h.  i/4.  Voyant  la  continuation  de  ce  temps, 
craignant  à  chaque  instant  de  voir  démâter  quelques  vaisseaux,  surtout  de  ceux 
dont  les  mâts  avaient  souffert  par  Veffet  du  combat,  les  vaisseaux  mauvais  voi- 
liers extrêmement  sous  le  vent  et  devant  éprouver  des  réparations  en  tenant  la 
cape  la  nuit  suivante;  après  en  avoir  conféré  avec  V amiral  Gravina,  je  me  suis 


708  TROmÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIT. 

décidé  à  arriver  pour  Cadix  et  jai  signalé  la  route  mu  5.-0.-I  i-S.,  en  se 
foniuint  sur  r ordre  de  marché  de  trois  colonnes. 

Les  fjvgates  de  l'arrifre  m*ont  signalé  im  Taisseau,  pois  une  frégmte 
quelles  oot  bientôt  après  reronno  être  la  Dûfofi,  qui  avait  été  reconnaître 
la  terre. 

A  8  heures  du  soir,  le  Tent  et  la  mer  ont  calmé.  A  iO  heoret,  il  s'est  élevé 
un  Tiolent  ora^,  de  la  partie  du  sud,  qui  a  duré  jusquli  2  heures  du  matin  ; 
le  tonnerre  est  tombé  sur  le  màt  de  misaioe  du  Bueentawrey  mais  n*a  causé 
aucun  accident  çrafe.  Au  jour.  Tannée  s*est  trooTée  sans  ordre  et  en  calme, 
le  temps  très  brumeux.  J*ai  quitté  VHortense  pour  repasser  sur  le  Bttceniaure, 
A  1 1  heures,  il  s'est  élevé  une  petite  brise  du  sud  ifai  dû  renoncer  à  la  route 
de  Cadix  pour  reprendre  ceVe  du  Ferrol,  et  Je  l'ai  sif^uilée  an  N.-E.-1/4-N. 

Da  7  aa  8  ikeriidor  (t6  aa  t7  jafllet  1805). 

Latitude  observée  :  i2*,tT  nord. 
Longitude  :  12*,S0'  nord. 

Xai  expédié  le  brick  le  Furet  pour  Vigo,  avec  une  lettre,  pour  annoncer  au 
contre-amiral  Gourdon  mon  arrivée  sur  ces  parages.  Dans  l'après-midi,  les 
vents  ont  encore  varié  du  sud  à  l'ouest,  puis  au  nord-ouest  et  au  nord.  J'ai 
pris  bâbord  amures.  Cependant,  les  rapports  que  je  recevais  de  tous  les  bâti- 
ments de  l'escadre,  particulièrement  de  ÏAlgésiras^  de  VAehUley  de  Vlndomp- 
table,  de  V Aigle  étaient  très  affligeants;  les  malades  augmentaient  dans  toute 
Cescadre,  le  besoin  d'eau  «c  faisant  sentir,  TAchille  n'en  avait  plus  que  pour 
cinq  jours;  il  me  devenait  indispensable  de  toucher  dans  quelque  port,  pour  y 
débarquer  les  malades  et  blessés  qui  encombraient  les  vaisseaux  sans  avoir  de 
secours  à  leur  donner,  et  d'y  prendre  quelque  rafratchissement  ;  le  seul  port 
de  Vigo  était  à  portée  et  je  me  décidai  à  y  entrer. 

J'ai  prolongé  la  bordée  à  Test-nord-est  jusqu'à  minuit  ;  1  cette  heure,  ne  me 
faisant  qu'à  trois  lieues  de  terre,  j'ai  pris  le  bord  au  large;  â  4  heures,  j'ai 
reviré  à  terre. 

An  jour,  le  temps  très  brumeux,  presque  calme,  l'armée  naxiguant  sans 
ordre  mais  bien  ralliée,  j'ai  donné  avis  â  l'amiral  Gravina  de  la  nécessité  où  je 
me  trouvais  d'aller  relâcher  â  Vigo. 

A  6  heures,  nous  avons  eu  connaissance  de  la  terre.  A  iO  heures,  ayant 
bien  reconnu  les  îles  Bayona,  j'ai  fait  route  pour  le  mouillage  de  Vigo  ;  l'ar- 
mée, formée  sur  une  ligne  de  convoi,  grand  largue,  est  entrée  dans  la  baie, 
où  elle  a  jeté  l'ancre  à  l'entrée  de  la  nuit. 

L'après-midi,  les  frégates  VHortense  et  VBermione  ont  chassé  un  lougre 
ennemi  qu'elles  n'ont  pu  rejoindre. 

Voici  comment  l'amiral  Galder  raconta  le  combat  et  les 
incidents  qui  le  suivirent  : 


LA  BATAILLE  DU  22  JUILLET.  709 


Extrait  d'une  lettre  du  vide^amiral  air  Robert  Calder,  à  bord  du 
u  Prinoe-de-Gallea  »,  le  23  juillet  1805,  à  l'ami  rai  Cornwallie  (reçue 
le  25  juillet  (I). 

Monseigneur, 

Hier  à  midi,  par  la  latitude  de  43*30'  nord  et  I7<>11'  de  longitude  ouest  (2), 
j'eus  la  Tue  des  escadres  combinées  de  France  et  d'Espagne,  consistant  en 
20  Taisseaux  de  ligne,  3  gros  Taisseaux  armés  en  flûte,  d'environ  50  canons, 
2  frégates  et  3  bricks.  Les  forces  sous  mes  ordres  consistaient  en  15  vaisseaux 
de  ligne,  2  frégates,  1  cutter  et  1  lougre  ;  je  marchai  aussitôt  vers  Fennemi, 
faisant  les  signaux  nécessaires  pour  combattre  dans  Tordre  le  plus  serré  ;  et, 
en  arrivant  à  portée,  je  Hs  signal  d'attaquer  le  centre.  Lorsque  j'eus  atteint 
l'arrière-garde,  tous  les  vaisseaux  de  l'escadre  virèrent  de  bord  successive- 
ment ;  cette  manœuvre  nous  amena  très  peu  sous  le  vent,  et  lorsque  les  vais- 
seaux de  la  tête  furent  arrivés  au  centre  de  la  flotte  ennemie,  tous  ses  vais- 
seaux virèrent  aussi  successivement,  ce  qui  m'obligea  h  répéter  cette  manœu- 
vre, par  laquelle  j'engageai  un  combat  qui  dura  près  de  quatre  heures.  Alors, 
je  jugeai  nécessaire  de  mettre  l'escadre  en  panne  pour  mettre  en  sûreté  les 
deux  vaisseaux  pris.  Je  dois  observer  que  l'ennemi  avait  l'avantage  du  temps 
et  du  vent  pendant  toute  la  journée.  Le  ciel  avait  été  brumeux,  de  temps  en 
temps,  une  grande  partie  de  la  matinée  ;  et,  peu  de  temps  après  que  le  com- 
bat eût  commencé,  la  brume  était  si  épaisse,  par  intervalles,  que  nous  voyions 
difBcilement  les  vaisseaux  à  l'avant  et  à  l'arrière  de  nous.  Cela  me  mit  dans 
l'impossibilité  de  faire  des  signaux  pour  profiter  de  mes  avantages  sur  l'en- 
nemi. Si  le  temps  eût  été  plus  favorable,  je  suis  porté  ii  croire  que  j'aurais 
obtenu  une  victoire  plus  complète. 

Liste  des  tlés  et  des  blessés  a  bord  de  l*escadre  de  l'amuial  Calder. 

Navires.  Taés.  Blessés. 

Hero 

Ajax 

Triumph 

Barfleur 

Agamemnon 

Windsor-Castle 

Défiance 

Prince-of'Wales 

Repuise 

Raisonnable , 

Glory 

Thunderer 


(1)  Record  Office  do  Londres,  Channel  Flect. 

(2)  Méridien  de  Oreenwieh. 


i 

4 

2 

16 

5 

6 

3 

7 

, . .         » 

3 

...       10 

35 

1 

7 

3 

20 

. . .        » 

A 

i 

1 

1 

1 

7 

11 

710  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIV. 

Narires.                                               Taéi.  Blette*. 

Malta 5  40 

Dragon  (1). . , »  » 

Warrior  (1) »  » 

Egyptienne  (i) »  » 

Sirius 2  3 

iVc7  (lougre)  (i) »  » 

Frisch  (cutter)  (4) » 


» 


Total 4i  458 

Le  lendemain  du  combati  Calder,  alors  à  40  lieues  du  cap 
Finistère,  écrit  à  lord  Gomwallis  (2)  : 

L'ennemi  est  maintenant  (13)  en  vue  au  ?ent  ;  lorsque  J'aurai  mis  en 

sûreté  mes  prises  et  réparé  mes  aTaries,  je  profiterai  de  toute  occasion  qui  me 
permettra  de  vous  parler  davantage  de  l'escadre  combinée  (sic).  Il  faut  aussi 
que  Je  me  garde  contre  les  navires  qui  sont  au  Ferrol,  car  J'ai  sujet  de  croire 
que  l'ennemi  a  profité  de  la  nuit  pour  y  envoyer  quelques  bâtiments  avariés.  Je 
puis  donc  me  trouver  forcé  de  me  joindre  à  vous  sous  Ouessant. 

Je  suis  obligé  de  vous  envoyer  le  Windsor-Castle,  maltraité  dans  le  com- 
bat     Les  prisonniers  disent   que    Varmée    combinée   était  destinée  au 

Ferrol 

Et  il  ajoute  que  ses  deux  prises  sont  remorquées  par 
V Égyptienne  et  \e  Sirius.  Le  Firme  a  180  tués  et  40  blessés, 
le  San-Raphaël  20  tués  et  80  blessés. 

Le  26,  Calder  écrit  à  Famiral  Cornwallis  (2)  : 

Je  me  propose  de  croiser  au  rendez-vous  n"  52  pendant  quelques  jours  dans 
Tespoir  de  rencontrer  lord  Nelson,  qui  doit  être  à  la  poursuite  de  Tescadre 
combinée.  S'il  ne  me  rallie  pas,  je  laisserai  le  Dragon  pendant  une  semaine  au 
rendez-vous,  pour  diriger  Sa  Seigneurie  si  elle  y  venait. 

Je  vais  reconnaître  si  l'escadre  combinée  est  au  Ferrol.  Si  elle  y  est,  je 
me  propose  de  reconnaître  Rochefort,  puis  je  m'efforcerai  de  vous  Joindre 
sous  Ouessant,  car  je  pense  que  vous  ne  m'approuveriez  pas  de  rester  devant 
le  Ferrol  ou  de  laisser  l'amiral  Stirling  devant  Rocbefort,  car  tous  mes  navires 
ont  besoin  de  réparations 

EfiPectivement,  le  29,  Calder  était  arrivé  devant  le  Ferrol, 
où,  d'après  les  dires  des  prisonniers,  Tennemi  devait  se  porter. 
A  sa  grande  surprise,  l'armée  combinée  n'avait  pas  paru. 


(1)  Poiut  de  rapport. 

(2)  British  Muséum^  vol.  34930. 


LA  BATAILLE  DU  28  JUILLET.  711 

A  l'ami  rai  Cornwallis  (i). 

SlJaUlei. 

Je  suit  arrifé  le  29  aTee  l'escadre  deiant  le  Ferroli  où  le  Dragon^  seul  fais- 
seau  qui  n'a  pas  eu  d'ayaries  dans  le  combat  du  22,  a  reconnu  que  rien  n'était 

changé  et  que  la  flotte  combinée  n'ayait  pas  paru Je  reprends  le  blocus 

du  Ferrol  aTec  9  vaisseaux  et  j'enierrai  l'amiral  Stirling  aTeo  les  quatre  res- 
tant deyant  Rochefort,  en  attendant  de  nouveaux  ordres 

Il  est  très  probable  que  la  flotte  combinée  est  allée  à  Cadix  h  cause  du  vent 
du  nord-est.  Le  vent  était  tout  à  Mi  contraire  pour  aller  à  Rochefort,  mais 
Stirling  le  saura  bientôt 

Voici  comment  Tamiral  Collingwood  eut  connaissance  de  la 
bataille  : 


Traduction  d'une  lettre  en  portugais,  datée  de  Vigo,  29  juillet  1805 

(papiere  de  Collingwood)  (2). 

Le  23  au  matin,  au  milieu  du  brouillard,  à  quarante  lieues  est  du  cap 
Ortegal,  Tatant-garde  de  la  flotte  combinée  franco-espagnole  rencontra  la 
flotte  anglaise,  forte  de  13  vaisseaux  à  deux  ponts  et  3  à  trois  ponts.  L'action 
commença  dans  une  grande  confusion  et  au  milieu  du  brouillard  ;  9  vaisseaux 
français  tombèrent  sous  le  vent  et  ne  purent  revenir  au  feu. 

Le  combat  dura  six  heures  et  fut  très  acharné  des  deux  côtés.  On  dit  qu'un 
trois-ponts  anglais  a  été  complètement  démâté  et  que  tous  les  autres  ont  reçu 
de  graves  avaries. 

Le  24,  les  Franco-Espagnols  donnèrent  la  chasse  aux  Anglais  qui  refusèrent 
le  combat  en  se  retirant  constamment.  Le  blocus  du  Ferrol  s'est  ainsi  trouvé 
levé 

Le  27  au  soir,  l'escadre  alliée,  forte  de  19  vaisseaux  de  ligne,  4  frégates  et 
2  bricks,  est  entrée  à  Vigo,  suivie  d'un  galion  espagnol  venant  de  Lima  avec 
un  chargement  d'argent,  et  qui  avait  été  repris  aux  Anglais.  Deux  navires 
sont  restés  en  observation  à  l'entrée  du  port.  Il  manque  deux  navires  espa- 
gnols, séparés  pendant  le  combat,  dont  l'un  a  été  démâté  et  l'autre  très  avarié 
dans  son  gréement.  A  cause  de  l'épaisseur  du  brouillard,  on  ne  sait  encore  où 
ils  sont  allés  et  s'ils  sont  ou  non  tombés  aux  mains  des  Anglais.  L'escadre 
alliée  est  composée  de  vaisseaux  excellents,  spécialement  les  Français  ; 
ils  sont  très  bien  montés.  Plusieurs  ont  reçu  des  avaries.  On  dit  qu'il  y  a  eu 
300  blessés  qu'on  va  débarquer  demain  et  mettre  h  l'hôpital.  Il  y  a  eu  40  ou 
50  tués. 

L'escadre   a   12,000    hommes  à  bord.  Elle  est  commandée  en  chef  par 


(1)  Record  Office^  Channel  Fleet. 

(2)  British  Muséum,  Add.  MS,  36525. 


712  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIV. 

ramiral  espagnol  Gratina  (sic)^  et  en  second  par  le  Tice-amiral  français  Ville- 
neuve (sic). 

Hier,  un  courrier  a  été  envoyé  d'ici  au  Ferrol  et  Ton  pense  que,  d'ici  trois 
ou  quatre  jours,  la  flotte  combinée  sera  jointe  par  Tescadre  qui  est  au  Ferrol 
et  qui  compte  17  vaisseaux  de  ligne,  et  qui  partiront  d'ici  tous  ensemble  avec 
la  frégate  Sabina,  qui  a  été  quelque  temps  ici.  On  ignore  où  ils  vont  porter 
leurs  coups.  L'escadre  du  Ferrol  a  13,000  hommes  à  bord.  Ici  on  craint  fort 
que  Nelson  arrive  avant  Tescadre  du  Ferrol. 


L'amiral  Collingwood  au  contre^amiral  Biokerion  (I). 

DreadDOUght  devant  Cadix,  7  aofti  1805. 
Cher  Monsieur, 

Je  vous  envoie  ci-joint  un  paquet  de  renseignements  arrivés  ce  matin  de 
Lisbonne. 

Vous  apprendrez  que  sir  Robert  Calder  a  eu  un  engagement  avec  la  flotte 
combinée,  avant  l'entrée  de  celle-ci  à  Vigo.  D'après  le  témoignage  de  l'ennemi 
lui-même,  le  résultat  de  l'affaire  parait  avoir  été  favorable  à  nos  armes, 
puisque  les  alliés  ont  dû  aller  à  Vigo  au  lieu  du  Ferrol,  et  cela  non  sans  avoir 
perdu  des  navires. 

Les  renseignements  que  je  reçois  de  Cadix  annoncent  positivement  que  les 
navires  qui  y  sont  doivent  mettre  à  la  voile  dès  qu'ils  auront  été  joints  par 
8  vaisseaux  venant  de  Carthagène,  renforcés  de  quatre  autres  venant  de  Tou- 
lon. On  dit  que  cette  escadre  a  été  vue  devant  Malaga  dimanche  dernier.  J'es- 
père que  vous  êtes  renseigné,  si  le  fait  est  vrai,  et  que  nos  forces  sont  concen- 
trées à  l'entrée  du  détroit  où  ïHydra  est  en  observation.  J'espère  que  nous 
allons  terminer  tout  cela  heureusement,  à  la  gloire  de  notre  pays  et  à  la 
déconfiture  des  projets  de  nos  adversaires. 

Je  vous  envoie  aussi  une  copie  des  signaux  que  doivent  faire  les  éclaireurs 
pour  annoncer  l'ennemi  au  moyen  de  leurs  voiles  de  perroquet.  C'est  fort 
utile,  car,  à  gninde  distance  et  par  la  brume,  on  ne  peut  reconnaître  les 
pavillons.  Je  compte  que  vous  m'annoncerez  le  plus  promptement  possible 
tout  mouvement  de  l'ennemi. 

Je  joins  à  cet  envoi  les  dépAches  adressées  à  lord  Nelson  avec  le  renseigne- 
mont  relatif  à  la  première  apparition  de  l'ennemi  devant  Vigo 

Telle  avait  été  cette  bataille,  si  mollement  conduite  de  part 
et  d'autre.  Si  on  ne  devait  la  juger  que  par  ses  résultats 
immédiats,  on  devrait  en  conclure  au  succès  des  Anglais, 
puisque  Calder  avait  pris  deux  vaisseaux  et  maintenu  le 
blocus  du  Ferrol,  où  Villeneuve  renonçait  pour  le  moment  à 


(l)  Brilish  Muséum,  Add.  MSS,  36525. 


LA  BATAILLE  DU  H  JUILLET.  713 

pénétrer.  Mais,  quelques  jours  plus  tard,  la  jonction  des 
forces  franco-espagnoles  se  fera  dans  cette  baie,  sans  que  les 
Anglais  s'y  opposent  ;  le  dommage  se  réduit  donc  pour  les 
alliés  à  la  perte  de  deux  vaisseaux  espagnols,  perte  plus  que 
compensée  par  les  sérieux  renforts  préparés  au  Ferrol. 


î  XV 


VIGO  —  LE  FERROL  -  LA  «  DIDON  » 


Le  brick  le  Furet ,  expédié  le  27  juillet  à  Vigo,  y  portait, 
oulre  Tavis  donné  à  Gourdon  de  l'arrivée  de  Villeneuve,  un 
premier  rapport  sur  le  combat  du  22  et  la  relâche  imprévue 
qui  allait  retarder  la  jonction  de  Tarmée  combinée  avec  les 
forces  du  Ferrol. 


Copie  de  la  Isttre  du  Wca-a/n/ra/  Villeneuve,  adressée  au  Ministre 

de  la  marine  et  des  colonies. 

A  bord  da  vaisseau  de  l'Empereur,  le  Bucentaure,  le  8  thermidor  an  xiu 
(27  Joillet),  à  40  lieues  ouest-sud-ouest  du  cap  Finistère  (1). 

Monseigneur, 

J'ai  rhonneur  de  tous  rendre  compte  que  la  flotte  oombinée  a  qaitté  la 
Martinique  le  i6  prairial.  Le  20  messidor,  étant  à  la  hauteur  du  cap  Finistère» 
j'ai  été  pris  par  les  yents  d^est-nord-est  et  de  nord-est,  qui  ont  soufflé  atec 
▼iolence.  V Indomptable  a  démAté  de  son  grand  mât  de  hune^  et  la  flotte  t 
souffert  plusieurs  avaries  dans  ses  yergues  et  sa  Toilure. 

Les  Tents  ayant  calmé  n*ont  point  yarié  et  se  sont  maintenus  dans  la 
même  partie,  et  je  suis  resté  ainsi  sans  pouvoir  m'éleTer  et  luttant  contre  la 
contrariété  des  tents  jusqu'au  3  thermidor,  où  j'eus  connaissance  de  21  Toiles 
ennemies. 

J'ai  aussitôt  formé  l'escadre  sur  la  ligne  de  bataille  bâbord  amures.  L*amiral 
Gratina  a  fait  à  l'escadre  espagnole  le  signal  de  prendre  la  tôte  de  la  ligne 
et  lui-même  s'est  mis  à  la  tête  de  Tesoadre  combinée. 

Le  temps  était  excessitement  brumeux  ;  nous  gouvernions  sur  l'ennemi 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»^,  130. 


716  TROISIÈME  PARTIE.    —  CHAPITRE  XV. 

qui,  lui-même,  goufernait  sur  nous  sur  uue  ligue  largue,  ayec  riotention 
apparente  de  serrer  le  Tent  sur  notre  arrière-garde  et  de  la  mettre  entre  deux 
feux  par  une  contremarche  Tent  devant. 

Dès  que  je  le  tîs  sous  le  vent  par  notre  travers,  je  fis  le  signal  de  virer  lof 
pour  lof  par  la  contremarche. 

La  brume  commençait  à  gagner.  Dès  que  mon  signal  a  été  parvenu  à 
l'amiral  Gravina,  il  s'est  empressé  de  Texécuter  avec  beaucoup  de  résolution 
et  il  a  été  suivi  successivement  par  tous  les  vaisseaux  de  Tescadre.  Dès  qu*il 
est  panrenu  à  la  hauteur  du  serre-file,  il  a  engagé  le  combat  avec  des  vaisseaux 
ennemis  qui  avaient  déjà  commencé  leur  mouvement  vent  devant.  Mais  alors 
la  brume  est  derenue  si  épaisse  qu*il  m'a  été  impossible  de  plus  rien  aper- 
ceToir  ;  chaque  vaisseau  ne  voyait  à  peine  que  son  matelot  d'avant. 

La  canonnade  s'est  successivement  engagée  sur  presque  toute  la  longueur 
de  la  ligne. 

Nous  tirions  à  la  lueur  du  feu  de  Tennemi,  presque  toujours  sans  Taper- 
cevoîr;  ce  n'a  été  qu'à  la  fin  du  combat  que,  dans  un  court  moment  d'éclair- 
cie,  j'ai  pu  apercevoir  sous  le  vent  de  la  ligne  un  vaisseau  portant  pavillon 
espagnol  qui  tenait  le  vent  sous  ses  basses  Toiles,  ses  huniers  amenés.  Près 
de  lui  étaient  deux  vaisseaux  reconnus  ennemis,  dont  l'un  démâté  de  tous  ses 
mâts,  et  l'autre  à  trois  ponts,  démàlé  de  son  petit  mât  d'hune  et  fort  dégréé, 
faisant  l'un  et  l'autre  vent  arrière. 

Le  vaisseau  démâté  paraissait  dans  une  grande  confusion  et  suffire  à  peine 
au  travail  de  toutes  ses  pompes. 

La  brume  la  plus  épaisse  couvrait  alors  toute  l'avant-garde  et  l'arrière- 
garde  de  l'escadre  et  m'ôtait  la  faculté  de  faire  exécuter  aucun  mouvement. 
Dans  ce  que  j'apercevais,  tout  l'avantage  du  combat  était  à  nous. 

Nulle  éclaircie  le  reste  de  la  soirée;  la  nUit,  les  deux  escadres  sont  restées 
en  présence,  faisant  leurs  signaux  de  conserve.  Je  crus  cependant  m'aperce- 
voir  que  l'ennemi  s'éloignait.  Dès  que  le  jour  fut  fait,  nous  le  vîmes  beaucoup 
sous  le  vent  à  nous.  Tous  les  rapports  reçus  des  bâtiments  français  étaient 
satisfaisants  ;  ceux  de  l'amiral  Gravina  se  montraient  pleins  de  détermination 
à  poursuivre  et  réattaquer  l'ennemi,  d'autant  que  depuis  l'éclaircie  nous 
n'apercevions  pas  deux  vaisseaux  espagnols,  le  Firme  et  le  Saint-RaphaéL 
J'ordonnai  le  ralliement  général  et  la  ligne  de  bataille  bâbord  amures,  et  fis 
porter  sur  l'ennemi.  Le  vent  mollit,  la  mer  était  grosse,  l'ennemi  arrirait  et 
il  fut  impossible  de  toute  la  journée  de  parvenir  à  l'engager  comme  je 
le  Toulais. 

Je  m'occupai,  pendant  la  nuit,  à  maintenir  l'armée  en  ordre  pour  être 
prêt  à  recommencer  l'affaire  au  point  du  jour. 

Dès  qu'il  se  fit,  je  fis  porter  sur  l'ennemi  qui  s'était  mis  à  une  grande 
distance,  en  forçant  de  voiles,  de  manière  à  éviter  un  nouvel  engagement. 

Dans  l'impossibilité  de  le  forcer  au  combat,  j'ai  cru  devoir  ne  pas  m'éloi- 
gner  d'avantage  du  but  de  ma  destination,  et  diriger  ma  marche  pour  opérer, 
conformément  à  mes  instructions,  ma  jonction  arec  Tescadre  du  Ferrol. 
J'éprouve  des  contrariétés  des  vents  du  nord-est  à  l'est-nord-est  qui,  hier, 
ont  soufflé  avec  la  plus  grande  violence. 

Voici  les  seules  nouvelles  que  j'ai  eues  des  deux  vaisseaux  qui  manquent 
à  l'escadre  espagnole  : 


VIGO.   —  LE  FERROL.   —  LA   «  DIDON  ».  117 

Le  capitaine  Gosmao,  eommaodant  le  vaisseau  de  Sa  Majesté  Impériale,  le 
Pluton,  m'a  rendu  compte  que,  dès  le  commencement  du  combat,  le  Tais- 
seau  le  Firme  avait  été  démâté  de  son  mât  d*artimoa  et  de  son  grand  mât, 
qu*il  rayait  couvert  tant  qu'il  l'aTait  aperçu,  en  se  mettant  entre  lui  et  Ten- 
nemi,  mais  qu'ensuite  il  TaTait  perdu  de  vue  dans  la  brume. 

Quant  au  Saint-Raphaélf  il  parait  certain  qu'il  n'a  pas  été  démâté,  mais  ce 
vaisseau,  mauvais  voilier,  et  dérivant  beaucoup,  sera  tombé  sous  le  vent  et 
nous  aura  perdus  dans  la  première  nuit. 

Au  reste,  la  brume  a  été  si  constante  et  si  épaisse  que  je  n'ai  pu  distinguer 
la  force  de  l'ennemi.  Mais  le  lendemain  du  combat,  j'ai  vu  14  vaisseaux, 
dont  3  à  trois  ponts,  et  la  plupart  m'ont  paru  très  maltraités  ;  et  s'il  est  vrai, 
comme  Tassure  le  capitaine  de  la  Didon,  qui  avait  bien  reconnu  l'ennemi 
avant  le  combat,  qu'il  avait  15  vaisseaux,  on  peut  présumer  que  l'un  d'eux 
aura  disparu  dans  l'action. 

Toutefois,  Monseigneur,  cette  affaire  a  été  honorable  aux  armes  des  deux 
puissances,  et  sans  la  brume  aussi  épaisse  que  continue  qui  a  favorisé  les 
mouvements  et  la  retraite  de  l'ennemi,  il  n'eût  point  échappé  à  nos  efforts 
ni  â  une  affaire  décisive. 

J'ignore  encore  le  nombre  des  tués  et  blessés,  mais  je  le  crois  peu  consi- 
dérable. J'ai  à  regretter  le  capitaine  de  Péronne,  du  vaisseau  de  Sa  Majesté, 
Y  Intrépide^  qui  a  été  tué. 

Le  capitaine  Rolland,  de  V Atlas ^  a  reçu  une  blessure.  J'aurai  l'honneur  de 
vous  rendre  incessamment  des  comptes  détaillés  à  cet  égard. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  mon  respect. 

Villeneuve. 

Ainsi  qu'on  Ta  vu,  Tamiral,  à  son  entrée  à  Yigo,  ne  trouva 
et  ne  pouvait  d'ailleurs  trouver,  ni  ordres,  ni  instructions, 
ni  nouvelles.  Les  deux  lettres  qu'il  écrivit  dès  qu'il  eût  pris 
le  mouillage,  contrastent  singulièrement  avec  les  précé- 
dentes. 

A  bord  da  Bucentauret  en  rade  de  Vigo,  le  9  thermidor  an  xiii 

(28  juillet  1805)  (1). 

Monseigneur, 

Une  nécessité  impérieuse,  irrésistible,  m'a  forcé  d'entrer  à  Vigo.  Les 
malheurs  se  sont  accumulés  sur  cette  escadre  dans  une  progression  toujours 
croissante,  depuis  vingt  jours  que  je  lutte  contre  les  vents  constants  de  nord-est 
et  d'est-nord-est,  à  60  lieues  du  cap  Finistère,  sans  pouvoir  le  doubler. 

Nous  avions  obtenu  enfin  un  Tent  faTorable  lorsque,  le  3  thermidor,  nous 
avons  eu  connaissance  de  20  Toiles  ennemies  ;  j'ai  aussitôt  formé  l'escadre  sur 
la  ligne  de  bataille  bâbord  amures.  L'amiral  Gravioa  a  fait  à  l'escadre  espa- 
gnole le  signal  de  premlre  In  tête  de  la  ligne  et  lui-roéme  s'est  mis  à  la  tête 


(1)  Villeneuve  au  Minisire  do  la  marine.  Archives  de  la  Manne,  BB«v,  130-135. 


718  TROISltont  PARTU.   —  CHAPITRB  XV. 

de  l'esoidre  Mmbinée  ;  le  temps  éttit  très  brumeux,  nous  goufemions  sur 
l'ennemi  qui,  lui-même,  goufemait  sur  nous  sur  une  ligne  largue,  arec  Tin- 
tention  apparente  de  serrer  le  rent  sur  notre  arrière-garde,  et,  par  une  contre- 
marche vent  deTant,  de  la  mettre  entre  deux  feux.  Dès  que  nous  TaTons  eue 
par  notre  traders  sous  le  fent,  j*ai  fait  signal  de  Tirer  lof  pour  lof  par  la 
eontremarehe.  La  brume  commençait  à  regagner  ;  dès  que  mon  signal  est 
parrenu  à  l'amiral  Gratina,  il  s'est  empressé  de  l'exécuter  àiec  beaucoup  de 
résolution,  et  il  a  été  suiti  successifement  par  tous  les  Tsisseaux  de  l'es- 
cadre; et  dès  qu'il  est  parrenu  à  la  hauteur  du  serre-61e  de  l'escadre,  il  a 
engagé  le  combat  atcc  des  yaisseaux  ennemis  qui  ataient  déjà  commencé 
leur  mouvement  Tent  derant.  Mais  la  brume  étant  devenue  très  épaisse,  il  m'a 
été  impossible  de  plus  rien  apercevoir,  et  chaque  vaisseau  ne  votait  à  peine 
que  son  matelot  d'avant.  La  canonnade  s*est  engagée  successivement  sur 
presque  toute  la  longueur  de  la  ligne  ;  nous  tirions  à  la  lueur  du  feu  de  l'en- 
nemi, presque  toujours  tans  Tapercevoir.  Ce  n'a  été  qu'à  la  fin  du  combat 
que,  dans  un  moment  d'éclaircie,  j'ai  pu  apercevoir  sons  le  vent  de  notre 
ligne  un  vaisseau  portant  pavillon  espagnol  et,  près  de  lui,  un  autre  vaisseau 
démâté  de  tous  ses  mâts  et  un  vaisseau  à  trois  ponts  démâté  de  son  petit  mât 
de  hune  et  fort  dégréé,  que  nous  avons  reconnus  pour  ennemis,  faisant  l'un 
et  Tautre  vent  arrière  tandis  que  le  vaisseau  espagnol  serrait  le  vent  sous  ses 
basses  voiles  et  ses  huniers  amenés.  La  brume  couvrait  encore  toute  l'avant- 
garde  et  toute  Tarrière-garde  de  l'escadre,  et  m'ôtait  la  faculté  de  faire 
exécuter  aucun  mouvement. 

La  nuit,  les  deux  escadres  sont  restées  en  présence,  faisant  leurs  signaux 
de  conserve;  l'ennemi,  cependant,  paraissait  s'éloigner;  dès  que  le  jour  s*est 
fait,  nous  l'avons  aperçu  beaucoup  sous  le  vent  à  nous,  mais  j'ai  eu  la  douleur 
de  voir  qu'il  manquait  deux  vaisseaux  dans  la  ligne  espagnole.  J'ai  ordonné, 
en  Tirant  de  bord  tous  à  la  fois,  le  ralliement  général,  et  dès  que  quelques 
vaisseaux  eurent  réparé  leurs  avaries,  j'ai  signalé  la  ligne  de  bataille  bâbord 
imarea  et  fait  porter  sur  l'ennemi.  Le  vent  ayant  molli,  la  mer  étant  grosse, 
la  ligne  ayant  eu  quelque  peine  à  se  former,  nous  ne  pouvions  être  à  portée 
d'engager  le  combat  qu'à  la  nuit,  ce  qui  m'a  décidé  à  faire  retenir  le  vent 
et  renvoyer  l'affaire  au  lendemain,  au  jour.  Dans  la  nuit,  les  vents  ont  varié 
au  nord  ;  dès  que  le  jour  s'est  fait,  nous  avons  gouverné  sur  Tennemi  qui 
nous  restait  à  une  grande  distance,  mais  il  ne  s'est  point  prêté  à  un  nouvel 
engagement  et  il  a  forcé  dévoiles  en  tenant  le  vent.  Comme  Je  n'avais  aucune 
espérance  de  le  forcer  au  combat  ni  de  pouvoir  le  joindre,  que  je  lui 
soupçonnais  l'intention  de  vouloir  nous  occuper  en  attendant  des  renforts  et 
de  ma  détourner  de  ma  destination,  où  la  situation  de  la  plus  grande  partie 
des  vaisseaux  me  forçait  de  me  rendre  sans  délai  ;  je  n'ai  pas  cru  devoir 
m'obstiner  à  sa  poursuite  et  j'ai  fait  route  ;  mais  les  vents  ont  tourné  an  nord- 
est  et  à  l'est-nord-est,  et  le  7  ils  ont  soufflé  avec  tant  de  violence  que  l'es- 
cadre a  encore  dérivé  sous  le  vent  du  cap  Finistère. 

i'ai  appris  depuis,  par  le  capitaine  Gosmao,  commandant  le  Pluion,  qui 
suivait  immédiatement  la  ligne  espagnole,  que  dès  le  commencement  du 
combat  le  vaisseau  espagnol  le  Firme  avait  été  démâté  de  son  grand  màt 
et  de  son  màt  d'artimon,  qu'il  l'avait  couvert  en  passant  sous  le  vent  à  lui, 
mais  qu'il  l'avait  ensuite  perdu  de  vue  dans  la  brume.  Quant  au  second  vais- 


ViaO.  —  LB  PBRROL.   —  LA   «  DIDON  ».  719 

seau  qui  nous  manque,  le  Sain^-Baphail,  il  n'atait  pai  perdu  de  mai,  nuit  oa 
Taisseau,  mauTaU  toilier  et  démant  beauooupi  ayant  en  quelques  avarie» 
dans  son  gréement,  a  dû  être  entraîné  sous  le  vent  de  la  ligne  et  ensuite 
peut-être  ôoupé  par  l'ennemi  à  la  faveur  de  la  brume.  Je  n*ai  pas  pn  distin- 
guer la  force  de  l*escadre  ennemie,  mais  par  le  rapport  de  la  frégate  la  Didon, 
qui  a  été  le  reconnaître,  il  parait  qu*ello  n'était  que  de  14  à  i5  vaîsseaui, 
dont  3  à  trois  ponts. 

Il  est  h  présumer  que,  sans  les  circonstances  d*une  brume  aussi  épaisse 
et  aussi  continue,  le  combat  qui  paraissait  commencer  sous  d'heureux 
auspices,  aurait  eu  des  suites  bien  différentes. 

J*ignore  encore  le  nombre  des  tués  ou  blessés  ;  dans  Tescadre  nous  avons 
perdu  le  capitaine  de  Péronne,  commandant  V Intrépide  ;  le  capitaine  Rolland, 
commandant  VAUoi^  est  blessé.  Je  vous  rendrai,  à  oe  sujet,  des  comptes  plus 
détaillés  ainsi  qu'un  extrait  de  mon  journal,  sur  tous  les  sigoaui  et  toutes  les 
manœuvres  qui  ont  été  faites. 

Je  prie  Votre  Eicellenoe  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

YlLLINBUVI. 


Le  Woe-am/ra/  Villeneuve,  grand^offtcler  de  la  Légion  d'honneur,  oom- 
mandant  en  chef  /'escadre  Impériale  à  VIgo,  à  S.  £.  M.  /'>ln?6aesa- 
deur  de  Sa  Majesté  l'Empereur  dee  Français. 

En  rade  de  Vlgo,  le  9  thermidor  an  xni  (tS  joinet  1805)  (I). 

Monsieur  l;* Ambassadeur, 

Je  me  fais  un  devoir  d'informer  Votre  Ëxcellenoe  que  les  escadres  combi- 
nées de  France  et  d'Espagne,  sous  les  ordres  de  l'amiral  Gravina  et  de  moi» 
venant  de  la  Martinique  et  se  dirigeant  sur  le  Ferrol,  ont  été  obligées  par 
suite  des  vents  contraires,  par  les  besoins  pressants  d'eau  et  quelques  rafraîchi»^ 
sements  pour  leurs  malades  et  blessés,  de  donner  un  pied  d'ancre  sur  eette  rade. 

Le  3  de  ce  mois,  nous  avons  eu  une  rencontre,  près  le  cap  Finistère,  avec 
une  escadre  anglaise  ;  il  y  a  eu  un  combat  au  milieu  d'une  brume  tellement 
épaisse,  que  les  vaisseaux  ne  s'apercevaient  qu'aux  éclairs  de  leurs  oanonS| 
et  c'est  avec  un  vif  regret  que  j'ai  à  vous  informer  que  le  lendemain  nous  avons 
trouvé  deux  vaisseaux  de  moins  dans  lar  ligne  espagnole. 

Ce  résultat  a  été  bien  différent  de  celui  que  nous  nous  promettions  de  la 
manière  dont  le  combat  a  été  engagé. 

L'amiral  Gravina,  qui  avait  pris  la  tête  de  la  ligne,  l'a  conduite  avec  cette 
résolution  qui  caractérise  son  caractère,  et  la  perte  que  nous  avons  faite  ne 
saurait  ôtre  attribuée  qu'à  la  circonstance  de  cette  brume  qui  est  survenue. 

Nous  avons  resté  en  présence  les  deux  jours  suivants,  mais  l'ennemi  t 
constamment  refusé  le  combat,  et  jugeant  de  son  intention  de  nous  occuper* 
en  attendant  des  renforts,  et  me  trouvant  pressé  par  le  besoin  d'eau  et  le 


(1)  Archivée  de  la  Marine,  BB^r,  184. 


720  TROISIÈME  PARTIE.  —   CHAPITRE  XV. 

nombre  Je  malades,  j*ai  dirigé  ma  roule  sur  le  Ferrol  ;  mais  par  suite  du 
malheur  qui  s'est  appesanti  sur  cette  escadre,  depuis  plus  de  trois  semaines,  les 
vents  sont  encore  contraires. 

Nous  aTons  lutté  ayee  eux  ju8qu*à  hier,  que  les  circonstances  sont  deTenues 
assex  graTes  pour  m*obliger  de  prendre  ce  port.  Je  n*j  resterai  que  le  temps 
nécessaire  pour  mettre  quelques  mal.ides  à  terre. 

ViLLBNBUTB. 


A  bord  da  Bucentaure,  en  rtde  de  Vigo,  le  9  thermidor  an  xni 

(3S  Juillet  1805)  (1). 

Monseigneur, 

Je  TOUS  ai  dit  qu'une  nécessité  impérieuse  et  irrésistible  m*ayait  forcé  d'en- 
trer à  Yigo.  Le  20  messidor,  étant  à  la  hauteur  du  cap  Finistère,  j*ai  été  pris 
par  les  yents  d'est-nord-est  et  de  nord-est  qui  ont  soufflé  arec  Tiolence. 
V Indomptable  a  été  démâté  de  son  grand  màt  de  hune  ;  plusieurs  Tergues  ont 
été  cassées  et  des  Toiles  emportées.  Les  fents  ayant  calmé,  n*ont  pas  Tarie 
et  se  sont  maintenus  dans  la  même  partie  ;  la  marche  extrêmement  désavan- 
tageuse de  Tescadre,  particulièrement  de  la  .division  espagnole,  le  seul 
Argonaute  excepté,  nous  faisait  perdre  du  chemin,  bien  loin  de  nous  per- 
mettre d'en  gagner.  Ge|>eodant  les  malndies  faisaient  des  progrès  rapides  à 
bord  de  plusieurs  vaisseaux,  particulièrement  à  bord  des  deux  vaisseaux  de 
Rochefort,  VAlgésiras  et  l'AcAt/Ze,  qui  avaient  déjà  au  delà  de  450  hommes 
sur  les  cadres,  et  le  besoin  d'eau  s'y  faisait  sentir.  Enfin  le  3  thermidor,  nous 
faisions  route  avec  un  vent  favorable  et  nous  comptions  arriver  le  lendemain 
au  Ferrol,  quand  nous  avons  rencontré  l'escadre  ennemie  ;  le  combat  qui  s*en 
est  suivi  a  ajouté  encore  à  la  détresse  des  vaisseaux,  par  les  avaries  qu'ils  ont 
reçues,  et  les  blessés  qui  en  ont  été  la  suite,  et  pour  comble  de  malheur  les 
vents  ont  repassé  au  nord-est,  avec  force  ;  l'escadre  ne  pouvant  tenir  de  la 
voile,  nous  avons  encore  dérivé  sous  le  vent  du  cap  Finistère.  Je  me  détermine 
donc  à  arriver,  avec  l'intention  d'aller  à  Cadix,  après  en  avoir  fait  part  à 
l'amiral  Gravina,  qui  était  fortement  de  cet  avis.  Il  y  avait  A  peine  six  heures 
que  nous  en  faisions  la  route,  que  le  vent  qui  soufflait  en  coup  de  vent  vint  à 
calmer  et  passa  peu  de  temps  après  au  sud  et  sud-sud-ouest.  Je  repris  la  route 
au  nord  pour  aller  au  Ferrol.  Le  soir  les  vents  calmèrent  ;  dans  la  nuit  ils 
passèrent  au  nord-ouest,  puis  au  nord,  enfin  au  nord-ouest.  Enfin  le  com- 
mandant de  r Achille  m'écrivit ,  par  r intermédiaire  da  général  Magon,  qu'il 
avait  200  hommes  sur  les  cadres;  qu'il  avait  fait  démolir  toutes  les  cloisons  et 
galeries  du  faux-pont  pour  y  placer  les  malades;  qu'il  n'avait  que  cinq  jours 
d'eaû.  Le  général  Mngon,  sur  TAlgésira-,  me  fit  connaître  quHl  était  dans  la 
même  situation, 

L'Indomptable,  Tlntrépide,  i' Aigle  avaient  chacun  plus  de  150  malades  sur 
les  cadres  ;  tous  les  vaisseaux  en  avaient  de  60  à  120,  sans  aucune  espèce  de 
secours  à  leur  donner.  Obligé  de  prendre  une  détermination,  n'nynnt  d'autre 


(1)  Villeneuve  au  Minisiro  do  la  marine.  Archives  de  la  Marine,  t30  133. 


VIGO     —   LE  FERROL,   —  LA   «  DIDON  ».  721 

« 

port  à  portée,  pour  porter  quelques  remèdes  à  ma  situatiou,  que  celui  de  Vigo, 
j'ai  été  obligé  d'y  rentrer. 

Je  me  regarde  ici  comme  à  la  mer,  ce  port  n'a  aucune  ressource  ni  aucune 
défense. 

Dès  que  fy  aurai  fait  un  peu  d'eau  et  mis  les  malades  les  plus  embarrassants 
à  terre,  je  mettrai  sous  voiles;  fen  préviens  le  général  Gourdon.  Mais  si  les  vents 
me  contrarient  pour  le  Ferroly  je  fais  route  pour  Cadix,  Je  n*ai  pas  un  mois 
complet  de  vivres  ;  enfin,  notre  situation  est  extrêmement  fâcheuse.  Du  rosJe,  la 
maladie  qui  nous  afflige  n'a  rien  de  dangereux,  c'est  le  scorbut  et  la  dysen- 
terie, très  peu  de  fiéirreux  ;  quelques  rafraîchissements  pourront  en  remettre 
un  grand  nombre. 

J'ai  tant  de  détails  A  tous  donner  que  je  suis  obligé  de  les  renyoyer  à  un 
prochain  courrier. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

VlLLBWBOTK. 

Dès  le  lendemain,  Gourdon  avait,  au  Ferrol,  connaissance 
de  cette  importante  nouvelle  et  était  sollicité  de  prendre  part 
à  la  bataille  qui  paraissait  certaine.  Mais,  malgré  les  ordres 
réitérés  qu'il  avait  reçus,  Gourdon,  ne  s'étant  pas  encore  porté 
à  la  Gorogoe,  se  trouvait  hors  d'état  d'intervenir  si,  comme 
on  devait  s*y  attendre,  Galder  était  resté  dans  ces  parages. 

10  thermidor  an  xui  (20  Juillet  1805)  (1). 
Monseigneur, 

J'ai  l^onneur  de  tous  annoncer,  deyant  Yigo,  Tarrifée  de  Tamiral  Ville- 
neuve ;  je  transcris  la  lettre  que  cet  amiral  m*écrit:  «  Je  tous  écris  à  la  h&te. 
Général,  pour  tous  annoncer  mon  arrivée  sur  ces  parages.  J'ai  donné,  dans 
la  brume,  dans  une  escadre  anglaise  ;  il  y  a  eu  un  combat.  L'escadre  a  de 
grands  besoins  ;  j'ai  des  vaisseaux  qui  manquent  d'eau.  Faites  tous  vos  efforts 
pour  venir  nous  joindre.  Je  vais  faire  route  pour  le  Feirol,  où  il  me  parait  pro- 
bable qu'il  y  aura  encore  bataille;  je  m'en  rapporte  à  vous  pour  être  sûr  que  vous 
ferez  tout  ce  qui  sera  possible  pour  y  prendre  part.  Datée  de  16  lieues  dans  le 
Sud-Sud-Ouest  du  cnp  du  Finistère. 

Signé  :  Villeneuve.  » 

Les  vents  ne  m'ont  pas  encore  permis  de  me  rendre  à  la  Corogne.  Je  vais 
faire  mon  possible  pour  me  trouver  en  dehors. 

J'ai  rhonneur  d*étre,  Monseigneur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur. 

GOCRDON. 


(l)  Archives  de  la  Marine,  BBiv.  M9. 

IV.  46 


722  TROISIÈME  PARTIB.   —  CHAPITRE  XV. 

Dès  qu'il  eut  débarqué  ses  malades  et  fait  un  mois  d*eau, 
Villeneuve  s'occupa  du  départ.  Mais,  à  la  veille  d'un  combat 
qui  paraissait  certain,  puisque  Calder  était  encore  dans  ces 
parages,  l'armée  combinée  fut  affaiblie  de  trois  vaisseaux. 

I>»  1 1  thormidor  an  xiii  (30  juillet  1805)  (1). 
Monseigneur, 

Je  ne  puis  eneort  que  vous  écrire  à  la  hdte  pour  vous  annoncer  que  je  vais 
remettre  sous  voiles;  nous  stons  fait  ici,  malgré  de  grandes  difficultés,  pour 
un  mois  (Veau,  ce  qui  équivaut  à  la  durée  de  nos  vivres. 

Les  vaisseaux  ï Atlas,  V Espagne  oi  V Amérique,  de  60  canons,  ne  sont  pas  des 
Taisseaux  navigables  en  escadre  et  sont  faits  pour  tout  compromettre  ;  nous 
aTons  pris  la  détermination  de  les  laisser  ici,  sans  croire  avoir  de  beaucoup 
diminué  nos  forces;  l'Atlas  sert  d*entrepdt  pour  y  loger  plus  df"  800  malades, 
en  attendant  que  les  établissements  que  Ton  forme  à  terre  soient  prêts  pour  les 
recevoir  ;  nous  avons  en  outre  débarqué  à  terre  plus  de  400  malades  ou  blessés. 

Je  me  suis  servi  des  espèces  monnayées  de  la  prise  espagnole  la  Minerve, 
pour  faire  payer  un  mois  de  solde  et  de  traitement  à  toute  Tesoadre  ;  le  reste 
de  ces  fonds  a  été  entreposé  chei  le  commissaire  des  relations  commerciales; 
la  totalité  de  la  somme  qui  sVst  trouvée  à  bord  de  ce  bâtiment  se  montait 
à  408,000  piastres,  dont  ^7  ont  été  remis  au  commissaire  des  relations  com- 
merciales, ainsi  que  la  prise. 

Je  vais  faire  route  pour  le  Ferrot,  si  les  vents  me  le  permettent,  mais  en  cas 
contraire,  je  filerai  sur  Cadix  ;  il  me  parait  assez  difficile  que  je  fasse  ce  pas- 
sage sans  être  obligé  de  livrer  combat;  mais,  dans  f alternative  de  voir  cette 
escadre  se  perdre  dans  ce  port  et  de  fy  voir  paralysée  pour  tout  le  reste,  il  me 
parait  qu*il  n'y  a  pas  à  balancer.  Puisse  une  nouvelle  rencontre  être  plus 
heureuse  que  la  première. 

Je  donne  avis  au  général  Gourdon  de  ma  sortie. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  Thommage  de  mon  respect. 

YlLUNlUVH. 

Effectivement,  dès  le  31,  et  malgré  ime  brise  du  large  qui 
s'éleva  un  moment,  toute  Tannée  parvint  à  sortir  de  la  baie 
de  Vigo, 

Le  vice-amiral  Villeneuve  au  Ministre  de  la  marine. 

Vigo,  k  It  thermidor  «n  xiu  (31  jnilUt  1805)  (I). 
Je  suis  en  appareillage;  je  laisse  ici  deux  vaisseaux  espagnols  et  le  vaisseau 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB«*',  230. 
(t)  Archives  de  la  Marine,  BB>',  230-2  44. 


VIGO.   —  LE  FERROL.    —   LA   «   DIDON   ».  723 

français  VAtias.  Ces  bàtimenU  n'ont  pas  beaucoup  souffert  dans  le  combat, 
mais  Us  marchent  mal  et  je  les  considère  comme  moins  propres  i\  renforcer 
Tescadre  qu'à  gêner  et  retarder  ses  moufements. 

J'ai  débarqué  ici  mes  malades  :  la  longueur  de  la  navigation  et  les  mauvais 
temps  m*en  ont  donné  quelques-uns  parmi  les  troupes  passagères,  mais  ces 
maladies,  qui  ne  sont  que  du  scorbut,  n'ont  aucun  caractère  dangereux,  l'air 
et  les  livres  de  terre  les  guériront  très  promptement.  Je  pars  donc  avec  quinze 
vaisseaux,  dont  deux  espagnols.  Si  nous  n'avons  affaire  sur  notre  routo  d'ici 
au  Ferrol  qu'avec  Tescadre  que  nous  avons  combattue,  nous  n'en  avons  rien 
à  redouter. 

VlLLBNKUTI. 

L'arrêt  de  quatre  jours,  fait  à  Vigo,  du  28  au  soir  au 
31  juillet,  ne  parait  pas  avoir  été  exagéré,  si  Ton  tient  compte, 
à  la  fois,  de  la  tempête  du  Nord-Ouest  qui  continuait  à  souf- 
fler (4),  et  des  besoins  réels  de  l'armée  combinée. 

Journal  de  Reille. 

Le  premier  soin  a  été  de  mettre  à  terre  les  malades  et  de  se  procurer  les 
rafraîchissements.  Un  commissaire  et  l'ambulance  de  terre  ont  été  débarqués; 
ils  ont  établi  quelques  fournitures  dans  quelques  salles  éparses  dans  le  fau* 
bourg.  oi!i  l'on  a  débarqué  environ  40  malades  ou  blessés  de  terre  et  de  mer. 
Les  amiraux  ont  laissé  à  Vigo  trois  vaisseaux  qui  retardaient  l'armée  par 
leur  marche  :  ï America  et  V Espagne,  espagnols,  et  VAtias,  français.  On  a  fait 
un  hôpital  de  ce  dernier  vaisseau  et  mis  dessus  800  malades.  Toutes  ces  opé- 
rations se  sont  faites  les  9,  10  et  11  (28,  29  et  30  juillet). 

Avec  les  deux  vaisseaux  perdus  dans  le  combat  du  22,  la 
force  de  Tarmée  se  réduisait  donc  à  15  vaisseaux,  force  sensi- 
blement égale  à  celle  que  Calder  avait  montrée.  On  n'eut 
pas  à  combattre,  mais  le  court  trajet  de  Vigo  au  Ferrol  prit 
plus  de  48  heures. 

Le  12  (31  juillet)  au  matin,  Tarmée  a  mis  sous  voile  n'ayant  plus  que 
treize  vaisseaux  français  et  deux  espagnols,  et  s'est  élevée  dans  la  journée  à 
cinq  lieues  de  la  côte.  Le  13  (1<^'  août),  les  vents  au  Sud-Ouest,  fait  route  sur 
le  cap  Finistère,  que  nous  avons  doublé  de  très  près  dans  la  soirée.  Le  14 
(S  août)  au  matin,  aperçu  le  cap  Prior  et  la  tour  d'Hercule,  fait  d'abord  route 
pour  rentrer  au  Ferrol.  où  les  deux  vaisseaux  espagnols  avaient  déjà  donné. 
Ensuite,  venu  mouiller  à  la  Corogne  vers  les  iO  heures,  le  2  août  (2). 


(1)  Voir  ci-dessous,  à  propos  des  mouvements  de  Nelson. 
{l)  Journal  de  Reille. 


724  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XV. 

Contre  toute  attente,  il  n'y  avait  pas  eu  combat,  Calder 
ayant  disparu  depuis  le  25  juillet  et  ne  se  trouvant  pas  devant 
le  Ferrol  (1). 

C'est  le  2  août  que,  pour  la  première  fois  depuis  le  4  juin, 
jour  où  il  avait  été  rejoint  par  Magon,  Villeneuve  put  recevoir 
des  ordres,  des  instructions  et  être  mis  au  courant  de  ce  qui 
s*était  passé  depuis  le  3  mai,  date  du  jour  où  la  Didon  avait 
quitté  la  France. 

Le  premier  effet  des  ordres  fut,  d'après  Reille,  d'amener 
l'amiral  à  mouiller  à  la  Corogne  même. 

Uâmiral  avait  d'abord  fintenUon  d*aUer  an  Ferrol,  mais  il  en  a  été  détourné 
par  des  dépêches  du  Ministre  qui  lui  ont  été  remises  à  Centrée.  Il  était  impos- 
sible d*étre  plus  mal  qu*à  la  Corogne  pour  une  réunion  avec  le  Ferrol^  puisque 
les  deux  escadres  ne  pouvaient  sortir  avec  le  même  vent,  qu'il  fallait  tirer  du 
Ferrol  presque  tout  ce  dont  noua  avions  besoin,  et  qu'une  armée  anglaise, 
se  plaçant  entre  deux,  pouvait  empêcher  la  réunion  avec  beaucoup  moins  de 
forces  (2). 

Ce  fut  au  moment  où,  pénétrant  dans  la  baie,  Villeneuve 
allait  entrer  au  Ferrol,  qu'il  reçut  Tordre  de  s'arrêter  à 
la  Corogne.  Malheureusement,  l'amiral  Gravina,  qui  était 
en  tête  de  colonne,  ne  fut  prévenu  que  trop  tard  pour  pou- 
voir changer  de  route  et  dut  pénétrer  dans  le  port. 

L'amiral  Gravina  au  ministre  de  la  marine  Decrès, 
à  bord  de  /'  <<  Argonaute  »,  à  l'ancre  dans  le  port  du  Ferrol  (3j. 

3  août. 

Dira -à  Votre  Excellence,  Tamiral  Villeneuve,  qu*hier  au  matin,  après 

avoir  fait  faire  le  signal  de  relâcher  ici  et  m'avoir  dit  lui-même  qu'il  entre- 
rait au  Ferrol  en  suivant  mon  vaisseau,  que,  étant  mol  déjà  dedans  le  goulet 
du  port,  il  lit  le  signal  de  serrer  le  vent  à  l'escadre,  chose  déjà  impossible  à 
moi  de  pouvoir  vérifier  (exécuter)  et  qui  me  mit  en  grande  confusion  et  déses- 
poir, jusque  à  avoir  su  qu'un  ordre  absolu,  venu  dans  le  moment  que  allait  à 
entrer,  l'empêcha  et  Tavait  obligé  d'aller  mouiiliT  à  la  Corogne,  comme  lui- 
même  vint  me  dire  l'après-dloer  et  me  donna  votre  dépêche  du  21  messidor, 
à  Fontainebleau 


(1)  Ce  Jour-là,  il  est  signalé  par  les  éclaireurs  d'Allemand  à  40  lieues  au  nord-nord* 
ouest  du  Ferrol. 

(t)  Journal  de  Rcillo. 

(3)  Archives  de  la  Marine,  BB»*",  232.  -  Note  do  la  main  de  Gravina. 


VIGO    —  LE  FERROL.   —  LA   «  DIDON  ».  725 


Le  contre-amiral  Gourdon,  commandant  les  forces  navales  de  Sa  Majesté 
au  Ferrol,  à  Son  Excellence  le  Ministre  de  la  marine  et  des  colonies. 

Le  16  thermidor  an  ziii  (4  ao&t  1805)  (1). 
Monsfïigneur, 

Je  m'empresse  de  tous  préyenir  que  l*amiral  VilleneuTe  Tient  de  mouiller 
à  la  Gorogne  avec  treix«  vaisseaux  frnnçalR.  f/amiral  GraTiua,  qui  le  précé- 
dait quand  on  les  a  vus  le  matin  faire  route  vers  le  port,  est  entré  ici  croyant 
en  être  suivi,  mais  au  moment  de  donner  dans  le  goulet,  il  (Villeneuve)  a 
tout  d*un  coup  changé  d'avis  et  fait  route  pour  la  Gorogne. 

Je  viens  d'envoyer  à  son  bord,  et  si  les  vents  soufflent  un  moment  du 
Nord-Est,  je  le  rejoindrai  h  l'instant. 

Je  joins  ici  un  paquet  qu'il  m'avait  fait  passer  de  Yigo  pour  Votre  Excellence. 

J'ai  l'honneur  d'être  de  Votre  Excellence,  Monseigneur,  le  trèii  humble 
et  très  obéissant  serviteur. 

GOURDON. 

A  bord  da  Bucentaure,  en  rade  de  U  Corogne,  le  1 5  thermidor  an  xni 

(3  aoftt  1805)  (2). 

Monseigneur, 

J'ai  dû  ne  séjourner  h  Vigo  que  le  temps  nécessaire  pour  remédier  aux 
causes  qui  m'y  avaient  fait  entrer.  J'en  suis  sorti  le  troisième  jour  avec  treize 
vaisseaux  français  et  deux  espagnols  et  les  frégates  de  l'armée.  Le  temps 
m'a  favorisé,  j'en  ai  profité  et,  longeant  de  près  la  côte  du  cap  Finistère,  h. 
Sizargue^  pendant  la  nuit,  au  jour  je  me  suis  trouvé  presque  à  vue  de  ce  port. 
Je  savais  que  l'escadre  anglaise  y  avait  reparu,  et  je  m'attendais  à  avoir  un 
combat  à  livrer  avant  d'entrer,  mais  je  n'ai  rien  vu.  J'ai  trouvé  les  escadres 
combinées  dans  le  port  du  Ferrol;  la  situation  de  Tescadre  en  vivres,  en  eau, 
des  mâts  d'hunes  à  changer,  des  mâts  à  jumeller,  me  paraissaient  des  raisons 
suffisantes  pour  entrer  au  Ferrol  et  m'y  réunir  à  la  majeure  partie  des  forces 
combinées  qui  s'y  trouvent  déjà,  et  avec  laquelle  j'aurai  pu  en  sortir.  Déjà 
je  m'en  approchais,  quand  j''ai  reçu  vos  dépêches  et  notamment  Vordre  de 
Sa  Majesté  qui  me  le  défend  expressément  (2).  J*ai  aussitôt  fait  le  signal  de 
tenir  le  vent,  Lamiral  Gravina,  qui  marchait  en  avant  à  moi,  était  trop  engagé 
dans  la  passe;  il  n'y  a  pas  été  à  temps  et  a  été  obligé  d'entrer.  Il  en  est  incon 
solabie. 

Je  suis  venu  mouiller  à  la  Gorogne,  mais  je  m'y  trouve  beaucoup  moins 
en  appareillage  et  en  état  de  faire  notre  jonction.  Je  vais  éprouver  beaucoup  de 
difficultés  pour  faire  do  l'eau,  pour  prendre  les  vivres  qui  me  sont  nécessaires 
sur  les  vaisseaux  du  Ferrol  et,  en  sus,  tout  ce  qui  peut  accélérer  la  mise  en 
mouvement  des  forces  combinées. 

Je  n'entreprendrai  pas.  Monseigneur,  de  vous  dépeindre  mon  état,  il  est 
affreux;  lorsque  Sa  Majesté  m'honore  d'une  grande  confiance,  qu'elle  met  à 


(1)  Archives  de  la  Mâtine,  BB»v,  229. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BB",  230-248. 


"26  TROISIÈME  PARTIB.  —  CHAPITRE  XV. 

ma  disposition  toutes  ses  forces  navales  et  celles  de  ses  alliés,  je  me  trouTe 
empêché  par  les  circonstances  les  plus  fatales.  Tout  est  contre  moi,  jusqu'au 
ciel;  la  foudre  est  tombée  sur  mon  vaisseau  amiral,  le  BucentaurCy  a  pénétré 
sous  son  faux  pont,  sans  cependant  y  occasionner  de  graves  accidents.  Je 
tâcherai  de  ne  pas  en  être  abattu.  Dans  le  malheur,  on  n*a  pas  d'amis;  j*en 
trouve  heureusement  un  dans  Famiral  Gravina  :  il  sent  et  partage  vivement  ma 
position,  mais,  au  milieu  de  si  grands  intérêts,  il  doit  se  taire  sur  ce  qui  m*e>t 
personnel. 

Dès  que  j*ai  été  mouillé,  je  me  suis  rendu  au  Ferrol  à  bord  de  Pamiral 
Gravina  et  je  lui  ai  remis  votre  dépêche  en  lui  communiquant,  suivant  votre 
ordre,  les  instructions  définitives  dont  je  suis  chargé. 

J*ai  vu  le  contre-amiral  Gourdon,  qui  dans  ce  moment  est  très  dangereu- 
sement malade. 

J'ai  vu  Tescadre  française  et  espagnole  dont  j*ai  été  très  satisfait,  plût  au 
ciel  que  Tescadre  de  Cadix  qui  m'a  rallié  fut  composée  de  vaitteaux  sem- 
blables ;  c'est  encore  le  moment  de  dire  :  on  ne  mit  jamais  en  mer  d'aussi 
misérables  bâtiments.  C^esl  la  cause  première  de  tous  nos  malheurs. 

Suivant  les  rapports  qui  m'ont  été  faits,  les  vaisseaux  français  n'ont  pas  les 
six  mois  complets  de  vivres  en  biscuit.  J'ai  ordonné  qu'on  s'occupât  du  moyen 
de  mettre  toute  l'escadre  venant  de  la  Martinique  à  45  jours  de  vivres  en 
prenant  sur  la  division  du  Ferrol.  Il  y  a  un  mois  et  demi  que  j'ai  réduit  la 
ration  des  équipages  d*un  quart,  et  cette  réduction  subsistera  jusqu'à  ce 
que  je  sois  mieux  approvisionné. 

Dans  l'escadre  espagnole  du  Ferrol,  il  y  a  un  vaisseau  de  60,  le  Saint-Julien^ 
mauvais  voilier,  l'amiral  Gravina  n'en  veut  pas;  il  va  faire  verser  son  équipage 
sur  le  Saint-Ildephonsc,  réputé  très  bon  voilier  et  en  état  de  nous  suivre  sous 
quatre  jours. 

Le  vaisseau  de  l'amiral  Gravina  a  sa  guibrc  enfoncée  au  point  que  les  ingé- 
nieurs  du  port  ont  jugé  qu'il  était  indispensable  quelle  soit  réparée.  Ce  vais- 
seau sera  prêt  sous  trois  ou  quatre  jours. 

J'ai  éprouvé  qu'il  est  préférable  que  dans  la  formation  de  la  ligne  de  bataille 
nous  intercalions  les  vaisseaux  espagnols  avec  les  français  ;  les  circonstances 
d'un  combat  naval  placent  souvent  des  corps  d'armée  dans  des  positions  extra- 
ordinaires; la  gloire  et  le  blâme  qui  en  peuvent  résulter  doivent  être  partagés 
par  les  deux  marines.  Dès  que  je  pourrai  me  mettre  en  mouvement,  je  par- 
*  lirai  si  le  temps  me  sert  ;  je  tâcherai  d'entrer  à  Brest  ou  de  tromper  la  surveil- 
lance de  Vennemi  et  de  donner  dans  la  Manche,  en  serrant  le  cap  Lizard,  si 
fy  vois  quelque  apparence  de  succès  ;  enfin,  je  prendrai  la  route  de  Cadix,  si 
les  deux  autres  partis  me  paraissent  impraticables  dam  fêtât  actuel  des  choses. 

Quant  à  la  division  aux  ordres  du  capitaine  de  vaisseau  Allemand,  que  je  sup- 
pose rendue  par  la  longitude  et  latitude  que  vous  lui  avez  fixée  et  ou  il  doit 
croiser  jusquau  25  thermidor,  je  crains  de  lui  envoyer  l'ordre  de  se  rendre  ici^ 
attendu  que  Cennemi  ne  s'en  est  pas  éloigné  et  qu'il  y  est  en  grande  force  ; 
comme  je  suppose  que  vous  avez  également  prévu  le  cas  ou  il  n  aurait  aucune 
connaissance  de  l'escadre  sur  ses  deux  points  de  croisière,  et  qu'il  a  une  destina- 
tion, je  pense  quil  est  bien  préférable  qu'il  la  suive,  bien  assuré  qu'il  occupera 
toujours  une  force  égale  à  la  sienne,  qui  sera  distraite  des  escadres  d^Ouessant 
et  de  celles  disponibles  contre  les  escadres  combinées  du  Feirol. 


VIGO.   —  LB  FBRROL.   —  LA   «   DIDON  ».  72T 

L'escadre  ennemie  a  été  signalée  avant-hier  et  hier,  Od  la  dit  do  14  vaû* 
seaux,  dont  4  à  trois  ponts,  je  ne  sais  si  elle  a  été  informée  de  ma  relâche 
à  Yigo,  elle  sera  étonnée  de  notre  jonction  ici. 

Je  ne  sais  quels  seront  vos  ordres  sur  le  vaisseau  V Atlas  et  les  deux  petits 
Taisseaux  espagnols  que  j'ai  laissés  fi  Vigo.  J'ai  chargé  le  capitaine  de  frégate 
Gohar,  qui  commande  V Atlas  par  intérim,  en  attendant  le  rétablissement  du 
capitaine  Rolland,  qui  a  été  horriblement  brûlé  dans  le  combat  du  3,  je  Tai 
chargé,  dis-je,  du  soin  de  l'établissement  des  malades,  de  les  réunir  à  son 
bord  jusqu'à  leur  guérison  ;  enBn,  de  toute  la  police  des  Français  provenant 
de  l'escadre.  J'ai  pris  une  partie  de  son  équipage  pour  le  répartir  sur 
V Achille  et  VAlgésiras  qui  ont  le  plus  fourni  de  malades.  J'ai  encore  en 
ce  moment  plus  de  200  malades  à  débarquer,  presque  tous  scorbutiques. 

Ces  trois  vaisseaux  peuvent  prendre  à  Vigo  une  position  qui  les  mette 
à  l'abri  de  toute  attaque  de  l'ennemi  en  débarquant  quelques  canons  de  leurs 
vaisseaux,  mais,  du  reste,  ils  sont  absolument  hors  d'état  de  naviguer  en 
escadres  ;  sans  eux  et  quelques  autres,  je  n'aurais  pas  eu  un  moment  de  con- 
trariété sur  mer. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

VlLLENBtlVB. 


Il  est  essentiel  de  remarquer  que  la  lettre  de  Villeneuve 
porte  la  trace  très  nette  de  la  réception  de  Tordre  impérial  en 
date  du  16  juillet  :  «  Si,  par  Teffet  de  combats votre  situa- 
tion se  trouvait  considérablement  changée,  nous  n'entendons 
pas  que,  dans  aucun  cas,  votre  armée  entre  dans  le  port  du 
Ferrol.  Dans  ce  cas  qui,  avec  Taide  de  Dieu,  n'arrivera  pas, 
nous  désirons  qu'après  avoir  débloqué  nos  escadres  de  Roche- 
fort  et  du  Ferrol^  vous  mouilliez  de  préférence  dans  le  port 
de  Cadix,  » 

En  outre,  les  deux  lettres  de  Decrès,  en  date  des  18  et 
20  juillet,  sont  très  clairement  visées.  Or,  la  première  prévoit? 
le  cas  ou  Allemand  ne  pourrait  être  rallié,  et  contient  une 
copie  des  instructions  données  à  ce  capitaine  le  17,  en  vertu 
desquelles,  ou  bien  il  attendra  à  Rochefort,  ou  bien,  ayant 
appareillé  et  n'ayant  pas  trouvé  Villeneuve  au  Ferrol,  il 
aurait  toute  liberté,  après  le  13  août  (25  thermidor),  poitr  une 
croisière  indépendante,  La  seconde  annonce  le  départ  de  la 
division  de  Rochefort  le  17  juillet  et  sa  station  probable, 
du  29  juillet  au  3  août,  à  40  lieues  à  l'Ouest  du  Ferrol,  puis 
jusqu'au  13  août  par  46<»56  de  latitude  Nord  et  9°30  de  longi- 
tude Ouest.  On  se  souvient  que  Decrès  a  commis  la  grave 


728  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  XV. 

omission  de  ne  pas  faire  connaître  à  Villeneuve  qu  Allemand 
doit  y  après  le  13  août,  se  porter  à  Vigo. 

A  la  date  où  Ton  était  arrivé  et  dans  l'état  des  renseigne- 
ments qu'il  avait  reçus,  le  seul  espoir  qui  pût  rester  à  Ville- 
neuve pour  retrouver  Allemand  était  de  le  faire  chercher  au 
second  point  de  rendez-vous,  c^est-à-dire  à  hauteur  de  Roche  fort. 

C'est  ainsi  que  fut  rédigé,  le  4  août,  Tordre  suivant  destiné 
au  commandant  de  la  frégate  la  Didon. 

Ordre  à  la  a  Didon  ». 

IB  thermidor  an  xui  (i  août  1805),  on  rado  do  la  Corog^o. 

M.  Milius,  capitaine  de  frégate  commandaut  la  Didon,  appareillera  le 
pluf  tôt  possible  de  la  rade  de  la  Gorogne  et  se  dirigera  sur  le  poÎDt  de  croi- 
sière de  46^56'  Nord  et  9^30'  Ouest,  Sur  ce  parage,  il  doit  rencontrer 
Tescadre  de  Rocherort,  commandée  par  M.  Allemand,  capitaine  de  vaisseau 
et  composée  de  5  ?  aisseaux  de  ligne,  2  ou  3  frégates  et  1  brick. 

Le  capitaine  Milius  informera  le  commandant  Allemand  de  Tarrlyée  de  Tes- 
cadre  combinée  sur  le  Ferrol,  lui  remettra  les  dépèches  ci-jointes  et  se  rangera 
sous  son  commandement. 

Dans  le  cas  où,  après  avoir  parcouru  ce  point  de  croisière  pendant  vingt- 
quatre  heures,  il  n'aurait  pas  connaissance  de  Tescadre  du  commandant  Alle- 
mand, M.  Milius  ferait  aussitôt  route  pour  rallier  l'escadre  sur  le  Ferrol 

Si  elle  était  partie,  il  trouverait  des  ordres  sur  sa  destination  ultérieure 

Si,  par  l'effet  des  chasses  qu'il  pourrait  éprouver  de  la  part  de  l'ennemi, 
M.  Milius  ne  pouvait  pas  rejoindre  l'escadre  soit  au  Ferrol,  soit  à  la  mer, 
il  chercherait  k  rentrer  dans  un  des  ports  de  France,  celui  de  Lorient  devant 
être  préféré  à  tout  autre. 

M.  Milius  est  prévenu  que  le  commandant  Allemand  ne  doit  tenir  la  croi* 
sière  qui  lui  est  ordonnée  que  jusqu'au  25  thermidor  (13  août). 

La  frégate  n'était  pas  prête  à  mettre  immédiatement  à  la 
voile,  pas  plus,  d'ailleurs,  que  l'escadre  qui  embarquait  son 
eau  et  ses  vivres.  Les  vents  s'opposaient,  en  outre,  à  la  sortie 
de  la  rade.  On  attendit  donc  jusqu'au  8  avant  de  faire  partir 
la  Didon. 

Dans  l'intervalle,  l'amiral  reçut  des  communications  impor- 
tantes : 

1®  La  lettre  de  TEmpereur  à  l'amiral  Gourdon,  en  date  du 
27  juillet. 

Celle-ci  prescrit  : 

a)  De  rechercher  Allemand  daprès  ses  instructiom  (ce  qui 
veut  dire  les  lettres  de  Decrès  du  18  et  du  20  juillet). 


I 


VIGO.   —   LE  FERROL.    -   LA   «   DIDON   ».  729 

b)  Si  Villeneuve  n'est  pas  arrivé  le  8  août,  d'aller  le  cher- 
cher à  Cadix  en  y  envoyant  le  Béguins  une  fois  que  ce 
vaisseau  sera  arrivé  à  Yigo. 

c)  De  laisser  au  Ferrol  l'avis  à  Villeneuve  dé  se  porter  sur 
Cadix  pour  y  faire  sa  jonction  et  poursuivre,  ensuite,  sa 
mission,  dont  le  but  n'a  pas  changé  ; 

2°  Un  avis,  donné  par  Beurnonville  à  Jourdan,  de  Madrid, 
en  date  du  29  juillet,  reçu  probablement  le  2  au  Ferrol,  de 
l'arrivée  de  Nelson,  avec  \  1  vaisseaux,  le  20,  à  Gibraltar  et  de 
sa  rentrée  dans  TOcéan  le  26. 

Par  la  première  de  ces  lettres  (1),  peut-être  aussi  par 
Tannonce  de  l'arrivée  à  Vigo,  le  5,  du  lieutenant  Gauthier, 
aide  de  camp  du  Ministre  de  la  marine,  Villeneuve  put  devi- 
ner^ qu'après  le  25  thermidor  (13  août),  et  non  le  15  (3  août), 
Allemand  viendrait  à  Vigo.  Toutefois,  une  lettre  non  retrouvée 
du  Ministre  et  qui  n'est  pas  mentionnée  sur  le  registre  de 
correspondance  (2),  explique  peut-être  la  situation  et  ferait 
comprendre  le  post-scriptum  qui  fut  ajouté,  le  6  août,  à 
l'ordre  donné  le  4  au  commandant  de  la  Didon. 

P.-S,  —  De  nouvelles  dépêches  (?)  de  son  Excellence  le  Ministre  de  l<i 
Marine  m'apprennent  que  le  commandant  Allemand,  après  Pépoque  du 
25  thermidor  (13  août),  doit  se  présenter  devant  Vigo  et  y  prendre  langue. 
Le  capitaine  Milius  prendrait  également  celte  direction  dans  Tespérance  <lo. 
le  joindre.  Le  capitaine  Milius  peut  rencontrer  à  la  mer  le  vaisseau  le  Régh- 
lus,  commandé  par  le  capitaine  Lhermite  ;  il  se  joindra  à  lui  et  lui  donnera 


(1)  Lo  6  août,  Villenouve  écrit  :  «  Le  contre-amiral  Gourdon  mo  fait  passer  mes  dépê- 
ches du  28  qui  me  fixent  sur  la  route  que  doit  tenir  l'escadre  de  Rochefort.  J'expédie  sur- 
le-champ  la  ftrégate  la  Didon  pour  lui  donner  avis  de  l'arrivée  des  escadres  combinées  au 
Ferrol,  avec  ordre  de  les  rallier.  Dans  le  cas  où  elle  me  trouverait  parti,  je  lui  laisserai 
des  instructions  sur  la  route  que  je  dois  tenir » 

(2)  Voici  l'extrait  de  ce  registre  : 

Envoi  simple  d'instructions  de  Sa  Majesté  en  date  du  7  thermidor. 

Présumant  qu'il  est  à  Cadix,  il  lui  est  ordonné  de  n'y  rester  que  quatre  jours,  de  se 
porter  sur  le  Ferrol,  d'y  rallier  les  15  vaisseaux  français  et  espagnols,  ensuite  de  se  diriger 
sur  Brest,  d'y  rallier  l'amiral  Qanteaume  et  do  se  rendre  devant  Boulogne  ;  il  lui  est 
recommandé  de  tâcher  de  rallier  le  commandant  Allemand. 

Zt  thermidor  (10  août  1805). 

L'Kmpereur  compte  que,  malgré  le  combat  du  9  thermidor  et  sa  relâche  à  Vigo,  il 
aura  continué  de  remplir  sa  mission,  et  ce  conformément  aux  ordres  du  7  thermidor. 

Instructions  de  V Empereur  du  25  thermidor  (13  août). 
Ordre  itératif  de  se  rendre  devant  Boulogne. 


130  TROISIÈME  PARTIE.    —  CHAPITRE  XV. 

communication  des  préseiitet»  iostructioas  et  Téclairerait  dans  sa  marche  pour 
rallier  Tarmée  combinée. 

Le  texte  de  l'avis  que  la  frégate  la  Didon  dut  porter  à  Aile- 
mand  n'a  pas  été  conservé,  mais  il  parait  à  peu  près  sûr  que 
la  lettre  suivante,  qui  fut  le  surlendemain  adressée  à  Yigo, 
au  lieutenant  Gauthier,  avec  ordre  de  la  remettre  à  Tarrivée 
d'Allemand,  en  fut  la  copie  à  peu  près  textuelle. 

Au  capitaine  Allemand^  en  rade  de  Vigo. 

En  rade  de  la  Corogne,  le  20  thermidor  (8  août)  an  xiii  (1). 

Je  TOUS  ai  expédié  M.  le  commandant  de  la  frégate  la  Didon,  pour  vous 
donner  avis  de  l'arrivée  sur  le  Ferrol  de  Cescadre  combinée^  au-devant  de 
laquelle  vous  avez  été  détaché.  Je  vous  préviens  que  je  suis  au  moment  de 
partir  pour  suivre  la  destination  qu'il  a  plu  à  Sa  Majesté  de  donner  à  toutes 
ses  forces  combinées  rassemblées  sur  ce  point.  Je  dois  donc  vous  informer  de 
la  route  que  je  dois  prendre,  mais  quê  les  circonstances,  néanmoins,  peuvent 
faire  changer.  Si  votre  réunion  ne  peut  se  faire  devant  le  Ferrol^  et  que  vous 
soyez  informé  que  les  forces  combinées  en  sont  parties,  vous  vous  dirigerez  pour 
aller  à  Brest  en  allant  atterrir  sur  Penmark.  Dans  le  cas  où  f  éprouverais 
quelques  contrariétés  pour  suivre  cette  route,  ma  obstination  définitive  serait 
LE  PORT  DE  Cadix,  oh  vous  devez  également  vous  rendre,  mais  en  ayant  soin 
d'éviter  le  cap  Saint- Vincent  (2),  où  probablement  Cennemi  tient  une  croisière  ; 
arrivé  à  Cadix,  vous  y  recevrez  de  nouvelles  instructions,  celles-ci  annulant, 
par  ordre  de  Sa  Majesté,  toutes  celles  que  vous  pourriez  avoir  reçues  précé- 
demment. 

Villeneuve  (3). 

Le  6  août,  à  S  h.  15  du  soir,  la  ûido7i  mit  à  la  voile  par 
joli  frais  du  Nord-Est. 

Voici,  d'après  le  capitaine  Milius  (4),  ce  qui  se  passa  pour 
cette  frégate,  dont  la  perte  eut  de  si  graves  conséquences. 

La  Didon  partit  de  la  Corogne  le  18  (6  août),  au  coucher  du  soleil  par  un 
vent  de  Nord-Est.  L'escadre  de  l'amiral  Calder  avait  été  en  vue  toute  la  jour- 
née  Jo  fis  route  au  Nord-Ouest  jusqu'au  matin  que  j'aperçus  plusieurs 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»v,  230. 

(2)  Cette  phrase  est  caractéristique,  elle  se  trouve  dans  les  lettres  impériales  du  Î6  ger- 
minal, à  Allemand  et  du  27  à  Gourdon. 

(3)  Cette  lettre  arriva  le  12  à  Vigo.  I^ettre  du  lieutenant  Gauthier,   14  août.  Archives 
de  la  Marine,  BB«^,  233. 

(4)  Archives  de  la  Marine,  BB>»,  232. 


VIGO    —  LE  FERROI..   —  LA    B  DIDON  ■: 


731 


bltimenla  dan*  mn  eitui,  je  pria  tttora  le  fent  le  onp  au  Nord  et  le»  perd» 
de  Tue  dans  peu  d'heures. 

Le  20  (8  aodt),  m'tstimant  à  environ  iO  lieues  ou  Nord-Oueil  du  eap  Fini$- 
tére,  je  fus  obligé  de  prendre  chns^c  au  Sud-Ouest  pour  éviter  un  gros  fais- 
seau  de  guerre  qui  venait  lur  moi  à  loutw  voiles.  Il  ne  lett  la  chasse  qu'à 
In  Duit.  Le  vent  étant  trËs  inégnl  et  soufRaut  loujoun  de  In  partie  Nord-Est, 
je  gouvcmni  suecesiiremeDl  à  différentes  aires  de  tent  pour  cacher  ma  roule 
et  éloigner  l'enDemi.  I.e  lendemain  matin,  ne  voyant  personne  k  l'horison, 
je  repris  les  amures  k  tribord. 


V.9 

IV 

JOAoûr 

Combat  &b]hden 

V,: 

ROUTE  ET  COMBAT  DE  LA  «  DIDON  » 


Le  21  (9  aoilt},  je  visitai  plusieurs  bâtiments  neutres.  Je.  n'appris  rien  qui 
put  m'éclairer  sur  l'objet  de  ma  mis^iion. 

Le  22  (10  aoAt),  éprouiant  les  mémea  contr.inétËs  que  les  jours  précédent^), 
et  le  terme  de  ma  croisière  approchant,  j'eun  connnissance,  .'i  5  heures  du 
matin,  me  trouiant  par  43"  16'  de  latitude  Nord  et  li  degrés  de  longitude 
Ouest,  d'une  voile 

Ce  navire  vint  droit  sur  la  Uidon  ijui  prit  d'abord  chasse,  puis  à  9  heures 
accepta  le  combat.  C'était  la  frégate  anglaise  de  U  cnnons,  le  Phanix.  Le 
capitaine  Hilius  tenta  un  abordage  qui  échoua.  Après  trois  heures  de  combat. 


732  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XV. 

tfa  frégate  étant  iléiuàtée,  ayaut  27  tuén  et  44  b\t»êé»,  il  dut  amener  sod 
pafilloD. 

Ainsi  s'évanouissait  le  dernier  espoir  qui  rest&t  de  joindre 
à  l'armée  combinée  la  division  de  Rochefort.  La  Didon  ne 
parait  pas  être  allée  jusqu'au  point  de  rendez-vous.  Allemand 
y  était  et,  ni  ses  éclaireurs  ni  lui,  n'avaient  rien  vu. 


CHAPITRE  XVI 

LES  NOUVELLES  DE  LA  MER  —  LES  ORDRES 

DES  13  ET  U  AOUT 


Une  fois  les  ordres  des  26  et  27  juillet  expédiés,  un  nou- 
veau vide  se  remarque  dans  la  correspondance  impériale. 
Pendant  huit  jours  il  n'est  plus  question  des  escadres.  Le 
3  août,  Napoléon  arrive  à  Boulogne.  Le  4  seulement,  il  reçoit 
un  avis  des  plus  graves. 

Cadix,  njoiUet  1805(1). 
Monseigneur, 

La  réunion  des  probabilités  sur  Centrée  de  Vescadre  de  Vamiral  Nelson  à 
Gibraltar,  il  y  a  trois  jours,  devient  telle,  que  je  crois  devoir  la  transmettre 
par  exprés  à  Votre  Excellence, 

Ces  probabilités  sont  :  i^  une  lettre  dudit  amiral  à  M,  de  Solano,  datée  à 
bord  du  Victory  du  il  juillet,  renvoyant  quelques  lettres  à  des  particuliers; 
2*  une  lettre  du  i9  juillet  que  fai  reçue  de  Tariffa,  d'où  Von  me  mandait  que 
Von  voyait  cette  escadre;  3*  les  signaux  de  la  côte  d'hier  et  de  ce  matin. 

On  m'avait  annoncé  que  Tamiral  Nelson  avait  ii  vaisseaux;  mais  les 
signaux  en  désignent  ii  et  i  frégate  (2). 

Je  n'ai  rien  pu  découvrir  de  plus  positif  ni  de  plus  détaillé  que  le  résumé 
ci-après  : 

On  m'avait  trompé  en  me  disant  que  cette  escadre  était  vers  Antigoa  le 
13  juin  ;  on  croit  que  le  jour  de  cette  date  elle  se  trouvait  par  le  28*  de  lati- 
tude nord  et  par  le  59**  de  longitude  du  méridien  de  Londres. 

Un  particulier  a  prétendu  que  de  faux  avis  avaient  donné  le  change  au 
même  Nelson  le  6  juin  et  lui  avait  fait  manquer  Tescadre  combinée. 

Nous  ne  connaissons  ici  d'autres  vaisseaux  ennemis  :  l<*  que  les  quatre  du 


(1)  Archives  des  Affaires  étrangères,  Rspagne,  an  xiii. 
(S)  c'était  absolument  exact. 


734  TROISIÈME   PARTIE.   —  CHAPITRE  XVI. 

blocus  de  Cadix,  sous  les  ordres  de  M.  Collingwood  (Voici  copie  de  la 
réponse  qu*il  a  adressée  aux  consuls  neutres)  ;  2°  les  quatre  qui  bloquent  Car- 
thagène;  on  les  suppose  aux  ordres  du  contre-amiral  Bickerton  (1). 

Quant  aux  forces  de   nos  alliés,  aussitôt  que  l'on  recevra  200  véritables 
matelots,  on  peut  regarder  comme  disponibles  : 


/  La  Santa-Trinidad. .     Don  Francisco  Yriarte,  brigadier. 

Ln  rade,         I  ^^  Bahama Don  Dionicio  Galleano,  brigadier. 

bons  vaisseaux.    |  ^e  San-Leandro. ...     Don  José  Quevedo,  capitaine. 

* .       1  La  Caslille Don  Juan  Topete. 

très  mauvais.     } 

A  la  Carraque,  i  Le  Raya Don  Macdonald. 

bons  vaisseaux.  (  Le  San-Justo Don  Miquel  Gaston,  capitaine. 

Bon  vaisseau  J 

dans  le  bassin  (  La  Santa-Anna Don  José  Gardoqui,  capitaine. 

pour  doubler.  ) 

Toujours  du  mystère  sur  le  Glorioso  qui,  à  mon  avis,  a  une  mission. 
Veuillez  agréer,  Monseigneur,  rbommage  de  mes  sentiments  respectueux. 

Le  Roy. 

P.  S'  -^  Il  existe  dit-on,  au  camp  de  Saint-Roch  : 

Infanterie 4,700  hommes. 

Artillerie  et  sapeurs 1 ,000        — 

Cavalerie , i  ,200        — 

Total..    .,       6,900  hommes. 

L.  R. 

Cadix,  le  t  thermidor  an  xiii  (13  joinet  1805)  (S). 
Monseigneur, 

t 

Le  30  du  mois  dernier,  j'ai  rendu  compte  à  la  hftte  (par  un  exprès  de 
M.  le  Gouverneur),  à  M.  le  général  Beurnonville,  notre  ambassadeur  à  Madrid, 
du  soupçon  qu'une  lettre  de  l'amiral  Nelson  faisait  concevoir  de  son  retour 
dans  les  parages  voisins  d'Andalousie. 

Hier,  par  un  courrier  français,  adressé  de  même  ^  M.  l'Ambassadcar,  J'ai 
eu  Thonneur  de  vous  rendre  compte  de  la  relâche  de  l'escadre,  aux  ordres  du 
même  Nelson,  h  Gibraltar. 

On  dit  aujourd'hui  que  c'est  pour  y  faire  de  l'eau  :  on  s'accorde  à  ajouter 
que  son  escadre  continue  à  être  composée  de  il  vaisseaux  de  ligne,  dont  2  à 
trois  ponts,  2  de  80  et  7  de  7f,  et  3  frégates. 


(1)  N'ayant  pu  l'avoir  qu'en  anglais,  je  l'adresse  à  Son  Excellence  M.  l'Ambassadour 
qui  vous  en  fera  passer  copie,  Monseigneur, 
(î)  Archives  de  la  Marine,  Espagne,  an  xm. 


LB8  NOUVELLES  DE  LA  MER  735 

La  tour  de  vigie  de  Cadix  a  signalé  que,  hier  à  cinq  heures  du  matin, 
ladite  escadre  a  fait  voile  de  Gibraltar,  au  nombre  de  i^  vaisseaux  et  une 
frégate  louvoyant  avec  des  vents  d'0,-S.-0.,  et  depuis,  les  vigies  n*ont 
rien  signalé  qui  y  soit  relatif;  aussitôt  que  je  connaîtrai  la  route  certaine, 
j'enverrai  un  autre  exprès. 

J'aurai  l'honneur  d'adresser  à  Votre  Excellence,  par  le  prochain  ordinaire, 
les  extraits  des  rapports  accoutumés,  qui  n'ont  rien  présenté  d'intéressant 

Daignei  agréer.  Monseigneur,  Passurance  de  mes  sentiments  respectueux. 

Le  Roy. 

■P.  S.  —  J*ai  attendu,  chez  M.  le  général  d'Alava,  les  rapports  des  vigies 
au  soleil  couché.  L'escadre  Nelson  continuait  h  louvover  vers  le  détroit  de 
Gibraltar  avec  les  vents  à  l'O.-S.-O. 

L.  R. 

Madrid,  le  7  thermidor  an  zm  (26  juillet  180.5)  (I). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 

Selon  toutes  les  apparences,  l'amiral  Nelson  est  passé  avec  son  escadre  dans 
la  MéditeiTanée.  On  n'a  pas  encore  de  certitude  à  cet  égard,  mais  sur  la  simple 
probabilité  du  fait.  Le  Roy  s'est  décidé  à  m'envoyer  un  courriel*  extraoniinaire, 
et  je  m'empresse  de  vous  adresser  la  dépêche  de  ce  commissaire  général. 

On  commence  î\  espérer  que  l'amiral  Nelson  aura  été  leurré  par  de  faux  rap« 
ports  et  qu'il  est  revenu  en  Europe. 

Ce  qui  est  sans  aucun  doute,  c'est  que  si  l'amiral  Nelson  supposait  que  notre 
escadre  combinée  dût  revenir  «aux  atterrages  de  Cadix,  il  ne  prendrait  pas  le 
parti  de  repasser  le  détroit  et,  de  la  part  d'un  homme  aussi  extrême  que  lui, 
cette  marche  me  porterait  à  croire,  ou  qu*il  n'est  point  utile  de  chercher  notre 
escadre  h  sa  véritable  destination,  ou  que  des  ordres  du  gouvernement  anglais 
l'ont  rappelé  h  sa  première  station  pour  protéger  les  convois  et  pour  observer 
les  ports  de  Carthagène  et  Toulon. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

Beurnonville. 


Malgré  la  précision  des  détails»  que  révénement  devait  jus- 
tifier d'une  façon  complète,  la  nouvelle  du  retour  en  Europe 
de  Nelson  devait  être  si  profondément  désagréable  à  TEmpe- 
reur,  dont  elle  ruinait  tous  les  plans,  qu'elle  fut  accueillie 
avec  une  extrême  méfiance. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^r,  234. 


736  TROISIÈME   PARTIE.    —   CHAPITRE  XVI. 

Au  fioe-amiral  Oecrès  (1). 

Camp  de  Boulogne,  16  thermidor  ao  xm  (4  ao&t  1805). 

Je  TOUS  renvoie  votre  lettre  de  M.  BeumonTille.  Toutes  les  nouvelles  rela- 
tives à  Nelson  paraissent  douteust^  ;  que  diable  aura-t-il  été  faire  dans  la 
Méditerranée  ? 

Ils  y  auraient  donc  20  vaisseaux  de  lijniP  ?  ïls  ne  savent  guère  ce  qui  leur 
pend  à  Toreille.  Tout  est  ici  en  Imju  tniin  ;  et  ciM-tes,  si  nous  sommes  mattres 
douze  heures  de  la  traversée,  CA  ngleterre  a  vécu. 

Je  ne  conçois  pas  que  nous  n'ayons  pas  de  nouvelles  du  Ferrol.  Je  ne  puis 
pas  croire  que  Mn^on  ne  soit  pas  arrivé.  Je  fais  dire,  par  le  télégraphe,  à  Gan- 
teaume  de  se  tenir  en  rade  de  Bertheaume. 

Napoléon. 

Trois  jours  plus  tard  les  nouvelles  se  confirmaient,  et  Ton 
apprenait  formellement  l'arrivée  de  Nelson  à  Tétuan,  puis 
son  nouveau  passage  dans  FOcéan. 

Cadix,  le  7  thermidor  an  xm  (26  juillet  1805)  (2). 
Monseigneur, 

LVscadre  Nelson  étant  rentrée  dans  FOcéan,  je  m'empresse  de  vous  en 
rendre  compte,  réunissant  ici  le  résumé  de  tout  ce  que  j*ai  pu  apprendre,  h 
travers  beaucoup  d'incertitudes. 

Cet  amiral  a  mouillé  à  (àibraltar  le  'iO  messidor  (19  juillet)  au  matin. 
J'estime  que  son  escadre  est  composée  : 

Du  Victory,  de  110  canons  ; 
Du  CanopuSj  du  Tigre,  du  Donnegal  de  80  canons; 
Du  Lcviathan,  du  Spencer,  du  Belleisle,  du  Conquérant,  du  Renown, 
du  Superb  et  du  Spartiate,  de  74  canons,  avec  3  frégates. 

Il  s'était  fait  précéder  par  la  frégate  la  Décade,  II  demandait  pour  vingt-cinq 
à  trente  jours  d'eau  et  de  vivres. 

Le  3  courant  (^juillet),  il  a  fait  voile  pour  Tétuan;  hier^  vers  le  soir,  il 
avait  débouqué  le  détroit  et  a  été  vu,  de  la  tour  des  vigies  de  Cadix,  ayant  le  cap 
à  Vouest-nord-ouest. 

Voici,  Monseigneur,  le  résumé  de  son  itinéraire,  au  dire  de  trois  déserteurs, 
deux  Anglais  et  un  Danois,  depuis  Lagos,  qu'il  a  quitté  le  il  mai  : 

1«' juinà  la  Barbade,  où  il  s'est  renforcé  des  vaisseaux  le  Northxunherland 
et  le  Spartiate,  commandés  par  le  contre-amiral  Cochrane,  et  où  il  »  embarqué 
trois  régiments  évalués  à  2,000  hommes.  Après  avoir  pris  langue  à  Tabago,  il 
a  mouillé  h  la  Trinité  vers  le  4  ou  le  5. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9043. 

(2)  Archives  des  affaires  étrangères,  Espagne,  an  xiii. 


LES  NOUVELLES  DE  LA  MER.  737 

Il  a  fait  voile  ce  dernier  jour  de  grand  matin,  a  seulement  touché  h  la  Gre- 
nade et  est  Tenu  mouiller  à  Antigoa  vers  le  10  juin.  C'est  ce  même  jour  que, 
d'après  le  rapport  d'une  frégate  qu'il  avait  envoyée  à  l'entrée  de  la  baie  du 
Fort-de-France,  île  de  la  Martinique,  il  s'est  décidé  à  débarquer  les  trois 
régiments  à  Antigoa,  à  y  laisser  l'amiral  Cochrane  et  son  Northumberlandy  et 
^  prendre  son  point  de  départ  pour  l'Europe. 

11  parait  que  vers  les  28*  degrés  de  latitude  septentrionale  et  les  59*  de 
longitude  du  méridien  de  Londres,  M.  Nelson  croyait  être  au  moment  de 
joindre  l'escadre  combinée. 

Veuillez  agréer,  Monseigneur,  l'hommage  de   mes  sentiments  respectueux. 

Le  Roy. 

■ 

P,  S.  —  On  dit,  cîir  je  ne  puis  recueillir  que  des  notions  incertaines,  que 
M.  NelsiJn  a  traité  avec  un  Maure  nommé  Achmed,  de  Tanger,  établi  k 
Gibraltar,  pour  neuf  mille  quintaux  de  biscuit  à  dix  piastres  fortes  le  quintal, 
les  moutons  à  sept  piastres  fortes,  les  poules  demi-piastre  forte. 

La  frégate  la  Décade  avait,  en  mouillant  à  Gibraltar,  demandé  deux  mille 
barriques  d'eau. 

M.  le  général  d'Alava  a  bien  voulu.  Monseigneur,  me  dire  qu'il  avait  pris 
des  mesures  pour  faire  surveiller  exactement  depuis  le  cap  Saint- Vincent 
jusqu'au  cap  Spartel. 

Nous  observerons  si  ce  que  l'escadre  Nelson  recevra  de  vivres  la  mettra  à 

même  de  s'éloigner  ;   nous  nous  informerons  si  ce  qu'elle  a  reçu  lui  permet 

l'établir  déjà  sa  croisière  plus  loin. 

L.  R. 

Madrid,  le  10  thermidor  an  xiii  (19  juillet  1805)  (1). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 

Je  suis  informé,  par  M.  Le  Roy,  de  la  rentrée  de  V amiral  Nelson  dans 
V Océan,  C'est  le  i«'  thermidor  (îO  juillet)  qu'il  a  mouillé  à  Gibraltar  avec  son 
escadre,  et  c'est  le  6  (26  juillet)  du  même  mois  qu'il  a  débouqué  avec  11  vais- 
seaux et  .3  frégates. 

M.  Le  Roy  me  transmet  en  outre  plusieurs  rapports,  tant  sur  l'expédition  de 
Nelson  en  Amérique  que  sur  la  marche  qu'il  va  prendre  ultérieurement;  mais, 
indépendamment  de  ce  que  ces  détails  ne  sont  pas  précisés,  je  ne  doute  que 
Votre  Excellence  n'en  trouve  une  communication  8uffis«ante  dans  la  lettre 
ci-jointe  du  même  commissaire  général. 

Un  fait  vrai,  c'est  que  Nelson  n'est  plus  dans  la  Méditerranée  ;  un  second 
point  important,  c'est  qu'il  parait  redoubler  d'activité  et  de  vitesse  pour  réha- 
biliter sa  réputation  ;  les  combinaisons  de  Sa  Majesté  Impériale  et  les  mesures 
d'exécution  prises  par  Votre  Excellence  tromperont  les  efforts  généraux  de 
l'ennemi  et  l'espoir  particulier  de  Nelson. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BBir,  t34. 

IV.  47 


738  TROISIÈME  PARTIS.  —  CHAPITRE  XVI. 

J'ai  transmis  au  con/rf-<imifti/  ChurdoH  /«  nouvelles  qui  sont  Vobjet  de  ma 
dépêche  et  de  celle  de  M.  Le  Boy. 

Je  prie  Votre  Excellence  de  vouloir  bien  ngr^er  Thommage  de  ma  haute 
considération  et  de  mon  sincère  attachement. 

Bbi'rnoxville. 

Talleyrand  à  l'Empereur  {i), 

t  aoAt  1606. 

J'ai  Thonneur  d*adresser  à  Votre  Majesté  la  correspondance  de  mon  minis- 
tère ;  elle  distinguera  une  lettre  de  Cadix  du  3  thermidor. 

L'arrivée  de  Nelson  avec  10  ou  11  vaisseaux,  jointe  aux  croisières  qui 
existent  sur  les  côtes  d'Espagne  et  de  France,  donnent  une  ligne  de  54  ou 
55  vaisseaux  aux  Anglais.  Ce  concours  imprévu  de  forces  rend  srnis  doute  tout 
projet  de  descente  impraticable  pour  le  moment  ;  mais  comme  la  réalité  de  ce 
projet  ne  peut  guêtre  extrêmement  accrédités  par  la  présence  de  Votre  Majesté 
à  Boulogne  y  il  est  bien  probable  quelte  déterminera  les  Anglais  à  se  réunir  sur 
un  point  de  la  Manche,  et  que  cette  disposition  donnera  à  Vescadre  combinée 
le  temps  et  la  facilité  d'entrer  dans  un  port  d'Espagne 

J'ai  l'honneur  d'adresser  k  Votre  Majesté  l'état  des  mouvements  maritimes 
au  20  juillet;  ils  servent  i\  établir  que  la  croisière  devant  les  côtes 
d'Espagne  et  de  France  était  de  44  vaisseaux  avant  l'arrivée  de  l'amiral 
Nelson 

Enfin,  le  8  août,  arrive  la  nouvelle  de  Tcntrée  de  l'armée 
combinée  à  Vigo  et  du  combat  du  22  juillet.  Il  est  probable 
que  cette  annonce  parvient  ftimultanément  du  Ferrol  et  de 
Madrid,  d'où  Beurnonville  l'expédie  le  29  (2)  ;  elle  coïncide 
donc  avec  la  grave  nouvelle  du  retour  de  Nelson  en  Europe. 
Or,  il  est  frappant  et  caractéristique  que  rien  dans  la  corres- 
pondance de  l'Empereur,  à  dater  du  8  août,  n'ait  un  rapport 
quelconque  avec  le  changement  si  important  amené  par  Ten- 
trée  en  ligne  de  Nelson  (3). 


(1)  Lettres  ioéditefl  de  TiOleyrand  (Pierre  Bortr«nd,  18S9). 

(1)  Voir  ci-dessas.  i 

(3)  Sinon  le  contre-ordre  donné  le  8  août  à  l'envoi,  prescrit  U  veille  de  faire  venir  à 
Boulogne  U  garde. 

Au  maréchal  Bessières.  ^ 

Camp  de  Boulogne,  10  thermidor  an  xm  (7  août  1805). 

Mon  Cousin, 

Faites  partir  pour  Boulogne  les  hommes  de  ma  garde,  grenadiers  et  chasseurs  qui  sont 
dans  le  cas  de  faire  la  guerre.  Faites  partir  également  le  régiment  de  grenadiers  et  chas- 
seurs italiens  ;  depuis  le  temps,  il  doit  être  armé  et  habillé.  S'il  n'était  pas  habillé,  qu'il 
parte  toujours  ;  seulement,  veillez  à  ce  qu'il  soit  parf^têment  artné.  Faites  piriif  aussi 


\ 


1 


LES  NOUVELLES  DB  LA  MBR.  130 

A  M.  Cam(Nioérèf  (1). 

Camp  de  Boulogne,  20  thermidor  an  xni  (8  août  1805). 

Mon  Cousin, 

L'escadre  combinée  a  eu  un  combat  devant  le  Ferrol  ;  elle  a  rempli  le  but 
de  sa  mission,  qui  était  sa  jonction  avec  V escadre  du  Ferrol.  Elle  a  donné 
chasse  à  l'escadre  ennemie,  et  elle  est  restée,  pendant  quatre  jours,  m.iî- 
tresse  du  champ  de  bataille;  mais  on  craint  d'avoir  perdu  2  vaisseaux  espa- 
gnols qui,  probablement,  se  battant  extrêmement  mal,  se  sont  laissés  tourner 
par  l«ennemi  dans  la  brume,  qui  était  affreuse  pendant  le  combat.  1  vaisseau 
anglais,  à  c«  qu'il  parait,  a  été  coulé  bas;  t  Taisieaux  anglais  à  trois  ponts 
ont  été  démàtét.  L'escadre  française  paratt  avoir  été  peu  maltraitée.  Je  pense 
qu'on  peut  considérer  cette  affaire  comme  un  succès.  Vous  en  verrez  les  pre- 
miers détails  dans  le  Moniteur  d'aujourd'hui  (i). 

♦  Napoléon, 

A  M.  Cambaoérès. 

Camp  de  Boalogne,  21  thermidor  an  xiii  (0  août  1806). 

Mon  Cousin, 

J*ai  reçu  votre  lettre  du  ÎO  thermidor.  Vous  verrez,  dans  le  Moniteury  la 
notice  que  les  Anglais  ont  donnée  de  Taflaire. 


tons  les  soldats  du  train  et  tes  chevaux  d*artillerie  qui  se  trouvent  disponibles  à  Paris. 
Snivex  Tordre  que  j'ai  donn6  en  Italie  pour  la  formation  des  hommes  de  ma  garde  que  vous 
m'enverrez.  Faites  partir  les  chasseurs  sous  les  ordres  du  mi^or  Gros,  et  les  grenadiers 
sons  les  ordres  da  major  des  grenadiers  à  pied. 

Quant  aux  chasseurs  et  grenadiers  à  cheval  qui  étaient  à  Gènes,  faites -moi  connaître 
quand  ils  viendront.  Si  vous  pouvez  accélérer  leur  marche  de  deux  ou  trois  jours,  faites-le; 
j'aurais  besoin  d*un  corps  de  800  hommes  à  cheval.  Les  dépôts  des  différents  corps  de  la 
garde  que  vous  laineres  à  Paris  seront  sons  les  ordres  des  chefs  de  bataillon  et  d'esca- 
dron. La  garde  à  pied  partira  sous  les  ordres  du  général  Seules,  de  manière  à  être  à  Bou- 
logne en  dix  jours,  du  moment  de  son  départ.  Vous-même  vous  jroas  tiendrez  prêt 
à  partir.  Faites  partir  aussi  la  moitié  des  gendarmes  d'élite  à  pied»  dans  le  cas  de  faire  |a 
guerre. 

Napoléon. 
Ah  même. 

Camp  de  Boulogne,  20  thermidor  an  xut  (8  août  1805). 
Ifoti  Cousin, 

Je  Tons  ai  écrit  hier  pour  vous  ordonner  de  faire  faire  différents  mouvements  à  ma 
garde  sur  Boulogne.  Mon  intention  est  que,  s'il  y  avait  quelque  chose  de  parti,  vous  le 
laissies  eontianer,  mais  que  vous  reteniei  le  resta  ;  que  vous  m'envoyiez  un  état  détaillé 
de  la  situation  de  chaque  corps  et  que  vous  prépariez  tout  en  attendant  4^  nouveaux 
ordres. 

Napolion. 

Correspondance  de  Napoléon ,  9056. 
(1)  CofTCspondance  de  Napoléon,  9057. 
(t)  Les  notes  à  Fouché  du  9,  à  Talleyrand  du  10,  sont  du  même  ton. 


I« 


740  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVI. 

Ils  sentent  eux-mêmes  que  le  but  principal  des  flottes  combinées  est  rempli, 
et  que,  en  attendant,  la  moitié  de  leur  escadre  se  trouve  hors  de  combat.  Ils 
paraissent  être  dans  une  grande  anxiété. 

La  princesse  Caroline  est  ici  depuis  hier.  Depuis  que  je  suis  arrivé,  le  temps 
n'a  pas  encore  permis  d'aller  en  rade. 

Napoléon. 

A  M.  Barbé-Marbois  (1). 

Camp  de  Boulogne,  21  thermidor  an  xiii  (9  ao&t  1805). 

Monsieur  Biirbé-Marbois, 

Vous  aurez  tu,  dans  le  Moniteur^  la  relation  du  combat  qui  a  eu  lieu. 

Gela  a  été  assez  bien  ;  cela  eût  été  fort  beau,  sans  la  maladresse  des  Espa- 
pagnols.  Cependant,  nous  sommes  restés  maîtres  deux  jours  du  champ  de 
bataille;  les  Anglais  se  sont  retirés,  et  nous  ayons  opéré  notre  jonction.  Vous 
sayez  combien  peu  on  doit  compter  sur  les  Espagnols;  malheureusement,  on 
les  avait  mis  à  Tarrière-garde,  et  ils  ont  fait  une  manœuyre  qui  les  a  obligés 
de  se  présenter  les  premiers  au  feu. 

Les  Anglais  paraissaient  assez  faibles,  non  seulement  en  bâtiments,  mais  en 
hommes.  Rassurez  les  hommes  à  argent;  faites-leur  entendre  qu'il  ne  sera 
point  hasardé  qu'avec  sûreté;  que  mes  affaires  sont  trop  belles  pour  rien 
hasarder  qui  puisse  mettre  à  trop  de  hasards  le  bonheur  et  la  prospérité  de 
mon  peuple.  Sans  doute  que  de  ma  personne,  je  débarquerai  avec  une  armée, 
tout  le  monde  doit  en  sentir  la  nécessité  ;  mais  tnoi  et  mon  armée  ne  débar- 
querons qu*avec  toutes  les  chances  convenables.  Ce  que  vous  me  dites  de  la 
Banque  mérite  des  explications  :  si  la  réserve  est  petite,  c'est  sa  faute,  c'est 
qu'on  négocie  un  grand  nombre  de  petits  papiers  de  circulation  qui  n*ont 
point  de  marchandises  derrière. 

Naik)lêon. 

A  M.  Fouohé  (2). 

Camp  de  Boulogne,  SI  thermidor  an  xni  (9  août  1805). 

Le  3  thermidor,  à  ti*ente  lieues  du  Ferrol,  il  v  a  eu  un  combat  entre 
l'amiral  Villeneuve  et  une  escadre  anglaise  composée  de  14  vaisseaux,  dont  3 
à  trois  ponts.  Il  eût  été  à  notre  avantage  et  des  plus  glorieux,  si  2  Taisseaux 
espagnols  à  trois  ponts  ne  s'étaient  perdus.  On  craint  qu'ils  soient  dérivés 
pris  ou  coulés.  Faites  connaître  et  sentir  que  cette  affaire  est  avantageuse. 

Villeneuve  a  rempli  son  but  :  la  jonction.  L'escadre  anglaise  a  pris  chasse 
et  refusé  trois  jours  le  combat.  L'avantage  de  3  vaisseaux  à  trois  ponts,  contre 
une  escadre  qui  n'en  avait  pas,  équivaut  à  une  diff'érence  de  8  Taisseaux,  tous 
accoutumés  h  la  mer  et  parfaitement  exercés.  Enfin,  l'escadre  française  a  peu 
souffert,  elle  est  toute  gréée  en  état  d'aller  outre. 


(l)  Correspondance  de  Napoléon,  9059. 
(t)  Correspondance  de  Napoléon,  9060. 


LES  NOUVELLES  DE  LA  MER.  141 

Gomme  tout  ceci  sera  assez  désagréable  pour  les  Espagnols,  faites  Téloge  de 
GraTina  et  faites  mille  conjectures  sur  le  sort  des  Espagnols;  qu'on  ne  sait 
qu'ils  sont  pris  Téritablement.  Cependant,  en  mon  particulier,  je  pense  qu'ils 
se  sont  fait,  pincer. 

L'escadre,  au  reste,  a  fait  à  l'ennemi  pour  une  vingtaine  de  millions  de 
dommages.  Trois  vaisseaux  anglais  sont  bien  certainement  démfttés  ;  un 
a  coulé  bas.  % 

Napoléon. 

A  M.  Fouché  (1). 

Camp  de  Boulogne,  21  thermidor  an  ini  (9  août  1805). 

J'ai  reçu  le  journal  du  'Mj  que  tous  m'avez  envoyé.  Les  Anglais  ne  parlent 
pas  d'un  vaisseau  coulé  et  deux  démâtés  ;  cependant,  ils  sentent  que  leur  but 
n'a  pas  été  rempli.  Vous  verrez,  dans  le  Moniteur,  la  véritable  relation  de  cette 
affaire.  Les  deux  vaisseaux  espagnols  ont  été  perdus  sans  raison  ;  mais  ils  sont 
de  si  pauvres  gens,  qu'en  vérité  il  vaut  mieux  peut-être  ne  pas  les  avoirs 

J'apprends  que  Vernègue  retourne  en  Italie.  Écrivez  au  maréchal  Jourdan, 
et  à  Milan,  que  s'il  p.isse  dans  nos  postes,  et  que,  s'il  y  a  possibilité,  on 
l'arrête. 

Napoléon. 

A  rmée  des  côtes  de  rOoéan.  —  Ordre  du  jour. 

Au  quartier  général  à  Boulogne,  tl  thermidor  an  xiu  (0  août  1805). 

L'escadre  commandée  par  le  vice-amiral  Villeneuve,  composée  de  14  vais- 
seaux français  et  6  vaisseaux  espagnols,  se  rendant  au  Ferrol  pour  s'y  réunir 
à  une  autre  escadre  combinée  française  et  espagnole  qui  l'y  attendait,  a 
rencontré  l'escadre  anglaise  forte  de  14  vaisseaux,  dont  4  à  trois  ponts.  Cette 
dernière  ayant  cherché  à  s'opposer  à  leur  jonction,  il  s'est  engagé  un  combat 
qui  a  diu*é  depuis  4  heiu^s  du  soir  jusqu'à  la  nuit,  i  vaisseau  anglais  a  été 
coulé  bas,  2  autres  ont  été  démfttés,  l'escadre  ennemie  a  profité  de  la 
nuit  pour  s'éloigner;  elle  a  été  poursuivie  pendant  deux  jour»  par  l'escadre 
combinée  qui,  dans  le  combat  qu'elle  a  livré,  n'n  point  éprouvé  d'avaries 
majeures. 

Le  nombre  des  morts  et  des  blessés  y  a  été  peu  considérable,  malgré  la 
durée  et  la  vivacité  du  feu,  mais  la  marine  française  regiettera  le  capitaine 
de  Péronne,  qui,  commandant  le  vaisseau  V Intrépide,  a  été  tué  dans  le  combat; 
.  le  capitaine  Roland,  commandant  V Atlas,  a  été  grièvement  blessé. 

1  vaisseau  espagnol  entièrement  démâté  et  1  autre  désemparé  et  marchant 
mal  se  sont  séparés  de  l'escadre  combinée;  on  n'est  pas  sans  inquiétude  sur  le 
sort  de  ces  2  vaisseaux. 


(1)  Correspondance  deJSapoléon,  lOOlO. 


742  TROISIÉHS  PARTIE.  —  CHAPITRE  XVI. 

L'amiral  Gravi aa,  qui  commandait  les  forces  espagnoles,  s'est  particulière- 
ment distingué. 
Le  combat  a  eu  lieu  le  3  thermidor,  par  un  temps  extrêmement  brumeux. 

Le  Major  général^ 

Signé  :  Le  Maréchal  Bbbtbier. 
Ponr  ampliation  :        y 

Le  Colonel  du  génie  y  chargé  en  chef  des  détails 
du  grand  état-major  général. 

Signé  :  Vallocne. 

Poar  copie  : 

Pour  le  Général  de  division,  chef  de  Pétat-major  général, 
L Adjudant  comtnandant  sous-chef  de  Vétat-major  général^ 

Le  Marois. 
A  M.  Fauché  (i). 

Camp  de  Boulogne,  92  thermidor  an  xm  (10  ao6t  1805). 

Par  les  noufelles  reçues  de  Londres,  il  résulte  que  les  Anglais  ont  pris  les 
2  vaisseaux  espagnols,  mais  que  les  2  vaisseaux  le  Mal  ta  et  le  Vindsor-Castle 
ont  été  démâtés;  que,  cependant,  on  dit  que  les  Anglais  ont  évité  le  combat 
le  lendemain  et  étaient  restés  maîtres  du  champ  de  bataille;  que  Ton  ne 

savait  pas  ce  qu'étaient  devenus  les  Français 

Napoléon. 

A  M,  Tàlleyrànd  (2). 

Camp  de  Boalogae,  22  thermidor  an  aiu  (10  août  1806). 

Monsieur  Talleyrand, 

Je  vous  renvoie  votre  portefeuille.  L'affïiire  du  3  thermidor  n'a  pas  été 
avantageuse  aux  Anglais;  si  nous  avons  eu  2  vaisseaux  espagnols  de  perdus, 
ils  en  ont  eu  2  tellement  maltraités,  le  Malta  et  le  Windsor-CastlCy  qu'ils  sont 
arrivés  coulant  bas  à  Plymouth.  Les  2  espagnols  n'ont  été  pris  que  parce 
qu'ils  sont  tombés  sous  le  vent. 

La  dépêche  de  Washington  a  fixé  mon  attention.  Je  désire  que  vous  passiez 
une  note  au  ministre  américain  près  de  moi,  que  vous  y  joigniez  une  copie  du 
jugement,  et  que  vous  lui  déclariez  qu'il  est  temps  que  cela  unisse;  qu'il  est 
indigne  que  les  Américains  approvisionnent  des  brigands  et  se  livrent  à  un 
commerce  aussi  scandaleux,  que  je  déclarerai  de  bonne  prise  tout  ce  qui 
entrera  ou  sortira  des  ports  de  Saint-Domingue  et  que  je  ne  pourrai  plus 


(  1  )  Correspondance  de  Napoléon,  1 00  U . 
(2)  Correspondance  de  Napoléon,  9062. 


LES  NOUVELLES  DB  LA  MER.  743 

longtemps  Toir  ayec  indifférence  les  armements,  éyidemment  dirigés  contre  la 
France,  que  le  gouTemement  d'Amérique  iaiiie  fairo  dans  ses  ports. 

La  dépêche  de  Viennet  du  8  thermidor,  est  également  digne  de  mon  atten- 
tion. Il  est  tetnps,  enfin,  que  Vienne  exécute  U$  traités  et  que  f  accorde  une 
protection  efficace  aux  établissements  publics  et  à  ceux  de  mes  sujets  qui  ont 
des  créances  sur  la  banque  de  Vienne.  Je  désire  atoir  un  rapport  détaillé 
pour  renvoyer  à  mon  Conseil  d'État,  et  pour  faire  les  instances  les  plus 
fortes.  Ne  perdey  point  de  Tue  cet  o^jet;  les  établissements  de  la  Belgique 
souQ^ent  extrêmement  de  ce  manquement  de  foi  de  la  cour  de  Vienne. 

Napoléon. 
A  M.  Schimmelpenninck  (i). 

Camp  de  Boulogne,  t8  thermidor  as  xxit  (11  août  1806). 

Très  cher  et  grand  Ami^ 

J'ai  reçu  TOtre  lettre  ;  Je  tous  remercie  des  détails  que  tous  me  donner*  Je 
Tiens  de  receToir  les  Journaux  anglais  jusqu'au  5  août.  Je  vous  prie  de 
m'expédier,  par  un  courrier  extraordinaire,  tout  ce  que  tous  apprendriez  de 
nuUTcau  des  côtes  d'Angleterre,  Je  Tiens  de  recoToir  un  courrier  du  Ferrolj 
mon  escadre  y  est  entrée.  Elle  a  trouTé  eflectiTcment  l'escadre  de  l'amiral 
Calder  et.  lui  a  donné  la  chasse.  Le  Tent  était  ouest,  ce  qui  a  empoché 
l'escadre  du  Ferrol  de  sortir;  les  fanfaronnades  des  Anglais  tomberont 
bientôt  et  il  sera  bien  constant  que  l'escadre  anglaise  est  battue,  puisqu'elle 
a  pris  chasse  trois  fois  et  a  laissé  l'amiral  VilIeneuTC  remplir  sa  mission.  J'ai 
donc  dans  ce  moment  au  Ferrol  35  Taisseaux  réunis.  Ces  détails  ne  sont  que 
pour  TOUS, 

Il  peut  être  utile  que  vous  fassiez  connaître  à  la  Bourse  d'Amsterdam,  par 
forme  de  note,  que  l'amiral  VilleneuTe  a  battu  l'amiriil  Calder  et  est  entré  au 
Ferrol;  que  l'amiral  anglais  a  pris  chasse  une  seconde  fois  sans  combattre; 
que  l'événement  de  la  prise  des  2  Taisseaux  espagnols  n'a  pas  été  connu  à 
cause  de  la  grande  brume;  que  ces  S  vaisseaux  ont  été  affalés  sous  le  Tent 
pendant  le  combat;  et,  qu'ayant  soufferts,  ils  sont  tombés  au  pouToir  de 
l'ennemi;  que  notre  escadre  s'est  battue  de  très  loin. 

Vous  trouTerez  ci-joint  la  note  des  tiiés  et  blessés. 

Si  les  2  Taisseaux  espagnols  ont  perdu  tant  de  monde,  il  faut,  qu'étant  très 

loin  de  l'armée,  ils  aient  longtemps  résisté. 

Napoléon, 

Enfin,  Tordre  donné  par  TEmpereur  le  10  août,  transmis 
par  Decrès  le  môme  jour,  ne  fait  pas  la  moindre  mention  de 
ce  fait  capital  pour  la  suite  des  opérations  :  la  présence  de 
Nelson  sur  la  côte  d'Espagne. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9065. 


744  TROISIÈME  PARTIS.   —  CHAPITRE  XVI. 

Au  Wce-am/ra/  Decrès  (1). 

Camp  de  Boulogne,  22  thermidor  an  xiu  (10  aoAt  1805). 

Monsieur  Decrè», 

Je  TOUS  eoToie  une  lettre  que  je  reçois  de  La  Haye;  tous  y  Terrez  que, 
indépendamment  du  Windsor-CasUe,  le  Malta  aussi  a  été  obligé  de  rentrer 
dans  les  ports  d'Angleterre  ;  et  comme  nous  saTons  que  nos  escadres  sont  en 
état,  si  YilleneuTe  a  un  nouTel  engagement  aTec  Calder,  il  ne  trouTera  plus 
que  12  Taisseaux.  Il  parait  que  le  it  thermidor,  il  n'était  pas  encore  arriré 
au  Ferrol.  EuToyez  dans  la  journée  un  courrier  extraordinaire  au  Ferrol. 
Faites  part  de  ces  nouTelles  de  Londres  au  Tice-amiral  YilleneuTe;  dites-lui 
que  j'espère  qu'il  aura  continué  sa  mission,  et  qu'il  serait  trop  déshonorant 
pour  les  escadres  impériales  qu'une  échauffourée  de  trois  heures  et  un  enga- 
gement aTec  i  Taisseaux  fissent  manquer  de  si  grands  projets;  que  l'escadre 
ennemie  est  affaiblie  de  2  Taisseaux,  et  que,  d'après  son  propre  aTCu,  il  parait 
qu'elle  a  beaucoup  souffert.  ÉcriTez  aussi  au  prince  de  la  Paix,  pour  lui  faire 
connaître  que  j'ai  appris  aTec  peine  la  perte  de  2  Taisseaux  espagnols,  qu'il 
parait  que  l'escadre  anglaise  a  beaucoup  souffert  dans  l'action  ;  que  2  Tais- 
seaux ennemis  sont  arriTés  coulant  bas  à  Plymouth;  qu'il  ne  faut  pas  se 
décourager;  qu'il  faut  persister  fortement  dans  ses  projets;  que  je  compte  sur 
la  ferme  résolution  du  roi  d'Espagne,  et  qu'il  donnera  des  ordres  pour  que 
l'escadre  du  Ferrol  étant  jointe  à  mes  escadres,  elles  suiTent  aTec  actiTité  leur 
destination. 

Je  TOUS  euToie  aussi  une  note  sur  les  bois  de  la  Corse;  c'est  un  objet  fort 
important.  Il  me  semble  qu'il  faut  d'abord  faire  payer  ce  qui  est  dâ,  et 
demander  un  rapport  à  Toulon.  Je  désire  beaucoup  encourager  cette  exploi- 
tation. 

Napoléon. 

A  l'amiral  Villeneuve  (2). 

Bonlogne,  22  thermidor  an  xiii  (10  août  1805). 

Monsieur  rAmiruI, 

J'ai  reçu  tos  di>erses  dépêches  expédiées  de  Vigo,  et  je  me  suis  empressé 
de  les  mettre  sous  les  yeux  de  l'Empereur.  Sa  Majesté  a  naturellement  fixé  son 
attention  très  particulière  sur  celles  du  9  thermidor  (28  juillet)^  par  lesquelles 
vous  rendez  compte  de  votre  relâche  à  Vigo^  et  du  combat  qui  a  eu  lieu  entre  les 
forces  sous  voire  commandement  et  celles  de  Vermemi,  Sa  Majesté  a  tu  aTec 
peine  la  perte  de  2  \aisseaux  espagnols  qui  paraissent  être  tombés  dans  la 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9063. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BB<v,  230. 


LES  NOUVELLES  DE  LA  MER.  745 

ligne  de  Fennemi  par  une  brume  épaisse  qui  tous  a  empêché  de  juger  ces 
éfénements.  Ce  léger  succès,  que  le  hasard  a  procuré  à  Tennemi,  n'a  rien  de 
décourageant  pour  les  flottes  combinées.  L'ennemi  lui-même  a  été  très  mal* 
traité  et  tous  Terrez,  par  le  rapport  ci-joint,  que  deux  de  ses  Taissèaux  des 
premiers  rangs  ont  été  obligés  de  rentrer  dans  les  ports  d'Angleterre* 
L'Empereur  juge  que  si  tous  aTiez  eu  un  nouTel  engagement  aTec  l'ennemi, 
TOUS  1  auriez  trouTé  au  nombre  de  12  Taissèaux. 

Vous  connaisses  Vétat  et  la  force  de  V escadre  combinée  du  Ferrol;  vous  avez 
VM,  par  une  de  mes  dépêches  que  vous  a  remises  le  contre-amiral  Gourdon^  que 
la  division,  aux  ordres  du  capitaine  Allemand,  a  été  dirigée  à  quarante  lieues  à 
l'ouest  du  Ferrol  dans  l'espérance  de  vous  y  joindre,  et  de  là  sur  Vigo  {sic),  s'il 
ne  vous  avait  pas  rallié;  on  peut  donc  présumer  qu'il  y  sera  parveniu 

Dans  cet  état  de  choses,  l'Empereur  m'ordonne  de  vous  faire  connaître  qu'il 
espère  que  vous  auret  continué  votre  mission  parce  qu'il  serait  trop  humiliant, 
pour  les  escadres  de  Sa  Majesté,  qu'une  échauffourée  de  trois  heures,  et  un  enga- 
gemefU  avec  iÀ  vaisseaux  fissent  manquer  les  grands  projets  dont  la  confiance  de 
Sa  Majesté  vous  a  informé. 

ReceTez,  monsieur  l'Amiral,  l'expression  de  mon  ancien  et  constant  atta- 
chement. 

Le  Ministre  de  la  marine  et  des  colonies. 

Degrés. 

Si  donc  cette  lettre  était  parvenue  à  temps,  et  elle  n'arriva 
pas,  Villeneuve  n'aurait  rien  appris  des  forces  qu'il  devait 
rencontrer  vers  Ouessant. 

.  Le  H,  arrive  la  nouvelle  de  l'entrée  de  Tannée  à  la  Coro- 
gne,  et  des  détails  très  curieux  sur  Fétat  d'incertitude  ou  sont 
les  Anglais. 

Au  Ministre  des  Aftairea  étrangères. 

21  thermidor  (9  août  1805)  (I). 
Monseigneur. 

11  a  été  assuré  hier  soir,  par  une  personne  très  digne  de  foi,  qu'une  lettre  de 
Londres,  arrivée  à  l'instant  même,  venait  d^apporter  la  nouvelle  de  la  rentrée 
du  contre-amiral  Calder  à  Plymouth,  où  sa  présence  aTait  excité  une  telle 
rumeur  que  ses  amis,  pour  le  soustraire  à  lu  fureur  des  accusations  qui  se 
multipliaient  contre  lui,  demandaient  qu'il  fût  formé  un  conseil  de  guerre 
pour  juger  sa  conduite.  On  ajoute  que  l'iTresse  est  dissipée  en  Angleterre 
sur  sa  prétendue  Tictoire,  et  qu'on  y  sait  aujourd'hui,  très  positiTement,  que 
son  escadre  a  été  horriblement  maltraitée  dans  sa  rencontre  aTec  l'escadre 
combinée.    Je    ne  suis  point   assez    heureux.    Monseigneur,    pour    pouToir 


(1)  Archives  des  Affaires  étrangères,  Hollande,  1805. 


746  TROISIÈME  PARTIE.   —    CHAPITRE  XVI. 

annoncer  à  Votre  Ëxoellenoe  cette  nouvelle  comme  certaine,  mail  elle  a  un 
grand  earaetère  de  vérité. 

J'ai  TU  par  la  même  occaiion,  les  gaietles  de  Londres  du  8  août.  On  a 
refusé  de  me  les  donner.  Je  me  suis,  en  conséquence,  hâté  de  les  parcourir 
pour  en  pouvoir  rendre  compte  à  Votre  Excellence.  Elles  ne  renfirmeni  rien 
(^important  que  Vatinonee  de  Varrivée  de  Vamiral  Nelson  au  détroit  de 
Gibraltar,  où  ce  fougueux  amiral  se  flatte  d'engloutir  Vescadre  de  Sa  Majetté 
à  sa  rentrée  dans  la  Méditerranée, 

Des  lettres  du  Nord,  d'assex  bonne  source,  ont  apporté  ici  Tavis  que  la 
conduite  de  M.  de  Novosiltaof  a  été  blâmée  à  Pétersbourg« 

Je  suis,  Monseigneur,  avec  un  profond  respect,  de  Votre  Excellence,  )<>  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur, 

Sbrurier  (I). 

SI  thermidor  (9  août  1805). 
Monseigneur, 

L'impression  défavorable  produite  par  la  première  dépêche  du  contre- 
amiral  Galder  sur  le  combat  qu'il  annonce  avoir  livré  le  22  juillet  aux 
escadres  combinées,  à  la  hauteur  du  cap  Finistère,  a  été  bien  affaiblie  par  la 
lettre  de  ce  contre-amiral,  en  date  du  !26.  On  y  a  remarqué  qu'il  avoue  s'être 
retiré  le  premier  du  combat,  et  l'on  en  tire  la  conséquence  assez  naturelle 
qu'il  n^a  pas  dû  être  amené  à  prendre  ce  parti  sans  de  fort  bonnes  raisons, 
qu'il  ne  se  soucie  pas  sans  doute  d'expliquer,  et  qui  font  attendre  avec  la 
plus  extrême  impatience  les  rapports  des  amiraux  espagnol  et  français.  On  se 
flatte  d*7  trouver  des  circonstances  qui  atténueront,  ou  compenseront  même, 
la  perte  des  2  vaisseaux  pris.  Je  n'ai  point  vu  un  seul  marin  qui  ne  se  soit 
accordé  sur  cette  manière  de  lire  le  rapport  de  l'amiral  anglais. 

L'article  des  3  gros  vaisseaux  armés  en  flûte  a  fait  ouvrir  de  grands  yeux 
au  Ministre  d'Espagne,  M.  d'Anduanza,  qui  trouve  que  tout  n'est  pas  perdu 
si  les  galions  arrivent  sains  et  saufs.  Je  saisis  avec  plaisir  cette  occasion  pour 
vous  dire,  Monseigneur,  qu'il  est  impossible  de  se  montrer  plus  cordialement 
dans  les  sentiments  de  l'alliance  que  ne  le  fait  ce  Ministre  depuis  que  je  suis 
ici  ;  je  ne  saurais,  à  cet  égard,  lui  rendre  trop  de  justice. 

J'avais  fait,  ces  Jours  derniers,  des  représentations  très  fortes  au  grand  pen- 
sionnaire sur  l'empressement  indécent  des  gazettiers  hollandais  à  publier  le 
rapport  désavantageux  de  l'amiral  Galder  sur  le  combat  du  22  Juillet  Je  lui 
avaiff  fait  sentir  combien  la  publication  de  cette  version  ennemie  était  déplacée 
au  moment  d'un  embarquement,  et  l'impression  qu'elle  pouvait  produire  sur 
le  soldat.  J'avais  en  conséquence  engagé  Son  Excellence  à  prendre  à  cet 
égard  une  mesure  générale,  décisive,  et  telle  que  l'on  n'eût  plus  à  revenir  sur 
cet  objet. 

J'ai  appris  ce  matin  que  le  procureur  général  de  la  province  de  Hollande 
vient  d'adresser,  h  tous  les  rédacteurs  de  journaux  du  pays,  un  ordre  positif 
de  s'iibstenir  de  rien  publier  sur  des  matières  d'une  importance  aussi  mi^jeuro 


(1)  Archives  des  Affaires  étrangères,  Hollande,  1805, 


LS8  NOUVELLES  DE  LA  IfBE.  747 

que  celle  des  mouTemenU  maritimes,  que  oe  qui  »eii^  ofôciellemaat  «nnonoé 
de  La  Haye  ou  de  Paris,  et  de  ne  parler  de  tout  06  qui  M  rapporte  à  TEmpirû 
français  que  dans  les  termes  qui  oonviennent  aux  rapports  qui  lient  la  Répu- 
blique ^  ce  puissant  État. 

La  France,  est-il  dit  dans  cette  circulaire,  ne  vous  demande  point  de  pané** 
gynques  ;  elle  n'en  a  pas  besoin.  On  ne  désire  de  tous  que  du  silenoe  et  de 
la  discrétion. 

Le  Grand  Pensionnaire  m'a  dit  dans  notre  dernière  conférenoe  que,  depuis 
un  mois,  une  foule  de  rentiers  bataves  avait  vendu  partie  de  leurs  effets  sur 
TAngleterre.  Cette  assurance  m'a  été  contirmée  par  plusieurs  autrai  per* 
sonnes  également  bien  instruites.  Un  tel  fait  parle  seul  ;  il  prouve  aux  plus 
incrédules  Tascendant  chaque  jour  croissant  de  la  fortune  de  Sa  Majesté,  et  de 
la  confiance  qu'inspirent  ses  armes. 

Je  joins  ici,  Monseigneur,  un  bulletin  où  j'ai  plac4  beaucoup  de  détails  que 
j'ai  jugés  trop  longs  pour  entrer  dans  une  dépèche. 

Je  suis  avec  le  plus  profond  respect,  Monseigneur,  de  Votre  Excellence,  le 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

Serurier  (I). 

Extrait  du  compte  rendu  par  un  personnage  qui  a  ^té  chargé  de 
recueillir  en  Angleterre  de$  détails  sur  l'affaire  du  3  thermidor  et 
l'effet  qu'elle  a  produit  (2). 

20  thermidor  an  xm(9  août  1805), 

• 

Le  récit  brillant  que  l'on  avait  d'abord  répandu  à  Londres  du  succès  d.u 
contre-amiral  Robert  Galder  avait  beaucoup  manqué  de  son  effet  après 
l'arrivée  à  Plymouth,  le  30  juillet,  des  frégates  anglaises  VÊgyptienne  et  le 
SyriuSy  avec  les  %  vaisseaux  espagnols  qui  avaient  été  pris,  k  cause  que  ces 
frégates  étaient  accompagnées  en  même  temps  par  le  vaisseau  anglais  le 
Windsor-C asile ^  qui  avait  été  tellement  maltraité,  qu'il  se  trouvait  absolu- 
ment hors  d'état  de  servir;  les  2  vaisseaux  espagnols  avaient  380  morts  et 
170  blessés. 

L'amiral  Galder  avait  annoncé  à  l'Amirauté  qu'il  ne  doutait  pas  qu'un  nou* 
veau  combat,  qu'il  tâcherait  d'engager  le  lendemain,  ne  lui  assurerait  une 
victoire  complète.  U Amirauté  fut  cependant  bien  trompée  dans  son  espérance 
à  cet  égardy  par  tes  dépêches  dudit  amiral  du  S  thermidor  (27  juillet),  arrivées 
à  Plymouth  le  i'A  thermidor  (!«'  aoât),  par  le  cutter  le  Nisle.  Le  contenu  de 
ces  dépêches  portait  que  le  7  thermidor  (26  juillet),  il  avait  entièrement  perdu 
de  vue  les  escadres  combinées,  et  que,  dans  l'état  d'incertitude  où  il  se  trouvait, 
il  avait  résolu  d'aller  reconnaître  les  ports  du  Ferrol  et  de  la  Coroyne,  jugeant 
que  si  Vennemi  i  était  porté  vers  Cadix  ou  la  Méditerranée,  il  y  avait  grande 
apparence  qu'il  serait  rencontré  par  Nelson  ou  par  Collingvood* 

Le  5  du   courant   (août  probablement),  au  matin,  l'Amirauté  reçut  des 


(1)  Archives  des  Affaires  étrangères,  Hollande,  1806. 

(2)  Archives  de  la  Marine^  BBiv^  f30. 


748  TKOISliMB  PARTIB.  —  CHAPITRB  XVI. 

dépêches  dudit  amiral,  apportées  par  le  Malta,  qui  avait  quitté  Robert  Caider 
au  Ferrol  le  12  thermidor  (31  juillet). 

Il  en  résulte  que  la  flotte  combinée  n  était  entrée  ni  au  Ferrol^  ni  à  la 
Corogne,  et  Von  croyait  par  conséquent,  à  ne  pas  en  douter,  quelle  aurait  fait 
voile  pour  Cadix  et  que,  dans  ce  cas,  elle  se  rencontrerait  avec  CoUingvood, 
comtnandant  une  escadre  de  i\  vaisseaux  de  ligne,  ou  avec  Nels<m  qui  devait 
actuellement  se  trouver  dans  ces  parages, 

La  personne  dont  on  tient  tous  ces  détails  ajoute  encore  que  Vopinion  gêné- 
raie  avait  prévalu  a  Londres,  qu'il  aurait  été  dans  les  projets  de  V Empereur 
de  faire  paraître  la  flotte  combinée  en  force  devant  le  Texel,  afin  de  faciliter 
la  sortie  de  Vescadre  batave,  et  d*opérer  sa  jonction  avec  elle. 

Degrés. 
Au  vioe-amiral  Deorèa  (1). 

Camp  de  Boalogne,  23  tharmklor  an  zm  (11  août  1805). 

Monsieur  Decrès, 

Vous  trouverex  ci-joint  les  dépêches  qui  vous  sont  arrivées  par  un  courrier 
que  j*ai  arrêté  en  route.  Vous  verrex  que  les  escadres  ont  mouillé  à  la 
Corogne.  Lauriston  m'écrit  que  Von  continuera;  que  les  capitaines  et  les 
mat^ots  sont  parfaits;  que  VilIeneuTe,  qui  du  reste  a  du  talent,  met  trop  de 
temps  à  se  décider;  que,  s'il  avait  fait  la  manœuvre  que  vous  avez  dite,  il 
aurait  sauvé  les  bAtiments  espagnols,  pris  les  bâtiments  anglais  démAtés,  et 
que  le  sticcès  aurait  été  complet  ;  que  cette  béte  de  Gravina  au  contraire, 
n'est  que  génie  et  décision  au  combat.  Si  Villeneuve  avait  ces  qualités, 
l'affaire  aurait  été  la  plus  belle  possible.  J'ai  reçu  les  journaux  anglais;  ils 
disent  comme  nous,  ils  louent  la  manœuvre  faite  par  Villeneuve,  qui  a  viré  en 
gardant  le  vent.  Ils  font  ensuite  des  fanfaronnades,  et  disent  que  Caider 
devait  attaquer  le  lendemain.  Il  a  encore  renvoyé  le  Malta  en  Angleterre; 
ainsi,  il  ne  lui  restait  que  13  vaisseaux.  Il  s'est  présenté  devant  le  Ferrol 
qu'il  a  bloqué.  Les  Anglais  l'ont  su  par  le  Malta,  parti  de  devant  le  Ferrol 
le  12  thermidor  (3i  juillet).  Les  Anglais  croient  Villeneuve  à  Cadix  ou  même 
au  TexeL  Toutefois,  Caider  proteste  que  si  Vescadre  combinée  va  au  Ferrol,  il 
Vattaquera  et  la  détruira.  Voilà  où  nous  en  sommes. 

L'arrivée  de  Villeneuve  à  la  C^rogne  fera  tomber  ces  gasconnades»  et,  aux 

yeux  de  l'Europe,  nous  donnera  l'air  de  la  victoire.  Faites  sur-le-champ  une 

relation  et  envoyez-la  aussitôt  à  M.  Maret. 

Napoléon. 

Au  Camp  impérial  de  Boulogne,  le  23  thermidor  an  xui  (11  août  1805). 

Monsieur  le  général  Marmont  (2), 
J'ai  reçu  votre  courrier  du  20  thermidor.  J'ai  lu  avec  intérêt  les  gaxettes 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9066. 

(l)  Archiva  de  ta  Guerre,  {Correspondance  de  Napoléon  inédite.) 


LES  NOUVELLES  DE  LA  MER.  749 

anglaises  que  tous  m'ayez  envoyées.  Il  m'est  très  utile,  dans  ce  moment,  de 
les  ayoir  le  plus  promptement  possible;  tous  ayei  dû  recevoir  Tordre  de 
Tannée  sur  le  combat  des  escadres. 

Un  courrier  parti  du  Ferrol  le  i4  (2  août),  m'annonce  l'entrée  des  flottes 
combinées  dans  ce  port.  Elles  ont  trouvé  en  effet,  Vomirai  Calder,  qiU  a  pris 
chasse  devant  elles;  circonstance  qui  prouve  que  Vissue  du  combat  a  été  toute  en 
leur  faveur. 

Les  Anglais  ne  peuvent  prétexter  la  crainte  qu'ils  auraient  pu  avoir  de  la 
sortie  de  l'escadre  du  Ferrol,  car  les  vents  étant  grand  frais,  il  eât  été  impos- 
sible à  une  chaloupe  de  sortir;  aussi  nos  escadres  n'auraient  pu  tirer  aucun 
secours  des  15  vaisseaux  qui  y  étaient.  Faites  Vimpossihle  pour  attirer  les 
Anglais  sur  vous,  faites  des  sorties,  faites  les  derniers  préparatifs  de  départ; 
levez  V ancre.  Enfin,  occupez  au  moins  12  vaisseaux  anglais. 

Je  vous  envoie  la  note  des  morts  et  des  blessés  au  combat  du  3.  Lauriston 
me  mande  qu'on  s'est  battu  de  très  loin;  qu'on  n'a  eu  aucune  idée  de  la  prise 
des  2  vaisseaux  espagnols,  et  que  ce  n'est  que  le  lendemain  qu'on  s'est  aperçu 
qu'ils  manquaient;  ayant  souffert  beaucoup  dans  leur  mâture,  ils  n'ont  pu  se 
gouverner,  et  affalés  sous  le  vent,  ils  ont  dérivé  la  nuit  et  sont  tombés  dans  la 
ligne  anglaise. 

Sur  ce,  je  prie  Dieu  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  garde. 

Au  camp  impérial  de  Boulogne,  le  23  thermidor,  an  xiii. 

Signé  :  Napoléon. 

Enfin,  la  journée  du  13  août  va  être  marquée  parles  der- 
niers ordres  relatifs  à  la  grande  opération. 

Au  vice^amiral  Deorô^  (2). 

Camp  de  Boulogne,  25  thermidor  an  xiii  (13  août  1805). 

Monsieur, 

Expédiez  un  courrier  extraordinaire  au  Ferrol;  témoignez  à  Garnirai  Ville- 
neuve  mon  mécontentement  de  ce  qu'il  perd  un  temps  aussi  important  ;  mandez- 
lui  que  Allemand,  ayant  paru  sur  les  côtes  d'Irlande,  a  attiré  un  détachement 
de  V escadre  anglqise  sur  lui;  que  les  13  vaisseaux  de  l'amiral  Galder  ont  été 
maltraités;  que  j'espère  qu'aussitôt  que  les  vents  lui  auront  permis  de  sortir,  il 
Vaura  fait  et  manomvrera  pour  faire  sa  jonction  avec  Allemand,  soit  à  Vun, 
soit  à  Vautre  des  points  de  rendez-vous  ?  f  Avec  18  vaisseaux  de  guerre  français 
et  ta  ou  au  moins  10  vaisseaux  de  guerre  espagnols,  se  laissera^-il  bloquer 
par  13  et  même  par  20  vaisseaux  anglais?  Dans  tout  état  de  cause,  mon 
intention  est  que,  s'il  a  moins  de  23  vaisseaux  ennemis  devant  lui,  ayant  sous 
ses  ordres  18  vaisseaux  français  et  au  moins  10  vaisseaux  espagnols,  il  attaque 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9071. 


780  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XVI. 

les  Anglais;  il  ne  serait  d^ailleurs  pas  impossible  qu' AlleniaBd,  qui  doit  enToyer 
prendre  des  renseignements  à  Vigo  atantlafin  de  thermidor,  ne  s*y  fat  rendu. 
Mon  intention  est  aussi  que,  réunis,  ils  attaquent  Fennemi  s*il  est  inférieur  à 
19  vaisseaux  de  ligne  ;  VilleneuTe  terra,  dans  mon  calcul,  que  je  désire  qu'il 
attaque  toutes  les  fois  qu^il  est  supérieur  en  nombre,  ne  comptant  deux  Tais- 
seaux  espagnols  que  pour  un,  et  considérant  la  différence  de  quelques  Tais- 
seaux  à  trois  ponts  qu*a  Tennemi  de  plus  que  Tescadre  française.  Ayant  été 
obligé,  après  le  combat,  de  rentoyer  t  vaisseaux  en  Angleterre,  Tennerai  n*en 
atait  plus  que  {3. 

Atec  1^  siens  et  les  15  iraisseaux  espagnols,  Villeneuve  devait  le  chasser 
de  devant  le  Ferrol.  Les  Anglais  sont  menacés  partout.  Ils  ont  des  vaisseaux 
au  Ferrol,  ils  en  ont  h  Carthagène,  ils  en  ontauTexel,  ils  en  ont  aux  Antilles 
et,  Nelson  eût-il  rejoint  C aider  y  ifs  n  auraient  pas  plus  de  50  vaisseaux  de 
lipte.  Je  laisse  Tamiral  Villeneuve  libre  d'armer  la  Guerrière  et  la  Revanche 
avec  les  équipa^pes  A'^ A* Atlas;  enfin,  qu^on  épargne  au  pavillon  la  honte  d*être 
bloqué  au  Ferrol  par  une  escadre  inférieure.  Les  matelots  sont  braves,  les  capi- 
taines animés,  les  garnisons  nombreuses  ;  il  ne  faut  pas  se  laisser  périr  d'inac- 
tion et  de  découragement.  Ordonnez  qu'on  se  serve  des  piastres  qu'on  a  pris^ 
pour  payer  les  équipages  et  prenez  rengagement  de  les  rembourser  ici 
exactement. 

Relativement  aux  troupes  qui  sont  à  bord,  qu'on  en  fasse  ce  que  voudra 
l'amiral.  Il  en  peut  débarquer  au  Ferrol  et  n'en  donner  que  ce  qu'il  trouve 
convenable  sous  le  point  de  vue  du  renfort  que  cela  donne  à  l'escadre.  Il  faut 
tout  sacrifier  à  cette  considération. 

Nai>oléo.h. 

Tout  dans  cette  lettre  est  fait  pour  dérouter  si  Ton  s'en  tient 
aux  seuls  documents  qui  nous  sont  parvenus. 

L'Empereur  a  reçu  le  H  août  un  courrier  annonçant  l'arri- 
vée de  l'armée  à  la  Corogne.  Ce  courrier  serait,  ainsi  qu'il  est 
écrit  à  Marmont,  parti  le  14  thermidor  (2  août).  Tout  ce  qui 
a  pu  arriver  le  13  août,  c'est,  outre  les  lettres  de  Lauriston, 
celle  de  Villeneuve  datée  du  3.  11  n'y  a  donc  pas  encore  de 
temps  perdu. 

Puis  l'allusion  au  retour  de  Nelson,  la  première  en  date, 
contient  un  calcul  singulier.  Si  Calder  et  Nelson  sont  réunis, 
ils  ont  non  pas  moins  de  20  vaisseaux  à  eux  deux,  mais  24  ou 
23,  et  40  au  moins,  s'ils  joignent  Gornwallis,  sans  parler  de 
GoUingwood  qui  n'est  pas  loin. 

Puis,  ce  qui  est  caractéristique,  c'est  cette  impatience  d'une 
bataille,  devant  le  Ferrol,  alors  que  jusqu'alors  tout  a 
concordé  pour  éviter  un  engagement,  même  devant  Brest. 

C'est  là,  en  effet,  ce  qui  doit  surtout  frapper  :  les  combi- 


LES  NOUVELLES  DB  LA  MER.  'iM 

naisons  compliquées  ont  échoué,  la  guerre  avec  TAutriche 
est  imminente  (1),  il  ne  reste  plus  qu'à  jouer  le  toutjpourle 
tout  et  à  avoir  recours  à  la  force.  Le  combat  du  22  juillet  a 
été  honorable,  une  victoire  navale  peut  être  espérée  et  remé- 
dierait à  tous  les  déboires  subis. 

Au  Wca-am/ra/  Oecrès  (2). 

Camp  de  BoùlogDe,*  t5  ibennidor  an  xm  (13  août  1805). 

Monsieur, 

Je  toug  renvoie  votre  courrier  du  Ferrol.  Comme  Tamiral  Villeneuve  ne  dit 
jamais  rien  dans  ses  lettres,  je  vous  renvoie  celles  de  Lauriston.  Renvoyez-les 
moi  par  mon  page  quand  vous  en  aurez  pris  connaissance.  Elles  me  con- 
firment ce  que  j'avais  appris  par  une  lettre  du  général  d'Houdetot  î  gtCon  n'a 
point  débarqué  dp  troupei,  que  Con  n'a  exécuté  aucune  de  mes  dispositions  (sic), 
et  que  mes  tles  de  la  Martinique  et  de  la  Guadeloupe  ont  été  un  moment  très 
compromises.  Tout  cela  est  Veffet  de  l'épouvante  qu'a  eue  Villeneuve,  Il  savait 
bien  que  Nelson  n^avait  que  12  vaisseaux  et  qu'il  avait  le  temps  de  débarquer 
ses  troupes.  Mes  ordres  étaient  positifs;  il  ne  devait  ramener  personne  (?),  Il  a 
ramené  même  la  moitié  des  hommes  de  Tescadre  de  Magon,  voilà  pourquoi 
cette  escadre  a  eu  tant  de  malades  et  si  peu  dVau.  Tout  cela  me  prouve  que 
Villeneuve  est  un  pauvre  homme  qui  voit  double  et  qui  a  plus  de  perception  que 
de  caractère.  Je  vols  du  reste,  avec  plaisir,  qu'un  bon  esprit  anime  les  escadres. 
De  quoi  se  plarnt  Villeneuve  de  la  part  des  Espagnols  ?  Ils  se  sont  battus 
comme  des  lions.  Ordonne»  que  les  300,000  francs  de  Cadix  soient  versés  au 

Ferrol. 

NapolAon. 


(1)  AM.Cambacérés, 

Camp  de  Boalogne,  25  thermidor  an  xm  (13  août  1805). 

Mon  coQtin, 

J'ai  reçu  votre  lettre  du  24  thermidor.  J'ai  fait  attaquer  la  eroiiière  anglaise.  J'ai  é\é 
très  satisfait  de  la  flottille  ;  elle  a  fait  tout  ee  qae  je  demandais.  J'ai  de  bonnei  nonveltes 
de  mes  escadres  du  Ferrol  et  de  celle  de  Rochefort,  qui  a  rempli  sa  mission.  Par  les  nou- 
velles que  Je  reçob  d'Angleterre,  il  parait  qu'elle  a  été  vue  sur  les  c6tes  d^rlande,  prenant 
tout  ce  qu'elle  rencontrait  et  semant  partout  l'alarme.  Vous  verres,  dans  le  Moniteur,  des 
articles  pu(  vous  fèrmii  croire  à  la  guerre  procMne  cmec  V Autriche,  Le  fait  est  que 
cettt  fuisHMce  ahn9;Je  veux  qu'elle  désarme;  si  elle  ne  le  fait  pas»  firai  avec 
200,000  hommes  lui  faire  une  bonne  visite  dont  elle  se  souviendra  longtemps. 
Cependant»  si  l'on  vous  consulte»  et  dans  vos  discours,  dites  que  vous  ne  croyes  pas  à  la 
guerre,  par  la  raison  que  je  me  suis  éveillé  de  bonne  heure.  Il  faudrait,  en  effet,  être  bien 
fou  pour  me  fkiré  la  guerre.  Certes,  il  n*y  a  pas  en  Europe  une  plus  belle  armée  que  celle 

que  j'ai  aujourd'hui. 

Napoléon . 

Correspondance  de  Napoléon^  QOdQé 

(2)  Correspondance  de  Napoléon^  0072. 


752  TROISIÈyE  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVI. 

Au  Wce-am/ra/  Villeneu¥e  (1). 

Camp  de  Boulogne.  25  thennidor  an  xiii  (13  août  1805). 

Monsieur  le  Vice-Amiral, 

J'ai  m  avec  plaisir,  par  le  combat  du  3  thermidor,  que  plusieurs  de  mes 
vaisseaux  se  sont  comportés  avec  la  bravoure  que  je  devais  eu  attendre.  Je  vous 
sais  gré  de  la  belle  manœuvre  que  vous  avez  faite  au  commencement  de 
Faction  et  qui  a  dérouté  les  projets  de  Tennemi.  J'aurais  désiré  que  tous 
eussiez  employé  le  plus  grand  nombre  de  vo«  frégates  à  secourir  les  vaisseaux 
espagnols  qui,  se  trouvant  les  premiers  engagés,  devaient  nécessairement  en 
avoir  le  plus  besoin.  J'aurais  également  désiré  que,  le  lendemain  de  Taffaire, 
vous  n'eussiez  pas  donné  le  temps  à  Tennemi  de  mettre  en  sûreté  ses  vais- 
seaux le  Windsor  et  le  Malta^  et  les  deux  vaisseaux  espagnols  qui,  étant 
dégréés,  rendaient  sa  marche  embarrassée  et  lourde.  Cela  eût  donné  à  mes 
armes  Véclat  d'une  grande  victoire,  La  lenteur  de  cette  manœuvre  a  laissé  le 
temps  aux  Anglais  de  les  envoyer  dans  leurs  ports.  Mais  je  suis  fondé  à  penser 
que  la  victoire  est  restée  à  mes  armes,  puisque  vous  être  entré  à  la  Corogne. 

J'espère  que  cette  dépêche  ne  vous  y  trouvera  pas,  que  vous  aurez  repoussé  la 
croisière,  pour  faire  jonction  avec  le  capitaine  Allemand,  balayer  tout  ce  qui  se 
trouvait  devant  vous  et  vetiir  dans  la  Manche,  où  nous  vous  attendons  avec 
anxiété.  Si  vous  ne  Vavei  pas  fait,  faites-le;  marchez  hardiment  à  Vennemi, 

L'ordre  de  bataille  qui  me  parait  le  plus  préférable,  c'est  d'entremêler  les 
vaisseaux  espagnols  avec  les  vaisseaux  français,  et  de  mettre  auprès  de  chaque 
vaisseau  espagnol  des  frégates  pour  le  secourir  dans  le  combat  et  utiliser  ainsi 
le  grand  nombre  de  frégates  que  vous  avez.  Vous  pouvez  encore  l'accroître  au 
moyen  de  la  Guerrière  et  de  la  Revanche,  en  y  employant  les  équipages  de 
V Atlas,  sans  cependant  que  cela  retarde  vos  opérations. 

Vous  avez  dans  ce  moment,  sous  Totre  commandement,  i8  de  mes  Tais- 
seaux  et  10  du  roi  d'Espagne.  Mon  intention  est  que,  partout  où  Vennemi  se 
présentera  devant  vous  avec  moins  de  24  vaisseaia,  vous  l'attaquiez. 

Par  le  retour  de  la  frégate  le  Président,  et  de  plusieurs  autres  que  je  vous 
avais  expédiées  à  la  Martinique,  j'ai  appris  qu'au  lieu  de  débarquer  des  troupes 
dans  mes  deux  lies  de  la  Martinique  et  de  la  Guadeloupe,  elles  se  trouvaient 
plus  faibles  qu'auparavant. 

Cependant,  Nelson  n'avait  que  9  vaisseaux  (2).  Les  Anglais  ne  sont  pas  aussi 
nombreux  que  vous  le  pensez,  ils  sont  partout  tenus  en  haleine.  5t  vous 
paraissez  ici  trois  jours,  n'y  paraitriez-vous  que  vingt-quatre  heures,  votre  mâ- 
sion  sera  remplie.  Prévenez,  par  un  courrier  extraordinaire,  l'amiral  Gan- 
teaume  de  votre  départ.  Enfin  jamais,  pour  un  plus  grand  but,  tme  escadre 
naura  couru  quelques  hasards,  et  jamais  mes  soldats  de  terre  et  de  iner 
n'auront  pu  répandre  leur  sang  pour  un  plus  grand  et  plus  noble  résultat.  Pour 
le  grand  o^*jet  de  favoriser  une  descente  chez   cette  puissance  qui,  depuis  six 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9073. 

(2)  Il  vient  d'écrire  12  à  Decrès,  et  ne  parle  pas  de  Cochrane. 


LES  NOUVELLES  DE  LA  MER.  753 

siècles,  opprime  la  France,  nous  pourrions  tous  mourir  sans  regretter  la  vie. 
Tels  sont  les  sentiments  qui  doivent  animer  mes  soldats.  L'Angleterre  n'a  pas 
aux  Dunes  plus  de  quatre  vaisseaux  de  ligne,  que  nous  harcelons  tous  les  jours 
avec  nos  prames  et  nos  flottilles. 

Napoléon. 

Au  général  Lauriaton  (1). 

Camp  de  Boulogne,  96  thermidor  an  xiii  (14  août  1805). 

Monsieur  le  Général, 

J'ai  reçu  vos  deux  lettres  des  9  et  H  thermidor  (29  et  31  juillet).  J'espère 
que  cette  dépêche  ne  vous  trouvera  plus  au  Ferrol  et  que  l'escadre  aura  déjà 
mis  à  la  voile  pour  suivre  sa  destination.  Je  ne  vois  point  pourquoi  vous  n'avez 
pas  laissé  le  67»  et  le  46*  régiment  à  la  Martinique  et  à  la  Guadeloupe  ;  c'était 
cependant  bien  exprimé  dans  vos  instructions.  Ainsi  après  une  expédition 
aussi  étendue,  je  n'ai  pas  même  le  plaisir  de  voir  mes  lies  à  l'abri  de  toute 
attaque  ;  il  n'y  a  pas  à  présent  3,000  hommes,  et,  après  vendémiaire,  il  n'y  en 
aura  pas  2,500. 

J'espère  que  Villeneuve  ne  se  laissera  pas  bloquer  par  une  escadre  inférieure 
à  la  sienne.  Il  doit  avoir  actuellement  30  vaisseaux  de  guerre.  Je  pense  qu'avec 
cette  escadre  il  est  dans  le  cas  d'en  attaquer  une  de  24  vaisseaux.  Aidez  et 
pousses  l'amiral  autant  qu'il  vous  sera  possible.  Concertez-vous  avec  lui  pour 
les  troupes  que  vous  avez  à  bord,  et  envoyez-m'en  l'état  de  situation.  Vous 
pouvez  les  laisser  à  bord  ;  si  l'amiral  le  juge  convenable,  vous  pouvez  les 
débarquer  et  en  former  une  division  au  Ferrol. 

Prenez  des  mesures  pour  former  un  dépôt  des  hommes  que  vous  avez  débar- 
qués à  Vigo,  et  pour  que  toutes  les  troupes  qui  arriveraient  du  Ferrol  puissent 
s'y  rendre  et  rgoindre  après  leurs  corps. 

Le  capitaine  Allemand  s'est  fait  voir  sur  les  côtes  d'Irlande  dans  les  pre- 
miers jours  de  thermidor.  Il  doit  être  depuis  longtemps  au  rendez-vous.  Il 
devait  prendre  des  renseignements  de  l'escadre  (s'il  n'en  avait  pas  eu  connais- 
sance) à  Vigo,  où  un  officier  s'était  rendu,  dans  la  supposition  que  l'amiral 
Villeneuve  n'eût  pas  paru  au  20  thermidor.  Nous  sommes  prêts  partout  Une 
apparition  de  vingt-quatre  heures  suffirait. 

Napoléon. 

Au  vice-amiral  Decrès  (i). 

Camp  de  Boulogne,  26  thermidor  an  xm  (14  août  1805). 

Monsieur, 

J'ai  reçu  votre  lettre  d'hier.  Avec  30  vaisseaux  mes  amiraux  ne  doivent  pas 
craindre  24  anglais,  sans  quoi  il  faudrait  renoncer  à  avoir  une  marine.  Quand 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9075. 
(t)  Correspondance  de  Napoléon,  9076. 

IV.  48 


754  TROISIÈME  rABTIB.  — «  OHAPITRE  XVI. 

il  j  aurait  quelque  ôf 4iiement  où  je  defraii  perdre  un  Taisieau,  ce  lerait  un 
éYônement  auquel  Je  devrait  m'attendra.  Je  dtù  témoigner  plus  do  confiance  en 
mon  année  navale  ;  elle  aurait  droii  de  te  plaindre  que  je  FaTilii  si  j'en  agis- 
sais autrement.  Les  journaux  anglais  du  8  août  di$ent  qu'un  vaiueau  portugais 
à  vu  V escadre  du  capitaine  A  îleinand  sur  le  cap  Finistère  le  4  thermidor,  c'est-à- 
dire  le  lendemain  du  combat  ;  ils  disent  également  que  Tamiral  Galder  a  renvoyé 
4  vaisseaux  devant  Rochefort,  et  n*a  gardé  que  10  Taisseaux  devant  le  Ferrol. 
Si  r amiral  Villeneuve  reste  /p5  f  3,  14,  15  W  16  (2,  3, 4  f(  5  août)  au  Ferrol,  je 
ne  m'en  plaindrais  pas  ;  mais,  s'il  y  reste  un  jour  de  plus,  ayant  le  vent  favo- 
rable, et  seulement  24  vaisseaux  anglais  devant  lui,  c'est  le  dernier  des  hommes. 
Selon  les  bruits  de  Londres,  Nelson  paraissait  encore  loin  d'arriver.  Si  Ville- 
neuve sort  avec  ses  30  vaisseaux,  il  est  sûr  de  se  joindre  à  Allemand,  Nelson  et 
Collingwood  sont  hors  du  champ  de  bataille  ;  les  escadres  de  Cochrane  et  des 
Indes  également  ;  12  vaisseaux  sont  au  Texel;  2  vierment  de  se  ployer  vis-à-vis 
d'Helvet-Sluys,  Si  Villeneuve  ne  sort  pas,  il  expose  P escadre  du  capitaine  Alle- 
mand ;  et  la  circonstance  qu'il  n'a  pas  trouvé  C aider  devant  le  Ferrol ^  et  que 
l'escadre  d^ Allemand  y  avait  été  huit  jours  auparavant,  me  fait  craindre  que 
Calder  n'ait  donné  chasse  à  cette  escadre,  A  lors,  véritablement,  quelle  occasion 
il  manquerait  !  Certainement  l'escadre  d'Allemand  peut  faire  courir  Calder  un 
grand  nombre  de  jours.  Que  de  chances  pour  réussir  si  f  avais  là  un  homme! 

Si  Nelson  avait  rejoint  Calder,  il  est  possible  qu'il  soit  encore  in férieur  ;  mais^ 
s'il  parvenait  à  avoir  24  vaisseaux^  il  ne  les  aurait  pas  longtemps.  Le  besoin  de 
ravitaillement  et  de  réparation  doit  se  faire  sentir  dans  Tescadre  de  Nelson  et 
dans  celle  de  Galder,  qui,  ayant  souffert  un  combat,  sera  encore  obligée  de 
s'affaiblir.  Villeneuve  est  un  de  ces  hommes  qui  ont  plutôt  besoin  d*éperon  que 
de  bride.  Les  contre-amiraux  que  j'ai  faits  sont  Emériau,  Savarj.  etc., 
hommes  qui  peuvent  me  rendre  de  grands  services  ;  il  me  faudrait  des 
hommes  d'un  mérite  supérieur.  Je  ne  sais  pas  ce  que  c'est  que  ce  Gosmao, 
capitaine  du  Pluton.  Ne  sera-t-il  donc  pas  possible  de  trouver  dans  la  marine 
un  homme  entreprenant  qui  voie  de  sang-froid,  et  comme  il  faut  voir,  soit 
dans  le  combat,  soit  dans  les  différentes  combinaisons  des  escadres  ? 

J'imagine  que  ma  dépêche  à  l'amiral  Villeneuve  est  partie  par  le  courrier 
qui  a  passé  ici  ce  matin.  Je  vous  répète  ce  que  je  vous  ai  d^à  dit  ;  je  n'entends 
pas  que  30  vaisseaux  français  soient  bloqués  au  Ferrol  par  moins  de  24  vais* 
seaux  anglais  ;  et,  une  fois  Villeneuve  réuni  à  Allemand^  je  n'entends  pas  que 
l'escadre  combinée  soit  bloquée  par  moim  de  29  vaisseaux  anglais 

Je  désire  que  vous  écriviez  au  vice-araii*al  Rosily,  à  Paris,  de  vous  envoyer 
un  mémoire  très  détaillé  sur  toute  la  c6te  d'Afrique  ;  mon  intention  est  d'em- 
ployer à  une  expédition  sur  ces  côtes  le  Régulus,  la  Cybèle  ;  une  des  frégates 
qui  pourront  nous  revenir  d'Amérique  et  2  ou  3  bricks.  Je  voudrais  non  seule- 
ment prendre  tous  les  bâtiments  anglais  et  ravager  leurs  rades,  mais  mettre  à 
terre,  sur  un  point  quelconque,  un  millier  d'hommes  destinés  ^  s'emparer  d'un 
de  leurs  établissements,  et  à  s'y  maintenir  s'il  le  pouvaient.  Mon  but,  s'ils  pou- 
vaient s'y  maintenir,  serait  d'engager  les  Anglais  à  y  envoyer  une  expédition 
d'Eure  ne  pour  le  reprendre,  si  tant  il  est  vrai,  que  le  peu  d'énergie  de  mes 
amiraux  laisse  échapper  les  chances  que  m'offre  la  fortune  et  annule  la  cam- 
pagne actuelle.  Mon  intention  serait  de  donner  le  commandement  de  cette 
petite  expédition,  tant  de  mer  que  de  terre,  à  Jérôme,  en  lui  attachant  un  bon 


LB8  NOUVELLES  DB  LA  11^.  7S5 

officier  de  mer  et  un  très  bon  ottcier  de  terre .  11  parait  que  cette  expédition 
devrait  partir  d'ici  à  un  mois  ;  il  n'y  a  donc  pas  un  moment  à  perdre. 

Je  désirerais  également  que  les  frégates  de  la  Méditerranée  avec  le  Borée 
et  VAnnibal,  pussent  se  rendre  K  Gênes,  y  prendre  le  (Génois  et  aller  enlcTcr 
le  bâtiment  de  gpuerre  que  les  Anglais  tiennent  devant  Naplet. 

Je  désire  avoir  3  vaisseaux  et  3  frégates  pour  être  certain  que  les  vaisseaux 
et  ^'ïgntes,  qui  partent  souvent  de  Malte,  ne  donnent  pas  la  supériorité  aux 
Anglais.  Je  pense  que  vous  devriei  envoyer  à  Naples  un  officier  de  marine 
intelligent  et  discret,  sous  prétexte  d'acheter  des  bois,  etc.,  qui  s'assurerait  de 
la  position  exacte  qu'occupe  le  vaisseau  anglais,  examifierait  bien  quel  moyen 
il  aurait  de  se  sauver,  et  ce  qu'il  faudrait  faire  pour  l'attaquer. 

Napoléon. 

Les  ordres  de  TEmpereur  furent  transmis  par  Decrès  qui  y 
ajouta  la  lettre  ci-dessous,  dans  laquelle  se  révèle  une  fois  de 
plus  cette  incroyable  erreur  qui  fixe  au  15  thermidor  (3  août) 
Tarrivée  d'Allemand  à  Vigo,  alors  qu'il  n'y  doit  venir  que 
10  jours  plus  tard, 

Boulogne,  20  thermidor  an  xiii  (14  août  1805). 

Monsieur  PÂmirnl, 

J*ai  Thonneur  de  vous  adresser  ci-Jointe  une  dépêche  de  Sa  Majesté  l'Empe- 
reur et  Roi,  en  date  de  son  quartier  impérial  de  Boulogne,  23  thermidor,  et 
je  vais  remplir  le  devoir  de  vous  transmettre  ici  littéralement  ce  que  Sa  Majesté 
m*a  ordonné  de  vous  écrire  en  son  nom,  en  môme  temps  que  je  vous  expé- 
dierais cette  dépêche. 

Les  oirconstances  sont  si  importantes  que  Sa  Mf\jesté  verrait  avec  méconten- 
tement que  vous  perdissiez  un  seul  moment  nu  Ferrol. 

Elle  est  informée  que  sa  division  navale,  sous  les  ordres  du  capitaine  Aile* 
mand,  a  paru  sur  les  cêtes  dlrlande  et  y  a  attiré  une  divifiion  de  la  flotte  de 
la  Manche  ;  que  les  vaisseaux  de  Tamiral  Calder  ont  été  très  maltraités  dans  le 
combat  du  3  ;  et,  dans  cette  réunion  de  circonstances  favorables,  elle  espère 
qn*aussitôt  que  les  vents  vous  auront  permis  de  sortir  vous  Taurez  fait. 

Votre  réunion  avec  Tcscadre  du  capitaine  Allemand  donnerait  un  accrois- 
sement de  forces  à  Tarmée  combinée  que  Sa  Majesté  désire  que  vous  puissiez 
obtenir;  maiê  le  capitaine  Allemand  a  dû  se  rendre  à  Vigo  le  15  du  tnois,  il  y 
aura  appris  votre  arrivée  et  il  est  présumable  qu'il  aura  tout  fait  poiur  vous 
rallier.  Dans  ce  cas,  vous  aurei  eu  de  ses  nouvelles  directes  et,  d'après  sa  cor- 
respondance, vous  savez  ce  que  vous  pouvez  espérer  et  ce  que  vous  avez  à  faire 
pour  opérer  ce  ralliement,  t*il  n'a  pas  eu  lieu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'Empereur  observe  que  vous  avez  maintenant  sous  vos 
ordres  18  vaisseaux  de  guerre  français  et  13,  ou  au  moins  10,  vaisseaux  espa^ 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»',  t30. 


756  TROISIEMB  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVI. 

gnols  ;  il  s'indignerait  que  rette  flotte  fât  bloquée  par  des  forces  inférieures  et, 
en  conséquence,  son  intention  est  que,  partout  où  irous  serex  supérieur  en  nombre 
à  Tennemi,  tous  Fattaquiez,  en  ne  comptant  toutefois  deux  Taisseaux  espagnols 
que  pour  un  seul  et  prenant  en  considération  la  différence  que  présente  la 
force  des  vaisseaux  à  trois  ponts  que  Tennemi  peut  avoir  de  plus  que  Tannée 
combinée. 

L'ennemi  est  menacé  partout;  il  a  des  vaisseaux  au  Ferrol,  il  en  a  à  Car- 
thagène,  au  Texel,  aux  Antilles  ;  et  Nelson  eut-il  rejoint  Galder,  il  n^auraît 
pas  plus  de  20  vaisseaux  de  ligne. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  que  vous  pouvez  disposer  de  la  Guerrière  et  de 
la  Revanche  autant  que  vous  croirez  pouvoir  les  utiliser  par  quelque  moyen 
que  ce  soit. 

Mais  ce  que  je  dois  vous  réitérer,  attendu  que  Sa  Majesté  le  réitère  dans  les 
ordres  qu'elle  me  charge  de  vous  transmettre,  c'est  qu'elle  veut  qu'on  épargpie 
à  son  pavillon  la  honte  d'être  bloqué  au  Ferrol  par  une  escadre  inférieure,  en 
ne  comptant  toutefois,  comme  je  vous  l'ai  déjà  dit,  deux  vaisseaux  espagnols 
que  comme  un  seul,  parce  qu'ils  n'ont  pas  encore  été  exercés  à  la  mer,  et  pre- 
nant en  considération  la  différence  de  force  des  vaisseaux  à  trois  ponts. 

Sa  Majesté  sait  qu'elle  peut  compter  sur  la  bravoure  de  ses  marins,  les 
bonnes  dispositions  de  ses  capitaines  et  de  ses  amiraux,  et  elle  entend  qu'on 
ne  laisse  pas  périr  d'inaction ,  ni  de  découragement ,  des  éléments  si 
précieux. 

Vous  devez  avoir  des  garnisons  très  nombreuses  et  probablement  surabon- 
dantes. Sa  Majesté  vous  laisse  le  maître  d'en  débarquer  au  Ferrol  ce  que  vous 
jugerez  convenable  et  son  intention  est  que  vous  ne  gardiez  à  votre  bord  de 
supplément  de  troupes  qu'autant  qu'elles  procureront  un  renfort  utile  à  la 
flotte,  unique  considération  à  laquelle  tout  doit  être  sacriflé. 

Le  même  raisonnement  s'applique  aux  vaisseaux  espagnols,  qui  ne  doivent 
plus  avoir  de  troupes  passagères  et  qui  ne  doivent  conserver  des  suppléments 
de  garnison  qu'autant  aussi  qu'ils  procureront  plus  de  force  à  leurs  équipages. 

Tels  sont,  Monsieur  l'Amiral,  les  ordres  de  Sa  Majesté  et  les  détails  qu'Elle 
m'a  ordonné  de  vous  transmettre.  J'y  ajoute  l'expression  de  mon  ancien  et 
inviolable  attachement,  sur  lequel  vous  devez  compter  dans  toutes  les  cir- 
constances. 

A  M.  l'amiral  Villeneuve  (1). 

Boulogne,  le  20  thermidor  an  xm  (li  août  1805). 

Sa  Majesté  m'ordonne.  Monsieur  l'Amiral,  de  vous  prescrire  de  vous  servir 
des  piastres  dont  vous  vous  êtes  emparé  pour  payer  vos  équipages.  Elle  m'a 
ordonné  en  même  temps  de  prendre  l'engagement  de  les  rembourser  ici  avec 
exactitude. 

Vous  ne  doutez  pas  de  celle  que  je  porterai  à  remplir  à  cet  égard  les  inten- 
tions de  notre  souverain. 

J'ai  reçu  vos  dépèches  du  i5;  j'ai  vu  avec  peine  que  vous  vous  étiez  borné 


(l)  Archives  de  la  Manne,  BB",  Î30. 


LES  NOUVELLES  DE  LA  MER.  757 

à  porter  à  quarante-cinq  jours  Totre  approTisionnement  en  TWres,  et  je  pré- 
sume que,  sur  la  connaissance  que  tous  aurez  eue  de  ceux  des  Espagnols,  ils 
vous  auront  fait  des  yerseroents,  de  manière  à  mettre  votre  approvisionnement 
plus  en  proportion  avec  tous  ceux  de  Tarmée  qui  aient  la  même  destination  et 
les  mêmes  besoins. 

J'ai  reçu  e\kr  (13),  avec  vos  dépèches  du  15  (3  août),  celle  que  m'écrit 
Famiral  Gravina.  Il  peut  compter  qu'il  y  soit  porté  une  attention  particulière. 

Yeuillex  lui  témoigner  mes  regrets  de  ce  que  je  ne  puis  lui  écrire  par  ce 
courrier  et  recevez  Tassurance  de  mon  inviolable  attachement. 

Decr^^s. 

Rien  de  cette  agitation  fiévreuse,  aucune  trace  de  ces  ordres 
pressants  et  de  cet  appel  désespéré  à  son  énergie  ne  devaient 
être  connus  de  Villeneuve  en  temps  utile. 


CHAPITRE  XVII 


ALLEMAND  -  CALDER  -  NELSON 


Voici  ce  qui  8*était  passé  pour  la  division  de  Rochefort 
depuis  que,  le  17  juillet,  elle  était  partie  sans  que  Ton  sût 
au  juste  où  elle  allait. 

Rapport  du  cap/ta/ne  Allemand, 

A  la  mer,  le  td  thermidor  an  ziu  (14  août  lt05)  (1). 

Monseigneur, 

Je  mis  sous  Toile  de  la  rade  de  Tlie  d'Aix  le  38  messidor  (17  Juillet),  comme 
J'eus  rhonneur  de  tous  en  rendre  compte  par  ma  lettre  du  mémo  jour, 
1i  heures  du  matin.  Mes  inttructions  na  prescrivaient^  Monseigneur  y  de  recon- 
naitre  les  côtes  d'Irlande  duiUau  20' (4  au  d  Juillet),  après  avoir  fait  400  lieues 
à  t Ouest  de  l*ile  d^Aix,  et  d*y  croiser  huit  ou  neuf  Jours,  (fest-à-dire  Jusqu'au 
2d  du  même  mois  (il  Juillet).  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale,  en  m'honorant 
de  ces  ordres  et  me  fixant  ces  époques,  présumait*  Je  crois,  Monseigneur,  que 
son  escadre  mettrait  sous  Toile  dans  les  premiers  Jours  de  messidor  (SO  Juin)  ; 
mais»  bloquée  très  serrée,  elle  n'a  pu  appareiller  que  le  jour  où  elle  devait  faire 
son  retour  d'Irlande.  Quoique  ce  terme  fût  expiré,  je  crus,  Monseigneur,  que, 
sans  manquer  à  mon  premier  point  de  rendex-vous,  à  40  lieues  du  Ferrol,  favorisé 
du  vent  et  abrégeant  ma  route.  Je  pourrais  encore  paraître  en  Irlande*  Je  courus 
donc  sous  toutes  voiles  à  l'Ouest  de  Vile  d'Aix.  Le  30  (iO  juillet)»  Je  pris  la  cor- 
vette anglaise  le  Ranger,  capitaine  Coot,  de  16  cnnons,  8  caronnades  de  24 
et  116  hommes  d'équipage,  en  croisière  pour  prendre  des  renseignements  des 
neutres  sur  l'armée  combinée.  Ce  capitaine  a  Jeté  ses  canons,  canots,  ancres  à 
la  mer,  et  a  fait  scier  ses  seillets  de  sabord»  plat-bord,  épontille,  etc.  Cette 
conette  était  tellement  mutilée  que  J'ai  été  obligé  de  la  brûler.  Le  1^'  ther- 


(I)  Archives  de  la  Marine,  BB".  «8-88. 


760  TROISIÈME  PARTIE.  ~  CHAPITRE  XVn. 

midor  (20  juillet),  à  midi,  j'éuis,  Hooseigoeur,  à  147  lieues  à  f  Ouest  de  Ole 
(TAix;  f  écrivis  aux  capiiames  la  pièce  n*  i  (I). 

Le  2  (21  juillet),  à  5  h.  1/2,  let  Tests  passèrent  au  Ouest-Nord- Ouest; 
j*ea  profitii,  Monseigneur,  pour  dire  xaloir  la  route  le  1/4  Nord-Ouest  du 
monde.  Je  pris  un  grand  bâtiment  anglais  à  trois  mâts  Tenant  de  Guemesey. 
Le  capitaine  du  Syiphe  m'envoya  des  cartes  à  grand  point  d'Irlande.  Le  3 
(22  juillet),  les  yents  passèrent  au  Nord-Ouest,  grand  frais,  grosse  mer.  L'en- 
cadre prit  la  cape.  Le  4  (23  juillet),  les  ^eots  sautèrent  au  Nord.  Le  5 
(24  juillet),  les  Tcnts,  toujours  an  Nord  et  absolument  contraires,  Tboriion 
clair  qui  annonçait  ce  temps  fait  pour  longtemps,  je  fis  route^  Monseigneur^ 
pour  mon  point  de  rendez-vous  du  10  au  15  (29  juillet  au  3  ooâ/),  persuadé  que 
je  v^ aurais  jamais  assez  de  temps  pour  occasionner  à  propos  une  diversion  de 
force  ennemie  et  que  je  manquerais  encore  ma  jonction  avec  Ceseadre  combinée. 
Je  renonçai  a^ec  d'autaot  plus  de  regret  à  aller  en  Irlande  que  c'est,  je  crois. 
Monseigneur,  ce  qui  eût  frappé  le  plus  l'opioion  publique  et  m*eût  fait 
le  plus  d'hooneur.  Je  n'i^vais  d'autre  difficulté  à  vaincre  que  d*attendre 
patiemment  le  bon  vent,  mais  je  manquais  Tépoque  de  mon  rendes- tous,  et 
dans  toutes  les  circonstances.  Monseigneur,  je  sacrifierai  toujours  ma  satis- 
faction personnelle  aux  intérêts  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale.  JTarrivai 
le  9  {^juillet)  au  soir  à  40  lieues  du  FerroL  J'écrivis  la  pièce  12 

Cet  ordre,  parfaitement  clair,  et  conforme  aux  instmctions 
re<;ues,  fixant  nettement  les  dates  qui  furent,  on  s'en  sou- 
vient, si  fâcheusement  confondues,  était  le  suivant  : 


(1)  PiSCB  M*  1. 

Da  l**  thermidor  aa  xm  (tO  juillet  1805). 

Lorsque  les  drconstances  nécessiteront  qu'il  tous  soit  ordonné  de  brûler  un  bâtiment, 
s'il  est  ennemi,  l'équipage  sera  traité  sévèrement  ;  s'il  est  neutre,  tous  le  traiteres  arec 
égard  et  assurerez  le  patron  que  Sa  Majesté  payera  son  bâtiment.  Dans  aucun  cas,  même 
amarinaot  un  bâtiment  de  guerre  ennemi,  tous  ne  mettres  de  parillon  que  lorsque 
le  commandant  aura  mis  la  couleur  qu'il  jugera  couTenable.  8i  hier  un  bâtiment  neutre  est 
passé  à  Tue  et  qu'on  n'e&t  pu  l'arrêter,  le  pavillon  français,  qui  a  été  arboré  par  une  fré- 
gate, faisait  connaître  qu'une  escadre  de  cette  nation  était  dans  ces  parages,  ce  qu'il  est 
de  la  plus  grande  importance,  Messieurs,  de  cacher,  dans  tous  les  lieux  on  elle  se  trou- 
Tera,  comme  tous  aTcz  dû  le  juger  par  les  mesures  qui  ont  d^à  été  prises.  Toutes  les  (bis 
que  TOUS  ferez  rendre  un  bâtiment  de  guerre  enn^i,  tous  ne  communiqueres  avec  lui 
qu'après  y  aToir  été  autorisé  par  le  commandant  de  l'escadre. 

Si  vous  visitez  un  bâtiment  de  guerre  neutre,  tous  ne  rarrêtercs  pas  et  tous  aures  le 
plus  grand  !K)in  de  lui  persuader  que  tous  faites  partie  de  l'escadre  du  contre-amiral 
Villeneuve.  Commandez,  Messsieurs,  la  plus  grande  circonspection  à  tos  subordonnés. 
Vous  ne  relâcherez  personne,  prisonnier  do  guerre  ou  autre,  dans  quelque  circonstance  et 
sons  quelque  prétexte  que  ce  puisse  être.  Ce  que  je  tous  écris.  Messieurs,  vous  est 
confié  sous  le  sceau  du  plus  grand  secret  et  ne  doit  jamais  tomber  au  pouToir  de  l'ennemi. 

Certifié  conforme  à  l'original. 

Le  commandant  de  f  escadre^ 

Allbmand. 


ALLEMAND.   —  CALDER.   —  NELSON.  761 

PlÈCB  N«  12. 

Do  9  thermidor  (t8  JaiUet  1805). 

Jt  voiu  préviens,  Messieurs,  que  mon  intention  est  de  croiser  jusqu'au  i^  de 
ce  mois,  par  la  latitude  de  43^32'  Nord  et  13<^'  longitude  occidentale  {méri- 
dien de  Paris),  à  40  lieues  du  Ferrol.  Il  serait  possible  que  fy  rencontre  l'ar- 
mée combinée.  Pour  faciliter  mes  recherches,  vous  croiserez  dans  le  Sud^Est 
(L*Aniiide),  dans  le  Nord-Ouest  (La  Gloire),  sans  perdre  l'escadre  de  vue,  mais 
à  une  très  grande  distance.  Quand  je  pourrai  me  passer  des  corvettes»  J*en  éta- 
blirai une  intermédiaire  entre  vous  et  moi,  qui  me  répétera  tos  signaux; 
et  si  TOUS  apprenex  quelques  nouvelles  intéressantes,  tous  Tiendrex  m'en 
donner  connaissance. 

Si  TOUS  rencontrex  des  forces  supérieures  à  celles  de  Tescadre,  tous  ferex 
en  sorte,  Messieurs,  de  les  reconnaître  aTec  toutes  les  précautions  que  nécei»- 
site  Tétat  de  guerre  où  nous  sommes.  Si  tous  les  reconnaissex  ennemies  et 
qu'elles  tous  chassent,  prenex  la  route  qui  tous  éloignera  de  Tescadre,  pour 
ne  pas  la  laisser  apercoToir,  et  ralliex-moi  ensuite  par  les  latitude  et  longi- 
tude que  Je  tous  ai  désignées,  pour  m*en  rendre  compte. 

N'oubliex  pas.  Messieurs,  que,  pour  éTÎter  toute  erreur,  tous  deTex,  dans 
toutes  circonstances,  prendre  pour  point  de  départ  la  dernière  latitude  et 
longitude  signalée  par  le  Toisseau  le  Majestueux. 

Si,  par  suite  d*une  chasse,  Totre  position  tous  empêchait  de  me  joindre  ici 
pour  le  15  de  ce  mois,  tous  tous  rendrex.  Messieurs,  par  la  latitude  de  46^,55' 
Nord  et  9^,30'  longitude  occidentale  (méridien  de  Paris),  position  où  ira  se 
placer  t escadre  ;  vous  vous  tiendrez  alors  exactement  à  ce  point,  et  je  ne  Tois 
rien  qui  puisse  tous  empêcher  de  tous  y  rendre.  Si  néanmoins,  Messieurs, 
par  suite  de  circonstance  impréTue,  vous  ne  m'y  aviez  pas  rencontré  au  25  ther- 
midor (13  août),  vous  ouvrirez  votre  paquet  sous  cinq  cachets,  à  décacheter 
en  cas  de  séparation,  et  vous  vous  conformerez  aux  instructions  qu'il  contient. 
Mais  je  tous  le  répète.  Messieurs,  il  n'est  pas  probable  qu'une  chasse  quel- 
conque vous  empêche  de  me  joindre  avant  le  25  précité. 

Vous  prendrex  toutes  les  mesures  possibles  pour  n*être  pas  reconnus  des 
neutres;  vous  les  coulerex  après  en  avoir  sauvé  les  équipages,  plutôt  que  de 
souffrir  qu'ils  prennent  connaissance  de  l'escadre,  et  que  ce  ne  soit  que  dans 
cette  absolue  nécessité. 

Ce  que  je  vous  dis.  Messieurs,  doit  être  secret;  vous  sentex,  en  consé- 
quence, l'importance  que  vous  devex  mettre  à  le  garder,  et  qu'il  n'est  pas 
d'intimité  qui  puisse  vous  le  faire  Tioler. 

N'oubliex  pas  non  plus  que  ces  instructions,  comme  tous  les  paquets  que  tous 
aTex  précédemmeot  reçus,  ne  doivent  jamais  tomber  au  pouvoir  de  l'ennemi. 

Prenex  garde  de  vous  laisser  aperceToir  par  les  éclaireurs  de  l'escadre 
ennemie,  qui  est  dcTant  le  Ferrol.  Cet  aTÎs  est  pour  la  route  que  tous  auriex 
à  tenir  si  tous  étiex  chassé. 

Certifié  conforme  à  l'original. 

Le  commandant  de  Pescadre, 

Allemand. 


762  TR0I81ÈMB  PARTIE.  —   CHAPITRE  XVII. 

Puis,  le  rapport  du  capitaine  Allemand  continue  en  ces 
termes  : 

Le  15  (3  août),  la  /régate  rArmide,  en  découverte  au  Sud-Est,  rCayani  rien 
appris  de  Ceseadre  combinée^  mais  bien  la  continuation  du  blocus  du  Ferrol, 
d'après  la  pièce  n*  3,  conformément  à  vos  instructions ^  Monseigneur^  fai  fait 
route  pour  mon  second  point  de  rendei-vous. 

On  s'explique  qu'arrivé  le  29  juillet  seulement  sur  le  paral- 
lèle du  Ferrol,  Allemand  n'ait  rien  su  de  Villeneuve  qui, 
à  ce  moment,  était  à  Yigo,  mais,  au  contraire,  ait  connu 
la  présence  de  Calder  qui,  alors,  était  bien  devant  le 
Ferrol.  Mais  le  2  août  était  précisément  la  date  de  l'entrée  i 
la  Corogne  de  l'armée  combinée  venant  du  Sud.  Or,  ce  dont 
on  a,  et  très  tardivement,  connaissance,  ce  n'est  pas  des 
forces  alliées,  mais  de  l'escadre  de  Calder,  restée  dans  les 
parages  du  Gap  Finistère  depuis  le  combat  du  22  juillet. 

Pièce  r«  3. 

Rapport  du  CommtLndtLnt  do  /*  «  Armidt  »  du  77  thermidor  (5  août)  (i). 

D'après  tos  ordres  du  9  courant  (28  JuRlet),  jo  me  suis  placé  dans  le  Sud- 
£st  de  Tescadre,  à  grande  distance,  pour  tous  instruire  de  ce  que  Je  pourrais 
avoir  connaissance  (sic).  Le  10  (29  juillet)  au  matin,  étant  dans  le  Sud-Est  de 
Tescadre,  j*ai  eu  connaissance  d'une  galiotte  dans  le  Sud-Sud-Est  de  moi, 
à  A  lieues  de  distance,  que  je  n'ai  pas  chassée,  tu  qu'elle  pouvait  à  peine  me 
voir,  encore  moins  l'escadre.  Ce  même  jour,  à  midi,  j'ai  relevé  le  cap  Finistère 
au  S.-E.  i/2  S.  du  compas;  distance  apparente  :  12  lieues. 

Le  ii  (30  juillet),  à  la  pointe  du  jour,  j'ai  eu  connaissance  d'une  galiotte 
dans  le  Sud  et  j'ai  vu  le  Sylphe  la  chasser,  qui  Ta  visitée-  et  ensuite  Ta  coulée; 
j'étnis  alors  à  toute  vue  de  l'escadre.  A  4  heures  après-midi,  j*ai  vu  une 
goélette  chassée  par  le  Palinure,  que  j'ai  chassée  aussi,  la  croyant  armée, 
d'après  le  rapport  que  me  fit  un  capitaine  danois  que  j'ai  à  mon  bord,  qu*il 
y  avait  dans  ces  parages  deux  goélettes  armées.  Après  avoir  reconnu  ce  bâti- 
ment pour  marchand,  j'ai  tenu  le  vent  pour  rejoindre  mon  poste,  et  le  Pa/t- 
nure  l'a  brûlé.  A  7  heures,  fai  relevé  le  cap  Finistère  au  S.-E,  \/4S„  distance 
apparente  de  11  lieues.  Le  12  (31  juillet)  au  jour,  j'ai  eu  connaissance  d'un 
bâtiment  à  trois  mâts  dans  le  Sud-Sud-Ouest;  me  trouvant  alors  dans  le 
Sud-Est  de  l'escadre,  à  petite  distance,  j'ai  jugé  que  ce  bâtiment  pouvait  la 
voir,  je  l'ai  chassé  et,  après  l'avoir  joint,  je  voyais  encore  l'escadre,  ce  qui 
m'a  décidé  à  le  brûler.  Ce  bâtiment  est  portugais,  du  port  de  200  tonneaux 


(1)  Archives  de  la  Marine^  BBi»,  228-20. 


ALLEMAND.  —  €ALDER.    —   NELSON.  763 

enyiron,  Tenant  de  Porto  chargé  de  vin  et  de  liège,  allant  à  Saint-Péters- 
bourg. J'ai,  après,  forcé  de  TOiles  pour  me  rapprocher  de  l'escadre. 

Le  13  (1*'  août),  à  4  heures  après-midi,  J'ai  eu  connaissance  d'une  Toile  au 
Sud-Sud- Ouest,  la  diyision  au  Nord-Ouest,  en  panne  tribord  amures  à  la 
distance  de  deux  lieues.  J'ai  chassé  ce  bAtiment,  qui  courait  à  contre-bord,  et 
peu  après  Je  l'ai  reconnu  pour  goélette  portugaise.  Étant  le  long  de  son  bord, 
je  voyais,  do  dessus  le  pont,  très  distinctement  l'escadre,  ce  qui  m'a  décidé 
à  le  brûler.  La  cargaison  de  ce  bâtiment.  Tenant  de  Lisbonne  et  allant  à  Gaen, 
consiste  en  coton,  bois  d'acajou  et  cuir,  un  peu  de  petit  mortil  et  écailles  de 
tortues  ;  ce  bâtiment,  du  port  de  60  à  70  tonneaux,  était  à  la  mer  depuis 
onze  Jours  et  rapporte  n'avoir  rien  rencontré  que  l'escadre.  Le  10  (4  aoâ/)> 
d  4  A.  1/4,  vous  nCavei  fait  le  signal  de  chasser,  reconnaître  et  visiter  la  voik 
apparue  à  CEst-Nord-Est,  J'ai  de  suite  forcé  de  Toiles;  à  6  heures,  étant  le 
long  de  son  bord,  la  division  n'étant  plus  à  Tue,  J'ai  envoyé  Tisiter  ce  bâti* 
ment,  reconnu  américain,  nommé  VAurora,  capitaine  Sotterland,  parti  de  Bor- 
deaux le  S5  juillet,  allant  à  la  Nouvelle-Orléans.  Ce  bdliment  rapporte  que  k 
31  juillet,  à  4  heures  du  matin,  se  trouvant  à  20  lieues  du  Ferrol^  il  a  eu  ean» 
naissance  dei4  vaisseaux  qu*il  suppose  être  l'escadre  anglaise  bloquant  le  Ferrol, 

Le  i"  août,  il  a  été  Tisité  par  un  lougre  anglais  de  8  canons,  30  hommes 
d'équipage,  qui  lui  a  dit  appartenir  à  une  escadre.  Ce  rapport  a  été  confirmé 
par  plusieurs  Français  passagers  sur  ce  bâtiment. 

Certifié  conforme  h  l'original. 

Le  commandant  de  Ceseadre, 

ÀLLBHAlfD. 

Un  nouveau  renseignement  allait  être  fourni  par  Tautre 
éclaireur,  la  frégate  la  Gloire, 


Rapport  du  Commandant  de  la  «  6/o/re  ». 

18  thermidor  (6  ao&t  1805)  (1). 

J'ai  l'honneur  de  tous  rendre  compte,  Monsieur  le  Commandant,  que  le  12 
(31  juillet)  j'ai  donné  chasse  à  un  bâtiment  à  trois  mâts,  aTcc  paTillon  danois, 
suiTant  l'ordre  verbal  que  tous  m'en  aTiez  donné  ;  la  brise  était  très  faible  et 
a  eocore  diminué  dans  l'après-dlner,  de  manière  que  je  n'ai  pu  joindre  ce 
bâtiment  avant  la  nuit  ;  au  soleil  couchant,  je  lui  ai  fait  tirer  deux  coups 
de  canon  sans  avoir  pu  réussir  à  le  faire  arriver.  Je  l'ai  conservé  à  vne  jus- 
qu'à 10  heures  que,  le  temps  étant  devenu  très  brumeux,  j'ai  cessé  de  le  voir. 

Les  Tents  ayant  culé  Ters  le  Sud,  j'ai  supposé  que  ce  naTire  courrait  au 
Nord-Est  et  j'ai  fait  gouverner  moi-même  à  cette  aire  de  vent  avec  sillage  tel 
que  je  lui  en  supposai  un.  Au  jour  la  brume  était  extrêmement  épaisse  ;  j'ai 
aperçu  une  voile  dans  une  éclaircie,  restant  au  Nord-Est  ;  je  l'ai  Jointe,  mais 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BBiv,  ttH-t\, 


764  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVII. 

c'était  un  brick  portugais  dont  j'ayais  également  eu  coonaissaDce  la  Teille,  au 
soleil  couchant;  ce  brick  Tenait  de  Porto  et  allait  en  Russie.  Ne  voyant  point 
d*autre  bâtiment,  quoique  la  brume  se  fût  un  peu  dissipée,  j'ai  repris  le  bord 
du  Sud  pour  rejoindre  l'escadre  que  j*ai  aperçue  k  10  heures,  au  Sud-Ouest. 
A  3  heures  de  Taprès-midi,  j'en  étais  dans  le  Nord-Ouest,  à  une  lieue  et 
demie;  j*ai  viré  comme  elle  et  pris  la  bordée  du  Nord.  A  4  h.  1/2,  au  jour, 
je  ne  la  voyais  plus,  mais,  la  supposant  au  bord  du  Sud,  je  Tai  pris  h  5  heures. 
Effectivement,  j'en  ai  eu  connaissance  h  9  heures,  restant  au  Sud-Sud-Ouest. 
J*ai  forcé  de  voiles  et  à  H  h.  1/2  on  la  voyait  à  la  vergue  de  misaine,  quoique 
le  temps  fût  brumeux.  La  brume  alors  étant  devenue  des  plus  fortes,  j'ai  cessé 
de  la  voir;  j'ai  fait  de  7  à  9  nœuds,  jusqu'à  3  heures,  que  je  me  suis  estimé 
devoir  être  à  peu  près  dans  le  Nord-Ouest  de  l'escadre.  Gomme  elle  avait  viré 
la  veille,  à  4  h.  i/4,  j'ai  couru  jusqu'à  5  heures,  après  avoir  diminué  de  voiles 
depuis  3  heureti.  La  brise  a  molli  et  a  été  faible  toute  la  nuit.  J'ai  couru  le  bord 
du  Nord.  Au  jour,  le  temps  était  assex  clair;  je  n'ai  eu  aucune  connaissance 
de  l'escadre.  A  midi,  /e  15  (3  août),  étant  par  la  latitude  Nord  de  43»  22'  et  la 
longitude  estimée  occidentale  cie  13"  20^,  fai  fait  gouverner  au  Nord-Nord- Est, 
pour  atteindre  le  point  de  votre  dernière  station,  où  fêtais  à  i  A.  i/2.  A  4  heures, 
ne  vous  apercevant  pas,  j'ai  dirigé  ma  route  pour  le  point  que  vous  m'aviez 
indiqué  dans  votre  lettre  du  9  courant.  J'ai  passé  entre  3  et  4  heures  à  trois 
quarts  de  lieue  dans  l'Est  d'un  bâtiment,  dans  lequel  on  avait  mis  le  feu,  qui 
brûlait  encore  et  était  presque  entièrement  consumé,  ce  qui  m'a  fait  connaître 
que  vous  aviez  passé  le  quelques  heures  auparavant.  Je  n'ai  rien  vu  dans  Taprès- 
dtner.  Le  lendemain  16  (4  août),  au  matin,  fai  vu  un  brick  dans  C  Est-Nord- 
Est  que  fai  joint  :  c'était  un  suédois  vetuint  de  Stockolm  et  allant  à  Porto.  Ce 
bâtiment  m'a  rapporté  'avoir  rencontré  /e  14  (2  août)  une  division  de  9  vais- 
seaux, dont  3  à  trois  ponts,  avec  quelques  frégates,  dont  tune  C avait  visité. 

Elle  avait,  ainsi  que  la  division^  les  couleurs  anglaises  et  l'o/ficier  qui  fut  à 
son  bord  avait  Cuni forme  anglais  et  était  Anglais.  Le  i^,  il  avait  eu  connais- 
sance, à  2  heures  de  Caprès-midi,  d'une  autre  division  de  2  vaisseaux  et  3  /ré- 
gâtes,  qui  n'a  point  mis  de  pavillon  et  qui  ne  ta  point  visité.  Il  estimait  que  ces 
deux  divisions  étaient  à  5  ou  6  lieues  au  plus  l'une  de  l'autre  et  n'étaient  pcLS 
à  plus  de  ii  à  M  lieues  dans  le  Nord-Nord-Est  de  lui,  quand  nous  le  visitions, 
ce  qui  porterait  la  position  de  ces  escadres  à  la  latitude  Nord  de  45*  23'  et  la 
longitude  occidentale  de  H<*2'.  Elles  étaient  toutes  les  deux  au  bord  du  Sud 
et  sous  les  huniers  seulement,  comme  bâtiments  qui  croisent.  Le  temps  était 
brumeux,  et  sur  cet  avis  j'ai  fait  gouverner  au  Nord  pour  écarter  un  peu 
le  passage  où  j'aurais  pu  les  trouver  et  j'ai  fait  toute  la  voile  possible  en 
rondissant  du  Nord  à  TEst-Sud-Est,  insensiblement  pendant  la  nuit. 

Le  17,  au  jour,  j'ai  eu  connaissance  d'un  cutter  à  très  petite  distance  dans 
le  Nord~Est  ;  pouvant  mettre  le  cap  dessus,  je  l'ai  chassé  et,  à  5  heures, 
étant  à  moins  d'une  portée  de  8  de  lui,  il  m'a  fait  des  signaux  de  reconnais- 
sance auxquels  j'ai  répondu  par  un  coup  de  canon.  Il  a  amené  son  pavillon 
anglais  ;  il  venait  de  Piymouth  (parti  depuis  six  jours)  et  allait  à  Gibraltar. 
Gomme  ce  bâtiment  (armé  seulement  de  4  caronades  et  de  15  hommes  d'équi- 
pages) était  tout  neuf  et  suivant  son  capitaine  marchait  bien,  j'ai  d'abord  eu 
le  dessein  de  vous  le  conduire  et  je  l'ai  fait  suivre  après  l'avoir  amariné,  mais 
bientût  m'apercevant  qu*il  me  retardait  et  ayant  la  plus  vive  impatience  de  vous 


ALLEMAND.  —  CALDBR.  —  NELSON.  76S 

rejoindre,  je  Pai  attendu  et  fait  couler.  Ce  outter  rapporte  qu'il  a  tu,  passant 
devant  Torbay,  entrer  deux  Taisseaux  espagnols  entièrement  rasés  et  remor- 
qués par  deux  frégates.  Il  ne  peut  dire  où  ces  vaisseaux  ont  été  pris. 

Il  a  remarqué  qu'il  y  avait  à  bord  de  ces  bâtiments  beaucoup  de  soldats 
en  sarots  {sic). 

J'étais  bier  soir  entre  5  et  6  heures  au  point  de  station.  • 

Certifié  conforme  à  l'original. 

Allemand. 

Ainsi  qu'on  le  verra,  c'était  encore  Calder  qui,  lentement, 
remontait  au  Nord,  se  rapprochant  de  Cornwallis,  et  qu'on 
signalait  à  Allemand,  une  fois  au  Sud,  le  31  juillet,  et  une 
autre  fois  au  Nord,  le  2  août.  Mais,  en  concluant  à  Texistence 
de  deux  escadres,  alors  qu'il  n'y  en  avait  qu'une.  Allemand 
se  crut  en  sérieux  danger.  Pourtant,  il  resta  au  second 
rendez'-vous  (45^56  de  latitude  Nord  et  9^30  de  longitude 
Ouest),  fidèle  à  ses  instructions. 

Suite  du  rapport  d'Allemand, 

Depuis  le  16  (4  août)  au  matin,  j'étais  observé  par  une  frégate  placée  aii 
Nord-Ouest  de  Tescadre  et  au  Tent  ;  elle  a  fait  route  le  47  (5  août)  vers  le 
Ferrol. 

/>  18  (6  août)  rendu  au  second  point.  Le  capitaine  de  la  Gloire  m'envoya 
la  pièce  n*  4-n»  5. 

ly après  le  rapport  du  capitaine  de  TÂrmide,  le  Ferrol  serait  toujours  bloqué; 
d'après  celui  de  la  Gloire,  une  escadre  de  1 1  vaisseaux  croire  à  30  lieues  de 
mon  point. 

Je  Vai  traversée  dans  la  nuit  sans  en  avoir  la  connaùsance. 

Le  19  (7  août),  à  1  beure  après-minuit,  je  fis  donner  l'ordre  à  VArmide 
d*obser?er  jusqu'au  jour  un  bâtiment  faisant  des  signaux  qui  m'étaient  incon- 
nus, et  je  fis  serrer  le  Tent  à  l'escadre  ;  au  jour,  cette  Yoile  avait  pavillon  et 
flamme  anglaise  et  paraissait  à  portée  de  voix  par  le  travers  de  VArmide.  J'ai 
fait  arriver  l'escadre  sous  toutes  voiles  ;  signalé  à  VArmide  d'attaquer  et  com- 
battre, elle  l'a  aperçu.  Mais,  Monseigneur,  la  frégate  ennemie  ayant  toujours 
prime  de  manœuvre  a  laissé  arriver.  Autant  la  frégate  française  a  eu  l'avan- 
tage au  plus  près,  autant,  Monseigueur,  l'ennemi  en  a  eu  en  changeant 
d'allure.  Il  est  malheureux  que  la  frégate  VArmide  ne  se  soit  pas  trouvée 
sous  le  vent,  ce  qui  coupait  toute  retraite.  Elles  ont  échangé  quelques 
coups  de  canon.  Comme  le  constate  la  pièce  n<*  7,  un  cutter  était  à  3  heures 
au  vent  de  Tescadre  ;  une  autre  frégate  anglaise  sous  le  vent. 

Le  20  (8  août),  la  division  signala  i  voiles  au  vent  de  l'escadre. 

Aussitôt  qu'elles  m'eurent  reconnu,  je  les  perdis  de  vue,  ce  qui  prouva 
qu'elles  marchaient  mieux  que  l'escadre.  Le  capitaine  de  la  Gloire  m'envoya 
la  pièce  n<*  6. 


766  TBMHÉlffB  PARTIS.   —  CHAPITRB  XVII. 

Rapport  A»  O^p/tai/io  de  la  «  Gloire  ». 

tO  thermidor  (8  août  1805). 


J'ai  rhoDoeur  de  tous  reodre  compte»  Mossieur  le  Commandant,  que  le 
bâtiment  que  J'ai  visité  hier  soir»  d'aprèe  Totre  signal,  était  un  portugais 
Tenant  de  Lisbonne,  allant  à  Londres.  H  avait  été  visité  le  17  (5  août), 
par  é7*96'  de  latitude  Nord  et  il<»5'  de  longitude  oocidenUle  au  méridien 
de  Paris,  par  le  vaisseau  le  Dragon,  faisant  partie  <f  u/ie  dimsion  de  9  vaisseaux, 
dofU  3  à  trois  ponts  ;  cette  division,  aux  ordres  de  faminU  Caldtr,  est  celle  qui 
a  eu  un  engagement  avec  les  vaisseaux  du  Ferrol  à  la  suite  diêpsil  deux  espa- 
gnols ont  été  pris  :  le  Saint-Raph.iël  ;  le  deuxième  n'est  pas  comuL  L'eseadre 
anglaise  a  reçn  plusieurs  avaries  dans  sa  mâture  et  son  gréement  ;  eomme 
il  n*est  lait  aucune  mention  des  Français,  je  ne  sais  si  la  division  d«  Ferrol 
serait  sortie»  aurait  été  rencontrée  et  si  les  deux  vaisseaux  capturés  anraieat 
été  Joints  par  rinfériorité  de  leur  marche  ;  ou  si  Vescadre  combinée  se  serait 
séparée  et  si  les  Espagnols  auraient  été  rencontrés,  voulant  entrer  au  Ferrol^ 
Ce  portugais  a  encore  été  visité  le  18  par  la  frégate  le  Phénix,  allant  au  Sud- 
Ouest  et  paraissant  chercher  Vescadre  de  Camiral  Calder,  qui  tenait  également 
la  bordée  du  Sud-Ouest. 

Le  lieutenant  Anglais  que  j*ai  à  bord  m*a  dit  que  brd  Nelson  était  arrivé 
devant  la  Martinique  vingt-quatre  lieures  après  le  départ  de  F  armée  combinée  ; 
qu*il  l*avait  fait  suivre  et  observer  par  le  bn'ck  le  Curieux,  qui  était  arrivé  en 
Angleterre  et  avait  annoncé  que  Nelson  poursuivait  notre  armée.  Ce  matin, 
à  la  pointe  du  jour,  j'ai  eu  connaissance  d'un  bâtiment  en  apparence  sous  le 
vent  ;  il  a  viré  comme  moi,  lorsque  j'ai  pris  la  bordée  du  Sud-Ouest. 
A  4  heures,  je  l'ai  supposé  frégate  et  je  marchais  mieux  que  lui.  Lorsque  j'ai 
eu  connaissance  de  votre  escadre,  que  sans  doute  U  a  vue  en  même  temps, 
il  a  laissé  arriver  au  Nord-Est. 

Dès  que  le  jour  mieux  fait  m'a  permis  de  distinguer  que  VArmide  donnait 
chasse  à  une  frégate  ennemie,  j'ai  pris  les  amures  à  bâbord  et  cherché  à  couper 
chemin  à  cette  frégate.  Je  l'aurais  nécessairement  approchée,  mais  il  eût  fallu  Li 
chasser  bien  loin  encore  et  bien  longtemps  avant  de  la  joindre  à  bonne  portée. 

Lorsque  j'ai  vu  VArmide  serrer  le  vent,  je  lui  ai  mis  mon  numéro  et  ai  tiré 
un  coup  de  canon  pour  qu'elle  y  fit  attention.  J'ai  cru  devoir  virer  de  bord 
quand  vous  Tavex  fait  ainsi  que  l'A  rmide. 

Certifié  conforme  à  l'original. 

Le  commandant  de  Cescadre, 

Allemand  (1). 
Rapport  du  Capitaine  de  /'  «  Armide  ». 

21  thermidor  (9  août  1805). 
A  1  heure,  ayant  aperçu  un  bAtimeot  près  de  nous  par  le  bossoir  de  tribord  ; 


(1)  On  sait  d'ailleurs  par  une  lettre  de  Cornwallis  du  9  tiofïi  (Record  Office^  Channel 


ALLEMAND.  —  CALDER.   —  NELSON.  767 

^  i  h.  10  DOtti  l'aTODs  perdu  de  vue  ;  à  i  h.  1/4  nous  l'aTons  tu  de  nouTeau 
ayant  des  feux.  Au  même  instant,  j*ai  fait  serrer  le  vent  pour  vous  prévenir  de 
cela  ;  vous  m*avex  répondu  l*avoir  aperçu  ;  j'ai  de  suite  repris  mon  poste. 
A  I  h.  1/?,  le  brick  le  Sylphe  est  venu  me  transmettre  à  la  voix  votre  ordre 
de  reeonnnltre  ce  bâtiment,  en  ne  compromettant  ni  la  division  ni  moi  ;  de  ne 
faire  de  signaux  qu'autant  que  les  siens  seraient  exacts  ;  et  que  lui  prenait 
une  position  intermédiaire.  De  suite  j'ai  laissé  arriver  au  N.-Ë.  1/4  £.,  sous 
toutes  voiles  possibles,  ledit  bâtiment  ne  paraissant  plus.  A  2  h.  i/2,  je  l'ai 
aperçu  devant  nous  ;  à  3  h.  9/4,  nous  en  étions  à  petite  distance. 

Il  avait  des  signaux  de  reconnaissance  â  son  mât  d'artimon  et  de  misaine. 
Je  l'ai  reconnu  alors  ft*égate  et  ennemie  ;  un  Instant  après  elle  a  hissé  pavillon 
anglais  et  â  forcé  de  voile. 

Je  vous  ai  signalé  que  le  bâtiment  chassé  était  ennemi  ;  â  4  h.  1/i,  me 
trouvant  très  près  de  lui,  j'ai  fait  arborer  pavillon  et  flamme  française,  que 
j'ai  assuré  d'un  coup  de  canon  à  boulet.  L'équipage  anglais  a  crié  aussitôt  trois 
fois  :  bourrah  !  quoique  occupé  à  jeter  une  intioité  de  choses  à  la  mer.  Le 
capitaine  de  cette  frégate,  reconnaissant  son  dés^avantage  au  plus  près  du  vent, 
a  laissé  arriver  au  N.-E.  1/4  E.  et  a  mis  dehorii  toutes  ses  voiles  d'étai,  bon- 
nettes et  oaeatois;  avons  arrivé  comme  lui  et  rois  tout  dehors.  11  a  commencé 
â  faire  usage  de  ses  canons  de  retraite,  et  bientét  après  nous  nous  sommet 
aperçus  que  la  frégate  nous  éloignait  ;  ne  pouvant  lui  tirer  d'autres  canons  de 
chasse  que  ceux  du  gaillard  d'avant,  plus  d'autre  espoir  que  de  là  dégréer  de 
quelques  mâts,  vergues  ou  voiles,  j'ai  donné  l'ordre  d'arriver  vent  arrière  pour 
lui  envoyer  ma  volée  de  bâbord  haut  et  bas,  ce  que  je  fis.  Ensuite,  je  suis 
revenu  au  vent  pour  continuer  la  chasse.  J'ai  eu  le  déplaisir  de  la  voir  s'éloi* 
gner  de  plus  en  plus,  en  me  tirant  toujours  de  ses  canons  de  retraite,  tant  de 
sa  batterie  que  de  son  gaillard.  A  5  heures,  un  boulet  a  frappé  le  grand  mât 
de  hune,  un  peu  au-dessus  du  taccnge  et  a  coupé  la  poulie  d'itague  de  bâbord 
et  même  le  galhauban  d'arrière  ;  le  galhauban  volant  de  hune  et  celui  de  per- 
roquet et  la  drisse  de  la  grande  voile  d'étai  ont  été  coupés.  Il  a  en  même  temps 
enlevé  un  morceau  de  la  noix  du  mât  de  hune,  ce  qui  nous  a  empêché  de 
mettre  dehors  la  bonnette  de  perroquet;  plusieurs  autres  boulets  ont  passé 
dans  le  grand  hunier,  misaine  et  autres  voiles  et  ont  aussi  coupé  l'amure  do  la 
bonnette  de  hune  du  grand  hunier,  le  faux  brack  du  petit  hunier,  les  branches 
de  boulines  du  petit  et  grand  perroquet  et  la  balancine  du  petit  eaoatois.  La 
frégate  nous  gageant  toujours,  l'armée  qui  se  trouvait  derrière  moi  â  toutes 
voiles,  se  trouvant  assez  éloignée  pour  ne  plus  voir  le  corps  des  vaisseaux  ni 
pouvoir  distinguer  facilement  les  signaux,  nous  avons  cependant  reconnu  celui 
qui  demandait  si  noua  avions  l'espoir  de  gagner  l'ennemi  :  j'ai  répondu  que 
non.  J'ai  reconnu  à  bord  du  Sylphe  le  signal  de  ralliement  et  celui  de  serrer 
le  vent,  ce  que  j'ai  resignalé  à  la  frégate  la  Gloire,  qui  était  dans  le  Sud  de 
nous,  distance  de  %  lieues.  Nous  avons  viré  de  bord,  comme  l'ordounait  le 


Fleet)  que  la  Nayade,  détachée  le  6  août,  signala  une  escadre  française  que  l'on  crut  être 
l'escadre  de  Rocbefort. 

Le  rapport  du  capitaine  Dundas  (par  latitud<^  47»  56'  cl  longitude  6«  40'  du  méridien  de 
Greenwich)  signale  11  navires  do  guerre. 


768  TROlSlàMB  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVU. 

signal  et  comme  faisait  Tarmée  ;  nous  avions  alors  au  Tent  à  nous  un  cutter 
et  une  galiotte,  ainsi  qu'un  grand  bâtiment  à  trois  mâts  au  Tent  à  nous, 
courant  tribord  amures. 

Certifié  conforme  à  l'original. 

Le  eomniandant  de  Ceteadre, 

Alluano. 

Ces  rapports,  continue  Allemand,  se  rapportent  parfaitement  avec  les 
n**  4  et  5.  Ma  position  dam  le  golfe  devient  inquiétante,  Monseigneur.  L'escadre 
qui  bloque  Brest  connaît  mon  point  par  la  frégate  échappée  à  TArmide  ;  t escadre 
qui  bloque  le  Ferrol  et  celle  qui  croise  par  45*  de  latitude  etW^  de  longitude  (1  ) 
en  sont  instruites  par  les  frégates  qui  nCont  observé.  Ma  croisière  est  trop  décelée 
pour  quil  soit  prudent  de  la  garder  jusqu'au  25.  Il  est  presque  impossible^  Mon- 
seigneur,  qutm  bâtiment  envoyé  par  f  amiral  Villeneuve  me  parvienne  ;  il  sera 
pris  par  la  quantité  de  bâtiments  ennemis  qui  croisent  sur  tous  les  points  du 
golfe.  A  midi  fêtais  à  deux  lieues  de  mon  point  de  rendez-vous,  ce  qu'on  peut 
regarder  comme  extrêmement  juste.  Le  îl  (9  août),  %me  frégate  ennemie  vint 
me  reconnaître  et  s'éloigna  ensuite  avec  une  marche  bien  supérieure,  à  midi 
j*étais  directement  sur  le  point. 

Je  suis  au  23  (1i  août),  Monseigneur,  je  n'ai  plus  que  trente  heures  à  passer 
sur  ce  point  et  je  suis  déterminé  à  r abandonner.  Par  les  instructions  dont 
m'bonore  Votre  Eicellence,  elle  s'exprime  ainsi  :  u  Vos  instructions  vous  feront 
bien  connaître  C esprit  de  votre  mission  et  son  but;  mais  Sa  Majesté  s'en  rap- 
porte à  votre  zèle  et  à  votre  discernement  sur  toutes  les  modifications  que  Tùi- 
térét  de  son  service  et  les  circonstances  vous  conduiront  à  y  aftporter  ».  Je  crois 
que  l'intérêt  de  Sa  Majesté  est.  Monseigneur,  de  joindre  cette  escadre  à  celle  du 
général  Villeneuve,  ce  qui  était  praticable  tant  que  j'ai  pu  la  cacher;  mais  elle 
sera  rencontrée  sur  ce  point  avant  trente  heures  par  des  forces  supérieures,  puis- 
quelle  y  a  été  vue  par  six  frégates  et  un  cutter  ennemis  qui  n'ont  qu'à  se  porter 
par  les  45®  pour  se  trouver.  L'intérêt  actuel  de  Sa  Majesté  est  de  lui  assurer 
cette  escadre  et  puisqu'elle  veut  bien  s'en  rapporter  à  mon  zèle  sur  toutes  les 
modifications  que  l'intérêt  de  son  service  et  la  circonstance  me  conduiraient 
à  y  apporter,  je  ferai  route  ce  soir  pour  Vigo  où  j'aurai  des  nouvelles  certaines. 
Cette  démarche,  Monseigneur,  est  nécessitée  par  des  circonstanciés  majeures, 
et  je  mets  en  fait  que  personne  n'eût  tenu  aussi  longtemps  sur  un  point  bien 
observé  de  l'ennemi  depuis  le  18  (6  août).  Si  j'étais  assez  malheureux,  Mon- 
seigneur, pour  que  ma  manière  de  Toir  ne  fût  pas  celle  de  Votre  Excellence, 
les  considération:!  qui  nie  portent  à  agir  ainsi  me  mériteront  votre  indul- 
gence et  celle  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale. 

La  perte  de  la  Didon,  les  renseignements  reçus  par  les 
éclaireurs  d'Allemand,  s'expliqueront  d'eux-mêmes  par  les 
mouvements  des  escadres  anglaises. 


(1)  U  n'y  en  avait  qu'une,  celle  de  Calder. 


ALLEMAND.   —  CALDfiR.  —  NELSON.  769 

Nous  avons  laissé  Nelson  ancré  le  21  juillet  dans  la  baie  de 
Tétuan,  occupé  à  se  ravitailler  en  eau  et  en  ^dvres  frais.  Le  22, 
il  se  disait  prêt  à  passer  dans  TOcéan  au  premier  vent 
d'Est  (1),  mais  il  n'avait  pas  «  encore  un  seul  mot  de  nou- 
velles, ce  qui  »,  dit-il,  «  me  brise  le  cœur  ».  «  Je  me  placerai, 
ajoutait-il,  de  façon  à  recevoir  des  renseignements,  et  si  j'ap- 
prends que  l'ennemi  est  allé  dans  le  golfe  de  Gascogne,  j'irai 
devant  le  Ferrol  où  à  Ouessant,  suivant  le  cas  ».  Ayant  com- 
plété ses  vivres  à  quatre  mois,  sauf  en  pain,  il  comptait 
prendre  position  entre  les  caps  Spartel  et  Saint- Vincent.  «  Je 
(f  n'aurais  peut-être  pas  dû,  disait-il  (2),  entrer  dans  la  Médi- 
«  terranée,  mais  le  besoin  d'eau  et  de  rafraîchissements  tu'y 
V  a  absolument  obligé.  Je  n'aurais  pas  eu  assez  d'eau  pour 
((  aller  même  au  Ferrol  ».  Dans  l'après-midi  du  23,  l'escadre 
mit  à  la  voile  pour  se  rendre  à  Ceuta;  la  Décade^  envoyée  par 
Collingwood,  et  qui  venait  de  rejoindre,  n'apportait  aucune 
nouvelle.  Mais,  le  lendemain,  le  Termagant  apporta  un  jour- 
nal de  Lisbonne  et  une  lettre  de  Collingwood,  datée  du  13  (3), 
racontant  la  rencontre  du  Curieux  avec  l'armée  combinée, 
le  19  juin.  Cette  fois,  Nelson  prit  rapidement  son  parti.  «  Je 
vais,  écrit-il,  me  mettre  en  relation  avec  Collingwood,  puis  je 
ne  perdrai  pas  un  moment  pour  aller  au  Nord,  soit  sur  le 
Ferrol,  l'Irlande  ou  Ouessant,  suivant  les  circonstances.  Le 
Tei^magant  a  la  mission  de  faire  rejoindre  V Amazon  à  Spit- 
head  si  tous  les  autres  rendez-vous  nous  manquent  ». 

La  contrariété  des  vents  empêcha  Nelson  de  visiter  Col- 
lingwood à  son  bord.  Dans  la  lettre  qu'il  lui  laissa  à  son 
passage  devant  Cadix,  il  le  prie  de  continuer  son  service 
devant  ce  port  avec  les  vaisseaux  actuellement  stationnés 
devant  Saint- Vincent,  et  en  outre,  2  frégates,  1  brick  et 
2  bombardes.  Le  reste  est  remis  à  Bickerton  chargé  de  blo- 
quer Carthagène  et  d'assurer  la  liberté  du  commerce  dans  la 
Méditerranée. 

Le  25,  à  midi,  Nelson  était  à  17  lieues  au  Sud-Est  du  cap 
Sainte-Marie,  la  division  de  Collingwood  dans  TEst  était 
encore  en  vue. 


(1)  A  rAminaté. 
\t)  A  r Amirauté. 
(3)  Brithh  Muséum,  vol.  34930. 

IV.  49 


770  TROISlillE  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVII. 

Le  lendemain,  il  prévenait  le  commandant  de  Fescadre 
de  la  Manche  de  son  approche. 

Nelson  à  Gardner  (1). 

Je  pan  pour  le  Nord»  car  je  oe  doute  pas  que  Tennemi  ne  soit  allé  dans 
quelque  port  du  golfe  de  Gascogne.  Si  j'apprends  qu*il  va  en  Irlande,  je  tous 
rallierai.  Il  est  bien  probable  que  je  chercherai  le  cap  Glear  où  je  tous  prie  de 
m'adresser  les  nouTelles.  J*ai  aTec  moi  onze  vaisseaux 

Nelson  à  lord  CornwalliB  (1). 

L'escadre  ennemie  est  sûrement  quelque  part  dans  le  golfe.  Je  pars 

pour  le  Nord  avec  onze  vaisseaux,  et  j'irai  chercher  le  cap  Glear  ou  vous  ral- 
lierai à  Ouessant  suivant  les  renseignements.  Après  une  longue  poursuite 
j'espère  arriver  au  moment  de  la  rencontre,  car  ma  santé  va  m'obliger  k 
débarquer  pour  quelque  temps. 

Depuis  ce  moment,  jusqu'au  15  août,  jour  où  la  jonction 
fut  opérée  avec  Tescadre  de  la  Manche,  il  existe  dans  toutes 
les  histoires  de  Nelson  un  vide  tout  à  fait  singulier. 

Certes,  les  vents  du  Nord  qui,  au  même  moment,  forçaient 
Villeneuve  à  entrer  à  Vigo,  au  lieu  du  Ferrol,  retardèrent  ter- 
riblement aussi  Nelson  le  long  de  la  côte  d'Espagne,  puisque 
le  3  août,  il  était  encore  par  39®  de  latitude,  c'est-à-dire  à  hau- 
teur de  Lisbonne.  Mais  ce  qu'on  à  peine  à  comprendre,  c'est 
qu'il  soit  passé  successivement  devant  Vigo  et  le  Ferrol  sans 
y  prendre  le  moindre  renseignement,  ni  de  Tennemi,  ni  de 
Calder  qu'il  devait  compter  trouver  dans  ces  parages  ;  qu'il  ait 
dépassé  Rochefort  sans  s'informer  non  plus  si  l'escadre  com- 
binée n'y  est  pas  entrée,  ainsi  qu'il  l'avait  cru  lui-même  un 
moment. 

Le  journal  particulier  de  Nelson,  sans  faire  la  lumière  sur 
les  différents  états  d'esprit  par  lesquels  dut  passer  l'Amiral, 
témoigne  au  moins  de  la  contrariété  que  les  éléments  appor- 
tèrent à  son  voyage  (2) . 

27  juillet.  —  Au  jour devant  le  cap  Saint- Vincent.  Vent  du  Nord. 

28  juillet.  —  Grains  frais  du  Nord-Ouest. 


(1)  27  jaUlet.  British  Muséum,  vol.  34930. 

(2)  NeUon'8  private  diary  (British  Muséum,  34068),  très  difâeile  à  déchiiDrer. 


ROUTB  D£  NELSON. 


772  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVII. 

29  juillet.  —  Brise  modérée  du  Nord-Nord-Est.  A  143  milles  du  cap  Saiot- 
Vioceot.  La  nuit  beau  temps.  Yeot  du  Nord. 

30  juillet.  —  Brise  modérée  du  Nord-Est.  Fait  110  milles  dans  les  der- 
nières TÎngt-quatre  heures. 

3!  juillet.  —  Brise  fralcbie  du  Nord-Est,  mer  mauYaimî.  Fait  75  milles. 
1"  août.  —  Brise  légère  (?).  Fait  36  milles. 

2  août.  —  D'abord  brises  légères  de  la  partie  Nord,  puis  grains.  Route 
au  Nord- Nord -Est,  distance  46  milles. 

3  août.  —  Brise  du  Nord.  Je  suis  bien  attristé  de  ce  ^ent  contraire,  mais 

je  me  fie  à  la  Providence (illi^^ible).  Latitude  39*  1',  longitude  16*  Ouest 

Venu  dans  TOuest  de  72  milles. 

4  août.  —  Brise  du  Nord -Nord-Ouest,  cap  au  Nord-Est.  Je  crois  que  nous 
allons  avoir  un  vent  d*Ouest  (?).  Route  Nord-Nord-Ouest.  41  milles. 

5  août.  —  D'abord  de.s  soufQes  du  Nord puis  enfin  nous  avons  en  du 

Tent  d'Ouest.  Fait  80  milles  nu  Nord-Nord-Est.  Puis  toute  la  nuit  route  au  Nord. 

6  août  —  D'abord  brise  modérée  du  Nord-Est.  Route  Nord-Nord-Ouest 
Distance  60  milles. 

7  août.  —  D^bord  brise  du  Nord-Est.  Latitude  4i^  8,  longitude  i8*  i4 
Ouest. 

8  août.  —  D'abord  brise  du  Sud-Ouest Route  Nord-Est.  50  milles. 

9  août.  —  Brise  modérée  Ouest.  Brouillard.  Boute  Nord-Est.  146  milles. 

10  août.  —  Presque  calme,  brume.  Route  Nord-Nord-Est.  57  milles. 

11  août.  —  Brise  légère  Sud-Ouest.  Route  Nord-Nord-Est.  53  milles.  Le  soir 
brise  fraîche  du  Nord  •Nord-Ouest.  Mer  en  tête. 

12  août.  —  Brise  fraîche  du  Nord,  n  Si  cela  continue,  il  faudra  renoncer 
à  l'Irlande  >».   Route   Nord-Est-Nord.   149   milles.  A  5  heures,  parlé  à  la 

Niobé pas  de  renseignements  sur  l'arrivée  de  l'ennemi  dans  nn  des  ports 

du  golfe  de  Gascogne. 

13  août. —  Brise  modi'rée.  Mer  grof^se.  A  mx^^  parlé  à  un  navire  venant 
de  Cowes.  Pas  de  renseignements.  Où  peuvent  être  les  flottes  combinées  f  Je 
suis  peu  à  mon  aise.  Latitude  49*7,  longitude  15*  Ouest.  136  milles. 

14  août.  —  Beau  temps.  112  milles. 

15  août.  —  18  lieues  d'Oues^ant.  Jonction  avec  l'escadre  de  la  Manche. 

ColQcidence  singulière,  pendant  la  pénible  traversée  que 
Nelson  venait  de  faire,  pour  rejoindre  le  commandant  en 
chef,  l'Amirauté  lui  avait  envoyé  Tordre  qu'il  exécutait  de  lui- 
même.  Pour  la  deuxième  fois,  et  comme  pour  la  marche  vers 
les  Antilles,  Texécution  avait  devancé  l'arrivée  des  instruc- 
tions. 

L'amiral  Cornwallis  (1),  nous  ayant  transmis  le  compte  rendu  de  Tamiral 
Calder  sur  un  combat  livré  le  22  juillet  par  43*  30  latitude  Nord  et  11*  17  lon- 


(1)  Record  Office,  Channel  Fleet,  et  British  Muséum,  vol.  34830. 


ALLEMAND.  —  CALDER.  —  NELSON.  773 

gitude  Ouest  avec  Tescadre  ennemie  forte  de  vingt  vaisseaux  dont  il  a  pris 
deux  après  une  action  de  quatre  heures,  et  ayant  lieu  de  croire  que  le  reste 
des  forces  ennemies  est  au  Ferrol,  nous  invitons  Votre  Seigneurie,  sans  perdre 
de  temps,  à  se  porter  avec  son  escadre  sous  Ouessant  et  à  se  mettre  sous  les 
ordres  de  Tamiral  Cornwallis.  Si  vous  n'aviez  pas  encore  quitté  le  rendez-vous 
devant  Cadix,  vous  laisseriez  à  la  disposition  de  lord  CoUingv^ood  assez  de  vais- 
seaux pour  maintenir  le  blocus  de  ce  port. 

Londres,  3  août  1805. 

Ainsi,  c'était  Tapplication  du  mot  d'ordre  général,  con- 
sistant à  tout  réunir  à  l'entrée  de  la  Manche  et  pour  la  pro- 
tection de  l'Angleterre,  consigne  déjà  appliquée  par  Orde 
en  avril,  que  l'Amirauté  rappelait  une  fois  de  plus. 

De  lui-même,  Nelson  s'y  était  conformé,  mais  il  n'était 
pas  le  seul.  Le  13  août,  Stirling,  envoyé  devant  Rochefort  et 
ayant  appris  que  l'escadre  d'Allemand  était  partie  le  25,  avait 
rejoint  Cornwallis  (1)  ;  le  14,  Calder,  avec  les  9  vaisseaux 
qui  lui  restaient,  avait  aussi  rallié  le  commandant  en  chef 
«  bien  qu'il  eût  appris,  dit  ce  dernier,  que  toute  l'escadre 
qu'il  avait  combattue  le  22,  était  au  Ferrol  ».  Resté  devant 
ce  port  jusqu'au  8  août,  et  se  sentant  trop  faible  pour  empê- 
cher la  sortie  de  Farmée  combinée^  il  avait  fait  voile  sur 
Ouessant,  laissant,  pour  observer  les  alliés,  le  vaisseau  le  Dra- 
gon et  les  frégates  Phœnix,  Nayad  et  Iris  qui  devaient  garder 
le  contact. 

L'arrivée  de  Nelson,  avec  ses  onze  vaisseaux,  portait  la 
force  totale  de  l'armée  de  lord  Cornwallis  à  39  vaisseaux  (2), 
c'est-à-dire  à  un  eflfectif  très  supérieur  à  tout  ce  que  Ville- 
neuve aurait  pu  amener  sous  Ouessant. 

D'après  ce  que  l'on  sait  de  l'impossibilité  absolue  où  se 
serait  trouvé  Ganteaume  de  prendre  part  à  une  bataille  livrée 
au  large,  on  peut  conclure  que  l'armée  combinée,  arrivant. 


(1)  Record  Office t  Channel  Fleet  et  British  Muséum,  vol.  34830. 

(2)  Avec    Nelson 11  vaisseaux. 

—  Stirling 4        — 

—  Calder 9        — 

—  Cornwallis 15        — 

Total.  , 39  vaisseaux. 

Plus  deux  :  le  Goliath  et  le  Dragon^  laissés  vers  le  cap  Finistère. 


TROISIEME   PARTIE.   —  CHAPITHE  XVII. 

'S  le  IS  août,  au  contact  de  la  grande  escadre  de  lord 
mwallis,  était  vouée  à  une  défaite  certaine. 
^  la  vérité,  ce  jour-ià,  Villeneuve  n'était  encore  qu'à 
lieues  du  cap  Finistère  et,  s'il  avait  continué  à  marcher 
■8  te  Nord,  il  aurait  trouvé  à  son  arrivée  une  situation  un 
1  différence,  sur  laquelle  il  y  aura  lieu  de  revenir  un  peu 
is  loin. 


CHAPITRE   XVIII 


LE  FERROL  —  CADIX 


L'état  de  découragement  manifesté  par  Tamiral  Villeneuve , 
dès  son  arrivée  à  la  Corogne,  ne  fit  que  s'accroître  ;  Tamiral 
Gravina,  lui  aussi,  ne  comptait  plus  du  tout  sur  le  succès  du 
plan  général. 

L'amiral  Gravina  au  Ministre  de  la  marine. 

Port  do  Ferrol,  3  août  1805  (1). 

Je   dirai  à  Votre  Excellence  que  le  plan  d'opérations  ne  pouvait 

paraître  mieux  conçu,  qu'il  était  diyin  (sic) Mais  aujourd'hui  c'est  60  Jours 

que  nous  sommes  partis  delà  Martinique,  et,  ayant  déjà  eu  occasion  les  Anglais 
d'avertir  d'avance  en  Europe  et  de  se  donner  le  temps  de  renforcer  leur 

escadre  du  Ferrol, tout  cela  a,  selon  moi,  beaucoup  déconcerté  un  si  beau 

et  si  bien  prémédité  plan.  A  présent,  l'ennemi  connaît  nos  forces C'est 

naturel  qu'en  sortant  d'Ici,  ils  oseront  nous  donner  le  combat,  et  (ils  pourront) 
après  envoyer  leurs  mouches  avertir  l'escadre  de  Brest,  nous  suivre  et  nous 
guetter  et  nous  proportionner  (administrer)  un  second  combat  avant  notre 
atterrage  à  Brest  et  détruire  le  plan  de  la  campagne,  qui  certainement  était  le 
plus  beau  et  le  plus  intéressant,  et  qui  très  probablement  aurait  réussi,  si  nous 
étions  arrivés  au  Ferrol  vite  et  sans  être  attardés,  réunir  les  forces  d'ici  et 
continuer  notre  marche.  Mais  malheureusement  notre  très  long  voyage  a 
donné  le  temps  aux  ennemis  de  se  prévenir,  de  renforcer  leurs  croisières  et  de 
prendre  leurs  mesures.  J'ai  fait  prévenir  l'amiral  Villeneuve  que  je  suis  prêt 
à  partir  au  premier  signal  et  à  le  suivre  partout 

Je  suis  très  fâché  de  me  voir  séparé  de  mon  digne  collègue,  étant  lui  à  la 
Gorogne.  Gela  rendra  plus  difficile  notre  sortie  ensemble  :  lui  a  besoin  de  Vent 
à  l'Ouest  pour  sortir,  moi  ici  seulement  des  vents  de  l'Est. 

(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^r,  233.  Minute  de  la  main  de  Oravina. 


776  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XVIII. 

Uamiral  Villeneuve  au  Ministre  de  la  marine. 

Bucentaure,  le  19  thermidor  an  xiu  (6  août  1805)  (1). 
Monseigneur, 

Je  réponds  à  Totre  lettre  particulière  du  28  messidor.  Si,  comme  je  dexais 
l'espérer,  j*eusse  fait  un  trajet  prompt  de  la  Martinique  au  Ferrol,  que  j'eusse 
trouvé  l'amiral  Galder  avec  6  vaisseaux,  ou  au  plus  9,  que  je  l'eusse  battu  et, 
après  aToir  rallié  l'escadre  combinée,  ayant  encore  un  mois  et  demi  de  Tivres 
et  de  l'eau,  j'eusse  fait  ma  jonction  à  Brest  et  donné  cours  à  la  grande  expédi- 
tion, je  serais  le  premier  homme  de  France.  Eh  bien  tout  cela  devait  arriver^ 
je  ne  dis  pas  avec  une  escadre  excellente  voilier e,  mais  même  avec  des  vaisseaux 
très  ordinaires.  J'ai  éprouvé  dix-neuf  jours  de  vents  contraires  ;  la  division 
espagnole  et  V Atlas  me  faisaient  arriver  tous  les  matins  de  4  lieues,  quoique 
la  plupart  des  vaisseaux  fussent,  la  nuit,  sans  Toiles  ;  deux  coups  de  vent 
de  Nord-Est  nous  ont  avariés,  parce  que  nous  avons  de  mauvais  mâts,  de 
mauvaises  voiles^  de  mauvais  gréements,  de  mauvais  officiers,  de  mauvais  mate- 
lots.  Uennemi  a  été  averti,  il  s'est  renforcé,  il  a  osé  venir  nous  attaquer  avec  des 
forces  numériquement  bien  inférieures,  le  temps  l'a  servi.  Pas  exercés  aux  com- 
bats et  aux  manœuvres  d'escadre,  tous  les  capitaines  dans  la  brume  n'ont 
suivi  d'autre  règle  que  de  suivre  leur  matelot  d'avant  et  nous  Toici  la  fable 
de  l'Europe. 

J'arrive  dans  ce  port  :  tordre  positif  de  ne  pas  entrer  au  Ferrol  achève  de 
mettre  des  entraves  au  ravitaillement  de  f  escadre  et  à  la  jonction.  Je  suis  obligé 
de  mouiller  à  la  Corogne,  ou  ton  ne  trouve  rien,  pas  même  la  possibilité  de 
débarquer  des  malades  et  mes  communications  avec  le  Ferrol,  sont  longues  et 
(jiilficiles.  Le  général  Gourdon,  qui  pouvait  si  puissamment  m*aider,  est  malade 
mourant.  On  n'éprouva  jamais  plus  de  contrariétés,  je  suis  dans  un  état  qui 
ne  peut  se  décrire,  environné  d'ennemis,  depuis  que  la  fortune  ne  me  sourit 
plus  ;  j'en  trouverais  bien  plus  encore  parmi  ceux  mêmes  qui  n'auront  pas 
partagé,  ou  du  moins  qui  n'auront  pas  été  témoins  de  ma  situation,  et  je 
m'attends  à  tout. 

On  me  rend  l'arbitre  des  plus  grands  intérêts,  mon  désespoir  redouble 
d'autant  plus  que  l'on  me  témoigne  plus  de  conGance,  parce  que  je  ne  puis 
prétendre  à  aucun  succès,  quelque  parti  que  je  prenne.  //  m'est  bien  démontré 
que  les  marines  de  France  et  d'Espagne  ne  peuvent  pas  se  montrer  dans  ces 
circonstances  en  grande  escadre,  elles  n'ont  aucune  ressource  pour  parer  aux 
accidents,  et  l'ennemi  est  d'autant  plus  audacieux  qu'il  conçoit  mieux  que 
nous-mêmes  notre  position.  Des  divisions  de  3,  4  ou  5  vaisseaux  au  plus,  c'est 
tout  ce  que  nous  pouvons  faire  que  d'être  capables  de  les  conduire. 

Que  Ganteaume  sorte  et  il  en  jugera,  et  l'opinion  publique  sera  fixée. 

Je  vais  partir,  mais  je  ne  sais  ce  que  je  ferai.  Huit  vaisseaux  se  tiennent 
en  vue  de  la  côte,  à  huit  lieues  ;  ils  profileront  de  la  leçon  donnée  à  Pamiral  Orde, 
ils  nous  suivront  :  je  ne  pourrai  pas  les  joindre  et  ils  iront  se  rallier  aux 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^r,  Î30-26Î. 


LE  FERROL.  —  CADIX,  777 

escadres  devant  Brest  ou  devant  Cadix,  suivant  que  je  ferai  route  pour  l*un  ou 
r  autre  de  ces  deux  ports.  Si  fêlais  retenu  ici  seulement  dix  ou  douie  jours,  je 
serais  hors  d*état  de  reprendre  la  mer,  et  la  famine  serait  dans  cette  province.  Il 
s'en  faut  de  beaucoup  que,  sortant  d'ici  avec  vingt-neuf  vaisseaux,  je  puisse  être 
considéré  comme  pouvant  lutter  contre  un  nombre  de  vaisseaux  approchant.  Je  ne 
crains  peu  de  le  dire  à  vous,  je  serais  bien  fâché  d'en  rencontrer  vingt. 

Nous  afons  une  tactique  DRTale  suranDée  ;  nous  ne  savons  que  nous  mettre 
en  ligne,  et  c'est  ce  que  demande  Fennemi;  je  n'ai  ni  le  moyen,  ni  le  temps, 
ni  la  possibilité  d'en  adopter  une  autre  avec  les  commandants  auxquels  sont 
conâés  les  vaisseaux  des  deux  marines,  dont  la  plupart  n'ont  Jamais  su  faire 
une  réflexion,  et  qui  n'ont  aucun  rapport  de  comparaison  dans  la  tête. 

Je  crois  bien  que  tous  tiendront  à  leur  poste,  mais  pas  un  ne  saurait  prendre 
une  détermination  hardie.  Je  prévoyais  tout  cela  avant  de  partir  de  Toulon, 
mais  je  me  suis  fait  illusion,  seulement  jusqu'à  ce  que  j'aie  vu  les  vaisseaux 
espagnols  qui  se  sont  joints  à  moi;  alors,  ma  foi,  il  a  fallu  se  désespérer  de 
tout.  L'amiral  <jravina,  qui  a  reçu  tant  d'éloges  pour  son  appareillage  de  Cadix, 
aurait  mérité  le  blâme  le  plus  sévère.  Nous  avons  pris  la  mer  avec  des  vais- 
seaux ainsi  équipés  et  mauvais  par  eux-mêmes.  Je  rends  d'ailleurs  toute 
justice  à  son  dévouement,  lui  seul  apprécie  ma  position  et  se  montre  vraiment 
mon  ami. 

Je  veux  finir  cette  jérémiade,  je  vous  écris  ici  dans  l'amertume  de  mon 
âme,  et  je  ne  finirais  pas  si  je  laissais  cours  à  mon  épanchement.  Mais  pour^ 
quoi  ne  m'avez-vom  pas  plus  écouté  avant  mon  départ  de  Toulon?  Nonobstant, 
veuillez  bien  recevoir  l'assurance  de  tous  les  sentiments,  en  retour  de  ceux 
que  vous  avez  bien  voulu  m'exprimer  et  que  je  vous  ai  voués  depuis  longtemps. 

Dans  une  lettre  du  même  jour,  Villeneuve  annonce  que 
les  vents  passant  à  TEst,  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  sortie 
des  vaisseaux  du  Ferrol,  il  va  faire  touer  les  vaisseaux  pour 
sortir  de  la  Corogne.  «  En  quelque  état  qu'ils  se  trouvent, 
dit-il,  je  mets  en  mer  pour  me  présenter  devant  Brest.  » 

Ce  jour-là,  huit  vaisseaux  ennemis  étaient  signalés  à  neuf 
lieues  dans  le  Nord-Ouest,  et  Villeneuve  pensait  que  peut- 
être  ils  n'avaient  pas  connaissance  de  son  entrée  à  Vigo 
ni  à  la  Corogne. 

Les  journées  des  3,  4,  5,  6  et  7  août  furent  nécessaires  pour 
compléter  Teau  et  les  vivres.  On  put  trouver  des  approvi- 
sionnements pour  quarante-cinq  jours,  sans  toucher  aux  res- 
sources de  Tescadre  espagnole,  grâce  aux  ordres  donnés  par 
le  prince  de  la  Paix  (1).  Le  8,  Villeneuve  s'occupa  de  nou- 
veau d*appareiller,  mais  les   vents  contraires,  la  mauvaise 


(1)  Lettre  de  Beornon ville  du  15  août.  Voir  ci^desssus. 


778  TROISIÊBiB  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVni. 

situation  du  Ferrol,  dont  la  sortie  est  très  difficile,  retar- 
dèrent le  départ  jusqu'au  13.  Cependant,  de  Taveu  d'un 
témoin  fort  peu  bienveillant  pour  Tamiral,  les  efforts  sont 
journaliers  et  la  perte  des  cinq  jours,  écoulés  entre  le  8  et 
le  13,  parait  être  facilement  justifiable. 

Journal  de  Reille, 

Les  15, 16, 17,  18  et  19  (3,  4,  5,  6  et  7  août),  resté  à  la  Gorogne,  fait  de 
l'eau  et  complété  chaque  Taisseau  à  quarante-cinq  jours  de  viyres.  Le  20 
(8  août),  sorti  en  dehors  de  la  Gorogne  et  mouillé  à  cause  des  Tents  contraires. 
Le  21  (9  août),  Tarmée  a  encore  appareillé,  mais  n'a  pu  aller  qu'à  un  mille 
plus  loin.  Dans  Taprès-midi,  un  vaisseau  ennemi  est  Tenu  la  reconnaître. 
Le  22  (10  août),  Farmée  a  encore  appareillé  et  est  sortie  entièrement  de  la  haie 
de  la  Gorogne  et  a  louvoyé  en  dehors.  Les  vents  ayant  passé  au  Nord-Est,  les 
cinq  vaisseaux  français  ont  commencé  à  sortir  vers  midi  du  Ferrol;  ils  ont  été 
suivis  par  huit  vaisseaux  espagnols.  Trois  vaisseaux  espagnols  sont  encore 
restés  au  Ferrol,  il  est  très  malheureux  qu'ils  n'aient  pas  suivi  les  autres, 
l'armée  eût  pu  de  suite  mettre  en  mer.  Elle  a,  en  attendant,  jeté  l'ancre  à  l'en- 
trée de  la  haie  d'Ares  ou  Betanzos. 

Ce  jour-là,  effectivement,  Villeneuve  avait  cru  pouvoir 
annoncer  son  départ  : 

I  22  thermidor  an  xni  (10  août  1805)  (1). 

Monseigneur, 

L'escadre  du  Ferrol  fait  sa  jonction;  je  pars  et  je  me  dirigerai,  suivant  les 
circonstances  y  sur  Brest  ou  sur  Cadix.  Les  ennemis  nous  observent  ici  de  trop 
près  pour  pouvoir  espérer  de  leur  déguiser  ma  marche.  Je  ne  puis  vous  écrire 
plus  au  long,  mais  je  charge  M.  Ailhaud  de  vous  expédier  des  courriers  pour 
vous  annoncer  cet  événement. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

ViLLBNBUTB. 

Mais  cet  espoir  est  encore  une  fois  déçu,  cinq  vaisseaux 
français,  huit  vaisseaux  espagnols  ont  seuls  rejoint.  Il  en 
manque  trois  qu'il  faut  encore  attendre. 

De  plus,  rinexpérience  des  officiers  et  des  équipages  s*est, 
une  fois  de  plus,  affirmée.  «  Je  suis  consterné,  écrit  Yille- 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB",  230. 


LE  FERROL.   —  CADIX.  779 

neuve  le  11  (1),  de  la  soirée  d'hier.  J'ai  été  obligé  de  mouiller 
au  dehors  du  Ferrol.  Tous  les  vaisseaux  espagnols  et  français 
se  sont  abordés  en  mouillant.  »  Le  nombre  des  malades  est 
devenu  excessif,  il  faut  sacrifier  la  frégate  la  Sirène. 

23  thermidor  aniein  (11  août  1805)  (S). 

Monseigneur, 

Au  moment  de  mon  départ»  on  me  rend  compte  que  les  Taisseaux  VAlgé- 
siras  et  V Achille  ont,  le  premier,  114  malades,  et  le  second,  75,  malgré  ceux 
qu'ils  ont  laissés  à  Vigo  et  à  la  Gorogne,  ce  qui  réduit  considérablement  les 
équipages  de  ces  Taisseaux  et  qui  fait  craindre,  si  la  maladie  y  continue  ses 
ravages,  qu'ils  ne  se  trouvent  même  bientôt  transformés  en  hôpitaux  et,  par 
conséquent,  inutiles  à  Tarmée. 

Pour  parer  autant  que  possible  à  cet  inconvénient,  j'ai  résolu  de  fortifier  les 
équipages  de  ces  deux  vaisseaux,  de  celui  de  la  frégate  la  Sirène,  qui  prendra 
alors  les  malades  de  V Achille  et  de  VAlgésiras,  pour  les  porter,  aussitôt  après 
notre  départ,  dans  les  hôpitaux  de  la  Gorogne  ou  du  Ferrol. 

Gette  frégate  pourra  être  bientôt  réarmée  par  les  hommes  qui  sortiront  des 
hôpitaux  de  Vigo,  de  la  Gorogne  ou  du  Ferrol. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

VlLLBNBDYB. 

Cependant,  le  déficit  en  matelots  sur  les  navires  qu'on 
emmènera  atteindra  presque  à  2,060  hommes  (3).  En  outre, 
le  vaisseau  espagnol  de  64,  le  Saint-Julien,  est  reconnu 
impropre  à  tout  service.  Il  doit  être  remplacé  par  le  vaisseau 
de  74,  le  Saint-Ildefonse. 

Journal  de  Reille. 

Le  vaisseau  de  64  canons,  le  Saint-Julien,  a  été  laissé  au  Ferrol  et  remplacé 
par  le  Saint-Ildephonse,  de  74  canons.  Get  arrangement  convenait  de  toute 
manière  aux  amiraux  français  et  espagnol,  qui  sont  d*une  même  opinion  sur 
l'inconvénient  grave  de  l'inégalité  du  rang  et  de  la  marche  des  Taisseaux. 
Dans  la  traTersée  de  l'escadre,  à  son  retour  de  la  Martinique,  on  en  a  fait  la 
plus  contrariante  épreuTe,  et  c'est  principalement  la  raison  qui  a  déterminé 
MM.  de  Villeneuve  et  Gravina  à  laisser  à  Vigo  V Atlas,  V America  et  VEspana, 


(1)  Cité  par  Tamiral  Jurien  de  la  Oravière. 

(2)  Archives  de  la  Marine,  BB"',  230. 

(3)  La  situation  du  2  septembre  accase  2,060  manquants  ;  1731  hommes  aux  hôpitaux 
311  déserteurs  (Lettre  de  Villeneuve,  BBi^,  230). 


780  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVIU. 

Le  11  et  le  12,  le  vent  reste  faible  de  TOuest,  tout  à  fait 
contraire  à  la  sortie  des  navires  restés  au  Ferrol. 

Journal  de  Reille. 

Le  23  (H  août),  les  yenls,  à  TOuest  toute  la  jouroée,  n*ont  pas  permis  aux 
▼aiuseaux  du  Ferrol  de  sortir.  L'armée  s'est  ud  peu  plus  enfoncée  dans  la  baie 

d'Ares. 

Le  24  (12  août),  calme  et  petite  brise  d'Ouest,  cause  du  même  retard. 

Les  cinq  vaisseaux  français  qui  ont  rejoint  l'armée  sont  le  HéroSj  le 
Duguay-Trouin,  le  Redoutable ,  le  Fougueux,  V Argonaute,  de  74  canons;  et  le 
brick  VObservateur.  Les  vaisseaux  espagnols  le  Prince,  de  120  canons;  le  Nep- 
tum,  de  80  ;  le  Saint- Jean-Népomucène,  de  74  ;  le  Saint-François-d^Assise, 
de  74;  le  Monarque,  le  Saint-Augustin,  Vlldefonse,  de  74;  le  Saint- Fufgencio, 
de  64,  la  frégate  la  Flore  et  la  corvette  le  Mercurio, 

Lamiral  Villeneuve  au  Ministre  de  la  Marine. 

25  thermidor  an  x:ii  (13  août  1805)  (1). 
Monseigneur, 

La  journée  d'hier  a  été  calme,  ou  petit  vent  de  l'Ouest.  Les  yaisseaux  du 
Ferrol  n'ont  pas  pu  sortir  et  Fescadre  n'aurait  pas  pu  mettre  en  mer  ;  le  vent 
vient  de  passer  à  TE^t  et  tout  me  fait  présumer  que  dans  la  journée  nous 
serons  tous  sous  voiles. 

M.  Ailhaud  vous  donnera  les  nouvelles  et  les  détails  qui  pourront  lui  par- 
venir, ainsi  que  je  lui  ai  recommandé. 

Je  prie  Votre  EscoUmce  d'agréer  Thommage  de  mon  respect. 

ViLLBMEUVE. 

Avant  midi,  le  13,  les  trois  vaisseaux  restés  au  Ferrol  rejoi- 
gnent, et,  à  deux  heures  du  soir,  l'armée  peut  enfin  appa- 
reiller. 

Voici  quelle  était,  à  ce  moment,  sa  force.  Car,  en  ce  qui 
concerne  Tescadre  française,  le  vaisseau  VAilas  demeure  à 
Vigo,  la  frégate  la  Syrène^  au  Ferrol,  la  Revanche^  la 
Guerrière^  au  Ferrol,  la  Didon,  partie  en  mission,  a  été 
prise. 


(I)  Archives  de  la  Marine,  BB»».  Î30. 


LE  FERROL.   —   CADIX.  781 


COXPOMTION  DE  L*BSCàDRK  à  SON  DÉPART  DU  FbRROL  (I). 


Bucenlaure, 

Formidable, 

Neptune. 

Imlompiahli*. 

Platon. 

Scipion. 

Stviftsure, 

Mont-Blam\ 

Intrépide, 

Benvick, 

Fougueux, 

Redoutable . 

Argonaute. 

Duguay-Trouia. 

fférox. 


Achille, 

Algésiras. 

Aigle. 

Frégates  : 
Bhin. 

Hermine. 

Comélie, 

Hortense, 

Tliémis. 

Furet,  brick. 
Argus, 

Observateur^  rallie  au  Ferrol. 
Téméraire,   goélette,    rallie  au 
Ferrol. 


C'étaient  donc  18  vaisseaux,  5  frégates,  3  corvettes. 
Quant  aux  Espagnols,  des  six  vaisseaux  partis  de  Cadix, 
le  10  avril,  il  n'en  restait  plus  que^eux  (2). 

Le  Terrible  et  VArgonaute. 

Il  était  sorti  du  Ferrol  : 

Le  Prince-deS'Asturies 112  cauons. 

Le  Neptune 80  — 

Le  Saint-Jean-Népomucéne 74  — 

Le  Saint-François- d'Assise 74  - 

Le  Monarque 74  — 

Le  Saint' Augustin 74      — 

Le  Saint' Hdefonse 74  — 

Le  Saint'Fulgencio 74 

Le  Aîontanez 74  — - 

La  corfette  Mercurio »  — 

La  frégate  la  Flore 34  — 

La  corvette  Indagora »  — 

Ce  qui  portait  l'appoint  fourni  par  les  Espagnols  à  11  vais- 
seaux, 1  frégate  et  1  corvette. 
Le  total  de  Tarmée  combinée  était  donc  de  : 
W  vaisseaux^  6  frégates,  4  corvettes. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB«»,  t30. 

(2)  Deux  pris  :  Sainl-Baphal  et  Firme  ;  deux  laissés  à  Vigo  :  Espafia  et  America. 


782 


TROISIEME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XVIU. 


Pendant  toute  la  journée  du  13,  le  vent  souffla,  avec  vio- 
lence, du  Nord-Est.  Partie  ce  jour-là  à  deux  heures  du  soir, 
le  14  au  matin,  Tarmée  était  encore  en  vue  du  Ferrol. 


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la  'orogiiie 


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ROUTE  d'allemand  ET  DE  VILLENEUVE  DU  13  AU  19  AOUT  1805. 


LB  FERROL.   —  CADIX.  783 

Voici  ce  qui  s'était  passé  : 

L*armée,  dit  Reille,  a  fait  route  à  l'Ouest  jusque  Ters  les  6  heures  du  soir. 
Un  bâtiment  de  guerre  ayant  été  yu  au  Tent  de  Tarmée,  elle  a  Tiré  de  bord  et 
a  couru  sur  le  cap  Prior.  Le  26  (14  août),  à  2  heures  du  matin,  reTiré  de 
bord  et  fait  route  au  Nord-Ouest. 

Pour  que  rien  De  manquât  à  la  mauvaise  fortune  persistante 
qui  poursuivait  Villeneuve,  une  déplorable  méprise  de  ses 
éclaireurs  lui  fit  perdre  une  chance  inespérée. 

A  11  heures  du  matin,  les  chasseurs  ont  signalé  14  foiles  ennemies  au 
Nord-Est  (1). 

A  2  heures,  une  frégate  avancée  a  signalé  8  voiles  au  Nord-Ouest  ;  elle  a 
reçu  Tordre  de  les  reconnailre;  celles  que  l'on  a  pu  reconnaître  étaient  neu- 
tres. L'amiral  avait  signalé  qu*à  rentrée  de  la  nuit  il  ferait  route  à  TOuebl- 
Nord-Ouest  (2). 

Villeneuve  se  borne,  à  ce  sujet,  à  quelques  mots  peu  précis 
et  peu  clairs. 

A  bord  du  vaisseau  le  Buceniaure,  en  rade  de  Cadix,  le  4  fructidor  au  xiu 

n  août  1803(3). 

Monseigneur, 

J'ai  Thonneur  d'informer  Votre  Excellence,  qu'étant  parti  de  devant  le  Fer- 
roi  le  25  thermidor  (13  août),  j*ai  été  observé  le  même  jour  et  le  lendemain 
par  des  frégates  et  deux  Taisseauz  de  ligne  ennemis,  que  j'ai  fait  chasser  par 
les  meilleurs  yoiliers  de  l'armée  sans  qu'ils  aient  pu  en  approcher. 

Quelle  pouvait  être  la  nationalité  de  ces  vaisseaux,  alors 
que  Calder  et  Nelson  étaient  déjà  à  Ouessant  ou  tout  près 
d'y  arriver  et  que  seuls  le  vaisseau  le  Dragon  (4),  les  frégates 
Phcenix,  Nayad  et  Iris  étaient  restés  en  observation.  C'est  ce 
qui  va  sans  doute  s'éclaircir.  S'il  s'agit  de  deux  vaisseaux 
et  deux  frégates,  c'étaient,  peut-être,  le  Dragon  et  les  trois 
frégates.  Mais  s'il  s'agit  de  quatorze  voiles,  ce  ne  peut  être 
qu'Allemand. 

En  effet,  nous  avons  laissé  ce  chef  de  division  se  préparant, 
le  11  août,  à  quitter  son  rendez-vous  par  46^36'  de  latitude 


(1)  Journal  de  Reille. 

(2)  Journal  de  Reille. 

(3)  Archives  de  la  Marine,  BBir,  Î30-261. 

(4)  Bientôt  rejoint  par  le  Goliath, 


784  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVIII. 

Nord  et  9*30'  de  longitude  Ouest,  pour  se  porter  vers  Vigo. 
Le  14  au  matin,  il  était  dans  le  Nord-Ouest  du  Ferrol,  à  un 
relèvement  qui  le  plaçait  tout  à  fait  dans  les  environs  de  Tar- 
mée  combinée.  Il  y  a  donc  les  plus  grandes  chances  pour  que 
ce  fût  la  division  de  Rochefort  que  signalèrent  les  éclaireurs 
de  Villeneuve,  mais  ce  qui  est  singulier,  des  deux  côtés  on  se 
considéra  comme  ennemi. 

Le  26  (li  août),  à  A  heures  du  matin,  dit  en  effet  Allemand,  me  trou- 
vant  par  la  latitude  de  45»  S^  et  la  longitude  de  IS^Si',  je  vis  3  bâtiments 
à  trois  mâts  à  3  lieues  au  Nord-Est,  lit  du  vent,  je  les  supposais  bâtiments  de 
guerre.  Le  Jemmappes  me  les  signala  suspects  ;  ils  étaient  trop  au  vent  pour  les 
chasser  etyje  suis  trop  pressé  de  me  rendre  à  Vigo  prendre  des  nouvelles  certaines 
de  l'escadre  combinée. 

Le  27  (iS  août),  au  jour,  je  tîs  une  goélette  portugaise  Tenant  dans  l'es- 
cadre ;  j*étais  entre  Finistère  et  Vigo,  je  la  fis  couler  par  VArmide.  A 10  heures, 
le  capitaine  de  cette  frégate  m'eu?oya  le  rapport  numéro  8  (1). 

Voici  quel  fut  le  renseignement  très  important  donné  par  ce 
navire  portugais. 

18  thermidor  (16  août  1805). 

Le  capitaine  de  la  goélette  portugaise  VHercule,  sortie  du  Ferrol,  déclare 
qu'il  y  a  six  jours,  il  est  sorti  de  ce  port  une  escadre  française  et  espagnole 
forte  de  dl  à  3S  bâtiments  de  guerre,  vaisseaux,  frégates  et  corvettes. 

Trois  de  ces  vaisseaux,  qui  n'avaient  pu  sortir  du  Ferrol  avec  les  premiers^ 
sont  sortis  il  y  a  trois  jours  pour  rejoindre  t armée. 

L armée  combinée,  ayant  été  de  relâche  à  Vigo,  en  était  sortie  pour  rejoindre 
celle  du  Ferrol  lorsqu'elle  a  rencontré  une  armée  anglaise  qui  a  coupé  la  ligne 
à  deux  vaisseaux  espagnols  et  s'en  est  emparé  ;  un  troisième  vaisseau  espagnol 
pst  entré  avec  le  reste  de  l'armée  étant  tout  délabré. 

Certifié  conforme  à  l'original. 

Le  commandant  de  Cescadre, 

Allemand. 

Tout  cela  était  parfaitement  exact  :  c'était  Tannonce  de  la 
tentative  de  sortie  du  11  et  de  la  concentration  du  13  qui 
amena  le  départ  définitif  de  Tarmée  combinée.  La  fin  du  rap- 
port était  confuse,  mais  un  fait  pouvait  frapper  Allemand, 
c'est  que  Tescadre  était  sortie  de  Vigo  pour  aller  au  Ferrol  et 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB'v,  2t8-26. 


LE  FERROL.   —  CADIX.  785 

qu^au  premier  de  ces  points ,  il  ne  trouverait  plus  personne. 
Néanmoins,  Allemand  persista  à  se  rendre  à  Yigo  où  il  par- 
vint le  même  jour  16  août. 

Je  forçai  de  voiles  pour  entrer  à  Vigo,  in*attendant  trouver  des  instructions 
de  Votre  Excellence  ou  de  Tamiral  Villeneuve.  A  4  heures  de  Taprès-midi  je 
mouillai,  non  à  Vigo,  mais  à  6  milles  en  dehors,  afin  de  pouvoir  sortir 
cette  nuit  ou  demain  matin  au  plus  tard. 

J*expédie  le  Sylphe  pour  porter  ces  paquets  à  Vigo,  au  commissaire  de 
Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  ;  je  lui  mande  de  les  faire  passer  à  Votre 
Excellence  le  plus  tôt  possible  et  par  voie  sûre,  de  m'envoyer  ceux  qu'il 
aurait  à  mon  adresse,  de  me  dire  ce  qu'il  sait  des  armées  combinée  et  enne- 
mie, de  me  faire  savoir,  en  un  mot,  tout  ce  qu*il  peut  connaître. 

La  communication  avec  la  terre  et  la  défense  d*écrire  est  interdite  à  l'es- 
cadre. L'ordre  de  se  tenir  prêt  à  mettre  sous  voiles  lui  est  donné.  Je  joins  ici. 
Monseigneur,  l'état  des  bâtiments  que  j'ai  été  forcé  de  détruire,  suivant  les 
instructions  de  Sa  Majesté.  Vous  verrez,  Monseigneur,  que  sur  91  bâtiments 
vus  par  l'escadre,  il  y  a  22  neutres  de  coulés  et  3  anglais  ;  j'ai  laissé  aller  les 
66  autres  parce  que  j'ai  pu  les  tromper  par  de  fausses  routes,  occasion  que 
je  n'ai  jamais  laissé  échapper,  Monseigneur,  et  d'après  les  instructions  de 
Votre  Excellence  et  pour  l'intérêt  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale. 

Veuillez,  s'il  vous  plaît,  Monseigneur,  présenter  mes  respectueux  hom- 
mages à  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  et  agréer  le  respect  le  plus  profond 
avec  lequel  j'ai  l'honneur  d'être  de  Votre  Excellence,  Monseigneur,  le  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Allemand. 

Pendant  ce  temps,  l'armée  avait  continué  à  gagner  dans 
rOuest-Nord-Ouest,  aussi  au  Nord,  par  conséquent,  que  le 
permettait  le  vent  opiniâtre  du  Nord-Est  pendant  la  journée 
du  15. 

Journal  de  Reille. 

Le  27  (15  août),  au  matin,  l'on  a  aperçu  quelques  voiles  qui  ont  été  chas- 
sées; plusieurs  se  sont  trouvées  neutres.  Un  bâtiment  marchand  anglais  a  été 
pris  et  coulé. 

A  midi,  l'armée  se  trouvait  à  40  lieues  à  TOuest-Nord-Ouest  du  cap  Finis- 
tère. Dans  la  soirée  fait  route  au  Sud,  la  frégate  i'Hortense  a  reconnu  un  vais- 
seau de  guerre  remorquant  une  frégate  que  nous  avons  su  depuis  être  la  Didon. 

Ceci  était  exact,  en  effet  c'étaient  le  Dragon  et  le  Phœ- 
nix  remorquant  la  Didon  (1).  Mais  lorsque,  le  15  au  soir, 


(1)  Langhton.  Life  of  Nelsoa.  —  Le  15  août  1805,  Villeneuve  vit  dans  le  nord-est  trois 
IV.  50 


786  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XVm. 

Villeneuve  fit  route  au  Sud,  il  se  rapprocha  encore  de  la 
route  suivie  par  Allemand  dont  il  avait  déjà  coupé  la  trace. 

Ayant  trouvé  à  la  mer  des  Tents  du  Nord-Est  établis,    écrit-il 

le  22  août,  et  ayant  poussé  ma  bordée  dans  rOaest-Nord-Ouest  toute  la 
Journée  du  26  (14)  et  du  27  (15),  sans  apparence  de  changement,  ne  pouvant 
avoir  aucune  confiance  dans  Vétat  cTarmemeni  de  mes  vaisseauXy  dans  leur 
marche  et  dans  rensnnble  de  leur  manœuvre^  la  réunion  des  forces  de  Pennemi, 
la  connaissance  qu'il  avait  de  toutes  mes  démarches  depuis  mon  arrivée  sur  la 
côte  d'Espagne^  ne  me  laissaient  aucune  espérance  de  pouvoir  remplir  le  grand 
objet  auquel  V armée  navale  était  destinée.  En  luttant  plus  longtemps  contre  les 
vents  contraires,  /allais  éprouver  des  dommages  irréparables  et  des  séparations 
inévitables. 

Le  vaisseau  espagnol  le  Saint-François-d'Assise,  ayant  déjà  cassé  son  grand 
mât  d*hune^  convaincu  que  Vétat  des  choses  était  essentiellement  changé  depuis 
rémission  des  ordres  de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale,  qui,  en  dirigeant  la 
meilleure  partie  de  ses  forces  navales  sur  les  colonies  avait  eu  pour  objet  de 
diviser  celles  dp  Vennemi,  en  attirant  son  attention  sur  ses  possessions  éloignées 
pour  pouvoir  le  surprendre  et  le  frapjïcr  au  cceur  par  leur  retour  subit  en 
Europe  et  leur  réunion  combinés  ;  que  ce  plan  n'ayant  pas  réussi  et  se  trouvant 
même  décelé  par  le  temps  qui  s'était  écoulé  et  par  les  calculs  auxquels  h  marche 
des  escadres  a  donné  lieu,  Vennemi  s'était  évidemment  mis  en  mesure  de  le  faire 
échouer  et  que  la  réunion  de  leurs  forces,  en  ce  moment,  était  plus  considérable 
que  dans  aucune  des  circonstances  précédentes,  et  telle  qu^elle  pouvait  s'' opposer 
avec  supériorité  aux  forces  réunies  de  Brest  et  du  Ferrol  ;  ne  prévoyant  donc 
aucune  chance  de  succès  dans  l'état  de  choses  et  C0!<(F0RHfiHBNT  A  LA  DÉPÊCHE 
DB  Votre  Excellence  du  27  messidor  (16  juillet)  je  me  suis  déterminé, 
le  troisième  jour  de  mon  départ,  le  27  (15  août)^  à  l'entrée  de  la  nuit,  à  faire 
la  route  de  Cadix,  étant  encore  à  80  lieues  dans  VOuest-Nord-Ouest  du  cap 
Finistère, 

Cette  dépêche  du  Ministre  (i)  s'exprimait,  en  effet,  en  ces 
termes  : 

« L'Empereur  a  prévu  le  cas  où,  par  des  événements 

qu'on  ne  peut  calculer,  la  situation  de  Tarmée  ne  vous  per- 
mettrait  pas  d'entreprendre  Texécution  de  ces  projets  qui 

auraient  une  si  grande  influence  sur  le  sort  du  monde 

Alors  r Empereur  veut  réunir  à  Cadix  une  masse  de  forces 
imposantes  »f 


navires  qui  étaient,  ainsi  qu'on  le  sut  plus  tard,  le  Phcenix  avec  sa  prise  et  le  Dragon, 
et  apprit  d'un  navire  marchand  que  c'était  un  détachement  d'une  escadre  anglaise  de 

25  vaisseaux 

(1)  Voir  ei-dessus. 


LE  P«RROL.   —  CADIX.  787 

C'était  la  traduction  de  la  prescription  impériale  du  même 
jour(l). 

« Dans  ce  cas,  qui  avec  l'aide  de  Dieu  n'arrivera  pas, 

nous  désirons  qu'après  avoir  débloqué  nos  escadres  de  Roche- 
fort  et  du  Ferrol,  vous  mouilliez  de  préférence  dans  le  port 
de  Cadix.  » 

Sachant  Allemand  sorti  de  Rochefort,  ayant  débloqué  les 
vaisseaux  du  Ferrol,  ignorant  tout  des  nouvelles  intentions  de 
VEmpereur,  ordonnant  une  bataille  que^  jusque^lày  il  devait 
éviter^  Villeneuve  put,  à  juste  titre,  se  croire  couvert  par  les 
termes  des  ordres  en  date  du  16  juillet  et  autorisé  à  renoncer 
à  se  porter  sur  Brest  avec  ses  29  vaisseaux. 

Voici  quels  incidents  marquèrent  le  voyage  jusqu'à  Cadix  : 

Les  deux  jours  suifaDts,  28  et  Î9  (16  et  17  août),  continue  Villeneuve, 
les  yents  ont  soufffé  du  Nord-Est,  gros  frais,  qui  m'ont  porté  rapidement  sur  le 
cap  Saint-Vincent,  je  ne  doute  pas  que  si  j^enise  essuyé  ce  coup  de  tent  au 
piaf  près,  j'eusse  perdu  beaucoup  de  mâts  et  de  Toiles,  le  vaisseau  espagnol, 
le  SairU'^lldephontef  ayant  cassé  son  grand  mât  de  bune,  quoique  vent  arrière. 
Je  D*ai  pu  avoir  aucune  connaissance,  ni  réunir  aucun  renseignement  sur  la 
division  de  Roobefort*  La  frégate  la  Didon,  que  j'arais  expédiée  de  la  Corogne 
le  18)  ne  m'a  pas  rejoint;  quoique  ce  fût  la  meilleure  voilière  de  l'escadre; 
j*ai  des  craintes  les  plus  fondées  qu'elle  soit  tombée  entre  les  mains  de  l'en- 
nemi,  le  capitaine  de  Vffortense,  dans  une  cbasse  prolongée^  ayant  eu  con- 
naisMnce  d'un  vaisseau  et  d'une  frégate  ennemis,  remorquant  une  frégate 
démâtée,  qu'on  lui  a  dit  être  une  frégate  française.  Sur  le  soir,  sur  le  cap 
Sainte-Marie,  l'escadre  a  cbassé  plusieurs  bâtiments  de  guerre  ennemis,  qui 
tiraient  des  coups  de  canon  en  fuyant  ;  une  frégate,  à  l'entrée  de  la  nuit, 
m'ayant  signalé  une  escadre  sur  mes  derrières  (2),  dans  la  nuit,  je  n'ai  pu  faire 
beaucoup  de  voile  pour  laisser  rallier  des  vaisseaux  qui  étaient  arriérés,  en 
sorte  qu'au  jour  je  me  faisais  encore  à  H  lieues  de  Cadix  et  que  trois  vais- 
seaux anglais,  qui  étaient  devant  ce  port,  nous  ayant  reconnu  de  loin,  ont  eu 
le  temps  de  prendre  chasde  et  de  donner  dans  le  détroit.  Le  contre-amiral 
Magon  quif  avec  l'escadre  légère,  les  a  approcbés  de  plus  près,  m'a  rapporté 
d^ailleurs  que  ces  vaisseaux  avaient  un  grand  avantage  de  marcbe  sur  lui. 
Ces  vaisseaux  se  sont  retirés  dans  Gibraltar  et  l'armée  combinée  a  mouillé 
dans  ce  port. 

Il  ne  saurait  échapper  à  Votre  Excellenee  que  depuis  cinq  mois  l'escadre  est 
presque  coniirtuellement  à  la  voile  ;  que  tous  nos  objets  de  consomination  Jour- 
nalière sont  épuisés  ;  que  les  voiles^  les  agrès  sont  usés,  ou  dans  le  cas  de  répa- 
ration. Lis  capitaines  commandants  me  font  déjà  des  demandes  de  voiles,  de 


(1)  Voir  ci-dessus. 

(2)  ÀllMoiaiid  tekm  toute  apparence. 


788  TROISIÈMB  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVIII. 

cordages,  que  je  ne  sais  s'il  sera  possible  de  leur  procurer  ici;  la  plupart 
demandent  à  recalfater  leurs  Taisseaux.  Je  donne  les  ordres  les  plus  pres- 
sants pour  que  chacun  se  mette  en  état,  par  ses  propres  moyens,  de  reprendre 
la  mer  ;  mais  il  est  beaucoup  d'objets  de  réparation  ou  remplacement  qu'il 
sera  indispensable  de  se  procurer  ici. 

M.  le  Roy  fient  de  me  remettre  votre  dépêche  du  7  thermidor  (26  juillet), 
renfermant  les  instructions  de  S.  M.  I.  du  même  jour,  conformes  à  celles  que 
j^avais  reçues  précédemment.  Gomme  je  ne  puis  manquer  de  recevoir  d'un 
moment  à  Tautre  de  nouveaux  ordres,  en  réponse  à  mes  dépêches  de  Vigo  et 
de  la  Gorogne,  je  presserai  avec  la  plus  grande  activité  les  réparations  de  Tes- 
cadre,  pour  qu'elle  soit  en  état  de  les  exécuter  à  leur  arrivée. 

LeK  quatre  vaisseaux  du  Ferrol,  qui  étaient  destinés  à  une  croisière,  ont 
encore  trois  mois  et  demi  de  vivres  à  bord  ;  dans  la  possibilité  qu*il  y  avait 
qu*en  sortant  du  Ferrol  je  rencontrasse  les  escadres  réunies  de  Nelson  et  Cal- 
der,  comme  cette  réunion  même  m'était  annoncée  de  toutes  parts,  je  n*ai  pas 
cru  devoir  me  détacher  de  ces  Taisseaux  k  la  mer  ;  si  des  ordres  nouveaux  que 
Votre  Excellence  aura  pu  m'adresser  ne  changent  rien  à  la  destination  géné- 
rale de  Tarmée  navale,  ou  à  celle  particulière  des  divisions,  ces  quatre  vais- 
seaux seront  prêts  à  partir. 

J'ai  pu  encore  moins  envoyer  à  Rochefort  ceux  des  vaisseaux  de  l'escadre 
qui  sont  hors  d'état  d'entreprendre  une  campagne  d'hiver  ;  ces  vaisseaux  étant 
les  plus  mauvais  voiliers  de  l'armée,  eussent  été  trop  évidemment  compromis 
étant  livrés  à  eux-mêmes,  au  moment  d'une  lunaison  de  vents  contraires  qui 
leur  fermait  l'entrée  de  tous  les  ports,  et  d'ailleurs  j'avais  encore  besoin  de 
toutes  les  forces  pour  faire  face  à  celles  de  Nelson  et  de  C aider,  dans  le  cas 
très  probable  de  leur  réunion. 

Monseigneur,  quelle  que  soit  l'impression  que  V.  E,  éprouve  des  circon- 
stances qui  ne  nCont  pas  paru  admettre  V exécution  du  vaste  dessein  de  5.  M.  I. , 
je  vous  prie  de  croire  que  rien  n'égale  le  désespoir  que  fai  éprouvé  et  Vhorreur 
de  la  situation  où  je  me  trouve.  Mais  si  ce  grand  armement  qui  m'était  confié 
devait  être  inévitablement  le  jouet  des  vents,  dans  des  mers  absolument  incon- 
nues aux  marins  qui  montent  ces  vaisseaux  ;  si  l'état  de  l'armement  de  ces 
vaisseaux,  défaut  d'ensemble  et  d'intelligence,  ne  comportait  pas  d'éprouver 
les  moindres  contrariétés,  sans  en  éprouver  des  dommages  irréparables,  des 
dispersions  et  la  ruine  du  projet,  en  se  rendant  la  fable  de  l'Europe  ;  si  cet 
armement  avait  cessé  d'être  redoutable  à  l'ennemi  qui  aurait  eu  le  temps  et 
les  moyens  de  se  reconnaître,  en  sorte  qu'un  combat^  sur  quelque  point  que  ce 
fût  des  parages  que  j'avais  parcourus,  rte  pouvait  nous  promettre  ni  succès,  ni 
gloire,  ni  chance  favorable  à  Varmée  navale  de  Brest  de  terminer  ce  que  nous 
aurions  entrepris  inconsidérément;  enfin,  si  le  brave  et  respectable  amiral 
allié,  auquel  seul  j'ai  pu  communiquer  les  vues  de  S.  M.  L,  en  était  lui-même 
atterré,  et  ne  me  suivait  qu'avec  le  dévouement  du  désespoir  ;  fai  dû,  après 
avoir  mis  toute  la  persévérance  possible  à  former  les  réunions  désirées  dans  les 
pians  de  S.  M,  /.,  m'arréter  là  où  il  ne  pouvait  plus  résulter  que  désastre,  con- 
fusion et  une  vaine  démonstration,  qui  eût  consommé  pour  jamais  le  discrédit 
des  deux  marines  alliées. 

Je  prie  V.  Ë.  d'agréer  l'hommage  de  mon  respect. 

ViLLENBUVE. 


LE  FERROL.   —  CADIX.  789 

Lettre  du  générAl  Reille  à  Son  Excellence  le  prince  Murât, 

grand  amiral  de  l'Empire  (1). 

Monseigneur, 

L*armé6  combinée,  composée,  avec  les  Taisseaux  du  Ferrol,  de  29  Taisseaux, 
6  frégates  et  4  corfettes,  est  partie  de  ce  port  le  25  thermidor  et  est  arriTée 
ici  hier.  Voilà  cette  armée,  qui  aurait  pu  faire  tant  de  mal  aux  Anglais,  rentrée 
sans  aToir  rien  fait  ;  et,  quand  on  considère  bien  notre  position,  on  en  est 
réduit  à  regarder  comme  un  avantage  de  la  Toir  en  sûreté,  à  même  de  se 
ravitailler  et  de  faire,  dans  la  suite,  ce  qui  ne  peut  s*espérer  raisonnablement 
à  présent. 

Quelque  pénible  qu'il  soit  pour  un  militaire  de  s'expliquer  sur  le  compte 
d*un  général  commandant  une  armée,  j'aime  trop  les  intérêts  de  Sa  Majesté 
pour  ne  pas  dire  la  irérité  à  Votre  Altesse.  Les  choses  en  sont  à  un  point  où 
l'on  serait  coupable  de  se  taire.  J'avoue  donc  que  je  ne  conçois  pas  comment 
le  Ministre,  qui  a  servi  sous  les  ordres  de  notre  amiral  et  qui  le  connaît  parti- 
culièrement, a  pu  proposer  à  Sa  Majesté  de  le  mettre  à  la  tête  d'une  expédi- 
tion importante.  Il  est  pénible  de  voir  cette  armée  qui,  sous  Latouche,  était 
pleine  de  volonté  et  d'activité,  être  sans  confiance  dans  son  chef  et  dans  elle- 
même,  et  dans  l'apathie  ;  de  voir  les  Espagnols,  qui  avaient  l'ardeur  que  leur 
inspira  toujours  le  brave  général  Gravina,  découragés  par  la  perte  qu'ils  ont 
faite  ;  il  est  encore  plus  pénible  pour  nous  d'entendre  parler  de  leurs  deux 
vaisseaux  que  nous  avons  honteusement  laissé  emmener  par  quatorze  vais- 
seaux anglais,  dont  deux  étaient  démâtés  et  ne  pouvaient  manœuvrer,  tandis 
que  nous  étions  au  vent  et  que  nous  avions  dix-huit  vaisseaux,  dont  quatorze 
français,  auxquels  il  ne  manquait  pas  une  vergue.  Ils  devaient  presque  s'y 
attendre,  après  avoir  été  laissés  en  arrière  le  jour  de  notre  départ  de  cette 
ville  pour  aller  à  la  Martinique. 

11  parait  que  nous  avons  perdu  la  Didon,  Cette  perte  serait  d'autant  plus 
sensible  que  c'était  notre  meilleure  frégate  et  que  son  capitaine,  Milius,  est 
sûrement  un  des  meilleurs  officiers  de  la  marine.  Elle  était  sortie  quelques 
jours  avant  nous,  et  un  de  nos  chasseurs  a  vu  une  frégate  presque  démâtée, 
remorquée  par  un  vaisseau  anglais,  que  des  neutres,  visités,  lui  ont  dit  être 
française.  Si  ce  vaisseau,  qui  était  à  vue^  eût  été  chassé,  il  est  vraisemblable 
qu'elle  eût  été  reprise. 

Nous  eussions  pu  aussi  prendre  trois  vaisseaux  et  une  frégate  qui  se  trou- 
vaient devant  ce  port  à  notre  arrivée;  les  rapports  des  bâtiments  neutres 
visités  nous  les  annonçaient,  et  il  ne  s'agissait  que  d'envoyer  quelques-uns 
de  nos  vingt-neuf  vaisseaux  leur  fermer  l'entrée  du  détroit,  tandis  que  le  reste 
viendrait  dessus  en  colonnes  un  peu  écartées,  pour  former  une  seine  et  les 
prendre;  les  vents  favorisaient  cette  manœnvre,  mais  nous  avons  fait  petite 
manœuvre  toute  la  nuit.  A  la  pointe  du  jour,  nous  étions  à  quatre  lieues  d'eux, 
bien  serrés,  et  ils  s'en  sont  allés  à  Gibraltar. 

Nous  allons  tâcher  de  mettre  les  troupes  à  terre,  pour  les  faire  reposer,  et 


(1)  Archives  de  la  Marine,  campagne  J805,  BBi%  133. 


TROISIEME  PASTIS.   —  CHAPITRE  XTIfl. 

BOUS  aUeodroDs  let  «rdre*  de  Sa  Majesté.  Noa*  ironf  atUqoer  les  angljûs  an 
bout  lia  Monde,  Buif  il  e«t  dor  de  les  foir. 


Je  peoie  que  le  çénéral  LtonstM  inforBcn  PEapereor  de  toot  ee  qui  se 
passe,  nuis  je  derais  œ  compte  à  Votre  Altesse,  à  moo  ancien  général  qui 
m'a  toujours   honoré  de  sa  coDÔance,  aa  beao>frère  de  Sa  Majesté. 

Nous  aTons  deux  bons  cootre-amiraux,  Dumanoir  et  Ma^oa*  Us  aoot  bien 
malhearenx  de  m  trouTcr  conduits  de  cette  manière.  La  mariae  ira,  mak  il 
faut  qa>lle  soit  menée. 

Je  me  recommande  aux  bontés  de  Votre  Altesse  et  la  prie  de  me  ooBserrer 
toujours  son  amitié,  de  présenter  mes  hommages  respectoen  à  la  princesae 
Caroline. 

Je  prie  Votre  Altesse,  etc. 

De  Cadix,  le 


LaminU  Villetiûuvt  mu  ÊÊinittre  <h  Im  manne. 

BucenUntrt,  w  r»d«  de  Cidix,  \i  4  (hictiiJor  ui  xm  [H  aoftt  1805)  (l). 

Vous  jugerci  facilement.  Monseigneur,  de  Tanxiété  avec  laquelle  j'attends 
les  réponses  à  mes  dépêches  depuis  mon  arrÎTée  dans  les  mers  d'Europe  ;  je  ne 
me  dissimule  pas  que,  quelque  détermination  que  l'Emperenr  prenne,  rien  ne 
peut  me  relever  de  Tablme  de  malheur  dans  lequel  je  suis  tombé,  nuis  j'y 
éUis  tout  préparé  à  mon  départ  de  Toulon,  et  je  n'ai  jamais  rien  pu  entreroir 
de  bon  dans  la  campagne  que  j'allais  entreprendre  ;  je  pardonnerais  à  toute 
la  terre  de  me  jeter  la  pierre,  mais  les  marins  de  Paris  et  des  départements 
qui  s*en  mêleront  seront  bien  aveugles,  bien  méprisables  et  surtout  bien 
sots.  Je  TOUS  écris  ceci  sous  forme  particulière,  ça  n'en  sera  pas  moins  offi- 
ciel si  vous  le  jugei  i  propos  et  je  tous  prie  d'en  faire  tel  usage  que  tous 
jugerez  confenable. 

Je  crois  SToir  eu  l'honneur  de  tous  le  dire,  les  marines  de  France  et  d'Es- 
pai^ne  ne  sont  pas  en  état  de  se  montrer  en  grandes  escadres,  elles  ne  sont  pas 
même  en  état  de  se  montrer  à  la  mer,  si  leur  armement  n'est  pas  mieux 
soigné.  Des  Taisseaux  qui  sont  restés  des  années  en  rade,  avec  les  mêmes  arri- 
mages, les  mêmes  Tivres,  leurs  gréements,  leurs  Toiles  exposés  aux  injures 
de  l'air  pendant  si  longtemps,  s'ils  Tont  à  la  mer  dans  cet  état,  ne  penrent 
éprouver  que  malheurs  et  désastres,  qui  seront  d'autant  plus  grands  et  d'au- 
tant plus  inévitables,  qu'ils  ont  moins  de  matelots  et  d'olficiers  expérimentés 
qu'il  ne  leur  est  néce>saire.  L'ennemi  en  est  persuadé  et  connaît  si  bien  ses 
avantages  qu'il  n'hésitera  pas  à  l'attaquer  avec  des  forces  infiniment  infé- 
rieures, bien  assuré  de  s'en  tirer  dès  qu'il  lui  conviendra.  Il  m'est  tombé 
entre  les  mains  une  lettre  du  capitaine  Pouder,  du  vaisseau  le  Queen,  à  un 
commissaire  de  l'amirauté,  où  il  dit  qu'ils  bloquent  avec  quatre  Taisseaux  les 
sept  qui  sont  à  Carthagène  et  que,  s'ils  sortent,  ils  espèrent  en  rendre  bon 
compte,  en  les  attaquant  de  nuit  ou  par  un  Tent  bon  frais.  Et  je  ne  doute  pas 


(1)  Archives  de  la  Marine,  campagne  1805,  BB»',  230-t63. 


LB  FKRROL.  —  CADIX.  791 

qu*ane  attaque  de  ce  genre  n'eût  le  snccès  le  plus  eertain,  parce  que  dans 
rétat  où  noui  sommes,  par  défaut  d'expérience  de  met  officiers  et  mateloti, 
défaut  d'expérience  de  la  guerre  de  mes  capitaines  commandants,  défaut  d'en- 
semble dans  le  tout,  au  moindre  incident  de  nuit,  tout  n'est  que  désordre  et 
confusion.  Je  voudrais  m'étendre  sur  ce  chapitre,  comme  sur  tout  ce  qui  pour^ 
rait  contribuer  à  tous  persuader  que  vingt,  trente,  quarante  vaisseaux  ne  valent 
pas,  dans  Tétat  actuel  des  choses,  je  ne  dis  pas  leur  nombre  égal,  mais  même 
un  nombre  inférieur  d'un  tiers,  d'une  marine  exercée,  habile  et  pleine  de 
confiance,  tandis  que  trois,  quatre  et  cinq,  au  plus,  de  mes  vaisseaux,  s'ils 
soDt  armés  soigneusement,  s'ils  ont  des  commandants  bien  choisis,  pourront 
lutter  contre  l'ennemi.  Mais  je  suis  trop  bourrelé  de  chagrin  pour  pouvoir 
exprimer  toute  ma  peusée  sur  ce  sujet. 

J'ai  à  vous  parler  du  général  Lauriston.  Personne  ne  respecte  plus  que  moi 
le  caractère  dont  il  est  revêtu,  l'avantage  qu'il  a  d'approcher  de  la  personne 
de  Sa  Majesté,  je  dirai  même  le  caractère  militaire  et  social  qui  le  distingue, 
mais  ce  n'est  pas  sur  un  vaisseau  où  il  fait  le  mieux  voir  toutes  ses  qualités. 
J'ai  épuisé  tous  les  moyens  de  le  bien  traiter,  ainsi  que  j'ai  fait  dans  toutes  les 
circoDStances  avec  les  passagers  que  m'a  donnés  le  gouvernement  ;  mais  je  n'ai 
pas  éprouvé  de  lui  les  retours  que  je  devais  en  attendre;  abusé  par  les  der- 
nières lumières  qu'il  a  puisées  dans  ses  missions  dans  les  ports,  par  la  malveil- 
lance des  individus  qu'il  va  questionnant  sur  les  moindres  incidents  de  naviga- 
tion, il  me  fait  tous  les  jours  l'objet  de  ses  critiques,  même  vis-à-vis  des  officiers 
de  marine,  que  flatte  l'opinion  de  son  crédit.  Il  est  impossible  de  me  rendre 
plus  malheureux  que  je  ne  suis  depuis  le  moment  de  mon  départ^  depuis 
surtout  que  les  contrariétés  et  les  malheurs  se  sont  appesantis  sur  cette 
escadre  ;  il  est  affreux  pour  moi  d'être  continuellement  en  présence,  assis  à  la 
même  table,  avec  celui  que  je  ne  puis  plus  considérer  que  comme  mon  ennemi 
déclaré.  Je  vous  en  conjure,  Monseigneur,  faites  cesser  cette  situation.  Le  besoin 
de  faire  partir  maintenant  le  courrier  qui  va  vous  porter  ces  dépêches  m'em- 
pêche de  vous  écrire  plus  au  long  pour  le  moment.  Je  prie,  en  attendant. 
Votre  Éminence  de  recevoir  l'assurance  de  tous  les  sentiments  que  je  n'ai 
cessé  de  professer  et  que  je  conserverai  inviolablement. 

ViLLBNBDVB. 

Quant  à  Allemand,  mouillé  le  16,  à  6  heures  du  soir, 
en  rade  des  lies  Bayonna,  devant  Vigo,  il  reçut  immédiate- 
ment par  le  lieutenant  Gauthier  (1)  les  instructions  qui 
Tattendaient  et  le  lendemain  matin  à  9  heures,  il  partit  pour 
commencer  la  campagne  remarquable  qui  illustra  son  nom. 

Monseigneur  (2), 
J'eus  l'honneur  de  vous  informer  que  je  mouillai,  le  28  thermidor  au  soir. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB^^,  233,  17  août.  Lettre  de  Gauthier  au  Ministre, 
(t)  Archives  de  la  Marine,  BB^,  M8-9B. 


792  TROISIEMB  PARTIE.  —  CHAPITRE  XVIII. 

à  sept  milles  en  deçà  de  Yigo;  à  i  heure,  le  lieutenant  de  Taissetu  Gauthier 
Tint  me  porter  TOtre  dépêche  et  celle  du  général  VilleoeuTe,  n^  1  ;  je  Texpé- 
diai  à  3  heures  avec  mes  réponses;  k  6  heures  du  matin,  je  fis  appeler  les  capi- 
taines de  Tescadre  et  leur  remis  la  pièce  n*  2  à  décacheter  en  cas  de  sépara- 
tion ;  à  8  heures,  j'étais  sous  Toiles  avec  le  signal  de  ralliement  pour  le  Sylphe 
qui  était  à  Yigo;  je  mis  en  panne  en  dehors  pour  l'attendre;  à  2  h.  i/2  il  me 
rallia  avec  16  hœufs  pour  Tescadre.  J*en  ordonnai  la  répartition  et  reçus  du 
capitaine  de  ce  h&timent  la  lettre  n^  3,  car,  Monseigneur,  il  n'était  point  auto- 
risé à  se  serfir  de  mon  nom  pour  la  plus  légère  demande.  Je  reçus  du  com- 
missaire des  relations  commerciales  la  lettre  n*  4  ;  du  capitaine  du  Su/fren  la 
pièce  n*  5  et  de  celui  du  Jemmappes  la  pièce  n*6.  Les  Tents  étaient  du  Nord-Est 
à  TEst,  Tair  frais,  et  ont  régné  constamment  de  cette  partie  jusqu'au  8  fruo- 
tidor  (96  août)  que  j'attrapai le  cap  Saint-Adrien  et  longeai  la  côte,  Mon- 
seigneur, pour  m'assurer  si  l'escadre  combinée  était  encore  au  Fcrrol,  dans  ce 
cas  opérer  ma  jonction,  dans  celui  contraire  atterrir  à  Penmarch,  d'après  les 
ordres  que  me  donne  l'amiral  Villeneuve.  Voyez  s'il  tous  plaît.  Monseigneur, 
la  pièce  n*  1  par  laquelle  il  annulait  ceux  que  j'ai  pu  recevoir  précédemment 
de  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  par  l'ordre  exprès  qu'il  en  a  reçu. 

Un  bâtiment  sortant  de  la  Gorogne  m'apprit  que  l'escadre  combinée  était 
partie  du  Ferrol  le  23,  que  depuis  on  ne  l'avait  plus  vue.  Je  continuai  ma 
route  sur  Penmarch  en  forçant  de  voile  et  ne  pouvant  m'y  rendre  qu'en  lou- 
voyant, les  vents  éUnt  de  l'Est-Nord-Est  à  TEst-Sud-Est. 

Le  42  fructidor,  j'arrive  à  la  pointe  du  jour  à  dix  heures  de  Penmarch  sans 
avoir  rencontré  dans  ma  route  un  bâtiment  qui  pût  me  donner  des  nouvelles 
de  Tarmée  combinée  ;  le  temps  était  brumeux,  les  vents  au  Nord-Ouest  ; 
à  6  h.  1/2,  j'aperçus  trois  voiles,  sous  le  vent,  qui  me  parurent  de  guerre. 
VArmide  me  les  signala  ennemies.  J'ordonnai,  Monseigneur,  une  chasse 
générale  sans  avoir  pu  les  joindre  au  coucher  du  soleil  que  je  ralliai  l'escadre; 
ces  trois  bâtiments  jetèrent  à  la  mer  leurs  embarcations,  ancres,  canons  et 
pièces  d'arrimage.  Le  Sylphe  visita  un  bâtiment  portugais  venant  de  Lisbonne  ; 
ayant  reconnu  ces  trois  voiles  pour  une  frégate  et  deux  corvettes  anglaises,  il 
m'apprit  aussi  que,  le  26  thermidor,  étant  trente  lieues  dans  le  nord-ouest  du 
Ferrol,  il  avait  donné  dans  l'escadre  combinée  faisant  route  à  Touest  et  avait  été 
visité  par  la  corvette  le  Furet;  que,  le  18  fructidor,  il  a  rencontré  dix-huit 
vaisseaux  anglais  à  la  hauteur  du  Ferrol;  serait-ce,  Monseigneur,  l'escadre  de 
Galder  ou  Nelson  revenant  de  la  baie  de  Lagos?  Si  ce  rapport  est  vrai,  il  me 
ferait  présumer  que  le  général  Villeneuve,  au  lieu  de  venir  atterrir  à  Pen- 
march, comme  il  me  le  mandait,  aurait  fait  route  directement  sur  Gadix  en 
partant  du  Ferrol.  Voulant  avoir  des  renseignements  plus  positifs,  je  me 
déterminai  à  croiser  à  quinze  lieues  de  Penmarch,  espérant  rencontrer  des  neu- 
tres sortant  du  golfe  ou  venant  de  la  Manche,  puisque  l'amiral  Villeneuve  me 
prescrivait  de  n'entrer  à  Brest  qu'autant  que  l'escadre  coalisée  y  fût,  et,  dans 
le  cas  contraire»  de  le  joindre  à  Gadix,  sa  destination  définitive.  Voyez,  s'il 
vous  plaît,  Monseigneur,  la  pièce  n^  i. 

Le  19,  au  jour,  une  des  corvettes  chassées  la  veille  se  trouva  à  deux  heures 
de  l'escadre;  j'ordonnai  une  chasse  générale;  mais,  Monseigneur,  présumant 
qu'elle  m'occuperait  toute  la  journée,  et  peut-être  infructueusement,  je  la 
levai.  Le  Jemmappes  visita  un  bâtiment  parti  le  10  de  Morlaix,  allant  à  Bor- 


LE  FERROL.   —  CADIX.  793 

deaux,  ayant  tu  38  Toiles  anglaises  sous  Ouessant  et  ne  sachant  rien  de  l'es- 
cadre combinée.  Le  Sylphe  Tisita  un  bâtiment  parti  depuis  trois  jours  de 
Maresmer;  il  assure  qu'il  n'y  avait  pas  de  bâtiments  de  guerre  mouillés  à 
111e  d'Àix  ;  il  ne  saTait  rien  qui  fut  relatif  aux  escadres  combinées. 

La  même  corTette  Tisita  encore  un  bâtiment  parti  le  iO  de  Saint-Martin, 
lie  de  Ré,  et  aussi  peu  instruit  sur  la  position  des  armées. 

Ces  renseignements.  Monseigneur,  coïncident  parfaitement  et  ne  me  laissè- 
rent plus  de  doute  sur  la  route  qu*afait  tenue  l'escadre  combinée  et  je  diri- 
geai la  mienne  sur  Cadix;  les  Tents  me  contrarièrent  jusqu'au  21  fructidor  que 
je  doublai  Finistère  et  que  je  trouvai  ceux  du  Nord-Est. 

Le  23,  étant  par  38<*34^  de  latitude  nord  et  i2<»45'  le  longitude  occidentale, 
VArmide  Tisita  un  portugais  qui  apprit  que  l'escadre  combinée  était  à  Cadix. 
Je  continuai  ma  route.  Monseigneur,  sous  toutes  voiles  possibles. 

Le  24,  à  6  heures  du  soir,  étant  par  OS^'SO'  de  latitude  nord  et  iio.38'  de 
longitude  occidentale,  le  brick  anglais  le  Phébus  Tint  dans  l'escadre  avec  son 
parillon  arboré.  Je  le  fis  amarioer  à  son  grand  étonnement.  Monseigneur.  Il 
était  parti  de  Gibraltar  le  18,  allant  à  la  Grenade,  et  avait  donné  avec  con* 
fiance  dans  l'escadre  qu'il  croyait  être  celle  de  Nelson,  attendu  tous  les  jours 
pour  commander  le  blocus  de  Cadix  ;  il  m'apprit  que  l'escadre  combinée  était 
dans  cette  rade,  bloquée  par  26  vaisseaux,  et  Carthagène  par  cinq.  Chaque 
homme  de  Téquipage,  questionné  séparément,  fit  le  même  rapport  et  les  lettres 
particulières  adressées  à  la  Grenade  et  dont  je  suis  muni  le  confirmèrent;  il 
ventait  petit  frais,  le  temps  beau.  Je  regardai  dès  lors,  Monseigneur,  mon 
entrée  à  Cadix  comme  impossible,  à  moins  que  ce  ne  fût  pendant  un  coup  de 
vent  qu'il  eût  fallu  attendre  longtemps;  d'ailleurs,  cette  baie,  par  sa  large 
ouverture,  est  une  des  plus  faciles  à  bloquer  par  une  armée  nombreuse;  en 
m'y  présentant,  Monseigneur,  je  pouvais  éprouver  une  chasse  difficile  à  sup- 
porter d'après  les  pièces  5  et  6  qui  constatent  le  mauvais  état  de  la  mâture 
des  vaisseaux  le  Suffren  et  le  Jemmappes;  ma  retraite  pouvait  être  aussi  cou- 
pée par  l'arrivée  de  Nelson  et,  sous  ces  trois  rapports,  Monseigneur,  l'escadre 
sous  mes  ordres  était  évidemment  perdue,  je  n'avais  pas  une  chance  avanta- 
geuse pour  moi.  Je  pris  la  bordée  'du  Nord-Ouest  en  attendant  une  plus  mûre 
réflexion.  J'assemblai  les  capitaines  auxquels  je  fis  part  de  cette  nouvelle,  je 
leur  montrai  les  lettres  écrites  de  Gibraltar  qui  la  confirmaient;  ils  déclarèrent 
tous  qu'il  était  impossible  d'entrer  à  Cadix,  que  c'était  inutilement  exposer 
l'escadre  â  une  perte  évidente  et  qu'il  fallait  prendre  un  autre  parti.  Je  les 
congédiai. 

Vous  voyez,  Monseigueur,  que,  si  je  ne  réussis  pas  à  joindre  l'escadre  com- 
binée, comme  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  le  voulait,  c'est  par  une  suite 
d'obstacles  qu'il  n'est  pas  à  mon  pouvoir  de  lever  parce  que  je  ne  peux  rien 
de  surnaturel  et  que  j'ai  fait  tout  ce  qui  m'a  été  prescrit  et  tout  ce  qui  était 
en  mon  pouvoir  pour  satisfaire  sa  volonté;  et  vous  et  lui.  Monseigneur,  êtes 
trop  équitables  pour  ne  pas  me  rendre  cette  justice  ;  si  je  n'avais  eu  qu'à 
forcer  le  passage  contre  des  forces  moitié  supérieures,  j'aurais  pu  l'entre- 
prendre, parce  que  personne  n'est  plus  dévoué  que  moi  à  l'exécution  des 
moindres  ordres  qu'il  plaira  à  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  de  me  donner. 
Mais,  Monseigneur,  vous  ne  m'eussiez  jamais  pardonné  si  j'avais  voulu,  avec 
cinq  vaisseaux,  entrer  à  Cadix  bloqué  par  vingt-six. 


794  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVIU. 

J'eus  donc  reoours,  Monseigneur,  tux  instruotions  dont  m'honore  Sa  Majesté 
Impériale  et  Royale,  en  date  du  7  thermidor;  je  n'y  ris  rien  qui  fut  très  relatif 
à  la  position  critique  où  je  me  trouvtis,  position  occasionnée  par  l'ordre  du 
général  VilleneuTe,  qui  m'avait  prescrit  d'atterrir  à  Penmarch.  Cet  amiral,  en 
terminant  ses  instructions,  n*aTait  sans  doute  pas  prévu,  Monseigneur,  qu'en 
allongeant  ainsi  le  terme  de  ma  jonction  il  serait  bloqué  par  des  forces  trop 
supérieures,  comme  trop  nombreuses  pour  que  je  pusse  entrer  à  Cadix;  cepen- 
dant il  me  fallait  prendre  un  parti  :  voici,  Monseigneur,  celui  auquel  je  m'ar- 
rête. Il  me  parut  le  plus  avantageux  au  service  de  Sa  Majesté  Impériale  et 
Royale,  en  ce  qui  pouvait  nuire  considérablement  à  l'ennemi,  comme  la  suite 
le  justiûera  bientôt  à  Votre  Excellence. 

Sa  Majesté  impériale  et  Royale  termine  ainsi  les  instructions  dont  elle  m'ho- 
nore, en  date  du  20  prairial  : 

«  Vous  finirei  de  consommer  vos  vivres  en  croisant  dtns  les  parages  où 
u  vous  pouvez  faire  le  plus  de  mal  h  l'ennemi.  Et  tous  ne  rentrerex  dans  nos 
u  ports  que  six  mois  après  Totre  départ  ;  nous  nous  reposons,  poor  le  succès 
u  de  cette  expédition  sur  votre  zèle,  votre  bravoure  et  sur  Totre  attachement 
u  k  notre  personne.  » 

Les  conTois  anglais  revenant  des  Antilles  et  de  Terre-Neure  font  assez  ordi- 
nairement leur  retour  en  yent  derrière  ;  non  seulement  ils  sont  sous  de  fortes 
escortes,  mais  encore.  Monseigneur,  une  escadre  est  dépêchée  à  leur  rencontre. 
Si  je  sentis  l'importance  de  ces  obstacles  je  me  rappelle  aussi.  Monseigneur, 
un  des  paragraphes  des  instructions  dont  vous  m'honoriez  en  date  du  3  mes- 
sidor. Il  est  ainsi  conçu  : 

u  Vos  instructions  vous  feront  bien  connaître  l'esprit  de  votre  mission  et 
son  but,  mais  Sa  Majesté  s'en  rapporte  à  votre  zèle  et  à  votre  discernement 
et  à  toutes  les  modifications  que  l'intérêt  de  son  service  et  les  circonstances 
vous  conduiront  à  y  apporter  dans  toutes  celles  où  vous  tous  trouverez  ; 
employez  toute  Totre  audace  à  faire  du  mal  à  l'ennemi,  c'est  ce  que  l'Empe- 
reur TOUS  ordonne  essentiellement.  »  Je  ne  balançai  donc  plus,  Monseigneur, 
et  je  fis  route  pour  me  placer  dans  l'ouest  du  cap  Lizard,  où  je  pouvais  m'em- 
parer  de  quelques  bâtiments  ennemis  et,  par  là,  utiliser  la  sortie  de  l'escadre. 

Le  30  fructidor  je  pris  une  lettre  de  marque  anglaise  armée  de  12  canons. 

Le  2  vendémiaire,  au  matin,  étant  par  40^22'  de  latitude  nord  et  iÂ^éV 
longitude  occidentale,  je  vis  8  voiles  au  Nord-Nord-Ouest,  3  au  Nord,  i  à 
l'Est,  2  au  Sud-Ouest.  Je  les  chassai. 

Le  3,  les  vents  à  Ouest-Sud-Ouest,  je  continuai  la  chasse.  Monseigneur, 
tant  le  jour  et  la  nuit  suivante  en  ordre  de  bataille  dont  je  pris  la  tête. 
La  Gloire,  qui  était  en  avant,  m'ayant  signalé  6  vaissetux  de  ligne  ennemis 
et  m'ayant  rendu  compte  à  la  voix  qu'elle  en  aTait  distingué  5,  au  jour  je 
reconnus  les  bâtiments  chassés  pour  un  conToi,  escorté  par  un  vaisseau  de 
ligne  ;  dans  la  matinée,  les  frégates  et  corTettes  firent  amener  4  bâtiments 
fort  riches,  venant  des  Isles  du  Vent  ;  je  ne  puis  pas  tous  dissimuler,  Mon- 
seigneur, que  si  la  Gloire  me  donna  quelques  sujets  de  mécontentement 
pendant  le  cours  de  la  campagne,  je  n'en  fus  du  tout  point  satisfait  dons  cette 
circonstance  et  dans  celle  du  jour  suiTant.  A  il  h.  1/2,  je  donnai  l'ordre 
à  VArmide,  qui  était  très  en  avant  du  Taisseau  anglais,  de  rétrograder  pour 
l'arrêter. 


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LE  FBRROL.   --  CADIX.  796 

Le  4,  à  3  h.  i/îy  je  donnai  Tordre  à  VArmide  de  commencer  le  feu  ;  elle  se 
mit  en  avant  et  tira  qaelqaet  coupi  de  eanon  de  retraite;  à4  heuret,  elle  était 
par  le  travers  du  vaiiteau  ennemi,  à  grande  portée,  et  à  4  h.  i/2,  Monseigneur, 
elle  se  retira  du  feu  pour  tout  à  fait. 

Le  Magnanime  approchait,  mais  lentement,  (fuoique  ayant  toutes  voiles 
dehors.  Mon  impatience  était  extrême  :  j'étais  aussi  couvert  de  voilures  et 
Tennemi,  à  plus  d'une  lieue  en  avant  de  moi  ;  la  nuit  vint,  elle  était  des  plus 
sombres,  je  désespérai  de  prendre  ce  vaisseau.  A  8  h.  45  je  fis  le  signal  de 
nuit  d*ordre  aux  b&timenfs  avancés  d*engager  le  combat  dès  qu'ils  seraient  à 
portée;  à  9  h.  4K,  ce  vaisseau  le  Magnanime  commença  un  feu  vif  et  soutenu 
à  petite  distance  jusqu'à  iO  heures,  que  l'ennemi  amena.  Ce  dernier  a  perdu 
4  hommes,  le  Magnanime  en  eut  2  bien  légèrement  blessés  et  VArmide  en 
avait  eu  i.  Je  fis  sur-le-champ  amariner  et  armer  ce  vaisseau  en  guerre  et  j'en 
donnai  le  commandement  au  capitaine  de  frégate  Bérard,  le  plus  ancien  de 
l'escadre. 

Le  5,  à  7  heures  du  soir,  le  Sylphe  me  rallia  avec  une  prise  fort  riche, 
venant  de  Tabago. 

Le  6,  il  en  prit  un  autre  venant  de  Saint-Christophe. 

Le  8,  le  Palinure  en  amarina  deux  venant  de  Tabago  et  de  Démérari.  Le 
temps  était  violent  du  Sud-Est  à  TEst^Sud^Est,  ma  croisière  devait  être  déee- 
lée  par  les  bâtiments  qui  m'avaient  échappé  le  4  et  qui  devaient  Atre  rendus 
en  Angleterre  le  6.  La  mâture  du  Suffren  et  du  Jemmappes  était  hors  d'état. 
Monseigneur,  de  supporter  une  chasse.  Voyez,  s'il  vous  plaît,  les  pièces  n**  5 
et  6.  Leurs  avaries  avaient  considérablement  augmenté  depuis.  Je  levai,  en 
conséquence,  ma  croisière  et  fis  route  pour  faire  de  l'eau  à  Vigo  avec  les 
prises  qui  ne  pouvaient  pas  nuire  à  ma  marche,  bien  résolu  de  les  couler 
comme  j'en  ai  fait  d'une  partie  lorsque  je  me  suis  aperçu  qu'elle  me  retar- 
dait. J'espérais  aussi.  Monseigneur,  avec  l'aide  de  marteaux  et  de  la  forge 
du  MajettueuXy  mettre  dans  six  jours  de  relâche  la  mâture  de  ces  deux  vais- 
seaux en  état  de  soutenir  une  continuation  de  campagne.  Je  démâtai  de  mon 
petit  mât  d'hune,  j*en  pressai  la  réparation.  Je  suis  loin  d'avoir  à  me  louer 
du  capitaine  de  frégate  Willaumex,  commandant  je  vaisseau  le  Majestueux  ;  il  a 
constamment  justifié.  Monseigneur,  que  l'on  ne  peut  rien  savoir  sans  l'avoir 
préalablement  appris,  que  le  commandement  d'un  vaisseau  est  trop  fort  pour 
celui  qui  n'a  préalablement  été  qu'un  médiocre  officier  de  quart  et  sans  s'être 
perfectionné  par  le  commandement  d'un  bâtiment  léger,  et  joint  à  cela  un 
amour-propre  désordonné  au  lieu  de  la  docilité  nécessaire  à  celui  qui  a  besoin 
d'acquérir  les  connaissances  premières.  Je  m'abstiens,  Monseigneur,  de  vous 
parler  de  ses  torts  envers  moi. 

Le  14,  la  Thémis  fit  une  prise. 

f^  16,  VArmide  en  fit  une  autre. 

Le  17,  j'étais  à  12  lieues  de  Vigo,  un  brick  suédois  venant  de  la  Méditer- 
ranée m'assura  avoir  été  visité  devant  Cadix  par  un  des  18  vaisseaux  qui 
bloquent  ce  port. 

Le  18,  à  4  heures  du  matin,  un  vaisseau  de  ligne  ennemi  parut  en  avant  de 
l'escadre  et  assez  près  de  moi  ;  il  reconnut  sa  méprise  et  prit  chasse.  Je  le 
poursuivis  sous  toutes  voiles  possibles.  Le  Magnanime,  qui  était  le  vaisseau 
marchant  le  mieux  de  l'escadre,  appuya  la  chasse  ;  mais,  Monseigneur,  l'en- 


796  TROISIÈME  PARTIE.   —   CHAPITRE  XVIII. 

Demi  avait  une  marche  bien  supérieure,  le  temps  était  à  grains,  il  en  passa 
un  si  TÎolent  qu*il  fut  obligé  de  ferrer  son  perroquet  et  d'amener  sa  brigan- 
tine.  Le  Magnanime  en  fit  autant.  Je  conserfai  tout  dehors,  faisant  il  nœuds  1/2, 
la  seconde  batterie  à  Teau.  Je  le  gagnai  considérablement  pendant  20  minutes. 
Le  grain  ayant  passé,  il  borda  son  perroquet  et  8*éloigna  avec  une  supériorité 
de  marche  incontestable.  Si  ce  grain  avait  duré  iO  minutes  de  plus,  j'étais 
démâté.  Monseigneur,  ou  ce  vaisseau  était  à  moi.  À  9  h.  1/2,  n*ayant  plus 
Tespoir  de  le  joindre,  je  levai  la  chasse.  Ce  vaisseau  fut  reconnu  par  les  offi- 
ciers anglais  pour  être  le  Dragon ,  le  meilleur  marcheur  d'Angleterre. 
A  10  h.  1/2,  le  Magnanime  me  signala  19  voiles  au  Sud.  Cette  chasse  me  met- 
tait beaucoup  sous  le  vent  de  Vigo.  Le  scorbut  faisait  dans  l'escadre  des  ravages 
considérables.  Malgré  ces  considérations.  Monseigneur,  je  ne  pus  pas  me 
résoudre  à  laisser  passer  ce  convoi.  Je  manœuvrai  pour  m'en  emparer,  j*or- 
donnai  une  chasse  générale,  les  vents  étaient  au  Nord-Ouest  grand  frais  et  pas 
de  grain.  Le  Magnanime,  le  LÀon,  VArmide  et  la  Thétis  donnèrent  sur  les 
tratneurs.  L'escadre  se  trouva  bientôt  aflklée  sur  la  côte  de  Portugal.  A  5  heures, 
quatre  prises  me  rallièrent  dont  une  lettre  de  marque  de  16  canons.  Ce  convoi 
était  destiné  pour  Lisbonne  et  Oporto,  il  doit  avoir  perdu  beaucoup  de  temps 
sur  la  c6te,  les  vents  y  battent  avec  violence  dans  ce  moment,  et  n'ayant 
point  de  mouillage  dans  cette  partie.  Au  jour,  l'escadre  était  à  la  cape,  il  me 
manquait  le  Magnanime,  il  me  donna  de  vives  inquiétudes,  je  craignais  qu'il 
ne  put  pas  se  relever. 

Le  19,  je  restai  à  la  cape  tout  le  jour  et  la  nuit  suivante.  Un  bâtiment 
danois  m'apprit  que  dix  vaisseaux  de  ligne  ennemis  croisaient  à  vingt 
lieues  dans  le  Nord-Nord-Est  de  Finistère,  espérant  me  voir  bientôt  atterrir 
au  Ferrol. 

Le  20,  je  vis  avec  le  jour  le  Magnanime  rallié.  S'il  me  fit  éprouver  une 
grande  satisfaction,  je  remarquai  avec  peine  ma  position.  J'étais  affalé  de 
quarante-sept  lieues  sous  le  vent  de  Vigo,  il  me  fallait  dix  jours  au  moins  pour 
les  remonter.  Le  vaisseau  qui  m'avait  échappé  avait  serré  le  vent  et  fait  route 
pour  le  Ferrol  où  croisaient  dix  vaisseaux.  Avec  sa  marche  supérieure,  il  était 
présumable,  Monseigneur,  qu'il  arriverait  assez  à  temps  pour  que  je  trouve 

Vigo  bloqué  au  moment  où  je  m'y  présenterais J'avais  dans  l'escadre 

900  scorbutiques  sur  les  cadres,  â  qui  il  fallait  des  rafraîchissements  que  Vigo 
n'offrait  pas.  Avec  les  vents  régnants  je  pouvais  être  dans  cinq  jours  aux 
Canaries,  où  d'après  Borda  je  trouverais  abondamment  l'eau  et  les  végétaux 
sans  lesquels  les  équipages  ne  pouvaient  pas  se  remettre  ;  je  pris  donc.  Mon- 
seigneur, la  route  de  ces  lies. 

Le  22,  j'appris  qu'on  avait  monté  les  câbles  de  la  cale.  J'avais  défendu,  Mon- 
seigneur, au  capitaine  Willaumez  de  faire  de  mouvement  conséquent  dans 
cette  partie  du  vaisseau  sans  préalablement  m'en  prévenir,  ayant  remarqué 
plusieurs  fois  que  par  de  mauvaises  dispositions  on  avait  ralenti  considéra- 
blement la  marche  du  vaisseau.  Je  rappelai  cet  ordre  à  ce  capitaine,  qui  me 
dit  que  sous  ce  rapport  il  était  indépendant  de  moi.  Je  le  priai  de  se  retirer, 
il  me  demanda  si  c'était  dans  sa  chambre.  Je  regardai  cela  comme  un  défi,  je 
lui  donnai  Tordre  de  garder  les  arrêts.  Deux  heures  après  je  le  fis  venir  chez 
moi  pour  lui  représenter  combien  son  entêtement  était  déplacé,  il  me  répon- 
dit qu'il  ne  voulait  point  de  mercuriale,  qu'il  lui  importait  peu  d'être  dans  sa 


LB  FERROL.   —  CADIX.  797 

chambre  et  il  retourna  sans  attendre  ma  réponse.  Le  surlendemain  je  lui  fis 
donner  Tordre  d'en  sortir. 

Le  6  brumaire  je  reçus  la  lettre  n*  1,  je  répondis  celle  n?  8.  J'adressai 
celle  n«  9. 

Le  Calcutta  manquait  totalement  de  yifres.  Je  lui  en  fis  répartir,  Monsei- 
gneur, par  différents  Taisseaux.  Les  vents  passèrent  au  Sud-Ouest  et  j'en  fus 
contrarié  jusqu'au  8  de  brumaire,  que  je  pus  faire  une  route  directe. 

Le  iO>  je  fis  visiter  par  VArmide  une  goélette  portugaise  déradée  de  Madère 
dans  un  coup  de  vent.  Le  capitaine  Louvel  me  rapporta  que  lorsque  ce  bâti- 
ment sortit  de  Madère,  une  escadre  anglaise  de  8  vaisseaux,  8  frégates  et 
environ  130  bâtiments  de  transport  anglais  chargés  de  troupes,  s'y  étaient  pré- 
sentés pour  en  demander  l'entrée  qui  leur  avait  été  refusée;  que  le  bruit 
courait  que  ces  forces  étaient  destinées  pour  une  expédition  lointaine  et 
devaient  en  passant  s'emparer  des  Canaries  ;  cette  nouvelle,  Monseigneur, 
accrut  considérablement  mon  embarras,  j'étais  à  la  veille  de  manquer  d'eau 
avec  1200  scorbutiques  sur  les  cadres.  Je  ne  crus  pas  devoir  en  faire  un  mys- 
tère aux  capitaines  de  l'escadre,  seulement  je  les  assemblai  et  leur  com- 
mandai la  plus  grande  célérité  dans  la  marche.  Je  conçus  aussitôt  le  projet  de 
m'emparer  des  Canaries  si  l'escadre  ennemie  en  était  sortie. 

Le  11,  je  vis  les  Salvages  le  soir  et  à  6  heures  du  matin  l'Ile  de  Ténériffe. 
J'ordonnai  branle-ba«  général  de  combat  et  pris  la  tète  de  l'escadre. 

Le  12  au  matin,  j'envoyai  VArmide  en  avant  pour  reconnaître  la  rade  de 
Sainte-Croix.  Elle  était  chargée  de  remettre  au  gouverneur  espagnol  la  pièce 
n^  10,  au  commissaire  des  relations  commerciales  celle  n^  M,  et  en  cas  que 
l'Ile  fût  au  pouvoir  de  l'ennemi  d'envoyer  un  parlementaire  porter  la  pièce 
n^  12.  Le  capitaine  de  VArmide  avait  les  instructions  n^  13.  Je  disposai  tout 
pour  l'attaque  des  forts,  mais  à  4  h.  1/2  VArmide  me  prévient  par  un  signal 
convenu  que  la  place  était  aux  Espagnols.  J'y  mouillai  à  6  h.  3/4.  Je  fus  le 
soir  saluer  M.  le  gouverneur.  Au  soleil  levant  je  saluai  la  terre  de  quinze 
coups  de  canon  qui  me  furent  exactement  rendus.  Dans  la  journée  je  fis  trois 
salves  de  vingt  et  un  coups  de  canon  pour  la  fête  de  Charles  lY,  roi  d'Es- 
pagne. Les  bateaux  du  pays  vinrent  prendre  les  pièces  du  troisième  plan  de 
chaque  vaisseau.  A  11  heures  je  descendis  à  terre  avec  tous  les  capitaines  de 
l'escadre  pour  faire  une  visite  de  corps  à  M*  le  Gouverneur  général  des  lies 
Canaries.  Son  Excellence  se  trouva  au  débarquement  avec  les  officiers  de  tous 
les  corps  d'administration,  la  justice  et  les  notables  du  pays.  Les  troupes 
étaient  sous  les  armes,  rappelant.  Nous  fûmes  conduits  au  Gouverneur,  suivis 
d'environ  2,000  personnes  du  peuple. 

Le  lendemain.  Monseigneur,  je  donnai  des  ordres  pour  la  réparation  des 
mâtures  avariées  ;  il  vint  de  l'eau  et  des  rafraîchissements  à  l'escadre  qui 
en  avait  bien  besoin»  ayant  1300  scorbutiques  sur  les  cadres.  Je  reçus  le 
no  14. 

Le  14,  je  fis  mettre  80  malades  à  terre.  Son  Excellence  M.  le  Gouverneur 
vint  me  faire  sa  visite  avec  une  suite  espagnole.  J'avais  réuni  tous  les  capi- 
taines à  mon  bord  pour  le  recevoir.  A  son  départ.  Monseigneur,  je  le  fis  saluer 
de  treize  coups  de  canon  du  Majestueux  et  de  trois  cris  de  :  «  Vive  l'Empe- 
reur 1  »  par  tous  les  bâtiments  sous  mes  ordres. 

Le  15,  je  mis  encore  80  malades  à  terre,  j'activai  l'eau  par  de  nouveaux 


798  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XYIU. 

moyens  et  ordonnai  une  répartition  égale  des  Tivres  de  campagne  à  bord  de 
tous  les  bâtiments  de  Tescadrc,  je  fis  prendre  à  terre  la  Tiande  et  le  pain  pour 
tous  les  équipages  et  parce  qu'ils  en  afaient  besoin,  Monseigneur,  et  pour 
économiser  les  vivres  de  campagne.  Je  reçus  la  pièce  n<*  45  à  laquelle  Je  ne  crus 
pas  deroir  faire  droit,  ni  même  répondre.  Je  reçu^  celle  n*  iO  et  répondis 
le  n*  17.  Un  homme  du  peuple  arracha  Tépaulette  de  l'enseigne  de  yaisseau 
Gastagnet.  J'en  témoignai  ma  sensibilité  à  Son  Eieellenco.  Le  lendemain  il 
m'entoya  le  coupable  et  m'écritit  le  n»  18,  je  répondis  par  le  n»  19.  H  y  atait 
déjà  du  mieui  dans  la  santé  des  équipages  et  les  160  mourants  qui  avaient 
été  mis  à  terre  se  rétablissaient  à  vue  d'oeil. 

Le  17,  au  coucher  du  soleil,  je  fis  faire  une  salve  générale  de  tingt  et  un 
coups  de  canon  en  commémoration  de  la  fôte  du  lendemain  18  brumaire, 
la  place  en  fit  autant. 

Le  18,  l'escadre  fut  pavoisée  au  soleil  levant  et  fit  une  salve  de  vingt  et  un 
coups  de  canon  que  la  terre  répéta.  J'écrivis  le  n*  20  et  je  reçus,  Monseigneur, 
le  n*  31.  A  midi  le  salut  fut  le  même.  Je  donnai  à  dtner  à  Son  Excellence  et 
à  sa  famille,  aux  officiers  généraux  et  leurs  femmes,  aux  colonels,  lieutenants- 
colonels  et  majors,  aux  chefs  d'administration,  de  justice  et  notables,  à  4  h.  1/2. 
Je  portai  une  santé  à  Leurs  Majestés  Impériale  et  Catholique,  elle  fot  saluée 
de  vingt  et  un  coups  de  canon  que  la  terre  répéta  ainsi  que  la  salve  du  cou- 
cher du  soleil. 

Le  19,  les  prises  furent  mises  en  vente,  je  donnai  à  la  commission  les 
instructions  n^  22. 

Le  21 ,  la  Gloire  cassa  deux  cAbles  et  le  SuffYen  perdit  sa  chaloupe. 

Le  22,  j'embarquai  les  approvisionnements  de  campagne.  La  vente  des 
prises  était  terminée.  Monseigneur,  elle  se  montait  à  la  somme  de 
433,552  livres  90  centimes  tournois,  dont  le  tiers  appartenant  aux  Invalides 
était  de  140,492  livret  20  centimes.  Je  le  laissai  sur  récépissé  k  M.  le  com- 
missaire des  relations  commerciales  pour  faire  face  aux  dépenses  de  l'escadre 
que  mon  départ  précipité  m'empêchait  de  régler,  à  charge.  Monseigneur, 
d'en  rendre  un  compte  détaillé  à  Votre  Excellence  et  de  détenir  comptable  du 
reste. 

Le  24,  je  fis  prendre  les  malades  qui  étaient  aux  hépitanx,  je  n'en  laissai 
que  onze  qui  étaient  dans  un  éU|t  désespéré.  Je  remis  à  MM.  les  capitaines  la 
pièce  n«  23. 

Le  25,  je  pris  congé  de  Son  Excellence  M.  le  Gouverneur;  j'ordonnai,  Mon- 
seigneur, la  répartition  de  ce  qui  revenait  de  parts  de  prises  aux  équipages, 
stimulant  bien  nécessaire  au  moment  d'un  départ,  et  où  je  prévoyais  avoir 
encore  bien  des  chances  désagréables  à  courir.  L'escadre  mit  sous  voiles 
à  6  h.  1/2  du  soir. 

Le  26,  j'écrivis  le  n^  24,  j'en  rendis  le  Sylphe  porteur  et  je  tins  dans  la  rade 
sous  petits  bords.  Je  reçus,  Monseigneur,  du  capitaine  du  Sylphe  qui  veut  bien 
être  toujours  pour  moi  avec  considération,  la  lettre  n^  25.  Je  reçus  les  n'**  26 
et  27.  Le  lendemain  je  reçus  le  n«  28.  J'écrivis  les  n^  29  et  30  et  fis  route  à 
midi  et  demi  avec  un  bon  frais  de  Sud-Ouest,  me  trouvant  trop  affalé  sous  le 
vent  pour  saluer  la  ville  à  4  heures  de  l'après-midi.  Le  Sylphe  me  rallia  avec 
les  lettres  n<»  31,  32  et  33. 

Je  partis  des  Canaries,  ayant  à  bord  de  chaque  bâtiment  60  jours  de  vitres 


LE  PERROL.    —  CADIX.  799 

secs  et  50  jours  de  liquide,  avec  le  projet,  Monseigoeur,  de  croiser  à  toute  Tue 
de  Madère,  k  40  lieues  dans  le  Sud -Ouest,  passage  des  conTois  et  des  diyisioos 
détachés  pour  les  colouies.  Je  voulais  ensuite  remonter  la  côte  de  Portugal  pour 
rencontrer  quelques-uns  des  Taisseaux  ou  frégates  détachés  allant  de  Cadix  en 
Angleterre,  ou  plutôt  encore  d'Angleterre  à  Cadix,  ainsi  que  les  contois  qui 
devaient  ravitailler  Tescadre  qui  bloquait  ce  port  ;  je  dirigeais  ma  route,  Mon- 
seigneur, en  conséquence  de  ces  instructions.  Je  n'avais  encore  aucune  nou- 
velle de  l'armée  combinée,  Monseigneur,  je  la  présume  toujours  bloquée 
à  Cadix. 

Le  28,  à  9  h.  45  du  matin,  le  Magnanime  cassa  sa  vergue  de  petit  hunier 
et  me  signala  7  voiles  à  TEst-Nord-Est.  Je  pris  la  bordée  opposée  pour  donner 
le  temps  à  ces  vaisseaux  d*ètre  en  état  de  combattre,  si  c'était  une  des  escadres 
à  ma  recherche  ;  j'envoyai,  Monseigneur,  les  frégates  reconnaître,  et  une  heure 
après  je  pris  la  tète  de  la  ligne  de  bataille  et  virai  sur  l'ennemi. 

Le  29,  je  continuai  la  chasse.  VArmide  me  signala  l'ennemi,  inférieur  en 
force  à  celle  de  l'escadre  ;  je  chassai  sans  observer  d'ordre,  la  nuit  fut  très 
obscure,  l'ennemi  m'échappa  par  de  fausses  routes. 

Le  l^*"  frimaire,  je  vis  un  grand  bâtiment  i  trois  mâts  que  je  supposais  de 
guerre.  Je  le  chassai,  le  calme  survint,  Monseigneur,  je  fis  mettre  tous  les 
canots  de  l'escadre  à  la  mer  à  remorquer  la  Gloire  et  le  Sylplie. 

Le  %  au  jour,  le  Sylphe  me  rallia  avec  sa  prise  qui  faisait  partie  d'un  convoi 
destiné  pour  la  c6te  d'Afrique.  Je  profitai  du  calme  pour  en  tirer  quelque 
objet  de  traite  que  je  fis  distribuer  à  l'équipage  pour  accroître  leur  zèle,  le 
bâtiment  fut  aoulé  avec  le  reste  de  la  cargaison.  Le  capitaine  m'apprit.  Mon- 
seigneur, qu'au  moment  de  son  départ  de  Portsmouth,  le  bruit  courait  qu'une 
action  avait  eu  lieu  entre  Nelson  et  l'escadre  combinée,  qu'on  disait  Nelson 
tué  et  qu'on  ignorait  les  détails  de  cette  affaire. 

Le  11,  à  5  heures  du  soir,  deux  bâtiments  postés  dans  le  lit  du  vent  firent 
des  signaux,  la  nuit  fut  sombre  et  quelque  attention.  Monseigneur,  qu'on  mit 
à  les  observer,  au  jour  ils  ne  parurent  plus.  La  Gloire  apprit,  par  un  bâtiment 
danois,  que  la  France  était  en  guerre  avec  la  Russie  et  la  Suède,  que  l'escadre 
combinée  avait  eu  un  engagement  et  avait  perdu  des  vaisseaux. 

Le  21,  la  vergue  du  grand  hunier  du  Majeitutux  se  rompit.  J'étais  observé 
par  deux  frégates  anglaises,  placées  à  3  lieues  dans  ma  hanche  sous  le  vent  ; 
elles  ne  me  quittèrent  que  le  25.  L'une  d'elles  fut  sur  le  point  d'être  jointe 
par  le  Magnanime. 

Depuis  le  20  brumaire,  j'avais  constamment  eu  des  vents  de  la  partie  de 
l'Est;  mes  vivres  diminuèrent  considérablement,  ajant  1000  consommateurs 
de  plus  qu'en  partant,  j'ordonnai.  Monseigneur,  un  retranchement  général 
d'un  sixième  des  rations  de  toute  espèce. 

Le  27,  le  Sylphe  prit  un  bâtiment  anglais  venant  du  Portugal  allant 
à  Torbay  ;  il  donna  dans  Tesoadre  qu'il  crut  être  une  de  celles  de  sa  nation 
à  ma  recherche. 

Le  2d,  la  Gloire  prit  un  trois-mâts  allant  â  la  Jamaïque,  je  le  fis  couler. 
UArmide  s'empara  d'une  baleinière  allant  dans  les  mers  du  Sud,  qui  fut  aussi 
coulée  ;  on  saisit  les  papiers  anglais  qui  m'apprirent.  Monseigneur,  la  malheu- 
reuse défaite  de  l'armée  combinée  avec  tous  ses  détails,  la  prise  du  contre* 
amiral  Dumanoir  avec  ses  quatre  vaisseaux  :  j'en  ressentis  la  pins  vive  douleur. 


800  TROISIÈME   PARTIE.   —  CHAPITRE  XVUI. 

L*iQdi8crétion  de  ceux  qui  me  les  apprirent  mit  la  consternation  à  mon  bord  et 
donna  de  Tives  inquiétudes  pour  mon  atterrage. 

Le  29,  les  Tents  qui  avaient  été  constamment  de  la  partie  de  TEst  depuis 
près  d*un  mois,  passèrent  à  TOuest  et  ne  tardèrent  pas  à  derenir  gros  frais. 
Il  me  restait  peu  de  vivres,  Monseigneur,  je  As  route  à  l'Est  et  rendis  aux 
équipages  leur  ration  entière. 

Le  30,  étant  par  la  latitude  de  45*47'  Nord  et  la  longitude  de  ii«24'  Tes- 
cadre  faisant  10  nœuds,  le  temps  très  brumeux. 

Un  paquebot  se  trouva  près  du  Suffren,  je  lui  donnai  Tordre  de  s*arrèter. 
Il  me  le  signala  rishe.  Je  lui  donnai  Tordre  de  le  couler  et  fis  mettre  Tescadre 
à  la  cape  pour  lui  en  donner  le  temps.  Ce  bâtiment  avait  40  hommes  ;  la 
mer  était  à  peine  navigable,  le  Jemmappes  eut  Tordre  de  mettre  son  grand 
canot  à  la  mer  pour  aider  le  Suffren  qui  me  demandait  h  donner  la  remorque 
à  sa  prise;  je  lui  réitérai  Tordre  de  la  couler,  il  me  répéta,  Monseigneur,  qu*il 
serait  prêt  à  cinq  heures;  je  supposai,  dès  lors,  que  ce  bâtiment  contenait  de 
Targent,  et,  voulant  faire  route  avant  la  nuit,  craignant,  dans  le  cas  contraire, 
une  séparation,  j'enjoignis  au  Suffren  d'escorter  sa  prise,  si  elle  était  ama- 
rinée.  Le  Suffren  reprit  son  poste,  Tescadre  en  route,  la  prise  suivait.  A  cinq 
heures  on  s'aperçut  qu'elle  s'éloignait.  Je  fis  mettre  Tescadre  à  sec,  à  cinq 
heures  et  demie  on  me  prévint.  Monseigneur,  qu'on  perdait  ce  bâtiment  de 
vue.  J'envoyai  VArmide  et  le  Sylphe  à  sa  recherche  ;  à  sept  heures  et  demie, 
VArmide  me  rapporta  qu'elle  ne  Tavait  pas  trouvé,  que  la  Thétis  lui  dit  qu'elle 
l'avait  vu  tenir  le  vent  tribord,  encore  à  six  heures  du  soir.  Il  est  assez  singu- 
lier. Monseigneur,  que  cette  frégate  Tait  laissé  faire  cette  route,  ayant  pu, 
comme  moi,  le  juger  très  riche,  d'après  les  signaux  du  Suffren,  celui  qui  le 
commande  aura  sans  doute  préféré  aller  en  Espagne. 

Le  3,  je  mouillai.  Monseigneur,  en  rade  de  Tlle  d'Aix,  après  cent 
soixante  et  un  jours  de  départ,  dont  cent  quarante-huit  sous  voiles,  ramenant, 
avec  Tescadre  que  sa  Majesté  m'avait  confiée,  le  vaisseau  ennemi  le  Calcutta, 
Si,  Monseigneur,  Sa  Majesté  Impériale  et  Royale  et  Votre  Excellence,  daignez 
approuver  les  dispositions  que  j'ai  prises  dans  les  diverses  circonstances  diffi- 
ciles et  embarrassantes  où  je  me  suis  trouvé,  je  me  trouverais  très  récompensé 
des  peines  que  je  me  suis  données  pour  parvenir  à  ce  but. 

Les  graves  conséquences  qu'eut  la  détermination  de  Ville- 
neuve et  de  Gravina  de  se  porter  sur  Cadix,  obligent  à 
examiner  quels  effets  aurait  pu  avoir  la  décision  inverse,  à 
rechercher  par  suite  quels  adversaires  Tarmée  combinée 
aurait  rencontrés  dans  sa  marche  sur  Brest. 

On  sait  que  Tamirai  Cornwallis  bloquait  en  permanence 
l'escadre  de  Ganteaume.  Or,  le  7  août,  ce  dernier  apprit  l'ar- 
rivée de  Villeneuve  à  Vigo.  L'ordre  déjà  donné  tant  de  fois 
de  poster  l'escadre  à  Bertheaume  de  façon  à  être  à  portée 
de  combattre  lorsqu'on  viendrait  la  débloquer  prenait  donc 
une  nouvelle  importance. 


LE  FERROL.  —  CADIX.  801 

A  bord  da  vaisseaii  V Impérial,  le  19  thermidor  an  xm  (7  août  1305)  (1). 

Monseigneur, 

J'ai  eu  rhonneur,  ce  matin,  de  tous  rendre  compte  par  le  télégraphe,  que  je 
reeerais  dans  l'instant  du  Ferrol  une  dépêche  de  la  plus  haute  importance  ; 
le  contre-amiral  Gourdon  m'apprend,  par  la  date  du  10  thermidor,  que 
l'amiral  Villeneuve  vient  de  paraître  à  la  hauteur  de  Yigo,  et  que  cet  amiral 
fait  route  pour  le  Ferrol. 

J'ai,  en  même  temps,  reçu,  par  le  courrier  de  ce  jour,  Totre  dépêche  du  44 
de  ce  mois,  qui,  en  m'annonçant  le  départ  de  Sa  Majesté  et  celui  de  Votre 
Eicellence  pour  Boulogne,  me  donne  l'ordre  d'aller  occuper  la  rade  de  Ber^ 
theaume.  Par  mes  précédentes,  tous  aurez  vu.  Monseigneur,  que  si  nous 
n'avons  point  encore  exécuté  vos  ordres  à  cet  égard,  la  contrariété  des  vents  en 
est  la  seule  cause  ;  depuis  ces  jours,  nous  n'avons  que  des  vents  d*Ouest  qui, 
ainsi  que  j'ai  eu  Thonneur  de  vous  en  rendre  compte,  ont  soufflé  avec  une 
très  grande  force. 

Ainsi  que  je  vous  en  ai  fait  mention,  V armée  ennemie  n'a  cessé  d'être  signalée 
sous  Ouessant,  A  iO  heures  du  matin,  les  vigies  ont  encore  annoncé  18  vais- 
seaux, 4  frégates  et  10  corvettes. 

Je  suis  avec  respect.  Monseigneur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Gàmteaumb. 

Le  9  août,  Tescadre  était  embossée  à  Bertheaume  ;  Ten- 
nemi  paraissant  réduit  à  15  vaisseaux,  Ganteaume  se  propo- 
sait d'attaquer.  Ce  jour-là  le  calme  vint  tout  arrêter. 

En  rade  de  Brest,  le  23  thermidor  an  xm  (11  août  1805)  (1). 

Monseigneur, 

C'est  avec  le  sentiment  le  plus  pénible  que  j'ai  l'honneur  de  vous  rendre 
compte  que,  quoique  les  vents  aient  passé  de  VOuest  au  Nord-Est  dans  la 
nuit  du  21  au  22,  il  m'a  été  impossible  défaire  faire  aucun  mouvement  à  l'ar- 
mée; les  vigies  ne  signalaient  que  quinze  vaisseaux  ennemis;  je  voulais  aller 
les  reconnaître  et  je  me  flattais  qu'avec  le  flot,  la  brise  prendrait  assez  de  con- 
sistance pour  nous  faire  refouler  les  courants,  mais  il  fit  calme  pendant  tout  le 
jour,  et  il  fut  de  toute  impossibilité  de  faire  appareiller  même  un  seul  vaisseau. 

Aujourd'hui,  le  calme  est  profond  ;  l'armée  est  toujours  en  appareillage  et 
n'attend  qu'un  souffle  de  vent  favorable. 

La  frégate  la  Félicité  est  dans  le  goulet  et  fait  route  pour  Brest. 

Je  suis  avec  respect.  Monseigneur,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Gantbaumb. 


(1)  Archives  de  la  Marine»  BBnr,  224 

IV.  5i 


802 


TROISIÈME  PARTIE.   —-  OHAPITRE  XVUI. 


Pendant  les  journées  qui  suivirent,  on  s'aperçut  très 
clairement  des  renforts  considérables  qu'avait  reçus  lord 
Comwallis. 

Signaux  de  côtes. 

Extrait  du  journal  de  V état-major  général  <^  46  ou  30  thermidor  an  XIII 

(ÂauiS  août). 


loutft. 


46  thermidor 

17  — 

18  — 

19  — 

«0  — 

«1  - 

22  — 

23  — 

t4  - 

25  — 

26  ~ 

27  — 

28  — 

29  — 

30  — 


4  août. 

5  — 

6  — 

7  — 

8  — 

9  — 

10  — 

11  — 

18  - 

13  — 

14  - 

15  — 

16  — 

17  - 

18  - 


• 

M 

5 

• 

B 

• 
(A 
M 

M 
> 
et 

8 

36 

13 

17 

18 

4 

6 

19 

6 

12 

37(?) 

9 

10 

38(?) 

10 

8 

18 

3 

6 

31 

15 

22 

16 

15 

28 

33 

10 

17 

29 

U 

16 

19 

10 

14 

40 

13 

15 

30 

10 

15 

60(?) 

10 

18 

26 

10 

15 

oiSiRVATiona. 


Croisaot. 

Croisant. 

Croisant. 

Les  frégates  mouillées  et 
les  eorreUes  croisant. 

Croisant. 

Moaillés. 

Croisant. 

Les  frégates  mouillées  et 
les  correttes  croisant. 

Les  fMgatei  mouillées. 

CroSsant 

Croisant. 

3  frégates  mouillées. 

Croisant. 

Croisant. 

CroiiaDl. 


A  bord  du  Taisseau  V Impérial,  le  !•'  fructidor  an  XIII. 

L Adjudant  commandant  de  V armée  navale. 

Clément  Baaon. 
Vu  :  par  V Amiral, 

GAIfTSAUMB. 

En  réalité,  l'escadre  anglaise  s^était  trouvée  le  45  août  forte 
de  39  vaisseaux.  Ce  ne  devait  pas,  du  reste,  être  pour  long- 
temps. A  peine  Nelson  avait-il  échangé,  avec  le  commandant 
en  chef,  ses  signaux  de  reconnaissance  qu'il  recevait  Tordre 
suivant  : 


il 


LB  FBRROL.   ^  CADIX.  803 

A  bord  de  la  VilU-de-ParU,  15  août  1805. 

Votre  Seigneurie  est  inTitée,  ayec  les  deux  yaisseauz  désignés  ci*contre 
{Viciory  et  Superb),  à  se  rendre  à  Spithead  et  à  prétenir  le  secrétaire  de 
TAmirauté  de  Totre  arritée. 

GORnWALLIS  (i). 

Comment  le  commandant  en  chef  se  priva-t-il  de  deux  vais* 
seaux  et  de  Nelson?  Comment  celui-ci  consentit-il  à  rentrer 
en  Angleterre  à  la  veille  d'une  bataille  qui  devait  paraître 
imminente?  C'est  ce  qu'il  faudrait  renoncer  à  comprendre,  si 
les  pièces  suivantes  ne  montraient  que  l'Amirauté  douta  jus- 
qu'au bout  que  Villeneuve  viendrait  devant  Brest. 

Le  13  août,  en  efiFet,  il  avait  été  écrit  à  Nelson  : 

• 

Au  cas  où  la  flotte  ennemie  combinée  se  porterait  Ters  le  Sud,  tous  êtes 
invité  à  envoyer  à  l'amiral  CoUingwood,  devant  Cadix,  tels  de  vos  vaisseaux 
que  vous  Jugerez  convenable. 

Et  le  16  : 

Vous  êtes  invité  à  vous  rendre  immédiatement  aveo  Tescadre  sous  vos 
ordres  à  Plymoutb,  en  envoyant  à  Spithead  ceux  des  navires  qui  ont  le  plus 
besoin  de  réparations  (2). 

Quoi  qu'il  en  soit,  Nelson  obéit  et  arriva  le  48  août  en  rade 
de  Spithead. 

«  J'ai  laissé,  écrit-il  à  l'Amirauté,  les  vaisseaux  Canopm, 
«  SpenceVy  Belleisle^  Spartiate^  Conqueror,  Tigre,  Leviathan^ 
«  Do7iegal  et  Swiftsure  à  l'amiral  Cornwallis  et  j'ai  reçu  de 
((  lui  Pordre  de  me  rendre,  avec  le  Victory  et  le  Superby  à 
«  Spithead  où  je  suis  arrivé  ce  matin  ». 

Il  restait  donc  trente-sept  vaisseaux  à  lord  Cornwallis, 
lorsque  le  16,  il  prescrivit  une  nouvelle  division  de  ses  forces. 

Ville-de-Paris  sons  Oaessant,  16  août  1805. 

Je  vous  prie  d'annoncer  aux  Lords  de  TAmirauté  que  j'ai  été  joint,  hier, 
par  lord  Nelson  avec  les  11  vaisseaux  mentionnés  ci- contre 

L'ennemi  ayant  des  forces  considérables  dans  le  golfe  de  Gascogne,  je  mets 
20  vaisseaux  sous  les  ordres  de  sir  Robert  Calder  avec  l'ordre  de  se  rendre  devant 


(1)  British  Muséum,  vol.  34930. 

(I)  Regittra  d'ordres  de  rijniraaté.  British  Muséum,  vol.  34936. 


804  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVIII. 

le  Ferrol,  pour  bloquer  ce  port  et  empêcher  l'ennemi  de  mettre  à  la  voile,  ou 
le  suivre  s'il  y  a  quelque  chance  de  lui  être  supérieur. 

Je  ne  laisse  ici  que  peu  de  naTires»  mais  je  compte  bientôt  sur  des  renforts 
et  sur  la  jonction  des  derniers  restés  aux  Downes.  J*espère  Totre  approbation, 
car  je  tiendrai  les  escadres  ennemies  en  échec,  si  Tescadre  de  Rochefort  est 
encore  en  mer.  Si  les  Lords  Tentent  donner  d*autres  instructions,  elles  peuvent 
ainsi  être  facilement  exécutées. 

CORNWALUS  (i). 

D'après  la  lettre  d'un  officier  de  son  escadre  écrite  le 
17  août,  au  moment  où  il  allait  quitter  Tarmée  principale  (2), 
Tamiral  Calder  devait  avoir  sous  ses  ordres  les  navires  sui- 
vants : 

Nous  partons  sous  les  ordres  de  sir  Robert  Calder,  avec  les  vaisseaux  Prince- 
of-Wales,  PrincCt  Britannia,  Téméraire^  Canopus,  Conqueror,  Swiftsure^ 
Leviathan,  Donegal,  Spencer,  Tigre,  Spartiate,  Neptune,  Orion,  Polyphemus, 
Bevenge,  Dragon,  Zealous,  Goliath,  Défense,  Sirius  et  Basilic. 

D*après  sir  Robert  Calder,  Tennemi  a  25  vaisseaux  français  au  Ferrol,  cnr 
il  a  été  joint  par  Tescadre  de  Rochefort.  Les  Espagnols  en  ont  43  ou  44. 
Le  Dragon  et  le  Goliath  seront  ralliés  en  route. 

Le  total,  après  la  jonction,  devait  donc  être  de  vingt-deux 
vaisseaux.  Il  en  restait  dix- sept  à  Cornwallis. 

Tel  fut  ce  détachement,  souvent  critiqué,  et  que  Napoléon, 
ostensiblement  au  moins,  considéra  comme  une  *<  chance 
unique  »  qu'aurait  manquée  Villeneuve. 

Certes,  la  situation  de  Cornwallis  serait  devenue  très  grave 
si  Calder,  dans  sa  marche  vers  le  Sud,  et  Villeneuve,  s'il 
avait  fait  route  au  Nord,  ne  s'étaient  pas  rencontrés.  Mais 
l'événement  devait  prouver,  une  fois  de  plus,  que  les  dix-sept 
vaisseaux,  qui  restaient  à  l'escadre  de  la  Manche,  étaient  très 
suffisants  pour  maintenir  le  blocus  de  Brest. 

Le  21  août,  au  matin,  toute  l'armée  de  Ganteaume,  forte 
de  21  vaisseaux,  5  frégates,  3  corvettes  avait  mouillé  entre 
Camaret  et  Bertheaume  et  avait  été  reconnue  par  l'amiral 
anglais  en  personne.  Quelques  coups  de  canon  avaient  été 
échangés  avec  les  batteries  de  la  pointe  Saint-Mathieu. 

A  6  heures  du  soir,  dit  W.  James,  Tamiral  Cornwallis  rejoignit  la  flotte 
et  fit  connaître  son  intention  d*attaquer  le  lendemain  Tennemi  à  son  mouil- 


(1)  Record  Office,  Channel  Fleet. 

(t)  Lettre  du  capitaine  Hallowol,  commandant  le  Tigre,  Britith  Muséum,  ▼ol.  34030. 


LE  FERROL.   —  CADIX.  805 

lage  ;  il  jeta  donc  Tancre  un  peu  au  Sud  aes  Pierres-Noires,  la  Ville-de-Paris 
les  releTant  au  Nord  2  quarts  Est,  le  phare  Saint-Mathieu  à  l'Est-Nord^st 
et  le  Bec-du-Raz  au  Sud  2  quarts  Est. 

Le  22>  à  4  heures  du  matin,  Tescadre  anglaise  leva  l'ancre  et,  par  un  temps 
brumeux  et  brise  du  Nord  par  l*Est,  fit  Toile  les  amures  à  bâbord  vers  Gamaret, 
en  ordre  de  combat  serré,  la  Ville-de-Parù  en  tête,  suivie  du  César  de  80, 
du  Monfagu  de  74.  A  6  h.  30,  la  Parqxiette  étant  tout  près,  les  Taisseaux 
Tirèrent  successivement  et,  la  brise  se  dissipant,  on  put  yoir  l'escadre  française 
à  l'ancre.  A  8  heures,  elle  était  sous  voiles  et  pendant  les  vingt  minutes  sui- 
vantes, les  navires  anglais  continuèrent  à  virer,  puis  firent  route  sous  petites 
voiles.  A  9  heures  Vlndefatigable,  qui  se  trouvait  en  tête,  se  trouva  près  du 
vaisseau  de  80  Alexandre,  monté  par  le  contre-amiral  Willaumez,  qui  condui- 
sait la  ligne  française.  A  9  h.  30»  ce  vaisseau  lAcha  une  bordée  sans  effet 
contre  Vlndefatigable  qui  riposta  de  ses  pièces  des  gaillards,  la  portée  étant  trop 
grande  pour  les  caronades.  Vlndefatigable  vira  de  bord  et  la  Ville-de-Paris, 
suivie  des  vaisseaux,  fit  route  vers  l'ennemi  qui  fit  demi-tour  et  se  dirigea  vers 
le  goulet,  comme  s'il  voulait  éviter  le  combat.  A  10  h.  45,  le  César  et  le  Montagu 
sortirent  de  la  ligne  pour  attaquer  V Alexandre  qui,  avec  le  Foudroyant  et  V Impé- 
tueux formait  l'arrière-garde  française,  et  le  feu  commença  à  11  heures  entre  la 
Ville-de-Paris,  le  César  et  le  Montagu,  d'une  part,  les  trois  vaisseaux  français 
d'arrière-garde,  les  batteries  de  terre  et  les  frégates  Valeureuse  et  Volontaire 
de  l'autre. 

A  il  h.  30,  la  pointe  Ouest  de  la  Bertheaume  restant  à  i  mille  et  demi 
dans  le  Nord  2  quarts  Est,  l'escadre  anglaise  fit  voile  vers  le  large  en  ordre  de 
combat,  sous  le  feu  des  batteries  de  terre  qui  la  couvrirent  de  boulets  et  d'obus 
jusqu'à  midi  un  quart. 

Les  dommages  causés  à  Tavant-garde  britannique,  surtout  par  les  batteries, 
montrèrent  combien  ces  dernières  protégeaient  efficacement  le  nouveau  mouil- 
lage de  la  flotte  française.  A  bord  de  la  Ville-de-Paris,  un  obus  éclata  contre 
une  ancre  de  salut,  et  un  fragment  pesant  une  livre  et  demie  frappa  l'amiral 
Cornwallis  à  la  poitrine,  un  midshipman  fut  aussi  blessé.  La  coque  et  le 
gréement  furent  atteints  plusieurs  fois.  U  en  fut  de  même  pour  le  César  et  le 

Montagu,  A  bord  de  ce  dernier  vaisseau,  il  y  eut  3  tués  et  6  blessés Les 

jours  suivants,  du  23  au  30»  quelques  navires  français  manœuvrèrent  dans  la 
baie,  mais  il  n'y  eut  pas  de  sérieuse  tentative  de  sortie  générale » 

Sans  entrer  dans  le  détail,  le  rapport  de  Ganteaumé  con- 
firme au  moins  que  cet  amiral  ne  crut  pas  devoir  accepter 
le  combat. 

Rade  de  Bertheaame,  à  bord  du  Taisseaa  Vlmpénalf  le  4  fructidor 

an  xni  (23  août  1805)  (1). 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  de  nos  mouvements  dans  la  journée 
du  2.  Les  vents  ont  été  au  Nord-Nord-Est  et  au  Nord,  petit  frais,  temps  bru- 
meux. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»v,  224. 


806  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XVin. 


Dès  le  point  da  joar,  renoemi,  qui  avait  paisé  la  nuit  ao  aMmillage,  a  mil 
à  la  Toile  ;  noat  apercerioDi  18  Taûteaiix»  taYoir  :  iO  Tiiaaeaax  à  trois  ponts 
et  8  de  80  et  74  canoos.  Vers  8  heures,  j*ai  fait  appareiller  tonte  l'année;  mon 
inteation  était  d*éYolaer  dans  la  baie  de  Bertheanme  et  itaUemirt  reimtmiàla 
voile  si  son  projet  était  de  nout  attaquer, 

J^avais  chargé  le  contre-amiral  Willaumes,  eommandant  Teseadre  légère,  de 
bien  reconnaître  le  nombre  et  la  forée  de  ces  bâtiments. 

A  10  h.  1/î,  le  gros  de  Tannée  était  par  le  traTers  de  Saint4fathieo»  l'en* 
nemi  Teniit  à  nons  tous  tontes  Toiles.  J'ai  fiit  signal  à  Tarmée  de  Tirer  de 
bord  ;  à  11  heures,  Tescadre  légère  a  engagé  TaTant-garde  ennemie,  dont  l'A' 
bemia  faisait  partie. 

Les  Taisseaai  V Alexandre  et  V Impétueux  ont  en  1  homme  tué  et  12  blessés. 
Nons  sommes  en  ce  moment  au  mouillage.  L'armée  ennemie  eonrt  an  large  ; 
elle  a  Uis»é  les  frégates  à  leur  poste  ordinaire. 

Je  suis  aTec  respect,  Monseigneur,  Totre  très  humble  et  très  obéissant  ser- 
Tîtcur. 

GARTiAinau 

Uamirsil  Qànteaume,  conseiller  d'État,  grand  offloler  de  tune  dee 
cohortes  de  Ist  Légion  d'honneur,  oommMdMt  l'Armée  nàfàle 
impériale  de  r Océan,  A  Son  Excellence  le  Ministre  de  la  marine 
et  des   colonies, 

A  bord  do  Taitssao  Yltnpérial,  on  rade  de  Bertheanme,  le  10  frnctidor 

an  xm  (28  août  1805)  (1). 

Le  8  et  le  9  fructidor  (26  et  27  août}  les  vents  ont  été  faibles  et  changeants  ; 
nous  n'aTODs  pas  pu  quitter  le  mouillage  ;  ce  matin,  Ters  7  heores,  j*ai  fait 
appareiller  toute  l'armée  ;  les  rents  étaient  è  l'Ouest,  temps  brumeux. 

A  peine  étions-nous  à  la  Toile  que  nous  ayons  entendu  plusieurs  eoups 
de  canon.  J'ai  pensé  que  l'armée  combinée  poutait  être  aux  prises  ayee 
l'ennemi,   et  j'ai   touIu   être  à  portée   de   la  secourir. 

J'ai,  en  consi^quence,  ordonné  force  de  Toiles  ;  tous  les  Taisseaux  se 
sont  élevés  bord  sur  bord  et  nous  nous  sommes  STancés  au  large  de  la 
pointe  Saint-Mathieu. 

Avant  9  heures,  on  avait  cessé  de  tirer;  la  brume  commençait  à  se 
répandre  et  j'étais  disposé  à  croire  que  les  coups  de  canon  qui  s'étaient 
fait  entendre  n'étaient  autre  chose  que  les  signaux  de  l'ennemi,  qui  a 
continué  de  tirer  par  bordées  dans  les  temps  brumeux. 

J'ai  cependant  tenu  l'armée  à  la  Toile  jusqu'à  midi,  mais  la  brume  est 
devenue  alors  tellement  épaisse,  que  nous  perdions  quelquefois  de  vue  tous 
les  vaisseaux  qui  nous  environnaient.  J'ai  saisi  le  moment  d'une  éclaircie 
pour  donner  l'ordre  de  revenir  à  Berlheaume  et  peu  de  temps  après  tous  les 
vaisseaux  ont  mouillé. 

Je  suis  avec  respect,  Monseigneur,  Totre  très  humble  et  obéissant  senriteur. 

Gàutbàuiib. 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BB»»,  Ît4. 


LE  FERROL.    —  CADIX.  807 

Or,  Ganteaume  pouvait  et  devait  se  croire  autorisé  par  la 
lettre  et  les  dépêches  du  20  juillet,  à  sortir  même  au  prix 
d'une  bataille,  s'il  ne  devait  rencontrer  que  seize  vaisseaux. 
On  ne  peut  douter  qu'il  aurait  risqué  l'aventure  si,  avec 
vingt  et  un  vaisseaux  contre  dix-sept,  il  s'était  cru  assez  fort. 

C'est  avec  une  proportion  de  moyens  d'actions  à  peu  près 
pareille  :  vingt-deux  vaisseaux  contre  vingt-neuf,  que  Calder 
était  envoyé  au-devant  de  l'armée  combinée.  Ayant,  le 
22  juillet,  lutté,  plutôt  avantageusement,  avec  quatorze  vais- 
seaux contre  vingt,  il  est  rien  moins  que  certain  qu'il  dût  être 
écrasé  si  une  nouvelle  rencontre  avait  eu  lieu  du  16  au 
20  août.  On  a  vu  que  la  force  de  leurs  vaisseaux  et  la 
confiance  dans  leurs  amiraux  et  équipages  faisaient,  depuis 
longtemps,  admettre  aux  Anglais  qu'on  pouvait  rechercher 
le  combat,  quand  on  aurait  deux  vaisseaux  contre  trois* 
Trafalgar  devait  bientôt  prouver,  une  fois  de  plus,  ce  qu'un 
tel  calcul  avait  de  réel. 

Voici  d'ailleurs,  à  ce  sujet,  l'opinion  d'un  marin  français  et 
d'un  grand  écrivain,  l'amiral  Jurien  de  la  Gravière  :  «  Si 
Villeneuve,  écrit-il, ....  eût  rallié  à  Vigo  la  division  Alle- 
mand, qui  mouilla  le  16  août  dans  ce  port,  il  aurait  eu  la 
chance,  en  se  portant  sur  Brest,  de  se  croiser,  sans  le  rencon- 
trer, avec  l'amiral  Calder  et  de  surprendre,  à  la  tête  de  trente- 
trois  vaisseaux  (1),  les  dix-huit  vaisseaux  (2)  de  Cornwallis 
sous  Ouessant.  Û  est  plus  probable  cependant  que  Calder,  qui 
reparut  le  20  août  devant  le  Ferrol,  eût  été  informé,  par  les 
croiseurs  anglais  ou  par  les  b&timents  neutres,  des  mouve- 
ments de  l'amiral  Villeneuve.  A  cette  nouvelle,  Calder  fût, 
sans  doute,  revenu  brusquement  sur  ses  pas  et  eût  de  nou- 
veau rallié  Cornwallis,  ou,  comme  Nelson  l'eût  certainement 
fait  à  sa  place,  il  eût  poursuivi  et  harcelé  l'armée  combinée 
jusqu'aux  atterrages.  Dans  ces  deux  cas,  les  craintes  de 
Villeneuve  et  de  Gravina  se  seraient  infailliblement  réalisées 
La  jonction  de  Villeneuve  et  de  Ganteaume  se  fût-elle,  mal- 
gré tant  de  chances  contraires,  opérée  sans  combat,  cinquante- 


(1)  Mexent,  comme  oa  l'a  tu,  29  seulement. 
(t)  Idem,  17. 


808  TROISIÈME  PARTIB.   —  CHAPITRE  XVIU. 

cinq  vaisseaux  (i)  eussent-ils  été  réunis  devant  Brest,  qu'il 
restait  encore  à  conduire  ces  vaisseaux  dans  la  Manche .... 
Trente-cinq  vaisseaux  anglais  (2)  auxquels  fussent  venus,  peut- 
être,  s'ajouter  de  nouveaux  renforts,  auraient-ils  essayé  de 
nous  disputer  le  passage?. . .  Ces  vaisseaux,  pleins  de  con- 
fiance et  formés  par  deux  années  de  croisière  auraient-ils 
attaqué  avec  avantage  une  armée  peu  faite  aux  manœuvres 
d'ensemble  et  que  des  vents  variables,  des  courants  violents 
et  irréguliers,  des  nuits  déjà  longues,  auraient  probablement 
empêchée  de  se  concentrer.  Pour  Villeneuve,  malheureuse- 
ment, ces  questions  n'étaient  plus  douteuses  ». 

Elles  ne  peuvent  l'être  pour  personne  ayant  fait  une  étude 
approfondie  de  cette  lamentable  histoire.  Une  bataille,  du 
16  au  25  août,  sous  Ouessant,  eût  été  vraisemblablement 
la  destruction  de  l'armée  franco-espagnole  (3). 


(1)  50  seulement. 

(t)  37  ou  39. 

(3)  Archives  de  la  Marine,  BB»',  tti, 

A  bord  du  vaisseau  VImpérial,  en  rade  de  Brest  le  15  fructidor  an  xin 

(\t  septembre  1805). 
Monseigneur, 

J'ai  reçu,  après  le  départ  du  dernier  courrier,  votre  lettre  du  17  ;  il  me  serait  difficile  de 
TOUS  exprimer  combien  J'ai  été  satisfait  d'apprendre  par  vous-même  que  l'état  de  votre 
santé  s'était  amélioré  et  que  vous  éties  à  même  de  supporter  les  fatigues  de  la  route. 

J'ai  été,  ainsi  que  vous,  extrêmement  inquiet  sur  le  sort  de  nos  cinq  vaisseaux,  aux  ordre* 
du  capitaine  Allemand  :  mais,  puisque  cette  esqiulre  n'a  point  encore  paru  sur  ces  parages» 
il  faut  nécessairement  qu'elle  ait  fait  route  pour  tout  autre  port  que  celui  de  Brest. 

Je  partage  également  tous  les  regrets  de  Votre  Excellence,  relativement  au  parti  qu'à 
pris  l'amiral  Villeneuve  d'aller  à  Cadix,  de  préférence  à  Brest,  quoique  les  nouvelles 
circonstances  oit  se  trouve  la  France  depuis  peu  de  temps  eussent  suffi  pour  déran- 
ger le  premier  plan  d^ opérations  {sic).  Nous  ne  devons  pas  moins  être  extrêmement 
attristés  de  n'avoir  pu  réussira  opérer  la  réunion  des  escadres  ordonnée  par  Sa  Majesté. 
Je  vois  que  ce  fâcheux  événement  va  nous  obliger  à  changer  notre  système  de  guerre, 
puisque  Votre  Excellence  me  fait  l'honneur  de  demander  des  projets  de  croisière  et  la  liste 
des  vaisseaux  que  je  juge  propres  à  ce  genre  de  service. 

Je  ne  peux,  Monseigneur,  répondre  en  ce  moment  à  ce  que  vous  me  demandes  ;  je  le 
ferai  par  des  prochains  courriers,  et  je  me  borne  à  vous  annoncer  que  je  ne  puis  pas  avoir  au 
delà  de  dix  vaisseaux  (sic)  en  état  d'être  envoyés  en  croisière.  Et  pour  que  ces  vaisseaux 
puissent  présenter  toutes  les  espérances,  je  juge  qu'il  est  indispensable  de  renouveler  leur 
arrimage.  Je  vous  prie  donc,  Monseigneur,  de  m'autoriser  à  faire  entrer  pour  ce  travail 
dans  le  port,  au  fur  et  à  mesure,  les  vaisseaux  que  je  viens  d'avoir.  Je  vous  ai  adressé 
une  pareille  demande  pour  V Alexandre  qui  a  besoin  de  changer  son  grand  mât.  Je  vous 
prie  de  vouloir  bien  me  répondre  à  cet  égard. 
Je  suis  avec  respect,  Monseigneur, 

votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur.  Oàntiauicb. 


CHAPITRE  XIX 

ÉPILOGUE 


U  a  toigours  été  admis  que  la  décision  prise  par  Villeneuve 
de  se  porter  sur  Cadix  au  lieu  d'aller  à  Brest,  avait  été  la 
cause  déterminante  de  l'abandon  du  projet  de  descente  en 
Angleterre.  Pour  apprécier  ce  qu'il  y  a  de  fondé  dans  cette 
thèse  historique,  il  suffit  de  rechercher  quelle  situation  Tami- 
rai  aurait  trouvée  à  Boulogne  au  moment  où  il  pouvait  y 
arriver. 

Partie  le  13  août  du  Ferrol,  l'escadre  franco -espagnole, 
supposée  victorieuse  sous  Brest,  ne  pouvait  parvenir  à  Bou- 
logne avant  le  25  août  ou  même  le  l^'  septembre. 

En  efifet,  le  vent  était  contraire  et  l'on  a  vu  que  Nelson  avait 
mis  6  jours  à  aller  de  la  latitude  du  Ferrol  à  celle  de  Brest, 
et  Calder,  autant.  La  bataille  sous  Ouessant  ne  pouvait  donc 
se  livrer  avant  le  20  août.  Employer  cinq  jours  seulement 
pour  parcourir  toute  la  longueur  de  la  Manche,  doit  être  con- 
sidéré comme  le  minimum  excessif  de  ce  qu'on  pouvait 
attendre  d'une  navigation  en  escadre  dans  ces  parages  si 
difficiles. 

C'est  à  partir  du  15  août  que  commencent  à  arriver  par 
l'Angleterre  des  renseignements  nombreux  qui  ne  permettent 
plus  de  douter  que  Nelson  joigne  ses  forces  soit  à  Calder,  soit 
à  Cornwallis. 

Au  vlce^amiral  Decrèa  (1). 

Camp  de  Boulogne,  t7  thermidor  m  xni(15  août  1805). 

Je  yiens  d'ourrir  votre  coorrier  de  Paris.  Il  parait  que  le  49  il  7  avait  3  vais- 
seaux devant  Rocbefort. 

(1)  Correspondance  de  Napoléon^  9083. 


810  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIX. 

■ 

Par  les  journaux  anglais  du  8  août,  il  paraîtrait  que  ce  sont  3  yaisseaux  de 
Calder.  Ainsi  VilIeneuTe  a  été  bloqué  du  14  au  19  thermidor  (du  2  au  7  août), 
par  10  vaisseaux  de  guerre  ;  il  en  a  30  ;  il  sait  qu'Allemand  doit  être  là,  et 
il  Texpose  seul  à  des  forces  supérieures.  Il  est  dans  Tordre  des  choses  possibles 
qu*aTec  une  escadre  de  5  vaisseaux  d'un  côté  et  30  de  l'autre,  mes  opérations 
soient  déconcertées  et  mes  escadres  battues  par  10  vaisseaux  anglais.  Il  est 
constant  que  le  12  (Si  juillet),  et  même  le  15  (3  aoàt)^  Allemand  était  au  cap 
Finistère  (1);  il  est  constant  que  le  19  (7  août\  Nelson  était  sur  le  cap 
Saint-Vincent  (2),  et  il  est  constant  que  le  i  thermidor  (23  Juillet),  un  aviso 
est  parti  de  Tescadre  de  Galder  pour  appeler  Nelson. 

Il  est  possible  qu'Allemand  n'ait  pas  joint.  Aurai-je  donc  30  vaisseaux  blo- 
qués par  24?  Car,  en  supposant  Nelson  arrivé,  Tescadre  ne  sera  que  de  24  Tais- 
seaux  devant  le  Ferrol.  Il  est  impossible  d'avoir  manœuvré  plus  mal  que 
Villeneuve  ne  Ta  fait  ;  il  est  cause  des  maladies  de  VAlgésiras  et  de  V Achille 
et  de  la  disette  d'eau  qu'ils  ont  éprouvée  par  le  nombre  d'hommes  qu*il  a 
gardés.  Il  a  afiaibli  mes  colonies  autant  que  possible,  et  enfin,  avec  30  vais* 
seaux,  il  n'a  pas  le  sens  de  marcher  au  secours  de  5  qu'il  sait  être  dans  ces 
parages,  de  balayer  l'escadre  anglaise  ;  et,  malgré  les  chances  inconcevisdtles 
d^une  navigation  de  cinquante-cinq  jours  et  l'heureuse  manœuvre  de  Nelson  qui 
revient  en  trente  Jours,  Nelson  se  trouve  hors  de  combat  ainsi  que  GoUingwood. 

Ce  que  Je  trouve  extraordinaire  dans  ceci,  c'est  que  le  lieu  de  rendex-vous 
d'Allemand  du  4()<^53*'  et  9^30''  est  Justement  le  degré  où  s'est  donné  la 
bataille.  Allemand  était  le  15  (3  août)  au  rendez-vous.  S'il  a  eu  le  malheur 
de  ne  rien  apprendre»  il  se  rendra  le  25  (13  août)  à  Vigo,  d'où  probablement 
il  se  rendra  au  Ferrol,  si  toutefois  Villeneuve  ne  se  laisse  pas  bloquer  par  une 
escadre  moitié  de  la  sienne.  Il  me  semble  quMl  était  tout  simple  que  Ville- 
neuve fût  croiser  avec  ses  vaisseaux  devant  le  Ferrol .  Il  Yalait  bien  la  peine  de 
faire  quelques  mouvements  pour  sauver  une  escadre  si  importante.  En  se 
tenant  ainsi,  et  lui  expédiant  2  frégates,  il  en  eût  été  Joint  en  peu  de  jours. 

Napoléon. 

Au  vice-amiral  Deorès  (3). 
.  Camp  de  Botdogne,  30  thermidor  an  un  (18  août  1805). 

Les  Journaux  anglais  du  14  août  disent  qu'une  escadre  de  4  vaisseaux,  dont 
1  k  trois  ponts,  et  de  4  frégates,  a  été,  le  8  août,  chassée  par  l'amiral  Com- 
wallis,  et  que  deux  des  frégates  de  cette  escadre  ont  eu  un  combat  aveo  la 
Dianay  sans  résultat  ;  mais  que,  par  la  supériorité  de  sa  marchei  elle  avait 
échappé. 

D'un  autre  côté,  il  paraît  prouvé  qu'elle  était,  le  15,  au  cap  Finistère. 
Qu'aurait  été  faire  Allemand  à  vingt-cinq  lieues  d'Ouessant  ?  Le  second  point 
de  rendez^ous  que  vous  avex  donné  à  Allemand  était-il  si  près  ^ 

Napoléon. 


(1)  Exact. 

(t)  Douteux. 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  9000. 


ÉPILOOtJE.  811 

Le  22  août  8e^l6Inent  parvint  Tannonce  du  départ  de 
Tarmée  du  Ferrol  pour  Brest.  Ganteaume,  qui  le  20  a  reçu 
une  dépèche  lui  demandant  s'il  est  à  Bertheaume,  reçoit  par 
un  télégramme  et  une  lettre  Tordre  d'empêcher  Villeneuve 
d'entrer  à  Brest. 

L'Empereur  au  vice-amiral  Ganteaume  (1). 

(Dépêche  télëgnphiqtte). 
Camp  de  Boulogne,  t  fructidor  an  xm  (tO  aoftt  1805). 

Êtes-vous  mouillé  à  Bertheaume  ?  Avez-vous  reçu  un  courrier  du  Ferrol  ? 
J'espère  que  tous  sentez  Timportance  du  moment  et  que  vous  connaissez  ce 
que  j*ai  droit  d'attendre. 

•     L'Empereur  au  vioe^amiral  Ganteaume  (2). 

(Dépêche  têMgraphiqiie). 
Boulogne,  le  4  fhietldor  an  xm  (tt  août  1605). 

L'amiral  VilleneuTe  vient  à  Brest,  avec  Tintention  d'y  mouiller;  ne  le 
souffrez  pas,  mais  partez  tous  ensemble  pour  votre  destination.  Il  n*y  a  pas 
un  moment  à  perdre. 

Telle  est  mon  intention,  et  je  compte  sur  votre  caractère. 

Au  vice-amiral  Ganteaume  (3). 

Camp  de  Boulogne,  4  fructidor  an  xm  (22  août  1805). 

Monsieur  le  Tice-amiral  Ganteaume, 

M.  le  vice-amiral  Villeneuve  a  appareillé  du  Ferrol  le  22  thermidor,  mais 
n'est  effectivement  parti  que  le  26,  afin  de  vous  rejoindre  à  Brest.  D'^après  ce 
que  j'ai  pu  comprendre  de  ses  dépêches,  il  me  paraît  quUI  est  dans  l*intention 
de  passer  par  le  Ras.  Il  me  parait  aussi  qu'il  doute  si»  joint  avec  vous,  il  ne 
passera  pas  plusieurs  jours  à  Brest  pour  se  ravitailler.  Je  vous  ai  déjà  fait 
connaître,  par  le  télégraphe,  que  mon  intention  est  que  vous  ne  souffriez  pas 
qu*il  perde  un  seul  jour^  afin  que,  profitant  de  la  supériorité  que  me  donnent 
50  vaisseaux  de  ligne,  vous  mettiez  sur-le^hamp  en  mer  pour  remplir  votre 
destination,  et  pour  vous  porter  dans  la  Manche  avec  toutes  vos  forces. 

Je  compte  sur  toi  talents,  votre  fermeté  et  votre  caractère  dans  une 
circonstance  si  importante. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  0102. 

(2)  CorresponéUsnee  de  Napoléon,  9113. 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  9114. 


812  TROISIÂMB  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIX. 

Partez  et  venez  ici.  Nous  aurons  rengé  six  siècles  d'insultes  et  de  honte. 

Jamais,  pour  un  plus  grand  objet,  mes  soldats  de  mer  et  de  terre  n'auront 

exposé  leur  Tie. 

Napoléon. 

Au  vioe-suniral  Villeneuve  (1).    . 

Camp  de  Boulogne,  4  fructidor  an  xm  (tt  août  1805). 

Monsieur  le  yice-amiral  Villeneuve, 

J'espère  que  tous  êtes  arrivé  à  Brest. 

Partez  et  ne  perdez  pas  un  moment,  et,  avec  mes  escadres  réunies,  entrez 
dans  la  Manche. 
L'Angleterre  est  à  nous.  Nous  sommes  tous  prêts,  tout  est  embarqué. 
Paraissez  24  heures  et  tout  est  terminé. 

Napoléon. 

Tout  indique  donc  qu'à  ce  moment  encore  tEmpereur  attend 
Villeneuve  à  Brest  ;  d'ailleurs,  le  20,  il  a  écrit  à  Decrès  : 
«  Je  ne  sais  quelle  sera  Tissue  de  tout  ceci  ;  mais  vous  voyez 
«  que  malgré  tant  de  mauvais  jeux  et  de  circonstances  dé- 
((  favorables,  la  nature  du  plan  est  foncièrement  tellement 
«  bonne  que  nous  avons  tous  les  avantages  ».  Il  paratt  donc 
plein  de  confiance  et  d'impatience. 

Néanmoins  il  ne  peut  négliger  l'hypothèse  dans  laquelle 
Villeneuve  serait  allé  à  Cadix,  puisque  ses  propres  instructions 
en  ont  admis  la  possibilité. 

Au  vice^amiral  Deorèa, 

Camp  de  Boalogne,  4  fructidor  an  xm  (tt  août  1805). 

Monsieur  Decrès, 

Je  TOUS  prie  de  m'enyoyer,  dans  la  journée  de  demain,  un  mémoire  sur 
.cette  question  : 

Dans  la  situation  des  choses,  si  Vamiral  Villeneuve  (sic)  à  Cadix,  que 
faut-il  faire  ?  Élevez-yous  à  la  hauteur  des  circonstances  et  de  la  situation  où 
se  trouTent  la  France  et  T Angleterre. 

Ne  m'écrivez  plus  de  lettres  comme  celle  que  yous  m*aTez  écrite,  cela  ne 
signifie  rien.  Pour  moi,  je  n'ai  qu'un  besoin,  c'est  celui  de  réussir. 

Napoléon. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9115.   Parti  le   13  août  do  Ferrol,  VilleneuTe 
poQTait,  en  effet»  être  le  tt  à  Brest. 


ÉPILOGUE.  813 

Au  viœ^amhal  Deorèa  (i). 

Camp  de  Boulogne,  4  fnietidor  an  xiii  (2t  août  1805). 

Monsieur  Decrès, 

Je  TOUS  renvoie  yotre  courrier.  J'estime  que  VilleneuTO  n'a  pas  le  caractère 
nécessaire  pour  commander  une  frégate.  C'est  un  homme  sans  résolution  et 
sans  courage  moral.  2  yaisseaux  espagnols  se  sont  abordés,  quelques  hommes 
sont  tombés  malades  à  bord  de  ses  vaisseaux  ;  joignez  à  cela  une  contrariété 
de  deux  jours  dans  les  vents;  un  bâtiment  ennemi  qui  est  venu  Tobserver,  un 
bruit  que  Nelson  est  réuni  à  Galder,  et  ses  projets  sont  changés,  lorsque,  iso- 
lément, ces  objets  les  uns  auprès  des  autres  ne  sont  rien. 

Ce  qu'il  y  a  surtout  d'impertinent,  c'est  que,  dans  une  expédition  aussi 
composée,  il  ne  donne  aucun  détail,  ne  dit  pas  ce  qu'il  fera,  ce  qu'il  ne  fera 
pas.  C'est  un  homme  qui  n'a  aucune  habitude  de  la  guerre  et  qui  ne  la  sait 
pas  faire.  Si  Nelson  avait  joint  Calder,  et  qu'il  se  crût  en  force,  il  se  serait 
présenté  devant  le  Ferrol  ;  cela  est  une  chose  assez  simple. 

Vous  savez  que  les  journaux  anglais  disent  que  Nelson  a  été  aux  Canaries. 
Dans  cette  situation  de  choses,  il  faut  renvoyer  un  courrier  extraordinaire  à 
Brest  pour  instruire  l'amiral  Ganteaume,  et  lui  ordonner  que,  si  Villeneuve 
parait  devant  Brest  par  le  Raz,  il  ait  à  ne  pas  le  laisser  entrer,  à  prendre  le 
commandement  de  l'armée  navale  et  à  appareiller  pour  se  rendre  devant 
Boulogne. 

Si  Villeneuve  a  été  à  CadiXy  mon  intention  est  qu'il  se  rende  dans  la 
Manche,  après  avoir  réuni  les  6  vaisseaux  qui  s'y  trouvent  et  pris  deux  mois  de 
vivres.  S'il  est  possible  de  réunir  l'escadre  de  Cartfiagène,  qu'il  le  fasse. 

Je  vais  faire  ma  dépêche  à  Ganteaume  et  prendre  mon  décret;  je  vous  les 
enverrai  dans  un  quart  d'heure.  J'attendrai,  pour  faire  ma  dépêche  de  Cadix, 
l'arrivée  du  courrier  de  demain. 

Quant  aux  croisières,  je  ne  conçois  pas  ce  degré  d'imbécillité  de  les  faire 
partir  avec  moins  de  six  mois  de  vivres. 

Napoléon. 

Cela  paraît  donc  formel  ;  aux  yeux  de  l'Empereur  la  cam- 
pagne n'est  pas  du  tout  manquée  parce  que  Villeneuve  sera 
allé  à  Cadix  se  renforcer  des  vaisseaux  espagnols.  Et  pourtant, 
dans  cette  hypothèse,  l'escadre  ne  sera  pas  à  Boulogne  avant 
le  milieu  de  septembre,  au  plus  tôt. 

Ce  qui  achève  de  le  montrer  ce  sont  les  objections  de 
Decrès  au  projet  de  persévérer  après  cette  jonction  faite  à 
vouloir  marcher  sur  Brest. 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  01  lit* 


814  TROISIÂMB  PARTIB.  —  CHAPITRE  XIX. 

n  août  1805. 

Je  me  suig  mis  aux  pieds  de  Votre  Majesté  pour  la  supplier  de  ne  pas 
associer  aux  opérations  de  ses  escadres  les  vaisseaux  espagnols.  Loin  d'avoir 
obtenu  quelque  chose  à  cet  égard,  Votre  Majesté  entend  que  cette  association 
s'accroisse  des  vaisseaux  de  Cadix  et  de  ceux  de  Garthagène. 

Elle  Teut  que,  avec  une  pareille  agrégation,  on  entreprenne  une  chose  très 
difflcile  en  elle-même  et  qui  le  devient  da?antage  ayec  les  éléments  dont 
Tarmée  se  compose,  avec  Tinexpérience  des  chefs,  leur  inbabitude  du  comman- 
dement et  les  circonstances  enfin  que  Votre  Majesté  connaît  comme  moi-même 
et  quMl  est  superflu  de  retracer. 

Dans  cet  état  de  choses,  où  Votre  Majesté  compte  pour  rien  mon  raisonne- 
ment et  mon  expérience,  je  ne  connais  pas  de  situation  plus  pénible  que  la 
mienne.  Je  désire  que  Votre  Majesté  veuille  bien  prendre  en  considération  que 
je  n'ai  d'intérêt  que  celui  de  son  pavillon  et  Thonneur  de  tes  armes  ;  et  ii  ion 
escadre  est  à  Cadix,  je  la  supplie  de  considérer  cet  événement  comme  un  arrêt 
du  destin,  qui  la  réserve  à  d'autres  opérations.  Je  la  supplie  de  ne  point  la  faire 
revenir  de  Cadix  dans  la  Manche,  parce  que  ce  ne  sera  qu'avec  des  malheurs 
que  s*en  fera  la  tentative  en  ce  moment»  Je  la  supplie  surtout  de  ne  pas 
ordonner  qu'elle  tente  cette  traversée  avec  deux  mois  de  vivres,  parce  que 
M.  d'Estaing  a,  je  crois,  mis  soixante-dix  ou  quatre-vingts  jours  pour  venir  de 
Cadix  à  Brest  (et  peut-être  plus). 

Si  ces  prières  que  j'adresse  à  Votre  Majesté  ne  lui  paraissent  d'aucun  poids, 
elle  doit  juger  ce  qui  se  passe  dans  mon  cœur. 

C'est  surtout  dans  ce  moment  où  je  puis  arrêter  rémission  d'ordres  funestes, 
selon  moi,  au  service  de  Votre  Majesté,  que  je  dois  insister  fortement.  Puisse- 
je  être  plus  heureux,  dans  cette  circonstanco,  que  je  ne  Tai  été  précédemment. 

Mais  il  est  malheureux  pour  moi  de  connaître  le  métier  de  la  mer,  puisque 
cette  connaissance  n'obtient  aucune  confiance  et  ne  produit  aucun  résultat 
dans  les  combinaisons  de  Votre  Majesté.  En  vérité,  Sire,  ma  situation  devient 
trop  pénible.  Je  me  reproche  de  ne  savoir  pas  persuadé  Votre  Majesté.  Je  doute 
qu'un  homme  y  parvienne.  Veuillez,  sur  les  opérations  de  mer,  vous  former 
un  conseil,  une  amirauté,  tout  ce  qui  pourra  convenir  à  Votre  Majesté.  Mais, 
pour  moi,  je  sens  qu'au  lieu  de  me  fortifier,  je  faiblis  tous  les  jours.  Et  il  faut 
être  vrai,  un  ministre  de  la  marine,  subjugué  par  Votre  Majesté  en  ce  qui 
concerna  la  mer,  vous  sert  mal  et  devient  nul  pour  la  gloire  de  vos  armes,  s'il 
ne  lui  devient  nuisible. 

Ce  serait  donc  à  Decrès  qu'on  devrait  attribuer  à  ce 
moment  Tabandou  du  grand  projet  d'entrée  dans  la  Manche, 
si  ce  ministre  avait  eu  la  moindre  influence  sur  Napoléon. 

Mais,  en  vérité,  dès  ce  moment  TEmpereur  ne  comptait 
plus  faire  la  descente  ;  car,  si  même  Villeneuve  avait  paru 
en  vainqueur  le  25  août  devant  Boulogne  avec  50  vaisseaux,  il 
n*y  avait  plus  moyen  d'enlever  à  la  défense  des  frontières 
de  terre  les  150,000  soldats  des  camps  de  la  MauchCé 


ÉPILOGUE.  818 

Troii  jours  après  la  lettre  personnelle  de  l'Empereur  d'Au- 
triche à  Napoléon,  en  date  du  23  janvier  et  qui  fut,  on  s'en 
souvient  par  ses  effets,  considérée  comme  sincère,  la  cour  de 
Vienne  était  entrée  en  relations  fermes  avec  la  Russie,  alliée 
avec  la  Suède  le  14  janvier  et  qui  devait  signer  un  traité  avec 
TAngleterre  le  11  avril  (1).  11  ne  s'agissait  de  rien  moins  que 
de  «  réduire  la  France  à  ses  anciennes  limites  ».  Les  négo- 
ciations, peut-être  activées  par  la  nouvelle  que  Napoléon 
s'était  fait  décerner  le  17  mars  la  couronne  d'Italie,  ne  traî- 
nèrent guère,  car  le  traité  du  11  avril  vise  les  engagements 
antérieurs  déjà  pris  par  l'Autriche  envers  la  Russie  pour  l'or- 
ganisation d*un  contingent  de  2S0,000  hommes,  tandis  que  les 
Russes  doivent  envoyer  60,000  hommes  vers  la  fi?ontîère  autri- 
chienne et  80,000  hommes  vers  celle  de  Prusse.  Les  prépa- 
ratifs militaires  de  l'Autriche  reprennent  donc  de  plus  belle 
et  un  plan  de  campagne  est  arrêté  le  16  juillet  entre  le  russe 
Winzingerode  et  les  autrichiens  Mack  et  Schwartzemberg. 

On  ne  peut  nier  que  Bonaparte  ait  manifesté  très  longtemps 
la  plus  grande  confiance  dans  le  maintien  de  la  paix  continen- 
tale ;  cependant,  dès  le  20  mars,  il  a  envoyé  des  espions  en 
Russie  (2)  pour  se  tenir  au  courant  des  mouvements  de 
troupes  ;  en  avril  et  surtout  à  partir  de  mai,  il  a  reçu  de  ses 
agents  les  renseignements  les  plus  certains  touchant  les  pré- 
paratifs de  l'Autriche  ;  le  i  juin,  il  a  annexé  Gènes  sans  pou- 
voir douter  de  l'impi^ession  que  devait  produire  cet  acte 
auprès  de  ses  ennemis.  Enfin,  à  partir  du  12  mars,  il  a  poussé 


(1)  Toate  cette  histoire  a  été  complètement  exposée  dans  l'ouvrage  de  MM.  Colin  et 
Alombert  :  Campagne  de  1805.  , 

(2)  Minute  de  la  lettre  écrite  par  le  Ministre  de  la  guerre 

à  M.  le  maréchal  Bemadotte,  commandant  en  chef  formée  du  Hanovre. 

%  gtrminal  an  xin  (tS  man  1805). 
Moogienr  U  Maiéehal, 

J'ai  l'honneur  de  rous  préTenir  que  llntantion  de  l'Bmpereur  est  que,  sous  dliTérenta 
prétextes,  vous  fassles  voyager  des  individus  intelligents  dans  les  provinces  polonaises 
russes,  afin  que  vous  soyez  constamment  informé  des  mouvements  des  troupes 
russes^  vous  devez  mémo  faire  constater  le  nombre  de  ces  troupes  qui  existe  en  ce  moment 
dans  ces  provinces,  afin  que  si  elles  étaient  renforcées,  vous  fussiez  à  même  d'en  être 
Instruit  promptement  par  la  comparaison. 

Je  vous  prie,  Monsieur  le  Maréchal,  de  m'informer  an  résultat  des  mesures  que  tous 
aurez  prises  pour  remplir  sur  cet  objet  les  intentions  de  Sa  Msjesté. 


816  TROISléUB  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIX. 

avec  actî^îté  un  traité  d'alliance  avec  la  Bavière  et  le  souci 
qu'il  prend  d'empêcher  absolument  l'Électeur  de  rester  neutre 
montre  clairement,  qu'avant  peu,  il  s'attend  à  opérer  sur  son 
territoire. 

Dès  le  15  juillet,  l'attitude  de  l'Autriche  est  devenue  si 
manifestement  hostile  qu'on  ne  peut  plus  feindre  de  l'ignorer 
et  Talleyrand  reçoit  le  31  l'ordre  de  préparer  une  note  qui, 
expédiée  le  3  août  (1),  contient  une  menace  formelle.  «  L'atti- 
«  tude  de  l'Autriche,  dit  l'Empereur,  fait  une  véritable  diver- 

«  sion  en  faveur  de  l'Angleterre Dans  timpossibilité  de 

«  soutenir  la  guerre  maritime^  il  (Napoléon)  marchera  pour 
«  pacifier  entièrement  l'Autriche,  v  Le  8,  il  fait  à  la  Prusse 
l'oflEre  ferme  du  Hanovre.  Le  iS  (2),  il  fait  dire  à  son  Ministre 
des  affaires  étrangères  cette  phrase  typique  :  «  Déjà  il  (Napo* 
léon)  A  SUSPENDU  rexécution  de  ses  projets  d'hostilité,  et  il  a 
compris  qu'il  ne  pouvait  se  porter  en  Angleterre  avec 
150,000  hommes  lorsque  ses  frontières  du  midi  étaient  mena- 
cées ».  Le  16,  Talleyrand  doit  présenter  à  Cobentzel  un  ulti- 
matum formel  (3)  le  prévenant  que  si  l'Autriche  ne  désarme 
pas,  trois  semaines  après  la  réponse  de  Vienne  «  il  sera  avec 
«  200,000  hommes  en  Bavière  ». 

Le  lendemain  du  jour  où  il  prévoit  que  l'arrivée  de  Ville- 
neuve à  Cadix  ne  l'empêche  pas  de  se  rendre  ensuite  dans  la 
Manche,  il  écrit  à  Talleyrand  ce  qui  suit  : 

A  M.  Talleyrand  (4). 

Camp  de  Boologne,  5  fructidor  an  xni  (23  août  1805). 
Monsieur, 

Plus  je  réfléchis  à  la  sitmition  de  TEurope,  plus  je  vois  qu'il  est  urgent  de 
prendre  un  parti  décisif.  Je  n'ai,  en  réalité,  rien  à  attendre  de  l'explication  de 
rAutriche.  Elle  répondra  par  de  belles  phrases  et  gagnera  du  temps,  afin  que 
je  ne  puisse  rien  faire  cet  hi^er;  son  traité  de  subsides  et  son  acte  de  coalition 
seront  signés  cet  hiver,  sous  le  prétexte  d'une  neutralité  armée,  et,  en  airril, 
je  trouverai  400,000  Russes  en  Pologne,  nourris  par  l'Angleterre,  avec  lee 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  0032  et  0038. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  0070. 

(3)  Lettre  à  Talleyrand  du  16  août. 

(4)  Correspondance  de  Napoléon,  0117. 


ÉPILOGUE.  817 

équipages  de  cheyaux,  d'artillerie,  etc.,  et  15,000  à  20,000  Anglais  à  Malte, 
et  15,000  russes  à  Gorfou.  Je  me  trouTerai  alors  dans  une  situation  critique. 
Mon  parti  est  pris. 

Mon  escadre  est  sortie  le  26  thermidor  du  Ferrol,  avec  34  vaisseaiuc  {{)  ; 
elle  n'avait  pas  d^ennemis  en  Tue.  Si  elle  mit  ses  instructions ^  se  joint  à 
V escadre  de  Brest  et  entre  dans  la  Manche,  il  est  encore  temps,  je  suis  le  maître 
de  V  Angleterre.  Si,  au  contraire  y  mes  amiraux  hésitent,  manasuvrent  mal  et  ne 
remplissent  pas  leur  but,  je  n'ai  d'autre  ressource  que  d^ attendre  l'hiver  pour 
passer  avec  la  flottille. 

L'opération  est  hasardeuse  (3);  elle  le  serait  davantage  si,  pressé  par  le  temps, 
les  événements  politiques  me  mettaient  dans  Tobligation  de  passer  d'ici  au 
mois  d'avril.  Dans  cet  état  de  choses  y  je  cours  au  plus  pressé  :  je  lève  mes 
camps  et  je  fais  remplacer  mes  bataillons  de  guerre  par  mes  troisièmes  batail- 
lonSy  ce  qui  m'offre  toujours  ime  année  assez  redoutable  à  Boulogne  et,  au 
!•'  vendémiaire,  je  me  trouve  avec  200,000  hommes  en  Allemagne  et  25,000 
hommes  dans  le  royaume  de  Naples,  Je  marche  sur  Vienne  et  ne  pose  les 
armes  que  je  n'aie  Naples  et  Venise,  et  augmenté  tellement  les  états  de  l'Élec- 
teur de  Bavière  que  je  n'aie  plus  rien  à  craindre  de  l'Autriche. 

L'Autriche  sera  pacifiée  certainement  de  cette  manière  pendant  l'hiver.  Je 
ne  reviens  point  à  Paris  que  je  n'ai  touché  barre. 

Dans  cette  situation  des  choses,  j'ai  cru  devoir  vous  en  informer  pour  que 
vous  me  prépariez  mon  manifeste,  qui  consiste  dans  les  pièces  officielles  sur  les 
mouvements  de  l'Autriche,  qui  feront  connaître  l'impérieuse  nécessité  où  je  me 
suis  trouvé  d'agir,  sous  peine  de  commettre  la  plus  grande  faute  militaire 
qu'on  puisse  commettre. 

Mon  intention  est  que  votre  langage  avec  les  ambassadeurs  roule  toiyours 
dans  ce  sens,  et  que  vous  fassiez  à  mes  difiiérents  ministres  une  circulaire, 
rédigée  dans  le  même  esprit,  dans  laquelle  vous  imputerez  à  l'Autriche  le 
commencement  des  hostilités.  Vous  prendrez  pour  texte  l'embarquement  de 
mon  armée  et  de  mes  chevaux  ;  vous  direz  que  c'est  pendant  ce  temps  que 
l'Autriche  appelle  des  armées  en  Tyrol  et  en  Italie. 

Je  vous  mets  au  fait  de  mes  projets,  afin  que  vous  puissiez  donner  à  votre 
département  cette  direction  ;  non  que  vous  deviez  dire  que  je  réponds  à  la 
guerre  par  la  guerre,  mais  que  la  guerre  est  de  fait  déclarée;  qu*actuelle- 
ment,  c'est  un  raccommodement  qu'il  faut  ;  que  si  l'Autriche  ne  me  répond  pas, 
non  par  des  paroles,  mais  en  renvoyant  ses  troupes  dans  leurs  garnisons  de 
Hongrie  et  de  Bohème,  il  ne  me  reste  plus  qu'à  repousser  la  force  par  la  force. 

Cependant,  comme  mon  intention  est  de  gagner  quinze  jours  {sic),  mettez 
M.  Otto  dans  la  confidence  ;  prévenez-le  que  j'enverrai,  sous  peu  de  jours,  un 
de  mes  aides  de  camp  voir  Passau,  avec  une  lettre  pour  l'Électeur,  où  je  lui 
dirai  que  si  l'Autriche  n'évacue  pas  le  Tyrol,  je  suis  résolu  à  me  mettre  moi- 
même  à  la  tète  de  mes  forces,  et  que  l'Allemagne  verra  plus  de  soldats  qu'elle 
n'en  a  jamais  vu  ;  que,  cependant,  l'Électeur  de  Bavière  reste  tranquille. 

Napoléon. 


(1)  29  vaisseaux. 

(2)  On  sait  ce  qn'il  faat  penser  des  chances  que  pouvait  avoir  nne  semblable  tentative. 

IV.  52 


818  TROISIÈME  PAETIB.   —  CHAPITRE  XIX. 

Malgré  rannonce  d'un  dernier  délai  de  quioze  jours,  c'est 
le  jour  même  que  commence  pour  la  Grande  Armée  le  grand 
mouvement  qui,  au  lieu  de  cette  stérile  période  d'attente  et 
de  déceptions,  va  ouvrir  Fère  glorieuse  d'Ulm  et  d'Austerlitz. 

Au  maréchal  Berthier  (1). 

Camp  de  Boulogne,  5  fructidor  an  xm  (23  août  1805). 

Écrivez  au  maréchal  Bernadotte  que,  ne  sachant  point  où  en  veut  Tenir 
r Autriche  avec  tous  les  mouTements  qu'elle  fait,  j'ai  trouvé  conTcnable  qu'il 
réunisse  à  Gœttingen  le  27*  d'infanterie  légère,  les  95",  8*  et  94*  de  ligne, 
i  régiments  de  chasseurs  et  de  hussards,  et  24  pièces  attelées,  avec  double 
approvisionnement;  qu'il  fasse  venir  toutes  les  troupes  qu'il  y  a  à  OsnabrQek, 
où  il  sufCt  qu'il  y  ait  25  hommes  de  cavalerie;  que  cela  formera  un  corps  de 
10,000  hommes,  qu'il  fera  commander  par  un  général  de  division  et  deux 
généraux  de  brigade  et  qui,  réuni  à  Gœttingen,  se  portera  partout  où  il  sera 
nécessaire  ;  qu'il  fasse  confectionner  à  Gœttingen  100,000  rations  de  biscuit, 
mais  qu'il  ne  démasque  pas  encore  ce  mouvement  ;  qu'il  gagne  quatre  jours, 
de  manière  qu'au  premier  courrier  qu'il  recevra,  il  puisse  en  trois  jours  avoir 
tout  son  corps  réuni  à  Gœttingen. 

Il  recevra  un  courrier  dans  deux  jours.  Napoléon. 

Le  23  août  est  aussi  marqué  par  le  début  des  mouvements 
en  Italie  (2),  la  préparation  des  vivres  à  Mayence  et  Stras- 
bourg. 

Le  lendemain  24,  la  cavalerie  est  envoyée  sur  le  Rhin; 
Murât  part  pour  Mayence,  Bertrand  pour  Passau.  Le  26,  les 
corps  Marmont  et  Bernadotte  sont  mis  en  marche  avec  une 
division  de  chacun  des  corps  Soult,  Ney  et  Davout.  Dans  la 
nuit  du  27  au  28,  l'organisation  de  la  côte  et  la  défense  de  la 
flottille  sont  organisées. 

L'Empereur  écrira  bien  encore  le  28  à  Cambacérès  qu'il  ne 
s'agit  que  d'un  petit  corps  de  protection . 

A  M.  Cambacérès  (3). 

Camp  de  Booiogne,  10  fructidor  an  xiu  (28  août  1805). 
Mon  Cousin, 

J'ai  Totre  lettre  du  9.  On  vous  parle  beaucoup  des  mouvements  des  armée» 


(1)  Co)Tespondance  de  Napoléon,  9119. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  à  Berthier,  9121,  9128,  9137. 

(3)  Correspondance  de  Napoléon,  10143. 


ÉPILOGUE.  849 

des  côtei  sur  le  Rhin.  Vou»  deyei  dire  que  j'ai  détaché  un  corps  de 
30,000  hommes  pour  la  sûreté  de  nos  frontières  meuAcées  par  les  préparatifs 
de  r Autriche. 

Napoléon. 

Ce  n'est  pas  pour  30,000  hommes  qu'on  prépare  500,000  ra- 
tions, ni  qu'on  annonce  5,600  chevaux  d'artillerie,  9,000  de 
dragons,  8,000  à  9,000  de  chasseurs  et  hussards,  4  à  5,000  de 
grosse  cavalerie,  1,500  de  la  garde  (1),  ni  que  le  commandant 
de  la  garde,  Bessières,  part  dès  le  28.  Ce  jour-là,  l'Empereur 
peut  écrire  à  Duroc  :  «  l'armée  est  en  plein  mouvement.  Les 
«  grenadiers  et  les  premières  divisions  de  chaque  corps  d'ar- 
ec mée  sont  partis.  Demain  partent  les  deuxièmes Lorsque 

«  l'armée  apprit  qu'elle  allait  sur  le  Rhin,  la  joie  fut  univer- 

«  selle »  et  dès  le  l®""  septembre  à  Cambacèrès  :  Je  vous 

écris  en  confidence  qu'il  n'y  a  plus  un  homme  à  Boulogne, 
excepté  les  hommes  jugés  nécessaires  pour  la  défense  de  la 
place  et  du  port. 

Ofj  c'est  à  ce  moment  seulement  que  VEmpereur  est  fixé 
sur  les  mouvements  de  F  armée  de  Villeneuve,  Jusque  là  il  a  dû 
à  tout  moment  s^attendre  à  recevoir  la  nouvelle  d'un  combat 
décisif. 

Au  vice-amiral  Decrès  (2). 

Camp  de  Boulogne,  11  fructidor  an  xui  (29  août  1805). 

Monsieur  Decrès, 

Voici  ce  que  m'apprennent  les  nouvelles  de  Londres  du  5  fructidor  : 

La  frégate  la  Topate,  accompagnée  de  deux  bricks,  a  rencontré  la  frégate 
anglaise  la  Blanche,  et  s'en  est  emparée  après. un  combat  très  meurtrier.  Une 
lettre  du  capitaine  de  la  Blanche,  en  mer,  est  datée  du  ii  juillet.  U  parait 
que  le  brick  le  Faune ,  qui  avait  assisté  au  combat  de  la  Blanche ,  a  été  pris 
quelques  jours  après  par  le  vaisseau  le  Goliath,  par  les  43*18'  et  7**  36'.  Le 
Faune  avait  20  hommes  d'équipage  de  la  Blanche  à  bord.  L'amiral  NeUon 
était  à  Londres;  $on  escadre  s'était  réunie  avec  celle  de  C aider ^  et  Comwallis 
avait  fait  l'insigne  bêtise  d'envoyer  20  vaisseaux  sur  le  Ferrol  pour  y  bloquer 
Vescadre  française.  Il  parait,  que  le  15  thermidor  (3  août,  peut  être  25  ther- 
midor, 16  août),  le  brick  VIris  a  reconnu  notre  escadre,  forte  de  28  vais- 
seaux, à  Tembouchure  du  Ferrol;  que,  le  M  août,  c'est-à-dire  le  29  thennidor, 


(1)  Correspondance  de  Napoléon  à  D^ato,  tS  avril,  0150* 
(t)  Correspondance  de  Napoléon,  9160, 


820  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIX. 

trois  jours  après  la  sortie  de  nos  escadres  du  Ferroly  V amiral  Calder  est  parti 
de  Brest  avec  un  vent  de  nord  fait  (i).  Les  Anglais  conjecturent  que  le  19  août, 
c'est-à-dire  le  i*'  fructidor  y  il  doit  y  avoir  un  combat.  L'escadre  de  Nelson 
fait  partie  de  celle  de  Calder;  mais  Nelson  et  son  vaisseau-amiral  ny  sont  pas. 
Quelle  chance  a  manqué  là  Villeneuve  !  Il  pouvait,  en  arrivant  sur  Brest  par 
le  large,  jouer  aux  barres  avec  Vescadre  de  Calder  et  venir  tomber  sur 
Comwallis,  ou,  avec  ses  30  vaisseaux,  battre  les  20  anglais  et  acquérir  une 
prépondérance  décidée.  Voilà  cependant  ces  Anglais,  dont  on  Tante  tant  les 
manœuvres  et  les  combinaisons!  Quand  la  France  aura  deux  ou  trois  amiraux 
qui  veuillent  mourir,  ils  deviendront  bien  petits. 

Les  Anglais  trouvent  notre  relation  officielle  très  modeste;  ils  conviennent 
aujourd'hui  qu'ils  ont  été  bien  rossés  devant  le  Ferrol;  les  uns  l'attribuent  à 
la  faiblesse  des  équipages;  d'autres  à  la  mauvaise  organisation  du  matériel. 
Les  Espagnols  disent  qu'ils  se  sont  battus  toute  la  nuit,  ne  voulant  pas  se 
rendre  à  un  ennemi  qu'ils  voyaient  si  maltraité;  tandis  qu^ils  avaient  tu, 
dans  une  éclaircie,  notre  escadre  en  si  bon  état  ;  mais  qu'au  point  du  jour,  se 
trouvant  très  loin  et  affalés  sous  le  vent,  ils  ont  été  forcés  de  se  rendre.  Les 
Anglais  avouent  eux-mêmes  que  ces  deux  vaisseaux  ne  sont  tombés  en  leur 
pouvoir  que  par  hasard. 

Napoléon. 


•   Le  30,  est  signée  la  condamnation  définitive  de  la  flottille 
qui  devait  être  entassée  dans  la  haute  Liane. 

Décret 

Camp  de  Boulogne,  12  fradidor  an  xin  (30  août  1805)  (2). 

Art.  i«".  —  Toute  la  flottille  sera  réunie  à  Boulogne.  Les  escadrilles  qui 
sont  à  Étaples,  à  Wimereux  et  à  Ambleteuse,  s'y  rendront  le  plus  tôt  possible. 
Ce  qui  est  à  Calais  continuera  à  rester  dans  ce  port.  Il  restera,  cependant,  à 
Wimereux  et  à  Ambleteuse,  une  division  de  chaloupes  canonnières  et  une  section 
de  pénicheSy  lesquelles  mettront  à  la  mer  et  occuperont  la  rade  toutes  les  fois 
que  le  temps  le  permettra. 

Art.  2.  —  Il  y  aura  dans  le  port  de  Boulogne  7i  chaloupes  canonnières  et 
6  prames  armées  et  prêtes  à  sortir  toutes  les  fois  que  le  temps  le  permettra. 
Il  y  aura  également  72  péniches. 

Art.  3.  —  L'amiral  Lacrosse  saisira  toutes  les  circonstances  qui  se  présen- 
teront, soit  pour  attaquer  Tenemi,  s'il  devient  trop  audacieux,  et  le  tenir  en 
haleine  et  éloigné,  soit  pour  exercer  les  officiers  et  les  équipages  à  manœuvrer 
ensemble  et  à  prendre  leur  ligne  d'embossage  et  leur  ligne  de  combat. 

Art.  4.  —  Tout  le  reste  de  la  flottille,  soit  française,  soit  batave,  sera  placé 
à  flot  au  delà  du  barrage.  Les  prames  seront  placées  dans  le  bassin  circulaire. 


(1)  Contraire  pour  Villeneuve,  par  conséquent. 

(2)  Correspondance  de  Napoléon,  9164. 


ÉPILOGUE.  821 

Du  reste,  il  ne  sera,  jusqu'à  nouvel  ordre,  débarqué  aucune  pièce  de 
canon,  aucun  équipage,  et  la  flottille  sera  toujours  tenue  armée. 

Art.  5.  —  Au  i*'  Tendémiaire,  le  ministre  de  la  marine  nous  rendra 
compte  de  la  partie  du  port  de  Boulogne  qu'occupera  chaque  escadrille,  et 
nous  ferons  connaître  nos  ordres  ultérieurs. 

Art.  6.  —  Tous  les  marins  logeront  à  bord,  mais  ils  seront  diyisés  en 
équipages. 

Art.  7.  —  Il  y  aura  autant  d'équipages  qu'il  y  a  d'escadrilles,  c'est-à-dire 
huit.  Chaque  équipage  sera  commandé  par  le  contre-amiral  ou  capitaine  de 
vaisseau  commandant  l'escadrille. 

L'escadrille  sera  divisée  en  cinq  divisions.  Chaque  division  sera  commandée 
par  les  officiers  de  marine  les  plus  élevés  en  grade. 

Art.  8.  —  Dans  cette  organisation,  les  équipages  d'une  même  division  de 
chaloupes  canonnières,  de  bateaux  canonniers  et  de  bâtiments  de  transport 
qui  y  sont  affectés,  feront  partie  de  la  même  division,  de  manière  qu'ils  soient 
toujours  entre  eux. 

Art.  9.  —  Il  y  aura,  à  chaque  division,  des  sergents  et  des  instructeurs 
pour  instruire  les  marins  au  maniement  des  armes  et  aux  manœuvres,  pour 
la  défense. 

Le  maréchal  de  l'Empire  qui  commandera  assignera  les  postes  qu'occupera 
chaque  équipage  en  cas  d'attaque  de  l'ennemi. 

La  marine  fournira  tous  les  jours  4,000  hommes  pour  les  travaux  du 
génie  ;  ces  hommes  seront  payés. 

Art.  10.  —  Les  Bataves  formeront  trois  équipages,  composés  chacun  des 
matelots  d'une  des  parties  de  la  flottille  batave,  qui  portera  le  nombre  total  des 
équipages  de  la  flottille  à  onze. 

Art.  H.  —  Toutes  les  fois  qu'une  portion  de  la  flottille  ira  en  rade,  non 
pour  de  simples  manœuvres,  mais  pour  repousser  une  attaque  imminente  de 
l'ennemi,  elle  n'aura  que  des  équipages  renforcés,  et  aucune  troupe  de  terre. 

Art.  42.  —  Lorsque  ces  équipages  seront  formés  et  instruits,  il  leur  sera 
donné,  par  nos  ordres,  une  aigle  pour  leur  signe  de  ralliement. 

A  l'exception  de  l'exercice  qu'ils  feront  deux  fois  par  jour,  il  ne  sera  rien 
changé  à  leur  manière  ordinaire  de  vivre  sur  leurs  bâtiments. 

Art.  13.  —  L'arsenal  de  terre  leur  fournira  des  fusils;  celui  de  marine 
leur  fournira  des  gibernes. 

Art.  14.  —  Les  ministres  de  la  guerre  et  de  la  marine  sont  chargés  de 
l'exécution  du  présent  décret. 

Napoléon. 

La  première  trace  de  la  nouvelle  de  Tentrée  à  Cadix  de 
Tannée  combinée  paraît  être  une  très  remarquable  lettre  de 
Decrès  en  date  du  l®' septembre.  Bien  que  ne  contenant  à  peu 
près  que  des  reproches  à  l'adresse  de  Villeneuve,  le  ton  géné- 
ral, les  encouragements  donnés  à  la  fin,  surtout  l'absence 
complète  d'une  phrase,  d'un  mot  même,  rejetant  sur  l'amiral 
la  responsabilité  définitive  de  l'échec  de  la  grande  entre- 
prise   contre   l'Angleterre,  permettent  d'affirmer   qu'on  ne 


822  TROISIÈME  PARTI».   —  CHAPITRE  XIX. 

pensait  pas,  à  ce  moment,  imputer  à  Villeneuve  Tavortement 
du  plan  d^invasioQ  aux  Iles  Britanniques. 


4  M.  le  viôe^amlrâl  Villeneuve, 

Boulogne,  14  fraetidor  an  xm  (l*' septembre  1805)  (1). 

J'ai  reçu,  Monsieur  rArainil,  les  diverses  dépêches  que  tous  m'Avez 
adressées  de  Vigo  et  de  la  Corogne,  et  notamment  celle  que  tous  m'avez 
écrite  au  moment  de  TOtre  départ  de  ce  troisième  port. 

Toutes  ont  été  mises  sous  les  yeux  de  Sa  Majesté  et  fy  comprend»  vos  deux 
dernières  de  Cadix.  Quoique  l'Empereur  ait  tu  oelle-ci,  je  m'abstiendrai  de 
TOUS  faire  connaître  l'impression  qu'elles  ont  laites  sur  lui,  parce  que  je  n'ai 
pas  eu  l'honneur  d'approcher  Sa  Majesté  depuis  la  communication  qu'elle  en 
a  eue,  et  que,  par  conséquent,  elle  ne  s'en  est  pas  encore  expliquée  aTeo  mot. 

Je  Tnis  remplir  un  deToir  pénible,  c'est  celui  de  vous  transmettre  ce  que 
l'Empereur  m'a  prescrit  de  tous  exprimer  littéralement. 

Sa  Majesté  a  vu,  avec  un  mécontentement  très  marqué,  qu'après  aTolr  pris 
sur  votre  escadre  les  meilleures  troupes  de  ses  colonies  de  la  Guadeloupe  et  de 
la  Martinique,  pour  une  expédition  à  laquelle  tous  tous  êtes  ensuite  décidé  à 
renoncer,  vous  ayes  hasardé  ces  troupes,  pour  le  retour  dans  ces  Iles,  par 
quatre  frégates  qui  pouvaient  tomber  au  pouvoir  de  l'ennemi. 

Elle  a  observé  avec  amertume  que  si  ce  malheur  fut  arrivé,  ces  colonies  se 
trouvaient  privées  de  l'élite  do  leurs  garnisons  et  eiposées  à  une  attaque  à 
laquelle  elles  n'eussent  pu  résister.  Elle  n'a  pas  cru  que  la  nouvelle  de 
l'arrivée  d'une  escadre  ennemie  aussi  inférieure  à  celle  réunie  sous  TOtre 
commandement  vous  ait  déterminé  à  une  retraite  si  subite,  que  tous  n'ayez 
pas  réfléchi  au  danger  auquel  tous  exposiez  ces  mêmes  colonies  en  n'y  garan- 
tissant pas  le  retour  de  cette  élite  de  leur  garnison,  par  le  concourt  de  toutes 
les  forces  que  vous  possédiez. 

Elle  a  regretté  la  porte  du  riche  convoi  dont  vous  vous  étiez  emparé,  qui  n'a 
été  brûlé  par  vos  frégates  que  par  l'insuffisance  d'escorte  et  qui  pouvait  entrer 
dans  ses  ports  sous  la  môme  protection  qu'elle  vous  reproche  de  n'avoir  pas 
donnée  aux  troupes  que  vous  renvoyiez  sur  les  quatre  frégates.  Sa  Majesté  a  tu 
aTec  mécontentement  que  vous  n'ayez  pas  fait  débarquer  les  troupes  qui  arri- 
vaient sur  VAlgésiras  et  V Achille  et  qui  avaient  naturellement  besoin  d'un 
repos  et  de  rafraîchissement,  dont  la  privation  leur  a  occasionné  tant  de 
maladies. 

Elle  regrette  vivement  que,  lorsque  vous  avez  tu  des  Taisseaux  anglais 
démâtés  dans  l'affaire  du  30  thermidor,  tous  n'ayez  pas  arrivé  sur  eux,  ce  qui 
eût  sauvé  les  vaisseaux  espagnols  tombés  au  pouvoir  do  l'ennemi,  et  tous  eût 
assuré  une  victoire  que  l'état  où  se  trouTait  l'escadre  anglaise  eût  rendue 
incontestable  et  qui  eût  jeté  un  grand  déchet  sur  leur  armée. 

L'Empereur  a  été   très    désagréablement  affecté,  qu'aussitAt   arriTé    h   la 


(1)  Archives  de  la  Marine,  BBiv,  S80*80. 


ÉPILOOtJE.  823 

Corogne  et  que  ^ous  aTex  été  instruit  de  la  destination  du  capitaine  Alle- 
mand, TOUS  n'ayei  pas  employé  plus  de  moyens  de  le  rallier,  d'autant  que 
le  27  il  était  à  Vigo  et  n'en  est  parti  que  le  28. 

Les  lettres  que  tous  m'ayez  adressées  au  moment  de  Totre  départ  de  la 
Corogne  ont  produit  sur  Sa  Majesté  la  même  impression.  Elle  a  jugé  que 
quelques  fausses  manœuvres  au  moment  de  Totre  appareillage  n'auraient  pas 
dû  TOUS  inspirer  la  sorte  de  découragement  que  tous  aTez  manifesté  dans  tos 
dépêches  et  dont  elle  conçoit  d'autant  moins  les  motifs,  qu'en  quelle  cir- 
constance que  ce  soit,  il  n'est  pas  de  sentiment  plus  étrange  à  sa  grande  âme, 
et  nul  qui  l'affecte  plus  désagréablement  dans  les  autres. 

Ces  dernières  dépêches  ont  été  de  nature  à  le  mécontenter  encore  en  ce 
que  TOUS  n'y  résumiez  pas  le  parti  auquel  tous  tous  déterminiez,  et  que  tous 
paraissiez  ne  tous  décider  que  par  un  sentiment  confus  de  découragement  et 
d'abandon  et  dénué  de  calcul  pour  les  chances  que  tous  aTiez  à  courir. 

Enfin,  Monsieur  l'Amiral,  l'Empereur  a  été  mécontent  de  l'extrême  confu- 
sion de  Totre  correspondance  dont  l'objet  lui  faisait  désirer  les  plus  grands 
développements.  Il  a  remarqué  qu'elle  ne  contenait  aucun  détail  sur  Totre 
naTigation  et  m*a  fait  un  reproche  de  ne  pouToir  lui  présenter  l'extrait  du 
journal  de  Totre  campagne,  l'état  de  tos  naTires,  celui  des  équipages,  des 
troupes,  des  malades  laissés  à  Vigo  et  à  la  Corogne,  les  noms  des  hommes 
tués  dans  le  combat,  dont  l'omission  laisse  toutes  les  familles  dans  une  incer- 
titude alarmante. 

Je  dois  ajouter  encore  que  celle  où  vous  nCavet  laissé  à  votre  départ  de  la 
Corogne^  sur  la  route  que  vous  alliez  tenir,  a  nécessairement  déversé  sur  toutes 
les  opérations  qui  se  liaient  à  la  vôtre,  depuis  Brest  jusqu^à  Ostende,  une  fluc- 
tuation nuisible  au  service  de  Sa  Majesté  et  qui,  par  conséquent  y  lui  a  été 
particulièrement  désagréable. 

Voilà,  Monsieur  l'Amiral,  ce  que  Sa  Majesté  m'a  textuellement  prescrit  de 
TOUS  mander  ;  et  ce  dcToir,  je  le  remplis  aTec  un  sentiment  que  vous  deTez 
bien  apprécier  par  la  nature  de  ceux  que  je  tous  ai  Toués. 

Maintenant,  il  ne  reste  rien  des  instructions  sur  l'escadre  du  capitaine 
Allemand,  et  dès  que  tous  en  aurez  des  nouTclles,  tous  deTez  tous  empresser 
de  me  les  transmettre  par  courrier  extraordinaire,  ainsi  que  tout  ce  qui  pour- 
rait parTenir  d'intéressant. 

Dans  Vétat  présent  des  affaires,  V intention  de  Sa  Majesté  est  que  son  armée 
navale,  sous  votre  commandement,  s'approvisionne  de  six  mois  de  vivres  dans 
le  plus  court  délai  possible  et  qu'elle  se  mette  en  état  de  prendre  la  mer, 

L'Empereur  calcule  qu'il  y  a  maintenant  à  Cadix  48  Taisseaux  français, 
même  en  n'y  comprenant  pas  la  diTision  du  capitaine  Allemand,  dont  je  n'ai 
point  de  nouTelles  et  qui,  j'espère,  s'y  rendra  bientôt,  et  48  Taisseaux  espa- 
gnols armés. 

ATec  ces  36  Taisseaux,  Sa  Majesté  Teut  que  son  paTÎHon  et  celui  de  ses 
alliés  dominent  sur  toutes  les  côtes  de  l'Andalousie  et  sur  le  détroit,  parce 
qu'il  regarde  comme  impossible  que  l'ennemi  tous  y  oppose  une  force  égale. 

On  dit  que  dans  ce  moment,  l'Angleterre  prépare  un  conToi  et  une  sorte 
d'expédition  qu'on  présume  être  destinée  pour  la  Méditerranée. 

Sa  Majesté  Teut  que  vous  preniez  toutes  les  précautions  conTcnables  pour 
chercher  à  être  prévenu  de  l'approche  de  cette  expédition  et  la  détruire. 


824  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIX. 

Nos  alliés  ont  8  vaisseaux  à  Garthagène  qui,  plus  d'une  fois,  ont  mis  sous 
voiles  pour  se  rendre  à  Cadix  et  qui  ont  été  empêchés  ^ar  des  forces  supé- 
rieures. 

L Empereur  veut  que  cette  jonction  se  fasse  et  que  vous  vous  concertiez  avec 
M.  Salcedo,  qui  commande  Tescadre  de  Garthagène,  pour  que  cette  jonction 
s'opère  par  le  concours  de  vos  forces  réunies. 

Vous  devez  enfin  faire  connaître  à  M.  l'amiral  Gravina  ces  intentions  de 
l'Empereur,  pour  qu'il  y  concoure  avec  tout  son  zèle,  son  courage  et  son 
activité  si  éprouvés,  quels  que  soient  les  desseins  ultérieurs  de  Sa  Majesté. 

Gomme  il  est  important  que  j'aie  sur  les  deux  armées  toutes  les  notions 
propres  à  remplir  ces  desseins,  je  vous  prie  de  m'adresser,  par  le  retour  de 
mon  courrier,  avec  les  pièces  dont  je  vous  ai  indiqué  ci-dessus  l'omission, 
des  notes  sur  les  qualités  de  chacun  des  vaisseaux  qui  composent  les  forces 
combinées,  afin  de  distinguer  ceux  qui  seraient  les  plus  propres  à  telles  ou 
telles  croisières,  s'il  plaisait  5  Sa  Majesté  d'en  ordonner. 

Des  notes  de  même  nature  sont  nécessaires  pour  chacun  des  commandants 
des  vaisseaux  et  des  frégates,  et  cela  dans  le  même  objet.  Envoyez-moi  enfin 
chacun  des  officiers  que  vous  jugez  susceptibles  d'avancement,  mais  joignez-y 
tous  les  développements  qui  peuvent  me  faire  connaître  leurs  talents,  leur 
caractère  et  leurs  aptitudes. 

L'intention  de  V Empereur  est  de  chercher  dans  les  rangs,  quelques  places 
qu'ils  y  occupent,  les  officiers  les  plus  propres  à  des  commandements  supérieurs 
et  ce  qu'elle  exige  par-dessus  tout,  c'est  une  noble  ambition  des  honneurs, 
V amour  de  la  gloire,  un  caractère  décidé  et  un  courage  sans  bornes. 

Sa  Majesté  veut  atteindre  cette  circonspection  qu'elle  reproche  à  sa  marine, 
ce  système  de  défensive  qui  tue  V  escadre  et  qui  double  celle  de  V  ennemi. 

Cette  audace,  elle  la  veut  dans  tous  ses  amiraux,  ses  capitaines,  officiers  et 
marins,  et,  qu'elle  qu'en  soit  Vissue,  elle  promet  sa  considération  et  ses  grâces  à 
ceux  qui  sauront  la  porter  à  Vexcés,  et  pas  hésiter  à  attaquer  des  forces  supé- 
rieures  ou  égales  même  et  avoir  avec  elle  des  combats  d'extermination.  Voilà 
ce  que  veut  Sa  Majesté;  elle  compte  pour  rien  la  perte  de  ses  vaisseaux,  si  elle 
les  perd  avec  gloire,  ne  veut  plus  que  ses  escadres  soient  bloquées  par  un  ennemi 
inférieur,  et  s'il  se  présente  de  cette  manière  devant  Cadix,  elle  vous  recom- 
mande et  vous  ordonne  de  ne  pas  hésiter  à  V attaquer, 

L'Empereur  vous  prescrit  de  tout  faire  pour  inspirer  ces  sentiments  à  tous 
ceux  qui  sont  sous  vos  ordres  par  vos  actions,  vos  discours,  et  par  tout  ce  qui 
peut  élever  les  cœurs. 

Rien  ne  doit  être  négligé  à  cet  égard  :  sorties  fréquentes,  encouragements 
de  toute  espèce,  actions  hasardeuses,  ordres  du  jour  qui  portent  à  l'enthou- 
siasme (et  Sa  Majesté  veut  qu'on  les  multiplie  et  que  vous  m'en  fassiez  Tenvoi 
régulier),  tout  doit  être  employé  pour  animer  et  exalter  le  courage  des 
marins. 

Sa  Majesté  veut  leur  ouvrir  toutes  les  portes  des  honneurs  et  des  gràe'es,  et 
ils  feront  le  prix  de  tout  ce  qui  sera  tenté  d'éclatant. 

Elle  se  plait  à  penser  que  vous  serez  le  premier  à  le  recueillir;  et,  quels  que 
soient  les  reproches  qu'elle  m'a  ordonné  de  vous  faire,  il  m'est  flatteur  de  pou- 
voir vous  dire,  en  toute  sincérité»  que  sa  bienveillance  particulière  et  ses  grâces 


ÉPILOGUE.  825 

les  plus  distinguées  n'attendent  que  la  première  action  d'éclat  qut  signalera 
votre  courage. 

Je  TOUS  réitère,  Monsieur  rAmiral,  Texpression  de  tous  les  sentiments  que 
je  TOUS  ai  Toués. 

La  lettre  du  Ministre  doit  être  rapprochée  de  celle  du 
4  septembre,  où  pour  la  première  fois  TEmpereur  manifeste 
son  impression  des    nouvelles  reçues  de  son  escadre. 

Au  Wce-am/ra/  Decrès  (1). 

La  Malmaison,  17  fractldor  an  xui  (4  septembre  1805). 
Monsieur, 

Je  TOUS  renToie  tos  lettres.  L'amiral  Villeneuve  vient  de  combler  la  mesure  ; 
il  donne j  à  son  départ  de  Vigo,  V ordre  au  capitaine  Allemand  d'aller  à  Brest 
et  vous  écrit  que  son  intention  est  d'aller  à  Cadix  (sic).  Cela  est  certainement  une 
trahison.  Voilà  V escadre  d Allemand,  fortement  compromise,  qui  va  errer  plu- 
sieurs mois  sur  les  mers.  Gela  n*a  plus  de  nom.  Faites-moi  un  rapport  sur  toute 
l'expédition.  Villeneuve  est  un  misérable  qu'il  faut  chasser  ignominieusement. 
Sans  combinaisons,  sans  courage,  sans  intérêt  général,  il  sacrifierait  tout 
pourTU  qu'il  sauve  sa  peau.  Car  enfin,  le  26  thermidor  y  il  était  encore  aux 
atterrages  du  Ferrol  ;  il  savait  que  le  capitaine  Allemand  devait  être  leiS  à 
Vigo  (2)  :  il  devait  donc  considérer  la  jonction  comme  faite.  Bien  loin  de  là, 
il  vous  écrit  le  26  qu'il  va  à  Cadix  (?),  et  le  26  il  laisse  courir  les  dépêches  qu'il 
avait  faites  avant,  dans  lesquelles  il  dit  qu'il  va  à  Brest,  et  compromet  ainsi  le 
salut  d'une  escadre  aussi  considérable  que  celle  du  capitaine  Allemand,  comme 
il  a  perdu  par  sa  faute  et  sa  lâcheté  cette  pauvre  «  Bidon  »  (?)  Je  suis  obligé  de 
reconnaître,  après  cela,  que  Missiessy  est  un  héros.  Rien  n'est  comparable 
à  l'ineptie  de  Villeneuve.  Je  désire  avoir  un  rapport  sur  toutes  ses  opérations  : 
i^  Jl  a  pris  une  peur  panique  et  n'a  point  débarqué  à  la  Martinique  et  à  la 
Guadeloupe  le  67*  et  les  troupes  que  l'amiral  Magon  avait  à  bord;  2<*  Il  a 
exposé  nos  colonies  en  ne  renvoyant  que  par  quatre  frégates  i,200  hommes  de 
l'élite  des  garnisons;  3»  Il  s'est  lâchement  comporté,  dans  le  combat  du  3,  en  ne 
réattaquant  pas  une  escadre  dégréée,  qui  avait  deux  vaisseaux  à  la  traîne  ; 
4®  Arrivé  au  Ferrol,  il  a  laissé  la  mer  à  l'amiral  Calder,  quand  il  attendait 
une  escadre  de  5  vaisseaux,  et  n'a  point  croisé  devant  le  Ferrol  jusqu'à  l'arrivée 
de  cette  escadre  ;  5®  Il  a  été  instruit  que  Tescadre  Toyait  des  Taisseaux  ennemis 
mener  la  frégate  la  Didon  à  la  remorque,  et  il  n'a  point  fait  chasser  ces  vais- 
seaux pour  dégager  la  frégate;  6®  //  est  parti  le  26  et,  au  lieu  de  venir  sur 
Brest,  il  s'est  dirigé  sur  Cadix,  violant  ainsi  ses  instructions  positives  (?)  Enfin,  il 
a  su  que  l'escadre  du  capitaine  Allemand  devait  venir  le  25  thermidor  à  Vigo  (?) 
prendre  des  ordres,  et,  le  26,  il  a  appareillé  du  Ferrol  sans  donner  de  nouveaux 


(Il  Correspondance  de  Napoléon,  0179. 
(2)  Très  douteux. 


8Î6  TROISIÈME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIX. 

ordres  à  cette  escadre,  lui  ayant  au  contraire  fait  remettre  au  Ferrol  des  ins- 
tructions toutes  opposées  qui  compromettent  cette  escadre,  puisqu'elle  avait 
ordre  de  se  rendre  à  Brest,  tandis  que  lui,  Villeneuve,  allait  à  Cadix. 

Napoléon. 


On  a  VU  que  tous  ces  griefs  ne  sauraient  être  appréciés  de 
la  même  manière.  Mais  chose  singulière,  ce  n'est  pas  encore 
là  qu'apparaît  la  légende,  devenue  l'histoire ,  de  Villeneuve 
faisant,  par  sa  marche  sur  Cadix,  manquer  l'invasion  de  l'An- 
gleterre. Cela  ne  va  pas  tarder  d'ailleurs,  car  le  8  septembre, 
pour  la  première  fois,  le  reproche  prend  corps. 

Au  vioe^amirai  Decrèa  (i). 

Saiût-Cloiiâ,  21  ft'aetidor  an  xm  (8  sdptembre  1805). 

Je  me  dispense  de  tous  dire  tout  ce  que  je  pense  de  la  lettre  que  tous 
m*écrivez  (4).  Il  s'ensuit  donc  de  ce  qu'un  Tnisseau  espagnol  a  eu  un  m.\t  de 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  0100. 
(t)  Probablement  le  rapport  saWant  : 

Rapport  de  Decrés* 

n  paraitrait  qu'après  le  combat  (da  f2  juillet)  il  (Villenenye)  a  été  réellement  forcé 
d'entrer  à  Vigo  le  9  thermidor  (28  juillet),  soit  en  raison  des  vents  contraires,  soit  parce 
qu'il  avait  un  gand  nombre  de  malades  sur  plusieurs  de  ses  vaisseaux,  enfin  parce  que 
d'autres  manquaient  absolument  d'eau, 

A  l'entrée  à  la  Corogne,  U  recevait  les  instructions  du  t7  messidor  (16  juillet)  qui  lui 
défendaient  expressément  d'entrer  au  Ferrol  ;  il  vint  mouiller  à  la  Oorogne  sans  avoir  pu 
en  prévenir  à  temps  l'amiral  Oravina  qui  entrait  alors  au  Ferrol. 

Son  désespoir  est  marqué  dans  toutes  les  expressions  d'une  de  ses  lettres  parti- 
culières du  7  août.  L'amiral  Gravina  partageait  ses  sollicitudes 

Le  22  thermidor  (10  août),  Tarmée  appareille,  plusieurs  vaisseaux  s*abordent, 

éprouvent  des  avaries^  de  nombreuses  découvertes  absorbent  les  mouvements  ennemis. 
L'amiral  apprend  que  Oalder  et  Nelson  se  réunissent,  ses  anxiétés  redoublent»  il  n'a  que 
quarante  jours  de  vivres.  Il  restfi  dans  la  baie  jusqu'au  25  (13  août).  Enfin,  après  avoir 
donné  connaissance  au  capitaine  Allemand  du  projet  qu'il  paraissait  avoir  dès 
lors  de  se  rendre  à  Cadix  (ces  mots  sont  barrés  sur  la  minute),  il  prend  la  mer  et  se 
dirige  d'abord  à  l'ouest-nord-ouest  et  le  25,  il  se  décide  à  faire  route  sur  Cadix. 

U  semblerait,  par  la  correspondance  du  vice-amiral  Villeneuve  que  dès  le  23  (U  août), 
il  avait  pris  cotte  détermination,  mais  il  était  parvenu  à  un  tel  degrd  de  découragement 
et  d'inquiétude  qu'on  n'aperçoit  plus  que  des  irrésolutions  dans  sa  conduite.  Son  moral 
était  tellement  oifecté  qu'il  n'a  pu  faire  (la  minute  porte  :  a  négligé  de  faire)  connaître  au 
commandant  Allemand  la  marche  qu'il  devait  faire.  Il  n'était  plus  en  état  de  le  savoir  lui- 
même. 

Ainsi  quoi  qn'il  ne  put  ignorer  qne  le  capitaine  Allemand  aérait  à  ?igo 


ÉPILOOtTB.  8Î7 

hune  cassé  e%  qu'un  vent  du  nord  a  soufflé,  ce  qui  n'est  pas  rare  à  la  mer,  que 
je  dois  aToir  5  iraiMeaux  pris  et  MON  expédition  manquéb  !  Gela  n'est  pas  exact. 
Après  aToir  lu  les  dépêches  de  YilleneuYe,  irous  n'arei  jamais  dû  penser  qu'il 
ylnt  à  Brest.  H  tous  écrifait  :  k  Je  vais  à  Cadix  »;  et  Lauriston,  qui  a  été 
trompé,  qui  m'écrivait  le  26  thermidor  :  «  Nous  allons  enfin  à  Brest  »,  m'écrit 
de  Cadix  que  la  première  chose  que  lui  dit  TArairal  en  mettant  à  la  voile  fût  : 
«  Nom  allons  décidément  à  Cadix;  je  l'ai  écrit  au  Ministre  ».  Je  déshreraisvoir 
justifier  Villeneuve  ;  jusqu'à  ce  que  vous  ayez  trouvé  quelque  chose  de  plau- 
sible, je  vous  prie  de  ne  me  point  parler  d'une  affaire  si  humiliante  et  de  ne 
point  me  rappeler  le  souvenir  d'un  homme  aussi  lâche.  Dans  tous  les  pays  du 
monde,  une  escadre  de  40  vaisseaux  ferait  huit  cents  lieues  pour  sauver 
6  vaisseaux.  Mais  qu'importe  à  Villeneuve  qu'Allemand  $oit  perdu  ?  Il  n^y 

est  paê. 

Napoléon. 


Enfin  le  13,  apparaît  Thistoire  faite,  après  coup,  du  grand 
projet,  présenté  comme  bâti  de  toutes  pièces,  infaillible,  et 
que  la  lâcheté  ou  la  trahison  d'un  seul  a  fait  échouer. 


le  25  (sic),  il  n'a  rien  ajouta  aux  ordres  <ia*il  loi  avait  antérieurement  expédiés  de  la 
Oorogne  par  la  frégate  la  Didon  ;  ces  ordres,  au  sorplos,  prévoyaient  jusqu'à  un  certain 
point  le  cas  oii  l'armée  se  porterait  sur  Cadix. 

Le  général  Villeneuve  avait  ordre,  dans  le  cas  oii  il  se  dédderait  à  faire  routa  sur  ce 
port,  de  destiner  une  partie  de  son  escadre  à  nne  expédition  partioulière,  de  fiire  passer  à 
Rochefbrt  quelques  vaisseaux  et  de  n'en  conduire  à  Cadix  qu'un  certain  nombre.  Les  motifs 
qu'il  fait  valoir  pour  justifier  le  parti  qu'il  a  pria  de  tout  emmener  avec  lui  paraissent 
assez  plausibles  ;  mais  on  observe  qu'à  son  départ  de  la  baie  d'Ares,  il  était  encore  dans 
l'incertitude  de  la  route  qu'il  allait  faire  et,  conséquemment,  il  ne  devait  point  alors  affaiblir 
ses  forces. 

Deux  circonstances  sont  remarquables  dans  sa  navigation  du  Perrol  sttr  Cadix. 

La  première  est  l'apparition  d'un  vaisseau  et  d'une  frégate  ennemis,  remorquant  une 
frégate  démâtée  qui  était  très  probablement  la  Didon,  Le  vice-amiral  Villeneuve  pouvait* 
il  poursuivre  ces  bâtiments  ?  Telle  est  la  question  qui  se  pose.  Il  est  constant  qu'ayant  à  la 
remorque  une  fk^gate  démâtée,  il  leur  était  impossible  de  conserver  leur  proie.  D'un  autre 
cAté,  l'Amiral  dit  que  VHortense  a  eu  connaissance  de  ces  bâtiments  dans  une  chasse 
prolongée  et  ne  donne  pas  d'autres  détails.  De  sorte  qu'on  pourrait  supposer  qu'avant  que 
VHotiente  eût  rallié  l'armée»  ou  qu'on  eût  aperçu  ses  signaux  et  qu'on  se  fut  mis  en 
devoir  de  poursuivre  Tennemi,  l'année  n'était  plus  en  position  de  le  faire.  Il  faudrait,  pour 
juger  ce  fait,  avoir  les  journaux  sous  les  yeux. 

L'autre  circonstance  est  celle  où  l'escadre  légère  a  chassé  plusieurs  bâtiments  de  guerre 
sur  le  cap  Sainte-Marie  et  où  une  frégate  signala  une  escadre  sur  les  derrièi*es  de  l'ar- 
mée. On  voit  que  le  général  Villeneuve  diminua  de  voiles  pendant  la  nuit  pour  rallier  des 
vaisseaux  arriérés  et  on  pourrait  lui  reprocher  cette  manœuvre. 

Mais  l'Amiral  devait-il  se  livrer  à  la  poursuite  de  l'ennemi,  au  risque  de  voir  son 
escadre  dispersée  et  peut- être  compromise.  Avait-il  assez  de  vaisseaux  bien  équipés  et 
bon  marcheurs  pour  entreprendre  cette  chasse  ?  C'est  encore  ce  qu'on  ne  peut  juger  par 
la  simple  correspondance. 

{Archives  de  la  Marine,  BBi^,  t80.) 


828  TROISIÈME  PARTIB.  —  CHAPITRE  XIX. 

Note  pour  le  Ministre  de  la  marine  (i). 

Saint-Cload,  26  fraetidor  an  xm. 

Quel  a  été  mon  but  dans  la  flottille  de  Boulogne  ? 

Art.  d«'.  —  Je  voulais  réunir  40  ou  50  vaisseaux  de  guerre  dans  le  port  de  la 
Martinique,  par  des  opérations  combinées  de  Toulon,  de  Cadix,  du  Ferrol  et  de 
Brest;  les  faire  revenir  tout  d'un  coup  sur  Boulogne;  me  trouver  pendant  quinze 
Jours  {sic)  maître  de  la  mer;  avoir  150,000  hommes  et  10,000  chevaux 
campés  sur  cette  côte,  3,000  ou  i,000  bâtiments  de  flottille  et,  aussitôt  le  signal 
de  TarriTée  de  mon  escadre,  débarquer  en  Angleterre,  m'emparer  de  Londres 
et  de  la  Tamise.  Ce  projet  a  manqué  de  réussir.  Si  Vamiral  Villeneuve,  au 
lieu  d'entrer  au  Ferrol,  se  fût  contenté  de  rallier  l'escadre  espagnole  et  eût  fait 
voile  pour  Brest  pour  s'y  réunir  avec  Vamiral  Ganteaume,  mon  armée  débar- 
quait et  c'en  était  fait  de  l'Angleterre, 

Art.  2.  —  Pour  faire  réussir  ce  projet,  il  fallait  réunir  150,000  hommes  à 
Boulogne,  y  avoir  4,000  bâtiments  de  flottille,  un  immense  matériel  ;  embar- 
quer tout  cela  et  pourtant  empêcher  Venneyni  de  se  douter  de  mon  projet,  cela 
paraissait  impossible.  Si  fy  ai  réussi,  c'est  en  faisant  Vinverse  de  ce  qu'il  sem- 
blait qu'il  fallait  faire. 

Si  50  vaisseaux  de  ligne  devaient  venir  protéger  le  passage  de  Tannée  en 
Angleterre,  il  n'y  avait  besoin  d'avoir  à  Boulogne  que  des  bâtiments  de  trans- 
port ;  et  ce  luxe  de  prames,  de  chaloupes  canonnières,  de  bateaux  plats,  de 
péniches,  etc.,  tous  bâtiments  armés,  était  parfaitement  inutile.  Si  j'eusse 
ainsi  réuni  4,000  bâtiments  de  transport,  nul  doute  que  l'ennemi  eût  vu  que 
f  attendais  la  présence  de  mon  escadre  pour  tenter  le  passage;  mais  en  construi- 
sant des  prames  et  des  bateaux  canonniers,  en  armant  tous  ces  bâtiments, 
c'étaient  des  canons  opposés  à  des  canons,  des  bâtiments  de  guerre  opposés  à 
des  bâtiments  de  guerre  et  l'ennemi  a  été  dupe.  Il  a  cru  que  je  me  proposais  de 
passer  de  vive  force,  par  la  seule  force  militaire  de  la  flottille.  L'idée  de  mon 
véritable  projet  ne  lui  est  point  venue  ;  et  lorsque,  les  mouvements  de  mes 
escadres  ayant  manqué,  il  s*est  aperçu  du  danger  qu'il  avait  couru,  l'effroi  a 
été  dans  les  conseils  de  Londres,  et  tous  les  gens  sensés  ont  avoué  que  jamais 
l'Angleterre  n'avait  été  si  près  de  sa  perte. 

Que  convient-il  de  faire  aujourd'hui  de  la  flottille  de  Boulogne  ? 

Art.  3.  —  Le  projet  a  été  démasqué;  l'ennemi  voit  que  le  plan  était  d'arriver 
sous  la  protection  de  mes  escadres.  Les  travaux  faits  à  Boulogne  et  aux  ports 
de  Wimereux  et  Atnbleteuse,  qui  lui  sont  parfaitement  connus,  lui  ont  prouvé, 
cTailleurs,  que  la  flottille  ne  peut  appareiller  dans  une  seule  marée  et  qu'elle  ne 
saurait  passer  un  coup  de  vent  dans  la  rade  de  Boulogne.  Dès  lors,  l'Angleterre 
n'a  plus  la  crainte  que  la  flottille  veuille  passer  par  ses  propres  forces,  puisque 
les  combinaisons  de  l'amiral  Villeneuve  ont  prouvé  que  j'attendais  son  arrivée 
pour  passer,  et  que  la  connaissance  de  la  côte  lui  a  montré  l'impossibilité  de 
faire  sortir  la  flottille  dans  une  seule   marée.  Aussi,  depuis  ce  temps,   les 


(1)  Correspondance  de  Napoléon,  9209. 


EPILOGUE.  829 

mêmes  hommes  qui  ayaient  déclaré  qu^on  ne  poufait  empêcher  la  flottille  de 
débarquer,  disent  maintenant  que  rien  ne  peut  empêcher  V arrivée  de  iOO  ou 
i50  bdtirnentSf  ce  qui  fait  une  expédition  de  15,000  ou  i6,000  hommes,  mais 
qu'il  nest  pas  probable  qu'une  expédition  plus  considérable  pût  trouver  des 
chances  de  réussir. 

Art.  4.  —  Dans  cette  situation  de  choses,  la  rade  de  Boulogne  n'étant  point 
propre  à  instruire  mes  matelots,  et  la  flottille  ne  pouvant  plus  donner  à 
l'Angleterre  Tinquiétude  de  lui  Toir  faire  le  passage  de  vive  force,  il  faut 
reprendre  le  projet  qui  a  été  manqué  :  avoir  sur  les  hauteurs  de  Boulogne  une 
armée  de  60  à  80,000  hommes;  avoir  500  bâtiments  pouvant  porter  40  à 
50,000  hommes  et  plusieurs  milliers  de  chevaux  ;  n*aYoir  qu'une  partie  des 
matelots  nécessaires  pour  l'armement  de  ces  bâtiments  et,  au  moment  où  jnes 
escadres  commenceraient  leurs  mouvements,  faire  une  levée  de  pécheurs  et  de 
matelots  sur  les  côtes,  rétablir  la  ligne  cCembossage,  embarquer  Vartillerie  et  le 
matériel,  faire  enfin  toutes  les  démonstrations  nécessaires  pour  faire  voir  qu'on 
n'attend  que  la  présence  d'une  escadre  pour  passer, 

AVANTAGES   DE   CE  PLAN. 

Art.  5.  —  Les  avantages  de  ce  plan  sont  immenses.  D'abord,  j'aurai  tou- 
jours le  PRÉTEXTE  d'avoir  80  ou  100,000  hommes  campés  dans  une  position  saine, 
facile  à  approvisionner  et  d'où  ils  peuvent  se  porter  promptement  en  Aile- 
magne  ;  et  une  aussi  grande  quantité  de  troupes  qui  sera  en  vue  de  la  côte 
d'Angleterre,  avec  un  nombre  de  bâtiments  qui  permettra  d'opérer  la  descente, 
si  je  suis  quelques  jours  maiire  de  la  mer,  aura  une  double  influence  en 
Angleterre  :  i»  Elle  l'obligera  de  tenir  des  troupes  pour  se  garder  et  se  pré- 
cautionner contre  la  descente  qui  est  devenue  possible  ;  2®  Elle  Pobligera  à 
tenir  en  réserve,  dans  les  Dunes  ou  dans  la  Tamise,  une  portion  de  ses  escadres 
pour  ce  cas  inattendu. 

Art.  6.  —  Si  ma  flotte  de  l'Escaut,  de  Toulon  ou  de  Brest  débarquait 
30,000  hommes  en  Irlande,  quelle  crainte  n'aurait  pas  l'Angleterre  que,  après 
les  avoir  débarqués,  elle  ne  continuât  son  mouvement,  se  réunit  sur  un  point 
donné  avec  mes  autres  escadres  et  revînt  sur  Boulogne  pour  jeter  une  expé- 
dition sur  les  côtes  d'Angleterre  !  Si  mes  escadres  portaient  la  guerre  aux 
Grandes-Indes  ou  aux  Indes  occidentales,  les  Anglais  auraient  également  la 
crainte  que,  s'ils  se  dégarnissaient  de  leurs  flottes,  elles  ne  revinssent  sur 
Boulogne  et  que,  se  trouvant  à  leur  arrivée  maîtresses  de  la  mer,  comme  nous 
l'avons  été  (1)  après  le  combat  d'Ouessant,  elles  ne  couvrissent  le  passage 
d'une  expédition  dont  tous  les  préparatifs  étaient  aperçus  d'Angleterre. 

Que  coûteront  ces  avantages  ? 

Art.  7.  —  Les  principaux  frais  de  cette  grande  diversion  consistent  dans 
l'entretien  de  l'armée  de  guerre  dans  ses  camps  ;  mais  on  a  déjà  dit  les  avan- 
tages attachés  à  cette  présence  des  troupes  sur  ce  point,  sous  le  -  point  de  vue 
continental;  et  dans  l'obligation  de  garder  une  grande  quantité  de  troupes 
pour  le  maintien  de  ma  considération,  il  est  indifi'érent  de    les  entretenir  k 


(1)  Probablement  aurions  été 


830  TROISIÈME  PARTIE.  —  CHAPITRE  XIX. 

Boulogne  ou  ailleurs.  Les  500  Utiments,  nous  les  afont;  U  tuffira  d'aToir  de« 
équipages  pour  un  quart  de  ces  bâtiments,  et  Tentretien  de  ces  équipages  sera 
donc  tout  ce  qu'il  en  coûtera  à  la  France  pour  avoir  ce  moyen  d'inquiéter  et 
d'attaquer  son  ennemi. 

Art.  8.  —  Supposons  une  armée  de  40  vaisseaux  de  ligne  arrivant  devant 
Boulogne  et  y  trouvant  une  armée  de  100,000  hommes  avec  40,000  chevaux  : 
que  pourra-t-elle  faire?  Combien  de  temps  ne  lui  faudra-t*il  pu  pour  trans- 
porter en  Angleterre  les  hommes,  les  chevaui  et  le  matériel  :  il  lui  faudra 
plus  de  dix  voyages.  Supposons  à  présent  40  vaisseaux  de  ligne  arrivant  devant 
Boulogne  et  y  trouvant  500  bâtiments  :  prames,  péniches,  chaloupes  canon- 
nières, etc.,  armés  ou  sans  canons,  tous  les  objets  d'artillerie,  les  hommes  et 
les  chevaux  embarqués,  prenant  à  son  bord  une  partie  des  hommes  que  la 
flottille  ne  peut  porter,  voilà,  en  peu  de  jours,  toute  Texpédition  débarquée  en 
Angleterre.  Cela  obligera  donc  l'Angleterre  à  avoir  une  armée  de  terre  et  à 
tenir  en  réserve  une  armée  de  mer. 

De  tous  les  moyens  qu'on  peut  proposer  pour  nuire  à  l'ennemi  dans  cette 
lutte,  on  n'en  peut  imaginer  un  moins  dispendieux  pour  la  France  et  plus 
désastreux  pour  TAngleterre. 

Art.  9.  —  Ayant  ainsi  fait  connaître  au  Ministre  de  la  marine  le  rôle  que  je 
veux  faire  jouer  à  la  flottille  de  Boulogne,  je  désire  qu'il  me  propose  les  modi- 
fications nécessaires  pour  qu'elle  atteigne  mon  but  en  me  coûtant  le  moins 
possible. 

Napolèok. 

En  ce  qui  concerne  le  rôle  et  la  valeur  militaire  de  la  flot- 
tille, son  incapacité  à  agir  seule,  à  tenir  le  mouillage,  à  sortir 
en  une  seule  marée,  à  exécuter  un  passage  de  vive  force  ou 
par  surprise,  tout  ce  qu'a  prouvé  une  longue  et  pénible 
expérience  est  reconnu  sans  contestation  possible.  Le  contraste 
est  frappant  entre  cet  aveu  d'impuissance,  ce  délai  de  15  jours 
pour  la  première  fois  reconnu  nécessaire,  et  la  masse  des 
ordres,  des  mesures,  des  efforts  réellement  faits  pour  donner 
à  la  flottille  une  valeur  militaire,  pour  la  maintenir  en  rade 
malgré  les  dangers,  pour  la  loger  dans  plusieurs  ports,  pour 
faciliter  sa  sortie. 

Ainsi  est-il  permis  de  douter  du  but  réel  de  ces  préparatifs, 
quelque  longs  et  dispendieux  qu'ils  aient  pu  être.  Epouvantail 
pour  TAngleterre,  avantage  de  politique  intérieure  et  conti- 
nentale à  avoir  une  grosse  armée  prête.  Peut-être  est-ce  tout 
ce  que  Napoléon  voulut  réellement. 

Mais  ce  qui  surprend,  c'est  l'assertion  que  la  constitution 
d'une  flottille  de  guerre  avec  ses  multiples  défauts,  poids, 
tirant  d'eau,  difficulté  de  manœuvre,  mauvaise  tenue  à  la  mer, 
au  mouillage  et  à  Téchouage,  que  la  création  à  un  prix  exce^^ 


ÉPILOGUE.  831 

sif  de  2,000  bâiiments  armés  de  canons^  inférieurs  en  tout  aux 
transports  existants^  servait  à  dissimuler  le  projet  d'opérations 
combinées  entre  les  bateaux  plats  et  les  escadres. 

L'histoire  des  programmes  de  construction  et  des  arme- 
ments réellement  effectués  a  montré,  tout  au  contraire,  la  pro- 
portion constamment  croissante  de  l'élément  tiré  du  commerce 
dans  la  constitution  de  la  flottille  à  partir  du  moment  où  Tin- 
suffisance  des  ressources  financières,  la  lenteur  du  travail  sur 
les  chantiers,  la  difficulté  où  Timpossibilité  de  la  concentra- 
tion, rincapacité  où  la  faiblesse  militaire  des  bateaux  et  cha- 
loupes bien  constatées,  forcèrent  à  renoncer  aux  seuls  bâti- 
ments de  guerre. 

A  la  vérité,  dès  Tautomne  1803  s'est  révélée,  au  travers  des 
allégations  contraires  prodiguées  autour  de  lui,  l'intention 
déjà  bien  arrêtée  chez  Bonaparte  de  ne  pas  se  risquer  avec  sa 
flottille  seule,  et  Ton  sait  ce  qu'il  faut  penser  «  des  brumes  » 
ou  «  des  longues  nuits  »  propices  au  passage,  ainsi  qu*on  le 
disait  en  1798  au  Directoire  ou  en  1801  aux  consuls,  ou  môme 
encore  en  août  1805  à  Talleyrand.  Mais,  si  Napoléon  s'est  bien 
vite  rendu  compte  de  l'impossibilité  de  passer  la  Manche 
avant  que  ses  vaisseaux  lui  aient  frayé  un  passage,  tout 
d'abord,  il  n'a  cherché  à  être  maître  du  canal  qu'avec  une 
faible  escadre,  c'est-à-dire  pour  im  temps  très  court.  Lors- 
qu'il proclame  lui-même  qu'il  lui  faut  le  passage  libre  non 
plus  trois  heures  comfne  il  l'a  toujours  dit,  mais  quinze  jours, 
il  affirme  par  là  même  que  l'invasion  de  l'Angleterre  n'était 
possible,  à  son  époque,  qu'après  une  grande  bataille  navale, 
donnant  la  supériorité  militaire  définitive.  Or,  comment  a-t-il 
recherché  cette  supériorité  militaire  qu'en  dernière  analyse  il 
reconnaît  nécessaire,  et  qu'il  a,  à  la  fin  seulement,  et  tardive- 
ment, prescrit  à  ses  amiraux  de  rechercher  ? 

Celui  qui  a  suivi  les  lenteurs  et  les  vicissitudes  de  la  prépa- 
ration, les  incessantes  variations  de  la  conception,  les  échecs, 
les  déboires  multiples  de  l'exécution,  la  constante  nécessité  où 
l'on  s'est  trouvé,  bien  loin  de  suivre  le  développement  d'un 
projet  ferme,  de  sans  cesse  pourvoir  à  la  gêne,  aux  inconvé- 
nients, aux  dangers  d'une  situation  mauvaise  dès  le  début, 
celui  qui  a  vu  Missiessy  parti  pour  son  compte  avec  une  mis- 
sion indépendante  et  sans  aucun  rapport  avec  l'opération 
d'ensemble    reprise   plus    tard,  Villeneuve    courant    après 


832  TROISIEME  PARTIE.   —  CHAPITRE  XIX. 

Missiessy,  Allemand  cherchant  Villeneuve,  et  aucun  ne  se 
rencontrant  ;  celui  qui  a  vu  une  combinaison  reposant,  tantôt 
sur  le  voyage  de  Tescadre  de  Brest,  qui  ne  peut  sortir,  tantôt 
sur  son  déblocus,  tantôt  sur  une  jonction  infiniment  chan- 
ceuse, toujours  en  évitant  le  combat^  enfin,  et  enfin  seulement, 
de  vive  force,  pour  aboutir  à  diriger  sur  Ouessant  29  vaisseaux 
plus  que  médiocres,  au-devant  de  39,  supérieurs  en  canons, 
équipages  et  officiers,  celui-là  aura  peine  à  reconnaître  dans 
ce  mélange  d'ordres,  de  contre-ordres,  de  questions,  de 
conseils,  de  suppositions,  le  plan  grandiose  qui  tient  en 
quelques  lignes  et  que  chacun  juge  à  la  fois  simple  et 
sublime. 

Gomme  pour  la  bataille  de  Marengo,  mais  après  un  résultat 
tout  autre.  Napoléon  a  légué  à  Thistoire,  non  pas  ce  qui  avait 
été,  mais  ce  qu'il  voulait  qu'on  pensât  et  qu'on  dît.  Systéma- 
tiquement, il  a  créé  de  toutes  pièces  une  légende  qui  n'a  pas 
peu  contribué  à  obscurcir  l'étude  des  moyens  réels  et  des 
conditions  nécessaires  d'une  descente  aux  Ues  britanniques. 


TABLE   DES  MATIÈRES 


CflAPlTRS  I". 

—  II. 

—      ni. 

—  IV. 

—  V. 

—  VI. 


PREMIÈRE  PARTIE. 
L'été  ld04. 

Le  plan  de  mai  1804 3 

La  concentration.  —  Mer  du  Nord  et  Pas-de-Calais i3 

La  concentration.  —  Manche  et  Océan 45 

L'organisation  de  la  flottille 75 

A  Boulogne,  du  !•'  mai  au  i"'  novembre 91 

Les  escadres  pendant  Tété  1804 147 


DEUXIÈME  PARTIE. 
La  période  d'abandon  (septembre  1804  à  mars  1805). 

Ghàpitrb  !•'.    Le  plan  du  29  septembre  1804 177 

—  IL    La  flottille  jusqu'en  mars  1805 2J5 

*-         in.    L'entrée  de  l'Espagne  dans  la  lutte 239 

—  IV.     Le  plan  du  12-23  décembre 263 

—  V.     La  première  sortie  de  Villeneuve  (18  janvier  1805) 291 

—  VI.     La  campagne  de  Missiessy  (11  janvier  au  20  mai) 305 

—  VIL    Le  plan  du  16  janvier  1805 325 

—  VIII.     La  situation  générale  et  les  vraies  intentions  de  l'Em- 

pereur   337 


Chapitre  I«». 
~         IL 

—      m. 

*-        IV. 

IV. 


TROISIÈME    PARTIE 
La  période  décisive. 

Le  plan  du  27  février-2  mars  1805 357 

Les  ports  de  réunion.  —  Fin 373 

Les  dernières  opérations  de  la  flottille 395 

La  flottille.  --  Organisation  définitite 429 

53