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Full text of "Provincia"

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REVUE  TRIMESTRIELLE 


11-        D'HISTOIRE  ET  D'ARCHEOLOGIE 

PBOVENÇALES 

i^hj^     y-W^^.  PUBLIEE  PAR  LA 

SOCIETE  DE  STATISTIQUE,  D'HISTOIRE  ET  D'ARCHEOLOGIE 


DE  MARSEILLE  ET  DE  PROVENCE 

TOME    VIII   —     ANNÉE      1928 

fi"  et  2'^  Trimestres] 


MARSEILLE 

AU    SECRETARIAT    GENERAL    DE    LA    SOCIETE 

Palais    de    la    Bourse 


1928 


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2)C 


Remarques  sur  2  bronzes  Massaliotes  inédits 

l'un  tiré  de  la  collection  P.  Arméni, 
l'autre  trouvé  dernièrement  aux  Carmes 


Sur  les  petils  bronzes  Massaliotes  de  la  dernière  époque, 
nous  voyons  prodiguée  la  tête  d'Athena  ou  Minerve,  divi- 
nité chère  aux  Ioniens  et  pour  laquelle  Marseille  avait 
des  sentiments  d'adoration  non  inférieurs  à  ceux  qu'elle 
avait  pour  Diane  ;  remarquons  en  passant  que  la  figura- 
tion de  la  tête  de  la  Déesse  est  faite  de  façon  à  lui  ôter 
tout  caractère  féminin,  tandis  que  la  tête  d'Apollon  sur 
les  petits  bronzes  de  la  période  antérieure  tend  au  con- 
traire à  avoir  un  aspect  bien  féminin  ! 

Ces  petits  bronzes  }sont  à  plusieurs  revers  différents 
«  trépied,  galère,  lion  passant  ou  bondissant,  caducée,  aigle, 
dauphin,  etc.  »,  un  seul  exemplaire  porte  sur  chacune  des 
deux  faces  la  même  tête  casquée  tournée  à  droite  ;  il  fut 
trouvé  par  M.  Giraud,  curé  de  Saint-Cyr,  dans  les  ruines 
de  Taurœntum,  et  publié  par  le  même  dans  l'ouvrage 
«  Mémoire  sur  l'ancien  Taurœntum.  Toulon,  1853  »  ;  il  le 
laissa  par  testament  aux  musées  de  Marseille,  avec  Les 
autres  monnaies  et  antiques  trouvées  dans  les  territoires 
de  Saint-Cyr  et  de  la  Cadière. 

Mes  persistantes  recherches  sur  la  Numismatique  m'ont 
valu  la  chance  de  découvrir  deux  nouveaux  petits  bronzes 
au  type  des  deux  têtes  casquées,  un  en  tout  identique 
comime  style  à  celui  découvert  par  M.  Giraud,  mais  por- 
tant une  tête  à  droite  et  l'autre  à  gauche  et  dont  voici  la 
description  :  ((  Tête  casquée  à  gauche  ;  devant  MAC.  Cor- 
delet  au  pourtour.  Revers  :  Tête  casquée  à  droite,  devant 


5  PIERRE    ARMENÎ 

trace  de  légende,  seule  visible  la  lettre  C.  Grenetis  au  pour- 
tour. » 

Rien  d'extraordinaire  dans  ceiie  petite  monnaie,  sauf  la 
variante  d'avoir  les  têtes  tournées  une  à  gauche  et  l'au- 
tre à  droite,  tandis  que  la  monnaie  du  cabinet  de  Mar- 
seille porte  les  deux  têtes  à  droite. 

Mais  bien  autrement  intéressante  est  la  deuxième  mon- 
naie qu'il  nous  reste  à  décrire. 

((  7'ête  casquée  de  guerrier  ou  chef  gaulois  à  gauche  ; 
devant  MA.  (Style  soigné,  tête  petite).  Revers:  Tête  cas- 
qué'e  de  Minerve  à  droite,  devant  un  symbole  indéterminé, 
peut-être   un  torques!   (tête   plus   grande)    ». 

La  légende  <(  MA  »,  de  difficile  lecture  à  cause  de  l'usure 
de  la  monnaie,  est  tout  de  même  indiscutable  et,  si  avec 
patience  et  habileté  on  fait  jouer  la  lumière  de  la  façon  la 
plus  opportune,  on  arrive  à  la  déchiffrer  et  à  la  lire  bien 
clairement. 

Mais  comment  expliquerons-nous  la  présence  de  cette 
tête  caractéristique  de  Gaulois  sur  la  monnaie  C|ui  nous 
occupe  ? 

La  Saussaye  raconte  dans  sa  ((  Numismatique  de  la 
Gaule  Narbonnaise,  page  75  »,  Cju'un  chef  gaulois  nommé 
Catumand,  aux  anciens  temps  de  la  lutte  des  ÏMassaliotes 
avec  les  peuples  avoisinants,  tenait  assiégée  Marseille  et 
que  la  ville  était  près  de  se  rendre,  lorsque  dans  un  songe 
Catumand  vit  une  femme  d'aspect  majestueux  mais  terri- 
ble qui  lui  ordonna  de  cesser  le  siège.  Effrayé  par  cette 
vision,  Catumand  offrit  la  paix  aux  Massaliotes,  et  de- 
manda la  permission  d'entrer  dans  la  ville  pour  adorer 
ses  dieux.  En  apercevant  dans  la  citadelle  la  statue  de 
Minerve,  il  s'écria:  ((  Je  reconnais  la  déesse  qui  m'est  appa- 
rue cette  nuit!  »  Puis  détachant  son  torques  d'or  il  le 
passa  au  cou  de  la  statue  et  fît  alliance  avec  Marseille. 


DEUX   BRONZES   MASSALIOTES  7 

Notre  monnaie  se  rattache-t-elle  à  cet  événement,  la  tête 
de  Gaulois  que  nous  y  voyons  est-elle  celle  de  Catumand  ? 
Le  torques  en  symbole  du  côté  de  la  tête  de  Minerve  aulo- 
rise-t-il  cette  explication  par  trop  hasardée  ? 

La  réponse  est  difllcile  à  faire  ;  pourtant  il  me  semble  que 
cette  explication  soit  dans  le  nombre  des  explications  pos- 
sibles, et  même  j'oserai  dire,  la  seule  possible  en  ce  mo- 
ment et  avec  les  connaissances  actuelles  ;  que  si  notre  hypo- 
thèse par  trop  présom^ptueuse  tombe,  un  autre  profitera  de 
notre  erreur  pour  l'éviter  et  se  rapprocher  davantage  de  la 
vérité. 

Reste  à  souhaiter  qu'une  nouvelle  trouvaille  nous  apporte 
un  ou  quelques  spécimens  mieux  conservés  de  cette  rare 
monnaie,  pour  pouvoir  juger  avec  des  matériaux  certains 
une  passionnante  question  que  je  me  permets  seulement 
d'effleurer  en  la  présentant. 

Pierre  ARMENL 


UNE    ENIGME    ARTISTIQUE 


FRANÇOISE     DUPARC 

1705  (?)-  1778 


a  Combien  française,  au  Contraire,  est  cette 
Françoise  Duparc,  qui  naquit  et  mourut  à  .Marseille 
(1705-177S).  mais  qui  alla  vivre  en  Angleterre  où 
elle  eut  beaucoup  de  réputation.  Elle  continua  au 
xvui"  siècle,  avec  Ctiardin,  la  tradition  de  vérité 
liumble  et  directe  des  frères  Lenain.  On  connaît 
en  France  quatre  tableaux  de  Françoise  Duparc, 
ils  sont  tous  quatre  au  Musée  de  Marseille. 
Ouvrages  d  une  grande  vivacité,  d'une  grande  jus- 
tesse d  observation.  Ils  illustreraient  à  merveille 
les  récils  paysans  de  Rétif  de  la  Bretonne.  Qui  s'ap- 
prochera de  cette  figure  attachante  pour  dissiper 
un  peu  le  mystère  qui  enveloppe  ses  œuvres  et  sa 
vie  ?  M. 

Jean-Louis  Vaudoyer 
«  Nouvelles  beautés  de  la  Provence  »  (1928). 


Entre  toutes  les  oeuvres  d'art  dont  s'enorgueillit  le  musée 
de  Marseille,  les  peintures  de  Françoise  Duparc  sont  sans 
conteste  celles  qui  ont  le  privilège  d'attirer  l'attention  des 
artistes  et  des  amateurs  au  vrai  sens  du  mot.  Les  uns  sont 
charmés  par  la  grâce  des  sujets;  les  autres,  par  une  exé- 
cution impeccable.  Représentation  magnifique  de  la  pein- 
ture provençale  au  xviir  siècle,  ces  portraits  rappellent 
Greuze  par  plus  d'un  côté,  mais  un  Greuze  moins  maniéré 
et  plus  près  de  la  nature,  Chardin,  si  l'on  veut.  Ils  forment 
un  groupe  de  quatre  sujets  d'une  égale  beauté  et  d'un 
métier  qui  atteint  à  la  perfection.  Les  personnages  dont 
s'est  serA-i  Françoise  Duparc  sont  essentiellement  proven- 
çaux, voire  marseillais,  ils  n'appartiennent  pas  à  la  no- 
bles.se  et  pas  davantage  à  la  bourgeoisie,  ce  sont  de  très 
humbles  artisans.  L'un,  le  doA'en  devrais-je  dire,  représente 
le  centenaire  Annibal  Camous,  né  en  1638,  la  même  année 
que  Louis  XIV,  et  mort  âgé  de  122  ans  en  1759.  Ce  macro- 


FIL\NÇOISE  DUPARC  9 

bite  venu  des  Hautes-Alpes,  après  avoir  été  soldat  et  tra- 
vaillé comme  manœuvre  dans  les  chantiers  du  Fort  Saint- 
Xicolas,  alors  en  construction,  se  fixa  détinitivement  à 
Marseille  au  quartier,  alors  nouveau,  de  Xotre-Dame  de 
la  Garde,  et  là,  paisible,  partageant  son  temps  entre  la 
cueillette  des  simples  et  la  pratique  d'une  solide  piété,  il  ne 
tarda  pas  à  devenir  le  conseiller  des  bonnes  gens  qui  l'en- 
touraient. Du  reste,  les  peintres  aimaient:  Annibal  Camous, 
son  type  tenta  même  Joseph  Vernet  qui  l'a  placé  dans 
une  de  ses  vues  de  Marseille.  Le  second  des  c^uatre,  tme 
femme  âgée,  les  bras  croisés,  l'air  satisfait,  heureuse  appa- 
remment de  sa  journée  bien  rem.plie.  C'est  l'image  de  tou- 
tes les  (;  Misé  Margarido,  Mietto  ou  Mario  »,  que  l'on 
rencontre  journellement  dans  les  rues  du  vieux  Marseille. 
Ce  morceau  le  plus  parfait  de  la  série  a  une  âme  ;  il  vit,  et 
cette  grand'mère  aux  yeux  apaisés,  à  l'humble  costume, 
est  bien  une  <(  San-Janenque  »  d'autrefois.  Les  detix  der- 
niers sont,  l'un,  une  accorte  laitière  aux  yeux  bleus,  doux 
et  candides.  Quelle  modestie  dans  ce  regard  !  Ils  ne  pour- 
suivent, semble-t-il,  aucun  rêve,  ces  jolis  yeux  ;  la  belle 
enfant  est  toute  à  sa  besogne,  porter  d'un  pas  rapide  le 
bon  lait  écumant  aux  petits  enfants  roses  descendus 
comme  elle  d'une  bergerie  de  Watteau,  ou  à  quelque  Gé- 
ronte  impatient  et  grondeur.  Son  pied  menu  ne  heurtera 
pas  le  caillou  malencontreux  et,  telle  Perette  du  «  Pot  au 
lait  »,  de  notre  bon  La  Fontaine,  elle  ne  verra  pas  son  rêve 
répandu  en  flots  blancs  à  ses  pieds  ni  ses  yeux  se  voiler 
de  larmes.  L'autre,  une  gente  couturière  aux  doigts  effi- 
lés; ils  courent  AÙte  dans  l'étofïe,  ces  doigts  menus,  et  son 
aiguille  rapide  ne  se  brisera  pas  dans  sa  main,  du  moins 
je  le  souhaite,  et,  comme  la  Jeannette  des  Noces  de  Victor 
Massé,  ((  un  bon  baiser  la  récompensera  de  sa  peine  ». 
Maintenant  que  nous  connaissons  le  détail  des  œuvres  de 


10  D''   PAUL   SOLARl 

l-'nin(^'oisc'  Diiparc,  voyons  quel  lut  son  curriculum  viiœ. 
OiR'  nous  apprend  Parrocel,  plutôt  polygraphe  que  criti- 
que d'an,  auteur  des  Annales  de  la  peinture  provençale, 
et  répétant  d'ailleurs  JMoulinneuf  ? 

Françoise  Duparc,  peintre  d'histoire  et  de  portraits,  née 
à  Marseille  vers  1705,  est  morte  dans  cette  ville  le  12  octobre 
1778.  Fille  d'Antoine  Duparc,  le  sculpteur  marseillais, 
après  avoir  pris  des  leçons  de  son  père,  elle  entra  dans 
l'atelier  de  J.-B.  \"anloo.  Ce  célèbre  maître  s'appliqua  à 
développer  ses  brillantes  qualités.  Un  fait  assez  singulier 
que  nous  allons  rapporter,  pourra  donner  la  mesure  du 
degré  de  perfection  de  ses  ouvrages. 

Parmi  les  tableaux  que  renfermait  l'atelier  de  Vanloo, 
la  jeune  Duparc  remarqua  le  portrait  de  M.  le  comte  de 
Vence,  dans  lequel  le  maître  avouait  s'être  surpassé.  Elle 
en  fît  la  copie  à  son  insu  et  n'en  prévînt  Vanloo  que  lors- 
qu'il fut  achevé.  Curieux  de  voir  cette  copie,  il  entra  dans 
l'appartement  où  les  deux  portraits  étaient  placés  sur  le 
même  chevalet.  Il  examine  l'un  et  l'autre  attentivement; 
et  après  les  avoir  comparés,  il  complimente  son  élève  en  lui 
signalant,  toutefois,  quelques  imperfections  qu'il  l'en- 
gage à  faire  disparaître.  L'élève  rougit  et  ne  répond  pas; 
le  maître  insiste  et  la  Duparc  forcée  de  rompre  le  silence, 
avoue  son  insuffisance,  à  retoucher  le  tableau  du  Maî- 
tre lui-même.  Vanloo  avait  ainsi,  sans  s'en  douter,  jugé  la 
copie  supérieure  à  l'original. 

A  la  mort  de  Vanloo,  la  célèbre  Duparc  se  retira  à  Pa- 
ris, où  elle  acquit  en  peu  de  temps  une  certaine  réputa- 
tion. Mais  sa  sœur  qui  cultivait  le  même  art  et  dont  les 
œuvres  présageaient  une  grande  artiste,  étant  morte  entre 
ses  bras,  elle  passa  en  Angleterre,  cherchant  ainsi  à  dis- 
siper sa  douleur  en  s'éloignant  des  lieux  où  elle  avait 
perdu  la  compagne  qu'elle  chérissait. 


FR.\XÇOISE  DUPARC  II 

Londres  fut  ie  théâtre  de  sa  gloire;  on  y  adniFra  ses 
talents,  ses  productions  furent  enlevées,  et  en  peu  de  temps 
la  fortune  vint  la  visiter,  les  plus  grands  personnages  se 
firent  peindre  par  elle.  Kvan  fait  mention  du  portrait  de 
W.  Stanhope  Xamigton  —  comte  de  Xorthanipton,  mort 
en  1756,  peint  par  elle  et  gravé  par  Ford,  grand  in  folio. 

Françoise  Duparc,  après  avoir  réalisé  la  fortune  qu'elle 
s'était  acquise,  revint  ensuite  à  Paris  où  elle  eut  encore  le 
malheur  de  perdre  un  frère,  auquel  elle  s'était  consacrée, 
et  qui  fut  enlevé  à  la  fleur  de  son  âge.  La  santé  épuisée  par 
un  travail  assidu  et  par  cette  suite  de  funestes  événements, 
la  Duparc  sentit  le  besoin  de  revoir  les  lieux  qui  l'avaient 
vu  naître.  Elle  revint  donc  à  Marseille,  mais  elle  ne  s'y  fit 
point  connaître.  Se  trouvant  hors  d'état  de  manier  le  pin- 
ceau, elle  s'ensevelit  dans  une  obscurité  tellement  profonde, 
qu'un  négociant  de  cette  ville,  chargé  de  lui  remettre  une 
som.nie  d'argent  de  la  part  de  l'impératrice  de  Russie,  eut 
grand  peine  à  trouver  sa  demeure. 

Sa  retraite  découverte,  l'Académie  de  peinture  de  Mar- 
seille l'admit  au  nombre  de  ses  membres,  mais  son  âge 
et  ses  infirmités  ne  lui  permirent  pas  de  présenter  à  cette 
compagnie  un  morceau  de  sa  composition  qui  aurait 
embelli  leur  collection.  La  mort  l'enleva  le  12  octobre  1778. 

On  a  de  son  pinceau  quatre  tableaux,  qu'elle  légua  par 
son  testament  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Marseille.  Ils  étaient 
placés  dans  l'ancienne  salle  consulaire  et  actuellement  ils 
sont  un  des  ornements  de  notre  musée. 

Examinons  l'exactitude  de  cette  biographie  en  laissant 
de  côté  ce  qui  a  trait,  bien  entendu,  à  sa  famille  et  à  ses 
deuils. 

•  Sur  la  foi  d'Achard,  Parrocel  l'a  donnée  comme  ayant 
peint  un  portrait  de  W.  Stanhope  Namigton,  comte  de 
Northampton,  qui  aurait  été  gravé  par  Ford.  C'est  là  une 


12  D""   PAUL   SOLARI 

aflirinalion  erronée.  Le  i^ortrait  gravé  par  Ford  est  celui 
du  conile  de  liarrington  et  l'estampe  porte  comme  nom 
d'auteur  de  la  peinture,  au  lieu  du  nom  de  Dupar.c,  celwi 
tic  Dupan.  FauL-il  croire  à  une  erreur  du  graveur  et  la 
J3uparc  ai  Dupan  sont-ils  un  seul  et  même  personnage?  De 
l'autre  côté  du  détroit  on  ne  le  pense  pas.  Quoiqu'il  en 
soii,  le  séjour  de  Françoise  Duparc  en  Angleterre  n'est 
pas  contestable.  Elle  y  coopéra,  en  effet,  à  plusieurs  expo- 
sitions. L'auteur  du  dictionnaire  des  artistes  qui  oni  pris 
part  aux  principales  expositions  de  Londres,  de  1760  à 
1893,  AL  Algemon  Grave  a  en  effet  noté  que  la  Duparc  a 
exposé  trois  peintures  (ligure)  en  1763  et  a  exposé  de  nou- 
veau à  la  Société  des  artistes  en  1766  trois  portraits. 

AL  L.  Dussieux,  dans  son  excellent  ouvrage  Les  artistes 
français  à  l'étranger,  livre  couronné  par  l'Académie  des 
Inscriptions  et  Belles  Lettres  en  1S59,  P^sse  en  revue  tou- 
tes les  galeries  officielles  et  les  collections  privées  de 
l'étranger.  Il  note  dans  son  ouvrage  les  noms  de  tous  les 
artistes,  les  illustres,  les  moyens  et  les  oubliés,  qui  y  ont 
vécu  et  dont' les  ouvrages  y  sont  encore  conservés.  Que 
nous  apprend  L.  Dussieux?  Une  chose  invraisemblable 
décevante,  inouïe.  En  Angleterre  aussi  bien  qu'en  Russie 
et,  par  extension,  dans  toutes  les  autres  galeries  officielles 
ou  privées  d'Europe,  le  nom  de  Françoise  Duparc  est 
inconnu  et  ses  œuvres  absentes.  L.  Dussieux  l'ignore  dans 
son  ouvrage.  Siret  et  Benezit  ne  la  signalent  pas  dans  leur 
dictionnaire  respectif  des  peintres  de  toutes  les  écoles. 

En  France,  à  part  les  portraits  du  musée  de  Alarseille, 
rien  de  Françoise  Duparc  n'existe,  ni  en  galerie  privée  ni 
aux  collections  officielles.  A  sa  mort  il  n'y  a  pas  d'in- 
ventaire après  décès.  Parmi  ceux  déposés  aux  archives 
municipales  le  sien  est  inexistant. 


FRANÇOISE  DUPARC  I3 

Voici  son  acte  de  décès  au  registre  de  la  paroisse  Saint- 
Perréol,  folio  126,  verso  :  «  Suzanne-Françoise  Duparc 
{(  âgée  d'environ  quarante-quatre  ans,  morte  liier,  a  été 
((  ensevelie  dans  le  cimetière  de  cette  paroisse  aujourd'hui 
((  douze  octobre  1778,  prise  hors  la  porte  de  Paradis.  Té- 
((  moins  Victor  Delestrade  et  Joseph  Balthazar  Chaulan  ». 

Elle  était  donc  bien  dénuée,  cette  pauvre  Françoise 
Duparc,  pour  n'avoir  pas  laissé  après  elle  la  moindre 
esquisse  —  un  tout  petit  dessin  — •  un  infime  croquis  qui 
aurait  été  un  témoignage  de  sa  maîtrise.  Rien,  on  ne  con- 
naît rien,  jusqu'à  plus  ample  informé,  que  les  portraits  de 
notre  musée  marseillais. 

Et  ce  qui  obscurcit  encore  plus  cette  énigme  artisticjue,. 
c'est  que  ces  portraits  sont  des  sujets  locaux  dont  la  per- 
fection exclut  toute  critique,  et  que  toujours,  dans  les 
expositions  où  ils  figurèrent,  ils  réunirent  les  suffrages 
d'une  admiration  unanime.  De  tous  les  membres  qui  com- 
posaient l'Académie  de  peinture,  à  cette  époque,  il  n'y  en 
a  aucun  à  qui  on  puisse  en  attribuer  l'exécution.  Arnul- 
phy,  Beaufort,  Bounieu,  Célony,  David,  Henry  d'Arles, 
Julien  Simon,  Rappeler,  Revellv,  auteur  d'un  excellent 
portrait  du  peintre  Verdussen  que  l'on  admire  au  musée  de 
Toulon,  étaient  certes  d'honorables  artistes,  mais  de  second 
plan. 

Françoise  Duparc  est-elle  l'auteur  de  ces  portraits?  Je 
ne  sais  que  dire,  bien  qu'inclinant  vers  la  négative. 

Mes  conjectures  sont  les  suivantes  :  Françoise  Duparc 
vieillie,  fatiguée,  accablée  par  des  chagrins  et  des  deuils, 
vient  chercher  le  repos  et  l'oubli  dans  sa  ville  natale.  Elle 
est  fîlle  d'Antoine  Duparc,  artiste  honorable,  élève  de 
Pierre  Puget.  Elle  jouit  d'une  renommée,  elle  a  vécu  a 
Paris,  à  Londres,  la  Cour  de  Russie  l'a  fêtée.  Il  nVn  fal- 
lait pas  davantage,  à  cette  époque,  pour  impressionner  des 


I^  .  D'   PAUL    SOLARI 

gens  sédentaires.  D'autre  part,  rAcadémie  de  peinture  cb 
Marfyeille  venait  de  naître,  comment  ne  pas  accueillir  une 
telle  recrue  qui  d'un  coup  allait  donner  à  la  modeste  Aca- 
démie provinciale  un  éclat  inattendu?  On  l'admet  sans 
plus.  Moulinneuf,  secrétaire  général  et  orateur  de  l'Acadé- 
mie, la  dispense  en  son  nom  du  morceau  de  réception. 

Un  jour  chassant  l'autre,  les  années  s'accumulent.  Fran- 
çoise Duparc  n'assiste  jamais  aux  séances  de  l'Académie. 
Eille  ne  peint  pas,  l'oubli  se  fait  autour  de  son  nom.  En 
177S,  elle  meurt,  léguant  à  la  ville  de  Marseille  les  portraits 
que  nous  connaissons.  Lors  de  leur  réception,  on  s'aperçoit 
qu'ils  ne  sont  pas  signés,  mais  étant  donné  la  qualité  de 
peintre  du  légataire,  membre  de  l'Académie  de  peinture,  on 
lui  en  attribue  naturellement  l'exécution,  ce  qui  avec  le 
temps  devient  une  certituds. 

Quoiqu'il  en  soit,  vérité,  imposture  ou  défaut  de  con- 
trôle, si  Françoise  Duparc  est  l'auteur  de  ces  ouvrages, 
déplorons  que  son  immense  talent  se  soit  résumé  à  une  si 
brève  production.  Si  d'autre  part,  leur  exécution  ne  lui 
appartient  pas,  il  est  encore  plus  regrettable  que  le  bel 
artiste  qui  les  peignit  ait  cru  devoir  observer  un  anonymat 
inexplicable,  qui  auréole  Françoise  Duparc  d'une  réputa- 
tion imméritée.  Je  souhaite  que  cette  simple  notice  soit  le 
prélude  de  travaux  plus  complets  cpi  en  apportant  la 
lumière  déchireront  le  voile  qui  entoure  cette  énigme  artis- 
tique et  menace  de  détruire  la  renommée  d'une  des  ombres 
les  plus  glorieuses  de  l'école  provençale. 

D--  Paul  SOLARI. 


Un  Prisonnier  de  l'Empereur 

Antoine    de    BOURNISSAC 


Dans  les  premières  années  de  l'Empire,  la  police  était 
sur  les  dents.  Les  premiers  mois  de  1805  virent  se  propa- 
ger une  agitation  particulièrement  vive:  l'opposition  reli- 
gieuse et  l'opposition  royaliste  se  concertaient  pour  ébranler 
le  pouvoir  nouveau.  L'alarme  fut  grande,  à  Paris,  lors- 
qu'on découvrit  une  véritable  agence  chargée  de  composer, 
de  faire  imprimer  et  distribuer  des  libelles  politiques  et 
religieux  contre  le  gouvernement. 

Dans  plusieurs  grandes  villes  du  royaume  circulait  le 
manifeste  qui  était  comme  le  bréviaire  de  l'opposition  anti- 
concordatiste  :  les  «.  Réclamations  canoniques  et  très  res- 
pectueuses contre  différents  actes  relatifs  à  l'Eglise  Galli- 
cane ».  Parues  en  latin  à  Londres  en  1803,  traduites  une 
première  fois  à  Bruxelles  en  1804,  les  ((  Réclamations  >•> 
venaient  d'être  publiées  à  Paris,  avec  des  notes  violentes, 
où  la  pensée  des  évêques  se  faisait  plus  agressive.  Une 
autre  brochure,  contenant  une  lettre  de  l'évêque  de  Saint- 
Pol-de-Léon,  par  laquelle  ce  prélat,  empêché  de  signer  les 
Réclamations,  donnait  son  adhésion  au  manifeste  de  Lon- 
dres se  répandait  aussi  :  l'auteur  flétrissait  la  comédie  de  la 
réconciliation  des  constitutionnels  et  dénonçait  l'illégitimité 
d'un  gouvernement  impie.  Enfin  un  intermédiaire  inconnu 
avait  apporté  en  France  le  texte  de  1'  «  Oraison  funèbre 
du  Duc  d'Enghien  »,  prononcée  à  Londres  le  26  avril  1804 
par  l'abbé  de  Bouvens,  aumônier  du  comte  d'Artois. 

La  police  de  Fouché  multipliait  ses  recherches  à  Paris, 
dans  les  grandes  villes,  Rouen,  Toulouse,  et  surtout  autour 


l6  C.    ET   A,    LATREILLE 

lie  I.yon  et  de  Marseille,  où  existaient  d'importants  grou- 
pes anticoncordatistes.  Le  20  janvier,  elle  mettait  la  main 
sur  l'avoué  Ratel,  qui  avait  reçu  de  son  frère,  prêtre  réfu- 
gié à  Londres,  le  texte  de  l'oraison  funèbre,  et  l'avait  porté 
à  l'imprimeur  Guerbaert.  Une  semaine  plus  tard,  elle  décou- 
vrait l'abbé  de  La  Neufville,  qui,  en  1803.  avait  écrit  une 
«  Défense  du  jugement  de  l'Eglise  sur  la  Constitution  Civile 
du  Clergé  »,  et  que  l'on  reconnut  pour  être  le  traducteur  et 
le  distributeur  des  Réclamations.  L^^ne  vieille  gouvernante, 
ancienne  religieuse  carmélite,  qui  l'avait  aidé  dans  la  beso- 
gne de  distribution,  fut  également  mise  sous  les  verroux, 
et  c'est  elle  qui,  intimidée  par  les  menaces,  livra  le  nom 
des  personnes  chez  qui  elle  avait  porté  des  exemiplaires  du 
livre  proscrit.  Ses  aveux  entraînèrent  l'arrestation  d'un 
certain  nombre  de  prêtres  et  de  laïcs,  parmi  lesquels  cinq 
femmes.  Les  plus  compromis  paraissaient  être  le  lyonnais 
Desfours  de  Genetières,  qui  s'était  fait  le  commentateur  de 
la  lettre  de  l'évêque  de  Saint-Pol-de-Léon,  et  Antoine  de 
Bournissac,  un  provençal,  installé  depuis  peu  h  Paris. 

Au  début  de  février  1805,  Bournissac  était  enfermé  à  La 
Force.  Se  doutait-il  alors  qu'il  devait  passer  en  prison  pres- 
que toute  la  durée  du  règne  de  l'empereur  qui  le  faisait 
arrêter? 


Antoine  de  Bournissac  était  le  second  fils  d'un  î.ncien 
officier  au  régiment  d'infanterie  du  Dauphin,  chevalier  de 
l'ordre  royal  de  Saint-Louis,  et  que  Louis  XVî,  .m  début 
des  troubles  révolutionnaires  avait  nommé  grand-prévôv  de 
la  maréchaussée  de  Provence. 

Xé  à  Noves  en  1773,  Antoine  commença  ses  études  dans 
une  pension  d'Aix  ;  puis,  en  1781,  avec  ses  deux  f■•èrî:^s, 
l'aîné  Joseph,  et  le  plus  jeune,   Auguste,   il  f  Jt  tn-\-oyé  à 


A.    DE   BOURNISSAC  17 

Juilly,  chez  les  Oratoriens,  dont  la  réputation  d'éduca- 
teurs était  grande  auprès  de  toutes  ks  familles  restées  atta- 
chées aux  idées  jansénistes.  C'est  à  Juilly,  vers  'a  fn  de 
l'ancien  régime,  que  se  conservait  l'esprit  d'une  religion 
austère,  fidèle  à  la  tradition  de  Port-Royal. 

Bournissac  eut  pour  condisciples  les  deux  Polignac,  M. 
de  Noailles,  M.  de  Montmorency,  M.  de  Montbel,  M.  de 
Bonald,  M.  de  Grimaldi.  Parmi  ses  professeurs,  il  faut 
citer  le  fameux  Fouché,  qui  était  alors  un  pieux  Oratorien 
pénétré  des  devoirs  de  son  état.  C'est  sous  la  direction  de 
Fouché  que  le  jeune  Antoine  apprit  à  goûter  les  petits  trai- 
tés de  Nicole.  Un  autre  Oratorien,  le  P.  Debon,  qui  gémis- 
sait de  l'esprit  nouveau  dont  Juilly  même  se  laissait  envahir, 
initia  Bournissac  à  la  connaissance  plus  intime  des  que- 
relles religieuses,  auxquelles  Port-Royal  avait  été  mêlé. 
Filleul  de  l'évêque  Soanen,  le  Père  Debon  avait  disposé 
Bournissac  à  tout  admirer  du  Jansénisme,  depuis  les  exem- 
ples de  piété  du  xvii^  siècle  jusqu'aux  jongleries  des  convul- 
sionnaires. 

Avec  la  rigueur  coutumière  aux  familles  d'ancien  régime, 
le  père  des  Bournissac  avait  décidé  que  ses  fils  ne  revien- 
draient à  Noves  que  leur  éducation  terminée.  Survint  la 
Révolution.  Le  père  de  Bournissac  _  fut,  en  août  1789, 
chargé  de  se  rendre  à  Marseille,  pour  «  connaître  des 
émeutes  populaires  et  des  violences  commises  à  force 
ouverte  )k  II  entreprit  de  rétablir  l'ordre  avec  tant  de  vi- 
gueur que  le  26  janvier  1790,  Mirabeau  dénonçait  à  l'As- 
semblée Constituante  le  nouveau  grand-prévôt.  Il  dut  quit- 
ter la  ville,  oi!i  il  avait  amassé  contre  lui  la  haine  implaca- 
ble des  patriotes,  et  se  réfugia  à  Lyon.  En  mai  1792,  .ses 
fils  venaient  l'y  rejoindre,  chassés  de  Juilly  par  le  décret 
abolissant  tous  les  ordres  religieux.  Craignant  d'attirer  sur 
eux  quelque  arrêt  de  proscription,  le  grand-prévot  engagea 


l8  C.    ET   A.    LATREILLE 

ses  fils  à  sortir  de  France  et  à  rejoindre  l'armée  de  Condé. 
De  fait,  le  27  septembre  1793,  Bournissac  arrêté  sur  un 
ordre  de  Fouché,  représentant  en  mission  à  Lyon,  était 
exécuté  à  Marseille. 

C'est  à  Dusseldorf  que  les  fils  apprirent  la  mort  san- 
glante de  leur  père.  Après  avoir,  à  Coblentz,  reçu  le  titre 
d'officiers  de  l'armée  de  Condé,  ils  avaient  dû  fuir  devant 
l'avance  des  armées  républicaines.  Dévalisés  par  les  Prus- 
siens, leurs  propres  compagnons  d'armes,  ils  partirent  avec 
une  seule  chemise  et  un  vêtement  léger;  il  leur  restait  300 
francs,de  quoi  vivre,  en  attendant  de  problématiques  secours 
de  France.  Par  le  plus  grand  des  hasards,  ils  reçurent  à 
Dusseldorf  une  somme  de  2.400  francs  que  leur  mère  igno- 
rant leur  lieu  de  refuge,  avait  confiée  à  un  banquier  de  Lau- 
sanne. Ils  vécurent  là  une  année,  consacrant  leur  temps  à 
l'étude  des  questions  religieuses,  de  l'histoire  naturelle  et 
des  choses  de  l'agriculture.  Dans  les  premiers  jours  de 
1795,  l'invasion  française  les  contraignait  à  se  remettre  en 
route:  à  pied,  en  plein  hiver,  par  des  chemins  atroces,  por- 
tant un  maigre  bagage,  ils  franchirent  soixante  lieues, 
pour  s'établri  près  de  Constance.  M.  de  Bonald,  qui  fai- 
sait partie  de  ce  pitoyable  convoi,  se  fixa  près  d'eux. 

A  la  fin  de  1796,  ils  rentrèrent  en  France.  Mais,  portés 
par  les  autorités  de  Noves  sur  une  liste  d'émigrés  rentrés 
pour  ((  égorger  les  patriotes  »,  ils  furent  jetés  en  prison. 
Ils  purent  se  disculper,  mais,  à  la  fin  de  1798,  résolurent 
d'émigrer  de  nouveau.  Ils  gagnèrent  l'Fspagne  et  s'ins- 
tallèrent à  Barcelone. 

* 

*  * 

Kn  mai  1801,  Antoine  rentrait  en  France  avec  son  frère 
Joseph.  Il  gagnait  Paris,  pour  traiter  avec  l'administration 
des  domaines  et  rentrer  en  possession  des  biens  paternels. 


A.    DE   BOURNISSAC  I9 

mis  sous  séquestre  pendant  la  Révolution.  Bournissac 
mena  à  Paris  une  vie  retirée  et  tranquille  ;  il  avait  peu  de 
relations,  ne  s'occupait  que  de  son  affaire  qui  traînait  en 
Conseil  d'Etat,  employant  «  le  reste  de  son  temps  chré- 
tiennement »,  comme  il  l'écrira  lui-môme  plus  tard. 

Le  25  août,  Antoine  communiquait  à  j\I.  de  Saint-Vin- 
cent ses  impressions:   «   Notre  premier  soin   fut   de   nous 
informer    des    églises    que    les    catholiques    pouvaient    fré- 
quenter. Dans  nos  premières  courses,  nous  vîmes  beaucoup 
d'églises  ouvertes  au  culte,  et  qui  portaient  sur  la  façade 
une   énorme   inscription   à   différents   attributs:   au    génie, 
à  la  vieillesse,  à  la  jeunesse,  à  la  piété  filiale,  à  l'hymen, 
à  la  victoire,  à  la  paix,  au  commerce,  à  l'agriculture,  au 
travail,  à  la  liberté  et  à  l'égalité.  A  l'église  Notre-Dame,  on 
lit:  A   l'Etre  Suprême,  protecteur  de  la   République,  et  à 
Saint-Sulpice  :  Le  peuple  Fra-nçais  reconnaît  l'existence  de 
VEtre   Suprême   et   de   Vimmortalitê    de    l'âme.    Ces   deux 
églises  sont   occupées  par  les  constitutionnels.   Cela   nous 
fit  frissonner  et  nous  inspira  tant  de  répugnance,  et  même 
d'horreur,  que  depuis  que  nous  sommes  ici,  nous  n'avons 
jamais  pu  prendre  sur  nous  d'y  mettre  les  pieds.  Car  quel 
rapport  y  a-t-il  entre  notre  Dieu  et  l'Etre  suprême  des  phi- 
losophes? Ce  temple  consacré  au  génie  ne  l'est-il  pas  à  la 
sagesse   humaine,    qui   est   en    abomination    devant    Dieu  ? 
Celui  du  commerce  ne  l'est-il  pas  à  la  cupidité?  Celui  de 
la  liberté  à  l'indépendance?  Qu'on  se  souvienne  d'ailleurs 
que  c'est  ainsi  que  les  païens  honoraient  leurs  dieux.  On 
crie  partout  que  la  religion  se  rétablit  :  voilà  sans  doute  de 
glorieuses  conquêtes  sur  l'impiété  et  sur  le  démon.  Il  sem- 
ble que  Dieu  a  frappé  ce  peuple  de  vertige,   et  qu'il  l'a 
abandonné  dans  les  mains  de  son  propre  conseil. 

«  Je  vous  assure  que  toutes  ces  réflexions  nous  ont  per- 
suadé qu'il  est  imprudent  et  dangereux  de  s'unir  aux  sou- 


20  C.    ET   A.    LATREILLE 

missionnaires  dans  leurs  églises.  Nous  allons  les  diman- 
ches et  fêtes,  assister  à  la  messe  du  Père  Brun,  de  l'Ora- 
toire, un  saint  homme  qui  sert  d'aumônier  à  des  dames 
ursulines,  qui  ont  un  pensionnat,  il  n'a  pas  fait  de  sou- 
mission... 

((  ...  On  parle  beaucoup  ici  de  l'accommodement  avec  le 
pape  ;  on  dit  que  tous  les  évêques  donneront  leur  démis- 
sion et  que  l'on  nommera  cinquante  évêques  ;  que  les  curés 
seront  placés  dans  des  cures  différentes,  pour  ne  point 
réveiller  les  haines  ;  que  si  les  évêques  de  France  ne  vou- 
laient pas  se  démettre,  le  pape  passerait  outre.  Tout  le 
monde  ici  triomphe,  comme  si  c'était  une  victoire  glorieuse 
à  la  religion.  Je  m'abtiens  de  faire  aucune  réflexion,  puis- 
que cela  n'est  pas  encore  assez  connu,  ni  sanctionné...  » 

Préoccupé  comme  l'on  voit  des  questions  religieuses, 
Bournissac  s'était  intimement  lié  avec  un  oratorien  Rau- 
Ihac  du  Maupas,  ancien  professeur  au  collège  de  Lyon, 
la  sœur  Catherine,  et  son  directeur  le  dominicain  de  Bar, 
les  derniers  représentants  de  ce  que  les  anticoncordatistes 
appelaient  mystérieusement  1'  <(  Œuvre  ».  Dès  son  adoles- 
cence, à  Juilly,  notre  héros  avait  entendu  parler  de  cette 
œuvre  prétendue  miraculeuse  née  sur  le  tombeau  du  diacre 
Paris,  par  laquelle  Dieu  se  manifestait  directement  aux 
hommes  dans  les  temps  de  prévarications.  IJ Œuvre  se 
défendait  de  vouloir  dicter  aux  siens  une  règle  de  conduite 
qui  n'appartenait,  disait-elle,  qu'à  l'Eglise  de  donner.  Elle 
n'était  qu'une  «  trompette  pour  réveiller  notre  foi  assou- 
pie, une  voix  qui  nous  avertit  des  maux  terribles  dont  nous 
sommes  menacés  et  nous  crie  de  les  détourner  par  d'insi- 
gnes fruits  de  pénitence...  )>  Autrefois  Dieu  avait  toujours 
fait  précéder  par  des  avertissements  répétés  les  coups  ter- 
ribles dont  sa  justice  avait  résolu  de  frapper  les  peuples 
coupables.  «  Annoncez-nous  ce  qui  doit  arriver  à  l'avenir, 


A.    DE   BOURNISSAC  21 

et  nous  reconnaîtrons  que  vous  êtes  des  dieux  )>,  est-il 
écrit  dans  Isaïe  XI 1,  23.  Or  le  diacre  Paris,  et  après  lui 
plusieurs  insiriunents  avaient  eu  le  don  de  prophétie.  Di- 
verses annonces  de  V Œuvre  avaient  à  l'avance  tracé  tout 
le  tableau  de  la  Révolution.  A  Lyon,  sœur  Marie  en  avait 
prévu  la  marche  dans  le  plus  grand  détail  ;  frère  Pierre, 
les  sœurs  Solva,  La  Croix,  Catherine  et  Holda  avaient 
prédit  le  grand  renversement  de  toutes  choses,  l'esprit  de 
vertige  et  d'impiété,  la  formation  de  Vidole. 

Rien  de  plus  curieux  que  les  réunions  de  ces  initiés,  qui, 
en  opposition  au  culte  officiel,  dressaient  une  petite  église 
réservée  à  quelques-uns,  aux  héritiers  de  l'esprit  janséniste 
et  surtout  du  cimetière  de  Saint-Alédard.  Sœur  Marie  n'a- 
vait-elle pas,  le  24  janvier  1795,  annoncé  clairement  le  pré- 
tendu Concordat,  cet  accommodement  entre  la  puissance 
civile  et  l'autorité  ecclésiastique,  édifié  sur  les  ruines  de  la 
vraie  foi,  puisque  Rome,  au  dire  de  la  prophétesse  accep- 
terait la  Constitution  du  clergé,  et  que  les  évoques,  con- 
fesseurs de  la  foi,  après  s'y  être  longtemps  opposés,  fini- 
raient par  la  regarder  comme  le  salut  de  la  religion  ? 

A  Paris,  Bourriissac  assiste  aux  séances  de  la  sœur  Cathe- 
rine. La  plus  dramatique  est  celle  du  18  avril  1802,  du  jour 
de  Pâques  où  le  Concordat  fut  publié  solennellement  à 
Notre-Dame  par  le  cardinal  Caprara,  et  où  le  Te  Deuni 
fut  chanté  par  trois  cents  musiciens  de  l'Opéra.  Là  se 
rencontraient  les  membres  du  clergé  fidèle  avec  les  consti- 
tutionnels, les  Consuls  de  la  République  avec  les  premiers 
dignitaires  de  l'Etat,  hommes  sans  foi  ni  religion;  des 
ministres  et  ambassadeurs  de  toutes  les  puissances,  protes- 
tants, schismatiques  et  mahométans  ;  une  foule,  enfin,  d'im- 
pies, d'athées,  de  régicides,  parmi  lesquels  Talleyrand-Péri- 
gord,  l'évêque  apostat,  en  son  costume  républicain  et  le 
labre  au  côté. 


^2  C.    Eï   A.    LATREILLÊ 

Pendant  que  ceU.e  cérémonie  déroulait  ses  pompes  offil- 
cielles,  la  sœur  Catherine,  renfermée  dans  upe  chambre 
avec, quelques  amis  de  la  vérité,  parla  fortement  contre  ces 
nouveaux  pasteurs,  qu'elle  appelle  des  loups  et  des  voleurs, 
et  les  menace  des  fléaux  de  la  justice  divine.  Puis,  tombant 
tout  à  coup  dans  une  tristesse  mortelle,  et  fondant  en  lar- 
mes, elle  dit  à  son  Père  au  nom  de  l'Eglise  :  ((  O  mon  Dieu, 
je  suis  dans  les  pleurs,  en  voyant  que  mes  enfants  sont 
dévorés;  parce  que  je  n'ai  plus  de  ministre  qui  puisse  sou- 
lager un  peu  ma  douleur  ».  Se  tournant  alors  vers  le  Père 
de  Bar,  elle  dit  en  sanglotant  :  (c  Hélas,  mes  jours  de  fête 
sont  changés  en  des  jours  de  deuil.  Tous  doivent  être 
aujourd'hui  dans  la  joie,  parce  que  mon  Sauveur  est  res- 
suscité, et  moi  je  pleure,  je  gémis,  je  suis  désolée.  Au 
moins,  mes  amis,  pleurons  ensemble  ((  Elle  prononce  ces 
paroles  d'une  manière  si  touchante  que  tous  les  assistants 
sont  en  larmes.  Après  un  moment  de  repos,  elle  ajoute: 
«  Enfin,  mon  Père,  vous  me  donnerez  quelques  consola- 
tions, vous  essuierez  mes  larmes.  Allons,  il  faut  que  j'es- 
suie celles  de  mes  frères.  Les  petits  seront  à  l'abri.  Faites 
comme  moi,  mes  frères,  je  suis  bien  petite,  et  tout  cela 
passera  par-dessus  ma  tête.  Allons,  mes  amis,  faisons  nous 
bien  petits  »,  et,  pendant  que  tous  se  prosternent  le  plus 
bas  qu'ils  peuvent,  elle  achève  par  ces  mots  :  <(  Mon  Père, 
nous  sommes  bien  petits,  nous,  vos  pauvres  enfants  ;  tout 
cela  passera  par-dessus  leur  tête:  ils  ne  seront  pas  tués  >;. 

Tel  est  le  viatique  dont  quelques  âmes  fortes  devaient 
se  nourrir  pour  s'opposer  à  la  réconciliation  de  l'Eglise  et 
de  l'Etat,  opérée  par  le  concours  de  Pie  VII  et  de  Bona- 
parte. 

Les  avertissements  qui  lui  parvenaient  ainsi  par  l'Œu- 
vre autant  que  l'éducation  reçue  autrefois  devaient  ranger 
Bournissac  dans  le  camp  des  anticoncordatistes.  Il  ne  crut 


À,    DE    BOLRNiSSAC  ^^ 

pas  ((  pouvoir  approuver  ce  qui  se  passait,  ni  reconnaître 
comme  catlioliques  ce  nouveau  clergé  ».  Au  reste,  il  se 
détendait  de  donner  à  cette  opposition  un  caractère  poli- 
tique. 11  constatait  tristement  autour  de  lui  ce  qu'il  appe- 
lait ((  rindiftérence  pour  les  choses  religieuses  »,  et  ne 
s'ouvrait  de  ses  scrupules  qu'auprès  de  quelques  parents  et 
amis  sûrs.  Ce  paisible  cito}'en,  bien  éloigné  de  rêver  des 
bouleversements  sociaux,  manqua  cependant  de  prudence. 
Parmi  ses  condisciples  de  Juilly,  il  avait  retrouvé  ^I.  de 
Belloc,  le  fils  d'un  ancien  conseiller  au  Parlement  de  Tou- 
louse, devenu  par  son  mariage  et  par  la  grâce  du  second 
Consul  Cambacérès,  préfet  du  Cher.  JM.  et  Mme  de  Belloc 
étaient  religieux  :  ils  désiraient  que  leur  tils,  âgé  de  dix 
ans,  commençât  ses  études  à  Juilly.  Le  préfet  ne  pouvant 
l'y  accompagner  lui-même,  sa  femme  vint  à  Paris,  où 
Bournissac  se  chargea  de  l'enfant.  En  même  temps,  Bour- 
nissac  mettait  Mme  de  Belloc  en  rapport  avec  la  sœur 
Catherine.  Dans  ses  conversations  pieuses  avec  la  voyante, 
Mme  de  Belloc  recevait  ces  avertissements  :  a  II  faut  renon- 
cer au  monde  pour  ne  suivre  que  Jésus-Christ.  Il  faut 
entrer  dans  le  désert,  non  pas  que  je  vous  dise  de  quitter 
votre  mari  et  votre  ménage,  mais  entrer  dans  le  désert  de 
votre  cœur.  Vous  ne  devez  penser  qu'à  vous  sauver  »  ;  et, 
faisant  allusion  aux  fonctions  de  son  mari,  elle  ajouta 
qu'il  valait  mieux  ((  être  du  côté  des  persécutés  que  des  per- 
sécuteurs ».  Emue  par  ces  conseils,  Mme  de  Belloc  pria 
Bournissac  de  l'aider  à  obtenir  une  démission  de  son  mari, 
pour  se  retirer  dans  leurs  terres  du  Languedoc. 

Quelque  temps  après,  le  préfet  vint  à  Paris.  Aux  solli- 
citations de  Bournissac  il  répondit  qu'il  ne  tenait  pas 
beaucoup  à  sa  place,  mais  qu'il  voulait  attendre  un  mo- 
ment favorable  pour  la  quitter  avec  bienséance.  En  vain, 
Antoine  le  pressa  de  rompre  immédiatement  ses  liens,    il 


34  C.    ET   A.    LATREILLE 

lui  offrit  enfin  de  lui  écrire  une  espèce  de  mémoire,  où  ii 
lui  démontrerait  l'obligation  de  ne  plus  retarder  une  démar- 
che aussi  importante. 

Bournissac  rédigea  donc  (13  août  1804),  une  lettre  foi  t 
longue,  de  30  à  40  pages,  dans  laquelle  il  établissait  l'illé- 
gitimité du  nouveau  gouvernement,  dont  le  chef,  Bona- 
parte, n'était  que  le  mandataire  de  la  République  révolu- 
tionnaire :  ne  venait-il  pas  de  lui  donner  un  nouveau  gage 
par  l'assassinat  du  duc  d'Enghien?  Un  préfet  devait  néces- 
sairement coopérer  aux  actes  de  ce  gouvernement,  et  li 
ne  pouvait  remplir  ses  fonctions  sans  manquer  aux  devoirs 
de  la  religion.  M.  de  Belloc,  d'ailleurs,  était  riche,  il  pou- 
vait vivre  avec  ses  propres  biens,  et  la  santé  de  sa  femme 
lui  était  un  prétexte  suffisant  pour  se  retirer.  La  partie  la 
plus- curieuse  de  ce  plaidoyer  était  celle  c^ui  contenait  un 
tableau  prophétique  de  la  destinée  que  les  instruments  de 
l'Œuvre  avaient  annoncée  à  Bonaparte,  a  Si  vous  le  voyez, 
concluait  Bournissac,  s'élever  au-dessus  de  toutes  les  puis- 
sances, renverser  les  trônes,  remplir  la  terre  du  bruit  de 
ses  victoires,  gouverner  à  son  gré  les  lois  divines  et  humai- 
nes, ne  perdez  jamais  de  vue  que  ce  n'est  ici  qu'un  instru- 
ment de  la  justice  de  Dieu  :  et  vous  souvenant  de  cette 
parole  du  roi-prophète:  J'ai  vue  l'impie  au  faîte  des  hon- 
neurs et  aussi  élevé  que  les  cèdres  du  Liban  ;  je  n'ai  fait 
que  passer,  il  n'était  déjà  plus  (Ps.  36);  que  votre  cœur 
n'hésite  pas,  qu'il  ne  se  trouble  point  à  la  vue  de  tant  de 
prospérités  étonnantes;  mais  qu'il  soit  assuré  que  c'est 
dans  le  moment  même  de  sa  plus  grande  élévation  qu'il 
sera  renversé  et  que  le  Seigneur,  pour  justifier  sa  Provi- 
dence, montrera  que  tous  les  appuis  humains  ne  sont  que 
vanité  devant  lui,  et  qu'il  n'a  laissé  élever  cet  homme  que 
pour  en  faire  un  exemple  à  jamais  mémorable  de  sa  jus- 
tice et  de  sa  colère  ». 


A.    DE   BOURNISSAC  25 

i\I.  de  Belloc  ne  se  convertit  pas  à  l'idée  d'une  démis- 
sion immédiate  ;  il  assista,  en  décembre,  au  couronnement 
de  l'Empereur...  Mais  le  malheureux  Bournissac  omit  de 
faire  disparaître  le  brouillon  de  son  mémoire. 

* 
*  * 

Arrêté  dans  les  conditions  que  nous  avons  dites,  au 
début  de  février  1805,  Bournissac  subit  un  premier  inter- 
rogatoire :  il  fut  convaincu  'd'avoir  communiqué  à  des 
amis  les  ((  Réclamations  »  des  anciens  évêques  contre  le 
Concordat,  que  l'abbé  de  la  Neufville  lui  avait  fait  parve- 
nir. Il  en  avait  adressé  des  exemplaires  aux  anticoncorda- 
tistes  de  Lyon  et  à  son  frère  Joseph,  qui,  à  son  tour,  les 
avait  répandus  à  Marseille  et  à  Saint-Maximin.  11  avait 
converti  à  l'Œuvre  une  Mm,e  Saillet,  chez  qui  on  trouva 
un  dépôt  de  la  c.  Lettre  »  de  l'évêque  de  Saint-Pol-de-Léon. 
Chef  d'accusation  plus  grave  :  dans  les  pajDiers  saisis  à  son 
domicile,  on  découvrait,  à  coté  de  1'  «  Oraison  Funèbre  » 
du  duc  d'Enghien,  le  journal  d'annonces  de  la  sœur  Cathe- 
rine, plusieurs  lettres  de  ses  amis  de  Lyon,  sa  correspon- 
dance avec  M-.  et  Mme  de  Belloc,  notamment  le  brouillon 
du  mémoire  au  préfet  du  Cher.  Mis  sous  les  yeux  de  l'em- 
reur  lui-même,  ces  papiers  provoquaient  une  violente  colère 
de  Napoléon:  ce  Qu'on  le  fusille!  qu'on  le  fusille!  »,  s'écria 
le  maître. 

Belloc,  mandé  par  l'empereur,  subit  les  plus  vifs  repro- 
ches. Son  cas  fut  porté  devant  le  Conseil  d'Etat,  qui  con- 
clut à  sa  destitution. 

Bournissac  s'efforça  alors  d'intéresser  à  son  sort  le  minis- 
tre de  la  police  lui-même,  Fouché,  son  ancien  maître  de 
Juilly.  Les  Archives  Nationales  nous  conservent  le  long 
mémoire  apologétique,   en   27   articles,   qu'il  adressa  à  la 


26  C.    ET   A.    LAÏREILLE 

lois  à  Fouché  et  au  préfet  de  police  de   la  prison  de   la 
l'orce  '. 

Après  avoir  rappelé  à  l'ancien  Oralorien  le  temps-  où 
celui-ci  lui  servait  ((  de  père  »  à  Juilly,  il  allirmait  que 
pendant  toute  l'époque  révolutionnaire,  il  n'avait  eu  d'au- 
tre but  que  de  sauver  du  naufrage  les  sentiments  religieux 
que,  disait-il  sans  ironie,  ((de  sages  instituteurs  m'avaient 
inspirés  ».  Il  s'était  toujours  tenu  à  l'écart  des  factions. 
Sans  doute,  récemment  il  n'avait  pas  cru  devoir  accepter 
le  Concordat,  mais  ses  convictions  religieuses  elles-mêmes 
lui  faisaient  un  devoir  de  ne  pas  troubler  Tordre  social.  Sa 
correspondance  exprimait  quelquefois  des  sentiments  hosti- 
les au  nouveau  gouvernement  ;  mais,  protestait-il  en  criti- 
quant naïvement  les  procédés  de  la  police  impériale  : 
((  ...  En  qui  ne  trouverait-on  pas  de  crimes  et  de  délits,  si 
depuis  que  nous  voyons  se  succéder  tant  de  régimes,  de 
partis  et  de  constitutions  différentes,  on  avait  voulu  juger 
chacun  sur  ce  qu'il  a  pu  penser  et  dire  seul  avec  son 
ami  !  » 

Ayant  ainsi  revendiqué  la  liberté  d'opinion,  il  tâchait 
de  démontrer  l'innocence  de  ses  lettres  à  M.  de  Belloc.  Il 
avait  seulement  voulu  faire  sentir  à  un  ami  qui  était  un 
fonctionnaire  fidèle  et  un  chrétien  ((  que  dans  l'état  actuel 
de  la  religion,  quelqu'un  qui  voulait  être  scrupuleux  sur 
ses  devoirs  de  chrétien,  ne  pouvait  pas  manquer  de  ren- 
contrer des  difficultés  presque  insurmontables  dans  les 
postes  éminents  comme  le  sien  ».  Ce  n'était  pas  là  l'argu- 
ment d'un  factieux,  mais  (c  d'un  chrétien  qui,  ne  voyant 
les  choses  que  d'après  l'Evangile,  est  sensible  à  tout  ce 
qui  peut  blesser  J.-C.  et  sa  religion  ». 

'  Arch.  Nat.  F  7,  6439. 


A.    DE   BOURNISSAC  27 

En  se  réfugiant  ainsi  dans  les  plus  sereines  régions  de  la 
mystique,  l'auteur  du  mémoire  pouvait-il  faire  oublier  que, 
pour  convaincre  un  fonctionnaire  consciencieux,  il  n'avait 
pas  hésité  à  lui  rappeler  l'instabilité  des  trônes  et  la  briè- 
veté des  empires.  Bournissac  devait  confesser  à  Fouché 
que  les  inslrunients  de  l'Œuvre  avaient  prédit  la  chute  pro- 
chaine du  régime  nouveau,  mais  il  protestait  que  ces 
annonces  étaient  des  manifestations  de  la  volonté  divine, 
bien  loin  d'être  des  manifestations  de  l'esprit  de  parti.  Sous 
l'ancienne  monarchie,  des  prédictions  analogues  avaient 
été  faites,  dont  le  pouvoir  n'avait  pas  pris  ombrage.  «  On 
sait  assurément  que  ce  ne  sont  pas  ceux  qui  croient  à  ces 
prédictions  qui  en  sont  la  cause  ou  qui  ont  pu  y  contri- 
buer. Les  amis  de  l'Œuvre  étaient  d'ailleurs  peu  nom- 
breux, méprisés,  ignorés.  Comment  croire  que  c'est  à  eux 
que  s'adresseraient  les  conspirateurs  pour  attaquer  le  nou- 
veau gouvernement  ? 

Est-ce  cet  argument  que  Fouché  reprit  devant  l'empe- 
reur? Nous  ne  savons.  Toujours  est-il  que  son  intervention 
sauva  la  tête  de  Bournissac,  qui  ne  fut  condamné  qu'à  la 
détention  illimitée  comme  prisonnier  d'Etat. 

Le  4  mars,  notre  héros  était  transféré  au  Temple. 

Le  Temple  !  A  un  royaliste  aussi  fervent  que  Bournis- 
sac, ce  nom  seul  rappelait  des  souvenirs  d'une  vénération 
religieuse.  N'est-ce  pas  dans  cette  tour  que  la  famille 
royale  avait  souffert  si  longtemps?  D'ailleurs  le  régime, 
pour  les  prisonniers  qui  n'étaient  pas  au  secret,  était  aussi 
doux  qu'il  pouvait  l'être.  Après  trois  ans  et  demi  de  réclu- 
sion, Bournissac  déclarera  que  c'était  le  «  paradis  des  pri- 
sons »,  et  qu'il  n'en  gardait  que  des  souvenirs  convenables. 
Chaque  détenu  avait  sa  petite  chambre,  avec  un  poêle  où  il 
faisait  du  feu  à  volonté.  Depuis  le  point  du  jour  jusqu'à 
dix  heures  du  soir,  la  circulation  était  libre  dans  la  tour  : 


28  C.    ET   A.    LATREILLÉ 

les  détenus  pouvaient  se  visiter,  se  réunir  dans  leurs  cham- 
bres. J.a  nourriture  accordée  '  par  le  gouvernement  était 
très  grossière,  mais  on  avait  la  faculté  de  taire  venir  ses 
repas  de  chez  soi  ou  de  chez  le  traiteur  ;  ou  même  on  fai- 
sait sa  cuisine  (et  l'on  touchait  alois.  à  la  place  des  ali- 
ments du  gouvernement,  30  sols  par  jour).  Les  mariés  rece- 
vaient leur  femme  et  leurs  enfants  chez  eux;  de  plus,  il  y 
avait  un  parloir  commun  où,  du  matin  au  soir,  les  visites 
étaient  libres.  L'exercice  et  les  distractions  étaient  faciles: 
un  jardin  semé  de  gazon,  planté  d'arbres,  offrant  des  pla- 
tes-bandes avec  des  fleurs  s'étendait  sur  cent  pieds  de  long. 
A  l'approche  de  la  nuit,  un  gardien  allumait  une  torche 
et  la  promenait  autour  du  jardin:  c'était  le  signal  auquel 
tout  le  monde  rentrait:  d'ailleurs,  jusqu'à  dix  heures,  on 
restait  libre  de  se  visiter  entre  détenus.  Bournissac  retrou- 
vait au  Temple  des  royalistes  notoires,  comme  les  deux 
]\L\I.  de  Polignac  (l'aîné  avait  été  compromis  dans  l'af- 
faire de  Georges  et  Pichegru),  ((  malheureusement  bien 
loin  l'un  et  l'autre  de  la  religion  )>  ;  —  l'abbé  de  la  Neuf- 
ville,  homme  très  pieux  et  très  régulier,  qui  ne  connais- 
sait pas  <(  le  véritable  fond  de  la  religion  »  (ce  qui  veut 
dire  qu'il  était  hostile  aux  idées  Jansénistes),  mais  dont  il 
convenait  de  louer  le  <(  zèle  inébranlable  »  pour  la  cause  des 
évêques  anticoncordatistes  ;  —  et  même  quelques  amis  de 
l'Œuvre,  comme  du  Maupas  et  M.  de  Gen...  (probablement 
Desfours  de  Genetières). 

Tout  changea  après  l'audacieuse  évasion  d'un  gentil- 
homme royaliste,  Armand  Chevalier,  enfermé  au  secret  à 
la  fin  de  1807.  Le  secret  était  dans  un  petit  bâtiment  séparé 
de  la  Tour,  et  particulièrement  surveillé.  En  une  quinzaine 
de  jours  ou  plutôt  de  nuits,  car  il  fallait  travailler  la  nuit 
pour  ne  pas  être  surpris  par  les  rondes  des  gardiens, 
Chevalier  réussit  à  percer  un  mur  de  trois  pieds  d'épais- 


A.    DE   BOURNISSAC  29 

seur,  détachant  avec  des  outils  de  fortune,  sans  le  moindre 
bruit,  d'énormes  pierres.  A  mesure  qu'il  enlève  les  blocs, 
il  les  cache  sous  sa  paillasse,  brûlant  à  mesure  sa  paille. 
Enfin,  un  beau  matin,  à  la  pointe  du  jour,  par  une  corde 
faite  avec  ses  draps,  il  descend  par  son  trou.  Il  n'a  rien 
oublié  de  ses  effets,  traverse  la  première  et  la  seconde  cour, 
frappe  hardiment  chez  le  portier  c{ui  croit  que  c'est  un 
gardien  ou  un  homme  attaché  au  service  de  la  maison,  et 
franchit  la  porte  \ 

Dès  qu'on  s'aperçoit  de  sa  disparition,  on  fait  la  visite 
de  la  chambre  de  tous  les  détenus,  où  l'on  saisit  tout  ce 
qui  pourrait  servir  d'outil.  Tous  les  rapports  avec  l'exté- 
rieur sont  suspendus,  les  permissions,  même  pour  les  fem- 
mes des  détenus  supprimées.  Plus  de  liberté  de  communi- 
cation entre  les  prisonniers.  Réglementation  des  heures 
cle  promenade  ? 

Du  haut  de  leur  Tour,  les  détenus  se  consolent  en  sui- 
vant avec  une  lorgnette  les  travaux  de  réfection  du  don- 
jon de  Vincennes.  L'empereur  a  ordonné  de  le  faire  répa- 
rer, pour  V  transporter  les  prisonniers,  puisque  le  Temple 
ne  paraît  plus  assez  sûr.  On  leur  promet  qu'ils  v  seront 
mieux  qu'à  la  Tour. 

Dans  la  nuit  du  6  au  7  juin  1S08,  k  2  h.  30  du  matin, 
le  concierge  éveille  Boiirnissac.  Il  faut  se  lever  pour  par- 
tir: seize  de§  plus  importants  prisonniers  sont  réunis  déjà 
dans  la  cour.  L'inspecteur  du  ministre,  en  grand  costume, 
fait  l'appel.  Des  fiacres  attendent,  rangés  en  ordre:  on  met 
trois  détenus  dans  chacun,  avec  un  homm.e  de  la  police. 
Un  piquet  de  gendarmerie  à  cheval  les  encadre,  et  dans  ce 


'  Chevalier  ne  devait  pas  jouir  de  la  liberté  reconquise  :  sa  belle-sœur 
aj'ant  été  arrêtée  comme  complice  de  son  évasion,  il  se  livra  à  la  police 
pour  obtenir  sont  élargissement  ;  il  devait  être   fusillé. 


30  C.    ET   A.    LATREILLE 

cortège,    Bournissac  traverse    Paris    encore    endormi.    En 
cinq  quarts  d'heure,  on  arrive  au  donjon  de  Vincennes. 


Les  deux  années  passées  à  Vincennes  furent  singulière- 
ment plus  pesantes  à  Bournissac  que  celles  du  Temple. 

Il  fut  logé  au  quatrième  étage.  Plus  de  chambre  indi- 
viduelle :  toutes  les  cellules  étaient  partagées  ;  chacun  pou- 
vait  choisir  son  compagnon,  mais  les  autorités  avaient  com- 
posé la  réunion  des  détenus  de  chaque  étage  de  manière 
que  les  prisonniers  ne  se  convinssent  point  relativement 
h  leurs  opinions.  D'un  étage  à  l'autre  il  était  rigoureuse- 
ment interdit  de  communiquer:  tromper  la  vigilance  des 
gardiens  sur  ce  point,  c'était  risquer  de  se  voir  mettre  au 
r?{Tet.  Aux  heures  de  récréation  (3  heures  par  jour),  ceux 
qui  logeaient  aux  premier,  second,  troisième  étages,  des- 
sendaient  dans  la  cour.  Ceux  des  étages  supérieurs  mon- 
taient sur  la  plate-forme.  Cette  plate-forme,  entourée  d'un 
grillage  immense,  semblait  être  comme  une  cage  aérienne. 
De  là  la  vue  était  admirable;  les  détenus  respiraient  avec 
plaisir  un  air  vif  et  pur.  Mais  quelques  prisonniers  furent 
soupçonnés  de  vouloir  communiquer  avec  des  promeneurs 
du  dehors,  par  un  système  de  signaux  à  bras  et  à  l'aide 
de  lunettes.  Aussitôt  les  promenades  sur  la  plate-forme  se 
firent  plus  rares:  les  jours  de  fête  surtout,  on  prit  l'habi- 
tude de  faire  descendre  les  prisonniers  dans  la  cour:  or  les 
deux  c^ent  quarante-huit  marches  de  huit  pouces  et  demi 
(avec  son  esprit  méthodique,  Bournissac  avait  fait  le  calcul 
exact),  gâtaient  absolument- le  plaisir  de  la  récréation,  que 
les  gardiens  du  reste  firent  de  plus  en  plus  courtes.  Les 
visites  du  dehors  n'étaient  admises  que  le  dimanche:  dav/k 
un  parloir  humide  et  froid,  on  n'apercevait  parents  et  amis 
qu'à  travers  une  double  grille. 


A.    DE   BOURNISSAC  3I 

Bournissac  souffrait.  Le  27  février  1807,  il  avait  dû  récla- 
mer les  30  sols  par  jour  accordés  aux  détfenus  indigents, 
exposant  que  «  ce  secours  lui  devenait  indispensable,  ayant 
épuisé  par  sa  détention  prolongée  tous  ses  moyens  de  res- 
sources ».  A  Vincennes,  il  reçut  cjuarante  sols:  sur  ce  trai- 
tement payé  régulièrement  par  quinzaine,  vingt-cinci  sons 
allaient  au  traiteur,  pour  une  nourriture  meilleure  que  celle 
du  Temple:  une  demi  bouteille  de  vin,  une  livre  et  demie 
de  pain  blanc,  une  soupe,  un  bouilli,  une  entrée  et  un  plat 
de  légumes. 

Aussi  bien,  qu'étaient  les  souffrances  ou  les  améliora- 
tions matérielles  au  regard  de  l'épreuve  morale,  que  chaque 
journée  rendait  plus  dure?  A  l'intérieur  de  la  prison,  il 
n'existait  point  d'exercice  public  du  culte:  Bournissac  se 
fût  d'ailleurs  refusé  à  participer  au  culte  célébré  par  un 
concordataire.  Il  avait  perdu  les  compagnons  de  captivité 
et  les  amis  du  Temple:  plus  heureux  que  lui,  Desfours  de-, 
Genetières  avait  été  élargi  après  deux  ans  de  captivité. 
De  sa  famille,  il  avait  eu  une  fois,  au  Temple,  la  visite  de 
son  frère  Joseph.  Depuis,  il  le  savait  à  Noves,  auprès  de 
leur  mère,  occupé  à  faire  valoir  leurs  propriétés.  Mais  \p 
25  mars  1810,  il  apprenait  la  mort  de  leur  mère  qu'il  r/a- 
vait  pas  revue. 

La  dernière  pensée  de  la  pauvre  femme  avait  été  pour 
obtenir  la  libération  de  son  fils.  Le  28  février  1809,  elle 
avait  adressé  une  pétition  à  Fouché  rappelant  à  l'ancien 
professeur  de  Juilly  la  «  candeur,  le  caractère  doux  et 
aimable  »  d'Antoine.  Mais,  pour  être  libéré,  l'intéressé  r,u- 
rait  dû  promettre  fidélité  à  ce  gouvernement  dont  il  .<('. 
reconnaissait  pas  la  légitimité. 

Lors  du  mariage  de  l'empereur  avec  Marie-Louise,  un 
ami  de  Bournissac,  M.  Guibout,  de  Paris,  lui  conseilla 
de  demander  son  élargissement:   il   l'obtiendrait  sûrement 


32  C.    ET   A.    LATREILLE 

en  adressant  à  l'empereur  une  pétition  et  une  promesse  de 
soumission.  Devant  l'insistance  de  M.  Guibout,  Bournis- 
sac  consentit  à  soumettre  ce  cas  de  conscience  aux^anti- 
concordatistes  de  Lyon.  Ceux-ci,  particulièrement  l'abbé 
Germain,  un  des  meilleurs  amis  du  prisonnier,  et  M. 
Alexandre  Bergasse  se  prononcèrent  contre  toute  promesse 
de  fidélité  qui  eût  approuvé  ce  cjue  Napoléon  avait  fait 
en  usurpant  l'autorité  légitime,  en  établissant  une  Eglise 
sclîismatique  dévouée  à  sa,  volonté,  et  en  donnant  son 
adhésion  aux  iniquités  de  la  Révolution. 

Il  fallut  pour  tirer  Bournissac  de  prison  une  circons- 
tance inattendue.  Pour  ruiner  le  commerce  anglais,  l'Empe- 
reur avait  décrété  le  blocus  continental.  Comme  le  sucre 
et  le  café  des  colonies  anglaises  étaient  montés  à  des  prix 
exorbitants,  on  chercha  en  France  le  n^^yen  d'avoir  du 
sucre  indigène. 

Avec  son  esprit  curieux  de  toutes  choses,  Bournissac 
avait  toujours  aimé  s'occuper  d'agriculture  et  d'histoire 
naturelle.  En  pleine  émigration,  alors  qu'il  était  talonné 
par  le  souci  du  lendemain,  il  avait  trouvé  le  loisir  de  visiter 
avec  ses  frères  les  fabriques  et  les  machines,  de  parcourir 
les  campagnes  autour  d'Heidelberg.  Ainsi  il  avait  remarqué 
la  m.anière  défectueuse  dont  les  paysans  faisaient  les  fro- 
mages et  il  leur  avait  appris  à  perfectionner  ces  produits. 
Rentrant  en  France,  il  avait  rêvé  de  reprendre  à  Noves  la 
vie  de  gentilhomme  campagnard.  Enfermé  au  Temple,  .1 
s'y  essayait  dès  1807  à  obtenir  du  sucre  avec  des  raisins. 
En  1808,  à  Vincennes,  il  reprenait  ses  expériences  et  invi- 
tait son  frère  Joseph  cà  en  faire  de  sembla^bles  à  Noves, 
pour  contrôler  les  résultats  qu'il  obtenait.  A  la  fin  de  l'an- 
née, il  remettait  à  Fouché  un  mémoire  sur  la  question.  Le 
ministre  de  la  police  le  transmettait  à  son  collègue  de  l'in- 
térieur, Chaptal. 


A.    DE   BOURNISSAC  33 

Chaptal  lit  examiner  le  mémoire  par  un  membre  de 
rinsUtut,  et,  le  21  mars,  il  répondit  à  Foiiché  :  <(  M.  Par- 
mentier  donne  les  plus  grands  éloges  à  la  méthode  et  à  la 
clarté  que  l'auteur  a  mises  dans  ses  recherches  et  dans  ses 
expériences  ».  L'Académie  de  Marseille  venait  de  propo- 
ser un  prix  à  l'auteur  du  meilleur  travail  sur  le  moyen  de 
tirer  du  sucre  des  raisins  ;  les  mémoires  devaient  être  dépo- 
sés immédiatement.  M.  Parmentier  conseillait  fort  à  Bour- 
nissac  de  concourir. 

De  fait,  le  Moniteur  du  23  mai  nous  apprend  que  dans 
sa  séance  du  6,  l'Académie  de  Marseille  vient  d'entendre 
le  rapport  de  M.  Laurens  sur  le  concours  relatif  à  la  fabri- 
cation du  sucre.  Aucun  mémoire  n'a  été  jugé  digne  du 
prix.  ]\Iais  on  a  distingué  honorablement  celui  qui  portait 
l'épigraphe:  ((  Eloigné  de  vous,  je  me  suis  occupé  de  ce 
qui  peut  vous  être  utile  ».  Une  médaille  d'encouragemeiv: 
de  450  francs  a  été  décernée  à  l'auteur. 

On  devine  que  cette  noble  devise  cachait  la  personne 
de  notre  héros. 

Bournissac  envoya  à  l'impression  son  travail,  qui  parut 
sous  la  forme  d'un  petit  in-8°  de  162  pages  et  sous  le  titre 
de  «  Mémoire  sur  les  sirops  et  les  moscouades  de  raisin  et 
particulièrement  sur  l'art  d'en  extraire  le  sucre  cristalli- 
sable  et  de  le  raffiner,  suivi  du  rapport  qui  a  été  fait  sur 
ce  travail...  par  M.  Parmentier  ».  L'ouvrage  fut  mis  sous 
les  yeux  de  l'empereur,  qui  au  mois  d'août  accorda  l'élar- 
gissement de  son  prisonnier. 

Le  6  septembre  1810,  Antoine  de  Bournissac  franchis- 
sait la  porte  de  Vincennes,  sous  la  condition  «  de  se  rendre 
à  Noves,  aux  environs  d'Avignon,  où  il  fera  du  sucre. 
On  peut  le  mettre,  ajoutait  la  décision  impériale,  sous  la 
surveillance  de  la  police  ». 


34  C.    ET   A.    LATREILLE 

Ses  historiens  nous  disent  que  sa  découverte  fit  baisser 
le  sucre  colonial  et  faillit  faire  abandonner  la  fabrication 
du  sucre  de  betteraves.  En  tout  cas,  jusqu'en  1814,  le  gen- 
tilhomme provençal  ne  donne  plus  d'inquiétude  à  la  police 
impériale. 


La  chute  de  l'Empire  en  1815  n'était  point  pour  surpren- 
dre les  amis  de  l'Œuvre.  Mais  la  monarchie  légitime  dont 
ils  accueillirent  avec  enthousiasme  la  Restauration  ne  s'en- 
gagea pas  dans  les  voies  fixées  par  Dieu  pour  sauver  en 
France  la  monarchie  et  la  religion.  Ne  composa-t-elle  pas 
avec  les  idées  révolutionnaires,  comme  le  prétendu  prin- 
cipe de  la  souveraineté  populaire,  inscrit  dans  la  charte 
même?  N'accueillit-elle  pas  les  hommes  de  la  Révolution 
et  de  l'Empire?  Surtout  ne  maintint-elle  pas  le  Concordat 
que  l'Usurpateur  avait  imposé  à  l'Eglise. 

Faudrait-il  pour  dissiper  l'aveuglement  où  vivaient  le 
roi  et  la  famille  royale  de  nouveaux  coups  de  la  Provi- 
dence ?  Naguère,  Bournissac  parlant  à  Fouché  des  prédic- 
tions terribles  de  la  sœur  Catherine,  avait  eu  soin  de  sou- 
ligner que  les  menaces  de  bouleversement  fulminées  par 
les  instruments  de  l'Œuvre  ne  pesaient  pas  sur  un  régime 
particulier,  mais  sur  tout  régime  qui  méconnaîtrait  la  loi 
divine.  Le  groupe  anticoncordatiste  dont  il  était  l'âme 
maintenant  se  demandait  avec  angoisse  comment  on  pour- 
rait porter  quelques  traits  de  lumière  jusqu'au  pied  du 
trône.  L'abbé  Germain,  un  des  derniers  prêtres  anticon- 
cordatistes,  reçut  par  deux  fois,  le  28  juin  1814  et  le  24  juin 
1815  des  avis  surnaturels:  <(  N'v  aura-i-il  donc  personne, 
ô  mon  Dieu,  «.  lui  fut-il  dit  )),  qui  fasse  connaître  au  chef 
de  l'Eglise  et  de  l'Etat  l'iniquité  qu'ils  commettent,  en 
laissant  subsister  l'idole  dans  le  sein  même  de  l'Eglise?  » 


A.    DE    BOURXISSAC  35 

Germain  se  décida  à  adresser  à  la  duchesse  d'Angou- 
lême,  pour  «  éclairer  son  cœur  droit  et  sensible  »,  deux 
mémoires  de  réflexions  politiques  et  religieuses,  fondées 
sur  la  série  des  visions  et  prédictions  de  la  sœur  Marie 
depuis  1792,  prévisions  si  exactement  vérifiées  jusque  là. 
Frappée  des  unes  et  des  autres,  S.  A,  R.  demanda  à  voir 
l'auteur. 

C'est  ainsi  que  dans  l'automne  de  1815,  Germain  et 
Bournissac  s'acheminèrent  vers  Paris.  Le  18  novembre, 
ils  furent  reçus  par  la  duchesse,  qui  leur  témoigna  sa  satis- 
faction et  celle  du  roi  (qui  les  avait  lues,  paraît-il),  et  qui 
demanda  à  en  connaître  la  suite.  Germain  et  Bournissac 
s'empressèrent  de  s'établir  pour  l'hiver  à  Paris,  afin  de 
réunir  un  nouvel  arsenal  de  preuves  qui  remplit  cette  fois 
un  gros  mémoire,  présenté  dans  ràudience  du  15  mars  1816. 

Bournissac  communiqua  des  copies  du  manuscrit  à  ses 
amis  d'autrefois,  compagnons  d'émigration  et  de  captivité, 
à  J.  de  Polignac,  à  Montmorencv,  à  Bonald,  à  d'autres 
encore...  Hélas!  il  se  sentait  entouré  d'indiiïérence  et  de 
scepticisme.  A  peine  si  une  moitié  de  députés  montrait  quel- 
que résolution,  et  ceux-là  même  manquaient  de  clair- 
voyance: «  Messieurs,  s'écriait  Bournissac,  vous  avez  perdu 
la  première  bataille  à  l'entrée  de  la  campagne  et  vous  ne 
vous  en  relèverez  point  !  Ce  premier  pas  était  l'essentiel  ;  la 
Révolution  vous  a  battus  et  mis  sous  le  joug!  » 

Nos  deux  pèlerins  repartirent  pour  Lyon.  Il  leur  avait 
fallu  peut-être  plus  de  courage  pour  tenter  cet  effort  qu'il 
leur  en  avait  fallu  autrefois  pour  tenir  tête  à  l'L^siirpateur. 
Le  roi  lui-même  était  un  politique  trop  prudent  pour  écou- 
ter ces  purs  qui  voulaient  détruire  toute  la  Révolution,  et 
pour  céder  à  l'accumulation  de  leurs  prophéties. 


36  C.    ET   A.    LATREILLE 

Bournissac  se  retira  dans  le  Midi.  Il  était  devenu  un  des 
oracles  des  anticoncordatistes  :  on  venait  de  loin  le  consul- 
ter et  l'entendre  \  En  1846,  alors  qu'il  était  très  malade,  le 
curé   de  Noves   avait  tenté   une   démarche   auprès   de   lui, 


^  M.  le  comte  de  Gérin-Ricard,  que  nous  sommes  heureux  de 
remercier  ici,  a  bien  voulu  nous  com.muniquer  quelques  lettres  des 
frères  Bournissac.  Nous  en  extrayons  ces  lignes,  adressées  à  M. 
Audiffret,  de  Marseille,  le  24  mars  1845,  et  qui  prouveront  le  fidèle 
attachement  de  notre  héros  à  ses  idées  religieuses. 

Il  le  prie  d'adresser  ses  souhaits  à  !Mme  Audiflfret,  pour  ces  sain- 
tes fêtes...  ((  Dites-lui  aussi  que  nous  aurions  bien  à  conférer  sur  les 
nouvelles  controverses  religieuses  qui  maintenant  prennent  la  place 
de  la  politique.  De  l'indifférentisme  {sic)  notre  France  revient 
à  ses  anciennes  querelles.  (Une  ligne  barrée)...  Ce  serait  à  la  petite 
Eglise  qui  est  restée  étrangère  à  toiTte  innovation  à  les  confondre 
l'un  et  l'autre.  Que  j\I.  Dupin  soutienne  le  gallicanisme,  il  peut 
avoir  assez  mauvaise  grâce  après  le  Concordat  c|ui  a  été  le  chef- 
d'œuvre  de  l'ultramontisme.  Mais  que  le  clergé  et  l'Eglise  du  Con- 
cordat se  donnent  pour  l'Eglise  gallicane  et  la  succession  des 
anciens,  et  qu'elle  fasse  bon  marché  des  cjuatre  articles  et  professe 
hautement  l'ultramontisme,  i!  y  a  là  oubli  d'elle-même  et  de  son 
origine  qui  la  confond  et  comme  elle  ne  succède  pas  aux  anciens 
évêques  dont  elle  n'a  qu'usurpé  les  sièges  par  la  violence  du  Con- 
cordat, comment  conserverait-elle  la  doctrine  gallicane  ?  ne  devant 
sa  création  et  son  origine  illégitime  qu'à  l'excès  de  l'ultramontisme, 
peuvent-ils  avoir  d'autre  doctrine  ?  oh,  qu'ils  montrent  bien  par 
l'abandon  de  la  doctrine  qu'ils  ne  succèdent  pas  atix  sièges,  ils  font 
plus  de  mal  à  la  religion  que  M.  Dupin  n'«n  fera.  Cependant  ce 
clergé  proclame  qu'il  respecte  l'opinion  des  quatre  articles,  qu'ils 
ne  'la  condamnent  pas  ;  mais  Cj[u'ils  sont  libres  de  suivre  l'autre 
opinion.  Ainsi  savoir  si  l'infaillibilité  et  la  toute-puissance  appar- 
tiennent à  la  primauté,  il  ne  s'agit  là  que  d'opinions  ;  et  pourtant 
à  Rome  on  agit  d'après  ces  opinions  pour  ou  contre,  c'est-à-dire 
d'après  ces  messieurs  que  l'Eglise  n'ayant  encore  rien  de  fixe  sur 
l'exercice  et  'les  ministres  de  son  autorité  en  est  réduite  après  dix- 
huit  siècles  à  n'être  gouvernée  que  par  des  opinions.  Quel  aveu 
à  faire  aux  protestants  !  n'en  doutez  pas,  ce  clergé  concordataire 
avec  les  Jésuites  doivent  achever  la  ruine  de  la  France  et  de  la 
religion  chez  les  gentils  chrétiens.  Je  m'arrête  et  vous  salue  affec- 
tueusement ». 


A.    DE   BOURNISSAC  37 

de  la  part  de  l'archevêque  d'Aix.  Il  remercia  des  prières 
qu'on  faisait  dire  pour  lui,  mais  refusa  toute  concession. 
Il  devait  mourir  à  Aix  en  1853,  à  Aix,  sans  que  les  évé- 
nements ni  les  révolutions  successives  eussent  donné  un 
démenti  à  des  convictions,  que  n'avaient  pu  entamer  six 
années  de  réclusion  dans  les  prisons  de  l'Empire. 

Camille  et  André   LATREILLE. 


Les  scrupules  de  M.  l'abbé  Bouche 

Historien  de  Marseille 


Lorsque  M.  l'abbé  de  Vertot,  membre  de  l' Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  rédigeant  sa  fameuse  His- 
toire des  Chevaliers  Hospitaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusa- 
lem, après  avoir  attendu  longtemps  en  vain  des  notes  exac- 
tes sur  le  siège  de  Rhodes,  S'C  décidait  à  l'écrire  de  chic, 
il  eut  ce  mot  charmant,  passé  depuis  aux  honneurs  des 
locutions  proverbiales,  ayant  terminé  son  œuvre  alors 
que  les  documents  arrivaient  entin  :  ((  J'en  suis  fâché,  mais 
mon  siège  est  fait!  » 

Il  importait  peu  à  cet  excellent  homme  de  risquer  d'être 
contredit  par  les  textes  —  et  l'histoire  de  l'ordre  célèbre 
n'en  serait  quand  même  que  ce  qu'il  en  aurait  dit. 

M.  l'abbé  René  Auber  de  Vertot  était  Normand.  Ce 
n'était  pas  une  excuse  suffisante  aux  yeux  de  la  divine 
Clio. 

Un  de  nos  plus  célèbres  historiens  provençaux  —  le  plus 
illustre  avec  Papon,  M.  l'abbé  Honoré  Bouche,  citoyen 
d'Aix,  ancien  prieur  de  Saint-Jacques,  sut  se  montrer  — 
dans  des  circonstances  assez  différentes,  il  est  vrai,  un 
homme  de  meilleure  composition. 

Chacun  en  Provence,  où  il  comptait  l'élite  des  corres- 
pondants —  Gassendi  par  exemple  !  —  tenait  en  haute 
estime  sa  vaste  érudition  et  ses  talents.  Il  rompit  avec 
éclat  plusieurs  lances  contre  ce  terrible  abbé  de  Launoy, 
docteur  parisien,  qui  prétendait  iavec  tant  d'assurance, 
rayer  de  l'hagiographie  provençale  ces  deux  hautes  figures 
de  saint  Lazare  et  de  sainte  Madeleine,  qui  furent  les 
premiers  évangélisateurs  de  notre  pays  (!) 


LES    SCRUPULES   DE   M.    l'aBBÉ   BOUCHE  30 

Aussi  lorsque  M.  l'abbé  Bouche  annonça  son  intention 
de  publier  le  grand  ouvrage  pour  lequel  il  amassait  des 
matériaux  depuis  plus  de  vingt  ans,  le  sentiment  du  public 
lettré  fut  parfaitement  traduit  à  l'Assemblée  générale  que 
tinrent  en  la  ville  de  Saint-Remy  les  communautés  de 
Provence,  le  5  août  1661,  lesquelles  votèrent  d'enthousiasme 
l'impression  de  La  Choro graphie  et  Histoire  de  Provence 
aux  dépens  de  la  province.  Elle  parut  en  1664. 

C'était  d'autant  plus  flatteur  pour  notre  historien  qu'à 
cette  date  la  Provence  ne  jouissait  pas  tout  à  fait  d'un 
calme  idyllique.  Les  troubles  de  la  Fronde  s'y  étaient  fait 
sentir  avec  assez  de  rigueur,  et  il  n'avait  fallu  rien  de  moins 
qu'une  descente  de  la  Cour,  en  notre  pays,  le  Roi  cKmient 
escorté  de  ses  troupes  réglées,  pour  mettre  un  terme  à  cette 
effervescence,  qui  pour  certains  frisait  assez  la  rébellion. 
La  province  avait  du  contribuer  —  et  comment  !  —  aux 
frais  de  logement  et  d'entretien  non  seulement  du  Roi  et 
de  toute  la  Cour,  mais  encore  à  l'hébergement,  nourriture, 
quartiers,  ustensiles  et  fastigages  des  régiments  de  Sa  Ma- 
jesté —  ce  qui  fut  pour  les  privilèges  de  Marseille  notam- 
ment un  fameux  accroc  ! 

Trouver  de  l'argent,  dans  ces  conditions,  pour  éditer  aux 
frais  des  taillables  une  œuvre  littéraire,  c'était  proclamer 
hautement  l'importance  de  cette  œuvre,  et  rendre  un  pré- 
cieux témoignage  aux  choses  de  l'Esprit.  Il  est  vrai,  que 
chaque  communauté  devait  recevoir  en  retour  l'horaimage 
d'un  exemplaire. 

Or,  dans  cette  histoire  dont  on  savait  que  le  récit  devait 
s'arrêter  aux  événements  tout  récents,  c'est-à-dire,  en 
somme,  à  la  fin  de  la  longue  rivalité  entre  la  Maison  d'Au- 
triche et  la  Maison  de  France,  —  le  Traité  des  Pyrénées, 
le  mariage  de  Louis  XIV  et  de  l'Infante  Marie-Thérèse, 
la  naissance  du  Dauphin  — ,  dans  cette  histoire,  le  rôle  de 


4Ô  JEAN   DE    SERVIÈRES 

ces  diverses  communautés  n'était  pas  resté  inaperçu,  et 
Marseille  voyait  depuis  quelques  mois  s'ériger  à  l'entrée 
de  son  port,  une  citadelle  qui  en  disait  long  sur  sa  con- 
duite. 

Comment  l'historien  aurait-il  présenté  les  événements? 
Il  est  assez  naturel  de  penser  que  Alessieurs  les  Echevins 
de  la  ville  —  tous  Marseillais  d'authentique  origine  — 
devaient  en  avoir  quelque  souci  —  eux  qui  savaient  défen- 
dre avec  habileté  autant  les  intérêts  matériels  que  les  inté- 
rêts moraux  de  la  cité  confiée  à  leur  gouvernement... 

((  Alors,  avian  de  Conse  e  de  grand  Cieutadin 
Que  quand  sentien  lou  dré  dedin 
Sabien  leissa  lou  Rei  deforo  ». 

Il  est  évident  que  M.  l'abbé  Bouche  avait  parfaitement 
senti  à  quelles  difficultés,  à  quelle  sorte  d'écueils,  il  pou- 
vait s'exposer  ;  aussi  prenait-il  prudemment  les  devants 
dans  la  préface  de  son  histoire. 

Il  écrivait  en  effet:  «  Je  sais  bien  que  je  pêche  ici  con- 
tre les  avis  et  les  conseils  de  beaucoup  d'écrivains,  et  par- 
ticulièrement de  Bodin,  grand  juge  des  historiens,  disant 
au  chapitre  4  de  sa  Méthode,  qu'il  n'est  pas  bon  qu'un 
historien  décrive  l'histoire  de  son  temps,  pour  le  danger 
qu'il  y  a,  ou  d'être  accusé  de  flatterie  pour  les  uns,  et  de 
mensonge,  cachant  la  vérité  pour  les  autres  ;  ou  d'encourir 
la  haine,  l'indignation  et  la  disgrâce  de  beaucoup  de  per- 
sonnes, suivant  le  dire  d'un  ancien,  qu'un  historien  trouve 
en  son  commencement  l'envie,  en  la  suite  un  très  grand 
travail,  et  en  fin  la  haine.  Mais  outre  l'exemple  de  quel- 
ques anciens  écrivains  qui  ont  écrit  de  l'histoire  de  leur 
temps,  il  ne  nous  défaut  pas  d'exemples  des  historiens  du 
notre  qui  ont  fait  le  même. 


LES    SCRUPULES    DE   M.    L  ABBE   BOUCHE  4I 

Je  confesse  qu'il  est  bien  difficile  de  marcher  au  milieu 
sauh  broncher  vers  les  extrémités.  Mais  comme  il  n  est 
jamais  permis  de  parler  contre  la  vérité,  aussi  est-il  per- 
mis quelquefois  de  la  cacher,  sinon  entièrement  au  moins 
en  quelques  circonstances  et  l'on  n'est  jamais  obligé  de 
tout  dire;  les  mauvaises  actions  ne  noircissent  que  ceux 
qui  les  font,  et  si  leurs  noms  sont  cachés,  toute  la  noir- 
ceur réside  et  se  termine  en  l'acte. 

Il  est  arrivé  de  nos  jours  des  choses  si  considérables 
touchant  les  malheurs  que  causent  les  mouvements  popu- 
laires, que  puisque  VHistoire  est  la  maîtresse  de  la  vie, 
aussi  bien  que  la  lumière  de  la  vérité,  et  que  je  ne  me  suis 
proposé  d'écrire  que  pour  l'utilité  publicpe,  j'ai  cru  ciue 
je  ne  devais  point  les  passer  sous  silence,  pour  l'instruc- 
tion de  ceux  à  qui  il  appartient  de  s'opposer  à  tels  mouve- 
ments, et  beaucoup  plus  encore  pour  détromper  un  auteur 
de  ce  siècle,  cjui  parlant  de  ces  mouvements  n'a  pas  été 
bien  instruit  de  la  vérité  ». 

A  qui  donc  M.  l'abbé  Bouche  fait-il  allusion? 

Rufli  termine  son  Histoire  de  Marseille  en  1638,  à  la 
naissance  de  Louis  XIV,  elle  paraît  en  1642  et  son  fils  en 
donne  une  deuxième  édition  en   1696. 

Le  sieur  d'André  de  Nibbes,  écrit  en  1631  <(  La  Vérité 
provensale  au  Roy;  Discours  contenant  l'état  de  la  Pro- 
vence et  les  raisons  par  lesquelles  S.  M.  T.  C.  est  très 
humblement  suppliée  d'y  laisser  vivre  les  sujets  dans  leurs 
anciennes  libertés,   privilèges,   franchises  et  convention.   » 

Pétri  Heindreich,  publie  son  Massilia  à  Strasbourg,  en 
1658;  le  P.  J.-B.  Guesnay,  en  latin,  son  histoire  versifiée, 
à  Lyon  en  1657  ;  Jean-François  de  Gaufridi,  en  1694,  son 
Histoire  de  Provence;  Louvet  de  Beauvais  a  publié  en 
1676,  son  Abrégé  de  VHistoire  de  Provence,  et  ce  n'est 
qu'en   1704  que  de  Haitze  a  fait  paraître  son  Histoire. 


42  Jean  de  servières 

Serail-L-e  VJlistoirc  des  Troubles  de  Marseille  sans  nom 
d'auteur,  manuscrit  n°  836  de  la  Méjanes,  mais  attribué 
par  Papon  au  président  de  La  Roque,  le  iils  ? 

—  Comment,  et  dans  quelles  conditions,  ces  Messieurs 
de  Marseille  eurent-ils  le  privilège,  la  bonne  fortune  ou 
l'avantage  de  connaître,  avant  le  bon  à  tirer,  le  texte  de 
l'historien  ? 

Par  quelles  voies  les  bonnes  feuilles  passèrent-elles  sous 
leurs  yeux?  11  paraît  diflicile  de  le  Ravoir. 

Le  livre  s'imprimait  à  Aix  et  la  communauté  de  Mar- 
seille y  entretenait  en  permanence  un  homme  d'affaires 
qui  était  son  truchement  entre  elle  et  les  puissances. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  édiles  marseillais  n'avaient  pas  été 
satisfaits  de  certains  passages  concernant  le  temps  des 
Vicomtes  et  l'avaient  fait  savoir  à  l'historien,  en  lui  pro- 
posant l'addition  de  quelques  appréciations  à  cet  égard, 
qui  devait  cadrer  dans  leurs  vues. 

Sans  doute,  il  dut  y  avoir  entre  les  Echevins  et  l'auteur, 
soit  par  écrit  \  soit  de  vive  voix,  une  courtoise  discussion, 
dont  il  nous  reste  une  preuve  écrite  par  une  lettre  abso- 
lument inédite  —  datée  du  16  avril  1663  ",  où  M.  l'abbé 
Bouche,  'présente  sa  justification,  ses  scrupules,  et  les  preu- 
ves de  son  extrême  obligeance  : 

((A   Aix,    ce    16   avril    1663. 
Messieurs, 
Je  suis  ravy  d'aise  d'apprendre  par  la  réponse  qu'il  vous 
a  pieu  de  faire  à  la  letre  que  je  m'estois  donné  l'honneur 
de  vous  écrire,   que  vous  estiez  satisfaits  du  changement 

*  L'enregistrement  des  lettres  reçues  de  Provence  ne  commençant 
qu'en  1704,  nous  n'avons  pas  connaissance  de  cette  lettre  qui  ne  figure 
pas  aux  autographes  que  possèdent  les  archives  de  la  ville  de  Marseille. 

2  Archives  de  Marseille  :  Série  G.  G    (en  cours  de  classement). 


LES    SCRUPULES    DE   M.    l'ABBÉ   BOUCHE  4^ 

de  quelques  paroles  que  j'avois  mises  au  discours  des 
viconiies  de  votre  ville  et  de  l'addition  de  quelques  autres 
paroles  à  l'avantage  de  votre  même  ville  que  je  prétends 
de  meitre  à  la  lin  de  la  page  de  ta  môme  façn  qu'il  vous 
a  pieu  me  prescrire,  ne  voulant  point  contester  avec  vous, 
Messieurs,  sur  le  mot  des  terres  adjacentes,  qui  selon  mon 
petit  jugement  ne  signilie  autre  chose  que  Adhérentes  et 
unies  à  une  autre.  Mot  c^u'on  ne  peut  ce  me  semble  refuser 
à  la  ville  de  Marseille  qu'elle  ne  soit  une  terre  ou  ville 
adjacente  au  regard  de  toute  la  province,  à  laquelle  elle 
est  contigue,  adjacente,  adhérente  et  unie  sans  y  estre  con- 
fondue avec  le  reste. 

Et  il  y  a  de  l'apparance  C|ue  dans  les  qualitez  que  Sa 
Majesté  prend  en  ses  titres  de  Roy  de  France  Comte  de 
Provence  Forcalqiiier  et  terres  adjacentes,  non  seulement 
il  y  est  compris  les  villes  d'Arles,  de  Salon,  de  Sault, 
de  Grignan,  de  Baux,  de  Mondragon,  et  autres  désignées 
dans  l'affouagement  de  ce  pays,  mais  encore  la  ville  de 
Marseille,  lesquelles  terres  /dites  aujourdhuy  adjacentes 
estoient  anciennement  dites  Terres  de  l'Empire  et  sous  ce 
nom  la  ville  de  Marseille  estoit  comprise  l'an  1390  lors 
de  la  guerre  de  Raimond  de  Turene  contre  Louys  2  Roy 
de  Xaples  et  comte  de  Provence,  pour  laquelle  l'on  ht 
contribuer  tant  les  Ecclésiastiques  cjue  les  terres  de  l'Em- 
pire par  la  délibération  des  Etats  de  cette  province, 
et  dans  ce  nom  de  terre  de  l'Empire,  Marseille  est 
comprise,  comme  il  conste  du  manuscrit  en  langage 
provençal  fait  de  ce  temps  là,  oti  il  est  dit  «  et 
toutas  les  villas  que  se  dieu  de  VEmpery  es  assaher 
Marseillo,  Arles,  Salon,  La  Val,  S.  Chamas,  Miramas, 
Cornillon,  lou  Vcrnegue,  Aiibagno,  Roquefort,  Cassis, 
Evenos  et  Lurs  ».  Or  comme  Arles  Salon  sont  encore 
aujourd'huv,  et  les  d[its]  lieux  suivants  estoient  ancienne- 


44  JEAN   DE   SERVIÊRES 

nicni  des  terres  adjacentes  parce  qu'ils  estoient  de  l'Em- 
pir-e,  de  même  il  semble  que  puisc|ue  Marseille  se  disoit 
anciennement  estre  des  terres  de  l'Empire,  elle  doit  cstre 
aujourd'liuy  dite  des  terres  adjacentes,  lequel  mot  a  esté 
introduit  à  la  place  de  celluy  de  VEinpire  pour  faire  perdre 
la  mémoire  des  droits  visionnaires  c]ue  les  Empereurs  pré- 
tendoient  avoir  en  cette  province.  Neantmoins  je  soumets 
mon  jugement  au  votre,  et  il  ne  sera  que  ce  que  vous 
désirez  )). 

On  ne  saurait  être  plus  aimable! 

Ce  terme  d'Empire  a  subsisté  longtemps,  on  le  sa.'t, 
dans  le  langage  usuel  de  la  batellerie  du  Rhône,  où  les 
mariniers  qui  remontaient  ou  descendaient  notre  fleuve, 
désignaient  par  le  mot  Royaume  la  rive  droite,  frontière 
de  France,  et  Empire  la  rive  gauche,  longeant  le  Dau- 
phiné  et  la   Provence. 

Ne  s'est-il  pas  trouvé  au  surplus  à  notre  époque,  de  ces 
savants  ((visionnaires  »  de  l'école  de  IMommssen,  qui  dans 
leurs  atlas  mégalomanes,  teintaient  de  la  couleur  des  Reiclis- 
land  les  terres  des  vieux  royaumes  de  Bourgogne  et  d'Ar- 
les, en  souvenir  d'un  vieil  hommage  féodal,  tout  juste 
nominal  à  l'Elu  du  Saint  Empire  Romain  Germanique? 

Ce  passage  est  doublement  intéressant,  d'abord  par  cette 
allusion  au  titre  officiel  que  devaient  prendre  les  Rois  de 
France  dans  leurs  actes  de  Provence  dont  le  moins  que 
nous  puissions  dire,  c'est  que  l'un  de  ces  titres  accepté 
—  disait  Bouche  —  par  Louis  XI,  premier  héritier  des 
comtes  de  Provence  —  ne  figura  jamais  plus  sur  les  docu- 
ments postérieurs:   celui   de   Seigneur   de   Marseille. 

VoFci  au  surplus,  le  texte  de  M.  l'abbé  Bouche  tel  qu'il 
figure,  sur  le  désir  des  Echevins,  au  tome  I,  section  IV, 
page  874  (in  fine)  de  la  Choro graphie. 


LES    SCRUPULES    DE   M.    l'ABBÉ   BOUCHE  45 

((  —  Et  comme  la  ville  d'Arles  reconnoit  voirement  le 
Roy  jDôiir  son  souverain  seigneur,  non  comme  Roy  de 
France,  ny  comme  Comte  de  Provence,  mais  comme  sei- 
gneur particulier  de  cette  ville,  de  même  les  Marseillois 
ne  reconnoissent  le  Roy  que  comme  seigneur  particulier 
de  leur  ville;  en  sorte  que  pour  l'exécution  de  toutes  les 
lettres  patentes  C|ui  viennent  de  la  part  de  Sa  Majesté,  et 
qui  regardent  cette  ville,  il  doit  y  avoir  l'expression  de  la 
qualité  de  Seigneur  de  Marseille,  ainsi  que  porte  un  des 
articles,  présentés  par  cette  ville  au  Roy  Louis  XI,  à  elle 
même  accordez  par  le  même  Rov,  disant  : 

((  ïtem  placeat  Regiaî  IMajestati,  post  titulum  coronœ 
intitulare  se  etiam  comitem  Provlxci^,  et  dominum  Mas- 
SILL^,  in  omnibus  et  quibuscumque  litteris,  pro  quacum- 
que  causa  scribendi  et  dirigendi  ad  hanc  civitatem,  et  sta- 
tuere  c|uod  non  vultis  execiui  in  INIassilia  dictas  litteras  ves- 
tras,  in  quibus  Secretarius  omiserit  apponere  Dominum 
Massilia?  ».  —  Placet, 

On  n'a  pas  de  peine  a  s'assurer  cyue  même  à  Marseille, 
les  Rois  de  France  agirent  toujours  sous  le  titre  de  <(  Com- 
tes de  Provence,  Forcalquier  et  Terres  Adjacentes  »  sans 
allusion  à  une  particulière  seigneurie  sur  Marseille. 

Et  quant  à  cette  définition  des  Terres  Adjacentes  qui  a 
motivé,  au  cours  des  siècles,  au  point  de  vue  surtout  des 
impositions  et,  même  du  Protocole,  tant  de  discussions  et 
de  controverses,  et  de  réclamations  et  de  disputes,  on  est 
heureux  d'en  saisir  le  mécanisme  aussi  nettement  défini, 
et  les  Fchevins  furent  bien  obligés  de  convenir  qu'il  n'y 
avait  pas  à  discuter  les  sages  vérités  de  l'Historien. 

Celui-ri  poursuivait  donc  son  intéressante  lettre  par  ces 
considérations  nui  — •  l'on  en  conviendra  —  ne  manqut^rt 
pas  de  saveur. 


46  JEAN   DE    SERVIÈRES 

Va  le  lecteur  de  M.  Bouche  ne  pourra  manquer  de  con- 
clure —  mais  on  s'en  doutait  un  peu  —  n'est-ce  pas?  que 
s'il  faut  rechercher  dans  ses  commentaires  des  événements 
de  la  minorité  de  Louis  XIV,  l'expression  exacte  de  la 
vérité,  ce  n'est  pas  là  qu'il  faudra  s'adresser. 

Qu'on  veuille  bien  en  juger: 

<(  tLt  répondant,  Messieurs,  au  sujet  des  remercîments 
qu'il  vous  plaît  de  me  faire  pour  les  petits  services  que 
je  suis  en  disposition  de  vous  rondre,  je  vous  supplie  très 
humblement  d'estre  persuadez  que  je  me  confesse  votre 
obligé  à  tout  ce  qu'il  se  peut,  pour  la  grâce  C{u'il  vous  a 
pieu  de  me  faire  de  m 'avertir  des  choses  qui  peuvent  vous 
être  désagréables.  Cela  m'a  donné  occasion  de  revoir  tous 
les  écrits. qui  restent  encore  à  imprimer  où  il  est  parlé  des 
choses  qui  vous  touchent,  et  ay  tâché  de  tellement  addou- 
cir  les  paroles  pour  représenter  les  actions  nécessaires  à 
sçavoir,  c|ue  je  serois  bien  malheureux  si  l'on  v  trouvoit 
de  quoy  justement  reprendre;  et  bien  cju'il  ne  soit  jamais 
loisible  de  mentir,  il  est  pourtant  permis  de  cacher  la  vérité 
et  ne  la  dire  point  c|uand  il  n'est  pas  nécessaire  de  l'exposer  ; 
Et  pour  ce  sujet  j'ay  addouci  tout  ce  qui  est  arrivé  en 
votre  ville  à  ces  derniers  mouvements,  et  nav  rien  voulu 
dire  de  tout  ce  que  s'y  fit  de  déplaisant  nv  de  fâcheux  au 
voyage  du  Gouverneur  de  celte  province  lorsque  le  Rov 
estoit  en  cette  ville,  pour  ne  donner  connaissance  d'une 
sorte  de  châtiment  qui  pourroit  servir  à  l'avenir  d'un  sujet 
de  flétrissure,  que  si  j'y  dois  parler  d'une  forteresse  qui 
est  trop  visible,  et  qu'on  ne  peut  cacher,  je  dis  que  c'a  esté 
pour  fortifier  cette  ville  qui  est  le  boulevart  de  la  Chré- 
tienté contre  les  Tnfîdelles,  et  celuy  de  l'Etat  contre  les 
envieux  de  cette  Coronne  \  J'ay  effacé  beaucoup  de  choses 

'  En  réalité  pour  tenir  en  respect  les  Marseillois  dans  les  n^'anifesta- 
tions  de  leur  trop  grand  amour  de  la  Liberté...  car,  militairement  par- 


LES  SCRUPULES  UE  U.    L  ABBE  BOUCHE         47 

qui  feurent  faites  dans  voire  ville  en  ce  temps-là  que  j'avois 
couchées  clans  mes  écrits  et  aurois  esté  affligé  jusqués  au 
dernier  point  si  elles  eussent  paru.  C'est  pourquoi  je  vous 
en  rends  toutes  les  plus  humbles  et  reconnoissantes  grâ- 
ces que  je  puis  pour  l'avis  qu'il  vous  a  pieu  de  me  donner». 
((  La  Vérité  Historique,  la  plus  belle  chose  C|u'il  y  ait 
au  monde,  après  la  Religion  »,  ainsi  la  définissait  Louis- 
Napoléon  dans  une  belle  lettre  à  Lamartine,  M.  l'abbé 
Bouche  —  contemporain  des  événements  qu'il  racontait  — - 
certes  l'avait  parfaitement  entrevue  sortant  de  son  puits 
de  scierce,  mais  il  avait  du  habiller  sa  compromettante 
nudité  de  circonlocutions  et  de  périphrases,  de  subtilités 
et  de  distinguo,  dont  nous  n'aurions  garde  de  le  blâmer, 
car  aussi  bien  que  son  successeur  Papon  (1777),  qui  deman- 
dait officiellement  son  patronage  au  Comte  de  Provence, 
frère  de  Louis  XVI,  ou  son  prédécesseur  Nostradamus,  la 
censure  royale  le  mettait  dans  Timpossibilité  d'exposer  les 
événements  politiques  sous  leur  vrai  jour.  Et  pour  que 
la  ville  de  Marseille  prit  à  sa  charge  la  composition  et  le 
tirage  d'une  feuille  déjà  composée,   il  a  fallu  cjue  le  nou- 

lant,  le  fort  St  Nicolas  surveille  aussi  bien  la  Ville  que  la  rade,  et  c'est 
pour  cela  que,  par  dérision,  le  peuple  l'avait  dénommé  «  la  Bastide  du 
Roi  !  ». 

Et  ce  n'est  pas  dans  M.  Bouche  que  nous  retrouvons  trace  de  ces 
papillons  clandestins  collés  sur  les  murs  de  Marseille  et  qui  mettaient 
en  rage  M.  le  comte  de  Merinville,  commandant  pour  le  Roi    : 

A  la  mort  dou  Mazarin 

Defaren  lis  Eschevins 

Au  retour  de  Nieuzello 

Rasarèn  la   Citadelle  ! 
ou  trace  de  ces  couplets,  car  à  Marseille  comme  en  France,  tout  finissait 

par  des  chansons  : 

I.i  saren   fideu 

Jusqu'au  ioumbèu 

...  Per  forço  ! 


48  JEAN  DE   SERVIÈRES 

veau  texte  fut  singulièrement  adouci.  A  tel  point  que  IVI. 
Bouche  proposa  lui-même  une  correction  cju'on  ne  lui 
demandait  pas  et  c^ue  nous  sommes  curieux  de  retrouver 
dans  sa  lettre: 

((  Et  vous  supplie  très  humblement  en  suite  que  puisque, 
Messieurs,  vous  estes  si  généreux  que  de  vouloir  faire  reim- 
primer cette  feuille  que  vous  m'aves  présentée  il  vous  plaise 
de  souffrir  qu'on  en  refasse  une  autre  de  la  Chorographie, 
où  faisant  un  discours  des  antiquitez  de  toutes  les 
villes  de  cette  province,  parlant  de  la  votre  je  rapporte  le 
témoignage  d'un  poète  ancien  provençal  qui  en  parle  fort 
à  son  desavantage.  Voicy  comme  j'avois  couché  cette  pen- 
sée et  que  je  désire  fort  qu'elle  soit  effacée. 

[Cette  ville  de  Marseille  eut  jadis  des  Comtes  ou  vicomtes 
particuliers  qui  en  estoient  souverains  seigneurs,  desquels 
toutefois  ses  habitants  se  rachetèrent  par  de  grandes  som- 
mées de  deniers,  et  reprenant  sa  plus  ancienne  liberté,  elle 
vouloit  se  rendre  Republique  au  temps  cjue  la  ville  d'Arles 
en  avoit  Le  même,  sçavoir  environ  l'an  1220.  Et  partant  il 
y  a^•oit  entre  ces  deux  villes  des  accords  et  conventions 
pour  saider  mutuellement  à  se  conserver  dans  l'état  de 
ReDublique,  auxquelles  se  joignirent  les  villes  d'Avignon 
et  de  Xice,  comme  nous  déduirons  plus  amplement  en  l'his- 
toire. Et  tel  etoit  le  malheureux  état  de  cette  province  sur 
quoy  un  ancien  poète  provençal  de  ce  temps-là,  nommé 
Pierre  de  S.  Remv,  qui  dédia  ses  œuvres  à  Marguerite 
de  Provence  femme  du  Roy  S.  Louvs,  s'estonne  et  se  plaint 
en  quelque  façon  de  ce  que  Raimond  Berenguier,  comte 
de  Provence,  et  père  de  cette  Reyne  Marguerite  souffre  et 
ne  fasse  punir  très  sévèrement  la  superbe  des  Arelatains,  la 
rchcUion  et  l'arrogance  des  Marseillois,  Vahomination  des 
Avignonois  et  la  Barbarie  des  Nissards,   comme  rapporte 


LES    SCRUPULES    DE    M.    L  ABBE   BOUCHE  49 

Jean  de  Nostradamus  au  petit  livret  qu'il  a  composé  de 
la  vie  des  anciens  poètes  provençaux.] 

Et  quoy  que  ces  dernières  paroles  ne  soyent  pas  mien- 
nes mais  de  ce  poète  Pierre  de  S.  Remy  et  rapportées  par 
ce  Jean  de  Nostradamus,  oncle  de  César  Nostradamus  qui 
a  composé  l'histoire  de  Provence,  Neantmoins  je  serois 
déplaisant  à  l'extrémité  de  les  faire  renouveller,  revivre  et 
relire  en  divers  livres,  et  particulièrement  qu'on  les  leut 
dans  mes  ouvrages  où  je  me  suis  étudié  en  divers  endroits 
de  faire  establir  le  mérite  et  l'obligation  grande  que  la 
Relligion  et  l'Etat  ont  à  cette  ville  qui  leur  a  bien  souvent 
servv  de  refuge  et  d'asseurance  pour  leur  conservation. 

J'attendray  s'il  vous  plait  cette  grâce  de  votre  généro- 
sité en  vous  asseurant  que  j'employeray  tous  mes  soins 
à  la  reconnoitre  par  toute  sorte  de  sincères  services  et  que 
je  suis  dans  tous  les  respets  possibles,  Messieurs,  Votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Bouche,   prieur  de  St-Jacques  ». 

Il  est  charmant  de  penser  que  les  Echevins  de  Marseille 
ne  mirent  pas  quatre  jours  à  répondre  à  ces  aimables  dis- 
positions et  propositions,  car  voici  leur  lettre  datée  du 
2  1  avril  \  où  leur  cœur  édilitaire  et  patriote  déborde  de 
reconnaissance  : 

((  Après  la  lecture  de  celle  que  nous  avons  reçeu  du 
i6  de  ce  mois  de  votre  part,  nous  ne  sçaurions  doubter 
que  vostre  façon  d'obliger  n'augmente  de  beaucoup  le  prix 
de  l'obligation  dont  nous  vous  sommes  redevables,  et  que 
nous  ne  pouvons  vous  remercier  de  vostre  bonté  pour  le 
particulier  et  le  gênerai  de  ceste  ville  que  par  un  adveu 
public  et  par  les  témoignages  que  nous  avons  donné  à  tous 
nos  concitoyens  du  soin  que  vous  avez  pris  pour  mettre  à 

'  Archives  de  Marseille,  B.    B.  231. 


50  JEAN  DE   SERVIÊRES 

couvert  de  la  calomnie  dans  les  siècles  advenir  la  fidellité 
et  la  réputation  de  notre  Patrie  qui  ne  pourra  jamais  estre 
ternie  après  le  raport  qu'un  Autheur  de  vostre  importance 
en  aura  faict  car  il  est  certain  que  l'estime  d'une  personne 
sincère  et  sçavante  comime  vous  vaut  mieux  que  celle  de 
tout  un  monde.  Nous  souhaitterions  Monsieur  que  celle 
que  nous  avons  pour  vous  eust  le  même  succès  m.ais  il 
y  a  ceste  grande  differance  que  les  preuves  que  vous  nous  en 
avez  donné  à  l'advantage  de  ceste  ville  sont  cogneues  et 
peuvent  èstre  veues  par  tout  le  monde,  et  que  nos  remercie- 
mens  et  les  grâces  que  nous  a'ous  randont  seront  seulement 
renfermées  dans  nos  archives  et  gravées  dans  le  cœur  de 
tous  nos  habitans  qui  ne  sauroient  oublier  des  biensfaicts 
qui  sont  au  delà  de  leur  recognoissance  et  qui  nous  font 
porter  avec  honneur  la  quallité,  etc..  » 

Moins  d'un  mois  après,  M.  l'abbé  Bouche  revenait  à  la 
charge  dans  une  lettre  inédite  aussi,  où  il  nous  donne  de  nou- 
velles preuves  de  son  extrême  obligeance  et  de  son  par- 
fait désintéressement. 

((  Messieurs  les  Eschevins  de  la  ville  de  Marseille, 
Messieurs, 

Après  les  très  humbles  remércîments  que  je  rends  à  votre 
générosité  d'avoir  consenti  qu'on  imprimat  une  autre  feuille 
de  Notre  histoire,  que  celle  que  vous  aviez  veiie,  où  par  le 
témoignage  d'un  ancien  écrivain  il  estoit  parlé  au  desavan- 
tage de  vôtre  ville,  ce  qui  m'auroit  autant  affligé,  comme 
par  tout  ailleurs  je  me  suis  étudié' de  faire  éclater  la  gloire 
de  votre  même  ville  et  recommander  les  obligations  grandes 
dont  l'état  aussi  bien  que  la  relligion  luv  estoit  souvent 
redevable,  vous  aggréerez  s'il  vous  plait  que  je  vous  envoyé 
les  premières  feuilles  et  les  autres  corrigées  et  augmentées 
pour  y  voir  la  différence  des  unes  aux  autres.  Tl  est  vray 
que  toutes  les  deux  feuilles  entières  corrigées  ne  sont  pas 


LES    SCRUPULES    DE   'SI.    L  ABBE   BOUCHE  5I 

icy,  d'autant  qu'il  est  inutile  d'envoyer  le  reste  qui  est  con- 
forme à  ce  qui   n'est  pas  corrigé.   Ça  esté   un   défaut  de 
mémoire  de  l'Imprimeur  à  qui  j'avois  recommandé  de  tirer 
cinq  autres   exemplaires   de  chaque   feuille   par   dessus   le 
nombre  certain,  pour  vous  les  envoyer;  mais  l'ayant  oublié, 
après  avoir  défait  la  forme  et  distribué  les  letres  il  a  fallu 
ramasser  les  épreuves  qu'on  a  trouvées  dans  l'imprimerie 
pour  vous  faire  voir  ce  qui  a  esté  corrigé  estant  extrême- 
ment marri  que  cette  impression  ne  soit  plus  nette  et  plus 
digne  de  vous  estre  présentées  ;  Comme  aussi  que  je  vous 
envoyé  encore  Messieurs  un  projet  imprimé  de  notre  his- 
toire pour  y  voir  l'ordre  des  matières  et  en  quel  endroit  il  est 
parlé  des  antiquités  de  votre  ville  et  de  l'établissement  de 
son  Vicomte.   Il  vous  plaira  encore  de  recevoir  un  autre 
petit  traité  sorty  de  la  presse  depuis  sept  ou  huit  jours  pour  - 
la  défense  de  votre  Saint  Lazare  et  de  S.  Magdaleine  que 
communément  on  surnomme  de  ^larseille  contre  un  docteur 
de  Paris  qui  nous  vouloit  ravir  les  sacrées  Reliques  de  ces 
Saints  disant  qu'ils  n'ont  jamais  esté  en  Provence,  livre  qui 
est  une  traduction  et  une  augmentation   d'un   autre   petit 
livre  latin  que  j'avois  fait  autrefois  contre  ce  même  doc- 
teur,  qui  ayant  de  nouveau  écrit  contre  moy   m'a  donné 
occasion   de  luy   répondre,   et   le   tout  pour  l'avantage  de 
notre  province,  et  particulièrement  pour  la  gloire  de  votre 
ville.   Vous  suppliant  très  humblement,    IMessieurs,   d'ag- 
gréer  ces  petits  livrets  coniime  un  témoignage  du  respet  que 
je  conserve  et  pour  vos  dignitez  et  pour- vos  personnes  et 
de   croire   que   je    suis   autant   que  je  puis  et  le  dois    être 
Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

Boi-CFIE,  ancien  prévôt  de  St  Jacques. 

A  Aix  ce  17  may  166,3  "• 

Certes  u  l'estime  d'une  personne  sincère  et  savante  vaut 
mieux  que  celle  de  tout  un  monde  si,  bien  entendu,   ce 


52  JEAN  DE   SERVIÊRES 

monde  est  ignorant!  »  et  l'autorité  d'une  personne  «  aussi 
importante  »  que  celle  de  M.  l'abbé  Bouche  méritait  bien 
que  tant  de  reconnaissance  officielle  ne  restât  pas  à-jamais 
enfouie  dans  la  poussière  des  Archives,  et  la  correspondance 
jusqu'alors  inconnue  du  savant  -historien  devait  contrac- 
ter avec  la  simple  vérité  une  assurance  à  retardement. 

Il  est  bon  que  même  deux  siècles  et  demi  plus  tard, 
nous  ayons  de  la  main  même  d'un  tel  auteur,  un  aveu 
sincère  et  sans  artifice  de  ses  accommodements  —  non  pas 
avec  le  ciel  !  à  ce  sujet  le  bon  prévôt  de  Saint- Jacques  eût 
été  intraitable  —  mais  avec  la  relation  des  événements 
qu'il  écrivait  avec  tant  de  circonspection,  et  notre  illustre 
compatriote,  devait  certainement,  s'avouer  tout  simplement 
—  en  sollicitant  les  imprimatur  —  que  ce  n'était  pas  tout 
à  fait  ainsi  «  quon  écrit  l'Histoire  ». 

Jean  de  SERVIERES. 


Le  sanctuaire  préromain  de  Roquepertuse 


Fouilles   de   1927 

{Supplément) 


Depuis  la  publication  de  mon  mémoire  sur  ce  site  et 
ses  curieux  monuments  ^  j'ai  pu,  grâce  à  une  subven- 
tion spontanément  offerte  par  l'Institut  des  Fouilles  des 
Préalpes  et  de  Provence  ',  entreprendre  en  mai  1927  une 
nouA'elle  camipagne  de  recherches  qui  a  employé  quarante 
journées  d'hommes  et  dont  les  résultats  ont  été  les  sui- 
vants. 

Une  tranchée  de  reconnaissance  de  plus  de  i  m.  de 
largeur  a  été  commencée  au  point  L  du  plan,  c'est-à- 
dire  au  pied  du  mur  de  soutènement  n°  3  et  dirigée  au 
N.  vers  la  partie  entièrement  fouillée  en  1919-1924.  Sa 
longueur  a  atteint  20  m.,  sa  profondeur  de  i  m.  à  i  m.  40; 
partout,  elle  a  été  poussée  jusqu'au  rocher  ou  jusqu'à  la 
couche  stérile  qui  le  recouvre. 

Mur  N.  —  A  2  m.  15  du  point  de  départ,  il  a  été 
reconnu  un  gros  mur  transversal  (i  m.  35  d'épaisseur)  en 
pierre  sèche,  assis  sur  le  rocher  ;  sa  longueur  était  de  près 
de  7  m.  et  son  élévation  encore  de  i  m.  11  devait  constituer 
une  clôture  du  sanctuaire  au  S.  et  soutenir  une  terrasse. 


^  Le  sanctuaire  préromain  de  Roquepertuse^  dans  le  Livre  du 
Centenaire  de  la  Société  de  statistique,  d'histoire  et  d'archéologie 
de   Marseille,    1927,   p.    3. 

^  Nous  exprimons  ici  toute  notre  reconnaissance  à  ce  groupe 
dont  l'initiative  a  été  déjà  féconde  pour  la  science.  Son  prési- 
dent, S.A.R.  le  duc  de  Vendôme,  a  bien  voulu  honorer  de  sa 
visite  les   antiquités   de  Roquepertuse, 


^4  H.    DE    GÉRIX-RICARU 

Mur  O.  —  A  3  m.  50  plus  haut,  il  a  été  rencontré  un 
deuxième  mur  en  pierre  sèche,  établi  sur  le  roc,  parallèle 
<ui  premier,  mais  de  o  m.  60  seulement  d'épaisse-ur.  Sa 
hauteur  était  encore  de  i  m.  20  et  son  développement  de 
12  m.  60.  Son  extrémité  ouest  s'appuye  au  rocher  qui  se 
redresse  et  apparaît  à  la  surface,  tandis  C{u'à  son  extrémité 
est,  il  cesse  net  à  i  m.  environ  de  la  paroi  rocheuse  for- 
mant l'autre  côté  du  petit  ravin  qui  suivait  jadis  à  peu 
près  la  direction  de  la  tranchée.  Son  peu  d'épaisseur,  de 
très  fortes  marques  d'incendie  et  les  débris  de  matériaux 
rencontrés  dans  son  voisinage,  disposent  à  y  voir  le  mur 
Nord  d'une  construction  adossée  au  mur  désigné  par  la 
lettre  N  du  côté  du  midi,  construction  appartenant  à  la 
période  finale  du  sanctuaire.  J'ai  été  confirmé  dans  cette 
opinion  par  la  rencontre  à  l'extrémité  ouest  du  dit  mur 
d'une  stèle  à  capsule,  décrite  plus  loin  (n°  4),  qui  avait 
été  remployée  dans  le  parement. 

Deux  autres  stèles  (n°^  i  et  3)  furent  aussi  rencontrées, 
non  en  place,  entre  les  deux  murs. 

Traversant  ensuite  le  mur  moderne  de  soutènement  n°  2 
placé  2  m.  plus  haut,  la  tranchée  mettait  à  jour  entre  les 
murs  de  soutènement  n°'  i  et  2  une  surface  pavée  recou- 
verte d'une  réserve  d'argile  de  o  m.  50  d'épaisseur,  et  plus 
loin  une  grosse  stèle  décrite  ci-après  (n°  2)  et  une  plus 
petite  (n°   5). 

Plus  haut  encore,  neuf  mètres  cubes  de  terrain,  réser- 
vés, comme  témoin  des  fouilles  antérieures  faites  à  la  plus 
haute  terrasse  (point  A  du  plan),  furent  abattus.  J'y  ai 
noté  l'existence  d'un  pilier  en  bois  de  chêne  carbonisé  de 
o  m.  40  de  côté  planté  verticalement  4a  o  m.  60  dans  le 
sol  ancien  et  qui  constituait  un  des  supports  de  la  toiture 
du  temple  du  côté  du  midi,  toiture  qui  devait  s'appuyer 
au   N.   sur  le  grand  mur  du  fond   découvert  en    1919  ou 


LE   SAN'CTUAIRE  PRÉROMAIN  DE   ROQUEPERTUSË  5$ 

encore  sur  des  poutres  verticales  enfoncées  dans  les  deux 
trous  placés  à  chaque  extrémité  de  ce  mur. 

Enfin,   des  sondages  furent  opérés: 

1°  Au  Plateau  des  Amandiers  (point  K  du  plan);  ils 
furent  sans  résultat. 

2°  Vers  le  point  M  (côté  Ouest  de  la  clôture)  il  y  fut 
recueillie  une  obole  d'argent  massaliote  (n°  15)  et  des 
fragments  de  poteries  diverses. 

3°  Au  pied  de  la  paroi  rocheuse  (côté  Est)  presque 
dans  le  prolongement  du  mur  de  soutènement  n"  2.  Il  y 
avait  là  une  des  amorces  du  gros  mur  N  pour  l'établis- 
sement duquel  la  roche,  déclive  en  cet  endroit,  avait  été 
entaillée.  Auprès  de  ce  vestige  de  mur,  M.  Chanfreau  '  a 
trouvé  une  pointe  en  fer  de  trait  décrite  plus  loin  (n°  16) 
et  j'y  ai  recueilli  moi-même  quatre  instruments  de  silex 
(n°^  6  à  9)  et  une  canine  de  verrat. 

Partout  apparaissent  les  traces  d'un  violent  incendie 
et  un  peu  partout  il  a  été  recueilli  des  poteries  déjà  ren- 
contrées et  décrites,  allant  de  l'époque  néolithique  au 
II**  siècle  avant  notre  ère  et  aussi  des  boulets  en  pierre  et 
de  nombreux  fragments  de  ces  projectiles. 

Voici   rénumération   des  pièces  trouvées  en    1927. 

Stèles  ou   Betyles 

1.  Pierre  cylindrique  à  sommet  en  calotte,  hauteur  0,77, 
diam,  0,25  à  0,30. 

2.  Pierre  plate,  haut.  0,90,  largeur  0,47,  épaisseur  0,25. 
Sur  sa  face,  cupule  ovale  diam.  0,10,  profondeur  0,05; 
sur  son  côté  droit  cupule  ovale  0,15  et  0,13  de  diam.  et 
0,06  de  profondeur  surmontée  d'une  cupulette. 


^  Je  suis  heureux  d'exprimer  une  fois  de  plus  à  M.   Paul  Chan- 
freau toute  ma    reconnaissance    pour    sa    précieuse    collaboration. 


k^t  H.    DE   GÉRIN-RICARD 

3.  Pierre  plate  triangulaire  à  sommet  arrondi.  Haut. 
0,85,  larg.  0,34,  épaiss.  0,25,  Sur  une  face  vers  le.  bas 
cupule  ovale  (0,13  et  0,15  de  diam.  profond.  0,07),  sur- 
montée de  cupulettes  (diam.  de  4  à  5  centim.,  profond. 
2  cent.)  disposées  ainsi: 

4.  Pierre  à  sommet  presque  carré,  haut.  0,54,  largeur 
0,23,  épaiss.  0,16;  vers  le  centre  cupulette  de  0,05  de 
diam.  et  0,03  de  profondeur. 

5.  Pierre  plate  (H  =  0,65  larg.  0,33,  épaisseur  0,20),  bri- 
sée en  deux  morceaux  dans  le  sens  transversal  ;  la  moitié 
d'une  de  ses  faces  présente  en  travrs  un  rang  d'X  inci- 
sés, mais  cette  partie  a  dû  servir  pendant  longtemps  à  un 
usage  domestique  ou  autre  qui  en  a  effacé  en  partie  le 
décor,  lequel  n'est  pas  sans  analogie  avec  celui  des  stèles 
du  Bronze  I,  d'Orgon  et  de  Trets. 

Ces  cinq  pierres,  en  calcaire  tendre  de  Coudoux,  ont 
leurs  arrêtes  arrondies  et  leur  base  destinée  à  être  fichée 
en  terre.  Toutes  appartiennent  à  la  même  série  que  les 
quinze  monuments  décrits  idans  mon  premier  mémoire 
(pages  13,  14  et  planche  I).  Leur  rôle  devait  être  funé- 
raire ;  elles  sont  à  rapprocher  des  pierres  rencontrées  en 
1912  dans  les  sépulcres  de  Cauteperdrix  (commune  de  Cal- 
visson,  Gard),  par  le  D""  Marignan,  qui  leur  a  donné  le 
nom  dHdoles  aniconiques  et  dont  un  échantillon  se  trouve 
au  Museeum  d'histoire  naturelle  de  Nimes,  mais  ces  der- 
nières ne  sont  ni  ((  ovalisées  »  ni  à  arrêtes  adoucies. 

Objets   en  pierre 

6  à  9.  Quatre  instruments  en  silex  dont  une  jolie  pointe 
de  flèche  énéolithique  pédonculée  et  à  fines  retouches  de 
presque  3  centimètres. 

10  à  13.  Quatre  boulets  de  catapultes,  entiers  du  même 
calibre  que  ceux  déjà  découverts. 


LE    SANCTUAIRE   PRÉROMAIX   DE    ROQUEPERTUSE  57 

A  ma  demande,  M.  E.  Saurin,  licencié  es  sciences  •et 
géologue,  a  bien  voulu  rechercher  la  provenance  de  la 
roche  employée  à  la  confection  de  ces  projectiles.  Voici 
ses  conclusions  :  «.  Vos  échantillons  proviennent  de  Calis- 
sane  (commune  de  Lançon).  J'ai  constaté  de  visu  le  gise- 
ment des  couches  qui  les  ont  fournis.  Au  point  de  vue 
géologique,  ces  pierres  sont  do  l'oolithe  coralliene  de  l'ur- 
gonien  dont  elles  forment  à  Calissane  les  couches  supé- 
rieures. » 

C'est  donc  grâce  à  M,  Saurin  que  nous  sommes  main- 
tenant certains  de  ce  Cjui  n'était  que  probable,  à  savoir 
que  les  légionnaires  romains  faisaient  leurs  boulets  pres- 
que sur  place,  à  mesure  des  besoins  et  quils  étaient  déjà 
en  possession  de  l'Oppidum  et  des  carrières  de  Calissane 
lorsqu'ils  détruisirent  Roquepertuse  par  leurs  catapultes 
et  par  le  feu. 

14.  Portions  d'écrasoirs  en  basalte.  Au  sujet  de  ces 
écrasoirs,  déjà  mentionnés,  je  pense  maintenant  que  la 
dalle  de  basalte  décrite  au  12°  de  la  p.  31  ne  devait  pas 
servir  à  cet  usage  étant  donné  d'abord  ses  grandes  dimen- 
sions, ensuite  l'absence  de  toute  trace  d'usure,  enfin  parce 
qu'elle  ne  présente  pas  un  évidement  pour  retenir  le  grain 
comme  cela  est  de  règle  pour  les  écrasoirs.  Cette  roche 
noire  a  pu  servir  de  table  d'offrandes. 

Objets  en  métal 

15.  Obole  massaliote  (argent).  Tête  d'Apollon  à  gau- 
che, avec  la  lettre  II  dans  les  cheveux;  revers  à  la  roue 
avec,  MA(ssalia)  poids  6  décigr.  (v^-iv*  siècle). 

i6.  Pointe  de  trait  de  baliste,  fer  quadrangulaire  et 
prismatique  à  voie  semblable  à  celles  décrites  et  détermi- 
nées dans  le  mémoire  cité  p.  33  et  pi.  I,  fîg.  9. 


5 8  H.    DE   GÉRIN-RICARD 

CÉRAMIQUE 

Les  luuilles  ont  aubsi  donné  une  certaine  quantité  d'é- 
chaniilluns  de  poteries  déjà  rencontrées  et  mentionnées'aux 
p.  34  à  38  de  mon  mémoire.  Aucun  vase  n'était  entier. 
Toute  cette  céramique  comprend  depuis  l'énéolitliique  jus- 
qu'au ir  siècle  avant  notre  ère.  A  signaler  comme  poterie 
nouvelle,  des  plats  à  bec  de  la  Tène  11,  importés,  faits 
au  tour  et  en  tout  semblables  à  ceux  de  Alontlaurès  et  du 
Baou  Rous. 

En  résumé,  les  dernières  fouilles  ont  confirmé  mes  con- 
clusions premières  ;  elles  ont  amené  la  découverte  de  docu- 
ments intéressants  '  et  ont  surtout  permis  de  se  rendre 
mieux  compte  de  l'état  ancien  des  lieux;  enfin,  elles  ont 
aidé  à  délimiter  au  Sud  l'aire  des  dépendances  du  temple 
celto-ligure  et  laissé  entrevoir  l'existence  probable  d'une 
sorte  de  paillette  supportée  par  des  piliers  de  bois  et  des- 
tinée à  abriter  de  la  pluie  le  trophée,  les  sculptures  et  les 
peintures  qui  les  recouvrent. 

Le  montage  et  le  nettoyage  des  éléments  du  trophée  de 
Roquepertuse,  effectué  depuis  peu  au  musée  Borély,  a  per- 
mis de  découvrir  de  nouvelles  peintures  sur  le  pilier  111 
à  trois  entailles  (p.  22  et  pi.  IV,  fig.  17  de  mon  mémoire). 

C'est  d'abord  la  face  principale,  une  frise  continuant  celle 
signalée  sur  la  face  gauche  mais  à  décor  différent.  Au  lieu 
de  comporter  des  festons,  elle  se  compose  de  filets  blancs 
et  rouges  formant  un  quadrillage  lozangiforme  avec  points 
blancs  ou  rouges  placés  au  centre  de  chaque  lozange.  Aux 
deux   extrémités   de   cette   bande  et   au-dessous   se  voient 


^    Tous    ces    objets    ont    été    déposés    au    Musée    d'archéologie    de 
Marseille. 


LE   SANCTUAIRE   PRÉROMAIN   DE    ROQUEPERTUSE  59 

ck'ux  dents  ûa  loup  rouges  encadrées  d'un  filet  blanc. 
C'est  au  travers  de  celte  frise  qu'a  cté  creusée  après  coup 
une  des  trois  alvéoles  à  têtes  humaines  que  présente  ce 
pilier,  nouvelle  preuve  que  les  peintures  étaient  préexis- 
tantes '. 

Entre  cette  entaille  et  celle  qui  la  surmonte,  il  a  été 
peint  un  instrument  qui  me  semble  être  une  serpe  identi- 
que à  celles  trouvées  par  G.  Vasseur  da"hs  l'Oppidum  de 
Testo  Xegro  aux  Pennes  (La  Tène  I  à  III)  '.  Penché  sur 
la  droite,  le  taillant  en  l'air,  cet  outil  a  son  manche  recourbé 
à  ange  obtus  peint  en  rouge  et  en  noir  (13  centim.  pour  les 
deux  parties  du  manche);  k  fer,  figuré  en  gris-bleu  et 
rouge,  est  large  (5  centim.)  et  son  développement,  en  sui- 
vant la  courbe  en  bec  de  perroquet  de  la  base  à  la  pointe, 
est  de  16  centimètres. 

Ce  dessin  a  évidemment  ici  un  sens  symbolique  et  reli- 
gieux; je  ne  pense  pas  qu'il  faille  y  voir  la  serpe  d'or 
gauloise  destinée  à  récolter  le  gui  mais  plus  probablement 
un  faouçon  servant  à  tailler  la  vigne  et  les  arbres  et  contri- 
buant ainsi  à  augmenter  les  récoltes.  Quant  aux  instru- 
ments de  sacrifice,  on  se  les  représente  difficilement  de  cette 
forme. 

Sur  le  côté  droit  du  même  pilier  la  frise  se  prolonge  avec 
un  décor  analogue  à  celui  de  la  face  principale  ;  elle  est 
délimitée  par  des  filets  blancs  en  haut  et  en  bas  entre  les- 
quels ont  été  peints  en  rouge  des  X  avec  pointillé  rouge. 
Au-dessous  de  la  frise,  un  cheval  était  peint  en  rouge;  la 
tête  seule  est  encore  visible.  Sur  le  côté  gauche  du  pilier 


^  V.   Roquepertuse,   op.   cit.,  p.   25. 

-  Ces  serpes  sont  au  musée  Borély  et  ont  été  figurées  dans 
les  Annales  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Marseille,  t.  XXIV, 
pi.    VIII,   par   M.   l'abbé   Chaillan. 


6o  H.    DE   GÉRIN-RICARD 

un  cheval  est  non  pas  au-dessous  de  la  frise  mais  au-des- 
sus '. 

A  litre  de  complément  d'inventaire,  je  crois  devoir  men- 
tionner ici  une  belle  pointe  de  lance  en  fer  et  à  douille 
du  type  de  La  Tène  II,  trouvée  par  I.  Gilles  à  Roque- 
pertuse  et  léguée  par  son  fils  au  musée  des  Alpilles  de 
Saint-Rémy. 

H.   de  GERIN-RICARD. 


^  V.  Roquepertuse,  lû.   IV,  fig.    17  bis. 


Le  Monastère  des  Chartreux  d'Aix-en-Provence 

1623-1791 


L'ancienne  Chartreuse  de  Sainte-Marthe,  qui  a  existé  à 
Aix-en-Provence  de  1628  à  1791,  n'a  pas  beaucoup  tenté 
les  historiens  jusqu'à  ce  jour,  ils  n'ont  consacré  que  quel- 
ques lignes  à  cette  fondation  \  aussi  avons-nous  essayé  de 
rechercher  tout  ce  cju'il  est  possible  de  retrouver  de  son 
passé  et  de  le  reconstituer.  Malgré  toutes  nos  recherches, 
nous  n'avons  pu  établir  qu'un  travail  bien  incomplet,  qui 
contient  beaucoup  de  lacunes  ;  les  documents  recueillis 
dans  les  diverses  archives  sont  assez  pauvres,  ies  titres 
essentiels  manquent,  on  y  trouve  par  contre  beaucoup  de 
registres  de  comptes,  de  recettes  d'intérêts  ou  de  créances 
dûs  par  divers  qui  sont  en  partie  d'un  attrait  secondaire, 
nous  en  reproduisons  l'essentiel  en  indiquant  les  sour- 
ces auxquelles  pourront  se  reporter  ceux  que  cela  pourrait 
intéresser.  Nous  avons  mis  tous  nos  soins  à  relier  entre 
eux  ces  documents  qui  nous  permettent  de  divulguer  quel- 
ques pièces  inédites. 

Afin  d'agrémenter  cette  étude  un  peu  sèche,  nous  avons 
cru  bon  de  pénétrer  dans  cet  ancien  couvent,  dont  les 
plans  ont  été  heureusement  conservés  à  la  Grande  Char- 
treuse ;  de  le  faire  visiter  en  détail  et  de  décrire  la  vie 
journalière  et  les  habitudes'  des  Chartreux;  coutumes 
fixées  dans  les  vStatuts  de  l'Ordre  qui  depuis  des  siècles 
n'ont  pas  changé,  mais  que  l'on  ne  connaît  pas  généra- 
lement. 

'  D.  Stanislas,  autore:  Aix  (Dictionnaire  d'Histoire  et  de  Géo- 
graphie ecclésiastique  de  Mgr  Baudrillart,   Paris). 


62  '  MARC   DIBOIS 

Fondation - 

L'<in  1623  et  le  19  décembre,  Jean-André  d'A\mar, 
seigneur  de  Montsailler,  conseiller  royal  au  Parlement  de 
Provence,  fit  son  testament  par  lequel  il  lègue  et  donne 
sa  charge  aux  Pères  Chartreux  pour  fonder  un  couvent  : 
i'  Au  nom  de  Dieu  et  de  la  Glorieuse  Vierge  ^lère  de 
((  Dieu.  Je,  Jehan  André  Aymar,  misérable  pécheur  sachant 
((  admonesté  des  incertains  événements  qui  arrivent  tous 
<(  les  moments  du  jour  aux  pauvres  humains  qui  le  plus 
<(  souvent  causent  la  mort,  à  laquelle  tout  le  nionde  est 
<(  soubmis  lorsqu'il  plaira  à  Dieu  nous  appeler.  J'av  voulu 
«  disposer  et  consigner*  ma  dernière  A^olonté  scripte  et 
«  signer  de  ma  propre  main  que  je  veux  valoir,  par  tes- 
«  tament  ou  codicile  ou  aultrement  le  mieux  que  se  pourra. 
«  Je  supplie  Notre  Seigneur  par  le  mérite  de  la  Sainte 
<(  Passion  me  vouloir  pardonner  tous  nies  péchés  et  me 
((  recepvoir  dans  la  Sainte  et  incompréhensible  miséricorde 
((  lorsque  mon  âme  partira  de  ce  corps...  je  tiens  et  entend 
((  que  la  finance  de  mon  état  de  conseiller  de  Parlement 
'(  qui  sera  de  vingt  mille  escus  si  la  paulette  due  soit  mise 
((  sur  de  bonnes  communautés  pour  de  l'argent  en  prove- 
«  nant  faire  bastir  une  maison  et  essflise  des  Pères  Char- 


-  D'après  la  Table  chronul.  des  monastères  de  l'ordre  des  Char- 
treux dans  ((  Saint  Bruno  et  l'orclre  des  Chartreux  »,  par  l'abbé 
F. A.  Lefebvre,  Paris,  1883,  2  vol.  in-S",  t.  II,  p.  663  et  suiv.  — 
Le  développement  de  l'ordre  s'était  arrêté  en  151 1  (début  de  la 
grande  crise  religieuse),  avec  les  fondations  de  Rodc.-^  et  de  Gre- 
nade. Il  reprend  avec  la  contre-réforme  catholique  en  1564  à  Aula 
Dei  en  Espagne  et  en  France  en  1578  avec  Gaillon-Bourbon  ;  Aix 
est  une  des  suites  de  regain  cjui  se  termine  en  1667  par  la  fonda- 
tion de  Rouen.  (Plus  rien  ensuite).  Et  nouvelle  crise  en  prépara- 
tion jusqu'en  1822.  Beauregard,  moniales  et  1S25  Mougères  par 
lesquelles   débute  une   deuxième   renrise   de    racti\  ité   de   l'Ordre. 


MONASTÈRE    DES   CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVEN'CE  63 

<(  treux  dedans  ou  dehors  cette  ville  d'Aix  affin  qu'ils 
((  prient  Dieu  pour  moi  et  pour  tous  les  miens...  je  l'ay  ici 
((  soubsigné  de  ma  main  propre.  Fait  à  Aix,  le  dixième 
«  de  Décembre  mil  six  cent  vingt  trois  ».  Testament  fait 
par  AP  Lovs  Darbes,  notaii-e\  Le  testateur  étant  décédé 
le  9  février  1624,  la  Grande  Chartreuse  fut  avertie  à  temps 
pour  insérer  dans  sa  Carte  Générale  du  5  mai  1624,  la 
mention  du  projet  de  fondation,  c'est  le  prieur  de  Ville- 
neuve D.  Antoine  Desmaretz,  premier  visiteur  de  la  pro- 
vince, c[ui  accepta  au  nom  de  l'Ordre  le  legs  de  M.  d'Ay- 
mar '.  Sa  charge  de  conseiller  fut  liquidée  à  54  mille  livres. 
Les  héritiers  firent  quelques  difficultés  pour  ce  règlement 
mais  un  accord  intervint  et  l'Ordre  des  Chartreux  reçut 
48  mille  livres. 


'  Jean-André  d'Aymar  fut  conseiller  au  Parlement  de  Tolose  et 
reçu  le  tS  juin  15S8  à  celui  d'Aix  par  survivance  de  son  père.  11 
a  été  surnommé  <(  L'Hermite  »  pour  avoir  vécu  dans  k  célibat. 
La  ville  d'Aix  doit  chérir  sa  mémoire  et  tous  les  gens  de  bien  la 
doivent  bénir  de  ce  cjue  n'ayant  point  engendré  des  enfants,  il  en 
a  adopté  de  plus  sages  et  de  plus  vertueux  ciue  nous  ayons  dans 
notre  ville,  en  y  fondant  tme  maison  de  Chartreux,  c'est-à-dire  une 
famille  de  religieux  qui  dans  des  corps  mortels  mènent  une  vie 
angélique.  Ses  armoiries  portent  de  gueules  à  la  colombe  essorés 
d'argent  portant  un  rameau  d'olivier  or  au  bec,  au  chef  cousu 
d'azur  chargé  de  trois  étoiles  d'or  rangées.  (Histoire  de  la  ville 
d'Aix,   Pitton,    1666,   p.   348). 

'  La  Carte  du  Chapitre  Général  de  la  Grande  Chartreuse  de  1624 
à  ce  qui  suit:  «  Ch.  1624.  Obiit  Nobilis  et  lilustris  Dominus  Jo.an- 
<(  n:Li  Andréas  d'Aymar  consiliarius  régis  in  parlamento  Aquensi, 
((  magnus  fcenefactor  et  promotor  Cartusiœ  construcnda  in  prjefata 
«  civitnte  Aquensi,  habens  n^issam  de  Beata  ZVlaria  per  totum  r.rdi- 
<i  nom  et  anniversarium  perpetuum,  scribendum  in  calendariis 
((  domorum  ordinis  sub  die  obiîus  sui  qui  fuit  9  februarii  - 

J).  Antoine  L'esmar?ts  qui  accepte  le  legs  est  décédé  le  y  jan- 
\ icr    1626. 


64  MARC   DUBOIS 

Bienfaiteurs 

Cette  première  donation  connue  dans  la  ville  suscita  un 
îjrand  mouvenjent  de  sympathie  en  faveur  des  Chartreux. 
La  municipalité  et  toutes  les  familles  riches  et  titrées  vou- 
lurent contribuer  par  des  dons  au  cours  de  cette  année  et 
des  suivantes  à  la  construction  de  ce  monastère.  Les  archi- 
ves nous  ont  conservé  la  liste  des  pieux  donateurs  qui 
ont  comblé  ce  monastère  de  leurs  bienfaits.  Chacun  offrant 
d'après  son  cœur  ou  ses  moyens,  pour  bâtir  telle  ou  telle 
partie  de  la  Chartreuse,  ou  pour  faire  augmenter  une  fon- 
dation. La  plus  goûtée  était  celle  d'une  cellule:  «...  Elles 
«  étaient  toutes  fondées  et  rentées  ;  de  même  que  l'on 
«  fonde  un  lit  dans  un  hôpital,  une  chaire  dans  une  L^ni- 
((  versité,  de  même  autrefois  on  ((  fondait  un  Chartreux  », 
((  c'était  l'expression  reçue.  Un  particulier  ou  une  famille 
((  faisait  bâtir  une  cellule  et  fournissait  à  l'entretien  du 
((  religieux  qui  devait  l'habiter,  à  eondtion  cju'il  prierait 
((  chaque  jour  pour  ses  bienfaiteurs...  Le  nom  des  bien- 
ce  faiteurs  était  gravé  sur  une  pierre  à  l'entrée  de  la  cel- 
((  Iule,  ou  leurs  armoiries,  peintes  sur  verre  étaient  placées 
<(  dans  une  des  fenêtres,  et  le  soir  après  Compiles,  comme 
«  nous  l'apprend  Den_vs-le-Chartreux,  le  religieux  priait 
((  spécialement  pour  ceux  qui  avaient  élevé  la  cellule  où 
((  il  venait  de  passer  une  journée  si  calme  et  si  heureuse. 
((  Après  deux  ou  trois  siècles,  les  arrière-pet its-fîls  des 
<(  bienfaiteurs,  en  entrant  dans  une  cellule  et  voyant  le 
«  nom  ou  les  armes  de  leurs  ancêtres,  se  trouvaient  de 
<(  suite  chez  eux  et  savaient  c^ue  depuis  des  centaines  d'an- 
((  nées,  chaque  jour,  sans  manquer,  une  prière  de  cette 
<(  cellule  s'était  élevée  vers  le  ciel,  demandant  au  Seigneur 


MONASTERE    DES    CHARTREUX    D  AIX-EX-PROVENCE  6S 

((  de   verser   ses   plus   abondantes    bénédictions  sur   leurs 
'(  familles  ^  ». 

Voici  la  liste  des  bienfaiteurs  que  nous  avons  pu  recons- 
tituer. 

M.   d'Aymar,   premier  fondateur   48.000  liv. 

Honorade  de  Papalaudy,   femme  de  Gaspard 

de   Sabran    16.000  » 

Les  Consuls  de  la  Ville  d'Aix    '.  .  .  6.000  » 

Chanoine  Moutin,  pour  la  cellule  du  Prieur  ..  2.000  » 

De  Fonbeton,  pour  la  ]3remière  chambre  ....  i-.ooo  >> 

Président  de  Paule,  pour  la  chaml^re  qui  suit.  2.600  » 

Chevalier  de  la  Valette 2  .ock)  » 

Président   du    Maunier    2 .000  » 

Baltazar   de   Félix    4.000  » 

De  Rover,   avocat    300  » 

Demoiselle   Bagnoh-    300  » 

D'Aymar,  pour  la  chapelle  et  ornements  d'é- 

g"lise    2.700  » 

Chevalier  de  Vauven argues i .  500  » 

Navarro,   pour  la  chambre  du  procureur...,  1.500  » 
François  de  Gautier,  pour  la  chambre  du  sa- 
cristain      I . 500  » 

Borrily,  pour  la  chambre  du  prieur i-5oo  » 

André  Prieur  claustral,  une  lampe  d'argent..  1.200  )> 

Honoré  Trian    i .  600  n 

Louis  Portalier,   bénéficiaire  de   Villeneuve..  i.ooo  » 

Pierre    Benoit    211  » 

Rigolet    de    Dijon    -. i .  200  » 

Riouffe,    docteur    médecin    1-615  » 


•''  La  Grande  Chartreuse  par  un  Chartreux,  4"  édition,  Lyon,   1S91, 
p.    271-273. 


66  MARC   DUBOIS 

Le  doyen  de  IMeironne,  pour  l'aile  du  grand 

cloître    500     » 

Le  visiteur  Bec  35°     » 

Henri  Lombard  de  Faucon,  chanoine  de 
Saint-Sauveur    10.000     » 

Joseph   Concorde    300     » 

Marquis  d'Ollières  d'Agoult .' 300     » 

Le  Président  Cornillon,  de  la  main  à  la  main, 
diverses  sommes. 

Plandoux,    notaire,   divers  dons. 

Henri    de    Silvacanne,    fondation   de    messes. 

Dame  Anne-Marcel,  jardin  et  bâtiments  du 
faubourg  d'Aix. 

Les  divers  couvents  de  l'Ordre  des  Chartreux  s'unirent 
à  ces  bienfaiteurs  pour  aider  la  fondation  d'Aix, 

La  Chartreuse  de  Durbon  donna    6.000  liv. 

La  Chartreuse  de  Montrieux  donna   3.000     )> 

La  Chartreuse  de  Valbonne  donna    4.000     » 

La    Chartreuse   de    Xotre-Dame     de     Bonpas 

donna 6 .  940     » 

La  Chartreuse  du  Val  de  Bénédiction  de  \'il- 

leneuve    ^,2. 385     » 

divers  ornements,  plus  une  cloche  qui  por- 
tait   cette    légende    ((    Villenovœ    1646    Au- 
gusti  sub  remigine  V.P.D.  Sadoni  de  Lau- 
zerai  ». 
La    Grande   Chartreuse    donna    une    horloge. 

Parmi  les  bienfaiteurs  de  l'Ordre,  on  peut  citer  encore, 
l'archevêque  d'Aix,  Alphonse-Louis  Duplessis,  ancien 
Chartreux  de  Bonpas,  frère  du  Carchnal  de  Riclielieu,  ciiii 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'AIX-EN-PROVENCE  67 

avait   été   sacré   dans   l'église   de   la   Chartreuse   de   Paris, 
en  juin  1626  ^ 

Le  roi  Louis  XIV  approuvant  aussi  la  fondation  de  la 
Chartreuse  d'Aix  la  déclare  de  fondation  royale  par  ses 
lettres  patentes  du  13  août  1654  ^t  lui  accorde  tous  les 
privilèges  dont  jouissent  les  fondations  royales,  plus  cinq 
minots  et  un  tiers  de  franc  salé.  Quelcjues  années  plus 
tard,  en  1661  le  roi  leur  accorde  encore  la  permission  de 
construire  un  aqueduc  pour  amener  les  eaux  nécessaires 
au  couvent  Cj[ui  provenaient  :  l'une,  qui  était  froide,  venant: 
d'une  source  des  environs  de  l'endroit  011  était  la  chapelle 
de  Saint-Laurent,  sur  le  chemin  d'Avignon,  et  d'une  autre 
venant  du  chemin  du  faubourg,  qui  passait  devant  la 
Chartreuse. 


^  Frère  aine  du  célèbre  cardinal  de  RichelieUj  né  en  15S2,  fils 
de  François  III  de  Richelieu,  seigneur  de  Boçay,  de  la  Vervo- 
lière  et  de  Chillou,  conseiller  d'Etat,  grand  Prévôt  de  France,  capi- 
taine des  gardes  du  corps,  chevalier  de  l'Ordre  du  Saint-Esprit, 
etc..  et  de  Suzanne  de  la  Porte.  Nommé  tout  jeune  à  l'évêché 
de  Luçon  il  donna  sa  démission  avant  d'être  sacré  et  prit  l'habit 
à  la  Grande  Chartreuse  le  14  mars  1602,  il  exerça  pendant  un  cer- 
tain temps  l'emploi  de  sacristain  et  resta  simple  religieux  jus- 
C[u'en  1620.  Il  fut  alors  nommé  nrieiir  de  Bonpas,  près  d'Avi- 
gnon. En  1623  nous  le  trouvons  chargé  comm.e  Procureur  d'une 
métairie  que  la  Grande  Chartreuse  possédait  à  ^leylan,  aux  portes 
de  Grenoble,  c'est  là  cjue  les  honneurs  vinrent  le  chercher.  Doc- 
teur en  théologie,  archevêcjue  d'Aix  (1626),  honoré  du  pallium  (1626), 
archevêc[ue  de  Lyon  (1629),  cardinal  (1629);  Prieur  de  la  Charité- 
sur-Loire  (1629),  abbé  ccmmandataire  de  Saint-Paul  de  Cornery  au 
diocèse  de  Langres  (1631),  Grand  aumônier  de  France  et  com- 
mandeur de  l'ordre  du  Saint-E^nrit  (1632),  abbé  de  Saint-^■ictor  à 
Marseille  (1632),  doyen  de  Si--\iartin  de-Tours  (1632);  abbé  de  Saint- 
Etienne  de  Caen,  abbé  de  la  Chaise-Dieu,  abbé  de  Cluny  (1642), 
etc..  mort  à  Lyon  le  23  mars  1653  et  enseveli  dans  l'église  de  la 
Charité.  Hornme  modeste  et  profondément  humble,  il  regretta  tou- 
jours sa  cellule  et  dit  à  ses  derniers  moments  cju'il  aurait  mieux 
aimé  mourir  sur  le  lit  de  Dom  Alphonse  cjue  sur  celui  du  Car- 
dinal.   Ses  armes:   d'argent   à   trois  chevrons   de   gueules, 


68  MARC   DUBOIS 

Les  autres  eaux  étaient  des  eaux  chaudes,  qu'on  appe- 
lait les  eaux  de  Meine  et  plus  anciennement  encore,  eaux 
des  Escaudencs.  Celles-ci,  propriété  de  la  ville  d'Aix,  au 
sortir  de  la  fontaine  de  Meine,  coulaient  dans  un  ruisseau 
découvert,  tous  les  particuliers  et  riverains  en  arrosaient 
leurs  propriétés  en  la  drainant  par  des  canalisations  ou 
des  aqueducs  comme  le  firent  les  Chartreux.  ■ 

Un  siècle  plus  tard,  en  1760,  un  sieur  Truphême.  pro- 
priétaire du  Jas  de  Bouffan,  situé  au-dessous  de  la  Char- 
treuse, fit  un  procès  aux  Chartreux,  demandant  la  démoli- 
tion de  leur  aqueduc,  prétextant  que  celui-ci  l'empêchait 
de  recevoir  l'eau  d'arrosage  pour  son  fonds.  Ce  procès 
perdu  par  les  Chartreux  le  8  octobre  1760,  fut  gagné  par 
eux  en  appel  le  4  juin  1761.  Le  jugement  reconnut  les 
droits  incontestables  des  Pères  Chartreux  et  débouta  de  sa 
demande  le  sieur  Truphême. 

Emplacement  du  Monastère 

Les  dons  reçus  des  premiers  bienfaiteurs  permirent  en 
attendant  la  construction  d'un  grand  monastère,  de  pou- 
voir acheter  une  propriété  dans  les  environs  d'Aix.  D. 
Antoine  Desmaretz,  prieur  de  Villeneuve  et  visiteur,  délé- 
gua son  procureur  et  D.  J.  Baptiste  Giraud,  prieur  de 
Montrieux,  pour  acheter  la  bastide  d'Egoux  (d'autres 
disent  d'Egoux  ou  les  Egoutans).  Le  10  juillet  1625,  on 
acquit  du  sieur  de  Cabannier  pour  le  prix  de  15  mille 
livres  tournois  la  bastide  Daigoux,  dite  de  Flassan,  qui 
était  située  sur  la  route  de  Salon  endroit  qui  porte  aujour- 
d'hui le  nom  de  ((  Vieille  Chartreuse  »  près  du  poni  du 
ruisseau    du  «    Baonou   »    actuellement    sur    la    route  de 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCÉ  69 

Berre  '.  Les  supérieurs  de  l'Ordre  décidèrent  qu'un  rec- 
teur et  deux  religieux  habiteraient  cette  bastide  et  une 
délibération  du  Chapitre  en  date  du  i6  juillet  1625  leur 
permet  l'usage  de  la  chapelle  de  Sainte-Croix.  Celle-ci  fut 
détruite  en  1769  quand  on  établit  la  route  d'Avignon. 

Les  surplus  des  fonds  provenant  de  la  fondation  d'Ay- 
mar fut  placé  provisoirement  en  rentes  à  percevoir  de 
divers  particuliers  ou  de  communautés  (municipalités).  Le 
clergé  d'Alais  reçut  ainsi  un  placement  de  12  mille  bix 
cents  livres  à  rembourser  à  réquisition  dans  un  délai  de 
trois  mois.  Comme  on  discutait  fort  sur  la  commodité  ou 
incommodité  de  cette  bastide,  le  R.  P.  Bruno  d'Atïrin- 
gues,  Général  de  l'Ordre  des  Chartreux,  le  8  mai  1627 
délégua  son  scribe  D.  Juste  Perrot,  qui  devait  avec  les 
visiteurs  décider  ce  qu'il  fallait  faire  \   Il  se  rendit  à  Aix 


"  Theatrum  Chronologicum  Sacri  Cartus.  Ord.  de  ]\Iorotius.  Tu- 
rin 1681,  p.  296.  N°  CLX.  — ■  Indique  que  la  bastide  d"Egou:s  était 
située  <c  Juxta  viam  ))j  qua  itur  ad  capellam  S.  'SUm.  »  —  Le  nom 
du  premier  recteur  s'y  trouve  écrit  Gabriel  Oursel.  Cette  notice 
se  termine  comme  suit:  Ita  ex  monumentis  ab  eadem  Cartusia  accep- 
tis  et  Sammartanis,  qui  in  Elogio  Card.  Richelmy  (sic)  Archiepis- 
copi  Aquensis  ex  Ord.  Cart.  referunt  Aymarum  ad  sacram  hanc 
Eremum  fundandam  excitatum  potissîum  ad  hortationibus  piissimi 
ejusdem   ea   !\Ionacho   Archiepiscopi    ». 

*  1627,  8  mai.  Frater  Bruno,  prior  Cartusiae  et  totius  ordinis 
Cartusise  minister  Generalis  Yenerabili  patri  D.  Justi  Perrot,  Scri- 
bas  Capituli  generalis  et  nostro,  salutem  in  eo  et  salus  nostra. 
Quia  multas  difficultates  exortas  esse  super  loco  pro  nova  Cartu- 
sia œdificanda  juxta  civitatem  Aquensem  in  provincia  Provincise 
electo  audivimus,  multis  hypothecis  et  fidei  commissis  quibus  addic- 
tus  dicitur.  Tibi,  de  cujus  fide  et  longo  rerum  usu  multum  confi- 
dimus,  harum  tenere  committimus.  et  cum  venerabilius  patribus 
preefatae  provinciae  visitatoribus  aut  altero  eorum  voca'tis  ad  utras- 
que  partes  peritis,  quod  rectum;  justum  et  utile  ordini  judica- 
veritis,  statuas  et  ordines.  Et  eam  quo  prœfata  cartusia  in  alium 
locum  œdificanda  fuerit,  tibi  mandamus  ut  cum  praefatis  visita- 
toribus  et   expertis    alium,    locum   religatis,    quam  tantje   rei   aptum 


^0  MARC    DUBOIS 

inec  le  visiteur  D.  Louis  Barnier,  prieur  de  Montrieux  et 
13.  Bruno  Gaude,  prieur  de  Val  Sainte-Marie,  qui  n'était 
pas  convisiteur.  La  dite  bastide  leur  parut  peu  propre  pour 
une  tcjndaiion,  alors  on  s'adressa  à  Louis  de  Richelieu, 
archevêque  d'Aix,  qui  essa}'a  auprès  de  son  frère  d'obte- 
nir la  maison  des  Chevaliers  de  Malte  mais  en  vain,  on 
fut  alors  obligé  de  revenir  à  la  bastide.  Le  Chapitre  do 
1628  envoya  à  Aix  D.  Jean  CaJamard,  profès  de  Char- 
treuse et  coadjuteur  du  \'al  Sainte-Marie  et  peu  après  le 
R.  P.  nommait  recteur  D.  Gabriel  Orcel,  profès  de  Veille- 
neuve. 

Quelques  années  plus  tard,  en  1633,  le  Chapitre  Général 
ayant  approuvé  tout  ce  qui  avait  été  fait  en  vue  de  cons- 
truire un  nouveau  couvent  ^  sur  un  emplacement  définitif, 
incorpora  la  Maison  à  l'Ordre.  Le  Chapitre,  ajoutait  en 
jouant  aimablement  sur  le  nom  d'Aix  (Aquensis)  et  faisant 
allusion  au  double  texte  de  Jérémie  et  des  Psaumes:  <(  Ce 


judicavetitis.  cujus  quidem  electionis  processum  in  forma  redi- 
gatis  et  ad  nos  déferre  curabitis,  ut  super  eo  statuare  possimus. 
Hoc  autem  iter  tuum  pietatis  et  obedientiae  causa  susceptum.  Jésus 
Christus,  virtutum  illorum  amator  et  auctor,  secundet  ad  gloriam 
suam  et  hoc  opus  fidei  tuae  commissum  ita  dirigatj  ut  uno  quasi 
die  serens  et  metens  possis  ad  nos  cum  exuUatione  reverti.  Datum 
Cartusiae  die  8°  Maii   1627. 

'  Nicolaï  Molin.  Historia  Cartusiana  ab  origine  Ordinis  usque 
ad  tempus  auctoris  an.  1638  defuncti.  T.  III,  p.  1SS-190  (Tour- 
nai, 1906).  Texte  du  décret  d'incorporation  de  la  maison  d'Aix 
à  l'Ordre,  porté  par  le  Chapitre  Général  en  1633:  «  Xovam  Ordi- 
nis plantantionem  apud  Aquas  Sextias  ex  liberalitate  et  pietate  de- 
functi clarissimi  viri  Domini  Joannis  Andrei  d'Aymar^  in  Senatus 
Aquensi  Consiliarii,  felix  jam  initium  ac  fundamentum  habentem 
Ordini  incorporamus.  Deo  autem  favente  erit  quasi  lignum  quod 
transplantatus  super  aquas:  propterea  quoque  erit  folium  ejus  viride, 
et  in  tempore  siccitatis  non  erit  sollicitum,  nec  aliquando  disinet 
facere  fructum  (Jerem.  XML  8)  in  Domino  »  et  verset  3  du  i" 
Psaume. 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'AIX-EN-PROVEN'CE 


71 


((  sera  comme  un  arbre  planté  sur  la  pente  des  eaux;  son 
feuillage  sera  verdoyant;  il  n'aura  pas  à  souffrir  en  temps 
((  de  sécheresse  et  ne  cessera  de  porter  des  fruits  ». 

Nous  trouvons  dans  la  correspondance  du  R.  P.  D. 
Bruno  d'Affringues,  Général  de  l'Ordre,  conservée  à  la 
Grande    Chartreuse    (1600- 1631),    quelques    détails    sur    la 


VUE    DE     LA    CHARTREUSE     SAINTE    MARTHE    D  AIX 
d'après  le  plan  conservé  à  la  Grande  Chartreuse 

Chartreuse  d'Aix.  Et  d'abord  ce  ne  fut  pas  sous  l'inspi- 
ration du  Cardinal  Alphonse  de  Richelieu  qu'elle  fut  fon- 
dée. Les  auteurs  qui  l'ont  avancé  (entre  autres,  1^.  Carlo 
Joseph  Morotio,  dans  son  Theatrum  Chronologicum  Sacri 
Cartusiensis  Ordinis,  Taurini,  M.DC.LXXI.  p.  296-CLX), 
n'ont  pas  suffisamment  remarqué  que  le  testament  d'Ay- 
mar est  de   1623  tandis  que  ce  ne  fut  qu'en   1626  que  le 


72 


MARC    DUBOIS 


V.  D.  Alphonse  de  Richelieu  lui  promu  à  l'archevêché 
d'Aix  par  son  frèi€  (premier  ministre  depuis  1624).  11  n'é- 
tait plus  alors  prieur  de  la  Chartreuse  de  Bonpas  (1620-23), 
mais  prt)i:ureur  (1623-26)  de  l'Obédience  de  Meylan,  près 
de  Grenoble.  11  fut  d'ailleurs  toujours  un  chartreux  par- 
tait et  dignitaire  ecclésiastique  éloigné  des  honneurs  c^u'il 
avait  espéré  fuir  à  jamais.  Nous  verrons  toutes  les  atten- 
tions dont  il  usa  envers  les  Pères  pendant  les  deux  ans 
qu'il  passa  à  Aix. 

I.  —  Au  sujet  de  l'emplacement  de  la  Chartreuse,  il 
y  a  une  lettre  latine  du  R.P.D.  Bruno  à  son  Scribe  D. 
Juste  Perrot  (qui  devait  lui  succéder  comme  Général  (1631- 
1643).  Elle  est  du  8  mai  1627. 

J.e  R.  P.  dit  en  substance  qu'ayant  connu  les  difficul- 
tés qui  se  rencontrent  aii  sujet  de  l'emplacement  de  la 
Chartreuse  d'Aix,  soit  à  cause  du  site  même,  soit  à  cause 
des  hypothèques  et  iidei-commis  attachés  au  premier  empla- 
cement adopté,  il  le  choisit  en  toute  confiance  pour  se 
concerter  avec  'es  VA'. P. P.  Visiteurs  de  îa  province,  ou 
au  moins  l'un  des  deux  si  l'autre  ne  peut  venir,  et  .décider 
ce  Cjui  leur  paraîtra  le  meilleur,  le  plus  juste  et  le  plus 
utile  à  l'Ordre.  Ils  peuvent  donc,  s'il  le  faut,  choisir  un 
autre  emplacement,  ayant  soin  de  dresser  procès-verbal  de 
leur  délibération  et  de  la  lui  faire  parvenir  pour  qu'il 
prenne  lui-même  la  décision  en  conséquence.  Il  termine 
par  souhaits  de  bon  voyage  et  d'heureux  retour. 

II.  —  Au  sujet  des  premiers  Chartreux  envoyés,  dans 
une  lettre  adressée  à  l'archevêque  d'Aix  le  18  janvier  1628, 
donc  peu  de  temps  avant  qu'il  ne  fût  transféré  à  Lyon, 
après  lui  avoir  présenté  ses  souhaits  de  nouvel  an...  (t  avec 
«  cette  occasion,  je  prendrai  sujet.  Monseigneur  de  vous 
<(  remercier  très  humblefnent  de  l'honneur  et  caresses  qu'il 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    u'aIX-ExN'-PROVENCE  73 

((  a  plu  d'user  envers  le  \'.  P.  Gabriel  recteur  de  votre 
((  Chartreuse  d'Aix  lequel  estant  grief vement  malade  vous 
(i  l'avez  faict  loger  dans  vostre  palais  pour  être  soulagé  et 
((  secouru  plus  commodémeni.  Ce  sont  les  marques  de 
((  vostre  charité  vive  et  de  la  Saincte  et  vraye  affection  que 
<(  vous  retenez  au  bien  de  notre  Ordre...-  »  Et  dans  une 
autre  adressée  le  17  juillet  1628  à  M.  Olivier,  conseiller 
au  Parlement  de  Provence,  son  ami,  il  dit  entre  iiutres  : 
«  Nous  avons  donné  ung  compagnon  au  V.P.D.  Gabriel. 
((  Je  serais  bien  aise  de  voir  vostre  Chartreuse  bâtie  dans 
((  ung  lieu  plus  commode  que  celuy  ou  il  demeure,  ce  sera 
((  quand  il  plaira  à  Dieu  d'en  faire  l'ouverture  ». 

Le  6  juillet  même  année  il  avait  écrit  à  ]\I,  de  Perier,  fils, 
dont  le  père  était  son  ami;  <(  J'ay  envoyé  au  V.P.D.  Ga- 
((  briel  la  participation  que  vous  désirez  (c'est  la  partici- 
«  pation  aux  mérites  et  aux  prières  de  l'Ordre  qu'on  donne 
((  ordinairement  aux  bienfaiteurs).  Je  vous  prie  de  le  rece- 
((  voir  avec  aultant  d'affection  que  je  vous  la  présente 
((  comme  une  chose  la  plus  précieuse  que  je  vous  pour- 
rais donner  et  aussy  de  me  continuer  l'honneur  de  votre 
«  bienveillance,  etc..  » 

III.  —  Une  lettre  du  i"""  mars  1627  à  j\I.  de  Pênes,  con- 
seiller au  Parlement  d'Aix,  parle  d'un  frère  Jérôme,  bon 
peintre,  faisant  partie  de  la  communauté  d'Aix:  ((  J'ai 
«  reçu  la  vostre  par  les  mains  du  frère  Hierosme  convers 
«  de  cette  maison,  il  m'a  fait  un  complet  et  beau  récit  de 
<(  la  Saincte  affection  qu'il  vous  plaist  de  montrer  au  bien 
«  et  honneur  de  nostre  Ordre  et  des  grandes  caresses  qu'il 
<(  a  reçu  de  votre  bonté...  Quant  au  désir  que  vous  avez 
<(  de  nous  servir  de  l'industrie  du  dit  frère  à  redresser 
«  quelques  monuments  de  l'antiquité  et  de  tracer  quelques 
((  enrichissements  pour'  une  chapelle  de  Saint-Maximin 
((  qui   est   dans   l'église   métropolitaine,    je   vous   prie   de 


74  MARC   DUBOIS 

(^  ii()u\er  bon  ce  que  je  \uus  renionire  bien  humblement 
((  sur  ce  subject.  C'est  que  l'Ordre  n'est  en  coutume  d'em- 
((  ])loyer  j 'industrie  de  ses  religieux  sinon  les  choses  c|ui 
'((  la  touchent  immédiatement,  et  ce  pour  lj€aucoup  de 
((  bonnes  raisons.  Le  privilège  cjue  Monseigneur  l'Arche- 
<(  vêque  d'Aix  en  a  reçu  lui  estait  deu  justement  et  cela 
((  ne  peult  estre  tiré  à  conséquence.  Je  vous  remercie  de 
«  riionneur  que  vous  nous  faites  et  du  digne  sentiment  que 
«  vous  avez  du  dit  frère  le  jugeant  capable  de  cette  entre- 
«  prise,  si  quelque  occasion  se  présente  de  renvoyer  le  dit 
((  frère  pour  les  affaires  de  nostre  Ordre,  je  luy  baillerai 
((  permission  de  s'employer  quelques  jours  pour  vostre 
((  contentement,  lequel  je  désire...  )> 

Par  le  même  frère  Jérôme,  D.  Bruno  avait  reçu  diverses 
autres  lettres  d'Aix:  de  l'archevêque,  M.  Marchier,  M.  de 
Gallice,  advocat  au  Parlement  d'Aix,  de  Mouveau,  M.  Oli- 
vier, auxquels  il  répond  en  mars  1627,  mais  sans  rien  dire 
de  la  Chartreuse. 

...  IV.  —  Le  12  mars  1627,  à  l'archevêque  d'Aix  à  pro- 
pos de  l'emplacement:  (c  J'ay  par  celle  qu'il  vous  a  plu 
m'escrire,  en  datte  du  dernier  février  ce  qui  pousse  par 
ung  sainct  zèle  que  vous  portez  au  bien  de  nostre  Ordre, 
vous  me  marquez  sur  la  grande  et  manifeste  incommo- 
dité du  lieu  que  nos  Pères  ont  acheté  pour  y  bastir  une 
chartreuse,  et  aussi  l'offre  charitable  que  vous  me  faites 
de  vous  employer  pour  nous  colloquer  en  ung  autre  lieu 
que  vous  jugez  fort  propre  pour  l'usage  de  nostre  ins- 
titution. Dieu  veuille  pardonner  à  ceux  lesquels  par  leur 
trop  grande  précipitation  nous  ont  jeté  dans  la  néces- 
sité de  sortir  du  dit  lieu  en  ceci  je  reconnais  votre  bien- 
veillance. C'est  pourquoi  retourne  écrire  au  V.  P.  Visi- 
teur de  se  déffaire  au  plus  tôt  de  l'incommodité  du  dit 
lieu  avec  le  remboursement  des  méliorations  que  l'Or- 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'a1X-EN-PROVENCE  75 

((  dre  y  a  faict.  Et  d'autant  que  le  temps  proche  de  nostre 
«  Chapitre  Général  requiert  nécessaire  la  présence  du  V. 
<(  P.  D.  Scribe,  je  ne  manquerai  puisque  le  désirez  ainsi, 
((  de  vous  renvo}"er  après  la  tenue  d'iceluy  aftin  de  voir 
«  et  traiter  avec  ces  MM.  de  Malte  sur  les  conditions  que 
((  vous  proposez  touchant  leur  clos  et  église,  et  m'assu- 
((  rant  que  vous  avez  agréable  ceste  remontrance,  je  feray 
«  la  présente  pour  la  continuation  des  prières,  etc..  » 

Le  9  mai,  il  envoyait  au  même  par  le  V.  P.  Scribe: 
((  Encore  que  le  V.  P.  Scribe  me  soit  grandement  néces- 
«  saire  pour  les  aiïaires  de  ma  charge  et  pour  le  soulage- 
<(  ment  de  ma  vieillesse  qui  devient  fort  pesante  (il  avait 
((  80  ans)  toutefois  j'ay  voulu  préférer  le  contentement  de 
((  vos  volontés  à  .mes  commodités.  Il  vous  rapportera  tout 
<(  ce  c[ui  est  de  mes  intentions  sur  le  subjet  de  son  voyage. 
((  (Lettre  ci-avant  I). 

Le  27  juin  il  lui  écrivait  encore,  après  le  retour  de  D 
Juste  Perrot  :  ((  la  bonté  que  vous  avez  voulu  montrer  au 
«  traité  de  vostre  nouvelle  Chartreuse  d'Aix  avec  MM.  de 
«  de  Malte,  prenant  le  soing  et  la  peine  de  la  conduire- à 
«  bon  port...  » 

...V.  Les  bienfaiteurs.  —  Le  2  août  1627,  il  écrit  à  l'ar- 
chevêque d'Aix:  ((  ...  M.  Marchier  m'escrit  sur  l'occasion 
<(  d'un  légat  c^u'une  dame  a  fait  de  seize  mil  francs  pour 
<(  bastir  une  église  et  une  chapelle,  sur  quoy  craignant  de 
«  vous  ennuier,  j'écris  mon  sentiment  au  dict  sieur  Mar- 
((  chier:  sur  le  subjet  du  légat  de  seize  mille  francs  c|ue  feu 
«  Mad.  la  baronne  d'Enscios  faict  a  une  des  religions 
«  réformées  pour  bastir  une  église  et  une  chapelle,  lequel 
((  M.  l'Advocat  du  Perier  tasche  de  faire  appliquer  à  nos- 
«  tre  Ordre  par  M.  Boquier  héritier  de  la  dicte  dame.  En- 
<(  core  qu'il  soit  de  besoin  pour  répondre  cathégorique- 
«  ment  de  voir  les  parolles  du  dict  légat,  si  es-ce  toutefois 


^5  MARC    DUBOIS 

qu'attendu  que  Monseigneur  d'Aix  le  désire  ainsi.  J'ay 
pensé  de  vous  déclarer  ce  qu'est  de  mes  intentions.  Je 
crois  que  l'iiériiier  de  la  dicte  testatrice  ne  peut  sans 
l'autorité  de  Sa  Sainteté  altérer  ny  changer  les  condi- 
tions insérées  au  dict  légat,  ny  consentir  le  dict  légat  en 
autre  usage  que  celuy  qui  a  été  prescrit  par  la  dicte  tes- 
tatrice. C'est  à  savoir  de  bastir  une  église  et  une  cha- 
pelle en  disant  une  grande  messe  tous  les  mois,  y  assis- 
tant toutes  les  Religions  de  la  dicte  ville  d'Aix;  et  posé 
que  le  dict  héritier  le  puisse  faire  avec  l'auctorité  de  Mon- 
seigneur l'Archevêque,  toutefois  il  me  semble  que  je 
me  doibs  accepter  le  dit  légat,  si  non  à  condition  et  en 
qualité  d'ung  aide  et  secours  pour  achever  de  nous  ayder 
à  bastir  en  la  dicte  ville,  et  non  point  pour  faire  une 
église  à  part  ainsi  que  semble  vouloir  la  dicte  testatrice, 
et  ce  avec  obligation  de  bastir  en  la  dicte  chartreuse  une 
chapelle  en  mémoire  et  honneur  de  la  dicte  dame,  et  de 
dire  tous  les  mois  une  grande  messe  à  la  forme  de  l'Or- 
dre, et  pour  le  regard  de  l'assistance  des  autres  religieux, 
l'héritier  aura  soing  de  faire  dire  la  dicte  messe  par  les 
autres  couvents  selon  qu'il  jugera  entre  le  meilleur,  car 
telle  condition  ne  se  peult  obtenir  en  nos  maisons  sans 
grande  perturbation  de  l'observance.   Voilà  mon  senti- 

<  ment,  lequel  je  soumelts  à  Monseigneur  lequel  estant  sur 
(  les  lieux  trouvera  quelque  meilleur  expédient,  etc..  » 

Une  lettre  du  lo  septernbre  1627  à  M.  Marchier  :  ((  J'ay 
(  reçu  la  vostre  écrite  de  Paris  le  17  passé  et  veu  par  icelle 
(  ce  qui  s'est  passé  dans  l'afïaire  de  la  Chartreuse  d'Aix 

avec  MM.  de  Malte:  les  grandes  affaires  ont  leur  com- 
'  mencements  plein  de  difficultés,  lesquelles  se  vuident  avec 

<  le  temps  et  la  patience.  Je  me  sens  grandement  obligé 
(  pour  le  soing,  etc..  » 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    D  AIX-EX-PROVENCE  77 

Ce  M.  Marchier  fut  nommé  Prévôt  de  l'Eglise  d'Aix, 
ainsi  qu'il  ressort  d'une  lettre  du  17  avril  1628  qui  le  féli- 
cite de  cette  dignité  qu'il  vient  de  recevoir  et  sur  sa  pre- 
mière messe  qu'il  va  dire  bientôt. 

Une  lettre  du  21  juillet  1629  à  M.  de  Paule,  conseiller 
au  Parlement  d'Aix,  le  remercie  de  ses  bienfaits  rappor- 
tés par  D.  Gabriel, mais  ne  donne  aucun  détail. 

A  propos  des  premiers  religieux  de  la  Chartreuse  d'Aix, 
lettre  h.  AI.  Marchier,  prévost  de  l'église  d'Aix  du  29  jan- 
vier 1630:  ((  J'ay  reçti  la  vostre...  par  laquelle  vous  inter- 
(  cédez  pour  AI.  de  Fontanes,  qui  a  été  novice  et  désire 
(  de  rentrer  en  l'Ordre.  J'entends  qu'il  appartient  aux 
(  meilleures  familles  de  votre  ville.  M.  le  conseiller  de 
(  Perche  me  le  recommande  avec  une  forte  affection...  Le 
(  sieur  Fontanes  s'est  jeté  de  gaveté  de  cœur  en  la  déso- 
(  lation  qu'il  ressent  maintenant,  il  s'est  roidi  opiniatre- 
(  ment  contre  les  Sainctes  Admonitions  de  tous  ceux  qui 
(  l'ont  exhorté  à  une  religieuse  persévérance.  Je  luy  con- 
(  seille  de  prendre  une  religion  plus  douce:  celle  des  char- 
(  treux  n'est  propre  à  toutes  sortes  d'esprits;  le  poète  dit 
(  fort  bien  Hic  veniunt  segetes,  istic  feJicius  uvœ,  considé- 
(  rant  toutefois  la  revcance  que  je  doibs  à  l'intercession 
(  de  deux  personnes  les  mérites  desquels  je  respecte  gran- 
(  dément,  j'avme  mieux  pencher  à  la  douceur  que  de  suivre 
(  trop  de  rigueur.  C'est  pourquoi  quand  le  malheur  des 
(  temps  le  permettra,  je  le  logerav  dans  une  maison  d'un 
f  air  plus  tempéré  afin  de  luy  donner  stibject  de  se  stibi- 
(  liser.  Ce  que  je  fits  pour  vous  faire  paraître  la  bonne 
(  volonté  que  j'av  de  vous  faire  très  humblement  service 
(  en  toute  chose  que  je  cognoitré  vous  être  agréable,  'et^...  » 
Il  aurait  été  plus  intéressant  d'avoir  les  lettres  de  ses 
correspondants  qui  donnent  précisément  des  détails  aux- 
quels il  ne  fait  qtie  répondre  d'un  mot.  Malheureusement 


78 


MARC    DUBOIS 


la  Révolution  a  dispersé  sans   retour   ces   précieux   docu- 
ments. 

Ce  n'est  que  le  28  janvier  1634,  q^^e  le  prieur  de  Bon- 
pas  D.  Polycarpe  de  la  Rivière,  commissaire  avec  les 
prieurs  de  Villeneuve,  d'Aix  D.J.B.  Giraud  et  le  recteur  de 
Marseille  D.  Gabriel  Orcel,  achetèrent  un  nouveau  terrain 
pour  bâtir  la  maison  ;  elle  fut  édifiée  dans  le  faubourg  des 
Cordeliers,  hors  des  remparts  de  la  ville;  M.  de  Paule, 
Président  à  mortier  en  posa  la  première  pierre  (espace  com- 
pris aujourd'hui  dans  le  triangle  formé  par  le  boulevard 
de  la  République,  les  rues  Célonv  et  de  la  Guerre  '",  Les 
legs  continuant  à  affluer  ainsi  Cj[ue  l'on  a  pu  s'en  rendre 
compte  par  la  liste  des  bienfaiteurs,  les  constructions  pu- 
rent s'élever  rapidement.  L'Eglise  ne  fut  terminée  qu'en 
1645,  sous  le  vocable  de  Sainte-]\Larthe,  nom  que  pn't  le 
couvent.  En  attendant,  le  Chapitre  avait  autorisé  les  moi- 
nes à  dire  leurs  offices  à  Saint-Laurent,  chapelle  qui  était  au 
nom  de  la  Seds,  dans  le  cimetière  de  nécropole  païenne 
devenue  chrétienne,  construite  au  v^  siècle;  elle  n'était  plus 
qu'un  ermitage.  Vers  1770,  elle  fut  démolie  pour  la  cons- 
truction de  la  route  d'Aix  à  Paris.  Le  cimetière  voisin 
abandonné  depuis  longtemps  fut  rouvert  lors  de  la  peste  de 
1650,  puis  abandonné  de  nouveau.  Au  fur  et  à  mesure  de 
l'élévation  des  constructions,  le  nombre  des  religieux  fut 
augmenté.  En  1640,  il  n'v  avait  encore  que  trois  religieux, 
le  Prieur,  le  Procureur  et  le  Sacristain  ;  le  Chapitre  Géné- 
ral y  ajoute  le  Vicaire.  En  1681,  il  v  aA^ait,  outre  le  Prieur, 
huit  religieux  et  deux  frères  convers.  En  1703,  sous  le 
prieurât  de  Dom  Philippe  Brunet,  qui  a  laissé  un  long 
mémoire  de  tous  les   faits  principaux   qui   se   sont   passés 

'"  Rue  de  la  Guerre,  nom  tiré  de  la  famille  Guerre  qui  y  de- 
meurait au  XYU**  siècle  ;  par  opposition,  on  nomma  la  rue  voisine, 
rue  de  la  Paix.  [Les  rues  d'Aix.  Roux-Alphéran,  t.   II). 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    D*AIX-EN-PROVENCE  79 

dans  le  temps  où  il  est  resté  Prieur  ",  il  y  avait  douze 
reliî^ieux  de  chœur,  trois  frères  convers  et  trois  domes- 
tiques. Il  nous  a  laissé  aussi  un  compte  détaillé  des  recet- 
tes et  des  dépenses  du  couvent  de  l'année  17 13  à  17 19 
qui  nous  montre  que  J'état  des  finances  ne  fut  pas  toujours 
très  brillant  pendant  cette  période  de  six  années. 

Description  du  Monastère 

On  vit  se  développer  les  bâtiments  qui  par  leurs  gran- 
des proportions  devaient  donner  au  monastère  un  aspect 
imposant.  En  bordure  sur  la  rue  Célony  était  l'entrée  don- 
nant sur  une  vaste  cour  d'honneur;  à  gauche  se  trouvait  la 
chapelle  conventuelle  dont  la  façade  était  ornée  de  belles 
colonnes  corinthiennes  avec  porte  et  fenêtres  dans  le  goût 
de  la  Renaissance  italienne,  et  qui  selon  l'usage  des  Char- 
treux était  à  l'intérieur  divisée  en  deux  parties:  la  première 
•qui  comprend  le  sanctuaire  proprement  dit  (que  les  sta- 
tuts désignent  sous  le  nom  d'autel)  avec  le  chœur  des  moi- 
nes, c'est-cà-dire  des  prêtres.  La  seconde  partie  de  la  nef 
séparée  par  une  balustrade  était  destinée  aux  Frères,  qui 
bien  que  religieux  sont  néanmoins  des  laïcs.  La  nef  était 
entièrement  entourée  de  stalles  avec  des  séparations  élevées, 
en  usage  seulement  chez  les  Chartreux,  pour  isoler  com- 
plètement les  religieux  de  leurs  voisins.  Sur  les  degrés  de 
l'autel,  étaient  placés  quatre  grands  chandeliers  que  l'on 
allumait  cà  certaines  fêtes  solennelles.  La  primitive  église 
n'admettait  point  de  lumières  sur  l'autel  même,  elle  les 
plaçait  à  côté  ou  par  devant,  de  Là,  l'usage  des  chandeliers 
sur  les  marches  du  sanctuaire.  Les  Chartreux  ont  un  rite 


"  Archives  eccl.  série  T  H,  clergé  régulier.  Ordres  d'hommes, 
religieux  Chartreux.  Ordre  de  S^int-Bruno.  Chartreuse  d'Aix,  liv.ii 
(Archives  Bouches-du-Rhône). 


8o  MARC   DUBOIS 

à  part,  la  vieille  lithurgie  cartusienne  est  restée  telle  qu'elle 
était  au  xT'  siècle.  La  première  ordonnance  du  Chapitre 
Général  tenu  en  Chartreuse  sous  saint  Anthelme  était  ainsi 
formulée:  ((  Avant  tout  l'office  de  la  Sainte  Eglise  îyeracélé- 
«  bré  sous  le  même  rite  dans  toutes  les  Chartreuses  et  de 
<(  même  seront  observées  toutes  les  coutumes  qui  ont  trait 
<(  à  la  vie  monastique  qui  sont  en  \'igueur  dans  le  monas- 
((  t ère  de  Chartreuse  ». 

Cette  ordonnance  eut  pour  conséquence  C|ue  depuis  cette 
époque  il  y  eut  autant  de  Chartreuses  cpie  d'ermitages 
bâtis  selon  la  forme  du  monastère  dauphinois  et  gardant  la 
même  obser\^anoe.  L'Ordre  a  conservé  ses  livres  de  chœur, 
sans  y  rien  changer,  les  instruments  de  musique  ou  l'har- 
monium sont  défendus.  Leur  chant  est  paisible,  austère, 
un  peu  monotone  si  l'on  veut.  Les  anciens  statuts  disent: 
((  Puisque  l'occupation  d'un  véritable  moine  est  beaucoup 
'c  plus  de  pleurer  que  de  chanter,  servons-nous  de  notre 
«  voix  de  telle  sorte  qu'elle  procure  au  cœur  une  joie  intime 
((  et  non  pas  ces  émotions  résultant  des  accords  d'une 
((  musique  harmonieuse.  Coupons  impitoyablement  tout  ce 
((  qui  produirait  des  sensations  pour  le  moins  futiles  quand 
((  elles  ne  sont  point  coupables  ;  enlevons  ce  qui  nourri- 
«  rait  une  vaine  curiosité;  ôtons  ce  qui  ne  serait  pas  d'ac- 
((  cord  avec  un  chant  simple  et  plein  de  dévotion  ». 

Au  commencement  du  xii"  siècle,  Guigues,  cinquième 
Prieur  de  la  Grande  Chartreuse  disait  à  ses  Frères  :  ((  Le 
(c  sérieux  de  la  vie  érémitique  ne  nous  permet  pas  de  con- 
((  sacrer  beaucoup  de  temps  à  l'étude  du  chant.  Tout  moine, 
((  tout  solitaire  à  plus  forte  raison,  n'a  pas  pour  office  d'en- 
((  seigner,  moins  encore  de  chanter;  il  s'occupe  à  pleurer 
'(  ses  fautes  et  les  péchés  du  monde  ».  (Annal.  Ord.  Car- 
tus.). 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-E\-PROVENCE  8i 

Le  Chartreux  est  à  la  fois  cénobite  et  ermite;  cénobite, 
c'est-à-dire  c^u'il  partac^e  !a  vie  de  communauté  au  chœur, 
au  chapitre,  au  réfectoire,  en  récréation.  En  dehors  de  ces 
réunions  il  est  ermite,  il  est  solitaire  dans  sa  cellule  dont 
les  quatre  pièces  et  le  petit  jardin,  constituent  une  demeure 
absolument  isolée,  et  c'est  par  le  tour  qu'il  reçoit,  aux 
heures  conventuelles  le  repas  prescrit  par  la   règle  '". 

Aux  jours  ordinaires,  les  religieux  ne  se  réunissent  cjue 
trois  fois  au  chœur,  le  matin  pour  la  messe  conventuelle  ; 
l'après-midi  pour  les  vêpres  et  à  1 1  heures  du  soir  pour 
les  matines. 

Le  premier  coup  de  matines  est  toujours  à  lo  heures  1/2 
ou  II  heures  du  soir.  Dès  que  le  religieux  a  entendu  l'exci- 

'-  Chaque  semaine  les  Chartreux  sortent  en  promenade  ou  «  Spa- 
ciment  »,  cette  coutume  est  fort  ancienne  et  personne  n'en  est 
dispensé  :  <(  Je  n'accorde  (|ue  difficilement  dispense  du  spacim.ent, 
«  dit  Le  Masson,  tant  cette  promenade  me  paraît  utile  pour  le 
«  bien  du  corps  et  de  l'âme  ».   (Annales). 

Au  couvent  d'Aix  les  spaciments  étaient  diriges  dans  les  envi- 
rons si  intéressants  de  la  ville,  dont  la  verdoyante  et  fertile  cam- 
pagne offrait  un  grand  charme  par  ses  nombreux  souvenirs  du 
passé,  auxquels  les  Chartreux  devaient  trouver  le  plus  grand  inté- 
rêt historique.  Les  bords  de  la  rivière  de  l'Arc  aux  frais  ombra- 
ges leur  rappelait  la  fameuse  bataille  d'Aix  livrée  par  Marius  con- 
tre les  Cimbres  et  les  Teutons,  dont  le  travail  de  noir.breuscs 
légendes  avait  fait  place  à  la  réalité. 

L'oppidum  d'Entremont  c|ui  s'anpelait  alors  le  ]\Ionte-Roionde, 
situé  à  3  kilomètres  de  la  ville,  oîi  l'on  a  découvert  de  nombreux 
vestiges  antiques,  aujourd'liui  une  des  richesses  du  musée  d'Aix, 
rappelait  l'ancien  camp  escarpé  d'une  peuplade  salyennc  établie 
sur  ce  petit  mamelon  de  387  mètres  d'altitude  et  défendu  par  une 
muraille  de  pl'us  de  300  mètres  de  long., 

La  montagne  de  Sainte-Victoire,  où  s'élevait  au  xvn^  siècle  le 
couvent  des  Calmadules,  et  toute  la  vallée  de  Saint-^Iarc  à  ,Vau- 
venargues,  dans  laquelle  passait  un  des  trois  aqueducs  romains 
qui  alimentait  en  eau  notable  la  ville  d'Aix,  d'fint  on  vèit'  encore 
de    loin   en  loin    quekjues    vestiges.  :i    Mi-iM  ;-■'    ,    ■ 

Tels  étaient  sans   doute  les  buts   principaux  de  leurs   spaciments. 

6 


$2  MARC  DUBOIS 

tateur,  il  doit  se  lever  se  m'etire  à  réciter  des  prières  jus- 
qu'au coup  de  l'office  de  nuit,  cjui  l'appelk  à  l'église  où 
il  reste  jusqu'à  2  heures  du  matin.  Rentré  dans  sa  cellule, 
il  se  couche  pour  être  réveillé  par  l'excitateur  vers  6  heu- 
res du  matin,  afin  de  s'acquitter  des  autres  exercices  de 
piété,  tel  que  la  messe  conventuelle  à  7  heures.  A  10  ou 
II  heures,  suivant  qu'il  est  jour  ou  non,  le  religieux  trouve 
son  repas  dans  le  guichet  voisin  de  la  porte  de  sa  cellule  ; 
une  heure  avant,  il  doit  se  livrer  à  quelque  travail  manuel, 
tel  que:  faire  de  la  tournerie  ou  cultiver  son  jardinet.  Après 
son  repas,  une  heure  de  récréation  à  emplo_yer  à  son  gré, 
soit  au  travail  manuel  ou  intellectuel,  soit  en  promenade 
dans  son  jardin.  A  3  heures,  le  religieux  se  rend  à  vêpres; 
en  entrant  dans  la  chapelle,  chaque  moine  donne  un  coup 
de  cloche  et  va  prendre  sa  place.  Il  ne  sort  c|u'après'4  heu- 
res et  rentre  en  cellule  où  il  trouve  son  souper  dans  le  gui- 
chet ;  s'il  est  jour  de  jeûne,  la  collation  se  compose  d'un 
peu  de  vin  et  de  pain.  Enfin  le  coucher  a  lieu  à  6  h.  1/2. 
Tout  autour  de  la  première  cour  étaient  les  bâtiments  de 
service  et  l'Hôtellerie,  cette  dernière  située  de  chacjue  côté 
de  la  porte  du  couvent  se  nommait  aussi  ((  Quartier  dit  des 
étrangers  »,  il  était  disposé  pour  recevoir  les  retraitants  et 
les  personnes  à  qui  on  donnait  l'hospitalité  la  plus  géné- 
reuse, qui  a  toujours  été  de  règle  chez  les  Chartreux  ;  mais 
leurs  hôtes  sont  soumis  comme  les  religieux  aux  règlements 
de  l'Ordre,  dont  les  plus  petits  détails  ont  été  prévus  par 
les  nouveaux  statuts  de  1368. Pour  la  nourriture, ils  devaient 
se  contenter  des  alinients  maigres  du  couvent.  Les  statuts 
disent  au  sujet  des  étrangers:  <(  Lorsque  les  hôtes  séculiers 
((  viennent  à  la  Maison,  ou  sont  invités  par  nous  à  pren- 
((  dre  un  repas,  nous  leur  préparons  ce  qu'exigent  leur 
<(  dignité  et  l'honnêteté,  selon  les  ressources  de  nos  mai- 
«  sons,  excepté  toutefois  les  mets  gras  que  nous  n'offrons 


MONASTÈRE   DES    CHARTREUX   d'aIX-EX-PROVE>'CE  83 

«  à   personne   dans    nos   monastères.    »    (Stat.    Ord.    Cart. 
II  p.  CXXI   n.  71.  —  Nova  collectio.  cap.   X,   n.   24). 

Au  delà  de  la  cour  d'honneur  une  belle  porte  monumen- 
tale surmontée  de  la  statue  de  sainte  Marthe  avec  la  taras- 
que,  donnait  accès  dans  les  bâtiments  des  ofticiers.  On 
nomme  ainsi  les  religieux  qui  occupent  un  emploi  ou  office 
de  Prieur,  Procureur,  Coadjuteur,  ils  ne  cont  pas  cloitrés. 
Le  supérieur  d'une  Chartreuse  n'est  pas  abbé,  mais  simple- 
ment Prieur,  il  se  fait  aider  dans  son  administration,  pour 
le  spirituel  par  Dom  Vicaire  et  pour  le  temporel  par  Dom 
Procureur  qui  est  aidé  parfois  par  Dom  Coadjuteur  chargé 
de  recevoir  les  hôtes  étrangers. 

A  la  suite  de  ces  constructions  se  trouvaient  les  loge- 
ments des  frères  laïcs  et  donats,  puis  les  différentes  obé- 
diences nécessaires  à  la  vie  et  entretien  du  couvent  ;  cuisine, 
boulangerie,  réfectoire,  buanderie,  rasure.  Les  pères  ou  reli- 
gieux de  chœur  doivent  avoir  la  tête  entièrement  rasée,  sauf 
une  petite  couronne  et  ne  portent  pas  de  barbe. 

Une  deuxième  petite  cour  intérieure  était  entourée  par 
ces  mêmes  bâtiments  et  au  fond  par  un  petit  cloître  per- 
mettant aux  officiers  de  se  rendre  directement  à  la  cha- 
pelle conventuelle. Dans  une  aile  de  ces  constructions  devait 
se  trouver  le  réfectoire  des  Pères.  C'était  une  salle  aux 
murs  nus,  garnie  d'un  banc  circulaire  avec  des  tables 
devant.  Celle  du  fond,  dominée  par  un  crucifix  était  réser- 
vée au  Prieur;  les  religieux  occupaient  les  autres  tables 
par  rang  d'ancienneté.  Les  Chartreux  ne  parlent  jamais 
au  réfectoire,  ils  entendent  pendant  le  repas  une  lecture 
pieuse  en  latin,  faite  par  un  lecteur  monté  dans  une  chaire. 
Le  repas  en  commun  n'est  pris  que  le  dimanche  et  à  cer- 
taines fêtes.  L'abstinence  de  tout  aliment  gras  en  toutes 
circonstances,  même  en  cas  de  grave  maladie,  est  en  usage 
depuis  la   fondation   de  r(')rdre  ;   de  plus,    le  grand  jeûne 


84  MARC   DUBOIS 

monastique  commence  le  14  septembre  et  sans  interruption 
continue  jusques  à  Pâques  ;  les  religieux  ne  font  alors 
qu'un  seul  repas;  le  soir,  cependant  il  est  perm-is  à  qui 
le  désire  <(  de  prendre  avec  le  vin.  un  morceau  de  pain  de 
<(  3  à  4  onces  ».  Le  couvert  était  des  plus  modestes,  tout 
était  en  bois,  deux  petits  pots  en  étain  ou  en  grès  pour 
l'eau  et  le  vin,  une  tasse  à  deux  anses,  remplaçait  le  verre. 
<(  L'ancienne  coutume  de  l'Ordre  (disent  les  statuts  de  125g), 
((  est  qu'on  met  les  deux  mains  au  gobelet  en  buvant  ». 
Le  dimanche  après  souper,  les  religieux  en  sortant  du 
chœur,  se  présentaient  à  la  porte  du  réfectoire  «  comme 
((  des  mendiants  du  Christ  »  et  le  lecteur  rem.ettait  à  chacun 
un  pain,  en  disant:  ((  Requiescant  in  pace  »  à  quoi  on 
répondait:  ((  Amen  ».  Cet  usage  date  du  commencement  de 
l'Ordre,  en  souvenir  de  leurs  premiers  bienfaiteurs.  Ce  pain 
était  fourni  jadis  par  les  donations  de  personnes  affection- 
nées à  l'Ordre. 

Le  cimetière  à  côté  de  la  chapelle  des  morts,  occupait  un 
espace  peu  considérable,  ce  dont  il  ne  faut  pas  s'étonner 
quand  on  voit  jusqu'à  quelles  limites  peut  arriver  la  vie 
d'un  Chartreux  qui  cherche  l'oubli  jusque  dans  la  mort, 
une  simple  croix  de  bois  sans  inscription  protège  leur 
tombe.  Disons  en  quelcpies  mots  comment  les  Chartreux 
conduisent  l'un  des  leurs  h  sa  dernière  demeure.  Après 
l'absoute,  les  moines  se  mettent  en  procession,  marchant 
à  pas  lent,  un  à  un,  la  tête  couverte  du  capuchon  et  chan- 
tent des  psaumes  d'une  voix  grave.  Tout  en  psalmodiant, 
les  moines  arrivent  au  cimetière.  Le  défunt  est  étendu  près 
de  !a  fosse,  non  point  courbé  dans  un  cercueil,  mais  étendu 
sur  une  planche,  vêtu  de  ses  habits  monastiques,  le  visage 
couvert  du  capuchon,  les  mains  jointes,  un  chapelet  entre 
les  doigts.  On  enlève,  le  draj?  mortuaire  qui  le  couvre,  le 
prêtre   bénit  la  fosse,    le    mort   v  est   descendu   lentement. 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EX-PROVENCE  85 

Les  moines  s'éloignent  et   rentrent  en  cellule  après  avoir 
entendu  au  Chapitre  l'éloge  funèbre  du  défunt. 

Le  grand  cloître  formant  un  vaste  carré,  était  la  partie 
de  la  maison  qui  constituait  la  Chartreuse  proprement  dite, 
la  demeure  du  silence  et  du  recueillement.  Les  cellules 
entouraient  ce  cloître.  Toutes  se  ressemblaient  à  peu  de 
chose  près.  Suivant  la  coutume  des  anciens  monastères  de 
la  Thébaïde,  chaque  cellule  était  marquée  d'une  lettre  de 
l'alphabet  et  sur  la  porte  était  hxé  une  sentence  de  l'Ecri- 
ture sainte.  Les  noms  et  les  armoiries  des  bienfaiteurs 
étaient  gravées  sur  une  pierre  à  l'entrée  de  celle-ci.  Le 
soir  après  Compiles,  les  religieux  priaient  spécialement 
pour  ceux  ciui  avaient  élevé  leur  cellule.  Un  petit  guichet 
placé  près  de  la  porre  servait  cà  distribuer  aux  religieux 
leur  nourriture  et  tout  ce  dont  ils  avaient  besoin.  Il  était 
fermé  par  une  vieille  serrure  du  moven  âge  «  La  Verte- 
velle  »  qui  s'ouvre  et  se  ferme  par  un  procédé  aussi  simple 
qu'ingénieux  à  l'aide  d'un  passe-partout  d'une  forme  spé- 
ciale. La  cellule  se  composait  d'une  petite  galerie  ou  pro- 
menoir donnant  sur  un  jardin,  et  de  l'habitation  composée 
de  quatre  pièces:  la  chambre  ou  le  lit  des  Chartreux  était 
en  forme  d'armoire,  avec  des  volets  en  bois  pour  remplacer 
les  rideaux  et  garantir  du  froid.  La  literie  se  composait 
d'une  paillasse  de  grosse  toile,  d'un  traversin,  de  draps. en 
drap  et  quelques  couvertures  de  laine,  le  religieux  se  cou- 
chait tout  vêtu.  (Consuetudines  XXVITL  I).  A  côté  du  lit 
se  trouvait  l'oratoire  composé  d'une  table  et  d'un  prie-Dieu. 
C'était  là  que  le  solitaire  récitait  la  plus  grande  partie  des 
offices.  Souvent  dans  la  journée  le  son  de  la  cloche  indi- 
quait les  prières  que  tous  les  Chartreux  séparément  dans 
leurs  cellules  disaient  en  même  temps.  Les  religieux  pou- 
vaient dans  leurs  moments  de  loisirs,  avoir  de  savantes 
occupations,  ils  écrivaient  ou  copiaient  des  livres.  Les  cou- 


8Ô  MARC   DUBOIS 

tuir.es  de  Guignes,  au  Chapitre  iS,  à  propos  du  copiste, 
•entre  dans  des  détails  fort  intéressants  sur  les  instruments 
que  l'on  fournira  aux  religieux  écrivains.  «  On  lui  remet- 
<(  tra,  disent-elles,  un  encrier,  des  plumes,  de  la  craie, 
<(  deux  pierres  ponces,  deux  petites  cornes,  un  canif,  deux 
<<  rasoirs  pour  racler  les  parchemins,  un  poinçon  ordinaire 
((  et  un  autre  plus  fin,  un  crayon  de  plomb,  une  règle,  une 
((  planche  à  dessin,  des  parchemins  et  une  pointe  à  écrire  ». 
Parmi  les  moines,  les  uns  copiaient,  les  autres  mettaient 
la  ponctuation,  en  traçant  une  ligne  rouge  au  commence- 
ment des  phrases;  les  plus  habiles  enluminaient  les  manus- 
crits, les  couvrant  de  ces  inimitables  lettres  ornées,  de  ces 
ravissantes  majuscules  au  dessin  si  varié,  aux  couleurs  si 
vives  ;  enfin  les  plus  instruits  par  de  savantes  et  patientes 
recherches,  établissaient  un  texte  parfaitement  correct. Nous 
avons  pu  retrouver  trois  manuscrits  de  ce  genre  dont  nous 
parlerons  plus  loin. 


En  17 15,  Louis  XIV  étant  mort  le  i"  septembre,  le  20  du 
même  mois  ordre  est  donné  aux  Chartreux  d'aller  le  lende- 
main à  3  heures  de  l'après-midi,  prêter  serment  au  nouveau 
roi,  Louis  XV.  La  cérémonie  commença  vers  5  heures  du 
soir;  y  assistaient,  les  Prieur,  Procureur  et  Coadjuteur.  Le 
serment  fut  donné  dans  le  palais  du  Parlement  d'Aix. 

De  1776  à  1786  sur  un  registre  de  comptes,  sorte  de 
livre  de  raison,  très  bien  dressé  par  le  P.  D.  Antoine 
Daru,  Procureur  de  cette  Chartretise,  nous  avons  trouvé 
l'état  des  recettes  et  des  dépenses  de  la  INLaison,  qui  nous 
montre  que  cette  période  de  dix  ans  fut  bénéficiaire.  Nous 
y  relevons  un  don  de  deux  mille  livres  fait  en  1776  par  D. 
Jauna,  Prieur  de  la  Chartreuse  de  Villeneuve,  ce  qui  permit 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCE  87 

de  faire  des  plantations  de  vignes  et  d'oliviers  dans  un  ter- 
rain resté  jusque  là  inculte.  En  1778,  k  Père  Convisiteur 
de  l'Ordre  fait  un  don  de  cinq  mille  six  cents  livres  qui 
vint  aider  à  terminer  ces  plantations.  Il  dit  encore:  «  Cette 
((  année  a  été  grâce  à  Dieu  des  plus  heureuses  pour  cette 
«  ^Maison  par  la  récolte  abondante  en  blé  ». 

Peste  de  1720 

Nous  avons  trouvé  un  long  manuscrit  d'un  Chartreux, 
non  signé,  qui  porte  comme  titre  :  ((  Traité  du  mémoire  de 
((  ce  qui  nous  arriva  dans  le  temps  de  1720  que  la  peste 
«  commença  à  régner  à  Marseille  d'où  elle  passa  à  Aix  et 
((  couvrit  une  partie  de  la  Provence  ». 

Nous  le  publions  in-extenso,  car  il  nous  montre  toutes 
les  infortunes  que  dût  subir  le  couvent  pendant  cette  triste 
période  qui  obligea  les  Chartreux  à  quitter  momentanément 
leur  monastère. 

((  L'an  1720  et  le  19  août,  la  peste  se  manifeste  à  Aix.  Le 
20  août  le  fils  de  M.  Niam,  chirurgien  de  la  Chartreuse 
d'Aix  et  l'un  des  deux  frater  du  même  Niam  furent  atta- 
qués de  la  peste,  ils  moururent  le  même  jour,  le  deuxième 
frater  mourut  trois  jours  après,  enterrés  dans  l'ancien  cime- 
tière de  Saint-Laurent,  sans  prêtre,  ni  croix,  ni  linge, 
com.me  des  chiens. 

Le  18  août  1720,  les  consuls  d'Aix  écrivent  à  D.  Phili- 
bert Brunet,  Prieur  de  la  Chartreuse,  d'envoyer  D.  Coad- 
juteur  de  cette  ville,  qu'on  avait  une  affaire  d'importance 
à  lui  communiquer.  Quand  il  fut  arrivé,  on  lui  dit  que 
le  Conseil  avait  délibéré  de  prendre  des  Chartreux  pour 
faire  des  infirmiers.  Dom  Coadjuteur  leur  représente  tout 
ce  qu'il  peut  pour  les  empêcher.  Le  bureau  était  composé 
de  plus  de  trente  conseillers  de  la  ville,   ce  qui  les  avait 


88  MARC    DUBOIS 

ck'lernunc',  c'est  qu'on  leur  avait  dit  qu'il  n'y  avait  que 
deux  Charlreux  dans  notre  Maison  et  qu'on  avait  renvoyé 
[es  autres  dans  les  différentes  Maisons  de  rOrdrç.  Après 
que  M.  X'intenl  le  dernier  Consul,  eut  achevé  de  parler  à 
I).  Coacijuleur,  auquel  il  du  de  nous  des  choses  désagréa- 
bles lesquelles  ne  regardaient  point  les. ...(illisible)  D.  Coad- 
juteur  lui  répond  qu'il  était  mal  informé  sur  le  nombre  de 
nos  religieux  que  nous  étions  neuf  religieux  de  chœur  et 
deux  frères  convers  et  que  non  absent,  tout  ce  qu'il  lui 
disait,  nous  étions  (illisible)  de  manquer  notre  attachement 
au  bien  public  mais  qu'il  le  priait  de  faire  cette  attention 
à  notre  maison  étant  dans  le  faubourg  c'était  infester  et  la 
ville  et  le  faubourg  que  de  vouloir  en  faire  une  infirmerie 
pour  y  mettre  des  quarantenaires,  que  ce  serait  bien  autre 
tapage  quand  on  satirait  que  la  Chartreuse  aurait  été  des- 
tinée pour  une  infirmerie  quand  approchant  si  fort  de  cette 
ville  des  malades  l'on  exposait  la  ville  à  un  extrême  danger. 
Messieurs  du  Bureau  dirent  à  D.  Coadjuteur  c|u'il  ne  man- 
quait pas  d'autres  lieux  ou  mettre  les  malades.  M.  Vincent 
dit  alors  qu'il  ne  ferait  pas  de  notre  Maison  une  infirmerie, 
mais  qu'il  fallait  nous  résoudre  à  recevoir  chez  nous  les 
frères  Minimes  parce  qu'on  voulait  faire  une  infirmerie  de 
leur  couvent,  ee  qui  fut  exécuté.  D.  Coadjuteur  demande 
si  la  communauté  des  Minimes  était  nombreuse,  il  fut 
répondu  vingt.  D.  Coadjuteur  répondit,  nous  aurons  de 
la  peine  à  loger  tant  de  religieux,  on  lui  répond,  votre 
maison  en  logerait  bien  davantage.  M.  Lioubaud  écuyer 
prenant  la  parole  dit  à  M.  Vincent,  vous  avez  tort  de  vous 
emporter,  on  vous  dit  que  l'on  fera  ce  que  l'on  pourra 
pour  les  loger.  On  fit  traîner  cette  affaire  en  longueur  car 
il  n'y  avait  encore  aucun  malade  suspect  en  ville. 

Cependant  le  22  août   1720,  comme  nous  sortions  de  la 
grande  messe  je  trouvai  devant  la  porte  de  notre  chambre 


iMONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EX-PROVENCE  89 

M.  le  Marquis  de  X^amenargues  premier  Consul  du  pays, 
avec  un  maislre  maçon  ei  deux  archers,  tiui  nous  dit  qu'il 
venait  de  la  part  du  Parlement,  de  M.  l'Intendant  et  de 
MM.  du  Bureau  de  la  ville  pour  voir  rendroit  où  nous  vou- 
lions mettre  les  Pères  Minimes  parce  Tpi'il  fallait  qu'ils 
vinssent  coucher  le  lendemain  dans  notre  Maison,  tout  cela 
se  passa  si  énrrgiquement  C|ue  je  n'eus  pas  le  temps  de 
me  reconnaître,  tout  ce  que  je  pus  faire,  ce  fut  de  songer 
oii  je  pourrai  les  loger  sans  avoir  le  temps  de  consulter 
notre  Communauté  pour  délibérer  sur  ce  cjue  nous  devions 
faire''';  mais  que  notre  Communauté  eut  voulu  ou  non 
.recevoir  les  Pères  Minimes,  il  n'en  aurait  été  ni  plus  ni 
moins,  et  si  quelqu'un  avait  été  du  sentiment  de  les  refu- 
ser, et  cjue  le  Parlement  l'eut  su,  cela  aurait  eu  des  suitt>s 
fâcheuses  pour  notre  maison  ;  c|uelc|ues  religieux  animés 
d'un  zèle  indiscret  écrivirent  au  Visiteur  nommé  D.  Ramat, 
Prieur  de  Villeneuve  pour  faire  de  la  peine  au  Prieur  d'Aix, 
de  ce  qu'il  avait  reçu  dans  ia  maison  des  Pères  Minimes. 
Le  père  Visiteur  a^•ant  condamné  la  conduite  du  Prieur, 
lui  écrivit  sur  ce  sujet  des  lettres  très  vives,  ce  cjui  décida 
le  Prieur  d'Aix  et  l'obligea  à  recourir  à  Monsieur  l'Inten- 
dant et  MM.  les  Consuls  pour  qu'ils  lui  donnent  une  attes- 
tation dans  laquelle  il  apparaîtrait  Cjne  D.  Prieur  d'Aix 
avait  reçu  chez  lui  les  Minimes  que  comme  forcé,  l'attes- 
tation était  conçtie  dans  les  termes  qui  indiquaient  les  faits 
tels  qu'ils 'se  sont  passés. 

Le  23  août  1720,  les  pères  Minime?  vinrent  au  nombre 
de  neuf  loger  dans  notre  INLaison  et  afin  de  leur  faciliter  les 
moyens  d'y  apporter  tout  ce  qui  leur  était  nécessaire,  on 
fit  ouvrir  une  porte  dans  la  muraille  du  jardin  vis-cà-vis  de 


^^    Ce   passage    du    manuscrit   anonyme    semble   indiquer    qu'il    est 
de  la  main  de  D.  Philibert  Brunet,  prieur  du  couvent. 


90  MARC   DUBOIS 

la  porte  du  jardin  de  M.  l'avocat  général  de  Très,  parce 
Cjue  l'on  avait  muré  Aix  en  huit  jours  auparavant,  la  rue 
c|ui  va  de  la  fontaine  des  Minimes  à  la  Bourgade,  laquelle 
passe  devant  la  Chartreuse  on  avait  muré  cette  rue  à  l'en- 
droit où  se  trouvait  un  grand  portail  ou  une  grande  arcade 
très  ancienne,  laquelle  arcade  était  située  contre  la  porte  du 
jardin  de  M.  l'Avocat  général  de  Très  et  la  porte  de  la 
Chartreuse.  D.  Prieur  donna  aux  Pères  Minimes  la  Cham- 
bre du  Procureur,  lequel  il  fit  descendre  dans  une  cham- 
bre du  cloître  qui  était  vide;  on  donna  aussi  la  chambre 
du  Coadjuteur  qui  était  pour  lors  logé  dans  le  cloître.  Les 
chambres  qu'occupaient  le  frère  portier  et  le  frère  dépen- 
sier, lesquels  on  fit  coucher  le  portier  dans  la  chambre  de 
la  porte,  qui  est  en  bas  et  le  frère  dépensier  alla  coucher 
dans  la  chambre  qui  est  en  entrant  à  main  gauche  de  celle 
du  portier.  Plus  on  livra  aux  Pères  Minimes,  la  salle  Saint- 
Bruno  ;  la  chambre  où  couchaient  les  valets  étrangers, 
laquelle  se  trouve  à  droite  de  celle  du  frère  dépensier,  la 
farinière  et  la  chapelle  des  officiers  où  ils  allaient  dire  leurs 
offices. 

Ils  firent  de  la  salle  Saint-Bruno  leur  cuisine  et  leur 
réfectoire.  Le  R.  P.  Palar,  correcteur,  logea  dans  la  cham- 
bre de  D.  Coadjuteur,  il  avait  l'usage  du  cabinet  de  D. 
Coadjuteur  ;  le  R  P.  Maillefer  c|ui  prit  la  peste  au  couvent 
des  Minimes  en  remuant  quelques  bardes  des  pestiférés,  de 
même  qu'un  autre  infirmier.  C'était  je  crois  au  mois  de 
juin  1721.  Ce  père  Maillefer  logeait  aussi  clans  la  chambre 
de  D.  Coadjuteur.  Le  père  Collonia  dans  celle  du  frère  de 
la  dépense.  Deux  autres  religieux  qui  étaient  deux  frères 
avaient  chacun  leur  lit  dans  la  chambre  du  portier.  Le 
frère  dépensier  des  Minimes  et  qui  en  était  le  frère  Pro- 
cureur, couchait  dans  la-  chambre  des  valets  étrangers  ;  ce 
frère  tenait  dans  sa  chambre  et  dans  la  farinière  ce  qu'il 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCE  9I 

avait  à  sa  garde  ;  le  frère  cuisinier  et  un  valet  des  Pères 
IMinimes  couchaient  dans  la  salle  Saint-Bruno  laquelle  se 
trouve  sur  la  cuisine.  Ces  R.  P.  étaient  dans  notre  maison, 
comme  s'il  n'y  avait  personne,  ils  ne  paraissaient  point  dans 
les  cloîtres,  ni  dans  les  chambres  des  religieux,  ils  demeu- 
rent dans  notre  maison  jusqu'à  la  lin  du  mois  de  septenv- 
bre  OH  les  mit  pour  lors  aux  Dominicains  avec  tous  les 
autres  pères  qui  étaient  logés  au  nombre  de  neuf  chez  les 
Augustins  Déchaussés,  nommés  les  Pères  de  Saint-Pierre  ; 
la  raison  de  ce  changement  est  qu'on  avait  pris  1^  couvent 
des  Pères  de  Saint-Pierre  pour  y  mettre  les"  convalescents, 
ainsi  les  Pères  Minimes  furent  dehors  de  notre  Maison  le 
30  septembre  1720.  Nous  fûmes  tous  édifiés  de  ces  R.P. 
pendant  leur  séjour  dans  notre  maison,  nous  tâchâmes  de 
leur  faire  tous  les  plaisirs  possibles.  Quand  les  Pères  Mini- 
mes eurent  resté  quelque  temps  aux  Prêcheurs,  ils  regret- 
tèrent fort  les  Chartreux,  ils  -le  dirent  à  bien  des  personnes 
et  à  nous  particulièrement. 

Quelques  jours  après,  c'est-à-dire  une  douzaine  de  jours, 
la  ville  voulut  prendre  le  couvent  des  Carmes  Déchaussés 
pour  s'en  servir,  les  R.  P.  n'ayant  pu  trouver  une  retraite 
chez  les  Grands  Carmes,  vinrent  chez  nous.  D.  Prieur  les 
reçut  avec  beaucoup  d'honnêteté,  mais  il  leur  dit  qu'ils 
ne  pourraient  point  manger  gras  dans  la  Chartreuse  que 
c'était  là,  la  condition  avec  laquelle  il  les  y  recevrait.  Les 
Pères  entendant  ce  compliment,  ne  songèrent  plus  à  venir 
chez  nous  :  la  lettre  de  M.  le  Marquis  de  Vauvenargues  écri- 
vit à  Dom  Prieur  par  la  suite  fait  foi  de  ce  que  je  dis. 
Quelques  temps  que  les  Carmes  Déchaussés  eurent  perdu 
la  pensée  de  venir  demeurer  chez  nous;  les  Pères  Capucins 
que  l'on  avait  sorti  de  leur  couvent  pour  y  loger  les  hom- 
mes et  les  enfants  qui  étaient  dans  la  maison  de  la  Cha- 
rité, vinrent  faire  à  D.  Prieur  le  même  compliment  que  les 


92  MARC   DUBOIS 

Carmes  Décliaussés  ;  D.  Prieur  les  reçut  avec  beaucoup  de 
civilité  et  leur  fit  le  même  compliment  qu'il  avait  fait  aux 
Carmes  Déchaussés.  Ce  complimvent  les  dégoûta  et' leur  fit 
prendre  la  pensée  de  se  retirer  ailleurs.  La  ville  les  logea 
dans  le  couvent  des  Carmes  Déchaussés  avec  ces  derniers 
ils  y  restèrent  plus  de  trois  ans. 

L'an  1720  et  le  12  septembre,  nous  envoyons  un  homme 
à  la  Chartreuse  de  la  Durance  qui  était  au  pont  de  Bon- 
pas  pour  y  prendre  quelques  provisions  que  nous  avions 
demandées  en  payant  au  R.  P.  de  Montenard  prieur  de 
Bonpas  et  le  Visiteur  de  la  Province.  Les  provisions  qu'il 
eut  la  bonté  de  remettre  à  l'express  que  nous  lui  envoyâ- 
mes, consistaient  à  un  fromage  de  gruyère  pesant  50  livres  ; 
quatre  émines  d'orge  grue,  à  six  émines  de  blé  grue,  nous 
reçûmes  le  tout  bien  conditionné,  dont  fût  pavé  dans  la 
suite. 

L'an  1720  et  le  i^'  octobre,  le  Parlement  d'Aix  fit  son 
entrée  à  l'ordinaire,  mais  deux  jours  après,  il  s'assembla 
pour  délibérer  s'il  sortirait  d'Aix  ou  non,  dans  le  temps 
du  mal  contagieux,  ils  délibérèrent  aussi  dans  quel  endroit 
de  la  province  ils  se  retireraient  pour  être  à  l'abri  de  la 
peste  laquelle  commençait  à  s'étendre  dans  plusieurs  en- 
droits de  la  province.  Le  Parlement  lit  arrest  par  lequel  il 
fut  dit  qu'ils  se  retireraient  à  Saint-Rémy  mais  la  peste 
s'étant  déclarée  dans  cette  ville,  M.  le  Premier  Président 
se  retire  à  Barbentane  et  le  peu  de  Conseillers  qui  l'avaient 
suivi  se  dispersèrent  à  Frigolet  et  dans  d'autres  endroits, 
deux  ou  trois  allèrent  à  Barbentane. 

L'an  1720,  le  7  octobre,  le  Parlement  étant  sorti  d'Aîx. 
M,  de  Paule,  savoir  l'ancien  Consul  et  son  frère,  écuyer  de 
AL  le  prince  de  Monaco,  hommes  extrêmement  polis  se 
retirèrent  aux  Chartreux  avec  la  permission  du  R.  P.  Gé- 
néral et  avec  cette  condition  qu'ils  n'y  mangeraient  jamais 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    D  AIX-EN-PROVENCE  93 

gras,  ni  sains,  ni  malades.  Nous  leur  donnâmes  l'appar- 
tement des  étrangers.  MM.  de  Paule  restèrent  aux  Char- 
treux jusqu'au  26  décembre  1720,  qu'on  nous  signifie  j'  >■• 
dre  de  sortir  de  notre  maison  pour  y  loger  la  famille  de  l'i 
Charité.  MM.  de  Paule  payèrent  exactement  leur  dépense 
et  nous  rendirent  par  la  suite  de  très  bons  services  M.  leur 
père  qui  était  président  à  mortier  avait  posé  la  première 
pierre  de  la  Chartreuse  d'Aix,  le  grand-père  de  Messieurs 
de  Paule  n'ayant  point  d'enfant  fit  vœu  à  saint  Bruno  pour 
en  avoir.  Dieu  lui  donna  un  fils  qui  fut  appelé  Bruno,  ce- 
lui-ci est  le  père  de  M.  de  Paule  dont  on  parle  ici,  lequel 
Bruno  a  po.sé  la  première  pierre  de  la  Chartreuse,  il  fonda 
une  cellule  dans  la  Chartreuse  d'Aix  et  une  aune  d;:ns 
la  Chartreuse  de  Marseille. 

Sur  la  tin  d'octobre,  nous  nous  fermâmes  entièrement 
dans  la  Chartreuse,  un  valet  qui  logeait  dans  la  chambre 
des  femmes,  sans  entrer  dans  la  m.aison,  nous  allait  cher- 
cher tout  ce  qui  nous  était  nécessaire  pour  la  vie.  en  pro- 
vision et  autre  chose.     . 

Le  13  octobre,  M.  de  Barras  de  Marseille,  chef  d'esca- 
dre, frère  de  ]\I.  de  Chantarcier,  nous  envoya  de  la  part  de 
M.  de  Chantarcier  quatre  quintaux  de  merluche,  deux  quin- 
taux de  riz,  cela  se  fit  par  ordre  du  père  convisiteur  sans 
que  nous  en  eussions  prié,  dont  fut  payé  dans  la  suite  et 
le  18  février  1721   . 

Le  14  octobre  1720  nous  envoyons  prendre  notre  sel  à 
Berre  qu.i  ("onsista  h  cinq  minots  entiers.  Le  14  octobre 
1720  nous  reçLunes  du  T.  V.  \'isiteur  D.  Ramel  pour  400 
livres  de  lettres  de  change  qui  devaient  nous  être  payés 
ici  par  Messieurs  Soulier  et  Boyer,  marchands,  lesquelles 
furent  protestées;  le  P.  \'isiieur  nous  remettait  en  pur  don 
ladite  somme. 


94  MARC   DUBOIS 

Le  12  décembre  1720  après  vêpres,  nous  commençâmes 
dans  la  Chartreuse  d'Aix  les  prières  qu'avait  ordonné  Mgr 
d'archevêque  d'Aix  pour  demander  à  Dieu  la  cessation  de 
la  peste  et  les  avons  continué  soir  et  matin  tant  qu  la  peste 
a  duré. 

Le  22  décembre  1720,  D.  Paul  Dauval  se  trouve  incom- 
modé d'une  manière  qu'il  persuadait  qu'il  avait  la  peste,  on 
le  ferma  aussitôt  dans  sa  chambi'e  comme  un  pestiféré.  Dom 
Vicaire  le  confessait  en  travers  de  sa  chambre  quand  AL 
le  Marquis  de  Vauvenargues  vient  nous  avertir  qu'il  fal- 
lait le  sortir  de  notre  maison  et  le  céder  à  la  famille  de  la 
Charité. 

L'an  1720  et  le  22  décembre,  M.  le  Marquis  de  Vauve- 
nargues premier  Consul  et  Commandant  dans  Aix  nous 
vient  dire  que  la  peste  augmentant  tous  les  jours  dans  Aix 
et  que  les  infirmeries  des  Minimes,  de  l'Arc  et  de  la  Cha- 
rité étant  remplies,  il  fallait  songer  à  en  préparer  une  qua- 
trième et  qu'on  avait  jeté  les  yeux  sur  l'hôpital  Saint-Jac- 
ques et  que  pour  y  réussir  il  fallait  évacuer  ime  partie  de 
la  Charité  qui  était  dans  cet  hôpital  ;  le  reste  de  la  famille 
de  la  Charité  étant  aux  Capucins,  .qu'il  fallait  mettre  toute 
la  famille  de  la  Charité  dans  notre  maison,  et  celle  de  l'hôpi- 
tal dans  les  Capucins.  Nous  fîmes  tout  ce  que  nous  pûmes 
pour  parer  à  ce  coup,  mais  inutilement.  On  nous  offrit  pour 
retraite  le  séminaire  d'Aix,  nos  religieux  témoignèrent  de 
^la  répugnance  d'entrer  dans  une  ville  que  la  peste  rava- 
geait pour  lors  de  toute  part;  ils  dirent  qu'il  ne  serait  pas 
possible  qu'eux  ou  leurs  bardes,  ou  que  d'autres  choses 
qu'il  nous  fallait  porter  ou  que  le  monde  dont  nous  avions 
besoin  pour  ce  changement  ne  nous  communicassent  la 
peste;  on  jette  les  yeux  sur  la  bastide  du  frère  Joseph  Gil- 
let,'  Grand  Augustin,  située  dans  la  plaine  d'Alliane  pro- 
che les  Milles,  quartier  de  Robert,  paroisse  d'Aix.  Ce  qui 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    D  AIX-EN-PROVENCE  95 

décida  nos  religieux  à  choisir  cette  bastide  c'est  cjne  l'on 
nous  dii  qu'il  y  avait  assez  de  logements  fîour  nous  et  une 
chapelle  fort  belle  et  fort  grande.  D..  Prieur  ayant  fait 
avertir  frère  Joseph  pour  avoir  son  agrément,  ce  bon  frère 
le  donna  et  d'une  manière  si  gracieuse  et  si  empressée  que 
l'on  en  fut  charmé.  Cependant  comme  l'on  ne  nous  avait 
point  encore  signifié  d'ordre  par  écrit  de  sortir  de  notre 
maison,  nous  ne  bougeâmes  point  jusqu'au  26  décembre 
que  M,  de  Vauvenargues  nous  envoya  ordre  de  la  part  du 
Roy  de  quitter  notre  maison  et  de  nous  retirer  où  nous 
jugerions  à  propos,  pourvu  que  ce  fut  dans  la  ville  ou  les 
environs  d'Aix;  il  nous  donna  huit  jours  pour  pouvoir 
transporter  avec  nous  tout  ce  qui  nous  était  nécessaire. 

L'ordre  nous  fut  donné  aussi  par  Mgr  l'Archevêque 
d'Aix,  Charles  Gaspard  Guillaume  de  \'intimille  du  Luc, 
des  Comtes  de  Marseille,  le  5  janvier  1721.  L'ordre  du 
marquis  de  Vauvenargues,  premier  Consul  d'Aix  fut  du 
26  décembre  1720. 

Dès  le  jour  que  M.  le  marquis  de  Vauvenargues  nous 
eut  envoyé  son  ordre  pour  nous  faire  abandonner  notre 
maison  à  la  famille  de  la  Charité,  nous  fîmes  ici  beau- 
coup quand  on  vit  qu'on  voulait  faire  de  la  Chartreuse 
une  inlirnierie.  Dès  le  jour  susdit  nous  commençâmes  à 
faire  charrier  nos  hardes  et  nos  provisions  à  la  bastide  du 
frère  Josepli  ;  la  Charité  commença  aussi  ce  même  jour  à 
faire  charrier  ses  meubles  à  la  Chartreuse.  En  moins  d'un 
jour  toute  la  basse-cour  de  la  Chartreuse  fut  remplie  de 
hardes  de  la  Charité,  on  init  le  linge  de  la  Charité  dans 
des  chambres,  c|ui  sont  à  main  droite  et  à  main  gauche  de 
la  grande  et  première  porte  de  la  Chartreuse,  de  sorte  que 
dès  le  26  décembre  r720  on  vit  dans  la  Chartreuse  que 
charrettes  qui  charriaient  nos  meubles,  nos  provisions, 
notre  blé,    notre   bois,    d'autres  charrettes  qui   apportaient 


96  MARC   DUBOIS 

des  meubles  de  la  Charité.  Notez  que  l'on  ne  laisse  entrer 
at;cun  meuble  de  la  Charité  dans  la  Chartreuse  jusqu'au 
7  janvier  1721  que  nous  abandonnons  la  Chartreuse  à  la 
famille  de  la  Charité.  Ce  jour  là  il  entra  dans  la  Char- 
treuse près  de  800  personnes  tant  hommes  que  femmes  et 
filles  de  la  Charité,  la  Charité  fut  mise  ce  jcnir-là  en  pos- 
session de  la  Chartreuse.  Outre  toutes  les  personnes  et  les 
charrettes  qui  emportaient  nos  bardes,  etc..  et  qui  appor- 
taient celles  de  la  Charité.  Il  y  avait  d'autres  charrettes  qui 
sortaient  et  emportaient  le  blé  que  la  ville  avait  entreposé 
dans  la  Chartreuse,  il  y  en  avait  plus  de  2.000  charges. 
Plus  dans  ces  charrettes  sortait  la  laine  qv.e  les  tnavr- 
chands  de  la  ville  avaient  mis  en  payant  chez  nous  ;  il  y 
avait  outre  cela  une  infinité  de  personnes  hommes  et  fem- 
mes C|ui  venaient  voir  la  Chartreuse  par  curiosité.  Ce  fut 
enfin  un  miracle  comme  Ton  ne  nous  donna  pas  la  peste, 
ni  à  aucun  de  nos  domesticjues  dans  cette  occasion.  Nos 
religieux  allèrent  par  bande  à  la  bastide  du  frère  Joseph, 
et  à  mesure  que  chacun  y  amenait  ce  qui  lui  était  néces- 
saire, le  premier  parti  fut  D.  Vicaire  et  le  frère  Hugues 
Dalneau,  dépensier.  D.  Vicaire  s'appelait  D.  Elzéar  Char- 
tant,  profès  de  Bonpas,  ces  deux  religieux  partirent  'e 
29  décembre  1720;  le  30  décembre  D.  Bernard  Suzan  cl 
D.  Gilbert  Dupont  allèrent  coucher  à  la  bastide  du  frère 
Joseph.  D.  Gaudibert  profès  de  Bonpas,  sacristain  à  Aix 
et  D.  Paul  Dores  profès  de  Valbonne  y  allèrent  aussi  avec 
un  valet  boulanger  le  21  décembre  1720.  D.  Claude  Ma- 
gnin  y  alla  encore  le  2  janvier  1721.  I).  Philibert  Brunet, 
prieur,  cjui  était  resté  dans  la  Chartreuse  avec  trois  valels 
pour  envoyer  a  la  bastide  du  frère  Joseph  ce  dont  no.is 
ne  pouvions  pas  nous  v  passer  et  pour  faire  fermer  dans 
sa  cliambre  y  compris. son  dortoir  et  la  bibliothèqii<*  io;it 
ce  qui  put  y  entrer  '\e  reste  des  meubles  qui  ne  pourraient 


MONASTÈRE   DES    CHARTREUX   d'aIX-EN-PROVEXCE  97 

pas  y  entrer  quoique  tout  fût  rempli  presque  jusqu'ai: 
plancher,  fut  mis  dans  les  trois  chambres  des  cinq  salles  où 
il  y  avait  des  lits;  dont  y  étant  entré.  D.  Prieur  fit  murer 
les  portes  et  les  fenêtres  des  salles  avec  toutes  les  foneire-, 
de  sa  chambre,  chaque  fenêtre  avait  environ  un  pan  qui 
n'était  pas  muré,  on  l'avait  fait  ainsi  pour  donner  un  peu 
de  jour  à  la  chambre;  pendant  qu'on  travaillait  à  tout  cela 
sous  les  yeux  de  D.  Prieur,  D.  Coadjutear  par  ordre  de  D. 
Prieur  faisait  l'inventaire  de  l'état  où  nous  laissions  notre 
maison.  Deux  messieurs  nous  furent  envoyés  de  la  part  de 
IM.  de  Vauvenargues  pour  travailler  à  cet  inventaire  lequel 
fut  plus  long"  que  l'on  ne  croyait.  Mr  Minuti  et  Mr  Agne- 
vau,  experts  de  la  ville  d'Aix  y  travaillèrent  huit  jours,  leur 
travail  consistait  à  écrire  des  feuilles  de  papier  timbré  long 
d'un  pan  et  quatre  doigts  et  large  d'un  pan.  M**  Fadont, 
notaire  de  la  maison  de  la  ville  d'Aix  garda  ce  verbal,  s'il 
en  avait  fallu  faire  un  extrait  pour  les  Chartreux  il  aurait 
coiJté  cher  et  ne  nous  aurait  été  d'aucune  utilité.  M'  Fadont 
le  représentera  toutes  les  fois  qu'on  le  lui  demandera.  Tout 
ce  que  dessus  fini,  D.  Prieur  partit  de  la  Chartreuse  d'Aix 
pour  se  rendre  à  la  bastide  du  frère  Joseph,  où  sa  personne 
était  nécessaire.  Le  5  janvier  1721,  il  laissa  encore  à  la 
Chartreuse  D.  Coadjuteur,  un  frère  convers  nommé  frère 
Jean-Baptiste  et  un  domestique  pour  y  fournir  plusieurs 
choses  avec  messieurs  les  recteurs  de  la  Charité,  Le  8  jan- 
vier 1721  D.  Coadjuteur  ayant  fini  tout  ce  dont  il  était 
chargé  vint  coucher  à  la  bastide  du  frère  Joseph  avec  les 
frères  et  les  domestiques  qu'on  lui  avait  laissé. 

Des  instructions  données  dans  l'ordre  de  Mr  de  Vauve- 
nargucs  qu'on  nous  avait  données  pour  nous  retirer,  étant 
passées,  Mr  de  Vauvenargi^es  envoya  chez  nous  ^L  de 
vSaint-Louis,  major  de  la  ville  d'Aix,  pour  nous  dire  (|u'il 
.serait  fâché  de  nous  contraindre  à  vider  notre  maison, mais 


98  MARC  DUBOIS 

qu'il  nous  priait  de  ne  pas  l'exposer  à  ce  chagrin;  on 
répondit  à  Mr  le  Major  que  les  ordres  de  M.  de  Vauve- 
nargues  avaient  été  exécutés  ponctuellement  puisque  l'on 
avait  livré  une  partie  de  la  maison  à  MM.  les  recteurs  de  la 
Charité  avant  même  les  huit  jours  et  que  s'il  restait  encore 
des  personnes  dans  la  maison,  c'était  pour  y  linir  quelques 
affaires  avec  Mrs  les  recteurs  de  la  Charité  et  pour  y  faire 
achever  l'inventaire  par  les  sergents  de  la  ville.  Si  notre 
sortie  de  notre  maison  fut  pour  nous  une  chose  bien  triste, 
elle  nous  fut  d'un  autre  côté  un  avantage  pour  nos  pères. 
Le  malheur  des  temps  ou  de  la  contagion  avait  rendu  la 
ville  d'Aix  si  difficile  en  tout,  surtout  pour  les  choses  néces- 
saires à(  la  vie  que  du  pain  et  du  vin  près,  nous  n'y  trou- 
vions plus  rien  pour  vivre,  on  v  trouvait  même  pas  des 
œufs  à  acheter,  ce  qui  obligea  D.  Prieur  à  faire  servir  aux 
religieux  le  soir  du  potage  quoique  ce  fut  jeûne  de  l'Or- 
dre afin  que  par  ce  moyen,  on  puisse  un  peu  suppléer  à 
la  mauvaise  chère  qu'ils  faisaient  le  matin.  A  la  bastide  du^ 
frère  Joseph  nous  y  trouvâmes  des  œufs  en  quantité  à 
seize  sols  la  douzaine;  nous  établîmes  aussi  un  commerce 
de  poissons  avec  nos  pères  de  Marseille  ils  nous  envoient 
deux  fois  la  semaine  à  la  barrière  de  Septèmes.  Là  un 
homme  de  Septèmes  nous  l'apportait  à  cheval  moyennant 
deux  livres  par  voyage.  Ainsi  notre  malheur  fut  dans  un 
sens  notre  bonheur,  car  nous  v  fûmes  très  bien,  pour  ce 
qui  regarde  la  nourriture.  Le  pain  que  nous  faisait  le  bou- 
langer que  nous  avions  pris  à  notre  service,  était  très  mau- 
vais, quoique  notre  blé  fut  du  plus  beau.  Nous  achetions 
le  vin  du  frère  Joseph  à  raison  de  40  sols  la  millerolle  ; 
pour  ce  qui  est  du  logement,  il  était  trop  petit  par  rapport 
à  notre  communauté  et  si  petit  que  D.  Claude  et  D.  Coad- 
juteur  furent  obligés  comme  arrivés  les  derniers  de  loger 
tous  deux  dans  une  chaml^re  si  petite  C[ue  leur  lit  se  tou- 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EX-PROVENCE  99 

chaient  ;  outre  cette  incommodité,  elle  en  avait  encore  une 
autre,   c'est  ciu'elle   n'avait  d'aiUre  jour  C[ue  celui  qu'elle 
recevait  de  la  porte  lorsc^u'elle  était  ou^■erle.  D.  Prieur  pour 
aller  clans  sa  chambre  passait  par  celle  du  sacristain.  Mgr 
l'Evêque  y  fut  deux  fois  pour  nous  y  voir;  la  première  fois 
ce   fut  accompagné   d'un    Conseiller   du    Parlement   et    de 
M.  de  Paule  l'aîné;  la  seconde  fois  ce  fut  en  compagnie 
de  Mr  l'Avocat  de  Cormis,  âgé  de  plus  de  80  ans  et  qui 
n'était  pas  sorti  de  la  Ville  d'Aix  depuis  22  ans;  l'amour 
qu'il  avait  pour  les  Chartreux  le  porta  à  nous  venir  voir. 
Nous  serions  restés  dans  la  bastide  du   frère  Joseph  jus- 
qu'à notre  retour  dans  notre  maison  sans  les  accidents  qui 
nous  arrivèrent.   Nous  y  courûmes  de   grands   risques  de 
prendre  le  mal  contagieux;   Primo  :  un  enfant  de   15  ans 
que  nous  trouvâmes  dans  cette  bastide  (il  s'appelait  Fran- 
çois) sachant  un  peu  raser,  nous  le  prîmes  pour  nous  ser- 
vir il  nous  rasa  pendant  plus  d'un  mois,  et  dans  île  temps 
qu'il  avait  la  peste  ayant  un  bubon  pestilentiel  à  l'aîne, 
il  se  découvrit  à  un  de  nos  valets  lequel,  estant  venu  dire 
à  D.  Prieur,  on  fit  sortir  sur  le  champ  ce  jeune  homme  de 
la  bastide,  outre  cela,  un  autre  valet  du  frère  Joseph  fut 
attaqué  de  la  peste,  il  en  mourut  en  deux  jours,  la  veille  de 
sa  mort,  il  vint  clans  la  chambre  de  D.  Prieur,  il  le  pria  de 
lui  donner  une  prise  d'un  baume  qu'il  avait  dans  sa  poche, 
lui  fit  prendre  dans  cette  tasse  de  son  baume  et  le  renvoya  ; 
le  lendemain  ce  valet  mourut  de  la   peste.   D,   Prieur  ne 
le  croyait  pas  malade  de  ce  mal  lorsqu'il  lui  donna  à  boire 
de  son  baume,  quinze  jours  après,  un  autre  valet  du  frère 
Joseph  fut  attaqué  de  la  peste  et  mourut  en  trois  jours;  ce 
dernier  accident  obligea  le  Prieur  à  venir  à  Aix,  pour  voir 
s'il  pouvait  se  retirer  avec  sa  communauté,  au  moulin  de 
Vernègues,  comme  lui  avait  été  proposé  la  chose  de  la  part 
de  sa  Révérence  D.  Prieur  étant  à  Aix,  on  lui  fit  voir  une 


100  MARC  DUBOIS 

impossibilité  manifeste  sur  ce  point,  et  quand  la  chose 
aurait  été  possible  tant  d'autres  choses  s'y  opposaient  qu'il 
n'y  pensa  plus;  dans  l'embarras  où  se  trouvait  D.  Prieur 
de  pouvoir  tirer  des  mains  de  la  peste  sa  communauté  qu'il 
savait  abandonnée  de  tous  secours,  si  toutefois  ce  mal  ter- 
rible venait  à  saisir  un  de  ses  religieux  dans  la  bastide  du 
frère  Joseph;  dans  cet  embarras,  il  fut  inspiré  d'aller  voir 
Mgr  l'archevêque  d'Aix,  il  expliqua  à  ce  prélat  le  motif  de 
son  voyage  à  Aix.  Ce  prélat  ayant  un  peu  réfléchi,  fit  l'hon- 
neur de  lui  dire,  «  je  vous  offre  la  moitié  de  mon  palais  », 
D.  Prieur  l'ayant  remercié  d'un  compliment  si  gracieux, 
Mgr  l'archevêque  lui  dit,  ((  prenez  mon  séminaire  »,  cette 
proposition  ne  fut  pas  rejetée,  mais  ajoute  Mgr  l'archevê- 
que, si  vous  voulez  y  venir  vite,  pour  peu  que  vous  tardiez, 
ni  vous,  ni  votre  communauté  ne  sera  plus  reçue  dans  la 
ville.  Sans  perdre  de  temps  D.  Prieur  alla  voir  M.  de  Vil- 
leneuve, directeur  du  séminaire  d'Aix,  grand  vicaire  de 
l'archevêché  et  Officiai  il  lui  fit  part  du  compliment  géné- 
reux de  Mgr.  l'Archevêque,  il  v  donna  les  mains  avec  une 
joie  sans  égale,  en  même  temps,  ce  M.  de  Villeneuve  fit 
voir  à  D.  Prieur  les  appartements  et  la  cuisine  qu'il  nous 
donnerait.  D.  Prieur  après  l'avoir  remercié  de  son  honnê- 
teté, partit  fort  tard  quoique  le  temps  fut  très  mauvais, 
pour  faire  part  aux  religieux  de  son  voyage;  chaque  reli- 
gieux l'applaudit  et  donna  les  mains  à  sortir  au  plus  vite 
de  la  bastide  du  frère  Joseph.  Aussitôt  D.  Prieur  partit 
encore  pour  venir  coucher  à  Aix;  le  lendemain  il  prit  tout 
ce  qu'il  peut  donner  de  charrettes  pour  venir  prendre  nos 
hardes  et  tout  ce  qui  nous  appartenait.  D.  Prieur  fit  tant 
de  diligence,  qu'en  moins  de  trois  jours,  nous  fûmes  tous 
avec  notre  bagage  dans  le  séminaire  d'Aix  ;  il  v  avait  pour 
lors  dans  le  S'^minaire  d'Aix:  Mr  de  Villeneuve,  qui  outre 
ses  titres  ci-devant,  était  encore  chanoine  de  S^iinl-Sauveur 


MONASTERE    DES    CHARTREUX    D  AIX-EX-PROVENXE         101 

d'Aix;  M.  Joubert,  économe;  Air  Alonger,  professeur  de 
llicologie  dans  l'Université;  ]\lr  Duclos,  ci-devant,  pro- 
fesseur de  morale;  Air  Fournier,  professeur  de  philoso- 
phie. Tous  ces  Alessieurs  étaient  des  Directeurs  du  sémi- 
naire. Nous  couchâmes  tous  dans  le  séminaire  le  cinquième 
de  mars  1721.  Nous  y  fûmes  reçus  de  la  part  de  tous  ces 
Alessieurs  que  je  viens  de  nommer,  avec  de  grandes  dé- 
monstrations d'amitié;  deux  jours  après  notre  arrivée  c'est- 
à-dire  quand  nous  fûmes  tous  tranquilles  dans  nos  cham- 
bres, nous  fûmes  saluer  en  corps  Algr  l'Archevêque,  en- 
suite nous  allâmes  voir  tous  en  corps  Alessieurs  les  Direc- 
teurs du  séminaire.  Nous  menâmes  au  séminaire  la  vie 
que  nous  avions  menée  à  la  bastide  du  frère  Joseph,  nous 
nous  levions  tous  à  5  heures,  quelques-uns  de  nous  allaient 
dire  pour  lors  la  Sainte  Alesse  ;  à  6  heures  on  sonnait  une 
grosse  cloche;  à  7  heures  on  la  sonnait  encore,  pour  lors 
tout  le  monde  s'assemblait  dans  une  chapelle  c^ui  était  dans 
l'intérieur  du  séminaire,  étant  tous  assemblés,  nous  disions 
ensemble  primes  du  (illisible)  sexte  et  none  du  jour  et  les 
prières  de  Algr  l'archevêque  avait  ordonné  pour  la  cessa- 
tion de  la  peste,  à  8  heures  nous  disions  une  messe  basse, 
où  tous  les  religieux  assistaient,  chaque"  prêtre  faisait  sa 
semaine  et  disait  pendant  cette  semaine  tous  les  jours  la 
messe  de  la  communauté.  Nous  mangions  tous  les  jours 
ensemble  dans  un  réfectoire,  étant  impossible  de  pouvoir 
manger  chacun  à  son  particulier,  le  soir  nous  nous  assem- 
blions tous  dans  la  chapelle  cjui  est  dans  l'intérieur  de  la 
maison,  à  une  heure  nommée  et  là  nous  disions  tous  ensem- 
ble vêpres,  compiles  du  jour  avec  les  matines  du  jour  sui- 
vant. Nous  prîmes  en  pavant,  du  vin  au  séminaire.  Sa 
révérence  nous  aumôna  en  l'année  1721  de  la  taxe  que 
devait  paver  au  Chapitre  général  cette  année-là,  la  province 
de  Provence.  Quand  nous  fûmes  logés  au  séminaire,  nous 


102 


MARC   DUBOIS 


étions  neuf  religieux  de  chœur,  deux  frères  convers  et  trois 
domestiques.  Les  religieux  se  nommaient:  D.  Philippe  Bru- 
net,  prieur  et  profès  de  \'illeneuve;  D.  Elzéar  Char- 
tant,  vicaire,  profès  de  Bonpas;  D.  Bernard  Suzan  j  D. 
Gilbert  Dupont;  D.  Joseph  Marie  André  Bronevaux;  D. 
Claude  Magnin  ;  D.  Emmanuel  Navenard,  coadjuteur,  tous 
cinq  profès  de  Mlleneuve;  D.  Juste  Gaudibert,  sacristain, 
profès  de  Bonpas;  D.  Paul  Borel,  diacre;  Frère  Hugues 
Dulneau,  dépensier  ;  frère  Jean  Baptiste  Boisseau,  tous 
deux  convers  de  Villeneuve,  ce  dernier  frère  mourut  hydro- 
picjue  au  séminaire,  il  fut  mis  dans  le  caveau  du  séminaire 
cjui  est  au-dessous  du  pupitre  de  l'épitre  et  avec  toutes 
les  cérémonies  de  l'Ordre,  en  présence  de  tous  les  religieux 
de  notre  communauté,  il  mourut  le  24  mars  172 1. 

Mr  le  marquis  de  Vauvenargues,  premier  Consul  et 
Commandant  dans  Aix  nous  y  promit  lorscju'il  nous  fit 
quitter  notre  maison  de  nous  payer  notre  entretien  tant 
que  nous  serions  hors  de  chez  nous,  il  nous  marque  dans 
une  lettre  qu'il  écrivit  à  D.  Prieur  que  quoique  la  ville 
nous  donna  15  sols  par  jour  à  chaque  religieux  qu'elle 
avait  déplacé  du  couvent,  il  trouvait  c[ue  15  sols  étaient 
bien  peu  pour  des  Chartreux  et  qu'il  ne  tiendrait  qu'à  lui 
qu'elle  n'en  donna  davantage  aux  Chartreux. 

Mr  de  Paule  l'aîné  lui  propose  de  donner  par  jour  20  sols 
à  chacjue  valet.  Mr  de  Vauvenargues  consentit  à  la  propo- 
sition et  ordonne  qu'on  nous  couchât  sur  l'état  de  la  ville, 
à  raison  de  20  sols  par  jour  pour  chaque  religieux  et  frère 
et  12  sols  pour  chaque  valet.  Les  gros  arrérages  que  la 
ville  nous  doit  sur  cet  article,  nous  font  penser  que  nous 
ne  sommes  jamais  payés  du  tout  ;  notre  sortie  nous  a  coûté 
plus  de  3  mille  livres  en  pure  perte  pour  nous  soit  par  les 
meubles  qui  se  sont  cassés  ou  perdus,  soit  par  la  consom- 
mation des  denrées  qui  s'est  faite  en  pareil  cas,  soit  enfin 


MONASTERE    DES    CHARTREUX    D  AIX-EN-PROVENCE         I03 

par  les  bêtes  qu'on  a  loué  outre  les  charrettes  que  la  ville 
nous  fournit  et  généralement  par  mille  autres  dépenses 
auxquelles  nous  avons  été  obligés  et  dont  on  ne  parle  point 
ici  pour  ne  pas  ennu}er.  L'on  se  contentera  de  dire  que 
les  charrettes  que  la  ville  nous  fournit  pour  charrier  nos 
meubles,  nos  provisions  coûtèrent  à  la  ville  plus  de  400 
livres,  on  ne  parle  pas  d'une  charrette  à  4  chevaux  et  de 
4  bêtes  de  bât,  qui  nous  furent  prêcées  par  des  amis  pen- 
dant 6  jours,  chaque  charrette  et  chaque  bête  de  bât,  ne 
pouvaient  faire  qu'un  voyage  par  jour,  de  la  ville  à  la  bas- 
tide du  frère  Joseph.  Les  charrettes  qui  apportèrent  au 
séminaire  nos  hardes  et  provisions  coûtèrent  378  livres. 

La  ville  voulait  si  elle  était  obligée  de  payer  cette  dépense, 
qu'elle  passa  sur  ce  qu'elle  nous  avait  promis  pour  notre 
entretien.  D.  Prieur  sut  à  la  fin  trouver  le  moyen  de  faire 
porter  à  la  ville.  Si  nous  avions  donné  3  mille  livres  à  la 
ville  et  qu'elle  nous  en  eut  laissé  notre  maison,  nous  y 
aurions  gagné,  elle  ne  doit  considérer  par  conséquent  (  c 
qu'elle  nous  a  promis  pour  notre  entretien  que  comme  un 
loyer  de  dommagement  de  ce  qu'elle  nous  coûta  en  cette 
occasion. 

Le  24  février  1721,  la  famille  de  la  Charité,  qu'on  av.'iit . 
fait  sortir  pour  y  loger  une  partie  des  pestiférés  et  laquelle 
dite  famille  on  avait  logé  dans  Ja  Chartreuse  d'Aix  de  la- 
quelle on  avait  fait  sortir  par  force  tous  ceux  qui  y  étaient, 
tant  religieux  que  frères,  cette  dite  famille  conmiença  à 
débagager  l'an  et  le  jour  susdit,  ce  qu'elle  n'aurait  pas  fait 
d'un  an  si  les  Chartreux  d'Aix  qui  étaient  pour  lors  au 
séminaire  c'est-à-dire  D.  Prieur  et  D.  Coadjuteur  n'avaient 
vivemeni  pressé  et  continuellement  messieurs  les  recteurs 
de  la  Charité  de  leur  rendre  leur  maison.  Ces  deux  reli- 
gieux étaient  aussi  tous  les  jours  chez  Mgr  l'Archevêque 
d'Aix  et  chez  M.   le  marquis  de  Vauvenargues  pour  les 


104  MARC   DUBOIS 

prier   tic   ren\\)yer  à   la   maison   do   Charité   tous  ceux  qui 
oecupaient  la  Chartreuse  d^Vix. 

L'on  a\ait  lavé  toute  la  maison  de  ki  Charité  avec  du 
\  inaigre  ou  l'on  avait  bien  fait  nettoyer  partout;  on  }''  avait 
fait  ensuite  deux  parfums,  l'un  sec,  l'autre  humide  ;  le 
parfum  humide  était  si  violent  qu'il  avait  noirci  toutes  les 
murailles  de  la  Charité,  lorsque  une  chambre  était  parfu- 
mée si  une  personne  était  venue  à  passer  devant  la  porte 
de  cette  chambre,  quoique  cette  porte  fut  fermée,  cette  per- 
sonne se  noircissait  toute  du  côté  de  la  chambre  où  était  le 
parfum. 

Le  22  septembre  1721,  on  ouvrit  les  églises  par  ordre 
de  Mgr  d'Archevêque  lesquelles  avaient  été  fermées  depuis 
le  premier  mai.  Monsieur  de  Vauvenargues  Commandant 
dans  la  ville  d'Aix  pendant  le  temps  de  la  contagion  et 
Mr  Buisson,  l'assesseur  faisant  la  demande  à  Mgr  l'ar- 
chevêque l'on  ouvrit  les  églises  au  son  de  toutes  les  cloches 
à  9  heures  du  matin  ;  on  chanta  dans  chaque  église  une 
grande  messe  et  l'après-midi  on  donna  dans  chaque  église 
la  bénédiction  pour  remercier  Dieu  de  la  cessation  de  la 
peste,  en  attendant  qu'on  puisse  en  rendre  à  Dieu  des 
actions  de  grâce  plus  solennelles. 

Le  26  septembre  1721  D.  Prieur  de  la  Chartreuse  voyant 
que  MM.  les  recteurs  de  la  Charité  ne  sortaient  de  la  Char- 
treuse C[ue  bien  lentement  y  vient  coucher,  il  coucha  dans 
la  chambre  quoiqu'elle  fut  pleine  de  meubles  de  la  Mai- 
son, cette  dite  chambre  n'ayant  pas  été  habitée  par  personne 
pendant  que  les  Chartreux  furent  dehors  de  leur  Maison. 
D.  Prieur  n'y  vient  coucher  que  pour  la  faire  évacuer  plus 
vite;  en  effet,  le  29  septembre  1721  toute  la  maison  de  la 
Charité  alla  coucher  à  la  Charité  et  l'on  remit  sur  les  5  heu- 
res du  soir  toutes  les  clefs  de  la  Chartreuse  à  D.  Prieur. 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCE         I05 

\.e  3  octobre  1721,  Air  de  Vilk-iieuve,  supérieur  du  sémi- 
naire Ll'Aix  donna  à  dîner  dans  son  réfectoire  à  loutre  la 
communauté  des  Chartreux,  entre  deux  religieux,  il  y  avait 
un  prêtre,  de  sorte  qu'on  voyait  un  habit  bUuic,  un  habit 
noir,  un  habit  blanc,  un  habit  noir... 

1^  1 1  octobre,  toute  la  communauté  des  Chartreux  peut 
coucher  à  la  Chartreuse,  le  môme  jour  tous  turent  à  mati- 
nes, elles  commencèrent  par  un  l'c  Dcum,  le  prêtre  heb- 
domadaire dit  ensuite  cinq  oraisons  en  action  de  grâce  de 
ce  que  le  Seigneur  nous  avait  fait  tous  rentrant  dans  Char- 
treuse en  parfaite  santé.  Dom  Prieur  pendant  treize  jours 
avait  fait  nettoyer  toute  la  Chartreuse,  il  avait  fait  parfu- 
mer les  endroits  c^ui  en  avaient  besoin,  avec  tout  cela  il  ne 
put  en  ôier  les  puces  dont  toute  la  masion  €n  était  rem- 
plie, il  y  en  avait  une  si  grande  quantité  que  pendant  trois 
semaines,  nos  religieux  ne  pouvaient  point  dormir.  Il  y 
avait  aussi  une  (quantité  surprenante  de  punaises.  D.  Prieur 
se  contenta  de  toutes  ues  ôter  des  chambres  de  religieux, 
c'est-à-dire  autant  qu'il  piàt  en  faisant  laver  toutes  les  cham- 
bres avec  du  vinaigre  distillé,  du  fiel  de  boeuf  et  de  la  colo- 
quinte; tout  cela  mêlé  et  bouilli  ensemble  pendant  tm  quart 
d'heure,  on  en  frotta  tous  les  lits,  Les  bancs  et  les  oratoires 
tant  dehors  que  dedans;  le  reste  de  la  maison  fut  abandonné 
aux  punaises.  L'on  a  toujours  été  à  matines  et  à  tous  des 
offices  du  jour  depuis  le  ii  octobre. 

Il  manque  bien  des  choses  aux  religieux,  qu'on  ne  peut 
leur  faire  avoir  que  dans  la  suite,  on  ne  trouvait  rien  pour 
lors  à  acheter,  tout  ce  qui  se  vendait  était  si  cher  qu'on  ne 
pouvait  rien  acheter. 

Le  31  octobre  1721,  nous  rendîmes  aux  MM.  du  sémi- 
naire le  dîner  qu'ils  nous  avaient  donné  dans  le  3  du  même 
mois,  avec  cette  difïérence  qu'ils  mangèrent  à  la  salle  et 
qu'il  y  avait  un  très  beau  repas.  Il  y  avait  Mr  de  Ville- 


IÔ6  MARC  DUBOIS 

neuve,  supérieur  du  Séminaire  et  grand  vicaire  du  dio- 
cèse d'Aix;  MM.  Joubert  Duclos,  Fournier,  Monger,  de  la 
Calade,  directeur  du  séminaire,  plus  Mr  de  Cabanas  qui 
demeura  au  séminaire,  Mr  son  frère  qui  est  curé  du  Saint- 
Esprit,  le  père  Sabattier,  bénédictin  de  Sainte-Marie  qui 
a  suivi  ici  à  la  Charité  les  pestiférés  pendant  huit  mois  et 
qui  dem.eura  au  séminaire  jusqu'à  ce  que  les  chemins 
soient  ouverts  pour  pouvoir  s'en  retourner.  Ce  père  est 
natif  de  Montpellier  et  fort  estimé  de  Monseigneur  l'arche- 
vêque d'Aix  ^*   ». 

Marc  DUBOIS. 
{A  suivre). 


Archives   religieuses.    Série    17   H.    2    (Bouches-du-Rhône). 


NÉCROLOGIE 


Victor  FAURE 

\é  on  Avignon,  le  24  uclubre  1858.  Victor  Faure  était  d'une 
origine  modeste.  Fils  d'un  simple  clief  de  gare,  il  perdit  son 
père  à  l'âge  de  18  mois  et  fui  dès  lors  élevé  par  sa  mère.  Ayant 
eu  le  bonheur  de  la  conserver  jusqu'à  ces  dernières  années,  ce 
fils  reconnaissant  l'entoura  de  l'adoration  la  plus  profonde  et 
des  soins  les  plus  affectueux.  Sa  plus  grande  joie  était  d'aller 
avec  elle  dans  la  vieille  maison  familiale  de  Chàteauneuf-dis 
Gadagne,  où  il  retrouvait  les  paysans  comladins,  ses  amis  de 
toujours,  avec  lesquels  il  pouvait  parler  librement  sa  cnère  lan- 
gue provençale  qui  n'avait  pas  de  secret  pour  lui. 

Ses  premières  études  furent  faites  chez  les  frères  de  la 
Doctrine  Chrétienne  à  Avignon.  Il  vint  ensuite  tout  jeune  à  Mar- 
seille, se  mettre  en  apprentissage  sous  les  ordres  de  l'abbé  Pou- 
gnet,  l'érudit  architecte  de  l'église  des  Réformés.  Celui-ci,  aimait- 
il  à  rappeler,  ne  lui  épargna  ni  le  travail,  ni  les  leçons,  ce  dont 
à  un  demi-siècle  d'intervalle,  il  lui  gardait  la  plus  vive  recon- 
naissance. Ce  maître  pratique^  l'envoyait  le  crayon  à  la  main, 
dessiner  quelque  beau  monument  et  s'instruire  à  l'école  de 
l'observation,  la  grande  et  véritable  éducatrice.  Formé  ainsi, 
au  contact  des  classiques  romains,  de  ceux  du  Moyen-Age,  de 
la  Renaissance  ou  du  Grand  Siècle,  dont  les  œuvres  abondent 
dans  notre  Midi,  Victor  Faure  acquit  une  forte  connaissance  de 
sa  profession.  Petit  à  petit  il  se  fit  apprécier  de  ses  clients  et 
de  ses  pairs.  Il  avait  puisé  dans  le  sol  comtadin,  plus  affiné 
peut-être  encore  que  le  sol  provençal,  cette  finesse  d'esprit,  ce 
grand  bon  sens  et  ce  jugement  droit,  qui,  joints  aux  dons  d'ob- 
servation réfléchie,  de  volonté  ferme,  de  travail  acharné,  trans- 
mis par  de  lointains  aïeux  des  hauts  villages  des  Alpes,  lui 
permirent  de  se  créer  peu  à  peu  une  situation  de  premier  plan. 
Ayant  épousé  très  jeune,  5  24  ans,  Mlle  Fleury,  fille  d'un  grand 
entrepreneur,  il  fut  dès  lors  définitivement  fixé  à  Marseille.  Il 
devint  l'architecte  de  diverses  communes  des  départements  des 
Bouches-du-Rhône  et  de  Vaucluse  pour  lesquelles  il  dirigea  de 
nombreux  travaux.  Ecoles,  usines,  chapelles,  châteaux,  lui  furent 


io8 

conljés.  C'est  ainsi  qu'il  cul  à  rcconsULuer  en  style  médiéval  la 
tour  des  Templiers  aux  Taillades  et  à  construire  à  Alzon  (Gard), 
le  château  moyennageux  de  Mgr  Arnal  du  Curel,  évêque  de 
Monaco.  Ces  divers  travaux  lui  valurent  successivement  les  pal- 
mes académiques   et  la   rosette   de   l'Instruction   publique. 

Tout  en  se  livrant  au  travail  nécessité  par  sa  grosse  situa- 
tion professionnelle,  Viclor  Faure  donnait  libre  cours  à  ses 
goûts  pour  l'archéologie.  De  l'architecture  monumentale  qui  lui 
était  si  familière  il  passa  par  une  transition  toute  naturelle  à 
l'élude  des  origines  gallo-romaines  et  préhistoriques.  Il  eut  aussi 
une  prédilection  marquée  pour  l'archéologie  égyptienne.  Les 
formes  à  la  fois  si  pures  et  si  grandioses  de  ses  monuments  et 
de  ses  statues,  ses  décorations  inspirées  directement  de  la  nature, 
étaient  bien  faites  pour  plaire  à  un  artiste  élevé  dans  le  culte 
des  grandes  lignes,  des  proportions  définies  et  réglées  par  dés 
lois  immuables.  Il  comprenait  fort  difficilement  l'art  actuel  avec 
sa  débauche  de  proportions  cubiques,  ses  lignes  ultra  sinueuses 
et  floues,   ses  heurts  de  violentes  couleurs. 

Pendant  les  séjours  qu'il  faisait  chaque  été  dans  son  cher  pays 
de  Gadagne,  notre  collègue  ne  restait  pas  inactif.  Aidé  de  ses 
amis,  l'omniscient  D''  Jacquème  et  M.  Faudrin,  professeur  de 
l'école  de  Valabre  en  retraite,  il  recherchait  dans  toute  la  région 
les  souvenirs  et  les  restes  des  époques  lointaines  disparues.  Il 
touillait,  en  .particulier,  de  nombreuses  tombes  gallo-romaines 
d'où  il  avait  la  joie  de  retirer  de  superbes  objets:  bronzes,  pote- 
ries  et  vases  irisés. 

Ce  fut  là  le  début,  il  y  a  trente  ans,  du  musée  que  ce  collec- 
tionneur avait  constitué  avec  soin,  et  dont  il  faisait,  avec  tant 
de  bonne  grâce,  les  honneurs  le  dimanche  matin  à  tous  ceux 
qui  avaient  exprimé  le  désir  d'y  pénétrer.  Visiteur  passionné  des 
antiquaires,  client  assidu  des  ventes  dans  toute  la  région,  à 
côté  d'une  originale  collection  de  luminaires,  il  sut  mettre  à 
l'abri  dans  ses  vitrines,  de  beaux  échantillons  de  collections  dis- 
persées, de  nombreux  objets  égyptiens  ou  gallo-romains:  sta- 
tuettes, bracelets  et  objets  en  métal.  Ses  vases  étrusques,  samiens 
ou  gallo-romains  sont  en  particulier  de  magnifiques  échantil- 
lons. Il  ne  se  contentait  pas  seulement  de  mettre  tout  en  bonne 
,place,  mais  consacrant  avec  son  grand  talent  d'aquarelliste  de 
longues  heures,  à  les  dessiner,  à  en  reproduire  les  formes  et  les 
couleurs  dans  ses  albums  avec  toutes  les  indications  d'origine 
ou    d'acquisition. 

Au  cours  de  la  Grande  Guerre,  Victor  Faure  dont  les  deux  fils 
étaient    aux  armées,    délaissa    son    métier    et   l'archéologie    pour 


Victor  FAURE 

ARCHITECTE 

24    Août    1838    —    I"    Avril    192S 


109 

consacrer  tous  ses  efforts  ù  une  tâche  dont  par  discrétion  il  a 
tenu  dans  roml.)re  les  difficultés  et  les  résultats.  Il  s'occupa 
très  activement,  avec  son  ami  M.  René  Fournier,  avocat,  d'or- 
ganiser entre  belligérants  les  échanges  de  prisonniers  et  l'envoi 
dans  un  pays  neutre  des  malades  et  des  grands  blessés.  Il  fit 
pour  cela  de  nombreux  voyages  à  l'étranger.  Il  parvint  enfin 
à  son  but,  et  nombre  de  familles  qui  ont  prufilé  de  ces  mesu- 
res en  ignorent  toujours  le  promoteur. 

Au  retour  de  la  paix,  notre  collègue  parvenu  à  l'âge  du  repos, 
abandonna  la  partie  active  de  sa  profession  à  son  fils  aîné. 
Désormais,  entre  sa  vieille  mère  et  sa  famille  il  ont  avoir  quel- 
ques  années  de  vie  heureuse  et  consacrer  tout  son  temps  à  ses 
études  archéologiques  et  à  sa  collection. 

Il  entra  presque  simultanément  ù  la  Société  d'Archéologie  de 
Provence,  à  la  Société  de  Slatislifjue  et  à  Rhodania.  Vice-pré- 
sident de  la  première  en  1921.  il  lui  avait  communiqué  dès  1919 
un  intéressant  travail  sur  «  Le  cimetière  ligure  de  Cancabeau  à 
Châteauneuf-de-Gadagne  »,  dans  lequel  il  donnait  le  résultat 
de  ses  fouilles.  Il  compléta  cette  étude  par  une  nouvelle  note 
en  1921.  Partisan  de  l'union,  et  non  de  la  dispersion  en  une 
poussière  de  sociétés  de  l'effort  des  travailleurs,  il  fut  un  des 
chands  partisans  de  la  fusion  de  l'Archéologie  avec  la  Statisti- 
que sous  le  nom  unique  de  Société  de  Statistique  d'Histoire  et 
d'.\rchéologie  de  Marseille  et  de  Provence.  A  diverses  reprises, 
en  1924,  1926  et  1928,  aussi  souvent  que  le  permettaient  les  règle- 
ments, ses  collègues  lui  confièrent  les  fonctions  de  membre  du 
comité  comme  chef  de  section  archéologique.  Il  fut  même  nommé 
vice-président  pour  l'année  1925.  Il  avait  publié  en  1921,  dans 
le  premit^r  fascicule  de  Provincia  une  étude  critique  «  sur  un 
fragment  de  tuyau  de  plomb  antique  provenant  d'Arles,  avec  une 
inscription  fausse   ». 

Partisan  des  actes  plus  que  des  dissertations,  Victor  Faurc 
préfériiit  aux  séances  solennelles  mensuelles,  les  bonnes  cause- 
ries h(\Vidomadaires  du  mardi  soir  dans  le  local  de  la  Société. 
Ce  cin(t  à  sept  intellectuel  était  pour  lui  un  agréable  besoin. 
Là,  au  milieu  dr  la  fi'mée  parfois  dense  des  cigarettes,  il  don- 
nait libre  essor  à  ses  qualités  de  causeur  et  préparait  l'organisa- 
tion de  ces  visites  chez  les  collectionneurs  marseillais  dont 
son  affabilité  savait  si  bien  ouvrir  les  portes  à  ses  collègiu^s. 
C'est  grâce  à  son  (dévouement  que  nous  avons  pu  admirer  les 
faïences  provençales  du  regretté  M.  Caymard,  dispersées  depuis 
sous  le  feu  des  enchères  à  l'Hôtel  Droiiot.  les  nombreuses  et 
si  choisies  gravures  de  ]\I.    l'sslaub,   devenu  depuis  notre  collé- 


IIO 

guc,  voire  même  grâce  à  raniabililé  do  son  collègue  à  la  com- 
mission du  musée  du  Vieux  Marseille,  M.  Paul  Gonzalès,  le  si 
longtemps  invisible  musée  Grobcl.  C'est  encore  lui,  qui  orga- 
nisait pour  les  membres  de  la  Société  et  leurs  familles'ces  pro- 
menades avec  guide  compétent  au  musée  du  Parc  Borély,  à 
Saint-Victor,  à  la  bastide  de  la  rue  de  Rome,  à  St-Genieis,  etc. 

Victor  Faure  fut  un  animateur  de  premier  ordre  pour  notre 
Société.  Qu'il  soit  permis  au  bibliothécaire  de  dévoiler  après  sa 
mort  une  autre  qualité  qu'il  s'efforçait  de  dissimuler,  ce  fut  un 
homme  d'une  générosité  inlassable  et  suivie.  Devenu  membre 
perpétuel  par  rachat  de  ses  cotisations  en  1924,  notre  collègue 
aimant  par  dessus  tout  le  local  du  boulevard  Longchamp,  savait 
(juand  il  en  était  besoin,  assurer  l'achat  de  tout  ce  qui,  livres 
ou  objets,   pouvait  en  rendre  le  séjour  agréable  aux  habitués. 

Quand  le  dimanche,  P'"  avril  dernier,  ses  collègues  apprirent 
la  nouvelle  de  sa  mort  si  brusque,  ils  furent  vivement  peines. 
Le  mardi  précédent  ils  avaient  encore  eu  le  plaisir  de  le  voir 
en  bonne  santé  et  d'entendre  sa  parole  pleine  d'humour  leur 
exposer  quelqu'une  de  ces  questions  qui  lui  étaient  familières. 
Ils  eurent  tous  à  cœur  de  se  joindre  aux  membres  du  bureau 
de  la  Société  pour  lui  rendre  un  ultime  témoignage  d'amitié  en 
l'accompagnant  à  sa  dernière  demeure  et  en  présentant  à  tous 
les   siens   leurs  affectueuses  condoléances. 

Puissent  aussi  'ces  quelrrues  lignes  d'un  collègue  devenu  un 
ami,  dans  lesquelles  il  s'est  efforcé  de  retracer  le  portrait  et 
la  vie  de  ce  self  made  mann  en  conserver  longtemps  le  souvenir 
dans  notre  société  et  apporter  un  adoucissement  à  la  juste  dou- 
leur de  cette  famille  qui  a  perdu  non  seulement  un  époux  chéri, 
un  père  vénéré  mais  aussi  un  guide  de  tous  les  instants  aux 
conseils  précieux.  —  D""  L.  Malzac. 


BIBLIOGRAPHIE 


Hilaire    Enjoibert.    —   Amours    de   jadis    au    pays    de    Provence. 
Pari>j  Boivin,   1927. 

Le  plus  bel  éloge'  qu'on  puisse  faire  des  Amours  de  jadis, 
c'est  d'affirmer  que  ce  recueil  de  contes  historiques  n'est  pas 
indigne  de  son  aîné  Gens  el  choses  d'autrefois.  L'auteur  qui,  il 
y  a  deux  ans,  nous  avait  à  peu  près  attachés  au  pays  duran- 
cien,  a  élargi  cette  fois  l'horizon  de  ces  récits  aux  limites  de 
la  Provence  :  Voici  Beaucaire  et  Tarascon,  où  de  galants  trou- 
badours se  donnent  assaut  et  oîi  frissonnent  d'amoureux  petits 
pages  ;  voici  l'ombreux  vallon  de  Saint-Pons  et  son  abbaye  où 
finit  le  roman  de  Blanche  de  Simiane,  touchante  victime  du 
sauvage  Gaultier  d'Anet  ;  plus  loin  voilà  les  coteaux  de  For- 
calquier,  théâtre  des  amours  passionnées  de  Raimbaut  d'Orange 
et  de  Béatrix  de  Die...  Mais  la  meilleure  part  est  encore  faite 
à  la  riante  et  pittoresque  contrée  qui  fut  jadis  partie  Provence, 
partie  Comtat,  et  que  l'auteur  aime,  on  le  sent  bien,  de  toute 
son  âme  ;  il  nous  y  ramène  invinciblement  :  là  se  dresse  le 
bourg  de  Gordes  où  chanta  Peire  Vidal,  là  le  fier  castel  de  Rous- 
sillon,  là  enfin  celui  de  Cadenet,  résidence  de  la  douce  Huguette 
«  une  rivale  de  Laure  «.  et  nous  voici  enfin  sur  les  bords  de  la 
divine  fontaine  de  Vaucluse,  à  laquelle  notre  collègue  consacre 
un  éblouissant  coup   de   pinceau. 

Ecrit  dans  une  belle  langue,  très  soigneusement  édité  par 
Boivin,  avec  d'originales  illustrations  de  Lalau,  le  nouveau  livre 
de  M.  Hilaire  Enjoubert  doit  figurer  dans  les  bibliothèques  de 
tous   les   fervents   d'histuire   rirovencale.    —   Gaston   Rambert. 


CHRONIQUE  ET  MÉLANGES 


L'I^XPOSITION    DE    LA    ChaMBRE    DE    COMMERCE    DE    MARSEILLE.    —    Le 

jeudi,  31  mai,  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille  a  inauguré 
sous  la  forme  d'une  Exposition  de  ses  richesses  artistiques,  ce 
<(ue  Ton  pourrait  appeler  plus  justement  le  Musée  de  ses  sou- 
venirs historiques. 

Il  y  a  une  vingtaine  d'années  que  l'un  de  ses  plus  éminents 
présidents,  M.  Lucien  Estrine,  avait  conçu  l'idée  de  rassembler 
et  de  procéder  au  recolement  des  précieuses  collections  conser- 
vées dans  le  palais  de  la  Bourse.  La  pensée  du  généreux  et  pers- 
picace fondateur  du  Syndicat  d'Initiative  de  Provence  fut  par- 
faitement comprise  par  un  de  ses  successeurs,  dont  le  talent 
d'organisateur  a  donné  tant  de  brillantes  preuves^  M.  Adrien 
Artaud,  mais  la  guerre  mondiale  éclatant  soudain,  renvoya  à  des 
temps  plus  calmes  ce  projet  déjà  si  bien  amorcé. 

Il  appartenait  à  M.  Georges  Brenier,  vice-président  en  exer- 
cice, de  mener  à  bien  sa  réalisation,  et  grâce  à  sa  sagacité, 
grâce  aussi  à  l'inépuisable  dévouement  et  à-  la  sûre  compétence 
de  l'érudit  archiviste-bibliothécaire  de  la  Chambre,  M.  Joseph 
Fournier  et  de  M.  Jean  Reynaud,  son  adjoint,  les  pièces  les  plus 
curieuses  des  collections  ont  été  mises  en  valeur  et  après  avoir 
reçu  la  visite  de  MM.  les  membres  du  corps  consulaire  accrédi- 
tés à  Marseille,   l'exposition  a  été  ouverte  au  public. 

Nous  croyons  savoir  que  dans  la  pensée  des  dirigeants  de  la 
Chambre  de  Commerce,  cette  exposition  prendra  chaque  année 
une  forme  particulière,  s'adaptant  par  le  choix  des  pièces  expo- 
sées, à  quelc|ue  grande  actualité  historique,  telle  que,  par  exem- 
ple, en  1930j  à  la  conquête  de  l'Algérie  dont  on  célébrera  dans 
toute   la  France,   le  glorieux  centenaire. 

Cette  année-ci,  la  première  Exposition  était  consacrée  à  «  Mar- 
seille, son  Port,  son  Commerce,  et  ses  "Relations  extérieures  ». 

Ses  objets  étaient  répartis  en  deux  grandes  divisions  :  1*  La 
Chambre  de  Commerce  cl  le  Port  de  MarseiPe  ;  2°  Les  établis- 
sements français  du  Levant;  et  chaque  division  comprenait  d'une 
part  les  Manuscrits,  et  d'autre  part  les  Tableaux,  gravures  et 
estampes,  et  enfin  les  objets  divers. 

Jetons  un  rapide  cmip  d'iei!   sur  les  uns  cl   les  auLrc^s. 


113 

Chambre  de  Commerce  de   Marseille 


Manuscrils 


—  Photographie  du  procès-verbal  de  la  délibération  du  jeudi 
5  août  1599,  prise  par  le  Conseil  de  ville  de  Marseille,  pour  ins- 
tituer quatre  surveillants  sur  le  fait  du  négoce  (origine  de  la 
Chambre  de  Commerce.  Le  dit  procès-verbal  est  transcrit  au 
registre  de  délibérations  BB  57,  folio  135,  des  Archives  de  la 
ville  de  Marseille). 

—  Lettres  patentes  d'Henry  IV,  données  à  Paris  le  15  avril  1600, 
approuvant  la  création  de  ce  «  bureau  »  du  commerce  et  autori- 
sant la  levée  d'un  droit  jusqu'à  concurrence  de  L200  écus  par 
an  pour  couvrir  les  frais  de  fonctionnement  du  bureau. 

—  Diverses  ordonnances  royales  et  lettres  patentes  sur  la  cons- 
titution et  le  fonctionnement  de  la  Chambre  de  Commerce  (1751, 
1779,   1791). 

—  Lettre  des  membres  du  Bureau  provisoire  du  commerce, 
alors  en  prison  sur  l'ordre  des  représentants  de  la  Convention 
Barras  et  Fréron,  pour  rendre  compte  de  leur  gestion  aux  offi- 
ciers municipaux  de  Marseille  (datée  de  la  ville  «  Sans  nom  >■, 
le  27  pluviôse  an  H,  15  février  1794). 

—  Lettre  de  Maurepas,  ministre  de  la  Marine,  refusant  d'ac- 
cepter une  pétition  des  négociants  marseillais  pour  la  liberté 
du  commerce  du  Levant,  pétition  transmise  par  la  Chambre  de 
Commerce  (19  octobre  1742.  A  côté  de  la  lettre  un  beau  portrait 
de  Maurepas  se  trouve  exposé). 

—  Liste  des  fabricants  de  savon  de   Marseille  en   1751. 

—  Edit  d'affranchissement  du  port  de  Marseille,  mars  16G0. 
La  franchise  du  port  devait  être  supprimée  par  la  Révolution. 

—  Compte  du  trésorier  du  port  de  Marseille  Jean  de  Saint- 
Gilles,   pour  l'année   1518. 

—  Diverses  ordonnances  imprimées  visant  la  police  du  port  de 
Marseille,  les  feux  à  bord  des  navires  et  sur  les  quais,  etc. 

■ —  Mémoires  sur  la  nécessité  de  rétablir  le  Port  de  Bouc  et  le 
projet  du  canal  de  Tarascon  à  Port-de-Bouc,  déposés  par  le  sieur 
Silvy  en  1736. 

—  Cahier  des  doléances  des  Députés,  Négociants  et  Arma- 
teurs de  la  ville  de  Marseille  aux  Etats  Généraux  de  1789. 

—  Diverses  cartes  et  plans  de  la  région  de  Marseille  au  xvn'^  s. 

—  Anciennes  clés  de  la  Chambre  de  Connnerce  (xvu^  siècle), 
diverses  médailles  et  divers  jetons  du  port  et  de  la  Chambre  de 
Commerce. 

8 


114 

Gravures  ci  estampes  ; 

—  Vues  diverses  du  port  de  Marseille  depuis  le  xvi«  siècle  : 
de  Bruyn  (1570),  Pérelle  (1630),  Tassin  (1634),  Sylvestre  (1650), 
Baumont  et  Basset  (xvin«  siècle),  de  Fer  (1700),  Vernet  (1754), 
Ozanne  (1780),  etc. 

—  Carte  de  Provence  de  Jansson,  avec  motifs  en  couleurs  (1663). 

—  Portraits  de  gouverneurs  de  Provence  :  le  duc  de  Mer- 
cœur,   par  Poilly,   le  maréchal  duc  de  Villars,   par  Edelinck. 

—  Portraits  d'inspecteurs  du  commerce  de  Marseille  :  Rouillé 
de  Meslay,  par  Edelinck,  Cardin  Lebret,  par  Cœlemans,  etc. 

—  Pompes  hollandaises  à  incendie  en  usage  au  port  de  Mar- 
seille au  xvni^  siècle  (avec  texte  en  hollandais). 

—  Spécimens  d'affiches  et  d'avis  imprimés  par  la  Chambre  de 
Commerce  au  sujet  du  commerce,  de  la  police  du  port,  de  la 
poste  aux  lettres,  etc. 

—  Portrait  de  l'humaniste  Lebeau,  inventeur  du  motif  de  jeton 
de  la  Chambre  de  Commerce  en  1775). 

—  Vues  et  plans  de  Port-de-Bouc  (xvii®  et  xviii®  siècles,  Marti- 
gues,  Lsl  Ciotat  (xviii^  et  xix*  siècles).  Cassis  (xviii^  et  xix«  siè- 
cles).  Etang  de  Caronte,   etc. 

—  Nombreuses  estampes  en  noir  et  en  couleurs  représentant 
les  divers  aspects  des  ports  de  Marseille  à  différentes  dates  du 
xix^  siècle  (notamment  celles  de  Garneray,  Polydore  Roux,  Cha- 
puy,  «  Voyage  aérien  de  France  »,  «  La  France  en  miniature  », 
etc.,  etc.). 

Obieîs   divers  : 

—  Coffre-fort  hollandais  acquis  en  1669  d'un  sieur  Biaise  Brac- 
quepot,  pour  la  somme  de  150  livres,  par  la  Chambre  de  Com- 
merce pour  y  enfermer  la  recette  des  droits  perçus  par  la  dite 
Chambre  en  vertu  de  l'édit  de  franchise  de  1669  (la  pièce  la  plus 
ancienne  du  mobilier  de  cette  compagnie). 

—  Pic  et  truelle  ayant  servi  au  Prince-Président  Louis-Napo- 
léon Bonaparte  pour  la  pose  de  la  première  pierre  du  Palais  de 
la  Bourse  en  1852. 

II.  —  Etablissements  français  du  Levant 
Manuscrils  : 

—  Lettre  d'Henry  IV,  avec  signatures  autographes  du  roi  et 
du  chancelier  Brulart  de  Sillery,  au  sujet  des  affaires  du  Levant 
(21  juillet  1G07).  Petit  portrait  de  Brulart  de  Sillery. 


U5 

—  Deux  lettres  non  décachetéus  de  Louis  \11I  au  sullan  Amii. 
ralh  IV  «  en  qui  tout  honneur  et  vertu  abonde  »  et  au  j^rand- 
vizir  Kalil-Pacha,  pour  demander  une  autorisation  de  sortie  de 
•ïrains  de  Turquie,  la  ville  de  .Marseille  <'(;rni  ,,,,.i,-,,.,'...  ,|,.  rlj-^,-!!,. 
(1631). 

—  Lettre  de  cachet  de  Louis  XIV  avec  >i-ii.iiure>  auloj:raphes 
du  roi  et  de  Colbert  de  Torcy,  pour  accréditer  à  Marseille  le 
comte  de  Ferréol  (le  futur  ami  de  Mlle  Aïssé),  nommé  ambassa- 
deur près  la  Porte  Ottomane  (3  juin  IG99). 

—  Première  liste  des  «  enfants  de  langue  «^  nommés  par  le 
Roi,  avec  signatures  autographes  de  Louis  XIV  et  de  Colbert 
de  Croissy  (1686).  On  appelait  «  enfants  de  langue  »  les  élèves 
drogmans  qui  devaient  servir  ensuite  en  Levant. 

—  Autorisation  de  résidence  dans  les  échelles  du  Levant  déli- 
vrée par  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille  après  enquête 
(1745). 

—  Lettres  de  provisions  pour  un  consulat. 

—  Texte  imprimé  des  capitulations  de  1673  et  de  1740  avec  le 
Sultan   de  Turquie. 

—  Reliure  armoriée  en  maroquin  rouge  contenant  le  texte  des 
capitulations  de  1673,  transcrit  par  Pétis  de  La  Croix,  avec  minia- 
tures aux  armes  du  Roi  de  France  et  du  marquis  de  Nointel, 
ambassadeur  de  France. 

—  Registre  de  contrôle  des  déclarations  des  bâtiments  qui 
vont  au  Levant  (1682). 

—  «  1682  et  1683  :  Registre  contenant  huit  cahiers  des  comp- 
tes des  sommes  deues  et  exigées  pour  raison  des  250.000  liv.  de 
l'affaire  des  coups  de  canons  tirés  &  Scio  par  M.  le  Marquis  du 
Ouesne  sur  les  vaisseaux  tripolins  n.  (Liriuidation  des  dégâts 
commis  à  la  suite  de  la  destruction  dans  le  port  de  Chio  de  la 
Hotte   de  corsaires  tripolins). 

—  «  1688  :  Procès-verbal  sur  le  subject  de  l'incendie  et  boule- 
versement de  la  ville  de  Smyrne  survenu  le  W  de  juillet  de  l'an- 
née  1688...  y> 

—  Procès-verbaux  de  la  célébration  des  anniversaires  du  1-1  juil- 
let et  du  10  août  à  Constanlinople. 

—  Ordonnance  du  Roi  du  3  mars  1781  sur  les  consulats,  la 
résidence  et  le  commerce  du  Levant. 

—  Quelques  beaux  livres  concernant  le  Levant. 
Tableaux,   gravures   et  estampes   : 

—  Petites  gravures  de  S.  Le  Clerc,  F.  Silvestrc,  représentant 
des  types  et  costumes  turcs. 


ii6 

—  Peinture  attribuée  à  Antoine  de  Favray  et  représentant  la 
réception  d'un  ambassadeur  (sans  doute  Vergennes),  par  le  grand- 
vizir  de  la  porte  Ottomane.  (Vers  1765). 

—  Portraits  de  Vergennes,  Choiseul-Gouffier,  Aubert-Dubayet, 
le  marquis  de  Rivière,  ambassadeurs  de  France  à  Constajitinople 
aux  xviii*  et  xix^  siècles. 

—  Panorama  de  Constantinople  en  1678,  par  Corneille  Le  Brun 
(Stamboul  et  la  Corne  d'Or.  La  longueur  de  cette  pièce  est  de 
plus  de  deux  mètres). 

—  Vues  de  diverses  échelles  et  villes  du  Levant  aux  xvi«,  xvii^, 
XVIII®  et  XIX®  siècles.  Vues  de  Damas,  Jérusalem  et  le  Grand  Caire 
par  de  Bruyn  et  Munster,  du  milieu  du  xvi®  siècle. 

—  Belles  cartes  du  xvii®  siècle  de  Mercator  et  Jansson. 

—  Importante  série  de  costumes  turcs  de  Bonnart,  masculins 
et  féminins.   (Fin  du  xvii®  siècle). 

—  Scènes  et  costumes  du  Levant. 

—  Lithographie  commémorant  un  épisode  de  la  guerre  de 
l'Indépendance  grecque  :  le  consul  de  France  à  Smyrne  Pierre 
David,  sauvant  des  Grecs  réfugiés  au  consulat  de  France  lors 
de  l'émeute  de  1821. 

On  se  rend  compte,  par  cette  seule  nomenclature,  et  malgré 
sa  sécheresse  de  catalogue,  de  l'importance  d'une  telle  mani- 
festation historique  et  combien  apparaît  heureuse  et  féconde 
l'initiative  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille. 

Comprise  et  admirée  du  grand  public,  les  compliments  de  la 
Société  de  Statistique  doivent  observer  envers  cette  noble  Com- 
pagnie quelque  discrétion.  N'est-il  pas  flatteur  pour  notre  Société 
de  compter  dans  ses  rangs,  les  Estrine,  les  Artaud,  les  Ras- 
toin,  les  David,  les  Brenier,  les  Maurice-Hubert,  les  de  Cho- 
mel,  les  Antoine  Boude,  les  Hubert-Giraud,  bref  les  mainte- 
neurs  autorisés  du  renom  universel  de  Marseille  qui,  plus  que 
jamais,  aciibus  immensis  fulget  !  —  Jean  de  Servières. 


Statistique  rétrospective.  • —  Notre  vieille  Société,  devenue 
Centenaire,  est  comme  toutes  les  Sociétés  savantes,  condamnée 
à  ne  pas  reculer  au  delà  de  ses  adhérents  et  de  ses  correspon- 
dants les  limites  de  son  activité.  11  en  fut  autrement,  à  ses 
débuts,  et"  elle  était  consultée  par  ceux  (]ui  avaient  le  .=oin  des 
affaires  publiques  —  les  administrateurs  n'étant  pas  toujours 
particulièrement   compétents   dans   la   repherche   des   éclaircissc- 


117 

mcnts  historiques  —  témoin  cctlc  loitro...  de  slaliïli'i'.ie  et  fflii-- 
loire,  écrite  en  1831,  par  son  président  Jules  Julliany,  à  M.  Alt  xis 
Rostand,  maire  de  Marseille. 

«  Monsieur  le  Maire, 

«  Vous  avez  désiré  connaître  le  nombre  des  habitants  de  Mar- 
ï  seille  sur  lesquels  le  droit  de  piquet  ^  pesait  de  la  manière  la 
«  plus  sensible  et  la  plus  onéreuse.  La  Sociélé  de  Slalisu'{itc 
a  toujours  empressée  d'aller  au  devant  d'un  administrateur 
«  éclairé  et  plein  de  dévouement  pour  le  bien  de  notre  ville  s'est 
a  livrée  à  quelques  recherches  sur  ce  sujet.  Malheureusement, 
«  elle  n'a  pu  trouver  dans  ses  archives  ni  ailleurs  aucun  docu- 
«,ment  qui  lui  permit  d'établir  un  chiffre  quelconque.  Aussi  le 
«  rapport  de  sa  Commission  n'ofïrait  que  des  conjectures.  Dé- 
«  sespéré  de  no  pouvoir  vous  offrir  rien  de  positif,  je  me  suis 
«  livré  à  de  nouvelles  recherches,  et  j'ai  trouvé  dans  un  mémoire 
«  de  M.  le  duc  de  Gaëte  -.  publié  en  1818,  quelques  chilïres  tjui 
«  me  permettront  de  satisfaire  à  votre  domoii.lr  •lU'iicnit'  inioar- 
d  faitement. 

«  Il  y  a  en  France  10.414.121  propriélé.-  i-'ianilf-  nu  peliie-. 
«  Elles  sont  possédées  par  4.833. 000  propriétaires,  la  plupart 
«  chefs  de  famille;  chaque  famille  étant  réputée  de  cinq  person- 
«  nés,  on  peut  porter  ; 

«  la  classe  des  propriétaires  à  14,479.830  individus 

«  le  nombi-e    des    agriculteurs    ou    labou< 

«  reurs  sans  propriété  est  de    4.041.000  » 

«  celui   des   artisans  et  ouvriers   sans  pro- 

«  priété,   de   4.309.000  j 

«  celui     des     négociants,   marchands,    fonc- 
er tionnaires  et  professions  libérales  est  de      5.270.000  » 


28.999.830 


«  Voyons  maintenant  comment  se  trouvent  réparties  ces  pro- 
d  priété  : 


1  Le  droit  de  piquet,  était  un  impôt  fort  ancien  établi  sur  les  farines, 
en  vertu  du  droit,  fixé  par  un  statut  de  1410,  qu'avaient  toutes  les  com- 
munautés de  Provence  de  taxer  les  objets  de  consommation  locale. 
(Cf.  Coriolis). 

-  Gaudin.  duc  de  Gaëte.  ministre  des  Finances  du  Consulat  et 
de  l'Empire. 


ii8 

«  8.216  paycnl  3.834  îr.  de  taxe  représ.  19.272  fr.  de  revenu 

«  18.846  "          1.468     »                   »  7.340    » 

«  202.636  425     »                    »  2.127     » 

«  928.000  92     »                   »                 464     » 

«  3.665.300  12     »                   »                   64     » 

«  Si  nous  appliquons  ces  chiffres  à  Marseille,  nous  obtenons 
«  les  résultats  suivants  en  calculant,  pour  conserver  la  proposi- 
«  lion  de  1818,  sur  une  population  de  110. OÛO  habitants. 

«  Sur  ce  chiffre  62.000  individus  appartiennent  à  des  familles 
«  ayant  un  revenu  quelconque,  48.000  n'ont  d'autres  ressources 
«  c]ue   le  travail. 

«  Les  110.000  individus  composant  22.000  familles  sur  lesquelles 
«  il  en  est  seulement  12.400  qui  possèdent  un  revenu  ainsi  ré- 
«  parti  : 

«        23  ont  un  revenu  moyen  de  19.272  francs. 

«50  »                          7.340 

«      600  »                          2.127 

«  2.500  »                              464 

«  9.227  »                                64      » 

((  Ces  résultats,  sans  doute,  ne  représentent  pas  la  véritable 
«  situation  de  Marseille.  Pour  qu'ils  fussent  exacts,  il  faudrait 
<!t  que  la  richesse  fut  également  répartie  sur  tous  les  points  du 
«  royaume  et  cela  n'est  pas.  Marseille  est  plus  riche  que  ne  le 
«  feraient  supposer  les  chiffres  que  je  viens  de  poser,  et  je  ne 
«  donne  les  calculs  que  j'en  tire  que  comme  point  d'approxi- 
«  mation. 

«  Le  droit  de  piquet  rapportait  500.000  francs,  réparti  sur 
«  22.000  familles  ;  c'était  23  fr.  pour  chaque  famille. 

«  Or,  sur  ces  22.000  familles,  9.600  privées  de  toute  propriété 
«  étaient  obligées  de  prélever  cette  taxe  sur  le  modique  salaire 
«  du  travail  de  leurs  chefs. 

(T  9.227  avaient  un  revenu  dont  il  fallait  prélever  le  tiers  poui 
«  payer  la  taxe.  On  peut  donc  affirmer  qu'il  n'y  avait  à  Mar- 
«  seille  que  3.173  familles  sur  22.000  pour  lesquelles  le  droit  de 
«  piquet  ne  fut  pas  une  charge  onéreuse. 

«  Ces  chiffres  peuvent  être  modifiés,  mais  il  n'en  demeure 
«  pas  moins  évidemment  démontré  que  la  suppression  du  droit 
«  de  piquet  a  été  un  soulagement  immense  pour  les  6  septièmes 
a  de  notre  population. 


119 

a  Je  suis  avec  respect,  Monsieur  le  Maire,  votre  très  humble 
a  et  très  obéissant  serviteur. 

ce     Jules     JULLIA.NY. 

«  Le  3  Décembre  1831  ». 

* 
*  * 

La  fontaine  de  la  place  des  C.vpuclnes.  —  Les  transformations 
continuelles  que  les  nécessités  de  la  circulation  font  subir  ù  la 
physionomie  des  rues  et  des  places  de  Marseille,  arrêteront  un 
instant  notre  attention  sur  les  modilîcations  radicales  apportées 
à  la  place  des  Capucines,  la  ci-devant  pittoresque  Place  des  Fai- 
néants, où  les  beaux  platanes,  abattus,  n'ombrageront  plus  le 
murmure  rafraîchissant  de  l'artistique  fontaine  dont  il  semblera 
d'actualité  de  rappeler  ici  l'hisloire. 

Cette  fontaine  fut  élevée  en  1778  sur  la  place  de  La  Tour 
(actuellement  de  la  Bourse),  dans  un  but  non  seulement  orne- 
mental mais  encore  pour  procurer  de  l'eau  aux  vaisseaux  et 
bâtiments  en  charge,  qui  vu  la  proximité  du  port,  avaient  toute 
facilité   d'y   faire   leur   provision. 

Due    au    ciseau   du    sculpteur   marseillais    Fossati,    celui-ci    ne 
voulut  rien  recevoir  que  ses  débours,  aussi,  le  Conseil  de  ville, 
dans   sa  séance  du  25  janvier   1779,   délibéra-t-il   de   lui   olïrir,  à 
titre  de  remerciement,  une  «  pièce  de  vaisselle  aux  armes  de  la 
Ville  de  la  valeur  de  vingt-cinq  à  trente  louis  ». 
Le  piédestal  de   cette   fontaine   portait   l'inscription   suivante    : 
REGNANTE  LUDOVICO  XVI 
Provincise   Massiliœ,    etc. 
Gubernalore  Cani.  Lad.  de  Lorrain^ 
Principe  de  Marsan. 
Legalo  generali,  Lud.  de  Brancas. 
Senatus  Principe  ac  Misso   Dom. 
Car.  Joan.  Bapl.   des  Gallois  de  la 
Tour 
Fonteni    hanc 
Ufililaïi    publicx 
Consecrarunl  Patrix  Patres 
Liidoviciis   de  Cipière,   Major. 
Lazariis  Ferrari  /  ^         , 

_    ,  r       ;      A'  ;;  /    CoUSUlCS. 

Petriis-Lud.  Aapollon      (| 
Joannes-Bapt.  Richard,  Assessor. 
Joannes-Ant.    Hennj        I   _         , 

4     X       r>  nr         'i  l    ConSUlCS. 

Ant.   Reqnier  Manonj      \ 

'  Anno    Domini    MDCCLWVIIl 


120  ^ 

Le  25  avril  1805,  le  Conseil  municipal  délibéra  de  poser  un 
Aiirle  sur  l'obélisque  de  la  fontaine,  mais  le  14  avril  181-1,  la 
fluile  de  l'Empire  amena  celle  de  son  emblème,  et  la  place  a'ors: 
hiipcridlc,  redevint  la  place  licyule. 

Le  plan  de  Marseille  du  colonel  Pierron,  1808,  donne  une  vue 
de  la  fontaine  Fossati  surmontée  de  l'Aigle.  Elle  est  reproduite 
dans  Marseille  à  travers  les  siècles  d'O.  Teissier  et  J.-B,  Samat. 

En  1825,  par  suite  de  modifications  à  la  place  Royale,  la  fon- 
tainor  Fossati  fut  transportée  au  point  d'intersection  du  boulevard 
Dugommier  et  du  boulevard  du  Nord  (depuis  :  d'Athènes). 

Là,  elle  remplaçait  une  colonne  surmontée  d'une  boule  dorée 
dont  le  piédestal  était  orîié  de  deux  bas-reliefs  de  Chardigny:  la 
Moisson  et  la  Pêche,  qui  sont  aujourd'hui  au  musée,  laquelle 
colonne  avait  remplacé  elle-même,  une  précédente  colonne  de 
granit  donnée  à  la  Ville  par  le  Gouvernement,  après  l'expédition 
d'Egypte. 

Ce  n'est  qu'en  1863,  le  jour  de  Pâques,  que  la  municipalité 
vint  inaugurer  la  fontaine  Fossati  qu'elle  venait  de  faire  trans- 
porter du  point  d'intersection  des  deux  boulevards  susnommés, 
au  centre  même  de  la  Place  des  Capucines.  On  lui  avait  conservé 
la  vasque  qui  dépendait  de  la  précédente  fontaine-colonne  à  boule 
dorée.  Les  travaux  de  déplacement  s'élevèrent  à  32.000  francs. 
—  X.   Y.   Z. 

* 
*  * 

A  LA  BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  VILLE  DE  MARSEILLE.   L'art  prOVCnçal   daHS 

le  livre,  le  dessin,  la  gravure  (xvii^-xviii^  siècles).  —  Dépassant 
de  beaucoup  le  cadre  de  leur  exposition  précédente.  Les  Amis 
de  la  Bibliothèque  ont  voulu  cette  année  nous  donner  une  idée 
aussi  complète  que  possible  de  ce  qu'on  pourrait  appeler  «  les 
arts  graphiques  »  aux  xvii^  et  xviii^  siècles. 

Ils  ont  encore  élargi  ce  programme  déjà  vaste  par  une  réunion 
de  dessins  et  de  gravures  qu'on  fut  surpris  de  trouver  si  riche 
et  si  belle  pour  une  époque  oii  les  arts  ne  brillaient  en  Pro- 
vence que  d'un  éclat  intermittent. 

A  voir  le  nombre  et  la  qualité  des  «  impressions  provençales  » 
on  éprouvait  aussi  quelque  étonnement,  notre  région  n'ayant 
jamais  passé  pour  un  centre  spécialement  actif  dans  le  domaine 
du  livre.  Et  cependant  nos  illustrateurs  et  nos  typographes  ne 
manquaient  ni  de  mérite  ni  de  talent.  De  grands  artistes  étaient 
représentés  :  Frago  dans  un  portrait  du  connétable  de  Bourbon, 
Parrocel,  Barrière,  et,  à  côté  d'eux^  de  plus  modestes,  Rigaud, 


121 

Marelz,  Poyrnn,  Rnndon,  Mirhol  d'ArloPi,  les  ('.iiriilior  d'Aiv, 
tous  honorables  graveurs  déjà  eoniius  par  des  frontispices,  des 
plans  et  des  cx-libîis.  Leurs  œuvres  iilusl raient  des  livres  sortis 
des  presses  de  Marseille,  d'Aix,  tie  Toulon,  d'AxiLcnuu,  rurniaul 
un  ensemble  d'une  tenue  parfaite  et  dans  leipiel  les  l)iblio|)liiles 
remarcjuaient  d'un  œil  jaloux  des  pièces  .rarissimes,  tels  ce  bré- 
viaire arménien  imprimé  à  Marseille  en  1673,  «  Le  baudrirr 
du  sacfc  de  Loinjs  XllI  »  ou  le  recueil  des  piéees  conleniioi  un 
procès  du  P.   Girard   ci   de   Calhcriiie   Cadièrc    ». 

A  côté  des  livres  ouverts,  des  livres  fermés  montraient  de 
riches  reliures  ;  beaucoup,  armoriés,  avaient  d'illustres  pro- 
venances ;  les  meilleurs  «  cabinets  »  de  l'ancienne  Provence 
étaient  représentés  par  l'admirable  bréviaire  maroquin  vert  du 
Cardinal  de  Baussct,  un  beau  «  D'Agul  i)  maro(|uin  rouge,  un 
Boyer  d'Eguilles,  un  Forbin,  un  Grimaldi,  plusieurs  Valbelle, 
etc.,  etc.  Puis,  les  grands  maîtres  de  la  reliure:  un  Le  Gascon, 
un  Derôme  et  de  nombreux  maroquins  de  toutes  nuances  aux 
fers  les  plus  divers,  tous  recouvrant  des  livres  sur  la  Provence 
ou  d'auteurs  provençaux. 

Dans  la  gravure,  même  abondance  et  même  qualité  —  sans 
sortir  non  plus  de  Provence.  Les  étoiles  d'abord  :  notre  grand 
Balé.hou  national,  natif  d'Arles,  ainsi  que  chacun  sait,  était 
représenté  par  dix  de  ses  œuvres  en  tête  desciuelles,  en  une 
belle  épreuve  du  5®  état,  plastronnait  Auguste  III,  roi  de  Polo- 
gne ;  puis  les  Gautier  d'Agoty,  de  Marseille,  auxquels  on  a 
contesté  rinvention  de  la  gravure  en  couleurs  ;  un  petit  por- 
trait de  Grotius,  de  toute  rareté,  avec  la  lettre,  montrait  qu'ils 
avaient  pratiqué  leur  art  à  Nice,  ce  que  peu  de  monde  savait. 
Venaient  après,  des  graveurs  de  nifiindre  envergure  ;  Sébas- 
tien Barras,  Beisson,  etc.  On  eut  aimé  voir  quelque  figure  de 
l'imagier  avignonnais  Le  Blond,  qui  produisit -tant  et  ne  manqua 
pas  de  mérite.  La  famille  des  Cundier,  d'Aix,  brillait  —  si^l'on 
peut  dire  —  par  le  cuivre  d'un  portrait  du  président  Grimaldi, 
d'une  technique  impeccable. 

D'autres  gravures,  d'artistes  parisiens,  se  rattachaient  si  étroi- 
tement à  l'histoire  de  Provence  qu'on  pouvait  les  annexer  à  son 
domaine  artistique  :  c'était  le  cas  du  portrait  de  Phélippeaux, 
comte  de  Saint-Florentin,  chargé  des  affaires  de  Marseille,  offert 
—  peinture  de  Toqué  et  gravure  de  Wille  —  par  les  échevins 
en  remerciement  de  ses  bons  offices  ;  la  quittance  autographe 
du  graveur  est  conservée  aux  archives  communales. 

Mêlés  aux  gravures,  les  dessins  pastels  et  aquarelles  relevaient 
très  haut  le   niveau  artistique   de   l'ensemble,   avec   des   œuvres 


122 

de  Pugeî,  Van-Loo,  Joseph  Vernct.  Arnulphy,  Parrocel,  Réattu. 
Deux  dessins  d'Adrien  Manglard^  maître  de  Vernet,  furent  une 
véritable  révélation.  Quatre  aquarelles  de  Roux  le  père  très  au- 
dessus  des  productions  ordinaires  de  ce  peintre  de  marine, 
eurent  un  légitime  succès. 

Pareille  exposition  ne  se  fit  pas  —  on  le  comprend  assez  — 
avec  les  seules  ressources  de  la  Bibliothèque.  Il  fallut  pour  l'or- 
ganiser toute  l'activité  et  le  savoir  du  bibliothécaire,  M.  J. 
Billioud,  et  le  bon  vouloir  des  collectionneurs  qui  le  laissèrent 
choisir  et  emporter.  M.  Jean  Masson  fut  son  premier  coadjuteur 
et  prêta  de  rares  et  précieux  dessins.  On  fit  d'autres  emprunts 
à  la  collection  G.  Usslaub,  cabinet  marseillais  des  estampes, 
au  Comte  de  Demandolx-Dedons,  à  M.  de  Blégiers  et,  pour  le 
livrcj  à  Mme  la  marquise  de  Campou-Grimaldi-Régusse,  à  M. 
Jourdan-Barry,    à   M.    l'abbé   Vaillen. 

Limitée  sévèrement  dans  le  temps  et  dans  l'espace  et  dans 
son  domaine  bien  déterminé,  cette  manifestation  a  été  un  heu- 
reux complément  aux  leçons  d'art  provençal  qu'avaient  données 
les  expositions  de  1906  et  de  1922.  11  faut  savoir  gré  aux  Amis 
de  la  Biblioîhèqiie  de  leur  intelligent  effort  et  les  encourager 
dans  leur  entreprise.  —  Emile  Isnard. 


STATUTS 


DE     LA 

Société  de  Statistique,  d'Histoire  et  d'Arciiéoiogie 

de  Marseille  et  de  Provence 

[a(:lopIr.-<    à    r lUKininiilé    à    rAsscniblée    Géiiénilc    ilu    10   mni    1928) 

BUT    ET     COMPOSITION     DE    L'ASSOCIATION 

AnTicLE  Premier.  —  L'Associalioii  dile:  Société  de  Slalisliquc, 
d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Marseille  et  de  Provence,  fondée 
le  7  février  1827,  sous  le  nom  de  Société  de  Statistique  de  Mar- 
seille, reconnue  d'utilité  publique  par  ordonnance  royale  du 
2  avril  1831,  a  pour  but  l'étude  et  l'avancement  des  sciences 
historiques,  spécialement  en  ce  qui  concerne  Marseille,  la  Pro- 
vence et  les  régions  limitrophes. 

Sa  durée  est  illimitée. 

Elle  a  son  Siège  Social  à  Marseille. 

Art.  2.  —  L'Association  se  compose  de  membres  d'honneur, 
de  membres  titulaires  et  de  membres  correspondants.  Sont  de 
droit  membres  d'honneur;  le  Préfet  des  Bouches-du-Rhône, 
le  Maire  de  la  Ville  de  Marseille,  le  Président  de  la  Chambre  de 
Commerce  de  Marseille  et  le  Recteur  de  l'Académie  d'Aix.  Les 
autres  membres  d'honneur,  au  nombre  maximum  de  cinq,  sont 
nommés  par  TAssemblée  générale  sur  la  proposiiton  du  Conseil 
d'Administration  et  choisis  parmi  les  notabilités  s'étant  effi- 
cacement intéressées  à  l'Association,  ainsi  que  parmi  les  mem- 
bres anciens  ou  actuels,   lui  ayant  rendu  des  services  signalés. 

Pour  être  membre  titulaire,  il  faut: 

1°  Etre  présenté  par  deux  membres  de  l'Associai  ion  et  agrée 
par  le  Conseil  d'Administration   ; 

2°  Payer  une  cotisation  annuelle  dont  le  taux  i->l  proposé 
par  le  Conseil  d'Administration  et  fixé  par  l'Assemblée  générale. 
La  cotisation  peut  être  rachetée  en  versant  une  somme  égale 
au  m-.ins  à  quinze  fois  le  montant  de  la  cotisation  annuelle. 

Les  membres  correspondants  sont  nommés  dans  les  mêmes 
formes  que  les  membres  titulaires  parmi  les  personnes  ne  rési- 
dant pas  dans  les  départements  des  Bouches-du-Rhône,  de  la 
Drôme,  du  Var,  des  Alpes-Maritimes,  des  Hautes  et  des  Basses- 
Alpes  et  de  Vaucluse.   Le   titre  ne  comporte  aucune  obligation 


124 

et  confère  seulement  le  dmil  (rêlre  ndmis  aux  séances  de  l'As- 
semblée générale,  mais  sans  voix  délibéralivc,  et  de  pouvoir  y 
laire   des  communications.   Leur   nondjre   est   limité   à  25.  , 

Les  personnes  morales  peuvcnl  faire  partie  de  l'Association. 
Il  en  est  de  même  des  dames  (jui  pourront  être  élues  à  toutes 
les   fonctions. 

Pourront  recevoir  le  titre  de  bienfaiteur,  les  membres  qui 
auront  fait  à  l'Association  des  libéralités' en  argent  ou  en  nature, 
d'une  valeur  minima   de  mille   francs. 

Ai. T.   3.  —  La  qualité  de  membre  de  l'Association   se  perd: 

1°   Par   la   démission; 

2'  Par  la  radiation  prononcée  pour  motif  grave  par  le  Cons(>il 
d'Administration,  le  membre  intéressé  ayant  été  préalablement 
appelé  par  lettre  recommandée  à  fournir  ses  explications,  sauf 
recours  à  l'Assemblée  générale,  ou  par  l'Assemblée  générale  sur 
le  rapport  du  Conseil  d'administration. 

ADMINISTRATION    ET    FONCTIONNEMENT 

Art.  4.  —  L'Association  est  administrée  par  un  Conseil  de 
seize  membres  élus  pour  un  an,  auxquels  sont  adjoints,  leur  vie 
durant,  pouvant  remplir  n'importe  quelle  fonction,  les  anciens 
Présidents  ayant  occupé  cette  charge  au  moins  deux  fois. 

L'Assemblée  générale  de  janvier  désigne  par  l'élection:  le 
Président,  2  vice-présidents,  1  Secrétaire  général,  2  Secrétaires, 
1  Trésorier,  1  tréso.rier-adjoint,  1  Bibliothécaire-archi/iste, 
1  Conservateur  des  collections,  6  Conseillers. 

Tous  les  membres  du  Conseil  sont  rééligibles,  sauf  le  Pré- 
sident dont  le  mandat  ne  loeut  excéder  3  années  (Consécutives. 

Sortant  de  fonctions  le  président  ne  peut  être  réélu  à  la  pré- 
sidence qu'après  un  délai  de  deux  ans,  tout  en  restant  rééli- 
gible    aux  autres    fonctions. 

—  En  cas  de  vacances,  par  décès  ou  démission,  le  Conseil 
reste  valide  jusqu'à  concurrence  de  la  présence  des  deux  tiers 
de  ses  membres. 

Passé  ce  chiffre,  il  est  procédé  dans  le  délai  d'un  n.ris  au 
renouvellement  total  du  Conseil,  sur  convocation  à  une  Assem- 
blée générale  extraordinaire,  faite  par  les  membres  restant  tn 
fonctions  qui  assurent  la  marche  de  la  Socéité  jusfju'au  renou- 
vellement. 

Art.  5.  —  Le  Conseil  se  réunit  une  fois  par  mois,  sauf  durant 
les  mois  de  juillet,  d'août  et  de  septembre,  et    chaque  fois  qu'il 


125 

o?t  convoqué  par  son  président  ou  sur  In  demando  du  lier-^  dp 
ses  membres. 

l.a  présence  du  tiers  des  m-embres  du  Conseil  d';i<lniiuis!ra- 
lion  est  nécessaire  pour  la  validité  des  délibérations.  Eu  cas 
de  partage  des  voix  celle  du  Présulent  est  prépondérante. 

Il   est  tenu   procès-verbal  des  séances. 

Les  procès-verbaux  sont  signés  par  le  Président  et  le  Secrétaire 
général,   et  deux  membres  du  Conseil   présents  à   la   séance. 

Art.  6.  —  Les  membres  de  l'Association  ne  peuvejit  recevoir 
aucune  rétribution  à  raison  des  fonctions  qui  leur  sont  confiées. 

Art.  7.  —  §  I.  Les  membres  titulaires  de  l'Association  se 
réunissent  tous  les  ans,  au  mois  de  janvier,  en  Assemblée  géné- 
rale ordinaire,  pour  entendre  les  rap[)orts  sui'  la  gestion  du 
Conseil  d'administration,  sur  la  situation  financière  et  morale 
de  l'Association. 

Ils  approuvent  dans  cette  m.ême  séance  les  comptes  de  l'exer- 
cice clos,  votent  le  budget  de  Texercice  suivant,  délibèrent  sur 
les  questions  mises  à  l'ordre  du  jour  et  procèdent  au  renou- 
vellement annuel  des  membres  du  Conseil  d'administration  sou- 
mis à   la   réélection. 

D'autres  Assemblées  générales  peuvent  être  tenues  sur  la  con- 
vocation du  Conseil  d'administration  ou  sur  la  demande  du 
quart  au  moins  des  membres  titulaires  de  la  Société  résidant 
à  Marseille. 

Le  rapport  annuel  et  les  comptes  sont  adressés  chaque  année 
à    tous    les  membres  de    l'Association. 

§  2.  En  outre  de  l'Assemblée  générale  aiinnelle.  des  séances 
de  travail  ont  lieu  chaque  mois  aux  jour  et  heure  fixés  par  !<• 
règlement  intérieur,  sauf  en  juillet,  août  et  septembre. 

Art.  8.  —  Les  dépenses  sont  ordonnancées  par  le  Président. 

L'.'^ssociation  est  représentée  en  justice  et  dans  tous  les  actes 
de  la  vie  civile  par  le  Président.  Le  représentant  de  la  Société 
doit  jouir  du  plein  exercice  de  ses  droits  civils. 

Art.  9.  —  Les  délibérations  du  Conseil  d'arlministration  rela- 
tives aux  acquisitions,  échanges  et  aliénations  des  immeubles 
nécessaires  au  but  poursuivi  par  l'Association,  constitution  d'hy- 
pothèques sur  les  dits  iTumeubles,  baux  excédant  neuf  années, 
aliénation  de  biens  dépendant  du  fon<ls  de  réserve  et  d'enqiruids, 
ne  sont  valal)les  qu'après  l'approbation  de  l'Assemblée  pfénérale. 


126 

AnT.  10.  —  Les  délibéralions  du  Conseil  d'adminislraliun  rela- 
tives à  lacceplalion  des  dons  et  legs  ne  sont  valables  qu'après 
Tapprobalion  administrative  donnée  dans  les  conditions  prévues 
par  l'article  910  du  Code  Civil  et  les  articles  5  et  7  de^la  loi 
du  4  février  1901. 

Les  délibéralions  de  r.\ssemblée  générale  relatives  au.x  alié- 
nations de  biens  dépendant  du  fonds  de  réserves  ne  sont  vala- 
bles qu'après  rapprobatiun   du   Gouvernement. 

Art.  11.  —  Le  Conseil  établira  les  règles  d'organisation  et  de 
fonclionnemeni  des  musées  et  collections  qui  pourraient  être 
fondés  par  l'Association,  ain-^i  que  les  règles  concernant  les 
immeubles  qui  seraient  légués  à  l'Association  ou  acquis  par  elle. 

FONDS     DE     RÉSERVE     ET     RESSOURCES     ANNUELLES 

Art.  12.  —  Le  fonds  de  réserve  comprend: 

1°  Le  dixième  au  moins  du  revenu  net  des  biens  de  l'Associa- 
tion  ; 

2°  I-es  sommes  versées  pour  le  rachat  des  cotisations  ; 

3°  Le  capital  provenant  des  libéraliLés,  à  moins  que  l'emploi 
immédiat  n'en  ait  été  autorisé. 

Art.  13.  —  Le  fonds  de  réserve  est  placé  en  rentes  nominati- 
ves sur  l'Etat  ou  en  obligations  nominatives  dont  l'intérêt  est 
garanti   par   l'Etat. 

Il  petit  être  également  employé  à  l'acquisition  des  immeubles 
nécessaires  au  but  de  l'Association. 

Art.  14.  —  Les  recettes  annuelles  de  l'Association  se  com- 
pose ni    : 

1°    Des    cotisai  ions    et    souscriptions    de    ses    membres    ; 

2°   Des  subventions  qui   pourront   lui   être  accordées   ; 

3°  De  la  participation  des  auteurs  aux  frais  d'impressi-m, 
(lu   produit  des  ventes   des  -publications   de  l'Association    ; 

4°  Du  produit  des  libéralités  dont  l'emiploi  immédiat  a  été 
autorisé  ;  des  ressources  créées  à  titre  exceptionnel  et,  s'il  y  a 
lieu,   avec  l'agrément  de  l'autorité  compétente   : 

5"  Du  revenu  de  ses  biens. 

MODUnCATIONS    DES    STAT(/TS    ET    DISSOLUTION 

Art.  15.  —  Les  statut^  ne  peuvent  être  modifiés  <juo  sur 
la    propositi<jn    du    Conseil    d'Administration    ou    sur    celle    du 


127 

dixième  des  membres  titulaires  ;  en  ce  cas,  le  Conseil  ddit 
tMre  avisé  afin  de  convoquer  l'Assemblée  générale  cxtraordinair.' 
chargée  de  délibérer  sur  les  modifications  proposées  ;  cellrr 
ne  peut  modifier  les  statuts  qu'à  la  majorité  des  doux  tiers 
des  membres  présents  ;  elle  doit  se  composer  tlu  quart  au  moins 
des  membres  titulaires  résidant  à  Marseille.  A  défaul  du  quopuni, 
il  sera  statué  dans  une  séance  ultéi'ieure,  qui  pourra  avoir  lieu 
le  même  jour,  sans  convocation  iiouvclk-  el  (juel  que  toit  le- 
nombre  des  présents. 

Art.  16.  —  L'Assemblée  générale  appelée  à  se  i)rononcer  siii'  la 
dissolution  de  l'Association  et  convoquée  spécialement  à  cet 
effet  doit  comprendre,  au  moins,  la  moitié  plus  un  des  mem- 
bres en  exercice  résidant  à  Marseille.  Si  celte  proportion  n'est 
pas  a-tteinte,  l'Assemblée  est  convoquée  à  nouveau,  mais  à  «juinze 
jours  d'intervalle,  et  celle  fois  elle  peut  valablement  délibérer 
(juel  que  soit  le  nombre  des  membres  présents.  Dans  tous  les 
cas,  la  discussion  ne  peut  être  volée  qu'à  la  majorité  de  deux 
tiers    des  membres  présents. 

Art.  17.  —  En  cas  de  dissolulion  voloulaire,  statutaire,  pi'oiiou- 
cée  en  justice  ou  par  décret,  ou  en  cas  de  retrait  de  la  recon- 
naissance d'utilité  publique,  l'Assemblée  générale  désijrne  un 
ou  plusieurs  membres  commissaires  chargés  de  la  liquidation 
di^H,  biens  de  l'Association.  Elle  attribue  l'actif  net  à  un  ou  |)lu- 
sieurs  établissements  analogues,  publics  ou  recoinius  il'ulilité 
publique. 

Ces  délibérations  sont  adressées  sans  ilélai  au  Minisjèrc  di- 
l'Instruction  Pubii(jue. 

SUnVEILLANCi:    ET    RÈOLEMfCNT    INTKRUl  R 

Art.  18.  —  Le  Secrétaire  général  devra  faire  coiniaîlre  dans 
les  trois  mois  à  la  Préfecture  tous  les  changemenis  survenus 
dans  l'Administration  ou  la  Direction. 

Les  registres  ou  les  pièces  de  complahililé  de  r.\ssocialion 
seront  présentées  sans  déplacement  sur  toute  réquisilion  du 
Préfet,  à  lui-même  ou  à  son  Délégué. 

Le  rapport  annuel  et  les  comptes  seront  adressés  chaque  année 
au  Préfet  du  département,  au  miiiislre  fie  rTnb'ri''!'-  ■■'  i"  minis- 
tre de  l'Instruction     Publique. 

Art.  19.  —  Le  ministre  de  l'Instruction  Puldique  aura  le  droit 
de   faire  visiter  par   ses   délégués   les   établissements    fondés   par 


128 

l'Associalion   et   de  se   faire  rendre  comple   de  leur   fonctionne- 


nienl 


Aht.  '20.  —  Les  règlemcnls  inlériours  préparés  par  le  Conseil 
d'administration  et  votés  par  l'Assemblée  générale  doivent  être 
suuniis  à  l'approbation  du  ministre  de  l'Intérieur  et  adressés 
au   ministre   de   l'Instruction    Publi(iue   el   des   Beaux-Arts. 


Le  Monastère  des  Chartreux  d'Aix-en-Provence 

1625-1791 

(suite  ci  fin) 

II 
Armoiries   et  Sceau 

Parmi  les  documents  dépouillés  dans  les  archives,  nous 
n'avons  trouvé  aucune  trace  des  armoiries  de  ce  couvent. 
Les  fiches  d'Hozier  consultcMîs,  nous  ont  donné  un  bla- 
son daté  de  1696,  ainsi  décrit:  D'azur  à  une  Sainte  Marthe 
d'argent  tenant  dans  sa  main  dextre  un  goupillon  et  dans 
sa  senestre  un  dragon  du  même  et  autour  des  mots  aussi 
d'argent:  carthusia,  aquexsis  sanctae.  m.  \  Celui-ci  est 
un  des  nombreux  dessins  faits  lors  de  l'enregistrement  des 
blasons  où  l'on  en  fabriquait  de  toutes  pièces  quand  on  n'en 
avait  pas  sous  la  main,  et  pour  adonter  celui-ci  d'IIo-ier 
s'est  contenté  de  .copier  un  dessin  identique  qui  figurait  déjà 
depuis  dix  ans  auparavant  sur  un  manuscrit  conservé  aujour- 
d'hui k  la  bibliothèque  de  la  Ville  de  Marseille  sous  le  N° 
49376.  Ce  blason  n'est  donc  pas  véritablement  celui  de  la 
Chartreuse  d'Aix. 

L'armoriai  du  couvent  de  la  Grande  Chartreuse  nous  a 
donné  des   indications  bien   plus   précises;   nous  y   avons 

1  D'Hozier,  Armoriai  Général  (1696).  (Inscr.  Trov.  1.509).  (Blason 
col.    Prov.    11-1097). 

I 


130 


MARC   DUBOIS 


trouvé  sous  le  X°  9g  courant  des  archives,  un  blason  cjui 
est  identique  à  celui  de  son  fondateur  d'Aymar,  ainsi  décrit: 
De  gueules  à  la  colombe  éployée  d'argent  mouvant  à  dex- 
tre  et  portant  dans  son  bec  un  rameau  d'olivier  d'or;  au 
chef  cousu  d'azur  chargé  de  3  étoiles  d'or  mises  en  fasce. 


ARMOIRIES    DE    LA     CHARTREUSE    SAINTE- MARTHE 
d'aIX-EN  PROVENCE 

La  règle  générale  de  l'ordre  est  que  chaque  Maison  prend 
les  armoiries  de  son  fondateur  et  cela  se  comprend  ;  c'est 
lui  qui  la  protège  contre  ses  ennemis  ou  ses  contradicteurs, 
lui  assurera  la  libre  disposition  des  biens  qu'il  lui  a  laissés 
et  même  de  ceux  que  d'autres  lui  ont  laissé  sous  sa  sauve- 
garde.Donc  le  blason  de  d'Aymar  est  bien,  comme  l'indique 
l'armoriai  de  l'Ordre,  celui  de  la  Chartreuse  d'Aix.  En  ce 
qui  concerne  le  sceau  de  cette  maison,  on  n'en  connaît  à  ce 
jour  qu'un  seul  exemplaire,  signalé  par  G.  Vallier  "  ((  des- 
siné dans  l'album  de  M.  Maignien,  ancien  conservateur  de 
la  bibliothèque  de  Grenoble.  Il  offre  une  légende  tronquée 
dans  laquelle  on  croit  pouvoir  déchiffrer  les  fragments  des 
mots  CAR... SIS  165...  Son  type  paraît  représenter  Ste-Mar- 


'    Sigillographie    de    l'Ordre   des    Chartreux    et   numismatique    de 
Saint   Bruno  par   G,   Vallier.    Montreuil-sur-IMer.   1891,   iu-8°. 


MONASTÈRE   DES   CHARTREUX   d'aIX-E\-PROVENCE         131 

the  foulant  aux  pieds  la  Tarasque  ».  Ce  sceau  était-il  celui 
de  la  maison,  le  Sigillum  Magnum?  ou  .seulement  le  Sigil- 
lum  Parvum,  dont  se  servait  pour  leur  usaçc  particulier 
soit  le  Prieur,  ou  le  Vicaire,  ainsi  que  les  autorisaient  les 
statuts  de  l'Ordre. 

Prieurs  de  la  Chartreuse 

Pour  nous  excuser  de  n'avoir  presque  plus  rien  à  dire  de 
ce  couvent  nous  empruntons  à  l'auteur  d'une  monographie 
de  la  Chartreuse  de  Glandier  ces  quelques  lignes  '  :  <(  Lors- 
«  que  d'une  Chartreuse  l'on  a  dit  la  fondation,  quand  on 
((  a  donné  la  liste  de  ses  Prieurs  et  raconté  comment  et  à 
((  quelle  époque  elle  a  cessé  d'exister,  il  ne  reste  plus  rien 
((  ou  presque  plus  rien  à  dire.  Ces  longs  siècles  qui  sépa- 
((  rent  la  première  et  la  dernière  des  deux  dates  se  sont 
((  écoulés  dans  l'uniformité  d'une  vie  de  prières  et.  de  tra- 
ce vail  qui  fut  toute  pour  Dieu  et  ne  voulut  rien  laisser  aux 
((  hommes.  Le  silence  qui  règne  dans  la  Chartreuse  semble 
a  durer  après  qu'elle  n'est  plus  ». 

Nous  donnons  la  liste  générale  des  Prieurs  depuis  sa 
fondation  jusqu'en  1791,  telle  que  nous  avons  pu  la  réta- 
blir soit  avec  des  documents  d'archives  soit  avec  les  archives 
de  la  Grande  Chartreuse. 

1628-163 1.  —  Dom  Gabriel  Orcel,  de  Saint-Chamas,  fut  le 
premier  recteur  d'Aix  en  1628;  prof  es  de 
Villeneuve  le  5  août  1507  ;  coadjuteur  de 
Montrieux  à  la  chapelle  de  X.-D.  de  Conso- 
lation (1603-1606);  procureur  au  Val  Sainte- 
Marie    (1606-13);  procureur    de    \^illeneuve 

"  Xotice  historique  sur  l'ancienne  Chartreuse  do  Clandior.  par 
J.  Brunet,  1879,  p.  22. 


132  MARC   DUBOIS 

(1615-19);  procureur  à  Valbonne  (1619-23); 
coadjuteur  à  Villeneuve  (1623-162..);  fut 
nommé  recteur  à  Aix  après  le  Chapitre  de 
1628,  fonction  qu'il  quitta  entre  les  Chapi- 
tres de  1630-31  pour  devenir  procureur  du 
même  couvent  jusqu'au  Chapitre  de  1631.  Il 
quitta  Aix  quelques  mois  après  pour  devenir 
procureur  du  Val  Ste-Marie  (1631-1632);  co- 
adjuteur puis  procureur  de  Bonpas  (1632- 
33)  i  premier  recteur  de  Marseille  (1633-34); 
enfin  le  Chapitre  de  1634  le  renvoie  à  Aix 
comme  Prieur  jusqu'à  sa  mort  le  8  mars 
1640.  Le  Chapitre  Général  lui  accorde  une 
messe  de  Beata  de  la  Ste  Vierge  dans  tout 
l'Ordre.  D.  Gabriel  OrceL  Ch.  cap.  gen. 
1629  (signifie:  carte  du  chapitre  général). 
Rectori  novœ  plantationis  juxta  Aquas 
Sextias  non  fit  yii[isericord]ia. 

1631-1633.  —  D.  Denys  de  Sailli,  d'Aumalle,  profès  de  Vil- 
leneuve le  II  juin  1631  ;  coadjuteur  (161 .  .- 
1618)  ;vicaire  (1618-19)  ;procureur  (1619-21); 
de  nouveau  vicaire  (1621-23)  ;  prieur  de  Bon- 
pas  (1623-31)  ;  prieur  d'Aix  (1631-33)  ;  prieur 
de  la  Verne  (1633-38)  ;  de  nouveau  prieur  de 
Bonpas  (1638-40)  ;  où  il  mourut  le  28  mai 
1640.  Une  messe  de  Beata  dans  la  province 
de  Provence  lui  est  accordée.  Ch.  1631.  D. 
Dionysius  de  Sailly  a  Rd.  Pâtre  in  priorem 
domus  novœ  plantationis  juxta  Aquas  Sex- 
tias super  annum  instituto  non  fit  m[ise- 
ncord]ia. 

1633-1634.  —  D.  Jean-Baptiste    Giraud,  de    Valcnsole,    fit 
profession  à  Villeneuve  le  21  novembre  1596, 


MONASTÈRE   DES   CHARTREUX    d'AIX-EN-PROVENCE         133 

vicaire  (1605-iu;;  rccicur  cl  prieur  du  Val 
Ste-Alarie  (1O10-21);  prieur  de  Monirieux 
(1621-26);  prieur  de  la  Verne  (1626-32);  de 
nouveau  prieur  de  Alontrieux  (1632-33)  ; 
prieur  d'Aix  (1633-34);  <^^  nouveau  prieur 
du  Val  Ste-Alarie  (1634-39);  et  une  troisième 
foi§  (1642-45);  et  une  seconde  fois  à  la  Ver- 
ne (1645-46),  où  il  mourut  le  2  novembre 
1646,  après  50  ans  de  profession.  Eut  une 
messe  de  la  Vierge  dans  tout  l'Ordre.  J.-B. 
Giraud.  Ch.  1633.  ^ovam  ordinis  plantatio- 
nem  apud  Aqiias  Scxtias,  ex  liberalitate  et 
pietate  defuncti  clarissinii  viri  domini  Joan- 
nis  Andréas  d'Aymar,  in  senatu  Aquensi 
consiliarii,  felix  jam  iniiiiim  ac  Jundamen- 
tum  habantem  ordini  incorporamus. 

1634-1640.  —  D.  Gabriel  Orcel,  c^ue  nous  avons  nommé  au 
commencement  de  cette  liste  revient  conume 
prieur  à  Aix  jusqu'à  sa  mort. 

1640-1644.  —  D.  Gabriel  Magnati,  d'Avignon,  prof  es  de  la 
Chartreuse  le  3  avril  1610,  était  procureur 
de  Chartreuse  à  l'Obédience  de  Meylan,  près 
de  Grenoble,  quand  le  Chapitre  de  1640  le 
nom„me  prieur  d'Aix,  où  il  est  resté  jusqu'en 
novembre  1644,  transféré  alors  au  priorat  de 
Bonpas  (1644-47);  ^^  nouveau  procureur  de 
Meylan  puis  prieur  de  Bonlieu  et  de  Seillon, 
où  il  est  mort  en  charge  en  1652,  après  43 
ans  de  vie  religieuse;  eut  une  messe  de  la 
Ste  Vierge  dans  tout  l'Ordre. 

1644-1650.  —  D.  Antoine  Blacone  de  Toulouse,  profès  de 
Chartreuse  le  18  octobre    1636,  fut    nommé 


134  MARC    DUBOIS 

prieur  d'Aix  en  novembre  1644  et  transféré 
au  priorat  de  Valbonne  un  peu  avant  le  Cha- 
pitre de  1650. 

1O50-1654.  —  D.  Alexis  Arnaudi,  d'Orange,  profès  de  Ville- 
neuve le  21  octobre  1632,  vicaire  à  Marseille 
(1630-38),  vicaire  dMix  (1640-41);  vicaire  à 
Villeneuve  (1641-45),  vicaire  de  Bonpas 
(1645-47);  prieur  d'Aix  (1650-54);  prieur  du 
\  al  Ste-AIarie  (1654-57);  prieur  de  Mont- 
rieux  (1667-78);  prieur  de  Valbonne  (1678- 
89);  où  il  meurt  le  9  juin  1689,  à  69  ans  et 
49  ans  de  religion  dont  39  de  prieurat.  Eut 
une  messe  de  la  Ste  Vierge  dans  tout  l'Or- 
dre. Ch.  1650,  D.  Alexis  Arnaudi  in  pria- 
rem  doniiis  Aquensis  à  Rd  Pâtre  super  an- 
num  instituto  non  fit  m[isericord]ia. 

1654-1656.  —  D.  Antoine  Blaconne,  retourne  prieur  à  Aix. 
Il  fut  transféré  au  noviciat  de  Toulouse  le 
29  janvier  1656  et  nommé  visiteur  de  la  pro- 
vince d'Aquitaine  jusqu'en  1674  et  prieur  de 
Castres  rétabli  (1674-78);  où  il  meurt  le  28 
janvier.  Les  Chartreuses  de  Castres  et  de 
Toulouse  étaient  unies  depuis  la  fin  du  xvi* 
siècle.  Les  Chartreux  de  Castres  chassés  par 
les  huguenots  se  réfugièrent  à  Toulouse  et 
y  établirent  une  maison  qui  vécut  d'abord 
des  revenus  de  Castres.  Ch.  1650.  D.  Anto- 
nis  Blacone  in  priorem  domus  Aquensis  a 
Rd  Paire  super  annum  instituto  non  fit 
m[isericord]ia. 

Un  manuscrit  de  Chartreux  dit  de  lui  : 
((  Obiit  23  Januari  1678  protoprior  cartusen- 
((  sis      (Cartusias)      restitutee,      alias     prior 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'AIX-EN-PROVENCE 


»35 


((  Aquensis  (Aixj,  Vallisbonas,  Taurincnsis 
«  (Toulouse)  et  visitator  Aquilania;  ;  vir  onuii 
((  laude  major  in  utroque  slaUi  et  quasi  ge- 
((  nitor  Castrensis  CartusicX',  cuni  ipse  au- 
((  thor  fuit  divisionis  domus  Tolosa  janijain 
({  suflicienter  dotata  ». 

1656-1684.  —  D.  Philippe  Jassaud,  de  Tourane,  protès  de 
Villeneuve  le  21  novembre  1632,  y  fut  coad- 
juteur  (1637-41);  et  procureur  (1641-56);  est 
mort  prieur  d'Aix  le  14  septembre  1684.  Le 
Chapitre  de  1685  l'JÏ  accorda  une  messe  de  la 
Ste  Vierge  dans  tout  l'Ordre.  Ch.  1656.  D. 
FliiUppo  Jassaud,  in  priorem  domus  Aquen- 
sis  a  Rd  Pâtre  super  annu))i  instituto  non 
fit  iu[isericor]dia. 

1684-1697.  ■ —  D.  Jean-Jacques  de  Bussy,  de  Paris,  profès 
de  Villeneuve  le  21  décembre  1672,  y  fut 
nommé  courrier  en  mars  1676.  Est  mort  sim- 
ple religieux  à  fin  1717  ou  commencement 
1718,  dans  la  Chartreuse  de  Marseille.  11  eut 
une  messe  de  la  Ste  Vierge  dans  tout  l'Or- 
dre. Ch.  1685.  D-  J'-^cobo  de  Bussy  in  prio- 
rem Aquensis  a  Rd  Pâtre  super  anmini  ins- 
tituto non  fit  in[isericord]ia. 

1697-1700.  —  D.  Jean-Joseph  Bardon,  d'Aix,  profès  de  Vil- 
leneuve Je  21  avril  1678,  où  il  était  vicaire 
quand  le  Chapitre  Général  de  1689  le  nomma 
prieur  de  Villeneuve,  transféré  au  priorat  de 
Montrieux  par  le  Chapitre  (1690-97);  puis  à 
Aix  (1697-1700);  retourné  au  priorat  de 
Montrieux,  il  y  mourut  presque  aussitôt,  son 
obit  est  noté  dans  la  carte  de  1701. 


136  MARC   DUBOIS 

1700-1705.  —  D.  François  Guiot,  d'Autun,  profès  de  Ville- 
neuve le  1 1  juin  1674,  y  ^ut  vicaire  (1683-86)  ; 
prieur  de  Montrieux  (1686-90);  prieur  de 
Durbon  (1690-96);  de  \'aucluse  (1696-1700); 
d'Aix  (1700-05)  de  ^Marseille  (1705-13)  où  il 
meurt  le  10  novembre  1713  après  59  ans  de 
profession  dont  47  années  de  priorat.  Est 
noté  dans  la  carte  de  1734  qui  lui  accorde  une 
messe  de  la  Ste  Vierge  et  un  anniversaire 
perpétuel  dans  tout  l'Ordre. 

]  705-1724.  —  D.  Philibert  Brunet,  de  Gap,  profès  de  Vil- 
leneuve le  9  juin  1677,  envoyé  à  la  Verne  en 
16S6,  y  lut  sacristain  (1687-89);  puis  retour- 
ne à  Villeneuve,  devint  plus  tard  coadjuteur 
de  Marseille  et  nommé  prieur  au  Chapitre 
de  1702-05);  puis  transféré  à  Aix  jusqu'au 
Chapitre  de  1724  qui  l'envoya  prieur  à  Lu- 
gny  (1724-25);  où  il  meurt  peu  après,  mais 
avant  le  Chapitre  de  1725  qui  annonce  sa 
mort  et  lui  accorde  une  messe  de  la  Ste 
Vierge  dans  tout  l'Ordre. 

1724-1728.  —  D.  Guillaume  ]\Ioreau,  profès  de  Villeneuve, 
fut  prieur  de  Durbon  (1722-1724);  et  d'Aix 
(1724-28).  Il  était  coadjuteur  de  Marseille, 
quand  on  le  nomma  prieur  de  Durbon,  où 
il  ne  put  se  rendre  qu'après  avoir  fait  deux 
quarantaines,  l'une  dans  le  terroir  d'Aix  et 
l'autre  à  Sisteron  à  cause  de  la  contagion  de 
la  peste.  Il  mourut  à  Bédarrides  en  se  ren- 
dant au  Chapitre  de  1728,  qui  donne  son  obit. 

1728-1748.  —  D.  Mathias  Régis,  profès  de  Villeneuve,  fut 
d'abord  prieur    de    la    Verne  (1726-28);  et 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCE         I37 

d'Aix  de  172S  à  sa  mort  en  1748.  Son  obii 
est  noté  dans  la  Carte  du  Chapitre  de  1749. 

1748-1755.  —  D.  Jean-David  Saint-Alariin,  profès  de  Tou- 
louse et  procureur  de  X.-U.  du  Puy  ;  prieur 
d'Aix  le  28  juin  (1748-55);  transféré  au  prio- 
rat  du  Val  Ste-iMarie  le  2g  novembre  (1755- 
62)  ;  de  nouveau  procureur  à  Toulouse  (1762- 
64);  prieur  de  Cahors  (1764-74);  prieur  de 
'l'oulouse  (1774-79),  ^^^  il  meurt  le  28  mai 
1779;  visiteur  (1778-79).  Son  obit  est  noté 
dans  la  Carte  de  1780,  on  lui  accorda  un 
plein  monachat  et  un  anniversaire.  D.  Jean 
David  1748-55...  <(  et  ogendam  spccialem  en 
quod  ohierit  in  desseusu  Capituli  ». 

1755-1764.  —  D.  Gabriel  Julien,  profès  de  Valbonne  et  cour- 
rier de  Montrieux,  est  nommé  prieur  de  la 
Verne  (1744-46)  ;  de  Montrieux  (1746-55)  ; 
prieur  d'Aix  le  29  novembre  (1755-64)  ;  est 
mort  simple  religieux  lin  1776,  est  noté  dans 
la  Carte  de  1771  qui  dit  qu'il  vécut  59  ans 
((  laudabiliter  »  dans  l'Ordre. 

1764-1772.  —  D.  Alexandre  Perraud,  profès  de  X'illeneuve, 
nommé  prieur  d'Aix  le' i"'  décembre  (1764- 
72)  ;  alors  transféré  au  priorat  de  la  Verne  où 
il  est  mort  en  1775.  Son  obit  est  noté  dans  la 
carte  de  1776. 

1772-1786.  —  D.  Joseph  de  Camaret,  de  Perne,  profès  de 
Villeneuve  le  i""  novembre  176;,,  vicaire  à 
Villeneuve  (1762-66)  ;  procureur  d'Aix  (1766- 
68);  de  nouveau  vicaire  de  Villeneuve  (1768- 
72);  prieur  d'Aix  (1772-1786)  ;dernier  prieur 


«38 


MARC   DUBOIS 


de  X^illeneuve  (1786-91);  la  carte  de  1801 
annonce  sa  mon  et  dit  qu'il  vécut  59  ans 
((  laudabiliter  »  dans  l'Ordre.  On  ignore  ce 
qui  lui  est  advenu  de  1791  à  sa  morten'1801. 

1 786-1 791.  — D.  Bonaventure  Cantor,  de  Besançon,  profès 
de  Bonpas  le  8  décembre  1761,  procureur  de 
Premol- (1761-69)  j  prieur  de  la  Val  Sainte 
en  Suisse  (1769-72);  prieur  de  la  Part-Dieu 
(1772-75);  prieur  de  Bonpas  (1775-81);  coad- 
juteur  (1781-86);  rentre  à  Bonpas  en  octo- 
bre 1791,  se  réfugie  ensuite  à  la  Part-Dieu 
en  Suisse  où  il  est  mort  le  10  janvier  à  75 
ans,  après  avoir  passé  54  ans  dans  l'Ordre. Il 
eut  une  messe  de  la  Ste  Vierge  et  un  u  lau- 
dabiliter». Il  fut  le  dernier  prieur  de  laChar- 
treuse  d'Aix.  Ch.  1795.  Obilt  Bonaventura 
Cantor  profus  et  antiquior  D.  Bonipassus 
prior  dominiis  Aqucnsis  et  convisitator  pro- 
vinciœ  Provinciœ,  alias  prior  domorum, 
ValJis  Santœ,,  Partis  Dei  et  Bonipassus,  ha- 
bens  missam  de  Beata  Maria  per  tôt.  ordi- 
nem  in  quo  54  annis  valde  laudabiliter  vixit. 

Plusieurs  religieux  de  cette  Maison  ont  mérité  de  la  part 
de  l'Ordre  l'éloge  d'avoir  vécu  Laudabiliter.  La  mention 
Laudabiliter  vixit  et  très  exceptionnellement  Valde  lauda- 
biliter vixit  dans  le  nécrologe  cartusien,  est  comme  une  sorte 
de  petite  canonisation  discrète,  accordée  seulement  par  le 
Chapitre  général,  d'ans  des  cas  très  rares,  à  des  religieux  qui 
ont  vécu  longtemps  dans  l'Ordre  de  façon  tout  particuliè- 
rement édifiante.  Dans  cette  liste  de  plus  de  vingt  Prieurs, 
un  tel  éloge  n'est  accordé  que  trois  fois,  et  durant  ces  166 
ans  il  ne  fut  accordé  que  deux  fois  à  de  simples  religieux 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'AIX-EN-PROVENCE  I39 

de  la  Communauté:  D.  Jean  Chauvet,  profès  de  Villeneuve, 
qui  mourut  à  Aix  en  17 17  après  60  ans  de  vie  cartusienne, 
et  D.  Gabriel-Jules  Cœur,  qui  vécut  59  ans  dans  l'Ordre. 
On  voit  par  là  avec  quelle  parcnnonic  et  discrétion  le  Cha- 
pitre général  dispensait  pareille  mention. 


Liste  des  Procureurs 

D.  Jean  Calamard. 

D.  Gabriel  Orcel  (voir  aux  prieurs). 

D.  Louis  de  Beaumont. 

D.  Grégoire  Duplessis. 

D.   Paul  Rohier. 

D.  Grégoire  Duplessis,  pour  la  2"  fois. 

D.  Bénigne  Verdonay. 

D.  Charles  de  la   Mure. 

D.  Jérôme  Gualtari. 

D.  Georges  de  Castcllan. 

D.  Agathange  d'Oreson. 

D.  Alphonse  Montfreule. 

D.  Simon  Salvani. 

D.  François  Ravan. 

D.  Pierre-Paul  de  Rieux. 

D.   Emmanuel  Vanel. 

D.   Nicolaus  Tienne. 

D.  Alphonse  Montfreule,  pour  la  2"  fois. 

D.  Martial  Louvet. 

D.  Joseph  de  Camaret  (voir  aux  prieurs). 

D.  Martial  Louvet,  pour  la  2'  fois. 

D,  Antoine  Daru. 

D.  François  Clet. 


1628- 

1630. 

I63I- 

1631- 

i(^33- 

1633- 

1634- 

1634- 

1635- 

1635- 

163.. 

163.- 

1641. 

1641- 

1643. 

1643- 

1644. 

1644- 

1660. 

1660- 

1663. 

1663- 

1667. 

1667- 

1672. 

1672- 

1676. 

1676- 

1677. 

1677- 

1679. 

1679- 

1683. 

1683- 

1765- 

1766- 

1768. 

1768- 

1774- 

1774- 

1789. 

1789- 

1791. 

140 


1640-J 

641. 

I64I-] 

643- 

I643-] 

649. 

I649-] 

653- 

1653-1 

659- 

I659-] 

670. 

1670-] 

676. 

1676-] 

682. 

J682- 

[68.. 

1706- 

. . . . 

1772- 

[779- 

1779- 

[780. 

1780- 

^783. 

1783- 

786. 

ifS6- 

[787. 

1787- 

[789. 

1789- 

1791. 

MARC   DUBOIS 

Liste  des  Vicaires 

D.  Alexis  Arnaudi. 
D.  Séraphin  Beau. 
D.   Hiacinthe  Bagnoli. 
D.  Jacques  de  Spa. 
D.  Hiacinthe  Bagnoli,  pour  la  2'  fois. 
D.  Sébastien  Charrière. 
D.  André  Fournier. 
D.  Simon  Salvani. 
D.  Joseph  Glaise. 
D.  Marc-Antoine  Griot. 
D.  Lazare  Allignan. 
D.  Bonaventure  Froment. 
D.  Jérôme  Lafond. 
D.  Arsène  Fournier. 
D.  Bernard  Dorre. 
D.  Antoine  Lacombe. 

D.  Bernard  Dorre,pour  la  deuxième  fois  et  le 
dernier. 

Liste  des  Sacristains 


1634-1640.  —  D.  Victor  Bordin. 

1640-1643.  —  D.   Hilaire  Bacheler. 

1643-1645.  —  D.  Charles  de  l'Estoile. 

1645-1648.  —  D.  Honoré  Guillache. 

1648-1653.  —  D.  Robert  le  Maistre. 

1653-1659.  —  D.  Urbain  Mongeot. 

1659-1664.  —  D.  Pierre  le  Chesne. 
1664-1667.  —  D.  François  Henri. 

1667-1669.  —  D.  Laurent  Rhodes. 

1669-1672.  —  D.  Guillaume  du  Bouc. 


MONASTÈRE    DES   CHARTREUX    d'AIX-EN-PROVENCE         141 

1672-1675.  —  D.  Jérôme  Gaillard. 

1675- 1679.  —  D.  Jacques  Deschamps. 

1679-1680.  —  D.  Guillaume  du  Bouc,  pour  la  2"  fois. 

i68o-i6Sr.    -  D.  Bonaventure  Mouran. 

1681-1685.  —  D.  Jean  Chauvet. 

1685-1690.  —  D.  Jean-François  Imbert. 

1762- 1765.  —  D.  Pierre  Hebriel. 

1765-1767.  —  D.  Ange  Jossume. 

1767-17...   —  D.  Elzéar  de  Seranon. 

17..-1791.  —  D.  Basile  Tardieu. 

Période  de  la  Révolution 

Au  commencement  de  l'année  t  700,  la  Maison  devait  être 
ainsi  composée: 

1.  —  D.  Bonaventure  Cantor,  prieur. 

2.  —  D.   Bernard  Dorro,  vicaire,  né  en  Comté  le  11  février 

1749,  profès  de  Bonpas  le  9  décembre  1773,  coadjuteur 
en  1779,  procureur  en  1781,  vicaire  à  Aix  en  178S  et  la 
même  année  à  la  \'erne  ;  de  nouveau  vicaire  à  Aix  en 
1789,  sorti  de  l'Ordre  en  janvier  1791. 

3.  —  D.  Michel  Mille,   né  dans  le  Comtat  le  23  février 

17 16;  profès  de  Villeneuve  le  6  août  1746,  hôte  \\  !a 
Verne  en  1761  ;  hôte  à  Aix  en  1764  ;  rentré  à  \'il]('neuve 
en  1791. 

4.  —  D.  Elzéar  de  Seranon,  né  à  Cirasse  le  15  mars  1722, 

profès  de  Bonpas  en  1748,  vicaire  en  1761,  vicaire  à 
Montrieux  en  1766;  sacristain  à  Aix  en  1767,  dénosé 
avant  la  fin,  y  est  mort  le  6  août  1790,  c'est  le  dernier 
chartreux  qui  y  fut  enterré. 

5.  —  D.  Ange  Jossume,   né  à  Avignon  le   15  mai    1723, 

profès  de  Valbonne  en  1750,  sacristain  à  Aix  en  1765- 
69;  imort  le  7  février  1S03. 


142  MARC    DUBOIS 

6.  —  D.  Paul  Blanc,  né  à  Marseille  le  25  juin  1730,  pro- 

fès  de  \'illeneuve  le  25  mars  1751,  maître  des  novices 
en  1765,  sacristain  à  Aix  en  1766;  hôte  à  Marseille  en 
1768;  hôte  à  Aix  en  1779;  sorti  en  novembre  1791. 

7.  —  D.  Hugues  Langlade,  né  le  5  octobre  1730,  prof  es 

de  Villeneuve  le  15  août  1753  ;  courrier  en  1764;  coad- 
juteur  à  Marseille  en  1766;  coadjuteur  à  Montrieux  en 
1782  ;  coadjuteur  à  Aix  le  23  août  1783. 

8.  —  D.  Basile  Tardieu,  né  à  Marseille  le  20  janvier  1730, 

profès  de  Villeneuve  le  6  octobre  1750,  sacristain  à 
Aix;  sorti  en  juin  1791. 

9.  —  D.  François  Clet,   né  à  Grenoble  le   15  mars   1744, 

profès  de  Valbonne  le  22  juillet  1764,  vicaire  en  1775  ; 
courrier  de  Durbon  en  1782;  procureur  en  1784;  pro- 
cureur de  Valbonne  en  1785  ;  procureur  à  Aix  en  mars 
1787  ;  hôte  à  Rome.  D.  François  Clet  a  vécu  à  la  Char- 
treuse de  Rome  de  1794  à  18 10,  lorsqu'il  fut  obligé 
par  le  gouvernement  français  de  rentrer  en  France, 
est  mort  à  Grenoble  avant  1826. 

10.  —  D.  Louis  de  Saléon,  né  en  Vivarais  le  18  novembre 

1750,  profès  de  Villeneuve  le  17  décembre  1771,  hôte 
d'Aix  en  juillet  1781,  sorti  en  novembre  1791. 

11.  —  D.  Jean-François  Carillan,   né  à  Montélimar  le  15 

avril  1757,  profès  de  Valbonne  le  6  octobre  1778,  hôte 
d'Aix  en  décembre  1786. 

* 

*  * 

En  novembre  1789,  tous  les  Supérieurs  des  Communau- 
tés religieuses  de  France  avaient  reçu  un  exemplaire  des 
Lettres-Patentes  du  Roi,  portant  sanction  d'un  décret  de 
l'Assemblée  Constituante  concernant  l'émission  des  vœux 
de  l'un  et  l'autre  sexe.  Ce  décret  du  28  octobre,  tout  en 


MONASTÈRE    DES    CHARTRHUX    d'aiX-EN-PROVENCE         14^ 

ajournant  la  question  des  vœux  monastiques,  en  susi>endit 
aussitôt  l'émission  dans  tous  les  monastères. 

Le  4  février  1790,  l'Assemblée  Nationale  adoptant  la  pro- 
position du  Président  Barnave,  rendit  l'arrêt  suivant  : 
comme  article  constitutionnel. 

1°  Que  la  loi  ne  reconnaîtra  plus  les  vœux  monastiqties 
solennels  de  l'un  et  l'autre  sexe;  déclare  en  conséquence 
que  les  Ordres  et  Congrégations  religieuses  sont  et  demeu- 
rent supprimées  en  France,  sans  qu'il  puisse  en  être  établis 
à  l'avenir  ; 

2°  Tous  les  individus  de  l'un  et  l'autre  sexe  existant  dans 
les  monastères  et  maisons  religieuses,  pourront  en  sortir  en 
faisant  leur  déclaration  à  la  Municipalité  du  lieu,  où  il  sera 
pourvu  à  leur  sort  par  une  pension  convenable. 

Dès  ce  moment,  les  biens  des  religieux  devenaient  la  pro- 
priété de  la  Nation,  l'Etat  se  substituant  en  leur  lieu  et  pla- 
ce. De  Là,  promulgation  de  nouveaux  décrets  les  20  février, 
19  et  20  'mars,  statuant  que  '  : 

Art.  VI.  —  Les  officiers  municipaux  se  transporteront 
dans  la  huitaine  de  la  publication  des  présentes,  dans  toutes 
les  maisons  religieuses  de  leur  territoire,  et  s'y  feront  repré- 
senter tous  les  registres  et  comptes  de  régie,  les  arrête- 
ront et  formeront  un  résultat  des  revenus  et  des  époques  de 
leur  échéance.  Ils  devront. aussi  dresser  sur  papier  libre 
l'état  sommaire  de  l'argenterie,  de  l'argent  monnayé,  des 
effets  de  sacristie,  livres  et  mobiliers,  en  présence  de  tous 
les  religieux,  à  la  charge  desquels  ils  laisseront  les  dits 
objets.  Ils  dresseront  un  état  des  religieux  profès  de  cha- 
que maison  avec  leur  nom,  leur  âge  et  les  places  qu'ils  occu- 
pent, et  recevront  la  déclaration  de  ceux  qui  voudraient  s'ex- 

^  Lettres  Patentes  du  Roi,   données  à  Paris  le  26  mars   1790. 


144  MARC   DUBOIS 

pliquer  sur  leur  intention  de  sortir  des  maisons  de  leur  Ordre 
et  vérifieront  le  nombre  de  sujets  que  chaque  maison  pour- 
rait contenir. 

Biens  de  la  Chartreuse  en  1790 

D'après  les  inventaires  des  Officiers  Municipaux,  dressés 
le  17  mai  1790,  la  Communauté  qui  se  composait  de  dix 
religieux  et  trois  frères,  possédait  *  : 

Deux  bastides  au  quartier  Saint-Mitre  y  compris  l'enclos 
d'Aymar  et  la  vigne  de  Bouenhoure  dont  les  terres  en  par- 
tie labourables  et  complantées  en  vignes  et  oliviers  sont 
affermées  à  mi-fruits  à  quatre  rentiers,  dont  le  produit  y 
compris  une  vigne  dite  de  St-Laurent 

s'élève  à 266  liv.     3  s.  6  d. 

Pré  du  même  quartier,  affermé  ....         300  liv. 

Jardin  dit  du  Perrier  avec  bâtiment, 

une  petite  terre  et  une  aire  dans  le 

terrain  de  cette  ville,   affermés  ....         900  liv. 

Jardin  dit  des  Canaux,  avec  bâtiment 

au  faubourg 120  liv. 

Jardin  dit  de  Marcel  au  faubourg  .  .  48  liv. 

Deux  petites  (maisons  contiglies  ....  75  liv. 

Le  jardin  de  la  Maison,  revenu  ....  72  liv. 

La  Chartreuse  d'Aix  possède  les 
droits  de  cens  et  surcens  sur  plu- 
sieurs maisons  situées  dans  le  fau- 
bourg, dont  le  revenu  annuel  s'élève 
à  1 .084  liv.     I  s.  9  d. 


'  Documents  relatifs  à  la' vente  des  Biens  Nationaux.  Paul  Mou- 
lin,   IQOS,   t.    I. 


MONASTÈRE   DES   CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCE         I45 

Droits  de  lods  produisant  année  com- 
mune           738  liv.     7  s. 

Pensions  diverses  produisant  im  re- 
venu annuel  de 5-Oo'J  '•'^  •   '  •   >^-  7  d. 

Biens  nationaux  situés  dans  le  terroir  d'Aix 

Deux  domaines  contigus  des  Charireux  au  (|uartier  de 
Bueno-houre  et  jas  de  Bouffan. 

Terre  et  pré  attenant  au  domaine  de  la  Vieille  Chartreuse, 
arrentée  au  prix  de  300  livres. 

Petit  jardin  au  domaine  du  grand  Jardin  de  la  Char- 
treuse de  la  terre  des  Canaux,  arrenté  pour  sept  années  à  la 
rente  annuelle  de  120  livres. 

Jardin  dit  de  Marcel,  arrenté  pour  six  années  à  la  rente 
annuelle  de  48  livres. 

Grand  Jardin  et  enclos,  du  côté  du  faubourg  des  Cordeliers, 
terre  dite  des  Canaux;  bâtiment  et  réservoir  près  le  jardin 
de  la  Chartreuse;  jardin  dit  de  Bérenguier;  enclos  attt^iant 
à  l'église  des  Chartreux;  petite  remise  au  coin  du  jardin  de 
Bérenguier  ;  place  à  vendre  les  herbes  proche  de  la  Halle  ;  le 
tout  arrenté  pour  six  ans  à  la  rente  annuelle  de  800  livres. 

Prés  clos,  près  des  Minimes,  arrentés  conjointement  avec 
d'autres  petits  prés,  h  la  rente  annuelle  de  i  .000  livres. 

Langue  de  terre  dont  partie  en  aire  près  de  la  Rotonde. 

Biens   de  Deuxième  Classe 

Terres  et  prés  de  la  Grande  Chartreuse,  estimé  6.589  liv. 

Prés  proche   des    Minimes    8.800     » 

Domaine  quartier  de  la  Boueno-Houro '7-270     » 

Domaine  du  .Jas  de   Bouffan    67. 102     » 

Propriété  quartier  de  Boueno-Houro i  -9^^     » 

a 


146  '  MARC   DUBOIS 

Propriété  chemin  d'Avignon    3-3-2S 

Enclos  dit  des  Canaux  S^ooo 

Enclos  dit  de  Bérenguier 5 .  200 

Cens  en  argent  et  surcens 12.000 

Une  pierre  à  vendre,  place  aux  herbes 600 

Eglise  couvent  et  jardin    36.750 

Propriété  près  de  la  Rotonde 

Maison  au  faubourg,  rue  de  ki  Paix 640 

Autre,  même  rue 610 

Ecurie  et  grenier  à  foin  même  rue 220 


Total  de  l'estimation 169.089     » 

Charges 

Frais  de  culture  de  deux  bastides, 
plantations,  améliorations  et  répa- 
rations           855  liv.     8s.     lé. 

Réparation  et  entretien  des  mai- 
sons, murs  de    clôture    et    canaux 

des  jardins .         307  liv.   1 1   s.     2  d. 

Les  décimes 483  liv.   18  s. 

Capitaux  des  domestiques    7  liv.     4  s. 

A  l'archevêque  d'Aix  pour  cens  et 

indemnité   32  liv. 

Au  possesseur  de  la  chapelle  St-Mi- 

chel  et  1/2  lods   32  liv.   10  s. 

Aux  anniversaires  de  St  Sauveur, 
pour  cens,  1/2  lods  2  panneaux  de 

blé  et 168  liv.   13  s.     2  d. 

Au  prieur  de  St-Jean,  pour  cens,  6 

panneaux  de  blé i   liv.     3  s. 

A  la  ville  d'Aix  pour  cens  et   1/2 

lods   10  liv.     os.     2  d. 


MONASTÈRE    DES   CHARTREUX   d'AIX-EN-PROVENCE         147 

Au  domaine  du  roi o  Ijv.     5  s.     5  d. 

De  plus,  la  Ciiartreuse  est  chargée  de  l'acquittement  de 
plusieurs  fondations. 

Nota.  —  Il  faut  déduire  des  revenus,  la  somme  de  150 
livres,  le  capital  dû  par  AI.  de  Viens,  produisant  cette  somme 
ayant  été  remboursé  et  compris  dans  les  4.000  livres  pla- 
cées sur  la  communauté  de  Caumont  sous  le  nom  de  l'abbé 
Peraud. 

Il  existe  en  argent  monnayé  la  som- 
me de  2.920  liv.     5  s.     3  d. 

Il  est  dû  en  arrérages  : 

Pour  les  censés i  .390  liv.     5  s.     8  d. 

Sur  les  pensions 3-287  liv.    11  s.   10  d. 

Mobilier  non  évolue 

La  bibliothèque  renferme  1.200  volumes. 

Le  traitement  des  religieux  est  ainsi  liquidé: 

Deux  cà r .  200  livres 

Quatre  à i  .000  livres 

Quatre  à 900  livres 

Pour  les  Frères  : 

Un  à 600  livres 

Deux  donnés  à 300  livres  chacun 

Vente  des  biens  de  la  Chartreuse 

Depuis  le  momenl  où  les  Officiers  Municipaux  dressèrent 
l'inventaire  de  l'actif  et  du  passif  du  monastère,  le  Procureur 
était  tenu  d'avoir  un  journal  indiquant  les  recettes  et  les 
dépenses  qu'il  devait  présenter  pour  les  six  mois  au  receveur 
du  district;  lorsque  parut  ce  décret  de  l'Assemblée  Natio- 
nale: ((  Considérant  que  les  bâtiments  et  les  terrains  vastes 


148  MARC  DUBOIS 

((  et  précieux  occupés  par  les  religieux  et  religieuses, présen- 
ce tent  de  grandes  ressources  à  la  Nation  dans  un  moment 
((  où  les  grandes  dépense  lui  font  une  loi  de  ne  négliger 
({  aucune  de  ses  ressources  ;  Qu'il  importe  de  faire  jouir  les 
<(  religieux  et  religieuses  de  la  liberté  qui  leur  est  assurée 
((  par  les  lois  précédemment  faites  ;  Qu'il  importe  pas  moins 
((  de  dissiper  les  restes  d'un  fanatisme  auquel  les  ci-devant 
((  monastères  prêtent  une  trop  facile  retraite;  qu'enfin  il  est 
((  un  moyen  de  concilier  par  une  augmentation  de  pension, 
((  la  liberté  des  religieux  déliés  de  la  vie  commune  et  les 
((  intérêts  (3e  la  Maison  avec  l'extinction  absolue  de  la 
((  vie  monacale,  décrète  qu'il  y  a  urgence: 

Art.  I.  —  Pour  le  i"  octobre  prochain,  toutes  les  mai- 
sons actuellement  occupées  par  des  religieux  ou  des  religieu- 
ses seront  évacuées  par  les  dits  religieux  ou  religieuses  et 
seront  mis  en  vente  à  la  diligence  des  Corps  Administra- 
tifs.    ' 

Art.  XIV.  —  Aussitôt  la  publication  du  présent  décret, 
les  directions  des  districts  feront  convertir  en  monnaie  tou- 
tes les  cloches  et  l'argenterie  des  maisons  religieuses  de 
leur  arrondissement. 

Art.  XV.  —  Les  bâtiments  nationaux  et  leurs  dépendan- 
ces occupés  par  les  religieux  et  les  religieuses,  seront  mis  en 
vente  sans  attendre  qu'ils  soient  libres,  mais  les  acquéreurs 
ne  pourront  dans  aucun  cas  en  prendre  jouissance  avant 
le  2  octobre  prochain.  —  Signé  :  Rolland.  Contresigné  : 
Danton. 

A  la  suite  de  ces  décrets,  tous  les  biens  de  la  Chartreuse 
d'Aix  furent  vendus  en  partie  brisée  et  en  voici  le  détail. 

15  février  179T. —  Propriété  au  quartier  de  Boueno-Houro, 
confrontant  la  traverse  qui  va  à  l'ancienne  Chartreuse,  esti- 


MONASTÈRE    DES    CHARTKEl  X    d'AIX-EN-PROVENCE  14^ 

niée    i.Soo    livres,  iidjuyee  a  Aiu.  J'ou- 

qua,  d'Aix O.Ouo  liv 

Terre  au  même  quariier  cuiitroniant 
le  \alat  du  même  nom,  estimée  1.430  li- 
vres, adjugée  à  Joseph  Michel,  bijou- 
tier à  Aix 4-3o<->  liv. 

24  lévrier  1791.  —  Pré,  enclos  et  bâ- 
timent, confroniant  au  Nord  aux  Mini- 
mes, arrentés  à  Imbert,  aubergiste,  esti- 
mé 8.800  livres,  adjugés  à  J.  Biaise 
Longeon,  d'Aix 27  .  100  liv. 

i"''  mars  17 19.  —  Domaine  dit  la  Gran- 
de Chartreuse,  au  quartier  du  Jas  de 
Bouffan,  confrontant  le  valat  de  Boueno- 
Mouro,  chemin  de  Galice  et  de  Berre, 
bâtiments,  cour,  jardin,  vignobles,  ter- 
res (64  quartérées).  Terres  et  vignes 
(S  quart.  1/2),  autre  terre  (4  quart.  250 
cannes),  une  langue  de  terre  (500  can- 
nes),  estimé  49.S32  livres. 

Domaine  dit  la  petite  Chartreuse  au 
quartier  de  Boueno-Houro,  bâtiment 
pour  le  ménage,  et  terre  et  vignobles 
(i  quart,  275  cannes),  estimé  15.840  liv. 
Le  tout  adjugé  à  Joseph  Emeric,  pour 
le  compte  de  J.-J.  Emeric  aîné  et  Fran- 
çois Boiu'garel,  tous  deux  négociants 
à  Aix 1 15.000  liv. 

3  mars  1791.  —  Propriété  dite  Enclos 
Aymar,  au  chemin  d'Avignon,  confron- 
tant le  chemin  et  celui  qui  va  à  l'hôpi- 
tal St-Jacques,  adjugé  à  Vve  Honorât.        12.100  liv. 


150  MARC   DUBOIS 

7  mars  1791.  —  Jardin  dit  de  Béren- 
giiier,  bassin,  puiis  et  vieux  bâtiments 
(2  quart.),  au  faubourg  (contre  le  mur 
du  Midi  est  un  bassin  qui  reçoit  les  eaux 
minérales  et  le  terrain  qui  va  à  la  rue  de 
la  Paix,  coin  de  l'enclos  du  couvent), 
estimé  5.200  liv.,  adjugé  à  Gaspard  Ri- 
chaud  pour  le  compte  de  Jules-François 
Fauris,  d'Aix 8.600  liv. 

5  avril  1791.  —  Jardin  des  Canaux 
avec  bâtiment  et  hangar  confinant  à 
l'hôpital  des  Incurables  (qui  était  alors 
sur  l'emplacement  du  cours  Sextius),  es- 
timé 8.000  liv.  ;  adjugé  à  Honoré  Gavot, 
pour  le  compte  de  J.-F.  Fauris,  Gaspard 

Abrard  et  Roure  frères 31 .000  liv. 

Jardin  de  Barrai  avec  vieille  bâtisse, 
rue  de  la  Guerre,  au  faubourg",  estimé 
700  liv.,  adjugé  à  Décanis,  ménager  à 
Aix  . 2.250  liv. 

i^""  juillet  1791.  —  Jardin  avec  bâti- 
ment au  faubourg  d'Aix,  confrontant 
les  Cornets,  estimé  700  liv.,  adjugé  à 
Mardochée  et  Jacob  Mossé  frères,d'Aix         2.325  liv. 

6  juillet  1791.  —  Terre  et  aire  au  bout 
des  aires  de  St-Roch,  estimé  815  livres,       ^ 
adjugé   2 .  100  liv. 

i^  octobre  1791.  —  Meubles,  effets, 
ustensiles,  tonneaux 3-3i5  liv. 

8  octobre  1791. —  Lambris  et  vieux 
plomb 240  liv. 

21  novembre  1791.  —  Jardins  et  en- 
clos affermés 315  liv. 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX   d'aIX-EN-PROVENCE         I  5  I 

17  janvier  1792.  - —  Eglise,  couveiU  et 
jardin  à  Aix,  estimé  36.750  liv.,  adju- 
gés à  J.-B.  Ansi,  orfèvre  à  Aix,  en 
compte  avec  Gaspard  Abrard,  négo- 
ciant ;  J.  Magnan,  entrepreneur;  J.  Mi- 
chel,   orfèvre;  Salomon    Crémieux,    né- 

ciant  et  J.  Simon,  cirier  à  Aix 85.700  liv. 

9  prairial  an  III  (28  mai  1795). —  Mai-  ^ 

son  en  mauvais  état  rue  de  la  Paix,  au 
faubourg  d'Aix,  estimée  640  livres; 
adjugée  à  Claude  Blache,  entrepreneur 
de  chemins,  rue  des  Chartreux,  à  Aix.  2.275  li\'. 

Une  autre  maison,  même  rue,  adju- 
gée à  épouse  Sauve i  .825  liv. 

18  prairial.  —  Ornements  et  linges  2.922  liv.    10  s. 


Total  dos  adjudications 307.967   liv.    17   s. 

Eglise  de  la  Chartreuse 

En  consultant  les  archives  de  la  biblioihè(iu<.'  Méjanes  à 
Aix,  nous  avons  été  heureux  de  trouver  quelques  renseigne- 
ments intéressant  la  chapelle  conventuelle. 

1°  Le  manuscrit  X"  862  (1036)  papier,  159  pages,  tin  chi 
XVIII''  siècle,  intitulé:  «  Mémoire  sur  les  monuments, 
<(  tableaux,  slatues  les  plus  remarcjuables  de  la  ville  d'Aix, 
<(  fait  au  mois  de  janvier  1791,  sur  la  demande  de  la  Muni- 
<(  cipalité  et  deTAdminislration  du  district  par  M.  de  .Saint- 
Vincent  »,  nous  indique,  page  102,  Eglise  des  Chartreux, 
le  détail  des  tableaux  ainsi  décrits:  «  Le  tableau  du  maître- 
((  autel  représentant  Saint  Bruno  priant  la  Sainte  Vierge 
«  qui  intercède  elle-même  N.-S.  J.-C.  et  celui  de  la  chapelle 


152 


MARC   DUBOIS 


<(  de  Dom  Prieur  dans  le  petit  cloître  représentant  Saint 
((  Antoine  de  Padoue,  sont  de  Levieux.  Dans  le  sanctuaire 
((  du  chœur  est  un  tableau  de  l'Annonciation  assez  estimé, 
<(  il  est  du  frère  Imbert,  chartreux.  Dans  la  salle  destinée 
((  aux  étrangers,  on  voit  plusieurs  tableaux  de  Mignard, 
((  représentant  des  saints  de  l'Ordre.  Dans  la  salle  de  Dom 
((  Prieur,  au-dessus  de  la  porte  de  la  cellule  est  un  très 
«  bon  portrait  du  Cardinal  de  Richelieu,  frère  du  ministre, 
((  qui  avait  été  chartreux  et  qui  fut  archevêque  d'Aix  en 
<(  1623  et  mourut  évêque  (sic)  de  Lyon. Les  portraits  de  Guil- 
((  laume  d'Aymar,  conseiller  au  Parlement,  fondateur  de 
((  la 'Chartreuse  d'Aix  en  1633  et  d'Olivier  de  Pennard, 
((  archevêque  d'Aix,  n'ont  que  le  mérite  de  la  localité  ». 

On  a  ajouté  au-dessous,  aux  premières  années  de  la  Révo- 
lution :  ((  Le  couvent  et  l'égiise  ont  été  achetés  par  une  So- 
((  ciété  de  négociants,  le  tableau  du  maître -autel  est  à  l'église 
((  paroissiale  du  faubourg  ». 

2°  Un  album  oblong  de  19  livraisons,  intitulé  :  Le  Vieil 
Aix  ((  Album  de  gravures  représentant  les  monuments, objets 
((  d'art  et  curiosités  qui  existaient  autrefois  dans  Aix,  ainsi 
«  que  diverses  coutumes  locales  aujourd'hui  abandonnées 
((  par  M.  de  la  Tour  Keyrié.  Alakaire,  éditeur,  rue  Thiers, 
«  à  Aix  ».  La  9"  livraison  de  cet  album  concerne  la  Char- 
treuse d'Aix,  elle  renferme  une  notice  de  L'histoire  et  de  la 
description  du  couvent  et  de  quelques  œuvres  d'art  qui  sub- 
sistent. Il  y  a  aussi  un  plan  conforme  à  celui  conservé  à  la 
Grande-Chartreuse  dont  il  est  la  copie. 

Voici  les  renseignements  donnés  sur  les  tableaux  :  «  Il 
((  signale  C|ue  Haitze  dans  ses  curiosités  de  la  Ville  d'Aix  », 
dit  que  »  le  rétable  majeur  de  la  chapelle  était  orné  d'un 
«  beau  tableau  de  M.  Levieux,  représentant  Saint  Bruno 
«  priant  pouj  le  salut  du  monde,  ainsi  qu'il  est  écrit  dans 
((  un  cartouche  soutenu-  paj:  deux  anges  et  contenant  ces 


MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCE  |  33 

((  mois:  S iilv uni  }ac  popiiliDii    Luidu,   Douiih^.  1...    .^,1.... 
u  Vierge  y  joint  son  intercession  auprès  de  son  fils  ». 

(c  II  dit  que  ilaiize  signale  aussi  la  copie  d'un  Mignard 
<{  habilement  exécuté  par  le  frère  Imbert,  chartreux.  C'est 
((  une  Annonciation  à  laqtielle  le  copiste  fait  assister  Saint 
((  Charles-Borroniée  à  genoux,  personnage  qui  ne  ligure 
«  point  dans  IVctivre  du  maître  ». 

Ces  renseignements  nous  ont  permis  de  rechercher  ces 
œuvres  d'art  qui  ont  été  retrouvées. 

i"  Le  Saint-Bruno  de  Levieux,  se  trouve  dans  l'église 
Saint-Jean  de  Malte,  dans  le  bras  gauche  du  transept  en 
face  de  l'autel  de  la  \'ierge,  auprès  du  tombeau  des  Comtes 
de  Provence.  Il  est  conforme  à  la  description  de  Ilaiize; 
dans  le  coin,  à  gauche,  Saint  Bruno  vêtu  de  la  robe  blan- 
che des  chartreux,  lève  les  yeux  au  ciel  vers  Xotre-Seigneur, 
assis  sur  un  nuage  dans  le  coin  supérieur  droit  ;  il  est  vêtu 
d'une  robe  rouge  avec  manteau  bleu  et  la  tête  nimbée.  Au- 
dessous  de  Saint  Bruno,  mais  un  peu  plus  bas,  la  X'ierge 
assise  aussi  sur  un  nuage  intercède  auprès  de  son  divin 
fils.  Des  petits  anges  sont  autour  de  la  Vierge  et  du 
Christ.  Tout  en  haut  le  Saint-Esprit  sous  la  forme  habituelle 
de  la  Colombe.  Le  cartouche  et  l'inscription  y  sont  aussi. 
C'est  une  très  bonne  peinture  en  parfait  état  dont  les  teintes 
sont  restées  très  fraîches;  il  paraît  mesurer  environ  2  mètres 
sur  I  m.  So. 

2°  \J Annonciation,  du  frère  Imbert.  est  a  la  cathédrale 
Saint-Sauveur,  sur  le  retour  du  pilier  qui  supporte  la  chaire 
et  à  sa  droite,  dans  l'embrasure  même  du  grand  arceau  (iiii 
livre  passage  de  la  nef  principale  à  colle  de  X.-D.  d'I'-spé- 
rance.  Il  est  aussi  conforme  à  la  description  :  à  droite  est 
la  Vierge,  vêtue  de  bleu,  tendant  les  mains  avec  un  air  d'ex- 
tase ;  à  gauche,  un  ange  vêtu  de  jaune  brun;  au  milieu, 
Saint  Charles-Borromée,  sans  aucun  attribut,  en  rouge,  à 


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MONASTÈRE    DES    CHARTREUX    d'AIX-EN-PROVENCE         155 

genoux  cl  les  mains  joinles.  Derrière  la  \'icrge  il  y  a  une 
draperie  eL  une  muraille  derrière  l'ange.  Celle  pciniure  a 
l'air  assez  bonne  quoique  très  noircie,  elle  esi  mal  éclai- 
rée et  placée  trop  haut;  ses  diin.-n^i.m<  viihlmt  èir»'  i\'i'n- 
\'iron  I  m.  50  sur  i  m.  20. 

Dans  le  dossier  du  manuscrit  de  M.  de  Saint- Vincent  qui 
porte  la  cote:  EST. A.  48  —  Saint-Vincent  27,  nous  avons 
fait  une  trouvaille  importante,  c'est  celle  d'un  beau  dessin 
à  la  sépia,  tiimension  0,20x0,42,  que  nous  avons  pu  faire 
pliotograpîiier  avec  l'obligeante  autorisation  de  M.  le  Con- 
servateur de  la  Méjanes,  il  représente:  <(  l'église  et  le  cou- 
((  vent  des  Chartreux  vus  de  l'intérieur  de  la  cour  ».  Ce  des- 
sin est  la  seule  vue  du  couvent  des  Chartreux  d'Aix  que 
nous  ayons  pu  trouver;  il  est  des  plus  intéressants,  car  il 
nous  montre  la  cour  avec  à  gauche  la  porte  donnant  sur  la 
rue  Célony  ;  à  droite,  la  porte  monumentale  surmontcx,'  d'une 
statu.e  de  Sainte  IMarthe  avec  la  'l'arascpie,  qui  donne  accès 
dans  le  couxent  cl  enfin  l'architecture  décorati\-c  extérieure 
et  fort  belle  de  la  cliapelle  conventuelle. 

Il  }'  a  encore  à  la  bibliothèciue  d'Aix  le  manuscrit  sui- 
vant: N"  S22  (842  R.  274,  465,  82S)  "  Recueil  de  jiièccs 
FF  ».  Ou  \-  iroiu-e  21  numéros. 

Le  13°  est  ainsi  noté:  «  Elogium  hisioricum  nobilissimi 
«  piissimique  viri  Joannis  Francisci  de  Fortis,  Acjuensis, 
((  fdii  do'mîni  dejClaps  et  dominée  Marilux^  de  Ciuiran  »,  par 
Jérôme  Gaillard,  chartreux  d'Aix,  i')75.  Autographe. 

XVII' et  xx'iit"  siècles,  papier,  form.'Us  divers,  sans  pagina- 
tion, demi  reliure  basane.  Dom  Jérôme  Gaillard,  du  dio- 
cèse de  Carpentras,  fit  profession  à  Valbonne  le  29  septem- 
bre 1650,  y  fut  coadjuteur  en  1662  et  vicaire  (1662-1675). 
Vicaire  cà  la  Verne  (1675-1678),  Prieur  de  Monlrieux  (1678- 
1680)  et  prieur  de  Valbonne  (1681-1689).  Le  6  avril  1689, 
il  meurt  à  Montrieux  en  faisant  la  visite,   il  était  convisi- 


I5Ô 


MARC   DUBOIS 


leur  depuis  1O87.  ((  \'ir  potens  opère  et  serimone  »,  dit  le 
calendrier  de  \'aibonne.  Il  semble  être  mort  jeune,  car  il 
se  lit  moine  probablement  à  18  ou  20  ans. 

Bibliothèque  dé    la   Chartreuse 

La  bibliothèque  du  couvent  se  composait  de  1.200  volu- 
mes riches  de  ce  que  la  science  huînaine  avait  de  plus  pur  ; 
vSaints  Pères,  théologiens,  philosophes,  canonistes,  litur- 
gistes,  ascètes,  commentateurs,  controversistes,  historiens, 
hagiographes  et  littérateurs  anciens,  avaient  été  réunis.  Tout 
cela  fut  dispersé  par  la  vente  publique  de  1791. 

Nous  avons  pu  retrouver  à  la  bibliothèqi'e  de  la  ville 
de  Marseille  trois  manuscrits  liuirgiques,  provenant  de  cette 
Chartreuse. 

Le  premier,  sous  le  X"  48219,  contient  95  feuillets  ma- 
nuscrits. Sur  la  page  formant  frontispice,  on  lit  : 

Liber  sacerdotis  hebdomarii    in  quo 
continuetur  ex  quoe  dixit  in  sede  sua 

Dans  le  milieu  de  cette  page  est  rapportée  une  petite  gra- 
vure de  0,050  m/m  sur  0,060  m/m  représentant  :  le  buste 
du  Christ  et  de  la  Vierge  et  le  Saint-Esprit  au-dessus. 

Au  bas  de  la  i^age  cette  mention  : 

CartusL'E  Beat^  j\L\rth.-e  prope 
Aquas  Sextius.  Anx.  D.  1645   ' 

Dans  le  texte,  il  y  a  10  lettres  ornées.  Ce  livre  de  format 
grand  in-8°  est  écrit  sur  papier,  en  bons  caractères,  mais  est 
un  peu  usagé.  La  couverture  du  xviii^  siècle  est  très  ordi- 
naire en  carton  marbré. 

Le  second  manuscrit,  sous  le  N°  49376,  de  153  pages  n.a- 
nuscrites,  reliures  en  maroquin  rouge  du  xvii"  siècle  avec 


MONASTÈRE    DES    CHAraUEUX    d'aIX-EN-PROVEXCE         137 

tranches  et  ornements  dores  sur  le  doc  et  les  2  plais,  i.fs 
135  premières  pages  ont  été  écrites  en  16S;  par  le  frère  Ilie- 
ronymus  Hugues,  de  Villeneuve:  ce  sont  les  Offices  du 
temps  et  le  propre  des  Saints  suivant  le  rite  en  usage  chez 
les  Chartreux. 

Les  18  dernières  pages  ont  été  écrites  en  1765,  jiar  le 
frère  André  Nicolas  d'Aix,  qui  a  utilisé  les  pages  qui  ét;"ient 
restées  en  blanc  à  la  fin  du  li\re.  Ce  softt  les  oflîces  du 
vSamedi  Saint  et  autres  Cjui  avaient  été  omis  dans  la  pre- 
mière partie  du  manuscrit.  Celui-ci  est  en  parfait  éiat  de 
conservation  très  l)ien  écrit  sur  bon  papier,  il  contient  de 
nombreuses  miniatures  et  lettres  ornées. 

Le  livre  commence  par  une  sorte  de  préface  ;'agin('<î  de 
I  à  14  en  chiffres  romains.  Le  texte  page  iv  est  orné  d'une 
belle  lettre  J,  miniature  peinte  qui  représente  ^e  Ivaste  ci'un 
Chartreux  en  prière  les  mains  joints  devant  un  livre,  appiiyé 
contre  une  tête  de  mort,  dans  !e  fond,  un  paysage  avec 
des  arbres  de  chaque  côté,  la  lettre  et  le  tout  encadré  d'or. 
On  a  voulu  représenter  Saint  Bruno  le  fondateur  de  VOr- 
dre  dans  cette  première  lettre  d'une  épitre  en  l'honneur  de: 
<(  Sancti  patris  nostri  Brunonis  Confessoris  ».  La  première 
page  qui  suit  cette  préface,  est  un  grand  dessin  peint,  hors 
texte  sur  velin  dont  les  couleurs  sont  très  vives.  11  représente 
un  médaillon  orné  qui  occupe  toute  la  page;  dans  le  haut, 
deux  têtes  d'anges  et  dans  le  bas.  un  écusson  soutenu  \y.\r 
deux  génies,  lequel  représente  Sainte  ALnrthe  tenant  la  taras- 
que  enchaînée. 

Dans  le  médaillon  du  milieu  de  la  page  on  lit  rr^  texte  : 

COLLECTANEUM 

IN  OUO  CONTINENT  UR 

OMXES   rOLLECT.-E 

or.iv  pi:r   vxxi  ciRcri-r.M 


158  marc  dubois 

dicuxtur  in  divinis  officiis 

tam  de  tempore  quam  de  sanctis 

juxta  ritum  et  usum 

sacri  ordinis  cartusiensis 

completum  anxo  do.mixi 

mil.  d.  c.  l  xxxvii 
Pro  Cartusia  Aquexsi  . 
Beatœ  Marthœ 

SCRIBEBAT    FrATER    HiEROXYMUS 

Hugues.  Profès  D.  Villœxovœ 

La  page  i  porte  en  tête,  une  bande  de  0,170  m/m  de  large 
sur  0,40  m/m  de  haut,  miniature  peinte  représentant  le 
Saint-Esprit  au-dessus  des  nuages,  dans  le  milieu  d'un 
cartouche  ornementé  et  supporté  de  chaque  côté  par  des 
anges.  De  grandes  fleurs  et  des  ornements,  rinceaux,  volu- 
tes, garnissent  les  deux  extrémités. 

La  page  5,  porte  également  un  bandeau  colorié,  qui  repré- 
sente dans  un  cartouche  le  monogramme  du  Christ  entouré 
d'arabesques. 

Page  36,  le  bandeau  peint  représente  au  centre,  une  cor- 
beille d'où  sortent  des  fleurs,   de  chaque  côté,  de  grands 
rinceaux  renaissance.   Au  milieu  de  cette  page,    un  motif" 
ornemental  en  couleur. 

Page  47,  dans  un  bandeau  colorié,  la  lettre  H  surmontée 
d'une  croix  occupe  le  milieu,  elle  est  ornée  d'arabesques 
et  de  fleurs.  Au  milieu  de  la  page  est  un  ornement  colorié. 

P^&e  57,  dans  le  bandeau  colorié,  au  milieu  est  un  car- 
touche doré  et  uni  entouré  de  chaque  côté  de  rinceaux  à 
grands  ramages. 

Page  100.  Un  grand  dessin  est  placé  en  cul  de  lampe, 
il   représente  sur   un   plateau   rouge,    une  grande  corbeille 


MONASTERE    DES    CHARTREUX    D  AIX-EN-PROVENCE         I  ^Q 

d'où  sortent  quatre  grandes  fleurs  et  dijs  teuilk-s  disposées, 
deux  l'une  au-dessus  de  l'autre  et  une  de  chaque  côté. 

Page  ICI.  Vn  grand  dessin  ornemental  à  feuill'-^  d'-M-'ui- 
the  occupe  tout  le  bandeau  du  haut  de  la  page. 

Entre  les  pages  ii8  et  119  se  trouve  une  page  hors  texte 
peinte  sur  velin  c|ui  représente:  3  tulipes,  2  roses,  2  fleu- 
rettes, 2  boutons  de  fleurs,  le  tout  disposé  d'une  façon  déco- 
rative sur  un  ornement. 

Page  152.  Sur  une  lettre  ornée  F,  on  a  dessiné  en  rouge 
divers  bâtiments,  clochers,  église,  qui  doivent  sans  doute 
vouloir  représenter  la  Chartreuse. 

Page  153.  En  guise  de  cul  de  lampe  on  a  dessiné  et  peint 
une  sorte  d'écusson  ornemental,  style  rocaille  avec  rinceaux 
et  fleurs,  dans  le  milieu  on  lit  : 

AucT^  ET  Correct' 
Aquis  Sextiis 

1765 

Per 

Frix  Andream 

Nicolas 

Aouexsem 

Dans  le  cours  de  l'ouvrage,  on  compte  5.S  grantles  let- 
tres majuscules  dorées  et  ornées  de  fleurs  ou  d'ornements 
en  couleur  et  7  autres  en  lettres  rouges  ornées.  Toutes  les 
autres  lettres  majuscules  sont  de  couleur  rouge. 

Le  troisième  manuscrit  sous  le  X°  493^^^  grand  in-4''  à 
couverture  maroquin  de  couleur  marron  avec  ornements  et 
filets  dorés  sur  le  dos  et  les  plats,  ne  contient  que  13  pages 
liturgiques,  rituel  pour  l'eau  bénite.  Il  est  écrit  en  très  belles 
lettres  de  0,010  m/m  de  haut  sur  bon  papier,  W  tnui  m 
très  bon  état. 


l60  MARC   DUBOIS 

La  première  page  est  entourée  d'un  grand  cadre  orne- 
mental aux  torsades  jaunes  et  rouges,  avec  le  texte  suivant 
dans  le  milieu,  dont  l'avant-dernière  ligne  est  touchante:  « 

Ordo 

ad  faciexdam 

qija:m  benedicta:^! 

AD   USUM 

Vexer.  Cart.  Aquexsis 

Sl'B   FFLICI  PrIORATU   VeXERA 

Di  IX  CHR.  P.D.  Ph.  Bruxet 
D.  ViLL^x.  Professi 

SCRIPTUM 

In  cartusia  Villcenuovce    senili  jam  manu  (non  tremebunda 
tamen)  humilis  Servi  F.   Bernardi  Suzan  Albaniensis. 
Anno  Domini  millesimor  septuagesimo  quarto  decimo.  » 
Dans  le  cours  de  l'ouvrage,  il  y  a  un  certain  nombre  de 
lettres  ornées  dans  des  encadrements  jaune  et  rouge. 

Les  miniatures  de  ce  genre,  sont  assez  rares  après  le 
xv^  siècle.  Les  manuscrits  du  moyen-âge  presque  tous 
exécutés  par  la. main  des  moines,  cessèrent  de  paraître  dès 
l'invention  de  l'imprimerie,  qui  fut  même  la  cause  de  des- 
truction de  beaucoup  de  ceux-ci  remplacés  par  les  ouvrages 
imprimés  à  grand  nombre  d'exemplaires.  C'est  pour  cela 
que  les  manuscrits  à  miniatures  depuis  le  xvi^  siècle  sont 
recherchés,  moins  pour  ce  qu'ils  contiennent  que  pour  l'in- 
térêt d'art  d'un  dessin  plus  soigné  qu'on  leur  attribue. 

•  * 

*  * 

Nous  reproduisons  la  vue  générale  de  cette  Chartreuse 
d'Aix,  d'après  une  ancienne  gravure  conservée  à  In  Grande 
Chartreuse.  Dans  l'ouvrage:  Histoire  d'Aix  par  J.-S.  Pit- 


MONASTÈRE   DES    CHARTREUX    d'aIX-EN-PROVENCE         l6l 

ton  de  1646,  figure  un  plan  de  la  ville  d'Aix,  sur  lequel  le 
couvent  des  Chartreux  est  représenté  avec  beaucoup  de  res- 
semblance au  plan  de  notre  gravure  ;  à  la  bibliothèque  Méja- 
nes,  se  trouve  dnns  le  dossier  manuscrit  St  Vincent  27,  un 
beau  dessin  à  la  sépia  qui  représente  l'église  et  la  cour  inté- 
rieure du  couvent.  De  ce  monastère  qui  occupait  une  super- 
ficie très  importante  on  ne  retrouve  plus  rien,  tom  a  été 
démoli  et  réemploie  dans  l'édification  du  quartier  actuel 
qui  forme  aujourd'hui  le  grand  triangle  de  maisons  com- 
pris entre  les  rues  :  Célony,  de  la  Guerre  et  du  boulevard  de 
la  République.  On  en  a  conservé  cependant  le  souvenir  en 
donnant  le  nom  de  <(  rue  des  Chartreux  »  à  celle  qui  fait 
communiquer  le  boulevard  avec  la  rue  Célony.  Elle  a  été 
ouverte  à  travers  le  cloître,  les  divers  immeubles  voisins  ont 
englobé  et  utilisé  les  anciennee  constructions,  dans  lescjuel- 
les  on  reconnaît  encore  quelques  pierres  anciennes  sans 
grand  intérêt;  la  chapelle  elle-même  a  été  endommagée  et 
réduite  à  l'état  de  grenier,  mais  deux  des  tableaux  qui  l'or- 
naient sont  aujourd'hui  dans  les  églises  de  Saint-Sauveur  et 
de  Saint-Jean  de  Malte. 

Sur  l'emplacement  de  l'ancien  couvent  occupé  aujourd'hui 
par  plusieurs  propriétaires,  au  cours  de  travaux  faits  pour 
les  constructions,  on  a  découvert  de  nombreux  vestiges  gallo- 
romains,  objets  divers,  poteries,  etc.,  notamment  dans  la 
partie  occupée  par  un  patronage  de  jeunes  gens.  Au  cours 
de  l'année  1924,  Mgr  Chaillan  découvrit  une  tête  à  dciuble 
face,  en  marbre  blanc,  vraisemblablement  celle  d'un  Hermès 
décorant  l'habitation  d'un  des  propriétaires  de  l'antique 
Aquae  Sextiae  \ 

^  Revue  des  Annales  de  Provence,  '724,  Mgr  M.  Chaillan. 


l62  MARC   DUBOIS 

'l'ous  les  docunients  ciui  nous  onl  servi  à  comiposer  cette 
monographie  sont  tirés  des  archives  départementales  des 
Bouches-du-Rhône,  complétées  par  celles  de  la  Grande- 
Chartreuse  et  de  la  bibliothèque  Méjanes  d'Aix-en-Provence. 

Marc  DUBOIS. 


Etude  sur  Tart  gaulois 

avant  les  temps  classiques 


(IP  Supplément) 


Mon  essai  sur  l'art  gaulois  *  venait  à  peine  de  paraître  que 
l'on  découvrait  dans  le  Gard  deux  nouveaux  bustes  de 
guerriers  du  type  de  ceux  de  Grezan  et  de  Substaniion  (figu- 
rés à  la  planche  VII)  et  qu'un  monument  entrant  dans  la 
série  des  «  têtes  coupées  »  d'Entremont,  Die,  etc.,  m'était 
signalé  en  Haute-Garonne,  tandis  que  je  découvrais  moi- 
même  dans  le  musée  lapidaire  de  Beaucaire  ime  sculpture 
rappelant  les  deux  têtes  accolées  de  Roquepertuse. 

Voici  donc,  à  titre  de  supplément  à  mon  étude,  quelques 
renseignements  touchant  ces  quatre  nouveaux  échantillons 
de  la  sculpture  gréco-cellibérique. 

I.  —   BisiES   ni-:  Sainik-Axastasik  (Gard) 

Ces  bustes  de  guerriers  découverts  à  Russan  prés  de 
Saint-Chapte,  en  février  1927,  par  le  propriétaire  du  terrain 
occupe  à  l'enlèvement  de  quelques  pierres  sur  un  chemin 
qu'il  se  pioposaitde  déplacer.  Dans  cette  opération  un  pre- 
mier buste,  déjà  abîmé,  fut  brisé,  mais  une  fouille  (qui  ne 
porta  que  sur  i  m.  70x0,65  et  0,50  de  profondeur)  permit 
d'en  trouver  un  second  entier.  <(  Dans  les  terres  de  déblai, 
M.  Albert    Hugues,   de    Saint-Geniès,  cà   qui  je   dois    ces 

^  Société  de  Statistique,  d'histoire  et  d'archéologie  de  Marseille. 
Volume  du    centenaire    1927,    p.    43. 


l64  L  ART   GAULOIS 

précieux  renseignements  >et  bien  d'autres,  a  trouvé  des 
dents  et  des  ossements  humains  (phalange,  gros  os)  et  des 
fragments  de  poterie  grossière;  en  outre,  il  a  reconnu  dans 
le  terrain  avoisinant  de  nombreux  tessons  de  céramic^ue 
antique  et  des  scories  de  minerai  de  fer.  Tout  près,  dans 
un  hermes,  des  pierres  placées  en  rond,  le  tout  entouré 
d'autres  de  même  volume,  font  penser  à  un  grand  fond  de 
cabane.  Tous  ces  matériaux  épars  devaient  être  autrefois 
très  abandants  et  les  habitants  de  Saint-Chapte  ont  dû 
depuis  longtemps  les  utiliser  comme  moellons  à  bâtir  »". 

La  découverte  de  Russan,  signalée  par  M.  Xier,  membre 
de  la  Commission  d'Archéologie  du  Gard,  à  M.  le  comman- 
dant Espérandieu,  conservateur  du  musée  de  Nîmes,  abou- 
tit h  l'acquisition  des  deux  bustes  par  le  dit  musée.  Ils 
firent  ensuite  l'objet  d'une  lecture  de  M.  Espérandieu  à 
l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  et  d'un  arti- 
cle '  après  avoir  été  signalés  par  lui  au  Congrès,  tenu  à 
^lontpellier  en  fin  mai  1927,  par  la  Fédération  historique 
du  Languedoc  et  du  Roussillon. 

L'examen  de  ces  sculptures  m'a  permis  de  faire  les  remar- 
ques suivantes  : 


-  Des  fouille:^  vont  ctic  entrrjjiisfs  u  Sainte-Anastasie  pour 
mieux  déterminer  le  milieu  d'où  proviennent  les  bustes.  La  tra- 
dition veut  qu'il  y  ait  eu  là  une  bataille,  signe  évident  que  des  dé- 
couvertes d'armes  ou  d'objets  antiques  ont  été  faites  jadis  en  cet 
endroit,  m'écrit  M.  Hugues.  J'ajoute  que  cette  localité'  a  déjà 
fourni  la  belle  épée  de  bronze  avec  fourreau  orné,  ciui  est  au 
musée  d'artillerie  de  Paris  (Déchelette,  Manuel...  Bronze,  p.  215, 
d'après  de  IVIortillet,  Musée  préhistorique,  pi.   LXXIV). 

?  Revue  des  Etudes  anciennes  1927,  p.  310.  Cf.  au^5.i  Espéran- 
dieu, Recueil  lies  bas-reliefs  de  la  Gaule,  t.  X,  n'^  7614.  J'ap- 
prends à  l'instant  que  les  bustes  de  Sainte-Anastasie  viennent  d'ê- 
tre publiés  une  fois  de  plus  par  i\I.  Schaefïcr,  de.  Strasbourg,  dans 
la   Revue  des  Musées. 


'J 


1 


LE    SANCIL.MRE    l'RÉRo.MAlN    DE    ROQLEPER'l  LSE  16) 

Les  personnages  sont  figurés  morts,  comme  sur  les  monu- 
ments d'iiniremont,  Die  et  peul-cire  Subsiantion.  l^es 
traits  de  la  iace  sont  tirés  et  les  yeux  clos. 

Les  volumineux  casques  dont  ils  sont  coilïés  avec  bas- 
volet  sur  la  nucfue  et  crête  prolongée  jusque  dans  le  dos, 
devaient,  en  raison  de  leur  volume  et  aussi  de  leur  grande 
épaisseur,  être  non  pas  en  métal,  mais  en  vannerie  ou  en 
sparterie  <>u  rembourés  de  crin,  avec  en\elop])c  de  cuir, 
comme  l'a  pensé  Espérandieu.  In  de  ces  casques  est  orni'- 
sur  chaciue  cCyiv  d'une  «-orne  enroulée,  parlant  <lu 
sonimet  et  qtii  ont  élé  ligurées  à  |:)lal,  c'esl-à-dire 
en  bas-relief,  alors  qu'en  réalité  ell<\s  dewiient  être  dispo- 
sées en  c'iniènes  et  en  l'air  comme  sur  lotis  les  cas((iies  cor- 
nus de  l'antiquité  '.  Ces  ornements  devaieni  êiri'  <Teux  <'t 
en  bronze  comme  aussi  le  pectoral  susjîendu  par  des  laniè- 
res très  visbles  au  cou  du  buste  le  mieux  conservé  (fig.  1). 
Ce  dernier  ornement,  d'un  l\pe  diflérent  de  celui  du  guer- 
rier de  Giéznn  (composé  d'ornements  de  bronze  appliqués 
sur  une  cuirasse  de  cuir)  est  décoré  d'une  sorte  de  frise  au 
trait  représentant  assez  maladroiteir^ent  des  vaches  et  des 
chevaux  et  ce  thème  rappelle  beaucoup  celui  employé  dans 
le  décor  des  situles  venètes  de  l^ronze  des  viT-vi''  siècles 
avant  notre  ère  \ 

Les  animatix  de  cette  frise  présentent  des  traces  de  pein- 
ture à  l'ocre  rouge  comme  les  sculptures  de  Roquepertuse. 
Sur  la  face  du  sorle  de  l'autre  buste,  j'ai  aussi  noté  l'exis- 
tence de  motifs  peints  en  brun  qui  demanderaient  à  être 
ravivés  par  un  léger  encausticage. 

Sur  les  deux  bustes,  qui  sont  en  pierre  tendre,  j'ai  remar- 
qué que  l'epanelage  avait  été  fait,  comme  à  Kocpiepertuse 
au  moyen  de  petits  ciseaux  plats. 

*    Cf.    notamment    Dcchelette,   MainicL    diuvi: ;:,€   ât^c  dit    jcr,    p. 
II 56   à    II 58. 
^  Déchelette,  Manuel...  Premier  âge  du  fer,  p.  765  à  767. 


I66  H.    iJli  GÉRIN-RICARU 

La  découverte  de  Sainte  Anasiasie  porte  à  cinq  le  nom- 
bre de  bustes  casqués  trouves  en  Languedoc,  alors  c^ue  ce 
type  est  inconnu  en  Provence;  elle  confirme  ainsi  la  diffé- 
rence que  j'ai  laissé  entrevoir  entre  les  idées  et  les'  costu- 
mes des  deux  côtés  du  Rhône  \ 

2.  —  TÊTE  COUPÉE  DE  MoNTMAURiN  (Hte-Garonne) 

l>loc  de  pierre  de  0,25x0,20x0,16.  Tête  d'homme-  très 
grossièrement  sculptée,  publiée  par  le  Comte  de  Saint 
Périer  '. 

3.  —    iVIONUMEXT    DE    BeAUCAIRE    A    TÊTES    ACCOLÉES 

Trouvé  en  191 7  au  cours  de  travaux  d'élargissement  et  de 
dragage  du  port  situé  en  tête  du  canal  de  Beaucaire  entre 
l'ancienne  et  la  nouvelle  écluse  du  Rhône,  ce  monument 
est  inédit  (lig.  2). 

Pierre  tendre  rectangulaire  de  0,75  de  haut  servant  de 
socle  à  deux  têtes  humaines  accolées,  taillées  dans  la  masse 
en  haut  relief  et  un  peu  plus  petites  que  nature  *.  D'un  côté, 
les  têtes  sont  accompagnées,  entre  leurs  cous  et  faisant 
bloc  avec  elles,  d'un  cône  tronqué  de  n  centim.  à  la  base 
reposant  sur  la  face  supérieure  du  socle.  Du  côté  opposé, 
la  pierre  porte,  sur  l'espace  compris  entre  les  deux  têtes, 
les  traces  d'assemblage  d'un  autre  motif  de  pierre  (peut- 
être  la  continuation  du  cône)  qui  a  disparu. 


*  Roque pertuse,  op.   cit.,  p.   48  et  49. 

'Bull,   des  Antiquaires  de  France,    1927,   p.  264. 

*  Le  socle  seul  a  0,55  de  haut,  0,35  de  large,  0,31  d'épaisseur; 
les  têtes  0,20  de  haut.  Je  dois  ces  mensurations  et  une  bonne  pho- 
tographie du  monument  à  l'extrême  obligeance  de  !M.  le  D""  N.  Ju- 
lian,   conservateur  du   Musée. 


L  ART   t.Al  l.ulS 


167 


Le  nioiuimeiU  a  soulïi'rl  ck-  son  long-  st'-jdur  tlaiis  la  vase, 
les  détails  en  échappent,  mais  clans  son  onsembk'  ru-ii\rt' 
devait  être  très  grossière  et  si  sa  disposition  permet  de 
rapprocher,  comme  idée,  ces  deux  têtes  accompagnées  d'un 
cône  de  celles  de  Rociuepertuse  avec  l'appendice  (|ui  L-s 
sépare",  on  ne  satirait  considérer  ces  deux  œuvres  C(jmmf 
contemporaines  et  d'égale  valeur  artistique. 

Les  deux  sculpttires  sont  malheureusenu-ni  incomplètes 
et  celle  de  Heauraire  iroj)  fruste,  ptuir  [)ouvoir  tléterminer 
d'une  façon  précise  l'objet  énigniati(jue  (jui  accom[)agne 
les  têtes.  Cependant  les  deux  se  complètent  peut-être  et, 
dans  ce  cas,  on  pourrait  se  demander  si  l'objet  en  ques- 
tion ne  serait  pas  une  corne  (?  d'abondance)  renversée  ou 
la  tête  d'un  oiseau  dont  le  cône  troncitié  figurerait  le  cou 
et  la  pièce  effilée  de  Rocjuepertuse  le  i)ec  recourbé  d'im 
rapace.  Quoiqu'il  en  soit,  le  monument  de  Beaucaire  sem- 
ble devoir  prendre  place  dans  la  quatrième  période  de  l'art 
gféco-ligure  '".  Il  appartient,  en  effet,  manifestcmenl  i\  imc 
époque  basse  et  décadente  de  l'art  indigène".  Non  loin 
de  lui  a  été  recueilli  un  autel  votif  romain  du  i"''  siècle, 
qui  est  également  au  petit  musée  lapidaire  de  Beaucaire. 

A  la  description  ci-dessus,  il  convient  d'ajouter  (|ue  la 
pierre  n'a  nullement  la  forme  d'un  autel.  Les  dimensions 
de  ses  deux  côtés  la  rapproche  énormément  des  piliers  de 
Roquepertuse  et  d'Entremont;  elle  me  paraît  appartenir  au 
sommet  d'un  pilastre.  Les  têtes  qui  l'ornent  demandent  à 
être  vues  à  ime  hauteur  de  2  m.  50  environ. 

H.  D1-:  GÉRIX-RK  ARI). 


^  Le  sanctuaire  de  Roquepertuse,  p.    iQ  h  21   et  p1.   Tî. 
'"  Le  Satictuaire  de  Roquepertuse,  p.   49  et   51. 
11   La  tête  coupée  de  :\rontmaurin   me  semble  aussi   cicvoir  rnlr.-r 
dans  cette  série. 


Un  vieux  corps  de  métier  marseillais 

LES   AUFFIERS 


On  est  maintenant  à  peu  près  d'a(\^ord  sur  les  avantages 
et  les  incon\énients  des  corporations  de  l'ancien  régime  '. 
Elles  ont  eu  leurs  avantages,  à  l!époque  lointaine  oîi,  sous 
l'appellation  d\iriisans,  on  comprenait  "  la  quasi  totalité 
du  monde  ouvrier  )>.  Puis  se  forma  peu  à  peu  ce  que  M. 
Raoul  Busquet  appelle  <(  l'industrie  collectivement  exer- 
cée »  ".  A  d'autres  temps  convenaient  d'autres  institutions. 
Peu  après  que  Turgot  eût  entrepris  la  réforme  d'organis- 
mes ne  correspondant  plus  aux  nécessités  économiques, 
la  Révolution  supprima  purement  et  simplement  toute  espèce 
d'association  oii  les  gens  d'un  même  métier  pouvaient 
((   délibérer  sur  leurs  prétendus  intérêts  communs   ». 

C'était  aller  vite  en  besogne.  La  Révolution  avait  agi 
par  crainte  des  grèves.  Moins  de  cent  ans  après,  le  droit 
de  grève  était  rétabli,  et  en  18S4,  la  IIP  République  votait 
la  fameuse  loi  sur  les  syndicats.  Ces  gestes  répondaient 
à  une  nécessité  de  nature.  Cependant  les  syndicats  ne  sont 


'  Parmi  les  appréciations  sévères  formulées  le  plus  récemment, 
citons  celle  de  ^I.  [Marcel  [Nlarion:  Dictionn/iire  des  Institutions 
de  la  France  aux  xvîr  et  XVIIF  siècles,  in-S",  Paris,  Picard,  1923, 
pp.  144  et  359.  A  noter  également  un  avis  fort  judicieux,  concer- 
nant les  corporations  marseillaises,  donné  par  M.  Adrien  Artaud 
en  conclusion  de  son  étude  sur  l'industrie  en  1789,  dans  Mar- 
seille à  la  fin  de  Vaiicien  régime,  in-8",  Marseille,  Laffitte,  i8g6, 
p.'  489. 

-  Les  Bonches-dn-Rhône,  .X.  III.  Les  Temps  modernes,  chap. 
XXVIII.    V Etat  social  et   V esprit   public^   pp.    S52    et   suiv 


LES   AUFFH^RS  PK   MARSEILLE  I69 

pas  des  corporations.  Pour  bien  saisir  la  dilïcrence,  il  faut 
se  garder  de  généraliser  et  de  conijDarcr  des  choses  incom- 
parables. 

Les  corps  de  métier  de  jadis  étaient  loin  d'être  tous  cons- 
titués en  corporations  régulières.  Au  wiii  siècle,  on  di.s- 
tinguait  trois  sortes  d'associations  marchandes  ou  indus- 
trielles : 

I"  Olles  qui  avaient  été  approuvées  par  lettres  ixut'nic^  : 

2"  Celles  (|ui  vivaient  sous  tles  pactes  soumis  aux  l\ir- 
le:rrnts  ou  aux  juges  c'e  police; 

y  Celles  ([ui  subsista.icnt   sans  régies  ])anicLiliéres '. 

Cette  dernière  catégorie  était  de  beaucoup  la  plus  nom- 
breuse. Dans  le  midi  de  la  l^>ance,  beaucoup  .se  rattachaient 
à  la  seconde.  Par  contre,  les  corps  de  métier  de  la  pre- 
mière étaient  assez  rares;  on  les  Irouwiit  principalement 
dans  quelques  grandes  villes,  comnie  Paris,  i.von,  Tou- 
louse, etc.  A  Marseille,  i)  ne  semble  pas  C[u'ils  aient  jamais 
dépassé  le  nombre  de  vingt;  parmi  eux  se  trouvaient  les 
apothicaires,  les  calfats,  les  maîtres  canonniers,  les  maîtres 
chirurgiens,  les  artisans  des  cinq  ans  de  la  ."^oie,  les  maî- 
tres cordonniers,  les  courtiers,  les  maîtres  menuisiers,  les 
maîtres  potiers  d'étain,   les  prud'hommes  pêcheurs. 

D'une  manière  générale,  le  pouvoir  royal  répugnait  h 
doter  de  privilèges  ou  même  à  reconnaître  simplement 
les  communatués  de  métier;  il  tenait  à  ce  cpie  la  lîliqjart 
des  arts  fussent  libres.  Les  officiers  municipaux  entraient 
pleinement  dans  ces  vues  et  eurent  cà  s'oppo.ser  maintes 
fois  aux  tentatives  des  corps  de  métier  qui,  au  contraire, 
sollicitaient    âprement    privilèges  et  protection. 

'  Des    Cilleuls,    Histoire   et  régime   de   la     Graude     hidttstric   en 
France,  Paris,    i8g8,   in-8°,    p.    106. 


1/0  JEAN  REVNAUD 

Au  resic,  les  rt'_i;les  qui  les  réagissaient  étaient  des  plus 
\ariables  dans  une  même  ville.  Pour  un  métier  déterminé 
elles  évoluaient  axec  le  temps. 

11  est  aisé  de  s'en  rendre  compte  en  examinant  les  règle- 
ments d'un  des  vieux  corps  de  métier  de  notre  ville.  Les 
artisans  étaient  le  plus  souvent  groupés  en  corps  ou  en 
confrérie  religieuse.  Parfois  les  deux  formations  coexis- 
taient. Ces  corps  étaient  fort  nombreux  à  Marseille.  On 
en  avait  compté  jusqu'à  deux  cents  s'appliquant  à  toutes 
les  branches  de  l'activité  humaine  '.  A  l'orée  de  la  Révo- 
lution, le  développement  progressif  de  la  grande  industrie 
en  avait  bien  réduit  le  nombre  et  l'importance.  Il  en  exis- 
tait pourtant  encore  71". 

Un  de  ces  corps  avait  joué  un  rôle  important  parmi  les 
industries  maritimes  de  la  ville.  Xous  voulons  parler  de 
celui  des  Maîtres  Aufliers  dont  l'origine  doit  se  confondre 
avec  celle  de  l'industrie  de  l'armement  :  ils  travaillaient 
l'aufïe  ou  sparte  pour  en  faire  des  cordages  de  marine  et 
divers  cjbjets  utilisés  à  la  campagne.  A  travers  les  trois 
derniers  siècles  de  l'ancien  régime,  car  il  n'a  pas  été  pos- 
sible de  remonter  beaucoup  plus  haut,  on  voit  les  usages 
et  règles  du   métier  évoluer  lentement,    très  lentement. 

A  cet  égard,  il  y  a  lieu  de  préciser  exactement  la  termi- 
nologie employée  dans  cette  étude.  Les  auteurs  usent  volon- 
tiers du  mot  corporation  pour  désigtier  l'ensemble  de  ceux 

^  La  table  des  matières  de  Régis  de  La  Colombière  :  Fêtes  j)d- 
tronales  et  usages  des  corporations  qui  existaient  à  Marseille 
avant  1789,  in-8°,  1863,  mentionne  plus  de  deux  cents  corps  de 
métiers.  Lin  très  grand  nombre  ne  devaient  sans  doute  constituer 
qu'une  confrérie  religieuse. 

•'  Marseille  à  la  fin  de  F  ancien  Régime,  in-8".  Laffitte,  1896,  p. 
489.  —  J.  Fournier,  Cahiers  de  doléances  de  la  Sénéchaussée  de 
Marseille  -pour  les  Etats  Généraux  de  1789,  in-S",  1908,  introd.  p. 
XXIV. 


LES   AU  F  FIERS  DE  MAUSElLLl-:  I7I 

qui  \i\eni  d'un  iiK-nie  métier,  d'une  nu"-iiU'  induMiir.  L\-sl 
l'acception  niadernt;  du  mut.  Mais  si,  à  l'oiiginii,  la  réa- 
lité a  correspondu  à  cette  détinition,  il  n'en  l'ut  plus  de 
même,  ainsi  que  nous  le  redirons  dans  iiolrc  conclusion, 
lorsque  les  conditions  de  l'industrie  évoluant,  la  main- 
d'œuvre  tendii  à  former  une  catégorie  à  part  dont  les  inté- 
rêts étaient  distincts  de  la  catégorie  des  maîtres  ".  L'évolu- 
tion se  fit  sentir  dès  les  débuts  du   wir  siècle. 

C'est  pour  cette  raison  que  nous  emploierons  avec  plus 
d'exactitude  les  termes  de  corps  de  métier  ou  de  connuii- 
naitté  lorsque  nous  ferons  allusion  aux  maîlres-auf fiers  de 
Marseille.  Ceux-ci  ne  prononcent  d'ailleurs  jamais  le  mot 
de  corporation  dans  leurs  délibérations  ou  leurs  règle- 
ments. 

On  verra  que  leur  groupement  n'avait  d'ailleurs  auiune 
des  caractéristicpies  de  la  corporation  telle  qu'elle  a  été 
définie  plus  haut. 

Il  n'est  rien  de  tel  que  d'employer  un  mot  exact  pour 
s'entendre;  bien  des  discu.ssions  historiques  seraient  évi- 
tées si  l'on  était  d'accord  sur  le  sens  et  la  portée  des  ter- 
mes employés. 

Les  auffiers  se  distinguaient  des  cordiers  en  chanvre,  des 
peigneurs  de  chanvre  appelés  aussi  quelquefois  bcvsticrs  '  : 


'■  Yaicl  une  curieuse  opinion  de  M.  Germain  .Martinj  aujour- 
dhui  membre  de  llnstitut.  député  et  sous-secrétaire  d'Etat,  sur  une 
des  causes  de  la  lutte  des  classes:  «  Si  la  Révolution  n'était  pas  venue 
arrêter  notre  progrès  industriel,  si  elle  avait  donné  la  liberté  d'as- 
sociation, aujourd'hui  les  employés  et  les  employeurs  traiteraient 
les  uns  avec  les  autres  comme  des  hommes  d'affaires,  ayant  des 
intérêts  à  débattre,  et  non  pour  des  raisons  futiles  et  étrangères 
à  l'intérêt  général  ».  —  La  grande  industrie  en  France  sous  le 
règne  de  Louis  XV,  in-8",  Paris,   1900,  p.  ^2)7 ■ 

'  Fabricants  de  bâts.  —  Mistral  {Lou  Trésor  don  Felibrige) 
donne  à  bastié  le  sens  de  bourrelier,   donc  de  travailleur  sur  cuir. 


172  JKAN  REVXAUD 

ils  ne  traiiaienl  jxis  la  même  maiière  première.  Mais  leur 
travail  avait  avec  celui  des  cordiers  en  chanvre  de  multi- 
ples points  de  ressemblance:  de  nombreux  objets  se  fai- 
saient indifféremment  en  auffe  ou  en  chanvre,  notamment 
les  cordages,  les  bâts,  les  couftes,  les  cabas,  etc.  Mais 
la  réputation  des  auffiers  semble  avoir  été  moins  bonne  (|ue 
celle  des  bastiers.  Dire  de  quekiu'un  :  Fn  d'iiufo,  c'est 
insinuer  (ju'il  ne  fait  ])as  grand'chose,  (iifil  est  incapable; 
de  rien  gagner  de  son  travail,  [^'expression  est  presque 
méjîrisante.  On  parle  au  contraire  avec  admiration  de  ceux 
(|ui  sa\-ent  lira  raujo;  l'art  de  soutir(^r  dv  l'argent,  de 
nianger  et  de  s'anuiser  aux  déj)ens  d'aiUrui,  demande  <"er- 
tes  beaucoup  de  savoir-faire. 

On  est  même  £illé  jus(|u'à  faire  d'aufiier  le  synonyn-.e  de 
fainéant,  de  mauvais  payeur,  de  faiseur  de  dupes,  sans 
parler  des  calembours  faciles  dans  le  genre  de  celui-ci  : 
L'i  a  de  mestic  mounté  au  mai  si  fa  de  coufo,  au  mai  si 
g(^i,i^fW,    Jcis   aujié  per  eisonplc. 

Nous  ne  rechercherons  pas  l'origine  de  ces  expressions 
certainement  calomnieuses.  Les  défauts  des  auffiers  —  ils 
en  avaient  —  étaient  autres,  et  ressortiront  de  l'histoire  de 
leur  corps. 


Il  n'est  pas  douteux  pourtant  que  bastiers  et  cordiers  en  chanvre 
n'aient  été  synonymes;  leurs  statuts  de  1652  portent  comme  titre: 
Articles  de  règlement  des  maîtres-cordiers,  bastiers  et  peigneurs 
de  chanvre  de  Marseille  (Arch.   des  B.-du-Rh.,  B.   3357,  i°  702). 


LES   AUFFIERS  DE  MARSEILLE  I73 


Aperçu  historique  sur  l'industrie  et  le  commerce 
des  auffes  à  Marseille 

La  sparte  ou  aulk-  (en  provençal  aiifo),  appelée  aujoiir- 
d'iuii  rommunément  l'alfa,  est  une  plante  qui  croît  en 
grande  abondance  en  Algérie,  en  Espagne,  et  généralement 
dans  les  j^ariies  humides  et  chaudes  du  j)ourlour  de  la  Mé- 
dilcrranée. 

les  libres  de  ce  végétal,  particulièrement  résistantes,  se 
prélfMTi  à  n()m!)re  d'usage.  .Vussi  les  hommes  durent-ils  uti- 
liser l'alfa  dés  une  épov|ue  fort  reculée.  L'emploi  des 
()!)jets  en  sparlerie,  très  répandu  dans  la  péninsule  ibi-ri- 
({ue',  où  l'alfa  pousse  facilement,  fut  connu  des  MassaJio- 
tes  après  la  foîidalion  de  leur  colonie  d'Ampurias  (\'ers 
-150  a\-.  J.-C'.)\  L'origine  ('-trangère  de  l'alfa  (slipn  Icun- 
ciss'niui)  mis  en  ix'U\;e  à  Marseille  n'est  j)as  doiUcuse. 
Cette  i^Ianle,  comme  nous  l'axons  dit,  ne  pousse  (|u<'  dans 
les  I3arties  chaudes  du  bassin  méditerranéen  (Sud  de  l'Ivs- 
pagne,  Africjue  du  Xord,  Svrie.  etc.).  il  existe,  il  t-sl  vrai, 
<;|u.iire  ruUres  espèces  du  genre  slipd  dans  les  environs  di- 
Marseilh',  mais  on  ne  les  trouxf  (|ue  dans  des  endr(.iils 
rofailleux,  souxcii  lOrl  éloignés  les  uns  des  autres,  et  en 
trop  faible  (juaniit(-  pour  alimenter  une  industrie  relative- 
n-!ent  importante  comme  celle  du  tressage  de  la  sparte. 
C'(''tait  d'autani  i^lus  \rai  jadis  cpie  les  terrains  cidtivés 
ont   sensiblement  diminué  d'étendue  depuis  !«'  ^T<>^■<■n-.^g<• 

"   M.   Clerc,   Massaliû,  gr.  in-S",   :Marscillc,    1927,   t.    T'.   p.   32;^. 


174  JEAN  REYNAUD 

rendant   ainsi    la    place  libre   à   la  végétation  spontanée   à 
laquelle  se  rattache  l'alfa  ". 

'Mais  l'alfa  ne  peut  s'employer  à  l'état  brut,  à  cause  de 
la  rigidité  des  tiges.  Préalablement  au  tressage,  avait  lieu 
une  opération  que  les  documents  du  xv"  siècle  appellent: 
lo  picar  dcl  alfa.  Il  s'agissait  de  battre  vigoureusement  les 
tiges  de  ce  végétal  très  résistant  afin  de  les  assouplir.  On 
allait  même  jusqu'cà  écraser  la  sparte  brute  sous  des  meu- 
les de  moulin.  De  la  sorte,  elle  devenait  plus  flexible  et 
s'accommodait  mieux  aux  manipulations  qu'elle  devait 
subir  ensuite. 

Ce  broyage  était  une  opération  si  essentielle  que  les  lati- 
nistes du  moyen-âge,  faute  de  trouver  dans  la  langue  de 
Virgile  un  terme  qui  la  traduisit  exactement,  avaient  été 
réduits  à  transposer  le  provençal  en  latin,  à  conjuguer  le 
verbe  picare  alfam,  battre  l'auffe,  et  à  forger  les  mots  pica- 
iura,  picandus,  et  d'autres  encore,  s'appliquant  à  des  actes 
divers  de  l'industrie  des  auffes. 

Le  battage  était  accompagné  d'un  séjour  plus  ou  moins 
prolongé  dans  l'eau  que  l'on  faisait  subir  au  végétal,  tou- 
jours en  vue  de  l'assouplir. Puis,  par  brassées,  il  était  exjDiosé 
au  soleil,  et  l'évaporation  de  l'eau  dégageait,  paraît-il,  des 
odeurs  fort  désagréables. 

Les  auffes  ainsi  préparées  pas.saient  alors  dans  les  mains 
de  l'ouvrier  qui  devait  séparer  soigneusement  les  différents 
filaments  d'une  même  brassée,  et  les  tresser  toujours  de  la 
même  grosseur,  sur  la  même  longueur.  Les  tresses  étaient 
différentes  selon  qu'elles  devaient  servir  h.  fabriquer  des 
cordages,  des  bâts,  ou    des    paniers. 

"  Renseignements  fournis  par  M.  Louis  Laiirent.  professeur  à  la 
Faculté  des  Sciences  de  Marseille,  que  nous  remercions  de  son 
obligeance. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  I75 

Parmi  les  principaux  ariiclos  d'auiïes  dont  les  noms  n> 
vienneni  cuuramment  dans  les  textes,  depuis  le  XV"  jus- 
qu'au XNiii"  siècle,  citons  notamment  : 

les  vcttcs,  ou  drisses,  cordages  pour  la  ukimuc; 

les  manejats,  cordelettes  dont  on  coud  les  ouvrages  de 
spart  erie  ; 

les  bridicrs,  cordelettes  d'auffe  cà  cjuatre  cordons; 

les  cadenets,  cordes  à  chaînons; 

les  trihaus,  grosses  cordes  pour  les  puits; 

les  bandes,  baudeous,  baudières,  cordes  de  diverses  gros- 
seurs ; 

les  scjetières,  filets  de  pêche  de  30  brasses  de  long  sur  une 
brasse  de  hauteur  ; 

les  eyssaugiies,  longs  filets  de  pêche  formés  d'uiu-  grande 
poche  et  de  deux  ailes  ; 

les  sarti,  cordages  servant  à  firer  les  filels  traînants  ([u'on 
attache  aux  tartanes  de  pêche  ; 

les  issanege  (hisse-noyés),  corde  contenant  36  bottes 
d'auffes; 

les  sur  ris,  ou  cnsarris,  ou  cissarris  '",  doubles  cabas  Cju'on 
place  sur  le  dos  des  bêtes  de  somuK^  pour  le  transport  dt-s 
menus  pacpiets  ; 

les  qiiilUdoux,  filets  du  genre  paniers  i^our  la  ^  cueil- 
lette »  des  poissons; 

les  trcncUcs,  tresses  pour  entourer  les  bonbonnes  en  \crie 
dites  dame-jeannes  ;  , 

les  bruines  ou  briiimes.  cordes  allant  d'un  bout  à  l'autre 
des  filets  de  pêche  et  auxquelles  sont  assujettis  dt^s  mor- 
ceaux de  liège  ou  des  pièces  de  plomb; 

libans,  liba-nets,  cordages  divers;  etc.,  etc. 

'"  Mistral  (Lon  Trewr  dôu  FcUhrific.  V  cttsarri)  dit  r|UP  Vctt- 
^arri  7imrsiheso  est  plus  petit  rt  plus  clcgant  qup  ^ ■■>•-■  ■nr;  nr.lmnnp, 


l'y 6  JEAN  REVXAUD 

Mentionnons  enfin  les  couffins,  ces  paniers  souples  à  deux 
anses  qui  sont  encore  d'un  si  grand  usage  dans  nos  cam- 
pagnes provençales,  les  paillassons  et  les  escourtins,  genre 
de  tamis  pour  pressage. 

Dans  l'antiquité,  il  semble  que  l'utilisation  de  la  sparte 
ait  été  encore  plus  variée.  On  s'en  servait  pour  éclairer, 
j)()ur  faire  du  feu  ;  on  en  confectionnait  des  liis,  des  chaus- 
sures et  même  des  habits  !  f.es  textes  des  auteurs  anciens  et 
les  découvertes  archéologiques  sont  absolument  d'accord  à 
cet  égard  ". 

De  l'époque  massai iotique  à  la  tin  du  Moyen- Age,  on  ne 
trouve  guère  de  traces  de  l'industrie  et  du  commerce  de 
la  sparte  à  Marseille  qui  y  florissaient  certainement.  Il  n'en 
est  pas  question  dans  les  Documents  inédits , sur  le  com- 
merce de  Marseille  au  xiii"  siècle  publiés  par  Louis  Blan- 
card.  Ces  textes  mentionnent  pourtant  les  marchandises  les 
phis  diverses.  Les  Statuts  de  ^Marseille  —  qui  datent  de 
la  même  époque  —  ne  font  mention  que  des  cordiers  en 
chanvre  ''. 

En  i35i,()n  trouve  dans  nos  archi\-es  municipales  l'indica- 
tion d'tme  intervention  de  la  \ille  dans  la  fabrication  et  la 
vente  des  objets  en  libres  tressées:  par  délibération  du 
16  aot*!t  de  cette  année,  le  conseil  de  ville  fixait  un  prix- 
limite  pour  la  vente  des  cusarris,  égal  à  celui  pratiqué  l'an- 
née précédente  ''.  Ces  cusarris  étairni-ils  en  chan^•^e  ou 
en  sparte?  Xous  inclinerions  à  croire  qu'on  employait  plu- 
tôt ce   dernier   végétal    pour   leur   fabrication.    S'il    en   était 

"  -M.  Clerc,  Massalia,  .Marseille,  Tacussel,  1927,  t.  I"',  p.  323. 
—  L'cminent  archéologue  nous  apprend  cjuc,  dans  des  iumuli  espa- 
gnols,  on  a   découvert   des   objets   en   auflfe   parfaitement   conservés. 

'-  Les  Statuts  mvnicipaux  et  coustiimes  anciennes  de  la  ville  de 
Marseille,  par  François  d'Aix,  liv.  III;  chap.  XIII  et  XXl,  pp. 
39'    et  394. 

'^  Arch.  .Munie,  de  Marseille,  BB  21,  dcl.  du  16  août  1331,  f° 
151-154. 


LES   AUFFIERS  DE  MARSEILLE  I77 

bien  ainsi,  ce  serait,  à  notre  connaissance,  le  premier  texte 
marseillais  concernant  les  aiiffes. 

Plus  d'un  siècle  après,  vers  1467-1472,  apparaîtra  le  pre- 
mier règlement  du  métier  d'aufiier.  Mais  les  termes  dans 
lesquels  il  sera  rédigé  montrent  bien  que  l'industrie  n'était 
pas  nouvelle  à  Marseille.  Ce  règlement,  dont  nous  reparj*'- 
rons  avec  plus  de  détails,  est  commun  aux  cordiers  de 
chanvre  et  aux  auffiers,  qu'il  réunit  sous  la  surveillance  de 
quatre  subrestans  ou  députés:  deux  mariniers,  un  cordier 
de  chanvre  et  im  auffier,  preuve  évidente  que  les  deux  indus- 
tries travaillaient  principalement  pour  la  navigation.  Mais 
ne  peut-on  y  voir  aussi  une  survivance  de  certaines  coutu- 
mes anciennes?  Canebiers  et  auffiers  n'auraient-ils  pas  une 
commune  origine?  Il  ne  paraît  pas  possible  de  donner  une 
réponse  certaine  à  ces  deux  questions.  Mais  l'affirmative  ne 
serait  nullement  invraisemblable. 

A  l'appui  de  cette  manière  de  voir,  on  peut  signaler  que 
dès  1430,  cordiers  de  chanvre  ou  hastiers,  et  cordiers  d'auiïe 
se  trouvaient  réunis  sous  un  même  luminaire,  celui  de  la 
confrérie  de  Saint-Roch  ",  qui  existera  ju.squ'à  la  Révo- 
lution. Durant  plus  d'un  siècle  et  quarts  le  règlement  des 
deux  états  sera  commun. 

A  part  les  difficultés  diverses  qui  surgirent  à  l'occasion 
<le  l'application  du  règlement  de  i4r)7-F472,  e(  <|ui  ont 
laissé  quelques  traces  dans  nos  archives  municipales,  on  ne 
sait  à  peu  près  rien  sur  l'histoire  du  commerce  et  <!<'  l'in- 
dustrie des  auffes  à  Marseille  ju.squ'au  xvii*  siècle.  L'indé- 
pendance bien  connue  du  caractère  de  ses  habitants  était 
aussi  la  marque  des  auffiers  qui  ne  cessèrent  jamais  d'agir 
cà  leur  tête  et  de  tenir  pour  lettre  morte  tous  les  règlements 
municipaux  et   corporatifs.    Ces  constatations  sont  à   peu 

'■*  Renseignement  fourni  par  M.  Pierre  Bertas. 


iy8  JEAN  REYNAUD 

près  les  seules  qu'on  puisse  faire  au  cours  des  xV  et  xvi' 
siècles. 

Dans  cette  longue  période,  le  métier  a  dû  évoluer.  De 
tout  temps,  il  avait  été  distinct  de  celui  de  batteur  d'auffe 
ou  de  foulon,  îou  picadoiir.  Quant  au  maître-auffier,  il  met- 
tait en  œuvre  la  matière  première  et  vendait  les  objets  fabri- 
qués dans  son  atelier.  C'était  Ion  hoiiiiguié. 

Il  arrivera  un  jour  où  bastiers  et  auffiers  se  sépareront. 
L'importance  industrielle  de  la  ville  s'étant  accrue,  deux 
corps  de  métiers  pourront  vivre  côte  à  côte  où,  précédem- 
ment, il  n'en  existait  qu'un. 

En  1611,  un  texte  spécial  interviendra  pour  réglementer 
le  métier  d'auffier,  tardive  exécution  —  et  combien  partielle  ! 
—  deil'ordonnance  royale  de  1597  obligeant  tous  les  métiers 
à  se  constituer  en  corps.  Quant  aux  cordiers  de  chanvre,  ils 
auront  un  règlement  particulier  en  1652. 

Nonobstant  l'autonomie  ainsi  réalisée  des  deux  corps  de 
métier,  un  mémoire  sans  date  des  Archives  de  la  ville  de 
Marseille,  mais  écrit  peu  après  la  peste  de  1720^",  affirmera 
que  ((  les  arts  de  cordier,  d'ruiffier  et  de  peigneur  de  chan- 
vre sont  trois  arts  cpii  sont  unis  ensemble  sous  une  même 
confrérie  et  luminaire  appelé  la  confrérie  de  Saint-Roch...  » 
En  réalité  en  1654,  les  ma îtres-auf fiers  formaient  déjcà  une 
confrérie  spéciale  "^.  A  quel  moment  exact  s'était  opérée  la 
séparation  des  aufliers  et  des  cordiers?  Malgré  des  recher- 
ches approfondies^  il  a  été  impossible  de  trouver  la  moin- 
dre indication  à  cet  égard  pas  plus  qu.'en  ce  qui  concerne 
l'origine  de  la  confrérie  du  Bon-Ange  Gardien,  dont  le 
luminaire  était  entretenu  dans  l'église  des  Grands-Augus- 
tins.  La  seule  hypothèse  qui  puisse  être  risquée  serait  celle 

'^  Archives  mun.  de  Marseille,  Série  HH.  Dossier  Cordiers  et 
Auffiers. 

"^  Règlement  de  1654.  Arch.  mun.  de  Marseille,  BB  88,  pp. 
424-426. 


LES   AUFFIERS  UE  MARSICILI.I-: 


179 


de  la  naissance  simultanée  des  statuts  de  161  r  et  de  la 
confrérie  du  Bon-Ange-Gardien,  au  moment  où  les  maîires- 
auffiers  formèrent  un  corps  particulier,  distinct  de  celui  des 
cordiers. 

Quelle  pouvait  être  alors  l'importance  de  la  communauté 
des  fabricants  de  sparterie  ?  L'assemblée  tenue  le  8  janvier 
161 1  se  composait  de  quatre  subrestans:  Jacques  Tir.in, 
Victor  Daniel,  François  Bezaudun  et  Jacques  (iiellat,  assis- 
tés des  maîtres  ci-après:  Pierre  Durbec,  Jean  l'-spanel,  Jean 
Foucou-Jourdan,  Blaize  Aurengue,  Arnaud  Mouton,  Benoit 
Baros,  Jean  Ricard,  Guillaume  Ollive,  Antoine  Trabuc, 
Etienne  Michel,  Laurent  Reisson,  Barthélémy  Ravel,  An- 
toine Eissautier,  Jean  Durand  dit  Castillon,  et  François 
Aube,  soit  dix-neuf  auffiers  *\  ]\Lais  il  semble  f|u'à  cette 
réunion  assistaient  d'autres  personnes,  dont  on  a  omis  de 
prendre  les  noms.  En  1616,  un  acte  passé  entre  plusieurs 
maîtres-auf fiers  porte  les  noms  d'un  certain  nombre  de  ceux 
qui  précèdent  et  en  cite  trois  autres:  Louis  Bourguignon. 
Melchior  Mandine,  Géraud  Spar  ".  On  i)çut  donc  suppo- 
ser que  les  auffiers  devaient  être  environ  vingt-cinq  ou 
trente  au  début  du  xvii'  siècle.  Chaque  atelier  occupait 
deux  ou  trois  hommes  ou  apprentis,  sans  compter  des  fem- 
mes travaillant  à  façon  et  par  inlermiKonce,  les  corrutic- 
rcs  ''  ou  rendicres  '". 

En  1654,  ""e  nouvelle  rédaction  des  staluls  inlcrvienl. 
Le  nombre  des  maîtres-auffiers  délibérants  est  de  vingf-six 
dont  voici  les  noms:  Aymar  Gravier.  A.  I{spinasse,  A. 
Martin,  Pierre  Ollive,  François  Giellat,  Mathieu  Gam- 
bou}^,  Jean  Jullien,  F.  Laurens,  Jean  B<Mniid.  G.  Ollive,  F. 

1'  Arch.  mun.  de  ^rar5eille.  Série  HTT.  nn=Mcr  Cordien;  et  Auf- 
fiers. 

^*  Ibid.  Dossier  Anffiers. 
"  Corratières  :  courtières. 
-°  Readières:   femmes    qui    travaillent   à    rente,    à    forfait. 


l80  JEAN  REYNAUD 

Foiicou,  Coullier,  Honoré  Bourguignon,  Clément  Mouton, 
la  dame  Marguerite  Michel,  François  Caillol,  Jean  Gam- 
bony,  Bernardin  Carraire,  G.  Berly,  Jean  Icard,  Jean  Sal- 
lin,  Georges  Evesque,  Jacques  Giellat,  Jean  Rouafd,  J.  Si- 
card  et  Etienne  Conté. 

Plusieurs  de  ces  noms  sont  nouveaux  ;  d'autres  figu- 
raient, avec  les  mêmes  prénoms  ou  des  prénoms  différents, 
sur  les  actes  de  1611  et  de  1616.  Des  pères  avaient  cédé  la 
boutique  h  leurs  fils;  c'étaient  les  cas  les  plus  fréquents 
sous  l'ancien  régime. 

Les  documents  originaux  auxquels  il  est  possible  de 
recourir  pour  l'histoire  des  maîtres-auffiers,  rares  jusqu'à 
la  fin  du  XVII®  siècle,  augmentent  en  nombre  et  en  intérêt 
depuis  cette  époque  jusqu'à  la  Révolution.  Les  Archives 
Municipales  de  Marseille  renferment  de  nombreuses  pièces 
concernant  cette  corporation  au  xviii^  siècle.  Aux  Archi- 
ves départementales  des  Bouches-du-Rhone,  il  existe  deux 
cahiers  de  délibérations  du  corps  des  Auffiers,  pour  la 
période  1714-1790.  De  même,  aux  Archives  de  la  Chambre 
de  Commerce,  un  petit  dossier  contient  des  renseignements 
fort  intéressants. 

L'extension  prise,  sous  l'impulsion  tle  Louis  XIV  et  de 
Colbert,  par  l'industrie  maritime  de  Marseille  devait  fournir 
aux  auffiers  de  multiples  moyens  d'augmenter  leur  pFoduc- 
lion.  Les  abus  et  les  malfaçons  semblent  n'avoir  jamais 
cessé  dans  cette  industrie  très  spéciale  ;  des  constatations  que 
l'on  tr(3uve  dans  les  préambules  de  chaque  règlement  nou- 
veau, on  peut  rapprocher  le  mécontentement  de  Seignelay 
lorsqu'il  visita  le  dépôt  de  cordages  de  l'Arsenal  en  octobre 
1676.  C'est  alors  qu'il  décida  de  faire  venir  à  Ma'-seille  des 
maîtres-cordiers  du  Havre  pour  enseigner  aux  Prox'ençaux 
l'art  du  goudronnage  des  cordes  de  marine"'. 

-'  P.  Clément,  Lettres,  iiistntctions  et  vicmolrcs  de  Colbert,  t. 
III.   2«  partie,  p.   367. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  l8l 

Il  est  certain  que  les  vieux  artisans  marseillais  éiaieni 
fort  enclins  q  la  routine.  Colberi,  dont  les  idées  étaient  orien- 
tées vers  le  progrès  industriel,  voyait  d'un  mauvais  œil  ces 
petits  boutiquiers  dont  les  moyens  insuffisants  ne  permet- 
taient certainement  pas  un  renouvellement  de  métiuxles  et 
de  procédés  qui  n'avaient  probablement  cpit-  lOri  pru  t'-vd- 
lué  depuis  plusieurs  siècles. 

Colbert  j^rônait  la  concentration  iniiustricllc  a\»'(-  tle  gran- 
des ressources  financières;  on  en  tonsiataii  le  succès  parl<jut 
où  elle  se  trouvait  mise  en  œuvre;  aussi  ses  conseils  furenl- 
ils  suivis,  même  à  Marseille,  dans  cette  ville  dont  il  déses- 
pérait presque,  et  dont  la  mauvaise  volonté  le  lit  si  souvent 
mettre  en  colère"'.  On  jK'ui  dire  qu<'  K-  métier  d'aullier, 
prospère  au  plus  iiaul  point,  sous  le  règne  de  Louis  Xl\'. 
évolua  presque  aussitôt  pour  entrer  en  décadence,  et  cette 
décadence  ne  fera  c|ue  s'acec^ntuer  tout  le  long  <\u  wiii" 
siècle. 

En  1682,  les  maîtres-auf fiers  étaient  encore  au  nombre 
de  26"';  en  1693,  ils  seront  29,  occupant  chacun  un  ou 
deux —  quelquefois  trois  —  compagnons  et  apprentis*'. 
Quelques  années  après,  ils  seront  trente-trois  tenant  bouti- 
que ^ouverte  et  huit  travaillant  en  chambre  "''.   Le  nombre 

--  On  trouvera  quelques  traits  au  sujet  de  l'opinion  de  Colbert 
sur  Marseille  dans  J.  Fournier,  La  Chambre  de  Commerce  .ie  Mar- 
seille et  ses  représentants  permanents  à  Paris,  Marseille,  in-8", 
10:20,  p.  <S-io.  ;\Iais  il  faudra  surtout  se  reporter  aux  beaux  ouvra},'es 
de  yi.  Gaston  Rambert  sur  l'intendant  des  galères  Arnoul,  et  le 
développement  topographique  de  Marseille,  ouvrages  actuellement 
en  préparation,  et  qui  jetteront  un  jour  nouveau  sur  les  relations 
ertre   Colbert  et  la  municipalité   de   Marseille. 

"  Assemblée  du  17  nov.  1682.  Arch.  des  B.-du-Rh.  Notaires. 
Fonds  Lieutaud.   Année    1682,   reg.    150.   f"    1 1 10  v" 

^'  a  Rolle  de  tous  les  noms  des  Mestres  Aiiffiers  et  rr.nip.ii- 
gnons...  »  année  1693.  Arch.  mun.  de  Marsei!!»".  ?•■"■  i'"  M-,  -i.r 
Cordiers  et  Atiffiers. 

-^  Arch.   mun.    de  Marseille.   Ihid. 


l82  Jt:AN  lŒVNAUD 

total  de  personnes  —  hommes,  femmes  et  enfants  —  occu- 
pées par  l'industrie  de  la  sparte  était,  en  1698,  de  8.000  ■'. 
Néanmoins  le  métier  avait  changé  de  caractère.  La  grosse 
fabrication  des  ccjrdages  n'était  plus  la  spécialité  du  corps 
des  aufilers.  L'inn)ortance  des  capitaux  et  de  la  main-d'œu- 
vre que  les  corderies  exigeaient  se  trouvait  au-dessus  des 
facultés  de  ces  boutiquiers  c^ui  se  virent  réduits  à  n'être  plus 
guère  que  des  détaillants. 

Le  mémoire  rédigé  après  1720  et  dont  il  a  été  question 
déjà  "'  donne  à  cet  égard  d'intéressants  renseignements. 
On  y  lit  entre  autres  choses  ces  considérations  sur  l'exer- 
cice du  .métier  d'auflîer  :  ((  Quoi  que  ce  soient  les  cordiers, 
auffiers  et  peigneurs  de  chanvre  qui  travaillent  les  cordages 
des  bâtiments  de  mer,  ce  ne  sont  pas  pourtant  eux  c|ui  tien- 
nent les  corderies,  ce  sont  les  marchands  et  négociants  les 
plus  riches,  car,  comme  il  se  consomme  a  ALarseille  des 
cordages  et  gumes  "*  pour  des  millions,  qu'il  faut  envoyer 
chercher  les  matières  de  chanvre  et  d'aufïe  dans  les  pays 
étrangers  et  avoir  des  fonds  immenses  pour  cela,  et  que 
pour  travailler  les  cordages  et  gumes  des  vaisseaux,  il  faut 
un  grand  nombre  d'ouvriers  que  chaque  maître  ne  saurait 
tenir,  ce  sont  les  marchands  et  négociants  les  plus  riches 
de  la  place  c^ui  tiennent  les  corderies  et  qui  envoient  cher- 
cher dans  les  pays  étrangers  les  matières,  occupent  ensuite 


^'''  Les  Bouche s-dn-Rhône.  T.  HT:  Les  temps  modernes.  Histoire 
Economique,   par  V.-L.   Bourrilly,    p.    198. 

^'  V.   note  15. 

^*  Gume:  gros  cordage  de  marine.  —  Les  auffiers  travaillaient 
non  seulement  pour  la  marine,  mais  aussi  pour  l'armée.  C'est  ainsi 
qu'en  1719,  l'intendant  Lebret  passait  commande  au  corps  des  auf- 
fiers de  ^farseille  de  filets  à  foin  destinés  à  l'armée  de  Catalogne. 
En  1747,  les  besoins  de  l'armée  d'Italie  nécessitèrent  une  autre 
commande  importante  du  même  genre.  (Arch.  mun.  de  Marseille, 
EE  105). 


LES   AUFFIERS  DE   MAKSKll.I.K  183 

des  quantités  d'ouvriers  pour  taire  travailler  k-s  chanvres, 
les  auffes,  et  faire  faire  les  cxirdages  et  j^um'es  qu'ils  ni<'tlent 
ensuite  en  magasin  ou  dans  leurs  nianufaciures  pour  les 
vendre...  » 

Contre  cette  situation,  née  des  progrès  de  la  grande 
industrie,  plusieurs  corps  de  métier  tentèrent  de  réagir  au 
début  du  xviïi^  siècle.  Ce  fut  notamment  le  cas  des  nuffiers 
qui,  vers  F  700,  essayèrent  de  s'ériger  en  maîtrise  avec 
jurande,  apj)rentiss;ig'e  ol^ligatoire  de  imjs  aniit'cs,  ((infec- 
tion d'un  chef-d'œuvre,  etc. 

Leur  but  évident  était  d'inter'-lirc  aux  iiiarchaiuls  cl  n(''g(> 
cianls  de  faire  trawiiller  et  tenir  corderie  en  dehors  d'eux, 
et  aux  ouvriers  forains  de  \enir  à  Marseille;  ils  voulaient 
demeurer  seuls  juges  de  l'admission  clans  leur  corps,  lîref, 
ils  tendaient  à  faire  consacrer  à  leur  i)rohi  le  monopole 
du  commerce  et  de  l'industrie  (_le  la  sj^aric.  I  niuih'' d'ajou- 
ter cjue  cette  tentative  n'eut  aucun  succi-s -".  La  maîtrise 
fut  bien  réglementée  dans  les  statuts  de  1741,  mais  le  but 
poursuivi  par  les  auftïers  ne  fut  pas  atteint:  les  circons- 
tances allaient  à  l'encontre  de  leurs  efforts  répétés. 

Pourtant,  le  métier  avait  permis  à  nombre  de  gens  actifs 
et  intelligents  d'acquérir  une  honnête  aisance,  et  même  par- 
fois la  fortune.  Parmi  ces  derniers  on  peut  citer  André 
]>ragon,  dont  le  nom  figure  sur  la  liste  du  corps  des  aut- 
fiers  de  1693.  André  Dragon  avait  ses  armes  enregistrées 
dans  V Armoriai  Général  de  Franco  '",  preuve  évidente  de 
sa  notoriété,  au  moins  relative.  Ses  descendants  occupèrent 
une  place  éminente  dans  le  commerce  marseillais.  L'un 
d'eux,  Jean-Joacliim  Dragon,  était  proj^riétaire  des  terrains 

29  Arch.  mun.  de  Marseille,  série  HH.  Dossier.  Cordiers  et  Auj- 
fiers.  On  verra  par  la  suite  que  cette  tentative  fut  .ennuvoh'e  tn 
1754,  toujours  sans  succès. 

^^  De  MontgrancJ,  Armoriai  de  la  rille  de  Mar<;i:;lle,  p.  37:;: 
D'argent,   à  un  dragon   de   -^innplc   Inmpassé  de  gueules. 


184  JEAN  REYNAUD    I 

iiu  lra\"ers  desquels  fut  percée  la  rue  qui  porte  encore  son 
nom  ^'. 

Les    vicissitudes   extérieures    avaient    leur    influence    sur 
Tactivité  des  ateliers  de  sparterit;  marseillais.  La  guerre  de 
Succession   d'Espagne   et   le   blocus    des   ports  espagnols 
privèrent  longtemps  les  maîtres-auf tiers  de  la  matière  pre- 
mière nécessaire.  Ils  exprimaient  leurs  doléances  dans  un 
placet  adressé  à  l'Intendant  de  Provence  Lebret,  le  7  mars 
1707,    et  confirmé  par   la   Chambre   de   Commerce:  <(    Les 
Alaîtres-Auffiers  de  la  ville  de  IMarseille  représentent  très 
humblement   à    Votre   Grandeur   que   les   ouvrages   qui  se 
font  des  auffes  dans  la  dite  ville  et  son  terroir  fournissent 
la  subsistance  à  une  infinité  de  pauvres,  et  particulièrement 
à  des  vieillards,  à  des  jeunes  enfants  et  à  des  invalides  de 
tout  sexe  qui,   sans  ce  secours,   seraient  à  la  mendicité  et 
exposés  à  mourir  de  faim.  Cela  est  très  notoire,  et  une  mal- 
heureuse expérience    ne   le   prouve   que   trop,   depuis   que 
les  suppléants  ne  peuvent  plus  tirer  ces  sortes  de  marchan- 
dises d'Alicante  et  d'autres  ports  d'Espagne,  qui  sont  les 
fc^euls  endroits  d'où   ils  ont  accoutumé  de  les  tirer  à  cause 
de  leurs   bonnes   qualités  et    de    la     proximité  des   lieux, 
parce  que  ces  ports  sont  devenus  inaccessibles  aux  sujets 
du  Roi  par  la  guerre...   »   Les  maîtres-auf fiers  voudraient 
bien  importer  l'aufïe  de  Barbarie,  de  moins  bonne  qualité, 
il  est  vrai,   mais  celle-ci  est  grevée  des  droits  divers  per- 
çus par  la  Chambre  de  Commerce  sur  les  produits  en  pro- 
venance dii  Levant  et  de  l'Afrique  du  Nord.  Le  ministre 
consentit,  pour  la  durée  de  la  guerre,  à  suspendre  la  levée 
des  droits  sur  l'auffe  de  Barbarie. 

De  ce  document,  il  ressort  que  la  main-d'œuvre  occu- 
pée par  les  Auffiers  ne  se  limitait  pas  aux  cjuelques  hom- 
mes travaillant   dans  l'atelier   du    maître,    mais   qu'il   était 

■■"   A.    Fabre,   Les  Rues  de  Marseille,  t.    P'",  p.    84,   t.   IV,   \).   317. 
—  O.   Teissier,  Les  A}iciennes  familles  marseillaises,  p.    i-;2  et  siiiv. 


LES   AUFFIERS  DE  MARSIilLI  i:  183 

aussi  nécessaire  de  recourir  à  quaniiié  de  iravaillcurs  occa- 
sionnels, la  plupart  invalides,  répandus  diins  loul  le  terroir 
de  Marseille.  Les  objets  de  sparterie  ainsi  fabriqués  avajcnt 
un  débouché  considérable  noLanuncnt  dans  le  Dauphiné  e' 
(.-n  Languedoc  <(  où  ils  étaient  nécessaires  »  "'. 

Arrêtée  par  la  peste  de  1720,  l'industrie  devait  re;)i-iMul:i' 
par  la  suite  un  peu  d'activité. 

En  1741,  la  communauté  des  Maîires-AulTiers  de  M.n- 
s-eille  tu  approu\er  par  les  lùiievins  le  lexli'  d»*  nniivaus 
statuts,  l>eaucoup  plus  complets  et  mieux  réiligt'-s  ([ue  IfS 
précédents  et  où  nous  puiserc^ns  de  très  précieux  rens.'i- 
gnemenis  sur  la  vie  du  corps  au  wiii"  siècle.  Mais,  atnc  is 
dans  un  esprit  très  ])rotecleur,  très  parlicularisie,  iN  pcir- 
U'iient  en  eux  le  germe  de  représailles  éventuelles.  Le  meiii-; 
d'auffier  devait  en  subir  les  conséciuences. 

Xous  trouvons  confirmai  ion  de  cet  étal  d'esprit  lians  1-^ 
règlement  du  commerce  des  aulïes.  Bien  entendu  rim|)or- 
tation  en  est  libre,  mais  à  peine  débarquée,  la  marcliaiuîise 
passe  sous  la  surveillance  des  subrestans  :  le  corps  des 
maîtres-auffiers  a  un  droit  de  préemption  sur  elle.  L'n 
imaître  achète-t-il  un  lot,  il  est  tenu  d'en  céder  une  jiart, 
sur  leur  demande,  à  ses  confrères,  suivant  ime  c."'laine 
règle,  et  sans  que  l'acquéreur  puisse  racheter  la  part  rés<^r- 
vée  ". 

Ln  mars  1749,  la  Cour  d'I">spagne,  voulant  j^rotég^'-'r  ses 
propies  artisans,  proiuba  la  sortie  des  auiïes  brutes  du  pays. 
Le  coup  fut  particulièrement  ressenti  à  Marseille  où  la 
matière  première  tendit  à  disparaître  ". 

^-  Arch.  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseilli\  I  )<■--!.  r 
Anffes   et  sfarteries. 

^•■'  Statuts  et  règlements  du  corps  et  communauté  des  maiir,<; 
auffiers  de  cette  ville  de  Marseille.  Marseille,  chez  Dominique 
Sibié,  1741.  Art.  XI,  XII  et  XIII. 

'*  Arch.   des  B.-du-Rh.    E  2. 


l86  Jt:.\>.'  REVxNAUD 

On  recourut  encore  à  l'aulTe  de  Tunisie,  et,  de  nou- 
veau, les  droits  perçus  à  l'entrée  en  France  furent  suspen- 
dus sur  cette  marchandise  de  peu  de  valeur.  En  avisant 
la  Chambre  de  Commerce,  par  lettre  du  28  septembre  1750, 
le  ministre  de  la  Marine  Rouillé  ajoutait  judicieusement 
qu'il  voyait  double  avantage  à  recourir  à  l'aufïe  tunisienne: 
d'abord  les  Tunisiens  seraient  encouragés  à  cultiver  iine 
plus  grande  quantité  de  joncs  quand  ils  verraient  qu'ils 
en  ont  un  débouché  asstiré  et  a\"antageux,  d'iiuiant  que  la 
t|ualité  semblait  s'être  améliorée;  ensuite  le  préjudice  serait 
iinalement  pour  les  Espagnols  qui  par  ia  {«rohibition 
auraient  mal  servi  leur  intérêt.  ((  Il  est  naturel,  ciisail 
Rouillé,  que  la  Cour  de  Madrid,  en  en  faisant  l'expérience, 
rende  la  liberté  de  la  sortie  des  auffes,  et  il  serait  à  dési- 
rer c|ue  la  traite  par  Tunis  pût  en  être  suffisante  parce  que 
les  Français  seraient  plus  assurés  de  cette  petite  branehe 
du  commerce  et  en  deviendraient  les  maîtres,  au  lieu  d'êire 
exposés  à  la  variation  des  arrangements  qui  seraiejit  pris 
en   Espagne   »  ''^ 

Malgré  les  obstacles  apportés  par  cette  puissance  au 
commerce  des  auffes  brutes,  il  semble  bien  que  le  .'légoce 
s'en  soit  poursuivi  clandestinement.  Mais  les  Cj[uantités  tarées 
étaient  forcément  peu  importantes.  L'industrie  des  aufïes 
ne  cessa  pas  de  péricliter,  témoin  les  renseignements  sui- 
vants fournis  en  1765,  en  réponse  à  l'enquête  sur  les  indus- 
tries marseillaises  prescrite  par  l'intendant  du  commerce 
de  Montaran  : 

'(  Les  fabriquans  sont  au  nombre  de  12. 

'(  La  matière  première  qu'ils  emploient  est  l'aufe  en 
espar,  espèce  de  jonc  venant  d'Espagne;  cette  matière  se 
vend  à  mille  poignées  qu'on  appelle  milliers  qui  vaut  com- 

"  Arch.  de  la   Ch.    de   Commerce   de   Marseille.    Doss.    Auffes  et 
sparteries. 


LES   AUFFlEKi  Ul:.   .MAK.si.ii.i.i,  1S7 

munénu-ni  45  fr.  ;  ils  en  emploieiiL  environ  i2(K)  milliers  par 
an  dont  'Is  font  des  cordes,  des  nattes  et  autres  ()iivraf^<'S. 

((  Le  millier  manufacturé  augmente  en  valeur  île  (jo  fr. 
ce  qui  tait  un  objet  de  conunerce  de  fabrication  de  Kij.cxx) 
francs. 

«  Il  vient  encore  d'i^spagne  environ  douze  mille  grosses 
de  douze  douziiines  chaque  de  fUets  d'espar  ou  aufe  qui  va- 
lent 6  fr.  la  grosse.  On  en  tait  des  cordes  et.cxjrdages  ili- 
toute  grosseur.  Ces  lilets  manufacturés  valent  S  fr.  la 
grosse,  ce  (jui  f;iii  un  olîjet  «-le  commerce  de  fal)ricalion  de 
96.000  fr. 

<(  Le  débouciié  de  cette  fabrication  est  en  Langu^'doc,  en 
Provence,  en  Italie,  poiu^  la  marine  et  pour  la  pèche. 

<(  Cette  fabrication  a  diminué  <"i  Marseille  depuis  ([ue  la 
matière  première  vient  en  partie  Idée  d'i^spagne  »  "'. 

La  crise  du  m.étier  d'atifiîer  était  aigué.  Deux  chilTres  con- 
cernant l'effectif  du  corps  en  feront  mieux  comprendre  l'im- 
portance. V.n  1750,  les  maîtres-auftlers  étaient  au  nombrt* 
de  16  ''  ;  quinze  ans  après, ils  ne  seront  plus  (lue  1  2. Le  métier 
tente  si  peu  que,  de  1753  à  1763,  la  communauté  n'enregi.s- 
tre  pas  une  seule  demande  d'admission     \ 

Des  difllcultés  de  toute  sorte  s'abattaient  sur  les  malheu- 
reux aufliers.  En  17S1,  les  fermes  prétendirent  impo.ser  un 
droit  d'entrée  et  de  sortie  sur  les  auffes  remi.ses  par  les  maî- 
tres aux  rendières  d'Allauch,  dont  une  partie  du  territoire  .se 
trou\ait  hors  des  limites  du  port  franc  de  ^hirseille.  Plutôt 
que  d'acquitter  ces  nouvelles  taxes,  on  préféra  renoncer  à 
recourir  aux  rendières  d'Allauch  qui  ^■''  irouvèrmi  ainsi  pri- 
vées d'un  modeste  salaire  ". 

3"  Arch.  de  la  Ch.  de  Corn.  Doss.  Auffes  et  sparterir.^. 
^''  Arch.  des  Bouches-du-Rhône,  E  2. 
3»  Ibid. 
«»  Ibid. 


t88  JI--AN  REYNAUt) 

Mais  bientôt  la  Révolution  allait  venir,  et  avec  elle  l'anar- 
chie. On  verra  plus  loin  qu'elle  s'introduisit  imême  clans  le 
corps  des  maîtres-auf tiers  qui  comprenait  alors  28  adhé- 
rents'".  Les  principes  de  liberté  individuelle  étaient  appli- 
qués avant  même  t]ue  le  corps  ait  été  dissous,  ce  qui  arriva 
en    1791. 

Ij'industrie  des  aidïes  n'en  mourut  ])as.  VAlc  s'adapta 
aux  circonstances.  Les  alelicrs  se  muèrent  en  tabri(|ue,  et, 
quarante  ans  a]3rés  la  Réxolulion,  la  StaHslii]iic  de  \'ille- 
neuve  pouvait  écrire  Cjue  la  sparierie  faisait  marcher  à  Mar- 
seille iS  fabricjues  et  occupait  de  deux  à  trois  mille  person- 
nes". (  )n  songea  môme  tin  instant  <à  acclimater  en  Provence 
la  culture  de  l'alfa.  Mais  l'I^spagne  ^■enait  de  perdre  la  clien- 
tèle de  la  bVance  pour  les  barilles  nécessaires  à  la  fabrica- 
tion du  savon  et  remplacées  par  la  soude  artificielle;  on 
redouta  des  représailles  en  cas  de  cessation  d'achat  de  la 
sparte  espagnole.  Le  projet  présenté  dans  ce  but  en  182g 
par  le  fabricant  de  spart  Antoine  Bonsignour,  demeurant 
9,  Cjuai  Monsieur,  demeura  sans  suite  par  crainte  de  com- 
plications diplomatiques  ''". 

A  travers  tout  le  xix"  siècle  et  au  xx",  les  articles  d'auffe 
n'ont  jamais  cessé  de  faire  l'objet  d'un  commerce  assez 
important.  Il  est  à  noter  seulement  que  leur  mise  en  œuvre 
a  cessé  d'être  le  but  exclusif  de  l'activité  d'une  catégorie  de 
gens;  le  terme  de  sparterie  englobe  aujourd'hui  des  objets 
(jui  ne  sont  nullement  en  auffe  :  c'est  une  conséquence  de  la 
concurrence  faite  à  ce  végétal  par  d'autres  fibres  exotiques, 
notamment  celles  de  coco  ou  de  jute. 

'"  Arch.    munie,    de   [Marseille.  Dossier   Cordiers  et  Aitffiers. 

*'  Voir  dans  la  Statistique  des  Bouches-du-Rhône-,  de  Villeneuve, 
t.  l\\  pp.  -/jy/j^,  d'intéressantes  précisions  sur  cette  industrie.  — 
\'oir  aussi  Jxilliany,  Essai  sur  le  commerce  de  Marseille,  t.  III,  P.35S. 

"-  Arch.  de  la  Ch.  de  Corn,  de  Marseille.  Partie  moderne,  doss. 
Câbles  et  cordages,  sparterie. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  189 


II 


Les   quartiers 
où   s'exerçait  l'industrie  de  l'auffe 

Jadis,  les  artisans  et  bouticjuicrs  de  nirnu*  inrtitT  se  jj^rou- 
paient  dans  une  rue  ou  dans  un  C|uariier.  Xous  axons  eu  à 
xMarseille  la  rue  Giperie,  la  rue  (ianderie,  la  rue  Triperie,  la 
rue  Lancerie,  la  place  du  Mazeau,  la  PMi^v^nnn.Tir.  cic.  V 
eut-il  un  quartier  des  Auflîers? 

Xalurelleiir.enl.  les  fabricants  d'objets  en  ault'rs  ont 
obéi  à  la  coutume  locale,  mais,  suixani  U-s  rpcKiUi's,  le  (|uar- 
tier  a  varié.  C'était  inévitable:  avec  la  transformation 
to])oi;rai)hif]Ue  d'-  la  ville,  les  divers  métiers  devaient  se 
plier  aux  circonstances,  et  telle  rue  r.ippi'l.iii  encore  une 
industrie  bien  déllnie,  alors  (jue  les  artisans  (pii  la  prali- 
(piaient  avaient  depuis  loUi^Memps  tous  clianjLïé-  t!e  domicile 
v[  abandonn(''  le  quartier. 

Sui\-ani  une  dt-libi-ralion  du  Conseil  de  cetle  ville  du 
iS  août  1475.  il  V  avait  une  rue  alTectée  spécial<Mnenl,  ei  1res 
anciennemeni.  au  batta,<^^e  de  l'auffe.  C'était  la  rue  de  l'I^pe- 
ron, orientée  approximati\-en'enl  Xord-Xorii-C  )u<'Sl  et  situei  , 
avant  le. percement  delà  rue  de  la  l\é'pul)li(|ue,  dans  les  envi- 
rons iiunn-dicits  de  li  place  Sa  li-Carnol.  Cett<'  rue  de  la 
ville  liante   faisai<    |)artie   du   (piariier  de  Cavaillbn  ".    \Vu^^^ 

"  Arch.  munir,  de  Mar.cillr,  HW  3;,.  f"  S^.  -  A.  Kabre.  Ainir,,- 
tics    nies   de    Marseille,    p.     151.  Cavaillon    comprenait    la    partie 

haute   (le  la  ville  (la   Major,    la   butte   des  Moulins   çt   la  butte   des 

Carmes). 


190  JEAN  REVXAUD 

C|iril  ne  soit  pas  cjnestion  ici  des  mnr(^liands  auffiers  pro- 
prement dits,  on  peut  supposer  que  ceux-ci  s'étaient  établis 
non  loin  des  batteurs  d'auffe.  Le  règlement  de  1654  fait 
allusion  à  des  auffiers  qui  auraient  ((  de  nouveau  levé  bou- 
tique au  quartier  de  Cavailion  >>.  On  doit  donc  conrlu/e 
qu'au  XV*  siècle  les  ateliers  de  sparterie  étaient  lo'^alisés 
dans  la  ville  haute.  -^• 

A  une  époque  qu'il  est  difficile  de  déterminer,  mais  anlé- 
rieuremenî  à  1654,  '^C'S  ateliers  se  transportèrent  dans  le 
([uartier  de  Blanquerie,  compris  entre  les  Augustins,  la 
butte  des  Carmes,  l'église  Saint-Martin  et  la  porte  Réale. 
Et  dans  le  quartier  de  Blancjuerie,  la  rue  qui  parut  la  plus 
propre  à  faciliter  le  travail  de  l'auffe  fut  précisément  la  rue 
des  Templiers  ou  des  Augustins,  jDroche  de  l'-^glise  du 
même  nom    ". 

Augustin  Fabre  dit  que  cette  rue  s'élaii  appelée  au  xvi' 
siècle  le  Wilat  deis  Coui^ounles,  parce  cju'elle  était  longée 
par  un  grand  ruisseau  ou  fossé  rempli  d'eau  dont  le  courant 
entraînait  les  citrouilles  les  jours  d'orage  '".  Ce  qu'il  ne  dit 
]3as,  c'est  que  ce  ruisseau  servait  d'écoulement  à  la  fontaine 
de  la  Pierre-qui-rage,  située  dans  la  rue  prolongeant  vers 
le  Xoixl-I^st  celle  des  Temiipliers  ;  la  rue  de  la  Pierre-qui- 
rage  aboutissait  jKir  la  rue  Fontaine-Judaïque  à  la  Porte  du 
marché,  et  c'est  de  ce  marché  f|ue  les  courges  avariées  de- 
A'aient  être  rejelées  dans  le  ruisseau  —  formé  des  écoule- 
ments tlu  grand  puits  et  de  la  Pierre-(|ui-rage  —  qui  les 
<'ni rainait   ^■ers  le   Port  "'.   On   saisit   alors-  la  raison   (jui    fit 

"  Arch.  munie,  de  Marseille.  Teneur  du  règlement  des  M^'^  Auf- 
fiers (1654)',  BB  88,  pp.  424-426.  —  Cette  rue  prolongeait  la  rue 
Pierre-qui-rage  en  direction  du  port  où  elle  aboutissait  à  la  Palis- 
sade-Neuve (vers  l'embarcadère  actuel  de  la  Cie  Chambon). 

■'"  A.  Fabre,  Aucieinics  rites  de  Marseille,  p.   ^3. 

'"  Sur  l'existence  de  ce  ruisseau,  voir  notamment  C.  JuUian,  Le 
pnrl  du  Lacydoji  cl  le  ruisseau  sacre  des  Marseillais,  dans  ProTincia, 
t.    V\   p.    1-6. 


LES   AUFFIERS  Dl-:  .AIARSKILI.E  IQI 

de  la  rue  des  Templiers  un  lieu  commode  pour  la  confcctidu 
des  objets  en  auffe  :  l'eau  n'y  nian([uait  pas  pour  v  ircmper 
les  fibres  du  végétal. 

Hn  1654,  la  rue  des  Templiers  était  déjà  appelée  la  rue 
des  Auf  fiers,  et  de  même  la  rue  de  la  Pierre- pii-rage  «t  Ir.  rue 
Fontaine-Judaïque.  Le  règlement  des  auffiers  de  cette  année- 
dit  en  propres  termes  que  la  rue  des  Aufllers  «  contirni 
despuis  la  fontaine  des  Auguslins  jusques  à  la  Porte  du 
Marché  ».  Plus  tard,  la  rue  des  Auffiers  dt-signcra  unique- 
ment l'ancienne  rue  des  Templiers  ou  des  Augustins.  Mais 
le  susdit  règlement  limite  expressément  à  la  rue  des  Auffiers, 
lato  sensii^  et  au  quartier  de  Blanquerie  le  clia.mp  d'action 
des  fabricants  de  sparterie,  en  leur  interdisant  formelleiiH'nt 
d'ouvrir  dés  ateliers  dans  le  quartier  de  Cavaillon.  A  noter 
(|ue  les  fabricants  de  cordes  ont  toujours  lrou\é  commodité 
à  s'installer  près  des  remj^arts,  le  long  des  lices,  où  ils  jouis- 
sent de  longs  espaces  libres.  Nous  en  trouxerons  facilemeiil 
d'autres  exemples. 

L'agrandissement  de  la  \ille  commenci-  en  lOoo,  irmine 
\-ers  la  fin  du  x\'ii"  siècle,  tlevail  (|url(|ue  peu  disperser  les 
aufllers.  Alors,  on  en  Irouxera  dans  les  (|uarliers  les  plus 
dixcrs,  niais  de  prc'férence  dans  le  \.oi>in;ige  des  rues  des 
Aufllers  et  du  (irand-Puils.  Dans  un  (rès  inlér<'ssanl  nMe 
des  maîlres-aufllers.  daté  de  169.^,  on  relève  liuit  aleliers 
autour  de  l'église  des  Grands-Aiigustins,  un  près  de  la  mai- 
son des  Monlolieu  {|ui  n'en  élail  guère  dislanle,  un  à  la  nu- 
de  Baussrt,  deux  à  la  Pierre-(|ui-Kage,  (jualre  à  la  rue  ilu 
Crands-Puits,  six  au  Cours",  quatre  à  la  'l'ri|ieri<-,  douze 
dans  divers  endroits  de  la  viHe  '*.  Dans  les  rues  où  se  trou- 
vaient installées  des  boulif|ues  d'auffiers,  le  charroi  se  Irou- 

**  Non  encore  bâti  complètement  sur  les  côtes,  ceux-ci  représentant 
assez  bien  les  deux  murs  parallèles  c|ui  existaient  avant   1666. 

^^  Arch.  munie,  de  Marseille.  Si'iie  flH.  Liasse  contenant  un 
((  Rolle  de  tous  les  noms  des  Mestres  Auffiers  et  Compai},'nons  de 
la  IMistrance  deu  St  Ange  Gardien  ».  Voir  cette  pièce  aux  annexes. 


1^2  Jl-AN   I^KVNAin) 

vnit  réduit  nu  slrirl  miniiinim  :  par  ordonnance  de  police, 
il  était,  en  effet,  interdit  aux  charrettes  de  voiturer  l'auffe 
destinée  aux  foulons.  Ceux-ci  devaient  en  assurer  le  trans- 
port exclusivement  par  bAtes  de  somme  Cjui  venaient  char- 
ger et  décharger  aux  portes  des  l^outicjues  '\ 

Mais  bientôt  les  cordiers  d'auffes  se  rapprochaient  des 
nouveaux  remparts  et  s'installaient,  avec  l'autorisation' des 
échevins,  le  long  des  lices  intérieures  depuis  la  porte  de 
Xoailles  jusqu'à  celle  de  Bernard-du-Bois.  C'était  encore  le 
quartier  des  Aufliers  lorsque  la  Révolution  décida,  à  la  -fin 
de  1792,  la  vente  et  la  démolition  des  remparts  de  la  ville  ^". 

Il  est  probable  qu'alors  les  cordiers  d'auffes  rejoignirent 
les  cordiers  de  chanvre  installés  depuis  plus  d'un  siècle  sur 
les  terrains  dits  de  la  Corderie,  au-dessus  du  c|uartier  de 
Rive-Neuve'"*'.  Quant  aux  bouticjuiers,  ils  se  répandirent  à 
travers  la  ville. 

Les  Cjuartiers  suburbains,  qui,  au  wii"  siècle,  possédaient 
déjà  des  maîtres-auffiers,  conservèrent  pendant  quelque 
temps  ces  artisans  f|ui  paraissent  avoir  disparu  dans  le  ccm- 
ranl  du  XTx"-  siècle  ■'''.  Il  existe  pourtant  encore  des  centres 
importants  de  tressage  et  de  corderie  d'auffes,  notamment  à 
Mazargues. 


'■'  Aich.  munir,  de  ?^Iarseille.  Série  HH.  Dossier  ('ordiei\s  et 
Aiiffiers.    Projet  de  statuts  sans  date  (vers    i7»o),   art.    10. 

■''  Arch.  rnunic.  de  Marseille.  Série  HH.  Lettre  des  cordiers  d'auf- 
fe:.,  Ti  la  municipalité  de  .Marseille,  du  14  janvier  1793  (an  II).  Dan- 
cette  lettre  les  cordiers  exposent  que  .la  ville  leur  avait  toujours 
accordé  le  droit  de  travailler  le  long  des  lices  intérieures,  et  qu'ils 
vont  en  être  privés  par  la  vente  et  la  démolition  des  remparts  ;  ils 
f'emandent   ({uc   la   ville  leur   désigne  un    autre   endroit. 

•'"'  A.   Fabre,  Les  nies  de  MarseUIc,  t.   W .  p.  415. 

•'■-  Arch.  munie,  de  ]\[arseille.  Série  HH,  dossiers  Cordiers  et 
Au  f fier  s.   fassim. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  I93 

Quant  au  vallon  des  Aufles,  aujourd'hui  charniant  petit 
port  entouré  de  chalets,  qui  conserve  en  plein  xx'  sii-ck*  le 
souvenir  de  l'ancienne  industrie  de  la  sparte,  il  était  utilisé 
par  les  maîtres-auflîers  pour  le  trenipafïe  des  tij^^es  d'aulTes. 
L'occupation  de  cette  anse  par  les  auffiers  ne  paraît  pas 
remonter  bien  haut.  Kn  16 10,  le  vallon  était  dit  vallon  (/r.s- 
Innocents,  en  17 10,  vallon  du  Roy.  L'expression  vallon  des 
Aiiffes  est  employée  dans  un  texte  du  13  avril  1747  ".  Ni-an- 
moins,  il  est  possible  cjue  les  auftîers  se  soient  servi,  sur- 
tout depuis  le  xvii®  siècle,  des  diverses  anses  dé  la  côte  au 
Sud  de  Marseille.  En  1773,  cette  utilisation  paraissait  fort 
ancienne  à  un  groupe  d'auffiers  C[ui  écrivaient,  le  2S  mai  de 
cette  année  à  la  Chambre  de  Commerce  une  lettre  dont  voici 
quelques  extraits  : 

«  Les  auffiers  sont  di-puis  un  icmiis  iinnv'morial  en  pos- 
session de  faire  baigner  leurs  sparteries  au  rivage  de  la  mer, 
à  partir  du  vallon  dit  des  Auiïes  jusques  aux  vallons  supé- 
rieurs et  pratiquables  sans  qu'aucun  se  soit  jamais  avisé  de 
se  plaindre.  Le  rnouillage  de  ces  sparteries  est  abst)luni<'ni 
nécessaire  pour  les  mettre  en  ivuvre  et  en  taire  touie  sirfe 
d'ouvrages  propres  au  commerce  et  surtout  des  cord.ig»  s 
destinés  à  la  navigation  des  navires,  et  quoiqu'il  n«'  porte 
aucun  préjudice  quelconque  à  la  navigation  ni  ne  pié-^enle 
aucune  inronimoth'té  aux  |)ropriétaires  des  bastides  \oisivs. 
Néanmoins,  le  sieur  De  Mon<(Hissou\  et  (iu<*l(|ues  autres  par- 
ticuliers qu'il  a  seu  joindre  à  luy  ont  faict  assigner  les  syli- 
dics  des  auftîers  pardevani  le  Tribimal  de  1' Xmirauîé  d«' 
celle  ville  pour  leur  faire  inhiber  el  delïendr»'  de  i;i.)iiiller 
leurs  sparteries  au  bord  de  la  mer  du  vall<->n  de  Miremous- 
que  et  autres  circonvoisins...  Le  prétexte  qu'ils  ont  imaginé 

"  Mortreuil,  Dictionnaire  tofographinuc  de  Vurmudisscnicnl  de 
Mivseille,  p.  385. 


1C)4  J'-^^'  RKYNAUD 

pour  souienir  celle  demande  est  de  supposer  que  le  mouil- 
lage des  sparteries  leur  donne  dans  leur  possession  une 
puanteur  insupportable  mais  ce  prétexte  comme  on  vient  de 
le  dire  est  supposé.  Le  rivage  de  la  mer  est  public... 

((  Le  corps  des  auffiers  ajoute  un  motif  de  charité  pris  de 
ce  qu'ils  font  travailler  plusieurs  milliers  de  pauvres  gens 
et  dont  une  bonne  partie  réside  dans  les  hôpitaux  de  cette 
ville.  C'est  par  ce  genre  de  travail  que  ces  pauvres  gens 
subsistent  et  gagnent  leur  vie  ;  c'est  par  lui  que  le  commerce 
trouve  cà  Marseille  toute  l'esparterie  dont  il  a  besoin  et  à  bien 
meilleur  prix  qu'on  ne  le  trouverait  ailleurs...  »  ^* 

Cette  curieuse  lettre  fait  allusion  à  une  instance  engagée 
contre  le  corps  des  auffiers  pour  leur  interdire  l'utilisat'ion 
des  anses  de  la  Corniche".  Cette  instance  ne  fut  pas  la 
seule.  D'autres  procès  vinrent  se  greffer  sur  elle;  en  1791, 
au  moment  de  la  suppression  du  corps,  ils  étaient  encore 
pendants,  tant  à  l'Amirauté  qu'au  Parlement. 


■"''  Archives  munie,  de  Marseille.  Série  HH.  Dossier  Cordiers  et 
Atiffiers. 

^^  Procès  contre  le  sieur  de  Moncoussou,  les  hoirs  de  M.  Duroure 
et  autres.  Commencée  en  1773,  cette  affaire  était  encore  pendante  en 
1782.  Les  Cabrol  de  Moncoussou  étaient  de  notables  protestants  de 
Marseille.  Un  Moncoussou  fut  commandant  de  la  Garde  Nationale 
rie  la  ville  en  1790  et  mourut  guillotiné. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  I95 


III 


Au  XV'"^  Siècle,   le   Conseil  de  Ville 
réglemente  l'industrie  du   chanvre  et  de  l'auffe 

Ouel  qiK"  suii  l'inuTri  ijiu-  |)r(,'-SL'ni('ni  les  xicissitudes  d'une 
modeste  branche  de  l'industrie  marseillaise  comme  celle  de 
l'auffe,  il  est  peut-être  plus  attachant  d'étudier  le  métier  en 
lui-même.  C'est  ce  que  nous  nous  proposons  de  faire  en 
})assant  successivement  en  revue  les  différents  règlements  du 
corps  des  autfiers  que  nous  avons  pu  retrouver,  '«-iiv  t\\\ 
NV*  siècle,  de  1611,  de  1654,  ^"^  entîn  celui  de  1741. 

Le  plus  ancien  texte  connu  constiUianl  en  cjnelque  sorte 
un  code  du  métier  d'aufffer  est  un  règlement  en  langue  pro- 
vençale existant  aux  Archives  de  la  ville  de  Marseille,  en 
sept  copies  comportant  de  nombreuses  variantes.  Il  a  pour 
litre:  Ordonuwnces  jjictes  ci  coiifiriuccs  par  le  Conseil  de 
la  dite  de'  Marseilhe  siihrc  les  Cauchcs  et  filecla  et  auffes 
que  entraran  d'icy  en  ava)it  en  ladicle  cieutat,  estraict  des 
regestres  du  présent  Archif  des  puis  Van  1467  et  le  si  xi  es  me 
fehvrier,  faict  par  les  eslcgis  parle  Conseil,  sen  Jaunie  (iua- 
sin,  sen  Bertrand  Candolle,  sen  Peiron  Iinhert  et  sen  Pierre 
Saure  ''". 

'^''-  Vcir  aux  A/iiiexes  la  note  concernant  les  divers  textes  des  sta- 
tuts du  XV  siècle.  Celui  que  nous  avons  suivi  fip^re  dans  le  regis- 
tre des  délibérations  de  la  ville  de  ^firseille  BB  43-  f"  -^-  v°  et 
suiv.  —  On  trouvera  également  aux  An?iexes  de  précieuses  notes  de 
;M.  Pierre  Bertas  sur  les  quatre  rédacteurs  des  Ordonnances,  spé- 
cialement sur  Pierre  Imbert.  Xous  profitons  de  l'occasion  pour  re- 
mercier ^l.  P.  Bertas  de  sa  grande  obligeance  et  de  rempres>inient 
qu'il  a  apporté  à  nous  renseigner  sur  ces  personnages. 


196  TKAN  REYNAUD 

Il  semble  bien  que  ces  ordonnances  aient  été  rédigées 
par  une  Commission  municipale  de  quatre  imembres.  Mais 
l'ambiguité  du  titre  ne  permet  pas  de  dire  si  la  date  indiquée 
est  celle  de  la  promulgation  ou  bien  celle  du  commencement 
tlu  registre  où  le  règlement  avait  été  retranscrit.  Toutefois, 
malgré  les  regrettables  lacunes  des  archives  municipales  de 
Marseille,  il  est  permis  de  situer  l'établissement  des  ordon- 
nances entre  1467  et  1481  ;  avant  cette  dernière  année,  trois 
des  rédacteurs  nommés  dans  l'acte:  Bertrand  Candolle,  Jac- 
ques Cassin  et  Pierre  Saure,  étaient  morts.  D'autre  part, 
ainsi  que  nous  le  verrons,  dès  1472,  les  délibérations  muni- 
cipales parlent  des  ((  ordinaciones  circa  facturam  operis 
alfe  »,  et  des  moyens  propres  à  les  faire  observer.  On  peut 
donc  avancer,  sans  craindre  de  se  tromper,  que  le  règlement 
date  au  plus  tard  de  1472,  s'il  n'est  pas  antérieur". 

Son  contenu  est  intéressant  à  étudier,  comme  expression 
de  certaines  mœurs  de  l'époque.  La  liberté  laissée  précédem- 
ment aux  cordiers  de  chanvre  et  aux  auffiers  pour  l'exer- 
cice de  leur  art  —  liberté  limitée  seulement  par  les  usages 
—  ayant  probablement  engendré  des  abus  et  des  plaintes, 
la  commission  municipale  chargée  d'apporter  de  l'ordre 
rédigea  pour  ces  métiers  un  règlement  très  strict. 

Les  contrevenants  devaient  être  |ninis  d'amendes  sévères. 
Le  produit  des  amendes  recevait  diverses  destinations, dont 
l'une  ne  constituait  rien  de  moins  qu'une  priime  h  la  déla- 
tion: un  tiers  revenait  au  Roi,  un  autre  tiers  à  la  cure  <lu 
port,  le  dernier  tiers  aux  dénonciateurs.  Le  fait  n'est  pas 
unique. 

Autre  canictéristique  de  ces  ordonnances:  elles  englobent 
à  la  fois  les  cordiers  de  chanvre  et  les  cordiers  d'auffe.  Elles 

*'  Au. cours  des  xvip  et  xviii^  siècles,  de  nombreux  textes  parlent 
du  règlement  du  6  février  1467.  La  plupart  des  auteurs  reproduisent 
cette  date  qui  n'a  rien  d'invraisemblable.  Nous  avons  préfère  toute- 
fois  nous   montrer  moins  affirmatif  que  nos   devancier?. 


LES  AUi'l-lEKS  DE  MARSEILLE  I97 

débutiini  par  des  prescriptions  d'ordre  griit-ral  ai)r('s  Ics- 
<|ue!k'S  sont  énuiiiérées  celles  concernant  jjliis  spécialemeru 
l'an  de  la  canebc.  Les  articles  visant  les  aiifliers  vien- 
nent en  dernier  lieu.  X'oici  les  principales  dispositions  des 
slaltits. 

Bien  cjne  les  mois  de  corps,  de  cor[)oralion  ou  tle  cont- 
munauté  ne  soient  pas  écrits,  en  fait,  un  ors;an<'  analofj^iie 
se  trouve  constitué  dès  le  j)reniier  ]Dara_<;raphe  :  tous  les  ans, 
seront  élus  cpiatre  subrestans  ou  députés  <.leux  mari- 
niers ''\  im  cordier  et  un  autller  '<  jier  esire  ei  se  prendre 
i;"uarde  sur  lesdirîz  ranebes,  tileciz  pvv  fere  sartis  de  na\('- 
gar  ausquelz  sera  donna  tel  pouder  et  puissance-  comme  sy 
tout  le  conseil  y  fousse,  et  loudirl  conseil  lous  promeri  de 
delïendre  et  guarcmtir  envers  lotis  ei  contre  lous  en  tazeni 
leur  O'fficv  seguent  las  ordonnances  ainsy  speciftlcades  )>. 

Les  subrestans  dewiient  j^rêler  serment,  i)ar  dc\ani  !i' 
viguier,  d'exercer  leur  otiice  bien,  diur.ent,  selon  l)icu  ci 
leur  eonscience,  sans  égard  pour  les  considérations  parti- 
culières. Etaient  de  .même  tenus  au  serment  h  tous  les  cor- 
diers  fasent  l'oflice  de  cordier  ou  lou  fasent  fere,  la  ni  de 
canebe  cpie  d'auffe  ».  Donc  patrons  et  ouvriers  juraient 
d'observer  les  prescriptions  édictées.  Les  défaillants  i^oii- 
vaient  être  privés  du  droit  d'exercer  leur  métier  pendant 
un  an,  mais  ils  pouvaient  être  aussi  délinitivement  «  ban- 
nit et  cassât  »,  sans  préjudice  du  paiement  d'une  amende 
de  cent  livres. 

L'exclusion  visée  par  cette  disposition  .semblerait  indi- 
quer que  les  cordiers  en  chanvre  et  en  auffes  étaient  consti- 
tués en  corps.  Cependant,  il  paraît  aussi  que  les  auffiers 
étaient,  pour  leur  part,  l'objet  de  catégories  différentes:  non 

*«  Un  des  textes,  transcrit  en  161  r.  porto:  un  marinier,  un  mar- 
chand, un  cordier  et  un  auffier.  .^rch.  Munie,  de  Marseille.  Série 
HH.   Dossier  Auffiers. 


IC)8  JliAN  REYXAUD 

st-ulemeni  il  y  avait  chez  eux  des  patrons  et  des  ouvriers, 
mais  on  distinguait  encore  les  exploitants  d'un  moulin   à 

sparte  —  picadou  d'aujje et  ceux  qui  mettaient  en  œuvre 

cette  sparte  et  la  vendaient  —  les  boutiquiers  — .'  Il  était 
formellement  interdit  de  cumuler  le  métier  de  batteur  d'auffe 
et  celui  d'auffier  proprement  dit.  Les  batteurs  d'auffe  ne 
faisaient  pas  partie  du  corps. 

Les  subrestans  devaient  visiter  toutes  les  auffes  importées 
à  Marseille  et  ^•érifier  si  les  balles  étaient  bien  de  la  conte- 
nance prescrite,  .(  suivant  la  tenalhe  de  ferry  de  la  ville  »  "''. 
Ils  fixaient  les  mesures  et  les  tares,  avaient  pouvoir  de  faire 
brûler  l'auffe  ((  ])orrido  et  meschante  »,  tenaient  un  réper- 
toire des  marchands  iimportateurs.  Xe  jouaient-ils  pas  aussi 
dans  une  certaine  mesure  le  rôle  de  courtier?  Une  phrase 
un  peu  ambiguë  le  laisserait  supposer:  ils  touchaient  une 
indemnité  de  «  deux  solz  par  milhier,  payé  la  moytié  le 
vandedour  et  la  moytié  le  crompadour,  une  foys  tant  seulla- 
ment  ». 

Les  ordonnances  portent  aussi  interdiction  de  la  vente 
aux  particuliers  de  l'auffe  brute  au  prix  d'importation.  C'est 
la  consécration  du  privilège  du  boiUic|uier.  De  même,  un 
cordier  ne  pouvait  employer  à  la  fabrication  des  tresses  que 
des  ouvriers  et  ouvrières  tenant  boutique  ouverte  ou  ayant 
une  licence  spéciale  délivrée  par  les  subrestans.  Enfin,  la 
vente  des  objets  en  sparterie  ne  pouvait  s'opérer  sans  la 
permission  des  dits  subrestans, 

Xous  avons  vu  que  les  fonctions  de  moulinier  d'auffe  et 
de  boutiquier  étaient  distinctes:  les  mouliniers  n'étaient  pas 
autorisés  à  faire  marchandise  d'auffe  pour  le  public. 

L^n  moulin  d'auffe  était  un  établissement  gênant  pour  les 
voisins.  La  seule  prescription  que  comportait  à  leur  égard 

^^  Ces  tenailles-étalons  devaient  servir  probablement  à  mesurer  le 
diamètre  des  bottes  de  sparte. 


LES   AlFl"It;RS  DE   .MAUSKII.I.F,  I  9Q 

U-  nouvL'au  rèijlemenl  riait  rinierdiciion  pour  le  piquaiUnir 
de  faire  sécher  rautïe  brute  au  soleil  avant  de  la  liatire. 

lùitîn,  le  règlement  interdisait  sévèrement  les  areapare- 
ments.  Il  prévoyait  une  marque  de  garantie  tle  la  vilU*  pour 
certains  articles  de  sparterie. 

Comme  on  peut  en  juger,  les  statuts  adoptés  visaient  à 
protéger  efficacepient  le  métier  d'auflîer  en  réservant  à  clia- 
cjue  membre  de  la  corporation  la  possibilité  de  gagner  hono- 
rablement sa  vi<^  en  respectant  ci^  (|U('  nous  appelons  ■<  la 
règle  du  jeu  ». 

Mais  il  ne  paraît  pas  que  celle-ci  ait  été  très  fidèlement 
observée.  Les  registres  de  délibérations  du  Conseil  de  vilU' 
renferment  à  cet  égard  une  série  d'indications  curieuses  sur 
la  police  du  métier  d'auffier  de  1472  i\  1475.  Comme  on 
trouve  là  les  premiers  détails  un  peu  circonstanciés  sur  ics 
rapports  entre  les  batteurs  d'auffes  et  la  population,  nous 
pensons  qu'un  résumé  de  ces  docimients  ne  sera  jîas  sans 
présenter  un  certain   intérêt. 

Dès  le  6  juillet  1472,  le  Conseil  de  la  xilK^  constate  c|ue 
les  ordonnances  précédemment  faites  concernant  les  aufl'es 
restent  sans  effet.  Il  décide  de  nommer  deux  niJtables  pour 
les  faire  respecter  <(  ad  unguem  »  ''" .  Pierre  Imbert  et  Pierre 
Massatelli  sont  désignés.  Mais  ceux-ci  se  plaignent  presque 
aussitôt  de  leur  impuissance  à  agir,  faute  de  pouvoirs  sufll- 
sants.  Dans  sa  séance  du  2g  août,  le  Conseil  leur  délègue 
(i  plenaria  et  ampla  potestas  »,  en  n'importe  quelle  circons- 
tance, de  trancher  les  différends,  interprêter  le  règlement, 
punir  les  contrevenants  aux  ordonnances,  ((  prout  et  qite- 
madmodum  eis  placuerit  et  videbitur  faciendi  »'". 

Deux  mois  après,  des  plaintes  sont  adressées  au  Conseil 
par  le  syndic  Antoine  Fabre  contre  le  foulon  Laynet  Gra- 

^°  Arch.    brunie,    de    Marseille.    BB  33,  i°     2. 
«'  I,L  Ihid.       f--  41   V". 


200  Ji^AN  KEVNAUD 

lian.  Cdui-ci  exerce  son  métier  dans  une  maison  voisine 
de  celle  de  Fabre,  qui  se  trouve  incommodé  par  le  bruit  et 
la  poussière  faits  par  Gralian.  ].e  Conseil,  saisi  de  la  ques- 
tion ilaiis  la  séance  du  26  octobre,  rappelait  les  délibéra- 
tions récentes  prises,  après  un  mûr  examen,  a  super  facto 
del  picar  del  alfa  )>,  et  prescrivait  une  enquête  sur  l'abus 
pouvant  résulter  de  l'exercice  de  ce  métier,  les  inconvénients 
<jiii  (*n  naissaient  pour  les  \'oisins  et  les  réparations  et  indem- 
nités à  exii^er  des  <(  piqueurs  d'alfa  »  *"'". 

Après  enfiuéte,  la  Ville  cjbtint  du  Roi  des  lettres  pour 
sévir  <()nirt'  ces  indésiral^les  industriels.  Mais,  chose 
curieuse,  trois  de  ceux-ci  :  le  susnommé  LayiKH  (iralian, 
Jean-Jacques  de  Morana  et  la  dame  Boule^^on  parvinrent  à 
se  faire  délivrer  d'autres  lettres  en  vertu  descpielles  rien  ne 
devait  être  changé  au  statu  qiio  en  ce  qui  les  concernait.  En 
présence  de  cette  situation,  le  Conseil  se  trouvait  évidem- 
ment fort  embarrassé.  Il  en  délibérait  longuement  le  matin 
du  17  novembre  1472.  Comment  concilier  les  ordres  du  Roi 
René  avec  la  tranquillité  publique  et  la  bonne  harmonie 
entre  concitoyens  ?  Il  ne  pouvait  être  pris,  de  toute  évidence, 
C]ue  des  mesures  provisoires.  Celles-ci  consistèrent  à  char- 
ger une  commission  de  six  notables  d'examiner  quels  mou- 
lins à  auffes  pourraient  être  autorisés  à  fonctionner  sans 
trop  gêner  les  voisins.  La  même  Commission  devait  cher- 
cher un  local  où  le  battage  de  l'auffe  serait  exercé  sans  in- 
convénient, local  C|ui  serait  mis  à  la  disposition  de  tous  les 
auffiers.  D'ores  et  déjà,  interdiction  était  portée  de  battre 
l'alfa  <(  in  locis  de  quibus  sit  querela  »  ". 

Pendant  cjue  le  Conseil  délibérait,  de  nouveaux  et  graves 
incidents  se  produisaient  en  ville  «■  super  facto  operis  alfe  ». 
Aussi  le  Conseil  se  réunissait-il  de  nouveau  dans  l'après- 

«-  Arch.  Munie,  de  Marseille,  BB  33,  f°  7. 
"  Id.  Ibid.         fo  7  v°. 


LliS  ALITIERS  DE  MAKSlilLLE  aoi 

midi  et  décidait  que  toutes  les  mesures  i-in  isai;\a-s  le  mai  in 
sortiraient  sans  relard  à  eiïet  ''. 

Dès  le  lendemain  iS  noxenihrc,  une  liciirt-  apn'-s  l'.!;-.' 
Maria  du  soir,  en  présence  du  viguier  ei  d<'S  sii-in-s  (iuil- 
laume  Kobolly,  Jean  Rebotton,  Muguet  Jancelme,  Antoine 
Blancard  et  Pierre  Coste,  le  Conseil  procédait  à  Téleciion 
des  six  r.otables  chargés  d'opérer  la  réforiue  décidée  du 
((  picar  del  alfa  )i.  I^'urent  désignés:  jacc|ues  île  Saint-Cil- 
l(\s.  Julien  Hayssan,  Paul  \';issal,  l-^-ançnis  iilan<-;ird,  ('..-i- 
brid    Silvt'  ci    .Ican   (irandjran  ' '. 

Il  ])araît  bien  (juc  les  nouxeaux  coiu.missaircs  dcmcuré- 
leni  aussi  imjMiissants  (juc  les  autres  à  faire  rcsix'cli'r  l<-s 
décisions  prises,  car,  le  12  féx'rier  suiwini,  le  co-svndic  Jac- 
ques Rostagny  faisait  ressortir  le- scandale  {|u'il  v  avait  à 
laisser  battre  l'auffe  près  de  la  cour  royale  ou  du  domi(  de 
de  certains  officiers  royaux.  D'oîi  gêne,  vexations,  inimiiit's. 
Le  Conseil  ne  piu  ([ue  réitérer  les  prescriptions  j^récéden- 
tes  en  menaçant  les  contrevenants  de  peines  aussi  <(  formi- 
dîibles  »  qu'imprécises  '^^ 

Le  !''•''  avril,  le  sénéchal  avant  pris  une  ordonnance  ten- 
dant à  limiter  les  lieux  où  se  feraient  les  manipulations  de 
l'auffe,  et  mettant  à  la  charge  de  la  ville  la  location  de  mai- 
sons rés^Tvées  à  cet  usage,  le  Conseil  chargea  deux  commis- 
saires de  recenser  les  quantités  de  matières  premières  dépo- 
sées dans  les  anciens  locaux  et  de  \ciller  à  ce  (ju'on  n'y 
introduise  plus  rien  "'. 

L'efifet  des  mesures  ordonnées  par  le  sénéchal  fut  peut- 
être  un  peu  plus  durable.  Pourtant,  en  août  1475,  le  «même 
Antoine  Fabre,  que  nous  avons  déjà  rencontré,  renouvelait 

^'  Arch.    ^tunic.    de  :\Iarseil]e,    BB    33.  f'^'  8. 

«^                            Id.                            Ibid.  f'^  8. 

<=«                            Id.                            Ibid.  f  41    v». 

«^                            Id.                            Ibid.  f°  14    v°. 


202  IKAN  REVNALD 

h,es  plainu\s.  contre  (iraiian.  La  cli-lil^i'-ralion  du  iS  août  réi- 
tère le  \''.vii  que  la  jiroliibiiidn  de  battre  l'alta  en  ville  soit 
générale,  et  tju(^  le  seul  enclr(/it  cm  l'on  soit  autorisé  à  le 
faire  soit  la  rue  de  ri'^ieron,  ((  prout  alias  anliquifus  fuit 
observatum  ».  Ceci  semblerait  indic|U€r  que  certains  usages 
anciens  étaient  tombés  en  désuétude  '''\  IMais  les  injonctions 
du  Conseil  de  ville  à  cet  égard  durent  être  renouvelées  le 
23  septembre.  L'amende  à  infliger  en  cas  d'infraction  fut 
llxée  à  cent  marcs  d'argent  fin  ;  les  contrevenants  devaient 
aussi  être  corrigés  virilement  et  efficacement,  alin  qu'il  en 
demeure  un  exemple  pour  les  autres  '"'\ 

Faut-il  conclure  de  ces  faits  c|u'au  xv*  siècle  le  pouvoir 
des  magistrats  municipaux  demeurait  quasi  lettre  morte? 
Loin  de  nous  la  pensée  de  l'insinuer.  Mais  les  abus  sont  de 
tous  les  temps.  N'est-il  pas  courant  que  de  mauvaises  habi- 
tudes prises  acquièrent  avec  le  temps  figure  d'un  droit  très 
naturel  ? 

C'était  la  constatation  c^ue  faisait  le  premier  consul  Fran- 
çois V^assal,  lors  du  Conseil  tenu  le  i"'  septembre  1555. 
((  Par  raison  des  abus  que  journelement  se  font  h  ladicte 
sarcie  par  les  cordiers  et  aultres  qui  en  usent  »,  les  consuls 
jugèrent  bon  de  ((  dresser  certains  chappitres  consernantz 
le  faict  de  la  sarcie  et  cordailhe  »,  chapitres  qui  fièrent 
approuvés  et  homologués  par  le  Conseil  '". 

Malgré  l'indication  fournie  par  le  premier  consul,  nous 
pensons  que  ces  chapitres  et  ordonnances  ne  constituèrent 
nullement  un  règlement  différent  de  celui  analysé  plus  haut, 
et  qu'on  se  contenta  simplement  de  publier  à  nouveau  l'an- 
cienne ordonnance.  Les  quelques  lignes  citées  par  la  délibé- 
ration municipale  tendent  à  le  prouver.  D'ailleurs,  il  en  fut 

"^    Arch.     Munie,     de    Marseille,    BB  33,  f°  82. 

*«  Id.  Ihid.         f°   112  v°. 

^»  Id.  ■  BB  38,  fo  36. 


LES  AUFl-lERS  DE  MARSEILLE  203 

df  niv-nie  seize  ans  après,  dans  les  ri rconsta nces  que  r.ous 
allons  rapporter. 

l^n  1571,  un  nommé  Michel  Gaiiiier,  «  faiseur  tle  cordes 
d'aulphes  »,  se  voyait  saisir  son  mobilier,  à  la  requête  tles 
consuls,  n-anants  et  habitants  de  Marseille,  agissant  au  nom 
et  en  garantie  des  quatre  subrestans  aufliers,  Hrémond 
(îras,  Jacomet  Bouillon,  Gilbert  Deydier  et  Jatxiues  Fons. 
On  lui  reprochait  des  infractions  à  <(  certain  estatut  »  de 
Marseille. 

L'affaire  tut  portée  ile\aiii  le  iril)uiial  de  la  Scn<-chaussée 
qui,  le  22  juin  1571,  condamna  Michel  Gautier  à  10  livres 
d'amende  pour  contravention  au  règlement  sur  le  fait  (.les 
chanvres,  lilets  et  au ff es  du  i""  septembre  1355.  Le  jugement 
portait  en  outre  que  ce  règlement  demeurait  toujours  en 
vigueur  et  chargeait  la  ^hInicipalité  de  tenir  la  main  à  son 
observation  ". 

En  conformité  de  cet  arrêt  de  justice,  le  Conseil  de  \'ille 
tenu  le  28  janvier  1572  enjoignait  aux  Consuls  et  aux  subres- 
tans auffiers  de  faire  transcrire  le  règlement  de  1555  et  tle 
le  faire  homologuer  et  enregistrer  avec  la  sentence  du  lieu- 
tenant du  Sénéchal  '". 

Or,  le  texte  copié  dans  le  registre  des  délibérations  de  la 
ville  n'est  autre  que  celui  où  sont  nommés  dans  le  titre  les 
quatre  élus  du  Conseil:  Jacques  Gassin,  Bertrand  Candolle. 
Pierre  Imbert  et  Pierre  Saure,  soit  les  rédacteurs  du  règh'- 
ment  du  xV  siècle.  Il  devait  en  être  alors  des  ordonnances 
concernant  les  auffiers  comme  de  nos  jours  il  en  est  de 
l'arrêté  du  maire  de  Marseille  concernant  l'enlèvement  des 
neiges  et  verglas. 

Et  afin  que  nul  n'en  pût  ignorer,   les  Consuls  jugèrent 


^1   Arch.   Munie,    de  Marseille,   BB  43,  f°  ^U  v°. 
'2  /d.  Ibid.       f  194. 


204  l^'^*"^'  KEVNAUD 

indisj>ens.'ib]e  de  faire  un^i  criée  publique  des  sialuls  des 
autTirrs  el  rordiers,  dalani  déjà  d'un  siècle. 

Celle  (■ri('e  fui  faile  par  les  soins  criùirnne  Borrelly, 
tronipellf  jure'',  et  de  FieiTe  (iirollr,  crieur  publie,  en  pré- 
sence des  consuls  ''. 

Dans  les  divers  docunienls  que  nous  venons  de  passer 
en  revue,  il  n'est  jamais  ({uestion  d'apprentissage.  Cepen- 
tlani,  il  était  en  vigueur  chez  les  auf fiers  comme  dans  la  plu- 
l)art  des  autres  métiers.  Al.  Pierre  Bertas  a  retrouvé  le 
texte  d'un  de  ces  contrats  (ra]3j:)rentissage,  passé,  comme 
il  était  d'usage,  par  de\'.int  notaire,  le  18  octobre  1588^*. 
A  la  Un  du  x\i"  siècle,  l'aj^i^rentissage  du  méliiM'  d'auffier 
durait  deux  anné(\'--.  Le  maître  s'engageait  à  ((  norrir  et 
allymenler  )>  l'apprenti  a  dans  sa  .maison  et  en  son  ordi- 
naire »  et  à  lui  enseigner  c(  le  mestier  de  auffier  et  deppen- 
dances  d'iceilu}'  ».  En  cas  de  maladie,  le  maître  n'était 
tenu  de  garder  l'apprenti  C[ue  pendant  huit  jours.  Passé 
ce  délai,  celui-(M  devait  aller  se  soigner  ailleurs.  Si  la  peste 
éclatait,  chacun  reprenait  momentanément  sa  liberté;  mais 
dès  son  rétablissement,  ou  après  cessation  de  la  peste,  l'ap- 
prenti devait  rendre  à  son  maître  tout  le  temps  passé  hors 
de  l'atelier. 

Ce  contrat  ne  contient  pas  de  clause  de  prix.  Il  est  proba- 
ble que  ce  texte  n'est  pas  unique  et  que  les  registres  de 
notaires  en  renferment  bien  d'autres  du  même  genre.  Tou- 
tefois ce  ne  sera  qu'au  xviir  siècle  que  l'on  trouvera  codi- 
fiés dans  un  règlement  du  corps  des  maîtres-auffiers  les 
usages  en  vigueur  pour  l'apprentissage. 


"  Arch.  Mim.  de  Marseille.  Série  HH.  Dossier  Aufjiers.  Mention 
portée  au  bas  d'une  des  copies  du  règlement. 

'*  Arch.  des  B.-du-Rh.  Fonds  des  notaires,  versement  Trescartes. 
Reg.  n°  69,  notaire  Alphonse  Benoit,  année  1588.  f°  1209  v°.  —  Voir 
le  texte  de  ce  contrat  aux  Annexes. 


LES  AUFrmKS  DE  MARSl^H.I.K  20S 


IV 


Un  nouveau  règlement 

particulier  à  l'industrie  de  l'auffe 

est  établi  en  1611 

Le  8  janvier  i(3ii,  Jacques  Tiran,  V'iiior  Daniel,  l*"ran- 
çois  Bezaudun  et  Jacques  Giellat,  élus  par  le  Conseil 
comme  surintendants  de  l'aulTe  le  29  octobre  i()io,  a\'an( 
examiné  les  statuts  anciens  (iablis  pai'  le  dii  t'ial,  "  au- 
ruieni  ireuxé  par  icculx- (jue  les  autllers  tle  ceste  ville  y  bre- 
cheni  journellemani,  ne  li'S  obser\'anl  aulcunemanl  ».  Ils 
en  avaient  référé  aux  Consuls  de  la  \illi'  (jui  leur  Const-ill'-- 
rent  de  réi^ler  aux  mieux  les  différends  vn  susix-ns,  ei, 
pour  les  i)r('\"enir  di'sormais,  d'é'lablir  un  nou\-eau  ré^ile- 
meiil. 

L'n  |)rojel  lui  ré'dii^é  et  rnrei^istrt'  riérc  les  minutes  de 
M"  \'alenlin  Kobaudi''.  (  )n  lui  en  subslilua  bieniôl  un 
autre  (pn'  lut  ap|)rou\"é'  par  les  Consuls  el  ins<ril  dans  le 
registre  des  délibérations  de  la  \ille,  à  la  ■date  i\\\  ■;  "-e'»- 
tembre  1611'''. 

1.(^  preauibuie  du  iiiuix'eau  règlcinienl  constate  a\fc  peine 
((  les  (pierelU'S  el   destourncmens  (pii  se  faisoy<'nl    îoules  les 

'•■' Arc  11.  .Mun.  de  Marseille.  Série  H  H.  Dossier  Cordicrs  cl  Anificrs. 
—  Du  règlement,  non  exécuté,  du  S  janvier  lOii,  et  c|ui  était  Hc 
caractère  plutôt  tei  iini(|ue,  nous  retiendrons  seulement  l'interdiction 
de  faire  sécher  lauffe  au  soleil  après  le  battage,  la  défen'-e  faitf* 
aux  auffiers  «  de  mander  ny  fère  porter  aucune  auflfe  par  corratière 
«  tant  pour  piquer  que  pour  fère  des  pièces  de  sarris  ».  et  de  faire 
sortir  de  la   ville  aucun  filet  c|ui  nt;  boit  des  mesures  prescrites. 

'"  Arch.    mun.  de  .Marseille.   I5B  60,  f°  80. 


ao6  JI^'^N  KEYNAUD 

années  entre  les  maistres  aulfiiers  de  la  dicte  vilk  quy 
renient  au  préjudice  de  tant  de  pouvres  gens  que  fillent, 
piquent  et  travaillent  aulx  dites  ai\liïes  ». 

A  lire  les  nouveaux  statuts,  on  se  rend  compte  sans  dif- 
ficulté du  genre  de  fraude  et  de  malfaçon  que  les  av.f fiers 
peu  scrupuleux  pouvaient  pratiquer.  Les  neuf  premiers  ali- 
néas sont  consacrés  uniquement  à  préciser  minutieusement 
la  longueur  et  la  grosseur  des  différents  cordages  en  sparte 
et  la  façon  de  les  tresser.  Les  trois  paragraphes  suivants 
\-isent  les  mo^•ens  à  emplover  pour  garantir  l'exactitude  des 
mesures  fixées  :  rouleaux  spéciaux,  cordages-étalons  à  la 
marque  de  la  ville  à  remettre  à  chaque  ouvrier,  etc.  Inter- 
diction formelle  est  faite  de  vendre  cordage  ou  filets  qui 
ne  soient  pas  des  dimensions  prescrites.  Le  même  souci 
qu'au  xv^  siècle  apparaît  de  protéger  le  commerce  des  dé- 
taillants: les  cordiers  devront  leur  réserver  toute  leur  fabri- 
cation, sans  exception,  mais  les  marchands  et  boutic{uiers 
ne  sont  pas  autorisés  à  sortir  hors  la  ville  des  filés  à  tresser 
en  cordes,  «  pour  l'abus  cpi'il  s'en  pourret  ensuivre  »  ;  les 
verriers  ne  pourront  se  fournir  de  bandes  tressées  qu'au- 
près de  ceux  qui  tiennent  boutique  ouverte  «  ou  de  mer- 
chans  quy  l'aportent  d'Espaigne  ».  Cette  exception  est  la 
seule  Cjui  figure  au  long  du  texte.  Autre  niarcitie  de  la  préoc- 
cupation de  protéger  les  boutiquiers:  ceux  qui  filent  filés 
d'auflfes  ne  pourront  les  vendre  directement. 

Et  voici  oii  paraissent  les  devanciers  de  nos  modernes 
courtiers  ;  dans  les  cordages,  ces  intermédiaires  apparte- 
naient au  beau  sexe,  mais  totis  leurs  charm.es  ne  les  fai- 
saient pas  moins  considérer  comme  indésirables.  Lisons  le 
paragraphe  qui  les  concerne  :  «  Item  que  aulcun  aulffier  ne 
pourra  bailler  aulcime  aulfe  à  des  fammes  courratières  sinon 
<'i  sus  ou  C}uy  la  voudront  travailler  e  non  point  autrement, 
à  peine  de  cent  livres  aplicable  comme  dessus...  »  La  pré- 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  207 

ventiun  contre  les  courtiers  remonte,  on  le  voit,  à  une  date 
fort  reculée;- elle  n'a  disparu  qu'au  cours  du  xi.V  siècle''. 

Ouant  aux  batteurs  d'iiuffe,  on  maintenait  à  leur  égard 
l'interdiction  de  faire  sécher  la  sparte  au  soleil. 

Comme  d'usage,  des  amendes  sévères  devaient  sanction- 
ner les  infractions  reconnues.  Toutefois  il  v  a  lieu  de  noter 
que,  si  les  dénonciateurs  avaient  toujours  leur  part,  l'au- 
tre part  revenait,  non  plus  à  l'entreprise  de  la  cure  du  port, 
mais  aux  hôjDitaux.  Le  roi  ne  recevait  plus  rien. 

Le  nouveau  règlement  ne  fut  guère  mieux  observé  que 
l'ancien.  Il  pouvait  être  malaisé  de  réprimer  les  affaires  en 
sparterie  faites  par  des  particuliers  dans  une  ville  comme 
Marseille.  Il  s'agissait  toujours  de  ventes  de  cordages  par 
des  personnes  n'exerçant  pas  le  métier  d'auftïer  ou  n'ayant 
p£LS  la  permission  requise:  les  boutiquiers  protestaient.  Ils 
réclamaient  encore  contre  le  trafic  clandestin  de  fdets  et 
cordages  opéré  par  «  les  esclaves  et  forssaires  des  galères  », 
lesquels  ne  livraient  pas  des  articles  de  bonne  qualité.  Lntîn. 
ils  demandaient  que  fussent  réprimés  les  agissements  des 
courtières  :  «  certaines  femmes  quv  font  estât  de  porter  des 
aulffes  dures  et  molles  pour  icelles  faire  travailler  pour  l'in- 
téré  qu'ils  portent  ordineraiment  ausdictz  maistres,  chan- 
geant et  se  transportant  l'aulffe  de  l'une  h  l'autre...  » 

A  nouveau,  pour  protéger  leurs  droits,  les  maîtres-auf- 
fîers  intervinrent.  Le  8  novembre  1616,  par  devant  le  notaire 
Henry  Mille,  quatorze  maîtres-auffiers  de  Marseille  prirent 
im  engagement  solennel  '*. 

Par  cet  acte  extraordinaire,  les  susdits  auf fiers  se  promet- 
taient mutuellement  de  ne  donner,  '^ons  nncun  prétexte  que 

'"  Voir  à  ce  propos  les  Statuts  de  Marseille,  livre  l*^  chap.  XL: 
De  Corraicriis.  —  Voir  aussi  F.  Timon-David,  Les  l»//"i/>  r,>»/r. 
tiers   de    Marseille.    in-S",    Marseille.    Olive,    1S65. 

"   Arch.    Mimic.    de    Marseille.    S«:rie   \\\\.    Dossier    Aimirrs 


208  Jl-^AN  REYNAUD 

ce  fût,  aiifles  ^oiir  faire  filets  ni  cordages  pour  travailler 
aux  esclaves  et  forçats  des  galères,  ni  à  d'autres  personnes 
interposées.  De  même,  ils  ne  devraient  point  acheter  d'ob- 
iels  de  sparte  confectionnés  par  les  dits  forçats,  oii  que  ces 
objets  se  trouvassent.  Interdiction  était  prononcée  de  re- 
mellre  de  l'auffe,  brute  ou  molle,  aux  <(  courratières  »  et 
aux  ((  -moriscos  »,  exception  faite  naturellement  pour  les 
ouvrières  travaillant  pour  le  compte  de  maîtres.  Cent  livres 
d'amende  puniraient  les  contrevenants.  Cette  somme  serait 
à  partager  entre  l'hôpital  du  Saint-Esprit,  la  cure  du  port 
et  le  dénonciateur. 

Mais  les  serments  d'auffiers  ne  pouvaient  mériter  plus 
de  créance  que  les  serments  d'ivrogne.  Trente-huit  ans 
plus  tard,  il  fallait  mettre  de  nouveau  sur  le  chantier  des 
ordonnances  et  un  acte  qui  n'étaient  observés  que  dans  la 
mesure  où  ils  ne  gênaient  personne:  la  main-d'œuvre  des 
galériens,  celle  procurée  par  les  corratièrcs,  devaient  être 
fort  avantageuses  pour  les  boutiquiers. 


LES  AUl-riERb  DI£  MARSEILI.L  2O9 


V 


La  tendance  à  la  réglementation  s'accentue 
Le  règlement  de  1654 


Le  règlement  de  1611  avait  modifié  en  de  nombreux 
points  celui  du  xV  siècle.  A  son  tour,  il  se  trouva  à  l'usage 
<(  changé,  augmenté  ou  diminué  j^our  la  commo'dité  puhli- 
Cjue  ».  Mais  ces  modifications  n'avaient  pas  été  ccKlilîées, 
m  lorsque  les  subrestans  intervenaient  potir  It^s  faire  res- 
pecter, il  en  résultait  «  beaucoup  de  ch'-zordn'  et  contu/.ion 
]iarm\'  lesdicls  auftiersquy  donnent  jîar  ce  dicl  moyen  iK'aii- 
<"oup  d'importtinité  h  Mrs  les  Consulz  sur  la  vuidang<'  de 
leurs  dilTérants...   >> 

Ri'-unis  le  15  mai  1^)54.  au  nombre  tie  xingt-six,  les  auf- 
tiers  rénovèrent  les  règlements  périn^'és. 

\'c)ici  les  points  sur  les(|uels  1<"  nouveau  (e\t<-  ditieriii 
de  l'ancien  '^ 

Les  maîtres-auffiers  déclarent  d'abord  maintenir  les  vieux 
usages  en  ce  qui  concerne  l'élection  des  subrestans,  la  cer- 
titude de  leur  mérite  personnel  et  le  serment  qu'ils  doivent 
prêter  chaque  année.  Cette  observation  transcrite  après  le 
préambule,  les  dix  paragraphes  subséquents  s'occupyent  des 
dim.ensions  que  devront  avoir  les  différents  objets  de  spar- 
terie.  Xi  le  règlement  du  xv'  siècle,   ni  celui  de   1611,   ne 

'»  Arch.   ^runic.  de  Marseille.  BB  88,  pp.  4-4-4-6. 


210  Il-AX  RF.VNAUD 

portaient  d'indications  aussi  précises  à  cet  égard.  Leur  ca- 
ractère purement  technique  permet  de  n'y  pas  insister. 
Notons  tt)Utefois  Cju'il  était  formellement  interdit  d'utiliser 
]-)our  la  confection  des  cordages  de  l'auffe  ayant  déjà  servi. 

Mais  les  cinq  paragraphes  suivants  sont  intéressants  à 
plus  d'un  titre. 

D'abord  il  est  question  des  <(  intendants  »  des  auffiers  et 
des  «  prieurs  de  leur  luminaire  ».  Nous  trouvons  ici  pour 
la  première  fois  trace  de  leur  groupement  en  confrérie, 
une  des  modalités  des  corporations*". 

Ensuite,  nous  voyons  apparaître  le  nom  de  la  rue  des 
Auffiers,  comme  renfermant  les  bouticpies  où  se  débitaient 
les  ouvrages  en  sparterie.  Nous  voyons  également  désigner 
le  cjuartier  de  Blanquerie  comme  étant  un  centre  de  fabri- 
cation des  articles  d'aufifes. 

Une  phrase  du  règlement  parle  de  ce  que  <<  quek{ues-uns 
de  leur  mestier  qu\-  ont  de  nomeau  le\'é  bouticpie  au  Car- 
tier de  Cavailhon  resoivent  des  ouvriés,  des  femmes  et  des 
aullres  personnes  t|uy  travaillent  les  auffes  en  racheté  ». 
Ces  auffiers  indélirf^ats  n'hésitaient  pas  à  majorer  les  salai- 
res de  ces  ouvriers  (dandeslins,  et,  de  la  sorte,  arrivaient  k 
débaucher  à  leur  protll  la  main-d'o.ni\'re  des  maîtres  établis 
en  boutique.  11  |:)araît  que  (~es  abus  <(  aulmentaient  »  tous 
les  jours.  Pour  }'  remédier,  le  règlement  prévovait,  outre 
la  fermeture  de  ces  ateliers  non  autorisés,  l'inlerdiclicMi 
absolue  aux  maîtres  de  «  donner  auhnms  auffes  n\'  dure  ny 
jDicade,  ny  recepvoir  fillet,  pièces  ou  autres  besognes  cpie 
dans  les  boutiques  et  aux  lieux  et  endroicts  marqués...  » 

""  A'oilà  cfui  prouve  combien  il  faut  se  méfier  des  affirmations 
d'Aug.  Fabre  :  malgré  sa  connaissance  approfondie  des  archives  de 
Marseille,  il  n'avait  pas  pris  garde  aux  divers  règlements  d'auffiers 
cjue  contiennent  les  registres  de  délibérations  municipales,  et  il  en 
coucluait  que  nos  auffiers  n'avaient  formé  ni  corporation,  ni  confré- 
rie !    {Anciennes  rues  de  Marseille,    p.  33). 


LES  AUFF1I£KS  DE  MARSEILLE  2  l  I 

Le  règlement  doit  encore  sC'v'w  contre  les  <<  corraiiers  ou 
corratières,  lesquels  viennent  vandre  d'aulïes  dans  les  bou- 
tiques de  divers  mestres,  iceux  ne  Iravailiiant  point,  ains  la 
font  travailher  à  des  autres  pour  profiter  de  leur  labeur,  ce 
quv  revient  au  préjudice  évidani  non  seullement  ties  mes- 
tres aufliers,  mais  plus  pariicullierement  des  pauvres  ou- 
vriers desquels  le  Iravailh  esl  diminué  par  moyen  desdicts 
corratiers  et  corratières  ».  La  tentation  a  été  toujours  grande 
pour  les  intermédiaires  de  faire  des  affaires  pour  leur  pro- 
pre compte. 

Les  dispositions  du  règlement  devaient  s'app.liquer,  non 
seulement  à  la  ville,  mais  à  tout  le  terroir  de  Marseille,  où 
les  abus  trouvaient  plus  de  facilités  pour  passer  inaper- 
çus ''. 

Bien  entendu,  les  maîtres-auflîers  jurent  et  promettent 
de  garder  et  observer  de  point  en  point  le  nouveau  règle- 
ment, et  de  n'y  jamais  contrevenir  directement  ni  indirec- 
tement. 

Moins  de  trente  ans  après,  une  délibération  du  corps  vien- 
dra renouveler  des  prescriptions  anciennes  tombé<'S  en 
désuétude  et  en  formuler  de  nouvelles  à  l'égard  de  ces  indé-- 
sirables  corratières,  "  qui  sont  noninn-es  vulgairt-mcnl  rni- 
dières  ».  Une  assemblée  tenue,  le  17  noxcmbre  i()<S2,  |)ar 
les  maîtres-atiffiers  <(  fondés  sous  le  titre  du  Bon-Ange 
Gardien  »,  se  plaint  vivement  des  manu-uvres  de  ces  fem- 
mes :  «  Il  s'est  trouvé  dans  1<^s  visites  (|u'i1s  |les  prieurs] 
ont  faites  des  fenwnes  qui  prennent  des  autles  pour  tra- 
vailler et  faire  travailler  à  leurs  connus  et  (pii  doivent  avoir 
soin,  ainsi  qu'est  de  coutume,  de  les  rendre  anv  Hn^  maî- 

«1  Donc,  les  maîtres-auffiers  pouvaient  faire  travail k-r  lies 
ouvriers  résidant  le  terroir,  autrement  dit  la  banlieue.  Ce  fait  est 
intéressant  à  noter  pour  Diistoire  de  l'industrie  dans  les  loca- 
lités  situées    dans    le   terroir   de    Marseille. 


212  IHAN  REYNAUD 

Ires-auflîers  loiscju'elles  sont  travaillées,  (jiii  oni  fraudé  les 
marchandises  par  elles  prises,  lesquelles  se  cachent  même 
pour  n'être  visitées,  ainsi  qu'il  s'est  vu  dans  les  dites 
visites  ». 

Il  tut  donc  formellement  interdit  de  remettre  du  travail 
à  ces  femmes  lorsqu'elles  ne  serAaient  que  d'intermédiai- 
res. Celles  qui  travaillaient  personnellement  l'auffe  purent 
continuer  à  recevoir  de  l'ouvrage.  Enfin,  la  délibération 
n'autorisait  de  ((  faire  des  rendières  nouvelles  >:  ({ue  dans 
la  ville,  pour  permettre  de  les  inspecter  plus  facilement  *". 

Malgré  toutes  ces  pTescriptions,  formulées  sous  peine  de 
S3  livres  d'amende,  une  autre  délibération  du  corps  des 
auf fiers  du  12  mars  1687,  enregistrée  au  Parlement  de  Pro- 
vence^'', constatait  déj<à  que  la  décision  du  17  novembre 
1682,  était  tombée  en  désuétude  ;  elle  la  remettait  en  vigueur 
et  l'accompagnait  de  diverses  prescriptions  nouvelles  en  six 
articles. 

1°  Le  premier  visait  les  interdictions  d'emploi  des  ren- 
dières. 

2°  Les  maîtres  ne  devaient  point  permettre  aux  ouvriers 
d'aller  prendre  les  auffes  au  paroir  (moulin  à  auffe),  ni 
les  3^  reporter  ime  fois  filées.  Ces  opérations  devaient  se 
faire  uniquement  dans  les  bouticjues  des  maîtres.. 

3°  Les  maîtres  ne  pourraient  envoyer  les  auffes  dans  les 
maisons  des  ouvriers  ni  les  v  faire  reprendre  une  fois  filées  ; 
cela  aussi  devait  se  faire  dans  les  boutiques,  à  peine  de 
30  liv.  d'amende. 

4°  Malgré  les  dangers  de  la  surenchère,  on  maintenait  le 

*-  Arch.  des  B.-du-Rli.  Notaires,  fonds  Lieutard.  Année  1682, 
reg.  150,  f"  II 10  v^.  —  Cette  délibération  fut,  paraît-il,  enregistrée 
au  Parlement.  11  a  été  impossible  de  la  retrouver  dans  les  registres 
conservés   au    Palais    de  Justice    d'Aix. 

"  Arch.  des  B.-du-Rh.   Dépôt  d'Aix!  B  3373.  f"  2:5. 


LL'S  ALFFIliRS  l)i:  MARSKIlLi:  21  3 

clr(>ii  des  palrt)ns  de  piixer  les  ouxrier.'-  ainsi  ({u'ils  croi- 
raient devoir  le  faire". 

5"  Pour  taire  face  aux  dépenses  du  luminaire  du  B«in- 
Ange  Gardien,  il  serait  payé  icx)  livres  par  ceux  nui,  pas- 
sés maîtres,  ouvriraient  boutique,  sauf  les  tlls  de  maîtres. 
Cette  élévation  à  la  maîtrise  de\raii  v'-tre  prv.Védée  trim 
apprentissage  fait  à  Marseille  et  d'une  entitiête  de  bonn<'.s 
vie,  mœurs  et  probité. 

Les  maîtres  paieraient  de  leur  côte  iS  li\res  jiar  ajîprenii 
engagé.  Les  fils  de  maîtres  exemjDtaieni  leur  pèr^  de  c 
j^aiement.  Les  iS  livres  étaient  rétluites  à  <>  livres  pour 
les  étrangers  justifiant  de  leur  apj)rentissage. 

C^tie  délibération  est  intéressante,  parce  ciu'elle  consti- 
tue le  premier  texte  où  il  soît  question  d'apprenti.ssage  et 
de  maîtrise,  toutes  institutions  qui  ne  ilevaient  pourtant 
point  être  nouvelles.  Otte  préoccupât ii)n  de  réglenvenii-r 
l'accès  de  la  corporation  devait  continuer  dès  lors  à  se  faire 
sentir  et  on  en  retrouvera  la  manifestation  dans  tous  les 
règlements  subséquents. 


^■'   Cette   dispnîition  revenait   sur  une  dos   prcx  t  i|Mi..ii  -   uu    i<>;i«- 
ment  de  1654  visant  les  salaires;  un  redoutait  alors  le  débauchage. 


214  JEAN  REYNAUD 


VI 


Premières    tentatives   des    Maîtres-Auffiers 
pour    la   protection    de    leur   privilège 


Les  Archives  municipales  de  Marseille  renferment  deux 
documents  sans  date  d'un  grand  intérêt  pour  l'histoire  des 
Auffiers  de  Marseille.  L'un  est  un  projet  de  statuts  pour 
ce  corps  de  imétier,  l'autre  est  un  mémoire  en  défense  des 
Echevins  de  la  ville  «■  contre  les  prétendus  Prieurs  des 
Cordiers  de  la  même  ^  ille  »  dans  une  affaire  pendante  au 
Parlemient  *^ 

Rien  que  certains  points  communs  puissent  justifier  un 
rapprochement  entre  les  deux  textes,  il  est  certain  cju'ils 
ne  sont  pas  complémentaires.  Le  mémoire  en  défense  est 
dirigé  contre  la  délibération  d'un  groupe  de  35  ouvriers  cor- 
diers du  14  juillet  1720  et  fait  allusion  à  la  confrérie  de 
Saint-Roch.  Le  projet  de  statuts  pour  le  corps  des  auffiers 
nomme  Pierre  Olive,  premier  prieur  du  Luminaire  de  l'An- 
ge-Gardien.  Ce  Pierre  Olive,  qui  était  âgé  de  35  ans  en 
1693,  figure  juscju'en  17 19  sur  les  contrôles  du  corps  des 
Auffiers.  V.n  1724,  apparaît  un  autre  Pierre  Olive  qui  pour- 
rait être  le  fils  du  premier:  la  signature  du  second  est  celle 
d'une  main  plus  ferme. 

^'^  Ces  deux  documents  font  partie  de  la  liasse  Cordiers  et  Auf- 
fiers de  la  Série  HH.  —  Nous  avons  déjà  utilisé  et  nous  utilise- 
rons encore  les  indications  très  intéressantes  fournies  par  le  mé- 
moire  en  défense   non  daté.-  mais   à  peine   postérieur  à    1720. 


LI£S  ALFl-IERS  DK  .M.VK.>ii:i  I.l.l':  21  ^ 

Un  second  exemplaire  de  ce  projet  de  siaUiis  est  en  lous 
points  semblable, comme  inspiration  et  ccnnme  écriture, à  un 
autre  texte,  daté  celui-là  du  8  août  1700,  et  qui  contient 
les  statuts  d'une  jurande  projetée  de  cordiers  de  clianvre. 
formant  dissidence  avec  la  confrérie  de  vSaint-Rocli  avant 
son  luminaire  dans  l'église  Saint-Martin  "". 

Or,  le  but  principal  des  aufllers  est  iCinsiiiucr  uni-  ju- 
rande. Rien  n'empêche  de  penser  cjue  Pierre  ()li\e,  premier 
prieur  des  auffiers  vers  1700,  ait  songé  à  doter  son  métier 
d'un  statut  corporatif,  les  précédents  règlements  ayant  pres- 
que uniquement  visé  le  côté  technique  et  général  de  l'in- 
dustrie de  la  ^parterie. 

C'est  donc  tout  à  l'orée  du  x\'iir  siècle  (|ue  nous  n-Ic- 
vons  pour  la  première  fois  la  préoccupation  ('\i(lente  de 
codifier  les  vieux  usages  et  de  créer  une  corporation  des 
auffiers.  Pour  des  raisons  analogues  à  celles  mises  <'n  avant 
par  les  auffiers,  la  même  icndancc  cxisiaii  dans  nmnb.i 
d'autres  corps  de  métier. 

J.e  préambule  du  projet,  toujours  curieux  dans  ces  sortes 
d'actes,  relève  l'importance  des  manufactures  d'objets  en 
auffe  de  Marseille.  Il  souligne  en  même  temps  les  abus  (|ui, 
à  la  longue,  se  sont  introduits  dans  la  dite  fabrication,  et 
il  en  attribue  la  cause  à  ce  que  «  les  anciens  statuts  faits 
par  Mrs  les  Consuls  de  cette  ville  ez  années  1567  "'  et  1654 
ne  sont  point  authorisés  par  lettres  patentes  de  .Sa  Majesté, 
et  de  ce  c^u'il  v  a  de  nouveaux  abus  que  les  dits  anciens 
statuts  n'ont  pas  prévus  ».  Il  serait  donc  exjx'dient  d'y 
remédier  et  <(  d'ériger  en  même  temps  cette  manufacture 
en  maitrize  afin  que  les  syndics  et  prieurs  ayent  une  auilm- 
rité  de  faire  des  visites  pour  corriger  les  abus  et  faire  jiunir 
les  malversations  >'. 

'"  Arch.  munir,  de  Marseille.  Srric  IIH.  ])ns?irr  Cordiers  et 
Auffiers. 

"  Cette  erreur  de  date  (1567  au  lieu  de  1407)  sera  reproduite 
dans  plusieurs  textes  du  XVIIP  siècle. 


215  liiAN  REVXAUD 

Jves  stcituls  c-uinpren lient  qiuiturze  arluies. 

Le  premier  vise  le  luniinjiire  du  Bon-Ange  Grirdien  ((  que 
la  coninumaulé  continuera  de  régir  dans  l'iiglise  des  Pères 
Augustins  ».  Donc,  conirairenieni  à  une  affirmation  du 
mémoire  en  défense  de  la  ville,  le  corps  des  auffters  existait 
bien  antérieurement  à  cette  date,  avec  son  luminaire  pro- 
pre, distinct  de  celui  de  Saint-Roch. 

Le  même  article  prévoit  aussi  la  nomination  annuelle  de 
deux  prieurs,  le  second  dimanche  de  février,  élus  pour  deux 
années,  de  façon  cju'il  y  ait  en  fonction  deux  prieurs  anciens 
et  deux  prieurs  notiveatix.  Ces  prieurs  seraient  en  même 
tem|:)s  syndics  de  la  communatUé.  (^n  voit  ici  la  liaison 
étroite  entre  la  confrérie  religieuse  et  la  commtinaulé  de 
métier. 

Les  trois  articles  suivants  sont  relatifs  à  la  maîtrise.  Nul 
ne  pourra  devenir  maître  et  tenir  boutique  sans  avoir  fait 
apprentissage  de  trois  ans,  servi  pour  garçon  pendant  deux 
ans,  subi  un  examen  et  fait  un  chef-d'œuvre.  L'aspirant 
maître  une  fois  admis  pourra  lever  boutiqu^  à  condition 
de  verser  un  droif  d'entrée  —  fort  élevé  pour  l'époque  — 
de  300  livres  au  profit  de  la  communauté.  Les  fils  de  maî- 
tres devraient  passer  un  examen,  mais  seraient  dispensés 
de  payer  attcun  droit  d'entrée.  Cette  disposition  ne  tendait 
qu'à  empêcher  pratiquement  l'accès  d'éléments  nouveaux 
dans  le  corps  des  a uf fiers. 

L'article  5  règle  Its  formalités  à  remplir  pour  engager  les 
((  apprentifs  »  —  nous  dirions  les  apprentis.  Ceux-ci  doivent 
faire  visite  aux  Syndics  et  payer  tm  droit  fixe  de  50  livres 
au  trésorier,  une  fois  réglé. 

L'article  6  est  indicatif  de  l'esprit  très  particulariste  du 
corps  des  auffiers.  Il  interdit  à  C|uiconque  n'a  pas  été  reçu 
maître  d'ouvrir  boutique,  de  dresser  des  manufactures  d'ou- 
vrages de  joncs  vulgairement  dits  auffes,  ni  de  les  vendre 


Lt:.S  AUFFIIÎRS  I)l£  MARSEILLE  217 

el  débiter.  On  sent  qu'il  a  été  écrit  en  réaction  ronin-  n-^ 
grands  négociants,  sans  compétence  spéciaU-,  (jui  <(>nini.in- 
ditaient  des  ateliers  de  conleries  dont  la  mise  tie  fonds, 
au  dire  du  mémoire  en  défense,  devait  être  si  considéra- 
ble. 

Trois  articles  visent  les  rendièrcs,  ces  femmes  de  la  ban- 
lieue Cjui  tressaient  des  auiïes  à  façon  pour  le  compte  des 
maîtres.  11  était  interdit  d'acheter  des  ol)jets  manufacin- 
rés  aux  rendières,  «  tous  gens  pauvres  >■,  pour  les  empê- 
cher de  <(  .malverser  et  de  divertir  les  autïes  qui  leur  sont 
confiées  )>.  Défense  était  fnile  aux  rendières  de  rec<'voir  de 
l'oiixragt^  d(^  plus  tie  trois  maîtres  à  la  fois  mais  dans  la 
ville  seulement  —  pour  é\  iter  la  confusion  (.les  aulTes  et  d<*s 
ouvrages.  Enfin  le  tarif  de  la  façon  des  rendières  n<.' devait 
être  fixé  cjue  par  l'.Vssemblée  de  la  communauté,  «  suivant 
la  conjoncture  des  temps  ». 

L'article  10  règle  les  rapports  des  ir.aîtres  el  des  mouli- 
niers  d'auffes,  appelés  foulons.  Il  tend  à  empêcher  la  con- 
fusion des  lots  de  fibres  remis  à  <vs  derniers.  <(  lu  comme 
Mrs  les  Ju-hevins  ne  permettent  pas  aux  charrettes  d'entrer 
dans  les  rues  où  sont  les  boutiques  jxuir  y  prendre  et  rap- 
porter les  auffes,  aucun  maître  ne  pourra  donner  des  aulTes 
Cju'aux  foulons  qui  voitureront  av<^c  des  bêtes  de  charge 
et  C|ui  viendront  charger  et  décharger  les  beslinux  aux  por- 
tes des  boutiques  ». 

L'article  11  organise  l'inspection  des  bouiifpies  et  des 
entrepôts  t'uis  les  <'|uinze  jours  par  I<^^  maîtn-s  «-t  les  s\n- 
dics. 

Les  rendières,  difficiles  h  surveiller,  étaient  l'objet  il'ime 
certaine  méfiance.  <c  Pour  obvier  aux  vols  et  dissipations 
des  auffes  et  des  ouvrages  »,  il  était  entendu  qu'elles  ne 
pouvaient  prendre  du  travail  que  pour  elle.s-mêmes  et  leur 
famille  et  non  pour  en  distribuer  à  d'autres.  Il  était  aussi 


2l8  iliAX  RKVNALD 

inicrclii  aux  icgrulticrs  «■  d'acheter  des  lllels  et  ouvrages 
des  enfants  et  pauvres  ouvri^^rs,  comme  étant  les  dits  filets 
volés  et  soustraits  aux  maîires  qui  ont  fourni  l'auiïe  ».  De 
leur  côté,  les  maîtres  ne  pouvaient .«  avoir  des  bureaux  à 
la  campagne  et  lieux  circonvoisins  pour  y  faire  distribuer 
l'auffe  et  recevoir  les  filets  et  ouvrages  »,  ni  en  faire  donner 
aux  ((  battoirs  »  :  toutes  ces  opérations  devaient  se  faire 
«  dans  le,s  boutiques  et  dans  la  ville  ».  (Article   12). 

L'article  13  prévoyait  des  sanctions  pour  les  infractions 
commises  par  les  ouvriers  :  privation  de  travail  pour  trois 
mois  et,  à  la  récidive,  privation  perpétuelle  de  travail  dans 
le  métier. 

L'article  14  et  dernier  confirmait  et  validait  les  statuts 
des  années  1557  (1467)  et  1654  ^t  l^s  délibérations  «  enre- 
gistrées au  Parlement  de  cette  province  »  du  17  novembre 
1682  et  12  mars  16S7,  textes  qui  demeureraient  attachés  aux 
statuts  nouxeaux,  le  tout  devant  faire  l'objet  d'une  appro- 
bation des  Echevins  et  de  lettres  patentes  de  Sa  Majesté. 
Pleins  pou\'oirs  étaient  donnés  aux  quatre  prieurs  en  charge 
de  faire  toutes  démarches  et  frais  à  ces  fins. 

Mais  ce  projet  devait  rester  sans  suite.  Il  n'en  est  plus 
question  postérieurement,  et  les  statuts  de  1741,  c|ui  se  réfè- 
rent à  tous  les  règlements  déjà  édictés  sur  l'industrie  de 
l'auffe,  ne  font  aucune  allusion  à  ces  statuts  morts-nés  qui 
avaient  eu  la  prétention  de  vouloir  ériger  en  maîtrise  et 
jurande  le  corps  des  miaîtres-auf fiers  marseillais.  Les  Eche- 
vins de  Marseille,  lieutenants  généraux  de  police,  chargés 
à  ce  titre  de  la  haute  surveillance  des  divers  corps  de  métier, 
voyaient  d'un  cTeil  très  défavorable  leur  autorité  sur  ces 
corps  transférée  en  partie  aux  «  jurés  >>  élus  par  ces  corps. 
Mais  ils  fournissaient  à  l'appui  de  leur  opposition  à  la  ten- 
dance nouvelle  des  raisons  qui  ne  paraissent  pas  sans  fon- 


LES  AUFFIKUS  DE  MAKSKII.I.IÎ  2ig 

clriiiLTil.   Ces   raisons  sont  exposées  dans  !<•   ir.'-in"'''-   ^'Hv 
date  dont   il  a  été  question  plus  haut. 

((  Si  ces  arts  ét£iient  en  maîtrise,  disai<'nt-ils,  tout  serait 
perdu,  parce  que  les  marchands  ne  pouvant  plus  en  tenir 
les  fabriques  et  manufactures,  et  les  ouvriers  s<'uls  pouvant 
le  faire,  ils  seraient  incapables  de  soutenir  un  t<'l  comnierci' 
([ui  exige  des  fonds  immenses  et  des  forces  (|ue  des  artisans 
seuls  ne  sauraient  avoir  ». 

De  plus,  «  pour  filer  le  chanvre,  le  pcii^iu-r,  «i  ])(uir  pri  - 
parer,  battre  et  filer  les  autTes,  il  faut  des  quantités  i)r(i- 
digieuses  de,  femmes;  pour  travailler  les  cordages,  et  sur- 
tout les  grosses  gumes  des  vaisseaux,  il  faut  un  très  grand 
nombre  d'hommes;  on  y  emploie  non  seulement  des  ou- 
vriers de  ces  arts,  mais  encore  de  toute  espèce  de  gens  pour 
aider,  des  matelots  et  autres,  e'  jtist[ue  des  petits  gar(,-ons 
d'aventure  appelés  passc-gavcls.  l,ors([u'il  y  a  de  gross<*s 
Cjuantités  de  bâtiments  en  étal  d'é<iuiper,  les  ouvriers  des 
environs,  c'est-à-cHre  de  'l'oulon,  la  C'iotat,  Cassis  <•!  autn's 
endroits,  viennent  ;  on  en  envoie  ])rendre  de  partout  |)onr 
l^ouvoir  subvenir  au  travail.  >^  L'insiitiuion  île  maîtrises 
empêcherait  d'employer  toute  autre  main-d'teuvre  (jue  U' 
personnel  habituel  des  boutiques  d'aufliers:  «  Tout  serait 
perdti,  le  commerce  serait  arrêté,  les  bâtiments  ne  pour- 
raient plus  s'équiper,  et  on  man(|U('rait  de  tout...   " 

Le  tableau  est  évidemment  noirci.  .Mais  il  expose  assez 
fidèlement  le  caractère  de  la  grande  industrie  qui  s'était 
établie  à  Marseille.  A  un  autre  point  de  vue,  les  Hchevins 
ne  cachent  pas  qu'à  leur  avis,  l'érection  de  maîtrises  ou  de 
jurandes  diminuerait  l'autorité  royale  et  leur  projire  auto- 
rité: (T  Au  Roi  seul  appartient  de  faire,  d'ériger  et  d'éta- 
blir les  maîtrises  »  ;  mais  «  S.  M.  ne  leur  <'n  accorderait 
pas,  parce  que,  s'ils  étaient  en  maîtri.se,  ils  auraient  droit 
de  faire  des  syndics  et  jurés  et  de  .se  faire  des  statuts  et 


220  l*^-^-"^'  l^lîVNAl  D 

rryk-nu-nis  coninic  k-s  autres  maîtrises,  el  l'ela  tendrai i 
à  iV'ViTsion  du  droit  de  M.  le  Oouvorneur-X'ii^uicr  el  de 
Mrs  les  I{(he\ins  tM  ilu  Conseil  tie  \iliea  (|ui  1»'  droit  ap]:)ar- 
tient  de  toute  ancienneté  de  leur  nommer  des  subrestans...  » 

Les  Echevins  s'élèvent  même  contre  l'apprentissage:  de 
lui-même,  il  «  semble  n'avoir  rien  de  mauvais  »,  mais  c'est 
en  réalité  <(  un  moyen,  le  plus  captieux  C|ui  fut  jamais,  d'ex- 
clure de  faire  travailler  et  tenir  corderie  tous  les  marchands 
et  négociants  qui  l'ont  fait  juscju'aujourd'huy  et  sans  les- 
quels tous  les  ouvriers  seraient  incapables  de  soutenir  un 
<-ommerce  aussi  important...  )>  Si  cela  avait  lieu,  il  faudrait 
bientôt  étendre  l'apprentissage  aux  savonniers,  aux  raffine- 
ries de  sucre,  aux  blanchisseries  de  cire,  etc.  ;  les  négo- 
ciants seraient  évincés  et  le  comimeiTe  péricliterait  au  pré- 
judice de  l'Etat. 

Otmnt  à  la  levée  de  nouvelles  taxes  au  profit  des  corps  c'e 
métier,  les  h^chevins  n'en  voient  pas  la  nécessité:  «  Les 
dettes  des  corps  n'ont  pas  augmenté  depuis  la  paix'";  ils 
n'ont  pas  payé  de  nouveaux  subsides  ;  au  contraire,  ils  se 
sont  affranchis  en  payant  leur  dette  en  billets  de  banque  '" 
ou  en  faisant  réduire  à  2  et  demi  pour  cent  les  dettes  qu'ils 
devaient  à  5  pour  cent  »  "". 

La  peste  ayant  appauvri  la  ville  et  tué  la  phq>art  des 
ouvriers  et  artisans,  il  faut  chercher  h  en  attirer  de  nou- 
veaux, et  non  détourner  les  étrangers,  ce  qui  arriverait  fata- 
lement si  une  <(  autorité  despotique  »,  et  d'autant  plus  des- 
potique cjue  collective,  prétendait  n'admettre  dans  un  métier 

*"*    La    paix   d'Utrecht  (1713-1714). 

'*''  Comme  tous  les  régimes  d'inflation  fiduciaire,  le  système  de 
Law  avait  eu  pour  effet  de  pertnettre  aux  débiteurs  de  rembourser 
à  bon  compte  leurs  créanciers  en  monnaie  dépréciée.  Les  faillites 
monétaires  se  sont  toujours  terminées  par  des  cadeaux  faits  aux 
débiteurs  par  l'Etat  aux  dépens  des  prêteurs  ou  des  créanciers. 

""  Consulter  à  cet  égard  les  délibérations  du  corps  des  auffiers. 
Arch.   des  B.-du-Rh.  Reg.  Ei  et  E2,  fassim. 


LKS  AUFI'IKRS  Di:  MARSKILI-K  221 

que  ci'ux  nui  sont  au  f^ré  de  tous:  «  Kt  s'il  fallait  qu'un 
seul  ne  le  voulant  pas,  [le  candidat]  ne  fût  pas  admis, 
coniime  chacun  ne  peut  pas  être  de  la  nature  de  la  nionoie 
c[ui  plaît  à  tout  le  monde,  il  s'ensuivrf>it  (|ue  personne  ne 
seroil  ailmis,  et  de  là  il  arrixiMMii  ([u'une  cliriiv<'  |)<»ij^nt'c 
d'ouvriers  comnn*  ces  délibéranls...  seroieiil  (U-s  arbitres 
souverains  qui  auroient  le  pouvoir  d'exterminer  cet  art  et 
de  faire  périr  et  abolir  le  commerce...  » 

Telle  délibération  ne  pouvait  être  que  <'  nulle,  ami)i- 
tieuse,  attentatoire  et  pernicieuse  ». 

Nous  verrons  cependant  à  quelques  annco  de  la,  !»•> 
Echevins  accepter  pour  les  auf fiers  l'aj^prentissaçe  et  la 
maîtrise  qui,  en  fait,  existaient  dejîuis  lonn'U-mps,  mais 
'sans  conférer  de  privilège  spécial.  Le  corps  de  mT-lier  ('-lait 
liéjà  en  décadence,  et  les  syndics  se  montraient  impuis- 
sants h  faire  observer  les  règlements.  Parfois  on  voyait  se 
former  des  corps  dissidents,  et  des  communaut(-s  ou\riè- 
res  s'opposer  aux  communautés  jDatronales '".  La  ruine  de 
l'artisanat  se  préparait  lentement  au  prollt  tle  la  grande 
industrie. 

Le  corps  des  auffiers  tenta  une  fois  de  plus  de  r/'agir  ron- 
In^  l'anarchie  qui  régnait  dans  le  métier.  Le  15  mars  1  7.>5. 
l'assemblée  générale  du  corps,  constatant  l'abandon  général 
de  l'exécution  des  anciens  règlements,  chargea  unv  <-ommis- 
sion  de  huit  membres  adjoints  aux  syndics  d'établir  de  nou- 
veaux statuts  "". 

Ceux-ci  furent  approuvés,  dans  une  autre  assemblée  tenue 
le  14  mai,  et  par  17  voix  contre  6.  l'n  maître  aufller,  absent 

"'  Cela  arrivera  môftie  pour  les  auffiers:  en  17S0.  on  relève  l'exis- 
tence d'une  communauté  de  cordier?  d'auflFc?.  comprenant  14  maî- 
tres, différente  du  corps  des  maitres-auffiers  dont  li-  privil(-ge  n'a- 
vait —  on   le   vf'it  —  servi   de   rien. 

"-  Minutes  de  M^  Raymond  Bernard,  notaire,  appartenant  à  l'f'tude 
de  y]""   fuies  Perrin.   Année    1735,  f"    103. 


222 


TKAN  RIÎYNAUD 


ce  jour-là,  les  rai i fia  aprc's  coup.  Mais  le  texle,  volé  pour 
apporter  de  l'ordre,  allait  à  l'encontre  du  but  poursuivi  et 
tombait  dans  l'erreur  opposée  ;  en  voulant  trop  réglementer, 
il  aboutissait  à  la  confusion.  Ces  statuts  ne  comprennent 
pas  moins  de  67  articles  divisés  en  5  titres  '•".  Le  premier 
titre  (15  articles)  est  relatif  aux  apprentis  ouvriers  et  aspi- 
rants à  la  maîtrise;  le  deuxième  (12  articles)  à  l'élection  des 
officiers  du  corps  et  à  leurs  fonctions;  le  troisième  (14  arti- 
cles), aux  subrestans  et  à  leurs  fonctions  ;  le  quatrième  (5  ar- 
ticles), aux  ouvriers  dits  relieurs;  et  le  cinquième  (21  arti- 
cles), à  la  police  et  à  la  discipline  du  corps. 

Il  ne  paraît  pas  utile  d'analyser  en  détail  ces  <(  Régle- 
mens  et  statuts  pour  la  communauté  des  marchands,  fabri- 
quans,  imaitres  aufliers  de  cette  ville  de  Marseille  »  qui* 
visaient  à  prévoir  tous  les  cas  de  difficultés  possibles.  L'es- 
sentiel s'en  retrouvera  dans  les  statuts  de  1741.  Notons  tou- 
tefois ies  principales  innovations  introduites. 

D'abord,  le  titre  premier  reconnaissait  et  réglementait 
minutieusement  l'apprentissage,  indispensable  pour  être 
reçu  maître.  L'apprentissage  devait  se  faire  chez  un  maître 
de  la  vdle  de  IVLarseille.  Aucun  galérien  libéré  ne  pouvait 
devenir  apprenti. 

l;ne  pré(jccu]iati{)n  constante  des  aufflers  est  d'empv^cher 
les  aiocapa  rement  s,  d'obvier  aux  abus  et  aux  n  monopoles  », 
conume  aussi  de  veiller  aux  fraudes  et  aux  mélanges  des  lots 
(|ui  pouvaient  se  produire  lors  du  débarquement  des  navires. 
Les  agents  de  ces  fraudes  (''taient  les  ouvriers  dits  ((relieurs»  ; 
ceux-ci  triaient  les  au ff es  sur  le  cjuai.  Aussi  leur  interdit-on 
de  travailler  à  l)ord  des  navires;  ils  ne  devaient  opérer  c|ue 
sur  le  quai,  en  vue  de  tout  le  monde,  et  dans  les  magasins, 
sous  condition  d'autorisation  préalable  des  subrestans.  Les 

^^  Minutes  de  'Si''  Raymond'  Bernard  (étude  Jules  Perrin).  année 
1735,    f°   205. 


LES  AUFl-IERS  1)L:  MARSKIM-K  223 

((  relieurs  »  devaient  être  choisis  parmi  les  compagnons 
d'élite. 

Plusieurs  articles  a\aieni  trait  au  Irawail  tk's  rcmlicrcs. 
définies  dans  les  statuts:  des  femmes  qui  font  travailK-r  les 
auffes  d'un  côté  ei  d'autre  par  des  personnes  inconnues  des 
maîtres  et  sur  le  travail  desquelles  ces  rendières  gaf^nont. 
C'étaient  les  anciennes  corratièrcs  dont  il  était  (juestioii  au 
XVIII"  siècle. 

Les  statuts  s'élèvent  contre  un  >'  abus  >>  alors  rourani  : 
celui  qui  consistait  à  importer  l'auffe  battue  d'I'lspagno^  de 
Barbarie  et  autres  lieux"'.  Ils  portent  aussi  interdiction  aux 
maîtres  de  se  débaucher  mutuellement  leurs  ouvriers"'. 
Enfin,  ils  décident  que,  pour  être  exécutoires,  les  déhiit-ra- 
lions  des  assemblées  du  corps  tle\ront  être  ratitiées  par  |)lus 
de  la  moitié  des  membres. 

Ce  règlement  trop  compliqué  et  d'une  application  oifruile 
ne  reçut  pas  l'agrément  des  échexins,  lieuienanls  Lié'iri'-iaux 
de  police,  qui  prièrent  les  autliers  de  se  remettre  à  l'ou- 
vra se. 


"  On  voit  mal  l'inu'-rOt  des  inaim-.iuHu  i  -  .i  inlcniiie  .>tic 
importation.  Cette  prohibition  ne  pouvait  profiter  qu'aux  moulinicrs 
marseillais  dont  les  intérêts  Liaient  distincts.  Peut-être  les  auffici- 
tenaient-ils  à  ne  pas  battre  en   brèche  ces   intérêts. 

"'  C'était  annuler  une  des  dispositions  de  la  délibérali.jn  de  16S7 
et  revenir  au  régime  du  règlement  de  1654. 


224 


TEAN  REYNAUD 


VII 


Les  statuts  de  1741  consacrent  pour  un  demi  siècle 

le   privilège  plus  théorique  que  réel 

des  Maîtres-Auffiers 


Il  fallut  cinq  aniu'es  i^our  établir  un  nouveau  règlement. 
Plus  bref  et  un  peu  moins  exclusif  que  celui  de  1735,  il  cons- 
titue une  sorte  d'aonalgame  des  anciennes  dispositions  con- 
sidérées comme  encore  viables.  Les  rédacteurs  s'inspirèrent 
égalem.ent  de  l'édii  d'tlenri  III,  de  i5Sr,  sur  l'établissement 
des  Arts  et  Métiers,  et  de  certaines  (ordonnances  de  police 
municipale.  Les  auf tiers  attendaient  beaucoup  des  nouveaux 
statuts  qui  allaient  reconnaître  le  privilège  des  maîtres. 

Le  5  juillet  1741,  une  assemblée  générale  du  corps  des 
au.tlîers  se  tint  à  l'IIôtel  de  \'ille,  en  présence  des  échevins, 
lieutenants  généraux  de  pcvlice,  et  du  procureur  du  Roi  en 
ladite  police  '"'.  Cette  assemblée  ratifia  le  texte  des  nou- 
veaux statuts  et  règlement,  établis  par  le  notaire  Hazard  ; 
à  son  tour,    le   Parlement  de  Provence  les  homologua  le 


"''•  L'Assemblée  comprenait  21  maîtres  dont  voici  les  noms:  Marc- 
Antoine"  Fabre,  Joseph  Bonnavié,  Jean-Pierre  ^lonier,  Jean-Joseph 
Alouriès,  tous  cjuatre  syndics;  J.-B.  Icarden,  Côme  Ollivier,  Pierre 
^fayousse,  Pierre  Grast,  Charles  Philip,  Jean  Guindon,  Annibal 
Pin,  Ignace  Long,  François  Plumier,  Mathieu  Legré,  Claude  Vi- 
vian, Louis  Gauthier,  Pierre  Bernier,  Jean-Félix  Brémond,  Etienne 
Laforestj   Honoré   Rcynaud,   Thomas-Augustin  Aube. 


LES  AUFFIERS  DE  iMARSlilII  !•:  225 

17  juillet  siiivani. ils  devaieni  clciiK-iinr  .-n  vi^jin-in-  in^iin*-,  i-, 
Révolution  ". 

Ils  revêtent  une  importance  particulière.  Les  j)r«'-c('(lenis 
règienients  qui  avaient  reçu  furce  de  loi  étaient  rédi,i,^és  avi'C 
des  préoccupations  d'ordre  technique  ou  économique.  Ix>s 
tendances  particularistes  que  nous  av(uis  vu  apparaître  vers 
la  fin  du  w'!!"  sièck",  et  (pie  tlivers  textes  morl-nés  avai<'nt 
tenté  de  réaliser,  se  trouxenl  enfin  consacrées  dans  les  sta- 
tuts de  1741,  conçus  par  les  mailres-aufllers  dans  un  but 
très  utilitaire,  et  à  leur  profit. 

On  peut  juger  ainsi  de  l'évolution  subie  à  travers  les  siè- 
cles par  l'idée  corporative,  et  de  l'angle  sous  lecpirl  les  Mar- 
seillais du  xviir  siècle  apercevaient  les  rapports  des  ouvriers 
et  des  patrons,  la  question  de  rapi^rcniiss.r-p,  l.i  lilin-i,'  du 
travail,  etc. 

Voici  un  réstmié  des  dispositions  de  ces  statuts,  liien 
entendu,  les  articles  ayant  un  caractère  par  Iroj)  terlinicjue 
sont  laissés  de  côté.  On  aura  de  la  sorte  un  tableau  .som- 
maire de  la  vie  du  corps  des  auffiers  à  la  fin  de  l'ancien 
régime. 


'(  Le  Corps  et  Communauté  des  Maitr(\s-.\uffiers  »  est 
représenté  par  deux  svndics  élus  annuellement  le  lieiixièmc 
dimanche  de  février,  par  une  assemblée  générale,  sur  la  pro- 
position des  syndics  en  charge.  I^s  syndics  doivent  assu- 
rer la  police  du  corps,   veiller  à   l'exécution  de  ses   règle- 

"  Ces  statuts,  imprimes  en  1741  chez  Dominic|ue  .Sibié,  sur  le 
Port,  furent  réimprimés  en  1790  par  Jean  Mossy  père  et  fils.  L'édi- 
tion de  1741  existe  aux  Archives  municipales  de  >îarseille,  "•''• 
de   1790  aux  Archives  de  la  Chambre  de  Commerce. 


226  jI^AN    REVNAUD 

ments.  lis  représentent  le  corps  vis-à-vis  des  autorités  et  du 
public.  Ils  ne  peuvent  être  réélus  que  trois  ans  après  leur 
sortie  de  charge. 

Le  premier  svndic  exerce  en  même  temps  les  fonctions 
de  trésorier,  mais  son  collègue  est  responsable  au  même  titre 
que  lui  des  fonds  communs,  en  premier  lieu  vis-à-vis  de 
deux  auditeurs  des  comptes^  ensuite  vis-à-vis  d'une  assem- 
blée générale  qui  se  tient  un  mois  après  la  fin  de  leur  exer- 
cice. Ils  ne  sont  pas  tenus  de  justifier  des  dépenses  de 
moins  de  cinq  livres.  Au-dessus  de  ce  chiffre,  ils  doivent  se 
faire  autoriser  expressément  par  une  assemblée  générale.  Il 
en  est  de  môme  pour  toute  action  litigieuse. 

Les  recettes  du  corps  pro\'iennent  essentiellement  des 
quotités  ordinaires,  des  droits  de  maîtrise  et  d'apprentissage 
et  des  amendes.  La  moindre  infraction  aux  statuts  ou  au 
règlement  est  frappée  d'une  pénalité,  dont  la  moitié  entre 
dans  la  caisse  du  corps,  et  l'autre  moitié  est  versée  à  l'Hôtel- 
Dieu.  En  quatre-vingt-dix  ans,  les  mœurs  s'étaient  modi- 
fiées: il  n'est  plus  question  de  faire  la  part  des  dénoncia- 
teurs '". 

Nous  avons  vu  que  le  trésorier  était  responsable  vis-à-vis 
de  deux  auditeurs  de  comptes.  Ceux-ci,  élus  annuellement 
en  même  temps  que  les  syndics,  et  indéfiniment  rééligibles, 
ont  pouvoir  d'entendre  et  clore  les  comptes  des  syndics, 
d'allouer  ou  de  rejeter  les  articles  qui  leur  paraissent  injus- 
tifiés. 

Des  personnages  jouent  un  rôle  considérable  dans  la 
communauté;  ce  sont  les  deux  subrestans.  Il  en  est  ainsi 
depuis  le  w"  siècle,  mais  primitivement,  ils  étaient  qua- 
tre, chargés  de  surveiller  à  la  fois  les  auffiers  et  les  canc- 


'*  Sauf  le  cas  visé  par  l'article  XI  des  statuts,  au  sujet  des  acca- 
parements   ou    manœu\-re?    pour    obtenir    des   lots    d"auffes    réservés. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSKIl.I.E  22; 

hiers.  Au  xviii^  siècle,  ils  sont  chaque  annt'-e  choisis  par 
les  Echevins  lieutenants  généraux  de  police  sur  une  liste 
de  quatre  maîtres  dressée  par  les  s^-ndics  entrant  en  exer- 
cice. Soumis  à  l'obligation  du  scrutent,  ils  sont  <-liargés  de 
faire  appliquer  les  ordonnances  du  Roi  et  les  règlements 
intérieurs  du  corps.  Dès  leur  entrée  en  fonctions,  ils  doivent 
visiter  les  boutiques  et  les  ateliers  de  cordiers,  mesurer  la 
longueur  des  pièces,  s'assurer  si  elles  sont  exé(n.itées  sui- 
vant les  règles  de  l'art.  Cette  inspetlion  doit  être  renouvelée 
chez  les  maîtres  du  corps  tous  les  trois  mois,  et  dans  les 
ateliers  de  cordages,  tous  les  huit  jours.  Ils  ont  pouvoir  de 
dresser  des  procès-verbaux  et  de  faire  confisciuer  les  <^)uvra- 
ges  dans  lesquels  était  relevée  une  malfaçon  ou  f|ui  avaient 
été  exécutes  avec  des  matériaux  anciens  ou  de  mauvaisi.* 
qualité. 

L'inspection  des  subrestans  s'étend  d'ailleurs  à  tous  les 
endroits  où  s'emploient  des  ouvrages  en  auffes,  notamment 
chez  les  verriers  et  les  revendeuses. 

Ces  fonctions  absorbantes  ne  sont  pas  gratuites.  Le  règle- 
ment de  174?  prévoit  Cju'il  serait  alloué  aux  subrestans  un 
sol  par  millier  d'auffe,  lllets  et  garbeaux  "",  tant  de  la  part 
du  vendeur  que  de  celle  de  l'acheteur.  Une  disposition  ana- 
logue hgurait  dans  les  statuts  du  x\'  siècle. 

Les  élections  des  officiers  se  faisaient  dans  une  ass<MiibU'-e 
générale  tenue  le  second  dimanche  de  février.  A  cette  ass<Mii- 
blée,  comme  aux  autres,  n'étaient  admis  C|ue  les  maîtres,  à 
l'exclusion  des  veuves.  Le  (juorum  exigé  était  tie  la  moitié 
des  maîtres  inscrits  au  corps,  .sans  que  cette  fixation,  pré- 
voit le  règlement,  <(  puisse  dispenser  aucun  desdits  maîtres 
((  en  général  de  s'y  trouver  et  d'y  rester  jusqu'à  ce  queja 
((  délibération   ait  été  entièrement   prise  et  signée,   le  tout 

"  Garbeau  =  botte,  gerbe.  Provençal,  garbo. 


2  28  JEAN  REYNAUD 

<(  à  peine  de  riiiq  lixres  d'amende,  applicable  au  profit  du 
((  corps  ».  Pour  une  fois,  l'IIôlel-Dieu  n'avait  passa  part. 


* 
*  * 


Les  gens  se  rattiichant  à  l'industrie  de  l'auffe  provenaient 
tle  (|uatre  catégories  différentes  :  les  maîtres,  les  veuves  des 
maîtres,  les  ouvriers  ou  les  ouvrières  et  les  «  apprentifs  » 
ou  apprentis. 

Les  maîtres  sont  naturellement  l'élément  essentiel  de  la 
corporation.  Seuls,  ils  peuvent  tenir  boutique  ouverte,  tra- 
vailler, vendre,  débiter  en  gros  ou  en  détail,  en  public  ou 
en  secret,  des  auffes  ouvrées,  filets,  cordages,  cabas  ou 
couffins,  et  généralement  tout  ouvrage  d'auffe,  -de  cjuelque 
nature  et  provenance  qu'il  soit. 

Nul  ne  peut  être  reçu  maître  avant  l'âge  de  25  ans.  Il 
faut,  en  outre,  justifier  de  sa  catholicité,  et  de  deux  ans 
d'apprentissage,  suivis  de  deux  autres  années  de  service 
comme  ouvrier  ou  garçon  chez  un  maître  de  la  ville.  Enfin, 
il  est  exigé  du  postulant  un  droit  de  maîtrise  de  150  livres, 
versé  à  la  caisse  du  corps.  Toutefois  les  fils  de  maîtres  sont 
dispensés  des  deux  ans  de  service  comme  ouvriers.  Remise 
aussi  leur  est  faite  du  droit  de  150  livres.  Cette  mesure  gra- 
cieuse était  étendue  à  ceux  qui  épousaient  des  fdles  de  maî- 
tres, avant  de  se  faire  recevoir  eux-mêmes.  C'était,  en  quel- 
que sorte,  le  cadeau  de  noces  du  corps  des  auffiers. 

Chaque  maître  ne  ])eut  agir  que  pour  son  propre  compte, 
ne  peut  avoir  en  même  temps  qu'une  seule  boutique  ouverte, 
<'t  il  lui  csl  interdit  de  prêter  son  nom  à  d'autres,  lorsqu'il 
abandonne  le  métier.  Toutefois,  il  lui  est  loisible  d'avoir 
autant  de  magasins  ou  d'entrepôts  fermés  qu'il  lui  convient. 

T.es  veuves  de  maîtres  désirant  crmtinuer  le  métier  de  leur 


LES  AUFFlliRS  DE  .NURSLILLE  2  2y 

mari  le  ix'uveni  faire  dans  les  mêmes  condiiion.s,  umi  ijut-i- 
les  restent  veuves  sous  le  nom  de  leur  mari.  11  leur  esi  inter- 
dit, par  contre,  de  recevoir  des  apprentis  chez  elles,  sauf 
ceux  entrés  du  vivant  du  niaiire-aufrier.  IClles  doi\eni,  en 
outre,  aux  maîtres,  une  quotité  de  vingt  sols  par  an,  paya- 
ble le  premier  dimanche  de  mars,  Siins  préjudice  des  imposi- 
tions décidées  pour  l'acquittemeni  des  dettes  du  Corps. 
Enfin,  elles  ne  sont  pas  admises  aux  assemblées  générales. 

Comme  dans  toutes  les  industries,  la  .main-d'u'uvr<'  esi, 
numériquement,  l'élément  le  plus  importani.  Mais  il  y  a\aii 
chez  les  auflîers  im  élément  régidier:  il  se  <'omposaii  des 
apprentis  et  des  ouvriers  a}ant  leur  certificat  d'appreniis- 
sage;et,  d'autre  part,  im  élément  irrégulier  qui  comprenait 
les  ouvriers  sans  certificat  d'apprentissage,  et  les  retulicrcx. 

Les  apprentis,  parmi  lesquels  se  recrutent  exclusivement 
les  maitres,  forment  une  ciitégorie  à  laciuelle  il  est  ilonné 
une  particulière  attention.  Le  contrat  d'apjîrcniissage  doit 
être  passé  par  devant  notaire;  il  doit  être  obligatoirement 
de  deux  années;  l'apprend  paie  au  corps  un  droit  de  vingt 
livres  dans  le  mois  qui  suit  la  passation  de  l'acte,  droit  dimt 
le  maître  demeure  responsable.  Toutefois,  les  enfants  des 
hôpitaux  sont  exemptés  du  paiement  de  ce  droit.  Chaqje 
maître  ne  peut  avoir  la  charge  que  de  deux  apprentis,  le 
second  n'étant  admis  qu'après  une  année  de  présence  dit 
premier. 

En  dehors  des  apprentis,  les  maîtres  ont  le  droit  d'em- 
ployer, non  seulement  des  ouvriers  possédant  un  cerlihcat 
d'apprenussage,  mais  aussi  n'importe  qui,  homme  ou 
femme.  Ces  ouvriers  travaillent  chez  le  maître-autlu-r,  à 
leur  domicile  propre,  ou  chez  les  particuliers  (jui  ont  des 
auffes  à  tresser.  Les  ouvrières  ne  peuvent  être  employées 
que  par  deux  maîtres  à  la  fois.  Bien  entendu,  tous  sont  sou- 
mis à  une  inspection  régulière  des  plus  sévères.  Les  ouvra- 


230  JIÎAX    REVXAUD 

ges  doi\enî.  être  exécules  strictement  selon  les  règles  ;  les 
objets  non  conformes  donnent  lieu  à  procès-verbal  et  à  con- 
fiscation. Lfs  ouvriers  ne  doivent  travailler  c|ue  pour  compte 
des  maures,  nullement  pour  eux-mêmes.  Ils  ne  doivent 
point  sortir  de  leurs  fonctions  ni  faire  acte  t|uelconc|ue  de 
commerce.  V'is-à-vis  des  maîtres  et  des  of liciers  de  la  com- 
munauté, ils  sont  tenus  de  «  ]3orter  honneur  et  respect  ». 
Toute  infraction  à  ces  dispositions  est  punie  de  dix  livres 
d'amende,  de  vingt  à  la  récidive,  et  éventuellement  de  Tm- 
terdicrion  du  travail.  Sur  la  plainte  des  maîtres  et  le  rap- 
port des  subrestans,  l'ouvrier  peut  également  être  congédié. 

Parlons  maintenant  des  rcndièrcs.  Elles  sont  touj\>urs 
aussi  mal  vues  des  maîtres.  Otivrières  à  façon,  travaillant 
d'occasion  chez  elles  ou  simplement  intermédiaires,  elles 
étaient  devenues  les  concurrentes  des  <(  ouvrières  à  droiture  », 
des  spécialistes.  On  les  accusait  de  <(  faire  du  tort  à  un 
nombre  infini  de  pauvres  gens  »  en  s'appropriant  un  tra- 
vail qui  devait  revenir  à  ceux-ci.  On  les  considérait  comme 
des  gâte-métiers:  elles  consentaient  à  travailler  au  rabais 
mais,  à  l'occasion  n'hésitaient  pas  à  hausser  leur  salaire 
lorsqu'elles  avaient  affaire  à  des  maîtres  obligés  de  s'en  lap- 
porîer  à  elles  ;  on  les  accusait  aussi  de  mélanger  les  mar- 
chandises C|ui  leur  étaient  confiées  par  des  propriétaires  dif- 
férents, et  même  de  faire  argent  de  ces  marchandises  et  de 
disparaître. 

Les  doléances  contre  les  rendières  ne  sont  pas  nouvelles  ; 
nous  les  avons  vu  formuler  dès  161 1,  sans  pour  cela  que 
les  aufiiers  aient  jamais  cessé  de  s'adresser  à  ces  femmes. 
A  partir  de  1741,  il  fut  interdit  aux  maîtres  d'emplover  des 
rendières  dans  l'intérieur  de  la  ville,  à  peine  de  confiscation 
de  la  marchandise  et  de  150  livres  d'amende,  applicables 
un  tiers  au  Roi,  un  tiers  à  l'Hôtel-Dieu  et  un  tiers  au  corps. 
Cependant  liberté  fut  laissée  d'employer  les  rendières  à  la 


LES  AUF1--1ERS  DE  -MAUSEILI  1,  2}  l 

campagne,  à  raison  de  ce  que  h  les  painrch  gt'ii.s  qui  \-  tra- 
vailienL  ne  poiii raient  pas  tous  venir  en  ville  prendre  r<ui- 
vrage  ».  Les  prescriptions  de  1O82  et  de  1687  s<^  trouvaient 
donc  en  partie  annulées  à  l'égard  de  ces  i'emnves,  considé- 
rées comme  intermédiaires  nécessaires  entre  les  maîtres  et 
boutiquiers  et  une  main-d'œuvre  paysanne  certainonient 
plus  avantageuse  que  celle  de  la  ville. 

Telles  étaient  les  principales  dispositions  de  ces  statuts 
en  vingt-trois  articles  dont  l(\s  auftlers  aitentiaieni  certaini'- 
ment  une  grande  amélioration  dans  les  coiiditions  d'exercice 
de  leur  métier.  Approuvés  par  les  échevins,  enregistrés  au 
Parlement,  il  ne  manquait  plc.s  aux  statuts  que  des  lettres 
royales  pour  renforcer  le  privilège  des  maîtres  et  abolir  à 
tout  jamais  la  concurrence  de  la  grande  industrie. 

Aussi,  en  1754,  les  maîtres-auffiers  tentèrent-ils  de  den-.an- 
der  l'homologation  de  ces  statuts  par  le  Bureau  du  Com- 
merce, afin  d'obtenir  des  lettres  patentes  dti  Roi  i)orlant  pri- 
vilège. Le  Ikireau  du  Commerce  refusa  de  donner  suite  à 
cette  requête,  et  entendit  que  le  métier  d'auffier  restât  tou- 
jours libre;  des  ordres  furent  même  envo}'és  à  l'intendant 
pour  que  l'accès  du  corps  soit  facilité  aux  nouveaux  venus  '"". 

C'était  la  condamnation  définitive  —  à  plus  ou  moins 
longue  échéance  —  des  petits  ateliers  de  sparterie. 


'""  Inventaire  analytique  des  prnccs-rirliaiix  du  lUtreau  du  (  oni- 
mercc  publié  par  Pierre  Bonnassieux,  séance  du  28  nov.  1754, 
p.  395.  —  A.  des  Cilleuls,  op.  cit.,  p.  89.  —  T,es  refus  d'homolo- 
gation de  statuts  de  corps  de  métier  se  multiplient  à  cette  ('poque. 
Le  Bureau  du  Commerce  argue  généralement  de  ce  que  ces  corps 
ne  justifient  pas  de  titres  anciens. 


232  JEAN  REYNAUD 


VIII 

La  vie  du  Corps  des  Auffiers 
au   XVIII'   siècle 


De  nos  jours,  le  plus  souvent,  c'est  la  loi  qui  crée  le  droit. 
Jadis,  c'était  au  contraire  le  droit  que  la  loi  consacrait.  On 
l'a  \"u  à  propos  du  corps  des  maîtres-atif fiers  dont  la  consti- 
tiuion  et  les  règlements  n'ont  pris  forme  cohérente  cju'après 
plusieurs  siècles  de  tâtonnements. 

A  l'origine  de  la  plupart  des  grotipements  de  l'ancienne 
France,  on  trouve  im  symbole  religieux.  Pour  l'administra- 
tion des  communes,  par  exemple,  c'étaient  les  confréries  du 
Saint-Esprit.  Pour  la  corporation  de  métiers,  ce  furent  d'au- 
tres confréries  érigées  sous  les  patronages  les  plus  variés. 

C'est  ainsi  que,  pour  les  cordiers  et  bastiers,  existait  déjà 
au  XV*  siècle  la  confrérie  de  Saint-Roch  ^"^  Nos  auffîers 
eurent  aussi  la  leur,  signalée  dès  1654,  mais  sans  indication 
de  patron.  Ce  n'est  que  dans  la  délibération  du  17  novem- 


'"'  Voir  plus  haut  p.  177.  —  Voir  aussi  Régis  de  La  Colombière, 
Fûtes  patronales  des  corporations,  p.  145.  Cet  auteur  commet  une 
confusion  en  disant  que  les  auffiers  on  marchands  et  fabricants 
de  sparterie  célébraient  leur  fête  patronale  à  Saint-Martin,  le  jour 
de  la  Saint-Roch.  Il  s'agisgait  sans  doute  des  ouvriers  cordiers  en 
aiiffe   restés   fidèles  au    luminaire  de    Saint-Roch. 


LLS  AUl-1-ihKS  m.  .MAKSLilLLE  233 

brc  \G^2  que  Ton  parle  d-es  <(  Maîlres  aulTu-rs  fondes  buiis  le 
lillre  du  Bon  Ange  ».  Le  seul  lien  du  corps  était  donc  la 
luminaire  entretenu  dans  l'église  des  Grands  Augustins  en 
l'honneur  du  lion-Ange  Gardien.  V.i  parce  (juc  le  corj)s 
était  une  confrérie  religieuse,  les  oflicicrs  portent  des  titres 
appropriés,  ceux  de  prieurs,  d'intendants,  etc.  Les  réunions 
corporatives  se  tiennent  dans  le  réfectoire  des  pères  Augus- 
tins, exceptionnellement  ailleurs  "". 

Ces  réunions  n'ont  lieu  du  reste  (ju'ii  raison  tU-  c<'rlaines 
cérémonies  religieuses.  Alriis  on  y  jiarle  assurt-mmi  d<'S  inté- 
rêts communs  du  métier.  Avec  le  tenijjs,  riKii)iiude  vint  do 
convoquer  des  assemblées  spéciales  du  cor|).s  ;  par  resfXK^t 
des  traditions,  on  les  faisait  pr('céder  tl'un  oflici-  religieux. 

La  princi;:>ale  fête  de  la  ct)nfrérie  était  fixée  au  ])rfniier 
dimanche  de  mars,  jour  du  Saint-Ange  Gardien.  A  cette 
date,  une  ci-rémonie  avait  lieu  dans  l'église  des  Grands- 
Augustins.  C'était  le  jour  marqué  pour  l'entrée  en  fonc- 
tions des  officiers  élus  le  second  (h manche  de  février.  .\ 
l'occasion  de  cette  fête,  on  décorait  le  maître-autel  avec  les 
ornements  particuliers  de  la  confrérie,  dont  l'entretien  était 
un  ces  articles  principaux  des  dépenses  du  corps.  I^n  17 19. 
ce  matériel,  relativement  important,  ne  représentait  pourtant 
pas  une  grande  valeur.  La  situation  financière  des  auffiers 
ne  permettait  guère  de  faire  du  luxe.  On  .se  contentait  donc 
de  posséder  quelques  articles  de  luminaire,  des  draperies, 
des  tapis  et  des  bouquets.  A  signaler  cependant  «  un  ange 
de  bois  »  et  ((  un  ange  d'argent  avec  son  étui  »  "".  Fn  i'jC\t,, 
le  corps  fit  exécuter  un  tableau  représentant  le  Saint-Ange- 
Gardien,  qui  coûta  18  livres  "'. 

'"2   Arch.   des  B.-du-Rh.    Délibérations   des    Auffiers.    Ei    et   E2. 
103  ■\'oir   l'inventaire  de  ce  matériel   aux  annexes. 
i«*  Arch.    des   B.-du-Rh.  E2. 


234  J'"'-^^'    l-ÎI^VNALD 

Le  luminaire  de  T Ange-Gardien  fut  supprimé  en  1775, 
pour  cause  de  manque  de  ressources  '"'.  Ne  faudrait-il  pas 
y  voir  aussi  la  manifestation  d'un  certain  scepticisme,  très 
répandu  alors?  L'in\entaire  dressé  au  moment  de  la  sup- 
pression des  €orporaii()n.s,  en  1791,  indique  un  matériel  de 
chapelle  bien  réduit  par  rapport  cà  celui  signalé  en  1719  "" 

A  la  suite  de  l'édit  de  1696,  les  maîtres  auf fiers  de  Mar- 
seille firent  enregistrer  les  armoiries  de  leur  confrérie,  dé- 
crites ainsi:  D'aciir,  à  un  iincrc  ,s;(ir(}ie}}  de  carnation,  aile 
d'argent,  vélii  d'or,  conduisant  par  la  main  une  jeune  per- 
sonne de  carnation,  les  cheveux  d'or,  vêtue  de  gueules,  vers 
un  autel  il'argent,  sur  le'iuel  est  posée  une  custode  du  Saint- 
Sacrement  d'or,  l'hostie  d'argent,  marquée  d'une  croix  de 
sable  "".  Le  caractère  très  religieux  de  ce  blason  est  loin 
d'être  unicjue  dans  l'armoriai  des  corps  de  métiers  marseil- 
lais. Les  auf fiers  durent  payer  25  livres  pour  droit  d'enre- 
gistrement du  blason. 

La  situation  du  corps  était  aloi"s  relativement  prospère. 
Bien  (|ue  les  maîtres-auf fiers  n'adhérassent  pas  tous  à  la 
confrérie  —  il  en  fut,  du  reste,  toujours  ainsi,  et  l'on  trouve 
trace  de  corps  dissidents  —  le  luminaire  du  Saint-Ange 
Gardien  réunissait  environ  de  25  à  30  fidèles.  Mais  ce  nom- 
bre ne  cessa  de  diminuer  au  cours  du  xx'!!!**  siècle.  Le  corps 
subissait  les.  contre-coups  des  alternatives  économiques,  des 
procès  à  soutenir  et,  sans  doute  aussi,  des  disputes  intes- 
tines ou  de  l'incapacité  de  ses  dirigeants. 

Les  recettes  du  corps  se  composaient  de  quatre  éléments 
principaux:  1°  une  cotisation  fixe  de  deux  livres  par  an, 
2°  une  sorte  de  taxe  sur  le  chiffre  d'affaires  de  dix  sols  par 
millier  d'auffes  ouvrées,   3°  la  taxe  d'apprentissage  de  20 

'"■'   Arch.    des   B.-du-Rh.  E2. 

'06  Voir  plus  loin  la  liquidation  du   corps. 

^"^  De  Montgrand,  Armoriai  de  la  ville  de  Marseille,  p.  277. 


LES  AUFl-IERS  DE  MARSLII.LE  2}y 

livres,  payée  au  corps  au  moment  de  la  signature  du  contrat 
avec  l'apprenti,  et  4"  le  droit  de  maîtrise  qui  lut  au  xviii' 
siècles  de  150  livres  "'\ 

Ouani  aux  dépenses,  les  unes  revenaient  chaque  année, 
celles  visani  ie  luminaire  entretenu  dans  l'église  des  Grands- 
Augustins,  celles  concernant  la  tenue  ties  assemblées  et  ce 
que  nous  nommerions  le  secrétaria':  du  corjjs.  D'aiures 
dépenses,  beaucoup  plus  importantes,  étaient  engagées  du 
t'ait  des  divers  procès  que  les  aitflîers  avaient  à  soutenir  et 
cjui  les  mettaient  (juehjuefois  en  délîcit .  Alt)rs,  ils  contrac- 
taient des  emprunts,  ei  la  charge  ([ui  en  résuliaii  vouait 
accroître  leurs  ditTu-ullés  de  trésorerie,  maigre''  la  réciucii(»n 
du  taux  de  l'intérêt  cpi'ils  obtenaient  parfois  amiablement  "". 
Ces  arrérages  constituaient  la  part  la  plus  importante  de 
leurs  dépenses.  Ils  savaient  pourtanr  pratiquer  la  charité: 
en  dehors  d'atimônes  (mi  nature  à  di\'erses  coninumaiU(''S 
religieuses  pauvres,  le  corps  entretenait  aussi  un  lit  à  l'hô- 
pital du  Saint-Esprit  qtii  lui  coûtait   20  livres  par  an. 

Néanmoins  le  déficit  les  obligea,  de  171 7  à  1 74<),  à 
emprunter  7060  livres,  représentant  2?.]  livres  d'inK-rét.  Ix's 

'"*  La  plupart  des  renseignements  sur  la  situation  financière  du 
corps  donnés  ici  sont  tirés  des  deux  registres  de  procès-verbaux 
d'assemblées  conserv^és  aux  Arcli.  des  B.-du-Rhône.  Ces  registres 
renferment  aussi  les  comptes  annuels.  Le  registre  coté  E2  porte 
un  superbe  frontispice  gravé  en  taille  douce  et  représentant  le 
Saint-Ange  Gardien,  et,  en  face,  le  titre  suivant  imprimé  en 
belles  capitales  :  «  Livre  des  Elections  et  comptes  du  corps  et  com- 
munauté des  Marchands  Auffiers  de  cette  ville  de  Marseille,  sous 
le  luminaire  du  Saint-Ange  Gardien,  commencé  en  Vannée  1733, 
étant  prietirs  Mrs  François  Legret,  Marc-Antoine  Fti^'^.'  !.<<.•  hli 
Bonnavier  et  Jean  Blanc.   —  MDCCXXXIII  ». 

""  A'oir  notamment  acte  du  28  mai  1720,  pour  réduction  de  5  a 
3  0/0  des  intérêts  dus  à  la  demoiselle  Marguerite  Theus,  veuve  de 
Georges  Astouin,  pour  un  capital  de  3.150  livres  prêté  au  corps 
des  Auffiers.  Arch.  des  B.-du-Rh.  Ki.  i""  regiMre.  entre  l'année 
J718  et  l'année  171g. 


236  JliAX  REVNAUD 

clé]>ens(,"S  ordinaires  se  nioniaient  alors  à  183  li\'res,  en  tout 
404  livres,  alors  que  pour  }■  faire  face  les  recettes  régulières 
n'étaient  que  de  366  livres.  Les  auffiers  durent  alors  doubler 
le  droit  fixe  s  in-  les  filés  et  les  auffes  ouvrées  "". 

ivC  déficit  se  faisait  sentir  lorsque,  pour  une  cause  ou 
pour  une  autre,  diminuait  l'effectif  du  corps.  On  note  ce 
fléchissement  précisément  aux  environs  de  l'année  1720,  où 
le  corps  ne  comprenait  guère  plus  d'une  vingtaine  de  mem- 
bres "',  et  vers  1749,  où  il  n'en  restait  jdIus  que  16.  Le 
chiffre  des  maîtres  devait  remonter  à  22,  lors  de  la  suppres- 
sion du  corps,  en  1791  "". 

Aux  dépenses  ordinaires  venaient  s'ajouter  souvent  des 
dépenses  imprévues,  parfois  d'un  montant  élevé.  En  1741, 
l'établissement  des  nouveaux  statuts  coûta  311  livres  10  sols 
aux  auffiers,  dont  172  livres  d'honoraires  au  notaire  Hazard, 
Qf)  liv.  pour  faire  homologuer  le  règlement,  et  43  liv.  pour 
le  faire  imprimer. 

En  février  1745,  parut  un  édit  du  Roi,  de  caractère  essen- 
tiellement fiscal,  portant  création  d'inspecteurs  et  contrô- 
leurs des  maîtres  et  gardes  dans  les  corps  des  marchands,  et 
d'inspecteurs  et  contrôleurs  des    jurés    dans    les  commu- 

""  Arch.    des   B.-du-Rh.    E2. 

'"  «  L'an  1 718  et  le  17^  février,  après  avoir  convoqué  suivant  la 
coustume  ordinaire  pour  procéder  à  la  nouvelle  élection  des  nou- 
veaux prieurs  du  corps  des  maîtres-auffiers,  estant  assemblés  au  ré- 
fectoire du  Couvent  des  Grands-Augustins  à  2  heures  après-midi 
et  avoir  invoqué  les  lumières  du  Saint-Esprit,  ledit  corps  a  déli- 
béré C|ue  les  prieurs  C[ui  se  trouvent  présentement  en  charge  sub- 
sisteront encore  cette  présente  année  et  que,  à  l'avenir,  les  prieurs 
qui  seront  nommés  vaqueront  pendant  deux  années,  attendu  le 
petit  nombre  qu'il  s'est  trouvé  dans  notre  dit  corps...  ».  Arch.  des 
B.-du-Rh.    El. 

"-  Arch.  munie,  de  Marseille.  Série  HH.  Dossier  Cordiers  et 
Auffiers.  Liste  des  marchands-auf fiers  de  cette  ville...  (avec  l'indica- 
tion de  la  compagnie  de  la  garde  nationale  011  ils  furent  versés). 


LES  AUFFIERS  VE  MARSF.n.I.R  237 

nautés  d'arts  et  métiers  du  Royaume  "\  .Par  (.k-libération 
du  25  octobre  de  cette  annce,  le  corps  des  auf fiers  décida 
le  rachat  des  six  offices  d'inspecteur  et  de  contrôleur  créés 
dans  son  sein.  Il  dût  débourser  jiour  ce  663  livres. 

En  1749,  l'interdiction  de  la  sortie  d' l'Espagne  des  auffes 
brutes  nécessita,  pour  la  défense  des  intérêts  du  corps,  la 
rédaction  d'un  mémoire  destiné  à  la  Cour.  M"  Artaud,  avo- 
cat de  la  ville,  demanda  pour  ce  factum  48  liv.  d'honoraires. 
En  1752,  les  auffiers  adressèrent  à  la  Cour  d' l'Espagne  un 
placet  sur  la  même  affaire;  ils  s'adressèrent  alors  à  M* 
Emerigon,  autre  avocat  célèbre,  qui  exigea  lui  aussi  ses 
honoraires. 

Vingt  ans  après,  en  1773,  les  auffiers  eurent  à  soutenir 
im  procès  contre  le  sieur  de  Moncoussou,  les  hoirs  de  M.  du 
Roure,  et  divers  autres  propriétaires  riverains  de  la  Corni- 
che à  Marseille,  an  sujet  du  droit  d'usage  des  anses  du 
littoral  avoisinant  pour  le  mouillage  des  auffes.  Ce  procès 
durait  encore  en  1782  et  avait  déjcà  coûté  au  corps  Si  7  liv. 
10  s.  6  d.,  couverts  en  partie  par  des  emprunts ''". 

En  1776,  arrivait  à  échéance  une  dette  importante.  L<* 
corps  fut  divisé  en  cinq  classes.  Dans  la  première,  figu- 
raient les  trois  maîtres-auffiers  les  plus  importants:  André 
Guindon,  Jacques  Laforêt  et  Louis  Martin,  qui  durent  payer 
chacun  100  livres.  Les  membres  des  autres  classes  furent 
taxés  pour  des  sommes  décroissantes  allant  ius(|u'à  iS  livres 
au  minimum  ^'•'. 

En  17S9,  nouvelles  instances  à  soutenir.  C"(ite  lois,  !•■ 
corps  attaque  divers  marchands  nuffiers  qui,   gagnés  .sans 

"•■'  Arch.  de  la  Cliam1>ro  de  Coninn-n  <•  de  Marseille.  Recueil 
(rAircsts,    17.14.  h   /.î,    ir.    55.    n"   45.  \'oir    au>si  :    llislutre   de   la 

nation  française,  t.  X,  Histoire  économioue  et  financière,  par  Ger- 
main ^Martin,  p.  243:  L'e'crasement  fiscal  des  corporations. 

>"  Arch.  munie,  de  .Marseille.  Série  TIII.  Dossiers  Cordiers  et 
Auffiers.   —  Arch.    des   B.-du-Rh.   E2. 

''^  Arch,  des  B.-du-Rh.  Ibid. 


S38  JEAN    REVXAUD 

douie  aux  idées  de  liberté  individuelle  à  la  mode  alors, 
lèvent  boutique  et  débitent  des  auffes  au  mépris  des  règle- 
ments en  vigueur,  sans  s'agréger  au  corps  et  sans  payer  de 
droits.  D'autres  auffiers  ouvrent  des  succursales,  acte  for- 
mellement interdit  par  les  statuts  "\ 

Mais  ^•oici  la  Révolution  qui  s'approche.  Elle  débute  par 
la  convocation  des  Etats-Généraux.  Le  13  mars  1789,  les 
officiers  municipaux  de  Marseille  in\-itaient  les  corporations 
à  réunir  l^urs  membres  en  vue  de  la  rédaction  du  cahier 
de  leurs  doléances,  et  de  la  désignation  de  leurs  délégués  à 
l'assemblée  générale  du  Tiers-Etat  fixée  pour  le  28  mars. 
Les  réunions  des  différents  corps,  qui  se  tinrent  entre  le  16 
et  le  24  mars,  donnèrent  lieu  à  la  rédaction  de  cahiers  fort 
intéressants,  mais  dont  un  grand  nombre  ne  sont  pas  parve- 
nus juscju'à  nous. 

Celui  des  maîtres-auffiers  est  dans  ce  cas.  Il  faut  le  regret- 
ter particulièrement,  car  il  aurait  fourni  plus  d'une  indica- 
tion intéressante.  Nous  savons  seulement  que  le  délégué  des 
auffiers  se  nommait  Guevdon  "^ 

Mais  si  le  cahier  des  maîtres-auffiers  n'a  nu  être  retrouvé, 
celui  des  ouvriers  cordiers  de  sparterie,  dont  le  délégué  était 
]\[athieu  Beauchier,  a  été  conservé.  Ces  ouvriers  protestent 
contre  le  privilège  des  marchands  de  sparterie,  qui  ont  le 
monopole  de  la  vente  des  ouvrages  en  auffes  ;  ils  revendi- 

'""'  Arcli.  .Munie,  de  Marseille.  Série  HH.  Dossier  Curdicrs  et 
A  uffiers. 

""  T-  Foui  nier,  Cahier  des  doléances  de  la  SciiccJiaitssce  de  Mar- 
seille pour  les  Eiats-Gcnéraur  de  17S9.  Introduction.  —  Le  corps 
comprenait  alors  André  GuiNDON  père,  âgé  de  68  ans,  GuiNDON  fils, 
âgé  de  36  ans,  et  Etienne  Gueydox,  âgé  de  26  ans,  qui  faisait  partie 
du  corps  depuis  1785.  Bien  cjue  les  confusions  de  noms  fussent  fré- 
quentes sous  l'ancien  régime  —  même  en  i/Sg  — ,  il  y  a  tout  lieu 
de  croire  qu'il  s'agit  bien  d'Etienne  Guevdon.  habitant  rue  d'Aix. 


LES  AUFFIKRS  Di:  MARhIliiLLE  239 

qiient  la  faculté  dcr  fabriquer  librement  des  cordages  et  <lt 
-les  vendre  '". 

A  lire  les  doléances  de  corps  similaires,  cehii  de<  cordiers 
de  chanvre,  par  exemple,  on  peut  cependant  imaginer  quel 
devait  être  l'esprit  des  maîtres-auffiers  :  au  point  tic  vue 
économique,  les  cordiers  réclamaient  plus  que  jamais  un 
régime  protecteur  contre  la  concurrence  étrangère  '". 

Par  ce  double  exemple,  on  constate  chez  les  })r()du(k'urs 
de  l'ancien  régime  une  conception  très  parliculariste,  égoïste 
et  —  il  faut  bien  le  dire  -  très  huirainc:  on  ri'claine  la 
liberté  pour  soi,  en  se  réservant  de  la  refuser  aux  autres  en 
cas  de  conflit  d'intérêts. 

La  Ré\'olution  allait  tran(-her  en  fa\-eur  de  la  liberté 
géniM'ale,  ce  Cjui  devait  aboutir,  pour  bcruicoup  d'industries, 
à  l'élimination  progressive  des  petits  ateliers  de  l'ancienne 
France  au  profit  de  grandes  usines,  et  à  la  prolétarisation 
des  artisans.  Mais  qui  se  préoccupait  des  conséciuences  en 
1789?  Tout  le  monde  vivait  dans  r()|)timisme  :  on  attendait 
tant  des  réformes  ! 

Ces  afiaires  —  et  d'autres —  devaient  préoccuper  le  corps 
des  auffiers  jusqu'au  décret  du  2  mars  1791,  par  lequel  toutes 
les  corpora.tions  fiwent  sujiprimées. 

la  ]i(|"i'!lation  financière  du  cnriis  lit  ap!)araitre  \in  suide 
actif  de  473  li\-.  17  s.  11  d.  Le  passif  comprenait  les  dettes 
suivantes  : 

à  la  citovenne  Mcxcr 1  .-<'<'  hw 

à  l'u'ux-re  de  la  I\('denipi  ion    1-3"" 

à  la  (-it()\enne  h^rançoise  Thibault    -•■'7.'^     "    ' 

aux  hoirs  de  Mme  'l'hérèse  Thibault --^'75     ~ 


Total    ^"^-Od*^' 

J.     Fouinier,    /•/>.    cit..    p.    3.S6. 


1  18 

1'^  Id.  p.  442 


240  JEAN  REYNAUD 

t'ii  capital,  correspondant  à  285  liv.  10  sols  de  rente.  Les 
i.uttlers  possédaient,  en  outre,  quelques  effets  de  chapelle 
consistant  en  une  petite  boîte  de  bois  couverte  d'une  feuille 
d'argent  représentant  le  Saint-Ange  Gardien,  6  chandeliers 
grands  et  3  petits,  une  croix,  une  lampe,  le  tout  en  laiton, 
3  nappes,  un  tapis  et  un  bassin,  le  tout  déposé  dans  l'église 
des  Grands-Auguslins  ''". 

C'est  ainsi  que  finit  le  ((  Corps  et  conimimaulé  des  maî- 
ires-auflrcrs  de  Marseille  »,  qui,  à  l'inverse  d'autres  corpo- 
rations, ne  devait  plus  retrouver  vie  '". 


'-"  An  h.  munie,  do  ^Marseille.  Série  HH.  Dossier  Cordicrs  et 
Âuffiers.  —  Arch.    des   B.-du-Rh.    E2. 

'-'  Notons  cependant  l'existence  à  Marseille  d'un  organe  patronal, 
le  Syndicat  du  Commerce  des  chanvres  et  produits  textiles  de  la 
filature,  dit  tissage  et  de  la  co^derie  (Indicateur  Marseillais,  192S). 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  341 


IX 


Conclusions 


De  tous  les  textes  (lui  oni  ne  analyses,  de  tous  les  faits 
qui  ont  été  alignés,  il  ressort  bien  que  le  corps  des  auftk-rs 
était  devenu,  a]:)rès  une  évt)lution  de  plus  d'un  siècle,  ce 
que  nous  appelons  un  syndicat  patronal.  Les  maîtres  étaient 
les  principaux  bénéficiaires  de  l'organisation  corporative," 
dans  laquelle  la  main-d'œuvre  n'avait  plus  voix  au  chapi- 
tre. Il  est  vrai  que,  sous  l'ancien  régime,  la  lutte  de  classes 
n'existait  pas,  et  r^ue  l'organisation  quasi-patriarcale  des 
ateliers  a  longtemps  atténué  les  inconvénients  d'un  tel  état 
de  choses. 

Il  n'en  reste  pas  moins  c(ue,  pour  la  gestion  des  affaires 
du  métier,  tout  se  irouxail  ramené  au  jioint  dv  vue  d'une 
maîtrise  quelc^ue  peu  jalouse  de  ses  privilèges.  On  a  vu 
quelle  part  faisaient  aux  dénonciateurs  les  rédacteurs  des 
statuts  du  x\"  siècle,  de  161  i  et  de  1654.  Au  xviii"  siècle  la 
^délation  n'(''lait  j)lus  primée,  sauf  si  elle  jouait  <'n  faveur 
des  maîtres.  l'inlîn,  l'abus  de  la  réglemenlaiion.  née  de  la 
centralisation  .sous  Louis  Xl\',  et  (|ui,  dans  la  penst'e  de  C'ol- 
bert  ne  devait  être  que  temporaire,  mais  dura  bien  après 
lui,  finissait  par  ôter  aux  artisans  toute  initiative,  toute 
liberté,  et  tendait  à  faire  des  «  maîtrises  »  une  charge  ou  un 
office  transmissible  comme  les  autres,  moyennant  finance. 

Cette  évolution  des  corps  de  métiers  vers  la  restriction  de 
la  liberté  du  travail  fut  contenue  dans  une  certaine  mesure 


242  lEAN  REYNAUD 

par  les  officiers  municipaux  qui  parvinrent  à  retarder  jus- 
qu'en 1741  l'institution  de  la  maîtrise  réglementée  dans 
le  corps  des  autTiers.  Mais  cette  innovation  ne  devaij  point 
tourner  à  l'avantage  des  fabricants  de  sparterie.  Quant  au 
pouvoir  royal,  il  était  nettement  opposé  à  l'extension  des 
privilèges  corporatifs  '"". 

Charles  de  Ribbe  pense  que  la  décadence  des  corpora- 
tions provençales  a  son  origine  dans  l'édit  d'Henri  III,  de 
décembre  1581,  sur  l'établissement  des  Arts  et  Métiers '-■'. 
De  fait,  par  une  coïncidence  curieuse,  c'est  en  161 1  —  trente 
ans  après  —  que  le  nouveau  règlement  des  auffiers  tend 
à  restreindre  la  liberté  du  travail,  par  l'élimination  pro- 
gressive de  la  main-d'œuvre  occasionnelle.  Cette  tendance 
ira  en  s'accentuant  au  cours  du  x\'ir  siècle  ;  elle  s'épanouira 
dans  le  projet  de  statuts  de  1735,  où  l'on  retrouvera  aussi 
une  manifestation  de  la  méthode  minutieuse  et  tatillonne 
en  faveur  depuis  trois  Cjuarts  de  siècle.  D'ailleurs,  le  règle- 
ment de  T735  ne  fut  pas  homologué  par  les  échevins  et  en 
1741  on  lui  substitua  un  nouveau  texte.  Jusqu'alors,  maî- 
tres et  artisans  vivaient  quasi  sur  le  même  échelon  ;  le  règle- 
ment de  1741  consacra  chez  les  auffiers  l'existence  d'un  pro- 
létariat à  côté  du  patronat.  On  poussait,  en  haut  lieu,  à  la 
liberté  et  à  l'égalité^'*:  on  al)outissait  en  fait,  par  l'action 
continue  de  quelques  privilégiés,  à  tine  différenciation 
accentuée,  à  une  insécurité  accrue  pour  les  plus  faibles,  à 
tme  méfiance  réciproque  des  employeurs  et  des  employés 
cpii  pouvait  aller  jusqu'à  l'animadversion. 

'--  Sur  Tattitude  du  pouvoir  royal  vis-à-vis  des  corporations,  voir 
des  Cilleuls,  of.  cit.  titre  II,  et  Germain  Martin^  La  Grande  Indiis- 
irir  en  France  sons  le  règne  de  Louis  AT',  conclusion. 

'-^  Ch.  de  Ribbe,  Les  Corporations  ouvrières  de  Vancïoi  Régime 
en  Provence^  Aix,  1869,  p.  37  et  suiv. 

'-*  Cette  tendance  se  trouvait  favorisée,  non  seulement  par  les 
hommes,   mais   aussi  par  les  circonstances  économiques. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  243 

A  la  fin  de  l'ancien  régime,  la  Corporation,  telle  que 
la  comprenaient  les  maîtrises  et  les  jurandes,  c'est-à-dire 
un  groupe  fermé,  avait  fait  son  temps:  «  le  régime  des 
manufactures  non  corporatives  acheva  de  discréditer  l'an- 
cien mode  suivi  pour  démontrer  l'api iuitle.  lui  clïct,  aux 
diplômes  de  maîtrises,  furent  opposés  les  brevets  royaux, 
obtenus  sans  autre  épreuve  que  l'examen  des  produits  à 
rabri([uer...  » '-"■,  L'action  du  Bureau  du  Commerce,  «  (im- 
posé en  grande  partie  de  représentants  des  villes  niariiinies, 
ne  fut  pas  étrangère  à  cette  évolution. 

Mais  si  l'évolution  économique  imposait  une  réforme  com- 
plète des  cadres  de  la  production,  il  n'en  demeurait  pas 
moins  cjue  les  vieux  corps  de  métier  avaient  joué  un  rôle 
important  et  rendu  pendant  des  siècles  de  grands  ser\ices, 
surtout  à  la  fin  du  j\Ioyen-Agc. 

Deux  esprits  aussi  différents  que  Charles  de  Ribbe  <'t  M. 
Raoul  Busquel,  étudiant,  l'un  les  cor|)or;ui()ns  ouvrières 
de  l'ancien  régime,  l'autre  l'état  social  de  la  Pro\ence  dans 
le  ]3assé,  alîoutissent  aux  mêmes  conclusions:  le  xv"  siè- 
cle et  le  début  du  xvi*  ont  été,  aussi  bien  pour  les  labou- 
retirs  de  la  campagne  que  pour  les  artisans  des  bourgs  et 
des  villes,  la  période  durant  lacjuelie  ils  ont  bénéficié  de  la 
plus  grande  tranquillité,  de  la  plus  sûre  prospérité  '■''.  Puis 
sont  venues  les  guerres  de  religion,  la  centralisation  admi- 
nistrative, la  période  troublée  de  la  Rév(jlulion  et  de  ri*!m- 
pire,  et  le  régime  économique  actuel,  sur  les  inconsénients 
duquel  les  esprits  sont  fixés  et  qui  lui-même  évolue. 

Xous  avons  pu  suivre,  au  cours  de  trois  siècles,  un  métier 
marseillais  aux  prises  avec  les  contingences.  Son  histoire 
ne  diffère  guère,  dans  ses  grandes  lignes,  de  celle  des  autres 

'"  Des  Cilleuls,  op.  cit.,  p.   120., 

'-«  Ch.  de  Ribbe,  op.  cit..  pp.  .S-31.  —  R.  Bu:^cjUOt,  op.  cit..  pp. 
850-852. 


244  i^^^  REYNAUD 

corporations, les  mêmes  causes  produisant  les  mêmes  effets  ^" 
On  a  vu,  dans  un  cadre  étroit,  se  profiler  la  route  suivie 
par  une  vieille  industrie,  et  ceux  qui  en  vivent  chercher  à 
améliorer  leur  situation.  C'est  huimain. 

Quoiqu'il  soit  humain  aussi  que  l'expérience  du  passé 
profite  rarement  aux  générations  à  venir,  il  est  utile  cjuel- 
quefois,  sinon  agréable,  de  réfléchir  sur  les  causes  de  la 
grandeur  et  de  la  décadence  des  institutions  diverses  ima- 
ginées par  les  hommes  pour  améliorer  leur  condition. 


Jean  REYNAUD. 


'-'  Sur  l'histoire  des  corporations  en  général  et  sur  l'évolution 
symétrique  des  métiers  en  Provence  et  dans  le  reste  de  la  France, 
on  peut  consulter  avec  fruit  les  ouvrages  de  E.  Martin  Saint-Léon, 
Histoire  des  cor porations  de  rfiétierSj  Paris,  Guillaumin,  1897,  et  E. 
Levasseur,  Histoire  des  classes  ouvrières  et  de  Vindustrie  en  France 
avant   1789,   2   vol.,   Paris,    Rousseau,    1900-1901. 


LES  AUFFIERS  Di:  MARSEILLE  24) 


ANNEXES 


I 

()l<D()\NAi\CES  fdilrs  cl  rniifirmrra  pur  Ir  Coiiaril  ilr  ht 
(illr  (le  Maii^eiUu'  siibrc  les  caiti'brsf  ri  fitrcir  ri  itiiffrx  iiur  ciilrn- 
nui  d'icij  m  tivanl  m  ladicle  ciriilnl.  rrlniirl  ilrs  rrtjrshrs  ilii 
présent  arcliif  tlispuis  l'an  1467  ri  le  sirirsnie  frbrrier,  fnicl  pur 
/es"  cslrgis  prr  le  Conseil  srn  Jniinie  Gii'isin.  seii  lieilrun  Cnii- 
(lollr.  srn   Priraii  linbrrl,  cl  scn   l'icrrc  Smirr. 

Et  preniH-remant,  ordôiian  (jiic  tous  Ions  ans  so  doirnon  rlc":! 
(|uatre  snhroslans  ou  depnlactz,  ('s  assalitT  doux  tnarinicrs  cl  un-.' 
cordior  et  uuij:  auffier  per  eslre  cl  se  prendrt'  LTuardc  sur  lesdicl/. 
canebes,  filactz  per  fere  sarlie  '-'  ^'^  do  navcj^nar  anscjuelz  s«'r:i 
dcunal  tel  pouder  et  puissance  comme  sv  Innl  le  conseil  y  fousse. 
et  loudict  conseil  lous  promect  de  deffendre  et  (.aiarenlir  cnvt'rs 
tous  et  contre  tous,  en  fasent  leur  officy  se;j-uenl  las  ordonnances 
aincy  specifficadcs  : 

Item  lesdictz  subrestans  seran  lenirns  de  preslar  1(ju  se^'ru- 
ment  perdevant  Mons''  le  N'iguier  de  ben  et  dejumdamenl  el  setron 
Dieu  et  leurs  consiences  de  exoersar  leur  officy  et  non  aver 
poinct  d'esguard  a  personne. 

Item  que  tous  lous  ans,  incontinent  après  la  fesie  de  lous  les 
Sainctz,  tous  les  cordiers  fasent  l'office  de  cordier  f)U  lou  fasent 
fere,  tant  de  canebe  (jue  d'auffe,  seran  lengus  de  venyr  preslar 
lou  segramen  perdevant  Monsieur  le  Viguier  de  ben  el  ilegude- 
men  tenyr  el  observar  lasdictes  ordenances  sur  pêne  de  non 
poder  sercyr  leur  officy  de  cordier  per  acquel  an  en  làdiclc  cieu- 
lat  de  Marseille,  mais  n'estre  banyt  el  cassai  acquellous  talz 
que  se  Irobaran  deffalhanctz  et  tombar  à  la  peine  de  cens  livres, 
lou  ters  au  Roy,  l'aullre  ters  au  neteguar  du  porl.  et  l'aiilre  (ers 
à  l'acusateur  et  denoncianl. 


i2?bi3  Sarti.  corde  de  lin  ou  de  chanvre  qui  a  40  brasses  de  long, 
cordage  servant  à  tirer  les  filets  traînants  qu'on  attache  aux  tarta- 
nes 


3^5  1^^"^  REYNAUD 

Ordonnances  sur  le  faicl  de  Vaujjr. 
lasqiielics   seran   adminislrades   par   lousdicl:   subrcsluns 

El   premièrement,  ordouiiaii    que    loule   raulfe  que   intrera   ou 
sera  portade  en  la  ville  et  cieulat  de  Marseille,  per  quelque  per- 
sonne que  se  vueille,  tant  scieuladin  que  forestier^  sera  vesitade 
per  !ous  subreslans  eslegis  per  lou  conseil,  lousquelz  auran  puis- 
sance de  congnoisser  et  ordonnar  sy  las  ysanegues  '-*  son  talles 
que   devon   estre   de   trente   six   manade  '-'   per  ysanegue,    et   sy 
las    manade^    ^■i>u    i\c  la   orosscm-    (jm-    (Icvnn    estre    et    que    talz 
subreslans  auran   la  cogiidissance   sui\aiil    la   lerudhe  de  ferry  de 
la  ville,  sy  deux  manades  haiiaran   per  très  ou  1res  per  deux,   et 
lesdictz   subreslans   seran   lengus   de   dounar   comniandanienl   au 
merchant  que  aura  intral  ladicte  auffe  que  non  l'ause  vendre  aux 
particuliers  ny   a   aultres  sinon   embc   la   mesure   et  tare  que   ly 
sera  dounade  per  lousdiclz  subreslans  et  non  aultrament,  et  qut; 
lesd.  subreslans  a\ant  puissance  que  en  revesitant  lad.  auffe  en 
trouvesson   de    porride   et    rneschante,    la    puescon    fere    creniar 
sence   degune   reprension,    et   lesd.    subre.stans   seran   tengus   de 
t(Miyr  legestre  dausd.  merchanlz  inlradours  de  lad.  auffe,  ensem- 
ble  de  las  tares  cjue  seran  dounades  per  affin  de  journalement 
en  prendi'e  résolue  ;  lousd.  crompradours  particuliers  et  lesd.  su- 
breslans auran  per  leurs  peynes  et  Iravaulx  deux  solz  per  mjlhier, 
payé  la   moytié   le   vandedour  et   la  moylié   le   compradour,    une 
foys  tant  seullamen  et  tous  aquellous  et  aquelles  cjue  contraven- 
dran  a  lasd.  ordonnances  tombon  a  las  peines  de  cent  livres,  un 
ters  au  Roy,  un  ters  a  la  fabricque  du  port^  et  l'autre  ters  aulx 
denonlians. 

Item  ordouiian  que  toute  l'auffe  que  intrara  ou  sera  portade 
dintre  la  ville  de  Marseille  que  en  la  descarguanl  chascun  n'en 
puesque  aver  au  près  que  la  vendran  sur  la  peine  comme  dessus. 

Item  la  pièce  grande  de  la  latte  ^^  deu  estre  de  la  longeur  de 
vingt  brasses  et  la  brasse  deu  estre  de  neuf  pans. 

Item  la  pièce  de  la  pettite  deu  estre  de  la  longeur  de  seze 
brasses  et  la  brasse  es  de  neuf  pans  comme  dessus. 

Item  sarris  '^'  grandes  devon  estre  de  cjuinze  malhes  et  las 
pettites  de  Ireze  malhes. 


^'*   Yssanegne,  voir  p.   p.    175. 
'"  Manado,  botte  d'auflfe. 
'"  Lato,  perche  servant  de  mesure. 
^^^  Sarris j   voir  p.    p.    175. 


LES  AUFFIKRS  l>\-.  MARSFJI.I.I-:  247 

llciu    uiiJi  U(i;.tii    4111-    luu    cnlliiiinur  ■  -    scnc    r-i-rai'^iif  licii 

aver  deux  pans  cl  demy  de  long  cl  le  fds  deu  aver  vingt  cinq 
pareulx  en  double. 

Item  iey  bruynies  '^'  et  ley  boudaulx  '•'"  sy  hordiran  a  viiiL't 
brasses  et  restaran  comnies  a  seze  brasses  sur  la  peine  de  vintrl 
cinq  livres. 

Item  ley  bruynies  et  ley  boudaulx  sy  commetran  de  quatre 
filectz  per  chascun  et  de  la  lungeur  que  dessus  sur  la  peint-  >\r 
vinirt-cin(|  livres. 

lleni  las  boudes  '^''*  tant  simples  «nie  dnuides  sy  Imrdiran  a 
(|uinze  brasses  et  restaran  citmnn'-('<  ;i  don/.-  |,i;i--«'-  >!ir  la  pt'iiic 
de  vingt-cinq  livres. 

Ilem  ordounan  que  lous  cunliers  ny  aullres  uoii  ausaran  cuni- 
nietlre  ny  fere  commetre  bruynies,  boudaulx  ny  boudes  sinon 
fie  la  longeur  ({ue  dessus  sur  la  peyne  de  cent  livres. 

Item  (juc  tous  cordiers  ny  aullres  non  ausaran  ny  persunieran 
commettre  ny  fere  conmieltre  a  leurs  varltMz  bruynies,  boudaulx 
ny  boudes  a  degune  personne  siiiiin  aulx  hnbriers  ou  holirieres 
que  tendran  boti(iue  ouberte  tant  seulemeni  «m  vrayement  aven 
licency  das  subrestans  sur  lad.  peine  (juc  dessus.      ^ 

Item  ordounan  que  lesd.  cordiers  ny  aultres  nom  ausen  ny 
persumen  \endre  ny  fere  vendre  per  cllous  ny  per  aultres  bruy- 
nies, boudaulx  ny  boudes,  en  aulcune  manyere  a  aulcuhe  per- 
sonne, sence  licensy  dasd.  subrestans  sur  la  peine  de  vingt  cinq 
livres. 

liem  que  chascun  obrier  ou  hobriere  tenent  botique  liiiberte 
ou  fasent  ledict  art  dejon  tenyr  leur  culhidour  scive  escraiguc 
signade  del  signa:!  de  la  ville  sur  la  peyne  de  dix  livres. 

Item  ordonan  que  degun  boutiquier  non  puesque  ny  ause  lenyr 
rodde  '^"  ni  en  tenent  rodde  umi  puesque  ny  auso  tenyr  bouti- 
que sur  la  peine  de  dix  livres. 

Item  que  degun  picadour  picquant  auffe  non  ause  fere  mer- 
chandise  de  l'autte  en  picquant  per  aultruy  sur  la  peine  de  dix 
livres. 


^^^  Culhidoit,  voir  p.    175. 

'^^    Escraigue_,   escargot,    nom  vulgaire   de   ce  genre    de   filets. 

'^-  Briiyi/ies,  v.   p.    175. 

'"  Ou  buudes,  baiidau,  etc.  Voir  p.   175. 

''«  Id. 

"'  Rodde,  moulin  à  sparte. 


248  lEAN  REYNAUD 

lloiu  que  dcgun  picadour  non  ause  ferc  essuyuar  l'auffc  au 
souleilh  per  picquar  sur  la  peine  de  dix  livres^  applicables  comme 
dessus,  ung  ters  au  Roy^  un  ters  à  la  fabricque  du  port  el  l'autre 
lers  aulx  dénontians  '". 

Les  susdicts  et  precedentz  articles  concerneniz  l'ordre,  rcgle- 
manl  et  polixe  que  les  meslres  cordiers  de  la  présente  ville  de 
Marseille  i)resentz  et  advenyr  doibvenl  observer  et  guarder  a 
l'exercice  de  leur  mestier  oui  esié  faictz  et  dressez  par  nous 
Conseulx  vi(Mdx  et  nouveaulx  de  ladicle  ville  el  cité  de  Marseille 
appelles  et  présents  avec  nous  les  subrestans  commis  par  le 
Conseil  gênerai  de  ladicte  ville  sur  le  faict  dud.  estât  et  ce  sui- 
vant l'ordonnance  et  délibération  dud.  Conseilh  a  tenu  le  vingt 
huictiesme  janvier  an  présent  '"  mil  sept  cens  septante  deux, 
comme  y  apert  jDar  l'extraict  cy  après  reproduict,  lesquels  cha- 
pitres ont  esté  en  tesmoings  de  ce  et  pour  y  avoyr  recours 
en  temps  et  liçu  par  nous  soubznés  and  ici  Marseille  ce  quinziesme 
septembre  mil  Vc  septente  deux. 

(Signé    :)   P«   Boquin,   conseul. 
Archives    municipales    de  Marseille,   DB.  43,   1°    212   v°. 


'■"■*  Une  copie  du  XV!!"^  siècle  des  Archives  municipales  de  Mar- 
seille (Série  HH,  dossier  Aitfjiers)  porte  ici  les  deux  articles  sup- 
plémentaires  ci-après  : 

«  Item  ordonnons  que  loute  l'auffe  (|ue  inlrara  dintre  la  ville 
et  citât  de  Marseille  chascun  n'en  puesque  aver  per  son  argen 
sur  peyne  que  dessus  de  dix  livres. 

«  Item  que  chascung  aubrier  ou  aubriere  que  tendran  boutic- 
que  ouverte  en  faisent  loudict  estât  degon  tenir  cuillidou  ou 
cscraigue  signât  du  signal  de  la  ville  sur  peyne  que  dessus  ». 

'•'°  Sur  la  copie  dont  il  est  question  à  la  note  138,  l'article  s'arrête 
après  les  mots,  «  tenu  le  vingt-sixiesme  tet  non  vingt-huictiesme] 
janvier  an  présent  »  ;  mais,  par  contre,  figure  m  fine  l'alinéa  suivant. 

«  L'an  mil  cinq  cens  septante  deux,  et  le  jour  susd.,  certiffie 
je  Estienne  Borrelly,  trompette  juré  de  lad.  ville  et  citté  de  Mar- 
seille, avoir  publié  et  proclamé  par  tous  les  lieux  et  carrefoux  de 
lad.  ville  l'estatut  et  ordonnance  cydessus  escripte  et  lecture 
faicte  par  Pierre  Girolle,  lequel  a  faict  la  criée  de  mot  à  mot  en 
présence  des  sieurs  Consulz  Pierre  Bouquin,  et  Pantellin  Gra- 
tiaUj  et  Jacques  Moustier, 'et  Joseph  Cabre,  l'assesseur  ». 


LES  AUFFIERS  DR  MARSEILLE  249 


II 


IVoic,    sur  Icn    ilirrri^rs    copicR    den   ordonnaiiri'^    du  w"   sirclr 

sur    II'    /(lil    de    Vditjjc,    roiisrfri'cx   (tii.r    Arrliircs 

de    la    ville,    de    Marsfilh- 

]a"^  or(](iiinaiicos  niuiiiri|);il(>s  du  xV  siôclc  sur  les  clmiix  res 
cl  les  iiiiffcs  ont  (Mé  (lalécs  p;ii'  les  auloiirs  snivanl  riiHlicaliiMi 
i|ni  liuuic  dans  le  lili'c  :  u  (  )i(|iiiiiiaiiC('s...  cxliiiici  d(,'s  rt'<»-('st  t'i's 
du  iirescnl  arciiil'  dcspni-,  Tnii  11  fi?  cl.  le  sixicsinc  l'clivrior...  »  Or 
celte  expressinn:  depuis  l'ait  I  1G7  cl  le  G"  lérriei',  es!  iisscz  :imiii- 
^nii'.  Elle  peut  si<^iiifier  (jiic  ces  ordomuuires  (nit  élé  exirailes 
(Tiin  l'eo'istro  conirnencé  le  (i  février  14G7,  r(»nirne  aussi  que  re 
lexle  csl  eu  \ii.Micur  {niulounaiiers  faites  el  rmifirniées)  depiiis 
la  uiôuie  é|j()(iue. 

De  co[)ie  du  xv"  siècle,  il  n'eu  a  pas  élé  rclnuivé.  Le  rej^islre 
des  délibéi'aiions  ilu  Conseil  de  ville  et  les  minutes  notariales  d<' 
secrétariat  l'ont  défaut  pour  une  i;rande  partie  (\u  siècle,  jus- 
qu'en 1469.  CependanI,  il  existe  sept  relranscri|)tions  de  dates 
plus  récentes  : 

1°  La  plus  ancienne  est  enregistrée  parmi  les  délibérations  de 
la  ville  (BB.  43,  1°  212  v°).  C'est  ce  texte  que  nous  avons  repro- 
duit ci-dessus.  Il  rappelle  que  les  auteurs  des  ordonnances  sont 
quatre  personnages  de  la  fin  du  xv^  siècle.  Donc,  il  ne  peut  y 
avoir  de  doute  sur  les  origines  même  du  règlement.  Le  lexle 
repris  en  1572  présente  un  mélange  assez  curieux  de  provençal 
et  d'expressions  françaises.  Les  phrases  primitives  avaient  dil 
être  entièrement  rédigées  en  provençal,  mais,  par  la  suite,  les 
prescriptions  qu'elles  portaient  avaient  été  sans  doute  retou- 
chées et  modifiées.  On  ne  peut  donc  garantir  l'absolue  concor- 
dance des  mesures  promulguées  en  1572  avec  les  articles  rédigés 
au  XV''  siècle  par  .Jacques  Gassin,  Bertrand  Candolle,  Pierre 
Imberl  et  Pierre  Saure.  Vraisemblablcmeid,  l'essentiel  en  sub- 
siste. 

2°  De  1572  au  commencement  du  xvii«  siècle,  les  ordonnances 
reçoivent  de  nouvelles  retouches.  On  en  trouve  la  trace  dans  la 
copie  transcrite  dans  le  registre  n°  1  des  Slnluls,  rcfjlenienls 
des  Arfs  el  Métiers  el  autres  objets  de  police  (f°  38).  Ce  texte 
comporte    de  nombreuses   variantes    de    mots    et   interpolations. 


250  IK'^^^  REYNAUD 

l'iHil-èlr»^  II-  |ifi>v('ii<;;il  y  csl-il  plus  caraclérisé  que  dans  la  copir 
de   1572. 

3"  Vno  copie,  de  la  même  main  qui  a  écril  la  piécédenle,  existe 
à  part  dans  le  dossier  A iif fi ('/■!<.  Elles  ne  diffèrent  pas  sensible- 
ment Tune  de  l'autre.  Lcoiilure  les  date  toutes  deux  du  début 
du  XMi-  siècle,  probablement  au  moment  oi!i  s'élaborait  le  règle- 
ment  de  1611. 

4°  On  trouve  dans  le  même  dossier  Aiif/iri'n  une  transcription 
en  écriture  italienne,  également  du  déJjul  du  xyii"^  siècle.  La 
même  main  a  recopié  aussi  le  règlement  de  1611.  —  Cette  Irans- 
cri|»lic.i.   ne  diffèi'e  guère  que  par  l'orthographe  des  précédentes. 

f)"  Par  miilre,  une  copie  de  date  plus  récente  —  l'écriture  est 
du  milieu  du  xvn*  siècle  —  renferme,  outre  le  texte  de  1572  avec 
de  légères  variantes,  deux  paragraphes  nouveaux,  plus  le  para- 
graphe final  du  texte  de  1572  qui  ne  figurait  qu'incomplètement 
dans  les  retranscriptions  précédentes.  On  y  trouve  aussi  l'indi- 
cation lie  la  criée  faite  la  dite  année  par  le  trompette  juré 
l'ilienne  Borrelly,  seule  mention  que  nous  ayons  de  cette  publi- 
cation verbale.  C'est  une  preuve  de  plus  des  remaniements  divers 
suliis  par  le  texte  primitif. 

6"  11  existe  aussi  une  retranscription  du  dispositif  général 
et  du  règlement  des  cordiers  de  chanvre  seul,  exécutée  par 
l'archivaire  de  la  ville  Rosset  en  1677  et  cerlifiée  par  lui  conforme 
à   la  2^  copie  ci-dessus.    (Dossier  Aiif fiers). 

7°  Dans  le  même  dossier  Aufficrs,  se  trouve  un  exemplaire 
imprimé  de  la  retranscription  faite  par  Rosset  en  1677. 

III 

.Yo/rs-  hinijr(iphi(!iir<;  s;;r  les  ailleurs  des  Ordonnances  du  x\^  siècle 

sur  le  fait  de  l'aujje 

par   Pierre   Bertas 

Jacques  CASSIN 

Fils  de  Jean  CASSIN,  seigneur  de  Peypin  el  de  Béatrice  JAN- 
SELME  ou  JANSEAUME. 

Marié  à  noble  Barthélemye  POISSARD. 

Premier  syndic  de  Marseille  en  1460,  conseiller  en  1454  et  1459, 
premier  syndic  en  1473. 

Premier  consul  du  15  août  au  15  novembre  1475  :  il  aurait  dû 
reprendre  le  chaperon  quatre  ans,  mais  il  est  mort  sans  doute  et 
il  est  remplacé  au  Conseil  par  son  fils  Charles  CASSIN  qui  est 
consul  du  15  novembre  1481  au  15  février  1482.  Ce  Charles  CASSIN 
fut  massacré  en  avril  1493  dans  un  mouvement  populaire. 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  25  I 

Berlrand  CANDOLLE 

Fils  do  Blaquier  CANDULLE  cl  de  dame  ALCUiNE. 

Syndic  en   1454.  Trésorier  de  la  ville  en  1458. 

Conseiller  en  1472,  14/4.  En  1475,  il  lui  inscrit  sur  l:i  lisle  des 
48  conseillers  du  règleuieul  nouveau  de  Jean  de  Cossé,  en  \erlu 
duquel  il  fui  consul  d"abord  à  litre  de  subrogé  du  15  avril  au 
31  mai  1476,  puis  consul  à  titre,  régulier  ilu  15  août  au  15  n">\<'m- 
hre  1476,  du  15  août  au  15  no\endjre  1  lS(t^  subrogé  à  Pierre 
IMBl-^HT  du  15  mai  au  15  août. 

Le  15  juillet  1480,  ii  avait  été  désigné  pour  faire  parlie  de  l;i 
(■"/uuuissiou  ciiargée  d'organiser  le  service  funèlirc  du   r^i    l'x-iii'-. 

Tcsle  en  1473.  —  Codicille  du  30  août  1183. 

Marié  à  Brigidc  de  BEMEZA.N,  il  en  eut  Elieun<-  de  CA.NDOLLi: 
ipii  se  maiia  en  148U  avec  Keiiée  FUlillSI",  lille  île  ^.  .le:in  de 
EOHEST  et  de  Barlhélemyc  VEMO. 

Berlrand  CANUOLLE  fut  avec  Pierre  .SAEBE  et  Jac(iue>  CA.s- 
Sl.\  liiii  des  I rente  notables  <pii,  en  1457,  garantirent  au  Doge 
de  Ciènes  le  paiement  de  la  somme  de  6.000  ducats  pronuse  par 
le  duc  de  Calabre  à  (jui  il  devait  remettre  la  ville  de  (jènes  et  stiU 
chàlellet. 

Noble   Pierre    IMBICHT 

Fils  de  Louis  I.MBERT  et  de  Blanche  POUTANO. 

JNlarié  à  Constance  de  SA1.\  T-GILLES. 

Trésorier  en  1473,  syndic  en  1474-75;  consul  du  15  mai  au  15 
août  1479,  du  15  mai  au  15  août  1483,  du  15  février  au  15  mai  1486, 
du  15  février  au   15   mai   1490. 

Inaugura  le  nouveau  règlement  municipal  dit  de  Saint-Valliei-. 
fut,  en  effet,  premier  consul  du  1"  novembre  1492  au  31  octobre 
1493.  Réélu  premier  consul  pour  l'année  nniiiicipale  1498-1499  et 
une  troisième  fois  pour  l'année  1504-1505. 

Mort   en    1517. 

(Voir  l'annexe  IV), 

Pierre  SAURE 

Pierre  SAURE  figure  comme  conseiller  municipal  à  la  séance 
du  21  septembre  1454  (Notaire  OdoUy,  1454,  f°  250),  à  celle  du 
9  novembre  1458  (not.  Odolly,  1458,  f°  343).  Il  est  également 
présent  à  la  séance  du  30  avril  1472  (not.  Caradet,  1472,  f  21  v"). 

D""  Barthélémy,  Inventaire  des  Charles  de  la  Maison  des  lianx, 
pièce    1820,  5   mars   1471:   Mariage  de   Louis   SAURE,    fils   de   N. 


252  I''-AN  REYNAUD 

l>iorrc  SAliUi:,  iiiarchaiid,  avec  Marguerite  de  BAUX,  fille  à  N. 
C.iiillaumc  de  BAUX.  Jean  de  BAUX,  au  nom  de  son  père,  fait 
à  sa  sŒ-ur  une  dot  de  1.200  florins.  Pierre  SAURE  et  Antoinette 
MiNAUD,  sa  femme,  donnent  à  leur  fds  une  maison  rue  des 
Changes  cl    une  propriété  au  Redon. 

—  piccc  1821,  31  mars  1474:  Noble  Antoinette  ARNAUD,  lille  de 
N.  Georges  et  de  Raymonde  d'AIX,  et  femme  de  Pierre  SAURE, 
liiil   une  donation  à  Marguerite  de  BAUX,  sa  belle-fille. 

Li.uis  SAL'Rf:  et  Honoré  ARMAND  sont  capitaines  ordinaires 
(le  la  viÏÏc  du  15  ocjobrr  nu  15  (UhN'IiiIji'C  147S  (BuUcInirt'  de  la 
ville). 

21  x'picuiliic  14<S1:  Tt'sUuncut  .l'Olivier  d.-  PKNNART,  arche- 
vè(jU(!  tl'Aix,  dicté  à  Marseille  «  iii  camcra  dumus  houorabilis  viri 
Ludovici   SAURE  »   [Gallin  Clirifiliana,  t.   P'',  Inslnimrnla,   p.  70). 

Pie'rre  SAURE  avail  élé,  (  u  1457.  ainsi  (jue  .Jacques  CASSIN 
et  Berli'and  CANDOLLE,  l'un  des  trente  notables  qui  furent  les 
garants  du  tluc  de  Calabre  pour  le  paiemenl  des  6.000  ducats 
promis  au  Duge  de  (iènes  ]»<>ui'  la  livrais(»n  de  Gènes  et  de  son 
caslellelo. 

Pierre  Bertas. 

IV 

MARSEILLE   Q.UI  S'EN  VA 

"L'incroyable  oi-siin  nE  Pu^rre  Imbert,  le  petit   roi  de  Marseille 

par   Pierre   BerTas 

Après  avoir  été  quarante  ans  durant  à  la  tête 
de  la  Municipalité,  il  meurt  dans  l'abandon 
et  la  misère. 

Trois  rues  débouchent  sur  celle  de  l'Etrieu  :  celles  de  la  Tête- 
d'Or,  du  Petit-xMaucouinat  et  de  Saint-Gilles. 

Tèle-d'Or!  nom  pompeux  pour  une  ruelle  biscornue,  noire, 
actuellement  véritable  cloaque.  C'était  celui  d'une  hôtellerie  éta- 
lilie  vers  là  fin  du  xvii«  siècle  en  cette  rue  qu'on  appelait  aupa- 
ravant rue  des  Bancs. 

Rue  du  Peiit-Maucouinal 

D'aucuns  pensent  que  la  rue  du  Petit-Maucouinat  doit  aussi  le 
sien  à  l'existence,  en  des  temps  fort  anciens,  d'une  auberge  dont 
le  maître-queux  n'était  qu'un  gâte-sauce.  Tout  y  était  mal  cuisiné 
«  mal  cozinat  »,  mal  cuit  «  maou  coùeinat  y>.  Le  quartier  «  mal 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  259 

cozinat  »  était  mal  fréquenté  ;  aussi  en  1322  les  symlics  en  inter- 
dirent l'accès  aux  femmes  de  mauvaise  vie  «  vil  feniena  ».  Ajou- 
tons qu'il  y  avait  à  la  rue  Malcoynat,  avant  1450,  une  boucherie 
ou  mazeau  (maceliorn),  ofi  Ton  abattait  les  bœufs  «.  in  qua  boves 
solebant  matari  ». 

Lors  de  l'agrandissement  de  Marseille,  sons  r.oui<  XIN',  le  nom 
lie  Maucouinat  fui  donné  à  l'une  des  rues  des  quartiers  neufs,  celle 
de  l'Arc  entre  la  l'ue  Rouvière  et  la  rue  d'Aubagne.  Dès  lors, 
pour  éviter  toute  confusion,  on  appela  rue  du  Petit-Maurouinal 
la  ruelle  tirant  de  la  rue  de  l'Etrieu  à  la  place  des  Hommes. 
Arrive  la  Révolution.  Grand  chambardement  verbal  et  mur;il. 
Nos  rues  sont  débaptisées.  La  rue  Maucouinat  s'appelle  rue  de 
l'Arc  ;  le  Petit-Maucouinat,  rue  des  Désirs  !  La  monarchie  est 
rétablie.  Les  anciens  noms  reparaissent.  La  rue  de  l'Arc  rede- 
vient Maucouinat  jusque  vers  la  fin  du  second  empire.  En  1865, 
par  un  singulier  caprice  —  les  maires  n'en  sont  pas  exempts  • — 
le  maire  de  Marseille  Rernex  abolit  cette  appellalion  pilloresque 
et  remet  en  vigueur  le  nom  de  l'Arc.  Quant  à  la  rue  Pelit-Mau- 
couinat,  elle  est  à  Tabri  de  pareil  avalar,  car  elle  est  sur  le 
point  de  disparaître  :  elle  gardera  donc  jusqu'au  bout  le  nom 
si  expressif  que  la  fantaisie  de  nos  pères  lui  donna,  il  y  a  plus 
de   six  cents  ans. 

Il  y  a  six  cents  ans  aussi  que  la  rue  de  Sainf-Gilles  porte  ce 
nom  qui  est  celui  d'une  des  plus  vieilles  familles  de  Marseille. 
Après  avoir  lonalemps  brillé  du  i)lus  vif  éclat,  elle  finit  en  quc.- 
nouille  à  la  fin  du  xv®  siè-^le.  .TaCfj'jcs,  le  derniei'  di\s  Sainl-riillcs 
ne  laissait  en  cffci  que  deux  filles,  Constance  et  .Teannelte,  relie 
dernière  épouse  d'Elion  Marlin,  fils  de  .lenn  Marlin,  seigneur  île 
Puyloubier  et  chancelier  du  roi  René.  Sou  aînée,  Cons|;iner. 
sciait  mariée  en  1465  avec  Pierre  Tniberl. 

i'nr  rarrirre  prrf^Iiiiiiiitif 

Pieii-i'  IihImm'I  !  Chaque  fois  (jue  nos  oeeiqjnlion-^  nous  iMuèneni 
devaiil  eeljc  rue  de  Sainl-Cilles,  nous  évoi|iioiis  le  soiivi'uir  i\r 
l'époux  de  f;oii>|;Miee  de  Sainl-Cille^.  de  iw  Pierre  Iiiiberl.  dont 
la  prestigieuse  carrière  jiltendil  loujonr-  un  lii->loririi  dé^jr-eux 
de  faire  revivre  les  dix  dernières  nniiées  de  l'indépiMulaMce  de  l;i 
pallie  proveneîile  ei  les  [l'eute  premières  de  son  union  à  l;i 
PVance. 

Pierre  Jmbert,  c'est  un  ^Marseillais,  un  Marseillais  de  Marseille, 
un  autochtone.  Cent  cinquante  ans  avant  sa  naissance,  un  de  ses 
aïeux  prénommé  crunino  lui,   clail    l'un   «les   genlilshoimues   pro- 


254  JEAN  REYNAUD 

vciiraiix  remis  en  1288  comme  otages  au  roi  d'Aragcjiij  lors  de  la 
mise  en  liberté  de  Charles  II  d'Anjou,  roi  de  ÎN'aples  et  comte  de 
Provence. 

Né  entre  1430  et  1440,  Pierre  Imberl  est  liientùt  en  vedette. 
En  1463,  il  commande  la  Sainlc-Mane,  nef  du  prince  Charles  du 
Maine,  frère  du  roi  P»ené  ;  il  est  en  outre  prr)priétaire  du  navire 
Sailli-Sauveur.  La  ville  utilise  ltient(M  ses  précieuses  facultés. 
Elle  lui  confie  chaque  année  une  de  ses  i)tus  importantes  charges. 
Sa  personnalité  s'affirme  d'année  en  année.  L'énergie  de  son 
caractère,  son  intelligence  des  affaires,  sa  souplesse  d'esprit  en 
font  un  chef  estimé,  un  adnùnistrateur  prudent,  un  habile  diplo- 
mate. 

Il  est  le  dernier  magistral  municipal  à  avoir  porté  le  titre  de 
syndic.  C'est  en  sa  qualité  de  syndic  que,  le  27  avril  147-5,  il 
présente  à  ses  collègues  du  Conseil  et  réussit  à  leur  faire  adopter 
le  règlement  élaboré  par  le  grand  sénéchal  Jean  de  Cossé  qui 
crée  un  Conseil  municipal  de  quarante-huit  membres,  dont  chacun 
pendant  trois  mois  en  quatre  ans  est  assuré  d'être  l'un  des  trois 
magistrats  municipaux  (]u'on  n'ajipellera  plus  syndics  mais,  désor- 
mais, consuls. 

De  1475  à  1492,  Pierre  Imbert  a  porté  au  moins  à  quatre  repri- 
ses le  chaperon  consulaire  trimestriel.  N'oublions  pas  qu'il  a  été 
un  dos  précieux  collaborateurs  de  Palamède  Forbin  qui  prépara 
la  réunion  de  la  Provence  à  la  France. 

Prnm'rr   Consul 

\]n  1492,  lorsque  le  grand  sénéchal  Saint A'allier  institue  son 
règlement  municipal  ayant  pour  l)asc  un  conseil  de  72  membres, 
c'f^st  encore  Pierre  Imbert  qin  inaugure  le  nouveau  régime.  Il  est 
eu  effet  premier  consul  en  1492-93  ;  on  le  renomme  pouù  1498-99 
ei  c'est  encore  lui  qu'on  choisit  comme  premier  consul  pour  l'an- 
née municipale  1504-1505.  Qu'on  n'oublie  pas  qu'un  consul  sorti 
de  charge  ne  peut  être  réélu  de  cinq  ans. 

Mais  si  le  règlement  municipal  ne  l'autorise  pas  à  être  cons- 
tamment en  titre  au  haut  de  la  hiérarchie  municipale,  tout  au 
moins  ceux  qui  exercent  les  fonctions  de  consul  ont  été  dési- 
gnés par  lui  ci  ne  font  rien  sans  son  conseil.  Pendant  quarante 
ans,  comme  le  dit  un  contemporain,  iî  est  le  «  petit  roi  »  de 
Marseille. 

Il  n'est  pas  seulement  estjmé  de  ses  concitoyens,  et  des  repré- 
sentants du  roi,  mais  encore  du  roi  lui-même.   En  1494.  lors  de 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  255 

l'expédition  de  Naples,  Charles  VIII  lui  a  donné  en  ciïet  le  com- 
mandement d'une  de  ses  galères. 

Çierre  Imbert  est  donc  l'homme  le  plii'^  ron<;idér;iltle  de  sun 
temps.  La  fortune  semble  le  combler  do  tous  ses  biens  —  et  même 
l'assurer  d'une  longue  postérité.  En  effet,  sa  femme,  C<inslanr<^ 
de  Sainl-Gilles,  ne  lui  a  pas  donné  moins  de  six  enfant^,  dont 
quatre  garçons  :  Victor,  armateur  et  capitaine  de  la  nef  la 
Fougasse,  Honoré,  homme  de  loi,  Guillaume  et  Accurse,  mar- 
chands. 

/'crroiilemrnl 

Ouolle  douce  vi;.Mli('ss',,-  en  perspective,  au  milieu  ilc  la  lciidre>>(' 
et  de  la  vénération  d'une  si  nombreuse  famille  !  Mais  voilà  que 
la  Mort  passe  accompagnée  de  mille  malheurs.  Elle  lui  enlève 
sa  femme,  Constance  de  Saint-Gilles  en  150G.  Alors  un  des  gen- 
dres de  Pierre  Imbert,  Hector  Amalric,  exige  impérieusement  le 
douaire  de  sa  femme  Guiilaumettc  Imbert.  La  situation  (!c  Pierre 
Imbert  est  ébranlée.  Ses  fils  vont  tenter  de  la  rétai>lir.  Victor 
hnbert,  l'aîné,  appareille  pour  le  Levant  fu'i  il  \»  trafiquer.  .\  son 
retour,  les  bénéfices  réalisés  permellrunl  à  son  |iri'r  li'éclwq  pcr 
à  la  banrjueroute. 

Mais  Victor  Imbert  iTc^l  jamais  icvciiu,  \icliiiii-  o<  la  luii- 
des  éléments  ou  de  celle  des  hommes.  Eu  outre  meur"Ml  (  '  up 
sur  coup  Honoré  et  Guillaume  Imbert.  Enfin  le  dernier  de  Iimms 
frères,  Accurse  Imbert,  succombe  à  son  lour  en  janvier  l.jir>. 
Pierre  Imbert  est  veuf  et  de  ses  enfants  il  ne  lui  ifslc  plus  que 
Guillaumette  rjui  vénèie  sans  doute  son  père,  mais  dont  le  mari, 
Hector  Amalric,  a  été  si  dur  pour  lui. 

Tout  s'écroule  autour  de  l'ctctogénaire.  Il  est  réduit  à  la  misère. 
Dans  la  ville  comme  dans  tout  son  terroir,  il  ne  possède  pas 
un  biiiil  (lo  (cri'aiii  \;\rirn  eomme  nur  friiilli-  di'  uapif-r.  -fluii 
r<'\pr(;'ssion  d'un  de  ses  concitoyens,  lous  ses  bien-,  il  a  t';ilhi 
les  vendre.   Ils  n'ont  pas  suffi  à  couvrir  ses  dclles. 


Excommunié   ! 

.Vussi  ses  créanciers  rapaces  ont  fait  appel  cunli'e  lui  aux  fou- 
dies  de  l'Eglise.  Celle-ci  a  prononcé  l'excommuiiicalion  et  Pierre 
Imbert,  l'ancien  syndic,  l'ancien  premier  consul,  qui  a  porté  la 
baguette  de  justice  des  viguiers  royaux  :  qui,  en  1503,  a  été 
euvové  en  ambassade  aunrès  de  Louis  XII  ;  Pierre  Imbert  dont 


256 


TEAN  REYNAUD 


pendant  longtemps  les  plus  haut  placés  recherchaient  le  sourire 
et  quêtaient  les  faveurs  ;  Pierre  Imbert  est  maintenant  un  objet 
d'opprobre.  Il  lui  est  interdit  de  franchir  la  porte  d'une  église. 
11  est  le  maudit,   le  réprouvé,  l'excommunié,   «  l'Escuraenjat  !   » 

Enfin,  le  22  octobre  1517,  la  mort  vient  le  délivrer  de  ses  souf- 
frances. Son  cadavre  d'excommunié  ne  peut  être  déposé  en  terre 
bénite.  Va-t-on  donc  le  jeter  à  la  voirie  comme  une  charogne 
ce  premier  consul  de  Marseille  qui,  pendant  quarante  ans,  a  servi 
les  autres  sans  se  servir  lui-même  ?... 

Mais  sa  fille  Guillaumclte  Imbert  arrache  aux  gens  d'église  le 
retrait  de  l'excommunication  lancée  pour  dettes  contre  son  père. 
Elle  peut  le  faire  alors  ensevelir  avec  de  grands  honneurs  en 
l'église  des  Dominicains.  Tous  les  gens  de  bien,  d'après  Valbelle, 
suivirent  le  convoi.  «  Il  l'avait  bien  mérité,  ajoute-t-il,  car  en 
son  vivant  ce  fut  un  homme  vertueux  ». 

Un  homme  vertueux  !  Allons  donc,  penseront  sans  doute  quel- 
ques-uns :  Gouverner  Marseille  quarante  ans  et  mourir  pauvre, 
ce  n'c^l  pas  de  la  verlu  :  c'est  de  l'imbécillité... 

Pierre   Bertas. 

(Le  Radical  de  Marseille,  n°  du  mardi  20  avril  1926). 


Un   conlral    trapprriiU^saijr    d'auffier    ru    l;j<S8 
LoiAOE    DE    PEHSONNE    POUH     PHiRHE     MaNDVNE,     AIEFUoR    DE     MaRSEUXE 

l/;in  mil  ciiMi  eus  liiiiclante  huil  <i  1(^  dix-huictiesme  octobre 
a(l\;iiil  midi,  ('(.iislihu's  personnellcincnl  Aulhoyne  et  Jehan  Du- 
l'niii'L  pèi'o  el  fils,  hnbilans  de  Marseille,  loii-^  deux  ensendjie, 
Tiiu  ])iiur  l'aulrc  cl  l'un  d'eulx  seul  pour  le  iout  sans  division, 
donne  auiori'^aiioii  paternelle  intci'x  enaiil  quant  à  ce  agréable- 
ment, on!  I.iiié  les  (l'uvres  du  coi'i^s  dud.  Jehan  à  Pierre  Mandyne, 
auffiri-  de  rvAv  \Ule,  preseid,  acceptant  et  slipulant,  pour  le 
lenqis  el  terme  de  deux  aii^  ((iiiiplcls  cl  i'e\(illes  conimenssant 
aujourd'hui  et  seui))lal)le  joui-  (iuissau!  soulz  le--  paehes  s-uvvanis 
faicis  et   stipuler  ("iilre  les  conlraclanls. 

Scavoir  led.  Mandyne,  mailre,  sera  lenu,  diiraiil  ied.  leuq)s, 
de  norrir  et  allymenter  led.  aprentis  dans  sa  maison  et  en  son 
ordinaire  et  luy  enseigner  le  mestier  de  auffier  et  deppendance 
d'icelluy,  et  au  contraire  led.  apprentis  sera  tenu  de  servir  bien 
«■l    fidelenienl    son  maislre   aud.    nicslier   el    auire   chose  licile  et 


LIiS  AUFFIDRS  DE  MARSEILLE  2^7 

honnesle  (lue  luy  commandera  peiulanl  Icd.  lomiis.  S;ins  le  délais- 
ser aucunement. 

Item  que  si  durant  led.  temps  led.  aprcniis  esfdil  iiialladc, 
led.  M®  le  norrira  huit  jours,  passés  lesrpicls,  si  la  maladie  pos- 
sède davantage  il  se  nourrira  ailleurs,  hors  la  maison  dud.  M*. 
Et  en  temps  de  peste,  (jne  Dieu  garde,  chacun  d'eulx  sera  en 
liberté  et  sera  tenu  led.  apjjrentis  refferc  a  son  dit  niestrc  luiil 
le  temps  qu'il  aura  perdu  tant  par  maladie,  peste  qu'aidrement. 
a  temps  pour  temps,  car  ainsi  sont  deucment  tPaccord  et  f»nL 
promis  et  promettent  les  sus  nouimés  coniraclants,  chacun  en 
son   endroict,  lesd.   père  et   fils,  comme   dictent  avoyr  agréalde. 

Arch.  des  BoiicJirs-du-niiônc.  Noluircs.  /''o»J.s  Tirscarlrs. 
X"  69.   A'or«  Alphonse  Benoil,  anrx'r   l."iss,  "f   l-?fi9  \". 

VI 

Rnlle  de  tous  les  noms  des  Mrslres  An f fiers  et  conipnitjnons  de 
la  ii)i>ilrancc  deii  SI  Ange  Gardien,  scaroir  il/"  les  Prieurs  de 
hnlillc  luminaire   de   la  présanle   année   de   1693    : 

l*""  :  .Jacques  PELLAS,  âgé  de  54  années  ayant  un  roinpjiignon 
appelé  Eorens  CARNAUD  âgé  de  22  années,  .demnrant  à  lii  rue 
de  M''  le  Lieutenant  de  Bauzet,  ayant  ausy  un  apraidis  appelle 
Haymond  ISOIRD  âgé  de  16  années. 

2.  Bernard  ROUVIERE,  âgé  de  50  années  ayani  un  compaignon 
appelle  Balthezar  RIERE  âgé  de  36  années,  demurant  à  la  Tri- 
perie, un  aulre  petlil  compaignon  a|)pellé  Aulhoine  (ilNIfi,  âgé 
de  !6  anuée'-. 

:5.  (iuilleume  LORENS,  âgé  de  30  années,  ledil  iiyaiil  un  ronqiai- 
irniHi  appelle  Martin...  âgé  de  ^(t  auuée-;,  deuiuianl  à  la  Seme- 
I  ilene  '  '" 

t.  Aulhoine  CllAridER,  âgé  de  26  auuées.  iiyaul  un  p<'lil  «•-'Ui- 
naiuuon  a|)pellé  François  ROMAND,  âgé  de  16  anué(>.';,  deuiuraut 
loul  i)roche  de  la  Triperi(\ 

Beiii;ii-d  MAL'lil'.LV,  âgé  de  25  auuée>,  deuuiranl  au  Cour'^. 
Ledil  il  a  un  compaignon  apellé  Josei)h  BOUCHE  ajré  de  23  an- 
nées demurant  à  la  ronderie.  De  plus  ledit  a  un  apranlis  apellé 
Jean  AIIDIBERT  âgé  de  12  années. 

Pol  OLLIVIER  âgé  de  40  années  demurant  au  Cours.  Ledit  a 
un    compaignon   appelle    François    THOMAS    âgé   de  30   années, 


""  Sans  doute  l'enseigne  d"une  hôtellerie  ou  d'une  boutique. 


258  JKAN  REYNAUD 

tlcmuraiiU  aux  Hars  '".  Ledit  a  ausy  un  apranlis  apellé  Joseph 
BLAXC  deu  Marlegues,  âgé  de  18  années. 

Anthoine  SORREL,  âgé  de  33  années,  demurant  au  Cours.  Ledit 
ayant  deux  compaignons,  l'un  d'isseux  s'apelle  Gaspart  BONNA- 
\[E,  âgé  de  26  années,  demurant  à  la  Poisonerie  neuve,  et  l'autre 
s'apelle  François  LEGIE,  âgé  de  17  années  demurant  au  grand 
Mazeau. 

Gilly  CHAVE,  âgé  de  30  années  demurant  au  Cours,  ledit  ayant 
un    compaignon   appelle  Jazinte   CHAVE  âgé   de   25   années. 

Mathieu  BOYER,  âgé  de  50  années  demurant  au  Cours,  ayant 
ledit  deux  enfens  Eun  appelle  François  âgé  de  15  années,  et 
l'autre  ai^^llé  Charle  âgé  de  12  années  ;  de  plus  le  dit  ayant  un 
compaignon  apellé  Pierre  PORTAL  âgé  de  35  année  demurant 
vert  les  Raeulets  ^*-. 

André  POISE,  âgé  de  40  années  demurant  au  Cours. 

Jean-Baptiste  DONNADIEU,  âgé  de  28  années  demurant  au 
Grand  Puy,  ledit  ayant  un  compaignon  appelé  Pierre  ANTHOINE 
âgé  de  40  années  demurant  à  la  reue  de  l'Estrieu  ;  ledit  a  ausy 
un  aprantis  apellé  Reignaud  ICART  âgé  de   15  années. 

Pons  CAN'OLLE  âgé  de  40  années  demurant  au  Grand  Puy, 
ayant  un  compaignon  apellé  Anthoine  Reimond  âgé  de  35  années 
demurant  vert  la  Fontène  des  Prêcheurs. 

Lorens  ROUBAUD  âgé  de  28  années  demurant  au  Grand  Puy, 
ledit  ayant  un  compaignon  apellé  François  CHIEUSE  âgé  de 
35  années  demurant  devant   le  Logis   deu  Librier^'^. 

Mathieu  BOVER,  âgé  de  30  années  demurant  au  Grand  Puy, 
h'dit  ayant  quatre  compaignons  scavoir  :  Joseph  OLLIVIER,  âgé 
de  23  années,  François  IMBERT,  âgé  de  16  années,  Jean-Baptiste 
ARNAUD,  âgé  de  17  années,  lesdits  demuren  avec  ledit  ;  et  Pierre 
GIRAUD,  âgé  de  18  année  demurant  au  Coin  de  Cabrier  '^^  : 
ledit  a  ausy  un  aprandris  appelle  François  DURAN.  âgé  de 
15  année.    < 

Nicolas  MAGALUN,  âgé  de  30  années  deuunaiit  à  la  Pierre 
que  rage,  ledit  ayaid  un  compaignoij  appelle  Jac<iue  ROMAND 
âgé  de  40  année  demurant  à  la  Pierre  (|ui  l'age: 


'"  Les  Arcs,  sur  lesquels  passait  l'atiucduc  aliint-utant  Marseille, 
actuellement  à  la  porte  d'Aix. 

'*-   Les   Récollet?. 

'^^  Le  Logis  du  Lévrier,  hôtellerie  de  ^Marseille  renommée,  à  la 
rue  des  Pucelles,   aujourd'hui   rue   [Magenta. 

"'  Le  coin  de  Cabiiès,  où  se  trouvait  la  maison  des  Cipriani, 
Seigneurs    des  Cabriès,    dans  le   quaitier    Saint-Jean.    , 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  2^9 

Guilheume  TOUECHE,  âgé  de  40  années  dcmurtnil  ;iii  <lc\uiif, 
de  M®  Sosin,  nectaire,  ayant  ledit  un  compaigni»n  appelle  Honoré 
TOUECHE,  son  frère,  âgé  de  20  années. 

Anthuine  AIGIS'IX,  âgé  de  40  année  demurani  prnelic  la  Pierre 
que  rage,  ayant  un  compaiLmnn  appelle  .Icnn  B.ipli-ic  -.x-jr  ,],- 
12  année. 

Jean  NATTE,  âgé  de  22  année,  denuiranl  an  ilrv;iMl  le  l-Ourt 
de  Noslre-Dame  de  la  Candelouze  "%  ledil  a\ant  un  rompaignon 
muet  et  sourd  appelle  Claude  MAHIN  âgé  de  l'J  années  di-murant 
à  St  Jean,  ledit  a  ausy  un  apranlis  appelle  Joseph  .MAIMEli. 
âgé  de  15  année  eltanl  deu  Martegues. 

ESPINAS  et  CASAX  en  compaignie,  se;i\nir  :  .^^  Cusuie  l^SPI- 
XAS,  âgé  de  45  années,  et  Barlhéleniy  CASAN,  âgé  de  60  aimées, 
les  dits  on  deux  compaignons,  un  nommé  Blaize  sr.S.VNE,  a<2é 
de  60  années,  demurant  à  la  Triperie,  et  l'autre  appelle  Louis 
RIMBAUD,  âgé  de  22  années,  demurant  à  la  plase  Neuve  ;  Ics- 
dits  on  ausy  deux  aprantis,  un  d'iseux  appelle  Malliieu  nEL.M^.X 
âgé  de  20  années,  et  l'autre  appelle  Pierre  M.MOl'ZE,  âgé  de 
18  années. 

MORAILLE  et  REINE  en  compagnie,  scavoir  :  S"  .\iilli<»ine 
MORAILLE,  âgé  de  60  années,  et  Henry  REINE,  âgé  de  32  années; 
ledit  Moraille  a  un  garson  appelle  Jacque,  âgé  de  17  années  ; 
lesdits  hont  un  compaignon  appelle  Charle  GARM AIN.  at:é  de 
20  années,   liemurant  proche  la  porte  des  Raformés. 

Pierre  OLIVE,  aL;é  de  35  années,  demurant  prorhe  NP  Biffarun, 
ledil  ayant  un  apranlis  appt^llé  Put  de  La  Maison  de  Dieu,  âgé 
de  15  aimée. 

François  LORENS,  âgé  de  60  années,  tiemiirani  audi'van  de  M"" 
Bigaron,  ayant  deux  garsons,  l'un  appelle  Louis,  âgé  de  28  années, 
l'autre  Jacques  âgé  de  26  années,  ayant  un  apranlis  appelle  Henry 
LO.MBARDON,  âgé  de  12  années. 

Jean  OLIVE  et  Ciuilheume  OLIVI^  frères,  asuciés,  scavoir  : 
Jean  et  âgé  de  33  années,  et  Guilheume  et  âgé  de  30  aimées, 
demurant  devan  M""  de  Monlolieu,  a_\anl  im  apraiiiis  appelle  Jao 
ques  NIELV,  âgé  de  15  années. 

Louis  IMBERT,  âgé  de  36  années,  demurant  aux  .Vgusiins, 
ayant  un  filz  âgé  de  12  année  appelle  Jacipie,  ledit  ayant  ausy 
un  com.paignon  appelle  Jean   S.\B.\L\,  âgé  de  30  année,  demu- 


"^   Le   Four  de  Notre-Dame  de   la    Chandeleur,    autrement  dit    le 
Four   des   Na\ettes,  près   de   Saint-\'ictor. 


26o 


JIÎAN  REYNAUD 


ranl  proche  M'  de  Bausct,  ledit  ayant  ausy  un  aprantis  appelle 
Thomas  PRECHEUR,   âgé  de   16  année. 

Jean  PLUMIE,  âgé  de  32  années,  demurant  devan  la  ^grande 
porte  des  Augustins. 

André  DRAGON,  âgé  de  55  année,  demurant  au  devant  la  porte 
des  Grands  Augustins,  ayant  deux  filz,  l'un  appelle  Michel, 
âgé  de  18  années,  et  l'autre  Antoine,  âgé  de  14  année. 

Joseph  MOTTON,  âgé  de  35  années,  demurant  au  devan  la 
grande  porte  des  Augustins,  ayant  deux  compaignons,  in  d'isseux 
s'api)elle  Guilheume  ROMIEU,  âgé  de  26  années,  demurant  à  la 
place  des  Hommes,  Tautre  s'appelle  Joichin  DELESTRADE,  âgé 
de  20  années,  demurant  au  Cours. 

François  ROUBAUD,  âgé  de  42  année,  demurant  proche  les 
Augustins,   ayant  un  garson  appelle  Estienne  âgé   de   16  année. 

Estienne  SIMIAN,  âgé  de  35  années,  demurant  proche  la  fon- 
tcne  des  Augustins,  ledit  ayant  un  compaignon  n'ayant  jamais 
voulut  déclarer  son  nom. 

AfcJiivcs   inuiticipalcs   de   Mfirscillc,    séiic  ////.    dossier   spécial. 


VII 


ESTAT  el  innux  dc^  Muislres  (iiilK  rs  (jui  oui  lîoiiliqiie  uiiverlc 


François  LAUREN 
EXPINAX  et  CASSAN 
Jean   el    Guilhaume   OLIVE 
MOURAILLE  et  RELNE 
François  ROUBAU 
Anthoine  AIGNIN 
Bernard  BOUVIERE 
Malien  JOULIEN 
Louis  IMBERT 
PELLAS  el  CARNAUD 
Pons  CANOLLE 
Pierre  OLIVE 
Nicolas  MAGALON 
Guilhadme  TOUCHE 
Malieu  BOYER 
André  POISSE 
André  DRAGON 


Pol  OLIVIER 
Jean-Baptisle   DON  ADIEU 
Bernard  MAURELLY 
Lauren  ROUBAU 
Pierre  MATHEON 
Jean  NATTE 
Joseph  MOUTTON 
Jean  PLUMIER 
Estienne  SIMIAN 
Guilhaume   LAUREN 
Louis  LAUREN 
La  vefve  de  SOUREL 
Anlhcinc  CHAULIE 
Ballhezar  BIGARD 
Guilhaume  ALLENE 
Gilles  CHAVE 


Liîs  al'1'F1i:rs  di-:  marsiîille  261 

KSl'AT  ri  /io/)ïs  (le  Ions  Irs  nmiHlrrs  atifirrs  tiiii  n'uiil  poinl 
de    LUniUqiic    ouvciic    cl   U'uvnUlrul  en    cluiinbri'. 

Claude  TOUCHE,  ilenuiranl  à  la  roue  de  l'Arseliinl. 

Jcan-Baptislo  MOLTTON,  dcmuran  à  la  maison  de  M^  l»i|.Mrdy 
l)roche  la  grande  porte  des  Auguslin. 

François  CAILLOL,  demuran  à  la  maison  de  M'  «le  HicanI, 
proche  la  grande  poi-le  des  Auguslin. 

Anthoine  REIMOND,  demuran  au  dessus  des  Pères  Prêcheur 
proche  M'  Estienne  Olive. 

Anthoine  PINIE,   demuran  vis  a   vis  la   leiic  de   la   'i"ri|)erie. 

André  FILIT  demuran  à  la  leue  de  rEsciiele. 

f'istienne  CAILLOL,  demui-an  à  la  grande  Poissdunerif. 

CHIEUSE,   demuran  au  carlier  de  St  .leaii  du  déser. 

Nous  prieur  de  la  sus  ditte  luminere  du  St  Auge  Gardien  serti- 
fion  et  atteston  que  son  les  su.sdits  només  sont  ou  sont  esié  mais- 
tre  aufiers.  En  foy  de  quoy  non  avons  signé  la  présente. 

(Signé)    :  F.   LAURENT. 

Fi'ançois    ROUBAl  1).  .I.jseph    .MUUTO.N. 

Gilles  CHAVE. 

Document  non  ddlé,  mais-  du  ronuifnccnwnl  du  xviii*  sièclr. 
—  Arcliives   niuniciprdes  dr   Murscilic,   sérw   llll.    flns.<ii-r  npériol. 


VIII 


Inucnlaire  des  ornements  du  Bon  Ange  Gardien  rrmis  pur  h 
Prieurs  Vieux  à  Messieurs  les  Prieurs  .\ourcaur,  Sfwoir  : 

Le  G«  mars   1719. 
Dix  chandeliers  laiton. 
Une  croix  de  laiton. 
Une  lampe  de  laiton. 
Vingt-quatre  bouquets   neufs. 
Deux  aigrettes  avec  son  vase  chacun. 
Douze  aiguières  et  vingt  mauvaises. 

Un  devant  d'autel  blanc  damas  avec  ses  a  gredances  r>. 
Un  devant  d'escalier  blanc  damas. 
Deux  coussins  blancs. 
Un  devant  d'autel  rouge  damas. 


262 


JEAN  REYNAUD 


Un  devant  d'autel  vert  damas. 

Vu  devant  d'autel  violet  damas  avec  ses  «  gredanccs  ». 

Deux  coussins  violet. 

Une  écharpe  rouge. 

Six  nappes    :    une   double    el   ciiH|    simples. 

Un   pareuKMil    pdil    de   toile  d'escalier. 

Un   tapis. 

Deux  bassins   de   laiton. 

Un   petit  bassin   de   cuivre. 

Un  ange  de  bois. 

Un  ange  d'argent  avec  son  étui. 

Deux  petits  morceaux  damas  ronge. 

Deux  petits  degrés  de  bois. 

Archives  luuiiicipales  de  MiU'scille.  aéric  IIII.  doKsirr  Cordiers 
cl  A uf fiers. 

IX 

Cafaloguc  des  marchaiKh  aiif/'irrs  dr  celle  ville  de  Marseille 
selon  leur  rang  de  réceplion  el  snivrml  V indicalion  qui  en  a  clé 
faile  en  1734. 


Mrs.   Henry    REYXE  1684 

J.B.  ICARDEN  1695 

Balthezard  BIGARD  1699 
Pierre  MAYOUSSE  1698 
Jacque     MOURAIL- 

LE  Fils  1700 

Louis  BREMOXD  1700 
François      LEGREC 

(Legré)  1701 

Joseph  NEGREL  170.3 
Marc  -  Antoine    FA- 

BRE  1707 

Vve    C ARNAUD   du 

décès  de  Laurent    1710 
Pierre  GRAS  1713 

Vve  IMBERT  du  dé- 
cès  de  Louis  1716 
Charles   PHILIP         1718 
Joseph  BONNAVIER 
fils  de  Gaspard       1720 


Mrs.  Félix  BREMOND       1721 
Annibal  PIN  1722 

Pierre  REYNAUD       1722 
Vve    OLLIVIER  du 

décès   de  Paul         1723 
Pierre       OLLIVIER 

fils  de  Pierre  1723 

Jean  GUINDON  1723 

Joseph  BONNIN         1723 
Benoît  PONS  1725 

Jean  BLANC  1726 

François  -  Pa  s  c  a  1 

MOUREN  1728 

François  PLUMIER 

fils  de  Jean  1729 

Ignace   LONG  1729 

Etienne    LAFORET    1733 
J eau-Pierre     MON  - 

NIER  1733 

Jean-Antoine  GRAS  1734 


LES  AUFFIERS  DE  MARSEILLE  263 

ConliiiiKilioii   lie   la    lislr    picccdmlr   jiisiiu'rn    IT'.M» 

.Mrs.  Jtan  -  Jo>cpli  MOU-                     Mrs.  1  lionias  TIA.N  I77u 

RIER                          173.^)  .lusoph  -  Th  n  m  .1  ^ 

C.snn.      ULLIVIKIi  PO.NS                         177.'. 

(ils  (le  Paul               173,')  .rar.|ii.><(  IL  K  ;il  \  I;  1 1   I77G 

Claude  VIVIAN          1737  .lean   CAY(»L               177f, 

Honoré    REYNAUD  .loau-Louis  IS.NAIU»   I77('. 

fils  de  Pierre            1738  Pi(Miv  ROLLAM»       17s(i 

Louis  r.AUTIER         173'.)  Pi.Tre-Aiil.Mne     l'I- 

Pierre    BERMER       174(i  XATEE                      17SJ 

Mathieu  LEGRE          1741  .R-au-Aiilniiic   ICAIt- 

Tlîomas  -  Augustin  DEN                           1781 

AUBE      .                  1741  Ant..ine  MARTIN        17H5 

Claude   BENAT           1741  François  CHARREL  I7K") 

Claude      POURRIE-  Marcel  MOUREN        178.'. 

RE                               1743  Elienne  (iUElDON     178.". 

Cilles   BRUN                1743  Pierre    BON.NEEOÏ   17K^) 

Aimé  GRAS    fils   de  Honoré  ARNAUD      17^3 

Pierre                        1743  Pi(^rre-Nicolas     L.\- 

Vve  LONG  du  décès  EOREÏ      fils      de 

dT.g'nace                     1717  Jean-Pierre               1780 

Gaspard       MO  U  R-  Claude  ORGANI          1787 

RAILLE  Simon  GASQUET       1787 

André  GUINDON      I76I  Louis    BARRIELLE  1787 

Jean-Pierre.  LAFO-  Joseph  BAUD             1788 

RET                            1763  Jacques       B  R  0  U- 

Jean-Antoine     GUI-  OUIER                      1789 

CHARD  1763  DELISLE         1780 

Antoine   DEVIEUX    1764  L-niis  BEAU                179U 

Jacques  LAFORET     1764  Barthélémy       OUA- 

Louis  MARTIN           1767  RANTAINE              17-.1U 

Archives   des  Boiiches-dii-Bhônc,   EX   ri  Bi. 


Lisle   des    marchandai   ,111/ /fis   -/.    .,//«•   n  le 

Sous  ce  titre,  le  dossier  Cordiers  et  AulTiers  (série  H  H)  des 
Archives  municipales  de  Marseille,  renferme  un  intéressant  docu- 
ment sans  dale.  mais  qui  remonte  évidemment  aux  premiers  mms 


264 


JEAN  REVNAUD 


do  rannt'c  1790.  C'est  une  liste  des  membres  du  corps  des  auf- 
fiers,  dressée  sans  doule  en  vue  du  recrutement  de  la  garde 
nationale  où  il  a  été  versé.  Cette  liste  conipoi'le  quelques  noms 
son  domicile  ou,  le  cas  échéant^  de  la  compagnie  de  la  garde 
nationale,  où  il  a  été  versé.  Cette  liste  comporte  quelques  noms 
qui  ne  figurent  pas  sur  le  catalogue  des  marchnnds-auffiers 
reproduit  plus  haut  ;  elle  servira  à  le  compléter. 


André  GUlNDOxN 

68  ans 

;                        — 

GUI.NDON  fils 

36  — 

Compagnie  Necker 

Pierre-Mcolas  LAFORET    (ils 

26  — 

d° 

Pierre  BONNEFOY 

32  — 

Compagnie   Ferrary 

Simon  GASOUET 

27  — 

Compagnie  Blanchard 

André  MOURRIER 

58  — 

— 

Pierre  ROLAND 

36  — 

Compagnie  Necker 

Joseph  PONS 

60  — 

An  petit  Cours 

François  CHAREL 

32  — 

d° 

Louis  BAU 

25  — 

d° 

iMarcel  MOUREN 

28  — 

d° 

Barthélémy  CARANTENE 

21  — 

Compagnie    Necker 

Jn  Fs  Antoine  GUICHARD 

44  -^ 

Au  grand  Cours 

Thomas  TLVN 

55  — 

d° 

Claude  ORGANY 

27  — 

Rue  Poids  de  la  Farine 

Pierre   PIGNATEL 

36  — 

Compagnie  Ferrary     . 

Honoré   MONNIER 

52  — 

Au  petit  Cours 

Honoré  ARNAUD 

25  — 

Rue  d'Aix 

Etienne  GUEIDON 

26  — 

d° 

Antoine  MARTIN 

36  — 

Compagnie  Ferrary 

Joseph  BEAUD 

25  — 

R.  St  Pierre  à  St  Jean 

Louis  BARRIELLE 

27  — 

Rue  Sainte 

.\rchirn<   iiiunicipalra   de  Mari^rillr,   i^crir  JIH,    dossier  Cordiers 
cl  Aujjicvs. 


2b5 


RAPPORT 
M.     Jean     i.i.     S  E  R  V  I  K  R  I-:  S 

Secrélaire    Gniér.jl 

sur  l'attribution  de  la 

Médaille  de  la  Fondation  '    Paul-Paret  " 
en    1927 


Mesdames.   Messieurs, 

Votre  Sociél(''  décerne  pour  la  4"  fois  la  nu-Llaille  de  \<'rniril 
de  la  fondation   Paul-Paret. 

X'('iait-il  j3as  juste  (jue  dès  si\  iircniièrc  attribution  x'oirc 
clioix  se  soit  porté  sur  celui  de  nos  niembrc^s  bienfaiteurs 
dont  la  libéralité  avait  permis  cette  création,  Mme  Paul 
Paret,    notre  dévouée  vice-présidente? 

Après  elle,  et  deux  années  de  suite,  vous  avez  dislin^ui' 
en  dehors  de  Marseille,  deux  érudits  dont  les  travaux  archéo- 
logiques sont  hautement  appréciés  :  M.  l'abbé  Jost^jDh  SaïUel 
—  d'Avignon  —  qui  a  reconstitué,  i)ar  ses  livres  et  par  M's 
fouilles,  Tattraxante  pinsionomie  de  \'aison-la-l\oiuaine  ; 
et  M.  Pierre  de  Brun,  dont  les  efforts  tenaces  ont  enrichi 
tout  ce  que  nous  possédions  jusqu'ici  en  vestiges  de  toute 
sorte,  sur  l'antique  Glanum  —  notamment  la  mise  au  jour 
du  temple  de  Silvanus  —  et  créé  surtout  ce  «  Musée  des 
Alpilles  »  qui  attire  depuis  sa  récente  fondation  tant  de 
visiteurs  et  d'étrangers  de  marque  en  ce  vieil  hôtel  de  Mont, 
dragon  ouvrant  si  fièrement  sur  la  rue  du  Parage,  à  Sainl- 
Remv-de-Provence,  sa  belle   façade   Renaissance. 


266 

Comme  les  en ndiclal lires  à  celle  récompense  que  vous 
décernez  annuellement  ne  se  pcjsent  pas  d'elles-mêmes,  les 
investigations  parmi  les  candidats  éventuels  ne  laissèrent 
pas  de  pr()\"oquer  quel(|ii('  lâlonnement. 

Après  deux  savants  arcliéologues,  quel  lauréat  nouveau 
allait-il  assurer  l'unanimité  sur  son  nom  ? 

Le  titre  seul  de  notre  Société  dit  assez  que  c'est  l'amour 
de  la  Provence  et  de  son  magnifique  passé  qui  lui  a  valu 
tant  de  fidèles  adhésions. 

Aimer  la  Provence  dans  son  histoire,  voilà,  certes!  un 
l^eau  motif  d'union!  Kt  la  faire  aimer,  la  faire  connaître, 
exalter  son  prestige,  propager  aussi  loin  cpie  possible  son 
éclat  et  son  rayonnement,  cju'il  s'agisse  d'économie  et  de 
littérature,  d'art  et  de  poésie,  dans  le  passé  ou  clans  le 
présent  —  qui  sera  le  passé  dès  le  jour  enfui  !  —  n'est-ce 
pas  répondre,  par  un  sentiment  identique,  au  but  idéal  que 
nous  poursuivons? 

Pourquoi  n'aurions-nous  pas  arrêté  nos  vues  avec  sym- 
pathie sur  toutes  ces  manifestations  d'un  Régionalisme 
séduisant  et  bien  compris,  qui  sans  jalousie  et  sans  intran- 
sigeance, s'efforce  de  montrer  aux  yeux  du  monde  le  visage 
de  la  Provence  éclairé  du  plus  spirituel  sourire? 

Dès  lors,  un  nom  s'imposait,  sans  brigue  ni  cabale,  à 
l'attention  de  votre  conseil,  précisément  ce  nom  de  Pro- 
\ence  dont  un  féal  gonfalonier  portait  joyeusement  les  cou- 
leurs, les  faisant  flotter  haut,  en  toute  occasion,  et  vous 
avez  bien  voulu  ratifier  le  choix  de  M.  Marcel  Provence. 

((  Tu  Ma^cellus  eris...  » 

Après  deux  archéologues,  un  écrivain  régionaliste  ! 

Que  votre  lauréat  ait  puisé  cà  la  Fontaine  des  Quatre- 
Dauphins,  aux  sources  de  sa  jouvence,  cette  tendresse  pas- 
sionnée pour  notre  belle  province  dont  la  charmante  ville 
d'Aix  reste     l'incontestable     capitale     historique,    que    ses 


26; 

premiers  essais  littéraires,  ses  premières  laranilok-s  et  ses 
premiers  jeux  —  de  la  Fêle-Dieu  !  —  se  soient  déruiilés  sous 
les  yeux  de  Mistral,  dans  la  juvénile  et  ardente  acclama- 
tion cle  toute  la  jeunesse  des  iù-oles  cK-telant  les  clie\au\ 
de  rEmperein-  du  Soleil,  (juoi  de  plus  naturel!  Oui  en 
médirait  ? 

Xi  M.  Abel  Ilermant,  de  l'Acadénue  l^ançaise,  (pii,  dix 
ans  pltis  tard,  empruntait  sans  le  savoir  à  M.  Marc<'l  Pro- 
vence le  titre  de  son  JvLoc;!-:  ni-:  i..\  ^il■:l)Is.\^•(  k.  ni  M.  j'!niile 
Henriot,  dont  \.e  di ai^i  k  a  i.'hotivI.  rappelait  si  bien  ce 
conte  de  Minnii-:  de  M.  Marcel  Provence,  cpii.  d'ailleurs, 
n'est  pas  le  personna.Ue  le  moins  causiicpie  de  <-et  anuisani 
roman  aixois. 

<(  yl///  Jeunesse,  qu'un  jour  vous  ne  soyei^  plus  la!  » 
vSoupirons  avec  Mme  la  comtesse  de  Xoailles  et  retrou- 
vons en  noire  lauréat  un  écrivain  plus  q'rave  avec  ce  li\r<' 
impoiant  Li-:s  Ai.i.i-..ma\i)s  i:x  Pr<)Vi;\(  i:,  irréfutable  doiu- 
mentation  sur  l'avant-ouerre  économicpie  dans  nos  ré^iims, 
et  la  main-mise  industrielle  sur  nos  lavandes,  que  devait 
compléter,  après  le  conflit  mondial,  et  dans  le  même  esprit 
de  défense  de  notre  sol  et  de  notre  sous-sol:  L'Ai.i,i:M\(.M-: 

ET    l'apRÈS-GUEIîRE  ;    BaUXUES    et    Al-l'MINIUM. 

La  Société  des  Gens  de  Lettres  avait  retenu  ces  deux 
livres  courageux  et  décernait  <à  leur  auteur  sa  médaille 
d'or  annuelle,  dite  des  Ecrivains  Patriot(\s. 

Eh!  oui!  —  ((  l'amour  de  la  petite  patrie  attache  à  la 
grande  !  »  —  disait  déjà  l'aixois  Portails. 

Journaliste  et  chroniqueur  littéraire,  la  collaboration  d'es- 
prit nettement  provençal  de  ]\L  Marcel  Provence  a  parcoiirti 
de  nombreuses  salles  de  rédaction,  du  Soleil  du  Midi  à 
VArmana  Prouvençaù,  en  passant  par  le  Guulois,  le  Fi^s^aro, 
la  Revue  Hebdomadaire,  le  Mercure  de  France,  la  Revue 
Universelle,    VOpinion,   la  Revue  Française,   la  Revue  de 


f 


268 

la  Sc))ntinc  et  bien  d'nutrcs  pc'riodifjiies  français  ou  étran- 
gers. 

Régionalisle  fervent,  fondateur  die  la  Fédération  des 
jeunesses  Régionalisles  françaises,  rapporteur  au  Congrès 
de  la  Fédération  Régionalisle,  que  présidait  M.  Louis 
Marin,  paitout  où  fermentait  hi  pacifique  et  féconde  agita- 
tion d'une  Décentralisation  cjui  serait  peut-être  le  salut  d'un 
gays  bridé  par  les  sangles  d'institutions  surannées  et  péri- 
mées, M.  Marcel  Provence  est  accouru  en  héraut  de  notre 
province  et   parfois  en  ambassadeur  de  ses  traditions. 

Oui  pourrait  ignorer  sa  Petite  histoire  familii-ire  de  la 
c:rèche  et  du  santon,  dont  plusieurs  éditions  n'ont  pas 
épuisé  le  succès  et  Cjui  va  paraître,  traduite  en  anglais,  à 
Boston  ?  et  aussi  cette  exposition  santon ière,  créée  par  son 
initiative,  qui  sur  les  grands  boulevards  de  la  capitale,  à  la 
fin  de  l'an,  décorée  des  boules  blanches  du  gui,  fait  affluer 
autour  de  ses  baraques  la  curiosité  parisienne,  recevant 
ainsi  dans  la  froidure  de  décembre,  le  joli  rayon  de  gai 
soleil  provençal  et  le  parfum  le  plus  suave  de  nos  pasto- 
rales et  de  nos  fêtes  calendales. 

N'est-ce  pas  ce  goût  très  averti  d'une  action  régionale  réflé- 
chie qui  a  poussé  M.  Marcel  Provence  à  grouper  les  arti- 
sans, artistes  décorateurs  et  ouvriers  d'art  autour  de  lui, 
créant  avec  eux  ces  vivantes  ((  Sîiisons  »  qui  ont  tant  fait 
pour  les  Arts  appliqués  et  régionaux  à  Aix,  à  Digne,  à 
Moustiers,  à  Sisteron,  à  Nice,  à  Saint-Martin-de-V^ésubie, 
à  Marseille,  qui  réunies  en  fédération  des  Saisons  d'Art 
ont  servi  l'art  provençal  moderne,  notamment  par  l'institu- 
tion de  concours,  dont  le  dernier,  cette  année,  —  le  con- 
cours du  Bastidon  —  a  remporté  un  si  légitime  succès. 

C'est  en  suivant  cette  voie  qu'ayant  acquis  à  Aix  le  pa- 
villon Cézanne,  ce  qui  fut  l'atelier  du  vieux  maître  aixois 
est  devenu  non  seulement  un  musée  du  souvenir  cézannien, 


269 

mais  encore  un  centre  biblioi^rapliiciiie  sur  ce  j^rand  ariisKs 
où  la  <(  Société  Paul  Cézanne  »,  (|ui'  présiih-  noire  laurt-at. 
consacre  tant    d'activité. 

C'est  en  cvuvrant  de  la  sorti-  que  M.  Mani'l  IVovencc  a 
réalisé,  l'an  passé,  la  renaissance  des  Faïenceries  de  Mous- 
tiers,  fondées,  s'il  vous  plaît,  en  1679,  et,  celte  année,  les 
Faïenceries  de  Varag"es,  en  rallumant  les  fours  aux  pa\s 
où  ((  les  feux  s'éteignent  »,  et  en  créant  cette  Ecole  CIcrissy, 
école  régionale  de  faïencerie,  groupant,  ri'-ii-,  plus  de 
soixante  élèves  décidés  à  faire  revivre  cet  art  distingué,  c|ui 
—  les  collectionneurs  le  savent  bien  et  le  magnifi(|ue  ou- 
vrage de  M.  l'abbé  Arnaud  d'Agnel,  notre  collègue,  la 
Faïence  et  la  Porcelaine  artistiques  à  }farseille,  le  |)r(!elame 
■ —  a  tant  contribué  à  la  gloire  artisti(|ue  de  la  Fro\ence  en 
général  et  de  Marseille  en   particulier. 

En  parcourant  l'œuvre  persévérante,  en  suivant  la  pro- 
l)agande  infatigable  de  notre  lauréat,  nous  ne  ([uittons  i)as, 
vous  le  vovez,  les  domaines  de  la  Provence  —  «  Provincia 
Prirvinciaruiii  !  »  —  où  vous  avez  voiilti  reconnaître,  axer 
la  beauté  de  l'Inspiratrice,  le  mérite  et  le  zèle  d'un  de  scn 
plus  fidèles  servants. 

Oue  celui-ci  puisse  prendre  à  son  coinpie.  un  jour,  le 
noble  examen  de  conscience  gravé  au  Liminaire  du  'I  résor 
di'ni  Vélibrige: 

((  Pèr  loii  noiDu  de  Proivvenço,  ai  fa  ce  que  poudieu  1  " 
noire  Société,  en   lui   décernant  sa   plus  liaule   récompens<', 
la  luédaille   ((  Paul  l\-iret  »,    aura  du  moins  la  satisfaction   tle 
déclarera  M.  Marcel  Provence,  en  reconnaissant  ses  lalenls 
et  ses  efforts,    qu'elle  aussi   elle  a   fait   ce  ({u'elle   pouvait. 


270 

NÉCROLOGIE 


François  de  Marin  de  Carranrais 

La  Société  de  Statistique,  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Marseille 
et  de  Provence  vient  de  faire  une  véritable  perte  en  la  personne  de 
M.   Jean-François-]\Iarie  de  Marin  de  Carranrais. 

Xé  le  26  août  1850,  il  était  fils  de  ^I.  André-Eugène  de  ^larin  de 
Caripnrais  et  de  Mme  Françoise-Antoinette-Clarice  Payan  d'Au- 
gery,  dont  le  frère,  vicaire-général,  a  laissé  un  vivace  soiivenir  dans 
le    diocèse    de    Marseille. 

Ce  fin  lettré,  cet  érudit  de  si  complète  distinction,  ce  parfait  gen- 
tilhomme, a  conservé  jusc|u'à  son  dernier  jour  les  principes  politi- 
ques ft  religieux  de  ses  ancêtres.  Xous  nous  connaissions  depuis 
1866,  c'est-à-dire  depuis  soixante-deux  ans  ;  il  voulait  bien  me  nom- 
mer son  condisciple  et  m'honorer  de  sa  sympathie. 

Plusieurs  des  ascendants  de  M.  François  de  INlarin  sont  connus 
dans  notre  histoire  locale  :  Jean  de  Carranrais  était  consul  de 
^Marseille  en  1553-1554;  Annibal  de  Marin  était  capitaine  d'une 
galère  du  Roi  en  1697;  François-Joseph  de  Marin  était  ]\laire  de 
Marseille  de  1773  à  1775;  son  grand-oncle,  l'abbé  Barthélémy,  Fau- 
teur du  l'oyûge  du  jeune  Anacharsis  en  Grèce  (1716-1795),  de  l'Aca- 
démie Française,  était  membre  associé  régnicole  de  l'Académie  de 
Marseille;  enfin  I\l.  Eugène  de  Marin,  son  père,  faisait  aussi  par- 
tie de  l'Académie  de  notre  Aàlle  et  publia,  entre  autres,  Xotre  rieillc 
église  de  Saint-Martin  et  la  rue  Colbert;  Vinjaillihilitc  doctrinale  ; 
Du  sec pltcisiiic  de  Kant;   et  une  grosse   l-'Audc  sur  les  Origines  '. 

M.  François  de  Marin  fut  d'abord  attaché,  en  c]ualité  d'archi- 
viste auxiliaire,  aux  Archives  des  Bouches-du-Rhône,  à  'la  tête  d'es- 
(juelles  se  trouvait  le  regretté  Louis  Blancard.  C'est  là  qu'il  se  lia 
avec  ^1.  Félix  Reynaud,  si  savant  et  si  modeste,  le  chanoine  Alba- 
nès,  le  docteur  Barthélémy,  d'Auhagne,  le  comte  Emmanuel  de 
Grasset,  et  notre  érudit  collègue  M.  Joseph  Fournier. 

Il  donna  sa  démission  à  la  suite  d'un  incident  au  Qonscil  Géné- 
ral. 

Durant  cette  collaboration  de  quinze  années,  il  rendit  les  t)1us 
grands  services  à  la  science  historique,  et,  on  ne  saurait  trop  le 
répéter,  avec  le  plus  complet  désintéressement. 

Comme  l'a  si  bien  dit  M.  ^Michel  Clerc  ^  :  <(  L'archiviste  qui  se 
bornerait  à  faire  consciencieusement  son  métier  rendrait  déjà'd'inap- 

(i)  Cf.  le  discours  de  réception  de  M.  Eugène  de  Marin. 

(2)  Cf.  Réponse  de  M.  Michel  Clerc  au  discours  de  réception  de  ^L  F.  de 
Marin. 


271 

prcciables  services  »  ;  M.  F.  de  Marin  a  fait  mieux,  car  il  a  publie, 
en  1877,  une  étude  historique  très  remarquable  sur  VAbfuiye  Je 
Monttnajoiir ,  et  en  i88g,  une  Notice  très  complète  et  parfaitement 
documentée  sur  \' Intendance  de  Provence.  Aussi,  en  1903,  a-t-il  ctc 
élu  membre  de  l'Académie  de  ^Marseille  en  remplacement  de  son 
maître  et  ami  M.  Louis  Blancard.  Il  a  été  reçu  le  24  janvier  1904. 
en  même  temps  que  M.  Léon  Mag^nan  ;  il  fut  chancelier  en  19' i  et 
directeur  en   191 2. 

Cet  homme  de  bien,  d'une  courtoisie  raffinée,  d'un  commerce  si 
agréable,  d'une  obligeance  rare,  était  à  coup  sûr,  l'un  des  meil- 
leurs généalogistes  de  Provence  et  d'ailleurs.  Il  n'était  pas  que 
que  cela.  Ses  travaux  aux  archives  des  Bouches-du-Rhône  firent 
de  lui  un  historien  averti.  En  véritable  archiviste  il  ;.e  livra  à 
l'austère  dépouillement  et  classement,  à  la  rédaction  de  l'inven- 
taire dont  il  avait  pris  sa  part  sous  la  direction  de  Louis  Blancard. 
C'est  au  cours  de  ces  travaux  qu'il  publia  les  études  historiques 
indiquées  ci-dessus,  qui  furent  suivies  d'autres  ayant  surtout  un 
caractère  généalogicjuc,  notamment  la  Gcncalogie  des  Pu  gel,  con- 
tribution importante  à  l'histoire  familiale  du  génial  artiste  mar- 
seillais ■'. 

Dans  l'ancienne  Revue  de  Marseille  et  de  Provence,  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  et  dans  nombre  de  publications  histori- 
ques, ^I.  F.  de  Mann  a  donné  des  travaux  appréci<?s  portant  la 
marc[ue  d'une  érudition  étendue  et  d'une  précision  scrupuleuse. 
Ajoutons  qu'il  avait  à  son  service  un  remari|uablc  talent  de  de^si- 
nateur  à  la  plume  dont  l'Art  héraldique  et  l'enluminure,  voire 
mcmc  l'exécution  d'anrès  nature,  lui  donnèrent  l'occasion  de  se 
révéler   véritable    artiste. 

De  son  mariage  avec  Mlle  de  Xarbonne-Lara.  M.  F.  de  .Marin 
a  eu  quatre  lils  dont  un  est  m.ort  en  accomplissant  son  service 
militaire  aux  Chasseurs  alpins  à  Menton,  un  autre  a  été  blessé 
grièvement  duiant  la  grande  guerre  et  inlcrné  en  vSuisse,  et  une 
fille,  morte  en  décembre"  1927,  à  la  .-uite  d'un  accident  d'auto- 
mobile. 

Notre  regretté  collègue  et  ami.  très  affecté  par  ce  deuil  tragi- 
r|uc.  e.<t  nv)it  le  iS  août  1928^  à  \"ielvic  •,)rè.>  \"illeft)rt  (Lozère), 
où  il  villégiaturait  dans  sa  propriété.  Cette  rr.<irt  met  en  deuil 
I>lusieurs   familles    de    l'aristocratie    provençale    et    languedocienne. 

A  .M""'  François  de  Marin  de  Carranrais,  à  ses  fils  et  à  leur 
famille  notre  Société  adresse  l'hommage  de  sa  respectueuse  sym- 
pathie avec  ses  plus  sincères  condoléances.  —  Ildefonse  DE  \  OULX. 

(3)  Cf.   Mémoires  de  l'Académie  de  Marseille  :    n;o6-i907. 


372 

BIBLIOGRAPHIE 


FOURNIER  (J.).  --  Histoire  politique  du  département  des  Bouches- 
dii-Rhône  17S9-1914.  Un  vol.,  gr.  in-8°,  246  p.  Imp.  du  Séma- 
phore,   1928. 

Dans  sa  préface  à  l'intéressante  histoire  politique  du  département 
des  Bouches-du-Rhône  de  178g  à  1914,  qu'il  vient  d'écrire  pour  le 
tome  y   de   l'Encyclopédie    départementale,    'M.    J.    Fournier    a    fait 

—  nous  y  étions  déjà  habitués  par  ses  nombreux  travaux  antérieurs 

—  une  fois  de  plus  (l'uvre  de  véritable  historien  impartial.  Il  est  dif- 
ficile en  effet  de  rester  impartial  quand  on  décrit  des  périodes  poli- 
tiques que  l'on  a  vécues.  Il  est  peu  commode  d'en  parler  comme 
des  révolutions  de  Florence  ou  d'Athènes.  Malgré  soi  on  sympathise 
avec  ceux  dont  les  idées  vous  sont  agréables.  ^I.  J.  Fournier  a 
cependant  réussi  à  n'être  ni  conservateur  ni  extrémiste,  tout  au 
plus  au  cours  de  son  consciencieux  exposé  des  événements  peut- 
on  deviner  chez  lui  une  certaine  sympathie  bien  dissimulée,  pour 
les  idées  politiques  d'une  république  large,  tolérante  et  éloignée 
de   tout   excès    démagogicjtic. 

Ses  descriptions  de  la  période  révolutionnaire,  de  l'imprépara- 
tion à  Marseille  de  la  révolution  de  1848  et  celle  du  mouvement 
communiste  de  1871,  nous  exposent  très  clairement  la  mentalité  et 
le  caractère  du  peuple  marseillais  fils  de  latins  et  d'orientaux, 
prompt  à  s'enflammer,  versatile  parfois  et  toujours  prêt  à  se  por- 
ter suljitement  aux  pires  extrémités,  quitte  le  lendemain  à  se  calmer 
très    vite   après    ces    violentes  explosions. 

INl.  J.  Fournier  a  aussi  admirablement  .montré  la  préférence  des 
Marseillais,  du  peuple  surtout,  pour  les  idées  politiques  extrêmes 
aussi  bien  chez  les  Rouges  du  Midi  de  17S9  que  chez  les  socialis- 
tes de  1914.  date  à  laquelle  il  clê)ture  son  étude,  ce  qui  le  dis- 
pense de  parler  des  communistes  actuels.  A  toutes  les  époques 
il  établit  une  distinction  très  nette  entre  les  extrémistes  marseil- 
lais et  les  négociants  de  la  ville  comme  avec  les  propriétaires  ter- 
riens du  reste  du  département,  plus  calmes  et  plus  réfléchis. 

Dans  l'ensemble,  à  l'exception  de  l'îlot  conservateur  d'Arles,  il 
semblerait  d'après  l'auteur  que  tout  le  reste  de  la  Provence  mar- 
seillaise est  définitivement  acquis  aux  principes  et  à  l'idéal  du 
gouvernement  républicain.  Il  résulterait  aussi  de  cette  étude  une 
constatation  consolante  :  l'alrivée  au  pouvoir  des  élus  des  Bouches- 
du-Rhône,    quelle   que  soit   leur   couleur,    du    rose   teftdre    au    rouge 


273 

le  plus  vif,  les  a  toujours  assagis  et  rendus  opportunistes  dans 
l'intcrêt  de  .Marseille  ou  du  département.  La  plupart  ont  su  tenir 
dans  les  Assemblées  politiques  une  place  importante  en  rapport 
avec  celle  qu'occupe  dans  la  France  notre  région  méridionale. 

Enfin,  M.  J.  Fournicr  ne  juge  pas,  il  expose  avec  sa  parfaite 
connaissance  des  milieux  officiels  les  défauts  et  les  qualité?,  les 
fautes  même  des  administrateurs  qui  se  sont  succédés  à  la  Pré- 
fecture ou  à  la  [Mairie  marseillaises.  11  laisse  au  lecteur  la  beso- 
gne ardue  de  tirer  les  conclusions  d'un  e.xposé  vcridique  mais 
toujours  courtois. 

Comme  conclusion  in  canda  veiiefium  nous  adresserons  cependant 
une  critique  à  ce  beau  travail.  Elle  s'adresse  plus  à  l'imprimeur 
qu'à  l'auteur  lui-même.  Pourquoi  l'un  d'eux  s'entcte-t-M  à  appeler 
le  régiment  suisse  de  Ernst  en  garnison  à  Marseille  en  178g,  du 
prosaïque  nom  de  régiment  d'Ernest  ?  —  D*"  L,  Malz.ac. 


BaRRUOL  (Tean).  —  La  Contre-Rêvolut'ion  en  Provence  et  dam;  le 
Comtat^  d'après  des  documents  inédits.  A  Cavaillon,  chez  Mis- 
tral, 1928.  Un  vol.  in-8°  de  321  pp.  orné  de  2  portraits. 

L'histoire  de  la  Révolution  en  Provence  a  fait  l'objet  de  tra- 
vaux les  plus  diverSj  et  de  tendances  fort  opposées.  Parmi  les 
plus  importants,  citons  au  moins  les  ouvrages  de  Lourde,  de  Lau- 
tard,  de  Soullier.  de  Viguier  et  de  Guibal.  Malgré  toute  la  cons- 
cience avec  laquelle  ils  ont  été  écrits,  ils  sont  pourtant  incomplets, 
puisque  M.  Jean  Barruol  peut  encore  nous  apporter  du  nouveau 
dans  un  gros  volume  qu'il  vient  de  consacrer  à  la  Contre-Révo- 
lution en  Provence  et  dans  le  Comtat.  Sujet  passionnant  entre  tous  ! 
Toute  action  entraîne  une  réaction  ;  celle-ci  est  quelquefois  insensi- 
ble, souvent  molle,  d'autres  fois  très  violente.  Celle  tjue  produisit 
la  Révolution  dans  notre  Midi  fut  de  celte  dernière  espèce,  et 
il  fallut  de  longues  années  au  nouveau  régime  ])our  mater  enfin  une 
résistance  acharnée,  occulte  ou  au  grand  jour,  opposée  par  une 
partie  des  Provençaux  aux  méthodes,  aux  lois,  aux  gens  et  à  l'es- 
prit nouveaux.  C'est  l'histoire  de  cette  résistance,  à  peine  esquis- 
sée par  les  historiens  précités,  que  s'applique  à  nous  donner  M. 
Barruol. 

Avec  conscience,  il  nous  fait  d'abord  un  tableau  des  conditions 
de  la  vie  en  Provence  au  xviii«  siècle  et  décrit  les  prodromes  de  la 
Révolution. 

Il  prend  comme  type  une  petite  commune  de  la  haute-Provence 
et    de   la    viguerie  d'Apt,   Viens,    dont   il    connaît  bien    les    archives 


274 

et  les  habitants.  Ce  bourg  avait  piccisémcnt  donné  naissance  à  deux 
hommes  qui  furent  parmi  les  plus  actifs  et  les  plus  dévoués  des 
contre-révolutionnaires  provençaux,  les  frères  Monier  de  La  Quar- 
rée.  On  retrouve  leurs  noms  mêlés  à  toutes  les  tentatives  roya- 
listes depuis  1791  juscju'au  complot  de  Cadoudal.  En  retraçant  leurs 
actes,  on  faisait  du  même  coup  l'histoire  de  la  contre-révolution 
provençale.  ' 

La  réaction  marseillaise  est  laissée  de  côté  par  AI.  Barruol  :  elle 
est  si  connue  d'ailleurs  !  Il  y  a  probablement  peu  à  dire  encore 
sur  le  mouvement  fédéraliste  en  Provence.  Alais  ce  C[ui  restait  à 
élucider  c'était  sa  liaison  intime  avec  le<5  autres  mouvements  contre- 
révolutionnaires,  ceux  du  Comtat,  en  1791  et  1792,  les  actes  des 
Compagnies  de  Jéhu  et  du  Soleil,  sou?;  le  Directoire,  et  la  cons- 
piration de  Puyvert  en  iSoo.  C'est  l'essentiel  dvi  livre  de  ]\I.  Bar- 
ruol, écrit  avec  un  talent  tel  cju'il  se  lit  comme  un  roman.  M. 
Barruol  a  eu  à  sa  disposition  des  documents  inédits  d'un  intérêt 
de  premier  ordre:  les  papiers  de  la  famille  INIonier  de  La  Quar- 
rée,  et  ceux  du  député  aux  Cinq-Cents  Palhier  de  Sylvabelle.  Les 
dépôts  publics  de  la  Provence  lui  ont  fourni  d'autre  part  de  pré- 
cieux éléments  nouveaux.  C'est  dire  la  valeur  du  livre  de  M. 
Barruol  au  point  de  vue  strictement  documentaire.  Au  point  do 
vue  politique,  qu'il  nous  sera  permis  de  toucher  légèrement,  l'in- 
térêt n'est  pas  moindre.  Si  l'histoire  mal  connue  divise  les  Fran- 
çais, l'histoire  mieux  connue  les  rapproche:  ils  peuvent  tous  com- 
munier dans  l'horreur  des  guerres  civiles  et  je  n'en  connais  pas 
de  pire  dans  l'histoire  de  France  que  les  guerres  de  religion  et  les 
troubles  de  la  Révolution,  deux  périodes  où  s'accusa  particulière- 
ment l'affaiblissement  du  pouvoir  central.  Rendons  grâce  à  M. 
Barruol  de  nous  montrer  une  fois  de  plus  à  cj[uoi  mènent  les  Ivittes 
civiles  et  aussi  comment  elles  naissent.  —  J.   R. 

Pûgcs  frûiiçaises  sitr  Gèncs-la-Superhe  {de  Montesquieu  à  MicJw- 
lel,  1728- 1854),  publiées  avec  une  introduction  et  des  notes  par 
Gaston  E.  Broche,  professeur  agrégé  de  l'Université  de  France, 
chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'LTniversité  Royale 
de  Gênes.  —  Un  vol.  in-8°,  216  pp.,  14  planches  hors  texte.  — 
Alliance  Française,  Paris,  loi,  boulevard  Raspail,  et  Gênes, 
18,  via  Cairoli,   1928. 

Délaissant  pour  un  temps  l'odyssée  massaliotique  de  Pythéas 
dans  les  mers  nordicjucs,  notic  savant  et  sympathique  concitoyen, 
le  ])rofesscur  Gaston  E.  Broche,  ne  se  meut  maintenant  qu'à  tra- 
vers la  mer  latine  qui  sert  de  lien  et  de  raison  d'être  aux  peuples 


275 

riverains:  Espagne-,  France,  Italie.  Avec  juste  raison,  M.  Bruche 
cherche  à  dissiper  les  nuages  (jui,  trop  souvent^  voilent  la  cor- 
dialité qui  devrait  unir  ces  nations  de  culture  identique.  Il  réussit 
à  mcrveilli'  à  Gènes,  dans  un  poste  de  choix.  Grâce  à  lui,  la 
grande  ville  ligure  entend  chaque  année  conférencier  les  meilleurs 
des  écrivains  français  d'aujourd'hui.  M.  Broche  a  voulu  aussi  faire 
entendre  aux  Génois  des  voix  de  Français  d'autrefois,  et,  s'il  vous 
plaît,  des  voix  de  Français  parlant  de  la  Superbe/  L'entreprise 
étiat  risquée,  pour  de  nombreuses  raisons  très  sérieuses... 

2\Iais  M.  Broche  aime  à  jouer  la  difficulté:  il  avait  fait  acolanur 
Henry  Bordeaux  à  Gênes  au  moment  même  où  cette  ville  était  trou- 
blée par  des  manifestations  anli-lrançaises.  Cette  année  il  a  réussi 
magnificj[uement  à  publier,  sous  les  auspices  de  l'Alliance  Fran- 
çaise de  Gênes,  des  Pages  françaises  sur  cette  ville  qui  reçoit  - 
il  l'avoue  lui-même  —  de  fameux  coups  de  boutoirs  de  ceux  qui  l.i 
décrivent.  Mais  la  Sérénissime  a  dès  longtemps  l'habitude  d'être 
un  peu  bousculée  par  les  Français:  elle  ne  s'en  émeut  plus,  et  nous 
pas  davantage  lorsque  les  étudiants  nous  sifflent  dan'-  les  rues  de 
la  ville  aux  palais  de  marbre,   si  chargés  d'histoire. 

Ce  sont  des  pages  d'histoire  que  nous  livre  M.  Broche,  qui  a  le 
bon  esprit  de  ne  commencer  ses  citations  qu'à  partir  de  i72(S.  A  ce 
moment,  la  France  était  représentée  à  Gênes  par  un  consul  des 
plus  distingues,  Coutlet,  c^ui,  durant  les  trente  années  c[u'il  passa 
dans  ce  poste,  ne  cessa  de  correspondre  avec  la  Chambre  de  Com- 
merce de  Marseille,  à  lac[uelle  il  faisait  part  des  événements  nota- 
bles propres  à  intéresser  le  négoce  français.  Ses  lettres  des  années 
1746  et  1747  ont  un  véritable  intérêt  politic^ue,  étant  donné  la  lutte 
dont  la  ville  fut  le  théâtre  au  cours  de  la  guerre  de  Succession 
d'Autriche.  Gênes  était  alors  pour  la  France  une  loyale  alliée, 
et  il  y  a  plaisir  à  lire  dans  les  dépêches  dé  Coutlet  toute  l'admi- 
ration que  celui-ci  éprouvait  pour  l'eflfort  méritoire  des  Génois, 
obligés   de  lutter  contre  des   troupes  très  supérieures   en  nombre. 

Cent  ans  après,  deux  autres  provençaux  visitèrent  Gênes.  En 
1834,  ce  fut  Joseph  ^léry.  11  fît  le  voyage  sur  le  premier  bateau 
à  vapeur  marseillais,  le  Sully,  capitaine  Arnaud,  de  la  Compa- 
gnie Ba^in,  un  paquebot  à  roues  de  42  mètres  de  longueur,  qui, 
paraît-il,  «  volait  comme  un  oiseau  »  à  la  vitesse  de  7  à  S  nouds. 
Méry  donne  de  Gênes  une  description  dithyiambicjue  :  pour  lui.  l'âge 
d'or  règne  dans  cette  ville.  Il  ne  sait  ce  qu'il  faut  le  plus  admirer 
du  paysage,  des  monuments  ou  des  femmes.  Pourtant,  entre  les 
monuments,  il  a  fait  un  choix:  ((  Dieu  n'était  pas  jaloux  des  palais 
de  Gênes,  parce  que  ses  temples  étaient  encore  plus  beaux  ijuc 
ses  palais  ».  Voilà  bien  du  romantisme    ! 


276 

Six  ans  après,  en  1840,  un  autre  Marseillais,  Joseph  Autran,  f;iit 
le  voyage  de  Gênes  à  bord  du  vapeur  Pkaramonà.  Même  enthou- 
siasme pour  les  beautés  de  la  ville,  même  admiration  pour  les 
productions  de  l'art  génois. 

Car  il  faut  être  méditerranéen,  provençal,  pour  comprendre,  pour 
sentir  le  charme  de  Gênes.  Nous  avons  oublié  de  dire  que  ce  borde- 
lais de  Montesquieu,  s'il  avait  reconnu  la  grandeur  et  la  majesté 
de  la  ville,  prétendait  s'y  être  ((  ennuyé  à  la  mort  »  durant  les 
huit  jours  qu'il  y  demeura.  Peut-être  jugcait-il  qu'il  n'y  pleuvait 
pas  assez... 

Remercions  encore  M.  Broche  de  son  heureuse  initiative  et  du 
commentaire  dont  il  accompagne  les  textes  reproduits.  Seul  ce 
Latin  —  qui  emploie  coiiramment  la  langue  de  Cicéron  pour  cor- 
respondre avec  ses  amis  —  pouA^ait  entreprendre  et  mener  à  bien 
une  œuvre  aussi  utile  à  la  compréhension,  à  la  fraternité  latine. 
—  J.  Rfanaud. 


277 


CHRONIQUE  ET  MÉLANGES 


Une  exposition-  rétrospectivi:  Dt  i.\  .nwHjMion  a  \  ait.i  k  a  Mar- 
seille. —  La  Chambre  de  Commerce  de  ^larseille  prépare  pour 
■l'année  1929  une  exposition  rétrospective  de  la  navigation  à  vapeur 
en  cette  ville.  Cette  cxTDosition  aura  lieu  lors  de  la  foire  coloniale 
de  Marseille,  en  septembre  prochain.  Elle  coïncideia  approximati- 
vement avec  le  centenaire  du  premier  service  régulier  de  bateau 
à  vapeur  à  Marseille  et  celui  de  la  fondation  de  l'entreprise  mar- 
seillaise qui  construisit  et  mit  en  service  le  premier  navire  à  vapeur 
inscrit  en  ce  port. 

En  vue  d'accroître  l'importance  et  l'intérêt  de  cette  manifesta- 
tion, la  Chambre  de  Commerce  fait  appel  aux  différents  services 
publics,  aux  Compagnies  de  navigation,  aux  collectionneurs,  aux 
particuliers,  qui  posséderaient  des  documents  susceptibles  d'être 
placés  sous  les  yeux  du  public  lors  de  l'exposition  projetée.  Il  ne 
s'agit  point  uniquement  de  pièces  d'archives,  mais  aussi  et  surtout 
de  peintures,  gravures,  images  de  propagande,  réductions  de  navi- 
res ou  de  machines,  plans  d'ensemble  ou  de  détail  concernant  les 
(luvres  essentielles  du  navire,  etc.,  etc.  En  un  mot,  t(jut  ce  qui, 
de  près  ou  de  loin,  peut  se  rapj)orter  à  la  navigation  à  vapeur 
depuis  les  origines  juscju'.à  la  fin  du  XIX"  siècle,  y  compris  les 
afficiu's,  avis  de  départ,  typca  d'actions,  portrait--  di'-  fondati^urs, 
etc..  etc. . 

On  le  voit,  le  cadre  n'est  limitatif  qu'en  ce  qui  touche  Marseille 
et  la  navigation- à  vapeur  jusqu'en  1900.  Dans  ce  cadre  peuvent 
trouver  place  les  pièces  et  objets  les  plus  variés,  défiant  toute 
nomenclature  anticipée. 

Mais  il  importe  sintout  (|ue  les  possesseurs  veuillent  i)ien  se 
f.iire  connaître  à  M.  le  Président  de  la  Chambre  de  Commerce  fie 
Marseille,  à  (|ui  ils  pourraient  adre-ser  la  liste  des  pièces  ou 
objets  qu'ils  voudraient  bien  prêter  à  cette  Compagnie.  Celle-ci,  le 
moment  venu,  en  assurerait  le  transport  et  l'emballage,  de  même 
qu'elle  prendrait  toutes  mesures  utiles  en  vuf'  de  la  conservation  et 
de  la  garantie  de  ce  qui  lui  sera  confié  aux  fins  indiquées. 

Si  les  concours,  sur  lesquels  fonde  ses  espoirs  la  Chambre  de 
Commerce  de  Marseille  se  produisent  comme  le  souhaite  celle-ci,  il 
sera  possible  d'organiser  dans  le  plus  ancien  et  le  premier  port  fran- 
çais une  manifestation  dont  l'intérêt  n'échappera  à  aucun  de  ceux 
que  ne  laisse  indifférents  l'évolution  de  notre  marine. 


27S 

ClNQl'ANTENAlRF.  DK  LA  SOCIÉTÉ  SCIENTIFIQUE  ET  LITTÉRAIRE  DES  BAS- 
SES-Al.PES.  —  C'est  en  1878  que  feu  M.  de  Berluc-Pcrussis,  l'crudit 
provençal  bien  connii,  provoqua  à  Digne  le  groupement  des  tra- 
vailleurs intellectuels  de  la  Haute-Provence  qui  prit  le  titre  de 
Société  scientificjuc  et  'littéraire  des  Basses -Alpes.  La  Société  ne 
prit  réellement  corps  et  ne  commença  à  fonctionner  et  à  produire 
que  deux  ans  plus  tard.  Son  bulletin,  les  Annales  des  Basses-Alpes. 
n'a  depuis  lors  cessé  de  paraître  et  de  publier  des  travaux  souvent 
excellents  dûs  à  des  collaborateurs  parmi  lesquels  on  rélève  les 
noms  de  Tamizey  de  Larroque,  de  Boisgelin,  de  Ribbe,  de  Plau- 
chud,  etc.  Le  nombre  rapidement  accru  de  ses  adhérents  lui  créa 
des  ressources  suffisantes  pour  subvenir  aux  frais  de  publication 
de  divers  ouvrages  d'érudition  et  d'histoire  de  la  région  ba^alpine. 
Son  activité  se  m.anifesta  aussi  jusqu'à  la  guerre  par  des  séances 
public]ues   et   des  concours. 

Comme  beaucoup  de  Sociétés  savantes  de  province,  la  Société 
scientificjue  et  littéraire  des  Basses-A'lpe^  esl  obligée  d'englober  les 
sciences  et  la  littérature  ;  mais  elle  a  toujours  eu  pour  règle  stricte 
de  ne  publier  dans  son  bulletin  aucun  mémoire  savant  ou  produc- 
tion littéraire  qui  ne  touchât  pas  directement  à  la  région  ;  c'est  ce 
qui  fait  l'intétêt  de  cette  publication  dan?  laquelle  l'histoire  tient 
d'ailleurs   la   plus   large   place. 

Après  être  restée  en  sommeil  pendant  plusieurs  années  de  guerre, 
la  Société  a  repris  ses  séances  et  son  bulletin  continue  à  paraître. 
Elle  est  présidée  par  'M.  le  comte  Amaudric  du  Chafïaut.  La  célé- 
bration du  cinquantenaire  avait  attiré  à  Digne  un  grand  nombre 
de  personnalités  du  monde  parlementaire  et  du  monde  savant.  Les 
principales  Sociétés  saA'antes  de  la  région  provençale  étaient  repré- 
sentées. La  Société  de  Statistique,  d'Histoire  et  d'Archéologie  de 
Marseille  et  de  Provence  y  avait  délégué  son  président,  ^L  Ram- 
bert. 

La  fête  était  présidée  par  M.  Bourrier,  directeur  adjoint  de  l'en- 
seignement primaire,  représentant  JNL  le  ministre  de  l'Instruction 
publique.  Après  le.  banquet  et  les  discours  qui  le  clôturèrent,  ime 
séance  solennelle  réunit  au  Théâtre  municipal  une  très  brillante 
assistance.  On  entendit,  après  le  président,  un  très  académique 
rapport  de  INI.  Emile  Ripert,  président  du  jury  du  concours  litté- 
raire organisé  par  la  Société;  après  lui,  ;\1.  Raoul  Busquet,  archi- 
viste des  Bouches-du-Rhône,  fit  une  savante  communication  sur 
(i  la  Haute-Provence  au  temps  de  Raimond  Bérenger  V  ». 

On  entendit  ensuite  un  excellent  concert  avec  le  concours  gracieux 

d'une  biillante  pianiste,  Mlle  Sourribas.  du  Conservatoire  de  Paris. 

Le  succès  de  cette  manifestation  fait  le  plus  grand  honneur  à   la 


27Q 

Société  scientifique  et  littéraire  uu>  li.o-M-a-Alpes  (loin  la  vitamc- 
n'a  cesse  de  poursuivre,  malgré  des  circonstances  souvent  dfificilcs, 
son  but  de  diffusion  intellectuelle  dans  cette  belle  Haute-Proventc, 
nialheureusement  si  pauvre  et  si  délaissée. 


Le  iii^  centenaire  de  :\Ialherbe  a  Aix.  —  On  sait  que  Malherbe 
passa  en  Provence  près  d'un  quart  de  siècle  et  le  tiers  de  sa  vie. 
La  Provence  devait  donc  commémorer  le  troisième  centenaire  de  la 
mort  du  poète,  survenue  à  Paris  en  1628.  C'est  le  Comité  de  la  Sai- 
son d'Art  d'Aix,  que  préside  avec  tant  d'autorité  M.  Henry  Doblcr, 
(jui  a  pris  l'initiative  de  cette  commémoration. 

Le  samedi  10  novembre,  vers  15  heures,  une  cinquantaine  de  per- 
sonnes Se  gro.upaient  sur  la  place  des  Prêcheurs  pour  la  visite  de 
l'ancien  hôtel  du  Périer,  construit  au  XVI*  siècle,  mais  hélas!  bien 
transformé  depuis  cette  époque.  M.  Dragon,  l'érudit  libraire,  actuel 
occupant,  retraça  le  passé  de  cette  vieille  demeure  en  attirant  l'atten- 
tion sur  les  parties  anciennes  qui  ont  été. respectées:  escalier  à  vi;.. 
balustres,    fenêtres    à    meneaux,    chapelle    voûtée,   etc. 

On  se  rendit  ensuite  à  l'église  de  la  Magdeleine,  devant  la  miTibe 
de  Marguerite-Rose  du  Périer,  immortalisée  par  Malherbe,  tombe 
située  près  de  l'autel  de  la  nef  de  gauche,  côte  de  l'Evangile.  Quel- 
ques roses  d'automne  furent  déposées  sur  la  sépulture  et  M.  Marcel 
Provence  récita  avec  beaucoup  d'art  les  plus  belles  strophes  des 
célèbres  Consolations. 

A  16  heureS;  la  saMe  des  Etats  de  Provence  était  pleine  lorsque 
M.  Marcel  Provence,  président  de  la  Eédération  des  Saisons  d'Art, 
entouré  de  M.  LVbazac.  maire  d'Aix,  et  de  M.  Henry  Doblcr,  ouvrit 
la  séance.  11  présenta  en  termes  choisis  le  conférencier  du  jour. 
-M.  Jean  Keynaud.  archiviste  adjoint  de  la  Chambre  de  Commerce 
de  Marseille,   et   dégagea  le  sens   de   la  cérémonie. 

^L  Jean  Reynaud  débuta  par  un  délicat  hommage  à  la  ville  d'.Aix 
et  à  ses  habitants.  Il  félicita  le  Comité  de  la  Saison  d'Art  et  .M. 
Marcel  Provence  de  leur  action  régionaliste.  Puis,  abordant  son 
>ujet,  il  parla  de  la  famille  de  Malherbe,  de  sa  jeunesse  en  Nor- 
mandie, de  son  éducation,  et  des  circonstances  qui  'l'amenèrent  en 
Provence,  comme  secrétaire  du  grand  prieur  de  France,  Henri  d'An- 
goulême,  gouverneur  de  Provence  en  1376.  A  cette  époque.  Malherbe, 
encore  garçon,  .menait  joyeuse  vie  à  la  cour  fastueuse  du  gouver- 
neur. Même  après  son  mariage,  en  1581,  avec  Madeleine  de  Corio- 
lis,  fille  d'un  président  au  Parlement,  il  ne  cessa  pas  de  fréquenter 
les  poètes  bachiques  qui  vi\aient  dans  l'entourage  du  grand  prieur 
et   que   celui-ci  favorisait.    Mais   il    favorisait   aussi  des   poètes   plus 


28o 

graves,  et  c'est  sous  la  houlette  de  Malherbe  que  se  forma  une  sorte 
de  pléiade  provençale,  dont  les  talents  ne  valaient  peut-être  pas 
ceux  de  l'autre,  mais  (jui  eut  cependant  le  mérite  d'introduire  en 
Pro\  ence  la  poésie  française,  alors  qu'on  n'y  parlait  encore  que  le 
provençal. 

Après  un  séjour  en  Normandie  de  1586  à  1595,  ^lalherbe  revint 
à  Aix  ;  sa  renommée  était  arrivée  jusqu'à  Henri  IV  qui  l'admit  dans 
sa  suite  en  1605.  'M.  Reynaud  traça  le  portrait  de  [Malherbe  au  phy- 
sique et  au  moral,  rappela  que  la  question  d'argent  joua  toujours 
un  tiès  graml  rôle  dans  la  vie  d\i  poète,  et  exposa  dans  quelles  cir- 
constances celui-ci  devint  propriétaire  foncier  à  Toulon. 

Malgré  son  amitié  pour  le  poète,  Henri  IV,  ménager  des  deniers 
])ublics,  ne  lui  fit  guère  de  cadeaux.  M.  Reynaud  a  cependant  trouvé 
dans  les  archives  des  Bouches-du-Rhône  trace  d'un  don  des  droits 
de  lods,  arrière-lods,  quint  et  rcquint,  fait  par  le  roi  à  Malherbe 
sur  les  recettes  à  provenir  de  la  vente  de  la  terre  de  Bouc,  mou- 
vante de  la  couronne.  Il  fallut  attendre  la  mort  d'Henri  IV  pour 
que  ?\Iarie  de  ^lédicis  accordât  au  poète  une  pension.  Après  un  récit 
de  la  mort  tragique  de  son  fils  Marc-Antoine,  tué  en  duel  en  1627, 
^1.  Reynaud  termina  en  indiquant  les  motifs  d'inspiration  poétique 
()ue  Malherbe  puisa  dans  le  Midi  et  les  souvenirs  du  séjour  de  vingt- 
drux  années  que  le  rénovateur  des  lettres  françaises  a  laissés  à 
Aix. 

Apics  avoir  remercié  le  confén-ncicr,  M.  Marcel  Provence  a 
exprimé  au  maiie  d'Aix  la  gratitude  de  la  Saison  d'art  pour  avoir 
]irrté  la  salle  des  Etats  de  Provence,  à  cette  manifestation  litté- 
riiire. 


U.\  ^lUSKE  lAPlDAlRF.  A  RiEZ.  ^  Un  musée  lapidaire  va  être  ins- 
tallé dans  Riez,  la  vieille  cité  romaine,  fondée  par  Auguste,  comme 
i'  appert  d'une  inscription  du  musée  de  Nimes.  Le  docteur  Gardiol, 
député,  maire  de  Riez,  a  chargé  ~S\.  r^larcel  Provence,  lauréat  de 
la  Société  de  Statistique,  d'Hiituire  et  d'Archéologie  de  Marseille, 
d'organiser  ce  musée  qui  déjà  groupe  un  autel  à  Cybèlc,  un  autel 
à  Sylvain,  des  fragments  de  colonnes,  des  inscriptions.  M.  Albert 
Chauve),  architecte  en  chef  des  monuments  historiques,  a  assuré  de 
son  précieux  concours  les  organisateurs.  Déjà,  dans  le  terroir  de 
Riez  une  cinquantaine  de  pièces  ont  été  demandées  aux  propriétai- 
res. 

Le  musée  sera  inauguré  le  dimanche  de  Pentecôte  pour  l'inaugu- 
ration de  la  IV^  Saison  d'art  alpin.  Des  fouilles  méthodiques  auront 
lieu  ])ar  la  suite.    Dans   une  touchante  union,  les  ha1)itants   éclairés 


28 1 

de  Riox  bc  sont  assemblés  pour  aider  le  prtjjet  louant  aux  duns 
d'objets.  Et  voici  un  très  digne  encouragement  de  notre  illustre  com- 
patriote, 'SI.  Camille  Jullian,  professeur  au  Collège  de  France,  mem- 
bre de  l'Académie  Française  et  de  l'Académie  des  Inscriptions.  c|ui 
écrit  à  l'orgiuiisateur  du  musée: 

«  Vous  avez  mille  fois  raison,  mon  cher  compainoie  ei  vaillant 
lettré.  Riez  méritait  cet  honneur,  ou  plutôt  cette  justice;  Riez,  la 
ville  la  plus  franchement  celtique  du  Midi,  la  cité  d'Apollon,  après 
avoir  été  celle  de  Belénus,  aux  eaux  salutaires  et  à  la  fidélité  ter- 
rienne. Et  je  suis  sûr  qu'en  faisant  appel  tout  autour  d'elle,  son 
musée,  de  Bras  à  Aups,  de  Pertuis  à  Brignoles,  pourra  s'enrichir 
de  belles  choses.  Merci  de  m'avoir  annoncé  cette  bonne  nouvelle  et 
mes  joj^euses  félicitations  à  l'intelligent  magistrat  qui  a  eu  cette 
initiative.  Bien  amicalement;  Camille  Jullian  ». 

Ainsi  encouragé,  le  Musée  de  Riez  ne  tardera  pas  à.  devenir  l'un 
des  plus  attachants  de  la  haute  Provence  et  de  la  Provence  romaine. 

Précautions  sanitaires  en  Savoie  lors  de  la  peste  de  Marseille 
EN  1720.  —  Le  dernier  fascicule  paru  du  Bulletin  de  la  Société  Dau- 
phinoise d'Ethnologie  et  d'Anthropologie  (t.  XXV,  n"  1-5,  i92<S),  indi- 
que jue  M.  J.-B.  3Iorel  a  recueilli  des  documents  inédits  sur  cette 
épidémie  dans  les  papiers  d'un  général  savoyard,  le  marquis  de 
Lucey,  chargé  d'établir  un  cordon  sanitaire.  Ce  dossier  comporte 
environ  1.500  pièces.  M.  Morel  nous  apprend  notamment  qu'il  y  eut 
alors  en  Savoie  un  véritable  affolement  ;  des  régiments  furent  mobi- 
lisés pour  constituer  des  cordons  sanitaires  d'environ  4.000  hom- 
mes, tant  civils  que  militaires.  Les  soldats  avaient  ordre  de  tirer  sans 
pitié  sur  les  contrevenants.  Il  ne  paraît  pas,  d'ailleurs,  ciue  le  fléau 
ait  fait  des  victimes  si  loin  de  Marseille. 


L)ans  le  même  fascicule,  M.  Millier,  l'infatigable  animateur  de 
•la  Société  d'Ethnologie  et  d'Anthropologie,  donne  quelques  notes 
sur  les  découvertes  faites  au  Baou-Roux,  près  Simiane,  en  les  rap- 
prochant de  trouvailles  analogues  faites  dans-  les  Alpes,  et  il  en  tire 
quelques  conclusions  sur  la  diffusion  du  commerce  grec  dans  le 
Sud-Est  de  la  Gaule.  A  noter  aussi  d'intéressantes  communications 
de  notre  sympathique  collègue  M.  Marc  Dubois,  sur  la  limite  des 
forêts  de  la  Commanderie  de  l'ordre  de  :\l.'iltc  en  Chartreuse,  et  le 
Martinet  du  Bois,  haut-fourneau  des  Chartreux  au  XVII«  siècle  à 
Saint-Pierre  d'Entremont. 


Aix-en-Provence  —    Imp.  !NICOLLET  et  C",  rue  Emeric-David, 


Table  des  Matières  du  Tome  Vlll 

I  —  Actes  de  la  Société 

Statuts   adoptés   à  l'Assemblpe   Gcncîale  du    lo  nrii    ig2N.    ..  \  :Si 

Rapport  du  Sccrétaire-Génoial  sur  l'attribution  c"o  la   .Médaille 

Paul  Paret  en  1927    *. ■>!'.: 

II         Mémoires 

ARMKM    (Pierre).    Remarques    sur    deu.\-     bronzes     massaliotes 

inédits   ; 

Dubois    (^farc).    Le    monastère     des    Chartreux     d'.Aix-on-Pro- 

v'ence   61    et     i2q 

Gfri.\-Ricard  (Henri   de).    Le   Sanctuaire  prcromain  de   Roque- 

pertuse  . . . ;-5 

—     L'Art    gaulois    avant  les    temps    classiques    163 

Latrfille  (C.  et  A.).  Un  prisonnier  de  l'Empereur:  A.  de  Bour- 

nissac     15 

Rfv.vAUD  (J.).  L'ne  vieille  corporation  marseillaise:  Les  Auffiers      168 

Servières  (Jean  de).    Les  scrupules  de  l'abbé  Bouche    -53 

SOLARI    (D»"    Paul).    Françoise    Duparc   (1705-177S)    S 

III  —  Bibliographie 

EnJOUBERT  (Hilaire):  Amours  de  jadis  au  pays  de  Provence  (Gas- 
ton   Rambert)     1 1 1 

Foupnier  (Joseph).  Histoire  politique  du  département  des  B.- 
du-Rh.     (D--    L.    I\Ialzac) 

Barruol   (Jean).    La  Contre-Révolution   en   Provence  (J.  R.). .. 

Broche  (Gaston).  Pages  françaises  sur  Gènes  la  Sunerbe  (Jean 
Rtynaud)    

IV  —   Chronique  et  Mélanges 

NÉCROLOGIE  :   Victor   Faure    106 

François    de   Marin    de    Carranrais    270 

:\f El  ANGES: 

L'Expcsition  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille  (Jean 

de    Servières)     112 

Statistique    Rétrospective     1 1  ô 

La  fontaine  de  la  place  des  Capucines  à  Marseille  (X.Y.Z.)..  119 

A  la  bibliothèque  de  la  ville  de   Marseille  (E.    Isnard)   120 

Une    exposition    rétrospective    de   la    navigation    à    vapeur.  . .  .  277 

Cinquantenaire  de  la  Société  littéraire  et  scientifique  des  B.-.A.  278 

Le  3®  centenaire  de  ^Lilherbe  à  Aix  279 

Un  Musée  lapidaire  à  Riez   2S0 

Précautions  sanitaires  en  Savoie  lors  de  la  peste  de    1720 287 


PROVINCIA 


REVUE     TRIMESTRIELLE 
dHistoire    et   d'Archéologie    Provençnles 


iiêmndiK 


REVUE  TRIMESTRIELLE 

D'HISTOIRE  ET  D'ARCHEOLOGIE 

PROVENÇALES 

PUBLIEE  PAR  LA 
SOCIETE  DE  STATISTIQUE,  D'HISTOIRE  ET  D  ARCHEOLOGIE 
DE  MARSEILLE  ET  DE  PROVENCE 


TOME  IX   -     ANNÉE     1929 

fi'!"  et  2'""  Trimestres) 


MARSEILLE 

AU    SECRETARIAT    GÉNÉRAL    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Palais    de     la    Bourse 


I92V 


UN     MARSHILLAIS 

HONORÉ    DAUMIER 

(i8o8-i87()) 

Kn  1860,  parlant  de  Marseille,  Mc-rv  disait  :  h  I.a  divi- 
sion entre  la  vit^ille  ville  et  la  ville  neuve  est  toujours  tn'-s 
distincte.  C'rsi  un  contraste  que  je  verrai  disparaître  avi-c 
rei^ret  au  souffle  niveleur  de  la  civilisation  >•. 

Ce  que  redoutait  notre  s[)i rituel  conqxatriote  S(^  réalise 
plus  vite  qu'il  ne  l'aurait  cru. 

De  son  vivant  la  \ieille  ville  a  été  ijouieversée  par  la 
création  de  la  rue  Impériale,  aujourd'hui  rue  de  la  Répu- 
blifjue.  A'ini^t  ans  j^ius  lard,  la  percée  dr  la  rue  Colbert 
a  exigé  le  sacrifice  de  l'éi^iise  Saint-Martin  et  des  art.'-res 
dont  elle  était  le  centre.  Va  aujourd'hui,  après  un  labeur 
opiniâtre,  on  achè\e  de  mettre  à  nu  le  sol  nai^uère  hérissé 
d'immeubles  du  ((uadrilatère  compris  entre  l'ancienne 
Caneljière,  la  rue  de  la  Républitjue,  la  rue  Colbert  et  U* 
cours   Belsunce. 

Bientôt  il  ne  restera  plus  rien  de  ce  quartier,  appelé 
jadis  la  Blanquerie,  qui  demeura  si  vivant  jusqu'au  jour 
011  les  anciens  remparts  furent  rasés  par  ordre  de  Louis  Xl\  , 
qui  est  ainsi  le  premier  à  avoir  déchaîné  sur  .Nfarseille  le 
((  souffle  niveleur  de  la  civilisation  ». 

Sans  doute,  de  la  disparition  de  ce  chaos  de  maisons  noi- 
res se  réjouissent  nos  concitoyens,  tous  soucieux  de  l'hy- 
giène publique  et  an-.oureux  de  larges  perspectives.  Mais 
que  dans  leur  satisfaction  ils  pardonnent  à  quelques  rares 
barbons,  maniaques  ridicules  qui.  comme  Méry,  éprouvent 
quelque  regret  de  voir  notre  ville  perdre  sa  physionomie, 
jadis  si  caractéristique  et  que  les  nécessités  i\u  i)r()grès 
l'obligent  à   abolir  le  quartier  où   plus   particulièrement   se 


6  PIERRE  BERTAS 

mnnifesta  l'esprit  de  fière  indépendance  de  nos  pères,  cette 
HInnf|uérie  habitée  par  le  consul  Dariés,  supplicié  pour 
a\()ir  défendu  les  droits  de  Marseille  contre  l'avjdité  du 
pouvoir  royal  ;  cette  Blanquerie  où  fut  assassiné  Casaulx 
au  moment  où  il  allait  proclamer  la  nouvelle  République 
marseillaise,  cette  Blanquerie  où  la  rue  de  la  Pyramide 
rappelait  l'emplacement  de  la  maison  de  Glandevès-Xiozel- 
les,  condamné  à  mort  par  contumace,  pour  avoir  soutenu 
les  franchises  de  sa  A'ille  natale,  debout,  le  front  haut  et 
la   tête  couverte   en   face  du  Roi-Soleil. 

Qu'il  nous  soit  permis_de  regretter  la  disparitron  de  ce 
quartier  glorieux  où  vient  d'être  effacée  cette  place  de  Saint- 
Martin,  où  dans  une  des  maisons  rasées  depuis  peu,  il  y 
a  cent  vingt  et  un  ans,  ouvrait  ses  yeux  à  la  lumière  un 
enfant  qui  devait  devenir  un  artiste  incomparable,  Honoré 
Daumier,  le  plus  grand  caricaturiste  du  monde,  Honoré 
Daumier,    enfant   de   Marseille. 

Que  savons-nous  de  Daumier  au  point  de  vue  Marseil- 
lais? Il  a  si  peu  séjoui^né  en  notre  ville,  dont  il  a  été  arraché 
à  l'âge  de  six  à  sept  ans  pour  être  transplanté  à  Paris,  où 
s'est  écoulée  toute  sa  vie. 


C'est  donc  au  quartier  de  la  Blanquerie,  dans  la  maison 
qui,  plus  tard,  porta  le  numéro  i  de  la  place  Saint-Martin, 
que  naquit,  le  26  février  1808,  à  trois  heures  du  soir, 
Honoré-\'ictorin  Daumier,  fils  de  Jean-Baptiste-Louis 
Daumier,  vitrier,  et  de  Cécile-Catherine  Philip. 

Quel  est  le  pays  d'origine  de  ses  père  et  mère?  Ce  point 
n'a  été  élucidé  que  récemment  par  notre  regretté  concitoyen, 
le  distingué  critique  d'art,  André  Gouirand,  qui  s'exprime 
ainsi  :  «  Dans  leurs  livres  sur  Honoré  Daumier,  Arsène 
Alexandre  et  Ravmond  EschoTier  commettent  deux  erreurs 


HONORÉ    DAUMliïU  7 

qui  sont  devenues  communes  à  tous  ceux  (|ui  t'crivcnt  sur 
l'artiste  marseillais  :  Jean-l^aptisle  Daumit*r  tiaii  orii^inain* 
de  Béziers,  mais  sa  femme  était  marseillaise,  tlist-nt-ils. 
C'est  le  contraire  qv'i  est  vrai:  le  père  était  né  à  Mar- 
seille, de  père  marseillais;  quant  à  sa  mère,  elle  née  à 
Entrevaux  (Basses-Alpes)  et  n'habitait  à  Marseille,  au 
moment  de  son  mariage,  que  depuis  sept  ans  ». 

Ces  renseignements  sont  exacts,  sauf  sur  un  point.  Xous 
avons  retrou\é  la  pièce  où  M.  Gouirand  les  a  puisés,  c'est- 
à-dire  l'acte  du  mariage  célébré  à  Marseille  le  6  nivôse 
an  IX  (27  décembre  1801),  entre  Jean-Baptiste-Louis  Dau- 
mier,  né  audit  Marseilie,  fils  de  feu  Jean-Claude  Daumier 
et  de  Louise  Silvv  survivante,  et  Cécile-Catherine  Philip, 
née  en  1782,  à  Entrevaux  et  dont  la  famille  s'est  fixée  en 
notre  ville  en    1794. 

Donc  Jean-Baptiste-Louis  Daumier  est  bien  de  Marseille, 
où  les  registres  d'état  civil  portent  qu'il  naquit  le  26  sep- 
tembre 1777. 

Comment  jusqu'en  ces  dernières  années,  a-t-on  pu  le 
croire  natif  de  Béziers  ? 

Il  n'est  pas  de  fumée  sans  feu,  dit-on;  et  nous  avons 
recherché  comment  avait  pu  se  produire  cette  erreur.  Nos 
investigations  nous  permettent  d'affirmer  que  Jean-Claude 
Daumier,  père  de  Jean-Baptiste  et  aïeul  du  caricaturistv'. 
n'est  pas  né  à  Mai'seille  conime  l'avait  cru  M.  Gouirand. 
Son  acte  de  décès  du  15  brumaire  an  IX  (5  novembre  1800), 
montre  qu'il  est  natif  de  Béziers  et  ce  renseignement  ost 
confirmé  par  un  acte  de  la  paroisse  des  Accoules,  où  !e 
II  mars  1770  était  béni  le  mariage  du  sieur  Jcaii-Clauc!  ^ 
Daumier,  vitrier,  né  à  Béziers,  habitant  Marseille  depuis 
tiois  ans  avec  Louise  Silvy,  née  a  Mison,  près  de  Sistemn. 
et  demeurant  à  Marseille  depuis  huit  ans. 


s  iMliRRE   BliRTAS 

J-a  (lueslioii  est  donc  tranchée.  Le  père  d'IIono-'é  Daii- 
iiiier  est  marseillais;  et  son  grand-père  est  biterois.  Ces 
détails  paraîtront  peut-être  fastidieux,  mais  il  est  nécessaire 
de  les  fournir  pour  préciser  les  origines  de  notre  carica- 
turiste, dont  les  racines  marseillaises  ne  sont  pas  '.rès  pro- 
fondes. S'il  n'est  point  de  vieille  lignée  phocéenne,  t-jut 
au  moins  par  sa  grand'mère  paternelle  et  ensuite  y:i'  sa 
mère,  il  est  bien  provençal.  Il  appartient  à  cette  vieille  raie 
ligure  des  vallées  de  la  Durance  et  du  Var,  laborieuse, 
sobre,  intelligente,  joviale  et  pro]:)e,  cjui  depu's  la  fonda- 
tion de  Marseille  n'a  cessé  de  venir  y  faire  j'u:'.ic  de. 
Marseillais,  les  meilleurs  et  les  plus  authentiques. 

* 
*  *    - 

Quatrième  des  huit  enfants  cjue  donna  Louise  Silvy  au 
vitrier  biterrois,  Jean-Baptiste  Daumier,  de  son  union  avec 
Cécile  Philip  n'eut  pas  ime  progéniture  aussi  nombreuse. 
Xous  ne  lui  connaissons  qu'ime  fille,  Thérèse,  morte  en 
bas-âge  le  29  octobre  1S05,  et  notre  Honoré,  né  moins  de 
trois  ans  après. 

Il  est  peut-être  heuretix  qu'il  n'ait  pas  eu  d'autres  enfants, 
car  il  aurait  eu  quelque  mal  à  les  élever.  Comme  son  père, 
il  exerçait  la  profession  de  vitrier;  mais  les  affaires  n'al- 
laient pas.  IVIarseille  était  ruinée  par  les  guerres  de  l'Em- 
pire. Les  Anglais  croisaient  devant  son  port,  où  les  carènes 
de  ses  vaisseaux  immobilisés  pourrissaient.  La  population 
diminuait  de  jour  en  jour.  En  outre,  avouons-le,  notre 
vitrier  était  un  rêveur.  Sans  doute,  c|uand  il  déambulait 
dans  le  quartier  Saint-Martin,  sa  hotte  sur  le  dos,  le  voyait- 
on  toujours  le  nez  en  l'air.  Mais  était-ce  bien  pour  obser- 
ver les  carreaux  de  vitre  manquant  aux  fenêtres,  ou  bien 
pour  contempler  dans  l'échancrure  du  ciel   la  chevauchée 


HUNURI:;    DAL  .MILR  (.) 

des  nuées  sur  lesquelles  le  matin  rpand  la  Icntlrcssc  tli-  ses 
roses  et  le  crépuscule  la  tragédie  de  ses  pourpres? 

Les  siècles  se  suivent  et  ne  se  ressemblent  |)as.  I.»'s 
générations  actuelles  sont  éprises  de  sports  avec  uni'  |)ré- 
férence  marquée  pour  les  plus  violents.  Celles  qui  vécu- 
rent dans  la  première  moitié  du  xix*  siècle,  avaient  des 
distractions  plus  paisibles,  celles  que  procure  l'étude  des 
lettres  et  des  sciences.  Les  cabinets  de  lectufe  étaient  plus 
nombreux  Cjue  ne  le  sont  aujourd'liui  l(\s  dancings.  Sans 
d')ute,  il  V  avait  j^artois  des  sérmces  de  boxe,  mais  elles 
avaient  lieu  dans  les  salles  de  nos  théâtres,  mettant  aux 
prises  cfassiques  et  romantiqties,  les  soirs  mi'morables  de 
Hernani  ou  d'Anlony. 

Chose  singulière,  cette  passion  de  l'élude  est  surl(Hit  vive 
chez  le  peuple.  Tandis  que  les  bourgeois,  au  dire  des  mau- 
vaises langues  d'alors,  ne  songent  qu'à  arrondir  leur  for- 
tune et  leur  ventre,  les  travailleurs  manuels  ne  cessent  de 
se  pencher  sur  les  livres  pour  développer  leur  intelligence. 
Quelques-uns  même  ébaiichenl  de  timides  relations  a\('r 
les  neuf  sœurs. 

C'est  sans  doute  le  père  d'Honoré  Daumier  qui  a  déclen- 
ché ce  curieux  mouvement  intellectuel  à  ^Marseille  où  il  lut 
particulièrement  intense  et  devait  provoquer  la  création  de 
la  société  longtemps  florissante  de  V Athénée  Ouvrier,  com- 
posée exclusivement  de  prolétaires  qui,  après  une  journée 
de  labeur  de  12  et  même  de  14  heures,  se  réunissaient, 
non  seulement  pour  augmenter  leur  propre  savoir,  mais 
encore  pour  enseigner  les  premiers  rudiments  aux  cama- 
rades d'atelier  qui  les  ignoraient. 

Jean-Baptiste  Daumier  apparaît  comme  le  premier  de 
ces  artisans  curieux  de  s'instruire.  Après  avoir  goulûment 
absorbé  et  peut-être  mal  digéré  les  œuvres  des  philosophes 
et  des  poètes,  il  a  l'ambition  de  les  imiter.  Il  ose,  le  mal- 


10  PIERIΠ  BKRTAS 

lit'iirciix,  Icnicr  la  jx-iillciisc  ascension  du  Pinclc,  nii  selon 
ie  Ian"ii'ai4i'  encore  enij)loyé,  à  l'omlji-e  tles  bois  sacrés  clian- 
lenl   Apollon  el   le  cluvur  (.les  iVfuses. 

Ecoulez  la  dolente  confession  de  noire  poêle:  «  lù ran- 
ger aux  lettres,  écril-il,  par  mon  éducation,  mon  état  et  mes 
habitudes,  je  leur  consacrais  néanmoins  les  loisirs  que  je 
pouvais  dérober  à  ma  mauvaise  fortune.  La  poésie  fut  donc 
pour  moi  un  instinct  naturel.  Comme  un  ravon  consolateur, 
elle  éi^aya  l'obscurité  de  ma  vie  et  me  donna  la  force  de 
supporter  d'inLjrats  labeurs  peu  compatibles  avec  les  tra- 
w'uix  littéraires  ». 

Les  premiers  vers  du  poète-vilrier  marseillais  furent 
applaudis  des  lettrés  à  qui  il  les  lut  et.  somme  toute, 
ils  ne  sont  pas  tellement  inférieurs  à  ceux  du  poète-bou- 
langer nimois  Jean   Reboul,   né  vingt  ans  après  lui. 

Son  meilleur  poème,  intitulé  «  In  matin  de  Printemps  », 
où  se  révélait  l'influence  de  Jean-Jacc{ues  Rousseau  et  de 
l'abbé  Delille,  lui  valut  d'être  distingué  par  l'Académie  de 
Marseille.  Cette  Compagnie  l'admit,  non  pas  en  cj[ualité  de 
membre  titulaire,  comme  on  l'a  cru,  mais  comme  membre 
du  Cercle  littéraire  qu'elle  avait  créé  vers  1805  et  au  sein 
duquel  nos  académiciens  se  mêlaient  à  ceux  de  leurs  conci- 
tovens  en  cjui  ils  avaient  reconnu  certaines  aptitudes 
artistic|ues. 

En  ce  cercle  littéraire,  notre  poète-vitrier  est  complimenté 
avec  excès.  On  le  compare  à  Goldmith,  l'auteur  du  Vicaire 
de  Wakefield,  au  poète-menuisier  de  Nevers,  maître  Adam, 
si  célèbre  sous  Louis  XIII  et  surtout  à  un  contemporain, 
le  poète-cordonnier  de  Londres,  Bloomfield,  dont  les  poèmes 
rustiques  ont  eu  un  si  étonnant  succès  en  Angleterre. 

Toutes  ces  louanges  tournèrent  la  tête  au  petit  artisan, 
C|ui  ne  rêva  plus  que  de  courir  à  Paris,  pour  y  conquérir  la 
gloire  avec  une  tragédie  en  5  actes,  Philippe  II.  Et  voici 


HUN\)Ri;    DAlMIIiU  II 

fjiie  l'occasion  semble  se  i)iésenler  favorahle  de  son   einul 
\'ers    la  capitales 

En  a\rii  1X14  .\;i|)(.!t'(»n  ai)(li<|iie,  rdinnie  loiiies  les  «gran- 
des villes,  Marseille  acclame  avec  transport  le  retour  des 
Bourbons.  Jean-Baptiste  Daumier  partage  l'alléi^resse  géné- 
rale; sans  doute,  célèbre-t-il  ce  nouveau  matin  de  prin- 
temps où  les  lys  ont  refleuri.  Sans  doute,  a-t-il  lu  les  stro- 
phes enflammées  aux  princes  du  sang  roval  traversant  notre 
ville;  sans  doute  ceux-ci  ont-ils  comblé  le  poète  d'éloges  et 
de  promesses  de  protection.  C'en  est  fait.  Il  ne  peut  résis- 
ter daA'antage  à  la  tentation.  Il  réalise  son  avoir,  ferme  sa 
bouli(jiie  et  dans  les  derniers  mois  de  1814,  il  |)rend  la  dili- 
gence pour  Paris.  11  v  emmène  sa  femme  et  le  petit  Honoré. 
Il  n'oublie  pas  le  manuscrit  de  ses  œuvres  poéii(|ues  ([in 
doivent  lui  acquérir  et  l'honneur  et  l'argent. 

Mais  le  moment  est  mal  choisi.  A  peine  s'est-il  installé 
que  les  plus  graves  événements  se  déroulent.  Louis  X\'l  II 
s'enfuit  de  la  capitale,  où  le  20  mars  1815  entre  en  triom- 
phateur Xapoléon,  évadé  de  l'île  d'Elbe.  Alors  c'est  le  gou- 
vernement des  Cent  jours,  et  puis  c'est  Waterloo,  l'inva- 
sion, la  rentrée  des  Bourbon.  Au  milieu  de  tels  boulever- 
sements, qui  pourrait  bien  s'intéresser  aux  essais  poéti- 
ques d'un  vitrier  de  Marseille?  Pourtant  celui-ci  se  démène, 
il  joue  des  coudes  avec  résolution  et  réussit  à  lire  ses  vers 
dans  des  cercles  nombreux  où  se  trouvaient  réunis,  dit-il 
fièrement,  des  hommes  connus  par  leur  rang  élevé,  leur  goût 
ou  leur  talent. 

Quelle  ivresse  pour  un  enfant  du  peuple  de  se  voir  téli- 
cité  par  la  princesse  de  Rohan,  le  duc  d'Havre,  le  baron 
de  Ballainvilliers,  par  le  prince  allemand  de  He.sse-Darm.s- 
tal,  l'amiral  anglais  Sidney-Smith  et  aussi  par  un  connais- 
seur, M.  de  :\Iarchangy,  premier  avocat  du  roi,  l'auteur  si 
populaire  alors  de  la  Gaule  poétiiiiic. 


12  l'IKRRK   HKIMAS 

Ih'l.'is!  la  fiimc-i'  de  l'iMicens  ne  nourrii  (|ii('  1rs  dieux", 
et  l\'X-\iiiicr  ne  xoyail  jamais  j)arailrc'  le  Mécène  que 
maître  Adam.  Ir  menuisitM--{)()èie  de  Xe\t^rs,  a\ait  irt»ir\é  en 
Jxirhelieu,  ni  se  manitesler  les  encouragements  (|ue  conti- 
nuait à  recueillir  de  tous  ses  compatriotes  Bloomfield,  le 
poète-cordonnier  de  Londres. 

Les  seuls  avantages  (lu'il  retira  de  ces  soirées  littéraires 
furent  les  relations  qu'il  noua  avec  Anisson  Duperron, 
directeur  de  l'Imprimerie  ]\oval(%  et  le  clie\alier  Alexan- 
dre Lenoir,  administrateuc  du  Musée  Ro\al  :  le  premier 
lit  im])rin-:er  gratuitement  à  l'Imprimerie  Rovale  le  poème 
((  Ln  matin  de  Printemps  »  ;  le  second  eut  le  mérite  de 
deviner  le  génie  d'Honoré  Daumier  et  de  contribuer  à  son 
développement. 

Comment  a  vécu  la  famille  Daumier  juscju'au  jour  oii 
Honoré,  en  possession  d'un  métier,  a  pu  contribue!'  à  son 
entretien  ?  Sans  doute  dans  la  plus  grande  gêne  et  ce  n'est 
pas  la  jiublication  en  1819,  de  la  tragédie  de  Philippe  II 
et  en  1S23,  des  W'illécs  Pocliqucs  Cjui  réussit  à  ramener 
l'aisance  dans  le  pauvre  logis  de  la  rue  de  l'Hirondelle,  oi^i 
Jean-Baptiste  Daumier  devait  marmoter  entre  ses  dents 
quelques  vers  de  l'Ode  qu'il  avait  adressée  au  tsar  de 
Russie,  Alexandre  L' : 

Heureux  si  plus  docile  à   mon    liumhle  for! une 
Je   n'avais  parcouru   que  la   roule  commune 

Oh   disparurenl   mes   aveux, 
Et  si  le  fol  amour  d'une  gloire  frivole 
Aux  magiques  faveurs  de  cette  vaine  idole 

X 'eut  point  fixé  m. es  v œ u x . 

Riche  de  mon  ignorance 
Dans  ma  douce  obscurité, 
Je  vivrais  sous  l'influence 
Du  beau  ciel  que  j'ai  quille. 


HOXORK    DAIMIRF^ 


13 


Que!  décourag-ement  et  aussi  quelle  nostalgie  en  ees  vers 
non  dépourvus  de  charme.  Le  beau  ciel  qu'il  a  ((uiité  est 
remplacé  par  un  plafond  bas  de  nuages  gris.  Où  sont  les 
paysages  lumineux  du  terroir  (ju'il  a  décrits,  où 

((  Le  pin  couvre  la  vigne  et  voit  fouler  hi  gerbe  » 

où 

Des  feules  du   rocher  croit  Je  figuier  sauvage 

Où  est  le  mistral  faisant  résonner  comme  des  orgues  les 
j)inèdes  dont  nos  collines  sont  coiffées 

El  quand  les  vents  fougueux  (oui  écutuer  les  eaux 
Le  pin  mêle  sa  voix  au  bruit  rauque  des  flols. 

Maintenant  il  n'entend  plus  C|ue  le  confus  brouhaha  de  la 
rue,  où  la  foule  se  démène  bruyante  et  égoïste,  ignorante 
de  sa  détresse.  C'est  une  pauvre  épave  perdue  dans  la 
grande  ville.  Alors,  il  s'absorbe  dans  l'amère  contemjjla- 
tion  de  ses  rêves  écroulés  I  II  était  concentré,  il  devient  taci- 
turne. Le  chagrin  s'insinue  et  s'implante  en  son  cerveau 
et  le  corrode  jusqu'au  jour  011  sa  raison  sombrera.  Il  aura 
subi  le  sort  de  tant  de  déracinés  que  Paris  atlire  el  dont 
il  \ide  les  moelles.  Mais  s'il  n'a  pu  atteindre  le  succès,  toul 
au  n^oins  avant  de  ch'sixiraiire,  aura-l-il  la  satislaclion  de 
voir  la  gidire  qui  l'a  fui  poser  ses  premiers  lauriers  sur  le 
front   de  scjn   lils. 

Ah  î  certes,  ce  ne  fut  pas  sans  peine  que  celui-ci  parvint 
à  les  conquérir. 

Dans  les  embarras  pécuniaires  oi'i  se  débattait  le  ménage 
Daumier,  on  ne  j^ouvail  songer  à  laisser  longtemps  le  jeune 
Honoré  à  l'érojc,  oi'i  d'ailleurs  il  éroulaii  tl'unc  on-ille  dis- 
traite les  lerons  du  maiire,  absorbt-  (ju'il  était  à  griffonner 
sur  ses  cahiers  toutes  sortes  de  petits  bonshommes.  Cette 
jKission  du  dessin   s'était  affirmée,  assure-t-on,   d"'S  sa   ten- 


14  PIERRE  BERTAS 

div  enfance,  alors  (|u'il  jouait  avec  les  g'amins  de  son  âge, 
sur  la  placette  de  Saint-Martin. 

Jcan-Haptiste  Daumier  s'efforça  de  la  combattre,  sachant 
])ar  un(^  trisle  expérience  à  quelles  souffrances  et  à  quelles 
déceptions  s'exposent  les  téméraires  qui  veulent  poursui- 
xre   la   chimère  de  l'Art  ? 

Mais  le  jeune   Honoré  est  sur  ce  chapitre  entêté,   d'un 

entêtement  carré  qu'il  tire  de  sa  race,   ainsi  que  l'affirme 

le  refrain  de  la  ballade  du  grand  félibre  marseillais  Valère 

Bernard  : 

((  Siéu  teslard  c  siéii  Prouvençau  » 

Il  veut  dessiner;  il  dessinera.  On  l'embauche  comme 
saute-ruisseau  chez  un  huissier.  Il  a  tôt  fait  d'abandonner 
la  basoche  après  avoir  toutefois  de  ses  petits  veux  perçants 
observé  tous  ces  gens  de  justice,  avocats  et  juges  dont  plus 
tard  il  tracera  de  si  amusantes  silhouettes. 

11  veut  dessiner;  il  dessinera.  Ses  parents  parviennent 
à  le  faire  admettre  comme  commis  dans  une  maison  de 
librairie.  Ce  commerce  ne  le  tente  pas,  mais  les  clients  l'in- 
téressent ;  il  contemple  les  jeux  de  physionomie  des  ama- 
teurs fouillant  les  cartons  d'estampe  pour  en  admirer  lon- 
guement les  belles  épreuves. 

Plus  tard,  il  tiT.duira,  avec  quelle  intensité,  leur  ^•olupté 
intérieure.  Sa  moisson  d'observations  faite,  adieu  la 
boutique  ! 

Il  veut  dessiner;  il  dessinera. 

Tant  d'obstination  j^rovençale  finit  par  vaincre  son  père. 
Celui-ci  consulte  alors  Alexandre  Lenoir  qui,  avant  de  se 
consacrer  à  l'archéologie  s't'lail  livré  à  la  peinture.  Le  direr- 
leur  (\u  Musée  Royal  examine  les  dessins  du  jeune  homme 
el  V  ti'ou\e  la  preuve  d'étonnanles  dispositions.  Il  s'offre 
même  à  diriger  son  éducation  artisli(jue. 


HONORi;    DAUMItR  ^  I5 

Honoré  Daumier  triomphe.  Mais  hicnlùt.  il  se  lasse  tic 
renseignement  de  son  maître.  L'art  solennel  et  figé  de 
l'école  davidienne  ne  peut  convenir  à  sa  fougue  méridio- 
nale, à  son  amour  du  mouvement.  La  meilleure  école  pour 
lui,  c'est  la  rue  avec  son  incessant  défilé  de  Ivpes  divers: 
c'est  la  galerie  des  antiques  du  Louvre,  où  les  chefs-d'ivu- 
vre  de  la  Grèce  lui  révèlent  les  secrets  de  leur  vigueur,  de 
leur  harmonie,  et  encore  la  salle  de  ce  Louvre  où  il  s'exta- 
sie devant  la  force  tourmentée  et  frémissante  de  l'cvuvre 
si  humaine  de  Pierre  Puget,  autre  enfant  de  Marst-ille  et  le 
plus  grand  sculpteur  de  France. 

Entre  temps  il  trouve  un  gagne-pain  en  apprenant  la 
technique  d'im  nouveau  procédé  de  gravure,  la  lithographie. 
L'habileté  ciu'il  v  acquiert  lui  i^ermet  de  rendre  quelques- 
unes  de  ses  pierres  gravées  avec  l'argent  desquelles  il  com- 
mence à  subvenir  aux  besoins  de  ses  parents. 

Bientôt  les  événements  vont  lui  fournir  le  sujet  de  liiho- 
graphies  c{ui  sont  de  vrais  chefs-d'œuvre,  oii  s'afllrment  !a 
puissance  et  la  variété  de  son  génie. 


Trrité  des  ordonnances  de  Chai-les  X,  diminuani  la 
liberté  publique,  Paris  s'insurge.  Pendant  les  journées  des 
27,  2S  et  29  juillet  1.S30,  les  Trois  (ilorieuses,  derrière  les 
barricades  qu'ils  ont  élevées,  ouvriers  et  étudiants  tiennent 
tête  aux  troujjes  rovales  (|ui  llnal(Mnenl  abandonnent  le 
combat.  Charles  X  abdique.  \'a-t-on  proclamer  la  Répu- 
blique? Pas  du  tout  î  A  la  branche  aînée  des  Bourbons  suc- 
cède simplement  la  branche  cadette  avec  pour  roi  Pliilii)pe 
d'Orléans. 

Agréable  à  la  bourgeoisie,  la  monarcliii-  d<'  juillel  es( 
âprement  aita(|uée  ])ar  les   K'gii  iiiiisles  parlisans  du  comte 


l6  PIERRE   BERIAS 

de  diambord,  iDêlit-fils  du  roi  détrôné  et  aussi  par  les 
combattants  des  Trois  Glorieuses,  aspirant  à  la  République. 

Oui  donc  établira  le  rcMe  des  Méridionaux  en  cette -époqiîe 
tourmentée?  Il  apparaît  considérable.  Sans  doute  avec  le 
nimois  Guizot,  le  marseillais  Adolphe  Thiers  est  un  des 
défenseurs  de  cette  monarchie  dont  il  est  le  véritable  fon~ 
dateur  et  à  laquelle  est  attachée  un  autre  historien  mar- 
seillais Capefic;'ue, 

^Nlais  parmi  ceux  à  Paris  qui  font  au  i^■ou^■ernemc'nt  de 
I-ouis-Philippe  ime  i^uerrc  sans  merci,  les  ]:)liis  ardents  ce 
sonl  les  I\rarseillais,  les  uns  par  la  parole  comme  les  deux 
Iràres  Garnier-Pagès,  les  autres  par  la  plume  comme  Louis 
Raybaud,  qui  devait  créer  le  tvpe  de  Jérôme  Paturot,  l'ai- 
mable poète  Bastide,  à  cjui  son  journal  la  Tisiphonc  \alut 
û(^u\  mois  de  prison  et  encore  les  deux  poètes,  Mérv  et  Bar- 
thélémy, qui  accouplanl  leiu^  \-erve,  chaque  semaine  en  leur 
pamphlet  la  Xéincsis,  f(;uillaient  le  régime  a^■ec  une  ^■éhé- 
mence   extrême. 

Cependant  le  ])lus  redoutable,  assurément,  de  tous  ces 
jeunes  Marseillais,  c'est  Honoré  Daumier  (|ui  p^w  l'imago 
liapiK'  directement  et  retient  l'aitention  des  hommes  du 
peuple,  ])a,s  assez  instruits  pour  lire  les  périodi(|ues  oti  troj) 
pauvres  pour  se  les  procurer. 

J.a  planche  --  qui  certes  n'est  pas  une  des  bonnes  de 
l'c'irtiste,  —  la  planche  représentant  Louis-Philippe  en 
(jargantua,  fait  l'admifation  de  la  population  parisienne  et 
le  rend  brusquement  célèbre.  ALais  il  paie  cher  ce  premier 
succès.  Il  est  condamné  à  six  mois  de  prison.  On  lui  accorde 
un  sursis  dans  resi)oir  de  l'amener  à  résipiscence.  Peine 
perdue.  Dans  le  journal  la  Caricalurc  il  continue  à  ridicu- 
liser le  roi  et  son  entourage  a^•ec  une  verve  endiablée  et  un 
talent  (pii  chaque  jour  grandit.  Alors  les  gens  au  pouvoir 
sTrriîent  et  la  Caricalurc  du  ."^o  août  iS,^^2  insère  cette  note: 


HONORE    DAUMIER 


Ï7 


((  Au  moment  où  nous  écrivons  ces  lignes,  on  arrêtait 
sous  les  yeux  de  son  père  et  de  sa  mère,  dont  il  était  le  seul 
soutien,  M.  Daumier,  condamné  à  six  mois  de  jirison  pour 
la  caricature  de  Gargantua  ». 

\'oilà  donc  notre  caricaturiste  enfermé  à  Sainlc-Pélai^ic 
avec  une  fouie  de  journalistes  de  toutes  les  opinions  et  aussi 
avec  une  bande  de  chenapans  de  toutes  les  caté<^ories.  Le 
jeune  homme  supporte  avec  gaîté  cette  longue  épreuve  et 
lorsqu'elle  est  finie,  vite  il  reprend  son  crayon  pour  com- 
battre à  nouveau  et  avec  plus  d'entrain  ceux  (|ui  la  lui  ont 
imposée  et  qui  peuvent  la  lui  infliger  encore. 

De  1832  à  1835,  c'est  une  suite  ininterrompue  d'admira- 
bles planches  où  sont  commentés  avec  tant  de  relief  les  évé- 
nements et  les  opinions  de  l'époque,  où  sont  repi'oduits  et 
soulignés  par  la  satire  le  visage  et  même  l'âme  des  puis- 
sants du  jour. 

On  a  pu  admirer  lors  de  l'exposition  à  la  r)ibli()thé<|ue  de 
Marseille, quelques-unes  de  ces  œuvres  magistrales  :  lùijoncc, 
Lafayettc,-  Xe  vous  y  frottée  pas,  le  Ventre  législalif,  et 
surtout  cette  effroyable  vision  de  guerre  civile  Rue  Tnnis- 
nonain,  d'une  impression  si  tragique  en  sa  simplicité. 

Comme  l'a  proclamé  avec  tant  d'autorité  M.  le  professeur 
Gascard,  elles  classent  Honoré  Daumier  parmi  nos  plus 
grands  peintres  d'histoire. 


Mais  après  l'attentat  sauvage  de  Fieschi,  la  presM-  .-.si 
bâillonnée.  Le  journal  la  Caricature  est  supprimé.  Alors 
cf)mme  on  l'a  dit,  le  pamphlet  fait  place  à  la  comédie  et 
commence  la  grande  épopée  de  Robert    M.uairc,    ra.-onlée 

par   Daumier. 

Ces  dessins  de  Robert  Macaire  ne  sont  pas  ceux  (juc 
préfère  leur  auteur;  mais  ils  furent  populaires  parce  qu'ils 


l8  PIERRE    BERTAS 

racontaient  les  mille  et  une  mésaventures  dé  M.  Gogo  grugé 
par  les  aigrefins  de  la  finance  ou  les  bateleurs  de  la  politi- 
ciue.  Ils  dépeignaient,  avec  quelle  verve,  toujours  renouve- 
lée, les  .effets  de  cette  cupidité  et  de  cet  amour  du  lucre  qui 
caractérisent  l'épociue  de  Louis-Philippe,  laquelle  n'est 
d'ailleurs  pas  sans  quelque  analogie  avec  la  nôtre,  où  le 
gogo  est  devenu  la  poire  dont  expriment  le  jus  les  descen- 
dants innombrables  de  Robert  Macaire. 

On  connaît  bien  les  autres  séries  de  Daumier  :  Md'urs 
C()uiu_s^atcs,  Types  parisiens,  Profih  et  silhouettes,  Les 
gens  de  justice.  Les  bons  bourgeois,  Les  baigneurs,  etc., 
plus  de  quatre  mille  dessins,  sans  compter  plus  d'une  cen- 
taine de  toiles  admirables,  et  quelques  trop  rares  sculptures. 

Mieux  que  je  ne  saurais  le  faire,  MM.  J.-B.  Samat,  Gas- 
card,  A.  Grass-Mick  et  Bromberger,  rien  qu'à  Marseille, 
ont  démontré  le  mérite  artistique  de  cette  œuvre  colossale 
en  laquelle  le  caricaturiste  avec  son  cravon,  comme  Balzac 
avec  sa  pkune,  a  fait  se  démener  devant  nous  la  tumul- 
tueuse comédie  humaine. 

Leur  appréciation  sur  le  talent  de  notre  artiste  a  été  la 
même  que  cejle  c}u'ont  émise  à  l'occasion  du  cinquante- 
naire de  sa  mort  les  plus  éminentes  personnalités  du  monde 
des  lettres  et  des  arts.  Xous  avons  été  particulièrement  sen- 
sible à  l'hommage  qui  lui  a  été  rendu  dans  un  très  remar- 
cjuable  article  du  Petit  Provençal,  par  l'ancien  président 
du  Conseil,   AL   lulouard  Herriot. 

Pendant  Cjue  l'ancien  grand  maître  de  ri'ni\-ersité  glo- 
rifiait notre  compatriote,  le  rédacteur  d'un  journal  parisien 
contestait  sa  réputation  et  même  l'accusait,  je  crois,  de  ne 
pas  savoir  dessiner. 

Il  ne  faut  pas  s'en  étonner. 

M.  Henry  Marcel  a  écrit:  («  L^ne  belle  jilanche  de  Dau- 
mier est  une  chose  singulière  et  presque  unic}ue,  à  la  fois 


HOXORi':    DAUMIER  I9 

très  âpre  et  très  douce:  c'est  le  miel  de  récriiiire  recueilli 
dans  la  gueule  du   lion  ». 

Cette  évocation  du  lion  à  propos  de  Dauinier  m'en  laj)- 
pelle  une  autre:  celle  du  lion  mourant  iorscjuc  l'âne  lui 
lance  sa   ruade  et  sa  pétarade. 

Xe  nous  indignons  pas,  ri  plaignons  les  galt-ricns  de 
l'esprit  qui,  chaque  jour,  à  la  même  place,  doivent  amuser 
les  mêmes  lecteurs.  Lors(|u'on  n'est  pas  en  train  on  a 
recours  à  certains  procédés.  11  en  est  un  Cjui,  au  dire  de 
Mérv,  avait  déjà  la  barbe  blanche  sous  Louis-Philippe, 
néanmoins  il  réussit  toujours.  Il  consiste  à  faire  rire  les 
gens  du  Xord  en  bafouant  leurs  frères  du  ^^idi,  h  conc|ué- 
rir  les  suffrages  de  Paris,  capitale  de  l'Intelligence  en 
dénonçant  Marseille  comme  capitale  de  la  Béotie. 

Comment  voulez-vous  que  Daumier  ail  f|uel(|ue  talent 
puisqu'il  est  né  —  tron  de  l'èr!  baga.s.so  —  dans  cette  ville 
d'hu.rluberlus  dont  une  sardine  bouche  le  port. 

Le  journaliste  qui  a  déprécié  le  génie  de  notre  compa- 
triote est  spirituel  par  métier;  mais  il  ne  s'était  pas  encore 
produit  comme  critique  d'art.  Qu'il  nous  pardonne  si,  à 
.son  avis,  nous  préférons  celui  d'autres  personnages  dont 
il    lui   sera  difticile  de  nier  la  compétence. 

\'A  tout  d'abord  Baudelaire.  L'auteur  des  Fleurs  du  nuil, 
a  la  plus  vive  admiration  pour  Daimiier  dont  il  a  célébré 
en  vers  «  l'art  subtil  entre  tous  ».  Il  le  déclare  «  l'un  des 
hommes  les  plus  importants,  nou  pas  seulement  de  lu 
caricature,  mais  encore  de  l'art  moderne  ». 

Ce  n'est' pas  tout.  Ce  Daumier,  que  le  chroni(|ueur  pari- 
sien dit  ne  pas  savoir  dessiner,  Baudelaire,  en  son  compte 
rendu  du  Salon  de  1S45,  le  cla.sse  parmi  les  trois  grands 
dessinateurs  du  siècle  avec  Ingres  et  Delacroix  et  laisse 
entendre  qu'il  est  tenté  de  lui  accorder  la  première  place. 


20  PIERRE  BERTAS 

D'ailleurs  Delacroix  semble  acquiescer  à  ce  jugement. 
11  écrit  à  Daumier:  ((  Il  n'y  a  pas  d'homme  que  j'admire 
])lus  que  vous  ».  Et  le  meilleur  témoignage  de  cette  admi- 
ration c'est  que  le  célèbre  auteur  des  «  Massacres  de 
Scio  »  emploie  ses  loisirs  à  copier  des  dessins  de  Daumier. 

Le  délicat  artiste  François  Bonvin,  affirme  que  notre 
compatriote  est  égal  à  Goya  s'il  ne  le  surpasse.  Champ- 
fleury  est  du  même  avis:        ^ 

((  II  existe,  écrit-il,  de  secrètes  analogies  entre  l'Espagnol 
et  le  Marseillais,  même  flamme  intérieure,  même  ardeur 
politique,  même  improvisation  ». 

Et  Chamfleurv  ajoute  :  ((  Daumier  fut  nourri  de  la 
moelle  de  Michel-Ange,  de  Rubens,  de  Jordaens,  qui  n'ont 
pas  craint  d'envisager  l'homme  sous  ses  apparences  robus- 
tes. C'est  leur  force  qui  fait  sa  force  ». 

Et  voici  comment  en  1860,  les  frères  Concourt  termi- 
naient leur  enthousiaste  description  du  fameux  dessin 
l'Ivresse  de  Silène:  a  Quel  franc  rire,  un  rire  toujours  à 
belles  dents,  toujours  également  sonore  comme  un  rire  du 
vieux  temps.  Il  v  a  là  un  épanouissement  dans  la  force, 
une  santé  dans  la  gaîté,  une  verve  de  nature,  une  person- 
nalité carrée,  une  brutalité  puissante,  quelque  chose  de 
gaulois,  de  dru,  de  libre,  cjue  l'on  ne  trouverait  peut-être 
nulle  part  que  dans  Rabelais  ». 

Tous  les  critiques  d'art  :  Armand  Dayot,  Ceffroy,  Phi- 
lippe de  Chenevières,  Henri  Berardi  et  encore  Roger 
Marx,  confirment  l'opinion  admirative  de  leurs  devanciers, 
et  si  la  diatribe  du  journaliste  parisien,  n'a,  comme  il  sem- 
ble d'autre  but  en  abaissant  Daumier  que  de  rehausser 
h\)rain,  il  est  à  croire  que  celui-ci  qui,  naguère,  a 
fait  un  si  bel  éloge  de  son  aîné,  a  dû  rtre  cruellemenl 
humilié  de  cette  manif(\sta)i()n  d'un  admiraleiu'  par  trop 
gaffeur. 


HONORÉ   DAUMIER  21 

On  en  irouvera  la  nieillciirc;  pruiiv.-  thiii.s  (  rs  lij-ncs 
qui  sont  la  conclusion  niêiiie  de  l'ouvrage  sur  Dauniicr 
de  M.  Raymond  lischolier   ; 

((  Pour  résumer  l'homme  et  l'artiste,  écrit-il,  dans  ce 
qu'ils  eurent  de  meilleur,  nous  ne  voulons  retenir  que  celte 
parole  —  ignorée  et  si  amère  —  du  grand  et  implacable 
J.-L.  Forain: 

—  Oh!  Daumier,  c'est  tout  autre  chose  (jue  nous...  Il 
était  généreux  !  » 


Il  était  généreux.  Toute  son  œuvre,  en  effet,  révèle  la 
générosité,  cette  force  qui  élève  l'homme  au-dessus  de  ses 
intérêts  et  de  ses  sentiments  personnels  et  lui  fait  préférer 
l'avantage  des  autres  aux  siens. 

Il  était  généreux.  Toute  sa  vie  d'artiste  et  de  citoyen 
n'est  que  noblesse  et  probité.  C'est  une  vie  de  cristal  que 
rien  n'a  pu  souiller  ni  même  ternir  d'une  buée  suspecte. 

Rappelons-nous  sa  devise:  <(  Il  faut  être  de  son  temps  ». 
II  fut  de  son  temps,  mais  du  temps  de  sa  jeunesse  fré- 
missante d'illusions  et  d'espérances,  et  aux  principes  de 
sa  jeunesse,   il  resta  fidèle  jusqu'à  la  mort. 

Il  fut  de  son  temps,  celui  des  Trois  Glorieuses  et  il  fut 
aussi  de  sa  race.  Ce  n'est  point  sans  motif  qu'au  début  de 
cette  étude  j'ai  rappelé  qu'il  était  né  en  cette  Blan- 
querie,  pleine  de  souvenir  des  ancêtres  amoureux  d'in- 
dépendance et  qu'il  était  du  sang  de  ces  Provençaux  <(  si 
difficiles  à  ferrer  »,  selon  l'expression  d'im  de  ces  gouver- 
neurs royaux  contre  lesquels  ils  défendaient  si  jalousement 
leur  patrimoine  de  libertés. 

Cet  esprit  démocratique  persistait  même  sous  Napo- 
léon I"  et  son  pi'éfet  des  Bouches-du-Rhône.  l'ex-conven- 
tionnel  Thibaudeau,  écrivait:  a  Républicain  dans  le  moyen- 


22  PIERRE   BERTAS 

âge  à    Marseille,    Arles,    Tarascon,    le   Provençal   supporte 
encore  impatiemment  le  joug-  du  pouvoir  x. 

Il  ne  faul  donc  pas  s'étonner,  si,  dès  qu'il  a  eu  l'â^e 
d'iiomme,  Daumier  a  été  hanté  i)ar  l'image  de  la  Républi- 
que, émancipatrice  et  maternelle,  que  naguère  ses  compa- 
triotes, les  Cinq  cents  Marseillais  de  Barbaroux  avaient  pro- 
clamée le  lo  aoîit  1792,  dans  la  coui^  des  Tuileries  baignée 
de  leur  sang  et  où  ils  chantaient  l'immortelle  chanson  qu'ils 
apprirent  à  la  France  et  que  la  France  a  adoptée  en 
la   baptisant    de  leur    nom 

Liberté,   liberté  chérie, 
Combats  avec  tes  défenseurs. 

Cette  République  de  bonté  et  de  justice,  il  a  cru  qu'elle 
surgirait  au-dessus  des  barricades  de  1830.  Thiers  l'a  esca- 
motée. Néanmoins,  il  lui  est  resté  fidèle.  Xi  la  prison,  ni  la 
pauvreté  n'ont  pu  lui  arracher  sa  foi  en  elle  et  lorsque  celle 
de  1848  a  été  proclamée,  avec  quelle  ferveur  il  l'a  définie 
et  magnifiée. 

On  se  souvient  du  beau  dessin  intitulé:  Le  dernier  Con- 
seil des  Ministres.  Brusquement  la  porte  s'est  ouverte  et 
sur  le  seuil  apparaît  belle  comme  l'aube  <(  IMarianne  »,  coif- 
fée du  bonnet  de  la  liberté.  Elle  rentre  dans  sa  maison  et 
avec  elle  pénètre  l'air  pur  des  cîmes  qui  en  chasse  les  mias- 
mes et  avec  elle  fond  en  averse  la  lumière  du  ciel  dont 
l'éclat  aveugle,  effare  et  fait  s'envoler  par  la  fenêtre  les 
ministres  pareils  à  une  bande  de  chauves-souris. 

On  se  rappelle  encore  ce  tableau  où  la  République  est 
assise,  la  main  serrant  avec  énergie  le  drapeau  tricolore  ; 
fière  et  puissante,  la  poitrine  ouverte,  elle  abreuve  deux  de 
ses  enfants  à  ses  mamelles  abondantes  pendant  qu'accroupi 
à  ses  pieds  un  autre  enfant  courbe  sa  tête  pensive  sur  un 
livre  ouvert.  Admirable  traduction  de  la  devise:  La  Répu- 
blique nourrit  ses  enfants  et  les  instruit. 


HONORÉ    DALMllîR  23 

Mais  cette  République  de  Dauniier,  c'est  plus  qu'une 
mystique,  c'est  un  mythe.  Celle  de  1S48  ne  lui  ressemble 
guère  et  par  les  iiésitations  des  uns,  les  impatiences  des 
autres,  les  grossiers  appétits  de  beaucoup,  elle  est  bientôt 
déconsidérée.  C'est  en  vain  que  Daumier  montre  le  péril 
d'un  retour  du  Césarisme  avec  sa  sculpture  de  Ratapoil  et 
ce  dessin  où  il  montre  l'aigle  charriant  le  neveu  de  Napo- 
léon I"  installé  dans  le  fameux  petit  chapeau  tW  l'oncle  (jui 
lui  sert  de  véhicule. 

Le  2  décembre  1851,  la  Répnl)li(iue  s'c^ffondrc  au  milieu 
de  l'indifférence  populaire. 

X'importe,  Daumier  s'obstinera  à  lui  rester  ridèlc  cl  la 
parant  de  toutes  les  vertus  à  en  attendre  le  retour. 

<(  Ce  Michel-Ange  de  la  caricature,  dit  M.  Delteil.  !".it 
un  homme  modeste,  laborieux,  fort  sociable,  honnête,  te 
dernier  qualificatif  dans  son  acception  la  plus  pure.  //  ni? 
varia  pas  dans  ses  principes,  ne  monnaya  pas  ses  opinions 
et  resta  intègre  dans  son  crayon  comme  il  Vélail  dans  /i  s- 
-mœurs. 

La  même  constatation  est  faite  par  Arsène  Alexandre, 
autre  admirateur  de  Daumier,  qui  attribue  à  son  cigine 
méridionale  son  enti-ain,  sa  finesse,  sa  gaîté  faite  de 
lumière  et  de  verve. 

((  Il  lui  manque,  ajoute-t-il  non  sans  malice,  ime  des  qua- 
lités ou  plutôt  une  des  forces  principales  des  hommes  du 
Midf:  Vambition.  En  revanche,  il  en  avait  reçu  «n  partage 
une  autre  qui  ne  leur  est  par,  conrmune   :  la  modestie  ••. 

Xe  tenons  pas  rigueur  à  ^L  Arsène  Alexandre  du  trait 
qu'il  nous  décoche;  mais,  enregistrons  le  prérieux  éloge 
qu'il  décerne  à  notre  compatriote  dont  le  caractère  réservé 
n'est  peut-être  pas  aussi   rare  ([u'il  le  croit. 


24  PIERRE  BERTAS 

Oui,  Daumier  fut  un  modeste,  un  timide,  un  probe,  qui 
a  préféré  vivre  dans  les  privations  que  de  devoir  le  succès 
à  de  répuçi'nantes  ((combines»  et  au  sacrifice  de  ses  opinions. 

Il  y  a  des  momenls  où  l'on  pijurrait  croire  que  la  pro- 
fession la  plus  pénible  est  la  profession  d'honnête  homme. 
Elle  n'est  jamais  lucrative;  elle  est  souvent  méprisée  et 
Daumier  en  est  l'exemple.  Son  contemporain  et  compa- 
triote Barthélémy,  changea  plusieurs  fois  d'opinion  et  pour 
excuser  ses  palinodies  il  écrivit  le  vers  fameux: 

((  L'homme  absurde  est  celui  qui  ne  change  jarnais  )>. 

Daumier  fut  cet  homme  absurde  qui  ne  sait  pas  retour- 
ner sa  veste.  Aussi  a-t-il  vu  la  misère  s'installer  à  son  logis 
au  crépuscule  de  sa  vie. 

En  1860  on  lui  tourne  le  dos;  on  ne  lui  demande  plus 
de  dessins.  Bien  plus,  on  le  chasse  comme  un  domestique 
infidèle  du  journal  le  Charivari,  dont  pendant  vingt-huit 
Ans  il  a  fait  le  succès  et  Baudelaire  intervenant  en  sa  faveur 
écrit  à  un  ami  le  billet  suivant:  ((  Pensez  à  Daumier,  à 
Daumier  libre  et  foutu  à  la  porte  au  milieu  d'un  mois  et 
n'ayant  été  payé  que  d'un  demi-mois  ». 

Il  y  a  des  mufles  en  toutes  les  époques. 

Ce  n'est  qu'en  décembre  1863  que  le  pauvre  artiste  mar- 
seillais put  rentrer  au  Charivari  pour  y  gagner  son  pain 
et  celui  de  sa  chère  femme. 

Et  pourtant  s'il  avait  voulu  combien  il  lui  aurait  été  aisé 
d'assurer  sa  vieillesse.  Ah  !  s'il  avait  écouté  la  voix  des 
sirènes  chantant  à  ses.  oreilles!  L'Empire  s'appliquait  à 
désarmer  l'opposition,  à  rallier  autour  de  lui  l'élite  intel- 
lectuelle. Une  démarche  des  plus  flatteuses  fut  faite  à  Dau- 
mier, à  l'mstigation  d'un  autre  célèbre  marseillais  Emile 
Ollivier,  qui  las  de  piétiner  dans  les  rangs  de  la  démocra- 


HONORÉ    UAUJIIER 


25 


lie,    l'avait  abandonnée  pour  recevoir  il»-    \a[)()lrnn    III    la 
j:)résidence  du  Conseil. 

La  Légion  d'honneur  lui  oiïerie  à  notre  caricalurisie. 
((  Sans  se  poser  en  Caton,  reniarcjue  Clianifleuiy,  sans 
afficher  sa  toi  républicaine,  Dauniier  remercia  l'envoyé  du 
ministre  d'avoir  songé  à  le  décorer.  11  ne  pouvait,  disait-il, 
accepter  la  croix  d'un  gouvernement  auquel  il  avait  fait  une 
si  rude  guerre  en  1851.  Il  semblait  qu'il  y  aurait  parjure  de 
sa  part  à  se  parer  d'un  tel  signe,  et  qu'il  devait  vivre  hum- 
ble comme  par  le  passé  ». 

Or,  au  même  moment,  la  même  distinction  était  offerte 
à  un  autre  artiste  n'appartenant  pas  celui-là  comme  Dau- 
mier  à  ce  Midi,  où  les  hommes  sont  bouffis  d'orgueil  et 
dont  la  vantardise  se  manifeste  en  éclats  de  voix  et  en  ges- 
tes désordonnés.  Cet  artiste  était  le  grand  peintre  Courbet, 
natif,  on  le  sait,  du  Doubs. 

Comme  Daumier,  Courbet  refusa  la  croix,  mais  avec  un 
fracas  énorme,  une  indignation  théâtrale.  Peu  après  il  ren- 
contrait le  caricaturiste  et  se  jetant  dans  ses  briis  il  criait  : 
«  Ah  !  que  je  t'aime,  tu  as  refusé  la  croix  comme  moi  ;  seu- 
lement tu  as  eu  tort  de  ne  pas  la  refuser  avec  éclat.  Il  fal- 
^  lait  faire  du  tapage  autour  de  cette  affaire  ». 

Et  Daumier  secouant  la  tête,  contemplait  Courbet  d'un 
regard  profond:  ((  A  quoi  bon?  fit-il,  d'un  ton  de  repro- 
che, j'ai  fait  ce  que  j'ai  cru  devoir  faire;  je  suis  contml  ; 
mais  cela  ne  regarde  pas  le  public  )>. 

Albert  Wolf,  qui  raconte  cette  scène  dont  il  fut  témoin, 
ajoute:  «  Je  ne  saurais  vous  dire  avec  quelle  dignité 
exquise,  Daumier  prononça  ces  paroles.  Sa  fierté  semblait 
se  révolter  à  la  seule  pensée  que  quelqu'un  pût  le  suppo- 
ser capable  de  vouloir  exploiter  son  refus  rnmmr  „n  m. .yen 
de  réclame  ». 


26  PIERRE   BERTAS 

lù  C'oiirht'l  inlcrtlil,  s'rloigna  en  disant  :  <<  On  ne  fera 
jamais  rien  de    l)aiiini(M':  c'est  un   rêveur  ». 

Jlélas!  le  pauvre  rêveur  était  tiraillé  par  la  cruelle  réa- 
lité, le  souci  du  pain  quotidien.  Sa  vieillesse  était  beso- 
i^neuse.  Elle  fut  tourmentée  par  les  terribles  angoisses  de 
la  guerre  de  1870,  par  la  douleur  de  voir  la  France  envahie, 
meurtrie,  démembrée,  douleur  que  ne  pouvait  entièrement 
consoler  l'avènement  de  la  IIl^  République. 

Ht  alors  ce  fut  la  subite  décrépitude. 

Ha  fatalité  s'acharna  sur  lui  en  lui  infligeant  le  plus  cruel 
des  supplices  pour  un  artiste.  Elle  lui  lit  tomber  des  mains 
palette  et  pinceau  en  fermant  lentement  ses  yeux  à  la  belle, 
à  la  sainte  lumière,  cette  lumière  qu'avec  un  bout  de 
crayon  noir  il  captait  au  soleil  pour  l'épandre  devant  nous 
en  la  faisant  vibrer,  palpiter,  éblouir.  Des  troubles  visuels 
de  plus  en  plus  fréquents,  de  plus  en  plus  intenses  faisaient 
flotter  des  ténèbres  autour  de  lui. 

La  misère  s'installa  en  cette  maison  de  Valmondois,  où 
il  passa  ses  dernières  années  et  dont  il  n'arrivait  plus  à 
payer  les  termes.  Ici  se  place  l'anecdote  bien  connue 
que  je  crois  devoir  rappeler  encore  pour  qu'on  sache 
la  gratitude  qui  est  due  à  ce  Parisien  de  Paris,  qu'était  le 
bon  Corot.  Ee  grand  paysagiste  aimait  beaucoup  Daumier, 
au  point  (|u'il  a^•ait  suspendu  un  des  tableaux,  celui  des 
Avocats  à  côté  du  portrait  de  sa  mère,  les  deux  seules  toiles 
ornant  sa  chambre. 

Informé  que  Daumier  était  menacé  d'être  jeté  à  la  rue, 
il  achète  secrètement  l'immeuble  01^1  il  était  logé  et  le  jour 
de  sa  fête  le  caricaturiste  reçoit  le  billet  qui  suit    : 

«  Mon  vieux  Camarade, 

<(  J'avais  à  Valmondois,  près  de  l'Isle-Adam,  une  mai- 
sonnette dont  je  ne  sais  que  faire.  Il  m'est  venu  à  l'idée  de 


HONORIi    DAUMIER  37 

te  l'offrir  et  comme  j'ai  trouvé  VkW-r  Ixjnnc  je  suis  alU* 
la   faire  enregistrer  ehez  le  notaire. 

<<  Ce  n'est  pas  pour  toi  (jue  je  fais  ça,  c'est  pour  embê- 
ter ton  propriétaire.  ,        .     ^ 

((  A  toi,  Corot  ». 

Quoi  qu'on  en  dise,  il  y  a  encore  de  braves  gens  sur 
la  terre.  Les  braves  gens  étaient  assez  nombreux  autour  de 
Daumier.  Ils  s'adressèrent  au  gouvernement  de  la  Républi- 
{{ue,  qui  n'axait  même  pas  songé  à  offrir  au  vieux  démo- 
crate la  Croix  de  la  Légion  d'honneur  qu'il  avait  refusé 
d'accepter  de  l'Empire. 

Ils   supplièrent    le    ministre   des    Beaux-Arts   de    ne    pas 

laisser    mourir    de    faim    le    pauvre  artiste    dont    les   jours 

« 

étaient  comptés.  Le  ministre  se  laissa  fléchir.  Dans  sa 
munificence  il  attribua  à  Daumier  une  pension  de  deux 
cents  francs  par  mois.  Cette  pingrerie  révolta  l'opinion  et 
dans  le  journal  de  Gambetta,  la  République  Française, 
M.  Burty  écrivait  le  i^""  août  1878:  ((  Le  secours  alhmé  n'est 
digne  ni  de  la  P^rance  qui  l'accorde,  ni  du  maître  à  qui  il 
est  offert  ». 

Néanmoins,  il  ne  fut  pas  augmenté  et  Daumier  si  l'on 
peut  dire,  n'en  jouit  pas  longtemps.  Quelques  mois  plus 
tard  il  était  frappé  de  paralysie  cérébrale  et  rendait  le  der- 
nier soupir  le  11  février  1879. 

Ses  obsèques  eurent  lieu  le  14  février.  Une  foule  d'ar- 
tistes et  d'hommes  de  lettres  accompagnait  son  cercueil 
couvert  d'un  amas  de  fleurs  apportant  l'haleine  embaumée 
du  pays  natal  des  violettes  et  des  mimosas  de  Provence. 

Le  gouvernement  avait  décidé  que  les  funérailles  du 
grand  artiste  seraient  nationales.  L'opposition  cria  au  .scan- 
dale et  à  la  dilapidation.  Peut-être  fut-elle  inju.ste.  Les  frais 
étant    limités  au    paiement   des   quatre   porteurs,    les  ob.sè- 


a  s  PIERRE  BERTAS 

ques  de  DauniitT  routèrent  exactement  la  somme  de  douze 
francs.    I*!lles  n'ont   pas   ruiné  la  nation. 

Au  cimetièfe,  dans  le  suprême  adieu  adressé  au  grand 
caricaturiste  qu'il  comparait  à  Aristophane,  Champfleury 
s'écriait  : 

<<  Sur  le  marché  de  Rotterdam,  on  voit  l'image  du  vieil 
Erasme  méditant  sur  les  folies  de  l'humanité.  Vous  verrez, 
DUMAix  la  statue  de  Daumier  méditatif  sur  la  principale 
place  de  Marseille  ». 


* 
*  * 


Demain  !  Demain  !  Il  y  a  cinquante  ans  que  Daumier  est 
mort  et  sur  aucune  de  nos  places  ne  s'érige  encore  le  monu- 
ment attestant  la  vénération  de  Marseille  pour  l'artiste  qui 
a  épandu  tant  de  lustre  sur  elle.  Non  seulement  nous  ne 
lui  avons  pas  élevé  le  moindre  buste,  mais  encore  notre 
musée  ne  compte  pas  une  seule  de  ses  œuvres  qu'à  prix 
d'or  ont  arrachées  à  la  France  les  Anglais,  les  Américains 
et  surtout  les  Allemands. 

Sans  doute,  les  événements,  seuls,  sont  cause  de  cette 
apparente  indifférence  ;  naguère  des  bonnes  volontés 
s'étaient  groupées  pour  rendre  à  Daumier  un  éclatant 
liommage  de  notre  reconnaissance.  Il  s'agit  donc  de  repren- 
dre l'effort  interrompu  et  peut-être  le  Comité  du  cinquante- 
naire, pourrait  se  transformer  en  Comité  du  monument 
Daumier. 

Le  succès  en  serait  assuré  grâce  au  concours  de  la  repré- 
sentation de  la  Cité  et  du  Département,  dont  les  divergences 
d'opinion  s'efifacent  toujours  devant  les  intérêts  matériels 
et  moraux  de  Marseille  et  de  la  Provence. 


HONORÉ    DAUMIER  29 

Et  ceci  m'amène  tout  naturellement  à  rappeler  un  t'pi- 
sode  de  la  vieillesse  cie  Daumicr  auquel  dans  son  article 
M.  Ilerriot  a  fait  une  brève  allusion.  Voici: 

Peu  de  temps  après  la  guerre  de  1870,  M.  Lét)n  Sav 
réunissait  im  soir  les  personnes  les  plus  représentatives  de 
la  politique,  des  lettres  et  des  arts.  Daumier  est  au  nombre 
des  invités.  A  peine  a-t-il  pénétré  dans  le  salon  où  se  presse 
l'élite  du  pays,  qu'il  voit  se  précipiter  vers  lui  un  petit 
\ieillard,  tout  blanc,  1\xm1  pétillant  sous  les  lunettes,  cjui  lui 
prend  la  main,  la  serre  avec  cordialité  et  se  met  à  le  com- 
pfimenter  avec  infiniment  d'esprit  et  de  tact. 

Ce  petit  vieillard  pétulant  n'est  autre  que  le  chef  de 
l'Etat,  le  président  de  la  République,  le  Marseillais  Adol- 
phe Thiers,  l'ancien  ministre  de  Louis-Philipjîe  (|ui  ridi- 
culisé du  surnom  de  «  petit  foutriquet  >>,  a  été  pendant 
vini2;t  ans  la  cible  ordinaire  de  la  verve,  parfois  cruelle  et 
injuste,  du  caricaturiste  son  compatriote. 

Daumier  fut  profondément  ému  de  cette  démarche  aussi 
honorable  pour  celui  qui  l'a  faite  que  pour  celui  qui  en  a 
été  l'objet. 

Ce  geste  si  noble  de  '1  hiers  devrait  atténuer  les  ressen- 
timents que  depuis  plus  de  cinquante  ans  avec  quelques- 
uns  de  notre  généi'ation  nous  conservons  contre  le  chef  du 
gouvernement  de  Versailles.  Mais  s'il  est  encore  trop  tôt 
pour  qu'il  ait  cette  vertu  d'amnistie,  que  tout  au  moins  il 
nous  inspire  le  désir  de  l'imiter. 

Comme  Thiers  et  Daumier  oublions  nos  petites  raniii- 
nes  devant  le  prestige  de  l'art  et  pour  le  culte  des  gloires  de 
la  cité.  Unissons-nous  afin  que  nous  ne  commettions  pas  h 
l'égard  de  Daumier,  le  ccime  d'ingratitude  dont  les  géné- 
rations précédentes  se  sonl  rendues  coupables  vis-à-vis  de 
Fuget  qui,  peiulanl  plus  de  deux  siècles,  a  allendn  nu  monu- 
ment digne  de  son  génie  et  de  la  ville  où  il  a  vu   le  jour. 


30  PIERRE   HERTAS 

Axons  ]v  culte  de  nos  i^loires.  Par  le  bronze  et 
le  marbre  rappelons-les  h  ceux  (}ui  les  ignorent.  Ils  sauront 
ainsi  combien  notre  nation  est  redevable  h  cette  Provence 
qu'on  raille,  à  cette  Marseille  qu'on  i-idiculise,  à  cette  Mar- 
seille (jiii,  aujoin'd'hui  comme  bier,  par  le  génie  de  ses  fils, 
é(Ti\ains,  poètes  et  artistes,  continue  à  mériter  sa  réputation 
vingt  fois  séculaire  de  fille  d'Atbènes,  de  sœur  de  Rome 
et  surtout  d'éducatrice  des  Gaules. 

Pierre  BERTAS. 


Autel   nf)agiqUe   de   I^ognac 


lùi  1924,  notre  confrère  M.  P.  Chanfreau  trouva  à 
Roi^nac  la  partie  oauche  du  petit  autel  votif  ci-dessiis 
lïguKé  que  j'ai  publié  avec  lui  en  1925  '  et  dont  M.  C'amille 
Jullian  s'est  occupé  en  avril   1927  ". 

Peu  aj)rès  (30  mai  1927),  je  priais  M.  Chanfreau  de  faire 
prali(iuer  des  fouilles  sur  les  lieux  de  la  première  décou- 
\-erte.  I''lles  eiu-enl  lieu  cl  mirent  au  jour  la  |)arlie  droite 
(|ue  notis  rec^herchions;  elle  i^isail  à  4  m.  du  poini  011  avait 

1  Pruvincia   1925,   p.   2g.    Les  autels  votifs  de  A'oi^iiac. 

2  Revue   des   Etudes   anciennes    1927,    p.    163    à    165. 


52  H.  DE  GÉRIN-RICARi)  ET  P.  CHANFREAU 

été  trouvée  en  1924  l'autre  portion  de  ce  petit  monument, 
désormais  complet.  Ses  dimensions  sont:  hauteur  o™20, 
largeur  et  épaisseur  o'"i5. 

En  1925,  j'avais  cru  que  l'inscription  dont  nous  ne  pos- 
sédions alors  qu'une  partie,  était  en  caractères  grecs  à 
cause  surtout  de  l'A  à  forme  de  lambda  du  début  de  la 
deuxième  ligne.  De  plus,  j'avais  indiqué  que  le  signe  par 
lequel  commence  la  première  ligne  devait  être  un  trident 
ou  un  trépied.  En  réalité  les  caractères  employés  appar- 
tiennent à  la  cursive  romaine  des  11 -iii^  siècles^  et  M.  Jul- 
lian  voulait  bien  me  dire  que  quant  au  sigle  du  début  de 
l'inscription,  il  optait  pour  le  trépied  des  incantations  magi- 
ques (mensîda  ou  tripes)  avec  tablette  triangulaire,  suivi 
d'un  point  séparatif  aussi  triangulaire. 

De  l'examen  paléographique  de  l'inscription,  il  ressort 
que  les  O  ne  sont  pas  parfaitement  ronds  comme  ceux  de 
l'époque  impériale  un  peu  ancienne*,  mais  que  l'A,  impar- 
faitement barré  de  la  première  ligne  et  l'E  oncial  de  la 
deuxième,  emplové  concurremment  avec  des  E,  se  rencon- 
trent sur  des  inscriptions  du  i^""  siècle.  L'E  oncial  venu  du 
grec  fut  aussi  employé  au  if  siècle  mais  plus  fréquem- 
ment au  III-  *. 

La  lecture  de  l'inscription  n'offre  maintenant  aucune  dif- 

^'"'^^^  '         OEAI 

AOEOAI 

mais  l'interprétation  en  est  malaisée.  Comme  elle  ne  pré- 
sente que  des  voyelles,  j'avais  tenté  d'abord  de  compléter 
par  des  consonnes  et  ne  suis  arrivé  pour  la  première  ligne 


^   Gagnât,   Cours  iVcpigraphic  lalinC;   p.   7   à  9. 
^  Ib.,  p.    19. 
•''  Ib.,  p.    14. 


AUTEL    i\lA(;Toii:    DK    ROGNAC  33 

qu'à  Occani'^'.  Puis,  j'ai  cherché  vainement  dans  l'ononias- 
lique  ceUo-Hgure  diverses  combinaisons.  Enfin  M.  Jullian 
me  suggéra  que  c'étaient  peut-être  là  les  sons  magic[ues 
OEA  lAEO 

lAO  ou  à  rebours  lAOEOA 

EOA 

Or,  j'ai  remarcjué  que  Tao  se  ht  une  fois  dans  le  bon  sens 
et  une  seconde  fois  à  débours  et  lao  est  la  graphie  ancienne 
de  l'hébreu  Jeovah  ou  lahvé,  contracté  plus  tard  en  Tahou 
et  lah  ^  qui  signifie  Dieu  comme  Eloim  et  Sabaoth, 

lao  =  lAW  figure  notamment  sur  un  ahraxas  trouvé  à 
Carthage  par  le  P.  Delattre  et  aussi  sur  une  tablette  magic^ue 
de  Reims  ^ 

lah  pour  lao  et  Euoa  pour  Eoa,  sons  qui  figurent  sur 
l'autel  de  Rognac,  ont  été  aussi  notés  sur  des  monuments 
magiques  de  Pergame  ^ 

D'autre  part,  les  papyrus  magiques  coptes  présentent 
ime  longue  formule  Adonai,  Eloë,  Eloi  (pour  Eloïm)... 
Yao,  Yao,  Yao,  Yao,  Sabaoth  '"...  qui  n'est  pas  sans 
parenté  de  sons  avec  ceux  de  notre  inscription. 

Ces  constatations  faites,  je  les  exposais  à  la  haule  compé- 
tence de  M.  Eranz  Cumonl,  (lui  ^•()ulul  bien  me  répondre: 
((  Je  crois  que  vous  avez  raison  de  ranger  ce  petit  monu- 
ment parmi  ceux  où  la  magie  opère  à  l'aide  des  lettres  de 
l'alphabet  et  en  particulier  des  voyelles.  Il  est  curieux  que 

«   Oceanus,   divinté  (cf.    AudoUcnt,   Dcfixionum   tabcUcc,  p.    396  et 

397-  .  c     ^    t. 

■   Renan,  Histoire  do  peuple  d'Israël,  t.   I,  p.  82  a  hj. 

8  Bulletin  des  Antiquaires  de  France  1906,  p.  372  et  1907,  p.  216. 

«  R.  Vunsch,  Antikes  Zanbergeral  ans  Pergamon,  p.   13,  ligne  52. 

'"  Fr.   Lexa,  La  magie  dans  V Egypte  anliqite,   1925,  t.    Il,  p.    172, 

A.    .7. 

« 

3 


34  H.   DE  GERIN-RICARD  ET  V.   CHANFREAU 

iKHis  ne  Irouvions  ici  que  quatre  voyelles  au  lieu  de  cinq, 
le  \'  ou  U  ayant  été,  semble-t-il,  considéré  comme  une 
consonne. 

((  Je  n'ai  malheureusement  pas  ici  [à  Paris]  à  ma  dispo- 
sition mes  livres  sur  la  magie  antique  qui  sont  restés  à 
Rome,  mais  je  me  permets  de  vous  renvoyer  à  celui  de 
Dornseiff,  Das  Alphabet  in  Mystik  und  Magie  ^^.  Vous 
trouverez  réunis  dans  ce  petit  volume  toutes  les  inscriptions 
antiques  où  les  lettres  sont  employées  avec  une  valeur  magi- 
que. Vous  avez  certainement  raison  de  lire  le  nom  d'Iao, 
écrit  deux  fois  dont  une  à  rebours.  Ce  nom  apparaît  très 
fréquemment  dans  les  textes  magiques  ». 

Enfin,  à  propos  de  lao,  M.  Adrien  Blanchet  nous  apprend 
fju'il  constitue  un  génie  à  aspect  souvent  anguipède,  que 
Ton  trouve  gravé  sur  cfe  nombreuses  pierres  gnostîques  ou 
magiques'".  Le  même  auteur  signale  dans  son  travail  une 
intaille  sur  serpentine  tigrée  portant  TAîT-Oet  plus  bas 
EAÎ  (à  rebours). 

Comme  on  le  voit,  Paulel  magicjue  de  Rognac  est  loin 
d'être  un  monimient  isolé;  il  n'en  est  pas  moins  le  premier 
fourni  par  la  région  provençale  et  à  ce  titre  il  méritait  d'at- 
tirer notre  attention. 

Nous  avons  fait  don  de  cet  autel  au  Musée  Borélv. 

11  reste  maintenant  à  donner  quelque  explications  sur  le 
milieu  (détail  important  et  souvent  négligé)  où  a  été  trouvé 
le  petit  autel. 

Dans  notre  note  de  1926,  nous  avons  indiqué  que  sa 
découverte  avait  été  faite  au  quartier  de  Canourgue,  petit 
plateau  dominant  l'étang  de  Berre  où  se  trouvent  —  à 
300  mètres  environ  à  l'O.  de  la  fontaine  communale  —  les 

"    Leipzig,    'J'eubner,    1926,    2*  édition. 

'^  Vénus  et  Mars  sur  des  intailles  magiques,  dans  Comptes  rendus 
de  l'Acad.  des  Inscrip.  et  B. -Lettres,    1922.  p.  226  et  227. 


AUTEL    MAGIOIE    DE    KOGNAC  35 

ruines  d'une  habitation  agricole  romaine,  d'où  la  \ue  est 
très  agréable  sur  l'étang  et  ses  bords. 

Là  existe  à  droite  et  tout  près  de  la  partie  de  la  route 
de  Marseille  à  Salon  qui  porte  le  nom  de  Montée  des 
Pins,  une  carrière  de  pierre  ouverte  il  v  a  cin(|  ans  rt  dont 
l'exploitation  a  été  le  point  de  départ  des  découvertes. 

Piscines.  —  Xos  fouilles  commencées  en  juin  1927,  ont 
porté  d'abord  sur  des  murs  de  substructions  qui  se  sont 
trouvés  être  ceux  d'une  piscine  à  deux  comj:)arlimenis  ''\ 

Chaque  compartiment  mesurait  3'"6o  de  longueur  et 
2™6o  de  largeur,  et  devait  avoir  i'"5o  de  hauteur.  Les  murs 
latéraux,  au  nombre  de  trois  seulement  (le  quatrième  (  ôté 
étant  adossé  a  la  roche)  ont  0,70  d'épaisseur,  autant  de 
hauteur  et  son  crépis  à  l'intérieiu'  d'un  double  enduit  de 
5  centimètres,  au  total  ;  la  maçonnerie  est  en  petits  élé- 
ments bien  appareillés  de  0,15  à  0,20  sur  0,10  à  o,\2  et 
avaient  été  pris  sur  p\^\cc.  Le  côté  entaillé  dans  la  roche 
avait  encore  i"'40  de  hauteur  et  portait  sur  toute  sa  suriace 
un  enduit  à  la  chaux  grasse  de  5  à  S  cent,  d'épaisseur.  Le 
mur  de  refend,  dirigé  du  N.  au  vS.  n'avait  que  0,60  d'épais- 
seur et  était  percé  de  deux  ouvertures  de  rt,55  de  largeur. 
Le  fond  de  la  piscine  établi  sur  un  banc  de  safre,  étaU 
enduit  d'une  couche  de  béton  de  0,12,  siu'  le(|uel  se  trou- 
vait encore  une  couche  de  vase  desséchée  de  0,10  déposée 
par  les  eaux. 

Le  déblaiement  complet  des  deux  comi)ariiments  a  per- 
mis de  recueillir  les  objets  suivants:  comjîarliment  i.  — 
Dans  les  décombres,  la  première  partie  de  l'autel  magif|ue 
et,  au  fond,  une  baguette  en  plomb  de  170x20x6  millimè- 
tres pesant  2t,2  gr.  Compartiment  2.  —  Au-dessus  et  tou- 
jours dans  les  décombres  des  murs,  la  deuxième  partie  de 

>«  Ces  petites  piscines  ont  Ijcaucoiip  d'analogies  avec  celles  mises 
au  jour  devant  les  bains  Sextius  d'Aix,  il  y  a  cinq  ou  six  ans. 


^6  II.  DE  GÉRIX-RICARl)  ET  P.   CHANFREAU 

rauli'I  inai^iquc  ;  nii  fond,  dans  la  couche  de  vase,  frag- 
ments d'amphores  et  la  moitié  d'une  meule  en  basalte,  les 
débris  d'un  flacon  de  verre  carré  et  à  fond  plat  aVec  gou- 
lot plat  à  large  rebord  (diam.  5  cent.);  fragments  appar- 
tenant à  trois  ou  cjuatre  vases  dits  samiens  mais  de  fabri- 
cation locale  imitant  la  céramique  de  Lezoux.  Ces  frag- 
ments, à  englobe  rouge  vif,  appartiennent  à  une  jolie  coupe 
à  pied  avec  décors  en  relief  et  à  deux  autres  vases  unis  dont 
un  porte  au  fond  et  dans  un  cercle  l'empreinte  illisible  d'un 
cachet  de  potier  gallo-romain.  La  présence  de  cette  céra- 
mique à  Canourgue,  nous  permet  de  dater  ses  ruines  à  un 
siècle  près,  c'est-à-dire  entre  la  moitié  du  11^  siècle,  épo- 
que à  laquelle  sa  fabrication  commença  en  Gaule  et,  au  plus 
tard,  le  milieu  du  iir  siècle,  où  son  usage  disparaît  totale- 
ment. Le  gisement  a  même  fourni  une  céramique  d'Arrezzo 
ou  similaire  qui  pourrait  être  de  la  deuxième  moitié  du 
i*""  siècle  de  notre  ère. 

Associé  à  cette  poterie,  le  compartiment  n°  2  contenait 
aussi  des  portions  de  vases  roses  ou  gris,  ornés  ou  non 
d'une  bande  peinte  en  noir,  sans  engobe  se  rapportant 
notamment  à  des  écuelles  à  pied  rétréci,  d'un  diamètre  total 
de  20  centimètres. 

llahitation.  -  -  En  juillet,  les  travaux  furent  poursuivis 
dans  les  ruines  de  l'habitation  par  le  déblaiement  d'un 
quadrilatère  adossé  au  côté  S.  de  la  citerne,  bétonné  et 
mesurant  12  m.  sur  10  m.  Contre  la  piscine  existaient  trois 
petits  compartiments,  parallèles  de  2  m.  sur  0,80  et  0,60  de 
profondeur  séparés  par  des  murs  en  petit  appareil  de  0,20 
d'épaisseur.  Des  fragments  de  revêtement  en  marbre  gris 
trouvés  à  l'intérieur  et  les  dimensions  de  ces  compartiments 
placés  à  0,60  en  contre-bas  du  sol  bétonné,  font  penser  à 
des  baignoires.   Le  carrier  Chaillan,    de  Velaux,   a   trouvé 


AUTEL    MAcil^LE    DE    ROGNAC  37 

dans  l'une,  une  lampe  lmi  leiie.  Les  Uavaux  de  la  carrière 
ont  maintenant  détruit  ces  baignoires  et  leurs  abords. 

Plus  au  S.  se  trouvait  un  puits  antique,  aujourd'hui 
comblé.  A  21)  m.  à  VO.  de  hi  piscine,  il  a  été  reconnu  un 
massif  de  mavonnerie  de  5  m.  sur  3  m.  et  de  i  m.  d'éléva- 
tion (fouloic  à  raisin),  accompagné  au  N.  d'une  cuve 
vinaire  de  im.  8ox  im.  60  creusée  dans  le  sol.  Sur  le  côté  S. 
du  fouloir  existait  une  pièce  de  3m.  de  côté  aux  murs  bien 
appareillés  et  reliée  à  6m.  au  S.  à  un  troisième  groupe  de 
constructions,  comprenant  trois  salles  alignées  perpendi- 
culairement à  un  mur  maître  de  plus  de  15  m.  de  long  et  de 
0,70  d'épaisseur,  direction  E.-O.  Ce  mur  présentait  deux 
portes  munies,  de  seuils  monolithes  de  près  de  2  m.  de 
longueur  avec  très  larges  feuillures  pour  le  battant  ".  La 
première  salle  mesure  7  m.  40x4  m.  ;  la  seconde  7  m. x 7,40 
et  la  troisième  6,30x5.  Auprès  de  la  porte  de  cette  dernière, 
qui  s'ouvrait  au  N.,  deux  squelettes  humains  furent  trouvés 
en  octobre  à  0,45  sous  les  décombres. 

Le  sol  de  toutes  ces  pièces  était  recouvert  d'une  couche 
de  tuiles  plates  brisées  par  l'effondrement  de  la  toiture. 

Entre  les  trois  groupes  de  constructions  dont  l'ensemble 
occupe  30  m.  sur  34  m.,  M.  Chanfreau  a  recueilli  la  partie 
droite  d'un  cadran  solaire  en  pierre  de  Calissane,  sembla- 
ble à  ceux  trouvés  en  grand  nombre  à  Pompeï. 

Dans  le  sol  et  un  peu  partout,  on  rencontre  beaucoup  de 
coquilles  de  moules,  de  cerythes,  de  cardium  et  de  peignes. 
A  mesure  que  la  carrière  avancera,  on  relèvera  d'autres 
constructions  puisque  les  vestiges  de  la  villa  occupent  envi- 
ron 1  hectare  de  surface.  Un  plan  sera  tenu  à  jour. 

H.  DE  GÉRIN-RiCARD  et  P.  Chanfreau. 


"  Ces  seuils  ont  etc  récemment  tran:^port('s  l'un  ;i  Kopnar  (Jardin 
Chranfreau),    l'autre  à  Velaux. 


lie  /Vlopaçtère  de§  GbartreUi^ 
de  /^ar§eille 

TROISIÈME      PARTIE 


Situation  de  la  Chartreuse   en  1790 

Lorsque  en  1924  je  terminais  la  seconde  étude  de  ce 
monastère  ',  je  prévoyais  une  suite  qui  serait  amenée  par  la 
découverte  de  nouveaux  documents.  En  effet,  je  n'avais  pu 
retrouver  que  quelques  indications  très  incomplètes  concer- 
nant la  liquidation  des  biens  des  Chartreux  en  1790.  Depuis 
j'ai  eu  communication  d'un  dossier  assez  important,  re- 
trouvé aux  Archives  Communales  de  la  ville.  Ce  sont  ces 
documents  qui  vont  faire  l'objet  de  cette  troisième  étude  ^. 

Etat-civil  et  actes  de  profession  des  Chartreux 

Voyons  d'abord  quel  était  le  vrai  point  de  départ  de  tous 
les  décrets  de  la  Constituante  contre  les  Ordres  religieux. 
Peut-être  faut-il  le  trouver  en  1766  sous  Louis  XV,  qui 
voulut  procéder  lui-même  à  la  réforme  des  Ordres  religieux 
par  une  Commission  à  laquelle  toutes  les  congrégations 
seront  soumises.  Celle-ci,  au  lieu  de  réprimer  les  abus,  les 
multiplia,  sema  des  troubles  dans  les  monastères  et  en  pré- 
cipita la  décadence.  Le  Parlement  de  Paris  réclama  le 
10  février  1784,  la  suppression  de  cette  Commission.  Puis 

1  Provincia,  t.  III,  année  1923,  pp.  75-115-138-141. 

»  t.  IV,  année  1924,  pp.   12-28. 

^  Arch.   ]\Iunic.  Série  GG.  Ordres  religieux:  Les  Chartrevix. 


LE  MONASTERE  DES   CHARTREUX   DE   .MARSEILLE 


39 


les  décrets  se  succédèrenl  rapidement,  en  voici  un  résumé 
pour  mémoire  : 

1789  20  Août  Création  du  comité  ecclésiastique. 

4  Novembre  Décret  de  l'Assemblée  constituante  qui 
met  les  biens  ecclésiastiques  à  la  dis- 
"position  de  la  nation. 
7   Novembre  Hiens  mis  sous  la  surveillance  des  auto- 
rités locales. 
26  Novembre  Déclaration    par     tous    les    bénéliciers 
et  Supérieurs  des  Maisons  ecclésiasti- 
ques des  biens  mobiliers  et  immobi- 
liers dépcndani   dt'  leurs  bénétices  ou 
établissements. 
17  Décembre  Commencement  des  Ncnles 
1790     4  Février         Premier  serment  de  fidélité  à  la  Const'. 
tution. 

13  Février         Suppression  des  viil'ux  monastiques  par 

l'Assemblée  Nationale.  Delacoste 
demande  inutilement  la  conservation 
des  Ordres  savants  et  austères  comme 
les  Trappistes  et  les  Chartreux,  qui 
n'avaient  point  participé  à  la  déca- 
dence générale. 
20  Février  Pension  de  700  à  1200  livres  pour  les 
religieux  suivant  leur  âge,  et  de  3  à 
400  livres  pour  les  frères  convers. 

14  Avril  Décret    qui    enlève    complètement  au 

clergé     l'administration      des     liiens 
ecclésiastiques. 
T2  Juillet  Constitution  civile  du  clergé. 

j-Qi  Refus  du  sermeni   el   jjersécution. 


40  MARC    DUBOIS 

i~y2     0  A\ril  L'Assemblée  Législative  supprime  les 

corporations  religieuses  et  défend  de 
porter  le  costume  ecclésiastique. 
27  ^Lù  Décret  de  déportation  contre  les  prêtres 

non  assermentés. 
15  Août  L'Assemblée     Législative    prescrit    le 

serment  Liberté-Egalité. 
18  Août  Loi  supprimant  définitivement  les  con- 

grégations et  communautés. 

Conformément  à  la  loi  qui  obligeait  les  religieux  à  don- 
ner les  noms,  l 'état-civil  et  les  actes  de  profession  de  tous 
ceux  qui  habitaient  alors  les  communautés  religeuses,  l'on 
dressa  l'acte  suivant: 

Etat  des  religieux  de  la  Chartreuse  de  Marseille  située  sur 
le  territoire  de  la  dite  ville,  quartier  de  St-Just  auquel  nous, 
Jean-Gabriel  Alerle  et  Jean-François  Lieutaud,  officiers 
municipaux  du  dit  Marseille  avons  procédé,  écrivant  Char- 
les-Léopold  Spigne,  sous  le  serment  par  lui  préalablement 
prêté  et  conformément  à  l'article  5  rendu  par  Nosseigneurs 
de  l'Assemblée  Nationale  le  27  février,  19  et  20  mars  der- 
nier, revêtu  des  lettres-patentes  du  Roi  données  à  Paris  le 
26  du  dit  mois  de  mars. 

—  Dom  Etienne  Lanfant,  né  à  Lyon,  âgé  de  73  ans,  pro- 
fes  de  la  Chartreuse  de  Villeneuve-les-Avignon,  Prieur  de 
celle  de  Marseille. 

—  Dom  Martial  Louvet,  né  le  7  mars  1722  à  xA.vignon, 
âgé  de  63  ans,  prof  es  de  Villeneuve,  du  8  décembre  i744> 
coadjuteur  de  celle  de  Marseille. 

—  Dom  Pierre  Richelme,  né  à  Aubagne,  le  26  juin  1740, 
âgé  de  50  ans,  profes  de  Villeneuve  le  22  juillet  1759,  pro- 
cureur de  celle  de  Marseille. 


LE   MONASTÈRE   DES   CHARTREUX   DE   MARSEILLE  41 

—  Doni  Anloinc  l'ournier,  né  à  Marseille  le  8  juillet 
1737,  âgé  de  63  ans,  profes  de  X'illeneuve  le  6  octobre  1759, 
Vicaire  à  celle  de  Marseille. 

Dom  Laurent  Martin,  né  a  Si-Trope/,  le  10  septem- 
bre 17 10,  âgé  de  80  ans,  profes  de  Villeneuve,  le  8  décembre 
1736,  ancien  et  conventuel  de  celle  de  Marseille. 

—  Dom  Léon-Honoré  d'Azan,  né  à  Aix-en-Provence,  le 
6  février  1722,  profes  de  Villeneuve,  le  8  décembre  1736, 
ancien  et  conventuel  de  celle  de  Marseille. 

—  Dom  Pierre  L'gla,  né  à  Montpellier,  le  13  janvier 
^73^,  âgé  de  60  ans,  profes  de  Villeneuve  le  S  décembre 
1749,   conventuel  de  Marseille. 

—  Dom  Etienne  Michel,  né  à  Limoges,  le  28  février  1733, 
profes  de  \^illeneuve,  le  25  novembre  1755,  conventuel  de 
celle  de  Marseille. 

—  Dom  Antoine  Garnier,  né  à  \'ernoux  (Vivarais),  le 
22  février  1735,  âgé  de  55  ans,  profes  de  X'illeneuve,  le 
6  octobre  1755,  conventuel  de  celle  de  Marseille.  —  L'acte 
porte  la  mention  suivante:  <(  Je  déclare  vouloir  profiter  de  la 
((  liberté  que  l'Assemblée  Nationale  me  donne  de  sortir  de 
((  mon  Ordre.  A  Marseille,  le  26  octobre  1790,  Antoine  Gar- 
ce nier,  Chartreux  ». 

—  Dom  Augustin  Dupont,  né  au  Puy,  le  29  août  1735, 
âgé  de  55  ans,  profes  de  Villeneuve,  le  6  octobre  1755,  con- 
ventuel de  celle  de  Marseille.  —  L'acte  porte  la  mention 
suivante:  <(  Je  déclare  vouloir  profiter  de  la  liberté  que 
«  l'Assemblée  Nationale  me  donne  de  sortir  de  mon  Ordre. 
((  Marseille,  le  26  octobre  1790.  Signé:  Augustin  Dupont. 
((  Chartreux  ». 

—  Dom  Joseph  Martinet,  né  à  Arvillard  (Tarn-et-Garon- 
ne),  le  23  décembre  1750,  âgé  de  39  ans,  profes  de  Ville- 
neuve, le  27  décembre  1771,  conventuel  de  celle  de  Marseille. 


42  iMARC   DUBOIS 

—  Doni     Ignace    Chabalier,    né    au     Puy-en-Velay,     le 

24  mars  1753,  âgé  de  37  ans,  profes  de  Villeneuve,  le  8  sep- 
fembie  1774,  sacristain  de  celle  de  Marseille.  —  L'acte 
porte  la  mention  suivante:  «  Je  désire  de  continuer  la  vie 
((  commune.  Ignace  Chabalier,  sacristain  ». 

- —  Frère  Bruno  Bernât,  né  le  25  juillet  à  Valverson-de- 
Rouergue,  âgé  de  64  ans,  profes  de  Bonpas  (Vaucluse),  le 

25  mars  1767,  conventudcie  celle  de  Marseille. 

- —  Frère  Augustin  Joubert,  né  le  9  février  1741  à  Mont- 
maurin  (Hautes-Alpes),  âgé  de  50  ans,  conventuel  de  celle 
de  Marseille. 

Après  avoir  procédé  à  l'état  ci-dessus,  nous  avons  déclaré 
à  tous  les  religieux  susnommés  que  nous  sommes  prêts  à 
recevoir  la  déclaration  de  ceux  qui  voudraient  s'expliquer 
sur  leur  intention  de  sortir  des  Maisons  de  leur  Ordre  ou 
d'y  rester,  au  moyen  de  quoi,  ceux  qui  voudi^ont  s'expliquer 
peuvent  nous  faire  leur  déclaration  en  conformité  de  l'ar- 
ticle 5  du  décret  de  Nos  seigneurs  de  l'Assemblée  Nationale 
des  20  février,  19  et  20  mars  dernier,  sur  quoi  tous  les  reli- 
gieux susnommés  nous  ont  déclaré  vouloir  rester  dans  les 
Maisons  de  leur  Ordre  et  ont  signé  avec  nous  et  le  sieur 
Spigne.  Suivent  les  signatures  de  tous  les  moines  et  des 
deux  othciers  municipaux. 

—  Et  de  suite,  Dom  Prieur  a  déclaré  qu'il  v  a  encore 
dans  la  Chartreuse  deux  anciens  domestiques,  savoir: 

—  Jean-Joseph  Laforgue,  natif  de  Villefranche-de-Rouer- 
gue,  diocèse  de  Rodez,  âgé  de  70  ans,  qui  a  esté  dans 
cette  maison  en  la  qualité  de  cuisinier  depuis  plus  de  qua- 
rante ans,  lequel  avant  été  appelé  par  Dom  Prieur  nous  a 
représenté  l'extrait  de  son  acte  de  baptême  justifiant  qu'il 
est  né  le  29  mai  1720. 


LE  MONASTÈRE  DES   CHARTREUX   DE   MARSEILLE  43 

—  Jean-Joseph  Feraudy,  natif  de  Riguan,  diocèse  de 
Glandevès,  âgé  de  70  ans,  qui  est  dans  la  maison  en  qua- 
lité de  domestique  depuis  2^^  ans,  lequel  ayant  été  appelé 
par  Oom  Supérieur,  nous  a  représenté  l'extrait  de  son  acte 
de  baptême  justifiant  qu'il  est  né  le  11  décembre  1720.  Et 
à  mon  dit  Prieur  signé  avec  nous:  Spigne,  Jean  et  Joseph 
Laforgue,  Jean-Joseph  Féraudy  ayant  déclaré  ne  pas  savoir 
écrire. 

Et  de  suite,  nous  officiers  municipaux  avons  visité  la  Mai- 
son des  R.P.  Cliarlreux  pour  vérifier  le  nombre  des  sujets 
qu'elle  pourrait  contenir  et  avons  reconnu  qu'elle  pourrait 
contenir  50  sujets  et  ainsi  que  dessus  nous  avons  procédé 
dans  la  ^Maison  des  R.  P.  Chartreux  de  Marseille,  sise  au 
territoire  de  la  dite  ville,  quartier  de  la  Magdeleine,  et  avons 
signé  avec  :  Spigne,  greffier  subrogé  Ci.  Merle,  olï.  munie. 

Cet  acte  est  accompagné  de  tous  les  extraits  de  baptême 
des  religieux  ainsi  que  leur  profession  h  la  Ch.'irlreuse  et 
toutes  les  pièces  légalisées. 

Dom  Joseph  Martinet 

Dans  une  de  mes  précédentes  études  '.  j'ai  esquissé  rapi- 
dement la  vie  de  D.  Joseph  Martinet,  dernier  chartreux  du 
couvent  de  Marseille,  qui  put  se  cacher  et  continuer  l'exer- 
cice du  culte  dans  la  ville  et  se  soustraire  à  toutes  les  recher- 
ches de  la  police  révolutionnaire.  Nous  croyons  qu'il  est 
intéressant  de  publier  ici  l'extrait  de  son  acte  de  baptême 
et  celui  de  sa  profession  de  Chartreux,  tels  fju'ils  sont  con- 
servés dans  les  Archives  municipales. 

((  L'an  de  grâce  mil  sept  cent  cinquante  et  le  vingt-trois  du 
mois  de  décembre,  je  soussigné,  prêtre  et  curé  de  l'église 

»  Porvincia,  t.   III,  p.  24,  année   1923. 


44  MARC   DUBOIS 

paroissiale  de  Sl-Pierie  d'.Vrvillard,  ay  baptisé  un  garçon 
né  le  vingtième  du  même  mois,  de  Arnaud  Joseph  Marti- 
net, avocat  en  Parlement  et  de  demoiselle  Marie  de  peau- 
(juesni^,  mariés,  auquel  i»n  a  donné  les  noms  de  Marie, 
Gervais,  Tiiomas.  Le  parain  a  été  M^  Gervais  de  Saintema- 
rie,  advocat  en  Parlement,  habitant  de  la  présente  paroisse, 
et  la  marraine,  demoiselle  Marie  de  Beauquesne,  épouse  de 
noble  Jean  Marcel  de  Finet  de  Lisac,  habitants  de  la  pa- 
roisse de  St-Michel,  au  diocèse  de  Lectoure.  En  présence  du 
dit  Père,  de  M^  Charles  de  Beauquesne,  advocat  en  Parle- 
ment et  suBdélégué  de  Mr  l'Intendant  et  autres  qui  ont 
signé  avec  le  parrain,  la  marraine  et  moi.  Martinet  père, 
Saintemarie  parrain,  du  Beauquesne  de  Lisac,  Marraine, 
Beauquesne,  Marmont  de  Beauquesne,  Bruneau,  Desfour- 
nial,  curé,  ainsi  signé  à  l'original. 

Nous  prêtre  et  curé  de  l'église  paroissiale  de  St-Pierre  de 
la  ville  d'i\rvillard  du  diocèse  de  Condom,  certifions  avoir 
tiré  l'extrait  cy-dessus  des  registres  de  la  présente  paroisse, 
mot  à  mot  et  sans  y  ajouter  ny  diminuer  en  foy  de  quoi, 
nous  sommes  signés  à  Arvillard  le  vingt  cinq  janvier  1770. 
Desfounial,  curé. 

Alexandre  d'Auterroches  par  la  grâce  de  Dieu  et  l'Au- 
torité du  Saint-Siège  Apostolique,  évêque  et  seigneur  de 
Condom,  conseiller  du  Roy  en  tous  ses  conseils,  etc..  Nous 
certifions  (jue  la  signature  ci-dessus  est  véritable  et  que  foy 
peut  et  doit  être  ajoutée  hors  et  en  jugement.  Donné  à 
Condom  sous  le  seing  de  notre  vicaire  général  le  17  février 
1790.  Deguilhe,  arch.  vie.  gén.  Par  Mgr,  Jaubert,  sec.  ». 

—  Extrait  du  registre  des  Vt^Iures  et  Professions  de  la 
Chartreuse  de  Villeneuve-les-Avignon  : 

«  Le  vingt  septième  décembre  mil  sep|  cent  soixante  et 
onze.  Dom  Joseph  Martinet,  appelé  dans  le  siècle  Marie, 


LE   MONASTÈRE   DES   CH AIMRKl'X   DE   MARSEILLE  45 

Gervais,  Thomas,  né  à  Arvillard  le  23  décembre  mil  sepi 
cent  cinquante,  d'Arnaud  Joseph  Martinet  et  d'HHsabeth  de 
Beauquesne  a  fait  sa  profession  solennelle  après  une  année 
de  noviciat,  en  présence  du  très  Vénérable  père  Dom 
Prieuj-,  de  toute  la  Communauté,  de  Messire  Pierre  Michel 
Prat,  chanoine  et  capiscol  de  l'église  collégiale  de  Notre- 
Dame,  et  de  Messire  Jean-Baptiste  Beaupré,  chanoine  de  la 
dite  ég'lise,  pris  pour  témoins  de  la  dite  profession.  En  fov 
de  quoy  le  dit  Joseph  Martinet  a  signé  avec  les  dits  té- 
moins à  Villeneuve,  les  joiu'  et  an  que  dessus,  fr,  Joseph 
Martinet,  fr.  Emmanuel  Jauna,  prieur,  Prat,  capiscol  et  offi- 
ciai. Beaupré,  chanoine,  ainsi  signé  à  l'original. 

Je  soussigné,  Prieur  de  la  Chartreuse  de  Villeneuve-les- 
Avignon  certifie  l'extrait  cy-dessus  conforme  à  son  original 
en  mon  pouvoir  au  dit  Villeneuve,  le  30  septembre  1790, 
fr.  Joseph  Camaret,  prieur  susdit. 

Antoine  Chabret,  avocat  en  Parlement,  maire  de  la  ville 
de  Villeneuve-les-Avignon,  certifions  et  attestons  à  tous 
qu'il  appartiendra  que  le  R.  P.  Joseph  Camaret,  qui  a 
expédié  et  signé  les  extraits  cy-dessus,  est  prieur  de  la 
Chartreuse  de  cette  ville,  tel  qu'il  se  qualifie  aux  sceing 
et  écriture  duquel  fov  doit  être  ajoutée  en  témoin  de  quoy 
nous  avons  signé  les  ])rés('n(es  au.\(|uell('s  nous  avons  faii 
apposer  le  sceau  et  armes  de  la  ville.  Donné  à  X'illeneuve 
le  4  octobre  1790,  Signé  Chabret,  maire,  par.  Mr  le  maire 
illisible,  greffier.  Sceau  en  cire  rouge  de  la  municipalité  ». 

* 
*  * 

Les  Docuwenls  qui  sui\ent  rédigés  en  verlu  di'S  décrets 
de  l'Assemblée  Nationale  des  20  février,  19  et  20  mars  17S9, 
par  les  officiers  municpaux  de  la  ville,  nous  donnent  l'état 
précis  des  diverses  propriétés  et  revenus  dont  pouvait  dis- 


46  MARC    DUBOIS 

poser  la  Chartreuse  soit  pour  s'entretenir,  soit  pour  satis- 
faire à  ses  nombreuses  œuvres  de  bienfaisance  ou  de  cha- 
rité. Les  propriétés  de  ce  monastère  formant  24  articles  mon- 
tent à  la  somme  de  17872  livres,  19  sols  et  les  Directes  en 
60  articles  montent  à  la  somme  de  17  livres,  19  sols,  3  1/2 
deniers. 

«  L'an  mil  sept  cent  quatre  vingt  dix  et  aujourd'hui  vingt 
neuvième  avril,  à  dix  heures  du  matin,  nous,  Jean-Gabriel 
Alerle  et  Jean-François  Lieutaud,  officiers  municipaux  de 
la  ville  de  Marseille,  en  exécution  du  décret  rendu  par  nos 
seigneurs  de  l'Assemblée  Nationale  le  vingt  février,  dix 
neuf  et  vingt  mars  dernier,  revêtu  des  lettres  patentes  du 
roi,  données  à  Paris  le  vingt  six  du  dit  mois  de  mars  der- 
nier, nous  nous  sommes  rendus  en  compagnie  du  sieur 
Chai-les-Léopold  Spigne,  greffier  subrogé  auc|uel  nous 
a\()ns  fait  prêter  serment  de  bien  et  duement  procéder  à  faire 
sa  commission  au  couvent  des  Pères  Chartreux  du  territoire 
"du  dit  ^L'^rseille,  c{uartier  de  St-Just,  ou  arrivés  nous  avons 
IrouA'é  Dom  I^tienne  Lanfant,  prieui'  du  dit  couvent,  Dom 
-Maniai  Louvet,  coadjuteur,  Dom  Pierre  Richelme,  procu- 
reur, auxquels  nous  avons  fait  savoir  l'objet  de  notre  mis- 
sion et  Dom  Prieur  nous  avant  conduits  dans  un  apparte- 
mcn!  dé|iendant  de  sa  cellule,  nous  v  avons  pris  séance  et 
à  l'instanl  sont  survenus  Dom  Arsène  Fournier,  vicaire, 
Dom  Laurent  ALirtin,  ancien,  Dom  Léon  LIonoré  d'Azan, 
Dom  Bruno  L'gla,  Dom  Joseph  Martinet,  Dom  Ignace  Cha- 
balier,  sacristain,  Dom  Etienne  Michel,  Dom  Antoine  Gar- 
nier,  Dom  Auguste  Dupont,  frère  Bruno  Bernât,  frère  Au- 
gustin Joubert  et  nous  avons  fait  lecture  par  le  dit  sieur 
Spigne  à  tous  les  religieux  de  l'article  5  du  décret  précité 
portant  : 

((  ]>es  officiers  municipaux  se  transporteront  dans  la  hui- 
«  taine  de  la  publicité  des  présentes,  dans  toutes  les  maisons 


LE   MONASTERE   DES   CHAKrKKlX   DE   MARSEILLE  47 

((  de  religieux  de  leur  territoire,  s'y  feront  représenter  tous 
((  les  registres  et  comptes  de  régie,  les  arrêteront  et  forme- 
«  ront  un  résultat  des  revenus  et  des  époques  de  leiu" 
«  échéance,  ils  dresseront  sur  papier  libre  et  sans  frais  un 
«  état  et  description  sommaire  de  l'argenterie,  argent  mo- 
((  noyé,  des  effets  de  la  sacristie,  bibliothèque,  livres  manus- 
((  crits,  médailles  et  du  mobilier  le  plus  précieux  de  la  Mai- 
((  son  en  présence  de  tous  les  religieux  à  la  charge  et  garde 
((  desquels  ils  laisseront  les  dits  objets  et  dont  ils  recevront 
((  les  déclarations  sur  l'état  actuel  de  leur  Maison  et  de  leurs 
((  dettes  mobilières  et  immobilières  et  des  litres  qui  les 
((  constatent. 

«  Les  officiers  municipaux  dresseront  aussi  un  état  des 
((  religieux  profes  de  clia(|U('  Maison  et  de  ((Mix  (jui  y  sont 
((  affiliés  avec  leur  nom,  leur  âge  et  les  |)laces  (|u'ils  occu- 
"((  peut,  ils  recevront  la  déclaration  de  ceux  qui  voudront 
((  s'expliquer  sur  leur  intention  de  sortir  des  Maisons  de 
((  leur  Ordre  ou  d'v  rester,  et  y  vérifieront  le  nombre  de 
((   sujets  que  chaque  Maison  poiiriait  contenir  ». 

I{l  de  suite  nous  axons  réitéré  aux  dits  religieux  <|ue 
nous  nous  sommes  rendus  dans  leur  couvent  pour  y  exé- 
cuter dans  ses  divers  chefs  rarlicle  ci-dessus  transcrit  et 
nous  les  avons  re(|uis  vn  conformité  du  jiremier  chet  de 
nous  représenter  tous  les  registres  et  comptes  de  régie  à 
l'effet  de  les  arrêter  et  former  un  résultat  des  revenus  et 
des  épo(|ues  de  leurs  échéances. 

Sur  ([tioi  Oom  I.anfant,  prieur,  notis  a  rei)résenle: 
I"  l'n  registre  relié  en  i^archemin  coté  sur  la  couxcrture 
Livre  Trésor  A,  ayant  27F  pages  d'écriture  contenant  la 
copie  de  divers  actes,  d'achats,  investiture,  vente,  dona- 
tion, quittances,  arrentement,  fondations  et  autres,  obser- 
vant qu'avant  les  dites  271  pages  il  y  a  14  feuillets,  le  pre- 
mier en  blanc  que  nous  avons  batonné,  les  6  suivants  con- 


48  MARC    DUBOIS 

lenani  l<i  table  des  divers  actes  contenus  dans  le  dit 
registre,  à  l'exception  d'une  partie  du  quatorzième  feuillet 
qui  est  en  blanc  et  que  nous  avons  batoné.  Les  8,  9  et 
10®  feuillets  sont  en  blanc  et  nous  les  avons  batonés,  les 
3  feuillets  suivants  et  partie  de  la  27^  page  contiennent  la 
copie  de  deux  actes,  le  restant  de  la  dite  27^  page  est  en 
blanc  ainsi  que  la  28*  et  nous  les  avons  batonés. 

2°  Un  second  registre  relié  en  parchemin,  coté  Livre 
Trésor  B  dont  les  3  premiers  feuillets  sont  en  blanc  et  nous 
les  avons  batonés,  les  21  suivants  sont  écrits  et  contiennent 
copie  des  divers  actes,  lettres,  billets  et  autres  ;  tous  les 
autres  feuillets  du  dit  registre  sont  en  blanc  et  nous  en 
avons   batoné    la   première   page. 

3°  Un  registre  relié  en  parchemin  contenant  182  feuil- 
lets coté  sur  la  couverture  Livre  des  Directes  de  Id  Char- 
treuse en  1735  contenant  les  notes  des  diverses  directes  que 
la  Chartreuse  possède  dans  Marseille  et  dans  son  territoire 
et  de  celles  qui  sont  éteintes,  observant  que  d'intervalle  en 
intervalle  il  y  a  des  feuillets,  des  pages  et  des  parties  de 
pag-es  en  blanc,  tous  lesquels  blancs  nous  avons  batonés. 

4°  Un  autre  Registre  de  Directes  relié  en  peau  contenant 
i()5  feuillets  dont  plusieurs  sont  en  blanc  d'un  intervalle  à 
l'autre,  les  uns  en  totalité,  les  autres  en  partie  et  nous  avons 
batoné  tous  les  dits  blancs. 

5"  Un  registre  relié  en  parcliemin  relié  coté  sur  la  cou- 
verture 1768  Livre  des  Comptes  rendus  de  la  Chartreuse 
de  Marseille  dont  le  premier  feuillet  est  en  blanc,  les  79  sui- 
vants en  écriture  et  les  autres  en  blanc,  nous  avons  batoné 
les  2  pages  du  premier  feuillet  et  la  première  page  du 
81-  feuillet. 

6°  Un  caver  contenant  94  feuillets  couvert  d'une  feuille 
de  papier  blanc  est  Cayer  de  la  Recette  Générale,  les  deux- 
premières  pages  en  blanc,  la  troisième  partie  écrite  et  con- 


LE  MONASTÈRE  DES   CHARTREUX   DE   MARSEILLE  49 

tenant  12  articles  de  recettes  à  compter  tlu  15  mars  17S3, 
la  quatrième  en  blanc,  les  12  suivantes  écrites,  la  dernière 
portant  un  résultat  de  4695  livres,  la  15^  et  i6*'  en  blanc, 
la  17^  écrite,  la  18*  écrite  aux  deux  tiers  finissant  par  un 
article  du  5  octobre  de  135  livres,  les  19'  et  20''  en  blanc,  les 
21%  22*^  et  23^  écrites,  la  24^  ayant  trois  sortes  d'écriture,  et 
portant  un  résultat  de  728  livres,  18  sols;  les  25^  et  26*  écri- 
tes, la  27^  aux  deux  tiers  écrites  avec  un  résultat  de  777  li- 
vres 18  sols,  la  28*  avec  deux  articles  batonés,  la  29*  et 
30°  écrite  avec  un  sommaire  de  1007  livi-es  18  sols,  les  4  pa- 
ges suivantes  en  blanc,  la  35*  écrite,  les  7  suivantes  en 
blanc,  les  43%  44^  et  45*  écrites,  la  46*  aux  deux  tiers  écrite 
finissant  par  un  article  du  2  janvier  1790:  vente  de  choux, 
dix-huit  li\res  suivi  d'un  article  du  dit,  vente  de  choux 
et  céleris  en  blanc,  tout  le  restant  du  dit  cayer  en  blanc 
nous  avons  batoné  toutes  les  pages  et  parties  de  pages  trou- 
vées en  blanc,  ainsi  que  la  47^  formant  la  première  du  res- 
tant du  dit  cayer. 

7°  Un  cayer  couvert  de  papier  bleu  intitulé  Cayer  des 
D'épcnses  Générales,  contenant  94  feuillets,  le  premier  en 
blanc,  les  53  suivants,  les  uns  écrits  en  totalité,  les  autres 
en  partie,  les  autres  en  blanc.  Le  premier  article  est  à  la 
page  3  sous  la  date  du  26  janvier  1783  et  porte  payé  les 
décimes  416  fivres  13  sols  et  6  deniers.  Le  dernier  article 
est  sous  la  date  du  23  janvier  1790  et  porte  2  livres  sucre 
tapé  à  19  sols,  une  livre  chocolat  à  4  sols,  3  livres;  après 
cet  article  est  un  sommaire  de  477  livres  6  deniers.  Nous 
avons  batoné  toutes  les  feuilles,  pages  et  parties  de  pages 
que  nous  avons  trouvées  en  blanc. 

Nous  avons  ensuite  arrêté  chacun  de  ces  registres  et 
livres  sur  la  dernière  page  d'écriture  et  les  ayant  examinés, 
nous  avons  formé  les  résultats  des  revenus  de  la  Chartreuse 
de  Marseille  et  de  leurs  échéances  ainsi  qu'il  suit  : 

4 


50 


MARC   DUBOIS 


1°  La  Chartreuse  de  Marseille  possède  le  domaine  dans  lequel 
sont  enclavés  l'église,  le  cloître  et  les  cellules  des  religieux,  le  dit 
domaine  consistant  en  terre,  vignes,  arbres,  prés  et  jardin^que  les 
religieux  nous  ont  déclaré  être  improductif  année  commune,  déduc- 
tion faite  des  frais  de  culture.  La  somme  de  2050  livres. 

2°  Une  petite  maison  dépendant  du  dit  domaine,  produisant  un 
loyer  annuel  de  16S  livres  payables  la  moitié  à  la  Saint-Michel  et 
l'autre  moitié  à  Pâques. 

3"  L^ne  maison  contiguë  produisant  un  loyer  annuel  de  40  livres 
payables  aux  mêmes  époques. 

4°  Une  maison  contiguë  produisant  un  loyer  annuel  de  4S  livres 
payables  aux  mêmes  époques. 

5°  Une  maison  contiguë  produisant  un  loyer  annuel  de  (8  livres 
payables  aux  mêmes  époques. 

6°  Une  autre  maison  contiguë  produisant  un  même  loyer  de  18  liv. 
payables  aux  mêmes  époques. 

7°  Une  maison  contiguë  produisant  un  loyer  annuel  de  36  livres 
payables  aux  mêmes  époques. 

NOTA.  —  Ces  6  araentements  sont  passés  par  convention  verbale 
attendu  le  peu  de  valeur  des  maisons  qui  sont  très  petites. 

8"  Un  moulin  à  vent  appelé  de  MATALIAN  avec  son  régale  et 
ses  agrès,  situé  au  cjuartier  de  la  Magdeleine. 

9°  Un  moulin  à  eau  situé  au  c^uartier  de  Saint-Just.  Ces  deux 
moulins  sont  arrentés  conjointement  par  acte  du  12  juillet  1786  aux 
écritures  de  ]\P  Sard,  notaire,  dont  l'extrait  nous  a  été  représenté 
et  produisant  un  loyer  annuel  de  iqq  livres,  paj-ables  aux  mêmes 
époques. 

lo'*  L^ne  propriété  dite  MATALIAN  située  au  quartier  de  la  Mag- 
deleine consistant  en  terre,  vignes,  arbres,  bâtiments,  de  la  conte- 
nance d'environ  25  cjuarterées  tenue  à  mégerie  par  François  Mar- 
tin suivant  l'acte  du  29  juillet  1784  aux  écritures  de  ^NF  Sard,  notaire 
dont  l'extrait  nous  a  été  représenté  que  les  religieux  nous  ont  dé- 
claré produire  année  commune  déduction  faite  des  dépenses  : 
480  livres. 

1  1"  Une  propriété  de  terre,  vignes  et  bâtiment  au  quartier  de  Saint- 
Just,  tenue  à  mégerie  par  Joseph  Arnaud,  suivant  l'acte  du  29  juil- 
let 1784  aux  écritures  de  M®  Sard,  notaire,  dont  l'extrait  nous  a  été 
représenté,  la  dite  propriété  de  la  contenance  d'environ  25  quarte- 
rées  produisant  année  commune,  déduction  faite  des  dépenses  : 
600  livres. 

12"  Lin  jardin  en  arrosage  près  HORTOTAILLES,  vignes  et  trois 
bâtiments  de  la  contenance  d'environ  22  quarterées  au  cjuartier  de 
la  IMagdelaine,   affermé  à  Antoine  Caillol  23ar  acte  du  6  novembre 


LE  MONASTÈRE  DES   CTTARTREUX  DE   ISIARSEILLE  5T 

1787  aux  écritures  de  I\P  Sard,  notaire,  dont  l'extrait  nous  a  été 
présenté,  au  prix  de  1500  livres  payables  moitié  à  Pâques  et  moitié  à 
St-Michel. 

13°  Un  petit  jardin  de  la  contenance  d'environ  une  quartcrce  1/2 
au  quartier  de  la  Magdeleine,  affermé  à  Louis  Saccoman  par  acte 
du  2  août  aux  écritures  de  M"  Sard,  notaire,  dont  l'extrait  nous  a 
été  représenté  au  loyer  annuel  de  35  livres  payables  aux  mêmes 
époques. 

14°  Une  propriété  en  vignes,  arbres  et  terrains  non  complantés 
et  bâtiment  et  une  petite  terre  appelée  la  VITRIERE  le  tout  d'en- 
viron iS  quarterées  située  au  quartier  de  Saiht-Just,  tenue  à  mégeric 
par  Jean  Rougier  suivant  l'acte  du  27  juillet  1784  aux  écritures  de 
M^  Sard,  notaire,  dont  l'extrait  nous  a  été  représente  du  produit 
annuel  d'envfron  425  livres. 

15°  Une  propriété  en  vignes,  arbres,  deux  bâtiments  d'cnvirtm 
18  quarterées  au  quartier  Saint-Just,  tenues  à  mégerie  par  Claude 
Jansolen,  suivant  l'acte  du  27  juillet  1784  aux  écritures  de  ^I"  Sard, 
notaire,  dont  l'extrait  nous  a  été  représenté  du  produit  net  et  annuel 
d'environ  690  li\'res. 

16"  Une  propriété  de  terre,  vignes,  jardin,  près,  bâtiment,  moulin 
à  eau,  le  tout  au  dit  quartier  de  Saint-Just.  d'environ  12  quarterées 
affermé  à  Jean-Pierre  Garoute  par  acte  du  5  septembre  1789  aux 
écritures  de  jNP  Sard,  notaire,  dont  l'extrait  nous  a  été  représente 
au  loyer  annuel  de  1300  livres  payables  moitié  à  Pâques  et  moitié 
à  la  Saint-]Michel. 

17°  Une  propriété  de  terre,  vignes,  arbres,  bâtiment  au  quartier 
de  Saint-Jérôme  de  la  contenance  de  tS  quarterées  tenue  à  mégerie 
par  Germain  Vin  suivant  l'acte  du  22  juillet  1784  aux  écritures  de 
^P  Sard,  notaire,  du  produit  net  et  annuel  de  872  livres. 

18"  Trois  maisons  contigues  situées  dans  l'enceinte  de  la  ville  de 
^larseille  derrière  l'ISLE  DU  VIEUX  OPERA  appelées  des  Char- 
treux transversales  dans  la  rue  de  Rome  à  celle  Saint-Ferréol,  pro- 
duisant un  loyer  annuel  de  2100  livres  payables  moitié  à  Pâques  et 
moitié  à  St-Michel  suivant  l'acte  du  2  octobre  t7?52  aux  écritures 
de  M®  Sard,  notaire,  dont  l'extrait  nous  a  été  représenté. 

19"  Une  autre  maison  RUE  DE  LA  -GLACE  produisant  suivant 
le  même  acte  un  loyer  annuel  de  700  livres  payables  aux  mêmes 
époqties. 

20°  Une  boutique  dépendante  d'une  grande  maison  que  la  Char- 
treuse possède  RUE  DE  ROME  produisant  suivant  le  même  acte 
un  loyer  annuel  de  500  livres  payables  aux  mêmes  époques. 

21"  La  dfte  grande  maison,  rue  de  ROME  et  une  petite  maison 
contiguë  produisant  suivant  le  dit  acte  un  loyer  annuel  de  1950  li- 
vres payables  aux  mêmes  époques. 


52  MARC   DUBOIS 

12'^  Une  grande  boutique,  entresols,  petits  magasins,  caves  dépen- 
dantes de  la  dite  maison  produisant  suivant  l'acte  d'arrentement  du 
26  mars  i7<S3  aux  écritures  de  ]NP  Sard^  notaire,  dont  l'extrait  nous 
a  été  représente  un  loyer  annuel  de  1048  livres,  payables  aux  mêmes 
époques. 

IMontant  des  produits  et  loyers  des  immeubles  de  la  Chartreuse 
ci-dessus   détaillés    :    14877   livres   19  sols. 

23°  La  Chartreuse  de  INIarseille  retire  annuellement  de  la  Char- 
treuse de  Villeneuve  une  pension  de  3.000  livres,  savoir:  la  moitié 
à  la  Nativité  de  St  Jean-Baptiste  et  la  moitié  aux  fêtes  de  Noël, 
observant  que  Dom  Lanfant  prieur,  nous  a  déclaré  c^ue  cette  pen- 
sion par  son  acte  constitutif  du  22  janvier  1633  est  de  4.000  livres, 
mais  que  depuis  plusieurs  années  la  Chartreuse  de  Villeneuve  l'a 
réduite  aux  dites  3.000  livres. 

24°  Soixante  articles  de  DIRECTE  suivant  l'acte  ci-joint  que  nous 
avons  dressé  sur  les  livres  terriers  cjui  nous  a  été  représenté  par  Dom 
Prieur  et  que  nous  avons  parafé  en  présence  des  religieux  produi- 
sant les  dits  60  articles  annuellem.ent  la  somme  de  17  livres  19  sols 
3   1/2  deniers. 

25'^  Trois  de  ces  immeubles  étant  possédés  par  la  main  morte  pro- 
duisant tous  les  dix  ans  un  demi  lods  de  quatre  cent  dix  neuf  livres 
cinq  sols  six  deniers  donnant  un  revenu  annuel  de  41  livres  18  sols 
6  deniers. 

Et  ainsi  que  dessus  nous  avons  procédé  et  formé  le  résultat  des 
revenus  de  la  ^Maison  religieuse  des  Pères  Chartreux  de  la  ville  de 
Marseille  et  des  épociues  de  leur  échéance,  s'élevant  les  dits  revenus 
à  la  somme  de  17937  livres,  16  sols,  g  1/2  deniers  et  avons  signe 
avec  tous  les  religieux  et  ]\P  Spigne,  greffier  subrogé,  ayant  ren- 
voyé la  continuation  de  nos  opérations  à  demain  30  de  ce  mois  à 
neuf  heures  du  matin.  Suivent  les  signatures  de  :  Fr.  Etienne  Lan- 
fant, prieur  ;  fr.  Léon  Honoré  d'Azan  ;  fr.  Arsène  Fournier,  vicaire  ; 
fr.  Laurent  ^lartin,  ancien;  fr.  Martial  Louvet.  coadjuteur;  fr.  Au- 
gustin Dupont  ;  fr.  Joseph  Martinet  ;  fr.  Bruno  Ugla  ;  fr.  Etienne 
INIichel  ;  fr.  Antoine  Garnier  ;  fr.  Pierre  Richelme,  procureur  ; 
fr.  Ignace  Chabalier,  sacristain;  fr.  Bruno  Bernard,  convers  ;  fr. 
Auguste  Jouberl,  convers  ;  G.  ]\Ierle,  ofF.  m.unic.  ». 


Relevé  des  Terriers  de  la  Chartreuse 

DIRECTKS    PAYABLES    A    LA    MI-AOUT 
—  Une   directe  sur  une  quarterée   d'une  propriété  située  au  quar- 
tier de  la  Pinède  ou  des  Petites  Crottes  (sivo  très  frayic:)  possédée 
par  Catherine  Rodere,  épouse  de  Claude  Arnuux,  au  cens  annuel  de 
3  sols  9  deniers. 


LE   MONASTERE   DES   CHARÏRKUX   DE   MARSEILLE  53 

—  Une  directe  sur  un  jardin  au  ciuartier  de  St.  Bausillys  ou  la 
.Magdelaine,  de  la  contenance  de  3  quarterées,  possédée  par  Josej)h 
lirunet  au  cens  annuel  de  16  sols. 

— •  Une  directe  sur  5  cjuarterées  dun  jardin  contiguë  possédée  par 
le  dit  Brunet  au  cens  annuel   de  33  sols  9  deniers. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  au  quartier  du  Malepogne  de 
la  contenance  de  5  quarterées  appartenant  à  Claude  Toussaint  Jour- 
dan  au  cens  annuel  de  16  sols. 

—  Une  directe  sur  3/4  de  quarterée  d'une  propriété  au  quartier 
de  St.  Just  possédée  par  Joseph  Bittit  au  cens  annuel  de  4  sol? 
6  deniers. 

—  Une  directe  sur  3  c^uarterées  1/2  et  deux  bfttiments  d'une  pro- 
priété au  C[uartier  de  St.  Just  possédée  par  Jean  Honoré  Rossel  au 
cens  annuel  de  6  sols,  6  deniers. 

—  Une  directte  sur  3  cjuarterées  cent  deux  dextres  d'une  propriété 
au  cjuartier  du  Jarret,  possédée  par  Pierre  André  de  Louvioou  au 
cens  annuel  de  4  sols. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  au  quartier  de  Plombières, 
possédée  par  Anne  Germaine  Gratian  au  cens  annuel  de  6  deniers. 

—  Une  directe  sur  2  c^uarterées  3/4  d'une  propriété  au  quartier 
d'Eygalades  ou  la  Granegue  possédée  par  André  Louis  et  Joseph 
Garelle  fils  et  héritiers  de  Jean  Pierre  au  cens  annuel  de  3  sols 
6  deniers. 

—  Une  directe  sur  3  quarterées  84  dextres  d'une  propriété  au 
quartier  de  Caravele  ou  St.  Louis  possédée  par  le  sieur  Delon  au 
cens  annuel  de  i  denier. 

—  Une  directe  sur  3  quarterées  d'une  propriété  au  quartier  St. 
Just  possédée  par  Dlle  Giraud  Bouffier  au  cens  annuel  de  9  sols. 

—  L'ne  directe  sur  une  quarterée  de  jardin  dépendant  de  4  quar- 
terées 24  dextresj  au  quartier  St.  Bausilly,  sive  la  Magdelaine  pos- 
sédée par  Joseph  Brunet  au  cens  annuel  de  7  sols  6  den. 

—  Une  directe  sur  une  quarterée  2/3  de  jardin  au  quartier  de  St. 
Bausilly  sive  la  Magdelaine  possédée  par  Joseph  Brunet  au  cens 
annuel  de  24  sols, 

—  Une  directe  sur  une  propriété  de  terre  et  bâtiments  de  la  con- 
tenance de  2  quarterées  1/2  au  quartier  de  Montolivet  possédée  par 
M.    de    Varage    au    cens    annuel    de    2    sols. 

—  iJne  directe  sur  3  Cjuarterées  68  dextres  5  pans  compris  le 
bâtiment  au  quartier  de  la  Petite  Crotte  ou  la  Tune  ou  le  Canet. 
possédée  par  :Marguerite  Jaubert  avec  cens  annuel  de  i  sol,  6  deniers. 

—  Une  directe  sur  2  quarterées  1/2  au  quartier  de  St.  Ginies.  An- 
tignane  ou  Gironde,  possédée  par  la  Maison  de  l'Oratoire  au  cens 
annuel  de   10  sols. 


54  MARC    UUBOlS 

—  Une  directe  sur  une  propriété  de  la  contenance  de  4  quar- 
térées  16  dextres  en  terre  et  bâtiment  au  quartier  des  Escaliers  pos- 
sédée par  Dlle  Thérèse  David,  Veuve  de  Je^n  Claude  Founat  et 
épouse  de  Guilliiunu-  Caillol^  cohéritier  du  dit  David  au  cens  annuel 
de  2  sols, 

—  Une  directe  sur  2  quarterées  1/2  au  quartier  de  St.  Loup  ou  la 
Monte  possédée  par  Anne  Catherine  de  St.  Jacques  de  Ferri,  épouse 
de  François  Xavier  Bruno  de  Rians,  au  cens  annuel  de  2  sols. 

—  Une  directe  sur  3  quarterées  d'une  propriété  en  terre  en  bâti- 
ment au  quartier  de  St.  Ginies  ou  Gironde  possédée  par  Louis 
Guillaume  Feraud,  héritier  de  Dlle  Feraud  Vve  Romanet  sa  sœur, 
au  cens  annuel  de  3  sols. 

—  Une  directe  sur  2  quarterées  de  propriété  au  quartier  de  St. 
Ginies  ou  Gironde  possédée  par  le  frère  Pierre  Allard  au  cens  annuel 
de  I  sol  6  deniers. 

—  Une  directe  sur  3  quarterées  de  propriété  au  quartier  de  Ste 
Marthe  ou  au  vallon  de  Bernassot  possédée  par  Jean  André  Rous- 
sel au  cens  annuel  de  i  denier. 

• —  Une  directe  sur  une  propriété  en  terre  et  bâtiment  de  la  conte- 
nance de  2  cjuarterées  au  quartier  de  Caravelle  ou  St.  Louis  possédée 
par  Gaspard  Ferry,  héritier  de  demoiselle  Guinbaud  sa  tante  au 
cens  annuel  de  i  sol  6  deniers. 

■ —  Une  directe  sur  une  propriété  de  terre  et  bâtiment  de  la 
contenance  de  12  quarterées  en  2  parties  au  quartier  des  Rives  de 
la  Gardy  possédée  par  Pierre  Michel  Julien  au  cens  annuel  de  2  sols. 

—  -Une  directe  sur  2  quarterées  au  quartier  de  Pie  de  Boutor  ou 
Belle  de  May  possédée  par  André  Etienne  Aillaud  procureur  avec 
un  cens  annuel  de   i   sol   10  deniers. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  de  la  contenance  de  12  quarte- 
rées 108  dextres  en  terre  et  bâtiment  au  quartier  de  St.  Jérôme  ou 
Bernassot  possédée  par  Marie  Geneviève  Bœuf  veuve  de  François 
Quilhet  héritier  de  Antoine  Bœuf  au  cens  annuel  de  3  sols  9  deniers. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  de  la  contenance  de  2  quarte- 
rées 119  dextres  au  quartier  St.  Jérôme  ou  Malpasset  de  Saules  pos- 
sédée par  sieur  Guillaume  Guien  au  cens  annuel  de  2  sols  6  deniers. 

—  Une  directe  sur  2  quarterées  au  quartier  de  St.  Just  possédée 
par  François  Goujon  au  cens  annuel  de  1  sol  3  deniers. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  en  terre  et  bâtiment  contenant 
4  quarterées  au  quartier  St.  Just  possédée  par  Joseph  Jaubert,  mari 
et  maître  de  la  dot  et  droits  de  demoiselle  Marie  Anne  Lombard, 
fille  de  Claude  Povolenc  au  cens  annuel  de  2  sols  6  deniers. 

• —    Une    directe    sur  2    quarterées    au    quartier    du    revers    de    la 


LE   MONASTÈRE   DES   CHARTREUX    UK   MARSEILLE  55 

Garde    ou    (iinmdc,    possédée    pur    l'iurrt-    l'autun    au    <:ens    annuel 
de  3   deniers. 

—  Une  directe  sur  2  ijuarlerécs  el  2  lieis  au  quartier  ilu  vallua 
de  Lombre  ou  Gironde  possédée  par  Elisabeth  George  veuve  et 
usufruitière  au  cens  annuel  de  i  sol  4  deniers. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  en  terre  et  bâtiment  de  la 
contenance  de  7  quarterces  au  quartier  de  Montolivet  ou  Roque- 
franque  ou  St.  Just,  possédée  par  Antoine  Balthazard  Guien  au  cens 
annuel  de  ;^^  sols. 

—  Une  directe  sur  i  quarterée  1/2  et  8  dextres  au  quartier  de 
Queiran  St.  ïhis  ou  St  Loup  possédée  par  Thérèse  Arnoux  veuve  et 
usufruitière  de  Toussaint  Deidier  au  cens  annuel  de  9  patats  fai- 
sant 13  deniers   1/2. 

—  Une  directe  sur  4  quarterées  au  quartier  de  Monteault  possédée 
par  dame  Marie  Anne  Thérèse  Ferrary  veuve  et  usufruitière  de 
Pierre  Cordin,  au  cens  annuel  de  5  sols  3  deniers. 

—  Une  directe  sur  une  quarterée  111  dextres  et  12  pans  au  quar- 
tier de  Bouquiens,  ou  Gat-mort  possédée  par  Claude  Billion  au  cens 
annuel  de  2  sols  7  patats. 

—  Une  directe  sur  2  quarterées  125  dextres  d'une  propriété  de 
4  quarterées  au  quartier  de  Bouqieres  ou  Gat-Mort  possédée  par 
Claude  BillioUj  le  restant  in  solidum  au  sieur  Roman  au  cens  annuel 
de  2  sols  3  patats  et  i  denier. 

—  Une  directe  sur  5  quarterées  40  dextres  au  quartier  St.  Ginies 
possédée  par   sieur   Rey  au  cens   annuel   de    12    sols. 

—  Une  directe  sur  une  c^uarterée  au  cjuartier  St.  Just  possédée 
par  Jacques  Tassy  fils  et  cohéritier  de  Jean  Tassy  au  cens  annuel 
de  6  deniers. 

— ■  Une  directe  sur  une  propriété  de  terre  de  la  contenance  de 
7  quarterées  au  quartier  St.  Marcel  possédée  par  sieur  Jauflfret  au 
cens   annuel   d'1/2   denier. 

—  Une  directe  sur  un  moulin  à  blé,  un  foulon  et  deux  paroirs 
y  contigus  ensemble  un  jardin  et  pré  y  attenant  de  la  contenance 
de  3  quarterées  au  quartier  de  St.  Marcel  possédée  par  Sieur  Jauf- 
fret  au  cens  annuel  de   i   denier. 

—  Une  directe  sur  un  tiers  de  quarterée  au  quartier  St.  Ginies 
vallon  de  Lombre  ou  Gironde  possédée  par  dame  Magdelaine  de 
Perrin  au  cens  annuel  de  9  deniers. 

—  Une  directe  sur  6  quarterées  de  propriété  en  terre  et  bâtiment 
au  quartier  de  la  Petite  Plombière  ou  Gibbes  possédée  par  Antoine 
Basile  [Mathieu  Barbarin  au  cens  annuel  de  6  sols. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  en  terre  et  bâtiment  de  la  conte- 


j6  MARC   DUBOIS 

nanco  de  7  quarterces  au  quartier  des  Baumes  Laugières  ou  Bombi- 
nette  possédée  par  Simon  Louis  Seguin  au  cens  annuel  de  30  sols. 
— -  Une  directe  sur  une  propriété  en  terre  et  bâtiment  de  la  con- 
tenance de  4  quarterées  au  quartier  du  revers  de  la  Gardy  ou  l'Hom- 
mefé  possédée  par  Pierre  Michel  Julien  au  cens  annuel  de  15  depiers. 

—  Une  directe  sur  3  quarterées  de  terre  inculte  au  quartier  de  la 
Gardy  ou  l'Hommefé  possédée  par  Pierre  Faucon  au  cens  annuel 
de   3    deniers. 

—  Une  directe  sur  une  quarterée  de  terre  en  jardin  et  bâtiment 
au  quartier  de  St.  Bausily  sive  Magdelaine  possédée  par  Joseph 
Brunet  au  cens  annuel  de  7  sols  6  deniers. 

—  Une  directe  sur  1/2  quarterée  de  jardin  au  quartier  St.  Marcel 
possédée  par  Jean  Rey  de  Foresta  donataire  de  dame  Pauline  Féli- 
cité de  Foresta  sa  sœur,  héritière  de  Paul  de  Foresta,  son  père,  au 
cens  annuel  de  9  sols. 

— •  Une  directe  sur  une  propriété  de  3  quarterées  en  terre  et  bâti- 
ment au  quartier  de  St.  Ginies  possédée  par  Dame  Rose  Rouve 
veuve  et  usufruitière  du  sieur  Lambert  au  cens  annuel  de  3  sols. 

—  Une  directe  sur  une  propriété  en  terre  et  bâtiment  de  la  con- 
tenance de  14  quarterées  3/4  au  quartier  de  la  Cavalerie  Subeirane 
possédée  par  sieur  David  Jean  Vincent  et  François  Hyacinthe  David 
ses  frères,  au  cens  annuel  de  11   sols  3  deniers. 

—  Une  directe  sur  7  quarterées  moins  13  dextres  au  quartier  d'Ey- 
galade  fremo  mouerto  possédée  par  Joseph  Hugues  au  cens  annuel 
de  7  sols  6  deniers. 

—  Une  directe  sur  3  quarterées  34  dextres  au  quartier  du  Canet 
ou  Bouquières  sive  Gâte  mort  possédée  par  Claude  Billion,  au  cens 
annuel  de  3  sols. 

—  Une  directe  sur  une  maison  située  rue  de  la  Loge  ou  du  Change 
possédée  par  l'Hôpital  de  la  Miséricorde  au  cens  annuel  de  4  deniers. 

—  Une  directe  sur  une  portion  d'une  grande  maison  rue  Date- 
lier  possédée  par  Pierre  André  Paule  de  Louvicou  au  cens  annuel 
de  3  patats. 

—  Une  directe  sur  un  jardinet  bâtiment  de  la  contenance  de 
50  cannes  carrées  au  quartier  de  St.  Just  possédée  par  Louis  Pina- 
tele  au  cens  annuel  de  7  sols. 

—  Une  directe  sur  un  terrain  en  deux  parties  de  la  contenance 
de  88  cannes  carrées  et  6  pans  au  quartier  de  St.  Just  au  cens  annuel 
de  12  sols. 

—  Une  directe  sur  un  jardin  et  bâtiment  de  la  contenance  de 
44  cannes  carrées  au  quartier  de  St.  Just  possédée  par  François 
Rougier  au  cens  annuel  de  3  sols. 


LE   MONASTÈRE   DES   CHARTREUX   DE   MARSEILLE  57 

—  Une   directe   sur   un   terrain    et  bâtiment   de   la  contenance   de 
50  cannes  carrées  au  quartier  de  St.   Just  possédée  par  Pierre  Bol 
au  cens  annuel  de  5  sols. 

—  Une  directe  sur  une  quartorce  3/4  au  quartier  de  la  Magde- 
laine  possédée  par  Antoine  Isnard  lequel  a  désemparé  60  cannes 
carrées  à   Grégoire  au  cens  annuel   de  i   denier. 

—  27  cannes  carrées  à  Mathieu  Drivet  au  cens  annuel  de  i  denier. 

—  51  cannes  5  pans  carrés  au  cens  annuel  de  i  denier. 

—  3  des  immeubles  serviles  à  la  Chartreuse  étant  possédés  par 
la  main  morte  produit  tous  les  10  ans  i  lod  1/2  de  419  livres  5  sols 
6  deniers  donnant  un  revenu  annuel  de  41  livres  18  sols  et  6  denicis. 

Auquel  état  des  directes  de  la  Chartreuse  de  Marseille  nous  Jean 
Gabriel  Merle  et  Jean  François  Lieutaud,  officiers  municipaux  écri- 
vant 'Sl^  Spigne  greffier  svibrogé,  avons  procédé  en  présence  des 
religieux  dénommés  dans  notre  procès  verbal  d'aujourd'hui  auquel 
le  présent  sera  joint  et  avons  signé  avec  les  dits  religieux  et  M®  Spi- 
gne,  greffier  subrogé.  A  Marseille  le  29  avril  1790.  Signe: 

Fr.  Estienne  Lanfant,  prieur;  fr.  Arsène  Fournier,  vicaire;  fr. 
Laurent  Martin,  ancien;  fr.  Martial  Louvet,  coadjuteur;  fr.  Augus- 
tin Dupont  ;  fr.  Joseph  Martinet  ;  fr.  Léon  Honoré  d'Azan  ;  fr.  Bruno 
Ugla;  fr.  Etienne  Michel;  sacristain;  fr.  Bruno  BernaTd  convers  ; 
fr.   Augustin  Joubert,  convers;   G.   Merle,  off.  munie.   », 

CHARGES 

Nous  reproduisons  l'état  des  Charges  du  couvent  d'après  la  décla- 
ration faite  par  le  prieur  le  22  février  1790  (arch.  dép.  Q). 
«  —  Rente  à  la  Gdc  Chartreuse  sur  un  capital 

500   livres    500  livres 

—  Rente  à  la  Chartreuse  de  Valbonne  sur  un 

capital   de   3500   livres    140       » 

—  Au  Chapitre  de  St.  Victor  et  à  la  Comman- 
derie  de  Marseille  5  différents  1/2  lods  tous 
les  10  ans,  montant  à  424  liv.  3  sols,  6  de- 
niers,  revenant  année  commune    42  liv.     3  s.  6  d. 

—  En  nourriture,  vestiaire,  feu  de  19  religieux 

en    frais     1 1.200  livres 

—  Gages  et  nourriture  de  7  domestiques  à  400 

livres   chaque    2.800       » 

—  Entretien  de  l'église,  sacristie,  cellules  du 
cloître,  bâtiments   de  campagnes,   maison  en 

ville  et  aumônes 4-3oo       » 


j8  MARC    DUBOIS 

—  Los    décimes    975  liv.    13  sols 

—  Contributions  nouvellement  établies   par  la 

ville  de   .Marseille    849  liv.    15  sols 

Total  des  charges    20.867  ^i'^-    n   s.  6  d. 

NOTA.  —  11  y  a  pour  l'année  un  déficit  de  2691  livres  13  sols, 
lequel  ayant  sensiblement  augmenté  depuis  sept  ou  huit  ans  en 
raison  des  sécheresses  et  des  mauvaises  récoltes,  a  obligé  la  Char- 
treuse à  faire  des  abandons  en  faveur  de  ses  rentrées: 

—  1300  livres  à  Jean  Pierre  Garoutte,  fermier  du  Jardin  de  St.  Just. 
- —  1500  livres  à  Balthazard  Olive  sur  celle  du  jardin  de  la  Magde- 

laine. 

—  Perte  considérable  en  vin  qui  donnait  un  produit  annuel  de 
3600  livres. 

—  Démolition  d'un  grand  bâtiment,  nouvelles  murailles,  coupement 
de  terrain  et  reconstruction  à  neuf  dudit  bâtiment.  Ces  pertes  ont 
occasionné  à  la  Chartreuse  un  déficit  de  21.933  ^^^^-  9  ^^^^  7  deniers. 
On  observe  que  la  dépense  de  la  maison  construite  à  neuf  et  les 

murailles  de  clôture  ayant  occasionné  à  la  Chartreuse  une  dépense 
d'environ  1.200  livres,  le  déficit  actuel  est  de  beaucoup  diminué  puis- 
qu'on a  laissé  à  la  Nation  un  capital  tout  neuf  avec  deux  jardins 
qui  en  sont  dépendants  et  qui  compensent  pour  plus  de  la  moitié 
les  arrérages  dûs. 
■ —  Il  a  été  porté  à  l'hôtel  de  la  I^lonnaie  le  16  novembre  1789  divers 

objets   d'argenterie  ayant  produit   la  somme  de  2216  livres  2   sols 

6  deniers. 

—  Mobilier  non  évalué. 

—  Objets  en  argent  47   marcs,   3    onces   (inventaire  des   objets   pré- 
cieux) ». 

Créance  sur  la  Chartreuse 

On  ne  fait  état  que  de  la  réclamation  suivante: 
Marseille  le  23   Messidor  an  9  de  la   République   Fran- 
çaise.   Le   Préfet   des   Bouches-du-Rhône   au   maire   de    la 
Commune  du  Xord, 

<(  Je  vous  fais  passer,  citoven,  les  titres  de  la  créance 
de  l'Aumônier  Général  d'Avignon  au  nombre  de  six  pièces 
sur  la  ci-devant  Chartreu.se  de  Marseille.  Je  vous  invite  à 
précéder  la  liquidation  provisoire  de  cette  créance  en  con- 
formité des  dispositions  contenues   aux  articles    iS   de   la 


LE  MONASTÈRE  DES   CHAirr^EUX   DE   MARSEILLE  59 

loi  du  2^  messidor,  an  2%  42  ci  4;,  de  (vllc  du  24  fiimain.' 
an  ().  \>uillez  bien  accélérer  cette  li(|uidaii(.ii  ci  m'en  l'aire 
le  renvoi  incontinent  potn-  (|iie  je  puisse  la  taire  parvenir  au 
liquidateur  i^énéral  de  la  delte  ]Hii)Ii(iue  (|ui  tloit  en  terminer 
la  liquidation  délinitive. 

Je  vous  salue.  Ch.  Delacroix. 

ARRÊTÉ    DE     l'aD.MIMSTI-IATION     Df     Dl':t'ARTi:.Mi:  NT 
DES   1^0LCHES-I)U-RH(JXE 

Vu  l'extrait  du  pi'ocès-vei'bal  d'enchères  du  Directeur  du 
district  de  Marseille  du  5  juillet  dernier  pour  la  vente  du 
Domaine  des  cy-devant  Chartreux,  d'après  le  plan  géomé- 
tral  qui  le  divise  en  14  lots  le  dit  procès-verbal  contenant  les 
protestations  des  commissaires  nommés  par  la  commune  de 
la  dite  ville,  contre  l'adjudication  de  la  \-ente  faite  aux 
sieurs  Chapellon  et  Devilliei's  de  18  quartei'ées  dépendant 
du  dit  domaine  des  Chartfeux,  à  cause  descjuelles  protesta- 
tions il  a  été  superiodé  à  la  dite  vente  par  le  Directeur  du 
district, 

La  délibération  de  la  commune  de  Marseille  du  4  juillet 
portant  nomination  des  Commissaires  pour  faire  les  dites 
protestations, 

Ouï  le  procureur  général  syndic  provisoire, 

L'Administration  du  Département  arrête  (|ue  le  Direc- 
toire du  District  de  Marseille  procédera  à  la  vente  du  do- 
maine des  ci-devant  chartreux  malgré  l'opposition  de  la 
municipalité  de  Marseille  et  pour  lui  à  la  municipalité  de 
la  même  ville. 

Fait  à  Aix  en  l'administration  du  département  le  6  aofit 
1792.  L'an  quatrième  de  la  Liberté,  présents  T)  membres, 
signé  Truchement. 

Président  en  absence,   Descene  sec.  gén. 

Conforme  à  l'oiiginal  adressé  au  district  de  Marseille, 
Guerard,  sec. 


6o  MARC    DUlJUlS 


niFNS    A    VK.NDRR 


l-'.xlrait  de  la  biodiurc  im])iirnée  à  Ararscillc  chez  Jean  Mossy 
père  et  fils,  imprimeurs  de  la  Nation,  du  Roi  et  de  la  ville,  -790, 
donnant  l'état  des  Biens   Nationaux  à  vendre. 

((  Chartreux. — ■  7178  cannes  carrées.  Le  sol  et  la  bâtisse  du  couvent, 
cloître,  dortoirs,  église,  cours  et  terrains  contigus  évalués  à  60720 
livres.  De  plus  il  y  a  d'affermé  :  une  maison  rue  de  la  Glace^  louée 
700  livres. 

—  Quatre  maisons  contigués  sur  la  rue  de  Rome  et  des  Chartreux 
louées  4550  livres. 

—  Une  grande  outique,  entresols,  Cfuatre  magasins,  une  petite, 
cave  dépendante  de  la  plus  grande  de  ces  c^uatre  maisons,  loyer 
de   104S   livres. 

BIENS  RURAUX 

Le    domaine    formant    3    propriétés    contiguës    en    terres,    vignes^ 
arbres,  prés  et  jardins,   produisant   environ   2150  livres. 
Une  petite  maison  en  dépendant  16S  livres. 
Une  maison  contiguë     40  livres. 
»         )>  »  48       » 

»         ))  »  18       » 

»         »  »  18       » 

»         »  »  36       » 

Un  moulin  à  vent  appelé  du  MATALIAN  avec  son  régale  et  ses 
agrès,  quartier  de  la  Magdelaine,  un  moulin  à  eau  quartier  de  St. 
Just,  conjointement  loués,  199  livres  19  sols. 

Un  jardin  dont  l'entrée  est  vis-à-vis  la  Place  des  Chartreux  con- 
tenant environ  22  quarterées  consistant  en  pré,  jardin,  vignes  et  bâti- 
timents  1500  livres. 

Petit  jardin  contiguë  d'environ  i  quarterée  1/2  quartier  de  la  Mag- 
delaine,    135  livres. 

L'ne  propriété  dite  du  MATALIAX  quaitier  de  la  Magdelaine  oîi 
il  y  a  deux  bâtiments  en  terres,  vignes,  arbres,  d'environ  5  quar- 
terées tenue  à  mégerie,  produisant"^  déduction  faite  des  impenses. 
480  livres. 

L'^ne  maison  de  campagne  sur  le  chemin  de  St.  Just  avec  un  terrain 
inculte,  non  affermé,  produisant  annuellement  environ  300  livres. 

Un  petit  jardin  clos,  ayant  son  entré'e  sur  le  petit  chemin  du  mou- 
lin à  vent,  d'environ  1/3  de  quarterée  non  affermé. 

Une  campagne  sur  le  chemin  de  St.  Just  vis-à-vis  la  Chartreuse 
contenant  environ  25  quarterées  oîi  il  y  a  un  bâtiment  appelé  AIMAR 
tenue  à  mégerie  produisant,  déduction  faite  des  impenses  600  livres 
environ. 

Une  autre  campagne  au  nord  de  la  Chartreuse  contiguë  au  cloître. 


LE  MONASTÈRE  DES   CHARTREUX   DE  MARSEILLE  6l 

contenant  environ  15  quarterces  avec  un  bâtiment  tenue  à  mcgeiic 
produisant  environ  275   livres. 

Une  partie  de  terrain  de  la  même  campagne  contenant  environ 
I  quarterée  1/3  produisant  100  livres. 

Un  terrain  appelé  la  VITRIERE  sur  le  clu-min  de  St.  Just  d'en- 
viron  I  quarterée  1/2  tenue  à  mégerie  et  du  produit  de  50  livres. 

Ces  trois  parties  formant  une  propriété  en  vignes,  arbres,  ter- 
rains non  complantés,   etc.. 

Une  propriété  dite  la  VEUNE  sur  le  même  chemin  d'environ 
18  quarterées,  2  bâtiments,  arbres,  vignes,  tenue  à  mégerie  au  pro- 
duit de  69  livres. 

Une  autre  propriété,  appelée  la  MURE  en  terre,  vignes,  jardins, 
prés,  2  bâtiments,  moulin  à  eau,  au  quartier  de  St.  Just,  d'envi- 
ron II  quarterées,  affermés  1300  livres. 

Une  propriété  en  terre,  vignes,  arbres,  bâtiments,  quartier  St. 
Jérôme,  d'environ  iS  quarterées,  tenue  à  mégerie  au  produit  de 
872    livres    ?   » 

La  vente  de  ces  biens  ne  se  fit  pas  en  même  temps.  Serait- 
ce  dû  à  l'opposition  faite  par  la  numicipalité  qui  await  mo- 
tivé un  arrêté  du  département  des  Bouches-du-Rliône  ou 
pour  toute  autre  cause?  Quoiqu'il  en  soit  nous  trouvons 
deux  affiches  aux  archives,  l'une  indique  la  vente  des  biens 
pour  le  1 1  juin  1793  ;  l'autre  sans  date,  indique  l'enchère  de 
trois  immeubles  sur  lesquels  il  v  a  déjà  une  enchère  de 
140500  livres. 

Pensions  accordées  aux  Chartreux 
par  le  district  de  Marseille  1792-1794 

Le  décret  de  l'As-semblée  Xalionale  du  4  février  1 7()0 
a\ait  tixé  dans  son  article  3  qu'il  serait  pourvu  au  sort  des 
religieux  par  une  pension  convenable.  \'oici  d'après  les 
états  relevés  aux  archives  départementales  la  liste  des  pen- 
sionnaires Chartreux  du  disti-ict  dressés  de  1792-1794  '.  Sur 
celle-ci  figurent  les  noms  des  Pères  et  des  Frères  qui  .se 
trouvaient  au  couvent  à  cette  date. 
Ltienne    Lantanl,    iigé    de 

plus  de  70  ans 1200  livres  |i,ir  an,   27  avril  92 

•  Arch.  dép.  Chartrcu.x.  Reg.  L.  492.  Cid  rallier  L.  123.S.  L.  1225- 
L.    1232. 


62 


MARC    DUBOIS 


jMartial     Loiivet,     âgé    de 
])lns  de  70  ans 

A  ni.     (kirnier,    né     le     11 
fév'j'ier    1 740    

Jean  Bruno  Inibert 

Pierre  Richelme 

Aiig-.    Dupont,    né    le    29 
août    1735    

Jh.  Martinet,  né  le  23  dé- 
cembre 1750 

Jh.  André,   né  (en  blanc). 

Henri  Terris,   né  le  2   no- 
vembre 1753 

Jh.  Louis  Roux,   né    le    2 
mars  1753  

pois  Martin,    né   le   31    dé- 
cembre 1746 

Jean  Imbert,   né  le  24  fé- 
vrier 1731 

Jean  Fournier,  né  le  S  juil- 
let 1737 

J.-B.  Coustaing',   né  le   14 
octobre  1760 

Hilarion     Barthe,     né     le 
6  octobre  1750 

pois   Bij^ric,    né   le  26   juin 

1730 
Lazare  Pacôme  Féraud,  né 
le  31  août  1745  /' 

J.-B.  Féraudy,  frère  donné 
Jh.  Laforgue,  frère  donné 
Ant.  Joubert, frère  convers, 
né  le  9  février  1741 


1200  lixres  jiar  an,     9  juin  92 

1000  livres  par  an  » 

1000  livres  par  an 
1000  livres  par  an 

1000  livres  par  an 

1000  livres  par  an 
1000  livres  par  an 

900  livres  par  an 

900  livres  par  an 


aucune  somme  ne  figure  à  côté 
de  leurs  noms 


300  livres  iS  avril   1792 
300  livres  iS  avril   1792 

(aucune  somme  indiquée) 


LE  MONASTÈRE  DES   CHARTREUX   DE   MARSEILLE  6^ 


Requête  pour  le  R.  D.  Martial  Louvet 

La  pension  de  niilU'  livres  accordée  |)riniitivenienl  à  I). 
.Maniai  Louvet  ayant  été  tromée  insuffisante,  il  adresse 
la  requête  suivante  qui  fut  rejetée. 

((  A  Messieurs  les  Président  et  Administrateurs  du  Direc- 
toire du  district  de  Marseille. 

Dom  ^Lirtial  Louvet,  prêtre  coadjuteuf  de  la  Chartreuse 
de  AL'irseille,  a  l'honneur  de  vous  représenter  cju'il  est  âgé 
de  soixante  neuf  ans,  étant  né  à  Avignon  le  7  mars  1722  et 
religieux  profes  de  la  Chartreuse  de  \'illeneuve-les-Avignon 
depuis  Tannée  1743. 

Son  état,  Messieurs,  est  d'autant  plus  ;i  plaindre  dans  les 
circonstances  où  il  va  cesser  de  \i\ve  en  communauté,  qu'il 
est  accablé  d'intîrmités  auxc[uelles  la  pension  de  mille  livres 
Cjui  lui  a  été  accordée  ne  suffit  pas  poiu'  lui  procurer  le 
soulagement  dont  il  a  besoin.  Il  est  dénué  de  linge  de  toute 
espèce  et  de  tout  autre  secours,  il  ne  trouvera  pas  dans  la 
modicité  de  sa  pension  de  quoi  satisfaire  aux  soins  des 
médecins  et  chirurgiens  qui  le  dirigent,  aux  frais  des  dro- 
gues et  médicaments  qu'on  lui  administre  et  aux  salaires  des 
personnes  Cjui  sont  chargées  de  le  panser  deux  fois  pai' 
j<nir.  Son  étal  d'inllrmité  est  justifié  i)ar  les  certificats  ci- 
joint  et  le  supliant  ose  espérer,  AL\ssieurs,  des  sentiments  de 
justice  et  d'humanité  qui  vous  dirigent,  que  vous  daigne- 
i-ez  lui  accorder  une  augmentation  de  traitement  propor- 
tionnée à  tous  ses  besoins.  11  ne  cessera  de  faire  des  vivux 
au  ciel  pour  \(^tre  conserx'ation. 

J.  ^L-irtial  Louvet,  toadjuteur  de  la  Chartreuse  de  Mar- 
seille.' 


64  MARC    niBOIS 

—  Je  Soussigné  docteur  en  médecine  de  la  Faculté  de 
Montpellier,  agrégé  au  collège  de  médecine  de  cette  \  ille 
de  Marseille  et  médecin  ordinaire  depuis  plusieurs 'années 
de  la  Chartreuse,  certifie  le  contenu  dans  la  pétition  ci-des- 
sus faite  par  le  R.  P.  Martial  Louvet,  -religieux  chartreux. 
I^n  foy  de  quoi  j'ai  signé  la  présente.  A  Marseille  le  4  dé- 
cembre 1790.  Jourdan,  médecin  ». 

Extrait  du  Registre  des  Délibérations  du  Directoire  du 
District. 

((  \u  la  pétition  présentée  par  le  fr.  Martial  Louvet,  ci- 
devant  coadjuteur  de  la  Chartreuse  de  Marseille  et  les  certi- 
ficats au  bas,  qui  justifient  hi  vérité  des  faits  contenus  en 
la  dite  pétition. 

Sur  le  rapport  de  M.  Martinet,  ouï  M.  Dominique  Audi- 
bert,  procureur  svndic,  en  absence  et  remplacement. 

Le  Directoire  du  District  estime  cju'il  n'v  a  pas  lieu  à  déli- 
bérer sur  'la  dite  pétition.  ^L^is  que  le  département  sera 
prié  de  prendre  en  considération  l'âge  et  les  graves  infir- 
mités de  ce  religieux.  Fait  à  Marseille  au  District  du  Direc- 
toire le  22  décembre  1790. 

Martinet,  vice-président.  Rafion,  Bremond  et  Audibert, 
procureur  svndic  en  absence  et  remplacement.  Collationné 
G.  Meyrard,  secrétaire. 

Vu  la  pétition  du  Sieur  Martial  Louvet  ci-devant  coad- 
juteur de  la  Chartreuse  de  Marseille  et  l'avis  ci-dessus  du 
directoire  du  District  de  ^Lirseille  sur  le  rapport  de 
^l.  François  Omer  Granet. 

Le  Directoire  du  Déparlement  ouï  I\L  Antoine  Pierre 
Joubert,  procureur  général  sxndic  arrête  qu'il  n'y  a  pas  lieu 
à  délibérer  et  que  le  présent  sera  envoyé  au  Directoire  du 
district  de  ALirseille  et  par  lui  à  la-  partie  intéressée. 


LE   MONASTÈRE  DES   CHARTREUX   DE   MARSEILLE  65 

Fait  à  Aix  en  Directoire  le  15  février  1791.  Henri  Polli- 
cot  f.  Granet. 

Chargé  le  registre  des  avis  du  Dirccloire  du  Distriet  de 
Maiscille. 

C\)tté  A.  F"   ujo.  Cuerand,  secrétaire  ». 

Cette  pension  fut  augmentée  plus  tard,  nous  la  trou- 
vons sur  l'état  1792-1794  portée  pour  la  somme  de 
1200  livres. 

Bibliothèque  du  Couvent 

Quel  pouvait  être  l'état  de  la  Bibliothèque  de  la  Char- 
treuse au  temps  où  le  couvent  fut  fermé  en  1790?  Nous 
avons  trouvé  dans  les  Archives  départementales  le  procès- 
verbal  de  9  vacations  pour  la  vente  de  2293  volumes,  qui  se 
firent  a  la  date  du  31  janvier  et  )ours  sui\'ants  et  qui  pro- 
duisirent une  somme  totale  de  2097  livres  16  sols.  Docu- 
ments que  nous  avons  publiés  et  qui  produisirent  une 
somme  totale  de  2097  livres  16  sols.  Documents  que  nous 
avons  pubfiés  dans  une  étude  précédente  '.  Tous  les  ouvra- 
ges composant  cette  bibliothèque  ne  furent  pas  vendus,  une 
partie  fut  transportée  à  la  ville  pour  sa  bibliothèque  publi- 
que, ainsi  que  nous  l'apprend  un  répertoire  manuscrit  con- 
servé à  la  bibliothèque  qui  nous  donne  l'inventaire  de 
227  ouvrages  divers,  la  plupart  in-f°  et  de  57  manuscrits. 
La  majeure  partie  de  ces  vc/iumes  provenant  de  la  Char- 
treuse de  \'illeneuve-les-Avignon  qui  en  fondant  le  couvent 
de  Marseille  en  1633  avait  aussi  composé  le  fonds  de  sa 
bibliothèque. 

L'inventaire  cité  nous  a  aidé  h  nous  former  une  idée  de  la 
composition  de  cette  bibliothèque  en  recherchant  les  ouvra- 

'  ProviiHia    t.  III.   année    lo::^..  p.    13- 


66  MARC    DUBOIS 

r;-es  dans  Irs  divers  calaIo_i;-iies  do  celle  de  la  \illc  et  en 
exa  minant  l'un  après  Ta  litre  tous  ces  volumes,  malheureu- 
sement un  certain  nombre,  126  n'ont  pu  être  retrouvés  soit 
(ju'ils  aient  rlc  Aendus  ou  ég'art'S. 

l'arnii  ct's  xolumes  ([ui  restent  et  forment  encore  le  chif- 
fre de  10 1  il  y  en  a  de  très  intéressants  et  d'une  grande 
valeur;  un  certain  nombre  contiennent  de  belles  gravures, 
des  dessins  h  la  plume  ou  en  couleur,  des  lettres  ornées, 
etc.,  et  sortent  des  imprimeries  réputées  du  xv^  au 
x\'iii^  siècle. 

Nous  avons  essayé  d'en  faire  un  classement  et  d'en  don- 
ner une  bibliographie  raisonnée  en  reproduisant  les  titres 
principaux  des  livres  dans  l'ordre  suivant: 

1°   Ou\Tages  de  religion; 

2"   Ouvrages  d'histoire  et  de  géographie; 

3°   Littérature  et  Linguistique. 

On  voit  C[ue  les  Chartreux  savaient  allier  la  sagesse  à  la 
science  et  qu'ils  se  servaient  de  leur  culture  intellectuells 
pour  arriver  à  la  vie  parfaite. 

Xous  avons  fait  suivre  cette  bibliographie  de  la  nomen- 
clature des  ouvrages  disj^arus  et  identifiés  comme  éditions 
sur  le  catalogue  de  la  Bibliothèque  Nationale  et  divers,  ainsi 
f^ue  d'autres  ouvrages  cartusiens  cjue  possède  la  bii)liothè- 
que  de  Marseille  sans  indications  d'cjrigine.  F^nfin  d'une 
petite  étude  sur  les  imprimeurs  et  leurs  marcj[ues.  Malheu- 
reusement cette  dernière  étude  est  très  incomplète,  n'a}ant 
pas  pu  avoir  à  notre  disposition  pour  les  consulter  tous  Irs 
ouvrages  qui  ont  étudié  spécialement  ces  impriminirs. 

Xous  ne  faisons  pas  paraître  cette  étude  dans  cet  ouvrage, 
l'ayant   donnée  ifi-cxlcnso  à   la   liibliotlièfjue  de  la   \ille.   où 


LE   MUNAiilÈRE   DES    CHAKTKEIX   DE    MARSEILLE  67 

Ton  peut  la  consulter,  ei  un  double  exemplaire  a  v^té  remis 
à  l'Ordre  des  Chartreux. 

Dans  les  ouvrages  cités,  se  trouve  un  volume  des  Sliilul.\ 
de  l'Ordre  imprimé  en  caractères  gothiques  édité  à  Bâle  en 
1510,  dans  lecjuel  il  v  a  deux  gravures  sur  bois  très  curieu- 
ses. L'une  représente  l'arbre  de  Jessé  composé  avec  saint 
Bruno,  et  l'autre,  l'histoire  de  la  fondation  de  l'Ordre  par 
saint  Bruno  jusqu'à  la  construction  du  monastère  de  la 
Grande  Chartreuse;  scènes  qui  ont  été  aussi  interprétées 
plus  tard  par  le  peintre  Le  Sueur,  dans  ses  tableaux  de  la 
vie  de  saint  Bruno,  qui  sont  au  musée  du  Louvre. 

Umic  DUBOIS. 


QUELQUES  GOUFFRES  DE  PROVENCE 


IV.  —  Les  Garagaî  de  Sainte -Victoire 

Depuis  que  j'ai  quitté  Marseille,  j'ai  visité  un  certain 
nombre  de  gouffres  et  rivières  souterraines,  dans  plusieurs 
régions,  mais  comme  Marseille  sera  plus  intéressée  par  la 
spéléologie  locale,  je  ne  ferai  que  mentionner  les  recher- 
ches en  dehors  dé  la  Provence. 

De  janvier  1928  à  juin,  mes  camarades  (parmi  lescjuels 
je  dois  mentionner  M.  P.  Marcelin, conservateur  du  Muséum 
de  Ximes)  et  moi  avons  visité  les  Cjuatorze  avens  que  le 
regretté  Mazauric  n'avait  pas  vu  sur  le  plateau  s'étendant 
au  nord  d'Uzès.  Ce  manteau  urgonien  (crétacé)  s'est  révélé 
plus  épais  qu'on  ne  pensait,  puiscjue,  dans  l'aven  ((  du 
JVIas  »,  près  de  la  Bruguière,  nous  avons  atteint  102  mètres 
de  profondeur  verticale.  Si  tous  ces  gouffres  n'ont  pas  donné 
par  eux-mêmes  des  résultats  également  intéressants,  la  série 
des  observations  nous  a  permis  de  faire  un  rapport  techni- 
(jue  pour  le  Congrès  de  l'Association  Française  pour  l'avan- 
cement des  sciences  de  la  Rochelle  (1928).  Ce  rapport  émet 
quelcjues  opinions  nouvelles  et  corrobore  certaines  théo- 
ries émises  par  E.  A.  Martel. 

V.n  juin,  j'ai  organisé  et  mené  à  bonne  fin  l'exploration 
des  fameux  Garagaî  de  vSainte-X^ictoire,  dont  nous  don- 
nerons un  exposé  à  la  fin  de  cette  note.  Nous  devons  dire 
ici  toute  la  reconnaissance  cjue  nous  avons  envers  MM.  le 
général  commandant  la  X\'^  région,  qui  m'a  autorisé  à 
employer  des  soldats  d'Aix,  pour  transporter  le  matériel  à 
la  croix  de  l'ro\cnce  ;  l'abbé  Pascal   (f(ui  a   trou\-é  ime    fin 

'   \o\ï  Pro;iiicia    t.  VII,    1927.  p.   6S  et  suiv. 


QUELOl'ES  GOl  Fî  RKS   hr   PRt  )\l-\<  i'  6g 

si  trni;i([iie  dans  le  Verdun)  et  le  conih-  de  (.asp.irin.  (|iii  a 
C(jntribué  financièrement  à  cette  expédition. 

Kn  juillet-août,  c'est  vers  le  Causse  Xoir  (partie  Sud), 
que  nous  avons  dirii^é  nos  recherches,  et  là,  six  avens  ont 
févélé  leurs  secrets.  Le  très  épais  manteau  calcaire  dolomi- 
liciue  du  Jurassique  moyen  nous  a  laissés  pénétrer  jusqu'à 
1.30  mètres  de  profondeur  dans  un  seul  à-pic  à  l'aven  de 
«  La  Baisse  »  près  de  Loniiuiers.  Dans  tous  ces  aoiiffres, 
de  grosses  quantités  de  sables  provenant  de  la  décomposi- 
tion des  dolomies  filtrent  les  eaux  de  percolatitjn  et  les  res- 
tituent dans  les  résurgences  des  vallées,  partiellement  puri- 
fiées, ce  cjui  évite  les  pollutions  remarquées  dans  les  l'ésur- 
gences   des    massifs    simjîiement    calcaires  '. 

Fin  août,  sur  la  demande  de  l'abbé  Pascal,  j'ai  entre- 
pris pour  le  compte  du  Touring-Club  de  France  la  des- 
cente du  Verdon,  que  cette  grande  Association  voulait  amé- 
nager. Après  avoir  parcouru  la  totalité  du  cours  du  torrent 

compris  entre  Rougon  et  le  pont  d'Aiguines  ',  grâce  à  un 
équipement  spécial,  j'ai  pu,  tout  en  admirant  les  beautés 
du  plus  grand  Canon  d'Europe,  me  rendre  compte  de  l'im- 
possibilité Cju'il  V  avait  d'aménager  tourisii(|uement  ces 
gorges  sans  les  enlaidir.  Un  rapport  spécial  siu'  ce  voyage 
vous  sera  fourni  bientôt. 


1  Xous  avons,  avec  M.  Brun  d'Arrc,  et  son  dévoue  personnel 
continué  l'exploration,  à  peine  ébauchée  par  Mazauric.  de  l'flvent 
de  Brun  (près  Le  Vigan).  Xous  n'avons  pu  la  terminer,  étant  donné 
les  très  grandes  difficultés  rencontrées  pour  passer  les  lacs  souter- 
rains (température  lo^s).  L'un  d'eux  présente  en  son  milieu  un 
détroit  qu'on  ne  peut  passer  qu'à  la  nage  et  que  nous  devrons  faire 
sauter  avec  des  explosifs  pour  permettre  au  bateau  de  faire  le  ser- 
vice. Cet  évent  est  une  rivière  à  processus  vauclusicn  qui  nous  con- 
duira   très    avant    sous  la  causse  de  :Montdardier.    (Larzac    Est.)- 

-  Ce  qui  n'avait  jamais  pu  être  fait  par  personne  jusqu'à  main- 
tenant. 


ROBERT    DE    TOLY 


^  Les     GABAGAI  - 


SVD     j^ 


-coupe- 


5e ni      de    U    Dio^^lafc 


JiOBD 


f.  5ijC^  Croix,  lit  IV«r«nce 
Cetc'i  94< 


QUELQUES  GOUFFUES   DE   PROXENTE  7I 

Le  21  septembre,  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  trouver 
au  l'ond  d'un  aven  noninu-  k  T. a  l'ii^uairolle  »,  un  habitat 
cnéoUlhique  très  important,  qui  m'a  donné  plusieurs 
DoUa,  de  très  nombreux  morceaux  de  poteries,  et  deux  sque- 
lettes humains. 


Mais  revenons  maintenant  au  Garagaï,  goulïi'e  fameux, 
qui  a  fait  couler  tant  d'encre  et  que  les  Marseillais  con- 
naissent bien. 

In  complexe  d'avens  s'ouvre  à  900  mètres  d'altitude 
dans  le  Jurassique  supérieur  (J  7-5)  du  massif  de  Sainte- 
Victoire.  Le  pendage  des  couches  de  calcaire  blanc  est  d'en- 
viron 45°.  L'ne  grande  diaclase  se  voit  depuis  la  crête  jus- 
qu'au milieu  de  la  montagne:  en  haut,  elle  a  été  le  point 
de  faiblesse  qui  a  permis  aux  anciennes  eaux  sauvages  de  se 
frayer  un  passage;  en  bas  un  thalweg  bien  marqué  et  pro- 
fond conduit  les  eaux  de  ruissellement  actuelles  dans  la 
vallée. 

Très  peu  en-dessous  de  la  crête  de  la  Croix  de  Provence 
(94G  m.),  un  porche-tunnel,  de  15  mètres  de  largeur  sur  5  de 
hauteur,  s'ouvre:  il  débouchait  jadis  dans  les  avens;  main- 
tenant il  baille  sur  le  flanc  sud  de  la  montagne,  décapée 
par  les  eaux,  le  vent  et  les  éboulemenls. 

Ce  porche,  qui  dénote  une  grande  érosion  tourbillon- 
naire,  menait  les  eaux  absorbées  vers  les  abîmes,  aux(|uels 
la  grande  diaclase  a  servi  de  point  de  départ. 

Ces  avens  sont  au  nombre  de  quatre:  le  plus  haut,  ayant 
la  plus  petite  entrée,  est  nommé  le  «  Petit  Garagai  »  à  cause 
de  l'étroitesse  de  sa  bouche  souvent  modifiée  et  remaniée 
depuis  sa  formation;  mais  il  est  le  plus  important.  Son 
orientation  est  Xord-Sud,  selon  le  sens  de  la  diaclase. 


^i  ROBERT    bE   JOLY 

Ses  dimensions  sont  les  suixantes  '  :  profondeur  à  pic  sur 
le  cône  d'éboulis:  64  mc-lres;  au  fond  de  la  salle:  142  mè- 
tres. Largeur  de  la  salle:  40  mètres;  hauteur:  40 -mètres; 
longueur:  170  mètres.  Deux  petites  plateformes  sur  la  paroi 
S.-E.;  Tune  à  29  mètres,  l'autre  à  58  mètres. 

C'est  un  a\-en  viort,  ce  cjui  est  naturel,  étant  donné  sa 
situation. 

Par  endroits,   les  parois  sont  recouvertes  de  concrétions 

en  forme  d'œil  de  langouste  (concrétions  pédonculées)  ;  ces 

dernières  recouvrent  entièrement  les  parois  de  deux  petits 

avens  (o"?,8o  de  diamètre,  8  mètres  de  prof.)  parallèles  se 
trouvant  à  l'extrémité  S.-E.  de  la  salle.  Au  fond  de  cette 

salle  majestueuse,  se  voit  une  belle  cascade  pétrifiée. 

A  l'extrémité  Nord,  une  jolie  petite  grotte  à  plafond  bas 
(o'",5o  à  i™,5o)  possède  de  nombreux  piliers  stalagmitiques 
et  deux  beaux  exemplaires  de  stalactites  excentriques. 

Au  fond  de  la  grotte,  une  fissure  impénétrable  de  quatre 
mètres  de  profondeur  au  sondage,  porte  à  146  mètres  le 
creux  atteint.  L'aven  devait  continuer  dans  cette  direction. 

Si  la  grande  salle  dans  sa  partie  Sud  n'a  subi  aucune 
transformation  depuis  longtemps,  dans  la  partie  Nord  au 
contraire,  on  constate  l'instabilité  du  plafond  qui  s'effon- 
dre souvent  par  plaques.  En  effet,  la  patine  des  blocs,  par 
endroit  énormes  (20  m.  c),  est  enlevée  par  des  chutes  récen- 
tes de  dalles  plus  ou  moins  grosses,  ce  qui  met  à  nu  le 
calcaire  blanc.  Sur  le  grand  éboulis,  une  stalagmite  de 
2  m.  de  diamètre  sur  3  m.  de  long,  de  forme  cylindro-coni- 
que,  est  couchée,  ayant  été  abattue  par  une  de  ces  dalles 
tombée  du  plafond. 

On  peut  vérifier  le  pendage  des  strates,  juscju'au  contact 
de  la  voûte  et  du  fond  pénétrable. 

^  Hauteurs  prises  de  la  petite  plateforme  se  trouvant  à  6  m.  50 
plus  bas  que  le  flanc  de  la  montagne  où  l'aven  prend  naissance. 


Qur:LQui:s  corri-ur-s  m:  i'uoxkxcr 


73 


-  LES    GABA&Àî 
-pian- 


74  ROBERT    DE   JOLY 

l,n  li'nij)('ratiire  moyeniK-  de  cet  aven  est  de  15"  ;  à  l'eK- 
U'rieiir,  utie  heure  avanl,  elle  était  de  ii"7. 

Aucun  ossenient  n'a  été  vu.  Cela  est  facilement  explica- 
ble par  la  difllcuUé  d'accès  de  la  bouche. 

Il  n'y  a  pas  d'eau  courante  non  plus,  malgré  les  dires 
récents  d'un  rabdomancien. 

Si  dix-sept  hommes  de  troupe  du  22^  Colonial  mis  à  ma 
disposition  ont  été  nécessaires  pour  hisser  le  matériel  là- 
haut  et  exécuter  les  manœuvres,  la  descente  ne  présente 
aucune  difficulté,  et  les  <(  éboulis  dangereux  »  de  l'ingé- 
nieur Bouche  qui  avait,  paraît-il,  exploré  le  Garagaï  en 
1S76,  sont  de  pure  fantaisie:  au  contraire,  c'est  un  aven 
ti'ès  agréable.  J'y  ai  passé  dix  heures,  et  tout  visité;  la 
galerie  sous  les  éboulis  cyclopéens  et  les  deux  petits  avens 
du  fond  de  la  salle  S,-E.   (8   mètres). 

Mes  collaborateurs,  descendus  à  ma  suite,  admirèrent  ce 
grand  vide  incliné  en  pente  rapide,  son  aspect  est  imposant. 

Au  sommet  du  cône  d'éboulîs  (64  mètres),  c'est-à-dire  au 
vSud,  on  doit  être  très  près  du  groupe  des  trois  autres  avens 
du  «  Grand  Gara  «'aï  ». 


Quinze  mètres  en\iron  plus  bas  que  l'orifice  du  <(  Petit 

Garagaï  »,  une  bouche  circulaire  de  9  mètres  carrés  est  celle 

d'un  puits  de  31    mètres  de  profondeur,   colmaté  par  des 

pierrailles;  dans  sa  paroi  du  Nord,  à  deux  mètres  du  fond, 

s'ouvre  une  fissure  impénétrable,  et  deux  mètres  plus  haut, 

une  autre  entrée  plus  grande  m'a  permis  d'accéder  à  un 

second  aven  plus  étroit  que  le  premier.  Il  est  circulaire  lui 

aussi,  de  deux  mètres  de  diamètre,  et  bouché  au  fond  à 
35  m.  (4  m.  plus  "bas  que  le  précédent),  et  bouché  aussi  au 

niveau  du  sol  en  haut.  Remontant  encore  sur  la  paroi  Nord, 
j'ai  trouvé  un  orifice  qui  donne  dans  un  troisième  et  der- 
nier gouffre  ayant  son  fond  8  mètres  plus  bas  que  le  pré- 


(JL1£L0LES   CiUll'l-RKS   1-K    1'R(J\-l:N-CL:  75 

cédenl  (42  m.).  A  ce  moment,  je  devais  me  trouver  irrs  pri-s 
de  la  paroi  Sud  du   ((   Petit  (jaragaï  ».  Aucune  C(»ncr('li()n, 

aucim  os. 

* 

Au  point  de  vue  hydrologie  souterraine,  il  ne  semhh'  pas 
que  cet  ensemble  de  gouffres  draine  beaucoup  d'eau  vers  les 
résurgences  les  plus  proches:  Saint-Antonin  et  Beaure- 
cueil  (au  Sud  du  massif  de  SainteA'ictoire).  C'est  l'évidence 
même  étant    donné   la   situation   des   bouches. 

11  est  plus  que  probable  que  le  plateau  crétacé  du  bois 
de  Concors  rejoignait,  avant  le  creusement  de  la  vallée  de 
\'auvenarg"ues  et  la  surrection  de  Sainte-Victoire,  ce  der- 
nier massif.  De  toute  façon,  s'il  v  a  aven,  il  y  a  eu  ri\ière; 
pour  (pi'il  ^■  ait  ri\ière,  il  faut  ([u'il  v  ait  eu  plateau  (m 
surtace  peu  inclinée,  ou  tout  au  moins  des  montagnes  plus 
hautes  proches  et  en  liaison  hydrologique. 

J'ai  souvent  vu  des  avens  sur  des  sommets;  il  faitl  croire 
que  les  environs,  par  suite  de  mouvements  tectoniques  et  de 
l'érosion,  ont  été  modifiés,  laissant  en  haut  ce  qui  fut  en  bas. 

Le  massif  de  Sainte-Victoire  a  du  être  recouvert  de  cré- 
tacé, mais  l'érosion  l'a  enlevé  et  les  <(  Garagaï  »  commen- 
çaient probablement  dans  cette  couche. 

»  *  • 

*  * 

Hisloriqiic.  -~  On  trouve  dans  la  Provence  à  travers 
champs  (n°  i,  année  1880),  le  récit  d'une  tentative  de  des- 
cente dans  le  Petit  Garagaï  par  M.  Bouche,  ingénieur  atiK 
mines  de  Fuveau.  Ce  compte  rendu  nébuleux,  et  taux 
comme  dimensions  indiquées,  masque  un  échec  (1876). 

Plus  tard,  MM.  Verdot  et  Jury,  faute  de  matériel  et  d'ex- 
périence, ont  frisé  la  mort  et  n'cjnt  pas  atteint  le  fond. 

MM.  Gavet  et  Serre  seraient  descendus  plus  récemment 
jusqu'cà  la  petite  plateforme  de  6  mètres  carrés  qui  se  trouve 
à  29  mètres  de  profondeur.  La  descente  de  ^L  Thieux  à 


76  ROBERT    DE   JOLY 

loo  in:"'ii"('.s  (  ?),  en  a\ril  1902,  n'a  pu  rire  si  l)n.s.se,  sinon 
il  \-  aurait  eu  le  rérit  dt^  l'cxploi'at ion  et  une  description  des 
lieux. 

De  nombreuses  légendes,  communes  à  bien  des  abîmes, 
circulaient  sur  le  compte  de  ce  gouffre:  Fouets  de  bergers 
jetés  au  Garagaï  et  retrouvés  à  la  Fontaine  de  \'^aucluse  î 
Chèvre  d'Or!  Trésors!  Prairies  à  10  mètres  de  profondeur, 
où  les  bei'gers  descendaient  leurs  bêtes  pour  les  faire  gué- 
rir par  les  ((  gaz  »  !  etc.. 

l'ne  seule  (<  iiistoire  »  est  à  retenir,  mais  dont  nous 
n'avons  pu  rien  vérifier.  C'est  celle  indiquée  page  86  de  la 
France  ignorée  de  M.  F. -A.  Martel:  Marins,  en  l'an  102 
avant  J.-C  aurait  précipité  300  Cimbres  et  Teutons  vain- 
cus à  Fourrière  {C'anipi  Putridi).  MalheiUTusement,  depuis 
2.030  ans,  de  nombreux  éboulis  ont  modifié  le  Petit  Gara- 
gaï et  ces  guerriers,  si  la  légende  est  vraie,  gîsent  sous  des 
mètres  cubes  de  pierres. 

Nous  n'avons  trouvé  qu'une  barre  de  fer  provenant  de  la 
construction  de  la  Croix  de  Pi'ovence,  deux  ou  trois  cannes 
et  un  chandelier  ! 

L'exploration  du  Petit  Garagaï  a  été  faite  le  28  juin  1928 
par  MM.  Denizot  (de  la  Faculté  des  Sciences  de  ^Marseille), 
J.  de  Gasparin,  mon  fidèle  compagnon.  Serre,  professeur 
au  Collège  catholique  d'Aix,  et  Ellis,  le  cinéaste  bien  connu. 
M.  l'abbé  Pascal  était  chef  de  poste  et  assurait  le  service 
du  téléphone,  le  ravitaillement  et  le  service  du  magasin  des 
accessoires,  à  la  bouche. 

J'ai  été  seul,  en  sortant  du  Petit  Garagaï,  h  explorer  les 
trois  avens  du  Grand  Garagaï.  ^ 

Uchaud,  le  31  décembre  192S.  Robert  de  JOLY. 

*  Ces  trois  avens  n'ont  qu'une  bouche,  ils  ont  comme  profondeur 
31  m.,  35  m.,  42  m.,  ils  sont  reliés  entre  eux  par  des  fissures  se 
trouvant  vers  le  bas. 


La  Révocation  de  l'Édii  de  Nantes  à  Marseille 


Sa  préparation     —    Ses  conséquences 


Marseille,  ville  commerciale  par  excellence  depuis  l'épo- 
Cjue  où  les  Grecs  de  Phocée  étaient  venus  v  installer  leurs 
comptoirs  prè-s  de  mille  ans  avant  l'ère  chrétienne,  étiiit 
un  lieu  de  passage  trop  fréquenté  pour  qu'à  la  Renaissance 
les  idées  luthériennes  et  calvinistes  n'v  aient  point  été 
apportées  dès  leur  apparition.  Les  iinportateurs  turent  soit 
les  \'audois  voisins  des  bords  de  la  Durance,  soit  les  négo- 
ciants étrangers:  anglais,  liollandais,  allemands  ou  suis- 
ses. Acnus  des  pa\s  du  Xord  s'\'  approvisionner  d'^s  pro- 
duits de  l'Orient.  Dans  d'autres  études  j'ai  écrit  l'histoire 
fies  débuts  de  rHglise  protestante  de  Marseille.  Je  me  con- 
tenterai aujourd'hui  d'exposer  ici,  a\ec  c|uekiues  détails, 
sa  situation  au  niomenl  oii  commencent  en  l'rance  les  pré- 
liminaires de  la  Réxocation  de  l'édit  de  Nantes  et  au 
iiioment  où  cet  édit  tut  appli([ué.  Il  y  a.  en  effet,  deux 
périodes  à  distinguer,  car  cette  mesure  ne  fut  pas  prise  à 
l'improviste,  elle  fut  préparée  de  longue  main  et  précédée 
pai-  une  série  de  mesures  de  plus  en  plus  restrict i\-es  des- 
tinées à  faire  disparaître  le  protestantisme  de  notre  pays. 
Klles  furent  mises  en  action  plus  de  vingt  ans  avant  l'Hdit. 

Les  protestants  de  Provence  avaient  peu  à  peu  relevé  leurs 
églises  après  la  rude  secousse  du  dé-but  du  Wii"  siècle. 
Ils  axaient  obtenu,  le   17  août    |C).S4.   un  arrêt  du   roi  conhr- 


78  V    T..    MAI.ZAC 

mani  les  arliclcs  32  et  34  de  Tlùlil  de  Xanlrs.  Par  (^4  arrêt, 
défense  expresse  avait  été  faite  au  Parlement  d'Aix,  dont 
l'intolérance  ét£iit  connue,  de  connaître  des  causes  de  ceux 
de  la  Religion.  Les  jugements  de  la  Chambre  de  l'édit  de 
Grenoble  étaient  exécutoires  en  Provence  sans  l'autorisa- 
tion   des  juges   d'Aix. 

«  Au  début  de  1661,  lorsque  commence  le  règne  person- 
nel de  Louis  XIV  »,  dit  M.  le  professeur  Bourrilly,  dans 
son  magistral  travail  sur*  les  protestants  de  Provence  et 
d'Orange  sous  Louis  XI\',  auquel  nous  ferons  au  cours  de 
cette  étude  de  nombreux  emprunts,  «  il  v  a  des  tempK^s  à 
Joucas,  à  la  Bastide-des-Jourdans,  à  la  Coste,  à  Si  vergues, 
à  Alérindol,  a  Lourmarin,  à  la  Roque-d'Anthéron,  à 
Cabrières,  à  la  Motle-d'Aigues,  à  Pépin-d'Aigues,  à  \'e- 
laux,  à  Manoscjue,  à  Ongles,  à  Sevne-les-Alpes,  à  Remou- 
les-Riez,  à  Thoard  au  Luc  et  à  Lemps.  Le  culte  est  libfe- 
ment  exercé  à  Gignac,  à  Oppedette,  à  Gordes,  à  Roque- 
fure,  à  Saint-Martin  d'Aiguës,  à  Cadenet,  à  Eyguières,  à  la 
Breolle,  à  Selonnet,  à  Solliès,  à  la  Charce  soit  au  total  dans 
une  trentaine  de  localités  ».  Seules  Aix,  à  cause  de  la  proxi- 
mité de  l'archevêque  et  du  Parlement,  et  Marseille,  en  vertu 
de  l'ordonnance  de  Charles  IX,  de  T563,  obtenue  par  les 
consuls,  n'avaient  pas  de  culte  public.  L'édit  de  Xantes 
avait  réuni  ces  importantes  églises  à  la  petite  paroisse  rurale 
de  \  elaux,  où  le  pasteur  était  tenu  de  résider. 

La  ^•ie  religieuse  des  protestants  marseillais  était  donc 
surtout  toute  familiale.  Des  cultes  clandestins  étaient 
cependant  présidés  par  des  pasteurs  de  passage,  mais  non 
les  ensevelissements.  Il  était  interdit  d'enterrer  les  morts 
a\-ant  la  nuit  et  encore  devait-on  le  faire  sans  bruit  sous  'a 
sur\eil lance  d'un  commissaire  et  a\ec  une  seule  lanterne. 
Pour  entendre  un  culte'  public,  pour  les  mariages  et  les 
ba])têmes,  force  était  de  se  rendre  à  \'elaux,  dont  l'éloigné- 


RÉVOCATION  DE  l/ÉlUï  DI-:  NANTES  A  MARSEILLE 


79 


ment  et  la  ditficulié  d'accès  n'empêchaient  pas  les  assem- 
blées d'être  très  sui\ies. 

L'église  marseillaise  était  formée  soit  par  des  protestants 
irançais,  veniLs  du  Languedoc  commercer  et  se  fixer  dans 
cette  ville,  soit  de  X'aiidois  voisins  venus  de  la  région  du 
LuI)éron,  soii  d'étrangers  suisses,  allemands  ou  anglais. 
Les  descendants  des  premiers  huguenots  du  n\  i'  siècle 
étaient  peu  nombreux.  Ouekiues  bonnes  familles  marseil- 
laises les  représentaient  cependant  encore  avec  les  De  Can- 
dolle,  les  Calix.  les  Honnorat,  les  Pélissier.  Tous  les  autres 
étaient  revenus  au  catholicisme  dans  l'ambiance  cléricale 
de  cette  ville  aux  églises  et  aux  congrégations  aussi  nom- 
breuses que  celles  i-encontrées  dans  l'Lsle  sonnante  ou  au 
pays  des  Papemanes  par  le  bon  Pantagruel,  sous  la  con- 
duite de  Rabelais. 

L^ne  colonie  étrangère  importante  se  retrou\-e  dans  les 
registres  d'état  civil  de  l'église  de  Velaux,  Citons,  parmi 
ses  membres,  en  premier  lieu,  les  Solicoffre,  négociants 
venus  de  Saint-Gall  au  siècle  précédent,  sous  le  nom  de 
Zollicofer.  Ceux-ci  possédaient  à  \'elaiLx  tme  campagne 
dans  laquelle,  tous  les  dimanches,  se  retrouvaient  les  mru- 
seillais  venus  au  prêche.  Heusch,  banquier  suisse  allemani- 
C|ue,  avait  épousé  la  fdle  d'une  des  vieilles  familles  pro- 
\ençales,  ALirie  d'h-stienne  de  Chossegros  de  Mimel.  Heit/, 
de  Cienève.  Parmi  les  Hollandais,  citons  Caries  (iilles, 
époux  Marie  Manzoni  de  Florence,  Xicolas  Ruiz,  époux 
Bénigne  Solicoffre,  \'ander  Cruvs.  l^ierre  Barnes  ou  Ba- 
rents  et  son  fils  ^Lartin,  époux  d'ime  marseillaise,  Thérèze 
Roumieu.  Du  côté  anglais,  Robert  Lang,  remplissait  les 
fondions  iU-  consul  et  éîail  dèicnicur  de  la  a-i  du  <  imetière 
protestant.  Cieorges  Wiilenholf,  de  ILambourg,  rafllncur 
de   su'rc,    snrc(>'~s(Mir   dans  (-ette   industrie   marseillaise  des 


8o  D'"  L,  :m.\lzac 

Corbie,  protestants  •  ses  créateurs,  épousa  Catherine 
Delorme,  de  Xînies. 

Autour  de  ces  divers  chefs  d'industrie  gravitait  une' foule 
cK'  jeunes  agents  de  comj)loir  et  de  domesticpies  de  leur 
nation  qui,  la  plupart,  appartenaient  à  la  religion 
proteslanle. 

A  cette  colonie  étrangère  ajoutons  divers  officiers  suis- 
ses de  la  garnison  :  Jonas  Aman,  capitaine  d'armes  à  la 
citadelle;  Leisser,  capitaine  de  la  Compagnie  suisse;  Louis 
Cirard,  commandant  d'une  compagnie  suisse  du  régiment 
de  Strupp,  caserne  avec  le  capitaine  d'armes  Pierre  Horn, 
au  Château-d'If,  etc.,  etc. 

Parmi  les  nombreux  négociants  industriels  ou  bouticjuiers 
français,  que  le  registre  de  Velaux  de  1669  ^  1684,  nous 
montre  se  mariant  ou  faisant  baptiser  leurs  enfants,  citons 
Jean  Brousson,  marchand  drogiuste  de  Xîmes,  époux 
Catherine  de  Samon  ;  Claude  Baguer,  armateur,  commer- 
çant, industriel,,}  originaire  de  Marsilhargues,  époux 
Simone  Valette;  Jean  Salgues,  marchand  de  soie,  Joseph 
Furet,  droguiste,  époux  Marguerite  Cavaillone,  Jean  Gas- 
saud,  marchand,  bourgeois,  époux  Anne  Seigneuret, Pierre 
Calis,  époux  Anne  Surian,  ouvrier  des  monnaies  du  roi, 
Jean  Delorme,  de  Xîmes,  époux  Anne  Grégoire,  Claude  de 
Candolle  et  son  fils  Jean-François,  époux  Ysabeau 
d'Ftienne  de  Mimet, Louis  Chapus, maître  dans  la  fabrique 
du  roi,  époux  Fsabeau  Fxpariat,  Pierre  Malle,  époux  Ysa- 
beau Farjon,  marchand  originaire  de  Montpellier,  Samuel 
Goyrand,  marchand,  Philippe  Vinatier,  passementier, 
époux  Anne  Sambuc,  fille  de  Pierre  Sambuc,  notaire  de 
\  elaux,  Jean  Burel,  maître  graveur,  Pierre  de  Cormis, 
marchand,  \'incent  de  Serre,  marchand,  époux  Dorothée 
Moxc.  Cosmr  de  Chossegros,  seigneur  de  Mimet,  Marc- 
Ilrnri     Romieu,    orfèvre,    les    frères    Chabrol,    marchands 


RÉVOC.VriOX  DE  l'j-DIT  PE  NANTES  A  M  \K.si;i  iiK  Si 

d'étain,  André  Heiraud,  chapelier,  orlo^inaire  de  Manos- 
que,  Audibert  Sabatier,  banquier,  époux  Mar<,^uerilc 
Guiraud. 

A  ces  familles  fixées  depuis  plus  ou  moins  I()n^lemi)s 
dans  notre  ville,  on  peut  en  ajouter  un  ccrlain  nombre  d'au- 
tres appelées  par  leurs  fonctions  à  y  résider. 

Michel  Rathery,  contrôleur  générai  des  pilères  du  roi, 
Pierre  Charron,  directeur  des  domaines  du  roi,  époux 
Anne  Pélissier,  Pierre  Chai'les,  trésorier  vénérai  des  i^alè- 
res  du  roi  et  Joseph  Prévôt,  receveur  au  i^rcnier  à  sel.  La 
famille  Gibert,  commis  aux  dépenses  de  la  marine,  époux 
Gilette  de  Lacroix,  Jacques  Gibert,  garde  général  des  maga- 
sins des  galères  du  roi,  qui  épousa,  en  1670,  Anne  de 
Rodon,  fille  de  François  de  Rodon,  médecin  du  roy  à 
INLu'seille.  Antoine  Gibert,  époux  Catherine  Gaissade,  com- 
mis de  garde  magasin  des  galères.  Deux  personnages 
importants  représentaient  l'armée  dans  l'église  de  IVLarseille, 
l'un  Charles  Tondeux  de  Bellespine,  époux  Anne  Hlanc, 
était  capitaine  des  portes  de  la  citadelle,  l'autre,  Henri  de 
Passebon,  lieutenant  d'une  galère  du  roy,  natif  de  Sedan, 
était  le  fils  de  François  de  Passebon,  prévôt  du  LLuit  et  du 
Bas  Limozin  et  avait  épousé   ALarguerite   Brousson. 

La  colonie  protestante  mai'Si-illaise  lIc  la  lin  du  nnii*"  siè- 
cle, que  je  viens  d'essayer  de  présenter  aussi  rapidement 
(jue  possible,  menait  une  vie  très  calme.  File  ne  demandait 
malgré  toutes  les  restrictions  à  l'Fdit  de  Xantes  que  de 
pouvoir  prier  son  Dieu  en  paix  et  à  sa  manière.  Tous  ces 
réformés,  loin  d'être  une  charge  pour  l'agglomération  com- 
merciale, étaient  au  contj'aire  des  facteurs  importants  de 
son  développement  et  de  sa  richesse.  Ils  excitaient  même 
parfois  l'envie  de  leurs  concurrents  caih()li(|ues  par  leur 
activité,  leur  sens  des  affaires.  Leur  parfaite  honnêteté 
dans   les   I ransaclions  était    reconnue    par   tous,    l'armi   ces 


82  D»"    L.   MALZAC 

hardis  négociants,  la  grande  faniille  di-s  SoUicoffre  depuis 
plus  d'un  siècle  commerçait  avec  tout  le  bassin  méditerra- 
néen, de  la  mer  Noire  à  l'Kspagne,  où  le  Hollandais  Chris- 
tian \'an  der  Vwitter,  envoyait  aussi  un  navire  en  1651. 
l'.n  1662,  Claude  Baguet  arme  une  barque  pour  Tunis  et 
Jérémie  Baguet,  le  bateau  La  Rose.  Ils  étaient  tous  deux 
spécialisés  dans  le  connnerce  avec  les  terres  barbaresques 
où  ils  entretenaient  des  comptoirs.  Pierre  Barnes  arme  en 
guerre  en  167 1  son  navire  le  Suisse,  sur  la  demande  du 
comte  de  Vermandois,  amiral  de  France.  Tous  les  négo- 
ciants importants  de  la  place  étaient  les  correspondants, 
les  arraisonneurs  de  bateaux  étrangers  et  souvent  les 
consuls  à  Marseille  ou  pour  le  Levant  de  leurs  pavs  res- 
pectifs ou  de  ceux  avec  lesquels  ils  étaient  en  relations 
suiA'ies. 

La  reviviscence  du  protestantisme  provençal,  grâce  à 
l'édit  de  Xantes,  n'avait  pas  manqué  de  susciter  les  récri- 
minations des  catholiques.  Les  éléments  de  réaction  se 
groupent,  se  préparent  à  agir  sur  place  et  de  concert,  en 
attendant  de  mettre  en  mouvement  l'autorité  rovale. Comme 
de  juste  le  clergé  est  à  la  tête  de  cette  campagne.  Il  trouva 
un  appui  et  un  concours  dans  des  sociétés  particulières  for- 
mées de  clercs  et  de  laïques  dont  l'action  pour  se  manifes- 
ter rarement  en  pleine  lumière  n'en  a  pas  moins  été  soute- 
nue et  eflîcace.  Dès  1639,  se  ci'ée  à  Marseille  et  dans  la 
région  provençale,  sur  l'initiative  de  l'évêque  de  Grasse 
Godeau,  la  compagnie  du  Très  Saint-Sacrement  de  l'autel, 
dont  M.  le  doven  Allier  a,  de  nos  jours,  étudié  l'histoire, 
Parmi  les  préoccupations  des  adhérents,  la  poursuite  des 
héréticjues  tenait  une  grande  place.  ((  Et  pour  ce  que  Dieu 
est  grandement  déshonoré  au  siècle  où  nous  sommes  fiar 
les  athées,  d'^istes,  libertins  héréti(|ucs,  schismatit|ues, 
jureurs  cl  blasphémaleurs  du  nom  île  Dieu  et  autres  impies, 


RÉVOCATION  DE  l'ÉDIT  DI£  NANTES  A  MARSEILLE  83 

on  taschera  par  remontrances  cliariiables  et  bons  exemples 
de  les  ramener  dans  le  bon  chemin,  et  s'ils  se  rendent  incor- 
rigibles, les  menacer  des  magistrats  et  même  les  en  adver- 
lir  au  besoin  ».  Les  confrères  constituaient  ainsi  une  sorte 
de  police  bénévole  pour  qui  la  surveillance  incessante  et 
au  besoin  la  dénonciation  a\aient  la  valeur  d'une  œuvre 
pie  ^  ». 

Xe  suffisant  pas  h  leur  œuvre,  ces  conférences  créèrent 
à  Marseille,  en  1650,  une  nouvelle  société  secrète:  la  So- 
ciété de  la  Propagation  de  la  Foi,  ayant  le  même  but  et 
le  même  mode  d'action.  Ils  recrutaient  leurs  adhérents  non 
seulement  dans  le  clergé  mais  aussi  dans  toutes  les  classes 
de  la  société,  en  particulier  dans  les  nonibreuses  confréries 
de  pénitents  qui  florissaient  à  Marseille  en  costumes  de  cou- 
leurs variées,  blancs,  bleus,  gris  et  même  noirs. 

En  1656  l'archevêque  d'Aix,  le  cardinal  de  Grimaldi, 
constate  des  infractions  à  l'édit  de  Xantes:  des  temples  nou- 
veaux avaient  été  élevés  à  Mérindol,  à  Manosque,  à  Lemps, 
dans  des  seigneuries  ecclésiastiques.  Plainte  fut  portée  au 
roi,  des  commissaires  enquêteurs  furent  nommés.  L'affaire 
traîne  jusqu'en  1660,  où  profitant  de  la  visite  royale  à  Aix, 
le  clergé  veut  v  faire  assigner  les  pasteurs  et  les  principaux 
religionnaires  des  dits  lieux.  Ceux-ci  «  attendu  que  cette 
ville  d'Aix  leur  est  grandement  suspecte  »,  obtiennent  que 
les  conférences  auront  lieu  h  Pertuis.  où  elles  durèrent  un 
mois  et  demi,  du  27  avril  au  5  juin  i6!')2.  Le  pasteur  Jean 
Bernard,  de  ^Lanosque,  fut  en  vain  délégué  à  Paris.  Le 
culte  protestant  fut  supprimé  dans  une  quinzaine  de  loca- 
lités et  ne  fut  plus  toléré  que  dans  sept  ou  huit,  en  dehors 
des  cinq  désignées  dans  les  arrêts  précédents:  Mérindol, 
Seyne,   Manosque,  Le  Luc  et  Velaux.   L'arrêi   fut  exécuté 

'    B'iurrillv.   Inc.    cil, 


84  I''    '-•   -^lALZAC 

SOUS  la  survi.'illance  intéressée  des  confréries  et  du  clergé. 
Cependant  à  Lourmarin  il  y  avait  toujours  un  pasteur 
et  les  entcM-renients  étaient  faits  en  dehors  des  hcures.fixées, 
celle  ])ar()isse  étant  ])resque  entièrement  protestante,  les 
ratl)()li(ju(.'s  étaient  presque  exclus  des  cluirges  muniri])ak'S. 
Plainte  nouvelle  fut  portée  au  Parlement,  que  prononça  un 
long  arrêt  contre  les  réformés. 

V.n  1666  et  1667,  deux  déclarations  royales,  une  contre 
les  l'elaps  et  blasphémateurs,  l'autre  ((  sur  ce  cjue  doivent 
faire  les  Protestants  »,  rcL'oivent  une  si  large  publicité  en 
l^roxence  que  des  particuliers  de  Mérindol  sont  condamnés 
]")()ur  irrévérence  contre  le  Saint-Sacrement  de  l'autel. 

L'archevêque  d'Arles,  dans  le  diocèse  duquel  se  trouvait 
^Vlaux,  porta  en  1669  une  plainte  contre  les  protestants  de 
ce  lieu  «  qui  font  venir  des  pasteurs  étrangers  pour  y  prê- 
cher les  jours  de  Ste  Cène  ».  En  1671,  le  même  archevêque 
revient  à  Velaux  surveiller  de  près  ses  brebis  égarées,  au 
cours  d'une  de  ces  nombreuses  missions  organisées  dans 
toute  la  Provence,  pour  convertir  les  hérétiques. 

En  1679,  1g  recours  des  protestants  provençaux  à  la 
Chambre  de  l'édit  de  Grenoble  est  supprimé.  Ils  sont  désor- 
mais livrés  à  l'arbitraire  et  à  l'intolérance  du  Parlement 
d'Aix.  La  congrégation  pour  la  propagation  de  la  foi  de 
INfarseille,  dénonce  cette  même  année  trois  huguenots  :  un 
avocat,  un  médecin,  de  Rodon,  sans  doute  et  le  pasteur 
Chauvin.  Elle  indique  comme  moven  discret  de  se  débar- 
rasser d'eux,  de  les  mettre  en  quarantaine,  <(  c|ue  les  autres 
médecins  ne  fassent  point  de  consulte  avec  lui,  que  les 
malades  catholiques  ne  s'en  servent  point  ». 

Pour  le  pasteur  Chauvin,  accusé  d'exercer  son  minis- 
lèrc  à  Marseille  et  dénoncé  par  le  médecin  clérical  Peys- 
sonel,  il  y  eut  de  nombreuses  l'equéles  adressées  au  minis- 
tère, aux  éche\ins  et  au  su]:)éiieur  général  de  la  congréga- 


RlîVO'CATIOX  DE  L  KDI T  Ui:  NAXTI-S  A  MARSEU.l.r:  8^ 

tion  à  Paris,  le  père  Aleynier.  Celui-ci  répondit  t-n  indi- 
(|iianl  les  moyens  de  se  débarrasser  du  ministre  par  une 
consultation,  que  M.  le  professeur  Bourrilly  quai i lu-  de  clit-f- 
d'œuvre  de  prudence  papelarde  et  d'astuce.  Chauvin  dût 
se  résoudre  à  partir.  Son  dénonciateur,  Claude  Fcvssonel, 
ne  fut  pas,  semble-t-il,  récompensé  de  sa  mauvaise  action 
par  une  augmentation  de  sa  clientèle,  car  le  20  avril  1689 
il  demandait  à  la  Chambre  de  Commerce  l'autorisation  de 
se  ri'ndrr  et  de  résider  à  Alexandrie  d'I^gx-pte.  Son  Irère 
^'ézar,  qui  était  chirurgien,  en  faisait  de  ir.éme  1(^ 
9  novembre  '. 

Kn  1680,  de  nombreux  arrêts  royaux  contre  les  protes- 
tants sont  répandus  en  Provence.  Le  gouverneiu'  M.  de  (iri- 
gnan  paraît  avoir  été  assez  tiède  dans  leur  application, 
mais  l'intendant,  l'archevêque  d'Aix  et  le  Parlement,  très 
excités  contre  les  hérétiques,  vivaient  vite  raison  de  sa  ten- 
dance à  la  tolérance.  En  haut  lieu  d'ailleurs  on  s'intéres- 
sait fort  à  cette  surveillance  et  h  la  conversion  des  réformés. 

La  correspondance  de  Colbert  avec  les  divers  intendants 
des  régions  protestantes  de  la  France,  contient  de  nombreu- 
ses lettres  à  ce  sujet.  En  voici  une  parmi  celles  ([u'il  adres- 
sait à  Marseille  : 

Au  sieur  Brodart,   iulendani  des  galères  à  Marseille 
Saint-Germain,    14   avril    1680. 

Le  Roy  ayant  résolu  d'osier  peu  à  peu  dit  eorps  de  ses 
galères  tous  ceux  qui  seront  de  la  ]\  .  7^  l\ .  veut  que  vous 
me  fassierj  scavoir  s'il  y  a  parmi  les  écrivains  qui  servent 
dans  le  port  ou  sur  lesdiles  galères  quelques-uns  d'eux  qui 
soyenl  huguenots  et  qu'en  ce  cas  vous  cessiez  de  les 
employer  aussitôt  que  vous  auriez  reçu  cette  lettre,  et  m'en- 

'  Archives  de  la  Cli.    de  Commorrc,  B;,  f  4<''9  <'<  4^7- 


86  D''    I..  MALZAC 

VDVCZ  un  mcmoirc  de  ceux  que  vous  aurez  nslés  de  Vemplol 
par   celle   raison. 

.1  Vesgard  des  officiers  S.  M.  a  résolu  d'envoyer  à  M. 
par  le  moyen  de  M.  l'Evesque  un  ecclésiastique  habile  et 
capable  d'inslruire  ceux  qui  voudront  bien  se  mettre  en 
estai  de  connoislre  les  erreurs  dans  lesquelles  ils  se  sont 
engagés;  et  vous  pourrez  lorsque  cet  ecclésiastique  sera  en 
ladite  ville  faire  entendre  tout  doucement  à  ceux  des  dits 
officiers  qui  sont  de  la  religion,  que  S.  M.  veut  bien  encore 
patienter  quelques  temps  pour  voir  s'ils  voudront  se  ser- 
vir du  secours  qu'elle  veut  bien  leur  donner  pour  les  ins- 
truire dans  la  Catholique,  inais  qu'après  cela  son  intention 
n'est  pas  de  se  servir  d'eux,  s'ils  continuent  dans  leur 
erreur. 

Ne  manquez  pas  de  m'envoyer  une  liste  exacte  de  tous 
les  officiers  des  galères  qui  sont  de  ta  R.  P.  R.  Je  m'étonne 
que  vous  ne  m'ayez  point  encore  rendu  compte  de  ce  que 
fait  le  sieur  Gibert  pour  s'instruire  des  vérités  de  notre 
religion.  ]\^us  pouvez  lui  expliquer  clairement  que  s'il 
ne  se  fait  incessamment  catholique  S.  M.  lui  fera  oster 
son    emploi. 

Sur  le  compte  que  j'ai  rendu  à  S.  M.  des  voyages  que 
vous  avez  fait  à  Toulon  depuis  quatre  mois,  elle  a  bien 
voulu  vous  accorder  3.000  livres  de  gratification.  J'en  ferai 
remeilre  V ordonnance  au  porteur  de  votre  procuration  '. 

Gibert  entré  en  fonctions  le  29  mars  1673,  ne  tint  aucun 
compte  des  ordres  du  puissant  ministre.  Il  fut  cassé  de  sa 
charge  pour  fait  de  religion  en  i6Sî.  Il  n'abjura  qu'après 
la  révocation,  sous  la  contrainte  des  dragons  et  disparut 
ensuite,  semble-t-il,  de  Marseille. 

^  Lettres  de  Colbert,  tome  VI,  p.  130.  (Arch.  de  la  Marine.  Dépê- 
ches concernant  les  galères,   1680,  f"  104). 


ki-:vor.\Tio\  df  L*i':i)Tr  de  xaxit^  a  aur^riur  87 

L'année  suivante,  les  né^oeianfs  suisses  nioli-sti's  clans 
l'exercice  de  leur  relii^ion  i-l  forts  de  It-m-  (|ualiir  il'allit'-s 
séculaires  de  la  l'^rancc,  ét^rixcnl  [)()ur  se  plaindre  à  la 
diète  de  Saint-Gall. 

En  1683,  le  jour  de  Piiques,  un  capiu^n  [iréchant  le 
carême  à  Velaux,  fut  entendre  le  sermon  du  pasteur  Bar- 
thélémy Bernard.  Celui-ci  pria  T}ieu  pour  ses  frères  persé- 
cutés par  l'Antéchrist  et  privés  de  leurs  temples  et  de 
leur  religion.  Cela  sut  ht  pour  (ju'un  conseiller  du  Parle- 
ment d'Aix  fut  commis  j^our  instruire  cette  affaire.  Le 
résultat  naturel  et  prévu  de  celte  enquête  fut  la  fermeture 
du  temple  de  Velaux.  Désormais  les  protestants  marseil- 
lais ne  purent  plus  entendre  de  culte  puhli(\  Les  négociants 
étrangers  réitérèrent  en  \-<iin  leurs  plaintes  en  [684  à  la 
diète  de  Zurich. 

Le  II  mai,  nouvelle  défense  qui  atteint  surtout  les  mar- 
seillais. Le  roi  interdit  à  tout  Français  d'accepter  des  char- 
ges de  consuls  des  nations  étrangères  dans  les  j)orls  du 
royaume  et  à  ceux  qui  en  sont  pourvus  d'en  remplir  les 
fonctions.  Entre  temps,  les  missions  étaient  de  plus  en 
plus  ordonnées.  Il  y  en  eut  même  une  sans  grands  résul- 
tats^ à  bord  des  vaisseaux  du  port,  parmi  les  officiers  du 
grand  amiral  protestant  Du(iuesne,  que  l'on  taisait  sur- 
veiller pour  savoir  s'il  exécutait  à  bord  de  ses  navires  les 
instructions  royales  au  sujet  de  la  célébration  de  la  mcs.se. 
Colbert  écrivait  plusieurs  lettres  à  l'ecclésiastique  chargé 
de  cette  mission  et  entrait  même  dans  les  plus  petits  détails 
pouvant  faciliter  à  celui-ci  son  rôle  d'éducateur. 

La  dernière  mesure  préparatoire  à  l'édit  fut  l'ordon- 
nance de  l'intendant  Morant,  en  date  du  4  avril  1685.  Elle 
prescrivait  aux  protestants  français  ou  étrangers,  de  faire 
par  devant  M'  Soleil,  notaire  et  .secrétaire  de  la  commu- 
nauté, la  déclaration  de  leur  domicile,  de  leurs  biens,  ainsi 


88  h^    L.   -MALZAC 

que  la  conslilution  de  leur  faniiile.  Elle  défendait  aussi  à 
de  nouveaux  protestants  français  de  s'installer  à  Marseille. 
Sur  les  2;o  habitants  protestants  de  la  ville,  répartis  en 
6i  familles  en  16S2,  27  familles  françaises  représentant 
130  personnes  et  13  étrangères,  soit  65  personnes,  firent 
cette  déclaration. 

Les  formalités  prescrites  par  cette  ordonnance,  les  édits 
multipliés  contre  les  protestants,  tout  faisait  présager  des 
mesuies  encore  plus  rigoureuses  Cjue  celles  dont  ils  avaient 
été  jusque  là  victimes.  Aussi  dans  le  courant  de  septembre 
et  au  début  d'octobre,  un  certain  nombre  de  religionnaires 
quittèrent-ils  Marseille  ou  prirent  leurs  dispositions  pour 
un  prochain  départ.  Les  uns  se  retiraient  dans  leur  pays 
d'orig"ine,  la  plupart  pensaient  à  s'enfuir  directement  vers 
les  pays  étrangers.  L'intendant  ]\Iorant  s'émut  de  ces 
départs  et  adressa  aux  échevins  la  lettre  suivante; 

Messieurs, 

Ayanl  été  informé  qu'un  grand  nombre  de  religionnai- 
res sujets  de  S.  M.,  au  préjudice  de  ses  édits  et  déclarations 
qui  leur  défendent  de  sortir  du  royaume,  à  peine  des  galè- 
res, ne  laissent  pas  que  de  passer  dans  les  pays  étrangers, 
s'emtiarquant  pour  cet  effest  dans  les  villes  et  lieux  mari- 
times de  cette  province,  je  vous  fais  cette  despêche  pour 
vous  dire,  que  de  concert  avec  le  lieutenant  de  l'amirauté 
de  votre  ville,  vous  fassiez  observer  ceux  que  pourraient 
y  rester  aprcs  que  les  expéditions  nécessaires  pour  leur 
embarquement  leur  auront  été  refusées  et  que  vous  leur 
enjoigniez  mesme  d'en  sortir  en  cas  que  vous  connoissiez 
qu'ils  n'y  séjournent  que  dans  l'attente  d'une  occasion 
favorable  pour  s' emÀuirqucr.  Je  suis,  Messieurs,  votre  très 
humble  et  tris' affectionné  serviteur.  —  Morant.  A  >Lar- 
seille,  le  8  octobre  1685  '. 

^    Marseille.    Archives    ^Municipales.  .     , 


RÉVOCATION  \)K  I.'l'lDlT  DE  XAXTMS  A  MARSKII.I.E  89 

Kn  exécution  de  cette  lettre,  dit  M.  Bourrilly,  une  des- 
cente de  police  eut  lieu  le  13  octobre  à  Mazaro-ucs,  d'où  par 
les  calanques  de  Sormiou  et  de  Mor^iou,  un  pouvait  s'en- 
fuir en  barque  et  rejoindre  au  larg-e  des  îles  quelque  vais- 
seau étranger. 

L'édit  royal  révocpiant  l'Edit  de  Nantes,  tut  promulgué 
par  le  comte  de  C^rignan,  commandant  en  Provence,  le 
30  octobre  16S5.  La  population  catholique  de  Marseille 
l'accueillit  avec  joie.  L'assemblée  des  communautés  réunie 
à  Lambesc  en  novembre,  poiu'  célébrer  l'heureux  é\éne- 
ment  et  aussi  poiu-  aider  à  couvrir  les  frais  de  ces  <(  victoires 
non  sanglantes  que  Louis-le-Grand  venait  de  remporter  par 
sa  prudence  sur  les  ennemis  de  la.  Religion  »,  vota  un  don 
gratuit  de  600.000  livres  et  l'érection  sur  une  place  d'Aix 
d'une  statue  du  grand  roi.  Marseille,  de  même,  vota  une 
autre  statue.  Il  serait  trop  long  de  raconter  ici  comment 
après  avoir  consulté  le  sculpteur  Puget,  le  projet  fut  donné 
cà  Paris  à  un  de  ses  concurrents  et  comment  finalement  les 
deux  projets  furent  abandonnés. 

Les  protestants,  et  cela  est  facilement  compréhensible, 
n'accueillirent  pas  avec  la  même  joie  l'édit  royal.  Respec- 
tueux malgré  tout  de  l'autorité  royale  à  laquelle  leur  loya- 
lisme avait  été  lidèle  en  tous  les  temps,  les  principaux  des 
réformés  marseillais  avaient  promis  à  l'intendant  d'obéir  à 
la  loi.  Ils  se  ravisèrent  ensuite  en  s'autorisant  de  la  dernière 
clause  de  l'édit,  ainsi  conçue:  a  Pourront  au  surplus  lesdits 
de  la  R.  P.  R.  en  attendant  qu'il  plaise  à  Dieu  les  éclairer, 
comme  les  autres  demeurer  dans  les  villes  et  lieux  de  notre 
royaume,  pays  et  terres  de  notre  obéissance,  y  continuer 
leur  commerce  et  jouir  de  leurs  biens  sans  pouvoir  estre 
troublez  ny  empeschez  sous  prétexte  de  lad.  R.  P.  R-  a 
condition  comme  dû  est,  d'en  pouvoir  faire  d'exercice,  ny 
de  s'assembler  sous  prétexte  de  prières  ou  de  culte  de  lad. 


C)0  D*"    L.   .MM.ZAC 

rclig'ion,  de  quelque  nature  qu'il  soii  souhs  les  peines  rv 
dessubs  de  confiscation  de  corps  et  de  biens  ». 

Cette  interj^réfation  ne  fut  pas  acceptée  par  le  «gouver- 
neur de  l^ro\ence  (jui,  puuv  activer  les  conversions,  fit 
marchei'  sur  Marseille  lui  escadron  de  dragons  le  2  novem- 
bre 16S5.  Lou\'ois,  qui  lui  transmit  le  7  novembre  l'appro- 
bation du  roi,  lui  recommanda  de  détromper  les  religion- 
naires  marseillais  par  des  logements  considérables. 

Xous  empruntons  à  Arnaud^  le  texte  d'un  récit  catholi- 
que des  conversions  ainsi  obtenues:  <(  Le  second  novembre 
16S5,  jour  de  saint  dimanche,  est  arrivé  en  cette  ville  cent 
cavaliers  dits  dragons,  avec  le  nom  des  huguenots  habitant 
cette  ville,  allant  à  cheval  à  chaque  maison  desdits  hugue- 
nots, leur  dire  de  la  part  du  rov,  s'ils  veulent  obéir  à  l'ai;- 
rêt  du  roi,  ou  aller  dès  à  présent  en  galères  et  leurs  femmes 
à  l'Amérique.  Pour  lors,  vo3'ant  la  résolution  du  roy  crient 
tout  haute  voix  «  Vive  le  rov  et  sa  sainte  loi  catholique 
apostolique  et  romaine  que  nous  croyons  tous  et  obéirons 
à  ses  commandements  ».  Donc  MM.  les  Vicaires,  chacun 
en  sa  paroisse,  les  ont  reçus  comme  enfants  de  l'Eglise  et 
renoncé  à  Calvin  et  à  Luther.  j\L  le  grand  vicaire  les  obli- 
gea d'assister  tous  les  dimanches  au  prône,  chacim  à  sa 
paroisse,  et  les  vicaires  avant  de  commencer  le  prône  les 
appela  chacun  par  son  nom  et  eux  de  respondre  tout  haute 
voix  ((  Monsieur  suis  icv  ». 

Ce  récit  nous  paraît  ne  pas  être  tout  h  fait  véridique.  Si 
les  protestants  marseillais  avaient  tous  agi  avec  une  telle 
précipitation,  il  n'aurait  pas  été  nécessaire  de  loger  chez 
eux  les  dragons.  Or,  les  archives  de  Marseille  abondent  en 
renseignements  sur  ce  point  spécial.  Le  3  novembre,  Jean 
et  Jacques  Peitieu,  Pierre  Peitieu  leur  père,  Abraham  Olier, 

^  Histoire  des  protestants  de  Provence  et  du  Comtat  Venaissin. 


REVOC.MKjN  Di:  L  KDIT  LK  NAN  IKS  A  MARSKILI.E  Ol 

J(-an  SiircK^i.  Pierre  Pouclu.t.  Jérémie  Piaguei^  Louis  Cha- 
pus,  Henri  et  Paul  Calix,  Isaac  Magnan,  Jacques  Porlal  ei 
Pierre  Fabry,  reçurent  chacun  quatre  dragons  à  luger  et 
à  entretenir.  Les- frères  LIenri  et  Samuel  Chabrol,  mieux 
servis,  en  curent  six  chacun.  La  dame  Claire  C.iraud.vei.vc 
de  Georges  Ferrât,  âgée  de  66  ans  n'en  eut  que  deux, 
mais  ils  lui  vendirent  ses  meubles  après  avoir  brisé  portes 
et  fenêtres.  Etienne  Ginoux  en  reçut  aussi  deux  comme 
Jean  Miller,  auquel  on  mit  en  surplus  le  capitaine  et  un 
maréchal  de  logis.  L'n  lieutenant  fut  aussi  ajouté  aux  qua- 
tre dragons  pour  Louis  Chapus.  A  mesure  que  le  résultat 
cherché  était  obtenu  l'autorité  établissait  un  roulement 
parmi  ses  missionnaires  bottés.  Les  dragons  de  Jean  et  Jac- 
ques Peitieu  furent  envoyés  à  rh(5te"l  du  Lévrier  aux  frais 
de  Marie  d'Estienne  de  Chossegros,  femme  du  sieur 
Heusch  ;  ceux  de  Pierre  Peitieu  allèrent  chez  Jean  Dent  y 
((  chapellier  près  la  Poissonerie  neuve  ».  Ceux  d'Abraham 
Olier  n'ayant  pas  trouvé  leur  hôte,  furent  envoyés  à  l'hôtel 
et  le  4  novembre  chez  Denis  Charde,  chapelier.  Le  surlen- 
demain ils  s'installent  chez  le  sieur  Etienne  ^L'ltte,  au. 
Pavé-d' Amour,  maison  du  Sr  Bazan.  Les  quatre  dragons 
de  Pierre  Pouchot  fuj-ent  mis,  deux  chez  Pierre  Jussy,  pas- 
sementier, demeurant  à  X.-D.  de  Laurette  et  deux  chez  ^L^- 
rie  GardioUe,  femme  de  François  Még-y,  tailleur  d'habits, 
demeurant  au  cours,  proche  les  Recollets.  Ceux  de  Louis 
Chapus  émigrèrent  chez  Catherine  Delorme,  femme  de 
Georges  Widenhoff,  raffineur  de  sucre,  devant  le  Petit  jeu 
de  Paume.  Xe  l'avant  pas  trouvée  ils  allèrent  :hez  Henrv 
Colomb.  Ceux  de  Pierre  Calix  passèrent  chez  André 
Eyraud,  chapelier  à  l'agrandissement,  pour  forcer  sa  famille 
à  abjurer.  Paul  Calix  déboursa  pour  les  siens,  qu'il  ne 
logea  pas  cependant,  3  livres,  16  sols  pour  du  foin,  les  fit 
déjeuner  et  leur  donna  encore  4S  livres.  Tls  allèrent  ensuite 


9^  U''    I..    -MALZAC 

chez  Isnnr  ()licr,  man-liand,  ]:)r()rlu'  les  Rerollds,  maison 
d'Iùicnni'  Im-ssoit  cl  de  là,  le  4  no\-embre,  chez  Pierre 
I\ralk',  au  coiiiple  diujiu'l  ahsenl,  ils  dépensèrent  au-  logis 
de  la  Pomme  d'or  25  livres.  Ceux  d'Isaac  Magnan  passè- 
rent chez  Mathieu  Allègre,  gendre  de  Jean  Calix,  à  la 
Rive-Xeuve.  Etienne  Ginoux,  déchargé  par  ordre  de  l'in- 
tendant, fut  débarrassé  de  ses  garnisaires  au  profit  de 
Madeleine  Derre,  veuve  de  Paul  Monestier,  denvHirap.L  au 
Cours.  Tous  ces  logements  ne  durèrent  que  trjJs  ou  qualre 
jours,  mais  turent  foris  coûteux  pour  ceux  auxquels  on  les 
imposait  et  à  qui  on  arrachait  une  abjuration  dont  la  valeur, 
l'avenir  le  démontra,   ne  fut  pas  considérable. 

Un  ((  état  des  personnes  de  la  R.  P.  R.  de  l'ung  et  de 
l'autre  sexe  qui  ont  abjuré  h.  Marseille  les  2,  3  et  4  novem- 
bre 16S5  »,  donne  seulement  un  total  de  12S  personnes, 
tandis  qu'une  note  de  police  du  même  dossier  indiquant 
les  protestants  avec  leur  adresse  dans  les  quartiers  de  Ca- 
vaillon,  St-Jean,  Corps  de  ville,  Blanquerie,  fait  mention 
d'un  minimum  de  350  personnes. 

Une  autre  note  sans  date,  du  même  dossier,  porte  le  titre 
de  «  Roole  des  hérétiques  rezidant  à  Marseille  qui  n'ont 
pas  encore  abjuré.  Ce  sont:  Jacques  Millier  dit  le  Suisse, 
les  trois  enfants  de  jMagdeleine  Sambuc,  veuve  de  Isaac 
Hxpariat,  demeurant  au  Cours;  Charles  Gillv,  sa  femme 
et  ses  quatre  enfants;  Dame  ]\Iarie  d'Estienne  de  Chosse- 
gros  de  Mimet,  femme  du  sieur  Heusch,  trois  enfants  et  sa 
servante;  Reine  Martin  Barnes,  père  et  fils,  leurs  femmes 
et  huit  enfants;  Pierre  Matte,  sa  femme,  un  enfant,  deux 
servantes  et  un  homme  dç  comptoir;  Etienne  Matte,  sa 
femme,  un  enfant  et  un  garçon  de  comptoir  et  une  servante  ; 
la  femme  de  Pierre  Pouchot  ». 

Cette  énumération  n'est  pas  complète  car  dans  la  liste 
par  quartiers  on  relève  un  certain   nombre  de  protestants 


RliVOCATloX  Di:  I.  i;i)IT  Dl-:  XANTKS  A  MARSKII.M-: 


93 


absents  ou  à  la  campai^ne,  prohablenicnl  sur  K'  chcniin  dt- 
l'exil.  Un  certain  nombre  d'abjurations  eurent  l'hunncui: 
d'être  reçues  par  r«''\ê(iue  lui-même,  sans  doute  à  cuise 
de  la  situation  sociale  des  nouveaux  jiroséhtes  :  Marc- 
]Ienr\'  CIial)roi  et  son  Irère  Samuel,  tous  tleux  potiers 
d'êlain,  le  ,^  novembre.  Louis  CMiapus  le  4,  l'aul  C'.ilix  le  7, 
Jean  Brousson  le  g  et  Pierre  Rrousson  de  \imes,  le  10  no- 
\-embre.  Toutefois,  ré\ê(|ue  mai'seillais  eut  assez 
peu  de  discernement  dans  le  choix  de  ses  catéchumènes, 
ti'ois  d'entr'eux.  les  trères  Chabrol  et  Calix  s'enfuirent  à. 
l'étrani^er,  les  Brousson  furent  de  très  mau\ais  \ou\'eaux 
con^•e^tis.  Leur  neveu  Claude,  dexint  le  plus  inHuent  et 
celui  de  tous  les  prédicants  du  Désert  qui  lit  le  plus  pour 
le  maintien  de  la  foi   protestante  \ 

Bien  que  le  comte  de  Gri^nan  eut  fait  afficher  le  25  octo- 
bre la  défense  de  praticpier  la  religion  protestante  à  bord 
des  na\ires,  le  30  octobre  la  défense  aux  relii^onnaires  de 
sortir  du  rovaume  et  le  5  no\embre  la  défense  à  (|uicon(|ue 
de  les  aider  dans  cette  entreprise  à  peine  de  30.000  livres 
d'amende,  la  proximité  des  frontières  d'Italie  et  surtout  le 
voisinage  de  la  mer  continuèrent  de  plus  en  plus  à  faci- 
liter un  exode  important.  V.n  décembre  1(^)85,  l'inlentlant 
Morant  prescri\it  une  en'iu'-te  ;)our  coimaîire:  i"  <(  Les 
noms  et  qualités  de  ceux  de  la  K .  V.  I\.  (|ui  s'i'laienl  p.mi- 
rés  du  Rovaume  depuis  le  dei)ut  de  l'anni'-e  et  n'y  sciaient 
pas  retournés  incessanuuent  »  ;  2"  «  depuis  (jUcand  ils  sont 
absents,  c|uels  biens  ils  ont  laissés,  soit  en  meubles  ou 
imm.eubles,  la  valeur  de  ces  biens,  ce  qu'ils  peuvent  valoir 
par  estimation  et  si  quelques-uns  n'ont  point  été  usurpés 
depuis  leur  fuite,  vendus  ou  mis  à  couvert  depuis  le  com- 
mencemenl  de  la   présente  annt-e.   »  Celte  en(|iièle  (!<'m<intra 


'    .Aiiélc   à    (Jhroii    il'.rarn),   il    fut   cxc'ci'lc   ;>    .M- ni  i)i-llirr    le  4   no- 
vembre   ]6;S. 


94  L)'"    L.   .MALZAC 

f|iK'  Ii^  nombre  des  fugitifs  nirinc  à  Marseille  croissait  clia- 
(jue  jour  clans  des  j)i-o]iortiuns   infiiiiétantes. 

Dès  la  première  (juinzaine  de  mars  1686,  le  conile  de 
(irii^nan  ])ril  des  mesures  de  surxeiiiance  très  actives.  11 
créa  des  secteurs  sur  loule  la  frontière  terrestre  de  la  Pro- 
vence, commandés  chacun  par  un  oflicier  et  auxquels  une 
centaine  de  communautés  eurent  à  fournir  des  hommes  de 
garde  et  h  pourvoir  à  leur  entretien.  Dans  le  premier  sec- 
teur, celui  qui  touchait  au  Dauphiné  et  à  la  vallée  de  Bar- 
celonette,  route  directe  des  \allées  vaudoises,  près  de 
180  hommes  montèrent  une  garde  assidue.  Celle-ci  dura 
malgré  les  frais  considérables  qu'elle  occasionnait,  jus- 
qu'en septembre  1687.  Du  côté  maritime,  les  mêmes  mesu- 
res furent  prises  de  l'embouchure  du  Rhône  jusqu'au  Var, 
une  douzaine  de  chaloupes  armées  croisèrent  sans  cesse 
dans  la  région.  Dès  la  fin  novembre,  un  certain  nombre  de 
protestants  marseillais,  auxquels  leur  abjuration  forcée 
parut  trop  pénible,  s'enfuirent  à  l'étranger  en  dépit  de  cette 
double  sur\-eillance.  Les  archives  des  Bouches-du-Rhône 
nous  ont  conservé  les  noms  de  ceux  dont  les  rjiens  furent 
vendus.  Ce  sont  :  Pierre  et  Philippe  Calix,  Jean  Maillet, 
David  Romieu,  les  frères  Chabrol,  Michel  Heuss,  la  famille 
d'Allest  et  les  frères  Peilleux. 

Arnaud,  dons  son  Fîisloire  des  protcsUnils  de  Provence, 
é^■aIue  de  1400  à  1500  les  religionnaires  c{ui  s'enfuirent 
entre  1686  et  1698,  .soit  à  peu  près  le  1/5''  de  la  population 
protestante  de  cette  province.  A  ce  nombre  il  faudrait  encore 
ajouter  tous  ceux  qui  du  Languedoc,  du  Dauphiné  et 
môme  de  plus  loin,  vinrent  s'embarquer  en  fraude  à  ALar- 
seille  avec  la  c<;nnivence  de  leurs  amis  de  cette  ville  et 
])aiiois  même  celle  de  Ijonnes  ;.mes  caiholit(ues. 

Alexandre  Sa\'ois,  fils  de  Pierre  vSavois,  ce)nseiller-se(N'é- 
taire  du  roi  au  Parlement  de  Toulouse,  n^nis  a  laissé  le  récit 


RÉVOCATION  DE  l'édii  dk  nam lî S  A  mars[:h.i.i; 


95 


de  sa  fuite  de  Montauban  '.  Parti  à  l'à-e  de  tr-i/e  ans,  au 
début  de  sei)lembre  1685  «  souliers  en  besace  sur  sou  rpaulc 
et  des  escarpins  de  corde  à  ses  pieds  )\  plus  riclir  de  toi 
(jue  d'arg-ent,  cet  enfant  j)asse  par  Lavaur,  C'asin-s,  Maza- 
uiet,  Hédaricux,  Lodi'vr,  Montpi'Ilicr,  Lund,  Nîmes, 
Beaucaire,  Lanson  et  Berre.  11  arrive  après  mille  i)cri|)r-- 
ties,  dont  il  nous  fait  un  récit  intéiessant,  à  Marseille,  le 
12  janvier  i685,  à  6  heures  du  soir,  avec  quelques  compa- 
gnons de  voyage  pris  en  chemin.  Là  ils  restèrent  vingt- 
trois  jours,  attendîuU  ime  occasion  ])our  s'embarquer  et 
soutenus  par  leurs  coreligionnaires  marseillais.  <(  L'un 
d'eux,  AL  Bathery,  neveu  de  AL  Ciiarles  ■,  surtout,  me  fil  >>, 
dit-il  ((  de  grandes  offies  de  service.  Il  m\)u\rii  une  armoire 
dans  laquelle  il  me  tlil  ([u'il  \-  axait  10.000  escus  en  or  (|u'il 
me  C()nseilloit  d'en  prendre  une  bonne  partie  (il  alla  jus- 
cju'à  10.000  francs),  {|u'il  ne  demandoit  qu'un  billet  sur 
mon  père,  persuadé  qu'il  les  rembourserait  d(^  bon  ccxHir, 
et  cju'il  seroit  bien  aise  ciue  j 'eusses  le  moyen  de  subsister 
hors  du  rovaume,  sans  courir  le  danger  de  me  taire  des 
remises  qui  étoient  déjà  sévèrement  défendues.  J'élois  de 
son  avis,  mais  AL  Lalauze  (un  de  ses  compagnons  de  fuite, 
fils  cadet  d'un  avocat  de  AL)ntauban),  y  fut  contraire, 
disant  C|ue  mon  père  ne  me  laisserait  pas  soullrir  et  (|ue 
nous  pourrions  être  pilliés.  Ainsi  je  ne  pris  (|ue  dou/.e  louis 
dont  je  lui  Ils  un  billet  (îour  prier  mon  père  de  les 
rembourser. 

AL  Raîeri  me  pnxHira  le  plaisir  dt>  voir  .Mlle  Koyer, 
Je  Alontauban,  .sa  parente,  (|u"il  avait  cachée  avec  Mlle  sa 
fille   chez   une   demoiselle  ])apiste   sur   le   port.    Nous    nous 

1  |>  ]|  p  K.  ,(,,,5  Abrt'gc  (le  l'lii>t(.irr  d.-  rcuigini-,  <!'•  la 
suitiL-  de  Kraïue  et  de  la  vie  d'Alexandre  Savuis  é(  rit  par  liiir 
menu,    publié   par   A-.tiuyot   et    X.    Wei.^?. 

-  J.e  contrôleur  t,rénéral  des  domaines  à  .Marseille. 


q6  d""  l.  malzac 

fîmes  des  vœux  réciproques  pour  une  heureuse  sortie  du 
l'oyaume,  mais  je  n'ai  pas  su  depuis  ce  (ju'elles  éloient 
devenues. 

J'eus  occasion  dans  celle  visite  d'adorer  la  bonne  Pro- 
A'idence,  dans  le  soin  cju'elle  prend  de  nous  sauver,  il  sem- 
hloil  qu'elle  eut  bouché  les  yeux  de  ceux  cjui  nous  pou- 
voient  perdre  et  qu'elle  n'en  laissât  l'uzage  cju'à  ceux  qui 
avoient  pitié  de  nous.  L'hôtesse  de  Mlle  Rover  me  dit 
qu'elle  m'avoit  vu  plusieurs  fois  promener  sur  le  port, 
(111 'elle  éloit  bien  sûre  que  j'étois  réformé  et  fugitif  et  que 
notre  troupe  étoit  de  cinq.  Je  luv  demandois  à  quov  elle 
l'avoit  reconnu.  C'est,  dit-elle  à  votre  air  consterné,  à  votre 
linge  sale  un  jour  de  fête  ou  de  dimanche,  à  vos  habits 
délabrez,  et  j'ai  su  que  vous  étiez  cinq  parce  que  dans  les 
quatre  autres  (qu'elle  me  dépeignoit)  j'ai  remarqué  le  même 
désordre  dans  le  visage,  dans  le  linge  et  dans  les  habits, 
et  Cjue  je  vous  ay  vu  toujours  promener  avec  quelqu'un 
d'eux  et  jamais  avec  d'autres.  Si  j'étais  capable  de  cette 
trahison,  ajouta-t-elle,  j'en  pourrois  faire  arrêter  plus  de 
cent,  cjue  j'ay  reconnus  atix  mêmes  marques,  mais  bien 
loin  de  les  vouloir  rendre  malheureux,  je  les  cacherois 
plutôt  si  je  le  pouvois  comme  les  demoiselles  Rover  ». 

In  capitaine  anglais,  Cjui  avait  déjà  leurs  provisions  à 
son  bord,  leur  fil  faux  bond  au  dernier  moment  et  partit 
sans  les  avertir.  En  se  faisant  passer  pour  des  chevaliers 
de  Malte,  ils  obtinrent  enfin  leurs  passeports  et  s'embar- 
quèrent sur  la  barcjue  Saint-Picrrc,  patron  Monier,  Cjui 
devait  pour  cinc]  francs  par  tête  les  transporter  à  Livourne. 
.Après  avoir  subi  des  vents  contraires  qui  les  oblige rent 
de  faire  escale  à  Amibes,  ils  débarquèrent  à  Gênes,  où 
un  réfugié,  nommé  Bourguet,  les  pilota  et  les  fit  embarquer 
sur  un  ])ateau  hollandais',  la  Têîc-Noire,  le  17  mars  1686. 
Après   tm    V()_\age  mou\"ementé   nos    réftigiés   débarcjuèrent 


Ri^vocATiox  dp;  i/roii  ii  vwk-^  v,  marskii.f.f:  07 

enfin  à  Ams(erdani  le  nu-rcrcdi  ^S  juin  lOSC),  onze  mois 
après   leur  départ   de   Montauban  ! 

Tous  les  fiio-iiifs  cjui  passaient  par  Marseille  n'avaient 
pas  la  même  chance  (lue  notre  jeune  Montalhanais.  Ils  ne 
rencontraient  pas  d'aussi  bonnes  personnes  ((ue  la  Saint- 
Jeannaise  logée  sur  le  port.  Il  serait  trop  long  de  raconter 
toutes  les  arrestations  faites  autour  de  la  ville,  aux  ([uar- 
tiers  de  Montolivet,  les  Crottes,  Saint-Rai-nabé,  Mazar- 
gues,  dans  la  ville  même  chez  les  habitants  ou  aux  logis 
des  Deux  pommes,  du  T.evrier  ou  des  Trois  poulets.  Je 
crois  en  avoir  assez  dit  pour  montrer  les  dangers  et  les 
difficultés  sans  nombre  qu'avaient  à  surmonter  les  fugitifs 
protestants  français  ou   marseillais. 

Nous  sommes  arrivés  à  la  fin  de  cette  longue  narration 
de  la  révocation  de  l'Edit  de  Nantes  à  Marseille.  Désor- 
mais cette  Aille  ne  connaîtra  plus  de  huguenots.  Ils  sont 
devenus  de  par  la  grâce  de  Louis  XIV  des  nouveaux 
'  convertis  par  les  arguments  des  missionnaires  bottés  du 
comte  de  Grignan.  l^ne  surveillance  de  tous  les  instants 
fut  désormais  nécessaire  pour  contenir  ces  nouvelles  ouailles 
dans  les  sentiers  de  l'Eglise  catholicjue,  apostolifiue  et 
romaine.  Les  empêcher  de  revenir  à  leur  ancienne  foi  ou^■er- 
tement,  les  empêcher  de  partir  avec  leur  commerce  à  l'étran- 
ger, fut  la  partie  la  plus  ingrate  et  la  plus  difficile  du 
rôle  de  l'intendant  Lebret.  L'église  marseillaise  désormais 
sous  la  Croix  comme  les  autres  églises  de  France,  eut 
comme  elles  ses  assemblées  au  désert  dans  la  campagne 
marseillaise,  elle  emprunta  la  devise  orgueilleuse  de  ses 
échevins:  ((   et   tenchrae  eam   non   comprehcndcrunl   ». 

Avec  le  concours  des  négociants  étrangers,  leurs  amis  ou 
leurs  parents,  les  Nouveaux  Convertis  marseillais  tinrent 
lK)n  malgré  les  persécutions  dont  ils  furent  victimes. 
L'église  protestante  reconstituée  se  développa   dans   l'om- 


98  DM,.   MALZAC 

bre.  Kllc  i)n"a  paiioul  où  cela  lui  fut  possible,  dans  des 
maisons  particulières  comme  celle  de  la  veuve  Jersin,  rue 
des  l-'euillanls,  c|ui  avait  une  double  entrée,  ou  dans  une 
bastidt'  au  pied  de  X.-D.  de  la  Garde.  Dès  1751,  cjuand 
les  idées  de  tolérance  apparurent  dans  la  société,  elle 
affirma  sa  présence  et  sa  vitalité  grâce  aux  hommes  de 
valeur  c^ui  la  composaient  et  qui  la  dirigèrent  jusqu'à  la 
Révolution  française.  Les  Bâillon,  Gaïte,  Hugues  Baux, 
vSevmandi,  Audibert,  constituant  l'élite  du  commerce  mar- 
seillais, ne  cachèrent  jamais  leurs  idées  religieuses  à  leurs 
contemporains,  (jui  ne  les  en  apprécièrent  pas  moins. 

D^   L.    IMALZAC. 


Un    Gentilhomme     de     Riez 


lie  "  )yiaFqai§  "  de  LyIe-Saii)t-)ïlaFtii) 

(1749-1S21 ) 


Le  Secrélaire  général  de  la  Société  regrette  que  les  cir- 
constances ne  lui  aient  pas  permis  de  se  joindre  à  ses  collè- 
gues Cjui  ont  participé  à  la  belle  randonnée  de  Riez,  le 
2  juin,  poursuivie  le  3  sur  Mousticrs-Sainte-Marie  et  Fon- 
taine-l'Evêque,  laquelle  a  piis  si  joliment  figure  de  Congrès 
archéologique  et  hiscorique  par  la  réunion  des  membres  les 
plus  distingués  des  principales  Sociétés  savantes,  accourus 
pour  une  délicate  bienvenue. 

Du  moins,  atténuera-t-il  ses  regrets  en  rappelant  dans 
Provincia  le  souvenir  certes,  bien  effacé  d'un  citoyen  de 
Riez,  si  effacé,  que  dans  sa  récente  thèse  sur  Alphonse 
Rabbe,  M.  Louis  Andrieux,  ancien  pi'éfet  de  police  le 
4  mars  1870,  en  1S85  ancien  député  des  Basses-Alpes,  pas- 
sant en  revue  les  personnalités  notoires,  nées  à  Riez,  ne  le 
mentionne  même  pas.  Malgré  ses  89  ans,  nous  le  lui  signa- 
lons en  cas  d'une  deuxième  édition. 

Il  s'agit  de  M.  Jean-C.aspard-IIenry  de  Lylc-Sainl-Mar- 
tin,  bien  connu  à  ALarseille,  où  il  fut  conseiller  municipal 
sous  le  Premier  Empire  et  la  Restauration,  membre  de 
l'Académie,  sous  le  nom  de  M.  k-  marcjuis  de  Lyle-Saint- 
ALartin. 

Et  c'est  précisément  ce  titre  de  marcjuis  (iiii  va  soulever 
ici  tm  curieux  petii  problème  de  droit. 


100  JEAN    DE     SERVIlilŒS 

D'abord  (jui  est  ce  monsieur  de  Lvle-Sainl-Martin  ? 
Assurément  un  gentilhomme  de  vieille  souclie,  puisque 
nous  relevons  dans  la  liste  des  gentilshommes  possédant 
fiefs  en  Provence,  présentant  leurs  preuves  de  noblesse  pour 
leur  admission  aux  états  qui  doivent  se  tenir  de  1787  à  1789, 
MINI.  Joseph-Ignace  de  Lyle,  chev^Uier  de  Saint-Louis,  chef 
d'escadre,  seigneur  de  Callian  et  co-seigneur  de  Roque- 
brune  ;  Louis-Auguste  de  Lyle,  chevalier  de  Saint-Louis, 
aussi  chef  d'escadre,  seigneur  de  Taulane,  Garron,  co-sei- 
gneur de  Séranon  et  du  Bourguet  ;  Pierre-Etienne  de  Lvle 
du  Montel,  capitaine  de  dragons  au  régiment  de  Durfort, 
seigneur  de  Roussillon  '  ;  et  enfin  Jean-Gaspard-Henri  de 
Lyle-Saint-Martin,  chevalier  cle  Saint-Louis  et  lieutenant 
des  vaisseaux  du  Roi,   notre   marquis. 

Tous  les  quatre  ils  se  disent  <(  de  la  branche  collatérale  des 
anciens  pairs  du  rovaume  d'Ecosse  "  ».   Dont  acte. 

Leurs  armes  étaient  :  d'azur  aux  trois  fleurs  de  lis  de 
jardin . 

Noblesse  ancienne,  certes,  puisque  la  sœur  du  dit  mar- 
quis, Françoise-Gabrielle-Honorée,  avant  sollicité  en  1777, 
une  des  dots  spirituelles  de  4.000  livres,  créées  par  la  fonda- 
tion de  ^L  le  président  de  Saint-\"allier,  dût  soumettre  à 
M.  d'Hozier,  juge  d'armes  de  France,  <(  tous  les  titres  cjui 
éiai)lissaient  incontestablement  l'ancienne  extraction  mili- 
taire- de  la  famille  de  Lille  (sic)  seigneur  de  Taulanne,  de 
Callian  et  de  Saint-^Lartin  d'Allignosc  »,  d'où  il  résultait, 
après  l'examen  de  la  généalogie  des  différentes  branches  de 

'  A  cette  branche  faut-il  attacher  ((  noble  Pierre-Jean  de  Liste, 
écuyer,  secrétaire  du  Roi,  baron  de  Roussillon,  i*"'"  Echevin  de 
Marseille  en  i75<),  au(|uel  Octave  Teissier,  dans  son  Annoriul 
des  Ecliciiiis  donne:  u  l)'a~mr  a  trois  lis  d'iirgod  iigrs  et  feuilles 
de  si  no  pie?   » 

■  Aicli.   B.-du  Rli.    C.    1830, 


LE   ((    MAROllS    )i    I)i:    I.V[.R-S\IXT-M\I<  I  IN- 


Jul 


celte  maison  Cjuc  le  père  de  la  poslulante  «  Jfan-(;as|)anl 
de  iJlle,  seii^neiir  de  Saint-Marliii  d'AlIi-nosc  »  Iminait  le 
liiiilième  dei^ré  de  noblesse  '. 

Tne  dame  de  L\  le-C"ailian  était  supéricnirt'  du  2"  eouxent 
de  la  \'isitation  de  Marseille. 

Celui-ci,  né  le  24  août  1710,  était  le  fils  de  Joseph  (né  le 
18  mars  166S)  et  d'Anne-Rose  de  Bayon  (contrat  d.î 
mariage  du  23,  novembre  1709),  et  le  petit-lïls  de  Claude  et 
de  Douce  de  Lille  (sic)  mariés  en  avril  1661  (contrat  chez 
Possin,  notaire  à  Marseille). 

Jean-Gaspard,  avait  épousé  Françoise  de  Chaudon  (con- 
trat du  10  mai  1  7-j3),  et  de  leur  union  étaient  nés,  à  Riez,  le 
10  juin  1749,  Jean-Gaspard-Henri,  qui  nous  occupe,  et  en 
1754,  le  10  juin  aussi,  à  Marseille,  Françoise-Ciabrielle- 
Honorée,  citée  plus  haut,  qui  fut  baptisée  à  Saint-Martin, 
et  eut  pour  parrain  Messire  Honoré  de  Lisle,  chevalier, 
seigneur  de  Callian,  et  pour  marraine  la  Demoiselle  Thé- 
rèse de  Lyle,   le  père  absent. 

C'est  évidemment  par  Françoise  de  Chaudon  que  la 
terre  et  seigneurie  de  Saint-Martin  d'Alignosc,  ou  Le 
Rimât  (actuellement  dans  la  commune  de  Roumoules), 
passa  aux  de  Lvle,  puisque  nous  voyons  que  cette  terre  fut 
acquise  en  1696  du  domaine  roval,  par  Oronce  Chautlon,  du 
lieu  de  Riez,  C|ui  dût  la  céder  vers  1747  à  un  Clericy,  mais 
qui  revint,  aux  environs  de  1753  à  Gaspard  de  Lyle'. 
Mais  encore  une  fois,  ce  n'était  pas  un  murquisal,  puis- 
que le  seul  marquisat  ((  de  Saint-NLariin  »  (de  Palières), 
viguerie  de  Saint-Maxiir.in.  appartenait  au  président  de 
Laurens  de  Brue. 

Notons  d'ailleurs  que  ce  n'est  qu'à  la  Restauratic.n  que 
^L  de  Lvle-Saint-^Larlin  prit  le  titre  de  marcjuis. 

1  Archives  des  B.-du-Rli.   C.    i4::4. 

^  M.   Z.   Isnard.  Etat  féodal  de  la  Haute-Provence. 


lOÎ  jl-A.\    1«K    .Si:!-l\'ŒRES 

Il  ctail  birn  loin  l'Arrêt  du  Parlemenl  de  Provence  du 
3  novembre  1677,  qui  interdisait  d'usurper  les  titres  de  mar- 
quis ou  de  comte,  ainsi  que  la  qualification  de  Damoiselle, 
et  si  la  Cliarte  de  1S14  avait  i^roclamé  que  la  noblesse 
ancienne  reprenait  ses  titres  et  que  la  nouvelle  conservait 
les  siens,  du  moins  lallail-il  être  en  possession  de  titres 
autlientiques.  . 

M.  de  Lyle-Saint-Mariin  (Jean-Gaspard-Henri),  lieute- 
nant des  vaisseaux  du  Roi  et  chevalier  de  Saint-Louis,  avait 
épousé,  le  27  juillet  1784,  en  l'église  Saint-Martin,  à  Mar- 
seille, JMarie-Marguerite-Colombe  Gay,  fille  de  Jean- 
Antoine  Gay  [de  Taradel],  négociant  et  de  ]\Iarguerite-Lau- 
rence  Coutier,  demeurant  rue  des  Récollets.  Sa  femme 
naquit  vers  1763  et  mourut  le  3  mai  1S38  à  Marseille,  rue 
de  la  Pare,  11.  —  Une  fille,  Laurence,  leur  naquit,  le 
13   mai    1786  à  Marseille. 

Nous  ne  retiendrons  des  états  de  services  militaires  de 

'  ''^*-  ^*^  notre  Reien  c|ue  son  grade  de  capitaine  des  vaisseaux  du 
■»-  —  '  '■«^r^Uu*»  ^  •      X- 

/»-•••      r    Roi  et  sa  décoration  de    chevalier    de    Saint-Louis.  Nous 

!*  ;  6>Ut4^Ir  ^'^'ouerons  que  son  nom  s'est  peu  rencontré  jusqu'ici  dans 
r  {rtuM'«'v<  À  les  documents  publics  que  nous  avons  pu  consulter.  Tou- 
ltfk<^<««^  <t  tefois,  il  avait  dû  se  retirer  du  service  à  Marseille,  et 
Ut  li^P  >  traverser,  nous  ne  savons  trop  comment,  la  Révolution, 
..♦«^  jKr.  I<f3|    puisque  l'Académie  de  ^larseille,  —  cjui  s'appelait  alors    : 

J le   Lycée,    l'élut  dans  sa  classe  des  sciences  le   5   ventôse 

an  IX  (24  février  1801). 

Il  fut  le  président  de  cette  Compagnie,  en  1814,  et  l'on 
peut  assurer  qu'il  se  montra  fort  assidu,  et  qu'il  ne  se  pré- 
lassa point  dans  un  fauteuil  de  tout  repos,  si  nous  consul- 
tons l'abondante  liste  de  ses  travaux. 

((  Distingué  par  le  goût  des  sciences  exactes,  l'amour  de 
l'agriculture,  des  arts  utiles  et  de  la  retraite  »  nous  dit  le 
D""  Lautard,  il  a  laissé  de  nombreux  ^lémoires  ou  Rapports: 


LE   ((   MARol  IS    »    DK    I.VLi:-S.\rNT-M.\RriN  IO3 

Mi'nioircs:  Sur  la  manière  d'extraire  le  goudron.  —  Semoir  éro- 
nnmique:  aperçu  rapide  sur  l'immense  économie  de  céréales  (|ue 
ferait  la  France  si  partout  elle  adoptait  le  semoir  invt-nté  par  lui. 

—  Manière  dont  les  paysans  du  Valais  construisent  les  fourneaux 
dont   ils  se   servent  pour  extraire  le  goudron  de    leur  bois   de   pin. 

—  Sur  les  avantages  que  retireraient  les  vaisseaux  qui  font  la 
traite  des  nègres,  de  faire  usage  sur  leurs  bords  du  ventilateur  à 
force  centrifuge.  — •  Trois  mémoires  sur  la  marine.  —  Sur  un 
moulin  propre  à  produire  son  eflfet  par  le  courant  d'une  rivière 
sans  que  la  gelée  en  interrompe  le  cours.  —  Sur  un  moulin  à  vent. 

—  Sur  un  ventilateur  agissant  sans  le  secours  d'une  machine  (appro- 
bation de  l'Académie  des  Sciences).  —  Sur  des  expériences  faites 
pour  compenser  l'effet  des  pouzzolanes  artificielles  et  l'efïet  des 
pouzzolanes  d'Italie.  —  Sur  l'agriculture  marseillaise.  —  Sur 
l'avantage  de  la  culture  du  choux-navet  dans  le  Midi  non  arrosé 
considéré  comme  fourrage.  —  Influence  de  la  morale  sur  la  durée 
des  gouvernements,  etc.,  etc. 

Rap-ports:  Sur  l'encombrement  du  port  de  Marseille  (Mémoire 
de  M.  Defougères,  pour  l'empêcher).  —  Sur  les  sauterelles  (en  col- 
laboration avec  M.  Casimir  Rostan).  —  Sur  le  sel  marin,  modifié  par 
les  expériences  de  M.  Hippolyte  Guey,  et  employé  dans  les  engrais 
(en  collab.  avec  }iIM.  Ac  hard  et  de  Sinety).  —  Sur  la  mécanique 
pour  filature,  de  W.  lUy.  — -  Sur  un  tribut  académique  propre  à 
donner  des  connaissances  utiles  aux  jeunes  marins  (Mémoire  de 
M.  Blancard).  —  Sur  la  description  de  plusieurs  machines  hydrau- 
liques. —  Sur  le  moyen  imaginé  par  M.  Peyron  pour  que  la  charrue, 
dite  Araire j  n'endommage  pas  la  vigne.  —  Sur  le  perfectionnement 
de  la  charrue  (Mcm.oire  de  la  Société  de  Boulogne-sur-Mer).  ~  Sur 
la  ruche  pyramidale.  (Mémoire  de  M.  du  Couëdic,  contre  M.  Lom- 
bard, auteur  de  la  ruche  de  village).  —  Sur  la  ruche  écossaise  de 
^[.  do  la  Bourdonnaye  (d'après  l'ouvrage  de  M.  du  Couëdic).  —  Sur 
l'amélioration  de  la  culture  des  plantes  céréales  (de  M.  François  de 
Xeufchâteau).  —  Sur  les  prairies  artificielles  (de  M.  Quenin).  — 
Sur  les  moyens  employés  pour  remettre  à  flot  un  vaisseau  américain 
échoué  (Mémoire  de  M.  Chicallat).  —  Sur  un  instrument  d'agricul- 
ture (^Mémoire  de  M.   Jullien).   etc.,  etc. 

Il  avait  été  aussi  l'un  des  rédacteurs  de  IWdres.se  de 
fidélité  au  Roi,  votée  par  cette  Compan^nie  au  printemps 
de  1814,  et  comme  le  Conseil  municipal  de  Marseille  l'avait 
choisi  pour  un  des  membres  de  la  députât  ion  charo^ée 
de  porter  aux  pieds  du  trône  de  Louis  le  Désiré  les  vœux 
de  la  municipalité  et  de  la  population  marseillaise,  il  inter- 


iÔ4  JI^AX    DE   SERVIÈRF.S 

]ii\''l<'i  aussi,  en  (jualilé  de  délégué  officiel,  les  hommages 
de  l'Académie.  11  écrivit  à  l'Académie  de  Marseille  le  5  juin 
1814,  la  relation  de  l'audience  du  Roi. 

Conseiller  municipal  de  Marseille,  M.  ((  Lyle-Saint- ^Mar- 
tin, répartiteur  des  Contributions  »,  avait  été  nommé  à  ces 
fonctions  édilitaires  par  un  décret  impérial  daté  du  16  février 
1807,  du  camp  d'Osterode,  et  le  serment  prêté  à  l'Empe- 
reur, le  nouveau  conseiller  avait  été  installé  à  la  séance 
du  24  avril. 

Là  aussi,  il  prit  son  mandat  à  cœur,  et  son  nom  figure 
presque  toujours  parmi  les  présents  aux  séances  du  Con- 
seil. Il  ne  quitte  le  procès-verbal  que  cjuelques  mois  avant 
sa  mort. 

Il  va  sans  dire  qu'il  accueillit  la  Restauration  avec  trans- 
port, et  le  5  octobre  1S14,  M,  le  duc  d'Havre  lui  écrivait 
pour  l'aviser  que  Monsieur  lui  accordait  la  croix  de  la 
Légion  d'honneur  et  l'autorisait  à  la  porter  en  attendant 
l'expédition  du  brevet  par  le  ministre.  Ils  étaient  d'ailleurs 
assez  nombreux  dans  le  même  cas.  Et  c'est  ici  que  nous 
allons  avoir  l'explication  du  marquisat  honorifique  dont  il 
se  paraît. 

On  sait  qu'en  1816,  afin  de  procéder  à  l'établissement 
des  nouveaux  registres  matricules  et  des  listes  officielles 
des  membres  de  la  Légion  d'honneur,  le  grand  chancelier, 
M.  le  maréchal  Macdonald,  duc  de  Tarente,  avait  fait 
parvenir  à  tous  les  décorés  un  Procès-Verbal  d'individua- 
lité, ainsi  que  la  formule  du  serment  exigé  des  Légion- 
naires. Ce  document  devait  être  établi  par  le  notaire  et  cer- 
tifié par  deux  témoins  choisis  parmi  les  principaux  pro- 
priétaires ou  fonctionnaires  de  la  localité,  et  voici  les  notes 
que  nous  avons  mises  au  jour  concernant  notre  décoré  '  : 

((  //  a  élé  incomplètemenl  désigné  snus  h  nom-  de  De 
Lyle  St-Mariin,  député  de  la  ville  de  Marseille.  Son  nom 

^  Aicliives   de  Marseille:  2G   Hi. 


LE    <(    .MARnllS    >>    1)1.    I.\  l.l-.-.s.\l.\  I -.MAK  1  IN"  I0$ 

cl  prénom    dcvanl    cire  :  Xom  :  dv    I.vlt-,     Prcnnms:    Jc;in- 
Gaspard-IIem  i. 

Oh  serval  ion 

M.  de  Lyle  Sl-Marlin  (requeranl)  n'csl  poinl  designé 
dans  son  acte  de  naissance  sous  le  surnom  de  St-Mariin.  Ce 
surnom   lui  vienl  d'une  lèvre  qui  apparlenail  à  sa  famille. 

Et  le  titre  de  marquis  lui  a  été  donné  par  Sa  Majesté 
dans  un  certificat  de  fidélité  au  Roi  et  à  la  Monarchie 
qu'elle  lui  fit  remettre  en  1794,  titre  que  Sa  Majesté  lui  a 
encore  donné  dans  un  brevet  de  pension  accordée  par 
ordonnance  du  31  janvier   1S16. 

En  conséquence,  il  s'appelle  le  marquis  de  Lyle  St-Mar- 
tin,   nom  sous  lequel  il  est  connu  dans  la  Société  ». 

Ainsi  donc,  en  1794,  en  pleine  émigralion,  et  alors  que, 
légalement,  les  litres  de  noblesse  avaient  été  supprimés  qua- 
tre ans  plus  tôt  par  un  décret  de  l'Assemblée  Nationale, 
contresigné  de  Louis  XVI,  le  Régent  de  France,  puisque 
le  Roi  régnant  Louis  X\'II  était  encore  vivant,  quoique 
prisonnier  au  Temple,  [on  voit  que  nous  nous  plaçons  ici 
sur  le  terrain  strict  de  la  légitimité],  pouvait  distribuer  des 
titres  nobiliaires  à  ses  amis  politiques?  Le  cas  de  cette  col- 
lation toute  de  courtoisie,  méritait  d'être  signalé. 

A  moins  que  la  bonne  foi  du  Prétendant  [et  le  comte  de 
Pro\ence  ne  l'était  pas  encore]  ait  été  surprise  en  délivrant 
ce  simple  certificat  de  fidélité  à  un  gentilhomme  qu'il  sup- 
posait déjà  marquis. 

Sous  quel  titre  plait-il  au  Roi  que  je  sois  Comte?  disait 
à  Don  Carlos,  roi  de  toutes  les  Espagnes,  un  cei-tain  Don 
Ricardo  dont  nous  savons,  par  Hernani,  que  son  secret, 
avait  été  <t  d'être  sur  la  route  du  Roi!  »  ce  qu'un  envieux 
savait  lui  reprocher,  en  un  seul  vers: 

((  Vous  ave:;  profité  de  ses  distractions!  » 


I06  JIÎAN    DE   SERN'IÈRES 

Oii()i(jii'il  vn  soil,  aucune  confiriiiation  li'i^alc  n'est  \nicr- 
\eniw  pour  M.  tic  r.yle-Saint-AIai'tin,  même  th^puis  la  Res- 
tauration, et  le  titre  de  marquis  mentionné  sur  un  titré  de 
pension  en  1816,  ne  vaut  pas  un  brevet  enregistré  en  bonne 
et  duc  forme  à  la  Chancellerie  de  France  et  inséré  au  Biil- 
leliii  des  Lois  el  Ordonnances.  Et:  celui-là,  nous  l'ignorons. 
A  la  vérité,  il  importe  assez  peu. 

-M.  de  Lyle-Saint-]\Iartin  mourut  à  Marseille,  en  son 
domicile,  rue  Pavé-d' Amour,  n"  21,  et  voici  sous  c|uelle 
forme  fut  dressé,  le  10  mai  1821,  son  acte  de  décès:  ((  Mes- 
sire  Jean-Gaspard-Henry  de  Lvle  Saint-Martin,  mariiuis, 
décédé  lîier  à  cinq  heures  du  soir,  chevalier,  ancien. capi- 
taine des  vaisseaux  de  S.  M.  chevalier  de  l'ordre  Royal  et 
militaire  de  Saint-Louis  et  de  l'ordre  roval  de  la  Légion 
d'honneur  ». 

AL  de  L}-le-Saint-Martin,  avait  succombé  «  aux  infirmi- 
tés qui  l'avaient  depuis  longtemps  accablé.  Sa  mort  excita 
les  plus  vifs  regrets  »  —  assure  son  confrère  de  l'Académie, 
M.  le  D""  Lautard  —  qui  ajoute  Cjue  ((  sa  xïe  tout  entière 
ne  lut  que  l'expression  des  vœux  d'im  homme  de  bien  qui 
désire  le  bonheur  de  ses  semblables  !  » 

Nous  n'en  doutons  pas.  Nous  sommes  même  très  heu- 
reux de  sortit-  im  instant  de  l'oubli  le  nom  de  ce  bon  offi- 
cier et  de  cet  incontestable  honnête  hommct;  au  sens  cjue 
l'on  donnait  jadis,  à  ce  mot.  Et  si  le  fabuliste  du  grand 
siècle  en  a  raillé  finement  la  vanité,  en  écrivant  : 

Tout  petit  prince  a  des  ambassadeurs 
Tout  marquis  veut  avoir  des  pages. 

AL  le  marquis  de  Lyle-Saint-AIartin,   à  propos  de  notre 

visite  a  Riez,  ne  nous  en  voudra  point  de  lui  en  consacrer 

quelques-?n?c.s-  dans  Provincia. 

Jean  de  SERA  II^^RES. 


loy 

NECROLOGIE 


Le  Colonel  Jules  Maurel 

Le  29  décembre  nous  avons  accompagné  au  cimetière  rotre  tics 
regrette  collègue,  M.  le  colonel  Jules  ^laurel,  commandeur  de  la 
Légion  d'honneur,  Croix  de  guerre,  Cjui  faisait  partie  de  r.ctrc 
Société  depuis  le  26  avril  1928  seulement.  Il  n'a  donc  fait  que  pas- 
ser parmi  nous,  mais  déjà  il  était  venu  s'asseoir  plusieurs  fois  à 
nos  réunions  mensuelles  de  Longchamp,  et  il  nous  a  Cjuittés  brus- 
quement, alors  qu'il  nous  promettait  son  assiduité  à  ces  séances  qui 
intéressaient  son  vaste  esprit,  et  où  il  se  sentait  entouré  de  la  défé- 
rence et  de  l'estime  de  tous  ses  collègues. 

!Marie-Lazare-Jules  Maurel,  né  à  ]\Iarseille,  le  19  février  i85r,^ 
d'une  vieille  famille  de  notre  cité,  élevé  dans  (c  cet  admirable 
collège  d'OulIins  que  tant  de  Marseillais  connaissent  «^  sorti  de 
l'Ecole  Polytechnique  en  1882,  ayant  choisi  l'artillerie,  devenait 
bientôt   instructeur   à   l'Ecole    d'application   de   Fontainebleau. 

A  la  suite  d'un  deuil  cruel,  c|ui  brisait  son  foyer  (il  avait  épouse 
Mlle  Marie-Claire  Casati),  il  avait  c]uitté  l'armée  avec  le  grade  de 
capitaine,  pour  se  consacrer  à  l'éducation  de  ses  nombreux  enfants. 

La  guerre  de  1914-1918  le  rappela  à  l'activité  et  il  parvint  au 
grade  de  colonel  et  à  la  cravate  de  commandeur  de  la  Légion 
d'honneur.  Il  fut  cité  six  fois  et  nous  pouvons  relire  avec  fierté 
quelques  extraits  de  ses  citations  : 

((  Olficier  d'une  très  grande  valeur,  commandant  d'artillerie  dii'i- 
sionnaire  exceptionnel,  organisateur  de  tout  premier  ordre,  compé- 
tence hors  pair...  A  animé  de  son  esprit  offensif  des  groupement^ 
d'artillerie  importants,  les  poussant  sur  les  talons  même  de  Vin- 
fanter-p.  »  —  ce  .4  su  réaliser  une  liaison  si  étroite  avec  la  pre- 
mière ligne,  qui  s'installait  à  peine,  qu'il  a  pu  prendre  sous  son 
feu  une  puissante  contre -attaque  allemande  forte  d'au  moins  trois 
bataillons  et  la  faire  échouer  avant  qu'elle  ait  atteint  notre  nou- 
veau fro)it  ». 

Son  régiment  et  lui-même  furent  cités  à  l'ordre  de  l'armée. 

11  eut,  lui  aussi,  du  fait  de  la  guerre,  des  angoisses  cruelles.  Son 
fils  fut  très  grièvement  blessé  en  Alsace,  .son  gendre  tué  à  la  Main- 
de-:\Iassiges,  suivi  bientôt  dans  la  tombe  par  son  épouse  désolée, 
laissant  au  grand-père  accablé  une  petite  fille  à  élever,  à  l'édu- 
cation de  laquelle,  dix  années  durant,  il  s'attacha  avec  cette  dou- 
ceur, cette  bonté,  qui  étaient  la  caractéristique  de  ce  cœur  d'élite. 


loS 

("l'prndanl,  il  rnn^arrait  tout  le  temps  dont  il  pouvait  flispnset 
aux  bonnes  (ruvre';  rt  aux  ouvres  de  polidarité:  Président  de  la 
Caisse  Nationale  de  Retraite  des  Officiers  de  réserve,  ^'ice-pl^' 
sident  de  l'Association   des  Officiers  de  réserve  de  Marseille,   etc. 

Sa  perte  a  été  sensible  à  ses  très  nombreux  amis,  et  dans  notre 
Société,  où  il  avait  été  présenté  par  son  beau-frère,  notre  vénéré 
collègue  yi.  Joseph  de  Barbarin,  M.  le  colonel  Jules  IMaurel  ne 
laissera  c|ue  des  regrets.  Et  nous  en  renouvelons  l'assurance  à  toute 
?a  famille,  avec  nos  condoléances  les  plus  sincères  et  les  plus 
émues.   —  S. 

Fernand    Gendrier 

Xotre  très  sympathique  collègue  n'a  fait  cjue  passer  parmi  nous. 
Reçu  membre  de  la  Société  de  Statisticjuc,  d'Histoire  et  d'Archéo- 
logie le  12  janvier  1928,  il^  est  mort  un  an  après,  le  21  jan- 
vier 1929,  à  la  suite  d'une  crise  d'uré'mie.  Très  assidu  à  nos  séan- 
ces,  il  avait  concjuis  toutes  les  sympathies  par  sa  distinction,  sa 
haute  culture  et  le  charme  de  ïa  conversation.  Sa  perte  inattendue 
a  été  vivement  déplorée. 

Xé  à  Paris  en_i859.  Fernand  Gendrier  avait  fait  de  brillantes 
études  au  Lycée  Condorcet  puis  à  la  FTfCulté  de  droit.  Après  un 
stage,  comme  avocat,  il  songeait  un  moment  à  acquérir  une  charge 
de  notaire.  ^Mais  l'astreinte  à  des  préoccupations  purement  maté- 
rielles cadrait  mal  avec  son  tempérament  indépendant  et  son  esprit 
idéaliste.  Lâchant  la  rédaction  des  minutes,  il  se  consacra  entière- 
ment à  la  littérature  et  au  théâtre. 

Son  œuvre,  sans  être  considérable,  comprend  surtout  des  pièces 
de  théâtre  dont  les  principales  sont:  Le  Miracle,  drame  en  vers  ; 
Le  dernier  seig:tei:r  de  Mai/gis;  L'âme  d'ini  tyraji;  L'honneur  des 
Rois,  pièce  en  trois  actes,  en  vers;  Sous  le  ciel  de  Florence;  La 
force   du    destin,    drame  en    trois    actes,    en    vers,    etc. 

Ces  pièces  ont  été  jouées  sur  diverses  scènes  mais  n'ont  pas 
été  publiées.  Par  contre,  un  volume  de  vers,  Temps  d'orage,  a  été 
imprimé  chez  Pion. 

Fernand  Gendrier  affectionnait  particulièrement  la  pièce  à  sujet 
historique;  il  savait  assez  habilement  nouer  une  intrigue,  dont  le 
développement  servait  à  l'exposition  de  leçons  morales  et  philoso- 
phiques d'une  inspiration  toujours  très  élevée.  Il  disait  lui-même 
de  ses  oeuvres  que  c'était  du  vieux,  très  vieux  théâtre.  JNIais  n'est- 
ce  pas  plutôt  à  son  éloge?  Ses  pièces  relevaient  d'ailleurs  plutôt 
du  théâtre  de  salon  que  de  celui  du  boulevard.  Rien  n'explique 
mieux  qu'elles  n'aient  pu  être  goûtées  que  d'une  élite. 


lOf) 

Plus  poète  que  versificateur^  il  alignait  dos  vers  contrastant  quil- 
qucfois  entre  eux  par  la  qualité.  Il  semble  s'être  attacht',  souvent, 
plu:-  au  fond  qu'à  la  forme;  pourtant  son  œuvre  abonde  en  vers 
magnitrcjucs. 

Savant  latiniste  et  hclicnisti-,  parfait  musicien,  grand  travailleur 
étudiant  sans  cesse,  toujours  à  la  recherche  d'un  nouveau  sujet  il 
laisse  inachevés  une  grande  étude  philosophique  sur  la  religion  et 
au  autre  volume  de  vers. 

Bien  qu'ayant  résidé  à  Paris  presque  toute  sa  vie,  il  avait  été 
séduit  par  notre  ^lidi  et  s'était  fixé  depuis  riuclqucs  anm'os  à 
Saint-Julien   où    il    est   mort. 

Nous  présentons  à  sa  famille,  spéeialen^ent  à  sa  tante,  Mme  J. 
Cendrier,  nos  plus  -.vmpathiques  et  respectueuies  condoléances. 
-^  J.  R. 

Maurice  Danon 

C'est    avec    une    réelle    peine    f|ue    nous    avons  appris    la    mort    à 


Paris,   le   6  janvier  dernier,   de    Maurice   Danon. 

Enlevé  à  l'affection  des  siens  en  pleine  maturité,  notre  excellent 
collègue  laisse  une  place  douloureusement  vide  dans  le  cercle 
de  ses  amis  et  sa  disparition  a  été  des  plus  cruelles  pour  tous  ceux 
qui   avaient   eu  le  délicat  plaisir   de  le  connaître. 

Xé  à  ]^larseille,  en  1882,  Maurice  D'intm  avait  fait  au  lycée  de 
cette  ville  des  études  très  brillantes  et,  après  avoir  pris  sa  licence 
es  lettres  à  la  Faculté  d'Aix,  projetait  volontiers  de  se  destiner 
au  professorat  où  semblaient  l'appeler  sa  haute  culture,  son  goût 
profond  des  choses  de  l'esprit,  la  dilection  toute  particulière  qu'il 
marquait  notamment  pour  l'histoire  et  la  littérature  ;  mais  cette 
vocation  ne  se  réali-ja  pas,  son  père,  grand  négociant,  ayant  cru 
devoir  l'appeler  avec  lui  aux  affaires,  Maurice  Danon  tenta  dès  lors 
de  répondre  dans  toute  la  mesure  du  possible  aux  voux  paternels. 
11  n'en  restait  pas  moins  l'esprit  fin,  délicat,  curieux  de  toutes  les 
manifestations  intellectuelles,  en  (|ui  s'étaient  annoncées  de  si  bonne 
heure  les  meilleures  promesses.  Il  avait  collaboré  à  diverses  revues 
et  c'était  un  rare  plaiL:ir  pour  tous  ceux  que  les  circonstances  rap- 
prochaient de  lui  ciue  de  goûter  le  charm.e  de  ces  causeries  intimes 
où  s'affirmaient  à  la  fois  rex(|uise  affabilité  de  son  caractère,  la 
])e:  feilif  11  de  .-a  rvilturc,  la  note  bien  personnelle  et  nuancée  de 
son  intelligence.  Puis,  vint  la  guerre.  Pour  sa  Ijelle  conduite,  Mau- 
rice Danon  se  vit  décerner  la  Croix  de  guerre  et  la  médaille  mili- 
taire.   Ciavement    intoxiiiué    par    les    ga/,    il    ne   |)Ut    jamais,    hélas, 


IIO 

rétablir  sa  santc  et  ce  fut  là  l'origine  de  la  longue  et  cruelle  mala- 
die qui  devait  finir  par  l'emporter. 

C'est  sous  l'empire  de  ce  mal  inexorable  dont  il  supporta  si  vail- 
lamment la  terrible  étreinte  C]ue  Maurice  Danon  vécut  ces  dernières 
années,  portant  le  même  attachement  fidèle  et  passionné  aux  nobles 
causes  de  l'esprit  qu'il  avait  fait  siennes  sa  vie  durant,  ne  cessant 
de  manifester  en  toutes  occasions  la  délicatesse  de  sa  nature.  Il 
avait  été  reçu  à  notre  Société  le  7  juin   1923. 

Que  sa  famille  désolée  veuille  bien  trouver  ici  l'expression  renou- 
velée des  bien  vives  condoléances  de  la  Société  de  Statistique, 
d'Histoire  et  d'Archéologie.  —  G.  V. 


BIBLIOGRAPHIE 


A    I'ROI'On    d'iNE    ANTHOLOGIK    PROVENÇALE: 

Notre  confrère,  M.  Emile  Ripert,  professeur  de  littérature  méri- 
dionale aux  Facultés  d'Aix-Marseiile,  vient  de  publier  à  la  librairie 
artistique  I.aurens-cx  Rcnouard.  et  dans  .la  collection:  Les  Provinces 
françaises,  un  intéressant  volume  sur  la  Provence. 

C'est  le  dixième  de  la  collection,  dirigée  par  M.  Henri  Marcel, 
directeur  honoraire  des  Musées  nationaux.  Les  précédents  sont 
consacrés:  ciiiq  aux  provinces  du  centre:  Touraine  (par  Henri  Guer- 
lin),  Auvergne  (Louis  Bréhier),  Marche  Limousin  (J.  Xouaillac), 
J'erry-Bourbonnais  (Augustin  Bécharel),  Bourgogne  (Calmette),  et 
quatre  autres  à  celles  de  la  périphérie.  Bretagne  (Anatole  Le  Braz), 
Sormandis  (Henri  Prentant).  l'ranche-C omtc  (Henri  Gazier),  Dau- 
fhinc   (Paul    Berret). 

Le  format  adopté  est  le  grand  in-S",  carré,  papier  couché,  envi- 
ron 250  pages  de  texte,  dont  un  tierà  à  peu  près  comprenant  une 
étude  sur  la  province,  et  le  reste  ime  antholgie  des  meilleurs  auteurs 
qui  ont  écrit  sur  elle.  L'illustration  est  abondante  (120  à  150  vues) 
et  généralement  très  judicieuse.  L'ensemble  permet  au  lecteur  de  se 
faire  une  idée  exacte  de  la  région. 

L'étude  de  M.  Ripert, —  Cjui  absorbe  les  deux  cinquièmes  du  texte, 
—  comporte  quatre  chapitres:  les  paysages,  Y  histoire,  les  lettres 
et  les  arts,  la  T:e  et  l'âme  provençale.  Pour  l'anthologie  s'ajoute 
une  cinquième  division:  les  villes. 

Le  livre  se  feuillette,  se  parcourt,  se  lit  avec  plaisir,  agrément 
et  profit,  et  je  conseille  vivement  sa  lecture. 

Et  pourtant,  quand  on  le  ferme  on  a  le  sentiment  qu'il  est 
incomplet.  L'auteur  ne  nous  promène  qu'à  travers  la  Provence  rho- 
danienne et  maritime  qui  n'est  pas  toute  la  Provence:  il  s'en  faut. 

Dan:^  son  introduction  '\\.  Ripert  semble  hésiter  à  établir  les  bor- 
nes de  la  Provence.  Nous  croyons  qu'elles  sont  assez  facilement  dé- 
terminablcs,  nonobstant  les  vicissitudes  de  l'histoire,  des  guerres, 
de  l'administration.  Pour  nous,  la  Provence  est  constituée  par  la 
vallée  de  la  Durancc,  et  ses  contreforts,  son  artère  essentielle  est  le 
torrent  fougueux  tjui  la  coupe  à  peu  près  en  diagonale,  du  Genèvrc 
(exactement  du  col  des  Rochilles)  à  Avignon  (originairement  à  Arles). 
Géologiquement  la  Provence  est  caractérisée  par  la  susbtitution,  au 
système    alpin    orionié    X.-S.     du    système    liguro-pyrénécn    orienté 


113 

E.-\V.  comme  en  irm()ij4ncnt  les  cluiîner?  parallèles,  A'entoux,  mon- 
taf,'nc  de  Lurc  ;  Lubcron,  Alpilles  ;  Sainte-Victoire;  Nerthe,  Etoile, 
Olympe,  Sainte-Baume,  Aurélien  ;  Alarseille-Vej-re,  Carpiagne,  Mau- 
res, Estérel.  Climaticiucmeiit  c'est  la  région  des  Alpes  sèches  dont 
la  limite  septentrionale  est  jalonnée  par  ^e  détroit  de  Donzère, 
au  sud  de  Viviers,  le  col  de  Roucset  au  nord  du  Diois,  où  le  chan- 
gement de  végétation  est  fort  impressionnant,  le  col  de  Lus  la 
Croix  haute,  à  la  source  du  Buech.  Tout  diffère  au  nord  et  au  sud 
de  ces  points:  le  terrain;  schisteux,  calcaire;  la  végétation:  sapin, 
chêne;  le  climat:  humidité,  sécheresse,  et  aussi  la  lumière. 

C'est  aussi  la  région  où  résonne  le  dialecte  d'oc  dénommé  pro- 
vençal. Certes,  nous  n'irons  pas  jusqu'à  prétendre  provençal  le 
parler  de  Briançon.  Ni  par  sa  langue,  ni  par  ses  vicissitudes  his- 
toriques et  administratives,  Briançon  n'-âppartient  à  la  Provence. 
A  l'époque  romaine  elle  fit  partie  des  Alpes  Graies,  puis  releva  de  la 
.Maurienne,  du  Dauphiné.  Mais  dès  Largentière,  les  caractères  pro- 
vençaux apparaissent.  Embrun,  métropole  des  Alpes-Maritimes,  a 
son  histoire  tant  civile  que  religieuse  associée  à  celle  de  la 
Provence. 

Enfin,  la  Durance  est  le  grand  couloir  par  lequel  les  monta- 
gnards de  familles  plus  prolifiques,  sont  descendus  vers  le  bas  pays 
et  le  littoral.  Et  c'est  un  fait  démographicjuement  établi  cjue  l'émi- 
gration du  département  des  Hautes-Alpes,  malgré  son  rattachement 
au  Dauphiné  et  à  Grenoble  à  divers  points  de  vue  administratifs 
(armée,  justice,  enseignement...)  est,  dans  une  très  forte  propor- 
tion dirigée  vers  la  Basse-Provence. 

Avant  178g  toute  la  gcntilhommerie  provençale  se  titrait  de  sei- 
gneuries souvent  minuscules,  situées  dans  la  haute  Durance  et 
valléej  latérales.  Que  de  villages  et  hameaux  mourants  ou  morts 
des  Basses-Alpes,  du  l.ubéion,  du  Diois...,  dont  le  nom  se  retrouve 
sur  les  listes  de  M_M.   du  Parlement  et  de  la  Cour  des  Comptes. 

Or,  de  ce  vaste  territoire  c|ui  recueille  les  eaux  allant  à  la  Du- 
lance,  que  nous  dit  M.  Ripert  ?  Pas  grand  chose  et  mêm.e  presque 
rien. 

En  son  chapitre  des  paysages,  sur  dix  paragraphes  consacrés  à 
la  description:  un  seul  se  réfère  aux  Basses-Alpes,  trois  aux  pays 
ihodaniens,   cinq    au    littoral. 

Au  chapitre  de  l'histoire  rien  sur  le  marquisat  de  Provence,  le 
comté  de  Forcalquicr,  le  petit  diocèse,  les  terres  baussenques  ;  le 
nom    de    Sabran    est-il    prononcé.' 

Dans  l'anthologie,  rien  pour  la  Durance.  L'impétueux  torrent  n'a- 
t-ii  jamais  été  chanté  ni  décrit?  Pourtant  Surrell,  Peloux,  \'illems, 
Cauvin  et  autres  en  ont  nécessairem.ent  parlé.  Je  me  souviens  môme 


113 

d'avoir,  il  y  a  vingt  ans,  bien  loin  de  chez  nou?,  sur  les  boids 
paisibles  de  la  .Moselle,  sous  une  fraîche  tonnelle,  à  l'ombre  du 
Fort  Saint-Mncent,  entendu  l'ingcnieur  départemental  des  Ponts 
débiter  de  bons  vers  sur  la  Durance.  très  exacts  et  images,  com- 
poses par  lui  durant  un  séjour  à  Digne.  Le  défilé  de  Serre  Ponçon 
n'est  pas  même  signalé,  et  pourtant  C|ue  d'encre  n'aura-t-il  pas 
fait  consommer  avant  de  retenir  les  eaux  de  l'Ubave  et  de  la 
Haute-Durance. 

Une  pag-e  de  Barrés  sur  .Mirabeau,  une  description  de  Sistcron  par 
Paul  .Arène.  Rien  sur  Forcal({uier,  Manosque,  Moustiers,  Barjols, 
le  Tivoli  provençal.  —  La  fontaine  de  Vaucluse  est  incontesta- 
blement la  plus  belle  et  la  plus  célèbre  de  nos  Fons,  mais  n'au- 
rait-on pas  pu  signaler  qu'il  y  en  a  un  peu  partout  en  Provence: 
le~Groseau,  Fontaine-l'Evèque,  les  Fons  de  Grasse,  Draguignan.etc. 

On  nous  donne  un  extrait  des  Letires  de  mon  Moulin,  sur  le 
retour  des  troupeaux.  N'aurait-on  rieri  pu  trouver  sur  le  départ 
pour  la  montagne,  le  parcours  des  carraires,  la  vie  pastorale  sur 
les  hauts  sommets:  Devoluy,  Morgon,  Chardanon,  etc.,  etc. 
N'y  aurait-il  rien  dans  les  œuvres  éparses  de  Gagnaud  (Berluc- 
Perussis),   de   Din,   de   Plauchut,   de   Faure,   le   pcjète  gapençais,   etc. 

Je  me  plais  à  constater  que  l'illustration  c~r  plus  variée  ([ue  le 
texte  sur  lequel  s'exerce  mon  acerbe  critique.  J'y  ai  vu  avec  plai- 
sir, voisinant  avec  la  Pierre  de  la  Fée,  une  coiffe  dracénoise  enca- 
drant un  visage  Cju'il  me  semble  reconnaître  et  qui  pourrait  être  un 
souvenir    d'enfance   pour    !M.    Emile    Ripert. 

Digne,  Sisteron,  le  lac  d'Allos,  les  gorges  du  \"erdon,  peut-être 
tin  paysage  de  Paul  Guigou  :  la  moisson  dans  la  montagne,  un 
troupeau  transhumant,  les  pénitents  des  Mées  et  la  Durance,  on 
ctmviendra  avec  nous  cjue  c'est  peu  sur  un  total  de  cent  trente- 
cinc|   illustrations. 

-  L'architecture  rf)man(>  pouvait  offrir  des  échantillons  aussi  signi- 
ficatifs que  la  massive  cathédrale  d'Embrun,  la  porte  de  l'église 
de  Ganagobie.  le  lavabo  du  Tholonet,  les  cloîtres  de  Silvacanc  et 
de  Sénanciue.  Riez  conserve  des  ruines  romaines  tout  comme  Frc- 
jus.  On  pourrait  consacrere  un  chapitre  rien  qu'aux  châteaux:  La 
Tour-d'Aigues,  Ansouis,  Salon,  Gordes,  La-Barben,  Tourrettes,  etc. 
Certes,  il  fallait  choicir  ;  le  choix  qui  a  été  fait  est  bon,  disons 
même:   excellent.    Mais  la  part  de  la  Provence  littorale  est  léonine. 

Dès  lors  se  pose  la  question:  Pourquoi  cette  préférence  pour  les 
rivages,  cet  ostracisme  pour  la  montagne?—  Sentiment  de  poète? 
-^  Ignorance  du  haut  pays?  —  Ou  bien  l'auteur  a-t-il  prétendu  écrire 
seulement   pour  les  voyageurs  en   pullmann,   en   douze  cylindres  ou 

8 


114 

en  fokkcr,  qui  ne  sauraient  pénrtrcr  dans  les  étroites  vallées  de  nos 
iTKints  prf)vcnçaux  ? 

Pareille  réponse  ne  saurait  satisfaire.  11  ne  s'agit  pas  de 
minimiser  la  Provece,  de  la  réduire  à  une  étroite  bande  littorale. 
Il  faut  la  faire  connaître  entièrement  aux  voyageurs,  aux  étran- 
gers, avec  ses  anses  et  ses  pics,  scri  cagnards  et  ses  glaciers.  Un 
petit  livre,  que  je  ne  ferai  pas  à  'SI.  Ripert  l'injure  de  comparer 
au  sien,  (|ui  rut  pour  auteur  un  juriste  d'origine  miarseillaise,  Jules 
Carrière  (fils  de  l'auteur  du  Caducée),  la  Provence  et  ses  J'oies 
nom  elles,  composé  sans  doute  près  d'Antibes  et  peut-être  pour 
distribution  de  prix,  lors  de  la  mise  sn  exploitation  des  lignes 
ferrées  du  Sud-France,  est  un  bon  guide  pour  la  visite  du  nord 
\'ar,  comme  celui  d'Eirenberger  et  Cauvin  pour  celle  de  la  haute 
Durance.  Pourquoi  le  livre  de  INI.  Ripert  ne  peut-il,  plus  complè- 
tement,   nous    rendre    le    même    service? 

L'auteur  vient  de  corifier  à  son  imprimeur  un  recueil  de  poésies 
qui  aura  pour  titre:  le  Train  bleu.  Or,  dans  quelques  décades  (une, 
deux,  trois.")  le  train  bleu  abandonnera  le  Rhône  à  Mondragon,  tia- 
versera  le  Comtat,  remontera  la  Durance  jusqu'à  Pertuis,  laissera 
le  voyageur  jeter  un  coup  d'œil  sur  le  ravin  de  l'eau  salée  à  Bar- 
jols,  le  saut  de  l'Issole  à  Carcès,  Saint-Michel  sous  terre  près  des 
bois  d'Astros  et  ne  rejoindra  la  mer  qu'à  Fréjus.  C'est  .alors  la 
Provence  littorale  qui  sera  l'inccnue  aux  pulmanniques.  En  prévi- 
sion de  ce  changement  d'itinéraire  que  M.  Ripert  prépare  dès  main- 
tenant la  refonte  de  sa  Provence  et  rendons  sa  tâche  nécessaire  en 
épuisant  vite  la  première  édition.  —  A.   Rampal. 


CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 


MAksKii.l.K.  W'ii   le   milieu  Civ    l\u'-    hjj.S.   dos   scaphanchiors   ?c 

livrant  à  la  pèche  du  corail,  tout  près  de  l'Ile  Maire,  trouvèrent  à 
une  assez  grande  profondeur  plus  de  200  amphores  romaines,  la 
plupart  entières,  dont  ils  pourvurent  les  marchands  d'antiquités  de 
Marseille.  J'ai  vu  chez  t|uelques-ims  de  ces  derniers'  des  stocks 
variant  de  15  à  40  ;  le  prix  de  demande  actuel  va  de  100  à  250  fr. 
la  pièce.  Cette  accumulation  d'amphores  sur  un  espace  restreint,  e,-t 
l'indice  soit  du  naufrage  du  bateau  transporteur  de  ces  vases,  vides 
ou  pleins  de  vin,  Goit  de  la  nécessité  dans  laquelle,  par  suite  de 
mauvais  temps,  l'équipage  se  trouva  d'alléger  la  cargaison  en  jetant 
par  dessus  bord  cette  importante  quantité  de  récipients  en  céramicjue. 

Il  est  à  retenir  que  la  pêche  du  corail  sur  nos  côtes,  abandonnée 
pendant  près  d'un  siècle,  paraît  renaître  depuis  très  peu  de  temp.>. 

Allauch.  —  En  iQoi  et  1914,  j'avais  procédé  à  une  exploration  de 
surface  de  la  colline  du  Château.  De  novembre  à  février 
j'y  suis  retourné  plusieurs  fois  et  le  17  avril  je  faisais  commen- 
cer, dans  quelques  poches  de  terre  qui  subsistent  encore  sur  ce 
rocher,  des  sondages,  dont  le  plus  profond  a  atteint  1™  75  de 
profondeur.  Ces  recherches  ont  permis  de  constater  la  présence 
sur  tout  le  pourtour  et  le  sommet  de  la  colline  de  vestiges  de  la 
Tène  III  (très  rares),  de  débris  industriels  romains  (gros  doUa, 
tfgulfe_,  amphorions,  bague  en  bronze,  meules  en  basalte,  scories 
de  fer  et  quelques  échantillons  de  la  poterie  rouge  lustrée  avec 
décor  en  relief  se  rapportant  à  la  première  moitié  du  lir  siècle  de 
notre  ère).  Nous  y  avons  aussi  reconnu  de  la  céramique  carolin- 
gienne, de  la  vaisselle  émaillce  ou  non  du  moyen-.'ige  et  deux 
monnaies  du  xvi*  siècle. 

Partout,  nous  avons  pu  constater  un  mélange  entre  toutes  ces 
époques  et  un  état  fragmentaire  des  objets  qui  ne  peuvent  s'ex- 
pliquer que  par  le  bouleversement  complet  subi  par  les  gisements 
anciens  Icrs  de  la  construction  du  chrucau  et  du  bourg,  c'est-à- 
dire  vers  1120.  A  ce  moment,  d'importants  travaux  de  nivellement 
avec  déblais  et  remblais  ont  brisé,  mélangé  et  éparpillé  sur  tous 
les   points   de    la    colline   les   vestiges   industriels   antiques. 

ROGXAC.  —  La  carrière  de  Canourgue,  c|uo  j'ai  eu  l'occasion 
d'évoquer,    à    propos    d'un    autel    magique,    a    tourni    u    notre    coij- 


Ii6 

frcic  Paul  Clianfrcau  une  bague  on  bronze  unie.  T. a  découverte 
(les   diverses   pièces   de    la    villa    se   poursuit    (2  avril    1929). 

T-A\Ç().\.  I.e     2"]      mars,     le      même      cliercheur      m'in\itait      à 

constater  (|ue  des  dcfoncemcnts  opérés  récemment  au  domaine 
de  la  Baumetane,  appartenant  à  M.  Thcry,  avaient  permis  de  re- 
connaître des  substructions  gallo-romaines  dans  le  voisinage  des- 
quelles il  a  été  trouvé  une  monnaie  qui  n'est  autre  qu'une  de 
ces  oboles  mclgorienncs  des  évêc|ues  de  Maguelonc  au  xil*'  siè- 
cle, assez  communes  dans  le  Midi.  M.  Chanfreau  suit  les  travaux, 
et   tiendra  .la   Société  au   courant   des   découvertes   éventuelles. 

lÎKZlKRS.  —  Le  21  et  le  22  avril,  se  tenait  à  Béziers  le  Congrès 
de  la  Fédération  bistoriijue  du  Languedoc  méditerranéen  et  du  Rous- 
sillon.  La  première  journée  comprenait  la  visite  de  la  ville  où  il 
convient  de  noter  particulièrement  la  cathédrale,  la  Magdeleine  et 
l'église  de  Saint-Aplirodise,  apôtre  de  Béziers,  où  un  sarcophage 
païen  en  marbre  représentant  une  chasse  au  lion,  sert  de  fonts 
baptismaux,  ce  qui  est  une  utilisation  plutôt  rare  de  ce  genre  de 
monument  '  ;  sou:i  le  chaur  se  voit  une  crypte  en  hémicyle  avec 
fencstra'j  dont  le  plafond  a  été  remanié.  On  voit  aussi  une  mai- 
son romaine  à  la  rue  du  Vedel.  l'hôtel  gothique  de  Cassagne  (rue 
Mairan),    l'hôtel  de    Noguier   (159X)   et   son    riche   mobilier. 

Dans  Ici:,  deux  séances  d'études  tenues  dans  la  salle  du  Conseil 
municipal  avant  et  après  le  dîner,  on  entendit  les  neuf  communi- 
cations ci-après:  par  M.  F.  Alouret,  les  infiiences  hellcniqucs  et  tar- 
tesszennes  dans  le  LangiieLioc  et  le  Roiissillon  aux  temps  protoliistori- 
(jites;  M.  Coulouma,  la  ScjtCLhaussce  de  Béziers;  D''  Marignan, 
le  Port  gallo-r 01)1(11)1  du  Grau  de  la  C]iC7rc\  à  l'Est  du  Grau-du- 
Roi,  où  les  vestiges  antic|ues  se  rencontrent  en  aussi  grand  nom- 
I  re  c|ue  sur  la  plage  de  Fcs.  Cela  est  inédit  et  fort  intéressant. 
M.  le  chanoine  Hermet,  curé  de  l'Hospitalet  (Aveyron),  l'inventeur 
des  statues-menhirs,  parla  avec  une  compétence  remarcjuable  des 
poteries  de  la  Graufesencjue,  dont  l'étude  approfondie  lui  a  permis 
de  tirer  pour  les  fouilles  gallo-romaines  des  éléments  chronologi- 
ques plus  précis  encore  que  ceux  fournis  par  les  monnaies.  ^L  l'ar- 
chiprètre  Blaquière  fit  une  lecture  sur  Part  chré'tien  à  Béziers, 
-MM.  les  D''^  Boyer  et  Vinas  et  le  commandant  Barré  lui  succédè- 
rent. Enfin,  le  commandant  Espérandieu  fit  une  communication 
importante  sur  la  civilisation  sumérienne  et  les  fouilles  d'Our,  illus- 
trée  de   projections   permettant    ce  constater    la    valeur    considérable 

(i)  Sur  la  porte  niéridiona'e  se  trouve  un  sarcophage  chict'cn  ;Le  Biaut, 
Sarcophages  Chrétiens,  n'   '73). 


117 

(le  ces  découvertes.  La  signiticatiun  historique  de  ces  fouilles,  plus 
importantes  que  celles  de  Tout-Ank-Anion,  est  que  la  civiliL^ation 
sumérienne  —  avec  ses  armes  et  ses  bijoux  ornés  de  lapis  • —  a 
précédé  la  civilisation  éj^yptienne.  dont  elle  n'est  j)ar  consé(|ucnt 
nullement  tributaire. 

I.e  lendemain  matin,  les  cimgressistes,  au  nombre  de  80  environ, 
ont  été  transportés  en  cars  à  l'oppidum  d'Ensérune  qui,  à  g  kil. 
S.-O.  de  Béziers,  occupe  un  patcau  élevé  ayant  à  ses  pieds  l'étang 
asséché  de  Montaldy  et  d'où  l'on  domine  toute  la  contrée  des  Céven- 
nes  aux  Pyrénées.  Défendu  par  des  escarpements,  des  remparts  et  au 
S.  par  un  large  fossé,  cet  ouvrage  dont  l'aire  est  de  plusieurs  hec- 
tares, comporte,  chose  curieuse,  //  l'ititérieiir  de  son  enceinte ,  une 
nécropole  disposée  à  son  extrémité  S.  Elle  a  fourni  à  M.  Mouret 
des  documents  très  importants  sur  des  civilisations  allant  du 
1V«  siècle  avant  notre  ère  à  la  fin  du  r"'"  siècle  après. 

La  partie  du  plateau  constituant  l'habitat  est  parsemée  de  trous 
creusés  dans  le  poudingue  si  nombreux  et  si  rapprochés  qu'elle 
peut  être  comparée  à  une  passoire.  Ces  trous  généralement  ovoïdes 
de  I  à  2  mètres  de  profondeur  et  de  2  à  3  mètres  de  diamètre  ont  été 
considérés  comme  des  silos  pour  les  récoltes.  Les  fouilles  en  ont 
reconnu  déjà  200  environ,  j'y  verrai  volontiers,  le  sous-sol  des 
huttes  dans  lequel  ont  serrait  les  provisions  (conserves  de  viande 
et  de  poisson,  vin  et  autres  aliments),  l'ne  disposition  analogue 
a  déjà  été  observée  à  Alésia  notamment. 

L'après-midi  fut  consacrée  à  la  vi::ite  du  domaine  rlu  A'ègrc  où 
M.  F.  ]\Iouret  a  réuni  le  produit  de  ses  fouilles  d'Ensérune  et  en 
particulier  de  la  nécropole  préromaine,  qui  est  la  plus  riche  de  la 
Gaule.  Cette  collection  comprend  des  agrafes  de  bronze  ajourées, 
des  parures,  perles  de  colliers,  bracelets,  bagues,  épingles,  mcn- 
naies,  épées  gauloises  repliées  suivant  un  rite  celte,  des  usirnsiles 
de  ménage,  cuillers,  passoires,  meules  à  bîoyer  le  grain,  etc.  Mais 
l'élément  le  plus  important,  est  sans  contredit  la  présence  de  vases 
peints  qui  servaient  d"ossuaires.  La  plupart  n'ont  revu  le  jr)ur 
(|ue  brisés  et  leur  réfection  a  donné  lieu  à  un  travail  bmg  et  minu- 
tieux. D'ailleurs  on  croit  que  nombreux  étaient  les  vases  qui, 
suivant  le  rite  ancien  ont  été  brisés  volontairement  avant  d'être 
mis  dans  les  tombes.  C'est  parmi  ces  précieux  débris  qu'a  été 
découvert  une  coupe  de  la  meilleure  fabrication  attiquc  de  la  fin 
du  V  siècle  ou  début  du  n^  siècle  avant  Jésus-Christ,  sur  laquelle 
on  a  cru  reconnaître  les  caractères  de  l'atelier  de  Mcidias,  réputé 
par  son    style    élégant   et    fleuri. 


iiS 

A  noter  aussi  des  fers  à  chevaux  et  un  égoutoir  de  la  Tène  HT, 
orné  de  petits  cercles  concentriques  et  de  deux  grenouilles  en  relief 
réservées  dans  la  pâte  à  l'intérif^ur  et  une  belle  série  de  vases  celti- 
bériques,   presque  inconnus   en   Provence. 

Notons  encore  que  la  prospection  archéologique  de  cette  région  est 
beaucoup  plus  avancée  qu'ailleurs  à  cause  de  la  vigne  qui  a  donné 
lieu  récemment  à  la  mise  en  culture  de  certaines  parties  de  terrain 
jamais   utilisées  jusqu'à  ces   derniers  temps. 

Nîmes.  —  En  revenant  de  Bézier.-^,  j'ai  pu  voir  encore  sur  les 
lieux  de  leur  découverte,  grâce  à  un  aimable  confrère,  M.  H.  Ban- 
quier, cinq  inscriptions  romaines  entières  et  un  bas-relief,  qui  ont 
été  utilisés  au  IV®  siècle  à  boucher  une  brèche  faite  au  rempart 
romain,  qui,  descendant  de  la  Tour  ]Magne  sur  le  cjuartier  des 
.Mazets,  traverse  la  route  d'Anduze  avant  de  gravir  un  coteau  au 
sud  de  cette  voie.  Ces  monuments  empruntés  à  un  cimetière  voisin 
et  hors  les  murs  ont  été  en  grande  hâte  utilisés  comme  matériaux. 

Riez.  —  En  rentrant  à  >[arseille,  je  trouvais  une  lettre  de  notre 
confrère  'SI.  Marcel  Proveiice,  datée  du  iS  avril,  par  laquelle  il 
m'avisait  qu'il  venait  d'extraire  du  mur  d'une  écurie  de  Riez  une 
inscription  romaine  qui  devait  être  inédite  et  cju'il  a  fait  transporter 
au  musée  lapidaire,  qu'il  a  installé  dans  le  baptistère  appelé  «  la 
Rotonde  »   et   dont    l'inauguration   doit   avoir    lieu   en   juin. 

Beaucaire.  —  Presque  au  même  moment,  un  autre  de  nos  aima- 
bles confrères,  le  comte  Louis  de  Blégiers-Pierregrosse,  voulait  bien 
m'informer  d'intéressantes  découvertes  faites  à  Beaucaire  et  m'ac- 
compagner  sur  les  lieux  le  i*""  mai.  En  construisant  une  usine  de 
matériaux  en  ciment  (briques,  bourneaux,  etc.),  au  quartier  du  Cabis- 
col  ou  de  Sizen,  situé  à  la  sortie  de  la  ville,  sur  le  côté  nord  de 
la  route  de  Ximes,  l'ancienne  ria  Domitia,  ]M.  Bernavon  mit  à  jour 
sur  un  front  de  40  m.  environ  et  à  2  m.  50  de  profondeur,  un  cime- 
tière avec  tombes  de  l'incinération  et  de  l'inhumation,  occupant  le 
même  niveau  et  reposant  toutes  sur  un  banc  de  poudingue,  comme 
à  Ensérune.  Une  grande  partie  des  trouvailles  effectuées  a  été  trans- 
portée au  musée  de  Beaucaire.  Son  conservateur,  le  D""  Julian 
et  -M.  !\Iouret,  de  Tarascon,  procèdent  à  leur  détermination  et  nous 
font  espérer  une  étude  complète  sur  ce  très  intéressant  gisement 
dès  c]ue  les  travaux  de  creusem.ent  seront  achevés.  Sur  le  chantier 
même  ou  au  m.usée,  j'ai  pu  faire  les  constatations  suivantes:  sépul- 
tures sous  tegulœ  ou  dans  de  grandes  amphores  (comme  à  Mar- 
seille et  à  Gênes);  pour  les  sépultures  de  l'incinération,  emploi  d'ur- 
nes en  céramique,  accompagnées  de  vases  à  offrandes  en  poterie  cam- 


panionno,  d'Arczzo,  vases  cloutes  ou  goclronnés,  imitant  des  vases 
en  n\ôtal,  cérami(|ue  indigène  (lampes,  écuelles,  etc.),  vases  à  cou- 
verte rouge  unie  ou  avec  bandes  circulaires  rouges  et  (|uadrilagc 
lozangé  eu  brun,  plus  fins  que  les  vases  celtibéricns,  céramifjue 
rouge  dit."  samienne  où  se  lit  la  marque  de  SCOTM  {Scotius  Mann) 
déjà  rencontrée  à  Vienne  ',  etc.  Toute  cette  céramique  assez  variée 
comme  pâte  et  comme  types  de  vases,  aussi  bien  celle  d'exportation 
que  celle  de  fabrication  indigène,  comporte  toujours  l'emploi  du 
tour.  Ces  sépultures  ont  aussi  fourni  deux  glaives  en  fer,  des  bagues 
et  des  plaques  d'application  en  bronze,  des  figurines  gauloises  en 
terre  grise  creuses;  ce  sont  de  petits  bustes  dont  la  tête  n'a  pu 
être  conservée  sur  les  trois  exemplaires  découverts  jusqu'à  main- 
tenant ;  à  noter  aussi  des  pots  à  fard  en  verre  dont  un  muni  de  ses 
chaînettes  de  suspension  en  bronze,  des  monnaies  de  la  colonie  de 
Xîmes,  de  l'empereur  Caligula  et  une  monnaie  ibérienne  de.s  lU^- 
ir  siècles  se  rapportant  à  la  ville  d'iluro  (aujourd'hui  Liria  près 
Valence),  que  M.  de  Love  m'a  aidé  à  déterminer.  De  cet  ensemble, 
il  ressort  que  l'on  a  enseveli  dans  cette  nécropole  —  plus  récente 
que  celle  d'Ensérune  —  du  lll^-ir  siècles  avant  notre  ère  au 
IF  siècle  après,  soit  pendant  quatre  ou  cinq  siècle-.  L'absence  ici 
de  coffres  eri  pierre  ou  cistes  ou  de  récipients  cinéraires  en  verre 
ou  en  plomb  e;t  à  retenir,  aucune  inscription  n'y  a  été  rencontrée. 
Ces  tombes  anonymes  sont  celles  de  gens  peu  fortunés. 

Cannes  et  Ximes.  —  Le  Congrès  annuel  de  Rhodania,  association 
des  archéologues  de  la  vallée  du  Rhône,  se  tiendra  à  Cannes  et 
Grasse  du  5  au  8  août  et  la  X^  session  de  l'Ecole  antique  de  Ximes, 
du  26  août  au  7  septembre. 

Forma  orbis  Romani.  —  En  1927,  l'Union  académique  interna- 
tionale, dont  le  siège  est  à  Bruxelles,  a  entrepris  la  carte  archéo- 
logique du  monde  romain.  L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres  s'est  chargée  de  la  Gaule  et  s'est  assuré  pour  ce  travail  de 
longue  haleine,  près  de  soixante-dix  auxiliaires;  c'est  ainsi  que  je 
collabore  à  cette  œuvre  considérable  pour  le  département  des  Basses- 
Alpes  et  cela  m'amène  à  demander  à  ceux  de  nos  collègues 
qui  peuvent  le  faire,  de  bien  vouloir  me  signaler  les  anti- 
quités romaines  provenant  authentiquement  de  ce  dépar- 
tement et  qui  pourraient  se  trouver  chez  des  particuliers  habitant 
:\[arseille  ou  ailleurs.  C'est  par  cette  prière  que  je  terminerai  ma 
chronique  en  les  assurant  d'avance  de  ma  \ive  reconnaissance 
pour  ce  qu'il  leur  sera. possible  de  faire  à  ce  sujet  en  faveur  de  la 
«  Forma  orbis  Romani  »  et  de  la  Haute-Provence.  —  H.  de  GéRIN- 

RlCARD. 
(I)  Corpus  L  L.  XII,  5686,  791. 


Foncahons  et  mosaïques  d'vnk  vii.i.a  gai.i.o-romainf.  découver- 
tes AU  cap  Couronne  (propriété  de  M.  F.  Michel).  — ■  Cette  pro- 
priété située  non  loin  de  la  Couronne,  au  ~ud  du  village  de  Carre, 
longe  d'un  côté  la  mer  et  s'étend  d'Est  en  Ouest  entre  deux  lignes 
de  collines  basses  orientées  du  Nord  au  Sud  à  peu  près  parallèle- 
mont  et  formant  ainsi  un   vallon  assez  étroit. 

C'est  dans  ce  vallon,  près  de  la  mer  que  fut  trouvé  un  pan  de 
mur  à   une  profondeur  de  0,80  centimètres   environ. 

D'après  les  sondages  c|ue  nous  avons  faits  un  peu  partout,  nous 
avons  pu  nous  faire  une  idée  générale  de  la  villa  et  de  son 
orientation. 

I,e  bâtiment  était  adossé  à  la  ligne  de  collines  du  côté  Est  et  tour- 
nait le  flanc  au  rivage  actuel,  mais  la  mer  cjui  pénétrait  plus  pro- 
fondément dans  les  terres  à  cette  époque  et  à  cet  endroit  formait 
devant  la  A'illa  une  calancjue  à  lacjuelle  on  accédait  par  un  esca- 
lier en  pente  douce  bâti  avec  de  larges  pierres. 

Une  source,  de  nouveau  captée,  jaillit  tout  près.  Certainement 
connue  à  l'épcque  de  la  construction  de  la  villa,  elle  n'avait  pas 
du  être  étrangère  au  choix  de  l'emplacement  de  cette  construction. 

"N'ague  comme  une  légende,  demeurait  dans  le  pays  le  souvenir 
d'une  belle  colonne  de  marbre  trouvée  jadis  dans  ces  parages,  avec 
divers    débris    de    tuiles   d'une    forme    inconnue. 

C'est  en  creusant  tm  bassin  que  l'on  rencontra  le  dallage  à  une 
profondeur  de  i  m.  50  environ.  Reconnaissant  au  petit  carré  de 
mosa:c]ue  découvert  qu'il  s'agis.-^ait  de  ciuelcjue  chose  d'intéressant, 
nous  avens  voulu  continuer  les  fouilles  nous-même  et  avons  suivi 
la  bordure  parallèlement  à  un  des  murs  de  la  pièce  C|ue  nous  décou- 
vrions à  mesure. 

Ce  mur  est  bâti  en  pierres  régulières  posées  à  joints  coupés,  sa 
hauteur  d'environ  20  centimètres  en  Ouest,  s'augmente  rapidement 
à  mesure  que  l'on  approche  de  la  colline,  c'est-à-dire  que  l'on  s'en- 
fonce dans  la  villa. 

Xcs  recherches  se  sont  arrêtées  à  l'angle  de  la  bordure  et  après 
avoir  déblayé  vers  l'intérieur  de  la  pièce,  nous  avons  formé  une 
sorte  de  triangle  c]ue  la  photographie  permettra  d'examiner. 

DcLiil  de  la  m  osai  que.  —  Très  riche,  sur  fond  blanc  avec  des- 
sins en  losanges  sur  trois  tons,  et  disposés  dans  les  deux 
sens  de  la  pièce,  une  grecque  de  marbre  noir  vient  encore  en  aug- 
menter la  richesse. 

La  bordure  sur  trois  tons  également,  forme  une  double  tresse 
encadrée  de  deux  bandes  noires  d'inégale  largeur. 


121 

E-nfin,  un  semis  de  mosaïque  blanche  sépare  la  bordure  du  mur. 
sur  une  profondeur  de  20  centimètres,  ^-uiv.int  toute-  1.-^  lèjrlr-  rlrs 
beaux  dallaj,''es. 

11  faut  ajouter  ijui-  la  moiaiciuc  et  le  tond  m,iu  i)arlaitenient 
conservés. 

De  très  beaux  marbres  de  revêtement  de  différentes  teintes  ont  été 
trouvés  dans  cet  espace  pourtant  très  réduit. 

Au  début  de  juin,  .M.  Charles  Tassy  a  bien  voulu  nous  conduire 
avec  -M.  de  Barbarin  et  M.  Duce,  qui  a  pu  prendre  de  fort  belles 
photographies    des    deux    angles    de    la    pièce. 

Xous  comptons  poursuivre  le  déblaiement,  en  nous  guidant  sur 
le  dallage  et  ne  manquerons  pas  de  signaler  à  la  Société  toutes  les 
choses  intéressantes  (jue  nos  recherches  pourront  nous  faire  un- 
contrer.    —  Maurice   Joi"\'i.\. 

MÉLANGES 

Exposition  annvklle  de  la  Chambre  de  Commerce.  —  I,a  Cham- 
bre de  Commerce  de  Marseille  nous  offre  cette  année,  dans  sa  petile 
salle  d'exposition,  une  rétrcspective  du  port  de  Marseille  et  de  la 
marine  à  voiles. 

Parmi  les  pièces  curieuses  offertes  aux  regards,  relevons  notam- 
ment les  suivantes.  D'abord  un  curieux  projet  d'aménagement  du 
port  de  Marseille  vers  17S0,  visant  surtout  à  l'augmentation  des 
places  à  quai.  Ce  plan,  signé  d'Ageville,  alors  ingénieur  en  chef 
du  port  et  (jui  devait  mourir  sur  l'échafaud  en  1793,  prévoit  la 
construction  d'un  môle  plus  large  que  long  au  cjuai  de  Rive-Xouve, 
devant  le  chantier  de  construction,  et  l'élargissement  de  la  branche 
sud  du  canal  de  l'arsenal  (depuis  canal  de  la  Douane  et...  boule- 
vard planté  d'arbres  !)  jusqu'à  la  transversale  de  la  r\'c  Sr.int- 
Saëns  actuelle,  de  façon  à  en  faire  un  véritable  bassin  annexe. 
Ce  projet  n'eut  aucune  suite:  non  loin  de  lui  figure  le  i)lan  du 
canal  en  ijSS  avec  les  noms  des  nouvelles  voies  tracées,  sur 
l'emplacement  de  l'Arsenal  démoli. 

^'oisinant  avec  der:  autographes  de  Louis  XIII,  d'Anne  d'Autiiche, 
de  Louis  XIV,  du  duc  de  Guise,  gouverneur  de  Piovence,  et  d'au- 
tres personnages,  on  peut  voir  un  projet  de  propulsion  des  i  avires 
par  temp.s  calme  au  moyen  de  panneaux  mobiles  actionnés  du  bord, 
ainsi  qu'une  liste  de  souscription  pour  un  armement  en  course  îi 
Marseille  en  1(813,  sur  lequel  on  relève  les  signatures  de  ncmbre 
des  plus  notables  négociants  marseillais  de  cette  ville  s(  us  le  Pre- 
mier Empire. 


123 

Plu?  loin,  un  ri'inai'(|uc  clf  nombreuses  vignettes  eniblémati  jues  de 
l'c'pocjuc  '  du  Directoire  et  du  Consulat-,  à  noter  paniirulicreuient 
celle  de  l'amiral  GanteauHie,  préfet  maritime  de  Toulon,  si  p;u  laite 
d'exécution   et   si   symbolicfue. 

Enfin,  entre  divers  ouvrages  anciens  relatifs  à  la  na\igatiou,  il  v 
a  lieu  de  mentionner  le  magnifique  atlas  de  cartes  marines  de 
Brcmond  et  ^lichelot,  édité  à  ]\Iarseille  vers  1720,  relié  au  jlein 
maroquin  rouge  et  qui  est  le  seul  bel  exemplaire  connu  en  France 
de  cet  ouvrage.  Cet  atlas  est  accompagné  des  éditions  réduites  qui 
en   furent   publiées   tout   le   long  du  XVIII-  siècle. 

Les  murs  sont  recouverts  de  gravures  anciennes  en  original  ou 
en  reproduction.  Quelques-unes  des  gravures  originales  sont  très 
rares,  notamment  le  portrait  du  duc  de  Vendôme  par  Grignon  le 
\  ieux,  d'après  Mignard,  ceux  de  ses  fils,  le  duc  de  Merccrur,  jar 
Robert  Xanteuil,  et  le  duc  de  Beaufort,  par  Regnesson,  d'après 
Carette;  ainsi  que  la  gravure  anglaise  à  la  manière  noire  de  Skips- 
ter  et  Tomkins,  représentant  le  A'aisseau  Le  Commerce  de  Mar^eille^ 
offert  au  roi  Louis  XVI,  en  17S2,  par  la  Cbambre  de  Commerce 
de    Marseille.    —   R. 

Le  Cente.n.^ire  dv  dassix  du  Carénage.  —  Il  ne  suscitera  certes  ni 
fêtes,  ni  discours,  ni  promotion  dans  la  Légion  d'honneur.  ^lais  une 
revue  d'histoire  et  d'archéologie  comme  Provincia  devait  rappe- 
ler C|ue  la  construction  de  ce  bassin  avait  été  déclarée  d'utilité  publi- 
que par  ordonnance  du  28  janvier  182g.  Commencés  la  même  année, 
les  travaux  ne  devaient  se  terminer  qu'en  1840,  après  avoir  permis 
la  découverte  d'une  quantité  considérable  d'objets  se  rapportant  à 
^larseille  antique;  une  Commission  spéciale  avait  été  chargée  de 
surveiller  les  fouilles.  Le  4  juillet  1831,  elle  déposait  un  rapport 
sur  les  trouvailles  faites.  Nous  n'cnumérerons  pas  ici  les  objets 
retrouvés,  qui  ont  contribué  à  l'enrichissement  du  Musée  Borély  ; 
disons  seulement  que  le  Bassin  du  Carénage  a  constitué  certaine- 
ment un  des  principaux  «  nids  »  d'antiquités  massaliotiques  :  tom- 
beaux, médailles,  monnaies,  usten.^jles  divers,  lampes,  briques,  pote- 
ries, verreries,   etc.,    etc.    Il    était   utile   de   le   rappeler   au    point   de 

vue  de  l'histoire  locale.  —  R. 

/■ 

L'acte  de  baptême  de  Louis  Chémer,  père  d'André  Chénier.  — 
On  sait  c|ue  Louis  Chénier,  père  de  l'illustre  poète  mort  sur  l'écha- 
faud  révolutionnaire,  fit  une  carrière  dans  les  consulats  et  qu'il  fut, 
en  dernier  lieu,  de  1767  à  1782  (avec  une  interruption  de  deux  ans 
en,  J  773-74),  consul  de  France  au  Maroc.  Ce  que  l'on  sait  moins 
c'est  que,   en    1742,   il   se  rendait   en  Orient  comme   commis    dans  la 


123 

maison  de  commerce  de  :\]y\.  [.avabre  et  Dussol  à  Constantinopic. 
Il  avait  alors  vingt  ans.  Et,  afin  d'obtenir  de  la  Chambre  de  Com- 
merce le  certificat  de  résidence  dans  la  capitale  de  l'empire  turc, 
il  dut  produire  son  acte  de  baptême  encore  conserve  dans  les  archi- 
ves de  cette  Compagnie.  En  voici  le  texte:  «  Extrait  des  baptistaircs 
de  la  paroir.se  de  Montfort,  diocèse  d'Alct.  I/an  mil  sept  cens  vingt 
deux  et  le  quatrième  jour  du  mois  de  juin,  ay  baptisé  un  enfant  do 
Monsieur  Guilhaumes  Chennier  et  de  demoiselle  Catherine  Garri- 
gues, mariés,  nay  le  triosième  jour  du  dit  mois  ;  on  luy  a  donné 
le  nom  Louis;  marreine  .Mademoiselle  Jeanne  de  Franc,  de  la 
ville  de  Limoux  ;   en  foy  de  ce:   Ille,  prebtre,   curé  ». 

Alet,  qui  fat  ville  épiscopale  jusqu'à  la  Révolution,  et  la  pamissc 
de   Montfoit  sont  aujourd'hui  dans  le  département  de  l'Aude.  —  F. 

LOLis  XIII  A  Lvox,  u'ai^rès  u.n  Provknçai..  —  Les  documents 
originaux,  reproduits  ci-dessous,  concernent  aussi  bien  l'histoire 
générale   que  l'histoire    locale. 

Ces  deux  lettres,  inédiles,  émanent  d'un  sieur  Cappus,  homme 
de  loi,  d'origine  provençale,  domicilié  h.  Grenoble,  où  il  suivait  au 
Parlement  du  Dauphinc  les  affaires  qut-  pouvait  avoir  en  cette 
Cour  la  Communauté  de  Marseille,  et  pour  lesquelles  il  recevait 
une  pension  de  la  ville.  Il  dut  se  maintenir  longtemps  à  ce  poste, 
car  dix  lettres  de  iui,  aux  Archives  de  la  ville  de  Marseille,  s'éche- 
lonnent de  1609  à  1649.  Cette  période,  août-septembre  1632,  est 
grosse  d'événements.  Le  Languedoc  et  son  gouverneur,  le  duc  de 
Montmorency,  suivant  le  parti  de  Gaston  d'Orléans,  frère  du  Roi, 
sont  en  pleine  insurrection.  Le  Roi  et  le  Cardinal  de  Richelieu 
ont  envoyé,"  pour  les  réduire,  le  maréchal  de  Schomberg,  et  eux- 
mêmes  ont  (|uitté  Paris,  le  12  août  pour  se  rendre  à  Lyon,  descendre 
la  vallée  du  Rhône,  et  prendre  les  rebelles  à  revers. 

C'est  à  Cosne-sur-Loire,  que,  le  23  août,  Louis  XIII  a  enjoint 
au  Parlement  de  Toulouse  d'instruire  le  procès  de  Montmorency, 
mais  à  peine  éiait-il  arrivé  à  Lyon  —  le  dimanche  5  septembre  -  - 
que  le  soulèvement  du  Languedoc  était  vaincu  par  la  défaite  et  la 
capture,  le    i''"'  septembre,   à  Castelnaudary,    de   l'illustre  révolté. 

L'homme  d'affaires  de  Marseille  qui  se  trouve  à  Lyon,  en  nom- 
breuse compagnie  de  provinciaux  venus  à  la  rencontre  de  la  Cour  et 
pour  flairer  le  vent,  raconte  brièvement,  mais  exactement,  les  nou- 
velles, et  sa  courte  narration  est  remplie  d'intérêt,  notamment  l'in- 
cendie des  maisons  du  pont  de  Saône,  la  nnit  de  l'arrivée  de  la 
Reine,  ce  qui,  sans  un  prompt  secours,  aurait  été  une  catastrophe, 
«  Il  ne  se  parlait  ])lus  de  Lyon!  )>  écrit-il. 


»24 

/;//(■/-  /;iii!^)iiJiii  iirhcm  il  iinihnn  iiox  iin.i  iiiirr/iiiL..  Ainsi  Sencque 
résumait    déjà     l'inrendie    de    la    citû    rb.odanicnnc     aux    temps    de 

X('ron.    —    JKAN    DE    SKRVIKRES. 

* 
*  * 

Avant  mon  despait  de  Grenoble,  je  vous  envoyay  l'arrest,  les 
coppies  et  Tadvis  de  ce  c[u'il  fault  fère  touchant  vos  privilèges, 
croyant  les  auiès  leceucs,  et  mys  le  d(ict)  advis  à  exéc(uti)on  ;  en 
(|Uoy  s'il  se  rancontre  quelque  difficulté  je  seray  [à]  Marseille  pour 
la  résoudre  par  tout  ce  moys. 

Quant  aux  nouveautés  je  me  rapporte  à  ce  que  les  novelles  de 
la  Gazette  cy  jcinte  vous  en  diront,  y  adjoustant  que  le  Roy  arriva 
hicrt  à  la  Pallice  ;  et  dimanche  prochain  doibt  estre  en  ceste  ville. 
On  ne  sait  point  encores  s'il  y  séjournera  longtemps.  Le  premier 
Consul  d'Avignon  y  est  pour  s'en  esclarcyr  et  pour  savoyr  la  routte 
que  Sa  Maj(es)té  prandra.  Le  Gouverneur  d'Orange  y  a  aussy  mandé 
ung  gentilhomme  pour  le  m.ême  subject  et  les  depputés  de  la  No- 
blesse et  du  Parlem(^en)t  de  Dauphiné  doibvent  arriver  bien  tost,, 
Bref  on  ne  voyt  que  depputés  des  villes  et  provinces  pour  assurer 
le  Roy  de  la  fidellité  et  l'obéissance.  Le  Régiment  de  Xavarre  qui 
est  en  ceste  ville  laisse  '  ce  jour  d'huy  par  rivière  et  Sa  ?^laj(es)té 
fait  rouler  après  Elle  quatre  canons  -  acompagnés  de  sept  mille  hom- 
mes. [Monsieur  de  Tallard  gendre  de  Monsieur  d'Allincourt  lève 
ung  régiment  en  Lyonnois  ;  On  dict  que  Baiziers  c'est  déclaré  pour 
Monsieur;  le  prin(cip)al  coup  dépend  de  l'événement  de  Mastrit 
dont  les  novelles  sont  incertaines.  INIays  les  dernières  portent  qu'il 
est  hors  de  sallut,  et  qu'il  ne  tient  qu'au  prince  d'Orange  d'antrer 
dedans,  ce  qu'il  diffère  jusquec  à  ce  qu'il  ayt  randu  les  yssues  libres 
et   hosté   les  moyens  de  l'assiéger. 

Les  Français  cnt  emporté  le  prix  en  touttes  ces  occasions,  auLsy  la 
plus  part  y  sont  morts.  On  m'a  assuré  que  ^ilonsieur  d'Aubray  suit 
la  Cour,  ry  pandant  mon  séjour  en  ceste  vile  avez  afFère  de  mon 
service  je  vous -supplie  très  humblement  d'en  uzer  et  de  m'honorer 
de  la  continuatios  de  ceste  croiance  que  je  suis  en  gênerai  et  en 
particulier  r^Iessieurs  Votre  très  humble  et  très  hobéis:.ant  serviteur. 
A    Lyon,    ce    i^'"   septembre    1632.  Cappus. 


Je  croys  qu'aures  pG(u)r  agréable  que  je  vous  fasse  part  de  ce 
que  se  passe  par  dessa  ;  c'est  que  La  Reyne  arriva  samedi  en_  ceste 

'  /illisse)':  terme  de  manège:  lancer  un  cheval  aussi  vite  qvi'il  peut 
aller. 

^  Henri  ^Fartin  écrit  que  le  roi  ((  traînait  après  lui  une  artillerie 
formidable  ». 


125 

Ville,  et  ce  j'>.;r-:à  icn  caresse  ranvcrsa  au  dessa  de  la  Drelle 
[L'Arbrc.sIe]  dont  Madame  de  Chevreuzc  qui  y  cstoit  fcust  ung  peu 
blessée  '  et  le  cochicr  estropie  d'ung  bras:  Sa  .Maj(es)té  en  esrhappa 
pour  la  ptrur,  non  sans  beaucoup  de  danger  et  la  nuit  venant  il 
ce  brusla  fortuiteniant  huict  maisons  sur  le  pont  de  Sonne  {Saône) 
dont  il  n'en  est  demuré  que  les  cendres;  la  perte  des  mublcs  et 
marchandises  qui  y  estuient  va  a  plus  de  cent  mil  e?cus  ;  le  pis  est 
cju'il  y  demura  sept  personnes,  et  sans  le  proînpt  et  grand  secours 
il  ne  ce  parloit  plu:^  de  Lyon.  Le  landemain  dimanche  Le  Roy 
arriva  sur  les  cinq  heures  de  soyr.  11  vint  à  cheval  ju?(|ues  au 
pr)rt  de  St-Jehan  et  là  passa  la  rivière,  a  cause  que  le  pont  estoit 
fermé  a  raison  de:  ruynes  des  d{ites)  Tiiaisons  ;  et  logea  à  Eynev 
[Aiutiy],  Mays  le  luacy  la  viollance  de  ce  feu  fcust  suivye  d'une 
l-ien  douce  novclle.  Savoyr  la  prinze  de  Monsieur  de  Momorancy 
par  .Monsieur  de  Chonbert  -,  ce  qu'a  grandement  rejoui  la  Cnur  et 
changé  tout  ])lain  de  dessaings. 

On  assure  la  mort  ce  Monsieur  le  comte  de  Morei  ^  et  la  pri.-on 
du  d{ict)  c;(ieu)r  de  Momorancy  blessé  en  neuf  endroits  de  son  corps 
et  une  cuisse  rompue,  sy  que  on  ne  croist  pas  qu'il  en  rellève,  ce 
que    luy    sera    fa.orable,    c?r    on    attend    pis  '. 

Les  trouppcs  de  Sa  .Maj(e^)té  ()ui  sont  en  Allemagne  doibvent 
aller   en   Picardyc  :    nonobstant    la     prinze     de     Mastrit    [Macslricht] 

'  Si  la  duchesse  de  Clievreuse  avait  été  superstitieuse,  elle  aurait 
pu  voir  dans  cet  accident  un  fâcheux  présage,  sa  prochaine  disgrâce 
au  mois  de  février  suivant,  lorsque  furent  découvertes  ses  intrigues 
avec  le  Garde  des  Sceaux  Châteauneut  et  la  reine  d'Angleterre, 
Henriette   de   France. 

-  Henri  de  Schomberg,  maréchal  de  France,  se  distingua  au  siège 
de  la  Rochelle  et  en  Italie,  battit  le  i*"""  septembre  1632,  à  Castel- 
naudary,  les  rebelles  de  Gaston  d'Orléans  et  du  duc  de  Montmo- 
rency, reçut  le  gouvernement  général  du  Languedoc,  et  mourut 
prescjue  aussitôt,  à  Bordeaux,  le  17  novembre  de  la  même  année. 
il  était  né  en  1575. 

'  Antoine  de  Bourhon,  comte  de  .Moret,  fil>  naturel  d'Henri  I\' 
et  de  Jacqueline  de  Bueil,  né  à  Fontainebleau  en  janvier  1607, 
légitimé  en  i6o<S,  destiné  à  l'Eglise,  se  jeta  dans  les  intrigues 
fomentées  par  Gaston  d'Orléans  et  fut  tué.  croit-on,  au  cf)mbat 
de  Castelnaudary  le  i*^^""  septembre  1632,  encore  c|ue  le  lieu  de  sa 
sépulture  ne  soit  pas  connu.  Une  croyance  populaire  assez  répandue 
ridentifiait  avec  un  certain  ermite  retiré  plus  tard  en  l'abbaye  d'As- 
nières  en  Anjou.  Antoine  de  Bourbon  fut  abbé  de  Saint-\'ictor-de- 
-Marseille.  de   1622  à   1632. 

'  Henri  II,  duc  de  Montmorency,  maréchal  de  France,  ab.?.ndonné 
de  Gaston  d'Orléans,  fut  fait  prisonnier  à  ce  combat  de  Castelnau- 
dary, le  i*^'  septembre  1632,  traduit  devant  le  Parlement  de  Tou- 
louse, cmdamné  à  mort,  et  malgré  les  plus  hautes  interventions, 
exécuté  le  30  octobre,  pour  crime  de  rébellion  et  haute  trahison. 


126 

par  le  ])rincc  d'Oiang-c  hujufllc  est  très  certaine,  (|u"est  ung  bon 
artiste;  Sa  >raj(cs)té  print  médecine  hier  pour  mieux  fortiffier  sa 
santé  et  le  d(ict)  jour  le  prince  Thomas  arriva  de  Savoyc.  Oji  tient 
(|ue  la  Rcyne  va  à  la  Ste  Baulme  '  et  cju'ellc  partyra  demain,  c-t  le 
Roy  samedi.  Il  prandra  la  rivière  juscju'.^s  au  St-f2sprit  {l'ont  Saint- 
Esprit]  et  de  là  tyrera  à  Beziers.  Ce  que  vous  sera  par  advis  aux 
fins  de  pryffiter  l'occasicm  aux  occurances  c[ue  vous  peuvent  mou- 
\oir  de  voyr  Sa  Maj(es)té,  laquelle  a  octroyé  huict  mil  hommes  de 
pied  au  d(ict)  prince  Thomas  et  quinze  cens  chevaux,  contre  les 
Génois.  Il  est  aussy  arrivé  tout  fraischement  ung  enbassadeur 
extra(jrdinaire  d'Angleterre.  On  ne  dict  pas  encore  le  subject  de  son 
anbassade.  Les  privé  et  grand  Conseil  ne  suivent  point,  tellem(en)t 
qu'il  né  se  faict  rien  ou  fort  peu  pour  les  partyes.  Neanmoingz  a 
esté  resollu  qu'au  St  Esprit  on  achèvera  ce  que  reste  affère  conser- 
nant  les  Cascaveous  d'Aix  "  dont  les  intéressés  et  les  prévenus  sui- 
vent que  sera  l'endroit  ou  je  vous  assureray  c|ue  je  suis,  Messieurs, 
^'otre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur.  ■ —  Captt^^?. 
A  I  yon,  ce  r.:ercrec]i  8  sspt(enib)re    163:2. 

+ 
*  * 

A  PROPOS  DE  Françoise  Duparc.  Réponse  a  M.  J.  Beli.eidv.  — 
Vraiment,  j'étais  à  cent  lieues  de  supposer  c|ue  mon  travail  sans 
prétention  sur  Françoise  Duparc,  put  faire  naître  dans  l'esprit 
de  l'érudit  écrivain  d'art  (|u'est  ~S\.  Belleudy,  un  tel  débordement 
d'atrabile.  La  lecture  du  livre  remarquable  que  M.  Belleudy  a 
consacré  au  peintre  Duplessis,  une  de  nos  gloires  provençales, 
m'avait  incité,  je  ne  sais  pourquoi,  à  penser  qu'en  matière  d'art 
M.   Belleudy  devait  être  im  critique  amène  et  sans  aigreur. 

C'est  à  croire  que  le  sens  de  mon  travail  lui  a  échappé  ou  bien 
cju'emporté  par  la  fougue  d'un  amour  passionné  pour  une  artiste, 
^\.  Belleudy  a  prêté  à  mes  phrases  des  intentions  qu'elles  n'avaient 
pas.  En  quoi  ai-je  jeté  la  suspicion  sur  Françoise  Duparc,  faisant 
de  cette  très  respectabe  femme  une  aventurière,  se  parant  d'une 
gloire  imméritée  ? 

Dans  quel  but,  obéissant  à  une  sécheresse  de  cour  inadmissible 
chez  un  homme  parlant  d'une  morte,  aurai-je  emprunté  le  tour  iro- 
nique  pour  déplorer  son   dénuement.^  Je   l'avoue  ici   en  toute   humi- 

'  Louis  XIII  avait  visité  la  Sainte-Baume,  avant  son  entrée  à 
Marseille,  en  novembre  1622.  Mais  en  1632  la  reine  Anne  d'Autri- 
che ne  s'y  rendit  point.  Seulement  en  1660,  avec  son  fils  Louis  XIV. 

-  Celte  faction  qui,  à  propos  de  nouveaux  impôts,  suscita  de 
graves  troubles  en  Provence  de  1630  à  1633,  tirait  son  nom  de  ce 
que  ses  adhérents  portait  une  sonnette  (en  provençal:  Ciisc/iïèii), 
suspendue  à   une   lanière   de   cuir   blaric, 


127 

litr,  j'igiK.iai.s  l'existence  de  scn  testament  et  inventaire,  mes  reeher- 
elies  s"étant  bornées  aux  archives  municipales,  et  c'est  par  la  lec- 
ture de  la  notice  de  M.  Belleudy  faisant  écho  à  la  mienne,  (|ue 
j'ai  appris  ([uc  Françoise  Duparc  n'était  plus  la  pauvre  femme 
digne  de  pitié,  mais  une  bourgeoise  cossue.  • —  Mon  très  honorable 
collègue  fait  de  moi  un  mauvais  fils.  J'ai  été  irrévérencieux  envers 
mes  ancêtres  vénérés  en  les  taxant  d'insuffisance  de  goût.  Je  puis 
assurer  que  teilc  n'a  jamais  été  ma  pensée.  I.a  dominante  de  mon 
travail  est  l'étonnement  éprouvé  par  n-oi,  en  constatant  que  la  pro- 
duction de  cette  artiste  se  résume  à  c|uatre  cliefs-d'cruvre  et  cju'en 
Angleterre  et  en  Russie,  pays  où  elle  fut  en  honneur,  sa  personne 
et  ses  ouvrages  soient  inconnus. 

Tout  bien  ccnsidéré  et  dussé-je  encourir  une  seconde  fois  les 
foudres  de  M.   Belleudy,  je  maintiens  que: 

I,e  testament  et  l'inventaire  de  Françoise  Duparc  n'apportent 
aucun  élément  de  clarté,  (|Uiii;|u"en  puisse  prétendre  M.  Belleudy  et 
l'obscurité  qui  entoure  l'auvre  de  Françoise  Duparc,  demeure  tou- 
jours aussi  dense  et  le  problème  attendra  longtemps  encore  son  Tiré- 
sia;;,  n'en  déplaise  à  mon  très  hoiiorable  collègue  de  VInstitut 
Historique  de  Proi oice.  Le  choix  imprrtani  de  tableaux  trouvés  à 
sa  mort  et  (|ui  ornait  sa  demeure  de  la  Porte  Paradis,  prouve  (|ue 
cette  dame  élevée  dans  le  goût  des  arts  par  un  père  sculpteur 
notoire,  était  une  femme  d'un  mérite  distingué  et  que  sensible  à  la 
beauté  des  choses  elle  avait  su  former,  au  cours  de  sa  longue  car- 
rière, ainsi  fju'il  était  d'u-age  clans  la  bonne  bourgeoisie  de  ce 
remps  heureux,  un  charmant  cabinet  de  curiosités,  selon  l'expres- 
sion consacrée. 

Dans  le  libellé  de  son  te;  tament  et  le  détail  de  l'inventaire  y 
a-t-il  un  >emljlant  d'affirmation  sur  les  ouvrages  pouvant  être  de 
,-a  main."  \on.  C'est  une  excellente  dame  très  généreuse  qui  lègue 
au  gié  de  son  affection  des  tableaux  (jui  lui  sont  parfaitement  étran- 
gers quant  à  l'exécution.  Elle  a  réservé  poui  sa  ville  natale  les  per- 
les de  son  cabinet,  les  cpiatre  tableaux  du  Musée.  Sans  commentai- 
res. On  ne  sent  pis  cliez  Françoise  Duparc,  dans  l'attribution  de  ses 
dons,  cette  inquiétude^  de  l'article  -ur  la  cu^slinée  posthume  de  -on 
o  uvre. 

Comment  explifjuer  d'autre  part  le  siLmce  qui  entoure  son  nom. 
Les  critiques  et  les  artistes  de  son  temps  l'ignorent.  Silence  hostile. ' 
Xon,  tant  de  talent  aurait  eu  rai-on  de  l'iiostilité  et  de  l'envie. 
Alor.  ? 

Les  catalogues  des  salons  du  XVlIl"  siècle  n'inserivcni  pas  son 
nom. 


Î2S 

Jcan-Gcorgcs  ^'illl^  gra\cur-  du  roi,  membre  de  l'Académie  de 
peinture  d-.mt  le  ] ournal  édité  par  les  Concourt  est  une  source  pré- 
cieuse de  renseignements,  sur  les  artistes  de  son  temps,  est  muet 
(juant  à  la  \ic  artistique  de  Françoise  Duparc;  de  même,  Mariette, 
ranialcur-critiquc,  à  qui  rien  de  ce  qui  touche  l'art  n'était  étran- 
ger. Joseph  V'ernet,  dans  ses  livres  de  raison,  ti  pleins  de  détails 
sur  les  artistes  de  son  temps  et  qui  vécut  en  Provence,  à  ^lar- 
seille,  la  cite-t-il  ?  Non!  Dandré-Bardon  (1700-83),  le  peintre  aixois, 
]\Iécène  des  artistes  provençaux  à  Paris,  leur  ami,  leur  soutien  maté- 
riel et  moral,  personnalité  de  premier  plan.  S'il  a  connu  F"*  Duparc 
c'est,  semble-t-il,  d'après  ce  qu'avait  pu  lui  en  dire  Moulinneuf, 
secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  Marseille, 
lorsqu'il  lui  fit  part  île  son  élection.  Dandré-Bardon  était  le  pré- 
sident inamovible  de  cette  Académie.  Plus  près  de  nous.  Villot, 
l'auteur  du  premier  catalogue  raisonné  du  Musée  du  Louvre, 
ouvrage  si  psrfait  en  son  genre  aux  chapitres  consacrés  à  l'école 
française  et  plus  particulièrement  aux  Van  Loo,  ne  la  mentionne 
pas   au  nombre  des   éiè\  es   de  ces   derniers.    Expli(|ue   c|ui   pourra! 

Lorscjue  M.  Belleudy  aura  présenté  à  Vhisiitut  Historii/iic  de 
l'roTcnce ,  auquel  j'ai  l'honneur  d'appartenii ,  un  cinquième  tableau 
de  Françoise  Duparc,  indiscutable  et  signé,  ou  un  premier  dessin 
auréolé  des  mêmes  caractères  d'authenticité,  alors,  le  poing  muni 
d'une  torche  ardente  dont  la  blancheur  le  disputera  à  la  pureté  de 
la  cire,  j'irai  très  respectueusement  faire  amende  honorable  devant 
les  cruv-res  restituées  de  Françoise  Duprrc.  Jusqu'à  ce  jour,  que  je 
souhaite,    je    demeure    ^ur    mes    positions. 

'\\.  Belleudy  me  reproche  très  amèrement  d'avoir  négligé  d'en- 
t'.mrer  d'un  escadron  de  guillemets  dispijsés  en  flanc-garde,  les 
emprunts  biographique:'  puisés  dans  les  ouvrages  d'Et.  Parro- 
cel,  d'Auquier  et  de  Paul  Guigoa.  Que  les  ombres  de  ces  très 
estimables  critiques  d'art,  oublieuses  des  c(uerelles  d'ici-bas,  m.e  par- 
donnent !  .Mon  intention  n'était  pas  de  Icl  vcder  et  de  me  parer 
d'un  manteau  glorieux  fait  de  leur  dépouille  et  ils  auraient  admis 
Ferri^ur  toute  typographique  c|vi,  au  commencement  et  îi  la  fin  de 
la  citation  d'un  texte  bien  connu,   m'a  fait  omettre  un  guillemet. 

Toutes  les  personnes  qui  m'ont  fait  l'honneur  de  lire  ma  notice 
en  ont  fait  sans  peine  la  discrimination  qui  a  échappé  à  M.  Belleudy 
et  ([u'il  a  cru  devoir  —  afin  que  nul  n'en  rouisse  prétendre 
pour  cau:  e  d'ignorance  —  mettre  bien  en  évidence,  ce  qui  est  assez 
feu   aimable,   en   vérité. 

Quant  à  ses  subtilités  d'état  civil,  cela  ne  fait  rien  à  la  chose, 
et    n'ajoute   rien   ;i   r(;  uvic   de    Françoise   Duj)aic. 


129 

Je  poursuis  actuellement  une  enquête  en  Angleterre  auprès  des 
conservateurs  des  grands  Musées  britanniques  et  si  vraiment,  Fran- 
çoise Duparc  y  a  peint,  malgré  rasscrtion  de  Dussieux,  ses  œuvres 
doivent  se  retrouver. 

C'est  la  grâce  que  je  nous  souhaite.  —  D'  P.  Soi.VRl. 


UXK  BELLE  ^^AIso^■  MARSEILLAISE.  —  Par  arrêté  du  ministre  des 
Beaux-Arts,  en  date  du  8  mars  1939,  la  porte  monumentale  de  la 
maison  sise  i,  rue  Nationale,  à  Marseille,  a  été  inscrite  sur  l'in- 
ventaire supplémentaire  des  monuments  historicjues. 

Cet  immeuble,  où  l'on  remarque  un  balcon  que  supportent  deux 
très  belles  cariatides,  n'est  pas  signalé  dans  le  tome  XIII  de  l'En- 
cyclopédie  départementale   des   Bouches-du-Rhône    (La   Population). 

Il  appartenait,  en  i7<S4,  à  M.  de  Mazargues,  et  payait  alors  la 
taxe  de  la  Patrouille  du  guet,  pour  les  deux  magasins  (un  mar- 
chand de  tabac  et  un  cordonnier),  qui  flanquaient  alors,  comme 
aujourd'hui,   sa  porte   cochère.   —  X. 


L'E5^GUrsior)  de  Riez-JVloU§tierç 


V  et  2  Juin 


L'excursion  de  grand  style  organisée  sur  Riez  et  Mous- 
tiers,  avec  le  concours  de  Marcel  Provence,  réunissait  belle 
compagnie,  le  samedi,  i"  juin,  après  déjeûner. 

l'n  grand  nombre  de  sociétaires  et  d'invités  avaient 
répondu  à  l'appel  du  Conseil,  parmi  lesquels  seize  dames,  , 
qui  ne  nous  en  voudront  point  de  faire  ici  un  palmarès  de 
leurs  noms,  en  hommage  de  notre  respectueuse  gratitude: 
c'étaient,  dans  l'ordre  des  inscriptions,  Mmes  Paul  Roux, 
Levet,  Kunkler;  Mme  et  Mlle  de  Chomel  ;  Mmes  Nicolas 
Paquet,  de  liarbarin,  Delhomme  ;  Mlles  Marie  Reggio, 
Latune  ;  Mme  la  baronne  Cottu  ;  Mlle  de  Bovls;  Mmes 
Chai  les  Tassy,  de  Verville,  Philip  et  Joseph  Fournier.  Tou- 
tes les  élites  se  trouA-aient  représentées:  la  noblesse  proven- 
çale, l'armement,  le  négoce,  le  barreau^  la  médecine,  l'ar- 
mée, l'université.  La  Chambre  de  Commerce  nous  avait 
délégué,  en  même  temps  C[ue  trois  de  ses  fonctionnaires, 
un  de  ses  membres  les  plus  souriants.  Les  organisateurs  de 
la  partie,  cela  va  sans  dire,  comptaient  sur  le  succès,  mais 
celui-ci  devait  dépasser  leurs  plus  optimistes  prévisions. 

Le  départ  de  l'auto-car  s'effectua  à  la  minute  arinoncée  : 
il  emportait  seulement  dix-sept  participants,  les  autres 
s'étanl  décFdés  à  gagner  Riez  dans  leurs  propres  'soMiires. 
La  campagne  aixoise  fut  franchie  sans  encon.bres  ev  sans 
trop    de    chaleur.  Comme  a  l'ordinaire,  c'est  M.  le    comte 


131 

Henry  de  Gérin-Ricarxl  que  les  orfranisaleurs  avaient  (liar<.'-.> 
des  eoniinentaires  I)ist()ri([u<'.s  ei  arrhé()I(>oi(|iics  dt-s  lit'iiK 
visités.  Xotre  doyen  |)ar  rancicnnrté  donna  toutes  explita- 
tions  avec  celte  science  profonde  et  aussi  avec  cette  n-i(»di'S- 
tie  et  cette  simplicité  cjui  le  font  lant  aimer  de  ses  confrèn's  ; 
entraînés  par  son  exemple,  M.  le  comte  de  Blé^iers.  .MM. 
Courlet,  Rambert  et  Jean  Reynaud  le  secondent  de  leur 
mieux.  On  fait  ainsi  halte  devant  l'aqueduc  romain  •  t  le 
château  de  Meyrargues,  puis  devant  la  chapelle  de  Sainie- 
AFadeleineà  l'entrée  du  sévère  détilé  de  Mirabeau,  où  bouil- 
lonne la   Duranre, 

...  aquelo  cabro, 

Alandrido,    teroujo,    alabro, 

Que  rousigo,  en  passant,  e  cade  e  rebaudin. 

Nouvelles  stations,  nou\"elles  causeries  sur  le  plateau  de 
Cadarache,  au  pied  des  châteaux  de  \"inon  et  de  (lré(>u\. 
In  fjuart  d'heure  d'arrêt  à  Saint-Martin  de  lirôme  ;>our 
admirer  la  vieille  église  et  le  donjon  carré  ;  puis  la  lroii])e 
se  remet  en  marche  vers  le  Xoid-Est,  remontant  la  i')iie 
vallée  du  Colostre  sur  le  cailloutis  fluN  io-lacustre  C|ue  re-.ét, 
en  cette  saison  printanière  la  teinte  verte  des  chênes,  des 
vignobles  et  des  jeunes  blés,  l'n  confluent,  un  pâté  de  mai- 
sons claires,  soulignées  par  le  trait  sombre  d'une  allée  de 
platanes:  c'est  Riez.  Tout  le  monde  descend. 

Xotre  ami  Marcel  Pr()\ence,  dans  un  costume  éblouissant, 
la  barbe  au  vent,  l'oeil  vif  et  le  verbe  sonore,  vient  en  per- 
.sonne  accueillir  les  voyageurs  et  les  répartir  dans  leurs 
gîtes  respectifs.  Après  cette  joyeuse  distribution  de  billets 
de  logement,  on  se  rassemble  sur  le  cours  où  déjà  nous 
ont  devancé  les  délégués  des  sociétés  bas-alpines;  nous 
saluons  M.  Cauvin,  professent-  honoraire  du  lycée  de  îvigne 
et  M.  le  ni.arfims  d'Autane.  qu'un  heureux  hasard  seuible 


132 

a\'()ir  fait  \inir  lout  exprî-s  de  I^'orcnlquier  j:)Oiir  r(r:'onlrer 
M.  -Auguste  Rampai,  le  biographe  de  sa  famille  ..  Des  toi- 
lettres  claires,  des  sourires,  voici  les  derniers  groupés  nar- 
seillais,  encore  en  majorité  féminins,  mais  d'où  se  détache 
cependant  la  haute  silhouette  moustachue  du  président 
I.atune.  Celui-ci  cède  le  couimandement  en  chef  à  Marc"! 
Provence,  qui  nous  entraîne  vers  le  Musée  Lapidaire,  son 
dernier-né. 

Les  honneurs  en  sont  faits  tour  à  tour  par  le  j3oète- 
archéologue  et  par  AL  le  chanoine  Luquet.  L'ne  cinquan- 
taine de  pièces  ont  déjà  été  réunies  dans  le  vieux  baptis- 
tère, si  heureusement  transformé  et  embelli-,  nous  v  exa- 
minons des  stèles  et  des  sarcophages  en  marbre,  un  autel 
votif  à  Cvbèle,  d'énormes  bornes  milliaires  et  un  échan- 
tillon de  la  belle  mosaïque  de  Pèbre,  que  Marcel  Provence 
espère  compléter  de  la  façon  la  plus  heureuse  avant  qu'il 
soit  longtemps.  Quelques  instants  encore  pour  permettre 
aux  épigrajjhistes  de  la  compagnie  de  lire  les  inscriptions, 
puis  on  se  rend  à  l'ancien  Palais  Episcopal,  devenu  Hôtel 
de  X'ille,  où  le  premier  adjoint  nous  promène  à  travers  une 
magnifique  exposition  d'art. 

A  la  sortie,  une  agréable  surprise  attend  les  visiteurs, 
auxquels  Marcel  Provence  a  voulu  donner,  sous  les  quatre 
célèbres  colonnes  romaines,  le  spectacle  qu'il  offrait  huit 
jours  plus  tôt  à  AL  Fernand  Bouisson.  Le  troisième  magis- 
trat de  la  République,  s'il  apprend  la  chose  au  fond  de  son 
palais  séquanien,  ne  se  sentira  pas  peu  flatté  !  L^n  pittoresque 
chœur  de  jeunes  Romaines  par  adoption,  augmenté  d'un 
second  groupe,  non  moins  séduisant,  d'authentiques  jeunes 
Provençales,  offre  des  fleurs  aux  dames  et  accueille  les  histo- 
riens-archéologues par  une  Cantate  en  plein  air.  Au  nom 
des  Alarseillais,  AL  Joseph  Fournier  remercie  en  termes 
ém.us  la  population  reienne,  qui  lui  répond  en  l'ovationnant. 


^33 

Les  émotions  creusent,  a  dit  je  ne  sais  plus  quel  philo- 
sophe-médecin. C'est  depuis  longtemps  l'avis  de  Marcel 
Provence,  qui  a  fait  préparer  à  l'Hôtel  Martin  un  dîner 
corsé,  dont  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  reproduire 
le  menu,  dut-on  nous  taxer  de  gourmandise  impénitente: 

LA    SOl'PE    DES    GAVC^TS 

LA   LÈBRE   A    L 'ARCHÉOLOGIE 

LES   ASPERGES    STATISTIQUES 

LE   FILET  DU  TAUROBOLE  A   LA  CVBÈLE 

LA  SALADE  GLOZEL 


LE    DESSERT    DANS    LA    FAÏENCE    DE    MOUSTIERS 

LES    FRO-MAGES   DE  JEAN  DES   FIGUES 

LES   FRAISES   A    LA  MRV 


LES  VINS  DE  RIEZ 
LA  CLAIRETTE  DE  LA  COMTESSE  DE  DIE 

Notre  amphytrion,  Cjui  s'était  modestement  tenu  à  l'écart 
de  la  table  d'honneur,  vint  prendre  place  au  dernier 
moment  à  l'ime  des  ailes  et  s'assit  —  est-ce  le  hasard?  — 
au  milieu  d'im  essaim  de  jeunes  filles,  d'oii  il  put  à  son  aise 
bombarder  de  roses  et  d'œillets  les  occupants  de  l'aile  oppo- 
sée. Le  repas,  présidé  par  M.  Charles  Latune,  fut  plein 
d'entrain  et  dépourvu  d'incidents:  notre  impartialité  d'his- 
torien nous  contraint  toutefois  de  sii^naler  que  M^L  Jean 
Revnaud  et  Gaston  Rambert  trouvèrent  au  fond  de  leur 
salade  Glozel,  dissimulés  par  une  main  mystérieuse,  le  pre- 
mier un  fer  à  cheval  et  une  pointe  acérée  qui  pourrait  Wn^n 
être  celle  d'un  pilum  antique,  le  second  un  cercle  métalli- 
que fort  usagé,  marqué  d'un  C  et  d'un  M,  t|ue  notre  collè- 
gue estima  tout  de  suite  avoir  appartenu  à  Caïus  Marins, 
soit  à  titre  de  bague,  si  le  consul  avait  les  doigts  un  peu 


134 

gros,  soit  à  titre  de  monocle;  ses  voisins,  auxquels  il  sou- 
mit cette  hypothèse  avec  beaucoup  de  conviction,  eurent 
quelque  peine  à  l'en  faire  dém.ordre. 

Après  cet  épisode,  l'assemblée  avait  besoin  d'entendre 
du  sérieux.  Marcel  Provence  ouvrit  la  série  en  souhaitant 
la  plus  cordiale  bienvenue  aux  sociétés  savantes  accourues 
à  son  appel  pour  communier  d'un  même  amour  pour  notre 
vieux  terroir.  Ensuite,  M.  le  comte  de  Gérin-Ricard  fil  une 
agréable  causerie  sur  l'archéologie  régionale,  retraça  les 
efforts  accomplis  en  cinquante  ans  et  porta  un  toast  très 
applaudi  aux  travailleurs  des  Basses-Alpes.  A  son  tour 
M.  Cauvm  détailla  une  communication  pleine  d'intérêt  sur 
les  voies  romaines  dans  le  département  et  recueillit  les  vives 
félicitations  de  la  compagnie.  Après  quoi  on  alla  se  baigner 
dans  la  fraîcheur  nocturne,  non  sans  s'être  au  préalable 
donné   rendez-vous  pour  le  lendemain. 

* 

*  * 

T.e  soleil  du  2  juin  paraissait  à  peine,  et  déjà  les  rues  de 
Riez,  d'ordinaire  si  calmes  à  pareille  heure,  présentaient 
une  animation  inusitée.  Dès  6  h.  30,  un  premier  groupe  de 
visiteurs  se  rendait  à  la  cathédrale  ;  un  deuxième  en  faisait 
autant  une  heure  plus  tard,  et  à  8  h.  30  M.  le  chanoine 
Luquet,  qui  sait  son  vieux  Riez  par  cœur,  guidait  la  troupe 
au  grand  complet  dans  l'agglomération  médiévale.  Succes- 
sivement s'offrent  à  nos  yeux  ravis  un  fragment  de  rempart, 
deux  portes  du  xn'^  siècle,  de  délicieuses  maisons  Renais- 
sance, avec  fenêtres  à  meneaux,  ime  cour  sarrazine,  de 
curieux  escaliers  en  pas  de  vis,  des  cheminées  monumenta- 
les, heureusement  préservées  du  vandalisme  par  Aille  de 
Clavière,  châtelaine  de  Riez,  véritable  Providence  des 
archéologues  bas-alpins.   Qu'il   est  dommage  de  passer  si 


135 

rapidement  cle\ant  ces  vieilles  pierres  I  Mais  le  chef  d'ex- 
cursion est  talonné  par  son  horaire  et  presse  inexorablement 
la  compagnie,  en  dépit  qu'il  en  ait.  On  prend  congé  des 
aimables  Reiens,  de  M.  Cauvin,  enfm  de  M.  le  chanoine 
Luquet,  dont  Tinépuisable  complaisance  a  laissé  aux  excur- 
sionnistes le  meilleur  souvenir.  C'est  d'une  commune  voix 
que,  quinze  jours  plus  tard,  la  Société  de  Statistique 
lui  décernera,  avec  sa  médaille,  le  titre  de  membre 
correspondant. 

En  route  pour  Mousiiers.  Les  autos  démarrent  avec  fra- 
cas, saluent  au  passage  Rouinoules,  résidence  du  maître- 
faïencier  Clérissv,  et  gagnent  le  sommet  du  plateau,  l'ne 
pittoresque  vallée,  profondément  enfoncée  dans  les  mar- 
nes roses,  sépare  celui-ci  des  premières  barres  alpines,  dont 
les  pointes  hardies  (^nt  l'air  de  nous  écraser;  nos  machines 
s'v  engoufï'rent.  Quelques  minutes  encore,  et,  à  un  détour 
de  la  route,  apparaît,  dans  un  véritable  décor  de  crèche, 
Moustiers-Sainte-Marie,  la  nouvelle  Tarraïopolis,  ultime 
objet  de  notre  voyage. 

La  matinée  étant  trop  avancée,  pour  que  l'on  songe  à 
pousser  jusqu'au  \'erdon,  deux  groupes  se  constituent, 
dont  l'un  va  visiter  les  vieilles  rues  et  l'église,  tandis  fiuc 
l'autre  s'élance  à  l'assaiU  de  Notre-Dame  de  Beauvoir. 
Dames  et  demoiselles  sont  à  l'avant-garde,  et  malgré  les 
rayons  de  Phébus,  que  rien  n'intercepte,  l'équipe  des  grim- 
peurs débouche  bientôt  dans  la  gorge  sacrée,  couronnée 
par  la  chaîne  des  Blacas.  Kncore  im  effort  et  elle  accède  a 
la  chapelle,  autour  de  laquelle  quatre  cyprès  géants,  se 
profilant  sur  le  bleu  cru  du  ciel,  gardent  une  sérénité  de 
demi-dieux. 

L'approche  de  midi  hâle  le  nMoiir.  Les  d.-iis  groupes  s<- 
retrouvent  au  bord  de  la  cascade,  et,  après  une  brève  visite 
aux  collections  exposées  dans  la  ^Liirie,   vont  se  restaurer 


136 

à  l'Hôtel  du  Belvédère,  où  ils  sont  rejoints  par  M.  le  comte 
Léon  du  Chaffaut,  président  de  la  Société  Scientifique  et 
Littéraire  des  Basses- Alpes,  qu'accompagne  Mme  la 
comtesse  du  Chaffaut,  et  par  le  nouvel  archiviste  du  dépar- 
tement. On  se  presse  à  l'envi  —  ce  n'est  pas  une  figure  ■ — 
autour  de  la  table,  c|ue  préside  M.  Joseph  Fournier,  tan- 
dis qu'à  une  extrémité,  —  second  hasard  aussi  heureux 
que  celui  de  la  veille,  —  la  barbe  de  Marcel  Provence 
émerge  d'im  rutilant  bouquet  de  jeunes  filles  en  fleurs. 

A  la  fin  d'un  déjeûner  digne  en  tout  point  du  dîner  de 
Riez,  M.  Ch.  Latune  se  lève;  au  nom  de  notre  Société, 
il  remercie  les  groupements  bas-alpins  de  leur  accueil  cha- 
leureux et  lève  son  verre  à  la  prospérité  de  la  Haute-Pro- 
vence. M.  le  mai'quis  d'Autane,  parlant  à  la  fois  pour 
Foi'calquier  et  pour  l'Académie  des  faïenceries  de  Moustiers, 
répond  par  un  discours  d'une  parfaite  élégance  de  forme  et 
d'une  grande  élévation  de  pensée,  qui  charme  littéralement 
l'auditoire.  A  son  tour,  M.  le  comte  du  Chaffaut,  en  une 
spirituelle  allocution, apporte  aux  érudits  provençaux  réunis 
le  salut  de  la  Société  dignoise.  M.  Gaston  Rambert,  ((  ré- 
clamé par  les  chœurs  »,  congratule  h  la  fois  Bas-Alpins  et 
]\[arseillais  ;  il  évocjue  le  sou\enir  des  fêtes  du  cinquante 
naire  de  septembre  dernier;  il  assure  nos  hôtes  de  la  joie 
avec  lacjuelle  ses  collègues  statisticiens  ont  affrété  la  veille 
le  vapeur  Nicolas-Paquet,  qui,  à.  peine  sorti  de  ses  chan- 
tiers, a  remonté  pour  eux,  le  canal  de  Marseille,  la  Durance, 
le  Vcrdon,  le  Colostre,  et  il  s'excuse  d'avoir  réquisitionné 
la  population  moustérienne  pour  remettre  le  bâtiment  à 
flot,  à  la  sortie  des  gorges  de  Saint-Maurin.  L'effet  de  cette 
formidable  galéjade  est  heureusement  coupé  par  Marcel 
Provence,  qui  lit  un  magnific{ue  poème  de  sa  composition 
et  termine  par  une  harangue  enflammée.  Les  Marseillais 
regrettent  que  Jean  de  Servières  ne  soit  pas  là,  afm  de  lui 


137 

donner  la  réplique,  lui  lin  le  sage  M.  Fournier,  dans  une 
improvisation  élincciank',  qui  soulève  une  tempê(e  dv  b,a- 
vos,  montre  tout  ce  ([ue  Marseille  doit  aux  Basses-Alpes 
et  exprime  avec  à-propcjs  le  souhait  de  voir  se  resserrer  les 
liens  qui  unissent  la  Haute-Provence  au  littoral. 

Avant  de  quitter  Moustiers,  et  bien  que  la  saison  d'art 
ne  soit  pas  encore  ouverte,  les  excursionnistes  obtiennent 
de  Marcel  Provence  la  faN-eur  de  visiter  son  l^cole  de  Faïen- 
cerie. Le  maître  les  entraîne  vers  son  domaine  silenci-ux 
pour  C[uelc|ues  semaines  encore,  et  ils  ont  la  satisfaction 
d'admirer  l'atelier,  les  moules  ainsi  c}ue  plusieurs  pièces 
de  la  nouvelle  fabrication,  lesquelles  ressemblent  à  s'v 
méprendre  aux  échantillons  du  x\'iii^  siècle.  Fnsuite  il  faut 
se  remettre  en  chemin,  mais  nos  amis  ont  la  diMicate  pensée 
de  retarder  l'instant  de  la  séparation,  et  ils  vont  nous  faire 
un   bout   de  conduite  jusrprà   Fontaine-l'Fvêque. 

Une  demi-heure  plus  tard,  la  caravane  est  en  (Xlase 
devant  la  célèbre  source  \-auclusienne,  oii  tant  de  ;,én<'ra- 
tions  de  citadins  se  sont  déjà  désaltérés  en  imaginarion,  et 
.  C|ui  fait  couler,  depuis  quarante  années,  tant  de  t'iols  d  en- 
cre et  tant  de  flots  de  vin.  Chacun  s'expose  avec  dt-lices 
aux  effluves  qui  s'en  dégagent;  plusieurs  .2oûtent  à  ses 
ondes  glacées,  tandis  cjue  M.  le  comte  de  Gérin-'ivicird, 
dont  le  gros  de  la  troupe  boit  les  paroles,  leirace  avec 
métl-.ode  les  limites  de  l'ancien  domaine  de  i\I.  de  Riez. 

L'heure  de  la  dislocation  finale  a  sonné.  Nous  unis  sépa- 
rons à  regret  des  érudits  bas-alpins,  tandis  que  Marcel 
Provence  salue  notre  départ  d'un  retentissant  :  \  ive  la 
Statistique  ! 

Dociles  aux  consignes  reçues,  les  automobilistes  mon;ent 
h  petite  allure  la  côte  de  Beaudinard  et  stoppent  au  der- 
nier coude,  (jui  surplombe  le  canyon  du  \\M-d()n.  Qunnd  le 


138 

l:i'<»s  il"'  la  lioupt'  descend  de  l'anlo-cnr,  les  jeunes  filles  du 
|>r|(ti(in  ili-  iiie  se  soni  a\an(('es  iiis(|irà  r(xlrrme  bord, 
cl,  deboiil  en  lai^e  du  chaos,  ressemhlenf  à  des  \\alk\ries 
\-eillanl  sur  (luelcjue  abînie  enchanté.  Quel  émerveillement 
et  i^our  le  touriste  et  j^oin"  le  géographe!  Ce  dernier  décou- 
ATe  ici,  sous  la  ligne  parfaitement  horizontale  du  plateau 
de  \'alensole-Riez,  un  des  plus  saisissants  exemples  de  val- 
lée é]3ig"énique  ;  c'est  l'impétueux  ^'^erdon  cjui,  après  avoir 
déhla\-é  sur  une  grande  largeur  le  cailloutis  fluvio-lacustre, 
l'a  peu  à  peu  creusé  dans  le  pli  jurassi([ue  st)us-jacent, 
constituant  ainsi  la  fameuse  <(  rue  d'eau  »  de  Beaudinard. 
Quant  au  touriste,  il  admire  comme  son  voisin  la  sauvage 
grandeur  du  pavsag'e,  l'étroitesse  du  torrent  coulant  à 
pleins  bords  entre  deux  parois  d'une  absolue  verticalité. 
C'est  peut-être  la   minute  la  plus  émotive  du   vovage. 

Depuis  Beaudinard,  —  Beaudinard  sans  les  ffaises,  puis- 
que nous  les  avons  toutes  mangées  à  Riez,  —  la  caravane 
a  mis  définitivement  le  cap  au  Sud-Ouest  ;  elle  glisse  sur 
les  plateaux  du  Haut-Var,  dans  un  ordre  de  marche  impec- 
cable. En  avant,  la  Panhard  de  M.  de  Chomel  court  ùxec  la 
fière  allure  d'un  croiseur  de  bataille;  depuis  Riez,  le  comte 
de  Gérin-Ricard  v  a  transporté  son  pavillon  d'amiral-archéo- 
logue. Immédiatement  à  la  suite,  l'imposant  auto-car  de 
l'expédition  a  tout  l'air  d'un  cuirassé  moderne:  il  n'v  man- 
que que  c|uelc|ues  paires  de  canons  de  406;  mais  pour 
l'heure,  on  y  discute  paisiblement  d'archéologie,  d'histoire, 
de  morphologie,  de  topographie,  et  c'est  de  là  que,  non 
moins  paisiblement,  partent  les  indications  sur  la  route  à 
suivre.  En  arrière  enfin  s'allonge  une  escorte  de  cjuatre 
magnifir|ues  croiseurs  légers,  commandée  par  le  président 
Latime  en  personne.  L'ensemble  est  impressionnant. 

Mais  bientôt  l'ordre  se  modifie.  Devant  nous,  la  route 
dessine   une   ligne   droite   rigide,    au    milieu   des   taillis   de 


139 

cliôncs  d\)ù  s'échappe  [)ar  moment  que1(|iie  lapin  cfl'.in'. 
La  vitesse  modérée'  de  notre  j^ros  hâliment  impalicnic  les 
((  le\'rii'rs  »  de  resrorte.  In  échanj^e  de  signaux:  M.  Cliar- 
les  'l'assy  et  M,  le  1)''  Philip  se  dt'lachent  de  rarrirre-j^arde  ; 
leurs  machines  nous  d(^ubient  habilement  et  bondissent  à 
la  poursuite  du  croiseur  de  lèle.  Peu  à  peu,  à  l'horizon 
Xord-I'lst,  les  barres  de  Haute-Provence,  i\ue  couronne 
le  Moui're  de  Chanier,  disj)araissent  derrière  le  pli  de  Heau- 
dinard  et  le  plan   de  Canjuers. 

Mcjntmevan.  A  l'entrée  du  bourq',  une  <;rosse  imité  i-nne- 
mie,  représentée  en  l'espèce  par  l'autobus  de  Ouinson,  pré- 
tend nous  interdire  le  passage.  'roujf)urs  prêt  à  défendre 
ses  troupes,  le  président  Latune  accourt  et  engai^c  un  com- 
bat vig'oureux,  ju.scju'au  moment  où  la  Si/aire  de  Mme  de 
Barbarin,  tombant  sur  le  flanc  de  notre  antagoniste,  le 
contraint  à  fuir  A"ers  le  Xord.  La  route  est  libre. 

Tavernes,  I>arj(jls.  Ouek]ues  minutes  d'arrêt  dans  le 
Tivoli  prox'ençal  pour  rafraîchir  la  cara\ane  assoitlt'-e,  et 
l'on  repart,  en  sui\ant  le  déhcieux  \-allon  de  I^rue-Auriac... 
Vidislhic  Ciitumni  fonlcm?  Si  la  source  du  Clitumne,  tant 
vantée  pa.r  F-'line  le  Jeu.ne,  est  un  \M'u  loin,  du  moins  nous 
^•oici  (le\ant  celle  de  l'Argens,  et  ceci  console  d(^  cela.  Lne 
eau  limpide  comme  du  cristal  sourd  au  pied  d'une  muraille 
calcaire  et  coule  en  babillant  sous  un  bou(|uet  de  chênes- 
verts.  Que  ce  frais  ruis.seau  paraît  timitle,  après  les  bouil- 
lonnements de  h\)ntaine-rHvê(iue  !  Mais  l'heure  n'est  plus 
h  la  contemjilation,  car  déjà  le  soleil  baisse,  l'n  nouveau 
bond  et  nous  sommes  à  Saint-Maximin. 

l/ne  journée  aussi  bien  remplie  ne  poiixait  se  lenuiner 
plus  dignement  (|ue  |:)ar  la  visite  de  la  célèbre  basili(|ue. 
Xotre  groupe  se  dirige  donc  d'un  pied  encort'  allègre  \ers 
rim|)osanl  vaisseau,  dont  la  façade  reste  si  malheureuse- 
ment inachevée.  Xous  prions  aussiiôi  M.  Auguste  Rmnpal, 


140 

notre  clé\x^iié  trésorier,  de  se  consiiluer  rinlrociiKieiir  et  le 
i^iiid.'  de  ses  collègues;  il  s'exécute  de  l)()nne  grâce  et 
nous  lait  un  exposé  plein  d'érudition,  auquel  le  boniment 
du  cicérone,  fâcheusement  sur\enu,  n'ajoute  rien  de 
substantiel. 

La  d(M'nière  étape  est  franchie.  Depuis  lono'temps  les 
rapides  voitures  de  l'escorte  ont  pris  les  devants.  L'auto- 
car roule  vers  les  mines  de  Valdonne  et  s'engage,  à  la  nuit 
tonil)ée,  dans  le  défilé  de  Pichauris.  Pas  le  moindre  bri- 
gand au  voisinage,  seulement  des  couples  énamt)urés  et  des 
pique-niqueurs  fourbus;  puis  c'est  la  banlieue,  avec  sa 
joveuse  cohue  dominicale. 

Nous  rentrons  à  Marseille  un  ])eu  tard,  mais  qui  songe- 
rait à  s'en  plaindre?  Les  excursionnistes  ne  tarissent  pas 
d'éloges  sut'  leur  promenade...  peut-être  est-ce  par  bonté 
]Hire  à  l'égard  des  organisateurs.  En  tout  cas,  comme  l'on 
croit  volontiers  ce  C[u'on  souhaite,  ceux-ci  goûtent  dans 
les  compliments  qu'on  leur  prodigue  la  meilleure  des 
récompenses  et  se  promettent  de  faire  encore  mieux  si  pos- 
sible une  autre  fois.  Que  ceux  de  nos  collègues  qui  parti- 
cipèrent à  la  sortie  des  i^""  et  2  juin  1929,  voient  donc  surtout 
dans  ce  récit  le  désir  d'évotjuer,  et  par  conséquent  de 
re\i\re,  les  heures  charmantes  passées  de  compagnie,  et 
])uissent  les  absents  v  trouver  l'enxie  de  \-enir  en  foule  à 
l'excursion  de  l'an  prochain. 

BERTRAM. 


Le  Comte  Christophe  de  Villeneuve-Bargemon 

Conseiller  d'Etat 

Préfet  des  Bouches-du-Rhône 

(1815-1829) 


LE  COMTE  DE  UILLEnEUUE-BdRGEMOII 

.   Préfet  des  Bouchesdu-Rtiône 

(1815-1829) 


U^otice  communiquée  à  la  Séance  du  12  Décembre  IÇ39 


Le  comte  ^  Christophe  de  \'illeneuve-Bargemon  appar- 
tient à  une  des  plus  anciennes  familles  de  Provence,  et 
la  branche  dont  il  est  issu  possédait  la  seigneurie  de  Bar- 
gemon  par  le  mariage,  avant  135 1,  de  Jean  de  VilIeneu^■e, 
des  seigneurs  de  Tourrettes,  avec  Catherine  Ricavi,  héri- 
tière de  Bargemon.  Peu  après,  un  autre  mariage  (1380), 
celui  de  Pons  de  \'iljeneuve,  leur  fils,  avec  Catherine  de 
\'auclause,  faisait  acquérir  aux  \^illeneuve  une  terre  sous 
le  nom  de  laquelle  François  I'""  créa  en  1544  une  baronnie 
en  faveur  de  Gaspard  de  \'illeneuve. 

Notre  préfet,  troisième  de  hi  lignée  à  recevoir  le  nom  de 
Christophe,  issu  du  mariage  célébré  à  Aix  (29  mars  1770) 
de  Joseph  de  Villeneuve  avec  Anne-Joséphine  de  Bausset- 
Roquefort,   vit   le  jour  à  Bargemon  le  27  juin    1771   et  lut 

'  A  notre  estime,  le  titre  de  comte  que  porta  le  préfet  Villeneuve 
est  d'octroi  impérial  et  lui  fut  donné  comme  préfet  de  Lot-et-Garonne 
lor5  de  la  création  de  la  noblesse  impériale  (déc.   r""  janvier  nSoS). 

En  effet,  si  les  derniers  seigneurs  de  Bargemon  ont  pu,  par  cour- 
toisie, être  appelés  marquis  après  leur  admission  aux  honneurs  de 
la  Cour,  leurs  archives  n'ont  jamais  possédé  d'autres  lettres  paten- 
tes que  celles  d'érection  de  la  baronnie  de  Vauclause.  A  la  suppres- 
sion de  l'ancienne  noblesse,  le  titre  était  porté  par  Christophe  II 
de  Villeneuve,  aïeul  de  notre  préfet,  qui  mourut  à  Bargemon  citoyen 
Villeneuve  le  30  frimaire  IX  (21  décembre  r8oo);  Napoléon  n'ayant 
pas  rétabli  l'ancienne  noblesse,  son  fils  Joseph  ne  put  porter  k 
titre  de  Vauclause  dont  les  terres  avaient  été  cédées  à  ses  frères 
par   arrangements   de   famille. 


142 


A.   RAMPAL 


l'aîné  de  quatorze  enfants.  Il  passa  trois  années  (1783  à 
1786)  au  célèbre  collège  de  Tournon,  dont  la  direction, 
depuis  vingt  ans,  avait  passé  des  Jésuites  aux  Doctrinaires; 
et  fut  pourvu  à  quinze  ans  (27  juin  1786)  d'un  brevet  de 
sous-lieutenant  à  Royal-Roussillon-Tnfanterie,  qui  avait 
alors  pour  colonel  un  de  ses  parents,  le  marquis  de  Trans. 
Celui-ci  songea  à  en  faire  son  héritier,  mais  mourut  vic- 
time des  troubles  politiques  et  peut-être  d'une  vengeance 
privée.  Lors  de  la  déliquescence  de  l'armée  royale,  notre 
lieutenant  démissionne  (15  septembre  1791)  et  s'inscrit  à  la 
garde  constitutionnelle  du  roi,  demeuré  à  Paris  après 
son  licenciement,  est  parmi  les  défenseurs  des  Tuileries 
au  10  août,  échappe  aux  massacres,  et  vient  se  terrer  au 
Reclos  ',  d'où  il  sort,  après  la  Terreur,  pour  épouser  à  Ver- 
sailles (2  prairial  an  III)  la  citoyenne  Jeanne  Buchet  Châ- 
teauville,  née  à  Rennes  en  1764,  et  fille  d'un  ancien  gou- 
verneur des  îles  Saint-Pierre  et  Miquelon.  Il  amena  sa 
femme  à  Bargemon  ;  et  son  père,  sur  un  livre  de  raison, 
note  ((  le  15  avril  1796,  on  a  suppléé  dans  la  maison  aux 
cérémonies  du  baptême  à  mon  fils  Charles  qui  n'avait  été 


-  Le  Reclos,  au  pied  de  Bargemon,  est  une  terre  d'une  quinzaine 
d'hectares  en  pleine  culture,  enclose  de  murs  et  bordée  au  S.-E.  par 
un  torrent  ouadique  c]ui,  les  jours  d'orages  et  de  crues,  en  ronge 
les  bords.  Les  seigneurs  de  Bargemon  y  possédaient  une  maison  de 
plaisance,  grande  bâtisse  carrée  percée  de  cinq  fenêtres  sur  chaque 
face  et  qui  abrita  le  dernier  baron  de  Vauclause  et  sa  famille  après 
le  saccagemcnt  du  château  de  Bargemon  par  les  patriotes  locaux 
en  1790. 

La  terre  du  Rcclos  n'est  pas  sortie  de  la  famille  mais  elle  n'a 
jamais  appartenu  à  notre  préfet.  Par  arrangements  de  famille,  elle 
obvint  d'abord  à  M.  Alban  (le  préfet  du  Nord),  qiii  peu  avant  sa 
mort  (8  juin  1850),  céda  le  Reclos  à  son  neveu  Raymond  (fils  du 
marin  (J.-B.);  celui-ci  a  eu  pour  successeur  M.  Romée  de  V.  B.,  son 
fils,  colonel  de  cavalerie  en  retraite  et  détenteur  des  archives  de  1m. 
branche  et  de  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Plèbe,  nécropole  de  la 
famille   depuis   la   Révolution. 


LE  COMTE  DE  \'ILLENEUVE-BARGEMON  I  4  3 

qu'ondoyé  (6  mars  I79r  j^Ius  à  ma  fille  Alcxancliinc-Marie 
et  à  ma  pelite-fille  Catherine-Sophie  (toutes  deux  nées  au 
Reclos  les  12  et  30  ventôse  an  l\').  C'est  un  prêtre  approuvé 
qui  a  fait  la  cérémonie  dont  on  n'a  pourtant  dressé  aucun 
acte  ». 

Peu  de  temps  après,  on  Irouxe  le  ciloven  Chrisloph(> 
Villeneuve  employé  à  la  Préfecture  du  Var  dans  le  ser\ic».' 
des  poids  et  mesures.  Faut-il  lui  attribuer  la  publication 
par  le  département  d'un  Tableau  de  concordance  des  ancien- 
nes mesures  avec  celles  du  système  décimal?  11  se  siq^na- 
lait  en  tout  cas  par  de  sérieux  travaux:  Sur  les  avantao^cs  du 
nouveau  système  métrique;  Rapport  sur  les  fouilles  faites 
à  Fréjus  en  1801  ;  Notice  sur  le  plafo.nd  du  château  de 
Gagnes,  communiqués  à  la  Société  d'émulation  du  dépar- 
tement du  Var. 

Vers  le  même  temps  il  paraît  avoir  employé  un  confié 
à  visiter  la  Haute  Provence:  la  vallée  de  l'Ubaye,  la  haute 
vallée  du  Verdon  où  sa  famille  possédait  des  terres  depuis 
plusieurs  siècles.  Son  père  conser\ait  un  moulin  à  Castil- 
lon,  et  continuait  à  encaisser,  pour  le  compte  de  ses  frères, . 
les  rentes  pastorales  de  X'auclause  et  d'Allons,  généralement 
aux  foires  de  Bargemon  ou  de  Saint-Auban.  A  ce  voyage 
sont  dues  les  descriptions  de  la  Clue  de  Saint-Auban  et 
de  la  vallée  de  Barcelonnette. 

Sont-ce  ces  travaux,  ou  la  protection  du  citoyen  Lacuée, 
originaire  de  l'Agenais,  qui  lui  valurent  la  sous-préfecture 
de  Xérac  (1803)?  Il  eut  le  temps  d'y  composer  une  notice 
sur  Xérac  et  ses  environs  et  le  château  des  ducs  d'Alhrel. 
L'empereur  le  tît  passer,  trois  ans  après,  à  la  préfecture  du 
département  du  Lot-et-Cîaronne,  où  le  trouva  et  le  maintint 
la  Restauration.  Adhéra-t-il  au  nouveau  gouvernement 
avec  enthousiasme?  Ses  biographes  le  représentent  comme 
a\ant  été  un  des  premiers  à  saluer  le  duc  d'Angoulême  à 


144 


A.   RAiMPAL 


Bordeaux  et  à  publier  une  vibrante  proclamation  à  ses  admi- 
nistrés en  l'honneur  des  Bourbons.  Mais  les  archives  du 
Reclos  conservent  un  journal  intime  confident  de  ses  hési- 
tations. Il  fut  destitué  aux  Cent  jours  et  réintégré  dès  juil- 
let 1S15.  A  l'automne,  le  passage  au  ministère  de  l'Inté- 
rieur du  comte  de  Vaublanc  rendit  vacante  la  préfecture  des 
Bouches-du-Rhône,  c^ui  fut  confiée  à  Christophe  de 
Villeneuve. 

Ne  le  laissons  pas  quitter  l'Agenais  sans  jeter  un  coup 
d'uMl  sur  son  administration.  Nous  avons  ses  discours  à 
l'installation  de  la  Cour  d'appel,  du  Tribunal  de  commerce, 
du  Lycée,  du  Dépôt  de  mendicité  d'Agen.  Ce  dernier  est 
établi  dans  l'ancien  hôpital  général,  fondation  de  l'évêque 
Jules  Mascaron.  Le  préfet  saisit  l'occasion  de  faire  l'éloge 
d'un  compatriote  provençal.  A  la  pose  de  la  première  pierre 
des  ponts  d'Agen  sur  la  Garonne  (17  novembre  1812)  et 
d'Aiguillon  sur  le  Lot  (i*""  août  1813),  il  trace  le  tableau 
des  travaux  de  voirie  et  d'édilité  entrepris  dans  le  dépar- 
tement. Naturellement,  il  y  a  des  couplets  en  faveur  des 
armées  impériales,  des  gardes  d'honneur.  Le  8  septembre 
1808,  dans  la  grand'chambre  du  Tribunal  d'appel,  il  a  la 
cocjuetterie  de  se  faire  épingler  la  décoration  de  la  Légion 
d'honneur  en  même  temps  cjue  deux  militaires  porteurs  de 
noms  célèbres  dans  le  monde  des  lettres  françaises  :  le  capi- 
taine de  Montesquieu,  le  colonel  baron  Dudevant,  Il  s'in- 
téresse d'ailleurs  aux  compagnies  littéraires,  fait  partie  de 
l'Académie  d'Agen  et  v  communique  une  Dissertalion  sur 
Je  lieu  qii'occîipait  dans  V  Aquitaine  le  peuple  désigné  par 
César  sous  le  nom  de  Sotiates ;  et  Cjui  lui  valut  sans  doute 
son  agrégation  h  la  Société  des  antiquaires  de  France. 

Deux  événements  de  famille  sont  à  signaler  durant  son 
séjour  à  Agen  :  le  mariage  de  sa  fille  aînée,  la  petite  Sophie 
baptisée  au  Reclos,  avec  le  marquis  de  Châteaurenard,  qui. 


LE  COMTi;  DE  VII.LEXEL  \E-BARGEMON  145 

en  dépit  de  son  nom  provençal,  passa  toute  sa  vie  et  mou- 
rut en  Agenais  (1844)  et  sa  femme  également.  (1S82),  La 
comtesse  de  Villeneuve,  la  Bretonne,  mourut  à  Agcn  Ir 
25  mars  1S15. 

Quand  il  arriva  à  Marseille  le  préfet  n'avait  avec  lui 
qu'une  fille  Joséphine  (née  en  1799)  qu'il  ne  larda  pas  à 
marier  (26  décembre  1816)  à  un  gentilhomme  de  Ligurie, 
fils  d'une  X'illeneuve-Flayosc,  M.  Calzamiglia  comte  de 
Villegarde.  Peu  après  (S  juin  1817),  il  convolait  lui-même  en 
deuxièmes  noces  avec  une  x\genaise,  Mme  veuve  de  Las 
Cases,  née  de  Prades  de  la  X^alette,  Cjui  ne  lui  donna  pas 
d'héritier,  mais  s'associa  à  son  action  mondaine  et  chari- 
table et  se  mit  à  la  têie  de  nombreuses  Sociétés  de  bien- 
faisance. Aussi  sa  mort  (30  janvier  1828),  provoqua-t-elle 
un  concours  d'unanimes  éloges  et  regrets.  {Sémaphore  de 
Marseille,  31  janvier  1828). 

^L  de  \'illeneuve  occupa  quatorze  ans  la  préfecture  des 
Bouches-du-Rhône  alors  installée  à  l'Hôtel  Roux  de  Corse, 
rue  IMazade.  Il  y  fut  un  préfet  de  grand  style,  plus  adminis- 
trateur C|u'homme  politique,  selon  la  conception  napoléo- 
nienne. Certainement  il  eut  l'ambition  de  remplacer  les 
intendants  de  l'ancien  régime  et  de  se  voir  attribuer  la 
devise  gravée  sur  la  médaille  offerte  par  l'assemblée  des 
communes  de  Provence  a.  ^L  des  Gallois  de  la  Tour,  leur 
ami  de  quarante  ans.  Ce  fut  surtout  un  animateur  auquel 
on  doit  des  initiatives  dont  le  département  recueille  aujour- 
d'hui encore  le  bénéfice.  Devant  son  cercueil  on  put  résu- 
mer son  caractère  en  trois  mots:  <(  //  ftit  simple,  modeste 
et  bon  ))  et  rappeler  la  devise  par  laquelle  le  roi  René  en 
ses  Jeux  avait  peint  sa  race  :  libéralité  des  }'illeneuve.\/Ami'- 
nité  de  ses  manières,  le  charme  de  sa  conversation,  le  plai- 
sir de  rendre  service,  l'art  avec  lequel  il  savait  refuser 
sans  encourir  la  rancune  du  solliciteur,  lui  avaient  conci- 
lié l'ensemble  de    la    population,   qui    pressentait  en   son 


146 


A.  Ts a:\ipal 


compatriote  un  protecteur  disposé  à  défendre  ses  intérêts 
auprès  du  pouvoir  central  ;  en  contraste  permanent  avec 
l'un  de  ses  prédécesseurs,  le  comte  Thibaudeau,  qui  se 
munira  toujours,  avec  morgue  et  dureté,  le  représentant  de 
l'autorité  suprême,  sans  souci  aucun  de  concilier  ce  devoir 
et  les  intérêts  de  ses  administrés.  A  observer  une  attitude 
inverse  Villeneuve  gagna  dès  son  vivant  le  titre  de  bon 
préfet,  ratifié  par  la  postérité. 

Dans  l'Encyclopédie  des  Bouches-du-Rhône  notre 
confrère  J.  Fournier,  après  avoir  relaté  les  événements  qui 
portent  dans  l'histoire  de  nos  départements  méridionaux  la 
(jualification  de  terreur  blanche,  a  pu  conclure:  ((  Le  pré- 
fet de  VilIeneu^■e  était  d'une  rare  intégrité.  Il  refusa  cons- 
tamment de  pratiquer  le  régime  des  révocations  en  masse 
que  les  royalistes  exaspérés  attendaient  de  lui.  Provençal 
lui-même...,  il  connaissait  bien  les  populations  de  ce  pays; 
il  fit  de  son  mieux  pour  calmer  leur  effervescence.  Avec 
le  temps,  il  obtint  un  retour  complet  à  la  tranquillité  publi- 
que, dû  en  très  grande  partie  à  son  influence  personnelle  et 
à  son  amour  dy  bien  public  ».  (T.  V,  p...  et  tirage  à  part 

P-  isO- 

Le  dévouement  à  la  maison  de  Bourbon  de  l'ancien  fonc- 
tionnaire impérial  ne  saurait  être  mis  en  doute;  et,  s'il  eût 
vécu  en  1830,  il  aurait  démissionné  comme  le  firent  ses 
frères,  lors  des  événements  de  juillet.  Les  réceptions  qu'il 
organisa  pour  la  visite  en  Provence  de  la  duchesse  d'An- 
goulême  en  1823,  h  l'arrivée  en  1816  de  la  princesse  Marie- 
Caroline  de  Sicile,  future  duchesse  de  Berry,  furent  l'œu- 
vre d'un  sujet  fidèle  et  dévoué.  Mais,  éloigné  par  tempéra- 
ment de  tout  excès,  il  sympathisait  aussi'  avec  les  tenants 
des  opinions  libérales  et  utilisait  leur  concours  dès  qu'il 
s'agissait  d'améliorations  locales  à  réaliser. 

Il  ne  désavouait  pas  non  plus  l'alliance  du  trône  et  de 
l'autel;  et  ses  sentiments  religieux  ne  sont  pas  discutables. 


LE  COMTE  DE  VII.I.EXEUVE-RARr.EMON  I47 

Le  2  septembre  1829,  quelques  semaines  avant  sa  mort,  il 
demandait  à  l'évèque  de  profiter  de  la  session  du  Conseil 
général  pour  bénir  une  chapelle  aménagée  en  l'Hôtel  pré- 
fectoral. Toutefois  nous  avons  comme  une  vague  impres- 
sion qu'à  Marseille  il  n'avait  pas  d'intimité  avec  les  diri- 
geants de  l'évêché  et  n'approuvait  pas  toujours  leurs  gestes. 
Les  impondérables  auront  bien  pu  ici  exercer  leur  influence: 
quelc|ue  dédain  du  féodal  pour  la  noblesse  parlementaire  ; 
antagonisme  entre  non  émigré  et  des  gentilhommes  très 
tardivement  revenus  sur  le  sol  natal;  proche  alliance  du 
préfet  et  de  Tarchevêque  d'Aix,  qui  ne  put  accepter  avec 
sérénité  le  démembrement  d'un  très  ^•aste  diocèse,  et  eut 
d'ailleurs  des  difficultés  avec  M.  Eugène  de  Mazenod  ;  par 
dessus  tout,  différence  de  caractères;  Villeneuve  conciliant 
et  bon,  les  Mazenod,  bons  aussi,  mais  impulsifs,  autoritai- 
res, parfois  rudes  et  brusques.  Excusez  ces  propos;  j'ai  déjà 
tenu  la  fonction  d'avocat  du  diable  devant  le  postulateur 
du  procès  en  béatification  du  prince  Eugène,  le  fondateur 
des  Oblats. 

A  Agen,  Villeneuve  colligeait  ses  souvenirs  de  Provence 
et  glorifiait  Mascaron.  En  Provence,  il  fit  achever  le  Palais 
de  Justice  d'Aix;  restaurer  les  ruines  d'Arles  et,  à  Saint- 
Jean  de  Malte  à  Aix,  par  Sébastien  Pesetti,  les  mausolées 
des  Comtes  de  Provence;  édifier  à  Saint-Rémy  une  église 
de  style  classique  aux  dimensions  de  cathédrale;  élever  des 
statues  à  Aix  à  René  d'Anjou  dont,  avant  son  frère,  il  écri- 
vit l'histoire;  à  Salon,  à  Adam  de  Craponne;  à  Aubagne, 
au  savant  Barthélémy;  au  Frioul,  il  posait  la  première 
pierre  d'un  obélisque  destiné  à  consacrer  l'inauguration  ilu 
Port  Dieudonné  ;  à  la  place  d'Aix,  à  Marseille,  celle  de  l'Arc 
de  triomphe  en  souvenir  de  la  guerre  d'Espagne. 

Ces  divers  travaux  d'édilité  sont  au  second  plan  dans  le 
souvenir  que  l'on  garde  de  l'activité  de  Villeneuve.  Celle-ci 
s'exerça  principalement,  à  notre  estime,  dans  le  champ  de 


14S 


A.   RAMPAL 


ce  que  les  Germaniques  appellent  la  kuUur,  terme  que, 
maliiré  son  oris'ine  latine,  il  est  difficile  de  traduire  succinc- 
tement  en  français  pour  exprimer  la  pensée  allemande. 
Notons  d'abord  que  le  préfet  eut  l'avantage  de  trouver  et 
de  laisser  h  l'Hôtel  de  Ville  du  chef-lieu  un  maire,  M.  de 
Montgrand,  qui  fut  en  parfaite  communion  d'idées  avec 
lui. 

Le  Lycée  était  alors  le  seul  établissement  national  d'ins- 
truction secondaire  du  département.  Dénommé  Collège 
roval  sous  la  monarchie,  on  lui  annexa  certains  cours  de 
langues  vivantes,  arabe,  grec  usuel,  pour  répondre  aux 
besoins  économiques  d'une  population  commerçante. 

La  mode  était  à  l'enseignement  mutuel.  En  1826,  le  préfet 
assista  à  l'inauguration  des  cours  et  encouragea,  par  des 
subventions  généreuses  du  Conseil  général,  les  établisse- 
ments en  faveur  des  sourds-muets. 

La  Société  de  bienfaisance,  création  de  libre  initiative, 
mais  promptement  soumise  à  la  tutelle  préfectorale  de 
Thibaudeau,  cherchait  à  développer  l'instruction  profession- 
nelle de  la  jeunesse  ouvrière;  on  lui  doit  les  premiers  cours 
de  chant,  qui  précédèrent  l'organisation,  en  1818,  de  l'école 
municipale  de  Barsotti,  origine  du  Conservatoire.  On  avait 
également  essayé  d'organiser  des  cours  d'apprentissage 
pour  les  arts  mécaniques.  A  partir  de  1826,  sur  l'initiative 
de  Dunoyer,  une  Société  pour  le  développement  de  l'ins- 
truction populaire  adopta  pour  des  cours  gratuits  de  géomé- 
trie et  de  mécanique  les  programmes  et  les  méthodes  du 
Conservatoire  des  arts  et  métiers.  Le  préfet  les  inaugura; 
le  baron  Charles  Dupin  vint,  en  1S28,  présider  à  la  dis- 
tribution des  prix.  Incontestablement,  ce  fut  le  préliminaire 
de  l'Ecole  Nationale  d'Arts  et  Métiers  établie  à  Aix,  en 
1843,  dans  l'ancienne  Charité. 

Le  20  mars  1820,  dans  une  séance  publique  de  la  Société 
de  bienfaisance,   le    préfet    annonçait    la    fondation    d'une 


LE  COMTE  DE  VILLENEUVE-RARCEMOX  14g 

Caisse  d'épar^-ne.  Le  9  octobre,  cinquanu--4uairc'  sou.m np- 
teiirs  signaient  l'acte  constitutif  chez  le  notaire  Spiialicr. 
Une  ordonnance  royale  du  3  janvier  1.S21  autorisait  l'éia- 
blissement,  qui  ouvrait  ses  guichets  le  3  avril  à  la  rue  de  la 
Darse  {22  puis  14).  C'était  la  cinquième  Caisse  fondée  en 
I-'rance  et  la  première,  qui,  par  la  volonté  du  préfet,  eut 
pour  champ  -d'activité  tout  le  département.  Avant  débuté 
avec  un  tonds  de  ir.422  francs,  la  caisse  avait  déjà  500,000 
francs  de  dépôts  quand  \'illeneuve  en  abandonna  la  prési- 
dence en  1824.  —  L'exercice  1929  accuse  à  sa  clôture  plus 
de  800  millions  de  dépôts,  345.000  livrets,  34  succursales 
(Aix  fut  la  première  ouxerte  en  1S26)  et  12  bureaux  rui  chef- 
lieu. 

L'Empire  avait  toléré,  sous  forme  de  cercles,  (lUeUpu-s 
réunions  professionnelles:  cercle  médical,  cercle  académi- 
cpie.  Au  début  de  la  Restauration  le  premier  se  mua  en 
Socicîé  de  médecine;  et,  le  15  mars  1828,  le  préfet  venait  en 
personne  lui  porter  l'autorisation  de  prendre  le  titre  de 
vSociété  royale.  \'ers  la  fin  du  xix^  siècle  elle  a  fusionné 
avec  le  Comité  médical  des  Bouches-du-Rhône  qui  continue 
de  \-ivre  en  bonne  santé. 

La  même  année  18 18  fut  ouvert  le  Jardin  des  plantes, 
aux  Chartreux.  Deux  ans  après  était  inaugurée  l'I'-cole 
secondaire  de  médecine  sous  la  direction  agissante  du 
D""  ^L  Cauvière,  qui  demeura  toujours  un  ami  du  préfet 
et  qui  fit  un  temps  des  leçons  dans  les  locaux  préfectoraux. 
L'organisation  de  cours  d'accouchements  avait  été  mainte 
fois  essavée  par  l'administration  des  hospices.  L'interven- 
tion du  Conseil  général  aboutit,  en  1826,  à  l'organisation 
régulière  d'un  cours  départemental  d'accouchement  à 
l'Hôtel-Dieu. 

Le  cercle  académique  —  d'onéreuse  et  éphémère  durée 
et  dont  l'histoire  est  à  faire  —  a  été  la  lointaine  origine 


150 


A.    RAM PAL 


de  l'Athénée  consliuié  en  1829  et  qui  avait  été  originaire- 
ment conçu  par  ses  fondateurs  comme  une  université  libre 
dispensant  un  enseignement  d'ordre  surtout  scientifique: 
chimie,  physique,  géographie,  astronomie L'autorisa- 
tion (Touverture  avait  été  obtenue  par  le  préfet  en  décem- 
bre 182S,  mais  les  cours  ne  commencèrent  qu'après  son 
décès,  et  ce  fut  celui  de  littérature  qui  eut  le  plus  de  reten- 
tissement avec  des  professeurs  comme  J.-J.  Ampère  et  Joseph 
Méry,  puis  Brizeux.  Les  cours  de  l'Athénée  ont  été  le  pré- 
lude de  l'institution  à  Aix  (1845)  et  à  IMarseille  (1856)  des 
r""acultés  des  Lettres  et  des  Sciences. 

L'Académie,  réorganisée,  dès  1799,  à  l'Observatoire,  puis 
au  Musée  par  le  D''  M.  Achard  et  l'astronome  Thulis,  jouait 
sous  l'Empire,  au  dire  de  Thibaudeau,  le  rôle  de  société 
d'agriculture,  et  fonctionnait,  sous  sa  surveillance  ombra- 
geuse et  celle  plus  aimable  de  AL  de  Permon,  comme  une 
sorte  de  comité  consultatif  départemental  pour  l'agricul- 
ture et  l'industrie.  Villeneuve  en  fut  nommé  associé  corres- 
pondant le  30  mars  1814,  avec  Mollevaut,  Desgenettes, 
Alphonse  de  Candolle.  Deux  ans  après,  il  en  devenait  titu- 
laire, et  l'année  suivante  président,  fonctions  qui  lui  furent 
confiées  à  trois  reprises  (1817-1823-1829).  Il  témoigna  un 
consiant  intérêt  à  cette  Compagnie,  s'y  montra  fort  assidu, 
et  y  fit  de  nombreuses  commimications  :  biographies  de 
René  d'Anjou,  Adam  de  Craponne,  le  cardinal  de  Bausset  ; 
notices  sur  la  Sainte-Baume,  la  peste  de  1720,  les  fouilles 
d'Arles;  lecture  de  plusieurs  chapitres  de  la  Statistique  en 
cours  d'élaboration  ;  et  deux  importants  rapports  sur  la 
reprise  du  canal  de  Provence,  projet  qui  préoccupait  fort 
l'opinion  contemporaine  et  fut  partiellement  réalisé  sous  le 
régime  de  Juillet  aux  frais  et  profits  de  la  ville  de  Marseille. 
Enfin  il  conta,  sous  forme  de  nouvelle:  Adélé,  l'histoire 
d'une  jeune  grecque,  arrachée  à  la  mort  sur  les  champs  de 
bataille  de  Morée  par  un  officier  français,  amenée  en  France, 


LE  CO.MTE  DE  VII.I.EXEUVE-BARriKMOX  15I 

adoptée  et  élevée  par  la  bdiunnc  de  iJaina.s,  rpuiiso  du  lieu- 
tenant général  commandant  la  S*  division,  bientôt  ministre 
de  la  Guerre,  puis  gouverneur  du  duc  de  Bordeaux. 

Aix  possédait  depuis  1S08  une  Société  des  Amis  des 
sciences,  des  lettres,  de  l'agriculture  et  des  arts  cjui  préten- 
dait à  l'héritage  du  bureau  d'agriculture  fondé  en  1765  et 
admis  au  rang  d'Académie  un  peu  avant  la  Révolution. 
M.  de  X'iiieneuve  }■  fut  agrégé  dès  son  arri\'ée  dans  le  dépar- 
tement et  eut,  l'année  même  de  sa  mort,  la  joie  de  lui  notifier 
l'ordonnance  royale  du  9  avril  1829,,  lui  restituant  le  titre 
d'Académie,  qu'elle  porte  encore  dignement  et  qui  lui  a 
permis  d'hériler  de  VArbaitdenco  et  du  château  de 
Lourmarin. 

Il  est  temps  d'en  venir  à  l'œuvre  capitale  de  M.  de  X'illc- 
neuve,  la  Statistique  des  Bouches-du-Rhône,  compendium 
de  son  acti\-ité  administrative  et  volumineux  témoignage  de 
son  aîtachement  à  la  petite  patrie  pr(n'ençale. 

L'idée  des  statistiques  départementales  appartient  à  Napo- 
léon, et  est  la  suite,  ou  mieux,  la  conséquence  de  l'enquête 
entreprise  en  l'an  IX,  dès  le  début  du  Consulat,  sur  la  situa- 
tion générale  de  la  France.  Ouel(|ties  préfets,  tels  l^^auchet 
du  \"ar,  répondirent  promptement  aux  instructions  minis- 
térielles. Leur  œuvre  manc[ue  d'autorité.  Ladoucette  dans 
les  Hautes-Alpes,  moins  pressé,  fit  préparer  soigneusement 
une  vaste  et  soigneuse  monographie,  qui  est  encore  utile- 
ment consultée;  on  peut  en  dire  autant  de  la  Statistique  du 
Gard  achevée  en   1835. 

Mais  Quérard  {France  Utlcniirc),  donne  la  pahne  à  l'œu- 
vre de  Villeneuve  <(  la  meilleure  en  ce  genre  ».  Vingt  ans 
plus  tôt  (1802),  Michel  d'Eyguières,  avait  publié  sous  les 
auspices  du  ministère  de  l'Intérieur,  une  étude  dont  le  pro- 
pre historien  du  village,  Anfos  Micheii,  admet  l'insuffisance 
et  dévoile    les    inexactitudes.  Un    fonctionnaire,  celui  des 


152 


A.   RAMPAL 


frères  Girard  qui  fut  le  secrétaire  général  de  Thibaudeau, 
reçut  commission  de  préparer  un  ouvrage  plus  complet  et 
plus  précis.  11  receuillit  de  nombreux  documents,  mais, 
envoyé  dans  les  bureaux  de  la  X'ille-l'l'lvêque,  il  les  emporta 
sans  les  avoir  utilisés  et  sans  doute  les  égara,  car  il  ne  put 
satisfaire  ni  aux  injonctions  du  ministre  en  1813,  ni  plus 
lard  aux  instances  de  I\I.  de  Villeneuve. 

Celui-ci  reprit  Tt-x^uvre  sur  un  plan  élargi  dont  on  pour- 
rait retrouver  les  premiers  éléments  d'exécution  dans  ses 
rapports  au  Conseil  général  du  département  qui  lui  \alu- 
rent,  à  diverses  reprises,  les  éloges  de  l'assemblée. 

A' son  estime  le  mot  stalisliqiic  a  ime  acception  encvclo- 
]3édi(iue  (jue  la  succession  des  temps  ne  lui  a  pas  conservée. 
Le  préfet  le  définit:  ((  Le  tableau  exact  des  observations 
que  présente  une  contrée  quelconque  considérée  par  ce 
qu'elle  est  par  elle-même,  et  dans  ce  qu'elle  est  devenue  par 
le  travail  de  l'homme  »  (Disc.  prél.  p.  x\'),  et,  précisant  sa 
pensée,  il  ajoute  plus  loin  (p.  x\'ii):  ((  Borné  aux  choses  pré- 
sentes, notre  ouvrage  se  réduirait  à  des  tableaux  et  à  des 
calculs  numériques  dont  peu  de  personnes  auraient  la  force 
et  la  patience  de  s'occuper  ;  cependant  une  Statistique  ne 
sera  vraiment  utile  que  lorsque  chaque  classe  de  lecteurs 
y  trouvera  ce  qui  rentre  dans  ses  goûts  ou  dans  ses  études  ». 
Co  n'est  plus  le  sens  que  la  langue  usuelle,  l'administra- 
tion, les  économistes,  les  Sociétés  de  Statistique  qui  se  sont 
créés  en  France  comme  au  dehors,  donnent  au  terme  de 
sUitistique,  dont  on  trouve  cette  définition  assez  éloignée  du 
sens  de  Vdleneuve  dans  un  vieux  dictionnaire  (Pagnerre, 
1840):  ((  Science  qui  a  pour  but  la  recherche  et  la  compa- 
raison des  faits  généraux  et  particuliers  qui  se  produisent 
chaque  jour  dans  la  marche  de  la  Société  ».  Aussi  le  groupe 
d'érudits  et  de  publicistes  qui,  à  la  demande  du  Conseil 
général  des  Bouches-du-Rhône,   a  entrepris,   au  début  du 


LE  COMTE  DE  VILLENEUVE-BARGEMON  153 

xx*^  siècle  la  refonte  de  la  Statistique  de  \'illcnciive  a  exac- 
tement et  judicieusement  iniiiulé  son  œuvre  magislrale:  Les' 
Boiichc's-du-Rhôuc,    Encyclopédie    déparlemcnlalc. 

\'()ici  les  propres  ternies  de  \'illeneuve  dans  l'exposé  de 
son  plan  :  <<  Les  rapports  sous  lesquels  on  peut  envisaj^fer 
un  pavs  peuvent  se  réduire  à  deux  points  j^rincipaux  :  ce 
Cjui  appartient  à  la  nature  et  ce  qui  est  l'ouvrage  des 
hommes.  Pour  recueillir  ces  deux  séries  de  faits  et  rendre  les 
résultats  aussi  simples  à  déduire  c^ue  faciles  à  expliciuer, 
cliacune  d'elles  doit  donc  se  présenter  à  l'observateur  sous 
les  points  de  vue  suivants:  rappeler  ce  qui  a  été,  décrire  ce 
qui  existe,  indiquer  ce  qui  peut  être  fait  ». 

«  Ainsi  la  topographie  et  les  diverses  branches  de  l'Ilis- 
toire  naturelle,  le  tableau  des  événements  politiques  et  des 
changements  qu'ont  subies  les  institutions,  la  descriptiim 
des  monuments  antiques  et  des  anciennes  traditions,  l'éttide 
des  mœurs,  des  usages,  des  coutumes,  du  langage,  enfin  de 
tous  les  éléments  de  l'état  social  offrent  une  série  de  faits 
dignes  d'une  attention  particulière;  ils  doivent  précéder 
ceux  dti  même  genre  (pii  s'applitiuenl  au  moment  présent, 
parce  qu'en  étudiant  ces  antécédents,  t(nit  s'apprécie  et  s'ex- 
pli(|uera  d'une  manière  claire  et  satisfaisante:  ainsi  se  dédui- 
ront d'eux-mêmes:  et  les  axantages  f[u'on  en  doit  reiircr 
poin  l'intérêt  public  et  les  indications  nécessaires  pour  amé- 
liorer et  perfectionner  ces  mêmes  choses  ». 

I  'auteur  a  incontestablement  manifesté  sa  i)rédil('i-!i<jn 
])our  la  partie  histori(|ue  de  son  ivuvre.  Bon  Provençal,  il 
s'est  complti  à  parler  des  anciens  nionimients,  des  habilants. 
de  leurs  institutions,  mœnirs  et  langage.  S'il  a  divisé  ses 
matières  en  dix  livres  répartis  en  quatre  tomes,  chacun 
d'environ  mille  pages;  tandis  que  le  tome  I  renferme  la 
topographie  et  l'histoire  naturelle  (livres  i  et  2),  les  tomes 
II  e^.  III  forment  le  centre  de  l'anivre  et  ont  été  plus  parli- 


Ï54 


A.   R.\MPAL 


ciilièrcmcnt  surveillés  dans  leur  confection  ;  car  le  préfet 
y  a  groupé  ses  sujets  préférés  :  histoire,  archéologie,  socio- 
logie ;  un  bel  album  accompagne  le  livre  consacré  aux  anti- 
quités (L.  3),  suivi  de  ceux  réservés  à  la  topographie  admi- 
nistrative, à  l'état  social,  aux  établissements  publics  (L.  4, 
5,  6,);  les  établissements  sanitaires,  notamment  le  lazaret, 
et  ceux  de  bienfaisance  ont  particulièrement  attiré  son  atten- 
tion. Le  dernier  volume  est  consacré  à  l'agriculture,  l'indus- 
trie, le  commerce,  les  contributions  (L.  7,  8,  9  et  10). 
L'ouvrage  finit  avec  le  relevé  de  l'état  d'avancement 
des  opérations  cadastrales  au  i'^''  janvier  1828.  Un 
chapitre  ultime  s'imposait,  résumé  ou  conclusion  de 
l'œuvre,  en  parallélisme  avec  le  discours  préliminaire  C|ui 
ouvre  le  premier  vohmie  et  qui  avait  été  favorablement 
accueilli  notamment  par  l'Académie  qui  en  eut  la  primeur. 
^Lais  la  mort  survint  avant  que  le  préfet  eût  la  satisfaction  de 
voir  le  dernier  volume  sortir  des  presses  de  Ricard. 

II  s'était  proposé  de  divulguer  la  liste  de  ses  collabora- 
teurs: fonctionnaires,  négociants,  érudits,  C|ui  lui  avaient 
prêté  leur  concours  pour  sa  documentation  ;  sauf  Toulouzan 
et  Négrel-Féraud  qu'il  nomme  dans  son  discours  prélimi- 
naire, les  autres  ne  se  trouvent  peut-être  désignés  que  dans 
les  liasses  d'archives  où  je  ne  suis  point  allé  les  rechercher. 

Autre  indice  de  l'inachèvement  de  l'œuvre.  Le  premier 
volume  (publié  sous  la  date  de  182 1  et  seulement  achevé  en 
1823)  contient  une  dizaine  de  pages  d'additions  et  de  correc- 
tions. Le  deuxième  (1824)  porte  en  queue  cette  courte  note: 
«  Xous  renvoyons  à  la  fin  du  dernier  volume  les  additions 
et  corrections,  par  deux  motifs:  1°  ce  volume  est  déjcà  bien 
assez  considérable  (1212  pages);  2°  nous  aurons  ainsi  tout 
le  temps  nécessaire  pour  recevoir  les  observations  qu'on 
pourra  nous  adresser  et  auxquelles  nous  ferons,  droit  dans 
l'intérêt  de  l'ouvrage  ». 


LE  COMTE  DE  VILLENEUVE-BARGEMON  I55 

Sans  doute,  quand  il  dictait  cette  note  à  son  imprimeur, 
M.  de  Villeneuve  songeait  à  la  mise  au  courant,  à  la  tenue 
constamment  a  jour  de  son  œuvre.  Une  collectivité  seule 
pouvait  en  être  chargée.  Pourquoi  ne  se  reposa-t-il  pas  sur 
l'administration  elle-même,  puisc[ue  dans  son  discours  pré- 
liminaire il  a  tenté  la  démonstration  qu'elle  seule  peut 
mener  à  bien  pareille  t cache  ?  Ses  opinions  s'étaient-elles 
modifiées  à  mesure  que  s'avançait  la  publication  ? 
Avait-il  pressenti  que  l'administration  agit  sous  l'action  d'un 
puissant  moteur,  et  qu'elle  ne  le  retrouverait  peut-être  pas  en 
ses  successeurs  ?Et  fut-il  alors  tenté  de  confier  la  poursuite  de 
son  œuvre  à  quejque  collectivité:  l'Académie  de  Marseille? 
ou  celle  d'Aix  ?  III  avait  eu  a  apaiser  en  1S24  un  conflit 
de  personnes  entre  la  premières  Compagnie  et  le  Conseil 
général.  Et  précisément  s'était  constitué  à  Aix  en  1825  ime 
Société  de  Statistique  et  de  Recherches  provençales.  Ce  titre 
un  peu  extensif  effaroucha-t-il  un  chef  c^ui  n'était  pas  inten- 
dant de  Provence  mais  préfet  des  Bouches-du-Khonc  ? 
Xous  ne  savons;  mais  il  s'empressa  d'approuver  la 
création  à  ^larseille,  le  7  février  1827,  d'une  Société 
de  Statistique  cju'il  agréa  avec  le  champ  d'action 
Marseille  et  les  Bouches-du-Rhône,  et  c'est  dans  le 
sein  de  cette  jeune  Compagnie  que,  le  16  mai  iS^^o,  fut  pro- 
noncé le  premier  éloge  public  —  après  les  discotirs  funèbres 
—  du  comte  de  Villeneuve.  Notre  confrère  J.  Reynaud  nous 
a  naguère  fait  connaître  les  vicissitudes  d'une  des  dernières 
initiatives  du  préfet  ;  elles  ont  pu  être  nombreuses  ;  la  Société 
de  Statistique  a  néanmoins  franchi  le  cap  du  centenaire,  et 
elle  est  heureuse  et  fière  de  pouvoir  célébrer  celui  de  l'éminent 
fonctionnaire  qu'elle  considère  comme  son  fondateur  \ 

M.  de  \^illeneuve  est  mort  à  l'Hôtel  Roux  de  Corse  dans 
la  nuit  du  12-13  octobre  1S29;  ses  obsèques  eurent  lieu  à  la 

^   Centenaire   de   la   Société   de   Stati-tiquc.    >rar-oilIc.    1027.   in-4''. 


156 


A.    RAMPAL 


>rajor  le  surlendemain.  Dans  la  cour  de  l'Hôtel  furent  pro- 
jioncés  quatre  discours  par  MM.  d'Urre,  de  Montgrand, 
Paul  Autran  et  Guiaud,  au  nom  de  l'Administration,  de  la 
commune,  de  l'Académie  et  de  la  Société  de  ^Statistique.  La 
cérémonie  fut  présidée  par  un  duc  et  pair,  ]\I.  d'Harcourt. 
VA\e  eut  un  épilogue:  la  dépouille  du  préfet  fut  transportée 
à  Bargemon  ;  mais,  selon  ses  volontés  dernières  et  ((  en 
ultime  témoignage  d'affection  à  ses  administrés  »  son  cœur 
en  avait  été  détaché.  Après  la  cérémonie  funèbre,  le  secré- 
taire général  baron  d'Urre,  en  avait  pris  livraison  à  la 
cathédrale  et  l'avait  porté  en  carrosse  au  cimetière  Saint- 
Charles  où  il  fut  déposé  dans  le  tombeau  édifié  l'année  pré- 
cédente pour  recevoir  les  restes  de  Mme  de  Villeneuve. 
Depuis  lors  le  transfert  au  cimetière  Saint-Pierre  a  été 
effectué  en  1865). 

A.  RAMPAL. 


Sources  et  Bibliographie 

Sniiapltorc  de  ^Iar.-eilk'.  14,  15,  16  octobre  1829.  Les  Boiichcs-du- 
Rhône,  Encyclopédie  dcparteincntale,  t.  XI,  Biographies  par  Barré, 
PP-    543-544- 

MiCHAUD,  Biographie  universelle,  articles  sur  les  six  frères  Mile- 
neuve  par  A.   Boullée. 

Augustin  Fabre,  Eloge  historicjue  de  M.  le  comte  de  Villeneuve- 
Bargemon,  conseiller  d'Etat,  préfet  des  B.-du-Rli.,  prononcé  le 
16  mai  1830  à  l'assemblée  générale  de  la  Société  de  Statistique  de 
Marseille  et  des  B.-du-Rh.,  in-S",   1830. 

E.  de  JUIGXÉ  DE  Lassignv,  Histoire  de  la  maison  de  Villeneuve  en 
Provence,  Lyon,  imp.  Alex.  Rey,  1900,  in-4",  3  vol.  I,  Généalogie, 
II  et  III,  Preuves  et  Tables. 

Collection  de  discours  administratfis  et  académicjues,  de  notices 
historiciues,  mémoires,  rapports  et  autres  œuvres  littéraires  de  M.  le 
comte  de  Villeneuve,  conseiller  d'Etat,  préfet  des  B.-du-Rh.,  com- 
mandeur   de    rOrdre    royal    de    la    Légion    d'honneur,    chevalier    de 


LE  CO.MTI-:  DE  \IF.rj:NEL\  E-BARGEMON  I57 

plusieurs  ordres  étrangers,  membre  de  l'Académie  royale  de  Mar- 
seille, président  honoraire  de  la  Société  de  Statistique  de  la  môme 
ville,  membre  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Agen, 
de  la  Société  royale  des  antiquaires  de  France,  de  la  Société  de 
géographie,  de  la  Société  des  amis  des  sciences,  des  lettres,  de 
l'agriculture  et  dos  arts  séant  à  Aix,  correspondant  de  l'Académie 
royale  de  Turin.  Marseille,  imp.  Achard,  2  vol.  in-4".  —  L'ouvrage 
est  divisé  en  4  parties:  I,  Discours  administratifs, r'  comme  préfet  de 
Lot-et-Garonne:  2*^  en  qualité  de  piéfet  des  B.-du-Rh.  IL  Discours 
académiques.  III,  pièces  lues  dans  les  séances  des  Sociétés  savan- 
tes: 1°  à  la  Société  d'émulation  du  département  du  Var  ;  2°  à  la 
Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Agen;  3"  à  l'Académie  des 
sciences,  belles  lettres  et  arts  de  Marseille.  IV,  Ouvrages  insérés 
dans  divers  recueils  littéraires.  Malgré  son  ampleur,  cette  collection 
ne  comprend  pas  l'intégralité  de  l'œuvre  littéraire  du  comte  de 
Villeneuve.  X'y  sont  pas  reproduits:  la  Xotice  historique  sur  la 
\ille  de  Xérac  (Agen  1805)  et  le  Voyage  dans  la  vallée  de  Bar- 
celonnette  (Agen  1S15).  Xon  plus,  tous  les  discours  du  préfet,  par 
exemple  ceux  à  l'inauguration  de  la  statue  du  roi  René  à  Aix  le 
19  mai  1823;  sur  la  tombe  de  M. Caire, commissaire  général  de  police 
à  Marseille,  le  2  avril  1816.  Ce  dernier  figure  dans  un  recueil  manus- 
crit dont  les  archives  du  Reclos  possèdent  un  fragment  assez  considé- 
rable détaché  d'une  collection  jadis  reliée  et  débutant  par:  Journal 
des  événements  qui  ont  eu  lieu  à  Agen  et  dans  le  département  d«s 
Lot-et-Garonne,  depuis  le  jour  où  le  débarquement  de  Bonaparte  fut 
annoncé  jusqu'au  5  avril,  époque  à  laquelle  son  autorité  usurpatrice 
fut  reconnue;  avec  Xotice  sur  la  situation  de  M. de  Villeneuve  pendant 
les  Cent  Jours  et  sur  les  événements  qui  ont  marqué  sa  carrière  admi- 
nistrative juscjues  à  sa  nomination  à  la  Préfecture  des  B.-du-Rh. 

Statistique  du  département  des  B.-du-Rh.  avec  atlas,  dédiée  au 
Roi  par  M. le  comte  de  Villeneuve..., publiée  d'après  le  vœu  du  Conseil 
général  du  département,  Marseille,  Ant.  Ricard,  4  vol.  in-4°,  atlas 
in  folio. 

Iconographie. —  Lithographie  de  Mothe,  d'après  le  portrait  de  Gre 
vodon,  1827,  tirée  à  de  nombreux  exemplaires  et  reproduite  en  tête 
de  la  présente  notice. 

Les  archives  de  la  Chambre  de  Commerce  ont  reçu  naguère  du 
colonel  de  V.   B.   le  masque  funéraire  en  plâtre  du  bon  préfet. 

La  place  à  l'est  de  l'Hôtel  de  Ville  de  :\larseille  porte  son  nom 
et  est  ornée  d'une  fontaine  surmontée  de  son  buste  par  Pierre  Cantini, 
inaugurée  en  1833,  à  la  suite  d'une  souscription  publiciuc. 


iç8  A-    KAMPAL 

Une  autre  rue  de  la  ville,  au  quartier  des  Allées,  porte  aussi  son 
nom,  qui  a  passé  à  une  école  de  garçons,  héritière  partielle  de 
l'École  Belsunce.  Cette  rue  et  sa  voisine  ont  été  tracées 
sous  la  Restauration;  elles  avaient  été  dénommées:  Damas  et  Ville- 
iieuve.  En  1830,  Damas  fut  remplacé  par  Lafayette,  mais  Villeneuve 
échappa  à  la  proscription.  Le  bojt  projet  doit  savoir  gré  aux  Marseil- 
lais de  ne  l'avoir  supprimé  ni  au  10  août,  ni  aux  Trois  Glorieuses, 


LE  COMTE  DE  VILLEXEUVE-BARGEMON  I59 

ANNEXES 


LES   VILLENEUVE 

Seigneurs    et   Barons    de  Vauclause 


Des  mariages  successifs  ont  amené  rétablissement  des 
\'illeneiive  à  Bargemon  (\'ar)  d'abord,  puis  fi  X'auclause 
(Basses- Alpes). 

Bertrand  de  Villeneuve,  seigneur  de  Tourrettes,  Esclapon, 
Figanières,  Bargemon,  Avave,  IMons,  Pibresson,  Le  Cas- 
tellet  de  \'almasque,  la  Xapoule,  Beauregard,  Saint-Césaire, 
Saint-Martin,  maria  son  fils  Jean,  avant  ou  en  1351,  h  Dra- 
gonne Rica\i,  fille  et  héritière  de  Guillaume,  seigneur  de 
Bargemon  ;  sept  enfants  de  cette  union  sont  signalés  dans 
le  testament  de  l'aïeul,  fait  h  Tourrettes  le  25  septembre  1361. 
Le  deuxième,  Pons,  coseigneur  de  Bargemon  et  de  Figa- 
nières, épousa  Catherine  de  X'auclause,  dame  de  Malignon 
et  de  Meaux  (contrat  not.  Guil.  Jausserand,  à  Castellane, 
26  mars  1380). 

Les  pièces  d'un  long  ei  gros  procès  soutenu  cnxiron  un 
siècle  plus  tard  au  sujet  des  limites  et  droits  respectifs  des 
territoires  d'AUons  et  de  Vauclause  fournissent  quelque^s 
renseignements  sur  la  généalogie  de  la  famille  de  Vauclause  : 
Andné,  seigneur  en  totalité  de  \'auclause,  est  l'auteur  de  Jac- 
ques, seigneur  du  mCMiie  lieu  et  marié  à  Cécile  RutH,  des 
seigneurs  de  Saint-Martin  ;  Jacques  eut  pour  seule  héritière 
sa  fille  Catherine,  épouse  de  Pons  de  X^illeneuve  précité.  Le 
dit  Jacques  avait,  parmi  ses  petits-fils,  choisi  pou*-  h-'-i'-c- 
Jacques  de  Villeneuve,  avec  substitution  au  po'''t  '<- 
frères  Jean  et  Antoine  (test,  fait  h  Castillon,  13  déLemijie 
1435  et  reçu  par  Jean  Tassilis,  notaire).  ^^^ 


l6o  A.   R  AMP  AL 

T.e  dit  Jacques  de  \'illeneiive,  devenu  ainsi  seigneur  de 
\'auclause,  testa,  le  14  février  1446  à  Bargemon,  en  la  mai- 
son de  son  frère  Jean  de  Villeneuve,  instituant  héritier  l'en- 
fant dont  sa  femme  Gillette  est  enceinte  et  à  défaut  lui  subs- 
tituant ses  frères  Jean  et  Antoine  de  Villeneuve  par  égales 
parts.  La  substitution  sortit  à  effet  par  suite  du  défaut  de 
postérité  du  testateur.  Et  postérieurement  à  la  mort  de  Jean 
survint  une  transaction  entre  son  fils  Pons  (né  en  1433  à 
Entrevennes,  mort  en  1501)  et  le  dit  Antoine,  passée  à  Aix, 
le  3  février  1458  de  rincarnation=  1459,  en  l'officine  de  Ray- 
mond du  Puget,  professeur  iu  utroque  jure  et  devant  le 
notaire  Honoré  de  Mari.  Pons  de  Villeneuve  eut  à  sa  part  le 
château  de  Vauclause,  sauf  le  droit  pour  les  parties  de  faire 
dépaître  leurs  troupeaux  :  Antoine,  dans  le  terroir  de  Vau- 
clause ;  Pons,  dans  celui  voisin  d'AUons.  La  transaction 
règle  encore  la  future  succession  de  Catherine  de  Vauclause, 
qui  précise  que  tous  ses  biens  seront  partagés  également 
entre  son  fils  Antoine  et  son  petit-fils  Pons,  mais  que  ceux 
de  Bargemon  appartiendront  tous  à  Pons.  C'est  au  dit  Pons 
que  ses  voisins,  les  Requiston,  principaux  seigneurs  du  lieu 
d'Allons,  intentèrent  un  interminable  procès  auquel  les 
archives  du  Reclos  doivent  le  gros  livre  de  Vauclause,  et 
qui,  commencé  en  1469,  fut  solutionné  par  arrêt  du  Parle- 
ment de  Provence  du  14  juillet  1513,  et  suivi  le  28  juillet  15 14 
d'une  transaction  de  ^L  de  Vauclause  avec  la  communauté 
d'Allons  conclue  devant  l'église  Saint-Domnin  (not.  Jean 
Laurenti  de  Castellane). 

Pons  assista  aux  Etats  de  Provence  de  1482,  où  Xostra- 
damus  le  place  parmi  les  partisans  du  Lorrain.  Il  parut' aussi 
à  ceux  qui  votèrent  le  9  avril  1487  la  réunion  du 
Comté  à  la  France  a  comme  un  principal  à  un  autre 
principal  ». 

Honoré,  fils  de  Pons  et  de  dame  Tacie  de  Castellane,  con- 
tracta une  belle  alliance  avec  Catherine  de  Bouliers,  fille  de 


LE  COMTE  DE  VILLEXEUVE-BARC.EMOX  l6l 

Jean-Louis,  seigneur  de  Cental  et  Démonte,  et  Louise  de 
Montmorency-Laval.  A  cette  occasion,  son  frère  Nicolas, 
évêcjue  de  Sénez  (siège  sur  lequel  il  avait  succédé  à  son  oncle 
Elzéar,  frère  de  Pons)  lui  iit  une  importante  donation  de 
biens  patrimoniaux,  (Contrat  de  mariage  reçu  au  château 
de  Cental,  ie  23  décembre  1498  par  Guillaume  Ambrois,  not. 
de  Castellane).  Honoré  mourut  en  novembre  1533,  après 
avoir  vu  la  fin  de  ses  procès  avec  ses  voisins  d'Allons. 

Son  fils  Gaspard  fut  un  imporiant  personnage:  il  se  mit 
au  service  du  roi  de  France,  fut  chargé  de  missions  dans 
le  Levant  (juillet  1541  à  février  1542)  et  remit  à  Damas,  au 
pacha  de  Syrie,  des  lettres  de  François  P"".  Il  fut  récom- 
pensé par  l'octroi  de  la  viguerie  de  Castellane  (7  juillet  1542) 
et  du  gouvernement  d'Kntrevaux  (6  septembre  1542.).  Deux 
ans  après,  il  obtenait  une  pension  de  deux  cents  livres 
(24  juillet  1544)  et  l'érection  en  baronnie  de  la  seigneurie 
de  Vauclause,  avec  jonction  des  terres  d'Entraune,  Saint- 
Martin  et  Villeneuve.  Sa  postérité  lui  doit  la  rédaction  du 
Gros  Livre  de  Vauclause  (1545). Chargé  par  le  Grand  Prieur 
de  Lorraine  de  demander  pour  ce  prince  le  gouvernement 
de  la  Corse,  il  se  rendit  à  la  Cour  en  1558  et  mourut  à  Paris 
le  6  mai  1559;  il  fut  inhumé  à  l'église  de  Saint-Jean  de 
Latran,  au  faubourg  Saint-Jacques. 

Chrsitophe  de  \'illeneuve,  dit  le  Ruse,  deuxième  baron 
de  Vauclause,  né  à  Marseille  (30  juin  1541),  est  le  person- 
nage le  plus  important  de  sa  lignée.  D'abord  page  de  l'ran- 
çois  de  Lorraine  duc  de  Guise,  chevalier  de  Sainl-Michel 
(15  avril  1570),  il  a  joué  un  rôle  important  dans  sa  province 
pendant  les  guerres  de  religion  ;  chef  du  parti  catholique, 
il  évita  a  la  Provence  les  excès  de  la  vSaint-Barthélemv  et 
se  fit  successivement  apprécier  du  («rand  Prieur  d'Angou- 
lême  et  des  ducs  de  la  A'allette  et  d'Epernon.  Ligueur  de 
1589  à  1592,  il  se  rallia  au  parti  royal,  reçut  lettres  d'abso- 


i62  A.    RAMPAT, 

lution  (21  novembre  1596)  et  assista  à  Aix  aux  Etats  de  1599. 
Mort  à  Bargemon,  16  juillet  1615) '. 

Jean,  son  fils,  troisième  baron  de  Vauclause  (Bargemon, 
21  novembre  1567-9  septembre  161 7),  fut  premier  consul 
d'Aix  ;  étant  procureur  du  pays  aux  Etats  de  1616,  ceux-ci  le 
chargèrent  de  porter  au  roi  leurs  remontrances. 

François,  fils  du  précédent,  quatrième  baron  de  Vau- 
clause (Bargemon,  24  septembre  1607-7  février  1675),  servit 
dans  les  armées  rovales  et  leva  en  1624  une  compagnie  de 
cent  hommes  de  pied  pour  le  régiment  de  son  parent  Antoine 
de  Villeneuve,  marquis  des  Arcs. 

Ses  fils,  Balthazard  (Bargemon,  12  octobre  1636-17  mai 
1707)  et  Joseph  (Bargemon,  18  janvier  1643-4  janvier  1723), 
embrassèrent  l'un  et  l'autre  l'état  ecclésiastique,  mais  le  pre- 
mier ne  persévéra  pas  et  abandonna  à  Joseph  les  prieurés  de 
Saint-Etienne  de  Bargemon  et  de  Notre-Dame  d'Espeluque 
d'Ampus,  auxquels  celui-ci  joignit  ceux  de  Notre-Dame  de 
Plèbe  de  Bargemon  et  de  Saint-Michel  de  Pavas.  Balthazard 


^  M.  le  comte  Romée  de  V.  B.  nous  a  montré  au  Reclos  un  jeton 
susceptible  d'intéresser  les  numismates  et  dont  nous  ne  pouvons  pré- 
ciser l'origine  et  le  but.  C'est  une  pièce  de  cuivre  assez  effacée  dont 
le  diamètre  tient  le  milieu  entre  nos  anciennes  pièces  de  cuivre  de 
0,05  et  0,10;  mais  beaucoup  moins  épaisse,  portant  sur  une  face  le 
blason  des  Villeneuve:  de  gueules  fretté  de  six  lances  d'or,  accom- 
pagnées d'écus  de  même,   entouré  du  collier  de  Saint  Michel  et  de 

^"^       DEVS  ARCV  COTERET  ET  COFRIGET  ARMA  ET  SCVTA 

pour  laquelle,  parmi  diverses  traductions  proposées,  celle-ci  due  au 
secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de  Alarseille,  'SI.  le  chanoine 
Gamber  nous  semble  la  plus  précise  : 

De  son  arc  Dieu  brisera  —  réduira  en  miettes  —  armes  et  boucliers 
Au  revers,  entrelacées  et  assez  effacées  les  lettres  C.  D.  V.  F. 
où  l'on  veut  voir  les  initiales  de  Christophe  de  A'illeneuve  et  de 
son  épouse  Françoise  de  Grasse;  entourant  le  monogramme,  Vau- 
clause. 22  janvier  i^/jj  date'cjui  ne  correspond  à  aucun  événement 
mémorable  pour  la  famille. 


LE  COMTE  DE  ^"ILLE^•EUVE-B.VRGE^[0^•  163 

fui  le  cinquième  baron  de  Vauclause,  assista  au  siège 
d'Orange  en  1673  et  épousa  à  Aiguines  Blanche  de  Gautier 
(7  février  1666,  contrat  not.  Pons  Cogordan  d'Aiguincs  et 
Louis  Castagne  de  Bargemon)  ;  d'où  Cjuinze  enfants. 

Joseph  I  (Bargemon,  7  février  1675-30  mai  1752),  fut  le 
sixième  baron  de  Wauclause,  par  suite  de  la  fin  dramatique 
de  François,  son  frère  aîné  (Bargemon,  28  octobre  i66g- 
3  janvier  i6gg)  et  de  la  mort  en  bas-âge  de  deux  autres. 
D'abord  page  de  la  Petite  Ecurie,  il  fit  les  campagnes  de 
168S  à  1692  et  quitta  le  service  peu  après  avoir  été  promu 
lieutenant  à  Royal-Marine  (1693).  Premier  consul  d'Aix  et 
procureur  du  pays  en  1726,  il  s'était  fixé  dans  cette  petite 
capitale.  En  174S,  il  fut  admis  aux  honneurs  de  la  Cour. 
Une  de  ses  filles,  fiu  la  première  a  contracter  alliance  dans 
la  maison  Leclerc  de  Lassigny,à  laquelle  appartient  M.Iùlme 
de  Juigné  de  Lassigny,  historiographe  de  la  famille. 

Christophe  II  (Bargemon,  8  octobre  17 16-21  décembre 
1800  (30  frimaire  an  IX),  septième  et  dernier  baron  de  \'au- 
clause,  servit  d'abord  sur  les  galères,  puis  sur  les  vaisseaux 
du  roi.  Retiré  dans  ses  terres,  il  eut  de  nombreux  démêlés 
avec  la  communauté  de  Bargemon,  qui  lui  valurent  peut- 
être  le  pillage  et  la  destruction  partielle  de  son  château  à  la 
Révolution.  Pourtant  il  n'émigra  pas  et  vécut  avec  sa  famille 
au  Reclos  sans  être  inc[uiété.  Les  archives  familiales  possè- 
dent de  lui  de  nombreuses  notes  et  un  livre  généalogique 
précis  et  détaillé. 

Au  xx*"  siècle,  le  titre  de  baron  de  Wauclause  a  été  relevé 
par  M.  Pierre-Alban-Marie  Géraud  de  \'illeneuve,  né  à 
Tourrettes  le  16  septembre  1890,  descendant  au  sixième 
degré  de  Christophe  IL 


i64 


A.   RAMPAL 


Les  Mamuis,  comtes  et  uisomtes  de  Uiiieneuua-Bargemon 


((  Joseph  de  Villeneuve  dit  le  marquis  de  Villeneuve- 
Bargemon,  seigneur  de  \'auclause,  Bargemon,  Castillon  et 
Saint-Auban,  né  et  baptisé  le  ii  juin  1745  k  Bargemon,  fut 
admis  aux  honneurs  de  la  Cour  le  16  février  1788  ».  (Juigné, 
(iénéalogie,  p.  147).  Le  titre  de  marquis  paraît  n'avoir  été 
que  de  simple  courtoisie  et  n'être  appuyé  sur  aucune  conces- 
sion par  lettres  patentes  ou  ordonnance.  Ces  titres  obvin- 
rent  à  de  nombreuses  personnes  admises  aux  honneurs  de  la 
Cour  et,  comme  les  usurpations  de  titres  n'ont  pas  été  pour- 
suivies sous  l'Ancien  Régime,  au  moins  à  l'égard  des 
nobles  de  race,  le  titre  de  marcjuis  de  Villeneuve-Bargemon 
a  pu  passer  dans  l'usage  sans  avoir  reçu  de  consécration 
légale. 

Joseph  II  de  Villeneuve,  fils  aîné  du  dernier  baron  de  Vau- 
clause,  fut  premier  consul  d'Aix  et  procureur  du  pays  à 
plusieurs  reprises  ;  élu  député  de  la  noblesse  au  Etats  Géné- 
raux de  1789  pour  la  sénéchaussée  de  Draguignan,  il  n'y 
siégea  pas,  et  fut  remplacé  par  le  suppléant,  M.  de  Juigné 
de  Lassigny,  son  cousin  et  beau-frère.  Il  passa  les  années 
de  la  Révolution  avec  son  père  au  Reclos  et  fut  assez  heu- 
reux pour  obtenir  de  Robespierre  jeune,  rencontré  à  Saint- 
Césaire  (A.-M.),  la  levée  du  séquestre  de  ses  biens.  Maire 
de  Bargemon,  il  mourut  en  fonctions  le  20  mai  1808.  Sa 
femme,  Anne-Josèphe-Sophie  de  Bausset-Roquefort,  qu'il 
avait  épousée  à  Aix  le  29  mars  1770  et  qui  lui  survécut  jus- 

'  Par  suite  d'une  erreur  singulière,  divers  membres  de  la  famille 
et  surtout  ceux  ne  résidant  pas  en  Provence,  écrivent  et  signent  • 
Bargemontj  au  lieu  de  Bargemoti. 


LE  COMTE  DE  VILLEXEUVE-RARGEMOX  165 

qu'au  8  février  1847,  lui  avaii  donné  quatorze  enfants,  cinci 
filles  et  neuf  garçons,  qui  furent  la  plupart  des  hommes 
distingués. 

Louis  (Bargemon,  16  novembre  1786),  mourut  en  bas  âge  ; 
deux  autres,  Paul  (Grasse,  18  octobre  i77g-Bargemon,  8  mai 
1802)  et  Charles  (Bargemon,  6  mai  1791-retraite  de  Russie, 
1S12),  officiers  d'infanterie,  furent  l'un  et  l'autre  emportés 
vers  la  vingtième  année. 

Parmi  les  six  autres  Jean-Baptiste,  vicomte  de  \\  B. 
(Bargemon,  28  novembre  1788-Le  Bausset,  6  août  1861),  fut 
un  marin  d'élite:  d'abord  simple  matelot,  8  octobre  1804, 
son  parent  l'amiral  Villeneuve  l'attacha  <'i  son  état-major 
et  il  assista  à  la  bataille  de  Trafalgar,  prit  part  à  l'expédi- 
tion de  Lissa,  1810,  et  cà  celle  d'Alger,  1830,  ccMiimanda  la 
station  de  la  Guyane  (1820), et  le  vaisseau  école  la  Mctorieusc 
(1826);  capitaine  de  vaisseau  dès  1827,  il  quitta  le  service  le 
13  août  1835  ^i  ï'^  suite  d'une  violente  discussion  avec  son 
ministre  l'amiral  de  Rigny.  Rentré  dans  son  départe- 
ment du  Var  il  y  fut  conseiller  général  (1846)  et  député  (1849- 
1851).  De  son  mariage  avec  Mlle  de  Séran  il  eut,  outre  deux 
fils  morts  en  bas  âge,  une  fîlle  IMarie-Philomène-Roseline 
(Toulon,  6  octobre  1841-Genève,  7  mai  1892),  mariée  au 
savoyard  Jean-Ernest-Benoit  Le  Borgne,  vicomte  de  Boi- 
gne,  petit-fils  du  bienfaiteur  de  Chambéry,  et  j\La  rie-Joseph - 
Raymond  marcjuis  de  \".  B.  (l\)ulon,  21  octobre  1826- 
1910),  Cjui  racheta  la  terre  du  Reclos  en  1850,  elou- 
bla  le  château  en  le  flanciuant  de  deux  ailes  débor- 
dantes qui  donnent  à  la  construction  la  forme  d'une 
H  et  y  conservait  par  pacte  de  famille  les  archives  des 
\^illeneuve  et  la  nécropole  de  Xotre-Dame  de  Plèbe.  Il  fut 
maire  de  Bargemon  (1855-1860),  conseiller  général  du  Var 
pour  le  canton  de  Callas  (1862-1870),  maire  du  VIP  arron- 
dissement de  Paris  (1860-1870),  préfet  des  Alpes-Maritimes 


l66  A.    RAMPAL 

JS72-187O),  président  de  la  Croix-Rouge,  S.S.B.M.  ;  pendant 
la  guerre  de  iS;o  il  reçut  la  cravate  de  commandeur  de  la 
Légion  d'honneur  au  mois  de  décembre.  Son  unique  lils, 
René-Marie-Antoine  comte  de  Y.  15.  (Paris,  21  janvier  185 1), 
ancien  attaché  militaire  à  Vienne,  colonel  de  cavalerie  en 
retraite,  possesseur  du  Reclos,  veuf  de  sa  cousine  Emma- 
Gabrielle-Cécile,  petite-fille  d'Alban  l'économiste,  a  repris 
du  service  pendant  la  guerre  mondiale  et  perdu  deux  fils 
dont  l'aîné  a  laissé  postérité. 

Des  cinq  autres  frères,  l'aîné  Christophe  fut  le  préfet  des 
Bouches-du-Rhône.  —  Emmanuel-Ferdinand  (Grasse,  27  dé- 
cembre 1777-26  jan^•ier  1835),  marquis  de  V.  B.,  fut  cheva- 
lier de  Malte  de  minorité  (17  mars  1780,  preuves  1791), 
marin  (1791-1792),  cavalier  (1798-1799),  derechef  marin 
(1800-1802),  inspecteur  des  droits  réunis  (2;^  janvier  1815)  et 
préfet  des  Basses-Alpes  (17  mars  1815),  des  Pyrénées  Orien- 
tales {2T,  juillet  1S18),  de  la  Nièvre  (1820)  et  de  la  Somme 
(1826- 1830),  député  des  Basses-Alpes  (1820- 1826).  Sa  des- 
cendance, assez  nombreuse,  représente  la  branche  aînée  de 
la  famille;  et  c'est  un  des  siens  C|ui  vient  de  relever  le  titre 
de  baron  de  Vauclause. 

Joseph-René,  dit  le  baron,  puis  le  comte  de  V.  B.  (Bar- 
gemon,  9  janvieri782-château  de  Bois-le-Roi,  commune  dé 
P\^rrière  en  Gâtinais,  17  septembre  1S69;  propriété  de  sa 
femme,  Mlle  de  Brosses,  qui  y  mourut  à  son  tour  le  2  jan- 
vier 1880)  ;  chevalier  de  Malte  de  minorité  (8  novembre  1783), 
commissaire  de  marine  (1799),  archiviste  du  Var  (1801), 
secrétaire  du  général  Lacuée  (1805),  référendaire  de  2"  classe 
à  la  Cour  des  Comptes  (1S07),  préfet  de  la  Haute-Saône 
(1815),  de  Saône-et-Loire  (1824),  conseiller  d'Etat  et  direc- 
teur général  des  Douanes  (1827),  directeur  des  Postes 
(12  novembre  1828-août  1830),  député  de  Saône-et-Loire 
(1825-1830).   Descendance  féminine:  sa  fille  aînée,   mariée 


LE  COMTE  DE   VILLENEU\'E-BAKCiE.\I(J.\  167 

au  marquis  de  Foibin  d'Oppède,   tint  à  Paris  cnlrc   1860- 
1880  un  salon  réputé. 

Jean-Paul-Alban  et  Louis-François,  vicomtes  de  V.  B., 
étaient  jumeaux  (Saint-Auban,  8  août  1784);  le  premier 
embrassa  la  carrière  administrative,  l'autre  n'eut  pas 
d'emploi  public. 

Alban,  sous  l'Empire,  fut  employé  hors  de  France  :  sous- 
préfet  de  Zierikzee,  préfet  de  Lerida  (1812)  et  de  Namur 
(1813).  La  Restauration  lui  confia  successivement  les  préfec- 
tures de  Tarn-et-Garonne,  Charente,  Creuse,  Meuse,  Loire- 
Inférieure,  Xord  (1826-1830).  Député  du  Var  au  début  du 
gouvernement  de  juillet,  il  démissionna  pour  devenir  l'agerV 
de  la  duchesse  de  Berry  en  Provence  et  accompagna  la  prin- 
cesse de  Sausset  au  château  de  Plassac  en  Saintonge,  lors 
de  l'insurrection  vendéenne  (1832);  il  a  laissé  des  mémoires 
manuscrits  sur  cet  épisode  hisloricjue.  Fixé  ensuite  cà  Paris, 
il  s'y  adonna  à  l'étude  de  l'économie  politique  et  doit  être 
considéré  comme  un  des  précurseurs  du  mouvement  social 
chrétien,  développé  par  AllDert  de  Mun,  Léon  Harmel  et  le 
marquis  de  la  Tour  du  Pin.  Lauréat,  puis  membre  de  l'.Vca- 
démie  des  Sciences  morales  et  politiques  (1814),  député 
d'Hazebrouk  (1840),  conseiller  général  du  War  (Callas,  1846, 
1848).  Bargemon  lui  a  élevé  un  monument  le  2T,  août  1864. 
Il  aw'iit  en  le  château  du  Reclos  dans  les  partages  de  famille 
et  celle  lene  reviendra  à  sa  descendance  par  suite  du 
mariage  d'une  de  ses  petites-filles  avec  le  colonel  de  V'ille- 
neuve-Bargemon.  —  Bibliographie  :  Fconomie  politique 
chrétienne  ou  i\echerches  sur  la  nature  ei  les  causes  du  pau- 
périsme en  France  et  en  lùirope,  1834,  3  ^■<*'-  i'"'-'^"  :  P'"'-^ 
Monihvon.  -  -  Histoire  de  l'économie  politique.  lùudes 
historiennes,  philosophiques  et  religieuses  sur  l'économie 
politique  des  peuples  anciens  et  modernes,  1844,  2  vol.  in-8". 
— •  Le  Livre  des  affligés,  1845,  2  vol.  in-12''  ;  a  eu  plusieurs 
éditions. 


l68  A.    RAMPAL 

Louis-François  de  Villeneuve,  fixé  à  Nancy  par  son 
mariage,  s'y  adonna  à  des  études  historiques  qui  le  condui- 
sirent à  l'Institut:  correspondant  (1831),  membre  de  4'Aca- 
démie  des  Inscriptions  et  Belles  Lettres  (10  janvier  1840). 
A  raison  de  son  affiliation  à  l'Académie  de  Marseille,  nous 
lui  consacrons  une  notice  un  peu  moins  sommaire  cpi'à  ses 
frères. 


LE  COMTE  DE  VILLEXEUVE-BARGEMON  169 

Louis-François    de    villeneuve-Bargemon 
Marquis    de   Trans 


Les  frères  jumeaux  Jean-Paul-Alban  et  Louis-François 
de  Mlleneuve,  huitième  et  neuvième  enfants  issus  du 
mariage  de  Joseph  de  \^illeneuve  et  de  Sophie  de  Bausset, 
virent  le  jour  à  vSaint-Auban  le  8  août  1  7S4  et  y  furent  bapti- 
sés le  ig  septembre.  D'une  complexion  délicate,  François 
ne  put,   comme  ses  frères,   postuler  d'emploi  public;  sans 

'  Le  marquisat  de  Trans  a  été  érigé  par  Ls.  P.  de  Louis  XII  du 
mois  de  février  1505  de  l'Incarnation- 1506,  en  faveur  de  Louis  «le 
Villeneuve,  chevalier,  baron  de  Trans  au  comté  de  Provence,  et  com- 
prenant les  terres  et  châteaux  des  Arcs,  Vidauban,  la  Mothe, 
Esclans,  Rouet,  Pibresson,  Serenon,  Châteaudouble,  Ampus,  Mont- 
ferrat,  Lagneros,  Villehaute,  Taradel,  la  Garde,  ï^spercl,  Brunet, 
Peiresc,  La  Colle  Saint-Michel,  Callas,  Tourtour  et  Villecroze. 

Le  premier  marcjuis  de  Trans  mourut  en  1516,  après  son  fils,  lais- 
sant deux  filles  entrées  dans  les  familles  de  Foix  et  Grimaldi.  Un 
arrêt  du  Grand  Conseil,  14  septembre  1516,  adjugea  le  marquisat  de: 
Trans  à  Alexis  de  Villeneuve,  baron  de  Flayosc,  en  vertu  des  subs- 
titutions contenues  au  testament  d'Arnaud  de  Villeneuve.  Un  arrière 
petit-fils  d'Alexis,  Claude,  décéda  sans  postérité  en  1626,  et  désigna 
pour  héritier  son  parent  Antoine  de  Villeneuve,  marquis  des  Arcs  ; 
un  arrêt  du  Grand  Conseil,  31  mai  1629,  confirma  le  testament;  mais 
Antoine  mourut  aux  Arcs  sans  postérité  le  7  octobre  1672,  et  se  choi- 
sit pour  héritier  un  neveu,  Jacques  de  Raitty,  marquis  de  Vittré. 
Les  Villeneuve  réclamèrent  le  bénéfice  des  substitutions  et,  l'un  après 
l'autre, ses  cousins  Jean  et  Alexandre-François  de  V., petits-fils  d'Ours 
(ce  dernier  avait  antérieurement  disputé  au  testateur  le  marquisat 
de  Trans).  En  prévision  de  la  longueur  du  procès  et  des  frais  con- 
sidérables à  avancer,  un  compromis  fut  signé  entre  Alexandre-Fran- 
çois et  le  seigneur  Pierre  de  Villeneuve-Tourrettes:  celui-ci  pour- 
suivrait le  procès  contre  Jacques  de  Raitty  et,  au  cas  d'issue  favora- 
ble, aurait  le  titre  de  marquis  de  Trans,  mais  partagerait  les  seigneu- 
ries avec  Alexandre-François. 

Le  2  août  16S9  le  Parlement  de  Dijon  confirma  la  substitution  et 
le   compromis    entre   les    seigneurs    de    Flayosc    et   de   Tourrcttes,    et 


170 


A.    RAMPAT. 


doute  vécut-il  dans  sa  famille  h  Bargemon.  11  fui  reçu  che- 
valier de  Malte  le  6  juin  1817;  et,  tandis  que  son  jumeau 
Alban  était  préfet  de  la  ]\Ieurthe,il  épousa  à  Nancy, le  36  jan- 
vier 1821,  Mlle  Caroline-IIs-acinthe-Artémise  de  Bourcler 
de  Montureux  Fiquelmont  (contrat  notaire  Charon,  à  Xancy, 
29  janvier  1821),  (jui  lui  donna  deux  fdles:  Aliénor-Sophie- 
Roseline-Marie-Nathalie  (Xancy,  7  décembre  1821-Paris, 
14  août  1886),  mariée  à.Nancy  le  8  décembre  1842  à  Charles- 
Ernest-Irénée  comte  de  Brosses,  conseiller  auditeur  à  la 
Cour  royale  de  Lyon  avant  1830  et  frère  de  Mme  Joseph  de 
Villeneuve,  sa  tante  —  Marie-Roseline  (Xancy,  26  février 
1S24),  mariée  le  28  juin  1849  à  Manonville,  Meurthe,  au 
comte  russe  Alexis  Bogaiewski  ; — plus  un  fils,Charles-Alban- 
Hélion,  marquis  de  Trans  (Xancy,  26  juin  i826-Sébast0pol, 

M.  de  Tourrettes  fut  mis  en  possession  le  30  septembre  1689.  Son 
petit-fils  Louis-Henri,  ancien  lieutenant-colonel  au  Royal  Roussillon, 
avait  testé  le  3  septembre  1792  en  faveur  de  son  parent  et  officier 
dans  son  régiment  Christophe  de  Villeneuve-Bargemon  ;  mais  les 
revendications  des  créanciers  et  les  reprises  de  la  veuve  absorbè- 
rent   tout    l'émolument    de    la    succession. 

Le  titre  de  marcjuis  de  Trans  fut  pris  alors  par  son  frère  Tho- 
mas, chevalier  de  Malte,  qui  donna  à  son  parent  J.-B.  de  Villeneuve- 
Beauregard  et  dans  le  contrat  de  mariage  de  ce  derniei  ce 
qu'il  avait  pu  recueillir  des  terres  de  Trans.  Il  mourut  à  Mar- 
seille le  3  septembre  1830.  En  1832,  M.  de  Beauregard  vendit  les 
terres  <(  et  les  droits  qu'il  pouvait  avoir  au  titre  de  marquis  de 
Trans  »  à  François  de  Villeneuve-Bargemon.  Cependant,  au  béné- 
fice des  substitutions  anciennes  et  de  l'arrêt  du  Parlement  de  Dijon 
de  1689,  et  sans  tenir  compte  des  cessions  faites  par  Thomas  à  M.  de 
Beauregard,  2^1.  Raj'mond  de  Mlleneuve-Flayosc,  descendant  au 
cinquième  degré  d'Alexandre-Franyois,  prétendit  au  titre  de  mar- 
quis de  Trans,  sans  toutefois  le  disputer  juridiquement  à  son  cousin 
de  Bargemon.  Celui-ci  ayant  perdu  en  Crimée  son  héritier  mâle, 
yi.  Hélion  de  Villeneuve  fils  de  Raymond,  porta  le  titre  de  marquis 
de  Trans,  qui,  après  sa  mort  à  l'Estaciue-Marseille  le  4  mai  1893, 
advint  à  Léonce  de  Villeneuve  Flayosc,  commandant  d'infanterie  en 
retraite  et  président  des  Syndicats  agricoles  de  Provence.  Lez  enfants 
de  ce  dernier  possèdent  présentement  le  double  titre  de  marquis  de 
Flayosc  et  de  Trans. 


LE  OOMTE  DE  VILI.EXELTV'E-BARGEMOX  I7I 

24  juillet  1S55).  Au  lendemain  de  sa  mort  le  comle  Anatole 
de  Ségur,  sous  le  titre  de  T'/f  et  mort  d'un  scr(^cnl  de  zoua- 
ves (A.  Bray,  P.  1856,  3*  éd.,  1860,  in-8",  106  p.),  a  publié 
une  biographie  édifiante  de  ce  fils  de  veuve  engagé  volon- 
taire aux  chasseurs  d'Afrique  pendant  les  incertitudes  du 
siège  de  Sébastopol,  débarcjué  en  Crimée  le  17  juin  1855  et 
passé  caporal  au  3^  Zouaves  le  i"  juillet  ;  au  milieu  du  mois, 
sous-officier  adjudant  de  tranchée;  le  22  au  soir,  de  ser- 
vice auprès  du  général  Vinoy,  il  eut  la  mâchoire  fracassée 
et  mourut  vingt-C|uatre  heures  après  à  l'ambulance  du 
IP  corps.  Ses  restes,  ramenés  en  P>ance,  furent  portés  à 
Notre-Dame  de  Plèbe  le  25  octobre  1855. 

Revenons  à  son  père:  chevalier  de  la  Légion  d'honneur 
(28  octobre  1828)  et  des  saints  Maurice  et  Lazare,  gentil- 
homme honoraire  de  la  chambre  du  Roi  (17  avril  1829), 
il  acquit  de  son  parent  J.-Iî.  de  Villeneuve  Beauregard  (not. 
Rocjue,  à  Draguignan,  29  janvier  1832),  tout  ce  qui  restait 
de  la  terre  de  Trans  et  se  para  dès  lors  du  titre  de  marquis 
de  Trans.  Comme  il  tenait  au  titre  familial  plus  cju'aux  ter- 
res, il  revendait  bientôt  celles-ci  (not.  Leydet,  à  Trans, 
30  août  1834,  acq.  J.-J.  Boyer),  ne  gardant  que  l'habitation 
et  le  parc,  aliénés  à  leur  tour  par  sa  veuve  (id.  22  février 
1852,  acq.  Louis  Beaussant),  après  sa  mort  surx'cnue  à 
Xancy  le  19  septembre  1850). 

François  de  Villeneuve,  adonné  de  bonne  heure  aux  étu- 
des historiciues,  semble  avoir  recherché  l'affiliation  aux 
Sociétés  savantes.  Le  3  février  1815,  son  jumeau  Alban  étant 
préfet  de  Tarn-et-Garonne,  il  fut  nommé  membres  corres- 
pondant de  la  Société  des  sciences,  belles  lettres  et  arts  de 
Montauban.  —  13  avril  1820,  son  frère  aîné  Christophe  étant 
préfet  des  Bouches-du-Rhone,  il  devient  correspondant  de 
l'Académie  des  sciences,  lettres  et  arts  de  ^Larseille.  -- 
12  février  182 1,  son  jumeau  Alban  étant  préfet  de  la  Meur- 
the,     François    est    correspondant    de    l'Académie    Stanis- 


172 


A.    RAMPAL 


1j,s;  —  puis,  2  février  1824,  de  rAcadémie  des  sciences,  bel- 
les lettres  et  arts  de  Besançon  :  —  i"  décembre  1825,  de  la 
Société  acadéini(iue  de  Nantes,  Alban  étant  préfet  de  la 
Loire-Inférieure;  —  24  novembre  1S26,  de  la  Société  d'agri- 
culture, sciences  et  belles  lettres  de  Mâcon  (Académie),  son 
frère  Joseph  étant  député  du  département  de  Saône-et-Loire 
après  l'avoir  administré;  —  4  avril  1827,  de  l'Académie  des 
sciences  et  belles  lettres  de  Lyon;  —  3  mai  1827,  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  arts  et  belles  lettres  de  Dijon,  pays  natal 
de  sa  belle-sœur  Joseph  de  Villeneuve  née  de  Brosses;  — 
21  novembre  1828,  de  la  Société  des  sciences,  arts  et  lettres 
de  Lille,  Alban  étant  préfet  du  Xord  ;  —  2t^  janvier  1830, 
de  l'Institut  des  provinces  fondé  par  M.  de  Caumont  ;•  — 
II  décembre  1834,  de  l'Académie  d'Anvers;  —  31  décem- 
bre 1837,  de  l'Académie  de  Metz  après  y  avoir  présidé  cette 
même  année  la  session  du  Congrès  scientifique.  Il  entra  à 
l'Institut  comme  correspondant  le  4  mars  1831,  et  fut  élu 
membre  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  le 
10  janvier  1840. 

Bibliographie.  —  Précis  de  l'Histoire  en  général  et  jus- 
qu'à nos  jours,  P.  Egron  182 1,  1838.  —  Lionnel  ou  la  Pro- 
vence au  xiii^  siècle,  P.  Biaise,  1824,  in-i2''\  —  La  Cha- 
pelle ducale  de  Xancv,  ou  Notice  historique  sur  les  ducs  de 
Lorraine,  Nancv,  Bouteux,  1826.  — •  Histoire  de  René  d'An- 
jou, roi  de  Napies,  duc  de  Lorraine,  comte  de  Provence, 
P.  Biaise,  1825,  3  vol.  in-8°.  —  Histoire  des  Grands  Maîtres 
de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  P.  Biaise,  182g,  2  vol. 
in  folio  avec  gravures.  —  Histoire  de  saint  Louis,  roi  de 
I-'rance,  P.  Biaise,  183g,  3  vol.  in-8°.  —  Mémoire  sur  les 
tombeaux  de  Charles  le  Téméraire  à  Nancy  et  à  Bruges, 
183g.  —  Sur  la  tapisserie  de  Charles  le  Téméraire  conser- 
vée à  la  Cour  royale  de  Nancy,  183g  (Mém.  de  l'Académie 
Stanislas).  Dans  le  Plutarque  français,  notices  sur  René 
d'Anjou,   Joinville,   etc. 


STANCES 

à 

Sainte  Roselme  de  Villeneuve 


Le  fier  château  des  Arcs  a  pris  un  air  de  fête 

Dans  le  pâle  réveil  d'un  matin  hivernal. 

Sur  ses  nobles  créneaux  dont  s'allume  le  faîte, 

Ainsi  qu'un  nimbe  d'or  sur  un  front  virginal, 

Un  soleil  attendri  repose  sa  lumière 

Et  du  donjon  hautain  jusqu'à  l'humble  chaumière 

La  vallée  attentive  espère  un  doux  signal. 


C'est  un  matin  si  clair  que  le  jour  s'en  étonne, 

Si  pur  qu'un  voile  rose  étend  sur  l'Estérel 

Le  charme  d'un  printemps  qu'alanguirait  l'automne 

Et  comme  un  encensoir  fumant,  sacramentel, 

De  précoces  parfums  montent  des  terres  grises 

Où  l'odeur  des  rosiers  émerveillant  les  brises 

Flotte  sur  le  château  d'un  vol  surnaturel. 


Là,  dans  la  chambre  heureuse  où  la  haute  fenêtre 

Ouvre  sur  le  pays  son  vitrail  fulgurant 

Au  sieur  de  Villeneuve  un  héritier  va  naîitre, 

L'arume  des  rosiers  plane  plus  enivrant 

Et   le  goût   de  la  fleur  angélique  et  farouche 

Enveloppe  de  joie  et  de  calme  la  couche 

Où  prie  avec  amour   Sibille  de   Sabran. 

Sun  épKjux,  Arnaud  II,  sourit  à  cette  épreuve, 
Sa  foi  robuste  attend  la  volonté  de  Dieu, 
Il    bénit    aujourd'hui    le    sang   des   Villeneuve, 
Les  cloches  du  château  chantent  dans  le  ciel  bleu, 
Les  vassaux  accourus,  dans  leur  ardeur  naïve. 
Ont   vu   l'aile   d'un   ange  au   feston   de   l'ugive 
Comme  si  quelque  Sainte  était  née  en  ce  lieu. 

1  Le  Vl-^  Centenaire  de  Sainte  Roseline  de  Villeneuve,  morte  le 
17  janvier  1329,  a  été  célébré  au  mois  de  juin  1929,  à  la  Celle- 
Roubaud  (,^'ar). 


iy4  JE.\>'  DE  SERVIERES 

Or,  ce  n'est  qu'une  enfant,  déjà  leur  damoiselle 

Mais  tous  ces  rudes  cœurs  se  redisent   son  nom, 

Ils  vont,  remerciant  la  Vierge  à  la  chapelle, 

Prier  pour  leur  seigneur  juste,  loyal  et  bon  ; 

Aux  champs,  dans  les  vallons,  aux  bois,  sur  la  colline, 

L'écho  se  réjouit  du  nom  de  Roseline, 

Qu'elle  soit,  si  Dieu  veut,  l'orgueil  de  sa  Maison  ! 


Qu'elle   soit   cette  rose  aux  effluves   mystiques 
Que  sa  mère  voyait  avec  humilité 
Lorsque  ses  oraisons  et  ses  pieux  cantiques 
Mêlaient  l'espoir  du  ciel  à  sa  maternité, 
La  rose  épanouie  aux  tendresses  divines, 
La  rose  irrespirée.,   ardente,  et  sans  épines, 
Que  le  Maître,  séduit,  cueille  pour  sa  beauté, 


Et  Roseline  fut  cette  rose  suave. 

Au   château   paternel,    durant   ses   premiers   ans. 

Son  visage  innocent,  ses  yeux  purs,  s'on  front  grave 

Faisaient   parler   entre   eux,    le   soir,   les   paysans  ; 

Rose  vivante,  ayant  un  peu  l'air  exilée. 

Sa  grâce  rayonnait  sur  toute  la  vallée 

Que  l'Argens  rafraîchit  de  ses  flots  bienfaisants. 

Fille  aînée  adorée  au  cœur  de  sa  famille, 
Autour  d'elle  ses  sœurs,  ses  frères,  grandissant. 
Retrouvaient  une  mère  en  cette  jeune  fîlle 
Dont  la  main   les  guidait  d'un  geste  caressant; 
Les   parents    enchantés   de    leur   joie    enfantine 
Invoquaient  simplement  le  nom  de   Roseline 
Pour  incliner  parfois   leur  front   obéissant. 


Humble  et  douce  de  ca-ur,  tendre  et  compatissante, 

L^n  seul  de  ses  regards  eût  désarmé  le  mal, 

Le  sens  miraculeux  de  sa  beauté  naissante 

Avait  bientôt  ravi  le  monde  féodal  ; 

Mais    que    valait    l'orgueil    d'une    illustre    noblesse 

Dans  cette  âme   d'élite  oii  sans  une  faiblesse 

L'amour  de  Dieu  restait  le  suprême  idéal. 


STANCES   A    SAINTI-:    ROSELINE   UE   VILLENEUVE  I75 


Modeste,  elle  régnait  sur  toute  la  contrée 

Dont  messire  Arnaud   II,   son  père,   était  seigneur, 

Riche,    belle,    et    d'un    nom    magnifique    titrée 

Elle  semblait   vouée   au   plus  parfait  bonheur    ; 

Il  était  cependant  un  plus  bel  apanage 

Aux  yeux  de  cette  enfant  qui,   dès  son  plus  jeune  âge, 

Vit  dans  la  charité  le  vrai  titre  à  l'honneur. 


Soit  qu'elle  eût  deviné  les  plaintes  de  la  terre. 
Soit  qu'elle  eût  entendu  que  l'on  pouvait  souffrir, 
Sentarit  dans  sa  bonté  qu'un  sacrifice  austère 
Veut   le    renoncement    invincible    au    plaisir. 
Aux  pauvres,  aux  lépreux,  sans  une  défaillance, 
Elle  se  dévouait,  visible  Providence, 
Toujours  prête  à  donner  pour  le  bonheur  d'offrir. 

Toujours  prête  à  l'aumône  et  toujours  en  prière, 

Jamais   un  indigent  ne  l'implorait  en   vain, 

Le    château    devenait    l'étape    hospitalière 

Dont  les  déshérités  se  disaient  le  chemin  ; 

Comme   elle    aurait    voulu   partager    leur    souffrance, 

Sa  voix  s'adoucissait  pour  parler  d'espérance 

A  tous  les  malheureux  qui  lui  tendaient  la  main. 


Un  jour  que  le  pays  souffrait  de  la  famine 
Et  qu'un  hiver  plus  dur  poignait  les  pauvres  gens. 
Que  la  neige  imposait  sous  son  manteau  d'hermine 
Aux  champs  abandonnés  des  aspects  affligeants, 
La  moisson  compromise  et  les  réserves  vides. 
Les  vilains  et  les  serfs,  les  mendiants  avides 
Montèrent    au   château   comme    des   assiégeants. 


Errant  dans  les  fossés,  dans  les  cours  glaciales, 
Harcelés  par  le  froid,  angoissés  par  la  faim, 
Tous  ces  êtres  humains  aux  faces  bestiales 
Gémissaient,    grelottants,    et    réclamaient    du    pain. 
Or,  le  seigneur  des  Arcs,  bien  qu'il  fut  charitable 
X'ayant  que  du  pain  bis  à  peine  pour  sa  table 
Avait  du  refuser  l'aumône  à  son  prochain. 


1^6  JEAN  DE  SERVIÈRES 

Ne   pouvant  pas   tenir  il   ne   pouvait  promettre 
Sans  parjurer,   félon,   sa  foi   de  chevalier, 
Et   l'intendant,   fidèle  aux  ordres   de   son  maître 
Fermait  soigneusement  le  four  et  le  cellier. 
L'huis  s'ouvrait  seulement  devant  la  châtelaine 
Ou   lorsque   Roseline,    en   long   manteau    de    laine, 
Pour  prendre  un  peu  de  pain  venait  s'humilier. 

Devait-il   repousser   ses   plaintes   éloquentes. 

Serviteur  vigilant  être  pris   en  défaut  ? 

Les    visites    pourtant    devenaient    si    fréquentes. 

Que    l'intendant,    marri,    prévint  messire   Arnaud. 

S'il    n'avertissait    pas    sa    fille    bien-aimée 

Que  toujours   entourait  une  escorte   affamée, 

Il  ne  resterait  plus  de  quoi  vivre  au  château. 

Arnaud    de   Villeneuve    aperçut   Roseline 
Alors  cju'elle  courait  vers  le  seuil  du  manoir, 
Portant  un  lourd  fardeau  sous  une  manteline  ; 
Il  l'arrêta,  d'un  mot,  brusque,  sans  s'émouvoir: 

—  ((  Roseline,  jamais  je  ne  vous  fis  un  blâme, 

Si  je  suis  dans  mon  tort,  que  Dieu  bon  le  proclame  ! 
Que  cachez-vous  ici  que  je  ne  puisse  voir.^ 

Enfant,  Dieu  qui  peut  tout  connaît  bien  nos  alarmes, 
Il   chassera  le  froid  et   les   blés  mûriront. 
Votre  mère,  vos  sœurs,  vos  frères  sont  en  larmes 
Et   de   les    délaisser   vous   leur    faites    l'affront  ! 
Leur  préfèreriez-vous  ces  misérables  hères  ?  » 

—  <(  Père,  pardonnez-moi,   ne  sont-ils  pas  nos   frères  !   » 
Répondit    Roseline    en    inclinant    le    front. 

■ —  Oui,  je  le  sais,  enfant,  car  j'ai  payé  ma  dette. 

Le   Seigneur   sait  aussi   que  je   suis  bon  chrétien. 

Donc,  que  Sa  volonté,  malgré  nos  coeurs,  soit  faite  ! 

J'ai  fait  ce  que  j'ai  pu  si  j'ai  fait  peu  de  bien. 

Le  cellerier  savait  ma  formelle  défense, 

^'ous   avez   provoqué   sa   désobéissance 

Et  je  le  punirai  !»  —  ((  Père,  n'en  faites  rien  ! 


STANCES   A   SAINTE   ROSELINE   DE   VILLENEUVE  I77 


Pardonnez-lui,  mon  père!   Oh!  je  vous  en  supplie, 

Il  ne  mérite  pas  votre  juste  courroux, 

Ce  que  je  porte  là  n'est  point  pour  chère  lie!...  » 

—  «  Ah  !  s'il  en  est  ainsi,  pourquoi  le  cachez-vous  ?  » 

—  «  Je  ne  vous  cache  rien  que  d'inutiles  choses...  » 
— ■  ((  Alors,  que  portez-vous,  Roseline  ?»  — •  «  Des  roses  I 

—  c<  Des  roses  en  hiver  !  Jésus  !   Montrez-les  nous  !  » 


Mais  Dieu  ne  permit  point  que  ce  fut  un  mensonge, 
Roseline  tremblant  sous  son  vertugadin 
Ouvrit  sa  manteline  et  —  vision  de  songe  — 
Vit  dans   ses   bras   croisés   s'épanouir  soudain 
Des   roses   de   Saron   et   des   roses   trémières 
Que  ses  chastes  regards  inondaient  de  lumières 
Comme    un    rai    de    soleil    glissant    sur   un   jardin. 

Et  les  roses  semblaient  si  fraîchement  coupées. 

Leur  éclat  si  vivant,  leur  parfum  si  réel, 

Que   le   seigneur  Arnaud   les   prit,   de  pleurs   trempées, 

Croyant  à  les  sentir  respirer  tout  le  ciel  ; 

La  Vierge  à  la  chapelle  en  eut  le  doux  hommage 

Et  l'on  aurait  pu  voir  sourire   son  image 

Quand  les  roses  jonchaient  les  nappes  de  l'autel. 

Roseline   comprit   la   grâce   du   miracle. 
N'était-ce   pas   l'appel   ineffable   de  Dieu  I 
Longtemps    agenouillée   au   pied   du   tabernacle, 
Son   cœur   brûlant    d'amour    exhala  son   aveu  j 
Un  long  ravissement  envahit  sa  pensée, 
Le  Christ  la  choisissait,   sublime  fiancée. 
Et   d'être   toute   à   Lui    son   âme   fit   le   vœu. 


Oui,  d'être  au  seule  au  Christ  elle  fît  la  promesse, 

Rien  ne  vint  altérer  ce  splendide  serment, 

Xi   les   rêves    dorés    Cjui   bercent   la  jeunesse, 

Xi  le  regret  humain  d'un  autre  attachement  ; 

De  son  amour  divin  si  purement  jalouse 

Du  Seigneur  adoré  voulant  rester  l'épouse, 

Elle   cjuitta   le   monde   irrévocablement. 


|n8  JK.VX  DE  SERVIÈRES 


Adieu,   le  monde  !   Adîeu,   ses  plaisirs  et   ses  liesses, 
Les  châteaux,  les  festins,  les  chasses,  les  tournois, 
Les  troubadours  contant  leurs  doctes  gentillesses, 
Les  vaillants  chevaliers  domptant  leurs  palefrois  ! 
Loin  des  bruits  de  la  terre  et  de  leur  pompe  vaine, 
Roseline  goûta   la   volupté   sereine 
De   se  réfugier  à   l'ombre  de  la  Croix. 


Loin  du  riant  séjour  où  fleurit  son  enfance 

Où   dominait,    puissant,    le   manoir  paternel, 

Loin  du  ciel  toujours  bleu  de  ce  coin  de  Provence, 

Le  cloître  l'attendait  sévère  et  solennel, 

Dans  les  Alpes,  perdu  dans  un  val  solitaire, 

Le  couvent  de  Bertaud,  rude  et  froid  monastère, 

Reçut   rengagement   de   son   pacte   éternel. 


Là,    ce   fut   une   vie   ardente   et   retirée. 

Sous  de  grossiers  habits  les  pénibles  travaux, 

La  maigre  nourriture  à  peine  préparée, 

La  cellule   et  ses   murs  nus   comme  des   caveaux, 

Le    silence   brutal    assailli    de    merveilles, 

Les    courts    sommeils    suivis    de    fatigantes    veilles, 

La  prière  toujours  pour  unique  repos. 


Recluse   assujettie   à   cette   discipline, 
Aux   labeurs   les  plus   durs   et   les   plus   rebutants, 
Simplement,    sans   faiblir,   la  noble  Roseline 
Offrait  jusqu'à  souffrir  ses   deux  bras   pénitents 
Et  c'était  pour  son  âme  une  joie,  un  délice, 
De  pouvoir  sur  son  corps  resserrer  le  cilice 
Et   de   mortifier   sa  chair   à   son   printemps. 


Ce   fut   dans    la   montagne    et    durant    sept    années 
Un    sacrifice    immense    et    toujours    consenti, 
Ses   prières  montaient   en  gerbes   spontanées 
Comme  un  feu  séraphique  et  jamais  ralenti. 
Holocauste    complet    d'un    amour    qui    s'embrase. 
Son    âme    s'élevait    dans    une    longue    extase 
Emportant    vers    le    ciel    son    être    anéanti. 


STANCES   A   SAINTE   ROSELINE  DÉ  VILLENEUVE  I79 

Mais  un  jour  vint  où  Dieu,  pour  l'épreuve  suprême, 
Ordonna    le   retour   vers   le   pays   natal  ; 
Soumise  aux  volontés  de  ce  Maître  qu'elle  aime, 
Roseline  revit   le  toit   seigneurial, 
•  Elle   se   présenta   bientôt,    sans   perdre   une   heure, 
A  la  Celle  Roubaud  oîi  sa  tante,  prieure, 
Occupait   saintement    le    trône   abbatial. 


Là,    déjouant    le    monde    et    ses    attraits    funestes, 

Renonçant  à  jamais  à  tout  espoir  humain, 

Retentit   le   serment   de   ses   noces   célestes 

Dans  lès  plus  doux  élans  de  son  rêve  divin  ; 

Servante  de  l'Epoux  comblant  l'épouse  heureuse, 

On  ne  vit  désormais  que  l'austère  Chartreuse 

Sous    son    grand    manteau    blanc    digne    d'un    séraphin. 

Et   prieure   à   son   tour,    quand    sa   tante   fut   morte. 
Son   couvent   fut   toujours   prospère   et   respecté. 
Les  pauvres,  si  nombreux,  en  franchissaient  la  porte 
Mais   les  jeûnes   fréquents  doublaient   la  charité  ; 
Tout    le    peuple    savait    qu'au    couvent    de    la    Celle 
Les   revenus   restaient   fort   peu  dans   l'escarcelle, 
La  prière  ordonnant  la  libéralité. 


Oui,  Libéralité  fut  bien  cette  devise 

Dont    votre    fier    blason    devait    s'enorgueillir 

Avant  d'être  élevée  aux  autels  de  l'Eglise 

Où  le  Ciel  triomphant  devait  vous  accueillir  ; 

S'il   pose,    étincelant,   ses   lettres  pavoisées 

Sous   le   rouge   écusson   aux   lances    d'or   croisées, 

C'est  que  de  vos  vertus  ce  cri  devait  jaillir! 

Esprit  vivifiant  dont  s'anime  une  race, 
Votre    pur    souvenir    en   féconde    le    sang, 
Vous  attirez  sur  lui  la  douceur  de  la  grâce 
Que  dispense  à  ses  fils  votre  cœur  tout  puissant  ; 
Sur   les   siècles   futurs   où   leur   arbre   s'élève 
Vos    sublimes    vertus    rajeunissent    la   sève 
Où  vingt  rameaux  ont  pris  leur  éclat  florissant. 


l3o  JE^\^'  DE  SI-RVIÈRÉS 

Quand  de  preux  chevaliers  soutiendront  par  leurs  fastes, 

Sur  le  monde  conquis  la  Provence  et  la  Croix, 

A   votre    exemple    aimé    les    filles    seront    chastes 

Ecoutant  les  conseils  d'une  immortelle  voix, 

Et   sur  tout   l'avenir  imposant  votre  empreinte 

Vous    serez    la   patronne    adorable   et   la   sainte 

Que  Dieu  voulut,  chez  nous,  honorer  de  son  choix  ! 

O  Sainte,  le  Seigneur  vous  prouva  sa  tendresse 
Quand  vint  l'heure  pour  vous  de  l'éternel  sommeil. 
Votre  âme  s'envola  dans  un  frisson  d'ivresse 
En  rosée   aspirée  aux  rayons   du  soleil, 
A  peine   abaissiez-vous   vos   paupières   mi-closes 
Que    le    suaire    blanc    s'emplit    du    suc    des    roses 
Qui    lentement    flotta    sur    votre    front    vermeil. 

Ainsi,  comme  une  fleur  qui  se  meurt  et  qui  tombe 

Embaume  l'air  du  soir  avant  de  se  flétrir, 

O   Sainte,   vous   deviez  entourer  votre  tombe 

Du   parfum    persistant   de   votre   souvenir, 

La  mort  a  préservé  de  sa  marque  terrible 

La  divine  beauté   d'un  corps  incorruptible 

Dont  les  membres  bénis   semblaient  toujours   dormir. 

Des  siècles   ont  passé'  pour  servir  votre  gloire, 
O    Sainte   c^u'implorait   tout   un   peuple   à  genoux, 
Votre  corps  merveilleux  affirma  la  victoire 
Du    Maître   bien-aimé,    Jésus-Christ    votre    époux, 
Et  si   vous  n'eûtes   pas   l'orgueil   des  basiliques 
Le  plus  grand  de  nos  Rois  ^  vénéra  vos  reliques 
Et  contempla  longtemps  vos  yeux  vivants  et  doux. 

O  Sainte  Roseline,  ô  rose  de  Provence, 

Que  notre  sol  fertile  offrit  au  Paradis, 

Fille  des  Chevaliers  ce  Premiers  Marquis  de  France  », 

Toi  qui  sur  leurs  grands  noms  plus  grande  resplendis, 

Si  dans  ce  siècle  ingrat,  qui  voit  tant  de  misères, 

Le  vent   du  Doute,  hélas  !    égare  nos  prières, 

Prie,  ô  vierge  des  Arcs,  pour  notre  cher  pays  ! 

>   Louis  XIV,   en   1660.  J^^^    ^^    Servières. 


À  propos  du  testament 
d'un   ancien    lambour maire 

XVI-    SIÈCLE 


Jadis  le  Carnaval  était  célébré  avec  beaucoup  d'éclat.  Des 
premiers  jours  de  janvier  au  mercredi  des  Cendres,  ce 
n'était  que  danses  et  mascarades.  La  municipalité  favorisait 
ces  distractions  et  pour  les  trois  dernières  journées  carna- 
valesques, elle  transformait  la  Loge  en  salle  de  bal  brillam- 
ment éclairée,  en  laquelle  trois  ménétriers,  l'un  jouant  du 
tambourin,  l'autre  du  hautbois  et  le  troisième  d'une  sorte 
de  clarinette,  appelée  dolsaigne  ou  doucine,  faisaient  tour- 
noyer les  galants  auxquels  on  offrait,  au  cours  de  la  soirée, 
soit  une  collation  comme  en  14S2,  soit  des  dragées  comme 
en  T488\ 

Les  plus  graves  préoccupations  ne  pouvaient  détourner 
les  Marseillais  de  ces  divertissements.  En  février  1524, 
c'est-à-dire  au  moment  uîi  nos  revers  d'Italie  faisaient  crain- 
dre une  invasion  de  la  Provence,  au  moment  où  I<"ran- 
çois  L'"  envoyait  un  commissairre  pour  faire  raser  le  quar- 
tier avoisinant  les  arsenaux  et  fortifier  les  points  faibles  de 
l'enceinte,  à  ce  moment  d'angoisse,  où  nos  consuls  commen- 
çaient à  organiser  la  défense  de  la  cité,  leurs  administrés 
se  livraient  aux  plaisirs  de  la  danse  ;  la  ville  était  parcou- 
rue par  des  groupes  de  masques  »  des  momons  »,  comme 
on   les  appelait,   qui  visitaient  tour  à  tour  les  salons  des 

^  Archives  municipales.   Bulletaire  1475-91,  f"  141  et  240. 


j82  l'IERRI-:    HERTAS 

geniilshuninics  ou  des  riches  négociants,  et  y  dans^iient 
au  son  des  instruments.  En  cette  année  1524,  comme  les 
autres  années,  on  dansa  à  rilôtel  de  Ville  et  le  trésorier 
pava  cinq  écus  à  chacun  des  trois  ménétriers  <(  que  an  toquât 
los  très  jorts  et  vespres  de  Carmentran  à  la  Loja,  so  es 
tamborin,  auboys  et  dôssayna  »  '. 

Le  Carnaval,  c'est  la  bonne  saison  pour  les  artistes  musi- 
ciens. Leurs  services  sont  fort  recherchés.  Quelques-uns 
sont  embauchés  dès  les  premiers  jours  de  janvier  par  les 
jeunes  gens  préoccupés  de  passer  un  joyeux  carnaval.  En 
ce  cas  leur  engagement  est  rédigé  par  devant  notaire,  comme 
tout  autre  acte  de  louage  personnel  ((  locatio  personalis  ». 

Le  18  janvier  1538,  deux  ménétriers,  Jean  Bernard,  joueur 
de  hautbois  et  Jean  Taulan,  tambourinaire,  se  mettaient  a 
la  disposition  d'un  jeune  mercier  pour  jouer  des  basses 
danses  jusqu'à  Carême  —  prenant  pour  le  prix  de  neuf  écus 
d'(jr  et  de  vingt  gros  '.  Ce  jeune  homme  était  un  écervelé 
qui,  les  années  précédentes,  avait  fêté  Carnaval  avec  un 
entrain  endiablé  et  même  les  juges  l'avaient  condamné  à 
une  forte  amende  pour  trop  de  tapage  certain  soir,  où  il 
s'était  travesti  en  Cupidon  avec  des  ailes  dans  le  dos  et 
portant  le  carquois.  Plus  tard,  après  avoir  jeté  sa  gourme, 
il  abandonnait  le  commerce  pour  l'armée,  se  distinguait 
pendant  la  conquête  de  la  Corse  et  méritait  que  le  roi 
Henri  II  lui  confiât  la  garde  de  ses  arsenaux  de  Marseille. 
Il  s'appelle  Guillaume  de  Casaulx  et  est  le  père  de  Charles 
de  Casaulx,  le  fameux  premier  consul  dictateur  de  Marseille, 
de  1591  à  1596. 

Le  14  janvier  1538,  c'est-à-dire  quatre  jours  avant,  Guil- 
laume de  Casaulx,  un  autre  jeune  Marseilllais,  le  marchand 

Archives  municipales.   Bulletaire  1516-15S6,  Année  1523-24. 

-  Archives  des  B.-du-Rh.  Fonds  Doat  n"  182.  Not.  J.  d'OllioliS, 
1537-38,  i°  109. 


TESTAMENT  d'UN  TAMBOURINAIRE  (XVI*'  S.)  183 

Pierre  Pastier  dit  vSeillans,  avait  fait  régulariser  par  acte 
notarié  '  l'engagement  conclu  dès  le  6  janvier,  non  pas  avec 
deux  mais  avec  trois  ménétriers:  l'un  jouant  du  tambou- 
rin et  du  flîitet,  l'autre  du  hautbois  et  le  dernier  de  la  dol- 
saigne.  Les  musiciens  promettaient  de  jouer  des  danses 
pour  le  compte  de  Pierre  Pastier  dit  Seillans,  d'abord  tous 
les  dimanches  ef  fêtes  légères  selon  l'usage  ((  tous  los  dimen- 
ges  et  aultras  festas  laugieras  coma  de  us  et  de  costuma  ». 
Un  mois  avant  le  mercredi  des  Cendres,  ils  devaient  faire 
danser  tous  les  soirs  et  dans  les  dernières  quinze  journées 
dans   l'après-midi   et   la  soirée. 

De  son  côté,  Pierre  Pastier  s'engageait  à  fournir  à  cha- 
cun six  écus  d'or,  c'est-à-dire  la  somme  globale  de  dix- 
huit  écus  d'or,  payable  par  tiers  «  très  per  très  »,  dont  un 
tiers  versé  au  moment  de  la  signature  de  l'acte,  six  écus 
£1  compter  quinze  jours  avant  Carême  prenant  et  le  reste  à 
la  fin  du  Carnaval. 

Notre  jeune  macrhand  se  réservait  la  faculté  de  faire 
jouer  à  ses  musiciens  vingt-cinq  aubades  sous  les  fenêtres 
des  dames  qu'il  lui  plairait  d'honorer:  <(  debeant  toucar 
audit  Selhans  oltra  las  causas  dessus  promessas  au  présent 
acte  soes  vingt  cinq  aubadas  là  hont  per  loudit  Selhan 
seran  requeregus.  » 

Il  était  entendu  que  restaient  légitimement  acciuises  aux 
ménétriers  <(  les  aventures  »,  c'est-à-dire  les  petits  profits 
qui  pouvaient  leur  échoir,  en  accompagnant  les  proces- 
sions ou  en  jouant  des  aubades  aux  dames  désignées  par 
Seillans. 

Les  trois  ménétriers  sont  Cjualifiés  dans  l'acte  de  louage 
de  «  fistullatores  sive  tamborinaires  ».  Néanmoins,  un  seul,* 


^  Archives  des  B.-du-Rh.,  série  E.  Fonds  Doat,  n''  182.  Xot.  Jean 
d'Ollioiis,  1 537-1 538,  {°  103  v°  :  Locassio  personalis  pro  honorabili 
viro   Petro    Pasterii    alias    de    Selhans    de    Massilia. 


jy^  PIERRE   BERTAS 

jKininic  Gaspard  Anneille,  doit  jouer  <(  ambe  son  tamborin 
et  llueita  )k  II  paraît  être  le  chef  de  la  bande,  car  c'est  avec 
lui  que  Seillans  a  traité.  Un  de  ses  compagnons,  Barthé- 
lémy Borrel,  est  embauché  comme  hautbois  ((  ambe  son 
auboys  »  ;  l'autre,  Jean  Auviere,  comme  joueur  de  dolsai- 
gne  ((  ambe  la  dossayna  ». 

Borrel  et  Auviere  sont  natifs  de  Jouques;  mais  Gaspard 
Armeille  est  Marseilllais. 

Sept  ans  plus  tard,  le  3  janvier  1545,  en  son  nom  et  celui 
de  son  ancien  compagnon  de  hautbois,  Barthélémy  Borrel, 
discret  homme  Gaspard  Armeille  <(  tamborinaire  sive 
locheur  de  tamborin  »  de  Marseille,  loue  leurs  personnes 
et  leurs  œuvres  licites  au  marchand  Pierre  Roux  ((  pour 
toucher  basses  dances  tous  les  soirs  des  samedis  et  toutes  les 
fêtes  jour  et  nuyt,  et  quinze  jours  devant  Caresme  prenant 
aussi  jour  et  nuit,  moyennant  le  prix  de  dix  écus  »  \ 

Xous  retrouvons  les  traces  de  Gaspard  Armeille  qua- 
torze ans  après.  En  ce  moment  le  tambourinaire  exploite 
une  hôtellerie  sur  l'enseigne  de  laquelle  est  peint  un 
ours.  Sans  doute  y  succède-t-il  à  certain  Nicolas  Monier 
qui,  dans  un  acte  du  30  juillet  1545,  se  disait  hôte  du  logis 
de  VOurs  '. 

Le  5  juillet  1559,  ^^^  de  ses  clients  lui  fait  donation  de 
ses  biens.  Il  se  nomme  Benoît  Pierrugues,  natif  de  Claviers, 
diocèse  de  Fréjus,  qui,  devenu  aveugle,  gagne  sa  vie  en 
demandant  l'aumône.  Les  raisons  de  cette  donation,  le  men- 
diant les  expose  ainsi  devant  le  juge  du  palais  et  l'un  des 
consuls  de  la  ville,  François  de  Pena,  sans  la  présence  et 
l'autorisation  desquels  l'acte  ne  serait  pas  valable:  ((  Il  est, 
dit-il,  ja  vieulx  et  caduc,  aveugle  et  privé  de  la  veue  et  force 
corporelle,  et  despuis  quelques  ans  il  est  devenu  parai itique 

'  Archives  des  B.-du-Rh.   Fonds  Doat,  n"   i8g.   Not.  J.  d'Olliolis. 
'545,  f°  23. 
2  Archives  des  B.-du-Rh.  Série  E.,  not.  Bourgal,  1543-45,  f°  475  v°. 


TESTAMENT  d'L'N  TAMBOURINAIRE  (XVI*  S.)  185 

et  impotant  de  sa  personne,  ne  pouvant  cheminer  pour  aller 
mendier  et  gaigner  sa  pouvre  vie...  »  En  outre  »  il  n'a  aul- 
cungs  enfans  ni  hoirs  dessendans  de  .son  corps.  »  Sans  doute 
il  est  marié;  mais  sa  femme  Catherine  Peyre  l'abandonne; 
elle  ne  veut  pas  lui  servir  de  guide  et  l'accable  de  mauvais 
traitements  "  luv  desrobant  son  argent  et  biens  meubles  >'  ; 
elle  le  bat  et  menace  de  le  tuer.  Mais  ce  qui  est  pis,  elle  tient 
((  maulvaise  vie  lubrique  »,  ayant  commerce  charnel  avec 
<(  aultres  hommes  incogneus  »  et  cela  devant  son  mari  qui, 
's'il  est  aveugle,  n'est  pas  sourd  <(  en  la  présence  et  pleine 
ouve  et  notice  dudit  Pierrugues  et  à  son  grand  escandalle  ». 

C'est  pourquoi,  pour  ne  pas  être  entièrement  dépossédé 
de  son  petit  avoir  et  pour  éviter  d'être  plongé  dans  la  mi.sère 
à  mesure  qu'il  tombe  dans  la  décrépitude,  il  s'est  décidé  à 
faire  donation  de  ses  biens  a  condition  que  le  donataire  lui 
assure  le  gîte  et  la  table  jusqu'à  la  lin  de  ses  derniers  jours. 

Or  depuis  de  longues  années  il  n'a  qu'cà  .se  louer  des  bons 
offices  de  Gaspard  Armeille  qui  tient  l'hôtellerie  de  VOurs 
et  de  sa  femme  Jeanne  Plagniat.  L'un  et  l'autre  lui  ont 
donné  les  preuves  de  leur  cordiale  amitié  alors  qu'il  jouissait 
encore  de  la  vue,  et  depuis  qu'il  e.st  affligé  de  cécité,  ils 
continuent  à   lui   en    fournir  de   nouveaux  gages. 

C'est  donc  à  Gaspard  Armeille,  qu'avec  l'a.s.sentiment  des 
magistrats  il  fait  donation  de  tous  .ses  biens  meubles  et 
aussi  de  la  mai.son  qu'il  possède  près  de  l'église  des  Car- 
mes, à  charge  pour  le  donataire  de  l'héberger  et  de  l'entre- 
tenir le  restant  de  .sa  vie  '. 

Le  5  juillet  1559,  le  mendiant  propriétaire  s'installe  à 
l'hôtellerie  de  VOurs.  Moins  d'un  mois  après,  il  manifeste 
l'intention  d'en  partir.  Il  veut  avant  de  mourir  accomplir 

'■  Archives  des  B.-du-Rh.  Se'ric  E.  Xot.  Jean  Lemaire,  1552-59, 
f"  1400. 


l96  PIERRE    BERTAS 

le  vœu  qu'il  a  fait  d'aller  prier  en  la  basilique  de  Saint- 
Pierre  de  Rome. 

Gaspard  Armeille,  informé  que  Pierrugues  veut  s'embar- 
quer pour  l'Italie,  redoute  que  ce  départ  n'entraîne  l'annu- 
lation de  l'acte  de  donation  dont  il  est  bénéficiaire,  soit 
qu'on  l'accuse  d'avoir  contraint  le  donateur  à  s'en  aller  par 
k's  mauvais  traitements  dont  il  est  victime,  soit  parce  que 
l'acte  porte  que  l'hôtelier  doit  entretenir  l'aveugle  jusc^u'à 
sa  mort. 

C'est  pourquoi  le  3  aotit  1559,  par  l'entremise  du  notaire 
Jean  Lemaire,  il  «  somme  et  requiert  Benoît  Perrug'ues, 
aveugle,  demeurant  en  sa  maison  et  ayant  fait  donation 
audit  Armeille...  que  se  tienne  à  demeurer  en  sadite  mai- 
son et  en  icelle  manger  et  boyre  et  faire  grand  chierre  tout 
ainsin  qu'il  a  coustume  par  sy  devant  suyvant  la  pache 
laquelle  pache  Armeille  se  offre  garder  et  observer 
entièrement.  » 

Or  il  a  appris  que  Pierrugues  veut  s'en  aller  à  Rome;  s'il 
met  ce  projet  à  exécution,  qu'on. sache  ((  que  cy  luy  venoit 
aulcung  dangier  de  sa  personne,  que  cela  n'est  poinct  la 
coulpe  et  deffaut  dud.  Armeille.  » 

I. 'hôtelier  somme  donc  l'aveugle  <(  de  ne  voHoir  boger  de 
sa  maison  en  laquelle  ne  luy  sera  faict  aulcung  mauvais 
traitement...  »  ^ 

Soit  que  cette  sommation  ait  produit  l'effet  qu'en  atten- 
dait Armeille,  soit  pour  tout  autre  motif,  Benoît  Pierru- 
gues se  résigne  d'abord  à  renoncer  h.  son  voyage  à  Rome. 

Mais  moins  de  sept  mois  après  il  éprouve  le  désir  impé- 
rieux d'accomplir  son  vœu.  Pourtant  avant  de  s'embarquer, 
le  27  février  1560,  il  explique  pourquoi  il  abandonne  le  logis 
de  Gaspard  Armeille  qu'il  maintient  comme  son  donataire. 


Arc  h 


ives  des  B.-du-Rh.   Xot.   Jean  Lemaire,    1552-59,  f°   1431. 


TESTAIMENT  d'uN  TAMBOURINAIRE  (XYl"  S.)  187 

En  un  acte  notarié,  il  expose  qu'ayant  fait  le  projet  d'aller 
k  Saint-Pierre  de  Rome,  il  a  trouvé  quelqu'un  pour  l'ac- 
compagner et  un  navire  prêt  à  appareiller  pour  l'y  porter. 
Avant  de  s'éloii^ner  il  tient  à  déclarer,  au  1)énéfice  de  Gas- 
part  Armeille,  a  qwe  il  ne  s'en  va  point  audit  voyage,  ne 
abandonne  la  maison  dud.  Armeille  son  donataire  imi\-er- 
sel  pour  aulcung'  mauvais  traitement  cju'y  ave  faict  led. 
Armeille  ni  aulcung  de  sa  maison,  ains  tant  seulement  qu'il 
s'en  veut  aller  de  son  franc  vouloir  pour  accomplir  son 
vœu,  cpie  sa  donation  reste  valable,  et  C[u'il  rentrera  en  sa 
maison  au  retour  dud.  voyage.  »  ' 

Il  est  probable  que  Benoît  Pierrugues  a  fait  son  pèleri- 
nage. Revenu  de  Rome,  comme  il  l'avait  déclaré,  il  est 
retourné  à  l'hôtellerie  de  VOurs,  dont  il  sort  chaque  jour 
pour  aller  mendier.  Gaspard  Armeille  réclame  tout  ou  par- 
tie du  fruit  de  ses  aumônes.  Après  avoir  quelque  peu  rechi- 
gné, l'aveugle  se  décide  à  lui  remettre  une  somme  de 
200  florins,  non  à  titre  de  don,  mais  de  dépôt,  pour  trois 
années.  Bientôt  de  nom-elies  difficultés  s'élèvent  entre  le 
donateur  et  le  donataire,  si  bien  que  l'un  et  l'autre  lassés, 
se  décident  à  rompre  leurs  mutuels  engagements.  Par  acte 
du  30  avril  i56[,  la  donation  du  3  juillet  1559  est  annulée 
du  consentement  des  deux  parties:  Ciaspard  Armeille  garde 
à  titre  définitif  les  deux  cents  florins  cpie  lui  a\ait  confiés  le 
mendiant  et  celui-ci  rentre  en  possesion  de  sa  maison  des 
Carmes  ". 


Près  de  six  ans  s'écoulent.  Oue  d'éxénements  douloureux 
en  ce  court  espace  de  temps!  l>es  passions  religieuses  ont 
déchaîné  d'abord  des  troubles  .sanglants  ici  et  là  et  enfin  la 
guerre  civile  dans  toute  la  l'Iran  ce. 

'  Arch.    des  B.-du-RIi.   Série  E.    Xot.   Jean  Lemairc,    1560,  f"    11  S. 
"r  Arch.   des  B.-du-Rh.   Jean  Lemaire,    1561,  f"  260. 


igg  PIERRE    BERTAS 

Ce  n'esl  point  ici  k-  lieu  cl\'ludier  les  origines  et  les  pre- 
miers progrès  de  la  religion  réformée  à  Marseille  où  en 
IS47  était  condamné  à  mort  pour  crime  d'hérésie  Etienne 
Ikiniface,  d'une  grande  famille  marseilaise  à  laquelle  appar- 
tient aussi  le  trésorier  général  des  finances  en  Provence, 
Jean  Boniface,  massacré  par  les  fanatiques  catholiques  le 
9  avril  1585. 

Par  crainte  des  supplices  réservés  aux  hérétiques,  les  pre- 
miers protestants  dissimulaient  leurs  convictions,  mais  quel- 
ques-uns ne  pouvaient  résister  au  prurit  d'iconoclasie  qui 
agite  d'ordinaire  les  catéchumènes  des  religions  et  des 
sectes  politiques  nouvelles. 

La  convention  passée  le  28  mai  1553,  entre  messire  Béren- 
ger  Alphantis,  chanoine  de  la  Major  et  prieur  prébende  de 
Sainl-Tis  et  d'Eoures  et  les  prieurs  d'une  nouvelle  lumi- 
naire, celle  de  Notre-Dame  de  la  Patience,  fondée  en  l'église 
de  Saint-Tis  ou  Saint-Loup,  nous  révèle  un  de  ces  actes  de 
vandalisme  inspirés  par  l'ardeur  religieuse: 

((  Comme  ainsi  soit,  y  est-il  écrit,  cjue  ces  ans  dernière- 
ment passés,  quelques  mauvèses  gens  dotant  en  la  chré- 
tienne et  catholique  et  hérétiques  eussent,  voulans  mespri- 
ser  l'image  de  la  glorieuses  Vierge  Marie  Nostre  Dame 
que  pour  al  lors  estoit  en  l'esgiise  de  Sainct  Loup  (terroir 
dud.  ^Marseille),  eussent  tels  gens  hérétiques  iniquement  et 
maulvèsement  et  non  sans  grand  erreur  de  la  foi  catholi- 
({uc  chrétienne  fraper  l'image  de  lad.  benoiste  Vierge 
Marie  Xostre  Dame  et  la  frapant  déformé  et  rompu  la  face 
dud.  image  de  lad.  glorieuse  Vierge  Marie  Nostre  Dame  ». 

Les  auteurs  de  cette  profanation  restèrent  inconnus,  mais 
leur  acte  de  violence  n'eût  d'autre  efifet  que  de  provoquer  la 
création  d'une  nouvelle  luminaire,  celle  de  Notre-Dame  de 
la  Patience,  installée  près  du  grand  autel  de  l'église  de 
Saint-Loup  et  dont  les  prieurs  et  les  prieuresses,  aidés  des 


TESTAMENT  d'UN  TAMBOURINAIRE  (XVI*   S.)  189 

bonnes  gens  du  quartier,  recueillirent  l'argent  nécessaire 
pour  faire  faire  une  nouvelle  statue  de  la  \'ierge,  remplaçant 
celle  que  les  hérétiques  avaient  mutilée  '. 

C^t  épisode  révèle  l'existence  en  notre  ville,  avant  1553, 
d'un  certain  nombre  de  personnes  séduites  par  la  nouvelle 
religion.  Ce  nombre  grandit  et  avant  1559  une  église  réfor- 
mée est  fondée  à  Marseille;  mais  son  existence  est  précaire 
et  en  octobre  1561  les  pasteurs  de  Genève  sont  informés 
qu'elle  est  à  peu  près  dissipée  «  par  la  rudesse,  dit-on,  de 
la  vie  du  peuple  maritime  de  cette  ville  ».  Mais  l'heure 
semble  propice  pour  son  redressement.  Catherine  de  Médi- 
cis,  c^ui  exerce  la  régence  pendant  la  minorité  de  son  fils 
Charles  IX,  favorise  les  protestants  par  l'édit  de  juillet  1561, 
et  surtout  celui  de  janvier  1562,  qui  leur  accorde  la  facilité 
de  tenir  des  assemblées  hors  des  murailles  des  villes. 

Les  catholiques  s'irritent  de  ces  concessions  et  leur  mécon- 
tentement se  traduit  par  des  scènes  de  fureur  et  des  meur- 
tres. Le  Parlement  d'Aix  se  refuse  ti  enregistrer  l'édit  de 
janvier,  mais  il  v  est  contraint  par  la  force  armée,  et  la 
capitale  de  la  Provence  se  voit  imposer  une  garnison  hugue- 
note commandée  par  Antoine  INIarc,  dit  Tripoli,  d'origine 
judaïque. 

Les  calvinistes  marseillais  profitent  aussi  de  l'occasion 
pour  rendre  aux  catholiiques  les  brimades  dont  ils  ont  été 
l'objet.  Offensant  la  population  dans  son  culte  le  plus  cher, 
celui  des  morts,  ils  profanent  les  tombes  du  cimetière  des 
Accoules  et  en  brisent  les  croix,  f^n  outre  ils  demandent 
et  obtiennent  du  roi  la  suppression  des  casettes,  c'est-à-dire 
des  confréries  de  pénitents. 

Pendant  ce  temps  les  troupes  du  comte  de  Tende,  gou- 
verneur de  Provence,  du  fameux  Paulon  de  ]\L'iuvans  et  du 

*  Arch.  des  B.-du-Rh.  Xot.  Jean  Botouc,  1553.  f"  451. 


ipo 


PIERRE   BERTAS 


féroce  baron  des  Adrets,  pourchassant  les  bandes  fanati- 
ques du  sieur  de  Flassans,  s'emparent  de  Barjols,  y  ^mas- 
sacrent six  cents  personnes,  profanent  reliques  et  vases 
sacrés  et  jettentjes  prêtres  dans  les  puits. 

De  tels  excès  provoquent  une  vive  réaction.  La  garnison 
protestante  est  chassée  d'Aix  par  la  population  C|u'elle  a 
humiliée  et  terrorisée.  Des  tumultes  et  des  meurtres  ont 
lieu  dans  toute  la  Provence,  et  c'est  d'ailleurs  dans  la 
France  tout  entière  la  même  frénésie  sanguinaire. 

La  première  guerre  de  religion  est  déchaînée,  au  cours 
de  laquelle  se  déroulent  les  plus  terribles  atrocités. 

En  Provence,  les  catholiques  enlèvent  Orange,  dont  ils 
massacrent  la  population  aux  cris  de  :  «  Pago  Barjôu  !  » 
et  les  protestants  de  répondre  :  ((  Pago  Aurenjo  !  »  en  pas- 
sant au  lil  de  l'épée  les  habitants  de  Mornas. 

La  ville  de  Sisteron,  place  forte  des  religionnaires  pro- 
vençaux, à  la  tête  desquels  se  trouve  le  comte  de  Tende, 
gouverneur  de  Provence,  est  attaquée  et  prise  non  sans  peine 
par  les  catholiques,  ayant  à  leur  tête  le  propre  fils  du  comte 
de  Tende,  Sommerive,  nommé  par  Catherine  de  Médicis 
lieutenant  général  du  roi.  Les  protestants  prennent  leur 
revanche  à  Saint-Gilles,  que  Sommerive  a  tenté  de 
surprendre. 

L'assassinat  de  François  de  Guise,  le  chef  victorieux  des 
catholiques,  met  un  terme  à  la  guerre  civile  et  Catherine 
de  Médicis  signe  l'édit  d'Amboise,  contenant  certaines 
concessions  aux  protestants  que  ceux-ci  trouvent  insuffisan- 
tes tandis  que  les  catholiques  les  jugent  exorbitantes.  Il  faut 
toute  l'énergie  de  la  reine-mère  pour  en  obtenir  l'exécution. 
C'est  alors  que  profitant  de  la  tolérance  qui  leur  est  accor- 
dée; les  calvinistes  peuvent  avouer  et  pratiquer  leur  religion 
dans  la  mesure  assignée  par  l'édit.  Aussi  commence-t-on  h 
découvrir  dans  les  protocoles  des  notaires  quelques  testa- 
ments de  huguenots. 


TESTAMENT  d'iN  TAMIioruiNAIRE  (XVI*  S.)  IQI 

Le  premier  que  nous  y  avons  trou^■é  porte  la  date  du 
23  avril  1566.  Il  fut  recueilli  par  le  notaire  maître  Balthasar 
Renozi,  qui  semble  avoir  eu  la  clientèle  des  protestants  de 
notre  ville.  C'est  celui  d'une  Marseillaise,  Claude  Coissin- 
nier,  veuve  de  Jean  Rocobrune  ou  Roquebrime.  Il  est  d'au- 
tant plus  intéressant  que  la  dame  Claude  Coissinier  est  la 
mère  d'un  personnage  dont  le  nom  figure  dans  les  tables 
qu'on  a  publiées  des  Français  réfugiés  à  Genève:  Pierre 
Roquebrune,  natif  de  Marseille,  reçu  habitant  de  Genève 
le  20  mars  1559  ^^  proclamé  le  9  mai  1567,  bourgeois  de  cette 
ville  où  il  avait  auprès  de  lui  ses  trois  fils,  Abraham,  Jean 
et  Pierre  \ 

En  dictant  ses  dernières  volontés,  la  veuve  de  Jean  Roque- 
brune  déclare  que  <(  comme  \raye  et  fidelle  chrestienne  a 
recommandé  son  âme  à  Dieu,  le  père  tout  puissant,  luv 
priant  très  humblement  la  volloyr  coUocjuer  au  royaume 
du  Paradis  quand  sera  séparée  de  son  corps  par  le  mérite 
et  la  passion  de  Xostre  Seigneur  Jésus  Christ  et  l'interces- 
sion de  toute  la  Court  celestialle  de  Paradis  et  a  esleu  sépul- 
ture pour  ensevelir  son  corps  dans  le  cimetière  de  l'esglise 
parochialle  des  Accoules  dud.  Marseille  à  la  mode  de  sa  rel- 
ligion  réformée,  comme  a  dict  et  suvvant  la  permission  à 
elle  baillée  par  les  édits  et  ordonnances  du  Rov  »  ". 

Peu  après  la  mort  de  Claude  Coissinier,  un  de  ses  fils, 
le  marinier  Guillaume  Roquebrune  teste  le  2T,  juillet  1566''. 
Chose  singulière,  soit  par  une  distraction  du  notaire,  S'»It 


*  Dans  son  Histoire  du  proicstaiitisme  en  Provence ,  le  pasteur 
Arnaud  a  publié  ces  listes  des  provençaux,  habitants  ou  bourgeois  de 
Genève  et  de  ceux  réfugiés  à  Lausanne. 

-  Archives  des  B.-du-Rli.  P^onds  Jourdan,  n"  iS.  Xot.  B.  Renozi, 
1566,  f«  370. 

3  Archives  des  B.-du-Rh.  Fonds  Jourdan,  n"  iS.  Xot.  B.  Renozi, 
1566,  f"  6-10. 


193 


PIERRE    lîERTAS 


que  le  mot  catholique  ne  soit  point  encore  considéré 
comme  l'antonvme  de  protestant,  Guillaume  se  déclare 
((  vray  et  fidèle  crestien  et  catholique  »,  mais  il  est  calvi- 
niste, on  ne  peut  en  douter;  car  lui  aussi,  comme  sa  mère, 
il  ((  recommande  son  âme  à  Dieu  le  père  tout  puissant  luy 
priant  très  humblement  la  volloyr  colloquer  au  royaume  de 
Paradis  par  le  mérite  de  la  passion  de  Nostre  Seigneur  Jésus- 
Christ  »,  mais  il  se  garde  bien  d'avoir  recours  à  «  l'interces- 
sion de  la  benoiste  et  très  Saincte  Vierge  IMarie  »,  comme 
le  font  les  catholiques  et  comme  n'omettra  pas  de  le  faire 
dans  son  testament  du  19  juilllet  1568,  son  frère,  le  patron 
de  navire,  Louis  Roquebrune,  resté  attaché  aux  anciennes 
croyances  \  En  outre,  Guillaume  Roc|uebrune,  comme  sa 
mère,  spécifie  qu'il  veut  Cjue  son  corps  soit  enseveli  au  cime- 
tière des  Accoules  «  comme  est  de  coutume  ensepvellir  ceulx 
de  sa  relligion  ». 

Nous  avons  trouvé  dans  le  même  registre  le  testament 
d'un  autre  protestant,  le  revendeur  Guillaume  Reynaud, 
habitant  Marseille,  mais  originaire  de  Jausier,  dans  le  dio- 
cèse d'Embrun. 

Le  27  novembre  1566  il  déclare  qu'il  veut  être  enseveli  au 
cimetière  de  l'église  Saint-AIartin  <(  à  la  manière  de  sa 
religion  reformée .)).  Il  lui  reste  plusieurs  filles  auxquelles 
il  laisse  ses  biens  après  avoir  déshérité  son  fils  Antoine  Ray- 
naud,  qui  a  esté  désobéissant  au  dit  testateur,  ne  voulant 
faire  ses  commandements  et  qui  délaissant  sa  femme,  a 
quitté  Marseille  depuis  huit  ans,  sans  que  jamais  il  ait 
donné  de  ses  nouvelles". 


^  Arch.  de?  B.-du-Rh.  Fonds  Jourdan,  n"  20.  Xot.  B.  Renozi,  1586, 
f  684. 

*  Arch.  des  B.-du-Rh.  Fonds  Jourdan,  n°  iS,  Xot.  B.  Renozi,  1566, 
f".    1196. 


TEST.\.MEXT  d'lX  TAMBOURINAIRE  (XVI''   S.)  I93 

Le  3  mai  1567,  teste  un  autre  protestant,  le  mercier  Pierre 
Bris,  originaire  du  Châtelard,  dans  le  diocèse  d'Embrun  '. 
Mais  avant  lui,  et  à  la  date  du  17  janvier  1567,  avait  dicté 
ses  dernières  volontés  une  personne  dont  le  nom  nous  est 
maintenant  familier:  Gaspard  Armeille,  le  tenancier  de 
l'hôtellerie  de  VOurs,  le  ménétrier  qui,  vingt-neuf  ans  aupa- 
ravant, tapait  sur  la  peau  de  son  tambourin  et  soufflait  dans 
son  galoubet  aux  frais  de  Pierre  Pastier  dit  Seillans. 

Hélas!  l'adversité  s'est  abattue  sur  noire  tambourinaire. 
Comme  ce  Benoît  Pierrugues,  dont  il  avait  été  contraint  de 
répudier  la  donation,  Gaspard  Armeille  est  devenu  aveugle. 
Mais  ce  n'est  pas  la  maladie  qui  a  éteint  la  lumière  en  ses 
prunelles.il  est  une  des  nombreuses  victimes  de  la  guerre  fra- 
tricide qu'avaient  soulevée  les  passions  religieuses.  Gaspard 
Armeille  s'est  enrôlé  dans  les  troupes  calvinistes  et  dans  un 
combat  une  balle  d'arquebuse  l'a  frappé  en  plein  visage. 
C'est  lui  qui  nous  apprend  c^u'il  est  '(  avugle  et  estant  privé 
de  sa  veue  par  le  volloyr  de  Dieu  d'une  arquebouzade  estant 
à  la  guerre  au  service  du  Roy  )>.  Quand  et  011  a-t-il  reçu  cette 
effroyable  blessure?  Est-ce  en  défendant  Orange,  que  les 
catholiques  ont  enlevé  le  6  juillet  1562,  ou  quelques  mois 
plus  tard,  pendant  le  siège  de  Sisteron,  soutenu  avec  autant 
d'âpreté  par  la  garnison  et  aussi  par  la  population.  On  sait 
que  les  femmes  s'y  distinguèrent  par  leur  intrépidité.  Heu- 
reuses Sisteronnaises,  dont  personne  n'a  jamais  songé  à 
contester  le  réel  héroïsme  qu'elles  montrèrent  en  défendant 
leur  vie  et  leur  foi  contre  la  soldatesque  catholique,  tandis 
que  l'on  s'est  efforcé,  sans  y  réussir,  de  mettre  en  doute 
le  courage  des  Marseillaises  de  1524,  défendant  aussi  leur 
vie  et  la  nation  tout  entière  contre  les  lansquenets  luthé- 
riens du  duc  de  Bourbon,  qui  trois  ans  plus  tard,  mettaient 
à  feu  et  à  sang  la  capitale  de  la  chrétienté. 

*  Arch.  des  B.-du-Rli.  Fonds  Jourdan,  n'^  rg.  Xot.  B,  Rcnozi,  1567, 
fo  467. 


194 


PIERRE    BERTAS 


Si  nous  ne  savons  en  quel  endroit  Gaspard  Armeille  fut 
blessé,  il  est  probable  que  ce  malheur  survint  avant  le  mois 
de  mars  1563,  au  cours  duquel  les  deux  partis  durent  dépo- 
ser les  armes. 

Le  17  janvier  1567,  en  la  salle  de  sa  maison  d'habitation, 
Gaspard  Armeille  se  prépare  à  dicter  ses  dernières  volontés 
avant  à  cet  effet  convoqué  AP  Balthazar  Renosi  et  les 
témoins  obligatoires  :  «  lesquels  et  moy,  déclare  le  notaire, 
auroit  cogneu  et  entendu  combien  il  ne  voye  nostres  per- 
sonnes et  ne  peut  nous  voyr,  quand  il  nous  oyt  parler,  dont 
nous  a  nommés  par  nom  et  surnom  l'un  après  l'autre  ». 

Après  avoir  ainsi  reconnu  les  témoins  au  son  de  leur  voix, 
«  discret  homme  Gaspard  Armeille  hoste  tenant  le  logis  où 
pend  pour  enseigne  VOurs,  fils  de  feus  Hugon  Armeille  et 
Françoise  Trombet  »,  déclare  que  ((  Considérant  qu'il  n'y 
a  rien  plus  certain  que  la  mort  ne  plus  incertain  que  l'heiire 
d'icelle...  sain  de  sa  personne  combien  qu'il  soye  aveugle, 
ferme  parole  et  réson  et  en  son  bon  entendement  grasses  à 
Dieu...  il  veut  et  entend  faire  son  testament  et  dernière  vol- 
lonté  de  tous  et  chacun  ses  biens,  choses  et  droicts,  à  luy 
de  Dieu  donnés  en  ce  monde,  à  celle  fin  que  après  son  4écès 
et  tres-pas  entre  ses  successeurs  ne  vienne  aucun  procès  ne 
débat. 

((  ...  Et  premièrement,  dit-il,  comme  vray  et  fidèle  cres- 
tien  je  recommande  mon  âme  à  Dieu,  mon  père,  créateur, 
et  veulx  mon  corps  estre  ensepvelly  quand  plerra  à  Dieu 
me  rappeler  de  ce  monde  à  la  manière  de  ma  relligion  refor- 
mée pour  ainsi  que  m'est  permis  par  les  eedicts  du  Roy... 

«  Item,  je  dit,  Gaspard  Armeille,  testateur,  de  ma  cer- 
taine science  et  bonne  volonté,  lègue  et  laisse  aux  povres 
de  Jésus-Christ  de  madite  relligion  la  somme  de  quarante 
florins  de  Provence,  lesquels  veulx  que  soyent  payés  dans 
quatre  ans  après  le  décès  et  trespas  de  ma  femme  héritière 


TESTAMENT   d'lX  TAMBOUmXAIUE  (XVl*   S.)  I95 

cy  après  nommée,  chacun  an  dix  florins  acomenssanL  la  pre- 
mière paye  un  an  après  le  décès  et  trespas  de  madite 
femme  ». 

Gaspard  Armeille  fait  ensuite  divers  petits  legs  à  ses 
parents,  dont  l'un  Batin  Armeille  est  un  des  gardes  de  la 
vigie  de  l'île  de  Riou. 

Son  héritière  universelle  est  sa  femme  Jcanni'  Plagniat. 
Il  lui  substitue  pour  une  moitié  de  ses  biens  Benoîte  Barrai 
que  Jeanne  Plagniat  a  eue  d'un  premier  mariage  et  pour 
l'autre  moitié  les  pauvres  de  Jésus-Christ  appartenant  à  la 
religion  réformée. 

Il  désigne  pour  exécuteurs  de  ses  dernières  volontés  ses 
bons  amis  le  capitaine  Fouquet  de  Vega,  écuyer,  Marcelin 
Tinard  dit  Flaujol,  Pierre  Mille  dit  Gras,  Peyron  Beau  et 
Gratien  Yssauraud  ou  Issaureau. 

Le  testament  est  lu  en  présence  de  Marcelin  Tinard  dit 
Flaujol  et  de  Gratien  Issaureau,  deux  de  ses  exécuteurs  tes- 
tamentaires, de  Jean  Geofroy  dit  Vaulone  marchand,  de 
Jean  Asquier  apothicaire;  Gabriel  Mauron  couturier,  Vidal 
David  potier  d'étain,  Jean  Garrus  chaisier,  Pierre  de  Tours 
tisssetir  de  coton,  Etienne  ou  Estève  Guis  menuisier,  de 
Jacques  Beaumont  ribeautier  et  enfin  de  Jean  Mollin,  dont 
la  professsion  n'est  pas  indiquée. 

Chose  remarquable  pour  l'époque,  où  les  illettrés  sont  si 
nombreux,  tous  les  témoins  savent  signer  et  même  possèdent 
une  belle  calligraphie.  Ce  sont,  à  n'en  pas  douter,  les  mem- 
bres les  plus  apparents  du  consistoire  de  l'église  réformée 
de  Marseille. 

Deux  d'entre  eux,  l'apothicaire  Jean  Asquier  et  le  maî- 
tre de  hache  Gratien  Issauraud,  ont  assisté  déjà  au  tes- 
tament dicté  le  2;^  juillet  1566  par  le  marinier  protestant 
Guillaume  Roquebrune,  dont  furent  aussi  témoins  l'apothi- 
caire Louis  de  Fouquet,  le  chaussetier  Barthélémy  Bonin, 


1(^5  PIERRE    BERTAS 

Liiaik-s  d'Aulis  écuyer,  André  Colomb,  bourgeois,  Jean 
Crozet  ménager  et  rorfè\'re  Antoine  Rapiot. 

Ce  dernier  avait  déjà  été  témoin  le  26- avril  1566  du, tes- 
tament de  la  mère  de  Guillaume  Roquebrune,  la  dame 
Claude  Coissinier  autour  du  lit  de  laquelle  étaient  encore 
rassemblés  le  marchand  Honoré  Raynaud,  l'orfèvre  Jean 
Suquière,  le  cbaussetier  Pierre  Favier,  le  charpentier  Ber- 
nard Andrieu,  le  chirurgien  Jessé  Pimpernel  et  encore  le 
menuisier  Etienne  Guis,  dont  nous  avons  vu  le  nom  au 
bas  du  testament  de  Gaspard  Armeille. 

A  notre  grande  confusion,  nous  devons  avouer  c^ue  la  plu- 
part de  ces  personnages  nous  sont  inconnus.  Pourtant,  il  ne 
serait  pas  impossible  que  l'apothicaire  Jean  Aschier  appar- 
tînt à  cette  tribu  des  Asquier  dévalée  du  Piémont  dans  les 
dernières  années  du  xv*"  siècle  et  dont  l'un,  Martin  Asquier, 
figure  sur  la  liste  des  défenseurs  de  Marseille  en  1524. 

Le  marchand  Jean  Geoffroy  dit  Vaulonne,  pourrait  bien 
être  un  proche  parent  de  ce  Gaspard  Joffret  de  Volonne, 
admis  comm^i  habitant  de  Genève  le  4  avril  1558  et  peut- 
être  est-il  ce  Jean  de'  Geoffer,  marchand  de  Marseille  cjui, 
après  la  Saint-Barthélémy,  se  réfugie  à  Genève  où  il  est 
admis  comme  habitant  le  27  avril  1573  et  qu'on  retrouve  le 
13  mai  1574  avec  sa  femme  et  sa  fillette  à  Lausanne  où  on 
l'inscrit  sous  le  nom  de  Jehan  de  Geoffreys  de  Marseille. 

Le  nom  seul  de  Jessé  Pimpernel  révèle  que  ce  chirurgien 
n'est  pas  originaire  de  Marseille:  il  est  en  efïet  natif  d'An- 
g'iure  en  Champagne,  diocèse  de  Troyes.  Il  est  venu  à 
Marseille  de  bonne  heure  y  offrir  des  services  tantôt  à  l'un 
tantôt  à  l'autre  des  patrons  de  navire.  Dans  les  voyages 
qu'il  fait  à  titre  de  chirurgien,  il  écoule  la  pacotille  qu'on 
lui  confie.  C'est  ainsi  qu'embauché  à  bord  de  la  nef  Saint- 
Jean-Bonavenlure  qui  va  appareiller  pour  la  côte  barbares- 
que,  il  reconnaît  le  8  mars  1560,  avoir  reçu  pour  la  vexidre 


TESTAMENT   d'lX  TA.MBOL  RlNAIRl-:  (XVi'"   S.)  I97 

de  maître  XicoUis  Feau  «  orologeur  »  demeurant  à  Mar- 
seille <(  ung  orologe  frappant  heures  avccque  son  réveille- 
matin  »,  d'une  valeur  de  i8  écus  d'or  '.  Jessé  Pimpernel 
acquiert  le  goût  du  commerce  et  c'est  lui  qui  confie  le 
1 1  novembre  1568,  huit  livres  et  demie  de  corail  valant  8  flo- 
rins la  livre  au  marinier  Antoine  Roubert,  prêt  à  s'embar- 
cjuer  sur  la  nef  Marie-Bonavcnture,  commandée  par  le 
patron  Nicolas  Galère  '. 

Signalons  que  Jessé  Pimpernel  fut  plus  fidèle  à  la  ville  de 
Marseille  qii'à  la  religion  réformée.  Il  testait  en  effet  en 
notre  ville  le  26  mars  1590,  recommandant  en  bon  catholi- 
que son  âme  à  Dieu  et  à  la  glorieuse  Vierge  Marie,  et  éli- 
sant pour  sépulture  la  chapelle  des  chirurgiens,  c'est-à-dire 
celle  des  Saints  Côme  et  Damien  en  l'église  des  Prêcheurs  \ 
Le  6  mars  suivant,  le  clergé  des  Accoules  allait  chercher 
son  corps  en  sa  boutique  près  du  Petit  Mazeau  et  l'accom- 
pagnait à  l'église  des  Dominicaines  '. 

L'un  des  ténioins  du  testament  du  tambourinaire  est  Cluil- 
hiume  ALiuron,  exerçant  la  profession  de  couluricr,  de 
((  Sartre  »,  comme  on  dit  en  provençal. 

En  1560  il  ne  fait  pas  montre  —  et  pour  cause  —  de  ses 
convictions  religieuses  s'il  est  déjà  converti  au  calvinisme. 
En  effet,  on  trouve  sur  un  registre  des  funérailles  de  la 
paroisse  des  Accoules,  la  mention  suivante  :  «  Lou  K)  de 
juillet  1560,  ung  enfant  de  meslre  Guilhen  Mauron,  sartre, 
es  isiat  enterrât  à  les  Accoles  »  '.  (hiillaume  Mauron  est 
l'homme  de  confiance  du  luigui-noi  I^ierre  i\o(|Uebrune  (|ui. 


'  Arch.  des  B.-du-Rh.  Xot.   Leniaire,   1560,  f''   170. 

'  Arch.   des  B.-du-Rh.   Xot.   Renozi,    1568,  f"   1168. 

3  Arch.   des  B.-du-Rh.   Xot.  Borrelly,   1590,  f''  338. 

''  Arch.  des  B.-du-Rh.  Etat  civil  de  Marseille  n°  682.  Mont,  des 
Accoules  :  ((  6  mai  1590  :  Jesse  Pinparnella,  barbier,  a  esté  entaré  au.\ 
prêcheurs.   Demeure  à  la  rue  Droite  )>. 

•■  Etat  civil  de  Marseille,  n"  674,  mortuaire  des  Accoules. 


198 


PIERRE    RERTAS 


venu  de  Genève  pour  liquider  la  succession  de  sa  mère 
Claude  Coissinier,  avant  de  regagner  les  bords  du  lac 
Léman,  le  21  septembre  1566,  donne  sa  procuration  au  cou- 
turier Cuiliaume  Mauron  pour  le  partage  à  faire  avec  ses 
frères  Guillaume  et  Louis  Roquebrune  \ 

Il  est  à  croire  que  Guillaume  Mauron  est  sinon  le  frère 
tout  au  moins  le  proche  parent  de  Laurent  Mauron  qui, 
lui  aussi,  exerce  la  profession  de  couturier.  Ce  Laurent  Mau- 
ron est  un  des  neveux  de  messire  Gaspard  Mauron,  prêtre 
de  la  Major,  qui  mourut  dans  les  premiers  jours  de  1559  '. 
Il  est  un  des  prieurs  et  des  fondateurs  de  la  luminaire  de 
Xotre-Dame  de  la  Patience  fondée,  avons-nous  dit,  en  1553, 
à  la  suite  de  l'acte  de  vandalisme  commis  sur  la  statue  de  la 
Vierge  décorant  l'église  de  Saint-Loup.  Laurent  Mauron 
resta  fidèle  à  la  foi  catholique,  ainsi  que  l'atteste  son  tes- 
tament du  30  mai  1567.  En  cet  acte  il  indicjue  qu'il  est  le 
fils  de  Jaume  Mauron  et  de  Honorate  Castillon,  originai- 
res de  Berne,  qui,  on  le  sait,  fut  un  des  premiers  fovers  de 
la  nouvelle  religion  \ 

L'orfèvre  Antoine  Rapiot  n'assistait  pas  au  testament  du 
tambourinaire,  mais  il  avait  été  témoin  de  ceux  de  la  dame 
Claude  Coissinier  et  de  son  fils  Guillaume  Roquebrune.  Il 
est  né  h  Marseille,  où  il  fut  baptisé  en  l'église  Saint-Martin 
le  19  janvier  1537  '  ;  il  est  le  fils  de  Barthélémy  Rapiot  et  de 
Madeleine  Gratian,  laquelle  était  fille  d'un  avocat  marseil- 
lais, établi  à  Aix.  Lors    de    l'invasion    de  la  Provence  par 

'  Arch.  des  B.-du-Rh.  Fonds  Jourdan,  n''  18.  Xot.  Renozi,  1566, 
f"  856. 

-Arch.  des  B.-du-Rh.  Sénéchaussée  de  Marseille.  II  B.  Inventaires, 
f^    787. 

■■'  Arch.  des  B.-du-Rh.  Fonds  Jourdan,  n»  19.  Xot.  Renozi,  1567, 
f°    518. 

*  Arch.  des  B.-du-Rh.  Etat  civil  de  Marseille,  n'^  272.  Baptêmes 
Saint-Martin,   £«  ^^. 


TESTAMENT  d'in'   TAMBOl  RINAIRE  (\\f   S.)  I99 

Cliarles-Ouint,  Barthélémy  Rapiot  avait  été  nommé  par  le 
conseil  en  1536  ((  forrier  per  lojar  los  gens  de  guerra  ». 

Le  neveu  d'Antoine  Rapiot,  Fran(;ois  Rapiot,  épousa 
Melchionne  d'Aix,  sœur  de  Louis  d'Aix,  ({ui  en  qualité  de 
viguier  royal  partagea  le  pouvoir  avec  Charles  de  Casaulx, 
de   1592  à   1596. 

Parmi  les  exécuteurs  testamentaires  de  Claspaid  Armeille 
se  trome  (iralien  Issaureau,  im  Marsi'illai.s,  (|ui  exerce  la 
profession  de  maître  de  hache  ou  charpentier  de  marine, 
mais  qui  parfois  est  qualifié  de  marchand.  Le  3  juin  1568, 
il  donne  sa  procuration  à  sa  femme  Jeannette  Paranque  et 
le  même  jour  il  achète  à  son  cousin  germain  une  bastide 
située  aux  contins  des  commîmes  de  Marseille  et  des  l'en- 
nes  au  lieu  dit  <(  lo  pous  de  l'olivier  »  et  (jui  est  xoisine 
des  bois  de  pin  appartenant  à  Louis  Issaureau,  frère  de 
Gratien.  Celui-ci  disparaît  alors,  peut-être  à  la  suite  des  pre- 
mières hostilités  de  la  troisième  guerre  religietise. 

On  le  trouve  réfugié  ii  Lausanne,  à  la  date  du  1 1  octobre 
1568.  A  la  paix  de  Saint-Germain  il  rentre  à  Marseille  oîi, 
le  8  novembre  157 1,  il  révoque  «  pour  certains  bons  respects 
et  anime  à  ce  le  mouvans  >>  l'acte  de  procuration  (ju'ii  avait 
délivré  trois  ans  auparavant  à  sa  femme  Jeannette 
Paranque  '. 

Le  second  des  exécuteurs  testamentaires  désigné  |)ar 
l'ancien  tambourinaire  porte  le  nom  de  ^hlrcelin  Tinard  et 
le  sobriquet  de  Flaujol  ou  T-'laiiyol. 

Sa  famille  est  avantageusement  connue  à  ^Llrseille.  où 
son  bisaïeul, le  fustier  berrichon  Guillaume  Tinard, s'est  fixé 
dans  la  seconde  moitié  du  xvi'=  siècle.  Son  grand-père,  fus- 
tier aussi, c'est-à-dire  menuisier,  est  ce  Jean  Tinard  dit  Flau- 
jol, qui,  porté  sur  la  liste  des  plus  notables  défenseurs  de 

^  Arch.  des  B.-du-Rh.  Fonds  Jourdan,  n"  20.  Xot.  Renozi,  15ÔS, 
fol.    4S9   et   492. 


200  PIERRE    HERTAS 

Marseille  en  1524,  a  été  troisième  consul  pour  l'année 
nuinicipale  1527-1528.  Marcelin  Tinard  est  le  fils  d'Honoré 
Tinard,  menuisier  comme  ses  ascendants,  et  le  frère  de 
Claude  Tinard,  ingénieur  du  roi  pour  le  curemenl  du  port 
de  Marseille,  à  qui  Henri  H,  par  lettres  patentes  données  à 
Blois  le  12  novembre  1559,  fit  donation  de  la  caisse  faite  par 
ledit  ingénieur  pour  le  curement  du  port  et  qui  après  avoir 
fonctionné  pendant  huit  ans  était  «  rompue,  ouverte  et  gas- 
tée  et  pleine  d'eau  ». 

Au  moment  où  Gaspard  Armeille  le  désigne  pour  un  de 
ses  exécuteurs  testamentaires,  c'est-à-dire  en  l'an  1567,  Mar- 
celin Tinard  dit  Flaujol  est  un  des  calvinistes  les  plus 
convaincus.  Plusieurs  des  enfants  que  lui  a  donnés  sa  femme 
Constance  Xarv  n'ont  pas  été  baptisés  selon  le  rite  romain. 
Mais  voilà  qu'un  an  après,  deux  d'entre  eux  reçoivent  le 
sacrement  de  baptême  en  l'église  des  Accoules,  ainsi  qu'en 
fait  foi  un  registre  de  cette  paroisse  où  l'on  trouve  la  men- 
tion suivante,  à  la  date  du  11  février  1568   : 

«  Es  estât  baptizat  Pierre  Tinard,  fils  de  Marcelin 
'I  inard  dit  Floujou  et  Constance  Xario  mariés  uguenauLx. 
Lou  pairin  cappitaine  Nicolas  Baucet  et  la  mairine  damo 
Claro   Risse. 

<(  Lou  susdit  an  et  jour  es  estado  baptizado  Xicoulavo 
'1  inardo,  filho  de  Marcelin  et  de  Constanco  Xario  mariés 
uguenaulx. 

Lou  payrin  mousgr  Jan  Lsac  ;  la  mairino  Xicoulavo 
Tinardo  ». 

Quel  est  l'âge  des  nouveaux  baptisés?  On  l'ignore,  mais 
a  voir  la  qualité  des  personne  qui  les  ont  préentés  aux  fonts 
baptismaux  il  semble  qu'on  ait  voulu  faire  une  petite  mani- 
festation en  administrant  le  baptême  à  ces  enfants  arrachés 
à  l'hérésie. 

'  Arcli.  des  B.-du-Rli.  B.  48,  f^  151, 


TESTAMi:.\T  U'IX   TAMHoL'RlXAIRt:  (Wl"   S.)  201 

La  marraine  de  Nicole  est  sa  tante  Nicole  Tinarde,  mais 
son  père  est  Jean  d'Aisac,  seigneur  de  Wnelles,  qui  a  été 
consul  de  notre  ^'iIle. 

C'est  Claire  Risse,  tille  d'Antoine  de  Risse,  seigneur  de 
Soutournon,  maître  d'hôtel  du  comte  de  Tende-Sommerive, 
gouverneur  de  Porvence,  qui  sert  de  marraine  à  Pierre 
Tinard,  et  le  [)arrain  est  le  capitaine  Nicolas  Baussel,  h; 
futur  seigneur  de  Roquefort,  ce  Nicolas  Bausset  (jui  avec 
Paul  Impérial  et  Guillaume  Olive,  commandait  la  iroupe 
de  cinq  cents  hommes  que  Marseille,  en  1362,  envova 
grossir  la  petite  armée  de  Sommerive  assiégeant  Sisteron. 

Le  lendemain,  12  février  1568,  en  la  même  église  des 
Accoules,  on  baptise  «  ALagdaleno  filho  de  Anihoni  lîosc 
Leris  et  de  Mario  Allardo  uganaux  »  '. 

Sont-ce  les  parents  (jui  ayant  abjiu'é  h^  ))ro(e.slanlisme, 
ont  \'oulu  faire  administrer  le  sacrement  de  baptême  à  leurs 
enfants,  ou  bien  est-ce  à  leur  insu  que  cette  cérémonie 
s'est  faite?  Nous  ne  saurions  nous  prononcer;  mais  il  est 
un  autre  baptême  d'enfant  de  huguenot  qui  semble  avoir  été 
fait  en  catimini. 

On  a  vu  plus  haut  C|ue  le  marchand  Charles  d'Autis,  à 
qui  les  actes  donnent  les  titres  de  noble  et  d'écuyer,  assis- 
tait le  2;^  juillet  1566  au  testament  du  protestant  Guillaume 
Roquebrune.  Or,  moins  d'un  mois  auparavant,  en  la  petite 
église  de  Saint-Jaccjues  de  Corrigerie,  on  avait  baptisé  ime 
fillette  de  ce  Charles  d'Autis  et  les  termes  dans  lescjuels 
cette  cérémonie  est  mentionnée  semblent  indicjuer  que  c'est 
par  fraude  ciu'elle  a  eu  lieu  : 

((  L'an  1566  et  lou  19  jun,  ALiria  fil  ho  de  sire  Charles 
((  d'Ortis  es  istado  batejado  calholicamcnl  ansin  come  ten 


'  Arch.  des  B.-du-Rh.  Etat  civil  574.  Bapt.  des  Accoules,  f'  131, 


202  riERRi;    HKRTAS 

((  noslra  sanla  niere  Gliso  romano  et  tendra  jusquas  la  fin 
((  si  à  Diou  plas.  Sa  niera  es...  Georgi  Acliard,  prêtre,»  '. 

L'ecclésiastique  a  oublié  d'indiquer  le  nom  de  la  mère 
de  la  petite  Marie,  baptisée  ainsi  clandestinement,  mais  il 
nous  est  connu  :  Charles  d'Autis  s'était  marié,  en  effet, 
avant  1554'  avec  Béatrix  Soldy,  fille  du  florentin  Phi- 
lippe Soldv  et  de  Comtesse  Hue,  sœur  d'Antoine  Hue  qui 
fut  consul  de  Marseille  et  seigneur  de  la  Reynarde. 

Il  nous  reste  à  parler  du  gentilhomme  que  Gaspard 
Armeille  désigna  comme  le  premier  de  ses  cinq  exécuteurs 
testamentaires,   le  capitaine  Fouquet  de  \  éga. 

Dans  la  seconde  moitié  du  xv^  siècle,  un  gentilhomme 
castillan,  Alonse  de  Vega,  vint  se  fixer  à  Marseille  où  on 
'l'appela  familièrement  du  nom  de  son  pays  natal:  Alonse 
Castille.  C'est  cet  Alonse  Castille,  que  notre  éminent  col- 
lègue, M.  Joseph  Fournier,  nous  a  montré  surveillant  à 
Sanary  la  construction  de  deux  caravelles  commandées  par 
le  roi  René.  Alphonse  de  Vega  dit  Castille,  s'est  marié  à 
l'rbaine  Bouquier,  d'une  très  vieille  famille  marseillaise. 
11  en  a  eu  de  nombreux  enfants.  L'aîné,  Jean  de  ^'ega,  doc- 
teur en  droit,  a  été  plusieurs  fois  assesseur  de  la  ville.  C'est 
lui  qui,  dans  les  premiers  jours  de  septembre  1524,  a  été 
envoyé  en  ambassade  auprès  du  roi  François  P"",  campé 
avec  son  armée  au-dessus  d'Avignon,  pour  le  prier  d'ac- 
courir sans  délai  au  secours  de  Marseille  vivement  pressée 
par  le  duc  de  Bourbon  et  les  Impériaux  qu'il  commandait. 
Huit  ans  plus  tard,  un  de  ses  frères,  Henri  de  Vega,  était 
assassiné  par  les  gens  de  Maurice  de  Jonas,  chevalier  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem,  capitaine  de  deux  galères  du  roi 

'  Arch.  des  B.-du-Rh.  Etat  civil  de  Marseille,  n"  io86d.  Baptêmes 
de  l'église  Saint-Jacques  de  Corregerie. 

-  Etat  civil  n°  279.  Baptêmes  de  Saint-:\Iart'n,  f  46.  —  «  Le 
XVI«  d'abvril  1554  a  esté  batisce  Laurense  d'Authis  filhe,  de  Charles 
Dauthes  et  de  damoiselle  Beatrix  Soldi...   » 


TESTAMENT  d'vS  TA.MBuL  RlNAlKE  (xVl"   S.)  203 

et  qui  s'élaii  couveri  de  i^loire  pendant  le  siège  de  Mar- 
seille. La  justice  avait  poursuivi  et  châtié  les  sbires  payés 
pour  ce  crime,  mais  l'instigateur  du  meurtre  était  resié 
hors  de  ses  coups.  Les  deux  frères  de  sa  victime,  l'avocat 
Jean  de  Vega  et  le  marchand  Jacques  de  Vega,  ne  son- 
geant c^u'à  la  vengeance,  épièrent  incessamment  les  moin- 
dres gestes  de  ALaurice  de  Jonas  et  Unirent  par  découvrir 
les  secrètes  menées  de  ce  gentilhomme  qui,  perdu  de  dettes, 
était  entré  en  relations  avec  les  agents  de  l'Espagne  pour 
livrer  Marseille  à  Charles-Quint.  Ils  le  dénoncèrent  au  roi. 
Jonas  fut  arrêté,  conduit  à  Paris,  convaincu  de  trahison  et 
écartelé  en  place  de  Grève.  Sa  tête  apportée  à  ]\Larseille  par 
le  bourreau  de  Paris,  fut  exposée  au  haut  d'une  bigue  dres- 
sée sur  une  tour  voisine  du  plan  Formiguier. 

Jean  de  \  ega  reçut  en  récompense  la  charge  de  lieutenant 
du  grand  sénéchal  au  siège  de  ^Larseille,  créée  en  1536,  et 
l'année  suivante  il  fut  invité  par  le  roi  à  accompagner  le 
lieutenant  général  des  galères  Bertrand  d'Ornesan,  baron 
de  Saint-Blancard,  en  cette  fameuse  expédition  de  lôor-o*^. 
où  l'on  vit,  au  grand  scandale  des  puissances  euroj)éennes, 
la  flotte  du  roi  Très-Chrétien  aliliée  des  Turcs,  mêler  ses' 
navires  h  ceux  du  chef  de  l'Islam. 

Jean  de  ^  ega  a  rapporté  de  celte  longue  croisière  en  la 
mer  Adriatique,  dans  l'Archipel,  aux  Dardanelles  et  à  Cons- 
tantinople,  une  sa\(nireuse  relation  qui,  au  dire  de  Char- 
rière,  est  une  des  plus  anc  iennes  descriptions  (jui'  l'on  jios- 
sède  sur  le  Levant.  Kn  1551,  miné  par  la  maladie,  il  résignaii 
sa  charge  de  lieutenant  du  sénéchal  en  fa\eur  de  son  gen- 
dre, Balthazar  Catin.  Il  mourait  peu  après  et  le  16  avril 
1552  '  on  accompagnait  sa  dépouille  a\ec  soixante-deux  lor- 


'  Arch.   des  B.-du-Rli.   Etat  civil   n''  07;.   Enterremrnt-  dr>  Arrnu- 
les    1552,    f"^   67. 


204  TESTAMENT  d'UN  TAMBOl^RINAIRE  (XVl'  S.) 

thes,  portant  écussons  à  ses  armes,jusque  en  l'église  du 
couvent  des  Augustins,  où  il  fut  enseveli  dans  la  chapelle 
ciu'avait  fait  construire  son  père  Alonse  Castille,  qui  l'avait 
placée  sous  le  vocable  de  Saint-Jacques  et  que  le  peuple 
appelait,  en  1502,  la  chapelle  des  Espagnols  :  ((  construi 
fecisse  capellam  Sancti  Jacobi  dictam  Yspanorum  »  \ 

Marié  à  noble  Marguerite  Capel,  Jean  de  Vega  en  avait 
deux  filles  :  Madeleine,  mariée  au  capitaine  de  galère  Jean 
de  Carranrais  et  Anne,  épouse  de  Balthasar  Catin,  lieute- 
nant du  sénéchal  et  encore  un  fils  baptisé  le  24  juillet  1529  -  : 
c'est  ce  Fouquet  de  Vega  que  choisit  pour  exécuteur  testa- 
mentaire  Gaspard   Armeille,    l'ancien   tambourinaire. 

Fouquet  de  Vega  semble  avoir  été  entraîné  au  calvinisme 
sous  l'influence  de  son  oncle,  Jacques  de  Vega  qui  est, 
sinon  le  créateur,  tout  au  moins  le  réorganisateur  de  l'église 
réformée  de  Marseille.  C'est  en  effet  Jacques  de  Vega  qui 
en  octobre  1561,  écrivit  à  Genève  pour  demander  l'autorisa- 
tion de  mettre  à  la  tête  de  l'église  le  pasteur  Mercurin, 
chassé  de  Lourmarin  par  le  comte  de  Sault.  Son  fils,  Jean 
de  Vega  a  la  même  foi  ardente.  Aussi  est-ce  sur  lui  que 
s'acharneront  les  fanatiques. 

Au  printemps  de  1562  se  déroulent  les  événements  pro- 
fondément regrettables  que  nous  avons  signalés  plus  haut. 
La  première  victime  est  le  fils  de  Jacques  de  Vega  :  ((  Jean 
de  Vega,  écrit  l'historien  protestant  Crespin,  fut  tué  le 
premier  jour  de  may  1562,  près  des  portes  de  la  ville  en  la 


'  Etude  Edouard  Chanot.    Notaire  Jean  Gilli,    1502,  f"  47. 

^  Arch.  des  B.-du-Rh.  Etat  civil  de  Marseille,  n"  567.  Baptêmes  des 
Accoules,  f  193  v-o  :  Die  XXIIII  mensise  jullii  (1529)  fuit  baptizatus 
Fulquetus,  filius  nobilis  et  egregii  viri  domini  Johannis  de  Vego, 
cujus  compater  fuit  nobilis  Fusquetus  Xovelli,  comater  nobilis  Lu- 
dovica  Vento. 


TESTAMENT  d'i'N  TAMMolKIN  AI  RK  (wi"  S.)  SOS 

présence  de  l'un  des  consuls  Pierre  Le  Blanc  '  i-t  dt-  Flas- 
sans  ",  rjui  aida  à  le  tuer,  puis  despouillé  et  laisse  nud...  » 

On  conçoit  que  l'assassinat  de  ce  jeune  gentilhomme  ait 
démoralisé  son  père  Jacques  de  \'ega.  Trois  ans  plus  tard 
il  voyag'e  en  Iispagne  et  il  est  significatif  que  ce  soit  de 
l'intérieur  d'un  couvent,  celui  des  Franciscains  de  Major- 
que, qu'il  expédie  le  5  avril  1565  l'acte  de  procuration 
nécessaire  à  sa  femme,  Jeanne  de  Carranrais,  pour  réi^ler 
une  affaire  de  cession  \  Rentré  à  Marseille  il  y  meurt  le 
4  décembre  1568  et  le  lendemain  le  clerrjé  des  Accoules 
vient  chercher  le  corps  de  l'ancien  huguenot  en  sa  maison 
de  la  Place  Neuve  et  l'accompagne  avec  treize  torches  à 
l'église  des  Augustins,  où  on  l'ensevelit  dans  la  tombe 
familiale  '. 

Fouquet  de  Vega  imite  l'exemple  de  son  oncle;  il  rentre 
dans  le  giron  de  l'église  romaine,  puisque  six  ans  après  le 
testament  de  l'hôtelier  du  logis  de  VOiirs,  il  fait  baptiser 
aux  Accoules,  le  15  septembre  1573,  Theodora  de  Vega,  la 
dernière  fille  que  vient  de  lui  donner  sa  femme  Marguerite 

*  Les  consuls  pour  l'année  municipale  sont  :  Adam  Bouquier, 
Pierre  Blanc  et  Nicolas  Fouquier.  En  l'absencge  de  Adam  Bouquer, 
en  ce  moment  en  cour  pour  les  affaires  de  la  ville,  c'était  le  second 
consul  Pierre  Blanc,  que  Crespin  appelle  Le  Blanc,  qui  adminis- 
trait Marseille  au  moment  des  troubles.  Il  était  fils  de  Charles  ou 
Carlin  Blanc,  qui  en  sa  qualité  de  capitaine  du  corps  de  ville  se 
distingua  si  bien  pendant  le  siège  de  1524  qu'il  fut  aussitôt  après 
nommé  second  consul  pour  l'année  1 524-1 525.  Pierre  Blanc,  à  qui 
on  donne  le  titre  d'écuyer,  maria  une  de  ses  filles,  Marguerite,  à 
Balthazar   Granier,    lieutenant    du    sénéchal. 

^  Xous  supposons  qu'il  s'agit  de  Durand  de  Pontevès,  sieur  de 
Flassans,  chef  des  bandes  catholiques.  Mais  nous  n'avons  pu  déter- 
miner la  présence  de  cet  ancien  consul  d'Aix  à  Marseille,  au  moment 
des  massacres. 

^  Arch.  des  B.-du-Rh.  Xot.  Lcmaire,  registre  année  1565,  f"  736. 

*  Arch.  des  B.-du-Rh.  Etat  civil  de  Marseille,  n"  677.  Enterrements 
des  Accoules,  f"  71  v". 


^Of,  rirRRH    BEKTAS 

de  Moutct  et  dont  est  parrain  Aiigier  Perret  dit  Riquetti, 
qui  devait  en  février  1596  être  nommé  premier  consul  immé- 
diatement après  l'assassinat  de  Charles  de  Casaulx  '. 

Avant  1562  il  avaii  eu  plusieurs  enfants  baptisés  aussi 
aux  Accoules.  C'est  sans  doute  après  le  meurtre  sauvage  de 
son  cousin  germain,  Jean  de  Vega,  que  son  zèle  calviniste 
devint  le  plus  ardent,  car  on  ne  trouve  pas  dans  les  regis- 
tres paroissiaux  les  traces  du  baptême  de  ses  deux  autres 
enfants,  Daniel  et  Elle,  dont  les  prénoms  seuls  révèlent  la 
religion  que  professe  leur  père  au  moment  de  leur  naissance. 

Elie  mourut  en  1575  à  l'âge  de  dix  ans,  victime  d'un 
fâcheux  accident  :  le  marinier  Claude  Chaiidy,  en  allant 
monter  la  garde  au  quartier  des  Accoules,  laissa  tomber 
une  étincelle  sur  le  bassinet  de  son  arquebuse  chargée  à 
l:)lanc.  Le  coup  partit  et  la  bourre  atteignit  le  jeune  garçon 
qui  mourut  des  suites  de  sa  blessure  ". 

Quant  à  Daniel,  il  eut  deux  fils;  mais  l'un  n'eut  pas  de 
postérité  rnâle  et  l'autre  entra  dans  les  ordres  et  devint 
cabiscol  de  l'église  de  la  Major, 

Ainsi  s'éteignit  cette  illustre  famille  des  Vega,  dont  le 
nom  qui  retentit  pendant  deux  siècles,  au  cours  des  plus 
graves  événements,  est  inscrit  en  lettres  de  sang  aux  pre- 
mières pages  de  l'histoire  de  l'église  réformée  de  Marseille 
et  de  son  martvrologe. 

Pierre  BERTAS. 


'  Arch.  des  B.-du-Rh.  Etat  c  ivil  de  Marseille,  n"  575.  Baptêmes  des 
Accoules,  f°  140  V". 

^  Arch.   des  B.-du-Rli.    Fonds  Bergeon,  n"    12.   Xot.   Pierre  Blanc, 
1576,  f"  1088. 


Le  Chourum  Martin 

LdIpo  :  1mm  par  mèlre. 


Plan  .n  AB 


Plan  en  CB-EF 


s  s. 


L'EKDHlon  du  " 


»f 


Le  premier  volume  de  la  France  ignorée,  du  savant  spé- 
léologue E.-A.  Martel,  a\ait  particulièrement  attiré  mon 
attention  sur  une  région  des  Alpes,  riche  en  gouffres  peu 
connus  et  atteignant  de  très  grandes  profondeurs.  Cet  auteur 
cite  en  particulier  l'aven  nommé  le  Chouriuii-Martin  ',  dont 
le  sondage  et  un  essai  de  descente  avaient  duré  près  de 
sept  jours  en  1899,  sans  qu'on  puisse  en  connaître  le  secret. 

Les  très  grandes  difficultés  à  vaincre,  et  surtout  l'éclair- 
cissement de  cette  énigme  me  tentaient,  il  était  important 
de  savoir  si  diverses  sources,  ou  plutôt  résurgences,  qui 
sortent  du  pied  du  massif  du  Grand  Ferrand  (Devoluy), 
avaient  un  rapport  avec  les  nombreux  abîmes  des  sommets. 
Je  décidai  donc  au  début  juillet  de  m'entourer  des  rensei- 
gnements nécessaires  et  de  préparer  l'expédition  pour 
l'époque  qui  me  .semblait  la  plus  propice. 

Ces  avens  situés  à  des  altitudes  supérieures  à  1.500  m., 
.sont  tout  l'hiver  remplis  de  neige  qu'ils  conservent  presque 
toute  l'année,  formant  ainsi  des  glacières  naturelles;  il  était 
donc  important  de  bien  choisir  son  moment  car  trop  tôt, 
la  neige  nous  aurait  gênés  et  trop  tard  les  orages  de  l'au- 
tomne risciuaient  de  compromettre  le  succès. 

M.  le  Conservateur  des  Eaux  et  Forêts  de  Gap,  répondit 
aimablement  à  ma  lettre  et  me  donna  comme  époque  conve- 
nable, fin  juillet  ou  le  début  .septembre.  Je  choisis  donc  le 
i*""  septembre,   et  avertis  mes  collaborateurs  habittiels. 

^  Chourtiin  est  le  vocable  régional  employé  pour  designer  un 
abîme. 


210 


ROBERT   Di:   JOl-V 


Photo   I 


M.  le  Préfet  des  Hautes-Alpes,  voulut  bien  s'intéresser 
à  mes  recherches  et  essava  d'obtenir  l'aide  de  la  troupe  pour 
les  manœuvres  des  agrès.  Ce  fut  malheureusement  sans 
succès,  car  cette  date  tombait  sur  celle  des  grandes  manœu- 
vres, je  tiens  toutefois  à  lui  faire  savoir  public^uement  ma 
reconnaissance. 

Le  i^'  septembre,  nous  devions  tous  nous  réunir  a  Gap  et 
de  là  nous  rendre  au  hameau  du  Grand  Villard,  sur  les 
pentes  est  du  Grand  Ferrand,  d'où  nous  monterions  aidés 
de  mulets,  vers  la  cime  pierreuse. 

Personne  ne  manqua  à  l'appel,  et  pourtant  mes  camara- 
des venaient  de  divers  coins  de  France,  assez  lointains, 
mais  le  Chourum-Martin  nous  fascinait  par  ses  dimensions 
hypothétiques.  M.  David  Martin,  l'ancien  conservateur  du 
Musée  de  Gap,  l'estimait  à  plus  de  500  mètres  verticalement. 

L'après-midi  du  i^''  septembre  se  passa  à  charger  les  bâts 
de  mulets  et  le  traîneau  (Photo  i),  instrument  spécial  qu'u- 
tilisent les  paysans  dévoluard  sur  les  pentes  caillouteuses. 
Il  y  avait  plus  d'une  tonne  de  matériel, de  vivres, de  campe- 
ment,  car  il   fallait  le  nécessaire  pour  réussir  et  de  c^uoi 


l'exploration  du  ((  CHOURL-M-MAKIT-V  » 


211 


s'abriter  et  s'alimenter  pendant  les  j(jurs  qui  seraient  néces- 
saires pour  mener  à  bonne  tin  cette  entreprise. 

Le  2  septembre,  au  petit  jour,  je  sonne  la  diane  et  nous 
nous  dirigeons  vers  le  but.  Nous  étions  quatorze',  plus  les 
conducteurs  des  six  mulets  et  du  traîneau;  certains  pessi- 
mistes disaient  qu'on  descendrait  moins  nombreux  cju'on 
ne  montait...  mais  ce  n'était  pas  fait  pour  nous  arrêter. 
Au  bout  de  deux  heures  de  marche  nous  passons  devant 
le  Chourum  Camarguier,  décrit  par  M.  l-:.-A.  Martel,  tra- 
versons le  Pré  de  Laur  (Photo  2),  où  nous  devions  trouver 


Photo  2 


MM.  Ir?  professeurs  G.  Denizot,  assistant  à  la  chaire  de  Géolo- 
gie à  la  Faculté  des  Sciences  de   Marseille. 

I,.  Gaffier,  as'jistant  à  la  chaire  de  B()t.ani(|uc  à  la  Facult'.- 
de    Marseille. 

Le   commandant    de   Sanzc,    de    \inceniu;.. 

Le  comte  J.    de   Gasparin,   alpiniste. 

P.     Prcgent,    alpiniste. 

G.  et  R.  Viaris  de  Lesengo,  ah-inistes. 

J.  Serre,  ancien  professeur  d'Histoire  Xaturelle  au  col- 
lège Catholique  d'Aix,   Président  du  Spélro-Club  d'Aix. 

G.-H.    Bauquier,    archéologue-spéléologue'. 

Dumont,    Jourdan    et    Girard,    du    Spéléo-Club    d'Aix. 

Boutillon,  d'Amélie-les-Bains. 


212 


ROBERT   DE  JOLY 


la  source  destinée  à  noire  ravitaillement,  mais  qui  était  tarie, 
et  enfin  arrivons  au  bord  du  fameux  gouffre. 


Photo  3 


Nous  commençons  par  installer  le  campement  sur  une 
pente  assez  douce  dans  un  site  sauvage  et  aride.  Devant 
nous,  à  l'est, le  Roc  Roux, la  montagne  d'Aurouze  (Photo  3), 
dont  le  sommet  s'élève  à  2.712  m.,  au  pic  de  Bure  et  celle  de 
Féraud  (2.560  m.) 


Photo  4 


L  EXPLORATION  DU  ((  CHOURUM-MARTIN  »  2I3 


Photc 


A  rouesl,  le  Grand  Ferrand  (Photo  4),  domine  de  ses 
2.761  m.  le  ravin  des  Adroits  qui  nous  côtoie  au  sud.  Xous 
sommes  à  i  .550  mè  Les  nuits  seront  fraîches;,  aussi  devons- 
nous  nous  installer  soigneusement  pour  dormir  le  mieux 
possible,  afin  de  conserver  toutes  nos  forces  pour  le  jour  où 
nous  essayerons  d'atteindre  le  but.  Xous  faisons  monter 
un  chargement  de  belle  paille  à  chaume  de  toiture  pour  les 
camarades  Cjui  n'ont  pas  les  bateaux  pneumatiques 
<(  Motiette  »  comme  couchage.  Notre  bivouac  ressemble  à  un 
campement  de  soldats  (Photo  5). 

Xous  organisons  immédiatement  dans  une  bouche  peu 
profonde  de  l'aven  —  où  la  température  ne  subit  pas  les 
variations  de  température,  —  les  conserves  et  denrées 
périssables. 

Le  matériel  est  mis  en  ordre  près  de  la  bouche  et  nous 
prenons  nos  dispositions  pour  descendre  opérer  les  son- 
dages et  commencer  à  déblayer  la  première  plateforme- 


214 


ROBERT   l>i£  JOLV 


Le  K-rrain  dans  k^quel  s'ouvre  la  série  des  sept  avens  du 
versant  est  du  (Îrand-Ferrand  appartient  au  crétacé  supé- 
rieur (Senonien),  c'est  un  calcaire  blanc  contenant  de  gros 
roo-nons  de  silex  ;  cette  couche  descend  jusqu'à  une  cinquar 
tai^ne-de  mètres  au-dessus  du  hameau  du  Grand  Villard,  où 
des  bancs  de  grès  Turonien  apparaissent.  Les  innombra- 
bles cailloux  blancs  qui  parsèment  le  sol,  donnent  à  ce  coin 
du   Dévoluy   un  aspect  dénudé  et   sévère,    qui   rappelle  le 

causse  Méjean. 

La  bouche  du  C. -Martin  (Photo  6),  est  un  trou  béant  de 
iS  m.  de  long-,  orienté  N.-S.  du  côté  de  l'E.,  il  est  à  pic  et 
de  l'C).  en  pente  d^  70°  environ,  recouverte  de  plantes  diver- 
ses •*  et  surtout  de  rochers  éclatés  par  le  gel.  Sa  largeur  est 
à  la  surface  de  5  m. 


Photo  6 


^  M.   Gafficr  a  relevé  dans  les  environs  du  C.   Martin    : 
Phaca   alpina,   Achillea   fanacetifolium,    Carlina   achantifolia,    Lo- 
tus corniculatus,   Jusnisperus   communis, 
et  dans  la  pente  ouest  du  gouffre,  jusqu'à  8  m.   de  profondeur    : 

Saxifraga  Aizoon,  Saxifraga  Retondifolia,  Saxifraga  bryoïdes, 
Potentilla  alba,  Campanula  Allioni,  Campanula  Linifoba.,  Eh- 
pobium    Flcischeri,    Carlina    acaulis^    Phaca    alpina. 


l'exploration  du  u  CHOURLM-MARII.V  »  213 

La  sonde  avant  donné  24  ni.,  je  drsci^nds  xoir  di-  (|uiii 
il  retourne  et  préparer  les  travaux  d'approche.  Dehors  il 
faisait  38"  et  immédiatement  on  est  saisi  par  im  Iroid 
intense,  stir  la  croupe  qui  forme  relai  à  24,  il  reste  im  névé 
d'un  demi-mètre  cube  qui  abaisse  la  température  à  3"5. 
que  nous  atirons  partotu  dans  ce  gouffre.  Je  téléphone  en 
haut  d'envoyer  des  récipients  et  des  pelles  afin  de  remon- 
ter de  la  glace  qui  remplacera  l'eau  de  la  source  tarie  pour 
les  besoins  de  la  cuisine.  Pendant  que  les  amis  s'occupent 
de  ce  travail  utile,  je  vais  faire  connaissance  avec  l'abîme. 

La  croupe  étroite  (3  m.  X  0,20),  sépare  deux  puits,  celtii 
du  Xord  partant  presque  \erticalement  et  celui  du  vSud, 
descendant  verticalement  sur  4  m.,  puis  en  pente  de  30° 
dirigée  vers  l'Ouest  et  enfin  h  pic,  dans  un  ititje  de  2  m. 
sur  4  m.  Xous  déblavons  les  rochers  branlants  et  la  neige 
qui  garnit  le  couloir  oblique  et  sondons  la  verticale  du 
puits  S,  de  l'étranglement  Cjui  le  termine  et  qui  se  trouve 
à  42.  A  totis  les  essais  la  sonde  s'arrête  76  m.  pltis  bas  sans 
rencontrer  le  moindre  arrêt,  c'est  donc  im  ptiits  lisse  C|tii 
arrive  à  118  m.  sous  la  bouche.  Xous  remarquons  ciue  totites 
les  pierres  cju'on  v  jette, quelles  que  soient  leurs  dimensions, 
parviennent  dans  le  ptiits  Xord  011  elles  rebondissent  plus 
bas  encore.  Ainsi  Cjue  l'axait  signalé  M.  Martel,  ces  deux 
puits  correspondent,  en  bas,  par  un  couloir  en  penie  sans 
aspérité,  allant  de  l'Ouest  vers  le  Xord. 

Cette  forme  générale  en  hélice  de  pas  gigantesque  est 
connue  mais  il  est  rare  de  voir  im  pas  aussi  énorme,  cela 
ne  peut  provenir  que  de  cassures  préexistantes  tlans  les 
bancs  calcaires  que  l'eau  a  travaillés. 

X'ous  nous  occupons  alors  de  nettoyer  la  pente  abrupte 
du  puits  X.,  elle  ne  mesure  que  8  m.  de  long  et  2  m.  de 
large,  de  très  nombreux  cailloux  et  blocs  la  parsèment,  le 
gel  a  fait  éclater  la  roche  en  place  et  il  faut  très  soigneu- 


216  ROBERT  DE  JOLY 

sèment  vérifier  toute  la  surface  pour  éviter  le  jour  de  la 
descente  une  cluite  de  pierres  toujours  dangereuse. 

I^nlln  nous  jetons  la  sonde,  elle  indique  un  petit  arrêt 
a  -2  m.  puis  secouée,  descend  sans  arrêt  jusqu'à-155.  Là, 
impossible  de  la  faire  continuer  plus  bas,  j'utilise  ma  canne 
de  bambou  fourchue  pour  essayer  d'éloigner  la  ligne  de 
la  paroi,  c'est  sans  résultat.  Nous  sommes  donc  certains 
d'avoir  à  descendre  à  155  m.  au  moins,  puis  l'inconnu. 

La  journée  avait  été  bien  remplie  et  à  5  heures  nous  res- 
sortons  avant  une  idée  de  l'abîme  que  nous  nous  proposions 
tle  visiter.  Les  grandes  lignes  ressemblaient  bien  à  ce  qu'a- 
vaii  indiqué  AL  Martel.  Nous  étions  sûrement  dans  le 
C\-Martin,  aucune  méprise  n'était  possible. 

Deiiors  nous  trouvons  un  ciel  chargé  et  voyons  un  orage 
arriver  vers  nous  du  X.-I{.,  nous  nous  préparons  h.  le  rece- 
voir, mais  j'avais  bien  plus  d'appréhension  pour  les  suites 
qu'il  aurait  pour  nous  cpie  pour  l'ennui  passager  qu'il 
nous  causait.  Le  baromètre  baisse  encore,  et  enfin  la  tornade 
assaille  nos  frêles  demeures.  A  l'intérieur  des  tentes  il  bruine 
car  le  vent  comprime  l'eau  sur  la  toile,  il  faut  mettre  à  l'abri 
le  matériel  de  couchage  car  la  nuit  est  là  et  les  poêles  seront 
insuffisants  pour  sécher  nos  couvertures. 

La  complainte  LIavaïenne  que  nous  dispensait  le  phono- 
graphe s'est  tu,  on  entend  des  camarades  qui  sortent  pour 
assujettir  les  piquets  de  tente  qtie  la  tempête  arrache.  Enfin, 
la  bourrasque  diminue  et  à  9  heures  du  soir  on  s'apprête 
à  prendre  un  repos  salutaire,  bercés  par  les  flots  d'harmonie 
qui   nous  parviennent  —   Ira   las   montes  —  par  T.   S.   F. 

Au  petit  jour,  réveil,  il  faut  faire  sécher  le  matériel  d'ex- 
ploration humide  malgré  sa  bâche,  et  continuer  les  travaux 
les  travaux  d'aménagement. 

Sur  le  relai  de  24,  je  plante  une  grande  aiguille  d'acier, 
où  se  fixeront  tous  ceux  qui  auront  à  séjourner  surcet  incon- 
fortable et  froid  emplacement. 


L  EXPLORATION  DU  «  CHOUROI-MARTIN  ))  21  7 

Notre  journée  se  passe  à  vérifier  au-dessus  et  au-dessous 
du  relai  les  roches  branlantes  et  à  les  envoyer  en  bas,  ce 
qui  produit  un  bruit  sourd  vers  le  fond,  nous  faisant  espérer 
une  caverne. 

M.  Martel  nous  ayant  recommandé  la  plus  grande  pru- 
dence, je  dispose  des  treillages  métalliques  sur  les  pentes 
pour  éviter  les  avalanches  au  cours  des  mancvuvres  de 
descente  et  surtout  d'allongement  d'échelles.  Rien,  en  effet, 
n'est  plus  dangereux  que  de  demander  d'en  bas  qu'on 
rajoute  des  échelles  en  haut,  le  frottement  des  barreaux  des- 
celle les  rochers  fendillés  ou  entraîne  des  pierres  passées 
inaperçues.  Plus  le  poids  d'échelle  est  élevé  et  plus  le  dan- 
ger augmente  pour  celui  qui  en  donne  l'ordre  du  fond. 
Des  obus  ou  des  balles  dans  leur  trajectoire  prt)curenl  la 
même  impression.  La  précaution  était  bonne  car  lorsque 
nous  avons  retiré  les  treillages,  une  fois  l'exploration  ache- 
vée, nous  les  avons  trouvés  chargés  de  pierres. 

Vers  3  heures  de  l'après-midi,  tout  était  en  place,  160  m. 
d'échelles  étaient  tendues  dans  le  puits  Xord.  quand  on 
nous  avisa  Cju'un  orage  arrivait  de  la  même  direction  que 
la  veille.  Xous  quittons  notre  relai  et  mettons  les  agrès  de 
l'extérieur  à  l'abri,  cpux  qui  étaient  en  place  ne  pouvaient 
qu'y  rester. 

Les  cataractes  durèrent  deux  heures  et  enfin  le  ciel  s'éclair- 
cit.  Xous  n'avions  pas  de  chance,  mais  ne  pouvions  reculer. 

Le  4  septembre,  vers  8  heures,  je  décide  de  commencer 
la  grande  descente.  Un  ordre  de  service  était  resté  en  haui, 
prévoyant  le  remplacement  des  camarades  aux  agrès  sur  le 
relai  de-24.  G. -H.  Rauquier  est  au  central-téléphonique  '.  à 

''  Le  rôle  de  téléphoniste  n'est  pas  si  agréable  que  ce  que  l'un 
peut  croire.  Il  doit  avoir  bonne  mémoire,  pour  répéter  dans  l'ordre 
tout  ce  qui  lui  est  dit  d'en  bas,  il  doit  aussi  avoir  un  caractère 
angélique   pour   supporter  les   remontrances,   parfois  un   peu   aigres. 


2ig  ROBERT   DE  JOLY 

côté  cK*  ceux  qui  auront  la  mission  de  tenir  les  cordes  de 
sûreté  téléphoniques,  il  esl  relié  avec  la  surface  et  avec  moi 
par  deux  téléphones.  Les  cordes  sont  lovées  aux  pieds' des 
opérateurs,  toutes  les  poulies  sont  bien  arrimées,  je  sais 
{jue  nous  ne  manquerons  pas  de  cordes,  car  i\I.  Benet- 
Duboul,  des  Corderies  de  Mazargues,  à  Marseille,  a  bien 
voulu  nous  prêter  gracieusement  un  splendide  filin  de 
400  mètres,  qui  avec  ce  que  nous  possédons  déjà  nous  per- 
mettra d'aller  à  plus  de  500  m.,  si  c'est  nécessaire'.  J'ai 
en  réserve  400  m.  de  ligne  électrique  pour  téléphone  en  plus 
de  mes  300  m.  habituels.  II  semble  que  nous  devions  réus- 
sir, tout  est  prévu...  même  le  cas  où  je  resterai  au  fond  par 
accident. 

A  luiil  heures,  je  rentre  dans  le  Chourum,  organise 
l'équipe,  et  met  la  dernière  main  aux  préparatifs. 

A  9  heures,  je  commence  la  descente,  solidement  sou- 
tenu par  des  camarades  rompus  à  ce  genre  de  travail  :  Gas- 
parin,  Prégent,  Viaris  aîné  et  cadet.  Denizot  est  en  réserve, 
car  il  doit  me  suivre  au  premier  appel.  Les  autres  restent 
à  la  surface  pour  fournir  tout  ce  c|ui  peut  leur  être  demandé. 
Pendant  48  mètres  je  descends  sans  arrêt,  dans  ce  grand 

du  chef  d'expédition,  énervé  par  une  attente  trouvée  trop  longue  dans 
une  position  fatiguante. 

Nous  n'avions  pu,  à  cause  de  la  grande  humidité,  utiliser  dans 
cette  exploration  l'amplificateur  Basse  Fréquence  c^ue  j'ai  mis  en 
service  cette  année.  Cet  appareil  a  l'avantage  de  faire  gagner  du 
temps,  en  diminuant  le  temps  qui  s'écoule  entre  l'ordre  et  l'exécu- 
tion: tout  le  personnel  étendant  les  ordres  immédiatement  par  le 
haut  parleur. 

'"  Il  est  agréable  de  co.nstater  que  certains  industriels  s'intéres- 
sent aux  questions  scientifàc|ues  et  qu'ils  aident  dans  lainesure  de 
leurs  moyens  ceux  qui  se  dévouent  à  la  cause  commune. 

Je  dois  mentionner  parmi  ceux-ci:  'M.  Lefort,  des  bateaux  pneu- 
matiques «  alouette  »,  qui  a  bien  voulu  me  fournir  gracieusement 
une  de  ses  remarquables  embarcations  afin  de  doubler  la  mienne 
çt  de  permettre  à  un  camarade  de  me  suivre, 


l'exploration  pu  <(  CHOUROr-MARTlX  »  2I9 

puiis  qui  yi\  s'ai^randissant  et  dont  les  dimensions  nioscnnes 
sont  de  iS  m.  de  long"  sur  S  m.  de  large,  i'intin,  a-72  ni.  je 
rencontre  le  petit  balcon  cju'avail  révélé  ma  sonde,  il  est  très 
étroit  mais  on  peut  s'y  arrêter  et  y  attendre  Denizot,  auc[uel 
je  donne  l'ordre  de  venir.  Il  pleut  sans  arrêt  depuis  le  début, 
les  échelles  servent  de  guidage  à  des  ruisseaux  (|ui  me 
gèlent,    la  température  est   toujours  glaciale. 

Enfin  Denizot  arrive,  mais  l'échelle  ne  passant  pas  à 
l'aplomb  de  la  petite  corniche  que  j'avais  atteint  en  m'agrip- 
pani  aux  parois,  je  dois  le  faire  passer  devant  m<ji  comme 
sur  une  escarpolette  avec  la  corde  c{ue  j'avais  fixée  à 
l'échelle.  Xous  voilà  installés,  à  deux  sur  ce  relai  mesurant 
de  10  à  ,^5  cent,  de  large  sur  i  m.  de  long.  Devant  nous, 
le  trou  béant  et  noir. 

Mes  notes  prises,  j'avertis  en   haut  que  je  continue. 

C'est  la  descente,  l'interminable  descente,  dans  ce  gouf- 
fre' aux  dimensions  énormes,  aux  parois  verticales  et  polies 
par  les  eaux  Cjui  le  forèrent  jadis,  l'échelle  de\-ient  de  plus 
en  plus  élastic|ue,  chaque  mouvement  fait  i)our  passer  d'un 
barreau  à  l'autre  procure  une  oscillation  de  plus  en  plus 
importante,  elle  atteindra  vers  150  m.  50  cent.,  il  semble 
\ju'()n  est  pendu  à  du  caoutchouc. 

A.  la  pr(jfondeur  j^réxue  de  155  m.  ptw  l'aj^port  ii  la  bou- 
che, c'est-à-dire  131  m.  j)lus  l>as  (|ue  le  relai  téléphonique, 
je  descends  du  dernier  barreau,  car  l'échelle  est  terminée", 
sur  une  petite  plateforme  de  2  m.  de  long  sur  0,50  de  large 
à  l'endroit  le  plus  grand.  L'endroit  est  peu  confortable,  mais 
il  faudra  tout  de  même  y  rester  longtemps,  j'v  arrive  à 
10  h.  5.  Toujours  autant  d'eau,  toujours  aussi  froid.  J'avise 
Denizot  qu'il   \ienne   me   rejoindre. 

I)e\ant  moi  un  immense  porcin-  au  Xord,  dont  je  ne 
sais  encore  la  haïUeiu'  au-dessus  du  fond,  mais  cjui  a  25  m. 

"   I/eau   a   raccourci   les   échelles   de   5   mètres  ! 


220  ROBERT    DK  JOLY 

trouverture.  Sur  le  côté  et  un  peu  au-dessus  à  130  m.  de 
jirofondeur,  débouche  le  couloir  du  puits  Sud.  Je  m'en  aper- 
çois à  de  la  pierraille  menue  qui  en  débouche,  probablement 
filtrée  en  haut  par  ma  grille,  et  mise  en  mouvement  par 
les  efforts  des  aides,  sur  le  relai.  Xos  hypothèses,  jusc^u'ici 
se  réalisaient.  En  attendant  Denizot,  je  vais  essayer  de  son- 
der plus  bas,  mais  cette  opération  n'était  pas  commode, 
du  point  où  j'étais,  car  au-dessous,  13  m.  plus  bas,  il  y 
avait  un  autre  balcon,  plan,  beaucoup  plus  grand  que 
celui  sur  lequel  j'étais.  Je  me  résouds  à  sonder  au  magné- 
sium et  au  son.  Le  vif  éclairage  me  fait  découvrir  une 
immense  salle  dont  je  ne  puis  distinguer  les  limites.  Le 
son  m'indique  que  le  fond  de  la  salle  n'est  pas  très  éloi- 
gné, 35  m.  environ,  qu'il  est  à  peu  près  plan,  que  du  côté 
de  l'ouest  il  v  a  de  la  terre,  presque  partout  des  pierres 
et  à  l'est  de  l'eau. 

A  II  h.  15,  Denizot  me  rejoint.  Xous  demandons  immé- 
diatement qu'on  nous  envoie  du  thé  chaud,  des  vêtements 
imperméables  et  des  tricots  de  laine.  Xous  sommes  mouillés 
par  les  mains  et  les  bras  qui  ont  canalisé  l'eau  qui  suivait 
les  échelles.  Les  attentes  immobiles  nous  font  grelotter. 
Enfin,  on  nous  avise  que  la  sache  descend,  nous  allons 
pouvoir  nous  réchauffer  grâce  à  la  Thermos.  Mais  il  n'en 
est  rien,  le  colis  arri\'e,  la  fragile  bouteille  mal  emballée 
était  brisée,  trempant  les  vêtements  qui  l'accompagnaient. 

Le  cas  était  prévu  et  j'avais  ce  qu'il  fallait  pour  faire 
des  boissons  chaudes  ',  mais  il  était  impossible  de  faire  la 
cuisine  sous  ces  cataractes  dans  un  espace  aussi  restreint, 
d'autant  plus  que  j'avais  donné  l'ordre  en  haut  de  rallon- 
ger les  échelles  de  50  m.,  et  leur  chute  rapide  aurait  risqué 
de  faire  tomber  notre  réchaud. 

■    Réchaud    extra-lcger   et    réduit    à    meta, 


l'exploration  DL'  k  CHOIRI.M-.MARTIN  »  221 

Après  de  très  grandes  ditTicullés  pour  les  camarades  d'en 
haut  qui  rajoutaient  les  éléments  d'échelles,  à  cause  de 
leur  grand  poids  naturel,  près  de  loo  kgs,  et  de  l'eau  qui 
les  alourdissaient  par  surcroît,  nous  voyons  arriver  ce  (lui 
nous  permettra  d'aller  plus  avant. 

Bauquier,  au  cours  de  cette  manœuvre,  avait  dû  dans 
une  position  dangereuse,  couper  un  barreau  coincé  à  la 
hache  pour  permettre  la  descente  de  la  longueur  demandée. 

Voici  comment  fut  opérée  cette  dangereuse  manœuvre   : 

Bauquier,  auquel  l'inaction  pesait,  fixé  depuis  plusieurs 
heures  à  ses  téléphones,  m'avisa  Cju'il  allait  quitter  les  pos- 
tes et  essayer  de  dégager  l'échelle. 

Il  se  fit  encorder,  et  descendit  dans  le  grand  puits,  jus- 
qu'à ce  qu'il  trouxa  le  barreau  qui  retenait  celle-ci.  C'était 
une  pointe  rocheuse.  B  avertit  les  camarades  ([ui  le  rete- 
naient de  faire  attention  à  la  secousse  qu'il  allait  procurer, 
car  d'un  coup  de  hache  il  allait  briser  le  barreau  et  le  gros 
poids  d'échelle  en  place  dans  le  gouffre  allait  tirer  d'un 
coup  les  deux  mètres  d'allongement  qui  n'a\-aient  pas  voulu 
y  aller  seuls.  Très  courageusement  il  brisa  le  barreau  et 
tomba  avec  les  échelles  de  cette  hauteur. 

En  bas  nous  n'axions  pu  nous  rendre  compte  de  ces  dif- 
ficultés et  trouvions  le  temps  long.  Tout  avait  été  bien  exé- 
cuté car  nous  n'avions  reçu  ni  une  pierre  ni  la  hache  ficelée 
au  poignet  de  cet  aide  dévoué. 

Ceux  qui  n'ont  jamais  assisté  à  des  explorations  de  ce 
genre  ne  peuvent  se  rendre  compte  de  la  dose  de  patience 
qu'il  faut  aux  aides  pour  exécuter  les  innombrables  manani- 
vres,  chaque  fois  différentes,  qui  sont  nécessaires.  B  leur 
faut  de  la  force  et  de  l'intelligence  car  un  faux  mouvement 
risquerait  d'entramer  un  accident  ou  une  avalanche. 

Muni  des  agrès  néces.saires,  je  descendis  i,^  m.  plus  bas 
sur  la  grande  plateforme  où  je  trouve  un  coin  où  il  ne  pleut 
pas.  Je  fais  la  cuisine  pour  Denizot  et  moi,  en  l'occurrence 

6 


32a  ROBERT  DE  JOLY 

un  excellent  chocolat  fine  je  lui  envoie  par  une  cordelette 
de  service  dans  une  gourde,  incassable,  cette  fois.  Tous 
deux  nous  avons  ajouté  chandails  sur  chandails  et  nous 
trouvons  prêts  pour  continuer.  Il  avait  fallu  près  d'une 
heure  pour  ces  opérations  indispensables.  A  12  h.  50  je 
jîle  vers  ce  que  je  pensais  être  le  fond. 

A  13  heures,  j'arrive  entre  deux  cascades  sur  le  sol  de  la 
grande  salle.  Immédiatement  près  de  là  je  vois  le  casque 
que  Vifiris  avait  laissé  choir  d'en  haut  la  veille  et  des  mor- 
ceaux de  fer  blanc  déchiquetés,  dont  un  possédait  un  goulot. 
Ils  étaient  enterrés  de  10  centimètres  environ.  C'était  les 
bidons  de  sondage  de  IVI.  Martel..  Depuis  trente  ans  ils 
recevaient  les  pierres  jetées  par  les  pâtres  ou  entraînées  par 
les  orages.  Je  suis  à  190  m.  de  profondeur. 

J'avertis  Denizot  c^ue  cela  doit  être  le  fond,  que  je  vais 
reconnaître  les  lieux  et  qu'il  descende  me  tenir  compagnie  et 
faire  ses  observations. 

Sous  les  cascades  il  y  avait  des  mares  d'une  vingtaine  de 
mètres  carrés,  le  sol  était  plan  et  général  sauf  vers  l'ouest 
où  on  distinguait  au  magnésium  un  aven  débouchant  dans 
le  plafond,  qui  avait  conduit  des  pierrailles  et  fait  un  petit 
cône  d'éboulis  de  2  mètres. 

Le  paysage  souterrain  est  grandiose,  la  salle  a  60  mètres 
de  long  sur  30  de  large  et  au-dessus  le  plafond  est  à  peu 
près  de  60  mètres. 

Nous  trouvons  un  petit  couloir  obstrué,  nous  y  entrons 
avec  peine  et  nous  y  reposons  en  y  faisant  de  nouveau  une 
collation  chaude,  accompagnée  d'une  boîte  de  thon,  dont 
l'huile  nous  servit  à  nous  enduire  les  mains  gelées  et  abî- 
mées par  l'eau  des  cordages. 

Nous  refaisons  le  tour  de  la  salle  et  trouvons  par  terre 
deux  cornes  de  bélier,  mais  ce  sont  les  seuls  ossements  qui 
gisent  dans  ce  gouffre.   On  voit  par  là  que  le  massif  du 


l'exploration  du  <(  CHOURL'M-MARTLN'  ))  âîj 

Grand-Ferrand  n'est  pas  très  fréciuentc  et  cjuc  son  accès 
n'est  pas  très  commode,  sinon  comme  beaucoup  d'avens 
il  aurait  servi  de  dépotoir,  malgré  la  loi  de  1902,  malheu- 
reusement jamais  appliquée.  Le  bélier  a  dû  tomber 
accidentellement. 

Nous  observons  des  bancs  de  silex  de  très  grosse  taille, 
nous  sommes  dMic  encore  dans  le  Senonicn.  L'extrémité 
ouest  de  la  salle  est  légèrement  en  pente  et  j'espérais  trouver 
là  le  puits  qui  nous  aurait  mené  plus  bas,  mais  il  n'y  avait 
qu'un  peu  de  terre  et  la  diaclase  allait  en  se  rétrécissant 
puis  était  colmatée  par  un  humus  noirâtre.  Il  n'y  avait  pas 
d'issue,  nous  avions  bien  touché  le  fond  du  fameux  gouf- 
fre. Le  pendag'e  des  strates  est  du  X.-E  vers  le  S.-E.  de  30"* 
environ. 

Etant  donnée  sa  haute  altitude  et  ses  dimensions  au- 
dessus  de  la  movenne,  cet  abîme  a  dû  servir  de  conduit  à 
de  très  grandes  quantités  d'eau  et  il  est  certain  que  la  grande 
salle  a  été  le  collecteur  d'au  moins  deux  avens  et  que  de 
là,  partait  un  autre  puits  conduisant  l'eau  beaucoup  plus 
bas  vers  les  fontaines  de  Gillarde  probablement. 

Le  colmatage  de  la  grande  salle  doit  être  très  ancien, 
mais  la  constatation  que  nous  avons  faite  en  ce  qui  con- 
cerne les  deux  cascades,  dont  le  niveau  des  mares  ne  mon- 
tait pas  malgré  l'apport  régulier,  prouve  que  l'eau  s'infiltre 
rapidement  vers  le  bas,  au  lra\H'rs  d'une  couche  de 
pierrailles. 

La  fixité  des  parois  et  du  plafond  doit  être  grande  car 
nous  n'avons  relevé  aucun  bloc  —  à  part  au  sud-est  —  un 
rocher  qui  provenait  de  la  paroi  im  mètre  au-dessus  du  fond. 
Aucun  séisme  depuis  des  millénaires  n'est  venu  ébranler 
cette  région,  et  les  strates  sont  parfaitement  soudées  entre 
elles,  sinon  on  verrait  comme  au  «  Garagaï  )>  de  Sainte- 
Victoire  des  dalles  fra'chemenl  écroulées  du  plafond. 


33^  ROBERT  DE  JOLY 

11  faut  maintenant  remonter  au  jour.  Nous  avions  laissé 
le  téléphone  à-155  m.  pour  gagner  du  temps  et  éviter  des 
raccords  électriques.  En  haut  on  doit  s'inquiéter  de  notre 
silence  persistant. 

Denizot  remonte  au  relai.  Je  le  suis  de  près,  remorquant 
l'échelle  attachée  à  ma  ceinture,  ce  qui  est  assez  pénible  à 
cause  du  poids  progressivement  de  plus  en  plus  grand,  et 
arrive  au  relai.  Notre  téléphone,  qui  a  été  inondé  pendant 
plus  de  huit  heures  ainsi  que  les  câbles,  est  tellement  faible 
qu'on  entend  à  peine  de  part  et  d'autre.  Je  donne  l'ordre 
de  tirer  Denizot,  et  le  voilà  qui  s'en  va  entraînant  avec  lui 
ma  corde  téléphonique.  Je  devine  que  lorsque  le  colis  est 
descendu  il  a  dû  se  vriller  autour  de  ma  corde.  Je  me 
détache  donc  et  dis  à  Denizot  de  me  faire  envoyer  une 
corde  dès  qu'il  sera  arrivé.  Il  est  18  h.  15.  Une  grande 
heure.se  passe,  il  n'y  a  plus  de  liaison  avec  le  reste  du 
monde  et  ma  corde  n'arrive  pas.  Le  froid  de  l'immobilitté 
et  la  détente  m'envahissent,  cette  attente  est  très  pénible. 
Les  deux  chaufferettes  à  agglomérés  de  charbon  de  bois  et 
salpêtre  sont  insuffisantes  pour  me  donner  la  chaleur  néces- 
saire. Je  suis  caché  sous  un  manteau  installé  comme  une 
tente  sur  ma  tête  pour  ne  pas  mouiller  mon  carnet  de  notes. 
L'acétylène  est  terminée,  je  dois  changer  d'éclairage  et 
prendre    rélectric|ue    bien    moins    puissant. 

A  19  h.  45,  le  bout  de  la  corde  de  sûreté  arrive,  je  pense 
qu'en  haut  ils  ont  dû  avoir  toutes  sortes  de  difficultés  pour 
débrouiller  350  mètres  de  corde  et  les  mettre  en  ordre  sur 
un  si  petit  espace,  risquant  de  glisser  dans  un  des  puits  au 
moindre  mouvement.  Enfin  je  pars.  Je  monte  interminable- 
ment dans  le  grand  tube  noir,  l'eau  dévale  toujours  le  long 
des  échelles,  je  ne  sens  plus  mes  mains,  et  pourtant  il 
faul  arriver  et  surtout  monter  les  20  kilogs  que  j'ai  sut  moi, 
n'osant  laisser  jusqu'au  lendemain  mes  appareils  fragiles. 


L  EXPLORATION  DU  ((  CHOUROI-MARTIN*  »  22  5 

Les  halles  se  font  plus  fréquentes,  les  camarades  en  haut 
sont  harassés  et  ne  se  rendent  pas  compte  du  poids  que 
je  traîne,  je  n'ai  pas  ma  force  habituelle  dans  mes  mains 
raidies  par  le  froid.  J'en  iDrofite  pour  maudire  une  fois  de 
plus  les  deux  orales  (jui  sont  cause  de  cette  souffrance,  et 
à  20  h.  30  j'arrive  au  relai  de-24.  Il  fait  presque  nuit,  cela 
fait  plus  de  douze  heures  que  j'ai  quitté  le  jour. 

Tout  va  bien,  les  camarades  ont  aussi  beaucoup  souffert 
du  froid.  Banquier,  voué  à  l'inaction,  interrompue  seule- 
ment un  instant  p(nir  aller  couper  le  barreau  au  central  lélt'- 
phonique,  a  dû  quitter  son  poste  et  sortir,  s'allonger  au 
soleil  à  moitié  évanoui.  Gasparin,  Prégent,  les  Viaris  sont 
là,  fidèles.  Les  traits  se  sont  tirés,  les  barbes  ont  poussé,  il 
est  temps  d'aller  se  coucher. 

Le  courrier  nous  a  apporté  une  lettre  de  M.  Martel,  qui 
nous  fait  toutes  sortes  de  recommandations.  Elle  nous  a  fait 
plaisir,  car  nous  nous  sentions  en  liaison  par  la  pensée  avec 
celui  qui  nous  avait  donné  l'idée  de  venir  résoudre  l'énigme 
et  ce  n'est  pas  sans  un  sentiment  de  fierté  que  je  lui  retour- 
nais une  brève  missive  lui  annonçant  la  réussite  de 
l'expédition. 

Une  nuit  réparatrice,  nous  remit  tous  d'aplomb  et  le  len- 
demain nous  procédâmes  à  la  remontée  de  ce  c{ui  restait  dans 
le  puits.  Ce  n'était  pas  une  petite  affaire,  il  y  avait  à  tirer 
150  kilogs  d'échelles  au  bout  desquelles  était  attaché  la 
sache  aux  vêtements.  Il  fallut  changer  la  disposition  des  pou- 
lies pour  pouvoir  remorquer  une  telle  charge  dans  les  meil- 
leures conditions.  La  bouche  n'étant  pas  exactement  à  l'à- 
pic  du  grand  puits,  cela  devait  entraîner  des  frictions  sur 
la  paroi   et  augmenter   l'effort. 

Serre,  Jourdan,  Viaris,  qui  ont  l'habitude  de  ces  manu-u- 
vres,  descendirent  à  24  m.,  tous  les  autres  étaient  en  haut  et 


é26 


ROBERT   DE  JOLY 


je  commandais  la  traction  en  la  rythmant  au  sifflet,arin  d'être 
entendu  d'en  haut  (Photo  7)  et  d'en  bas,  installé  à  une 
douzaine  de  mètres  de  profondeur  un  pied  sur  chacjue  paroi 
de  la  diaclase  près  du  passage  de  la  corde. Dix  mètres  par  dix 
mètres  de  profondeur  un  pied  sur  chaque  paroi  de  la  dia- 
clase près  du  passage  de  la  corde.  Dix  mètres  par  dix 
mètres,  toutes  les  échelles  sortirent  de  l'abîme  suivies  du 
sac.  On  en  fit  un  paquet  et  d'un  dernier  effort  on  hala  le 
tout  au  soleil  (Photo  8). 


Photo  7 


Photo  S 


Tout  avait  marché  à  merveille.  René  Viaris  avait  reçu 
une  pierre  assez  grosse  que  mon  pied  avait  fait  échapper, 
mais  courageusement   il   ne  s'en  plaignit  pas,   quoique  le 


L  EXPLORATION  DU  ((  CHOLRUM-MARTIX  »  227 

traumatisme  devait  le  faire  souffrir  une  liuilaiiK'  de  jours. 
Nous  n'avions  rien  laissé  dans  le  chourum  à  part  la  Ther- 
mos, cela  était  peu,  et  avions  vu  tout  ce  qu'il  était  humai- 
nement possible  de  voir. 

A  midi  tout  était  replié,  les  premiers  mulets  arrivaient, 
et  on  levait  le  camp. 

Nous  constatons  en  passant  Cjue  la  fontaine  du  Pré  de 
Laup  s'est  remise  à  couler.  Ce  pré  est  une  sorte  de  «  doline  » 
se  trouvant  43  m.  plus  bas  que  la  bouche  du  C. -Martin, 
35  m.  plus  bas,  à  1.472  m.  d'altitude,  il  y  a  une  autre  doline 
et  il  est  vraisemblable  qu'elles  correspondent  à  des  effon- 
drements de  plafonds  de  salles  qui,  jadis,  correspondaient 
soit  avec  le  C. -Martin,  soit  avec  le  C.-Camarguier. 

Dans  la  doline  la  plus  haute  une  grosse  mare  s'était  for- 
mée après  les  orages  et  elle  subsista  48  heures. 

Le  pendage  des  strates,  vérifié  au  fond  du  gouffre,  se 
voit  à  la  surface  du  sol,  il  favorise  l'écoulement  des  filets 
d'eau  vers  les  fontaines  de  la  vallée  de  la  Ribière  qui  se 
jette  dans  la  Souloise  à  Saint-Disdier. 

Le  soir,  à  Saint-Disdier,  un  dîner  nous  réunissait  tous, 
dans  l'auberge  du  T.  C.  F.,  satisfaits  du  résultat  obtenu. 
Nous  n'avions  pas  trouvé  le  réseau  de  canaux  qui  desser- 
vaient les  résurgences  du  pays,  mais  avions  constaté  une 
fois  de  plus  qu'il  est  exceptionnel  de  pouvoir  suivre  l'eau 
de  haut  en  bas  dans  ces  terrains  *  et  que  celle-ci  passe  sans 
filtrage  et  très  rapidement  de  la  surface  aux  points  de  sortie. 


^  Lorsqu'on  fait  ces  recherches  hj-dro-géologiqucï  en  pdnctrailt 
par  les  avens,  c'est-à-dire  le  haut,  on  est  toujours  arrêté  par  des 
Colmatages  plus  ou  moins  anciens,  ne  permettant  pas  à  un  homnic 
de  se  faufiler.  Cela  n"a  rien  que  de  très  naturel.  Depuis  les  millé- 
naires que  ces  gouffres  ont  été  creusés,  des  effondrements  de  strates, 
des    produits    détritiques,    cailloux,    troncs   d'arbres,    sont   venus   for- 


228  ROBERT   DE  JOLY 

Le  lendemain,  après  avoir  repris  sur  nos  voilures  nos 
chargements  respectifs,  nous  nous  séparâmes,  espérant  con- 
tinuer nos  recherches  dans  cette  belle  région  l'an  prochain. 

Robert  de  JOLY. 


mer  des  «  bouchons  »  que  les  eaux  d'orages  n'ont  pu  débloquer.  Les 
Italiens  dans  l'Istrie  ont  pu  pénétrer  après  de  longs  et  coûteux 
travaux  à  600  m.  sous  terre,  mais  lorsqu'ils  trouvaient  l'eau  ils  ne 
pouvaient  la  suivre  à  cause  des  siphons  qui  venaient  alors  leur  oppo- 
ser une  barrière  infranchissable,  surtout  à  de  telles  profondeurs. 

Si  on  essaye  de  remonter  par  une  saison  sèche  le  cours  d'un 
«  Event  »  —  résurgence  temporaire  —  on  arrive  aussi  plus  ou  moins 
loin  à  des  siphons  débouchant  dans  les  lacs  qui  interdisent  la  pour- 
suite des  investigations. 

■  Il  en  est  ainsi  jusqu'à  nouvel  ordre.  L'avenir  nous  fera  peut-être 
mentir. 

Bibliographie  :  E.-A.  Martel,  La  France  ignorée.  Delagrave,  Pa- 
ris, 1928.  P.  181  à  189  ;  Les  Chourums  du  Devoliiy.  Jean  et  Peyrot, 
Gap,   1902. 

L.  Michel,  Monographie  du  Devoluy.  Vollaire,  Gap,   1913. 


RAPPORT 

de 

M.    Jean    de    SERVIÈRES 

Secrétaire     Général 

sur  l'attribution  des  Médailles  de  la  Fondation  "  Paul-Paret 
et   de  la  Fondation  '"  Joseph-Laurent 
en   1928 


Notre  Société  décerne  pour  la  cinquième  fois  sa  médaille 
de  vermeil  de  la  «  Fondation  Paul-Paret  ». 

Ayant  distingué,  d'année  en  année,  au  cours  de  ce  |3re- 
mier  lustre,  sa  dévouée  fondatrice,  deux  archéologues  et  un 
écrivain  régionaliste  ',  voici  cju'elle  a  voulu  honorer,  celle 
fois,  une  Société  sœur,  et  lui  manifester  ainsi  sa  joie  sincrre 
d'une  prospérité  digne  d'émulation. 

Si  vous  voulez  bien  vous  souvenir  que  pour  notre  cen- 
tenaire à  nous,  en  1927,  notre  respectable  aïeule,  la  bi-cen- 
tenaire  Académie  de  Marseille,  voulait  bien  nous  attribuer 
une  de  ses  plus  hautes  récompenses,  le  prix  Dassv,  nous 
nous  approuverez  d'avoir,  en  poursuivant  la  descente  de 
la  progression  géométrique,  oflfert  à  la  Société  Scicnlifiquc 
et  Littéraire  des  Basses-.ilpes,  fêtant  son  premier  cinquan- 
tenaire, en  septembre  1928,  l'hommage  de  notre  cordiale 
confraternité,  gravé  sur  le  métal  de  notre  médaille. 

Au  retour  des  fêtes  qui  se  déroulèrent  à  Digne,  à  cette 
occasion,  où  nous  avions  été  si  gracieusement  invités,  nos 


^   Mme   Paul   Parct,    M.\r.    l'abbc  Saute],   Pierre  de  Brun,   Marcel 
Provence. 


230 

déléo-ués  officiels,  touchés  de  l'aimable  et  charmant  accueil 
de  nos  confrères  bas-alpins,  n'eurent  aucune  peine  à  fixer 
notre  choix  sur  cette  vSociété  savante  qui  depuis  cinquante 
ans  maintient  sans  défaillance  le  flambeau  de  l'Esprit  sur 
la  Provence  montagnarde. 

Le  programme  de  ses  travaux  historiques,  scientifiques 
-et  littéraires  s'est  poursuivi  pendant  ce  demi-siècle  ainsi  que 
l'avaient  établi  ses  fondateurs,  et  les  ouvriers  de  la  dernière 
heure,  les  mains  encore  chargées  des  suprêmes  gerbes,  pou- 
vaient convier  avec  fierté  les  moissonneurs  voisins  aux 
réjouissances  de  l'abondante  récolte. 

Ceux-ci  disaient  leur  admiration;  nous  ajoutions,  comme 
.un  témoignage  durable  de  la  nôtre,  cet  humble  présent, 
cette  médaille  de  vermeil  que  nous  déj^oserons  dans  les 
archives  de  la  Société  des  Basses-Alpes,  comme  on  accro- 
che un  bouquet  de  fleurs  aux  épis  dorés  de  la  moisson  vacil- 
lante au  chariot  pesant  qui  monte  des  champs  ensoleillés 
vers  la  grange,  en  cet  honneur,  pavoisée. 

Ainsi  que  nous  avions  le  bonheur,  il  y  a  plus  de  cent 
ans,  de  voir  sur  notre  Société  de  Statistique  à  son  aurore, 
se  pencher  l'appui  bienveillant  d'un  illustre  provençal,  ce 
comte  de  Villeneuve-Bargemon  dont  vous  allez,  ce  soir, 
entendre  un  juste  éloge,  ainsi  un  autre  gentilhomme  du 
pays  bas-alpin  —  aptésien  à  la  vérité,  mais  surtout  châte- 
lain de  Porchères  —  Léon  de  Berluc-Perussis,  jetait-il,  il  y 
a  cinquante  années,  les  fondements  de  la  Société  Scientifi- 
que et  Littéraire  des  Basses-Alpes,  qui  devait  parcourir 
depuis  lors  une  si  honorable  carrière. 

Ce  savant,  (c  curieux  passionné  de  science  comme  Pei- 
resc  »,  était  bien  assurément  de  la  race  de  ces  érudits  de 
province,  qui,  au  xviii^  siècle,  s'accommodaient  des  sujets 
les  plus  différents  et  se  plaisaient  aux  travaux  les  plus 
disparates. 


331 

Il  est  mort  le  2  décembre  1902,  mais  il  a  laissé  dans  ses 
nombreuses  publications  une  mine  inépuisable,  et  il  n'est 
pas  exagéré  de  prétendre  que  les  bulletins  et  les  mémoires 
des  Académies  et  Sociétés  savantes  de  la  Provence,  furent, 
de  son  temps,  remplis  de  son  érudition  impeccable,  de  sa 
ver\-e  spirituelle  que  soutenaient  encore  l'élégance  et  la 
grâce  d'une  plume  aussi  délicate  que  charmante. 

C'est  donc  grâce  aux  encouragements  et  aux  conseils 
éclairés  de  M.  Léon  de  Berluc-Pérussis,  représentant  pour 
la  Provence  de  la  Société  Française  d'Archéologie,  que  le 
25  juin  1878,  un  groupe  d'érudits  et  de  gens  cultivés,  se 
réunissait  à  Digne,  sur  la  convocation  d'un  authenticfue 
Dignois,  M.  Gorde,  directeur  de  l'iùiregist rement,  et  fon- 
dait cette  Société  qui,  deux  jours  après,  bureau  constitué, 
avec  le  savant  abbé  Féraud,  l'historien  des  Basses-Alpes, 
comme  président,  allait  recevoir  à  Champtercier  la  déléga- 
tion d'archéologues  parisiens,  conduite  par  Léon  Palustre, 
venant  prendre  officiellement  possession  de  la  maison  de 
Gassendi  classée  comme  monument  historique. 

Beau  début  pour  une  Société  d'historiens  et  de  savants, 
et  qui  dut  faire  tressaillir  d'aise  les  mânes  de  l'illustre  phi- 
losophe, dans  un  rappel  des  beaux  vers,  ses  contemporains: 

]^os  pareils  à  deux  fois  ne  se  font  pas  connaître 

Et  pour  leurs  coups  d'essai  veulent  des  coups  de   maître'. 

Certes!  comme  toutes  les  sociétés  humaines, même  com]:)o- 
sées  d'hommes  courtois  et  instruits,  la  jeune  Société  bas- 
alpine  connut-elle  des  diflicultés,  parfois  peut-être  le  décou- 
ragement, mais  jamais  d'inutiles  querelles  ou  de  vains 
froissements. 

Grâce  au  dévouement  soutenu,  au  traditionalisme 
convaincu  de  ses  principaux  membres,  l'Etoile  que  la 
Société  avait  adoptée  pour  insigne  n'en  continua  pas  moins 


2^2 

à  scintiller  d'un  éclat  qui  transparaissait  totijotirs,   en  fin 
de  compte,  au  travers  du  nuage  passager. 

Comment  ne  pas  garder  un  souvenir  ému  à  cj[uelciues- 
uns  de  ces  noms  par  lesquels  son  gracieux  rayonnement 
persiste  au  firmament  de  l'érudition  ou  de  la  Littérature 
provençale  et  du  patriotisme  local?  MM.  l'abbé  Féraud, 
Gorde,  Marrot,  Thircuir,  M.-Z.  Isnard,  Jules  Blanc, 
Autric,  O.  Garcin,  X.  Frison,  l'abbé  Plantin,  Saint-Marcel- 
lilysseric,  Raibaud-Lange,  Paul  Arbaud,  Paul  ]\Iartin,  Vic- 
tor Lieutaud,  l'abbé  Cruvellier,  A.  de  Gaudemar,  le  doc- 
teur 011ivier,Lutton,  Legrand,  \^ial,  Rebory, Louis  Daime, 
l'abbé  Richaud,  Philippe  Zurcher,  sans  compter  tous  ceux 
qui  honorèrent  le  Bulletin  de  la  Société  de  leurs  estimables 
travaux;  dans  l'histoire:  les  Tamizey  de  Laroque,  les  de 
Berlue,  les  Christian  Cauvin,  les  de  Boisgelin,  les  de  Rib- 
bes,  les  Gaffarel,  les  Arnoux,  les  Arnaud  d'Agnel,  les 
Andrieu,  les  Auguste  Brun,  et  dans  la  philosophie,  les 
sciences  ou  les  lettres:  les  Plauchud,  les  Honnorat-Bastide, 
les  de  Peyerimhoff,  les  Legré,  d'autres  encore? 

Et  si  nous  feuilletons  un  instant  ce  Bulletin  formant 
aujourd'hui  vingt-cinq  tomes,  comment  ne  pas  adresser 
un  hommage  tout  particulier  à  la  mémoire  du  vénérable 
et  modeste  savant  qui  en  fut  si  longtemps  la  cheville 
ouvrière  et  l'âme,  qui  sut  le  maintenir  avec  douceur  mais 
résolution  dans  la  voie  tracée  par  ses  fondateurs,  c'est-à- 
dire  limitée  à  l'étude  et  à  l'action  du  département  des  Bas- 
ses-Alpes? Comment  ne  pas  saluer  respectueusement  la 
sympathique  physionomie  du  laborieux  archiviste  départe- 
mental, occupant  plus  d'un  demi-siècle  ces  fonctions,  feu 
M.  M.-Z.  Isnard,  qui  sut  consacrer  à  l'histoire  de  la  Haute 
Provence  la  sûreté  de  sa  méthode,  la  patience  de  son  tra- 
vail, la  sagesse  de  son  expérience,  la  tendresse  de  son 
cœur? 


Et  comme  il  serait  surpris  si  nous  omettions  de  pronon- 
cer le  nom  de  sa  fille  si  dévouée  au  secrétariat  de  la  Société, 
Mlle  Jeanne  Isnard,  qui  fut  aux  côtés  de  son  père,  l'Anli- 
gone  d'un  érudit  consciencieux  dont  la  science  historique 
en  Provence  conservera  fidèlement  les  œuvres  et  le  souvenir. 

Ce  ne  fut  pas  seulement  dans  les  limites  de  son  BuUelin 
que  se  complut  l'activité  de  la  Société  Scientifique  et  Litté- 
raire des  Basses-Alpes. 

C'est  à  ses  efforts  persévérants  qu'est  due  la  création  du 
Musée  Départemental  à  Digne,  réalisée  en  1886;  C[ue  les 
fouilles  à  Châteauneuf-\^al-Saint-Donnat,  à  Montfort  et  à 
l'Escale,  ont  permis  de  meubler  le  nouveau  musée  de  pré- 
cieux vestiges  gallo-romains. 

Nous  ne  pourrions  qu'applaudir  encore  en  évoquant  ces 
réunions  littéraires  ou  artistiques  organisées  par  elle  soit 
à  l'occasion  de  ses  concours,  soit  de  toute  autre  circons- 
tance: manifestations  félibréennes  ou  régional istes,  où  se 
pressait  la  population  dignoise,  prouvant  amplement,  qu'il 
ne  saurait  y  avoir  de  département  déshérité  quand  une  élite 
sait  faire  partager  ses  goTus  pour  les  évocations  de  l'his- 
toire, les  phénomènes  de  la  science,  les  séductions  de  la 
poésie  ou  de  la  musique,  l'exposition  des  œuvres  d'art  a 
tous  ceux  qui  ont  bien  droit,  après  les  exigences  des  travaux 
habituels,  aux  délassements  de  l'intelligence  et  aux  spécu- 
lations de  l'esprit. 

Après  les  cruelles  angoisses  de  la  guerre,  la  Société  Scien- 
tifique et  Littéraire  des  Basses-Alpes  qui  subit  alors  comme 
nous,  comme  toutes  les  Sociétés  savantes  de  province,  les 
pires  inquiétudes,  a  connu,  elle  aussi,  un  reverdissement 
nouveau. 

Elle  a  appelé  à  sa  tête,  en  1924,  un  homme  dont  le  nom 
se  confond  avec  l'histoire  de  la  ville  de  Digne,  dont  l'aïeul 
ceignit  sous  le  Premier  Ernpire  la  première  écharpe  muni- 


234 

cipalc.  M.  le  comte  du  Chaffaul,  représenté  ici  par  M.  Emile 
Isnard,  archiviste  de  la  ville  de  Marseille,  ciue  nous  pri-ons 
de  recevoir  notre  Médaille  «  Paul-Paret  »  avec  les  vœux 
que  forme  la  Société  de  Statistique,  d'Histoire  et  d'Archéo- 
logie de  Marseille  pour  sa  sœur  bas-alpine,  pour  nos  excel- 
lents   confrères     bas-alpins,     les    vivants    qui    travaillent 

toujours.  ,  V     ,       7  -    •    7  ■     , 

•"  pcr  la  glori  don  terraire 

et  notre  pieux  souvenir  pour  ceux  qui  ne  sont  plus  et  qui 
ont  établi  cependant  la  réputation  de  leur  chère  Société, 
auxquels  nous  disons  avec  émotion,  empruntant  le  dernier 
adieu  de  Léon  de  Berluc-Pérussis  à  Frédéric  Mistral  : 

((  Sias  esta  moun  lume,  inavès  après  la  Prouvcnço  qu'ero 
au  iéu-mcmc,  e  que  ne  m'en  doutave  pas! 

((  Au  revcire  dins  la  plus  auto  de  tôuli  lis  estello  !  » 


Le  12  janvier  1928,  notre  Société  recevait  de  notre  savant 
collègue  AL  Louis  Laurent,  professeur  a  la  Faculté  des 
Sciences,  directeur  du  Muséum,  membre  de  l'Académie  de 
Marseille,  la  lettre  que  voici  :  ((  Désireux  de  perpétuer  la 
mémoire  de  mon  bien-aimé  fils  au  sein  de  la  Provence  qu'il 
aimait  passionnément,  je  ne  saurais  mieux  faire  C}ue  de 
vous  prier  de  demander  à  la  Société  de  Statistique,  d'His- 
toire et  d'Archéologie  de  Marseille,  de  vouloir  bien  accep- 
ter de  fonder  une  médaille  qui  serait  distribuée,  chaque 
année,  sous  la  mention:  Fondation  ou  Prix  Joseph-Laurent 
(1903-1926).  Elle  serait  destinée  h  récompenser  une  étude 
concernant  la  Provence,  non  d'après  les  text  s,  mais 
d'après  le  sol,  la  flore,  les  monuments  (à  l'exclusion  totale 
de  la  faune)  », 


235 

Xotre  éniinent  collègue  déposait  à  cet  effet  entre  les  mains 
de  notre  trésorier  la  somme  de  deux  mille  francs. 

Dans  sa  séance  du  même  jour,  notre  Société  réunir  en 
assemblée  générale,  acceptait  la  libéralité  de  M.  Louis  Lau- 
rent, et  c'est  pourquoi,  dès  cette  année  1928,  nous  eûmes 
à  choisir  le  premier  titulaire  de  cette  distinction  qui  nous 
permettra  tout  au  moins  une  fois  l'an,  conser\ant  le  souve- 
nir d'un  jeune  licencié-ès-sciences  enlevé  à  la  fleur  de  l'âge 
aux  légitimes  espérances  de  sa  famille  et  de  la  science,  de 
signaler  à  l'attention  du  public,  le  nom  d'un  érudit  dont  les 
travaux  et  les  efforts  auront  mérité  d'être  encouragés  et 
soutenus. 

Comme  pour  la  médaille  «  Paul-Paret  »,  le  Conseil  a 
décidé  que  les  candidatures  à  cette  distinction  ne  se  pose- 
raient pas  d'elles-mêmes,  mais  Cju'il  proposerait  le  nom  du 
laiu"éat  éventuel  choisi  par  lin",  à  l'assentimenl  du  fondateur 
et  à  la  validation  de  l'assemblée  générale  de  janvier. 

Il  est  plus  délicat  qu'on  ne  suppose  de  découvrir  dans  le 
nombre  des  travailleurs,  qui  tous  auraient  des  titres  équi- 
valents à  l'attribution  d'un  brin  de  laurier,  celui  qui  ralliera 
non  seulement  nos  suffrages  mais  aussi  1  "approbation  du 
grand  public. 

Hâtons-nous  de  nous  féliciter  d'avoir  eu,  pour  la  pre- 
mière année,  la  main  heureuse,  et  sans  la  moindre  difficullé. 

En  effet,  si  h  notre  séance  du  10  janvier  192g,  nous  avons 
fixé  notre  vote  unanime  sur  le  nom  de  M.  l'abbé  J.  Bayol, 
curé  de  Collias  (Gard),  c'est  que  nous  avions  eu  l'honneur 
et  l'agrément  de  l'entendre,  deux  mois  a\ant,  au  cours  d'une 
réunion  semblable  à  celle  de  ce  jour. 

Il  était  venu  commenter  devant  un  nombreux  auditoire, 
^•i\•ement  intéressé,  le  résultat  admirable  de  ses  fouilles  et 
de  ses  découvertes  dans  les  grottes  de  Collias,  et  leurs  con- 
sidérations  scientifiques   sur   l'histoire   et    la    préhistoire   de 


236 

cette  vallée  du  Gdrdon  qui  a  servi  de  passage  à  tant  de 
peuples. 

Nous  aurions  été  bien  mal  avisés  de  chercher  ailleurs  le 
digne  lauréat  t|ue  nous  venions  d'applaudir  et  de  nommer 
notre  membre  correspondant. 

Le  Congrès  de  Rhodania  de  l'année  précédente  avait  déjà 
attiré  notre  attention. 

C'est,  en  effet,  en  janvier  1927  que  M.  l'abbé  J.  Bayol 
découvrit  les  peintures  pariétales  de  la  grotte,  désignée 
aujourd'hui  par  son  nom,  et  la  première  jusqu'ici  offrant 
des  dessins  en  couleur  qui  ait  été  découverte  dans  la  vallée 
(.lu  Rhône. 

Située  à  95  m.  au-dessus  du  niveau  du  Gardon,  la  grotte 
Bayol  dont  la  poche  s'ouvre  dans  le  calcaire  barrêmien  de 
faciès  urgonien,  est  un  long  couloir  de  168  mètres,  plus  ou 
moins  étroit,  divisé  en  trois  salles  de  hauteur  et  de  largeur 
inégales,  et  dont  le  point  terminus  se  trouve  à  cinquante- 
cinq  mètres  de  profondeur. 

Scrupuleusement  explorée  par  M.  l'abbé  J.  Bayol,  le 
résultat  de  ses  fouilles,  le  minutieux  examen  des  ossements 
découverts,  a  permis  de  jeconstituer  avec  exactitude  les 
sujets  d'une  faune  toute  cjuaternaire  :  panthère,  bouquetin, 
renne,  et  d'autres  animaux  indéterminés  dont  les  peintures 
pariétales,  en  noir  et  en  rouge,  reproduisent  ça  et  là  le 
dessin.  Et  parmi  ces  peintures,  le  devant  d'un  mammouth, 
une  tête  de  cheval,  un  grand  félin,  un  ours  qui  paraît  être 
l'ours  blanc,  un  renne  aux  bois  très  développés,  en  disent 
long  sur  les  très  lointaines  métamorphoses  de  notre  pays 
d'Oc,  de  notre  <(  Midi  »,  qui  depuis... 

Ajoutons-y  ces  mains  humaines,  de  dix-sept  centimètres 
de  long,  une  main  d'enfant,  peintes  en  rouge,  en  décalc[ue 
ou  par  impression. 


237 

Et  ce  qui  d'ailleurs  confunie  la  très  haute  an(i(|uité  de  ces 
peintures,  c'est  la  concordance,  l'harmonie  complètes  entre 
les  animaux  réels  reconstitués  et  leur  représentation  ])ar  le 
ou  les  artistes  paléolithic[ues  C|ui,  là  aussi,  se  sont  servi  de 
la  paroi  rocheuse  pour  accuser  le  relief  de  leurs  modèles. 

L'étonnement  des  préhistoriens  devant  ces  découvertes 
et  l'opinion  de  ceux  de  nos  collègues  qui  avaient  eu  l'hon- 
neur de  visiter,  sur  son  chantier,  le  chercheur  patient  et 
obstiné,  incitèrent  notre  Société  d'Archéologie  au  désir 
bien  naturel  de  connaître  de  plus  près  ce  remarquable 
archéologue. 

*I1  accepta  notre  invitation,  simplement,  modestement, 
heureux  de  faire  profiter  des  révélations  de  ses  recherches  et 
de  ses  trouvailles  scientifiques  un  public  attentif  que  les  mys- 
tères des  très  vieux  âges  de  notre  humanité  intéresse 
toujours. 

Et  M.  l'abbé  Bayol  nous  a  charmés. 

M.  l'abbé  Bayol,  curé  de  Collias  (Gard)? 

Vous  nous  direz,  t|ue  ce  nom  et  ce  titre  n'ont  pas  fait 
encore  autant  de  bruit  par  le  monde  c{ue  ceux  de  MM.  Fra- 
din,  seigneurs  de  Glozel  ?  Qu'est-ce  Cj[ue  cela  prouve?  Que 
le  Gardon  a  le  grand  tort  de  ne  pas  couler  aux  pentes  de 
Vichy  plutôt  que  sous  le  pont  du  Gard,  et  que  Snobisme  et 
Science  ont  encore  moins  de  points  de  contact  que  Science 
et  Religion  ? 

Collias?  A  quelque  distance  de  la  duché  d'Uzès  cette 
paroisse  au  nom  hellène  possède  quatre  cents  ouailles  et  un 
pasteur. 

Dans  ce  vénérable  diocèse  d'Uzès  —  qui  d'ailleurs  n'existe 
plus  —  où  le  jeune  Racine  venu  chez  M.  le  chanoine  son 
oncle  pour  étudier  la  théologie,  portait  à  ses  amis  de  Paris 
des  témoignages  plus  certains  d'admiration  pour  l'étude 
des  belles  Languedociennes,   le  sol  est  riche  des  souvenirs 


238 

du  Passé,  et  la  pioche  sur  l'épaule,  son  ministère  assuré, 
J\I.  le  curé  de  Collias  explore  d'un  cœur  infatigable  un  vaste 
domaine. 

<(  C'est  un  fossoyeur  de  l'Histoire!  »  a  écrit  de  lui  son 
compatriote  de  Ximes  Jean-Jacques  Brousson,  qui  a  si  bien 
historié  Anatole  France. 

Quelle  erreur!  Mais  le  fossoyeur  ensevelit  et  l'abbé  Bayol 
ressuscite. 

Depuis  plus  de  trente-cinq  ans,  ce  bon  nîmois  retourne 
les  champs,  court  les  combes,  arpente  les  garrigues,  inter- 
roge les  cailloux,  que,  toute  sa  vie,  il  a  aimés,  nous  assure- 
t-il  —  «  Il  faut  bien  aimer  quelque  chose!  )>  et  il  appelle 
cela  «  une  manie  de  vieux  garçon  !  » 

Quarante  grottes,  les  fondations  d'un  temple  romain,  des 
centaines  de  trouvailles  à  peupler  un  musée  —  son  pres- 
bytère en  déborde,  et  vous  le  visiteriez  gratis  pro  Deo,  (on 
sait  que  ce  n'est  pas  la  coutume  à  Glozel  !)  voilà  quel  est 
à  ce  jour  le  tableau  de  chasse  de  ce  grand  chasseur  devant 
l'Eternel. 

Il  est  roi  sur  son  territoire  d'archéologue,  comme  le  sage 
Henri  Fabre,  de  Sérignan,  l'était  pour  l'entomologie,  sur 
toute  l'étendue  de  son  Harmas. 

Peu  à  peu,  sa  renommée  se  propage.  Il  reçoit  déjà  des 
visites  et  nous  voyons  un  jour  le  bon  évêque  de  Montpellier, 
le  grand  cardinal  de  Cabrières  lui-même,  éclairer  au  seuil 
de  quelque  grotte  jusqu'alors  insoupçonnée,  du  reflet  de  sa 
pourpre,  la  soutane  verdie  de  l'humble  prêtre  dont  le  casuel, 
assurément,  rie  permet  guère  l'embauchage  d'une  main- 
d'œuvre,  au  prix  surtout  où  sont  les  terrassiers. 

M.  le  curé  de  Collias  opère  donc  lui-même,  et  sa  joie  est 
grande  quand  il  a  exhumé  quelque  vestige  éloquent  des  siè- 
cles morts.  Il  a  besoin  de  la  faire  partager  à  ceux  qui  sui- 
vent avec  reconnaissance  ses  rudes  travaux. 


239 

((  Une  nouvelle  qui  ^•ous  fera  plaisir  —  nous  écri\ait.-il, 
ces  jours-ci,  avant  de  partir  à  Paris  où  la  Société  de  Préhis- 
toire l'attendait  pour  une  conférence  —  je  viens  de  décou- 
vrir deux  nouvelles  grottes  absolument  inconnues  et  qui 
présentent  à  priori  un  intérêt  certain!  » 

Nous  estimons  hautement  cette  caution. 

Certes,  notre  Société  s'honore  en  attachant  sur  la  douil- 
lette de  ce  sympathique  et  digne  ecclésiastique  sa  Médaille 
de  vermeil,  et  nous  évoquons  en  la  lui  décernant,  la  sévère 
devise  héraldic^ue  de  ces  ducs  d'Uzès,  ses  voisins,  les  plus 
anciens  ducs  et  pairs  du  royaume  de  France:  Fcrro  non 
auro  ! 

Par  le  fer,  non  par  l'or  !  car  elle  est  aussi  celle  de  M. l'abbé 
J.  Bayol,  curé  de  Collias,  qui  travaille  toujours  avec  le  fer 
de  sa  pioche  et  jamais  avec  l'or  —  papier,  d'ailleurs  —  des 
subventions  officielles. 

Mais  tout  peut  venir!  Et  c'est  la  grâce  que  notre  Société 
lui  souhaite  de  tout  cœur  ! 


NÉCROLOGIE 


Paul  SENES 

Le  7  juillat  est  décédé,  en  son  domicile  de  la  rue  Grignan  52, 
notre  regretté~collègue,  j\I.  Paul  Sénés,  avocat,  ciui  disparaît  à  l'âge 
de  soixante-deux  ans,   après  une  longue  et   douloureuse  maladie. 

Paul-André-ÎNIarie  Sénés  était  né  le  2  mars  1868  à  ]\Iarseille,  et 
faisait  partie  de  notre  Société  depuis  le  11  mars  1920. 

Son  état  de  santé,  très  précaire,  depuis  la  fin  de  la  guerre  — 
il  avait  été  mobilisé  comme  capitaine  de  l'Intendance  —  le  tenait 
éloigné  de  nos  réunions,  mais  ses  amis  savaient  combien  il  s'inté- 
ressait aux  choses  de  l'histoire,  et  surtout  de  l'armement  et  de 
l'équipement  de  nos  armées. 

C'était,  en  effet,  un  collectionneur  très  averti  et  passionné  des 
choses  militaires.  Sa  collection  d'armes,  x:ontenant  des  pièces  uni- 
ques, faisait  l'admiration  des  connaisseurs,  à  cjui  il  savait  en  faire 
avec  autant  de  courtoisie  que  de  science  les  honneurs. 

Les  obsèques  de  notre  Collègue  ont  été  célébrées  le  9  juillet. 

Notre  Société  adresse  à  sa  sœur,  MUe  J.  Sénés,  ses  respectueuses 
condoléances.  T    de  S 

Le  Chanoine  PASCAL 

L'n  des  plus  anciens  membres  de  la  Société  de  Statistique, 
]\Igr  Pascal,  est  mort  le  29  août  1929,  victime  d'un  motoc3^cliste 
qui,  après  l'avoir  renversé,  réussit  a  prendre  la  fuite  et  est  demeuré 
inconnu. 

Né  à  Rognes  le  13  janvier  1853,  Adrien-]\Iarius  Pascal  fut  amené 
peu  après  a  Aix  par  ses  parents  devenus  concierges  de  l'hôtel  de 
Saporta.  Admis  à  la  maîtrise  métropolitaine,  il  y  sentit  bientôt  naî- 
tre sa  vocation  sacerdotale  qu'il  manifestait  dès  lors  en  prononçant 
des  sermons  de  son  crû  dans  l'escalier  de  l'hôtel  de  Saporta,  dont 
l'immense  vaisseau  donnait  à  sa  voix  d'enfant  une  ampleur  qui  le 
ravissait. 

Après  de  bonnes  études  classiques  et  théologiques  faites  au  Petit 
puis  au  Grand  Séminaire  d'Aix,  il  fut  ordonné  prêtre  le  10  juin 
1876  et  sa  carrière  le  conduisit  successivement  comme  vicaire  à 
Maillane,  puis  à  Saint-Julien  d'Arles;  comme  curé  à  Venelles  en 
J885,  à  Cabriés  en  1886,  à  Vitrolles  en  1899;  comme  doyen  à  Pey- 
rolles  en  1907  et  tout  le  monde  s'accorde  à  reconnaître  que  dans 
ces  diverses  paroisses  il  fit  preuve  des  meilleures  qualités  et  exerça 
l'action  la  plus  utile. 

^lais  l'âge  obligea  Mgr  Pascal  à  solliciter  des  postes  moins  fati- 
gants et  il  devint  tour  à  tour  aumônier  de  l'hôpital  d'Aix,  en   1919, 


24' 

chanoine  prcbendé  en  1921,  enfin  aumônier  de  l'asile  de  INlontpcrrin 
en  1924. 

Au  cours  de  sa  longue  carrière,  Mgr  Pascal  sut  faire  marcher  de 
front  les  obligations  de  son  ministère  et  les  recherches  historiques  et 
héraldiques.  A  ces  dernières  on  doit  :  les  Congrégations  romaines,  les 
Ordres  chevaleresques^  VHisioire  de  la  maison  royale  de  Lîisignan, 
le  Vénérable  Mgr  Imbertj  Don  Bosco  et  ses  œuvres^  la  Monographie 
de  la  -paroisse  grecque  catholique  de  Marseille  et  Vie  de  St  Nicolas 
de  Myre,  les  Monographies  de  Cabriès  et  de  Peyrolles,  une  étude  sur 
les  fondateurs  et  bienfaiteurs  de  la  Miséricorde  d'Aix.  Enfin  il  avait 
réuni  quantité  de  notes  sur  1^  clergé  d'Aix  et  de  Marseille  pendant 
la  Révolution. 

Il  serait  inutile  de  vouloir  donner  ces  publications  comme  des 
ouvrages  de  première  valeur;  la  critique  n'en  est  point  parfaite  et 
la  documentation  trop  souvent  insuffisante  ou  de  seconde  main. 
iNIais  il  n'est  que  juste  de  reconnaître  qu'on  y  trouve  çà  et  là,  des 
faits  inattendus  et  intéressants  soit  recueillis  par  l'auteur  de  la  bou- 
che de  témoins  oculaires,  soit  extraits  des  archives  paroissiales  peu 
accessibles  en  général.  Je  dois  à  ces  ouvrages,  personnellement,  la 
connaissance  de  choses  qui,  après  vérification,  se  sont  trouvées 
exactes. 

Le  titre  de  [Monseigneur  que  prenait  le  chanoine  Pascal  était 
attaché  à  sa  qualité  de  vicaire  général  d'Antioche.  Membre  de  la 
Société  de  Statistique,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  Mgr  Pascal  était  en 
outre  correspondant  de  V Académie  de  Marseille,  associé  régional 
de  V Académie  d'Aix,  membre  honoraire  du  Conseil  héraldique  de 
France,  de  l'Acadétnie  pontificale  Tibérine,  de  la  Société  royale  de 
géographie  de  Lisbonne,  etc. 

Aux  décorations  d'officier  d'Académie,  puis  d'officier  de  l'Ins- 
truction publique,  Mgr  Pascal  joignait  divers  ordres  étrangers,  voire 
exotiques,  pour  lesquels  il  avait  un  faible,  dont  nous  ne  croyons 
faire  ici  la  révélation  à  personne.  Xe  pouvant  les  exhiber  sur  son 
habit  de  chœur,  il  avait  eu  l'idée  de  les  épingler  sur  sa  soutane  et 
de  passer  sur  celle-ci,  dans  certaines  circonstances,  une  aube  historiée 
dont  les  larges  jours  laissaient  apercevoir  crachats  et  rubans.  Et 
cela  fit  éclore  en  un  de  ces  jours  solennels  cette  amusante  remar- 
que d'un  paysan  de  Peyrolles  :  <(  Tè,  noste  curât,  encuei,  a  mes 
toutei  sei  cabucello   !  » 

Au  demeurant  et  malgré  ce  petit  travers,  dont  d'ailleurs  il  était 
loin  d'avoir  le  monopole,  Mgr  Pascal  laisse  le  souvenir  d'un 
excellent  prêtre,  d'un  excellent  homme,  et  d'un  travailleur  infatiga- 
ble et  reste  une  figure  sympathique  du  clergé  d'Aix. 

Maurice    RAlMBAUI/l'. 


CHRONIQUE  ET   MÉLANGES 


La  liberté  des  mers.  —  La  Conférence  Navale  de  Londres,  ren- 
dra d'actualité  cette  chanson  Cju'en  août  1S09,  un  pauvre  aveugle, 
H.  Liotez,  demeurant  à  Marseille,  18,  tue  Paty-Farinette,  demain- 
dait  l'autorisation  de  chanter  et  de  mettre  en  vente.  Comme  mani- 
festation de  l'esprit  public,  cette  pièce,  inédite,  ne  mancjue  pas  d'un 
certain  pic|uant. 

La  liberté  des  IMers  !  Quelle  devait  être  la  pensée  des  ^larseil- 
lais  dont  le  port  était  dans  le  marasme  que  l'on  sait,  par  suite  du 
blocus   des  côtes  provençales  par  les  escadres  anglaises  ? 

Quelles  touchantes  illusions  !  Et  comme  l'on  comprend  cjue  le 
morceau  fut  chanté  par  un  aveugle  !  —  S. 

DIALOGUE 

entre  l'Empereur  Napoléon   et   le  Roi  d'' Angleterre 

(Air  du  Dialogue:  du  Vin  et  de  VEaii) 
Napoléon 


Napoléon 

Puissant   roi   d'Angleterre, 
Allons,  décidez-vous  ; 
Il   faut  la  paix   sur  terre, 
Ou    sinon,    tapons-nous. 
Espérez-vous    nous    mordre  ? 
Nous    saurons   y   mettre    ordre, 
C'est  clair  comme  le  jour: 
Allons,   point  d'arrogance, 
A  qui  payera  la  danse, 
La  flûte  et  le  tambour. 

Le  Roi  d'Angleterre 
Grand  Empereur  de  France, 
Avez-vous  des  vaisseaux    ; 
Sachez  que  ma  puissance 
Est  forte  sur  les  eaux. 
J'ai  des  vaisseaux  de  guerre 
Qui  ne  me  coûtent  guère. 
Sur  mer  et  dans  mes  ports, 
S'il  s'agit  de  combattre, 
Nous  ferons  diable  à  cjuatre, 
Pour  défendre  nos  forts. 


Cessez  votre  arrogance. 
Je  sais  cjue  sur  les  eaux 
Vous  avez  de  la  France 
En  paix,   pris  les  vaisseaux 
Mais  il  faut  me  les  rendre 
Ou,  j'irai  les  reprendre, 
Redoutez  cet  instant, 
Je  vous  ai  fait  connaître 
Pour  un  voleur,  un  traître, 
Vous  n'êtes  qu'un  forban. 

Le  Roi  d'Angleterre 

Si  je  passe  pour  traître 
Aux  yeux  de  l'Univers, 
Peu  m'importe  de  l'être, 
Je  tiens  toutes  les  mers. 
Je  crains  peu  vos  amorces, 
J'envahirai  vos  forces, 
Mes  marins  sur  les  eaux 
Ecumeront  sans  cesse 
Les  mers  avec  adresse 
Pour   avoir  vos   vaisseaux. 


243 


Napoléon 
George?,  point  de  colère, 
Vdus   faites   le  malin, 
Je  vais   faire   la  guerre, 
Nous  jouerons  au  plus  fin   ; 
Quand  viendra  l'abordage, 
Vous  verrez  beau  carnage  : 
Evitez  ce  malheur, 
Je  ne  manque   pas   d'hommes; 
Dans  le  siècle  où  nous  sommes, 
Cédez  pour  votre  honneur. 

Le  Roi  d'Angleterre 
Je  ne  crains  ni  redoute 
La  valeur  des  Français, 
Il  faudra  qu'il  m'en  coûte 
Des  bombes,  des  boulets  ; 
J'ai  mes  côtes  garnies 
De  tant  d'artilleries 
De  toutes  les  façons 
Que  les   Français  à  Londre 
Croyant  venir  m'y  tondre, 
Couleront   tous    à   fond. 


.\  Al'Ol.KON 

Avant  que  d'entreprendre, 
Georges,   consultez-vous, 
Chez  vous. je  vais  descendre 
Evitez  mon' courroux. 
Soyez    plus    politique 
Ou   le   canon  rustique 
\'ous   entendrez   tonner. 
Je  veux  avec  ma  troupe 
Chez  vous  manger  la  soupe    ; 
Et   puis   vous    détrôner. 

Le  Roi  d'A.ngleterre 
Vous  voulez  ma  couronne 
]Mais  vous  ne  l'aurez  pas   ; 
Ma  marine  est  très  bonne 
Avec  de  bons  soldats. 
J'ai   de  fameux  pilotes 
Qui  gouvernent  mes  fîottes 
Nous    ferons    carrillon; 
Roi    des.  mers    je    veux    être 
Et  je  commande  en  maître 
Sur  mon  trône   d'aplomb. 


Napoléon 
\'otre  beau  préambule 
Ne  peut  me  faire  peur 
Vous  ferez  la  bascule 
Sur  ma  foi  d'Empereur; 
J'entends  que   le  commerce 
Dans    l'Europe   s'exerce 
Et  par  tout  l'Univers 
Je  veux,   par  ma  vaillance, 
Rendre  à  chaque  puissance 
La  liberté  des  mers. 

Au  DOSSIER  DE  «  LA  SARDINE  ».  —  Lc  1 1  mai  1778,  M.  le  cheva- 
lier de  Villages,  commandant  la  corvette  La  Sardine,  était  en  dis- 
cussion avec  le  consul  de  La  Canée  au  sujet  d'un  dédommagement 
réclamé  par  le  capitaine  Aycard,  de  Six-Fours,  pour  déchargement 
de  marchandises. 

(Voir  aux  Archives  des  Bouches-du-Rhône    :  Série  C  :  2644). 

Nous  ignorons  toutefois  si,  à  son  retour  des  Echelles,  la  dite  cor- 
vette échoua  à  la  chaîne  de  la  Gargate,  au  point  de  «  boucher  le 
port.  »  Soit  joint  au  dossier  de  la  fameuse  Sardine,  —  N- 


244 

JosKPH  Balsamo  a  Marseille  (i 775-' 776)-  —  Les  films  historiques 
ne  pèchent  pas,  il  faut  le  reconnaître,  par  une  scrupuleuse  exacti- 
tude, et  Ton  peut  dire  que  pour  la  plupart  ils  (c  sabotent  »  l'His- 
toire avec  beaucoup  plus  de  désinvolture  que  ne  se  le  sont  permis 
cependant    les   romans   non   moins    historiques. 

Ainsi,  pour  n'en  citer  qu'un,  le  Collier  de  la  Reine  !  Le  spec- 
tateur moyen  du  Cinéma  ne  songe  guère,  pour  modifier  son  jugement, 
à  se  procurer  l'excellent  ouvrage  de  M.  Funck-Brentano  sur  cette 
retentissante  affaire. 

Un  des  héros  (  !)  de  cette  lamentable  aventure,  Joseph  Balsamo, 
le  fameux  «  Comte  de  Cagliostro  »  ou  encore  ((  le  niarquis  de 
Pellegrini  »,  fut  quelc^ues  semaines  l'hôte  »  indésirable  »  de  Mar- 
seille. Du  moins  il  n'apparaît  pas  qu'il  y  ait  fait  des  dupes,  pen- 
dant son  séjour  de  fin  octobre  1775  au  28  février  1776.  Il  était  des- 
cendu chez  un  particulier.  Les  Echevins-lieutenants  généraux  de 
police  lui  délivrèrent  un  passeport,  à  lui  et  à  sa  femme,  pour  Anti- 
bes,  car  le  couple  devait  se  rendre  à  Rome,  disait-il. 

Au  mois  de  juillet  1776,  Joseph  Balsamo  était  encore  signalé  aux 
autorités  marseillaises  par  ^I.  de  INIongelar,  consul  de  France,  à 
Cadix. 

En  effet,  n'étant  muni  d'autres  papiers  cjue  d'une  lettre  de  ser- 
vice, chez  le  Roi  de  Prusse,  datée  de  Rome,  Balsamo  ((  d't  Pele- 
grini  »,  son  épouse  (Lorenza  Feliciani)  et  un  jeune  homme  qui 
passait  pour  le  frère  de  celle-ci,  étaient  descendus  à  Cadix  chez 
une   Française,   aubergiste  dans   cette  ville. 

Or,  ce  jeune  homme  ayant  forcé  l'armoire  des  Balsamo,  fut  accusé 
d'en  avoir  enlevé  de  l'argent  et  des  bijoux,  et  s'étant  sauvé  fut  pour- 
suivi par  Balsamo  et  le  S'"  Silvestre,  négociant  et  consul  de  Prusse, 
arrêté  à  deux  lieues  de  Cadix,  gardé  vingt-c^uatre  heures  chez  le 
dit  Silvestre  et  enfin  remis  à  la  justice. 

Aussitôt  le  jeune  homme  d'accuser  sa  logeuse  de  l'avoir  induit  à 
ce  vol,  laquelle  se  vit  saisir  ses  meubles  et  conduire  en  prison. 

Notre  consul  étant  intervenu  pour  sa  compatriote  auprès  du  gou- 
verneur de  la  ville,  celui-ci  prescrivit  une  visite  domiciliaire  chez 
l'aubergiste,  sa  confrontation  avec  le  jeune  voleur,  qui  ne  fit  que 
des  réponses  «  captieuses  et  éloignées  de  toute  vérité  ».  Rien  n'avait 
été  trouvé  à  la  charge  de  la  logeuse,  et  cependant  malgré  une 
intervention  personnelle  de  S.  A.  R.  le  duc  de  Chartres,  de  passage 
à  Cadix,  auprès  du  gouverneur,  sur  les  instances  du  consul,  les  juges 
ne  se  prononçaient  pas.  (Le  duc  de  Chartres  arrivait  de  Marseille, 
où  il  était  de  passage  les  21  et  22  avril  avec  la  duchesse  de  Char- 
tres. Il  devait  s'embarquer  à  Toulon  pour  une  te  campagne  d'évolu- 
tions ))  tandis  c^ue  la  princesse  allait  visiter  Naples  avant  de  rega- 
gner Paris). 


245 

C'est  alors  que  M.  de  Mongelar  passa  un  office  au  gouverneur 
avec  prière  d'arrêter  Balsarno,  et  d'exiger  de  lui  une  caution  au  cas 
où  la  justice  reconnaîtrait  l'innocence  de  l'aubergiste.  Mais  cet 
((  office  »  ayant  été  gardé  dix  jours,  «  le  dit  Pelegrini  »  et  sa  femme 
frétèrent  le  20  juin  une  goélette  anglaise,  Le  Succès,  capitaine 
Gabriel    Carreras,    qui   faisait   voile  pour   Gibraltar,   et   disparurent. 

Notre  consul  écrivit  au  gouverneur  de  cette  place,  qui  lui  répon- 
dit «  que  des  gens  sans  passeports  et  point  bien  recommandes 
n'étaient  point  admis  à  Gibraltar.   » 

C'est  alors  qu'ayant  été  averti  que  <(  ces  fripons  »  avaient  dessein 
de  passer  à  Marseille,  JNI.  de  ^longelar  écrivit  le  28  juin  1776  aux 
Echevins  pour  les  faire  arrêter,  afin  d'en  exiger  les  dédommage- 
ments convenables  pour  la  «  pauvre  française  aubergiste  ». 

Les  Echevins  lui  répondirent  aussitôt  que  Balsamo  n'était  point  à 
Marseille  et  c^ue  d'ailleurs  ils  ne  pouvaient  le  faire  arrêter  que  sur 
un  ordre  de  ;M.  de  Sartines. 

Le  signalement  du  couple  mérite  d'être  rapporté   : 

((  Le  nommé  Joseph  Balsamo  se  disant  Marquis  de  Pelegrini,  âgé 
d'environ  48  à  50  ans,  taille  moyenne,  assez  gros  et  replet,  visage 
brun,  barbe  noire  fort  épaisse,  les  sourcils  de  même,  portant  le  plus 
souvent  un  uniforme  prussien  bleu  et  parements  rouges. 

«  Il  est  avec  une  femme  qu'il  dit  être  la  sienne,  de  taille  au-dessus 
de  la  moyenne,  régulière,  et  mince,  assez  bien  de  visage  qu'elle  a 
long  et  un  peu  affilé,  fort  blanche,  presque  toujours  vêtue  d'une  robe 
noire   ;  la  tête  ornée  de  plusieurs  plumes  et  autres  affiquets  ». 

Voilà  quelques  détails  c[ui  compléteraient  peut-être  avantageuse- 
ment les  renseignements  biographiques  de  ce  sinistre  aventurier, 
sans  doute  un  agent  secret  de  la  Prusse,  si  nous  nous  rappelons  les 
réflexions  à  son  sujet  de  M.  d'Haugwitz,  ancien  ministre  prussien, 
c^ui  laissait  entendre  assez  clairement,  c{ue  Balsamo  avait  reçu  d'une 
société  secrète  la  mission  de  supprimer  Louis  XVI,  comme  on  devait 
supprimer  à  Stockholm  le  roi  de  Suède,  Gustave  III,  en  mars  1791, 
au  so.lir  d'un  bal  de  la  Cour.  Et  cependant,  le  buste  du  ((  Comte 
de  Cagliostro  »  et  celui  du  bailli  de  Sufïren  ont  de  bons  rapports  de 
voisinage  au  Musée  d'Aix.  Il  est  vrai  que  tous  deux  sont  de  Hou- 
don,  et  c'est  la  seule  excuse  de  ce  rapprochement,  car  leur  gloire 
est  assez  différente.  —  Jean  de  Servièrks. 


Un  écho  Df.  la  Grande  Pf.ur  (1789).  —  ((  Dans  l'affreux  désarroi 
qui  suit  la  prise  de  la  Bastille  et  que  l'on  appelle  la  Grande  Peur, 
il  y  a  eu  très  vite  une  simultanéité  et  une  identité  des  alarmes,  des 


246 

paniques   et   des   actions   qui  ne   peuvent   s'expliquer   que   par   cette 
organisation  centrale  de  l'esprit  public 

a  Brusquement  donc,  vers  le  25  juillet,  une  nouvelle  tuse  de  tous 
côtés  en  Normandie,  en  Dauphiné,  en  Alsace,  ea  Auvergne,  partout: 
des  brigands  armés  arrivent,  pillant  tout,  incendiant  les  maisons, 
brûlant  les  blés  en  vert.  On  les  a  vus,  leurs  rassemblements  sont 
proches  des  nuages  de  poussière  les  annoncent.  Le  tocsm  sonne. 
Des  courriers  partent  au  galop  alerter  les  villages  voisins.  Les 
hameaux  isolés  se  vident.  Les  femmes  et  les  enfants  s'enfuient.  Les 
hommes  s'arment  en  hâte.  Les  commandants  militairs  leur  livrent 
des  fusils  par  dizaines  de  mille,  des  munitions,  des  éciuipements,  des 
canons  même.   Malheur  à  celui  ciui  refuserait! 

«  Après  quelques  nuits  de  garde  et  de  patrouilles,  on  s'aperçoit 
que  la  plaine  est  déserte  et  la  route  sans  écho. 

((  JNIais  la  Révolution  est  armée.  » 

(Pierre  Gaxotte  .•  La  Révolution  irançaise). 

Or,  en  Ce  temps-là,  le  30  juillet,  M.  Salamon  «  vice-sénéchal,  chef 
du  Comité  permanent  de  ce  jourd'hui  »,  écrivait  de  î^Iontélimar  à 
la  municipalité  de  Marseille  :  «  L'alarme  que  nous  venons  d'essuyer 
a  cessé  entièrement:  elle  avait  été  causée  par  le  faux  bruit  de  l'in- 
vasion de  dix  mille  Savoyards  qui  s'avançaient  vers  nous;  dans  la 
crainte  ciue  cette  nouvelle  ne  soit  parvenue  jusqu'à  vous.  Messieurs, 
je  m'empresse  de  vous  écrire  cjUc  ce  n'était  c^u'une  fausse  alerte  : 
nous  avons  dressé  procès-verbal  de  ce  qui  s'est  passé  ici  à  cette  occa- 
sion :  on  le  transcrit  :  j'aurai  l'honneur  de  vous  l'envoyer  par  le 
courrier  de  demain.  Vous  y  verrez  peut-être  une  trop  grande  faci- 
lité à  s'alarmer;  mais  c'est  un  témoignage  bien  précieux  de  la  par- 
faite harmonie  qui  règne  dans  nos  contrées:  cet  événement  tient  du 
prodige:  en  moins  de  douze  heures  nous  avons  eu  plus  de.  trente 
mille  hommes  de  braves  citoyens  armés  venus  à  notre  citadelle  ou 
sous  nos  remparts,  et  si  nous  avions  accepté  toutes  les  offres  qui 
nous  ont  été  faites  par  les  villes  voisines,  en  vingt-quatre  heures 
cincj[uante  mille  hommes  de  milice  bourgeoise  s'unissaient  à  nous 
pour  la   défense   commune. 

((  Je  suis  avec  respect.  Messieurs,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur  ». 

Les  documents  sur  la  Grande  Périr  ne  sont  pas  abondants.  Celui- 
ci  n'apporte-t-il  pas  un  singulier  témoignage  à  la  citation  de 
l'historien    ?  —  S. 


SociÉlÉ  de  StatisiiQue  d'Hisioire  et  d'Archéologie 

de  Marseille  et  de  Provence 

Fondée   en   1827      —      Reconnue   d'utilité  publique   en   1831 


Siège  social  :    63,  Boulevard  Longchamp. 

Secrétariat  général  :   Archives  de  la  Chambre  de  Commerce, 

Palais  de  la  Bourse,  Marseille. 


^ 


IN      MEMORIAM 

1920  -  1929 

1920.  —  Marquis    de    Clapiers-Collonguc.    —    P.     Fournier. 

192 1.  —  /'.    Magnan. 

1922.  —  A.     Ritt.  —    F.     Malaret.  —    G.    de    Courville.  — 

J.-B.   Astier.  —  Paul  Paret. 
1924  —  Le    baron   S.     du     Roure.   —  D""      A.    Guébhard.    — 

Marius  Richard. 
1925.  —  R.    Laiirent-Vibert. 
1926  —  A.    Duboul.  — ■  P.    de  Roux.   —  Joseph   Laurent. 

1927.  — ■  E.  Troump.  —  P.  Billon.  — ■  S.  Gaymard.  —  !M.  de 

Campou,    marquis    de    Grimaldi-Régusse. 

1928.  —  î'.   Faure.   —  F.    de  ^Nlarin  de  Carranrais. 

1929.  — .  Colonel  J.   Maurel.  —  F.    Gendrier.   — ■  M.   Danon. 

Chanoine  A.  Pascal.  —    G.  Usslaub .  P.  Senc?. 

(I.es  noms  en  ii.i/iijue  sont  des  Membres  bienfaiteurs  on  pcrpcluels) 


Conseil  d'Administration  pour  1930 


Président     

Vice-Présidents     

Secrétaire-Général     

Secrétaires     

Trésorier    .  . 

Trésorier-Adjoint     

Bibliothécaire-Archiviste. 
Conserv.des  Collections 
Conseillers   permanents 

(art.  4  des  statuts) 

Conseillers    


.MM.   Charles    I.atunk. 

D"'    Marc    ROMIEU;    Pierre    Bertas. 

Jean  de  ServiÈRES. 

AlbeTt    DANIEL;    Xavier    :\foRKTil. 

Auguste   Rampal. 

Fortuné   Tressens. 

D"-   Louis    Malzac. 

Marc   Dubois. 

Joseph   Fournier;    Cte   Henri    di 

GÉRIN-RIC.ARD. 
M'"^'     Paul    Paret/    MM.    Emile    Is.narD; 
Paul     Lagier;    Jacques     Neyron 
DE    SAi.vr-jLTLiEN  ;    Gaston    Ram- 
nERT;  Jean   Reynaud. 


248 


Liste    des   Memtres    de   la   Société 
arrêtée   au    13   Mars    1930 


MEMBRES  D'HONNEUR    :  7 

M     le  Préfet    du    département    des    Bouches-du-Rhône. 

î\r.  le  Président  du  Conseil   Général  des  Bouches-du-Rhône. 

j\r.   le  Maire  de  Marseille. 

M.   le  Recteur    de    l'Académie    d'Aix. 

M     le  Président  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille. 

M.  JrLLiAN  (Camille),  C.  *,  i^  L,  membre  de  l'Académie  Françai.î 
et  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  professeur 
au  Collège  de  France,  30,  rue  Guynemer,  Paris  (VP)  (12  fév.  1920). 

S.  A.  R.  Mgr  le  Duc  de  VENDOME,  *,  Château  Saint-Michel,  Cannes 
(A.-M.),  et  24,   rue  Borghèse,   Neuilly  (Seine)  (7  avril   1927). 


MEMBRES   HONORAIRES    :  2 
(Cette    catégorie    ne    se    recrute    plus) 


MM. 


Clerc  (Michel),  *,  ^  I.,  correspondant  de  l'Institut,  doyen  honoraire 
de  la  Faculté  des  Lettres  d'Aix,  conservateur  du  Musée  d'Archéo- 
logie de  Marseille,  membre  de  l'Académie  de  Marseille,  plâ  c 
d'Albertas,  Aix-en-Provence  (11   mars    1920). 

Perrier  (Baron  Emile),  C.  *,  O.  *,  *,  *,  *,  ancien  président  de 
la  Société,  Villa  du  Bocage,  Mazargues,  Marseille  (26  avril   1899). 


'  La  date  entre  parenthèses  indique  celle  de  la  réception.  —  L'as- 
térisque *  placée  devant  les  noms,  ceux  des  membres  de  la  Société 
d'Archéologie  de  Provence^  réunis  à  la  Société  de  Statistique  de 
Marseille^  à  la  date  du  i®'"  janvier  1922. 

Signes  abréviatifs  :  *  Légion  d'honneur.  —  S  Médaille  Militaire.— 
i  Croix  de  Guerre.  —  1^  I.  Officier  de  l'Instruction  Publique.  — 
^i  A.  Officier  d'Académie.  —  ®  Mérite  Agricole.  —  *  Décoration 
étrangère. 


«49 

MEMBRES  BIENFAITEURS   :  lo 
(Sont  inscrits  dans  cette  catégorie  les  membres  qui  ont  fait  à  la 

Société  une  libéralité   d'au  moins  Mille  francs). 

]M"i*  Maurice  de  Barbarix,  née  Paquet,  39,  cours  Pierre-Pugct,  Mar- 
seille  (17  juin    1926). 

]\£me  Victor  Faure,  née  Fleury,  70,  avenue  du  Prado,  Marseille 
(26  avril    192S). 

M"'®  Nicolas  Paquet,  née  de  Lombardon-Montczan,  39,  cours  Pierrc- 
Puget,    Marseille    (14    novembre    1929). 

j^jrae  Paul  Paret,  néc  Arène,  23,  boulevard  Vauban,  Marseille 
(il   janvier   1923). 

M.   Frédéric  Gaymard,   7,  rue  Fargès,  Marseille  (26  avril   1928). 

'M.  Ferdinand  DE  Greling,  traverse  Desautel,  à  Sainte-Marguerite, 
Marseille  (14  janvier  1926). 

M.  Emmanuel  Jeanbernat  Barthélémy"  de  Ferrari-Doria,  avocat, 
docteur  en  droit,  villa  Doria,  195,  boulevard  Chave,  Marseille. 
(13  novembre  1924). 

■\  M.  Joseph  Laurent,  licencié  ès-Sciences,  Marseille.  (Délibération 
du  12  janvier  1928.  Décédé  à  Marseille  le  27  octobre  1926. 

*  7  M.  François  Magnan,  ancien  Président  de  la  Société  Archéologi- 
que de  Provence.  Décédé  à  ]\Iar5eille  le  24  août  1921.  (Délibéra- 
tion du  3  février  1928). 

M.  Auguste  Rampal,  avocat,  docteur  en  droit.  Membre  et  Trésorier 
de  l'Académie  de  Marseille,  72,  boulevard  Longchamp,  Marseille. 
(21  juillet   1924). 

MEMBRES  PERPETUELS    :  23 
(Catégorie  des  membre?  ayant  acquitté  par  un  versement  unique, 

quinze   fois   la  cotisation   annuelle,   soit  375   francs). 

AlCARD  (Albert),  *,  O.  *,  avocat,  ancien  bâtonnier,  4,  rue  des  Mar- 
ronniers, Paris  (XVP)  (13  novembre  1924). 

Artaud  (Adrien),  O.  *,  ancien  député,  président  honoraire  de  la 
Chambre  de  Commerce,  président  de  l'Institut  Colonial  de  Mar- 
seille, membre  de  l'Acadcmic  de  ^Marseille,  56,  rue. Paradis,  Mar- 
seille (10  janvier  1900). 

DE  Blégiers  (comte  Jules),  O.  ©,  O.  *,  Assurances  maritimes,  16,  rue 
Pavillon,    [Marseille  (10  avril   1924). 

Boucherie  de  Lamothe  (Auguste),  *,  i'^  A.,  chef  d'escadron  d'artil- 
lerie coloniale,  en  retraite,  ^t,^  boulevard  Pcrrier,  Marseille 
(12  mai  192 1). 

Brexier  (Georges),  *,  armateur  et  négociant,  président  de  la  Cham- 
bre  de   Commerce,   410,   rue  Paradis,    Marseille   (7  avril    1927). 

Chaubet  (Jaccjues),  industriel,  licencié  en  droit,  60,  rue  de  Tocque- 
ville,  Paris  (13  mars  1924). 


250 

ESTRINE  (Lucien),   C.    *,   §^   L,   président  honoraire   de  la  Chambre 
de  Commerce  et  de  la  Société  de  Géographie  de  Marseille,  427,  rtre 
Paradis,  Marseille  (15  janvier  1920). 
-;-  Faure  (Victor),  i^  L,  architecte,  70,   avenue  du  Prado,   Marseille 

(18  décembre  1919).  Mort  le  1"  avril  1928. 
FOL-RNIER  (Joseph),  *,  iS  I.,  C.  *,  O.  *,  membre  non  résidant  du 
Comité  des  Travaux  Historiques,  secrétaire-adjoint  de  l'Académie 
de  Marseille,  archiviste  honoraire  des  Bouches-du-Rhône,  archi- 
viste-bibliothécaire de  la  Chambre  de  Commerce  de  Marselle, 
100,  boulevard  Longchamp,  ^^larseille.  Ancien  président  de  la 
Société  (15  décembre  1899). 

Y  Gavmard  (Sylvain),  négociant  à  Marseille  (19  mars  1925).  Mort  le 
14  juillet  1927. 

GiRAUD  (Hubert),  O.  *,  ï*  A.,  *,  président  du  Conseil  d'Administra- 
tion de  la  Société  Générale  de  Transports  Maritimes  à  vapeur, 
président  honoraire  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille, 
ancien  député,  24,  cours  Pierre-Puget,  Marseille,  et  242,  boulevard 
Saint-Germain,  Paris  (VIP)  (18  décembre  1924). 

GuÉXlX  (Georges),  i,  I?  A.,  directeur  central  du  Crédit  Commer- 
cial de  France j  20,   rue  Lafayette,   Paris   (17  juin    1926). 

GuÉRl.N  DE  Moxtgareuil-Valmale  (Charles),  O.  *,  ¥,  *,  ?l  L, 
C.  ■!•,  "i",  'î',  *,  "ï",  docteur  en  médecine,  professeur  agrégé  à  l'Ecole 
de  ^lédecine,   63,   rue   Paradis,   ^larseille  (23  novembre    1922). 

7  Lavrent-Vibert  (Robert),  *,  i,  professeur  agrégé  de  l'Université, 
industriel,  Lyon  et  Lourmarin  (13  novembre  1924).  INIort  le 
27  avril   1925. 

Lugagne  (Gabriel),  *,  entrepreneur  de  travaux  publics,  juge  au  Tri- 
bunal de  Commerce,  9,  rue  Dumont-d'Urville,  Marseille  (12  février 
1925). 

7  Paret  (Paul),  ingénieur,  ^Marseille  (10  février  192 1).  Mort  le 
12   décembre   1923). 

Philipon  (Antoine),  notaire,  24.  cours  Pierre-Puget,  ^Marseille 
(14  mai  1925). 

Rastoin  (Emile),  O.  *,  industriel,  i^résident  honoraire  de  la  Cham- 
bre de  Commerce,  ancien  adjoint  au  Maire,  15,  place  Alexandre- 
Labadié,   Marseille  (23  octobre   1924). 

Revxaud  (Joseph-A.),  agent  de  la  Compagnie  des  Forges  et  Aciéries 
de  la  :\Iarine,    135,  boulevard  Baille,   Marseille  (12  juin   1924). 

Saglietto  (abbé  Victor),  curé  de  Signes  (Var)  (13  décembre  1928). 

DE  Suffrex  (marquis  Fernand),  *,  ?,  23,  rue  Louis-Astruc,  [Marseille 
(12  décembre   1929). 

*  Varai.di  (René),  ingénieur-chimiste,  industriel,  Cannes-La  Bocca, 
Alpes-Maritimes  (i'^'-  janvier   1922). 

Zaeiropulo  (Polybe),  ingénieur,  13,  rue  Edouard-Delanglade,  ll^x- 
seille   (10  juillet   1919). 


351 

MEMBRES  TITULAIRES    :  251 

Mesdames 

AUSSEXÂC  (Henri),  nce  Arimondo,  50,  rue  Dragon,  Marseille  (13  fé- 
vrier  1930). 

AviÉRLNOS  (Denis),  noe  Méténier,  30,  rue  Sénac,  Marseille  (11  février 
1926). 

BORTOLI  (Charles),  née  Bérenger,  427,  rue  Paradis,  Marseille  (14  jan- 
vier   1926). 

CÉRATI  (Alex.),  née  Genin,  ^  A.,  institutrice  honoraire,  i,  avenue 
du  Palais  de  Justice,  Ajaccio  (Corse)  (23  octobre  1924). 

DE  Clapiers-Colloxgue  (marciuise),  née  de  Brossin  de  Mérc,  16  ffis^ 
avenue  Bosquet,  Paris  (VIP)  et  château  de  Riforan,  à  Entre :a5- 
teaux   (Var)    (10   mars    192 1). 

Davix  (Edouard),  née  Bagnis,  S,  rue  Moustier,  Marseille  (28  octo- 
bre   1926). 

FOLTlXIER  (Elie),  née  Pradel,  23,  rue  Daumicr,  Marseille  (15  février 

1923)- 
Gautier  (Albert),  née  Gondran,  présidente  de  la  Société  Art  et  CJui- 

ritc,  40,  quai  du  Port,   Marseille  (12  février   1920). 
DE  GÉRIX-RICARD  (comtesse  Henri),  née  de  Cormis,  33,  rue  Wulfran- 

Puget,    Marseille    (10   janvier    1929). 
GiRAUD  (Louis),  née  Chaise,  villa  Oddo,  boulevard  Oddo,  Marseille 

(12    décembre    1929). 
Lecoq   (Claude),   conservateur-bibliothécaire   du   château   de   Lourma- 

rin,  à  Lourmarin  (Vaucluse)  (14  novembre  1929). 
Lugagxe  (Gabriel),   née   Dubois,   9,    rue   Dumont-d'Urville,   Marseille 

(i^""  janvier    1922). 
Tassv  (Charles),   née   de   Barbarin,   99,   avenue   du  Prado,    Marseille 

(10    février    1927). 
Verxe  (Marguerite),  9,  Port  du  Bief,  Givors  (Rhône)  (13  février  1930). 

Mesdemoiselles 

Albert   (Blanche),    i,   rue   Colbert,   ^Marseille   (11   mars    1926). 
DURAXD    (Alexandrine),    institutrice,    62,    boulevard    ^Méreni.ié,    Mar- 
seille  (14   avril    1921). 

M.M. 

L'Abbave-Evmeric  (Alfred  de),  *,  *,  antiquaire,  expert  près  Ips  Tri- 
bunaux,   18, •  boulevard   Longchamp,    Marseille   (27  avril    1922) 

Abeille  (Henri),  artiste  peintre,  2)7)  cours  Lieutaud,  Marseille 
(15  avril   1926). 


253 

Anastav  (J.-Paul),  ingcnieur-chimiste,  conservateur  du  Musée  riii- 
lippc  de  Girard,  à  Lourmarin  (Vaucluse)  et  4,  rue  Cliarras,  ^lar- 
seille   (12    juin    1924). 

Ancey  (Emmanuel),  *,  directeur-adjoint  du  Sémaphore  de  Marseille, 
président  de  la  Société  d'Etudes  Economiques,  83,  La  Canebière, 
Marseille   (28   avril    19 19). 

Ansai.di  (Victor),  antiquaire,  11,  place  Saint-Ferréol,  Marseille 
(9  décembre   1926). 

Antarieu  (François),  ^'ï,  A.,  professeur  agrégé  au  Lycée  de  .Mar- 
seille,   149,    cours    Lieutaud,    Marseille    (22    octobre    1925). 

Armeni  (Pietro),  numismate,  35,  rue  de  la  Guadeloupe,  Marseille 
(27  .octobre    1927). 

Arnaud  d'Acnel  (abbé  Gustave),  *,  1^  L,  docteur  en  théologie  et 
en  philosophie,  correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction  Publi- 
que, chanoine  honoraire,  aumônier  des  Lycées  de  Marseille, 
10,  rue  Edmond-Rostand,  Marseille  (12  avril   1901). 

ASSOUAD  (Gustave),  numismate,  88,  rue  Saint-Jacques,  Marseille 
(25   novembre    1920). 

AUDIBERT  (Jean),  assureur,  30S,  rue  Paradis,  [Marseille  (27  janvier 
1921). 

AUSSEXAC  (Henri),  docteur  en  médecine,  50,  rue  Dragon,  3ilarseille 
(13   février    1930). 

AVIÉRINOS  (Fernand-Georges),  ¥,  docteur  en  médecine,  chef  de  cli- 
nique à  l'Ecole  de  [Médecine,  30,  rue  Sénac,  IMarseille  (19  novem- 
bre   1925). 

Barbarix  (Henri  de),  *,  ?^,  assureur,  54,  rue  Paradis,  [Marseille 
(14  mai   1925). 

Barbarix  (Joseph  de),  avocat,  83,  rue  Sylvabelle,  Marseille  {2-]  mai 
1920). 

Barbarix  (Landry  de),  39,  cours  Pierrc-Puget,  [Marseille  (9  décem- 
bre   1926). 

Barbot  (Marcel),  *,  docteur  en  médecine,  168,  boulevard  Baille, 
[Marseille    (25    novembre    1926). 

*  Barlaïier  (Paul),  *,  *,  *,  homme  de  lettres,  directeur  du  Séma- 
phore, membre  de  l'Académie  de  [Marseille,  19,  rue  Venture, 
[Marseille  (i^""  janvier   1922). 

Barruol  (Jean),  homme  de  lettres,  Apt  (Vaucluse)  (10  janvier  1929). 

Barthelet  (Gaston),  administrateur-délégué  de  la  Cartonnerie  et 
Imprimerie  Saint-Charles,  31,  rue  de  l'Arbre,  Marseille-  (17  juin 
1926). 

Basset  (Paul),  président  du  Syndicat  de  la  mercerie  en  gros,  rue  de 

la  Providence,    15,   [Marseille  (19  avril    1923). 
Bavol    (P.-E.),    ^^    L,    percepteur    en    retraite,    [Montfort-sur-Argens 

(Var)  (14  juin   192S). 


253 

BecH   (Albert),    ancien   agent   de   change,   24,   boulevard   Dugommiur 

Marseille  (13  mars  1930). 
Bellev  (Jean),  *,  ?,  docteur  en  médecine,  villa  La  Colinettc,  place 
Oddo,  Marseille  (12  décembre  1929). 

Beltrami  (Géo),  ^  A.,  docteur  en  médecine,  chirurgien-dentiste, 
professeur  à  l'Ecole  de  Médecine,  58,  rue  Saint-Ferrrol.  Marseille 
19  janvier   1922). 

Benoît  (Ernest),  directeur  général  de  la  Société  Granoux  et  Cie, 
366,  rue  Paradis,  Marseille  (10  novembre   1927). 

Benoit  (Léon),  quartier  de  Saint-Roch,  à  Roquevaire  (Bouches  du- 
Rhône)   (17.  novembre    192 1). 

BÉRENGER  (Félix-Auguste),  avocat,  19,  rue  de  la  Republique,  Mar- 
seille (15   février   1923). 

Bergasse  (Alexandre),  juge  au  Tribunal  de  Commerce,  13,  rue 
Haxo,  Marseille  (27  octobre  1927). 

Bergasse  (Louis),  1^  I.,  docteur  en  droit,  secrétaire  général  de  la 
Chambre  de  Commerce  de  Marseille,  62,  cours  Pierre-Puget, 
Marseille    (12    février    1920).    Ancien    président    de    la    Socic-té. 

Bergman  (Roger),  consul  de  Finlande,  négociant,  89,  rue  de  la  Répu- 
blicjue,    Marseille    (10   janvier    1929). 

*  Berniolle  (Jean-Baptiste),  ^?=  L,  professeur  honoraire  de  l'L'ni- 
versité,    50,    quai    Saint-Pierre,    Arles    (i*''"  janvier    1922). 

Bertas  (Pierre),  homme  de  lettres,  34,  rue  Thomas,  Marseille 
(22  avril    1920). 

Bertrand  (Mar^o),  ^J  L,  archiviste-bibliothécaire  de  la  ville  de  Can- 
nes,   17,  boulevard  Ferrage,  Cannes  (A.-^L)  (27  octobre   1927). 

DE  Bezaure  (comte  Paul),  *,  5J^  A.,  O.  *,  *,  *,  *,  ancien  diplo- 
mate, 406,  rue  Paradis,  Marseille  (17  juin   1926). 

Blain  (Louis),  ?,  C.  "ï",  industriel,  16S,  boulevard  Chave,  Marseille 
(9  juin    1927). 

Blanc  (abbé  Hilaire),  recteur  du  Canet,   Marseille  (14  avril    192 1). 

DE  Blégier  de  Pierregrosse  (comte  Louis),*,  *,  *,  *,  *.  villa  Font- 
froide,   à   Sainte-Marguerite,    Marseille   (9  juin    1921). 

BOELL  (Louis-Léon),  ?^  L,  inspecteur  départemental  de  l'Enseigne- 
ment Technique,  62,  rue  Grignan,  Marseille  (13  mars   1930). 

BONNASSE  (Joseph),  *,  banquier,  château  de  la  Rouvière,  au  Cabot, 
Marseille   (12   février    1920). 

BONNEL  (Charles),  directeur  de  la  Société  Immobilière  Marseillaise, 
65,   rue  Breteuil,   Marseille  (19  novembre   1924). 

Bonnet  (Victor),  docteur  en  médecine,  3,  rue  Aldebert,  Marseille 
(19  nov-embre    1925). 

Boude  (Antoine),  industriel,  membre-trésorier  de  la  Chambre  de 
Commerce  de  :N[arseille,  104,  rue  Paradis,  Marseille  (18  décem- 
bre  1924). 


a54 

DE  BouiLLANXE  (Marcel),  constructeur  de  ciment  armé,  349,  rue 
Paradis,    Marseille    (22    octobre    1925). 

BoriSSON  (l'abbé  Emile),  curé  des  Routes,  à  Toulon  (9  janvier  1930). 

Bourde  (Yves),  *,  docteur  en  médecine,  27,  rue  de  la  Palud,  Uar- 
seille   (11    février   1926). 

BOURRIAN  (Jacques),  O.  *,  chef  de  division  à  la  Préfecture,  28,  bou- 
levard Chave,  Marseille  (27  octobre   1927). 

Brenier  (Henri),  O.  *,  C.  *,  directeur  général  des  services  de  la 
Chambre  de  Commerce  de  Marseille,  membre  de  l'Académie  de 
Marseille,  villa  Les  Papillons,  136,  chemin  du  Roucas-Blanc,  Mar- 
seille (19  mars   1925). 

Bromberger  (André),  ^^  A.,  homme  de  ettres,  rédacteur  au  Petit 
Marseillais,  15,  quai  du  Canal,  Marseille  (10  juillet  1919). 

DE  Brun  (Pierre),  conservateur  du  Musée  des  Alpilles,  Saint-Rémy- 
de-Provence   (B.-du-Rh.)    (10   novembre    1927). 

*  Buix  (Désiré),  *,  i,  docteur  en  médecine,  médecin-dentiste, 
22,  cours  Lieutaud,   ^Marseille  (i*^""  janvier  1922). 

*  Cachard  (Ludovic),  propriétaire  à  la  Cadière  (Var)  (i^""  janvier 
1922). 

*  Cadet  de  Foxtenay,  contrôleur  des  douanes  en  retraite,  villa  Ber- 
tha,   Les   Trois-Lucs   (i^""  janvier    1922). 

Cahier  (Jules),  directeur  honoraire,  conseil  de  la  Compagnie  des 
Docks  et  Entrepôts,  14,  rue  Edmond-Rostand,  Marseille  (13  no- 
vembre 1924). 

Cahier  (Robert),  courtier,  45,  rue  Scnac,  :Mar5eille  (13  novembre 
1924). 

Camau  (Emile),  *,  i,  1^  A.,  président  de  la  Compagnie  des  cour- 
tiers assermentés  près  le  Tribunal  de  Commerce,  membre  du 
Conseil  des  Directeurs  de  la  Caisse  d'Epargne  des  Bouches-du- 
Rhône,   39,   boulevard    Notre-Dame,    Marseille   (9  juin    192 1). 

Cassax  (Paul),  ^  I.,  notaire  honoraire,  61,  boulevard  Xotre-Dame, 
Marseille   (12   février    1920). 

Cassoute  (Paul),  négociant,  ancien  juge  au  Tribunal  de  Commerce, 
16,  rue  de  l'Arbre,  Marseille  (13  mars  1930). 

Chantreau  (Paul),  §,  m  A.,  à  Rognac  (Bouches-du-Rhône  (i^''  jan- 
vier 1922). 

CHarras,  membre  de  l'Académie  du  Var,  pharmacien,  à  Saint-Cyr 
(Var)   iyr  janvier    1922). 

DE  CHOMEL  (Félix),  industriel,  m£mbre  de  la  Chambre  de  Commerce, 
cours  Joseph-Thierry,   19,  INIarseille  (9  février  1928). 

Club  Alpin  (Section  de  Provence),  55,  rue  Paradis,  Marseille 
(14  mars   1929). 


«55 

DU  Colombier  (Jean),  ^''f^,   î,  "î",  directeur-adjoint  du  Crédit  Commcr' 
cial    de    France^    22,    boulevard    de    Roux,    Marseille    (28    octobre 
1926). 
CONDRILLIER   (Gaston),   2,   avenue   des   Italiens,    La   Ciotat   (Bouchcs- 

du-Rhône)  (22  mars   1923). 
CORRÉARD      (abbé    Louis),    "î",    curc-archiprêtre      de      Suze-la-Roussc 

(Drôme)  (23  octobre   1924). 
Cotte  (Charles),  notaire,   secrétaire  général  de  Rhodanidj  place  des 

Prêcheurs,  34,  Aix-en-Provence  (1"  janvier   1922). 
COURLET   (Jean),    107,    boulevard    Longchamp,    ^larseille    (15   janvier 

1920). 
Couve  (Edmond),  conseiller  à  la  Cour  d'Appel  d'Aix,  70,  boulevard 

Notre-Dame,    Marseille    (19    novembre    1925). 
CROUZET  (Gaston),   docteur  en  médecine,   6r,   cours  Devilliers,   Mar- 
seille (8  mars   1928). 
Daniel  (Albert),   licencié   en   droit,    120,   boulevard   Chave,    Marseille 

(14  juin   1928). 
Daniel    (Gaston),    i,    docteur    en    médecine,    chirurgien,    lauréat    de 
l'Académie    de    Médecine,    43,    boulevard    Dugommier^    Marseille 
(14  juin    1928). 
David  (Edgard),   O.   *,   négociant,  président  honoraire  de  la  Cham- 
bre  de   Commerce,   2,   place   Sadi-Carnot,    Marseille   (9  juin    1927). 
Davin  (Edouard),   industriel,   8,   rue  Moustier,   Marseille  (22  octobre 

1925). 
DÉMARQUET  (Maurice),  ingénieur  civil  des  ^lineS,  directeur  de  l'usine 
de     Saint-Gobain,    à     Port-de-Bouc     (Bouches-du-Rhône)   (11    mars 
1926). 
Denizet    (Jean),    S,    ?,    archiviste    paléographe,    ancien    membre    de 
l'Ecole  Française  de  Rome,  directeur  des  Codes  Lugagne^  22,  rue 
Pasquier,   Paris  (VHP)  (18  décembre   1919). 
Denizot  (Gaston),  docteur  ès-sciences,  préparateur  à  la  Faculté  des 

Sciences,    place   Victor-Hugo,    Marseille   (13    février    1930). 
Desbief  (Eugène),  industriel,  393,  rue  Paradis,   Marseille  (12  février 

1920). 
Deschamps  (Pierre),  O.  *,  §^  L,  directeur  de  l'Ecole  Primaire  Supé- 
rieure     Victor-Hugo,      boulevard      Gustave-Desplaces,      Marseille 
(10  février    1927). 
Deville  de  r^LARlGNV  (Bernard),  24,  rue  Lafon,  Marseille  (14  janvier 

1926). 
*  Dubois  (^larc),  ^^  L,  9,  rue  Dumont-d'Urvillc,  Marseille  (i,^""  jan- 
vier  1922). 
Dubois  (Marius),   O.   *,   ancien  secrétaire  général   de   la   Mairie  de 
Marseille,    président    du    Comité    du    Vieux-Marseille,    28,    boulc- 
var  Paul-Peytral,   Marseille  (8  mai  mai   1924). 


256 

*  Duce  (Félix),    i,   place  Bcinex,   Marseille  (i^''  janvier   1922). 

DUFAY  (Henri),  O.  *,  négociant,  ancien  vice-président  de  la  Cham- 
bre de  Commerce,  31,  rue  Saint-Jacques,  Marseille  (12  janvier 
1928). 

DUFOUR  (Georges),  professeur,  3,  boulevard  Amédée-Autran,  Mar- 
seille  (10   janvier    1929). 

DUPLANTÉ   (Bernard),    avocat,    15,    rue   Armény,    Marseille    (13    mars 

1930)- 

DVRAND  (Bruno),  archiviste-paléographe,  archiviste  du  V«  arrondis- 
sement  maritime,    i,   rue   Peiresc,    Toulon   (10   mars    192 1). 

Elliex  (Louis),  72,  rue  Edmond-Rostand,  Marseille  (15  janvier  1925). 

En'JOUBERT   (Hilaire),   notaire,    Pertuis   (Vaucluse)   (17  juin    1926). 

ESTRANGIX  (Etienne),  *,  ?,  ^^  A.,  licencié  es  Itetres,  secrétaire  géné- 
ral de  l'Union  des  Syndicats  agricoles  des  Alpes  et  de  Provence, 
54.   boulevard   Notre-Dame,    ]\Iarseille   (19  janvier   1922). 

EvRlÈs  (Eugène),  docteur  en  médecine,  2,  rue  Adolphe-Thiers,  Mar- 
seille  (12   juin    1924). 

Eyssautier  (chanoine  Georges),  recteur  de  Saint-Charles,  chanoine 
honoraire,    17,   rue   Breteuil,   ^Marseille   (13   juin    1929). 

Farxarier  (Fernand),  ?,  docteur  en  médecine,  licencié  es  sciences, 
16,    cours    Pierre-Puget,    Marseille    (i'^'"   janvir    1922). 

Faure  (Frédéric),  Transactions  Immobilières,  70,  avenue  du  Prado, 
^larseille    (14    juin    1928). 

Faure  (Germain),  i,  architecte  diplôme,  70,  avenue  du  Prado, 
Marseille  (14  juin    1928). 

Faure-Durif  (Victor),  arbitre  de  commerce,  villa  l'Oasis,  Sainte- 
Marguerite,    Marseille    (13    novembre    1924). 

Félix-Dalazil  (André),  félibre,63,  cours  Lieutaud, Marseille  (12  jan- 
vier 1928). 

Fexouillet  (Georges),  i^  i.^  Q.  *,  conseiller  de  Préfecture,  14,  bou- 
levard Benedetti  (Corniche),  Marseille  (27  octobre   1927). 

Fleurv  (Jean),  négociant,  33,  rue  Fargès,  Marseille  (19  mais   1925'). 

DE  Foxscolombe-La  INIole  (baron  Emmanuel),  *,  ?,  La  Sauvagère,"à 
Sainte-Marguerite,   Marseille  (26  avril    1928). 

Fontanarava  (Isidore),  directeur  de  l'usine  Pavin  de  La  Fa/gc,  à 
Valdonne,  par  Peypin  (i^r  janvier   1922). 

FOXTAXIER  (Lucien),  archiviste  et  fondateur  du  Musée  des  Pénitents, 
42,    rue   de    la   Loubière,    Marseille    (14    avril    192 1). 

DE  FORESïA  (marquis  Henri),  chAteau  des  Tours,  La  Viste,  Mar- 
seille (14  mars   1929). 

FouRMER  (Elie),  avocat,  23,  rue  Daumier,  ^larseille  (11   mars   1920). 

Frevdier  (Emile),  i^  a.,  6,  rue  Marius-Jauffrct,  ^larseille  (23  octo- 
bre   1924), 


257 

Gastinel  (André),  ii,  boulevard  Boisson,  Marseille  (19  avril   1923). 
GaULOFRé      (Fernand),    propriétaire,    168,    rue      Consolât,    Marseille 

(i*""  janvier    1922). 
Gautier  (Raymond),  *,  i^  A.,  ©,  C.  *,  *,  diplômû  de  l'Ecole  des 
Hautes   Etudes   et   de   l'Ecole  des   Langues   Orientales,   contrôleur 
civil   en   retarite,   maire   de  Peypin-d'Aigues   (13   mars    1930). 
Gknot     (Eugène),    *,    î,    directeur   de   la   Commerciale     des     Vins, 

};^j,  boulevard  Longchamp,   Marseille  (13  novembre  1924). 
DE   GÉRIN-RICARD    (comte    Henry),    ^    I.,    *,    membre    des   Académies 
de    Marseille,    d'Aix    et    de    Vaucluse,    membre    non    résidant    du 
Comité   des   Travaux  historiques,   conservateur   adjoint   du   Musée 
d'Archéologie     de     Marseille,  33,   rue     Wulfran-Puget,   Marseille 
(18   janvier    1899).    Ancien    président   de    la    Société. 
GiBERï  (Jean-Amédée),   *,   artiste  peintre,    Grand     Prix     de     Rome, 
conservateur  des  ^Musées,  des  Beaux- Arts  et  Grobct-Labadié,  A'illa 
les   Aliziers,    Le    Cabot,    Marseille    (12   janvier    1928). 
GODWix   (Franck),    professeur,    villa    Favorite,    traverse   Ténériffe,    h 

r^Iourepiane,    ^Marseille   (i'"''  janvier    1922). 
GONZALÈS  (Paul),  *,  P,  sculpteur,  rue  Brcteuil,  121,  Marseille  (12  jan- 
vier   1928). 
Gravier      (Jules),    *,    négociant,    yS,    rue      Saint-Jacques,    Marseille 

(15  février  1923). 
Gros   (Etienne),   U  A.,   professeur     à     l' Université   d'Aix-Marseille, 

35,  rue  de  Turenne,  Marseille  (12  février  1920). 
GUASTALLA  (René),    $,   professeur    agrégé     au     Lycée    de  Marseille, 

3,    rue    du    Lycée-Périer,    Marseille    (11    février    1926). 
GUEVRAUD  (Joseph),  industriel,  30,  boulevard  Dugommier,  Marseille 

(10  mars   1927). 
Guigou-Blancard   (Robert),    S,    î,    6,    rue   Joseph-Autran,    Marseille 

(28  avril   19 19). 
Guiol  (Fernand),   industriel,  98,   rue  Sylvabelle,   ^larseille  (10  avril 

1924). 
Hen'rv   (Marcel),   notaire   honoraire.    Ile   de   Port-Cros   (Var)   (19   no- 
vembre   1925). 
Heyraud   (Charles),    homme    de    lettres,    membre    de    l'Académie    de 

:NL'irseille,    295,    rue    Paradis,    Marseille    (8    mai    1924). 
Hubert  (Maurice),   ingénieur  E.C.P.,   vice-président  de  la  Chambre 
de  Commerce     de     Marseille,   220,  avenue     du     Prado,   ^^ar?el]lc 
(23   octobre    1924). 


258 

ISXARD  (Emile),  '&  A.,  archiviste-paléographe,  archiviste  de  la  ville 
de  Marseille,  correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction  publi- 
que,   393,    rue    Paradis,    Marseille    (28    avril    1919). 

JAUFFRET  (Wulfran),  *,  avocat,  ancien  bâtonnier,  membre  de  l'Aca- 
démie de  Marseille,  80,  rue  Paradis,  Marseille  (9  décembre  1926). 

JOANXON  (Paul),  président  de  la  Société-  Archéologique  d'Aix-en- 
Provence,    40,    rue   Daumier,    Marseille    (22    mars    1923). 

DE  JOLY  (Robert-Jacques),  ingénieur,  Uchaud  (Gard).  Lauréat  de 
la  Société    :  Médaille  Joseph-Laurent  (9  décembre   1926). 

JOUVIN  (Maurice),  industriel,  99,  boulevard  Baille,  jN^arseille  (19  mars 
1925). 

Labarre  (Pierre),  ingénieur  des  Arts  et  ^Manufactures,  11  bis,  bou- 
levard Garibaldi,  Marseille  (25  novembre  1920).  Ancien  président 
de  la  Société. 

Labroquère  (Roger),  ingénieur,  directeur  de  la  Société  Marseillaise 
de  Sulfure  de  Carbone,  villa  des  Marronniers,  boulevard  Banon, 
aux  Chartreux,  ÎMarseille  (12  mai  192 1). 

Lagier  (Paul),  C.  *,  5,  "i",  *,  capitaine  de  vaisseau  en  retraite, 
ancien  commandant  de  la  Marine  à  Marseille,  60,  rue  d'Endoume, 
Marseille  (27  octobre   1927). 

Lapierre  (William),  ingénieur  A.  et  M.  Expertises  et  Assurances, 
II,  boulevard  Gustave-Ganay,  Marseille  (13  mars   1930). 

Latil  (J.-Paul),  *,  C.  "ï",  négociant,  juge  au  Tribunal  de  Commerce, 
35,  rue  de  Forbin,   [Marseille  (8  décembre  1927). 

Latreille  (André),  professeur  agrégé  au  Lycée  Ampère,  à  Lyon, 
(27    janvier    1927). 

Latuxe  (Charles),  ^  L,  avocat,  43,  rue  ?iIontgrand,  Marseille  (24  juin 
1920).    Président   de    la   Société. 

Laurent  (Louis),  Il  L,  docteur  es  sciences,  maître  de  conférences- 
adjoint  à  la  Faculté  des  Sciences,  conservateur  au  Muséum  d'His- 
toine  naturelle,  membre  de  l'Académie  de  Marseille,  20,  rue  des 
Abeilles,  Marseille  (11  mars  1920). 

Levet  (Marius),  sous-directeur  de  la  Société  Générale  des  Tuileries 
de  Marseille  et  Cie,  26,  boulevard  Paul,  la  Blancarde,  Marseille 
(8    décembre    1927). 

LuzzAïTi  (Henri),  C.  *,  G.  O.  *,  C.  *,  *,  *,  0.  *,  *,  industriel, 
président  de  la  Chambre  de  Commerce  Italienne,  305,  avenue  du 
Prado,   Marseille   (27  mai   1926). 

Maccario  (Fabien),  i,  avocat,  62,  rue  Montgrand,  Marseille  (17  mai 
1923)- 

*  Magxax  (Joseph),  assureur,  26,  rue  Fargès,  Marseille  (i*''"  janvier 
1922). 

Maltret  (Emile),   16,  rue  de  la  Croix,  Marseille  (19  mars   1925), 


250 

Malzac    (Louis),    docteur    en    médecine,    19,    rue    Ferrari,    Marseille 

(10   juillet    1919). 
MaRGUERV  (Ernest),  *,   membre  de  TAcadémie  de  Marseille,   ancien 
adjoint  au  maire,  4,  rue  Wulfran-Puget,  Marseille  (24  juin   1920). 
Marmv  (^Martial),  assureur,   administrateur  de  la  Caisse  d'Epargne, 

5,  rue  Haxo,  Marseille  (17  juin  1926). 
*  Martin  (Gustave),  *,  i?^  A.,  membre  de  la  Société  de  Numismati- 
que de  France,  conservateur  honoraire  du  Cabinet  des  Médailles 
de   Marseille,    22,    place   Jean-Jaurès,   Marseille  (i'^'"  janvier   1922). 
Martin   (Lucien),    licencié  en   droit,    144,    route   Nationale   de   Saint- 
Loup,    Marseille    (13    novembre    1924). 
Masson   (Paul),   *,   i^   L,   correspondant   de   l'Institut,   membre   non 
résidant   du   Comité   des   Travaux   Historiques,   membre   de  l'Aca- 
démie   des    Sciences    Coloniales    et    de    l'Académie    de    Marseille, 
professeur    à    l'Université    d'Aix-^^Iarseille,    32,    ruc    Pouccl,    Mar- 
seille  (12   février    1920). 
Maurel  (Léon),  docteur  en  médecine,   105,  ruc  Sylvabelic,  ^farseille 

(12  janvier   1928). 
Maurin  (Antoine),  avocat,  22,  rue  Montgrand,   Marseille  (13  décenr- 

bre    1923). 
Mazuver   (René),   avocat,   docteur  en   droit,    54,   rue  Sainte-Victoire, 

Marseille  (9  février  1928). 
MelcHIOR-Robert   (Paul),    *,    dcoteur   en   médecine,    chirurgien   des 

hôpitaux,  38,  rue  Sainte,  Marseille  (11  juin  1925). 
MÉLIZAN   (Paul),   *,    i,    directeur   de   l'Institution   Mélizan,    65,    rue 

Fortunée,    Marseille   (14    avril    1921). 
MérIC  (George-A.),   ?,  ^^-  A.,  commissaire  de  marine,  24,  boulevard 

00  la  Liberté,  Marseille  (14  février   1929). 
Michel   (Eugène),   ^^   L,    professeur   agrégé   d'histoire   au   Lycée   de 
Marseille,    i,    rue    Ferrari,    Marseille    (9    juin    1921).    Ancien    pîé- 
sident   de  la   Société. 
]\IOlROUD  (Pierre),   5,  docteur  en  médecine,  professeur  à  l'Ecole  de 

^Médecine,    138,   rue  Consolât,   Marseille  (12  mai   1927). 
MONDON   (Marcel),    trésorier-adjoint   de   la   Société   des  Archives   his- 
toriques de  la  Gironde,  75,  boulevard  Albert-I*'',  Bordeaux  (9  jan- 
vier   1930). 
MONROË  (le  général  Jacques),  G.  0.  ^,  î,  *,  *,  *,  ancien  comman- 
dant   du    XV^    corps    d'armée,    62,    cours    Pierre-Puget,    Marseille 
(14  mars  1929). 
?il0NTEUX  (Gabriel),  *,  'i^  L,  C.  *,  ©,  docteur  en  médecine,   52,  rue 

Sainte,  [Marseille  (11  mars   1926). 
?iIORETTl  (Xavier),   directeur  de  l'Orphelinat  Départemental   château 
de  Fontainieu,  à  Saint-Joseph,  administrateur  de  la  Caisse  d'Epar- 
gne,  Marseille  (23   octobre    1924). 


26o 

MOïTET  (Pierre),  assureur,  rue  Paradis,  351,  Marseille  (19  mars  1925). 

MOULIN  (Eugène),  avocat,  8,  rue  Haxo,  Marseille  (15  janvier  1925). 

MOUREX  (Jean-Baptiste),  chef  peseur  de  la  Compagnie  des  Docks  et 

Entrepôts,  en  retraite,    122,   rue  d'Endoume,   Marseille  (10  février 

1927). 
MOURRE  (Charles),  i,  industriel,  34,  rue  Breteuil,  ^larseille  (11  mars 

1926). 
MOVNIER   (Raphaël),    expert    maritime,    53,    rue    de    la    Colline,    'Maï- 

seille  (14  mars  1929). 

Nathan  (Abel),  O.  *,  *,  avocat,  ancien  bâtonnier  de  l'Ordre,  54,  rue 
:\Iontgrand,   Marseille  (13  novembre   1924). 

NÉCREL  (Auguste),  ^^  A.,  courtier  assermenté  près  le  Tribunal  de 
Commerce  de  Marseille,  54,  xue  Vacon,  ]\Iarseille  (13  mars  1924). 

Xevron  DE  Saint-Julien  (baron  Jacques),  O.  *,  i,  lieutenant-colonel 
d'artillerie  en  retraite,  107,  avenue  du  Prado,  Marseille  (22  octo- 
bre   1925). 

NICOLLET  (François-Xapolcon),  P  I.,  agrégé  de  l'Université,  pio- 
fesseur  honoraire  du  Lycée  Mignet,  imprimeur,  5,  rue  Emeric- 
David,  Aix-en-Provence  (9  juin  1921). 

Page  (]\Iaurice),  docteur  en  médecine,  villa  I,e  Brès,  86,  boule- 
vard  ]\Iichelet,   Marseille  (10  mars    1927). 

Pavan  (Léon),  38,  boulevard  Philipon,  Marseille  (17  décembre  1925). 

Pellenq  (abbé  Eugène),  recteur  de  vSaint-Eugène,  impasse  du  Pres- 
bytère,  Endoume,    Marseille   (10   février    192 1). 

Pellissier-Guvs  (Henry),  avocat,  16,  rue  Breteuil,  Marseille  (11  mars 
1920).    Ancien   président   de   la   Société. 

Pennington  (Charles),  ingénieur  colonial,  120,  boulevard  Long- 
champ,  Marseille  (14  novembre  1929). 

Perraud  (2\Iaurice),  propriétaire,  103,  boulevard  de  la  Magdeleine, 
Marseille  et  château  d'Esclans,  par  la  INIotte  (Var)  (27  mai  192c). 

*  POLNSO  (Jules),  ^  T.,  professeur  agrégé  au  Lycée  de  ]Marseille, 
48,    rue  Barbaroux,    ?ilarseille   (i'^''  janvier    1922). 

Pommé  (Albert),  courtier  maritime,  membre-correspondant  de  la 
Chambre  de  Commerce  de  Marseille,  Port-de-Bouc  (Bouches-du- 
Rhône)  (11  mars   1926). 

Pons  (Henri),  docteur  en  médecine,  chirurgien  des  hôpitaux, 
15,  boulevard  de  la  Liberté,  ^Marseille  (18  décembre  1921), 

P0TTIER  (René),  O.  *,  m  A.,  *,  *,  administrateur  en  chef  hono- 
raire de  l'Inscription  }ilaritime,  162,  avenue  du  Prado,  Marseille 
(12  juin   1924). 

PoURTAL  (Louis),  i,  docteur  en  médecine,  yy,  boulevard  Périer, 
Marseille  (24  juin    1920). 

DE  PuvMORiN  (Gaston  d'AUBRV),  avocat,  39,  rue  Saint-Fcrréol,  Mar- 
seille (19  avril   1923). 


201 

Raimbault  (Maurice),  U  I.,  archiviste-adjoint  dos  Bouches-du-Rliône, 
conservateur  du  Musée-bibliothèque  Paul  Arbaud,  membre  de 
l'Académie  d'Aix,  majorai  du  Félibrige, .  2  A,  rue  du  4-Scptem- 
bre,  Aix-en-Provence  (27  mai  1920. 

Rambkrï  (Gaston),  i^  A.,  O.  *,  *,  professeur  agrégé  de  l'Université, 
directeur  de  l'Ecole  Supérieure  de  Commerce,  35,  rue  Sainte- 
Victoire,  Marseille  (15  février  1923).  Ancien  président  de  la 
Société. 

Ravel  (Alexandre),  secrétaire  de  la  Société  des  Amis  de  la  Vieille 
Ville,    120,   rue  de   Lodi,   Marseille  (13  février   1930). 

Ravel  (Oscar),  ?-?  A.,  numismate,  8,  rue  de  Lorraine,  Pointe-Rouge, 
Marseille  (12  décembre  1929). 

Ravnaud  (Henri),  coramissaire-priseur,  62,  boulevard  Longchanip, 
Marseille    (13    mars    1924). 

Rebaglv  (Bernar'd),  architecte,  Martigucs  (Bouches-du-Rhône)  (12  mai 
1927). 

Repelin  (Joseph),  ?l  I.,  docteur  es  sciences,  professeur  à  la  Faculté 
des  Sciences,  membre  de  l'Académie  de  Marseille,  86,  rue  Sainl- 
Savournin    (9    décembre    1926). 

Rev  de  SauvebONNE  (Maurice),  inspecteur  principal  honoraire  de  !a 
Compagnie  des  Chemins  de  Fer  P.-L.-M.,  297,  rue  Paradis,  Mar- 
seille   (12    février    1925). 

RevNAUD  (Jean),  J,  ^4  A.,  O.  *,  archiviste-adjoint  de  la  Chambre 
de  Commerce  de  Marseille,  correspondant  du  Ministère  de  l'Ins- 
truction   Publique,    3,    ruc    d'Arcole,    Marseille    (28    avril    1919). 

Richard  (Louis),  négociant,  24,  rue  Xeuve-Sainte-Catherine,  Mar- 
seille   (25    novembre    1926). 

Richard-Paul  (Eugène),  villa  La  Séranc,  Bonnevcine,  Marseille 
(11    juin    1925). 

RiPERT  (Emile),  *,  ^  L,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  d'Aix, 
membre  de  l'Académie  de  Marseille,  président  de  la  Société  des 
Amis  des  Lettres  de  ^Marseille,  43,  cours  Lieutaud,  Marseille 
(22   avril    1920). 

RiPERT  (Raymond),  assureur,  7,  rue  d'Arcole,  Marseille  (14  janvier 
(1926). 

Rocca  (Jean),  licencié  es  lettres,  28,  rue  Edouard-Delanglade,  Mar- 
seille  (18   mai    1922). 

Rolland  (Henry),  avocat,  14,  boulevard  Louis-Salvator,  Marseille 
(12  mai  1921). 

Rolland  (Henri),  Z,  directeur  du  Courrier  Numismatique,  Mas  du 
Rougadou,     Saint-Remy-de-Provence    (8    novembre     192S). 

ROMIEU  (Marc),  i,  ^^  A.,  docteur  en  médecine,  docteur  es  sciences, 
professeur  agrégé  à  l'Ecole  de  Médecine,  correspondant  de  la 
Socicié  de  Biologie,  de  Paris,  directeur  de  Vlnstitî/t  d'Education 


36^ 

Physique  de  l'Université  d'Aix-Mar5eille,  12,  rue  Breteuil,  Mar- 
seille  (10   février    1927). 

RONDEL  (Auguste),  *,  ancien  élève  de  l'Ecole  Polytechnique,  ancien 
juge  au  Tribunal  de  Commerce,  membre  de  l'Académie  de  Mar- 
seille, 42,  rue  Montgrand,  Marseille  (18  février  1903). 

Rostand  (Alfred),  ingénieur  E.C.P.,  170,  promenade  de  la  Corniche, 
Marseille  (12  mai  1927). 

Rostand  (Auguste),  industriel,  170,  promenade  de  la  Corniche,  ]^Iar- 
seillc  (12  mai  1927). 

Rostand  (Jacques),  53,  rue  Sylvabelle,  Marseille  (10  février   1927). 

ROUBAUD  (Paul),  *,  directeur  de  la  Compagnie  Marseillaise  de  Mada- 
gascar, 473,  rue  Paradis,  Marseille  (18  décembre  1924). 

Roux  (Edmond),  ingénieur  agronome,  42,  rue  Marengo,  [Marseille 
(15  avril   1926). 

Roux  (Louis),  avocat,  ancien,  adjoint  au  maire,  133,  rue  de  Rome, 
Marseille  (25  novembre  1926). 

Roux  (Paul),  industriel,  ancien  juge  au  Tribunal  de  Commerce, 
iS,  rue  Stanislas-Torrents,   [Marseille  (22  décembre   192 1). 

RUGGERI  (François),  docteur  en  droit,  attaché  au  Secrétariat  général 
de  la  Chambre  de  Commerce,  17,  rue  Chevalier-Roze,  ÏMarseille 
(9  juin  1927). 

Samat  (Jean-Baptiste),  0.  ^,  ^S  l.^  Q.  *,  *,  *,  *,  directeur  du 
Petit  Marseillais^  membre  de  l'Académie  de  Marseille,  vice-prési- 
dent du  Comité  du  Vieux-Marseille,  119,  rue  Paradis,  Marseille 
(10  mai   1901). 

DE  Samatan  (Baron  Odon),  171,  rue  de  Rome,  [Marseille  (12  février 
1925). 

SCAPEL  (Paul),  avocat,  19,  rue  de  la  République,  Marseille  (22  aviil 
1920). 

Servian  (Ferdinand),  critique  d'art,  membre  de  l'Académie  de  [Mar- 
seille, 22,  avenue  Ferdinand-Flotte,  [Marseille  (12  mai   1921). 

Servières  (Jean  de),  ?,  P  I.,  homme  de  lettres,  26,  rue  Adolphe- 
Thiers,  Marseille  (18  décembre  1919). 

Siffrein-Blanc  (René),  *,  secrétaire  général  de  la  Société  Immo- 
bilière [Marseillaise,  La  Coccinelle,  58,  chemin  du  Roucas-Blanc, 
Marseille  (11  février  1926). 

Simon  (Jean),  docteur  en  médecine,  13,  marché  des  Capucins,  [Mar- 
seille  (15   avril    1926). 

Simonnot  (Henri),  membre  de  la  Société  pour  l'Etude  de  la  Gravure 
Française,  11,  boulevard  des  Lauriers-Roses,  Saint-Barnabe,  Mar- 
seille (9  décembre   1926). 

S0L.ARI  (Paul),  docteur  en  médecine,  numismate,  40,  quai  du  Port, 
Marseille  (10  février  192 1). 


263 

SOïTAXO  (François),  ^^  A.,  antiquaire,  130,  rue  Paradi?,  Marseille 
(10  novembre    1927). 

SOULAS  (Henri),  ?,  docteur  en  médecine,  28,  boulevard  Philippon, 
Marseille  {22  décembre  1921). 

Tacussel  (Augustin),  libraire-éditeur,  54,  rue  Paradis,  Marseille 
(8  mars  1928). 

Tafaxei.li  (François),  négociant.  Les  Mimosas,  21,  boulevard  l)oc- 
teur-Henri-Fabre,  Saint-Barnabe,  ^Marseille  (26  avril   1928). 

TasSV  (Charles),  ?,  industriel.  09,  avenue  du  Pradn,  ^^arseil]e 
(12  juin   1924). 

Tassy  (Lucien),  5,  inclu-trul,  97,  rue  Edm()nd-ko>land,  Marseille 
(15  janvier  1925). 

Terris  (Jean-Joseph),  *,  î,  *,  commissaire-priseur,  308,  rue  Para- 
dis,   Marseille    (15    janvier    1925). 

Traraud  (Albert),  O.  *,  1^  A.,  O.  *,  *,  *,  capitaine  de  frégate  en 
retraite,  ancien  gouverneur  du  Grand-Liban,  secrétaire  général  du 
Syndicat  Marseillais  de  la  Marine  Marchande,  66,  rue  Grign.in, 
^Marseille  (8  décembre   1927). 

*  TrESSENS  (Fortuné),  ^^  A.,  5,  rue  du  Loisir,  Marseille  (i"''  janvier 
1922). 

DK  Vai.OX  (Ludovic),  inspecteur  principal  honoraire  de  la  Compa- 
gnie d'Orléans,  5,  boulevard  Gaston-Crémieux  (9  février  1928V 

VelaSQUEZ  (Carlos-Ernesto),  consul  de  Colombie,  63,  boulevard  Long- 
champ,   ^larseille   (25   novembre    1926). 

Vente  (Roger),  directeur  de  la  Compagnie  Générale  Française  l'e 
Tramways  à  Rouen  (Seine-Inférieure)  (27  mai  1920). 

X'ÉRITIER  (abbé  Antoine),  vicaire  à  la  paroisse  Saint-Laurent, i '7, rue 
de    Rome,    Marseille    (23    novembre    1922). 

Vidal-Xaquet  (Albert),  O.  *,  1?^  A.,  *,  avoué,  juge  suppléant  au 
Tribunal  Civil,  vice-président  de  la  Commission  des  Hospices, 
président  du  Comité  des  Enfants  traduits  en  justice,  31,  rue  Bre- 
teuil,  Marseille  (9  juin  192 1). 

DE  Villeneuve-Bargemox  (comte),  0.  *,  *,  colonel  de  cavalerie  en 
retraite.  Le  Reclos,  à  Bargemon  (Var)  et  4,  rue  de  Talleyrand, 
Paris  (VIP)  (28  octobre  1926). 

ViLLARD  (Henry),  20,   rue  de  Lodi,   Marseille  (18  décembre   1919). 

VIMAR  (Gaston),  P  L,  licencié  en  droit,  secrétaire  général  de  la 
Société  pour  la  Défense  du  Commerce,  24,  rue  Saint-Savournin, 
Alarseille  (23  mars   1922). 

Vixcext  (Léopold),  ï,  ingénieur,  sous-directeur  de  la  Compagnie 
des  Docks  et  Entrepôts  de  Marseille,  place  de  la  Joliette,  Marseille 
(23  mars  1922). 


254 

UE   VIVIÈS    (Auguste    de    MARTIN),    *,    capitame    en    retraite,    traver.^e 

Callelongue,  Villa  Marie,  à  Sainte-Anne,  Marseille  (26  avril  1928). 
Vlasto  (Michel),  *,  industriel,   12,  allées  Léon-Gambetta,  Marseille 

(10  février   1921). 
*  VOLLE    (Joseph),    inspecteur    de    l'Enregistrement,    60,    rue    Sénac, 

Marseille  (i^""  janvier  1922). 
Voui.x     (Ildcfonse     de),  *.   publiciste,    10,   rue     Farjon,     Marseille 

(in  juillet  1919). 


MEMBRES  CORRESPONDANTS    :   12 

(N(iml:irc  limité  à  douze) 

MM. 

Bavol  (l'abbé  Joseph),  curé  de  Collias  (Gard),  archéologue.  Lauréat 
de   la  Société:   Médaille  Joseph-Laurent   1928   (13   décembre    1928). 

Bosco  (Henri),  professeur  à  l'Institut  Français  de  Naples,  12,  piazza 
San-Domenico,  ]\[aggiore,   Naples  (25  novembre   1926). 

BovAUD  (Jacques),  professeur  au  Collège  de  Beaune,  12,  place  de  la 
Madeleine,  Beaune  (Côte-d'Or)  (19  novembre  1925). 

Bruxel  (Clovis),  "i",  1^  A.,  archiviste-paléographe,  professeur  à 
l'Ecole  Nationale  des  Chartes,  246,  boulevard  Raspail,  Paris  (XIV^) 
(22  avril    1920). 

DiEUDONXÉ  (Adolphe),  ■&  L,  archiviste-paléographe,  membre  de  la 
Société  Nationale  des  Antiquaires  de  France,  conservateur  du 
Cabinet  des  Médailles  de  la  Bibliothèque  Nationale,  7,  rue  Guil- 
laume-Lenoir,  Suresnes  (Seine)  (2  octobre  1913). 

Dupont- F ERRIER  (Gustave),  *,  ^M  L,  archiviste-paléographe,  pro- 
fesseur à  l'Ecole  Nationale  des  Chartes,  28,  rue  Gay-Lussac, 
Paris  (IV«)  (22  avril  1920). 

Labaxde  (Léon-Honoré),  *,  ^^  L,  O.  *,  *,  archiviste-paléographe, 
membre  de  l'Institut,  membre  non  résidant  du  Comité  des  Tra- 
vaux historiques,  conservateur  des  Archives  ^et  de  la  Bibliothè- 
que du  Palais,  10,  rue  du  Tribunal,  principauté  de  Monaco 
(12  février   1920). 

DE  La  Roxcière  (Charles  Bourel),  *,  1^  L,  archiviste-paléographe, 
secrétaire  de  la  Section  de  Géographie  du  Comité  des  Travaux 
historiques,  conservateur  du  Département  des  Imprimés  à  la 
Bibliothèque  Nationale,  46,  rue  Jacob,  Paris  (VP)  (19  novembre 
1925). 

Lvquet  (le  chanoine  R.),  à  Riez  (Basses-Alpes)  (24  octobre  1929). 


265 

DE  Mantever  (Georges),  ^,  ?i^  I.,  archiviste-paléographe,  ancien 
membre  de  l'Ecole  française  de  Rome,  correspondant  du  Minis- 
tère de  l'Instruction  Publique,  archiviste  des  Hautes-Alpes,  ù  Gap, 
et  château  de  Manteycr,  par  la  Roche-des-Arnauds  (Hautes-Alpes) 
(10  janvier    1922). 

OUDOT  DE  Dainville  (Maurice),  •■■^-  A.,  archiviste-paléographe,  archi- 
viste du  département  de  l'Hérault,  Montpellier  (Hérault),  (8  mai 
1924). 

POTTIER  (Edmond),  *,  membre  de  l'Institut,  conservateur  au  Musée 
du  Louvre,  72,  rue  de  la  Tour,  Paris  (XV!*^)  (29  juin   1922). 


ETABLISSEMENTS    PUliLICS    ABONNES     :    13 

Marseille    :   Archives    départementales. 
Archives  municipales. 
Bibliothèque  municipale. 
Musée  d'archéologie. 
Bibliothèque    de    la    Chambre   de   Commerce. 

Arles  :  Archives  et  Bibliuthèquc  municipales. 

ATigiio)i  :  Bibliothèque  et  Musée  Calvet. 

Car pentras  :  Bibliothèque  et  Musée. 

Draguignan  :  Archives  départementales. 

Montpellier  :  Archives  départementales. 

Xice  :  Archives  départementales. 

Toulon  :  Bibliothcciue   municipale. 

Berlin  :   Hirschualdsche  Buchliandlung. 

SOCIETES  CORRESPONDANTES 

France  ei  Colonies    :  105 
Etranger  :  12 


usé 


Récapitulation    par    catégories 

(compris   les    Membres    bienfaiteurs   ou  perpétuels    décéaés) 


Membres  d'honneur  : 

»         honoraires  : 

»         bienfaiteurs  ; 

»         perpétuels  : 

»         titulaires  :  2^ i 

»         correspondants;   12 
Abonnés,  France:  12  { 

»  Etranger  ;  1  \ 


7 

2 

10  j 
23  J    2S4 


Sociétés  correspondantes 

France  :  105 

Etranger  :  12 


297     cotisants 


Récapitulation    par   régions 

(Provence  et  Départements  limitropbes) 
Boucnes-au-Rhône  Gard 


Aix  :  3 

Arles  :  i 

La  Ciotat  :  i 

Marseille  :  246 

Martigues  :  i 

Port-de-Bouc  :  2 

Rognac  :  i 

Roquevaire  :  i 

Saint-Remy  :  2 
\'aldonne-Peypin  ;         i 

Alpes-Maritimes 


Cannes 


Uchaud  : 

Var 

La    Cadière  : 
Montfort-sur-Argens 
Port-Cros  : 
Saint-Cyr  : 
Signes  : 
Toulon  : 

Vaucluse 

Apt  : 

Lourmarin  : 
Pertuis  : 


Autres   départements 

Drôme  Gironde 


Ajaccio  : 

I 

Suze-la-Rousse: 

I              Bordeaux  :        i 

ivnône 

Semé 

Seine  -  Iniérieure 

Lyon  : 
Givors  ; 

2 
I 

Paris  : 
TOTAL  : 

6 

284 
13 

Rouen  :         i 

Membres 
Abonnés 

297 

Cotisants 

Table  des  Matières   du  Tome  IX 


I.  —  Actes  de  la  Société 

L'Excursion  des  i'"'"  et  2  juin  à  Ricz^  Moustiers,  Le  Verdon 
(Gaston  Rambert) 1  ^o 

Rapport  du  Secrétaire  Général  sur  l'attribution  des  Médailles 
Paul  Par  et  et  Joseph   Laurent,    en    1928 22S 

Liste  des  ^Membres  de  la  Société,  arrêtée  au  13  mars  1930....     247 

II.  —  Mémoires 

Bertas  (Pierre)  :  Honoré  Daumier  (180S-1S79)   5 

»  Autour     du     Testament     d'un     Tambourinaire 

(xvi*^  siècle)  I S I 

Dubois  ([Marc):  La  Chartreuse  de  Marseille,  IIP  partie  38 

BE  Gkrin-Ricard  (Cte  Henri):  L'autel  magique  de  Rognac  ....  31 

DE  Joi.v  (Robert)  :  Les  Garagaï  de  Sainte-Victoire 68 

»                    L'exploration  du  Chourum  Martin   207 

Malzac  (D''  Louis):  La  Révocation  de  l'Edit  de  Nantes,  à  Mar- 

•seille    77 

Rampal  (Auguste):    Le   Comte  de  Villcneuve-Bargemonj   Préfet 

des  Bouches-du-Rhônc  141 

DE    ServièRES    (Jean):    Le    <(    Marquis    »    de     Lyle-Saint-Martin 

('749-i-'^^')    99 

»  Stances  à  Ste  Roselinc  de  \^illencuve.  .  .      173 

llï.  —  Bibliographie 

Rii'ERT  (Emile):  Anthologie  de  la  Provence  (Auguste  Rampai),      iii 

IV.  -    Nécrologie 

M.    le  colunel   .Maurel  (Jules)    107 

M.    Cendrier  (Fernand)   108 

M.   Danon   (Maurice)    109 

[NI.   le  Thanoine  Pascal  (Adrien)   239 

M.   Senès    (Paul)     239 


368 


V.  --  Chronique  et  Mélanges 

Chronique  Archéologique  (Cte  H.  de  Gérin-Ricard) 

Exposition  annuelle  de  la  Chambre  de  Commerce  (R.) 

Le   Centenaire   du   Bassin   de    Carénage    (R.) 

L'acte   de  baptême  de   Louis   Chénier   (F.) 

Louis   XIII   à  Lyon,   d'après  un  Provençal   (J.    de   Servières).  . 
Françoise  Duparc.  —  Réponse  à  M.   Belleudy  (D''  P.   Solari).. 

Une  belle  maison  marseillaise  (X.)    

Joseph  Balsamo  à  Marseille  (1775-1776)  (J.   de  Servières) 243 

Au  dossier  de  «  La  Sardine  »  (1778)  (X.)    242 

L-n  écho  de  la  Grande  Peur  (1789)  (S.) 244 

La  Liberté  des  Mers  (1809)  (S.)   241 


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