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REVUE TRIMESTRIELLE
11- D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE
PBOVENÇALES
i^hj^ y-W^^. PUBLIEE PAR LA
SOCIETE DE STATISTIQUE, D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE
DE MARSEILLE ET DE PROVENCE
TOME VIII — ANNÉE 1928
fi" et 2'^ Trimestres]
MARSEILLE
AU SECRETARIAT GENERAL DE LA SOCIETE
Palais de la Bourse
1928
^^"^A'iTp
2)C
Remarques sur 2 bronzes Massaliotes inédits
l'un tiré de la collection P. Arméni,
l'autre trouvé dernièrement aux Carmes
Sur les petils bronzes Massaliotes de la dernière époque,
nous voyons prodiguée la tête d'Athena ou Minerve, divi-
nité chère aux Ioniens et pour laquelle Marseille avait
des sentiments d'adoration non inférieurs à ceux qu'elle
avait pour Diane ; remarquons en passant que la figura-
tion de la tête de la Déesse est faite de façon à lui ôter
tout caractère féminin, tandis que la tête d'Apollon sur
les petits bronzes de la période antérieure tend au con-
traire à avoir un aspect bien féminin !
Ces petits bronzes }sont à plusieurs revers différents
« trépied, galère, lion passant ou bondissant, caducée, aigle,
dauphin, etc. », un seul exemplaire porte sur chacune des
deux faces la même tête casquée tournée à droite ; il fut
trouvé par M. Giraud, curé de Saint-Cyr, dans les ruines
de Taurœntum, et publié par le même dans l'ouvrage
« Mémoire sur l'ancien Taurœntum. Toulon, 1853 » ; il le
laissa par testament aux musées de Marseille, avec Les
autres monnaies et antiques trouvées dans les territoires
de Saint-Cyr et de la Cadière.
Mes persistantes recherches sur la Numismatique m'ont
valu la chance de découvrir deux nouveaux petits bronzes
au type des deux têtes casquées, un en tout identique
comime style à celui découvert par M. Giraud, mais por-
tant une tête à droite et l'autre à gauche et dont voici la
description : (( Tête casquée à gauche ; devant MAC. Cor-
delet au pourtour. Revers : Tête casquée à droite, devant
5 PIERRE ARMENÎ
trace de légende, seule visible la lettre C. Grenetis au pour-
tour. »
Rien d'extraordinaire dans ceiie petite monnaie, sauf la
variante d'avoir les têtes tournées une à gauche et l'au-
tre à droite, tandis que la monnaie du cabinet de Mar-
seille porte les deux têtes à droite.
Mais bien autrement intéressante est la deuxième mon-
naie qu'il nous reste à décrire.
(( 7'ête casquée de guerrier ou chef gaulois à gauche ;
devant MA. (Style soigné, tête petite). Revers: Tête cas-
qué'e de Minerve à droite, devant un symbole indéterminé,
peut-être un torques! (tête plus grande) ».
La légende <( MA », de difficile lecture à cause de l'usure
de la monnaie, est tout de même indiscutable et, si avec
patience et habileté on fait jouer la lumière de la façon la
plus opportune, on arrive à la déchiffrer et à la lire bien
clairement.
Mais comment expliquerons-nous la présence de cette
tête caractéristique de Gaulois sur la monnaie C|ui nous
occupe ?
La Saussaye raconte dans sa (( Numismatique de la
Gaule Narbonnaise, page 75 », Cju'un chef gaulois nommé
Catumand, aux anciens temps de la lutte des ÏMassaliotes
avec les peuples avoisinants, tenait assiégée Marseille et
que la ville était près de se rendre, lorsque dans un songe
Catumand vit une femme d'aspect majestueux mais terri-
ble qui lui ordonna de cesser le siège. Effrayé par cette
vision, Catumand offrit la paix aux Massaliotes, et de-
manda la permission d'entrer dans la ville pour adorer
ses dieux. En apercevant dans la citadelle la statue de
Minerve, il s'écria: (( Je reconnais la déesse qui m'est appa-
rue cette nuit! » Puis détachant son torques d'or il le
passa au cou de la statue et fît alliance avec Marseille.
DEUX BRONZES MASSALIOTES 7
Notre monnaie se rattache-t-elle à cet événement, la tête
de Gaulois que nous y voyons est-elle celle de Catumand ?
Le torques en symbole du côté de la tête de Minerve aulo-
rise-t-il cette explication par trop hasardée ?
La réponse est difllcile à faire ; pourtant il me semble que
cette explication soit dans le nombre des explications pos-
sibles, et même j'oserai dire, la seule possible en ce mo-
ment et avec les connaissances actuelles ; que si notre hypo-
thèse par trop présom^ptueuse tombe, un autre profitera de
notre erreur pour l'éviter et se rapprocher davantage de la
vérité.
Reste à souhaiter qu'une nouvelle trouvaille nous apporte
un ou quelques spécimens mieux conservés de cette rare
monnaie, pour pouvoir juger avec des matériaux certains
une passionnante question que je me permets seulement
d'effleurer en la présentant.
Pierre ARMENL
UNE ENIGME ARTISTIQUE
FRANÇOISE DUPARC
1705 (?)- 1778
a Combien française, au Contraire, est cette
Françoise Duparc, qui naquit et mourut à .Marseille
(1705-177S). mais qui alla vivre en Angleterre où
elle eut beaucoup de réputation. Elle continua au
xvui" siècle, avec Ctiardin, la tradition de vérité
liumble et directe des frères Lenain. On connaît
en France quatre tableaux de Françoise Duparc,
ils sont tous quatre au Musée de Marseille.
Ouvrages d une grande vivacité, d'une grande jus-
tesse d observation. Ils illustreraient à merveille
les récils paysans de Rétif de la Bretonne. Qui s'ap-
prochera de cette figure attachante pour dissiper
un peu le mystère qui enveloppe ses œuvres et sa
vie ? M.
Jean-Louis Vaudoyer
« Nouvelles beautés de la Provence » (1928).
Entre toutes les oeuvres d'art dont s'enorgueillit le musée
de Marseille, les peintures de Françoise Duparc sont sans
conteste celles qui ont le privilège d'attirer l'attention des
artistes et des amateurs au vrai sens du mot. Les uns sont
charmés par la grâce des sujets; les autres, par une exé-
cution impeccable. Représentation magnifique de la pein-
ture provençale au xviir siècle, ces portraits rappellent
Greuze par plus d'un côté, mais un Greuze moins maniéré
et plus près de la nature, Chardin, si l'on veut. Ils forment
un groupe de quatre sujets d'une égale beauté et d'un
métier qui atteint à la perfection. Les personnages dont
s'est serA-i Françoise Duparc sont essentiellement proven-
çaux, voire marseillais, ils n'appartiennent pas à la no-
bles.se et pas davantage à la bourgeoisie, ce sont de très
humbles artisans. L'un, le doA'en devrais-je dire, représente
le centenaire Annibal Camous, né en 1638, la même année
que Louis XIV, et mort âgé de 122 ans en 1759. Ce macro-
FIL\NÇOISE DUPARC 9
bite venu des Hautes-Alpes, après avoir été soldat et tra-
vaillé comme manœuvre dans les chantiers du Fort Saint-
Xicolas, alors en construction, se fixa détinitivement à
Marseille au quartier, alors nouveau, de Xotre-Dame de
la Garde, et là, paisible, partageant son temps entre la
cueillette des simples et la pratique d'une solide piété, il ne
tarda pas à devenir le conseiller des bonnes gens qui l'en-
touraient. Du reste, les peintres aimaient: Annibal Camous,
son type tenta même Joseph Vernet qui l'a placé dans
une de ses vues de Marseille. Le second des c^uatre, tme
femme âgée, les bras croisés, l'air satisfait, heureuse appa-
remment de sa journée bien rem.plie. C'est l'image de tou-
tes les (; Misé Margarido, Mietto ou Mario », que l'on
rencontre journellement dans les rues du vieux Marseille.
Ce morceau le plus parfait de la série a une âme ; il vit, et
cette grand'mère aux yeux apaisés, à l'humble costume,
est bien une <( San-Janenque » d'autrefois. Les detix der-
niers sont, l'un, une accorte laitière aux yeux bleus, doux
et candides. Quelle modestie dans ce regard ! Ils ne pour-
suivent, semble-t-il, aucun rêve, ces jolis yeux ; la belle
enfant est toute à sa besogne, porter d'un pas rapide le
bon lait écumant aux petits enfants roses descendus
comme elle d'une bergerie de Watteau, ou à quelque Gé-
ronte impatient et grondeur. Son pied menu ne heurtera
pas le caillou malencontreux et, telle Perette du « Pot au
lait », de notre bon La Fontaine, elle ne verra pas son rêve
répandu en flots blancs à ses pieds ni ses yeux se voiler
de larmes. L'autre, une gente couturière aux doigts effi-
lés; ils courent AÙte dans l'étofïe, ces doigts menus, et son
aiguille rapide ne se brisera pas dans sa main, du moins
je le souhaite, et, comme la Jeannette des Noces de Victor
Massé, (( un bon baiser la récompensera de sa peine ».
Maintenant que nous connaissons le détail des œuvres de
10 D'' PAUL SOLARl
l-'nin(^'oisc' Diiparc, voyons quel lut son curriculum viiœ.
OiR' nous apprend Parrocel, plutôt polygraphe que criti-
que d'an, auteur des Annales de la peinture provençale,
et répétant d'ailleurs JMoulinneuf ?
Françoise Duparc, peintre d'histoire et de portraits, née
à Marseille vers 1705, est morte dans cette ville le 12 octobre
1778. Fille d'Antoine Duparc, le sculpteur marseillais,
après avoir pris des leçons de son père, elle entra dans
l'atelier de J.-B. \"anloo. Ce célèbre maître s'appliqua à
développer ses brillantes qualités. Un fait assez singulier
que nous allons rapporter, pourra donner la mesure du
degré de perfection de ses ouvrages.
Parmi les tableaux que renfermait l'atelier de Vanloo,
la jeune Duparc remarqua le portrait de M. le comte de
Vence, dans lequel le maître avouait s'être surpassé. Elle
en fît la copie à son insu et n'en prévînt Vanloo que lors-
qu'il fut achevé. Curieux de voir cette copie, il entra dans
l'appartement où les deux portraits étaient placés sur le
même chevalet. Il examine l'un et l'autre attentivement;
et après les avoir comparés, il complimente son élève en lui
signalant, toutefois, quelques imperfections qu'il l'en-
gage à faire disparaître. L'élève rougit et ne répond pas;
le maître insiste et la Duparc forcée de rompre le silence,
avoue son insuffisance, à retoucher le tableau du Maî-
tre lui-même. Vanloo avait ainsi, sans s'en douter, jugé la
copie supérieure à l'original.
A la mort de Vanloo, la célèbre Duparc se retira à Pa-
ris, où elle acquit en peu de temps une certaine réputa-
tion. Mais sa sœur qui cultivait le même art et dont les
œuvres présageaient une grande artiste, étant morte entre
ses bras, elle passa en Angleterre, cherchant ainsi à dis-
siper sa douleur en s'éloignant des lieux où elle avait
perdu la compagne qu'elle chérissait.
FR.\XÇOISE DUPARC II
Londres fut ie théâtre de sa gloire; on y adniFra ses
talents, ses productions furent enlevées, et en peu de temps
la fortune vint la visiter, les plus grands personnages se
firent peindre par elle. Kvan fait mention du portrait de
W. Stanhope Xamigton — comte de Xorthanipton, mort
en 1756, peint par elle et gravé par Ford, grand in folio.
Françoise Duparc, après avoir réalisé la fortune qu'elle
s'était acquise, revint ensuite à Paris où elle eut encore le
malheur de perdre un frère, auquel elle s'était consacrée,
et qui fut enlevé à la fleur de son âge. La santé épuisée par
un travail assidu et par cette suite de funestes événements,
la Duparc sentit le besoin de revoir les lieux qui l'avaient
vu naître. Elle revint donc à Marseille, mais elle ne s'y fit
point connaître. Se trouvant hors d'état de manier le pin-
ceau, elle s'ensevelit dans une obscurité tellement profonde,
qu'un négociant de cette ville, chargé de lui remettre une
som.nie d'argent de la part de l'impératrice de Russie, eut
grand peine à trouver sa demeure.
Sa retraite découverte, l'Académie de peinture de Mar-
seille l'admit au nombre de ses membres, mais son âge
et ses infirmités ne lui permirent pas de présenter à cette
compagnie un morceau de sa composition qui aurait
embelli leur collection. La mort l'enleva le 12 octobre 1778.
On a de son pinceau quatre tableaux, qu'elle légua par
son testament à l'Hôtel de Ville de Marseille. Ils étaient
placés dans l'ancienne salle consulaire et actuellement ils
sont un des ornements de notre musée.
Examinons l'exactitude de cette biographie en laissant
de côté ce qui a trait, bien entendu, à sa famille et à ses
deuils.
• Sur la foi d'Achard, Parrocel l'a donnée comme ayant
peint un portrait de W. Stanhope Namigton, comte de
Northampton, qui aurait été gravé par Ford. C'est là une
12 D"" PAUL SOLARI
aflirinalion erronée. Le i^ortrait gravé par Ford est celui
du conile de liarrington et l'estampe porte comme nom
d'auteur de la peinture, au lieu du nom de Dupar.c, celwi
tic Dupan. FauL-il croire à une erreur du graveur et la
J3uparc ai Dupan sont-ils un seul et même personnage? De
l'autre côté du détroit on ne le pense pas. Quoiqu'il en
soii, le séjour de Françoise Duparc en Angleterre n'est
pas contestable. Elle y coopéra, en effet, à plusieurs expo-
sitions. L'auteur du dictionnaire des artistes qui oni pris
part aux principales expositions de Londres, de 1760 à
1893, AL Algemon Grave a en effet noté que la Duparc a
exposé trois peintures (ligure) en 1763 et a exposé de nou-
veau à la Société des artistes en 1766 trois portraits.
AL L. Dussieux, dans son excellent ouvrage Les artistes
français à l'étranger, livre couronné par l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres en 1S59, P^sse en revue tou-
tes les galeries officielles et les collections privées de
l'étranger. Il note dans son ouvrage les noms de tous les
artistes, les illustres, les moyens et les oubliés, qui y ont
vécu et dont' les ouvrages y sont encore conservés. Que
nous apprend L. Dussieux? Une chose invraisemblable
décevante, inouïe. En Angleterre aussi bien qu'en Russie
et, par extension, dans toutes les autres galeries officielles
ou privées d'Europe, le nom de Françoise Duparc est
inconnu et ses œuvres absentes. L. Dussieux l'ignore dans
son ouvrage. Siret et Benezit ne la signalent pas dans leur
dictionnaire respectif des peintres de toutes les écoles.
En France, à part les portraits du musée de Alarseille,
rien de Françoise Duparc n'existe, ni en galerie privée ni
aux collections officielles. A sa mort il n'y a pas d'in-
ventaire après décès. Parmi ceux déposés aux archives
municipales le sien est inexistant.
FRANÇOISE DUPARC I3
Voici son acte de décès au registre de la paroisse Saint-
Perréol, folio 126, verso : « Suzanne-Françoise Duparc
{( âgée d'environ quarante-quatre ans, morte liier, a été
(( ensevelie dans le cimetière de cette paroisse aujourd'hui
(( douze octobre 1778, prise hors la porte de Paradis. Té-
(( moins Victor Delestrade et Joseph Balthazar Chaulan ».
Elle était donc bien dénuée, cette pauvre Françoise
Duparc, pour n'avoir pas laissé après elle la moindre
esquisse — un tout petit dessin — • un infime croquis qui
aurait été un témoignage de sa maîtrise. Rien, on ne con-
naît rien, jusqu'à plus ample informé, que les portraits de
notre musée marseillais.
Et ce qui obscurcit encore plus cette énigme artisticjue,.
c'est que ces portraits sont des sujets locaux dont la per-
fection exclut toute critique, et que toujours, dans les
expositions où ils figurèrent, ils réunirent les suffrages
d'une admiration unanime. De tous les membres qui com-
posaient l'Académie de peinture, à cette époque, il n'y en
a aucun à qui on puisse en attribuer l'exécution. Arnul-
phy, Beaufort, Bounieu, Célony, David, Henry d'Arles,
Julien Simon, Rappeler, Revellv, auteur d'un excellent
portrait du peintre Verdussen que l'on admire au musée de
Toulon, étaient certes d'honorables artistes, mais de second
plan.
Françoise Duparc est-elle l'auteur de ces portraits? Je
ne sais que dire, bien qu'inclinant vers la négative.
Mes conjectures sont les suivantes : Françoise Duparc
vieillie, fatiguée, accablée par des chagrins et des deuils,
vient chercher le repos et l'oubli dans sa ville natale. Elle
est fîlle d'Antoine Duparc, artiste honorable, élève de
Pierre Puget. Elle jouit d'une renommée, elle a vécu a
Paris, à Londres, la Cour de Russie l'a fêtée. Il nVn fal-
lait pas davantage, à cette époque, pour impressionner des
I^ . D' PAUL SOLARI
gens sédentaires. D'autre part, rAcadémie de peinture cb
Marfyeille venait de naître, comment ne pas accueillir une
telle recrue qui d'un coup allait donner à la modeste Aca-
démie provinciale un éclat inattendu? On l'admet sans
plus. Moulinneuf, secrétaire général et orateur de l'Acadé-
mie, la dispense en son nom du morceau de réception.
Un jour chassant l'autre, les années s'accumulent. Fran-
çoise Duparc n'assiste jamais aux séances de l'Académie.
Eille ne peint pas, l'oubli se fait autour de son nom. En
177S, elle meurt, léguant à la ville de Marseille les portraits
que nous connaissons. Lors de leur réception, on s'aperçoit
qu'ils ne sont pas signés, mais étant donné la qualité de
peintre du légataire, membre de l'Académie de peinture, on
lui en attribue naturellement l'exécution, ce qui avec le
temps devient une certituds.
Quoiqu'il en soit, vérité, imposture ou défaut de con-
trôle, si Françoise Duparc est l'auteur de ces ouvrages,
déplorons que son immense talent se soit résumé à une si
brève production. Si d'autre part, leur exécution ne lui
appartient pas, il est encore plus regrettable que le bel
artiste qui les peignit ait cru devoir observer un anonymat
inexplicable, qui auréole Françoise Duparc d'une réputa-
tion imméritée. Je souhaite que cette simple notice soit le
prélude de travaux plus complets cpi en apportant la
lumière déchireront le voile qui entoure cette énigme artis-
tique et menace de détruire la renommée d'une des ombres
les plus glorieuses de l'école provençale.
D-- Paul SOLARI.
Un Prisonnier de l'Empereur
Antoine de BOURNISSAC
Dans les premières années de l'Empire, la police était
sur les dents. Les premiers mois de 1805 virent se propa-
ger une agitation particulièrement vive: l'opposition reli-
gieuse et l'opposition royaliste se concertaient pour ébranler
le pouvoir nouveau. L'alarme fut grande, à Paris, lors-
qu'on découvrit une véritable agence chargée de composer,
de faire imprimer et distribuer des libelles politiques et
religieux contre le gouvernement.
Dans plusieurs grandes villes du royaume circulait le
manifeste qui était comme le bréviaire de l'opposition anti-
concordatiste : les «. Réclamations canoniques et très res-
pectueuses contre différents actes relatifs à l'Eglise Galli-
cane ». Parues en latin à Londres en 1803, traduites une
première fois à Bruxelles en 1804, les (( Réclamations >•>
venaient d'être publiées à Paris, avec des notes violentes,
où la pensée des évêques se faisait plus agressive. Une
autre brochure, contenant une lettre de l'évêque de Saint-
Pol-de-Léon, par laquelle ce prélat, empêché de signer les
Réclamations, donnait son adhésion au manifeste de Lon-
dres se répandait aussi : l'auteur flétrissait la comédie de la
réconciliation des constitutionnels et dénonçait l'illégitimité
d'un gouvernement impie. Enfin un intermédiaire inconnu
avait apporté en France le texte de 1' « Oraison funèbre
du Duc d'Enghien », prononcée à Londres le 26 avril 1804
par l'abbé de Bouvens, aumônier du comte d'Artois.
La police de Fouché multipliait ses recherches à Paris,
dans les grandes villes, Rouen, Toulouse, et surtout autour
l6 C. ET A, LATREILLE
lie I.yon et de Marseille, où existaient d'importants grou-
pes anticoncordatistes. Le 20 janvier, elle mettait la main
sur l'avoué Ratel, qui avait reçu de son frère, prêtre réfu-
gié à Londres, le texte de l'oraison funèbre, et l'avait porté
à l'imprimeur Guerbaert. Une semaine plus tard, elle décou-
vrait l'abbé de La Neufville, qui, en 1803. avait écrit une
« Défense du jugement de l'Eglise sur la Constitution Civile
du Clergé », et que l'on reconnut pour être le traducteur et
le distributeur des Réclamations. L^^ne vieille gouvernante,
ancienne religieuse carmélite, qui l'avait aidé dans la beso-
gne de distribution, fut également mise sous les verroux,
et c'est elle qui, intimidée par les menaces, livra le nom
des personnes chez qui elle avait porté des exemiplaires du
livre proscrit. Ses aveux entraînèrent l'arrestation d'un
certain nombre de prêtres et de laïcs, parmi lesquels cinq
femmes. Les plus compromis paraissaient être le lyonnais
Desfours de Genetières, qui s'était fait le commentateur de
la lettre de l'évêque de Saint-Pol-de-Léon, et Antoine de
Bournissac, un provençal, installé depuis peu h Paris.
Au début de février 1805, Bournissac était enfermé à La
Force. Se doutait-il alors qu'il devait passer en prison pres-
que toute la durée du règne de l'empereur qui le faisait
arrêter?
Antoine de Bournissac était le second fils d'un î.ncien
officier au régiment d'infanterie du Dauphin, chevalier de
l'ordre royal de Saint-Louis, et que Louis XVî, .m début
des troubles révolutionnaires avait nommé grand-prévôv de
la maréchaussée de Provence.
Xé à Noves en 1773, Antoine commença ses études dans
une pension d'Aix ; puis, en 1781, avec ses deux f■•èrî:^s,
l'aîné Joseph, et le plus jeune, Auguste, il f Jt tn-\-oyé à
A. DE BOURNISSAC 17
Juilly, chez les Oratoriens, dont la réputation d'éduca-
teurs était grande auprès de toutes ks familles restées atta-
chées aux idées jansénistes. C'est à Juilly, vers 'a fn de
l'ancien régime, que se conservait l'esprit d'une religion
austère, fidèle à la tradition de Port-Royal.
Bournissac eut pour condisciples les deux Polignac, M.
de Noailles, M. de Montmorency, M. de Montbel, M. de
Bonald, M. de Grimaldi. Parmi ses professeurs, il faut
citer le fameux Fouché, qui était alors un pieux Oratorien
pénétré des devoirs de son état. C'est sous la direction de
Fouché que le jeune Antoine apprit à goûter les petits trai-
tés de Nicole. Un autre Oratorien, le P. Debon, qui gémis-
sait de l'esprit nouveau dont Juilly même se laissait envahir,
initia Bournissac à la connaissance plus intime des que-
relles religieuses, auxquelles Port-Royal avait été mêlé.
Filleul de l'évêque Soanen, le Père Debon avait disposé
Bournissac à tout admirer du Jansénisme, depuis les exem-
ples de piété du xvii^ siècle jusqu'aux jongleries des convul-
sionnaires.
Avec la rigueur coutumière aux familles d'ancien régime,
le père des Bournissac avait décidé que ses fils ne revien-
draient à Noves que leur éducation terminée. Survint la
Révolution. Le père de Bournissac _ fut, en août 1789,
chargé de se rendre à Marseille, pour « connaître des
émeutes populaires et des violences commises à force
ouverte )k II entreprit de rétablir l'ordre avec tant de vi-
gueur que le 26 janvier 1790, Mirabeau dénonçait à l'As-
semblée Constituante le nouveau grand-prévôt. Il dut quit-
ter la ville, oi!i il avait amassé contre lui la haine implaca-
ble des patriotes, et se réfugia à Lyon. En mai 1792, .ses
fils venaient l'y rejoindre, chassés de Juilly par le décret
abolissant tous les ordres religieux. Craignant d'attirer sur
eux quelque arrêt de proscription, le grand-prévot engagea
l8 C. ET A. LATREILLE
ses fils à sortir de France et à rejoindre l'armée de Condé.
De fait, le 27 septembre 1793, Bournissac arrêté sur un
ordre de Fouché, représentant en mission à Lyon, était
exécuté à Marseille.
C'est à Dusseldorf que les fils apprirent la mort san-
glante de leur père. Après avoir, à Coblentz, reçu le titre
d'officiers de l'armée de Condé, ils avaient dû fuir devant
l'avance des armées républicaines. Dévalisés par les Prus-
siens, leurs propres compagnons d'armes, ils partirent avec
une seule chemise et un vêtement léger; il leur restait 300
francs,de quoi vivre, en attendant de problématiques secours
de France. Par le plus grand des hasards, ils reçurent à
Dusseldorf une somme de 2.400 francs que leur mère igno-
rant leur lieu de refuge, avait confiée à un banquier de Lau-
sanne. Ils vécurent là une année, consacrant leur temps à
l'étude des questions religieuses, de l'histoire naturelle et
des choses de l'agriculture. Dans les premiers jours de
1795, l'invasion française les contraignait à se remettre en
route: à pied, en plein hiver, par des chemins atroces, por-
tant un maigre bagage, ils franchirent soixante lieues,
pour s'établri près de Constance. M. de Bonald, qui fai-
sait partie de ce pitoyable convoi, se fixa près d'eux.
A la fin de 1796, ils rentrèrent en France. Mais, portés
par les autorités de Noves sur une liste d'émigrés rentrés
pour (( égorger les patriotes », ils furent jetés en prison.
Ils purent se disculper, mais, à la fin de 1798, résolurent
d'émigrer de nouveau. Ils gagnèrent l'Fspagne et s'ins-
tallèrent à Barcelone.
*
* *
Kn mai 1801, Antoine rentrait en France avec son frère
Joseph. Il gagnait Paris, pour traiter avec l'administration
des domaines et rentrer en possession des biens paternels.
A. DE BOURNISSAC I9
mis sous séquestre pendant la Révolution. Bournissac
mena à Paris une vie retirée et tranquille ; il avait peu de
relations, ne s'occupait que de son affaire qui traînait en
Conseil d'Etat, employant « le reste de son temps chré-
tiennement », comme il l'écrira lui-môme plus tard.
Le 25 août, Antoine communiquait à j\I. de Saint-Vin-
cent ses impressions: « Notre premier soin fut de nous
informer des églises que les catholiques pouvaient fré-
quenter. Dans nos premières courses, nous vîmes beaucoup
d'églises ouvertes au culte, et qui portaient sur la façade
une énorme inscription à différents attributs: au génie,
à la vieillesse, à la jeunesse, à la piété filiale, à l'hymen,
à la victoire, à la paix, au commerce, à l'agriculture, au
travail, à la liberté et à l'égalité. A l'église Notre-Dame, on
lit: A l'Etre Suprême, protecteur de la République, et à
Saint-Sulpice : Le peuple Fra-nçais reconnaît l'existence de
VEtre Suprême et de Vimmortalitê de l'âme. Ces deux
églises sont occupées par les constitutionnels. Cela nous
fit frissonner et nous inspira tant de répugnance, et même
d'horreur, que depuis que nous sommes ici, nous n'avons
jamais pu prendre sur nous d'y mettre les pieds. Car quel
rapport y a-t-il entre notre Dieu et l'Etre suprême des phi-
losophes? Ce temple consacré au génie ne l'est-il pas à la
sagesse humaine, qui est en abomination devant Dieu ?
Celui du commerce ne l'est-il pas à la cupidité? Celui de
la liberté à l'indépendance? Qu'on se souvienne d'ailleurs
que c'est ainsi que les païens honoraient leurs dieux. On
crie partout que la religion se rétablit : voilà sans doute de
glorieuses conquêtes sur l'impiété et sur le démon. Il sem-
ble que Dieu a frappé ce peuple de vertige, et qu'il l'a
abandonné dans les mains de son propre conseil.
« Je vous assure que toutes ces réflexions nous ont per-
suadé qu'il est imprudent et dangereux de s'unir aux sou-
20 C. ET A. LATREILLE
missionnaires dans leurs églises. Nous allons les diman-
ches et fêtes, assister à la messe du Père Brun, de l'Ora-
toire, un saint homme qui sert d'aumônier à des dames
ursulines, qui ont un pensionnat, il n'a pas fait de sou-
mission...
(( ... On parle beaucoup ici de l'accommodement avec le
pape ; on dit que tous les évêques donneront leur démis-
sion et que l'on nommera cinquante évêques ; que les curés
seront placés dans des cures différentes, pour ne point
réveiller les haines ; que si les évêques de France ne vou-
laient pas se démettre, le pape passerait outre. Tout le
monde ici triomphe, comme si c'était une victoire glorieuse
à la religion. Je m'abtiens de faire aucune réflexion, puis-
que cela n'est pas encore assez connu, ni sanctionné... »
Préoccupé comme l'on voit des questions religieuses,
Bournissac s'était intimement lié avec un oratorien Rau-
Ihac du Maupas, ancien professeur au collège de Lyon,
la sœur Catherine, et son directeur le dominicain de Bar,
les derniers représentants de ce que les anticoncordatistes
appelaient mystérieusement 1' <( Œuvre ». Dès son adoles-
cence, à Juilly, notre héros avait entendu parler de cette
œuvre prétendue miraculeuse née sur le tombeau du diacre
Paris, par laquelle Dieu se manifestait directement aux
hommes dans les temps de prévarications. IJ Œuvre se
défendait de vouloir dicter aux siens une règle de conduite
qui n'appartenait, disait-elle, qu'à l'Eglise de donner. Elle
n'était qu'une « trompette pour réveiller notre foi assou-
pie, une voix qui nous avertit des maux terribles dont nous
sommes menacés et nous crie de les détourner par d'insi-
gnes fruits de pénitence... )> Autrefois Dieu avait toujours
fait précéder par des avertissements répétés les coups ter-
ribles dont sa justice avait résolu de frapper les peuples
coupables. « Annoncez-nous ce qui doit arriver à l'avenir,
A. DE BOURNISSAC 21
et nous reconnaîtrons que vous êtes des dieux )>, est-il
écrit dans Isaïe XI 1, 23. Or le diacre Paris, et après lui
plusieurs insiriunents avaient eu le don de prophétie. Di-
verses annonces de V Œuvre avaient à l'avance tracé tout
le tableau de la Révolution. A Lyon, sœur Marie en avait
prévu la marche dans le plus grand détail ; frère Pierre,
les sœurs Solva, La Croix, Catherine et Holda avaient
prédit le grand renversement de toutes choses, l'esprit de
vertige et d'impiété, la formation de Vidole.
Rien de plus curieux que les réunions de ces initiés, qui,
en opposition au culte officiel, dressaient une petite église
réservée à quelques-uns, aux héritiers de l'esprit janséniste
et surtout du cimetière de Saint-Alédard. Sœur Marie n'a-
vait-elle pas, le 24 janvier 1795, annoncé clairement le pré-
tendu Concordat, cet accommodement entre la puissance
civile et l'autorité ecclésiastique, édifié sur les ruines de la
vraie foi, puisque Rome, au dire de la prophétesse accep-
terait la Constitution du clergé, et que les évoques, con-
fesseurs de la foi, après s'y être longtemps opposés, fini-
raient par la regarder comme le salut de la religion ?
A Paris, Bourriissac assiste aux séances de la sœur Cathe-
rine. La plus dramatique est celle du 18 avril 1802, du jour
de Pâques où le Concordat fut publié solennellement à
Notre-Dame par le cardinal Caprara, et où le Te Deuni
fut chanté par trois cents musiciens de l'Opéra. Là se
rencontraient les membres du clergé fidèle avec les consti-
tutionnels, les Consuls de la République avec les premiers
dignitaires de l'Etat, hommes sans foi ni religion; des
ministres et ambassadeurs de toutes les puissances, protes-
tants, schismatiques et mahométans ; une foule, enfin, d'im-
pies, d'athées, de régicides, parmi lesquels Talleyrand-Péri-
gord, l'évêque apostat, en son costume républicain et le
labre au côté.
^2 C. Eï A. LATREILLÊ
Pendant que ceU.e cérémonie déroulait ses pompes offil-
cielles, la sœur Catherine, renfermée dans upe chambre
avec, quelques amis de la vérité, parla fortement contre ces
nouveaux pasteurs, qu'elle appelle des loups et des voleurs,
et les menace des fléaux de la justice divine. Puis, tombant
tout à coup dans une tristesse mortelle, et fondant en lar-
mes, elle dit à son Père au nom de l'Eglise : (( O mon Dieu,
je suis dans les pleurs, en voyant que mes enfants sont
dévorés; parce que je n'ai plus de ministre qui puisse sou-
lager un peu ma douleur ». Se tournant alors vers le Père
de Bar, elle dit en sanglotant : (c Hélas, mes jours de fête
sont changés en des jours de deuil. Tous doivent être
aujourd'hui dans la joie, parce que mon Sauveur est res-
suscité, et moi je pleure, je gémis, je suis désolée. Au
moins, mes amis, pleurons ensemble (( Elle prononce ces
paroles d'une manière si touchante que tous les assistants
sont en larmes. Après un moment de repos, elle ajoute:
« Enfin, mon Père, vous me donnerez quelques consola-
tions, vous essuierez mes larmes. Allons, il faut que j'es-
suie celles de mes frères. Les petits seront à l'abri. Faites
comme moi, mes frères, je suis bien petite, et tout cela
passera par-dessus ma tête. Allons, mes amis, faisons nous
bien petits », et, pendant que tous se prosternent le plus
bas qu'ils peuvent, elle achève par ces mots : <( Mon Père,
nous sommes bien petits, nous, vos pauvres enfants ; tout
cela passera par-dessus leur tête: ils ne seront pas tués >;.
Tel est le viatique dont quelques âmes fortes devaient
se nourrir pour s'opposer à la réconciliation de l'Eglise et
de l'Etat, opérée par le concours de Pie VII et de Bona-
parte.
Les avertissements qui lui parvenaient ainsi par l'Œu-
vre autant que l'éducation reçue autrefois devaient ranger
Bournissac dans le camp des anticoncordatistes. Il ne crut
À, DE BOLRNiSSAC ^^
pas (( pouvoir approuver ce qui se passait, ni reconnaître
comme catlioliques ce nouveau clergé ». Au reste, il se
détendait de donner à cette opposition un caractère poli-
tique. 11 constatait tristement autour de lui ce qu'il appe-
lait (( rindiftérence pour les choses religieuses », et ne
s'ouvrait de ses scrupules qu'auprès de quelques parents et
amis sûrs. Ce paisible cito}'en, bien éloigné de rêver des
bouleversements sociaux, manqua cependant de prudence.
Parmi ses condisciples de Juilly, il avait retrouvé ^I. de
Belloc, le fils d'un ancien conseiller au Parlement de Tou-
louse, devenu par son mariage et par la grâce du second
Consul Cambacérès, préfet du Cher. JM. et Mme de Belloc
étaient religieux : ils désiraient que leur tils, âgé de dix
ans, commençât ses études à Juilly. Le préfet ne pouvant
l'y accompagner lui-même, sa femme vint à Paris, où
Bournissac se chargea de l'enfant. En même temps, Bour-
nissac mettait Mme de Belloc en rapport avec la sœur
Catherine. Dans ses conversations pieuses avec la voyante,
Mme de Belloc recevait ces avertissements : a II faut renon-
cer au monde pour ne suivre que Jésus-Christ. Il faut
entrer dans le désert, non pas que je vous dise de quitter
votre mari et votre ménage, mais entrer dans le désert de
votre cœur. Vous ne devez penser qu'à vous sauver » ; et,
faisant allusion aux fonctions de son mari, elle ajouta
qu'il valait mieux (( être du côté des persécutés que des per-
sécuteurs ». Emue par ces conseils, Mme de Belloc pria
Bournissac de l'aider à obtenir une démission de son mari,
pour se retirer dans leurs terres du Languedoc.
Quelque temps après, le préfet vint à Paris. Aux solli-
citations de Bournissac il répondit qu'il ne tenait pas
beaucoup à sa place, mais qu'il voulait attendre un mo-
ment favorable pour la quitter avec bienséance. En vain,
Antoine le pressa de rompre immédiatement ses liens, il
34 C. ET A. LATREILLE
lui offrit enfin de lui écrire une espèce de mémoire, où ii
lui démontrerait l'obligation de ne plus retarder une démar-
che aussi importante.
Bournissac rédigea donc (13 août 1804), une lettre foi t
longue, de 30 à 40 pages, dans laquelle il établissait l'illé-
gitimité du nouveau gouvernement, dont le chef, Bona-
parte, n'était que le mandataire de la République révolu-
tionnaire : ne venait-il pas de lui donner un nouveau gage
par l'assassinat du duc d'Enghien? Un préfet devait néces-
sairement coopérer aux actes de ce gouvernement, et li
ne pouvait remplir ses fonctions sans manquer aux devoirs
de la religion. M. de Belloc, d'ailleurs, était riche, il pou-
vait vivre avec ses propres biens, et la santé de sa femme
lui était un prétexte suffisant pour se retirer. La partie la
plus- curieuse de ce plaidoyer était celle c^ui contenait un
tableau prophétique de la destinée que les instruments de
l'Œuvre avaient annoncée à Bonaparte, a Si vous le voyez,
concluait Bournissac, s'élever au-dessus de toutes les puis-
sances, renverser les trônes, remplir la terre du bruit de
ses victoires, gouverner à son gré les lois divines et humai-
nes, ne perdez jamais de vue que ce n'est ici qu'un instru-
ment de la justice de Dieu : et vous souvenant de cette
parole du roi-prophète: J'ai vue l'impie au faîte des hon-
neurs et aussi élevé que les cèdres du Liban ; je n'ai fait
que passer, il n'était déjà plus (Ps. 36); que votre cœur
n'hésite pas, qu'il ne se trouble point à la vue de tant de
prospérités étonnantes; mais qu'il soit assuré que c'est
dans le moment même de sa plus grande élévation qu'il
sera renversé et que le Seigneur, pour justifier sa Provi-
dence, montrera que tous les appuis humains ne sont que
vanité devant lui, et qu'il n'a laissé élever cet homme que
pour en faire un exemple à jamais mémorable de sa jus-
tice et de sa colère ».
A. DE BOURNISSAC 25
i\I. de Belloc ne se convertit pas à l'idée d'une démis-
sion immédiate ; il assista, en décembre, au couronnement
de l'Empereur... Mais le malheureux Bournissac omit de
faire disparaître le brouillon de son mémoire.
*
* *
Arrêté dans les conditions que nous avons dites, au
début de février 1805, Bournissac subit un premier inter-
rogatoire : il fut convaincu 'd'avoir communiqué à des
amis les (( Réclamations » des anciens évêques contre le
Concordat, que l'abbé de la Neufville lui avait fait parve-
nir. Il en avait adressé des exemplaires aux anticoncorda-
tistes de Lyon et à son frère Joseph, qui, à son tour, les
avait répandus à Marseille et à Saint-Maximin. 11 avait
converti à l'Œuvre une Mm,e Saillet, chez qui on trouva
un dépôt de la c. Lettre » de l'évêque de Saint-Pol-de-Léon.
Chef d'accusation plus grave : dans les pajDiers saisis à son
domicile, on découvrait, à coté de 1' « Oraison Funèbre »
du duc d'Enghien, le journal d'annonces de la sœur Cathe-
rine, plusieurs lettres de ses amis de Lyon, sa correspon-
dance avec M-. et Mme de Belloc, notamment le brouillon
du mémoire au préfet du Cher. Mis sous les yeux de l'em-
reur lui-même, ces papiers provoquaient une violente colère
de Napoléon: ce Qu'on le fusille! qu'on le fusille! », s'écria
le maître.
Belloc, mandé par l'empereur, subit les plus vifs repro-
ches. Son cas fut porté devant le Conseil d'Etat, qui con-
clut à sa destitution.
Bournissac s'efforça alors d'intéresser à son sort le minis-
tre de la police lui-même, Fouché, son ancien maître de
Juilly. Les Archives Nationales nous conservent le long
mémoire apologétique, en 27 articles, qu'il adressa à la
26 C. ET A. LAÏREILLE
lois à Fouché et au préfet de police de la prison de la
l'orce '.
Après avoir rappelé à l'ancien Oralorien le temps- où
celui-ci lui servait (( de père » à Juilly, il allirmait que
pendant toute l'époque révolutionnaire, il n'avait eu d'au-
tre but que de sauver du naufrage les sentiments religieux
que, disait-il sans ironie, ((de sages instituteurs m'avaient
inspirés ». Il s'était toujours tenu à l'écart des factions.
Sans doute, récemment il n'avait pas cru devoir accepter
le Concordat, mais ses convictions religieuses elles-mêmes
lui faisaient un devoir de ne pas troubler Tordre social. Sa
correspondance exprimait quelquefois des sentiments hosti-
les au nouveau gouvernement ; mais, protestait-il en criti-
quant naïvement les procédés de la police impériale :
(( ... En qui ne trouverait-on pas de crimes et de délits, si
depuis que nous voyons se succéder tant de régimes, de
partis et de constitutions différentes, on avait voulu juger
chacun sur ce qu'il a pu penser et dire seul avec son
ami ! »
Ayant ainsi revendiqué la liberté d'opinion, il tâchait
de démontrer l'innocence de ses lettres à M. de Belloc. Il
avait seulement voulu faire sentir à un ami qui était un
fonctionnaire fidèle et un chrétien (( que dans l'état actuel
de la religion, quelqu'un qui voulait être scrupuleux sur
ses devoirs de chrétien, ne pouvait pas manquer de ren-
contrer des difficultés presque insurmontables dans les
postes éminents comme le sien ». Ce n'était pas là l'argu-
ment d'un factieux, mais (c d'un chrétien qui, ne voyant
les choses que d'après l'Evangile, est sensible à tout ce
qui peut blesser J.-C. et sa religion ».
' Arch. Nat. F 7, 6439.
A. DE BOURNISSAC 27
En se réfugiant ainsi dans les plus sereines régions de la
mystique, l'auteur du mémoire pouvait-il faire oublier que,
pour convaincre un fonctionnaire consciencieux, il n'avait
pas hésité à lui rappeler l'instabilité des trônes et la briè-
veté des empires. Bournissac devait confesser à Fouché
que les inslrunients de l'Œuvre avaient prédit la chute pro-
chaine du régime nouveau, mais il protestait que ces
annonces étaient des manifestations de la volonté divine,
bien loin d'être des manifestations de l'esprit de parti. Sous
l'ancienne monarchie, des prédictions analogues avaient
été faites, dont le pouvoir n'avait pas pris ombrage. « On
sait assurément que ce ne sont pas ceux qui croient à ces
prédictions qui en sont la cause ou qui ont pu y contri-
buer. Les amis de l'Œuvre étaient d'ailleurs peu nom-
breux, méprisés, ignorés. Comment croire que c'est à eux
que s'adresseraient les conspirateurs pour attaquer le nou-
veau gouvernement ?
Est-ce cet argument que Fouché reprit devant l'empe-
reur? Nous ne savons. Toujours est-il que son intervention
sauva la tête de Bournissac, qui ne fut condamné qu'à la
détention illimitée comme prisonnier d'Etat.
Le 4 mars, notre héros était transféré au Temple.
Le Temple ! A un royaliste aussi fervent que Bournis-
sac, ce nom seul rappelait des souvenirs d'une vénération
religieuse. N'est-ce pas dans cette tour que la famille
royale avait souffert si longtemps? D'ailleurs le régime,
pour les prisonniers qui n'étaient pas au secret, était aussi
doux qu'il pouvait l'être. Après trois ans et demi de réclu-
sion, Bournissac déclarera que c'était le « paradis des pri-
sons », et qu'il n'en gardait que des souvenirs convenables.
Chaque détenu avait sa petite chambre, avec un poêle où il
faisait du feu à volonté. Depuis le point du jour jusqu'à
dix heures du soir, la circulation était libre dans la tour :
28 C. ET A. LATREILLÉ
les détenus pouvaient se visiter, se réunir dans leurs cham-
bres. J.a nourriture accordée ' par le gouvernement était
très grossière, mais on avait la faculté de taire venir ses
repas de chez soi ou de chez le traiteur ; ou même on fai-
sait sa cuisine (et l'on touchait alois. à la place des ali-
ments du gouvernement, 30 sols par jour). Les mariés rece-
vaient leur femme et leurs enfants chez eux; de plus, il y
avait un parloir commun où, du matin au soir, les visites
étaient libres. L'exercice et les distractions étaient faciles:
un jardin semé de gazon, planté d'arbres, offrant des pla-
tes-bandes avec des fleurs s'étendait sur cent pieds de long.
A l'approche de la nuit, un gardien allumait une torche
et la promenait autour du jardin: c'était le signal auquel
tout le monde rentrait: d'ailleurs, jusqu'à dix heures, on
restait libre de se visiter entre détenus. Bournissac retrou-
vait au Temple des royalistes notoires, comme les deux
]\L\I. de Polignac (l'aîné avait été compromis dans l'af-
faire de Georges et Pichegru), (( malheureusement bien
loin l'un et l'autre de la religion )> ; — l'abbé de la Neuf-
ville, homme très pieux et très régulier, qui ne connais-
sait pas <( le véritable fond de la religion » (ce qui veut
dire qu'il était hostile aux idées Jansénistes), mais dont il
convenait de louer le <( zèle inébranlable » pour la cause des
évêques anticoncordatistes ; — et même quelques amis de
l'Œuvre, comme du Maupas et M. de Gen... (probablement
Desfours de Genetières).
Tout changea après l'audacieuse évasion d'un gentil-
homme royaliste, Armand Chevalier, enfermé au secret à
la fin de 1807. Le secret était dans un petit bâtiment séparé
de la Tour, et particulièrement surveillé. En une quinzaine
de jours ou plutôt de nuits, car il fallait travailler la nuit
pour ne pas être surpris par les rondes des gardiens,
Chevalier réussit à percer un mur de trois pieds d'épais-
A. DE BOURNISSAC 29
seur, détachant avec des outils de fortune, sans le moindre
bruit, d'énormes pierres. A mesure qu'il enlève les blocs,
il les cache sous sa paillasse, brûlant à mesure sa paille.
Enfin, un beau matin, à la pointe du jour, par une corde
faite avec ses draps, il descend par son trou. Il n'a rien
oublié de ses effets, traverse la première et la seconde cour,
frappe hardiment chez le portier c{ui croit que c'est un
gardien ou un homme attaché au service de la maison, et
franchit la porte \
Dès qu'on s'aperçoit de sa disparition, on fait la visite
de la chambre de tous les détenus, où l'on saisit tout ce
qui pourrait servir d'outil. Tous les rapports avec l'exté-
rieur sont suspendus, les permissions, même pour les fem-
mes des détenus supprimées. Plus de liberté de communi-
cation entre les prisonniers. Réglementation des heures
cle promenade ?
Du haut de leur Tour, les détenus se consolent en sui-
vant avec une lorgnette les travaux de réfection du don-
jon de Vincennes. L'empereur a ordonné de le faire répa-
rer, pour V transporter les prisonniers, puisque le Temple
ne paraît plus assez sûr. On leur promet qu'ils v seront
mieux qu'à la Tour.
Dans la nuit du 6 au 7 juin 1S08, k 2 h. 30 du matin,
le concierge éveille Boiirnissac. Il faut se lever pour par-
tir: seize de§ plus importants prisonniers sont réunis déjà
dans la cour. L'inspecteur du ministre, en grand costume,
fait l'appel. Des fiacres attendent, rangés en ordre: on met
trois détenus dans chacun, avec un homm.e de la police.
Un piquet de gendarmerie à cheval les encadre, et dans ce
' Chevalier ne devait pas jouir de la liberté reconquise : sa belle-sœur
aj'ant été arrêtée comme complice de son évasion, il se livra à la police
pour obtenir sont élargissement ; il devait être fusillé.
30 C. ET A. LATREILLE
cortège, Bournissac traverse Paris encore endormi. En
cinq quarts d'heure, on arrive au donjon de Vincennes.
Les deux années passées à Vincennes furent singulière-
ment plus pesantes à Bournissac que celles du Temple.
Il fut logé au quatrième étage. Plus de chambre indi-
viduelle : toutes les cellules étaient partagées ; chacun pou-
vait choisir son compagnon, mais les autorités avaient com-
posé la réunion des détenus de chaque étage de manière
que les prisonniers ne se convinssent point relativement
h leurs opinions. D'un étage à l'autre il était rigoureuse-
ment interdit de communiquer: tromper la vigilance des
gardiens sur ce point, c'était risquer de se voir mettre au
r?{Tet. Aux heures de récréation (3 heures par jour), ceux
qui logeaient aux premier, second, troisième étages, des-
sendaient dans la cour. Ceux des étages supérieurs mon-
taient sur la plate-forme. Cette plate-forme, entourée d'un
grillage immense, semblait être comme une cage aérienne.
De là la vue était admirable; les détenus respiraient avec
plaisir un air vif et pur. Mais quelques prisonniers furent
soupçonnés de vouloir communiquer avec des promeneurs
du dehors, par un système de signaux à bras et à l'aide
de lunettes. Aussitôt les promenades sur la plate-forme se
firent plus rares: les jours de fête surtout, on prit l'habi-
tude de faire descendre les prisonniers dans la cour: or les
deux c^ent quarante-huit marches de huit pouces et demi
(avec son esprit méthodique, Bournissac avait fait le calcul
exact), gâtaient absolument- le plaisir de la récréation, que
les gardiens du reste firent de plus en plus courtes. Les
visites du dehors n'étaient admises que le dimanche: dav/k
un parloir humide et froid, on n'apercevait parents et amis
qu'à travers une double grille.
A. DE BOURNISSAC 3I
Bournissac souffrait. Le 27 février 1807, il avait dû récla-
mer les 30 sols par jour accordés aux détfenus indigents,
exposant que « ce secours lui devenait indispensable, ayant
épuisé par sa détention prolongée tous ses moyens de res-
sources ». A Vincennes, il reçut cjuarante sols: sur ce trai-
tement payé régulièrement par quinzaine, vingt-cinci sons
allaient au traiteur, pour une nourriture meilleure que celle
du Temple: une demi bouteille de vin, une livre et demie
de pain blanc, une soupe, un bouilli, une entrée et un plat
de légumes.
Aussi bien, qu'étaient les souffrances ou les améliora-
tions matérielles au regard de l'épreuve morale, que chaque
journée rendait plus dure? A l'intérieur de la prison, il
n'existait point d'exercice public du culte: Bournissac se
fût d'ailleurs refusé à participer au culte célébré par un
concordataire. Il avait perdu les compagnons de captivité
et les amis du Temple: plus heureux que lui, Desfours de-,
Genetières avait été élargi après deux ans de captivité.
De sa famille, il avait eu une fois, au Temple, la visite de
son frère Joseph. Depuis, il le savait à Noves, auprès de
leur mère, occupé à faire valoir leurs propriétés. Mais \p
25 mars 1810, il apprenait la mort de leur mère qu'il r/a-
vait pas revue.
La dernière pensée de la pauvre femme avait été pour
obtenir la libération de son fils. Le 28 février 1809, elle
avait adressé une pétition à Fouché rappelant à l'ancien
professeur de Juilly la « candeur, le caractère doux et
aimable » d'Antoine. Mais, pour être libéré, l'intéressé r,u-
rait dû promettre fidélité à ce gouvernement dont il .<('.
reconnaissait pas la légitimité.
Lors du mariage de l'empereur avec Marie-Louise, un
ami de Bournissac, M. Guibout, de Paris, lui conseilla
de demander son élargissement: il l'obtiendrait sûrement
32 C. ET A. LATREILLE
en adressant à l'empereur une pétition et une promesse de
soumission. Devant l'insistance de M. Guibout, Bournis-
sac consentit à soumettre ce cas de conscience aux^anti-
concordatistes de Lyon. Ceux-ci, particulièrement l'abbé
Germain, un des meilleurs amis du prisonnier, et M.
Alexandre Bergasse se prononcèrent contre toute promesse
de fidélité qui eût approuvé ce cjue Napoléon avait fait
en usurpant l'autorité légitime, en établissant une Eglise
sclîismatique dévouée à sa, volonté, et en donnant son
adhésion aux iniquités de la Révolution.
Il fallut pour tirer Bournissac de prison une circons-
tance inattendue. Pour ruiner le commerce anglais, l'Empe-
reur avait décrété le blocus continental. Comme le sucre
et le café des colonies anglaises étaient montés à des prix
exorbitants, on chercha en France le n^^yen d'avoir du
sucre indigène.
Avec son esprit curieux de toutes choses, Bournissac
avait toujours aimé s'occuper d'agriculture et d'histoire
naturelle. En pleine émigration, alors qu'il était talonné
par le souci du lendemain, il avait trouvé le loisir de visiter
avec ses frères les fabriques et les machines, de parcourir
les campagnes autour d'Heidelberg. Ainsi il avait remarqué
la m.anière défectueuse dont les paysans faisaient les fro-
mages et il leur avait appris à perfectionner ces produits.
Rentrant en France, il avait rêvé de reprendre à Noves la
vie de gentilhomme campagnard. Enfermé au Temple, .1
s'y essayait dès 1807 à obtenir du sucre avec des raisins.
En 1808, à Vincennes, il reprenait ses expériences et invi-
tait son frère Joseph cà en faire de sembla^bles à Noves,
pour contrôler les résultats qu'il obtenait. A la fin de l'an-
née, il remettait à Fouché un mémoire sur la question. Le
ministre de la police le transmettait à son collègue de l'in-
térieur, Chaptal.
A. DE BOURNISSAC 33
Chaptal lit examiner le mémoire par un membre de
rinsUtut, et, le 21 mars, il répondit à Foiiché : <( M. Par-
mentier donne les plus grands éloges à la méthode et à la
clarté que l'auteur a mises dans ses recherches et dans ses
expériences ». L'Académie de Marseille venait de propo-
ser un prix à l'auteur du meilleur travail sur le moyen de
tirer du sucre des raisins ; les mémoires devaient être dépo-
sés immédiatement. M. Parmentier conseillait fort à Bour-
nissac de concourir.
De fait, le Moniteur du 23 mai nous apprend que dans
sa séance du 6, l'Académie de Marseille vient d'entendre
le rapport de M. Laurens sur le concours relatif à la fabri-
cation du sucre. Aucun mémoire n'a été jugé digne du
prix. ]\Iais on a distingué honorablement celui qui portait
l'épigraphe: (( Eloigné de vous, je me suis occupé de ce
qui peut vous être utile ». Une médaille d'encouragemeiv:
de 450 francs a été décernée à l'auteur.
On devine que cette noble devise cachait la personne
de notre héros.
Bournissac envoya à l'impression son travail, qui parut
sous la forme d'un petit in-8° de 162 pages et sous le titre
de « Mémoire sur les sirops et les moscouades de raisin et
particulièrement sur l'art d'en extraire le sucre cristalli-
sable et de le raffiner, suivi du rapport qui a été fait sur
ce travail... par M. Parmentier ». L'ouvrage fut mis sous
les yeux de l'empereur, qui au mois d'août accorda l'élar-
gissement de son prisonnier.
Le 6 septembre 1810, Antoine de Bournissac franchis-
sait la porte de Vincennes, sous la condition « de se rendre
à Noves, aux environs d'Avignon, où il fera du sucre.
On peut le mettre, ajoutait la décision impériale, sous la
surveillance de la police ».
34 C. ET A. LATREILLE
Ses historiens nous disent que sa découverte fit baisser
le sucre colonial et faillit faire abandonner la fabrication
du sucre de betteraves. En tout cas, jusqu'en 1814, le gen-
tilhomme provençal ne donne plus d'inquiétude à la police
impériale.
La chute de l'Empire en 1815 n'était point pour surpren-
dre les amis de l'Œuvre. Mais la monarchie légitime dont
ils accueillirent avec enthousiasme la Restauration ne s'en-
gagea pas dans les voies fixées par Dieu pour sauver en
France la monarchie et la religion. Ne composa-t-elle pas
avec les idées révolutionnaires, comme le prétendu prin-
cipe de la souveraineté populaire, inscrit dans la charte
même? N'accueillit-elle pas les hommes de la Révolution
et de l'Empire? Surtout ne maintint-elle pas le Concordat
que l'Usurpateur avait imposé à l'Eglise.
Faudrait-il pour dissiper l'aveuglement où vivaient le
roi et la famille royale de nouveaux coups de la Provi-
dence ? Naguère, Bournissac parlant à Fouché des prédic-
tions terribles de la sœur Catherine, avait eu soin de sou-
ligner que les menaces de bouleversement fulminées par
les instruments de l'Œuvre ne pesaient pas sur un régime
particulier, mais sur tout régime qui méconnaîtrait la loi
divine. Le groupe anticoncordatiste dont il était l'âme
maintenant se demandait avec angoisse comment on pour-
rait porter quelques traits de lumière jusqu'au pied du
trône. L'abbé Germain, un des derniers prêtres anticon-
cordatistes, reçut par deux fois, le 28 juin 1814 et le 24 juin
1815 des avis surnaturels: <( N'v aura-i-il donc personne,
ô mon Dieu, «. lui fut-il dit )), qui fasse connaître au chef
de l'Eglise et de l'Etat l'iniquité qu'ils commettent, en
laissant subsister l'idole dans le sein même de l'Eglise? »
A. DE BOURXISSAC 35
Germain se décida à adresser à la duchesse d'Angou-
lême, pour « éclairer son cœur droit et sensible », deux
mémoires de réflexions politiques et religieuses, fondées
sur la série des visions et prédictions de la sœur Marie
depuis 1792, prévisions si exactement vérifiées jusque là.
Frappée des unes et des autres, S. A, R. demanda à voir
l'auteur.
C'est ainsi que dans l'automne de 1815, Germain et
Bournissac s'acheminèrent vers Paris. Le 18 novembre,
ils furent reçus par la duchesse, qui leur témoigna sa satis-
faction et celle du roi (qui les avait lues, paraît-il), et qui
demanda à en connaître la suite. Germain et Bournissac
s'empressèrent de s'établir pour l'hiver à Paris, afin de
réunir un nouvel arsenal de preuves qui remplit cette fois
un gros mémoire, présenté dans ràudience du 15 mars 1816.
Bournissac communiqua des copies du manuscrit à ses
amis d'autrefois, compagnons d'émigration et de captivité,
à J. de Polignac, à Montmorencv, à Bonald, à d'autres
encore... Hélas! il se sentait entouré d'indiiïérence et de
scepticisme. A peine si une moitié de députés montrait quel-
que résolution, et ceux-là même manquaient de clair-
voyance: « Messieurs, s'écriait Bournissac, vous avez perdu
la première bataille à l'entrée de la campagne et vous ne
vous en relèverez point ! Ce premier pas était l'essentiel ; la
Révolution vous a battus et mis sous le joug! »
Nos deux pèlerins repartirent pour Lyon. Il leur avait
fallu peut-être plus de courage pour tenter cet effort qu'il
leur en avait fallu autrefois pour tenir tête à l'L^siirpateur.
Le roi lui-même était un politique trop prudent pour écou-
ter ces purs qui voulaient détruire toute la Révolution, et
pour céder à l'accumulation de leurs prophéties.
36 C. ET A. LATREILLE
Bournissac se retira dans le Midi. Il était devenu un des
oracles des anticoncordatistes : on venait de loin le consul-
ter et l'entendre \ En 1846, alors qu'il était très malade, le
curé de Noves avait tenté une démarche auprès de lui,
^ M. le comte de Gérin-Ricard, que nous sommes heureux de
remercier ici, a bien voulu nous com.muniquer quelques lettres des
frères Bournissac. Nous en extrayons ces lignes, adressées à M.
Audiffret, de Marseille, le 24 mars 1845, et qui prouveront le fidèle
attachement de notre héros à ses idées religieuses.
Il le prie d'adresser ses souhaits à !Mme Audiflfret, pour ces sain-
tes fêtes... (( Dites-lui aussi que nous aurions bien à conférer sur les
nouvelles controverses religieuses qui maintenant prennent la place
de la politique. De l'indifférentisme {sic) notre France revient
à ses anciennes querelles. (Une ligne barrée)... Ce serait à la petite
Eglise qui est restée étrangère à toiTte innovation à les confondre
l'un et l'autre. Que j\I. Dupin soutienne le gallicanisme, il peut
avoir assez mauvaise grâce après le Concordat c|ui a été le chef-
d'œuvre de l'ultramontisme. Mais que le clergé et l'Eglise du Con-
cordat se donnent pour l'Eglise gallicane et la succession des
anciens, et qu'elle fasse bon marché des cjuatre articles et professe
hautement l'ultramontisme, i! y a là oubli d'elle-même et de son
origine qui la confond et comme elle ne succède pas aux anciens
évêques dont elle n'a qu'usurpé les sièges par la violence du Con-
cordat, comment conserverait-elle la doctrine gallicane ? ne devant
sa création et son origine illégitime qu'à l'excès de l'ultramontisme,
peuvent-ils avoir d'autre doctrine ? oh, qu'ils montrent bien par
l'abandon de la doctrine qu'ils ne succèdent pas atix sièges, ils font
plus de mal à la religion que M. Dupin n'«n fera. Cependant ce
clergé proclame qu'il respecte l'opinion des quatre articles, qu'ils
ne 'la condamnent pas ; mais Cj[u'ils sont libres de suivre l'autre
opinion. Ainsi savoir si l'infaillibilité et la toute-puissance appar-
tiennent à la primauté, il ne s'agit là que d'opinions ; et pourtant
à Rome on agit d'après ces opinions pour ou contre, c'est-à-dire
d'après ces messieurs que l'Eglise n'ayant encore rien de fixe sur
l'exercice et 'les ministres de son autorité en est réduite après dix-
huit siècles à n'être gouvernée que par des opinions. Quel aveu
à faire aux protestants ! n'en doutez pas, ce clergé concordataire
avec les Jésuites doivent achever la ruine de la France et de la
religion chez les gentils chrétiens. Je m'arrête et vous salue affec-
tueusement ».
A. DE BOURNISSAC 37
de la part de l'archevêque d'Aix. Il remercia des prières
qu'on faisait dire pour lui, mais refusa toute concession.
Il devait mourir à Aix en 1853, à Aix, sans que les évé-
nements ni les révolutions successives eussent donné un
démenti à des convictions, que n'avaient pu entamer six
années de réclusion dans les prisons de l'Empire.
Camille et André LATREILLE.
Les scrupules de M. l'abbé Bouche
Historien de Marseille
Lorsque M. l'abbé de Vertot, membre de l' Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, rédigeant sa fameuse His-
toire des Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusa-
lem, après avoir attendu longtemps en vain des notes exac-
tes sur le siège de Rhodes, S'C décidait à l'écrire de chic,
il eut ce mot charmant, passé depuis aux honneurs des
locutions proverbiales, ayant terminé son œuvre alors
que les documents arrivaient entin : (( J'en suis fâché, mais
mon siège est fait! »
Il importait peu à cet excellent homme de risquer d'être
contredit par les textes — et l'histoire de l'ordre célèbre
n'en serait quand même que ce qu'il en aurait dit.
M. l'abbé René Auber de Vertot était Normand. Ce
n'était pas une excuse suffisante aux yeux de la divine
Clio.
Un de nos plus célèbres historiens provençaux — le plus
illustre avec Papon, M. l'abbé Honoré Bouche, citoyen
d'Aix, ancien prieur de Saint-Jacques, sut se montrer —
dans des circonstances assez différentes, il est vrai, un
homme de meilleure composition.
Chacun en Provence, où il comptait l'élite des corres-
pondants — Gassendi par exemple ! — tenait en haute
estime sa vaste érudition et ses talents. Il rompit avec
éclat plusieurs lances contre ce terrible abbé de Launoy,
docteur parisien, qui prétendait iavec tant d'assurance,
rayer de l'hagiographie provençale ces deux hautes figures
de saint Lazare et de sainte Madeleine, qui furent les
premiers évangélisateurs de notre pays (!)
LES SCRUPULES DE M. l'aBBÉ BOUCHE 30
Aussi lorsque M. l'abbé Bouche annonça son intention
de publier le grand ouvrage pour lequel il amassait des
matériaux depuis plus de vingt ans, le sentiment du public
lettré fut parfaitement traduit à l'Assemblée générale que
tinrent en la ville de Saint-Remy les communautés de
Provence, le 5 août 1661, lesquelles votèrent d'enthousiasme
l'impression de La Choro graphie et Histoire de Provence
aux dépens de la province. Elle parut en 1664.
C'était d'autant plus flatteur pour notre historien qu'à
cette date la Provence ne jouissait pas tout à fait d'un
calme idyllique. Les troubles de la Fronde s'y étaient fait
sentir avec assez de rigueur, et il n'avait fallu rien de moins
qu'une descente de la Cour, en notre pays, le Roi cKmient
escorté de ses troupes réglées, pour mettre un terme à cette
effervescence, qui pour certains frisait assez la rébellion.
La province avait du contribuer — et comment ! — aux
frais de logement et d'entretien non seulement du Roi et
de toute la Cour, mais encore à l'hébergement, nourriture,
quartiers, ustensiles et fastigages des régiments de Sa Ma-
jesté — ce qui fut pour les privilèges de Marseille notam-
ment un fameux accroc !
Trouver de l'argent, dans ces conditions, pour éditer aux
frais des taillables une œuvre littéraire, c'était proclamer
hautement l'importance de cette œuvre, et rendre un pré-
cieux témoignage aux choses de l'Esprit. Il est vrai, que
chaque communauté devait recevoir en retour l'horaimage
d'un exemplaire.
Or, dans cette histoire dont on savait que le récit devait
s'arrêter aux événements tout récents, c'est-à-dire, en
somme, à la fin de la longue rivalité entre la Maison d'Au-
triche et la Maison de France, — le Traité des Pyrénées,
le mariage de Louis XIV et de l'Infante Marie-Thérèse,
la naissance du Dauphin — , dans cette histoire, le rôle de
4Ô JEAN DE SERVIÈRES
ces diverses communautés n'était pas resté inaperçu, et
Marseille voyait depuis quelques mois s'ériger à l'entrée
de son port, une citadelle qui en disait long sur sa con-
duite.
Comment l'historien aurait-il présenté les événements?
Il est assez naturel de penser que Alessieurs les Echevins
de la ville — tous Marseillais d'authentique origine —
devaient en avoir quelque souci — eux qui savaient défen-
dre avec habileté autant les intérêts matériels que les inté-
rêts moraux de la cité confiée à leur gouvernement...
(( Alors, avian de Conse e de grand Cieutadin
Que quand sentien lou dré dedin
Sabien leissa lou Rei deforo ».
Il est évident que M. l'abbé Bouche avait parfaitement
senti à quelles difficultés, à quelle sorte d'écueils, il pou-
vait s'exposer ; aussi prenait-il prudemment les devants
dans la préface de son histoire.
Il écrivait en effet: « Je sais bien que je pêche ici con-
tre les avis et les conseils de beaucoup d'écrivains, et par-
ticulièrement de Bodin, grand juge des historiens, disant
au chapitre 4 de sa Méthode, qu'il n'est pas bon qu'un
historien décrive l'histoire de son temps, pour le danger
qu'il y a, ou d'être accusé de flatterie pour les uns, et de
mensonge, cachant la vérité pour les autres ; ou d'encourir
la haine, l'indignation et la disgrâce de beaucoup de per-
sonnes, suivant le dire d'un ancien, qu'un historien trouve
en son commencement l'envie, en la suite un très grand
travail, et en fin la haine. Mais outre l'exemple de quel-
ques anciens écrivains qui ont écrit de l'histoire de leur
temps, il ne nous défaut pas d'exemples des historiens du
notre qui ont fait le même.
LES SCRUPULES DE M. L ABBE BOUCHE 4I
Je confesse qu'il est bien difficile de marcher au milieu
sauh broncher vers les extrémités. Mais comme il n est
jamais permis de parler contre la vérité, aussi est-il per-
mis quelquefois de la cacher, sinon entièrement au moins
en quelques circonstances et l'on n'est jamais obligé de
tout dire; les mauvaises actions ne noircissent que ceux
qui les font, et si leurs noms sont cachés, toute la noir-
ceur réside et se termine en l'acte.
Il est arrivé de nos jours des choses si considérables
touchant les malheurs que causent les mouvements popu-
laires, que puisque VHistoire est la maîtresse de la vie,
aussi bien que la lumière de la vérité, et que je ne me suis
proposé d'écrire que pour l'utilité publicpe, j'ai cru ciue
je ne devais point les passer sous silence, pour l'instruc-
tion de ceux à qui il appartient de s'opposer à tels mouve-
ments, et beaucoup plus encore pour détromper un auteur
de ce siècle, cjui parlant de ces mouvements n'a pas été
bien instruit de la vérité ».
A qui donc M. l'abbé Bouche fait-il allusion?
Rufli termine son Histoire de Marseille en 1638, à la
naissance de Louis XIV, elle paraît en 1642 et son fils en
donne une deuxième édition en 1696.
Le sieur d'André de Nibbes, écrit en 1631 <( La Vérité
provensale au Roy; Discours contenant l'état de la Pro-
vence et les raisons par lesquelles S. M. T. C. est très
humblement suppliée d'y laisser vivre les sujets dans leurs
anciennes libertés, privilèges, franchises et convention. »
Pétri Heindreich, publie son Massilia à Strasbourg, en
1658; le P. J.-B. Guesnay, en latin, son histoire versifiée,
à Lyon en 1657 ; Jean-François de Gaufridi, en 1694, son
Histoire de Provence; Louvet de Beauvais a publié en
1676, son Abrégé de VHistoire de Provence, et ce n'est
qu'en 1704 que de Haitze a fait paraître son Histoire.
42 Jean de servières
Serail-L-e VJlistoirc des Troubles de Marseille sans nom
d'auteur, manuscrit n° 836 de la Méjanes, mais attribué
par Papon au président de La Roque, le iils ?
— Comment, et dans quelles conditions, ces Messieurs
de Marseille eurent-ils le privilège, la bonne fortune ou
l'avantage de connaître, avant le bon à tirer, le texte de
l'historien ?
Par quelles voies les bonnes feuilles passèrent-elles sous
leurs yeux? 11 paraît diflicile de le Ravoir.
Le livre s'imprimait à Aix et la communauté de Mar-
seille y entretenait en permanence un homme d'affaires
qui était son truchement entre elle et les puissances.
Quoi qu'il en soit, les édiles marseillais n'avaient pas été
satisfaits de certains passages concernant le temps des
Vicomtes et l'avaient fait savoir à l'historien, en lui pro-
posant l'addition de quelques appréciations à cet égard,
qui devait cadrer dans leurs vues.
Sans doute, il dut y avoir entre les Echevins et l'auteur,
soit par écrit \ soit de vive voix, une courtoise discussion,
dont il nous reste une preuve écrite par une lettre abso-
lument inédite — datée du 16 avril 1663 ", où M. l'abbé
Bouche, 'présente sa justification, ses scrupules, et les preu-
ves de son extrême obligeance :
((A Aix, ce 16 avril 1663.
Messieurs,
Je suis ravy d'aise d'apprendre par la réponse qu'il vous
a pieu de faire à la letre que je m'estois donné l'honneur
de vous écrire, que vous estiez satisfaits du changement
* L'enregistrement des lettres reçues de Provence ne commençant
qu'en 1704, nous n'avons pas connaissance de cette lettre qui ne figure
pas aux autographes que possèdent les archives de la ville de Marseille.
2 Archives de Marseille : Série G. G (en cours de classement).
LES SCRUPULES DE M. l'ABBÉ BOUCHE 4^
de quelques paroles que j'avois mises au discours des
viconiies de votre ville et de l'addition de quelques autres
paroles à l'avantage de votre même ville que je prétends
de meitre à la lin de la page de ta môme façn qu'il vous
a pieu me prescrire, ne voulant point contester avec vous,
Messieurs, sur le mot des terres adjacentes, qui selon mon
petit jugement ne signilie autre chose que Adhérentes et
unies à une autre. Mot c^u'on ne peut ce me semble refuser
à la ville de Marseille qu'elle ne soit une terre ou ville
adjacente au regard de toute la province, à laquelle elle
est contigue, adjacente, adhérente et unie sans y estre con-
fondue avec le reste.
Et il y a de l'apparance C|ue dans les qualitez que Sa
Majesté prend en ses titres de Roy de France Comte de
Provence Forcalqiiier et terres adjacentes, non seulement
il y est compris les villes d'Arles, de Salon, de Sault,
de Grignan, de Baux, de Mondragon, et autres désignées
dans l'affouagement de ce pays, mais encore la ville de
Marseille, lesquelles terres /dites aujourdhuy adjacentes
estoient anciennement dites Terres de l'Empire et sous ce
nom la ville de Marseille estoit comprise l'an 1390 lors
de la guerre de Raimond de Turene contre Louys 2 Roy
de Xaples et comte de Provence, pour laquelle l'on ht
contribuer tant les Ecclésiastiques cjue les terres de l'Em-
pire par la délibération des Etats de cette province,
et dans ce nom de terre de l'Empire, Marseille est
comprise, comme il conste du manuscrit en langage
provençal fait de ce temps là, oti il est dit « et
toutas les villas que se dieu de VEmpery es assaher
Marseillo, Arles, Salon, La Val, S. Chamas, Miramas,
Cornillon, lou Vcrnegue, Aiibagno, Roquefort, Cassis,
Evenos et Lurs ». Or comme Arles Salon sont encore
aujourd'huv, et les d[its] lieux suivants estoient ancienne-
44 JEAN DE SERVIÊRES
nicni des terres adjacentes parce qu'ils estoient de l'Em-
pir-e, de même il semble que puisc|ue Marseille se disoit
anciennement estre des terres de l'Empire, elle doit cstre
aujourd'liuy dite des terres adjacentes, lequel mot a esté
introduit à la place de celluy de VEinpire pour faire perdre
la mémoire des droits visionnaires c]ue les Empereurs pré-
tendoient avoir en cette province. Neantmoins je soumets
mon jugement au votre, et il ne sera que ce que vous
désirez )).
On ne saurait être plus aimable!
Ce terme d'Empire a subsisté longtemps, on le sa.'t,
dans le langage usuel de la batellerie du Rhône, où les
mariniers qui remontaient ou descendaient notre fleuve,
désignaient par le mot Royaume la rive droite, frontière
de France, et Empire la rive gauche, longeant le Dau-
phiné et la Provence.
Ne s'est-il pas trouvé au surplus à notre époque, de ces
savants ((visionnaires » de l'école de IMommssen, qui dans
leurs atlas mégalomanes, teintaient de la couleur des Reiclis-
land les terres des vieux royaumes de Bourgogne et d'Ar-
les, en souvenir d'un vieil hommage féodal, tout juste
nominal à l'Elu du Saint Empire Romain Germanique?
Ce passage est doublement intéressant, d'abord par cette
allusion au titre officiel que devaient prendre les Rois de
France dans leurs actes de Provence dont le moins que
nous puissions dire, c'est que l'un de ces titres accepté
— disait Bouche — par Louis XI, premier héritier des
comtes de Provence — ne figura jamais plus sur les docu-
ments postérieurs: celui de Seigneur de Marseille.
VoFci au surplus, le texte de M. l'abbé Bouche tel qu'il
figure, sur le désir des Echevins, au tome I, section IV,
page 874 (in fine) de la Choro graphie.
LES SCRUPULES DE M. l'ABBÉ BOUCHE 45
(( — Et comme la ville d'Arles reconnoit voirement le
Roy jDôiir son souverain seigneur, non comme Roy de
France, ny comme Comte de Provence, mais comme sei-
gneur particulier de cette ville, de même les Marseillois
ne reconnoissent le Roy que comme seigneur particulier
de leur ville; en sorte que pour l'exécution de toutes les
lettres patentes C|ui viennent de la part de Sa Majesté, et
qui regardent cette ville, il doit y avoir l'expression de la
qualité de Seigneur de Marseille, ainsi que porte un des
articles, présentés par cette ville au Roy Louis XI, à elle
même accordez par le même Rov, disant :
(( ïtem placeat Regiaî IMajestati, post titulum coronœ
intitulare se etiam comitem Provlxci^, et dominum Mas-
SILL^, in omnibus et quibuscumque litteris, pro quacum-
que causa scribendi et dirigendi ad hanc civitatem, et sta-
tuere c|uod non vultis execiui in INIassilia dictas litteras ves-
tras, in quibus Secretarius omiserit apponere Dominum
Massilia? ». — Placet,
On n'a pas de peine a s'assurer cyue même à Marseille,
les Rois de France agirent toujours sous le titre de <( Com-
tes de Provence, Forcalquier et Terres Adjacentes » sans
allusion à une particulière seigneurie sur Marseille.
Et quant à cette définition des Terres Adjacentes qui a
motivé, au cours des siècles, au point de vue surtout des
impositions et, même du Protocole, tant de discussions et
de controverses, et de réclamations et de disputes, on est
heureux d'en saisir le mécanisme aussi nettement défini,
et les Fchevins furent bien obligés de convenir qu'il n'y
avait pas à discuter les sages vérités de l'Historien.
Celui-ri poursuivait donc son intéressante lettre par ces
considérations nui — • l'on en conviendra — ne manqut^rt
pas de saveur.
46 JEAN DE SERVIÈRES
Va le lecteur de M. Bouche ne pourra manquer de con-
clure — mais on s'en doutait un peu — n'est-ce pas? que
s'il faut rechercher dans ses commentaires des événements
de la minorité de Louis XIV, l'expression exacte de la
vérité, ce n'est pas là qu'il faudra s'adresser.
Qu'on veuille bien en juger:
<( tLt répondant, Messieurs, au sujet des remercîments
qu'il vous plaît de me faire pour les petits services que
je suis en disposition de vous rondre, je vous supplie très
humblement d'estre persuadez que je me confesse votre
obligé à tout ce qu'il se peut, pour la grâce C{u'il vous a
pieu de me faire de m 'avertir des choses qui peuvent vous
être désagréables. Cela m'a donné occasion de revoir tous
les écrits. qui restent encore à imprimer où il est parlé des
choses qui vous touchent, et ay tâché de tellement addou-
cir les paroles pour représenter les actions nécessaires à
sçavoir, c|ue je serois bien malheureux si l'on v trouvoit
de quoy justement reprendre; et bien cju'il ne soit jamais
loisible de mentir, il est pourtant permis de cacher la vérité
et ne la dire point c|uand il n'est pas nécessaire de l'exposer ;
Et pour ce sujet j'ay addouci tout ce qui est arrivé en
votre ville à ces derniers mouvements, et nav rien voulu
dire de tout ce que s'y fit de déplaisant nv de fâcheux au
voyage du Gouverneur de celte province lorsque le Rov
estoit en cette ville, pour ne donner connaissance d'une
sorte de châtiment qui pourroit servir à l'avenir d'un sujet
de flétrissure, que si j'y dois parler d'une forteresse qui
est trop visible, et qu'on ne peut cacher, je dis que c'a esté
pour fortifier cette ville qui est le boulevart de la Chré-
tienté contre les Tnfîdelles, et celuy de l'Etat contre les
envieux de cette Coronne \ J'ay effacé beaucoup de choses
' En réalité pour tenir en respect les Marseillois dans les n^'anifesta-
tions de leur trop grand amour de la Liberté... car, militairement par-
LES SCRUPULES UE U. L ABBE BOUCHE 47
qui feurent faites dans voire ville en ce temps-là que j'avois
couchées clans mes écrits et aurois esté affligé jusqués au
dernier point si elles eussent paru. C'est pourquoi je vous
en rends toutes les plus humbles et reconnoissantes grâ-
ces que je puis pour l'avis qu'il vous a pieu de me donner».
(( La Vérité Historique, la plus belle chose C|u'il y ait
au monde, après la Religion », ainsi la définissait Louis-
Napoléon dans une belle lettre à Lamartine, M. l'abbé
Bouche — contemporain des événements qu'il racontait — -
certes l'avait parfaitement entrevue sortant de son puits
de scierce, mais il avait du habiller sa compromettante
nudité de circonlocutions et de périphrases, de subtilités
et de distinguo, dont nous n'aurions garde de le blâmer,
car aussi bien que son successeur Papon (1777), qui deman-
dait officiellement son patronage au Comte de Provence,
frère de Louis XVI, ou son prédécesseur Nostradamus, la
censure royale le mettait dans Timpossibilité d'exposer les
événements politiques sous leur vrai jour. Et pour que
la ville de Marseille prit à sa charge la composition et le
tirage d'une feuille déjà composée, il a fallu cjue le nou-
lant, le fort St Nicolas surveille aussi bien la Ville que la rade, et c'est
pour cela que, par dérision, le peuple l'avait dénommé « la Bastide du
Roi ! ».
Et ce n'est pas dans M. Bouche que nous retrouvons trace de ces
papillons clandestins collés sur les murs de Marseille et qui mettaient
en rage M. le comte de Merinville, commandant pour le Roi :
A la mort dou Mazarin
Defaren lis Eschevins
Au retour de Nieuzello
Rasarèn la Citadelle !
ou trace de ces couplets, car à Marseille comme en France, tout finissait
par des chansons :
I.i saren fideu
Jusqu'au ioumbèu
... Per forço !
48 JEAN DE SERVIÈRES
veau texte fut singulièrement adouci. A tel point que IVI.
Bouche proposa lui-même une correction cju'on ne lui
demandait pas et c^ue nous sommes curieux de retrouver
dans sa lettre:
(( Et vous supplie très humblement en suite que puisque,
Messieurs, vous estes si généreux que de vouloir faire reim-
primer cette feuille que vous m'aves présentée il vous plaise
de souffrir qu'on en refasse une autre de la Chorographie,
où faisant un discours des antiquitez de toutes les
villes de cette province, parlant de la votre je rapporte le
témoignage d'un poète ancien provençal qui en parle fort
à son desavantage. Voicy comme j'avois couché cette pen-
sée et que je désire fort qu'elle soit effacée.
[Cette ville de Marseille eut jadis des Comtes ou vicomtes
particuliers qui en estoient souverains seigneurs, desquels
toutefois ses habitants se rachetèrent par de grandes som-
mées de deniers, et reprenant sa plus ancienne liberté, elle
vouloit se rendre Republique au temps cjue la ville d'Arles
en avoit Le même, sçavoir environ l'an 1220. Et partant il
y a^•oit entre ces deux villes des accords et conventions
pour saider mutuellement à se conserver dans l'état de
ReDublique, auxquelles se joignirent les villes d'Avignon
et de Xice, comme nous déduirons plus amplement en l'his-
toire. Et tel etoit le malheureux état de cette province sur
quoy un ancien poète provençal de ce temps-là, nommé
Pierre de S. Remv, qui dédia ses œuvres à Marguerite
de Provence femme du Roy S. Louvs, s'estonne et se plaint
en quelque façon de ce que Raimond Berenguier, comte
de Provence, et père de cette Reyne Marguerite souffre et
ne fasse punir très sévèrement la superbe des Arelatains, la
rchcUion et l'arrogance des Marseillois, Vahomination des
Avignonois et la Barbarie des Nissards, comme rapporte
LES SCRUPULES DE M. L ABBE BOUCHE 49
Jean de Nostradamus au petit livret qu'il a composé de
la vie des anciens poètes provençaux.]
Et quoy que ces dernières paroles ne soyent pas mien-
nes mais de ce poète Pierre de S. Remy et rapportées par
ce Jean de Nostradamus, oncle de César Nostradamus qui
a composé l'histoire de Provence, Neantmoins je serois
déplaisant à l'extrémité de les faire renouveller, revivre et
relire en divers livres, et particulièrement qu'on les leut
dans mes ouvrages où je me suis étudié en divers endroits
de faire establir le mérite et l'obligation grande que la
Relligion et l'Etat ont à cette ville qui leur a bien souvent
servv de refuge et d'asseurance pour leur conservation.
J'attendray s'il vous plait cette grâce de votre généro-
sité en vous asseurant que j'employeray tous mes soins
à la reconnoitre par toute sorte de sincères services et que
je suis dans tous les respets possibles, Messieurs, Votre
très humble et très obéissant serviteur.
Bouche, prieur de St-Jacques ».
Il est charmant de penser que les Echevins de Marseille
ne mirent pas quatre jours à répondre à ces aimables dis-
positions et propositions, car voici leur lettre datée du
2 1 avril \ où leur cœur édilitaire et patriote déborde de
reconnaissance :
(( Après la lecture de celle que nous avons reçeu du
i6 de ce mois de votre part, nous ne sçaurions doubter
que vostre façon d'obliger n'augmente de beaucoup le prix
de l'obligation dont nous vous sommes redevables, et que
nous ne pouvons vous remercier de vostre bonté pour le
particulier et le gênerai de ceste ville que par un adveu
public et par les témoignages que nous avons donné à tous
nos concitoyens du soin que vous avez pris pour mettre à
' Archives de Marseille, B. B. 231.
50 JEAN DE SERVIÊRES
couvert de la calomnie dans les siècles advenir la fidellité
et la réputation de notre Patrie qui ne pourra jamais estre
ternie après le raport qu'un Autheur de vostre importance
en aura faict car il est certain que l'estime d'une personne
sincère et sçavante comime vous vaut mieux que celle de
tout un monde. Nous souhaitterions Monsieur que celle
que nous avons pour vous eust le même succès m.ais il
y a ceste grande differance que les preuves que vous nous en
avez donné à l'advantage de ceste ville sont cogneues et
peuvent èstre veues par tout le monde, et que nos remercie-
mens et les grâces que nous a'ous randont seront seulement
renfermées dans nos archives et gravées dans le cœur de
tous nos habitans qui ne sauroient oublier des biensfaicts
qui sont au delà de leur recognoissance et qui nous font
porter avec honneur la quallité, etc.. »
Moins d'un mois après, M. l'abbé Bouche revenait à la
charge dans une lettre inédite aussi, où il nous donne de nou-
velles preuves de son extrême obligeance et de son par-
fait désintéressement.
(( Messieurs les Eschevins de la ville de Marseille,
Messieurs,
Après les très humbles remércîments que je rends à votre
générosité d'avoir consenti qu'on imprimat une autre feuille
de Notre histoire, que celle que vous aviez veiie, où par le
témoignage d'un ancien écrivain il estoit parlé au desavan-
tage de vôtre ville, ce qui m'auroit autant affligé, comme
par tout ailleurs je me suis étudié' de faire éclater la gloire
de votre même ville et recommander les obligations grandes
dont l'état aussi bien que la relligion luv estoit souvent
redevable, vous aggréerez s'il vous plait que je vous envoyé
les premières feuilles et les autres corrigées et augmentées
pour y voir la différence des unes aux autres. Tl est vray
que toutes les deux feuilles entières corrigées ne sont pas
LES SCRUPULES DE 'SI. L ABBE BOUCHE 5I
icy, d'autant qu'il est inutile d'envoyer le reste qui est con-
forme à ce qui n'est pas corrigé. Ça esté un défaut de
mémoire de l'Imprimeur à qui j'avois recommandé de tirer
cinq autres exemplaires de chaque feuille par dessus le
nombre certain, pour vous les envoyer; mais l'ayant oublié,
après avoir défait la forme et distribué les letres il a fallu
ramasser les épreuves qu'on a trouvées dans l'imprimerie
pour vous faire voir ce qui a esté corrigé estant extrême-
ment marri que cette impression ne soit plus nette et plus
digne de vous estre présentées ; Comme aussi que je vous
envoyé encore Messieurs un projet imprimé de notre his-
toire pour y voir l'ordre des matières et en quel endroit il est
parlé des antiquités de votre ville et de l'établissement de
son Vicomte. Il vous plaira encore de recevoir un autre
petit traité sorty de la presse depuis sept ou huit jours pour -
la défense de votre Saint Lazare et de S. Magdaleine que
communément on surnomme de ^larseille contre un docteur
de Paris qui nous vouloit ravir les sacrées Reliques de ces
Saints disant qu'ils n'ont jamais esté en Provence, livre qui
est une traduction et une augmentation d'un autre petit
livre latin que j'avois fait autrefois contre ce même doc-
teur, qui ayant de nouveau écrit contre moy m'a donné
occasion de luy répondre, et le tout pour l'avantage de
notre province, et particulièrement pour la gloire de votre
ville. Vous suppliant très humblement, IMessieurs, d'ag-
gréer ces petits livrets coniime un témoignage du respet que
je conserve et pour vos dignitez et pour- vos personnes et
de croire que je suis autant que je puis et le dois être
Votre très humble et très obéissant serviteur
Boi-CFIE, ancien prévôt de St Jacques.
A Aix ce 17 may 166,3 "•
Certes u l'estime d'une personne sincère et savante vaut
mieux que celle de tout un monde si, bien entendu, ce
52 JEAN DE SERVIÊRES
monde est ignorant! » et l'autorité d'une personne « aussi
importante » que celle de M. l'abbé Bouche méritait bien
que tant de reconnaissance officielle ne restât pas à-jamais
enfouie dans la poussière des Archives, et la correspondance
jusqu'alors inconnue du savant -historien devait contrac-
ter avec la simple vérité une assurance à retardement.
Il est bon que même deux siècles et demi plus tard,
nous ayons de la main même d'un tel auteur, un aveu
sincère et sans artifice de ses accommodements — non pas
avec le ciel ! à ce sujet le bon prévôt de Saint- Jacques eût
été intraitable — mais avec la relation des événements
qu'il écrivait avec tant de circonspection, et notre illustre
compatriote, devait certainement, s'avouer tout simplement
— en sollicitant les imprimatur — que ce n'était pas tout
à fait ainsi « quon écrit l'Histoire ».
Jean de SERVIERES.
Le sanctuaire préromain de Roquepertuse
Fouilles de 1927
{Supplément)
Depuis la publication de mon mémoire sur ce site et
ses curieux monuments ^ j'ai pu, grâce à une subven-
tion spontanément offerte par l'Institut des Fouilles des
Préalpes et de Provence ', entreprendre en mai 1927 une
nouA'elle camipagne de recherches qui a employé quarante
journées d'hommes et dont les résultats ont été les sui-
vants.
Une tranchée de reconnaissance de plus de i m. de
largeur a été commencée au point L du plan, c'est-à-
dire au pied du mur de soutènement n° 3 et dirigée au
N. vers la partie entièrement fouillée en 1919-1924. Sa
longueur a atteint 20 m., sa profondeur de i m. à i m. 40;
partout, elle a été poussée jusqu'au rocher ou jusqu'à la
couche stérile qui le recouvre.
Mur N. — A 2 m. 15 du point de départ, il a été
reconnu un gros mur transversal (i m. 35 d'épaisseur) en
pierre sèche, assis sur le rocher ; sa longueur était de près
de 7 m. et son élévation encore de i m. 11 devait constituer
une clôture du sanctuaire au S. et soutenir une terrasse.
^ Le sanctuaire préromain de Roquepertuse^ dans le Livre du
Centenaire de la Société de statistique, d'histoire et d'archéologie
de Marseille, 1927, p. 3.
^ Nous exprimons ici toute notre reconnaissance à ce groupe
dont l'initiative a été déjà féconde pour la science. Son prési-
dent, S.A.R. le duc de Vendôme, a bien voulu honorer de sa
visite les antiquités de Roquepertuse,
^4 H. DE GÉRIX-RICARU
Mur O. — A 3 m. 50 plus haut, il a été rencontré un
deuxième mur en pierre sèche, établi sur le roc, parallèle
<ui premier, mais de o m. 60 seulement d'épaisse-ur. Sa
hauteur était encore de i m. 20 et son développement de
12 m. 60. Son extrémité ouest s'appuye au rocher qui se
redresse et apparaît à la surface, tandis C{u'à son extrémité
est, il cesse net à i m. environ de la paroi rocheuse for-
mant l'autre côté du petit ravin qui suivait jadis à peu
près la direction de la tranchée. Son peu d'épaisseur, de
très fortes marques d'incendie et les débris de matériaux
rencontrés dans son voisinage, disposent à y voir le mur
Nord d'une construction adossée au mur désigné par la
lettre N du côté du midi, construction appartenant à la
période finale du sanctuaire. J'ai été confirmé dans cette
opinion par la rencontre à l'extrémité ouest du dit mur
d'une stèle à capsule, décrite plus loin (n° 4), qui avait
été remployée dans le parement.
Deux autres stèles (n°^ i et 3) furent aussi rencontrées,
non en place, entre les deux murs.
Traversant ensuite le mur moderne de soutènement n° 2
placé 2 m. plus haut, la tranchée mettait à jour entre les
murs de soutènement n°' i et 2 une surface pavée recou-
verte d'une réserve d'argile de o m. 50 d'épaisseur, et plus
loin une grosse stèle décrite ci-après (n° 2) et une plus
petite (n° 5).
Plus haut encore, neuf mètres cubes de terrain, réser-
vés, comme témoin des fouilles antérieures faites à la plus
haute terrasse (point A du plan), furent abattus. J'y ai
noté l'existence d'un pilier en bois de chêne carbonisé de
o m. 40 de côté planté verticalement 4a o m. 60 dans le
sol ancien et qui constituait un des supports de la toiture
du temple du côté du midi, toiture qui devait s'appuyer
au N. sur le grand mur du fond découvert en 1919 ou
LE SAN'CTUAIRE PRÉROMAIN DE ROQUEPERTUSË 5$
encore sur des poutres verticales enfoncées dans les deux
trous placés à chaque extrémité de ce mur.
Enfin, des sondages furent opérés:
1° Au Plateau des Amandiers (point K du plan); ils
furent sans résultat.
2° Vers le point M (côté Ouest de la clôture) il y fut
recueillie une obole d'argent massaliote (n° 15) et des
fragments de poteries diverses.
3° Au pied de la paroi rocheuse (côté Est) presque
dans le prolongement du mur de soutènement n" 2. Il y
avait là une des amorces du gros mur N pour l'établis-
sement duquel la roche, déclive en cet endroit, avait été
entaillée. Auprès de ce vestige de mur, M. Chanfreau ' a
trouvé une pointe en fer de trait décrite plus loin (n° 16)
et j'y ai recueilli moi-même quatre instruments de silex
(n°^ 6 à 9) et une canine de verrat.
Partout apparaissent les traces d'un violent incendie
et un peu partout il a été recueilli des poteries déjà ren-
contrées et décrites, allant de l'époque néolithique au
II** siècle avant notre ère et aussi des boulets en pierre et
de nombreux fragments de ces projectiles.
Voici rénumération des pièces trouvées en 1927.
Stèles ou Betyles
1. Pierre cylindrique à sommet en calotte, hauteur 0,77,
diam, 0,25 à 0,30.
2. Pierre plate, haut. 0,90, largeur 0,47, épaisseur 0,25.
Sur sa face, cupule ovale diam. 0,10, profondeur 0,05;
sur son côté droit cupule ovale 0,15 et 0,13 de diam. et
0,06 de profondeur surmontée d'une cupulette.
^ Je suis heureux d'exprimer une fois de plus à M. Paul Chan-
freau toute ma reconnaissance pour sa précieuse collaboration.
k^t H. DE GÉRIN-RICARD
3. Pierre plate triangulaire à sommet arrondi. Haut.
0,85, larg. 0,34, épaiss. 0,25, Sur une face vers le. bas
cupule ovale (0,13 et 0,15 de diam. profond. 0,07), sur-
montée de cupulettes (diam. de 4 à 5 centim., profond.
2 cent.) disposées ainsi:
4. Pierre à sommet presque carré, haut. 0,54, largeur
0,23, épaiss. 0,16; vers le centre cupulette de 0,05 de
diam. et 0,03 de profondeur.
5. Pierre plate (H = 0,65 larg. 0,33, épaisseur 0,20), bri-
sée en deux morceaux dans le sens transversal ; la moitié
d'une de ses faces présente en travrs un rang d'X inci-
sés, mais cette partie a dû servir pendant longtemps à un
usage domestique ou autre qui en a effacé en partie le
décor, lequel n'est pas sans analogie avec celui des stèles
du Bronze I, d'Orgon et de Trets.
Ces cinq pierres, en calcaire tendre de Coudoux, ont
leurs arrêtes arrondies et leur base destinée à être fichée
en terre. Toutes appartiennent à la même série que les
quinze monuments décrits idans mon premier mémoire
(pages 13, 14 et planche I). Leur rôle devait être funé-
raire ; elles sont à rapprocher des pierres rencontrées en
1912 dans les sépulcres de Cauteperdrix (commune de Cal-
visson, Gard), par le D"" Marignan, qui leur a donné le
nom dHdoles aniconiques et dont un échantillon se trouve
au Museeum d'histoire naturelle de Nimes, mais ces der-
nières ne sont ni (( ovalisées » ni à arrêtes adoucies.
Objets en pierre
6 à 9. Quatre instruments en silex dont une jolie pointe
de flèche énéolithique pédonculée et à fines retouches de
presque 3 centimètres.
10 à 13. Quatre boulets de catapultes, entiers du même
calibre que ceux déjà découverts.
LE SANCTUAIRE PRÉROMAIX DE ROQUEPERTUSE 57
A ma demande, M. E. Saurin, licencié es sciences •et
géologue, a bien voulu rechercher la provenance de la
roche employée à la confection de ces projectiles. Voici
ses conclusions : «. Vos échantillons proviennent de Calis-
sane (commune de Lançon). J'ai constaté de visu le gise-
ment des couches qui les ont fournis. Au point de vue
géologique, ces pierres sont do l'oolithe coralliene de l'ur-
gonien dont elles forment à Calissane les couches supé-
rieures. »
C'est donc grâce à M, Saurin que nous sommes main-
tenant certains de ce Cjui n'était que probable, à savoir
que les légionnaires romains faisaient leurs boulets pres-
que sur place, à mesure des besoins et quils étaient déjà
en possession de l'Oppidum et des carrières de Calissane
lorsqu'ils détruisirent Roquepertuse par leurs catapultes
et par le feu.
14. Portions d'écrasoirs en basalte. Au sujet de ces
écrasoirs, déjà mentionnés, je pense maintenant que la
dalle de basalte décrite au 12° de la p. 31 ne devait pas
servir à cet usage étant donné d'abord ses grandes dimen-
sions, ensuite l'absence de toute trace d'usure, enfin parce
qu'elle ne présente pas un évidement pour retenir le grain
comme cela est de règle pour les écrasoirs. Cette roche
noire a pu servir de table d'offrandes.
Objets en métal
15. Obole massaliote (argent). Tête d'Apollon à gau-
che, avec la lettre II dans les cheveux; revers à la roue
avec, MA(ssalia) poids 6 décigr. (v^-iv* siècle).
i6. Pointe de trait de baliste, fer quadrangulaire et
prismatique à voie semblable à celles décrites et détermi-
nées dans le mémoire cité p. 33 et pi. I, fîg. 9.
5 8 H. DE GÉRIN-RICARD
CÉRAMIQUE
Les luuilles ont aubsi donné une certaine quantité d'é-
chaniilluns de poteries déjà rencontrées et mentionnées'aux
p. 34 à 38 de mon mémoire. Aucun vase n'était entier.
Toute cette céramique comprend depuis l'énéolitliique jus-
qu'au ir siècle avant notre ère. A signaler comme poterie
nouvelle, des plats à bec de la Tène 11, importés, faits
au tour et en tout semblables à ceux de Alontlaurès et du
Baou Rous.
En résumé, les dernières fouilles ont confirmé mes con-
clusions premières ; elles ont amené la découverte de docu-
ments intéressants ' et ont surtout permis de se rendre
mieux compte de l'état ancien des lieux; enfin, elles ont
aidé à délimiter au Sud l'aire des dépendances du temple
celto-ligure et laissé entrevoir l'existence probable d'une
sorte de paillette supportée par des piliers de bois et des-
tinée à abriter de la pluie le trophée, les sculptures et les
peintures qui les recouvrent.
Le montage et le nettoyage des éléments du trophée de
Roquepertuse, effectué depuis peu au musée Borély, a per-
mis de découvrir de nouvelles peintures sur le pilier 111
à trois entailles (p. 22 et pi. IV, fig. 17 de mon mémoire).
C'est d'abord la face principale, une frise continuant celle
signalée sur la face gauche mais à décor différent. Au lieu
de comporter des festons, elle se compose de filets blancs
et rouges formant un quadrillage lozangiforme avec points
blancs ou rouges placés au centre de chaque lozange. Aux
deux extrémités de cette bande et au-dessous se voient
^ Tous ces objets ont été déposés au Musée d'archéologie de
Marseille.
LE SANCTUAIRE PRÉROMAIN DE ROQUEPERTUSE 59
ck'ux dents ûa loup rouges encadrées d'un filet blanc.
C'est au travers de celte frise qu'a cté creusée après coup
une des trois alvéoles à têtes humaines que présente ce
pilier, nouvelle preuve que les peintures étaient préexis-
tantes '.
Entre cette entaille et celle qui la surmonte, il a été
peint un instrument qui me semble être une serpe identi-
que à celles trouvées par G. Vasseur da"hs l'Oppidum de
Testo Xegro aux Pennes (La Tène I à III) '. Penché sur
la droite, le taillant en l'air, cet outil a son manche recourbé
à ange obtus peint en rouge et en noir (13 centim. pour les
deux parties du manche); k fer, figuré en gris-bleu et
rouge, est large (5 centim.) et son développement, en sui-
vant la courbe en bec de perroquet de la base à la pointe,
est de 16 centimètres.
Ce dessin a évidemment ici un sens symbolique et reli-
gieux; je ne pense pas qu'il faille y voir la serpe d'or
gauloise destinée à récolter le gui mais plus probablement
un faouçon servant à tailler la vigne et les arbres et contri-
buant ainsi à augmenter les récoltes. Quant aux instru-
ments de sacrifice, on se les représente difficilement de cette
forme.
Sur le côté droit du même pilier la frise se prolonge avec
un décor analogue à celui de la face principale ; elle est
délimitée par des filets blancs en haut et en bas entre les-
quels ont été peints en rouge des X avec pointillé rouge.
Au-dessous de la frise, un cheval était peint en rouge; la
tête seule est encore visible. Sur le côté gauche du pilier
^ V. Roquepertuse, op. cit., p. 25.
- Ces serpes sont au musée Borély et ont été figurées dans
les Annales de la Faculté des Sciences de Marseille, t. XXIV,
pi. VIII, par M. l'abbé Chaillan.
6o H. DE GÉRIN-RICARD
un cheval est non pas au-dessous de la frise mais au-des-
sus '.
A litre de complément d'inventaire, je crois devoir men-
tionner ici une belle pointe de lance en fer et à douille
du type de La Tène II, trouvée par I. Gilles à Roque-
pertuse et léguée par son fils au musée des Alpilles de
Saint-Rémy.
H. de GERIN-RICARD.
^ V. Roquepertuse, lû. IV, fig. 17 bis.
Le Monastère des Chartreux d'Aix-en-Provence
1623-1791
L'ancienne Chartreuse de Sainte-Marthe, qui a existé à
Aix-en-Provence de 1628 à 1791, n'a pas beaucoup tenté
les historiens jusqu'à ce jour, ils n'ont consacré que quel-
ques lignes à cette fondation \ aussi avons-nous essayé de
rechercher tout ce cju'il est possible de retrouver de son
passé et de le reconstituer. Malgré toutes nos recherches,
nous n'avons pu établir qu'un travail bien incomplet, qui
contient beaucoup de lacunes ; les documents recueillis
dans les diverses archives sont assez pauvres, ies titres
essentiels manquent, on y trouve par contre beaucoup de
registres de comptes, de recettes d'intérêts ou de créances
dûs par divers qui sont en partie d'un attrait secondaire,
nous en reproduisons l'essentiel en indiquant les sour-
ces auxquelles pourront se reporter ceux que cela pourrait
intéresser. Nous avons mis tous nos soins à relier entre
eux ces documents qui nous permettent de divulguer quel-
ques pièces inédites.
Afin d'agrémenter cette étude un peu sèche, nous avons
cru bon de pénétrer dans cet ancien couvent, dont les
plans ont été heureusement conservés à la Grande Char-
treuse ; de le faire visiter en détail et de décrire la vie
journalière et les habitudes' des Chartreux; coutumes
fixées dans les vStatuts de l'Ordre qui depuis des siècles
n'ont pas changé, mais que l'on ne connaît pas généra-
lement.
' D. Stanislas, autore: Aix (Dictionnaire d'Histoire et de Géo-
graphie ecclésiastique de Mgr Baudrillart, Paris).
62 ' MARC DIBOIS
Fondation -
L'<in 1623 et le 19 décembre, Jean-André d'A\mar,
seigneur de Montsailler, conseiller royal au Parlement de
Provence, fit son testament par lequel il lègue et donne
sa charge aux Pères Chartreux pour fonder un couvent :
i' Au nom de Dieu et de la Glorieuse Vierge ^lère de
(( Dieu. Je, Jehan André Aymar, misérable pécheur sachant
(( admonesté des incertains événements qui arrivent tous
<( les moments du jour aux pauvres humains qui le plus
<( souvent causent la mort, à laquelle tout le nionde est
<( soubmis lorsqu'il plaira à Dieu nous appeler. J'av voulu
« disposer et consigner* ma dernière A^olonté scripte et
« signer de ma propre main que je veux valoir, par tes-
« tament ou codicile ou aultrement le mieux que se pourra.
« Je supplie Notre Seigneur par le mérite de la Sainte
<( Passion me vouloir pardonner tous nies péchés et me
(( recepvoir dans la Sainte et incompréhensible miséricorde
(( lorsque mon âme partira de ce corps... je tiens et entend
(( que la finance de mon état de conseiller de Parlement
'( qui sera de vingt mille escus si la paulette due soit mise
(( sur de bonnes communautés pour de l'argent en prove-
« nant faire bastir une maison et essflise des Pères Char-
- D'après la Table chronul. des monastères de l'ordre des Char-
treux dans (( Saint Bruno et l'orclre des Chartreux », par l'abbé
F. A. Lefebvre, Paris, 1883, 2 vol. in-S", t. II, p. 663 et suiv. —
Le développement de l'ordre s'était arrêté en 151 1 (début de la
grande crise religieuse), avec les fondations de Rodc.-^ et de Gre-
nade. Il reprend avec la contre-réforme catholique en 1564 à Aula
Dei en Espagne et en France en 1578 avec Gaillon-Bourbon ; Aix
est une des suites de regain cjui se termine en 1667 par la fonda-
tion de Rouen. (Plus rien ensuite). Et nouvelle crise en prépara-
tion jusqu'en 1822. Beauregard, moniales et 1S25 Mougères par
lesquelles débute une deuxième renrise de racti\ ité de l'Ordre.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVEN'CE 63
<( treux dedans ou dehors cette ville d'Aix affin qu'ils
(( prient Dieu pour moi et pour tous les miens... je l'ay ici
(( soubsigné de ma main propre. Fait à Aix, le dixième
« de Décembre mil six cent vingt trois ». Testament fait
par AP Lovs Darbes, notaii-e\ Le testateur étant décédé
le 9 février 1624, la Grande Chartreuse fut avertie à temps
pour insérer dans sa Carte Générale du 5 mai 1624, la
mention du projet de fondation, c'est le prieur de Ville-
neuve D. Antoine Desmaretz, premier visiteur de la pro-
vince, c[ui accepta au nom de l'Ordre le legs de M. d'Ay-
mar '. Sa charge de conseiller fut liquidée à 54 mille livres.
Les héritiers firent quelques difficultés pour ce règlement
mais un accord intervint et l'Ordre des Chartreux reçut
48 mille livres.
' Jean-André d'Aymar fut conseiller au Parlement de Tolose et
reçu le tS juin 15S8 à celui d'Aix par survivance de son père. 11
a été surnommé <( L'Hermite » pour avoir vécu dans k célibat.
La ville d'Aix doit chérir sa mémoire et tous les gens de bien la
doivent bénir de ce cjue n'ayant point engendré des enfants, il en
a adopté de plus sages et de plus vertueux ciue nous ayons dans
notre ville, en y fondant tme maison de Chartreux, c'est-à-dire une
famille de religieux qui dans des corps mortels mènent une vie
angélique. Ses armoiries portent de gueules à la colombe essorés
d'argent portant un rameau d'olivier or au bec, au chef cousu
d'azur chargé de trois étoiles d'or rangées. (Histoire de la ville
d'Aix, Pitton, 1666, p. 348).
' La Carte du Chapitre Général de la Grande Chartreuse de 1624
à ce qui suit: « Ch. 1624. Obiit Nobilis et lilustris Dominus Jo.an-
<( n:Li Andréas d'Aymar consiliarius régis in parlamento Aquensi,
(( magnus fcenefactor et promotor Cartusiœ construcnda in prjefata
« civitnte Aquensi, habens n^issam de Beata ZVlaria per totum r.rdi-
<i nom et anniversarium perpetuum, scribendum in calendariis
(( domorum ordinis sub die obiîus sui qui fuit 9 februarii -
J). Antoine L'esmar?ts qui accepte le legs est décédé le y jan-
\ icr 1626.
64 MARC DUBOIS
Bienfaiteurs
Cette première donation connue dans la ville suscita un
îjrand mouvenjent de sympathie en faveur des Chartreux.
La municipalité et toutes les familles riches et titrées vou-
lurent contribuer par des dons au cours de cette année et
des suivantes à la construction de ce monastère. Les archi-
ves nous ont conservé la liste des pieux donateurs qui
ont comblé ce monastère de leurs bienfaits. Chacun offrant
d'après son cœur ou ses moyens, pour bâtir telle ou telle
partie de la Chartreuse, ou pour faire augmenter une fon-
dation. La plus goûtée était celle d'une cellule: «... Elles
« étaient toutes fondées et rentées ; de même que l'on
« fonde un lit dans un hôpital, une chaire dans une L^ni-
(( versité, de même autrefois on (( fondait un Chartreux »,
(( c'était l'expression reçue. Un particulier ou une famille
(( faisait bâtir une cellule et fournissait à l'entretien du
(( religieux qui devait l'habiter, à eondtion cju'il prierait
(( chaque jour pour ses bienfaiteurs... Le nom des bien-
ce faiteurs était gravé sur une pierre à l'entrée de la cel-
(( Iule, ou leurs armoiries, peintes sur verre étaient placées
<( dans une des fenêtres, et le soir après Compiles, comme
« nous l'apprend Den_vs-le-Chartreux, le religieux priait
(( spécialement pour ceux qui avaient élevé la cellule où
(( il venait de passer une journée si calme et si heureuse.
(( Après deux ou trois siècles, les arrière-pet its-fîls des
<( bienfaiteurs, en entrant dans une cellule et voyant le
« nom ou les armes de leurs ancêtres, se trouvaient de
<( suite chez eux et savaient c^ue depuis des centaines d'an-
(( nées, chaque jour, sans manquer, une prière de cette
<( cellule s'était élevée vers le ciel, demandant au Seigneur
MONASTERE DES CHARTREUX D AIX-EX-PROVENCE 6S
(( de verser ses plus abondantes bénédictions sur leurs
'( familles ^ ».
Voici la liste des bienfaiteurs que nous avons pu recons-
tituer.
M. d'Aymar, premier fondateur 48.000 liv.
Honorade de Papalaudy, femme de Gaspard
de Sabran 16.000 »
Les Consuls de la Ville d'Aix '. . . 6.000 »
Chanoine Moutin, pour la cellule du Prieur .. 2.000 »
De Fonbeton, pour la ]3remière chambre .... i-.ooo >>
Président de Paule, pour la chaml^re qui suit. 2.600 »
Chevalier de la Valette 2 .ock) »
Président du Maunier 2 .000 »
Baltazar de Félix 4.000 »
De Rover, avocat 300 »
Demoiselle Bagnoh- 300 »
D'Aymar, pour la chapelle et ornements d'é-
g"lise 2.700 »
Chevalier de Vauven argues i . 500 »
Navarro, pour la chambre du procureur..., 1.500 »
François de Gautier, pour la chambre du sa-
cristain I . 500 »
Borrily, pour la chambre du prieur i-5oo »
André Prieur claustral, une lampe d'argent.. 1.200 )>
Honoré Trian i . 600 n
Louis Portalier, bénéficiaire de Villeneuve.. i.ooo »
Pierre Benoit 211 »
Rigolet de Dijon -. i . 200 »
Riouffe, docteur médecin 1-615 »
•'' La Grande Chartreuse par un Chartreux, 4" édition, Lyon, 1S91,
p. 271-273.
66 MARC DUBOIS
Le doyen de IMeironne, pour l'aile du grand
cloître 500 »
Le visiteur Bec 35° »
Henri Lombard de Faucon, chanoine de
Saint-Sauveur 10.000 »
Joseph Concorde 300 »
Marquis d'Ollières d'Agoult .' 300 »
Le Président Cornillon, de la main à la main,
diverses sommes.
Plandoux, notaire, divers dons.
Henri de Silvacanne, fondation de messes.
Dame Anne-Marcel, jardin et bâtiments du
faubourg d'Aix.
Les divers couvents de l'Ordre des Chartreux s'unirent
à ces bienfaiteurs pour aider la fondation d'Aix,
La Chartreuse de Durbon donna 6.000 liv.
La Chartreuse de Montrieux donna 3.000 )>
La Chartreuse de Valbonne donna 4.000 »
La Chartreuse de Xotre-Dame de Bonpas
donna 6 . 940 »
La Chartreuse du Val de Bénédiction de \'il-
leneuve ^,2. 385 »
divers ornements, plus une cloche qui por-
tait cette légende (( Villenovœ 1646 Au-
gusti sub remigine V.P.D. Sadoni de Lau-
zerai ».
La Grande Chartreuse donna une horloge.
Parmi les bienfaiteurs de l'Ordre, on peut citer encore,
l'archevêque d'Aix, Alphonse-Louis Duplessis, ancien
Chartreux de Bonpas, frère du Carchnal de Riclielieu, ciiii
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVENCE 67
avait été sacré dans l'église de la Chartreuse de Paris,
en juin 1626 ^
Le roi Louis XIV approuvant aussi la fondation de la
Chartreuse d'Aix la déclare de fondation royale par ses
lettres patentes du 13 août 1654 ^t lui accorde tous les
privilèges dont jouissent les fondations royales, plus cinq
minots et un tiers de franc salé. Quelcjues années plus
tard, en 1661 le roi leur accorde encore la permission de
construire un aqueduc pour amener les eaux nécessaires
au couvent Cj[ui provenaient : l'une, qui était froide, venant:
d'une source des environs de l'endroit 011 était la chapelle
de Saint-Laurent, sur le chemin d'Avignon, et d'une autre
venant du chemin du faubourg, qui passait devant la
Chartreuse.
^ Frère aine du célèbre cardinal de RichelieUj né en 15S2, fils
de François III de Richelieu, seigneur de Boçay, de la Vervo-
lière et de Chillou, conseiller d'Etat, grand Prévôt de France, capi-
taine des gardes du corps, chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit,
etc.. et de Suzanne de la Porte. Nommé tout jeune à l'évêché
de Luçon il donna sa démission avant d'être sacré et prit l'habit
à la Grande Chartreuse le 14 mars 1602, il exerça pendant un cer-
tain temps l'emploi de sacristain et resta simple religieux jus-
C[u'en 1620. Il fut alors nommé nrieiir de Bonpas, près d'Avi-
gnon. En 1623 nous le trouvons chargé comm.e Procureur d'une
métairie que la Grande Chartreuse possédait à ^leylan, aux portes
de Grenoble, c'est là cjue les honneurs vinrent le chercher. Doc-
teur en théologie, archevêcjue d'Aix (1626), honoré du pallium (1626),
archevêc[ue de Lyon (1629), cardinal (1629); Prieur de la Charité-
sur-Loire (1629), abbé ccmmandataire de Saint-Paul de Cornery au
diocèse de Langres (1631), Grand aumônier de France et com-
mandeur de l'ordre du Saint-E^nrit (1632), abbé de Saint-^■ictor à
Marseille (1632), doyen de Si--\iartin de-Tours (1632); abbé de Saint-
Etienne de Caen, abbé de la Chaise-Dieu, abbé de Cluny (1642),
etc.. mort à Lyon le 23 mars 1653 et enseveli dans l'église de la
Charité. Hornme modeste et profondément humble, il regretta tou-
jours sa cellule et dit à ses derniers moments cju'il aurait mieux
aimé mourir sur le lit de Dom Alphonse cjue sur celui du Car-
dinal. Ses armes: d'argent à trois chevrons de gueules,
68 MARC DUBOIS
Les autres eaux étaient des eaux chaudes, qu'on appe-
lait les eaux de Meine et plus anciennement encore, eaux
des Escaudencs. Celles-ci, propriété de la ville d'Aix, au
sortir de la fontaine de Meine, coulaient dans un ruisseau
découvert, tous les particuliers et riverains en arrosaient
leurs propriétés en la drainant par des canalisations ou
des aqueducs comme le firent les Chartreux. ■
Un siècle plus tard, en 1760, un sieur Truphême. pro-
priétaire du Jas de Bouffan, situé au-dessous de la Char-
treuse, fit un procès aux Chartreux, demandant la démoli-
tion de leur aqueduc, prétextant que celui-ci l'empêchait
de recevoir l'eau d'arrosage pour son fonds. Ce procès
perdu par les Chartreux le 8 octobre 1760, fut gagné par
eux en appel le 4 juin 1761. Le jugement reconnut les
droits incontestables des Pères Chartreux et débouta de sa
demande le sieur Truphême.
Emplacement du Monastère
Les dons reçus des premiers bienfaiteurs permirent en
attendant la construction d'un grand monastère, de pou-
voir acheter une propriété dans les environs d'Aix. D.
Antoine Desmaretz, prieur de Villeneuve et visiteur, délé-
gua son procureur et D. J. Baptiste Giraud, prieur de
Montrieux, pour acheter la bastide d'Egoux (d'autres
disent d'Egoux ou les Egoutans). Le 10 juillet 1625, on
acquit du sieur de Cabannier pour le prix de 15 mille
livres tournois la bastide Daigoux, dite de Flassan, qui
était située sur la route de Salon endroit qui porte aujour-
d'hui le nom de (( Vieille Chartreuse » près du poni du
ruisseau du « Baonou » actuellement sur la route de
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCÉ 69
Berre '. Les supérieurs de l'Ordre décidèrent qu'un rec-
teur et deux religieux habiteraient cette bastide et une
délibération du Chapitre en date du i6 juillet 1625 leur
permet l'usage de la chapelle de Sainte-Croix. Celle-ci fut
détruite en 1769 quand on établit la route d'Avignon.
Les surplus des fonds provenant de la fondation d'Ay-
mar fut placé provisoirement en rentes à percevoir de
divers particuliers ou de communautés (municipalités). Le
clergé d'Alais reçut ainsi un placement de 12 mille bix
cents livres à rembourser à réquisition dans un délai de
trois mois. Comme on discutait fort sur la commodité ou
incommodité de cette bastide, le R. P. Bruno d'Atïrin-
gues, Général de l'Ordre des Chartreux, le 8 mai 1627
délégua son scribe D. Juste Perrot, qui devait avec les
visiteurs décider ce qu'il fallait faire \ Il se rendit à Aix
" Theatrum Chronologicum Sacri Cartus. Ord. de ]\Iorotius. Tu-
rin 1681, p. 296. N° CLX. — ■ Indique que la bastide d"Egou:s était
située <c Juxta viam ))j qua itur ad capellam S. 'SUm. » — Le nom
du premier recteur s'y trouve écrit Gabriel Oursel. Cette notice
se termine comme suit: Ita ex monumentis ab eadem Cartusia accep-
tis et Sammartanis, qui in Elogio Card. Richelmy (sic) Archiepis-
copi Aquensis ex Ord. Cart. referunt Aymarum ad sacram hanc
Eremum fundandam excitatum potissîum ad hortationibus piissimi
ejusdem ea !\Ionacho Archiepiscopi ».
* 1627, 8 mai. Frater Bruno, prior Cartusiae et totius ordinis
Cartusise minister Generalis Yenerabili patri D. Justi Perrot, Scri-
bas Capituli generalis et nostro, salutem in eo et salus nostra.
Quia multas difficultates exortas esse super loco pro nova Cartu-
sia œdificanda juxta civitatem Aquensem in provincia Provincise
electo audivimus, multis hypothecis et fidei commissis quibus addic-
tus dicitur. Tibi, de cujus fide et longo rerum usu multum confi-
dimus, harum tenere committimus. et cum venerabilius patribus
preefatae provinciae visitatoribus aut altero eorum voca'tis ad utras-
que partes peritis, quod rectum; justum et utile ordini judica-
veritis, statuas et ordines. Et eam quo prœfata cartusia in alium
locum œdificanda fuerit, tibi mandamus ut cum praefatis visita-
toribus et expertis alium, locum religatis, quam tantje rei aptum
^0 MARC DUBOIS
inec le visiteur D. Louis Barnier, prieur de Montrieux et
13. Bruno Gaude, prieur de Val Sainte-Marie, qui n'était
pas convisiteur. La dite bastide leur parut peu propre pour
une tcjndaiion, alors on s'adressa à Louis de Richelieu,
archevêque d'Aix, qui essa}'a auprès de son frère d'obte-
nir la maison des Chevaliers de Malte mais en vain, on
fut alors obligé de revenir à la bastide. Le Chapitre do
1628 envoya à Aix D. Jean CaJamard, profès de Char-
treuse et coadjuteur du \'al Sainte-Marie et peu après le
R. P. nommait recteur D. Gabriel Orcel, profès de Veille-
neuve.
Quelques années plus tard, en 1633, le Chapitre Général
ayant approuvé tout ce qui avait été fait en vue de cons-
truire un nouveau couvent ^ sur un emplacement définitif,
incorpora la Maison à l'Ordre. Le Chapitre, ajoutait en
jouant aimablement sur le nom d'Aix (Aquensis) et faisant
allusion au double texte de Jérémie et des Psaumes: <( Ce
judicavetitis. cujus quidem electionis processum in forma redi-
gatis et ad nos déferre curabitis, ut super eo statuare possimus.
Hoc autem iter tuum pietatis et obedientiae causa susceptum. Jésus
Christus, virtutum illorum amator et auctor, secundet ad gloriam
suam et hoc opus fidei tuae commissum ita dirigatj ut uno quasi
die serens et metens possis ad nos cum exuUatione reverti. Datum
Cartusiae die 8° Maii 1627.
' Nicolaï Molin. Historia Cartusiana ab origine Ordinis usque
ad tempus auctoris an. 1638 defuncti. T. III, p. 1SS-190 (Tour-
nai, 1906). Texte du décret d'incorporation de la maison d'Aix
à l'Ordre, porté par le Chapitre Général en 1633: « Xovam Ordi-
nis plantantionem apud Aquas Sextias ex liberalitate et pietate de-
functi clarissimi viri Domini Joannis Andrei d'Aymar^ in Senatus
Aquensi Consiliarii, felix jam initium ac fundamentum habentem
Ordini incorporamus. Deo autem favente erit quasi lignum quod
transplantatus super aquas: propterea quoque erit folium ejus viride,
et in tempore siccitatis non erit sollicitum, nec aliquando disinet
facere fructum (Jerem. XML 8) in Domino » et verset 3 du i"
Psaume.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVEN'CE
71
(( sera comme un arbre planté sur la pente des eaux; son
feuillage sera verdoyant; il n'aura pas à souffrir en temps
(( de sécheresse et ne cessera de porter des fruits ».
Nous trouvons dans la correspondance du R. P. D.
Bruno d'Affringues, Général de l'Ordre, conservée à la
Grande Chartreuse (1600- 1631), quelques détails sur la
VUE DE LA CHARTREUSE SAINTE MARTHE D AIX
d'après le plan conservé à la Grande Chartreuse
Chartreuse d'Aix. Et d'abord ce ne fut pas sous l'inspi-
ration du Cardinal Alphonse de Richelieu qu'elle fut fon-
dée. Les auteurs qui l'ont avancé (entre autres, 1^. Carlo
Joseph Morotio, dans son Theatrum Chronologicum Sacri
Cartusiensis Ordinis, Taurini, M.DC.LXXI. p. 296-CLX),
n'ont pas suffisamment remarqué que le testament d'Ay-
mar est de 1623 tandis que ce ne fut qu'en 1626 que le
72
MARC DUBOIS
V. D. Alphonse de Richelieu lui promu à l'archevêché
d'Aix par son frèi€ (premier ministre depuis 1624). 11 n'é-
tait plus alors prieur de la Chartreuse de Bonpas (1620-23),
mais prt)i:ureur (1623-26) de l'Obédience de Meylan, près
de Grenoble. 11 fut d'ailleurs toujours un chartreux par-
tait et dignitaire ecclésiastique éloigné des honneurs c^u'il
avait espéré fuir à jamais. Nous verrons toutes les atten-
tions dont il usa envers les Pères pendant les deux ans
qu'il passa à Aix.
I. — Au sujet de l'emplacement de la Chartreuse, il
y a une lettre latine du R.P.D. Bruno à son Scribe D.
Juste Perrot (qui devait lui succéder comme Général (1631-
1643). Elle est du 8 mai 1627.
J.e R. P. dit en substance qu'ayant connu les difficul-
tés qui se rencontrent aii sujet de l'emplacement de la
Chartreuse d'Aix, soit à cause du site même, soit à cause
des hypothèques et iidei-commis attachés au premier empla-
cement adopté, il le choisit en toute confiance pour se
concerter avec 'es VA'. P. P. Visiteurs de îa province, ou
au moins l'un des deux si l'autre ne peut venir, et .décider
ce Cjui leur paraîtra le meilleur, le plus juste et le plus
utile à l'Ordre. Ils peuvent donc, s'il le faut, choisir un
autre emplacement, ayant soin de dresser procès-verbal de
leur délibération et de la lui faire parvenir pour qu'il
prenne lui-même la décision en conséquence. Il termine
par souhaits de bon voyage et d'heureux retour.
II. — Au sujet des premiers Chartreux envoyés, dans
une lettre adressée à l'archevêque d'Aix le 18 janvier 1628,
donc peu de temps avant qu'il ne fût transféré à Lyon,
après lui avoir présenté ses souhaits de nouvel an... (t avec
« cette occasion, je prendrai sujet. Monseigneur de vous
<( remercier très humblefnent de l'honneur et caresses qu'il
MONASTÈRE DES CHARTREUX u'aIX-ExN'-PROVENCE 73
(( a plu d'user envers le \'. P. Gabriel recteur de votre
(( Chartreuse d'Aix lequel estant grief vement malade vous
(i l'avez faict loger dans vostre palais pour être soulagé et
(( secouru plus commodémeni. Ce sont les marques de
(( vostre charité vive et de la Saincte et vraye affection que
<( vous retenez au bien de notre Ordre...- » Et dans une
autre adressée le 17 juillet 1628 à M. Olivier, conseiller
au Parlement de Provence, son ami, il dit entre iiutres :
« Nous avons donné ung compagnon au V.P.D. Gabriel.
(( Je serais bien aise de voir vostre Chartreuse bâtie dans
(( ung lieu plus commode que celuy ou il demeure, ce sera
(( quand il plaira à Dieu d'en faire l'ouverture ».
Le 6 juillet même année il avait écrit à ]\I, de Perier, fils,
dont le père était son ami; <( J'ay envoyé au V.P.D. Ga-
(( briel la participation que vous désirez (c'est la partici-
« pation aux mérites et aux prières de l'Ordre qu'on donne
(( ordinairement aux bienfaiteurs). Je vous prie de le rece-
(( voir avec aultant d'affection que je vous la présente
(( comme une chose la plus précieuse que je vous pour-
rais donner et aussy de me continuer l'honneur de votre
« bienveillance, etc.. »
III. — Une lettre du i""" mars 1627 à j\I. de Pênes, con-
seiller au Parlement d'Aix, parle d'un frère Jérôme, bon
peintre, faisant partie de la communauté d'Aix: (( J'ai
« reçu la vostre par les mains du frère Hierosme convers
« de cette maison, il m'a fait un complet et beau récit de
<( la Saincte affection qu'il vous plaist de montrer au bien
« et honneur de nostre Ordre et des grandes caresses qu'il
<( a reçu de votre bonté... Quant au désir que vous avez
<( de nous servir de l'industrie du dit frère à redresser
« quelques monuments de l'antiquité et de tracer quelques
(( enrichissements pour' une chapelle de Saint-Maximin
(( qui est dans l'église métropolitaine, je vous prie de
74 MARC DUBOIS
(^ ii()u\er bon ce que je \uus renionire bien humblement
(( sur ce subject. C'est que l'Ordre n'est en coutume d'em-
(( ])loyer j 'industrie de ses religieux sinon les choses c|ui
'(( la touchent immédiatement, et ce pour lj€aucoup de
(( bonnes raisons. Le privilège cjue Monseigneur l'Arche-
<( vêque d'Aix en a reçu lui estait deu justement et cela
(( ne peult estre tiré à conséquence. Je vous remercie de
« riionneur que vous nous faites et du digne sentiment que
« vous avez du dit frère le jugeant capable de cette entre-
« prise, si quelque occasion se présente de renvoyer le dit
(( frère pour les affaires de nostre Ordre, je luy baillerai
(( permission de s'employer quelques jours pour vostre
(( contentement, lequel je désire... )>
Par le même frère Jérôme, D. Bruno avait reçu diverses
autres lettres d'Aix: de l'archevêque, M. Marchier, M. de
Gallice, advocat au Parlement d'Aix, de Mouveau, M. Oli-
vier, auxquels il répond en mars 1627, mais sans rien dire
de la Chartreuse.
... IV. — Le 12 mars 1627, à l'archevêque d'Aix à pro-
pos de l'emplacement: (c J'ay par celle qu'il vous a plu
m'escrire, en datte du dernier février ce qui pousse par
ung sainct zèle que vous portez au bien de nostre Ordre,
vous me marquez sur la grande et manifeste incommo-
dité du lieu que nos Pères ont acheté pour y bastir une
chartreuse, et aussi l'offre charitable que vous me faites
de vous employer pour nous colloquer en ung autre lieu
que vous jugez fort propre pour l'usage de nostre ins-
titution. Dieu veuille pardonner à ceux lesquels par leur
trop grande précipitation nous ont jeté dans la néces-
sité de sortir du dit lieu en ceci je reconnais votre bien-
veillance. C'est pourquoi retourne écrire au V. P. Visi-
teur de se déffaire au plus tôt de l'incommodité du dit
lieu avec le remboursement des méliorations que l'Or-
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'a1X-EN-PROVENCE 75
(( dre y a faict. Et d'autant que le temps proche de nostre
« Chapitre Général requiert nécessaire la présence du V.
<( P. D. Scribe, je ne manquerai puisque le désirez ainsi,
(( de vous renvo}"er après la tenue d'iceluy aftin de voir
« et traiter avec ces MM. de Malte sur les conditions que
(( vous proposez touchant leur clos et église, et m'assu-
(( rant que vous avez agréable ceste remontrance, je feray
« la présente pour la continuation des prières, etc.. »
Le 9 mai, il envoyait au même par le V. P. Scribe:
(( Encore que le V. P. Scribe me soit grandement néces-
« saire pour les aiïaires de ma charge et pour le soulage-
<( ment de ma vieillesse qui devient fort pesante (il avait
(( 80 ans) toutefois j'ay voulu préférer le contentement de
(( vos volontés à .mes commodités. Il vous rapportera tout
<( ce c[ui est de mes intentions sur le subjet de son voyage.
(( (Lettre ci-avant I).
Le 27 juin il lui écrivait encore, après le retour de D
Juste Perrot : (( la bonté que vous avez voulu montrer au
« traité de vostre nouvelle Chartreuse d'Aix avec MM. de
« de Malte, prenant le soing et la peine de la conduire- à
« bon port... »
...V. Les bienfaiteurs. — Le 2 août 1627, il écrit à l'ar-
chevêque d'Aix: (( ... M. Marchier m'escrit sur l'occasion
<( d'un légat c^u'une dame a fait de seize mil francs pour
<( bastir une église et une chapelle, sur quoy craignant de
« vous ennuier, j'écris mon sentiment au dict sieur Mar-
(( chier: sur le subjet du légat de seize mille francs c|ue feu
« Mad. la baronne d'Enscios faict a une des religions
« réformées pour bastir une église et une chapelle, lequel
(( M. l'Advocat du Perier tasche de faire appliquer à nos-
« tre Ordre par M. Boquier héritier de la dicte dame. En-
<( core qu'il soit de besoin pour répondre cathégorique-
« ment de voir les parolles du dict légat, si es-ce toutefois
^5 MARC DUBOIS
qu'attendu que Monseigneur d'Aix le désire ainsi. J'ay
pensé de vous déclarer ce qu'est de mes intentions. Je
crois que l'iiériiier de la dicte testatrice ne peut sans
l'autorité de Sa Sainteté altérer ny changer les condi-
tions insérées au dict légat, ny consentir le dict légat en
autre usage que celuy qui a été prescrit par la dicte tes-
tatrice. C'est à savoir de bastir une église et une cha-
pelle en disant une grande messe tous les mois, y assis-
tant toutes les Religions de la dicte ville d'Aix; et posé
que le dict héritier le puisse faire avec l'auctorité de Mon-
seigneur l'Archevêque, toutefois il me semble que je
me doibs accepter le dit légat, si non à condition et en
qualité d'ung aide et secours pour achever de nous ayder
à bastir en la dicte ville, et non point pour faire une
église à part ainsi que semble vouloir la dicte testatrice,
et ce avec obligation de bastir en la dicte chartreuse une
chapelle en mémoire et honneur de la dicte dame, et de
dire tous les mois une grande messe à la forme de l'Or-
dre, et pour le regard de l'assistance des autres religieux,
l'héritier aura soing de faire dire la dicte messe par les
autres couvents selon qu'il jugera entre le meilleur, car
telle condition ne se peult obtenir en nos maisons sans
grande perturbation de l'observance. Voilà mon senti-
< ment, lequel je soumelts à Monseigneur lequel estant sur
( les lieux trouvera quelque meilleur expédient, etc.. »
Une lettre du lo septernbre 1627 à M. Marchier : (( J'ay
( reçu la vostre écrite de Paris le 17 passé et veu par icelle
( ce qui s'est passé dans l'afïaire de la Chartreuse d'Aix
avec MM. de Malte: les grandes affaires ont leur com-
' mencements plein de difficultés, lesquelles se vuident avec
< le temps et la patience. Je me sens grandement obligé
( pour le soing, etc.. »
MONASTÈRE DES CHARTREUX D AIX-EX-PROVENCE 77
Ce M. Marchier fut nommé Prévôt de l'Eglise d'Aix,
ainsi qu'il ressort d'une lettre du 17 avril 1628 qui le féli-
cite de cette dignité qu'il vient de recevoir et sur sa pre-
mière messe qu'il va dire bientôt.
Une lettre du 21 juillet 1629 à M. de Paule, conseiller
au Parlement d'Aix, le remercie de ses bienfaits rappor-
tés par D. Gabriel, mais ne donne aucun détail.
A propos des premiers religieux de la Chartreuse d'Aix,
lettre h. AI. Marchier, prévost de l'église d'Aix du 29 jan-
vier 1630: (( J'ay reçti la vostre... par laquelle vous inter-
( cédez pour AI. de Fontanes, qui a été novice et désire
( de rentrer en l'Ordre. J'entends qu'il appartient aux
( meilleures familles de votre ville. M. le conseiller de
( Perche me le recommande avec une forte affection... Le
( sieur Fontanes s'est jeté de gaveté de cœur en la déso-
( lation qu'il ressent maintenant, il s'est roidi opiniatre-
( ment contre les Sainctes Admonitions de tous ceux qui
( l'ont exhorté à une religieuse persévérance. Je luy con-
( seille de prendre une religion plus douce: celle des char-
( treux n'est propre à toutes sortes d'esprits; le poète dit
( fort bien Hic veniunt segetes, istic feJicius uvœ, considé-
( rant toutefois la revcance que je doibs à l'intercession
( de deux personnes les mérites desquels je respecte gran-
( dément, j'avme mieux pencher à la douceur que de suivre
( trop de rigueur. C'est pourquoi quand le malheur des
( temps le permettra, je le logerav dans une maison d'un
f air plus tempéré afin de luy donner stibject de se stibi-
( liser. Ce que je fits pour vous faire paraître la bonne
( volonté que j'av de vous faire très humblement service
( en toute chose que je cognoitré vous être agréable, 'et^... »
Il aurait été plus intéressant d'avoir les lettres de ses
correspondants qui donnent précisément des détails aux-
quels il ne fait qtie répondre d'un mot. Malheureusement
78
MARC DUBOIS
la Révolution a dispersé sans retour ces précieux docu-
ments.
Ce n'est que le 28 janvier 1634, q^^e le prieur de Bon-
pas D. Polycarpe de la Rivière, commissaire avec les
prieurs de Villeneuve, d'Aix D.J.B. Giraud et le recteur de
Marseille D. Gabriel Orcel, achetèrent un nouveau terrain
pour bâtir la maison ; elle fut édifiée dans le faubourg des
Cordeliers, hors des remparts de la ville; M. de Paule,
Président à mortier en posa la première pierre (espace com-
pris aujourd'hui dans le triangle formé par le boulevard
de la République, les rues Célonv et de la Guerre '", Les
legs continuant à affluer ainsi Cj[ue l'on a pu s'en rendre
compte par la liste des bienfaiteurs, les constructions pu-
rent s'élever rapidement. L'Eglise ne fut terminée qu'en
1645, sous le vocable de Sainte-]\Larthe, nom que pn't le
couvent. En attendant, le Chapitre avait autorisé les moi-
nes à dire leurs offices à Saint-Laurent, chapelle qui était au
nom de la Seds, dans le cimetière de nécropole païenne
devenue chrétienne, construite au v^ siècle; elle n'était plus
qu'un ermitage. Vers 1770, elle fut démolie pour la cons-
truction de la route d'Aix à Paris. Le cimetière voisin
abandonné depuis longtemps fut rouvert lors de la peste de
1650, puis abandonné de nouveau. Au fur et à mesure de
l'élévation des constructions, le nombre des religieux fut
augmenté. En 1640, il n'v avait encore que trois religieux,
le Prieur, le Procureur et le Sacristain ; le Chapitre Géné-
ral y ajoute le Vicaire. En 1681, il v aA^ait, outre le Prieur,
huit religieux et deux frères convers. En 1703, sous le
prieurât de Dom Philippe Brunet, qui a laissé un long
mémoire de tous les faits principaux qui se sont passés
'" Rue de la Guerre, nom tiré de la famille Guerre qui y de-
meurait au XYU** siècle ; par opposition, on nomma la rue voisine,
rue de la Paix. [Les rues d'Aix. Roux-Alphéran, t. II).
MONASTÈRE DES CHARTREUX D*AIX-EN-PROVENCE 79
dans le temps où il est resté Prieur ", il y avait douze
reliî^ieux de chœur, trois frères convers et trois domes-
tiques. Il nous a laissé aussi un compte détaillé des recet-
tes et des dépenses du couvent de l'année 17 13 à 17 19
qui nous montre que J'état des finances ne fut pas toujours
très brillant pendant cette période de six années.
Description du Monastère
On vit se développer les bâtiments qui par leurs gran-
des proportions devaient donner au monastère un aspect
imposant. En bordure sur la rue Célony était l'entrée don-
nant sur une vaste cour d'honneur; à gauche se trouvait la
chapelle conventuelle dont la façade était ornée de belles
colonnes corinthiennes avec porte et fenêtres dans le goût
de la Renaissance italienne, et qui selon l'usage des Char-
treux était à l'intérieur divisée en deux parties: la première
•qui comprend le sanctuaire proprement dit (que les sta-
tuts désignent sous le nom d'autel) avec le chœur des moi-
nes, c'est-cà-dire des prêtres. La seconde partie de la nef
séparée par une balustrade était destinée aux Frères, qui
bien que religieux sont néanmoins des laïcs. La nef était
entièrement entourée de stalles avec des séparations élevées,
en usage seulement chez les Chartreux, pour isoler com-
plètement les religieux de leurs voisins. Sur les degrés de
l'autel, étaient placés quatre grands chandeliers que l'on
allumait cà certaines fêtes solennelles. La primitive église
n'admettait point de lumières sur l'autel même, elle les
plaçait à côté ou par devant, de Là, l'usage des chandeliers
sur les marches du sanctuaire. Les Chartreux ont un rite
" Archives eccl. série T H, clergé régulier. Ordres d'hommes,
religieux Chartreux. Ordre de S^int-Bruno. Chartreuse d'Aix, liv.ii
(Archives Bouches-du-Rhône).
8o MARC DUBOIS
à part, la vieille lithurgie cartusienne est restée telle qu'elle
était au xT' siècle. La première ordonnance du Chapitre
Général tenu en Chartreuse sous saint Anthelme était ainsi
formulée: (( Avant tout l'office de la Sainte Eglise îyeracélé-
« bré sous le même rite dans toutes les Chartreuses et de
<( même seront observées toutes les coutumes qui ont trait
<( à la vie monastique qui sont en \'igueur dans le monas-
(( t ère de Chartreuse ».
Cette ordonnance eut pour conséquence C|ue depuis cette
époque il y eut autant de Chartreuses cpie d'ermitages
bâtis selon la forme du monastère dauphinois et gardant la
même obser\^anoe. L'Ordre a conservé ses livres de chœur,
sans y rien changer, les instruments de musique ou l'har-
monium sont défendus. Leur chant est paisible, austère,
un peu monotone si l'on veut. Les anciens statuts disent:
(( Puisque l'occupation d'un véritable moine est beaucoup
'c plus de pleurer que de chanter, servons-nous de notre
« voix de telle sorte qu'elle procure au cœur une joie intime
(( et non pas ces émotions résultant des accords d'une
(( musique harmonieuse. Coupons impitoyablement tout ce
(( qui produirait des sensations pour le moins futiles quand
(( elles ne sont point coupables ; enlevons ce qui nourri-
« rait une vaine curiosité; ôtons ce qui ne serait pas d'ac-
(( cord avec un chant simple et plein de dévotion ».
Au commencement du xii" siècle, Guigues, cinquième
Prieur de la Grande Chartreuse disait à ses Frères : (( Le
(c sérieux de la vie érémitique ne nous permet pas de con-
(( sacrer beaucoup de temps à l'étude du chant. Tout moine,
(( tout solitaire à plus forte raison, n'a pas pour office d'en-
(( seigner, moins encore de chanter; il s'occupe à pleurer
'( ses fautes et les péchés du monde ». (Annal. Ord. Car-
tus.).
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-E\-PROVENCE 8i
Le Chartreux est à la fois cénobite et ermite; cénobite,
c'est-à-dire c^u'il partac^e !a vie de communauté au chœur,
au chapitre, au réfectoire, en récréation. En dehors de ces
réunions il est ermite, il est solitaire dans sa cellule dont
les quatre pièces et le petit jardin, constituent une demeure
absolument isolée, et c'est par le tour qu'il reçoit, aux
heures conventuelles le repas prescrit par la règle '".
Aux jours ordinaires, les religieux ne se réunissent cjue
trois fois au chœur, le matin pour la messe conventuelle ;
l'après-midi pour les vêpres et à 1 1 heures du soir pour
les matines.
Le premier coup de matines est toujours à lo heures 1/2
ou II heures du soir. Dès que le religieux a entendu l'exci-
'- Chaque semaine les Chartreux sortent en promenade ou « Spa-
ciment », cette coutume est fort ancienne et personne n'en est
dispensé : <( Je n'accorde (|ue difficilement dispense du spacim.ent,
« dit Le Masson, tant cette promenade me paraît utile pour le
« bien du corps et de l'âme ». (Annales).
Au couvent d'Aix les spaciments étaient diriges dans les envi-
rons si intéressants de la ville, dont la verdoyante et fertile cam-
pagne offrait un grand charme par ses nombreux souvenirs du
passé, auxquels les Chartreux devaient trouver le plus grand inté-
rêt historique. Les bords de la rivière de l'Arc aux frais ombra-
ges leur rappelait la fameuse bataille d'Aix livrée par Marius con-
tre les Cimbres et les Teutons, dont le travail de noir.breuscs
légendes avait fait place à la réalité.
L'oppidum d'Entremont c|ui s'anpelait alors le ]\Ionte-Roionde,
situé à 3 kilomètres de la ville, oîi l'on a découvert de nombreux
vestiges antiques, aujourd'liui une des richesses du musée d'Aix,
rappelait l'ancien camp escarpé d'une peuplade salyennc établie
sur ce petit mamelon de 387 mètres d'altitude et défendu par une
muraille de pl'us de 300 mètres de long.,
La montagne de Sainte-Victoire, où s'élevait au xvn^ siècle le
couvent des Calmadules, et toute la vallée de Saint-^Iarc à ,Vau-
venargues, dans laquelle passait un des trois aqueducs romains
qui alimentait en eau notable la ville d'Aix, d'fint on vèit' encore
de loin en loin quekjues vestiges. :i Mi-iM ;-■' , ■
Tels étaient sans doute les buts principaux de leurs spaciments.
6
$2 MARC DUBOIS
tateur, il doit se lever se m'etire à réciter des prières jus-
qu'au coup de l'office de nuit, cjui l'appelk à l'église où
il reste jusqu'à 2 heures du matin. Rentré dans sa cellule,
il se couche pour être réveillé par l'excitateur vers 6 heu-
res du matin, afin de s'acquitter des autres exercices de
piété, tel que la messe conventuelle à 7 heures. A 10 ou
II heures, suivant qu'il est jour ou non, le religieux trouve
son repas dans le guichet voisin de la porte de sa cellule ;
une heure avant, il doit se livrer à quelque travail manuel,
tel que: faire de la tournerie ou cultiver son jardinet. Après
son repas, une heure de récréation à emplo_yer à son gré,
soit au travail manuel ou intellectuel, soit en promenade
dans son jardin. A 3 heures, le religieux se rend à vêpres;
en entrant dans la chapelle, chaque moine donne un coup
de cloche et va prendre sa place. Il ne sort c|u'après'4 heu-
res et rentre en cellule où il trouve son souper dans le gui-
chet ; s'il est jour de jeûne, la collation se compose d'un
peu de vin et de pain. Enfin le coucher a lieu à 6 h. 1/2.
Tout autour de la première cour étaient les bâtiments de
service et l'Hôtellerie, cette dernière située de chacjue côté
de la porte du couvent se nommait aussi (( Quartier dit des
étrangers », il était disposé pour recevoir les retraitants et
les personnes à qui on donnait l'hospitalité la plus géné-
reuse, qui a toujours été de règle chez les Chartreux ; mais
leurs hôtes sont soumis comme les religieux aux règlements
de l'Ordre, dont les plus petits détails ont été prévus par
les nouveaux statuts de 1368. Pour la nourriture, ils devaient
se contenter des alinients maigres du couvent. Les statuts
disent au sujet des étrangers: <( Lorsque les hôtes séculiers
(( viennent à la Maison, ou sont invités par nous à pren-
(( dre un repas, nous leur préparons ce qu'exigent leur
<( dignité et l'honnêteté, selon les ressources de nos mai-
« sons, excepté toutefois les mets gras que nous n'offrons
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EX-PROVE>'CE 83
« à personne dans nos monastères. » (Stat. Ord. Cart.
II p. CXXI n. 71. — Nova collectio. cap. X, n. 24).
Au delà de la cour d'honneur une belle porte monumen-
tale surmontée de la statue de sainte Marthe avec la taras-
que, donnait accès dans les bâtiments des ofticiers. On
nomme ainsi les religieux qui occupent un emploi ou office
de Prieur, Procureur, Coadjuteur, ils ne cont pas cloitrés.
Le supérieur d'une Chartreuse n'est pas abbé, mais simple-
ment Prieur, il se fait aider dans son administration, pour
le spirituel par Dom Vicaire et pour le temporel par Dom
Procureur qui est aidé parfois par Dom Coadjuteur chargé
de recevoir les hôtes étrangers.
A la suite de ces constructions se trouvaient les loge-
ments des frères laïcs et donats, puis les différentes obé-
diences nécessaires à la vie et entretien du couvent ; cuisine,
boulangerie, réfectoire, buanderie, rasure. Les pères ou reli-
gieux de chœur doivent avoir la tête entièrement rasée, sauf
une petite couronne et ne portent pas de barbe.
Une deuxième petite cour intérieure était entourée par
ces mêmes bâtiments et au fond par un petit cloître per-
mettant aux officiers de se rendre directement à la cha-
pelle conventuelle. Dans une aile de ces constructions devait
se trouver le réfectoire des Pères. C'était une salle aux
murs nus, garnie d'un banc circulaire avec des tables
devant. Celle du fond, dominée par un crucifix était réser-
vée au Prieur; les religieux occupaient les autres tables
par rang d'ancienneté. Les Chartreux ne parlent jamais
au réfectoire, ils entendent pendant le repas une lecture
pieuse en latin, faite par un lecteur monté dans une chaire.
Le repas en commun n'est pris que le dimanche et à cer-
taines fêtes. L'abstinence de tout aliment gras en toutes
circonstances, même en cas de grave maladie, est en usage
depuis la fondation de r(')rdre ; de plus, le grand jeûne
84 MARC DUBOIS
monastique commence le 14 septembre et sans interruption
continue jusques à Pâques ; les religieux ne font alors
qu'un seul repas; le soir, cependant il est perm-is à qui
le désire <( de prendre avec le vin. un morceau de pain de
<( 3 à 4 onces ». Le couvert était des plus modestes, tout
était en bois, deux petits pots en étain ou en grès pour
l'eau et le vin, une tasse à deux anses, remplaçait le verre.
<( L'ancienne coutume de l'Ordre (disent les statuts de 125g),
(( est qu'on met les deux mains au gobelet en buvant ».
Le dimanche après souper, les religieux en sortant du
chœur, se présentaient à la porte du réfectoire « comme
(( des mendiants du Christ » et le lecteur rem.ettait à chacun
un pain, en disant: (( Requiescant in pace » à quoi on
répondait: (( Amen ». Cet usage date du commencement de
l'Ordre, en souvenir de leurs premiers bienfaiteurs. Ce pain
était fourni jadis par les donations de personnes affection-
nées à l'Ordre.
Le cimetière à côté de la chapelle des morts, occupait un
espace peu considérable, ce dont il ne faut pas s'étonner
quand on voit jusqu'à quelles limites peut arriver la vie
d'un Chartreux qui cherche l'oubli jusque dans la mort,
une simple croix de bois sans inscription protège leur
tombe. Disons en quelcpies mots comment les Chartreux
conduisent l'un des leurs h sa dernière demeure. Après
l'absoute, les moines se mettent en procession, marchant
à pas lent, un à un, la tête couverte du capuchon et chan-
tent des psaumes d'une voix grave. Tout en psalmodiant,
les moines arrivent au cimetière. Le défunt est étendu près
de !a fosse, non point courbé dans un cercueil, mais étendu
sur une planche, vêtu de ses habits monastiques, le visage
couvert du capuchon, les mains jointes, un chapelet entre
les doigts. On enlève, le draj? mortuaire qui le couvre, le
prêtre bénit la fosse, le mort v est descendu lentement.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EX-PROVENCE 85
Les moines s'éloignent et rentrent en cellule après avoir
entendu au Chapitre l'éloge funèbre du défunt.
Le grand cloître formant un vaste carré, était la partie
de la maison qui constituait la Chartreuse proprement dite,
la demeure du silence et du recueillement. Les cellules
entouraient ce cloître. Toutes se ressemblaient à peu de
chose près. Suivant la coutume des anciens monastères de
la Thébaïde, chaque cellule était marquée d'une lettre de
l'alphabet et sur la porte était hxé une sentence de l'Ecri-
ture sainte. Les noms et les armoiries des bienfaiteurs
étaient gravées sur une pierre à l'entrée de celle-ci. Le
soir après Compiles, les religieux priaient spécialement
pour ceux ciui avaient élevé leur cellule. Un petit guichet
placé près de la porre servait cà distribuer aux religieux
leur nourriture et tout ce dont ils avaient besoin. Il était
fermé par une vieille serrure du moven âge « La Verte-
velle » qui s'ouvre et se ferme par un procédé aussi simple
qu'ingénieux à l'aide d'un passe-partout d'une forme spé-
ciale. La cellule se composait d'une petite galerie ou pro-
menoir donnant sur un jardin, et de l'habitation composée
de quatre pièces: la chambre ou le lit des Chartreux était
en forme d'armoire, avec des volets en bois pour remplacer
les rideaux et garantir du froid. La literie se composait
d'une paillasse de grosse toile, d'un traversin, de draps. en
drap et quelques couvertures de laine, le religieux se cou-
chait tout vêtu. (Consuetudines XXVITL I). A côté du lit
se trouvait l'oratoire composé d'une table et d'un prie-Dieu.
C'était là que le solitaire récitait la plus grande partie des
offices. Souvent dans la journée le son de la cloche indi-
quait les prières que tous les Chartreux séparément dans
leurs cellules disaient en même temps. Les religieux pou-
vaient dans leurs moments de loisirs, avoir de savantes
occupations, ils écrivaient ou copiaient des livres. Les cou-
8Ô MARC DUBOIS
tuir.es de Guignes, au Chapitre iS, à propos du copiste,
•entre dans des détails fort intéressants sur les instruments
que l'on fournira aux religieux écrivains. « On lui remet-
<( tra, disent-elles, un encrier, des plumes, de la craie,
<( deux pierres ponces, deux petites cornes, un canif, deux
<< rasoirs pour racler les parchemins, un poinçon ordinaire
(( et un autre plus fin, un crayon de plomb, une règle, une
(( planche à dessin, des parchemins et une pointe à écrire ».
Parmi les moines, les uns copiaient, les autres mettaient
la ponctuation, en traçant une ligne rouge au commence-
ment des phrases; les plus habiles enluminaient les manus-
crits, les couvrant de ces inimitables lettres ornées, de ces
ravissantes majuscules au dessin si varié, aux couleurs si
vives ; enfin les plus instruits par de savantes et patientes
recherches, établissaient un texte parfaitement correct. Nous
avons pu retrouver trois manuscrits de ce genre dont nous
parlerons plus loin.
En 17 15, Louis XIV étant mort le i" septembre, le 20 du
même mois ordre est donné aux Chartreux d'aller le lende-
main à 3 heures de l'après-midi, prêter serment au nouveau
roi, Louis XV. La cérémonie commença vers 5 heures du
soir; y assistaient, les Prieur, Procureur et Coadjuteur. Le
serment fut donné dans le palais du Parlement d'Aix.
De 1776 à 1786 sur un registre de comptes, sorte de
livre de raison, très bien dressé par le P. D. Antoine
Daru, Procureur de cette Chartretise, nous avons trouvé
l'état des recettes et des dépenses de la INLaison, qui nous
montre que cette période de dix ans fut bénéficiaire. Nous
y relevons un don de deux mille livres fait en 1776 par D.
Jauna, Prieur de la Chartreuse de Villeneuve, ce qui permit
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE 87
de faire des plantations de vignes et d'oliviers dans un ter-
rain resté jusque là inculte. En 1778, k Père Convisiteur
de l'Ordre fait un don de cinq mille six cents livres qui
vint aider à terminer ces plantations. Il dit encore: « Cette
(( année a été grâce à Dieu des plus heureuses pour cette
« ^Maison par la récolte abondante en blé ».
Peste de 1720
Nous avons trouvé un long manuscrit d'un Chartreux,
non signé, qui porte comme titre : (( Traité du mémoire de
(( ce qui nous arriva dans le temps de 1720 que la peste
« commença à régner à Marseille d'où elle passa à Aix et
(( couvrit une partie de la Provence ».
Nous le publions in-extenso, car il nous montre toutes
les infortunes que dût subir le couvent pendant cette triste
période qui obligea les Chartreux à quitter momentanément
leur monastère.
(( L'an 1720 et le 19 août, la peste se manifeste à Aix. Le
20 août le fils de M. Niam, chirurgien de la Chartreuse
d'Aix et l'un des deux frater du même Niam furent atta-
qués de la peste, ils moururent le même jour, le deuxième
frater mourut trois jours après, enterrés dans l'ancien cime-
tière de Saint-Laurent, sans prêtre, ni croix, ni linge,
com.me des chiens.
Le 18 août 1720, les consuls d'Aix écrivent à D. Phili-
bert Brunet, Prieur de la Chartreuse, d'envoyer D. Coad-
juteur de cette ville, qu'on avait une affaire d'importance
à lui communiquer. Quand il fut arrivé, on lui dit que
le Conseil avait délibéré de prendre des Chartreux pour
faire des infirmiers. Dom Coadjuteur leur représente tout
ce qu'il peut pour les empêcher. Le bureau était composé
de plus de trente conseillers de la ville, ce qui les avait
88 MARC DUBOIS
ck'lernunc', c'est qu'on leur avait dit qu'il n'y avait que
deux Charlreux dans notre Maison et qu'on avait renvoyé
[es autres dans les différentes Maisons de rOrdrç. Après
que M. X'intenl le dernier Consul, eut achevé de parler à
I). Coacijuleur, auquel il du de nous des choses désagréa-
bles lesquelles ne regardaient point les. ...(illisible) D. Coad-
juteur lui répond qu'il était mal informé sur le nombre de
nos religieux que nous étions neuf religieux de chœur et
deux frères convers et que non absent, tout ce qu'il lui
disait, nous étions (illisible) de manquer notre attachement
au bien public mais qu'il le priait de faire cette attention
à notre maison étant dans le faubourg c'était infester et la
ville et le faubourg que de vouloir en faire une infirmerie
pour y mettre des quarantenaires, que ce serait bien autre
tapage quand on satirait que la Chartreuse aurait été des-
tinée pour une infirmerie quand approchant si fort de cette
ville des malades l'on exposait la ville à un extrême danger.
Messieurs du Bureau dirent à D. Coadjuteur c|u'il ne man-
quait pas d'autres lieux ou mettre les malades. M. Vincent
dit alors qu'il ne ferait pas de notre Maison une infirmerie,
mais qu'il fallait nous résoudre à recevoir chez nous les
frères Minimes parce qu'on voulait faire une infirmerie de
leur couvent, ee qui fut exécuté. D. Coadjuteur demande
si la communauté des Minimes était nombreuse, il fut
répondu vingt. D. Coadjuteur répondit, nous aurons de
la peine à loger tant de religieux, on lui répond, votre
maison en logerait bien davantage. M. Lioubaud écuyer
prenant la parole dit à M. Vincent, vous avez tort de vous
emporter, on vous dit que l'on fera ce que l'on pourra
pour les loger. On fit traîner cette affaire en longueur car
il n'y avait encore aucun malade suspect en ville.
Cependant le 22 août 1720, comme nous sortions de la
grande messe je trouvai devant la porte de notre chambre
iMONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EX-PROVENCE 89
M. le Marquis de X^amenargues premier Consul du pays,
avec un maislre maçon ei deux archers, tiui nous dit qu'il
venait de la part du Parlement, de M. l'Intendant et de
MM. du Bureau de la ville pour voir rendroit où nous vou-
lions mettre les Pères Minimes parce Tpi'il fallait qu'ils
vinssent coucher le lendemain dans notre Maison, tout cela
se passa si énrrgiquement C|ue je n'eus pas le temps de
me reconnaître, tout ce que je pus faire, ce fut de songer
oii je pourrai les loger sans avoir le temps de consulter
notre Communauté pour délibérer sur ce cjue nous devions
faire'''; mais que notre Communauté eut voulu ou non
.recevoir les Pères Minimes, il n'en aurait été ni plus ni
moins, et si quelqu'un avait été du sentiment de les refu-
ser, et cjue le Parlement l'eut su, cela aurait eu des suitt>s
fâcheuses pour notre maison ; c|uelc|ues religieux animés
d'un zèle indiscret écrivirent au Visiteur nommé D. Ramat,
Prieur de Villeneuve pour faire de la peine au Prieur d'Aix,
de ce qu'il avait reçu dans ia maison des Pères Minimes.
Le père Visiteur a^•ant condamné la conduite du Prieur,
lui écrivit sur ce sujet des lettres très vives, ce cjui décida
le Prieur d'Aix et l'obligea à recourir à Monsieur l'Inten-
dant et MM. les Consuls pour qu'ils lui donnent une attes-
tation dans laquelle il apparaîtrait Cjne D. Prieur d'Aix
avait reçu chez lui les Minimes que comme forcé, l'attes-
tation était conçtie dans les termes qui indiquaient les faits
tels qu'ils 'se sont passés.
Le 23 août 1720, les pères Minime? vinrent au nombre
de neuf loger dans notre INLaison et afin de leur faciliter les
moyens d'y apporter tout ce qui leur était nécessaire, on
fit ouvrir une porte dans la muraille du jardin vis-cà-vis de
^^ Ce passage du manuscrit anonyme semble indiquer qu'il est
de la main de D. Philibert Brunet, prieur du couvent.
90 MARC DUBOIS
la porte du jardin de M. l'avocat général de Très, parce
Cjue l'on avait muré Aix en huit jours auparavant, la rue
c|ui va de la fontaine des Minimes à la Bourgade, laquelle
passe devant la Chartreuse on avait muré cette rue à l'en-
droit où se trouvait un grand portail ou une grande arcade
très ancienne, laquelle arcade était située contre la porte du
jardin de M. l'Avocat général de Très et la porte de la
Chartreuse. D. Prieur donna aux Pères Minimes la Cham-
bre du Procureur, lequel il fit descendre dans une cham-
bre du cloître qui était vide; on donna aussi la chambre
du Coadjuteur qui était pour lors logé dans le cloître. Les
chambres qu'occupaient le frère portier et le frère dépen-
sier, lesquels on fit coucher le portier dans la chambre de
la porte, qui est en bas et le frère dépensier alla coucher
dans la chambre qui est en entrant à main gauche de celle
du portier. Plus on livra aux Pères Minimes, la salle Saint-
Bruno ; la chambre où couchaient les valets étrangers,
laquelle se trouve à droite de celle du frère dépensier, la
farinière et la chapelle des officiers où ils allaient dire leurs
offices.
Ils firent de la salle Saint-Bruno leur cuisine et leur
réfectoire. Le R. P. Palar, correcteur, logea dans la cham-
bre de D. Coadjuteur, il avait l'usage du cabinet de D.
Coadjuteur ; le R P. Maillefer c|ui prit la peste au couvent
des Minimes en remuant quelques bardes des pestiférés, de
même qu'un autre infirmier. C'était je crois au mois de
juin 1721. Ce père Maillefer logeait aussi clans la chambre
de D. Coadjuteur. Le père Collonia dans celle du frère de
la dépense. Deux autres religieux qui étaient deux frères
avaient chacun leur lit dans la chambre du portier. Le
frère dépensier des Minimes et qui en était le frère Pro-
cureur, couchait dans la- chambre des valets étrangers ; ce
frère tenait dans sa chambre et dans la farinière ce qu'il
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE 9I
avait à sa garde ; le frère cuisinier et un valet des Pères
IMinimes couchaient dans la salle Saint-Bruno laquelle se
trouve sur la cuisine. Ces R. P. étaient dans notre maison,
comme s'il n'y avait personne, ils ne paraissaient point dans
les cloîtres, ni dans les chambres des religieux, ils demeu-
rent dans notre maison jusqu'à la lin du mois de septenv-
bre OH les mit pour lors aux Dominicains avec tous les
autres pères qui étaient logés au nombre de neuf chez les
Augustins Déchaussés, nommés les Pères de Saint-Pierre ;
la raison de ce changement est qu'on avait pris 1^ couvent
des Pères de Saint-Pierre pour y mettre les" convalescents,
ainsi les Pères Minimes furent dehors de notre Maison le
30 septembre 1720. Nous fûmes tous édifiés de ces R.P.
pendant leur séjour dans notre maison, nous tâchâmes de
leur faire tous les plaisirs possibles. Quand les Pères Mini-
mes eurent resté quelque temps aux Prêcheurs, ils regret-
tèrent fort les Chartreux, ils -le dirent à bien des personnes
et à nous particulièrement.
Quelques jours après, c'est-à-dire une douzaine de jours,
la ville voulut prendre le couvent des Carmes Déchaussés
pour s'en servir, les R. P. n'ayant pu trouver une retraite
chez les Grands Carmes, vinrent chez nous. D. Prieur les
reçut avec beaucoup d'honnêteté, mais il leur dit qu'ils
ne pourraient point manger gras dans la Chartreuse que
c'était là, la condition avec laquelle il les y recevrait. Les
Pères entendant ce compliment, ne songèrent plus à venir
chez nous : la lettre de M. le Marquis de Vauvenargues écri-
vit à Dom Prieur par la suite fait foi de ce que je dis.
Quelques temps que les Carmes Déchaussés eurent perdu
la pensée de venir demeurer chez nous; les Pères Capucins
que l'on avait sorti de leur couvent pour y loger les hom-
mes et les enfants qui étaient dans la maison de la Cha-
rité, vinrent faire à D. Prieur le même compliment que les
92 MARC DUBOIS
Carmes Décliaussés ; D. Prieur les reçut avec beaucoup de
civilité et leur fit le même compliment qu'il avait fait aux
Carmes Déchaussés. Ce complimvent les dégoûta et' leur fit
prendre la pensée de se retirer ailleurs. La ville les logea
dans le couvent des Carmes Déchaussés avec ces derniers
ils y restèrent plus de trois ans.
L'an 1720 et le 12 septembre, nous envoyons un homme
à la Chartreuse de la Durance qui était au pont de Bon-
pas pour y prendre quelques provisions que nous avions
demandées en payant au R. P. de Montenard prieur de
Bonpas et le Visiteur de la Province. Les provisions qu'il
eut la bonté de remettre à l'express que nous lui envoyâ-
mes, consistaient à un fromage de gruyère pesant 50 livres ;
quatre émines d'orge grue, à six émines de blé grue, nous
reçûmes le tout bien conditionné, dont fût pavé dans la
suite.
L'an 1720 et le i^' octobre, le Parlement d'Aix fit son
entrée à l'ordinaire, mais deux jours après, il s'assembla
pour délibérer s'il sortirait d'Aix ou non, dans le temps
du mal contagieux, ils délibérèrent aussi dans quel endroit
de la province ils se retireraient pour être à l'abri de la
peste laquelle commençait à s'étendre dans plusieurs en-
droits de la province. Le Parlement lit arrest par lequel il
fut dit qu'ils se retireraient à Saint-Rémy mais la peste
s'étant déclarée dans cette ville, M. le Premier Président
se retire à Barbentane et le peu de Conseillers qui l'avaient
suivi se dispersèrent à Frigolet et dans d'autres endroits,
deux ou trois allèrent à Barbentane.
L'an 1720, le 7 octobre, le Parlement étant sorti d'Aîx.
M, de Paule, savoir l'ancien Consul et son frère, écuyer de
AL le prince de Monaco, hommes extrêmement polis se
retirèrent aux Chartreux avec la permission du R. P. Gé-
néral et avec cette condition qu'ils n'y mangeraient jamais
MONASTÈRE DES CHARTREUX D AIX-EN-PROVENCE 93
gras, ni sains, ni malades. Nous leur donnâmes l'appar-
tement des étrangers. MM. de Paule restèrent aux Char-
treux jusqu'au 26 décembre 1720, qu'on nous signifie j' >■•
dre de sortir de notre maison pour y loger la famille de l'i
Charité. MM. de Paule payèrent exactement leur dépense
et nous rendirent par la suite de très bons services M. leur
père qui était président à mortier avait posé la première
pierre de la Chartreuse d'Aix, le grand-père de Messieurs
de Paule n'ayant point d'enfant fit vœu à saint Bruno pour
en avoir. Dieu lui donna un fils qui fut appelé Bruno, ce-
lui-ci est le père de M. de Paule dont on parle ici, lequel
Bruno a po.sé la première pierre de la Chartreuse, il fonda
une cellule dans la Chartreuse d'Aix et une aune d;:ns
la Chartreuse de Marseille.
Sur la tin d'octobre, nous nous fermâmes entièrement
dans la Chartreuse, un valet qui logeait dans la chambre
des femmes, sans entrer dans la m.aison, nous allait cher-
cher tout ce qui nous était nécessaire pour la vie. en pro-
vision et autre chose. .
Le 13 octobre, M. de Barras de Marseille, chef d'esca-
dre, frère de ]\I. de Chantarcier, nous envoya de la part de
M. de Chantarcier quatre quintaux de merluche, deux quin-
taux de riz, cela se fit par ordre du père convisiteur sans
que nous en eussions prié, dont fut payé dans la suite et
le 18 février 1721 .
Le 14 octobre 1720 nous envoyons prendre notre sel à
Berre qu.i ("onsista h cinq minots entiers. Le 14 octobre
1720 nous reçLunes du T. V. \'isiteur D. Ramel pour 400
livres de lettres de change qui devaient nous être payés
ici par Messieurs Soulier et Boyer, marchands, lesquelles
furent protestées; le P. \'isiieur nous remettait en pur don
ladite somme.
94 MARC DUBOIS
Le 12 décembre 1720 après vêpres, nous commençâmes
dans la Chartreuse d'Aix les prières qu'avait ordonné Mgr
d'archevêque d'Aix pour demander à Dieu la cessation de
la peste et les avons continué soir et matin tant qu la peste
a duré.
Le 22 décembre 1720, D. Paul Dauval se trouve incom-
modé d'une manière qu'il persuadait qu'il avait la peste, on
le ferma aussitôt dans sa chambi'e comme un pestiféré. Dom
Vicaire le confessait en travers de sa chambre quand AL
le Marquis de Vauvenargues vient nous avertir qu'il fal-
lait le sortir de notre maison et le céder à la famille de la
Charité.
L'an 1720 et le 22 décembre, M. le Marquis de Vauve-
nargues premier Consul et Commandant dans Aix nous
vient dire que la peste augmentant tous les jours dans Aix
et que les infirmeries des Minimes, de l'Arc et de la Cha-
rité étant remplies, il fallait songer à en préparer une qua-
trième et qu'on avait jeté les yeux sur l'hôpital Saint-Jac-
ques et que pour y réussir il fallait évacuer ime partie de
la Charité qui était dans cet hôpital ; le reste de la famille
de la Charité étant aux Capucins, .qu'il fallait mettre toute
la famille de la Charité dans notre maison, et celle de l'hôpi-
tal dans les Capucins. Nous fîmes tout ce que nous pûmes
pour parer à ce coup, mais inutilement. On nous offrit pour
retraite le séminaire d'Aix, nos religieux témoignèrent de
^la répugnance d'entrer dans une ville que la peste rava-
geait pour lors de toute part; ils dirent qu'il ne serait pas
possible qu'eux ou leurs bardes, ou que d'autres choses
qu'il nous fallait porter ou que le monde dont nous avions
besoin pour ce changement ne nous communicassent la
peste; on jette les yeux sur la bastide du frère Joseph Gil-
let,' Grand Augustin, située dans la plaine d'Alliane pro-
che les Milles, quartier de Robert, paroisse d'Aix. Ce qui
MONASTÈRE DES CHARTREUX D AIX-EN-PROVENCE 95
décida nos religieux à choisir cette bastide c'est cjne l'on
nous dii qu'il y avait assez de logements fîour nous et une
chapelle fort belle et fort grande. D.. Prieur ayant fait
avertir frère Joseph pour avoir son agrément, ce bon frère
le donna et d'une manière si gracieuse et si empressée que
l'on en fut charmé. Cependant comme l'on ne nous avait
point encore signifié d'ordre par écrit de sortir de notre
maison, nous ne bougeâmes point jusqu'au 26 décembre
que M, de Vauvenargues nous envoya ordre de la part du
Roy de quitter notre maison et de nous retirer où nous
jugerions à propos, pourvu que ce fut dans la ville ou les
environs d'Aix; il nous donna huit jours pour pouvoir
transporter avec nous tout ce qui nous était nécessaire.
L'ordre nous fut donné aussi par Mgr l'Archevêque
d'Aix, Charles Gaspard Guillaume de \'intimille du Luc,
des Comtes de Marseille, le 5 janvier 1721. L'ordre du
marquis de Vauvenargues, premier Consul d'Aix fut du
26 décembre 1720.
Dès le jour que M. le marquis de Vauvenargues nous
eut envoyé son ordre pour nous faire abandonner notre
maison à la famille de la Charité, nous fîmes ici beau-
coup quand on vit qu'on voulait faire de la Chartreuse
une inlirnierie. Dès le jour susdit nous commençâmes à
faire charrier nos hardes et nos provisions à la bastide du
frère Josepli ; la Charité commença aussi ce même jour à
faire charrier ses meubles à la Chartreuse. En moins d'un
jour toute la basse-cour de la Chartreuse fut remplie de
hardes de la Charité, on init le linge de la Charité dans
des chambres, c|ui sont à main droite et à main gauche de
la grande et première porte de la Chartreuse, de sorte que
dès le 26 décembre r720 on vit dans la Chartreuse que
charrettes qui charriaient nos meubles, nos provisions,
notre blé, notre bois, d'autres charrettes qui apportaient
96 MARC DUBOIS
des meubles de la Charité. Notez que l'on ne laisse entrer
at;cun meuble de la Charité dans la Chartreuse jusqu'au
7 janvier 1721 que nous abandonnons la Chartreuse à la
famille de la Charité. Ce jour là il entra dans la Char-
treuse près de 800 personnes tant hommes que femmes et
filles de la Charité, la Charité fut mise ce jcnir-là en pos-
session de la Chartreuse. Outre toutes les personnes et les
charrettes qui emportaient nos bardes, etc.. et qui appor-
taient celles de la Charité. Il y avait d'autres charrettes qui
sortaient et emportaient le blé que la ville avait entreposé
dans la Chartreuse, il y en avait plus de 2.000 charges.
Plus dans ces charrettes sortait la laine qv.e les tnavr-
chands de la ville avaient mis en payant chez nous ; il y
avait outre cela une infinité de personnes hommes et fem-
mes C|ui venaient voir la Chartreuse par curiosité. Ce fut
enfin un miracle comme Ton ne nous donna pas la peste,
ni à aucun de nos domesticjues dans cette occasion. Nos
religieux allèrent par bande à la bastide du frère Joseph,
et à mesure que chacun y amenait ce qui lui était néces-
saire, le premier parti fut D. Vicaire et le frère Hugues
Dalneau, dépensier. D. Vicaire s'appelait D. Elzéar Char-
tant, profès de Bonpas, ces deux religieux partirent 'e
29 décembre 1720; le 30 décembre D. Bernard Suzan cl
D. Gilbert Dupont allèrent coucher à la bastide du frère
Joseph. D. Gaudibert profès de Bonpas, sacristain à Aix
et D. Paul Dores profès de Valbonne y allèrent aussi avec
un valet boulanger le 21 décembre 1720. D. Claude Ma-
gnin y alla encore le 2 janvier 1721. I). Philibert Brunet,
prieur, cjui était resté dans la Chartreuse avec trois valels
pour envoyer a la bastide du frère Joseph ce dont no.is
ne pouvions pas nous v passer et pour faire fermer dans
sa cliambre y compris. son dortoir et la bibliothèqii<* io;it
ce qui put y entrer '\e reste des meubles qui ne pourraient
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVEXCE 97
pas y entrer quoique tout fût rempli presque jusqu'ai:
plancher, fut mis dans les trois chambres des cinq salles où
il y avait des lits; dont y étant entré. D. Prieur fit murer
les portes et les fenêtres des salles avec toutes les foneire-,
de sa chambre, chaque fenêtre avait environ un pan qui
n'était pas muré, on l'avait fait ainsi pour donner un peu
de jour à la chambre; pendant qu'on travaillait à tout cela
sous les yeux de D. Prieur, D. Coadjutear par ordre de D.
Prieur faisait l'inventaire de l'état où nous laissions notre
maison. Deux messieurs nous furent envoyés de la part de
IM. de Vauvenargues pour travailler à cet inventaire lequel
fut plus long" que l'on ne croyait. Mr Minuti et Mr Agne-
vau, experts de la ville d'Aix y travaillèrent huit jours, leur
travail consistait à écrire des feuilles de papier timbré long
d'un pan et quatre doigts et large d'un pan. M** Fadont,
notaire de la maison de la ville d'Aix garda ce verbal, s'il
en avait fallu faire un extrait pour les Chartreux il aurait
coiJté cher et ne nous aurait été d'aucune utilité. M' Fadont
le représentera toutes les fois qu'on le lui demandera. Tout
ce que dessus fini, D. Prieur partit de la Chartreuse d'Aix
pour se rendre à la bastide du frère Joseph, où sa personne
était nécessaire. Le 5 janvier 1721, il laissa encore à la
Chartreuse D. Coadjuteur, un frère convers nommé frère
Jean-Baptiste et un domestique pour y fournir plusieurs
choses avec messieurs les recteurs de la Charité, Le 8 jan-
vier 1721 D. Coadjuteur ayant fini tout ce dont il était
chargé vint coucher à la bastide du frère Joseph avec les
frères et les domestiques qu'on lui avait laissé.
Des instructions données dans l'ordre de Mr de Vauve-
nargucs qu'on nous avait données pour nous retirer, étant
passées, Mr de Vauvenargi^es envoya chez nous ^L de
vSaint-Louis, major de la ville d'Aix, pour nous dire (|u'il
.serait fâché de nous contraindre à vider notre maison, mais
98 MARC DUBOIS
qu'il nous priait de ne pas l'exposer à ce chagrin; on
répondit à Mr le Major que les ordres de M. de Vauve-
nargues avaient été exécutés ponctuellement puisque l'on
avait livré une partie de la maison à MM. les recteurs de la
Charité avant même les huit jours et que s'il restait encore
des personnes dans la maison, c'était pour y linir quelques
affaires avec Mrs les recteurs de la Charité et pour y faire
achever l'inventaire par les sergents de la ville. Si notre
sortie de notre maison fut pour nous une chose bien triste,
elle nous fut d'un autre côté un avantage pour nos pères.
Le malheur des temps ou de la contagion avait rendu la
ville d'Aix si difficile en tout, surtout pour les choses néces-
saires à( la vie que du pain et du vin près, nous n'y trou-
vions plus rien pour vivre, on v trouvait même pas des
œufs à acheter, ce qui obligea D. Prieur à faire servir aux
religieux le soir du potage quoique ce fut jeûne de l'Or-
dre afin que par ce moyen, on puisse un peu suppléer à
la mauvaise chère qu'ils faisaient le matin. A la bastide du^
frère Joseph nous y trouvâmes des œufs en quantité à
seize sols la douzaine; nous établîmes aussi un commerce
de poissons avec nos pères de Marseille ils nous envoient
deux fois la semaine à la barrière de Septèmes. Là un
homme de Septèmes nous l'apportait à cheval moyennant
deux livres par voyage. Ainsi notre malheur fut dans un
sens notre bonheur, car nous v fûmes très bien, pour ce
qui regarde la nourriture. Le pain que nous faisait le bou-
langer que nous avions pris à notre service, était très mau-
vais, quoique notre blé fut du plus beau. Nous achetions
le vin du frère Joseph à raison de 40 sols la millerolle ;
pour ce qui est du logement, il était trop petit par rapport
à notre communauté et si petit que D. Claude et D. Coad-
juteur furent obligés comme arrivés les derniers de loger
tous deux dans une chaml^re si petite C[ue leur lit se tou-
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EX-PROVENCE 99
chaient ; outre cette incommodité, elle en avait encore une
autre, c'est ciu'elle n'avait d'aiUre jour C[ue celui qu'elle
recevait de la porte lorsc^u'elle était ou^■erle. D. Prieur pour
aller clans sa chambre passait par celle du sacristain. Mgr
l'Evêque y fut deux fois pour nous y voir; la première fois
ce fut accompagné d'un Conseiller du Parlement et de
M. de Paule l'aîné; la seconde fois ce fut en compagnie
de Mr l'Avocat de Cormis, âgé de plus de 80 ans et qui
n'était pas sorti de la Ville d'Aix depuis 22 ans; l'amour
qu'il avait pour les Chartreux le porta à nous venir voir.
Nous serions restés dans la bastide du frère Joseph jus-
qu'à notre retour dans notre maison sans les accidents qui
nous arrivèrent. Nous y courûmes de grands risques de
prendre le mal contagieux; Primo : un enfant de 15 ans
que nous trouvâmes dans cette bastide (il s'appelait Fran-
çois) sachant un peu raser, nous le prîmes pour nous ser-
vir il nous rasa pendant plus d'un mois, et dans île temps
qu'il avait la peste ayant un bubon pestilentiel à l'aîne,
il se découvrit à un de nos valets lequel, estant venu dire
à D. Prieur, on fit sortir sur le champ ce jeune homme de
la bastide, outre cela, un autre valet du frère Joseph fut
attaqué de la peste, il en mourut en deux jours, la veille de
sa mort, il vint clans la chambre de D. Prieur, il le pria de
lui donner une prise d'un baume qu'il avait dans sa poche,
lui fit prendre dans cette tasse de son baume et le renvoya ;
le lendemain ce valet mourut de la peste. D, Prieur ne
le croyait pas malade de ce mal lorsqu'il lui donna à boire
de son baume, quinze jours après, un autre valet du frère
Joseph fut attaqué de la peste et mourut en trois jours; ce
dernier accident obligea le Prieur à venir à Aix, pour voir
s'il pouvait se retirer avec sa communauté, au moulin de
Vernègues, comme lui avait été proposé la chose de la part
de sa Révérence D. Prieur étant à Aix, on lui fit voir une
100 MARC DUBOIS
impossibilité manifeste sur ce point, et quand la chose
aurait été possible tant d'autres choses s'y opposaient qu'il
n'y pensa plus; dans l'embarras où se trouvait D. Prieur
de pouvoir tirer des mains de la peste sa communauté qu'il
savait abandonnée de tous secours, si toutefois ce mal ter-
rible venait à saisir un de ses religieux dans la bastide du
frère Joseph; dans cet embarras, il fut inspiré d'aller voir
Mgr l'archevêque d'Aix, il expliqua à ce prélat le motif de
son voyage à Aix. Ce prélat ayant un peu réfléchi, fit l'hon-
neur de lui dire, « je vous offre la moitié de mon palais »,
D. Prieur l'ayant remercié d'un compliment si gracieux,
Mgr l'archevêque lui dit, (( prenez mon séminaire », cette
proposition ne fut pas rejetée, mais ajoute Mgr l'archevê-
que, si vous voulez y venir vite, pour peu que vous tardiez,
ni vous, ni votre communauté ne sera plus reçue dans la
ville. Sans perdre de temps D. Prieur alla voir M. de Vil-
leneuve, directeur du séminaire d'Aix, grand vicaire de
l'archevêché et Officiai il lui fit part du compliment géné-
reux de Mgr. l'Archevêque, il v donna les mains avec une
joie sans égale, en même temps, ce M. de Villeneuve fit
voir à D. Prieur les appartements et la cuisine qu'il nous
donnerait. D. Prieur après l'avoir remercié de son honnê-
teté, partit fort tard quoique le temps fut très mauvais,
pour faire part aux religieux de son voyage; chaque reli-
gieux l'applaudit et donna les mains à sortir au plus vite
de la bastide du frère Joseph. Aussitôt D. Prieur partit
encore pour venir coucher à Aix; le lendemain il prit tout
ce qu'il peut donner de charrettes pour venir prendre nos
hardes et tout ce qui nous appartenait. D. Prieur fit tant
de diligence, qu'en moins de trois jours, nous fûmes tous
avec notre bagage dans le séminaire d'Aix ; il v avait pour
lors dans le S'^minaire d'Aix: Mr de Villeneuve, qui outre
ses titres ci-devant, était encore chanoine de S^iinl-Sauveur
MONASTERE DES CHARTREUX D AIX-EX-PROVENXE 101
d'Aix; M. Joubert, économe; Air Alonger, professeur de
llicologie dans l'Université; ]\lr Duclos, ci-devant, pro-
fesseur de morale; Air Fournier, professeur de philoso-
phie. Tous ces Alessieurs étaient des Directeurs du sémi-
naire. Nous couchâmes tous dans le séminaire le cinquième
de mars 1721. Nous y fûmes reçus de la part de tous ces
Alessieurs que je viens de nommer, avec de grandes dé-
monstrations d'amitié; deux jours après notre arrivée c'est-
à-dire quand nous fûmes tous tranquilles dans nos cham-
bres, nous fûmes saluer en corps Algr l'Archevêque, en-
suite nous allâmes voir tous en corps Alessieurs les Direc-
teurs du séminaire. Nous menâmes au séminaire la vie
que nous avions menée à la bastide du frère Joseph, nous
nous levions tous à 5 heures, quelques-uns de nous allaient
dire pour lors la Sainte Alesse ; à 6 heures on sonnait une
grosse cloche; à 7 heures on la sonnait encore, pour lors
tout le monde s'assemblait dans une chapelle c^ui était dans
l'intérieur du séminaire, étant tous assemblés, nous disions
ensemble primes du (illisible) sexte et none du jour et les
prières de Algr l'archevêque avait ordonné pour la cessa-
tion de la peste, à 8 heures nous disions une messe basse,
où tous les religieux assistaient, chaque" prêtre faisait sa
semaine et disait pendant cette semaine tous les jours la
messe de la communauté. Nous mangions tous les jours
ensemble dans un réfectoire, étant impossible de pouvoir
manger chacun à son particulier, le soir nous nous assem-
blions tous dans la chapelle cjui est dans l'intérieur de la
maison, à une heure nommée et là nous disions tous ensem-
ble vêpres, compiles du jour avec les matines du jour sui-
vant. Nous prîmes en pavant, du vin au séminaire. Sa
révérence nous aumôna en l'année 1721 de la taxe que
devait paver au Chapitre général cette année-là, la province
de Provence. Quand nous fûmes logés au séminaire, nous
102
MARC DUBOIS
étions neuf religieux de chœur, deux frères convers et trois
domestiques. Les religieux se nommaient: D. Philippe Bru-
net, prieur et profès de \'illeneuve; D. Elzéar Char-
tant, vicaire, profès de Bonpas; D. Bernard Suzan j D.
Gilbert Dupont; D. Joseph Marie André Bronevaux; D.
Claude Magnin ; D. Emmanuel Navenard, coadjuteur, tous
cinq profès de Mlleneuve; D. Juste Gaudibert, sacristain,
profès de Bonpas; D. Paul Borel, diacre; Frère Hugues
Dulneau, dépensier ; frère Jean Baptiste Boisseau, tous
deux convers de Villeneuve, ce dernier frère mourut hydro-
picjue au séminaire, il fut mis dans le caveau du séminaire
cjui est au-dessous du pupitre de l'épitre et avec toutes
les cérémonies de l'Ordre, en présence de tous les religieux
de notre communauté, il mourut le 24 mars 172 1.
Mr le marquis de Vauvenargues, premier Consul et
Commandant dans Aix nous y promit lorscju'il nous fit
quitter notre maison de nous payer notre entretien tant
que nous serions hors de chez nous, il nous marque dans
une lettre qu'il écrivit à D. Prieur que quoique la ville
nous donna 15 sols par jour à chaque religieux qu'elle
avait déplacé du couvent, il trouvait c[ue 15 sols étaient
bien peu pour des Chartreux et qu'il ne tiendrait qu'à lui
qu'elle n'en donna davantage aux Chartreux.
Mr de Paule l'aîné lui propose de donner par jour 20 sols
à chacjue valet. Mr de Vauvenargues consentit à la propo-
sition et ordonne qu'on nous couchât sur l'état de la ville,
à raison de 20 sols par jour pour chaque religieux et frère
et 12 sols pour chaque valet. Les gros arrérages que la
ville nous doit sur cet article, nous font penser que nous
ne sommes jamais payés du tout ; notre sortie nous a coûté
plus de 3 mille livres en pure perte pour nous soit par les
meubles qui se sont cassés ou perdus, soit par la consom-
mation des denrées qui s'est faite en pareil cas, soit enfin
MONASTERE DES CHARTREUX D AIX-EN-PROVENCE I03
par les bêtes qu'on a loué outre les charrettes que la ville
nous fournit et généralement par mille autres dépenses
auxquelles nous avons été obligés et dont on ne parle point
ici pour ne pas ennu}er. L'on se contentera de dire que
les charrettes que la ville nous fournit pour charrier nos
meubles, nos provisions coûtèrent à la ville plus de 400
livres, on ne parle pas d'une charrette à 4 chevaux et de
4 bêtes de bât, qui nous furent prêcées par des amis pen-
dant 6 jours, chaque charrette et chaque bête de bât, ne
pouvaient faire qu'un voyage par jour, de la ville à la bas-
tide du frère Joseph. Les charrettes qui apportèrent au
séminaire nos hardes et provisions coûtèrent 378 livres.
La ville voulait si elle était obligée de payer cette dépense,
qu'elle passa sur ce qu'elle nous avait promis pour notre
entretien. D. Prieur sut à la fin trouver le moyen de faire
porter à la ville. Si nous avions donné 3 mille livres à la
ville et qu'elle nous en eut laissé notre maison, nous y
aurions gagné, elle ne doit considérer par conséquent ( c
qu'elle nous a promis pour notre entretien que comme un
loyer de dommagement de ce qu'elle nous coûta en cette
occasion.
Le 24 février 1721, la famille de la Charité, qu'on av.'iit .
fait sortir pour y loger une partie des pestiférés et laquelle
dite famille on avait logé dans Ja Chartreuse d'Aix de la-
quelle on avait fait sortir par force tous ceux qui y étaient,
tant religieux que frères, cette dite famille conmiença à
débagager l'an et le jour susdit, ce qu'elle n'aurait pas fait
d'un an si les Chartreux d'Aix qui étaient pour lors au
séminaire c'est-à-dire D. Prieur et D. Coadjuteur n'avaient
vivemeni pressé et continuellement messieurs les recteurs
de la Charité de leur rendre leur maison. Ces deux reli-
gieux étaient aussi tous les jours chez Mgr l'Archevêque
d'Aix et chez M. le marquis de Vauvenargues pour les
104 MARC DUBOIS
prier tic ren\\)yer à la maison do Charité tous ceux qui
oecupaient la Chartreuse d^Vix.
L'on a\ait lavé toute la maison de ki Charité avec du
\ inaigre ou l'on avait bien fait nettoyer partout; on }'' avait
fait ensuite deux parfums, l'un sec, l'autre humide ; le
parfum humide était si violent qu'il avait noirci toutes les
murailles de la Charité, lorsque une chambre était parfu-
mée si une personne était venue à passer devant la porte
de cette chambre, quoique cette porte fut fermée, cette per-
sonne se noircissait toute du côté de la chambre où était le
parfum.
Le 22 septembre 1721, on ouvrit les églises par ordre
de Mgr d'Archevêque lesquelles avaient été fermées depuis
le premier mai. Monsieur de Vauvenargues Commandant
dans la ville d'Aix pendant le temps de la contagion et
Mr Buisson, l'assesseur faisant la demande à Mgr l'ar-
chevêque l'on ouvrit les églises au son de toutes les cloches
à 9 heures du matin ; on chanta dans chaque église une
grande messe et l'après-midi on donna dans chaque église
la bénédiction pour remercier Dieu de la cessation de la
peste, en attendant qu'on puisse en rendre à Dieu des
actions de grâce plus solennelles.
Le 26 septembre 1721 D. Prieur de la Chartreuse voyant
que MM. les recteurs de la Charité ne sortaient de la Char-
treuse C[ue bien lentement y vient coucher, il coucha dans
la chambre quoiqu'elle fut pleine de meubles de la Mai-
son, cette dite chambre n'ayant pas été habitée par personne
pendant que les Chartreux furent dehors de leur Maison.
D. Prieur n'y vient coucher que pour la faire évacuer plus
vite; en effet, le 29 septembre 1721 toute la maison de la
Charité alla coucher à la Charité et l'on remit sur les 5 heu-
res du soir toutes les clefs de la Chartreuse à D. Prieur.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE I05
\.e 3 octobre 1721, Air de Vilk-iieuve, supérieur du sémi-
naire Ll'Aix donna à dîner dans son réfectoire à loutre la
communauté des Chartreux, entre deux religieux, il y avait
un prêtre, de sorte qu'on voyait un habit bUuic, un habit
noir, un habit blanc, un habit noir...
1^ 1 1 octobre, toute la communauté des Chartreux peut
coucher à la Chartreuse, le môme jour tous turent à mati-
nes, elles commencèrent par un l'c Dcum, le prêtre heb-
domadaire dit ensuite cinq oraisons en action de grâce de
ce que le Seigneur nous avait fait tous rentrant dans Char-
treuse en parfaite santé. Dom Prieur pendant treize jours
avait fait nettoyer toute la Chartreuse, il avait fait parfu-
mer les endroits c^ui en avaient besoin, avec tout cela il ne
put en ôier les puces dont toute la masion €n était rem-
plie, il y en avait une si grande quantité que pendant trois
semaines, nos religieux ne pouvaient point dormir. Il y
avait aussi une (quantité surprenante de punaises. D. Prieur
se contenta de toutes ues ôter des chambres de religieux,
c'est-à-dire autant qu'il piàt en faisant laver toutes les cham-
bres avec du vinaigre distillé, du fiel de boeuf et de la colo-
quinte; tout cela mêlé et bouilli ensemble pendant tm quart
d'heure, on en frotta tous les lits, Les bancs et les oratoires
tant dehors que dedans; le reste de la maison fut abandonné
aux punaises. L'on a toujours été à matines et à tous des
offices du jour depuis le ii octobre.
Il manque bien des choses aux religieux, qu'on ne peut
leur faire avoir que dans la suite, on ne trouvait rien pour
lors à acheter, tout ce qui se vendait était si cher qu'on ne
pouvait rien acheter.
Le 31 octobre 1721, nous rendîmes aux MM. du sémi-
naire le dîner qu'ils nous avaient donné dans le 3 du même
mois, avec cette difïérence qu'ils mangèrent à la salle et
qu'il y avait un très beau repas. Il y avait Mr de Ville-
IÔ6 MARC DUBOIS
neuve, supérieur du Séminaire et grand vicaire du dio-
cèse d'Aix; MM. Joubert Duclos, Fournier, Monger, de la
Calade, directeur du séminaire, plus Mr de Cabanas qui
demeura au séminaire, Mr son frère qui est curé du Saint-
Esprit, le père Sabattier, bénédictin de Sainte-Marie qui
a suivi ici à la Charité les pestiférés pendant huit mois et
qui dem.eura au séminaire jusqu'à ce que les chemins
soient ouverts pour pouvoir s'en retourner. Ce père est
natif de Montpellier et fort estimé de Monseigneur l'arche-
vêque d'Aix ^* ».
Marc DUBOIS.
{A suivre).
Archives religieuses. Série 17 H. 2 (Bouches-du-Rhône).
NÉCROLOGIE
Victor FAURE
\é on Avignon, le 24 uclubre 1858. Victor Faure était d'une
origine modeste. Fils d'un simple clief de gare, il perdit son
père à l'âge de 18 mois et fui dès lors élevé par sa mère. Ayant
eu le bonheur de la conserver jusqu'à ces dernières années, ce
fils reconnaissant l'entoura de l'adoration la plus profonde et
des soins les plus affectueux. Sa plus grande joie était d'aller
avec elle dans la vieille maison familiale de Chàteauneuf-dis
Gadagne, où il retrouvait les paysans comladins, ses amis de
toujours, avec lesquels il pouvait parler librement sa cnère lan-
gue provençale qui n'avait pas de secret pour lui.
Ses premières études furent faites chez les frères de la
Doctrine Chrétienne à Avignon. Il vint ensuite tout jeune à Mar-
seille, se mettre en apprentissage sous les ordres de l'abbé Pou-
gnet, l'érudit architecte de l'église des Réformés. Celui-ci, aimait-
il à rappeler, ne lui épargna ni le travail, ni les leçons, ce dont
à un demi-siècle d'intervalle, il lui gardait la plus vive recon-
naissance. Ce maître pratique^ l'envoyait le crayon à la main,
dessiner quelque beau monument et s'instruire à l'école de
l'observation, la grande et véritable éducatrice. Formé ainsi,
au contact des classiques romains, de ceux du Moyen-Age, de
la Renaissance ou du Grand Siècle, dont les œuvres abondent
dans notre Midi, Victor Faure acquit une forte connaissance de
sa profession. Petit à petit il se fit apprécier de ses clients et
de ses pairs. Il avait puisé dans le sol comtadin, plus affiné
peut-être encore que le sol provençal, cette finesse d'esprit, ce
grand bon sens et ce jugement droit, qui, joints aux dons d'ob-
servation réfléchie, de volonté ferme, de travail acharné, trans-
mis par de lointains aïeux des hauts villages des Alpes, lui
permirent de se créer peu à peu une situation de premier plan.
Ayant épousé très jeune, 5 24 ans, Mlle Fleury, fille d'un grand
entrepreneur, il fut dès lors définitivement fixé à Marseille. Il
devint l'architecte de diverses communes des départements des
Bouches-du-Rhône et de Vaucluse pour lesquelles il dirigea de
nombreux travaux. Ecoles, usines, chapelles, châteaux, lui furent
io8
conljés. C'est ainsi qu'il cul à rcconsULuer en style médiéval la
tour des Templiers aux Taillades et à construire à Alzon (Gard),
le château moyennageux de Mgr Arnal du Curel, évêque de
Monaco. Ces divers travaux lui valurent successivement les pal-
mes académiques et la rosette de l'Instruction publique.
Tout en se livrant au travail nécessité par sa grosse situa-
tion professionnelle, Viclor Faure donnait libre cours à ses
goûts pour l'archéologie. De l'architecture monumentale qui lui
était si familière il passa par une transition toute naturelle à
l'élude des origines gallo-romaines et préhistoriques. Il eut aussi
une prédilection marquée pour l'archéologie égyptienne. Les
formes à la fois si pures et si grandioses de ses monuments et
de ses statues, ses décorations inspirées directement de la nature,
étaient bien faites pour plaire à un artiste élevé dans le culte
des grandes lignes, des proportions définies et réglées par dés
lois immuables. Il comprenait fort difficilement l'art actuel avec
sa débauche de proportions cubiques, ses lignes ultra sinueuses
et floues, ses heurts de violentes couleurs.
Pendant les séjours qu'il faisait chaque été dans son cher pays
de Gadagne, notre collègue ne restait pas inactif. Aidé de ses
amis, l'omniscient D'' Jacquème et M. Faudrin, professeur de
l'école de Valabre en retraite, il recherchait dans toute la région
les souvenirs et les restes des époques lointaines disparues. Il
touillait, en .particulier, de nombreuses tombes gallo-romaines
d'où il avait la joie de retirer de superbes objets: bronzes, pote-
ries et vases irisés.
Ce fut là le début, il y a trente ans, du musée que ce collec-
tionneur avait constitué avec soin, et dont il faisait, avec tant
de bonne grâce, les honneurs le dimanche matin à tous ceux
qui avaient exprimé le désir d'y pénétrer. Visiteur passionné des
antiquaires, client assidu des ventes dans toute la région, à
côté d'une originale collection de luminaires, il sut mettre à
l'abri dans ses vitrines, de beaux échantillons de collections dis-
persées, de nombreux objets égyptiens ou gallo-romains: sta-
tuettes, bracelets et objets en métal. Ses vases étrusques, samiens
ou gallo-romains sont en particulier de magnifiques échantil-
lons. Il ne se contentait pas seulement de mettre tout en bonne
,place, mais consacrant avec son grand talent d'aquarelliste de
longues heures, à les dessiner, à en reproduire les formes et les
couleurs dans ses albums avec toutes les indications d'origine
ou d'acquisition.
Au cours de la Grande Guerre, Victor Faure dont les deux fils
étaient aux armées, délaissa son métier et l'archéologie pour
Victor FAURE
ARCHITECTE
24 Août 1838 — I" Avril 192S
109
consacrer tous ses efforts ù une tâche dont par discrétion il a
tenu dans roml.)re les difficultés et les résultats. Il s'occupa
très activement, avec son ami M. René Fournier, avocat, d'or-
ganiser entre belligérants les échanges de prisonniers et l'envoi
dans un pays neutre des malades et des grands blessés. Il fit
pour cela de nombreux voyages à l'étranger. Il parvint enfin
à son but, et nombre de familles qui ont prufilé de ces mesu-
res en ignorent toujours le promoteur.
Au retour de la paix, notre collègue parvenu à l'âge du repos,
abandonna la partie active de sa profession à son fils aîné.
Désormais, entre sa vieille mère et sa famille il ont avoir quel-
ques années de vie heureuse et consacrer tout son temps à ses
études archéologiques et à sa collection.
Il entra presque simultanément ù la Société d'Archéologie de
Provence, à la Société de Slatislifjue et à Rhodania. Vice-pré-
sident de la première en 1921. il lui avait communiqué dès 1919
un intéressant travail sur « Le cimetière ligure de Cancabeau à
Châteauneuf-de-Gadagne », dans lequel il donnait le résultat
de ses fouilles. Il compléta cette étude par une nouvelle note
en 1921. Partisan de l'union, et non de la dispersion en une
poussière de sociétés de l'effort des travailleurs, il fut un des
chands partisans de la fusion de l'Archéologie avec la Statisti-
que sous le nom unique de Société de Statistique d'Histoire et
d'.\rchéologie de Marseille et de Provence. A diverses reprises,
en 1924, 1926 et 1928, aussi souvent que le permettaient les règle-
ments, ses collègues lui confièrent les fonctions de membre du
comité comme chef de section archéologique. Il fut même nommé
vice-président pour l'année 1925. Il avait publié en 1921, dans
le premit^r fascicule de Provincia une étude critique « sur un
fragment de tuyau de plomb antique provenant d'Arles, avec une
inscription fausse ».
Partisan des actes plus que des dissertations, Victor Faurc
préfériiit aux séances solennelles mensuelles, les bonnes cause-
ries h(\Vidomadaires du mardi soir dans le local de la Société.
Ce cin(t à sept intellectuel était pour lui un agréable besoin.
Là, au milieu dr la fi'mée parfois dense des cigarettes, il don-
nait libre essor à ses qualités de causeur et préparait l'organisa-
tion de ces visites chez les collectionneurs marseillais dont
son affabilité savait si bien ouvrir les portes à ses collègiu^s.
C'est grâce à son (dévouement que nous avons pu admirer les
faïences provençales du regretté M. Caymard, dispersées depuis
sous le feu des enchères à l'Hôtel Droiiot. les nombreuses et
si choisies gravures de ]\I. l'sslaub, devenu depuis notre collé-
IIO
guc, voire même grâce à raniabililé do son collègue à la com-
mission du musée du Vieux Marseille, M. Paul Gonzalès, le si
longtemps invisible musée Grobcl. C'est encore lui, qui orga-
nisait pour les membres de la Société et leurs familles'ces pro-
menades avec guide compétent au musée du Parc Borély, à
Saint-Victor, à la bastide de la rue de Rome, à St-Genieis, etc.
Victor Faure fut un animateur de premier ordre pour notre
Société. Qu'il soit permis au bibliothécaire de dévoiler après sa
mort une autre qualité qu'il s'efforçait de dissimuler, ce fut un
homme d'une générosité inlassable et suivie. Devenu membre
perpétuel par rachat de ses cotisations en 1924, notre collègue
aimant par dessus tout le local du boulevard Longchamp, savait
(juand il en était besoin, assurer l'achat de tout ce qui, livres
ou objets, pouvait en rendre le séjour agréable aux habitués.
Quand le dimanche, P'" avril dernier, ses collègues apprirent
la nouvelle de sa mort si brusque, ils furent vivement peines.
Le mardi précédent ils avaient encore eu le plaisir de le voir
en bonne santé et d'entendre sa parole pleine d'humour leur
exposer quelqu'une de ces questions qui lui étaient familières.
Ils eurent tous à cœur de se joindre aux membres du bureau
de la Société pour lui rendre un ultime témoignage d'amitié en
l'accompagnant à sa dernière demeure et en présentant à tous
les siens leurs affectueuses condoléances.
Puissent aussi 'ces quelrrues lignes d'un collègue devenu un
ami, dans lesquelles il s'est efforcé de retracer le portrait et
la vie de ce self made mann en conserver longtemps le souvenir
dans notre société et apporter un adoucissement à la juste dou-
leur de cette famille qui a perdu non seulement un époux chéri,
un père vénéré mais aussi un guide de tous les instants aux
conseils précieux. — D"" L. Malzac.
BIBLIOGRAPHIE
Hilaire Enjoibert. — Amours de jadis au pays de Provence.
Pari>j Boivin, 1927.
Le plus bel éloge' qu'on puisse faire des Amours de jadis,
c'est d'affirmer que ce recueil de contes historiques n'est pas
indigne de son aîné Gens el choses d'autrefois. L'auteur qui, il
y a deux ans, nous avait à peu près attachés au pays duran-
cien, a élargi cette fois l'horizon de ces récits aux limites de
la Provence : Voici Beaucaire et Tarascon, où de galants trou-
badours se donnent assaut et oîi frissonnent d'amoureux petits
pages ; voici l'ombreux vallon de Saint-Pons et son abbaye où
finit le roman de Blanche de Simiane, touchante victime du
sauvage Gaultier d'Anet ; plus loin voilà les coteaux de For-
calquier, théâtre des amours passionnées de Raimbaut d'Orange
et de Béatrix de Die... Mais la meilleure part est encore faite
à la riante et pittoresque contrée qui fut jadis partie Provence,
partie Comtat, et que l'auteur aime, on le sent bien, de toute
son âme ; il nous y ramène invinciblement : là se dresse le
bourg de Gordes où chanta Peire Vidal, là le fier castel de Rous-
sillon, là enfin celui de Cadenet, résidence de la douce Huguette
« une rivale de Laure «. et nous voici enfin sur les bords de la
divine fontaine de Vaucluse, à laquelle notre collègue consacre
un éblouissant coup de pinceau.
Ecrit dans une belle langue, très soigneusement édité par
Boivin, avec d'originales illustrations de Lalau, le nouveau livre
de M. Hilaire Enjoubert doit figurer dans les bibliothèques de
tous les fervents d'histuire rirovencale. — Gaston Rambert.
CHRONIQUE ET MÉLANGES
L'I^XPOSITION DE LA ChaMBRE DE COMMERCE DE MARSEILLE. — Le
jeudi, 31 mai, la Chambre de Commerce de Marseille a inauguré
sous la forme d'une Exposition de ses richesses artistiques, ce
<(ue Ton pourrait appeler plus justement le Musée de ses sou-
venirs historiques.
Il y a une vingtaine d'années que l'un de ses plus éminents
présidents, M. Lucien Estrine, avait conçu l'idée de rassembler
et de procéder au recolement des précieuses collections conser-
vées dans le palais de la Bourse. La pensée du généreux et pers-
picace fondateur du Syndicat d'Initiative de Provence fut par-
faitement comprise par un de ses successeurs, dont le talent
d'organisateur a donné tant de brillantes preuves^ M. Adrien
Artaud, mais la guerre mondiale éclatant soudain, renvoya à des
temps plus calmes ce projet déjà si bien amorcé.
Il appartenait à M. Georges Brenier, vice-président en exer-
cice, de mener à bien sa réalisation, et grâce à sa sagacité,
grâce aussi à l'inépuisable dévouement et à- la sûre compétence
de l'érudit archiviste-bibliothécaire de la Chambre, M. Joseph
Fournier et de M. Jean Reynaud, son adjoint, les pièces les plus
curieuses des collections ont été mises en valeur et après avoir
reçu la visite de MM. les membres du corps consulaire accrédi-
tés à Marseille, l'exposition a été ouverte au public.
Nous croyons savoir que dans la pensée des dirigeants de la
Chambre de Commerce, cette exposition prendra chaque année
une forme particulière, s'adaptant par le choix des pièces expo-
sées, à quelc|ue grande actualité historique, telle que, par exem-
ple, en 1930j à la conquête de l'Algérie dont on célébrera dans
toute la France, le glorieux centenaire.
Cette année-ci, la première Exposition était consacrée à « Mar-
seille, son Port, son Commerce, et ses "Relations extérieures ».
Ses objets étaient répartis en deux grandes divisions : 1* La
Chambre de Commerce cl le Port de MarseiPe ; 2° Les établis-
sements français du Levant; et chaque division comprenait d'une
part les Manuscrits, et d'autre part les Tableaux, gravures et
estampes, et enfin les objets divers.
Jetons un rapide cmip d'iei! sur les uns cl les auLrc^s.
113
Chambre de Commerce de Marseille
Manuscrils
— Photographie du procès-verbal de la délibération du jeudi
5 août 1599, prise par le Conseil de ville de Marseille, pour ins-
tituer quatre surveillants sur le fait du négoce (origine de la
Chambre de Commerce. Le dit procès-verbal est transcrit au
registre de délibérations BB 57, folio 135, des Archives de la
ville de Marseille).
— Lettres patentes d'Henry IV, données à Paris le 15 avril 1600,
approuvant la création de ce « bureau » du commerce et autori-
sant la levée d'un droit jusqu'à concurrence de L200 écus par
an pour couvrir les frais de fonctionnement du bureau.
— Diverses ordonnances royales et lettres patentes sur la cons-
titution et le fonctionnement de la Chambre de Commerce (1751,
1779, 1791).
— Lettre des membres du Bureau provisoire du commerce,
alors en prison sur l'ordre des représentants de la Convention
Barras et Fréron, pour rendre compte de leur gestion aux offi-
ciers municipaux de Marseille (datée de la ville « Sans nom >■,
le 27 pluviôse an H, 15 février 1794).
— Lettre de Maurepas, ministre de la Marine, refusant d'ac-
cepter une pétition des négociants marseillais pour la liberté
du commerce du Levant, pétition transmise par la Chambre de
Commerce (19 octobre 1742. A côté de la lettre un beau portrait
de Maurepas se trouve exposé).
— Liste des fabricants de savon de Marseille en 1751.
— Edit d'affranchissement du port de Marseille, mars 16G0.
La franchise du port devait être supprimée par la Révolution.
— Compte du trésorier du port de Marseille Jean de Saint-
Gilles, pour l'année 1518.
— Diverses ordonnances imprimées visant la police du port de
Marseille, les feux à bord des navires et sur les quais, etc.
■ — Mémoires sur la nécessité de rétablir le Port de Bouc et le
projet du canal de Tarascon à Port-de-Bouc, déposés par le sieur
Silvy en 1736.
— Cahier des doléances des Députés, Négociants et Arma-
teurs de la ville de Marseille aux Etats Généraux de 1789.
— Diverses cartes et plans de la région de Marseille au xvn'^ s.
— Anciennes clés de la Chambre de Connnerce (xvu^ siècle),
diverses médailles et divers jetons du port et de la Chambre de
Commerce.
8
114
Gravures ci estampes ;
— Vues diverses du port de Marseille depuis le xvi« siècle :
de Bruyn (1570), Pérelle (1630), Tassin (1634), Sylvestre (1650),
Baumont et Basset (xvin« siècle), de Fer (1700), Vernet (1754),
Ozanne (1780), etc.
— Carte de Provence de Jansson, avec motifs en couleurs (1663).
— Portraits de gouverneurs de Provence : le duc de Mer-
cœur, par Poilly, le maréchal duc de Villars, par Edelinck.
— Portraits d'inspecteurs du commerce de Marseille : Rouillé
de Meslay, par Edelinck, Cardin Lebret, par Cœlemans, etc.
— Pompes hollandaises à incendie en usage au port de Mar-
seille au xvni^ siècle (avec texte en hollandais).
— Spécimens d'affiches et d'avis imprimés par la Chambre de
Commerce au sujet du commerce, de la police du port, de la
poste aux lettres, etc.
— Portrait de l'humaniste Lebeau, inventeur du motif de jeton
de la Chambre de Commerce en 1775).
— Vues et plans de Port-de-Bouc (xvii® et xviii® siècles, Marti-
gues, Lsl Ciotat (xviii^ et xix* siècles). Cassis (xviii^ et xix« siè-
cles). Etang de Caronte, etc.
— Nombreuses estampes en noir et en couleurs représentant
les divers aspects des ports de Marseille à différentes dates du
xix^ siècle (notamment celles de Garneray, Polydore Roux, Cha-
puy, « Voyage aérien de France », « La France en miniature »,
etc., etc.).
Obieîs divers :
— Coffre-fort hollandais acquis en 1669 d'un sieur Biaise Brac-
quepot, pour la somme de 150 livres, par la Chambre de Com-
merce pour y enfermer la recette des droits perçus par la dite
Chambre en vertu de l'édit de franchise de 1669 (la pièce la plus
ancienne du mobilier de cette compagnie).
— Pic et truelle ayant servi au Prince-Président Louis-Napo-
léon Bonaparte pour la pose de la première pierre du Palais de
la Bourse en 1852.
II. — Etablissements français du Levant
Manuscrils :
— Lettre d'Henry IV, avec signatures autographes du roi et
du chancelier Brulart de Sillery, au sujet des affaires du Levant
(21 juillet 1G07). Petit portrait de Brulart de Sillery.
U5
— Deux lettres non décachetéus de Louis \11I au sullan Amii.
ralh IV « en qui tout honneur et vertu abonde » et au j^rand-
vizir Kalil-Pacha, pour demander une autorisation de sortie de
•ïrains de Turquie, la ville de .Marseille <'(;rni ,,,,.i,-,,.,'... ,|,. rlj-^,-!!,.
(1631).
— Lettre de cachet de Louis XIV avec >i-ii.iiure> auloj:raphes
du roi et de Colbert de Torcy, pour accréditer à Marseille le
comte de Ferréol (le futur ami de Mlle Aïssé), nommé ambassa-
deur près la Porte Ottomane (3 juin IG99).
— Première liste des « enfants de langue «^ nommés par le
Roi, avec signatures autographes de Louis XIV et de Colbert
de Croissy (1686). On appelait « enfants de langue » les élèves
drogmans qui devaient servir ensuite en Levant.
— Autorisation de résidence dans les échelles du Levant déli-
vrée par la Chambre de Commerce de Marseille après enquête
(1745).
— Lettres de provisions pour un consulat.
— Texte imprimé des capitulations de 1673 et de 1740 avec le
Sultan de Turquie.
— Reliure armoriée en maroquin rouge contenant le texte des
capitulations de 1673, transcrit par Pétis de La Croix, avec minia-
tures aux armes du Roi de France et du marquis de Nointel,
ambassadeur de France.
— Registre de contrôle des déclarations des bâtiments qui
vont au Levant (1682).
— « 1682 et 1683 : Registre contenant huit cahiers des comp-
tes des sommes deues et exigées pour raison des 250.000 liv. de
l'affaire des coups de canons tirés & Scio par M. le Marquis du
Ouesne sur les vaisseaux tripolins n. (Liriuidation des dégâts
commis à la suite de la destruction dans le port de Chio de la
Hotte de corsaires tripolins).
— « 1688 : Procès-verbal sur le subject de l'incendie et boule-
versement de la ville de Smyrne survenu le W de juillet de l'an-
née 1688... y>
— Procès-verbaux de la célébration des anniversaires du 1-1 juil-
let et du 10 août à Constanlinople.
— Ordonnance du Roi du 3 mars 1781 sur les consulats, la
résidence et le commerce du Levant.
— Quelques beaux livres concernant le Levant.
Tableaux, gravures et estampes :
— Petites gravures de S. Le Clerc, F. Silvestrc, représentant
des types et costumes turcs.
ii6
— Peinture attribuée à Antoine de Favray et représentant la
réception d'un ambassadeur (sans doute Vergennes), par le grand-
vizir de la porte Ottomane. (Vers 1765).
— Portraits de Vergennes, Choiseul-Gouffier, Aubert-Dubayet,
le marquis de Rivière, ambassadeurs de France à Constajitinople
aux xviii* et xix^ siècles.
— Panorama de Constantinople en 1678, par Corneille Le Brun
(Stamboul et la Corne d'Or. La longueur de cette pièce est de
plus de deux mètres).
— Vues de diverses échelles et villes du Levant aux xvi«, xvii^,
XVIII® et XIX® siècles. Vues de Damas, Jérusalem et le Grand Caire
par de Bruyn et Munster, du milieu du xvi® siècle.
— Belles cartes du xvii® siècle de Mercator et Jansson.
— Importante série de costumes turcs de Bonnart, masculins
et féminins. (Fin du xvii® siècle).
— Scènes et costumes du Levant.
— Lithographie commémorant un épisode de la guerre de
l'Indépendance grecque : le consul de France à Smyrne Pierre
David, sauvant des Grecs réfugiés au consulat de France lors
de l'émeute de 1821.
On se rend compte, par cette seule nomenclature, et malgré
sa sécheresse de catalogue, de l'importance d'une telle mani-
festation historique et combien apparaît heureuse et féconde
l'initiative de la Chambre de Commerce de Marseille.
Comprise et admirée du grand public, les compliments de la
Société de Statistique doivent observer envers cette noble Com-
pagnie quelque discrétion. N'est-il pas flatteur pour notre Société
de compter dans ses rangs, les Estrine, les Artaud, les Ras-
toin, les David, les Brenier, les Maurice-Hubert, les de Cho-
mel, les Antoine Boude, les Hubert-Giraud, bref les mainte-
neurs autorisés du renom universel de Marseille qui, plus que
jamais, aciibus immensis fulget ! — Jean de Servières.
Statistique rétrospective. • — Notre vieille Société, devenue
Centenaire, est comme toutes les Sociétés savantes, condamnée
à ne pas reculer au delà de ses adhérents et de ses correspon-
dants les limites de son activité. 11 en fut autrement, à ses
débuts, et" elle était consultée par ceux (]ui avaient le .=oin des
affaires publiques — les administrateurs n'étant pas toujours
particulièrement compétents dans la repherche des éclaircissc-
117
mcnts historiques — témoin cctlc loitro... de slaliïli'i'.ie et fflii--
loire, écrite en 1831, par son président Jules Julliany, à M. Alt xis
Rostand, maire de Marseille.
« Monsieur le Maire,
« Vous avez désiré connaître le nombre des habitants de Mar-
ï seille sur lesquels le droit de piquet ^ pesait de la manière la
« plus sensible et la plus onéreuse. La Sociélé de Slalisu'{itc
a toujours empressée d'aller au devant d'un administrateur
« éclairé et plein de dévouement pour le bien de notre ville s'est
a livrée à quelques recherches sur ce sujet. Malheureusement,
« elle n'a pu trouver dans ses archives ni ailleurs aucun docu-
«,ment qui lui permit d'établir un chiffre quelconque. Aussi le
« rapport de sa Commission n'ofïrait que des conjectures. Dé-
« sespéré de no pouvoir vous offrir rien de positif, je me suis
« livré à de nouvelles recherches, et j'ai trouvé dans un mémoire
« de M. le duc de Gaëte -. publié en 1818, quelques chilïres tjui
« me permettront de satisfaire à votre domoii.lr •lU'iicnit' inioar-
d faitement.
« Il y a en France 10.414.121 propriélé.- i-'ianilf- nu peliie-.
« Elles sont possédées par 4.833. 000 propriétaires, la plupart
« chefs de famille; chaque famille étant réputée de cinq person-
« nés, on peut porter ;
« la classe des propriétaires à 14,479.830 individus
« le nombi-e des agriculteurs ou labou<
« reurs sans propriété est de 4.041.000 »
« celui des artisans et ouvriers sans pro-
« priété, de 4.309.000 j
« celui des négociants, marchands, fonc-
er tionnaires et professions libérales est de 5.270.000 »
28.999.830
« Voyons maintenant comment se trouvent réparties ces pro-
d priété :
1 Le droit de piquet, était un impôt fort ancien établi sur les farines,
en vertu du droit, fixé par un statut de 1410, qu'avaient toutes les com-
munautés de Provence de taxer les objets de consommation locale.
(Cf. Coriolis).
- Gaudin. duc de Gaëte. ministre des Finances du Consulat et
de l'Empire.
ii8
« 8.216 paycnl 3.834 îr. de taxe représ. 19.272 fr. de revenu
« 18.846 " 1.468 » » 7.340 »
« 202.636 425 » » 2.127 »
« 928.000 92 » » 464 »
« 3.665.300 12 » » 64 »
« Si nous appliquons ces chiffres à Marseille, nous obtenons
« les résultats suivants en calculant, pour conserver la proposi-
« lion de 1818, sur une population de 110. OÛO habitants.
« Sur ce chiffre 62.000 individus appartiennent à des familles
« ayant un revenu quelconque, 48.000 n'ont d'autres ressources
« c]ue le travail.
« Les 110.000 individus composant 22.000 familles sur lesquelles
« il en est seulement 12.400 qui possèdent un revenu ainsi ré-
« parti :
« 23 ont un revenu moyen de 19.272 francs.
«50 » 7.340
« 600 » 2.127
« 2.500 » 464
« 9.227 » 64 »
(( Ces résultats, sans doute, ne représentent pas la véritable
« situation de Marseille. Pour qu'ils fussent exacts, il faudrait
<!t que la richesse fut également répartie sur tous les points du
« royaume et cela n'est pas. Marseille est plus riche que ne le
« feraient supposer les chiffres que je viens de poser, et je ne
« donne les calculs que j'en tire que comme point d'approxi-
« mation.
« Le droit de piquet rapportait 500.000 francs, réparti sur
« 22.000 familles ; c'était 23 fr. pour chaque famille.
« Or, sur ces 22.000 familles, 9.600 privées de toute propriété
« étaient obligées de prélever cette taxe sur le modique salaire
« du travail de leurs chefs.
(T 9.227 avaient un revenu dont il fallait prélever le tiers poui
« payer la taxe. On peut donc affirmer qu'il n'y avait à Mar-
« seille que 3.173 familles sur 22.000 pour lesquelles le droit de
« piquet ne fut pas une charge onéreuse.
« Ces chiffres peuvent être modifiés, mais il n'en demeure
« pas moins évidemment démontré que la suppression du droit
« de piquet a été un soulagement immense pour les 6 septièmes
a de notre population.
119
a Je suis avec respect, Monsieur le Maire, votre très humble
a et très obéissant serviteur.
ce Jules JULLIA.NY.
« Le 3 Décembre 1831 ».
*
* *
La fontaine de la place des C.vpuclnes. — Les transformations
continuelles que les nécessités de la circulation font subir ù la
physionomie des rues et des places de Marseille, arrêteront un
instant notre attention sur les modilîcations radicales apportées
à la place des Capucines, la ci-devant pittoresque Place des Fai-
néants, où les beaux platanes, abattus, n'ombrageront plus le
murmure rafraîchissant de l'artistique fontaine dont il semblera
d'actualité de rappeler ici l'hisloire.
Cette fontaine fut élevée en 1778 sur la place de La Tour
(actuellement de la Bourse), dans un but non seulement orne-
mental mais encore pour procurer de l'eau aux vaisseaux et
bâtiments en charge, qui vu la proximité du port, avaient toute
facilité d'y faire leur provision.
Due au ciseau du sculpteur marseillais Fossati, celui-ci ne
voulut rien recevoir que ses débours, aussi, le Conseil de ville,
dans sa séance du 25 janvier 1779, délibéra-t-il de lui olïrir, à
titre de remerciement, une « pièce de vaisselle aux armes de la
Ville de la valeur de vingt-cinq à trente louis ».
Le piédestal de cette fontaine portait l'inscription suivante :
REGNANTE LUDOVICO XVI
Provincise Massiliœ, etc.
Gubernalore Cani. Lad. de Lorrain^
Principe de Marsan.
Legalo generali, Lud. de Brancas.
Senatus Principe ac Misso Dom.
Car. Joan. Bapl. des Gallois de la
Tour
Fonteni hanc
Ufililaïi publicx
Consecrarunl Patrix Patres
Liidoviciis de Cipière, Major.
Lazariis Ferrari / ^ ,
_ , r ; A' ;; / CoUSUlCS.
Petriis-Lud. Aapollon (|
Joannes-Bapt. Richard, Assessor.
Joannes-Ant. Hennj I _ ,
4 X r> nr 'i l ConSUlCS.
Ant. Reqnier Manonj \
' Anno Domini MDCCLWVIIl
120 ^
Le 25 avril 1805, le Conseil municipal délibéra de poser un
Aiirle sur l'obélisque de la fontaine, mais le 14 avril 181-1, la
fluile de l'Empire amena celle de son emblème, et la place a'ors:
hiipcridlc, redevint la place licyule.
Le plan de Marseille du colonel Pierron, 1808, donne une vue
de la fontaine Fossati surmontée de l'Aigle. Elle est reproduite
dans Marseille à travers les siècles d'O. Teissier et J.-B, Samat.
En 1825, par suite de modifications à la place Royale, la fon-
tainor Fossati fut transportée au point d'intersection du boulevard
Dugommier et du boulevard du Nord (depuis : d'Athènes).
Là, elle remplaçait une colonne surmontée d'une boule dorée
dont le piédestal était orîié de deux bas-reliefs de Chardigny: la
Moisson et la Pêche, qui sont aujourd'hui au musée, laquelle
colonne avait remplacé elle-même, une précédente colonne de
granit donnée à la Ville par le Gouvernement, après l'expédition
d'Egypte.
Ce n'est qu'en 1863, le jour de Pâques, que la municipalité
vint inaugurer la fontaine Fossati qu'elle venait de faire trans-
porter du point d'intersection des deux boulevards susnommés,
au centre même de la Place des Capucines. On lui avait conservé
la vasque qui dépendait de la précédente fontaine-colonne à boule
dorée. Les travaux de déplacement s'élevèrent à 32.000 francs.
— X. Y. Z.
*
* *
A LA BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE DE MARSEILLE. L'art prOVCnçal daHS
le livre, le dessin, la gravure (xvii^-xviii^ siècles). — Dépassant
de beaucoup le cadre de leur exposition précédente. Les Amis
de la Bibliothèque ont voulu cette année nous donner une idée
aussi complète que possible de ce qu'on pourrait appeler « les
arts graphiques » aux xvii^ et xviii^ siècles.
Ils ont encore élargi ce programme déjà vaste par une réunion
de dessins et de gravures qu'on fut surpris de trouver si riche
et si belle pour une époque oii les arts ne brillaient en Pro-
vence que d'un éclat intermittent.
A voir le nombre et la qualité des « impressions provençales »
on éprouvait aussi quelque étonnement, notre région n'ayant
jamais passé pour un centre spécialement actif dans le domaine
du livre. Et cependant nos illustrateurs et nos typographes ne
manquaient ni de mérite ni de talent. De grands artistes étaient
représentés : Frago dans un portrait du connétable de Bourbon,
Parrocel, Barrière, et, à côté d'eux^ de plus modestes, Rigaud,
121
Marelz, Poyrnn, Rnndon, Mirhol d'ArloPi, les ('.iiriilior d'Aiv,
tous honorables graveurs déjà eoniius par des frontispices, des
plans et des cx-libîis. Leurs œuvres iilusl raient des livres sortis
des presses de Marseille, d'Aix, tie Toulon, d'AxiLcnuu, rurniaul
un ensemble d'une tenue parfaite et dans leipiel les l)iblio|)liiles
remarcjuaient d'un œil jaloux des pièces .rarissimes, tels ce bré-
viaire arménien imprimé à Marseille en 1673, « Le baudrirr
du sacfc de Loinjs XllI » ou le recueil des piéees conleniioi un
procès du P. Girard ci de Calhcriiie Cadièrc ».
A côté des livres ouverts, des livres fermés montraient de
riches reliures ; beaucoup, armoriés, avaient d'illustres pro-
venances ; les meilleurs « cabinets » de l'ancienne Provence
étaient représentés par l'admirable bréviaire maroquin vert du
Cardinal de Baussct, un beau « D'Agul i) maro(|uin rouge, un
Boyer d'Eguilles, un Forbin, un Grimaldi, plusieurs Valbelle,
etc., etc. Puis, les grands maîtres de la reliure: un Le Gascon,
un Derôme et de nombreux maroquins de toutes nuances aux
fers les plus divers, tous recouvrant des livres sur la Provence
ou d'auteurs provençaux.
Dans la gravure, même abondance et même qualité — sans
sortir non plus de Provence. Les étoiles d'abord : notre grand
Balé.hou national, natif d'Arles, ainsi que chacun sait, était
représenté par dix de ses œuvres en tête desciuelles, en une
belle épreuve du 5® état, plastronnait Auguste III, roi de Polo-
gne ; puis les Gautier d'Agoty, de Marseille, auxquels on a
contesté rinvention de la gravure en couleurs ; un petit por-
trait de Grotius, de toute rareté, avec la lettre, montrait qu'ils
avaient pratiqué leur art à Nice, ce que peu de monde savait.
Venaient après, des graveurs de nifiindre envergure ; Sébas-
tien Barras, Beisson, etc. On eut aimé voir quelque figure de
l'imagier avignonnais Le Blond, qui produisit -tant et ne manqua
pas de mérite. La famille des Cundier, d'Aix, brillait — si^l'on
peut dire — par le cuivre d'un portrait du président Grimaldi,
d'une technique impeccable.
D'autres gravures, d'artistes parisiens, se rattachaient si étroi-
tement à l'histoire de Provence qu'on pouvait les annexer à son
domaine artistique : c'était le cas du portrait de Phélippeaux,
comte de Saint-Florentin, chargé des affaires de Marseille, offert
— peinture de Toqué et gravure de Wille — par les échevins
en remerciement de ses bons offices ; la quittance autographe
du graveur est conservée aux archives communales.
Mêlés aux gravures, les dessins pastels et aquarelles relevaient
très haut le niveau artistique de l'ensemble, avec des œuvres
122
de Pugeî, Van-Loo, Joseph Vernct. Arnulphy, Parrocel, Réattu.
Deux dessins d'Adrien Manglard^ maître de Vernet, furent une
véritable révélation. Quatre aquarelles de Roux le père très au-
dessus des productions ordinaires de ce peintre de marine,
eurent un légitime succès.
Pareille exposition ne se fit pas — on le comprend assez —
avec les seules ressources de la Bibliothèque. Il fallut pour l'or-
ganiser toute l'activité et le savoir du bibliothécaire, M. J.
Billioud, et le bon vouloir des collectionneurs qui le laissèrent
choisir et emporter. M. Jean Masson fut son premier coadjuteur
et prêta de rares et précieux dessins. On fit d'autres emprunts
à la collection G. Usslaub, cabinet marseillais des estampes,
au Comte de Demandolx-Dedons, à M. de Blégiers et, pour le
livrcj à Mme la marquise de Campou-Grimaldi-Régusse, à M.
Jourdan-Barry, à M. l'abbé Vaillen.
Limitée sévèrement dans le temps et dans l'espace et dans
son domaine bien déterminé, cette manifestation a été un heu-
reux complément aux leçons d'art provençal qu'avaient données
les expositions de 1906 et de 1922. 11 faut savoir gré aux Amis
de la Biblioîhèqiie de leur intelligent effort et les encourager
dans leur entreprise. — Emile Isnard.
STATUTS
DE LA
Société de Statistique, d'Histoire et d'Arciiéoiogie
de Marseille et de Provence
[a(:lopIr.-< à r lUKininiilé à rAsscniblée Géiiénilc ilu 10 mni 1928)
BUT ET COMPOSITION DE L'ASSOCIATION
AnTicLE Premier. — L'Associalioii dile: Société de Slalisliquc,
d'Histoire et d'Archéologie de Marseille et de Provence, fondée
le 7 février 1827, sous le nom de Société de Statistique de Mar-
seille, reconnue d'utilité publique par ordonnance royale du
2 avril 1831, a pour but l'étude et l'avancement des sciences
historiques, spécialement en ce qui concerne Marseille, la Pro-
vence et les régions limitrophes.
Sa durée est illimitée.
Elle a son Siège Social à Marseille.
Art. 2. — L'Association se compose de membres d'honneur,
de membres titulaires et de membres correspondants. Sont de
droit membres d'honneur; le Préfet des Bouches-du-Rhône,
le Maire de la Ville de Marseille, le Président de la Chambre de
Commerce de Marseille et le Recteur de l'Académie d'Aix. Les
autres membres d'honneur, au nombre maximum de cinq, sont
nommés par TAssemblée générale sur la proposiiton du Conseil
d'Administration et choisis parmi les notabilités s'étant effi-
cacement intéressées à l'Association, ainsi que parmi les mem-
bres anciens ou actuels, lui ayant rendu des services signalés.
Pour être membre titulaire, il faut:
1° Etre présenté par deux membres de l'Associai ion et agrée
par le Conseil d'Administration ;
2° Payer une cotisation annuelle dont le taux i->l proposé
par le Conseil d'Administration et fixé par l'Assemblée générale.
La cotisation peut être rachetée en versant une somme égale
au m-.ins à quinze fois le montant de la cotisation annuelle.
Les membres correspondants sont nommés dans les mêmes
formes que les membres titulaires parmi les personnes ne rési-
dant pas dans les départements des Bouches-du-Rhône, de la
Drôme, du Var, des Alpes-Maritimes, des Hautes et des Basses-
Alpes et de Vaucluse. Le titre ne comporte aucune obligation
124
et confère seulement le dmil (rêlre ndmis aux séances de l'As-
semblée générale, mais sans voix délibéralivc, et de pouvoir y
laire des communications. Leur nondjre est limité à 25. ,
Les personnes morales peuvcnl faire partie de l'Association.
Il en est de même des dames (jui pourront être élues à toutes
les fonctions.
Pourront recevoir le titre de bienfaiteur, les membres qui
auront fait à l'Association des libéralités' en argent ou en nature,
d'une valeur minima de mille francs.
Ai. T. 3. — La qualité de membre de l'Association se perd:
1° Par la démission;
2' Par la radiation prononcée pour motif grave par le Cons(>il
d'Administration, le membre intéressé ayant été préalablement
appelé par lettre recommandée à fournir ses explications, sauf
recours à l'Assemblée générale, ou par l'Assemblée générale sur
le rapport du Conseil d'administration.
ADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT
Art. 4. — L'Association est administrée par un Conseil de
seize membres élus pour un an, auxquels sont adjoints, leur vie
durant, pouvant remplir n'importe quelle fonction, les anciens
Présidents ayant occupé cette charge au moins deux fois.
L'Assemblée générale de janvier désigne par l'élection: le
Président, 2 vice-présidents, 1 Secrétaire général, 2 Secrétaires,
1 Trésorier, 1 tréso.rier-adjoint, 1 Bibliothécaire-archi/iste,
1 Conservateur des collections, 6 Conseillers.
Tous les membres du Conseil sont rééligibles, sauf le Pré-
sident dont le mandat ne loeut excéder 3 années (Consécutives.
Sortant de fonctions le président ne peut être réélu à la pré-
sidence qu'après un délai de deux ans, tout en restant rééli-
gible aux autres fonctions.
— En cas de vacances, par décès ou démission, le Conseil
reste valide jusqu'à concurrence de la présence des deux tiers
de ses membres.
Passé ce chiffre, il est procédé dans le délai d'un n.ris au
renouvellement total du Conseil, sur convocation à une Assem-
blée générale extraordinaire, faite par les membres restant tn
fonctions qui assurent la marche de la Socéité jusfju'au renou-
vellement.
Art. 5. — Le Conseil se réunit une fois par mois, sauf durant
les mois de juillet, d'août et de septembre, et chaque fois qu'il
125
o?t convoqué par son président ou sur In demando du lier-^ dp
ses membres.
l.a présence du tiers des m-embres du Conseil d';i<lniiuis!ra-
lion est nécessaire pour la validité des délibérations. Eu cas
de partage des voix celle du Présulent est prépondérante.
Il est tenu procès-verbal des séances.
Les procès-verbaux sont signés par le Président et le Secrétaire
général, et deux membres du Conseil présents à la séance.
Art. 6. — Les membres de l'Association ne peuvejit recevoir
aucune rétribution à raison des fonctions qui leur sont confiées.
Art. 7. — § I. Les membres titulaires de l'Association se
réunissent tous les ans, au mois de janvier, en Assemblée géné-
rale ordinaire, pour entendre les rap[)orts sui' la gestion du
Conseil d'administration, sur la situation financière et morale
de l'Association.
Ils approuvent dans cette m.ême séance les comptes de l'exer-
cice clos, votent le budget de Texercice suivant, délibèrent sur
les questions mises à l'ordre du jour et procèdent au renou-
vellement annuel des membres du Conseil d'administration sou-
mis à la réélection.
D'autres Assemblées générales peuvent être tenues sur la con-
vocation du Conseil d'administration ou sur la demande du
quart au moins des membres titulaires de la Société résidant
à Marseille.
Le rapport annuel et les comptes sont adressés chaque année
à tous les membres de l'Association.
§ 2. En outre de l'Assemblée générale aiinnelle. des séances
de travail ont lieu chaque mois aux jour et heure fixés par !<•
règlement intérieur, sauf en juillet, août et septembre.
Art. 8. — Les dépenses sont ordonnancées par le Président.
L'.'^ssociation est représentée en justice et dans tous les actes
de la vie civile par le Président. Le représentant de la Société
doit jouir du plein exercice de ses droits civils.
Art. 9. — Les délibérations du Conseil d'arlministration rela-
tives aux acquisitions, échanges et aliénations des immeubles
nécessaires au but poursuivi par l'Association, constitution d'hy-
pothèques sur les dits iTumeubles, baux excédant neuf années,
aliénation de biens dépendant du fon<ls de réserve et d'enqiruids,
ne sont valal)les qu'après l'approbation de l'Assemblée pfénérale.
126
AnT. 10. — Les délibéralions du Conseil d'adminislraliun rela-
tives à lacceplalion des dons et legs ne sont valables qu'après
Tapprobalion administrative donnée dans les conditions prévues
par l'article 910 du Code Civil et les articles 5 et 7 de^la loi
du 4 février 1901.
Les délibéralions de r.\ssemblée générale relatives au.x alié-
nations de biens dépendant du fonds de réserves ne sont vala-
bles qu'après rapprobatiun du Gouvernement.
Art. 11. — Le Conseil établira les règles d'organisation et de
fonclionnemeni des musées et collections qui pourraient être
fondés par l'Association, ain-^i que les règles concernant les
immeubles qui seraient légués à l'Association ou acquis par elle.
FONDS DE RÉSERVE ET RESSOURCES ANNUELLES
Art. 12. — Le fonds de réserve comprend:
1° Le dixième au moins du revenu net des biens de l'Associa-
tion ;
2° I-es sommes versées pour le rachat des cotisations ;
3° Le capital provenant des libéraliLés, à moins que l'emploi
immédiat n'en ait été autorisé.
Art. 13. — Le fonds de réserve est placé en rentes nominati-
ves sur l'Etat ou en obligations nominatives dont l'intérêt est
garanti par l'Etat.
Il petit être également employé à l'acquisition des immeubles
nécessaires au but de l'Association.
Art. 14. — Les recettes annuelles de l'Association se com-
pose ni :
1° Des cotisai ions et souscriptions de ses membres ;
2° Des subventions qui pourront lui être accordées ;
3° De la participation des auteurs aux frais d'impressi-m,
(lu produit des ventes des -publications de l'Association ;
4° Du produit des libéralités dont l'emiploi immédiat a été
autorisé ; des ressources créées à titre exceptionnel et, s'il y a
lieu, avec l'agrément de l'autorité compétente :
5" Du revenu de ses biens.
MODUnCATIONS DES STAT(/TS ET DISSOLUTION
Art. 15. — Les statut^ ne peuvent être modifiés <juo sur
la propositi<jn du Conseil d'Administration ou sur celle du
127
dixième des membres titulaires ; en ce cas, le Conseil ddit
tMre avisé afin de convoquer l'Assemblée générale cxtraordinair.'
chargée de délibérer sur les modifications proposées ; cellrr
ne peut modifier les statuts qu'à la majorité des doux tiers
des membres présents ; elle doit se composer tlu quart au moins
des membres titulaires résidant à Marseille. A défaul du quopuni,
il sera statué dans une séance ultéi'ieure, qui pourra avoir lieu
le même jour, sans convocation iiouvclk- el (juel que toit le-
nombre des présents.
Art. 16. — L'Assemblée générale appelée à se i)rononcer siii' la
dissolution de l'Association et convoquée spécialement à cet
effet doit comprendre, au moins, la moitié plus un des mem-
bres en exercice résidant à Marseille. Si celte proportion n'est
pas a-tteinte, l'Assemblée est convoquée à nouveau, mais à «juinze
jours d'intervalle, et celle fois elle peut valablement délibérer
(juel que soit le nombre des membres présents. Dans tous les
cas, la discussion ne peut être volée qu'à la majorité de deux
tiers des membres présents.
Art. 17. — En cas de dissolulion voloulaire, statutaire, pi'oiiou-
cée en justice ou par décret, ou en cas de retrait de la recon-
naissance d'utilité publique, l'Assemblée générale désijrne un
ou plusieurs membres commissaires chargés de la liquidation
di^H, biens de l'Association. Elle attribue l'actif net à un ou |)lu-
sieurs établissements analogues, publics ou recoinius il'ulilité
publique.
Ces délibérations sont adressées sans ilélai au Minisjèrc di-
l'Instruction Pubii(jue.
SUnVEILLANCi: ET RÈOLEMfCNT INTKRUl R
Art. 18. — Le Secrétaire général devra faire coiniaîlre dans
les trois mois à la Préfecture tous les changemenis survenus
dans l'Administration ou la Direction.
Les registres ou les pièces de complahililé de r.\ssocialion
seront présentées sans déplacement sur toute réquisilion du
Préfet, à lui-même ou à son Délégué.
Le rapport annuel et les comptes seront adressés chaque année
au Préfet du département, au miiiislre fie rTnb'ri''!'- ■■' i" minis-
tre de l'Instruction Publique.
Art. 19. — Le ministre de l'Instruction Puldique aura le droit
de faire visiter par ses délégués les établissements fondés par
128
l'Associalion et de se faire rendre comple de leur fonctionne-
nienl
Aht. '20. — Les règlemcnls inlériours préparés par le Conseil
d'administration et votés par l'Assemblée générale doivent être
suuniis à l'approbation du ministre de l'Intérieur et adressés
au ministre de l'Instruction Publi(iue el des Beaux-Arts.
Le Monastère des Chartreux d'Aix-en-Provence
1625-1791
(suite ci fin)
II
Armoiries et Sceau
Parmi les documents dépouillés dans les archives, nous
n'avons trouvé aucune trace des armoiries de ce couvent.
Les fiches d'Hozier consultcMîs, nous ont donné un bla-
son daté de 1696, ainsi décrit: D'azur à une Sainte Marthe
d'argent tenant dans sa main dextre un goupillon et dans
sa senestre un dragon du même et autour des mots aussi
d'argent: carthusia, aquexsis sanctae. m. \ Celui-ci est
un des nombreux dessins faits lors de l'enregistrement des
blasons où l'on en fabriquait de toutes pièces quand on n'en
avait pas sous la main, et pour adonter celui-ci d'IIo-ier
s'est contenté de .copier un dessin identique qui figurait déjà
depuis dix ans auparavant sur un manuscrit conservé aujour-
d'hui k la bibliothèque de la Ville de Marseille sous le N°
49376. Ce blason n'est donc pas véritablement celui de la
Chartreuse d'Aix.
L'armoriai du couvent de la Grande Chartreuse nous a
donné des indications bien plus précises; nous y avons
1 D'Hozier, Armoriai Général (1696). (Inscr. Trov. 1.509). (Blason
col. Prov. 11-1097).
I
130
MARC DUBOIS
trouvé sous le X° 9g courant des archives, un blason cjui
est identique à celui de son fondateur d'Aymar, ainsi décrit:
De gueules à la colombe éployée d'argent mouvant à dex-
tre et portant dans son bec un rameau d'olivier d'or; au
chef cousu d'azur chargé de 3 étoiles d'or mises en fasce.
ARMOIRIES DE LA CHARTREUSE SAINTE- MARTHE
d'aIX-EN PROVENCE
La règle générale de l'ordre est que chaque Maison prend
les armoiries de son fondateur et cela se comprend ; c'est
lui qui la protège contre ses ennemis ou ses contradicteurs,
lui assurera la libre disposition des biens qu'il lui a laissés
et même de ceux que d'autres lui ont laissé sous sa sauve-
garde.Donc le blason de d'Aymar est bien, comme l'indique
l'armoriai de l'Ordre, celui de la Chartreuse d'Aix. En ce
qui concerne le sceau de cette maison, on n'en connaît à ce
jour qu'un seul exemplaire, signalé par G. Vallier " (( des-
siné dans l'album de M. Maignien, ancien conservateur de
la bibliothèque de Grenoble. Il offre une légende tronquée
dans laquelle on croit pouvoir déchiffrer les fragments des
mots CAR... SIS 165... Son type paraît représenter Ste-Mar-
' Sigillographie de l'Ordre des Chartreux et numismatique de
Saint Bruno par G, Vallier. Montreuil-sur-IMer. 1891, iu-8°.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-E\-PROVENCE 131
the foulant aux pieds la Tarasque ». Ce sceau était-il celui
de la maison, le Sigillum Magnum? ou .seulement le Sigil-
lum Parvum, dont se servait pour leur usaçc particulier
soit le Prieur, ou le Vicaire, ainsi que les autorisaient les
statuts de l'Ordre.
Prieurs de la Chartreuse
Pour nous excuser de n'avoir presque plus rien à dire de
ce couvent nous empruntons à l'auteur d'une monographie
de la Chartreuse de Glandier ces quelques lignes ' : <( Lors-
« que d'une Chartreuse l'on a dit la fondation, quand on
(( a donné la liste de ses Prieurs et raconté comment et à
(( quelle époque elle a cessé d'exister, il ne reste plus rien
(( ou presque plus rien à dire. Ces longs siècles qui sépa-
(( rent la première et la dernière des deux dates se sont
(( écoulés dans l'uniformité d'une vie de prières et. de tra-
ce vail qui fut toute pour Dieu et ne voulut rien laisser aux
(( hommes. Le silence qui règne dans la Chartreuse semble
a durer après qu'elle n'est plus ».
Nous donnons la liste générale des Prieurs depuis sa
fondation jusqu'en 1791, telle que nous avons pu la réta-
blir soit avec des documents d'archives soit avec les archives
de la Grande Chartreuse.
1628-163 1. — Dom Gabriel Orcel, de Saint-Chamas, fut le
premier recteur d'Aix en 1628; prof es de
Villeneuve le 5 août 1507 ; coadjuteur de
Montrieux à la chapelle de X.-D. de Conso-
lation (1603-1606); procureur au Val Sainte-
Marie (1606-13); procureur de \^illeneuve
" Xotice historique sur l'ancienne Chartreuse do Clandior. par
J. Brunet, 1879, p. 22.
132 MARC DUBOIS
(1615-19); procureur à Valbonne (1619-23);
coadjuteur à Villeneuve (1623-162..); fut
nommé recteur à Aix après le Chapitre de
1628, fonction qu'il quitta entre les Chapi-
tres de 1630-31 pour devenir procureur du
même couvent jusqu'au Chapitre de 1631. Il
quitta Aix quelques mois après pour devenir
procureur du Val Ste-Marie (1631-1632); co-
adjuteur puis procureur de Bonpas (1632-
33) i premier recteur de Marseille (1633-34);
enfin le Chapitre de 1634 le renvoie à Aix
comme Prieur jusqu'à sa mort le 8 mars
1640. Le Chapitre Général lui accorde une
messe de Beata de la Ste Vierge dans tout
l'Ordre. D. Gabriel OrceL Ch. cap. gen.
1629 (signifie: carte du chapitre général).
Rectori novœ plantationis juxta Aquas
Sextias non fit yii[isericord]ia.
1631-1633. — D. Denys de Sailli, d'Aumalle, profès de Vil-
leneuve le II juin 1631 ; coadjuteur (161 . .-
1618) ;vicaire (1618-19) ;procureur (1619-21);
de nouveau vicaire (1621-23) ; prieur de Bon-
pas (1623-31) ; prieur d'Aix (1631-33) ; prieur
de la Verne (1633-38) ; de nouveau prieur de
Bonpas (1638-40) ; où il mourut le 28 mai
1640. Une messe de Beata dans la province
de Provence lui est accordée. Ch. 1631. D.
Dionysius de Sailly a Rd. Pâtre in priorem
domus novœ plantationis juxta Aquas Sex-
tias super annum instituto non fit m[ise-
ncord]ia.
1633-1634. — D. Jean-Baptiste Giraud, de Valcnsole, fit
profession à Villeneuve le 21 novembre 1596,
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVENCE 133
vicaire (1605-iu;; rccicur cl prieur du Val
Ste-Alarie (1O10-21); prieur de Monirieux
(1621-26); prieur de la Verne (1626-32); de
nouveau prieur de Alontrieux (1632-33) ;
prieur d'Aix (1633-34); <^^ nouveau prieur
du Val Ste-Alarie (1634-39); et une troisième
foi§ (1642-45); et une seconde fois à la Ver-
ne (1645-46), où il mourut le 2 novembre
1646, après 50 ans de profession. Eut une
messe de la Vierge dans tout l'Ordre. J.-B.
Giraud. Ch. 1633. ^ovam ordinis plantatio-
nem apud Aqiias Scxtias, ex liberalitate et
pietate defuncti clarissinii viri domini Joan-
nis Andréas d'Aymar, in senatu Aquensi
consiliarii, felix jam iniiiiim ac Jundamen-
tum habantem ordini incorporamus.
1634-1640. — D. Gabriel Orcel, c^ue nous avons nommé au
commencement de cette liste revient conume
prieur à Aix jusqu'à sa mort.
1640-1644. — D. Gabriel Magnati, d'Avignon, prof es de la
Chartreuse le 3 avril 1610, était procureur
de Chartreuse à l'Obédience de Meylan, près
de Grenoble, quand le Chapitre de 1640 le
nom„me prieur d'Aix, où il est resté jusqu'en
novembre 1644, transféré alors au priorat de
Bonpas (1644-47); ^^ nouveau procureur de
Meylan puis prieur de Bonlieu et de Seillon,
où il est mort en charge en 1652, après 43
ans de vie religieuse; eut une messe de la
Ste Vierge dans tout l'Ordre.
1644-1650. — D. Antoine Blacone de Toulouse, profès de
Chartreuse le 18 octobre 1636, fut nommé
134 MARC DUBOIS
prieur d'Aix en novembre 1644 et transféré
au priorat de Valbonne un peu avant le Cha-
pitre de 1650.
1O50-1654. — D. Alexis Arnaudi, d'Orange, profès de Ville-
neuve le 21 octobre 1632, vicaire à Marseille
(1630-38), vicaire dMix (1640-41); vicaire à
Villeneuve (1641-45), vicaire de Bonpas
(1645-47); prieur d'Aix (1650-54); prieur du
\ al Ste-AIarie (1654-57); prieur de Mont-
rieux (1667-78); prieur de Valbonne (1678-
89); où il meurt le 9 juin 1689, à 69 ans et
49 ans de religion dont 39 de prieurat. Eut
une messe de la Ste Vierge dans tout l'Or-
dre. Ch. 1650, D. Alexis Arnaudi in pria-
rem doniiis Aquensis à Rd Pâtre super an-
num instituto non fit m[isericord]ia.
1654-1656. — D. Antoine Blaconne, retourne prieur à Aix.
Il fut transféré au noviciat de Toulouse le
29 janvier 1656 et nommé visiteur de la pro-
vince d'Aquitaine jusqu'en 1674 et prieur de
Castres rétabli (1674-78); où il meurt le 28
janvier. Les Chartreuses de Castres et de
Toulouse étaient unies depuis la fin du xvi*
siècle. Les Chartreux de Castres chassés par
les huguenots se réfugièrent à Toulouse et
y établirent une maison qui vécut d'abord
des revenus de Castres. Ch. 1650. D. Anto-
nis Blacone in priorem domus Aquensis a
Rd Paire super annum instituto non fit
m[isericord]ia.
Un manuscrit de Chartreux dit de lui :
(( Obiit 23 Januari 1678 protoprior cartusen-
(( sis (Cartusias) restitutee, alias prior
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVENCE
»35
(( Aquensis (Aixj, Vallisbonas, Taurincnsis
« (Toulouse) et visitator Aquilania; ; vir onuii
(( laude major in utroque slaUi et quasi ge-
(( nitor Castrensis CartusicX', cuni ipse au-
(( thor fuit divisionis domus Tolosa janijain
({ suflicienter dotata ».
1656-1684. — D. Philippe Jassaud, de Tourane, protès de
Villeneuve le 21 novembre 1632, y fut coad-
juteur (1637-41); et procureur (1641-56); est
mort prieur d'Aix le 14 septembre 1684. Le
Chapitre de 1685 l'JÏ accorda une messe de la
Ste Vierge dans tout l'Ordre. Ch. 1656. D.
FliiUppo Jassaud, in priorem domus Aquen-
sis a Rd Pâtre super annu))i instituto non
fit iu[isericor]dia.
1684-1697. ■ — D. Jean-Jacques de Bussy, de Paris, profès
de Villeneuve le 21 décembre 1672, y fut
nommé courrier en mars 1676. Est mort sim-
ple religieux à fin 1717 ou commencement
1718, dans la Chartreuse de Marseille. 11 eut
une messe de la Ste Vierge dans tout l'Or-
dre. Ch. 1685. D- J'-^cobo de Bussy in prio-
rem Aquensis a Rd Pâtre super anmini ins-
tituto non fit in[isericord]ia.
1697-1700. — D. Jean-Joseph Bardon, d'Aix, profès de Vil-
leneuve Je 21 avril 1678, où il était vicaire
quand le Chapitre Général de 1689 le nomma
prieur de Villeneuve, transféré au priorat de
Montrieux par le Chapitre (1690-97); puis à
Aix (1697-1700); retourné au priorat de
Montrieux, il y mourut presque aussitôt, son
obit est noté dans la carte de 1701.
136 MARC DUBOIS
1700-1705. — D. François Guiot, d'Autun, profès de Ville-
neuve le 1 1 juin 1674, y ^ut vicaire (1683-86) ;
prieur de Montrieux (1686-90); prieur de
Durbon (1690-96); de \'aucluse (1696-1700);
d'Aix (1700-05) de ^Marseille (1705-13) où il
meurt le 10 novembre 1713 après 59 ans de
profession dont 47 années de priorat. Est
noté dans la carte de 1734 qui lui accorde une
messe de la Ste Vierge et un anniversaire
perpétuel dans tout l'Ordre.
] 705-1724. — D. Philibert Brunet, de Gap, profès de Vil-
leneuve le 9 juin 1677, envoyé à la Verne en
16S6, y lut sacristain (1687-89); puis retour-
ne à Villeneuve, devint plus tard coadjuteur
de Marseille et nommé prieur au Chapitre
de 1702-05); puis transféré à Aix jusqu'au
Chapitre de 1724 qui l'envoya prieur à Lu-
gny (1724-25); où il meurt peu après, mais
avant le Chapitre de 1725 qui annonce sa
mort et lui accorde une messe de la Ste
Vierge dans tout l'Ordre.
1724-1728. — D. Guillaume ]\Ioreau, profès de Villeneuve,
fut prieur de Durbon (1722-1724); et d'Aix
(1724-28). Il était coadjuteur de Marseille,
quand on le nomma prieur de Durbon, où
il ne put se rendre qu'après avoir fait deux
quarantaines, l'une dans le terroir d'Aix et
l'autre à Sisteron à cause de la contagion de
la peste. Il mourut à Bédarrides en se ren-
dant au Chapitre de 1728, qui donne son obit.
1728-1748. — D. Mathias Régis, profès de Villeneuve, fut
d'abord prieur de la Verne (1726-28); et
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE I37
d'Aix de 172S à sa mort en 1748. Son obii
est noté dans la Carte du Chapitre de 1749.
1748-1755. — D. Jean-David Saint-Alariin, profès de Tou-
louse et procureur de X.-U. du Puy ; prieur
d'Aix le 28 juin (1748-55); transféré au prio-
rat du Val Ste-iMarie le 2g novembre (1755-
62) ; de nouveau procureur à Toulouse (1762-
64); prieur de Cahors (1764-74); prieur de
'l'oulouse (1774-79), ^^^ il meurt le 28 mai
1779; visiteur (1778-79). Son obit est noté
dans la Carte de 1780, on lui accorda un
plein monachat et un anniversaire. D. Jean
David 1748-55... <( et ogendam spccialem en
quod ohierit in desseusu Capituli ».
1755-1764. — D. Gabriel Julien, profès de Valbonne et cour-
rier de Montrieux, est nommé prieur de la
Verne (1744-46) ; de Montrieux (1746-55) ;
prieur d'Aix le 29 novembre (1755-64) ; est
mort simple religieux lin 1776, est noté dans
la Carte de 1771 qui dit qu'il vécut 59 ans
(( laudabiliter » dans l'Ordre.
1764-1772. — D. Alexandre Perraud, profès de X'illeneuve,
nommé prieur d'Aix le' i"' décembre (1764-
72) ; alors transféré au priorat de la Verne où
il est mort en 1775. Son obit est noté dans la
carte de 1776.
1772-1786. — D. Joseph de Camaret, de Perne, profès de
Villeneuve le i"" novembre 176;,, vicaire à
Villeneuve (1762-66) ; procureur d'Aix (1766-
68); de nouveau vicaire de Villeneuve (1768-
72); prieur d'Aix (1772-1786) ;dernier prieur
«38
MARC DUBOIS
de X^illeneuve (1786-91); la carte de 1801
annonce sa mon et dit qu'il vécut 59 ans
(( laudabiliter » dans l'Ordre. On ignore ce
qui lui est advenu de 1791 à sa morten'1801.
1 786-1 791. — D. Bonaventure Cantor, de Besançon, profès
de Bonpas le 8 décembre 1761, procureur de
Premol- (1761-69) j prieur de la Val Sainte
en Suisse (1769-72); prieur de la Part-Dieu
(1772-75); prieur de Bonpas (1775-81); coad-
juteur (1781-86); rentre à Bonpas en octo-
bre 1791, se réfugie ensuite à la Part-Dieu
en Suisse où il est mort le 10 janvier à 75
ans, après avoir passé 54 ans dans l'Ordre. Il
eut une messe de la Ste Vierge et un u lau-
dabiliter». Il fut le dernier prieur de laChar-
treuse d'Aix. Ch. 1795. Obilt Bonaventura
Cantor profus et antiquior D. Bonipassus
prior dominiis Aqucnsis et convisitator pro-
vinciœ Provinciœ, alias prior domorum,
ValJis Santœ,, Partis Dei et Bonipassus, ha-
bens missam de Beata Maria per tôt. ordi-
nem in quo 54 annis valde laudabiliter vixit.
Plusieurs religieux de cette Maison ont mérité de la part
de l'Ordre l'éloge d'avoir vécu Laudabiliter. La mention
Laudabiliter vixit et très exceptionnellement Valde lauda-
biliter vixit dans le nécrologe cartusien, est comme une sorte
de petite canonisation discrète, accordée seulement par le
Chapitre général, d'ans des cas très rares, à des religieux qui
ont vécu longtemps dans l'Ordre de façon tout particuliè-
rement édifiante. Dans cette liste de plus de vingt Prieurs,
un tel éloge n'est accordé que trois fois, et durant ces 166
ans il ne fut accordé que deux fois à de simples religieux
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVENCE I39
de la Communauté: D. Jean Chauvet, profès de Villeneuve,
qui mourut à Aix en 17 17 après 60 ans de vie cartusienne,
et D. Gabriel-Jules Cœur, qui vécut 59 ans dans l'Ordre.
On voit par là avec quelle parcnnonic et discrétion le Cha-
pitre général dispensait pareille mention.
Liste des Procureurs
D. Jean Calamard.
D. Gabriel Orcel (voir aux prieurs).
D. Louis de Beaumont.
D. Grégoire Duplessis.
D. Paul Rohier.
D. Grégoire Duplessis, pour la 2" fois.
D. Bénigne Verdonay.
D. Charles de la Mure.
D. Jérôme Gualtari.
D. Georges de Castcllan.
D. Agathange d'Oreson.
D. Alphonse Montfreule.
D. Simon Salvani.
D. François Ravan.
D. Pierre-Paul de Rieux.
D. Emmanuel Vanel.
D. Nicolaus Tienne.
D. Alphonse Montfreule, pour la 2" fois.
D. Martial Louvet.
D. Joseph de Camaret (voir aux prieurs).
D. Martial Louvet, pour la 2' fois.
D, Antoine Daru.
D. François Clet.
1628-
1630.
I63I-
1631-
i(^33-
1633-
1634-
1634-
1635-
1635-
163..
163.-
1641.
1641-
1643.
1643-
1644.
1644-
1660.
1660-
1663.
1663-
1667.
1667-
1672.
1672-
1676.
1676-
1677.
1677-
1679.
1679-
1683.
1683-
1765-
1766-
1768.
1768-
1774-
1774-
1789.
1789-
1791.
140
1640-J
641.
I64I-]
643-
I643-]
649.
I649-]
653-
1653-1
659-
I659-]
670.
1670-]
676.
1676-]
682.
J682-
[68..
1706-
. . . .
1772-
[779-
1779-
[780.
1780-
^783.
1783-
786.
ifS6-
[787.
1787-
[789.
1789-
1791.
MARC DUBOIS
Liste des Vicaires
D. Alexis Arnaudi.
D. Séraphin Beau.
D. Hiacinthe Bagnoli.
D. Jacques de Spa.
D. Hiacinthe Bagnoli, pour la 2' fois.
D. Sébastien Charrière.
D. André Fournier.
D. Simon Salvani.
D. Joseph Glaise.
D. Marc-Antoine Griot.
D. Lazare Allignan.
D. Bonaventure Froment.
D. Jérôme Lafond.
D. Arsène Fournier.
D. Bernard Dorre.
D. Antoine Lacombe.
D. Bernard Dorre,pour la deuxième fois et le
dernier.
Liste des Sacristains
1634-1640. — D. Victor Bordin.
1640-1643. — D. Hilaire Bacheler.
1643-1645. — D. Charles de l'Estoile.
1645-1648. — D. Honoré Guillache.
1648-1653. — D. Robert le Maistre.
1653-1659. — D. Urbain Mongeot.
1659-1664. — D. Pierre le Chesne.
1664-1667. — D. François Henri.
1667-1669. — D. Laurent Rhodes.
1669-1672. — D. Guillaume du Bouc.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVENCE 141
1672-1675. — D. Jérôme Gaillard.
1675- 1679. — D. Jacques Deschamps.
1679-1680. — D. Guillaume du Bouc, pour la 2" fois.
i68o-i6Sr. - D. Bonaventure Mouran.
1681-1685. — D. Jean Chauvet.
1685-1690. — D. Jean-François Imbert.
1762- 1765. — D. Pierre Hebriel.
1765-1767. — D. Ange Jossume.
1767-17... — D. Elzéar de Seranon.
17..-1791. — D. Basile Tardieu.
Période de la Révolution
Au commencement de l'année t 700, la Maison devait être
ainsi composée:
1. — D. Bonaventure Cantor, prieur.
2. — D. Bernard Dorro, vicaire, né en Comté le 11 février
1749, profès de Bonpas le 9 décembre 1773, coadjuteur
en 1779, procureur en 1781, vicaire à Aix en 178S et la
même année à la \'erne ; de nouveau vicaire à Aix en
1789, sorti de l'Ordre en janvier 1791.
3. — D. Michel Mille, né dans le Comtat le 23 février
17 16; profès de Villeneuve le 6 août 1746, hôte \\ !a
Verne en 1761 ; hôte à Aix en 1764 ; rentré à \'il]('neuve
en 1791.
4. — D. Elzéar de Seranon, né à Cirasse le 15 mars 1722,
profès de Bonpas en 1748, vicaire en 1761, vicaire à
Montrieux en 1766; sacristain à Aix en 1767, dénosé
avant la fin, y est mort le 6 août 1790, c'est le dernier
chartreux qui y fut enterré.
5. — D. Ange Jossume, né à Avignon le 15 mai 1723,
profès de Valbonne en 1750, sacristain à Aix en 1765-
69; imort le 7 février 1S03.
142 MARC DUBOIS
6. — D. Paul Blanc, né à Marseille le 25 juin 1730, pro-
fès de \'illeneuve le 25 mars 1751, maître des novices
en 1765, sacristain à Aix en 1766; hôte à Marseille en
1768; hôte à Aix en 1779; sorti en novembre 1791.
7. — D. Hugues Langlade, né le 5 octobre 1730, prof es
de Villeneuve le 15 août 1753 ; courrier en 1764; coad-
juteur à Marseille en 1766; coadjuteur à Montrieux en
1782 ; coadjuteur à Aix le 23 août 1783.
8. — D. Basile Tardieu, né à Marseille le 20 janvier 1730,
profès de Villeneuve le 6 octobre 1750, sacristain à
Aix; sorti en juin 1791.
9. — D. François Clet, né à Grenoble le 15 mars 1744,
profès de Valbonne le 22 juillet 1764, vicaire en 1775 ;
courrier de Durbon en 1782; procureur en 1784; pro-
cureur de Valbonne en 1785 ; procureur à Aix en mars
1787 ; hôte à Rome. D. François Clet a vécu à la Char-
treuse de Rome de 1794 à 18 10, lorsqu'il fut obligé
par le gouvernement français de rentrer en France,
est mort à Grenoble avant 1826.
10. — D. Louis de Saléon, né en Vivarais le 18 novembre
1750, profès de Villeneuve le 17 décembre 1771, hôte
d'Aix en juillet 1781, sorti en novembre 1791.
11. — D. Jean-François Carillan, né à Montélimar le 15
avril 1757, profès de Valbonne le 6 octobre 1778, hôte
d'Aix en décembre 1786.
*
* *
En novembre 1789, tous les Supérieurs des Communau-
tés religieuses de France avaient reçu un exemplaire des
Lettres-Patentes du Roi, portant sanction d'un décret de
l'Assemblée Constituante concernant l'émission des vœux
de l'un et l'autre sexe. Ce décret du 28 octobre, tout en
MONASTÈRE DES CHARTRHUX d'aiX-EN-PROVENCE 14^
ajournant la question des vœux monastiques, en susi>endit
aussitôt l'émission dans tous les monastères.
Le 4 février 1790, l'Assemblée Nationale adoptant la pro-
position du Président Barnave, rendit l'arrêt suivant :
comme article constitutionnel.
1° Que la loi ne reconnaîtra plus les vœux monastiqties
solennels de l'un et l'autre sexe; déclare en conséquence
que les Ordres et Congrégations religieuses sont et demeu-
rent supprimées en France, sans qu'il puisse en être établis
à l'avenir ;
2° Tous les individus de l'un et l'autre sexe existant dans
les monastères et maisons religieuses, pourront en sortir en
faisant leur déclaration à la Municipalité du lieu, où il sera
pourvu à leur sort par une pension convenable.
Dès ce moment, les biens des religieux devenaient la pro-
priété de la Nation, l'Etat se substituant en leur lieu et pla-
ce. De Là, promulgation de nouveaux décrets les 20 février,
19 et 20 'mars, statuant que ' :
Art. VI. — Les officiers municipaux se transporteront
dans la huitaine de la publication des présentes, dans toutes
les maisons religieuses de leur territoire, et s'y feront repré-
senter tous les registres et comptes de régie, les arrête-
ront et formeront un résultat des revenus et des époques de
leur échéance. Ils devront. aussi dresser sur papier libre
l'état sommaire de l'argenterie, de l'argent monnayé, des
effets de sacristie, livres et mobiliers, en présence de tous
les religieux, à la charge desquels ils laisseront les dits
objets. Ils dresseront un état des religieux profès de cha-
que maison avec leur nom, leur âge et les places qu'ils occu-
pent, et recevront la déclaration de ceux qui voudraient s'ex-
^ Lettres Patentes du Roi, données à Paris le 26 mars 1790.
144 MARC DUBOIS
pliquer sur leur intention de sortir des maisons de leur Ordre
et vérifieront le nombre de sujets que chaque maison pour-
rait contenir.
Biens de la Chartreuse en 1790
D'après les inventaires des Officiers Municipaux, dressés
le 17 mai 1790, la Communauté qui se composait de dix
religieux et trois frères, possédait * :
Deux bastides au quartier Saint-Mitre y compris l'enclos
d'Aymar et la vigne de Bouenhoure dont les terres en par-
tie labourables et complantées en vignes et oliviers sont
affermées à mi-fruits à quatre rentiers, dont le produit y
compris une vigne dite de St-Laurent
s'élève à 266 liv. 3 s. 6 d.
Pré du même quartier, affermé .... 300 liv.
Jardin dit du Perrier avec bâtiment,
une petite terre et une aire dans le
terrain de cette ville, affermés .... 900 liv.
Jardin dit des Canaux, avec bâtiment
au faubourg 120 liv.
Jardin dit de Marcel au faubourg . . 48 liv.
Deux petites (maisons contiglies .... 75 liv.
Le jardin de la Maison, revenu .... 72 liv.
La Chartreuse d'Aix possède les
droits de cens et surcens sur plu-
sieurs maisons situées dans le fau-
bourg, dont le revenu annuel s'élève
à 1 .084 liv. I s. 9 d.
' Documents relatifs à la' vente des Biens Nationaux. Paul Mou-
lin, IQOS, t. I.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE I45
Droits de lods produisant année com-
mune 738 liv. 7 s.
Pensions diverses produisant im re-
venu annuel de 5-Oo'J '•'^ • ' • >^- 7 d.
Biens nationaux situés dans le terroir d'Aix
Deux domaines contigus des Charireux au (|uartier de
Bueno-houre et jas de Bouffan.
Terre et pré attenant au domaine de la Vieille Chartreuse,
arrentée au prix de 300 livres.
Petit jardin au domaine du grand Jardin de la Char-
treuse de la terre des Canaux, arrenté pour sept années à la
rente annuelle de 120 livres.
Jardin dit de Marcel, arrenté pour six années à la rente
annuelle de 48 livres.
Grand Jardin et enclos, du côté du faubourg des Cordeliers,
terre dite des Canaux; bâtiment et réservoir près le jardin
de la Chartreuse; jardin dit de Bérenguier; enclos attt^iant
à l'église des Chartreux; petite remise au coin du jardin de
Bérenguier ; place à vendre les herbes proche de la Halle ; le
tout arrenté pour six ans à la rente annuelle de 800 livres.
Prés clos, près des Minimes, arrentés conjointement avec
d'autres petits prés, h la rente annuelle de i .000 livres.
Langue de terre dont partie en aire près de la Rotonde.
Biens de Deuxième Classe
Terres et prés de la Grande Chartreuse, estimé 6.589 liv.
Prés proche des Minimes 8.800 »
Domaine quartier de la Boueno-Houro '7-270 »
Domaine du .Jas de Bouffan 67. 102 »
Propriété quartier de Boueno-Houro i -9^^ »
a
146 ' MARC DUBOIS
Propriété chemin d'Avignon 3-3-2S
Enclos dit des Canaux S^ooo
Enclos dit de Bérenguier 5 . 200
Cens en argent et surcens 12.000
Une pierre à vendre, place aux herbes 600
Eglise couvent et jardin 36.750
Propriété près de la Rotonde
Maison au faubourg, rue de ki Paix 640
Autre, même rue 610
Ecurie et grenier à foin même rue 220
Total de l'estimation 169.089 »
Charges
Frais de culture de deux bastides,
plantations, améliorations et répa-
rations 855 liv. 8s. lé.
Réparation et entretien des mai-
sons, murs de clôture et canaux
des jardins . 307 liv. 1 1 s. 2 d.
Les décimes 483 liv. 18 s.
Capitaux des domestiques 7 liv. 4 s.
A l'archevêque d'Aix pour cens et
indemnité 32 liv.
Au possesseur de la chapelle St-Mi-
chel et 1/2 lods 32 liv. 10 s.
Aux anniversaires de St Sauveur,
pour cens, 1/2 lods 2 panneaux de
blé et 168 liv. 13 s. 2 d.
Au prieur de St-Jean, pour cens, 6
panneaux de blé i liv. 3 s.
A la ville d'Aix pour cens et 1/2
lods 10 liv. os. 2 d.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVENCE 147
Au domaine du roi o Ijv. 5 s. 5 d.
De plus, la Ciiartreuse est chargée de l'acquittement de
plusieurs fondations.
Nota. — Il faut déduire des revenus, la somme de 150
livres, le capital dû par AI. de Viens, produisant cette somme
ayant été remboursé et compris dans les 4.000 livres pla-
cées sur la communauté de Caumont sous le nom de l'abbé
Peraud.
Il existe en argent monnayé la som-
me de 2.920 liv. 5 s. 3 d.
Il est dû en arrérages :
Pour les censés i .390 liv. 5 s. 8 d.
Sur les pensions 3-287 liv. 11 s. 10 d.
Mobilier non évolue
La bibliothèque renferme 1.200 volumes.
Le traitement des religieux est ainsi liquidé:
Deux cà r . 200 livres
Quatre à i .000 livres
Quatre à 900 livres
Pour les Frères :
Un à 600 livres
Deux donnés à 300 livres chacun
Vente des biens de la Chartreuse
Depuis le momenl où les Officiers Municipaux dressèrent
l'inventaire de l'actif et du passif du monastère, le Procureur
était tenu d'avoir un journal indiquant les recettes et les
dépenses qu'il devait présenter pour les six mois au receveur
du district; lorsque parut ce décret de l'Assemblée Natio-
nale: (( Considérant que les bâtiments et les terrains vastes
148 MARC DUBOIS
(( et précieux occupés par les religieux et religieuses, présen-
ce tent de grandes ressources à la Nation dans un moment
(( où les grandes dépense lui font une loi de ne négliger
({ aucune de ses ressources ; Qu'il importe de faire jouir les
<( religieux et religieuses de la liberté qui leur est assurée
(( par les lois précédemment faites ; Qu'il importe pas moins
(( de dissiper les restes d'un fanatisme auquel les ci-devant
(( monastères prêtent une trop facile retraite; qu'enfin il est
(( un moyen de concilier par une augmentation de pension,
(( la liberté des religieux déliés de la vie commune et les
(( intérêts (3e la Maison avec l'extinction absolue de la
(( vie monacale, décrète qu'il y a urgence:
Art. I. — Pour le i" octobre prochain, toutes les mai-
sons actuellement occupées par des religieux ou des religieu-
ses seront évacuées par les dits religieux ou religieuses et
seront mis en vente à la diligence des Corps Administra-
tifs. '
Art. XIV. — Aussitôt la publication du présent décret,
les directions des districts feront convertir en monnaie tou-
tes les cloches et l'argenterie des maisons religieuses de
leur arrondissement.
Art. XV. — Les bâtiments nationaux et leurs dépendan-
ces occupés par les religieux et les religieuses, seront mis en
vente sans attendre qu'ils soient libres, mais les acquéreurs
ne pourront dans aucun cas en prendre jouissance avant
le 2 octobre prochain. — Signé : Rolland. Contresigné :
Danton.
A la suite de ces décrets, tous les biens de la Chartreuse
d'Aix furent vendus en partie brisée et en voici le détail.
15 février 179T. — Propriété au quartier de Boueno-Houro,
confrontant la traverse qui va à l'ancienne Chartreuse, esti-
MONASTÈRE DES CHARTKEl X d'AIX-EN-PROVENCE 14^
niée i.Soo livres, iidjuyee a Aiu. J'ou-
qua, d'Aix O.Ouo liv
Terre au même quariier cuiitroniant
le \alat du même nom, estimée 1.430 li-
vres, adjugée à Joseph Michel, bijou-
tier à Aix 4-3o<-> liv.
24 lévrier 1791. — Pré, enclos et bâ-
timent, confroniant au Nord aux Mini-
mes, arrentés à Imbert, aubergiste, esti-
mé 8.800 livres, adjugés à J. Biaise
Longeon, d'Aix 27 . 100 liv.
i"'' mars 17 19. — Domaine dit la Gran-
de Chartreuse, au quartier du Jas de
Bouffan, confrontant le valat de Boueno-
Mouro, chemin de Galice et de Berre,
bâtiments, cour, jardin, vignobles, ter-
res (64 quartérées). Terres et vignes
(S quart. 1/2), autre terre (4 quart. 250
cannes), une langue de terre (500 can-
nes), estimé 49.S32 livres.
Domaine dit la petite Chartreuse au
quartier de Boueno-Houro, bâtiment
pour le ménage, et terre et vignobles
(i quart, 275 cannes), estimé 15.840 liv.
Le tout adjugé à Joseph Emeric, pour
le compte de J.-J. Emeric aîné et Fran-
çois Boiu'garel, tous deux négociants
à Aix 1 15.000 liv.
3 mars 1791. — Propriété dite Enclos
Aymar, au chemin d'Avignon, confron-
tant le chemin et celui qui va à l'hôpi-
tal St-Jacques, adjugé à Vve Honorât. 12.100 liv.
150 MARC DUBOIS
7 mars 1791. — Jardin dit de Béren-
giiier, bassin, puiis et vieux bâtiments
(2 quart.), au faubourg (contre le mur
du Midi est un bassin qui reçoit les eaux
minérales et le terrain qui va à la rue de
la Paix, coin de l'enclos du couvent),
estimé 5.200 liv., adjugé à Gaspard Ri-
chaud pour le compte de Jules-François
Fauris, d'Aix 8.600 liv.
5 avril 1791. — Jardin des Canaux
avec bâtiment et hangar confinant à
l'hôpital des Incurables (qui était alors
sur l'emplacement du cours Sextius), es-
timé 8.000 liv. ; adjugé à Honoré Gavot,
pour le compte de J.-F. Fauris, Gaspard
Abrard et Roure frères 31 .000 liv.
Jardin de Barrai avec vieille bâtisse,
rue de la Guerre, au faubourg", estimé
700 liv., adjugé à Décanis, ménager à
Aix . 2.250 liv.
i^"" juillet 1791. — Jardin avec bâti-
ment au faubourg d'Aix, confrontant
les Cornets, estimé 700 liv., adjugé à
Mardochée et Jacob Mossé frères,d'Aix 2.325 liv.
6 juillet 1791. — Terre et aire au bout
des aires de St-Roch, estimé 815 livres, ^
adjugé 2 . 100 liv.
i^ octobre 1791. — Meubles, effets,
ustensiles, tonneaux 3-3i5 liv.
8 octobre 1791. — Lambris et vieux
plomb 240 liv.
21 novembre 1791. — Jardins et en-
clos affermés 315 liv.
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE I 5 I
17 janvier 1792. - — Eglise, couveiU et
jardin à Aix, estimé 36.750 liv., adju-
gés à J.-B. Ansi, orfèvre à Aix, en
compte avec Gaspard Abrard, négo-
ciant ; J. Magnan, entrepreneur; J. Mi-
chel, orfèvre; Salomon Crémieux, né-
ciant et J. Simon, cirier à Aix 85.700 liv.
9 prairial an III (28 mai 1795). — Mai- ^
son en mauvais état rue de la Paix, au
faubourg d'Aix, estimée 640 livres;
adjugée à Claude Blache, entrepreneur
de chemins, rue des Chartreux, à Aix. 2.275 li\'.
Une autre maison, même rue, adju-
gée à épouse Sauve i .825 liv.
18 prairial. — Ornements et linges 2.922 liv. 10 s.
Total dos adjudications 307.967 liv. 17 s.
Eglise de la Chartreuse
En consultant les archives de la biblioihè(iu<.' Méjanes à
Aix, nous avons été heureux de trouver quelques renseigne-
ments intéressant la chapelle conventuelle.
1° Le manuscrit X" 862 (1036) papier, 159 pages, tin chi
XVIII'' siècle, intitulé: « Mémoire sur les monuments,
<( tableaux, slatues les plus remarcjuables de la ville d'Aix,
<( fait au mois de janvier 1791, sur la demande de la Muni-
<( cipalité et deTAdminislration du district par M. de .Saint-
Vincent », nous indique, page 102, Eglise des Chartreux,
le détail des tableaux ainsi décrits: « Le tableau du maître-
(( autel représentant Saint Bruno priant la Sainte Vierge
« qui intercède elle-même N.-S. J.-C. et celui de la chapelle
152
MARC DUBOIS
<( de Dom Prieur dans le petit cloître représentant Saint
(( Antoine de Padoue, sont de Levieux. Dans le sanctuaire
(( du chœur est un tableau de l'Annonciation assez estimé,
<( il est du frère Imbert, chartreux. Dans la salle destinée
(( aux étrangers, on voit plusieurs tableaux de Mignard,
(( représentant des saints de l'Ordre. Dans la salle de Dom
(( Prieur, au-dessus de la porte de la cellule est un très
« bon portrait du Cardinal de Richelieu, frère du ministre,
(( qui avait été chartreux et qui fut archevêque d'Aix en
<( 1623 et mourut évêque (sic) de Lyon. Les portraits de Guil-
(( laume d'Aymar, conseiller au Parlement, fondateur de
(( la 'Chartreuse d'Aix en 1633 et d'Olivier de Pennard,
(( archevêque d'Aix, n'ont que le mérite de la localité ».
On a ajouté au-dessous, aux premières années de la Révo-
lution : (( Le couvent et l'égiise ont été achetés par une So-
(( ciété de négociants, le tableau du maître -autel est à l'église
(( paroissiale du faubourg ».
2° Un album oblong de 19 livraisons, intitulé : Le Vieil
Aix (( Album de gravures représentant les monuments, objets
(( d'art et curiosités qui existaient autrefois dans Aix, ainsi
« que diverses coutumes locales aujourd'hui abandonnées
(( par M. de la Tour Keyrié. Alakaire, éditeur, rue Thiers,
« à Aix ». La 9" livraison de cet album concerne la Char-
treuse d'Aix, elle renferme une notice de L'histoire et de la
description du couvent et de quelques œuvres d'art qui sub-
sistent. Il y a aussi un plan conforme à celui conservé à la
Grande-Chartreuse dont il est la copie.
Voici les renseignements donnés sur les tableaux : « Il
(( signale C|ue Haitze dans ses curiosités de la Ville d'Aix »,
dit que » le rétable majeur de la chapelle était orné d'un
« beau tableau de M. Levieux, représentant Saint Bruno
« priant pouj le salut du monde, ainsi qu'il est écrit dans
(( un cartouche soutenu- paj: deux anges et contenant ces
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE | 33
(( mois: S iilv uni }ac popiiliDii Luidu, Douiih^. 1... .^,1....
u Vierge y joint son intercession auprès de son fils ».
(c II dit que ilaiize signale aussi la copie d'un Mignard
<{ habilement exécuté par le frère Imbert, chartreux. C'est
(( une Annonciation à laqtielle le copiste fait assister Saint
(( Charles-Borroniée à genoux, personnage qui ne ligure
« point dans IVctivre du maître ».
Ces renseignements nous ont permis de rechercher ces
œuvres d'art qui ont été retrouvées.
i" Le Saint-Bruno de Levieux, se trouve dans l'église
Saint-Jean de Malte, dans le bras gauche du transept en
face de l'autel de la \'ierge, auprès du tombeau des Comtes
de Provence. Il est conforme à la description de Ilaiize;
dans le coin, à gauche, Saint Bruno vêtu de la robe blan-
che des chartreux, lève les yeux au ciel vers Xotre-Seigneur,
assis sur un nuage dans le coin supérieur droit ; il est vêtu
d'une robe rouge avec manteau bleu et la tête nimbée. Au-
dessous de Saint Bruno, mais un peu plus bas, la X'ierge
assise aussi sur un nuage intercède auprès de son divin
fils. Des petits anges sont autour de la Vierge et du
Christ. Tout en haut le Saint-Esprit sous la forme habituelle
de la Colombe. Le cartouche et l'inscription y sont aussi.
C'est une très bonne peinture en parfait état dont les teintes
sont restées très fraîches; il paraît mesurer environ 2 mètres
sur I m. So.
2° \J Annonciation, du frère Imbert. est a la cathédrale
Saint-Sauveur, sur le retour du pilier qui supporte la chaire
et à sa droite, dans l'embrasure même du grand arceau (iiii
livre passage de la nef principale à colle de X.-D. d'I'-spé-
rance. Il est aussi conforme à la description : à droite est
la Vierge, vêtue de bleu, tendant les mains avec un air d'ex-
tase ; à gauche, un ange vêtu de jaune brun; au milieu,
Saint Charles-Borromée, sans aucun attribut, en rouge, à
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MONASTÈRE DES CHARTREUX d'AIX-EN-PROVENCE 155
genoux cl les mains joinles. Derrière la \'icrge il y a une
draperie eL une muraille derrière l'ange. Celle pciniure a
l'air assez bonne quoique très noircie, elle esi mal éclai-
rée et placée trop haut; ses diin.-n^i.m< viihlmt èir»' i\'i'n-
\'iron I m. 50 sur i m. 20.
Dans le dossier du manuscrit de M. de Saint- Vincent qui
porte la cote: EST. A. 48 — Saint-Vincent 27, nous avons
fait une trouvaille importante, c'est celle d'un beau dessin
à la sépia, tiimension 0,20x0,42, que nous avons pu faire
pliotograpîiier avec l'obligeante autorisation de M. le Con-
servateur de la Méjanes, il représente: <( l'église et le cou-
(( vent des Chartreux vus de l'intérieur de la cour ». Ce des-
sin est la seule vue du couvent des Chartreux d'Aix que
nous ayons pu trouver; il est des plus intéressants, car il
nous montre la cour avec à gauche la porte donnant sur la
rue Célony ; à droite, la porte monumentale surmontcx,' d'une
statu.e de Sainte IMarthe avec la 'l'arascpie, qui donne accès
dans le couxent cl enfin l'architecture décorati\-c extérieure
et fort belle de la cliapelle conventuelle.
Il }' a encore à la bibliothèciue d'Aix le manuscrit sui-
vant: N" S22 (842 R. 274, 465, 82S) " Recueil de jiièccs
FF ». Ou \- iroiu-e 21 numéros.
Le 13° est ainsi noté: « Elogium hisioricum nobilissimi
« piissimique viri Joannis Francisci de Fortis, Acjuensis,
(( fdii do'mîni dejClaps et dominée Marilux^ de Ciuiran », par
Jérôme Gaillard, chartreux d'Aix, i')75. Autographe.
XVII' et xx'iit" siècles, papier, form.'Us divers, sans pagina-
tion, demi reliure basane. Dom Jérôme Gaillard, du dio-
cèse de Carpentras, fit profession à Valbonne le 29 septem-
bre 1650, y fut coadjuteur en 1662 et vicaire (1662-1675).
Vicaire cà la Verne (1675-1678), Prieur de Monlrieux (1678-
1680) et prieur de Valbonne (1681-1689). Le 6 avril 1689,
il meurt à Montrieux en faisant la visite, il était convisi-
I5Ô
MARC DUBOIS
leur depuis 1O87. (( \'ir potens opère et serimone », dit le
calendrier de \'aibonne. Il semble être mort jeune, car il
se lit moine probablement à 18 ou 20 ans.
Bibliothèque dé la Chartreuse
La bibliothèque du couvent se composait de 1.200 volu-
mes riches de ce que la science huînaine avait de plus pur ;
vSaints Pères, théologiens, philosophes, canonistes, litur-
gistes, ascètes, commentateurs, controversistes, historiens,
hagiographes et littérateurs anciens, avaient été réunis. Tout
cela fut dispersé par la vente publique de 1791.
Nous avons pu retrouver à la bibliothèqi'e de la ville
de Marseille trois manuscrits liuirgiques, provenant de cette
Chartreuse.
Le premier, sous le X" 48219, contient 95 feuillets ma-
nuscrits. Sur la page formant frontispice, on lit :
Liber sacerdotis hebdomarii in quo
continuetur ex quoe dixit in sede sua
Dans le milieu de cette page est rapportée une petite gra-
vure de 0,050 m/m sur 0,060 m/m représentant : le buste
du Christ et de la Vierge et le Saint-Esprit au-dessus.
Au bas de la i^age cette mention :
CartusL'E Beat^ j\L\rth.-e prope
Aquas Sextius. Anx. D. 1645 '
Dans le texte, il y a 10 lettres ornées. Ce livre de format
grand in-8° est écrit sur papier, en bons caractères, mais est
un peu usagé. La couverture du xviii^ siècle est très ordi-
naire en carton marbré.
Le second manuscrit, sous le N° 49376, de 153 pages n.a-
nuscrites, reliures en maroquin rouge du xvii" siècle avec
MONASTÈRE DES CHAraUEUX d'aIX-EN-PROVEXCE 137
tranches et ornements dores sur le doc et les 2 plais, i.fs
135 premières pages ont été écrites en 16S; par le frère Ilie-
ronymus Hugues, de Villeneuve: ce sont les Offices du
temps et le propre des Saints suivant le rite en usage chez
les Chartreux.
Les 18 dernières pages ont été écrites en 1765, jiar le
frère André Nicolas d'Aix, qui a utilisé les pages qui ét;"ient
restées en blanc à la fin du li\re. Ce softt les oflîces du
vSamedi Saint et autres Cjui avaient été omis dans la pre-
mière partie du manuscrit. Celui-ci est en parfait éiat de
conservation très l)ien écrit sur bon papier, il contient de
nombreuses miniatures et lettres ornées.
Le livre commence par une sorte de préface ;'agin('<î de
I à 14 en chiffres romains. Le texte page iv est orné d'une
belle lettre J, miniature peinte qui représente ^e Ivaste ci'un
Chartreux en prière les mains joints devant un livre, appiiyé
contre une tête de mort, dans !e fond, un paysage avec
des arbres de chaque côté, la lettre et le tout encadré d'or.
On a voulu représenter Saint Bruno le fondateur de VOr-
dre dans cette première lettre d'une épitre en l'honneur de:
<( Sancti patris nostri Brunonis Confessoris ». La première
page qui suit cette préface, est un grand dessin peint, hors
texte sur velin dont les couleurs sont très vives. 11 représente
un médaillon orné qui occupe toute la page; dans le haut,
deux têtes d'anges et dans le bas. un écusson soutenu \y.\r
deux génies, lequel représente Sainte ALnrthe tenant la taras-
que enchaînée.
Dans le médaillon du milieu de la page on lit rr^ texte :
COLLECTANEUM
IN OUO CONTINENT UR
OMXES rOLLECT.-E
or.iv pi:r vxxi ciRcri-r.M
158 marc dubois
dicuxtur in divinis officiis
tam de tempore quam de sanctis
juxta ritum et usum
sacri ordinis cartusiensis
completum anxo do.mixi
mil. d. c. l xxxvii
Pro Cartusia Aquexsi .
Beatœ Marthœ
SCRIBEBAT FrATER HiEROXYMUS
Hugues. Profès D. Villœxovœ
La page i porte en tête, une bande de 0,170 m/m de large
sur 0,40 m/m de haut, miniature peinte représentant le
Saint-Esprit au-dessus des nuages, dans le milieu d'un
cartouche ornementé et supporté de chaque côté par des
anges. De grandes fleurs et des ornements, rinceaux, volu-
tes, garnissent les deux extrémités.
La page 5, porte également un bandeau colorié, qui repré-
sente dans un cartouche le monogramme du Christ entouré
d'arabesques.
Page 36, le bandeau peint représente au centre, une cor-
beille d'où sortent des fleurs, de chaque côté, de grands
rinceaux renaissance. Au milieu de cette page, un motif"
ornemental en couleur.
Page 47, dans un bandeau colorié, la lettre H surmontée
d'une croix occupe le milieu, elle est ornée d'arabesques
et de fleurs. Au milieu de la page est un ornement colorié.
P^&e 57, dans le bandeau colorié, au milieu est un car-
touche doré et uni entouré de chaque côté de rinceaux à
grands ramages.
Page 100. Un grand dessin est placé en cul de lampe,
il représente sur un plateau rouge, une grande corbeille
MONASTERE DES CHARTREUX D AIX-EN-PROVENCE I ^Q
d'où sortent quatre grandes fleurs et dijs teuilk-s disposées,
deux l'une au-dessus de l'autre et une de chaque côté.
Page ICI. Vn grand dessin ornemental à feuill'-^ d'-M-'ui-
the occupe tout le bandeau du haut de la page.
Entre les pages ii8 et 119 se trouve une page hors texte
peinte sur velin c|ui représente: 3 tulipes, 2 roses, 2 fleu-
rettes, 2 boutons de fleurs, le tout disposé d'une façon déco-
rative sur un ornement.
Page 152. Sur une lettre ornée F, on a dessiné en rouge
divers bâtiments, clochers, église, qui doivent sans doute
vouloir représenter la Chartreuse.
Page 153. En guise de cul de lampe on a dessiné et peint
une sorte d'écusson ornemental, style rocaille avec rinceaux
et fleurs, dans le milieu on lit :
AucT^ ET Correct'
Aquis Sextiis
1765
Per
Frix Andream
Nicolas
Aouexsem
Dans le cours de l'ouvrage, on compte 5.S grantles let-
tres majuscules dorées et ornées de fleurs ou d'ornements
en couleur et 7 autres en lettres rouges ornées. Toutes les
autres lettres majuscules sont de couleur rouge.
Le troisième manuscrit sous le X° 493^^^ grand in-4'' à
couverture maroquin de couleur marron avec ornements et
filets dorés sur le dos et les plats, ne contient que 13 pages
liturgiques, rituel pour l'eau bénite. Il est écrit en très belles
lettres de 0,010 m/m de haut sur bon papier, W tnui m
très bon état.
l60 MARC DUBOIS
La première page est entourée d'un grand cadre orne-
mental aux torsades jaunes et rouges, avec le texte suivant
dans le milieu, dont l'avant-dernière ligne est touchante: «
Ordo
ad faciexdam
qija:m benedicta:^!
AD USUM
Vexer. Cart. Aquexsis
Sl'B FFLICI PrIORATU VeXERA
Di IX CHR. P.D. Ph. Bruxet
D. ViLL^x. Professi
SCRIPTUM
In cartusia Villcenuovce senili jam manu (non tremebunda
tamen) humilis Servi F. Bernardi Suzan Albaniensis.
Anno Domini millesimor septuagesimo quarto decimo. »
Dans le cours de l'ouvrage, il y a un certain nombre de
lettres ornées dans des encadrements jaune et rouge.
Les miniatures de ce genre, sont assez rares après le
xv^ siècle. Les manuscrits du moyen-âge presque tous
exécutés par la. main des moines, cessèrent de paraître dès
l'invention de l'imprimerie, qui fut même la cause de des-
truction de beaucoup de ceux-ci remplacés par les ouvrages
imprimés à grand nombre d'exemplaires. C'est pour cela
que les manuscrits à miniatures depuis le xvi^ siècle sont
recherchés, moins pour ce qu'ils contiennent que pour l'in-
térêt d'art d'un dessin plus soigné qu'on leur attribue.
• *
* *
Nous reproduisons la vue générale de cette Chartreuse
d'Aix, d'après une ancienne gravure conservée à In Grande
Chartreuse. Dans l'ouvrage: Histoire d'Aix par J.-S. Pit-
MONASTÈRE DES CHARTREUX d'aIX-EN-PROVENCE l6l
ton de 1646, figure un plan de la ville d'Aix, sur lequel le
couvent des Chartreux est représenté avec beaucoup de res-
semblance au plan de notre gravure ; à la bibliothèque Méja-
nes, se trouve dnns le dossier manuscrit St Vincent 27, un
beau dessin à la sépia qui représente l'église et la cour inté-
rieure du couvent. De ce monastère qui occupait une super-
ficie très importante on ne retrouve plus rien, tom a été
démoli et réemploie dans l'édification du quartier actuel
qui forme aujourd'hui le grand triangle de maisons com-
pris entre les rues : Célony, de la Guerre et du boulevard de
la République. On en a conservé cependant le souvenir en
donnant le nom de <( rue des Chartreux » à celle qui fait
communiquer le boulevard avec la rue Célony. Elle a été
ouverte à travers le cloître, les divers immeubles voisins ont
englobé et utilisé les anciennee constructions, dans lescjuel-
les on reconnaît encore quelques pierres anciennes sans
grand intérêt; la chapelle elle-même a été endommagée et
réduite à l'état de grenier, mais deux des tableaux qui l'or-
naient sont aujourd'hui dans les églises de Saint-Sauveur et
de Saint-Jean de Malte.
Sur l'emplacement de l'ancien couvent occupé aujourd'hui
par plusieurs propriétaires, au cours de travaux faits pour
les constructions, on a découvert de nombreux vestiges gallo-
romains, objets divers, poteries, etc., notamment dans la
partie occupée par un patronage de jeunes gens. Au cours
de l'année 1924, Mgr Chaillan découvrit une tête à dciuble
face, en marbre blanc, vraisemblablement celle d'un Hermès
décorant l'habitation d'un des propriétaires de l'antique
Aquae Sextiae \
^ Revue des Annales de Provence, '724, Mgr M. Chaillan.
l62 MARC DUBOIS
'l'ous les docunients ciui nous onl servi à comiposer cette
monographie sont tirés des archives départementales des
Bouches-du-Rhône, complétées par celles de la Grande-
Chartreuse et de la bibliothèque Méjanes d'Aix-en-Provence.
Marc DUBOIS.
Etude sur Tart gaulois
avant les temps classiques
(IP Supplément)
Mon essai sur l'art gaulois * venait à peine de paraître que
l'on découvrait dans le Gard deux nouveaux bustes de
guerriers du type de ceux de Grezan et de Substaniion (figu-
rés à la planche VII) et qu'un monument entrant dans la
série des « têtes coupées » d'Entremont, Die, etc., m'était
signalé en Haute-Garonne, tandis que je découvrais moi-
même dans le musée lapidaire de Beaucaire ime sculpture
rappelant les deux têtes accolées de Roquepertuse.
Voici donc, à titre de supplément à mon étude, quelques
renseignements touchant ces quatre nouveaux échantillons
de la sculpture gréco-cellibérique.
I. — BisiES ni-: Sainik-Axastasik (Gard)
Ces bustes de guerriers découverts à Russan prés de
Saint-Chapte, en février 1927, par le propriétaire du terrain
occupe à l'enlèvement de quelques pierres sur un chemin
qu'il se pioposaitde déplacer. Dans cette opération un pre-
mier buste, déjà abîmé, fut brisé, mais une fouille (qui ne
porta que sur i m. 70x0,65 et 0,50 de profondeur) permit
d'en trouver un second entier. <( Dans les terres de déblai,
M. Albert Hugues, de Saint-Geniès, cà qui je dois ces
^ Société de Statistique, d'histoire et d'archéologie de Marseille.
Volume du centenaire 1927, p. 43.
l64 L ART GAULOIS
précieux renseignements >et bien d'autres, a trouvé des
dents et des ossements humains (phalange, gros os) et des
fragments de poterie grossière; en outre, il a reconnu dans
le terrain avoisinant de nombreux tessons de céramic^ue
antique et des scories de minerai de fer. Tout près, dans
un hermes, des pierres placées en rond, le tout entouré
d'autres de même volume, font penser à un grand fond de
cabane. Tous ces matériaux épars devaient être autrefois
très abandants et les habitants de Saint-Chapte ont dû
depuis longtemps les utiliser comme moellons à bâtir »".
La découverte de Russan, signalée par M. Xier, membre
de la Commission d'Archéologie du Gard, à M. le comman-
dant Espérandieu, conservateur du musée de Nîmes, abou-
tit h l'acquisition des deux bustes par le dit musée. Ils
firent ensuite l'objet d'une lecture de M. Espérandieu à
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et d'un arti-
cle ' après avoir été signalés par lui au Congrès, tenu à
^lontpellier en fin mai 1927, par la Fédération historique
du Languedoc et du Roussillon.
L'examen de ces sculptures m'a permis de faire les remar-
ques suivantes :
- Des fouille:^ vont ctic entrrjjiisfs u Sainte-Anastasie pour
mieux déterminer le milieu d'où proviennent les bustes. La tra-
dition veut qu'il y ait eu là une bataille, signe évident que des dé-
couvertes d'armes ou d'objets antiques ont été faites jadis en cet
endroit, m'écrit M. Hugues. J'ajoute que cette localité' a déjà
fourni la belle épée de bronze avec fourreau orné, ciui est au
musée d'artillerie de Paris (Déchelette, Manuel... Bronze, p. 215,
d'après de IVIortillet, Musée préhistorique, pi. LXXIV).
? Revue des Etudes anciennes 1927, p. 310. Cf. au^5.i Espéran-
dieu, Recueil lies bas-reliefs de la Gaule, t. X, n'^ 7614. J'ap-
prends à l'instant que les bustes de Sainte-Anastasie viennent d'ê-
tre publiés une fois de plus par i\I. Schaefïcr, de. Strasbourg, dans
la Revue des Musées.
'J
1
LE SANCIL.MRE l'RÉRo.MAlN DE ROQLEPER'l LSE 16)
Les personnages sont figurés morts, comme sur les monu-
ments d'iiniremont, Die et peul-cire Subsiantion. l^es
traits de la iace sont tirés et les yeux clos.
Les volumineux casques dont ils sont coilïés avec bas-
volet sur la nucfue et crête prolongée jusque dans le dos,
devaient, en raison de leur volume et aussi de leur grande
épaisseur, être non pas en métal, mais en vannerie ou en
sparterie <>u rembourés de crin, avec en\elop])c de cuir,
comme l'a pensé Espérandieu. In de ces casques est orni'-
sur chaciue cCyiv d'une «-orne enroulée, parlant <lu
sonimet et qtii ont élé ligurées à |:)lal, c'esl-à-dire
en bas-relief, alors qu'en réalité ell<\s dewiient être dispo-
sées en c'iniènes et en l'air comme sur lotis les cas((iies cor-
nus de l'antiquité '. Ces ornements devaieni êiri' <Teux <'t
en bronze comme aussi le pectoral susjîendu par des laniè-
res très visbles au cou du buste le mieux conservé (fig. 1).
Ce dernier ornement, d'un l\pe diflérent de celui du guer-
rier de Giéznn (composé d'ornements de bronze appliqués
sur une cuirasse de cuir) est décoré d'une sorte de frise au
trait représentant assez maladroiteir^ent des vaches et des
chevaux et ce thème rappelle beaucoup celui employé dans
le décor des situles venètes de l^ronze des viT-vi'' siècles
avant notre ère \
Les animatix de cette frise présentent des traces de pein-
ture à l'ocre rouge comme les sculptures de Roquepertuse.
Sur la face du sorle de l'autre buste, j'ai aussi noté l'exis-
tence de motifs peints en brun qui demanderaient à être
ravivés par un léger encausticage.
Sur les deux bustes, qui sont en pierre tendre, j'ai remar-
qué que l'epanelage avait été fait, comme à Kocpiepertuse
au moyen de petits ciseaux plats.
* Cf. notamment Dcchelette, MainicL diuvi: ;:,€ ât^c dit jcr, p.
II 56 à II 58.
^ Déchelette, Manuel... Premier âge du fer, p. 765 à 767.
I66 H. iJli GÉRIN-RICARU
La découverte de Sainte Anasiasie porte à cinq le nom-
bre de bustes casqués trouves en Languedoc, alors c^ue ce
type est inconnu en Provence; elle confirme ainsi la diffé-
rence que j'ai laissé entrevoir entre les idées et les' costu-
mes des deux côtés du Rhône \
2. — TÊTE COUPÉE DE MoNTMAURiN (Hte-Garonne)
l>loc de pierre de 0,25x0,20x0,16. Tête d'homme- très
grossièrement sculptée, publiée par le Comte de Saint
Périer '.
3. — iVIONUMEXT DE BeAUCAIRE A TÊTES ACCOLÉES
Trouvé en 191 7 au cours de travaux d'élargissement et de
dragage du port situé en tête du canal de Beaucaire entre
l'ancienne et la nouvelle écluse du Rhône, ce monument
est inédit (lig. 2).
Pierre tendre rectangulaire de 0,75 de haut servant de
socle à deux têtes humaines accolées, taillées dans la masse
en haut relief et un peu plus petites que nature *. D'un côté,
les têtes sont accompagnées, entre leurs cous et faisant
bloc avec elles, d'un cône tronqué de n centim. à la base
reposant sur la face supérieure du socle. Du côté opposé,
la pierre porte, sur l'espace compris entre les deux têtes,
les traces d'assemblage d'un autre motif de pierre (peut-
être la continuation du cône) qui a disparu.
* Roque pertuse, op. cit., p. 48 et 49.
'Bull, des Antiquaires de France, 1927, p. 264.
* Le socle seul a 0,55 de haut, 0,35 de large, 0,31 d'épaisseur;
les têtes 0,20 de haut. Je dois ces mensurations et une bonne pho-
tographie du monument à l'extrême obligeance de !M. le D"" N. Ju-
lian, conservateur du Musée.
L ART t.Al l.ulS
167
Le nioiuimeiU a soulïi'rl ck- son long- st'-jdur tlaiis la vase,
les détails en échappent, mais clans son onsembk' ru-ii\rt'
devait être très grossière et si sa disposition permet de
rapprocher, comme idée, ces deux têtes accompagnées d'un
cône de celles de Rociuepertuse avec l'appendice (|ui L-s
sépare", on ne satirait considérer ces deux œuvres C(jmmf
contemporaines et d'égale valeur artistique.
Les deux sculpttires sont malheureusenu-ni incomplètes
et celle de Heauraire iroj) fruste, ptuir [)ouvoir tléterminer
d'une façon précise l'objet énigniati(jue (jui accom[)agne
les têtes. Cependant les deux se complètent peut-être et,
dans ce cas, on pourrait se demander si l'objet en ques-
tion ne serait pas une corne (? d'abondance) renversée ou
la tête d'un oiseau dont le cône troncitié figurerait le cou
et la pièce effilée de Rocjuepertuse le i)ec recourbé d'im
rapace. Quoiqu'il en soit, le monument de Beaucaire sem-
ble devoir prendre place dans la quatrième période de l'art
gféco-ligure '". Il appartient, en effet, manifestcmenl i\ imc
époque basse et décadente de l'art indigène". Non loin
de lui a été recueilli un autel votif romain du i"'' siècle,
qui est également au petit musée lapidaire de Beaucaire.
A la description ci-dessus, il convient d'ajouter (|ue la
pierre n'a nullement la forme d'un autel. Les dimensions
de ses deux côtés la rapproche énormément des piliers de
Roquepertuse et d'Entremont; elle me paraît appartenir au
sommet d'un pilastre. Les têtes qui l'ornent demandent à
être vues à ime hauteur de 2 m. 50 environ.
H. D1-: GÉRIX-RK ARI).
^ Le sanctuaire de Roquepertuse, p. iQ h 21 et p1. Tî.
'" Le Satictuaire de Roquepertuse, p. 49 et 51.
11 La tête coupée de :\rontmaurin me semble aussi cicvoir rnlr.-r
dans cette série.
Un vieux corps de métier marseillais
LES AUFFIERS
On est maintenant à peu près d'a(\^ord sur les avantages
et les incon\énients des corporations de l'ancien régime '.
Elles ont eu leurs avantages, à l!époque lointaine oîi, sous
l'appellation d\iriisans, on comprenait " la quasi totalité
du monde ouvrier )>. Puis se forma peu à peu ce que M.
Raoul Busquet appelle <( l'industrie collectivement exer-
cée » ". A d'autres temps convenaient d'autres institutions.
Peu après que Turgot eût entrepris la réforme d'organis-
mes ne correspondant plus aux nécessités économiques,
la Révolution supprima purement et simplement toute espèce
d'association oii les gens d'un même métier pouvaient
(( délibérer sur leurs prétendus intérêts communs ».
C'était aller vite en besogne. La Révolution avait agi
par crainte des grèves. Moins de cent ans après, le droit
de grève était rétabli, et en 18S4, la IIP République votait
la fameuse loi sur les syndicats. Ces gestes répondaient
à une nécessité de nature. Cependant les syndicats ne sont
' Parmi les appréciations sévères formulées le plus récemment,
citons celle de ^I. [Marcel [Nlarion: Dictionn/iire des Institutions
de la France aux xvîr et XVIIF siècles, in-S", Paris, Picard, 1923,
pp. 144 et 359. A noter également un avis fort judicieux, concer-
nant les corporations marseillaises, donné par M. Adrien Artaud
en conclusion de son étude sur l'industrie en 1789, dans Mar-
seille à la fin de Vaiicien régime, in-8", Marseille, Laffitte, i8g6,
p.' 489.
- Les Bonches-dn-Rhône, .X. III. Les Temps modernes, chap.
XXVIII. V Etat social et V esprit public^ pp. S52 et suiv
LES AUFFH^RS PK MARSEILLE I69
pas des corporations. Pour bien saisir la dilïcrence, il faut
se garder de généraliser et de conijDarcr des choses incom-
parables.
Les corps de métier de jadis étaient loin d'être tous cons-
titués en corporations régulières. Au wiii siècle, on di.s-
tinguait trois sortes d'associations marchandes ou indus-
trielles :
I" Olles qui avaient été approuvées par lettres ixut'nic^ :
2" Celles (|ui vivaient sous tles pactes soumis aux l\ir-
le:rrnts ou aux juges c'e police;
y Celles ([ui subsista.icnt sans régies ])anicLiliéres '.
Cette dernière catégorie était de beaucoup la plus nom-
breuse. Dans le midi de la l^>ance, beaucoup .se rattachaient
à la seconde. Par contre, les corps de métier de la pre-
mière étaient assez rares; on les Irouwiit principalement
dans quelques grandes villes, comnie Paris, i.von, Tou-
louse, etc. A Marseille, i) ne semble pas C[u'ils aient jamais
dépassé le nombre de vingt; parmi eux se trouvaient les
apothicaires, les calfats, les maîtres canonniers, les maîtres
chirurgiens, les artisans des cinq ans de la ."^oie, les maî-
tres cordonniers, les courtiers, les maîtres menuisiers, les
maîtres potiers d'étain, les prud'hommes pêcheurs.
D'une manière générale, le pouvoir royal répugnait h
doter de privilèges ou même à reconnaître simplement
les communatués de métier; il tenait à ce cpie la lîliqjart
des arts fussent libres. Les officiers municipaux entraient
pleinement dans ces vues et eurent cà s'oppo.ser maintes
fois aux tentatives des corps de métier qui, au contraire,
sollicitaient âprement privilèges et protection.
' Des Cilleuls, Histoire et régime de la Graude hidttstric en
France, Paris, i8g8, in-8°, p. 106.
1/0 JEAN REVNAUD
Au resic, les rt'_i;les qui les réagissaient étaient des plus
\ariables dans une même ville. Pour un métier déterminé
elles évoluaient axec le temps.
11 est aisé de s'en rendre compte en examinant les règle-
ments d'un des vieux corps de métier de notre ville. Les
artisans étaient le plus souvent groupés en corps ou en
confrérie religieuse. Parfois les deux formations coexis-
taient. Ces corps étaient fort nombreux à Marseille. On
en avait compté jusqu'à deux cents s'appliquant à toutes
les branches de l'activité humaine '. A l'orée de la Révo-
lution, le développement progressif de la grande industrie
en avait bien réduit le nombre et l'importance. Il en exis-
tait pourtant encore 71".
Un de ces corps avait joué un rôle important parmi les
industries maritimes de la ville. Xous voulons parler de
celui des Maîtres Aufliers dont l'origine doit se confondre
avec celle de l'industrie de l'armement : ils travaillaient
l'aufïe ou sparte pour en faire des cordages de marine et
divers cjbjets utilisés à la campagne. A travers les trois
derniers siècles de l'ancien régime, car il n'a pas été pos-
sible de remonter beaucoup plus haut, on voit les usages
et règles du métier évoluer lentement, très lentement.
A cet égard, il y a lieu de préciser exactement la termi-
nologie employée dans cette étude. Les auteurs usent volon-
tiers du mot corporation pour désigtier l'ensemble de ceux
^ La table des matières de Régis de La Colombière : Fêtes j)d-
tronales et usages des corporations qui existaient à Marseille
avant 1789, in-8°, 1863, mentionne plus de deux cents corps de
métiers. Lin très grand nombre ne devaient sans doute constituer
qu'une confrérie religieuse.
•' Marseille à la fin de F ancien Régime, in-8". Laffitte, 1896, p.
489. — J. Fournier, Cahiers de doléances de la Sénéchaussée de
Marseille -pour les Etats Généraux de 1789, in-S", 1908, introd. p.
XXIV.
LES AU F FIERS DE MAUSElLLl-: I7I
qui \i\eni d'un iiK-nie métier, d'une nu"-iiU' induMiir. L\-sl
l'acception niadernt; du mut. Mais si, à l'oiiginii, la réa-
lité a correspondu à cette détinition, il n'en l'ut plus de
même, ainsi que nous le redirons dans iiolrc conclusion,
lorsque les conditions de l'industrie évoluant, la main-
d'œuvre tendii à former une catégorie à part dont les inté-
rêts étaient distincts de la catégorie des maîtres ". L'évolu-
tion se fit sentir dès les débuts du wir siècle.
C'est pour cette raison que nous emploierons avec plus
d'exactitude les termes de corps de métier ou de connuii-
naitté lorsque nous ferons allusion aux maîlres-auf fiers de
Marseille. Ceux-ci ne prononcent d'ailleurs jamais le mot
de corporation dans leurs délibérations ou leurs règle-
ments.
On verra que leur groupement n'avait d'ailleurs auiune
des caractéristicpies de la corporation telle qu'elle a été
définie plus haut.
Il n'est rien de tel que d'employer un mot exact pour
s'entendre; bien des discu.ssions historiques seraient évi-
tées si l'on était d'accord sur le sens et la portée des ter-
mes employés.
Les auffiers se distinguaient des cordiers en chanvre, des
peigneurs de chanvre appelés aussi quelquefois bcvsticrs ' :
'■ Yaicl une curieuse opinion de M. Germain .Martinj aujour-
dhui membre de llnstitut. député et sous-secrétaire d'Etat, sur une
des causes de la lutte des classes: « Si la Révolution n'était pas venue
arrêter notre progrès industriel, si elle avait donné la liberté d'as-
sociation, aujourd'hui les employés et les employeurs traiteraient
les uns avec les autres comme des hommes d'affaires, ayant des
intérêts à débattre, et non pour des raisons futiles et étrangères
à l'intérêt général ». — La grande industrie en France sous le
règne de Louis XV, in-8", Paris, 1900, p. ^2)7 ■
' Fabricants de bâts. — Mistral {Lou Trésor don Felibrige)
donne à bastié le sens de bourrelier, donc de travailleur sur cuir.
172 JKAN REVXAUD
ils ne traiiaienl jxis la même maiière première. Mais leur
travail avait avec celui des cordiers en chanvre de multi-
ples points de ressemblance: de nombreux objets se fai-
saient indifféremment en auffe ou en chanvre, notamment
les cordages, les bâts, les couftes, les cabas, etc. Mais
la réputation des auffiers semble avoir été moins bonne (|ue
celle des bastiers. Dire de quekiu'un : Fn d'iiufo, c'est
insinuer (ju'il ne fait ])as grand'chose, (iifil est incapable;
de rien gagner de son travail, [^'expression est presque
méjîrisante. On parle au contraire avec admiration de ceux
(|ui sa\-ent lira raujo; l'art de soutir(^r dv l'argent, de
nianger et de s'anuiser aux déj)ens d'aiUrui, demande <"er-
tes beaucoup de savoir-faire.
On est même £illé jus(|u'à faire d'aufiier le synonyn-.e de
fainéant, de mauvais payeur, de faiseur de dupes, sans
parler des calembours faciles dans le genre de celui-ci :
L'i a de mestic mounté au mai si fa de coufo, au mai si
g(^i,i^fW, Jcis aujié per eisonplc.
Nous ne rechercherons pas l'origine de ces expressions
certainement calomnieuses. Les défauts des auffiers — ils
en avaient — étaient autres, et ressortiront de l'histoire de
leur corps.
Il n'est pas douteux pourtant que bastiers et cordiers en chanvre
n'aient été synonymes; leurs statuts de 1652 portent comme titre:
Articles de règlement des maîtres-cordiers, bastiers et peigneurs
de chanvre de Marseille (Arch. des B.-du-Rh., B. 3357, i° 702).
LES AUFFIERS DE MARSEILLE I73
Aperçu historique sur l'industrie et le commerce
des auffes à Marseille
La sparte ou aulk- (en provençal aiifo), appelée aujoiir-
d'iuii rommunément l'alfa, est une plante qui croît en
grande abondance en Algérie, en Espagne, et généralement
dans les j^ariies humides et chaudes du j)ourlour de la Mé-
dilcrranée.
les libres de ce végétal, particulièrement résistantes, se
prélfMTi à n()m!)re d'usage. .Vussi les hommes durent-ils uti-
liser l'alfa dés une épov|ue fort reculée. L'emploi des
()!)jets en sparlerie, très répandu dans la péninsule ibi-ri-
({ue', où l'alfa pousse facilement, fut connu des MassaJio-
tes après la foîidalion de leur colonie d'Ampurias (\'ers
-150 a\-. J.-C'.)\ L'origine ('-trangère de l'alfa (slipn Icun-
ciss'niui) mis en ix'U\;e à Marseille n'est j)as doiUcuse.
Cette i^Ianle, comme nous l'axons dit, ne pousse (|u<' dans
les I3arties chaudes du bassin méditerranéen (Sud de l'Ivs-
pagne, Africjue du Xord, Svrie. etc.). il existe, il t-sl vrai,
<;|u.iire ruUres espèces du genre slipd dans les environs di-
Marseilh', mais on ne les trouxf (|ue dans des endr(.iils
rofailleux, souxcii lOrl éloignés les uns des autres, et en
trop faible (juaniit(- pour alimenter une industrie relative-
n-!ent importante comme celle du tressage de la sparte.
C'(''tait d'autani i^lus \rai jadis cpie les terrains cidtivés
ont sensiblement diminué d'étendue depuis !«' ^T<>^■<■n-.^g<•
" M. Clerc, Massaliû, gr. in-S", :Marscillc, 1927, t. T'. p. 32;^.
174 JEAN REYNAUD
rendant ainsi la place libre à la végétation spontanée à
laquelle se rattache l'alfa ".
'Mais l'alfa ne peut s'employer à l'état brut, à cause de
la rigidité des tiges. Préalablement au tressage, avait lieu
une opération que les documents du xv" siècle appellent:
lo picar dcl alfa. Il s'agissait de battre vigoureusement les
tiges de ce végétal très résistant afin de les assouplir. On
allait même jusqu'cà écraser la sparte brute sous des meu-
les de moulin. De la sorte, elle devenait plus flexible et
s'accommodait mieux aux manipulations qu'elle devait
subir ensuite.
Ce broyage était une opération si essentielle que les lati-
nistes du moyen-âge, faute de trouver dans la langue de
Virgile un terme qui la traduisit exactement, avaient été
réduits à transposer le provençal en latin, à conjuguer le
verbe picare alfam, battre l'auffe, et à forger les mots pica-
iura, picandus, et d'autres encore, s'appliquant à des actes
divers de l'industrie des auffes.
Le battage était accompagné d'un séjour plus ou moins
prolongé dans l'eau que l'on faisait subir au végétal, tou-
jours en vue de l'assouplir. Puis, par brassées, il était exjDiosé
au soleil, et l'évaporation de l'eau dégageait, paraît-il, des
odeurs fort désagréables.
Les auffes ainsi préparées pas.saient alors dans les mains
de l'ouvrier qui devait séparer soigneusement les différents
filaments d'une même brassée, et les tresser toujours de la
même grosseur, sur la même longueur. Les tresses étaient
différentes selon qu'elles devaient servir h. fabriquer des
cordages, des bâts, ou des paniers.
" Renseignements fournis par M. Louis Laiirent. professeur à la
Faculté des Sciences de Marseille, que nous remercions de son
obligeance.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE I75
Parmi les principaux ariiclos d'auiïes dont les noms n>
vienneni cuuramment dans les textes, depuis le XV" jus-
qu'au XNiii" siècle, citons notamment :
les vcttcs, ou drisses, cordages pour la ukimuc;
les manejats, cordelettes dont on coud les ouvrages de
spart erie ;
les bridicrs, cordelettes d'auffe cà cjuatre cordons;
les cadenets, cordes à chaînons;
les trihaus, grosses cordes pour les puits;
les bandes, baudeous, baudières, cordes de diverses gros-
seurs ;
les scjetières, filets de pêche de 30 brasses de long sur une
brasse de hauteur ;
les eyssaugiies, longs filets de pêche formés d'uiu- grande
poche et de deux ailes ;
les sarti, cordages servant à firer les filels traînants ([u'on
attache aux tartanes de pêche ;
les issanege (hisse-noyés), corde contenant 36 bottes
d'auffes;
les sur ris, ou cnsarris, ou cissarris '", doubles cabas Cju'on
place sur le dos des bêtes de somuK^ pour le transport dt-s
menus pacpiets ;
les qiiilUdoux, filets du genre paniers i^our la ^ cueil-
lette » des poissons;
les trcncUcs, tresses pour entourer les bonbonnes en \crie
dites dame-jeannes ; ,
les bruines ou briiimes. cordes allant d'un bout à l'autre
des filets de pêche et auxquelles sont assujettis dt^s mor-
ceaux de liège ou des pièces de plomb;
libans, liba-nets, cordages divers; etc., etc.
'" Mistral (Lon Trewr dôu FcUhrific. V cttsarri) dit r|UP Vctt-
^arri 7imrsiheso est plus petit rt plus clcgant qup ^ ■■>•-■ ■nr; nr.lmnnp,
l'y 6 JEAN REVXAUD
Mentionnons enfin les couffins, ces paniers souples à deux
anses qui sont encore d'un si grand usage dans nos cam-
pagnes provençales, les paillassons et les escourtins, genre
de tamis pour pressage.
Dans l'antiquité, il semble que l'utilisation de la sparte
ait été encore plus variée. On s'en servait pour éclairer,
j)()ur faire du feu ; on en confectionnait des liis, des chaus-
sures et même des habits ! f.es textes des auteurs anciens et
les découvertes archéologiques sont absolument d'accord à
cet égard ".
De l'époque massai iotique à la tin du Moyen- Age, on ne
trouve guère de traces de l'industrie et du commerce de
la sparte à Marseille qui y florissaient certainement. Il n'en
est pas question dans les Documents inédits , sur le com-
merce de Marseille au xiii" siècle publiés par Louis Blan-
card. Ces textes mentionnent pourtant les marchandises les
phis diverses. Les Statuts de ^Marseille — qui datent de
la même époque — ne font mention que des cordiers en
chanvre ''.
En i35i,()n trouve dans nos archi\-es municipales l'indica-
tion d'tme intervention de la \ille dans la fabrication et la
vente des objets en libres tressées: par délibération du
16 aot*!t de cette année, le conseil de ville fixait un prix-
limite pour la vente des cusarris, égal à celui pratiqué l'an-
née précédente ''. Ces cusarris étairni-ils en chan^•^e ou
en sparte? Xous inclinerions à croire qu'on employait plu-
tôt ce dernier végétal pour leur fabrication. S'il en était
" -M. Clerc, Massalia, .Marseille, Tacussel, 1927, t. I"', p. 323.
— L'cminent archéologue nous apprend cjuc, dans des iumuli espa-
gnols, on a découvert des objets en auflfe parfaitement conservés.
'- Les Statuts mvnicipaux et coustiimes anciennes de la ville de
Marseille, par François d'Aix, liv. III; chap. XIII et XXl, pp.
39' et 394.
'^ Arch. .Munie, de Marseille, BB 21, dcl. du 16 août 1331, f°
151-154.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE I77
bien ainsi, ce serait, à notre connaissance, le premier texte
marseillais concernant les aiiffes.
Plus d'un siècle après, vers 1467-1472, apparaîtra le pre-
mier règlement du métier d'aufiier. Mais les termes dans
lesquels il sera rédigé montrent bien que l'industrie n'était
pas nouvelle à Marseille. Ce règlement, dont nous reparj*'-
rons avec plus de détails, est commun aux cordiers de
chanvre et aux auffiers, qu'il réunit sous la surveillance de
quatre subrestans ou députés: deux mariniers, un cordier
de chanvre et im auffier, preuve évidente que les deux indus-
tries travaillaient principalement pour la navigation. Mais
ne peut-on y voir aussi une survivance de certaines coutu-
mes anciennes? Canebiers et auffiers n'auraient-ils pas une
commune origine? Il ne paraît pas possible de donner une
réponse certaine à ces deux questions. Mais l'affirmative ne
serait nullement invraisemblable.
A l'appui de cette manière de voir, on peut signaler que
dès 1430, cordiers de chanvre ou hastiers, et cordiers d'auiïe
se trouvaient réunis sous un même luminaire, celui de la
confrérie de Saint-Roch ", qui existera ju.squ'à la Révo-
lution. Durant plus d'un siècle et quarts le règlement des
deux états sera commun.
A part les difficultés diverses qui surgirent à l'occasion
<le l'application du règlement de i4r)7-F472, e( <|ui ont
laissé quelques traces dans nos archives municipales, on ne
sait à peu près rien sur l'histoire du commerce et <!<' l'in-
dustrie des auffes à Marseille ju.squ'au xvii* siècle. L'indé-
pendance bien connue du caractère de ses habitants était
aussi la marque des auffiers qui ne cessèrent jamais d'agir
cà leur tête et de tenir pour lettre morte tous les règlements
municipaux et corporatifs. Ces constatations sont à peu
'■* Renseignement fourni par M. Pierre Bertas.
iy8 JEAN REYNAUD
près les seules qu'on puisse faire au cours des xV et xvi'
siècles.
Dans cette longue période, le métier a dû évoluer. De
tout temps, il avait été distinct de celui de batteur d'auffe
ou de foulon, îou picadoiir. Quant au maître-auffier, il met-
tait en œuvre la matière première et vendait les objets fabri-
qués dans son atelier. C'était Ion hoiiiiguié.
Il arrivera un jour où bastiers et auffiers se sépareront.
L'importance industrielle de la ville s'étant accrue, deux
corps de métiers pourront vivre côte à côte où, précédem-
ment, il n'en existait qu'un.
En 1611, un texte spécial interviendra pour réglementer
le métier d'auffier, tardive exécution — et combien partielle !
— deil'ordonnance royale de 1597 obligeant tous les métiers
à se constituer en corps. Quant aux cordiers de chanvre, ils
auront un règlement particulier en 1652.
Nonobstant l'autonomie ainsi réalisée des deux corps de
métier, un mémoire sans date des Archives de la ville de
Marseille, mais écrit peu après la peste de 1720^", affirmera
que (( les arts de cordier, d'ruiffier et de peigneur de chan-
vre sont trois arts cpii sont unis ensemble sous une même
confrérie et luminaire appelé la confrérie de Saint-Roch... »
En réalité en 1654, les ma îtres-auf fiers formaient déjcà une
confrérie spéciale "^. A quel moment exact s'était opérée la
séparation des aufliers et des cordiers? Malgré des recher-
ches approfondies^ il a été impossible de trouver la moin-
dre indication à cet égard pas plus qu.'en ce qui concerne
l'origine de la confrérie du Bon-Ange Gardien, dont le
luminaire était entretenu dans l'église des Grands-Augus-
tins. La seule hypothèse qui puisse être risquée serait celle
'^ Archives mun. de Marseille, Série HH. Dossier Cordiers et
Auffiers.
"^ Règlement de 1654. Arch. mun. de Marseille, BB 88, pp.
424-426.
LES AUFFIERS UE MARSICILI.I-:
179
de la naissance simultanée des statuts de 161 r et de la
confrérie du Bon-Ange-Gardien, au moment où les maîires-
auffiers formèrent un corps particulier, distinct de celui des
cordiers.
Quelle pouvait être alors l'importance de la communauté
des fabricants de sparterie ? L'assemblée tenue le 8 janvier
161 1 se composait de quatre subrestans: Jacques Tir.in,
Victor Daniel, François Bezaudun et Jacques (iiellat, assis-
tés des maîtres ci-après: Pierre Durbec, Jean l'-spanel, Jean
Foucou-Jourdan, Blaize Aurengue, Arnaud Mouton, Benoit
Baros, Jean Ricard, Guillaume Ollive, Antoine Trabuc,
Etienne Michel, Laurent Reisson, Barthélémy Ravel, An-
toine Eissautier, Jean Durand dit Castillon, et François
Aube, soit dix-neuf auffiers *\ ]\Lais il semble f|u'à cette
réunion assistaient d'autres personnes, dont on a omis de
prendre les noms. En 1616, un acte passé entre plusieurs
maîtres-auf fiers porte les noms d'un certain nombre de ceux
qui précèdent et en cite trois autres: Louis Bourguignon.
Melchior Mandine, Géraud Spar ". On i)çut donc suppo-
ser que les auffiers devaient être environ vingt-cinq ou
trente au début du xvii' siècle. Chaque atelier occupait
deux ou trois hommes ou apprentis, sans compter des fem-
mes travaillant à façon et par inlermiKonce, les corrutic-
rcs '' ou rendicres '".
En 1654, ""e nouvelle rédaction des staluls inlcrvienl.
Le nombre des maîtres-auffiers délibérants est de vingf-six
dont voici les noms: Aymar Gravier. A. I{spinasse, A.
Martin, Pierre Ollive, François Giellat, Mathieu Gam-
bou}^, Jean Jullien, F. Laurens, Jean B<Mniid. G. Ollive, F.
1' Arch. mun. de ^rar5eille. Série HTT. nn=Mcr Cordien; et Auf-
fiers.
^* Ibid. Dossier Anffiers.
" Corratières : courtières.
-° Readières: femmes qui travaillent à rente, à forfait.
l80 JEAN REYNAUD
Foiicou, Coullier, Honoré Bourguignon, Clément Mouton,
la dame Marguerite Michel, François Caillol, Jean Gam-
bony, Bernardin Carraire, G. Berly, Jean Icard, Jean Sal-
lin, Georges Evesque, Jacques Giellat, Jean Rouafd, J. Si-
card et Etienne Conté.
Plusieurs de ces noms sont nouveaux ; d'autres figu-
raient, avec les mêmes prénoms ou des prénoms différents,
sur les actes de 1611 et de 1616. Des pères avaient cédé la
boutique h leurs fils; c'étaient les cas les plus fréquents
sous l'ancien régime.
Les documents originaux auxquels il est possible de
recourir pour l'histoire des maîtres-auffiers, rares jusqu'à
la fin du XVII® siècle, augmentent en nombre et en intérêt
depuis cette époque jusqu'à la Révolution. Les Archives
Municipales de Marseille renferment de nombreuses pièces
concernant cette corporation au xviii^ siècle. Aux Archi-
ves départementales des Bouches-du-Rhone, il existe deux
cahiers de délibérations du corps des Auffiers, pour la
période 1714-1790. De même, aux Archives de la Chambre
de Commerce, un petit dossier contient des renseignements
fort intéressants.
L'extension prise, sous l'impulsion tle Louis XIV et de
Colbert, par l'industrie maritime de Marseille devait fournir
aux auffiers de multiples moyens d'augmenter leur pFoduc-
lion. Les abus et les malfaçons semblent n'avoir jamais
cessé dans cette industrie très spéciale ; des constatations que
l'on tr(3uve dans les préambules de chaque règlement nou-
veau, on peut rapprocher le mécontentement de Seignelay
lorsqu'il visita le dépôt de cordages de l'Arsenal en octobre
1676. C'est alors qu'il décida de faire venir à Ma'-seille des
maîtres-cordiers du Havre pour enseigner aux Prox'ençaux
l'art du goudronnage des cordes de marine"'.
-' P. Clément, Lettres, iiistntctions et vicmolrcs de Colbert, t.
III. 2« partie, p. 367.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE l8l
Il est certain que les vieux artisans marseillais éiaieni
fort enclins q la routine. Colberi, dont les idées étaient orien-
tées vers le progrès industriel, voyait d'un mauvais œil ces
petits boutiquiers dont les moyens insuffisants ne permet-
taient certainement pas un renouvellement de métiuxles et
de procédés qui n'avaient probablement cpit- lOri pru t'-vd-
lué depuis plusieurs siècles.
Colbert j^rônait la concentration iniiustricllc a\»'(- tle gran-
des ressources financières; on en tonsiataii le succès parl<jut
où elle se trouvait mise en œuvre; aussi ses conseils furenl-
ils suivis, même à Marseille, dans cette ville dont il déses-
pérait presque, et dont la mauvaise volonté le lit si souvent
mettre en colère"'. On jK'ui dire qu<' K- métier d'aullier,
prospère au plus iiaul point, sous le règne de Louis Xl\'.
évolua presque aussitôt pour entrer en décadence, et cette
décadence ne fera c|ue s'acec^ntuer tout le long <\u wiii"
siècle.
En 1682, les maîtres-auf fiers étaient encore au nombre
de 26"'; en 1693, ils seront 29, occupant chacun un ou
deux — quelquefois trois — compagnons et apprentis*'.
Quelques années après, ils seront trente-trois tenant bouti-
que ^ouverte et huit travaillant en chambre "''. Le nombre
-- On trouvera quelques traits au sujet de l'opinion de Colbert
sur Marseille dans J. Fournier, La Chambre de Commerce .ie Mar-
seille et ses représentants permanents à Paris, Marseille, in-8",
10:20, p. <S-io. ;\Iais il faudra surtout se reporter aux beaux ouvra},'es
de yi. Gaston Rambert sur l'intendant des galères Arnoul, et le
développement topographique de Marseille, ouvrages actuellement
en préparation, et qui jetteront un jour nouveau sur les relations
ertre Colbert et la municipalité de Marseille.
" Assemblée du 17 nov. 1682. Arch. des B.-du-Rh. Notaires.
Fonds Lieutaud. Année 1682, reg. 150. f" 1 1 10 v"
^' a Rolle de tous les noms des Mestres Aiiffiers et rr.nip.ii-
gnons... » année 1693. Arch. mun. de Marsei!!»". ?•■"■ i'" M-, -i.r
Cordiers et Atiffiers.
-^ Arch. mun. de Marseille. Ihid.
l82 Jt:AN lŒVNAUD
total de personnes — hommes, femmes et enfants — occu-
pées par l'industrie de la sparte était, en 1698, de 8.000 ■'.
Néanmoins le métier avait changé de caractère. La grosse
fabrication des ccjrdages n'était plus la spécialité du corps
des aufilers. L'inn)ortance des capitaux et de la main-d'œu-
vre que les corderies exigeaient se trouvait au-dessus des
facultés de ces boutiquiers c^ui se virent réduits à n'être plus
guère que des détaillants.
Le mémoire rédigé après 1720 et dont il a été question
déjà "' donne à cet égard d'intéressants renseignements.
On y lit entre autres choses ces considérations sur l'exer-
cice du .métier d'auflîer : (( Quoi que ce soient les cordiers,
auffiers et peigneurs de chanvre qui travaillent les cordages
des bâtiments de mer, ce ne sont pas pourtant eux c|ui tien-
nent les corderies, ce sont les marchands et négociants les
plus riches, car, comme il se consomme a ALarseille des
cordages et gumes "* pour des millions, qu'il faut envoyer
chercher les matières de chanvre et d'aufïe dans les pays
étrangers et avoir des fonds immenses pour cela, et que
pour travailler les cordages et gumes des vaisseaux, il faut
un grand nombre d'ouvriers que chaque maître ne saurait
tenir, ce sont les marchands et négociants les plus riches
de la place c^ui tiennent les corderies et qui envoient cher-
cher dans les pays étrangers les matières, occupent ensuite
^''' Les Bouche s-dn-Rhône. T. HT: Les temps modernes. Histoire
Economique, par V.-L. Bourrilly, p. 198.
^' V. note 15.
^* Gume: gros cordage de marine. — Les auffiers travaillaient
non seulement pour la marine, mais aussi pour l'armée. C'est ainsi
qu'en 1719, l'intendant Lebret passait commande au corps des auf-
fiers de ^farseille de filets à foin destinés à l'armée de Catalogne.
En 1747, les besoins de l'armée d'Italie nécessitèrent une autre
commande importante du même genre. (Arch. mun. de Marseille,
EE 105).
LES AUFFIERS DE MAKSKll.I.K 183
des quantités d'ouvriers pour taire travailler k-s chanvres,
les auffes, et faire faire les cxirdages et j^um'es qu'ils ni<'tlent
ensuite en magasin ou dans leurs nianufaciures pour les
vendre... »
Contre cette situation, née des progrès de la grande
industrie, plusieurs corps de métier tentèrent de réagir au
début du xviïi^ siècle. Ce fut notamment le cas des nuffiers
qui, vers F 700, essayèrent de s'ériger en maîtrise avec
jurande, apj)rentiss;ig'e ol^ligatoire de imjs aniit'cs, ((infec-
tion d'un chef-d'œuvre, etc.
Leur but évident était d'inter'-lirc aux iiiarchaiuls cl n(''g(>
cianls de faire trawiiller et tenir corderie en dehors d'eux,
et aux ouvriers forains de \enir à Marseille; ils voulaient
demeurer seuls juges de l'admission clans leur corps, lîref,
ils tendaient à faire consacrer à leur i)rohi le monopole
du commerce et de l'industrie (_le la sj^aric. I niuih'' d'ajou-
ter cjue cette tentative n'eut aucun succi-s -". La maîtrise
fut bien réglementée dans les statuts de 1741, mais le but
poursuivi par les auftïers ne fut pas atteint: les circons-
tances allaient à l'encontre de leurs efforts répétés.
Pourtant, le métier avait permis à nombre de gens actifs
et intelligents d'acquérir une honnête aisance, et même par-
fois la fortune. Parmi ces derniers on peut citer André
]>ragon, dont le nom figure sur la liste du corps des aut-
fiers de 1693. André Dragon avait ses armes enregistrées
dans V Armoriai Général de Franco '", preuve évidente de
sa notoriété, au moins relative. Ses descendants occupèrent
une place éminente dans le commerce marseillais. L'un
d'eux, Jean-Joacliim Dragon, était proj^riétaire des terrains
29 Arch. mun. de Marseille, série HH. Dossier. Cordiers et Auj-
fiers. On verra par la suite que cette tentative fut .ennuvoh'e tn
1754, toujours sans succès.
^^ De MontgrancJ, Armoriai de la rille de Mar<;i:;lle, p. 37:;:
D'argent, à un dragon de -^innplc Inmpassé de gueules.
184 JEAN REYNAUD I
iiu lra\"ers desquels fut percée la rue qui porte encore son
nom ^'.
Les vicissitudes extérieures avaient leur influence sur
Tactivité des ateliers de sparterit; marseillais. La guerre de
Succession d'Espagne et le blocus des ports espagnols
privèrent longtemps les maîtres-auf tiers de la matière pre-
mière nécessaire. Ils exprimaient leurs doléances dans un
placet adressé à l'Intendant de Provence Lebret, le 7 mars
1707, et confirmé par la Chambre de Commerce: <( Les
Alaîtres-Auffiers de la ville de IMarseille représentent très
humblement à Votre Grandeur que les ouvrages qui se
font des auffes dans la dite ville et son terroir fournissent
la subsistance à une infinité de pauvres, et particulièrement
à des vieillards, à des jeunes enfants et à des invalides de
tout sexe qui, sans ce secours, seraient à la mendicité et
exposés à mourir de faim. Cela est très notoire, et une mal-
heureuse expérience ne le prouve que trop, depuis que
les suppléants ne peuvent plus tirer ces sortes de marchan-
dises d'Alicante et d'autres ports d'Espagne, qui sont les
fc^euls endroits d'où ils ont accoutumé de les tirer à cause
de leurs bonnes qualités et de la proximité des lieux,
parce que ces ports sont devenus inaccessibles aux sujets
du Roi par la guerre... » Les maîtres-auf fiers voudraient
bien importer l'aufïe de Barbarie, de moins bonne qualité,
il est vrai, mais celle-ci est grevée des droits divers per-
çus par la Chambre de Commerce sur les produits en pro-
venance dii Levant et de l'Afrique du Nord. Le ministre
consentit, pour la durée de la guerre, à suspendre la levée
des droits sur l'auffe de Barbarie.
De ce document, il ressort que la main-d'œuvre occu-
pée par les Auffiers ne se limitait pas aux cjuelques hom-
mes travaillant dans l'atelier du maître, mais qu'il était
■■" A. Fabre, Les Rues de Marseille, t. P'", p. 84, t. IV, \). 317.
— O. Teissier, Les A}iciennes familles marseillaises, p. i-;2 et siiiv.
LES AUFFIERS DE MARSIilLI i: 183
aussi nécessaire de recourir à quaniiié de iravaillcurs occa-
sionnels, la plupart invalides, répandus diins loul le terroir
de Marseille. Les objets de sparterie ainsi fabriqués avajcnt
un débouché considérable noLanuncnt dans le Dauphiné e'
(.-n Languedoc <( où ils étaient nécessaires » "'.
Arrêtée par la peste de 1720, l'industrie devait re;)i-iMul:i'
par la suite un peu d'activité.
En 1741, la communauté des Maîires-AulTiers de M.n-
s-eille tu approu\er par les lùiievins le lexli' d»* nniivaus
statuts, l>eaucoup plus complets et mieux réiligt'-s ([ue IfS
précédents et où nous puiserc^ns de très précieux rens.'i-
gnemenis sur la vie du corps au wiii" siècle. Mais, atnc is
dans un esprit très ])rotecleur, très parlicularisie, iN pcir-
U'iient en eux le germe de représailles éventuelles. Le meiii-;
d'auffier devait en subir les conséciuences.
Xous trouvons confirmai ion de cet étal d'esprit lians 1-^
règlement du commerce des aulïes. Bien entendu rim|)or-
tation en est libre, mais à peine débarquée, la marcliaiuîise
passe sous la surveillance des subrestans : le corps des
maîtres-auffiers a un droit de préemption sur elle. L'n
imaître achète-t-il un lot, il est tenu d'en céder une jiart,
sur leur demande, à ses confrères, suivant ime c."'laine
règle, et sans que l'acquéreur puisse racheter la part rés<^r-
vée ".
Ln mars 1749, la Cour d'I">spagne, voulant j^rotég^'-'r ses
propies artisans, proiuba la sortie des auiïes brutes du pays.
Le coup fut particulièrement ressenti à Marseille où la
matière première tendit à disparaître ".
^- Arch. de la Chambre de Commerce de Marseilli\ I )<■--!. r
Anffes et sfarteries.
^•■' Statuts et règlements du corps et communauté des maiir,<;
auffiers de cette ville de Marseille. Marseille, chez Dominique
Sibié, 1741. Art. XI, XII et XIII.
'* Arch. des B.-du-Rh. E 2.
l86 Jt:.\>.' REVxNAUD
On recourut encore à l'aulTe de Tunisie, et, de nou-
veau, les droits perçus à l'entrée en France furent suspen-
dus sur cette marchandise de peu de valeur. En avisant
la Chambre de Commerce, par lettre du 28 septembre 1750,
le ministre de la Marine Rouillé ajoutait judicieusement
qu'il voyait double avantage à recourir à l'aufïe tunisienne:
d'abord les Tunisiens seraient encouragés à cultiver iine
plus grande quantité de joncs quand ils verraient qu'ils
en ont un débouché asstiré et a\"antageux, d'iiuiant que la
t|ualité semblait s'être améliorée; ensuite le préjudice serait
iinalement pour les Espagnols qui par ia {«rohibition
auraient mal servi leur intérêt. (( Il est naturel, ciisail
Rouillé, que la Cour de Madrid, en en faisant l'expérience,
rende la liberté de la sortie des auffes, et il serait à dési-
rer c|ue la traite par Tunis pût en être suffisante parce que
les Français seraient plus assurés de cette petite branehe
du commerce et en deviendraient les maîtres, au lieu d'êire
exposés à la variation des arrangements qui seraiejit pris
en Espagne » ''^
Malgré les obstacles apportés par cette puissance au
commerce des auffes brutes, il semble bien que le .'légoce
s'en soit poursuivi clandestinement. Mais les Cj[uantités tarées
étaient forcément peu importantes. L'industrie des aufïes
ne cessa pas de péricliter, témoin les renseignements sui-
vants fournis en 1765, en réponse à l'enquête sur les indus-
tries marseillaises prescrite par l'intendant du commerce
de Montaran :
'( Les fabriquans sont au nombre de 12.
'( La matière première qu'ils emploient est l'aufe en
espar, espèce de jonc venant d'Espagne; cette matière se
vend à mille poignées qu'on appelle milliers qui vaut com-
" Arch. de la Ch. de Commerce de Marseille. Doss. Auffes et
sparteries.
LES AUFFlEKi Ul:. .MAK.si.ii.i.i, 1S7
munénu-ni 45 fr. ; ils en emploieiiL environ i2(K) milliers par
an dont 'Is font des cordes, des nattes et autres ()iivraf^<'S.
(( Le millier manufacturé augmente en valeur île (jo fr.
ce qui tait un objet de conunerce de fabrication de Kij.cxx)
francs.
« Il vient encore d'i^spagne environ douze mille grosses
de douze douziiines chaque de fUets d'espar ou aufe qui va-
lent 6 fr. la grosse. On en tait des cordes et.cxjrdages ili-
toute grosseur. Ces lilets manufacturés valent S fr. la
grosse, ce (jui f;iii un olîjet «-le commerce de fal)ricalion de
96.000 fr.
<( Le débouciié de cette fabrication est en Langu^'doc, en
Provence, en Italie, poiu^ la marine et pour la pèche.
<( Cette fabrication a diminué <"i Marseille depuis ([ue la
matière première vient en partie Idée d'i^spagne » "'.
La crise du m.étier d'atifiîer était aigué. Deux chilTres con-
cernant l'effectif du corps en feront mieux comprendre l'im-
portance. V.n 1750, les maîtres-auftlers étaient au nombrt*
de 16 '' ; quinze ans après, ils ne seront plus (lue 1 2. Le métier
tente si peu que, de 1753 à 1763, la communauté n'enregi.s-
tre pas une seule demande d'admission \
Des difllcultés de toute sorte s'abattaient sur les malheu-
reux aufliers. En 17S1, les fermes prétendirent impo.ser un
droit d'entrée et de sortie sur les auffes remi.ses par les maî-
tres aux rendières d'Allauch, dont une partie du territoire .se
trou\ait hors des limites du port franc de ^hirseille. Plutôt
que d'acquitter ces nouvelles taxes, on préféra renoncer à
recourir aux rendières d'Allauch qui ^■'' irouvèrmi ainsi pri-
vées d'un modeste salaire ".
3" Arch. de la Ch. de Corn. Doss. Auffes et sparterir.^.
^'' Arch. des Bouches-du-Rhône, E 2.
3» Ibid.
«» Ibid.
t88 JI--AN REYNAUt)
Mais bientôt la Révolution allait venir, et avec elle l'anar-
chie. On verra plus loin qu'elle s'introduisit imême clans le
corps des maîtres-auf tiers qui comprenait alors 28 adhé-
rents'". Les principes de liberté individuelle étaient appli-
qués avant même t]ue le corps ait été dissous, ce qui arriva
en 1791.
Ij'industrie des aidïes n'en mourut ])as. VAlc s'adapta
aux circonstances. Les alelicrs se muèrent en tabri(|ue, et,
quarante ans a]3rés la Réxolulion, la StaHslii]iic de \'ille-
neuve pouvait écrire Cjue la sparierie faisait marcher à Mar-
seille iS fabricjues et occupait de deux à trois mille person-
nes". ( )n songea môme tin instant <à acclimater en Provence
la culture de l'alfa. Mais l'I^spagne ^■enait de perdre la clien-
tèle de la bVance pour les barilles nécessaires à la fabrica-
tion du savon et remplacées par la soude artificielle; on
redouta des représailles en cas de cessation d'achat de la
sparte espagnole. Le projet présenté dans ce but en 182g
par le fabricant de spart Antoine Bonsignour, demeurant
9, Cjuai Monsieur, demeura sans suite par crainte de com-
plications diplomatiques ''".
A travers tout le xix" siècle et au xx", les articles d'auffe
n'ont jamais cessé de faire l'objet d'un commerce assez
important. Il est à noter seulement que leur mise en œuvre
a cessé d'être le but exclusif de l'activité d'une catégorie de
gens; le terme de sparterie englobe aujourd'hui des objets
(jui ne sont nullement en auffe : c'est une conséquence de la
concurrence faite à ce végétal par d'autres fibres exotiques,
notamment celles de coco ou de jute.
'" Arch. munie, de [Marseille. Dossier Cordiers et Aitffiers.
*' Voir dans la Statistique des Bouches-du-Rhône-, de Villeneuve,
t. l\\ pp. -/jy/j^, d'intéressantes précisions sur cette industrie. —
\'oir aussi Jxilliany, Essai sur le commerce de Marseille, t. III, P.35S.
"- Arch. de la Ch. de Corn, de Marseille. Partie moderne, doss.
Câbles et cordages, sparterie.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 189
II
Les quartiers
où s'exerçait l'industrie de l'auffe
Jadis, les artisans et bouticjuicrs de nirnu* inrtitT se jj^rou-
paient dans une rue ou dans un C|uariier. Xous axons eu à
xMarseille la rue Giperie, la rue (ianderie, la rue Triperie, la
rue Lancerie, la place du Mazeau, la PMi^v^nnn.Tir. cic. V
eut-il un quartier des Auflîers?
Xalurelleiir.enl. les fabricants d'objets en ault'rs ont
obéi à la coutume locale, mais, suixani U-s rpcKiUi's, le (|uar-
tier a varié. C'était inévitable: avec la transformation
to])oi;rai)hif]Ue d'- la ville, les divers métiers devaient se
plier aux circonstances, et telle rue r.ippi'l.iii encore une
industrie bien déllnie, alors (jue les artisans (pii la prali-
(piaient avaient depuis loUi^Memps tous clianjLïé- t!e domicile
v[ abandonn('' le quartier.
Sui\-ani une dt-libi-ralion du Conseil de cetle ville du
iS août 1475. il V avait une rue alTectée spécial<Mnenl, ei 1res
anciennemeni. au batta,<^^e de l'auffe. C'était la rue de l'I^pe-
ron, orientée approximati\-en'enl Xord-Xorii-C )u<'Sl et situei ,
avant le. percement delà rue de la l\é'pul)li(|ue, dans les envi-
rons iiunn-dicits de li place Sa li-Carnol. Cett<' rue de la
ville liante faisai< |)artie du (piariier de Cavaillbn ". \Vu^^^
" Arch. munir, de Mar.cillr, HW 3;,. f" S^. - A. Kabre. Ainir,,-
tics nies de Marseille, p. 151. Cavaillon comprenait la partie
haute (le la ville (la Major, la butte des Moulins çt la butte des
Carmes).
190 JEAN REVXAUD
C|iril ne soit pas cjnestion ici des mnr(^liands auffiers pro-
prement dits, on peut supposer que ceux-ci s'étaient établis
non loin des batteurs d'auffe. Le règlement de 1654 fait
allusion à des auffiers qui auraient (( de nouveau levé bou-
tique au quartier de Cavailion >>. On doit donc conrlu/e
qu'au XV* siècle les ateliers de sparterie étaient lo'^alisés
dans la ville haute. -^•
A une époque qu'il est difficile de déterminer, mais anlé-
rieuremenî à 1654, '^C'S ateliers se transportèrent dans le
([uartier de Blanquerie, compris entre les Augustins, la
butte des Carmes, l'église Saint-Martin et la porte Réale.
Et dans le quartier de Blancjuerie, la rue qui parut la plus
propre à faciliter le travail de l'auffe fut précisément la rue
des Templiers ou des Augustins, jDroche de l'-^glise du
même nom ".
Augustin Fabre dit que cette rue s'élaii appelée au xvi'
siècle le Wilat deis Coui^ounles, parce cju'elle était longée
par un grand ruisseau ou fossé rempli d'eau dont le courant
entraînait les citrouilles les jours d'orage '". Ce qu'il ne dit
]3as, c'est que ce ruisseau servait d'écoulement à la fontaine
de la Pierre-qui-rage, située dans la rue prolongeant vers
le Xoixl-I^st celle des Temiipliers ; la rue de la Pierre-qui-
rage aboutissait jKir la rue Fontaine-Judaïque à la Porte du
marché, et c'est de ce marché f|ue les courges avariées de-
A'aient être rejelées dans le ruisseau — formé des écoule-
ments tlu grand puits et de la Pierre-(|ui-rage — qui les
<'ni rainait ^■ers le Port "'. On saisit alors- la raison (jui fit
" Arch. munie, de Marseille. Teneur du règlement des M^'^ Auf-
fiers (1654)', BB 88, pp. 424-426. — Cette rue prolongeait la rue
Pierre-qui-rage en direction du port où elle aboutissait à la Palis-
sade-Neuve (vers l'embarcadère actuel de la Cie Chambon).
■'" A. Fabre, Aucieinics rites de Marseille, p. ^3.
'" Sur l'existence de ce ruisseau, voir notamment C. JuUian, Le
pnrl du Lacydoji cl le ruisseau sacre des Marseillais, dans ProTincia,
t. V\ p. 1-6.
LES AUFFIERS Dl-: .AIARSKILI.E IQI
de la rue des Templiers un lieu commode pour la confcctidu
des objets en auffe : l'eau n'y nian([uait pas pour v ircmper
les fibres du végétal.
Hn 1654, la rue des Templiers était déjà appelée la rue
des Auf fiers, et de même la rue de la Pierre- pii-rage «t Ir. rue
Fontaine-Judaïque. Le règlement des auffiers de cette année-
dit en propres termes que la rue des Aufllers « contirni
despuis la fontaine des Auguslins jusques à la Porte du
Marché ». Plus tard, la rue des Auffiers dt-signcra unique-
ment l'ancienne rue des Templiers ou des Augustins. Mais
le susdit règlement limite expressément à la rue des Auffiers,
lato sensii^ et au quartier de Blanquerie le clia.mp d'action
des fabricants de sparterie, en leur interdisant formelleiiH'nt
d'ouvrir dés ateliers dans le quartier de Cavaillon. A noter
(|ue les fabricants de cordes ont toujours lrou\é commodité
à s'installer près des remj^arts, le long des lices, où ils jouis-
sent de longs espaces libres. Nous en trouxerons facilemeiil
d'autres exemples.
L'agrandissement de la \ille commenci- en lOoo, irmine
\-ers la fin du x\'ii" siècle, tlevail (|url(|ue peu disperser les
aufllers. Alors, on en Irouxera dans les (|uarliers les plus
dixcrs, niais de prc'férence dans le \.oi>in;ige des rues des
Aufllers et du (irand-Puils. Dans un (rès inlér<'ssanl nMe
des maîlres-aufllers. daté de 169.^, on relève liuit aleliers
autour de l'église des Grands-Aiigustins, un près de la mai-
son des Monlolieu {|ui n'en élail guère dislanle, un à la nu-
de Baussrt, deux à la Pierre-(|ui-Kage, (jualre à la rue ilu
Crands-Puits, six au Cours", quatre à la 'l'ri|ieri<-, douze
dans divers endroits de la viHe '*. Dans les rues où se trou-
vaient installées des boulif|ues d'auffiers, le charroi se Irou-
** Non encore bâti complètement sur les côtes, ceux-ci représentant
assez bien les deux murs parallèles c|ui existaient avant 1666.
^^ Arch. munie, de Marseille. Si'iie flH. Liasse contenant un
(( Rolle de tous les noms des Mestres Auffiers et Compai},'nons de
la IMistrance deu St Ange Gardien ». Voir cette pièce aux annexes.
1^2 Jl-AN I^KVNAin)
vnit réduit nu slrirl miniiinim : par ordonnance de police,
il était, en effet, interdit aux charrettes de voiturer l'auffe
destinée aux foulons. Ceux-ci devaient en assurer le trans-
port exclusivement par bAtes de somme Cjui venaient char-
ger et décharger aux portes des l^outicjues '\
Mais bientôt les cordiers d'auffes se rapprochaient des
nouveaux remparts et s'installaient, avec l'autorisation' des
échevins, le long des lices intérieures depuis la porte de
Xoailles jusqu'à celle de Bernard-du-Bois. C'était encore le
quartier des Aufliers lorsque la Révolution décida, à la -fin
de 1792, la vente et la démolition des remparts de la ville ^".
Il est probable qu'alors les cordiers d'auffes rejoignirent
les cordiers de chanvre installés depuis plus d'un siècle sur
les terrains dits de la Corderie, au-dessus du c|uartier de
Rive-Neuve'"*'. Quant aux bouticjuiers, ils se répandirent à
travers la ville.
Les Cjuartiers suburbains, qui, au wii" siècle, possédaient
déjà des maîtres-auffiers, conservèrent pendant quelque
temps ces artisans f|ui paraissent avoir disparu dans le ccm-
ranl du XTx"- siècle ■'''. Il existe pourtant encore des centres
importants de tressage et de corderie d'auffes, notamment à
Mazargues.
'■' Aich. munir, de ?^Iarseille. Série HH. Dossier ('ordiei\s et
Aiiffiers. Projet de statuts sans date (vers i7»o), art. 10.
■'' Arch. rnunic. de Marseille. Série HH. Lettre des cordiers d'auf-
fe:., Ti la municipalité de .Marseille, du 14 janvier 1793 (an II). Dan-
cette lettre les cordiers exposent que .la ville leur avait toujours
accordé le droit de travailler le long des lices intérieures, et qu'ils
vont en être privés par la vente et la démolition des remparts ; ils
f'emandent ({uc la ville leur désigne un autre endroit.
•'"' A. Fabre, Les nies de MarseUIc, t. W . p. 415.
•'■- Arch. munie, de ]\[arseille. Série HH, dossiers Cordiers et
Au f fier s. fassim.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE I93
Quant au vallon des Aufles, aujourd'hui charniant petit
port entouré de chalets, qui conserve en plein xx' sii-ck* le
souvenir de l'ancienne industrie de la sparte, il était utilisé
par les maîtres-auflîers pour le trenipafïe des tij^^es d'aulTes.
L'occupation de cette anse par les auffiers ne paraît pas
remonter bien haut. Kn 16 10, le vallon était dit vallon (/r.s-
Innocents, en 17 10, vallon du Roy. L'expression vallon des
Aiiffes est employée dans un texte du 13 avril 1747 ". Ni-an-
moins, il est possible cjue les auftîers se soient servi, sur-
tout depuis le xvii® siècle, des diverses anses dé la côte au
Sud de Marseille. En 1773, cette utilisation paraissait fort
ancienne à un groupe d'auffiers C[ui écrivaient, le 2S mai de
cette année à la Chambre de Commerce une lettre dont voici
quelques extraits :
« Les auffiers sont di-puis un icmiis iinnv'morial en pos-
session de faire baigner leurs sparteries au rivage de la mer,
à partir du vallon dit des Auiïes jusques aux vallons supé-
rieurs et pratiquables sans qu'aucun se soit jamais avisé de
se plaindre. Le rnouillage de ces sparteries est abst)luni<'ni
nécessaire pour les mettre en ivuvre et en taire touie sirfe
d'ouvrages propres au commerce et surtout des cord.ig» s
destinés à la navigation des navires, et quoiqu'il n«' porte
aucun préjudice quelconque à la navigation ni ne pié-^enle
aucune inronimoth'té aux |)ropriétaires des bastides \oisivs.
Néanmoins, le sieur De Mon<(Hissou\ et (iu<*l(|ues autres par-
ticuliers qu'il a seu joindre à luy ont faict assigner les syli-
dics des auftîers pardevani le Tribimal de 1' Xmirauîé d«'
celle ville pour leur faire inhiber el delïendr»' de i;i.)iiiller
leurs sparteries au bord de la mer du vall<->n de Miremous-
que et autres circonvoisins... Le prétexte qu'ils ont imaginé
" Mortreuil, Dictionnaire tofographinuc de Vurmudisscnicnl de
Mivseille, p. 385.
1C)4 J'-^^' RKYNAUD
pour souienir celle demande est de supposer que le mouil-
lage des sparteries leur donne dans leur possession une
puanteur insupportable mais ce prétexte comme on vient de
le dire est supposé. Le rivage de la mer est public...
(( Le corps des auffiers ajoute un motif de charité pris de
ce qu'ils font travailler plusieurs milliers de pauvres gens
et dont une bonne partie réside dans les hôpitaux de cette
ville. C'est par ce genre de travail que ces pauvres gens
subsistent et gagnent leur vie ; c'est par lui que le commerce
trouve cà Marseille toute l'esparterie dont il a besoin et à bien
meilleur prix qu'on ne le trouverait ailleurs... » ^*
Cette curieuse lettre fait allusion à une instance engagée
contre le corps des auffiers pour leur interdire l'utilisat'ion
des anses de la Corniche". Cette instance ne fut pas la
seule. D'autres procès vinrent se greffer sur elle; en 1791,
au moment de la suppression du corps, ils étaient encore
pendants, tant à l'Amirauté qu'au Parlement.
■"'' Archives munie, de Marseille. Série HH. Dossier Cordiers et
Atiffiers.
^^ Procès contre le sieur de Moncoussou, les hoirs de M. Duroure
et autres. Commencée en 1773, cette affaire était encore pendante en
1782. Les Cabrol de Moncoussou étaient de notables protestants de
Marseille. Un Moncoussou fut commandant de la Garde Nationale
rie la ville en 1790 et mourut guillotiné.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE I95
III
Au XV'"^ Siècle, le Conseil de Ville
réglemente l'industrie du chanvre et de l'auffe
Ouel qiK" suii l'inuTri ijiu- |)r(,'-SL'ni('ni les xicissitudes d'une
modeste branche de l'industrie marseillaise comme celle de
l'auffe, il est peut-être plus attachant d'étudier le métier en
lui-même. C'est ce que nous nous proposons de faire en
})assant successivement en revue les différents règlements du
corps des autfiers que nous avons pu retrouver, '«-iiv t\\\
NV* siècle, de 1611, de 1654, ^"^ entîn celui de 1741.
Le plus ancien texte connu constiUianl en cjnelque sorte
un code du métier d'aufffer est un règlement en langue pro-
vençale existant aux Archives de la ville de Marseille, en
sept copies comportant de nombreuses variantes. Il a pour
litre: Ordonuwnces jjictes ci coiifiriuccs par le Conseil de
la dite de' Marseilhe siihrc les Cauchcs et filecla et auffes
que entraran d'icy en ava)it en ladicle cieutat, estraict des
regestres du présent Archif des puis Van 1467 et le si xi es me
fehvrier, faict par les eslcgis parle Conseil, sen Jaunie (iua-
sin, sen Bertrand Candolle, sen Peiron Iinhert et sen Pierre
Saure ''".
'^''- Vcir aux A/iiiexes la note concernant les divers textes des sta-
tuts du XV siècle. Celui que nous avons suivi fip^re dans le regis-
tre des délibérations de la ville de ^firseille BB 43- f" -^- v° et
suiv. — On trouvera également aux An?iexes de précieuses notes de
;M. Pierre Bertas sur les quatre rédacteurs des Ordonnances, spé-
cialement sur Pierre Imbert. Xous profitons de l'occasion pour re-
mercier ^l. P. Bertas de sa grande obligeance et de rempres>inient
qu'il a apporté à nous renseigner sur ces personnages.
196 TKAN REYNAUD
Il semble bien que ces ordonnances aient été rédigées
par une Commission municipale de quatre imembres. Mais
l'ambiguité du titre ne permet pas de dire si la date indiquée
est celle de la promulgation ou bien celle du commencement
tlu registre où le règlement avait été retranscrit. Toutefois,
malgré les regrettables lacunes des archives municipales de
Marseille, il est permis de situer l'établissement des ordon-
nances entre 1467 et 1481 ; avant cette dernière année, trois
des rédacteurs nommés dans l'acte: Bertrand Candolle, Jac-
ques Cassin et Pierre Saure, étaient morts. D'autre part,
ainsi que nous le verrons, dès 1472, les délibérations muni-
cipales parlent des (( ordinaciones circa facturam operis
alfe », et des moyens propres à les faire observer. On peut
donc avancer, sans craindre de se tromper, que le règlement
date au plus tard de 1472, s'il n'est pas antérieur".
Son contenu est intéressant à étudier, comme expression
de certaines mœurs de l'époque. La liberté laissée précédem-
ment aux cordiers de chanvre et aux auffiers pour l'exer-
cice de leur art — liberté limitée seulement par les usages
— ayant probablement engendré des abus et des plaintes,
la commission municipale chargée d'apporter de l'ordre
rédigea pour ces métiers un règlement très strict.
Les contrevenants devaient être |ninis d'amendes sévères.
Le produit des amendes recevait diverses destinations, dont
l'une ne constituait rien de moins qu'une priime h la déla-
tion: un tiers revenait au Roi, un autre tiers à la cure <lu
port, le dernier tiers aux dénonciateurs. Le fait n'est pas
unique.
Autre canictéristique de ces ordonnances: elles englobent
à la fois les cordiers de chanvre et les cordiers d'auffe. Elles
*' Au. cours des xvip et xviii^ siècles, de nombreux textes parlent
du règlement du 6 février 1467. La plupart des auteurs reproduisent
cette date qui n'a rien d'invraisemblable. Nous avons préfère toute-
fois nous montrer moins affirmatif que nos devancier?.
LES AUi'l-lEKS DE MARSEILLE I97
débutiini par des prescriptions d'ordre griit-ral ai)r('s Ics-
<|ue!k'S sont énuiiiérées celles concernant jjliis spécialemeru
l'an de la canebc. Les articles visant les aiifliers vien-
nent en dernier lieu. X'oici les principales dispositions des
slaltits.
Bien cjne les mois de corps, de cor[)oralion ou tle cont-
munauté ne soient pas écrits, en fait, un ors;an<' analofj^iie
se trouve constitué dès le j)reniier ]Dara_<;raphe : tous les ans,
seront élus cpiatre subrestans ou députés <.leux mari-
niers ''\ im cordier et un autller '< jier esire ei se prendre
i;"uarde sur lesdirîz ranebes, tileciz pvv fere sartis de na\('-
gar ausquelz sera donna tel pouder et puissance- comme sy
tout le conseil y fousse, et loudirl conseil lous promeri de
delïendre et guarcmtir envers lotis ei contre lous en tazeni
leur O'fficv seguent las ordonnances ainsy speciftlcades )>.
Les subrestans dewiient j^rêler serment, i)ar dc\ani !i'
viguier, d'exercer leur otiice bien, diur.ent, selon l)icu ci
leur eonscience, sans égard pour les considérations parti-
culières. Etaient de .même tenus au serment h tous les cor-
diers fasent l'oflice de cordier ou lou fasent fere, la ni de
canebe cpie d'auffe ». Donc patrons et ouvriers juraient
d'observer les prescriptions édictées. Les défaillants i^oii-
vaient être privés du droit d'exercer leur métier pendant
un an, mais ils pouvaient être aussi délinitivement « ban-
nit et cassât », sans préjudice du paiement d'une amende
de cent livres.
L'exclusion visée par cette disposition .semblerait indi-
quer que les cordiers en chanvre et en auffes étaient consti-
tués en corps. Cependant, il paraît aussi que les auffiers
étaient, pour leur part, l'objet de catégories différentes: non
*« Un des textes, transcrit en 161 r. porto: un marinier, un mar-
chand, un cordier et un auffier. .^rch. Munie, de Marseille. Série
HH. Dossier Auffiers.
IC)8 JliAN REYXAUD
st-ulemeni il y avait chez eux des patrons et des ouvriers,
mais on distinguait encore les exploitants d'un moulin à
sparte — picadou d'aujje et ceux qui mettaient en œuvre
cette sparte et la vendaient — les boutiquiers — .' Il était
formellement interdit de cumuler le métier de batteur d'auffe
et celui d'auffier proprement dit. Les batteurs d'auffe ne
faisaient pas partie du corps.
Les subrestans devaient visiter toutes les auffes importées
à Marseille et ^•érifier si les balles étaient bien de la conte-
nance prescrite, .( suivant la tenalhe de ferry de la ville » "''.
Ils fixaient les mesures et les tares, avaient pouvoir de faire
brûler l'auffe (( ])orrido et meschante », tenaient un réper-
toire des marchands iimportateurs. Xe jouaient-ils pas aussi
dans une certaine mesure le rôle de courtier? Une phrase
un peu ambiguë le laisserait supposer: ils touchaient une
indemnité de « deux solz par milhier, payé la moytié le
vandedour et la moytié le crompadour, une foys tant seulla-
ment ».
Les ordonnances portent aussi interdiction de la vente
aux particuliers de l'auffe brute au prix d'importation. C'est
la consécration du privilège du boiUic|uier. De même, un
cordier ne pouvait employer à la fabrication des tresses que
des ouvriers et ouvrières tenant boutique ouverte ou ayant
une licence spéciale délivrée par les subrestans. Enfin, la
vente des objets en sparterie ne pouvait s'opérer sans la
permission des dits subrestans,
Xous avons vu que les fonctions de moulinier d'auffe et
de boutiquier étaient distinctes: les mouliniers n'étaient pas
autorisés à faire marchandise d'auffe pour le public.
L^n moulin d'auffe était un établissement gênant pour les
voisins. La seule prescription que comportait à leur égard
^^ Ces tenailles-étalons devaient servir probablement à mesurer le
diamètre des bottes de sparte.
LES AlFl"It;RS DE .MAUSKII.I.F, I 9Q
U- nouvL'au rèijlemenl riait rinierdiciion pour le piquaiUnir
de faire sécher rautïe brute au soleil avant de la liatire.
lùitîn, le règlement interdisait sévèrement les areapare-
ments. Il prévoyait une marque de garantie tle la vilU* pour
certains articles de sparterie.
Comme on peut en juger, les statuts adoptés visaient à
protéger efficacepient le métier d'auflîer en réservant à clia-
cjue membre de la corporation la possibilité de gagner hono-
rablement sa vi<^ en respectant ci^ (|U(' nous appelons ■< la
règle du jeu ».
Mais il ne paraît pas que celle-ci ait été très fidèlement
observée. Les registres de délibérations du Conseil de vilU'
renferment à cet égard une série d'indications curieuses sur
la police du métier d'auffier de 1472 i\ 1475. Comme on
trouve là les premiers détails un peu circonstanciés sur ics
rapports entre les batteurs d'auffes et la population, nous
pensons qu'un résumé de ces docimients ne sera jîas sans
présenter un certain intérêt.
Dès le 6 juillet 1472, le Conseil de la xilK^ constate c|ue
les ordonnances précédemment faites concernant les aufl'es
restent sans effet. Il décide de nommer deux niJtables pour
les faire respecter <( ad unguem » ''" . Pierre Imbert et Pierre
Massatelli sont désignés. Mais ceux-ci se plaignent presque
aussitôt de leur impuissance à agir, faute de pouvoirs sufll-
sants. Dans sa séance du 2g août, le Conseil leur délègue
(i plenaria et ampla potestas », en n'importe quelle circons-
tance, de trancher les différends, interprêter le règlement,
punir les contrevenants aux ordonnances, (( prout et qite-
madmodum eis placuerit et videbitur faciendi »'".
Deux mois après, des plaintes sont adressées au Conseil
par le syndic Antoine Fabre contre le foulon Laynet Gra-
^° Arch. brunie, de Marseille. BB 33, i° 2.
«' I,L Ihid. f-- 41 V".
200 Ji^AN KEVNAUD
lian. Cdui-ci exerce son métier dans une maison voisine
de celle de Fabre, qui se trouve incommodé par le bruit et
la poussière faits par Gralian. ].e Conseil, saisi de la ques-
tion ilaiis la séance du 26 octobre, rappelait les délibéra-
tions récentes prises, après un mûr examen, a super facto
del picar del alfa )>, et prescrivait une enquête sur l'abus
pouvant résulter de l'exercice de ce métier, les inconvénients
<jiii (*n naissaient pour les \'oisins et les réparations et indem-
nités à exii^er des <( piqueurs d'alfa » *"'".
Après enfiuéte, la Ville cjbtint du Roi des lettres pour
sévir <()nirt' ces indésiral^les industriels. Mais, chose
curieuse, trois de ceux-ci : le susnommé LayiKH (iralian,
Jean-Jacques de Morana et la dame Boule^^on parvinrent à
se faire délivrer d'autres lettres en vertu descpielles rien ne
devait être changé au statu qiio en ce qui les concernait. En
présence de cette situation, le Conseil se trouvait évidem-
ment fort embarrassé. Il en délibérait longuement le matin
du 17 novembre 1472. Comment concilier les ordres du Roi
René avec la tranquillité publique et la bonne harmonie
entre concitoyens ? Il ne pouvait être pris, de toute évidence,
C]ue des mesures provisoires. Celles-ci consistèrent à char-
ger une commission de six notables d'examiner quels mou-
lins à auffes pourraient être autorisés à fonctionner sans
trop gêner les voisins. La même Commission devait cher-
cher un local où le battage de l'auffe serait exercé sans in-
convénient, local C|ui serait mis à la disposition de tous les
auffiers. D'ores et déjà, interdiction était portée de battre
l'alfa <( in locis de quibus sit querela » ".
Pendant cjue le Conseil délibérait, de nouveaux et graves
incidents se produisaient en ville «■ super facto operis alfe ».
Aussi le Conseil se réunissait-il de nouveau dans l'après-
«- Arch. Munie, de Marseille, BB 33, f° 7.
" Id. Ibid. fo 7 v°.
LliS ALITIERS DE MAKSlilLLE aoi
midi et décidait que toutes les mesures i-in isai;\a-s le mai in
sortiraient sans relard à eiïet ''.
Dès le lendemain iS noxenihrc, une liciirt- apn'-s l'.!;-.'
Maria du soir, en présence du viguier ei d<'S sii-in-s (iuil-
laume Kobolly, Jean Rebotton, Muguet Jancelme, Antoine
Blancard et Pierre Coste, le Conseil procédait à Téleciion
des six r.otables chargés d'opérer la réforiue décidée du
(( picar del alfa )i. I^'urent désignés: jacc|ues île Saint-Cil-
l(\s. Julien Hayssan, Paul \';issal, l-^-ançnis iilan<-;ird, ('..-i-
brid Silvt' ci .Ican (irandjran ' '.
Il ])araît bien (juc les nouxeaux coiu.missaircs dcmcuré-
leni aussi imjMiissants (juc les autres à faire rcsix'cli'r l<-s
décisions prises, car, le 12 féx'rier suiwini, le co-svndic Jac-
ques Rostagny faisait ressortir le- scandale {|u'il v avait à
laisser battre l'auffe près de la cour royale ou du domi( de
de certains officiers royaux. D'oîi gêne, vexations, inimiiit's.
Le Conseil ne piu ([ue réitérer les prescriptions j^récéden-
tes en menaçant les contrevenants de peines aussi <( formi-
dîibles » qu'imprécises '^^
Le !''•'' avril, le sénéchal avant pris une ordonnance ten-
dant à limiter les lieux où se feraient les manipulations de
l'auffe, et mettant à la charge de la ville la location de mai-
sons rés^Tvées à cet usage, le Conseil chargea deux commis-
saires de recenser les quantités de matières premières dépo-
sées dans les anciens locaux et de \ciller à ce (ju'on n'y
introduise plus rien "'.
L'efifet des mesures ordonnées par le sénéchal fut peut-
être un peu plus durable. Pourtant, en août 1475, le «même
Antoine Fabre, que nous avons déjà rencontré, renouvelait
^' Arch. ^tunic. de :\Iarseil]e, BB 33. f'^' 8.
«^ Id. Ibid. f'^ 8.
<=« Id. Ibid. f 41 v».
«^ Id. Ibid. f° 14 v°.
202 IKAN REVNALD
h,es plainu\s. contre (iraiian. La cli-lil^i'-ralion du iS août réi-
tère le \''.vii que la jiroliibiiidn de battre l'alta en ville soit
générale, et tju(^ le seul enclr(/it cm l'on soit autorisé à le
faire soit la rue de ri'^ieron, (( prout alias anliquifus fuit
observatum ». Ceci semblerait indic|U€r que certains usages
anciens étaient tombés en désuétude '''\ IMais les injonctions
du Conseil de ville à cet égard durent être renouvelées le
23 septembre. L'amende à infliger en cas d'infraction fut
llxée à cent marcs d'argent fin ; les contrevenants devaient
aussi être corrigés virilement et efficacement, alin qu'il en
demeure un exemple pour les autres '"'\
Faut-il conclure de ces faits c|u'au xv* siècle le pouvoir
des magistrats municipaux demeurait quasi lettre morte?
Loin de nous la pensée de l'insinuer. Mais les abus sont de
tous les temps. N'est-il pas courant que de mauvaises habi-
tudes prises acquièrent avec le temps figure d'un droit très
naturel ?
C'était la constatation c^ue faisait le premier consul Fran-
çois V^assal, lors du Conseil tenu le i"' septembre 1555.
(( Par raison des abus que journelement se font h ladicte
sarcie par les cordiers et aultres qui en usent », les consuls
jugèrent bon de (( dresser certains chappitres consernantz
le faict de la sarcie et cordailhe », chapitres qui fièrent
approuvés et homologués par le Conseil '".
Malgré l'indication fournie par le premier consul, nous
pensons que ces chapitres et ordonnances ne constituèrent
nullement un règlement différent de celui analysé plus haut,
et qu'on se contenta simplement de publier à nouveau l'an-
cienne ordonnance. Les quelques lignes citées par la délibé-
ration municipale tendent à le prouver. D'ailleurs, il en fut
"^ Arch. Munie, de Marseille, BB 33, f° 82.
*« Id. Ihid. f° 112 v°.
^» Id. ■ BB 38, fo 36.
LES AUFl-lERS DE MARSEILLE 203
df niv-nie seize ans après, dans les ri rconsta nces que r.ous
allons rapporter.
l^n 1571, un nommé Michel Gaiiiier, « faiseur tle cordes
d'aulphes », se voyait saisir son mobilier, à la requête tles
consuls, n-anants et habitants de Marseille, agissant au nom
et en garantie des quatre subrestans aufliers, Hrémond
(îras, Jacomet Bouillon, Gilbert Deydier et Jatxiues Fons.
On lui reprochait des infractions à <( certain estatut » de
Marseille.
L'affaire tut portée ile\aiii le iril)uiial de la Scn<-chaussée
qui, le 22 juin 1571, condamna Michel Gautier à 10 livres
d'amende pour contravention au règlement sur le fait (.les
chanvres, lilets et au ff es du i"" septembre 1355. Le jugement
portait en outre que ce règlement demeurait toujours en
vigueur et chargeait la ^hInicipalité de tenir la main à son
observation ".
En conformité de cet arrêt de justice, le Conseil de \'ille
tenu le 28 janvier 1572 enjoignait aux Consuls et aux subres-
tans auffiers de faire transcrire le règlement de 1555 et tle
le faire homologuer et enregistrer avec la sentence du lieu-
tenant du Sénéchal '".
Or, le texte copié dans le registre des délibérations de la
ville n'est autre que celui où sont nommés dans le titre les
quatre élus du Conseil: Jacques Gassin, Bertrand Candolle.
Pierre Imbert et Pierre Saure, soit les rédacteurs du règh'-
ment du xV siècle. Il devait en être alors des ordonnances
concernant les auffiers comme de nos jours il en est de
l'arrêté du maire de Marseille concernant l'enlèvement des
neiges et verglas.
Et afin que nul n'en pût ignorer, les Consuls jugèrent
^1 Arch. Munie, de Marseille, BB 43, f° ^U v°.
'2 /d. Ibid. f 194.
204 l^'^*"^' KEVNAUD
indisj>ens.'ib]e de faire un^i criée publique des sialuls des
autTirrs el rordiers, dalani déjà d'un siècle.
Celle (■ri('e fui faile par les soins criùirnne Borrelly,
tronipellf jure'', et de FieiTe (iirollr, crieur publie, en pré-
sence des consuls ''.
Dans les divers docunienls que nous venons de passer
en revue, il n'est jamais ({uestion d'apprentissage. Cepen-
tlani, il était en vigueur chez les auf fiers comme dans la plu-
l)art des autres métiers. Al. Pierre Bertas a retrouvé le
texte d'un de ces contrats (ra]3j:)rentissage, passé, comme
il était d'usage, par de\'.int notaire, le 18 octobre 1588^*.
A la Un du x\i" siècle, l'aj^i^rentissage du méliiM' d'auffier
durait deux anné(\'--. Le maître s'engageait à (( norrir et
allymenler )> l'apprenti a dans sa .maison et en son ordi-
naire » et à lui enseigner c( le mestier de auffier et deppen-
dances d'iceilu}' ». En cas de maladie, le maître n'était
tenu de garder l'apprenti C[ue pendant huit jours. Passé
ce délai, celui-(M devait aller se soigner ailleurs. Si la peste
éclatait, chacun reprenait momentanément sa liberté; mais
dès son rétablissement, ou après cessation de la peste, l'ap-
prenti devait rendre à son maître tout le temps passé hors
de l'atelier.
Ce contrat ne contient pas de clause de prix. Il est proba-
ble que ce texte n'est pas unique et que les registres de
notaires en renferment bien d'autres du même genre. Tou-
tefois ce ne sera qu'au xviir siècle que l'on trouvera codi-
fiés dans un règlement du corps des maîtres-auffiers les
usages en vigueur pour l'apprentissage.
" Arch. Mim. de Marseille. Série HH. Dossier Aufjiers. Mention
portée au bas d'une des copies du règlement.
'* Arch. des B.-du-Rh. Fonds des notaires, versement Trescartes.
Reg. n° 69, notaire Alphonse Benoit, année 1588. f° 1209 v°. — Voir
le texte de ce contrat aux Annexes.
LES AUFrmKS DE MARSl^H.I.K 20S
IV
Un nouveau règlement
particulier à l'industrie de l'auffe
est établi en 1611
Le 8 janvier i(3ii, Jacques Tiran, V'iiior Daniel, l*"ran-
çois Bezaudun et Jacques Giellat, élus par le Conseil
comme surintendants de l'aulTe le 29 octobre i()io, a\'an(
examiné les statuts anciens (iablis pai' le dii t'ial, " au-
ruieni ireuxé par icculx- (jue les autllers tle ceste ville y bre-
cheni journellemani, ne li'S obser\'anl aulcunemanl ». Ils
en avaient référé aux Consuls de la \illi' (jui leur Const-ill'--
rent de réi^ler aux mieux les différends vn susix-ns, ei,
pour les i)r('\"enir di'sormais, d'é'lablir un nou\-eau ré^ile-
meiil.
L'n |)rojel lui ré'dii^é et rnrei^istrt' riérc les minutes de
M" \'alenlin Kobaudi''. ( )n lui en subslilua bieniôl un
autre (pn' lut ap|)rou\"é' par les Consuls el ins<ril dans le
registre des délibérations de la \ille, à la ■date i\\\ ■; "-e'»-
tembre 1611'''.
1.(^ preauibuie du iiiuix'eau règlcinienl constate a\fc peine
(( les (pierelU'S el destourncmens (pii se faisoy<'nl îoules les
'•■' Arc 11. .Mun. de Marseille. Série H H. Dossier Cordicrs cl Anificrs.
— Du règlement, non exécuté, du S janvier lOii, et c|ui était Hc
caractère plutôt tei iini(|ue, nous retiendrons seulement l'interdiction
de faire sécher lauffe au soleil après le battage, la défen'-e faitf*
aux auffiers « de mander ny fère porter aucune auflfe par corratière
« tant pour piquer que pour fère des pièces de sarris ». et de faire
sortir de la ville aucun filet c|ui nt; boit des mesures prescrites.
'" Arch. mun. de .Marseille. I5B 60, f° 80.
ao6 JI^'^N KEYNAUD
années entre les maistres aulfiiers de la dicte vilk quy
renient au préjudice de tant de pouvres gens que fillent,
piquent et travaillent aulx dites ai\liïes ».
A lire les nouveaux statuts, on se rend compte sans dif-
ficulté du genre de fraude et de malfaçon que les av.f fiers
peu scrupuleux pouvaient pratiquer. Les neuf premiers ali-
néas sont consacrés uniquement à préciser minutieusement
la longueur et la grosseur des différents cordages en sparte
et la façon de les tresser. Les trois paragraphes suivants
\-isent les mo^•ens à emplover pour garantir l'exactitude des
mesures fixées : rouleaux spéciaux, cordages-étalons à la
marque de la ville à remettre à chaque ouvrier, etc. Inter-
diction formelle est faite de vendre cordage ou filets qui
ne soient pas des dimensions prescrites. Le même souci
qu'au xv^ siècle apparaît de protéger le commerce des dé-
taillants: les cordiers devront leur réserver toute leur fabri-
cation, sans exception, mais les marchands et boutic{uiers
ne sont pas autorisés à sortir hors la ville des filés à tresser
en cordes, « pour l'abus cpi'il s'en pourret ensuivre » ; les
verriers ne pourront se fournir de bandes tressées qu'au-
près de ceux qui tiennent boutique ouverte « ou de mer-
chans quy l'aportent d'Espaigne ». Cette exception est la
seule Cjui figure au long du texte. Autre niarcitie de la préoc-
cupation de protéger les boutiquiers: ceux qui filent filés
d'auflfes ne pourront les vendre directement.
Et voici oii paraissent les devanciers de nos modernes
courtiers ; dans les cordages, ces intermédiaires apparte-
naient au beau sexe, mais totis leurs charm.es ne les fai-
saient pas moins considérer comme indésirables. Lisons le
paragraphe qui les concerne : « Item que aulcun aulffier ne
pourra bailler aulcime aulfe à des fammes courratières sinon
<'i sus ou C}uy la voudront travailler e non point autrement,
à peine de cent livres aplicable comme dessus... » La pré-
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 207
ventiun contre les courtiers remonte, on le voit, à une date
fort reculée;- elle n'a disparu qu'au cours du xi.V siècle''.
Ouant aux batteurs d'iiuffe, on maintenait à leur égard
l'interdiction de faire sécher la sparte au soleil.
Comme d'usage, des amendes sévères devaient sanction-
ner les infractions reconnues. Toutefois il v a lieu de noter
que, si les dénonciateurs avaient toujours leur part, l'au-
tre part revenait, non plus à l'entreprise de la cure du port,
mais aux hôjDitaux. Le roi ne recevait plus rien.
Le nouveau règlement ne fut guère mieux observé que
l'ancien. Il pouvait être malaisé de réprimer les affaires en
sparterie faites par des particuliers dans une ville comme
Marseille. Il s'agissait toujours de ventes de cordages par
des personnes n'exerçant pas le métier d'auftïer ou n'ayant
p£LS la permission requise: les boutiquiers protestaient. Ils
réclamaient encore contre le trafic clandestin de fdets et
cordages opéré par « les esclaves et forssaires des galères »,
lesquels ne livraient pas des articles de bonne qualité. Lntîn.
ils demandaient que fussent réprimés les agissements des
courtières : « certaines femmes quv font estât de porter des
aulffes dures et molles pour icelles faire travailler pour l'in-
téré qu'ils portent ordineraiment ausdictz maistres, chan-
geant et se transportant l'aulffe de l'une h l'autre... »
A nouveau, pour protéger leurs droits, les maîtres-auf-
fîers intervinrent. Le 8 novembre 1616, par devant le notaire
Henry Mille, quatorze maîtres-auffiers de Marseille prirent
im engagement solennel '*.
Par cet acte extraordinaire, les susdits auf fiers se promet-
taient mutuellement de ne donner, '^ons nncun prétexte que
'" Voir à ce propos les Statuts de Marseille, livre l*^ chap. XL:
De Corraicriis. — Voir aussi F. Timon-David, Les l»//"i/> r,>»/r.
tiers de Marseille. in-S", Marseille. Olive, 1S65.
" Arch. Mimic. de Marseille. S«:rie \\\\. Dossier Aimirrs
208 Jl-^AN REYNAUD
ce fût, aiifles ^oiir faire filets ni cordages pour travailler
aux esclaves et forçats des galères, ni à d'autres personnes
interposées. De même, ils ne devraient point acheter d'ob-
iels de sparte confectionnés par les dits forçats, oii que ces
objets se trouvassent. Interdiction était prononcée de re-
mellre de l'auffe, brute ou molle, aux <( courratières » et
aux (( -moriscos », exception faite naturellement pour les
ouvrières travaillant pour le compte de maîtres. Cent livres
d'amende puniraient les contrevenants. Cette somme serait
à partager entre l'hôpital du Saint-Esprit, la cure du port
et le dénonciateur.
Mais les serments d'auffiers ne pouvaient mériter plus
de créance que les serments d'ivrogne. Trente-huit ans
plus tard, il fallait mettre de nouveau sur le chantier des
ordonnances et un acte qui n'étaient observés que dans la
mesure où ils ne gênaient personne: la main-d'œuvre des
galériens, celle procurée par les corratièrcs, devaient être
fort avantageuses pour les boutiquiers.
LES AUl-riERb DI£ MARSEILI.L 2O9
V
La tendance à la réglementation s'accentue
Le règlement de 1654
Le règlement de 1611 avait modifié en de nombreux
points celui du xV siècle. A son tour, il se trouva à l'usage
<( changé, augmenté ou diminué j^our la commo'dité puhli-
Cjue ». Mais ces modifications n'avaient pas été ccKlilîées,
m lorsque les subrestans intervenaient potir It^s faire res-
pecter, il en résultait « beaucoup de ch'-zordn' et contu/.ion
]iarm\' lesdicls auftiersquy donnent jîar ce dicl moyen iK'aii-
<"oup d'importtinité h Mrs les Consulz sur la vuidang<' de
leurs dilTérants... >>
Ri'-unis le 15 mai 1^)54. au nombre tie xingt-six, les auf-
tiers rénovèrent les règlements périn^'és.
\'c)ici les points sur les(|uels 1<" nouveau (e\t<- ditieriii
de l'ancien '^
Les maîtres-auffiers déclarent d'abord maintenir les vieux
usages en ce qui concerne l'élection des subrestans, la cer-
titude de leur mérite personnel et le serment qu'ils doivent
prêter chaque année. Cette observation transcrite après le
préambule, les dix paragraphes subséquents s'occupyent des
dim.ensions que devront avoir les différents objets de spar-
terie. Xi le règlement du xv' siècle, ni celui de 1611, ne
'» Arch. ^runic. de Marseille. BB 88, pp. 4-4-4-6.
210 Il-AX RF.VNAUD
portaient d'indications aussi précises à cet égard. Leur ca-
ractère purement technique permet de n'y pas insister.
Notons tt)Utefois Cju'il était formellement interdit d'utiliser
]-)our la confection des cordages de l'auffe ayant déjà servi.
Mais les cinq paragraphes suivants sont intéressants à
plus d'un titre.
D'abord il est question des <( intendants » des auffiers et
des « prieurs de leur luminaire ». Nous trouvons ici pour
la première fois trace de leur groupement en confrérie,
une des modalités des corporations*".
Ensuite, nous voyons apparaître le nom de la rue des
Auffiers, comme renfermant les bouticpies où se débitaient
les ouvrages en sparterie. Nous voyons également désigner
le cjuartier de Blanquerie comme étant un centre de fabri-
cation des articles d'aufifes.
Une phrase du règlement parle de ce que << quek{ues-uns
de leur mestier qu\- ont de nomeau le\'é bouticpie au Car-
tier de Cavailhon resoivent des ouvriés, des femmes et des
aullres personnes t|uy travaillent les auffes en racheté ».
Ces auffiers indélirf^ats n'hésitaient pas à majorer les salai-
res de ces ouvriers (dandeslins, et, de la sorte, arrivaient k
débaucher à leur protll la main-d'o.ni\'re des maîtres établis
en boutique. 11 |:)araît que (~es abus <( aulmentaient » tous
les jours. Pour }' remédier, le règlement prévovait, outre
la fermeture de ces ateliers non autorisés, l'inlerdiclicMi
absolue aux maîtres de « donner auhnms auffes n\' dure ny
jDicade, ny recepvoir fillet, pièces ou autres besognes cpie
dans les boutiques et aux lieux et endroicts marqués... »
"" A'oilà cfui prouve combien il faut se méfier des affirmations
d'Aug. Fabre : malgré sa connaissance approfondie des archives de
Marseille, il n'avait pas pris garde aux divers règlements d'auffiers
cjue contiennent les registres de délibérations municipales, et il en
coucluait que nos auffiers n'avaient formé ni corporation, ni confré-
rie ! {Anciennes rues de Marseille, p. 33).
LES AUFF1I£KS DE MARSEILLE 2 l I
Le règlement doit encore sC'v'w contre les << corraiiers ou
corratières, lesquels viennent vandre d'aulïes dans les bou-
tiques de divers mestres, iceux ne Iravailiiant point, ains la
font travailher à des autres pour profiter de leur labeur, ce
quv revient au préjudice évidani non seullement ties mes-
tres aufliers, mais plus pariicullierement des pauvres ou-
vriers desquels le Iravailh esl diminué par moyen desdicts
corratiers et corratières ». La tentation a été toujours grande
pour les intermédiaires de faire des affaires pour leur pro-
pre compte.
Les dispositions du règlement devaient s'app.liquer, non
seulement à la ville, mais à tout le terroir de Marseille, où
les abus trouvaient plus de facilités pour passer inaper-
çus ''.
Bien entendu, les maîtres-auflîers jurent et promettent
de garder et observer de point en point le nouveau règle-
ment, et de n'y jamais contrevenir directement ni indirec-
tement.
Moins de trente ans après, une délibération du corps vien-
dra renouveler des prescriptions anciennes tombé<'S en
désuétude et en formuler de nouvelles à l'égard de ces indé--
sirables corratières, " qui sont noninn-es vulgairt-mcnl rni-
dières ». Une assemblée tenue, le 17 noxcmbre i()<S2, |)ar
les maîtres-atiffiers <( fondés sous le titre du Bon-Ange
Gardien », se plaint vivement des manu-uvres de ces fem-
mes : « Il s'est trouvé dans 1<^s visites (|u'i1s |les prieurs]
ont faites des fenwnes qui prennent des autles pour tra-
vailler et faire travailler à leurs connus et (pii doivent avoir
soin, ainsi qu'est de coutume, de les rendre anv Hn^ maî-
«1 Donc, les maîtres-auffiers pouvaient faire travail k-r lies
ouvriers résidant le terroir, autrement dit la banlieue. Ce fait est
intéressant à noter pour Diistoire de l'industrie dans les loca-
lités situées dans le terroir de Marseille.
212 IHAN REYNAUD
Ires-auflîers loiscju'elles sont travaillées, (jiii oni fraudé les
marchandises par elles prises, lesquelles se cachent même
pour n'être visitées, ainsi qu'il s'est vu dans les dites
visites ».
Il tut donc formellement interdit de remettre du travail
à ces femmes lorsqu'elles ne serAaient que d'intermédiai-
res. Celles qui travaillaient personnellement l'auffe purent
continuer à recevoir de l'ouvrage. Enfin, la délibération
n'autorisait de (( faire des rendières nouvelles >: ({ue dans
la ville, pour permettre de les inspecter plus facilement *".
Malgré toutes ces pTescriptions, formulées sous peine de
S3 livres d'amende, une autre délibération du corps des
auf fiers du 12 mars 1687, enregistrée au Parlement de Pro-
vence^'', constatait déj<à que la décision du 17 novembre
1682, était tombée en désuétude ; elle la remettait en vigueur
et l'accompagnait de diverses prescriptions nouvelles en six
articles.
1° Le premier visait les interdictions d'emploi des ren-
dières.
2° Les maîtres ne devaient point permettre aux ouvriers
d'aller prendre les auffes au paroir (moulin à auffe), ni
les 3^ reporter ime fois filées. Ces opérations devaient se
faire uniquement dans les bouticjues des maîtres..
3° Les maîtres ne pourraient envoyer les auffes dans les
maisons des ouvriers ni les v faire reprendre une fois filées ;
cela aussi devait se faire dans les boutiques, à peine de
30 liv. d'amende.
4° Malgré les dangers de la surenchère, on maintenait le
*- Arch. des B.-du-Rli. Notaires, fonds Lieutard. Année 1682,
reg. 150, f" II 10 v^. — Cette délibération fut, paraît-il, enregistrée
au Parlement. 11 a été impossible de la retrouver dans les registres
conservés au Palais de Justice d'Aix.
" Arch. des B.-du-Rh. Dépôt d'Aix! B 3373. f" 2:5.
LL'S ALFFIliRS l)i: MARSKIlLi: 21 3
clr(>ii des palrt)ns de piixer les ouxrier.'- ainsi ({u'ils croi-
raient devoir le faire".
5" Pour taire face aux dépenses du luminaire du B«in-
Ange Gardien, il serait payé icx) livres par ceux nui, pas-
sés maîtres, ouvriraient boutique, sauf les tlls de maîtres.
Cette élévation à la maîtrise de\raii v'-tre prv.Védée trim
apprentissage fait à Marseille et d'une entitiête de bonn<'.s
vie, mœurs et probité.
Les maîtres paieraient de leur côte iS li\res jiar ajîprenii
engagé. Les fils de maîtres exemjDtaieni leur pèr^ de c
j^aiement. Les iS livres étaient rétluites à <> livres pour
les étrangers justifiant de leur apj)rentissage.
C^tie délibération est intéressante, parce ciu'elle consti-
tue le premier texte où il soît question d'apprenti.ssage et
de maîtrise, toutes institutions qui ne ilevaient pourtant
point être nouvelles. Otte préoccupât ii)n de réglenvenii-r
l'accès de la corporation devait continuer dès lors à se faire
sentir et on en retrouvera la manifestation dans tous les
règlements subséquents.
^■' Cette dispnîition revenait sur une dos prcx t i|Mi..ii - uu i<>;i«-
ment de 1654 visant les salaires; un redoutait alors le débauchage.
214 JEAN REYNAUD
VI
Premières tentatives des Maîtres-Auffiers
pour la protection de leur privilège
Les Archives municipales de Marseille renferment deux
documents sans date d'un grand intérêt pour l'histoire des
Auffiers de Marseille. L'un est un projet de statuts pour
ce corps de imétier, l'autre est un mémoire en défense des
Echevins de la ville «■ contre les prétendus Prieurs des
Cordiers de la même ^ ille » dans une affaire pendante au
Parlemient *^
Rien que certains points communs puissent justifier un
rapprochement entre les deux textes, il est certain cju'ils
ne sont pas complémentaires. Le mémoire en défense est
dirigé contre la délibération d'un groupe de 35 ouvriers cor-
diers du 14 juillet 1720 et fait allusion à la confrérie de
Saint-Roch. Le projet de statuts pour le corps des auffiers
nomme Pierre Olive, premier prieur du Luminaire de l'An-
ge-Gardien. Ce Pierre Olive, qui était âgé de 35 ans en
1693, figure juscju'en 17 19 sur les contrôles du corps des
Auffiers. V.n 1724, apparaît un autre Pierre Olive qui pour-
rait être le fils du premier: la signature du second est celle
d'une main plus ferme.
^'^ Ces deux documents font partie de la liasse Cordiers et Auf-
fiers de la Série HH. — Nous avons déjà utilisé et nous utilise-
rons encore les indications très intéressantes fournies par le mé-
moire en défense non daté.- mais à peine postérieur à 1720.
LI£S ALFl-IERS DK .M.VK.>ii:i I.l.l': 21 ^
Un second exemplaire de ce projet de siaUiis est en lous
points semblable, comme inspiration et ccnnme écriture, à un
autre texte, daté celui-là du 8 août 1700, et qui contient
les statuts d'une jurande projetée de cordiers de clianvre.
formant dissidence avec la confrérie de vSaint-Rocli avant
son luminaire dans l'église Saint-Martin "".
Or, le but principal des aufllers est iCinsiiiucr uni- ju-
rande. Rien n'empêche de penser cjue Pierre ()li\e, premier
prieur des auffiers vers 1700, ait songé à doter son métier
d'un statut corporatif, les précédents règlements ayant pres-
que uniquement visé le côté technique et général de l'in-
dustrie de la ^parterie.
C'est donc tout à l'orée du x\'iir siècle (|ue nous n-Ic-
vons pour la première fois la préoccupation ('\i(lente de
codifier les vieux usages et de créer une corporation des
auffiers. Pour des raisons analogues à celles mises <'n avant
par les auffiers, la même icndancc cxisiaii dans nmnb.i
d'autres corps de métier.
J.e préambule du projet, toujours curieux dans ces sortes
d'actes, relève l'importance des manufactures d'objets en
auffe de Marseille. Il souligne en même temps les abus (|ui,
à la longue, se sont introduits dans la dite fabrication, et
il en attribue la cause à ce que « les anciens statuts faits
par Mrs les Consuls de cette ville ez années 1567 "' et 1654
ne sont point authorisés par lettres patentes de .Sa Majesté,
et de ce c^u'il v a de nouveaux abus que les dits anciens
statuts n'ont pas prévus ». Il serait donc exjx'dient d'y
remédier et <( d'ériger en même temps cette manufacture
en maitrize afin que les syndics et prieurs ayent une auilm-
rité de faire des visites pour corriger les abus et faire jiunir
les malversations >'.
'" Arch. munir, de Marseille. Srric IIH. ])ns?irr Cordiers et
Auffiers.
" Cette erreur de date (1567 au lieu de 1407) sera reproduite
dans plusieurs textes du XVIIP siècle.
215 liiAN REVXAUD
Jves stcituls c-uinpren lient qiuiturze arluies.
Le premier vise le luniinjiire du Bon-Ange Grirdien (( que
la coninumaulé continuera de régir dans l'iiglise des Pères
Augustins ». Donc, conirairenieni à une affirmation du
mémoire en défense de la ville, le corps des auffters existait
bien antérieurement à cette date, avec son luminaire pro-
pre, distinct de celui de Saint-Roch.
Le même article prévoit aussi la nomination annuelle de
deux prieurs, le second dimanche de février, élus pour deux
années, de façon cju'il y ait en fonction deux prieurs anciens
et deux prieurs notiveatix. Ces prieurs seraient en même
tem|:)s syndics de la communatUé. (^n voit ici la liaison
étroite entre la confrérie religieuse et la commtinaulé de
métier.
Les trois articles suivants sont relatifs à la maîtrise. Nul
ne pourra devenir maître et tenir boutique sans avoir fait
apprentissage de trois ans, servi pour garçon pendant deux
ans, subi un examen et fait un chef-d'œuvre. L'aspirant
maître une fois admis pourra lever boutiqu^ à condition
de verser un droif d'entrée — fort élevé pour l'époque —
de 300 livres au profit de la communauté. Les fils de maî-
tres devraient passer un examen, mais seraient dispensés
de payer attcun droit d'entrée. Cette disposition ne tendait
qu'à empêcher pratiquement l'accès d'éléments nouveaux
dans le corps des a uf fiers.
L'article 5 règle Its formalités à remplir pour engager les
(( apprentifs » — nous dirions les apprentis. Ceux-ci doivent
faire visite aux Syndics et payer tm droit fixe de 50 livres
au trésorier, une fois réglé.
L'article 6 est indicatif de l'esprit très particulariste du
corps des auffiers. Il interdit à C|uiconque n'a pas été reçu
maître d'ouvrir boutique, de dresser des manufactures d'ou-
vrages de joncs vulgairement dits auffes, ni de les vendre
Lt:.S AUFFIIÎRS I)l£ MARSEILLE 217
el débiter. On sent qu'il a été écrit en réaction ronin- n-^
grands négociants, sans compétence spéciaU-, (jui <(>nini.in-
ditaient des ateliers de conleries dont la mise tie fonds,
au dire du mémoire en défense, devait être si considéra-
ble.
Trois articles visent les rendièrcs, ces femmes de la ban-
lieue Cjui tressaient des auiïes à façon pour le compte des
maîtres. 11 était interdit d'acheter des ol)jets manufacin-
rés aux rendières, « tous gens pauvres >■, pour les empê-
cher de <( .malverser et de divertir les autïes qui leur sont
confiées )>. Défense était fnile aux rendières de rec<'voir de
l'oiixragt^ d(^ plus tie trois maîtres à la fois mais dans la
ville seulement — pour é\ iter la confusion (.les aulTes et d<*s
ouvrages. Enfin le tarif de la façon des rendières n<.' devait
être fixé cjue par l'.Vssemblée de la communauté, « suivant
la conjoncture des temps ».
L'article 10 règle les rapports des ir.aîtres el des mouli-
niers d'auffes, appelés foulons. Il tend à empêcher la con-
fusion des lots de fibres remis à <vs derniers. <( lu comme
Mrs les Ju-hevins ne permettent pas aux charrettes d'entrer
dans les rues où sont les boutiques jxuir y prendre et rap-
porter les auffes, aucun maître ne pourra donner des aulTes
Cju'aux foulons qui voitureront av<^c des bêtes de charge
et C|ui viendront charger et décharger les beslinux aux por-
tes des boutiques ».
L'article 11 organise l'inspection des bouiifpies et des
entrepôts t'uis les <'|uinze jours par I<^^ maîtn-s «-t les s\n-
dics.
Les rendières, difficiles h surveiller, étaient l'objet il'ime
certaine méfiance. <c Pour obvier aux vols et dissipations
des auffes et des ouvrages », il était entendu qu'elles ne
pouvaient prendre du travail que pour elle.s-mêmes et leur
famille et non pour en distribuer à d'autres. Il était aussi
2l8 iliAX RKVNALD
inicrclii aux icgrulticrs «■ d'acheter des lllels et ouvrages
des enfants et pauvres ouvri^^rs, comme étant les dits filets
volés et soustraits aux maîires qui ont fourni l'auiïe ». De
leur côté, les maîtres ne pouvaient .« avoir des bureaux à
la campagne et lieux circonvoisins pour y faire distribuer
l'auffe et recevoir les filets et ouvrages », ni en faire donner
aux (( battoirs » : toutes ces opérations devaient se faire
« dans le,s boutiques et dans la ville ». (Article 12).
L'article 13 prévoyait des sanctions pour les infractions
commises par les ouvriers : privation de travail pour trois
mois et, à la récidive, privation perpétuelle de travail dans
le métier.
L'article 14 et dernier confirmait et validait les statuts
des années 1557 (1467) et 1654 ^t l^s délibérations « enre-
gistrées au Parlement de cette province » du 17 novembre
1682 et 12 mars 16S7, textes qui demeureraient attachés aux
statuts nouxeaux, le tout devant faire l'objet d'une appro-
bation des Echevins et de lettres patentes de Sa Majesté.
Pleins pou\'oirs étaient donnés aux quatre prieurs en charge
de faire toutes démarches et frais à ces fins.
Mais ce projet devait rester sans suite. Il n'en est plus
question postérieurement, et les statuts de 1741, c|ui se réfè-
rent à tous les règlements déjà édictés sur l'industrie de
l'auffe, ne font aucune allusion à ces statuts morts-nés qui
avaient eu la prétention de vouloir ériger en maîtrise et
jurande le corps des miaîtres-auf fiers marseillais. Les Eche-
vins de Marseille, lieutenants généraux de police, chargés
à ce titre de la haute surveillance des divers corps de métier,
voyaient d'un cTeil très défavorable leur autorité sur ces
corps transférée en partie aux « jurés >> élus par ces corps.
Mais ils fournissaient à l'appui de leur opposition à la ten-
dance nouvelle des raisons qui ne paraissent pas sans fon-
LES AUFFIKUS DE MAKSKII.I.IÎ 2ig
clriiiLTil. Ces raisons sont exposées dans !<• ir.'-in"'''- ^'Hv
date dont il a été question plus haut.
(( Si ces arts ét£iient en maîtrise, disai<'nt-ils, tout serait
perdu, parce que les marchands ne pouvant plus en tenir
les fabriques et manufactures, et les ouvriers s<'uls pouvant
le faire, ils seraient incapables de soutenir un t<'l comnierci'
([ui exige des fonds immenses et des forces (|ue des artisans
seuls ne sauraient avoir ».
De plus, « pour filer le chanvre, le pcii^iu-r, «i ])(uir pri -
parer, battre et filer les autTes, il faut des quantités i)r(i-
digieuses de, femmes; pour travailler les cordages, et sur-
tout les grosses gumes des vaisseaux, il faut un très grand
nombre d'hommes; on y emploie non seulement des ou-
vriers de ces arts, mais encore de toute espèce de gens pour
aider, des matelots et autres, e' jtist[ue des petits gar(,-ons
d'aventure appelés passc-gavcls. l,ors([u'il y a de gross<*s
Cjuantités de bâtiments en étal d'é<iuiper, les ouvriers des
environs, c'est-à-cHre de 'l'oulon, la C'iotat, Cassis <•! autn's
endroits, viennent ; on en envoie ])rendre de partout |)onr
l^ouvoir subvenir au travail. >^ L'insiitiuion île maîtrises
empêcherait d'employer toute autre main-d'teuvre (jue U'
personnel habituel des boutiques d'aufliers: « Tout serait
perdti, le commerce serait arrêté, les bâtiments ne pour-
raient plus s'équiper, et on man(|U('rait de tout... "
Le tableau est évidemment noirci. .Mais il expose assez
fidèlement le caractère de la grande industrie qui s'était
établie à Marseille. A un autre point de vue, les Hchevins
ne cachent pas qu'à leur avis, l'érection de maîtrises ou de
jurandes diminuerait l'autorité royale et leur projire auto-
rité: (T Au Roi seul appartient de faire, d'ériger et d'éta-
blir les maîtrises » ; mais « S. M. ne leur <'n accorderait
pas, parce que, s'ils étaient en maîtri.se, ils auraient droit
de faire des syndics et jurés et de .se faire des statuts et
220 l*^-^-"^' l^lîVNAl D
rryk-nu-nis coninic k-s autres maîtrises, el l'ela tendrai i
à iV'ViTsion du droit de M. le Oouvorneur-X'ii^uicr el de
Mrs les I{(he\ins tM ilu Conseil tie \iliea (|ui 1»' droit ap]:)ar-
tient de toute ancienneté de leur nommer des subrestans... »
Les Echevins s'élèvent même contre l'apprentissage: de
lui-même, il « semble n'avoir rien de mauvais », mais c'est
en réalité <( un moyen, le plus captieux C|ui fut jamais, d'ex-
clure de faire travailler et tenir corderie tous les marchands
et négociants qui l'ont fait juscju'aujourd'huy et sans les-
quels tous les ouvriers seraient incapables de soutenir un
<-ommerce aussi important... )> Si cela avait lieu, il faudrait
bientôt étendre l'apprentissage aux savonniers, aux raffine-
ries de sucre, aux blanchisseries de cire, etc. ; les négo-
ciants seraient évincés et le comimeiTe péricliterait au pré-
judice de l'Etat.
Otmnt à la levée de nouvelles taxes au profit des corps c'e
métier, les h^chevins n'en voient pas la nécessité: « Les
dettes des corps n'ont pas augmenté depuis la paix'"; ils
n'ont pas payé de nouveaux subsides ; au contraire, ils se
sont affranchis en payant leur dette en billets de banque '"
ou en faisant réduire à 2 et demi pour cent les dettes qu'ils
devaient à 5 pour cent » "".
La peste ayant appauvri la ville et tué la phq>art des
ouvriers et artisans, il faut chercher h en attirer de nou-
veaux, et non détourner les étrangers, ce qui arriverait fata-
lement si une <( autorité despotique », et d'autant plus des-
potique cjue collective, prétendait n'admettre dans un métier
*"* La paix d'Utrecht (1713-1714).
'*'' Comme tous les régimes d'inflation fiduciaire, le système de
Law avait eu pour effet de pertnettre aux débiteurs de rembourser
à bon compte leurs créanciers en monnaie dépréciée. Les faillites
monétaires se sont toujours terminées par des cadeaux faits aux
débiteurs par l'Etat aux dépens des prêteurs ou des créanciers.
"" Consulter à cet égard les délibérations du corps des auffiers.
Arch. des B.-du-Rh. Reg. Ei et E2, fassim.
LKS AUFI'IKRS Di: MARSKILI-K 221
que ci'ux nui sont au f^ré de tous: « Kt s'il fallait qu'un
seul ne le voulant pas, [le candidat] ne fût pas admis,
coniime chacun ne peut pas être de la nature de la nionoie
c[ui plaît à tout le monde, il s'ensuivrf>it (|ue personne ne
seroil ailmis, et de là il arrixiMMii ([u'une cliriiv<' |)<»ij^nt'c
d'ouvriers comnn* ces délibéranls... seroieiil (U-s arbitres
souverains qui auroient le pouvoir d'exterminer cet art et
de faire périr et abolir le commerce... »
Telle délibération ne pouvait être que <' nulle, ami)i-
tieuse, attentatoire et pernicieuse ».
Nous verrons cependant à quelques annco de la, !»•>
Echevins accepter pour les auf fiers l'aj^prentissaçe et la
maîtrise qui, en fait, existaient dejîuis lonn'U-mps, mais
'sans conférer de privilège spécial. Le corps de mT-lier ('-lait
liéjà en décadence, et les syndics se montraient impuis-
sants h faire observer les règlements. Parfois on voyait se
former des corps dissidents, et des communaut(-s ou\riè-
res s'opposer aux communautés jDatronales '". La ruine de
l'artisanat se préparait lentement au prollt tle la grande
industrie.
Le corps des auffiers tenta une fois de plus de r/'agir ron-
In^ l'anarchie qui régnait dans le métier. Le 15 mars 1 7.>5.
l'assemblée générale du corps, constatant l'abandon général
de l'exécution des anciens règlements, chargea unv <-ommis-
sion de huit membres adjoints aux syndics d'établir de nou-
veaux statuts "".
Ceux-ci furent approuvés, dans une autre assemblée tenue
le 14 mai, et par 17 voix contre 6. l'n maître aufller, absent
"' Cela arrivera môftie pour les auffiers: en 17S0. on relève l'exis-
tence d'une communauté de cordier? d'auflFc?. comprenant 14 maî-
tres, différente du corps des maitres-auffiers dont li- privil(-ge n'a-
vait — on le vf'it — servi de rien.
"- Minutes de M^ Raymond Bernard, notaire, appartenant à l'f'tude
de y]"" fuies Perrin. Année 1735, f" 103.
222
TKAN RIÎYNAUD
ce jour-là, les rai i fia aprc's coup. Mais le texle, volé pour
apporter de l'ordre, allait à l'encontre du but poursuivi et
tombait dans l'erreur opposée ; en voulant trop réglementer,
il aboutissait à la confusion. Ces statuts ne comprennent
pas moins de 67 articles divisés en 5 titres '•". Le premier
titre (15 articles) est relatif aux apprentis ouvriers et aspi-
rants à la maîtrise; le deuxième (12 articles) à l'élection des
officiers du corps et à leurs fonctions; le troisième (14 arti-
cles), aux subrestans et à leurs fonctions ; le quatrième (5 ar-
ticles), aux ouvriers dits relieurs; et le cinquième (21 arti-
cles), à la police et à la discipline du corps.
Il ne paraît pas utile d'analyser en détail ces <( Régle-
mens et statuts pour la communauté des marchands, fabri-
quans, imaitres aufliers de cette ville de Marseille » qui*
visaient à prévoir tous les cas de difficultés possibles. L'es-
sentiel s'en retrouvera dans les statuts de 1741. Notons tou-
tefois ies principales innovations introduites.
D'abord, le titre premier reconnaissait et réglementait
minutieusement l'apprentissage, indispensable pour être
reçu maître. L'apprentissage devait se faire chez un maître
de la vdle de IVLarseille. Aucun galérien libéré ne pouvait
devenir apprenti.
l;ne pré(jccu]iati{)n constante des aufflers est d'empv^cher
les aiocapa rement s, d'obvier aux abus et aux n monopoles »,
conume aussi de veiller aux fraudes et aux mélanges des lots
(|ui pouvaient se produire lors du débarquement des navires.
Les agents de ces fraudes (''taient les ouvriers dits ((relieurs» ;
ceux-ci triaient les au ff es sur le cjuai. Aussi leur interdit-on
de travailler à l)ord des navires; ils ne devaient opérer c|ue
sur le quai, en vue de tout le monde, et dans les magasins,
sous condition d'autorisation préalable des subrestans. Les
^^ Minutes de 'Si'' Raymond' Bernard (étude Jules Perrin). année
1735, f° 205.
LES AUFl-IERS 1)L: MARSKIM-K 223
(( relieurs » devaient être choisis parmi les compagnons
d'élite.
Plusieurs articles a\aieni trait au Irawail tk's rcmlicrcs.
définies dans les statuts: des femmes qui font travailK-r les
auffes d'un côté ei d'autre par des personnes inconnues des
maîtres et sur le travail desquelles ces rendières gaf^nont.
C'étaient les anciennes corratièrcs dont il était (juestioii au
XVIII" siècle.
Les statuts s'élèvent contre un >' abus >> alors rourani :
celui qui consistait à importer l'auffe battue d'I'lspagno^ de
Barbarie et autres lieux"'. Ils portent aussi interdiction aux
maîtres de se débaucher mutuellement leurs ouvriers"'.
Enfin, ils décident que, pour être exécutoires, les déhiit-ra-
lions des assemblées du corps tle\ront être ratitiées par |)lus
de la moitié des membres.
Ce règlement trop compliqué et d'une application oifruile
ne reçut pas l'agrément des échexins, lieuienanls Lié'iri'-iaux
de police, qui prièrent les autliers de se remettre à l'ou-
vra se.
" On voit mal l'inu'-rOt des inaim-.iuHu i - .i inlcniiie .>tic
importation. Cette prohibition ne pouvait profiter qu'aux moulinicrs
marseillais dont les intérêts Liaient distincts. Peut-être les auffici-
tenaient-ils à ne pas battre en brèche ces intérêts.
"' C'était annuler une des dispositions de la délibérali.jn de 16S7
et revenir au régime du règlement de 1654.
224
TEAN REYNAUD
VII
Les statuts de 1741 consacrent pour un demi siècle
le privilège plus théorique que réel
des Maîtres-Auffiers
Il fallut cinq aniu'es i^our établir un nouveau règlement.
Plus bref et un peu moins exclusif que celui de 1735, il cons-
titue une sorte d'aonalgame des anciennes dispositions con-
sidérées comme encore viables. Les rédacteurs s'inspirèrent
égalem.ent de l'édii d'tlenri III, de i5Sr, sur l'établissement
des Arts et Métiers, et de certaines (ordonnances de police
municipale. Les auf tiers attendaient beaucoup des nouveaux
statuts qui allaient reconnaître le privilège des maîtres.
Le 5 juillet 1741, une assemblée générale du corps des
au.tlîers se tint à l'IIôtel de \'ille, en présence des échevins,
lieutenants généraux de pcvlice, et du procureur du Roi en
ladite police '"'. Cette assemblée ratifia le texte des nou-
veaux statuts et règlement, établis par le notaire Hazard ;
à son tour, le Parlement de Provence les homologua le
"''• L'Assemblée comprenait 21 maîtres dont voici les noms: Marc-
Antoine" Fabre, Joseph Bonnavié, Jean-Pierre ^lonier, Jean-Joseph
Alouriès, tous cjuatre syndics; J.-B. Icarden, Côme Ollivier, Pierre
^fayousse, Pierre Grast, Charles Philip, Jean Guindon, Annibal
Pin, Ignace Long, François Plumier, Mathieu Legré, Claude Vi-
vian, Louis Gauthier, Pierre Bernier, Jean-Félix Brémond, Etienne
Laforestj Honoré Rcynaud, Thomas-Augustin Aube.
LES AUFFIERS DE iMARSlilII !•: 225
17 juillet siiivani. ils devaieni clciiK-iinr .-n vi^jin-in- in^iin*-, i-,
Révolution ".
Ils revêtent une importance particulière. Les j)r«'-c('(lenis
règienients qui avaient reçu furce de loi étaient rédi,i,^és avi'C
des préoccupations d'ordre technique ou économique. Ix>s
tendances particularistes que nous av(uis vu apparaître vers
la fin du w'!!" sièck", et (pie tlivers textes morl-nés avai<'nt
tenté de réaliser, se trouxenl enfin consacrées dans les sta-
tuts de 1741, conçus par les mailres-aufllers dans un but
très utilitaire, et à leur profit.
On peut juger ainsi de l'évolution subie à travers les siè-
cles par l'idée corporative, et de l'angle sous lecpirl les Mar-
seillais du xviir siècle apercevaient les rapports des ouvriers
et des patrons, la question de rapi^rcniiss.r-p, l.i lilin-i,' du
travail, etc.
Voici un réstmié des dispositions de ces statuts, liien
entendu, les articles ayant un caractère par Iroj) terlinicjue
sont laissés de côté. On aura de la sorte un tableau .som-
maire de la vie du corps des auffiers à la fin de l'ancien
régime.
'( Le Corps et Communauté des Maitr(\s-.\uffiers » est
représenté par deux svndics élus annuellement le lieiixièmc
dimanche de février, par une assemblée générale, sur la pro-
position des syndics en charge. I^s syndics doivent assu-
rer la police du corps, veiller à l'exécution de ses règle-
" Ces statuts, imprimes en 1741 chez Dominic|ue .Sibié, sur le
Port, furent réimprimés en 1790 par Jean Mossy père et fils. L'édi-
tion de 1741 existe aux Archives municipales de >îarseille, "•''•
de 1790 aux Archives de la Chambre de Commerce.
226 jI^AN REVNAUD
ments. lis représentent le corps vis-à-vis des autorités et du
public. Ils ne peuvent être réélus que trois ans après leur
sortie de charge.
Le premier svndic exerce en même temps les fonctions
de trésorier, mais son collègue est responsable au même titre
que lui des fonds communs, en premier lieu vis-à-vis de
deux auditeurs des comptes^ ensuite vis-à-vis d'une assem-
blée générale qui se tient un mois après la fin de leur exer-
cice. Ils ne sont pas tenus de justifier des dépenses de
moins de cinq livres. Au-dessus de ce chiffre, ils doivent se
faire autoriser expressément par une assemblée générale. Il
en est de môme pour toute action litigieuse.
Les recettes du corps pro\'iennent essentiellement des
quotités ordinaires, des droits de maîtrise et d'apprentissage
et des amendes. La moindre infraction aux statuts ou au
règlement est frappée d'une pénalité, dont la moitié entre
dans la caisse du corps, et l'autre moitié est versée à l'Hôtel-
Dieu. En quatre-vingt-dix ans, les mœurs s'étaient modi-
fiées: il n'est plus question de faire la part des dénoncia-
teurs '".
Nous avons vu que le trésorier était responsable vis-à-vis
de deux auditeurs de comptes. Ceux-ci, élus annuellement
en même temps que les syndics, et indéfiniment rééligibles,
ont pouvoir d'entendre et clore les comptes des syndics,
d'allouer ou de rejeter les articles qui leur paraissent injus-
tifiés.
Des personnages jouent un rôle considérable dans la
communauté; ce sont les deux subrestans. Il en est ainsi
depuis le w" siècle, mais primitivement, ils étaient qua-
tre, chargés de surveiller à la fois les auffiers et les canc-
'* Sauf le cas visé par l'article XI des statuts, au sujet des acca-
parements ou manœu\-re? pour obtenir des lots d"auffes réservés.
LES AUFFIERS DE MARSKIl.I.E 22;
hiers. Au xviii^ siècle, ils sont chaque annt'-e choisis par
les Echevins lieutenants généraux de police sur une liste
de quatre maîtres dressée par les s^-ndics entrant en exer-
cice. Soumis à l'obligation du scrutent, ils sont <-liargés de
faire appliquer les ordonnances du Roi et les règlements
intérieurs du corps. Dès leur entrée en fonctions, ils doivent
visiter les boutiques et les ateliers de cordiers, mesurer la
longueur des pièces, s'assurer si elles sont exé(n.itées sui-
vant les règles de l'art. Cette inspetlion doit être renouvelée
chez les maîtres du corps tous les trois mois, et dans les
ateliers de cordages, tous les huit jours. Ils ont pouvoir de
dresser des procès-verbaux et de faire confisciuer les <^)uvra-
ges dans lesquels était relevée une malfaçon ou f|ui avaient
été exécutes avec des matériaux anciens ou de mauvaisi.*
qualité.
L'inspection des subrestans s'étend d'ailleurs à tous les
endroits où s'emploient des ouvrages en auffes, notamment
chez les verriers et les revendeuses.
Ces fonctions absorbantes ne sont pas gratuites. Le règle-
ment de 174? prévoit Cju'il serait alloué aux subrestans un
sol par millier d'auffe, lllets et garbeaux "", tant de la part
du vendeur que de celle de l'acheteur. Une disposition ana-
logue hgurait dans les statuts du x\' siècle.
Les élections des officiers se faisaient dans une ass<MiibU'-e
générale tenue le second dimanche de février. A cette ass<Mii-
blée, comme aux autres, n'étaient admis C|ue les maîtres, à
l'exclusion des veuves. Le (juorum exigé était tie la moitié
des maîtres inscrits au corps, .sans que cette fixation, pré-
voit le règlement, <( puisse dispenser aucun desdits maîtres
(( en général de s'y trouver et d'y rester jusqu'à ce queja
(( délibération ait été entièrement prise et signée, le tout
" Garbeau = botte, gerbe. Provençal, garbo.
2 28 JEAN REYNAUD
<( à peine de riiiq lixres d'amende, applicable au profit du
(( corps ». Pour une fois, l'IIôlel-Dieu n'avait passa part.
*
* *
Les gens se rattiichant à l'industrie de l'auffe provenaient
tle (|uatre catégories différentes : les maîtres, les veuves des
maîtres, les ouvriers ou les ouvrières et les « apprentifs »
ou apprentis.
Les maîtres sont naturellement l'élément essentiel de la
corporation. Seuls, ils peuvent tenir boutique ouverte, tra-
vailler, vendre, débiter en gros ou en détail, en public ou
en secret, des auffes ouvrées, filets, cordages, cabas ou
couffins, et généralement tout ouvrage d'auffe, -de cjuelque
nature et provenance qu'il soit.
Nul ne peut être reçu maître avant l'âge de 25 ans. Il
faut, en outre, justifier de sa catholicité, et de deux ans
d'apprentissage, suivis de deux autres années de service
comme ouvrier ou garçon chez un maître de la ville. Enfin,
il est exigé du postulant un droit de maîtrise de 150 livres,
versé à la caisse du corps. Toutefois les fils de maîtres sont
dispensés des deux ans de service comme ouvriers. Remise
aussi leur est faite du droit de 150 livres. Cette mesure gra-
cieuse était étendue à ceux qui épousaient des fdles de maî-
tres, avant de se faire recevoir eux-mêmes. C'était, en quel-
que sorte, le cadeau de noces du corps des auffiers.
Chaque maître ne ])eut agir que pour son propre compte,
ne peut avoir en même temps qu'une seule boutique ouverte,
<'t il lui csl interdit de prêter son nom à d'autres, lorsqu'il
abandonne le métier. Toutefois, il lui est loisible d'avoir
autant de magasins ou d'entrepôts fermés qu'il lui convient.
T.es veuves de maîtres désirant crmtinuer le métier de leur
LES AUFFlliRS DE .NURSLILLE 2 2y
mari le ix'uveni faire dans les mêmes condiiion.s, umi ijut-i-
les restent veuves sous le nom de leur mari. 11 leur esi inter-
dit, par contre, de recevoir des apprentis chez elles, sauf
ceux entrés du vivant du niaiire-aufrier. IClles doi\eni, en
outre, aux maîtres, une quotité de vingt sols par an, paya-
ble le premier dimanche de mars, Siins préjudice des imposi-
tions décidées pour l'acquittemeni des dettes du Corps.
Enfin, elles ne sont pas admises aux assemblées générales.
Comme dans toutes les industries, la .main-d'u'uvr<' esi,
numériquement, l'élément le plus importani. Mais il y a\aii
chez les auflîers im élément régidier: il se <'omposaii des
apprentis et des ouvriers a}ant leur certificat d'appreniis-
sage;et, d'autre part, im élément irrégulier qui comprenait
les ouvriers sans certificat d'apprentissage, et les retulicrcx.
Les apprentis, parmi lesquels se recrutent exclusivement
les maitres, forment une ciitégorie à laciuelle il est ilonné
une particulière attention. Le contrat d'apjîrcniissage doit
être passé par devant notaire; il doit être obligatoirement
de deux années; l'apprend paie au corps un droit de vingt
livres dans le mois qui suit la passation de l'acte, droit dimt
le maître demeure responsable. Toutefois, les enfants des
hôpitaux sont exemptés du paiement de ce droit. Chaqje
maître ne peut avoir la charge que de deux apprentis, le
second n'étant admis qu'après une année de présence dit
premier.
En dehors des apprentis, les maîtres ont le droit d'em-
ployer, non seulement des ouvriers possédant un cerlihcat
d'apprenussage, mais aussi n'importe qui, homme ou
femme. Ces ouvriers travaillent chez le maître-autlu-r, à
leur domicile propre, ou chez les particuliers (jui ont des
auffes à tresser. Les ouvrières ne peuvent être employées
que par deux maîtres à la fois. Bien entendu, tous sont sou-
mis à une inspection régulière des plus sévères. Les ouvra-
230 JIÎAX REVXAUD
ges doi\enî. être exécules strictement selon les règles ; les
objets non conformes donnent lieu à procès-verbal et à con-
fiscation. Lfs ouvriers ne doivent travailler c|ue pour compte
des maures, nullement pour eux-mêmes. Ils ne doivent
point sortir de leurs fonctions ni faire acte t|uelconc|ue de
commerce. V'is-à-vis des maîtres et des of liciers de la com-
munauté, ils sont tenus de « ]3orter honneur et respect ».
Toute infraction à ces dispositions est punie de dix livres
d'amende, de vingt à la récidive, et éventuellement de Tm-
terdicrion du travail. Sur la plainte des maîtres et le rap-
port des subrestans, l'ouvrier peut également être congédié.
Parlons maintenant des rcndièrcs. Elles sont touj\>urs
aussi mal vues des maîtres. Otivrières à façon, travaillant
d'occasion chez elles ou simplement intermédiaires, elles
étaient devenues les concurrentes des <( ouvrières à droiture »,
des spécialistes. On les accusait de <( faire du tort à un
nombre infini de pauvres gens » en s'appropriant un tra-
vail qui devait revenir à ceux-ci. On les considérait comme
des gâte-métiers: elles consentaient à travailler au rabais
mais, à l'occasion n'hésitaient pas à hausser leur salaire
lorsqu'elles avaient affaire à des maîtres obligés de s'en lap-
porîer à elles ; on les accusait aussi de mélanger les mar-
chandises C|ui leur étaient confiées par des propriétaires dif-
férents, et même de faire argent de ces marchandises et de
disparaître.
Les doléances contre les rendières ne sont pas nouvelles ;
nous les avons vu formuler dès 161 1, sans pour cela que
les aufiiers aient jamais cessé de s'adresser à ces femmes.
A partir de 1741, il fut interdit aux maîtres d'emplover des
rendières dans l'intérieur de la ville, à peine de confiscation
de la marchandise et de 150 livres d'amende, applicables
un tiers au Roi, un tiers à l'Hôtel-Dieu et un tiers au corps.
Cependant liberté fut laissée d'employer les rendières à la
LES AUF1--1ERS DE -MAUSEILI 1, 2} l
campagne, à raison de ce que h les painrch gt'ii.s qui \- tra-
vailienL ne poiii raient pas tous venir en ville prendre r<ui-
vrage ». Les prescriptions de 1O82 et de 1687 s<^ trouvaient
donc en partie annulées à l'égard de ces i'emnves, considé-
rées comme intermédiaires nécessaires entre les maîtres et
boutiquiers et une main-d'œuvre paysanne certainonient
plus avantageuse que celle de la ville.
Telles étaient les principales dispositions de ces statuts
en vingt-trois articles dont l(\s auftlers aitentiaieni certaini'-
ment une grande amélioration dans les coiiditions d'exercice
de leur métier. Approuvés par les échevins, enregistrés au
Parlement, il ne manquait plc.s aux statuts que des lettres
royales pour renforcer le privilège des maîtres et abolir à
tout jamais la concurrence de la grande industrie.
Aussi, en 1754, les maîtres-auffiers tentèrent-ils de den-.an-
der l'homologation de ces statuts par le Bureau du Com-
merce, afin d'obtenir des lettres patentes dti Roi i)orlant pri-
vilège. Le Ikireau du Commerce refusa de donner suite à
cette requête, et entendit que le métier d'auffier restât tou-
jours libre; des ordres furent même envo}'és à l'intendant
pour que l'accès du corps soit facilité aux nouveaux venus '"".
C'était la condamnation définitive — à plus ou moins
longue échéance — des petits ateliers de sparterie.
'"" Inventaire analytique des prnccs-rirliaiix du lUtreau du ( oni-
mercc publié par Pierre Bonnassieux, séance du 28 nov. 1754,
p. 395. — A. des Cilleuls, op. cit., p. 89. — T,es refus d'homolo-
gation de statuts de corps de métier se multiplient à cette ('poque.
Le Bureau du Commerce argue généralement de ce que ces corps
ne justifient pas de titres anciens.
232 JEAN REYNAUD
VIII
La vie du Corps des Auffiers
au XVIII' siècle
De nos jours, le plus souvent, c'est la loi qui crée le droit.
Jadis, c'était au contraire le droit que la loi consacrait. On
l'a \"u à propos du corps des maîtres-atif fiers dont la consti-
tiuion et les règlements n'ont pris forme cohérente cju'après
plusieurs siècles de tâtonnements.
A l'origine de la plupart des grotipements de l'ancienne
France, on trouve im symbole religieux. Pour l'administra-
tion des communes, par exemple, c'étaient les confréries du
Saint-Esprit. Pour la corporation de métiers, ce furent d'au-
tres confréries érigées sous les patronages les plus variés.
C'est ainsi que, pour les cordiers et bastiers, existait déjà
au XV* siècle la confrérie de Saint-Roch ^"^ Nos auffîers
eurent aussi la leur, signalée dès 1654, mais sans indication
de patron. Ce n'est que dans la délibération du 17 novem-
'"' Voir plus haut p. 177. — Voir aussi Régis de La Colombière,
Fûtes patronales des corporations, p. 145. Cet auteur commet une
confusion en disant que les auffiers on marchands et fabricants
de sparterie célébraient leur fête patronale à Saint-Martin, le jour
de la Saint-Roch. Il s'agisgait sans doute des ouvriers cordiers en
aiiffe restés fidèles au luminaire de Saint-Roch.
LLS AUl-1-ihKS m. .MAKSLilLLE 233
brc \G^2 que Ton parle d-es <( Maîlres aulTu-rs fondes buiis le
lillre du Bon Ange ». Le seul lien du corps était donc la
luminaire entretenu dans l'église des Grands Augustins en
l'honneur du lion-Ange Gardien. V.i parce (juc le corj)s
était une confrérie religieuse, les oflicicrs portent des titres
appropriés, ceux de prieurs, d'intendants, etc. Les réunions
corporatives se tiennent dans le réfectoire des pères Augus-
tins, exceptionnellement ailleurs "".
Ces réunions n'ont lieu du reste (ju'ii raison tU- c<'rlaines
cérémonies religieuses. Alriis on y jiarle assurt-mmi d<'S inté-
rêts communs du métier. Avec le tenijjs, riKii)iiude vint do
convoquer des assemblées spéciales du cor|).s ; par resfXK^t
des traditions, on les faisait pr('céder tl'un oflici- religieux.
La princi;:>ale fête de la ct)nfrérie était fixée au ])rfniier
dimanche de mars, jour du Saint-Ange Gardien. A cette
date, une ci-rémonie avait lieu dans l'église des Grands-
Augustins. C'était le jour marqué pour l'entrée en fonc-
tions des officiers élus le second (h manche de février. .\
l'occasion de cette fête, on décorait le maître-autel avec les
ornements particuliers de la confrérie, dont l'entretien était
un ces articles principaux des dépenses du corps. I^n 17 19.
ce matériel, relativement important, ne représentait pourtant
pas une grande valeur. La situation financière des auffiers
ne permettait guère de faire du luxe. On .se contentait donc
de posséder quelques articles de luminaire, des draperies,
des tapis et des bouquets. A signaler cependant « un ange
de bois » et (( un ange d'argent avec son étui » "". Fn i'jC\t,,
le corps fit exécuter un tableau représentant le Saint-Ange-
Gardien, qui coûta 18 livres "'.
'"2 Arch. des B.-du-Rh. Délibérations des Auffiers. Ei et E2.
103 ■\'oir l'inventaire de ce matériel aux annexes.
i«* Arch. des B.-du-Rh. E2.
234 J'"'-^^' l-ÎI^VNALD
Le luminaire de T Ange-Gardien fut supprimé en 1775,
pour cause de manque de ressources '"'. Ne faudrait-il pas
y voir aussi la manifestation d'un certain scepticisme, très
répandu alors? L'in\entaire dressé au moment de la sup-
pression des €orporaii()n.s, en 1791, indique un matériel de
chapelle bien réduit par rapport cà celui signalé en 1719 ""
A la suite de l'édit de 1696, les maîtres auf fiers de Mar-
seille firent enregistrer les armoiries de leur confrérie, dé-
crites ainsi: D'aciir, à un iincrc ,s;(ir(}ie}} de carnation, aile
d'argent, vélii d'or, conduisant par la main une jeune per-
sonne de carnation, les cheveux d'or, vêtue de gueules, vers
un autel il'argent, sur le'iuel est posée une custode du Saint-
Sacrement d'or, l'hostie d'argent, marquée d'une croix de
sable "". Le caractère très religieux de ce blason est loin
d'être unicjue dans l'armoriai des corps de métiers marseil-
lais. Les auf fiers durent payer 25 livres pour droit d'enre-
gistrement du blason.
La situation du corps était aloi"s relativement prospère.
Bien (|ue les maîtres-auf fiers n'adhérassent pas tous à la
confrérie — il en fut, du reste, toujours ainsi, et l'on trouve
trace de corps dissidents — le luminaire du Saint-Ange
Gardien réunissait environ de 25 à 30 fidèles. Mais ce nom-
bre ne cessa de diminuer au cours du xx'!!!** siècle. Le corps
subissait les. contre-coups des alternatives économiques, des
procès à soutenir et, sans doute aussi, des disputes intes-
tines ou de l'incapacité de ses dirigeants.
Les recettes du corps se composaient de quatre éléments
principaux: 1° une cotisation fixe de deux livres par an,
2° une sorte de taxe sur le chiffre d'affaires de dix sols par
millier d'auffes ouvrées, 3° la taxe d'apprentissage de 20
'"■' Arch. des B.-du-Rh. E2.
'06 Voir plus loin la liquidation du corps.
^"^ De Montgrand, Armoriai de la ville de Marseille, p. 277.
LES AUFl-IERS DE MARSLII.LE 2}y
livres, payée au corps au moment de la signature du contrat
avec l'apprenti, et 4" le droit de maîtrise qui lut au xviii'
siècles de 150 livres "'\
Ouani aux dépenses, les unes revenaient chaque année,
celles visani ie luminaire entretenu dans l'église des Grands-
Augustins, celles concernant la tenue ties assemblées et ce
que nous nommerions le secrétaria': du corjjs. D'aiures
dépenses, beaucoup plus importantes, étaient engagées du
t'ait des divers procès que les aitflîers avaient à soutenir et
cjui les mettaient (juehjuefois en délîcit . Alt)rs, ils contrac-
taient des emprunts, ei la charge ([ui en résuliaii vouait
accroître leurs ditTu-ullés de trésorerie, maigre'' la réciucii(»n
du taux de l'intérêt cpi'ils obtenaient parfois amiablement "".
Ces arrérages constituaient la part la plus importante de
leurs dépenses. Ils savaient pourtanr pratiquer la charité:
en dehors d'atimônes (mi nature à di\'erses coninumaiU(''S
religieuses pauvres, le corps entretenait aussi un lit à l'hô-
pital du Saint-Esprit qtii lui coûtait 20 livres par an.
Néanmoins le déficit les obligea, de 171 7 à 1 74<), à
emprunter 7060 livres, représentant 2?.] livres d'inK-rét. Ix's
'"* La plupart des renseignements sur la situation financière du
corps donnés ici sont tirés des deux registres de procès-verbaux
d'assemblées conserv^és aux Arcli. des B.-du-Rhône. Ces registres
renferment aussi les comptes annuels. Le registre coté E2 porte
un superbe frontispice gravé en taille douce et représentant le
Saint-Ange Gardien, et, en face, le titre suivant imprimé en
belles capitales : « Livre des Elections et comptes du corps et com-
munauté des Marchands Auffiers de cette ville de Marseille, sous
le luminaire du Saint-Ange Gardien, commencé en Vannée 1733,
étant prietirs Mrs François Legret, Marc-Antoine Fti^'^.' !.<<.• hli
Bonnavier et Jean Blanc. — MDCCXXXIII ».
"" A'oir notamment acte du 28 mai 1720, pour réduction de 5 a
3 0/0 des intérêts dus à la demoiselle Marguerite Theus, veuve de
Georges Astouin, pour un capital de 3.150 livres prêté au corps
des Auffiers. Arch. des B.-du-Rh. Ki. i"" regiMre. entre l'année
J718 et l'année 171g.
236 JliAX REVNAUD
clé]>ens(,"S ordinaires se nioniaient alors à 183 li\'res, en tout
404 livres, alors que pour }■ faire face les recettes régulières
n'étaient que de 366 livres. Les auffiers durent alors doubler
le droit fixe s in- les filés et les auffes ouvrées "".
ivC déficit se faisait sentir lorsque, pour une cause ou
pour une autre, diminuait l'effectif du corps. On note ce
fléchissement précisément aux environs de l'année 1720, où
le corps ne comprenait guère plus d'une vingtaine de mem-
bres "', et vers 1749, où il n'en restait jdIus que 16. Le
chiffre des maîtres devait remonter à 22, lors de la suppres-
sion du corps, en 1791 "".
Aux dépenses ordinaires venaient s'ajouter souvent des
dépenses imprévues, parfois d'un montant élevé. En 1741,
l'établissement des nouveaux statuts coûta 311 livres 10 sols
aux auffiers, dont 172 livres d'honoraires au notaire Hazard,
Qf) liv. pour faire homologuer le règlement, et 43 liv. pour
le faire imprimer.
En février 1745, parut un édit du Roi, de caractère essen-
tiellement fiscal, portant création d'inspecteurs et contrô-
leurs des maîtres et gardes dans les corps des marchands, et
d'inspecteurs et contrôleurs des jurés dans les commu-
"" Arch. des B.-du-Rh. E2.
'" « L'an 1 718 et le 17^ février, après avoir convoqué suivant la
coustume ordinaire pour procéder à la nouvelle élection des nou-
veaux prieurs du corps des maîtres-auffiers, estant assemblés au ré-
fectoire du Couvent des Grands-Augustins à 2 heures après-midi
et avoir invoqué les lumières du Saint-Esprit, ledit corps a déli-
béré C|ue les prieurs C[ui se trouvent présentement en charge sub-
sisteront encore cette présente année et que, à l'avenir, les prieurs
qui seront nommés vaqueront pendant deux années, attendu le
petit nombre qu'il s'est trouvé dans notre dit corps... ». Arch. des
B.-du-Rh. El.
"- Arch. munie, de Marseille. Série HH. Dossier Cordiers et
Auffiers. Liste des marchands-auf fiers de cette ville... (avec l'indica-
tion de la compagnie de la garde nationale 011 ils furent versés).
LES AUFFIERS VE MARSF.n.I.R 237
nautés d'arts et métiers du Royaume "\ .Par (.k-libération
du 25 octobre de cette annce, le corps des auf fiers décida
le rachat des six offices d'inspecteur et de contrôleur créés
dans son sein. Il dût débourser jiour ce 663 livres.
En 1749, l'interdiction de la sortie d' l'Espagne des auffes
brutes nécessita, pour la défense des intérêts du corps, la
rédaction d'un mémoire destiné à la Cour. M" Artaud, avo-
cat de la ville, demanda pour ce factum 48 liv. d'honoraires.
En 1752, les auffiers adressèrent à la Cour d' l'Espagne un
placet sur la même affaire; ils s'adressèrent alors à M*
Emerigon, autre avocat célèbre, qui exigea lui aussi ses
honoraires.
Vingt ans après, en 1773, les auffiers eurent à soutenir
im procès contre le sieur de Moncoussou, les hoirs de M. du
Roure, et divers autres propriétaires riverains de la Corni-
che à Marseille, an sujet du droit d'usage des anses du
littoral avoisinant pour le mouillage des auffes. Ce procès
durait encore en 1782 et avait déjcà coûté au corps Si 7 liv.
10 s. 6 d., couverts en partie par des emprunts ''".
En 1776, arrivait à échéance une dette importante. L<*
corps fut divisé en cinq classes. Dans la première, figu-
raient les trois maîtres-auffiers les plus importants: André
Guindon, Jacques Laforêt et Louis Martin, qui durent payer
chacun 100 livres. Les membres des autres classes furent
taxés pour des sommes décroissantes allant ius(|u'à iS livres
au minimum ^'•'.
En 17S9, nouvelles instances à soutenir. C"(ite lois, !•■
corps attaque divers marchands nuffiers qui, gagnés .sans
"•■' Arch. de la Cliam1>ro de Coninn-n <• de Marseille. Recueil
(rAircsts, 17.14. h /.î, ir. 55. n" 45. \'oir au>si : llislutre de la
nation française, t. X, Histoire économioue et financière, par Ger-
main ^Martin, p. 243: L'e'crasement fiscal des corporations.
>" Arch. munie, de .Marseille. Série TIII. Dossiers Cordiers et
Auffiers. — Arch. des B.-du-Rh. E2.
''^ Arch, des B.-du-Rh. Ibid.
S38 JEAN REVXAUD
douie aux idées de liberté individuelle à la mode alors,
lèvent boutique et débitent des auffes au mépris des règle-
ments en vigueur, sans s'agréger au corps et sans payer de
droits. D'autres auffiers ouvrent des succursales, acte for-
mellement interdit par les statuts "\
Mais ^•oici la Révolution qui s'approche. Elle débute par
la convocation des Etats-Généraux. Le 13 mars 1789, les
officiers municipaux de Marseille in\-itaient les corporations
à réunir l^urs membres en vue de la rédaction du cahier
de leurs doléances, et de la désignation de leurs délégués à
l'assemblée générale du Tiers-Etat fixée pour le 28 mars.
Les réunions des différents corps, qui se tinrent entre le 16
et le 24 mars, donnèrent lieu à la rédaction de cahiers fort
intéressants, mais dont un grand nombre ne sont pas parve-
nus juscju'à nous.
Celui des maîtres-auffiers est dans ce cas. Il faut le regret-
ter particulièrement, car il aurait fourni plus d'une indica-
tion intéressante. Nous savons seulement que le délégué des
auffiers se nommait Guevdon "^
Mais si le cahier des maîtres-auffiers n'a nu être retrouvé,
celui des ouvriers cordiers de sparterie, dont le délégué était
]\[athieu Beauchier, a été conservé. Ces ouvriers protestent
contre le privilège des marchands de sparterie, qui ont le
monopole de la vente des ouvrages en auffes ; ils revendi-
'""' Arcli. .Munie, de Marseille. Série HH. Dossier Curdicrs et
A uffiers.
"" T- Foui nier, Cahier des doléances de la SciiccJiaitssce de Mar-
seille pour les Eiats-Gcnéraur de 17S9. Introduction. — Le corps
comprenait alors André GuiNDON père, âgé de 68 ans, GuiNDON fils,
âgé de 36 ans, et Etienne Gueydox, âgé de 26 ans, qui faisait partie
du corps depuis 1785. Bien cjue les confusions de noms fussent fré-
quentes sous l'ancien régime — même en i/Sg — , il y a tout lieu
de croire qu'il s'agit bien d'Etienne Guevdon. habitant rue d'Aix.
LES AUFFIKRS Di: MARhIliiLLE 239
qiient la faculté dcr fabriquer librement des cordages et <lt
-les vendre '".
A lire les doléances de corps similaires, cehii de< cordiers
de chanvre, par exemple, on peut cependant imaginer quel
devait être l'esprit des maîtres-auffiers : au point tic vue
économique, les cordiers réclamaient plus que jamais un
régime protecteur contre la concurrence étrangère '".
Par ce double exemple, on constate chez les })r()du(k'urs
de l'ancien régime une conception très parliculariste, égoïste
et — il faut bien le dire - très huirainc: on ri'claine la
liberté pour soi, en se réservant de la refuser aux autres en
cas de conflit d'intérêts.
La Ré\'olution allait tran(-her en fa\-eur de la liberté
géniM'ale, ce Cjui devait aboutir, pour bcruicoup d'industries,
à l'élimination progressive des petits ateliers de l'ancienne
France au profit de grandes usines, et à la prolétarisation
des artisans. Mais qui se préoccupait des conséciuences en
1789? Tout le monde vivait dans r()|)timisme : on attendait
tant des réformes !
Ces afiaires — et d'autres — devaient préoccuper le corps
des auffiers jusqu'au décret du 2 mars 1791, par lequel toutes
les corpora.tions fiwent sujiprimées.
la ]i(|"i'!lation financière du cnriis lit ap!)araitre \in suide
actif de 473 li\-. 17 s. 11 d. Le passif comprenait les dettes
suivantes :
à la citovenne Mcxcr 1 .-<'<' hw
à l'u'ux-re de la I\('denipi ion 1-3""
à la (-it()\enne h^rançoise Thibault -•■'7.'^ " '
aux hoirs de Mme 'l'hérèse Thibault --^'75 ~
Total ^"^-Od*^'
J. Fouinier, /•/>. cit.. p. 3.S6.
1 18
1'^ Id. p. 442
240 JEAN REYNAUD
t'ii capital, correspondant à 285 liv. 10 sols de rente. Les
i.uttlers possédaient, en outre, quelques effets de chapelle
consistant en une petite boîte de bois couverte d'une feuille
d'argent représentant le Saint-Ange Gardien, 6 chandeliers
grands et 3 petits, une croix, une lampe, le tout en laiton,
3 nappes, un tapis et un bassin, le tout déposé dans l'église
des Grands-Auguslins ''".
C'est ainsi que finit le (( Corps et conimimaulé des maî-
ires-auflrcrs de Marseille », qui, à l'inverse d'autres corpo-
rations, ne devait plus retrouver vie '".
'-" An h. munie, do ^Marseille. Série HH. Dossier Cordicrs et
Âuffiers. — Arch. des B.-du-Rh. E2.
'-' Notons cependant l'existence à Marseille d'un organe patronal,
le Syndicat du Commerce des chanvres et produits textiles de la
filature, dit tissage et de la co^derie (Indicateur Marseillais, 192S).
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 341
IX
Conclusions
De tous les textes (lui oni ne analyses, de tous les faits
qui ont été alignés, il ressort bien que le corps des auftk-rs
était devenu, a]:)rès une évt)lution de plus d'un siècle, ce
que nous appelons un syndicat patronal. Les maîtres étaient
les principaux bénéficiaires de l'organisation corporative,"
dans laquelle la main-d'œuvre n'avait plus voix au chapi-
tre. Il est vrai que, sous l'ancien régime, la lutte de classes
n'existait pas, et r^ue l'organisation quasi-patriarcale des
ateliers a longtemps atténué les inconvénients d'un tel état
de choses.
Il n'en reste pas moins c(ue, pour la gestion des affaires
du métier, tout se irouxail ramené au jioint dv vue d'une
maîtrise quelc^ue peu jalouse de ses privilèges. On a vu
quelle part faisaient aux dénonciateurs les rédacteurs des
statuts du x\" siècle, de 161 i et de 1654. Au xviii" siècle la
^délation n'(''lait j)lus primée, sauf si elle jouait <'n faveur
des maîtres. l'inlîn, l'abus de la réglemenlaiion. née de la
centralisation .sous Louis Xl\', et (|ui, dans la penst'e de C'ol-
bert ne devait être que temporaire, mais dura bien après
lui, finissait par ôter aux artisans toute initiative, toute
liberté, et tendait à faire des « maîtrises » une charge ou un
office transmissible comme les autres, moyennant finance.
Cette évolution des corps de métiers vers la restriction de
la liberté du travail fut contenue dans une certaine mesure
242 lEAN REYNAUD
par les officiers municipaux qui parvinrent à retarder jus-
qu'en 1741 l'institution de la maîtrise réglementée dans
le corps des autTiers. Mais cette innovation ne devaij point
tourner à l'avantage des fabricants de sparterie. Quant au
pouvoir royal, il était nettement opposé à l'extension des
privilèges corporatifs '"".
Charles de Ribbe pense que la décadence des corpora-
tions provençales a son origine dans l'édit d'Henri III, de
décembre 1581, sur l'établissement des Arts et Métiers '-■'.
De fait, par une coïncidence curieuse, c'est en 161 1 — trente
ans après — que le nouveau règlement des auffiers tend
à restreindre la liberté du travail, par l'élimination pro-
gressive de la main-d'œuvre occasionnelle. Cette tendance
ira en s'accentuant au cours du x\'ir siècle ; elle s'épanouira
dans le projet de statuts de 1735, où l'on retrouvera aussi
une manifestation de la méthode minutieuse et tatillonne
en faveur depuis trois Cjuarts de siècle. D'ailleurs, le règle-
ment de T735 ne fut pas homologué par les échevins et en
1741 on lui substitua un nouveau texte. Jusqu'alors, maî-
tres et artisans vivaient quasi sur le même échelon ; le règle-
ment de 1741 consacra chez les auffiers l'existence d'un pro-
létariat à côté du patronat. On poussait, en haut lieu, à la
liberté et à l'égalité^'*: on al)outissait en fait, par l'action
continue de quelques privilégiés, à tine différenciation
accentuée, à une insécurité accrue pour les plus faibles, à
tme méfiance réciproque des employeurs et des employés
cpii pouvait aller jusqu'à l'animadversion.
'-- Sur Tattitude du pouvoir royal vis-à-vis des corporations, voir
des Cilleuls, of. cit. titre II, et Germain Martin^ La Grande Indiis-
irir en France sons le règne de Louis AT', conclusion.
'-^ Ch. de Ribbe, Les Corporations ouvrières de Vancïoi Régime
en Provence^ Aix, 1869, p. 37 et suiv.
'-* Cette tendance se trouvait favorisée, non seulement par les
hommes, mais aussi par les circonstances économiques.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 243
A la fin de l'ancien régime, la Corporation, telle que
la comprenaient les maîtrises et les jurandes, c'est-à-dire
un groupe fermé, avait fait son temps: « le régime des
manufactures non corporatives acheva de discréditer l'an-
cien mode suivi pour démontrer l'api iuitle. lui clïct, aux
diplômes de maîtrises, furent opposés les brevets royaux,
obtenus sans autre épreuve que l'examen des produits à
rabri([uer... » '-"■, L'action du Bureau du Commerce, « (im-
posé en grande partie de représentants des villes niariiinies,
ne fut pas étrangère à cette évolution.
Mais si l'évolution économique imposait une réforme com-
plète des cadres de la production, il n'en demeurait pas
moins cjue les vieux corps de métier avaient joué un rôle
important et rendu pendant des siècles de grands ser\ices,
surtout à la fin du j\Ioyen-Agc.
Deux esprits aussi différents que Charles de Ribbe <'t M.
Raoul Busquel, étudiant, l'un les cor|)or;ui()ns ouvrières
de l'ancien régime, l'autre l'état social de la Pro\ence dans
le ]3assé, alîoutissent aux mêmes conclusions: le xv" siè-
cle et le début du xvi* ont été, aussi bien pour les labou-
retirs de la campagne que pour les artisans des bourgs et
des villes, la période durant lacjuelie ils ont bénéficié de la
plus grande tranquillité, de la plus sûre prospérité '■''. Puis
sont venues les guerres de religion, la centralisation admi-
nistrative, la période troublée de la Rév(jlulion et de ri*!m-
pire, et le régime économique actuel, sur les inconsénients
duquel les esprits sont fixés et qui lui-même évolue.
Xous avons pu suivre, au cours de trois siècles, un métier
marseillais aux prises avec les contingences. Son histoire
ne diffère guère, dans ses grandes lignes, de celle des autres
'" Des Cilleuls, op. cit., p. 120.,
'-« Ch. de Ribbe, op. cit.. pp. .S-31. — R. Bu:^cjUOt, op. cit.. pp.
850-852.
244 i^^^ REYNAUD
corporations, les mêmes causes produisant les mêmes effets ^"
On a vu, dans un cadre étroit, se profiler la route suivie
par une vieille industrie, et ceux qui en vivent chercher à
améliorer leur situation. C'est huimain.
Quoiqu'il soit humain aussi que l'expérience du passé
profite rarement aux générations à venir, il est utile cjuel-
quefois, sinon agréable, de réfléchir sur les causes de la
grandeur et de la décadence des institutions diverses ima-
ginées par les hommes pour améliorer leur condition.
Jean REYNAUD.
'-' Sur l'histoire des corporations en général et sur l'évolution
symétrique des métiers en Provence et dans le reste de la France,
on peut consulter avec fruit les ouvrages de E. Martin Saint-Léon,
Histoire des cor porations de rfiétierSj Paris, Guillaumin, 1897, et E.
Levasseur, Histoire des classes ouvrières et de Vindustrie en France
avant 1789, 2 vol., Paris, Rousseau, 1900-1901.
LES AUFFIERS Di: MARSEILLE 24)
ANNEXES
I
()l<D()\NAi\CES fdilrs cl rniifirmrra pur Ir Coiiaril ilr ht
(illr (le Maii^eiUu' siibrc les caiti'brsf ri fitrcir ri itiiffrx iiur ciilrn-
nui d'icij m tivanl m ladicle ciriilnl. rrlniirl ilrs rrtjrshrs ilii
présent arcliif tlispuis l'an 1467 ri le sirirsnie frbrrier, fnicl pur
/es" cslrgis prr le Conseil srn Jniinie Gii'isin. seii lieilrun Cnii-
(lollr. srn Priraii linbrrl, cl scn l'icrrc Smirr.
Et preniH-remant, ordôiian (jiic tous Ions ans so doirnon rlc":!
(|uatre snhroslans ou depnlactz, ('s assalitT doux tnarinicrs cl un-.'
cordior et uuij: auffier per eslre cl se prendrt' LTuardc sur lesdicl/.
canebes, filactz per fere sarlie '-' ^'^ do navcj^nar anscjuelz s«'r:i
dcunal tel pouder et puissance comme sv Innl le conseil y fousse.
et loudict conseil lous promect de deffendre et (.aiarenlir cnvt'rs
tous et contre tous, en fasent leur officy se;j-uenl las ordonnances
aincy specifficadcs :
Item lesdictz subrestans seran lenirns de preslar 1(ju se^'ru-
ment perdevant Mons'' le N'iguier de ben et dejumdamenl el setron
Dieu et leurs consiences de exoersar leur officy et non aver
poinct d'esguard a personne.
Item que tous lous ans, incontinent après la fesie de lous les
Sainctz, tous les cordiers fasent l'office de cordier f)U lou fasent
fere, tant de canebe (jue d'auffe, seran lengus de venyr preslar
lou segramen perdevant Monsieur le Viguier de ben el ilegude-
men tenyr el observar lasdictes ordenances sur pêne de non
poder sercyr leur officy de cordier per acquel an en làdiclc cieu-
lat de Marseille, mais n'estre banyt el cassai acquellous talz
que se Irobaran deffalhanctz et tombar à la peine de cens livres,
lou ters au Roy, l'aullre ters au neteguar du porl. et l'aiilre (ers
à l'acusateur et denoncianl.
i2?bi3 Sarti. corde de lin ou de chanvre qui a 40 brasses de long,
cordage servant à tirer les filets traînants qu'on attache aux tarta-
nes
3^5 1^^"^ REYNAUD
Ordonnances sur le faicl de Vaujjr.
lasqiielics seran adminislrades par lousdicl: subrcsluns
El premièrement, ordouiiaii que loule raulfe que intrera ou
sera portade en la ville et cieulat de Marseille, per quelque per-
sonne que se vueille, tant scieuladin que forestier^ sera vesitade
per !ous subreslans eslegis per lou conseil, lousquelz auran puis-
sance de congnoisser et ordonnar sy las ysanegues '-* son talles
que devon estre de trente six manade '-' per ysanegue, et sy
las manade^ ^■i>u i\c la orosscm- (jm- (Icvnn estre et que talz
subreslans auran la cogiidissance sui\aiil la lerudhe de ferry de
la ville, sy deux manades haiiaran per très ou 1res per deux, et
lesdictz subreslans seran lengus de dounar comniandanienl au
merchant que aura intral ladicte auffe que non l'ause vendre aux
particuliers ny a aultres sinon embc la mesure et tare que ly
sera dounade per lousdiclz subreslans et non aultrament, et qut;
lesd. subreslans a\ant puissance que en revesitant lad. auffe en
trouvesson de porride et rneschante, la puescon fere creniar
sence degune reprension, et lesd. subre.stans seran tengus de
t(Miyr legestre dausd. merchanlz inlradours de lad. auffe, ensem-
ble de las tares cjue seran dounades per affin de journalement
en prendi'e résolue ; lousd. crompradours particuliers et lesd. su-
breslans auran per leurs peynes et Iravaulx deux solz per mjlhier,
payé la moytié le vandedour et la moylié le compradour, une
foys tant seullamen et tous aquellous et aquelles cjue contraven-
dran a lasd. ordonnances tombon a las peines de cent livres, un
ters au Roy, un ters a la fabricque du port^ et l'autre ters aulx
denonlians.
Item ordouiian que toute l'auffe que intrara ou sera portade
dintre la ville de Marseille que en la descarguanl chascun n'en
puesque aver au près que la vendran sur la peine comme dessus.
Item la pièce grande de la latte ^^ deu estre de la longeur de
vingt brasses et la brasse deu estre de neuf pans.
Item la pièce de la pettite deu estre de la longeur de seze
brasses et la brasse es de neuf pans comme dessus.
Item sarris '^' grandes devon estre de cjuinze malhes et las
pettites de Ireze malhes.
^'* Yssanegne, voir p. p. 175.
'" Manado, botte d'auflfe.
'" Lato, perche servant de mesure.
^^^ Sarris j voir p. p. 175.
LES AUFFIKRS l>\-. MARSFJI.I.I-: 247
llciu uiiJi U(i;.tii 4111- luu cnlliiiinur ■ - scnc r-i-rai'^iif licii
aver deux pans cl demy de long cl le fds deu aver vingt cinq
pareulx en double.
Item iey bruynies '^' et ley boudaulx '•'" sy hordiran a viiiL't
brasses et restaran comnies a seze brasses sur la peine de vintrl
cinq livres.
Item ley bruynies et ley boudaulx sy commetran de quatre
filectz per chascun et de la lungeur que dessus sur la peint- >\r
vinirt-cin(| livres.
lleni las boudes '^''* tant simples «nie dnuides sy Imrdiran a
(|uinze brasses et restaran citmnn'-('< ;i don/.- |,i;i--«'- >!ir la pt'iiic
de vingt-cinq livres.
Ilem ordounan que lous cunliers ny aullres uoii ausaran cuni-
nietlre ny fere commetre bruynies, boudaulx ny boudes sinon
fie la longeur ({ue dessus sur la peyne de cent livres.
Item (juc tous cordiers ny aullres non ausaran ny persunieran
commettre ny fere conmieltre a leurs varltMz bruynies, boudaulx
ny boudes a degune personne siiiiin aulx hnbriers ou holirieres
que tendran boti(iue ouberte tant seulemeni «m vrayement aven
licency das subrestans sur lad. peine (juc dessus. ^
Item ordounan que lesd. cordiers ny aultres nom ausen ny
persumen \endre ny fere vendre per cllous ny per aultres bruy-
nies, boudaulx ny boudes, en aulcune manyere a aulcuhe per-
sonne, sence licensy dasd. subrestans sur la peine de vingt cinq
livres.
liem que chascun obrier ou hobriere tenent botique liiiberte
ou fasent ledict art dejon tenyr leur culhidour scive escraiguc
signade del signa:! de la ville sur la peyne de dix livres.
Item ordonan que degun boutiquier non puesque ny ause lenyr
rodde '^" ni en tenent rodde umi puesque ny auso tenyr bouti-
que sur la peine de dix livres.
Item que degun picadour picquant auffe non ause fere mer-
chandise de l'autte en picquant per aultruy sur la peine de dix
livres.
^^^ Culhidoit, voir p. 175.
'^^ Escraigue_, escargot, nom vulgaire de ce genre de filets.
'^- Briiyi/ies, v. p. 175.
'" Ou buudes, baiidau, etc. Voir p. 175.
''« Id.
"' Rodde, moulin à sparte.
248 lEAN REYNAUD
lloiu que dcgun picadour non ause ferc essuyuar l'auffc au
souleilh per picquar sur la peine de dix livres^ applicables comme
dessus, ung ters au Roy^ un ters à la fabricque du port el l'autre
lers aulx dénontians '".
Les susdicts et precedentz articles concerneniz l'ordre, rcgle-
manl et polixe que les meslres cordiers de la présente ville de
Marseille i)resentz et advenyr doibvenl observer et guarder a
l'exercice de leur mestier oui esié faictz et dressez par nous
Conseulx vi(Mdx et nouveaulx de ladicle ville el cité de Marseille
appelles et présents avec nous les subrestans commis par le
Conseil gênerai de ladicte ville sur le faict dud. estât et ce sui-
vant l'ordonnance et délibération dud. Conseilh a tenu le vingt
huictiesme janvier an présent '" mil sept cens septante deux,
comme y apert jDar l'extraict cy après reproduict, lesquels cha-
pitres ont esté en tesmoings de ce et pour y avoyr recours
en temps et liçu par nous soubznés and ici Marseille ce quinziesme
septembre mil Vc septente deux.
(Signé :) P« Boquin, conseul.
Archives municipales de Marseille, DB. 43, 1° 212 v°.
'■"■* Une copie du XV!!"^ siècle des Archives municipales de Mar-
seille (Série HH, dossier Aitfjiers) porte ici les deux articles sup-
plémentaires ci-après :
« Item ordonnons que loute l'auffe (|ue inlrara dintre la ville
et citât de Marseille chascun n'en puesque aver per son argen
sur peyne que dessus de dix livres.
« Item que chascung aubrier ou aubriere que tendran boutic-
que ouverte en faisent loudict estât degon tenir cuillidou ou
cscraigue signât du signal de la ville sur peyne que dessus ».
'•'° Sur la copie dont il est question à la note 138, l'article s'arrête
après les mots, « tenu le vingt-sixiesme tet non vingt-huictiesme]
janvier an présent » ; mais, par contre, figure m fine l'alinéa suivant.
« L'an mil cinq cens septante deux, et le jour susd., certiffie
je Estienne Borrelly, trompette juré de lad. ville et citté de Mar-
seille, avoir publié et proclamé par tous les lieux et carrefoux de
lad. ville l'estatut et ordonnance cydessus escripte et lecture
faicte par Pierre Girolle, lequel a faict la criée de mot à mot en
présence des sieurs Consulz Pierre Bouquin, et Pantellin Gra-
tiaUj et Jacques Moustier, 'et Joseph Cabre, l'assesseur ».
LES AUFFIERS DR MARSEILLE 249
II
IVoic, sur Icn ilirrri^rs copicR den ordonnaiiri'^ du w" sirclr
sur II' /(lil de Vditjjc, roiisrfri'cx (tii.r Arrliircs
de la ville, de Marsfilh-
]a"^ or(](iiinaiicos niuiiiri|);il(>s du xV siôclc sur les clmiix res
cl les iiiiffcs ont (Mé (lalécs p;ii' les auloiirs snivanl riiHlicaliiMi
i|ni liuuic dans le lili'c : u ( )i(|iiiiiiaiiC('s... cxliiiici d(,'s rt'<»-('st t'i's
du iirescnl arciiil' dcspni-, Tnii 11 fi? cl. le sixicsinc l'clivrior... » Or
celte expressinn: depuis l'ait I 1G7 cl le G" lérriei', es! iisscz :imiii-
^nii'. Elle peut si<^iiifier (jiic ces ordomuuires (nit élé exirailes
(Tiin l'eo'istro conirnencé le (i février 14G7, r(»nirne aussi que re
lexle csl eu \ii.Micur {niulounaiiers faites el rmifirniées) depiiis
la uiôuie é|j()(iue.
De co[)ie du xv" siècle, il n'eu a pas élé rclnuivé. Le rej^islre
des délibéi'aiions ilu Conseil de ville et les minutes notariales d<'
secrétariat l'ont défaut pour une i;rande partie (\u siècle, jus-
qu'en 1469. CependanI, il existe sept relranscri|)tions de dates
plus récentes :
1° La plus ancienne est enregistrée parmi les délibérations de
la ville (BB. 43, 1° 212 v°). C'est ce texte que nous avons repro-
duit ci-dessus. Il rappelle que les auteurs des ordonnances sont
quatre personnages de la fin du xv^ siècle. Donc, il ne peut y
avoir de doute sur les origines même du règlement. Le lexle
repris en 1572 présente un mélange assez curieux de provençal
et d'expressions françaises. Les phrases primitives avaient dil
être entièrement rédigées en provençal, mais, par la suite, les
prescriptions qu'elles portaient avaient été sans doute retou-
chées et modifiées. On ne peut donc garantir l'absolue concor-
dance des mesures promulguées en 1572 avec les articles rédigés
au XV'' siècle par .Jacques Gassin, Bertrand Candolle, Pierre
Imberl et Pierre Saure. Vraisemblablcmeid, l'essentiel en sub-
siste.
2° De 1572 au commencement du xvii« siècle, les ordonnances
reçoivent de nouvelles retouches. On en trouve la trace dans la
copie transcrite dans le registre n° 1 des Slnluls, rcfjlenienls
des Arfs el Métiers el autres objets de police (f° 38). Ce texte
comporte de nombreuses variantes de mots et interpolations.
250 IK'^^^ REYNAUD
l'iHil-èlr»^ II- |ifi>v('ii<;;il y csl-il plus caraclérisé que dans la copir
de 1572.
3" Vno copie, de la même main qui a écril la piécédenle, existe
à part dans le dossier A iif fi ('/■!<. Elles ne diffèrent pas sensible-
ment Tune de l'autre. Lcoiilure les date toutes deux du début
du XMi- siècle, probablement au moment oi!i s'élaborait le règle-
ment de 1611.
4° On trouve dans le même dossier Aiif/iri'n une transcription
en écriture italienne, également du déJjul du xyii"^ siècle. La
même main a recopié aussi le règlement de 1611. — Cette Irans-
cri|»lic.i. ne diffèi'e guère que par l'orthographe des précédentes.
f)" Par miilre, une copie de date plus récente — l'écriture est
du milieu du xvn* siècle — renferme, outre le texte de 1572 avec
de légères variantes, deux paragraphes nouveaux, plus le para-
graphe final du texte de 1572 qui ne figurait qu'incomplètement
dans les retranscriptions précédentes. On y trouve aussi l'indi-
cation lie la criée faite la dite année par le trompette juré
l'ilienne Borrelly, seule mention que nous ayons de cette publi-
cation verbale. C'est une preuve de plus des remaniements divers
suliis par le texte primitif.
6" 11 existe aussi une retranscription du dispositif général
et du règlement des cordiers de chanvre seul, exécutée par
l'archivaire de la ville Rosset en 1677 et cerlifiée par lui conforme
à la 2^ copie ci-dessus. (Dossier Aiif fiers).
7° Dans le même dossier Aufficrs, se trouve un exemplaire
imprimé de la retranscription faite par Rosset en 1677.
III
.Yo/rs- hinijr(iphi(!iir<; s;;r les ailleurs des Ordonnances du x\^ siècle
sur le fait de l'aujje
par Pierre Bertas
Jacques CASSIN
Fils de Jean CASSIN, seigneur de Peypin el de Béatrice JAN-
SELME ou JANSEAUME.
Marié à noble Barthélemye POISSARD.
Premier syndic de Marseille en 1460, conseiller en 1454 et 1459,
premier syndic en 1473.
Premier consul du 15 août au 15 novembre 1475 : il aurait dû
reprendre le chaperon quatre ans, mais il est mort sans doute et
il est remplacé au Conseil par son fils Charles CASSIN qui est
consul du 15 novembre 1481 au 15 février 1482. Ce Charles CASSIN
fut massacré en avril 1493 dans un mouvement populaire.
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 25 I
Berlrand CANDOLLE
Fils do Blaquier CANDULLE cl de dame ALCUiNE.
Syndic en 1454. Trésorier de la ville en 1458.
Conseiller en 1472, 14/4. En 1475, il lui inscrit sur l:i lisle des
48 conseillers du règleuieul nouveau de Jean de Cossé, en \erlu
duquel il fui consul d"abord à litre de subrogé du 15 avril au
31 mai 1476, puis consul à titre, régulier ilu 15 août au 15 n">\<'m-
hre 1476, du 15 août au 15 no\endjre 1 lS(t^ subrogé à Pierre
IMBl-^HT du 15 mai au 15 août.
Le 15 juillet 1480, ii avait été désigné pour faire parlie de l;i
(■"/uuuissiou ciiargée d'organiser le service funèlirc du r^i l'x-iii'-.
Tcsle en 1473. — Codicille du 30 août 1183.
Marié à Brigidc de BEMEZA.N, il en eut Elieun<- de CA.NDOLLi:
ipii se maiia en 148U avec Keiiée FUlillSI", lille île ^. .le:in de
EOHEST et de Barlhélemyc VEMO.
Berlrand CANUOLLE fut avec Pierre .SAEBE et Jac(iue> CA.s-
Sl.\ liiii des I rente notables <pii, en 1457, garantirent au Doge
de Ciènes le paiement de la somme de 6.000 ducats pronuse par
le duc de Calabre à (jui il devait remettre la ville de (jènes et stiU
chàlellet.
Noble Pierre IMBICHT
Fils de Louis I.MBERT et de Blanche POUTANO.
JNlarié à Constance de SA1.\ T-GILLES.
Trésorier en 1473, syndic en 1474-75; consul du 15 mai au 15
août 1479, du 15 mai au 15 août 1483, du 15 février au 15 mai 1486,
du 15 février au 15 mai 1490.
Inaugura le nouveau règlement municipal dit de Saint-Valliei-.
fut, en effet, premier consul du 1" novembre 1492 au 31 octobre
1493. Réélu premier consul pour l'année nniiiicipale 1498-1499 et
une troisième fois pour l'année 1504-1505.
Mort en 1517.
(Voir l'annexe IV),
Pierre SAURE
Pierre SAURE figure comme conseiller municipal à la séance
du 21 septembre 1454 (Notaire OdoUy, 1454, f° 250), à celle du
9 novembre 1458 (not. Odolly, 1458, f° 343). Il est également
présent à la séance du 30 avril 1472 (not. Caradet, 1472, f 21 v").
D"" Barthélémy, Inventaire des Charles de la Maison des lianx,
pièce 1820, 5 mars 1471: Mariage de Louis SAURE, fils de N.
252 I''-AN REYNAUD
l>iorrc SAliUi:, iiiarchaiid, avec Marguerite de BAUX, fille à N.
C.iiillaumc de BAUX. Jean de BAUX, au nom de son père, fait
à sa sŒ-ur une dot de 1.200 florins. Pierre SAURE et Antoinette
MiNAUD, sa femme, donnent à leur fds une maison rue des
Changes cl une propriété au Redon.
— piccc 1821, 31 mars 1474: Noble Antoinette ARNAUD, lille de
N. Georges et de Raymonde d'AIX, et femme de Pierre SAURE,
liiil une donation à Marguerite de BAUX, sa belle-fille.
Li.uis SAL'Rf: et Honoré ARMAND sont capitaines ordinaires
(le la viÏÏc du 15 ocjobrr nu 15 (UhN'IiiIji'C 147S (BuUcInirt' de la
ville).
21 x'picuiliic 14<S1: Tt'sUuncut .l'Olivier d.- PKNNART, arche-
vè(jU(! tl'Aix, dicté à Marseille « iii camcra dumus houorabilis viri
Ludovici SAURE » [Gallin Clirifiliana, t. P'', Inslnimrnla, p. 70).
Pie'rre SAURE avail élé, ( u 1457. ainsi (jue .Jacques CASSIN
et Berli'and CANDOLLE, l'un des trente notables qui furent les
garants du tluc de Calabre pour le paiemenl des 6.000 ducats
promis au Duge de (iènes ]»<>ui' la livrais(»n de Gènes et de son
caslellelo.
Pierre Bertas.
IV
MARSEILLE Q.UI S'EN VA
"L'incroyable oi-siin nE Pu^rre Imbert, le petit roi de Marseille
par Pierre BerTas
Après avoir été quarante ans durant à la tête
de la Municipalité, il meurt dans l'abandon
et la misère.
Trois rues débouchent sur celle de l'Etrieu : celles de la Tête-
d'Or, du Petit-xMaucouinat et de Saint-Gilles.
Tèle-d'Or! nom pompeux pour une ruelle biscornue, noire,
actuellement véritable cloaque. C'était celui d'une hôtellerie éta-
lilie vers là fin du xvii« siècle en cette rue qu'on appelait aupa-
ravant rue des Bancs.
Rue du Peiit-Maucouinal
D'aucuns pensent que la rue du Petit-Maucouinat doit aussi le
sien à l'existence, en des temps fort anciens, d'une auberge dont
le maître-queux n'était qu'un gâte-sauce. Tout y était mal cuisiné
« mal cozinat », mal cuit « maou coùeinat y>. Le quartier « mal
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 259
cozinat » était mal fréquenté ; aussi en 1322 les symlics en inter-
dirent l'accès aux femmes de mauvaise vie « vil feniena ». Ajou-
tons qu'il y avait à la rue Malcoynat, avant 1450, une boucherie
ou mazeau (maceliorn), ofi Ton abattait les bœufs «. in qua boves
solebant matari ».
Lors de l'agrandissement de Marseille, sons r.oui< XIN', le nom
lie Maucouinat fui donné à l'une des rues des quartiers neufs, celle
de l'Arc entre la l'ue Rouvière et la rue d'Aubagne. Dès lors,
pour éviter toute confusion, on appela rue du Petit-Maurouinal
la ruelle tirant de la rue de l'Etrieu à la place des Hommes.
Arrive la Révolution. Grand chambardement verbal et mur;il.
Nos rues sont débaptisées. La rue Maucouinat s'appelle rue de
l'Arc ; le Petit-Maucouinat, rue des Désirs ! La monarchie est
rétablie. Les anciens noms reparaissent. La rue de l'Arc rede-
vient Maucouinat jusque vers la fin du second empire. En 1865,
par un singulier caprice — les maires n'en sont pas exempts • —
le maire de Marseille Rernex abolit cette appellalion pilloresque
et remet en vigueur le nom de l'Arc. Quant à la rue Pelit-Mau-
couinat, elle est à Tabri de pareil avalar, car elle est sur le
point de disparaître : elle gardera donc jusqu'au bout le nom
si expressif que la fantaisie de nos pères lui donna, il y a plus
de six cents ans.
Il y a six cents ans aussi que la rue de Sainf-Gilles porte ce
nom qui est celui d'une des plus vieilles familles de Marseille.
Après avoir lonalemps brillé du i)lus vif éclat, elle finit en quc.-
nouille à la fin du xv® siè-^le. .TaCfj'jcs, le derniei' di\s Sainl-riillcs
ne laissait en cffci que deux filles, Constance et .Teannelte, relie
dernière épouse d'Elion Marlin, fils de .lenn Marlin, seigneur île
Puyloubier et chancelier du roi René. Sou aînée, Cons|;iner.
sciait mariée en 1465 avec Pierre Tniberl.
i'nr rarrirre prrf^Iiiiiiiitif
Pieii-i' IihImm'I ! Chaque fois (jue nos oeeiqjnlion-^ nous iMuèneni
devaiil eeljc rue de Sainl-Cilles, nous évoi|iioiis le soiivi'uir i\r
l'époux de f;oii>|;Miee de Sainl-Cille^. de iw Pierre Iiiiberl. dont
la prestigieuse carrière jiltendil loujonr- un lii->loririi dé^jr-eux
de faire revivre les dix dernières nniiées de l'indépiMulaMce de l;i
pallie proveneîile ei les [l'eute premières de son union à l;i
PVance.
Pierre Jmbert, c'est un ^Marseillais, un Marseillais de Marseille,
un autochtone. Cent cinquante ans avant sa naissance, un de ses
aïeux prénommé crunino lui, clail l'un «les genlilshoimues pro-
254 JEAN REYNAUD
vciiraiix remis en 1288 comme otages au roi d'Aragcjiij lors de la
mise en liberté de Charles II d'Anjou, roi de ÎN'aples et comte de
Provence.
Né entre 1430 et 1440, Pierre Imberl est liientùt en vedette.
En 1463, il commande la Sainlc-Mane, nef du prince Charles du
Maine, frère du roi P»ené ; il est en outre prr)priétaire du navire
Sailli-Sauveur. La ville utilise ltient(M ses précieuses facultés.
Elle lui confie chaque année une de ses i)tus importantes charges.
Sa personnalité s'affirme d'année en année. L'énergie de son
caractère, son intelligence des affaires, sa souplesse d'esprit en
font un chef estimé, un adnùnistrateur prudent, un habile diplo-
mate.
Il est le dernier magistral municipal à avoir porté le titre de
syndic. C'est en sa qualité de syndic que, le 27 avril 147-5, il
présente à ses collègues du Conseil et réussit à leur faire adopter
le règlement élaboré par le grand sénéchal Jean de Cossé qui
crée un Conseil municipal de quarante-huit membres, dont chacun
pendant trois mois en quatre ans est assuré d'être l'un des trois
magistrats municipaux (]u'on n'ajipellera plus syndics mais, désor-
mais, consuls.
De 1475 à 1492, Pierre Imbert a porté au moins à quatre repri-
ses le chaperon consulaire trimestriel. N'oublions pas qu'il a été
un dos précieux collaborateurs de Palamède Forbin qui prépara
la réunion de la Provence à la France.
Prnm'rr Consul
\]n 1492, lorsque le grand sénéchal Saint A'allier institue son
règlement municipal ayant pour l)asc un conseil de 72 membres,
c'f^st encore Pierre Imbert qin inaugure le nouveau régime. Il est
eu effet premier consul en 1492-93 ; on le renomme pouù 1498-99
ei c'est encore lui qu'on choisit comme premier consul pour l'an-
née municipale 1504-1505. Qu'on n'oublie pas qu'un consul sorti
de charge ne peut être réélu de cinq ans.
Mais si le règlement municipal ne l'autorise pas à être cons-
tamment en titre au haut de la hiérarchie municipale, tout au
moins ceux qui exercent les fonctions de consul ont été dési-
gnés par lui ci ne font rien sans son conseil. Pendant quarante
ans, comme le dit un contemporain, iî est le « petit roi » de
Marseille.
Il n'est pas seulement estjmé de ses concitoyens, et des repré-
sentants du roi, mais encore du roi lui-même. En 1494. lors de
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 255
l'expédition de Naples, Charles VIII lui a donné en ciïet le com-
mandement d'une de ses galères.
Çierre Imbert est donc l'homme le plii'^ ron<;idér;iltle de sun
temps. La fortune semble le combler do tous ses biens — et même
l'assurer d'une longue postérité. En effet, sa femme, C<inslanr<^
de Sainl-Gilles, ne lui a pas donné moins de six enfant^, dont
quatre garçons : Victor, armateur et capitaine de la nef la
Fougasse, Honoré, homme de loi, Guillaume et Accurse, mar-
chands.
/'crroiilemrnl
Ouolle douce vi;.Mli('ss',,- en perspective, au milieu ilc la lciidre>>('
et de la vénération d'une si nombreuse famille ! Mais voilà que
la Mort passe accompagnée de mille malheurs. Elle lui enlève
sa femme, Constance de Saint-Gilles en 150G. Alors un des gen-
dres de Pierre Imbert, Hector Amalric, exige impérieusement le
douaire de sa femme Guiilaumettc Imbert. La situation (!c Pierre
Imbert est ébranlée. Ses fils vont tenter de la rétai>lir. Victor
hnbert, l'aîné, appareille pour le Levant fu'i il \» trafiquer. .\ son
retour, les bénéfices réalisés permellrunl à son |iri'r li'éclwq pcr
à la banrjueroute.
Mais Victor Imbert iTc^l jamais icvciiu, \icliiiii- o< la luii-
des éléments ou de celle des hommes. Eu outre meur"Ml ( ' up
sur coup Honoré et Guillaume Imbert. Enfin le dernier de Iimms
frères, Accurse Imbert, succombe à son lour en janvier l.jir>.
Pierre Imbert est veuf et de ses enfants il ne lui ifslc plus que
Guillaumette rjui vénèie sans doute son père, mais dont le mari,
Hector Amalric, a été si dur pour lui.
Tout s'écroule autour de l'ctctogénaire. Il est réduit à la misère.
Dans la ville comme dans tout son terroir, il ne possède pas
un biiiil (lo (cri'aiii \;\rirn eomme nur friiilli- di' uapif-r. -fluii
r<'\pr(;'ssion d'un de ses concitoyens, lous ses bien-, il a t';ilhi
les vendre. Ils n'ont pas suffi à couvrir ses dclles.
Excommunié !
.Vussi ses créanciers rapaces ont fait appel cunli'e lui aux fou-
dies de l'Eglise. Celle-ci a prononcé l'excommuiiicalion et Pierre
Imbert, l'ancien syndic, l'ancien premier consul, qui a porté la
baguette de justice des viguiers royaux : qui, en 1503, a été
euvové en ambassade aunrès de Louis XII ; Pierre Imbert dont
256
TEAN REYNAUD
pendant longtemps les plus haut placés recherchaient le sourire
et quêtaient les faveurs ; Pierre Imbert est maintenant un objet
d'opprobre. Il lui est interdit de franchir la porte d'une église.
11 est le maudit, le réprouvé, l'excommunié, « l'Escuraenjat ! »
Enfin, le 22 octobre 1517, la mort vient le délivrer de ses souf-
frances. Son cadavre d'excommunié ne peut être déposé en terre
bénite. Va-t-on donc le jeter à la voirie comme une charogne
ce premier consul de Marseille qui, pendant quarante ans, a servi
les autres sans se servir lui-même ?...
Mais sa fille Guillaumclte Imbert arrache aux gens d'église le
retrait de l'excommunication lancée pour dettes contre son père.
Elle peut le faire alors ensevelir avec de grands honneurs en
l'église des Dominicains. Tous les gens de bien, d'après Valbelle,
suivirent le convoi. « Il l'avait bien mérité, ajoute-t-il, car en
son vivant ce fut un homme vertueux ».
Un homme vertueux ! Allons donc, penseront sans doute quel-
ques-uns : Gouverner Marseille quarante ans et mourir pauvre,
ce n'c^l pas de la verlu : c'est de l'imbécillité...
Pierre Bertas.
(Le Radical de Marseille, n° du mardi 20 avril 1926).
Un conlral trapprriiU^saijr d'auffier ru l;j<S8
LoiAOE DE PEHSONNE POUH PHiRHE MaNDVNE, AIEFUoR DE MaRSEUXE
l/;in mil ciiMi eus liiiiclante huil <i 1(^ dix-huictiesme octobre
a(l\;iiil midi, ('(.iislihu's personnellcincnl Aulhoyne et Jehan Du-
l'niii'L pèi'o el fils, hnbilans de Marseille, loii-^ deux ensendjie,
Tiiu ])iiur l'aulrc cl l'un d'eulx seul pour le iout sans division,
donne auiori'^aiioii paternelle intci'x enaiil quant à ce agréable-
ment, on! I.iiié les (l'uvres du coi'i^s dud. Jehan à Pierre Mandyne,
auffiri- de rvAv \Ule, preseid, acceptant et slipulant, pour le
lenqis el terme de deux aii^ ((iiiiplcls cl i'e\(illes conimenssant
aujourd'hui et seui))lal)le joui- (iuissau! soulz le-- paehes s-uvvanis
faicis et stipuler ("iilre les conlraclanls.
Scavoir led. Mandyne, mailre, sera lenu, diiraiil ied. leuq)s,
de norrir et allymenter led. aprentis dans sa maison et en son
ordinaire et luy enseigner le mestier de auffier et deppendance
d'icelluy, et au contraire led. apprentis sera tenu de servir bien
«■l fidelenienl son maislre aud. nicslier el auire chose licile et
LIiS AUFFIDRS DE MARSEILLE 2^7
honnesle (lue luy commandera peiulanl Icd. lomiis. S;ins le délais-
ser aucunement.
Item que si durant led. temps led. aprcniis esfdil iiialladc,
led. M® le norrira huit jours, passés lesrpicls, si la maladie pos-
sède davantage il se nourrira ailleurs, hors la maison dud. M*.
Et en temps de peste, (jne Dieu garde, chacun d'eulx sera en
liberté et sera tenu led. apjjrentis refferc a son dit niestrc luiil
le temps qu'il aura perdu tant par maladie, peste qu'aidrement.
a temps pour temps, car ainsi sont deucment tPaccord et f»nL
promis et promettent les sus nouimés coniraclants, chacun en
son endroict, lesd. père et fils, comme dictent avoyr agréalde.
Arch. des BoiicJirs-du-niiônc. Noluircs. /''o»J.s Tirscarlrs.
X" 69. A'or« Alphonse Benoil, anrx'r l."iss, "f l-?fi9 \".
VI
Rnlle de tous les noms des Mrslres An f fiers et conipnitjnons de
la ii)i>ilrancc deii SI Ange Gardien, scaroir il/" les Prieurs de
hnlillc luminaire de la présanle année de 1693 :
l*"" : .Jacques PELLAS, âgé de 54 années ayant un roinpjiignon
appelé Eorens CARNAUD âgé de 22 années, .demnrant à lii rue
de M'' le Lieutenant de Bauzet, ayant ausy un apraidis appelle
Haymond ISOIRD âgé de 16 années.
2. Bernard ROUVIERE, âgé de 50 années ayani un compaignon
appelle Balthezar RIERE âgé de 36 années, demurant à la Tri-
perie, un aulre petlil compaignon a|)pellé Aulhoine (ilNIfi, âgé
de !6 anuée'-.
:5. (iuilleume LORENS, âgé de 30 années, ledil iiyaiil un ronqiai-
irniHi appelle Martin... âgé de ^(t auuée-;, deuiuianl à la Seme-
I ilene ' '"
t. Aulhoine CllAridER, âgé de 26 auuées. iiyaul un p<'lil «•-'Ui-
naiuuon a|)pellé François ROMAND, âgé de 16 anué(>.';, deuiuraut
loul i)roche de la Triperi(\
Beiii;ii-d MAL'lil'.LV, âgé de 25 auuée>, deuuiranl au Cour'^.
Ledil il a un compaignon apellé Josei)h BOUCHE ajré de 23 an-
nées demurant à la ronderie. De plus ledit a un apranlis apellé
Jean AIIDIBERT âgé de 12 années.
Pol OLLIVIER âgé de 40 années demurant au Cours. Ledit a
un compaignon appelle François THOMAS âgé de 30 années,
"" Sans doute l'enseigne d"une hôtellerie ou d'une boutique.
258 JKAN REYNAUD
tlcmuraiiU aux Hars '". Ledit a ausy un apranlis apellé Joseph
BLAXC deu Marlegues, âgé de 18 années.
Anthoine SORREL, âgé de 33 années, demurant au Cours. Ledit
ayant deux compaignons, l'un d'isseux s'apelle Gaspart BONNA-
\[E, âgé de 26 années, demurant à la Poisonerie neuve, et l'autre
s'apelle François LEGIE, âgé de 17 années demurant au grand
Mazeau.
Gilly CHAVE, âgé de 30 années demurant au Cours, ledit ayant
un compaignon appelle Jazinte CHAVE âgé de 25 années.
Mathieu BOYER, âgé de 50 années demurant au Cours, ayant
ledit deux enfens Eun appelle François âgé de 15 années, et
l'autre ai^^llé Charle âgé de 12 années ; de plus le dit ayant un
compaignon apellé Pierre PORTAL âgé de 35 année demurant
vert les Raeulets ^*-.
André POISE, âgé de 40 années demurant au Cours.
Jean-Baptiste DONNADIEU, âgé de 28 années demurant au
Grand Puy, ledit ayant un compaignon appelé Pierre ANTHOINE
âgé de 40 années demurant à la reue de l'Estrieu ; ledit a ausy
un aprantis apellé Reignaud ICART âgé de 15 années.
Pons CAN'OLLE âgé de 40 années demurant au Grand Puy,
ayant un compaignon apellé Anthoine Reimond âgé de 35 années
demurant vert la Fontène des Prêcheurs.
Lorens ROUBAUD âgé de 28 années demurant au Grand Puy,
ledit ayant un compaignon apellé François CHIEUSE âgé de
35 années demurant devant le Logis deu Librier^'^.
Mathieu BOVER, âgé de 30 années demurant au Grand Puy,
h'dit ayant quatre compaignons scavoir : Joseph OLLIVIER, âgé
de 23 années, François IMBERT, âgé de 16 années, Jean-Baptiste
ARNAUD, âgé de 17 années, lesdits demuren avec ledit ; et Pierre
GIRAUD, âgé de 18 année demurant au Coin de Cabrier '^^ :
ledit a ausy un aprandris appelle François DURAN. âgé de
15 année. <
Nicolas MAGALUN, âgé de 30 années deuunaiit à la Pierre
que rage, ledit ayaid un compaignoij appelle Jac<iue ROMAND
âgé de 40 année demurant à la Pierre (|ui l'age:
'" Les Arcs, sur lesquels passait l'atiucduc aliint-utant Marseille,
actuellement à la porte d'Aix.
'*- Les Récollet?.
'^^ Le Logis du Lévrier, hôtellerie de ^Marseille renommée, à la
rue des Pucelles, aujourd'hui rue [Magenta.
"' Le coin de Cabiiès, où se trouvait la maison des Cipriani,
Seigneurs des Cabriès, dans le quaitier Saint-Jean. ,
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 2^9
Guilheume TOUECHE, âgé de 40 années dcmurtnil ;iii <lc\uiif,
de M® Sosin, nectaire, ayant ledit un compaigni»n appelle Honoré
TOUECHE, son frère, âgé de 20 années.
Anthuine AIGIS'IX, âgé de 40 année demurani prnelic la Pierre
que rage, ayant un compaiLmnn appelle .Icnn B.ipli-ic -.x-jr ,],-
12 année.
Jean NATTE, âgé de 22 année, denuiranl an ilrv;iMl le l-Ourt
de Noslre-Dame de la Candelouze "% ledil a\ant un rompaignon
muet et sourd appelle Claude MAHIN âgé de l'J années di-murant
à St Jean, ledit a ausy un apranlis appelle Joseph .MAIMEli.
âgé de 15 année eltanl deu Martegues.
ESPINAS et CASAX en compaignie, se;i\nir : .^^ Cusuie l^SPI-
XAS, âgé de 45 années, et Barlhéleniy CASAN, âgé de 60 aimées,
les dits on deux compaignons, un nommé Blaize sr.S.VNE, a<2é
de 60 années, demurant à la Triperie, et l'autre appelle Louis
RIMBAUD, âgé de 22 années, demurant à la plase Neuve ; Ics-
dits on ausy deux aprantis, un d'iseux appelle Malliieu nEL.M^.X
âgé de 20 années, et l'autre appelle Pierre M.MOl'ZE, âgé de
18 années.
MORAILLE et REINE en compagnie, scavoir : S" .\iilli<»ine
MORAILLE, âgé de 60 années, et Henry REINE, âgé de 32 années;
ledit Moraille a un garson appelle Jacque, âgé de 17 années ;
lesdits hont un compaignon appelle Charle GARM AIN. at:é de
20 années, liemurant proche la porte des Raformés.
Pierre OLIVE, aL;é de 35 années, demurant prorhe NP Biffarun,
ledil ayant un apranlis appt^llé Put de La Maison de Dieu, âgé
de 15 aimée.
François LORENS, âgé de 60 années, tiemiirani audi'van de M""
Bigaron, ayant deux garsons, l'un appelle Louis, âgé de 28 années,
l'autre Jacques âgé de 26 années, ayant un apranlis appelle Henry
LO.MBARDON, âgé de 12 années.
Jean OLIVE et Ciuilheume OLIVI^ frères, asuciés, scavoir :
Jean et âgé de 33 années, et Guilheume et âgé de 30 aimées,
demurant devan M"" de Monlolieu, a_\anl im apraiiiis appelle Jao
ques NIELV, âgé de 15 années.
Louis IMBERT, âgé de 36 années, demurant aux .Vgusiins,
ayant un filz âgé de 12 année appelle Jacipie, ledit ayant ausy
un com.paignon appelle Jean S.\B.\L\, âgé de 30 année, demu-
"^ Le Four de Notre-Dame de la Chandeleur, autrement dit le
Four des Na\ettes, près de Saint-\'ictor.
26o
JIÎAN REYNAUD
ranl proche M' de Bausct, ledit ayant ausy un aprantis appelle
Thomas PRECHEUR, âgé de 16 année.
Jean PLUMIE, âgé de 32 années, demurant devan la ^grande
porte des Augustins.
André DRAGON, âgé de 55 année, demurant au devant la porte
des Grands Augustins, ayant deux filz, l'un appelle Michel,
âgé de 18 années, et l'autre Antoine, âgé de 14 année.
Joseph MOTTON, âgé de 35 années, demurant au devan la
grande porte des Augustins, ayant deux compaignons, in d'isseux
s'api)elle Guilheume ROMIEU, âgé de 26 années, demurant à la
place des Hommes, Tautre s'appelle Joichin DELESTRADE, âgé
de 20 années, demurant au Cours.
François ROUBAUD, âgé de 42 année, demurant proche les
Augustins, ayant un garson appelle Estienne âgé de 16 année.
Estienne SIMIAN, âgé de 35 années, demurant proche la fon-
tcne des Augustins, ledit ayant un compaignon n'ayant jamais
voulut déclarer son nom.
AfcJiivcs inuiticipalcs de Mfirscillc, séiic ////. dossier spécial.
VII
ESTAT el innux dc^ Muislres (iiilK rs (jui oui lîoiiliqiie uiiverlc
François LAUREN
EXPINAX et CASSAN
Jean el Guilhaume OLIVE
MOURAILLE et RELNE
François ROUBAU
Anthoine AIGNIN
Bernard BOUVIERE
Malien JOULIEN
Louis IMBERT
PELLAS el CARNAUD
Pons CANOLLE
Pierre OLIVE
Nicolas MAGALON
Guilhadme TOUCHE
Malieu BOYER
André POISSE
André DRAGON
Pol OLIVIER
Jean-Baptisle DON ADIEU
Bernard MAURELLY
Lauren ROUBAU
Pierre MATHEON
Jean NATTE
Joseph MOUTTON
Jean PLUMIER
Estienne SIMIAN
Guilhaume LAUREN
Louis LAUREN
La vefve de SOUREL
Anlhcinc CHAULIE
Ballhezar BIGARD
Guilhaume ALLENE
Gilles CHAVE
Liîs al'1'F1i:rs di-: marsiîille 261
KSl'AT ri /io/)ïs (le Ions Irs nmiHlrrs atifirrs tiiii n'uiil poinl
de LUniUqiic ouvciic cl U'uvnUlrul en cluiinbri'.
Claude TOUCHE, ilenuiranl à la roue de l'Arseliinl.
Jcan-Baptislo MOLTTON, dcmuran à la maison de M^ l»i|.Mrdy
l)roche la grande porte des Auguslin.
François CAILLOL, demuran à la maison de M' «le HicanI,
proche la grande poi-le des Auguslin.
Anthoine REIMOND, demuran au dessus des Pères Prêcheur
proche M' Estienne Olive.
Anthoine PINIE, demuran vis a vis la leiic de la 'i"ri|)erie.
André FILIT demuran à la leue de rEsciiele.
f'istienne CAILLOL, demui-an à la grande Poissdunerif.
CHIEUSE, demuran au carlier de St .leaii du déser.
Nous prieur de la sus ditte luminere du St Auge Gardien serti-
fion et atteston que son les su.sdits només sont ou sont esié mais-
tre aufiers. En foy de quoy non avons signé la présente.
(Signé) : F. LAURENT.
Fi'ançois ROUBAl 1). .I.jseph .MUUTO.N.
Gilles CHAVE.
Document non ddlé, mais- du ronuifnccnwnl du xviii* sièclr.
— Arcliives niuniciprdes dr Murscilic, sérw llll. flns.<ii-r npériol.
VIII
Inucnlaire des ornements du Bon Ange Gardien rrmis pur h
Prieurs Vieux à Messieurs les Prieurs .\ourcaur, Sfwoir :
Le G« mars 1719.
Dix chandeliers laiton.
Une croix de laiton.
Une lampe de laiton.
Vingt-quatre bouquets neufs.
Deux aigrettes avec son vase chacun.
Douze aiguières et vingt mauvaises.
Un devant d'autel blanc damas avec ses a gredances r>.
Un devant d'escalier blanc damas.
Deux coussins blancs.
Un devant d'autel rouge damas.
262
JEAN REYNAUD
Un devant d'autel vert damas.
Vu devant d'autel violet damas avec ses « gredanccs ».
Deux coussins violet.
Une écharpe rouge.
Six nappes : une double el ciiH| simples.
Un pareuKMil pdil de toile d'escalier.
Un tapis.
Deux bassins de laiton.
Un petit bassin de cuivre.
Un ange de bois.
Un ange d'argent avec son étui.
Deux petits morceaux damas ronge.
Deux petits degrés de bois.
Archives luuiiicipales de MiU'scille. aéric IIII. doKsirr Cordiers
cl A uf fiers.
IX
Cafaloguc des marchaiKh aiif/'irrs dr celle ville de Marseille
selon leur rang de réceplion el snivrml V indicalion qui en a clé
faile en 1734.
Mrs. Henry REYXE 1684
J.B. ICARDEN 1695
Balthezard BIGARD 1699
Pierre MAYOUSSE 1698
Jacque MOURAIL-
LE Fils 1700
Louis BREMOXD 1700
François LEGREC
(Legré) 1701
Joseph NEGREL 170.3
Marc - Antoine FA-
BRE 1707
Vve C ARNAUD du
décès de Laurent 1710
Pierre GRAS 1713
Vve IMBERT du dé-
cès de Louis 1716
Charles PHILIP 1718
Joseph BONNAVIER
fils de Gaspard 1720
Mrs. Félix BREMOND 1721
Annibal PIN 1722
Pierre REYNAUD 1722
Vve OLLIVIER du
décès de Paul 1723
Pierre OLLIVIER
fils de Pierre 1723
Jean GUINDON 1723
Joseph BONNIN 1723
Benoît PONS 1725
Jean BLANC 1726
François - Pa s c a 1
MOUREN 1728
François PLUMIER
fils de Jean 1729
Ignace LONG 1729
Etienne LAFORET 1733
J eau-Pierre MON -
NIER 1733
Jean-Antoine GRAS 1734
LES AUFFIERS DE MARSEILLE 263
ConliiiiKilioii lie la lislr picccdmlr jiisiiu'rn IT'.M»
.Mrs. Jtan - Jo>cpli MOU- Mrs. 1 lionias TIA.N I77u
RIER 173.^) .lusoph - Th n m .1 ^
C.snn. ULLIVIKIi PO.NS 177.'.
(ils (le Paul 173,') .rar.|ii.><( IL K ;il \ I; 1 1 I77G
Claude VIVIAN 1737 .lean CAY(»L 177f,
Honoré REYNAUD .loau-Louis IS.NAIU» I77('.
fils de Pierre 1738 Pi(Miv ROLLAM» 17s(i
Louis r.AUTIER 173'.) Pi.Tre-Aiil.Mne l'I-
Pierre BERMER 174(i XATEE 17SJ
Mathieu LEGRE 1741 .R-au-Aiilniiic ICAIt-
Tlîomas - Augustin DEN 1781
AUBE . 1741 Ant..ine MARTIN 17H5
Claude BENAT 1741 François CHARREL I7K")
Claude POURRIE- Marcel MOUREN 178.'.
RE 1743 Elienne (iUElDON 178.".
Cilles BRUN 1743 Pierre BON.NEEOÏ 17K^)
Aimé GRAS fils de Honoré ARNAUD 17^3
Pierre 1743 Pi(^rre-Nicolas L.\-
Vve LONG du décès EOREÏ fils de
dT.g'nace 1717 Jean-Pierre 1780
Gaspard MO U R- Claude ORGANI 1787
RAILLE Simon GASQUET 1787
André GUINDON I76I Louis BARRIELLE 1787
Jean-Pierre. LAFO- Joseph BAUD 1788
RET 1763 Jacques B R 0 U-
Jean-Antoine GUI- OUIER 1789
CHARD 1763 DELISLE 1780
Antoine DEVIEUX 1764 L-niis BEAU 179U
Jacques LAFORET 1764 Barthélémy OUA-
Louis MARTIN 1767 RANTAINE 17-.1U
Archives des Boiiches-dii-Bhônc, EX ri Bi.
Lisle des marchandai ,111/ /fis -/. .,//«• n le
Sous ce titre, le dossier Cordiers et AulTiers (série H H) des
Archives municipales de Marseille, renferme un intéressant docu-
ment sans dale. mais qui remonte évidemment aux premiers mms
264
JEAN REVNAUD
do rannt'c 1790. C'est une liste des membres du corps des auf-
fiers, dressée sans doule en vue du recrutement de la garde
nationale où il a été versé. Cette liste conipoi'le quelques noms
son domicile ou, le cas échéant^ de la compagnie de la garde
nationale, où il a été versé. Cette liste comporte quelques noms
qui ne figurent pas sur le catalogue des marchnnds-auffiers
reproduit plus haut ; elle servira à le compléter.
André GUlNDOxN
68 ans
; —
GUI.NDON fils
36 —
Compagnie Necker
Pierre-Mcolas LAFORET (ils
26 —
d°
Pierre BONNEFOY
32 —
Compagnie Ferrary
Simon GASOUET
27 —
Compagnie Blanchard
André MOURRIER
58 —
—
Pierre ROLAND
36 —
Compagnie Necker
Joseph PONS
60 —
An petit Cours
François CHAREL
32 —
d°
Louis BAU
25 —
d°
iMarcel MOUREN
28 —
d°
Barthélémy CARANTENE
21 —
Compagnie Necker
Jn Fs Antoine GUICHARD
44 -^
Au grand Cours
Thomas TLVN
55 —
d°
Claude ORGANY
27 —
Rue Poids de la Farine
Pierre PIGNATEL
36 —
Compagnie Ferrary .
Honoré MONNIER
52 —
Au petit Cours
Honoré ARNAUD
25 —
Rue d'Aix
Etienne GUEIDON
26 —
d°
Antoine MARTIN
36 —
Compagnie Ferrary
Joseph BEAUD
25 —
R. St Pierre à St Jean
Louis BARRIELLE
27 —
Rue Sainte
.\rchirn< iiiunicipalra de Mari^rillr, i^crir JIH, dossier Cordiers
cl Aujjicvs.
2b5
RAPPORT
M. Jean i.i. S E R V I K R I-: S
Secrélaire Gniér.jl
sur l'attribution de la
Médaille de la Fondation ' Paul-Paret "
en 1927
Mesdames. Messieurs,
Votre Sociél('' décerne pour la 4" fois la nu-Llaille de \<'rniril
de la fondation Paul-Paret.
X'('iait-il j3as juste (jue dès si\ iircniièrc attribution x'oirc
clioix se soit porté sur celui de nos niembrc^s bienfaiteurs
dont la libéralité avait permis cette création, Mme Paul
Paret, notre dévouée vice-présidente?
Après elle, et deux années de suite, vous avez dislin^ui'
en dehors de Marseille, deux érudits dont les travaux archéo-
logiques sont hautement appréciés : M. l'abbé Jost^jDh SaïUel
— d'Avignon — qui a reconstitué, i)ar ses livres et par M's
fouilles, Tattraxante pinsionomie de \'aison-la-l\oiuaine ;
et M. Pierre de Brun, dont les efforts tenaces ont enrichi
tout ce que nous possédions jusqu'ici en vestiges de toute
sorte, sur l'antique Glanum — notamment la mise au jour
du temple de Silvanus — et créé surtout ce « Musée des
Alpilles » qui attire depuis sa récente fondation tant de
visiteurs et d'étrangers de marque en ce vieil hôtel de Mont,
dragon ouvrant si fièrement sur la rue du Parage, à Sainl-
Remv-de-Provence, sa belle façade Renaissance.
266
Comme les en ndiclal lires à celle récompense que vous
décernez annuellement ne se pcjsent pas d'elles-mêmes, les
investigations parmi les candidats éventuels ne laissèrent
pas de pr()\"oquer quel(|ii(' lâlonnement.
Après deux savants arcliéologues, quel lauréat nouveau
allait-il assurer l'unanimité sur son nom ?
Le titre seul de notre Société dit assez que c'est l'amour
de la Provence et de son magnifique passé qui lui a valu
tant de fidèles adhésions.
Aimer la Provence dans son histoire, voilà, certes! un
l^eau motif d'union! Kt la faire aimer, la faire connaître,
exalter son prestige, propager aussi loin cpie possible son
éclat et son rayonnement, cju'il s'agisse d'économie et de
littérature, d'art et de poésie, dans le passé ou clans le
présent — qui sera le passé dès le jour enfui ! — n'est-ce
pas répondre, par un sentiment identique, au but idéal que
nous poursuivons?
Pourquoi n'aurions-nous pas arrêté nos vues avec sym-
pathie sur toutes ces manifestations d'un Régionalisme
séduisant et bien compris, qui sans jalousie et sans intran-
sigeance, s'efforce de montrer aux yeux du monde le visage
de la Provence éclairé du plus spirituel sourire?
Dès lors, un nom s'imposait, sans brigue ni cabale, à
l'attention de votre conseil, précisément ce nom de Pro-
\ence dont un féal gonfalonier portait joyeusement les cou-
leurs, les faisant flotter haut, en toute occasion, et vous
avez bien voulu ratifier le choix de M. Marcel Provence.
(( Tu Ma^cellus eris... »
Après deux archéologues, un écrivain régionaliste !
Que votre lauréat ait puisé cà la Fontaine des Quatre-
Dauphins, aux sources de sa jouvence, cette tendresse pas-
sionnée pour notre belle province dont la charmante ville
d'Aix reste l'incontestable capitale historique, que ses
26;
premiers essais littéraires, ses premières laranilok-s et ses
premiers jeux — de la Fêle-Dieu ! — se soient déruiilés sous
les yeux de Mistral, dans la juvénile et ardente acclama-
tion cle toute la jeunesse des iù-oles cK-telant les clie\au\
de rEmperein- du Soleil, (juoi de plus naturel! Oui en
médirait ?
Xi M. Abel Ilermant, de l'Acadénue l^ançaise, (pii, dix
ans pltis tard, empruntait sans le savoir à M. Marc<'l Pro-
vence le titre de son JvLoc;!-: ni-: i..\ ^il■:l)Is.\^•( k. ni M. j'!niile
Henriot, dont \.e di ai^i k a i.'hotivI. rappelait si bien ce
conte de Minnii-: de M. Marcel Provence, cpii. d'ailleurs,
n'est pas le personna.Ue le moins causiicpie de <-et anuisani
roman aixois.
<( yl/// Jeunesse, qu'un jour vous ne soyei^ plus la! »
vSoupirons avec Mme la comtesse de Xoailles et retrou-
vons en noire lauréat un écrivain plus q'rave avec ce li\r<'
impoiant Li-:s Ai.i.i-..ma\i)s i:x Pr<)Vi;\( i:, irréfutable doiu-
mentation sur l'avant-ouerre économicpie dans nos ré^iims,
et la main-mise industrielle sur nos lavandes, que devait
compléter, après le conflit mondial, et dans le même esprit
de défense de notre sol et de notre sous-sol: L'Ai.i,i:M\(.M-:
ET l'apRÈS-GUEIîRE ; BaUXUES et Al-l'MINIUM.
La Société des Gens de Lettres avait retenu ces deux
livres courageux et décernait <à leur auteur sa médaille
d'or annuelle, dite des Ecrivains Patriot(\s.
Eh! oui! — (( l'amour de la petite patrie attache à la
grande ! » — disait déjà l'aixois Portails.
Journaliste et chroniqueur littéraire, la collaboration d'es-
prit nettement provençal de ]\L Marcel Provence a parcoiirti
de nombreuses salles de rédaction, du Soleil du Midi à
VArmana Prouvençaù, en passant par le Guulois, le Fi^s^aro,
la Revue Hebdomadaire, le Mercure de France, la Revue
Universelle, VOpinion, la Revue Française, la Revue de
f
268
la Sc))ntinc et bien d'nutrcs pc'riodifjiies français ou étran-
gers.
Régionalisle fervent, fondateur die la Fédération des
jeunesses Régionalisles françaises, rapporteur au Congrès
de la Fédération Régionalisle, que présidait M. Louis
Marin, paitout où fermentait hi pacifique et féconde agita-
tion d'une Décentralisation cjui serait peut-être le salut d'un
gays bridé par les sangles d'institutions surannées et péri-
mées, M. Marcel Provence est accouru en héraut de notre
province et parfois en ambassadeur de ses traditions.
Oui pourrait ignorer sa Petite histoire familii-ire de la
c:rèche et du santon, dont plusieurs éditions n'ont pas
épuisé le succès et Cjui va paraître, traduite en anglais, à
Boston ? et aussi cette exposition santon ière, créée par son
initiative, qui sur les grands boulevards de la capitale, à la
fin de l'an, décorée des boules blanches du gui, fait affluer
autour de ses baraques la curiosité parisienne, recevant
ainsi dans la froidure de décembre, le joli rayon de gai
soleil provençal et le parfum le plus suave de nos pasto-
rales et de nos fêtes calendales.
N'est-ce pas ce goût très averti d'une action régionale réflé-
chie qui a poussé M. Marcel Provence à grouper les arti-
sans, artistes décorateurs et ouvriers d'art autour de lui,
créant avec eux ces vivantes (( Sîiisons » qui ont tant fait
pour les Arts appliqués et régionaux à Aix, à Digne, à
Moustiers, à Sisteron, à Nice, à Saint-Martin-de-V^ésubie,
à Marseille, qui réunies en fédération des Saisons d'Art
ont servi l'art provençal moderne, notamment par l'institu-
tion de concours, dont le dernier, cette année, — le con-
cours du Bastidon — a remporté un si légitime succès.
C'est en suivant cette voie qu'ayant acquis à Aix le pa-
villon Cézanne, ce qui fut l'atelier du vieux maître aixois
est devenu non seulement un musée du souvenir cézannien,
269
mais encore un centre biblioi^rapliiciiie sur ce j^rand ariisKs
où la <( Société Paul Cézanne », (|ui' présiih- noire laurt-at.
consacre tant d'activité.
C'est en cvuvrant de la sorti- que M. Mani'l IVovencc a
réalisé, l'an passé, la renaissance des Faïenceries de Mous-
tiers, fondées, s'il vous plaît, en 1679, et, celte année, les
Faïenceries de Varag"es, en rallumant les fours aux pa\s
où (( les feux s'éteignent », et en créant cette Ecole CIcrissy,
école régionale de faïencerie, groupant, ri'-ii-, plus de
soixante élèves décidés à faire revivre cet art distingué, c|ui
— les collectionneurs le savent bien et le magnifi(|ue ou-
vrage de M. l'abbé Arnaud d'Agnel, notre collègue, la
Faïence et la Porcelaine artistiques à }farseille, le |)r(!elame
■ — a tant contribué à la gloire artisti(|ue de la Fro\ence en
général et de Marseille en particulier.
En parcourant l'œuvre persévérante, en suivant la pro-
l)agande infatigable de notre lauréat, nous ne ([uittons i)as,
vous le vovez, les domaines de la Provence — « Provincia
Prirvinciaruiii ! » — où vous avez voiilti reconnaître, axer
la beauté de l'Inspiratrice, le mérite et le zèle d'un de scn
plus fidèles servants.
Oue celui-ci puisse prendre à son coinpie. un jour, le
noble examen de conscience gravé au Liminaire du 'I résor
di'ni Vélibrige:
(( Pèr loii noiDu de Proivvenço, ai fa ce que poudieu 1 "
noire Société, en lui décernant sa plus liaule récompens<',
la luédaille (( Paul l\-iret », aura du moins la satisfaction tle
déclarera M. Marcel Provence, en reconnaissant ses lalenls
et ses efforts, qu'elle aussi elle a fait ce ({u'elle pouvait.
270
NÉCROLOGIE
François de Marin de Carranrais
La Société de Statistique, d'Histoire et d'Archéologie de Marseille
et de Provence vient de faire une véritable perte en la personne de
M. Jean-François-]\Iarie de Marin de Carranrais.
Xé le 26 août 1850, il était fils de ^I. André-Eugène de ^larin de
Caripnrais et de Mme Françoise-Antoinette-Clarice Payan d'Au-
gery, dont le frère, vicaire-général, a laissé un vivace soiivenir dans
le diocèse de Marseille.
Ce fin lettré, cet érudit de si complète distinction, ce parfait gen-
tilhomme, a conservé jusc|u'à son dernier jour les principes politi-
ques ft religieux de ses ancêtres. Xous nous connaissions depuis
1866, c'est-à-dire depuis soixante-deux ans ; il voulait bien me nom-
mer son condisciple et m'honorer de sa sympathie.
Plusieurs des ascendants de M. François de INlarin sont connus
dans notre histoire locale : Jean de Carranrais était consul de
^Marseille en 1553-1554; Annibal de Marin était capitaine d'une
galère du Roi en 1697; François-Joseph de Marin était ]\laire de
Marseille de 1773 à 1775; son grand-oncle, l'abbé Barthélémy, Fau-
teur du l'oyûge du jeune Anacharsis en Grèce (1716-1795), de l'Aca-
démie Française, était membre associé régnicole de l'Académie de
Marseille; enfin I\l. Eugène de Marin, son père, faisait aussi par-
tie de l'Académie de notre Aàlle et publia, entre autres, Xotre rieillc
église de Saint-Martin et la rue Colbert; Vinjaillihilitc doctrinale ;
Du sec pltcisiiic de Kant; et une grosse l-'Audc sur les Origines '.
M. François de Marin fut d'abord attaché, en c]ualité d'archi-
viste auxiliaire, aux Archives des Bouches-du-Rhône, à 'la tête d'es-
(juelles se trouvait le regretté Louis Blancard. C'est là qu'il se lia
avec ^1. Félix Reynaud, si savant et si modeste, le chanoine Alba-
nès, le docteur Barthélémy, d'Auhagne, le comte Emmanuel de
Grasset, et notre érudit collègue M. Joseph Fournier.
Il donna sa démission à la suite d'un incident au Qonscil Géné-
ral.
Durant cette collaboration de quinze années, il rendit les t)1us
grands services à la science historique, et, on ne saurait trop le
répéter, avec le plus complet désintéressement.
Comme l'a si bien dit M. ^Michel Clerc ^ : <( L'archiviste qui se
bornerait à faire consciencieusement son métier rendrait déjà'd'inap-
(i) Cf. le discours de réception de M. Eugène de Marin.
(2) Cf. Réponse de M. Michel Clerc au discours de réception de ^L F. de
Marin.
271
prcciables services » ; M. F. de Marin a fait mieux, car il a publie,
en 1877, une étude historique très remarquable sur VAbfuiye Je
Monttnajoiir , et en i88g, une Notice très complète et parfaitement
documentée sur \' Intendance de Provence. Aussi, en 1903, a-t-il ctc
élu membre de l'Académie de ^Marseille en remplacement de son
maître et ami M. Louis Blancard. Il a été reçu le 24 janvier 1904.
en même temps que M. Léon Mag^nan ; il fut chancelier en 19' i et
directeur en 191 2.
Cet homme de bien, d'une courtoisie raffinée, d'un commerce si
agréable, d'une obligeance rare, était à coup sûr, l'un des meil-
leurs généalogistes de Provence et d'ailleurs. Il n'était pas que
que cela. Ses travaux aux archives des Bouches-du-Rhône firent
de lui un historien averti. En véritable archiviste il ;.e livra à
l'austère dépouillement et classement, à la rédaction de l'inven-
taire dont il avait pris sa part sous la direction de Louis Blancard.
C'est au cours de ces travaux qu'il publia les études historiques
indiquées ci-dessus, qui furent suivies d'autres ayant surtout un
caractère généalogicjuc, notamment la Gcncalogie des Pu gel, con-
tribution importante à l'histoire familiale du génial artiste mar-
seillais ■'.
Dans l'ancienne Revue de Marseille et de Provence, dans les
Mémoires de l'Académie et dans nombre de publications histori-
ques, ^I. F. de Mann a donné des travaux appréci<?s portant la
marc[ue d'une érudition étendue et d'une précision scrupuleuse.
Ajoutons qu'il avait à son service un remari|uablc talent de de^si-
nateur à la plume dont l'Art héraldique et l'enluminure, voire
mcmc l'exécution d'anrès nature, lui donnèrent l'occasion de se
révéler véritable artiste.
De son mariage avec Mlle de Xarbonne-Lara. M. F. de .Marin
a eu quatre lils dont un est m.ort en accomplissant son service
militaire aux Chasseurs alpins à Menton, un autre a été blessé
grièvement duiant la grande guerre et inlcrné en vSuisse, et une
fille, morte en décembre" 1927, à la .-uite d'un accident d'auto-
mobile.
Notre regretté collègue et ami. très affecté par ce deuil tragi-
r|uc. e.<t nv)it le iS août 1928^ à \"ielvic •,)rè.> \"illeft)rt (Lozère),
où il villégiaturait dans sa propriété. Cette rr.<irt met en deuil
I>lusieurs familles de l'aristocratie provençale et languedocienne.
A .M""' François de Marin de Carranrais, à ses fils et à leur
famille notre Société adresse l'hommage de sa respectueuse sym-
pathie avec ses plus sincères condoléances. — Ildefonse DE \ OULX.
(3) Cf. Mémoires de l'Académie de Marseille : n;o6-i907.
372
BIBLIOGRAPHIE
FOURNIER (J.). -- Histoire politique du département des Bouches-
dii-Rhône 17S9-1914. Un vol., gr. in-8°, 246 p. Imp. du Séma-
phore, 1928.
Dans sa préface à l'intéressante histoire politique du département
des Bouches-du-Rhône de 178g à 1914, qu'il vient d'écrire pour le
tome y de l'Encyclopédie départementale, 'M. J. Fournier a fait
— nous y étions déjà habitués par ses nombreux travaux antérieurs
— une fois de plus (l'uvre de véritable historien impartial. Il est dif-
ficile en effet de rester impartial quand on décrit des périodes poli-
tiques que l'on a vécues. Il est peu commode d'en parler comme
des révolutions de Florence ou d'Athènes. Malgré soi on sympathise
avec ceux dont les idées vous sont agréables. ^I. J. Fournier a
cependant réussi à n'être ni conservateur ni extrémiste, tout au
plus au cours de son consciencieux exposé des événements peut-
on deviner chez lui une certaine sympathie bien dissimulée, pour
les idées politiques d'une république large, tolérante et éloignée
de tout excès démagogicjtic.
Ses descriptions de la période révolutionnaire, de l'imprépara-
tion à Marseille de la révolution de 1848 et celle du mouvement
communiste de 1871, nous exposent très clairement la mentalité et
le caractère du peuple marseillais fils de latins et d'orientaux,
prompt à s'enflammer, versatile parfois et toujours prêt à se por-
ter suljitement aux pires extrémités, quitte le lendemain à se calmer
très vite après ces violentes explosions.
INl. J. Fournier a aussi admirablement .montré la préférence des
Marseillais, du peuple surtout, pour les idées politiques extrêmes
aussi bien chez les Rouges du Midi de 17S9 que chez les socialis-
tes de 1914. date à laquelle il clê)ture son étude, ce qui le dis-
pense de parler des communistes actuels. A toutes les époques
il établit une distinction très nette entre les extrémistes marseil-
lais et les négociants de la ville comme avec les propriétaires ter-
riens du reste du département, plus calmes et plus réfléchis.
Dans l'ensemble, à l'exception de l'îlot conservateur d'Arles, il
semblerait d'après l'auteur que tout le reste de la Provence mar-
seillaise est définitivement acquis aux principes et à l'idéal du
gouvernement républicain. Il résulterait aussi de cette étude une
constatation consolante : l'alrivée au pouvoir des élus des Bouches-
du-Rhône, quelle que soit leur couleur, du rose teftdre au rouge
273
le plus vif, les a toujours assagis et rendus opportunistes dans
l'intcrêt de .Marseille ou du département. La plupart ont su tenir
dans les Assemblées politiques une place importante en rapport
avec celle qu'occupe dans la France notre région méridionale.
Enfin, M. J. Fournicr ne juge pas, il expose avec sa parfaite
connaissance des milieux officiels les défauts et les qualité?, les
fautes même des administrateurs qui se sont succédés à la Pré-
fecture ou à la [Mairie marseillaises. 11 laisse au lecteur la beso-
gne ardue de tirer les conclusions d'un e.xposé vcridique mais
toujours courtois.
Comme conclusion in canda veiiefium nous adresserons cependant
une critique à ce beau travail. Elle s'adresse plus à l'imprimeur
qu'à l'auteur lui-même. Pourquoi l'un d'eux s'entcte-t-M à appeler
le régiment suisse de Ernst en garnison à Marseille en 178g, du
prosaïque nom de régiment d'Ernest ? — D*" L, Malz.ac.
BaRRUOL (Tean). — La Contre-Rêvolut'ion en Provence et dam; le
Comtat^ d'après des documents inédits. A Cavaillon, chez Mis-
tral, 1928. Un vol. in-8° de 321 pp. orné de 2 portraits.
L'histoire de la Révolution en Provence a fait l'objet de tra-
vaux les plus diverSj et de tendances fort opposées. Parmi les
plus importants, citons au moins les ouvrages de Lourde, de Lau-
tard, de Soullier. de Viguier et de Guibal. Malgré toute la cons-
cience avec laquelle ils ont été écrits, ils sont pourtant incomplets,
puisque M. Jean Barruol peut encore nous apporter du nouveau
dans un gros volume qu'il vient de consacrer à la Contre-Révo-
lution en Provence et dans le Comtat. Sujet passionnant entre tous !
Toute action entraîne une réaction ; celle-ci est quelquefois insensi-
ble, souvent molle, d'autres fois très violente. Celle tjue produisit
la Révolution dans notre Midi fut de celte dernière espèce, et
il fallut de longues années au nouveau régime ])our mater enfin une
résistance acharnée, occulte ou au grand jour, opposée par une
partie des Provençaux aux méthodes, aux lois, aux gens et à l'es-
prit nouveaux. C'est l'histoire de cette résistance, à peine esquis-
sée par les historiens précités, que s'applique à nous donner M.
Barruol.
Avec conscience, il nous fait d'abord un tableau des conditions
de la vie en Provence au xviii« siècle et décrit les prodromes de la
Révolution.
Il prend comme type une petite commune de la haute-Provence
et de la viguerie d'Apt, Viens, dont il connaît bien les archives
274
et les habitants. Ce bourg avait piccisémcnt donné naissance à deux
hommes qui furent parmi les plus actifs et les plus dévoués des
contre-révolutionnaires provençaux, les frères Monier de La Quar-
rée. On retrouve leurs noms mêlés à toutes les tentatives roya-
listes depuis 1791 juscju'au complot de Cadoudal. En retraçant leurs
actes, on faisait du même coup l'histoire de la contre-révolution
provençale. '
La réaction marseillaise est laissée de côté par AI. Barruol : elle
est si connue d'ailleurs ! Il y a probablement peu à dire encore
sur le mouvement fédéraliste en Provence. Alais ce C[ui restait à
élucider c'était sa liaison intime avec le<5 autres mouvements contre-
révolutionnaires, ceux du Comtat, en 1791 et 1792, les actes des
Compagnies de Jéhu et du Soleil, sou?; le Directoire, et la cons-
piration de Puyvert en iSoo. C'est l'essentiel dvi livre de ]\I. Bar-
ruol, écrit avec un talent tel cju'il se lit comme un roman. M.
Barruol a eu à sa disposition des documents inédits d'un intérêt
de premier ordre: les papiers de la famille INIonier de La Quar-
rée, et ceux du député aux Cinq-Cents Palhier de Sylvabelle. Les
dépôts publics de la Provence lui ont fourni d'autre part de pré-
cieux éléments nouveaux. C'est dire la valeur du livre de M.
Barruol au point de vue strictement documentaire. Au point do
vue politique, qu'il nous sera permis de toucher légèrement, l'in-
térêt n'est pas moindre. Si l'histoire mal connue divise les Fran-
çais, l'histoire mieux connue les rapproche: ils peuvent tous com-
munier dans l'horreur des guerres civiles et je n'en connais pas
de pire dans l'histoire de France que les guerres de religion et les
troubles de la Révolution, deux périodes où s'accusa particulière-
ment l'affaiblissement du pouvoir central. Rendons grâce à M.
Barruol de nous montrer une fois de plus à cj[uoi mènent les Ivittes
civiles et aussi comment elles naissent. — J. R.
Pûgcs frûiiçaises sitr Gèncs-la-Superhe {de Montesquieu à MicJw-
lel, 1728- 1854), publiées avec une introduction et des notes par
Gaston E. Broche, professeur agrégé de l'Université de France,
chargé de cours à la Faculté des Lettres de l'LTniversité Royale
de Gênes. — Un vol. in-8°, 216 pp., 14 planches hors texte. —
Alliance Française, Paris, loi, boulevard Raspail, et Gênes,
18, via Cairoli, 1928.
Délaissant pour un temps l'odyssée massaliotique de Pythéas
dans les mers nordicjucs, notic savant et sympathique concitoyen,
le ])rofesscur Gaston E. Broche, ne se meut maintenant qu'à tra-
vers la mer latine qui sert de lien et de raison d'être aux peuples
275
riverains: Espagne-, France, Italie. Avec juste raison, M. Bruche
cherche à dissiper les nuages (jui, trop souvent^ voilent la cor-
dialité qui devrait unir ces nations de culture identique. Il réussit
à mcrveilli' à Gènes, dans un poste de choix. Grâce à lui, la
grande ville ligure entend chaque année conférencier les meilleurs
des écrivains français d'aujourd'hui. M. Broche a voulu aussi faire
entendre aux Génois des voix de Français d'autrefois, et, s'il vous
plaît, des voix de Français parlant de la Superbe/ L'entreprise
étiat risquée, pour de nombreuses raisons très sérieuses...
2\Iais M. Broche aime à jouer la difficulté: il avait fait acolanur
Henry Bordeaux à Gênes au moment même où cette ville était trou-
blée par des manifestations anli-lrançaises. Cette année il a réussi
magnificj[uement à publier, sous les auspices de l'Alliance Fran-
çaise de Gênes, des Pages françaises sur cette ville qui reçoit -
il l'avoue lui-même — de fameux coups de boutoirs de ceux qui l.i
décrivent. Mais la Sérénissime a dès longtemps l'habitude d'être
un peu bousculée par les Français: elle ne s'en émeut plus, et nous
pas davantage lorsque les étudiants nous sifflent dan'- les rues de
la ville aux palais de marbre, si chargés d'histoire.
Ce sont des pages d'histoire que nous livre M. Broche, qui a le
bon esprit de ne commencer ses citations qu'à partir de i72(S. A ce
moment, la France était représentée à Gênes par un consul des
plus distingues, Coutlet, c^ui, durant les trente années c[u'il passa
dans ce poste, ne cessa de correspondre avec la Chambre de Com-
merce de Marseille, à lac[uelle il faisait part des événements nota-
bles propres à intéresser le négoce français. Ses lettres des années
1746 et 1747 ont un véritable intérêt politic^ue, étant donné la lutte
dont la ville fut le théâtre au cours de la guerre de Succession
d'Autriche. Gênes était alors pour la France une loyale alliée,
et il y a plaisir à lire dans les dépêches dé Coutlet toute l'admi-
ration que celui-ci éprouvait pour l'eflfort méritoire des Génois,
obligés de lutter contre des troupes très supérieures en nombre.
Cent ans après, deux autres provençaux visitèrent Gênes. En
1834, ce fut Joseph ^léry. 11 fît le voyage sur le premier bateau
à vapeur marseillais, le Sully, capitaine Arnaud, de la Compa-
gnie Ba^in, un paquebot à roues de 42 mètres de longueur, qui,
paraît-il, « volait comme un oiseau » à la vitesse de 7 à S nouds.
Méry donne de Gênes une description dithyiambicjue : pour lui. l'âge
d'or règne dans cette ville. Il ne sait ce qu'il faut le plus admirer
du paysage, des monuments ou des femmes. Pourtant, entre les
monuments, il a fait un choix: (( Dieu n'était pas jaloux des palais
de Gênes, parce que ses temples étaient encore plus beaux ijuc
ses palais ». Voilà bien du romantisme !
276
Six ans après, en 1840, un autre Marseillais, Joseph Autran, f;iit
le voyage de Gênes à bord du vapeur Pkaramonà. Même enthou-
siasme pour les beautés de la ville, même admiration pour les
productions de l'art génois.
Car il faut être méditerranéen, provençal, pour comprendre, pour
sentir le charme de Gênes. Nous avons oublié de dire que ce borde-
lais de Montesquieu, s'il avait reconnu la grandeur et la majesté
de la ville, prétendait s'y être (( ennuyé à la mort » durant les
huit jours qu'il y demeura. Peut-être jugcait-il qu'il n'y pleuvait
pas assez...
Remercions encore M. Broche de son heureuse initiative et du
commentaire dont il accompagne les textes reproduits. Seul ce
Latin — qui emploie coiiramment la langue de Cicéron pour cor-
respondre avec ses amis — pouA^ait entreprendre et mener à bien
une œuvre aussi utile à la compréhension, à la fraternité latine.
— J. Rfanaud.
277
CHRONIQUE ET MÉLANGES
Une exposition- rétrospectivi: Dt i.\ .nwHjMion a \ ait.i k a Mar-
seille. — La Chambre de Commerce de ^larseille prépare pour
■l'année 1929 une exposition rétrospective de la navigation à vapeur
en cette ville. Cette cxTDosition aura lieu lors de la foire coloniale
de Marseille, en septembre prochain. Elle coïncideia approximati-
vement avec le centenaire du premier service régulier de bateau
à vapeur à Marseille et celui de la fondation de l'entreprise mar-
seillaise qui construisit et mit en service le premier navire à vapeur
inscrit en ce port.
En vue d'accroître l'importance et l'intérêt de cette manifesta-
tion, la Chambre de Commerce fait appel aux différents services
publics, aux Compagnies de navigation, aux collectionneurs, aux
particuliers, qui posséderaient des documents susceptibles d'être
placés sous les yeux du public lors de l'exposition projetée. Il ne
s'agit point uniquement de pièces d'archives, mais aussi et surtout
de peintures, gravures, images de propagande, réductions de navi-
res ou de machines, plans d'ensemble ou de détail concernant les
(luvres essentielles du navire, etc., etc. En un mot, t(jut ce qui,
de près ou de loin, peut se rapj)orter à la navigation à vapeur
depuis les origines juscju'.à la fin du XIX" siècle, y compris les
afficiu's, avis de départ, typca d'actions, portrait-- di'- fondati^urs,
etc.. etc. .
On le voit, le cadre n'est limitatif qu'en ce qui touche Marseille
et la navigation- à vapeur jusqu'en 1900. Dans ce cadre peuvent
trouver place les pièces et objets les plus variés, défiant toute
nomenclature anticipée.
Mais il importe sintout (|ue les possesseurs veuillent i)ien se
f.iire connaître à M. le Président de la Chambre de Commerce fie
Marseille, à (|ui ils pourraient adre-ser la liste des pièces ou
objets qu'ils voudraient bien prêter à cette Compagnie. Celle-ci, le
moment venu, en assurerait le transport et l'emballage, de même
qu'elle prendrait toutes mesures utiles en vuf' de la conservation et
de la garantie de ce qui lui sera confié aux fins indiquées.
Si les concours, sur lesquels fonde ses espoirs la Chambre de
Commerce de Marseille se produisent comme le souhaite celle-ci, il
sera possible d'organiser dans le plus ancien et le premier port fran-
çais une manifestation dont l'intérêt n'échappera à aucun de ceux
que ne laisse indifférents l'évolution de notre marine.
27S
ClNQl'ANTENAlRF. DK LA SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE DES BAS-
SES-Al.PES. — C'est en 1878 que feu M. de Berluc-Pcrussis, l'crudit
provençal bien connii, provoqua à Digne le groupement des tra-
vailleurs intellectuels de la Haute-Provence qui prit le titre de
Société scientificjuc et 'littéraire des Basses -Alpes. La Société ne
prit réellement corps et ne commença à fonctionner et à produire
que deux ans plus tard. Son bulletin, les Annales des Basses-Alpes.
n'a depuis lors cessé de paraître et de publier des travaux souvent
excellents dûs à des collaborateurs parmi lesquels on rélève les
noms de Tamizey de Larroque, de Boisgelin, de Ribbe, de Plau-
chud, etc. Le nombre rapidement accru de ses adhérents lui créa
des ressources suffisantes pour subvenir aux frais de publication
de divers ouvrages d'érudition et d'histoire de la région ba^alpine.
Son activité se m.anifesta aussi jusqu'à la guerre par des séances
public]ues et des concours.
Comme beaucoup de Sociétés savantes de province, la Société
scientificjue et littéraire des Basses-A'lpe^ esl obligée d'englober les
sciences et la littérature ; mais elle a toujours eu pour règle stricte
de ne publier dans son bulletin aucun mémoire savant ou produc-
tion littéraire qui ne touchât pas directement à la région ; c'est ce
qui fait l'intétêt de cette publication dan? laquelle l'histoire tient
d'ailleurs la plus large place.
Après être restée en sommeil pendant plusieurs années de guerre,
la Société a repris ses séances et son bulletin continue à paraître.
Elle est présidée par 'M. le comte Amaudric du Chafïaut. La célé-
bration du cinquantenaire avait attiré à Digne un grand nombre
de personnalités du monde parlementaire et du monde savant. Les
principales Sociétés saA'antes de la région provençale étaient repré-
sentées. La Société de Statistique, d'Histoire et d'Archéologie de
Marseille et de Provence y avait délégué son président, ^L Ram-
bert.
La fête était présidée par M. Bourrier, directeur adjoint de l'en-
seignement primaire, représentant JNL le ministre de l'Instruction
publique. Après le. banquet et les discours qui le clôturèrent, ime
séance solennelle réunit au Théâtre municipal une très brillante
assistance. On entendit, après le président, un très académique
rapport de INI. Emile Ripert, président du jury du concours litté-
raire organisé par la Société; après lui, ;\1. Raoul Busquet, archi-
viste des Bouches-du-Rhône, fit une savante communication sur
(i la Haute-Provence au temps de Raimond Bérenger V ».
On entendit ensuite un excellent concert avec le concours gracieux
d'une biillante pianiste, Mlle Sourribas. du Conservatoire de Paris.
Le succès de cette manifestation fait le plus grand honneur à la
27Q
Société scientifique et littéraire uu> li.o-M-a-Alpes (loin la vitamc-
n'a cesse de poursuivre, malgré des circonstances souvent dfificilcs,
son but de diffusion intellectuelle dans cette belle Haute-Proventc,
nialheureusement si pauvre et si délaissée.
Le iii^ centenaire de :\Ialherbe a Aix. — On sait que Malherbe
passa en Provence près d'un quart de siècle et le tiers de sa vie.
La Provence devait donc commémorer le troisième centenaire de la
mort du poète, survenue à Paris en 1628. C'est le Comité de la Sai-
son d'Art d'Aix, que préside avec tant d'autorité M. Henry Doblcr,
(jui a pris l'initiative de cette commémoration.
Le samedi 10 novembre, vers 15 heures, une cinquantaine de per-
sonnes Se gro.upaient sur la place des Prêcheurs pour la visite de
l'ancien hôtel du Périer, construit au XVI* siècle, mais hélas! bien
transformé depuis cette époque. M. Dragon, l'érudit libraire, actuel
occupant, retraça le passé de cette vieille demeure en attirant l'atten-
tion sur les parties anciennes qui ont été. respectées: escalier à vi;..
balustres, fenêtres à meneaux, chapelle voûtée, etc.
On se rendit ensuite à l'église de la Magdeleine, devant la miTibe
de Marguerite-Rose du Périer, immortalisée par Malherbe, tombe
située près de l'autel de la nef de gauche, côte de l'Evangile. Quel-
ques roses d'automne furent déposées sur la sépulture et M. Marcel
Provence récita avec beaucoup d'art les plus belles strophes des
célèbres Consolations.
A 16 heureS; la saMe des Etats de Provence était pleine lorsque
M. Marcel Provence, président de la Eédération des Saisons d'Art,
entouré de M. LVbazac. maire d'Aix, et de M. Henry Doblcr, ouvrit
la séance. 11 présenta en termes choisis le conférencier du jour.
-M. Jean Keynaud. archiviste adjoint de la Chambre de Commerce
de Marseille, et dégagea le sens de la cérémonie.
^L Jean Reynaud débuta par un délicat hommage à la ville d'.Aix
et à ses habitants. Il félicita le Comité de la Saison d'Art et .M.
Marcel Provence de leur action régionaliste. Puis, abordant son
>ujet, il parla de la famille de Malherbe, de sa jeunesse en Nor-
mandie, de son éducation, et des circonstances qui 'l'amenèrent en
Provence, comme secrétaire du grand prieur de France, Henri d'An-
goulême, gouverneur de Provence en 1376. A cette époque. Malherbe,
encore garçon, .menait joyeuse vie à la cour fastueuse du gouver-
neur. Même après son mariage, en 1581, avec Madeleine de Corio-
lis, fille d'un président au Parlement, il ne cessa pas de fréquenter
les poètes bachiques qui vi\aient dans l'entourage du grand prieur
et que celui-ci favorisait. Mais il favorisait aussi des poètes plus
28o
graves, et c'est sous la houlette de Malherbe que se forma une sorte
de pléiade provençale, dont les talents ne valaient peut-être pas
ceux de l'autre, mais (jui eut cependant le mérite d'introduire en
Pro\ ence la poésie française, alors qu'on n'y parlait encore que le
provençal.
Après un séjour en Normandie de 1586 à 1595, ^lalherbe revint
à Aix ; sa renommée était arrivée jusqu'à Henri IV qui l'admit dans
sa suite en 1605. 'M. Reynaud traça le portrait de [Malherbe au phy-
sique et au moral, rappela que la question d'argent joua toujours
un tiès graml rôle dans la vie d\i poète, et exposa dans quelles cir-
constances celui-ci devint propriétaire foncier à Toulon.
Malgré son amitié pour le poète, Henri IV, ménager des deniers
])ublics, ne lui fit guère de cadeaux. M. Reynaud a cependant trouvé
dans les archives des Bouches-du-Rhône trace d'un don des droits
de lods, arrière-lods, quint et rcquint, fait par le roi à Malherbe
sur les recettes à provenir de la vente de la terre de Bouc, mou-
vante de la couronne. Il fallut attendre la mort d'Henri IV pour
que ?\Iarie de ^lédicis accordât au poète une pension. Après un récit
de la mort tragique de son fils Marc-Antoine, tué en duel en 1627,
^1. Reynaud termina en indiquant les motifs d'inspiration poétique
()ue Malherbe puisa dans le Midi et les souvenirs du séjour de vingt-
drux années que le rénovateur des lettres françaises a laissés à
Aix.
Apics avoir remercié le confén-ncicr, M. Marcel Provence a
exprimé au maiie d'Aix la gratitude de la Saison d'art pour avoir
]irrté la salle des Etats de Provence, à cette manifestation litté-
riiire.
U.\ ^lUSKE lAPlDAlRF. A RiEZ. ^ Un musée lapidaire va être ins-
tallé dans Riez, la vieille cité romaine, fondée par Auguste, comme
i' appert d'une inscription du musée de Nimes. Le docteur Gardiol,
député, maire de Riez, a chargé ~S\. r^larcel Provence, lauréat de
la Société de Statistique, d'Hiituire et d'Archéologie de Marseille,
d'organiser ce musée qui déjà groupe un autel à Cybèlc, un autel
à Sylvain, des fragments de colonnes, des inscriptions. M. Albert
Chauve), architecte en chef des monuments historiques, a assuré de
son précieux concours les organisateurs. Déjà, dans le terroir de
Riez une cinquantaine de pièces ont été demandées aux propriétai-
res.
Le musée sera inauguré le dimanche de Pentecôte pour l'inaugu-
ration de la IV^ Saison d'art alpin. Des fouilles méthodiques auront
lieu ])ar la suite. Dans une touchante union, les ha1)itants éclairés
28 1
de Riox bc sont assemblés pour aider le prtjjet louant aux duns
d'objets. Et voici un très digne encouragement de notre illustre com-
patriote, 'SI. Camille Jullian, professeur au Collège de France, mem-
bre de l'Académie Française et de l'Académie des Inscriptions. c|ui
écrit à l'orgiuiisateur du musée:
« Vous avez mille fois raison, mon cher compainoie ei vaillant
lettré. Riez méritait cet honneur, ou plutôt cette justice; Riez, la
ville la plus franchement celtique du Midi, la cité d'Apollon, après
avoir été celle de Belénus, aux eaux salutaires et à la fidélité ter-
rienne. Et je suis sûr qu'en faisant appel tout autour d'elle, son
musée, de Bras à Aups, de Pertuis à Brignoles, pourra s'enrichir
de belles choses. Merci de m'avoir annoncé cette bonne nouvelle et
mes joj^euses félicitations à l'intelligent magistrat qui a eu cette
initiative. Bien amicalement; Camille Jullian ».
Ainsi encouragé, le Musée de Riez ne tardera pas à. devenir l'un
des plus attachants de la haute Provence et de la Provence romaine.
Précautions sanitaires en Savoie lors de la peste de Marseille
EN 1720. — Le dernier fascicule paru du Bulletin de la Société Dau-
phinoise d'Ethnologie et d'Anthropologie (t. XXV, n" 1-5, i92<S), indi-
que jue M. J.-B. 3Iorel a recueilli des documents inédits sur cette
épidémie dans les papiers d'un général savoyard, le marquis de
Lucey, chargé d'établir un cordon sanitaire. Ce dossier comporte
environ 1.500 pièces. M. Morel nous apprend notamment qu'il y eut
alors en Savoie un véritable affolement ; des régiments furent mobi-
lisés pour constituer des cordons sanitaires d'environ 4.000 hom-
mes, tant civils que militaires. Les soldats avaient ordre de tirer sans
pitié sur les contrevenants. Il ne paraît pas, d'ailleurs, ciue le fléau
ait fait des victimes si loin de Marseille.
L)ans le même fascicule, M. Millier, l'infatigable animateur de
•la Société d'Ethnologie et d'Anthropologie, donne quelques notes
sur les découvertes faites au Baou-Roux, près Simiane, en les rap-
prochant de trouvailles analogues faites dans- les Alpes, et il en tire
quelques conclusions sur la diffusion du commerce grec dans le
Sud-Est de la Gaule. A noter aussi d'intéressantes communications
de notre sympathique collègue M. Marc Dubois, sur la limite des
forêts de la Commanderie de l'ordre de :\l.'iltc en Chartreuse, et le
Martinet du Bois, haut-fourneau des Chartreux au XVII« siècle à
Saint-Pierre d'Entremont.
Aix-en-Provence — Imp. !NICOLLET et C", rue Emeric-David,
Table des Matières du Tome Vlll
I — Actes de la Société
Statuts adoptés à l'Assemblpe Gcncîale du lo nrii ig2N. .. \ :Si
Rapport du Sccrétaire-Génoial sur l'attribution c"o la .Médaille
Paul Paret en 1927 *. ■>!'.:
II Mémoires
ARMKM (Pierre). Remarques sur deu.\- bronzes massaliotes
inédits ;
Dubois (^farc). Le monastère des Chartreux d'.Aix-on-Pro-
v'ence 61 et i2q
Gfri.\-Ricard (Henri de). Le Sanctuaire prcromain de Roque-
pertuse . . . ;-5
— L'Art gaulois avant les temps classiques 163
Latrfille (C. et A.). Un prisonnier de l'Empereur: A. de Bour-
nissac 15
Rfv.vAUD (J.). L'ne vieille corporation marseillaise: Les Auffiers 168
Servières (Jean de). Les scrupules de l'abbé Bouche -53
SOLARI (D»" Paul). Françoise Duparc (1705-177S) S
III — Bibliographie
EnJOUBERT (Hilaire): Amours de jadis au pays de Provence (Gas-
ton Rambert) 1 1 1
Foupnier (Joseph). Histoire politique du département des B.-
du-Rh. (D-- L. I\Ialzac)
Barruol (Jean). La Contre-Révolution en Provence (J. R.). ..
Broche (Gaston). Pages françaises sur Gènes la Sunerbe (Jean
Rtynaud)
IV — Chronique et Mélanges
NÉCROLOGIE : Victor Faure 106
François de Marin de Carranrais 270
:\f El ANGES:
L'Expcsition de la Chambre de Commerce de Marseille (Jean
de Servières) 112
Statistique Rétrospective 1 1 ô
La fontaine de la place des Capucines à Marseille (X.Y.Z.).. 119
A la bibliothèque de la ville de Marseille (E. Isnard) 120
Une exposition rétrospective de la navigation à vapeur. . . . 277
Cinquantenaire de la Société littéraire et scientifique des B.-.A. 278
Le 3® centenaire de ^Lilherbe à Aix 279
Un Musée lapidaire à Riez 2S0
Précautions sanitaires en Savoie lors de la peste de 1720 287
PROVINCIA
REVUE TRIMESTRIELLE
dHistoire et d'Archéologie Provençnles
iiêmndiK
REVUE TRIMESTRIELLE
D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE
PROVENÇALES
PUBLIEE PAR LA
SOCIETE DE STATISTIQUE, D'HISTOIRE ET D ARCHEOLOGIE
DE MARSEILLE ET DE PROVENCE
TOME IX - ANNÉE 1929
fi'!" et 2'"" Trimestres)
MARSEILLE
AU SECRETARIAT GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ
Palais de la Bourse
I92V
UN MARSHILLAIS
HONORÉ DAUMIER
(i8o8-i87())
Kn 1860, parlant de Marseille, Mc-rv disait : h I.a divi-
sion entre la vit^ille ville et la ville neuve est toujours tn'-s
distincte. C'rsi un contraste que je verrai disparaître avi-c
rei^ret au souffle niveleur de la civilisation >•.
Ce que redoutait notre s[)i rituel conqxatriote S(^ réalise
plus vite qu'il ne l'aurait cru.
De son vivant la \ieille ville a été ijouieversée par la
création de la rue Impériale, aujourd'hui rue de la Répu-
blifjue. A'ini^t ans j^ius lard, la percée dr la rue Colbert
a exigé le sacrifice de l'éi^iise Saint-Martin et des art.'-res
dont elle était le centre. Va aujourd'hui, après un labeur
opiniâtre, on achè\e de mettre à nu le sol nai^uère hérissé
d'immeubles du ((uadrilatère compris entre l'ancienne
Caneljière, la rue de la Républitjue, la rue Colbert et U*
cours Belsunce.
Bientôt il ne restera plus rien de ce quartier, appelé
jadis la Blanquerie, qui demeura si vivant jusqu'au jour
011 les anciens remparts furent rasés par ordre de Louis Xl\ ,
qui est ainsi le premier à avoir déchaîné sur .Nfarseille le
(( souffle niveleur de la civilisation ».
Sans doute, de la disparition de ce chaos de maisons noi-
res se réjouissent nos concitoyens, tous soucieux de l'hy-
giène publique et an-.oureux de larges perspectives. Mais
que dans leur satisfaction ils pardonnent à quelques rares
barbons, maniaques ridicules qui. comme Méry, éprouvent
quelque regret de voir notre ville perdre sa physionomie,
jadis si caractéristique et que les nécessités i\u i)r()grès
l'obligent à abolir le quartier où plus particulièrement se
6 PIERRE BERTAS
mnnifesta l'esprit de fière indépendance de nos pères, cette
HInnf|uérie habitée par le consul Dariés, supplicié pour
a\()ir défendu les droits de Marseille contre l'avjdité du
pouvoir royal ; cette Blanquerie où fut assassiné Casaulx
au moment où il allait proclamer la nouvelle République
marseillaise, cette Blanquerie où la rue de la Pyramide
rappelait l'emplacement de la maison de Glandevès-Xiozel-
les, condamné à mort par contumace, pour avoir soutenu
les franchises de sa A'ille natale, debout, le front haut et
la tête couverte en face du Roi-Soleil.
Qu'il nous soit permis_de regretter la disparitron de ce
quartier glorieux où vient d'être effacée cette place de Saint-
Martin, où dans une des maisons rasées depuis peu, il y
a cent vingt et un ans, ouvrait ses yeux à la lumière un
enfant qui devait devenir un artiste incomparable, Honoré
Daumier, le plus grand caricaturiste du monde, Honoré
Daumier, enfant de Marseille.
Que savons-nous de Daumier au point de vue Marseil-
lais? Il a si peu séjoui^né en notre ville, dont il a été arraché
à l'âge de six à sept ans pour être transplanté à Paris, où
s'est écoulée toute sa vie.
C'est donc au quartier de la Blanquerie, dans la maison
qui, plus tard, porta le numéro i de la place Saint-Martin,
que naquit, le 26 février 1808, à trois heures du soir,
Honoré-\'ictorin Daumier, fils de Jean-Baptiste-Louis
Daumier, vitrier, et de Cécile-Catherine Philip.
Quel est le pays d'origine de ses père et mère? Ce point
n'a été élucidé que récemment par notre regretté concitoyen,
le distingué critique d'art, André Gouirand, qui s'exprime
ainsi : « Dans leurs livres sur Honoré Daumier, Arsène
Alexandre et Ravmond EschoTier commettent deux erreurs
HONORÉ DAUMliïU 7
qui sont devenues communes à tous ceux (|ui t'crivcnt sur
l'artiste marseillais : Jean-l^aptisle Daumit*r tiaii orii^inain*
de Béziers, mais sa femme était marseillaise, tlist-nt-ils.
C'est le contraire qv'i est vrai: le père était né à Mar-
seille, de père marseillais; quant à sa mère, elle née à
Entrevaux (Basses-Alpes) et n'habitait à Marseille, au
moment de son mariage, que depuis sept ans ».
Ces renseignements sont exacts, sauf sur un point. Xous
avons retrou\é la pièce où M. Gouirand les a puisés, c'est-
à-dire l'acte du mariage célébré à Marseille le 6 nivôse
an IX (27 décembre 1801), entre Jean-Baptiste-Louis Dau-
mier, né audit Marseilie, fils de feu Jean-Claude Daumier
et de Louise Silvv survivante, et Cécile-Catherine Philip,
née en 1782, à Entrevaux et dont la famille s'est fixée en
notre ville en 1794.
Donc Jean-Baptiste-Louis Daumier est bien de Marseille,
où les registres d'état civil portent qu'il naquit le 26 sep-
tembre 1777.
Comment jusqu'en ces dernières années, a-t-on pu le
croire natif de Béziers ?
Il n'est pas de fumée sans feu, dit-on; et nous avons
recherché comment avait pu se produire cette erreur. Nos
investigations nous permettent d'affirmer que Jean-Claude
Daumier, père de Jean-Baptiste et aïeul du caricaturistv'.
n'est pas né à Mai'seille conime l'avait cru M. Gouirand.
Son acte de décès du 15 brumaire an IX (5 novembre 1800),
montre qu'il est natif de Béziers et ce renseignement ost
confirmé par un acte de la paroisse des Accoules, où !e
II mars 1770 était béni le mariage du sieur Jcaii-Clauc! ^
Daumier, vitrier, né à Béziers, habitant Marseille depuis
tiois ans avec Louise Silvy, née a Mison, près de Sistemn.
et demeurant à Marseille depuis huit ans.
s iMliRRE BliRTAS
J-a (lueslioii est donc tranchée. Le père d'IIono-'é Daii-
iiiier est marseillais; et son grand-père est biterois. Ces
détails paraîtront peut-être fastidieux, mais il est nécessaire
de les fournir pour préciser les origines de notre carica-
turiste, dont les racines marseillaises ne sont pas '.rès pro-
fondes. S'il n'est point de vieille lignée phocéenne, t-jut
au moins par sa grand'mère paternelle et ensuite y:i' sa
mère, il est bien provençal. Il appartient à cette vieille raie
ligure des vallées de la Durance et du Var, laborieuse,
sobre, intelligente, joviale et pro]:)e, cjui depu's la fonda-
tion de Marseille n'a cessé de venir y faire j'u:'.ic de.
Marseillais, les meilleurs et les plus authentiques.
*
* * -
Quatrième des huit enfants cjue donna Louise Silvy au
vitrier biterrois, Jean-Baptiste Daumier, de son union avec
Cécile Philip n'eut pas ime progéniture aussi nombreuse.
Xous ne lui connaissons qu'ime fille, Thérèse, morte en
bas-âge le 29 octobre 1S05, et notre Honoré, né moins de
trois ans après.
Il est peut-être heuretix qu'il n'ait pas eu d'autres enfants,
car il aurait eu quelque mal à les élever. Comme son père,
il exerçait la profession de vitrier; mais les affaires n'al-
laient pas. IVIarseille était ruinée par les guerres de l'Em-
pire. Les Anglais croisaient devant son port, où les carènes
de ses vaisseaux immobilisés pourrissaient. La population
diminuait de jour en jour. En outre, avouons-le, notre
vitrier était un rêveur. Sans doute, c|uand il déambulait
dans le quartier Saint-Martin, sa hotte sur le dos, le voyait-
on toujours le nez en l'air. Mais était-ce bien pour obser-
ver les carreaux de vitre manquant aux fenêtres, ou bien
pour contempler dans l'échancrure du ciel la chevauchée
HUNURI:; DAL .MILR (.)
des nuées sur lesquelles le matin rpand la Icntlrcssc tli- ses
roses et le crépuscule la tragédie de ses pourpres?
Les siècles se suivent et ne se ressemblent |)as. I.»'s
générations actuelles sont éprises de sports avec uni' |)ré-
férence marquée pour les plus violents. Celles qui vécu-
rent dans la première moitié du xix* siècle, avaient des
distractions plus paisibles, celles que procure l'étude des
lettres et des sciences. Les cabinets de lectufe étaient plus
nombreux Cjue ne le sont aujourd'liui l(\s dancings. Sans
d')ute, il V avait j^artois des sérmces de boxe, mais elles
avaient lieu dans les salles de nos théâtres, mettant aux
prises cfassiques et romantiqties, les soirs mi'morables de
Hernani ou d'Anlony.
Chose singulière, cette passion de l'élude est surl(Hit vive
chez le peuple. Tandis que les bourgeois, au dire des mau-
vaises langues d'alors, ne songent qu'à arrondir leur for-
tune et leur ventre, les travailleurs manuels ne cessent de
se pencher sur les livres pour développer leur intelligence.
Quelques-uns même ébaiichenl de timides relations a\('r
les neuf sœurs.
C'est sans doute le père d'Honoré Daumier qui a déclen-
ché ce curieux mouvement intellectuel à ^Marseille où il lut
particulièrement intense et devait provoquer la création de
la société longtemps florissante de V Athénée Ouvrier, com-
posée exclusivement de prolétaires qui, après une journée
de labeur de 12 et même de 14 heures, se réunissaient,
non seulement pour augmenter leur propre savoir, mais
encore pour enseigner les premiers rudiments aux cama-
rades d'atelier qui les ignoraient.
Jean-Baptiste Daumier apparaît comme le premier de
ces artisans curieux de s'instruire. Après avoir goulûment
absorbé et peut-être mal digéré les œuvres des philosophes
et des poètes, il a l'ambition de les imiter. Il ose, le mal-
10 PIERIŒ BKRTAS
lit'iirciix, Icnicr la jx-iillciisc ascension du Pinclc, nii selon
ie Ian"ii'ai4i' encore enij)loyé, à l'omlji-e tles bois sacrés clian-
lenl Apollon el le cluvur (.les iVfuses.
Ecoulez la dolente confession de noire poêle: « lù ran-
ger aux lettres, écril-il, par mon éducation, mon état et mes
habitudes, je leur consacrais néanmoins les loisirs que je
pouvais dérober à ma mauvaise fortune. La poésie fut donc
pour moi un instinct naturel. Comme un ravon consolateur,
elle éi^aya l'obscurité de ma vie et me donna la force de
supporter d'inLjrats labeurs peu compatibles avec les tra-
w'uix littéraires ».
Les premiers vers du poète-vilrier marseillais furent
applaudis des lettrés à qui il les lut et. somme toute,
ils ne sont pas tellement inférieurs à ceux du poète-bou-
langer nimois Jean Reboul, né vingt ans après lui.
Son meilleur poème, intitulé « In matin de Printemps »,
où se révélait l'influence de Jean-Jacc{ues Rousseau et de
l'abbé Delille, lui valut d'être distingué par l'Académie de
Marseille. Cette Compagnie l'admit, non pas en cj[ualité de
membre titulaire, comme on l'a cru, mais comme membre
du Cercle littéraire qu'elle avait créé vers 1805 et au sein
duquel nos académiciens se mêlaient à ceux de leurs conci-
tovens en cjui ils avaient reconnu certaines aptitudes
artistic|ues.
En ce cercle littéraire, notre poète-vitrier est complimenté
avec excès. On le compare à Goldmith, l'auteur du Vicaire
de Wakefield, au poète-menuisier de Nevers, maître Adam,
si célèbre sous Louis XIII et surtout à un contemporain,
le poète-cordonnier de Londres, Bloomfield, dont les poèmes
rustiques ont eu un si étonnant succès en Angleterre.
Toutes ces louanges tournèrent la tête au petit artisan,
C|ui ne rêva plus que de courir à Paris, pour y conquérir la
gloire avec une tragédie en 5 actes, Philippe II. Et voici
HUN\)Ri; DAlMIIiU II
fjiie l'occasion semble se i)iésenler favorahle de son einul
\'ers la capitales
En a\rii 1X14 .\;i|)(.!t'(»n ai)(li<|iie, rdinnie loiiies les «gran-
des villes, Marseille acclame avec transport le retour des
Bourbons. Jean-Baptiste Daumier partage l'alléi^resse géné-
rale; sans doute, célèbre-t-il ce nouveau matin de prin-
temps où les lys ont refleuri. Sans doute, a-t-il lu les stro-
phes enflammées aux princes du sang roval traversant notre
ville; sans doute ceux-ci ont-ils comblé le poète d'éloges et
de promesses de protection. C'en est fait. Il ne peut résis-
ter daA'antage à la tentation. Il réalise son avoir, ferme sa
bouli(jiie et dans les derniers mois de 1814, il |)rend la dili-
gence pour Paris. 11 v emmène sa femme et le petit Honoré.
Il n'oublie pas le manuscrit de ses œuvres poéii(|ues ([in
doivent lui acquérir et l'honneur et l'argent.
Mais le moment est mal choisi. A peine s'est-il installé
que les plus graves événements se déroulent. Louis X\'l II
s'enfuit de la capitale, où le 20 mars 1815 entre en triom-
phateur Xapoléon, évadé de l'île d'Elbe. Alors c'est le gou-
vernement des Cent jours, et puis c'est Waterloo, l'inva-
sion, la rentrée des Bourbon. Au milieu de tels boulever-
sements, qui pourrait bien s'intéresser aux essais poéti-
ques d'un vitrier de Marseille? Pourtant celui-ci se démène,
il joue des coudes avec résolution et réussit à lire ses vers
dans des cercles nombreux où se trouvaient réunis, dit-il
fièrement, des hommes connus par leur rang élevé, leur goût
ou leur talent.
Quelle ivresse pour un enfant du peuple de se voir téli-
cité par la princesse de Rohan, le duc d'Havre, le baron
de Ballainvilliers, par le prince allemand de He.sse-Darm.s-
tal, l'amiral anglais Sidney-Smith et aussi par un connais-
seur, M. de :\Iarchangy, premier avocat du roi, l'auteur si
populaire alors de la Gaule poétiiiiic.
12 l'IKRRK HKIMAS
Ih'l.'is! la fiimc-i' de l'iMicens ne nourrii (|ii(' 1rs dieux",
et l\'X-\iiiicr ne xoyail jamais j)arailrc' le Mécène que
maître Adam. Ir menuisitM--{)()èie de Xe\t^rs, a\ait irt»ir\é en
Jxirhelieu, ni se manitesler les encouragements (|ue conti-
nuait à recueillir de tous ses compatriotes Bloomfield, le
poète-cordonnier de Londres.
Les seuls avantages (lu'il retira de ces soirées littéraires
furent les relations qu'il noua avec Anisson Duperron,
directeur de l'Imprimerie ]\oval(% et le clie\alier Alexan-
dre Lenoir, administrateuc du Musée Ro\al : le premier
lit im])rin-:er gratuitement à l'Imprimerie Rovale le poème
(( Ln matin de Printemps » ; le second eut le mérite de
deviner le génie d'Honoré Daumier et de contribuer à son
développement.
Comment a vécu la famille Daumier juscju'au jour oii
Honoré, en possession d'un métier, a pu contribue!' à son
entretien ? Sans doute dans la plus grande gêne et ce n'est
pas la jiublication en 1819, de la tragédie de Philippe II
et en 1S23, des W'illécs Pocliqucs Cjui réussit à ramener
l'aisance dans le pauvre logis de la rue de l'Hirondelle, oi^i
Jean-Baptiste Daumier devait marmoter entre ses dents
quelques vers de l'Ode qu'il avait adressée au tsar de
Russie, Alexandre L' :
Heureux si plus docile à mon liumhle for! une
Je n'avais parcouru que la roule commune
Oh disparurenl mes aveux,
Et si le fol amour d'une gloire frivole
Aux magiques faveurs de cette vaine idole
X 'eut point fixé m. es v œ u x .
Riche de mon ignorance
Dans ma douce obscurité,
Je vivrais sous l'influence
Du beau ciel que j'ai quille.
HOXORK DAIMIRF^
13
Que! décourag-ement et aussi quelle nostalgie en ees vers
non dépourvus de charme. Le beau ciel qu'il a ((uiité est
remplacé par un plafond bas de nuages gris. Où sont les
paysages lumineux du terroir (ju'il a décrits, où
(( Le pin couvre la vigne et voit fouler hi gerbe »
où
Des feules du rocher croit Je figuier sauvage
Où est le mistral faisant résonner comme des orgues les
j)inèdes dont nos collines sont coiffées
El quand les vents fougueux (oui écutuer les eaux
Le pin mêle sa voix au bruit rauque des flols.
Maintenant il n'entend plus C|ue le confus brouhaha de la
rue, où la foule se démène bruyante et égoïste, ignorante
de sa détresse. C'est une pauvre épave perdue dans la
grande ville. Alors, il s'absorbe dans l'amère contemjjla-
tion de ses rêves écroulés I II était concentré, il devient taci-
turne. Le chagrin s'insinue et s'implante en son cerveau
et le corrode jusqu'au jour 011 sa raison sombrera. Il aura
subi le sort de tant de déracinés que Paris atlire el dont
il \ide les moelles. Mais s'il n'a pu atteindre le succès, toul
au n^oins avant de ch'sixiraiire, aura-l-il la satislaclion de
voir la gidire qui l'a fui poser ses premiers lauriers sur le
front de scjn lils.
Ah î certes, ce ne fut pas sans peine que celui-ci parvint
à les conquérir.
Dans les embarras pécuniaires oi'i se débattait le ménage
Daumier, on ne j^ouvail songer à laisser longtemps le jeune
Honoré à l'érojc, oi'i d'ailleurs il éroulaii tl'unc on-ille dis-
traite les lerons du maiire, absorbt- (ju'il était à griffonner
sur ses cahiers toutes sortes de petits bonshommes. Cette
jKission du dessin s'était affirmée, assure-t-on, d"'S sa ten-
14 PIERRE BERTAS
div enfance, alors (|u'il jouait avec les g'amins de son âge,
sur la placette de Saint-Martin.
Jcan-Haptiste Daumier s'efforça de la combattre, sachant
])ar un(^ trisle expérience à quelles souffrances et à quelles
déceptions s'exposent les téméraires qui veulent poursui-
xre la chimère de l'Art ?
Mais le jeune Honoré est sur ce chapitre entêté, d'un
entêtement carré qu'il tire de sa race, ainsi que l'affirme
le refrain de la ballade du grand félibre marseillais Valère
Bernard :
(( Siéu teslard c siéii Prouvençau »
Il veut dessiner; il dessinera. On l'embauche comme
saute-ruisseau chez un huissier. Il a tôt fait d'abandonner
la basoche après avoir toutefois de ses petits veux perçants
observé tous ces gens de justice, avocats et juges dont plus
tard il tracera de si amusantes silhouettes.
11 veut dessiner; il dessinera. Ses parents parviennent
à le faire admettre comme commis dans une maison de
librairie. Ce commerce ne le tente pas, mais les clients l'in-
téressent ; il contemple les jeux de physionomie des ama-
teurs fouillant les cartons d'estampe pour en admirer lon-
guement les belles épreuves.
Plus tard, il tiT.duira, avec quelle intensité, leur ^•olupté
intérieure. Sa moisson d'observations faite, adieu la
boutique !
Il veut dessiner; il dessinera.
Tant d'obstination j^rovençale finit par vaincre son père.
Celui-ci consulte alors Alexandre Lenoir qui, avant de se
consacrer à l'archéologie s't'lail livré à la peinture. Le direr-
leur (\u Musée Royal examine les dessins du jeune homme
el V ti'ou\e la preuve d'étonnanles dispositions. Il s'offre
même à diriger son éducation artisli(jue.
HONORi; DAUMItR ^ I5
Honoré Daumier triomphe. Mais hicnlùt. il se lasse tic
renseignement de son maître. L'art solennel et figé de
l'école davidienne ne peut convenir à sa fougue méridio-
nale, à son amour du mouvement. La meilleure école pour
lui, c'est la rue avec son incessant défilé de Ivpes divers:
c'est la galerie des antiques du Louvre, où les chefs-d'ivu-
vre de la Grèce lui révèlent les secrets de leur vigueur, de
leur harmonie, et encore la salle de ce Louvre où il s'exta-
sie devant la force tourmentée et frémissante de l'cvuvre
si humaine de Pierre Puget, autre enfant de Marst-ille et le
plus grand sculpteur de France.
Entre temps il trouve un gagne-pain en apprenant la
technique d'im nouveau procédé de gravure, la lithographie.
L'habileté ciu'il v acquiert lui i^ermet de rendre quelques-
unes de ses pierres gravées avec l'argent desquelles il com-
mence à subvenir aux besoins de ses parents.
Bientôt les événements vont lui fournir le sujet de liiho-
graphies c{ui sont de vrais chefs-d'œuvre, oii s'afllrment !a
puissance et la variété de son génie.
Trrité des ordonnances de Chai-les X, diminuani la
liberté publique, Paris s'insurge. Pendant les journées des
27, 2S et 29 juillet 1.S30, les Trois (ilorieuses, derrière les
barricades qu'ils ont élevées, ouvriers et étudiants tiennent
tête aux troujjes rovales (|ui llnal(Mnenl abandonnent le
combat. Charles X abdique. \'a-t-on proclamer la Répu-
blique? Pas du tout î A la branche aînée des Bourbons suc-
cède simplement la branche cadette avec pour roi Pliilii)pe
d'Orléans.
Agréable à la bourgeoisie, la monarcliii- d<' juillel es(
âprement aita(|uée ])ar les K'gii iiiiisles parlisans du comte
l6 PIERRE BERIAS
de diambord, iDêlit-fils du roi détrôné et aussi par les
combattants des Trois Glorieuses, aspirant à la République.
Oui donc établira le rcMe des Méridionaux en cette -époqiîe
tourmentée? Il apparaît considérable. Sans doute avec le
nimois Guizot, le marseillais Adolphe Thiers est un des
défenseurs de cette monarchie dont il est le véritable fon~
dateur et à laquelle est attachée un autre historien mar-
seillais Capefic;'ue,
^Nlais parmi ceux à Paris qui font au i^■ou^■ernemc'nt de
I-ouis-Philippe ime i^uerrc sans merci, les ]:)liis ardents ce
sonl les I\rarseillais, les uns par la parole comme les deux
Iràres Garnier-Pagès, les autres par la plume comme Louis
Raybaud, qui devait créer le tvpe de Jérôme Paturot, l'ai-
mable poète Bastide, à cjui son journal la Tisiphonc \alut
û(^u\ mois de prison et encore les deux poètes, Mérv et Bar-
thélémy, qui accouplanl leiu^ \-erve, chaque semaine en leur
pamphlet la Xéincsis, f(;uillaient le régime a^■ec une ^■éhé-
mence extrême.
Cependant le ])lus redoutable, assurément, de tous ces
jeunes Marseillais, c'est Honoré Daumier (|ui p^w l'imago
liapiK' directement et retient l'aitention des hommes du
peuple, ])a,s assez instruits pour lire les périodi(|ues oti troj)
pauvres pour se les procurer.
J.a planche -- qui certes n'est pas une des bonnes de
l'c'irtiste, — la planche représentant Louis-Philippe en
(jargantua, fait l'admifation de la population parisienne et
le rend brusquement célèbre. ALais il paie cher ce premier
succès. Il est condamné à six mois de prison. On lui accorde
un sursis dans resi)oir de l'amener à résipiscence. Peine
perdue. Dans le journal la Caricalurc il continue à ridicu-
liser le roi et son entourage a^•ec une verve endiablée et un
talent (pii chaque jour grandit. Alors les gens au pouvoir
sTrriîent et la Caricalurc du ."^o août iS,^^2 insère cette note:
HONORE DAUMIER
Ï7
(( Au moment où nous écrivons ces lignes, on arrêtait
sous les yeux de son père et de sa mère, dont il était le seul
soutien, M. Daumier, condamné à six mois de jirison pour
la caricature de Gargantua ».
\'oilà donc notre caricaturiste enfermé à Sainlc-Pélai^ic
avec une fouie de journalistes de toutes les opinions et aussi
avec une bande de chenapans de toutes les caté<^ories. Le
jeune homme supporte avec gaîté cette longue épreuve et
lorsqu'elle est finie, vite il reprend son crayon pour com-
battre à nouveau et avec plus d'entrain ceux (|ui la lui ont
imposée et qui peuvent la lui infliger encore.
De 1832 à 1835, c'est une suite ininterrompue d'admira-
bles planches où sont commentés avec tant de relief les évé-
nements et les opinions de l'époque, où sont repi'oduits et
soulignés par la satire le visage et même l'âme des puis-
sants du jour.
On a pu admirer lors de l'exposition à la r)ibli()thé<|ue de
Marseille, quelques-unes de ces œuvres magistrales : lùijoncc,
Lafayettc,- Xe vous y frottée pas, le Ventre législalif, et
surtout cette effroyable vision de guerre civile Rue Tnnis-
nonain, d'une impression si tragique en sa simplicité.
Comme l'a proclamé avec tant d'autorité M. le professeur
Gascard, elles classent Honoré Daumier parmi nos plus
grands peintres d'histoire.
Mais après l'attentat sauvage de Fieschi, la presM- .-.si
bâillonnée. Le journal la Caricature est supprimé. Alors
cf)mme on l'a dit, le pamphlet fait place à la comédie et
commence la grande épopée de Robert M.uairc, ra.-onlée
par Daumier.
Ces dessins de Robert Macaire ne sont pas ceux (juc
préfère leur auteur; mais ils furent populaires parce qu'ils
l8 PIERRE BERTAS
racontaient les mille et une mésaventures dé M. Gogo grugé
par les aigrefins de la finance ou les bateleurs de la politi-
ciue. Ils dépeignaient, avec quelle verve, toujours renouve-
lée, les .effets de cette cupidité et de cet amour du lucre qui
caractérisent l'épociue de Louis-Philippe, laquelle n'est
d'ailleurs pas sans quelque analogie avec la nôtre, où le
gogo est devenu la poire dont expriment le jus les descen-
dants innombrables de Robert Macaire.
On connaît bien les autres séries de Daumier : Md'urs
C()uiu_s^atcs, Types parisiens, Profih et silhouettes, Les
gens de justice. Les bons bourgeois, Les baigneurs, etc.,
plus de quatre mille dessins, sans compter plus d'une cen-
taine de toiles admirables, et quelques trop rares sculptures.
Mieux que je ne saurais le faire, MM. J.-B. Samat, Gas-
card, A. Grass-Mick et Bromberger, rien qu'à Marseille,
ont démontré le mérite artistique de cette œuvre colossale
en laquelle le caricaturiste avec son cravon, comme Balzac
avec sa pkune, a fait se démener devant nous la tumul-
tueuse comédie humaine.
Leur appréciation sur le talent de notre artiste a été la
même que cejle c}u'ont émise à l'occasion du cinquante-
naire de sa mort les plus éminentes personnalités du monde
des lettres et des arts. Xous avons été particulièrement sen-
sible à l'hommage qui lui a été rendu dans un très remar-
cjuable article du Petit Provençal, par l'ancien président
du Conseil, AL lulouard Herriot.
Pendant Cjue l'ancien grand maître de ri'ni\-ersité glo-
rifiait notre compatriote, le rédacteur d'un journal parisien
contestait sa réputation et même l'accusait, je crois, de ne
pas savoir dessiner.
Il ne faut pas s'en étonner.
M. Henry Marcel a écrit: (« L^ne belle jilanche de Dau-
mier est une chose singulière et presque unic}ue, à la fois
HOXORi': DAUMIER I9
très âpre et très douce: c'est le miel de récriiiire recueilli
dans la gueule du lion ».
Cette évocation du lion à propos de Dauinier m'en laj)-
pelle une autre: celle du lion mourant iorscjuc l'âne lui
lance sa ruade et sa pétarade.
Xe nous indignons pas, ri plaignons les galt-ricns de
l'esprit qui, chaque jour, à la même place, doivent amuser
les mêmes lecteurs. Lors(|u'on n'est pas en train on a
recours à certains procédés. 11 en est un Cjui, au dire de
Mérv, avait déjà la barbe blanche sous Louis-Philippe,
néanmoins il réussit toujours. Il consiste à faire rire les
gens du Xord en bafouant leurs frères du ^^idi, h conc|ué-
rir les suffrages de Paris, capitale de l'Intelligence en
dénonçant Marseille comme capitale de la Béotie.
Comment voulez-vous que Daumier ail f|uel(|ue talent
puisqu'il est né — tron de l'èr! baga.s.so — dans cette ville
d'hu.rluberlus dont une sardine bouche le port.
Le journaliste qui a déprécié le génie de notre compa-
triote est spirituel par métier; mais il ne s'était pas encore
produit comme critique d'art. Qu'il nous pardonne si, à
.son avis, nous préférons celui d'autres personnages dont
il lui sera difticile de nier la compétence.
\'A tout d'abord Baudelaire. L'auteur des Fleurs du nuil,
a la plus vive admiration pour Daimiier dont il a célébré
en vers « l'art subtil entre tous ». Il le déclare « l'un des
hommes les plus importants, nou pas seulement de lu
caricature, mais encore de l'art moderne ».
Ce n'est' pas tout. Ce Daumier, que le chroni(|ueur pari-
sien dit ne pas savoir dessiner, Baudelaire, en son compte
rendu du Salon de 1S45, le cla.sse parmi les trois grands
dessinateurs du siècle avec Ingres et Delacroix et laisse
entendre qu'il est tenté de lui accorder la première place.
20 PIERRE BERTAS
D'ailleurs Delacroix semble acquiescer à ce jugement.
11 écrit à Daumier: (( Il n'y a pas d'homme que j'admire
])lus que vous ». Et le meilleur témoignage de cette admi-
ration c'est que le célèbre auteur des « Massacres de
Scio » emploie ses loisirs à copier des dessins de Daumier.
Le délicat artiste François Bonvin, affirme que notre
compatriote est égal à Goya s'il ne le surpasse. Champ-
fleury est du même avis: ^
(( II existe, écrit-il, de secrètes analogies entre l'Espagnol
et le Marseillais, même flamme intérieure, même ardeur
politique, même improvisation ».
Et Chamfleurv ajoute : (( Daumier fut nourri de la
moelle de Michel-Ange, de Rubens, de Jordaens, qui n'ont
pas craint d'envisager l'homme sous ses apparences robus-
tes. C'est leur force qui fait sa force ».
Et voici comment en 1860, les frères Concourt termi-
naient leur enthousiaste description du fameux dessin
l'Ivresse de Silène: a Quel franc rire, un rire toujours à
belles dents, toujours également sonore comme un rire du
vieux temps. Il v a là un épanouissement dans la force,
une santé dans la gaîté, une verve de nature, une person-
nalité carrée, une brutalité puissante, quelque chose de
gaulois, de dru, de libre, cjue l'on ne trouverait peut-être
nulle part que dans Rabelais ».
Tous les critiques d'art : Armand Dayot, Ceffroy, Phi-
lippe de Chenevières, Henri Berardi et encore Roger
Marx, confirment l'opinion admirative de leurs devanciers,
et si la diatribe du journaliste parisien, n'a, comme il sem-
ble d'autre but en abaissant Daumier que de rehausser
h\)rain, il est à croire que celui-ci qui, naguère, a
fait un si bel éloge de son aîné, a dû rtre cruellemenl
humilié de cette manif(\sta)i()n d'un admiraleiu' par trop
gaffeur.
HONORÉ DAUMIER 21
On en irouvera la nieillciirc; pruiiv.- thiii.s ( rs lij-ncs
qui sont la conclusion niêiiie de l'ouvrage sur Dauniicr
de M. Raymond lischolier ;
(( Pour résumer l'homme et l'artiste, écrit-il, dans ce
qu'ils eurent de meilleur, nous ne voulons retenir que celte
parole — ignorée et si amère — du grand et implacable
J.-L. Forain:
— Oh! Daumier, c'est tout autre chose (jue nous... Il
était généreux ! »
Il était généreux. Toute son œuvre, en effet, révèle la
générosité, cette force qui élève l'homme au-dessus de ses
intérêts et de ses sentiments personnels et lui fait préférer
l'avantage des autres aux siens.
Il était généreux. Toute sa vie d'artiste et de citoyen
n'est que noblesse et probité. C'est une vie de cristal que
rien n'a pu souiller ni même ternir d'une buée suspecte.
Rappelons-nous sa devise: <( Il faut être de son temps ».
II fut de son temps, mais du temps de sa jeunesse fré-
missante d'illusions et d'espérances, et aux principes de
sa jeunesse, il resta fidèle jusqu'à la mort.
Il fut de son temps, celui des Trois Glorieuses et il fut
aussi de sa race. Ce n'est point sans motif qu'au début de
cette étude j'ai rappelé qu'il était né en cette Blan-
querie, pleine de souvenir des ancêtres amoureux d'in-
dépendance et qu'il était du sang de ces Provençaux <( si
difficiles à ferrer », selon l'expression d'im de ces gouver-
neurs royaux contre lesquels ils défendaient si jalousement
leur patrimoine de libertés.
Cet esprit démocratique persistait même sous Napo-
léon I" et son pi'éfet des Bouches-du-Rhône. l'ex-conven-
tionnel Thibaudeau, écrivait: a Républicain dans le moyen-
22 PIERRE BERTAS
âge à Marseille, Arles, Tarascon, le Provençal supporte
encore impatiemment le joug- du pouvoir x.
Il ne faul donc pas s'étonner, si, dès qu'il a eu l'â^e
d'iiomme, Daumier a été hanté i)ar l'image de la Républi-
que, émancipatrice et maternelle, que naguère ses compa-
triotes, les Cinq cents Marseillais de Barbaroux avaient pro-
clamée le lo aoîit 1792, dans la coui^ des Tuileries baignée
de leur sang et où ils chantaient l'immortelle chanson qu'ils
apprirent à la France et que la France a adoptée en
la baptisant de leur nom
Liberté, liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs.
Cette République de bonté et de justice, il a cru qu'elle
surgirait au-dessus des barricades de 1830. Thiers l'a esca-
motée. Néanmoins, il lui est resté fidèle. Xi la prison, ni la
pauvreté n'ont pu lui arracher sa foi en elle et lorsque celle
de 1848 a été proclamée, avec quelle ferveur il l'a définie
et magnifiée.
On se souvient du beau dessin intitulé: Le dernier Con-
seil des Ministres. Brusquement la porte s'est ouverte et
sur le seuil apparaît belle comme l'aube <( IMarianne », coif-
fée du bonnet de la liberté. Elle rentre dans sa maison et
avec elle pénètre l'air pur des cîmes qui en chasse les mias-
mes et avec elle fond en averse la lumière du ciel dont
l'éclat aveugle, effare et fait s'envoler par la fenêtre les
ministres pareils à une bande de chauves-souris.
On se rappelle encore ce tableau où la République est
assise, la main serrant avec énergie le drapeau tricolore ;
fière et puissante, la poitrine ouverte, elle abreuve deux de
ses enfants à ses mamelles abondantes pendant qu'accroupi
à ses pieds un autre enfant courbe sa tête pensive sur un
livre ouvert. Admirable traduction de la devise: La Répu-
blique nourrit ses enfants et les instruit.
HONORÉ DALMllîR 23
Mais cette République de Dauniier, c'est plus qu'une
mystique, c'est un mythe. Celle de 1S48 ne lui ressemble
guère et par les iiésitations des uns, les impatiences des
autres, les grossiers appétits de beaucoup, elle est bientôt
déconsidérée. C'est en vain que Daumier montre le péril
d'un retour du Césarisme avec sa sculpture de Ratapoil et
ce dessin où il montre l'aigle charriant le neveu de Napo-
léon I" installé dans le fameux petit chapeau tW l'oncle (jui
lui sert de véhicule.
Le 2 décembre 1851, la Répnl)li(iue s'c^ffondrc au milieu
de l'indifférence populaire.
X'importe, Daumier s'obstinera à lui rester ridèlc cl la
parant de toutes les vertus à en attendre le retour.
<( Ce Michel-Ange de la caricature, dit M. Delteil. !".it
un homme modeste, laborieux, fort sociable, honnête, te
dernier qualificatif dans son acception la plus pure. // ni?
varia pas dans ses principes, ne monnaya pas ses opinions
et resta intègre dans son crayon comme il Vélail dans /i s-
-mœurs.
La même constatation est faite par Arsène Alexandre,
autre admirateur de Daumier, qui attribue à son cigine
méridionale son enti-ain, sa finesse, sa gaîté faite de
lumière et de verve.
(( Il lui manque, ajoute-t-il non sans malice, ime des qua-
lités ou plutôt une des forces principales des hommes du
Midf: Vambition. En revanche, il en avait reçu «n partage
une autre qui ne leur est par, conrmune : la modestie ••.
Xe tenons pas rigueur à ^L Arsène Alexandre du trait
qu'il nous décoche; mais, enregistrons le prérieux éloge
qu'il décerne à notre compatriote dont le caractère réservé
n'est peut-être pas aussi rare ([u'il le croit.
24 PIERRE BERTAS
Oui, Daumier fut un modeste, un timide, un probe, qui
a préféré vivre dans les privations que de devoir le succès
à de répuçi'nantes ((combines» et au sacrifice de ses opinions.
Il y a des momenls où l'on pijurrait croire que la pro-
fession la plus pénible est la profession d'honnête homme.
Elle n'est jamais lucrative; elle est souvent méprisée et
Daumier en est l'exemple. Son contemporain et compa-
triote Barthélémy, changea plusieurs fois d'opinion et pour
excuser ses palinodies il écrivit le vers fameux:
(( L'homme absurde est celui qui ne change jarnais )>.
Daumier fut cet homme absurde qui ne sait pas retour-
ner sa veste. Aussi a-t-il vu la misère s'installer à son logis
au crépuscule de sa vie.
En 1860 on lui tourne le dos; on ne lui demande plus
de dessins. Bien plus, on le chasse comme un domestique
infidèle du journal le Charivari, dont pendant vingt-huit
Ans il a fait le succès et Baudelaire intervenant en sa faveur
écrit à un ami le billet suivant: (( Pensez à Daumier, à
Daumier libre et foutu à la porte au milieu d'un mois et
n'ayant été payé que d'un demi-mois ».
Il y a des mufles en toutes les époques.
Ce n'est qu'en décembre 1863 que le pauvre artiste mar-
seillais put rentrer au Charivari pour y gagner son pain
et celui de sa chère femme.
Et pourtant s'il avait voulu combien il lui aurait été aisé
d'assurer sa vieillesse. Ah ! s'il avait écouté la voix des
sirènes chantant à ses. oreilles! L'Empire s'appliquait à
désarmer l'opposition, à rallier autour de lui l'élite intel-
lectuelle. Une démarche des plus flatteuses fut faite à Dau-
mier, à l'mstigation d'un autre célèbre marseillais Emile
Ollivier, qui las de piétiner dans les rangs de la démocra-
HONORÉ UAUJIIER
25
lie, l'avait abandonnée pour recevoir il»- \a[)()lrnn III la
j:)résidence du Conseil.
La Légion d'honneur lui oiïerie à notre caricalurisie.
(( Sans se poser en Caton, reniarcjue Clianifleuiy, sans
afficher sa toi républicaine, Dauniier remercia l'envoyé du
ministre d'avoir songé à le décorer. 11 ne pouvait, disait-il,
accepter la croix d'un gouvernement auquel il avait fait une
si rude guerre en 1851. Il semblait qu'il y aurait parjure de
sa part à se parer d'un tel signe, et qu'il devait vivre hum-
ble comme par le passé ».
Or, au même moment, la même distinction était offerte
à un autre artiste n'appartenant pas celui-là comme Dau-
mier à ce Midi, où les hommes sont bouffis d'orgueil et
dont la vantardise se manifeste en éclats de voix et en ges-
tes désordonnés. Cet artiste était le grand peintre Courbet,
natif, on le sait, du Doubs.
Comme Daumier, Courbet refusa la croix, mais avec un
fracas énorme, une indignation théâtrale. Peu après il ren-
contrait le caricaturiste et se jetant dans ses briis il criait :
« Ah ! que je t'aime, tu as refusé la croix comme moi ; seu-
lement tu as eu tort de ne pas la refuser avec éclat. Il fal-
^ lait faire du tapage autour de cette affaire ».
Et Daumier secouant la tête, contemplait Courbet d'un
regard profond: (( A quoi bon? fit-il, d'un ton de repro-
che, j'ai fait ce que j'ai cru devoir faire; je suis contml ;
mais cela ne regarde pas le public )>.
Albert Wolf, qui raconte cette scène dont il fut témoin,
ajoute: « Je ne saurais vous dire avec quelle dignité
exquise, Daumier prononça ces paroles. Sa fierté semblait
se révolter à la seule pensée que quelqu'un pût le suppo-
ser capable de vouloir exploiter son refus rnmmr „n m. .yen
de réclame ».
26 PIERRE BERTAS
lù C'oiirht'l inlcrtlil, s'rloigna en disant : << On ne fera
jamais rien de l)aiiini(M': c'est un rêveur ».
Jlélas! le pauvre rêveur était tiraillé par la cruelle réa-
lité, le souci du pain quotidien. Sa vieillesse était beso-
i^neuse. Elle fut tourmentée par les terribles angoisses de
la guerre de 1870, par la douleur de voir la France envahie,
meurtrie, démembrée, douleur que ne pouvait entièrement
consoler l'avènement de la IIl^ République.
Ht alors ce fut la subite décrépitude.
Ha fatalité s'acharna sur lui en lui infligeant le plus cruel
des supplices pour un artiste. Elle lui lit tomber des mains
palette et pinceau en fermant lentement ses yeux à la belle,
à la sainte lumière, cette lumière qu'avec un bout de
crayon noir il captait au soleil pour l'épandre devant nous
en la faisant vibrer, palpiter, éblouir. Des troubles visuels
de plus en plus fréquents, de plus en plus intenses faisaient
flotter des ténèbres autour de lui.
La misère s'installa en cette maison de Valmondois, où
il passa ses dernières années et dont il n'arrivait plus à
payer les termes. Ici se place l'anecdote bien connue
que je crois devoir rappeler encore pour qu'on sache
la gratitude qui est due à ce Parisien de Paris, qu'était le
bon Corot. Ee grand paysagiste aimait beaucoup Daumier,
au point (|u'il a^•ait suspendu un des tableaux, celui des
Avocats à côté du portrait de sa mère, les deux seules toiles
ornant sa chambre.
Informé que Daumier était menacé d'être jeté à la rue,
il achète secrètement l'immeuble 01^1 il était logé et le jour
de sa fête le caricaturiste reçoit le billet qui suit :
« Mon vieux Camarade,
<( J'avais à Valmondois, près de l'Isle-Adam, une mai-
sonnette dont je ne sais que faire. Il m'est venu à l'idée de
HONORIi DAUMIER 37
te l'offrir et comme j'ai trouvé VkW-r Ixjnnc je suis alU*
la faire enregistrer ehez le notaire.
<< Ce n'est pas pour toi (jue je fais ça, c'est pour embê-
ter ton propriétaire. , . ^
(( A toi, Corot ».
Quoi qu'on en dise, il y a encore de braves gens sur
la terre. Les braves gens étaient assez nombreux autour de
Daumier. Ils s'adressèrent au gouvernement de la Républi-
{{ue, qui n'axait même pas songé à offrir au vieux démo-
crate la Croix de la Légion d'honneur qu'il avait refusé
d'accepter de l'Empire.
Ils supplièrent le ministre des Beaux-Arts de ne pas
laisser mourir de faim le pauvre artiste dont les jours
«
étaient comptés. Le ministre se laissa fléchir. Dans sa
munificence il attribua à Daumier une pension de deux
cents francs par mois. Cette pingrerie révolta l'opinion et
dans le journal de Gambetta, la République Française,
M. Burty écrivait le i^"" août 1878: (( Le secours alhmé n'est
digne ni de la P^rance qui l'accorde, ni du maître à qui il
est offert ».
Néanmoins, il ne fut pas augmenté et Daumier si l'on
peut dire, n'en jouit pas longtemps. Quelques mois plus
tard il était frappé de paralysie cérébrale et rendait le der-
nier soupir le 11 février 1879.
Ses obsèques eurent lieu le 14 février. Une foule d'ar-
tistes et d'hommes de lettres accompagnait son cercueil
couvert d'un amas de fleurs apportant l'haleine embaumée
du pays natal des violettes et des mimosas de Provence.
Le gouvernement avait décidé que les funérailles du
grand artiste seraient nationales. L'opposition cria au .scan-
dale et à la dilapidation. Peut-être fut-elle inju.ste. Les frais
étant limités au paiement des quatre porteurs, les ob.sè-
a s PIERRE BERTAS
ques de DauniitT routèrent exactement la somme de douze
francs. I*!lles n'ont pas ruiné la nation.
Au cimetièfe, dans le suprême adieu adressé au grand
caricaturiste qu'il comparait à Aristophane, Champfleury
s'écriait :
<< Sur le marché de Rotterdam, on voit l'image du vieil
Erasme méditant sur les folies de l'humanité. Vous verrez,
DUMAix la statue de Daumier méditatif sur la principale
place de Marseille ».
*
* *
Demain ! Demain ! Il y a cinquante ans que Daumier est
mort et sur aucune de nos places ne s'érige encore le monu-
ment attestant la vénération de Marseille pour l'artiste qui
a épandu tant de lustre sur elle. Non seulement nous ne
lui avons pas élevé le moindre buste, mais encore notre
musée ne compte pas une seule de ses œuvres qu'à prix
d'or ont arrachées à la France les Anglais, les Américains
et surtout les Allemands.
Sans doute, les événements, seuls, sont cause de cette
apparente indifférence ; naguère des bonnes volontés
s'étaient groupées pour rendre à Daumier un éclatant
liommage de notre reconnaissance. Il s'agit donc de repren-
dre l'effort interrompu et peut-être le Comité du cinquante-
naire, pourrait se transformer en Comité du monument
Daumier.
Le succès en serait assuré grâce au concours de la repré-
sentation de la Cité et du Département, dont les divergences
d'opinion s'efifacent toujours devant les intérêts matériels
et moraux de Marseille et de la Provence.
HONORÉ DAUMIER 29
Et ceci m'amène tout naturellement à rappeler un t'pi-
sode de la vieillesse cie Daumicr auquel dans son article
M. Ilerriot a fait une brève allusion. Voici:
Peu de temps après la guerre de 1870, M. Lét)n Sav
réunissait im soir les personnes les plus représentatives de
la politique, des lettres et des arts. Daumier est au nombre
des invités. A peine a-t-il pénétré dans le salon où se presse
l'élite du pays, qu'il voit se précipiter vers lui un petit
\ieillard, tout blanc, 1\xm1 pétillant sous les lunettes, cjui lui
prend la main, la serre avec cordialité et se met à le com-
pfimenter avec infiniment d'esprit et de tact.
Ce petit vieillard pétulant n'est autre que le chef de
l'Etat, le président de la République, le Marseillais Adol-
phe Thiers, l'ancien ministre de Louis-Philipjîe (|ui ridi-
culisé du surnom de « petit foutriquet >>, a été pendant
vini2;t ans la cible ordinaire de la verve, parfois cruelle et
injuste, du caricaturiste son compatriote.
Daumier fut profondément ému de cette démarche aussi
honorable pour celui qui l'a faite que pour celui qui en a
été l'objet.
Ce geste si noble de '1 hiers devrait atténuer les ressen-
timents que depuis plus de cinquante ans avec quelques-
uns de notre généi'ation nous conservons contre le chef du
gouvernement de Versailles. Mais s'il est encore trop tôt
pour qu'il ait cette vertu d'amnistie, que tout au moins il
nous inspire le désir de l'imiter.
Comme Thiers et Daumier oublions nos petites raniii-
nes devant le prestige de l'art et pour le culte des gloires de
la cité. Unissons-nous afin que nous ne commettions pas h
l'égard de Daumier, le ccime d'ingratitude dont les géné-
rations précédentes se sonl rendues coupables vis-à-vis de
Fuget qui, peiulanl plus de deux siècles, a allendn nu monu-
ment digne de son génie et de la ville où il a vu le jour.
30 PIERRE HERTAS
Axons ]v culte de nos i^loires. Par le bronze et
le marbre rappelons-les h ceux (}ui les ignorent. Ils sauront
ainsi combien notre nation est redevable h cette Provence
qu'on raille, à cette Marseille qu'on i-idiculise, à cette Mar-
seille (jiii, aujoin'd'hui comme bier, par le génie de ses fils,
é(Ti\ains, poètes et artistes, continue à mériter sa réputation
vingt fois séculaire de fille d'Atbènes, de sœur de Rome
et surtout d'éducatrice des Gaules.
Pierre BERTAS.
Autel nf)agiqUe de I^ognac
lùi 1924, notre confrère M. P. Chanfreau trouva à
Roi^nac la partie oauche du petit autel votif ci-dessiis
lïguKé que j'ai publié avec lui en 1925 ' et dont M. C'amille
Jullian s'est occupé en avril 1927 ".
Peu aj)rès (30 mai 1927), je priais M. Chanfreau de faire
prali(iuer des fouilles sur les lieux de la première décou-
\-erte. I''lles eiu-enl lieu cl mirent au jour la |)arlie droite
(|ue notis rec^herchions; elle i^isail à 4 m. du poini 011 avait
1 Pruvincia 1925, p. 2g. Les autels votifs de A'oi^iiac.
2 Revue des Etudes anciennes 1927, p. 163 à 165.
52 H. DE GÉRIN-RICARi) ET P. CHANFREAU
été trouvée en 1924 l'autre portion de ce petit monument,
désormais complet. Ses dimensions sont: hauteur o™20,
largeur et épaisseur o'"i5.
En 1925, j'avais cru que l'inscription dont nous ne pos-
sédions alors qu'une partie, était en caractères grecs à
cause surtout de l'A à forme de lambda du début de la
deuxième ligne. De plus, j'avais indiqué que le signe par
lequel commence la première ligne devait être un trident
ou un trépied. En réalité les caractères employés appar-
tiennent à la cursive romaine des 11 -iii^ siècles^ et M. Jul-
lian voulait bien me dire que quant au sigle du début de
l'inscription, il optait pour le trépied des incantations magi-
ques (mensîda ou tripes) avec tablette triangulaire, suivi
d'un point séparatif aussi triangulaire.
De l'examen paléographique de l'inscription, il ressort
que les O ne sont pas parfaitement ronds comme ceux de
l'époque impériale un peu ancienne*, mais que l'A, impar-
faitement barré de la première ligne et l'E oncial de la
deuxième, emplové concurremment avec des E, se rencon-
trent sur des inscriptions du i^"" siècle. L'E oncial venu du
grec fut aussi employé au if siècle mais plus fréquem-
ment au III- *.
La lecture de l'inscription n'offre maintenant aucune dif-
^'"'^^^ ' OEAI
AOEOAI
mais l'interprétation en est malaisée. Comme elle ne pré-
sente que des voyelles, j'avais tenté d'abord de compléter
par des consonnes et ne suis arrivé pour la première ligne
^ Gagnât, Cours iVcpigraphic lalinC; p. 7 à 9.
^ Ib., p. 19.
•'' Ib., p. 14.
AUTEL i\lA(;Toii: DK ROGNAC 33
qu'à Occani'^'. Puis, j'ai cherché vainement dans l'ononias-
lique ceUo-Hgure diverses combinaisons. Enfin M. Jullian
me suggéra que c'étaient peut-être là les sons magic[ues
OEA lAEO
lAO ou à rebours lAOEOA
EOA
Or, j'ai remarcjué que Tao se ht une fois dans le bon sens
et une seconde fois à débours et lao est la graphie ancienne
de l'hébreu Jeovah ou lahvé, contracté plus tard en Tahou
et lah ^ qui signifie Dieu comme Eloim et Sabaoth,
lao = lAW figure notamment sur un ahraxas trouvé à
Carthage par le P. Delattre et aussi sur une tablette magic^ue
de Reims ^
lah pour lao et Euoa pour Eoa, sons qui figurent sur
l'autel de Rognac, ont été aussi notés sur des monuments
magiques de Pergame ^
D'autre part, les papyrus magiques coptes présentent
ime longue formule Adonai, Eloë, Eloi (pour Eloïm)...
Yao, Yao, Yao, Yao, Sabaoth '"... qui n'est pas sans
parenté de sons avec ceux de notre inscription.
Ces constatations faites, je les exposais à la haule compé-
tence de M. Eranz Cumonl, (lui ^•()ulul bien me répondre:
(( Je crois que vous avez raison de ranger ce petit monu-
ment parmi ceux où la magie opère à l'aide des lettres de
l'alphabet et en particulier des voyelles. Il est curieux que
« Oceanus, divinté (cf. AudoUcnt, Dcfixionum tabcUcc, p. 396 et
397- . c ^ t.
■ Renan, Histoire do peuple d'Israël, t. I, p. 82 a hj.
8 Bulletin des Antiquaires de France 1906, p. 372 et 1907, p. 216.
« R. Vunsch, Antikes Zanbergeral ans Pergamon, p. 13, ligne 52.
'" Fr. Lexa, La magie dans V Egypte anliqite, 1925, t. Il, p. 172,
A. .7.
«
3
34 H. DE GERIN-RICARD ET V. CHANFREAU
iKHis ne Irouvions ici que quatre voyelles au lieu de cinq,
le \' ou U ayant été, semble-t-il, considéré comme une
consonne.
(( Je n'ai malheureusement pas ici [à Paris] à ma dispo-
sition mes livres sur la magie antique qui sont restés à
Rome, mais je me permets de vous renvoyer à celui de
Dornseiff, Das Alphabet in Mystik und Magie ^^. Vous
trouverez réunis dans ce petit volume toutes les inscriptions
antiques où les lettres sont employées avec une valeur magi-
que. Vous avez certainement raison de lire le nom d'Iao,
écrit deux fois dont une à rebours. Ce nom apparaît très
fréquemment dans les textes magiques ».
Enfin, à propos de lao, M. Adrien Blanchet nous apprend
fju'il constitue un génie à aspect souvent anguipède, que
Ton trouve gravé sur cfe nombreuses pierres gnostîques ou
magiques'". Le même auteur signale dans son travail une
intaille sur serpentine tigrée portant TAîT-Oet plus bas
EAÎ (à rebours).
Comme on le voit, Paulel magicjue de Rognac est loin
d'être un monimient isolé; il n'en est pas moins le premier
fourni par la région provençale et à ce titre il méritait d'at-
tirer notre attention.
Nous avons fait don de cet autel au Musée Borélv.
11 reste maintenant à donner quelque explications sur le
milieu (détail important et souvent négligé) où a été trouvé
le petit autel.
Dans notre note de 1926, nous avons indiqué que sa
découverte avait été faite au quartier de Canourgue, petit
plateau dominant l'étang de Berre où se trouvent — à
300 mètres environ à l'O. de la fontaine communale — les
" Leipzig, 'J'eubner, 1926, 2* édition.
'^ Vénus et Mars sur des intailles magiques, dans Comptes rendus
de l'Acad. des Inscrip. et B. -Lettres, 1922. p. 226 et 227.
AUTEL MAGIOIE DE KOGNAC 35
ruines d'une habitation agricole romaine, d'où la \ue est
très agréable sur l'étang et ses bords.
Là existe à droite et tout près de la partie de la route
de Marseille à Salon qui porte le nom de Montée des
Pins, une carrière de pierre ouverte il v a cin(| ans rt dont
l'exploitation a été le point de départ des découvertes.
Piscines. — Xos fouilles commencées en juin 1927, ont
porté d'abord sur des murs de substructions qui se sont
trouvés être ceux d'une piscine à deux comj:)arlimenis ''\
Chaque compartiment mesurait 3'"6o de longueur et
2™6o de largeur, et devait avoir i'"5o de hauteur. Les murs
latéraux, au nombre de trois seulement (le quatrième ( ôté
étant adossé a la roche) ont 0,70 d'épaisseur, autant de
hauteur et son crépis à l'intérieiu' d'un double enduit de
5 centimètres, au total ; la maçonnerie est en petits élé-
ments bien appareillés de 0,15 à 0,20 sur 0,10 à o,\2 et
avaient été pris sur p\^\cc. Le côté entaillé dans la roche
avait encore i"'40 de hauteur et portait sur toute sa suriace
un enduit à la chaux grasse de 5 à S cent, d'épaisseur. Le
mur de refend, dirigé du N. au vS. n'avait que 0,60 d'épais-
seur et était percé de deux ouvertures de rt,55 de largeur.
Le fond de la piscine établi sur un banc de safre, étaU
enduit d'une couche de béton de 0,12, siu' le(|uel se trou-
vait encore une couche de vase desséchée de 0,10 déposée
par les eaux.
Le déblaiement complet des deux comi)ariiments a per-
mis de recueillir les objets suivants: comjîarliment i. —
Dans les décombres, la première partie de l'autel magif|ue
et, au fond, une baguette en plomb de 170x20x6 millimè-
tres pesant 2t,2 gr. Compartiment 2. — Au-dessus et tou-
jours dans les décombres des murs, la deuxième partie de
>« Ces petites piscines ont Ijcaucoiip d'analogies avec celles mises
au jour devant les bains Sextius d'Aix, il y a cinq ou six ans.
^6 II. DE GÉRIX-RICARl) ET P. CHANFREAU
rauli'I inai^iquc ; nii fond, dans la couche de vase, frag-
ments d'amphores et la moitié d'une meule en basalte, les
débris d'un flacon de verre carré et à fond plat aVec gou-
lot plat à large rebord (diam. 5 cent.); fragments appar-
tenant à trois ou cjuatre vases dits samiens mais de fabri-
cation locale imitant la céramique de Lezoux. Ces frag-
ments, à englobe rouge vif, appartiennent à une jolie coupe
à pied avec décors en relief et à deux autres vases unis dont
un porte au fond et dans un cercle l'empreinte illisible d'un
cachet de potier gallo-romain. La présence de cette céra-
mique à Canourgue, nous permet de dater ses ruines à un
siècle près, c'est-à-dire entre la moitié du 11^ siècle, épo-
que à laquelle sa fabrication commença en Gaule et, au plus
tard, le milieu du iir siècle, où son usage disparaît totale-
ment. Le gisement a même fourni une céramique d'Arrezzo
ou similaire qui pourrait être de la deuxième moitié du
i*"" siècle de notre ère.
Associé à cette poterie, le compartiment n° 2 contenait
aussi des portions de vases roses ou gris, ornés ou non
d'une bande peinte en noir, sans engobe se rapportant
notamment à des écuelles à pied rétréci, d'un diamètre total
de 20 centimètres.
llahitation. - - En juillet, les travaux furent poursuivis
dans les ruines de l'habitation par le déblaiement d'un
quadrilatère adossé au côté S. de la citerne, bétonné et
mesurant 12 m. sur 10 m. Contre la piscine existaient trois
petits compartiments, parallèles de 2 m. sur 0,80 et 0,60 de
profondeur séparés par des murs en petit appareil de 0,20
d'épaisseur. Des fragments de revêtement en marbre gris
trouvés à l'intérieur et les dimensions de ces compartiments
placés à 0,60 en contre-bas du sol bétonné, font penser à
des baignoires. Le carrier Chaillan, de Velaux, a trouvé
AUTEL MAcil^LE DE ROGNAC 37
dans l'une, une lampe lmi leiie. Les Uavaux de la carrière
ont maintenant détruit ces baignoires et leurs abords.
Plus au S. se trouvait un puits antique, aujourd'hui
comblé. A 21) m. à VO. de hi piscine, il a été reconnu un
massif de mavonnerie de 5 m. sur 3 m. et de i m. d'éléva-
tion (fouloic à raisin), accompagné au N. d'une cuve
vinaire de im. 8ox im. 60 creusée dans le sol. Sur le côté S.
du fouloir existait une pièce de 3m. de côté aux murs bien
appareillés et reliée à 6m. au S. à un troisième groupe de
constructions, comprenant trois salles alignées perpendi-
culairement à un mur maître de plus de 15 m. de long et de
0,70 d'épaisseur, direction E.-O. Ce mur présentait deux
portes munies, de seuils monolithes de près de 2 m. de
longueur avec très larges feuillures pour le battant ". La
première salle mesure 7 m. 40x4 m. ; la seconde 7 m. x 7,40
et la troisième 6,30x5. Auprès de la porte de cette dernière,
qui s'ouvrait au N., deux squelettes humains furent trouvés
en octobre à 0,45 sous les décombres.
Le sol de toutes ces pièces était recouvert d'une couche
de tuiles plates brisées par l'effondrement de la toiture.
Entre les trois groupes de constructions dont l'ensemble
occupe 30 m. sur 34 m., M. Chanfreau a recueilli la partie
droite d'un cadran solaire en pierre de Calissane, sembla-
ble à ceux trouvés en grand nombre à Pompeï.
Dans le sol et un peu partout, on rencontre beaucoup de
coquilles de moules, de cerythes, de cardium et de peignes.
A mesure que la carrière avancera, on relèvera d'autres
constructions puisque les vestiges de la villa occupent envi-
ron 1 hectare de surface. Un plan sera tenu à jour.
H. DE GÉRIN-RiCARD et P. Chanfreau.
" Ces seuils ont etc récemment tran:^port('s l'un ;i Kopnar (Jardin
Chranfreau), l'autre à Velaux.
lie /Vlopaçtère de§ GbartreUi^
de /^ar§eille
TROISIÈME PARTIE
Situation de la Chartreuse en 1790
Lorsque en 1924 je terminais la seconde étude de ce
monastère ', je prévoyais une suite qui serait amenée par la
découverte de nouveaux documents. En effet, je n'avais pu
retrouver que quelques indications très incomplètes concer-
nant la liquidation des biens des Chartreux en 1790. Depuis
j'ai eu communication d'un dossier assez important, re-
trouvé aux Archives Communales de la ville. Ce sont ces
documents qui vont faire l'objet de cette troisième étude ^.
Etat-civil et actes de profession des Chartreux
Voyons d'abord quel était le vrai point de départ de tous
les décrets de la Constituante contre les Ordres religieux.
Peut-être faut-il le trouver en 1766 sous Louis XV, qui
voulut procéder lui-même à la réforme des Ordres religieux
par une Commission à laquelle toutes les congrégations
seront soumises. Celle-ci, au lieu de réprimer les abus, les
multiplia, sema des troubles dans les monastères et en pré-
cipita la décadence. Le Parlement de Paris réclama le
10 février 1784, la suppression de cette Commission. Puis
1 Provincia, t. III, année 1923, pp. 75-115-138-141.
» t. IV, année 1924, pp. 12-28.
^ Arch. ]\Iunic. Série GG. Ordres religieux: Les Chartrevix.
LE MONASTERE DES CHARTREUX DE .MARSEILLE
39
les décrets se succédèrenl rapidement, en voici un résumé
pour mémoire :
1789 20 Août Création du comité ecclésiastique.
4 Novembre Décret de l'Assemblée constituante qui
met les biens ecclésiastiques à la dis-
"position de la nation.
7 Novembre Hiens mis sous la surveillance des auto-
rités locales.
26 Novembre Déclaration par tous les bénéliciers
et Supérieurs des Maisons ecclésiasti-
ques des biens mobiliers et immobi-
liers dépcndani dt' leurs bénétices ou
établissements.
17 Décembre Commencement des Ncnles
1790 4 Février Premier serment de fidélité à la Const'.
tution.
13 Février Suppression des viil'ux monastiques par
l'Assemblée Nationale. Delacoste
demande inutilement la conservation
des Ordres savants et austères comme
les Trappistes et les Chartreux, qui
n'avaient point participé à la déca-
dence générale.
20 Février Pension de 700 à 1200 livres pour les
religieux suivant leur âge, et de 3 à
400 livres pour les frères convers.
14 Avril Décret qui enlève complètement au
clergé l'administration des liiens
ecclésiastiques.
T2 Juillet Constitution civile du clergé.
j-Qi Refus du sermeni el jjersécution.
40 MARC DUBOIS
i~y2 0 A\ril L'Assemblée Législative supprime les
corporations religieuses et défend de
porter le costume ecclésiastique.
27 ^Lù Décret de déportation contre les prêtres
non assermentés.
15 Août L'Assemblée Législative prescrit le
serment Liberté-Egalité.
18 Août Loi supprimant définitivement les con-
grégations et communautés.
Conformément à la loi qui obligeait les religieux à don-
ner les noms, l 'état-civil et les actes de profession de tous
ceux qui habitaient alors les communautés religeuses, l'on
dressa l'acte suivant:
Etat des religieux de la Chartreuse de Marseille située sur
le territoire de la dite ville, quartier de St-Just auquel nous,
Jean-Gabriel Alerle et Jean-François Lieutaud, officiers
municipaux du dit Marseille avons procédé, écrivant Char-
les-Léopold Spigne, sous le serment par lui préalablement
prêté et conformément à l'article 5 rendu par Nosseigneurs
de l'Assemblée Nationale le 27 février, 19 et 20 mars der-
nier, revêtu des lettres-patentes du Roi données à Paris le
26 du dit mois de mars.
— Dom Etienne Lanfant, né à Lyon, âgé de 73 ans, pro-
fes de la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, Prieur de
celle de Marseille.
— Dom Martial Louvet, né le 7 mars 1722 à xA.vignon,
âgé de 63 ans, prof es de Villeneuve, du 8 décembre i744>
coadjuteur de celle de Marseille.
— Dom Pierre Richelme, né à Aubagne, le 26 juin 1740,
âgé de 50 ans, profes de Villeneuve le 22 juillet 1759, pro-
cureur de celle de Marseille.
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX DE MARSEILLE 41
— Doni Anloinc l'ournier, né à Marseille le 8 juillet
1737, âgé de 63 ans, profes de X'illeneuve le 6 octobre 1759,
Vicaire à celle de Marseille.
Dom Laurent Martin, né a Si-Trope/, le 10 septem-
bre 17 10, âgé de 80 ans, profes de Villeneuve, le 8 décembre
1736, ancien et conventuel de celle de Marseille.
— Dom Léon-Honoré d'Azan, né à Aix-en-Provence, le
6 février 1722, profes de Villeneuve, le 8 décembre 1736,
ancien et conventuel de celle de Marseille.
— Dom Pierre L'gla, né à Montpellier, le 13 janvier
^73^, âgé de 60 ans, profes de Villeneuve le S décembre
1749, conventuel de Marseille.
— Dom Etienne Michel, né à Limoges, le 28 février 1733,
profes de \^illeneuve, le 25 novembre 1755, conventuel de
celle de Marseille.
— Dom Antoine Garnier, né à \'ernoux (Vivarais), le
22 février 1735, âgé de 55 ans, profes de X'illeneuve, le
6 octobre 1755, conventuel de celle de Marseille. — L'acte
porte la mention suivante: <( Je déclare vouloir profiter de la
(( liberté que l'Assemblée Nationale me donne de sortir de
(( mon Ordre. A Marseille, le 26 octobre 1790, Antoine Gar-
ce nier, Chartreux ».
— Dom Augustin Dupont, né au Puy, le 29 août 1735,
âgé de 55 ans, profes de Villeneuve, le 6 octobre 1755, con-
ventuel de celle de Marseille. — L'acte porte la mention
suivante: <( Je déclare vouloir profiter de la liberté que
« l'Assemblée Nationale me donne de sortir de mon Ordre.
(( Marseille, le 26 octobre 1790. Signé: Augustin Dupont.
(( Chartreux ».
— Dom Joseph Martinet, né à Arvillard (Tarn-et-Garon-
ne), le 23 décembre 1750, âgé de 39 ans, profes de Ville-
neuve, le 27 décembre 1771, conventuel de celle de Marseille.
42 iMARC DUBOIS
— Doni Ignace Chabalier, né au Puy-en-Velay, le
24 mars 1753, âgé de 37 ans, profes de Villeneuve, le 8 sep-
fembie 1774, sacristain de celle de Marseille. — L'acte
porte la mention suivante: « Je désire de continuer la vie
(( commune. Ignace Chabalier, sacristain ».
- — Frère Bruno Bernât, né le 25 juillet à Valverson-de-
Rouergue, âgé de 64 ans, profes de Bonpas (Vaucluse), le
25 mars 1767, conventudcie celle de Marseille.
- — Frère Augustin Joubert, né le 9 février 1741 à Mont-
maurin (Hautes-Alpes), âgé de 50 ans, conventuel de celle
de Marseille.
Après avoir procédé à l'état ci-dessus, nous avons déclaré
à tous les religieux susnommés que nous sommes prêts à
recevoir la déclaration de ceux qui voudraient s'expliquer
sur leur intention de sortir des Maisons de leur Ordre ou
d'y rester, au moyen de quoi, ceux qui voudi^ont s'expliquer
peuvent nous faire leur déclaration en conformité de l'ar-
ticle 5 du décret de Nos seigneurs de l'Assemblée Nationale
des 20 février, 19 et 20 mars dernier, sur quoi tous les reli-
gieux susnommés nous ont déclaré vouloir rester dans les
Maisons de leur Ordre et ont signé avec nous et le sieur
Spigne. Suivent les signatures de tous les moines et des
deux othciers municipaux.
— Et de suite, Dom Prieur a déclaré qu'il v a encore
dans la Chartreuse deux anciens domestiques, savoir:
— Jean-Joseph Laforgue, natif de Villefranche-de-Rouer-
gue, diocèse de Rodez, âgé de 70 ans, qui a esté dans
cette maison en la qualité de cuisinier depuis plus de qua-
rante ans, lequel avant été appelé par Dom Prieur nous a
représenté l'extrait de son acte de baptême justifiant qu'il
est né le 29 mai 1720.
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX DE MARSEILLE 43
— Jean-Joseph Feraudy, natif de Riguan, diocèse de
Glandevès, âgé de 70 ans, qui est dans la maison en qua-
lité de domestique depuis 2^^ ans, lequel ayant été appelé
par Oom Supérieur, nous a représenté l'extrait de son acte
de baptême justifiant qu'il est né le 11 décembre 1720. Et
à mon dit Prieur signé avec nous: Spigne, Jean et Joseph
Laforgue, Jean-Joseph Féraudy ayant déclaré ne pas savoir
écrire.
Et de suite, nous officiers municipaux avons visité la Mai-
son des R.P. Cliarlreux pour vérifier le nombre des sujets
qu'elle pourrait contenir et avons reconnu qu'elle pourrait
contenir 50 sujets et ainsi que dessus nous avons procédé
dans la ^Maison des R. P. Chartreux de Marseille, sise au
territoire de la dite ville, quartier de la Magdeleine, et avons
signé avec : Spigne, greffier subrogé Ci. Merle, olï. munie.
Cet acte est accompagné de tous les extraits de baptême
des religieux ainsi que leur profession h la Ch.'irlreuse et
toutes les pièces légalisées.
Dom Joseph Martinet
Dans une de mes précédentes études '. j'ai esquissé rapi-
dement la vie de D. Joseph Martinet, dernier chartreux du
couvent de Marseille, qui put se cacher et continuer l'exer-
cice du culte dans la ville et se soustraire à toutes les recher-
ches de la police révolutionnaire. Nous croyons qu'il est
intéressant de publier ici l'extrait de son acte de baptême
et celui de sa profession de Chartreux, tels fju'ils sont con-
servés dans les Archives municipales.
(( L'an de grâce mil sept cent cinquante et le vingt-trois du
mois de décembre, je soussigné, prêtre et curé de l'église
» Porvincia, t. III, p. 24, année 1923.
44 MARC DUBOIS
paroissiale de Sl-Pierie d'.Vrvillard, ay baptisé un garçon
né le vingtième du même mois, de Arnaud Joseph Marti-
net, avocat en Parlement et de demoiselle Marie de peau-
(juesni^, mariés, auquel i»n a donné les noms de Marie,
Gervais, Tiiomas. Le parain a été M^ Gervais de Saintema-
rie, advocat en Parlement, habitant de la présente paroisse,
et la marraine, demoiselle Marie de Beauquesne, épouse de
noble Jean Marcel de Finet de Lisac, habitants de la pa-
roisse de St-Michel, au diocèse de Lectoure. En présence du
dit Père, de M^ Charles de Beauquesne, advocat en Parle-
ment et suBdélégué de Mr l'Intendant et autres qui ont
signé avec le parrain, la marraine et moi. Martinet père,
Saintemarie parrain, du Beauquesne de Lisac, Marraine,
Beauquesne, Marmont de Beauquesne, Bruneau, Desfour-
nial, curé, ainsi signé à l'original.
Nous prêtre et curé de l'église paroissiale de St-Pierre de
la ville d'i\rvillard du diocèse de Condom, certifions avoir
tiré l'extrait cy-dessus des registres de la présente paroisse,
mot à mot et sans y ajouter ny diminuer en foy de quoi,
nous sommes signés à Arvillard le vingt cinq janvier 1770.
Desfounial, curé.
Alexandre d'Auterroches par la grâce de Dieu et l'Au-
torité du Saint-Siège Apostolique, évêque et seigneur de
Condom, conseiller du Roy en tous ses conseils, etc.. Nous
certifions (jue la signature ci-dessus est véritable et que foy
peut et doit être ajoutée hors et en jugement. Donné à
Condom sous le seing de notre vicaire général le 17 février
1790. Deguilhe, arch. vie. gén. Par Mgr, Jaubert, sec. ».
— Extrait du registre des Vt^Iures et Professions de la
Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon :
« Le vingt septième décembre mil sep| cent soixante et
onze. Dom Joseph Martinet, appelé dans le siècle Marie,
LE MONASTÈRE DES CH AIMRKl'X DE MARSEILLE 45
Gervais, Thomas, né à Arvillard le 23 décembre mil sepi
cent cinquante, d'Arnaud Joseph Martinet et d'HHsabeth de
Beauquesne a fait sa profession solennelle après une année
de noviciat, en présence du très Vénérable père Dom
Prieuj-, de toute la Communauté, de Messire Pierre Michel
Prat, chanoine et capiscol de l'église collégiale de Notre-
Dame, et de Messire Jean-Baptiste Beaupré, chanoine de la
dite ég'lise, pris pour témoins de la dite profession. En fov
de quoy le dit Joseph Martinet a signé avec les dits té-
moins à Villeneuve, les joiu' et an que dessus, fr, Joseph
Martinet, fr. Emmanuel Jauna, prieur, Prat, capiscol et offi-
ciai. Beaupré, chanoine, ainsi signé à l'original.
Je soussigné, Prieur de la Chartreuse de Villeneuve-les-
Avignon certifie l'extrait cy-dessus conforme à son original
en mon pouvoir au dit Villeneuve, le 30 septembre 1790,
fr. Joseph Camaret, prieur susdit.
Antoine Chabret, avocat en Parlement, maire de la ville
de Villeneuve-les-Avignon, certifions et attestons à tous
qu'il appartiendra que le R. P. Joseph Camaret, qui a
expédié et signé les extraits cy-dessus, est prieur de la
Chartreuse de cette ville, tel qu'il se qualifie aux sceing
et écriture duquel fov doit être ajoutée en témoin de quoy
nous avons signé les ])rés('n(es au.\(|uell('s nous avons faii
apposer le sceau et armes de la ville. Donné à X'illeneuve
le 4 octobre 1790, Signé Chabret, maire, par. Mr le maire
illisible, greffier. Sceau en cire rouge de la municipalité ».
*
* *
Les Docuwenls qui sui\ent rédigés en verlu di'S décrets
de l'Assemblée Nationale des 20 février, 19 et 20 mars 17S9,
par les officiers municpaux de la ville, nous donnent l'état
précis des diverses propriétés et revenus dont pouvait dis-
46 MARC DUBOIS
poser la Chartreuse soit pour s'entretenir, soit pour satis-
faire à ses nombreuses œuvres de bienfaisance ou de cha-
rité. Les propriétés de ce monastère formant 24 articles mon-
tent à la somme de 17872 livres, 19 sols et les Directes en
60 articles montent à la somme de 17 livres, 19 sols, 3 1/2
deniers.
« L'an mil sept cent quatre vingt dix et aujourd'hui vingt
neuvième avril, à dix heures du matin, nous, Jean-Gabriel
Alerle et Jean-François Lieutaud, officiers municipaux de
la ville de Marseille, en exécution du décret rendu par nos
seigneurs de l'Assemblée Nationale le vingt février, dix
neuf et vingt mars dernier, revêtu des lettres patentes du
roi, données à Paris le vingt six du dit mois de mars der-
nier, nous nous sommes rendus en compagnie du sieur
Chai-les-Léopold Spigne, greffier subrogé auc|uel nous
a\()ns fait prêter serment de bien et duement procéder à faire
sa commission au couvent des Pères Chartreux du territoire
"du dit ^L'^rseille, c{uartier de St-Just, ou arrivés nous avons
IrouA'é Dom I^tienne Lanfant, prieui' du dit couvent, Dom
-Maniai Louvet, coadjuteur, Dom Pierre Richelme, procu-
reur, auxquels nous avons fait savoir l'objet de notre mis-
sion et Dom Prieur nous avant conduits dans un apparte-
mcn! dé|iendant de sa cellule, nous v avons pris séance et
à l'instanl sont survenus Dom Arsène Fournier, vicaire,
Dom Laurent ALirtin, ancien, Dom Léon LIonoré d'Azan,
Dom Bruno L'gla, Dom Joseph Martinet, Dom Ignace Cha-
balier, sacristain, Dom Etienne Michel, Dom Antoine Gar-
nier, Dom Auguste Dupont, frère Bruno Bernât, frère Au-
gustin Joubert et nous avons fait lecture par le dit sieur
Spigne à tous les religieux de l'article 5 du décret précité
portant :
(( ]>es officiers municipaux se transporteront dans la hui-
« taine de la publicité des présentes, dans toutes les maisons
LE MONASTERE DES CHAKrKKlX DE MARSEILLE 47
(( de religieux de leur territoire, s'y feront représenter tous
(( les registres et comptes de régie, les arrêteront et forme-
« ront un résultat des revenus et des époques de leiu"
« échéance, ils dresseront sur papier libre et sans frais un
« état et description sommaire de l'argenterie, argent mo-
(( noyé, des effets de la sacristie, bibliothèque, livres manus-
(( crits, médailles et du mobilier le plus précieux de la Mai-
(( son en présence de tous les religieux à la charge et garde
(( desquels ils laisseront les dits objets et dont ils recevront
(( les déclarations sur l'état actuel de leur Maison et de leurs
(( dettes mobilières et immobilières et des litres qui les
(( constatent.
« Les officiers municipaux dresseront aussi un état des
(( religieux profes de clia(|U(' Maison et de ((Mix (jui y sont
(( affiliés avec leur nom, leur âge et les |)laces (|u'ils occu-
"(( peut, ils recevront la déclaration de ceux qui voudront
(( s'expliquer sur leur intention de sortir des Maisons de
(( leur Ordre ou d'v rester, et y vérifieront le nombre de
(( sujets que chaque Maison poiiriait contenir ».
I{l de suite nous axons réitéré aux dits religieux <|ue
nous nous sommes rendus dans leur couvent pour y exé-
cuter dans ses divers chefs rarlicle ci-dessus transcrit et
nous les avons re(|uis vn conformité du jiremier chet de
nous représenter tous les registres et comptes de régie à
l'effet de les arrêter et former un résultat des revenus et
des épo(|ues de leurs échéances.
Sur ([tioi Oom I.anfant, prieur, notis a rei)résenle:
I" l'n registre relié en i^archemin coté sur la couxcrture
Livre Trésor A, ayant 27F pages d'écriture contenant la
copie de divers actes, d'achats, investiture, vente, dona-
tion, quittances, arrentement, fondations et autres, obser-
vant qu'avant les dites 271 pages il y a 14 feuillets, le pre-
mier en blanc que nous avons batonné, les 6 suivants con-
48 MARC DUBOIS
lenani l<i table des divers actes contenus dans le dit
registre, à l'exception d'une partie du quatorzième feuillet
qui est en blanc et que nous avons batoné. Les 8, 9 et
10® feuillets sont en blanc et nous les avons batonés, les
3 feuillets suivants et partie de la 27^ page contiennent la
copie de deux actes, le restant de la dite 27^ page est en
blanc ainsi que la 28* et nous les avons batonés.
2° Un second registre relié en parchemin, coté Livre
Trésor B dont les 3 premiers feuillets sont en blanc et nous
les avons batonés, les 21 suivants sont écrits et contiennent
copie des divers actes, lettres, billets et autres ; tous les
autres feuillets du dit registre sont en blanc et nous en
avons batoné la première page.
3° Un registre relié en parchemin contenant 182 feuil-
lets coté sur la couverture Livre des Directes de Id Char-
treuse en 1735 contenant les notes des diverses directes que
la Chartreuse possède dans Marseille et dans son territoire
et de celles qui sont éteintes, observant que d'intervalle en
intervalle il y a des feuillets, des pages et des parties de
pag-es en blanc, tous lesquels blancs nous avons batonés.
4° Un autre Registre de Directes relié en peau contenant
i()5 feuillets dont plusieurs sont en blanc d'un intervalle à
l'autre, les uns en totalité, les autres en partie et nous avons
batoné tous les dits blancs.
5" Un registre relié en parcliemin relié coté sur la cou-
verture 1768 Livre des Comptes rendus de la Chartreuse
de Marseille dont le premier feuillet est en blanc, les 79 sui-
vants en écriture et les autres en blanc, nous avons batoné
les 2 pages du premier feuillet et la première page du
81- feuillet.
6° Un caver contenant 94 feuillets couvert d'une feuille
de papier blanc est Cayer de la Recette Générale, les deux-
premières pages en blanc, la troisième partie écrite et con-
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX DE MARSEILLE 49
tenant 12 articles de recettes à compter tlu 15 mars 17S3,
la quatrième en blanc, les 12 suivantes écrites, la dernière
portant un résultat de 4695 livres, la 15^ et i6*' en blanc,
la 17^ écrite, la 18* écrite aux deux tiers finissant par un
article du 5 octobre de 135 livres, les 19' et 20'' en blanc, les
21% 22*^ et 23^ écrites, la 24^ ayant trois sortes d'écriture, et
portant un résultat de 728 livres, 18 sols; les 25^ et 26* écri-
tes, la 27^ aux deux tiers écrites avec un résultat de 777 li-
vres 18 sols, la 28* avec deux articles batonés, la 29* et
30° écrite avec un sommaire de 1007 livi-es 18 sols, les 4 pa-
ges suivantes en blanc, la 35* écrite, les 7 suivantes en
blanc, les 43% 44^ et 45* écrites, la 46* aux deux tiers écrite
finissant par un article du 2 janvier 1790: vente de choux,
dix-huit li\res suivi d'un article du dit, vente de choux
et céleris en blanc, tout le restant du dit cayer en blanc
nous avons batoné toutes les pages et parties de pages trou-
vées en blanc, ainsi que la 47^ formant la première du res-
tant du dit cayer.
7° Un cayer couvert de papier bleu intitulé Cayer des
D'épcnses Générales, contenant 94 feuillets, le premier en
blanc, les 53 suivants, les uns écrits en totalité, les autres
en partie, les autres en blanc. Le premier article est à la
page 3 sous la date du 26 janvier 1783 et porte payé les
décimes 416 fivres 13 sols et 6 deniers. Le dernier article
est sous la date du 23 janvier 1790 et porte 2 livres sucre
tapé à 19 sols, une livre chocolat à 4 sols, 3 livres; après
cet article est un sommaire de 477 livres 6 deniers. Nous
avons batoné toutes les feuilles, pages et parties de pages
que nous avons trouvées en blanc.
Nous avons ensuite arrêté chacun de ces registres et
livres sur la dernière page d'écriture et les ayant examinés,
nous avons formé les résultats des revenus de la Chartreuse
de Marseille et de leurs échéances ainsi qu'il suit :
4
50
MARC DUBOIS
1° La Chartreuse de Marseille possède le domaine dans lequel
sont enclavés l'église, le cloître et les cellules des religieux, le dit
domaine consistant en terre, vignes, arbres, prés et jardin^que les
religieux nous ont déclaré être improductif année commune, déduc-
tion faite des frais de culture. La somme de 2050 livres.
2° Une petite maison dépendant du dit domaine, produisant un
loyer annuel de 16S livres payables la moitié à la Saint-Michel et
l'autre moitié à Pâques.
3" L^ne maison contiguë produisant un loyer annuel de 40 livres
payables aux mêmes époques.
4° Une maison contiguë produisant un loyer annuel de 4S livres
payables aux mêmes époques.
5° Une maison contiguë produisant un loyer annuel de (8 livres
payables aux mêmes époques.
6° Une autre maison contiguë produisant un même loyer de 18 liv.
payables aux mêmes époques.
7° Une maison contiguë produisant un loyer annuel de 36 livres
payables aux mêmes époques.
NOTA. — Ces 6 araentements sont passés par convention verbale
attendu le peu de valeur des maisons qui sont très petites.
8" Un moulin à vent appelé de MATALIAN avec son régale et
ses agrès, situé au cjuartier de la Magdeleine.
9° Un moulin à eau situé au c^uartier de Saint-Just. Ces deux
moulins sont arrentés conjointement par acte du 12 juillet 1786 aux
écritures de ]\P Sard, notaire, dont l'extrait nous a été représenté
et produisant un loyer annuel de iqq livres, paj-ables aux mêmes
époques.
lo'* L^ne propriété dite MATALIAN située au quartier de la Mag-
deleine consistant en terre, vignes, arbres, bâtiments, de la conte-
nance d'environ 25 cjuarterées tenue à mégerie par François Mar-
tin suivant l'acte du 29 juillet 1784 aux écritures de ^NF Sard, notaire
dont l'extrait nous a été représenté que les religieux nous ont dé-
claré produire année commune déduction faite des dépenses :
480 livres.
1 1" Une propriété de terre, vignes et bâtiment au quartier de Saint-
Just, tenue à mégerie par Joseph Arnaud, suivant l'acte du 29 juil-
let 1784 aux écritures de M® Sard, notaire, dont l'extrait nous a été
représenté, la dite propriété de la contenance d'environ 25 quarte-
rées produisant année commune, déduction faite des dépenses :
600 livres.
12" Lin jardin en arrosage près HORTOTAILLES, vignes et trois
bâtiments de la contenance d'environ 22 quarterées au cjuartier de
la IMagdelaine, affermé à Antoine Caillol 23ar acte du 6 novembre
LE MONASTÈRE DES CTTARTREUX DE ISIARSEILLE 5T
1787 aux écritures de I\P Sard, notaire, dont l'extrait nous a été
présenté, au prix de 1500 livres payables moitié à Pâques et moitié à
St-Michel.
13° Un petit jardin de la contenance d'environ une quartcrce 1/2
au quartier de la Magdeleine, affermé à Louis Saccoman par acte
du 2 août aux écritures de M" Sard, notaire, dont l'extrait nous a
été représenté au loyer annuel de 35 livres payables aux mêmes
époques.
14° Une propriété en vignes, arbres et terrains non complantés
et bâtiment et une petite terre appelée la VITRIERE le tout d'en-
viron iS quarterées située au quartier de Saiht-Just, tenue à mégeric
par Jean Rougier suivant l'acte du 27 juillet 1784 aux écritures de
M^ Sard, notaire, dont l'extrait nous a été représente du produit
annuel d'envfron 425 livres.
15° Une propriété en vignes, arbres, deux bâtiments d'cnvirtm
18 quarterées au quartier Saint-Just, tenues à mégerie par Claude
Jansolen, suivant l'acte du 27 juillet 1784 aux écritures de ^I" Sard,
notaire, dont l'extrait nous a été représenté du produit net et annuel
d'environ 690 li\'res.
16" Une propriété de terre, vignes, jardin, près, bâtiment, moulin
à eau, le tout au dit quartier de Saint-Just. d'environ 12 quarterées
affermé à Jean-Pierre Garoute par acte du 5 septembre 1789 aux
écritures de jNP Sard, notaire, dont l'extrait nous a été représente
au loyer annuel de 1300 livres payables moitié à Pâques et moitié
à la Saint-]Michel.
17° Une propriété de terre, vignes, arbres, bâtiment au quartier
de Saint-Jérôme de la contenance de tS quarterées tenue à mégerie
par Germain Vin suivant l'acte du 22 juillet 1784 aux écritures de
^P Sard, notaire, du produit net et annuel de 872 livres.
18" Trois maisons contigues situées dans l'enceinte de la ville de
^larseille derrière l'ISLE DU VIEUX OPERA appelées des Char-
treux transversales dans la rue de Rome à celle Saint-Ferréol, pro-
duisant un loyer annuel de 2100 livres payables moitié à Pâques et
moitié à St-Michel suivant l'acte du 2 octobre t7?52 aux écritures
de M® Sard, notaire, dont l'extrait nous a été représenté.
19" Une autre maison RUE DE LA -GLACE produisant suivant
le même acte un loyer annuel de 700 livres payables aux mêmes
époqties.
20° Une boutique dépendante d'une grande maison que la Char-
treuse possède RUE DE ROME produisant suivant le même acte
un loyer annuel de 500 livres payables aux mêmes époques.
21" La dfte grande maison, rue de ROME et une petite maison
contiguë produisant suivant le dit acte un loyer annuel de 1950 li-
vres payables aux mêmes époques.
52 MARC DUBOIS
12'^ Une grande boutique, entresols, petits magasins, caves dépen-
dantes de la dite maison produisant suivant l'acte d'arrentement du
26 mars i7<S3 aux écritures de ]NP Sard^ notaire, dont l'extrait nous
a été représente un loyer annuel de 1048 livres, payables aux mêmes
époques.
IMontant des produits et loyers des immeubles de la Chartreuse
ci-dessus détaillés : 14877 livres 19 sols.
23° La Chartreuse de INIarseille retire annuellement de la Char-
treuse de Villeneuve une pension de 3.000 livres, savoir: la moitié
à la Nativité de St Jean-Baptiste et la moitié aux fêtes de Noël,
observant que Dom Lanfant prieur, nous a déclaré c^ue cette pen-
sion par son acte constitutif du 22 janvier 1633 est de 4.000 livres,
mais que depuis plusieurs années la Chartreuse de Villeneuve l'a
réduite aux dites 3.000 livres.
24° Soixante articles de DIRECTE suivant l'acte ci-joint que nous
avons dressé sur les livres terriers cjui nous a été représenté par Dom
Prieur et que nous avons parafé en présence des religieux produi-
sant les dits 60 articles annuellem.ent la somme de 17 livres 19 sols
3 1/2 deniers.
25'^ Trois de ces immeubles étant possédés par la main morte pro-
duisant tous les dix ans un demi lods de quatre cent dix neuf livres
cinq sols six deniers donnant un revenu annuel de 41 livres 18 sols
6 deniers.
Et ainsi que dessus nous avons procédé et formé le résultat des
revenus de la ^Maison religieuse des Pères Chartreux de la ville de
Marseille et des épociues de leur échéance, s'élevant les dits revenus
à la somme de 17937 livres, 16 sols, g 1/2 deniers et avons signe
avec tous les religieux et ]\P Spigne, greffier subrogé, ayant ren-
voyé la continuation de nos opérations à demain 30 de ce mois à
neuf heures du matin. Suivent les signatures de : Fr. Etienne Lan-
fant, prieur ; fr. Léon Honoré d'Azan ; fr. Arsène Fournier, vicaire ;
fr. Laurent ^lartin, ancien; fr. Martial Louvet. coadjuteur; fr. Au-
gustin Dupont ; fr. Joseph Martinet ; fr. Bruno Ugla ; fr. Etienne
INIichel ; fr. Antoine Garnier ; fr. Pierre Richelme, procureur ;
fr. Ignace Chabalier, sacristain; fr. Bruno Bernard, convers ; fr.
Auguste Jouberl, convers ; G. ]\Ierle, ofF. m.unic. ».
Relevé des Terriers de la Chartreuse
DIRECTKS PAYABLES A LA MI-AOUT
— Une directe sur une quarterée d'une propriété située au quar-
tier de la Pinède ou des Petites Crottes (sivo très frayic:) possédée
par Catherine Rodere, épouse de Claude Arnuux, au cens annuel de
3 sols 9 deniers.
LE MONASTERE DES CHARÏRKUX DE MARSEILLE 53
— Une directe sur un jardin au ciuartier de St. Bausillys ou la
.Magdelaine, de la contenance de 3 quarterées, possédée par Josej)h
lirunet au cens annuel de 16 sols.
— • Une directe sur 5 cjuarterées dun jardin contiguë possédée par
le dit Brunet au cens annuel de 33 sols 9 deniers.
— Une directe sur une propriété au quartier du Malepogne de
la contenance de 5 quarterées appartenant à Claude Toussaint Jour-
dan au cens annuel de 16 sols.
— Une directe sur 3/4 de quarterée d'une propriété au quartier
de St. Just possédée par Joseph Bittit au cens annuel de 4 sol?
6 deniers.
— Une directe sur 3 c^uarterées 1/2 et deux bfttiments d'une pro-
priété au C[uartier de St. Just possédée par Jean Honoré Rossel au
cens annuel de 6 sols, 6 deniers.
— Une directte sur 3 cjuarterées cent deux dextres d'une propriété
au cjuartier du Jarret, possédée par Pierre André de Louvioou au
cens annuel de 4 sols.
— Une directe sur une propriété au quartier de Plombières,
possédée par Anne Germaine Gratian au cens annuel de 6 deniers.
— Une directe sur 2 c^uarterées 3/4 d'une propriété au quartier
d'Eygalades ou la Granegue possédée par André Louis et Joseph
Garelle fils et héritiers de Jean Pierre au cens annuel de 3 sols
6 deniers.
— Une directe sur 3 quarterées 84 dextres d'une propriété au
quartier de Caravele ou St. Louis possédée par le sieur Delon au
cens annuel de i denier.
— Une directe sur 3 quarterées d'une propriété au quartier St.
Just possédée par Dlle Giraud Bouffier au cens annuel de 9 sols.
— L'ne directe sur une quarterée de jardin dépendant de 4 quar-
terées 24 dextresj au quartier St. Bausilly, sive la Magdelaine pos-
sédée par Joseph Brunet au cens annuel de 7 sols 6 den.
— Une directe sur une quarterée 2/3 de jardin au quartier de St.
Bausilly sive la Magdelaine possédée par Joseph Brunet au cens
annuel de 24 sols,
— Une directe sur une propriété de terre et bâtiments de la con-
tenance de 2 quarterées 1/2 au quartier de Montolivet possédée par
M. de Varage au cens annuel de 2 sols.
— iJne directe sur 3 Cjuarterées 68 dextres 5 pans compris le
bâtiment au quartier de la Petite Crotte ou la Tune ou le Canet.
possédée par :Marguerite Jaubert avec cens annuel de i sol, 6 deniers.
— Une directe sur 2 quarterées 1/2 au quartier de St. Ginies. An-
tignane ou Gironde, possédée par la Maison de l'Oratoire au cens
annuel de 10 sols.
54 MARC UUBOlS
— Une directe sur une propriété de la contenance de 4 quar-
térées 16 dextres en terre et bâtiment au quartier des Escaliers pos-
sédée par Dlle Thérèse David, Veuve de Je^n Claude Founat et
épouse de Guilliiunu- Caillol^ cohéritier du dit David au cens annuel
de 2 sols,
— Une directe sur 2 quarterées 1/2 au quartier de St. Loup ou la
Monte possédée par Anne Catherine de St. Jacques de Ferri, épouse
de François Xavier Bruno de Rians, au cens annuel de 2 sols.
— Une directe sur 3 quarterées d'une propriété en terre en bâti-
ment au quartier de St. Ginies ou Gironde possédée par Louis
Guillaume Feraud, héritier de Dlle Feraud Vve Romanet sa sœur,
au cens annuel de 3 sols.
— Une directe sur 2 quarterées de propriété au quartier de St.
Ginies ou Gironde possédée par le frère Pierre Allard au cens annuel
de I sol 6 deniers.
— Une directe sur 3 quarterées de propriété au quartier de Ste
Marthe ou au vallon de Bernassot possédée par Jean André Rous-
sel au cens annuel de i denier.
• — Une directe sur une propriété en terre et bâtiment de la conte-
nance de 2 cjuarterées au quartier de Caravelle ou St. Louis possédée
par Gaspard Ferry, héritier de demoiselle Guinbaud sa tante au
cens annuel de i sol 6 deniers.
■ — Une directe sur une propriété de terre et bâtiment de la
contenance de 12 quarterées en 2 parties au quartier des Rives de
la Gardy possédée par Pierre Michel Julien au cens annuel de 2 sols.
— -Une directe sur 2 quarterées au quartier de Pie de Boutor ou
Belle de May possédée par André Etienne Aillaud procureur avec
un cens annuel de i sol 10 deniers.
— Une directe sur une propriété de la contenance de 12 quarte-
rées 108 dextres en terre et bâtiment au quartier de St. Jérôme ou
Bernassot possédée par Marie Geneviève Bœuf veuve de François
Quilhet héritier de Antoine Bœuf au cens annuel de 3 sols 9 deniers.
— Une directe sur une propriété de la contenance de 2 quarte-
rées 119 dextres au quartier St. Jérôme ou Malpasset de Saules pos-
sédée par sieur Guillaume Guien au cens annuel de 2 sols 6 deniers.
— Une directe sur 2 quarterées au quartier de St. Just possédée
par François Goujon au cens annuel de 1 sol 3 deniers.
— Une directe sur une propriété en terre et bâtiment contenant
4 quarterées au quartier St. Just possédée par Joseph Jaubert, mari
et maître de la dot et droits de demoiselle Marie Anne Lombard,
fille de Claude Povolenc au cens annuel de 2 sols 6 deniers.
• — Une directe sur 2 quarterées au quartier du revers de la
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX UK MARSEILLE 55
Garde ou (iinmdc, possédée pur l'iurrt- l'autun au <:ens annuel
de 3 deniers.
— Une directe sur 2 ijuarlerécs el 2 lieis au quartier ilu vallua
de Lombre ou Gironde possédée par Elisabeth George veuve et
usufruitière au cens annuel de i sol 4 deniers.
— Une directe sur une propriété en terre et bâtiment de la
contenance de 7 quarterces au quartier de Montolivet ou Roque-
franque ou St. Just, possédée par Antoine Balthazard Guien au cens
annuel de ;^^ sols.
— Une directe sur i quarterée 1/2 et 8 dextres au quartier de
Queiran St. ïhis ou St Loup possédée par Thérèse Arnoux veuve et
usufruitière de Toussaint Deidier au cens annuel de 9 patats fai-
sant 13 deniers 1/2.
— Une directe sur 4 quarterées au quartier de Monteault possédée
par dame Marie Anne Thérèse Ferrary veuve et usufruitière de
Pierre Cordin, au cens annuel de 5 sols 3 deniers.
— Une directe sur une quarterée 111 dextres et 12 pans au quar-
tier de Bouquiens, ou Gat-mort possédée par Claude Billion au cens
annuel de 2 sols 7 patats.
— Une directe sur 2 quarterées 125 dextres d'une propriété de
4 quarterées au quartier de Bouqieres ou Gat-Mort possédée par
Claude BillioUj le restant in solidum au sieur Roman au cens annuel
de 2 sols 3 patats et i denier.
— Une directe sur 5 quarterées 40 dextres au quartier St. Ginies
possédée par sieur Rey au cens annuel de 12 sols.
— Une directe sur une c^uarterée au cjuartier St. Just possédée
par Jacques Tassy fils et cohéritier de Jean Tassy au cens annuel
de 6 deniers.
— ■ Une directe sur une propriété de terre de la contenance de
7 quarterées au quartier St. Marcel possédée par sieur Jauflfret au
cens annuel d'1/2 denier.
— Une directe sur un moulin à blé, un foulon et deux paroirs
y contigus ensemble un jardin et pré y attenant de la contenance
de 3 quarterées au quartier de St. Marcel possédée par Sieur Jauf-
fret au cens annuel de i denier.
— Une directe sur un tiers de quarterée au quartier St. Ginies
vallon de Lombre ou Gironde possédée par dame Magdelaine de
Perrin au cens annuel de 9 deniers.
— Une directe sur 6 quarterées de propriété en terre et bâtiment
au quartier de la Petite Plombière ou Gibbes possédée par Antoine
Basile [Mathieu Barbarin au cens annuel de 6 sols.
— Une directe sur une propriété en terre et bâtiment de la conte-
j6 MARC DUBOIS
nanco de 7 quarterces au quartier des Baumes Laugières ou Bombi-
nette possédée par Simon Louis Seguin au cens annuel de 30 sols.
— - Une directe sur une propriété en terre et bâtiment de la con-
tenance de 4 quarterées au quartier du revers de la Gardy ou l'Hom-
mefé possédée par Pierre Michel Julien au cens annuel de 15 depiers.
— Une directe sur 3 quarterées de terre inculte au quartier de la
Gardy ou l'Hommefé possédée par Pierre Faucon au cens annuel
de 3 deniers.
— Une directe sur une quarterée de terre en jardin et bâtiment
au quartier de St. Bausily sive Magdelaine possédée par Joseph
Brunet au cens annuel de 7 sols 6 deniers.
— Une directe sur 1/2 quarterée de jardin au quartier St. Marcel
possédée par Jean Rey de Foresta donataire de dame Pauline Féli-
cité de Foresta sa sœur, héritière de Paul de Foresta, son père, au
cens annuel de 9 sols.
— • Une directe sur une propriété de 3 quarterées en terre et bâti-
ment au quartier de St. Ginies possédée par Dame Rose Rouve
veuve et usufruitière du sieur Lambert au cens annuel de 3 sols.
— Une directe sur une propriété en terre et bâtiment de la con-
tenance de 14 quarterées 3/4 au quartier de la Cavalerie Subeirane
possédée par sieur David Jean Vincent et François Hyacinthe David
ses frères, au cens annuel de 11 sols 3 deniers.
— Une directe sur 7 quarterées moins 13 dextres au quartier d'Ey-
galade fremo mouerto possédée par Joseph Hugues au cens annuel
de 7 sols 6 deniers.
— Une directe sur 3 quarterées 34 dextres au quartier du Canet
ou Bouquières sive Gâte mort possédée par Claude Billion, au cens
annuel de 3 sols.
— Une directe sur une maison située rue de la Loge ou du Change
possédée par l'Hôpital de la Miséricorde au cens annuel de 4 deniers.
— Une directe sur une portion d'une grande maison rue Date-
lier possédée par Pierre André Paule de Louvicou au cens annuel
de 3 patats.
— Une directe sur un jardinet bâtiment de la contenance de
50 cannes carrées au quartier de St. Just possédée par Louis Pina-
tele au cens annuel de 7 sols.
— Une directe sur un terrain en deux parties de la contenance
de 88 cannes carrées et 6 pans au quartier de St. Just au cens annuel
de 12 sols.
— Une directe sur un jardin et bâtiment de la contenance de
44 cannes carrées au quartier de St. Just possédée par François
Rougier au cens annuel de 3 sols.
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX DE MARSEILLE 57
— Une directe sur un terrain et bâtiment de la contenance de
50 cannes carrées au quartier de St. Just possédée par Pierre Bol
au cens annuel de 5 sols.
— Une directe sur une quartorce 3/4 au quartier de la Magde-
laine possédée par Antoine Isnard lequel a désemparé 60 cannes
carrées à Grégoire au cens annuel de i denier.
— 27 cannes carrées à Mathieu Drivet au cens annuel de i denier.
— 51 cannes 5 pans carrés au cens annuel de i denier.
— 3 des immeubles serviles à la Chartreuse étant possédés par
la main morte produit tous les 10 ans i lod 1/2 de 419 livres 5 sols
6 deniers donnant un revenu annuel de 41 livres 18 sols et 6 denicis.
Auquel état des directes de la Chartreuse de Marseille nous Jean
Gabriel Merle et Jean François Lieutaud, officiers municipaux écri-
vant 'Sl^ Spigne greffier svibrogé, avons procédé en présence des
religieux dénommés dans notre procès verbal d'aujourd'hui auquel
le présent sera joint et avons signé avec les dits religieux et M® Spi-
gne, greffier subrogé. A Marseille le 29 avril 1790. Signe:
Fr. Estienne Lanfant, prieur; fr. Arsène Fournier, vicaire; fr.
Laurent Martin, ancien; fr. Martial Louvet, coadjuteur; fr. Augus-
tin Dupont ; fr. Joseph Martinet ; fr. Léon Honoré d'Azan ; fr. Bruno
Ugla; fr. Etienne Michel; sacristain; fr. Bruno BernaTd convers ;
fr. Augustin Joubert, convers; G. Merle, off. munie. »,
CHARGES
Nous reproduisons l'état des Charges du couvent d'après la décla-
ration faite par le prieur le 22 février 1790 (arch. dép. Q).
« — Rente à la Gdc Chartreuse sur un capital
500 livres 500 livres
— Rente à la Chartreuse de Valbonne sur un
capital de 3500 livres 140 »
— Au Chapitre de St. Victor et à la Comman-
derie de Marseille 5 différents 1/2 lods tous
les 10 ans, montant à 424 liv. 3 sols, 6 de-
niers, revenant année commune 42 liv. 3 s. 6 d.
— En nourriture, vestiaire, feu de 19 religieux
en frais 1 1.200 livres
— Gages et nourriture de 7 domestiques à 400
livres chaque 2.800 »
— Entretien de l'église, sacristie, cellules du
cloître, bâtiments de campagnes, maison en
ville et aumônes 4-3oo »
j8 MARC DUBOIS
— Los décimes 975 liv. 13 sols
— Contributions nouvellement établies par la
ville de .Marseille 849 liv. 15 sols
Total des charges 20.867 ^i'^- n s. 6 d.
NOTA. — 11 y a pour l'année un déficit de 2691 livres 13 sols,
lequel ayant sensiblement augmenté depuis sept ou huit ans en
raison des sécheresses et des mauvaises récoltes, a obligé la Char-
treuse à faire des abandons en faveur de ses rentrées:
— 1300 livres à Jean Pierre Garoutte, fermier du Jardin de St. Just.
- — 1500 livres à Balthazard Olive sur celle du jardin de la Magde-
laine.
— Perte considérable en vin qui donnait un produit annuel de
3600 livres.
— Démolition d'un grand bâtiment, nouvelles murailles, coupement
de terrain et reconstruction à neuf dudit bâtiment. Ces pertes ont
occasionné à la Chartreuse un déficit de 21.933 ^^^^- 9 ^^^^ 7 deniers.
On observe que la dépense de la maison construite à neuf et les
murailles de clôture ayant occasionné à la Chartreuse une dépense
d'environ 1.200 livres, le déficit actuel est de beaucoup diminué puis-
qu'on a laissé à la Nation un capital tout neuf avec deux jardins
qui en sont dépendants et qui compensent pour plus de la moitié
les arrérages dûs.
■ — Il a été porté à l'hôtel de la I^lonnaie le 16 novembre 1789 divers
objets d'argenterie ayant produit la somme de 2216 livres 2 sols
6 deniers.
— Mobilier non évalué.
— Objets en argent 47 marcs, 3 onces (inventaire des objets pré-
cieux) ».
Créance sur la Chartreuse
On ne fait état que de la réclamation suivante:
Marseille le 23 Messidor an 9 de la République Fran-
çaise. Le Préfet des Bouches-du-Rhône au maire de la
Commune du Xord,
<( Je vous fais passer, citoven, les titres de la créance
de l'Aumônier Général d'Avignon au nombre de six pièces
sur la ci-devant Chartreu.se de Marseille. Je vous invite à
précéder la liquidation provisoire de cette créance en con-
formité des dispositions contenues aux articles iS de la
LE MONASTÈRE DES CHAirr^EUX DE MARSEILLE 59
loi du 2^ messidor, an 2% 42 ci 4;, de (vllc du 24 fiimain.'
an (). \>uillez bien accélérer cette li(|uidaii(.ii ci m'en l'aire
le renvoi incontinent potn- (|iie je puisse la taire parvenir au
liquidateur i^énéral de la delte ]Hii)Ii(iue (|ui tloit en terminer
la liquidation délinitive.
Je vous salue. Ch. Delacroix.
ARRÊTÉ DE l'aD.MIMSTI-IATION Df Dl':t'ARTi:.Mi: NT
DES 1^0LCHES-I)U-RH(JXE
Vu l'extrait du pi'ocès-vei'bal d'enchères du Directeur du
district de Marseille du 5 juillet dernier pour la vente du
Domaine des cy-devant Chartreux, d'après le plan géomé-
tral qui le divise en 14 lots le dit procès-verbal contenant les
protestations des commissaires nommés par la commune de
la dite ville, contre l'adjudication de la \-ente faite aux
sieurs Chapellon et Devilliei's de 18 quartei'ées dépendant
du dit domaine des Chartfeux, à cause descjuelles protesta-
tions il a été superiodé à la dite vente par le Directeur du
district,
La délibération de la commune de Marseille du 4 juillet
portant nomination des Commissaires pour faire les dites
protestations,
Ouï le procureur général syndic provisoire,
L'Administration du Département arrête (|ue le Direc-
toire du District de Marseille procédera à la vente du do-
maine des ci-devant chartreux malgré l'opposition de la
municipalité de Marseille et pour lui à la municipalité de
la même ville.
Fait à Aix en l'administration du département le 6 aofit
1792. L'an quatrième de la Liberté, présents T) membres,
signé Truchement.
Président en absence, Descene sec. gén.
Conforme à l'oiiginal adressé au district de Marseille,
Guerard, sec.
6o MARC DUlJUlS
niFNS A VK.NDRR
l-'.xlrait de la biodiurc im])iirnée à Ararscillc chez Jean Mossy
père et fils, imprimeurs de la Nation, du Roi et de la ville, -790,
donnant l'état des Biens Nationaux à vendre.
(( Chartreux. — ■ 7178 cannes carrées. Le sol et la bâtisse du couvent,
cloître, dortoirs, église, cours et terrains contigus évalués à 60720
livres. De plus il y a d'affermé : une maison rue de la Glace^ louée
700 livres.
— Quatre maisons contigués sur la rue de Rome et des Chartreux
louées 4550 livres.
— Une grande outique, entresols, Cfuatre magasins, une petite,
cave dépendante de la plus grande de ces c^uatre maisons, loyer
de 104S livres.
BIENS RURAUX
Le domaine formant 3 propriétés contiguës en terres, vignes^
arbres, prés et jardins, produisant environ 2150 livres.
Une petite maison en dépendant 16S livres.
Une maison contiguë 40 livres.
» )> » 48 »
» )) » 18 »
» » » 18 »
» » » 36 »
Un moulin à vent appelé du MATALIAN avec son régale et ses
agrès, quartier de la Magdelaine, un moulin à eau quartier de St.
Just, conjointement loués, 199 livres 19 sols.
Un jardin dont l'entrée est vis-à-vis la Place des Chartreux con-
tenant environ 22 quarterées consistant en pré, jardin, vignes et bâti-
timents 1500 livres.
Petit jardin contiguë d'environ i quarterée 1/2 quartier de la Mag-
delaine, 135 livres.
L'ne propriété dite du MATALIAX quaitier de la Magdelaine oîi
il y a deux bâtiments en terres, vignes, arbres, d'environ 5 quar-
terées tenue à mégerie, produisant"^ déduction faite des impenses.
480 livres.
L'^ne maison de campagne sur le chemin de St. Just avec un terrain
inculte, non affermé, produisant annuellement environ 300 livres.
Un petit jardin clos, ayant son entré'e sur le petit chemin du mou-
lin à vent, d'environ 1/3 de quarterée non affermé.
Une campagne sur le chemin de St. Just vis-à-vis la Chartreuse
contenant environ 25 quarterées oîi il y a un bâtiment appelé AIMAR
tenue à mégerie produisant, déduction faite des impenses 600 livres
environ.
Une autre campagne au nord de la Chartreuse contiguë au cloître.
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX DE MARSEILLE 6l
contenant environ 15 quarterces avec un bâtiment tenue à mcgeiic
produisant environ 275 livres.
Une partie de terrain de la même campagne contenant environ
I quarterée 1/3 produisant 100 livres.
Un terrain appelé la VITRIERE sur le clu-min de St. Just d'en-
viron I quarterée 1/2 tenue à mégerie et du produit de 50 livres.
Ces trois parties formant une propriété en vignes, arbres, ter-
rains non complantés, etc..
Une propriété dite la VEUNE sur le même chemin d'environ
18 quarterées, 2 bâtiments, arbres, vignes, tenue à mégerie au pro-
duit de 69 livres.
Une autre propriété, appelée la MURE en terre, vignes, jardins,
prés, 2 bâtiments, moulin à eau, au quartier de St. Just, d'envi-
ron II quarterées, affermés 1300 livres.
Une propriété en terre, vignes, arbres, bâtiments, quartier St.
Jérôme, d'environ iS quarterées, tenue à mégerie au produit de
872 livres ? »
La vente de ces biens ne se fit pas en même temps. Serait-
ce dû à l'opposition faite par la numicipalité qui await mo-
tivé un arrêté du département des Bouches-du-Rliône ou
pour toute autre cause? Quoiqu'il en soit nous trouvons
deux affiches aux archives, l'une indique la vente des biens
pour le 1 1 juin 1793 ; l'autre sans date, indique l'enchère de
trois immeubles sur lesquels il v a déjà une enchère de
140500 livres.
Pensions accordées aux Chartreux
par le district de Marseille 1792-1794
Le décret de l'As-semblée Xalionale du 4 février 1 7()0
a\ait tixé dans son article 3 qu'il serait pourvu au sort des
religieux par une pension convenable. \'oici d'après les
états relevés aux archives départementales la liste des pen-
sionnaires Chartreux du disti-ict dressés de 1792-1794 '. Sur
celle-ci figurent les noms des Pères et des Frères qui .se
trouvaient au couvent à cette date.
Ltienne Lantanl, iigé de
plus de 70 ans 1200 livres |i,ir an, 27 avril 92
• Arch. dép. Chartrcu.x. Reg. L. 492. Cid rallier L. 123.S. L. 1225-
L. 1232.
62
MARC DUBOIS
jMartial Loiivet, âgé de
])lns de 70 ans
A ni. (kirnier, né le 11
fév'j'ier 1 740
Jean Bruno Inibert
Pierre Richelme
Aiig-. Dupont, né le 29
août 1735
Jh. Martinet, né le 23 dé-
cembre 1750
Jh. André, né (en blanc).
Henri Terris, né le 2 no-
vembre 1753
Jh. Louis Roux, né le 2
mars 1753
pois Martin, né le 31 dé-
cembre 1746
Jean Imbert, né le 24 fé-
vrier 1731
Jean Fournier, né le S juil-
let 1737
J.-B. Coustaing', né le 14
octobre 1760
Hilarion Barthe, né le
6 octobre 1750
pois Bij^ric, né le 26 juin
1730
Lazare Pacôme Féraud, né
le 31 août 1745 /'
J.-B. Féraudy, frère donné
Jh. Laforgue, frère donné
Ant. Joubert, frère convers,
né le 9 février 1741
1200 lixres jiar an, 9 juin 92
1000 livres par an »
1000 livres par an
1000 livres par an
1000 livres par an
1000 livres par an
1000 livres par an
900 livres par an
900 livres par an
aucune somme ne figure à côté
de leurs noms
300 livres iS avril 1792
300 livres iS avril 1792
(aucune somme indiquée)
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX DE MARSEILLE 6^
Requête pour le R. D. Martial Louvet
La pension de niilU' livres accordée |)riniitivenienl à I).
.Maniai Louvet ayant été tromée insuffisante, il adresse
la requête suivante qui fut rejetée.
(( A Messieurs les Président et Administrateurs du Direc-
toire du district de Marseille.
Dom ^Lirtial Louvet, prêtre coadjuteuf de la Chartreuse
de AL'irseille, a l'honneur de vous représenter cju'il est âgé
de soixante neuf ans, étant né à Avignon le 7 mars 1722 et
religieux profes de la Chartreuse de \'illeneuve-les-Avignon
depuis Tannée 1743.
Son état, Messieurs, est d'autant plus ;i plaindre dans les
circonstances où il va cesser de \i\ve en communauté, qu'il
est accablé d'intîrmités auxc[uelles la pension de mille livres
Cjui lui a été accordée ne suffit pas poiu' lui procurer le
soulagement dont il a besoin. Il est dénué de linge de toute
espèce et de tout autre secours, il ne trouvera pas dans la
modicité de sa pension de quoi satisfaire aux soins des
médecins et chirurgiens qui le dirigent, aux frais des dro-
gues et médicaments qu'on lui administre et aux salaires des
personnes Cjui sont chargées de le panser deux fois pai'
j<nir. Son étal d'inllrmité est justifié i)ar les certificats ci-
joint et le supliant ose espérer, AL\ssieurs, des sentiments de
justice et d'humanité qui vous dirigent, que vous daigne-
i-ez lui accorder une augmentation de traitement propor-
tionnée à tous ses besoins. 11 ne cessera de faire des vivux
au ciel pour \(^tre conserx'ation.
J. ^L-irtial Louvet, toadjuteur de la Chartreuse de Mar-
seille.'
64 MARC niBOIS
— Je Soussigné docteur en médecine de la Faculté de
Montpellier, agrégé au collège de médecine de cette \ ille
de Marseille et médecin ordinaire depuis plusieurs 'années
de la Chartreuse, certifie le contenu dans la pétition ci-des-
sus faite par le R. P. Martial Louvet, -religieux chartreux.
I^n foy de quoi j'ai signé la présente. A Marseille le 4 dé-
cembre 1790. Jourdan, médecin ».
Extrait du Registre des Délibérations du Directoire du
District.
(( \u la pétition présentée par le fr. Martial Louvet, ci-
devant coadjuteur de la Chartreuse de Marseille et les certi-
ficats au bas, qui justifient hi vérité des faits contenus en
la dite pétition.
Sur le rapport de M. Martinet, ouï M. Dominique Audi-
bert, procureur svndic, en absence et remplacement.
Le Directoire du District estime cju'il n'v a pas lieu à déli-
bérer sur 'la dite pétition. ^L^is que le département sera
prié de prendre en considération l'âge et les graves infir-
mités de ce religieux. Fait à Marseille au District du Direc-
toire le 22 décembre 1790.
Martinet, vice-président. Rafion, Bremond et Audibert,
procureur svndic en absence et remplacement. Collationné
G. Meyrard, secrétaire.
Vu la pétition du Sieur Martial Louvet ci-devant coad-
juteur de la Chartreuse de Marseille et l'avis ci-dessus du
directoire du District de ^Lirseille sur le rapport de
^l. François Omer Granet.
Le Directoire du Déparlement ouï I\L Antoine Pierre
Joubert, procureur général sxndic arrête qu'il n'y a pas lieu
à délibérer et que le présent sera envoyé au Directoire du
district de ALirseille et par lui à la- partie intéressée.
LE MONASTÈRE DES CHARTREUX DE MARSEILLE 65
Fait à Aix en Directoire le 15 février 1791. Henri Polli-
cot f. Granet.
Chargé le registre des avis du Dirccloire du Distriet de
Maiscille.
C\)tté A. F" ujo. Cuerand, secrétaire ».
Cette pension fut augmentée plus tard, nous la trou-
vons sur l'état 1792-1794 portée pour la somme de
1200 livres.
Bibliothèque du Couvent
Quel pouvait être l'état de la Bibliothèque de la Char-
treuse au temps où le couvent fut fermé en 1790? Nous
avons trouvé dans les Archives départementales le procès-
verbal de 9 vacations pour la vente de 2293 volumes, qui se
firent a la date du 31 janvier et )ours sui\'ants et qui pro-
duisirent une somme totale de 2097 livres 16 sols. Docu-
ments que nous avons publiés et qui produisirent une
somme totale de 2097 livres 16 sols. Documents que nous
avons pubfiés dans une étude précédente '. Tous les ouvra-
ges composant cette bibliothèque ne furent pas vendus, une
partie fut transportée à la ville pour sa bibliothèque publi-
que, ainsi que nous l'apprend un répertoire manuscrit con-
servé à la bibliothèque qui nous donne l'inventaire de
227 ouvrages divers, la plupart in-f° et de 57 manuscrits.
La majeure partie de ces vc/iumes provenant de la Char-
treuse de \'illeneuve-les-Avignon qui en fondant le couvent
de Marseille en 1633 avait aussi composé le fonds de sa
bibliothèque.
L'inventaire cité nous a aidé h nous former une idée de la
composition de cette bibliothèque en recherchant les ouvra-
' ProviiHia t. III. année lo::^.. p. 13-
66 MARC DUBOIS
r;-es dans Irs divers calaIo_i;-iies do celle de la \illc et en
exa minant l'un après Ta litre tous ces volumes, malheureu-
sement un certain nombre, 126 n'ont pu être retrouvés soit
(ju'ils aient rlc Aendus ou ég'art'S.
l'arnii ct's xolumes ([ui restent et forment encore le chif-
fre de 10 1 il y en a de très intéressants et d'une grande
valeur; un certain nombre contiennent de belles gravures,
des dessins h la plume ou en couleur, des lettres ornées,
etc., et sortent des imprimeries réputées du xv^ au
x\'iii^ siècle.
Nous avons essayé d'en faire un classement et d'en don-
ner une bibliographie raisonnée en reproduisant les titres
principaux des livres dans l'ordre suivant:
1° Ou\Tages de religion;
2" Ouvrages d'histoire et de géographie;
3° Littérature et Linguistique.
On voit C[ue les Chartreux savaient allier la sagesse à la
science et qu'ils se servaient de leur culture intellectuells
pour arriver à la vie parfaite.
Xous avons fait suivre cette bibliographie de la nomen-
clature des ouvrages disj^arus et identifiés comme éditions
sur le catalogue de la Bibliothèque Nationale et divers, ainsi
f^ue d'autres ouvrages cartusiens cjue possède la bii)liothè-
que de Marseille sans indications d'cjrigine. F^nfin d'une
petite étude sur les imprimeurs et leurs marcj[ues. Malheu-
reusement cette dernière étude est très incomplète, n'a}ant
pas pu avoir à notre disposition pour les consulter tous Irs
ouvrages qui ont étudié spécialement ces impriminirs.
Xous ne faisons pas paraître cette étude dans cet ouvrage,
l'ayant donnée ifi-cxlcnso à la liibliotlièfjue de la \ille. où
LE MUNAiilÈRE DES CHAKTKEIX DE MARSEILLE 67
Ton peut la consulter, ei un double exemplaire a v^té remis
à l'Ordre des Chartreux.
Dans les ouvrages cités, se trouve un volume des Sliilul.\
de l'Ordre imprimé en caractères gothiques édité à Bâle en
1510, dans lecjuel il v a deux gravures sur bois très curieu-
ses. L'une représente l'arbre de Jessé composé avec saint
Bruno, et l'autre, l'histoire de la fondation de l'Ordre par
saint Bruno jusqu'à la construction du monastère de la
Grande Chartreuse; scènes qui ont été aussi interprétées
plus tard par le peintre Le Sueur, dans ses tableaux de la
vie de saint Bruno, qui sont au musée du Louvre.
Umic DUBOIS.
QUELQUES GOUFFRES DE PROVENCE
IV. — Les Garagaî de Sainte -Victoire
Depuis que j'ai quitté Marseille, j'ai visité un certain
nombre de gouffres et rivières souterraines, dans plusieurs
régions, mais comme Marseille sera plus intéressée par la
spéléologie locale, je ne ferai que mentionner les recher-
ches en dehors dé la Provence.
De janvier 1928 à juin, mes camarades (parmi lescjuels
je dois mentionner M. P. Marcelin, conservateur du Muséum
de Ximes) et moi avons visité les Cjuatorze avens que le
regretté Mazauric n'avait pas vu sur le plateau s'étendant
au nord d'Uzès. Ce manteau urgonien (crétacé) s'est révélé
plus épais qu'on ne pensait, puiscjue, dans l'aven (( du
JVIas », près de la Bruguière, nous avons atteint 102 mètres
de profondeur verticale. Si tous ces gouffres n'ont pas donné
par eux-mêmes des résultats également intéressants, la série
des observations nous a permis de faire un rapport techni-
(jue pour le Congrès de l'Association Française pour l'avan-
cement des sciences de la Rochelle (1928). Ce rapport émet
quelcjues opinions nouvelles et corrobore certaines théo-
ries émises par E. A. Martel.
V.n juin, j'ai organisé et mené à bonne fin l'exploration
des fameux Garagaî de vSainte-X^ictoire, dont nous don-
nerons un exposé à la fin de cette note. Nous devons dire
ici toute la reconnaissance cjue nous avons envers MM. le
général commandant la X\'^ région, qui m'a autorisé à
employer des soldats d'Aix, pour transporter le matériel à
la croix de l'ro\cnce ; l'abbé Pascal (f(ui a trou\-é ime fin
' \o\ï Pro;iiicia t. VII, 1927. p. 6S et suiv.
QUELOl'ES GOl Fî RKS hr PRt )\l-\< i' 6g
si trni;i([iie dans le Verdun) et le conih- de (.asp.irin. (|iii a
C(jntribué financièrement à cette expédition.
Kn juillet-août, c'est vers le Causse Xoir (partie Sud),
que nous avons dirii^é nos recherches, et là, six avens ont
févélé leurs secrets. Le très épais manteau calcaire dolomi-
liciue du Jurassique moyen nous a laissés pénétrer jusqu'à
1.30 mètres de profondeur dans un seul à-pic à l'aven de
« La Baisse » près de Loniiuiers. Dans tous ces aoiiffres,
de grosses quantités de sables provenant de la décomposi-
tion des dolomies filtrent les eaux de percolatitjn et les res-
tituent dans les résurgences des vallées, partiellement puri-
fiées, ce cjui évite les pollutions remarquées dans les l'ésur-
gences des massifs simjîiement calcaires '.
Fin août, sur la demande de l'abbé Pascal, j'ai entre-
pris pour le compte du Touring-Club de France la des-
cente du Verdon, que cette grande Association voulait amé-
nager. Après avoir parcouru la totalité du cours du torrent
compris entre Rougon et le pont d'Aiguines ', grâce à un
équipement spécial, j'ai pu, tout en admirant les beautés
du plus grand Canon d'Europe, me rendre compte de l'im-
possibilité Cju'il V avait d'aménager tourisii(|uement ces
gorges sans les enlaidir. Un rapport spécial siu' ce voyage
vous sera fourni bientôt.
1 Xous avons, avec M. Brun d'Arrc, et son dévoue personnel
continué l'exploration, à peine ébauchée par Mazauric. de l'flvent
de Brun (près Le Vigan). Xous n'avons pu la terminer, étant donné
les très grandes difficultés rencontrées pour passer les lacs souter-
rains (température lo^s). L'un d'eux présente en son milieu un
détroit qu'on ne peut passer qu'à la nage et que nous devrons faire
sauter avec des explosifs pour permettre au bateau de faire le ser-
vice. Cet évent est une rivière à processus vauclusicn qui nous con-
duira très avant sous la causse de :Montdardier. (Larzac Est.)-
- Ce qui n'avait jamais pu être fait par personne jusqu'à main-
tenant.
ROBERT DE TOLY
^ Les GABAGAI -
SVD j^
-coupe-
5e ni de U Dio^^lafc
JiOBD
f. 5ijC^ Croix, lit IV«r«nce
Cetc'i 94<
QUELQUES GOUFFUES DE PROXENTE 7I
Le 21 septembre, j'ai eu la bonne fortune de trouver
au l'ond d'un aven noninu- k T. a l'ii^uairolle », un habitat
cnéoUlhique très important, qui m'a donné plusieurs
DoUa, de très nombreux morceaux de poteries, et deux sque-
lettes humains.
Mais revenons maintenant au Garagaï, goulïi'e fameux,
qui a fait couler tant d'encre et que les Marseillais con-
naissent bien.
In complexe d'avens s'ouvre à 900 mètres d'altitude
dans le Jurassique supérieur (J 7-5) du massif de Sainte-
Victoire. Le pendage des couches de calcaire blanc est d'en-
viron 45°. L'ne grande diaclase se voit depuis la crête jus-
qu'au milieu de la montagne: en haut, elle a été le point
de faiblesse qui a permis aux anciennes eaux sauvages de se
frayer un passage; en bas un thalweg bien marqué et pro-
fond conduit les eaux de ruissellement actuelles dans la
vallée.
Très peu en-dessous de la crête de la Croix de Provence
(94G m.), un porche-tunnel, de 15 mètres de largeur sur 5 de
hauteur, s'ouvre: il débouchait jadis dans les avens; main-
tenant il baille sur le flanc sud de la montagne, décapée
par les eaux, le vent et les éboulemenls.
Ce porche, qui dénote une grande érosion tourbillon-
naire, menait les eaux absorbées vers les abîmes, aux(|uels
la grande diaclase a servi de point de départ.
Ces avens sont au nombre de quatre: le plus haut, ayant
la plus petite entrée, est nommé le « Petit Garagai » à cause
de l'étroitesse de sa bouche souvent modifiée et remaniée
depuis sa formation; mais il est le plus important. Son
orientation est Xord-Sud, selon le sens de la diaclase.
^i ROBERT bE JOLY
Ses dimensions sont les suixantes ' : profondeur à pic sur
le cône d'éboulis: 64 mc-lres; au fond de la salle: 142 mè-
tres. Largeur de la salle: 40 mètres; hauteur: 40 -mètres;
longueur: 170 mètres. Deux petites plateformes sur la paroi
S.-E.; Tune à 29 mètres, l'autre à 58 mètres.
C'est un a\-en viort, ce cjui est naturel, étant donné sa
situation.
Par endroits, les parois sont recouvertes de concrétions
en forme d'œil de langouste (concrétions pédonculées) ; ces
dernières recouvrent entièrement les parois de deux petits
avens (o"?,8o de diamètre, 8 mètres de prof.) parallèles se
trouvant à l'extrémité S.-E. de la salle. Au fond de cette
salle majestueuse, se voit une belle cascade pétrifiée.
A l'extrémité Nord, une jolie petite grotte à plafond bas
(o'",5o à i™,5o) possède de nombreux piliers stalagmitiques
et deux beaux exemplaires de stalactites excentriques.
Au fond de la grotte, une fissure impénétrable de quatre
mètres de profondeur au sondage, porte à 146 mètres le
creux atteint. L'aven devait continuer dans cette direction.
Si la grande salle dans sa partie Sud n'a subi aucune
transformation depuis longtemps, dans la partie Nord au
contraire, on constate l'instabilité du plafond qui s'effon-
dre souvent par plaques. En effet, la patine des blocs, par
endroit énormes (20 m. c), est enlevée par des chutes récen-
tes de dalles plus ou moins grosses, ce qui met à nu le
calcaire blanc. Sur le grand éboulis, une stalagmite de
2 m. de diamètre sur 3 m. de long, de forme cylindro-coni-
que, est couchée, ayant été abattue par une de ces dalles
tombée du plafond.
On peut vérifier le pendage des strates, juscju'au contact
de la voûte et du fond pénétrable.
^ Hauteurs prises de la petite plateforme se trouvant à 6 m. 50
plus bas que le flanc de la montagne où l'aven prend naissance.
Qur:LQui:s corri-ur-s m: i'uoxkxcr
73
- LES GABA&Àî
-pian-
74 ROBERT DE JOLY
l,n li'nij)('ratiire moyeniK- de cet aven est de 15" ; à l'eK-
U'rieiir, utie heure avanl, elle était de ii"7.
Aucun ossenient n'a été vu. Cela est facilement explica-
ble par la difllcuUé d'accès de la bouche.
Il n'y a pas d'eau courante non plus, malgré les dires
récents d'un rabdomancien.
Si dix-sept hommes de troupe du 22^ Colonial mis à ma
disposition ont été nécessaires pour hisser le matériel là-
haut et exécuter les manœuvres, la descente ne présente
aucune difficulté, et les <( éboulis dangereux » de l'ingé-
nieur Bouche qui avait, paraît-il, exploré le Garagaï en
1S76, sont de pure fantaisie: au contraire, c'est un aven
ti'ès agréable. J'y ai passé dix heures, et tout visité; la
galerie sous les éboulis cyclopéens et les deux petits avens
du fond de la salle S,-E. (8 mètres).
Mes collaborateurs, descendus à ma suite, admirèrent ce
grand vide incliné en pente rapide, son aspect est imposant.
Au sommet du cône d'éboulîs (64 mètres), c'est-à-dire au
vSud, on doit être très près du groupe des trois autres avens
du « Grand Gara «'aï ».
Quinze mètres en\iron plus bas que l'orifice du <( Petit
Garagaï », une bouche circulaire de 9 mètres carrés est celle
d'un puits de 31 mètres de profondeur, colmaté par des
pierrailles; dans sa paroi du Nord, à deux mètres du fond,
s'ouvre une fissure impénétrable, et deux mètres plus haut,
une autre entrée plus grande m'a permis d'accéder à un
second aven plus étroit que le premier. Il est circulaire lui
aussi, de deux mètres de diamètre, et bouché au fond à
35 m. (4 m. plus "bas que le précédent), et bouché aussi au
niveau du sol en haut. Remontant encore sur la paroi Nord,
j'ai trouvé un orifice qui donne dans un troisième et der-
nier gouffre ayant son fond 8 mètres plus bas que le pré-
(JL1£L0LES CiUll'l-RKS 1-K 1'R(J\-l:N-CL: 75
cédenl (42 m.). A ce moment, je devais me trouver irrs pri-s
de la paroi Sud du (( Petit (jaragaï ». Aucune C(»ncr('li()n,
aucim os.
*
Au point de vue hydrologie souterraine, il ne semhh' pas
que cet ensemble de gouffres draine beaucoup d'eau vers les
résurgences les plus proches: Saint-Antonin et Beaure-
cueil (au Sud du massif de SainteA'ictoire). C'est l'évidence
même étant donné la situation des bouches.
11 est plus que probable que le plateau crétacé du bois
de Concors rejoignait, avant le creusement de la vallée de
\'auvenarg"ues et la surrection de Sainte-Victoire, ce der-
nier massif. De toute façon, s'il v a aven, il y a eu ri\ière;
pour (pi'il ^■ ait ri\ière, il faut ([u'il v ait eu plateau (m
surtace peu inclinée, ou tout au moins des montagnes plus
hautes proches et en liaison hydrologique.
J'ai souvent vu des avens sur des sommets; il faitl croire
que les environs, par suite de mouvements tectoniques et de
l'érosion, ont été modifiés, laissant en haut ce qui fut en bas.
Le massif de Sainte-Victoire a du être recouvert de cré-
tacé, mais l'érosion l'a enlevé et les <( Garagaï » commen-
çaient probablement dans cette couche.
» * •
* *
Hisloriqiic. -~ On trouve dans la Provence à travers
champs (n° i, année 1880), le récit d'une tentative de des-
cente dans le Petit Garagaï par M. Bouche, ingénieur atiK
mines de Fuveau. Ce compte rendu nébuleux, et taux
comme dimensions indiquées, masque un échec (1876).
Plus tard, MM. Verdot et Jury, faute de matériel et d'ex-
périence, ont frisé la mort et n'cjnt pas atteint le fond.
MM. Gavet et Serre seraient descendus plus récemment
jusqu'cà la petite plateforme de 6 mètres carrés qui se trouve
à 29 mètres de profondeur. La descente de ^L Thieux à
76 ROBERT DE JOLY
loo in:"'ii"('.s ( ?), en a\ril 1902, n'a pu rire si l)n.s.se, sinon
il \- aurait eu le rérit dt^ l'cxploi'at ion et une description des
lieux.
De nombreuses légendes, communes à bien des abîmes,
circulaient sur le compte de ce gouffre: Fouets de bergers
jetés au Garagaï et retrouvés à la Fontaine de \'^aucluse î
Chèvre d'Or! Trésors! Prairies à 10 mètres de profondeur,
où les bei'gers descendaient leurs bêtes pour les faire gué-
rir par les (( gaz » ! etc..
l'ne seule (< iiistoire » est à retenir, mais dont nous
n'avons pu rien vérifier. C'est celle indiquée page 86 de la
France ignorée de M. F. -A. Martel: Marins, en l'an 102
avant J.-C aurait précipité 300 Cimbres et Teutons vain-
cus à Fourrière {C'anipi Putridi). MalheiUTusement, depuis
2.030 ans, de nombreux éboulis ont modifié le Petit Gara-
gaï et ces guerriers, si la légende est vraie, gîsent sous des
mètres cubes de pierres.
Nous n'avons trouvé qu'une barre de fer provenant de la
construction de la Croix de Pi'ovence, deux ou trois cannes
et un chandelier !
L'exploration du Petit Garagaï a été faite le 28 juin 1928
par MM. Denizot (de la Faculté des Sciences de ^Marseille),
J. de Gasparin, mon fidèle compagnon. Serre, professeur
au Collège catholique d'Aix, et Ellis, le cinéaste bien connu.
M. l'abbé Pascal était chef de poste et assurait le service
du téléphone, le ravitaillement et le service du magasin des
accessoires, à la bouche.
J'ai été seul, en sortant du Petit Garagaï, h explorer les
trois avens du Grand Garagaï. ^
Uchaud, le 31 décembre 192S. Robert de JOLY.
* Ces trois avens n'ont qu'une bouche, ils ont comme profondeur
31 m., 35 m., 42 m., ils sont reliés entre eux par des fissures se
trouvant vers le bas.
La Révocation de l'Édii de Nantes à Marseille
Sa préparation — Ses conséquences
Marseille, ville commerciale par excellence depuis l'épo-
Cjue où les Grecs de Phocée étaient venus v installer leurs
comptoirs prè-s de mille ans avant l'ère chrétienne, étiiit
un lieu de passage trop fréquenté pour qu'à la Renaissance
les idées luthériennes et calvinistes n'v aient point été
apportées dès leur apparition. Les iinportateurs turent soit
les \'audois voisins des bords de la Durance, soit les négo-
ciants étrangers: anglais, liollandais, allemands ou suis-
ses. Acnus des pa\s du Xord s'\' approvisionner d'^s pro-
duits de l'Orient. Dans d'autres études j'ai écrit l'histoire
fies débuts de rHglise protestante de Marseille. Je me con-
tenterai aujourd'hui d'exposer ici, a\ec c|uekiues détails,
sa situation au niomenl oii commencent en l'rance les pré-
liminaires de la Réxocation de l'édit de Nantes et au
iiioment où cet édit tut appli([ué. Il y a. en effet, deux
périodes à distinguer, car cette mesure ne fut pas prise à
l'improviste, elle fut préparée de longue main et précédée
pai- une série de mesures de plus en plus restrict i\-es des-
tinées à faire disparaître le protestantisme de notre pays.
Klles furent mises en action plus de vingt ans avant l'Hdit.
Les protestants de Provence avaient peu à peu relevé leurs
églises après la rude secousse du dé-but du Wii" siècle.
Ils axaient obtenu, le 17 août |C).S4. un arrêt du roi conhr-
78 V T.. MAI.ZAC
mani les arliclcs 32 et 34 de Tlùlil de Xanlrs. Par (^4 arrêt,
défense expresse avait été faite au Parlement d'Aix, dont
l'intolérance ét£iit connue, de connaître des causes de ceux
de la Religion. Les jugements de la Chambre de l'édit de
Grenoble étaient exécutoires en Provence sans l'autorisa-
tion des juges d'Aix.
« Au début de 1661, lorsque commence le règne person-
nel de Louis XIV », dit M. le professeur Bourrilly, dans
son magistral travail sur* les protestants de Provence et
d'Orange sous Louis XI\', auquel nous ferons au cours de
cette étude de nombreux emprunts, « il v a des tempK^s à
Joucas, à la Bastide-des-Jourdans, à la Coste, à Si vergues,
à Alérindol, a Lourmarin, à la Roque-d'Anthéron, à
Cabrières, à la Motle-d'Aigues, à Pépin-d'Aigues, à \'e-
laux, à Manoscjue, à Ongles, à Sevne-les-Alpes, à Remou-
les-Riez, à Thoard au Luc et à Lemps. Le culte est libfe-
ment exercé à Gignac, à Oppedette, à Gordes, à Roque-
fure, à Saint-Martin d'Aiguës, à Cadenet, à Eyguières, à la
Breolle, à Selonnet, à Solliès, à la Charce soit au total dans
une trentaine de localités ». Seules Aix, à cause de la proxi-
mité de l'archevêque et du Parlement, et Marseille, en vertu
de l'ordonnance de Charles IX, de T563, obtenue par les
consuls, n'avaient pas de culte public. L'édit de Xantes
avait réuni ces importantes églises à la petite paroisse rurale
de \ elaux, où le pasteur était tenu de résider.
La ^•ie religieuse des protestants marseillais était donc
surtout toute familiale. Des cultes clandestins étaient
cependant présidés par des pasteurs de passage, mais non
les ensevelissements. Il était interdit d'enterrer les morts
a\-ant la nuit et encore devait-on le faire sans bruit sous 'a
sur\eil lance d'un commissaire et a\ec une seule lanterne.
Pour entendre un culte' public, pour les mariages et les
ba])têmes, force était de se rendre à \'elaux, dont l'éloigné-
RÉVOCATION DE l/ÉlUï DI-: NANTES A MARSEILLE
79
ment et la ditficulié d'accès n'empêchaient pas les assem-
blées d'être très sui\ies.
L'église marseillaise était formée soit par des protestants
irançais, veniLs du Languedoc commercer et se fixer dans
cette ville, soit de X'aiidois voisins venus de la région du
LuI)éron, soii d'étrangers suisses, allemands ou anglais.
Les descendants des premiers huguenots du n\ i' siècle
étaient peu nombreux. Ouekiues bonnes familles marseil-
laises les représentaient cependant encore avec les De Can-
dolle, les Calix. les Honnorat, les Pélissier. Tous les autres
étaient revenus au catholicisme dans l'ambiance cléricale
de cette ville aux églises et aux congrégations aussi nom-
breuses que celles i-encontrées dans l'Lsle sonnante ou au
pays des Papemanes par le bon Pantagruel, sous la con-
duite de Rabelais.
L^ne colonie étrangère importante se retrou\-e dans les
registres d'état civil de l'église de Velaux, Citons, parmi
ses membres, en premier lieu, les Solicoffre, négociants
venus de Saint-Gall au siècle précédent, sous le nom de
Zollicofer. Ceux-ci possédaient à \'elaiLx tme campagne
dans laquelle, tous les dimanches, se retrouvaient les mru-
seillais venus au prêche. Heusch, banquier suisse allemani-
C|ue, avait épousé la fdle d'une des vieilles familles pro-
\ençales, ALirie d'h-stienne de Chossegros de Mimel. Heit/,
de Cienève. Parmi les Hollandais, citons Caries (iilles,
époux Marie Manzoni de Florence, Xicolas Ruiz, époux
Bénigne Solicoffre, \'ander Cruvs. l^ierre Barnes ou Ba-
rents et son fils ^Lartin, époux d'ime marseillaise, Thérèze
Roumieu. Du côté anglais, Robert Lang, remplissait les
fondions iU- consul et éîail dèicnicur de la a-i du < imetière
protestant. Cieorges Wiilenholf, de ILambourg, rafllncur
de su'rc, snrc(>'~s(Mir dans (-ette industrie marseillaise des
8o D'" L, :m.\lzac
Corbie, protestants • ses créateurs, épousa Catherine
Delorme, de Xînies.
Autour de ces divers chefs d'industrie gravitait une' foule
cK' jeunes agents de comj)loir et de domesticpies de leur
nation qui, la plupart, appartenaient à la religion
proteslanle.
A cette colonie étrangère ajoutons divers officiers suis-
ses de la garnison : Jonas Aman, capitaine d'armes à la
citadelle; Leisser, capitaine de la Compagnie suisse; Louis
Cirard, commandant d'une compagnie suisse du régiment
de Strupp, caserne avec le capitaine d'armes Pierre Horn,
au Château-d'If, etc., etc.
Parmi les nombreux négociants industriels ou bouticjuiers
français, que le registre de Velaux de 1669 ^ 1684, nous
montre se mariant ou faisant baptiser leurs enfants, citons
Jean Brousson, marchand drogiuste de Xîmes, époux
Catherine de Samon ; Claude Baguer, armateur, commer-
çant, industriel,,} originaire de Marsilhargues, époux
Simone Valette; Jean Salgues, marchand de soie, Joseph
Furet, droguiste, époux Marguerite Cavaillone, Jean Gas-
saud, marchand, bourgeois, époux Anne Seigneuret, Pierre
Calis, époux Anne Surian, ouvrier des monnaies du roi,
Jean Delorme, de Xîmes, époux Anne Grégoire, Claude de
Candolle et son fils Jean-François, époux Ysabeau
d'Ftienne de Mimet, Louis Chapus, maître dans la fabrique
du roi, époux Fsabeau Fxpariat, Pierre Malle, époux Ysa-
beau Farjon, marchand originaire de Montpellier, Samuel
Goyrand, marchand, Philippe Vinatier, passementier,
époux Anne Sambuc, fille de Pierre Sambuc, notaire de
\ elaux, Jean Burel, maître graveur, Pierre de Cormis,
marchand, \'incent de Serre, marchand, époux Dorothée
Moxc. Cosmr de Chossegros, seigneur de Mimet, Marc-
Ilrnri Romieu, orfèvre, les frères Chabrol, marchands
RÉVOC.VriOX DE l'j-DIT PE NANTES A M \K.si;i iiK Si
d'étain, André Heiraud, chapelier, orlo^inaire de Manos-
que, Audibert Sabatier, banquier, époux Mar<,^uerilc
Guiraud.
A ces familles fixées depuis plus ou moins I()n^lemi)s
dans notre ville, on peut en ajouter un ccrlain nombre d'au-
tres appelées par leurs fonctions à y résider.
Michel Rathery, contrôleur générai des pilères du roi,
Pierre Charron, directeur des domaines du roi, époux
Anne Pélissier, Pierre Chai'les, trésorier vénérai des i^alè-
res du roi et Joseph Prévôt, receveur au i^rcnier à sel. La
famille Gibert, commis aux dépenses de la marine, époux
Gilette de Lacroix, Jacques Gibert, garde général des maga-
sins des galères du roi, qui épousa, en 1670, Anne de
Rodon, fille de François de Rodon, médecin du roy à
INLu'seille. Antoine Gibert, époux Catherine Gaissade, com-
mis de garde magasin des galères. Deux personnages
importants représentaient l'armée dans l'église de IVLarseille,
l'un Charles Tondeux de Bellespine, époux Anne Hlanc,
était capitaine des portes de la citadelle, l'autre, Henri de
Passebon, lieutenant d'une galère du roy, natif de Sedan,
était le fils de François de Passebon, prévôt du LLuit et du
Bas Limozin et avait épousé ALarguerite Brousson.
La colonie protestante mai'Si-illaise lIc la lin du nnii*" siè-
cle, que je viens d'essayer de présenter aussi rapidement
(jue possible, menait une vie très calme. File ne demandait
malgré toutes les restrictions à l'Fdit de Xantes que de
pouvoir prier son Dieu en paix et à sa manière. Tous ces
réformés, loin d'être une charge pour l'agglomération com-
merciale, étaient au contj'aire des facteurs importants de
son développement et de sa richesse. Ils excitaient même
parfois l'envie de leurs concurrents caih()li(|ues par leur
activité, leur sens des affaires. Leur parfaite honnêteté
dans les I ransaclions était reconnue par tous, l'armi ces
82 D»" L. MALZAC
hardis négociants, la grande faniille di-s SoUicoffre depuis
plus d'un siècle commerçait avec tout le bassin méditerra-
néen, de la mer Noire à l'Kspagne, où le Hollandais Chris-
tian \'an der Vwitter, envoyait aussi un navire en 1651.
l'.n 1662, Claude Baguet arme une barque pour Tunis et
Jérémie Baguet, le bateau La Rose. Ils étaient tous deux
spécialisés dans le connnerce avec les terres barbaresques
où ils entretenaient des comptoirs. Pierre Barnes arme en
guerre en 167 1 son navire le Suisse, sur la demande du
comte de Vermandois, amiral de France. Tous les négo-
ciants importants de la place étaient les correspondants,
les arraisonneurs de bateaux étrangers et souvent les
consuls à Marseille ou pour le Levant de leurs pavs res-
pectifs ou de ceux avec lesquels ils étaient en relations
suiA'ies.
La reviviscence du protestantisme provençal, grâce à
l'édit de Xantes, n'avait pas manqué de susciter les récri-
minations des catholiques. Les éléments de réaction se
groupent, se préparent à agir sur place et de concert, en
attendant de mettre en mouvement l'autorité rovale. Comme
de juste le clergé est à la tête de cette campagne. Il trouva
un appui et un concours dans des sociétés particulières for-
mées de clercs et de laïques dont l'action pour se manifes-
ter rarement en pleine lumière n'en a pas moins été soute-
nue et eflîcace. Dès 1639, se ci'ée à Marseille et dans la
région provençale, sur l'initiative de l'évêque de Grasse
Godeau, la compagnie du Très Saint-Sacrement de l'autel,
dont M. le doven Allier a, de nos jours, étudié l'histoire,
Parmi les préoccupations des adhérents, la poursuite des
héréticjues tenait une grande place. (( Et pour ce que Dieu
est grandement déshonoré au siècle où nous sommes fiar
les athées, d'^istes, libertins héréti(|ucs, schismatit|ues,
jureurs cl blasphémaleurs du nom île Dieu et autres impies,
RÉVOCATION DE l'ÉDIT DI£ NANTES A MARSEILLE 83
on taschera par remontrances cliariiables et bons exemples
de les ramener dans le bon chemin, et s'ils se rendent incor-
rigibles, les menacer des magistrats et même les en adver-
lir au besoin ». Les confrères constituaient ainsi une sorte
de police bénévole pour qui la surveillance incessante et
au besoin la dénonciation a\aient la valeur d'une œuvre
pie ^ ».
Xe suffisant pas h leur œuvre, ces conférences créèrent
à Marseille, en 1650, une nouvelle société secrète: la So-
ciété de la Propagation de la Foi, ayant le même but et
le même mode d'action. Ils recrutaient leurs adhérents non
seulement dans le clergé mais aussi dans toutes les classes
de la société, en particulier dans les nonibreuses confréries
de pénitents qui florissaient à Marseille en costumes de cou-
leurs variées, blancs, bleus, gris et même noirs.
En 1656 l'archevêque d'Aix, le cardinal de Grimaldi,
constate des infractions à l'édit de Xantes: des temples nou-
veaux avaient été élevés à Mérindol, à Manosque, à Lemps,
dans des seigneuries ecclésiastiques. Plainte fut portée au
roi, des commissaires enquêteurs furent nommés. L'affaire
traîne jusqu'en 1660, où profitant de la visite royale à Aix,
le clergé veut v faire assigner les pasteurs et les principaux
religionnaires des dits lieux. Ceux-ci « attendu que cette
ville d'Aix leur est grandement suspecte », obtiennent que
les conférences auront lieu h Pertuis. où elles durèrent un
mois et demi, du 27 avril au 5 juin i6!')2. Le pasteur Jean
Bernard, de ^Lanosque, fut en vain délégué à Paris. Le
culte protestant fut supprimé dans une quinzaine de loca-
lités et ne fut plus toléré que dans sept ou huit, en dehors
des cinq désignées dans les arrêts précédents: Mérindol,
Seyne, Manosque, Le Luc et Velaux. L'arrêi fut exécuté
' B'iurrillv. Inc. cil,
84 I'' '-• -^lALZAC
SOUS la survi.'illance intéressée des confréries et du clergé.
Cependant à Lourmarin il y avait toujours un pasteur
et les entcM-renients étaient faits en dehors des hcures.fixées,
celle ])ar()isse étant ])resque entièrement protestante, les
ratl)()li(ju(.'s étaient presque exclus des cluirges muniri])ak'S.
Plainte nouvelle fut portée au Parlement, que prononça un
long arrêt contre les réformés.
V.n 1666 et 1667, deux déclarations royales, une contre
les l'elaps et blasphémateurs, l'autre (( sur ce cjue doivent
faire les Protestants », rcL'oivent une si large publicité en
l^roxence que des particuliers de Mérindol sont condamnés
]")()ur irrévérence contre le Saint-Sacrement de l'autel.
L'archevêque d'Arles, dans le diocèse duquel se trouvait
^Vlaux, porta en 1669 une plainte contre les protestants de
ce lieu « qui font venir des pasteurs étrangers pour y prê-
cher les jours de Ste Cène ». En 1671, le même archevêque
revient à Velaux surveiller de près ses brebis égarées, au
cours d'une de ces nombreuses missions organisées dans
toute la Provence, pour convertir les hérétiques.
En 1679, 1g recours des protestants provençaux à la
Chambre de l'édit de Grenoble est supprimé. Ils sont désor-
mais livrés à l'arbitraire et à l'intolérance du Parlement
d'Aix. La congrégation pour la propagation de la foi de
INfarseille, dénonce cette même année trois huguenots : un
avocat, un médecin, de Rodon, sans doute et le pasteur
Chauvin. Elle indique comme moven discret de se débar-
rasser d'eux, de les mettre en quarantaine, <( c|ue les autres
médecins ne fassent point de consulte avec lui, que les
malades catholiques ne s'en servent point ».
Pour le pasteur Chauvin, accusé d'exercer son minis-
lèrc à Marseille et dénoncé par le médecin clérical Peys-
sonel, il y eut de nombreuses l'equéles adressées au minis-
tère, aux éche\ins et au su]:)éiieur général de la congréga-
RlîVO'CATIOX DE L KDI T Ui: NAXTI-S A MARSEU.l.r: 8^
tion à Paris, le père Aleynier. Celui-ci répondit t-n indi-
(|iianl les moyens de se débarrasser du ministre par une
consultation, que M. le professeur Bourrilly quai i lu- de clit-f-
d'œuvre de prudence papelarde et d'astuce. Chauvin dût
se résoudre à partir. Son dénonciateur, Claude Fcvssonel,
ne fut pas, semble-t-il, récompensé de sa mauvaise action
par une augmentation de sa clientèle, car le 20 avril 1689
il demandait à la Chambre de Commerce l'autorisation de
se ri'ndrr et de résider à Alexandrie d'I^gx-pte. Son Irère
^'ézar, qui était chirurgien, en faisait de ir.éme 1(^
9 novembre '.
Kn 1680, de nombreux arrêts royaux contre les protes-
tants sont répandus en Provence. Le gouverneiu' M. de (iri-
gnan paraît avoir été assez tiède dans leur application,
mais l'intendant, l'archevêque d'Aix et le Parlement, très
excités contre les hérétiques, vivaient vite raison de sa ten-
dance à la tolérance. En haut lieu d'ailleurs on s'intéres-
sait fort à cette surveillance et h la conversion des réformés.
La correspondance de Colbert avec les divers intendants
des régions protestantes de la France, contient de nombreu-
ses lettres à ce sujet. En voici une parmi celles ([u'il adres-
sait à Marseille :
Au sieur Brodart, iulendani des galères à Marseille
Saint-Germain, 14 avril 1680.
Le Roy ayant résolu d'osier peu à peu dit eorps de ses
galères tous ceux qui seront de la ]\ . 7^ l\ . veut que vous
me fassierj scavoir s'il y a parmi les écrivains qui servent
dans le port ou sur lesdiles galères quelques-uns d'eux qui
soyenl huguenots et qu'en ce cas vous cessiez de les
employer aussitôt que vous auriez reçu cette lettre, et m'en-
' Archives de la Cli. de Commorrc, B;, f 4<''9 <'< 4^7-
86 D'' I.. MALZAC
VDVCZ un mcmoirc de ceux que vous aurez nslés de Vemplol
par celle raison.
.1 Vesgard des officiers S. M. a résolu d'envoyer à M.
par le moyen de M. l'Evesque un ecclésiastique habile et
capable d'inslruire ceux qui voudront bien se mettre en
estai de connoislre les erreurs dans lesquelles ils se sont
engagés; et vous pourrez lorsque cet ecclésiastique sera en
ladite ville faire entendre tout doucement à ceux des dits
officiers qui sont de la religion, que S. M. veut bien encore
patienter quelques temps pour voir s'ils voudront se ser-
vir du secours qu'elle veut bien leur donner pour les ins-
truire dans la Catholique, inais qu'après cela son intention
n'est pas de se servir d'eux, s'ils continuent dans leur
erreur.
Ne manquez pas de m'envoyer une liste exacte de tous
les officiers des galères qui sont de ta R. P. R. Je m'étonne
que vous ne m'ayez point encore rendu compte de ce que
fait le sieur Gibert pour s'instruire des vérités de notre
religion. ]\^us pouvez lui expliquer clairement que s'il
ne se fait incessamment catholique S. M. lui fera oster
son emploi.
Sur le compte que j'ai rendu à S. M. des voyages que
vous avez fait à Toulon depuis quatre mois, elle a bien
voulu vous accorder 3.000 livres de gratification. J'en ferai
remeilre V ordonnance au porteur de votre procuration '.
Gibert entré en fonctions le 29 mars 1673, ne tint aucun
compte des ordres du puissant ministre. Il fut cassé de sa
charge pour fait de religion en i6Sî. Il n'abjura qu'après
la révocation, sous la contrainte des dragons et disparut
ensuite, semble-t-il, de Marseille.
^ Lettres de Colbert, tome VI, p. 130. (Arch. de la Marine. Dépê-
ches concernant les galères, 1680, f" 104).
ki-:vor.\Tio\ df L*i':i)Tr de xaxit^ a aur^riur 87
L'année suivante, les né^oeianfs suisses nioli-sti's clans
l'exercice de leur relii^ion i-l forts de It-m- (|ualiir il'allit'-s
séculaires de la l'^rancc, ét^rixcnl [)()ur se plaindre à la
diète de Saint-Gall.
En 1683, le jour de Piiques, un capiu^n [iréchant le
carême à Velaux, fut entendre le sermon du pasteur Bar-
thélémy Bernard. Celui-ci pria T}ieu pour ses frères persé-
cutés par l'Antéchrist et privés de leurs temples et de
leur religion. Cela sut ht pour (ju'un conseiller du Parle-
ment d'Aix fut commis j^our instruire cette affaire. Le
résultat naturel et prévu de celte enquête fut la fermeture
du temple de Velaux. Désormais les protestants marseil-
lais ne purent plus entendre de culte puhli(\ Les négociants
étrangers réitérèrent en \-<iin leurs plaintes en [684 à la
diète de Zurich.
Le II mai, nouvelle défense qui atteint surtout les mar-
seillais. Le roi interdit à tout Français d'accepter des char-
ges de consuls des nations étrangères dans les j)orls du
royaume et à ceux qui en sont pourvus d'en remplir les
fonctions. Entre temps, les missions étaient de plus en
plus ordonnées. Il y en eut même une sans grands résul-
tats^ à bord des vaisseaux du port, parmi les officiers du
grand amiral protestant Du(iuesne, que l'on taisait sur-
veiller pour savoir s'il exécutait à bord de ses navires les
instructions royales au sujet de la célébration de la mcs.se.
Colbert écrivait plusieurs lettres à l'ecclésiastique chargé
de cette mission et entrait même dans les plus petits détails
pouvant faciliter à celui-ci son rôle d'éducateur.
La dernière mesure préparatoire à l'édit fut l'ordon-
nance de l'intendant Morant, en date du 4 avril 1685. Elle
prescrivait aux protestants français ou étrangers, de faire
par devant M' Soleil, notaire et .secrétaire de la commu-
nauté, la déclaration de leur domicile, de leurs biens, ainsi
88 h^ L. -MALZAC
que la conslilution de leur faniiile. Elle défendait aussi à
de nouveaux protestants français de s'installer à Marseille.
Sur les 2;o habitants protestants de la ville, répartis en
6i familles en 16S2, 27 familles françaises représentant
130 personnes et 13 étrangères, soit 65 personnes, firent
cette déclaration.
Les formalités prescrites par cette ordonnance, les édits
multipliés contre les protestants, tout faisait présager des
mesuies encore plus rigoureuses Cjue celles dont ils avaient
été jusque là victimes. Aussi dans le courant de septembre
et au début d'octobre, un certain nombre de religionnaires
quittèrent-ils Marseille ou prirent leurs dispositions pour
un prochain départ. Les uns se retiraient dans leur pays
d'orig"ine, la plupart pensaient à s'enfuir directement vers
les pays étrangers. L'intendant ]\Iorant s'émut de ces
départs et adressa aux échevins la lettre suivante;
Messieurs,
Ayanl été informé qu'un grand nombre de religionnai-
res sujets de S. M., au préjudice de ses édits et déclarations
qui leur défendent de sortir du royaume, à peine des galè-
res, ne laissent pas que de passer dans les pays étrangers,
s'emtiarquant pour cet effest dans les villes et lieux mari-
times de cette province, je vous fais cette despêche pour
vous dire, que de concert avec le lieutenant de l'amirauté
de votre ville, vous fassiez observer ceux que pourraient
y rester aprcs que les expéditions nécessaires pour leur
embarquement leur auront été refusées et que vous leur
enjoigniez mesme d'en sortir en cas que vous connoissiez
qu'ils n'y séjournent que dans l'attente d'une occasion
favorable pour s' emÀuirqucr. Je suis, Messieurs, votre très
humble et tris' affectionné serviteur. — Morant. A >Lar-
seille, le 8 octobre 1685 '.
^ Marseille. Archives ^Municipales. . ,
RÉVOCATION \)K I.'l'lDlT DE XAXTMS A MARSKII.I.E 89
Kn exécution de cette lettre, dit M. Bourrilly, une des-
cente de police eut lieu le 13 octobre à Mazaro-ucs, d'où par
les calanques de Sormiou et de Mor^iou, un pouvait s'en-
fuir en barque et rejoindre au larg-e des îles quelque vais-
seau étranger.
L'édit royal révocpiant l'Edit de Nantes, tut promulgué
par le comte de C^rignan, commandant en Provence, le
30 octobre 16S5. La population catholique de Marseille
l'accueillit avec joie. L'assemblée des communautés réunie
à Lambesc en novembre, poiu' célébrer l'heureux é\éne-
ment et aussi poiu- aider à couvrir les frais de ces <( victoires
non sanglantes que Louis-le-Grand venait de remporter par
sa prudence sur les ennemis de la. Religion », vota un don
gratuit de 600.000 livres et l'érection sur une place d'Aix
d'une statue du grand roi. Marseille, de même, vota une
autre statue. Il serait trop long de raconter ici comment
après avoir consulté le sculpteur Puget, le projet fut donné
cà Paris à un de ses concurrents et comment finalement les
deux projets furent abandonnés.
Les protestants, et cela est facilement compréhensible,
n'accueillirent pas avec la même joie l'édit royal. Respec-
tueux malgré tout de l'autorité royale à laquelle leur loya-
lisme avait été lidèle en tous les temps, les principaux des
réformés marseillais avaient promis à l'intendant d'obéir à
la loi. Ils se ravisèrent ensuite en s'autorisant de la dernière
clause de l'édit, ainsi conçue: a Pourront au surplus lesdits
de la R. P. R. en attendant qu'il plaise à Dieu les éclairer,
comme les autres demeurer dans les villes et lieux de notre
royaume, pays et terres de notre obéissance, y continuer
leur commerce et jouir de leurs biens sans pouvoir estre
troublez ny empeschez sous prétexte de lad. R. P. R- a
condition comme dû est, d'en pouvoir faire d'exercice, ny
de s'assembler sous prétexte de prières ou de culte de lad.
C)0 D*" L. .MM.ZAC
rclig'ion, de quelque nature qu'il soii souhs les peines rv
dessubs de confiscation de corps et de biens ».
Cette interj^réfation ne fut pas acceptée par le «gouver-
neur de l^ro\ence (jui, puuv activer les conversions, fit
marchei' sur Marseille lui escadron de dragons le 2 novem-
bre 16S5. Lou\'ois, qui lui transmit le 7 novembre l'appro-
bation du roi, lui recommanda de détromper les religion-
naires marseillais par des logements considérables.
Xous empruntons à Arnaud^ le texte d'un récit catholi-
que des conversions ainsi obtenues: <( Le second novembre
16S5, jour de saint dimanche, est arrivé en cette ville cent
cavaliers dits dragons, avec le nom des huguenots habitant
cette ville, allant à cheval à chaque maison desdits hugue-
nots, leur dire de la part du rov, s'ils veulent obéir à l'ai;-
rêt du roi, ou aller dès à présent en galères et leurs femmes
à l'Amérique. Pour lors, vo3'ant la résolution du roy crient
tout haute voix « Vive le rov et sa sainte loi catholique
apostolique et romaine que nous croyons tous et obéirons
à ses commandements ». Donc MM. les Vicaires, chacun
en sa paroisse, les ont reçus comme enfants de l'Eglise et
renoncé à Calvin et à Luther. j\L le grand vicaire les obli-
gea d'assister tous les dimanches au prône, chacim à sa
paroisse, et les vicaires avant de commencer le prône les
appela chacun par son nom et eux de respondre tout haute
voix (( Monsieur suis icv ».
Ce récit nous paraît ne pas être tout h fait véridique. Si
les protestants marseillais avaient tous agi avec une telle
précipitation, il n'aurait pas été nécessaire de loger chez
eux les dragons. Or, les archives de Marseille abondent en
renseignements sur ce point spécial. Le 3 novembre, Jean
et Jacques Peitieu, Pierre Peitieu leur père, Abraham Olier,
^ Histoire des protestants de Provence et du Comtat Venaissin.
REVOC.MKjN Di: L KDIT LK NAN IKS A MARSKILI.E Ol
J(-an SiircK^i. Pierre Pouclu.t. Jérémie Piaguei^ Louis Cha-
pus, Henri et Paul Calix, Isaac Magnan, Jacques Porlal ei
Pierre Fabry, reçurent chacun quatre dragons à luger et
à entretenir. Les- frères LIenri et Samuel Chabrol, mieux
servis, en curent six chacun. La dame Claire C.iraud.vei.vc
de Georges Ferrât, âgée de 66 ans n'en eut que deux,
mais ils lui vendirent ses meubles après avoir brisé portes
et fenêtres. Etienne Ginoux en reçut aussi deux comme
Jean Miller, auquel on mit en surplus le capitaine et un
maréchal de logis. L'n lieutenant fut aussi ajouté aux qua-
tre dragons pour Louis Chapus. A mesure que le résultat
cherché était obtenu l'autorité établissait un roulement
parmi ses missionnaires bottés. Les dragons de Jean et Jac-
ques Peitieu furent envoyés à rh(5te"l du Lévrier aux frais
de Marie d'Estienne de Chossegros, femme du sieur
Heusch ; ceux de Pierre Peitieu allèrent chez Jean Dent y
(( chapellier près la Poissonerie neuve ». Ceux d'Abraham
Olier n'ayant pas trouvé leur hôte, furent envoyés à l'hôtel
et le 4 novembre chez Denis Charde, chapelier. Le surlen-
demain ils s'installent chez le sieur Etienne ^L'ltte, au.
Pavé-d' Amour, maison du Sr Bazan. Les quatre dragons
de Pierre Pouchot fuj-ent mis, deux chez Pierre Jussy, pas-
sementier, demeurant à X.-D. de Laurette et deux chez ^L^-
rie GardioUe, femme de François Még-y, tailleur d'habits,
demeurant au cours, proche les Recollets. Ceux de Louis
Chapus émigrèrent chez Catherine Delorme, femme de
Georges Widenhoff, raffineur de sucre, devant le Petit jeu
de Paume. Xe l'avant pas trouvée ils allèrent :hez Henrv
Colomb. Ceux de Pierre Calix passèrent chez André
Eyraud, chapelier à l'agrandissement, pour forcer sa famille
à abjurer. Paul Calix déboursa pour les siens, qu'il ne
logea pas cependant, 3 livres, 16 sols pour du foin, les fit
déjeuner et leur donna encore 4S livres. Tls allèrent ensuite
9^ U'' I.. -MALZAC
chez Isnnr ()licr, man-liand, ]:)r()rlu' les Rerollds, maison
d'Iùicnni' Im-ssoit cl de là, le 4 no\-embre, chez Pierre
I\ralk', au coiiiple diujiu'l ahsenl, ils dépensèrent au- logis
de la Pomme d'or 25 livres. Ceux d'Isaac Magnan passè-
rent chez Mathieu Allègre, gendre de Jean Calix, à la
Rive-Xeuve. Etienne Ginoux, déchargé par ordre de l'in-
tendant, fut débarrassé de ses garnisaires au profit de
Madeleine Derre, veuve de Paul Monestier, denvHirap.L au
Cours. Tous ces logements ne durèrent que trjJs ou qualre
jours, mais turent foris coûteux pour ceux auxquels on les
imposait et à qui on arrachait une abjuration dont la valeur,
l'avenir le démontra, ne fut pas considérable.
Un (( état des personnes de la R. P. R. de l'ung et de
l'autre sexe qui ont abjuré h. Marseille les 2, 3 et 4 novem-
bre 16S5 », donne seulement un total de 12S personnes,
tandis qu'une note de police du même dossier indiquant
les protestants avec leur adresse dans les quartiers de Ca-
vaillon, St-Jean, Corps de ville, Blanquerie, fait mention
d'un minimum de 350 personnes.
Une autre note sans date, du même dossier, porte le titre
de « Roole des hérétiques rezidant à Marseille qui n'ont
pas encore abjuré. Ce sont: Jacques Millier dit le Suisse,
les trois enfants de jMagdeleine Sambuc, veuve de Isaac
Hxpariat, demeurant au Cours; Charles Gillv, sa femme
et ses quatre enfants; Dame ]\Iarie d'Estienne de Chosse-
gros de Mimet, femme du sieur Heusch, trois enfants et sa
servante; Reine Martin Barnes, père et fils, leurs femmes
et huit enfants; Pierre Matte, sa femme, un enfant, deux
servantes et un homme dç comptoir; Etienne Matte, sa
femme, un enfant et un garçon de comptoir et une servante ;
la femme de Pierre Pouchot ».
Cette énumération n'est pas complète car dans la liste
par quartiers on relève un certain nombre de protestants
RliVOCATloX Di: I. i;i)IT Dl-: XANTKS A MARSKII.M-:
93
absents ou à la campai^ne, prohablenicnl sur K' chcniin dt-
l'exil. Un certain nombre d'abjurations eurent l'hunncui:
d'être reçues par r«''\ê(iue lui-même, sans doute à cuise
de la situation sociale des nouveaux jiroséhtes : Marc-
]Ienr\' CIial)roi et son Irère Samuel, tous tleux potiers
d'êlain, le ,^ novembre. Louis CMiapus le 4, l'aul C'.ilix le 7,
Jean Brousson le g et Pierre Rrousson de \imes, le 10 no-
\-embre. Toutefois, ré\ê(|ue mai'seillais eut assez
peu de discernement dans le choix de ses catéchumènes,
ti'ois d'entr'eux. les trères Chabrol et Calix s'enfuirent à.
l'étrani^er, les Brousson furent de très mau\ais \ou\'eaux
con^•e^tis. Leur neveu Claude, dexint le plus inHuent et
celui de tous les prédicants du Désert qui lit le plus pour
le maintien de la foi protestante \
Bien que le comte de Gri^nan eut fait afficher le 25 octo-
bre la défense de praticpier la religion protestante à bord
des na\ires, le 30 octobre la défense aux relii^onnaires de
sortir du rovaume et le 5 no\embre la défense à (|uicon(|ue
de les aider dans cette entreprise à peine de 30.000 livres
d'amende, la proximité des frontières d'Italie et surtout le
voisinage de la mer continuèrent de plus en plus à faci-
liter un exode important. V.n décembre 1(^)85, l'inlentlant
Morant prescri\it une en'iu'-te ;)our coimaîire: i" <( Les
noms et qualités de ceux de la K . V. I\. (|ui s'i'laienl p.mi-
rés du Rovaume depuis le dei)ut de l'anni'-e et n'y sciaient
pas retournés incessanuuent » ; 2" « depuis (jUcand ils sont
absents, c|uels biens ils ont laissés, soit en meubles ou
imm.eubles, la valeur de ces biens, ce qu'ils peuvent valoir
par estimation et si quelques-uns n'ont point été usurpés
depuis leur fuite, vendus ou mis à couvert depuis le com-
mencemenl de la présente annt-e. » Celte en(|iièle (!<'m<intra
' .Aiiélc à (Jhroii il'.rarn), il fut cxc'ci'lc ;> .M- ni i)i-llirr le 4 no-
vembre ]6;S.
94 L)'" L. .MALZAC
f|iK' Ii^ nombre des fugitifs nirinc à Marseille croissait clia-
(jue jour clans des j)i-o]iortiuns infiiiiétantes.
Dès la première (juinzaine de mars 1686, le conile de
(irii^nan ])ril des mesures de surxeiiiance très actives. 11
créa des secteurs sur loule la frontière terrestre de la Pro-
vence, commandés chacun par un oflicier et auxquels une
centaine de communautés eurent à fournir des hommes de
garde et h pourvoir à leur entretien. Dans le premier sec-
teur, celui qui touchait au Dauphiné et à la vallée de Bar-
celonette, route directe des \allées vaudoises, près de
180 hommes montèrent une garde assidue. Celle-ci dura
malgré les frais considérables qu'elle occasionnait, jus-
qu'en septembre 1687. Du côté maritime, les mêmes mesu-
res furent prises de l'embouchure du Rhône jusqu'au Var,
une douzaine de chaloupes armées croisèrent sans cesse
dans la région. Dès la fin novembre, un certain nombre de
protestants marseillais, auxquels leur abjuration forcée
parut trop pénible, s'enfuirent à l'étranger en dépit de cette
double sur\-eillance. Les archives des Bouches-du-Rhône
nous ont conservé les noms de ceux dont les rjiens furent
vendus. Ce sont : Pierre et Philippe Calix, Jean Maillet,
David Romieu, les frères Chabrol, Michel Heuss, la famille
d'Allest et les frères Peilleux.
Arnaud, dons son Fîisloire des protcsUnils de Provence,
é^■aIue de 1400 à 1500 les religionnaires c{ui s'enfuirent
entre 1686 et 1698, .soit à peu près le 1/5'' de la population
protestante de cette province. A ce nombre il faudrait encore
ajouter tous ceux qui du Languedoc, du Dauphiné et
môme de plus loin, vinrent s'embarquer en fraude à ALar-
seille avec la c<;nnivence de leurs amis de cette ville et
])aiiois même celle de Ijonnes ;.mes caiholit(ues.
Alexandre Sa\'ois, fils de Pierre vSavois, ce)nseiller-se(N'é-
taire du roi au Parlement de Toulouse, n^nis a laissé le récit
RÉVOCATION DE l'édii dk nam lî S A mars[:h.i.i;
95
de sa fuite de Montauban '. Parti à l'à-e de tr-i/e ans, au
début de sei)lembre 1685 « souliers en besace sur sou rpaulc
et des escarpins de corde à ses pieds )\ plus riclir de toi
(jue d'arg-ent, cet enfant j)asse par Lavaur, C'asin-s, Maza-
uiet, Hédaricux, Lodi'vr, Montpi'Ilicr, Lund, Nîmes,
Beaucaire, Lanson et Berre. 11 arrive après mille i)cri|)r--
ties, dont il nous fait un récit intéiessant, à Marseille, le
12 janvier i685, à 6 heures du soir, avec quelques compa-
gnons de voyage pris en chemin. Là ils restèrent vingt-
trois jours, attendîuU ime occasion ])our s'embarquer et
soutenus par leurs coreligionnaires marseillais. <( L'un
d'eux, AL Bathery, neveu de AL Ciiarles ■, surtout, me fil >>,
dit-il (( de grandes offies de service. Il m\)u\rii une armoire
dans laquelle il me tlil ([u'il \- axait 10.000 escus en or (|u'il
me C()nseilloit d'en prendre une bonne partie (il alla jus-
cju'à 10.000 francs), {|u'il ne demandoit qu'un billet sur
mon père, persuadé qu'il les rembourserait d(^ bon ccxHir,
et cju'il seroit bien aise ciue j 'eusses le moyen de subsister
hors du rovaume, sans courir le danger de me taire des
remises qui étoient déjà sévèrement défendues. J'élois de
son avis, mais AL Lalauze (un de ses compagnons de fuite,
fils cadet d'un avocat de AL)ntauban), y fut contraire,
disant C|ue mon père ne me laisserait pas soullrir et (|ue
nous pourrions être pilliés. Ainsi je ne pris (|ue dou/.e louis
dont je lui Ils un billet (îour prier mon père de les
rembourser.
AL Raîeri me pnxHira le plaisir dt> voir .Mlle Koyer,
Je Alontauban, .sa parente, (|u"il avait cachée avec Mlle sa
fille chez une demoiselle ])apiste sur le port. Nous nous
1 |> ]| p K. ,(,,,5 Abrt'gc (le l'lii>t(.irr d.- rcuigini-, <!'• la
suitiL- de Kraïue et de la vie d'Alexandre Savuis é( rit par liiir
menu, publié par A-.tiuyot et X. Wei.^?.
- J.e contrôleur t,rénéral des domaines à .Marseille.
q6 d"" l. malzac
fîmes des vœux réciproques pour une heureuse sortie du
l'oyaume, mais je n'ai pas su depuis ce (ju'elles éloient
devenues.
J'eus occasion dans celle visite d'adorer la bonne Pro-
A'idence, dans le soin cju'elle prend de nous sauver, il sem-
hloil qu'elle eut bouché les yeux de ceux cjui nous pou-
voient perdre et qu'elle n'en laissât l'uzage cju'à ceux qui
avoient pitié de nous. L'hôtesse de Mlle Rover me dit
qu'elle m'avoit vu plusieurs fois promener sur le port,
(111 'elle éloit bien sûre que j'étois réformé et fugitif et que
notre troupe étoit de cinq. Je luv demandois à quov elle
l'avoit reconnu. C'est, dit-elle à votre air consterné, à votre
linge sale un jour de fête ou de dimanche, à vos habits
délabrez, et j'ai su que vous étiez cinq parce que dans les
quatre autres (qu'elle me dépeignoit) j'ai remarqué le même
désordre dans le visage, dans le linge et dans les habits,
et Cjue je vous ay vu toujours promener avec quelqu'un
d'eux et jamais avec d'autres. Si j'étais capable de cette
trahison, ajouta-t-elle, j'en pourrois faire arrêter plus de
cent, cjue j'ay reconnus atix mêmes marques, mais bien
loin de les vouloir rendre malheureux, je les cacherois
plutôt si je le pouvois comme les demoiselles Rover ».
In capitaine anglais, Cjui avait déjà leurs provisions à
son bord, leur fil faux bond au dernier moment et partit
sans les avertir. En se faisant passer pour des chevaliers
de Malte, ils obtinrent enfin leurs passeports et s'embar-
quèrent sur la barcjue Saint-Picrrc, patron Monier, Cjui
devait pour cinc] francs par tête les transporter à Livourne.
.Après avoir subi des vents contraires qui les oblige rent
de faire escale à Amibes, ils débarquèrent à Gênes, où
un réfugié, nommé Bourguet, les pilota et les fit embarquer
sur un ])ateau hollandais', la Têîc-Noire, le 17 mars 1686.
Après tm V()_\age mou\"ementé nos réftigiés débarcjuèrent
Ri^vocATiox dp; i/roii ii vwk-^ v, marskii.f.f: 07
enfin à Ams(erdani le nu-rcrcdi ^S juin lOSC), onze mois
après leur départ de Montauban !
Tous les fiio-iiifs cjui passaient par Marseille n'avaient
pas la même chance (lue notre jeune Montalhanais. Ils ne
rencontraient pas d'aussi bonnes personnes ((ue la Saint-
Jeannaise logée sur le port. Il serait trop long de raconter
toutes les arrestations faites autour de la ville, aux ([uar-
tiers de Montolivet, les Crottes, Saint-Rai-nabé, Mazar-
gues, dans la ville même chez les habitants ou aux logis
des Deux pommes, du T.evrier ou des Trois poulets. Je
crois en avoir assez dit pour montrer les dangers et les
difficultés sans nombre qu'avaient à surmonter les fugitifs
protestants français ou marseillais.
Nous sommes arrivés à la fin de cette longue narration
de la révocation de l'Edit de Nantes à Marseille. Désor-
mais cette Aille ne connaîtra plus de huguenots. Ils sont
devenus de par la grâce de Louis XIV des nouveaux
' convertis par les arguments des missionnaires bottés du
comte de Grignan. l^ne surveillance de tous les instants
fut désormais nécessaire pour contenir ces nouvelles ouailles
dans les sentiers de l'Eglise catholicjue, apostolifiue et
romaine. Les empêcher de revenir à leur ancienne foi ou^■er-
tement, les empêcher de partir avec leur commerce à l'étran-
ger, fut la partie la plus ingrate et la plus difficile du
rôle de l'intendant Lebret. L'église marseillaise désormais
sous la Croix comme les autres églises de France, eut
comme elles ses assemblées au désert dans la campagne
marseillaise, elle emprunta la devise orgueilleuse de ses
échevins: (( et tenchrae eam non comprehcndcrunl ».
Avec le concours des négociants étrangers, leurs amis ou
leurs parents, les Nouveaux Convertis marseillais tinrent
lK)n malgré les persécutions dont ils furent victimes.
L'église protestante reconstituée se développa dans l'om-
98 DM,. MALZAC
bre. Kllc i)n"a paiioul où cela lui fut possible, dans des
maisons particulières comme celle de la veuve Jersin, rue
des l-'euillanls, c|ui avait une double entrée, ou dans une
bastidt' au pied de X.-D. de la Garde. Dès 1751, cjuand
les idées de tolérance apparurent dans la société, elle
affirma sa présence et sa vitalité grâce aux hommes de
valeur c^ui la composaient et qui la dirigèrent jusqu'à la
Révolution française. Les Bâillon, Gaïte, Hugues Baux,
vSevmandi, Audibert, constituant l'élite du commerce mar-
seillais, ne cachèrent jamais leurs idées religieuses à leurs
contemporains, (jui ne les en apprécièrent pas moins.
D^ L. IMALZAC.
Un Gentilhomme de Riez
lie " )yiaFqai§ " de LyIe-Saii)t-)ïlaFtii)
(1749-1S21 )
Le Secrélaire général de la Société regrette que les cir-
constances ne lui aient pas permis de se joindre à ses collè-
gues Cjui ont participé à la belle randonnée de Riez, le
2 juin, poursuivie le 3 sur Mousticrs-Sainte-Marie et Fon-
taine-l'Evêque, laquelle a piis si joliment figure de Congrès
archéologique et hiscorique par la réunion des membres les
plus distingués des principales Sociétés savantes, accourus
pour une délicate bienvenue.
Du moins, atténuera-t-il ses regrets en rappelant dans
Provincia le souvenir certes, bien effacé d'un citoyen de
Riez, si effacé, que dans sa récente thèse sur Alphonse
Rabbe, M. Louis Andrieux, ancien pi'éfet de police le
4 mars 1870, en 1S85 ancien député des Basses-Alpes, pas-
sant en revue les personnalités notoires, nées à Riez, ne le
mentionne même pas. Malgré ses 89 ans, nous le lui signa-
lons en cas d'une deuxième édition.
Il s'agit de M. Jean-C.aspard-IIenry de Lylc-Sainl-Mar-
tin, bien connu à ALarseille, où il fut conseiller municipal
sous le Premier Empire et la Restauration, membre de
l'Académie, sous le nom de M. k- marcjuis de Lyle-Saint-
ALartin.
Et c'est précisément ce titre de marcjuis (iiii va soulever
ici tm curieux petii problème de droit.
100 JEAN DE SERVIlilŒS
D'abord (jui est ce monsieur de Lvle-Sainl-Martin ?
Assurément un gentilhomme de vieille souclie, puisque
nous relevons dans la liste des gentilshommes possédant
fiefs en Provence, présentant leurs preuves de noblesse pour
leur admission aux états qui doivent se tenir de 1787 à 1789,
MINI. Joseph-Ignace de Lyle, chev^Uier de Saint-Louis, chef
d'escadre, seigneur de Callian et co-seigneur de Roque-
brune ; Louis-Auguste de Lyle, chevalier de Saint-Louis,
aussi chef d'escadre, seigneur de Taulane, Garron, co-sei-
gneur de Séranon et du Bourguet ; Pierre-Etienne de Lvle
du Montel, capitaine de dragons au régiment de Durfort,
seigneur de Roussillon ' ; et enfin Jean-Gaspard-Henri de
Lyle-Saint-Martin, chevalier cle Saint-Louis et lieutenant
des vaisseaux du Roi, notre marquis.
Tous les quatre ils se disent <( de la branche collatérale des
anciens pairs du rovaume d'Ecosse " ». Dont acte.
Leurs armes étaient : d'azur aux trois fleurs de lis de
jardin .
Noblesse ancienne, certes, puisque la sœur du dit mar-
quis, Françoise-Gabrielle-Honorée, avant sollicité en 1777,
une des dots spirituelles de 4.000 livres, créées par la fonda-
tion de ^L le président de Saint-\"allier, dût soumettre à
M. d'Hozier, juge d'armes de France, <( tous les titres cjui
éiai)lissaient incontestablement l'ancienne extraction mili-
taire- de la famille de Lille (sic) seigneur de Taulanne, de
Callian et de Saint-^Lartin d'Allignosc », d'où il résultait,
après l'examen de la généalogie des différentes branches de
' A cette branche faut-il attacher (( noble Pierre-Jean de Liste,
écuyer, secrétaire du Roi, baron de Roussillon, i*"'" Echevin de
Marseille en i75<), au(|uel Octave Teissier, dans son Annoriul
des Ecliciiiis donne: u l)'a~mr a trois lis d'iirgod iigrs et feuilles
de si no pie? »
■ Aicli. B.-du Rli. C. 1830,
LE (( MAROllS )i I)i: I.V[.R-S\IXT-M\I< I IN-
Jul
celte maison Cjuc le père de la poslulante « Jfan-(;as|)anl
de iJlle, seii^neiir de Saint-Marliii d'AlIi-nosc » Iminait le
liiiilième dei^ré de noblesse '.
Tne dame de L\ le-C"ailian était supéricnirt' du 2" eouxent
de la \'isitation de Marseille.
Celui-ci, né le 24 août 1710, était le fils de Joseph (né le
18 mars 166S) et d'Anne-Rose de Bayon (contrat d.î
mariage du 23, novembre 1709), et le petit-lïls de Claude et
de Douce de Lille (sic) mariés en avril 1661 (contrat chez
Possin, notaire à Marseille).
Jean-Gaspard, avait épousé Françoise de Chaudon (con-
trat du 10 mai 1 7-j3), et de leur union étaient nés, à Riez, le
10 juin 1749, Jean-Gaspard-Henri, qui nous occupe, et en
1754, le 10 juin aussi, à Marseille, Françoise-Ciabrielle-
Honorée, citée plus haut, qui fut baptisée à Saint-Martin,
et eut pour parrain Messire Honoré de Lisle, chevalier,
seigneur de Callian, et pour marraine la Demoiselle Thé-
rèse de Lyle, le père absent.
C'est évidemment par Françoise de Chaudon que la
terre et seigneurie de Saint-Martin d'Alignosc, ou Le
Rimât (actuellement dans la commune de Roumoules),
passa aux de Lvle, puisque nous voyons que cette terre fut
acquise en 1696 du domaine roval, par Oronce Chautlon, du
lieu de Riez, C|ui dût la céder vers 1747 à un Clericy, mais
qui revint, aux environs de 1753 à Gaspard de Lyle'.
Mais encore une fois, ce n'était pas un murquisal, puis-
que le seul marquisat (( de Saint-NLariin » (de Palières),
viguerie de Saint-Maxiir.in. appartenait au président de
Laurens de Brue.
Notons d'ailleurs que ce n'est qu'à la Restauratic.n que
^L de Lvle-Saint-^Larlin prit le titre de marcjuis.
1 Archives des B.-du-Rli. C. i4::4.
^ M. Z. Isnard. Etat féodal de la Haute-Provence.
lOÎ jl-A.\ 1«K .Si:!-l\'ŒRES
Il ctail birn loin l'Arrêt du Parlemenl de Provence du
3 novembre 1677, qui interdisait d'usurper les titres de mar-
quis ou de comte, ainsi que la qualification de Damoiselle,
et si la Cliarte de 1S14 avait i^roclamé que la noblesse
ancienne reprenait ses titres et que la nouvelle conservait
les siens, du moins lallail-il être en possession de titres
autlientiques. .
M. de Lyle-Saint-Mariin (Jean-Gaspard-Henri), lieute-
nant des vaisseaux du Roi et chevalier de Saint-Louis, avait
épousé, le 27 juillet 1784, en l'église Saint-Martin, à Mar-
seille, JMarie-Marguerite-Colombe Gay, fille de Jean-
Antoine Gay [de Taradel], négociant et de ]\Iarguerite-Lau-
rence Coutier, demeurant rue des Récollets. Sa femme
naquit vers 1763 et mourut le 3 mai 1S38 à Marseille, rue
de la Pare, 11. — Une fille, Laurence, leur naquit, le
13 mai 1786 à Marseille.
Nous ne retiendrons des états de services militaires de
' ''^*- ^*^ notre Reien c|ue son grade de capitaine des vaisseaux du
■»- — ' '■«^r^Uu*» ^ • X-
/»-••• r Roi et sa décoration de chevalier de Saint-Louis. Nous
!* ; 6>Ut4^Ir ^'^'ouerons que son nom s'est peu rencontré jusqu'ici dans
r {rtuM'«'v< À les documents publics que nous avons pu consulter. Tou-
ltfk<^<««^ <t tefois, il avait dû se retirer du service à Marseille, et
Ut li^P > traverser, nous ne savons trop comment, la Révolution,
..♦«^ jKr. I<f3| puisque l'Académie de ^larseille, — cjui s'appelait alors :
J le Lycée, l'élut dans sa classe des sciences le 5 ventôse
an IX (24 février 1801).
Il fut le président de cette Compagnie, en 1814, et l'on
peut assurer qu'il se montra fort assidu, et qu'il ne se pré-
lassa point dans un fauteuil de tout repos, si nous consul-
tons l'abondante liste de ses travaux.
(( Distingué par le goût des sciences exactes, l'amour de
l'agriculture, des arts utiles et de la retraite » nous dit le
D"" Lautard, il a laissé de nombreux ^lémoires ou Rapports:
LE (( MARol IS » DK I.VLi:-S.\rNT-M.\RriN IO3
Mi'nioircs: Sur la manière d'extraire le goudron. — Semoir éro-
nnmique: aperçu rapide sur l'immense économie de céréales (|ue
ferait la France si partout elle adoptait le semoir invt-nté par lui.
— Manière dont les paysans du Valais construisent les fourneaux
dont ils se servent pour extraire le goudron de leur bois de pin.
— Sur les avantages que retireraient les vaisseaux qui font la
traite des nègres, de faire usage sur leurs bords du ventilateur à
force centrifuge. — • Trois mémoires sur la marine. — Sur un
moulin propre à produire son eflfet par le courant d'une rivière
sans que la gelée en interrompe le cours. — Sur un moulin à vent.
— Sur un ventilateur agissant sans le secours d'une machine (appro-
bation de l'Académie des Sciences). — Sur des expériences faites
pour compenser l'effet des pouzzolanes artificielles et l'efïet des
pouzzolanes d'Italie. — Sur l'agriculture marseillaise. — Sur
l'avantage de la culture du choux-navet dans le Midi non arrosé
considéré comme fourrage. — Influence de la morale sur la durée
des gouvernements, etc., etc.
Rap-ports: Sur l'encombrement du port de Marseille (Mémoire
de M. Defougères, pour l'empêcher). — Sur les sauterelles (en col-
laboration avec M. Casimir Rostan). — Sur le sel marin, modifié par
les expériences de M. Hippolyte Guey, et employé dans les engrais
(en collab. avec }iIM. Ac hard et de Sinety). — Sur la mécanique
pour filature, de W. lUy. — - Sur un tribut académique propre à
donner des connaissances utiles aux jeunes marins (Mémoire de
M. Blancard). — Sur la description de plusieurs machines hydrau-
liques. — Sur le moyen imaginé par M. Peyron pour que la charrue,
dite Araire j n'endommage pas la vigne. — Sur le perfectionnement
de la charrue (Mcm.oire de la Société de Boulogne-sur-Mer). ~ Sur
la ruche pyramidale. (Mémoire de M. du Couëdic, contre M. Lom-
bard, auteur de la ruche de village). — Sur la ruche écossaise de
^[. do la Bourdonnaye (d'après l'ouvrage de M. du Couëdic). — Sur
l'amélioration de la culture des plantes céréales (de M. François de
Xeufchâteau). — Sur les prairies artificielles (de M. Quenin). —
Sur les moyens employés pour remettre à flot un vaisseau américain
échoué (Mémoire de M. Chicallat). — Sur un instrument d'agricul-
ture (^Mémoire de M. Jullien). etc., etc.
Il avait été aussi l'un des rédacteurs de IWdres.se de
fidélité au Roi, votée par cette Compan^nie au printemps
de 1814, et comme le Conseil municipal de Marseille l'avait
choisi pour un des membres de la députât ion charo^ée
de porter aux pieds du trône de Louis le Désiré les vœux
de la municipalité et de la population marseillaise, il inter-
iÔ4 JI^AX DE SERVIÈRF.S
]ii\''l<'i aussi, en (jualilé de délégué officiel, les hommages
de l'Académie. 11 écrivit à l'Académie de Marseille le 5 juin
1814, la relation de l'audience du Roi.
Conseiller municipal de Marseille, M. (( Lyle-Saint- ^Mar-
tin, répartiteur des Contributions », avait été nommé à ces
fonctions édilitaires par un décret impérial daté du 16 février
1807, du camp d'Osterode, et le serment prêté à l'Empe-
reur, le nouveau conseiller avait été installé à la séance
du 24 avril.
Là aussi, il prit son mandat à cœur, et son nom figure
presque toujours parmi les présents aux séances du Con-
seil. Il ne quitte le procès-verbal que cjuelques mois avant
sa mort.
Il va sans dire qu'il accueillit la Restauration avec trans-
port, et le 5 octobre 1S14, M, le duc d'Havre lui écrivait
pour l'aviser que Monsieur lui accordait la croix de la
Légion d'honneur et l'autorisait à la porter en attendant
l'expédition du brevet par le ministre. Ils étaient d'ailleurs
assez nombreux dans le même cas. Et c'est ici que nous
allons avoir l'explication du marquisat honorifique dont il
se paraît.
On sait qu'en 1816, afin de procéder à l'établissement
des nouveaux registres matricules et des listes officielles
des membres de la Légion d'honneur, le grand chancelier,
M. le maréchal Macdonald, duc de Tarente, avait fait
parvenir à tous les décorés un Procès-Verbal d'individua-
lité, ainsi que la formule du serment exigé des Légion-
naires. Ce document devait être établi par le notaire et cer-
tifié par deux témoins choisis parmi les principaux pro-
priétaires ou fonctionnaires de la localité, et voici les notes
que nous avons mises au jour concernant notre décoré ' :
(( // a élé incomplètemenl désigné snus h nom- de De
Lyle St-Mariin, député de la ville de Marseille. Son nom
^ Aicliives de Marseille: 2G Hi.
LE <( .MARnllS >> 1)1. I.\ l.l-.-.s.\l.\ I -.MAK 1 IN" I0$
cl prénom dcvanl cire : Xom : dv I.vlt-, Prcnnms: Jc;in-
Gaspard-IIem i.
Oh serval ion
M. de Lyle Sl-Marlin (requeranl) n'csl poinl designé
dans son acte de naissance sous le surnom de St-Mariin. Ce
surnom lui vienl d'une lèvre qui apparlenail à sa famille.
Et le titre de marquis lui a été donné par Sa Majesté
dans un certificat de fidélité au Roi et à la Monarchie
qu'elle lui fit remettre en 1794, titre que Sa Majesté lui a
encore donné dans un brevet de pension accordée par
ordonnance du 31 janvier 1S16.
En conséquence, il s'appelle le marquis de Lyle St-Mar-
tin, nom sous lequel il est connu dans la Société ».
Ainsi donc, en 1794, en pleine émigralion, et alors que,
légalement, les litres de noblesse avaient été supprimés qua-
tre ans plus tôt par un décret de l'Assemblée Nationale,
contresigné de Louis XVI, le Régent de France, puisque
le Roi régnant Louis X\'II était encore vivant, quoique
prisonnier au Temple, [on voit que nous nous plaçons ici
sur le terrain strict de la légitimité], pouvait distribuer des
titres nobiliaires à ses amis politiques? Le cas de cette col-
lation toute de courtoisie, méritait d'être signalé.
A moins que la bonne foi du Prétendant [et le comte de
Pro\ence ne l'était pas encore] ait été surprise en délivrant
ce simple certificat de fidélité à un gentilhomme qu'il sup-
posait déjà marquis.
Sous quel titre plait-il au Roi que je sois Comte? disait
à Don Carlos, roi de toutes les Espagnes, un cei-tain Don
Ricardo dont nous savons, par Hernani, que son secret,
avait été <t d'être sur la route du Roi! » ce qu'un envieux
savait lui reprocher, en un seul vers:
(( Vous ave:; profité de ses distractions! »
I06 JIÎAN DE SERN'IÈRES
Oii()i(jii'il vn soil, aucune confiriiiation li'i^alc n'est \nicr-
\eniw pour M. tic r.yle-Saint-AIai'tin, même th^puis la Res-
tauration, et le titre de marquis mentionné sur un titré de
pension en 1816, ne vaut pas un brevet enregistré en bonne
et duc forme à la Chancellerie de France et inséré au Biil-
leliii des Lois el Ordonnances. Et: celui-là, nous l'ignorons.
A la vérité, il importe assez peu.
-M. de Lyle-Saint-]\Iartin mourut à Marseille, en son
domicile, rue Pavé-d' Amour, n" 21, et voici sous c|uelle
forme fut dressé, le 10 mai 1821, son acte de décès: (( Mes-
sire Jean-Gaspard-Henry de Lvle Saint-Martin, mariiuis,
décédé lîier à cinq heures du soir, chevalier, ancien. capi-
taine des vaisseaux de S. M. chevalier de l'ordre Royal et
militaire de Saint-Louis et de l'ordre roval de la Légion
d'honneur ».
AL de L}-le-Saint-Martin, avait succombé « aux infirmi-
tés qui l'avaient depuis longtemps accablé. Sa mort excita
les plus vifs regrets » — assure son confrère de l'Académie,
M. le D"" Lautard — qui ajoute Cjue (( sa xïe tout entière
ne lut que l'expression des vœux d'im homme de bien qui
désire le bonheur de ses semblables ! »
Nous n'en doutons pas. Nous sommes même très heu-
reux de sortit- im instant de l'oubli le nom de ce bon offi-
cier et de cet incontestable honnête hommct; au sens cjue
l'on donnait jadis, à ce mot. Et si le fabuliste du grand
siècle en a raillé finement la vanité, en écrivant :
Tout petit prince a des ambassadeurs
Tout marquis veut avoir des pages.
AL le marquis de Lyle-Saint-AIartin, à propos de notre
visite a Riez, ne nous en voudra point de lui en consacrer
quelques-?n?c.s- dans Provincia.
Jean de SERA II^^RES.
loy
NECROLOGIE
Le Colonel Jules Maurel
Le 29 décembre nous avons accompagné au cimetière rotre tics
regrette collègue, M. le colonel Jules ^laurel, commandeur de la
Légion d'honneur, Croix de guerre, Cjui faisait partie de r.ctrc
Société depuis le 26 avril 1928 seulement. Il n'a donc fait que pas-
ser parmi nous, mais déjà il était venu s'asseoir plusieurs fois à
nos réunions mensuelles de Longchamp, et il nous a Cjuittés brus-
quement, alors qu'il nous promettait son assiduité à ces séances qui
intéressaient son vaste esprit, et où il se sentait entouré de la défé-
rence et de l'estime de tous ses collègues.
!Marie-Lazare-Jules Maurel, né à ]\Iarseille, le 19 février i85r,^
d'une vieille famille de notre cité, élevé dans (c cet admirable
collège d'OulIins que tant de Marseillais connaissent «^ sorti de
l'Ecole Polytechnique en 1882, ayant choisi l'artillerie, devenait
bientôt instructeur à l'Ecole d'application de Fontainebleau.
A la suite d'un deuil cruel, c|ui brisait son foyer (il avait épouse
Mlle Marie-Claire Casati), il avait c]uitté l'armée avec le grade de
capitaine, pour se consacrer à l'éducation de ses nombreux enfants.
La guerre de 1914-1918 le rappela à l'activité et il parvint au
grade de colonel et à la cravate de commandeur de la Légion
d'honneur. Il fut cité six fois et nous pouvons relire avec fierté
quelques extraits de ses citations :
(( Olficier d'une très grande valeur, commandant d'artillerie dii'i-
sionnaire exceptionnel, organisateur de tout premier ordre, compé-
tence hors pair... A animé de son esprit offensif des groupement^
d'artillerie importants, les poussant sur les talons même de Vin-
fanter-p. » — ce .4 su réaliser une liaison si étroite avec la pre-
mière ligne, qui s'installait à peine, qu'il a pu prendre sous son
feu une puissante contre -attaque allemande forte d'au moins trois
bataillons et la faire échouer avant qu'elle ait atteint notre nou-
veau fro)it ».
Son régiment et lui-même furent cités à l'ordre de l'armée.
11 eut, lui aussi, du fait de la guerre, des angoisses cruelles. Son
fils fut très grièvement blessé en Alsace, .son gendre tué à la Main-
de-:\Iassiges, suivi bientôt dans la tombe par son épouse désolée,
laissant au grand-père accablé une petite fille à élever, à l'édu-
cation de laquelle, dix années durant, il s'attacha avec cette dou-
ceur, cette bonté, qui étaient la caractéristique de ce cœur d'élite.
loS
("l'prndanl, il rnn^arrait tout le temps dont il pouvait flispnset
aux bonnes (ruvre'; rt aux ouvres de polidarité: Président de la
Caisse Nationale de Retraite des Officiers de réserve, ^'ice-pl^'
sident de l'Association des Officiers de réserve de Marseille, etc.
Sa perte a été sensible à ses très nombreux amis, et dans notre
Société, où il avait été présenté par son beau-frère, notre vénéré
collègue yi. Joseph de Barbarin, M. le colonel Jules IMaurel ne
laissera c|ue des regrets. Et nous en renouvelons l'assurance à toute
?a famille, avec nos condoléances les plus sincères et les plus
émues. — S.
Fernand Gendrier
Xotre très sympathique collègue n'a fait cjue passer parmi nous.
Reçu membre de la Société de Statisticjuc, d'Histoire et d'Archéo-
logie le 12 janvier 1928, il^ est mort un an après, le 21 jan-
vier 1929, à la suite d'une crise d'uré'mie. Très assidu à nos séan-
ces, il avait concjuis toutes les sympathies par sa distinction, sa
haute culture et le charme de ïa conversation. Sa perte inattendue
a été vivement déplorée.
Xé à Paris en_i859. Fernand Gendrier avait fait de brillantes
études au Lycée Condorcet puis à la FTfCulté de droit. Après un
stage, comme avocat, il songeait un moment à acquérir une charge
de notaire. ^Mais l'astreinte à des préoccupations purement maté-
rielles cadrait mal avec son tempérament indépendant et son esprit
idéaliste. Lâchant la rédaction des minutes, il se consacra entière-
ment à la littérature et au théâtre.
Son œuvre, sans être considérable, comprend surtout des pièces
de théâtre dont les principales sont: Le Miracle, drame en vers ;
Le dernier seig:tei:r de Mai/gis; L'âme d'ini tyraji; L'honneur des
Rois, pièce en trois actes, en vers; Sous le ciel de Florence; La
force du destin, drame en trois actes, en vers, etc.
Ces pièces ont été jouées sur diverses scènes mais n'ont pas
été publiées. Par contre, un volume de vers, Temps d'orage, a été
imprimé chez Pion.
Fernand Gendrier affectionnait particulièrement la pièce à sujet
historique; il savait assez habilement nouer une intrigue, dont le
développement servait à l'exposition de leçons morales et philoso-
phiques d'une inspiration toujours très élevée. Il disait lui-même
de ses oeuvres que c'était du vieux, très vieux théâtre. JNIais n'est-
ce pas plutôt à son éloge? Ses pièces relevaient d'ailleurs plutôt
du théâtre de salon que de celui du boulevard. Rien n'explique
mieux qu'elles n'aient pu être goûtées que d'une élite.
lOf)
Plus poète que versificateur^ il alignait dos vers contrastant quil-
qucfois entre eux par la qualité. Il semble s'être attacht', souvent,
plu:- au fond qu'à la forme; pourtant son œuvre abonde en vers
magnitrcjucs.
Savant latiniste et hclicnisti-, parfait musicien, grand travailleur
étudiant sans cesse, toujours à la recherche d'un nouveau sujet il
laisse inachevés une grande étude philosophique sur la religion et
au autre volume de vers.
Bien qu'ayant résidé à Paris presque toute sa vie, il avait été
séduit par notre ^lidi et s'était fixé depuis riuclqucs anm'os à
Saint-Julien où il est mort.
Nous présentons à sa famille, spéeialen^ent à sa tante, Mme J.
Cendrier, nos plus -.vmpathiques et respectueuies condoléances.
-^ J. R.
Maurice Danon
C'est avec une réelle peine f|ue nous avons appris la mort à
Paris, le 6 janvier dernier, de Maurice Danon.
Enlevé à l'affection des siens en pleine maturité, notre excellent
collègue laisse une place douloureusement vide dans le cercle
de ses amis et sa disparition a été des plus cruelles pour tous ceux
qui avaient eu le délicat plaisir de le connaître.
Xé à ]^larseille, en 1882, Maurice D'intm avait fait au lycée de
cette ville des études très brillantes et, après avoir pris sa licence
es lettres à la Faculté d'Aix, projetait volontiers de se destiner
au professorat où semblaient l'appeler sa haute culture, son goût
profond des choses de l'esprit, la dilection toute particulière qu'il
marquait notamment pour l'histoire et la littérature ; mais cette
vocation ne se réali-ja pas, son père, grand négociant, ayant cru
devoir l'appeler avec lui aux affaires, Maurice Danon tenta dès lors
de répondre dans toute la mesure du possible aux voux paternels.
11 n'en restait pas moins l'esprit fin, délicat, curieux de toutes les
manifestations intellectuelles, en (|ui s'étaient annoncées de si bonne
heure les meilleures promesses. Il avait collaboré à diverses revues
et c'était un rare plaiL:ir pour tous ceux que les circonstances rap-
prochaient de lui ciue de goûter le charm.e de ces causeries intimes
où s'affirmaient à la fois rex(|uise affabilité de son caractère, la
])e: feilif 11 de .-a rvilturc, la note bien personnelle et nuancée de
son intelligence. Puis, vint la guerre. Pour sa Ijelle conduite, Mau-
rice Danon se vit décerner la Croix de guerre et la médaille mili-
taire. Ciavement intoxiiiué par les ga/, il ne |)Ut jamais, hélas,
IIO
rétablir sa santc et ce fut là l'origine de la longue et cruelle mala-
die qui devait finir par l'emporter.
C'est sous l'empire de ce mal inexorable dont il supporta si vail-
lamment la terrible étreinte C]ue Maurice Danon vécut ces dernières
années, portant le même attachement fidèle et passionné aux nobles
causes de l'esprit qu'il avait fait siennes sa vie durant, ne cessant
de manifester en toutes occasions la délicatesse de sa nature. Il
avait été reçu à notre Société le 7 juin 1923.
Que sa famille désolée veuille bien trouver ici l'expression renou-
velée des bien vives condoléances de la Société de Statistique,
d'Histoire et d'Archéologie. — G. V.
BIBLIOGRAPHIE
A I'ROI'On d'iNE ANTHOLOGIK PROVENÇALE:
Notre confrère, M. Emile Ripert, professeur de littérature méri-
dionale aux Facultés d'Aix-Marseiile, vient de publier à la librairie
artistique I.aurens-cx Rcnouard. et dans .la collection: Les Provinces
françaises, un intéressant volume sur la Provence.
C'est le dixième de la collection, dirigée par M. Henri Marcel,
directeur honoraire des Musées nationaux. Les précédents sont
consacrés: ciiiq aux provinces du centre: Touraine (par Henri Guer-
lin), Auvergne (Louis Bréhier), Marche Limousin (J. Xouaillac),
J'erry-Bourbonnais (Augustin Bécharel), Bourgogne (Calmette), et
quatre autres à celles de la périphérie. Bretagne (Anatole Le Braz),
Sormandis (Henri Prentant). l'ranche-C omtc (Henri Gazier), Dau-
fhinc (Paul Berret).
Le format adopté est le grand in-S", carré, papier couché, envi-
ron 250 pages de texte, dont un tierà à peu près comprenant une
étude sur la province, et le reste ime antholgie des meilleurs auteurs
qui ont écrit sur elle. L'illustration est abondante (120 à 150 vues)
et généralement très judicieuse. L'ensemble permet au lecteur de se
faire une idée exacte de la région.
L'étude de M. Ripert, — Cjui absorbe les deux cinquièmes du texte,
— comporte quatre chapitres: les paysages, Y histoire, les lettres
et les arts, la T:e et l'âme provençale. Pour l'anthologie s'ajoute
une cinquième division: les villes.
Le livre se feuillette, se parcourt, se lit avec plaisir, agrément
et profit, et je conseille vivement sa lecture.
Et pourtant, quand on le ferme on a le sentiment qu'il est
incomplet. L'auteur ne nous promène qu'à travers la Provence rho-
danienne et maritime qui n'est pas toute la Provence: il s'en faut.
Dan:^ son introduction '\\. Ripert semble hésiter à établir les bor-
nes de la Provence. Nous croyons qu'elles sont assez facilement dé-
terminablcs, nonobstant les vicissitudes de l'histoire, des guerres,
de l'administration. Pour nous, la Provence est constituée par la
vallée de la Durancc, et ses contreforts, son artère essentielle est le
torrent fougueux tjui la coupe à peu près en diagonale, du Genèvrc
(exactement du col des Rochilles) à Avignon (originairement à Arles).
Géologiquement la Provence est caractérisée par la susbtitution, au
système alpin orionié X.-S. du système liguro-pyrénécn orienté
113
E.-\V. comme en irm()ij4ncnt les cluiîner? parallèles, A'entoux, mon-
taf,'nc de Lurc ; Lubcron, Alpilles ; Sainte-Victoire; Nerthe, Etoile,
Olympe, Sainte-Baume, Aurélien ; Alarseille-Vej-re, Carpiagne, Mau-
res, Estérel. Climaticiucmeiit c'est la région des Alpes sèches dont
la limite septentrionale est jalonnée par ^e détroit de Donzère,
au sud de Viviers, le col de Roucset au nord du Diois, où le chan-
gement de végétation est fort impressionnant, le col de Lus la
Croix haute, à la source du Buech. Tout diffère au nord et au sud
de ces points: le terrain; schisteux, calcaire; la végétation: sapin,
chêne; le climat: humidité, sécheresse, et aussi la lumière.
C'est aussi la région où résonne le dialecte d'oc dénommé pro-
vençal. Certes, nous n'irons pas jusqu'à prétendre provençal le
parler de Briançon. Ni par sa langue, ni par ses vicissitudes his-
toriques et administratives, Briançon n'-âppartient à la Provence.
A l'époque romaine elle fit partie des Alpes Graies, puis releva de la
.Maurienne, du Dauphiné. Mais dès Largentière, les caractères pro-
vençaux apparaissent. Embrun, métropole des Alpes-Maritimes, a
son histoire tant civile que religieuse associée à celle de la
Provence.
Enfin, la Durance est le grand couloir par lequel les monta-
gnards de familles plus prolifiques, sont descendus vers le bas pays
et le littoral. Et c'est un fait démographicjuement établi cjue l'émi-
gration du département des Hautes-Alpes, malgré son rattachement
au Dauphiné et à Grenoble à divers points de vue administratifs
(armée, justice, enseignement...) est, dans une très forte propor-
tion dirigée vers la Basse-Provence.
Avant 178g toute la gcntilhommerie provençale se titrait de sei-
gneuries souvent minuscules, situées dans la haute Durance et
valléej latérales. Que de villages et hameaux mourants ou morts
des Basses-Alpes, du l.ubéion, du Diois..., dont le nom se retrouve
sur les listes de M_M. du Parlement et de la Cour des Comptes.
Or, de ce vaste territoire c|ui recueille les eaux allant à la Du-
lance, que nous dit M. Ripert ? Pas grand chose et mêm.e presque
rien.
En son chapitre des paysages, sur dix paragraphes consacrés à
la description: un seul se réfère aux Basses-Alpes, trois aux pays
ihodaniens, cinq au littoral.
Au chapitre de l'histoire rien sur le marquisat de Provence, le
comté de Forcalquicr, le petit diocèse, les terres baussenques ; le
nom de Sabran est-il prononcé.'
Dans l'anthologie, rien pour la Durance. L'impétueux torrent n'a-
t-ii jamais été chanté ni décrit? Pourtant Surrell, Peloux, \'illems,
Cauvin et autres en ont nécessairem.ent parlé. Je me souviens môme
113
d'avoir, il y a vingt ans, bien loin de chez nou?, sur les boids
paisibles de la .Moselle, sous une fraîche tonnelle, à l'ombre du
Fort Saint-Mncent, entendu l'ingcnieur départemental des Ponts
débiter de bons vers sur la Durance. très exacts et images, com-
poses par lui durant un séjour à Digne. Le défilé de Serre Ponçon
n'est pas même signalé, et pourtant C|ue d'encre n'aura-t-il pas
fait consommer avant de retenir les eaux de l'Ubave et de la
Haute-Durance.
Une pag-e de Barrés sur .Mirabeau, une description de Sistcron par
Paul .Arène. Rien sur Forcal({uier, Manosque, Moustiers, Barjols,
le Tivoli provençal. — La fontaine de Vaucluse est incontesta-
blement la plus belle et la plus célèbre de nos Fons, mais n'au-
rait-on pas pu signaler qu'il y en a un peu partout en Provence:
le~Groseau, Fontaine-l'Evèque, les Fons de Grasse, Draguignan.etc.
On nous donne un extrait des Letires de mon Moulin, sur le
retour des troupeaux. N'aurait-on rieri pu trouver sur le départ
pour la montagne, le parcours des carraires, la vie pastorale sur
les hauts sommets: Devoluy, Morgon, Chardanon, etc., etc.
N'y aurait-il rien dans les œuvres éparses de Gagnaud (Berluc-
Perussis), de Din, de Plauchut, de Faure, le pcjète gapençais, etc.
Je me plais à constater que l'illustration c~r plus variée ([ue le
texte sur lequel s'exerce mon acerbe critique. J'y ai vu avec plai-
sir, voisinant avec la Pierre de la Fée, une coiffe dracénoise enca-
drant un visage Cju'il me semble reconnaître et qui pourrait être un
souvenir d'enfance pour !M. Emile Ripert.
Digne, Sisteron, le lac d'Allos, les gorges du \"erdon, peut-être
tin paysage de Paul Guigou : la moisson dans la montagne, un
troupeau transhumant, les pénitents des Mées et la Durance, on
ctmviendra avec nous cjue c'est peu sur un total de cent trente-
cinc| illustrations.
- L'architecture rf)man(> pouvait offrir des échantillons aussi signi-
ficatifs que la massive cathédrale d'Embrun, la porte de l'église
de Ganagobie. le lavabo du Tholonet, les cloîtres de Silvacanc et
de Sénanciue. Riez conserve des ruines romaines tout comme Frc-
jus. On pourrait consacrere un chapitre rien qu'aux châteaux: La
Tour-d'Aigues, Ansouis, Salon, Gordes, La-Barben, Tourrettes, etc.
Certes, il fallait choicir ; le choix qui a été fait est bon, disons
même: excellent. Mais la part de la Provence littorale est léonine.
Dès lors se pose la question: Pourquoi cette préférence pour les
rivages, cet ostracisme pour la montagne?— Sentiment de poète?
-^ Ignorance du haut pays? — Ou bien l'auteur a-t-il prétendu écrire
seulement pour les voyageurs en pullmann, en douze cylindres ou
8
114
en fokkcr, qui ne sauraient pénrtrcr dans les étroites vallées de nos
iTKints prf)vcnçaux ?
Pareille réponse ne saurait satisfaire. 11 ne s'agit pas de
minimiser la Provece, de la réduire à une étroite bande littorale.
Il faut la faire connaître entièrement aux voyageurs, aux étran-
gers, avec ses anses et ses pics, scri cagnards et ses glaciers. Un
petit livre, que je ne ferai pas à 'SI. Ripert l'injure de comparer
au sien, (|ui rut pour auteur un juriste d'origine miarseillaise, Jules
Carrière (fils de l'auteur du Caducée), la Provence et ses J'oies
nom elles, composé sans doute près d'Antibes et peut-être pour
distribution de prix, lors de la mise sn exploitation des lignes
ferrées du Sud-France, est un bon guide pour la visite du nord
\'ar, comme celui d'Eirenberger et Cauvin pour celle de la haute
Durance. Pourquoi le livre de INI. Ripert ne peut-il, plus complè-
tement, nous rendre le même service?
L'auteur vient de corifier à son imprimeur un recueil de poésies
qui aura pour titre: le Train bleu. Or, dans quelques décades (une,
deux, trois.") le train bleu abandonnera le Rhône à Mondragon, tia-
versera le Comtat, remontera la Durance jusqu'à Pertuis, laissera
le voyageur jeter un coup d'œil sur le ravin de l'eau salée à Bar-
jols, le saut de l'Issole à Carcès, Saint-Michel sous terre près des
bois d'Astros et ne rejoindra la mer qu'à Fréjus. C'est .alors la
Provence littorale qui sera l'inccnue aux pulmanniques. En prévi-
sion de ce changement d'itinéraire que M. Ripert prépare dès main-
tenant la refonte de sa Provence et rendons sa tâche nécessaire en
épuisant vite la première édition. — A. Rampal.
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
MAksKii.l.K. W'ii le milieu Civ l\u'- hjj.S. dos scaphanchiors ?c
livrant à la pèche du corail, tout près de l'Ile Maire, trouvèrent à
une assez grande profondeur plus de 200 amphores romaines, la
plupart entières, dont ils pourvurent les marchands d'antiquités de
Marseille. J'ai vu chez t|uelques-ims de ces derniers' des stocks
variant de 15 à 40 ; le prix de demande actuel va de 100 à 250 fr.
la pièce. Cette accumulation d'amphores sur un espace restreint, e,-t
l'indice soit du naufrage du bateau transporteur de ces vases, vides
ou pleins de vin, Goit de la nécessité dans laquelle, par suite de
mauvais temps, l'équipage se trouva d'alléger la cargaison en jetant
par dessus bord cette importante quantité de récipients en céramicjue.
Il est à retenir que la pêche du corail sur nos côtes, abandonnée
pendant près d'un siècle, paraît renaître depuis très peu de temp.>.
Allauch. — En iQoi et 1914, j'avais procédé à une exploration de
surface de la colline du Château. De novembre à février
j'y suis retourné plusieurs fois et le 17 avril je faisais commen-
cer, dans quelques poches de terre qui subsistent encore sur ce
rocher, des sondages, dont le plus profond a atteint 1™ 75 de
profondeur. Ces recherches ont permis de constater la présence
sur tout le pourtour et le sommet de la colline de vestiges de la
Tène III (très rares), de débris industriels romains (gros doUa,
tfgulfe_, amphorions, bague en bronze, meules en basalte, scories
de fer et quelques échantillons de la poterie rouge lustrée avec
décor en relief se rapportant à la première moitié du lir siècle de
notre ère). Nous y avons aussi reconnu de la céramique carolin-
gienne, de la vaisselle émaillce ou non du moyen-.'ige et deux
monnaies du xvi* siècle.
Partout, nous avons pu constater un mélange entre toutes ces
époques et un état fragmentaire des objets qui ne peuvent s'ex-
pliquer que par le bouleversement complet subi par les gisements
anciens Icrs de la construction du chrucau et du bourg, c'est-à-
dire vers 1120. A ce moment, d'importants travaux de nivellement
avec déblais et remblais ont brisé, mélangé et éparpillé sur tous
les points de la colline les vestiges industriels antiques.
ROGXAC. — La carrière de Canourgue, c|uo j'ai eu l'occasion
d'évoquer, à propos d'un autel magique, a tourni u notre coij-
Ii6
frcic Paul Clianfrcau une bague on bronze unie. T. a découverte
(les diverses pièces de la villa se poursuit (2 avril 1929).
T-A\Ç().\. I.e 2"] mars, le même cliercheur m'in\itait à
constater (|ue des dcfoncemcnts opérés récemment au domaine
de la Baumetane, appartenant à M. Thcry, avaient permis de re-
connaître des substructions gallo-romaines dans le voisinage des-
quelles il a été trouvé une monnaie qui n'est autre qu'une de
ces oboles mclgorienncs des évêc|ues de Maguelonc au xil*' siè-
cle, assez communes dans le Midi. M. Chanfreau suit les travaux,
et tiendra .la Société au courant des découvertes éventuelles.
lÎKZlKRS. — Le 21 et le 22 avril, se tenait à Béziers le Congrès
de la Fédération bistoriijue du Languedoc méditerranéen et du Rous-
sillon. La première journée comprenait la visite de la ville où il
convient de noter particulièrement la cathédrale, la Magdeleine et
l'église de Saint-Aplirodise, apôtre de Béziers, où un sarcophage
païen en marbre représentant une chasse au lion, sert de fonts
baptismaux, ce qui est une utilisation plutôt rare de ce genre de
monument ' ; sou:i le chaur se voit une crypte en hémicyle avec
fencstra'j dont le plafond a été remanié. On voit aussi une mai-
son romaine à la rue du Vedel. l'hôtel gothique de Cassagne (rue
Mairan), l'hôtel de Noguier (159X) et son riche mobilier.
Dans Ici:, deux séances d'études tenues dans la salle du Conseil
municipal avant et après le dîner, on entendit les neuf communi-
cations ci-après: par M. F. Alouret, les infiiences hellcniqucs et tar-
tesszennes dans le LangiieLioc et le Roiissillon aux temps protoliistori-
(jites; M. Coulouma, la ScjtCLhaussce de Béziers; D'' Marignan,
le Port gallo-r 01)1(11)1 du Grau de la C]iC7rc\ à l'Est du Grau-du-
Roi, où les vestiges antic|ues se rencontrent en aussi grand nom-
I re c|ue sur la plage de Fcs. Cela est inédit et fort intéressant.
M. le chanoine Hermet, curé de l'Hospitalet (Aveyron), l'inventeur
des statues-menhirs, parla avec une compétence remarcjuable des
poteries de la Graufesencjue, dont l'étude approfondie lui a permis
de tirer pour les fouilles gallo-romaines des éléments chronologi-
ques plus précis encore que ceux fournis par les monnaies. ^L l'ar-
chiprètre Blaquière fit une lecture sur Part chré'tien à Béziers,
-MM. les D''^ Boyer et Vinas et le commandant Barré lui succédè-
rent. Enfin, le commandant Espérandieu fit une communication
importante sur la civilisation sumérienne et les fouilles d'Our, illus-
trée de projections permettant ce constater la valeur considérable
(i) Sur la porte niéridiona'e se trouve un sarcophage chict'cn ;Le Biaut,
Sarcophages Chrétiens, n' '73).
117
(le ces découvertes. La signiticatiun historique de ces fouilles, plus
importantes que celles de Tout-Ank-Anion, est que la civiliL^ation
sumérienne — avec ses armes et ses bijoux ornés de lapis • — a
précédé la civilisation éj^yptienne. dont elle n'est j)ar consé(|ucnt
nullement tributaire.
I.e lendemain matin, les cimgressistes, au nombre de 80 environ,
ont été transportés en cars à l'oppidum d'Ensérune qui, à g kil.
S.-O. de Béziers, occupe un patcau élevé ayant à ses pieds l'étang
asséché de Montaldy et d'où l'on domine toute la contrée des Céven-
nes aux Pyrénées. Défendu par des escarpements, des remparts et au
S. par un large fossé, cet ouvrage dont l'aire est de plusieurs hec-
tares, comporte, chose curieuse, // l'ititérieiir de son enceinte , une
nécropole disposée à son extrémité S. Elle a fourni à M. Mouret
des documents très importants sur des civilisations allant du
1V« siècle avant notre ère à la fin du r"'" siècle après.
La partie du plateau constituant l'habitat est parsemée de trous
creusés dans le poudingue si nombreux et si rapprochés qu'elle
peut être comparée à une passoire. Ces trous généralement ovoïdes
de I à 2 mètres de profondeur et de 2 à 3 mètres de diamètre ont été
considérés comme des silos pour les récoltes. Les fouilles en ont
reconnu déjà 200 environ, j'y verrai volontiers, le sous-sol des
huttes dans lequel ont serrait les provisions (conserves de viande
et de poisson, vin et autres aliments), l'ne disposition analogue
a déjà été observée à Alésia notamment.
L'après-midi fut consacrée à la vi::ite du domaine rlu A'ègrc où
M. F. ]\Iouret a réuni le produit de ses fouilles d'Ensérune et en
particulier de la nécropole préromaine, qui est la plus riche de la
Gaule. Cette collection comprend des agrafes de bronze ajourées,
des parures, perles de colliers, bracelets, bagues, épingles, mcn-
naies, épées gauloises repliées suivant un rite celte, des usirnsiles
de ménage, cuillers, passoires, meules à bîoyer le grain, etc. Mais
l'élément le plus important, est sans contredit la présence de vases
peints qui servaient d"ossuaires. La plupart n'ont revu le jr)ur
(|ue brisés et leur réfection a donné lieu à un travail bmg et minu-
tieux. D'ailleurs on croit que nombreux étaient les vases qui,
suivant le rite ancien ont été brisés volontairement avant d'être
mis dans les tombes. C'est parmi ces précieux débris qu'a été
découvert une coupe de la meilleure fabrication attiquc de la fin
du V siècle ou début du n^ siècle avant Jésus-Christ, sur laquelle
on a cru reconnaître les caractères de l'atelier de Mcidias, réputé
par son style élégant et fleuri.
iiS
A noter aussi des fers à chevaux et un égoutoir de la Tène HT,
orné de petits cercles concentriques et de deux grenouilles en relief
réservées dans la pâte à l'intérif^ur et une belle série de vases celti-
bériques, presque inconnus en Provence.
Notons encore que la prospection archéologique de cette région est
beaucoup plus avancée qu'ailleurs à cause de la vigne qui a donné
lieu récemment à la mise en culture de certaines parties de terrain
jamais utilisées jusqu'à ces derniers temps.
Nîmes. — En revenant de Bézier.-^, j'ai pu voir encore sur les
lieux de leur découverte, grâce à un aimable confrère, M. H. Ban-
quier, cinq inscriptions romaines entières et un bas-relief, qui ont
été utilisés au IV® siècle à boucher une brèche faite au rempart
romain, qui, descendant de la Tour ]Magne sur le cjuartier des
.Mazets, traverse la route d'Anduze avant de gravir un coteau au
sud de cette voie. Ces monuments empruntés à un cimetière voisin
et hors les murs ont été en grande hâte utilisés comme matériaux.
Riez. — En rentrant à >[arseille, je trouvais une lettre de notre
confrère 'SI. Marcel Proveiice, datée du iS avril, par laquelle il
m'avisait qu'il venait d'extraire du mur d'une écurie de Riez une
inscription romaine qui devait être inédite et cju'il a fait transporter
au musée lapidaire, qu'il a installé dans le baptistère appelé « la
Rotonde » et dont l'inauguration doit avoir lieu en juin.
Beaucaire. — Presque au même moment, un autre de nos aima-
bles confrères, le comte Louis de Blégiers-Pierregrosse, voulait bien
m'informer d'intéressantes découvertes faites à Beaucaire et m'ac-
compagner sur les lieux le i*"" mai. En construisant une usine de
matériaux en ciment (briques, bourneaux, etc.), au quartier du Cabis-
col ou de Sizen, situé à la sortie de la ville, sur le côté nord de
la route de Ximes, l'ancienne ria Domitia, ]M. Bernavon mit à jour
sur un front de 40 m. environ et à 2 m. 50 de profondeur, un cime-
tière avec tombes de l'incinération et de l'inhumation, occupant le
même niveau et reposant toutes sur un banc de poudingue, comme
à Ensérune. Une grande partie des trouvailles effectuées a été trans-
portée au musée de Beaucaire. Son conservateur, le D"" Julian
et -M. !\Iouret, de Tarascon, procèdent à leur détermination et nous
font espérer une étude complète sur ce très intéressant gisement
dès c]ue les travaux de creusem.ent seront achevés. Sur le chantier
même ou au m.usée, j'ai pu faire les constatations suivantes: sépul-
tures sous tegulœ ou dans de grandes amphores (comme à Mar-
seille et à Gênes); pour les sépultures de l'incinération, emploi d'ur-
nes en céramique, accompagnées de vases à offrandes en poterie cam-
panionno, d'Arczzo, vases cloutes ou goclronnés, imitant des vases
en n\ôtal, cérami(|ue indigène (lampes, écuelles, etc.), vases à cou-
verte rouge unie ou avec bandes circulaires rouges et (|uadrilagc
lozangé eu brun, plus fins que les vases celtibéricns, céramifjue
rouge dit." samienne où se lit la marque de SCOTM {Scotius Mann)
déjà rencontrée à Vienne ', etc. Toute cette céramique assez variée
comme pâte et comme types de vases, aussi bien celle d'exportation
que celle de fabrication indigène, comporte toujours l'emploi du
tour. Ces sépultures ont aussi fourni deux glaives en fer, des bagues
et des plaques d'application en bronze, des figurines gauloises en
terre grise creuses; ce sont de petits bustes dont la tête n'a pu
être conservée sur les trois exemplaires découverts jusqu'à main-
tenant ; à noter aussi des pots à fard en verre dont un muni de ses
chaînettes de suspension en bronze, des monnaies de la colonie de
Xîmes, de l'empereur Caligula et une monnaie ibérienne de.s lU^-
ir siècles se rapportant à la ville d'iluro (aujourd'hui Liria près
Valence), que M. de Love m'a aidé à déterminer. De cet ensemble,
il ressort que l'on a enseveli dans cette nécropole — plus récente
que celle d'Ensérune — du lll^-ir siècles avant notre ère au
IF siècle après, soit pendant quatre ou cinq siècle-. L'absence ici
de coffres eri pierre ou cistes ou de récipients cinéraires en verre
ou en plomb e;t à retenir, aucune inscription n'y a été rencontrée.
Ces tombes anonymes sont celles de gens peu fortunés.
Cannes et Ximes. — Le Congrès annuel de Rhodania, association
des archéologues de la vallée du Rhône, se tiendra à Cannes et
Grasse du 5 au 8 août et la X^ session de l'Ecole antique de Ximes,
du 26 août au 7 septembre.
Forma orbis Romani. — En 1927, l'Union académique interna-
tionale, dont le siège est à Bruxelles, a entrepris la carte archéo-
logique du monde romain. L'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres s'est chargée de la Gaule et s'est assuré pour ce travail de
longue haleine, près de soixante-dix auxiliaires; c'est ainsi que je
collabore à cette œuvre considérable pour le département des Basses-
Alpes et cela m'amène à demander à ceux de nos collègues
qui peuvent le faire, de bien vouloir me signaler les anti-
quités romaines provenant authentiquement de ce dépar-
tement et qui pourraient se trouver chez des particuliers habitant
:\[arseille ou ailleurs. C'est par cette prière que je terminerai ma
chronique en les assurant d'avance de ma \ive reconnaissance
pour ce qu'il leur sera. possible de faire à ce sujet en faveur de la
« Forma orbis Romani » et de la Haute-Provence. — H. de GéRIN-
RlCARD.
(I) Corpus L L. XII, 5686, 791.
Foncahons et mosaïques d'vnk vii.i.a gai.i.o-romainf. découver-
tes AU cap Couronne (propriété de M. F. Michel). — ■ Cette pro-
priété située non loin de la Couronne, au ~ud du village de Carre,
longe d'un côté la mer et s'étend d'Est en Ouest entre deux lignes
de collines basses orientées du Nord au Sud à peu près parallèle-
mont et formant ainsi un vallon assez étroit.
C'est dans ce vallon, près de la mer que fut trouvé un pan de
mur à une profondeur de 0,80 centimètres environ.
D'après les sondages c|ue nous avons faits un peu partout, nous
avons pu nous faire une idée générale de la villa et de son
orientation.
I,e bâtiment était adossé à la ligne de collines du côté Est et tour-
nait le flanc au rivage actuel, mais la mer cjui pénétrait plus pro-
fondément dans les terres à cette époque et à cet endroit formait
devant la A'illa une calancjue à lacjuelle on accédait par un esca-
lier en pente douce bâti avec de larges pierres.
Une source, de nouveau captée, jaillit tout près. Certainement
connue à l'épcque de la construction de la villa, elle n'avait pas
du être étrangère au choix de l'emplacement de cette construction.
"N'ague comme une légende, demeurait dans le pays le souvenir
d'une belle colonne de marbre trouvée jadis dans ces parages, avec
divers débris de tuiles d'une forme inconnue.
C'est en creusant tm bassin que l'on rencontra le dallage à une
profondeur de i m. 50 environ. Reconnaissant au petit carré de
mosa:c]ue découvert qu'il s'agis.-^ait de ciuelcjue chose d'intéressant,
nous avens voulu continuer les fouilles nous-même et avons suivi
la bordure parallèlement à un des murs de la pièce C|ue nous décou-
vrions à mesure.
Ce mur est bâti en pierres régulières posées à joints coupés, sa
hauteur d'environ 20 centimètres en Ouest, s'augmente rapidement
à mesure que l'on approche de la colline, c'est-à-dire que l'on s'en-
fonce dans la villa.
Xcs recherches se sont arrêtées à l'angle de la bordure et après
avoir déblayé vers l'intérieur de la pièce, nous avons formé une
sorte de triangle c]ue la photographie permettra d'examiner.
DcLiil de la m osai que. — Très riche, sur fond blanc avec des-
sins en losanges sur trois tons, et disposés dans les deux
sens de la pièce, une grecque de marbre noir vient encore en aug-
menter la richesse.
La bordure sur trois tons également, forme une double tresse
encadrée de deux bandes noires d'inégale largeur.
121
E-nfin, un semis de mosaïque blanche sépare la bordure du mur.
sur une profondeur de 20 centimètres, ^-uiv.int toute- 1.-^ lèjrlr- rlrs
beaux dallaj,''es.
11 faut ajouter ijui- la moiaiciuc et le tond m,iu i)arlaitenient
conservés.
De très beaux marbres de revêtement de différentes teintes ont été
trouvés dans cet espace pourtant très réduit.
Au début de juin, .M. Charles Tassy a bien voulu nous conduire
avec -M. de Barbarin et M. Duce, qui a pu prendre de fort belles
photographies des deux angles de la pièce.
Xous comptons poursuivre le déblaiement, en nous guidant sur
le dallage et ne manquerons pas de signaler à la Société toutes les
choses intéressantes (jue nos recherches pourront nous faire un-
contrer. — Maurice Joi"\'i.\.
MÉLANGES
Exposition annvklle de la Chambre de Commerce. — I,a Cham-
bre de Commerce de Marseille nous offre cette année, dans sa petile
salle d'exposition, une rétrcspective du port de Marseille et de la
marine à voiles.
Parmi les pièces curieuses offertes aux regards, relevons notam-
ment les suivantes. D'abord un curieux projet d'aménagement du
port de Marseille vers 17S0, visant surtout à l'augmentation des
places à quai. Ce plan, signé d'Ageville, alors ingénieur en chef
du port et (jui devait mourir sur l'échafaud en 1793, prévoit la
construction d'un môle plus large que long au cjuai de Rive-Xouve,
devant le chantier de construction, et l'élargissement de la branche
sud du canal de l'arsenal (depuis canal de la Douane et... boule-
vard planté d'arbres !) jusqu'à la transversale de la r\'c Sr.int-
Saëns actuelle, de façon à en faire un véritable bassin annexe.
Ce projet n'eut aucune suite: non loin de lui figure le i)lan du
canal en ijSS avec les noms des nouvelles voies tracées, sur
l'emplacement de l'Arsenal démoli.
^'oisinant avec der: autographes de Louis XIII, d'Anne d'Autiiche,
de Louis XIV, du duc de Guise, gouverneur de Piovence, et d'au-
tres personnages, on peut voir un projet de propulsion des i avires
par temp.s calme au moyen de panneaux mobiles actionnés du bord,
ainsi qu'une liste de souscription pour un armement en course îi
Marseille en 1(813, sur lequel on relève les signatures de ncmbre
des plus notables négociants marseillais de cette ville s( us le Pre-
mier Empire.
123
Plu? loin, un ri'inai'(|uc clf nombreuses vignettes eniblémati jues de
l'c'pocjuc ' du Directoire et du Consulat-, à noter paniirulicreuient
celle de l'amiral GanteauHie, préfet maritime de Toulon, si p;u laite
d'exécution et si symbolicfue.
Enfin, entre divers ouvrages anciens relatifs à la na\igatiou, il v
a lieu de mentionner le magnifique atlas de cartes marines de
Brcmond et ^lichelot, édité à ]\Iarseille vers 1720, relié au jlein
maroquin rouge et qui est le seul bel exemplaire connu en France
de cet ouvrage. Cet atlas est accompagné des éditions réduites qui
en furent publiées tout le long du XVIII- siècle.
Les murs sont recouverts de gravures anciennes en original ou
en reproduction. Quelques-unes des gravures originales sont très
rares, notamment le portrait du duc de Vendôme par Grignon le
\ ieux, d'après Mignard, ceux de ses fils, le duc de Merccrur, jar
Robert Xanteuil, et le duc de Beaufort, par Regnesson, d'après
Carette; ainsi que la gravure anglaise à la manière noire de Skips-
ter et Tomkins, représentant le A'aisseau Le Commerce de Mar^eille^
offert au roi Louis XVI, en 17S2, par la Cbambre de Commerce
de Marseille. — R.
Le Cente.n.^ire dv dassix du Carénage. — Il ne suscitera certes ni
fêtes, ni discours, ni promotion dans la Légion d'honneur. ^lais une
revue d'histoire et d'archéologie comme Provincia devait rappe-
ler C|ue la construction de ce bassin avait été déclarée d'utilité publi-
que par ordonnance du 28 janvier 182g. Commencés la même année,
les travaux ne devaient se terminer qu'en 1840, après avoir permis
la découverte d'une quantité considérable d'objets se rapportant à
^larseille antique; une Commission spéciale avait été chargée de
surveiller les fouilles. Le 4 juillet 1831, elle déposait un rapport
sur les trouvailles faites. Nous n'cnumérerons pas ici les objets
retrouvés, qui ont contribué à l'enrichissement du Musée Borély ;
disons seulement que le Bassin du Carénage a constitué certaine-
ment un des principaux « nids » d'antiquités massaliotiques : tom-
beaux, médailles, monnaies, usten.^jles divers, lampes, briques, pote-
ries, verreries, etc., etc. Il était utile de le rappeler au point de
vue de l'histoire locale. — R.
/■
L'acte de baptême de Louis Chémer, père d'André Chénier. —
On sait c|ue Louis Chénier, père de l'illustre poète mort sur l'écha-
faud révolutionnaire, fit une carrière dans les consulats et qu'il fut,
en dernier lieu, de 1767 à 1782 (avec une interruption de deux ans
en, J 773-74), consul de France au Maroc. Ce que l'on sait moins
c'est que, en 1742, il se rendait en Orient comme commis dans la
123
maison de commerce de :\]y\. [.avabre et Dussol à Constantinopic.
Il avait alors vingt ans. Et, afin d'obtenir de la Chambre de Com-
merce le certificat de résidence dans la capitale de l'empire turc,
il dut produire son acte de baptême encore conserve dans les archi-
ves de cette Compagnie. En voici le texte: « Extrait des baptistaircs
de la paroir.se de Montfort, diocèse d'Alct. I/an mil sept cens vingt
deux et le quatrième jour du mois de juin, ay baptisé un enfant do
Monsieur Guilhaumes Chennier et de demoiselle Catherine Garri-
gues, mariés, nay le triosième jour du dit mois ; on luy a donné
le nom Louis; marreine .Mademoiselle Jeanne de Franc, de la
ville de Limoux ; en foy de ce: Ille, prebtre, curé ».
Alet, qui fat ville épiscopale jusqu'à la Révolution, et la pamissc
de Montfoit sont aujourd'hui dans le département de l'Aude. — F.
LOLis XIII A Lvox, u'ai^rès u.n Provknçai.. — Les documents
originaux, reproduits ci-dessous, concernent aussi bien l'histoire
générale que l'histoire locale.
Ces deux lettres, inédiles, émanent d'un sieur Cappus, homme
de loi, d'origine provençale, domicilié h. Grenoble, où il suivait au
Parlement du Dauphinc les affaires qut- pouvait avoir en cette
Cour la Communauté de Marseille, et pour lesquelles il recevait
une pension de la ville. Il dut se maintenir longtemps à ce poste,
car dix lettres de iui, aux Archives de la ville de Marseille, s'éche-
lonnent de 1609 à 1649. Cette période, août-septembre 1632, est
grosse d'événements. Le Languedoc et son gouverneur, le duc de
Montmorency, suivant le parti de Gaston d'Orléans, frère du Roi,
sont en pleine insurrection. Le Roi et le Cardinal de Richelieu
ont envoyé," pour les réduire, le maréchal de Schomberg, et eux-
mêmes ont (|uitté Paris, le 12 août pour se rendre à Lyon, descendre
la vallée du Rhône, et prendre les rebelles à revers.
C'est à Cosne-sur-Loire, que, le 23 août, Louis XIII a enjoint
au Parlement de Toulouse d'instruire le procès de Montmorency,
mais à peine éiait-il arrivé à Lyon — le dimanche 5 septembre - -
que le soulèvement du Languedoc était vaincu par la défaite et la
capture, le i''"' septembre, à Castelnaudary, de l'illustre révolté.
L'homme d'affaires de Marseille qui se trouve à Lyon, en nom-
breuse compagnie de provinciaux venus à la rencontre de la Cour et
pour flairer le vent, raconte brièvement, mais exactement, les nou-
velles, et sa courte narration est remplie d'intérêt, notamment l'in-
cendie des maisons du pont de Saône, la nnit de l'arrivée de la
Reine, ce qui, sans un prompt secours, aurait été une catastrophe,
« Il ne se parlait ])lus de Lyon! )> écrit-il.
»24
/;//(■/- /;iii!^)iiJiii iirhcm il iinihnn iiox iin.i iiiirr/iiiL.. Ainsi Sencque
résumait déjà l'inrendie de la citû rb.odanicnnc aux temps de
X('ron. — JKAN DE SKRVIKRES.
*
* *
Avant mon despait de Grenoble, je vous envoyay l'arrest, les
coppies et Tadvis de ce c[u'il fault fère touchant vos privilèges,
croyant les auiès leceucs, et mys le d(ict) advis à exéc(uti)on ; en
(|Uoy s'il se rancontre quelque difficulté je seray [à] Marseille pour
la résoudre par tout ce moys.
Quant aux nouveautés je me rapporte à ce que les novelles de
la Gazette cy jcinte vous en diront, y adjoustant que le Roy arriva
hicrt à la Pallice ; et dimanche prochain doibt estre en ceste ville.
On ne sait point encores s'il y séjournera longtemps. Le premier
Consul d'Avignon y est pour s'en esclarcyr et pour savoyr la routte
que Sa Maj(es)té prandra. Le Gouverneur d'Orange y a aussy mandé
ung gentilhomme pour le m.ême subject et les depputés de la No-
blesse et du Parlem(^en)t de Dauphiné doibvent arriver bien tost,,
Bref on ne voyt que depputés des villes et provinces pour assurer
le Roy de la fidellité et l'obéissance. Le Régiment de Xavarre qui
est en ceste ville laisse ' ce jour d'huy par rivière et Sa ?^laj(es)té
fait rouler après Elle quatre canons - acompagnés de sept mille hom-
mes. [Monsieur de Tallard gendre de Monsieur d'Allincourt lève
ung régiment en Lyonnois ; On dict que Baiziers c'est déclaré pour
Monsieur; le prin(cip)al coup dépend de l'événement de Mastrit
dont les novelles sont incertaines. INIays les dernières portent qu'il
est hors de sallut, et qu'il ne tient qu'au prince d'Orange d'antrer
dedans, ce qu'il diffère jusquec à ce qu'il ayt randu les yssues libres
et hosté les moyens de l'assiéger.
Les Français cnt emporté le prix en touttes ces occasions, auLsy la
plus part y sont morts. On m'a assuré que ^ilonsieur d'Aubray suit
la Cour, ry pandant mon séjour en ceste vile avez afFère de mon
service je vous -supplie très humblement d'en uzer et de m'honorer
de la continuatios de ceste croiance que je suis en gênerai et en
particulier r^Iessieurs Votre très humble et très hobéis:.ant serviteur.
A Lyon, ce i^'" septembre 1632. Cappus.
Je croys qu'aures pG(u)r agréable que je vous fasse part de ce
que se passe par dessa ; c'est que La Reyne arriva samedi en_ ceste
' /illisse)': terme de manège: lancer un cheval aussi vite qvi'il peut
aller.
^ Henri ^Fartin écrit que le roi (( traînait après lui une artillerie
formidable ».
125
Ville, et ce j'>.;r-:à icn caresse ranvcrsa au dessa de la Drelle
[L'Arbrc.sIe] dont Madame de Chevreuzc qui y cstoit fcust ung peu
blessée ' et le cochicr estropie d'ung bras: Sa .Maj(es)té en esrhappa
pour la ptrur, non sans beaucoup de danger et la nuit venant il
ce brusla fortuiteniant huict maisons sur le pont de Sonne {Saône)
dont il n'en est demuré que les cendres; la perte des mublcs et
marchandises qui y estuient va a plus de cent mil e?cus ; le pis est
cju'il y demura sept personnes, et sans le proînpt et grand secours
il ne ce parloit plu:^ de Lyon. Le landemain dimanche Le Roy
arriva sur les cinq heures de soyr. 11 vint à cheval ju?(|ues au
pr)rt de St-Jehan et là passa la rivière, a cause que le pont estoit
fermé a raison de: ruynes des d{ites) Tiiaisons ; et logea à Eynev
[Aiutiy], Mays le luacy la viollance de ce feu fcust suivye d'une
l-ien douce novclle. Savoyr la prinze de Monsieur de Momorancy
par .Monsieur de Chonbert -, ce qu'a grandement rejoui la Cnur et
changé tout ])lain de dessaings.
On assure la mort ce Monsieur le comte de Morei ^ et la pri.-on
du d{ict) c;(ieu)r de Momorancy blessé en neuf endroits de son corps
et une cuisse rompue, sy que on ne croist pas qu'il en rellève, ce
que luy sera fa.orable, c?r on attend pis '.
Les trouppcs de Sa .Maj(e^)té ()ui sont en Allemagne doibvent
aller en Picardyc : nonobstant la prinze de Mastrit [Macslricht]
' Si la duchesse de Clievreuse avait été superstitieuse, elle aurait
pu voir dans cet accident un fâcheux présage, sa prochaine disgrâce
au mois de février suivant, lorsque furent découvertes ses intrigues
avec le Garde des Sceaux Châteauneut et la reine d'Angleterre,
Henriette de France.
- Henri de Schomberg, maréchal de France, se distingua au siège
de la Rochelle et en Italie, battit le i*""" septembre 1632, à Castel-
naudary, les rebelles de Gaston d'Orléans et du duc de Montmo-
rency, reçut le gouvernement général du Languedoc, et mourut
prescjue aussitôt, à Bordeaux, le 17 novembre de la même année.
il était né en 1575.
' Antoine de Bourhon, comte de .Moret, fil> naturel d'Henri I\'
et de Jacqueline de Bueil, né à Fontainebleau en janvier 1607,
légitimé en i6o<S, destiné à l'Eglise, se jeta dans les intrigues
fomentées par Gaston d'Orléans et fut tué. croit-on, au cf)mbat
de Castelnaudary le i*^^"" septembre 1632, encore c|ue le lieu de sa
sépulture ne soit pas connu. Une croyance populaire assez répandue
ridentifiait avec un certain ermite retiré plus tard en l'abbaye d'As-
nières en Anjou. Antoine de Bourbon fut abbé de Saint-\'ictor-de-
-Marseille. de 1622 à 1632.
' Henri II, duc de Montmorency, maréchal de France, ab.?.ndonné
de Gaston d'Orléans, fut fait prisonnier à ce combat de Castelnau-
dary, le i*^' septembre 1632, traduit devant le Parlement de Tou-
louse, cmdamné à mort, et malgré les plus hautes interventions,
exécuté le 30 octobre, pour crime de rébellion et haute trahison.
126
par le ])rincc d'Oiang-c hujufllc est très certaine, (|u"est ung bon
artiste; Sa >raj(cs)té print médecine hier pour mieux fortiffier sa
santé et le d(ict) jour le prince Thomas arriva de Savoyc. Oji tient
(|ue la Rcyne va à la Ste Baulme ' et cju'ellc partyra demain, c-t le
Roy samedi. Il prandra la rivière juscju'.^s au St-f2sprit {l'ont Saint-
Esprit] et de là tyrera à Beziers. Ce que vous sera par advis aux
fins de pryffiter l'occasicm aux occurances c[ue vous peuvent mou-
\oir de voyr Sa Maj(es)té, laquelle a octroyé huict mil hommes de
pied au d(ict) prince Thomas et quinze cens chevaux, contre les
Génois. Il est aussy arrivé tout fraischement ung enbassadeur
extra(jrdinaire d'Angleterre. On ne dict pas encore le subject de son
anbassade. Les privé et grand Conseil ne suivent point, tellem(en)t
qu'il né se faict rien ou fort peu pour les partyes. Neanmoingz a
esté resollu qu'au St Esprit on achèvera ce que reste affère conser-
nant les Cascaveous d'Aix " dont les intéressés et les prévenus sui-
vent que sera l'endroit ou je vous assureray c|ue je suis, Messieurs,
^'otre très humble et très obéissant serviteur. ■ — Captt^^?.
A I yon, ce r.:ercrec]i 8 sspt(enib)re 163:2.
+
* *
A PROPOS DE Françoise Duparc. Réponse a M. J. Beli.eidv. —
Vraiment, j'étais à cent lieues de supposer c|ue mon travail sans
prétention sur Françoise Duparc, put faire naître dans l'esprit
de l'érudit écrivain d'art (|u'est ~S\. Belleudy, un tel débordement
d'atrabile. La lecture du livre remarquable que M. Belleudy a
consacré au peintre Duplessis, une de nos gloires provençales,
m'avait incité, je ne sais pourquoi, à penser qu'en matière d'art
M. Belleudy devait être im critique amène et sans aigreur.
C'est à croire que le sens de mon travail lui a échappé ou bien
cju'emporté par la fougue d'un amour passionné pour une artiste,
^\. Belleudy a prêté à mes phrases des intentions qu'elles n'avaient
pas. En quoi ai-je jeté la suspicion sur Françoise Duparc, faisant
de cette très respectabe femme une aventurière, se parant d'une
gloire imméritée ?
Dans quel but, obéissant à une sécheresse de cour inadmissible
chez un homme parlant d'une morte, aurai-je emprunté le tour iro-
nique pour déplorer son dénuement.^ Je l'avoue ici en toute humi-
' Louis XIII avait visité la Sainte-Baume, avant son entrée à
Marseille, en novembre 1622. Mais en 1632 la reine Anne d'Autri-
che ne s'y rendit point. Seulement en 1660, avec son fils Louis XIV.
- Celte faction qui, à propos de nouveaux impôts, suscita de
graves troubles en Provence de 1630 à 1633, tirait son nom de ce
que ses adhérents portait une sonnette (en provençal: Ciisc/iïèii),
suspendue à une lanière de cuir blaric,
127
litr, j'igiK.iai.s l'existence de scn testament et inventaire, mes reeher-
elies s"étant bornées aux archives municipales, et c'est par la lec-
ture de la notice de M. Belleudy faisant écho à la mienne, (|ue
j'ai appris ([uc Françoise Duparc n'était plus la pauvre femme
digne de pitié, mais une bourgeoise cossue. • — Mon très honorable
collègue fait de moi un mauvais fils. J'ai été irrévérencieux envers
mes ancêtres vénérés en les taxant d'insuffisance de goût. Je puis
assurer que teilc n'a jamais été ma pensée. I.a dominante de mon
travail est l'étonnement éprouvé par n-oi, en constatant que la pro-
duction de cette artiste se résume à c|uatre cliefs-d'cruvre et cju'en
Angleterre et en Russie, pays où elle fut en honneur, sa personne
et ses ouvrages soient inconnus.
Tout bien ccnsidéré et dussé-je encourir une seconde fois les
foudres de M. Belleudy, je maintiens que:
I,e testament et l'inventaire de Françoise Duparc n'apportent
aucun élément de clarté, (|Uiii;|u"en puisse prétendre M. Belleudy et
l'obscurité qui entoure l'auvre de Françoise Duparc, demeure tou-
jours aussi dense et le problème attendra longtemps encore son Tiré-
sia;;, n'en déplaise à mon très hoiiorable collègue de VInstitut
Historique de Proi oice. Le choix imprrtani de tableaux trouvés à
sa mort et (|ui ornait sa demeure de la Porte Paradis, prouve (|ue
cette dame élevée dans le goût des arts par un père sculpteur
notoire, était une femme d'un mérite distingué et que sensible à la
beauté des choses elle avait su former, au cours de sa longue car-
rière, ainsi fju'il était d'u-age clans la bonne bourgeoisie de ce
remps heureux, un charmant cabinet de curiosités, selon l'expres-
sion consacrée.
Dans le libellé de son te; tament et le détail de l'inventaire y
a-t-il un >emljlant d'affirmation sur les ouvrages pouvant être de
,-a main." \on. C'est une excellente dame très généreuse qui lègue
au gié de son affection des tableaux (jui lui sont parfaitement étran-
gers quant à l'exécution. Elle a réservé poui sa ville natale les per-
les de son cabinet, les cpiatre tableaux du Musée. Sans commentai-
res. On ne sent pis cliez Françoise Duparc, dans l'attribution de ses
dons, cette inquiétude^ de l'article -ur la cu^slinée posthume de -on
o uvre.
Comment explifjuer d'autre part le siLmce qui entoure son nom.
Les critiques et les artistes de son temps l'ignorent. Silence hostile. '
Xon, tant de talent aurait eu rai-on de l'iiostilité et de l'envie.
Alor. ?
Les catalogues des salons du XVlIl" siècle n'inserivcni pas son
nom.
Î2S
Jcan-Gcorgcs ^'illl^ gra\cur- du roi, membre de l'Académie de
peinture d-.mt le ] ournal édité par les Concourt est une source pré-
cieuse de renseignements, sur les artistes de son temps, est muet
(juant à la \ic artistique de Françoise Duparc; de même, Mariette,
ranialcur-critiquc, à qui rien de ce qui touche l'art n'était étran-
ger. Joseph V'ernet, dans ses livres de raison, ti pleins de détails
sur les artistes de son temps et qui vécut en Provence, à ^lar-
seille, la cite-t-il ? Non! Dandré-Bardon (1700-83), le peintre aixois,
]\Iécène des artistes provençaux à Paris, leur ami, leur soutien maté-
riel et moral, personnalité de premier plan. S'il a connu F"* Duparc
c'est, semble-t-il, d'après ce qu'avait pu lui en dire Moulinneuf,
secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts de Marseille,
lorsqu'il lui fit part île son élection. Dandré-Bardon était le pré-
sident inamovible de cette Académie. Plus près de nous. Villot,
l'auteur du premier catalogue raisonné du Musée du Louvre,
ouvrage si psrfait en son genre aux chapitres consacrés à l'école
française et plus particulièrement aux Van Loo, ne la mentionne
pas au nombre des éiè\ es de ces derniers. Expli(|ue c|ui pourra!
Lorscjue M. Belleudy aura présenté à Vhisiitut Historii/iic de
l'roTcnce , auquel j'ai l'honneur d'appartenii , un cinquième tableau
de Françoise Duparc, indiscutable et signé, ou un premier dessin
auréolé des mêmes caractères d'authenticité, alors, le poing muni
d'une torche ardente dont la blancheur le disputera à la pureté de
la cire, j'irai très respectueusement faire amende honorable devant
les cruv-res restituées de Françoise Duprrc. Jusqu'à ce jour, que je
souhaite, je demeure ^ur mes positions.
'\\. Belleudy me reproche très amèrement d'avoir négligé d'en-
t'.mrer d'un escadron de guillemets dispijsés en flanc-garde, les
emprunts biographique:' puisés dans les ouvrages d'Et. Parro-
cel, d'Auquier et de Paul Guigoa. Que les ombres de ces très
estimables critiques d'art, oublieuses des c(uerelles d'ici-bas, m.e par-
donnent ! .Mon intention n'était pas de Icl vcder et de me parer
d'un manteau glorieux fait de leur dépouille et ils auraient admis
Ferri^ur toute typographique c|vi, au commencement et îi la fin de
la citation d'un texte bien connu, m'a fait omettre un guillemet.
Toutes les personnes qui m'ont fait l'honneur de lire ma notice
en ont fait sans peine la discrimination qui a échappé à M. Belleudy
et ([u'il a cru devoir — afin que nul n'en rouisse prétendre
pour cau: e d'ignorance — mettre bien en évidence, ce qui est assez
feu aimable, en vérité.
Quant à ses subtilités d'état civil, cela ne fait rien à la chose,
et n'ajoute rien ;i r(; uvic de Françoise Duj)aic.
129
Je poursuis actuellement une enquête en Angleterre auprès des
conservateurs des grands Musées britanniques et si vraiment, Fran-
çoise Duparc y a peint, malgré rasscrtion de Dussieux, ses œuvres
doivent se retrouver.
C'est la grâce que je nous souhaite. — D' P. Soi.VRl.
UXK BELLE ^^AIso^■ MARSEILLAISE. — Par arrêté du ministre des
Beaux-Arts, en date du 8 mars 1939, la porte monumentale de la
maison sise i, rue Nationale, à Marseille, a été inscrite sur l'in-
ventaire supplémentaire des monuments historicjues.
Cet immeuble, où l'on remarque un balcon que supportent deux
très belles cariatides, n'est pas signalé dans le tome XIII de l'En-
cyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône (La Population).
Il appartenait, en i7<S4, à M. de Mazargues, et payait alors la
taxe de la Patrouille du guet, pour les deux magasins (un mar-
chand de tabac et un cordonnier), qui flanquaient alors, comme
aujourd'hui, sa porte cochère. — X.
L'E5^GUrsior) de Riez-JVloU§tierç
V et 2 Juin
L'excursion de grand style organisée sur Riez et Mous-
tiers, avec le concours de Marcel Provence, réunissait belle
compagnie, le samedi, i" juin, après déjeûner.
l'n grand nombre de sociétaires et d'invités avaient
répondu à l'appel du Conseil, parmi lesquels seize dames, ,
qui ne nous en voudront point de faire ici un palmarès de
leurs noms, en hommage de notre respectueuse gratitude:
c'étaient, dans l'ordre des inscriptions, Mmes Paul Roux,
Levet, Kunkler; Mme et Mlle de Chomel ; Mmes Nicolas
Paquet, de liarbarin, Delhomme ; Mlles Marie Reggio,
Latune ; Mme la baronne Cottu ; Mlle de Bovls; Mmes
Chai les Tassy, de Verville, Philip et Joseph Fournier. Tou-
tes les élites se trouA-aient représentées: la noblesse proven-
çale, l'armement, le négoce, le barreau^ la médecine, l'ar-
mée, l'université. La Chambre de Commerce nous avait
délégué, en même temps C[ue trois de ses fonctionnaires,
un de ses membres les plus souriants. Les organisateurs de
la partie, cela va sans dire, comptaient sur le succès, mais
celui-ci devait dépasser leurs plus optimistes prévisions.
Le départ de l'auto-car s'effectua à la minute arinoncée :
il emportait seulement dix-sept participants, les autres
s'étanl décFdés à gagner Riez dans leurs propres 'soMiires.
La campagne aixoise fut franchie sans encon.bres ev sans
trop de chaleur. Comme a l'ordinaire, c'est M. le comte
131
Henry de Gérin-Ricarxl que les orfranisaleurs avaient (liar<.'-.>
des eoniinentaires I)ist()ri([u<'.s ei arrhé()I(>oi(|iics dt-s lit'iiK
visités. Xotre doyen |)ar rancicnnrté donna toutes explita-
tions avec celte science profonde et aussi avec cette n-i(»di'S-
tie et cette simplicité cjui le font lant aimer de ses confrèn's ;
entraînés par son exemple, M. le comte de Blé^iers. .MM.
Courlet, Rambert et Jean Reynaud le secondent de leur
mieux. On fait ainsi halte devant l'aqueduc romain • t le
château de Meyrargues, puis devant la chapelle de Sainie-
AFadeleineà l'entrée du sévère détilé de Mirabeau, où bouil-
lonne la Duranre,
... aquelo cabro,
Alandrido, teroujo, alabro,
Que rousigo, en passant, e cade e rebaudin.
Nouvelles stations, nou\"elles causeries sur le plateau de
Cadarache, au pied des châteaux de \"inon et de (lré(>u\.
In fjuart d'heure d'arrêt à Saint-Martin de lirôme ;>our
admirer la vieille église et le donjon carré ; puis la lroii])e
se remet en marche vers le Xoid-Est, remontant la i')iie
vallée du Colostre sur le cailloutis fluN io-lacustre C|ue re-.ét,
en cette saison printanière la teinte verte des chênes, des
vignobles et des jeunes blés, l'n confluent, un pâté de mai-
sons claires, soulignées par le trait sombre d'une allée de
platanes: c'est Riez. Tout le monde descend.
Xotre ami Marcel Pr()\ence, dans un costume éblouissant,
la barbe au vent, l'oeil vif et le verbe sonore, vient en per-
.sonne accueillir les voyageurs et les répartir dans leurs
gîtes respectifs. Après cette joyeuse distribution de billets
de logement, on se rassemble sur le cours où déjà nous
ont devancé les délégués des sociétés bas-alpines; nous
saluons M. Cauvin, professent- honoraire du lycée de îvigne
et M. le ni.arfims d'Autane. qu'un heureux hasard seuible
132
a\'()ir fait \inir lout exprî-s de I^'orcnlquier j:)Oiir r(r:'onlrer
M. -Auguste Rampai, le biographe de sa famille .. Des toi-
lettres claires, des sourires, voici les derniers groupés nar-
seillais, encore en majorité féminins, mais d'où se détache
cependant la haute silhouette moustachue du président
I.atune. Celui-ci cède le couimandement en chef à Marc"!
Provence, qui nous entraîne vers le Musée Lapidaire, son
dernier-né.
Les honneurs en sont faits tour à tour par le j3oète-
archéologue et par AL le chanoine Luquet. L'ne cinquan-
taine de pièces ont déjà été réunies dans le vieux baptis-
tère, si heureusement transformé et embelli-, nous v exa-
minons des stèles et des sarcophages en marbre, un autel
votif à Cvbèle, d'énormes bornes milliaires et un échan-
tillon de la belle mosaïque de Pèbre, que Marcel Provence
espère compléter de la façon la plus heureuse avant qu'il
soit longtemps. Quelques instants encore pour permettre
aux épigrajjhistes de la compagnie de lire les inscriptions,
puis on se rend à l'ancien Palais Episcopal, devenu Hôtel
de X'ille, où le premier adjoint nous promène à travers une
magnifique exposition d'art.
A la sortie, une agréable surprise attend les visiteurs,
auxquels Marcel Provence a voulu donner, sous les quatre
célèbres colonnes romaines, le spectacle qu'il offrait huit
jours plus tôt à AL Fernand Bouisson. Le troisième magis-
trat de la République, s'il apprend la chose au fond de son
palais séquanien, ne se sentira pas peu flatté ! L^n pittoresque
chœur de jeunes Romaines par adoption, augmenté d'un
second groupe, non moins séduisant, d'authentiques jeunes
Provençales, offre des fleurs aux dames et accueille les histo-
riens-archéologues par une Cantate en plein air. Au nom
des Alarseillais, AL Joseph Fournier remercie en termes
ém.us la population reienne, qui lui répond en l'ovationnant.
^33
Les émotions creusent, a dit je ne sais plus quel philo-
sophe-médecin. C'est depuis longtemps l'avis de Marcel
Provence, qui a fait préparer à l'Hôtel Martin un dîner
corsé, dont nous ne pouvons nous empêcher de reproduire
le menu, dut-on nous taxer de gourmandise impénitente:
LA SOl'PE DES GAVC^TS
LA LÈBRE A L 'ARCHÉOLOGIE
LES ASPERGES STATISTIQUES
LE FILET DU TAUROBOLE A LA CVBÈLE
LA SALADE GLOZEL
LE DESSERT DANS LA FAÏENCE DE MOUSTIERS
LES FRO-MAGES DE JEAN DES FIGUES
LES FRAISES A LA MRV
LES VINS DE RIEZ
LA CLAIRETTE DE LA COMTESSE DE DIE
Notre amphytrion, Cjui s'était modestement tenu à l'écart
de la table d'honneur, vint prendre place au dernier
moment à l'ime des ailes et s'assit — est-ce le hasard? —
au milieu d'im essaim de jeunes filles, d'oii il put à son aise
bombarder de roses et d'œillets les occupants de l'aile oppo-
sée. Le repas, présidé par M. Charles Latune, fut plein
d'entrain et dépourvu d'incidents: notre impartialité d'his-
torien nous contraint toutefois de sii^naler que M^L Jean
Revnaud et Gaston Rambert trouvèrent au fond de leur
salade Glozel, dissimulés par une main mystérieuse, le pre-
mier un fer à cheval et une pointe acérée qui pourrait Wn^n
être celle d'un pilum antique, le second un cercle métalli-
que fort usagé, marqué d'un C et d'un M, t|ue notre collè-
gue estima tout de suite avoir appartenu à Caïus Marins,
soit à titre de bague, si le consul avait les doigts un peu
134
gros, soit à titre de monocle; ses voisins, auxquels il sou-
mit cette hypothèse avec beaucoup de conviction, eurent
quelque peine à l'en faire dém.ordre.
Après cet épisode, l'assemblée avait besoin d'entendre
du sérieux. Marcel Provence ouvrit la série en souhaitant
la plus cordiale bienvenue aux sociétés savantes accourues
à son appel pour communier d'un même amour pour notre
vieux terroir. Ensuite, M. le comte de Gérin-Ricard fil une
agréable causerie sur l'archéologie régionale, retraça les
efforts accomplis en cinquante ans et porta un toast très
applaudi aux travailleurs des Basses-Alpes. A son tour
M. Cauvm détailla une communication pleine d'intérêt sur
les voies romaines dans le département et recueillit les vives
félicitations de la compagnie. Après quoi on alla se baigner
dans la fraîcheur nocturne, non sans s'être au préalable
donné rendez-vous pour le lendemain.
*
* *
T.e soleil du 2 juin paraissait à peine, et déjà les rues de
Riez, d'ordinaire si calmes à pareille heure, présentaient
une animation inusitée. Dès 6 h. 30, un premier groupe de
visiteurs se rendait à la cathédrale ; un deuxième en faisait
autant une heure plus tard, et à 8 h. 30 M. le chanoine
Luquet, qui sait son vieux Riez par cœur, guidait la troupe
au grand complet dans l'agglomération médiévale. Succes-
sivement s'offrent à nos yeux ravis un fragment de rempart,
deux portes du xn'^ siècle, de délicieuses maisons Renais-
sance, avec fenêtres à meneaux, ime cour sarrazine, de
curieux escaliers en pas de vis, des cheminées monumenta-
les, heureusement préservées du vandalisme par Aille de
Clavière, châtelaine de Riez, véritable Providence des
archéologues bas-alpins. Qu'il est dommage de passer si
135
rapidement cle\ant ces vieilles pierres I Mais le chef d'ex-
cursion est talonné par son horaire et presse inexorablement
la compagnie, en dépit qu'il en ait. On prend congé des
aimables Reiens, de M. Cauvin, enfm de M. le chanoine
Luquet, dont Tinépuisable complaisance a laissé aux excur-
sionnistes le meilleur souvenir. C'est d'une commune voix
que, quinze jours plus tard, la Société de Statistique
lui décernera, avec sa médaille, le titre de membre
correspondant.
En route pour Mousiiers. Les autos démarrent avec fra-
cas, saluent au passage Rouinoules, résidence du maître-
faïencier Clérissv, et gagnent le sommet du plateau, l'ne
pittoresque vallée, profondément enfoncée dans les mar-
nes roses, sépare celui-ci des premières barres alpines, dont
les pointes hardies (^nt l'air de nous écraser; nos machines
s'v engoufï'rent. Quelques minutes encore, et, à un détour
de la route, apparaît, dans un véritable décor de crèche,
Moustiers-Sainte-Marie, la nouvelle Tarraïopolis, ultime
objet de notre voyage.
La matinée étant trop avancée, pour que l'on songe à
pousser jusqu'au \'erdon, deux groupes se constituent,
dont l'un va visiter les vieilles rues et l'église, tandis fiuc
l'autre s'élance à l'assaiU de Notre-Dame de Beauvoir.
Dames et demoiselles sont à l'avant-garde, et malgré les
rayons de Phébus, que rien n'intercepte, l'équipe des grim-
peurs débouche bientôt dans la gorge sacrée, couronnée
par la chaîne des Blacas. Kncore im effort et elle accède a
la chapelle, autour de laquelle quatre cyprès géants, se
profilant sur le bleu cru du ciel, gardent une sérénité de
demi-dieux.
L'approche de midi hâle le nMoiir. Les d.-iis groupes s<-
retrouvent au bord de la cascade, et, après une brève visite
aux collections exposées dans la ^Liirie, vont se restaurer
136
à l'Hôtel du Belvédère, où ils sont rejoints par M. le comte
Léon du Chaffaut, président de la Société Scientifique et
Littéraire des Basses- Alpes, qu'accompagne Mme la
comtesse du Chaffaut, et par le nouvel archiviste du dépar-
tement. On se presse à l'envi — ce n'est pas une figure ■ —
autour de la table, c|ue préside M. Joseph Fournier, tan-
dis qu'à une extrémité, — second hasard aussi heureux
que celui de la veille, — la barbe de Marcel Provence
émerge d'im rutilant bouquet de jeunes filles en fleurs.
A la fin d'un déjeûner digne en tout point du dîner de
Riez, M. Ch. Latune se lève; au nom de notre Société,
il remercie les groupements bas-alpins de leur accueil cha-
leureux et lève son verre à la prospérité de la Haute-Pro-
vence. M. le mai'quis d'Autane, parlant à la fois pour
Foi'calquier et pour l'Académie des faïenceries de Moustiers,
répond par un discours d'une parfaite élégance de forme et
d'une grande élévation de pensée, qui charme littéralement
l'auditoire. A son tour, M. le comte du Chaffaut, en une
spirituelle allocution, apporte aux érudits provençaux réunis
le salut de la Société dignoise. M. Gaston Rambert, (( ré-
clamé par les chœurs », congratule h la fois Bas-Alpins et
]\[arseillais ; il évocjue le sou\enir des fêtes du cinquante
naire de septembre dernier; il assure nos hôtes de la joie
avec lacjuelle ses collègues statisticiens ont affrété la veille
le vapeur Nicolas-Paquet, qui, à. peine sorti de ses chan-
tiers, a remonté pour eux, le canal de Marseille, la Durance,
le Vcrdon, le Colostre, et il s'excuse d'avoir réquisitionné
la population moustérienne pour remettre le bâtiment à
flot, à la sortie des gorges de Saint-Maurin. L'effet de cette
formidable galéjade est heureusement coupé par Marcel
Provence, qui lit un magnific{ue poème de sa composition
et termine par une harangue enflammée. Les Marseillais
regrettent que Jean de Servières ne soit pas là, afm de lui
137
donner la réplique, lui lin le sage M. Fournier, dans une
improvisation élincciank', qui soulève une tempê(e dv b,a-
vos, montre tout ce ([ue Marseille doit aux Basses-Alpes
et exprime avec à-propcjs le souhait de voir se resserrer les
liens qui unissent la Haute-Provence au littoral.
Avant de quitter Moustiers, et bien que la saison d'art
ne soit pas encore ouverte, les excursionnistes obtiennent
de Marcel Provence la faN-eur de visiter son l^cole de Faïen-
cerie. Le maître les entraîne vers son domaine silenci-ux
pour C[uelc|ues semaines encore, et ils ont la satisfaction
d'admirer l'atelier, les moules ainsi c}ue plusieurs pièces
de la nouvelle fabrication, lesquelles ressemblent à s'v
méprendre aux échantillons du x\'iii^ siècle. Fnsuite il faut
se remettre en chemin, mais nos amis ont la diMicate pensée
de retarder l'instant de la séparation, et ils vont nous faire
un bout de conduite jusrprà Fontaine-l'Fvêque.
Une demi-heure plus tard, la caravane est en (Xlase
devant la célèbre source \-auclusienne, oii tant de ;,én<'ra-
tions de citadins se sont déjà désaltérés en imaginarion, et
. C|ui fait couler, depuis quarante années, tant de t'iols d en-
cre et tant de flots de vin. Chacun s'expose avec dt-lices
aux effluves qui s'en dégagent; plusieurs .2oûtent à ses
ondes glacées, tandis cjue M. le comte de Gérin-'ivicird,
dont le gros de la troupe boit les paroles, leirace avec
métl-.ode les limites de l'ancien domaine de i\I. de Riez.
L'heure de la dislocation finale a sonné. Nous unis sépa-
rons à regret des érudits bas-alpins, tandis que Marcel
Provence salue notre départ d'un retentissant : \ ive la
Statistique !
Dociles aux consignes reçues, les automobilistes mon;ent
h petite allure la côte de Beaudinard et stoppent au der-
nier coude, (jui surplombe le canyon du \\M-d()n. Qunnd le
138
l:i'<»s il"' la lioupt' descend de l'anlo-cnr, les jeunes filles du
|>r|(ti(in ili- iiie se soni a\an(('es iiis(|irà r(xlrrme bord,
cl, deboiil en lai^e du chaos, ressemhlenf à des \\alk\ries
\-eillanl sur (luelcjue abînie enchanté. Quel émerveillement
et i^our le touriste et j^oin" le géographe! Ce dernier décou-
ATe ici, sous la ligne parfaitement horizontale du plateau
de \'alensole-Riez, un des plus saisissants exemples de val-
lée é]3ig"énique ; c'est l'impétueux ^'^erdon cjui, après avoir
déhla\-é sur une grande largeur le cailloutis fluvio-lacustre,
l'a peu à peu creusé dans le pli jurassi([ue st)us-jacent,
constituant ainsi la fameuse <( rue d'eau » de Beaudinard.
Quant au touriste, il admire comme son voisin la sauvage
grandeur du pavsag'e, l'étroitesse du torrent coulant à
pleins bords entre deux parois d'une absolue verticalité.
C'est peut-être la minute la plus émotive du vovage.
Depuis Beaudinard, — Beaudinard sans les ffaises, puis-
que nous les avons toutes mangées à Riez, — la caravane
a mis définitivement le cap au Sud-Ouest ; elle glisse sur
les plateaux du Haut-Var, dans un ordre de marche impec-
cable. En avant, la Panhard de M. de Chomel court ùxec la
fière allure d'un croiseur de bataille; depuis Riez, le comte
de Gérin-Ricard v a transporté son pavillon d'amiral-archéo-
logue. Immédiatement à la suite, l'imposant auto-car de
l'expédition a tout l'air d'un cuirassé moderne: il n'v man-
que que c|uelc|ues paires de canons de 406; mais pour
l'heure, on y discute paisiblement d'archéologie, d'histoire,
de morphologie, de topographie, et c'est de là que, non
moins paisiblement, partent les indications sur la route à
suivre. En arrière enfin s'allonge une escorte de cjuatre
magnifir|ues croiseurs légers, commandée par le président
Latime en personne. L'ensemble est impressionnant.
Mais bientôt l'ordre se modifie. Devant nous, la route
dessine une ligne droite rigide, au milieu des taillis de
139
cliôncs d\)ù s'échappe [)ar moment que1(|iie lapin cfl'.in'.
La vitesse modérée' de notre j^ros hâliment impalicnic les
(( le\'rii'rs » de resrorte. In échanj^e de signaux: M. Cliar-
les 'l'assy et M, le 1)'' Philip se dt'lachent de rarrirre-j^arde ;
leurs machines nous d(^ubient habilement et bondissent à
la poursuite du croiseur de lèle. Peu à peu, à l'horizon
Xord-I'lst, les barres de Haute-Provence, i\ue couronne
le Moui're de Chanier, disj)araissent derrière le pli de Heau-
dinard et le plan de Canjuers.
Mcjntmevan. A l'entrée du bourq', une <;rosse imité i-nne-
mie, représentée en l'espèce par l'autobus de Ouinson, pré-
tend nous interdire le passage. 'roujf)urs prêt à défendre
ses troupes, le président Latune accourt et engai^c un com-
bat vig'oureux, ju.scju'au moment où la Si/aire de Mme de
Barbarin, tombant sur le flanc de notre antagoniste, le
contraint à fuir A"ers le Xord. La route est libre.
Tavernes, I>arj(jls. Ouek]ues minutes d'arrêt dans le
Tivoli prox'ençal pour rafraîchir la cara\ane assoitlt'-e, et
l'on repart, en sui\ant le déhcieux \-allon de I^rue-Auriac...
Vidislhic Ciitumni fonlcm? Si la source du Clitumne, tant
vantée pa.r F-'line le Jeu.ne, est un \M'u loin, du moins nous
^•oici (le\ant celle de l'Argens, et ceci console d(^ cela. Lne
eau limpide comme du cristal sourd au pied d'une muraille
calcaire et coule en babillant sous un bou(|uet de chênes-
verts. Que ce frais ruis.seau paraît timitle, après les bouil-
lonnements de h\)ntaine-rHvê(iue ! Mais l'heure n'est plus
h la contemjilation, car déjà le soleil baisse, l'n nouveau
bond et nous sommes à Saint-Maximin.
l/ne journée aussi bien remplie ne poiixait se lenuiner
plus dignement (|ue |:)ar la visite de la célèbre basili(|ue.
Xotre groupe se dirige donc d'un pied encort' allègre \ers
rim|)osanl vaisseau, dont la façade reste si malheureuse-
ment inachevée. Xous prions aussiiôi M. Auguste Rmnpal,
140
notre clé\x^iié trésorier, de se consiiluer rinlrociiKieiir et le
i^iiid.' de ses collègues; il s'exécute de l)()nne grâce et
nous lait un exposé plein d'érudition, auquel le boniment
du cicérone, fâcheusement sur\enu, n'ajoute rien de
substantiel.
La d(M'nière étape est franchie. Depuis lono'temps les
rapides voitures de l'escorte ont pris les devants. L'auto-
car roule vers les mines de Valdonne et s'engage, à la nuit
tonil)ée, dans le défilé de Pichauris. Pas le moindre bri-
gand au voisinage, seulement des couples énamt)urés et des
pique-niqueurs fourbus; puis c'est la banlieue, avec sa
joveuse cohue dominicale.
Nous rentrons à Marseille un ])eu tard, mais qui songe-
rait à s'en plaindre? Les excursionnistes ne tarissent pas
d'éloges sut' leur promenade... peut-être est-ce par bonté
]Hire à l'égard des organisateurs. En tout cas, comme l'on
croit volontiers ce C[u'on souhaite, ceux-ci goûtent dans
les compliments qu'on leur prodigue la meilleure des
récompenses et se promettent de faire encore mieux si pos-
sible une autre fois. Que ceux de nos collègues qui parti-
cipèrent à la sortie des i^"" et 2 juin 1929, voient donc surtout
dans ce récit le désir d'évotjuer, et par conséquent de
re\i\re, les heures charmantes passées de compagnie, et
])uissent les absents v trouver l'enxie de \-enir en foule à
l'excursion de l'an prochain.
BERTRAM.
Le Comte Christophe de Villeneuve-Bargemon
Conseiller d'Etat
Préfet des Bouches-du-Rhône
(1815-1829)
LE COMTE DE UILLEnEUUE-BdRGEMOII
. Préfet des Bouchesdu-Rtiône
(1815-1829)
U^otice communiquée à la Séance du 12 Décembre IÇ39
Le comte ^ Christophe de \'illeneuve-Bargemon appar-
tient à une des plus anciennes familles de Provence, et
la branche dont il est issu possédait la seigneurie de Bar-
gemon par le mariage, avant 135 1, de Jean de VilIeneu^■e,
des seigneurs de Tourrettes, avec Catherine Ricavi, héri-
tière de Bargemon. Peu après, un autre mariage (1380),
celui de Pons de \'iljeneuve, leur fils, avec Catherine de
\'auclause, faisait acquérir aux \^illeneuve une terre sous
le nom de laquelle François I'"" créa en 1544 une baronnie
en faveur de Gaspard de \'illeneuve.
Notre préfet, troisième de hi lignée à recevoir le nom de
Christophe, issu du mariage célébré à Aix (29 mars 1770)
de Joseph de Villeneuve avec Anne-Joséphine de Bausset-
Roquefort, vit le jour à Bargemon le 27 juin 1771 et lut
' A notre estime, le titre de comte que porta le préfet Villeneuve
est d'octroi impérial et lui fut donné comme préfet de Lot-et-Garonne
lor5 de la création de la noblesse impériale (déc. r"" janvier nSoS).
En effet, si les derniers seigneurs de Bargemon ont pu, par cour-
toisie, être appelés marquis après leur admission aux honneurs de
la Cour, leurs archives n'ont jamais possédé d'autres lettres paten-
tes que celles d'érection de la baronnie de Vauclause. A la suppres-
sion de l'ancienne noblesse, le titre était porté par Christophe II
de Villeneuve, aïeul de notre préfet, qui mourut à Bargemon citoyen
Villeneuve le 30 frimaire IX (21 décembre r8oo); Napoléon n'ayant
pas rétabli l'ancienne noblesse, son fils Joseph ne put porter k
titre de Vauclause dont les terres avaient été cédées à ses frères
par arrangements de famille.
142
A. RAMPAL
l'aîné de quatorze enfants. Il passa trois années (1783 à
1786) au célèbre collège de Tournon, dont la direction,
depuis vingt ans, avait passé des Jésuites aux Doctrinaires;
et fut pourvu à quinze ans (27 juin 1786) d'un brevet de
sous-lieutenant à Royal-Roussillon-Tnfanterie, qui avait
alors pour colonel un de ses parents, le marquis de Trans.
Celui-ci songea à en faire son héritier, mais mourut vic-
time des troubles politiques et peut-être d'une vengeance
privée. Lors de la déliquescence de l'armée royale, notre
lieutenant démissionne (15 septembre 1791) et s'inscrit à la
garde constitutionnelle du roi, demeuré à Paris après
son licenciement, est parmi les défenseurs des Tuileries
au 10 août, échappe aux massacres, et vient se terrer au
Reclos ', d'où il sort, après la Terreur, pour épouser à Ver-
sailles (2 prairial an III) la citoyenne Jeanne Buchet Châ-
teauville, née à Rennes en 1764, et fille d'un ancien gou-
verneur des îles Saint-Pierre et Miquelon. Il amena sa
femme à Bargemon ; et son père, sur un livre de raison,
note (( le 15 avril 1796, on a suppléé dans la maison aux
cérémonies du baptême à mon fils Charles qui n'avait été
- Le Reclos, au pied de Bargemon, est une terre d'une quinzaine
d'hectares en pleine culture, enclose de murs et bordée au S.-E. par
un torrent ouadique c]ui, les jours d'orages et de crues, en ronge
les bords. Les seigneurs de Bargemon y possédaient une maison de
plaisance, grande bâtisse carrée percée de cinq fenêtres sur chaque
face et qui abrita le dernier baron de Vauclause et sa famille après
le saccagemcnt du château de Bargemon par les patriotes locaux
en 1790.
La terre du Rcclos n'est pas sortie de la famille mais elle n'a
jamais appartenu à notre préfet. Par arrangements de famille, elle
obvint d'abord à M. Alban (le préfet du Nord), qiii peu avant sa
mort (8 juin 1850), céda le Reclos à son neveu Raymond (fils du
marin (J.-B.); celui-ci a eu pour successeur M. Romée de V. B., son
fils, colonel de cavalerie en retraite et détenteur des archives de 1m.
branche et de la chapelle de Notre-Dame de Plèbe, nécropole de la
famille depuis la Révolution.
LE COMTE DE \'ILLENEUVE-BARGEMON I 4 3
qu'ondoyé (6 mars I79r j^Ius à ma fille Alcxancliinc-Marie
et à ma pelite-fille Catherine-Sophie (toutes deux nées au
Reclos les 12 et 30 ventôse an l\'). C'est un prêtre approuvé
qui a fait la cérémonie dont on n'a pourtant dressé aucun
acte ».
Peu de temps après, on Irouxe le ciloven Chrisloph(>
Villeneuve employé à la Préfecture du Var dans le ser\ic».'
des poids et mesures. Faut-il lui attribuer la publication
par le département d'un Tableau de concordance des ancien-
nes mesures avec celles du système décimal? 11 se siq^na-
lait en tout cas par de sérieux travaux: Sur les avantao^cs du
nouveau système métrique; Rapport sur les fouilles faites
à Fréjus en 1801 ; Notice sur le plafo.nd du château de
Gagnes, communiqués à la Société d'émulation du dépar-
tement du Var.
Vers le même temps il paraît avoir employé un confié
à visiter la Haute Provence: la vallée de l'Ubaye, la haute
vallée du Verdon où sa famille possédait des terres depuis
plusieurs siècles. Son père conser\ait un moulin à Castil-
lon, et continuait à encaisser, pour le compte de ses frères, .
les rentes pastorales de X'auclause et d'Allons, généralement
aux foires de Bargemon ou de Saint-Auban. A ce voyage
sont dues les descriptions de la Clue de Saint-Auban et
de la vallée de Barcelonnette.
Sont-ce ces travaux, ou la protection du citoyen Lacuée,
originaire de l'Agenais, qui lui valurent la sous-préfecture
de Xérac (1803)? Il eut le temps d'y composer une notice
sur Xérac et ses environs et le château des ducs d'Alhrel.
L'empereur le tît passer, trois ans après, à la préfecture du
département du Lot-et-Cîaronne, où le trouva et le maintint
la Restauration. Adhéra-t-il au nouveau gouvernement
avec enthousiasme? Ses biographes le représentent comme
a\ant été un des premiers à saluer le duc d'Angoulême à
144
A. RAiMPAL
Bordeaux et à publier une vibrante proclamation à ses admi-
nistrés en l'honneur des Bourbons. Mais les archives du
Reclos conservent un journal intime confident de ses hési-
tations. Il fut destitué aux Cent jours et réintégré dès juil-
let 1S15. A l'automne, le passage au ministère de l'Inté-
rieur du comte de Vaublanc rendit vacante la préfecture des
Bouches-du-Rhône, c^ui fut confiée à Christophe de
Villeneuve.
Ne le laissons pas quitter l'Agenais sans jeter un coup
d'uMl sur son administration. Nous avons ses discours à
l'installation de la Cour d'appel, du Tribunal de commerce,
du Lycée, du Dépôt de mendicité d'Agen. Ce dernier est
établi dans l'ancien hôpital général, fondation de l'évêque
Jules Mascaron. Le préfet saisit l'occasion de faire l'éloge
d'un compatriote provençal. A la pose de la première pierre
des ponts d'Agen sur la Garonne (17 novembre 1812) et
d'Aiguillon sur le Lot (i*"" août 1813), il trace le tableau
des travaux de voirie et d'édilité entrepris dans le dépar-
tement. Naturellement, il y a des couplets en faveur des
armées impériales, des gardes d'honneur. Le 8 septembre
1808, dans la grand'chambre du Tribunal d'appel, il a la
cocjuetterie de se faire épingler la décoration de la Légion
d'honneur en même temps cjue deux militaires porteurs de
noms célèbres dans le monde des lettres françaises : le capi-
taine de Montesquieu, le colonel baron Dudevant, Il s'in-
téresse d'ailleurs aux compagnies littéraires, fait partie de
l'Académie d'Agen et v communique une Dissertalion sur
Je lieu qii'occîipait dans V Aquitaine le peuple désigné par
César sous le nom de Sotiates ; et Cjui lui valut sans doute
son agrégation h la Société des antiquaires de France.
Deux événements de famille sont à signaler durant son
séjour à Agen : le mariage de sa fille aînée, la petite Sophie
baptisée au Reclos, avec le marquis de Châteaurenard, qui.
LE COMTi; DE VII.LEXEL \E-BARGEMON 145
en dépit de son nom provençal, passa toute sa vie et mou-
rut en Agenais (1844) et sa femme également. (1S82), La
comtesse de Villeneuve, la Bretonne, mourut à Agcn Ir
25 mars 1S15.
Quand il arriva à Marseille le préfet n'avait avec lui
qu'une fille Joséphine (née en 1799) qu'il ne larda pas à
marier (26 décembre 1816) à un gentilhomme de Ligurie,
fils d'une X'illeneuve-Flayosc, M. Calzamiglia comte de
Villegarde. Peu après (S juin 1817), il convolait lui-même en
deuxièmes noces avec une x\genaise, Mme veuve de Las
Cases, née de Prades de la X^alette, Cjui ne lui donna pas
d'héritier, mais s'associa à son action mondaine et chari-
table et se mit à la têie de nombreuses Sociétés de bien-
faisance. Aussi sa mort (30 janvier 1828), provoqua-t-elle
un concours d'unanimes éloges et regrets. {Sémaphore de
Marseille, 31 janvier 1828).
^L de \'illeneuve occupa quatorze ans la préfecture des
Bouches-du-Rhône alors installée à l'Hôtel Roux de Corse,
rue IMazade. Il y fut un préfet de grand style, plus adminis-
trateur C|u'homme politique, selon la conception napoléo-
nienne. Certainement il eut l'ambition de remplacer les
intendants de l'ancien régime et de se voir attribuer la
devise gravée sur la médaille offerte par l'assemblée des
communes de Provence a. ^L des Gallois de la Tour, leur
ami de quarante ans. Ce fut surtout un animateur auquel
on doit des initiatives dont le département recueille aujour-
d'hui encore le bénéfice. Devant son cercueil on put résu-
mer son caractère en trois mots: <( // ftit simple, modeste
et bon )) et rappeler la devise par laquelle le roi René en
ses Jeux avait peint sa race : libéralité des }'illeneuve.\/Ami'-
nité de ses manières, le charme de sa conversation, le plai-
sir de rendre service, l'art avec lequel il savait refuser
sans encourir la rancune du solliciteur, lui avaient conci-
lié l'ensemble de la population, qui pressentait en son
146
A. Ts a:\ipal
compatriote un protecteur disposé à défendre ses intérêts
auprès du pouvoir central ; en contraste permanent avec
l'un de ses prédécesseurs, le comte Thibaudeau, qui se
munira toujours, avec morgue et dureté, le représentant de
l'autorité suprême, sans souci aucun de concilier ce devoir
et les intérêts de ses administrés. A observer une attitude
inverse Villeneuve gagna dès son vivant le titre de bon
préfet, ratifié par la postérité.
Dans l'Encyclopédie des Bouches-du-Rhône notre
confrère J. Fournier, après avoir relaté les événements qui
portent dans l'histoire de nos départements méridionaux la
(jualification de terreur blanche, a pu conclure: (( Le pré-
fet de VilIeneu^■e était d'une rare intégrité. Il refusa cons-
tamment de pratiquer le régime des révocations en masse
que les royalistes exaspérés attendaient de lui. Provençal
lui-même..., il connaissait bien les populations de ce pays;
il fit de son mieux pour calmer leur effervescence. Avec
le temps, il obtint un retour complet à la tranquillité publi-
que, dû en très grande partie à son influence personnelle et
à son amour dy bien public ». (T. V, p... et tirage à part
P- isO-
Le dévouement à la maison de Bourbon de l'ancien fonc-
tionnaire impérial ne saurait être mis en doute; et, s'il eût
vécu en 1830, il aurait démissionné comme le firent ses
frères, lors des événements de juillet. Les réceptions qu'il
organisa pour la visite en Provence de la duchesse d'An-
goulême en 1823, h l'arrivée en 1816 de la princesse Marie-
Caroline de Sicile, future duchesse de Berry, furent l'œu-
vre d'un sujet fidèle et dévoué. Mais, éloigné par tempéra-
ment de tout excès, il sympathisait aussi' avec les tenants
des opinions libérales et utilisait leur concours dès qu'il
s'agissait d'améliorations locales à réaliser.
Il ne désavouait pas non plus l'alliance du trône et de
l'autel; et ses sentiments religieux ne sont pas discutables.
LE COMTE DE VII.I.EXEUVE-RARr.EMON I47
Le 2 septembre 1829, quelques semaines avant sa mort, il
demandait à l'évèque de profiter de la session du Conseil
général pour bénir une chapelle aménagée en l'Hôtel pré-
fectoral. Toutefois nous avons comme une vague impres-
sion qu'à Marseille il n'avait pas d'intimité avec les diri-
geants de l'évêché et n'approuvait pas toujours leurs gestes.
Les impondérables auront bien pu ici exercer leur influence:
quelc|ue dédain du féodal pour la noblesse parlementaire ;
antagonisme entre non émigré et des gentilhommes très
tardivement revenus sur le sol natal; proche alliance du
préfet et de Tarchevêque d'Aix, qui ne put accepter avec
sérénité le démembrement d'un très ^•aste diocèse, et eut
d'ailleurs des difficultés avec M. Eugène de Mazenod ; par
dessus tout, différence de caractères; Villeneuve conciliant
et bon, les Mazenod, bons aussi, mais impulsifs, autoritai-
res, parfois rudes et brusques. Excusez ces propos; j'ai déjà
tenu la fonction d'avocat du diable devant le postulateur
du procès en béatification du prince Eugène, le fondateur
des Oblats.
A Agen, Villeneuve colligeait ses souvenirs de Provence
et glorifiait Mascaron. En Provence, il fit achever le Palais
de Justice d'Aix; restaurer les ruines d'Arles et, à Saint-
Jean de Malte à Aix, par Sébastien Pesetti, les mausolées
des Comtes de Provence; édifier à Saint-Rémy une église
de style classique aux dimensions de cathédrale; élever des
statues à Aix à René d'Anjou dont, avant son frère, il écri-
vit l'histoire; à Salon, à Adam de Craponne; à Aubagne,
au savant Barthélémy; au Frioul, il posait la première
pierre d'un obélisque destiné à consacrer l'inauguration ilu
Port Dieudonné ; à la place d'Aix, à Marseille, celle de l'Arc
de triomphe en souvenir de la guerre d'Espagne.
Ces divers travaux d'édilité sont au second plan dans le
souvenir que l'on garde de l'activité de Villeneuve. Celle-ci
s'exerça principalement, à notre estime, dans le champ de
14S
A. RAMPAL
ce que les Germaniques appellent la kuUur, terme que,
maliiré son oris'ine latine, il est difficile de traduire succinc-
tement en français pour exprimer la pensée allemande.
Notons d'abord que le préfet eut l'avantage de trouver et
de laisser h l'Hôtel de Ville du chef-lieu un maire, M. de
Montgrand, qui fut en parfaite communion d'idées avec
lui.
Le Lycée était alors le seul établissement national d'ins-
truction secondaire du département. Dénommé Collège
roval sous la monarchie, on lui annexa certains cours de
langues vivantes, arabe, grec usuel, pour répondre aux
besoins économiques d'une population commerçante.
La mode était à l'enseignement mutuel. En 1826, le préfet
assista à l'inauguration des cours et encouragea, par des
subventions généreuses du Conseil général, les établisse-
ments en faveur des sourds-muets.
La Société de bienfaisance, création de libre initiative,
mais promptement soumise à la tutelle préfectorale de
Thibaudeau, cherchait à développer l'instruction profession-
nelle de la jeunesse ouvrière; on lui doit les premiers cours
de chant, qui précédèrent l'organisation, en 1818, de l'école
municipale de Barsotti, origine du Conservatoire. On avait
également essayé d'organiser des cours d'apprentissage
pour les arts mécaniques. A partir de 1826, sur l'initiative
de Dunoyer, une Société pour le développement de l'ins-
truction populaire adopta pour des cours gratuits de géomé-
trie et de mécanique les programmes et les méthodes du
Conservatoire des arts et métiers. Le préfet les inaugura;
le baron Charles Dupin vint, en 1S28, présider à la dis-
tribution des prix. Incontestablement, ce fut le préliminaire
de l'Ecole Nationale d'Arts et Métiers établie à Aix, en
1843, dans l'ancienne Charité.
Le 20 mars 1820, dans une séance publique de la Société
de bienfaisance, le préfet annonçait la fondation d'une
LE COMTE DE VILLENEUVE-RARCEMOX 14g
Caisse d'épar^-ne. Le 9 octobre, cinquanu--4uairc' sou.m np-
teiirs signaient l'acte constitutif chez le notaire Spiialicr.
Une ordonnance royale du 3 janvier 1.S21 autorisait l'éia-
blissement, qui ouvrait ses guichets le 3 avril à la rue de la
Darse {22 puis 14). C'était la cinquième Caisse fondée en
I-'rance et la première, qui, par la volonté du préfet, eut
pour champ -d'activité tout le département. Avant débuté
avec un tonds de ir.422 francs, la caisse avait déjà 500,000
francs de dépôts quand \'illeneuve en abandonna la prési-
dence en 1824. — L'exercice 1929 accuse à sa clôture plus
de 800 millions de dépôts, 345.000 livrets, 34 succursales
(Aix fut la première ouxerte en 1S26) et 12 bureaux rui chef-
lieu.
L'Empire avait toléré, sous forme de cercles, (lUeUpu-s
réunions professionnelles: cercle médical, cercle académi-
cpie. Au début de la Restauration le premier se mua en
Socicîé de médecine; et, le 15 mars 1828, le préfet venait en
personne lui porter l'autorisation de prendre le titre de
vSociété royale. \'ers la fin du xix^ siècle elle a fusionné
avec le Comité médical des Bouches-du-Rhône qui continue
de \-ivre en bonne santé.
La même année 18 18 fut ouvert le Jardin des plantes,
aux Chartreux. Deux ans après était inaugurée l'I'-cole
secondaire de médecine sous la direction agissante du
D"" ^L Cauvière, qui demeura toujours un ami du préfet
et qui fit un temps des leçons dans les locaux préfectoraux.
L'organisation de cours d'accouchements avait été mainte
fois essavée par l'administration des hospices. L'interven-
tion du Conseil général aboutit, en 1826, à l'organisation
régulière d'un cours départemental d'accouchement à
l'Hôtel-Dieu.
Le cercle académique — d'onéreuse et éphémère durée
et dont l'histoire est à faire — a été la lointaine origine
150
A. RAM PAL
de l'Athénée consliuié en 1829 et qui avait été originaire-
ment conçu par ses fondateurs comme une université libre
dispensant un enseignement d'ordre surtout scientifique:
chimie, physique, géographie, astronomie L'autorisa-
tion (Touverture avait été obtenue par le préfet en décem-
bre 182S, mais les cours ne commencèrent qu'après son
décès, et ce fut celui de littérature qui eut le plus de reten-
tissement avec des professeurs comme J.-J. Ampère et Joseph
Méry, puis Brizeux. Les cours de l'Athénée ont été le pré-
lude de l'institution à Aix (1845) et à IMarseille (1856) des
r""acultés des Lettres et des Sciences.
L'Académie, réorganisée, dès 1799, à l'Observatoire, puis
au Musée par le D'' M. Achard et l'astronome Thulis, jouait
sous l'Empire, au dire de Thibaudeau, le rôle de société
d'agriculture, et fonctionnait, sous sa surveillance ombra-
geuse et celle plus aimable de AL de Permon, comme une
sorte de comité consultatif départemental pour l'agricul-
ture et l'industrie. Villeneuve en fut nommé associé corres-
pondant le 30 mars 1814, avec Mollevaut, Desgenettes,
Alphonse de Candolle. Deux ans après, il en devenait titu-
laire, et l'année suivante président, fonctions qui lui furent
confiées à trois reprises (1817-1823-1829). Il témoigna un
consiant intérêt à cette Compagnie, s'y montra fort assidu,
et y fit de nombreuses commimications : biographies de
René d'Anjou, Adam de Craponne, le cardinal de Bausset ;
notices sur la Sainte-Baume, la peste de 1720, les fouilles
d'Arles; lecture de plusieurs chapitres de la Statistique en
cours d'élaboration ; et deux importants rapports sur la
reprise du canal de Provence, projet qui préoccupait fort
l'opinion contemporaine et fut partiellement réalisé sous le
régime de Juillet aux frais et profits de la ville de Marseille.
Enfin il conta, sous forme de nouvelle: Adélé, l'histoire
d'une jeune grecque, arrachée à la mort sur les champs de
bataille de Morée par un officier français, amenée en France,
LE CO.MTE DE VII.I.EXEUVE-BARriKMOX 15I
adoptée et élevée par la bdiunnc de iJaina.s, rpuiiso du lieu-
tenant général commandant la S* division, bientôt ministre
de la Guerre, puis gouverneur du duc de Bordeaux.
Aix possédait depuis 1S08 une Société des Amis des
sciences, des lettres, de l'agriculture et des arts cjui préten-
dait à l'héritage du bureau d'agriculture fondé en 1765 et
admis au rang d'Académie un peu avant la Révolution.
M. de X'iiieneuve }■ fut agrégé dès son arri\'ée dans le dépar-
tement et eut, l'année même de sa mort, la joie de lui notifier
l'ordonnance royale du 9 avril 1829,, lui restituant le titre
d'Académie, qu'elle porte encore dignement et qui lui a
permis d'hériler de VArbaitdenco et du château de
Lourmarin.
Il est temps d'en venir à l'œuvre capitale de M. de X'illc-
neuve, la Statistique des Bouches-du-Rhône, compendium
de son acti\-ité administrative et volumineux témoignage de
son aîtachement à la petite patrie pr(n'ençale.
L'idée des statistiques départementales appartient à Napo-
léon, et est la suite, ou mieux, la conséquence de l'enquête
entreprise en l'an IX, dès le début du Consulat, sur la situa-
tion générale de la France. Ouel(|ties préfets, tels l^^auchet
du \"ar, répondirent promptement aux instructions minis-
térielles. Leur œuvre manc[ue d'autorité. Ladoucette dans
les Hautes-Alpes, moins pressé, fit préparer soigneusement
une vaste et soigneuse monographie, qui est encore utile-
ment consultée; on peut en dire autant de la Statistique du
Gard achevée en 1835.
Mais Quérard {France Utlcniirc), donne la pahne à l'œu-
vre de Villeneuve <( la meilleure en ce genre ». Vingt ans
plus tôt (1802), Michel d'Eyguières, avait publié sous les
auspices du ministère de l'Intérieur, une étude dont le pro-
pre historien du village, Anfos Micheii, admet l'insuffisance
et dévoile les inexactitudes. Un fonctionnaire, celui des
152
A. RAMPAL
frères Girard qui fut le secrétaire général de Thibaudeau,
reçut commission de préparer un ouvrage plus complet et
plus précis. 11 receuillit de nombreux documents, mais,
envoyé dans les bureaux de la X'ille-l'l'lvêque, il les emporta
sans les avoir utilisés et sans doute les égara, car il ne put
satisfaire ni aux injonctions du ministre en 1813, ni plus
lard aux instances de I\I. de Villeneuve.
Celui-ci reprit Tt-x^uvre sur un plan élargi dont on pour-
rait retrouver les premiers éléments d'exécution dans ses
rapports au Conseil général du département qui lui \alu-
rent, à diverses reprises, les éloges de l'assemblée.
A' son estime le mot stalisliqiic a ime acception encvclo-
]3édi(iue (jue la succession des temps ne lui a pas conservée.
Le préfet le définit: (( Le tableau exact des observations
que présente une contrée quelconque considérée par ce
qu'elle est par elle-même, et dans ce qu'elle est devenue par
le travail de l'homme » (Disc. prél. p. x\'), et, précisant sa
pensée, il ajoute plus loin (p. x\'ii): (( Borné aux choses pré-
sentes, notre ouvrage se réduirait à des tableaux et à des
calculs numériques dont peu de personnes auraient la force
et la patience de s'occuper ; cependant une Statistique ne
sera vraiment utile que lorsque chaque classe de lecteurs
y trouvera ce qui rentre dans ses goûts ou dans ses études ».
Co n'est plus le sens que la langue usuelle, l'administra-
tion, les économistes, les Sociétés de Statistique qui se sont
créés en France comme au dehors, donnent au terme de
sUitistique, dont on trouve cette définition assez éloignée du
sens de Vdleneuve dans un vieux dictionnaire (Pagnerre,
1840): (( Science qui a pour but la recherche et la compa-
raison des faits généraux et particuliers qui se produisent
chaque jour dans la marche de la Société ». Aussi le groupe
d'érudits et de publicistes qui, à la demande du Conseil
général des Bouches-du-Rhône, a entrepris, au début du
LE COMTE DE VILLENEUVE-BARGEMON 153
xx*^ siècle la refonte de la Statistique de \'illcnciive a exac-
tement et judicieusement iniiiulé son œuvre magislrale: Les'
Boiichc's-du-Rhôuc, Encyclopédie déparlemcnlalc.
\'()ici les propres ternies de \'illeneuve dans l'exposé de
son plan : << Les rapports sous lesquels on peut envisaj^fer
un pavs peuvent se réduire à deux points j^rincipaux : ce
Cjui appartient à la nature et ce qui est l'ouvrage des
hommes. Pour recueillir ces deux séries de faits et rendre les
résultats aussi simples à déduire c^ue faciles à expliciuer,
cliacune d'elles doit donc se présenter à l'observateur sous
les points de vue suivants: rappeler ce qui a été, décrire ce
qui existe, indiquer ce qui peut être fait ».
« Ainsi la topographie et les diverses branches de l'Ilis-
toire naturelle, le tableau des événements politiques et des
changements qu'ont subies les institutions, la descriptiim
des monuments antiques et des anciennes traditions, l'éttide
des mœurs, des usages, des coutumes, du langage, enfin de
tous les éléments de l'état social offrent une série de faits
dignes d'une attention particulière; ils doivent précéder
ceux dti même genre (pii s'applitiuenl au moment présent,
parce qu'en étudiant ces antécédents, t(nit s'apprécie et s'ex-
pli(|uera d'une manière claire et satisfaisante: ainsi se dédui-
ront d'eux-mêmes: et les axantages f[u'on en doit reiircr
poin l'intérêt public et les indications nécessaires pour amé-
liorer et perfectionner ces mêmes choses ».
I 'auteur a incontestablement manifesté sa i)rédil('i-!i<jn
])our la partie histori(|ue de son ivuvre. Bon Provençal, il
s'est complti à parler des anciens nionimients, des habilants.
de leurs institutions, mœnirs et langage. S'il a divisé ses
matières en dix livres répartis en quatre tomes, chacun
d'environ mille pages; tandis que le tome I renferme la
topographie et l'histoire naturelle (livres i et 2), les tomes
II e^. III forment le centre de l'anivre et ont été plus parli-
Ï54
A. R.\MPAL
ciilièrcmcnt surveillés dans leur confection ; car le préfet
y a groupé ses sujets préférés : histoire, archéologie, socio-
logie ; un bel album accompagne le livre consacré aux anti-
quités (L. 3), suivi de ceux réservés à la topographie admi-
nistrative, à l'état social, aux établissements publics (L. 4,
5, 6,); les établissements sanitaires, notamment le lazaret,
et ceux de bienfaisance ont particulièrement attiré son atten-
tion. Le dernier volume est consacré à l'agriculture, l'indus-
trie, le commerce, les contributions (L. 7, 8, 9 et 10).
L'ouvrage finit avec le relevé de l'état d'avancement
des opérations cadastrales au i'^'' janvier 1828. Un
chapitre ultime s'imposait, résumé ou conclusion de
l'œuvre, en parallélisme avec le discours préliminaire C|ui
ouvre le premier vohmie et qui avait été favorablement
accueilli notamment par l'Académie qui en eut la primeur.
^Lais la mort survint avant que le préfet eût la satisfaction de
voir le dernier volume sortir des presses de Ricard.
II s'était proposé de divulguer la liste de ses collabora-
teurs: fonctionnaires, négociants, érudits, C|ui lui avaient
prêté leur concours pour sa documentation ; sauf Toulouzan
et Négrel-Féraud qu'il nomme dans son discours prélimi-
naire, les autres ne se trouvent peut-être désignés que dans
les liasses d'archives où je ne suis point allé les rechercher.
Autre indice de l'inachèvement de l'œuvre. Le premier
volume (publié sous la date de 182 1 et seulement achevé en
1823) contient une dizaine de pages d'additions et de correc-
tions. Le deuxième (1824) porte en queue cette courte note:
« Xous renvoyons à la fin du dernier volume les additions
et corrections, par deux motifs: 1° ce volume est déjcà bien
assez considérable (1212 pages); 2° nous aurons ainsi tout
le temps nécessaire pour recevoir les observations qu'on
pourra nous adresser et auxquelles nous ferons, droit dans
l'intérêt de l'ouvrage ».
LE COMTE DE VILLENEUVE-BARGEMON I55
Sans doute, quand il dictait cette note à son imprimeur,
M. de Villeneuve songeait à la mise au courant, à la tenue
constamment a jour de son œuvre. Une collectivité seule
pouvait en être chargée. Pourquoi ne se reposa-t-il pas sur
l'administration elle-même, puisc[ue dans son discours pré-
liminaire il a tenté la démonstration qu'elle seule peut
mener à bien pareille t cache ? Ses opinions s'étaient-elles
modifiées à mesure que s'avançait la publication ?
Avait-il pressenti que l'administration agit sous l'action d'un
puissant moteur, et qu'elle ne le retrouverait peut-être pas en
ses successeurs ?Et fut-il alors tenté de confier la poursuite de
son œuvre à quejque collectivité: l'Académie de Marseille?
ou celle d'Aix ? III avait eu a apaiser en 1S24 un conflit
de personnes entre la premières Compagnie et le Conseil
général. Et précisément s'était constitué à Aix en 1825 ime
Société de Statistique et de Recherches provençales. Ce titre
un peu extensif effaroucha-t-il un chef c^ui n'était pas inten-
dant de Provence mais préfet des Bouches-du-Khonc ?
Xous ne savons; mais il s'empressa d'approuver la
création à ^larseille, le 7 février 1827, d'une Société
de Statistique cju'il agréa avec le champ d'action
Marseille et les Bouches-du-Rhône, et c'est dans le
sein de cette jeune Compagnie que, le 16 mai iS^^o, fut pro-
noncé le premier éloge public — après les discotirs funèbres
— du comte de Villeneuve. Notre confrère J. Reynaud nous
a naguère fait connaître les vicissitudes d'une des dernières
initiatives du préfet ; elles ont pu être nombreuses ; la Société
de Statistique a néanmoins franchi le cap du centenaire, et
elle est heureuse et fière de pouvoir célébrer celui de l'éminent
fonctionnaire qu'elle considère comme son fondateur \
M. de \^illeneuve est mort à l'Hôtel Roux de Corse dans
la nuit du 12-13 octobre 1S29; ses obsèques eurent lieu à la
^ Centenaire de la Société de Stati-tiquc. >rar-oilIc. 1027. in-4''.
156
A. RAMPAL
>rajor le surlendemain. Dans la cour de l'Hôtel furent pro-
jioncés quatre discours par MM. d'Urre, de Montgrand,
Paul Autran et Guiaud, au nom de l'Administration, de la
commune, de l'Académie et de la Société de ^Statistique. La
cérémonie fut présidée par un duc et pair, ]\I. d'Harcourt.
VA\e eut un épilogue: la dépouille du préfet fut transportée
à Bargemon ; mais, selon ses volontés dernières et (( en
ultime témoignage d'affection à ses administrés » son cœur
en avait été détaché. Après la cérémonie funèbre, le secré-
taire général baron d'Urre, en avait pris livraison à la
cathédrale et l'avait porté en carrosse au cimetière Saint-
Charles où il fut déposé dans le tombeau édifié l'année pré-
cédente pour recevoir les restes de Mme de Villeneuve.
Depuis lors le transfert au cimetière Saint-Pierre a été
effectué en 1865).
A. RAMPAL.
Sources et Bibliographie
Sniiapltorc de ^Iar.-eilk'. 14, 15, 16 octobre 1829. Les Boiichcs-du-
Rhône, Encyclopédie dcparteincntale, t. XI, Biographies par Barré,
PP- 543-544-
MiCHAUD, Biographie universelle, articles sur les six frères Mile-
neuve par A. Boullée.
Augustin Fabre, Eloge historicjue de M. le comte de Villeneuve-
Bargemon, conseiller d'Etat, préfet des B.-du-Rli., prononcé le
16 mai 1830 à l'assemblée générale de la Société de Statistique de
Marseille et des B.-du-Rh., in-S", 1830.
E. de JUIGXÉ DE Lassignv, Histoire de la maison de Villeneuve en
Provence, Lyon, imp. Alex. Rey, 1900, in-4", 3 vol. I, Généalogie,
II et III, Preuves et Tables.
Collection de discours administratfis et académicjues, de notices
historiciues, mémoires, rapports et autres œuvres littéraires de M. le
comte de Villeneuve, conseiller d'Etat, préfet des B.-du-Rh., com-
mandeur de rOrdre royal de la Légion d'honneur, chevalier de
LE CO.MTI-: DE \IF.rj:NEL\ E-BARGEMON I57
plusieurs ordres étrangers, membre de l'Académie royale de Mar-
seille, président honoraire de la Société de Statistique de la môme
ville, membre de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen,
de la Société royale des antiquaires de France, de la Société de
géographie, de la Société des amis des sciences, des lettres, de
l'agriculture et dos arts séant à Aix, correspondant de l'Académie
royale de Turin. Marseille, imp. Achard, 2 vol. in-4". — L'ouvrage
est divisé en 4 parties: I, Discours administratifs, r' comme préfet de
Lot-et-Garonne: 2*^ en qualité de piéfet des B.-du-Rh. IL Discours
académiques. III, pièces lues dans les séances des Sociétés savan-
tes: 1° à la Société d'émulation du département du Var ; 2° à la
Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen; 3" à l'Académie des
sciences, belles lettres et arts de Marseille. IV, Ouvrages insérés
dans divers recueils littéraires. Malgré son ampleur, cette collection
ne comprend pas l'intégralité de l'œuvre littéraire du comte de
Villeneuve. X'y sont pas reproduits: la Xotice historique sur la
\ille de Xérac (Agen 1805) et le Voyage dans la vallée de Bar-
celonnette (Agen 1S15). Xon plus, tous les discours du préfet, par
exemple ceux à l'inauguration de la statue du roi René à Aix le
19 mai 1823; sur la tombe de M. Caire, commissaire général de police
à Marseille, le 2 avril 1816. Ce dernier figure dans un recueil manus-
crit dont les archives du Reclos possèdent un fragment assez considé-
rable détaché d'une collection jadis reliée et débutant par: Journal
des événements qui ont eu lieu à Agen et dans le département d«s
Lot-et-Garonne, depuis le jour où le débarquement de Bonaparte fut
annoncé jusqu'au 5 avril, époque à laquelle son autorité usurpatrice
fut reconnue; avec Xotice sur la situation de M. de Villeneuve pendant
les Cent Jours et sur les événements qui ont marqué sa carrière admi-
nistrative juscjues à sa nomination à la Préfecture des B.-du-Rh.
Statistique du département des B.-du-Rh. avec atlas, dédiée au
Roi par M. le comte de Villeneuve..., publiée d'après le vœu du Conseil
général du département, Marseille, Ant. Ricard, 4 vol. in-4°, atlas
in folio.
Iconographie. — Lithographie de Mothe, d'après le portrait de Gre
vodon, 1827, tirée à de nombreux exemplaires et reproduite en tête
de la présente notice.
Les archives de la Chambre de Commerce ont reçu naguère du
colonel de V. B. le masque funéraire en plâtre du bon préfet.
La place à l'est de l'Hôtel de Ville de :\larseille porte son nom
et est ornée d'une fontaine surmontée de son buste par Pierre Cantini,
inaugurée en 1833, à la suite d'une souscription publiciuc.
iç8 A- KAMPAL
Une autre rue de la ville, au quartier des Allées, porte aussi son
nom, qui a passé à une école de garçons, héritière partielle de
l'École Belsunce. Cette rue et sa voisine ont été tracées
sous la Restauration; elles avaient été dénommées: Damas et Ville-
iieuve. En 1830, Damas fut remplacé par Lafayette, mais Villeneuve
échappa à la proscription. Le bojt projet doit savoir gré aux Marseil-
lais de ne l'avoir supprimé ni au 10 août, ni aux Trois Glorieuses,
LE COMTE DE VILLEXEUVE-BARGEMON I59
ANNEXES
LES VILLENEUVE
Seigneurs et Barons de Vauclause
Des mariages successifs ont amené rétablissement des
\'illeneiive à Bargemon (\'ar) d'abord, puis fi X'auclause
(Basses- Alpes).
Bertrand de Villeneuve, seigneur de Tourrettes, Esclapon,
Figanières, Bargemon, Avave, IMons, Pibresson, Le Cas-
tellet de \'almasque, la Xapoule, Beauregard, Saint-Césaire,
Saint-Martin, maria son fils Jean, avant ou en 1351, h Dra-
gonne Rica\i, fille et héritière de Guillaume, seigneur de
Bargemon ; sept enfants de cette union sont signalés dans
le testament de l'aïeul, fait h Tourrettes le 25 septembre 1361.
Le deuxième, Pons, coseigneur de Bargemon et de Figa-
nières, épousa Catherine de X'auclause, dame de Malignon
et de Meaux (contrat not. Guil. Jausserand, à Castellane,
26 mars 1380).
Les pièces d'un long ei gros procès soutenu cnxiron un
siècle plus tard au sujet des limites et droits respectifs des
territoires d'AUons et de Vauclause fournissent quelque^s
renseignements sur la généalogie de la famille de Vauclause :
Andné, seigneur en totalité de \'auclause, est l'auteur de Jac-
ques, seigneur du mCMiie lieu et marié à Cécile RutH, des
seigneurs de Saint-Martin ; Jacques eut pour seule héritière
sa fille Catherine, épouse de Pons de X^illeneuve précité. Le
dit Jacques avait, parmi ses petits-fils, choisi pou*- h-'-i'-c-
Jacques de Villeneuve, avec substitution au po'''t '<-
frères Jean et Antoine (test, fait h Castillon, 13 déLemijie
1435 et reçu par Jean Tassilis, notaire). ^^^
l6o A. R AMP AL
T.e dit Jacques de \'illeneiive, devenu ainsi seigneur de
\'auclause, testa, le 14 février 1446 à Bargemon, en la mai-
son de son frère Jean de Villeneuve, instituant héritier l'en-
fant dont sa femme Gillette est enceinte et à défaut lui subs-
tituant ses frères Jean et Antoine de Villeneuve par égales
parts. La substitution sortit à effet par suite du défaut de
postérité du testateur. Et postérieurement à la mort de Jean
survint une transaction entre son fils Pons (né en 1433 à
Entrevennes, mort en 1501) et le dit Antoine, passée à Aix,
le 3 février 1458 de rincarnation= 1459, en l'officine de Ray-
mond du Puget, professeur iu utroque jure et devant le
notaire Honoré de Mari. Pons de Villeneuve eut à sa part le
château de Vauclause, sauf le droit pour les parties de faire
dépaître leurs troupeaux : Antoine, dans le terroir de Vau-
clause ; Pons, dans celui voisin d'AUons. La transaction
règle encore la future succession de Catherine de Vauclause,
qui précise que tous ses biens seront partagés également
entre son fils Antoine et son petit-fils Pons, mais que ceux
de Bargemon appartiendront tous à Pons. C'est au dit Pons
que ses voisins, les Requiston, principaux seigneurs du lieu
d'Allons, intentèrent un interminable procès auquel les
archives du Reclos doivent le gros livre de Vauclause, et
qui, commencé en 1469, fut solutionné par arrêt du Parle-
ment de Provence du 14 juillet 1513, et suivi le 28 juillet 15 14
d'une transaction de ^L de Vauclause avec la communauté
d'Allons conclue devant l'église Saint-Domnin (not. Jean
Laurenti de Castellane).
Pons assista aux Etats de Provence de 1482, où Xostra-
damus le place parmi les partisans du Lorrain. Il parut' aussi
à ceux qui votèrent le 9 avril 1487 la réunion du
Comté à la France a comme un principal à un autre
principal ».
Honoré, fils de Pons et de dame Tacie de Castellane, con-
tracta une belle alliance avec Catherine de Bouliers, fille de
LE COMTE DE VILLEXEUVE-BARC.EMOX l6l
Jean-Louis, seigneur de Cental et Démonte, et Louise de
Montmorency-Laval. A cette occasion, son frère Nicolas,
évêcjue de Sénez (siège sur lequel il avait succédé à son oncle
Elzéar, frère de Pons) lui iit une importante donation de
biens patrimoniaux, (Contrat de mariage reçu au château
de Cental, ie 23 décembre 1498 par Guillaume Ambrois, not.
de Castellane). Honoré mourut en novembre 1533, après
avoir vu la fin de ses procès avec ses voisins d'Allons.
Son fils Gaspard fut un imporiant personnage: il se mit
au service du roi de France, fut chargé de missions dans
le Levant (juillet 1541 à février 1542) et remit à Damas, au
pacha de Syrie, des lettres de François P"". Il fut récom-
pensé par l'octroi de la viguerie de Castellane (7 juillet 1542)
et du gouvernement d'Kntrevaux (6 septembre 1542.). Deux
ans après, il obtenait une pension de deux cents livres
(24 juillet 1544) et l'érection en baronnie de la seigneurie
de Vauclause, avec jonction des terres d'Entraune, Saint-
Martin et Villeneuve. Sa postérité lui doit la rédaction du
Gros Livre de Vauclause (1545). Chargé par le Grand Prieur
de Lorraine de demander pour ce prince le gouvernement
de la Corse, il se rendit à la Cour en 1558 et mourut à Paris
le 6 mai 1559; il fut inhumé à l'église de Saint-Jean de
Latran, au faubourg Saint-Jacques.
Chrsitophe de \'illeneuve, dit le Ruse, deuxième baron
de Vauclause, né à Marseille (30 juin 1541), est le person-
nage le plus important de sa lignée. D'abord page de l'ran-
çois de Lorraine duc de Guise, chevalier de Sainl-Michel
(15 avril 1570), il a joué un rôle important dans sa province
pendant les guerres de religion ; chef du parti catholique,
il évita a la Provence les excès de la vSaint-Barthélemv et
se fit successivement apprécier du («rand Prieur d'Angou-
lême et des ducs de la A'allette et d'Epernon. Ligueur de
1589 à 1592, il se rallia au parti royal, reçut lettres d'abso-
i62 A. RAMPAT,
lution (21 novembre 1596) et assista à Aix aux Etats de 1599.
Mort à Bargemon, 16 juillet 1615) '.
Jean, son fils, troisième baron de Vauclause (Bargemon,
21 novembre 1567-9 septembre 161 7), fut premier consul
d'Aix ; étant procureur du pays aux Etats de 1616, ceux-ci le
chargèrent de porter au roi leurs remontrances.
François, fils du précédent, quatrième baron de Vau-
clause (Bargemon, 24 septembre 1607-7 février 1675), servit
dans les armées rovales et leva en 1624 une compagnie de
cent hommes de pied pour le régiment de son parent Antoine
de Villeneuve, marquis des Arcs.
Ses fils, Balthazard (Bargemon, 12 octobre 1636-17 mai
1707) et Joseph (Bargemon, 18 janvier 1643-4 janvier 1723),
embrassèrent l'un et l'autre l'état ecclésiastique, mais le pre-
mier ne persévéra pas et abandonna à Joseph les prieurés de
Saint-Etienne de Bargemon et de Notre-Dame d'Espeluque
d'Ampus, auxquels celui-ci joignit ceux de Notre-Dame de
Plèbe de Bargemon et de Saint-Michel de Pavas. Balthazard
^ M. le comte Romée de V. B. nous a montré au Reclos un jeton
susceptible d'intéresser les numismates et dont nous ne pouvons pré-
ciser l'origine et le but. C'est une pièce de cuivre assez effacée dont
le diamètre tient le milieu entre nos anciennes pièces de cuivre de
0,05 et 0,10; mais beaucoup moins épaisse, portant sur une face le
blason des Villeneuve: de gueules fretté de six lances d'or, accom-
pagnées d'écus de même, entouré du collier de Saint Michel et de
^"^ DEVS ARCV COTERET ET COFRIGET ARMA ET SCVTA
pour laquelle, parmi diverses traductions proposées, celle-ci due au
secrétaire perpétuel de l'Académie de Alarseille, 'SI. le chanoine
Gamber nous semble la plus précise :
De son arc Dieu brisera — réduira en miettes — armes et boucliers
Au revers, entrelacées et assez effacées les lettres C. D. V. F.
où l'on veut voir les initiales de Christophe de A'illeneuve et de
son épouse Françoise de Grasse; entourant le monogramme, Vau-
clause. 22 janvier i^/jj date'cjui ne correspond à aucun événement
mémorable pour la famille.
LE COMTE DE ^"ILLE^•EUVE-B.VRGE^[0^• 163
fui le cinquième baron de Vauclause, assista au siège
d'Orange en 1673 et épousa à Aiguines Blanche de Gautier
(7 février 1666, contrat not. Pons Cogordan d'Aiguincs et
Louis Castagne de Bargemon) ; d'où Cjuinze enfants.
Joseph I (Bargemon, 7 février 1675-30 mai 1752), fut le
sixième baron de Wauclause, par suite de la fin dramatique
de François, son frère aîné (Bargemon, 28 octobre i66g-
3 janvier i6gg) et de la mort en bas-âge de deux autres.
D'abord page de la Petite Ecurie, il fit les campagnes de
168S à 1692 et quitta le service peu après avoir été promu
lieutenant à Royal-Marine (1693). Premier consul d'Aix et
procureur du pays en 1726, il s'était fixé dans cette petite
capitale. En 174S, il fut admis aux honneurs de la Cour.
Une de ses filles, fiu la première a contracter alliance dans
la maison Leclerc de Lassigny,à laquelle appartient M.Iùlme
de Juigné de Lassigny, historiographe de la famille.
Christophe II (Bargemon, 8 octobre 17 16-21 décembre
1800 (30 frimaire an IX), septième et dernier baron de \'au-
clause, servit d'abord sur les galères, puis sur les vaisseaux
du roi. Retiré dans ses terres, il eut de nombreux démêlés
avec la communauté de Bargemon, qui lui valurent peut-
être le pillage et la destruction partielle de son château à la
Révolution. Pourtant il n'émigra pas et vécut avec sa famille
au Reclos sans être inc[uiété. Les archives familiales possè-
dent de lui de nombreuses notes et un livre généalogique
précis et détaillé.
Au xx*" siècle, le titre de baron de Wauclause a été relevé
par M. Pierre-Alban-Marie Géraud de \'illeneuve, né à
Tourrettes le 16 septembre 1890, descendant au sixième
degré de Christophe IL
i64
A. RAMPAL
Les Mamuis, comtes et uisomtes de Uiiieneuua-Bargemon
(( Joseph de Villeneuve dit le marquis de Villeneuve-
Bargemon, seigneur de \'auclause, Bargemon, Castillon et
Saint-Auban, né et baptisé le ii juin 1745 k Bargemon, fut
admis aux honneurs de la Cour le 16 février 1788 ». (Juigné,
(iénéalogie, p. 147). Le titre de marquis paraît n'avoir été
que de simple courtoisie et n'être appuyé sur aucune conces-
sion par lettres patentes ou ordonnance. Ces titres obvin-
rent à de nombreuses personnes admises aux honneurs de la
Cour et, comme les usurpations de titres n'ont pas été pour-
suivies sous l'Ancien Régime, au moins à l'égard des
nobles de race, le titre de marcjuis de Villeneuve-Bargemon
a pu passer dans l'usage sans avoir reçu de consécration
légale.
Joseph II de Villeneuve, fils aîné du dernier baron de Vau-
clause, fut premier consul d'Aix et procureur du pays à
plusieurs reprises ; élu député de la noblesse au Etats Géné-
raux de 1789 pour la sénéchaussée de Draguignan, il n'y
siégea pas, et fut remplacé par le suppléant, M. de Juigné
de Lassigny, son cousin et beau-frère. Il passa les années
de la Révolution avec son père au Reclos et fut assez heu-
reux pour obtenir de Robespierre jeune, rencontré à Saint-
Césaire (A.-M.), la levée du séquestre de ses biens. Maire
de Bargemon, il mourut en fonctions le 20 mai 1808. Sa
femme, Anne-Josèphe-Sophie de Bausset-Roquefort, qu'il
avait épousée à Aix le 29 mars 1770 et qui lui survécut jus-
' Par suite d'une erreur singulière, divers membres de la famille
et surtout ceux ne résidant pas en Provence, écrivent et signent •
Bargemontj au lieu de Bargemoti.
LE COMTE DE VILLEXEUVE-RARGEMOX 165
qu'au 8 février 1847, lui avaii donné quatorze enfants, cinci
filles et neuf garçons, qui furent la plupart des hommes
distingués.
Louis (Bargemon, 16 novembre 1786), mourut en bas âge ;
deux autres, Paul (Grasse, 18 octobre i77g-Bargemon, 8 mai
1802) et Charles (Bargemon, 6 mai 1791-retraite de Russie,
1S12), officiers d'infanterie, furent l'un et l'autre emportés
vers la vingtième année.
Parmi les six autres Jean-Baptiste, vicomte de \\ B.
(Bargemon, 28 novembre 1788-Le Bausset, 6 août 1861), fut
un marin d'élite: d'abord simple matelot, 8 octobre 1804,
son parent l'amiral Villeneuve l'attacha <'i son état-major
et il assista à la bataille de Trafalgar, prit part à l'expédi-
tion de Lissa, 1810, et cà celle d'Alger, 1830, ccMiimanda la
station de la Guyane (1820), et le vaisseau école la Mctorieusc
(1826); capitaine de vaisseau dès 1827, il quitta le service le
13 août 1835 ^i ï'^ suite d'une violente discussion avec son
ministre l'amiral de Rigny. Rentré dans son départe-
ment du Var il y fut conseiller général (1846) et député (1849-
1851). De son mariage avec Mlle de Séran il eut, outre deux
fils morts en bas âge, une fîlle IMarie-Philomène-Roseline
(Toulon, 6 octobre 1841-Genève, 7 mai 1892), mariée au
savoyard Jean-Ernest-Benoit Le Borgne, vicomte de Boi-
gne, petit-fils du bienfaiteur de Chambéry, et j\La rie-Joseph -
Raymond marcjuis de \". B. (l\)ulon, 21 octobre 1826-
1910), Cjui racheta la terre du Reclos en 1850, elou-
bla le château en le flanciuant de deux ailes débor-
dantes qui donnent à la construction la forme d'une
H et y conservait par pacte de famille les archives des
\^illeneuve et la nécropole de Xotre-Dame de Plèbe. Il fut
maire de Bargemon (1855-1860), conseiller général du Var
pour le canton de Callas (1862-1870), maire du VIP arron-
dissement de Paris (1860-1870), préfet des Alpes-Maritimes
l66 A. RAMPAL
JS72-187O), président de la Croix-Rouge, S.S.B.M. ; pendant
la guerre de iS;o il reçut la cravate de commandeur de la
Légion d'honneur au mois de décembre. Son unique lils,
René-Marie-Antoine comte de Y. 15. (Paris, 21 janvier 185 1),
ancien attaché militaire à Vienne, colonel de cavalerie en
retraite, possesseur du Reclos, veuf de sa cousine Emma-
Gabrielle-Cécile, petite-fille d'Alban l'économiste, a repris
du service pendant la guerre mondiale et perdu deux fils
dont l'aîné a laissé postérité.
Des cinq autres frères, l'aîné Christophe fut le préfet des
Bouches-du-Rhône. — Emmanuel-Ferdinand (Grasse, 27 dé-
cembre 1777-26 jan^•ier 1835), marquis de V. B., fut cheva-
lier de Malte de minorité (17 mars 1780, preuves 1791),
marin (1791-1792), cavalier (1798-1799), derechef marin
(1800-1802), inspecteur des droits réunis (2;^ janvier 1815) et
préfet des Basses-Alpes (17 mars 1815), des Pyrénées Orien-
tales {2T, juillet 1S18), de la Nièvre (1820) et de la Somme
(1826- 1830), député des Basses-Alpes (1820- 1826). Sa des-
cendance, assez nombreuse, représente la branche aînée de
la famille; et c'est un des siens C|ui vient de relever le titre
de baron de Vauclause.
Joseph-René, dit le baron, puis le comte de V. B. (Bar-
gemon, 9 janvieri782-château de Bois-le-Roi, commune dé
P\^rrière en Gâtinais, 17 septembre 1S69; propriété de sa
femme, Mlle de Brosses, qui y mourut à son tour le 2 jan-
vier 1880) ; chevalier de Malte de minorité (8 novembre 1783),
commissaire de marine (1799), archiviste du Var (1801),
secrétaire du général Lacuée (1805), référendaire de 2" classe
à la Cour des Comptes (1S07), préfet de la Haute-Saône
(1815), de Saône-et-Loire (1824), conseiller d'Etat et direc-
teur général des Douanes (1827), directeur des Postes
(12 novembre 1828-août 1830), député de Saône-et-Loire
(1825-1830). Descendance féminine: sa fille aînée, mariée
LE COMTE DE VILLENEU\'E-BAKCiE.\I(J.\ 167
au marquis de Foibin d'Oppède, tint à Paris cnlrc 1860-
1880 un salon réputé.
Jean-Paul-Alban et Louis-François, vicomtes de V. B.,
étaient jumeaux (Saint-Auban, 8 août 1784); le premier
embrassa la carrière administrative, l'autre n'eut pas
d'emploi public.
Alban, sous l'Empire, fut employé hors de France : sous-
préfet de Zierikzee, préfet de Lerida (1812) et de Namur
(1813). La Restauration lui confia successivement les préfec-
tures de Tarn-et-Garonne, Charente, Creuse, Meuse, Loire-
Inférieure, Xord (1826-1830). Député du Var au début du
gouvernement de juillet, il démissionna pour devenir l'agerV
de la duchesse de Berry en Provence et accompagna la prin-
cesse de Sausset au château de Plassac en Saintonge, lors
de l'insurrection vendéenne (1832); il a laissé des mémoires
manuscrits sur cet épisode hisloricjue. Fixé ensuite cà Paris,
il s'y adonna à l'étude de l'économie politique et doit être
considéré comme un des précurseurs du mouvement social
chrétien, développé par AllDert de Mun, Léon Harmel et le
marquis de la Tour du Pin. Lauréat, puis membre de l'.Vca-
démie des Sciences morales et politiques (1814), député
d'Hazebrouk (1840), conseiller général du War (Callas, 1846,
1848). Bargemon lui a élevé un monument le 2T, août 1864.
Il aw'iit en le château du Reclos dans les partages de famille
et celle lene reviendra à sa descendance par suite du
mariage d'une de ses petites-filles avec le colonel de V'ille-
neuve-Bargemon. — Bibliographie : Fconomie politique
chrétienne ou i\echerches sur la nature ei les causes du pau-
périsme en France et en lùirope, 1834, 3 ^■<*'- i'"'-'^" : P'"'-^
Monihvon. - - Histoire de l'économie politique. lùudes
historiennes, philosophiques et religieuses sur l'économie
politique des peuples anciens et modernes, 1844, 2 vol. in-8".
— • Le Livre des affligés, 1845, 2 vol. in-12'' ; a eu plusieurs
éditions.
l68 A. RAMPAL
Louis-François de Villeneuve, fixé à Nancy par son
mariage, s'y adonna à des études historiques qui le condui-
sirent à l'Institut: correspondant (1831), membre de 4'Aca-
démie des Inscriptions et Belles Lettres (10 janvier 1840).
A raison de son affiliation à l'Académie de Marseille, nous
lui consacrons une notice un peu moins sommaire cpi'à ses
frères.
LE COMTE DE VILLEXEUVE-BARGEMON 169
Louis-François de villeneuve-Bargemon
Marquis de Trans
Les frères jumeaux Jean-Paul-Alban et Louis-François
de Mlleneuve, huitième et neuvième enfants issus du
mariage de Joseph de \^illeneuve et de Sophie de Bausset,
virent le jour à vSaint-Auban le 8 août 1 7S4 et y furent bapti-
sés le ig septembre. D'une complexion délicate, François
ne put, comme ses frères, postuler d'emploi public; sans
' Le marquisat de Trans a été érigé par Ls. P. de Louis XII du
mois de février 1505 de l'Incarnation- 1506, en faveur de Louis «le
Villeneuve, chevalier, baron de Trans au comté de Provence, et com-
prenant les terres et châteaux des Arcs, Vidauban, la Mothe,
Esclans, Rouet, Pibresson, Serenon, Châteaudouble, Ampus, Mont-
ferrat, Lagneros, Villehaute, Taradel, la Garde, ï^spercl, Brunet,
Peiresc, La Colle Saint-Michel, Callas, Tourtour et Villecroze.
Le premier marcjuis de Trans mourut en 1516, après son fils, lais-
sant deux filles entrées dans les familles de Foix et Grimaldi. Un
arrêt du Grand Conseil, 14 septembre 1516, adjugea le marquisat de:
Trans à Alexis de Villeneuve, baron de Flayosc, en vertu des subs-
titutions contenues au testament d'Arnaud de Villeneuve. Un arrière
petit-fils d'Alexis, Claude, décéda sans postérité en 1626, et désigna
pour héritier son parent Antoine de Villeneuve, marquis des Arcs ;
un arrêt du Grand Conseil, 31 mai 1629, confirma le testament; mais
Antoine mourut aux Arcs sans postérité le 7 octobre 1672, et se choi-
sit pour héritier un neveu, Jacques de Raitty, marquis de Vittré.
Les Villeneuve réclamèrent le bénéfice des substitutions et, l'un après
l'autre, ses cousins Jean et Alexandre-François de V., petits-fils d'Ours
(ce dernier avait antérieurement disputé au testateur le marquisat
de Trans). En prévision de la longueur du procès et des frais con-
sidérables à avancer, un compromis fut signé entre Alexandre-Fran-
çois et le seigneur Pierre de Villeneuve-Tourrettes: celui-ci pour-
suivrait le procès contre Jacques de Raitty et, au cas d'issue favora-
ble, aurait le titre de marquis de Trans, mais partagerait les seigneu-
ries avec Alexandre-François.
Le 2 août 16S9 le Parlement de Dijon confirma la substitution et
le compromis entre les seigneurs de Flayosc et de Tourrcttes, et
170
A. RAMPAT.
doute vécut-il dans sa famille h Bargemon. 11 fui reçu che-
valier de Malte le 6 juin 1817; et, tandis que son jumeau
Alban était préfet de la ]\Ieurthe,il épousa à Nancy, le 36 jan-
vier 1821, Mlle Caroline-IIs-acinthe-Artémise de Bourcler
de Montureux Fiquelmont (contrat notaire Charon, à Xancy,
29 janvier 1821), (jui lui donna deux fdles: Aliénor-Sophie-
Roseline-Marie-Nathalie (Xancy, 7 décembre 1821-Paris,
14 août 1886), mariée à.Nancy le 8 décembre 1842 à Charles-
Ernest-Irénée comte de Brosses, conseiller auditeur à la
Cour royale de Lyon avant 1830 et frère de Mme Joseph de
Villeneuve, sa tante — Marie-Roseline (Xancy, 26 février
1S24), mariée le 28 juin 1849 à Manonville, Meurthe, au
comte russe Alexis Bogaiewski ; — plus un fils,Charles-Alban-
Hélion, marquis de Trans (Xancy, 26 juin i826-Sébast0pol,
M. de Tourrettes fut mis en possession le 30 septembre 1689. Son
petit-fils Louis-Henri, ancien lieutenant-colonel au Royal Roussillon,
avait testé le 3 septembre 1792 en faveur de son parent et officier
dans son régiment Christophe de Villeneuve-Bargemon ; mais les
revendications des créanciers et les reprises de la veuve absorbè-
rent tout l'émolument de la succession.
Le titre de marcjuis de Trans fut pris alors par son frère Tho-
mas, chevalier de Malte, qui donna à son parent J.-B. de Villeneuve-
Beauregard et dans le contrat de mariage de ce derniei ce
qu'il avait pu recueillir des terres de Trans. Il mourut à Mar-
seille le 3 septembre 1830. En 1832, M. de Beauregard vendit les
terres <( et les droits qu'il pouvait avoir au titre de marquis de
Trans » à François de Villeneuve-Bargemon. Cependant, au béné-
fice des substitutions anciennes et de l'arrêt du Parlement de Dijon
de 1689, et sans tenir compte des cessions faites par Thomas à M. de
Beauregard, 2^1. Raj'mond de Mlleneuve-Flayosc, descendant au
cinquième degré d'Alexandre-Franyois, prétendit au titre de mar-
quis de Trans, sans toutefois le disputer juridiquement à son cousin
de Bargemon. Celui-ci ayant perdu en Crimée son héritier mâle,
yi. Hélion de Villeneuve fils de Raymond, porta le titre de marquis
de Trans, qui, après sa mort à l'Estaciue-Marseille le 4 mai 1893,
advint à Léonce de Villeneuve Flayosc, commandant d'infanterie en
retraite et président des Syndicats agricoles de Provence. Lez enfants
de ce dernier possèdent présentement le double titre de marquis de
Flayosc et de Trans.
LE OOMTE DE VILI.EXELTV'E-BARGEMOX I7I
24 juillet 1S55). Au lendemain de sa mort le comle Anatole
de Ségur, sous le titre de T'/f et mort d'un scr(^cnl de zoua-
ves (A. Bray, P. 1856, 3* éd., 1860, in-8", 106 p.), a publié
une biographie édifiante de ce fils de veuve engagé volon-
taire aux chasseurs d'Afrique pendant les incertitudes du
siège de Sébastopol, débarcjué en Crimée le 17 juin 1855 et
passé caporal au 3^ Zouaves le i" juillet ; au milieu du mois,
sous-officier adjudant de tranchée; le 22 au soir, de ser-
vice auprès du général Vinoy, il eut la mâchoire fracassée
et mourut vingt-C|uatre heures après à l'ambulance du
IP corps. Ses restes, ramenés en P>ance, furent portés à
Notre-Dame de Plèbe le 25 octobre 1855.
Revenons à son père: chevalier de la Légion d'honneur
(28 octobre 1828) et des saints Maurice et Lazare, gentil-
homme honoraire de la chambre du Roi (17 avril 1829),
il acquit de son parent J.-Iî. de Villeneuve Beauregard (not.
Rocjue, à Draguignan, 29 janvier 1832), tout ce qui restait
de la terre de Trans et se para dès lors du titre de marquis
de Trans. Comme il tenait au titre familial plus cju'aux ter-
res, il revendait bientôt celles-ci (not. Leydet, à Trans,
30 août 1834, acq. J.-J. Boyer), ne gardant que l'habitation
et le parc, aliénés à leur tour par sa veuve (id. 22 février
1852, acq. Louis Beaussant), après sa mort surx'cnue à
Xancy le 19 septembre 1850).
François de Villeneuve, adonné de bonne heure aux étu-
des historiciues, semble avoir recherché l'affiliation aux
Sociétés savantes. Le 3 février 1815, son jumeau Alban étant
préfet de Tarn-et-Garonne, il fut nommé membres corres-
pondant de la Société des sciences, belles lettres et arts de
Montauban. — 13 avril 1820, son frère aîné Christophe étant
préfet des Bouches-du-Rhone, il devient correspondant de
l'Académie des sciences, lettres et arts de ^Larseille. --
12 février 182 1, son jumeau Alban étant préfet de la Meur-
the, François est correspondant de l'Académie Stanis-
172
A. RAMPAL
1j,s; — puis, 2 février 1824, de rAcadémie des sciences, bel-
les lettres et arts de Besançon : — i" décembre 1825, de la
Société acadéini(iue de Nantes, Alban étant préfet de la
Loire-Inférieure; — 24 novembre 1S26, de la Société d'agri-
culture, sciences et belles lettres de Mâcon (Académie), son
frère Joseph étant député du département de Saône-et-Loire
après l'avoir administré; — 4 avril 1827, de l'Académie des
sciences et belles lettres de Lyon; — 3 mai 1827, de l'Aca-
démie des sciences, arts et belles lettres de Dijon, pays natal
de sa belle-sœur Joseph de Villeneuve née de Brosses; —
21 novembre 1828, de la Société des sciences, arts et lettres
de Lille, Alban étant préfet du Xord ; — 2t^ janvier 1830,
de l'Institut des provinces fondé par M. de Caumont ;• —
II décembre 1834, de l'Académie d'Anvers; — 31 décem-
bre 1837, de l'Académie de Metz après y avoir présidé cette
même année la session du Congrès scientifique. Il entra à
l'Institut comme correspondant le 4 mars 1831, et fut élu
membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres le
10 janvier 1840.
Bibliographie. — Précis de l'Histoire en général et jus-
qu'à nos jours, P. Egron 182 1, 1838. — Lionnel ou la Pro-
vence au xiii^ siècle, P. Biaise, 1824, in-i2''\ — La Cha-
pelle ducale de Xancv, ou Notice historique sur les ducs de
Lorraine, Nancv, Bouteux, 1826. — • Histoire de René d'An-
jou, roi de Napies, duc de Lorraine, comte de Provence,
P. Biaise, 1825, 3 vol. in-8°. — Histoire des Grands Maîtres
de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, P. Biaise, 182g, 2 vol.
in folio avec gravures. — Histoire de saint Louis, roi de
I-'rance, P. Biaise, 183g, 3 vol. in-8°. — Mémoire sur les
tombeaux de Charles le Téméraire à Nancy et à Bruges,
183g. — Sur la tapisserie de Charles le Téméraire conser-
vée à la Cour royale de Nancy, 183g (Mém. de l'Académie
Stanislas). Dans le Plutarque français, notices sur René
d'Anjou, Joinville, etc.
STANCES
à
Sainte Roselme de Villeneuve
Le fier château des Arcs a pris un air de fête
Dans le pâle réveil d'un matin hivernal.
Sur ses nobles créneaux dont s'allume le faîte,
Ainsi qu'un nimbe d'or sur un front virginal,
Un soleil attendri repose sa lumière
Et du donjon hautain jusqu'à l'humble chaumière
La vallée attentive espère un doux signal.
C'est un matin si clair que le jour s'en étonne,
Si pur qu'un voile rose étend sur l'Estérel
Le charme d'un printemps qu'alanguirait l'automne
Et comme un encensoir fumant, sacramentel,
De précoces parfums montent des terres grises
Où l'odeur des rosiers émerveillant les brises
Flotte sur le château d'un vol surnaturel.
Là, dans la chambre heureuse où la haute fenêtre
Ouvre sur le pays son vitrail fulgurant
Au sieur de Villeneuve un héritier va naîitre,
L'arume des rosiers plane plus enivrant
Et le goût de la fleur angélique et farouche
Enveloppe de joie et de calme la couche
Où prie avec amour Sibille de Sabran.
Sun épKjux, Arnaud II, sourit à cette épreuve,
Sa foi robuste attend la volonté de Dieu,
Il bénit aujourd'hui le sang des Villeneuve,
Les cloches du château chantent dans le ciel bleu,
Les vassaux accourus, dans leur ardeur naïve.
Ont vu l'aile d'un ange au feston de l'ugive
Comme si quelque Sainte était née en ce lieu.
1 Le Vl-^ Centenaire de Sainte Roseline de Villeneuve, morte le
17 janvier 1329, a été célébré au mois de juin 1929, à la Celle-
Roubaud (,^'ar).
iy4 JE.\>' DE SERVIERES
Or, ce n'est qu'une enfant, déjà leur damoiselle
Mais tous ces rudes cœurs se redisent son nom,
Ils vont, remerciant la Vierge à la chapelle,
Prier pour leur seigneur juste, loyal et bon ;
Aux champs, dans les vallons, aux bois, sur la colline,
L'écho se réjouit du nom de Roseline,
Qu'elle soit, si Dieu veut, l'orgueil de sa Maison !
Qu'elle soit cette rose aux effluves mystiques
Que sa mère voyait avec humilité
Lorsque ses oraisons et ses pieux cantiques
Mêlaient l'espoir du ciel à sa maternité,
La rose épanouie aux tendresses divines,
La rose irrespirée., ardente, et sans épines,
Que le Maître, séduit, cueille pour sa beauté,
Et Roseline fut cette rose suave.
Au château paternel, durant ses premiers ans.
Son visage innocent, ses yeux purs, s'on front grave
Faisaient parler entre eux, le soir, les paysans ;
Rose vivante, ayant un peu l'air exilée.
Sa grâce rayonnait sur toute la vallée
Que l'Argens rafraîchit de ses flots bienfaisants.
Fille aînée adorée au cœur de sa famille,
Autour d'elle ses sœurs, ses frères, grandissant.
Retrouvaient une mère en cette jeune fîlle
Dont la main les guidait d'un geste caressant;
Les parents enchantés de leur joie enfantine
Invoquaient simplement le nom de Roseline
Pour incliner parfois leur front obéissant.
Humble et douce de ca-ur, tendre et compatissante,
L^n seul de ses regards eût désarmé le mal,
Le sens miraculeux de sa beauté naissante
Avait bientôt ravi le monde féodal ;
Mais que valait l'orgueil d'une illustre noblesse
Dans cette âme d'élite oii sans une faiblesse
L'amour de Dieu restait le suprême idéal.
STANCES A SAINTI-: ROSELINE UE VILLENEUVE I75
Modeste, elle régnait sur toute la contrée
Dont messire Arnaud II, son père, était seigneur,
Riche, belle, et d'un nom magnifique titrée
Elle semblait vouée au plus parfait bonheur ;
Il était cependant un plus bel apanage
Aux yeux de cette enfant qui, dès son plus jeune âge,
Vit dans la charité le vrai titre à l'honneur.
Soit qu'elle eût deviné les plaintes de la terre.
Soit qu'elle eût entendu que l'on pouvait souffrir,
Sentarit dans sa bonté qu'un sacrifice austère
Veut le renoncement invincible au plaisir.
Aux pauvres, aux lépreux, sans une défaillance,
Elle se dévouait, visible Providence,
Toujours prête à donner pour le bonheur d'offrir.
Toujours prête à l'aumône et toujours en prière,
Jamais un indigent ne l'implorait en vain,
Le château devenait l'étape hospitalière
Dont les déshérités se disaient le chemin ;
Comme elle aurait voulu partager leur souffrance,
Sa voix s'adoucissait pour parler d'espérance
A tous les malheureux qui lui tendaient la main.
Un jour que le pays souffrait de la famine
Et qu'un hiver plus dur poignait les pauvres gens.
Que la neige imposait sous son manteau d'hermine
Aux champs abandonnés des aspects affligeants,
La moisson compromise et les réserves vides.
Les vilains et les serfs, les mendiants avides
Montèrent au château comme des assiégeants.
Errant dans les fossés, dans les cours glaciales,
Harcelés par le froid, angoissés par la faim,
Tous ces êtres humains aux faces bestiales
Gémissaient, grelottants, et réclamaient du pain.
Or, le seigneur des Arcs, bien qu'il fut charitable
X'ayant que du pain bis à peine pour sa table
Avait du refuser l'aumône à son prochain.
1^6 JEAN DE SERVIÈRES
Ne pouvant pas tenir il ne pouvait promettre
Sans parjurer, félon, sa foi de chevalier,
Et l'intendant, fidèle aux ordres de son maître
Fermait soigneusement le four et le cellier.
L'huis s'ouvrait seulement devant la châtelaine
Ou lorsque Roseline, en long manteau de laine,
Pour prendre un peu de pain venait s'humilier.
Devait-il repousser ses plaintes éloquentes.
Serviteur vigilant être pris en défaut ?
Les visites pourtant devenaient si fréquentes.
Que l'intendant, marri, prévint messire Arnaud.
S'il n'avertissait pas sa fille bien-aimée
Que toujours entourait une escorte affamée,
Il ne resterait plus de quoi vivre au château.
Arnaud de Villeneuve aperçut Roseline
Alors cju'elle courait vers le seuil du manoir,
Portant un lourd fardeau sous une manteline ;
Il l'arrêta, d'un mot, brusque, sans s'émouvoir:
— (( Roseline, jamais je ne vous fis un blâme,
Si je suis dans mon tort, que Dieu bon le proclame !
Que cachez-vous ici que je ne puisse voir.^
Enfant, Dieu qui peut tout connaît bien nos alarmes,
Il chassera le froid et les blés mûriront.
Votre mère, vos sœurs, vos frères sont en larmes
Et de les délaisser vous leur faites l'affront !
Leur préfèreriez-vous ces misérables hères ? »
— <( Père, pardonnez-moi, ne sont-ils pas nos frères ! »
Répondit Roseline en inclinant le front.
■ — Oui, je le sais, enfant, car j'ai payé ma dette.
Le Seigneur sait aussi que je suis bon chrétien.
Donc, que Sa volonté, malgré nos coeurs, soit faite !
J'ai fait ce que j'ai pu si j'ai fait peu de bien.
Le cellerier savait ma formelle défense,
^'ous avez provoqué sa désobéissance
Et je le punirai !» — (( Père, n'en faites rien !
STANCES A SAINTE ROSELINE DE VILLENEUVE I77
Pardonnez-lui, mon père! Oh! je vous en supplie,
Il ne mérite pas votre juste courroux,
Ce que je porte là n'est point pour chère lie!... »
— « Ah ! s'il en est ainsi, pourquoi le cachez-vous ? »
— « Je ne vous cache rien que d'inutiles choses... »
— ■ (( Alors, que portez-vous, Roseline ?» — • « Des roses I
— c< Des roses en hiver ! Jésus ! Montrez-les nous ! »
Mais Dieu ne permit point que ce fut un mensonge,
Roseline tremblant sous son vertugadin
Ouvrit sa manteline et — vision de songe —
Vit dans ses bras croisés s'épanouir soudain
Des roses de Saron et des roses trémières
Que ses chastes regards inondaient de lumières
Comme un rai de soleil glissant sur un jardin.
Et les roses semblaient si fraîchement coupées.
Leur éclat si vivant, leur parfum si réel,
Que le seigneur Arnaud les prit, de pleurs trempées,
Croyant à les sentir respirer tout le ciel ;
La Vierge à la chapelle en eut le doux hommage
Et l'on aurait pu voir sourire son image
Quand les roses jonchaient les nappes de l'autel.
Roseline comprit la grâce du miracle.
N'était-ce pas l'appel ineffable de Dieu I
Longtemps agenouillée au pied du tabernacle,
Son cœur brûlant d'amour exhala son aveu j
Un long ravissement envahit sa pensée,
Le Christ la choisissait, sublime fiancée.
Et d'être toute à Lui son âme fit le vœu.
Oui, d'être au seule au Christ elle fît la promesse,
Rien ne vint altérer ce splendide serment,
Xi les rêves dorés Cjui bercent la jeunesse,
Xi le regret humain d'un autre attachement ;
De son amour divin si purement jalouse
Du Seigneur adoré voulant rester l'épouse,
Elle cjuitta le monde irrévocablement.
|n8 JK.VX DE SERVIÈRES
Adieu, le monde ! Adîeu, ses plaisirs et ses liesses,
Les châteaux, les festins, les chasses, les tournois,
Les troubadours contant leurs doctes gentillesses,
Les vaillants chevaliers domptant leurs palefrois !
Loin des bruits de la terre et de leur pompe vaine,
Roseline goûta la volupté sereine
De se réfugier à l'ombre de la Croix.
Loin du riant séjour où fleurit son enfance
Où dominait, puissant, le manoir paternel,
Loin du ciel toujours bleu de ce coin de Provence,
Le cloître l'attendait sévère et solennel,
Dans les Alpes, perdu dans un val solitaire,
Le couvent de Bertaud, rude et froid monastère,
Reçut rengagement de son pacte éternel.
Là, ce fut une vie ardente et retirée.
Sous de grossiers habits les pénibles travaux,
La maigre nourriture à peine préparée,
La cellule et ses murs nus comme des caveaux,
Le silence brutal assailli de merveilles,
Les courts sommeils suivis de fatigantes veilles,
La prière toujours pour unique repos.
Recluse assujettie à cette discipline,
Aux labeurs les plus durs et les plus rebutants,
Simplement, sans faiblir, la noble Roseline
Offrait jusqu'à souffrir ses deux bras pénitents
Et c'était pour son âme une joie, un délice,
De pouvoir sur son corps resserrer le cilice
Et de mortifier sa chair à son printemps.
Ce fut dans la montagne et durant sept années
Un sacrifice immense et toujours consenti,
Ses prières montaient en gerbes spontanées
Comme un feu séraphique et jamais ralenti.
Holocauste complet d'un amour qui s'embrase.
Son âme s'élevait dans une longue extase
Emportant vers le ciel son être anéanti.
STANCES A SAINTE ROSELINE DÉ VILLENEUVE I79
Mais un jour vint où Dieu, pour l'épreuve suprême,
Ordonna le retour vers le pays natal ;
Soumise aux volontés de ce Maître qu'elle aime,
Roseline revit le toit seigneurial,
• Elle se présenta bientôt, sans perdre une heure,
A la Celle Roubaud oîi sa tante, prieure,
Occupait saintement le trône abbatial.
Là, déjouant le monde et ses attraits funestes,
Renonçant à jamais à tout espoir humain,
Retentit le serment de ses noces célestes
Dans lès plus doux élans de son rêve divin ;
Servante de l'Epoux comblant l'épouse heureuse,
On ne vit désormais que l'austère Chartreuse
Sous son grand manteau blanc digne d'un séraphin.
Et prieure à son tour, quand sa tante fut morte.
Son couvent fut toujours prospère et respecté.
Les pauvres, si nombreux, en franchissaient la porte
Mais les jeûnes fréquents doublaient la charité ;
Tout le peuple savait qu'au couvent de la Celle
Les revenus restaient fort peu dans l'escarcelle,
La prière ordonnant la libéralité.
Oui, Libéralité fut bien cette devise
Dont votre fier blason devait s'enorgueillir
Avant d'être élevée aux autels de l'Eglise
Où le Ciel triomphant devait vous accueillir ;
S'il pose, étincelant, ses lettres pavoisées
Sous le rouge écusson aux lances d'or croisées,
C'est que de vos vertus ce cri devait jaillir!
Esprit vivifiant dont s'anime une race,
Votre pur souvenir en féconde le sang,
Vous attirez sur lui la douceur de la grâce
Que dispense à ses fils votre cœur tout puissant ;
Sur les siècles futurs où leur arbre s'élève
Vos sublimes vertus rajeunissent la sève
Où vingt rameaux ont pris leur éclat florissant.
l3o JE^\^' DE SI-RVIÈRÉS
Quand de preux chevaliers soutiendront par leurs fastes,
Sur le monde conquis la Provence et la Croix,
A votre exemple aimé les filles seront chastes
Ecoutant les conseils d'une immortelle voix,
Et sur tout l'avenir imposant votre empreinte
Vous serez la patronne adorable et la sainte
Que Dieu voulut, chez nous, honorer de son choix !
O Sainte, le Seigneur vous prouva sa tendresse
Quand vint l'heure pour vous de l'éternel sommeil.
Votre âme s'envola dans un frisson d'ivresse
En rosée aspirée aux rayons du soleil,
A peine abaissiez-vous vos paupières mi-closes
Que le suaire blanc s'emplit du suc des roses
Qui lentement flotta sur votre front vermeil.
Ainsi, comme une fleur qui se meurt et qui tombe
Embaume l'air du soir avant de se flétrir,
O Sainte, vous deviez entourer votre tombe
Du parfum persistant de votre souvenir,
La mort a préservé de sa marque terrible
La divine beauté d'un corps incorruptible
Dont les membres bénis semblaient toujours dormir.
Des siècles ont passé' pour servir votre gloire,
O Sainte c^u'implorait tout un peuple à genoux,
Votre corps merveilleux affirma la victoire
Du Maître bien-aimé, Jésus-Christ votre époux,
Et si vous n'eûtes pas l'orgueil des basiliques
Le plus grand de nos Rois ^ vénéra vos reliques
Et contempla longtemps vos yeux vivants et doux.
O Sainte Roseline, ô rose de Provence,
Que notre sol fertile offrit au Paradis,
Fille des Chevaliers ce Premiers Marquis de France »,
Toi qui sur leurs grands noms plus grande resplendis,
Si dans ce siècle ingrat, qui voit tant de misères,
Le vent du Doute, hélas ! égare nos prières,
Prie, ô vierge des Arcs, pour notre cher pays !
> Louis XIV, en 1660. J^^^ ^^ Servières.
À propos du testament
d'un ancien lambour maire
XVI- SIÈCLE
Jadis le Carnaval était célébré avec beaucoup d'éclat. Des
premiers jours de janvier au mercredi des Cendres, ce
n'était que danses et mascarades. La municipalité favorisait
ces distractions et pour les trois dernières journées carna-
valesques, elle transformait la Loge en salle de bal brillam-
ment éclairée, en laquelle trois ménétriers, l'un jouant du
tambourin, l'autre du hautbois et le troisième d'une sorte
de clarinette, appelée dolsaigne ou doucine, faisaient tour-
noyer les galants auxquels on offrait, au cours de la soirée,
soit une collation comme en 14S2, soit des dragées comme
en T488\
Les plus graves préoccupations ne pouvaient détourner
les Marseillais de ces divertissements. En février 1524,
c'est-à-dire au moment uîi nos revers d'Italie faisaient crain-
dre une invasion de la Provence, au moment où I<"ran-
çois L'" envoyait un commissairre pour faire raser le quar-
tier avoisinant les arsenaux et fortifier les points faibles de
l'enceinte, à ce moment d'angoisse, où nos consuls commen-
çaient à organiser la défense de la cité, leurs administrés
se livraient aux plaisirs de la danse ; la ville était parcou-
rue par des groupes de masques » des momons », comme
on les appelait, qui visitaient tour à tour les salons des
^ Archives municipales. Bulletaire 1475-91, f" 141 et 240.
j82 l'IERRI-: HERTAS
geniilshuninics ou des riches négociants, et y dans^iient
au son des instruments. En cette année 1524, comme les
autres années, on dansa à rilôtel de Ville et le trésorier
pava cinq écus à chacun des trois ménétriers <( que an toquât
los très jorts et vespres de Carmentran à la Loja, so es
tamborin, auboys et dôssayna » '.
Le Carnaval, c'est la bonne saison pour les artistes musi-
ciens. Leurs services sont fort recherchés. Quelques-uns
sont embauchés dès les premiers jours de janvier par les
jeunes gens préoccupés de passer un joyeux carnaval. En
ce cas leur engagement est rédigé par devant notaire, comme
tout autre acte de louage personnel (( locatio personalis ».
Le 18 janvier 1538, deux ménétriers, Jean Bernard, joueur
de hautbois et Jean Taulan, tambourinaire, se mettaient a
la disposition d'un jeune mercier pour jouer des basses
danses jusqu'à Carême — prenant pour le prix de neuf écus
d'(jr et de vingt gros '. Ce jeune homme était un écervelé
qui, les années précédentes, avait fêté Carnaval avec un
entrain endiablé et même les juges l'avaient condamné à
une forte amende pour trop de tapage certain soir, où il
s'était travesti en Cupidon avec des ailes dans le dos et
portant le carquois. Plus tard, après avoir jeté sa gourme,
il abandonnait le commerce pour l'armée, se distinguait
pendant la conquête de la Corse et méritait que le roi
Henri II lui confiât la garde de ses arsenaux de Marseille.
Il s'appelle Guillaume de Casaulx et est le père de Charles
de Casaulx, le fameux premier consul dictateur de Marseille,
de 1591 à 1596.
Le 14 janvier 1538, c'est-à-dire quatre jours avant, Guil-
laume de Casaulx, un autre jeune Marseilllais, le marchand
Archives municipales. Bulletaire 1516-15S6, Année 1523-24.
- Archives des B.-du-Rh. Fonds Doat n" 182. Not. J. d'OllioliS,
1537-38, i° 109.
TESTAMENT d'UN TAMBOURINAIRE (XVI*' S.) 183
Pierre Pastier dit vSeillans, avait fait régulariser par acte
notarié ' l'engagement conclu dès le 6 janvier, non pas avec
deux mais avec trois ménétriers: l'un jouant du tambou-
rin et du flîitet, l'autre du hautbois et le dernier de la dol-
saigne. Les musiciens promettaient de jouer des danses
pour le compte de Pierre Pastier dit Seillans, d'abord tous
les dimanches ef fêtes légères selon l'usage (( tous los dimen-
ges et aultras festas laugieras coma de us et de costuma ».
Un mois avant le mercredi des Cendres, ils devaient faire
danser tous les soirs et dans les dernières quinze journées
dans l'après-midi et la soirée.
De son côté, Pierre Pastier s'engageait à fournir à cha-
cun six écus d'or, c'est-à-dire la somme globale de dix-
huit écus d'or, payable par tiers « très per très », dont un
tiers versé au moment de la signature de l'acte, six écus
£1 compter quinze jours avant Carême prenant et le reste à
la fin du Carnaval.
Notre jeune macrhand se réservait la faculté de faire
jouer à ses musiciens vingt-cinq aubades sous les fenêtres
des dames qu'il lui plairait d'honorer: <( debeant toucar
audit Selhans oltra las causas dessus promessas au présent
acte soes vingt cinq aubadas là hont per loudit Selhan
seran requeregus. »
Il était entendu que restaient légitimement acciuises aux
ménétriers <( les aventures », c'est-à-dire les petits profits
qui pouvaient leur échoir, en accompagnant les proces-
sions ou en jouant des aubades aux dames désignées par
Seillans.
Les trois ménétriers sont Cjualifiés dans l'acte de louage
de « fistullatores sive tamborinaires ». Néanmoins, un seul,*
^ Archives des B.-du-Rh., série E. Fonds Doat, n'' 182. Xot. Jean
d'Ollioiis, 1 537-1 538, {° 103 v° : Locassio personalis pro honorabili
viro Petro Pasterii alias de Selhans de Massilia.
jy^ PIERRE BERTAS
jKininic Gaspard Anneille, doit jouer <( ambe son tamborin
et llueita )k II paraît être le chef de la bande, car c'est avec
lui que Seillans a traité. Un de ses compagnons, Barthé-
lémy Borrel, est embauché comme hautbois (( ambe son
auboys » ; l'autre, Jean Auviere, comme joueur de dolsai-
gne (( ambe la dossayna ».
Borrel et Auviere sont natifs de Jouques; mais Gaspard
Armeille est Marseilllais.
Sept ans plus tard, le 3 janvier 1545, en son nom et celui
de son ancien compagnon de hautbois, Barthélémy Borrel,
discret homme Gaspard Armeille <( tamborinaire sive
locheur de tamborin » de Marseille, loue leurs personnes
et leurs œuvres licites au marchand Pierre Roux (( pour
toucher basses dances tous les soirs des samedis et toutes les
fêtes jour et nuyt, et quinze jours devant Caresme prenant
aussi jour et nuit, moyennant le prix de dix écus » \
Xous retrouvons les traces de Gaspard Armeille qua-
torze ans après. En ce moment le tambourinaire exploite
une hôtellerie sur l'enseigne de laquelle est peint un
ours. Sans doute y succède-t-il à certain Nicolas Monier
qui, dans un acte du 30 juillet 1545, se disait hôte du logis
de VOurs '.
Le 5 juillet 1559, ^^^ de ses clients lui fait donation de
ses biens. Il se nomme Benoît Pierrugues, natif de Claviers,
diocèse de Fréjus, qui, devenu aveugle, gagne sa vie en
demandant l'aumône. Les raisons de cette donation, le men-
diant les expose ainsi devant le juge du palais et l'un des
consuls de la ville, François de Pena, sans la présence et
l'autorisation desquels l'acte ne serait pas valable: (( Il est,
dit-il, ja vieulx et caduc, aveugle et privé de la veue et force
corporelle, et despuis quelques ans il est devenu parai itique
' Archives des B.-du-Rh. Fonds Doat, n" i8g. Not. J. d'Olliolis.
'545, f° 23.
2 Archives des B.-du-Rh. Série E., not. Bourgal, 1543-45, f° 475 v°.
TESTAMENT d'L'N TAMBOURINAIRE (XVI* S.) 185
et impotant de sa personne, ne pouvant cheminer pour aller
mendier et gaigner sa pouvre vie... » En outre » il n'a aul-
cungs enfans ni hoirs dessendans de .son corps. » Sans doute
il est marié; mais sa femme Catherine Peyre l'abandonne;
elle ne veut pas lui servir de guide et l'accable de mauvais
traitements " luv desrobant son argent et biens meubles >' ;
elle le bat et menace de le tuer. Mais ce qui est pis, elle tient
(( maulvaise vie lubrique », ayant commerce charnel avec
<( aultres hommes incogneus » et cela devant son mari qui,
's'il est aveugle, n'est pas sourd <( en la présence et pleine
ouve et notice dudit Pierrugues et à son grand escandalle ».
C'est pourquoi, pour ne pas être entièrement dépossédé
de son petit avoir et pour éviter d'être plongé dans la mi.sère
à mesure qu'il tombe dans la décrépitude, il s'est décidé à
faire donation de ses biens a condition que le donataire lui
assure le gîte et la table jusqu'à la lin de ses derniers jours.
Or depuis de longues années il n'a qu'cà .se louer des bons
offices de Gaspard Armeille qui tient l'hôtellerie de VOurs
et de sa femme Jeanne Plagniat. L'un et l'autre lui ont
donné les preuves de leur cordiale amitié alors qu'il jouissait
encore de la vue, et depuis qu'il e.st affligé de cécité, ils
continuent à lui en fournir de nouveaux gages.
C'est donc à Gaspard Armeille, qu'avec l'a.s.sentiment des
magistrats il fait donation de tous .ses biens meubles et
aussi de la mai.son qu'il possède près de l'église des Car-
mes, à charge pour le donataire de l'héberger et de l'entre-
tenir le restant de .sa vie '.
Le 5 juillet 1559, le mendiant propriétaire s'installe à
l'hôtellerie de VOurs. Moins d'un mois après, il manifeste
l'intention d'en partir. Il veut avant de mourir accomplir
'■ Archives des B.-du-Rh. Se'ric E. Xot. Jean Lemaire, 1552-59,
f" 1400.
l96 PIERRE BERTAS
le vœu qu'il a fait d'aller prier en la basilique de Saint-
Pierre de Rome.
Gaspard Armeille, informé que Pierrugues veut s'embar-
quer pour l'Italie, redoute que ce départ n'entraîne l'annu-
lation de l'acte de donation dont il est bénéficiaire, soit
qu'on l'accuse d'avoir contraint le donateur à s'en aller par
k's mauvais traitements dont il est victime, soit parce que
l'acte porte que l'hôtelier doit entretenir l'aveugle jusc^u'à
sa mort.
C'est pourquoi le 3 aotit 1559, par l'entremise du notaire
Jean Lemaire, il « somme et requiert Benoît Perrug'ues,
aveugle, demeurant en sa maison et ayant fait donation
audit Armeille... que se tienne à demeurer en sadite mai-
son et en icelle manger et boyre et faire grand chierre tout
ainsin qu'il a coustume par sy devant suyvant la pache
laquelle pache Armeille se offre garder et observer
entièrement. »
Or il a appris que Pierrugues veut s'en aller à Rome; s'il
met ce projet à exécution, qu'on. sache (( que cy luy venoit
aulcung dangier de sa personne, que cela n'est poinct la
coulpe et deffaut dud. Armeille. »
I. 'hôtelier somme donc l'aveugle <( de ne voHoir boger de
sa maison en laquelle ne luy sera faict aulcung mauvais
traitement... » ^
Soit que cette sommation ait produit l'effet qu'en atten-
dait Armeille, soit pour tout autre motif, Benoît Pierru-
gues se résigne d'abord à renoncer h. son voyage à Rome.
Mais moins de sept mois après il éprouve le désir impé-
rieux d'accomplir son vœu. Pourtant avant de s'embarquer,
le 27 février 1560, il explique pourquoi il abandonne le logis
de Gaspard Armeille qu'il maintient comme son donataire.
Arc h
ives des B.-du-Rh. Xot. Jean Lemaire, 1552-59, f° 1431.
TESTAIMENT d'uN TAMBOURINAIRE (XYl" S.) 187
En un acte notarié, il expose qu'ayant fait le projet d'aller
k Saint-Pierre de Rome, il a trouvé quelqu'un pour l'ac-
compagner et un navire prêt à appareiller pour l'y porter.
Avant de s'éloii^ner il tient à déclarer, au 1)énéfice de Gas-
part Armeille, a qwe il ne s'en va point audit voyage, ne
abandonne la maison dud. Armeille son donataire imi\-er-
sel pour aulcung' mauvais traitement cju'y ave faict led.
Armeille ni aulcung de sa maison, ains tant seulement qu'il
s'en veut aller de son franc vouloir pour accomplir son
vœu, cpie sa donation reste valable, et C[u'il rentrera en sa
maison au retour dud. voyage. » '
Il est probable que Benoît Pierrugues a fait son pèleri-
nage. Revenu de Rome, comme il l'avait déclaré, il est
retourné à l'hôtellerie de VOurs, dont il sort chaque jour
pour aller mendier. Gaspard Armeille réclame tout ou par-
tie du fruit de ses aumônes. Après avoir quelque peu rechi-
gné, l'aveugle se décide à lui remettre une somme de
200 florins, non à titre de don, mais de dépôt, pour trois
années. Bientôt de nom-elies difficultés s'élèvent entre le
donateur et le donataire, si bien que l'un et l'autre lassés,
se décident à rompre leurs mutuels engagements. Par acte
du 30 avril i56[, la donation du 3 juillet 1559 est annulée
du consentement des deux parties: Ciaspard Armeille garde
à titre définitif les deux cents florins cpie lui a\ait confiés le
mendiant et celui-ci rentre en possesion de sa maison des
Carmes ".
Près de six ans s'écoulent. Oue d'éxénements douloureux
en ce court espace de temps! l>es passions religieuses ont
déchaîné d'abord des troubles .sanglants ici et là et enfin la
guerre civile dans toute la l'Iran ce.
' Arch. des B.-du-RIi. Série E. Xot. Jean Lemairc, 1560, f" 11 S.
"r Arch. des B.-du-Rh. Jean Lemaire, 1561, f" 260.
igg PIERRE BERTAS
Ce n'esl point ici k- lieu cl\'ludier les origines et les pre-
miers progrès de la religion réformée à Marseille où en
IS47 était condamné à mort pour crime d'hérésie Etienne
Ikiniface, d'une grande famille marseilaise à laquelle appar-
tient aussi le trésorier général des finances en Provence,
Jean Boniface, massacré par les fanatiques catholiques le
9 avril 1585.
Par crainte des supplices réservés aux hérétiques, les pre-
miers protestants dissimulaient leurs convictions, mais quel-
ques-uns ne pouvaient résister au prurit d'iconoclasie qui
agite d'ordinaire les catéchumènes des religions et des
sectes politiques nouvelles.
La convention passée le 28 mai 1553, entre messire Béren-
ger Alphantis, chanoine de la Major et prieur prébende de
Sainl-Tis et d'Eoures et les prieurs d'une nouvelle lumi-
naire, celle de Notre-Dame de la Patience, fondée en l'église
de Saint-Tis ou Saint-Loup, nous révèle un de ces actes de
vandalisme inspirés par l'ardeur religieuse:
(( Comme ainsi soit, y est-il écrit, cjue ces ans dernière-
ment passés, quelques mauvèses gens dotant en la chré-
tienne et catholique et hérétiques eussent, voulans mespri-
ser l'image de la glorieuses Vierge Marie Nostre Dame
que pour al lors estoit en l'esgiise de Sainct Loup (terroir
dud. ^Marseille), eussent tels gens hérétiques iniquement et
maulvèsement et non sans grand erreur de la foi catholi-
({uc chrétienne fraper l'image de lad. benoiste Vierge
Marie Xostre Dame et la frapant déformé et rompu la face
dud. image de lad. glorieuse Vierge Marie Nostre Dame ».
Les auteurs de cette profanation restèrent inconnus, mais
leur acte de violence n'eût d'autre efifet que de provoquer la
création d'une nouvelle luminaire, celle de Notre-Dame de
la Patience, installée près du grand autel de l'église de
Saint-Loup et dont les prieurs et les prieuresses, aidés des
TESTAMENT d'UN TAMBOURINAIRE (XVI* S.) 189
bonnes gens du quartier, recueillirent l'argent nécessaire
pour faire faire une nouvelle statue de la \'ierge, remplaçant
celle que les hérétiques avaient mutilée '.
C^t épisode révèle l'existence en notre ville, avant 1553,
d'un certain nombre de personnes séduites par la nouvelle
religion. Ce nombre grandit et avant 1559 une église réfor-
mée est fondée à Marseille; mais son existence est précaire
et en octobre 1561 les pasteurs de Genève sont informés
qu'elle est à peu près dissipée « par la rudesse, dit-on, de
la vie du peuple maritime de cette ville ». Mais l'heure
semble propice pour son redressement. Catherine de Médi-
cis, c^ui exerce la régence pendant la minorité de son fils
Charles IX, favorise les protestants par l'édit de juillet 1561,
et surtout celui de janvier 1562, qui leur accorde la facilité
de tenir des assemblées hors des murailles des villes.
Les catholiques s'irritent de ces concessions et leur mécon-
tentement se traduit par des scènes de fureur et des meur-
tres. Le Parlement d'Aix se refuse ti enregistrer l'édit de
janvier, mais il v est contraint par la force armée, et la
capitale de la Provence se voit imposer une garnison hugue-
note commandée par Antoine INIarc, dit Tripoli, d'origine
judaïque.
Les calvinistes marseillais profitent aussi de l'occasion
pour rendre aux catholiiques les brimades dont ils ont été
l'objet. Offensant la population dans son culte le plus cher,
celui des morts, ils profanent les tombes du cimetière des
Accoules et en brisent les croix, f^n outre ils demandent
et obtiennent du roi la suppression des casettes, c'est-à-dire
des confréries de pénitents.
Pendant ce temps les troupes du comte de Tende, gou-
verneur de Provence, du fameux Paulon de ]\L'iuvans et du
* Arch. des B.-du-Rh. Xot. Jean Botouc, 1553. f" 451.
ipo
PIERRE BERTAS
féroce baron des Adrets, pourchassant les bandes fanati-
ques du sieur de Flassans, s'emparent de Barjols, y ^mas-
sacrent six cents personnes, profanent reliques et vases
sacrés et jettentjes prêtres dans les puits.
De tels excès provoquent une vive réaction. La garnison
protestante est chassée d'Aix par la population C|u'elle a
humiliée et terrorisée. Des tumultes et des meurtres ont
lieu dans toute la Provence, et c'est d'ailleurs dans la
France tout entière la même frénésie sanguinaire.
La première guerre de religion est déchaînée, au cours
de laquelle se déroulent les plus terribles atrocités.
En Provence, les catholiques enlèvent Orange, dont ils
massacrent la population aux cris de : « Pago Barjôu ! »
et les protestants de répondre : (( Pago Aurenjo ! » en pas-
sant au lil de l'épée les habitants de Mornas.
La ville de Sisteron, place forte des religionnaires pro-
vençaux, à la tête desquels se trouve le comte de Tende,
gouverneur de Provence, est attaquée et prise non sans peine
par les catholiques, ayant à leur tête le propre fils du comte
de Tende, Sommerive, nommé par Catherine de Médicis
lieutenant général du roi. Les protestants prennent leur
revanche à Saint-Gilles, que Sommerive a tenté de
surprendre.
L'assassinat de François de Guise, le chef victorieux des
catholiques, met un terme à la guerre civile et Catherine
de Médicis signe l'édit d'Amboise, contenant certaines
concessions aux protestants que ceux-ci trouvent insuffisan-
tes tandis que les catholiques les jugent exorbitantes. Il faut
toute l'énergie de la reine-mère pour en obtenir l'exécution.
C'est alors que profitant de la tolérance qui leur est accor-
dée; les calvinistes peuvent avouer et pratiquer leur religion
dans la mesure assignée par l'édit. Aussi commence-t-on h
découvrir dans les protocoles des notaires quelques testa-
ments de huguenots.
TESTAMENT d'iN TAMIioruiNAIRE (XVI* S.) IQI
Le premier que nous y avons trou^■é porte la date du
23 avril 1566. Il fut recueilli par le notaire maître Balthasar
Renozi, qui semble avoir eu la clientèle des protestants de
notre ville. C'est celui d'une Marseillaise, Claude Coissin-
nier, veuve de Jean Rocobrune ou Roquebrime. Il est d'au-
tant plus intéressant que la dame Claude Coissinier est la
mère d'un personnage dont le nom figure dans les tables
qu'on a publiées des Français réfugiés à Genève: Pierre
Roquebrune, natif de Marseille, reçu habitant de Genève
le 20 mars 1559 ^^ proclamé le 9 mai 1567, bourgeois de cette
ville où il avait auprès de lui ses trois fils, Abraham, Jean
et Pierre \
En dictant ses dernières volontés, la veuve de Jean Roque-
brune déclare que <( comme \raye et fidelle chrestienne a
recommandé son âme à Dieu, le père tout puissant, luv
priant très humblement la volloyr coUocjuer au royaume
du Paradis quand sera séparée de son corps par le mérite
et la passion de Xostre Seigneur Jésus Christ et l'interces-
sion de toute la Court celestialle de Paradis et a esleu sépul-
ture pour ensevelir son corps dans le cimetière de l'esglise
parochialle des Accoules dud. Marseille à la mode de sa rel-
ligion réformée, comme a dict et suvvant la permission à
elle baillée par les édits et ordonnances du Rov » ".
Peu après la mort de Claude Coissinier, un de ses fils,
le marinier Guillaume Roquebrune teste le 2T, juillet 1566''.
Chose singulière, soit par une distraction du notaire, S'»It
* Dans son Histoire du proicstaiitisme en Provence , le pasteur
Arnaud a publié ces listes des provençaux, habitants ou bourgeois de
Genève et de ceux réfugiés à Lausanne.
- Archives des B.-du-Rli. P^onds Jourdan, n" iS. Xot. B. Renozi,
1566, f« 370.
3 Archives des B.-du-Rh. Fonds Jourdan, n" iS. Xot. B. Renozi,
1566, f" 6-10.
193
PIERRE lîERTAS
que le mot catholique ne soit point encore considéré
comme l'antonvme de protestant, Guillaume se déclare
(( vray et fidèle crestien et catholique », mais il est calvi-
niste, on ne peut en douter; car lui aussi, comme sa mère,
il (( recommande son âme à Dieu le père tout puissant luy
priant très humblement la volloyr colloquer au royaume de
Paradis par le mérite de la passion de Nostre Seigneur Jésus-
Christ », mais il se garde bien d'avoir recours à « l'interces-
sion de la benoiste et très Saincte Vierge IMarie », comme
le font les catholiques et comme n'omettra pas de le faire
dans son testament du 19 juilllet 1568, son frère, le patron
de navire, Louis Roquebrune, resté attaché aux anciennes
croyances \ En outre, Guillaume Roc|uebrune, comme sa
mère, spécifie qu'il veut Cjue son corps soit enseveli au cime-
tière des Accoules « comme est de coutume ensepvellir ceulx
de sa relligion ».
Nous avons trouvé dans le même registre le testament
d'un autre protestant, le revendeur Guillaume Reynaud,
habitant Marseille, mais originaire de Jausier, dans le dio-
cèse d'Embrun.
Le 27 novembre 1566 il déclare qu'il veut être enseveli au
cimetière de l'église Saint-AIartin <( à la manière de sa
religion reformée .)). Il lui reste plusieurs filles auxquelles
il laisse ses biens après avoir déshérité son fils Antoine Ray-
naud, qui a esté désobéissant au dit testateur, ne voulant
faire ses commandements et qui délaissant sa femme, a
quitté Marseille depuis huit ans, sans que jamais il ait
donné de ses nouvelles".
^ Arch. de? B.-du-Rh. Fonds Jourdan, n" 20. Xot. B. Renozi, 1586,
f 684.
* Arch. des B.-du-Rh. Fonds Jourdan, n° iS, Xot. B. Renozi, 1566,
f". 1196.
TEST.\.MEXT d'lX TAMBOURINAIRE (XVI'' S.) I93
Le 3 mai 1567, teste un autre protestant, le mercier Pierre
Bris, originaire du Châtelard, dans le diocèse d'Embrun '.
Mais avant lui, et à la date du 17 janvier 1567, avait dicté
ses dernières volontés une personne dont le nom nous est
maintenant familier: Gaspard Armeille, le tenancier de
l'hôtellerie de VOurs, le ménétrier qui, vingt-neuf ans aupa-
ravant, tapait sur la peau de son tambourin et soufflait dans
son galoubet aux frais de Pierre Pastier dit Seillans.
Hélas! l'adversité s'est abattue sur noire tambourinaire.
Comme ce Benoît Pierrugues, dont il avait été contraint de
répudier la donation, Gaspard Armeille est devenu aveugle.
Mais ce n'est pas la maladie qui a éteint la lumière en ses
prunelles.il est une des nombreuses victimes de la guerre fra-
tricide qu'avaient soulevée les passions religieuses. Gaspard
Armeille s'est enrôlé dans les troupes calvinistes et dans un
combat une balle d'arquebuse l'a frappé en plein visage.
C'est lui qui nous apprend c^u'il est '( avugle et estant privé
de sa veue par le volloyr de Dieu d'une arquebouzade estant
à la guerre au service du Roy )>. Quand et 011 a-t-il reçu cette
effroyable blessure? Est-ce en défendant Orange, que les
catholiques ont enlevé le 6 juillet 1562, ou quelques mois
plus tard, pendant le siège de Sisteron, soutenu avec autant
d'âpreté par la garnison et aussi par la population. On sait
que les femmes s'y distinguèrent par leur intrépidité. Heu-
reuses Sisteronnaises, dont personne n'a jamais songé à
contester le réel héroïsme qu'elles montrèrent en défendant
leur vie et leur foi contre la soldatesque catholique, tandis
que l'on s'est efforcé, sans y réussir, de mettre en doute
le courage des Marseillaises de 1524, défendant aussi leur
vie et la nation tout entière contre les lansquenets luthé-
riens du duc de Bourbon, qui trois ans plus tard, mettaient
à feu et à sang la capitale de la chrétienté.
* Arch. des B.-du-Rli. Fonds Jourdan, n'^ rg. Xot. B, Rcnozi, 1567,
fo 467.
194
PIERRE BERTAS
Si nous ne savons en quel endroit Gaspard Armeille fut
blessé, il est probable que ce malheur survint avant le mois
de mars 1563, au cours duquel les deux partis durent dépo-
ser les armes.
Le 17 janvier 1567, en la salle de sa maison d'habitation,
Gaspard Armeille se prépare à dicter ses dernières volontés
avant à cet effet convoqué AP Balthazar Renosi et les
témoins obligatoires : « lesquels et moy, déclare le notaire,
auroit cogneu et entendu combien il ne voye nostres per-
sonnes et ne peut nous voyr, quand il nous oyt parler, dont
nous a nommés par nom et surnom l'un après l'autre ».
Après avoir ainsi reconnu les témoins au son de leur voix,
« discret homme Gaspard Armeille hoste tenant le logis où
pend pour enseigne VOurs, fils de feus Hugon Armeille et
Françoise Trombet », déclare que (( Considérant qu'il n'y
a rien plus certain que la mort ne plus incertain que l'heiire
d'icelle... sain de sa personne combien qu'il soye aveugle,
ferme parole et réson et en son bon entendement grasses à
Dieu... il veut et entend faire son testament et dernière vol-
lonté de tous et chacun ses biens, choses et droicts, à luy
de Dieu donnés en ce monde, à celle fin que après son 4écès
et tres-pas entre ses successeurs ne vienne aucun procès ne
débat.
(( ... Et premièrement, dit-il, comme vray et fidèle cres-
tien je recommande mon âme à Dieu, mon père, créateur,
et veulx mon corps estre ensepvelly quand plerra à Dieu
me rappeler de ce monde à la manière de ma relligion refor-
mée pour ainsi que m'est permis par les eedicts du Roy...
« Item, je dit, Gaspard Armeille, testateur, de ma cer-
taine science et bonne volonté, lègue et laisse aux povres
de Jésus-Christ de madite relligion la somme de quarante
florins de Provence, lesquels veulx que soyent payés dans
quatre ans après le décès et trespas de ma femme héritière
TESTAMENT d'lX TAMBOUmXAIUE (XVl* S.) I95
cy après nommée, chacun an dix florins acomenssanL la pre-
mière paye un an après le décès et trespas de madite
femme ».
Gaspard Armeille fait ensuite divers petits legs à ses
parents, dont l'un Batin Armeille est un des gardes de la
vigie de l'île de Riou.
Son héritière universelle est sa femme Jcanni' Plagniat.
Il lui substitue pour une moitié de ses biens Benoîte Barrai
que Jeanne Plagniat a eue d'un premier mariage et pour
l'autre moitié les pauvres de Jésus-Christ appartenant à la
religion réformée.
Il désigne pour exécuteurs de ses dernières volontés ses
bons amis le capitaine Fouquet de Vega, écuyer, Marcelin
Tinard dit Flaujol, Pierre Mille dit Gras, Peyron Beau et
Gratien Yssauraud ou Issaureau.
Le testament est lu en présence de Marcelin Tinard dit
Flaujol et de Gratien Issaureau, deux de ses exécuteurs tes-
tamentaires, de Jean Geofroy dit Vaulone marchand, de
Jean Asquier apothicaire; Gabriel Mauron couturier, Vidal
David potier d'étain, Jean Garrus chaisier, Pierre de Tours
tisssetir de coton, Etienne ou Estève Guis menuisier, de
Jacques Beaumont ribeautier et enfin de Jean Mollin, dont
la professsion n'est pas indiquée.
Chose remarquable pour l'époque, où les illettrés sont si
nombreux, tous les témoins savent signer et même possèdent
une belle calligraphie. Ce sont, à n'en pas douter, les mem-
bres les plus apparents du consistoire de l'église réformée
de Marseille.
Deux d'entre eux, l'apothicaire Jean Asquier et le maî-
tre de hache Gratien Issauraud, ont assisté déjà au tes-
tament dicté le 2;^ juillet 1566 par le marinier protestant
Guillaume Roquebrune, dont furent aussi témoins l'apothi-
caire Louis de Fouquet, le chaussetier Barthélémy Bonin,
1(^5 PIERRE BERTAS
Liiaik-s d'Aulis écuyer, André Colomb, bourgeois, Jean
Crozet ménager et rorfè\'re Antoine Rapiot.
Ce dernier avait déjà été témoin le 26- avril 1566 du, tes-
tament de la mère de Guillaume Roquebrune, la dame
Claude Coissinier autour du lit de laquelle étaient encore
rassemblés le marchand Honoré Raynaud, l'orfèvre Jean
Suquière, le cbaussetier Pierre Favier, le charpentier Ber-
nard Andrieu, le chirurgien Jessé Pimpernel et encore le
menuisier Etienne Guis, dont nous avons vu le nom au
bas du testament de Gaspard Armeille.
A notre grande confusion, nous devons avouer c^ue la plu-
part de ces personnages nous sont inconnus. Pourtant, il ne
serait pas impossible que l'apothicaire Jean Aschier appar-
tînt à cette tribu des Asquier dévalée du Piémont dans les
dernières années du xv*" siècle et dont l'un, Martin Asquier,
figure sur la liste des défenseurs de Marseille en 1524.
Le marchand Jean Geoffroy dit Vaulonne, pourrait bien
être un proche parent de ce Gaspard Joffret de Volonne,
admis comm^i habitant de Genève le 4 avril 1558 et peut-
être est-il ce Jean de' Geoffer, marchand de Marseille cjui,
après la Saint-Barthélémy, se réfugie à Genève où il est
admis comme habitant le 27 avril 1573 et qu'on retrouve le
13 mai 1574 avec sa femme et sa fillette à Lausanne où on
l'inscrit sous le nom de Jehan de Geoffreys de Marseille.
Le nom seul de Jessé Pimpernel révèle que ce chirurgien
n'est pas originaire de Marseille: il est en efïet natif d'An-
g'iure en Champagne, diocèse de Troyes. Il est venu à
Marseille de bonne heure y offrir des services tantôt à l'un
tantôt à l'autre des patrons de navire. Dans les voyages
qu'il fait à titre de chirurgien, il écoule la pacotille qu'on
lui confie. C'est ainsi qu'embauché à bord de la nef Saint-
Jean-Bonavenlure qui va appareiller pour la côte barbares-
que, il reconnaît le 8 mars 1560, avoir reçu pour la vexidre
TESTAMENT d'lX TA.MBOL RlNAIRl-: (XVi'" S.) I97
de maître XicoUis Feau « orologeur » demeurant à Mar-
seille <( ung orologe frappant heures avccque son réveille-
matin », d'une valeur de i8 écus d'or '. Jessé Pimpernel
acquiert le goût du commerce et c'est lui qui confie le
1 1 novembre 1568, huit livres et demie de corail valant 8 flo-
rins la livre au marinier Antoine Roubert, prêt à s'embar-
cjuer sur la nef Marie-Bonavcnture, commandée par le
patron Nicolas Galère '.
Signalons que Jessé Pimpernel fut plus fidèle à la ville de
Marseille qii'à la religion réformée. Il testait en effet en
notre ville le 26 mars 1590, recommandant en bon catholi-
que son âme à Dieu et à la glorieuse Vierge Marie, et éli-
sant pour sépulture la chapelle des chirurgiens, c'est-à-dire
celle des Saints Côme et Damien en l'église des Prêcheurs \
Le 6 mars suivant, le clergé des Accoules allait chercher
son corps en sa boutique près du Petit Mazeau et l'accom-
pagnait à l'église des Dominicaines '.
L'un des ténioins du testament du tambourinaire est Cluil-
hiume ALiuron, exerçant la profession de couluricr, de
(( Sartre », comme on dit en provençal.
En 1560 il ne fait pas montre — et pour cause — de ses
convictions religieuses s'il est déjà converti au calvinisme.
En effet, on trouve sur un registre des funérailles de la
paroisse des Accoules, la mention suivante : « Lou K) de
juillet 1560, ung enfant de meslre Guilhen Mauron, sartre,
es isiat enterrât à les Accoles » '. (hiillaume Mauron est
l'homme de confiance du luigui-noi I^ierre i\o(|Uebrune (|ui.
' Arch. des B.-du-Rh. Xot. Leniaire, 1560, f'' 170.
' Arch. des B.-du-Rh. Xot. Renozi, 1568, f" 1168.
3 Arch. des B.-du-Rh. Xot. Borrelly, 1590, f'' 338.
'' Arch. des B.-du-Rh. Etat civil de Marseille n° 682. Mont, des
Accoules : (( 6 mai 1590 : Jesse Pinparnella, barbier, a esté entaré au.\
prêcheurs. Demeure à la rue Droite )>.
•■ Etat civil de Marseille, n" 674, mortuaire des Accoules.
198
PIERRE RERTAS
venu de Genève pour liquider la succession de sa mère
Claude Coissinier, avant de regagner les bords du lac
Léman, le 21 septembre 1566, donne sa procuration au cou-
turier Cuiliaume Mauron pour le partage à faire avec ses
frères Guillaume et Louis Roquebrune \
Il est à croire que Guillaume Mauron est sinon le frère
tout au moins le proche parent de Laurent Mauron qui,
lui aussi, exerce la profession de couturier. Ce Laurent Mau-
ron est un des neveux de messire Gaspard Mauron, prêtre
de la Major, qui mourut dans les premiers jours de 1559 '.
Il est un des prieurs et des fondateurs de la luminaire de
Xotre-Dame de la Patience fondée, avons-nous dit, en 1553,
à la suite de l'acte de vandalisme commis sur la statue de la
Vierge décorant l'église de Saint-Loup. Laurent Mauron
resta fidèle à la foi catholique, ainsi que l'atteste son tes-
tament du 30 mai 1567. En cet acte il indicjue qu'il est le
fils de Jaume Mauron et de Honorate Castillon, originai-
res de Berne, qui, on le sait, fut un des premiers fovers de
la nouvelle religion \
L'orfèvre Antoine Rapiot n'assistait pas au testament du
tambourinaire, mais il avait été témoin de ceux de la dame
Claude Coissinier et de son fils Guillaume Roquebrune. Il
est né h Marseille, où il fut baptisé en l'église Saint-Martin
le 19 janvier 1537 ' ; il est le fils de Barthélémy Rapiot et de
Madeleine Gratian, laquelle était fille d'un avocat marseil-
lais, établi à Aix. Lors de l'invasion de la Provence par
' Arch. des B.-du-Rh. Fonds Jourdan, n'' 18. Xot. Renozi, 1566,
f" 856.
-Arch. des B.-du-Rh. Sénéchaussée de Marseille. II B. Inventaires,
f^ 787.
■■' Arch. des B.-du-Rh. Fonds Jourdan, n» 19. Xot. Renozi, 1567,
f° 518.
* Arch. des B.-du-Rh. Etat civil de Marseille, n'^ 272. Baptêmes
Saint-Martin, £« ^^.
TESTAMENT d'in' TAMBOl RINAIRE (\\f S.) I99
Cliarles-Ouint, Barthélémy Rapiot avait été nommé par le
conseil en 1536 (( forrier per lojar los gens de guerra ».
Le neveu d'Antoine Rapiot, Fran(;ois Rapiot, épousa
Melchionne d'Aix, sœur de Louis d'Aix, ({ui en qualité de
viguier royal partagea le pouvoir avec Charles de Casaulx,
de 1592 à 1596.
Parmi les exécuteurs testamentaires de Claspaid Armeille
se trome (iralien Issaureau, im Marsi'illai.s, (|ui exerce la
profession de maître de hache ou charpentier de marine,
mais qui parfois est qualifié de marchand. Le 3 juin 1568,
il donne sa procuration à sa femme Jeannette Paranque et
le même jour il achète à son cousin germain une bastide
située aux contins des commîmes de Marseille et des l'en-
nes au lieu dit <( lo pous de l'olivier » et (jui est xoisine
des bois de pin appartenant à Louis Issaureau, frère de
Gratien. Celui-ci disparaît alors, peut-être à la suite des pre-
mières hostilités de la troisième guerre religietise.
On le trouve réfugié ii Lausanne, à la date du 1 1 octobre
1568. A la paix de Saint-Germain il rentre à Marseille oîi,
le 8 novembre 157 1, il révoque « pour certains bons respects
et anime à ce le mouvans >> l'acte de procuration (ju'ii avait
délivré trois ans auparavant à sa femme Jeannette
Paranque '.
Le second des exécuteurs testamentaires désigné |)ar
l'ancien tambourinaire porte le nom de ^hlrcelin Tinard et
le sobriquet de Flaujol ou T-'laiiyol.
Sa famille est avantageusement connue à ^Llrseille. où
son bisaïeul, le fustier berrichon Guillaume Tinard, s'est fixé
dans la seconde moitié du xvi'= siècle. Son grand-père, fus-
tier aussi, c'est-à-dire menuisier, est ce Jean Tinard dit Flau-
jol, qui, porté sur la liste des plus notables défenseurs de
^ Arch. des B.-du-Rh. Fonds Jourdan, n" 20. Xot. Renozi, 15ÔS,
fol. 4S9 et 492.
200 PIERRE HERTAS
Marseille en 1524, a été troisième consul pour l'année
nuinicipale 1527-1528. Marcelin Tinard est le fils d'Honoré
Tinard, menuisier comme ses ascendants, et le frère de
Claude Tinard, ingénieur du roi pour le curemenl du port
de Marseille, à qui Henri H, par lettres patentes données à
Blois le 12 novembre 1559, fit donation de la caisse faite par
ledit ingénieur pour le curement du port et qui après avoir
fonctionné pendant huit ans était « rompue, ouverte et gas-
tée et pleine d'eau ».
Au moment où Gaspard Armeille le désigne pour un de
ses exécuteurs testamentaires, c'est-à-dire en l'an 1567, Mar-
celin Tinard dit Flaujol est un des calvinistes les plus
convaincus. Plusieurs des enfants que lui a donnés sa femme
Constance Xarv n'ont pas été baptisés selon le rite romain.
Mais voilà qu'un an après, deux d'entre eux reçoivent le
sacrement de baptême en l'église des Accoules, ainsi qu'en
fait foi un registre de cette paroisse où l'on trouve la men-
tion suivante, à la date du 11 février 1568 :
« Es estât baptizat Pierre Tinard, fils de Marcelin
'I inard dit Floujou et Constance Xario mariés uguenauLx.
Lou pairin cappitaine Nicolas Baucet et la mairine damo
Claro Risse.
<( Lou susdit an et jour es estado baptizado Xicoulavo
'1 inardo, filho de Marcelin et de Constanco Xario mariés
uguenaulx.
Lou payrin mousgr Jan Lsac ; la mairino Xicoulavo
Tinardo ».
Quel est l'âge des nouveaux baptisés? On l'ignore, mais
a voir la qualité des personne qui les ont préentés aux fonts
baptismaux il semble qu'on ait voulu faire une petite mani-
festation en administrant le baptême à ces enfants arrachés
à l'hérésie.
' Arcli. des B.-du-Rli. B. 48, f^ 151,
TESTAMi:.\T U'IX TAMHoL'RlXAIRt: (Wl" S.) 201
La marraine de Nicole est sa tante Nicole Tinarde, mais
son père est Jean d'Aisac, seigneur de Wnelles, qui a été
consul de notre ^'iIle.
C'est Claire Risse, tille d'Antoine de Risse, seigneur de
Soutournon, maître d'hôtel du comte de Tende-Sommerive,
gouverneur de Porvence, qui sert de marraine à Pierre
Tinard, et le [)arrain est le capitaine Nicolas Baussel, h;
futur seigneur de Roquefort, ce Nicolas Bausset (jui avec
Paul Impérial et Guillaume Olive, commandait la iroupe
de cinq cents hommes que Marseille, en 1362, envova
grossir la petite armée de Sommerive assiégeant Sisteron.
Le lendemain, 12 février 1568, en la même église des
Accoules, on baptise « ALagdaleno filho de Anihoni lîosc
Leris et de Mario Allardo uganaux » '.
Sont-ce les parents (jui ayant abjiu'é h^ ))ro(e.slanlisme,
ont \'oulu faire administrer le sacrement de baptême à leurs
enfants, ou bien est-ce à leur insu que cette cérémonie
s'est faite? Nous ne saurions nous prononcer; mais il est
un autre baptême d'enfant de huguenot qui semble avoir été
fait en catimini.
On a vu plus haut C|ue le marchand Charles d'Autis, à
qui les actes donnent les titres de noble et d'écuyer, assis-
tait le 2;^ juillet 1566 au testament du protestant Guillaume
Roquebrune. Or, moins d'un mois auparavant, en la petite
église de Saint-Jaccjues de Corrigerie, on avait baptisé ime
fillette de ce Charles d'Autis et les termes dans lescjuels
cette cérémonie est mentionnée semblent indicjuer que c'est
par fraude ciu'elle a eu lieu :
(( L'an 1566 et lou 19 jun, ALiria fil ho de sire Charles
(( d'Ortis es istado batejado calholicamcnl ansin come ten
' Arch. des B.-du-Rh. Etat civil 574. Bapt. des Accoules, f' 131,
202 riERRi; HKRTAS
(( noslra sanla niere Gliso romano et tendra jusquas la fin
(( si à Diou plas. Sa niera es... Georgi Acliard, prêtre,» '.
L'ecclésiastique a oublié d'indiquer le nom de la mère
de la petite Marie, baptisée ainsi clandestinement, mais il
nous est connu : Charles d'Autis s'était marié, en effet,
avant 1554' avec Béatrix Soldy, fille du florentin Phi-
lippe Soldv et de Comtesse Hue, sœur d'Antoine Hue qui
fut consul de Marseille et seigneur de la Reynarde.
Il nous reste à parler du gentilhomme que Gaspard
Armeille désigna comme le premier de ses cinq exécuteurs
testamentaires, le capitaine Fouquet de \ éga.
Dans la seconde moitié du xv^ siècle, un gentilhomme
castillan, Alonse de Vega, vint se fixer à Marseille où on
'l'appela familièrement du nom de son pays natal: Alonse
Castille. C'est cet Alonse Castille, que notre éminent col-
lègue, M. Joseph Fournier, nous a montré surveillant à
Sanary la construction de deux caravelles commandées par
le roi René. Alphonse de Vega dit Castille, s'est marié à
l'rbaine Bouquier, d'une très vieille famille marseillaise.
11 en a eu de nombreux enfants. L'aîné, Jean de ^'ega, doc-
teur en droit, a été plusieurs fois assesseur de la ville. C'est
lui qui, dans les premiers jours de septembre 1524, a été
envoyé en ambassade auprès du roi François P"", campé
avec son armée au-dessus d'Avignon, pour le prier d'ac-
courir sans délai au secours de Marseille vivement pressée
par le duc de Bourbon et les Impériaux qu'il commandait.
Huit ans plus tard, un de ses frères, Henri de Vega, était
assassiné par les gens de Maurice de Jonas, chevalier de
Saint-Jean de Jérusalem, capitaine de deux galères du roi
' Arch. des B.-du-Rh. Etat civil de Marseille, n" io86d. Baptêmes
de l'église Saint-Jacques de Corregerie.
- Etat civil n° 279. Baptêmes de Saint-:\Iart'n, f 46. — « Le
XVI« d'abvril 1554 a esté batisce Laurense d'Authis filhe, de Charles
Dauthes et de damoiselle Beatrix Soldi... »
TESTAMENT d'vS TA.MBuL RlNAlKE (xVl" S.) 203
et qui s'élaii couveri de i^loire pendant le siège de Mar-
seille. La justice avait poursuivi et châtié les sbires payés
pour ce crime, mais l'instigateur du meurtre était resié
hors de ses coups. Les deux frères de sa victime, l'avocat
Jean de Vega et le marchand Jacques de Vega, ne son-
geant c^u'à la vengeance, épièrent incessamment les moin-
dres gestes de ALaurice de Jonas et Unirent par découvrir
les secrètes menées de ce gentilhomme qui, perdu de dettes,
était entré en relations avec les agents de l'Espagne pour
livrer Marseille à Charles-Quint. Ils le dénoncèrent au roi.
Jonas fut arrêté, conduit à Paris, convaincu de trahison et
écartelé en place de Grève. Sa tête apportée à ]\Larseille par
le bourreau de Paris, fut exposée au haut d'une bigue dres-
sée sur une tour voisine du plan Formiguier.
Jean de \ ega reçut en récompense la charge de lieutenant
du grand sénéchal au siège de ^Larseille, créée en 1536, et
l'année suivante il fut invité par le roi à accompagner le
lieutenant général des galères Bertrand d'Ornesan, baron
de Saint-Blancard, en cette fameuse expédition de lôor-o*^.
où l'on vit, au grand scandale des puissances euroj)éennes,
la flotte du roi Très-Chrétien aliliée des Turcs, mêler ses'
navires h ceux du chef de l'Islam.
Jean de ^ ega a rapporté de celte longue croisière en la
mer Adriatique, dans l'Archipel, aux Dardanelles et à Cons-
tantinople, une sa\(nireuse relation qui, au dire de Char-
rière, est une des plus anc iennes descriptions (jui' l'on jios-
sède sur le Levant. Kn 1551, miné par la maladie, il résignaii
sa charge de lieutenant du sénéchal en fa\eur de son gen-
dre, Balthazar Catin. Il mourait peu après et le 16 avril
1552 ' on accompagnait sa dépouille a\ec soixante-deux lor-
' Arch. des B.-du-Rli. Etat civil n'' 07;. Enterremrnt- dr> Arrnu-
les 1552, f"^ 67.
204 TESTAMENT d'UN TAMBOl^RINAIRE (XVl' S.)
thes, portant écussons à ses armes,jusque en l'église du
couvent des Augustins, où il fut enseveli dans la chapelle
ciu'avait fait construire son père Alonse Castille, qui l'avait
placée sous le vocable de Saint-Jacques et que le peuple
appelait, en 1502, la chapelle des Espagnols : (( construi
fecisse capellam Sancti Jacobi dictam Yspanorum » \
Marié à noble Marguerite Capel, Jean de Vega en avait
deux filles : Madeleine, mariée au capitaine de galère Jean
de Carranrais et Anne, épouse de Balthasar Catin, lieute-
nant du sénéchal et encore un fils baptisé le 24 juillet 1529 - :
c'est ce Fouquet de Vega que choisit pour exécuteur testa-
mentaire Gaspard Armeille, l'ancien tambourinaire.
Fouquet de Vega semble avoir été entraîné au calvinisme
sous l'influence de son oncle, Jacques de Vega qui est,
sinon le créateur, tout au moins le réorganisateur de l'église
réformée de Marseille. C'est en effet Jacques de Vega qui
en octobre 1561, écrivit à Genève pour demander l'autorisa-
tion de mettre à la tête de l'église le pasteur Mercurin,
chassé de Lourmarin par le comte de Sault. Son fils, Jean
de Vega a la même foi ardente. Aussi est-ce sur lui que
s'acharneront les fanatiques.
Au printemps de 1562 se déroulent les événements pro-
fondément regrettables que nous avons signalés plus haut.
La première victime est le fils de Jacques de Vega : (( Jean
de Vega, écrit l'historien protestant Crespin, fut tué le
premier jour de may 1562, près des portes de la ville en la
' Etude Edouard Chanot. Notaire Jean Gilli, 1502, f" 47.
^ Arch. des B.-du-Rh. Etat civil de Marseille, n" 567. Baptêmes des
Accoules, f 193 v-o : Die XXIIII mensise jullii (1529) fuit baptizatus
Fulquetus, filius nobilis et egregii viri domini Johannis de Vego,
cujus compater fuit nobilis Fusquetus Xovelli, comater nobilis Lu-
dovica Vento.
TESTAMENT d'i'N TAMMolKIN AI RK (wi" S.) SOS
présence de l'un des consuls Pierre Le Blanc ' i-t dt- Flas-
sans ", rjui aida à le tuer, puis despouillé et laisse nud... »
On conçoit que l'assassinat de ce jeune gentilhomme ait
démoralisé son père Jacques de \'ega. Trois ans plus tard
il voyag'e en Iispagne et il est significatif que ce soit de
l'intérieur d'un couvent, celui des Franciscains de Major-
que, qu'il expédie le 5 avril 1565 l'acte de procuration
nécessaire à sa femme, Jeanne de Carranrais, pour réi^ler
une affaire de cession \ Rentré à Marseille il y meurt le
4 décembre 1568 et le lendemain le clerrjé des Accoules
vient chercher le corps de l'ancien huguenot en sa maison
de la Place Neuve et l'accompagne avec treize torches à
l'église des Augustins, où on l'ensevelit dans la tombe
familiale '.
Fouquet de Vega imite l'exemple de son oncle; il rentre
dans le giron de l'église romaine, puisque six ans après le
testament de l'hôtelier du logis de VOiirs, il fait baptiser
aux Accoules, le 15 septembre 1573, Theodora de Vega, la
dernière fille que vient de lui donner sa femme Marguerite
* Les consuls pour l'année municipale sont : Adam Bouquier,
Pierre Blanc et Nicolas Fouquier. En l'absencge de Adam Bouquer,
en ce moment en cour pour les affaires de la ville, c'était le second
consul Pierre Blanc, que Crespin appelle Le Blanc, qui adminis-
trait Marseille au moment des troubles. Il était fils de Charles ou
Carlin Blanc, qui en sa qualité de capitaine du corps de ville se
distingua si bien pendant le siège de 1524 qu'il fut aussitôt après
nommé second consul pour l'année 1 524-1 525. Pierre Blanc, à qui
on donne le titre d'écuyer, maria une de ses filles, Marguerite, à
Balthazar Granier, lieutenant du sénéchal.
^ Xous supposons qu'il s'agit de Durand de Pontevès, sieur de
Flassans, chef des bandes catholiques. Mais nous n'avons pu déter-
miner la présence de cet ancien consul d'Aix à Marseille, au moment
des massacres.
^ Arch. des B.-du-Rh. Xot. Lcmaire, registre année 1565, f" 736.
* Arch. des B.-du-Rh. Etat civil de Marseille, n" 677. Enterrements
des Accoules, f" 71 v".
^Of, rirRRH BEKTAS
de Moutct et dont est parrain Aiigier Perret dit Riquetti,
qui devait en février 1596 être nommé premier consul immé-
diatement après l'assassinat de Charles de Casaulx '.
Avant 1562 il avaii eu plusieurs enfants baptisés aussi
aux Accoules. C'est sans doute après le meurtre sauvage de
son cousin germain, Jean de Vega, que son zèle calviniste
devint le plus ardent, car on ne trouve pas dans les regis-
tres paroissiaux les traces du baptême de ses deux autres
enfants, Daniel et Elle, dont les prénoms seuls révèlent la
religion que professe leur père au moment de leur naissance.
Elie mourut en 1575 à l'âge de dix ans, victime d'un
fâcheux accident : le marinier Claude Chaiidy, en allant
monter la garde au quartier des Accoules, laissa tomber
une étincelle sur le bassinet de son arquebuse chargée à
l:)lanc. Le coup partit et la bourre atteignit le jeune garçon
qui mourut des suites de sa blessure ".
Quant à Daniel, il eut deux fils; mais l'un n'eut pas de
postérité rnâle et l'autre entra dans les ordres et devint
cabiscol de l'église de la Major,
Ainsi s'éteignit cette illustre famille des Vega, dont le
nom qui retentit pendant deux siècles, au cours des plus
graves événements, est inscrit en lettres de sang aux pre-
mières pages de l'histoire de l'église réformée de Marseille
et de son martvrologe.
Pierre BERTAS.
' Arch. des B.-du-Rh. Etat c ivil de Marseille, n" 575. Baptêmes des
Accoules, f° 140 V".
^ Arch. des B.-du-Rli. Fonds Bergeon, n" 12. Xot. Pierre Blanc,
1576, f" 1088.
Le Chourum Martin
LdIpo : 1mm par mèlre.
Plan .n AB
Plan en CB-EF
s s.
L'EKDHlon du "
»f
Le premier volume de la France ignorée, du savant spé-
léologue E.-A. Martel, a\ait particulièrement attiré mon
attention sur une région des Alpes, riche en gouffres peu
connus et atteignant de très grandes profondeurs. Cet auteur
cite en particulier l'aven nommé le Chouriuii-Martin ', dont
le sondage et un essai de descente avaient duré près de
sept jours en 1899, sans qu'on puisse en connaître le secret.
Les très grandes difficultés à vaincre, et surtout l'éclair-
cissement de cette énigme me tentaient, il était important
de savoir si diverses sources, ou plutôt résurgences, qui
sortent du pied du massif du Grand Ferrand (Devoluy),
avaient un rapport avec les nombreux abîmes des sommets.
Je décidai donc au début juillet de m'entourer des rensei-
gnements nécessaires et de préparer l'expédition pour
l'époque qui me .semblait la plus propice.
Ces avens situés à des altitudes supérieures à 1.500 m.,
.sont tout l'hiver remplis de neige qu'ils conservent presque
toute l'année, formant ainsi des glacières naturelles; il était
donc important de bien choisir son moment car trop tôt,
la neige nous aurait gênés et trop tard les orages de l'au-
tomne risciuaient de compromettre le succès.
M. le Conservateur des Eaux et Forêts de Gap, répondit
aimablement à ma lettre et me donna comme époque conve-
nable, fin juillet ou le début .septembre. Je choisis donc le
i*"" septembre, et avertis mes collaborateurs habittiels.
^ Chourtiin est le vocable régional employé pour designer un
abîme.
210
ROBERT Di: JOl-V
Photo I
M. le Préfet des Hautes-Alpes, voulut bien s'intéresser
à mes recherches et essava d'obtenir l'aide de la troupe pour
les manœuvres des agrès. Ce fut malheureusement sans
succès, car cette date tombait sur celle des grandes manœu-
vres, je tiens toutefois à lui faire savoir public^uement ma
reconnaissance.
Le i^' septembre, nous devions tous nous réunir a Gap et
de là nous rendre au hameau du Grand Villard, sur les
pentes est du Grand Ferrand, d'où nous monterions aidés
de mulets, vers la cime pierreuse.
Personne ne manqua à l'appel, et pourtant mes camara-
des venaient de divers coins de France, assez lointains,
mais le Chourum-Martin nous fascinait par ses dimensions
hypothétiques. M. David Martin, l'ancien conservateur du
Musée de Gap, l'estimait à plus de 500 mètres verticalement.
L'après-midi du i^'' septembre se passa à charger les bâts
de mulets et le traîneau (Photo i), instrument spécial qu'u-
tilisent les paysans dévoluard sur les pentes caillouteuses.
Il y avait plus d'une tonne de matériel, de vivres, de campe-
ment, car il fallait le nécessaire pour réussir et de c^uoi
l'exploration du (( CHOURL-M-MAKIT-V »
211
s'abriter et s'alimenter pendant les j(jurs qui seraient néces-
saires pour mener à bonne tin cette entreprise.
Le 2 septembre, au petit jour, je sonne la diane et nous
nous dirigeons vers le but. Nous étions quatorze', plus les
conducteurs des six mulets et du traîneau; certains pessi-
mistes disaient qu'on descendrait moins nombreux cju'on
ne montait... mais ce n'était pas fait pour nous arrêter.
Au bout de deux heures de marche nous passons devant
le Chourum Camarguier, décrit par M. l-:.-A. Martel, tra-
versons le Pré de Laur (Photo 2), où nous devions trouver
Photo 2
MM. Ir? professeurs G. Denizot, assistant à la chaire de Géolo-
gie à la Faculté des Sciences de Marseille.
I,. Gaffier, as'jistant à la chaire de B()t.ani(|uc à la Facult'.-
de Marseille.
Le commandant de Sanzc, de \inceniu;..
Le comte J. de Gasparin, alpiniste.
P. Prcgent, alpiniste.
G. et R. Viaris de Lesengo, ah-inistes.
J. Serre, ancien professeur d'Histoire Xaturelle au col-
lège Catholique d'Aix, Président du Spélro-Club d'Aix.
G.-H. Bauquier, archéologue-spéléologue'.
Dumont, Jourdan et Girard, du Spéléo-Club d'Aix.
Boutillon, d'Amélie-les-Bains.
212
ROBERT DE JOLY
la source destinée à noire ravitaillement, mais qui était tarie,
et enfin arrivons au bord du fameux gouffre.
Photo 3
Nous commençons par installer le campement sur une
pente assez douce dans un site sauvage et aride. Devant
nous, à l'est, le Roc Roux, la montagne d'Aurouze (Photo 3),
dont le sommet s'élève à 2.712 m., au pic de Bure et celle de
Féraud (2.560 m.)
Photo 4
L EXPLORATION DU (( CHOURUM-MARTIN » 2I3
Photc
A rouesl, le Grand Ferrand (Photo 4), domine de ses
2.761 m. le ravin des Adroits qui nous côtoie au sud. Xous
sommes à i .550 mè Les nuits seront fraîches;, aussi devons-
nous nous installer soigneusement pour dormir le mieux
possible, afin de conserver toutes nos forces pour le jour où
nous essayerons d'atteindre le but. Xous faisons monter
un chargement de belle paille à chaume de toiture pour les
camarades Cjui n'ont pas les bateaux pneumatiques
<( Motiette » comme couchage. Notre bivouac ressemble à un
campement de soldats (Photo 5).
Xous organisons immédiatement dans une bouche peu
profonde de l'aven — où la température ne subit pas les
variations de température, — les conserves et denrées
périssables.
Le matériel est mis en ordre près de la bouche et nous
prenons nos dispositions pour descendre opérer les son-
dages et commencer à déblayer la première plateforme-
214
ROBERT l>i£ JOLV
Le K-rrain dans k^quel s'ouvre la série des sept avens du
versant est du (Îrand-Ferrand appartient au crétacé supé-
rieur (Senonien), c'est un calcaire blanc contenant de gros
roo-nons de silex ; cette couche descend jusqu'à une cinquar
tai^ne-de mètres au-dessus du hameau du Grand Villard, où
des bancs de grès Turonien apparaissent. Les innombra-
bles cailloux blancs qui parsèment le sol, donnent à ce coin
du Dévoluy un aspect dénudé et sévère, qui rappelle le
causse Méjean.
La bouche du C. -Martin (Photo 6), est un trou béant de
iS m. de long-, orienté N.-S. du côté de l'E., il est à pic et
de l'C). en pente d^ 70° environ, recouverte de plantes diver-
ses •* et surtout de rochers éclatés par le gel. Sa largeur est
à la surface de 5 m.
Photo 6
^ M. Gafficr a relevé dans les environs du C. Martin :
Phaca alpina, Achillea fanacetifolium, Carlina achantifolia, Lo-
tus corniculatus, Jusnisperus communis,
et dans la pente ouest du gouffre, jusqu'à 8 m. de profondeur :
Saxifraga Aizoon, Saxifraga Retondifolia, Saxifraga bryoïdes,
Potentilla alba, Campanula Allioni, Campanula Linifoba., Eh-
pobium Flcischeri, Carlina acaulis^ Phaca alpina.
l'exploration du u CHOURLM-MARII.V » 213
La sonde avant donné 24 ni., je drsci^nds xoir di- (|uiii
il retourne et préparer les travaux d'approche. Dehors il
faisait 38" et immédiatement on est saisi par im Iroid
intense, stir la croupe qui forme relai à 24, il reste im névé
d'un demi-mètre cube qui abaisse la température à 3"5.
que nous atirons partotu dans ce gouffre. Je téléphone en
haut d'envoyer des récipients et des pelles afin de remon-
ter de la glace qui remplacera l'eau de la source tarie pour
les besoins de la cuisine. Pendant que les amis s'occupent
de ce travail utile, je vais faire connaissance avec l'abîme.
La croupe étroite (3 m. X 0,20), sépare deux puits, celtii
du Xord partant presque \erticalement et celui du vSud,
descendant verticalement sur 4 m., puis en pente de 30°
dirigée vers l'Ouest et enfin h pic, dans un ititje de 2 m.
sur 4 m. Xous déblavons les rochers branlants et la neige
qui garnit le couloir oblique et sondons la verticale du
puits S, de l'étranglement Cjui le termine et qui se trouve
à 42. A totis les essais la sonde s'arrête 76 m. pltis bas sans
rencontrer le moindre arrêt, c'est donc im ptiits lisse C|tii
arrive à 118 m. sous la bouche. Xous remarquons ciue totites
les pierres cju'on v jette, quelles que soient leurs dimensions,
parviennent dans le ptiits Xord 011 elles rebondissent plus
bas encore. Ainsi Cjue l'axait signalé M. Martel, ces deux
puits correspondent, en bas, par un couloir en penie sans
aspérité, allant de l'Ouest vers le Xord.
Cette forme générale en hélice de pas gigantesque est
connue mais il est rare de voir im pas aussi énorme, cela
ne peut provenir que de cassures préexistantes tlans les
bancs calcaires que l'eau a travaillés.
X'ous nous occupons alors de nettoyer la pente abrupte
du puits X., elle ne mesure que 8 m. de long et 2 m. de
large, de très nombreux cailloux et blocs la parsèment, le
gel a fait éclater la roche en place et il faut très soigneu-
216 ROBERT DE JOLY
sèment vérifier toute la surface pour éviter le jour de la
descente une cluite de pierres toujours dangereuse.
I^nlln nous jetons la sonde, elle indique un petit arrêt
a -2 m. puis secouée, descend sans arrêt jusqu'à-155. Là,
impossible de la faire continuer plus bas, j'utilise ma canne
de bambou fourchue pour essayer d'éloigner la ligne de
la paroi, c'est sans résultat. Nous sommes donc certains
d'avoir à descendre à 155 m. au moins, puis l'inconnu.
La journée avait été bien remplie et à 5 heures nous res-
sortons avant une idée de l'abîme que nous nous proposions
tle visiter. Les grandes lignes ressemblaient bien à ce qu'a-
vaii indiqué AL Martel. Nous étions sûrement dans le
C\-Martin, aucune méprise n'était possible.
Deiiors nous trouvons un ciel chargé et voyons un orage
arriver vers nous du X.-I{., nous nous préparons h. le rece-
voir, mais j'avais bien plus d'appréhension pour les suites
qu'il aurait pour nous cpie pour l'ennui passager qu'il
nous causait. Le baromètre baisse encore, et enfin la tornade
assaille nos frêles demeures. A l'intérieur des tentes il bruine
car le vent comprime l'eau sur la toile, il faut mettre à l'abri
le matériel de couchage car la nuit est là et les poêles seront
insuffisants pour sécher nos couvertures.
La complainte LIavaïenne que nous dispensait le phono-
graphe s'est tu, on entend des camarades qui sortent pour
assujettir les piquets de tente qtie la tempête arrache. Enfin,
la bourrasque diminue et à 9 heures du soir on s'apprête
à prendre un repos salutaire, bercés par les flots d'harmonie
qui nous parviennent — Ira las montes — par T. S. F.
Au petit jour, réveil, il faut faire sécher le matériel d'ex-
ploration humide malgré sa bâche, et continuer les travaux
les travaux d'aménagement.
Sur le relai de 24, je plante une grande aiguille d'acier,
où se fixeront tous ceux qui auront à séjourner surcet incon-
fortable et froid emplacement.
L EXPLORATION DU « CHOUROI-MARTIN )) 21 7
Notre journée se passe à vérifier au-dessus et au-dessous
du relai les roches branlantes et à les envoyer en bas, ce
qui produit un bruit sourd vers le fond, nous faisant espérer
une caverne.
M. Martel nous ayant recommandé la plus grande pru-
dence, je dispose des treillages métalliques sur les pentes
pour éviter les avalanches au cours des mancvuvres de
descente et surtout d'allongement d'échelles. Rien, en effet,
n'est plus dangereux que de demander d'en bas qu'on
rajoute des échelles en haut, le frottement des barreaux des-
celle les rochers fendillés ou entraîne des pierres passées
inaperçues. Plus le poids d'échelle est élevé et plus le dan-
ger augmente pour celui qui en donne l'ordre du fond.
Des obus ou des balles dans leur trajectoire prt)curenl la
même impression. La précaution était bonne car lorsque
nous avons retiré les treillages, une fois l'exploration ache-
vée, nous les avons trouvés chargés de pierres.
Vers 3 heures de l'après-midi, tout était en place, 160 m.
d'échelles étaient tendues dans le puits Xord. quand on
nous avisa Cju'un orage arrivait de la même direction que
la veille. Xous quittons notre relai et mettons les agrès de
l'extérieur à l'abri, cpux qui étaient en place ne pouvaient
qu'y rester.
Les cataractes durèrent deux heures et enfin le ciel s'éclair-
cit. Xous n'avions pas de chance, mais ne pouvions reculer.
Le 4 septembre, vers 8 heures, je décide de commencer
la grande descente. Un ordre de service était resté en haui,
prévoyant le remplacement des camarades aux agrès sur le
relai de-24. G. -H. Rauquier est au central-téléphonique '. à
'' Le rôle de téléphoniste n'est pas si agréable que ce que l'un
peut croire. Il doit avoir bonne mémoire, pour répéter dans l'ordre
tout ce qui lui est dit d'en bas, il doit aussi avoir un caractère
angélique pour supporter les remontrances, parfois un peu aigres.
2ig ROBERT DE JOLY
côté cK* ceux qui auront la mission de tenir les cordes de
sûreté téléphoniques, il esl relié avec la surface et avec moi
par deux téléphones. Les cordes sont lovées aux pieds' des
opérateurs, toutes les poulies sont bien arrimées, je sais
{jue nous ne manquerons pas de cordes, car i\I. Benet-
Duboul, des Corderies de Mazargues, à Marseille, a bien
voulu nous prêter gracieusement un splendide filin de
400 mètres, qui avec ce que nous possédons déjà nous per-
mettra d'aller à plus de 500 m., si c'est nécessaire'. J'ai
en réserve 400 m. de ligne électrique pour téléphone en plus
de mes 300 m. habituels. II semble que nous devions réus-
sir, tout est prévu... même le cas où je resterai au fond par
accident.
A luiil heures, je rentre dans le Chourum, organise
l'équipe, et met la dernière main aux préparatifs.
A 9 heures, je commence la descente, solidement sou-
tenu par des camarades rompus à ce genre de travail : Gas-
parin, Prégent, Viaris aîné et cadet. Denizot est en réserve,
car il doit me suivre au premier appel. Les autres restent
à la surface pour fournir tout ce c|ui peut leur être demandé.
Pendant 48 mètres je descends sans arrêt, dans ce grand
du chef d'expédition, énervé par une attente trouvée trop longue dans
une position fatiguante.
Nous n'avions pu, à cause de la grande humidité, utiliser dans
cette exploration l'amplificateur Basse Fréquence c^ue j'ai mis en
service cette année. Cet appareil a l'avantage de faire gagner du
temps, en diminuant le temps qui s'écoule entre l'ordre et l'exécu-
tion: tout le personnel étendant les ordres immédiatement par le
haut parleur.
'" Il est agréable de co.nstater que certains industriels s'intéres-
sent aux questions scientifàc|ues et qu'ils aident dans lainesure de
leurs moyens ceux qui se dévouent à la cause commune.
Je dois mentionner parmi ceux-ci: 'M. Lefort, des bateaux pneu-
matiques « alouette », qui a bien voulu me fournir gracieusement
une de ses remarquables embarcations afin de doubler la mienne
çt de permettre à un camarade de me suivre,
l'exploration pu <( CHOUROr-MARTlX » 2I9
puiis qui yi\ s'ai^randissant et dont les dimensions nioscnnes
sont de iS m. de long" sur S m. de large, i'intin, a-72 ni. je
rencontre le petit balcon cju'avail révélé ma sonde, il est très
étroit mais on peut s'y arrêter et y attendre Denizot, auc[uel
je donne l'ordre de venir. Il pleut sans arrêt depuis le début,
les échelles servent de guidage à des ruisseaux (|ui me
gèlent, la température est toujours glaciale.
Enfin Denizot arrive, mais l'échelle ne passant pas à
l'aplomb de la petite corniche que j'avais atteint en m'agrip-
pani aux parois, je dois le faire passer devant m<ji comme
sur une escarpolette avec la corde c{ue j'avais fixée à
l'échelle. Xous voilà installés, à deux sur ce relai mesurant
de 10 à ,^5 cent, de large sur i m. de long. Devant nous,
le trou béant et noir.
Mes notes prises, j'avertis en haut que je continue.
C'est la descente, l'interminable descente, dans ce gouf-
fre' aux dimensions énormes, aux parois verticales et polies
par les eaux Cjui le forèrent jadis, l'échelle de\-ient de plus
en plus élastic|ue, chaque mouvement fait i)our passer d'un
barreau à l'autre procure une oscillation de plus en plus
importante, elle atteindra vers 150 m. 50 cent., il semble
\ju'()n est pendu à du caoutchouc.
A. la pr(jfondeur j^réxue de 155 m. ptw l'aj^port ii la bou-
che, c'est-à-dire 131 m. j)lus l>as (|ue le relai téléphonique,
je descends du dernier barreau, car l'échelle est terminée",
sur une petite plateforme de 2 m. de long sur 0,50 de large
à l'endroit le plus grand. L'endroit est peu confortable, mais
il faudra tout de même y rester longtemps, j'v arrive à
10 h. 5. Toujours autant d'eau, toujours aussi froid. J'avise
Denizot qu'il \ienne me rejoindre.
I)e\ant moi un immense porcin- au Xord, dont je ne
sais encore la haïUeiu' au-dessus du fond, mais cjui a 25 m.
" I/eau a raccourci les échelles de 5 mètres !
220 ROBERT DK JOLY
trouverture. Sur le côté et un peu au-dessus à 130 m. de
jirofondeur, débouche le couloir du puits Sud. Je m'en aper-
çois à de la pierraille menue qui en débouche, probablement
filtrée en haut par ma grille, et mise en mouvement par
les efforts des aides, sur le relai. Xos hypothèses, jusc^u'ici
se réalisaient. En attendant Denizot, je vais essayer de son-
der plus bas, mais cette opération n'était pas commode,
du point où j'étais, car au-dessous, 13 m. plus bas, il y
avait un autre balcon, plan, beaucoup plus grand que
celui sur lequel j'étais. Je me résouds à sonder au magné-
sium et au son. Le vif éclairage me fait découvrir une
immense salle dont je ne puis distinguer les limites. Le
son m'indique que le fond de la salle n'est pas très éloi-
gné, 35 m. environ, qu'il est à peu près plan, que du côté
de l'ouest il v a de la terre, presque partout des pierres
et à l'est de l'eau.
A II h. 15, Denizot me rejoint. Xous demandons immé-
diatement qu'on nous envoie du thé chaud, des vêtements
imperméables et des tricots de laine. Xous sommes mouillés
par les mains et les bras qui ont canalisé l'eau qui suivait
les échelles. Les attentes immobiles nous font grelotter.
Enfin, on nous avise que la sache descend, nous allons
pouvoir nous réchauffer grâce à la Thermos. Mais il n'en
est rien, le colis arri\'e, la fragile bouteille mal emballée
était brisée, trempant les vêtements qui l'accompagnaient.
Le cas était prévu et j'avais ce qu'il fallait pour faire
des boissons chaudes ', mais il était impossible de faire la
cuisine sous ces cataractes dans un espace aussi restreint,
d'autant plus que j'avais donné l'ordre en haut de rallon-
ger les échelles de 50 m., et leur chute rapide aurait risqué
de faire tomber notre réchaud.
■ Réchaud extra-lcger et réduit à meta,
l'exploration DL' k CHOIRI.M-.MARTIN » 221
Après de très grandes ditTicullés pour les camarades d'en
haut qui rajoutaient les éléments d'échelles, à cause de
leur grand poids naturel, près de loo kgs, et de l'eau qui
les alourdissaient par surcroît, nous voyons arriver ce (lui
nous permettra d'aller plus avant.
Bauquier, au cours de cette manœuvre, avait dû dans
une position dangereuse, couper un barreau coincé à la
hache pour permettre la descente de la longueur demandée.
Voici comment fut opérée cette dangereuse manœuvre :
Bauquier, auquel l'inaction pesait, fixé depuis plusieurs
heures à ses téléphones, m'avisa Cju'il allait quitter les pos-
tes et essayer de dégager l'échelle.
Il se fit encorder, et descendit dans le grand puits, jus-
qu'à ce qu'il trouxa le barreau qui retenait celle-ci. C'était
une pointe rocheuse. B avertit les camarades ([ui le rete-
naient de faire attention à la secousse qu'il allait procurer,
car d'un coup de hache il allait briser le barreau et le gros
poids d'échelle en place dans le gouffre allait tirer d'un
coup les deux mètres d'allongement qui n'a\-aient pas voulu
y aller seuls. Très courageusement il brisa le barreau et
tomba avec les échelles de cette hauteur.
En bas nous n'axions pu nous rendre compte de ces dif-
ficultés et trouvions le temps long. Tout avait été bien exé-
cuté car nous n'avions reçu ni une pierre ni la hache ficelée
au poignet de cet aide dévoué.
Ceux qui n'ont jamais assisté à des explorations de ce
genre ne peuvent se rendre compte de la dose de patience
qu'il faut aux aides pour exécuter les innombrables manani-
vres, chaque fois différentes, qui sont nécessaires. B leur
faut de la force et de l'intelligence car un faux mouvement
risquerait d'entramer un accident ou une avalanche.
Muni des agrès néces.saires, je descendis i,^ m. plus bas
sur la grande plateforme où je trouve un coin où il ne pleut
pas. Je fais la cuisine pour Denizot et moi, en l'occurrence
6
32a ROBERT DE JOLY
un excellent chocolat fine je lui envoie par une cordelette
de service dans une gourde, incassable, cette fois. Tous
deux nous avons ajouté chandails sur chandails et nous
trouvons prêts pour continuer. Il avait fallu près d'une
heure pour ces opérations indispensables. A 12 h. 50 je
jîle vers ce que je pensais être le fond.
A 13 heures, j'arrive entre deux cascades sur le sol de la
grande salle. Immédiatement près de là je vois le casque
que Vifiris avait laissé choir d'en haut la veille et des mor-
ceaux de fer blanc déchiquetés, dont un possédait un goulot.
Ils étaient enterrés de 10 centimètres environ. C'était les
bidons de sondage de IVI. Martel.. Depuis trente ans ils
recevaient les pierres jetées par les pâtres ou entraînées par
les orages. Je suis à 190 m. de profondeur.
J'avertis Denizot c^ue cela doit être le fond, que je vais
reconnaître les lieux et qu'il descende me tenir compagnie et
faire ses observations.
Sous les cascades il y avait des mares d'une vingtaine de
mètres carrés, le sol était plan et général sauf vers l'ouest
où on distinguait au magnésium un aven débouchant dans
le plafond, qui avait conduit des pierrailles et fait un petit
cône d'éboulis de 2 mètres.
Le paysage souterrain est grandiose, la salle a 60 mètres
de long sur 30 de large et au-dessus le plafond est à peu
près de 60 mètres.
Nous trouvons un petit couloir obstrué, nous y entrons
avec peine et nous y reposons en y faisant de nouveau une
collation chaude, accompagnée d'une boîte de thon, dont
l'huile nous servit à nous enduire les mains gelées et abî-
mées par l'eau des cordages.
Nous refaisons le tour de la salle et trouvons par terre
deux cornes de bélier, mais ce sont les seuls ossements qui
gisent dans ce gouffre. On voit par là que le massif du
l'exploration du <( CHOURL'M-MARTLN' )) âîj
Grand-Ferrand n'est pas très fréciuentc et cjuc son accès
n'est pas très commode, sinon comme beaucoup d'avens
il aurait servi de dépotoir, malgré la loi de 1902, malheu-
reusement jamais appliquée. Le bélier a dû tomber
accidentellement.
Nous observons des bancs de silex de très grosse taille,
nous sommes dMic encore dans le Senonicn. L'extrémité
ouest de la salle est légèrement en pente et j'espérais trouver
là le puits qui nous aurait mené plus bas, mais il n'y avait
qu'un peu de terre et la diaclase allait en se rétrécissant
puis était colmatée par un humus noirâtre. Il n'y avait pas
d'issue, nous avions bien touché le fond du fameux gouf-
fre. Le pendag'e des strates est du X.-E vers le S.-E. de 30"*
environ.
Etant donnée sa haute altitude et ses dimensions au-
dessus de la movenne, cet abîme a dû servir de conduit à
de très grandes quantités d'eau et il est certain que la grande
salle a été le collecteur d'au moins deux avens et que de
là, partait un autre puits conduisant l'eau beaucoup plus
bas vers les fontaines de Gillarde probablement.
Le colmatage de la grande salle doit être très ancien,
mais la constatation que nous avons faite en ce qui con-
cerne les deux cascades, dont le niveau des mares ne mon-
tait pas malgré l'apport régulier, prouve que l'eau s'infiltre
rapidement vers le bas, au lra\H'rs d'une couche de
pierrailles.
La fixité des parois et du plafond doit être grande car
nous n'avons relevé aucun bloc — à part au sud-est — un
rocher qui provenait de la paroi im mètre au-dessus du fond.
Aucun séisme depuis des millénaires n'est venu ébranler
cette région, et les strates sont parfaitement soudées entre
elles, sinon on verrait comme au « Garagaï )> de Sainte-
Victoire des dalles fra'chemenl écroulées du plafond.
33^ ROBERT DE JOLY
11 faut maintenant remonter au jour. Nous avions laissé
le téléphone à-155 m. pour gagner du temps et éviter des
raccords électriques. En haut on doit s'inquiéter de notre
silence persistant.
Denizot remonte au relai. Je le suis de près, remorquant
l'échelle attachée à ma ceinture, ce qui est assez pénible à
cause du poids progressivement de plus en plus grand, et
arrive au relai. Notre téléphone, qui a été inondé pendant
plus de huit heures ainsi que les câbles, est tellement faible
qu'on entend à peine de part et d'autre. Je donne l'ordre
de tirer Denizot, et le voilà qui s'en va entraînant avec lui
ma corde téléphonique. Je devine que lorsque le colis est
descendu il a dû se vriller autour de ma corde. Je me
détache donc et dis à Denizot de me faire envoyer une
corde dès qu'il sera arrivé. Il est 18 h. 15. Une grande
heure.se passe, il n'y a plus de liaison avec le reste du
monde et ma corde n'arrive pas. Le froid de l'immobilitté
et la détente m'envahissent, cette attente est très pénible.
Les deux chaufferettes à agglomérés de charbon de bois et
salpêtre sont insuffisantes pour me donner la chaleur néces-
saire. Je suis caché sous un manteau installé comme une
tente sur ma tête pour ne pas mouiller mon carnet de notes.
L'acétylène est terminée, je dois changer d'éclairage et
prendre rélectric|ue bien moins puissant.
A 19 h. 45, le bout de la corde de sûreté arrive, je pense
qu'en haut ils ont dû avoir toutes sortes de difficultés pour
débrouiller 350 mètres de corde et les mettre en ordre sur
un si petit espace, risquant de glisser dans un des puits au
moindre mouvement. Enfin je pars. Je monte interminable-
ment dans le grand tube noir, l'eau dévale toujours le long
des échelles, je ne sens plus mes mains, et pourtant il
faul arriver et surtout monter les 20 kilogs que j'ai sut moi,
n'osant laisser jusqu'au lendemain mes appareils fragiles.
L EXPLORATION DU (( CHOUROI-MARTIN* » 22 5
Les halles se font plus fréquentes, les camarades en haut
sont harassés et ne se rendent pas compte du poids que
je traîne, je n'ai pas ma force habituelle dans mes mains
raidies par le froid. J'en iDrofite pour maudire une fois de
plus les deux orales (jui sont cause de cette souffrance, et
à 20 h. 30 j'arrive au relai de-24. Il fait presque nuit, cela
fait plus de douze heures que j'ai quitté le jour.
Tout va bien, les camarades ont aussi beaucoup souffert
du froid. Banquier, voué à l'inaction, interrompue seule-
ment un instant p(nir aller couper le barreau au central lélt'-
phonique, a dû quitter son poste et sortir, s'allonger au
soleil à moitié évanoui. Gasparin, Prégent, les Viaris sont
là, fidèles. Les traits se sont tirés, les barbes ont poussé, il
est temps d'aller se coucher.
Le courrier nous a apporté une lettre de M. Martel, qui
nous fait toutes sortes de recommandations. Elle nous a fait
plaisir, car nous nous sentions en liaison par la pensée avec
celui qui nous avait donné l'idée de venir résoudre l'énigme
et ce n'est pas sans un sentiment de fierté que je lui retour-
nais une brève missive lui annonçant la réussite de
l'expédition.
Une nuit réparatrice, nous remit tous d'aplomb et le len-
demain nous procédâmes à la remontée de ce c{ui restait dans
le puits. Ce n'était pas une petite affaire, il y avait à tirer
150 kilogs d'échelles au bout desquelles était attaché la
sache aux vêtements. Il fallut changer la disposition des pou-
lies pour pouvoir remorquer une telle charge dans les meil-
leures conditions. La bouche n'étant pas exactement à l'à-
pic du grand puits, cela devait entraîner des frictions sur
la paroi et augmenter l'effort.
Serre, Jourdan, Viaris, qui ont l'habitude de ces manu-u-
vres, descendirent à 24 m., tous les autres étaient en haut et
é26
ROBERT DE JOLY
je commandais la traction en la rythmant au sifflet,arin d'être
entendu d'en haut (Photo 7) et d'en bas, installé à une
douzaine de mètres de profondeur un pied sur chacjue paroi
de la diaclase près du passage de la corde. Dix mètres par dix
mètres de profondeur un pied sur chaque paroi de la dia-
clase près du passage de la corde. Dix mètres par dix
mètres, toutes les échelles sortirent de l'abîme suivies du
sac. On en fit un paquet et d'un dernier effort on hala le
tout au soleil (Photo 8).
Photo 7
Photo S
Tout avait marché à merveille. René Viaris avait reçu
une pierre assez grosse que mon pied avait fait échapper,
mais courageusement il ne s'en plaignit pas, quoique le
L EXPLORATION DU (( CHOLRUM-MARTIX » 227
traumatisme devait le faire souffrir une liuilaiiK' de jours.
Nous n'avions rien laissé dans le chourum à part la Ther-
mos, cela était peu, et avions vu tout ce qu'il était humai-
nement possible de voir.
A midi tout était replié, les premiers mulets arrivaient,
et on levait le camp.
Nous constatons en passant Cjue la fontaine du Pré de
Laup s'est remise à couler. Ce pré est une sorte de « doline »
se trouvant 43 m. plus bas que la bouche du C. -Martin,
35 m. plus bas, à 1.472 m. d'altitude, il y a une autre doline
et il est vraisemblable qu'elles correspondent à des effon-
drements de plafonds de salles qui, jadis, correspondaient
soit avec le C. -Martin, soit avec le C.-Camarguier.
Dans la doline la plus haute une grosse mare s'était for-
mée après les orages et elle subsista 48 heures.
Le pendage des strates, vérifié au fond du gouffre, se
voit à la surface du sol, il favorise l'écoulement des filets
d'eau vers les fontaines de la vallée de la Ribière qui se
jette dans la Souloise à Saint-Disdier.
Le soir, à Saint-Disdier, un dîner nous réunissait tous,
dans l'auberge du T. C. F., satisfaits du résultat obtenu.
Nous n'avions pas trouvé le réseau de canaux qui desser-
vaient les résurgences du pays, mais avions constaté une
fois de plus qu'il est exceptionnel de pouvoir suivre l'eau
de haut en bas dans ces terrains * et que celle-ci passe sans
filtrage et très rapidement de la surface aux points de sortie.
^ Lorsqu'on fait ces recherches hj-dro-géologiqucï en pdnctrailt
par les avens, c'est-à-dire le haut, on est toujours arrêté par des
Colmatages plus ou moins anciens, ne permettant pas à un homnic
de se faufiler. Cela n"a rien que de très naturel. Depuis les millé-
naires que ces gouffres ont été creusés, des effondrements de strates,
des produits détritiques, cailloux, troncs d'arbres, sont venus for-
228 ROBERT DE JOLY
Le lendemain, après avoir repris sur nos voilures nos
chargements respectifs, nous nous séparâmes, espérant con-
tinuer nos recherches dans cette belle région l'an prochain.
Robert de JOLY.
mer des « bouchons » que les eaux d'orages n'ont pu débloquer. Les
Italiens dans l'Istrie ont pu pénétrer après de longs et coûteux
travaux à 600 m. sous terre, mais lorsqu'ils trouvaient l'eau ils ne
pouvaient la suivre à cause des siphons qui venaient alors leur oppo-
ser une barrière infranchissable, surtout à de telles profondeurs.
Si on essaye de remonter par une saison sèche le cours d'un
« Event » — résurgence temporaire — on arrive aussi plus ou moins
loin à des siphons débouchant dans les lacs qui interdisent la pour-
suite des investigations.
■ Il en est ainsi jusqu'à nouvel ordre. L'avenir nous fera peut-être
mentir.
Bibliographie : E.-A. Martel, La France ignorée. Delagrave, Pa-
ris, 1928. P. 181 à 189 ; Les Chourums du Devoliiy. Jean et Peyrot,
Gap, 1902.
L. Michel, Monographie du Devoluy. Vollaire, Gap, 1913.
RAPPORT
de
M. Jean de SERVIÈRES
Secrétaire Général
sur l'attribution des Médailles de la Fondation " Paul-Paret
et de la Fondation '" Joseph-Laurent
en 1928
Notre Société décerne pour la cinquième fois sa médaille
de vermeil de la « Fondation Paul-Paret ».
Ayant distingué, d'année en année, au cours de ce |3re-
mier lustre, sa dévouée fondatrice, deux archéologues et un
écrivain régionaliste ', voici cju'elle a voulu honorer, celle
fois, une Société sœur, et lui manifester ainsi sa joie sincrre
d'une prospérité digne d'émulation.
Si vous voulez bien vous souvenir que pour notre cen-
tenaire à nous, en 1927, notre respectable aïeule, la bi-cen-
tenaire Académie de Marseille, voulait bien nous attribuer
une de ses plus hautes récompenses, le prix Dassv, nous
nous approuverez d'avoir, en poursuivant la descente de
la progression géométrique, oflfert à la Société Scicnlifiquc
et Littéraire des Basses-.ilpes, fêtant son premier cinquan-
tenaire, en septembre 1928, l'hommage de notre cordiale
confraternité, gravé sur le métal de notre médaille.
Au retour des fêtes qui se déroulèrent à Digne, à cette
occasion, où nous avions été si gracieusement invités, nos
^ Mme Paul Parct, M.\r. l'abbc Saute], Pierre de Brun, Marcel
Provence.
230
déléo-ués officiels, touchés de l'aimable et charmant accueil
de nos confrères bas-alpins, n'eurent aucune peine à fixer
notre choix sur cette vSociété savante qui depuis cinquante
ans maintient sans défaillance le flambeau de l'Esprit sur
la Provence montagnarde.
Le programme de ses travaux historiques, scientifiques
-et littéraires s'est poursuivi pendant ce demi-siècle ainsi que
l'avaient établi ses fondateurs, et les ouvriers de la dernière
heure, les mains encore chargées des suprêmes gerbes, pou-
vaient convier avec fierté les moissonneurs voisins aux
réjouissances de l'abondante récolte.
Ceux-ci disaient leur admiration; nous ajoutions, comme
.un témoignage durable de la nôtre, cet humble présent,
cette médaille de vermeil que nous déj^oserons dans les
archives de la Société des Basses-Alpes, comme on accro-
che un bouquet de fleurs aux épis dorés de la moisson vacil-
lante au chariot pesant qui monte des champs ensoleillés
vers la grange, en cet honneur, pavoisée.
Ainsi que nous avions le bonheur, il y a plus de cent
ans, de voir sur notre Société de Statistique à son aurore,
se pencher l'appui bienveillant d'un illustre provençal, ce
comte de Villeneuve-Bargemon dont vous allez, ce soir,
entendre un juste éloge, ainsi un autre gentilhomme du
pays bas-alpin — aptésien à la vérité, mais surtout châte-
lain de Porchères — Léon de Berluc-Perussis, jetait-il, il y
a cinquante années, les fondements de la Société Scientifi-
que et Littéraire des Basses-Alpes, qui devait parcourir
depuis lors une si honorable carrière.
Ce savant, (c curieux passionné de science comme Pei-
resc », était bien assurément de la race de ces érudits de
province, qui, au xviii^ siècle, s'accommodaient des sujets
les plus différents et se plaisaient aux travaux les plus
disparates.
331
Il est mort le 2 décembre 1902, mais il a laissé dans ses
nombreuses publications une mine inépuisable, et il n'est
pas exagéré de prétendre que les bulletins et les mémoires
des Académies et Sociétés savantes de la Provence, furent,
de son temps, remplis de son érudition impeccable, de sa
ver\-e spirituelle que soutenaient encore l'élégance et la
grâce d'une plume aussi délicate que charmante.
C'est donc grâce aux encouragements et aux conseils
éclairés de M. Léon de Berluc-Pérussis, représentant pour
la Provence de la Société Française d'Archéologie, que le
25 juin 1878, un groupe d'érudits et de gens cultivés, se
réunissait à Digne, sur la convocation d'un authenticfue
Dignois, M. Gorde, directeur de l'iùiregist rement, et fon-
dait cette Société qui, deux jours après, bureau constitué,
avec le savant abbé Féraud, l'historien des Basses-Alpes,
comme président, allait recevoir à Champtercier la déléga-
tion d'archéologues parisiens, conduite par Léon Palustre,
venant prendre officiellement possession de la maison de
Gassendi classée comme monument historique.
Beau début pour une Société d'historiens et de savants,
et qui dut faire tressaillir d'aise les mânes de l'illustre phi-
losophe, dans un rappel des beaux vers, ses contemporains:
]^os pareils à deux fois ne se font pas connaître
Et pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître'.
Certes! comme toutes les sociétés humaines, même com]:)o-
sées d'hommes courtois et instruits, la jeune Société bas-
alpine connut-elle des diflicultés, parfois peut-être le décou-
ragement, mais jamais d'inutiles querelles ou de vains
froissements.
Grâce au dévouement soutenu, au traditionalisme
convaincu de ses principaux membres, l'Etoile que la
Société avait adoptée pour insigne n'en continua pas moins
2^2
à scintiller d'un éclat qui transparaissait totijotirs, en fin
de compte, au travers du nuage passager.
Comment ne pas garder un souvenir ému à cj[uelciues-
uns de ces noms par lesquels son gracieux rayonnement
persiste au firmament de l'érudition ou de la Littérature
provençale et du patriotisme local? MM. l'abbé Féraud,
Gorde, Marrot, Thircuir, M.-Z. Isnard, Jules Blanc,
Autric, O. Garcin, X. Frison, l'abbé Plantin, Saint-Marcel-
lilysseric, Raibaud-Lange, Paul Arbaud, Paul ]\Iartin, Vic-
tor Lieutaud, l'abbé Cruvellier, A. de Gaudemar, le doc-
teur 011ivier,Lutton, Legrand, \^ial, Rebory, Louis Daime,
l'abbé Richaud, Philippe Zurcher, sans compter tous ceux
qui honorèrent le Bulletin de la Société de leurs estimables
travaux; dans l'histoire: les Tamizey de Laroque, les de
Berlue, les Christian Cauvin, les de Boisgelin, les de Rib-
bes, les Gaffarel, les Arnoux, les Arnaud d'Agnel, les
Andrieu, les Auguste Brun, et dans la philosophie, les
sciences ou les lettres: les Plauchud, les Honnorat-Bastide,
les de Peyerimhoff, les Legré, d'autres encore?
Et si nous feuilletons un instant ce Bulletin formant
aujourd'hui vingt-cinq tomes, comment ne pas adresser
un hommage tout particulier à la mémoire du vénérable
et modeste savant qui en fut si longtemps la cheville
ouvrière et l'âme, qui sut le maintenir avec douceur mais
résolution dans la voie tracée par ses fondateurs, c'est-à-
dire limitée à l'étude et à l'action du département des Bas-
ses-Alpes? Comment ne pas saluer respectueusement la
sympathique physionomie du laborieux archiviste départe-
mental, occupant plus d'un demi-siècle ces fonctions, feu
M. M.-Z. Isnard, qui sut consacrer à l'histoire de la Haute
Provence la sûreté de sa méthode, la patience de son tra-
vail, la sagesse de son expérience, la tendresse de son
cœur?
Et comme il serait surpris si nous omettions de pronon-
cer le nom de sa fille si dévouée au secrétariat de la Société,
Mlle Jeanne Isnard, qui fut aux côtés de son père, l'Anli-
gone d'un érudit consciencieux dont la science historique
en Provence conservera fidèlement les œuvres et le souvenir.
Ce ne fut pas seulement dans les limites de son BuUelin
que se complut l'activité de la Société Scientifique et Litté-
raire des Basses-Alpes.
C'est à ses efforts persévérants qu'est due la création du
Musée Départemental à Digne, réalisée en 1886; C[ue les
fouilles à Châteauneuf-\^al-Saint-Donnat, à Montfort et à
l'Escale, ont permis de meubler le nouveau musée de pré-
cieux vestiges gallo-romains.
Nous ne pourrions qu'applaudir encore en évoquant ces
réunions littéraires ou artistiques organisées par elle soit
à l'occasion de ses concours, soit de toute autre circons-
tance: manifestations félibréennes ou régional istes, où se
pressait la population dignoise, prouvant amplement, qu'il
ne saurait y avoir de département déshérité quand une élite
sait faire partager ses goTus pour les évocations de l'his-
toire, les phénomènes de la science, les séductions de la
poésie ou de la musique, l'exposition des œuvres d'art a
tous ceux qui ont bien droit, après les exigences des travaux
habituels, aux délassements de l'intelligence et aux spécu-
lations de l'esprit.
Après les cruelles angoisses de la guerre, la Société Scien-
tifique et Littéraire des Basses-Alpes qui subit alors comme
nous, comme toutes les Sociétés savantes de province, les
pires inquiétudes, a connu, elle aussi, un reverdissement
nouveau.
Elle a appelé à sa tête, en 1924, un homme dont le nom
se confond avec l'histoire de la ville de Digne, dont l'aïeul
ceignit sous le Premier Ernpire la première écharpe muni-
234
cipalc. M. le comte du Chaffaul, représenté ici par M. Emile
Isnard, archiviste de la ville de Marseille, ciue nous pri-ons
de recevoir notre Médaille « Paul-Paret » avec les vœux
que forme la Société de Statistique, d'Histoire et d'Archéo-
logie de Marseille pour sa sœur bas-alpine, pour nos excel-
lents confrères bas-alpins, les vivants qui travaillent
toujours. , V , 7 - • 7 ■ ,
•" pcr la glori don terraire
et notre pieux souvenir pour ceux qui ne sont plus et qui
ont établi cependant la réputation de leur chère Société,
auxquels nous disons avec émotion, empruntant le dernier
adieu de Léon de Berluc-Pérussis à Frédéric Mistral :
(( Sias esta moun lume, inavès après la Prouvcnço qu'ero
au iéu-mcmc, e que ne m'en doutave pas!
(( Au revcire dins la plus auto de tôuli lis estello ! »
Le 12 janvier 1928, notre Société recevait de notre savant
collègue AL Louis Laurent, professeur a la Faculté des
Sciences, directeur du Muséum, membre de l'Académie de
Marseille, la lettre que voici : (( Désireux de perpétuer la
mémoire de mon bien-aimé fils au sein de la Provence qu'il
aimait passionnément, je ne saurais mieux faire C}ue de
vous prier de demander à la Société de Statistique, d'His-
toire et d'Archéologie de Marseille, de vouloir bien accep-
ter de fonder une médaille qui serait distribuée, chaque
année, sous la mention: Fondation ou Prix Joseph-Laurent
(1903-1926). Elle serait destinée h récompenser une étude
concernant la Provence, non d'après les text s, mais
d'après le sol, la flore, les monuments (à l'exclusion totale
de la faune) »,
235
Xotre éniinent collègue déposait à cet effet entre les mains
de notre trésorier la somme de deux mille francs.
Dans sa séance du même jour, notre Société réunir en
assemblée générale, acceptait la libéralité de M. Louis Lau-
rent, et c'est pourquoi, dès cette année 1928, nous eûmes
à choisir le premier titulaire de cette distinction qui nous
permettra tout au moins une fois l'an, conser\ant le souve-
nir d'un jeune licencié-ès-sciences enlevé à la fleur de l'âge
aux légitimes espérances de sa famille et de la science, de
signaler à l'attention du public, le nom d'un érudit dont les
travaux et les efforts auront mérité d'être encouragés et
soutenus.
Comme pour la médaille « Paul-Paret », le Conseil a
décidé que les candidatures à cette distinction ne se pose-
raient pas d'elles-mêmes, mais Cju'il proposerait le nom du
laiu"éat éventuel choisi par lin", à l'assentimenl du fondateur
et à la validation de l'assemblée générale de janvier.
Il est plus délicat qu'on ne suppose de découvrir dans le
nombre des travailleurs, qui tous auraient des titres équi-
valents à l'attribution d'un brin de laurier, celui qui ralliera
non seulement nos suffrages mais aussi 1 "approbation du
grand public.
Hâtons-nous de nous féliciter d'avoir eu, pour la pre-
mière année, la main heureuse, et sans la moindre difficullé.
En effet, si h notre séance du 10 janvier 192g, nous avons
fixé notre vote unanime sur le nom de M. l'abbé J. Bayol,
curé de Collias (Gard), c'est que nous avions eu l'honneur
et l'agrément de l'entendre, deux mois a\ant, au cours d'une
réunion semblable à celle de ce jour.
Il était venu commenter devant un nombreux auditoire,
^•i\•ement intéressé, le résultat admirable de ses fouilles et
de ses découvertes dans les grottes de Collias, et leurs con-
sidérations scientifiques sur l'histoire et la préhistoire de
236
cette vallée du Gdrdon qui a servi de passage à tant de
peuples.
Nous aurions été bien mal avisés de chercher ailleurs le
digne lauréat t|ue nous venions d'applaudir et de nommer
notre membre correspondant.
Le Congrès de Rhodania de l'année précédente avait déjà
attiré notre attention.
C'est, en effet, en janvier 1927 que M. l'abbé J. Bayol
découvrit les peintures pariétales de la grotte, désignée
aujourd'hui par son nom, et la première jusqu'ici offrant
des dessins en couleur qui ait été découverte dans la vallée
(.lu Rhône.
Située à 95 m. au-dessus du niveau du Gardon, la grotte
Bayol dont la poche s'ouvre dans le calcaire barrêmien de
faciès urgonien, est un long couloir de 168 mètres, plus ou
moins étroit, divisé en trois salles de hauteur et de largeur
inégales, et dont le point terminus se trouve à cinquante-
cinq mètres de profondeur.
Scrupuleusement explorée par M. l'abbé J. Bayol, le
résultat de ses fouilles, le minutieux examen des ossements
découverts, a permis de jeconstituer avec exactitude les
sujets d'une faune toute cjuaternaire : panthère, bouquetin,
renne, et d'autres animaux indéterminés dont les peintures
pariétales, en noir et en rouge, reproduisent ça et là le
dessin. Et parmi ces peintures, le devant d'un mammouth,
une tête de cheval, un grand félin, un ours qui paraît être
l'ours blanc, un renne aux bois très développés, en disent
long sur les très lointaines métamorphoses de notre pays
d'Oc, de notre <( Midi », qui depuis...
Ajoutons-y ces mains humaines, de dix-sept centimètres
de long, une main d'enfant, peintes en rouge, en décalc[ue
ou par impression.
237
Et ce qui d'ailleurs confunie la très haute an(i(|uité de ces
peintures, c'est la concordance, l'harmonie complètes entre
les animaux réels reconstitués et leur représentation ])ar le
ou les artistes paléolithic[ues C|ui, là aussi, se sont servi de
la paroi rocheuse pour accuser le relief de leurs modèles.
L'étonnement des préhistoriens devant ces découvertes
et l'opinion de ceux de nos collègues qui avaient eu l'hon-
neur de visiter, sur son chantier, le chercheur patient et
obstiné, incitèrent notre Société d'Archéologie au désir
bien naturel de connaître de plus près ce remarquable
archéologue.
*I1 accepta notre invitation, simplement, modestement,
heureux de faire profiter des révélations de ses recherches et
de ses trouvailles scientifiques un public attentif que les mys-
tères des très vieux âges de notre humanité intéresse
toujours.
Et M. l'abbé Bayol nous a charmés.
M. l'abbé Bayol, curé de Collias (Gard)?
Vous nous direz, t|ue ce nom et ce titre n'ont pas fait
encore autant de bruit par le monde c{ue ceux de MM. Fra-
din, seigneurs de Glozel ? Qu'est-ce Cj[ue cela prouve? Que
le Gardon a le grand tort de ne pas couler aux pentes de
Vichy plutôt que sous le pont du Gard, et que Snobisme et
Science ont encore moins de points de contact que Science
et Religion ?
Collias? A quelque distance de la duché d'Uzès cette
paroisse au nom hellène possède quatre cents ouailles et un
pasteur.
Dans ce vénérable diocèse d'Uzès — qui d'ailleurs n'existe
plus — où le jeune Racine venu chez M. le chanoine son
oncle pour étudier la théologie, portait à ses amis de Paris
des témoignages plus certains d'admiration pour l'étude
des belles Languedociennes, le sol est riche des souvenirs
238
du Passé, et la pioche sur l'épaule, son ministère assuré,
J\I. le curé de Collias explore d'un cœur infatigable un vaste
domaine.
<( C'est un fossoyeur de l'Histoire! » a écrit de lui son
compatriote de Ximes Jean-Jacques Brousson, qui a si bien
historié Anatole France.
Quelle erreur! Mais le fossoyeur ensevelit et l'abbé Bayol
ressuscite.
Depuis plus de trente-cinq ans, ce bon nîmois retourne
les champs, court les combes, arpente les garrigues, inter-
roge les cailloux, que, toute sa vie, il a aimés, nous assure-
t-il — « Il faut bien aimer quelque chose! )> et il appelle
cela « une manie de vieux garçon ! »
Quarante grottes, les fondations d'un temple romain, des
centaines de trouvailles à peupler un musée — son pres-
bytère en déborde, et vous le visiteriez gratis pro Deo, (on
sait que ce n'est pas la coutume à Glozel !) voilà quel est
à ce jour le tableau de chasse de ce grand chasseur devant
l'Eternel.
Il est roi sur son territoire d'archéologue, comme le sage
Henri Fabre, de Sérignan, l'était pour l'entomologie, sur
toute l'étendue de son Harmas.
Peu à peu, sa renommée se propage. Il reçoit déjà des
visites et nous voyons un jour le bon évêque de Montpellier,
le grand cardinal de Cabrières lui-même, éclairer au seuil
de quelque grotte jusqu'alors insoupçonnée, du reflet de sa
pourpre, la soutane verdie de l'humble prêtre dont le casuel,
assurément, rie permet guère l'embauchage d'une main-
d'œuvre, au prix surtout où sont les terrassiers.
M. le curé de Collias opère donc lui-même, et sa joie est
grande quand il a exhumé quelque vestige éloquent des siè-
cles morts. Il a besoin de la faire partager à ceux qui sui-
vent avec reconnaissance ses rudes travaux.
239
(( Une nouvelle qui ^•ous fera plaisir — nous écri\ait.-il,
ces jours-ci, avant de partir à Paris où la Société de Préhis-
toire l'attendait pour une conférence — je viens de décou-
vrir deux nouvelles grottes absolument inconnues et qui
présentent à priori un intérêt certain! »
Nous estimons hautement cette caution.
Certes, notre Société s'honore en attachant sur la douil-
lette de ce sympathique et digne ecclésiastique sa Médaille
de vermeil, et nous évoquons en la lui décernant, la sévère
devise héraldic^ue de ces ducs d'Uzès, ses voisins, les plus
anciens ducs et pairs du royaume de France: Fcrro non
auro !
Par le fer, non par l'or ! car elle est aussi celle de M. l'abbé
J. Bayol, curé de Collias, qui travaille toujours avec le fer
de sa pioche et jamais avec l'or — papier, d'ailleurs — des
subventions officielles.
Mais tout peut venir! Et c'est la grâce que notre Société
lui souhaite de tout cœur !
NÉCROLOGIE
Paul SENES
Le 7 juillat est décédé, en son domicile de la rue Grignan 52,
notre regretté~collègue, j\I. Paul Sénés, avocat, ciui disparaît à l'âge
de soixante-deux ans, après une longue et douloureuse maladie.
Paul-André-ÎNIarie Sénés était né le 2 mars 1868 à ]\Iarseille, et
faisait partie de notre Société depuis le 11 mars 1920.
Son état de santé, très précaire, depuis la fin de la guerre —
il avait été mobilisé comme capitaine de l'Intendance — le tenait
éloigné de nos réunions, mais ses amis savaient combien il s'inté-
ressait aux choses de l'histoire, et surtout de l'armement et de
l'équipement de nos armées.
C'était, en effet, un collectionneur très averti et passionné des
choses militaires. Sa collection d'armes, x:ontenant des pièces uni-
ques, faisait l'admiration des connaisseurs, à cjui il savait en faire
avec autant de courtoisie que de science les honneurs.
Les obsèques de notre Collègue ont été célébrées le 9 juillet.
Notre Société adresse à sa sœur, MUe J. Sénés, ses respectueuses
condoléances. T de S
Le Chanoine PASCAL
L'n des plus anciens membres de la Société de Statistique,
]\Igr Pascal, est mort le 29 août 1929, victime d'un motoc3^cliste
qui, après l'avoir renversé, réussit a prendre la fuite et est demeuré
inconnu.
Né à Rognes le 13 janvier 1853, Adrien-]\Iarius Pascal fut amené
peu après a Aix par ses parents devenus concierges de l'hôtel de
Saporta. Admis à la maîtrise métropolitaine, il y sentit bientôt naî-
tre sa vocation sacerdotale qu'il manifestait dès lors en prononçant
des sermons de son crû dans l'escalier de l'hôtel de Saporta, dont
l'immense vaisseau donnait à sa voix d'enfant une ampleur qui le
ravissait.
Après de bonnes études classiques et théologiques faites au Petit
puis au Grand Séminaire d'Aix, il fut ordonné prêtre le 10 juin
1876 et sa carrière le conduisit successivement comme vicaire à
Maillane, puis à Saint-Julien d'Arles; comme curé à Venelles en
J885, à Cabriés en 1886, à Vitrolles en 1899; comme doyen à Pey-
rolles en 1907 et tout le monde s'accorde à reconnaître que dans
ces diverses paroisses il fit preuve des meilleures qualités et exerça
l'action la plus utile.
^lais l'âge obligea Mgr Pascal à solliciter des postes moins fati-
gants et il devint tour à tour aumônier de l'hôpital d'Aix, en 1919,
24'
chanoine prcbendé en 1921, enfin aumônier de l'asile de INlontpcrrin
en 1924.
Au cours de sa longue carrière, Mgr Pascal sut faire marcher de
front les obligations de son ministère et les recherches historiques et
héraldiques. A ces dernières on doit : les Congrégations romaines, les
Ordres chevaleresques^ VHisioire de la maison royale de Lîisignan,
le Vénérable Mgr Imbertj Don Bosco et ses œuvres^ la Monographie
de la -paroisse grecque catholique de Marseille et Vie de St Nicolas
de Myre, les Monographies de Cabriès et de Peyrolles, une étude sur
les fondateurs et bienfaiteurs de la Miséricorde d'Aix. Enfin il avait
réuni quantité de notes sur 1^ clergé d'Aix et de Marseille pendant
la Révolution.
Il serait inutile de vouloir donner ces publications comme des
ouvrages de première valeur; la critique n'en est point parfaite et
la documentation trop souvent insuffisante ou de seconde main.
iNIais il n'est que juste de reconnaître qu'on y trouve çà et là, des
faits inattendus et intéressants soit recueillis par l'auteur de la bou-
che de témoins oculaires, soit extraits des archives paroissiales peu
accessibles en général. Je dois à ces ouvrages, personnellement, la
connaissance de choses qui, après vérification, se sont trouvées
exactes.
Le titre de [Monseigneur que prenait le chanoine Pascal était
attaché à sa qualité de vicaire général d'Antioche. Membre de la
Société de Statistique, comme je l'ai déjà dit, Mgr Pascal était en
outre correspondant de V Académie de Marseille, associé régional
de V Académie d'Aix, membre honoraire du Conseil héraldique de
France, de l'Acadétnie pontificale Tibérine, de la Société royale de
géographie de Lisbonne, etc.
Aux décorations d'officier d'Académie, puis d'officier de l'Ins-
truction publique, Mgr Pascal joignait divers ordres étrangers, voire
exotiques, pour lesquels il avait un faible, dont nous ne croyons
faire ici la révélation à personne. Xe pouvant les exhiber sur son
habit de chœur, il avait eu l'idée de les épingler sur sa soutane et
de passer sur celle-ci, dans certaines circonstances, une aube historiée
dont les larges jours laissaient apercevoir crachats et rubans. Et
cela fit éclore en un de ces jours solennels cette amusante remar-
que d'un paysan de Peyrolles : <( Tè, noste curât, encuei, a mes
toutei sei cabucello ! »
Au demeurant et malgré ce petit travers, dont d'ailleurs il était
loin d'avoir le monopole, Mgr Pascal laisse le souvenir d'un
excellent prêtre, d'un excellent homme, et d'un travailleur infatiga-
ble et reste une figure sympathique du clergé d'Aix.
Maurice RAlMBAUI/l'.
CHRONIQUE ET MÉLANGES
La liberté des mers. — La Conférence Navale de Londres, ren-
dra d'actualité cette chanson Cju'en août 1S09, un pauvre aveugle,
H. Liotez, demeurant à Marseille, 18, tue Paty-Farinette, demain-
dait l'autorisation de chanter et de mettre en vente. Comme mani-
festation de l'esprit public, cette pièce, inédite, ne mancjue pas d'un
certain pic|uant.
La liberté des IMers ! Quelle devait être la pensée des ^larseil-
lais dont le port était dans le marasme que l'on sait, par suite du
blocus des côtes provençales par les escadres anglaises ?
Quelles touchantes illusions ! Et comme l'on comprend cjue le
morceau fut chanté par un aveugle ! — S.
DIALOGUE
entre l'Empereur Napoléon et le Roi d'' Angleterre
(Air du Dialogue: du Vin et de VEaii)
Napoléon
Napoléon
Puissant roi d'Angleterre,
Allons, décidez-vous ;
Il faut la paix sur terre,
Ou sinon, tapons-nous.
Espérez-vous nous mordre ?
Nous saurons y mettre ordre,
C'est clair comme le jour:
Allons, point d'arrogance,
A qui payera la danse,
La flûte et le tambour.
Le Roi d'Angleterre
Grand Empereur de France,
Avez-vous des vaisseaux ;
Sachez que ma puissance
Est forte sur les eaux.
J'ai des vaisseaux de guerre
Qui ne me coûtent guère.
Sur mer et dans mes ports,
S'il s'agit de combattre,
Nous ferons diable à cjuatre,
Pour défendre nos forts.
Cessez votre arrogance.
Je sais cjue sur les eaux
Vous avez de la France
En paix, pris les vaisseaux
Mais il faut me les rendre
Ou, j'irai les reprendre,
Redoutez cet instant,
Je vous ai fait connaître
Pour un voleur, un traître,
Vous n'êtes qu'un forban.
Le Roi d'Angleterre
Si je passe pour traître
Aux yeux de l'Univers,
Peu m'importe de l'être,
Je tiens toutes les mers.
Je crains peu vos amorces,
J'envahirai vos forces,
Mes marins sur les eaux
Ecumeront sans cesse
Les mers avec adresse
Pour avoir vos vaisseaux.
243
Napoléon
George?, point de colère,
Vdus faites le malin,
Je vais faire la guerre,
Nous jouerons au plus fin ;
Quand viendra l'abordage,
Vous verrez beau carnage :
Evitez ce malheur,
Je ne manque pas d'hommes;
Dans le siècle où nous sommes,
Cédez pour votre honneur.
Le Roi d'Angleterre
Je ne crains ni redoute
La valeur des Français,
Il faudra qu'il m'en coûte
Des bombes, des boulets ;
J'ai mes côtes garnies
De tant d'artilleries
De toutes les façons
Que les Français à Londre
Croyant venir m'y tondre,
Couleront tous à fond.
.\ Al'Ol.KON
Avant que d'entreprendre,
Georges, consultez-vous,
Chez vous. je vais descendre
Evitez mon' courroux.
Soyez plus politique
Ou le canon rustique
\'ous entendrez tonner.
Je veux avec ma troupe
Chez vous manger la soupe ;
Et puis vous détrôner.
Le Roi d'A.ngleterre
Vous voulez ma couronne
]Mais vous ne l'aurez pas ;
Ma marine est très bonne
Avec de bons soldats.
J'ai de fameux pilotes
Qui gouvernent mes fîottes
Nous ferons carrillon;
Roi des. mers je veux être
Et je commande en maître
Sur mon trône d'aplomb.
Napoléon
\'otre beau préambule
Ne peut me faire peur
Vous ferez la bascule
Sur ma foi d'Empereur;
J'entends que le commerce
Dans l'Europe s'exerce
Et par tout l'Univers
Je veux, par ma vaillance,
Rendre à chaque puissance
La liberté des mers.
Au DOSSIER DE « LA SARDINE ». — Lc 1 1 mai 1778, M. le cheva-
lier de Villages, commandant la corvette La Sardine, était en dis-
cussion avec le consul de La Canée au sujet d'un dédommagement
réclamé par le capitaine Aycard, de Six-Fours, pour déchargement
de marchandises.
(Voir aux Archives des Bouches-du-Rhône : Série C : 2644).
Nous ignorons toutefois si, à son retour des Echelles, la dite cor-
vette échoua à la chaîne de la Gargate, au point de « boucher le
port. » Soit joint au dossier de la fameuse Sardine, — N-
244
JosKPH Balsamo a Marseille (i 775-' 776)- — Les films historiques
ne pèchent pas, il faut le reconnaître, par une scrupuleuse exacti-
tude, et Ton peut dire que pour la plupart ils (c sabotent » l'His-
toire avec beaucoup plus de désinvolture que ne se le sont permis
cependant les romans non moins historiques.
Ainsi, pour n'en citer qu'un, le Collier de la Reine ! Le spec-
tateur moyen du Cinéma ne songe guère, pour modifier son jugement,
à se procurer l'excellent ouvrage de M. Funck-Brentano sur cette
retentissante affaire.
Un des héros ( !) de cette lamentable aventure, Joseph Balsamo,
le fameux « Comte de Cagliostro » ou encore (( le niarquis de
Pellegrini », fut quelc^ues semaines l'hôte » indésirable » de Mar-
seille. Du moins il n'apparaît pas qu'il y ait fait des dupes, pen-
dant son séjour de fin octobre 1775 au 28 février 1776. Il était des-
cendu chez un particulier. Les Echevins-lieutenants généraux de
police lui délivrèrent un passeport, à lui et à sa femme, pour Anti-
bes, car le couple devait se rendre à Rome, disait-il.
Au mois de juillet 1776, Joseph Balsamo était encore signalé aux
autorités marseillaises par ^I. de INIongelar, consul de France, à
Cadix.
En effet, n'étant muni d'autres papiers cjue d'une lettre de ser-
vice, chez le Roi de Prusse, datée de Rome, Balsamo (( d't Pele-
grini », son épouse (Lorenza Feliciani) et un jeune homme qui
passait pour le frère de celle-ci, étaient descendus à Cadix chez
une Française, aubergiste dans cette ville.
Or, ce jeune homme ayant forcé l'armoire des Balsamo, fut accusé
d'en avoir enlevé de l'argent et des bijoux, et s'étant sauvé fut pour-
suivi par Balsamo et le S'" Silvestre, négociant et consul de Prusse,
arrêté à deux lieues de Cadix, gardé vingt-c^uatre heures chez le
dit Silvestre et enfin remis à la justice.
Aussitôt le jeune homme d'accuser sa logeuse de l'avoir induit à
ce vol, laquelle se vit saisir ses meubles et conduire en prison.
Notre consul étant intervenu pour sa compatriote auprès du gou-
verneur de la ville, celui-ci prescrivit une visite domiciliaire chez
l'aubergiste, sa confrontation avec le jeune voleur, qui ne fit que
des réponses « captieuses et éloignées de toute vérité ». Rien n'avait
été trouvé à la charge de la logeuse, et cependant malgré une
intervention personnelle de S. A. R. le duc de Chartres, de passage
à Cadix, auprès du gouverneur, sur les instances du consul, les juges
ne se prononçaient pas. (Le duc de Chartres arrivait de Marseille,
où il était de passage les 21 et 22 avril avec la duchesse de Char-
tres. Il devait s'embarquer à Toulon pour une te campagne d'évolu-
tions )) tandis c^ue la princesse allait visiter Naples avant de rega-
gner Paris).
245
C'est alors que M. de Mongelar passa un office au gouverneur
avec prière d'arrêter Balsarno, et d'exiger de lui une caution au cas
où la justice reconnaîtrait l'innocence de l'aubergiste. Mais cet
(( office » ayant été gardé dix jours, « le dit Pelegrini » et sa femme
frétèrent le 20 juin une goélette anglaise, Le Succès, capitaine
Gabriel Carreras, qui faisait voile pour Gibraltar, et disparurent.
Notre consul écrivit au gouverneur de cette place, qui lui répon-
dit « que des gens sans passeports et point bien recommandes
n'étaient point admis à Gibraltar. »
C'est alors qu'ayant été averti que <( ces fripons » avaient dessein
de passer à Marseille, JNI. de ^longelar écrivit le 28 juin 1776 aux
Echevins pour les faire arrêter, afin d'en exiger les dédommage-
ments convenables pour la « pauvre française aubergiste ».
Les Echevins lui répondirent aussitôt que Balsamo n'était point à
Marseille et c^ue d'ailleurs ils ne pouvaient le faire arrêter que sur
un ordre de ;M. de Sartines.
Le signalement du couple mérite d'être rapporté :
(( Le nommé Joseph Balsamo se disant Marquis de Pelegrini, âgé
d'environ 48 à 50 ans, taille moyenne, assez gros et replet, visage
brun, barbe noire fort épaisse, les sourcils de même, portant le plus
souvent un uniforme prussien bleu et parements rouges.
« Il est avec une femme qu'il dit être la sienne, de taille au-dessus
de la moyenne, régulière, et mince, assez bien de visage qu'elle a
long et un peu affilé, fort blanche, presque toujours vêtue d'une robe
noire ; la tête ornée de plusieurs plumes et autres affiquets ».
Voilà quelques détails c[ui compléteraient peut-être avantageuse-
ment les renseignements biographiques de ce sinistre aventurier,
sans doute un agent secret de la Prusse, si nous nous rappelons les
réflexions à son sujet de M. d'Haugwitz, ancien ministre prussien,
c^ui laissait entendre assez clairement, c{ue Balsamo avait reçu d'une
société secrète la mission de supprimer Louis XVI, comme on devait
supprimer à Stockholm le roi de Suède, Gustave III, en mars 1791,
au so.lir d'un bal de la Cour. Et cependant, le buste du (( Comte
de Cagliostro » et celui du bailli de Sufïren ont de bons rapports de
voisinage au Musée d'Aix. Il est vrai que tous deux sont de Hou-
don, et c'est la seule excuse de ce rapprochement, car leur gloire
est assez différente. — Jean de Servièrks.
Un écho Df. la Grande Pf.ur (1789). — (( Dans l'affreux désarroi
qui suit la prise de la Bastille et que l'on appelle la Grande Peur,
il y a eu très vite une simultanéité et une identité des alarmes, des
246
paniques et des actions qui ne peuvent s'expliquer que par cette
organisation centrale de l'esprit public
a Brusquement donc, vers le 25 juillet, une nouvelle tuse de tous
côtés en Normandie, en Dauphiné, en Alsace, ea Auvergne, partout:
des brigands armés arrivent, pillant tout, incendiant les maisons,
brûlant les blés en vert. On les a vus, leurs rassemblements sont
proches des nuages de poussière les annoncent. Le tocsm sonne.
Des courriers partent au galop alerter les villages voisins. Les
hameaux isolés se vident. Les femmes et les enfants s'enfuient. Les
hommes s'arment en hâte. Les commandants militairs leur livrent
des fusils par dizaines de mille, des munitions, des éciuipements, des
canons même. Malheur à celui ciui refuserait!
« Après quelques nuits de garde et de patrouilles, on s'aperçoit
que la plaine est déserte et la route sans écho.
(( JNIais la Révolution est armée. »
(Pierre Gaxotte .• La Révolution irançaise).
Or, en Ce temps-là, le 30 juillet, M. Salamon « vice-sénéchal, chef
du Comité permanent de ce jourd'hui », écrivait de î^Iontélimar à
la municipalité de Marseille : « L'alarme que nous venons d'essuyer
a cessé entièrement: elle avait été causée par le faux bruit de l'in-
vasion de dix mille Savoyards qui s'avançaient vers nous; dans la
crainte ciue cette nouvelle ne soit parvenue jusqu'à vous. Messieurs,
je m'empresse de vous écrire cjUc ce n'était c^u'une fausse alerte :
nous avons dressé procès-verbal de ce qui s'est passé ici à cette occa-
sion : on le transcrit : j'aurai l'honneur de vous l'envoyer par le
courrier de demain. Vous y verrez peut-être une trop grande faci-
lité à s'alarmer; mais c'est un témoignage bien précieux de la par-
faite harmonie qui règne dans nos contrées: cet événement tient du
prodige: en moins de douze heures nous avons eu plus de. trente
mille hommes de braves citoyens armés venus à notre citadelle ou
sous nos remparts, et si nous avions accepté toutes les offres qui
nous ont été faites par les villes voisines, en vingt-quatre heures
cincj[uante mille hommes de milice bourgeoise s'unissaient à nous
pour la défense commune.
(( Je suis avec respect. Messieurs, votre très humble et très
obéissant serviteur ».
Les documents sur la Grande Périr ne sont pas abondants. Celui-
ci n'apporte-t-il pas un singulier témoignage à la citation de
l'historien ? — S.
SociÉlÉ de StatisiiQue d'Hisioire et d'Archéologie
de Marseille et de Provence
Fondée en 1827 — Reconnue d'utilité publique en 1831
Siège social : 63, Boulevard Longchamp.
Secrétariat général : Archives de la Chambre de Commerce,
Palais de la Bourse, Marseille.
^
IN MEMORIAM
1920 - 1929
1920. — Marquis de Clapiers-Collonguc. — P. Fournier.
192 1. — /'. Magnan.
1922. — A. Ritt. — F. Malaret. — G. de Courville. —
J.-B. Astier. — Paul Paret.
1924 — Le baron S. du Roure. — D"" A. Guébhard. —
Marius Richard.
1925. — R. Laiirent-Vibert.
1926 — A. Duboul. — ■ P. de Roux. — Joseph Laurent.
1927. — ■ E. Troump. — P. Billon. — ■ S. Gaymard. — !M. de
Campou, marquis de Grimaldi-Régusse.
1928. — î'. Faure. — F. de ^Nlarin de Carranrais.
1929. — . Colonel J. Maurel. — F. Gendrier. — ■ M. Danon.
Chanoine A. Pascal. — G. Usslaub . P. Senc?.
(I.es noms en ii.i/iijue sont des Membres bienfaiteurs on pcrpcluels)
Conseil d'Administration pour 1930
Président
Vice-Présidents
Secrétaire-Général
Secrétaires
Trésorier . .
Trésorier-Adjoint
Bibliothécaire-Archiviste.
Conserv.des Collections
Conseillers permanents
(art. 4 des statuts)
Conseillers
.MM. Charles I.atunk.
D"' Marc ROMIEU; Pierre Bertas.
Jean de ServiÈRES.
AlbeTt DANIEL; Xavier :\foRKTil.
Auguste Rampal.
Fortuné Tressens.
D"- Louis Malzac.
Marc Dubois.
Joseph Fournier; Cte Henri di
GÉRIN-RIC.ARD.
M'"^' Paul Paret/ MM. Emile Is.narD;
Paul Lagier; Jacques Neyron
DE SAi.vr-jLTLiEN ; Gaston Ram-
nERT; Jean Reynaud.
248
Liste des Memtres de la Société
arrêtée au 13 Mars 1930
MEMBRES D'HONNEUR : 7
M le Préfet du département des Bouches-du-Rhône.
î\r. le Président du Conseil Général des Bouches-du-Rhône.
j\r. le Maire de Marseille.
M. le Recteur de l'Académie d'Aix.
M le Président de la Chambre de Commerce de Marseille.
M. JrLLiAN (Camille), C. *, i^ L, membre de l'Académie Françai.î
et de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur
au Collège de France, 30, rue Guynemer, Paris (VP) (12 fév. 1920).
S. A. R. Mgr le Duc de VENDOME, *, Château Saint-Michel, Cannes
(A.-M.), et 24, rue Borghèse, Neuilly (Seine) (7 avril 1927).
MEMBRES HONORAIRES : 2
(Cette catégorie ne se recrute plus)
MM.
Clerc (Michel), *, ^ I., correspondant de l'Institut, doyen honoraire
de la Faculté des Lettres d'Aix, conservateur du Musée d'Archéo-
logie de Marseille, membre de l'Académie de Marseille, plâ c
d'Albertas, Aix-en-Provence (11 mars 1920).
Perrier (Baron Emile), C. *, O. *, *, *, *, ancien président de
la Société, Villa du Bocage, Mazargues, Marseille (26 avril 1899).
' La date entre parenthèses indique celle de la réception. — L'as-
térisque * placée devant les noms, ceux des membres de la Société
d'Archéologie de Provence^ réunis à la Société de Statistique de
Marseille^ à la date du i®'" janvier 1922.
Signes abréviatifs : * Légion d'honneur. — S Médaille Militaire.—
i Croix de Guerre. — 1^ I. Officier de l'Instruction Publique. —
^i A. Officier d'Académie. — ® Mérite Agricole. — * Décoration
étrangère.
«49
MEMBRES BIENFAITEURS : lo
(Sont inscrits dans cette catégorie les membres qui ont fait à la
Société une libéralité d'au moins Mille francs).
]M"i* Maurice de Barbarix, née Paquet, 39, cours Pierre-Pugct, Mar-
seille (17 juin 1926).
]\£me Victor Faure, née Fleury, 70, avenue du Prado, Marseille
(26 avril 192S).
M"'® Nicolas Paquet, née de Lombardon-Montczan, 39, cours Pierrc-
Puget, Marseille (14 novembre 1929).
j^jrae Paul Paret, néc Arène, 23, boulevard Vauban, Marseille
(il janvier 1923).
M. Frédéric Gaymard, 7, rue Fargès, Marseille (26 avril 1928).
'M. Ferdinand DE Greling, traverse Desautel, à Sainte-Marguerite,
Marseille (14 janvier 1926).
M. Emmanuel Jeanbernat Barthélémy" de Ferrari-Doria, avocat,
docteur en droit, villa Doria, 195, boulevard Chave, Marseille.
(13 novembre 1924).
■\ M. Joseph Laurent, licencié ès-Sciences, Marseille. (Délibération
du 12 janvier 1928. Décédé à Marseille le 27 octobre 1926.
* 7 M. François Magnan, ancien Président de la Société Archéologi-
que de Provence. Décédé à ]\Iar5eille le 24 août 1921. (Délibéra-
tion du 3 février 1928).
M. Auguste Rampal, avocat, docteur en droit. Membre et Trésorier
de l'Académie de Marseille, 72, boulevard Longchamp, Marseille.
(21 juillet 1924).
MEMBRES PERPETUELS : 23
(Catégorie des membre? ayant acquitté par un versement unique,
quinze fois la cotisation annuelle, soit 375 francs).
AlCARD (Albert), *, O. *, avocat, ancien bâtonnier, 4, rue des Mar-
ronniers, Paris (XVP) (13 novembre 1924).
Artaud (Adrien), O. *, ancien député, président honoraire de la
Chambre de Commerce, président de l'Institut Colonial de Mar-
seille, membre de l'Acadcmic de ^Marseille, 56, rue. Paradis, Mar-
seille (10 janvier 1900).
DE Blégiers (comte Jules), O. ©, O. *, Assurances maritimes, 16, rue
Pavillon, [Marseille (10 avril 1924).
Boucherie de Lamothe (Auguste), *, i'^ A., chef d'escadron d'artil-
lerie coloniale, en retraite, ^t,^ boulevard Pcrrier, Marseille
(12 mai 192 1).
Brexier (Georges), *, armateur et négociant, président de la Cham-
bre de Commerce, 410, rue Paradis, Marseille (7 avril 1927).
Chaubet (Jaccjues), industriel, licencié en droit, 60, rue de Tocque-
ville, Paris (13 mars 1924).
250
ESTRINE (Lucien), C. *, §^ L, président honoraire de la Chambre
de Commerce et de la Société de Géographie de Marseille, 427, rtre
Paradis, Marseille (15 janvier 1920).
-;- Faure (Victor), i^ L, architecte, 70, avenue du Prado, Marseille
(18 décembre 1919). Mort le 1" avril 1928.
FOL-RNIER (Joseph), *, iS I., C. *, O. *, membre non résidant du
Comité des Travaux Historiques, secrétaire-adjoint de l'Académie
de Marseille, archiviste honoraire des Bouches-du-Rhône, archi-
viste-bibliothécaire de la Chambre de Commerce de Marselle,
100, boulevard Longchamp, ^^larseille. Ancien président de la
Société (15 décembre 1899).
Y Gavmard (Sylvain), négociant à Marseille (19 mars 1925). Mort le
14 juillet 1927.
GiRAUD (Hubert), O. *, ï* A., *, président du Conseil d'Administra-
tion de la Société Générale de Transports Maritimes à vapeur,
président honoraire de la Chambre de Commerce de Marseille,
ancien député, 24, cours Pierre-Puget, Marseille, et 242, boulevard
Saint-Germain, Paris (VIP) (18 décembre 1924).
GuÉXlX (Georges), i, I? A., directeur central du Crédit Commer-
cial de France j 20, rue Lafayette, Paris (17 juin 1926).
GuÉRl.N DE Moxtgareuil-Valmale (Charles), O. *, ¥, *, ?l L,
C. ■!•, "i", 'î', *, "ï", docteur en médecine, professeur agrégé à l'Ecole
de ^lédecine, 63, rue Paradis, ^larseille (23 novembre 1922).
7 Lavrent-Vibert (Robert), *, i, professeur agrégé de l'Université,
industriel, Lyon et Lourmarin (13 novembre 1924). INIort le
27 avril 1925.
Lugagne (Gabriel), *, entrepreneur de travaux publics, juge au Tri-
bunal de Commerce, 9, rue Dumont-d'Urville, Marseille (12 février
1925).
7 Paret (Paul), ingénieur, ^Marseille (10 février 192 1). Mort le
12 décembre 1923).
Philipon (Antoine), notaire, 24. cours Pierre-Puget, ^Marseille
(14 mai 1925).
Rastoin (Emile), O. *, industriel, i^résident honoraire de la Cham-
bre de Commerce, ancien adjoint au Maire, 15, place Alexandre-
Labadié, Marseille (23 octobre 1924).
Revxaud (Joseph-A.), agent de la Compagnie des Forges et Aciéries
de la :\Iarine, 135, boulevard Baille, Marseille (12 juin 1924).
Saglietto (abbé Victor), curé de Signes (Var) (13 décembre 1928).
DE Suffrex (marquis Fernand), *, ?, 23, rue Louis-Astruc, [Marseille
(12 décembre 1929).
* Varai.di (René), ingénieur-chimiste, industriel, Cannes-La Bocca,
Alpes-Maritimes (i'^'- janvier 1922).
Zaeiropulo (Polybe), ingénieur, 13, rue Edouard-Delanglade, ll^x-
seille (10 juillet 1919).
351
MEMBRES TITULAIRES : 251
Mesdames
AUSSEXÂC (Henri), nce Arimondo, 50, rue Dragon, Marseille (13 fé-
vrier 1930).
AviÉRLNOS (Denis), noe Méténier, 30, rue Sénac, Marseille (11 février
1926).
BORTOLI (Charles), née Bérenger, 427, rue Paradis, Marseille (14 jan-
vier 1926).
CÉRATI (Alex.), née Genin, ^ A., institutrice honoraire, i, avenue
du Palais de Justice, Ajaccio (Corse) (23 octobre 1924).
DE Clapiers-Colloxgue (marciuise), née de Brossin de Mérc, 16 ffis^
avenue Bosquet, Paris (VIP) et château de Riforan, à Entre :a5-
teaux (Var) (10 mars 192 1).
Davix (Edouard), née Bagnis, S, rue Moustier, Marseille (28 octo-
bre 1926).
FOLTlXIER (Elie), née Pradel, 23, rue Daumicr, Marseille (15 février
1923)-
Gautier (Albert), née Gondran, présidente de la Société Art et CJui-
ritc, 40, quai du Port, Marseille (12 février 1920).
DE GÉRIX-RICARD (comtesse Henri), née de Cormis, 33, rue Wulfran-
Puget, Marseille (10 janvier 1929).
GiRAUD (Louis), née Chaise, villa Oddo, boulevard Oddo, Marseille
(12 décembre 1929).
Lecoq (Claude), conservateur-bibliothécaire du château de Lourma-
rin, à Lourmarin (Vaucluse) (14 novembre 1929).
Lugagxe (Gabriel), née Dubois, 9, rue Dumont-d'Urville, Marseille
(i^"" janvier 1922).
Tassv (Charles), née de Barbarin, 99, avenue du Prado, Marseille
(10 février 1927).
Verxe (Marguerite), 9, Port du Bief, Givors (Rhône) (13 février 1930).
Mesdemoiselles
Albert (Blanche), i, rue Colbert, ^Marseille (11 mars 1926).
DURAXD (Alexandrine), institutrice, 62, boulevard ^Méreni.ié, Mar-
seille (14 avril 1921).
M.M.
L'Abbave-Evmeric (Alfred de), *, *, antiquaire, expert près Ips Tri-
bunaux, 18, • boulevard Longchamp, Marseille (27 avril 1922)
Abeille (Henri), artiste peintre, 2)7) cours Lieutaud, Marseille
(15 avril 1926).
253
Anastav (J.-Paul), ingcnieur-chimiste, conservateur du Musée riii-
lippc de Girard, à Lourmarin (Vaucluse) et 4, rue Cliarras, ^lar-
seille (12 juin 1924).
Ancey (Emmanuel), *, directeur-adjoint du Sémaphore de Marseille,
président de la Société d'Etudes Economiques, 83, La Canebière,
Marseille (28 avril 19 19).
Ansai.di (Victor), antiquaire, 11, place Saint-Ferréol, Marseille
(9 décembre 1926).
Antarieu (François), ^'ï, A., professeur agrégé au Lycée de .Mar-
seille, 149, cours Lieutaud, Marseille (22 octobre 1925).
Armeni (Pietro), numismate, 35, rue de la Guadeloupe, Marseille
(27 .octobre 1927).
Arnaud d'Acnel (abbé Gustave), *, 1^ L, docteur en théologie et
en philosophie, correspondant du Ministère de l'Instruction Publi-
que, chanoine honoraire, aumônier des Lycées de Marseille,
10, rue Edmond-Rostand, Marseille (12 avril 1901).
ASSOUAD (Gustave), numismate, 88, rue Saint-Jacques, Marseille
(25 novembre 1920).
AUDIBERT (Jean), assureur, 30S, rue Paradis, [Marseille (27 janvier
1921).
AUSSEXAC (Henri), docteur en médecine, 50, rue Dragon, 3ilarseille
(13 février 1930).
AVIÉRINOS (Fernand-Georges), ¥, docteur en médecine, chef de cli-
nique à l'Ecole de [Médecine, 30, rue Sénac, IMarseille (19 novem-
bre 1925).
Barbarix (Henri de), *, ?^, assureur, 54, rue Paradis, [Marseille
(14 mai 1925).
Barbarix (Joseph de), avocat, 83, rue Sylvabelle, Marseille {2-] mai
1920).
Barbarix (Landry de), 39, cours Pierrc-Puget, [Marseille (9 décem-
bre 1926).
Barbot (Marcel), *, docteur en médecine, 168, boulevard Baille,
[Marseille (25 novembre 1926).
* Barlaïier (Paul), *, *, *, homme de lettres, directeur du Séma-
phore, membre de l'Académie de [Marseille, 19, rue Venture,
[Marseille (i^"" janvier 1922).
Barruol (Jean), homme de lettres, Apt (Vaucluse) (10 janvier 1929).
Barthelet (Gaston), administrateur-délégué de la Cartonnerie et
Imprimerie Saint-Charles, 31, rue de l'Arbre, Marseille- (17 juin
1926).
Basset (Paul), président du Syndicat de la mercerie en gros, rue de
la Providence, 15, [Marseille (19 avril 1923).
Bavol (P.-E.), ^^ L, percepteur en retraite, [Montfort-sur-Argens
(Var) (14 juin 192S).
253
BecH (Albert), ancien agent de change, 24, boulevard Dugommiur
Marseille (13 mars 1930).
Bellev (Jean), *, ?, docteur en médecine, villa La Colinettc, place
Oddo, Marseille (12 décembre 1929).
Beltrami (Géo), ^ A., docteur en médecine, chirurgien-dentiste,
professeur à l'Ecole de Médecine, 58, rue Saint-Ferrrol. Marseille
19 janvier 1922).
Benoît (Ernest), directeur général de la Société Granoux et Cie,
366, rue Paradis, Marseille (10 novembre 1927).
Benoit (Léon), quartier de Saint-Roch, à Roquevaire (Bouches du-
Rhône) (17. novembre 192 1).
BÉRENGER (Félix-Auguste), avocat, 19, rue de la Republique, Mar-
seille (15 février 1923).
Bergasse (Alexandre), juge au Tribunal de Commerce, 13, rue
Haxo, Marseille (27 octobre 1927).
Bergasse (Louis), 1^ I., docteur en droit, secrétaire général de la
Chambre de Commerce de Marseille, 62, cours Pierre-Puget,
Marseille (12 février 1920). Ancien président de la Socic-té.
Bergman (Roger), consul de Finlande, négociant, 89, rue de la Répu-
blicjue, Marseille (10 janvier 1929).
* Berniolle (Jean-Baptiste), ^?= L, professeur honoraire de l'L'ni-
versité, 50, quai Saint-Pierre, Arles (i*''" janvier 1922).
Bertas (Pierre), homme de lettres, 34, rue Thomas, Marseille
(22 avril 1920).
Bertrand (Mar^o), ^J L, archiviste-bibliothécaire de la ville de Can-
nes, 17, boulevard Ferrage, Cannes (A.-^L) (27 octobre 1927).
DE Bezaure (comte Paul), *, 5J^ A., O. *, *, *, *, ancien diplo-
mate, 406, rue Paradis, Marseille (17 juin 1926).
Blain (Louis), ?, C. "ï", industriel, 16S, boulevard Chave, Marseille
(9 juin 1927).
Blanc (abbé Hilaire), recteur du Canet, Marseille (14 avril 192 1).
DE Blégier de Pierregrosse (comte Louis),*, *, *, *, *. villa Font-
froide, à Sainte-Marguerite, Marseille (9 juin 1921).
BOELL (Louis-Léon), ?^ L, inspecteur départemental de l'Enseigne-
ment Technique, 62, rue Grignan, Marseille (13 mars 1930).
BONNASSE (Joseph), *, banquier, château de la Rouvière, au Cabot,
Marseille (12 février 1920).
BONNEL (Charles), directeur de la Société Immobilière Marseillaise,
65, rue Breteuil, Marseille (19 novembre 1924).
Bonnet (Victor), docteur en médecine, 3, rue Aldebert, Marseille
(19 nov-embre 1925).
Boude (Antoine), industriel, membre-trésorier de la Chambre de
Commerce de :N[arseille, 104, rue Paradis, Marseille (18 décem-
bre 1924).
a54
DE BouiLLANXE (Marcel), constructeur de ciment armé, 349, rue
Paradis, Marseille (22 octobre 1925).
BoriSSON (l'abbé Emile), curé des Routes, à Toulon (9 janvier 1930).
Bourde (Yves), *, docteur en médecine, 27, rue de la Palud, Uar-
seille (11 février 1926).
BOURRIAN (Jacques), O. *, chef de division à la Préfecture, 28, bou-
levard Chave, Marseille (27 octobre 1927).
Brenier (Henri), O. *, C. *, directeur général des services de la
Chambre de Commerce de Marseille, membre de l'Académie de
Marseille, villa Les Papillons, 136, chemin du Roucas-Blanc, Mar-
seille (19 mars 1925).
Bromberger (André), ^^ A., homme de ettres, rédacteur au Petit
Marseillais, 15, quai du Canal, Marseille (10 juillet 1919).
DE Brun (Pierre), conservateur du Musée des Alpilles, Saint-Rémy-
de-Provence (B.-du-Rh.) (10 novembre 1927).
* Buix (Désiré), *, i, docteur en médecine, médecin-dentiste,
22, cours Lieutaud, ^Marseille (i*^"" janvier 1922).
* Cachard (Ludovic), propriétaire à la Cadière (Var) (i^"" janvier
1922).
* Cadet de Foxtenay, contrôleur des douanes en retraite, villa Ber-
tha, Les Trois-Lucs (i^"" janvier 1922).
Cahier (Jules), directeur honoraire, conseil de la Compagnie des
Docks et Entrepôts, 14, rue Edmond-Rostand, Marseille (13 no-
vembre 1924).
Cahier (Robert), courtier, 45, rue Scnac, :Mar5eille (13 novembre
1924).
Camau (Emile), *, i, 1^ A., président de la Compagnie des cour-
tiers assermentés près le Tribunal de Commerce, membre du
Conseil des Directeurs de la Caisse d'Epargne des Bouches-du-
Rhône, 39, boulevard Notre-Dame, Marseille (9 juin 192 1).
Cassax (Paul), ^ I., notaire honoraire, 61, boulevard Xotre-Dame,
Marseille (12 février 1920).
Cassoute (Paul), négociant, ancien juge au Tribunal de Commerce,
16, rue de l'Arbre, Marseille (13 mars 1930).
Chantreau (Paul), §, m A., à Rognac (Bouches-du-Rhône (i^'' jan-
vier 1922).
CHarras, membre de l'Académie du Var, pharmacien, à Saint-Cyr
(Var) iyr janvier 1922).
DE CHOMEL (Félix), industriel, m£mbre de la Chambre de Commerce,
cours Joseph-Thierry, 19, INIarseille (9 février 1928).
Club Alpin (Section de Provence), 55, rue Paradis, Marseille
(14 mars 1929).
«55
DU Colombier (Jean), ^''f^, î, "î", directeur-adjoint du Crédit Commcr'
cial de France^ 22, boulevard de Roux, Marseille (28 octobre
1926).
CONDRILLIER (Gaston), 2, avenue des Italiens, La Ciotat (Bouchcs-
du-Rhône) (22 mars 1923).
CORRÉARD (abbé Louis), "î", curc-archiprêtre de Suze-la-Roussc
(Drôme) (23 octobre 1924).
Cotte (Charles), notaire, secrétaire général de Rhodanidj place des
Prêcheurs, 34, Aix-en-Provence (1" janvier 1922).
COURLET (Jean), 107, boulevard Longchamp, ^larseille (15 janvier
1920).
Couve (Edmond), conseiller à la Cour d'Appel d'Aix, 70, boulevard
Notre-Dame, Marseille (19 novembre 1925).
CROUZET (Gaston), docteur en médecine, 6r, cours Devilliers, Mar-
seille (8 mars 1928).
Daniel (Albert), licencié en droit, 120, boulevard Chave, Marseille
(14 juin 1928).
Daniel (Gaston), i, docteur en médecine, chirurgien, lauréat de
l'Académie de Médecine, 43, boulevard Dugommier^ Marseille
(14 juin 1928).
David (Edgard), O. *, négociant, président honoraire de la Cham-
bre de Commerce, 2, place Sadi-Carnot, Marseille (9 juin 1927).
Davin (Edouard), industriel, 8, rue Moustier, Marseille (22 octobre
1925).
DÉMARQUET (Maurice), ingénieur civil des ^lineS, directeur de l'usine
de Saint-Gobain, à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) (11 mars
1926).
Denizet (Jean), S, ?, archiviste paléographe, ancien membre de
l'Ecole Française de Rome, directeur des Codes Lugagne^ 22, rue
Pasquier, Paris (VHP) (18 décembre 1919).
Denizot (Gaston), docteur ès-sciences, préparateur à la Faculté des
Sciences, place Victor-Hugo, Marseille (13 février 1930).
Desbief (Eugène), industriel, 393, rue Paradis, Marseille (12 février
1920).
Deschamps (Pierre), O. *, §^ L, directeur de l'Ecole Primaire Supé-
rieure Victor-Hugo, boulevard Gustave-Desplaces, Marseille
(10 février 1927).
Deville de r^LARlGNV (Bernard), 24, rue Lafon, Marseille (14 janvier
1926).
* Dubois (^larc), ^^ L, 9, rue Dumont-d'Urvillc, Marseille (i,^"" jan-
vier 1922).
Dubois (Marius), O. *, ancien secrétaire général de la Mairie de
Marseille, président du Comité du Vieux-Marseille, 28, boulc-
var Paul-Peytral, Marseille (8 mai mai 1924).
256
* Duce (Félix), i, place Bcinex, Marseille (i^'' janvier 1922).
DUFAY (Henri), O. *, négociant, ancien vice-président de la Cham-
bre de Commerce, 31, rue Saint-Jacques, Marseille (12 janvier
1928).
DUFOUR (Georges), professeur, 3, boulevard Amédée-Autran, Mar-
seille (10 janvier 1929).
DUPLANTÉ (Bernard), avocat, 15, rue Armény, Marseille (13 mars
1930)-
DVRAND (Bruno), archiviste-paléographe, archiviste du V« arrondis-
sement maritime, i, rue Peiresc, Toulon (10 mars 192 1).
Elliex (Louis), 72, rue Edmond-Rostand, Marseille (15 janvier 1925).
En'JOUBERT (Hilaire), notaire, Pertuis (Vaucluse) (17 juin 1926).
ESTRANGIX (Etienne), *, ?, ^^ A., licencié es Itetres, secrétaire géné-
ral de l'Union des Syndicats agricoles des Alpes et de Provence,
54. boulevard Notre-Dame, ]\Iarseille (19 janvier 1922).
EvRlÈs (Eugène), docteur en médecine, 2, rue Adolphe-Thiers, Mar-
seille (12 juin 1924).
Eyssautier (chanoine Georges), recteur de Saint-Charles, chanoine
honoraire, 17, rue Breteuil, ^Marseille (13 juin 1929).
Farxarier (Fernand), ?, docteur en médecine, licencié es sciences,
16, cours Pierre-Puget, Marseille (i'^'" janvir 1922).
Faure (Frédéric), Transactions Immobilières, 70, avenue du Prado,
^larseille (14 juin 1928).
Faure (Germain), i, architecte diplôme, 70, avenue du Prado,
Marseille (14 juin 1928).
Faure-Durif (Victor), arbitre de commerce, villa l'Oasis, Sainte-
Marguerite, Marseille (13 novembre 1924).
Félix-Dalazil (André), félibre,63, cours Lieutaud, Marseille (12 jan-
vier 1928).
Fexouillet (Georges), i^ i.^ Q. *, conseiller de Préfecture, 14, bou-
levard Benedetti (Corniche), Marseille (27 octobre 1927).
Fleurv (Jean), négociant, 33, rue Fargès, Marseille (19 mais 1925').
DE Foxscolombe-La INIole (baron Emmanuel), *, ?, La Sauvagère,"à
Sainte-Marguerite, Marseille (26 avril 1928).
Fontanarava (Isidore), directeur de l'usine Pavin de La Fa/gc, à
Valdonne, par Peypin (i^r janvier 1922).
FOXTAXIER (Lucien), archiviste et fondateur du Musée des Pénitents,
42, rue de la Loubière, Marseille (14 avril 192 1).
DE FORESïA (marquis Henri), chAteau des Tours, La Viste, Mar-
seille (14 mars 1929).
FouRMER (Elie), avocat, 23, rue Daumier, ^larseille (11 mars 1920).
Frevdier (Emile), i^ a., 6, rue Marius-Jauffrct, ^larseille (23 octo-
bre 1924),
257
Gastinel (André), ii, boulevard Boisson, Marseille (19 avril 1923).
GaULOFRé (Fernand), propriétaire, 168, rue Consolât, Marseille
(i*"" janvier 1922).
Gautier (Raymond), *, i^ A., ©, C. *, *, diplômû de l'Ecole des
Hautes Etudes et de l'Ecole des Langues Orientales, contrôleur
civil en retarite, maire de Peypin-d'Aigues (13 mars 1930).
Gknot (Eugène), *, î, directeur de la Commerciale des Vins,
};^j, boulevard Longchamp, Marseille (13 novembre 1924).
DE GÉRIN-RICARD (comte Henry), ^ I., *, membre des Académies
de Marseille, d'Aix et de Vaucluse, membre non résidant du
Comité des Travaux historiques, conservateur adjoint du Musée
d'Archéologie de Marseille, 33, rue Wulfran-Puget, Marseille
(18 janvier 1899). Ancien président de la Société.
GiBERï (Jean-Amédée), *, artiste peintre, Grand Prix de Rome,
conservateur des ^Musées, des Beaux- Arts et Grobct-Labadié, A'illa
les Aliziers, Le Cabot, Marseille (12 janvier 1928).
GODWix (Franck), professeur, villa Favorite, traverse Ténériffe, h
r^Iourepiane, ^Marseille (i'"'' janvier 1922).
GONZALÈS (Paul), *, P, sculpteur, rue Brcteuil, 121, Marseille (12 jan-
vier 1928).
Gravier (Jules), *, négociant, yS, rue Saint-Jacques, Marseille
(15 février 1923).
Gros (Etienne), U A., professeur à l' Université d'Aix-Marseille,
35, rue de Turenne, Marseille (12 février 1920).
GUASTALLA (René), $, professeur agrégé au Lycée de Marseille,
3, rue du Lycée-Périer, Marseille (11 février 1926).
GUEVRAUD (Joseph), industriel, 30, boulevard Dugommier, Marseille
(10 mars 1927).
Guigou-Blancard (Robert), S, î, 6, rue Joseph-Autran, Marseille
(28 avril 19 19).
Guiol (Fernand), industriel, 98, rue Sylvabelle, ^larseille (10 avril
1924).
Hen'rv (Marcel), notaire honoraire. Ile de Port-Cros (Var) (19 no-
vembre 1925).
Heyraud (Charles), homme de lettres, membre de l'Académie de
:NL'irseille, 295, rue Paradis, Marseille (8 mai 1924).
Hubert (Maurice), ingénieur E.C.P., vice-président de la Chambre
de Commerce de Marseille, 220, avenue du Prado, ^^ar?el]lc
(23 octobre 1924).
258
ISXARD (Emile), '& A., archiviste-paléographe, archiviste de la ville
de Marseille, correspondant du Ministère de l'Instruction publi-
que, 393, rue Paradis, Marseille (28 avril 1919).
JAUFFRET (Wulfran), *, avocat, ancien bâtonnier, membre de l'Aca-
démie de Marseille, 80, rue Paradis, Marseille (9 décembre 1926).
JOANXON (Paul), président de la Société- Archéologique d'Aix-en-
Provence, 40, rue Daumier, Marseille (22 mars 1923).
DE JOLY (Robert-Jacques), ingénieur, Uchaud (Gard). Lauréat de
la Société : Médaille Joseph-Laurent (9 décembre 1926).
JOUVIN (Maurice), industriel, 99, boulevard Baille, jN^arseille (19 mars
1925).
Labarre (Pierre), ingénieur des Arts et ^Manufactures, 11 bis, bou-
levard Garibaldi, Marseille (25 novembre 1920). Ancien président
de la Société.
Labroquère (Roger), ingénieur, directeur de la Société Marseillaise
de Sulfure de Carbone, villa des Marronniers, boulevard Banon,
aux Chartreux, ÎMarseille (12 mai 192 1).
Lagier (Paul), C. *, 5, "i", *, capitaine de vaisseau en retraite,
ancien commandant de la Marine à Marseille, 60, rue d'Endoume,
Marseille (27 octobre 1927).
Lapierre (William), ingénieur A. et M. Expertises et Assurances,
II, boulevard Gustave-Ganay, Marseille (13 mars 1930).
Latil (J.-Paul), *, C. "ï", négociant, juge au Tribunal de Commerce,
35, rue de Forbin, [Marseille (8 décembre 1927).
Latreille (André), professeur agrégé au Lycée Ampère, à Lyon,
(27 janvier 1927).
Latuxe (Charles), ^ L, avocat, 43, rue ?iIontgrand, Marseille (24 juin
1920). Président de la Société.
Laurent (Louis), Il L, docteur es sciences, maître de conférences-
adjoint à la Faculté des Sciences, conservateur au Muséum d'His-
toine naturelle, membre de l'Académie de Marseille, 20, rue des
Abeilles, Marseille (11 mars 1920).
Levet (Marius), sous-directeur de la Société Générale des Tuileries
de Marseille et Cie, 26, boulevard Paul, la Blancarde, Marseille
(8 décembre 1927).
LuzzAïTi (Henri), C. *, G. O. *, C. *, *, *, 0. *, *, industriel,
président de la Chambre de Commerce Italienne, 305, avenue du
Prado, Marseille (27 mai 1926).
Maccario (Fabien), i, avocat, 62, rue Montgrand, Marseille (17 mai
1923)-
* Magxax (Joseph), assureur, 26, rue Fargès, Marseille (i*''" janvier
1922).
Maltret (Emile), 16, rue de la Croix, Marseille (19 mars 1925),
250
Malzac (Louis), docteur en médecine, 19, rue Ferrari, Marseille
(10 juillet 1919).
MaRGUERV (Ernest), *, membre de TAcadémie de Marseille, ancien
adjoint au maire, 4, rue Wulfran-Puget, Marseille (24 juin 1920).
Marmv (^Martial), assureur, administrateur de la Caisse d'Epargne,
5, rue Haxo, Marseille (17 juin 1926).
* Martin (Gustave), *, i?^ A., membre de la Société de Numismati-
que de France, conservateur honoraire du Cabinet des Médailles
de Marseille, 22, place Jean-Jaurès, Marseille (i'^'" janvier 1922).
Martin (Lucien), licencié en droit, 144, route Nationale de Saint-
Loup, Marseille (13 novembre 1924).
Masson (Paul), *, i^ L, correspondant de l'Institut, membre non
résidant du Comité des Travaux Historiques, membre de l'Aca-
démie des Sciences Coloniales et de l'Académie de Marseille,
professeur à l'Université d'Aix-^^Iarseille, 32, ruc Pouccl, Mar-
seille (12 février 1920).
Maurel (Léon), docteur en médecine, 105, ruc Sylvabelic, ^farseille
(12 janvier 1928).
Maurin (Antoine), avocat, 22, rue Montgrand, Marseille (13 décenr-
bre 1923).
Mazuver (René), avocat, docteur en droit, 54, rue Sainte-Victoire,
Marseille (9 février 1928).
MelcHIOR-Robert (Paul), *, dcoteur en médecine, chirurgien des
hôpitaux, 38, rue Sainte, Marseille (11 juin 1925).
MÉLIZAN (Paul), *, i, directeur de l'Institution Mélizan, 65, rue
Fortunée, Marseille (14 avril 1921).
MérIC (George-A.), ?, ^^- A., commissaire de marine, 24, boulevard
00 la Liberté, Marseille (14 février 1929).
Michel (Eugène), ^^ L, professeur agrégé d'histoire au Lycée de
Marseille, i, rue Ferrari, Marseille (9 juin 1921). Ancien pîé-
sident de la Société.
]\IOlROUD (Pierre), 5, docteur en médecine, professeur à l'Ecole de
^Médecine, 138, rue Consolât, Marseille (12 mai 1927).
MONDON (Marcel), trésorier-adjoint de la Société des Archives his-
toriques de la Gironde, 75, boulevard Albert-I*'', Bordeaux (9 jan-
vier 1930).
MONROË (le général Jacques), G. 0. ^, î, *, *, *, ancien comman-
dant du XV^ corps d'armée, 62, cours Pierre-Puget, Marseille
(14 mars 1929).
?il0NTEUX (Gabriel), *, 'i^ L, C. *, ©, docteur en médecine, 52, rue
Sainte, [Marseille (11 mars 1926).
?iIORETTl (Xavier), directeur de l'Orphelinat Départemental château
de Fontainieu, à Saint-Joseph, administrateur de la Caisse d'Epar-
gne, Marseille (23 octobre 1924).
26o
MOïTET (Pierre), assureur, rue Paradis, 351, Marseille (19 mars 1925).
MOULIN (Eugène), avocat, 8, rue Haxo, Marseille (15 janvier 1925).
MOUREX (Jean-Baptiste), chef peseur de la Compagnie des Docks et
Entrepôts, en retraite, 122, rue d'Endoume, Marseille (10 février
1927).
MOURRE (Charles), i, industriel, 34, rue Breteuil, ^larseille (11 mars
1926).
MOVNIER (Raphaël), expert maritime, 53, rue de la Colline, 'Maï-
seille (14 mars 1929).
Nathan (Abel), O. *, *, avocat, ancien bâtonnier de l'Ordre, 54, rue
:\Iontgrand, Marseille (13 novembre 1924).
NÉCREL (Auguste), ^^ A., courtier assermenté près le Tribunal de
Commerce de Marseille, 54, xue Vacon, ]\Iarseille (13 mars 1924).
Xevron DE Saint-Julien (baron Jacques), O. *, i, lieutenant-colonel
d'artillerie en retraite, 107, avenue du Prado, Marseille (22 octo-
bre 1925).
NICOLLET (François-Xapolcon), P I., agrégé de l'Université, pio-
fesseur honoraire du Lycée Mignet, imprimeur, 5, rue Emeric-
David, Aix-en-Provence (9 juin 1921).
Page (]\Iaurice), docteur en médecine, villa I,e Brès, 86, boule-
vard ]\Iichelet, Marseille (10 mars 1927).
Pavan (Léon), 38, boulevard Philipon, Marseille (17 décembre 1925).
Pellenq (abbé Eugène), recteur de vSaint-Eugène, impasse du Pres-
bytère, Endoume, Marseille (10 février 192 1).
Pellissier-Guvs (Henry), avocat, 16, rue Breteuil, Marseille (11 mars
1920). Ancien président de la Société.
Pennington (Charles), ingénieur colonial, 120, boulevard Long-
champ, Marseille (14 novembre 1929).
Perraud (2\Iaurice), propriétaire, 103, boulevard de la Magdeleine,
Marseille et château d'Esclans, par la INIotte (Var) (27 mai 192c).
* POLNSO (Jules), ^ T., professeur agrégé au Lycée de ]Marseille,
48, rue Barbaroux, ?ilarseille (i'^'' janvier 1922).
Pommé (Albert), courtier maritime, membre-correspondant de la
Chambre de Commerce de Marseille, Port-de-Bouc (Bouches-du-
Rhône) (11 mars 1926).
Pons (Henri), docteur en médecine, chirurgien des hôpitaux,
15, boulevard de la Liberté, ^Marseille (18 décembre 1921),
P0TTIER (René), O. *, m A., *, *, administrateur en chef hono-
raire de l'Inscription }ilaritime, 162, avenue du Prado, Marseille
(12 juin 1924).
PoURTAL (Louis), i, docteur en médecine, yy, boulevard Périer,
Marseille (24 juin 1920).
DE PuvMORiN (Gaston d'AUBRV), avocat, 39, rue Saint-Fcrréol, Mar-
seille (19 avril 1923).
201
Raimbault (Maurice), U I., archiviste-adjoint dos Bouches-du-Rliône,
conservateur du Musée-bibliothèque Paul Arbaud, membre de
l'Académie d'Aix, majorai du Félibrige, . 2 A, rue du 4-Scptem-
bre, Aix-en-Provence (27 mai 1920.
Rambkrï (Gaston), i^ A., O. *, *, professeur agrégé de l'Université,
directeur de l'Ecole Supérieure de Commerce, 35, rue Sainte-
Victoire, Marseille (15 février 1923). Ancien président de la
Société.
Ravel (Alexandre), secrétaire de la Société des Amis de la Vieille
Ville, 120, rue de Lodi, Marseille (13 février 1930).
Ravel (Oscar), ?-? A., numismate, 8, rue de Lorraine, Pointe-Rouge,
Marseille (12 décembre 1929).
Ravnaud (Henri), coramissaire-priseur, 62, boulevard Longchanip,
Marseille (13 mars 1924).
Rebaglv (Bernar'd), architecte, Martigucs (Bouches-du-Rhône) (12 mai
1927).
Repelin (Joseph), ?l I., docteur es sciences, professeur à la Faculté
des Sciences, membre de l'Académie de Marseille, 86, rue Sainl-
Savournin (9 décembre 1926).
Rev de SauvebONNE (Maurice), inspecteur principal honoraire de !a
Compagnie des Chemins de Fer P.-L.-M., 297, rue Paradis, Mar-
seille (12 février 1925).
RevNAUD (Jean), J, ^4 A., O. *, archiviste-adjoint de la Chambre
de Commerce de Marseille, correspondant du Ministère de l'Ins-
truction Publique, 3, ruc d'Arcole, Marseille (28 avril 1919).
Richard (Louis), négociant, 24, rue Xeuve-Sainte-Catherine, Mar-
seille (25 novembre 1926).
Richard-Paul (Eugène), villa La Séranc, Bonnevcine, Marseille
(11 juin 1925).
RiPERT (Emile), *, ^ L, professeur à la Faculté des Lettres d'Aix,
membre de l'Académie de Marseille, président de la Société des
Amis des Lettres de ^Marseille, 43, cours Lieutaud, Marseille
(22 avril 1920).
RiPERT (Raymond), assureur, 7, rue d'Arcole, Marseille (14 janvier
(1926).
Rocca (Jean), licencié es lettres, 28, rue Edouard-Delanglade, Mar-
seille (18 mai 1922).
Rolland (Henry), avocat, 14, boulevard Louis-Salvator, Marseille
(12 mai 1921).
Rolland (Henri), Z, directeur du Courrier Numismatique, Mas du
Rougadou, Saint-Remy-de-Provence (8 novembre 192S).
ROMIEU (Marc), i, ^^ A., docteur en médecine, docteur es sciences,
professeur agrégé à l'Ecole de Médecine, correspondant de la
Socicié de Biologie, de Paris, directeur de Vlnstitî/t d'Education
36^
Physique de l'Université d'Aix-Mar5eille, 12, rue Breteuil, Mar-
seille (10 février 1927).
RONDEL (Auguste), *, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, ancien
juge au Tribunal de Commerce, membre de l'Académie de Mar-
seille, 42, rue Montgrand, Marseille (18 février 1903).
Rostand (Alfred), ingénieur E.C.P., 170, promenade de la Corniche,
Marseille (12 mai 1927).
Rostand (Auguste), industriel, 170, promenade de la Corniche, ]^Iar-
seillc (12 mai 1927).
Rostand (Jacques), 53, rue Sylvabelle, Marseille (10 février 1927).
ROUBAUD (Paul), *, directeur de la Compagnie Marseillaise de Mada-
gascar, 473, rue Paradis, Marseille (18 décembre 1924).
Roux (Edmond), ingénieur agronome, 42, rue Marengo, [Marseille
(15 avril 1926).
Roux (Louis), avocat, ancien, adjoint au maire, 133, rue de Rome,
Marseille (25 novembre 1926).
Roux (Paul), industriel, ancien juge au Tribunal de Commerce,
iS, rue Stanislas-Torrents, [Marseille (22 décembre 192 1).
RUGGERI (François), docteur en droit, attaché au Secrétariat général
de la Chambre de Commerce, 17, rue Chevalier-Roze, ÏMarseille
(9 juin 1927).
Samat (Jean-Baptiste), 0. ^, ^S l.^ Q. *, *, *, *, directeur du
Petit Marseillais^ membre de l'Académie de Marseille, vice-prési-
dent du Comité du Vieux-Marseille, 119, rue Paradis, Marseille
(10 mai 1901).
DE Samatan (Baron Odon), 171, rue de Rome, [Marseille (12 février
1925).
SCAPEL (Paul), avocat, 19, rue de la République, Marseille (22 aviil
1920).
Servian (Ferdinand), critique d'art, membre de l'Académie de [Mar-
seille, 22, avenue Ferdinand-Flotte, [Marseille (12 mai 1921).
Servières (Jean de), ?, P I., homme de lettres, 26, rue Adolphe-
Thiers, Marseille (18 décembre 1919).
Siffrein-Blanc (René), *, secrétaire général de la Société Immo-
bilière [Marseillaise, La Coccinelle, 58, chemin du Roucas-Blanc,
Marseille (11 février 1926).
Simon (Jean), docteur en médecine, 13, marché des Capucins, [Mar-
seille (15 avril 1926).
Simonnot (Henri), membre de la Société pour l'Etude de la Gravure
Française, 11, boulevard des Lauriers-Roses, Saint-Barnabe, Mar-
seille (9 décembre 1926).
S0L.ARI (Paul), docteur en médecine, numismate, 40, quai du Port,
Marseille (10 février 192 1).
263
SOïTAXO (François), ^^ A., antiquaire, 130, rue Paradi?, Marseille
(10 novembre 1927).
SOULAS (Henri), ?, docteur en médecine, 28, boulevard Philippon,
Marseille {22 décembre 1921).
Tacussel (Augustin), libraire-éditeur, 54, rue Paradis, Marseille
(8 mars 1928).
Tafaxei.li (François), négociant. Les Mimosas, 21, boulevard l)oc-
teur-Henri-Fabre, Saint-Barnabe, ^Marseille (26 avril 1928).
TasSV (Charles), ?, industriel. 09, avenue du Pradn, ^^arseil]e
(12 juin 1924).
Tassy (Lucien), 5, inclu-trul, 97, rue Edm()nd-ko>land, Marseille
(15 janvier 1925).
Terris (Jean-Joseph), *, î, *, commissaire-priseur, 308, rue Para-
dis, Marseille (15 janvier 1925).
Traraud (Albert), O. *, 1^ A., O. *, *, *, capitaine de frégate en
retraite, ancien gouverneur du Grand-Liban, secrétaire général du
Syndicat Marseillais de la Marine Marchande, 66, rue Grign.in,
^Marseille (8 décembre 1927).
* TrESSENS (Fortuné), ^^ A., 5, rue du Loisir, Marseille (i"'' janvier
1922).
DK Vai.OX (Ludovic), inspecteur principal honoraire de la Compa-
gnie d'Orléans, 5, boulevard Gaston-Crémieux (9 février 1928V
VelaSQUEZ (Carlos-Ernesto), consul de Colombie, 63, boulevard Long-
champ, ^larseille (25 novembre 1926).
Vente (Roger), directeur de la Compagnie Générale Française l'e
Tramways à Rouen (Seine-Inférieure) (27 mai 1920).
X'ÉRITIER (abbé Antoine), vicaire à la paroisse Saint-Laurent, i '7, rue
de Rome, Marseille (23 novembre 1922).
Vidal-Xaquet (Albert), O. *, 1?^ A., *, avoué, juge suppléant au
Tribunal Civil, vice-président de la Commission des Hospices,
président du Comité des Enfants traduits en justice, 31, rue Bre-
teuil, Marseille (9 juin 192 1).
DE Villeneuve-Bargemox (comte), 0. *, *, colonel de cavalerie en
retraite. Le Reclos, à Bargemon (Var) et 4, rue de Talleyrand,
Paris (VIP) (28 octobre 1926).
ViLLARD (Henry), 20, rue de Lodi, Marseille (18 décembre 1919).
VIMAR (Gaston), P L, licencié en droit, secrétaire général de la
Société pour la Défense du Commerce, 24, rue Saint-Savournin,
Alarseille (23 mars 1922).
Vixcext (Léopold), ï, ingénieur, sous-directeur de la Compagnie
des Docks et Entrepôts de Marseille, place de la Joliette, Marseille
(23 mars 1922).
254
UE VIVIÈS (Auguste de MARTIN), *, capitame en retraite, traver.^e
Callelongue, Villa Marie, à Sainte-Anne, Marseille (26 avril 1928).
Vlasto (Michel), *, industriel, 12, allées Léon-Gambetta, Marseille
(10 février 1921).
* VOLLE (Joseph), inspecteur de l'Enregistrement, 60, rue Sénac,
Marseille (i^"" janvier 1922).
Voui.x (Ildcfonse de), *. publiciste, 10, rue Farjon, Marseille
(in juillet 1919).
MEMBRES CORRESPONDANTS : 12
(N(iml:irc limité à douze)
MM.
Bavol (l'abbé Joseph), curé de Collias (Gard), archéologue. Lauréat
de la Société: Médaille Joseph-Laurent 1928 (13 décembre 1928).
Bosco (Henri), professeur à l'Institut Français de Naples, 12, piazza
San-Domenico, ]\[aggiore, Naples (25 novembre 1926).
BovAUD (Jacques), professeur au Collège de Beaune, 12, place de la
Madeleine, Beaune (Côte-d'Or) (19 novembre 1925).
Bruxel (Clovis), "i", 1^ A., archiviste-paléographe, professeur à
l'Ecole Nationale des Chartes, 246, boulevard Raspail, Paris (XIV^)
(22 avril 1920).
DiEUDONXÉ (Adolphe), ■& L, archiviste-paléographe, membre de la
Société Nationale des Antiquaires de France, conservateur du
Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale, 7, rue Guil-
laume-Lenoir, Suresnes (Seine) (2 octobre 1913).
Dupont- F ERRIER (Gustave), *, ^M L, archiviste-paléographe, pro-
fesseur à l'Ecole Nationale des Chartes, 28, rue Gay-Lussac,
Paris (IV«) (22 avril 1920).
Labaxde (Léon-Honoré), *, ^^ L, O. *, *, archiviste-paléographe,
membre de l'Institut, membre non résidant du Comité des Tra-
vaux historiques, conservateur des Archives ^et de la Bibliothè-
que du Palais, 10, rue du Tribunal, principauté de Monaco
(12 février 1920).
DE La Roxcière (Charles Bourel), *, 1^ L, archiviste-paléographe,
secrétaire de la Section de Géographie du Comité des Travaux
historiques, conservateur du Département des Imprimés à la
Bibliothèque Nationale, 46, rue Jacob, Paris (VP) (19 novembre
1925).
Lvquet (le chanoine R.), à Riez (Basses-Alpes) (24 octobre 1929).
265
DE Mantever (Georges), ^, ?i^ I., archiviste-paléographe, ancien
membre de l'Ecole française de Rome, correspondant du Minis-
tère de l'Instruction Publique, archiviste des Hautes-Alpes, ù Gap,
et château de Manteycr, par la Roche-des-Arnauds (Hautes-Alpes)
(10 janvier 1922).
OUDOT DE Dainville (Maurice), •■■^- A., archiviste-paléographe, archi-
viste du département de l'Hérault, Montpellier (Hérault), (8 mai
1924).
POTTIER (Edmond), *, membre de l'Institut, conservateur au Musée
du Louvre, 72, rue de la Tour, Paris (XV!*^) (29 juin 1922).
ETABLISSEMENTS PUliLICS ABONNES : 13
Marseille : Archives départementales.
Archives municipales.
Bibliothèque municipale.
Musée d'archéologie.
Bibliothèque de la Chambre de Commerce.
Arles : Archives et Bibliuthèquc municipales.
ATigiio)i : Bibliothèque et Musée Calvet.
Car pentras : Bibliothèque et Musée.
Draguignan : Archives départementales.
Montpellier : Archives départementales.
Xice : Archives départementales.
Toulon : Bibliothcciue municipale.
Berlin : Hirschualdsche Buchliandlung.
SOCIETES CORRESPONDANTES
France ei Colonies : 105
Etranger : 12
usé
Récapitulation par catégories
(compris les Membres bienfaiteurs ou perpétuels décéaés)
Membres d'honneur :
» honoraires :
» bienfaiteurs ;
» perpétuels :
» titulaires : 2^ i
» correspondants; 12
Abonnés, France: 12 {
» Etranger ; 1 \
7
2
10 j
23 J 2S4
Sociétés correspondantes
France : 105
Etranger : 12
297 cotisants
Récapitulation par régions
(Provence et Départements limitropbes)
Boucnes-au-Rhône Gard
Aix : 3
Arles : i
La Ciotat : i
Marseille : 246
Martigues : i
Port-de-Bouc : 2
Rognac : i
Roquevaire : i
Saint-Remy : 2
\'aldonne-Peypin ; i
Alpes-Maritimes
Cannes
Uchaud :
Var
La Cadière :
Montfort-sur-Argens
Port-Cros :
Saint-Cyr :
Signes :
Toulon :
Vaucluse
Apt :
Lourmarin :
Pertuis :
Autres départements
Drôme Gironde
Ajaccio :
I
Suze-la-Rousse:
I Bordeaux : i
ivnône
Semé
Seine - Iniérieure
Lyon :
Givors ;
2
I
Paris :
TOTAL :
6
284
13
Rouen : i
Membres
Abonnés
297
Cotisants
Table des Matières du Tome IX
I. — Actes de la Société
L'Excursion des i'"'" et 2 juin à Ricz^ Moustiers, Le Verdon
(Gaston Rambert) 1 ^o
Rapport du Secrétaire Général sur l'attribution des Médailles
Paul Par et et Joseph Laurent, en 1928 22S
Liste des ^Membres de la Société, arrêtée au 13 mars 1930.... 247
II. — Mémoires
Bertas (Pierre) : Honoré Daumier (180S-1S79) 5
» Autour du Testament d'un Tambourinaire
(xvi*^ siècle) I S I
Dubois ([Marc): La Chartreuse de Marseille, IIP partie 38
BE Gkrin-Ricard (Cte Henri): L'autel magique de Rognac .... 31
DE Joi.v (Robert) : Les Garagaï de Sainte-Victoire 68
» L'exploration du Chourum Martin 207
Malzac (D'' Louis): La Révocation de l'Edit de Nantes, à Mar-
•seille 77
Rampal (Auguste): Le Comte de Villcneuve-Bargemonj Préfet
des Bouches-du-Rhônc 141
DE ServièRES (Jean): Le <( Marquis » de Lyle-Saint-Martin
('749-i-'^^') 99
» Stances à Ste Roselinc de \^illencuve. . . 173
llï. — Bibliographie
Rii'ERT (Emile): Anthologie de la Provence (Auguste Rampai), iii
IV. - Nécrologie
M. le colunel .Maurel (Jules) 107
M. Cendrier (Fernand) 108
M. Danon (Maurice) 109
[NI. le Thanoine Pascal (Adrien) 239
M. Senès (Paul) 239
368
V. -- Chronique et Mélanges
Chronique Archéologique (Cte H. de Gérin-Ricard)
Exposition annuelle de la Chambre de Commerce (R.)
Le Centenaire du Bassin de Carénage (R.)
L'acte de baptême de Louis Chénier (F.)
Louis XIII à Lyon, d'après un Provençal (J. de Servières). .
Françoise Duparc. — Réponse à M. Belleudy (D'' P. Solari)..
Une belle maison marseillaise (X.)
Joseph Balsamo à Marseille (1775-1776) (J. de Servières) 243
Au dossier de « La Sardine » (1778) (X.) 242
L-n écho de la Grande Peur (1789) (S.) 244
La Liberté des Mers (1809) (S.) 241
-^^^
Imprimerie
Universitaire de Provence
5. Rue Emeric-David
Aix en - Provence
ÛC Provincia
611
P951P7
t. 8-9
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